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.«■
J^e Conseil
DE
^ —
JZ'Jfnsttvction Publique
ET LE
Comité Catholique
— par —
Coucher de Aaffruère
SurinteiMlant de l'IiMtructlon PoUIqae
de la Province de Québec
Commandeur de l'ordre de Saint-GrAgoire-le-Qrand,
Docteur es lettres de rUniyernté Layal,
Docteur en droit de rUnireraité Bishop de ItennosTille,
Offider de rinstruotion publique de France.
•$•
IMPRIMÉ AU DEVOIR
43, rue Saint-^^uicent
MONTBÊÂL
1918
Le Conseil de VInstruction Publique
et le Comité Catholique
Droits réservés, Canada, 1918,
PAB
MONTABVILLB BOUCHBR DE LaBRUÈRE.
LE CONSEIL
DE
L 'Instruction Publique
ET LE
Comité Catholique
par
f^Urrr. ^ Boucher de LaBruère
StTBINTSNDANT DU L'InSTRUCTION PuBLIQUB
DB LA PSOVINCB DB QuifiBBC
CommaDdeur de l'ordre de Saint-Grégoire-le-Grand,
Docteur es lettres de l'Université Laval,
Docteur en droit de l'Université Bishop de Lennoxville,
Officier de l'Instruction publique de France.
IMPRIMÉ AU DEVOIR
43, rue St-Vincent
montbiAai.
1918
PRÉFACE
Ce livre, que nous sommes appelé aujourd'hui à présenter
au public, se recommande de lui-même à V attention de tous
ceux qui, parmi nous, se préoccupent des progrès accomplis
par notre province dans le domaine de V éducation depuis
cinquante ans. Il constitue Vun des plus beaux legs que
pouvait faire à ses compatriotes Vhomme de bien qui s'en
allait, il y a peu de mois, à sa dernière demeure, entouré
d'hommages et de regrets.
Pour l'écrire, personne n'avait, plus que l'honorable
M. de La Bruère, l'autorité et la compétence. Pendant
vingt et un ans, dé 1895 à 1916, il avait rempli les hautes
fonctions de surintendant de l'instruction publique, et il
s'était dévoué à sa tôxihe. Un homme qui l'avait vu de près
à l'oeuvre, M. C.-J. Magnan, inspecteur général des écoles
catholiques, lui rendait ce beau témoignage au lendemain de
sa mort: ^^Dès son premier rapport en octobre 1895, il
formulait tout un programme d' améliorations,^ réclamées
depuis longtemps par la presse pédagogique et les associations
d'instituteurs. La création de nouvelles écoles normales
de filles pour les catholiques, l'organisation des conférences
pédagogiques diocésaines, l'enseignement de V agriculture
à l'école primaire, la refonte des lois scolaires, sont mis à
F ordre du jour par M. de La Bruère. Et l'année suivante,
il s'intéresse aux gratifications aux instituteurs et aux
institutrices, à l'amélioration de leur traitement, à la création
du Bureau central, à l'enseignement ménager. Et dans la
suite, choque année, il signala les lacunes et les points
faibles, suggérant chaque fois des réformes ou améliorations
»
087
— 8 —
pratiques et possibles. Tour à tour, Vinspection des écoles,
V enseignement du dessin, la révision des programmes
d'études, les écoles maiemelles, etc., etc., furent V objet de
son attention. Sans bruit, avec discrétion mais avec Uict,
persévérance et énergie, il mena à bonne fin la plupart des
mesures dont il se fit le patron et souvent V avocat.''
La nature même de ses fonctions mettait M. de La
Bruère en contact intime avec le Conseil de l'instruction
publique dont il était le président. Il jouissait de la con-
fiance et de l'estime de tous ceux qui en faisaient partie.
Pendant son long terme d'office, il put se rendre compte des
éminents services rendue à la cause de l'éducation par les
comités de ce Conseil, surtout par le comité catholique <Lvec
qui il se trouvait à collaborer plus activement. Et remontant
du présent au paisé, il conçut l'heureuse idée de rechercher
quelles furent les origines de ce corps, et de retracer les
différentes phases de son histoire. C'était, en réalité,
entreprendre de donner une vue d'ensemble des évolutions
de notre système d'instruxMon publique, de son développement
et de ses progrès.
Sans doute l'auteur n'a pa^ eu le dessein de faire dans
ce volume une histoire complète de notre régime scolaire.
Mais on y trouve des aperçue extrêmement intéressants sur
les époques qui ont précédé celle de V Union, où furent votées
les lois d'édueation qui ont fondé ce régime. Et à partir
de ce moment toutes les évolutions qu'il a subies y sont nette-
ment signalées. M. de La Bruère expose, en des pages
excellentes, de quelle manière nos institutions scolaires se
sont greffées sur nos institutions municipales et paroissiales.
^^Pour le Canadietirfrançais, écritril, la paroisse est à la fois
le centre de la vie catholique et de la vie nationale, comme le
disait un de nos écrivains: ^'Partout oii il va, le Canadien-
^^ français porte en lui sa paroisse. Il n'est pas catholique
^^ isolé pour son compte personnel, il est catholique sociale-
9
( c
Ci
ment, il lui faut la société religiev^e dont il vit comme dans sa
'famille.^^ En vertu du principe même de son organisation,
la paroisse possède une trilogie de pouvoirs qui ont une
connexité telle qu^ils forment un tout parfait. Le corps des
marguilliers, administrateurs conjointement avec le curé des
biens d'église, les conseillers municipaux, administrateurs
des affaires civiles de la paroisse, et les commissaires d'écoles
préposés à la gestion des biens scolaires, telles sont les trois
sources vivifiantes de la puissance paroissiale. Ces cor-
porations avec des attributions différentes et parfaitement
définies contribuent à Vunité locale; les personnes qui en
forment partie sont les citoyens d'une même circonscription
territoriale, participant ensemble au bon fonctionnement des
affaires publiques qui les touchent de près, également in-
téressés à ce que tout assure leur succès. Ce groupement des
intérêts au triple point de vy£ canonique, municipal et
scolaire, réunit donc comme en un faisceau les volontés pour
les faire converger vers un but commun; par là même il
devient une force sociale étonnante, et en donnant au paysan
canadien certaines notions de droit ecclésiastique et de droit
rural, quelques rudimentaires qu'elles soient, il crée des
traditions particulières qui développent l'unité nationale.
Combien donc n'or-t-on pas eu raison de greffer notre régime
scolaire sur l'arbre paroissial, afin de lui assurer une sève
plus abondante et une croissance plus vigoureuse" .
C'est la loi de 18 46 qui posa les bases du système dont
nous jouissons maintenant. Dix ans plus tard, le parlement
du Canada-Uni adoptait deux nouvelles lois organiques
ayant pour objet d'apporter à l'oeuvre qui avait déjà produit
d'heureux résultats des perfectionnements jugés désirables.
C'est alors que fut décrétée la création d'un Conseil de l'ins-
truction publique. Pour diverses raisons de circonstance,
trois ans s'écoulèrent encore avant que cette disposition de la
— 10-
loi fût mise en vigueur. Cest le 17 décembre 1859 que fut
constitué le "premier Conseil de Vinstruction publique en
notre province. Voici quelle en était la composition: Le
très révérend Francis Fulford, évêque anglican de Montréal^
monseigneur Joseph Larocque, coadjuteur de Vévêque
catholique de Montréal, sir Étienne-Pascal Taché, les ho-
norables Louis-Victor SicoUe, Th.-L. Terrill, T.-J.-J.
Loranger, les révérends John Cook, Elzéar Taschereau et
Patrick Dowd, MM. Christopher Dunkin, M. P. P., Côme-
Séraphin Cherrier, Antoine Polette, F.-X. Garneau et
Jacques Crémazie. Le surintendant, monsieur P.-J.-O.
Chauveau en faisait partie ex-ofïicio. Monsieur Louis
Giard était nommé secrétaire-archiviste. Comme on le voit,
le Conseil comprenait quatorze membres, dix catholiques et
quxitre protestants. Il ne fut pas alors divisé en devx comités,
tel quHl devait Vetre ultérieurement. Mais dès ses débuts
il manifesta cet esprit de libéralité dont il n'a pas cessé de
donner des preuves.
Animé' de dispositions bienveillantes à V égard de la
minorité religieuse, et ayant constaté qu'il serait difficile
de trouver, sur divers sujets, des manuels qui pussent être
en usage également dans les écoles catholiques et les écoles
protestantes, "Ï6 Conseil recommanda au gouvernement
d'amender la loi pour permettre d'approuver certains livres
de classe par un vote de tout le Conseil, et certains autres
livres par le vote des membres protestants ou par le vote des
membres catholiques seulement et séparément."
M. de La Bruère, après avoir cité cette résolution, la
fait suivre de ce commentaire, que nous tenons à signaler:
^^ Cette juste déférence de la majorité catholique vis-à-vis
de la minorité protestante était de saine politique, car au
Canada deux grandes races étant appelées à vivre^ et à se
développer à Vombre du même drapeau et dans un même
sentiment de loyauté à la couronne d'Angleterre, les drcons--
— 11 —
tances exigent une tolérance réciproque, et il importe que
chaque groupe de population, tout en travaillarît au bien
commun, se meuve librement et suivant ses traditions dans la
large sphère des intérêts religieux et nationaux. Dans le
domaine éducationnel particulièrement, il faut que les vo-
lontés du père de famille soient respectées; autrement, et si
Von sHnspire de fausses notions sur les droits respectifs
de la famille et de Vautorité civile, de graves injustices
peuvent naître et se perpétuer envers les minorités et créer
un grand malaise dans la nation J^ Ces paroles sont
d^une vivante actualité en ce moment où, dans plusieurs
provinces canadiennes, on constate les déplorables résultats
de la violation du principe considéré avec raison comme
fondamental et vital par M. de La Bruère.
Le premier président du Conseil de VinstruxMon pu-
blique fut sir Etienne Taché, de 1860 à 1865. Le second fut
M. Côme-Séraphin Cherrier, de 1865 à 1869. Il eut pour
successeur M. Jacques Crémazie, de 1869 à 1871. Après
celui-ci, M. Cyrille Delagrave présida le Conseil de 1871
à 1875. A partir de cette dernière date ce fut le surintendant
qui en fui le président ex-officio.
Après la confédération, ce corps important subit des
modifications considérables par la loi de 1869. Le nombre
des membres fut porté de quatorze à vingt-et-un, dont qua-
torze catholiques et sept protestants. Et il fut divisé en
deux comités ^^ chacun d^eux ayant la direction des affaires
scolaires de chaxmne des deux grandes dénominations re-
ligieuses de la province.'' Le surintendant était en même
temps remplacé par un ministre de Vinstruction publique.
Cette nouvelle organisation ne subsista que jusqu'en
1875. Cette année-là, V honorable M. de BoucherviUe,
premier-ministre de la province, après avoir consulté des
hommes sages et expérimentés, fit adopter une loi dont les
deux principaux objets étaient de supprimer le ministère
— 12 —
de Vinstruction pvbliqiLey pour rétablir la surintendancey et
remodeler le Conseil. M. de Bovcherville fut, sans conteste,
Vune de nos plus belles figures politiques. A Villustration
de la race, il joignait la rectitude de V esprit, la fermeté des
convictions et la noblesse du caractère. La législation de
1875 suffirait à lui assurer la reconnaissance de sa province
et de ses compatriotes. En abolissant le ministère de Vins-
traction publique, il voulait ^^ placer V enseignement primaire
à Vabri des influences plus ou moins dommageables, dans une
atmosphère élevée et sereine où ne se feraient beaucoup
plus sentir ni Vesprit de caste, ni les agitations des luttes
politiqu£s.^' Quant à la réorganisation du Conseil, M. de
Boucherville accomplit un grand acte en faisant entrer de
droit dans le comité catholique Vépiscopat de notre pro-
vince. Ce dernier se composait alors de sept évêques. La
loi leur adjoignit quatorze laïques, sept catholiques et sept
protestants, dont la nomination relevait du gouvernement.
Le comité catholique comprit donc quMorze membres, et le
comité protestant sept membres. Au fur et à mesure que les
évêques deviendraient plus nombreux, par la création de
nouveaux diocèses, le Conseil devait s^ accroître d'un nombre
égal de laïques catholiques et de laïques protestants.
Le système créé par la loi de 1875 est encore en vigueur
aujourd'hui. Et le livre de M. de La Bruère nous fait
connaître admirablement quels en ont été les bienfaisante
résultats. Après avoir lu cette étude consciencieuse et '
attachante, on n'hésite pas à covelure avec V auteur: ^^Quxmd
on examine dans son ensemble Voeuvre éd/acationnelU du
dernier demi-siècle, il reste acquis que le Conseil et ses
Comités ont su accomplir une tâche féconde et rendre de
précieux services à la cause de V éducation."
Ce livre posthume du successeur des Meilleur, des
Chauveau et des Ouimet, a été le digne couronnement d'une
belle carrière. Awès avoir fidèlement servi son pays durant
— 13 —
sa vie, Vhonorable M. de La Bruère a voulu le servir encore
après sa morty en évoquant des souvenirs et en proclamant
des principes qui peuvent éclairer et guider les générations
■ m
actujeUes. Issu d^une de. nos familles historiques, il a été
de ceux qui savent faire une réalité vivante du vieil adage:
'^ Noblesse oblige^ \ Le travail et le dévouement au bien
public ont été la loi de sa vie. Journaliste loyal et convaincu
pendant près de trente-cinq ans, initiateur* d^ oeuvres écono-
miques et patriotiques, législateur intègre et éclairé, adminis-
trateur et fonctionnaire à la fois traditionnel et progressif,
il a donné au nom si beau dont il était Vhéritier un nouveau
lustre. Le livre qu^il nous a légué est le dernier fleuron
d'une couronne d'honneur que les années seront impuissantes
à flétrir.
Thomas CHAPAIS
Québec, 16 juin 1917.
PREMIÈRE PARTIE
Le Conseil de VInstmction publique
CHAPITRE PREMIER
Un conseil d'Instruction
Observations préliminaires — La loi des écoles
sous l'union des Canadas — La loi municipale,
l'organisation scolaire et la paroisse — Co-
mité CHARGÉ de s'enquérir DU FONCTIONNEMENT
DE LA LOI DE 1846 — Un Conseil d'Instruction —
Le Dr J.-B. Meilleur et M. P.-J.-O. Chauveau —
Les lois de 1856.
L'Histoire complète de l'Instruction publique danî^
la province de Québec n'a pas encore été écrite. Les
travaux qui jusqu'à présent ont été publiés sur cet im-
portant sujet ne sont pour ainsi dire que des fragments
de l'ouvrage à faire, mais constituent pourtant des do-
cuments précieux sur lesquels s'appuieront les écrivains
de l'avenir pour raconter les débuts de la grande œuvre
de l'éducation sur la terre canadienne, signaler les dif-
ficultés de sa formation qui s'opposaient à sa mise en
marche au sein d'un pays encore si jeune et les obstacles
qu'elle rencontra sur son chemin durant les trois siècles
qui viennent de s'écouler.
Au nombre des ouvrages parus depuis cinquante ans
sur cette question, nous mentionnerons spécialement
le Mémorial de VÉducation du Dr J.-B. Meilleur, premier
surintendant de l'Instruction pubhque, livre renfermant
des dates et autres renseignements utiles sur nos maisons
— 18 —
d'enseignement, puis l'ouvrage de son premier successeur,
M. P.-J.-O. Chauveau: V Instruction publique au Canada.
*
L'auteur de ce précis historique qu'il avait d'abord écrit
pour une grande encyclopédie européenne, y ajouta
ensuite des notes très intéressantes sur le régime scolaire
de Terre-Neuve et des provinces qui forment partie de la
confédération du Canada. Puis, nous avons les pré-
cieux résultats des patientes recherches faites par l'ex-
recteur de l'université Laval, M. l'abbé Amédée Gosse-
lin, sur l'instruction depuis l'origine de la colonie jusqu'à
la fin de la domination française. En dissipant les ombres
qui planaient siu* la diffusion de l'Instruction élémentaire
dans les campagnes canadiennes à cette époque primitive,
cet historien consciencieux a mis en relief les efforts
déployés, en dépit des guerres continuelles qu'il fallait
soutenir contre les sauvages et les états de la Nouvelle-
Angleterre, par notre patriotique clergé et nos admirables
conamunautés rehgieuses pour le développement intel-
lectuel et l'éducation des enfants du pays.
Nous devons aussi à la plume de M. l'abbé Adélard
Desrosiers, principal de l'école normale Jacques-Cartier,
un hvre rempli de faits importants à connaître sur les
tentatives d'étabhssement, au siècle dernier, de nos écoles
normales et sur leur fondation effective. Ces ouvrages
et d'autres encore de même nature que nous pourrions
mentionner, par exemple les annales' des Ursulines de
Québec et des Trois-Rivières et de la Congrégation fondée
par la vénérable Marguerite Bourgeois, sont une mine
riche en renseignements. Ces travaux sont conome autant
de brillants flambeaux qui indiquent la voie à suivre dans
l'étude de nos archives nationales.
A notre tour, nous voulons apporter notre humble
tribut à la somme des matériaux destinés à édifier l'his-
toire du mouvement éducateur de notre province. Ce
— 19 —
développement de l'éducation, il est, à tous les degrés,
intimement lié à la vie de la race française en Amérique;
il est le soutien de Tidiome national, le semeur de prin-
cipes solidement chrétiens, et il est à désirer que chacun
des enfants de la grande famille canadienne apporte sa
part de ciment à la consoUdation de Tœuvre que Dieu
semble avoir manifestement confiée à notre peuple
d'accompUr en ce pays.
Nous venons traiter en cet ouvrage de la création du
Conseil de Tlnstruction publique de la province de Québec
et raconter, d'une manière succincte, son histoire, en
rappelant les travaux qu'il a accomplis et les efforts
persévérants qu'il a déployés pour répandre jusque dans
les parties les moins colonisées du pays les bienfaits de
l'instruction. Ayant été à même depuis plus de vingt
ans de suivre les délibérations de ce corps auguste et de
voir de près le zèle qui l'anime pour servir la cause de
l'éducation, nous avons cru qu'il était utile, qu'il était
même nécessaire, d'exposer dès maintenant, réunies
comme dans un tableau, les mesures auxquelles il a eu
recours, et de montrer l'influence heureuse qu'il a exercée
sur le perfectionnement de nos écoles. Par là, croyons-
nous, nous mettrons le pubhc à même d'apprécier son
zèle et de constater les éminents services qu'il lui a rendus.
Cette action bienfaisante est bien celle que l'on peut
en général constater dans les pays qui possèdent des corps
semblables. En effet, là où le régime scolaire est parfaite-
ment organisé, Jes gouvernements tiennent à avoir des
conseils spécialement chargés de fixer la réglementation
des écoles, de se tenir au courant des réformes pédagogi-
ques et d'activer, par des mesures utiles, les progrès de
l'instruction. On peut en effet regarder les hommes
instruits et expérimentés que renferment ces conseils et
qui, étant rpmpus souvent au maniement des affaires
— 20 —
publiques, possèdent des vues d'ensemble sur les besoins
de leur pays comme les aviseurs les plus compétents et
les plus impartiaux des chefs de l'État. Les études
qu'ils font des questions scolaires, les délibérations qui
remplissent leiu*s assemblées et la prolongation même
des années pendant lesquelles ils exercent leurs impor-
tantes fonctions, tout leur permet d'avoir des idées de
suite, d'éviter les écueils d'essais infructueux et de sug-
gérer des dispositions législatives plus' opportimes.
La province de Québec a l'avantage de posséder un
conseil de cette sorte dont les membres occupent les plus
hautes fonctions dans les hiérarchies ecclésiastique et
civile et dont la plupart ont été professeurs dans les collèges
et les universités, ou sont encore à la tête d'importantes
maisons d'éducation. L'exposé que nous allons faire des
règlements et des décisions du conseil et du comité
cathohque qui en est une partie constituante, ne pourra
que démontrer l'importance de ce corps dont l'utilité
est d'autant plus évidente qu'il plane au dessus des in-
térêts individuels et du champ de bataille des partis
pohtiques.
Disons d'abord que pendant plus de quatre-vingts
ans après le traité de Paris de 1763, il n'exista dans le
Bas-Canada (aujourd'hui province de Québec) aucun
conseil de ce genre, non plus qu'aucune organisation effec-
tive de l'enseignement primaire. Les quelques lois
scolaires qu'adopta le parlement de la colonie sous la
constitution de 1791, furent insuffisantes et inefficaces;
elle portaient l'empreinte des prétentions de la minorité
anglaise du pays à vouloir dominer la population de s
langue française et à lui imposer le joug de son autorité.
L'élan qui aurait pu être donné dans la première moitié
du dix-neuvième siècle à la diffusion de l'instruction élémen-
taire se vit entravé par im esprit étroit, agressif, et par
— 2Î —
rintransîgeance irritante de roligarchie locale qui con-
centra entre ses mains le ppuvoir exécutif contre la vo-
lonté des représentants du peuple en parlement.
Après Tunion du Haut et du Bas Canada, en 1841,
les choses parurent prendre une orientation nouvelle.
Les collèges que le clergé catholique avait fondés au prix
de ses sacrifices ^ avaient été autant de foyers de science
dont les vifs rayons de lumière, en pénétrant au loin,
avaient exercé une influence bienfaisante sur l'esprit des
populations rurales et avaient développé en elles des
idées de progrès. Le peuple, privé jusque là des avantages
d'une bonne organisation scolaire, éprouvait le besoin
d'une instruction primaire pluis efficace. Nos maisons
de haute éducation la désiraient elles-mêmes dans l'espoir
de voir venir à elles des élèves mieux préparés à recevoir
l'enseignement secondaire.
Le nouveau parlement des Canadas-Unis s'occupa,
dès sa formation, d'élaborer une loi destinée à favoriser
l'établissement d'un plus grand nombre d'écoles, et
toutes les écoles primaires, on les plaça sous la direction
générale d'un surintendant de l'Instruction pubHque et
sous le contrôle immédiat de conseils de district qui
devinrent comme autant de bureaux d'éducation.
La nomination du Surintendant que le gouvernement
allait faire, ne fut pas sans inquiéter les esprits dirigeants
du clergé et du monde poUtique, car la charge que la loi
venait de créer comportait de graves responsabifités.
De hauts personnages se montraient favorables au choix
de M. Jacques Viger dont le nom est bien connu dans le
pays. L'archevêque de Québec, joignant sa reconmian-
dation à celle de l'archevêque de Montréal, adressa une
^ Ces collèges, au nombre de huit, étaient ceux de Québec, de Montréal,
de Nicolet, de Saint-Hyacinthe, de Sainte-Thérèse, de Chambly, de Sainte-
Anne-de-la-Pocatière et de l'Assomption.
— 22 —
communication à Thonorable M. D. Daly, secrétaire de
la province, dans laquelle il faisait valoir les aptitudes
de M. Viger, ses habitudes d'ordre, son amour du travail,
et, par suite, assurait au ministre qu'on ne/ pouvait
confier à un homme plus compétent une fonction d'aussi
grande importance. ^
Mais saiis doute, le Dr J.-B. Meilleur avait en sa
faveur de très puissantes influences, car ce fut lui qu'on
appela à la position de surintendant de l'Instruction
publique.
Les corps municipaux qui se trouvaient alors chargés
de diriger de près les affaires scolaires n'avaient pas la
même organisation qu'aujourd'hui, et leurs officiers
recevaient leur nomination du gouvernement. Celui-
ci, désireux de conserver à l'élément de langue anglaise
la prédominence sur l'élément français, n'9;vait pas hésité
à choisir au sein de la minorité anglo-saxonne plus des
deux tiers des wardens ou préfets quoique les Canadiens
français formassent la grande majorité de la population.
Aussi le manque de confiance qu'avait le peuple dans
l'esprit de justice des gouvernants, le souvenir des troubles
de 1837-38 et de quarante années de luttes parlemen-
taires acerbes influèrent sur le fonctionnement de la loi.
Elle eut si peu de succès qu'elle fut remplacée, quatre ans
après, par une nouvelle loi qui maintint la taxe imposée
par la loi précédente, mais déclara en même temps que .
les contribuables seraient Ubres de prélever, par souscrip-
tion volontaire, l'argent nécessaire au maintien des écoles.
Le nouveau régime scolaire était préférable à l'ancien,
mais le principe des contributions volontaires eut dans la
pratique un résultat si peu satisfaisant que le Surintendant,
le Dr Meilleiu*, s'attacha à convaincre la législature qu'il
^ Lettre du 5 janvier 1842. Archives de Varchevêché de Québec.
— 23 —
convenait de l'abolir pour y substituer celui de la contribu-
tion forcée. ^ La loi, fut en conséquence amendée en
1846 et, potir réparer Terreur précédemment commise,
elle exigea désormais une rétribution mensuelle de tous
les enfants âgés de 5 à 14 ans, au lieu d'une contribution
des seuls enfants qui fréquentaient les écoles.
A ce propos, M. Etienne Taché disait en chambre:
''La cotisation pour les écoles n'est pas une taxe, mais au
contraire une excellente spéculation, puisque non seule-
ment la somme prélevée dans une localité se dépense dans
cette localité, mais elle y attire encore une somme égale."
"S'il y a un objet au monde pour lequel on doit se taxer,
disait à son tour M. Cauchon, c'est bien assurément pour
l'éducation, et si nous devons risquer une fois notre popu-
larité, c'est sur une question comme celle-là".
Cette législation dont nous parlons ici est générale-
ment considérée comme le véritable point de départ des
progrès de l'instruction publique dans la province. Ce
qui rendit cette mesure plus efficace et plus complète,
ce fut d'adopter comme base de la municipalité scolaire
l'organisation municipale proprement dite, laquelle avait
pour cadre l'organisation paroissiale. C'était un pas
habile dans la bonne direction, car la loi des municipalités
de 1845 avait, ôté au gouvernement le pouvoir de nommer
le maire et les conseillers municipaux, et chaque paroisse
ou chaque canton formait désormais une corporation
municipale avec un conseil de sept membres élus par les
citoyens.
L'adaptation du système scolaire à celui de la paroisse
canonique et civile fut de la part des hommes d'état de
cette époque l'acte d'une haute politique administrative
et d'im patriotisme éclairé. Les chefs bas-canadiens
1 Mémorial de V Éducation. Édit de 1876, p. 191.
— 24 —
La Fontaine, Taché, Morin, D.-B. Papineau qui présenta
le projet de loi, eurent une conception nette de Theureuse
influence politique que pouvait avoir une telle législation
sur le peuple pour lui inspirer confiance en lui-même et
l'intéresser directement à la gestion des affaires publiques.
Une trop ^ande ingérence de l^État en Joute ch ose est
toujours à redouter, car son omnipotence, en affaib lissan t
l'initiative privée et en habituant les citoyens à co mpter
sur Taide du gouvernement plutôt que sur leurs pr opre s
forces, ne peut donner à une nation, en voie de form ation ,
cette hardiesse d'allure dont elle a besoin pour progresser
et s ^ablir solide ment. Aussi, ceux qui jadis dirigeaient
chez nous le combat en parlement, s'efforçant d'obtenir
pour notre peuple les libertés politiques dont jouissait
la Grande-Bretagne, et prévoyant le triomphe prochain
de leurs idées, voulurent préparer l'électorat au plein ex-
ercice du gouvernement responsable. Depuis la mise
en force de la constitution de 1791 jusqu'à l'insurrection
de 1837, nos hommes publics s'étaient formés, il est vrai,
à la vie parlementaire, mais l'opposition systématique
et malveillante du gouvernement provincial aux vœux
de la majorité et la violence des luttes avaient empêché
les Canadiens français de s'assimiler assez complètement
l'esprit gouvernemental qui distingue le peuple anglo-
saxon. Il importait donc, dans le calme relatif de la mise
en pratique de la nouvelle constitution de 1841, de pré-
parer les esprits à tirer le meilleur parti possible des événe-
ments poUtiques, et rien ne semblait pouvoir mieux assurer
l'homogénéité du peuple et son éducation publique que
le développement et l'affermissement de l'organisation
paroissiale dont il jouissait déjà, et qu'il suffisait de for-
tifier pour en faire un rempart qui défierait les épreuves
et les secousses de l'avenir.
— 25 —
C^ëst que, pourleCanadien françai s, la paroisse e st
à la fois le centre de la vie catholique et de la vie n ationale.
Comme le disait un de nos écrivains: 'Tartout où il va,
le Canadien français porte en lui sa paroisse. Il n'est pas
catholique isolé pour son compte personnel, il est catholi-
que socialement, il lui faut la société religieuse dont il vit
comme dans sa famille''. En vertu du principe même
de son organisation, la paro isse po ssède un e tril ogie de
p ouvoirs qui ont une connexité telle qu'ils forment un
tout p arfait. Le corps des marguilïiers, administrateurs
conjointement avec le curé des biens d'église, les conseillers
municipaux, administrateurs des affaires civiles de la
paroisse et les commissaires d'école préposés à la gestion
des biens scolaires, telles sont les trois sources vivifiantes
de la puissance paroissiale. Ces corporations avec des
attributions différentes et parfaitement définies contri-
buent à l'unité locale ; les personnes qui en forment
partie sont les citoyens d'une même circonscription terri-
toriale, participant ensemble au bon gouvernement des
affaires publiques qui les touchent de près, également
intéressés à ce que tout assure leur succès. Ce groupe-
ment des intérêts au triple point de vue canonique,
municipal et scokûfe réunit donc comme en un faisceau
leTvblontés pour les faire converger vers un but commun ;
par là même, il devient une force sociale étonnante, et,
en donnant au paysan canadien certaines notions de droit
ecclésiastique et de droit rural, quelque rudimentaires
qu'elles soient, il crée des traditions particulières qui dé-
veloppent l'unît^ n ationale^ ~ TTombien donc n'a-t-on
pas eu raison de greffer notre régime scolaire sur l'arbre
paroissial, afin de lui assurer une sève plus abondante et-
une croissance plus vigoureuse. La loi de 1846 fut ins-
pirée par l'espoir que cela contribuerait à une diffusion
plus générale de l'instruction primaire. Le gouvernement
— 26 —
LaFontaine Tamenda en 1849. Cependant des obstacles
se dressèrent en face de la nouvelle organisation et des
esprits rétrogrades cherchèrent à soulever le peuple des
campagnes contre le prélèvement des taxes qu'elle
imposait. Comme il existait des lacunes dans la légis-
lation, le parlement jugea opportun de nommer un co-
mité composé de neuf députés pour s'enquérir du fonc-
tionnement de la loi, se renseigner sur Tétat de Tinstruc-
tion et rechercher les causes qui empêchaient ou dimi-
nuaient Tefficacité des petites écoles. L'assemblée lé-
gislative, dans sa séance du 22 février 1853, choisit pour
faire partie de cette commission d'enquête le procureur
général M. Driunmond et MM. L.-V. Sicotte, Badgley,
G.-Ê. Cartier, Polette, Ls Lacoste, Sanbourn, Chapais
et Christie (de Gaspé) . Le comité appela à sa présidence
M. Sicotte, député de Saint-Hyacinthe. Puis, dans le
but de se procurer les renseignements dont il avait besoin
pour se rendre compte de la situation et correspondre aux
désirs du parlement, il adressa aux membres du clergé,
aux secrétaires des municipalités scolaires et à plusieurs
citoyens de marque une série de questions sur les faits
qu'il semblait nécessaire de bien connaître pour se former
une opinion sérieuse. La commission compulsa les rap-
ports des inspecteurs d'écoles et constata, après une étude
attentive, que le régime scolaire ne fonctionnait pas de
manière à donner aux enfants une instruction assez
étendue. Les instituteurs et les institutrices autorisés
à enseigner étaient en nombre trop restreint, beaucoup
d'ailleiu's manquaient des qualités pédagogiques requises;
le fait que les quatre-cinquièmes des écoles n'étaient
point pourvues de cartes géographiques, montre bien à
quel point l'organisation matérielle laissait à désirer.
En outre, les méthodes d'enseignement étaient trop sou-
vent défectueuses et l'inspection des écoles était incom-
— 27 —
plète. Ce fut après avoir consulté plus de quatre cents
personnes, que le comité constata la situation que nous
venons d'exposer de façon assez générale.
Parmi les expressions d'opinion qui existent sur la
manière dont fonctionnait ce commencement de système
Scolaire, nous mentionnerons un long mémoire rédigé
par M. Jacques Crémazie, avocat de Québec. Après
avoir été conunissaire d'école de cette ville, secrétaire de
la Société d'éducation du district de Québec et membre du
bureau des examinateurs des candidats au brevet de
capacité, il s'était donc trouvé en mesure d'étudier les
défauts du régime existant et d'avoir des Imnières sur les
remèdes propres à guérir le mal. Ce mémoire, conscien-
cieusement fait, parle d'abord du manque de qualifica-
tions des titulaires des écoles. La loi de 1846 avait donné
aux instituteurs un délai de dix ans, réduit ensuite à
huit ans, pour leur permettre, après examen, d'obtenir
leur diplôme. Appuyé sur le rapport du Surintendant
de l'Instruction publique. M. Crémazie constata que,
sur 1991 écoles existant en 1851, 1519 étaient confiées à
des personnes qui n'avaient pas subi l'examen requis, et
il reproche au législateur de n'avoir pas pourvu, dès l'ori-
gine, à la fondation d'écoles normales, afin que ceux qui
se destinaient à l'enseignement pussent apprendre la
théorie et la pratique de cet art difficile de l'enseignement.
La modicité du traitement que recevaient les maîtres et
les maîtresses appela l'attention de l'auteur du mémoire
et il recommanda de fixer un minimum de salaire, afin de
ne pas laisser les titulaires de l'enseignement à la merci de
commissaires ignorants ou trop parcimonieux. Ces sa-
laires variaient alors entre $100, $80, $60, $48 et même
$32 par année. En outre, il jugea inefficace la manière
de faire le choix des livres de classe dont il blâma l'excès-
— 28 —
sîve variété. "On ne peut s'imaginer, disait-il, la bî-
gamire, la confusion qui règne à cet égard''.
Le mémoire indique en outre, comme un des grands
défauts de la loi, l'absence de tout contrôle réel sur les
écoles. En vertu de la loi et en pratique, les commissaires
étaient les seuls juges du mode d'enseignement, du cours
d'études, du choix des livres et les arbitres suprêmes de
l'instruction de l'enfance. Ni le Surintendant, ni les ins-
pecteurs, ni le gouvernement n'avaient le pouvoir d'in-
tervenir en ces matières.
Dans le but de perfectionner notre système d'éduca-
tion, M. Crémazie proposa la nomination d'un ministre,
ou d'un commissaire de l'Instruction publique qui aurait
le pouvoir de régler le mode d'enseignement, de choisir
les livres classiques et de faire les règlements nécessaires
pour la bonne tenue des écoles. Il fit de plus les sugges-
tions suivantes: la nomination dans chaque district
judiciaire d'un surintendant dont le devoir serait de
connaître et de résoudre sans appel les difficultés scolaires ;
la visite annuelle des écoles; l'établissement dans chaque
district de bureaux chargés de rendre compte de la for-
mation pédagogique des instituteurs et des institutrices
et de leur octroyer des permis d'enseigner; la fondation
de deux écoles normales, l'une à Québec et l'autre à Mont-
réal, la publication d'un journal de pédagogie, et la fixa-
tion d'un minimum de traitement pour les membres du
corps professionnel. ^
Dans le rapport qu'il présenta à l'assemblée législa-
tive, le comité d'enquête proposa en premier lieu la for-
mation d'un conseil d^ Instruction. Il le fit dans les ter-
mes suivants: "Un des inspecteurs devrait être nommé,
^ Appendice T. T. A. des journaux de l'assemblée législative, session
de 1852-53 Vol. XI, No 5.
— 29 —
dans chaque district judiciaire, président -du bureau des
examinateurs de tel district. Ces présidents formeraient
avec le surintendant un conseil dHnstruction dont les
devoirs seraient de préparer annuellement des relevés de
rinstruction, de faciliter le fonctionnement de la loi, de
préparer les modifications qui deviendraient nécessaires,
de décider finalement de toutes les contestations et dif-
ficultés qui lui seraient soiunises par les autorités locales,
entre elles et les inspecteurs. Ce conseil devrait se
réunir quatre fois au moins Tannée pour examiner les
rapports des inspecteurs et autorités locales et délibérer
sur les intérêts de Tinstruction de manière à faire dispa-
raître sans délai les obstacles au fonctionnement de la
loi.'' Après cela le comité reconunandait l'uniformité
dans les livres, l'allocation de montants plus considérables
en faveur de l'instruction primaire et la création inmiédiate
à Québec et à Montréal d'écoles normales, car, disait-il,
"il est impossible d'espérer des résultats satisfaisants
d'aucun système d'instruction primaire, si, les personnes
qui sont appelées à donner l'instruction sont des incapa-
bles et des ignorants. C'est la première chose à faire
comme la plus indispensable.^'
L'enquête faite par le comité signala donc au pouvoir
législatif ce qui, à son avis, constituait les points faibles de
notre enseignement primaire. Et, comme l'écrivait le
Dr Meilleur en parlant de la loi de 1846: "La loi actuelle
pouvait convenir dans le principe; mais aujourd'hui il
faut des modifications poiu* donner au système tout le
développement dont il est susceptible pour le mettre au
niveau des progrès qui ont été faits et pour donner à
l'enseignement ce haut caractère d'utihté et de perfec-
tion vers lequel doit tendre tout système d'instruction
nationale".
— 30 —
Deux ans' s'étaient à peine écoulés depuis le rapport
de 1853, lorsque le Dr Meilleur résigna sa charge de Su-
rintendant. Sa carrière de chef du système éducationnel
fut féconde. Appelé à ce poste de confiance à une
époque où notre régime scolaire, comme il l'a écrit lui-
même, était comme une institution politique soumise à
l'influence alternative des partis et à l'arbitraire du gou-
vernement, il eut à vaincre de très sérieux obstacles.
Se regardant comme chargé d'établir un organisme
nouveau et de faire accepter par la population une régle-
mentation à laquelle elle n'était pas habituée, le Dr
Meilleur eut besoin de beaucoup de courage et d'énergie
pour exécuter une pareille tâche. Durant ses douze
années de surintendance, la législature adopta la loi de
1846 qui, dans ses grandes lignes, est restée, comme nous
l'avons dit, la base de notre système d'instruction pu-
blique. Travailleur infatigable, esprit désintéressé, ce
patriote sincère a donc rempli sa tâche avec un dévoue-
ment dont le pays ne saurait méconnaître la haute portée.
Son successeur fut l'honorable M. P.-J.-O. Chauveau
l'un des membres les plus en vue de la députation nationale
et possédant à la fois une réputation de littérateur et
d'orateur distingué. Prévoyant qu'il continuerait et
développerait, avec une compétence incontestée, l'œuvre
de son prédécesseur, le peuple accueillit sa nomination
de surintendant avec beaucoup de faveur.
M. Chauveau se sentit chez lui à la tête du départe-
ment de l'Instruction publique et fit preuve du plus
grand zèle dans l'exercice de ses nouvelles fonctions.
Dans un important mémoire daté du 25 février 1856, il
fit comme le tableau des réformes proposées par le comité
d'enquête de l'Assemblée législative et par le Dr Meilleur.
Et, pour l'application à la pratique de ces propositions
aussi bien que de celles qu'il avait lui-nême suggérées.
— 31 —
il indiqua les manières de faire qu'il croyait le plus néces-
saire d'adopter.
Ces divers travaux donnèrent naissance aux deux
projets de loi que présenta en parlement M. George-
Etienne Cartier, secrétaire de la province dans le cabinet
Taché-McDonald. L'un de ces projets avait pour but
d'amender la loi des écoles communes et de pourvoir à
l'avancement de l'instruction élémentaire; Tautre, de
créer des écoles normales et d'encourager l'instruction
supérieure. C'est en vertu de la première de ces législa-
tions que fut créé pour le Bas-Canada, un conseil de
l'Instruction publique.
Les discussions qui avaient eu lieu depuis plusieurs
années au sujet de la question d'éducation et les deux lois
que le parlement venait d'adopter indiquaient bien la
préoccupation qu'avaient les esprits dirigeants de doter
le pays de bonnes écoles et de satisfaire à cet égard
, i l'opinion publique. Du reste, chez le cl grgé^ et d ans.
I l'élément laïque ^n gé néral existait^ toujours le désir de
donner à notr e régime scola ire une orie ntation pr opre à
; pré server la foi de l a j iation et à la prémunir contre l'in-
* vasion des principes antireligieu x, car, en Europe, l'esprit
révolutionnaire était toujours actif et ardent; depuis trois
quarts de siècle, il taillait en brèche les idées chrétiennes,
la Franc-maçonnerie employait toute son astuce, son
\ habileté et ses moyens occultes pour discréditer et détruire
^àJa-iQisJe_sentinaent_çâthp^ Cette agitation avait
sa répercussion au Canada; les doctrines de Voltaire
\ possédaient au sein de la p opulation canadienne-française
quelques adeptes agressifs et frondeurs, et, jusque dans le
domaine de la politique, des adversaires acharnés de notre
nationalité et de notre reUgion s'efforçaient de soulever
contre elles l'élément anglais et protestant. C'est ainsi
que, dans cette même année 1856, M. George Brown,
— 32 —
rgnnemi ^ iiJ^ag-Canada, dont le cri quotidien dans le
journal Le Ghbe était: ^^No popery, no french domina-
tion^ \ avait proposé de priver les catholiques du Haut-
Canada de leurs écoles séparées. Un de ses alliés poli-
tiques du Bas-Canada, M. Papin, tri bun auda cieux,
crut devoir profiter de cette proposition injuste et dan-
gereuse pour intervenir dans le débat et faire prévaloir
ses opinions en matière d'éducation. Dans le discours
qu'il prononça en cette occasion, il soutint que, dans u n
pays habité comme le Canada par des populatio ns de
religion s différentes, ri nstructio n donnée aux e nfants
ne saurait être reUgieuse, mais qu'elle__devait être neutre
^^^^^— ^■^^"— ^_^^___^M .llfll [|_| I _l _ Il ■■! _ ■! !■ ^^
et que toutes les écoles devaient être mixtes, c'est-à-dire
gratuit es et^^donc supportées gar \e go uvernemen t.
S'appuyant sur cette affirmation de principes, il proposa
'qu'il serait désirable d'établir dans toute la pro vince un
'systràae général et uniforme d'éducation élémentaire
'gratuite et maintenue aux frais de l'État, et que les""
'écoles ainsi étabUes, soient ouvertes indistinctement à
'tous les enfants en âge de les fréquenter sans qu'aucun
'd'eux soit exposé par la nature de l'enseignement qui y
'sera donné à voir ses croyances ou opinions religieuses
'violentées ou froissées en aucune manière ^
Les membres du gouvernement et leiu-s amis com-
battirent la proposition Papin qui ne ralUa que 19 députés
parmi lesquels nous lisons les noms de MM. A.-A. Dorion,
Ch. Daoust, Jobin et, naturellement, celui de M. Papin
lui-même. Cette tentative condamnable de vouloir
j transformer les écoles cathoUques et françaises en foyers
\ d'indifférence religieuse dénotait chez ses auteurs ime
i absence regrettable de sens chrétien. Elle était l'un des
incidents et l'un des résultats de la lutte acerbe engagée
* Journaux de rassemblée législative Canada 1856. Vol. 14, p. 436.
/
— 33 —
depiiis plusieurs années, contre le clergé du Bas-Canada
par quelques esprits fourvoyés dont les principes malsains
pouvaient conduire à l'oubli des traditions ancestrales
et même à l'apostasie.
Ce vote sur l'amendement Papin eut l'effet de dé- j
tourner des chefs du parti libéral de cette époque, la sym- ]
pathie et la confiance de beaucoup de catholiques.
CHAPITRE DEUXIÈME
La formation du Conseil de Vlnstruction
publique
La formation du conseil, présidence de sir E.-P.
Taché — La libéralité du conseil envers la
minorité protestante — livres de lecture —
Fondation par S. A. R. le Prince de Galles
DU PRIX POUR LES ÉCOLES NORMALES — RÈGLE-
MENTS POUR l'examen des candidats au brevet
DE CAPACITÉ — RÉSIGNATION DE MEMBRES DU CON-
SEIL — Livres de classe — Événements poli-
tiques — M. Cherrier, président du conseil. —
Devoir du Chrétien — Voyage du surinten-
dant EN Europe — Exercices militaires dans
LES ÉCOLES NORMALES — La CONFÉDÉRATION CA-
NADIENNE. — H. GlARD, SURINTENDANT DE l'InS-
TRUCTION PUBLIQUE.
La récente législation scolaire ne pouvait exercer
qu'une influence salutaire dans le pays, et Une nouvelle
période de progrès intellectuels allait commencer. La
province avait salué à Québec, en 1854, la fondation de
l'université Laval au sein de laquelle, sous la direction de
professeurs expérimentés, la jeimesse pourrait se préparer
à l'exercice des professions libérales.
Avec la création du Conseil de l'Instruction publique
coïncida l'établissement des écoles normales Laval et
— 36 —
Jacques-Cartier pour les élèves catholiques, et de l'école
normale McGill pour les élèves protestants, Simulta^
nément aussi deux associations d'instituteurs catholiques
et une association d'instituteurs protestants se formèrent
à Québec et à Montréal pour l'avantage des membres
du corps enseignant. Les deux premières ne firent que
continuer, pour bien dire, les anciennes associations péda-
gogiques de 1845 et purent bénéficier duzèle des Jimeau,
des Kérouack, des Valade, des Labonté, des Légaré, des
Cazeau, des Toussaint, des Laçasse et autres. A une
époque où la province n'était pas encore pourvue de voies
ferrées et ne possédait que des moyens fort primitifs
de navigation intérieure, ces pionniers de l'enseignement
primaire avaient établi, au prix de sacrifices d'argent et
d'énergie, les bases de ces organisations de perfectionne-
ment. M. Chauveau voulut compléter cette floraison
d'œuvres utiles en fondant le Journal de V Instruction
publique et le Jourrial of éducation, revues qui allaient
vulgariser les méthodes pédagogiques et même favoriser
le développement du goût littéraire chez les instituteurs.
Les circonstances n'ayant pas permis d'organiser
plus tôt le conseil de l'Instruction publique, l'arrêté mi-^
nistériel le constituant ne fut adopté et signé par le gou-
verneur général, sir Edmond Head, que le 17 décembre
1859, c'est-à-dire trois ans après l'adoption de la loi qui
*en autorisait la création. Le nouveau corps se composa
de quatorze membres, dix cathoUques et quatre protes-
tants, et pour le constituer le gouvernement fit choix des
personnes suivantes: le très révérend Francis Fulford
évêque anglican de Montréal, de monseigneur Joseph
Laroque, côadjuteur de l'évêque catholique de Montréal,
de sir Étienne-P. Taché, des honorables Louis-Victor
Sicotte, Th.-L. Terrill et T.-J.-J. Loranger, des révérends
John Cook, Elzéar Taschereau et Patrick Dowd, de MM,
— 37 —
Christopher Dunkin, M. P.P., Côme-Séraphin Cherrier,
Antoine Polette, F.-X. Gameau et Jacques Crémazie,
auxquels il faut ajouter le surintendant M. P.-J.-O.
Chauveau. M. Louis Giard, secrétaire du département de
rinstruction publique, devint secrétaire-archiviste du
Conseil.
Les membres du nouveau conseil se mirent aussitôt
à l'œuvre. Le développement de Finstruction réclamait
tout d'abord' leur attention; le champ très vaste dont ils
avaient à s'occuper n'avait été que peu cultivé. Le Dr
Meilleur, avec l'instinct et le talent du défricheur, s'était
servi au début des lois scolaires telles qu'elles existaient
et comme d'utiles instruments pour déblayer le sol. M.
Chauveau avait ensuite continué cette tâche laborieuse
avec beaucoup de savoir-faire. Mais à présent, le Conseil
que l'on venait de constituer, composé d'hommes d'ex-
périence et de haute position sociale, allait travailler
comme un facteur nouveau très avisé et très intéressé
à l'amélioration de l'enseignement primaire, et le Bas-
Canada désormais pourrait marcher d'un pas plus alerte
et plus accéléré dans la voie des réformes nécessaires.
Les membres du conseil eurent leur première réunion
le 10 janvier 1860 et nommèrent sir E.-P. Taché conrnie
leur président. Après avoir décidé de s'assembler quatre
fois l'an, ils procédèrent à la formation de trois comités.
Le premier reçut instruction de préparer, conformément
à la loi scolaire de 1856, un règlement pour fixer le mode
de procéder dans les assemblées du conseil ; le deuxième
comité fut chargé de faire des règlements relatifs au choix
des Uvres de classe, et le troisième eut pour mission d'éta-
blir des règlements concernant la régie et le cours d'études
des écoles normales, la classification et la discipline des
écoles publiques, la formation de bureaux d'examinateurs
et la tenue d'un registre renfermant les noms des insti-
— 38 —
tuteurs, avec indication de la classe des diplômes qu'ils
avaient obtenus. ^
La loi de 1859 avait stipulé que les commissions
d'examen pour l'obtention des diplômes pourraient se
partager en deux divisions distinctes, l'une pour les can-
didats catholiques et l'autre pour les caèididats protes-
tants. Le conseil, animé de di spositions bienveillantes
à l'éga rd de la minorité religieuse de la province, ayant
constaté qu'il serait difficile de trouver, sur âivers sujets,
des manuels qui puissent être en usage également dans les
écoles catholiques et les écoles protestantes, reconamanda
au gouvernement d'amender la loi pour permettre d'ap-
prouver certains livres de classe par un vote de tout le
conseil, et certains autres livres par le vote des membres
protestants ou par le vote des membres catholiques
seulement et séparément. ^
Cette proposition, remarquable par^sa li béralit é,
témoignait de vues très hautes* et pouvait sinon dissiper
totalement, du moins atténuer les préjugés regrettables
qu'une partie notable du Haut Canada entretenait à
l'égard de sa province sœur. Pendant les années qui
venaient de s'écouler, on avait assisté à des luttes achar-
nées entre les partis politiques; le chef des c eargrits M.
Brown,honmie habile et d'im exclusivisme tenace, avait
agité la question brûlante de la représentation parlemen-
taire proportionnelle à la population, et pour mieux^parr-
venir à son but et diminuer l'influence du Bas-Canada, il
avait exploité les sentiments de race et de religion au point
d'ébranler dans ses fondements le pacte d'union de 1841.
Les polémiques violentes s'étaient étendues, avec la ra-
pidité des feux de prairie, d'une extrémité à l'autre de la
1 Statut 19, Vict. Chap. 14 et statut 22 Vict. Chap. 52.
^ Registres du conseil de Tlnstruction publique, Vol. I, p. 19.
/
— 39 —
région ontarienne et avaient imprimé des traces si pro-
l fondes qu'on retrouve encore, après cinquante ans, des
■ vestiges nombreux du fanatisme religieux et national de
■ cette époque chez ceux qui allèrent habiter le Manitoba
1 et les immenses plaines de Touest canadien.
Ce fut au temps de ces luttes regrettables qu'une
assemblée d'hommes sages du Bas-Canada adoptait, à
runanimité de ses membres, la proposition que nous
avons citée. Cette juste déférence de la majorité catho-
Uque vis-à-vis la minorité protestante était de saine poli-
tique, car au Canada deux grandes races étant appelées
à vivre et à se dév elopper à l'ombre du même drapeau
et dans u n mêm e sentiment de loyauté à la couronne
d'Angleterre, les circonstances exigent une tolérance ré-
ciproque, et il importe que chaque groupe de population,
tout en travaillant au bien conunun, se meuve librement |
et suivant ses traditions dans la large sphère des intérêts J
religieu x et nationaux. Dans le domaine éducationneP
particu lièrement, il faut que les volontés du père de fa-
mille s oient respectées; autrement, et si l'on s'inspire de
fausses notions sur les droits respectifs de la famille et de
l'autorité civile, de graves injustices peuvent naître et
se perpétuer envers les minorités et créer un grand ma-
laise dans la nation. Une nation en effet ne saurait
s'écarter sans danger des principes qui sont la base de la
puissance paternelle, ni impunément violer les droits que
légère possède sur son enfant en vertu de la loi naturelle.
A sa session de février 1860, le conseil de l'Instruc-
tion pubUque autorisa le surintendant à faire préparer
une série de livres de lecture en langue française et une
autre en langue anglaise. Déterminé dès lors, comme
il l'est encore aujourd'hui, à n'approuver autant que pos-
sible, que des Uvres de classe imprimés au pays, il refusa
d'inscrire sur la Uste d'approbation les Metropolitan
— 40 —
readers présentés par la maison Sadlier, parce que ces
ouvrages avaient été publiés à l'étranger. En outre, les
éditeurs reçurent instruction d'insérer dans leurs manuels
des épisodes empruntés à l'histoire du Canada de préfé-
rence à des récits tirés de celle des États-Unis.
Cette même année 1860 fut marquée par un événe-
ment extraordinaire et destiné à faire époque dans l'his-
toire de notre jeune pays. Nous voulons dire la visite
de son Altesse Royale le Prince de Galles, héritier du trône
d'Angleterre. Ce fut pendant ce séjour dans notre pays
que le Prince daigiîa placer une somme de 200 £, entre
les mains du gouverneur général du Canada, pour qu'elle
fût distribuée en prix dans les écoles normales de notre
province. Le conseil accepta avec reconnaissance^ le
don généreux de son Altesse et résolut de consacrer l'in-
térêt annuel de cet argent à la fondation d'im prix qui
serait connu sous le nom de "Prix du Prince de Galles''.
Comme il n'existait alors que trois écoles normales,
ce prix devait consister, pour chacune d'elles, dans le
tiers de la rente annuelle du capital et être accordé à
l'élève qui avait subi, en des conditions déterminées, le
meilleur examen pour l'obtention d'un diplôme d'école
modèle. De plus le Surintendant fut autorisé à faire
préparer des médailles en bronze qui serviraient comme
de certificats de l'attribution du prix et seraient conser-
vées à ce titre par les heureux lauréats. Il les fit frapper
en France à la Monnaie de Paris. Sur l'envers de cette
médaille on voit l'efiigie du Prince, et sur le revers l'ins-
cription suivante:
E douar dus Albertus princeps Camhriae protrinciam
canadensem fausta praesentia honoratam perlustrans in
una quoque normali schola praemium in singulas annos.
Munifice instituit
— 41 —
A.D. MDCCCLX
In schola
in Mu et cons
■
A. D. 18
Pour donner effet à l'intention que Ton avait, le
gouvernement plaça la somme de 200 £ à la Banque du
Peuple qui était considérée comme une institution fi-
nancière très sûre et bien administrée. Malheureusement,
la banque faillit en 1895, et sa chute causa la perte de la
somme d'argent donnée par le Prince de Galles pour Ten-
couragement des écoles de pédagogie du pays. Depuis
ce revers, les élèves des écoles normales n'ont plus reçu
à titre de récompense l'intérêt du capital disparu, mais
il leur resta la satisfaction de voir le plus méritant d'entre
eux recevoir, à chaque collation annuelle des diplômes,
la médaille frappée à l'effigie du Prince de Galles qui, le
moment venu, occupa si glorieusement le trône d'Angle-
terre sous le nom d'Edouard VII. ^
En vertu de la loi de 1859, le Conseil pouvait non
seulement permettre l'octroi de diplômes valables dans
toute la province, mais même autoriser les bureaux d'exa-
minateurs à accorder des diplômes qui n'avaient de valeur
que dans un seul comté ou dans quelques comtés. C'est
ainsi qu'en 1862 on établit à Waterloo, dans le comté de
Shefford, un bureau avec pouvoir de donner des diplômes
ayant force 'et effet uniquement dans les trois comtés de
Shefford, de Brome et de Missisquoi.
Et pour ce qui est de l'examen des aspirants au brevet
de capacité, le conseil adopta im règlement de grande
^ La réserve de ces médailles étant épuisée, le surintendant en a fait
frapper de nouvelles en 1911 pour perpétuer le souvenir du don de son
Altesse Royale.
— 42 —
importance auquel fut annexé un long document renfer-
mant sur les différentes matières de classe une série de
questions qui remplissent cent cinq pages du registre in-
folio des procès-verbaux du conseil. ^ Ce questionnaire
imprimé pour l'avantage des candidats, resta en usage
jusqu'à la suppression, en 1899, des divers bureaux d'exa-
minateurs et à la création d'un bureau imique destiné à
les remplacer.
Des modifications ne tardèrent pas à s'effectuer dans
la composition du Conseil. Quatre de ses membres,
MM. L. Terrill, A. Polette, F.-X. Garneau et l'évêque
Fulf ord résignèrent leurs fonctions et furent remplacés par
sir Alex. Tillock Galt, de Sherbrooke, Louis Léon
Lesieur Desaulniers, médecin d'Yamachiche, Cyrille de
Lagrave, avocat de Québec, et le révérend William-T.
Leach, de Montréal. Deux autres des membres du con-
seil, sir E.-P. Taché et l'honorable M. Sicotte, qui occu-
paient tous deux une situation considérable en parlement,
devaient jouer im rôle de premier ordre dans les change-
ments politiques que l'on vit bientôt s'opérer. En effet,
en 1862, eurent lieu la chute du ministère Cartier-Mc-
Donald et l'entrée dans l'Administration Sandfield-
McDonald de M. Sicotte comme chef de la section bas-
canadienne du cabinet. L'année suivante, M. Sicotte
descendit les degrés du pouvoir pour faire place à M. An-
toine-Aimé Dorion, et le ministère McDonald-Dorion
disparut à son tour en 1864. Après une vaipe tentative
de M. Furguson Blair pour former un nouveau cabinet,
sir E.-P. Taché devint premier ministre et, avec le con-
cours de M. John McDonald, réussit là où M. Blair avait
échoué. Ainsi, en trois ans, on avait vu quatre minis-
tères différents et deux élections générales.
^ Séance du 13 novembre 1861.
— 43 —
Ces troubles politiques agitaient beaucoup Félecto-
rat et devenaient même inquiétants. La constitution
des Canadas-unis semblait subir une épreuve décisive
d'où dépendait son maintien, et, de fait, cette crise était
bien réelle. Dans les sphères gouvernementales, on avait
Tintuition que l'avenir du pays et la permanence de son
autonomie réclamaient de profondes modifications cons-
titutionnelles. La guerre civile qui avait sévi dans la
république américaine entre les états du nord et ceux du
sud ne pouvait pas être étrangère non plus au mouvement
dé concentration des forces coloniales que désira effectuer
TAngleterre pour conserver l'intégrité de ses possessions
dans l'Amérique du Nord.
Cette succession de revers politiques et ces change-
ments subits de gouvernements portèrent sir E.-P.
Taché et ses collègues à entrer en pourparlers avec les
chefs Ubéraux du Haut-Canada pour examiner avec eux
la gravité de la situation et les moyens à prendre pour
écarter les dangers qui pouvaient résulter de l'instabilité
des administrateurs et de la violence des luttes que
dirigeaient les chefs de parti.
Ces tentatives de rapprochement qui s'inspiraient
d'intentions aussi patriotiques produisirent naturelle-
ment entre les groupes poUtiques une détente qui, finale-
ment, amena, cette même année, l'importante réunion à
Québec des délégués des colonies anglaises de l'Amérique
du Nord. L'objet de cette assemblée, c'était d'étudier
la question de la concentration des divers parlements de
ces colonies sous un gouvernement unique. Comme on
le sait, les débats et les conclusions de ces grandes assises
aboutirent, trois ans après, à la confédération des provin-
ces anglaises du continent Nord- Américain.
Malgré ses multiples occupations comme chef du
gouvernement, malgré toute l'attention qu'il donnait à la
— 44 —
solution du grand problème politique, dont nous venons
de.parler, sir E.-P. Taché présida, le 9 mai 1865, les dé-
libérations du conseil de Flnstruction publique, mais' ce
fut la dernière fois, car cet homme éminent mourut peu
de temps après. A la réunion du conseil, le 12 octobre
de cette même année, sa mort fut consignée au procès-
verbal dans les termes suivants: ''Les membres de ce
conseil ont appris avec une vive douleur la mort de sir
Étienne-Pascal Taché, premier ministre et leur président,
et ils désirent insérer dans leurs archives l'expression du
respect et de Faffection qu'ils lui portaient, ainsi que des
regrets que leur fait éprouver la perte de leur zélé président
qui, malgré ses autres devoirs pubUcs, a encore présidé
à la dernière séance de ce conseil et n'a cessé de s'inté-
resser aux progrès de l'Instruction pubUque et d'y tra-
«vailler avec ardeur."
A l'unanimité des voix, M. Côme Séraphin Cherrier
remplaça M. Taché à la présidence du conseil.
Il s'éleva en ce temps une intéressante question au
sujet des Uvres de classe. Le conseil avait inscrit sur la
Uste des livres approuvés, comme livre de lecture, l'ou-
vrage bien connu intitulé: Le Devoir du Chrétien. On
sait que d'après la loi scolaire, le curé ou le prêtre desser-
vant de l'église paroissiale catholique a le droit de faire
le choix des hvres destinés à l'instruction reUgieuse et à
la morale, pour l'usage des élèves appartenant à sa
croyance religieuse, et que le comité protestant possède
les mêmes attributs ou pouvoirs en ce qui concerne les
élèves protestants. Or, M. J. H. Graham croyant voir
dans l'approbation donnée au Devoir du Chrétien ime
infraction à la loi de l'Instruction pubUque, porta plainte
au gouverneur général en prétendant que cette loi dé-
fendait au Conseil d'admettre l'usage d'aucun Uvre trai-
tant de morale et de reUgion. La plainte de M. Graham
— 45 —
fut transmise par le gouvernement au Conseil de Tlns-
truction publique qui la rejeta, en s'appuyant sur des con-
sidéra tions imprégnées d'un grand sens chrétien. Il ne
s'agissait, il est vrai, que d'un livre en particulier, mais
le conseil profita de l'occasion offerte par M. Graham
pour affirmer le principe qu'un livre de lecture ou même
d'histoire etjie géographie doit contenir "un enseignement
^'général et pratique des connaissances nécessaires à l'hom-
"me7^ quelque croyance religieuse qu'il appartienne pour
"bienremplirses devoirs envers Dieu et envers la société." ^
^ Voici la résolution du conseil adoptée sur proposition du juge L.-V.
Sicotte appuyé par M. J. Crémazie: "Tout en admettant que l'intention
de la loi est de laisser aux ministres des divers cultes le choix des livres
traitant spécialement et exclusivement de religion et de morale, ce conseil
n^a point com pris et ne comprend pas que tout livre approuvé par le conseil
ne doive rien' contenir qui ait rapport à la religion ou à la morale ce qui de
fait serait impossible, et regrettable si la chose était possible.
Considérant au contraire que tous les livres de lecture gradués et
même d'histoire et de géographie qui ont quelque valeur ont une tendance
morale etrêligi euse, par la résolution du quinze février mil huit cent soixante,
laquelle a été approuvée par son Excellence le gouverneur général en
conseil par ordre en date du 24 mars de la même année, le conseil a établi
trois diverses catégories de livres : 1** ceux qui sont approuvés sur la
recommandation des membres catholiques du comité des livres; 2° ceux
qui sont approuvés sur la recommandation des membres protestants de
ce même comité: 3^ enfin ceux qui sont approuvés sur la recommanda-
tion de tout le comité; l'objet de cette division étant de mettre les commis-
saires d'écoles, les instituteurs et les parents au fait de la tendance religieuse
des livres approuvés.
Que ce n'est aucunement l'intention du conseil d'exclure par l'ap-
probation donnée aux livres des deux premières catégories, ceux ayant
spécialement rapport à la religion et à la morale, qui pourraient avoir été
ou pourraient être introduits dans les écoles par les ministres des divers
cultes pour l'usage des élèves de leurs cultes respectifs et encore bien
moins d'imposer le livre dont on se plaint spécialement aux élèves de
croyances protestantes: 4** Que ce livre est depuis très longtemps en
usage comme livre de lecture dans presque toutes les écoles catholiques
du Bas-Canada, qu'il n'a été approuvé que comme faisant partie des
livres de la première catégorie ci-dessiis indiquée et bien qu'il renferme
plusieurs chapitres sur des matières de dogme et de morale traitées au point
de vue catholique il contient un enseignement général et pratique des
— 46 —
Au cours de ses délibérations, le conseil exprima
r opinion que dans J'intérêt de notre régime scolaire il
serait désirable que le surintendant visitât prochainement
l'Europe afin d'étudier les systèmes d'instruction et les
méthodes suivies dans les pays d'outre-mer, et de les com-
parer avec lès nôtres. Le gouvernement ayant donné
son assentiment au vœu du conseil, M. Chauveau traversa
l'océan et parcourut l'Irlande, l'Ecosse, l'Angleterre,
l'Italie, la Belgique et une partie de l'Allemagne. Outre
les jouissances intellectuelles qu'éprouva, au cours de son
voyage, le distingué surintendant dont on sait les talents
remarquables conmae orateur et comnie écrivain, il eut
l'avantage de connaître des éducateurs de grande renom-
mée, de visiter nombre de musées et de bibliothèques et
de recueillir d'utiles renseignements. C'est même à ce
voyage d'études que nous devons le livre si intéressant
V Instruction publique au Canada que publia M. Chauveau,
en 1876. '
Nous ferons ici l'observation que les gouvernements
font œuvre utile lorsqu'ils favorisent l'envoi à l'étranger
connaissances nécessaires à l'homme à quelque croyance religieuse qu'il
appartienne pour bien remplir ses devoirs envers Dieu et envers la société.
5** Résolu que l'honorable Surintendant de l'Éducation soit prié de
transmettre à l'honorable Secrétaire provincial les résolutions ci-dessus
comme exprimant l'opinion de ce conseil siu* la plainte qui lui a été renvoyée.
^ Lors de son passage à Berlin en 1867, M. Chauveau avait fait au
Dr K. A. Schmid, personnage de réputation européenne et avec lequel il
était depuis assez longtemps en correspondance, la promesse d'écrire
l'article: Canada pour la prochaine édition du grand ouvrage allemand.
"L'Encyclopédie de l'Instruction publique." Le travail de M. Chauveau
occupe soixante pages de cette encyclopédie qui compte dix volumes grand
in-8. Le manuscrit de l'article Canada^ rédigé en français, naturellement
fut traduit en allemand et un savant professeur de l'université Laval,
entendu en cette langue, assiu^a à M. Chauveau que la traduction de son
article était on ne peut plus fidèle. {L'Instruction pvJblique au Canada*
Avant propos, p. VII).
— 47 —
des hauts fonctionnaires de Fadministration civile pour
les mettre en mesure d'examiner de près l'organisation
et le fonctionnement des services publics en divers pays.
Grâce à leurs aptitudes, à leurs connaissances spéciales
et à l'expérience que déjà ils possèdent, ces fonctionnaires
ont toute la compétence voulue poiu* observer, comparer,
se bien renseigner et faire ensuite profiter leur pays du
fruit de leurs études.
Un règlement rendit obligatoire deux fois par se-
maine l'exercice militaire dans les écoles normales de
la province. Les élèves-maîtres, chargés à toiu* de rôle
d'exercer au maniement des armes les étudiants de l'école
annexe,» avaient à subir eux-mêmes l'examen sur cette
matière comme sur les autres branches du programme
d'études avant de recevoir leur diplôme d'instituteur;
il fallait même^voir réussi dans cette épreuve comme dans
les autres pour se voir attribuer le prix fondé par son
Altesse Royale le Prince de Galles. Le conseil exprima
le désir que, pour faciUter l'exécution de ce règlement,
le département fédéral de la miUce procurât à ses frais
à chaque école normale les accoutrements nécessaires et
surtout l'instructeur qu'il faudrait. ^
Au printemps de 1867, le conseil ne put, faute de quo-
rum, tenir une assemblée ordinaire, mais lorsqu'il se réunit
au mois d'octobre suivant, un grand événement poUtique
s'était accompli. La constitution de 1841 avait cessé
d'exister; l'union du Haut et du Bas Canada était dissoute
et ces deux provinces, avec celles de la Nouvelle-Ecosse
et du Nouveau-Brunswick, formaient, depuis le 1er juillet,
une confédération sous le nom de La Puissance du Canada.
Ce changement poUtique modifia considérablement
la composition du Conseil. L'un de ses membres, sir
^ Séance de novembre 1866.
— 48 —
Narcisse-Fortunat Belleau, avait accepté, à rinaugura-
tion du nouveau régime, la haute position de lieutenant-
gouverneur de la province de Québec, et le surintendant,
M. Chauveau, avait été appelé, comme premier ministre,
à former la nouvelle administration provinciale. •
Le chef du cabinet prit le portefeuille de secrétaire de
la province et, en même temps, le titre de ministre de Fins-
truction publique. Il remplaça au conseil sir N.-F. Bel-
leau qui avait cessé d'en faire partie. Le secrétaire M,
Louis Giard, devint Surintendant et M. Henry Hopper
Miles fut nommé secrétaire-archiviste.
Le titre de ministre de Flnstruction pubUque que
M. Chauveau avait assumé par un simple arrêté ministériel
et par conséquent d'une manière irréguUère, fut légaUsé
par ime loi adoptée à la première session de la légis-
lature. ^ Le titulaire de la nouvelle charge devenait
membre du conseil exécutif et pouvait remplir les fonc-
tions jusque-là exercées par le surintendant de l'Éduca-
tion, ou celles que le Ueutenant-gouverneur en conseil
jugeait opportun de lui attribuer. En outre, la loi dé-
terminait que lorsqu'il ne serait pas expédient de nommer
un ministre de l'Instruction publique, le gouvernement
aurait le pouvoir de le remplacer par un Surintendant
ou de conférer ses fonctions à l'un des ministres de la
couronne.
L'entrée de M. Chauveau dans l'arène poUtique et
les nombreuses préoccupations de sa charge nouvelle
l'empêchèrent de rédiger le rapport spécial qu'il se pro-
posait d'écrire sur son voyage d'Europe. Cependant,
dans son rapport annuel de 1866, il donna là-dessus
d'utiles renseignements; il signala en particuUer l'atten-
tion que donnaient les peuples européens au développe-
^ Cette loi fut sanctionnée le 24 février 1868.
— 49 —
ment de Véducation professionnelle, les efforts qu'ils s'im-
posaient pour remédier aux inconvénients d'une éducation
classique très généreusement prodiguée en introduisant
dans les lycées ou les athénées des cours scientifiques
séparés et en établissant nombre d'institutions spéciales
destinées à préparer les jeimes gens au conamerQp et à
l'industrie. ^
Relativement à notre régime scolaire, M. Chauveau
fait la remarque suivante: ''La comparaison de notre
système dans son ensemble avec ceux des divers pays à la
diffusion générale des connaissances dans toutes les
classes de la société, montre que les obstacles que j'ai
signalés dans mon rapport précédent existent à divers
degrés dans les autres pays, et les questions que l'on y
discute ne diffèrent guère jle celles qui se discutent parmi
nous."
De 1867 à 1869, le Conseil n'eut à s'occuper que
d'affaires de routine. Toutefois, im comtié fut nommé
en 1868 pour conférer avec le gouvernement au sujet de
certaines modifications qu'il paraissait désirable de faire
à la loi de l'instruction publique.
1 On entend, dit M. Chauveau, par éducation professionnelle le con-
traire de ce que beaucoup de personnes comprendraient: c'est Téducation
qui prépare spécialement aux carrières ordinaires de la vie, par distinc-
tion de réducation classique qui prépare aux professions libérales.
CHAPITRE TROISIÈME
La loi de 1869
Nouvelle loi scolaire — Réorganisation du con-
seil — L^enseignement de >l' agriculture aux
écoles normales — M. Delagrave président
DU conseil — Classification des écoles — Chan-
gement DE GOUVERNEMENT — Ea SÉRIE DES LIVRES
MONTPETIT.
Au cours de la session de 1869, la législature fit de
notables changements à la loi scolaire et modifia la cons-
titution du conseil de Tlnstruction publique. Le nombre
des membres de ce corps qui était de quinze au maximum
fut élevé à vingt-et-un, les catholiques formant les deux
tiers et les protestants l'autre tiers de ce Conseil.
Après sa réorganisation, le conseil se partagea en
deux comités, Pun catholique, Tautre protestant, chacune
de ces sections ayant la direction des affaires scolaires de
chacune des deux grandes dénominations religieuses de la
province. Le ministre de ITnstruction pubUque, et à
son défaut, le surintendant, devait faire partie soit du
conseil plénier, soit de Fun et l'autre de ses comités. Le
conseil fut aussi investi du pouvoir de décider la création
de deux conseils de l'Instruction pubUque, avec des ju-
ridictions distinctes quant à la régie respective des écoles
cathoUques et protestantes, cette décision était sujette
à l'approbation du gouvernement: mais le conseil ne se
— 52 —
prévalut pas dti pouvoir qu'il avait d'établir deux conseils
séparés. ^
En outre, la loi changea le mode de distribution du
fonds de l'éducation supérieure. Jusqu'alors, ce fonds avait
été réparti annuellement par le surintendant lui-même,
avec l'approbation du gouvernement, entre les universités,
les collèges classiques et les écoles primaires autres que
les écoles élémentaires. La distribution de cet argent
allait désormais se faire aux maisons d'éducation supé-
rieure des deux dénominations religieuses, en proportion
de l'importance relative de la population catholique et
de la population protestante, telle que constatée par le
recensement décennal du Canada.
A la réunion d'automne de l'année 1869, M. Cherrier
déclara qu'il ne pouvait, pour des raisons particulières,
accepter la présidence du nouveau conseil. Après avoir
manifesté son regret de cette décision, celui-ci, sur pro-
position du Lord évêque de Québec, appela M. Jacques
Crémazie à le remplacer.
Pour se conformer à la nouvelle législation, le conseil
se partagea en deux comités distincts, dont l'un et l'autre
se mit en frais de procéder sans délai à son organisation.
Le comité catholique choisit M. Crémazie comme son
président et le Dr Giard comme son secrétaire. Au
comité protestant, le juge Day et M. H. Miles se virent
choisis respectivement comme président et comme se-
crétaire.
On décida d'un commun accord de soumettre à
l'examen des deux comités les Uvres de classe dont on
demanderait l'approbation pour les écoles cathoUques et
les écoles protestantes. S'il arrivait que ces manuels ne
fussent recommandés que par l'un des comités, le conseil
1 Loi de 1869 — 32 Vict. chap. 16, sect. 5 et 6.
— 53 —
pouvait les approuver, mais* avec la mention que leur ap-
probation était demandée par tel comité et seulement
pour les écoles soumises à sa juridiction
Il est à remarquer que dans les, décisions qui pou-
vaient concerner les droits des pères dç familles ou les
privilèges de la minorité religieuse, le conseil cherchait
( constamment à éviter tout ce qui aurait pu froisser ou
- mécontenter les intéressés et à ne rien prescrire qui pût
■
I troubler l'harmonie entre cathohques et protestants. De
fait, depuis cinquante-huit ans qu'il existe ce corps a
toujours paru animé d'une largeur de vues et d'un esprit
d'impartialité et de justice qui font heureusement con-
traste avec les dispositions agressives et les idées bornées
3e quelques hommes pubUcs à l'égard de la minorité ca-
tholique dans certaines provinces de la confédération.
Placé à la têj;e du gouvernement, M. Chauveau s'oc-
cupa de la très importante question du développement de
l'agriculture laquelle, aux yeux des chefs de l'état, ne pro-
gressait pas assez rapidement. Convaincu qu'il fallait
donner l'enseignement pratique de cet art dans les écoles
normales, il chargea en 1868 M. l'abbé J.-O. Routhier,
préfet de discipUne à l'école normale Jacques-Cartier et
alors en congé à Rome, de visiter en Europe les écoles
d'agriculture et les fermes modèles annexées aux écoles
de pédagogie. ^ Mais M. Routhier étant revenu au
Canada avant d'avoir reçu avis de la mission qu'on vou-
lait lui confier,. M. l'abbé J.-A. Godin, directeur 'd'une
exploitation agricole à Sainte-Thérèse, fut choisi pour le
remplacer. Le ministre le pria donc d'aller examiner
les fermes-écoles en Belgique, en France et en Irlande et
de séjourner même quelque temps, s'il le jugeait utile,
dans une de ces institutions. M. Godin traversa immédia-
* Aujourd'hui, Mgr J.-O. Routhier est le vicaire général de Tarche-
vêché d'Ottawa.
— 54 —
tement en Europe et visita, entre autres maisons du genre,
les écoles normales en possession de jardins où Ton en-
seignait aux élèves la science pratique de l'horticulture et
de Tarboriculture. ^
Pour donner suite sans doute au rapport que fit M.
Godin de sa mission, le conseil sur Tinitiative de M.
Chauveau appuyé par Tévêque anglican de Québec,
chargea les deux comités de préparer des règlements des-
tinés à l'enseignement de Tagriculture dans les écoles
normales. ^ Le règlement préparé pour les écoles Laval
et Jacques-Cartier décréta qu'on enseignerait la théorie
de l'agriculture durant deux heures par semaine. Quant
à la pratique, les élèves-maîtres devaient, selon la saison,
être employés aussi deux heures par semaine à travailler
au jardin ou sur la ferme.
Le projet d'acquérir des fermes poyr les écoles nor-
males ne fut pas mis à exécution. Cependant l'école
normale Jacques-Cartier, depuis qu'elle est établie au
parc La Fontaine à Montréal, possède un beau et vaste
terrain qui permet aux élèves de recevoir d'utiles leçons
d'horticulture. De leur côté, les élèves de l'école normale
protestante, après avoir été privés pendant cinquante ans
de l'usage d'un terrain agricole, ont aujourd'hui le pré-
cieux avantage d'habiter sur la ferme du collège Mac-
Donald à Sainte-Anne de Bellevue et de pouvoir profiter
des leçons qui se donnent à cette magnifique école d'agri-
cirltufe. L'école normale Laval a tout récemment fait,
à proximité de la ville de Québec, l'acquisition d'un grand
terrain pour l'instruction horticole de ses élèves, et les
autres écoles normales de la province ont aussi chacune
un jardin d'expérimentation.
^ Le rapport de M. Godin est inséré dans le rapport annuel du ministre
de rinstruction publique pour l'année 1869; p. 21.
* Session de juin 1870.
— 55 —
■
Le conseil, dans sa profonde et constante préoc-
cupation de perfectionner renseignement, mit au concours,
siu" la proposition de Mgr Langevin de Rimouski, la
composition d'une série graduée de Uvres de lecture ca-
tholique adaptés aux besoins de Fépoque. * Un comité
spécial, formé de Farchevêque de Québec, de MM.
Chauveau, Crémazie et Delagrave, recommanda de faire
une série de cinq manuels pour les écoles élémentaires et
de deux autres pour les écoles du degré supérieur et traça
les lignes du cadre qui devait renfermer les sujets à
traiter.
L'année suivante, le conseil eut à déplorer la mort de
son président, M. Jacques Crémazie. Cet éducateur
avait porté un grand intérêt à la cause de l'enseignement
Auteur du mémoire dont nous avons parlé précédemment,
il a laissé la réputation d'un homme animé du désir d'être
utile à la jeunesse de son pays. Lors de l'inauguration
de ses cours, l'université Laval, confiante dans l'érudition
de M. Crémazie, l'avait choisi comme son professeur de
droit civil.
M. Delagrave remplaça M. Crémazie au fauteifil
présidentiel. Au début de cette présidence, le conseil
s'occupa de la classification des écoles. En ce temps-là,
le cours primaire était d'une durée de 4 années dont 2
poiu" le& écoles élémentaires, 1 pour les écoles modèles
et l'autre pour les écoles académiques. Le rapport que
présenta le sous-comité chargé de préparer le nouveau
tableau de classification, fut l'objet d'une intéressante
discussion. Au cours de cette délibération, M. Chauveau
proposa d'ajouter au programme d'études des académies,
comme matière obligatoire, la grammaire latine, les ver-
sions latines et l'expÛcation des auteurs latins depuis
^ Séance d'octobre 1871.
^
— 56 —
è
VEpitome jusqu'aux Commentaires de César; et, à titre
facultatif, les éléments de la grammaire grecque, les ver-
sions et l'explication des fables d'Esope. ^
Le conseil ne voulut pas toutefois accepter cette pro-
position, craignant qu'un progranmie de cette sorte ne
fût ime occasion offerte aux jeunes gens de se dispenser de
suivre un cours complet d'études classiques. Étant don-
née la facilité avec laquelle on admettait à cette époque les
élèves à l'étude des professions libérales, il préféra écarter
le risque de transformer nos écoles de pédagogie en
institutions où nombre de ces aspirants seraient accourus
recevoir à moindres frais et d'une manière hâtive, une
formation littéraire et philosophique incomplète et partant
inférieure à celle que donnaient nos maisons d'enseigne-
ment secondaire.
D'autre part, le comité protestant désapprouva la
division en quatre classes du cours scolaire qu'il avait
sous «on contrôle, il préféra la division en deux classes.
Les écoles de la première catégorie s'appelleraient
"écoles normales" dans lesquelles on enseignerait la
lecture, l'écriture, l'arithmétique et les éléments de la
grammaire et de la géographie. Les écoles de la seconde
section porteraient le nom d^écoles de grammaire (Gram-
mar schools) et les élèves y étudieraient, outre les ma-
tières de la première catégorie, le latin, le grec, le français
et les éléments des mathématiques.
L'approbation donnée au tableau de classification
des écoles en quatre classes ne s'appUqua qu'aux écoles
cathoUques. Afin que l'on puisse mieux comparer le
programmé suivi dans les écoles dont nous venons de
parler avec le programme d'études maintenant en vi-
gueur, nous croyons utile de les donner ici en regard l'un
^ Registre du conseil de T Instruction publique: Vol. I, p. 420.
J
57 —
de Vautre. Le programme assigne au cours primaire
une durée de huit années au lieu de quatre, et il est facile
de constater combien plus complet s'y trouve le groupe-
ment des matières de classe:
CLASSIFICATION DES ÉCOLES EN 1873
École Élémentaire
École Élémentaire
Premier degré
Second degré
Lecture
Écriture
1° Épellation dana le livre
et par cœur
2® Lecture courante
X^ Épellation dans le livre
et par cœur
2 ° Lecture courante
3° Compte rendu de la
lecture
Grammaire
Dictée
1 ° Éléments
2° Analyse grammaticale
3** Dictée
Mathématiques
1 ** Numération
2° Règles simples
3° Calcul mental
1 ** Numération
2° Règles simples
3** Règles composées
4° Calcul mental
Tenue des
UVRES
En partie simple
GÉOGRAPHIE
1 ° Notions préliminaires
2 ° Abrégé des cinq par-
ties du monde
3** Détails sur la carte du
Canada
Histoire
1 ° Histoire sainte
2° Abrégé de l'histoire du
Canada
Divers
N.
Leçons de choses
1 ** Leçons de choses
2° Notions élémentaires
d'agriculture
T4TrTÉRATURE
/
Art épistolaire
~ 58 —
CLASSIFICATION DES ÉCOLES EN 1873 — Suite.
Lecture
Écriture
Grammaire
M ATHÉM ATI QUES
Tenue des
LIVRES
Géographie
Histoire
Divers
Littérature
Écoles modèles
1 ° Lecture exj)ressive
2° Lecture raisonnée
3® Exercices de déclama-
tion
4° Lecture de manuscrits
1° Syntaxe
2° Analyse grammaticale
3** Analyse logique
4° Dictée
1 ° Proportions
2 ° Règles de commerce
3° Calcul mental
En partie double
1 ° Détails sur les cinq par-
ties du monde
2° Globe terrestre
Histoire du Canada plus
détaillée
1 ° Leçons de choses
2° Notions d'agriculture
plus développées
1 ** Art épistolaire
2° Composition de récits,
etc
Écoles acadébiiques
1° Lecture expressive
élocution
2** Lecture raisonnée
3® Déclamation
ou
l*' Grammaire repassée
2° Analyse granmiaticale
3** Analyse logique
4° Dictée
1° Progressions
2° Logarithmes
3 ** Algèbre
4° Toisé
5** Dessin linéaire
En partie double
1 ° Géographie — revue
2** Globe terrestre
3 ° Globe céleste
1 ** Histoire du Canada —
revue
2 ° Histoire de France
3° Histoire d'Angleterre
4° Histoire des États-Unis
1 ° Notions élémentaires de
physique
2 " Chimie agricole
3° Notions d'architecture
1 ° Qualité du style
2° Figures
3 ° Narrations, descriptions
etc
4° Étude du latin (facul-
tative)
— 59 —
CLASSIFICATION DES ÉCOLES
D'après le tableau synoptique du programme d'études 1914
COURS ÉLÉMENTAIRE : 4 ANNÉES
Groupement
DES
MATIÈRES
Instruction
MORALE ET RELI-
GIEUSE
Langue
française
Langue
anglaise
m athém ati ques
géographie
Instruction
CIVIQUE
Histoire
Dessin
Sciences
naturelles
Premier degré: 3 années
Ire Année
Prières
Cathéchisme
Histoire sainte
Bienséances
Lecture — diction — réci-
tation de mémoire
Écriture
Grammaire
Analyse grammaticale et
logique
Dictée — orthographe d'u-
sage et de règles
Langage et rédaction
Arithmétique
Exercices d'initiation
Histoire du Canada
Dessin
2e Année
Prières
Cathéchisme
Histoire sainte
Bienséances
Lectiu*e — diction — réci-
tation de mémoire
Écriture
Grammaire
Analyse grammaticale et
logique
Dictée — orthographe d'u-
sage et de règles
Langage et rédaction
Petits exercices de langage
Éléments de la lecture
Arithmétique
Exercices d'initiation
Histoire du Canada
Dessin
Éléments des connaissances
scientifiques usuelles —
leçons de choses
— 60
CLASSIFICATION DES ÉCOLES — Suite.
œURS ÉLÉMENTAIRE : 4 ANNÉES
Groupement
DES
MATIÈRES
Instruction
morale et reli-
GIEUSE
Langue
française
Langue
ANGLAISE
M ATHÉM ATI QUES
GÉOGRAPHIE
Instruction
CIVIQUE
Histoire
Dessin
Sciences
naturelles
Premier degré: 3 années
3e Année
Prières
Catéchisme
Histoire sainte
Bienséances
Lecture — diction — réci-
tation de mémoire
Écriture
Grammaire
Analyse grammaticale et
logique
Dictée — orthographe d'u-
sage et de règles
Langage et rédaction
Petits exercices de langage
Lecture — diction — or-
thographe d*usage
Récitation de mémoire
Arithmétique
Préliminaires
Province de Québec
Canada
Organisation administra-
tive de la province de
Québec : leçons d'initia-
tjon
Histoire du Canada
Dessin
Second degré: 1 années
4e Année
Prières
Catéchisme
Histoire sainte
Bienséances
Lecture latine
Lecture — diction — réci-
tation de mémoire
Écriture
Grammaire
Analyse grammaticale et
logique ^
Dictée-— orthographe d'u-
sage et de règles
Langage et rédaction
Lecture — diction — or-
thographe d'usage
Récitation de mémoire
Exercices de langage
Exercices écrits
Notions grammaticales
Arithmétique . •
Comptabihté domestique
et agricole
Préliminaires
Canada
Amérique
Continents et Océans
Organisation politique du
Canada et de la pro-
vince de Québec
Histoire du Canada
Dessin
Connaissances scientifiques usuelles — leçons de choses
Hygiène
Agriculture
~ 61 —
CLASSIFICATION DES ÉCOLES — Suite.
COUBS MODÈLE (Intermédiaire): 2 ANNÉES
Groupement
DES
RATIÈRES
Instruction
morale et reli-
GIEUSE
Langue
française
Langue
ANGLAISE
M ATHÉM ATI QUE8
géographie
Instruction'^PF
CIVIQUE
Histoire
Dessin
Sciences
naturelles
5e Année
Prières
Catéchisme
EEistoire sainte
Bienséances
Lecture latine
Lecture — diction — ré-
citation de mémoire
Écriture ^
Grammaire
Anal3rse grammaticale et
logique
Dictée— orthographe d'u-
. sage et de règles
Langage et rédaction
Littérature — analyse lit-
téraire
Lecture — diction — or-
thographe d'usage
Récitation de mémoire
Exercices de langage
Exercices écrits
Notions grammaticales
Analyse grammaticale et
logique
Arithmétique
Comptabilité commerciale
Toisé
Europe
Asie
Organisation ecclésiastique
et administrative de la
province de Québec
Histoire du Canada
Dessin
6e Année
Prières
Catéchisme
Histoire sainte
Bienséances
Lecture latine
Lecture — diction — ré-
citation de mémoire
Écriture
Grammaire
Analyse grammaticale et
logique
Dictée-— orthographe d'u-
sage et de règles
Langage et rédaction
Littérature — analyse lit-
téraire
Lecture — diction — or-
thographe d'usage
Récitation de mémoire
Exercices de langage
Exercices écrits
Grammaire
Analyse grammaticale et
logique
Littérature
Arithmétique
Comptabihté commerciale
Toisé
Afrique
Océanie
Organisation judiciaire du
Canada
Histoire du Canada
Dessin
Connaissances scientifiques usuelles
Hygiène
Agricultiu-e
— 62 —
CLASSIFICATION DES. ÉCOLES — Swte,
COURS ACADÉMIQUE (Primaire supérieur) : 2 ANNÉES
Groupement
DES
MÂTIÈBES
Instruction
' morale et reli-
GIEUSE
Langue
française
Langue
ANGLAISE
M ATHÉM ATI QUES
GÉOGRAPHIE
7e Année
Prières
Catéchisme
Notions d'histoire anciemie
Bienséances
Lecture latine
Histoire de T Église
Lecture — diction — ré-
citation de mémoire
Écriture
Grammaire
Analyse grammaticale et
logique
Dictée— orthographe d'u-
sage et de règles
Langage et rédaction
Littérature — analyse lit-
téraire — notions d'his-
toire littéraire
Lecture — dictée — ortho-
graphe d'usage
Récitation de mémoire
Exercices de langage
Exercices écrits
Grammaire
Analyse grammaticale et
logique
Littérature
Arithmétique
Comptabilité commerciale
Toisé
Algèbre
Canada
États-Unis
8e Aiwée
Prières
Catéchisme
Notions d'histoire ancienne
Bienséances'
Lecture latine
Histoire de l'Église
Lecture — diction - — ré-
citation de mémoire
Écriture
Grammaire
Analyse grammaticale et
logique
Dictée— orthographe d'u-
sage et de règles
Langage et rédaction
Littérature — analyse lit-
téraire — notions d'his-
toire littéraire
Lecture — dictée — ortho-
graphe d'usage
Récitation de mémoire
Exercices de langage
Exercices écrits
Grammaire
Analyse grammaticale et
logique
Littérature
Arithmétique
Comptabilité commerciale
Toisé
Algèbre •
Amérique
Europe
Asie
Afrique
Océanie
— 63 —
CLASSIFICATION DES ÉCOLES — -Suite.
COURS ACADÉMIQUE (Primaire supérieur) : 2 ANNÉES — Suite
Groupement
DES
7 Année
8 Année
MATIÈRES
•
Instruction
CIVIQUE
Organisation scolaire de la
province de Québec
•
Organisation générale —
politique et administra-
tive— iu Canada
Histoire
Histoire du Canada
Histoire de France
Histoire du Canada
Histoire de France
Dessin
Dessin
Dessin
Sciences
naturelles
Connaissances scientifiques usuelles
Hygiène
Agriculture
Physique
Cosmographie
Les écoles primaires, tant catholiques romaines que
protestantes, sont maintenant divisées en tr^ catégories,
les écoles él ément aires, les écoles intermédiaires ou mo-
dèles et les écoles primaires supérieures dites académiques.
Ce que Ton appelle cours élémentaire, cours moyçn et
cours supérieur correspond à chacune de ces catégories,
le premier comprenant quatre années, le second et le
troisième chacun deux autres années. A l'exception de
quelques-unes des écoles des degrés modèles et académi-
ques, les intermédiaires possèdent les cours élémentaire
et moyen, et les académiques, les trois cours au complet.
Il ne peut y avoir dans chaque municipalité qu'une seule
école intermédiaire ou académique, c'est-à-dire une pour
chacun des deux sexes.
D'après M. J.-C. Sutherland, ^ le mot '^Académie"
appliqué au cours supérieur des écoles protestantes serait
^ M. Sutherland est inspecteur général des écoles protestantes. Voir
Queen's qiuirierley, Aprilj May^ June, 1912 p. SJ^l.
— 64 —
un don de la Nouvelle-Angleterre. Il fut apporté, dit-il,
dans les cantons de FEst de notre province, au commence-
ment du 19e siècle, par les colons qui vinrent des États-
Unis s'établir au Canada.
Outre les trois catégories d'écoles primaires que nous
venons de mentionner, existe Vécoh maternelle qui,
comme on sait, est im établissement d'éducation dont
l'objet est de préparer l'enfant à recevoir avec fruit l'ins-
truction primaire. Elle n'est pas une école au sens or-
dinaire du mot, car son caractère diffère de celui de
l'école primaire; elle forme le passage de la famille à
l'école et les enfants des deux sexes, depuis l'âge de 3 ans
jusqu'à celui de "6 ans révolus, viennent y recevoir les
soins de surveillance maternelle et de première éducation
que leur âge réclame.
Lorsque s'ouvrit en octobre 1873 la neuvième as-
semblée semi-annuelle du conseil de l'Instruction pu-
blique, l'on constata que plusieurs changements s'étaient
opérés dans sa composition. M. Chauveau ayant été
appelé au Sénat et nommé président de cette chambre,
avait résigné comme premier ministre du gouvernement
de la province et avait cessé par conséquent d'être à la
tête de l'Instruction pubUque. M. Gédéon Ouimet lui
succéda comme chef de la nouvelle administration et le
remplaça aussi à la tête du département de l'éducation.
Le gouvernement remplit les vacances survenues dans le
conseil par la nomination des honorables MM. Ryan,
Joseph Blanchet et Chauveau, de M. John William
Dawson et du docteur François Painchaud. Personne
ne fut étonné de voir M. Chauveau continuer à faire
partie de ce corps, car son expérience en matières éduca-
tionnelles et ses travaux antérieurs le désignaient à ce
poste de confiance et d'honneur. ,
— 65 —
L'année suivante, les événements politiques altérè-
rent encore la composition du conseil. M. Ouimet qui
avait pris les rênes du pouvoir en février 1873, résigna
dix-huit mois après, et M. Charles Boucher de Boucher-
ville le remplaça à la tête du cabinet et comme ministre
de rinstruction publique.
A la réimion d'automne à laquelle le nouveau premier
ministre assista, M. l'abbé L.-J. Langis, chargé de faire
Fexamen de la série graduée des cinq Uvres - de lecture
courante dont M. A.-N. Montpetit était Fauteur, soumit
son rapport et recommanda l'adoption de ces manuels.
Aux termes du concours qu'il avait ouvert, le conseil
s'était réservé la propriété Uttéraire des ouvrages qu'il
accepterait et le droit d'en disposer à son gré. Ce fut
à l'auteur même M. Montpetit, qu'il concéda et poiu* 5
ans le droit de l'éditer à son bénéfice.
La réunion d'octobre 1875 fut la dernière du conseil
de l'Instruction pubhque formé en 1859, car la législature
allait faire des modifications profondes à la loi scolaire
et réorganiser le Conseil sur une base différente.
- N
CHAPITRE QUATRIÈME
La loi de 1875
Le ministre de l'Instruction publique remplacé par
UN Surintendant — Effet de la nouvelle loi —
Le nouveau Conseil — Le comte Dalhousie et
SON plan de deux institutions royales.
L'on peut considérer l'année 1875 comme le commen-
cement de la deuxième période de l'existence du conseil
de l'Instructiion publique. La confédération n'existait
que* depuis huit années; le nouveau régime n'était pas
encore solidement assis; chacune des provinces cherchait
à profiter de son autonomie pour se développer, -perfec-
tionner son rouage administratif, acquérir le plus d'in-
fluence posssible auprès du pouvoir central et rivaUser
avec les autres provinces sur le terrain économique et
éducationnel. Le nouveau chef du cabinet de Québec,
M. Charles de Boucherville, était homme à comprendre
la situation. Instruit, d'esprit droit, observateur ju-
dicieux, il eut à cœur d'accroître le prestige et la prospérité
de sa province en favorisant l'extension des voies ferrées
et le procès des campagnes. Avec le sens profondément
chrétien dont il était doué, la question d'éducation lui
parut comme primordiale et comme s'imposant à l'atten-
tion immédiate^iï ' gouvernement. Aussi il s'appliqua
à fortifier encore le caractère confessionnel que possédait
— 68 —
déjà récole primaire et à rendre rares ou impossibles, entre
les membres des deux grandes sociétés reUgieuses du pays,
des divisions regrettables. Et pour réaUser de pareilles
intentions, il crut qu'il était de saine politique d'accroître
la stabilité de notre régime scolaire de manière à ce qu'il
fût à la fois une ample garantie du maintien de ses privi-
lèges pour la minorité protestante et une protection pour
la majorité catholique contre l'abus qu'elle pourrait être
tentée de faire de sa force numérique, qu'il fût même à
l'occasion \ine barrière contre les excès législatifs, en ma-
tières éducationnelles, qu'im gouvernement radical pou-
vait être enclin à commettre.
En effet, la province de Québec étant habitée par des
populations qui diffèrent par la langue et la foi religieuse,
et tenue, à cause de l'origine française de la plupart de
ses habitants, en suspicion par ceux qui la connaissent
insuflSsamment, son rôle au sein de la confédération lui
impose une vigilance et une prudence de tous les instants;
elle doit éviter toute agitation malsaine; elle doit don-
ner, même avec une sorte d'exagération, l'exemple du
respect de la constitution et de l'autorité; elle doit éviter
de compromettre par des écarts regrettables l'importance
du rôle qu'elle peut remplir sur la terre américaine. Ce
n'est pas en vain que la race homogène qui l'habite a
été appelée la première à propager la civilisation chrétien-
ne des rives du Saint-Laurent jusqu'aux Montagnes
rocheuses et jusque dans la vallée du Mississipi. Elle
a répondu à l'appel de la Providence par des actes hé-
roïques de foi, de bravoure et de dévouement, et, sur ce
sol qu'elle a fécondé de son sang, il n'est pas téméraire de
croire qu'à elle a été confiée la mission illustre de gardien-
ne indéfectible des vrais principes constitutifs de la famille
et de la société civile que tant d'individus ignorent et que
tant de gouvernements méconnaissent. PoUï* ne pas for-
— 69 —
faire au devoir et à rhonneur, elle doit donc se tenir sur les
sommets que Dieu lui a assignés, et elle ne saurait le faire
qu'au naoyen d'une instruction et d'une éducation tout
imprégnée de l'esprit chrétien.
M. de Boucherville ayant donc consulté quelques
hommes dignes de sa confiance et particuUèrement l'évê-
que de Rimouski Mgr Lange vin, conseiller judicieux au-
tant que pédagogue distingué, crut trouver une solution
à la question d'éducation en cette province par la sup-
pression du ministère de l'Instruction publique, en pla-
çant l'enseignement primaire à l'abri des influences plus
ou moins dommageables, dans une atmosphère élevée
et sereine d'où ne se feraient plus beaucoup sentir ni
l'esprit de caste, ni les agitations des luttes poUtiques.
A l'ouverture de la session provinciale de 1875, le
discours du trône annonça que le gouvernement avait
préparé un projet de loi qui, tout en respectant scrupuleu-
sement les droits et les privilèges respectifs des catholiques
et des protestants, modifiait l'administration du départe-
ment de l'Instruction pubUque et cela dans le but de
rendre son action plus efficace.
Dans le. rapport annuel qu'il soumit aux chambres,
M. de Boucherville exposa les motifs auxquels il avait
obéi en se décidant à modifier, dans la mesure qu'il se
proposait, la loi scolaire.
"La position, écrivait-il, dans laquelle se trouve le
"ministre de l'Instruction pubUque en prenant la direction
"d'un département aussi important et dont nécessaire-
"ment il ne connaît que peu de chose, est extrêmement dif-
"ficile. Les nombreuses occupations dont il est chargé
"ne lui laissent presque pas de temps pour suivre les détails
"du fonctionnement et pour voir, ce qui est très impor-
"tant, à ce que, d'année en année, on fasse entrer dans le
— 70 —
'système tout ce qui peut l'améliorer en s'aidant pour
'cela de l'expérience des autres nations.
''D'où il suit que cette charge ne peut être occupée
'avantageusement pour le pays que par un homme
'compétent sur la matière, dévoué, ami de l'éducation et
'pouvant consacrer tout son temps à cette tâche difficile.
'Ses fonctions n'étant sujettes à révocation que sous bon
'plaisir, il aurait le temps de faire les études requises et
'd'acquérir une expérience absolument nécessaire. Ces
'raisons m'ont aidé, ajoutait-il, à rétablir la charge de
'surintendant complètement séparée de la politique et
'je me propose de soumettre au prochain parlement une
'loi à cette effet". ^
La Minerve, l'organe du parti conservateur, approu-
va dans les termes suivants le projet de loi du gouverne-
ment: "Nous croyons que l'on a bien fait d'abolir le
ministère de l'Instruction publique. Depuis la confédéra-
tion, ce département a toujours été confié au premier
ministre, et il peut se faire que ses occupations absorbent
tellement son temps qu'il ne puisse surveiller son départe-
ment comme il le voudrait et introduire dans le système
d'éducation les réformes nécessaires. Avec un Surin-
tendant nommé à vie et un conseil permanent, l'on serait
certainement plus certain d'avoir de l'esprit de suite dans
le système, car, sous le régime actuel, tout ministre nou-
veau pourrait porter la main sur les réformes de son pré-
décesseur et leur substituer de nouveaux changements. ^
Dans le projet de loi qui fut présenté, il y avait deux
modifications principales de proposées: la réorganisation
du conseil qui serait composé d'éléments nouveaux et le
remplacement du ministre de l'Instruction publique par
^ Journal de V Instruction pvblique de 1876, p. 69.
^ La Minerve du 2 décembre 1875.
— 71 —
un ofl&cier permanent nommé smintendant de l'Instruc-
tion publique.
Les évêques, administrateurs des. diocèses que ren-
fermait la province civile, devenaient dejicoijt membres
du Conseil. Comme ils étaient à cette époque au nombre
de sept, la loi leur adjoignit quatorze laïques, sept catholi-
ques et sept protestants dont la nomination relevait du
gouvernement. De la sorte, l'élément ecclésiastique
forma un tiers, l'autre élément, les deux tiers du conseil,
et adyenant l'augmentation du nombre des évêques par
l'érection de nouveaux diocèces, le nombre des laïcs de
chaque dénomination religieuse devait s'accroître dans
la même proportion.
Dans la nouvelle organisation, les deux comités sco-
laires, catholique et protestant, qui existaient en vertu
de la loi précédente, furent maintenus et conservèrent le
pouvoir de régler séparément les questions éducationnelles
qui concernaient les intérêts de leurs coreligionnaires.
Il avait été question, il est vrai, de la création de
deux conseils de l'Instruction publique, l'un cathoUque
et l'autre protestant, mais plusieurs protestants de l'an-
cien conseil firent des efforts auprès de M. de Boucher-
ville pour qu'il n'y eût, sous la nouvelle loi, qu'un conseil,
car les anglicans redoutaient, paraît-il, l'action et l'in-
fluence des dissidents {sectarians) et préféraient, rester
imis aux catholiques. ^
D'autre part, le Surintendant, nommé par arrêté
ministériel, eut sous son contrôle toute la partie adminis-
trative du rouage scolaire et la loi lui conféra les pouvoirs
nécessaires à l'accompUssement des fonctions d'un chef d»
département. Indépendant dans une certaine mesure
^ Nous tenons ce dernier renseignement d'une personne qui fut^^à
même de connaître ce qui se passa alors.
— 72 —
du gouvernement, il devait, dans l'exercice de ses attri-
butions, se conformer aux directions soit du conseil, soit
de l'un et de l'autre des comités. D'après la loi nouvelle,
il djBvint président du conseil et membre des deux comités,
mais il n'eut le droit de vote que dans le comité représen-
tant sa confession religieuse.
Entre autres devoirs, il eut celui de préparer annuelle-
ment, d'après les directions du conseil ou des comités, un
état détaillé des sommes requises pour les besoins de l'ins-
truction, et de le soumettre au gouvernement. Cela
indique bien l'intention qu'avait le législateur de sous-
traire autant que possible l'administration des fonds
scolaires à l'influence et aux exigences des partis politiques.
La présence des représentants de l'épiscopat dans le
conseil suprême ne pouvait que jeter de l'éclat sur ce corps
auguste dont les fonctions ne le cèdent en importance qu'à
celTes de la législature, car, outre leur science et leurs
qualités personnelles, les évêques sont pour la plupart,
sinon tous, d'anciens professeurs de collèges ou d'univer-
sités, et connaissent à fond les questions d'éducation.
En parcourant la liste des noms des laïcs qui ont été
membres du conseil depuis sa création, on voit que les
personnes choisies furent des hommes distingués par leur
savoir, leur expérience de la vie pratique et lem* position
sociale. Il en devait être ainsi, car il importe que le
conseil renferme dans son sein les représentants des divers
groupements de la société. N'étant pas un comité
d'études propre;nent dit, il ne saurait se recruter exclusive-
ment dans le professorat, car, indépendamment de son
caractère pédagogique, sa mission embrasse un horizon
beaucoup plus large que la sphère ordinaire d'action de
l'institutem'. La surveillance et la protection de l'éduca-
tion nationale, c'est une tâche qui requiert des connais-
sances étendues; aussi on a fort judicieusement placé au
— 73 —
sommet du régime scolaire les membres de la société
religieuse et de la société civile, car il est de très grande
importance que les représentants de l'Église et de l'État
puissent donner leur avis sur la marche et la direction des
études dans les établissements où l'on prépare à leur car-
rière les futurs industriels et les futurs agriculteurs, de
même que les membres des professions libérales et du
commerce. D'ailleurs, c'est au sein de cette assemblée
d'élite que s'élaborent la législation et tous les décrets
relatifs à l'enseignement, et l'on ne saurait assez dire de
combien de conditions et de points de vue divers il faut
tenir compte pour que les actes du conseil soient toujours
conformes non seulement à la jurisprudence du pays,
mais aussi aux meilleures dictées de la prudence et de la
sagesse.
Le système inauguré en 1875 par le gouvernement
Boucherville compte maintenant plus de quarante ans
d'existence; on peut dire qu'il a subi l'épreuve du temps et
qu'il a produit des effets bienfaisants, surtout en mainte-
nant entre les éléments de race française et les éléments de
race anglaise de la province une concorde et une tranquilité
dont n'ont pu jouir au même degré les autres états de la
confédération. Disons-le hautement et avec une légitime
fierté; depuis 1867> il n'y a pas eu dans la province de
Québec de "question scolaire" capable d'irriter ^es es-
prits, d'engendrer des discussions acerbes ou de provoquer
des mécontentements chez le peuple, car, dans cette or-
ganisation de notre système d'éducation, une sage pré-
voyance des dangers de l'avenir, un grand sentiment
de justice et le respect de la constitution du pays ont
été de toute évidence les véritables mobiles du législatem*.
Cette organisation scolaire particuHère dont on ne
trouve pas d'exemple dans nos provinces sœurs, ni même
ailleurs, a frappé les penseurs des autres pays. Ils s'é-
— 74 —
tonnent du grand sens pratique dont Québec a donné
l'exemple en respectant, par de sages mesures, les croyan-
ces religieuses des individus, en évitant, par cette manière
de procéder, les conflits de religion et de nationalité.
C'est ainsi que M. André Siegfried, écrivain de France
très bien renseigné sur le Canada, a rendu hommage à
notre politique scolaire, malgré ses sympathies pour l'om-
nipotence de l'État en matière d'enseignement. "Au
"point de vue, écrit-il, des rapports entre les deux races et
"les deux confessions reUgieuses, la politique scolaire de
"Québec a donné les meilleurs résultats; les écoles, dif-
"férentes naissent, vivent, se développent côte à côte
"sans que des disputes ou des conflits soient à craindre,
"parce qu'il n'y a pas le moindre contact. C'est exacte-
"ment la situation de deux peuples étrangers séparés par
"une frontière et ayant entre eux le moins de relations
"possibles; à ce prix la paix règne à l'école." ^
Notre province a donc lieu de se féliciter d'avoir pu
réaliser ce remarquable équilibre. Et à ce caractère dis-
tinctif de notre loi, ajoutons l'orientation que le comité
catholique, pour ne citer que lui, a su donner, au point
de vue des vrais principes, au développement de nos mai-
sons d'éducation et qui les a efficacement protégées
contre la diffusion des erreurs modernes non moins que
contre le pouvoir excessif que s'attribuerait l'État sur
l'instruction de la jeunesse. Il est vrai que de temps à
autre quelques adeptes de la libre pensée se font furtive ^
ment les propagateurs de principes qui peuvent conduire
à l'école neutre, à l'école sans Dieu, mais, refoulés promp-
tement dans leurs retranchements, ils se dérobent et se
cachent dans la pénombre de leurs arrière-pensées. Sou-
haitons que nos hommes poUtiques, imbus des enseigne-
^ Le Canada. Les deux racesj A.'Siegfried, p. 90.
— 75 —
ments du Christianisme, sachent toujours maintenir dans
les limites de ses attributions le pouvoir civil qui ne sau-
rait légitimement forcer le père de famille à faire donner
à ses enfants une instruction opposée à ses croyances
religieuses. Les gouvernements existent non pour fa-
voriser, en matière de religion, les opinions personnelles
de ceux qui détiennent momentanément les rênes de Tad-
ministration, mais poiu* protéger la liberté du citoyen et
lui assurer les moyens de suivre en tout, les dictées de sa
conscience.
Comme Ta écrit le cardinal Cavagnis: "La société
"n'est point faite pour absorber les individus, mais pour
"les aider et les protéger, les suppléant là où ils sont
"impuissants.''
Monseigneur Dupanloup avait dit avant lui: "Il faut
"bien se garder de substituer l'État aux droits, aux devoirs,
"aux forces individuelles, et s'il y a péril à déclarer que
"l'état n'a aucun devoir, le danger est non moins grand
"à étendre outre mesure ses devoirs, car, en substituant
"ainsi les devoirs de l'état à ceux de l'individu et de la
"famille, on arriverait infailliblement à éteindre les forces
"véritables du pays."
Il nous semble à propos de raconter ici un fait his-
torique qui se passa dans le Bas-Canada cinquante ans
avant la loi Boucherville. On sait qu'en 1801 la légis-
lature avait adopté une loi pour l'établissement et la tenue
d'écoles élémentaires. Ces écoles étaient placées sous
la diriBction de l'Institution royale, corporation à laquelle
on avait accordé des pouvoirs assez étendus.
Quoique la population du pays fût en très grande
majorité canadienne française et catholique, on fit de
l'Institution royale une institution anglaise et protes-
tante. Les membres poussèrent leurs idées de fanatisme
jusqu'au point de charger des ministres protestants, ou
— 76 —
des jeunes gens qui se préparaient à le devenir, d'aller
établir des écoles dans les centres catholiques, avec l'idée
d'angliciser et de convertir au protestantisme le peuple
des campagnes. Ils ne tintent même pas compte du
fait que les enfants canadiens-français ne comprenaient
pas un mot d'anglais.
Quoique le piège eût été habilement tendu, les ca-
tholiques ne furent pas lents à le découvrir et ils refusèrent
péremptoirement d'envoyer leurs enfants aux écoles de
l'Institution royale. La loi de 1801 ayant entravé con-
sidérablement l'instruction au lieu de favoriser son dé-
veloppement, le parlement passa, en 1820, une loi équi-
table pour les deux confessions religieuses et telle que le
clergé catholique désirait depuis longtemps l'obtenir.
Le gouvernem* général, lord Dalhousie, jugea toutefois
à propos de la réserver à la sanction royale, et monseigneur
Plessis, qui était alors en Angleterre, fit des démarches
pour engager les membres du cabinet Anglais à recom-
mander cette loi à sa Majesté; mais ses efforts furent
inutiles et la loi ne fut pas sanctionnée. ^
Le parlement canadien ayant toutefois à cœm' la
diffusion dans les campagnes d'une instruction conforme
à la foi religieuse de la presque totalité de la population^
adopta de nouveau la même loi, et lord Dalhousie, en
s'abstenant une deuxième fois de lui donner sa sanction
royale, la recommanda néanmoins à la bienveillance du
souverain. De son côté monseigneur Plessis, ce mentor
du peuple canadien, écrivit au ministre des colonies, lord
Bathurst, lui disant: ''Je craindrais, mylord, manquer
à ce que je dois à ma place et à mon pays, si je ne faisais
connaître à votre Seigneurie combien les sujets catholiques
de cette province désirent ardemment qu'il plaise à sa
* Le Foyer Canadien. Vol. I, p. 280.
— 77 —
Majesté de sanctionner ce hill; car, quoiqu'il soit dressé
dans des termes qui doivent accommoder toutes les per-
suasions religieuses, il intéresse néanmoins plus spéciale-
ment les catholiques comme n'ayant eu jusqu'à ce jour
aucTin encouragement pour les écoles de campagne,
parce que celles qui s'établirent en vertu d'un autre acte,
savoir celui de la 41e année du règne de sa défunte Ma-
jesté, ne s'accordent pas avec leurs principes et ne peuvent
nullement leur convenir. Le seul délai apporté par le
gouvernement à là sanction du dernier a suffi pour alarmer
ce bon peuple. Déjà l'on projetait des pétitions au roi
dans les dififérentes parties de la province; je ne suis par-
venu à rassurer les esprits, qu'en répétant ce que lord '
Dalhousie m'avait fait l'honneur de me dire . . . qu'il
se flattait de voir bientôt ce bill revenir d'Angleterre! . . . "
Les pressantes recommandations de Mgr Plessis
n'eurent aucun effet. Lord Bathurst lui répondit que
Sa Majesté croyait nécessaire aux intérêts généraux de la
colonie de différer la considération du projet de loi dont
il s'agit jusqu'à ce que l'assemblée du Bas-Canada eût
adopté les propositions que le gouverneur avait reçu ordre
de lui somnettre.
Les projets de loi auquel le ministre des colonies
faisait allusion se rapportaient à la question des subsides
et au vote de la hste civile pour la durée de la vie du roi.
Cette épineuse et navrante question de l'instruction
resta donc sans solution immédiate. Toutefois, lord
Dalhousie constatant l'insuccès manifeste des tentatives
destinées à faire accepter par le peuple la loi de 1801, et •
désirant remédier à ce regrettable état de choses, songea
à doter le pays de deux Institutions royales entièrement
séparées, l'une cathoUque, l'autre protestante, et en 1824,
il rédigea un projet de loi destiné à établir cette réforme.
L'évêque de Québec qui avait naturellement à cœur de
— 78 —
faire cesser les maux dont souflFraient ses ouailles, sVm-
pressa de remercier Son Excellence et de la complimenter
sur l'initiative qu'elle avait prise.-
Mgr Plessis étant mort en décembre 1825, le gouver-
neur reprit la correspondance avec le nouvel évêque Mgr
Panet qui lui témoigna aussitôt les mêmes sentiments
de gratitude que son prédécesseur et se déclara prêt à
accueillir une organisation scolaire qui sauvegardait les
intérêts des deux dénominations religieuses. ^
Lord Bathurst, ayant été au préalable consulté par
lord Dalhousie, se déclara opposé à la formation de deux
, Institutions royales, mais admit l'à-propos de partager
celle qui avait été créée en deux bureaux, Tun catholique,
Tautre protestant.
Ces poiuparlers entre le représentant du roi, de
révêque et de T Institution royale ne manquèrent pas de
parvenir à la connaissance du public, car la Gazette de
Québec exposa en termes fort bienveillants la nature du
projet. ^ "Il est aussi satisfaisant pour nous, disait-elle,
qu'il le sera, nous en sommes persuadé pour nos lecteurs
en général, d'apprendre qu'il y a un arrangement en train
de réussir pour faire entrer la population catholique ro-
maine en participation des avantages de l'acte de 1801
relatif aux écoles. Cet acte avait été rendu dans l'origine
en faveur de l'éducation des catholiques romains aussi
bien que des protestants, mais, à cet égard, il a été frustré,
conmie on le sait bien par des scrupules de conscience qui
ont engagé le clergé de l'église romaine à refuser son appui
et son application aux écoles établies sous la surveillance
de l'Institution royale". . . .
1 Archives de Tarchevêché de Québec. Lettre du 21 mars 1826.
^ La Gazette de Québec publiée par autorité, décembre 1826.
— 79 —
Après avoir dit que rarrangement proposé avait pour
base la formation, sous la direction de l'Institution royale,
de deux bureaux qui auraient la surveillance des écoles
de leur confession religieuse respective, la Gazette ajoutait:
"on nous donne à entendre que cette proposition est haute-
ment approuvée de plusiem^s personnes des plus influentes
de la conmiunauté catholique romaine et qu'elle a été
acceptée par le vénérable chef actuel de cette église dans
la province. Si l'arrangement se complète et s'exécute
dans cet esprit de franchise et de Ubéralité qui en a marqué
le commencement, nous l'accueillons avec joie connue
ouvrant une porte à l'agréable perspective d'une coopéra-
tion et plus cordiale et plus efficace (au dedans des limites
que nous avions tracées) quHl n'y en a eu jusqu'ici entre
les deux églises dans la grande œuvre d'une éducation gé-
nérale." ...
Au reste, la question elle-même fut soumise au parle-
ment. Le 13 janvier 1827 le gouverneur envoya à l'as-
semblée législative un message pour l'informer qu'un ar-
rangement allait être mis immédiatement à exécution
avec la coopération de l'évêque et du clergé de l'Église
cathohque romaine, à l'effet de former dans l'Institution
royale un comité séparé pour le règlement et la surveil-
lance exclusive des écoles catholiques romaines sous l'acte
de 1801."
En approuvant lord Bathm^t sm* la fondation de
deux comités, Mgr Panet exprima à lord Dalhousie la
vive satisfaction que lui causait cette réforme et la per-
suasion où il était que les vues des directeurs de l'Institu-
tion royale étaient d'accord avec les siennes. Pour fa-
ciUter l'entente, il demanda des renseignements sur la
formation du comité catholique, sa composition et ses
rapports avec l'institution existante. Celle-ci n'hésita
pas à faire connaître ses intentions en déclarant que le
— 80 —
bureau qu'il s'agissait d'établir serait composé d'autant
de membres catholiques que de membres protestants,
que chaque comité aurait le pouvoir exclusif d'adopter
des règlements pour la régie des écoles de sa foi religieuse
et de recommander au gouverneur, la nomination des
instituteurs qui dépendraient de lui. Les biens donnés
ou légués pour le soutien des écoles catholiques ne pour-
raient être non plus détournés de leur destination. Puis
la corporation émit l'opinion qu'elle ne voyait pas la né-
cessité d'amender la loi de 1801.
Dans un mémoire du 5 octobre 1826, adressé au gou-
verneur, l'Institution royale proposa que le comité ca-
tholique fut composé de onze membres. Cette proposi-
tion ayant été agréée, Mgr i^^net présenta à l'approba-
tion du gouvernement les noms des personnes suivantes
comme membres ex offido du bureau; l'évêque catholique
de Québec, le coadjuteur de l'évêque, l'orateur de l'As-
semblée législative (pourvu qu'il fût cathoUque), le su-
périeur du séminaire de Québec, le curé de Québec, le
plus ancien membre du séminaire de Québec, et, coname
membres élus: l'honorable Chaussegros de Lery, l'ho-
norable James Cuthbert, MM. Jean-Thomas Taschereau,
Louis Montizambert, Joseph-Remi Vallières de St-Réal,
et, comme secrétaire du comité, l'abbé N.-C. Fortier.
Les propositions de Mgr Panet furent transmises
à l'Institution royale qui un peu plus tard se plaignit à
lord Dalhousie du trop grand nombre de membres
ex offido désignés par Mgr Panet. Elle soiunit en même
temps une liste des personnes qu'elle proposa pour faire
partie du comité catholique et qui étaient l'évêque catho-
Uque de Québec ex-offixyiOj Mgr Signay, coadjuteur, le
supérieur du séminaire de Québec ex-offixio, les honorables
C. Chaussegros de Lery et James Cuthbert. ^
1 Lrettre du 15 décembre 1827-
— 81 —
Lorsqu'il fut infonné de cette attitude de Tlnstitu-
tion royale, Févêque de Québec s'empressa d'exprimer
la surprise où il était de voir que l'Institution royale
voulut revenir sur ses pas et rejeter le mode de nomina-
tion qu'elle avait elle-même proposée. Sa Grandeur in-
formait donc son Excellence que la proposition de dimi-
nuer le nombre des membres du comité catholique,
conmae aussi celui des membres eoo-officio et avec l'assenti-
ment du gouverneur, ne pourrait recevoir l'approbation
du clergé et de la population catholique de la province.
Mgr Panet ajouta qu'il était essentiel que le comité en
question fût organisé à la fois pour le temps actuel et en
prévision de l'avenir et que son opposition au changement
dont il était question était imposée par son devoir et sa
conscience. ^
Lord Dalhousie ayant quitté peu après le Canada
pour retomner en Angleterre, sir James Kempt devint
administrateur de la province. En réponse à une com-
munication que lui avait adressée le nouveau chef du pays,
Mgr Panet lui donna l'assurance de la disposition où il
était de seconder ses efforts et lui exprima l'avis qu'il
serait sage de soiunettre les arrangements proposés à la
législature elle-même qui prendrait les moyens de lever
toute difficulté.
Sir James Kempt trouva sans doute que le conseil
était bon, puisque, le 27 janvier 1829, il transmit à l'as-
semblée législative un message où il lui exprimait son
regret de ce qu'il n'eût pas été possible de former un co-
mité distinct qui aurait charge de l'organisation et de
l'administration des écoles catholiques. La législation
n'autorisant pas le gouvernem' à augmenter comme cela
1 Lettre du 3 mai 1828 à lord Dalhousie — Archives de rarchevêché
de Québec.
— 82 —
était nécessaire le nombre des membres du comité des
syndics, il pria la chambre d'amender la loi de manière
à donner ce pouvoir au gouverneur. Cependant les choses
en restèrent là et la correspondance prit fin entre le re-»
présentant du roi et Tévêque de Québec.
Nous nous sommes attardé à raconter les détails de
négociations qui n'entrent pas nécessairement dans le
cadre que nous nous sommes tracé. Si nous avons cru
devoir mentionner cette lutte prolongée entre le clergé
catholique et les protecteurs de l'Institution royale, ce
n'est pas seulement à cause de son importance intrinsèque
et des conséquences heureuses qui auraient pu résulter
d'une entente complète, mais c'est aussi beaucoup parce
qu'il y a tant de similitude entre le projet du ministre
des colonies et la loi Boucherville et pour signaler enfin
combien profondément au cours du XIXe siècle on a vu
en Angleterre se modifier les idées que l'on avait sur les
questions religieubes. En effet, si l'on se reporte aux
événements politiques qui se déroulèrent dans ces temps
de trouble, il n'y a pas lieu de trop s'étonner que les com-
patriotes canadiens des représentants de l'autorité royale
aient tenu une conduite injuste et vexatoire à l'égard de la
population catholique et française et que les sympathies
du gouvernement royal se soient portées vers eux. La
haine séculaire de la Grande-Bretagne contre l'ÉgHse de
Rome avait encore beaucoup d'intensité; l'Irlande, à
cause de sa foi religieuse subissait le joug de la tyrannie
et il ne fallut rien moins que la puissante et irrésistible
parole d'O'Connell, ses combats retentissants, la grandeur
de sa cause et finalement, son triomphe électoral dans
Clare pour inspirer aux chefs politiques de très fortes in-
quiétudes et vaincre enfin la résistance opiniâtre de sir
Robert Peel et du duc de WeUington, et le mauvais vou-
loir du souverain. Au bill d'émancipation de 1829 erv
— 83 —
*
I faveur des catholiques devait heureusement succéder une
ère d'adoucissement; Tautorité de Wiseman, la conver-
sion de Newman, le rétablissement de la hiérarchie ro-
maine eurent pour effet d'apaiser et d'étemdre des mé-
fiances imméritées et d'ouvrir l'âme anglaise à des senti-
ments moins âpres et plus justes à l'égard de l'Église ca-
tholique.
Cette mentalité nouvelle qui se développait en An-
gleterre ne pouvait avoir qu'une heureuse influence sur
les relations des catholiques du Canada avec le cabinet
anglais et avec les anglo-saxons qui venaient s'établir
dans notre pays. Puis, l'union du Haut et du Bas-Ca-
nada, en mettant en rapport les chefs politiques des deux
races contribua à élargir les idées malgré les vivacités des
luttes de parti et à -développer envers les Canadiens-
français, dans le cœur dTionunes conrnie Robert Baldwin
et John McDonald, .des sentiments de sympathie qui leur
furent d'un puissant secours dans la revendication des
Ubertés politiques et pour l'établissement du gouverne-
,ment responsable. La province de Québec, devenue
comme autonome par la constitution de 1867, put se mou-
voir plus à l'aise et dans ses relations avec la minorité
protestante, donner la mesure de son esprit de justice
et de ce fair play britannique qu'elle ne fait pas seulement
que proclamer, mais qu'elle exerce par principe et par
générosité de cœur.
— 86 —
James Femer et M. J. W. Dawson, comme représentants
de Télément protestant.
Le nouveau conseil tint sa première réunion le 22
mars 1876 sous la présidence du surintendant, M.
Ouimet, et recommanda tout d'abord la nomination du Dr
Louis Giard et du Dr Henry Miles comme secrétaires.
Une des premières occupations du Conseil fut la
prise en considération des rapports des inspecteurs d'écoles
catholiques sur la visite des écoles primaires supérieures
qu'ils avaient été chargés de faire. Comme il avait été
constaté par ces rapports, que nombre de ces maisons
d'éducation n'atteignaient pas le degré d'efficacité qu'il
fallait, le conseil les menaça de les priver de la subvention
qu'elles recevaient chaque année. Il décida même de
supprimer à l'égard de certaines écoles du degré intermé-
diaire la subvention de l'année courante ou du moins de
la retenir jusqu'à ce que le département de l'Instruction
publique eût obtenu des directem^ de ces institutions
quelque garantie d'amélioration prochaine. Il est juste
d'ajouter qu'au procès-verbal des délibérations on in-
séra la remarque que les inspecteurs, dans leur rapport,
avaient décerné des éloges tout particuliers aux académies
et aux écoles modèles tenues ou dirigées par les communau-
tés religieuses ou par d'anciens élèves laïques des écoles
normales.
Dans les séances qui suivirent, les associations d'ins-
tituteurs des circonscriptions des écoles normales Jacques-
Cartier et Laval présentèrent une requête pour se plaindre
de la manière irrégulière dont se faisait aux instituteurs
le paiement de leur traitement. On discuta aussi fort
opportunément la question de savoir si les deux comités
catholique et protestant devaient faire rapport au conseil
de lem^ délibérations concernant les écoles qui, suivant
leur dénomination religieuse, dépendaient de chacun
— 87 —
d'eux. Comme on sait, la loi stipule que les questions
relatives à Porganisation et à la discipline des écoles
confessionnelles sont de la juridiction de Tune ou de l'au-
tre section du Conseil;^ or, celui-ci exprima l'avis que
chaque comité avait plein pouvoir de décider de toutes
les matières qui sont de son ressort, et, de cette manière
de voir, deux résultats importants découlèrent aussitôt.
Le premier, ce fut qu'on laissât à chaque comité tout ce
qui concernait l'éducation même des enfants de sa dé-
nomination religieuse dans sa sphère d'action, et le second,
de n'obliger qu'à de très rares intervalles et dans des cir-
constances tout à fait spéciales de tenir des réunions
plénières des membres du conseil. C'est ainsi que quatre
années s'écoulèrent par exemple entre la troisième et la
quatrième session du conseil. Cette dernière réunion
plénière qui eut lieu en 1880 avait pour but l'examen
d'un projet de loi relatif à l'instruction primaire. L'étude
de ce projet de loi fut renvoyée aux comités, mais sans
que l'on précisât la date où l'on en ferait l'examen.
Ce ne fut que huit années plus tard que le conseil
se réimit en une nouvelle assemblée plénière, et cela à la
demande de M. Mercier, alors premier ministre de la
province, pour discuter certains projets de modification
à la loi d'éducation que les comités avaient préparés sous
l'inspiration du Surintendant.
Au cours des déUbérations où l'on étudia ces divers
projets, il s'éleva un malentendu fort regrettable entre
les membres catholiques et les membres protestants du
Conseil. 2 Le Dr Henneker avait proposé d'insérer
dans la^loi un amendement par lequel, lors de l'imposition
par les commissaires d'école de taxes sur les biens immeu-
1 Statut 39. Vict. Chap. 15. Sec. 16.
^ Séance de mai 1889.
— 88 -
blés des corporations et des compagnies légalement cons-
tituées, ces institutions seraient obligées de déposer au
bureau de la conunission scolaire une déclaration indi-
quant si les membres ou les actionnaires de ces compa-
gnies étaient tous catholiques ou tous protestants ou les
uns catholiques, les autres protestants. Les membres
de la section catholique s'opposèrent à cette proposition,
et son Éminence le cardinal Taschereau déclara que
si on en pressait Tadoption, il demanderait aussitôt que
la distribution des fonds par la législature pour les fins
de rinstruction générale se fît conformément à la popula-
tion des catholiques et des protestants dans la province,
car, ajoutait-il, la répartition existante accorde aux pro-
testants un tiers des fonds à distribuer, tandis que la ré-
partition, établie d'après la population, réduisait ce chiffre
à un septième. ^
Cette énergique attitude eut poxir effet de faire re-
tirer la proposition du Dr Henneker, et la motion suivante
de son Éminence le cardinal appuyée par le juge Jette
fut adoptée et inscrite au procès-verbal:
'^11 n'e»t pas expédient que des amendements soient
'^faits à la loi de Tlnstruction publique concernant les
''rapports mutuels des deux comités du Conseil, ni concer-
''nant la perception et la distribution des sommes fournies
''par le gouvernement ou prélevées en vertu de cette
"loi.'' Le Dr Henneker s'opposa à l'adoption du procès-
verbal tel que préparé par M. Paul de Cazes, l'un des deux
secrétaires, et proposa de le remplacer par une nouvelle
rédaction préparée par M. Elson J. Rexford et différente
de l'autre. Il prétendit, à l'appui de sa proposition, que
la motion sous la forme que lui avait donnée le secrétaire
^ D'aprèri le recensement de 1911, la population de la province de
Québec est de 2,003,232, — dont 1,724,683 catholiques, — ce qui réduit
à un huitième le chiffre de la répartition.
— 89 —
français manquait d'exactitude et, que, comme question
de fait, elle n'avait pas été adoptée. Cette motion avait
été proposée, dit-il, non à la première séance, mais le
second j our de la séance du Conseil et aussi, bien qu'on ne
l'eût pas expressément déclaré, comme sous-amendement
à l'amendement du Dr Henneker concernant la perception
et la distribution des fonds affectés à l'Instruction publi-
que.
A cette demande de substitution de procès verbal
■
répondit aussitôt un nouveau sous amendement rédigé
suivant les vues des membres catholiques et, comme on
se l'imagine bien, le différend n'en devint que plus aigu.
Alors le juge Jette, en présence de l'attitude prise par M.
Henneker, pensa qu'il convenait d'exposer les faits dans
le procès-verbal, quoiqu'il eût été entendu qu'ils ne de-
vaient pas l'être, et proposa donc de modifier en ce sens
le procès-verbal. Il était dit dans cette motion que le
Conseil ayant pris en considération certains changements
à faire à la loi scolaire et qu'une discussion s'étant élevée
au sujet de l'amendement Henneker, le cardinal Tasche-
reau déclara que dans le cas où cet amendement serait
proposé, il présenterait lui-même l'amendement dont nous
avons parlé. La mise aux voix de la proposition du juge
Jette donna le résultat suivant. Pom* l'amendement: son
Êminence le cardinal Taschereau, Mgr l'archevêque de
Montréal, Mgr l'archevêque d'Ottawa, les évêques des
Trois-Rivières, de Rimouski, de Sherbrooke, de Saint-
Hyacinthe, de Nicolet, le vicaire apostolique de Pontiac,
les honorables sir N.-F. Belleau, P.-J.-O. Chauveau,
Jette, H. Mercier et P.-S. Miu'phy, 14. Contre l'amende-
ment : sir W. Dawson, Dr Henneker, le révérend archi-
diacre Lindsay et M. G.-L. Martin, 4.
Mgr l'évêque de Chicoutimi, MM. L.-R. Masson,
Fr. LangeUer, Eug. Crépeau, Henry Gray, le Dr Shaw,
— 90 —
le Dr Camerôn, et M. W. Kneeland s'abstinrent de voter
parce qu'ils n'avaient pas assisté à la séance précédente.
~ A la suite de cette séance, le comité protestant dé-
sireux d'expliquer et de maintenir la position que ses
membres avaient prise sur ce différend, adressa au pre-
mier ministre un mémoire où était exposée l'affaire telle
qu'il l'avait entendue et reçut, en réponse à sa demande,
la lettre suivante adressée au secrétaire anglais M. Rex-
ford.
Québec, 10 décembre 1888
Cher Monsieur,
J'ai l'honneur d'accuser réception de votre mémoire
du 29 du mois dernier contenant un extrait certifié du
procès-verbal de la séance du comité protestant, tenue
le 28 du mois dernier et rendant compte de la déci-
sion prise par ce comité concernant les questions soule-
vées dans une lettre du 27 du même mois.
"Je regrette d'apprendre qu'il semble y avoir mé-
prise relativement à la motion de son Éminence le car-
dinal Taschereau consignée comme si elle eût été votée
unanimement à la séance du 18 avril du conseil de l'Ins-
truction publique.
''Aussitôt que je l'ai pu, après réception de votre com-
munication, j'ai enyoyé chercher le registre dès déUbéra-
tions du Conseil et, à la suite d'un examen minutieux,
j'ai constaté que cette résolution était dûment inscrite;
que le Kvre était signé par l'honorable Ouimet, président,
et par M. Paul de Cazes, secrétaire, et je fus informé que
ces signatures avaient été apposées à cette date. On
m'a fait voir le manuscrit original même du Cardinal,
de plus, j'ai vu son Éminence qui m'a déclaré ''être posi-
— 91 —
tif à affirmer Tex^iCtitude du procès-verbal tel que con-
signé aux archives.
"Dans ces circonstances, avec le respect dû aux
membres de votre comité et à vous-même, je dois consi-
dérer comme exact le compte rendu écrit.
"J'ai l'espoir que Ton considérera cet incident comme
clos et que les rapports de courtoisie et d'amitié qui ont
toujours existé entre les deux comités continueront
comme par le passé.
Sincèrement à vous,
(Signé :) Honoré Mercikr.
Le Rév. Elson J. Rexford,
Secrétaire du comité protestant du
Conseil de VInstruction publique.
Ce ne fut que huit années après l'incident que nous
venons de rappeler que le Conseil se réimit de nouveau,
cette fois sous la présidence de l'honorable M. Boucher
de La Bruère qui le 5 avril 1895, avait remplacé M.
Ouimet comme Sm'intendant. La réunion eut lieu à
l'occasion d'une loi que le gouvernement, dont M. Flynn
était le chef, venait de faire adopter par la législature pour
favoriser" le développement de l'instruction dans les mu-
nicipaUtés pauvres, aider les écoles étabUes dans les villes
pour l'avantage des classes ouvières des villes et améUorer
la condition des instituteurs. Par cette loi bienfaisante,
le gouvernement était autorisé à disposer d'un million
cinq cents mille acres de terre dont la vente pouvait per-
mettre de former un capital, suffisant pour donner un
revenu annuel de soixante mille piastres. En attendant
que le capital se trouvât formé, la loi prévoyait poiu*
chaque année une allocation de cinquante mille piastres
— 92 —
que le surintendant emploierait d'après les instructions
(ïu'il recevrait du gouvernement.
Certains amis de l'administration, particuUèrement
du conseil législatif, ne purent approuver cette disposition
du projet de loi qui avait pour effet de restreindre les at-
tributions du Conseil de l'Instruction publique. A leur
avis, il aurait été plus conforme à Tesprit de notre légis-
lation scolaire de confier la distribution du nouveau fonds
aux comités catholique et protestant plutôt qu'à l'exé-
cutif, car leur expérience du passé leur faisait bien prévoir
que les influences politiques pourraient, en certaines cir-
constances, s'exercer au détriment des véritables intérêts
de l'instruction primaire. Dans la chambre haute, le
gouvernement donna l'assurance qu'il laisserait à la dis-
crétion des comités la répartition des cinquante mille
piastres, mais il ne changea pa^ la rédaction du projet
de loi, et plusieurs le regrettèrent.
Après la session de la législature, le ministère tenant
compte des craintes et des regrets qui avaient été exprimés,
informa le Surintendant de son intention de ne pas donner
effet à la loi nouvelle avant que le Conseil de l'Instruction
ne lui eût fait connaître ses vues à ce sujet.
Le conseil se réunit en février 1897. Sur proposition
du révérend M. Dunn et du juge Jette, il lui exprima son
désir de voir le gouvernement laisser aux deux comités
le soin de disposer des cinquante mille piastres pour les
distribuer proportionnellement au chiffre de la population
catholique et protestante. Sur vingt-cinq membres pré-
sents à la séance, il n'y eut qu'une voix dissidente, celle
du juge François Langelier qui voulut s'en tenir à la
lettre de la loi, étant d'opinion qu'il valait mieux que la
distribution de la somme fût faite non par le Conseil, mais
par le Surintendant conformément aux instructions du
gouvernement. La motion Dunn fut adoptée par un vote
— 93 —
de vingt-quatre membres contre mi, et cette quasi-unani-
mité montre combien l'on était convaincu de la nécessité
qu'il y a d'établir une parfaite séparation entre la politiqije
et l'Instruction publique.
Dans un chapitre subséquent nous verrons que le
cabinet Fljom avait déjà affecté pour les fins recom-
mandées par les comités une somme de $27 000 sur le fonds
de $50 000, lorsqu'il prit im arrêté ministériel décrétant
que la balance de $23 000 qui restait de l'allocation
totale serait placée au crédit du Conseil pour les besoins
ultérieurs des écoles. ^
Étant donné le revenu plutôt restreint, dont il pou-
vait disposer et aussi les embarras financiers de l'époque,
le gouvernement s'était trouvé jusqu'alors dans l'impos-
sibilité de subventionner largement les œuvres scolaires
et de récompenser d'une manière convenable les mérites
de ceux qui se dévouaient à l'instruction de la jeunesse.
Cet accroissement de subsides, sans être très considérable
le fut assez cependant, eu égard aux circonstances, pour
donner au progrès de l'éducation une impulsion nouvelle
dont les bons effets se manifestèrent presque immédiate-
ment. On peut même dire que la loi Flynn a été comme
la source d'où jaillit l'activité qui n'a cessé depuis de se
manifester dans le domaine de notre régime scolaire et
qui s'augmente même en proportion des sommes inscrites
au budget, chaque année, par la législature.
Peu de semaines après l'initiative dont nous venons
de parler, le ministère conservateur ayant été défait aux
élections générales et remplacé par le cabinet de M.
Marchand, celui-ci annula aussitôt le décret du gouverne-
ment précédent pour remettre sous son contrôle la dis-
tribution des deniers provenant du fonds créé par M.
* Arrêté ministériel du 20 mai 1897.
— 94 —
Flynn. Ainsi triompha Topinion de M. LangeUèr à
rencontre du désir officiellement exprimé par les autres
miembres du Conseil. ^
Incontestablement cette action du gouvernement
Marchand répondait bien aux idées de la nouvelle ad-
ministration, car quelques hommes politiques n'aiment
guère laisser aux deux comités le rôle de répartiteur des
fonds scolaires. Plutôt favorables à rétablissement d'un
ministère de l'Instruction publique qu'au maintien du
présent système administratif, ils cherchèrent à restrein-
dre la sphère d'action du Conseil, afin, dans les intérêts
du patronage et de l'influence politique, de laisser au gou-
vernement une plus entière liberté. Cette tendance à
l'usurpation des attributions des comités se fait voir au
reste assez ouvertement et la distribution d'une fraction
assez importante de la somme destinée à l'éducation
échappe à leur action directe. Ainsi le veulent, con-
trairement à l'esprit de la loi scolaire, les exigeances des
intérêts électoraux.
Depuis 1897, le conseil de l'Instruction publique ne
• s'est réuni qu'une fois, en septembre 1908, pour prendre
en considération des amendements à la loi des écoles que
le comité protestant désirait faire adopter. Après une
délibération et une discussion très courtoise, les membres
catholiques acceptèrent les changements proposés et,
à la session de 1909, le gouvernement obtint de la législa-
ture que la loi scolaire fût modifiée dans le sens désiré.
* Arrêté ministériel du 30 juin 1897.
DEUXIÈME PARTIE
Le Comité Catholique
CHAPITRE SIXIÈME
1876 - 1877
Première réunion du Comité catholique — L'ins-
pection DES écoles — L'enseignement du dessin.
Le Comité catholique du Conseil de rinstruction
publique, constitué par la loi Boucherville, se réunit pour
la première fois au mois de mars 1876. Les membres du
comité commencèrent par appeler à la présidence de leurs
réunions le Surintendant lui-même, M. Ouimet, et dé-
signèrent le Dr Louis Giard pour remplir les fonctions
de secrétaire.
En vertu de la nouvelle législation, le comité catho-
lique et le comité protestant se trouvèrent investis de
pouvoirs considérables et même pratiquement aussi
étendus que ceux de l'ancien conseil, parce que leur champ
d'action embrasse virtuellement toute la question sco-
laire. En effet, ces comités, dans la sphère de leur juri-
diction, purent établir des règlements poiu* l'organisation
et la discipline des écoles publiques et des écoles normales,
la tenue des biseaux d'examinateiu's, les conditions à
remplir par les candidats à la charge d'inspecteurs d'écoles.
Pour raison valable, ils ont le droit d'annuler le brevet de
capacité des instituteurs, de diviser la province en dis-
tricts d'inspection, d'instituer des enquêtes contre le^
inspecteurs et de recommander au gouvernement la ré-
vocation de leur commission
— 98 —
L'approbation des livres de classe, des globes et
cartes géographiques, etc., est également de leur ressort,
et le Surintendant, dans l'exercice de ses attributions,
doit se conformer aux instructions qu'ils lui donnent.
Chacime des sections du conseil constitue par elle-
même une corporation ; comme telle, elle a le droit de re-
cevoir, à titre gratuit, des meubles et des immeubles dont
elle peut disposer à son gré pour des fins éducationnelles.
Les fonctions des comités s'exercent donc siu* l'en-
semble de tout le système éducatif, et aux personnes qui
en font partie appartient l'initiative des mesures à prendre
et des réformes à opérer dans le domaine de l'instruction
primaire. Les règlements qu'adoptent les comités sont
sujets toutefois à l'approbation du lieutenant-gouverneur
en conseil.
A sa première session, le Comité catholique mit à
l'étude une question pleine d'actuaUté: celle de l'inspec-
tion des écoles dont l'organisation était fort incomplète.
Convaincu que l'inspectorat est un rouage indispensable
m
à l'efiicacité de l'enseignement et la meilleure source d'in-
formation dont le Conseil et le Surintendant puissent se
servir pour activer et diriger les progrès de l'instruction,
il établit un comité de sept membres chargé de s'enquérir
et de faire rapport sur le fonctionnement de ce système
dans les pays d'Europe et dans les États qui nous avoisi-
nent.
Ce comité spécial proposa d'importants changements,
par exemple l'augmentation du nombre des inspecteurs
dont le traitement se composerait désormais d'un montant
fixé d'avance et d'un montant proportionné à chaque
visite d'école qu'ils auraient faite. D'autre part, il fixe
à cent par année le nombre des écoles que chaque inspec-
teur doit visiter, et assigne une durée de deux heures à la
visite d'une école élémentaire et de trois heures à celle
— 99 —
d^ime école du degré intermédiaire ou supérieur. L'ins-
pecteur devra, par' affirmation solennelle, rendre compte
de son inspection. Le comité décida aussi que l'aspirant
à la charge d'inspecteur devait se munir d'im diplôme
d'école modèle au moins et subir un examen d'aptitude
devant un bureau spécial.
Ce rapport ayant été adopté, le Surintendant adressa
aux inspecteurs d'écoles une circulaire très détaillée dans
laquelle il résmna, en son style précis et vivant, les nou-
veaux devoirs que le Comité catholique venait de leur
imposer. ''Votre mission spéciale, écrivait M. Ouimet,
est non seulement de siu^eiller le fonctionnement du sys-
tème scolaire, mais aussi, en certaines occasions, de le
mettre en activité, de lui donner la première poussée, de
faire partir le ressort qui décidera du mouvement régulier
et harmonique de tous ses rouages ; en- un mot, vous êtes
les agents actifs et nécessaires de la pensée dirigeante,
c'est-à-dire du conseil et du Surintendant."
M. Ouimet reproduisait presque en entier la très in-
téressante circulaire que publia le Dr Meilleur en 1851,
puis il ajoutait: "Agissez sur le peuple, c'est votre pre-
mier devoir. Faites comprendre aux contribuables que
l'argent dépensé pour s'instruire est un capital bien placé.
Pour arriver à répandre vos idées au miUeu du peuple,
ayez soin dans vos tournées ordinaires, de les conmixmi-
quer aux notables de chaque paroisse, prêtre, médecin,
notaire, marchand. Je vous recommande surtout de
faire une visite spéciale à messieurs les curés. Ce sont
des esprits éclairés, des cœurs dévoués et des patriotes;
ils sauront apprécier vos projets et ils vous accorderont
leurs concours avec le zèle qui leur est propre. La re-
ligion et l'instruction sont sœurs; elles se prêtent un
nàùtùel appui ... En un mot, plaidez la cause de l'éduca-
— 100 —
tîon devant les notables et vous l'aurez bientôt gagnée
auprès du grand nombre".
En s'exprimant avec autant de raison et de vigueur,
M. Ouimet se faisait Técho des membres du Conseil.
Nous remarquerons que les énoncés dantî la circulaire sur
des sujets tels que l'emplacement et l'aménagement de
l'école, l'aération et le chauffage des classes, etc., avaient
été si bien étudiés par le comité qu'elles font encore
partie des règlements scolaires et n'ont subi que des mo-
difications de détails nécessitées par les circonstances.
A cette date de 1876, les procès verbaux du comité
nous font connaître le vœu que les crédits votés annuelle-
ment par la législature poiu* les divers services du dépar-
tement de l'Instruction publique, soient portés à la somme
de $418 810, étant donné que les besoins des municipalités
scolaires s'accroissaient proportionnellement à l'augmen-
tation de la population. ^
Le comité s'occupa encore à la même session d'un
sujet qui, à raison de la grande activité industrielle qui
existait dans le pays, s'imposait à l'attention des éduca-
teurs, celui de l'enseignement du dessin à l'école primaire.
Le conseil des arts et manufactiu'es lui en fournit l'occa-
sion, car la loi de 1876 l'avait chargé de régulariser cet
enseignement au moyen d'un système uniforme et de le
vulgariser par l'adoption de règlements sujets à l'appro-
bation des comités du conseil de l'Instruction pubUque.
La méthode Walter Smith pour l'enseignement de
cet art était alors en vogue aux États-Unis et au Canada.
Le conseil des métiers adopta cette méthode avec des
règlements et donna des instructions suivant lesquelles
^ Le comité demandait une somme de $200,000 pour les écoles com-
munes au lieu de .celle de $160,000 inscrite au budget. Cette demande ne
fut exaucée qu'en 1911.
— 101 —
les maîtres et les maîtresses d'écoles devaient donner à
leurs élèves au moins trois leçons de dessin par semaine. ^
Malheureusement, ces règlements semblent avoir
été préparés par une personne probablement peu au fait
des méthodes scolaires, car on se préoccupa nullement de
faire donner aux professem^ qui étaient chargés de cet
enseignement la préparation pédagogique qu'il exige.
Tels qu'ils étaient, ces règlements furent soumis à l'exa-
men et à l'approbation du comité catholique. La mé-
thode Smith que l'on chercha à répandre par la pubUca-
tion d'im manuel rédigé dans les deux langues anglaise et
française, n'eut pas tous les résultats qu'on en attendait,
quoiqu'elle ne fût pas sans mérite. L'espèce d'engoue-
ment qui l'avait d'abord accueilUe cessa peu à peu et on
reconnut que les nouvelles méthodes usitées en Belgique
et en France lui étaient supérieures.
Il faut bien le reconnaître, l'enseignement du dessin
dans les classes élémentaires n'a guère réussi jusqu'à
présent. Quoiqu'il soit obUgatoire, le peuple n'en a pas
saisi toute l'importance, beaucoup de parents, même ins-
truits, ne se sont pas rendu compte de la valeur éducatrice
de cette branche de nos programmes d'études et, dans le
passé, les classes dirigeantes ont manifesté peu de zèle
pour la dissémination de cet art à tous les degrés de l'école.
Aussi, la plupart des personnes munies de diplômes,
n'ayant pas reçu dans le cours de leurs études une for-
mation suffisante en cet art, se trouvèrent dans la quasi-
impossibiUté de correspondre poiu* cette matière d'ensei-
gnement aux prescriptions de la loi. Donc, ce qui manque
jusqu'ici à cet égard à nos écoles primaires, ce sont des
instituteurs capables d'enseigner aux enfants les éléments
* Conseil des arts et manufactures, séance du 8 février 1877.
— 102 —
du dessin d'une manière pratique et d'après les meilleurs
procédés.
Dans im chapitre subséquent, nous aurons encore à
parler de cet enseignement, quand le Comité catholique
s'occupera de nouveau de la question. ^
* Voir le chapitre 10e.
CHAPITRE SEPTIÈME
1878-1883
Projet d'abolir la charge d'inspecteur d'école —
Le dépôt de livres du département de l'Ins-
truction publique — L'uniformité des livres
DE classe — La loi scolaire de 1880 et la re-
vision DES LIVRES DE CLASSE — DÉCLARATION DU
PREMIER MINISTRE M. MOUSSEAU.
On était au printemps de 1878 et aux jours mouve-
mentés du gouvernement Joly. Les passions politi-
ques avaient été vivement surexcitées par le renvoi
d'oflSce du cabinet Boucherville qui possédait constitution-
nellement la confiance des deux branches de la législature,
et le lieutenant gouverneur, M. Letellier de St-Just,
avait ordonné les élections générales dans le but de faire
approuver sa conduite par le peuple et d'obtenir pour le
gouvernement de son choix une majorité parlementaire.
L'époque des élections est par excellence l'époque
des promesses et au nombre des réformes promises aux
électeurs par les partisans de la nouvelle administration
était celle de l'abolition de la charge d'inspecteurs d'écoles.
Cet appel intempestif aux préjugés qui existaient contre
ces fonctionnaires ne pouvait que porter préjudice à la
cause de l'éducation. Aussi les membres du conseilde
l'instruction publique s'émurent à la pensée qu'il pouvait
— 104 —
être question de faire disparaître l'un des rouages indis-
pensables de l'organisation scolaire. En prévision des
événements qui pouvaient se produire, ils jugèrent op-
portun de faire part de leurs appréhensions au gouverne-
ment lui-même, lui représentant que, sans attacher plus
d'importance qu'il ne fallait aux nuneurs courantes, ils
croyaient de leur devoir d'exprimer l'espoir que le conseil
exécutif ne proposerait aucun changement dans le sys-
tème d'inspection sans au préalable consulter les comités.
La législature ayant été convoquée immédiatement
à la suite des élections générales, les ministres ne purent
s'occuper de la question dont il s'agit, et conmie à l'or-
dinaire le budget soumis à l'assemblée législative pourvut
au traitement des inspecteurs d'écoles. L'opposition,
rappelant aux membres du gouvernement les promesses
qu'ils avaient faites à Télectorat sur le sujet de la fonction
des inspecteurs d'écoles, les accusa de les violer et proposa
un vote de non confiance. Le premier ministre rallia
la majorité de la députation en sa faveur en déclarant
qu'à la session suivante il présenterait un projet de loi
pour améliorer l'inspection scolaire.
Avant la session de 1879, le cabinet Joly profita de la
présence des membres du comité cathoHque réunis à la
capitale pour conférer avec eux de cette question pleine
d'actualité et prendre volontiers en considération les pro-
positions qu'ils jugeraient utiles de lui présenter. Le
comité ayant aussitôt confié à un sous-comité l'examen
des changements que le gouvernement avait à lui sou-
mettre les membres de ce sous-comité se rencontrèrent
avec MM. Ch.-F. Langelier, H. Starnes, David Ross et
A. Chauveau, représentants du conseil des ministres.
Le secrétaire de la province, M. Langelier, déclara que
si le gouvernement n'avait pas présentement de plan dé-
fin à proposer, il avait toutefois l'intention de rendre
— 105 —
l'inspection scolaire plus efficace et moins dispendieuse
et qu'il serait peut-être possible de trouver dans chaque
municipalité quelqu'un qui voulût faire l'inspection
gratuitement ou pour un traitement minime. On lui
demanda si le gouvernement comptait pour cela sur la
coopération des curés, le ministre répondit affirmative-
ment. Alors Mgr Taschereau' déclara, au nom de l'épis-
copat, que les évêques ne pourraient permettre aux curés
de devenir à aucun titre inspecteurs d'écoles, "car ces
fonctions, dit-il, seraient incompatibles avec les devoirs
de leur ministère pastoral, vu que cela les mettrait en
contact journalier avec les contribuables, leurs paroissiens,
et les astreindraient à suivre les instructions du départe-
ment de. l'Instruction publique en- qualité de fonctionnai-
res du gouvernement." ^
Mgr l'archevêque de Québec ajouta que le comité
cathoUque, qui s'était occupé à diverses reprises de cette
importante question, avait obtenu, deux ans auparavant,
la nomination de quatre nouveaux inspecteurs et fait des
règlements qui avaient déjà commencé à produire de bons
fruits. Après cet échange d'idées, l'entrevue prit fin.
- A la session suivante de la législature, le solliciteur
général Mercier fit part à la chambre de l'intention qu'a-
vait le gouvernement de présenter un bill pour abolir la
charge d'inspecteur et pourvoir à un système moins dis-
pendieux d'inspection des écoles. Mais la chute du mi-
nistère et les -changements pohtiques qui en furent la
conséquence empêchèrent le cabinet Joly d'exécuter son
projet.
L'aboUtion de la charge d'inspecteur aura t. été une
faute, car ces fonctionnaires ayant à renseigner le départe-
ment de l'Instruction pubhque sur le fonctionnement de
* Rapport du surintendant de 1877-78 p. 215.
— 106 —
la loi scolaire et à diriger, par leurs conseils, la marche que
les commissaires d'écoles ont à suivre pour remplir in-
telligemment leurs fonctions, quelle est, dans chaque mu-
nicipalité, la personne réellement compétente qui, au
risque de sa popularité ou au risque de compromettre
peut-être le succès de ses affaires personnelles, aurait vou-
lu accepter l'emploi d'inspecteur et l'exercer avec exactitu-
de et efficacité? Il suffit de poser la question pour la
résoudre.
Connaissant les difficultés que dans les campagnes
éloignées et sans commimications faciles avec les centres
populeux on éprouverait à se procurer des Hvres et des
cartes géographiques pom» l'usage des écoles, M. de
Boucherville, dans son rapport comme ministre de l'Ins-
truction publique, avait parlé de l'avantage qu'il y aurait
à faire un dépôt de foumitm'es de classe entre les mains
du secrétaire de la municipahté scolaire, afin de permettre
aux pères de famille de procurer facilement à leurs en-
fants les articles scolaires dont ils am'aient besoin. ''On
''ferait un dépôt, dit le ministre, entre les mains du se-
"crétaire-trésorier de chaque municipahté, lequel se char-
"gerait de faire lui-même la distribution aux instituteurs
"et aux institutrices suivant le besoin. Aucun élève
"alors ne manquerait des objets qui deviennent né-
"cessaires à mesm'e que son instruction progresse. Le
"tout serait acheté par la mimicipahté et foiuni à de-
"mande". ^
Le Sm'intendant voulut dans la suite donner au pro-
jet de M. de Boucherville plus d'extension et créer un
dépôt de manuels de classes dans le département qu'il
administrait: "Le matériel et les appareils de nos
"écoles, écrivit-il, seront toujours insuffisants tant qu'il
1 Rapport du Ministre, 1872-73.
— 107 —
*• n'existera pas au département de rinstruction publique,
"un dépôt de livres, cartes, globes, etc.. Aussi, la
"législature ne saurait plus tarder à mettre le départe-
"ment de Téducation en position de créer ce dépôt". ^
De fait, elle ne tarda guère, car la loi, sanctionnée au
mois de décembre de la même année, autorisa la fonda-
tion de ce dépôt. Elle décidait que les objets scolaires
seraient fournis aux municipalités par le Surintendant
au prix coûtant, et le rôle de cotisation municipale devait
pourvoir à cette dépense. On inscrivit en outre dans le
budget de la province une sonmie de S15 000 pour faire
connaître ces dispositions. Dans la circulaire qu'il
publia, M. Ouimet expliqua la raison d'être de la loi et la
représenta comme une des plus importantes qui eussent
été adoptées dans le pays relativement à l'instruction
publique. Cette loi devait mettre fin à la confusion qui
existait dans notre collection de livres d'écoles et faire
réaliser aux parents ^ime économie considérable par
l'achat des livres au dépôt du gouvernement. Les com-
missions scolaires étaient aussi invitées à s'y approvision-
ner d'ardoises, de crayons, de cahiers d'écriture, de livres
de compte et de cotisation. ^
Ces dispositions législatives et les circulaires pubhées
à leur sujet par M. Ouimet provoquèrent de vives cri-
tiques. Des écrits virulents signalèrent le monopole que
le gouvernement semblait vouloir s'arroger; les libraires
firent entendre des plaintes, et l'on s'éleva dans le public
contre le fait que les commissaires d'écoles seraient obligés
de payer au moyen de cotisations, les manuels classiques
achetés au département de l'Instruction publique et qui
devaient être ensuite distribués gratuitement aux élèves.
^ Statut de 1876, sec: 29 et suivante p. 55.
* Circulaire du 10 mars 1877.
— 108 —
On peut se rendre compte de Tacerbité de Toppôsition
faite à cette innovation par l'extrait suivant d'une bro-
chure qui fut alors publiée dans le but de soulever l'o-
pinion en mettant sous le jour le plus défavorable les
principaux caractères de la nouvelle loi:
"1** C'est une mesure inouïe*
"2° C'est ime mesure qui crée entre les mains du
Surîïitendant de l'Instruction publique un monopole
immense, ruineux, injustifiable et par conséquent impoliti-
que et immoral.
**3° C'est une mesure qui porte atteinte à la libre
action du conseil de l'Instruction publique, ainsi qu'à
la très légitime indépendance des commissaires d'écoles,
et par là même des parents et de tous les citoyens.
^'4° C'est une mesure qui crée im patronage cor-
rupteur pour le Sm'intendant lui-même, pour les fabricants,
pour les libraires et les auteurs, un patronage injuste,
favorable à l'un, fatal aux autres; un patronage qui dé-
truit la concurrence, éteint l'émulation, décourage le
talent, et sanctionne à jamais le triomphe et le règne de la
médiocrité audacieuse.
*^5° C'est une mesure qui aura, pour l'Instruction
publique elle-même, les conséquences les plus funestes.
'^6° Enfin, c'est une mesm'e injuste, antiéconomique,
impraticable, marquée au front du signe malheureux de
l'intérêt purement privé et de la spéculation". ^
Plusieurs crurent voir en germe dans la nouvelle
législation im monopole pouvant conduire à l'abus, car
le dépôt de livres se trouvait être une branche spéciale
du département de l'Instruction pubUque. Le Surin-
^ Brochure de 145 pages publiée à Montréal et intitulée "Observations
au sujet de la dernière loi concernant V Instruction pvblique dans la province
de Québec^'. L'auteur de cette brochure, afl&rme-t-on serait M. Pabbé
Chandonnet, ancien principal de Técole normale Laval.
— 109 —
tendant, à titre d'administrateur de cette section, avait
le droit d'acheter les articles de classe, de les vendre aux
commissaires scolaires et de retenir, sur la subvention
annuelle payée aux municipalités par le gouvernement, le
prix des conmiâdens, avec les frais de magasin et d'ex-
pédition. Il pouvait engager lui-même les employés
dont il avait besoin et faire, sans avoir à les soumettre à
l'approbation du Conseil de l'Instruction publique, les
règlements nécessaires poin* diriger les opérations finan-
cières de cette institution de librairie et de papeterie.
D'autre part, le Surintendant ayant annoncé dans ses
instructions aux commissaires d'écoles qu'il leur vendrait
les livres de classes jugés les meilleiu's parmi ceux qu'aurait
approuvés le Comité catholique, on ne manqua pas de faire
remarquer qu'il restreignait par là l'action de ce dernier ^
et qu'il -s'exposait au reproche grave de porter préjudice
aux auteurs dont il aurait relégué les ouvrages au dernier
rang de la hste d'approbation. Tout impartial et ju-
dicieux qu'il voulût être, disait-on, les auteurs et les
éditeurs n'hésiteraient pas à l'accuser de favoritisme à
l'égard de ses amis personnels. La loi, il faut le recon-
naître, mettait certainement ce haut fonctionnaire dans
une position désagréable pour lui et fausse vis-à-vis du
pubUc,
En fin de compte, le dépôt de livres fut organisé et
exista pendant environ trois ans, mais les attaques dont
il fut l'objet furent telles qu'une loi, adoptée en 1880,
lui donna son coup de mort.
Ce qui semble avoir contribué davantage à rendre
suspecte la loi de 1876, c'est le passage suivant du rapport
du surintendant: "L'intention de la loi est d'établir
l'uniformité des Hvres classiques dans toute la pro-
Joumal de V Instruction publique^ août et septembre 1873| p. 118,
tn>.
— 110 —
vince." ^ Les troubles et les événements politiques de
1878 absorbèrent tellement l'attention qu'on perdit de
vue pour un temps cette expression d'opinion sur le but
particulier que se proposait le législateur. Nous sommes
portés à croire que la loi de 1880 n'eut pas d'autre objet
que de donner suite à cette idée d'uniformité des Kvres.
En tout cas, elle exprima, en termes précis, ce que celle
de 1876 ne laissait qu'entrevoir, car elle imposa au conseil
l'obligation de reviser, avant le mois de mai 1881, la série
des livres de classe et de n'inscrire sm* le tableau d'appro-
bation qu'im ouvrage par matière d'enseignement pour
chacune des trois catégories d'écoles primaires. On ne
pourrait désormais se servir d'aucun autre manuel.
Cette loi ayant été adoptée à l'insu des comités ca-
tholique et protestant, tous deux crurent devoir faire
des représentations au gouvernement et lui signaler les
graves inconvénients qu'ils apercevaient dans l'apphca-
tion et le maintien de ces dispositions législatives.
Dans sa requête à la législature, le Comité catholi-
que énuméra les difficultés insurmontables que présentait
en pratique dans toutes les écoles du même degré, l'usage
d'un seul manuel pour chaque branche d'étude. Cette
réglementation, disait-on, ne pouvait que nuire considé-
rablement aux auteurs des ouvrages déjà approuvés. . .
étouffer la louable émulation qui devait exister entre les
diverses institutions d'éducation pour le choix des meil-
leurs ouvrages et arrêter les efforts des auteurs vers le
progrès et l'améhoration des hvres et des méthodes . . .
Si la trop grande multiplicité d'ouvrages approuvés peut
offrir peut-être des inconvénients, il est encore plus dan-
gereux de tomber dans l'excès contraire en en restreignant
le nombre à un seul pour chaque matière. Du reste
1 Rapport du surintendant, 1876-77.
— 111 -
Fadoption de ce seul ouvrage donnerait naissance à un
monopole odieux et peut-être à des spéculations scanda-
leuses. ^
Le comité protestant se prononça pareillement contre
cette législation draconienne, il poussa même sa désappro-
bation au point de prier le gouvernement d'effacer de la
loi la clause décrétant Tuniformité des li\Tes, car il la
considérait conmie impraticable, fimeste à renseignement,
propre à nuire aux auteurs et même à les décourager.
Faisant allusion au fait que les membres du conseil
n'avaient pas été consultés relativement à la nouvelle
législation il exprima Fopinion que l'adoption d'une loi
de cette importance en dehors de la participation des per-
sonnes préposées à l'administration et à la discipline des
écoles, était une atteinte portée à leurs attributions et
pourrait porter préjudice à l'éducation. ^
A cette protestation des deux comités se joignit celle
des membres de l'association des instituteurs protestants
de la province qui, dans leiu* assemblée annuelle, adop-
tèrent ime résolution de blâme contre cette partie de la
législation qui décrétait l'uniformité des livres. Il faut
sans doute éviter de trop multiplier les manuels de classe,
mais d'autre part, nous sommes encore à trouver les rai-
sons péremptoires qui militent en faveur de cette unifor-
mité dans tout le pays.
Il est aussi à remarquer que cette question avait déjà
été étudiée plusieurs années auparavant par nos éduca-
teurs et, discutée dans une réunion des instituteiu^ de la
circonscription de l'école normale Laval. Des profes-
seurs d'expérience comme MM. Laçasse, Toussaint, J.-B.
Cloutier, Lefebvre, Magnan, s'étaient nettement pro-
1 Séance du comité catholique du 21 octobre 1820.
^ Séance du comité protestant, 25 février 1881.
— 112 —
nonces contre Tuniformité des Uvres. En France, a dit
M. Lefebvre, où la centralisation scolaire est à peu près
parfaite, runiformité n'existe pas, on n'a jamais pu opérer
cette réforme. L'instituteur doit être libre de se servir
de l'outil de son choix. ^
Dans les pays d'Europe où l'organisation scolaire
semble le plus perfectionnée, tels que la Belgique, la
France, l'Allemagne, on a mis de côté cette réglementa-
tion comme contraire aux principes de la pédagogie et
au progrès de l'instruction de la jeunesse. C'est ainsi
que M. Rapet, inspecteur général de l'Instruction pri-
maire en France, homme de beaucoup d'expérience,
écrivait dans son Uvre intitulé Plan d'études : "L'en-
semble de ce travail a mis, ce nous semble, hors de doute
qu'une réglementation unifoime de l'enseignement dans
toutes les écoles est aujourd'hui impossible. Elle ne
pourrait avoir lieu sans faire violence aux individus; et,
par conséquent, sans nuire au progrès de l'enseignement. . .
Défions-nous de cet amour de l'uniformité qui comprime
le zèle et étouffe toute spontanéité en faisant violence aux
esprits, parce qu'il veut tout faire entrer dans le même
moule. Établissons dans l'ensemble l'unité qui est in-
dispensable dans un systtoie destiné à régir im pays
comme la France, mais sachons accepter dans les détails
la variété qui est à la fois un indice et un élément de vie
et d'activité".
Ainsi la France, que beaucoup se plaisent à citer
comme exemple, a repoussé le principe de l'uniformité
pour accepter celui de la hberté; c'est à cette dernière so-
lution que le Conseil supérieur de l'Instruction publique
de ce grand pays a sans hésiter donné la préférence,
comme l'écrivait M. C.-J. Magnan: "La France est le
». Séance du 27 janvier 1894.
— 113 —
pays par excellence de la muUiplicité des livres et non de
Funif ormité comme on est porté à le croire. De nombreux
manuels sur chaque spécialité sont en usage". ^
Dans notre province, certains esprits forts cherchent
à répandre dans les milieux les moins instruits et les plus
facilement impressionnables, l'idée de Tuniformité, sans
aucunement se préoccuper de ses fâcheux résultats
éducatifs. Des personnes de bonne foi, mais qui ne sont
pas beaucoup au fait d'ime question aussi complexe que
celle de l'éducation, acceptent de confiance les arguments
qu'ils entendent parce qu'on leur fait entrevoir une
économie de quelques sous à faire sur l'achat des livres.
Ils ne soupçonnent pas la pensée secrète de ces réforma-
teurs qui recherchent les applaudissements de la foule
et se disent les amis par excellence des classes ouvrières
pour arriver sans doute plus facilement à la popularité,
mais aussi à la désagrégation de notre régime scolaire et
à la substitution finale de l'école neutre ou antireligieuse
à l'école confessionnelle.
Cependant, il n'y a pas lieu de trop s'étonner si des
parents, qui n'ont aucune notion des méthodes pédago-
giques, trouvent étrange que, de temps à autre, il leur
faille acheter de nouveaux livres classiques pour leurs
enfants. Est-ce que, disent-ils, la même grammaire, les
même manuels de lecture, les mêmes géographies ne pour-
raient pas servir au même élève durant ses quelques années
d'école primaire? Cette manière de voir procède sans
doute d'une entière bonne foi, mais aussi de leur inex-
périence en fait d'enseignement. Ces pères de famille
ne tiennent pas compte du fait que le com^ d'études est
judicieusement divisé en trois branches: le cours élémen-
taire, le cours moyen et le cour supérieur, que par con-
^ C.-J. Magnan. Les écoles primaires et les écoles normcdes, p. 148.
— 114 —
séquent les livres de classe doivent être gradués et pro-
portionnés au développement intellectuel de Fenfant.
On ne saurait mettre entre les mains d'im élève qui est
à apprendre les rudiments de la grammaire et de l'histoire
im manuel destiné à son condisciple du cours intermédiaire
ou du cours supérieur, pas plus qu'on doit laisser im élève
avancé s'atrophier l'esprit dans un livre préparé pour les
tout petits. D'aillein^, la perspective d'im changement
de manuel est pour l'enfant d'école un stimulant qui tient
son esprit en éveil et satisfait sa curiosité naturelle.
Appuyant davantage sur les arguments des deux
comités, nous disons que le monde industriel fournit à
tous, non sans analogie, un exemple frappant en faveur
de cette gradation des livres classiques. Un habile di-
recteur d'usine ne voudrait pas confier à de jeunes ap-
prentis les outils à trempe fine dont se servent les ouvriers
d'expérience, ni, sous prétexte d'économie, s'abstenir de
fournir à ses employés des machines perfectionnées pour
ne laisser à leur usage que des instruments primitifs Or
il y a une certaine simihtude entre les outils de l'ouvrier
et ceux dont se sert l'instituteur pour le développement
des facultés intellectuelles de ses élèves, et l'économie
mal appliquée n'est pas plus féconde en bons résultats
dans le domaine de l'instruction que dans celui de l'in-
dustrie ou du commerce.
Au reste, quand bien même l'uniformité des manuels
existerait, il faudrait toujom's en arriver à l'achat de
hvres de classe pour chacun des trois cours: autrement
elle serait un véritable obstacle dans le chemin du progrès.
Elle aurait pour effet, répéterons-nous après les comités,
de faire cesser l'émulation chez les écrivains qui, possé-
dant les aptitudes voulues, voudraient se livrer à la com-
position d'ouvrages classiques, car en face du monopole
et des influences qu'il faudrait combattre pour obtenir
— 115 —
Papprobation requise, ils n'oseraient s'imposer un travail
qui pourrait être inutile, ni risquer les frais de publica-
tion de leurs livres.
En effet, le principe de Tuniformité étant admis, il
suflSrait d'un changement dans le corps chargé du choix
des Uvres pour tout centraliser entre les mains du gou-
vernement, et alors. Ton am'ait le monopole de l'État
aggravé par l'exercice du patronage politique. Même
sous le régime scolaire actuel, s'il y a lieu de regretter
quelquefois l'émiettement, poin* des fins de parti, des
sommes affectées à l'éducation, que serait-ce donc si le
gouvernement contrôlait la publication des Hvres d'écoles ?
Advenant ime administration imbue de la doctrine ra-
tionaliste, les extrémistes, à l'exemple de M. Papin et des
libéraux de 1856, demanderaient que les intelligences
fussent coulées dans le même moule et que l'autorité
paternelle s'effaçât devant l'autorité civile. L'unifor-
mité des livres appelant l'uniformité de l'enseignement,
les partisans de la nèutrahté scolaire chercheraient à
s'emparer de l'instruction de la jeunesse et l'ossatm^e de
notre régime d'écoles confessionnelles serait menacée
d'effondrement.
Ajoutons que l'usage exclusif d'un seul livre pour
chaque matière favoriserait le plein épanouissement des
faveurs gouvernementales pour le plus grand avantage
des exploiteiffs. Chacun des livres imposés s'imprime-
rait à l'ateher désigné par les ministres, et, à la moindre
tentative de changement dans la série des manuels des
influences opportunes s'exerceraient pom* l'enrayer, as-
surant au monopole la chance de prospérer pendant
le plus long espace de temps possible.
Pom* ce qui est de l'argument que le changement
d'institutrices dans une école amène ime substitution de
livres, il n'a guère de valeur, car les conimissaires d'écoles
— 116 —
à qui incombe le devoir d'engager les instituteurs, ont
toute autorité pour choisir les livres dont on doit faire
usage dans les écoles de la municipalité et pour empêcher
le maître ou la maîtresse de classe d'imposer arbitraire-
ment sa volonté en cette matière.
Enfin, comme raison suprême en faveur de l'unifor-
mité, on s'écrie: C'est l'opinion publique qui demande
cette réforme ! Mais, "qu'est-ce que l'opinion publique,
"écrivait, il y a quelques années, un religieux enseignant
"au premier ministre de la province? Quelles sont les
"connaissances de l'opinion publique en matière pédago-
"gique? Quel est son organe officiel? L'opinion pu-
"blique, c'est en Canada comme partout ailleurs un
"homme qui tient à poser devant la foule, im homme
"étranger à l'enseignement qui prend ses propres élucu-
"brations pour le vœu de l'humanité ! Chose frappante,
"le mouvement que nous cherchons à enrayer ne vient
"nullement des gens du métier, des professionnels, les
"seuls compétents dans la question scolaire; il semble
"relever moins de l'éducation que de la poHtique". ^
Pour revenir à la loi de 1880 qui décrétait l'unifor-
mité des Uvres et imposait au conseil de l'Instruction
pubhque l'obUgation de reviser, dans un temps déterminé,
le tableau d'approbation des manuels de classe, il est
évident que la manière d'agir du gouvernement avait
été extraordinaire. Elle était apparue à plusieurs comme
un acte d'autorité peu compatible avec les égards dus aux
membres des comités, et ceux-ci en furent froissés. Dans
les hautes sphères de la société on s'émut de cette hardiesse
du législateur. La question tomba dans le domaine de la
discussion pubhque. Plusieurs journaux manifestèrent
leur désapprobation et allèrent même jusqu'à demander
* Lettre d'un éducateur à sir Lomer Gouin, mai 1906.
— 117 —
quelle était la puissance occulte qu'il pouvait y avoir au
fond de l'affaire et dont l'action puissante et audacieuse
était à si juste titre inquiétante pour les pères de famille,
aussi bien que pour les autorités reUgieuses.
Devant les protestations qui leur furent adressées
à eux-mêmes, les ministres crurent prudent de laisser les
esprits s'apaiser et de ne pas précipiter l'exécution de la
loi. Les circonstances politiques du reste permirent au
gouvernement de sortir d'embarras, et des remaniements
^ dans le cabinet vinrent calmer les mécontentements,
sans toutefois éteindre entièrement les appréhensions
que la loi avait fait naître. M. J.-A. Chapleau, qui désirait
quitter l'arène provinciale pour le champ plus vaste de
la politique fédérale, ayant eu l'offre d'un portefeuille
dans le cabinet d'Ottawa, résigna comme premier ministre
à Québec et M. J.-A. Mousseau, secrétaire d'État dans le
gouvernement fédéral, consentit à le remplacer à la tête
de l'administration de la province.
Le nouveau chef, parfaitement au fait de la situa-
tion et des discussions que la question scolaire avait susci-
tées dans la presse et dans les cercles politiques, jugea
de bonne tactique, en montant les degrés du pouvoir à
Québec, de rassiu'er l'opinion publique et de faire con-
naître l'attitude qu'il allait prendre vis-à-vis le conseil
de l'Instruction publique. Il écrivit donc au Siu'inten-
dant une lettre qui produisit un excellent effet et fut
accueillie avec satisfaction par l'épiscopat, de même
qu'elle fut l'objet de l'approbation d'hommes politiques
importants et de journalistes en vue.
Parmi ces derniers, nous citerons M. J.- Israël Tarte
qui écrivit: "Je tiens beaucoup à faire admettre par
"autant d'hommes publics que possible le principe
"qu'aucune loi sur l'éducation ne puisse être présentée à
"la législature avant d'avoir été soumise préalablement
I
— 118 —
r
**au comité catholique ou au comité protestant suivant
'4e CBs'\
La lettre de M. Mousseau est trop importante pour
que nous ne la citions pas en entier.
Québec, 23 décembre 1883
L'honorable Gédéon Ouimet,
Surintendant de V Instruction publique,
Québec.
Mon cher monsieiu*,
J'ai rhonneiu" d'accuser réception de votre lettre
du 4 novembre dernier (n. 1522-1882) contenant une
résolution du comité catholique du conseil de l'Ins-
truction publique qui, ''à raison de certains faits, exprima
"le désir que dorénavant aucun projet de loi sur l'éduca-
"tion ne soit présenté à la législatiu'e sans avoir d'abord
''été communiqué à ce comité pour lui fournir l'occasion
"de donner son opinion."
Comme vous le savez, en demandant au parlement
de Québec la création du conseil de l'Instruction publique,
le gouvernement a voulu se constituer, dans les membres
qui le composent, des auxiliaires éclairés et compétents
dont la sagesse le mettrait à l'abri de toute erreur dans une
matière aussi importante, aussi délicate que celle de l'en-
seignement.
"C'est mon intention fermement arrêtée de poursuivre
le but de la loi et de continuer à mettre à profit les pré-
cieuses suggestions que voudront bien me faire les mem-
, bres de ce conseil. J'apprécierai surtout celles venant
\ de NN. SS. les évêques. Je sais qu'elles seront toujours
le fruit de leur expérience et de leur travail, comme je
— 1Î9 —
suis persuadé qu'elles leur serontjaussi dictées par le
même zèle et de même dévouement dont ils ont fait preuve
jusqu'ici pour la cause de l'éducation.
"C'est le vœu de la population de toute croyance
dans la province de Québec que la religion forme la base
de l'éducation, et aussi longtemps que Je serai au poste
que j'ai l'honneur d'occuper maintenant, je resterai op-
posé à toute législation tendant à mettre en danger notre
instruction religieuse.
' '^TDu reste, il n'y a rien à appréhender de ce côté,
mais je dis cela pour faire connaître de suite et une fois
pour toutes à messieurs les membres du Conseil de l'Ins-
truction pubUque, surtout lorsqu'il s'agira de légiférer
sur le sujet que je serai toujours bien content de recevoir
lem^ sages conseils et d'en tirer tout le profit possible dans
une matière où la religion a à jouer le premier rôle." ^
''J'ai rhonneiu", etc., etc.,
(Signé) J.-A. MOUSSEAU
Ce document officiel ne pouvait échapper à l'atten-
tion des membres de l'assemblée législative et l'occasion
d'interpeller à ce sujet le gouvernement se présenta dès
le conamencement de la session de 1883. Un député
ayant présenté un projet de loi concernant les écoles de
la ville de Richmond, M. Mousseau saisit cette occasion
pour demander au promoteur du bill de vouloir bien le
remettre à une époque ultérieure afin de pouvoir le sou-
mettre à la considération du comité catholique. A ce
propos, un ex-ministre, M. Th. Paquet, pria le gouverne-
ment de renseigner la députation siu* la nature des en-
gagements pris avec le conseil de l'Instruction publique,
et de dire s^ils étaient de nature à restreindre, en matière
^ Rapport du surintendant 1882. p. 377.
— 120 —
de législation scolaire, Tinitiative des représentants du
peuple en parlement. L'entente, répondit M. Mousseau,
qui existe entre le gouvernement et le Conseil se résume
en deux mots et se réfère simplement aux lois qui pour-
raient être présentées par le cabinet et ne touche en au-
cune manière à l'initiative parlementaire des honorables
députés individuellement. Quant à ce qui concerne le
projet de loi de l'honorable député de Richmond et Wolfe,
je demande qu'on n'en fasse pas l'adoption d'ici à quelque
temps, non pas que je veuille, par cette demande, m'arro-
ger le droit de contrôler la conduite de mon honorable
ami, mais par simple déférence pour le Conseil de l'Ins-
truction publique qui doit tenir une séance dans les pre-
miers jours de février. '
Le gouvernement lui-même se montra fidèle à ses
promesses. Ayant l'intention de présenter deux projets
de loi, l'un concernant le fonds de retraite et l'autre le paie-
ment de pensions aux inspecteurs d'écoles et aux profes-
seurs des écoles normales, M. Wurtele qui les avait pré-
parés, demanda la convocation des deux comités poiu* que
le conseil exécutif pût les consulter au sujet de cette nou-
velle législation. Et de fait, dès la réunion suivante du
Comité catholique, MM. Mousseau et Wurtele se pré-
sentèrent devant lui pour donner les expUcations relatives
aux projets de loi dont il était question.
A cette même séance, le Comité remercia le gouverne-
ment de la bienveillance avec laquelle il avait accueilli
son désir et le félicita particulièrement du vœu exprimé
par le premier ministre dans sa lettre du 23 décembre
précédent "de faire toujours de la religion la base de notre
système d'éducation." ^
1 Débats de la Législature de Québec. A. Desjardins, p. 148.
^ Séance de février 1883.
CHAPITRE HUITIÈME
1884-1885
Les é coites normales — Le premier ministre J.-J,
Ross et les biens des jésuites.
En 1880, on discuta dans les journaux l'abolition
des écoles normales. Les polémiques dont cette exci-
tante question fut Pobjet avaient créé naturellement dans
le public un mouvement d'opinion qui ne pouvait laisser
indifférent le conseil de l'Instruction publique. Quoique
dans les sphères gouvernementales on ne parût pas dis-
posé à une intervention législative en cette matière, le
comité catholique crut toutefois opportun d'enregistrer
dans le procès-verbal de ses délibérations sa manière de
voir et, à l'unanimité de ses membres, il désapprouva
énergiquement le mouvement et l'hostilité qui se faisait
jour contre le maintien des indispensables institutions
dont il s'agit. ^
La .question fut agitée de nouveau l'année suivante.
Depuis la fondation, en 1857, des écoles normales Laval
et Jacques-Cartier, aucune autre institution du genre
n'avait été établie dans la province et celle de Québec
était la seule à donner simultanément l'enseignement pé-
dagogique aux jeunes filles et aux garçons. Or, mon-
seigneur L.-F. Laflèche, désirant voir le personnel ensei-
1 Séance du 22 octobre 1880.
— 122 —
gnant recevoir une formation meilleure que celle qu'il
constatait dans son diocèse, demanda au gouvernement
l'établissement d'une école normale de filles aux Trois-
Rivières. L'évêque avait pour son projet l'appui de ses
conseillers diocésains et des autorités civiques de sa ville
épiscopale. La requête que présenta Sa Grandeur pro-
posait, conrnie moyen plus économique et plus propre à
atteindre le but, de confier la charge de l'institution ''à
"une communauté enseignante sous la direction d'un
''prêtre relevant de l'évêque et du gouvernement".
Aujourd'hui cette demande semblerait toute na-
turelle, car c'est bien sur ce principe qu'ont été fondées
depuis toutes les écoles normales catholiques de filles de
la province, cependant à l'époque dont il s'agit, elle pro-
voqua une lutte qui faillit produire la transformation de
nos écoles de pédagogie et même compromettre l'exis-
tence de l'école normale Jacques-Cartier. L'allégation
que nos deux écoles normales ne répondaient pas efficace-
ment aux besoins de la population du diocèse des Troîs-
Rivières suscita une longue polémique dans laquelle
entrèrent en lice M. Ouimet, surintendant, monseigneur
Laflèche et l'abbé Verreau, principal de l'école normale
Jacques-Cartier. Les raisons des pétitionnaires parais-
saient plausibles, étant donné le fait que nombre de
jeunes filles appartenant à des familles peu fortunées
avaient été empêchées d'aller à l'école normale pour se
former à l'enseignement à cause de leur éloignement de
Québec et des fortes dépenses de voyage et de pension
qu'y aurait entraînées leur séjour en cet endroit. ^
Si l'on se fût borné aux allégations de la requête, on
aurait peut-être évité la guerre à coup de mémoires qui
^ Il peut être opportun de remarquer que durant les vingt premières
années de l'école Laval, il n'y avait aucun chemin de fer entre Trois-
Rivières et Québec.
— 123 —
s'ensuivit; mais, pour appuyer la demande des Triflu-
viens, Mgr Laflèche crut devoir transmettre au gou-
vernement des remarques générales sur les avantages
considérables qu'il y aurait à confier la direction des écoles
normales à des connnunautés de frères et de sœurs, tant à
cause de la compétence des religieux et des religieuses qui
reçoivent dans leur institut une bonne formation pédago-
gique qu'au point de vue de l'économie des deniers
publics, et sa Grandeur prétendit que le maintien des
écoles Laval et Jacques-Cartier obérait le trésor de la
province. Cette attaque directe contre l'organisation
et l'administration de ces maisons d'enseignement pro-
voqua une lettre de M. Ouimet au premier ministre, une
défense de l'école normale Jacques-Cartier par le prin-
cipal de l'Institution, un second mémoire de Mgr Laflèche,
suivi d'une réplique de M. Verreau. ^
C'est surtout dans son second mémoire que l'évêque
des Trois-Rivières donne à son opinion un plus complet
développement. Formulant ses reproches contre l'état
de choses qui existait, il dit que l'on avait semé beaucoup
pour récolter peu. La sonmie de $28 000, dépensée
annuellement pour le soutien des deux écoles normales
catholiques, lui paraissait exagérée. Il reprocha à ces
maisons d'éducation de viser à un enseignement quasi
classique et trop élevé pour l'hiunble et méritoire pro-
fession de maître d'école, et de préparer les jeunes gens
à leur entrée dans les professions libérales par l'introduc-
tion dans le progranmie d'études, des matières du cours
classique. Se détournant ainsi de leur fin, ces institu-
tions oubliaient qu'elles avaient été fondées par le gou-
vernement pour former de bons instituteiu's, mais non
pour faire concurrence aux maisons de haute éducation.
^ M. Tabbé Desrosiers a donné un résumé de la question dans son
ouvrage Les écoles primaireSf p. 165 et suivantes.
— 124 —
En recevant un enseignement pédagogique plus en har-
monie avec la noble fonction de l'instruction des enfants,
"les élèves seraient moins exposés à la tentation d'aller
''chercher fortune ailleurs." ^
M. Tabbé Verreau qui, depuis vingt ans, avait
dévoué ses efforts à la formation des maîtres d'écoles
primaires, ne fut pas lent à répliquer et à défendre la
maison d'éducation qu'il dirigeait. Pour répondre au
reproche que le gouvernement dépensait exagérément
pour le soutien des écoles normales, il publia les états de
service de l'école normale Jacques-Cartier, afin de démon-
trer que les dépenses annuelles de ces maisons ne dépas-
saient pas, proportion gardée, celles de nos collèges clas-
siques. La moyenne de leurs dépenses, écrivait-il, est
même moins élevée que la moyenne correspondante des
collèges, et du reste, l'éducation à bon marché était une
utopie. L'efficacité d'une institution ne se mesure pas ^
nécessairement au nombre de ses élèves. Le gouverne-
ment, en établissant les écoles normales, n'a pas visé au
grand nombre, mais il voulait former de bons maîtres et
relever le niveau de l'enseignement. Il a réussi, et c'est
un fait constant que les instituteurs sont plus capables
qu'ils n'étaient il y a 25 ans; que les bonnes méthodes
sont plus connues et mieux suivies; que la position de
l'instituteur est respectée maintenant et qu'elle est même
recherchée. Il n'y a pas jusqu'aux ordres reUgieux qui
n'aient apporté certaines réformes dans leur enseigne-
ment. Le mouvement est donné et j'espère qu'il se con-
tinuera. Tout cela est dû aux écoles normales. Voilà
leur efficacité:"
Comme l'a remarqué M. l'abbé Desrosiers dans son
ouvrage: "Ces discussions courtoises et loyales, — il ne
1 Mémoire de Mgr des Trois-Rivières, février 1881.
— 125 —
"peut être question ici des polémiques acerbes et per-
"sonnelles soulevées dans la suite — loin de nuire à Tœuvre
"normaliste, l'avaient plutôt mise en évidence en lui per-
"mettant de se justifier auprès du public et de s'imposer
^'plus fortement encore à la protection du gouvernement."
En 1886, M. John Jones Ross, qui venait de succéder
comme premier ministre à M. Mousseau, nommé juge de
la cour supérieure, crut devoir profiter de son passage
au pouvoir pour ramener sur le tapis la question des écoles
de pédagogie et proposer un plan pour leur réorganisa-
tion. Il eut à ce propos avec les membres de l'épiscopat
et quelques laïques des relations préliminaires qui furent
plutôt du domaine de la conversation ou de la corres-
pondance intime, car les archives du département de
^Instruction publique n'en conservent aucun indice. Un
exposé complet de la question, telle qu'elle se posa alors,
exigerait donc une connaissance parfaite de ce qui s'est
dit verbalement entre les interlocuteurs. Quoi qu'il en
soit, nous savons que M. Ross, avant de faire part de ses
intentions au Comité cathoUque, chercha à connaître
l'opinion personnelle des évêques. Il avait lui-même la
conviction que nombre de personnes de la classe diri-
geante étaient défavorables aux écoles normales, telles
qu'elles existaient, et que ces institutions n'avaient pas
produit d'aussi bons résultats que ceux qu'on avait eu
sujet d'attendre. D'après sa manière de voir, les écoles
normales ne devaient pas donner l'instruction Uttéraire
et scientifique aux futurs instituteurs, mais simplement
des leçons de pédagogie et de méthodologie, car beaucoup
d'élèves-maîtres, profitant de l'enseignement reçu, se
livraient, après avoir terminé leurs coiu's, à des occupa-
tions autres que celles d'enseigner. La question d'écono-
— 126 —
mie préoccupait aussi le premier ministre à cause de l'état
précaire des finances de l'État. La législature ayant
diminué et même supprimé les subventions accoutiunées
à quelques maisons d'éducation, de charité et autres, il
lui paraissait injuste de continuer les fortes dépenses que
le gouvernement avait faites dans le passé pour des
écoles dont on pouvait obtenir des résultats satisfaisants
d'une façon plus économique, avec une somme moindre.
Aussi songeait-il à faire disparaître à brève échéance les
écoles normales Laval et Jacques-Cartier et à les rem-
placer par des classes ou écoles de pédagogie annexées à
certaines maisons d'éducation. Il fit même préparer
dans cette intention un projet de loi qu'il se proposait
de soiunettre à la législature et dans lequel il était pres-
crit que le programme des écoles normales primaires con-
sisterait exclusivement dans l'enseignement de la péda-
gogie. Chacune de ces institutions, subventionnée par
Te gouvernement, aiu'ait le droit de conférer des diplômes
à ceux de leurs élèves qui aiu'aient obtenu antérieurement
leur brevet de capacité des bureaux d'examinateurs
chargés de l'examen des candidats au diplôme d'institu-
teur.
Dans une lettre particulière, le chef du gouvernement
exposa ses idées à chacun des évêques qui forment partie
du comité catholique, mais ceux-ci, en grande majorité,
lui exprimèrent leur dissentiment. Mgr Racine, de
Sherbrooke, lui répondit qu'il était opposé à la transfor-
mation des écoles normales en simples classes pédagogi-
ques et à leur annexion à un certain nombre de collèges,
d'écoles de Frères ou de couvents, car ce serait, disait-il,
vouloir unir ensemble des éléments trop différents.
Mgr Langevin, de Rimouski, satisfait des rensei-
gnements fournis sur l'école Jacques-Cartier par M.
— 127 —
l'abbé Verreau, écrivit qu'il ne pouvait nier que nos
écoles normales coûtaient cher, mais que c'est là le sort
de ce que le gouvernement entreprend et soutient. Les
professeurs laïques étant pour la plupart des chefs de
famille devaient nécessairement recevoir une rétribution
convenable. "Quant à l'enseignement littéraire et scien-
tifique, ajouta-t-il, il se donne dans les écoles normales à
un point de vue tout particulier. Ailleurs, les élèves
n'étudient guère que pour leur propre utilité; dans ces
institutions au contraire tout s'enseigne sous le rapport
pédagogique, c'est-à-dire avec l'intention de rendre les
élèves capables de communiquer les diverses connaissan-
ces à d'autres. C'est donc dans les classes une applica-
tion constante des principes de pédagogie et de métho-
dologie". Cet éducateur expérimenté dit en outre que
si des classes pédagogiques étaient annexées à un certain
nombre de collèges, d'écoles de Frères ou de couvents,
la dépense en serait assurément moindre, mais qu'il fau-
drait adopter des mesures pour obtenir quelque unf ormité
dans le système et les méthodes, afin que cette uniformité
pût se réafiser généralement dans les écoles dirigées par
ceux et celles que l'on y aurait préparés. L'adjonction
de classes de pédagogie aux collèges et séminaires ne lui
paraissait guère praticable pour former de simples ins-
tituteurs, mais très désirable pour- former de bons pro-
fesseurs.
Ces dernières observations nous remettent en mé-
moire la proposition qui fut faite en 1853, aux autorités
du séminaire de Saint-Hyacinthe d'établir une école
normale dans leur maison. L'offre ne fut pas acceptée,
car "le Séminaire ne regardait pas l'institution d'une
— 128 —
école normale comme entrant dans les fins de sa fon-
dation". 1
En réponse à M. Ross, Mgr Laflèche répéta les ar-
guments qu'il avait fait valoir dans son mémoire contre
la dépense trop forte que nécessitait le maintien des écoles
Laval et J.acques-Cartier. Afin de les rendre moins dis-
pendieuses, plus efficaces et plus accessibles aux personnes
désireuses de les fréquenter, il suggéra de réformer leur
organisation en les adjoignant à d'autres maisons d'ensei-
gnement.
Dans une lettre postérieure, il exprima le souhait que
l'école normale Laval continuât son œuvre sous la direc-
tion de M. l'abbé Verreau en remplacement du principal
M. Lagacé qui venait de mourir.
Mgr Lorrain, de Pembroke, se prononça en faveur
du maintien des deux écoles normales, tout en approuvant
les quelques modifications suggérées par le premier mi-
nistre au sujet du programme d'études.
* Voici un passage de la réponse que fit sur cette question même M.
J.-S. Raymond à Mgr Prince évêque de Saint-Hyacinthe.
Séminaire de Saint-Hyacinthe, 4 avril 1853.
Monseigneur,
En réponse à la demande que votre Grandeur m'a adressée
relativement à rétablissement d'une école normale dans le séminaire de
Saint-Hyacinthe, j'expose respectueusement la résolution qui suit, adoptée
par le séminaire: "Le séminaire de Saint-Hyacinthe ne regarde point
l'institution d'une école normale comme entrant dans les fins de sa fonda-
tion et, dans les circonstances ordinaires, il ne se charge point de cette
œuvre; mais vu le désir manifesté par S. G. Mgr l'évêque diocésain et le
Vicaire général du clergé, il consent à ouvrir, du moins pour un certain
temps, l'école normale en question quand le nouveau collège sera occupé.
Le séminaire regrette que les circonstances où il se trouve ne lui permette
point de donner gratuitement ce nouvel enseignement.
(Signé) J. S. Raymond, pire.
— 129 —
L'archevêque d'Ottawa et les évêques de Montréal
et de Chicoutimi iie voulurent pas exprimer d'opinion
dans le moment, se réservant le droit de se prononcer sur
la question lors de la prochaine réunion du Comité ca-
tholique. Quant à Mgr Moreau, de Saint-Hyacinthe,
les raisons du chef de l'exécutif lui paraissaient fondées;
il ne pouvait voir d'un mauvais œil que le gouvernement
s'occupât du règlement de cette grave question.
Outre les motifs que M. Ross avait énumérés dans sa
lettre aux membres de l'épiscopat, il éprouvait une autre
et vive préoccupation. Devant lui se dressait la question
depuis si longtemps débattue des biens qui, sous le ré-
gime français, avaient appartenu aux Jésuites et que le
gouvernement d'Angleterre avait confisqués au siècle
précèdent. Cette question agitait fortement l'opinion
pubhque et causait beaucoup d'anxiété et de malaise,
car, sur la manière de la régler, il existait des divergences
d'opinion dans le haut clergé. Aussi, le gouvernement
étaît-îl désireux de la faire disparaître de l'arène poUtique,
et le premier ministre crut qu'il serait sage de profiter de
la réorganisation des écoles normales pour hâter le règle-
ment de cette affaire difficile.
Dans le tçmps, il circulait une rumeur d'après la-
quelle l'on s'était adressé à la Sacrée-Congrégation de la
Propagande à Rome pour obtenir que les biens des Jé-
suites dont le gouvernement avait la possession fussent
attribués à l'université Laval par le Saint-Siège. M.
Ross jugea bon d'écrire à Son Excellence Mgr Henri
Smeulders, alors commissaire apostohque au Canada,
une lettre dans laquelle il lui fit connaître sa pensée, siu*
cette question des biens des Jésuites. ^ Il lui dit que,
quoique le conseil des ministres n'eût pas été mis au cou-
1 Lettre du 26 août 1884.
— 130 -^
rant de cette proposition d'affecter ces biens à l'univer-
sité, "son ferme désir était que la question des biens des
"Jésuites soit réglée d'une manière équitable et définitive
"et de telle sorte que les intentions des donateurs soient
"respectées; mais qu'un règlement qui transporterait ces
"biens à toute autre institution ou ordre qu'aux Jésuites
"ne serait pas considérée par le grand nombre comme un
"règlement satisfaisant et, que d'ailleurs il serait difficile
"sinon impossible d'y arriver. Si cependant Rome
"décidait qu'une part de l'indemnité réclamée pourrait
"être employée autrement, la plus grande partie étant
"rendue aux Jésuites, il est possible que l'opinion publique
"serait satisfaite. ^ Il ajouta qu'il importait que ce
"règlement ne soit fait qu'une seule fois et non pas de
"telle sorte qu'on puisse le considérer comme injuste et
"en réclamer un autre."
A la session d'automne du comité catholique, le
premier ministre soiunit son projet de réorganisation des
* Après une correspondance entre le gouvernement de Québec et les
autorités romaines, ce fut sur cette base que cette question fut en effet
réglée plus tard. Le lieutenant gouverneur M. Masson étant allé à Rome
en 1887, fit connaître au Souverain Pontife qu'après le renversement du
cabinet Ross, il avait appelé au poste de premier ministre M. Mercier qui
était animé du désir de régler cette épineuse affaire. Le Pape ayant ex-
primé la crainte que le règlement de cette question si controversée ne ren-
contrât une formidable opposition de la part des adversaires du nouveau
gouvernement, M. Masson fit part à sa Sainteté de la lettre ci-dessus citée
de M. J. J. Ross à Dom Smeulders. Oh ! alors c'est bien différent, dit
Léon XIII qui invita son distingué visiteur à passer dans un cabinet voisin
où le projet de règlement fut arrêté.
Après cette visite de M. Masson à Rome, le Saint Siège ayant chargé
le R. P. A. Turgeon, S. J. de la revendication des biens de l'Église en cette
affaire, M. Mercier s'empressa de faire adopter par la législature de la
province la loi du 12 juillet 1888 qui ratifia l'engagement intervenu entre les
Pères de la compagnie de Jésus et le gouvernement.
— 131 —
écoles normales en exprimant l'espoir qu'on adopterait
le mode indiqué ou tout autre mode qu'on croirait devoir
proposer. Or, le Comité, prenant en considération cette
importante demande, nomma un comité spécial pour
étudier le plan proposé et constater si les reproches faits
au système tant au point de vue de l'enseignement qu^à
celui des dépenses étaient fondés ou non. ^
Au cours de l'enquête à laquelle procéda le sous-
comité, celui-ci entendit comme témoins les abbés Ver-
reau et Lagacé, principaux des écoles normales de
Montréal et de Québec, et prit communication des divers
docmnents qui avaient été remis au gouvernement, outre
les mémoires de Mgr Laflèche et une lettre de M. J.-A.
McCabe, principal de l'école normale d'Ottawa.
Dans son rapport au comité catholique, le sous-co-
mité exprima l'avis que le gouvernement ne pouvait
notablement diminuer les dépenses des écoles normales
sans nuire à leur efficacité; que ces institutions fournis-
saient à l'enseignement un nombre de sujets proportionné
aux besoins du pays, eu égard aux traitements peu élevés
que recevaient les instituteurs et que, étant données les
circonstances dans lesquelles se trouvait la province au
point de vue de l'instruction, le cours d'études n'était ni
trop élevé ni trop long. En outre, il formula le vœu de
voir fonder, sous la direction d'institutions religieuses,
des écoles normales de filles dans les diocèses. Mgr des
Trois-Riviéres concourut volontiers dans cette dernière
proposition mais exprima son dissentiment quant au
^ Ce sous-comité se composait de Tarchevêque de Québec, des évêques
des Trois-Rivières, de Rimouski, de Sherbrooke et d'Ottawa et des hono-
rables sir N.-F. Belleau, P.-J.-O. Chauveau, L.-S. Jette et du siuintendant.
— 132 —
reste. ^ Le rapport fut adopté et transmis au gouverne-
ment; mais, vu l'attitude prise par le Comité catholique,
M. Ross n'insista pas davantage sur la réforme qu'il
aurait voulu opérer dans la constitution des écoles nor-
males.
^ Séance du 11 novembre 1884.
CHAPITRE NEUVIÈME
1888
Un incident — La ville de Montréal et la gra-
tuité'de l'enseignement.
Avant de poursuivre Texposé des questions scolaires
que le Conseil de Tlnstruction publique était appelé à
résoudre, nous rappellerons Fincident qui se produisit
en 1888, sous le gouvernement Mercier et qui causa dans
le public quelque scandale.
Le comité catholique, comme le comité protestant du
reste, possédait parmi ses membres laïques des hommes
d'une incontestable valeur. Les uns avaient occupé ou
occupaient des positions élevées dans le monde politique,
d'autres faisaient honneur à la magistrature du pays.
Citons particuUèrement sir N.-F. Belleau, ex-Ueutenant-
gouverneur, M. Chs Boucher de Boucher ville, ancien
premier ministre de la province, les juges Jette, Bossé,
Routhier et Crépeau, C.R. Pour des motifs qu'il ne
crut pas à propos de faire connaître et qui n'en parurent
que plus sujets à caution, le cabinet tenta un effort pour
éliminer du Comité ces personnages distingués dans l'in-
tention, à ce qu'il semble, de les remplacer par des hommes
plus sympathiques aux projets de réforme du gouverne-
ment. La difficulté était de trouver des raisons qui pus-
sent justifier le grand changement que l'on voulait
opérer dans la composition du Conseil, et, faute de pouvoir
— 134 —
s'en prendre avec vraisemblance au talent et à la com-
pétence de ceux que Ton désirait faire disparaître, on fit
au secrétariat de la province im relevé de leurs absences
plus ou moins fréquentes des séances du comité, et ce fut
pour im motif aussi fragile et aussi mesquin que le chef de
ce département s'appuya pour leur écrire une lettre qui,
si Tespoir du ministre n'était point déçu, devait amener
leur résignation immédiate.
Le comité protestant ne fut pas plus épargné que le
comité catholique et le juge L.-R. Church, ancien ministre,
fut un des premiers à qui l'honorable M. Gagnon écrivit
pour lui demander sa démission.
En réponse à ces demandes injustifiables et déplacées,
le secrétaire de la province reçut de plusieurs membres
du conseil des rebuffades qui durent lui faire regretter le
procédé dont il s'était servi. MM. de Boucherville et
Routhier résignèrent inmiédiatement, mais MM. Belleau,
Jette, Bossé et Crépeau se refusèrent à le faire.
Comme les lettres que M. Gagnon adressa aux per-
sonnes ci-haut nommées sont identiques dans les termes,
nous ne reproduirons que celle qu'il envoya au juge
Jette.
Québec, le 6 décembre 1888.
Monsieur,
En consultant le tableau des présences au conseil
de l'Instruction publique et du comité cathoUque de ce
conseil de septembre 1886 à octobre 1888, je constate
que sur quinze séances vous n'avez assisté qu'à cinq
séances.
Mes collègues et moi à qui ce tableau des présences
a été soumis, m'ont autorisé à communiquer avec vous
et à vous demander si, vu ces nombreuses absences, vous
croyez remplir à votre satisfaction et à celle du public
— 135 —
les devoirs de la charge que vous occupez comme membre
du Conseil de rinstruction publique.
Nous sommes bien convaincus, mes collègues et moi,
que ces absences sont dues à vos nombreuses occupations
en dehors de cette charge et que vous comprenez aussi
bien que nous la njécessité pour les membres du conseil de
rinstruction publique de ne point négliger les grands
intérêts qu'ils y représentent.
Serait-ce trop vous demander que de vous prier de
nous faire connaître vos vues sur la question qui fait le
sujet de la présente?
Agréez l'expression de la considération avec laquelle
j'ai Phonneiu- d'être.
Votre tout dévoué,
(Signé) Chs-A.-E. Gagnon,
Secrétaire de la Province.
Uhonorable Juge Jette,
Montréal, P. Q.
M. Jette répondit dans les termes suivants:
Montréal, 19 décembre 1888
L'honorable C.-A.-E. Gagnon,
Secrétaire de la Province
Monsieur,
Votre lettre du 6 courant ne m'est parvenue que le ï 7.
Je vous avoue que je suis fort surpris de votre de-
mande et je ne vous cache pas que je la considère comme
une injure que je ne croyais pas avoir méritée.
Je crois devoir vous informer cependant que depuis
que j'ai eu l'honneur d'être appelé au Conseil de l'Ins-
— 136 —
truction publique par radministratîon présidée par
l'honorable M. Joly en 1878, j'ai assisté à presque toutes
les séances du comité catholique de ce conseil, et si, j'ai
été absent de quelques-unes des séances de ses sessions,
c'est parce que les affaires importantes ayant été ex-
pédiées, je considérais que ma présence n'était pas né-
cessaire pour les matières de routine réservées pour les
séances complémentaires.
Je n'hésite donc pas à dire que la statistique que l'on
a bien voulu faire de mes absences ne m'a pas convaincu
que l'intérêt public en ait souffert.
En conséquence, je me permets de ne pas partager
votre opinion, ni celles de vos collègues à ce sujet, et, sans
avoir une idée exagérée de mon utilité, je crois devoir
refuser la démission que vous semblez me demander.
J'ai l'honneur, etc., etc.,
(Signé) L.-A. Jette ^
Cette réponse et d'autres du même genre mirent fin
à un incident qui ne fait pas honneur au gouvernement
de l'époque.
Notre régime éducationnel subit les attaques d'ad-
versaires qui voudraient le réformer sous le spécieux pré-
texte que l'instruction donnée dans nos écoles n'est pas
pratique, qu'on enseigne trop de reUgion aux enfants et
que leurs hvres classiques sont trop nombreux. Il y a,
sans doute, chez ces gens, des variétés de tendances et
d'idées. Les uns, faute d'expérience, n'ayant aucune
notion des principes qui doivent guider les relations
entre gouvernement et individu et, ne regardant pour
ainsi dire que les dehors de la question, s'attellent sans
réfléchir au char de meneurs rusés et avides de change-
* Documents de la session 1889. Vol. 22. III. Réponse 117, p. 7.
— 137 —
ments. Les autres n'ayant reçu qu'une instruction pri-
maire ordinaire, ont cependant la prétention de se croire
en état de résoudre les problèmes sociaux les plus com-
pliqués et dont la solution exige des connaissances phi-
losophiques étendues. Ils se laissent éblouir par les mots
sonores de progrès et d'émancipation, afin de faire parade
d'idées larges et de ne pas céder en ce point aux esprits
forts; ils ne soupçonnent pas qu'en matière d'éducation
les principes constitutifs de la société sont en jeu et ils ne
prévoient pas quel mal on peut produire, à quelles consé-
quences désastreuses on peut arriver en portant atteinte,
pour le profit de l'État, aux droits du père de famille.
D'autres encore, imbus d'idées radicales et plus dange-
reuses, abusent, pour parvenir à leurs fins détestables,
de la créduUté et de la bonne foi de ceux qui les suivent.
C'est ainsi qu'en 1890, des esprits à tendances ul-
tralibérales cherchèrent à créer dans la province un mou-
vement favorable à la gratuité de l'enseignement et à
l'instruction obligatoire.
Le congrès ouvrier du Canada, désirant obtenir des
modifications à la loi des manufactures, fit, à l'inspiration
de ses chefs, irruption dans le champ scolaire et, dans une
lettre aux ministres de la couronne, demanda l'adoption
d'une loi pour rendre l'instruction obhgatoire gratuite.
De son côté, le conseil de ville de Montréal se prononça
pour la gratuité des écoles et communiqua au gouverne-
ment le vœu de la voir réalisée.
Cette coïncidence entre la demande du congrès
ouvrier et celle de Montréal fut remarquée, mais la ques-
tion prit une envergure beaucoup plus grande quand on
apprit que le chef du cabinet avait demande au Surin-
tendant son avis non seulement sur la décision prise par
le conseil municipal de Montréal, mais aussi sur le coût
probable de la réforme proposée, si l'on substituait de
— 138 —
la sorte au mode existant d'aider les écoles celui de la
gratuité pratiquée aux frais de l'État. Dans le même
temps, M.'Ouimet qui avait demandé au gouvernement
d'augmenter la subvention annuelle pour le maintien des
écoles commîmes, reçut du secrétaire de la province,
M. Chs Langelier, l'information que sa requête ne serait
prise en considération que lorsqu'il lui aurait fait connaître
son opinion sur -la proposition de la cité de Montréal
"dont les conséquences, ajoutait le ministre, devront
"s'étendre sur toute la province". ^
Parmi les journaux spécialement dévoués à l'appro-
bation de la politique du gouvernement, VÉUcteur, ^ organe
du ministère, en faisant allusion aux projets de la loi
annoncée dans le discours du trône, à la session d'automne,
exprima nettement sa pensée en disant que notre système
d'éducation populaire était défectueux et qu'on avait
tout intérêt à garder le pas avec les peuples qui nous en-
tourent. Parlant des projets du gouvernement, il s'écria: •
"Qui profitera en fin de compte de la plupart de ces dé-
penses" ? Le peuple. L'éducation gratuite, les ponts en
fer. . . sont à son profit." On savait dans le public que
l'honorable M. H. Mercier avait lui-même, plusieurs années
auparavant, prononcé devant le club National de Montréal
un discours en faveur de l'Instruction obligatoire, et il
était naturel de se demander s'il avait l'intention, mainte-
nant qu'il était au pouvoir, de mettre en pr*atique les
opinions qu'ils avaient émises en 1876. '
1 Lettre du 30 octobre 1890 Dossier 2150-90 du département de
l'Instruction publique.
» VÉUcteur du 8 novembre 1890.
3 Le 21 avril 1876. M. Mercier s'était ainsi exprimé: "La seule
question pour nous dans Tétat que nous fait notre loi scolaire n'est pas de
savoir si la société peut édicter des règlements pour pimir les parents
négligents, mais bien si cette société doit se contenter de la pénalité ac-
tuelle, eu si elle ne doit pas aller plus loin, faire un pas de plus et pimir par
— 139 —
Après une étude plus raîsonnée de Thistoire et des ques*
tions politiques, avait-il depuis seize ans modifié ses
idées sur ce point et ne se proposait-il, dans un but de
popularité, que de donner le change à certains chefs
ouvriers et à quelques-uns de ses partisans ? Dans tous
les cas, des personnes peu réfléchies de son entourage
s'efforçaient de le pousser. dans la voie dangereuse du
monopole de PÉtat en fait d'instruction.
Sur la demande de production de la correspondance
échangée entre le conseil de ville de Montréal, le Surin-
tendant et le gouvernement, la question de gratuité fut
l'objet d'im débat au conseil législatif.^ Il paraissait
une amende ou la privation des droits politiques ceux qui, sans excuse,
négligent de donner à leurs enfants les bienfaits de l'éducation élémentaire.
La révolution de 1789 qui a fait tant de grandes choses que les horreurs
de 93 n'ont pu faire oubUer, a cru nécessaire pour relever Thomme de la
dégradation dans laquelle une tyranie onze fois séculaire l'avait plongé de
lui ouvrir à deux battants les portes du temple de l'instruction et ne manqua
pas pour mieux y parvenir d'obliger les pères et mères d'envoyer les enfants
aux écoles élémentaires; ime amende était imposée à ceux qui négligeaient
de faire inscrire les enfants sur le registre de l'école, les récidivistes étaient
punis par la privation durant dix ans de leurs droits civiques. La même
pénalité frappait les jeunes gens qui, à l'âge de vingt ans, n'avaient pas
appris une science, un art, ou un métier utile à la société.
"C'est en Prusse que l'instruction obUgatoire paraît avoir produit des
résultats plus tangibles et c'est là aussi qu'on trouve son apphcation mieux
réglée et sa violation mieux punie par la loi.
Un écrivain distingué croit que le meilleur moyen d'engager les
parents à faire instruire leurs enfants serait de priver de leurs droits politi-
ques tous ceux qui, avant vingt ans, ne sauraient ni lire ni écrire. Toute-
fois il me paraîtrait rationel de l'accompagner d'ime autre pénalité contre
les pères qui, à partir de telle époque, ne rempliraient pas les conditions
voulues par la loi en envoyant à l'école, pendant un certain nombre de
semaines chaque année, ou en faisant instruire autrement leurs enfants.
De cette manière, on atteindrait le véritable coupable, car punir le fils,
c'est rejeter sur lui la faute à laquelle il n'a pas participé; mais frapper le
père et le fils c'est provoquer leur attention et stimuler leur zèle à l'égard
d'une obligation qu'ils auront un intérêt égal et réciproque à remplir".
* Séance du 26 novembre 1890.
— 140 —
évident par cette correspondaiice que le cabinet avait
l'intention d'altérer profondément la loi de Tlnstruction
publique, de rendre l'enseignement gratuit, de prendre à
sa charge la construction des bâtiments scolaires dans les
campagnes et de fournir les Uvres de classe aux enfants.
C'était une très grave et très dangereuse innovation que
le gouvernement pensait à accomplir; elle attaquait le
principe même de l'autorité paternelle par la gratuité de
l'instruction obligatoire et aussi l'ordre administratif
par une atteinte qu'elle portait à l'autonomie municipale.
On sait du reste que les chefs de l'église cathoUque ont
toujours été hostiles à Pinstruction gratuite et obhgatoire
qui forme partie du progranmie maçonnique et ouvre la
voie à la neutralité scolaire.
Quant à l'autonomie municipale, il existe pour le
maintien des écoles primaires dans les paroisses une taxe
sur les immeubles. Cette taxe, ce sont les contribuables
eux-mêmes qui, par les coromissaires qu'ils élisent, l'im-
posent en proportion des ressources nécessaires pour les
écoles. En enlevant au peuple la fixation et le prélève-
ment de l'impôt scolaire, le gouvernement aurait porté
atteinte au principe de la décentralisation des pouvoii:s
publics qui est une des bases de notre organisme poUtique
et aiu*ait aussi ébranlé ou violé le principe même sur
lequel repose notre système municipal. Pourtant nos
corps municipaux et scolaires, nous l'avons fait remarquer,
ont été comme une école où le peuple canadien a appris à
comprendre les rouages de notre régime parlementaire,
à se rendre compte de l'importance du gouvernement res-
ponsable et à user avec discernement de ses hbertés po-
litiques. C'est un terrain siu- lequel on ne saurait souf-
frir l'intervention de l'État, d'autant plus que mettre les
écoles primaires sous le contrôle immédiat des gouverner
ments constitue, au point de vue cathoUque, un danger
— 141 —
très redoutable. Quand ici, nous disons "cathoKque",
nous entendons user du mot dans son sens le plus absolu
dans celui de l'universalité; et nous l'appliquons aux pro-
testants comme aux fidèles de l'Église de Rome, car, à
quelque dénomination religieuse que nous appartenions,
nous avons le même intérêt à ne pas violer les droits in-
hérents à l'autorité paternelle et à ne pas jeter la pertur-
bation au sein de la société domestique. Mais depuis
Féclosion du libéralisme doctrinal au X Vie siècle, et surtout
depuis la grande révolution française, les principes fon-
damentaux de la société ont conmaencé d'être obscurcis,
même parmi beaucoup de catholiques. Comme l'a fait
remarquer le célèbre cardinal Billot, il en est résulté qu'il
est très difficile de faire admettre la vérité de ces prin-
cipes "par ceux que l'éducation, que l'habitude du présent
état de chose,, que l'opinion généralement répandue, que
l'atmosphère ambiante, si l'on peut dire, ont pénétré des
dogmes du hbéraUsme moderne".
Le protestantisme admet l'omnipotence de l'État sur
l'Église. Le roi d'Angleterre est à la fois le chef de la
reugion et le souverain de la nation. En matière reU-
gieuse, il ne possède par lui-même aucune autorité doc-
trinale et, comme en poUtique, il règne et ne gouverne
pas, la constitution lui enjoint de suivre l'avis de ses mi-
nistres. Cetta fusion de la société rehgieuse et de la
société civile en un tout produit nécessairement une al-
tération ^prof onde du principe qui doit servir de base aux
relations régulières entre la société spirituelle et la société
temporelle.
Différente doit être la conception de l'ordre social
chrétien et différent en est le fondement.
D'une fausse conception de l'autorité paternelle et
de l'autorité civile sont nées les erreiu^ qui ont coiu-s en
matière d'éducation, et la méconnaissance des droits de
I
— 142 —
l'Église et de la Famille a été en partie la source des maux
dont gémit la société moderne.
Conmie on le sait, il existe dans le monde trois
grandes sociétés: la société religieuse, la société domestic|ue
et la société politique ou civile, c'est-à-dire l'EgUse, la
Famille et l'Etat. Dans sa sphère d'action, chacune de
ces sociétés possède son existence particulière et son in-
dépendance. La société religieuse, fondée en vertu du
droit divin positif, est la plus élevée, puis vient la société
domestique, car la dignité paternelle, après la dignité
i sacerdotale, est la plus noble et la plus sublime. Coname
l'a dit un philosophe chrétien: "La paternité est la con-
tinuation de l'action du Dieu créateur comme le sacer-
doce est la continuation du Dieu sanctificateur". Quant
à la société civile, elle a sa fin propre et, dans l'ordre tem-
porel, elle relève immédiatement de Dieu. Pour ce qui
regarde ceux qui se disent et se croient de préférence à
tout autre les amis de la hberté, ils s'écrient: "Le peuple
est souverain". Non le peuple n'est pas souverain, car
l'autorité ne vient pas des individus, mais de Dieu qui a
créé le monde et l'ordre qui doit le régir. Le peuple
n'est pas plus au-dessus de toute loi et de toute justice
que ne l'est le monarque despote qui voudrait de sa
volonté faire la loi suprême. Le pouvoir civil a pour
limite la loi de Dieu. Il faut obéir à Dieu plutôt qu'aux
hommes, a dit saint Paul. Donc, dans les trois sociétés,
l'autorité vient de Dieu et, comme l'a dit le Père Félix:
"tout ce qui est créateur est auteur, et tout ce qui est
auteur a une autorité; il a l'autorité sur ce qu'il produit".
Dans la famille, l'autorité vient directement de Dieu.
Dans l'État, l'autorité du gouvernement a aussi son
\origine en Dieu quant à son essence, mais non pas dans
sa forme "c'est-à-dire que Dieu n'a pas étabh d'une ma-
"nière précise et définie la forme du pouvoir dans le gou-
— 143 —
*i
vernement civil, comme il Ta fait pour la famille et
"F Église; il en a laissé le choix aux hommes suivant les
"circonstances de temps et de lieux, selon les usages et
*^Ies besoins des populations''. ^
Il découle de ces principes que les parents ont le
droit et aussi le devoir de donner à leurs enfants l'éduca-
tion naturelle, comme l'Église a la mission de donner à
tous les hommes l'éducation surnaturelle. La préten-
tion contraire est la violation des lois primordiales de la
natin-e, et de là surgit tout le bruit qui se fait autour de la
question scolaire. Nous répéterons après d'autres que les
instituteurs à l'école ne sont pas les représentants des
gouvernements, mais bien du père et de la mère de
famille. Ceux-ci donnent à leurs enfants en bas âge
l'éducation qui leur convient; ils leur apprennent les no-
tions premières des choses: mais, absorbés par les soins
du ménage et les travaux quotidiens de la vie, il arrive
une époque où ils ne peuvent donner eux-mêmes à leurs
enfants toute l'instruction dont ils ont besoin; alors ils
les envoient à l'école et les confient à la sollicitude d'une
maîtresse ou d'im maître dont ils font le choix. Et cette
instruction qu'ils reçoivent à l'école, le père peut exiger
qu'elle soit conforme à ses croyances religieuses, qu'elle
réponde à ses principes plutôt qu'à ceux des hommes qui
tiennent les rênes du pouvoir civil et dont la fonction est
seulement de venir en aide pour cette œuvre éducation-
nelle aux parents et de leiu- prêter leur concours. Comme
l'a écrit Dom Benoit: "l'État a le droit de surveiller
l'éducation et d'intervenir dans l'école en la mesure où
le bien public le demande, à la condition toutefois de ne
^ Mgr Laflèche — CJonsidérations sur les rapports de la société civile,
p. 87.
- 144 —
pas porter atteinte aux droits antérieurs de la famille
et de respecter l'autorité supérieure de T Église''. ^
C est ime méconnaissance entière du rôle fondamen-
tal de rÉtat et de l'autonomie de la famille qui, dans
l'actuelle question scolaire de l'Ontario, faisait dire
à un juge de Toronto: "Je ne sache pas que la loi na-
turelle puisse encore s'appliquer de nos jours". Ce ma-
gistrat am-ait dû savoir que l'autorité civile est subor-
donnée au droit natiu^el et divin, qu'elle ne peut mécon-
naître ces lois essentielles qui doivent être à la base de
toute législation et que l'autorité judiciaire a le devoir de
respecter. Cet aphorisme stupéfiant dénote chez ce
juge une intolérable ignorance doctrinale et un mép^ris
absolu dès légitimes libertés de la puissance paternelle.
Nous complétons notre pensée en citant la comparai-
son suivante de feu Mgr Laflèche dont les profonds
enseignements sont restés si vivaces dans le diocèse des
Trois-Rivières et dont la mémoire est toujours en grande
vénération du Saint-Lam-ent à la vallée de la Saskatche-
wan. Parlant de l'intervention de l'État en matière
d'éducation, il écrivait: "Que faut-il penser du jardinier
qui voudrait se charger de nourrir lui-même les fruits
différents qui croissent dans son parterre, leur donner,
sans le ministère des arbres qui les portent, la sève qui
convient à chaque espèce? N'est-il pas évident qu'une
semblable idée dénote chez lui une aberration de ju-
gement plus que suffisante pour faire douter de l'état
sanitaire de son cerveau, et démontrer à l'évidence qu'il
n'a pas la première notion de sa mission et de son mi-
nistère, puisqu'il ignore cette grande loi de la nature qui
prescrit au végétal de nourrir, de protéger le fruit auquel
il a donné naissance, jusqu'à ce qu'il puisse se suflSre à
^ Dom. Benoit — Encens modernes. Vol. I, p. 107.
— 145 —
lui-même. Le jardinier doit prendre soin des arbres, les
grouper convenablement, leur procurer autant qu'il le
pourra les substances que ces mêmes arbres pourront
seuls élaborer et transformer en une sève vivifiante avec
laquelle ils nourriront leurs fruits. Mais se charger lui-
même d'élaborer cette sève, d'entrer en rapport immédiat
avec leurs fruits, de la leur distribuer journellement et
dans une juste mesure, c'est une folie qui n'est encore
jamais passée par la tête d'aucun jardinier.
"Non, la mission et le devoir du jardinier c'est de
protéger l'arbre, de l'arroser; la mission et le devoir de
l'arbre, c'est de nourrir le fruit en lui donnant la forme
et l'éclat convenables. Or, le jardinier c'est l'État, l'arbre
c'est la famille, le fruit c'est l'enfant.
"La même loi d'éducation régit le règne animal. . .
Ici encore, c'est l'être qui a donné la vie qui est chargé
par la nature de la développer et de la perfectionner. . .
Toujours et partout, dans la classe des êtres privés de
raison, le père et la mère sont par instinct les instituteurs
nécessaires de leurs petits". ^
En parlant de la loi que le cabinet Mercier se proposait
de présenter à la législature, nous ne voudrions pas
laisser croire que les ministres qui étaient des catholiques
convaincus avaient le dessein de faire donner aux enfants
une instruction purement laïque dans le sens condamnable
du mot ni de soustraire l'école à l'influence de la? religion.
Telle n'est pas notre pensée; mais nous disons que, quelles
que puissent être les intentions, ime loi qui viole im prin-
cipe aussi sacré, aussi divin que celui de la puissance pa-
ternelle, menace dans son autonomie la société domestique,
car elle peut fournir à im gouvernement imbu de ra-
tionalisme le moyen de profiter des circonstances pour
^ Loco cUato, p. 145.
— 146 —
s'emparer pratiquement de Finstruction de la jeunesse
et agir dans le sens qu'indiquait Paul Bert quand il
disait: "La laïcité de l'enseignement consiste d'abord
à exclure l'Église".
Dans sa réponse au premier ministre, le Surinten-
dant se demandait si le projet de donner gratuitement
l'instruction non seulement aux enfants de la ville de
Montréal, mais à ceux de toute la province était chose
réalisable. Additionnant le montant des impôts annuels
poiu" fins scolaires sur la propriété foncière, celui de la
rétribution mensuelle exigée des enfants, la somme totale
des dépenses requises pour la construction et la répara-
tion des maisons d'écoles et pour le coût des livres de
classe, M. Ouimet arriva à la conclusion suivante: ''J'es-
time, dit-il en résumé, que le gouvernement devra s'at-
tendre à payer au moins deux millions de dollars annuelle-
ment, s'il établit le système de gratuité". Ce chiffre,
quoique élevé, semblait encore au-dessous de la réaUté;
et il le serait bien davantage aujourd'hui, étant donnée
l'augmentation de la population et les besoins nouveaux
qui s'imposent. Les contributions des municipalités et
du gouvernement ayant excédé en 1911-12 la somme de
six millions pour les besoins de l'Instruction publique, la
législature serait obligée de voter pareille somme annuelle-
ment avec perspective d'augmentation constante et, pour
combler -le déficit du trésor, le gouvernement imposerait
nécessairement de nouvelles taxes. C'est ce que quelques-
uns appellent ''la gratuité de l'enseignement".
Quoi qu'il en soit, ne pourrait-on pas, au seul point
de vue financier, trouver dans le chiffre de deux millions
en 1890 et de six miUions en 1912 im fort argument contre
cette prétendue gratuité d'enseignement?
En fait d'instruction, il y a deux espèces de gratuité.
L'une est absolue, celle recommandée par les chefs de
— 147 —
I
l'école libre-penseuse, et par ceux qui, sans être irréli-
gieux, s'efforcent de pénétrer dans le domaine familial
comme pour y enlever un lambeau de son territoire.
Cette gratuité est offerte comme im remède salutaire à
l'ignorance des masses, mais en soi, elle est illusoire et
constitue poiu* les familles peu fortimées ime aggravation
de charges, puisque toutes les dépenses qu'entraîne le
soutien des écoles sont nécessairement inscrites au budget
du gouvernement civil ou de la municipalité. Le fardeau
de l'impôt pèse sur tous les contribuables, pauvres ou
riches. Elle constitue aussi en réalité ime dépense qui
échappe plus ou moins au contrôle des parents. ''Cette
gratuité, remarque im auteur, est son premier pas et
un pas considérable dans la voie du socialisme". Comment,
en effet, à moins de proclamer la commimauté des charges
et des biens, admettre que l'État fasse supporter à la
masse des citoyens une part plus élevée d'impôts pour
donner gratuitement l'éducation à des enfants dont les .
parents peuvent la payer" ? ^
"La gratuité, dit à son tour Mgr L.-A. Paquet, pro-
fesseur de théologie à l'université Laval est un anneau de
la chaîne forgée par les sectes pour étouffer la foi chrétienne
et assujettir à leurs doctrines l'esprit de l'enfance. Fût-
elle en elle-même absolument inoffensive que son alliance
avec la neutralité , la laïcité et la /contrainte scolaires serait
suffisante pour nous la rendre suspecte et nous engager
à la rejeter comme un présent funeste. Elle a l'appa-
rence d'im don, elle est, en réaUté, un piège tendu aux fa-
milles chrétiennes. Ces familles que la neutralité seule
effrayerait, on les sollicite, on les attire par la puissance
d'une amorce à laquelle peu d'entre elles sont absolument
insensibles. Que si elles résistent aux attraits de la ten-
^L'axoUée — h^Étatj le père et V enfant.
— 148 —
tation, on les presse davantage en ajoutant un stimulant
nouveau Pendant que d'une main on leur montre le
chemin de l'école gratuite, de l'autre on fait claquer sur
leur tête le fouet de l'obligation scolaire." ^
L'autre gratuité résulte des largesses particulières
d'insignes bienfaiteurs et ne coûte rien à la personne qui
en bénéficie. Citons comme exemple de cette gratuité
véritable et bienfaisante les fondations faites dans nos
collèges catholiques et qui ont leur origine dans l'intelli-
gente générosité des autorités ecclésiastiques et des curés
de campagne. Citons aussi les remises totales ou par-
tielles du prix de la pension et de l'instruction que l'on
fait si fréquemment en faveur des élèves pauvres dans ces
maisons de haut enseignement. C'est à cette source
jamais tarie que la province canadienne-française de
Québec a puisé cette remarquable éducation classique qui
la place au premier rang parmi ses provinces sœurs de
la confédération.
En définitive, le rapport significatif du chef du dé-
partement de l'Instruction publique, un examen plus
approfondi de la question et tout probablement les re-
montrances et les conseils d'amis sages et expérimentés
durent convaincre le gouvernement de la quasi-impossi-
biUté et du danger qu'il y avait de prendre à sa charge
toute la dépense scolaire, car H ne présenta là-dessus
aucune loi à la législature et, il ne parla plus dans la suite
de prendre à son compte les frais de l'enseignement pri-
maire.
* Mgr Paquet — Droit public de VÉgliae — U Église et l'ÉAjca-
TION, p. 250.
CHAPITRE DIXIEME
Une décade importante 1 890 J 900
L'enseignement du dessin — La langue française
L'ÉQUIVALENCE DES DIPLÔMES d' INSTITUTEURS.
Les quinze premières aimées d'existence du Conseil
de l'Instruction publique créé en 1875 avaient été la con-
tinuation du grand travail d'élaboration commencé avec
l'établissement des écoles normales. A mesiu-e que l'on
faisait disparaître les encombrements de la route, l'œuvre
de l'instruction primaire se perfectionnait et le filet d'eau
de la source prenait du volume et de la force.
La décade de 1890 à 1900 devait être également fruc-
tueuse, et il est facile aujourd'hui de constater les heureux
résultats des lois et des règlements qui furent alors adop-
tés. L'ime des premières et des pressantes questions
mises à l'étude fut celle de l'enseignement du dessin à
l'école élémentaire.
Au chapitre sixième, nous avons vu que le conseil
des arts et manufactures, dans le but de répandre cet
enseignement, avait recommandé la méthode Smith, et
rédigé des règlements qui avaient reçu l'approbation du
Comité catholique. Dans des conférences faites en divers
endroits, l'auteur même exposa cette méthode pour en
assurer sa diffusion et le gouvernement, dans le but de
la faire adopter, publia xm manuel qui contenait un ré-
— 150 —
sumé complet de ces entretiens. Cependant, après
quelques années, cette méthode ne paraissait guère s'être
répandue et l'enseignement du dessin à la petite école
était resté pour bien dire lettre morte. Du reste, l'on
avait oublié de recourir aux moyens qui pouvaient con-
duire au succès, car, pour donner à cette matière du cours
une impulsion vraiment pratique, il aurait fallu im pro-
granmie bien conçu, des instituteurs capables d'en sur-
veiller l'exécution et une direction expérimentée.
Le comité catholique se rendant compte de cet in-
succès et constatant chez le plus grand nombre des titu-
laires des écoles l'absence des connaissances requises pour
appliquer cet article du programme scolaire, recommanda
d'envoyer en voyage d'études im professeur de dessin avec
mission de se renseigner siu* les différentes méthodes en
usage dans les meilleures écoles d'Angleterre, de France
et de Belgique. Le gouvernement comprit la valeur de
la proposition et chargea de cette mission spéciale M.
Ch.-A. Lefèvre, de l'école normale Laval.
Chose assez singulière, cette même année et avant
le retour de M. Lefèvre, certaines personnes intervinrent
auprès de l'administration pour imposer à nos écoles pri-
maires une prétendue méthode de dessin dite ''Méthode
Nationale" et qui avait pour auteur un M. Temple.
Le gouvernement sans égard pour la décision du conseil
et sans attendre le rapport de son envoyé en Europe, se
laissa circonvenir, et, cédant aux instances de quelques
amis, fit imprimer en anglais et en français quantité de
manuels spéciaux que l'on distribua et dont il reste encore
des vestiges dans les caves du palais législatif. Mais le
Comité cathoUque, conséquent avec lui-même, refusa
d'approuver cette méthode de dessin qui n'en était pas
une et qui n'avait de nationale que le nom.
— 151 —
A son retour d'au delà de TAtlantique, M. le profes-
seur Lefèvre transmit au gouvernement son rapport et
signala Fénergie que mettaient les pays européens à
exiger l'enseignement du dessin à tous les degrés du cours
primaire, dans les écoles maternelles, aussi bien que dans
celles des cours supérieurs. Il faut reconnaître que,
depuis quarante ans surtout, ces pays n'ont rien épargné
pour acquérir dans les sciences une prépondérance mar-
quée; avec une intelligence parfaite du mouvement com-
mercial et manufacturier et des divers besoins de Tépoque,
ils n'ont pas hésité à dépenser largement pour conquérir
la suprématie industrielle et développer Ténergie intel-
lectuelle des classes ouvrières. 'On a dit avec raison que
cet enseignement du dessin "est la base de l'éducation
artistique des peuples, et cette éducation artistique est
elle-même une des conditions indispensables de leur pros-
périté industrielle."
Cet enseignement fut complètement réorganisé dès
1878 en Belgique et en France ; l'on y changea les méthodes
et l'on s'appliqua à utiliser, avec un grand degré de puis-
sance, la valeur éducative du dessin dont l'étude forme
le goût et développe excellemment la faculté d'observa-
tion.
Il en fut de même en Allemagne : ce pays après avoir
battu la France sur le champ de bataille de Sedan voulait,
selon le mot du prince impérial allemand, la vaincre dans
le domaine des arts appliqués à l'industrie. Aussi on y
encouragea, avec toute l'énergie possible, l'étude du dessin
dès l'école primaire, afin de préparer les enfants, par les
notions premières de cet art, à entrer dans les écoles
techniques.
Les pays européens ne se sont pas arrêtés aux ré-
formes accomplies, il y a trente ans, en cette matière,
quelque importantes qu'elles aient été. Assez récemment
— 152 —
il y eut en France un mouvement très accentué en faveur
de nouveaux changements. Le tableau du commerce
extérieur ayant accusé, durant l'année 1908, une diminu-
tion de 319 millions dans les articles d'exportation fa-
briqués en France, la fédération des industriels et des
conunerçants français, en face de ce résultat, fit immé-
diatement entendre des plaintes sérieuses, et, pour main-
tenir l'enseignement technique au niveau le plus élevé, le
ministre des beaux-arts s'empressa de faire préparer un
projet de réorganisation de cet enseignement.
Dans notre province, l'on a semblé, dans le passé,
avoir en général, une conception inexacte de ce que doivent
être pour le jeune enfant les notions premières de dessin.
D'abord l'on ne s'est pas préoccupé de l'enseigner aux
petits dès la première année du cours, en même temps que
la lecture et l'écriture ; l'on a négligé d'employer ce puis-
sant moyen éducatif et peu de nos professeurs de dessin,
même dans les communautés religieuses, ont paru at-
tentifs à se mettre au courant des modifications que su-
bissaient ailleurs les méthodes d'enseigner du dessin. A
l'école primaire, au lieu de faire du dessin, la base ration-
nelle de l'enseignement du travail manuel, l'on a recherché
plutôt les applications aux beaux-arts, ce qui ne doit
se faire que dans les cours supérieurs ou dans des cours
spéciaux. Comme l'a dit M. Guillaume, cité par M.
Lefèvre: ''Rien ne serait plus propre à activer l'idée
du dessin que de l'étudier en se préoccupant tout d'abord
de quelques-unes de ses applications. Ainsi, lorsqu'il
s'agit de l'enseigner, quel que soit le parti que l'élève soit
appelé à en th^er plus tard, faut-U préalablement l'en-
visager dans son essence et dans ses procédés, le faire con-
naître à la fois dans ses modes et son unité. . .
"Le dessin reste à l'école un exercice de l'œU et de la
main. . . A bien prendre, le dessin est une langue et il
— 153 —
a sa grammaire. Ici le sentiment particulier de l'élève,
sa vocation ne saliraient se présumer, pas plus qu'à
l'école primaire on ne prévoit que tel enfant sera un
poète, un orateur, un historien. Mais on cherche à
mettre à sa disposition l'orthographe comme un instru-
ment indispensable, avec la conviction que quelle que soit
sa carrière, il devra savoir avant tout parler et écrire
correctement." ^
Les sages avis que donnait le délégué du comité
catholique ne furent pas entendus et les procédés démodés
qu'il avait signalés continuèrent à subsister. En 1898,
le comité catholique autorisa le surintendant à faire pré-
parer un programme de l'enseignement du dessin et des
directions pédagogiques l'expliquant et le commentant;
mais cette action du comité n'eut pas de résultat pratique.
Quatre ans après, le chef du département de l'Instruction
publique tenta de donner un regain de vie aux proposi-
tions faites douze ans auparavant par M. Lefèvre afin
d'organiser méthodiquement et d'après un plan d'en-
semble les classes de dessin dans les écoles communes,
mais des raisons particulières et peut-être aussi la crainte
que l'inspectorat ne dérangeât d'anciens procédés que
suivaient certaines institutrices en retard, firent échouer
la tentative.*
Neuf ans s'écoulèrent avant que le comité s'occupât
de nouveau de cette question depuis si longtemps en sus-
pens. Enfin, en 1911, il recommanda la nomination d'un
directeur général qui serait chargé de l'organisation du
dessin dans la province. Cette proposition fut bien ac-
cueillie par le gouvernement qui nomma cette même année,
à cette importante fonction, M. Ch.-A. Lefèvre, celui-là
* Le dessin à Técole primaire. Rapport par M. Ch.-A. Lefèvre,
1892.
^ Séance du Comité catholique du 9 septembre 1902.
— 154 —
même qui, en 1890, avait été envoyé en Europe pour y
étudier les différentes méthodes en usage dans les écoles
du vieux continent.
Il y avait lieu de se réjouir de cette nomination, car
si Ton veut que le Canada se distingue dans la produc-
tion des œuvres d'art et que les produits de nos manufac-
tures puissent supporter avantageusement la concur-
rence avec ceux des pays étrangers, enfin, si Ton veut
que les écoles professionnelles destinées à la formation de
l'apprenti répondent pleinement à Fattente de leurs fon-
dateiu-s et développent les aptitudes de nos hommes de
métier, il est urgent de donner pédagogiquement aux
enfants, dès le bas âge et dès leur entrée à Técole, un en-
seignement rationnel et pratique du dessin.
Le Comité catholique crut devoir aussi s'occuper du
perfectionnement et de l'épiu-ation de la langue ma-
ternelle du peuple, '^langue de Champlain, de Mgr de
Laval, de Montcalm et de Lévis; langue des hommes
d'état, des poètes, des prêtres et des soldats, langue de
Richelieu, de Bossuet, de Corneille et de Condé, langue
qui se prête et s'adapte à tous les sentiments dont vibre
l'âme humaine, à toutes les pensées qu'élabore l'esprit
humain, à tous les actes que produit l'activité humaine,
langue de force et de douceiu*, d'éloquence et- de poésie,
langue de justesse et de clarté transparente et pure comme
l'eau de vos grands lacs". ^
La cession de notre pays à l'Angleterre avait imposé
au Canadien français une tâche rude, pénible, hérissée
d'obstacles qui semblaient insurmontables. En effet,
les fumées de la bataille de Ste-Foy, glorieusement
remportée par Lévis et ses héroïques soldats s'étaient à
^ Lettre de M. Frédéric Masson, de T Académie française à Mgr Roy,
président du comité permanent du premier congrès de la langue française
au Canada.
— 155 —
peine dissipées qu'une lutte nouvelle s'engagea entre les
représentants des deux races qui, pendant de longues
arinées, avaient combattu l'une contre l'autre pour
s'assurer la possession du Canada. Séparé de la France,
le peuple Canadien ne voulut pas, malgré sa détresse,
livrer à ses nouveaux dominateurs son patrimoine na-
tional. Ce patrimoine renfermait un trésor plus précieux
que Te diamant, le parler de la France, la langue apprise
dans les plaines de la Loire et de la Seine et transmise
avec amour aux enfants nés sur les rives du Saint-Laurent.
Le combat fut âpre, la fermeté et la diplomatie prudente
de nos pères furent mises à l'épreuve, mais, finalement,
la constitution de 1774 vint garantir le maintien du droit
coutimiier de la France et l'usage de la langue française
devant les tribunaux de justice et dans la promulgation
des lois. Ce fut là une conquête bien précieuse, nationale
au premier chef et de plus bien canadienne.
Dans le siècle qui précéda la confédération des co-
lonies anglaises de l'Amérique du Nord, nos maisons de
haute éducation, en se constituant les gardiennes de notre
langue maternelle, augmentèrent la force de résistance de
notre race et préparèrent des armes pour combattre les
assimilateurs et les fusionnistes de l'époque. L'enseigne-
ment classique qu'elles donnèrent mit les chefs politiques
du Bas-Canada en état de lutter avec succès pour la re-
connaissance officielle de notre idiome national. Ce fut
ainsi que sir Louis-Hippolyte La Fontaine réussit à faire
effacer de la constitution de 1841 la clause qui avait pros-
crit la langue française comme langue de l'État.
A leur tour, les Taché, les Cartier, les Langevin, les
Chapais en faisant confirmer, par l'acte de la confédéra-
tion, l'usage de cette langue concurremment avec la langue
anglaise remportèrent un éclatant triomphe dont s'enor-
gueillirent à bon droit nos collèges classiques et nos cou-
— 156 —
vents qui, depuis le traité de cession du pays, ont été
comme la voûte de sûreté de la langue française sur le
continent américain.
Après tant d'efforts et de luttes patriotiques, il était
tout naturel qu'au cours de ses délibérations, le comité
catholique prît sous sa haute protection la langue de la
grande majorité de la population de la province de
Québec, en faisant im appel pressant à ses maisons d'en-
seignement pour aider à la préserver des dangers de la
corruption et la conserver dans toute sa pureté et toute
sa beauté. Elle est en effet, la langue première des en-
fants Canadiens français. Ces enfants doivent donc
apprendre à la parler et à Técrire correctement et, par
dessus tout, ils doivent apprendre à l'aimer. Elle a
brillé la première au zénith du ciel américain. Astre
aux reflets incomparables, elle fut le signe précurseur de
la civilisation chrétienne qui, comme un soleil éblouissant,
devait bientôt apparaître au-dessus de l'horizon et em-
braser de ses rayons les plaines immenses du Saint-
Laurent et du Mississipi. De la Baie des Chaleurs à la
bourgade d'Hochelaga, les sons du vocable français,
s'égrenèrent dans le sillon de la Grande Hermine se ba-
lançant sur les flots bleus du grand fleuve. Ce verbe si
doux à l'oreille égaya T' 'habitation" de Champlain; le
missionnaire l'employa dans ses courses évangéUques à
travers la colonie et la mère canadienne se souvenant de
son pays d'origine, endormit son enfant au berceau au
chant des touchantes ballades bretonnes et normandes.
Véhicule aussi de la vérité cathoUque, la langue française
a servi de préservatif au peuple canadien contre l'apos-
tasie, et la foi des aïeux trouvera toujoiffs en elle la meil-
leure sauvegarde contre les périls de l'avenir.
Ce fut à l'automne de 1890 que le Comité cathoUque
adopta la proposition suivante de M. le juge Jette appuyée
il
— 157 —
par Mgr Racine^ évêque de Sherbrooke. Nous la repro-
duisons en entier à cause de son opportunité et des re-
commandations pratiques qu'elle renferme :
1. — "Attendu que dans l'enseignement de la langue
française, on néglige généralement dans nos maisons
d'éducation de surveiller la prononciation et le choix
''d'expression et que, sous prétexte d'éviter l'affectation,
on laisse s'établir une manière de s'exprimer qui n'in-
dique aucune différence entre le langage d'un homme
instruit et celui d'im homme qui ne l'est pas :
"Résolu: Que ce comité recommande à toutes les
"maisons d'éducation de surveiller attentivement la pro-
"nonciation et le laogage des élèves, et de les encourager
"par des récompenses à profiter des leçons qui doivent leur
"être données sur ce point important de leur éducation".
2. — "Attendu que la politesse et les bonnes manières
"sont des qualités distinctives de la race française, que
''nos ancêtres avaient conservé ces qualités et qu'il im-
' 'porte que cette tradition soit maintenue:
"Résolu: Qu'il soit fortement recommandé aux
"maisons d'éducation de surveiller cette partie de leur
"enseignement et. d'encourager par des récompenses les
"élèves qui auront le mieux mérité sous ce rapport".
3. — "Attendu que l'enseignement de la langue an-
"glaise est nécessaire dans toutes nos maisons d'éduca-
"tion, mais qu'il est néanmoins indispensable que cet
"enseignement soit toujours subordonné à celui de la
"langue française qui doit rester la langue maternelle
"et prédominante des Canadiens-français;
"Attendu que ce serait dépasser le but à atteindre
"que de donner à l'anglais, dans l'enseignement, une
"place tellement absorbanl;e que les élèves au lieu d'être
"des français sachant l'anglais deviendraient des anglais
"ayant des notions de français;
— 158 —
"Résolu: Qu'il est fortement recommandé aux
"maisons d'éducation françaises sous le contrôle de ce
"comité, de faire prévaloir ces principes dans leur mode
"d'enseignement" .
Une société qui, concurremment avec nos maisons
d'éducation, devra puissamment aider, dans sa sphère
d'action à la réalisation des vœux du comité catholique,
est celle du "Parler français" fondée à Québec sous les
auspices et la protection généreuse de l'université Laval. ^
Ses travaux étendus, ses recherches et ses intéressan-
tes annotations sur les origines du parler français ca-
nadien, de même que le bulletin mensuel qu'elle publie
avec ime compétence parfaite, ont souventes fois reçu la
précieuse et sympathique approbation des philologues de
France et d'ailleurs. Les études qu'elle publie exercent
ime influence salutaire siu- les professeurs et les élèves
de nos écoles du degré supérieur et même de nos écoles
primaires. Aussi, tous ceux qui s'intéressent au progrès
de la langue française en Amérique se réjouissent des
succès de cette association savante. Les écrivains dis-
tingués et les chercheurs infatigables qui, avec im remar-
quable désintéressement, ont fait de cette société et de
son bulletin leur œuvre de prédilection, méritent à tous
égards la reconnaissance de leurs compatriotes.
En 1892, un débat très particulier et très intéressant
siu-git dans le comité catholique au sujet de l'équivalence
des diplômes d'instituteiu*s.
La liberté d'enseignement existe dans notre pays;
néanmoins, la loi obUge toute personne qui veut professer
dans les écoles relevant des commissions scolaires à se
pourvoir d'un diplôme de capacité délivré sur examen.
Or, les écoles normales et le bureau des examinateurs
* Cette société fut fondée en 1903.
— 1&9 —
créé à cette fin ont seuls le droit de conférer ces diplômes.
Cependant^ la loi contient deux exceptions, Fime en fa-
veur des ministres du culte et l'autre en faveur des mem-
bres des corporations religieuses enseignantes d'hommes
et de femmes. Elle accepte, comme tenant lieu de cer-
tificat et d'aptitude, les lettres d'obédience que les re-
ligieux et les religieuses obtiennent de leur institut. Cette
exception remonte à la loi scolaire de 1846.
A l'époque qui vit le débat que nous meDtionnons,
des plaintes se faisaient entendre sur l'insuffisance du
savoir d'un certain groupe d'institutrices laïques et sur
le manque d'aptitudes pédagogiques de quelques pro-
fesseurs d'instituts de Frères. Ces critiques étaient en
partie fondées et provenaient, en ce qui concerne les ins-
titutrices, de la défectuosité du système d'examen et de
l'inconcevable partialité de certains bureaux d'examina-
teurs en faveur de personnes peu instruites et insuffisam-
ment préparées à l'enseignement.
Aujourd'hui, il n'existe, en dehors des écoles normales
qu'un seul bureau d'examinateurs: mais, avant 1893,
le gouvernement, sur la recommandation des comités
du conseil de l'Instruction publique, pouvait créer de ces
bureaux dans autant d'endroits que les intérêts locaux le
requéraient. C'est devant ces bureaux, alors au nombre
de 26, que les personnes désireuses d'obtenir un brevet
d'enseignement subissaient l'examen requis. Plusieurs
bureaux remplirent leur mission avec équité, d'autres
abusèrent malheureusement de leur autorité et distribuè-
rent, sans discernement et sans se soucier des résultats,
des diplômes à des jeunes filles incompétentes. Les ins-
titutrices qui par de telles faciUtés d'admission et par
un favoritisme déplorable avaient obtenu un permis d'en-
seigner, ne pouvaient guère donner satisfaction.
— 160 —
Quant aux reproches adressés aux communautés
religieuses d'hommes, on sait que ces instituts possèdent
des professeurs très au fait des méthodes pédagogiques
et formés par des études spéciales, à Tart d'enseigner.
Or, vers le milieu du dernier siècle, la population de langue
française ayant enfin triomphé des obstacles que la mal-
veillance du gouvernement de la colonie lui avait suscités
dans le champ de l'instruction populaire finit par adopter,
sous la poussée du Surintendant de l'époque, le réginae
scolaire qui semblait le mieux convenir à sa mentaUté.
Le progrès commença à s'accentuer, et les ordres religieux
enseignants furent naturellement appelés à participer au
mouvement éducationnel qui se manifestait dans le pays.
Ils reçurent des autorités scolaires locales des demandes
d'emploi d'autant plus nombreuses que le besoin d'écoles
était plus urgent. Les commimautés se mirent donc à
l'œuvre dans l'intérêt des familles, et, pressées de toutes
part, elles se trouvèrent pour ainsi dire dans la nécessité,
vu le nombre plus ou moins restreint de leurs professeurs,
d'employer des sujets insuflSsamment préparés. Or cet
emploi d'instituteurs inexpérimentés aux circonstances,
finit par provoquer des reproches de la part des parents
et de quelques commissions scolaires.
Avec les dispositions qui existent dans certaines zones
de l'opinion pubhque à tout grossir ou à tout déprécier,
des personnes plus ou moins bien disposées à l'égard des
religieux profitèrent des plaintes suscitées par certains
cas particuliers pour jeter du discrédit sur les commimau-
tés enseignantes dont quelques-unes avaient accepté,
sans assez de prudence dans leur dévouement au bien
pubUc, les offres d'écoles qu'on leur avait faites.
L'un des membres les plus éminents du Comité ca-
thoUque, M. Rodrigue Masson, mû par le désir très
louable de donner à nos écoles un signalé caractère et de
— 161 —
les voir dirigées par des personnes parfaitement aptes
à professer, prêta l'oreille aux doléances que Ton faisait
entendre et voulut corriger les abus que des esprits habiles
ne se faisaient pas faute de proclamer. Appuyé par M.
François Langelier, il proposa qu'aucune personne ne
poiurait enseigner dans une école primaire subventionnée
par le gouvernement sans être pourvue d'un brevet de
capacité correspondant au degré du cours auquel appar-
tiendrait cette école. Par cette proposition, M. Masson
voulait atteindre les membres des communautés ensei-
gnantes et retrancher de la loi la clause qui les exemptait
de subir l'examen d'aptitude devant le bureau des exami-
nateurs, exemption dont ils avaient joui sans conteste,
depuis près d'un demi-siècle; Cette mesure rencontra au
sein du Comité de puissants adversaires qui firent ob-
server à leur collègue l'inopportunité ou l'insuffisance des
moyens qu'il proposait de prendre pour améliorer l'état
de choses que nous venons d'indiquer. MM. Eugène
Crépeau et Thomas Chapais, deux des membres laïcs
du conseil, proposèrent en amendement que la loi d'ex-
emption ayant été en vigueur depuis quarante-sept ans
sans qu'aucune plainte régulière se soit fait jour à ce sujet
devant le Comité, ni en particulier relativement à la ma-
nière dont elle avait fonctionné, mais qu'au contraire
comme elle avait donné généralement satisfaction, il n'y
avait pas Ueu, en toute justice pour les communautés
religieuses, de recommander l'adoption de la mesure
proposée. Les messieurs Crépeau et Chapais appuyèrent
leur amendement sur une argumentation serrée et une
logique d'une grande force. ^
Cette question de l'équivalence des diplômes mérité
d'être examinée impartial^jnent et sans idées préconçues.
1 Séance du 17 mai 1893. Rapp. du Surintendant.
— M2 —
On sait que la religieuse et le frère qui se destinent à
l'enseignement ont à faire un noviciat de plusieurs années
avant d'être admis comme profès. Tenus de suivre des
classes régulières pour revoir les matières d'enseignement,
ils se livrent, sous une direction compétente à l'étude
théorique et pratique de la pédagogie et n'obtiennent leur
lettre d'obédience qu'après im examen satisfaisant et
lorsque les supérieurs les ont jugés capables d'enseigner.
Or, sans vouloir aucunement déprécier lés autres classes
d'instituteurs ou d'institutrices, les instituts enseignants
offrent, en thèse générale, des garanties de compétence
plus complètes que celles du maître et de la maîtresse qui,
n'ayant pas été initiés à la pratique de l'enseignement,
obtiennent un brevet de capacité de valeur égale à celui
que déhvrent les écoles normales. Comme le disait
M. Chenelong à la tribune du sénat français: "L'ob-
tention du brevet ne prouve que le succès d'un jour, des
connaissances rapidement acquises et qui sont bien vite
perdues, si elles ne sont pas maintenues et fécondées par
le travail".
L'expérience acquise dans les couvents de villes de la
province corrobore croyons-nous, cette parole de l'illustre
orateiu*. Dans ces maisons, l'année dite "du diplôme'^
est, pour nombre d'élèves, une année de surmenage in-
tellectuel; les connaissances exigées par le plan d'études
s'entassent dans le cerveau des jeunes filles sans qu'elles
aient le temps de se les assimiler: les candidates n^ont
qu'une unique préoccupation: obtenir le brevet, brevet
souvent d'un degré inférieur, mais propre à satisfaire la
hâte du père de famille qui, parce que son enfant lui paraît
suffisamment instruite, la croit apte à s'engager sans
retard dans la carrière de l'enseignement.
Que l'on mette en parallèle cette préparation fiévreuse
de la jeune institutrice laïque avec la préparation plus
— 163 —
lente, plus mûrie de la religieuse et Ton arrivera à la con-
clusion de Mgr Freppel qui, dans ses observations au
Conseil général de Maine-et-Loire sur la lettre d'obédience,
disait: "Attestant une série d'épreuves échelonnées
pendant quelques années, une préparation sérieuse, con-
tinue, à l'enseignement primaire n'équivaut-t-elle pas,
comme garantie, au hasard d'un examen de quelques
minutes, mettons de quelques heiu'es, si vous le voulez,
d'un examen auquel le candidat se présente sans qu'on
ait le droit de lui demander ni où, ni comment, ni
combien de temps il a étudié ? Poiu* penser le contraire,
il faudrait ignorer totalement ce que c'est qu'un examen,
combien peu il prouve à lui seul,, et quelle mystification
l'aplomb et ce qu'on appelle les facilités déplorables
ménagent trop souvent aux examinateurs". ^ Comme
le disait M. Th. Chapais dans son remarquable écrit sur
la question de l'équivalence : "Certes, nous rendons
hommage au dévouement, aux aptitudes, à la science
pédagogiques d'un grand nombre de membres du corps
enseignant laïque. Mais nous affirmons que, d'après la
nature même des choses, l'instituteur congréganiste est
placé dans des conditions de supériorité manifeste. Il
fait partie d'un institut dont le but est l'enseignement.
Son noviciat est une véritable école normale, ses vacances
même sont employées en grande partie au travail prépara-
toire. Il n'a pas de famille qui divise ses soUicitudes. . .
. . . Sans doute, il se rencontre des instituteurs et des
institutrices congréganistes qui manquent à cette noble
carrière, qui n'ont pas la vocation de cet apostolat, qui
ne possèdent pas suffisamment les aptitudes nécessaires
pour cette œuvre, de même qu'il y a des instituteurs et
des institutrices laïques qui, par vertu, élèvent leiu's
^ Oexwres polémiques — Mgr Freppel, 2e édition, vol. 6.
L
— 164 —
fonctions à la hauteur d'un apostolat. Mais les institu-
teurs et les institutrices congréganistes qui ne remplis-
sent pas suffisamment leurs devoirs d'apôtres de l'éduca-
tion sont l'exception, de même que les instituteurs et les
institutrices laïques qui s'élèvent jusqu'à l'apostolat sont
aussi l'exception; ce qui n'empêche pas que, parmi ces
derniers, il y a une foule d'hommes et de femmes dignes
de la reconnaissance publique, qui accomplissent noble-
ment leur mission". ^
Dans la brochure qu'il a pubhée, l'éminent écrivain
dit que la proposition de M. Masson n'était que la re-
production de l'article 1° de la loi de l'instruction publique
que M. Jules Ferry fit adopter en 1881 par le parlement
de France. En effet, cet article dit: Nul ne peut
exercer les fonctions d'instituteur ou d'institutrice titu-
laire. . . dans une école pubUque ou libre, .sans être pourvu
d'un brevet de capacité poiu* l'enseignement primaire.
Toutes les équivalences admises par le paragraphe 2 de
l'article 25 de la loi du 15 mars 1850 sont abolies (Voir Si-
rey. Lois annotées, 9e série, 1881-85 p. 278).
En constatant que la proposition soumise au comité
catholique n'était rien autre chose que l'article 1° de la
loi Ferry, M. Chapais se défendit bien de vouloir faire
aucune comparaison injurieuse entre M. Masson et
M. Ferry. Cette réserve en effet s'imposait, car le pre-
mier avait beaucoup de franchise dans le caractère, des
intentions droites et des convictions religieuses bien dé-
finies, mais il n'avait pas vu dès l'abord ''le vice originel
et essentiel de sa proposition, et s'il eût aperçu planant
''sur cette proposition la sombre figure de Jules Ferry,
"cette vision rapide lieût éclairé"? il aurait reculé devant
^ Les Congrégations enseignantes et le brevet de capacité^ par Th. »
Chapais, p. 11.
t.
\
/
— 165 —
la grave démarche dont son désir impatient du progrès
lui avait fait prendre l'initiative.
Après un débat animé, le Comité catholique rejeta
la, motion principale en adoptant l'amendement Crépeau. ^
De la salle du Conseil de l'instruction publique, la
question passa dans le domaine de la presse. Dans une
entrevue que publia VÉvénement de Québec, un membre
important du Comité cathoUque, M. Archambault, pré-
tendit que l'amendement Crépeau, en attribuant toutes
sortes de motifs à la motion principale, lui donnait une
portée qu'elle n'avait pas et que, parmi les évêques, Mgr
Duhamel et Mgr Laflèehe furent les seuls qui prirent
part aux débats en alléguant que les membres des com-
munautés enseignantes subissaient dans leurs instituts
des examens plus complets et plus sévères que ceux qu'ils
auraient eu à passer devant la commission des examina-
teurs laïques. M. Archambault reproche en outre à ses
collègues, MM. Crépeau et Chapais, d'être allés plus loin
que ces évêques, en prétendant que la proposition Masson
était un premier pas dans la voie de l'empiétement de
l'État sur l'ÉgUse. ^
Les journaux La Patrie , V Aurore y le Moniteur du
Commerce et quelques feuilles de langue anglaise interve-
nant dans le débat, blâmèrent la majorité du comité
d'avoir rejeté la proposition Masson. Le Moniteur
* Voici comment les membres du comité catholique se divisèrent en
votant sur l'amendement. Pour l'amendement: Mgr l'archevêque d'Ot-
tawa, NN. SS. les évêques des Trois-Rivières de Sherbrooke, de Sainte
Hyacinthe, de Nicolet, de Chicoutimi, de Valleyfield, Mgr le Vicaire apos-
tolique de Pontiac, Mgr Benjamin Paquet, représentant l'évêque de
Rimouski, M. Eugène Crépeau et l'honorable J.-C. Chapais, 15. Contre
ramendement: l'honorable L.-R. Masson, l'honorable juge Jette, les
honorables H. Archambault, F. Langelier, M. P. P., A. Murphy, H.-R.
Gray, le Dr Leprohon et le Surintendant. 8.
2 L'Événement du 20 mai 1893.
— 166 —
voulut même paraître violent en disant trouver dans ce
sujet la preuve qu'en matière d'instruction ceux qui di-
rigent veulent rester dans l'absolutisme et l'immobilité:
"A la première réforme demandée, s'excl£yiia-t-il, le cer-
tificat de compétence pour le corps enseignant des col-
lèges et des couvents, on répond :" Non ! vous n'obtiendrez
pas cette réforme." D'un côté, l'élément religieux qui
refuse net. . . Ces deux grands éléments de la société sont
désormais séparés siu* cette matière de l'instruction"
Ces paroles, propres à dénaturer les faits, démontrent
que le Moniteur n'avait ni étudié sérieusement, ni même
compris la question débattue. La proposition Masson
concernait les écoles primaires et non pas les collèges
classiques et les maisons d'enseignement secondaire de
filles qui sont des établissements d'éducation indépendants
des commissions scolaires. Vouloir maintenir l'équiva-
lence des diplômes en faveur des congrégations religieuses
ce n'était certes pas chercher à dérober aux yeux du public
la prétendue incompétence de cette classe d'institutrices
ou d'instituteurs, ni s'opposer aux progrès de l'instruc-
tion, mais simplement assimiler les lettres d'obédience
aux brevets décernés par les bureaux d'examinateurs.
"Admettre le principe de l'équivalence n'est pas pour
cela renoncer au principe de l'égalité, comme le disait
Mgr Freppel qui ajoutait: "L'instituteur dispensé du
service militaire a-t-il un privilège ? Non, aux yeux de
la Iqi, le service public auquel il s'oblige équivaut à celui
dont se charge l'exempté. L'officier nommé à l'ancien-
neté sans avoir subi les examens de Saint-Cyr a-t-il un
privilège? Non; la loi juge que ces examens, si sérieux
soient-ils, peuvent être remplacés par des preuves équi-
valentes. Je pourrais parcourir de la sorte la plupart des
carrières pour montrer que toujours et partout le législa-
teur assimile aux diplômes certaines garanties profes-
— 167 —
sionnelles sans qu'il en résulte aucune espèce de privi-
lège." ^ -
Comme faisant suite à ces remarques de Tévêque
d'Angers, nous citerotis la province de Québec où les
communautés enseignantes ne sont pas seules exemptes
de Fexamen du diplôme. Les règlements du comité
catholique le constatent et l'article 207 stipule que
^ 'toute personne munie de diplôme de bachelier es lettres
ou du diplôme de maître es art d'une des universités de
la province peut être admise à re'^evoir le brevet d'acadé-
mie ou primaire supérieur à une école normale sans être
obUgés d'en suivre les coiu's ni d'être examinée sur les
matières qui auront faits partie du programme du bac-
calauréat par elle obtenu ". . .Par cette réglementation,
le Comité cathoUque avait donc admis déjà, au profit des
candidats laïques à l'enseignement, le principe de l'équi-
valence entre le diplôme de bacheher et celui de l'école
normale. Et le même article ajoute que le bacheher
doit suivre les cours de pédagogie de l'école normale,
parce qu'ils ne fait pas partie des matières d'examen "du
baccalauréat". Or les novices des congrégations ensei-
gnantes suivant dans leur institut les cours d'école nor-
male avant d'obtenir leur lettre d'obédience, se trouvent
donc, par les garanties professionnelles qu'elles possèdent,
sur un pied d'égaUté pour le moins avec les bachehers
d'universités.
C'est ce qu'admettait fort bien en France M. Saint-
Marc Girardin qu'on ne peut accuser de cléricahsme, lors-
qu'il disait que "les noviciats des communautés étant de
véritables écoles normales, il est réellement satisfait aux
conditions du droit commun par la justification de la
lettre d'obédience".
^ Idem. — loco cUato,
— 168 —
J'ajouterai l'opinion de l'éminent professeur de théolo-
gie de l'université Laval, Mgr L.-A. Paquet. Parlant
' de la question, il écrit que ''s'il s'agit de professeurs et
d'instituteurs ecclésiastiques ou religieux, la lettre de
nomination et la lettre d'obédience par lesquelles les re-
présentants de l'Église et les supérieurs des diverses con-
grégations enseignantes instituent ces maîtres, sont de
leur nature des certificats pleinement suffisants d'aptitude
intellectuelle et morale et valent, aux yeux de qui sait
juger, les meilleurs diplômes officiels: c'est ce que l'on
appelle V équivalence. Le bon sens veut qu'on n'en exige
point d'autres." ^
Remarquons ici que, à l'époque dont nous parlons
comme d'ailleurs aujourd'hui encore, les ministres du
culte protestant, avaient, de même que les membres des
corporations rehgieuses, la permission d'enseigner sans
diplôme. ^
Si la proposition Masson eût été adoptée il aurait
été étrange de voir ces ministres du culte continuer à
jouir d'une équivalence que l'on aurait refusée aux con-
grégations catholiques.
Cette question d'équivalence, quoique nouvelle alors
pour plusieurs dans notre province, ne l'était pas en
Europe. Elle avait été fortement agitée en France
diu-ant le règne de Louis-PhiUppe, car, en 1831, on avait
imposé aux frères le brevet de capacité. Lorsque deux
ans après, M. Guizot présenta sa loi sur l'instruction
publique, loi qui eut un si grand retentissement, il aurait
voulu comme il le déclara dans ses mémoires, ''donner aux
associations religieuses vouées à l'instruction primaire
une marque de confiance et de respect", et rétablir les
^ Droit public de V Église — L'Église et l'Éducation, p. 201.
^ Lois de rinstruction publique statuts refondus de Québec, 1909,
ArlicU 2586.
— 169 —
dispositions des ordonnances royales rendues de 1824 à
1826 qui reconnaissaient l'équivalence des diplômes. 'Il
y avait selon moi, disait-il, dans cette dispense d'un
nouvel examen accordée aux membres des associations
religieuses que l'État avait formellement reconnues et
autorisées poiu* l'éducation populaire rien que de parfaite-
ment juste et convenable, et je l'aurais volontiers écrite
dans mon projet de loi, mais elle eut été certainement
repoussée par le public de ce temps et par les chambres".
Seize ans plus tard l'éminent historien et homme d'État,
M. Thiers, exprima la même manière de voir devant la
commission d'enquête de l'enseignement de 1849 à laquelle
prirent une part active des hommes distingués comme
MM. de Montalembert, Cousin, Falloux, l'abbé Dupan-
loup et autres. Les procès-verbaux de cette fameuse
enquête rapportent les paroles suivantes que prononça
M. Thiers en discutant la question avec son collègue M.
Cousin, l'un des plus habiles défenseurs du monopole
umversitaire. ''Comme je désire avant tout le développe-
ment des congrégations religieuses dans l'enseignement
et qu'il est résulté pour moi de l'enquête la preuve que
l'exigence de ces brevets peut être pour elles une gêne, je
voudrais que toute congrégation religieuse, régulièrement
établie, bien entendu, fut dispensée d'obtenir pour chacun
de ses membres des brevets de capacité et de moraUté,
pareille exigence me paraîtrait au surplus complètement
inutile, car il est certain que la congrégation du moment
où elle a inspiré à l'État assez de confiance pour être
autorisée à tenir des écoles, ne confiera l'enseignement
qu'à des personnes capables et morales". ^
Les travaux de la commission aboutirent à la loi de
1850 qui reconnut la lettre d'obédience comme l'équivalent
1 Le Correspondant 1879. Tome 114, p. 1001.
— 170 —
du diplôme, et il n'est pas sans intérêt de faire remarquer,
que^ sur ce point, la législation canadienne de 1846 a
précédé de quatre ans la législation similaire de la France.
Nous nous pamiettrons de faire une dernière citation
que nous croyons utile à la cause de l'équivalence. Elle
a trait à un aspect de la question qui fut peut-être pré-
senté à la considération des membres du Comité catholique
mais dont, à notre connaissance du moins, il n'a pas été
fait mention à l'extérieur. C'est la raison majeure du
puissant intérêt qu'ont les religieuses enseignantes à ne
pas vouloir se présenter pour l'examen du diplôme de-
vant une commission de laïques.
Lorsqu'en 1871, le Conseil général de Maine-et-Loire,
France, exprima le vœu de supprimer la lettre d'obédience,
l'illustre évêque d'Angers intervint avec son esprit com-
batif et sa puissante plume. Parlant de la répugnance
des religieuses à subir les examens imposés à toutes les
autres institutrices, l'évêque dénonça le projet comme
introduisant un principe dissolvant et un germe de
décadence au sein des communautés de femmes. Or,
ici comme en France, plusieurs s'étonnent de ce refus des
religieuses, et la citation suivante s'applique aussi bien
au Canada que dans les autres pays qui possèdent des
maisons d'éducation dirigées par des congrégations. Le
principe est le même partout. A la question: quel puissant
intérêt ont donc les religieuses à ne pas vouloir subir
cet examen, voici ce que répond Mgr Freppel: "Quel
puissant intérêt ? L'intérêt même de leur conservation.
Ah ! sans doute, lorsqu'on ignore ou que l'on connaît peu
cette chose si pure, si sainte, si délicate qu'on appelle une
communauté reUgieuse de' femmes, on peut se faire il-
lusion là-dessus; mais quiconque a étudié la nature et la
vie intime de ces associations toutes basées siu* l'humi-
lité et sur l'obéissance, n'hésitera pas à dire que la sup-
— 171 —
pression des lettres d'obédience y introduirait un germe
de décadence et un principe de dissolution. . .
"Ce qui fait la force des communautés religieuses,
c'est la subordination hiérarchique. Brisez ce lien
ou afifaiblissez-le, c'en est fait de leur avenir. Or, la
lettre d'obédience est l'acte capital par lequel l'autorité
de la supérieiu'e s'affirme et se maintient. C'est en vertu
de ce mandat, délivré au non de l'évêque, après les exa-
mens du premier et du deuxième degré, que la religieuse
reçoit le droit et la mission d'enseigner. Elle est jugée
capable et digne de remplir les fonctions d'institutrice
par la même autorité qui a reçu au pied des autels son
vœu d'obéissance, et le jpiu- où cette autorité qui, à ses
yeux, prime tout et domine tout, vient à lui retirer son
mandat, le pouvoir d'enseigner expire avec le retrait de la
lettre d'obédience.
"Voilà qui est dans la natiu-e des choses; c'est ainsi
que se conserve la discipline religieuse avec le respect de
l'autorité. Que si au contraire, vous laissez une main
étrangère s,'interposer entre les religieuses et lein* supé-
rieur; si ce n'est plus l'autorité conventuelle, mais une
commission académique qui les interroge, les juge, les
admet ou les repousse, à l'instant même les liens hiérar-
chiques se relâchent ou se dissolvent. Le pouvoir se
déplace et les influences mondaines envahissent le couvent
pour y étouffer l'esprit religieux. Éloignée d'un poste
où elle se plaisait trop peut-être, rappelée à la maison-
mère par des motifs d'ordre spirituels, la rehgieuse, une
fois munie de son brevet universitaire, se sentira-t-elle
la même dociUté poin* obéir à la voix de ses supérieurs ?. . . ^
Revenant à la proposition qu'il n'avait pu faire
adopter, M. Masson la présenta de nouveau à la réunion
1 Idem. Doc. cU. p. 380.
— 172 —
de septembre 1895, avec' le correctif que la prêtrise et les
lettres d'obédience des religieux tiendraient lieu des cer-
tificats d'aptitude délivrés par la commission d'examen
de l'État ''sur présentation au Surintendant d'un cer-
''tificat de capacité octroyé par tout bureau central
''d'examinateurs que NN. SS. les évêques de la province
"auront spécialement créé à cette fin". Mais M. Masson
retira sa motion en alléguant avoir reçu l'assurance que
des efforts se faisaient pour éviter tout sujet de reproche,
aux corporations religieuses. Mais, le Comité catholique
décida de référer toute plainte qu'il pourrait recevoir
contre les instituteurs congréganistes dont la capacité
serait contestée, à l'évêque diocésain au jugement duquel
on s'en rapporterait.
Cette décision mit fin à des débats vifs et ardents
auxquels avaient participé des hommes à fortes convic-
tions, habiles à manier la parole, et qui, au milieu du choc
des opinions, avaient échangé des propos dont les membres
du Conseil purent, à certains moments, regretter l'âpreté.
Mais la fumée de la bataille fut vite dissipée et, le calme
rétabli, surgit une mesure disciplinaire qui eut des ré-
sultats pratiques et bienfaisants. A la suite de ces dé-
mêlés, en effet, plusieurs évêques nommèrent des inspec-
teurs ecclésiastiques qu'ils chargèrent de visiter les classes
d'élèves dirigées par les conmiunautés enseignantes de
leur choix, de surveiller l'efficacité des cours, et l'exécu-
tion des programmes scolaires avec instruction de faire
rapport à l'autorité diocésaine. Ces nominations eurent
un excellent effet, les visites réguUères de ces inspecteurs
excitèrent une heureuse émulation entre les divers éta-
bUssements rehgieux d'éducation et contribuèrent à
rehausser le niveau des études.
CHAPITRE ONZIÈME
Une décade importante — 1 890- 1 900
(SUITE)
Les bureaux d'examinateurs et les écoles normales
— La loi flynn — Les bibliothèques scolaires
— Les congrès pédagogiques.
La loi de 1846 avait prescrit la création de bureaux
d'examinateurs chargés d'octroyer des diplômes d'ensei-
gnement. Il n'existait à cette époque aucune école nor-
male dans le Bas-Canada. Les premiers bureaux que le
gouvernement établit furent ceux de Québec et de Mont-
réal. Les autres, créés ensuite aux Trois-Rivières, à
Kamouraska, à Sherbrooke, Stanstead, à Ottawa et à
Gaspé, prirent existence en 1853.
A la demande du Conseil de l'Instruction pubhque,
le gouvernement modifia, par décret ministériel du 18
mars 1862, l'étendue de la juridiction de ces bureaux et
en étabUt de nouveaux à Bonaventure, à Sweetsburg et
Waterloo, à Chicoutimi, à Rimouski, à Richmond, au
Portage du Fort et à Sainte-Marie de Beauce. Les
membres de ces commissions examinatrices avaient des
réunions quatre fois l'an, à date fixe, et l'on adopta pour
leur gouverne des règlements et un programme ou plutôt
un questionnaire destiné à faciliter aux candidats l'étude
des matières sur lesquelles ils devaient être interrogés. ^
* Journal de rinstruction publique de 1862, p. 63 et suivante.
— 174 —
Avec le temps, ces juges d'examen augmentèrent en
nombre, et, en 1893, il en existait 18 qui se réunissaient
aux endroits les mieux appropriés et les plus faciles
d'accès. Cette organisation qui, à son début, paraissait
la seule possible ne répondit cependant pas à l'attente
qu'on avait quant à la valeur intrinsèque des diplômes
qu'elle décerna. Comme nous l'avons déjà dit, il s^y
glissa des abus: certaines commissions, par la faiblesse
des examens qu'elles faisaient subir et par un favori-
tisme déplorable, portèrent préjudice à l'instruction
des enfants et jetèrent du discrédit sur le per-
sonnel professoral, au point que le public fut
porté à confondre injustement et dans une même répro-
bation les maîtresses d'écoles incompétentes et celles
qui remplissaient leur emploi d'une façon satisfaisante.
La section catholique du Conseil s'en émut et décida de
remédier aux défectuosités du système. Elle mit à
l'étude un plan pour la réforme des bureaux. Ceux-ci
reçurent instruction de transmettre au département de
l'Instruction publique le dossier original et complet des
papiers d'examen des candidats. Après avoir étudié le
fonctionnement du système en vigueur et s'être rendu
compte de la manière dont il était mis en pratique, le
Comité n'hésita pas à recommander la suppression de ces
multiples bureaux et l'établissement d'une commission
unique pour les catholiques de la province, ce qui fut
agréé par le gouvernement. ^
Cette commission se compose de dix membres et
nomme son secrétaire. A l'instar des bureaux qui la
précédèrent, elle possède le pouvoir de délivrer des brevets
de capacité qui au fonds n'équivalent qu'à des certificats
d'études, car les personnes qui les obtiennent ne sont
pas tenues de subir une épreuve pratique sur la manière
1 Rapport du Surintendant, 1893-94—1894-95.
— 175 —
d^enseigner. Cependant, la loi en donnant aux diplômés
du bureau central la permission d'enseigner dans les
écoles primaires, attribue à ces brevets ime valeur égale
à celle des brevets d'école normale.
Depuis l'existence de ce biu'eau, l'examen pour
Tobtention du diplôme est devenu plus sévère. Il se fait
le même jour dans différents endroits désignés par le
comité catholique et sous la direction d'examinateurs
délégués. Les questions choisies à l'avance par la* com-
mission sont uniformes et envoyées aux délégués qui n'ou-
vrent les enveloppes qui les contiennent qu'en présence
des aspirants, et à l'heure de l'examen. L'examen ter-
miné, le délégué recueille, sans les lire, les réponses aux
questions et les expédie au siège du bm'eau central à
Québec où s'en fait l'examen. ^
Maintenant, les examens du bureau central des exa-
minateurs se font d'après un programme unique qui est
le programme des écoles normales, moins ce qui concerne
la langue latine qui n'est pas exigée à l'exception de la
lecture.
La création du bureau central des examinateurs fut
im progrès sur l'ordre de choses antérieur. Aujourd'hui
les candidats qui sont incapables d'obtenir le nombre des
points exigés par les règlements sont éliminés de la car-
rière de l'enseignement et le favoritisme ne peut les y
faire entrer.
L'adoption de prudentes mesures disciplinaires et
ime plus grande sévérité dans la correction des devoirs
faite par les examinateurs n'échappèrent pas à l'at-
tention des communautés religieuses où le très grand
nombre de nos institutrices laïques reçoivent leiu* ins-
truction; un courant de noble émulation s'établit entre
^ Règlements du comité catholique. Article 90 et suivant.
~ 176 —
ces maisons d'éducation dont le zèle est si digne d'éloges
et la préparation des aspirants au diplôme se fit d'une
manière plus complète. D'après les papiers même d'exa-
men, il est établi que le cours d'études dans nos institu-
tions d'enseignement s'est amélioré; les règlements du
Comité catholique sont mieux observés et les diplômes
du bureau ont une valeur qu'ils ne possédaient point il
y a quinze ans.
Il existe sans doute encore une lacune dans le système.
En lui faisant subir un exan^en, on peut constater si une
personne est suffisamment instruite, mais non ses aptitu-
des d'enseigner aux autres. Comme le disait un jour
M. Cousin: '^Un diplôme suppose la science, la science
très grande si vous le voulez, beaucoup plus grande qu'il
n'en faut pour tenir une école primaire, mais la capacité
pour tenir une école primaire n'est pas tant la science que
l'aptitude à enseigner les enfants,"
Le temps qui est un grand maître fera sans doute
disparaître plus ou moins les inconvénients de cette
lacune, soit par des changements qui s'effectueront dans
les attributions du bureau des examinateurs, soit par
l'augmentation du nombre des écoles qui, au point de
vue de la formation pédagogique de leurs élèves, l'em-
portent incontestablement sur les établissements sco-
laires ordinaires.
Quoique le nombre des élèves augmente peu à peu
dans nos instituts de pédagogie, ceux-ci n'en comptent
cependant pas assez poiu* répondre aux besoins de la
province. Chaque année ils ne fournissent approxima-
tivement qu'un tiers des diplômés que requièrent nos écoles
communes. Au début de ces institutions, la population
de la campagne ignorait leur raison d'être et leurs pro-
grammes. D'autre part, les pères de famille préféraient
par motif d'économie, envoyer leurs enfants subir l'exar-
— 177 —
men du brevet devant le bureau central qui leur offrait
un moyen moins coûteux d'obtenir un permis d'enseigner.
N'ayant pas de stage à faire à l'école normale, les jeunes
filleSy quoique non formées à l'enseignement, pouvaient
recevoir plus tôt le traitement d'institutrices qu'elles
avaient en vue. Le recrutement des élèves-maîtresses
pour les écoles normales se fit aussi moins rapidement,
parce que certains couvents, dans la crainte de voir
diminuer de quelques unités le nombre de leurs aspirantes
au diplôme, préféraient les diriger vers le bureau central
plutôt que vers l'école normale.
Les difficultés, et d'ordinaire il s'en rencontre au
conunencement de toutes" les œuvres importantes, finiront
par s'aplanir. Le bureau des examinateurs n'ayant pré-
sentement d'autre fonction à exercer que celle de corriger
des papiers d'examen, les écoles de pédagogie ont sur lui,
«
quant aux diplômes, une supériorité que le temps ne fera
qu'accentuer. Disséminés dans les divers diocèses, elles
exercent déjà partout leur action bienfaisante. Elles
jouissent de la haute protection des évêques qyi ont
demandé leur établissement et qui contribuent de leurs
deniers et de leur parole autorisée à promouvoir leur
succès, et les élèves qui y puisent leur formation profes-
sionnelle en font connaître au loin l'avantage Aussi, la
sphère d'action de ces maisons d'enseignement ira gran-
dissant à mesure que se développeront les effets d'une
préparation sérieuse à l'art de professer chez celles qui
sont appelées à jeter dans le cœur de la jeunesse la semence
d'une instruction solide et profonde.
Que les sjnnpathies publiques aillent à nos écoles
normales. Réjouissons-nous de voir ces maisons placées
sous la sage et prudente direction de personnes ayant les
aptitudes requises, habituées à l'esprit d'abnégation et
dévouées à leur œuvre. Ces écoles sont une providence
— 178 —
pour notre province qui, entourée d'éléments hostiles à
sa langue maternelle, sauvegarde de sa foi religieuse, a
besoin dans tous les rangs de la société d'hommes et de
femmes de caractère, suflSsamment instruits de leurs
devoirs pour former des générations fortes et croyantes
qui sauront conserver le culte des aïeux et surmonter les
obstacles qui se dressent devant la pleine réalisation des
desseins de Dieu sur le Canada catholique et français.
Conmie le disait le premier évêque de Joliette, Mgr
Archambault, dans la remarquable circulaire qu'il adressa
à son clergé pour lui annoncer la fondation dans sa ville
épiscopale, d'une école normale de Mes. . . "la bonne
entente entre le pouvoir religieux, entre l'Église et l'État
a donc ouvert au progrès intellectuel et moral de notre
pays de larges horizons; elle a fait jaillir une source de vie
où viendra puiser une longue suite de générations d'âmes
généreuses, avides de consacrer à l'éducation primaire
lem^s aptitudes, leur savoir, leur expérience, lem^s forces
physiques, leur vie toute entière.
"Le gouvernement de Québec, en confiant à des
religieuses la noble mission de former à l'art diflScile de la
pédagogie chrétienne les jeunes filles qui se destinent à
l'enseignement, en plaçant toutes nos écoles normales sous
la surveillance immédiate et la responsabilité de prêtres
approuvés par l'évêque diocésain, a conservé, a agsuré à
jamais à notre système d'éducation primaire le caractère
religieux qui le distingue depuis l'origine de la colonie.
Il est entré par là dans les intentions si souvent formulées
par nos législatem^s ; il a répondu aux vœux les plus chers
du peuple; je dis plus, il a donné à nos écoles normales,
à notre enseignement pédagogique leur seule et véritable
base: la religion catholique." ^
^ Circulaire de Mgr Archambault à son clergé, le 20 février 1912.
y
— 179 —
Nous avons mentionné précédemment la loi que la
législature avait adoptée, en 1897, pour donner une impul-
sion plus grande à rinstruction élémentaire. Connue
sous le nom de "Loi Flynn", parce que le premier ministre
d'alors en était l'auteur, cette loi porta inunédiatement de
bons fruits, et permit au Conseil de l'Instruction publique
d'adopter des mesures pratiques, effectives et qui sont
encore en force aujourd'hui. Les gratifications destinées
aux instituteurs et aux institutrices furent l'objet de ses
premières décisions. Pénétré depuis longtemps de l'idée
de venir en aide à ces dévoués éducateurs et de stimuler
leur zèle en améliorant leur position, le Comité avait
demandé, dès 1892, que l'on mît à sa disposition ime cer-
taine somme pour la leur distribuer en primes d'encoura-
gement. L'état peu satisfaisant des finances de la Pro-
vince à la cTiute du cabinet Mercier avait empêché sans
doute la réalisation de ce désir; mais aussitôt que la loi de
1897 eut créé un fond qui permettait d'employer une
somme annuelle de $50 000 pour les fins de l'instruction,
$14 000 furent distraites de ce montant et utilisées pour
récompenser les maîtres et les maîtresses catholiques et
protestants qui se conformaient fidèlement aux règlements
scolaires, déployaient le plus de zèle et faisaient preuve de
plus de capacité dans Taccomphssement de leur devoir.
Cette somme fut répartie de telle sorte que, dans chaque
district d'inspection, un instituteur ou une institutrice
sur dix peut recevoir une gratification de vingt dollars. ^
, Il n'existait en 1896 qu'une seule école normale
catholique de filles, celle des Ursulines de Québec, et deux
écoles normales catholiques de garçons. C'est dire que
la presque totalité des institutrices ainsi que des institu-
teurs qui avaient obtenu leur brevet de capacité des mul-
1 Rapport du Surintendant, 1896-97, p. 316.
— 180 —
tiples bureaux d'examinateurs, ne pouvaient posséder que
de faibles notions de pédagogie. Aussi, le Comité catho-
lique sentit la nécessité d'obvier, dans une certaine mesure
et eu égard aux circonstances, à cette absence de formation
professionnelle. Les ressources créées par la loi Flynn
vinrent hem^eusement lui en fom^nir l'occasion et le moyen.
Il décida de faire donner, chaque automne, aux brevetés
de l'enseignement primaire des conférences propres à les
éclairer sur leurs devoirs et sm* l'emploi des meilleures
méthodes d'enseignement. Ayant chargé les inspec-
tem^s d'école de cette importante besogne, il supprima la
première visite de ces fonctionnaires aux écoles et la
remplaça par deux jours de conférences dans divers
endroits de la région inspectée.
Pour faciUter la tâche des inspectem^s et les mettre à
même de mieux s'acquitter à cet égard de lexu's fonctions,
le Sm^intendant fit préparer et imprimer une série d'ins-
tructions sur la manière d'enseigner les matières de classe
et sur la mise en pratique du programme scolaire. Dans
la circulaire qu'il leur adressa à ce sujet, il jugea bon de
recommander aux conférenciers d'aviser les instituteiu^
et les institutrices de sortir quelquefois du cadre officiel
de ce programme pour donner oralement aux enfants de
judicieux conseils sur le respect qu'ils doivent à l'autorité
religieuse, à l'autorité paternelle, et à l'autorité civile,
pom* les prémunir contre l'intempérance, source de tant
de maux, et contre le luxe qui appauvrit les familles. La
circulaire demandait aussi aux instituteurs de priser bien
haut, en présence de leurs élèves, l'honnêteté dans les
contrats, de lem* enseigner la politesse et les bonnes maniè-
res et de démontrer aux enfants des campagnes les pré-
cieux avantages qu'offre l'agriculture à ceux qui cultivent
la terre avec intelhgence, tout en s'efforçant de graver
dans ces jeunes ccem^s l'amour du sol natal.
— 181 —
Les inspecteurs constatèrent plus tard dans leurs
rapports les excellents effets de ces conférences au point
de vue de Tuniformité des méthodes et de l'exécution
plus parfaite des programmes scolaires. ^
Pour fournir aux membres du corps enseignant de
plus amples moyens de développer leurs aptitudes pro-
fessionnelles, le Comité catholique avait manifesté, à
plusieurs reprises, un ardent désir d'établir des biblio-
thèques dans les écoles nu^ales. Pour qui connaît la
topographie de nos campagnes et la dissémination des
édifices scolaires dans les divers rangs ou ''concessions'*
des paroisses, la fondation de ces bibliothèques s'imposait,
car l'institutrice, vivant le plus souvent dans un milieu
peu instruit et quelquefois loin des siens, n'a à sa disposi-
tion aucun traité de pédagogie, aucun atlas quelque peu
détaillé, aucun livre propre à récréer son esprit ou à
l'orner de connaissances littéraires nouvelles. Son isole-
ment est presque complet et ne peut être que préjudiciable
à ses études. Il est donc de toute évidence que la munici-
paUté scolaire, sinon chaque école, devrait posséder une
bibliothèque à l'usage des institutrices et des enfants.
La première proposition pour l'étabhssement de
bibhôthèques scolaires fut faite par l'évêque de Chicouti-
mi, Mgr Bégin, et remonte déjà à plus de seize ans.
Elle se Ut comme suit: ''Que le comité reconnaît l'op-
portunité de former une petite bibliothèque scolaire dans
chaque école dirigée par des institutem^s et des institu-
trices laïques et il recommande que le gouvernement
mette à sa disposition pour être employé à cet effet le
montant actuellement voté pour l'achat des livres de
prix.' La législature vote annuellement quelques mil-
liers de dollars pour l'achat de volumes qui sont distribués
1 Rapport du Surintendant, 1896-97, p. 329.
— 182 —
à titre de récompenses, aux enfants d'école, à l'époque de
la visite de Tinspecteur. C'est à cette distribution de
livres de prix que faisait allusion la proposition soumise
au Comité; or, les petits in-16 que l'on distribué ainsi
ne sont appréciés des enfants que par les couleurs voyantes
de la reliure, et les inspecteurs avaient exprimé alors
l'opinion qu'il vaudrait mieux consacrer cet argent à
l'acquisition d'ouvrages utiles pour la bibliothèque de
l'école plutôt que de donner aux élèves des livres sans
valeur et dont ils ne retiraient aucun profit.
Le Comité catholique a depuis réitéré inutilement sa
demande de fonder des bibliothèques scolaires et n'a pu
obtenir l'acquiescement du gouvernement.
Le Comité adopta un autre projet très efficace et
très favorablement apprécié par les membres du corps
enseignant. Il pria le gouvernement de distribuer gra-
tuitement à chaque école V Enseignement primaire, impor-
tante revue pédagogique rédigée par M. C.-J. Magnan,
aujoiu^d'hui inspecteur général des écoles. Ce journal est
envoyé mensuellement à chaque titulaire d'école et reste
la propriété de la commission scolaire. Par l'excellence
de ses principes chrétiens, cette pubhcation exerce un
véritable apostolat et la lecture en est recherchée par ceux
qui s'occupent des choses de l'éducation. La revue ehtre-
tient aussi chez les éducateurs de nos enfants, la flamme du
patriotisme en leur rappelant qu'ils doivent puiser leurs
inspirations dans la religion et aux sommées vivifiantes de
notre histoire nationale.
Toujours animé du même désir de favoriser le déve-
loppement intellectuel des maîtres et des maîtresses de
classe, le Comité institua, dans les divers diocèses de la
province, des congrès pédagogiques annuels dont le gouver-
nement paye les dépenses. Avec la haute approbation
de l'évêque et sous la présidence du Surintendant, le con-
— 183 —
grès a lieu durant les vacances d'été dans l'un ou l'autre
des diocèses. Les congressistes se réunissent dans la ville
épiscopale, sont les hôtes de l'un des couvents de la loca-
lité et reçoivent des religieuses une hospitalité aussi bien-
veillante que généreuse. Aux institutrices laïques se
joignent de nombreuses délégations de sœurs des maisons
d'enseignement du diocèse, et toutes profitent des confé-
rences que leur donnent des professeurs d'expérience. Ces
congrès ont eu de précieux résultats. Ils ont tout d'abord
exercé dans les districts ruraux une influence salutaire sur
l'opinion publique en démontrant aux commissions sco-
laires et aux pères de famille l'importance que l'Église et
l'État attachent à la diffusion et au perfectionnement de
l'Instruction. Ils ont aussi relevé aux yeux des congressis-
tes même l'importance des fonctions qu'elles exercent.
Les jeimes filles voyant de plus près l'abnégation, la vie
exemplaire et l'affabiUté des femmes distinguées qui les
reçoivent, et les égards empressés qu'elles leur prodiguent,
sentent se développer en elles des idées plus sérieuses, un
désir plus vif de remplir avec exactitude leurs devoirs
d'institutrice, et, au contact des religieuses, leur cœur
éprouve une affection plus raisonnée pour les petits
enfants dont, la vie intellectuelle leur est confiée. Dans
l'asile de douce quiétude qu'elles habitent momentané-
ment, elles retrempent donc leur courage et respirent un
parfiun de vertus dont elles gardent un inaltérable sou-
venir.
Un jour quelqu'un nous disait: Étant donné le fait
que le grand nombre des institutrices laïques ne restent
qu'un court espace de temps dans l'enseignement, ces
congrès ne produisent-ils pas qu'un effet momentané?
Il est vrai, avons-nous répondu que, généralement par-
lant, ces jeimes personnes n'enseignent que durant peu
d'années, mais il nous semble que circonscrire ainsi au
-- 184 —
temps seu^ du professorat les bons effets des réunions
pédagogiques, serait à tout le moins peu conforme à la
réalité. Les institutrices qui cessent de faire la classe et
se marient ne perdent pour cela ni le charme, ni la mémoire
des impressions vivifiantes du congrès auquel elles ont
assisté. Étant au fait des méthodes d'enseigner, elles
peuvent apprécier mieux que beaucoup de fenunes qui
n'ont pas eu le même avantage qu'elles, l'importance
d'une bonne éducation. Devenues maîtresses de maison,
ces mères de famille instruites sont alors plus habiles à
préparer leurs enfants à la vie scolaire et, par l'enseigne-
ment maternel, elles assurent plus efficacement à l'école
le succès des études.
Depuis l'inauguration de ces congrès diocésains 6000
institutrices religieuses enseignantes et maîtresses laïques
ont assisté à ces assises pédagogiques. C'est dire que ce
dernier chiffre comprend déjà en ce moment un très grand
nombre de mères de familles qui auront des aptitudes plus
qu'ordinaires pour participer au progrès de l'instruction
non seulement au foyer domestique, mais même au sein
des paroisses qu'elles habitent.
CHAPITRE DOUZIÈME.
La refonte de la loi scolaire
Le comité catholique, jugeant utile de faire des modi-
fications importantes à la loi de l'instruction publique,
décida en 1895, de profiter de la circonstance pour refon-
dre tous les articles du code scolaire. Il constitua pour
cette fin un sous-comité composé de NN.SS. les évêques
Bégin, Biais et Émard, de MM. Jette, Chapais, Archam-
bault et du surintendant, auxquels furent adjoints sub-
séquemment MM. Gédéon Ouimet, Frs Langelier et
Eugène Crépeau. Le comité protestant également inté-
ressé à la revision de la loi, accéda volontiers à la prière
que leur fit le comité catholique de s'unir pour ce travail
de re vision et nonama MM. Henneker, Reyford, Shàw et
Hemming membres conjoints de la commission. Celle-ci
se réunit dans les premies jours de septembre, et M. Paul
de Gazes, secrétaire français du département de l'Instruc-
tion publique qui travaillait depuis un certain temps à
la refonte de la loi scolaire, soumit son projet de revision
à la considération des reviseurs.
Au cours des séances, ce comité spécial examina minu-
tieusement chaque article du code, en perfectionna la
phraséologie et adopta, avec une classification plus métho-
dique des matières, de nombreux changements de détails.
Ce travail de refonte dura deux ans, et il venait d'être
complété, lorsque le ministère de M. Flynn, après les
élections générales, descendit du pouvoir et fut remplacé
par celui de M. Marchand. Le conseil de l'Instruction
— 186 —
publique remit alors entre les mains du nouveau cabinet
le projet de loi qu'il avait élaboré, afin de le faire présenter
à l'approbation de la législature.
Un changement de gouvernement amène, générale-
ment un changement dans les idées. Or, la nouvelle admi-
nistration, en prenant la direction des affaires, voulut
faire du nouveau et donna en matière d'éducation un
effet pratique aux principes de ses chefs. Elle trouva à
point le prétexte de la refonte de la loi scolaire pour tenter
d'opérer certaines réformes. Prêtant complaisamment
attention aux attaques dirigées par quelques adversaires
de notre système d'éducation contre les méthodes d'ensei-
gnement employées dans nos écoles, enclin, semble-t-il,
à satisfaire dans une certaine mesure, les extrémistes aussi
bien que les esprits modérés du groupe ministériel, le
gouvernement résolut de faire subir d'assez profondes
modifications à l'excellent travail de codification du con-
seil. Afin d'arriver plus sûrement à la réalisation de ses
désirs et de se mettre à l'abri, autant que possible, de
toute intervention, le cabinet conunença par ne pas tenir
compte de la déclaration pubUque faite en 1882 par l'an-
cien premier ministre M. Mousseau et d'après lequel on
devait référer, pour consultation, au corps si compétent
du Conseil de l'Instruction publique, tout projet de loi
scolaire que le ministère ^aurait l'intention de présenter
aux chambres. Il nomma au sein même du conseil exé-
cutif une commission spéciale chargée de reviser le travail
de refonte. Cette commission se composa de MM. Mar-
chand, Archambault, Robidoux et Duffy, avec MM. Paul
de Cazes et G. Parmelee comme secrétaires. ^
Les altérations que cette commission fit au rapport
des comités catholique et protestant indiquèrent claire-
^ MM. de Cazes et Parmelee étaient alors les deux secrétaires du
département de T Instruction publique.
— 187 —
ment les tendances centralisatrices du gouvernement et sa
détermination d'assumer, dans ime large mesure, le contrô-
le et la direction du système administratif des écoles,
préparant ainsi la voie sinon à la suppression du conseil de
l'Instruction publique, du moins et à coup sûr à la dimi-
nution de ses pouvoirs et de son prestige.
Les modifications auxquelles s'arrêta la commission
de l'exécutif peuvent se résumer à sept principales.
1. La première en importance fut l'abolition de la
charge de surintendant de l'Instruction publique qui serait
désormais remplacé par un ministre de la couronne. On
sait que le smîntendant est le chef de son département;
conmie tel, il est revêtu des attributions nécessaires à
l'exécution de ses fonctions et on peut dire que pratique-
ment, il possède les pouvoirs d'un ministre. Le départe-
ment qu'il gère n^est pas, ainsi que quelques-uns le
croient, pomme une succm^sale du secrétariat de la pro-
vince. Il possède une organisation qui lui est propre,
avec des fonctionnaires spéciaux parmi lesquels deux
d'entre eux, le secrétaire français et le secrétaire anglais,
occupent le. rang de sous-ministre. ^ La loi générale
dit bien que ce département relève du secrétariat, mais
en ce sens que le surintendant n'étant pas membre du
conseil exécutif, et n'y ayant pas de siège, a besoin d'un
intermédiaire entre les ministres et lui-même pour trans-
mettre ses recommandations au lieutenant-gouverneur
en conseil. Cet intermédiaire est le secrétaire de la pro-
vince qui, par la loi, a charge de la correspondance du
gouvernement. ^
Les status refondus (1909) disent aussi que le sur-
intendant est le dépositaire des documents relatifs aux
1 Statuts refondus de 1909, AHicle 640 et 2630.
« S. Réf. 1909, Article 771.
— 188 —
affaires de son département^ et d'autre part, stipulent
que le secrétaire a la garde des registres et des archives
qui n'appartiennent pas spécialement à d'autres départe-
ments.
Les mêmes statuts définissent expressément les devoirs
respectifs de l'un et de l'autre chef. Le surintendant a
la direction de ses bureaux dont ses sous-ministres ont,
sous sa surveillance, le contrôle général, pendant que le
secrétaire de la province veille à l'administration et à
l'exécution des lois qui se rattachent aux objets que la
loi énumère.
Pour des motifs d'ordre public, le surintendant ne
peut exercer de patronage politique, ni nommer par con-
séquent les officiers de son département: ces nominations
relèvent du gouvernement qui est le dispensateur des
faveurs ministérielles. De plus, pour assurer l'indépen-
dance du surintendant contre l'ingérence politique, la
loi stipule expressément que ce fonctionnaire est tenu,
dans l'exercice de ses fonctions, de se conformer non pas
aux instructions du secrétaire de la province, mais à
celles qu'il reçoit de l'un ou de l'autre des deux comités
du conseil de l'Instruction pubUque. C'est à la législa-
ture aussi qu'il adresse son rapport annuel, comme le
font les ministres ^u cabinet. ^
Par cette organisation scolaire qui, dans la confé-
dération, est particulière à la province de Québec, le légis-
lateur a voulu, comme nous l'avons ^t antérieurement,
éloigner lé plus possible l'instruction publique de l'arène
pofitique, afin de lui permettre de se développer sans
entraves, d'assurer, par la permanence du chef du départe-
ment, des idées de suite dans la direction de l'enseignement,
^ Idem, Article 2532.
2 Statuts refondus de 1909, Article 2532.
— 189 —
de prévenir les variations trop brusques dans les mesures
administratives et les fluctuations dans les opinions qui
coïncident avec les changements fréquents de ministres. ^
2° L'abolition de la charge de surintendant devait
amener d'autres changements dans la loi. Ainsi les déci-
sions des commissaires d'écoles au sujet du choix des
emplacements et de la construction des maisons d'écoles,
de la fixation des limites des arrondissements dans les
municipaUtés et d'autres cas étaient sujettes à appel
devant ce fonctionnaire. Or, la commission spéciale du
gouvernement proposa d'abolir cet appel et de le référer
aux tribunaux de justice. On conçoit qu'il eût été très
embarrassant pour le ministre de l'Instruction publique
de juger ces questions administratives et de rendre des
décisions qui auraient pu être taxées de favoritisme ou
diminuer, envers le gouvernement lui-même, les sympa-
thies de certains groupes d'électem^s, car on sait quel inté-
rêt les citoyens d'une paroisse attachent à ces disputes
locales et quelle véhémence ils apportent parfois dans la
discussion.
En présence de ce dilemme à lame tranchante, des
raisons politiques s'imposaient donc pour l'abolition du
droit d'appel au ministre. ^
3° Le projet de loi pourvoyait aussi à la nomination
de deux inspecteurs généraux et enlevait aux comités catho-
lique et protestant le pouvoir de prendre la responsabilité
de nommer les inspecteurs sans l'intermédiaire des comités.
4° L'on se rappelle l'intéressante et vive discussion
qui s'éleva au sein du comité cathohque lorsqu'on voulut
obliger les membres des communautés enseignantes à
* Depuis 1895, six ministres ont occupé la position de Secrétaire de
la province: M. L.-P. Pelletier, Racket, Robidoux, Robitaille, Roy,
Décarie.
2 Bill de l'Assemblée législative no 3, 1898. Article 482.
— 190 —
subir devant le bureau central des examinateurs, un
examen pour l'obtention du brevet de capacité; or, la
conmiission nommée par le cabinet, sans proposer d'abolir
le principe de l'équivalence des diplômes que possédaient
ces congrégations, fit néanmoins à ce sujet im amende-
ment au projet de refonte. En effet, pour donner au
comité catholique le pouvoir de supprimer par résolution
cette équivalence, le bill contenait une clause dont nous
extrayons le passage suivant: "Chacun des comités du
conseil de l'instruction pubhque peut, par résolution,
déclarer que les personnes de sa croyance religieuse qui
sont ainsi exemptées ne jouiraient plus du bénéfice de cette
exemption, et à partir de la date de cette résolution, le
privilège accordé par le présent article n'existera plus
pour ces personnes. ^ "
Par suite de cette altération du texte de la refonte et
des changements possibles dans la composition du comité
cathoUque, l'abolition de l'équivalence eut été plus facile
à réaliser, et il semble que l'on voulait prendre un chemin
détourné pour arriver sans bruit et sans l'intervention de
la législature au but que l'on désirait atteindre.
5° Les reviseurs de la refonte portèrent aussi leur
attention sur le choix des manuels de classe et adoptèrent
des changements où se manifestaient des tendances au
choix et à la distribution des livres d'écoles par le gouver-
nement. Le conseil de l'Instruction publique avait inséré
dans son rapport un projet d'amendement à la loi par
lequel les commissaires d'écoles auraient le droit de déter-
miner, pour chaque matière de l'enseignement, les nianuels
qui seuls devaient être en usage dans les écoles placées
* Pour comprendre parfaitement cet extrait du bill, il est bon de se
rappeler que les ministres du culte protestant possédaient comme les mem-
bres des commimautés catholiques le privilège de Féquivalence. Bill
no 3, article 81.
— 191 —
SOUS leur juridiction. On proposait cette mesure en
prévision d'une uniformité partielle qui serait sinon
imposée par l'État du moins dictée par les représentants
élus de la municipalité. A cette règle projetée il y aurait
cependant ime exception par laquelle il serait permis à
l'autorité scolaire paroissiale de conclure avec les commu-
nautés religieuses enseignantes qui publient des livres
classiques dont elles sont les auteurs, des arrangements
spéciaux concernant l'emploi de ces livres dans les écoles
confiées à ces institutions.
Le gouvernement voulant se réserver le choix des
livres de classe biffa l'amendement et conféra au futur
ministre de l'Instruction publique le devoir de "choisir •
parmi les livres, cartes, globes et plans approuvés par
l'un ou l'autre des comités du conseil de l'Instruction
publique, selon le cas, ceux dont il doit être fait usage
dans les écoles publiques. ^
De graves objections se dressaient en face de cette
législation toute nouvelle. D'abord elle supprimait le
droit des commissaires de choisir les séries de livres
destinés à l'usage des enfants de leurs écoles; en second
lieu, elle restreignait et même abolissait un des attributs
les plus importants et les plus essentiels du Comité,
mettant par là en péril la garantie d'impartialité qui doit
présider au choix des manuels. Enfin, en conférant au
ministre de l'Instruction publique le pouvoir d'éliminer
de la circulation parmi les livres approuvés ceux qui ne .
lui plaisaient pas, elle ouvrait toute grande la porte au
favoritisme poUtique et à d'injustes préférences. Au
reste, cette législation constituait, au profit des amis du
pouvoir, un monopole préjudiciable au commerce de
librairie et, en paralysant l'essor des écrivains dont les
^ Bill de rAssemblée législative no 3, 1898, aHide 33-5.
— 192 —
opinions politiques auraient différé de celles des chefs
politiques, elle pouvait enrayer la publication de livres
classiques d'une valeur pédagogique très grande. Cette
altération tout à fait inattendue du texte de la refonte
était donc en principe une atteinte à l'intégrité du droit
de l'autorité scolaire paroissiale et aux attributs des comi-
"^ tés du conseil.
En parlant ainsi, nous ne voulons assurément pas dire
que le cabinet Marchand se serait servi d'une manière
abusive de la liberté qu'il aurait eue de discréditer ou de
rejeter arbitrairement les ouvrages classiques inscrits sur
la liste des livres approuvés, mais enfin et en réalité, on
. forgeait une arme puissante dont aurait pu se servir
habilement le ministre de l'Instruction publique pour
imposer à toute la province l'uniformité absolue des livres.
Dans tous les cas, l'innovation projetée dut plaire
singulièrement aux esprits forts du radicalisme.
Les conséquences de retrait du privilège qu'avaient
les communautés enseignantes de pouvoir, du consente-
ment des commissaires d'écoles, se servir de leur propres
manuels de classe se firent sentir quelques années plus tard,
lorsqu'à Montréal on prêcha de nouveau une croisade
en faveur de l'uniformité des livres.
Il existe dans cette ville plusieurs instituts de frères
et de religieuses dont quelques-uns emploient dans les
écoles les manuels qu'ils ont publiés. Or, les partisans
de l'uniformité voulurent obliger les commisssires à
n'adopter dans toutes les écoles de la ville qu'une série
unique de Uvres. S'appuyant sur la loi qui prescrit ce
choix, ils intentèrent contre la commission scolaire une
poursuite devant les tribunaux pour la forcer à se confor-
mer à la loi. C'est à la suite du jugement rendu par la
cour en cette instance que le gouvernement Gouin con-
sentit, à la demande du Comité cathoUque, de rétablir
— 193 —
le premier texte de la refonte du code scolaire. Mainte-
nant, dans une municipalité, si les commissaires requiè-
rent les services d'ime congrégation catholique enseignan-
te, il leur est "loisible de faire im contrat avec elle rela-
"tivement aux livres dont on se servira dans les écoles
"confiées à cette congrégation, pourvu toutefois que ces
"livres fassent partie de la série approuvée par le comité
"catholique du conseil de Tlnstruction publique. ^
La loi qui existait avant la refonte avait relativement
aux livres de classe certaines dispositions que la com-
mission nonunée par le cabinet crut devoir supprimer,
Les comités cathoUque et protestant possédaient, en vertu
de cette loi, le pouvoir d'acquérir la propriété des livres
d'écoles inscrits sur le tableau d'approbation, en payant
aux auteurs ime indemnité fixée par le lieutenant-gou-
verneur en conseil. Mais le gouvernement voulut dimi-
nuer par une restriction de plus, les attributions de ces
comités en se réservant la faculté d'acquérir la propriété
des publications scolaires. C'était ajouter une maille
de plus à la chaîne de l'uniformité. En outre, on retran-
cha de la loi l'article qui statuait que dans le cas d'abus
résultant de la coalition des libraires pour augmenter le
prix des ouvrages classiques, l'un ou l'autre des comités
pouvait fixer le prix maximum de la vente. On se plaint
quelquefois du prix élevé des livres d'écoles et des commis-
sions trop fortes que les libraires exigent des auteurs sm
la vente des manuels. Il sembla à plusieiu's personnes
que l'ancienne loi pouvait offrir aux parents une certaine
protection que la loi actuelle leur a enlevée.
Avec ces modifications profondes faites au projet de
revision, devait s'effondrer pour ainsi dire le principe
reconnu depuis 25 ans de "l'instruction publique hors de
» statut— Geo. V chap. 20, p. 64-1910.
. — 194 —
la politique." Comme le gouvernement savait fort bien
que le comité catholique se serait opposé à ces change-
ments, s'il les eut connus, il ne voulut pas le consulter.
Ainsi l'abolition de la charge de surintendant, la nomina-
tion et la destitution des inspecteurs d'écoles faites sans
la recommandation des comités du conseil, le choix des
livres par le ministre de l'Instruction pubUque, l'achat
des droits d'auteur que le gouvernement se réservait,
c'était bien de toute évidence l'ingérence de la politique
avec toutes ses conséquences dans le domaine de l'éduca--
tion et la destruction dans ses parties vives, de l'économie
de la loi de 1875.
Le nouveau projet de loi était attendu avec hâte
par le public, car on savait que le conseil de l'Instruction
publique avait préparé de longue main la refonte de la
législation scolaire, et on se demandait si le gouvernement
allait l'adopter intégralement.
L'honorable M. Robidoux, secrétaire de la province,
fut le parrain du bill qu'il soumit à la considération de
l'Assemblée législative en décembre 1897. Inspirateur,
a-t-on prétendu, des changements suggérés, son discours
excita d'avance beaucoup d'intérêt. Orateur agréable
à entendre, le proposeur, dans une harangue remarquable
plus par le charme du style que par la force de l'argumen-
tation, exposa les principales dispositions du projet.
Commençant son discoiu^ par quelques considérations
générales sur la nécessité du développement de l'instruc-
tion dans les rangs des personnes qui se destinent aux
professions Ubérales, mais surtout chez les classes qui en
ont été jusqu'à présent les moins favorisées, l'Jionorable
ministre crut opportun pour dissiper certaines appré-
hensions, de faire une déclaration de principes dont il
est juste de lui donner crédit. '^Nous voulons, dit-U,
modifier notre loi de l'Instruction publique, mais nous
— 195 —
n'entendons pas toucher à celles de ses dispositions qui
sont une sauvegarde potu* la foi et potu* les mœiu's. Nous
voulons que plus d'enfants sachent lire, nous voulons que
la jeunesse soit mieux instruite, mais nous sonunes de
ceux qui croient que Dieu doit être présent partout dans
renseignement et qu'avant de songer à développer les
facultés de Tintelligence et les forces physiques, il faut
inculquer aux enfants Tamour de la vertu, donner de la
droitm-e à lem* volonté et leur apprendre à regarder en
haut avant de les inviter à abaisser leurs regards sur les
livres." I
Avant d'en arriver à la réformation la plus importan-
te que le gouvernement entendait opérer, M. Robidoux se
posa la question suivante: Pourquoi remplacer le sur-
intendant de l'Instruction publique par un ministre?
Il y fit la réponse suivante que nous donnons en son
entier: "Pour plus d'une raison c'est au gouvernement
qu'il appartient de créer l'avenir d'une nation. C'est à
lui qu'il incombe d'étudier les avantages naturels qu'offre
le pays, d'y choisir les sources les plus fécondes d'enri-
chissement, d'en préparer l'exploitation. En même temps
le gouvernement doit étudier les aptitudes particulières
du peuple et harmoniser le développement de ces aptitu-
des comme le but à atteindre.
"Le développement de ces aptitudes fournira le
moyen d'atteindr ce but. Si le gouvernement est chargé
de la fin, il doit disposer des moyens, or, c'est par l'ins-
truction que ces aptitudes se développeront. Pour que
l'instruction soit sagement dirigée, n'est-il pas sage de
laisser à l'exécutif la tâche d'interpréter et de faire exé-
cuter les lois de l'Instruction publique qui émanent du
gouvernement lui-même ?
— 196 — '
''Un des reproches qu'on fait jusqu'ici à notre peuple
c'est son apathie pour l'instruction, et ce reproche est
malheureusement trop fondé.
''Le peuple s'en occupera davantage et nécessaire-
ment s'il se trouve, dans la chambre, un ministre de l'Ins-
truction pubUque et si les questions s'y rattachant font
l'objet des déUbérations de la législature. Chaque
année, la législature passera des jours et des joiu^s à
faire et à amender des lois d'intérêt bien inférieur à celui
qu'offre l'instruction pubUque. Qu'un ministre ait la
direction de l'instruction pubUque, et les questions qui
s'y rattachent provoqueront devant la chambre des débats
qui captiveront l'attention pubUque et qui feront dis-
paraître l'apathie.
"Il existe une troisième raison qui miUte en faveur
de la création d'un ministère de l'instruction pubUque,
et cette raison n'est que le corollaire du principe de la
responsabilité aux chambres. Le surintendant a tous les
pouvoirs d'un ministre. Tout ce que nous faisons en
remplaçant le surintendant par un ministre, c'est de rem-
placer un ministre irresponsable par un ministre responsa-
ble. Il y a là tout à gagner. Au reste, les pouvoirs du
ministre ne seront que ceux qui sont maintenant possédés
par le Surintendant.
"Le conseil de l'Instruction publique, M. l'orateur,
continuera d'exister avec l'autorité qu'il a eue jusqu'à ce
jour, et ceci constitue une garantie qui doit rassurer les
plus timorés."
Tel fut l'exposé de la thèse du secrétaire de la pro-
vince en faveur de la création d'un ministère de l'Ins-
truction pubUque dont le chef serait directement responsa-
ble à la législature.
Dans son discours, M. Robidoux se prononça en
faveur de l'uniformité générale des livres de classe. L'uni-
— 197 —
fonnité partielle, laissée à la direction des commissions sco-
laires locales, ne lui suffisait pas. Pour remédier aux
inconvénients qu'il déplorait dans la multiplicité des
manuels, "la législation nouvelle, fit-il remarquer, décrète
que, parmi les livres qu'auront approuvés les comités de
rinstruction publique, le ministre de Tlnstruction publi-
que choisira ceux qui devront être en usage dans la pro-
vince. De la sorte, le père de famille sera déchargé d'une
bonne partie des dépenses qu'entraîne l'éducation des
enfants et il aura l'avantage de pouvoir instruire deux ou
trois de ses enfants avec les mêmes livres."
M, Flynn, ancien premier ministre de la province,
combattit la mesure au nom de l'opposition. Avec cette
modération de langage, mais avec cette argumentation
serrée qui en faisait un des debaters les plus écoutés et
les mieux renseignés de la chambre provinciale, il soutint
que le discours du secrétaire de la province n'avait nulle-
ment démontré la nécessité ou l'utilité d'abolir la charge
de Surintendant. '^Depuis l'abolition du ministère de
l'Instruction pubUque en 1875, dit-il en résumé, les sta-
tistiques et les faits nous montrent que les progrès en
matière d'éducation ont été de plus en plus considérables.
C'est une calomnie de dire que la province de Québec n'a
pas l'éducation qu'elle devrait avoir; c'est une calomnie
de dire que l'acte de 1875 n'avait pas sa raison d'être.
Personne ne combattit alors cette mesure d'abolition,
pas même les adversaires du gouvernement M.
Robidoux dit que le ministre sera le Surintendant de
l'Instruction publique. Cela n'est pas possible. Autre-
fois, le Surintendant gérait le département d'après les
indications du conseil de l'Instruction pubUque. Main-
tenant le ministre serait indépendant du conseil et régi-
rait l'instruction à sa guise. C'est le renversement des
anciennes lois."
— 198 —
L'orateur exprima ropinion que le projet en con-
sidération contenait un grand nombre de changements
qui étaient moins inoffensifs qu'ils ne le paraissaient tout
d'abord. Telle la clause 33 concernant les attributions
du ministre. Elle signifie que l'instruction devra désor-
mais cesser d'être indépendante de la politique. Il signa-
la, comme un danger grave, le fait de vouloir confier au
gouvernement le choix des livres de classe, la distribution
des sommes destinées à l'instruction et les privilèges de
l'accaparement des droits d'auteur. "Que fera-t-on,
s'écria M. Flynn, devant les préjugés et les sympathies
personnelles? Comment les choses se passent-elles aux
États-Unis? La politique est la ruine des écoles." II
cita à l'appui de ses remarques plusieurs autorités, entre
autres les paroles suivantes de l'honorable M. B. S. Mor-
gan, secrétaire de la West Virginia. "C'est la partisa-
nerie politique qui fait la base des écoles et qui prostitue
l'éducation. L'association d'éducation nationale, à sa
dernière session, a adopté la résolution suivante: "Nous
demandons que l'administration des écoles, y compris
la nomination, la promotion et le changement des profes-
seurs, ainsi que le choix des livres soient exempts de toute
influence politique. Nous faisons appel à tous ceux qui
ont à cœur l'éducation saine de leurs enfants et nous de-
manderons à la presse en général d'appuyer nos réclama-
tions."
Nous pouvons ajouter qu'il n'y a pas qu'aux États-
Unis que l'on s'émeut de l'influence politique en matière
d'éducation. La France en a ressenti les effets bien
avant les événements des trente dernières années, car un
des grands éducateurs du 19e siècle, Mgr Dtipanloup,
écrivait dans son livre UÉducation: "Le ministre de
l'éducation chez un peuple est revêtu de la plus haute
fonction sociale. Rien n'égale son importance, mais je
— 199 —
trouverais sage la nation qui ne le condamnerait pas à
subir les agitations de la politique. Je le voudrais dans
une région supérieure aux orages. Je le voudrais, selon
la pensée de Platon, dans la force et dans la plus grande
maturité de Page.''
Le chef de l'opposition proposa le rejet de la mesure,
mais l'assemblée législative par un vote de 44 contre 19
refusa d'approuver la motion. ^
Au conseil législatif, les débats furent également très
intéressants, car deux jouteurs de renom étaient en pré-
sence l'un de l'autre. M. Horace Archambault, alors
procureur général, et aujourd'hui juge en chef de la cour
d'appel, et M. Thomas Chapais, écrivain érudit autant
qu'orateur distingué.
Le premier, avec beaucoup d'habileté dans l'argumen-
tation prononça, à l'appui du bill, un discours que l'on
peut considérer comme la principale pièce de résistance
contre les attaques des adversaires du gouvernement.
Au reproche de vouloir, en aboUssant la charge de Sur-
intendant, faire entrer la poUtique dans l'éducation, il
répliqua qu'il avait une bonne réponse à donner "c'est
qu'un ministre de l'Instruction publique au Ueu d'un
Surintendant est plus en état d'apporter aux besoins du
jour ce que ces besoins réclament. Un ministre de l'Ins-
truction pubUque sera sur la brèche, sera en contact avec
^ Pour la loi: MM. Allard, Béland, Bickerdike, Bissonnette, Blan-
chard, Bourbonnais, Cardin, Champagne, Chauret, Chênevert, Cherrier,
Décarie, Déchêne, de Grosbois, Delaney, DesgauUes, Doris, Duffy, Gameau,
Girouard, GosseUn, Gouin, Hunt, Lacombe, LaUberté, Lalonde, Major,
Marchand, McCorkill, OUvier, Parent, Petit, Pineault, Robidoux, Ro-
bitaille, Rocheleau, Roy, Stephen, Talbot, Tessier (Rimouski), Turgeon,
Watts, Weïr.— 64.
Contre : MM. Atwater, Bail, Bédard, Bouffard, Chicoyne, D'Auteuil,
Dufresrie, Duplessis, Flynn, Girard, Grenier, Hackett, Leblanc, McDonald,
Marion, Nantel, Panneton, Pelletier, Tellier. — 19.
— 200 —
le peuple de la province; connaissant ses besoins, répon-
dant à ses aspirations, il pourra apporter dans nos lois
les changements qui sont nécessaires pour l'éducation
des masses.
''Un Siuintendant, supposons-lui toutes les qualités...
n'aura aucun intérêt à faire marcher l'éducation Le
ministre sera responsable au peuple, il ne pourra fermer
l'oreille aux cris et aux rumeurs qui monteraient jusqu'à
lui, et s'il ne veut pas se rendre aux demandes qui lui
sont faites, un mouvemnt pourra l'emporter et il sera
remplacé par im autre Mettons au poste du
Surintendant im homme aux idées avancées et aux ten-
dances radicales, cet homme sera plus en état de produire
du mal qu'un ministre responsable aux chambres."
Le procureur-général insista longuement sur le fait
que tout en créant un nouveau ministère, le gouvernement
avait à cœur de maintenir le Conseil de l'Instruction
publique avec tous ses pouvoirs et toutes ses attributions.
Celui-ci étant appelé à décider par lui-même et par ses
deux comités les questions d'éducation qui concernent
toute la province, conservait comme auparavant le pou-
voir de régler les questions spéciales qui intéressent soit
les catholiques soit les protestants. Le ministre ne pos-
séderait que le pouvoir d'administration et celui de modi-
fier, mais seulement les règlements scolaires.
En réponse à l'argumentation de M. Archambault,
M. Chapais, dans un discours de grande envergurje, accusa
à son tour le gouvernement de vouloir bouleverser l'éco-
nomie de la loi de 1875, non pas pour se rendre à la voix
du peuple, puisque, durant les plus récentes élections géné-
rales, il n'avait pas été question des réformes que l'on
proposait, mais, d'agir sous la pression d'un élément perfide,
grossi de quelques dupes inconscientes et de quelques têtes
aussi vides que vaniteuses. Il cita le Réveil, feuille radi-
— 201 —
cale depuis disparue, qui voyait dans le Conseil de T Ins-
truction publique "le rempart du cléricalisme au sein de
réduçatio»'' et l'orateur soutint que de là soufflait le vent,
sans songer toutefois à attribuer aux membres du cabinet
d'odieux sentiments. Soutenant que le projet de loi
créait une révolution complète dans notre système d'en-
seignement et d'instruction publique: "C'est dans la
suppression du Surintendant, dit-il, et dans son remplace-
ment par un ministre que se trouve le coup fatal porté
aux pouvoirs, à la dignité, à l'importance du Conseil de
l'Instruction publique. Et pourquoi cela? Pour la
raison bien simple que l'article 1886 de la loi actuelle
déclare que "dans l'exercice de ses attributions, le Sur-
intendant doit se conformer aux instructions qui lui sont
données par le Conseil de l'Instruction publique ou les
comités catholique et protestant suivant le cas " et que
les articles 92 et 93 du nouveau bill, qui substituent un
ministre au Surintendant, ne reproduisent pas naturelle-
ment cette disposition. C'est-à-dire que sous la loi telle
qu'elle existe actuellement, c'est bien le Surintendant qui
est le pouvoir exécutif et administratif en matière d'édu-
cation; c'est bien lui qui est le chef du département, mais
sous le contrôle et la direction du Conseil. Actuellement,
dans une large mesure, c'est donc le conseil qui est le
corps souverain. Supprimez cette clause 1886, mettez à
la place du Surintendant un ministre qui, naturellement,
je le répète, n'est pas et ne peut pas être soumis à la direc-
tion d'un corps quelconque, et la situation du Conseil de
prépondérante devient secondaire, son influence d'indis-
cutable devient problématique, son autorité au heu d'être
une autorité légale devient un simulacre et une chimère...
"Qu'on ne vienne plus nous dire après cela: le Conseil
conserve ses attributions; il garde tel privilège, il reste
avec tel pouvoir, il a le droit de faire tel règlement; nous
— 202 —
ne lui enlevons rien. Non, vous ne lui enlevez presque
rien, vraiment ! Vous ne lui enlevez que sa suprématie
et sa juridiction générale. Bagatelle ! sans doute. Il
était un pouvoir, vous en faites un rouage; il était le
principal, vous en faites Taccessoire. H était le supérieur
vous en faites l'inférieur. Il était un corps presque sou-
verain, vous en faites im petit bureau de discipline ......
Du moment que vous mettez un ministre à la tête du
département de T Instruction publique, ce ministre sera
le maître. Et le conseil tombera au rang de corps subal-
terne.
L'éminent conseiller ne manqua pas de signaler l'a-
bolition de Tune des attributions des comités, la nomina-
tion des inspecteurs d'écoles et des inspectem^s généraux,
en proposant de laisser désormais cette nomination au
gouvernement lui-même. Ainsi en était-il de cette autre
attribution beaucoup plus importante que la précédente:
le choix des livres d'écoles laissé au ministre qui, à son
gré, pouvait écarter toutes les séries des manuels approu-
vés, moins une, et créer un monopole en faveur de tel
auteur ou de tel libraire. C'était sûrement une des clauses
les plus sujettes à caution et les moins justifiées du projet
de loi.
M. Chapais regardant la législation proposée comme
une mesure de méfiance ministérielle envers le Conseil
de l'Instruction publique, et conmie une sorte de déché-
ance qu'on lui infligeait, termina ses éloquentes remar-
ques par une péroraison dans laquelle il s'écria: "Fer-
mons à la poUtique le temple de l'Instruction. Ah! la
poUtique, cette pohtique de parti qui est inhérente à
notre système de gouvernement parlementaire, mais qui
nous a fait tant de mal, qui a sali tant de choses augustes
et compromis tant de choses saintes. Ne lui laissons pas
mettre la main sur cette arche sacrée qui porte dans ses
— 203 —
flancs les destinées de notre peuple et l'avenir de notre race.
Non, non, l'éducation populaire et la politique ne doivent
pas vivre sous le même toit. La politique, c'est la dis-
corde; l'éducation, c'est l'harmonie; la politique, c'est
l'ambition; l'éducation, c'est le dévouement; la politique,
c'est trop souvent la haine; l'éducation, c'est la fraternité
et l'amour. La politique habite une zone fertile en tour-
ments et en naufrages; l'éducation doit planer toujours
dans des sphères plus pures et plus sereines
Le conseil législatif rejeta sur la division suivante
le projet de loi du gouvernement. En faveur du projet:
les honorables MM. Archambault, Bryson, Cormier,
Garneau, Gilman, Marsil, Pérodeau, Sylvestre et Turner-9.
Contre: les honorables MM. Audet, Berthiaume, de
Boucherville, Chapais, Girouard, Larue, Méthot, Ouimet,
Pelletier, Rolland, J.-J. Ross, Sharples et Wood — 13.
Au cours de la session de 1899, le gouvernement
Marchand présenta un nouveau projet de loi sur l'éduca-
tion, mais modifié et plus en harmonie, cette fois, avec le
projet de refonte préparé par le Conseil de l'Instruction
publique. La clause qui abolissait la charge de Surinten-
dant et qui créait à sa place un ministère de l'Instruction
pubUque avait été effacée et le gouvernement se désistait
aussi du privilège de choisir les manuels de classe, seule-
ment, dans l'assemblée législative, on modifia le bill de
manière à imposer aux commissaires d'écoles le devoir
d'exiger que les livres autorisés fussent les mêmes dans
toutes les écoles de leur municipalité. L'exécutif con-
serva le droit de nommer et de révoquer les inspecteurs
d'écoles, sans la recommandation des comités.
En outre, le nouveau projet de loi contenait deux
dispositions importantes par les conséquences qui pou-
vaient en résulter. La première, extraite du Hll de l'année
précédente, permettait au gouvernement d'acquérir le
— 204 —
droit de propriété des livres de classe; l'autre, le pouvoir
de les distribuer gratuitement aux enfants d'écoles. ^ Le
but que les ministres désiraient atteindre était donc
Tuniformité et la gratuité des livres dans les écoles pri-
maires.
Ce sont ces deux additions à l'ancienne législation que
l'un des membres du cabinet, l'honorable M. A. Turgeon',
fut chargé d'expliquer et de justifier devant l'assemblée
législative, ce qu'il fit dans un discours de longue haleine
et foit documenté. Pour M. le ministre, notre système
d'instruction publique n'était ni si bon ni si mauvais
qu'on l'affirmait. '^Nous avons fait, dit-il, des progrès
indiscutables et il suffit de jeter un coup d'œil autour de
soi, de comparer le niveau intellectuel des masses avec ce
qu'il était il y a une décade, pour se rendre compte du
chemin parcouru et des progrès réafisés. Seulement,
l'esprit humain n'est pas une borne ; ce qui était bon hier^
peut être mauvais aujourd'hui; ce qui est satisfaisant
aujourd'hui sera peut-être jugé défectueux demain. .
Nous sommes pour la poUtique du juste miheu. Nous
ne voulons pas révolutionner, mais évolutionner ' »
M. Turgeon, après avoir fait un brillant éloge de
l'œuvre admirable accomphe par le clergé canadien-fran-
çais dans la fondation de nos collèges classiques et dans
le champ de l'instruction primaire, en vint à dire que des
changements, en petit nombre il est vrai, étaient devenus
nécessaires et que si les statistiques plaçaient la province
de Québec, au point de vue éducationnel, au premier
rang dans la confédération, au niveau de l'Angleterre et
bien au-dessus de l'Irlande, elle était cependant inférieure
à quatorze états de la républ que voisine. C'est donc
vers les États-Unis d'Amérique, foyer d'instruction à
1 Bill de TAssemblée législative no 9 sec. 54S-1899.
— 2a5 —
base mobile et à principes délétères, que le gouvernement
de Québec jetait le regard pour y puiser les réformes
qu'il se proposait d'accomplir.
A la question: quels sont les changements proposés
par le billf l'éloquent orateur, en réponse, énuméra les
arguments déjà apportés en faveur de la suppression du
Siu'iiitendant, ei, pour justifier le gouvernement de l'aban-
don de sa politique de l'année précédente, il s'appuya
enfin sur les raisons que les adversaires avaient employées
poiu* la combattre. Le système inauguré en 1875 avait
bien fonctionné, disait-on, il avait reçu le concours des
plus hautes autorités reUgieuses, et la minorité protestan-
te de la province, si libéralement traitée sous le régime
actuel, n'avait pas d'intérêt au changement. En certains
quartiers, le nouveau projet de loi avait été accueilli,
sinon avec inquiétude, du moins avec un sentiment de
méfiance à peine dissimulé. Or, dit le ministre, nous
revenons à l'ancienne législation et dans ce but, ''nous
avons eu recours à un moyen terme. Nous abandonnons
la création du ministre, mais nous enlevons au Surinten-
daiit ses pouvoirs judiciaires. Nous révoquons la légis-
lation d'exception qui en faisait un juge sans appel
dans une foule de questions irritantes où le caprice, les
influences poHtiques, les rancunes personnelles, les fai-
blesses humaines en im mot se faisaient jour et exerçaient
leur action. L'appel de la décision des commissaires
sera porté devant les tribimaux réguliers par une procé-
dure sommaire et peu coûteuse . , .
Après l'abandon de l'appel au Siu'intendant, la réfor-
me la plus pressante dans l'opinion de M. Turgeon c'était
l'étabUssement de l'uniformité des manuels de classe.
"Une réforme depuis longtemps réclamée par les asso-
ciations ouvrières est l'uniformité des livres d'écoles.
Notre projet de loi la décrète. Nous ferons ainsi cesser
— 206 —
un abus qui est devenu une taxe lourde et, dans certains
cas, monstrueuse, sur les pères de famille. Lorsque nous
fréquentions Técole primaire, les livres changeaient avec
rinstitutem* ou Tinstitutrice. Ceux qui avaient servi aux
aînés étaient impropres aux cadets, et si l'enfant changeait
d'école, restât-il dans la même joiunicipalité, il devait
bien souvent acheter une série de livres nouveaux. , .
''Nous décrétons Tuniformité non seulement dans un but
d'économie, mais pour réaliser une importante réforme
pédagogique, l'adoption de la méthode concentrique qui
a été accueillie avec tant de faveur par tous les grands
éducateurs, qui est actuellement en usage dans les écoles
de France, d'Allemangne, de Chicago et dont les hommes
les plus compétents reconmiandent l'essai dans tous les
États-Unis."
Était-il bien nécessaire d'établir l'uniformité des
hvres pour mettre en pratique cette méthode connue des
éducateurs ? Quoi qu'il en soit, M. Turgeon appuya sa
thèse sur de copieuses citations extraites des rapport de
certains fonctionnaires de l'Instruction publique aux États-
Unis et que des amis plus intéressés que clairvoyants lui
avaient tout probablement communiqués.
M. Chapais se posa de nouveau en adversaire irré-
ductible de la politique ministérielle et disséqua, avec
cette maîtrise qui lui est particulière, les articles du pro-
jet de loi. S'appuyant sur Montalembert, Mgr Freppel
et le grand économiste M. Le Play, il fit ressortir, en
matière de gratuité des livres, le rôle naturel de l'État
qui consiste à faire dans l'intérêt général ce que ne peu-
vent faire aussi bien que lui ni les individus, ni les familles,
car les fonctions qui peuvent être rempUes parfaitement
par les individus ou les familles ne sont pas ou du moins
ne peuvent être que par exception des fonctions d'État.
Il rappela ces paroles que le combatif évêque d'Angers
— 207 —
avait prononcées dans une discussion budgétaire: "C'est
"une vérité de sens commiin qu'en matière civile et com-
"merciale. . . TÉtat ne doit entreprendre que ce que les par-
"tîcuUers et les associations naturelles ou libres ne peu-
"vent faire par leurs propres forces. L'État, usant de
"ses pouvoirs militaires, administratifs, judiciaires, exé-
"cutifs, pour le profit de la chose publique, rien de mieux;
'encore une fois: c'est sa véritable fonction; mais l'État
"banquier, l'État professeur, l'État maître d'école,
"l'État commerçant, l'État industriel, l'État manufac-
"turier, l'État comédien ou tragédien" et vous me per-
mettrez d'ajouter, s'écria M. Chapais, "l'État fournis-
"seur des livres d'écoles, rien de tout cela n'est dans la
"nature des choses, rien de tout cela ne correspond à une
"idée saine et correcte."
"Que l'État, ajoute l'éloquent orateur, consacre une
'fraction quelconque de son budget à l'achat de livres
scolaires pour les enfants dont les parents trop pauvres
ne peuvent leur en fournir eux-mêmes, il n'y a rien à
redire. C'était l'idée qui avait inspiré le gouvernement
de l'honorable M. Flynn dans la rédaction de la loi sur
l'instruction publique 60 Victoria, chapitre 3, section 3.
Mais décréter qu'on va grever le budget d'une somme
suffisante pom- fournir des livres à tous les enfants, aux
enfants des riches comme aux enfants des pauvres, c'est
une absm'dité, c'est un excès, c'est une faute contre les
lois constitutionnelles de toute société bien ordonnée,
c'est véritablement du communisme officiel et du socia-
lisme d'État." 1
L'éminent auteur de La Réforme sociale dénonçant
la gratuité, écrivait : "Quant à la gratuité, cela est contraire
^ Discours de M. Th. Chapais sur la loi de rinstruction publique
1899, p. 11.
— 208 —
au principe qui commande aux citoyens de pourvoir par
leur propre initiative aux besoins de la vie privée. Il est
d'ailleurs inexact d'appeler gratuit un service rétribué
par l'impôt, et s'il convient à tous égards que le riche
paye volontairement l'enseignement du pauvre, on ne
doit pas permettre que le pauvre, toujours atteint en
quelques points par le fisc, contribue malgré lui aux frais
de l'instruction du riche."
Enfin la discussion terminée la législature adopta le
projet de loi du gouvernement.
Que s'était-il donc passé entre les deux sessions de la
législature de 1897 et de 1899 pour que le cabinet ait
cru opportun de modifier sa poUtique en conservant
l'ancienne législation scolaire et la charge de Surinten-
dant ? Le procureur général en constatant l'hostilité de
la chambre haute au projet de 1897, avait pourtant dit
en chambre: ''Si en passant par le Conseil, cette mesure
ne devient pas loi cette année, elle le deviendra l'année
prochaine ou dans deux ans, mais elle le deviendra."
Le public ignora les motifs de ce revirement subit jus-
qu'à ce que, six ans après, un écrivain de France, M.
André Siegfried, faisant précisément allusion, dans un
intéressant ouvrage sur le Canada, à cette question du
remplacement du Surintendant par im ministre de l'Ins-
truction publique, crut devoir, dans une phrase aussi
brutale que le mot dont il se servit lui-même, donner la
raison qui avait, selon lui, porté le premier ministre M.
Marchand, à renoncer à son projet. ''En 1899, écrit
M. Siegfried, il fut question de remplacer le Surintendant
par un membre du cabinet. Le ministère Ubéral Mar-
chand s'était déclaré partisan de la réforme et l'avait
inscrite dans son projet général de remaniement de la loi
scolaire. L'opposition de l'Église fut brutale et décisive:
un télégramme expédié de Rome somma M. Marchand
— 209 —
de renoncer à son idée. L'autorité catholique est si forte '
même sur les libéraux canadiens, que le premier ministre '
dut céder." 1
Cette affirmation de M. Siegfried causa de la surprise
dans notre monde politique et fut accueillie avec une
certaine méfiance. Or, ayant pris connaissance de cette
affirmation, un écrivain canadien qui séjournait à Rome,
à Vépoque des difficultés scolaires de Manitoba, crut devoir
fournir, dans un de nos périodiques, des détails dont il
garantit l'authenticité et que les personnes qui avaient
donné des informations à M. Siegfried ignoraient tout
probablement.
On se rappelle qu'en 1897, l'année après l'avènement
de M. Laurier à la tête du gouvernement fédéral, la so-
lution de la question des écoles manitobaines inquiétait
beaucoup les esprits, et un grand malaise existait parmi
les catholiques du Canada, surtout de l'ouest du pays,
au moment où leurs intérêts, à la suite du voyage de l'ho-
norable Ch. Fitzpatrick à Londres et à Rome, venaient
d'être transférés de la Propagande à la secrétairerie
d'État pontificale. Il ne sera pas sans intérêt, en termi-
nant nos remarques sur la refonte de notre loi scolaire,
de citer textuellement ce qu'écrivait le correspondant de
la revue La Nouvelle France sur ce qui se serait passé au
Vatican à propos du projet de loi du cabinet Marchand.
Voici ce qu'il dit. ''Or, à ce moment-là même, un
de nos évêques présents à Rome, fut reçu en audience par
Léon XIII, lequel se préoccupait vivement de l'état des
esprits dans notre pays. Il crut devoir faire connître au
Souverain Pontife les inquiétudes que donnerait aux évê-
ques le programme du ministère, surtout annoncé comme
il l'était et préconisé par des joimiaux nullement dévoués
^ Le Canada. Les deux races, p. 91, Paris 1906.
I
— 210 —
aux écoles catholiques. L'occasion semblait opportune.
M. Marchand était sincère catholique et pratiquant, il
venait d'écrire à la secrétah'erie d'État une lettre très
dévote au Saint-Siège pour lui demander d'intervenir
dans nos difficultés. Léon XIII jugea sans doute que
M. Marchand, après avoir trouvé nécessaire et opportun
que le chef de l'Église intercède dans les difficultés à
Ottawa, ne pomrait pas se plaindre qu'il fasse entendre
un conseil et exprimer un désir à Québec dans l'intérêt
de la paix religieuse. Il dit donc en substance au prélat
canadien: ''Écrivez à M. Marchand et dites-lui que le
Pape désire qu'il ne présente aucune loi sm* l'instruction
publique qui soit de nature à susciter des conffits entre
l'Église et l'État."
''On était à la veille de la session à Québec. Une
lettre arriverait après le discours du trône ou le fameux
ministère serait annoncé ; elle mettrait le premier ministre
dans la difficile et vraiment pénible alternative, ou de ne
pas tenir compte du désir connu du Saint-Père ou de retirer
une mesure officiellement annoncée à la législature et au
pays. Le prélat écrivit de suite au ministre et au lieute-
nant-gouverneur pom* lem* transmettre officieusement,
comme il s'y était engagé, le désir du Saint-Père et les
prévint inamédiatement par un message télégraphique
qui annonçait la lettre et son contenu.
"Que se passa-t-il dans le conseil des ministres au
reçu de cette dépêche aussi irréprochable de fonds que
dans la forme ? M. Siegfried le sait peut-être, mais ne
l'a point dit. Ce que nous savons c'est que le premier
ministre ne changea rien au programme et que le lieute-
nant-gouverneur annonça dans le discours officiel la créa-
tion d'un ministère de l'instruction publique. En fait
donc, le premier ministre ne céda point. Les désirs du
Pape, on les exploite quand on peut en tirer profit, mais,
— 211 —
les élections faites, on les met de côté en plaidant impos-
sibilité de s'y rendre.
"Cependant, le désir du Saint-Père était connu; les
catholiques pouvaient en être avertis avant la discussion
du projet de loi, et celui-ci était mal vu, on le savait, au
conseil législatif. Comment finirait l'aventure? Il fal-
lait à tout prix que Ton fasse retirer le désir exprimé par
le Saint-Père. Le lieutenant-gouverneur et le ministre
écrivirent à la secrétairerie d'État et y firent agir un per-
sonnage de leur confiance. On représenta au Saint-Siège
que le ministre s'était engagé envers les électeurs et ne
pouvait pas retirer sa parole; que l'opinion publique
exigeait impérieusement cette mesure, que si le ministre
consentait, par déférence à la retirer, il devait céder le
pouvoir; qu'enfin le retrait de la mesure et la démission
du ministre entraîneraient des bouleversements et une
agitation qui prendraient les proportions d'une révolution.
Tous ces allégués étaient faux. . .
"Cette fois, le grand sens politique du Saint-Père ne
fut pas trompé par la t^npête suscitée dans son plus
prochain voisinage. Il se contenta de faire répondre
par son secrétaire d'État ces mots qui maintenaient son
désir en précisant le caractère de son intervention ' offi-
cieuse et toute de bienveillance "Le Saint -Père exprime
le désir qu'il ne soit fait présentement aucun changement
à la législation concernant l'instruction publique qui soit
de nature à amener des conflits entre l'Église et l'État.
Mais son intention n'a pas été d'exercer une pression telle
que le ministre soit obUgé de donner sa démission. ^
^ Je n'ai pas le texte de la dépêche sous les yeux, dit récrivain de
l'article, mais j'en garantie l'exactitude substantielle. Si l'on veut la con-
tester il sera facile de retouver le texte même qui me fut communiqué de
la part du Secrétaire d'État pour le faire parvenir à la connaissance d'un
prélat canadien avec lequel on me savait en intimes relations".
— 212 —
"Nos politiciens en furent pour leurs démarches plus
habiles que loyales et sincères. On sait le reste. La loi
du ministère de Tinstruction pubUque, votée à une grande
majorité à l'assemblée législative, moment d'une mort
naturelle, je veux dire purement civile et poUtique, au
conseil législatif. Le premier ministre garda le pouvoir,
le lieutenant-gouvernem' acheva paisiblement son terme
d'office à Spencerwood, et il ne fut plus question ni de
chute de ministère, ni de boiileversements, ni d'agitation
interne, ni de révolution.
"Voilà l'histoire vraie du ministère de l'instruction
publique enterrée au conseil législatif le 18 janvier 1898.
On voit qu'elle ne ressemble pas tout à fait à celle qu'ima-
gine M. Siegfried. . .
Cette version des faits donnée par l'écrivain de "La
Nouvelle France" n'a jamais été relevée ni contredite
par ceux qui pouvaient avoir intérêt à le faire.
CHAPITRE TREIZIÈME
"Mon premier livre/' premier manuel pour dis-
tribution GRATUITE — Un bureau d'ÉDUCATION
A OTTAWA — L'exposition universelle de Paris
EN 1900 — Le traitement des instituteurs —
Refonte des programmes scolaires
La loi scolaire de 1899 ayant été sanctionnée, le
gouvernement ne tarda guère à se prévaloir des nouvelles
dispositions législatives pour établir runiformité et la
gratuité des livres d'écoles. La session de la législature
était à peine terminée que le partisan le plus zélé de ces
réformes, M. Robidoux, disait dans un discours à Montréal
"Je suis certain que dans quatre ans, pas un enfant ne
sera obligé d'acheter ses livres.'' Il annonça en même
temps que, l'année suivante, les écoles de la province
seraient pourvues de cartes géographiques très bien des-
sinées. ''C'est là, ajouta-t-il, le commencement de la
gratuité."
Pour donner suite à cette politique, le cabinet adopta
discrètement un arrêté ministériel dans lequel il proclama
l'importance et l'urgence ''de faire préparer le premier
livre de la série d'ouvrages gratuits destinés aux écoles
primaires de cette province. Il choisit deux professem^
de l'école Normale de Québec, MM. J.-A. Ahem et C.-J.
Magnan, pour composer un ouvrage qui fût conforme
au programme indiqué dans le décret. ^ Ce travail devait
1 Ce programme que voici, ne dut pas exiger un grand effort de ré-
daction, puisqu'il est extrait presque mot pour mot du programme des
études primaires en vigueur à cette époque.
— 214 —
être soumis de temps. à autre à Texamen d'un comité
spécial composé des honorables MM. Marchand^ Archam-
bault, Turgeon et Robidoux, membres du conseil exécutif
et devait être terminé quatre mois après, c'est-à-dire le
1er avril 1900. L'approbation du nouveau livre qui deve-
nait la propriété du gouvernement était réservée au comité
spécial en question et non au comité catholique qui est
pourtant le corps désigné par la loi pour approuver les
manuels classiques. ^
Cette manière étrange et inusitée de procéder, contraire
à l'esprit et même à la lettre de notre législation scolaire,
était l'indice de la voie dans laquelle les ministres voulaient
s'engager. L'uniformité des livres dont le gouvernement
se réservait l'approbation et leur distribution gratuite
pouvait tôt ou tard aider puissamment l'État à s'emparer
de la direction de l'enseignement. Le précédent que l'on
créait était donc très dangereux et, dans la suite, des
honmies politiques mal disposés et dénués de sens catholi-
que auraient pu s'en prévaloir pour imposer aux enfants des
Langue française: — Syllabaire, Lettres, Épellation. Premiers essais
de lecture courante, avec la signification des mots du livre de lecture.
Écriture: — Écriture marchant de pair avec la lecture.
Arithmétique: — ^Enseignement des dix premiers nombres et des chiffres
qui les représentent au moyen d'objets.
Numération: — Écrire et lire les nombres jusqu'à cent (100). Addition
et soustraction au moyen d'objets usuels et avec des nombres de deux
chiffres. Tables d'addition et de soustraction.
Géographie: — Quelques notions. Situation relative des différentes
parties de l'école. La terre et l'eau. Le soleil (levant et couchant).
Orientation. Points cardinaux. Accidents du sol connus des enfants.
Géographie locale; école, village, paroisse, comté. Au moyen d'un globe:
forme de la terre, les jours et les nuits, les saisons.
Histoire sainte: — Quelques notions.
Histoire du Canada: — Quelques notions. Le sujet n'est pas dans le pro-
gramme pour les élèves de première année.
Connaissances usuelles: — ^Leçons sur l'agriculture.
1 Arrêté en Conseil du 26 novembre 1899.
— 215 —
manuels conformes à leurs opinions et à leurs principes
en matière d'éducation. Cela s'est vu et cela se voit
malheureusement dans d'autres pays.
Dîsons aussi que la composition d'un ouvrage classi-
que exige, outre les connaissances spéciales ordinaires,
rétude des maîtres en pédagogie ' N'est pas auteur qui
veut et, même pour ceux qui ont la préparation voulue,
il importe de suivre le fameux précepte de Boileau. Or
en demandant aux pédagogues désignés qui, comme pro-
fessem*s d'école normale, avaient des devoirs quotidiens
à remplir, de préparer leur livre dans un court espace de
temps, le gouvernement leur imposait une très lourde
tâche et les exposait, malgré leur expérience, à faire une
œuvre incomplète et trop imparfaite.
Le comité catholique se réunit au mois de mai suivant.
C'eût été le temps de soumettre à son approbation le
manuel Mon premier livre qu'avait en sa possession le
gouvernement; mais celui-ci s'abstint de le faire; il n'in-
forma point non plus le comité qu'il avait fait préparer
un livre de lecture pour distribuer gratuitement. Ce fut
l'été suivant que la cabinet se décida à demander au comité
cette approbation dont, par les termes de l'arrêté ministé-
riel, il avait paru vouloir se dispenser. Le secrétaire de
la province aurait voulu convoquer à cette fin, en plein
juillet, le comité cathohque, mais comme il était impossi-
ble de réunir, à l'époque des vacances et à com*t intervalle,
le membres de ce corps, le surintendant convoqua, en
toute hâte, le sous-comité des livres du comité catholique,
lequel examina l'ouvrage, mais ne put faire rapport au
comité général qu'en septembre suivant. C'est alors que
Mon premier livre divisé en deux parties, fut approuvé
conformément à la loi. ^
^ On a dit dans le temps que quelques membres du Comité catholique
avaient hésité à donner leur approbation au livre et qu'en définitive, ils
— 216 —
La distribution gratuite de ce manuel n'eut pa^
d'abord tout le succès qu'en attendait le gouvernement,
et plusieurs municipalités refusèrent de l'accepter. Pré-
paré d'après la méthode phonique peu en usage dans les
campagnes, il ne pouvait être d'une utihté générale. Un
instituteur expérimenté exprima l'opinion qu'il aurait
fallu commencer par faire imprimer des tableaux de lecture
avant de mettre Mon premier livre entre les mains des
jeunes enfants; puis faire connaître aux institutrices la
méthode employée et attendre qu'elles fussent préparées
à s'en servir avec efficacité. L'ancienne épellation était
en usage dans la majorité de nos maisons d'enseignement
primaire pendant que la méthode phonique n'était ensei-
gnée que dans un nombre restreint de nos écoles.
L'article 93 de la loi du parlement impérial qui crée
la Puissance du Canada, laisse à la législature de chactme
des provinces confédérées le droit exclusif de décréter les
lois relatives à l'éducation. ^
D'habiles tentatives ont été faites depuis 1867, poiu*
éluder ou atténuer autant que possible les effets de cette
clause de la constitution, afin d'arriver à une imiformité
quelconque du régime scolaire entre les états qui forment
la confédération. Les partisans de l'union législative des
provinces sont particulièrement favorables à cette idée
de centraUsation.
Trois projets l-etentissants, sm-tout deux d'entre eux,
ont été l'objet dans le pays d'intéressantes discussions.
Le premier en date comportait la création dans la capitale
du Dominion d'un bm^au central d'éducation. Le Dr
Harper alors inspectem* des écoles primaires supérieures
ne l'avaient accepté quoiqu'avec regret que pour ne pas heurter les senti-
ments des ministres.
^ Acte de TAmérique britannique du Nord. Article 93.
— 217 —
protestantes de la province de Québec, en exulta l'idée
dans une conférence qu'il fit à Halifax en 1898, lors de la
réunion triennale de ''La Société d'Éducation du Canada."
Le deuxième projet fut celui du Dr Rodrick, doyen de la
faculté de médecine de Txmiversité McGill et député aux
connnunes de Tune des divisions électorales de Montréal.
M. Rodrick voulait rétablissement d'un bureau médical
fédéral ayant le pouvoir de délivrer des diplômes qui per-.
mettraient aux médecins des provinces l'exercice de leur
profession dans toute l'étendue du Canada. De son côté,
le Dr Robbins, ancien principal de l'école normale McGill,
proposa la formation d'un bureau central d'examinateurs
chargé de reviser les diplômes des écoles normales pro-
vinciales et d'en octroyer qui donneraient aux instituteurs
et aux institutrices le privilège d'enseigner dans toutes les
parties du pays. Ces trois projets qui tendaient au même
but semblaient avoir une origine commune. Il n'est pas
téméraire de soupçonner qu'ils avaient été conçus d'après
un plan bien mûri et, nous oserions dire, par les mêmes
personnes.
A l'occasion d'un mémoire que le bureau administra-
tif de la société d'éducation du Dominion présenta au
premir ministre du Canada sir Wilfrid Laurier, en faveur
de la formation d'un nouveau département du service civil
à Ottawa, celui d'un bureau d'éducation, le comité catho-
lique du conseil de l'Instruction publique fut appelé à se
prononcer sur le sujet.
Le mémoire attribuait quatre fonctions principales à
ce bureau : a — la collection de documents et la rédaction
de rapports relatifs au développement des écoles au Ca-
nada; 6 — la préparation d'un compendium annuel sur
le mouvement éducateur dans les pays étrangers; c — la
compilation des statistiques scolaires des provinces confé-
dérées; d — l'étude des meilleures méthodes de classifi-
— 218 —
cation des écoles et des moyens d'améliorer la construction,
la ventilation et, en général, l'aménagement hygiénique
des bâtiments scolaires. Le mémoire exprimait aussi
l'espoir que le chef de ce nouveau département civil
saurait donner une impulsion plus active au mouvement
scolaire, et produire dans tout le Canada ime salutaire
émulation. Pourtant les signataires de cet écrit savaient
qu'il existe dans la province de Québec, pom* ne parler
que d'elle, un conseil de l'instruction publique, composé
de deux comités de reUgion différente, lesquels adminis-
trent avec zèle et compétence les écoles de leur dénomina-
tion religieuse respective et connaissent les besoins et la
mentalité de la population mieux que ne le pourrait un
chef de département étranger à nos habitudes et à nos
aspirations. Elle apparaissait bien problématique l'au-
torité d'un tel commissaire chargé d'indiquer aux popula-
tions de l'est et de l'ouest les altérations ou les rema-
niements à opérer dans les cours d'études des collèges
classiques, des high schools et des universités, de façon à
les assimiler les uns aux autres. Par exemple, ce haut
directeur de l'enseignement public n'aurait pu ignorer que
Québec, province de langue française, possède une orga-
nisation scolaire adaptée au caractère et au goût littéraire
et artistique de sa population, et que l'intelligence du
Canadien français est façonnée dans un moule autre que
celui de son concitoyen anglo-saxon, car il y a des influen-
ces qui déterminent les particularités des races. Ce sont
les traditions des peuples qui font les habitudes de leur
vie, leurs mœurs et leur goût propre. Des programmes
d'études bu des vœux d'associations ne sauraient modifier
utilement l'instruction qui leur convient, ni transformer
leur caractère. C'est ce que constatait fort bien VEvening
Boston Transcript lorsque, parlant des Canadiens français
à l'occasion des grandes fêtes du troisième centenaire de
— 219 —
Québec, il disait: "Le sang artistique se trahit même
s'il a beaucoup circulé dans les veines d'un peuple forcé
d'abattre la forêt et de cultiver le sol précieux de la terre
paternelle."
Et, quels auraient été les moyens d'action de ce
fonctionnaire général pour opérer cette fusion des pro-
granmies d'études, prélude de la fusion des races dont l'idée
hante Tesprlt des théoriciens de la concentration scolaire
âT'tïîîàwa? Aurait-il eu assez d'autorité par lui-même
pdûr"vaincre les résistances? Son titre de ministre ou
de chef fédéral de l'éducation n'aurait pu certes lui donner
une supériorité plus grande, plus respectée et mieux assise
que celle du conseil de l'Instruction publique de notre
province qui est composé d'éducateurs remarquables par
leurs talents, leur expérience et leur position élevée dans
l'Église et dans l'État.
Remarquons ici qu'il y a des assimilatem^s à outrance,
animés d'un patriotisme canadien de surface, qui vou-
draient même soumettre à un système uniforme les diffé-
rentes organisations scolaires des Iles britanniques et des
colonies anglaises. Cette idée n'est assurément qu'une
utopie et un non-sens, car d'invincibles obstacles empê-
cheraient cette unification de se réaliser. Les possessions
de l'Angleterre, disséminées dans les cinq parties du monde,
n'ont ni les mêmes mœurs, ni la même manière de vivre,
ni la même langue, ni la même histoire. Ne pouvant
éprouver les mêmes affections nationales, elles seraient
par nécessité, réfractaires à un système unique d'ensei-
gnement. On ne supprime pas la langue et le génie d'un
peuple d'im trait de plume et par la seule volonté d'une
société de pédagogues.
Au reste, établir un grand conseil médical fédéral
ayant le pouvoir, tel qu'on le proposait, d'uniformiser les
cours d'études et un conseil central chargé d'octroyer.
— 220 —
sur cette base, des diplômes, eût étéjaper un des appuis
de notre constitution, et, par un moyen détourné, éluder
le droit exclusif des provinces de légiférer en matière
d'éducation. On ne peut oublier que la loi impériale qui
a créé la confédération, fut le résultat d'un compromis
entre les colonies anglaises du nord de l'Amérique, un
traité d'union, suivant l'expression de lord Carnarvon
à la chambre des lords, et ce serait obéir à un sentiment
déplorable que de vouloir violer le pacte de 1867 et forfaire
à la foi jurée.
L'énumération que nous avons extraite du mémoire
au sujet du bureau fédéral pouvait sembler de prime
abord attribuer à celui-ci un rôle inoffensif; mais il fallait
envisager la question d'un point de vue plus élevé: il y
avait surtout à considérer le motif particulier qui faisait
agir les signataires de la supplique à sir WiKrid Laurier;
celui de favoriser la concentration des intérêts éducation-
nels des provinces et de les grouper sous la juridiction du
gouvernement de la Puissance. Appelé à se prononcer
sur l'opportunité et le mérite du plan proposé, le comité
catholique ne fut pas d'avis qu'il était besoin d'im minis-
tère de l'instruction public au siège de la Confédération
pour recueillir des statistiques scolaires, quand déjà la
loi consignée dans les statuts du Canada permet au gou-
vernement fédéral d'obtenir tous les renseignements
qu'il désire, ni pour indiquer aux gouvernements provin-
ciaux leur règle de conduite dans l'application des prin-
cipes de l'hygiène à l'école. ^ Convaincu qu'il impor-
terait de sauvegarer l'autonomie des provinces et de
maintenir dans leur intégrité les dispositions de l'Acte de
l'Amérique du Nord, le Comité, sur proposition du juge F.
Langelier, appuyé par Mgr Laflamme, ancien recteur de
^ Statuts refondus du Canada, chap. 59 p. 4.
— 221 —
l'université Laval, adopta à Funanimité de ses membres,
la résolution suivante: "Que ce Comité, après avoir pris
commimication, à la demande du Surintendant, du mémoi-
re que le Comité exécutif de l'Association d'éducation du
Dominion désire présenter au premier ministre du Canada
pour lui demander la création d'un département de l'édu-
cation sous le contrôle du pouvoir fédéral, est d'avis que
la création d'un tel département fédéral n'est ni consti-
tutionnelle ni désirable. *
A cause de sa ferme attitude sur cette irritante ques-
tion, la province de Québec s'attira des reproches. En
certains quartiers, on l'accusa d'avoir des idées rétro-
grades et d'entraver le progrès éducationnel dans la confé-
dération canadienne. Ces attaques imméritées ne lui cau-
saient ni surprise, ni émotion, elle sV attendait, car il y
a parmi nous quelques esprits préjugés qui, par l'insuffi-
sance de leurs connaissances en histoire et en droit consti-
tutionnel, semblent incapables de juger équitablement la
manière de penser de l'élément de langue française sur
certains questions d'intérêt public. Dans le cas présent,
notre province, en adhérant strictement à la constitution
du pays, agissait au bénéfice de la communauté toute
entière, et donnait aux autres provinces l'exemple du
respect et de la soumission à l'ordre de choses établi en
1od7. Et, en refusant de soumettre son système d ensei-
gnement au contrôle d'un conseil fédéral, elle voulait
préserver l'autonomie des provinces, conserver sa liberté
d action et aussi ne pas se voir exposée peut-être à abaisser
le niveau de ses études classiques. ^
L'exposition universelle de Paris en 1900 fournit à
la province de Québec l'occasion de faire connaître à
1 Séance du 3 mai 1899.
^ En 1904, nous avons traité cette question dans une brochure in-
titulée: Éducation et Constitution.
_ 222 —
rétranger son régime scolaire et ses institutions d'ensei-
gnement.
Chargé par le gouvernement, dès 1898, de recueillir
les documents et les travaux scolaires qui devaient figurer
à cette exposition, le surintendant de Flnstruction publi-
que se mit aussitôt en communication avec les maisons
de haut enseignement et autres intéressées pom* les prier
de lui prêter leur concours. Cet appel ne fut pas fait en
vain; les commimautés enseignantes d'hommes et de
femmes, les commissions scolaires catholique et protes-
tante de Montréal et d'autres endroits envoyèrent obli-
geamment au département de l'Instruction publique des
travaux d'élèves non pas spécialement préparés en vue de
l'exposition, mais recueillis au jour le jour dans les classes
avec les corrections du maître, afin de donner aux étran-
gers, qui visiteraient à Paris la section de l'éducation, une
idée aussi exacte que possible de l'état réel de l'instruc-
tion dans notre province.
Le Comité catholique l'ayant prié d'agir comme son
délégué à l'exposition, le Surintendant se rendit à Paris.
Quoiqu'il eut fallu restreindre les envois en France,
parce que l'espace réservé à notre province dans le palais
de l'exposition était peu considérable, 300 pieds en super-
ficie, les personnes qui avaient été préposées au groupe-
ment des objets et à l'arrangement des vitrines avaient
fait leur travail avec tant de méthode qu'il n'y eut pas
d'encombrement dans les exhibits scolaires.
Notre exposition scolaire, nous sommes hem*eux de
le dire, put supporter très avantageusement la comparai-
son avec celle des autres provinces de la confédération
canadienne, surtout par un côté pratique et donc intéres-
sant. Pom* un grand nombre de visiteurs, elle a semblé
être ime surprise. Les travaux scolaires qui y étaient
exposés ont attiré non seulement l'attention des membres
— 223 —
du jury chargé de les apprécier, mais aussi d'hommes
marquants parmi les lettrés et les éducateurs de tous les
pays. Les professeurs et les instituteurs de France parti-
culièrement ont paru attacher \m intérêt considérable aux
développements de notre enseignement primaire et plu-
sieurs ont exprimé leur satisfaction de voir qu'au Canada
rinstruction avait fait du progrès et promettait pour Tave-
nîr des résultats encore plus importants.
C'est ainsi que M. de Caux, éducateur français très
en vue, fit l'éloge de plusieurs des livres en usage dans
nos écoles et des travaux exposés par les congrégations
des frères des Écoles chrétiennes, de l'Instruction chré-
tienne, du Sacré-Cœur et des congrégations enseignantes
de femmes, les sœurs de la congrégation de Notre-Dame,
de Sainte-Anne, de la Présentation de Marie, du Bon
Pasteur de Québec, des Sœurs de la Charité, etc. "Si
nombreux, dit-il, sont les envois des religieuses que nous
ne pouvons les signaler tous, bien que tous aient de la
valeur et un admirable caractère de sincérité. On a pris
tout simplement les cahiers journaliers des élèves pour les
réunir en liasse et les envoyer à Paris. C'est comme cela
qu'il faut comprendre une exposition."
M. Baudrillard, autre éducateur, écrivait dans la
Revue pédagogique de Paris: "L'exposition du Canada
au Trocadéro est pour un grand nombre de visiteurs une
révélation. Son importance, les nombreuses richesses
qu'elle manifeste, jusqu'au goût qui a présidé à l'organi-
sation de l'ensemble, tout est de nature à étonner le
curieux, généralement peu au courant des progrès réalisés
par "les quelques arpents de neige" que nous avons
perdus au siècle dernier."
Remarquant entre les expositions scolaires des pro-
vinces de la Confédération l'absence d'unité qui se mani-
festait par l'importance très différente qu'elles avaient
— 224 —
donnée à leur participation, par exemple Ontario qui ne
montrait que des photographies et des livres classiques,
M. Baudrillard ajoutait: ''Quant à Québec, elle offre un
ensemble très complet. Tels États importants de TEiu'ope
sont loin de présenter im système d'enseignement primaire
avec une pareille richesse de documents."
Les citations que nous venons de faire et que nous
pourrions multiplier ont lexu- importance. Tout en ren-
dant hommage à plusieurs membres distingués de notre
corps enseignant, ces écrits témoignent à Tégard de notre
province d'une sympathie dont nous ne saurions trop
apprécier la valeur et la sincérité et que feraient bien de
se rappeler les dénigreurs de notre province. ^
1 Voir rapport du Surintendant au Comité catholique en 1901. Ré-
ponse No 69 à un ordre de l'Assemblée législative. Ce rapport publie la
liste oflScielle suivante des récompenses obtenues à l'exposition de Paris,
telle que transmise par le gouvernement du Canada à l'honorable commis
saire de l'Agriculture de notre province.
GROUPE I
CLASSE 1
Enseignement Primaire
Le gouvernement de Québec. Grand prix.
Les commissaires des écoles catholiques de Montréal. Médaille d'or.
Les commissaires des écoles protestantes de Montréal. Médaille d'or-
Les Frères des écoles chrétiennes. Médaille d'argent.
Les Sœurs de la congrégation de Notre-Dame , Montréal. Médaille
d'argent.
Institut des clercs de Saint-Viateur. Mention.
Les Sœurs du Bon-Pasteur. Mention.
Les Sœurs de Sainte- Anne. Mention.
Les Sœurs de la Charité, Québec. Mention.
Les Sœurs de la Présentation de Marie. Mention.
Les Frères du Sacré-Cœur. Mention.
— 225 —
Le plus grand nombre des instituteurs et des institu-
trices des districts ruraux n'ont reçu dans le passé, des
commissions scolaires, qu'une faible rémunération pour
les services qu'ils rendent dans l'enseignement. Même
des paroisses anciennes établies et riches faisaient preuve
d'une parcimonie injuste et regrettable, et il était m*gent
de prêter attention aux doléances de ceux qui se livraient
à Pinstruction de la jeunesse. Une forte campagne de
presse s'organisa contre cette insuffisance de traitement
et l'on s'efforça de convaincre l'opinion publique qu'il
était nécessaire de rémunérer les titulaires d'écoles selon
leur mérite et l'importance de leurs fonctions.
Pour répondre à cet appel des amis de l'instruction
primaire, le comité catholique rédigea un règlement des-
tiné à établir xm minimum de traitement pour les institu-
CLASSE II
Enseignement Secondaire
Le gouvememeat du Canada. Grand prix.
Douze maisons de haute éducation au Canada sont mentionnées comme
ayant contribué à Tobtention de ce prix, dont six de la seule province de
Québec, savoir: le collège de Saint-Sulpice, le séminaire de Québec, le sé-
minaire de Sherbrooke, le collège de Sainte-Marie, le séminaire des Trois-
Ilivières et le collège de Lévis.
CLASSE III
Enseignement Universitaire
Le gouvernement du Canada. Grand prix.
Ont participé à cette haute récompense, dans la province de Québec,
l'université Laval et Tuniversité McGill.
CLASSE IV
Enseignement spécial des Beaux Arts
Le conseil des Arts de la province de Québec. Médaille d'argent
— 226 —
triées. Sur proposition de M. Masson, ce TniTiinnnn fut
fixé à cent piastres, outre le logement à Técole. ^
La somme fixée était peu élevée sans doute, mais,
dans plusieurs paroisses, le traitement des institutrices
n'atteignait pas encore ce chiffre, et il fallait procéder
avec prudence, afin de ne pas soulever les susceptibilités.
Le gouvernement Marchand qui venait de gravir les degrés
du pouvoir sanctionna volontiers, par arrêté ministériel
du 13 septembre 1897, la décision du Comité. Mais
aussitôt que la nouvelle s'en fut répandue à l'extérieur,
certains courtisans de popularité, voire même des députés
de l'assemblée législative, mirent tout de suite en jeu
de fortes influences politiques pom* faire reviser cette
approbation et, quatre mois après, le 20 janvier 1898,
un second décret révoqua le premier et mit à néant la
décision du Comité catholique. ^
A sa réunion du printemps suivant ^ celui-ci tenta un
nouvel effort en fixant le même minimmn de salaire que
l'année précédente, et recommanda que la subvention
scolaire soit retranchée à toute municipaUté qui ne se
conformerait pas à cette décision, mais avec la réserve
que ''ce règlement ne serait pas appUqué aux écoles pau-
vres et réputées telles par le Comité." C'était encore
trop pour certains meneurs politiques et le gouvernement,
cédant à leur pression, refusa de sanctionner la. mesure.
Une troisième tentative pour le même objet eut lieu
sept années plus tard, en mai 1905. Le Comité, sur la
demande de l'archevêque de Montréal, du juge Langelier
et de M. Crépeau adopta la motion suivante: "Vu l'in-
suffisance reconnue du salaire des instituteiu^ et des insti-
tutrices dans un grand nombre de localités, ce comité
* Séance de mai 1897.
* Dossier no 1033/97 du département de l'instruction publique
' Séance de mai 1898.
_ 227 —
réitérant sa demande du 11 mai 1898, exprime Topinion
que le minimum de ce salaire pour tout institutem* et
institutrice devrait être élevé jusqu'à un montant rai-
sonnable. Il prie en conséquence le gouvernement de
vouloir bien prendre les mesures nécessaires pour fixer ce
minimum et le rendre obligatoire/' Le conseil des minis-
tres refusa ime fois de plus d'exaucer ce vœu.
Après ces trois tentatives infructueuses, le Comité
chercha le moyen de vaincre l'obstacle en le contoimiant
et recommanda au gouvernement, sur proposition du
surintendant, d'accorder, d'après le rapport de l'inspec-
teur d'écoles, une prime d'encouragement aux cinq muni-
cipaUtés scolaires les plus méritantes de chaque district
d'inspection. Les points à considérer pour apprécier les
mérites qu'il s'agissait de récompenser portaient sur l'état
de la maison et du mobiher, le progrès des élèves, le chiffre
du traitement des maîtres et des maîtresses, et la prime
devait être refusée aux .municipaUtés dans lesquelles ce
traitement serait inférieur à cent dollars. Cette propo-
sition équivalait à l'organisation d'un concours entre les
commissions scolaires d'un district, afin de constater
quelles étaient celles qui faisaient le plus d'efforts pour
m
l'amélioration de leurs écoles et le succès de l'enseignement.
En réalité, il ne s'agissait pas à vrai dire de récompenser
les municipaUtés qui obtiendraient le plus de points lors
de ce concours annuel, mais celles qui, comparativement
à l'année précédente, auraient gagné le plus grand nom-
bre de points. Le cabinet acquiesça définitivement à
cette recommandation et alloua une somme de $10 000
qui serait distribuée en prix de $60, de $50, de $40, de
$35 et de $30. En peu d'années, cette mesure produisit
l'excellent effet de faire hausser peu à peu les salaires,
de stimuler le zèle des commissaires d'écoles et de hâter
le progrès de l'éducation en ranimant le courage des
— 228 —
institutrices. ^ Dans sa constante sollicitude potir le
corps enseignant, le comité catholique s'efTorça ensuite
d'augmenter les avantages que pouvait procurer aux
maîtres et maîtresses le logement mis gratuitement à
leur usage, dans la maison d'école, par la municipalité.
L'entretien et le chauffage des classes durant la saison
froide étaient très souvent une cause d'ennui et même
de dépenses pom* les institutrices. Dans la plupart des
arrondissements scolaires, on les obligeait fort parcimo-
nieusement à fournir le combustible et à nettoyer la mai-
son. Maintenant le règlement oblige les conamissaires à
tenir l'appartement en état de propreté et à pourvoir au
chauffage des pièces servant de classe et de résidence à
la maîtresse et à l'instituteur. L'évaluation en argent
de ces avantages, ajoutée au traitement, contribue à
'augmentation de la pension de retraite.
Les progranmies d'études des écoles primaires ont
été l'objet des préoccupations réitérées du Conseil de
l'instruction publique. On a vu précédemment qu'aux
premiers temps de sa formation, la section catholique
avait recherché lés moyens d'élever le niveau de l'ensei-
gnement en imposant aux aspirants aux diplômes des
examens plus complets et plus sérieux que ceux qui avaient
jusqu'alors été exigés, et en étabUssant des règlements
pour la gouverne des bureaux d'examinateurs. Elle per-
fectionna par intervalles les programmes à mesure que
les besoins de l'éducation le requéraient. C'est ainsi
que le conseil décréta en 1871 l'enseignement théorique
et pratique de l'horticulture aux écoles normales de g
çons; qu'en 1873, il étabUt une meilleure classification des
écoles en assignant aux degrés du cours qui était de quatre
ans, une durée de huit ans. Plus tard, il fit faire une
^ Arrêté ministériel du 30 novembre 1905.
— 229 —
révision complète des programmes. De son côté et en
même temps, la section protestante remaniait ses program-
mes qui, sauf quelques détails, sont identiques à ceux des
catholiques, la classification des écoles primaires étant la
même pour les deux dénominations religieuses.
En 1903-4, eut lieu la revision la plus soignée et la
plus complète des programmes catholiques. Elle était
devenue d'autant plus nécessaire que les dû^ections péda-
gogiques qui en sont le complément avaient besoin d'être
xemaniées et de contenir des explications plus détaillées
pour mieux guider les instituteurs et les institutrices.
Le comité cathoUque constitua un sous-comité de
revision dont firent partie les archevêques Duhamel,
Bégin et Bruchési et MM. Langelier, Gouin, Crépeau,
Stevenson et le surintendant. A sa première réunion qui
eut lieu à Montréal, le sous-comité choisit pour rédiger le
travail de refonte M. l'abbé Dauth, éducateur distingué
qui est devenu depuis vice-recteur de l'université Laval
à Montréal.
En même temps, le sous-comité s'occupa aussi des
programmes d'études des écoles normales, lesquels
n'avaient jamais été soumis à l'approbation de l'autorité,
la répartition des matières de classe dans les différents
cours ayant été laissée jusque-là à la discrétion de chaque
principal. Le comité de revision, pénétré de l'importance
de l'unité d'action qui doit exister entre ces diverses
institutions, crut devoir adopter le principe de l'assimi-
lation de leurs progranmies. L'un des motifs qui inspi-
rèrent cette décision, ce fut la certitude que l'on avait
de la fondation prochaine de plusieurs autres écoles
normales de filles. Il était désirable en effet que la matiè-
re de l'enseignement fut la même dans ces maisons d'édu-
cation. Il n'existait alors que quatre écoles normales
dont deux pour les garçons, et on crut avec raison que l'imi-
— 230 —
f onnité des programmes serait plus facile à établir dans des
écoles nouvellement ouvertes, où les habitudes ne sont pas
encore formées et où les différences d'opinions sont moins
accentuées, que dans des maisons de dates anciennes.
En conséquence, les principaux des écoles normales Laval
et Jacques-Cartier furent invités à étudier la question et
à faire connaître lem* opinion avant Noël 1903. Ces
messieurs, dont les vues semblaient ne pas toutes s'accor-
der, ayant demandé dans un document collectif un temps
plus long pour leurs études, le sous-comité leur adjoignit
M. le chanoine Dauth et M. l'abbé Lindsay. Cette
commission devait fixer les débats et l'assimilation projetée,
puis établir, s'il y avait lieu, un mode d'examen final
commun à ces institutions et par ce moyen, développer
entre les écoles de pédagogie un esprit d'émulation salu-
taire.
La question de l'uniformité des programmes souleva
des objections. On prétendit que, dans les écoles normales
de garçons, ces progranmies différaient tellement d'une
maison à l'autre dans leur rédaction, surtout dans la dis-
tribution des matières de classe d'après les années du
cours, que leur assimilation présentait des diflîcultés
insurmontables. Cette assertion ne put être acceptée,
car, en examinant minutieusement les matières communes
et celles qui ne l'étaient pas dans les mêmes cours, on
arrivait à la conclusion que les différences n'étaient que
de légère importance.
Le sous-comité discuta aussi l'opportunité d'établir
un mode d'examen uniforme pour l'obtention des diplô-
mes, au moins en ce qui concerne les matières fondamen-
tales du cours, les principaux devant s'occuper eux-mêmes
et d'après leur expérience personnelle de la répartition
des matières complémentaires dont la connaissance plus
— 231 —
OU moinfi parfaite chez l'élève peut servir de critérium
pour juger ses aptitudes pédagogiques.
Quoi qu'on ait pu dire il n'y avait rien d'étrange ni
d'odieux pour les professeurs des écoles normales dans
la proposition d'organiser cet examen final sm* le mode de
l'examen du baccalaïu^at universitaire. Les règlements
scolaires qui étaient alors en vigueur renfermaient du reste
un article, le 79e, qui, dans un certain sens, reconnaissait
le principe d'un jury spécial d'examen. L'article se lisait
comme suit: "Les brevets seront accordés par le surin-
tendant sur le certificat d'étude du principal et d'après
un examen qu'il pourra faire subir lui-même à l'élève muni
du certificat, ou que celui-ci subira devant les examinateurs
nommés par le surintendant." La question d'un bureaji
d'examinateurs spécial aux écoles normales s'imposait à
l'attention du sous-comité; d'autant plus que le surin-
tendant n'avait jamais usé jusqu'alors du privilège que
lui conférait le règlement et qu'il regardait comme trop
difficile d'exécution. Quoi qu'il en soit, le comité de
refonte n'en arriva à aucune décision sur la création d'un
bureau spécial d'examinateurs, mais l'article 79 que nous
venons de citer fut modifié de manière à relever le sur-
intendant d'irn attribut qui pouvait donner lieu à des
difficultés, voire même à des conflits qu'il importait d'évi-
ter, i
Après deux ans, les principaux présentèrent le résul-
tat de leur travail ; cependant le sous-comité demanda aux
membres du comité catholique "de revoir et.de modifier
le projet du programme d'études qui leur était soumis
afin de préciser plus nettement ce qui devait constituer
l'enseignement particulier à chacun des cours élémentaire,
^ L'article 79 fut remplacée par Farticle 208 des règlements re-
fondus de 1906
— 232 —
moyen et particulier et de faire une répartition plus
complète des matières correspondant à chaque degré de
ce com^/' A ce propos, les principaux de Laval et de
Jacques-Cartier prièrent qu'on lem* donnât un nouveau
délai pour achever leur œuvre, et ce n'est qu'en septembre
1905 que le Comité catholique put enfin adopter le pro-
gramme actuel des écoles normales.
On a raison de dire que les réformes, utiles ou néces-
saires, ne s'opèrent pas sans efforts; elles soulèvent des
questions diverses dont la solution ne s'obtient que grâce
au concours des bonnes volontés pour les décider non pas
à un point de vue particulier, mais dans l'intérêt général
des institutions qui sont appelées à bénéficier des change-
ments ou des modifications auxquels on s'arrête.
CHAPITRE QUATORZIÈME
L'enseignement ménager et nos écoles ménagères.
Le Comité catholique s'est très activement occupé du
mouvement qui se manifeste dans notre pays comme à
Vétranger en faveur de renseignement des différentes bran-
ches de Téconomie domestique dans les écoles. Il a
voulu que cet enseignement s'organisât d'une manière
méthodique, en même temps que pratique, et sur une
base qui offrirait des garanties de stabilité, afin d'en assu-
rer le succès.
Avant de faire connaître le résultat des délibérations
du Comité sur ce sujet, il nous semble opportun de faire
quelques remarques sur la question dont il s'agit et sur
les raisons qui en démontrent l'importance.
C'est M. Etienne Lamy qui écrit ''qu'au temps pré-
sent l'instruction des femmes est passée au rang d'intérêt
public. Leur culture est devenue la sollicitude de toute
puissance enseignante, et sur la nécessité de cette éduca-
tion sont d'accord l'Église et l'État."
De fait, l'éducation des femmes est l'un des graves
problèmes du jour. L'évolution naturelle des habitudes,
l'esprit novateur et les aspirations du siècle présent ten-
dent à donner à l'existence féminine une orientation nou-
velle. Le nivellement de plus en plus accentué des
classes de la société, le progrès de l'industrie avec^ le
nombre croissant des usines et la substitution des machines
— 234 —
à la main-d'œuvre ont apporté de profonds changements
dans les conditions de vie des familles ouvrières; ils ont
modifié les relations quotidiennes des parents et des
enfants, même au point de vue du charme et de la douce
tranquilité de la maison paternelle. Ces transformations
sociales se remarquent particulièrement dans les centres
populeux où il y a urgence, plus qu'ailleurs, de faire don-
ner à la jeune fille les notions d'économie domestique
qu'elle peut difficilement acquérir aujoxu-d'hui chez elle.
C'est la raison pour laquelle des personnes désireuses de
conserver au domicile familial toute sa vitalité et à la
mère de famille sa suave et puissante influence sur les
enfants que Dieu lui a donnés, s'appliquent à réagir contre
les effets plus ou moins pernicieux de la présence d'un
grand nombre de jeunes personnes dans les. manufactures,
car cet état de choses, en éloignant pendant de longues
heures les enfants de la maison paternelle et en les sous-
trayant à la sm^eillance constante de lexu^s parents, sont
un danger pour les bonnes mœurs et souvent la cause que
la jeune fille, obligée de passer la journée à l'usine, ne
peut recevoir de sa mère une connaissance sufl&sante de ce
qui est indispensable à la bonne tenue d'im ménage.
Comme le disait Madame Jean Brunhes du congrès de
Friboiu*g: ''les jeunes filles apprennent à gagner de l'ar-
gent sans apprendre à le dépenser, à le dépenser d'une
manière utile et pour le bien-être de ceux qui les entou-
rent."
L'enseignement ménager est de nécessité chez les
familles aisées aussi bien que chez celles qui ne le sont pas.
Dans les premières, il y a même des femmes à l'esprit
superbe qui, d'extraction modeste et après être parvenues
à la richesse, poussent l'oubU de leur origine jusqu'à
regarder les travaux domestiques comme une déchéance
et laissent grandir leurs filles dans une ignorance déplorable
— 235
des obligations que leiir mposera le rôle de maîtresse de
maison.
D'autre part, parmi les persomies qui sont employées
comme servantes, il est facile de constater que plusieurs
n'ont qu'une connaissance insufl&sante de l'art cuUnaire
ou peu de savoir-faire en fait de travaux de ménage. Elles
semblent n'avoir reçu dans leur famille ni préparation, ni
direction sérieuse. "Plus riches en salaires que la géné-
ration précédente et plus pauvres de fait," un assez grand
nombre ignore l'obligation qui lui incombe de remplir
fidèlement sa tâche journalière.
C'est avec l'idée généreuse d'améliorer les conditions
de vie chez le peuple et de trouver une solution à certaines
difficultés économiques du jour que divers pays ont
réuni des congrès auxquels ont pris part, avec un zèle
digne d'approbation et beaucoup de sens pratique, des
hommes et des femmes des rangs élevés de la société,
versés dans l'étude de la question qui nous occupe.
Le premier congrès Internationa d'enseignement
ménager fut celui tenu en 1908 à Fribourg, en Suisse, et
dont le succès dépassa les prévisions les plus optimistes.
Les gouvernements européens y avaient envoyé des repré-
sentants et les travaux discutés dans cette remarquable
réunion jetèrent beaucoup de lumière sur l'intéressante
question sociale dont il s'agit. Les congressistes ne s'at-
tardaient pas à pérorer sur la nécessité de cet enseigne-
ment, car d'avance ils en étaient convamcus, mais ils en
étudièrent les méthodes d'appUcation dans les différents
pays. C'est en cela surtout que le congrès obtint un si
fécond résultat. Les vœux qu'il adopta définitivement
peuvent servh- de direction en deçà comme au delà de
— 236 —
l'Atlantique et constituent ce que Ton appelle "le syHa-
bus de renseignement ménager." ^
Dans notre jeune pays où les grandes fortunes sont
rares, où chaque maîtresse de maison doit s'occuper de
ménage et peut être obligée de passer du salon à la cuisine
pom* surveiller les travaux culinaires, l'intérêt de la famil-
le demande que la jeune fille reçoive l'enseignement pra-
tique dont elle a besoin pour administrer sagement le
budget domestique. C'est à quoi tendent, depuis quel-
ques années, les efforts de plusieurs de nos maisons d'édu-
cation.
Il y a à peine 25 ans que l'enseignement ménager fut
inauguré en Suisse pour être ensuite introduit en Belgique,
en France et en Angleterre. Depuis cette époque, on a
fait d'énergiques efforts pour procurer à la jeunesse fémi-
nine cette utile instruction, au point que sept ans après la
fondation de la première école ménagère en Belgique, ce
pays comptait 245 écoles du genre, fréquentées par 9000
élèves. "En Belgique, disait-on, on a compris que la
désertion des campagnes est causée surtout par le défaut
de femmes de ménage rurales, et l'on a cherché à remédier
à cette pénurie." Combien, n'est-ce pas, il est à l'honneur
de la province de Québec d'avoir, devançant l'Europe,
été le premier pays qui ait inauguré cet enseignement.
Et cette généreuse et patriotique initiative, notre province
française la doit aux religieuses UrsuUnes de Québec. En
1882, sept d'entre elles quittaient le vieux monastère pour
aller fonder sur les rives du lac Saint-Jean, dans la belle
région du Saguenay, une maison d'éducation destinée à
* Les mémoires en différentes langues et les délibérations du congrès
ont été réunies en 2 volumes ayant pour titre: Congrès international
(T Enseignement ménager, Fribourg (Suisse) 1908.
Cet ouvrage abonde en renseignements utiles et devrait se trouver
dans toutes les bibliothèques des écoles ménagères.
— 237 —
donner un cours classique aux jeunes filles de ce grand
territoire et, en même temps, un cours d'économie domes-
tique pour leur enseigner la bonne tenue d'une maison,
Fart de filer, de tisser, de coudre, etc. Roberval fut
l'endroit choisi pour recevoir la nouvelle fondation et
commencer l'œuvre que les dévouées religieuses avaient le
dessein de réaliser.
Treize ans plus tard, le gouvernement de la pro\ince,
pénétré de l'importance de l'enseignement ménager que
l'on donnait dans ce couvent, voulut seconder les efforts des
Ursulines et le ministre de l'agriculture d'alors, l'honora-
ble M. Louis Beaubien, les aida à construire une maison
plus spacieuse et à donner ainsi plus d'essor aux ateliers
ouverts en 1882 Une ferme fut même attachée à l'insti-
tution pour agrandir encore le champ d'instruction de la
jeunesse qu'il s'agissait de former.
Un agronome distingué, M. J. Ch. Chapais, parlant
de cette école ménagère et de son programme d'études,
disait dans une conférence: "En se munissant de ces
connaissances, la jeune fille de cultivateur deviendra capa-
ble de rendre moins onéreux pour elle et pour les autres
les travaux qui sont de son domaine et surtout de rendre
la maison plus agréable à habiter, la vie plus douce à
mener. Son ambition ne sera pas d'atteindre à ime posi-
tion autre que la sienne, mais de rendre enviable aux
autres celle qu'elle sait faire à elle-même et aux siens.
Voilà ce qu'une fille élevée de cette manière procurera à
la maison qui a le bonheur de la posséder comme maîtres-
se. Voilà le type de la femme ménagère que l'on cherche,
à l'époque où nous, vivons, à former dans tous les pays où
l'on souffre du fait que la femme, sous le souffle des idées
nouvelles, et sous prétexte de suivre les règles d'un code
de principes modernes et étrangers appelé féminisme,
cherche à se masculiniser en tous points. Voilà le type
— 238 —
de la femme qui existait partout dans notre province,
mais qui tend vite à disparaître sons Tinfluence d'im sys-
tème d'éducation qui pêche par bien des points et qui est
d'autant plus difficile à réformer que, dans certains quar-
tiers, il est le résultat de notre excellent ancien système
modifié petit à petit pour satisfaire aux exigences des
idées modernes que nous venons de mentionner et que,
comme tel, on le considère coname Vmx des plus beaux
fruits de la civilisation actuelle."
En 1905, fut inauguré à Saint-Pascal, dans le coihté
de Kamouraska, xme autre école ménagère sous la direction
des sœurs de la Congrégation de Notre-Dame. Le curé
du lieu, M. A.- A. Beaudet, en fut le fondateur et n'a cessé
depuis de dévouer ses efforts au développement des études
classico-ménagères. Le programme d'études de cette
maison est "le mélange intime du cours classique et de
l'enseignement ménager dans toutes ses ramifications."
Il n'est pas sans intérêt de remarquer que nous devons
l'établissement des premières .écoles ménagères de notre
province aux deux plus anciennes communautés congré-
ganistes du Canada, aux dignes filles des vénérables Marie
de l'Incarnation et Marguerite Bourgeois. C'est de
bon augure, car ces instituts^dans leur s phère d'influence ,
ontcoogéré, dèsjjprigine_de Ja î^^ kVaSej^r
missement de la race française sur le con tinent d'Ajnérique
et de la foi^religieuse de nos aïeiix. Par leurs traditions
trois fois séculaires, leurs enseignements et leur dévoue-
ment incessant, elles ont formé ces générations de femmes
viriles qui ont su conserver au foyer familial sa douce
et féconde vitalité et faire du Canada une terre de prédi-
lection.
A ces institutions, les plus anciennes en date, sont
venues s'ajouter d'autres communautés du même genre
qui, animées du même souffle religieux et national, travail-
— 239 —
lent, elles aussi, à l'œuvre commune au sein de nos villes
et de nos campagnes. C'est ainsi que 1 Hôtel-Dieu de
Saint- Valier, de Chicoutimi, possède xme école ménagère
où des j eunes filles orphelines appartenant à des familles
dénuées de ressources suivent parallèlement leiu* cours, pri-
maire et un cours d'économie domestique d'une durée
de quatre ans.' Le couvent donne la pension, le vête-
ment à la plupart d'entre elles et jusqu'aux livres de
classe. ' Les enfants de 10 à 12 ans apprennent la couture,
les tricots, s'exercent aux divers travaux du ménage et
reçoivent les premières notions de la cultm-e potagère.
L«es filles de 12 ans et plus cxiltivent un jardin spacieux et
sont employées par groupe, chacime leur tour, à la laiterie
et à la basse-cour. Elles reçoivent des leçons de coupe
et de dessin et s'occupent de la confection des vêtements
et des artièles de literie. L'art culinaire est enseigné
d'une manière économique et pratique, plus particulière-
ment au point de vue d'une famille de condition peu fortu-
née Quelques élèves, sous la direction d'une infirmière,
préparent aussi des remèdes et sont associées dans une
certaine mesure aux soins des malades de l'hôpital.
La ville de Montréal éprouvait de son côté le besoin
de voir se répandre l'enseignement ménager au profit
surtout des classes ouvrières de cette grande cité industriel-
le. Pour correspondre à ce désir, la section féminine de
la Société Saint-Jean-Baptiste fonda, en 1904, une asso-
ciation destinée à promouvoir l'établissement d'écoles
ménagères par toute la province. La législature octroya
à la nouvelle société une charte sous le nom corporatif de
"Les écoles ménagères provinciales," et lui donna tous les
pouvoirs conférés aux corporations civiles par la loi du
pays. 1
1 Statuts de Québec 1900, chap. 93, p. 322.
— 240 —
Le siège social de la société est fixé à Montréal. La
gestion des affaires est confiée à un conseil d'administra-
tion et à des commissaires qui ont le droit de faire les
règlements requis pour assurer l'exécution de la loi, entre
autres le règlement concernant l'octroi de diplômes de
maîtresses d'enseignement ménager. Les privilèges accor-
dés à la société sont tels que le bureau d'administration
peut, par ime simple décision et sans recourir à l'appro-
bation du gouvernement, établir des écoles méhagères
partout où il le voudra dans la province. Le choix des
professeurs lui appartient; ses programmes d'études n'ont
pas besoin de la sanction du Conseil exécutif et, de la
sorte, l'enseignement donné dans les écoles de l'associa-
tion n'est apparemment soimais à aucun contrôle public.
Cette corporation jouit donc d'une indépendance quasi
absolue, plus complète que celle du Conseil de l'Instruc-
tion publique ou de ses Comités, puisque les nominations
de professeurs d'écoles normales qu'ils sont appelés à
faire et les programmes d'enseignement qu'ils adoptent
ont besoin, poiu* avoir force de loi, de la sanction du
lieutenant-gouverneur et de ses ministres.
En fondant cette association, les dames patronesses
de la Société Saint-Jean-Baptiste ont fait preuve de beau-
coup de zèle et d'esprit d'initiative et ont agi avec un
désintéressement louable en s'imposant la tâche ardue de
travailler au maintien à Montréal d'une école ménagère
dont l'utilité est évidente dans une grande ville. L'en-
seignement qui se donne actuellement dans cette maison
consiste en coiu^ de cuisine, de coupe, de couture et de
broderie.
D'autre part, la population protestante de la pro-
vince possède au superbe collège MacDonald, à Sainte-
Anne de Bellevue, une école ménagère agricole désignée
sous le nom de School of household science. On y ensei-
— 241 —
gne Thistoire naturelle, la bactériologie, la biologie, la
chimie, la physique, le soin de la laiterie, etc. Les jeunes
filles sont admises au cours ménager à Tâge de 18 ans.
L'établissement de ces utiles institutions a été salué
partout avec un grand sentiment de satisfaction. Depuis
quelques années^ la gouvernement a donné des subven-
tions à cinq des plus importantes, celles de Roberval, du
collège MacDonald, de Saint-Pascal, de Montréal et de
Sutton, et, en 1912, trente-neuf couvents ont reçu une
subvention spéciale pour leur permettre d'organiser l'en-
seignement ménager et de se procurer l'outillage nécessaire
à cette fin.
En prévision de l'avenir et en présence des fondations
pleines de protnesses des premières écoles ménagères, le
Comité catholique du Conseil de l'Instruction pubUque ne
pouvait rester simple spectateur. Aussi, en 1909, il mit
à l'étude l'importante question de l'enseignement ménager,
afin de donner à nos écoles de filles une orientation efficace
dans l'œuvre de transformation de leur cours d'études que
plusieurs d'entre elles se proposaient d'accomplir. Cette
transformation, c'était la réalisation du vœu de l'ancien
évêque des Trois-Rivières, Mgr Laflèche, lorsqu'à l'inau-
guration des édifices agrandis de l'école ménagère de Ro-
berval, en 1895, parlant de la mission de la femme dans
la famille, il exprima le souhait que tous les couvents de
nos campagnes devinssent des écoles ménagères
Désirant obtenir de complets renseignements sur la
marche à suivre, le Comité cathoUque nomma un comité
spécial pour étudier quelle serait la meilleure organisa-
tion à donner aux écoles ménagères des villes et des cam-
pagnes de la province et préparer un programme d'ensei-
gnement ménager qui pourrait se combiner avec celui du
— 242 —
cours classique des écoles primaires. ^ Il choisît comme
membres de ce comité la mère Saint-Stanislas, supérieiffe
de l'école ménagère agricole de Roberval, la sœur Ste-
Marie-Vitaline, directrice de Técole classico-ménagère de
Saint - Pascal, mademoiselle Antoinette Gérin-Lajoie,
diplômée de Fribourg, institutrice d'enseignement ménar
ger à Técole Marchand de Montréal, et le Surintendant.
Ces femmes d'expérience acceptèrent la mission qu'on
leur confia et rédigèrent un progranune d'études à l'usage
des maisons d'éducation qui auraient l'intention de faire
marcher de pair l'enseignement classique et l'enseigne-
ment ménager.
Ce projet de programme fut soumis au Comité catho-
lique qui l'approuva sans vouloir toutefois l'imposer aux
écoles. Il en permit seulement l'apphcatiôn, remettant à
plus tard, après expérience faite, de prendre ime décision
quant à sa ratification définitive. ^ En effet, ce n'est que
quatre ans après, en février 1915, que ce programme reçut
son approbation définitive.
En 1912, le Comité catholique reprit l'examen de la
question avec l'intention de donner à l'enseignement ména-
ger une direction propre à en assurer l'œuvre en évitant
de la compromettre par des demi-mesures ou par trop de
hâte à vouloir en poiu-suivre le but.
Donner à un couvent ou à une école laïque le nom
d'école ménagère ne suffit pas. Il faut aux institutrices,
chargées de set enseignement, des études théoriques sur
les matières du cours et beaucoup de pratique. Comme
on l'a dit ailleurs, on ne s'improvise pas maîtresse d'école
ménagère, pas plus qu'on ne pourrait, sans formation
spéciale, s'improviser professexu* d'histoire ou de mathé-
^ Séance du 11 mai 1910.
^ Séance du 10 mai 1911.
— 243 —
matiques. Il y avait bien aussi à craindre dans les sphères
gouvernementales les influences politiques et un désir trop
ardent de popularité personnelle qui se substituent quel-
quefois à la prudence et retardent le succès d'une œuvre.
Le Comité catholique, dont les vues s'harmonisaient
avec les vœux exprimés par le congrès international de
Fribourg, conclut à la nécessité de procurer le plus tôt
possible un enseignement normal ménager aux person-
nes qui se destinent à cette carrière, et recommanda au
gouvernement de reconnaître comme écoles normales
ménagères les couvents de Roberval et de Saint-Pascal. ^
En même temps le Comité approuva le programme
d'études des écoles normales ménagères qui lui fut soumis
et, à la demande de l'école ménagère de Siant-Pascal, il
recommanda que "le programme d'études classiques des
écoles normales ménagères pour l'obtention des brevets
de capacité des élèves maîtresses soit le même que le
programme d'études des écoles normales primaires de
filles."
C'était par là. vouloir accorder aux écoles normales
ménagères le double pouvoir de décerner des diplômes de
^ Il peut être intéressant de citer les desiderata du congrès de Fribourg,
conoemant les écoles normales ménagères.
1** L'enseignement ménager ne doit être confié qu'à ime Maîtresse
qui a reçu ime formation spéciale dans une école normale établie à cet
effet.
2** L'école normale ne doit admettre comme élèves que des jeunes
filles ayant obtenu le brevet d'institutrice primaire ou fait, tout au moins,
des études équivalentes à celles qui sont exigées de l'institutrice.
3® La durée du cours normal doit être d'une année au moins.
4® L'enseignement doit être collectif, à la fois théorique et pratique.
Il doit être terminé par un examen. Les leçons à l'école normale ména-
gère doivent être données selon les lois psychologiques et pédagogiques
connues aux élèves-Maîtresses qui enseignent à leur tour en s'inspirant des
mêmes principes. Le cours normal doit disposer d'une école d'application
5® Suivant les pays et selon les besoins, l'école normale ménagère peut
ou doit prendre un caractère plus ou moins agricole" — Congrès interna-
tional d'enseignement ménager — Fribourg. Vol. 2, p. XI.
— 244 —
maîtresses ménagères et d'institutrices primaires, et les
placer, dans Topinion de plusieurs éducateurs, dans ime
position plus avantageuse que les écoles normales pri-
maires qui n'ont pas le pouvoir d'octroyer des diplômes
d'enseignement ménager. Aussi, la proposition de con-
fier im tel avantage aux futures écoles normales ménagères
retarda leur établissement inamédiat, car nos institutions
pédagogiques de filles y étaient opposées. De son côté,
le gouvernement n'étant pas prêt à accepter la demande,
temporisa. Ce ne fut que treize mois plus tard qu'il con-
sentit, après de spéciales sollicitations, à reconnaître l'ins-
titution de Saint-Pascal comme école normale classico-
ménagère, remettant à plus tard à statuer sur la demande
du Comité catholique de donner à l'ancienne et importan-
te école ménagère agricole de Roberval le même titre
d'école normale ménagère. ^
Subséquemment, le Comité autorisa les écoles ména-
gères de Roberval et de Saint-Pascàl à donner, durant les
vacances d'été, des cours d'enseignement ménager aux
religieuses des différentes congrégati(Mis et aux institu-
trices laïques diplômées pour leur permettre d'étudier les
matières du cours d'économie domestique et de s'initier
pratiquement à cet enseignement spécial. Les person-
nes qui, après un stage de deux à trois étés consécutifs
dans ces maisons d'enseignement et après examen, justi-
fient de leur compétence en science ménagère, reçoivent
des brevets de capacité revêtus de la signature du Surin-
tendant de l'Instruction publique.
Réjouissons-nous de l'élan qui se manifeste dans les
campagnes et les centres urbains en faveur des maisons
d'enseignement ménager. Ces foyers intellectuels feront
œuvre utile. La jeune fermière y recevra ime formation
^ Arrêté en conseil de juin 1913.
— 245 —
convenant à son état et susceptible d'assurer à notre
classe agricole une ère de bien-être et de confort, et la
tisserande de nos usines, les employées de nos magasins,
en prenant la tête d'ime famille, auront la préparation
propre à en faire des femmes d'intérieur.
Perpétuant ainsi dans Tâtre ancestral le feu qu'avi-
vaient nos aïeules, les mêmes principes d'ordre à la maison,
l'antique hospitalité et les mêmes vertus familiales conti-
nueront à subsister et assureront la survivance de nos
chères traditions nationales.
CHAPITRE QUINZIÈME
Le comité catholique et l'Œuvre de l éducation. —
RÉSUMÉ — St ATISTI QUES — ÇoNSI DÉRATIONS GÉNÉRALES.
Nous venons de faire l'exposé des importants travaux
accomplis, à travers les années, par le Conseil de Flns-
truction publique et par le Comité catholique qui est Vmxe
de ses deux sections Cette récapitulation des phases
par lesquelles a passé notre enseignement primaire depuis
cinquante ans n'est pas une histoire complète de l'ins-
truction publique. Toutefois, bien que renfermée dans
les bornes assignées aux programmes d'études des écoles
du degré inférieur, cette esquisse historique, toute res-
treinte qu'elle soit, rappellera à ceux des nôtres que la
question scolaire intéresse vivement certains faits, cer-
taines discussions propres à les renseigner Elle offrira
aussi à la nouvelle génération des considérations qui lui
permettront de mieux saisir la portée pédagogique et
philosophique de l œuvre du Comité cathoUque.
Nous avons fait voir que, dans les premiers temps
de son existence, le corps distingué du Conseil de l'Ins-
truction publique rencontra plusieurs obstacles résultant
soit du fonctionnement d'xm système scolaire auquel le
peuple n'était pas encore habitué, soit des événements
politiques qui ont précédé l'établissement de la Confédéra-
tion du Canada. L'inspection des écoles primaires n'avait
pas existé, à proprement parler, dans les douze premières
— 248 —
années de l'Union du Haut et du Bas Canada; par Pab-
sence d'écoles normales, avant 1857, il n'avait pas été
pourvu à la formation professionnelle des membres du
corps enseignant; puis de programmes d'études et de
directions pédagogiques, il n'y en avait guère. Ce fut
donc à une organisation scolaire complète que le nouveau
Conseil fut chargé de pourvoir. La tâche était vaste et
difficile, mais les hommes d'expérience que le gouverne-
ment choisit pour travailler au développement de l'œuvre
éducationnelle furent à la hautexu* de la mission qu'il
leur confia. En même temps que le Conseil, furent éta-
bUes les écoles normales Jacques-Cartier, Laval et McGill ;
deux grandes institutions d'institutem-s fm-ent fondées à
Québec et à Montréal et M. Chauveau, au brillant
talent littéraire, fit paraître, sous sa direction deux
revues pédagogiques, l'une française, Le Journal de
V Instruction publique, l'autre anglaise, The Journal of
Education, afin d'activer le mouvement scolaire qui se
manifestait dans le pays.
Au commencement de sa carrière, le Conseil avec un
grand sens avait posé comme principe et adopté conune
ligne de conduite le respect des droits de l'autorité pa-
ternelle dont la source est en Dieu, et la sauvegarde des
privilèges que la constitution avait garanti à la minorité
religieuse de la province. Il travailla à la consolidation
du régime de l'inspectorat, assura aux brevets de capacité
des instituteurs une valeur pédagogique meilleure et
améliora par degrés l'enseignement qui se donnait dans
les écoles primaires.
Durant 40 ans et plus, le Conseil eut à compter avec
l'insuffisance de l'aide pécuniaire qu'il recevait du gou-
vernement provincial, car le revenu public, alors peu
élevé, ne permettait pas d'octroyer, comme aujourd'hui,
de larges sommes poiu* développer le progrès de l'instruc-
— 249 —
tion. Dans les campagnes surtout, les titulaires des écoles
recevaient un traitement trop peu élevé pour qu'ils
pussent se créer dans l'enseignement une carrière assez
lucrative.
Nonobstant ces difficultés^ les comités catholique
et protestant s'employèrent avec zèle à l'amélioration du
système scolaire. Par la révision que l'on fit, à différentes
reprises, des programmes d'études, par la refonte entière
de la loi de l'Instruction publique et par d'autres mesures
opportunes, ils s'efforcèrent de répondre aux besoins
croissants de la province. Et quand on examine dans son
ensemble l'œuvre éducat^onnelle du dernier demi-siècle,
il reste acquis que le Conseil et ses comités ont su ac-
complir une tâche féconde et rendre de précieux services
à la cause de l'éducation.
Depuis quelques années, l'instruction primaire est
entrée dans une ère de progrès plus accentuée; depuis
surtout l'augmentation du subside annue' que paye le
gouvernement fédéral aux gouvernements provinciaux,
le revenu de la province a beaucoup augmenté et la lé-
gislature peut maintenant affecter au budget de l'ins-
truction publique un montant relativement élevé. Aussi,
sir Lomer Gouin, appréciant en homme d'État toute
l'importance qu'il y avait pour la province de Québec
d'occuper un rang distingué au sein de la Confédération,
n'hésita pas à dépenser généreusement pour favoriser le
progrès éducationnel, et les deux partis politiques ont été
heureux de l'appuyer.
C'est en compulsant les statistiques scolaires que l'on
peut se rendre compte du chemin parcouru par notre
province depuis l'époque de la création du Conseil de
l'Instruction publique.
En 1860, le nombre des institutions enseignantes
était de 3 264, et 172 155 enfants les fréquentaient. Les
— 250 —
contributions des municipalités dépassaient à peine
le demi-million et les dépenses pour construction d'écoles
représentaient la faible somme de $15 778. ^
Au début de la Confédération, le nombre des élèves
de nos maisons d'enseignement s'élevait à 208,030, et le
total des taxes scolaires de tout genre à $728 494, donnant
une augmentation de $224 634 sur celles dé Tannée 1860.
La province comptait 1 079 instituteurs laies et congré-
ganistes et 3 723 institutrices dont 739 religieuses. ^
Lors de la réorganisation du Conseil de l'Instruc-
tion publique en 1875, Ton constata sur les années pré-
cédentes ime augmentation notable dans le montant
prélevé par les municipalités poiu* le maintien des écoles.
Ce montant avait atteint le chiffre de $1 416 017. Le
nombre des élèves s'était aussi accru jusqu'à 242 735 et
celui des établissements scolaires à 4,544.
Durant les vingt années d'administration active de
l'honorable M. Gécjéon Ouimet comme Surintendant,
le nombre des maisons d'enseignement s'éleva au chiffre
de 5 608 et, de 1895 à 1912, à celui de 6 816.
La période des dix-neuf années terminées le 30 juin
1914 a vu le nombre des enfants d'écoles s'accroître de
295 411 à 459 636, soit une augmentation de 164 225.
Les statistiques de 1913-14 donnent un total de 16,-
135 nstituteurs et institutrices. De ce nombre 815 pro-
fesseurs et instituteurs laïcs enseignent dans les univer-
sités, les écoles normales, les collèges et les écoles spéciales.
. Dans les écoles primaires et les collèges, les catholiques
f comptent 778 instituteurs parmi les membres du clergé;
1 590 rehgieux, 4 521 rehgieuses, 366 instituteurs laïcs et
^ Ce dernier chiffre serait inexact et nous le donnons sous toute
réserve.
* Rapport du ministre de l'Instruction publique pour 1867, p. 299.
— 251 —
6 154 institutrices laïques. De leur côté, les protestants
comptent 131 instituteurs et 1 780 institutrices.
Les taxes générales et spéciales sur les propriétés
immobilières et les contributions mensuelles que les chefs
de famille payent pour le soutien des écoles représentent
un montant annuel d'impôts de $4 188 225, et le coût de
Tentretien des institutions scolaires indépendantes sub-
ventionnées par rÉtat s'élève à $2 024 215.
Les contributions du gouvernement que distribue
le département de l'Instruction publique ont été, en 1913,
de $1 366 144 37 et celles du secrétariat de la province
de $161 125.
A toutes ces subventions, il faut ajouter les alloca-
tions que vote la législatm-e pour le maintien des écoles
d agriculture, d'industrie laitière, ménagères, forestières,
vétérinaires, des orphelinats agricoles, des écoles-su-
creries, et de quelques sociétés littéraires et autres. Les
allocations spéciales s'élèvent à plus de $350 000.
En additionnant ces divers montants et sans tenir
compte des dépenses pour l'instruction des enfants qui
échappent à la connaissance de l'autorité civile, on en
vient à constater qu'aujom-d hui la province emploie
in globo, soit par les commissions d'écoles et les institu-
tions indépendantes, soit par le gouvernement, une
sonune de $8 0000 000 pour le bénéfice de la population
scolaire.
La valeiu* de la propriété imposable poxu* fins scolaires
atteint aujourd'hui le milliard, soit exactement en 1912,
$995 016 922, et la somme de $29157 776 représente
celle des maisons d'écoles, de l'ameublement et du ma-
tériel servant à l'enseignement.
Les statistiques officielles témoignent aussi que,
dans l'année scolaire 1912-13, le pourcentage de la pré-
sence moyenne des élèves, chez la population protestante.
— 252 —
a été de 75.68 par cent dans les écoles élémentaires
fréquentées par les enfants de 5 à 16 ans, de 82.21 dans les
écoles intermédiaires, de 78.44 dans les écoles du degré
supérieur, et, chez les catholiques, de 75.25 par cent dans
les classes inférieures, de 82.21 au cours moyen et de
86.82 par cent dans les classes du coiu-s primaire supérieur.
Ce pom-centage a donc été en totalité de 77.49 chez les
protestants et de 79.77 chez les catholiques. ^
Dans les collèges classiques catholiques, siu* le nombre
de 8 189 élèves qui les ont fréquentés en 1912-13, la pré-
sence moyenne s'est élevée à 76.77, — ^le nombre des pré-
sents par 100 inscrits se trouvant être de 93.74.
Les chiffres que nous venons de citer indiquent que
la proportion d'élèves siu* la population de la province de
Québec comparée à celle des autres provinces de la Con-
fédération, est en notre faveur. En effet, le nombre des
enfants inscrits sur les registres des écoles étant de 434,113
siu" une population de 2 002 712, telle que constatée par
le recensement fédéral de 1911, le pourcentage par 1 000
habitants a été de 22%, pendant que le pourcentage dans
Ontario était de 21 pour cent en 1912 et celui de Manitoba,
en 1913, aussi de 21 pour cent. En outre, l'activité dé-
ployée dans la construction des maisons d'écoles primaires
et le renouvellement du mobilier des classes dénote un
progrès marqué dans l'œuvre éducationnelle. Le dé-
partement de l'Instruction publique s'étant employé
énergiquement à éclairer les autorités municipales sur la
nécessité de se conformer aux lois de l'hygiène dans la
construction des bâtiments scolaires et ayant fait pré-
parer des plans d'écoles qu'il distribue gratuitement aux
paroisses qui en font la demande, il en est résulté dans
l'architecture scolaire, depuis seize ans, une transforma-
^ Rapport du Surintendant pour Tannée 1912-13, p. XXIV et XXV.
— 253 —
tion très satisfaisante: ces efforts ont été tels que, de
1908 à 1913 le montant dépensé de ce chef par les com-
missions scolaires excède cinq millions de piastres.
Ces chiffres ont leur éloquence, en ce sens qu'ils sont
l'indice de la pénétration au sein de nos campagnes du
mouvement éducationnel qui s'accentue dans la province
et du désir tout naturel des pères de familles, pauvres
comme riches, de faciUter à leurs enfants l'accès à l'école.
C'est sir Lomer Gouin qui dans un discours reten-
tissant, disait en chambre: "Il n'y a pas dans la Con-
fédération, dans l'Amérique du Nord, une province qui
a plus soif d'instruction que la nôtre et qui en comprend
mieux le prix." ^
Cette parole autorisée a pu exciter peut-être la sur-
prise dans certaines provinces du Dominion et même
agacer les dénigreurs de la nôtre. Pourtant, elle est vraie.
Le Canadien français, par tempéramment et par instinct
national, aime rinstruction. Dans le passé, l'efficacité
dé ses écoles a laissé a* désh-er, l'enseignement donné à
ses enfants a souffert du manque d'entraînement péda-
gogique des maîtres; mais il serait injuste de lui en faire
supporter toute la responsabilité II faut savoir tenu-
compte de la condition d'existence du peuple au dernier
siècle et de la marche des événements La lenteur du
progrès éducationnel chez nous, après les cent années
qui suivirent la cession du Canada à l'Angleterre est dû
à un concours d'événements poUtiques et économiques
particuliers, à l'éloignement de la province des foyers
intellectuels de l'Europe, au peu de densité de la popula-
tion, à la lutte ardue du défricheur contre la forêt, au
mauvais état de la voirie et beaucoup aussi aux préoccupa-
^ Discours prononcé par le premier ministre à l'Assemblée législative
de Québec, à la session 1912.
— 254 —
tions malheureuses du gouvernement de la colonie à
vouloir imposer, par l'école, im enseignement religieux
contraire aux croyances de la presque totalité de la po-
pulation et aux tentatives effectuées pour faire disparaître
la langue maternelle de ses habitants.
L'hostiUté et les mesures vexatoires des chefs poli-
tiques de la population anglo-saxonne à notre égard, de la
fin du XVIIIe siècle au milieu du XIXe,ont certainement
été une des causes principales du retard apporté à Tor-
ganisation régulière de notre régime scolaire.
Ces causes diverses disparurent sensiblement durant
la première décade de Tunion des deux Canada, grâce
à la concession par l'Angleterre des libertés politiques
que le peuple Canadien français réclamait depuis long-
temps. La création du Conseil de l'Instruction publique
en 1860 vint à son tour fortifier l'œuvre scolaire dans ses
points essentiels et lui donner avec les années l'envergure
qu'elle possède maintenant.
Les statistiques que nous venons de citer sur le mou-
vement éducationnel indiquent le résultat des efforts
de ce Conseil et sont une réponse j)éremptoire aux at-
taques injustes si complaisanmient dirigées contre l'élé-
ment de langue française par des hommes qui paraissent
ignorer ses luttes d'autrefois pour la revendication de ses
droits menacés par le parti oUgarchique de la colonie,
ou dont l'intelligence est voilée par un fanatisme de race
tout-à-fait antioanadien.
Ces chiffres condamnent aussi l'inopportunité des
tentatives des prétendus réformatem-s de notre système
d'enseignement pour imposer ime loi d'instruction obli-
gatoil-e, lorsque tout démontre que le Canadien, de lui
même, envoie ses enfants à l'école et n'a nullement besoin
pom- l'y contraindre que la législation lui impose des
pénalités humiUantes et assurément bien inutiles.
1
— 255 —
Au reste, les familles catholiques françaises et an-
glaises de la province ne voient pas la nécessité d'accepter
pour elle une loi d'exception; elles ont conscience de leurs
devoirs envers leurs enfants et elles usent, en toute in-
dépendance de ^a puissance paternelle. Aussi les parti-
sans du système de l'instruction obligatoire dont la demi-
science les pousse vers le mercantilisme plutôt qu'au
respect du droit natm-el, sont à même de constater, par
les rapports officiels, que le Canadien-français avance dans
la voie du progrès intellectuel et qu'il sait s'imposer des
sacrifices constants pour l'instruction primaire de ses
enfants et même pour les faire bénéficier des cours d'ét des
des collèges classiques et des universités. Car en fin de
compte qui fréquente ces maisons de haut enseignement ?
Ne sont-ce pas les fils de nos agriculteurs et de nos
artisans, ceux de nos hommes de profession et -de nos
négociants ? D'où vient l'argent qui donne la vie à ces
établissements ? Ne vient-il pas du peuple ?
Outre ces questions de détail qui sont certes, d'im-
portance majeure, il y a celle des principes qui doivent
servir de fondement à l'œuvre scolaire et dont le Comité
catholique, pour ce qui le regarde, sera toujours le gar-
dien fidèle et au besoin, le défenseur attentif. C'est
M. de Bonald qui disait ^'que toute la science poUtique se
réduit aujoiu-d'hui à la statistique, que ce que l'on connaît
le moins ce sont les hommes et que ce qu'on a tout à fait
perdu de Vue ce sont les principes qui fondent et main-
tiennent les sociétés. L'art de l'administration a tué
la science du gouvernement."
Nous devons cette absence de principes primor-
V
diaux à la démagogie qui, depuis 1789, a pris dans le monde
ime croissance extraordinairement néfaste. Le rationalis-
me, en adoptant un système de doctrines qu'admet la
raison coname source unique de vérité à l'exclusion de la
_ 256 —
/ foi et de la raison, a voulu faire disparaître la f amiUe dans
' l'État. Danton avait dit: "L'enfant appartient à l'État
avant d'appartenir à la famille". En vertu de cette
maxime abusive de l'origine des pouvoirs établis par
Dieu, la libre pensée s'efforce sans cesse de s'emparer de
la jeunesse, de la façonner à son image par ime instruc-
tion conforme à ses aspirations et de la soustraire aux
notions de devoir, d'obéissance et d'amour que l'on reçoit
au foyer domestique, car la famille, sentinelle avancée de
la société, doit veiller à l'éducation première; elle est la
source d'où jaillissent les vertus sociales; et lorsque
l'enfant quitte le toit paternel, son cœur a reçu la forma-
tion qui fera de lui un homme. L'idéal du radicalisme
i ou du naturalisme tend par conséquent à déposséder les
î parents du droit qu'ils ont à l'instruction de leurs enfants
1 a£n d'annihiler leur autorité au profit de l' État et finalement
\ à accomplir la dissolution de la famille. "Il y a aux pre-
: mières pages de l'Écriture, dit le Père Mousabré, une
magnifique et une énergique parole qui répond radicale-
ment à ces prétentions: c'est le cri que poussa la mère
du genre humain quand elle enfanta son premier-né. Le
prenant entre ses bras, elle le montra au ciel et dit:
^'Possedi hominen per Deum/^ — J'ai possédé un homme
par Dieu. — Tout est là ^^Possedi hominem^\ les parents
possèdent: l'enfant est à eux. ^^Per Deum'\ Ils pos-
sèdent par Dieu, l'enfant est pour Dieu. Le devoir des
chefs de la famille chrétienne est de faire valoir leurs
titres et le titre de Dieu" ...
C'est donc par le respect du principe chrétien qui est
à la base de notre loi de l'Instruction publique et qui
réurdl comme en faisceau, pour le bénéfice de l'éducation
de l'enfant, les forces de l'Église, de l'État et de la paroisse
civile que le peuple canadien français résistera avanta-
geusement aux agissements ténébreux des sociétés secrètes
— 257 —
et aux périls de la neutralité de renseignement. Nous
dirons avec Léon XIII que la justice et la raison exigent
que nos élèves trouvent dans nos écoles non seulement
l'instruction scientifique, mais encore des connaissances
morales en harmonie avec les principes de leur reUgion,
connaissances sans lesquelles, loin d'être fructueuse, toute
éducation ne peut être qu'absolument funeste. A cette
doctrine que proclame le Souverain Pontife, s'inspirent
ceux des nôtres qui ont la direction du mouvement éduca-
tionnel, et c'est dans nos collèges classiques qu'il peut
mieux acquérir sa force et son ampleiu". Nos professem-s
de l'enseignement supérieur sont plus pénétrés que jamais
de l'importance des hautes études, poiu* donner aux têtes
dirigeantes du pays ime compétence incontestée. A une
instruction agricole, commerciale et industrielle bien
ordonnée, doit nécessairement s'ajouter pour un certain
groupe d'esprits, une forte culture ntellectuelle. La for-
mation classique est partout utile et requise; elle l'est
spécialement dans les pays démocratiques où l'opinion
gouverne et a besoin d'être guidée par des hommes instruits
et au jugement éclairé. Elle s'impose dans notre province
qui occupe une position pleine de responsabihté, puis-
qu'elle personnifie toute une race. C'est ce qui faisait dire
à l'un de nos écrivains, feu M. Edmond de Nevers ''Tel
état de l'union américaine, telle province anglaise du
Dominion peut à la rigueur, se contenter d'une prospérité
agricole, comjnerciale et industrielle, car aucun de ces
États, aucune de ces provinces n'a à proprement parler,
une histoire à part, des traditions séparées, une mission
différente de celle de toutes les autres divisions poUtiques
de l'Amérique du Nord. Nous ne le pouvons pas.
''Le temps est venu pom-nous de jeter les bases de l'œu-
vre de civilisation spéciale qui nous incombe sur ce continent,
de préparer les voies à l'avenir, de prendre, en Amérique,
— 258 —
une position en vue, afin de ne pas être perdus, oubliés au
milieu des populations de race étrangère qui nous entou-
rent. Il nous faut entrer dans le mouvement des hautes
études et du progrès, afin de ne laisser se perdre aucune
de nos forces vitales. Il nous faut apporter notre contin-
gent à la vie intellectuelle des nations, afin de nous assu-
rer des droits incontestables à une vie autonome, afin que
personne à l'avenir n'ose rêver notre absorption, afin sur-
tout de resserrer le lien qui nous imit à nos frères émigrés
dans la république voisine." ^
Si cet écrivain distingué vivait encore, il constate-
rait que, depuis vingt ans surtout, les études classiques
dans notre province, par \m concours de circonstances
favorables, ont gagné en amplitude et en méthode. Les
directeurs de ces études se sont imposés des sacrifices que
leur dévouement et leur esprit national seuls peuvent
expliquer. En dehors même du secours de l'État, ils ont
envoyé chaque année de leurs professeurs étudier dans les
universités de Rome, de Paris et de Belgique, la théologie,
la littérature, l'histoire, les sciences naturelles et les ques-
tions sociales. En outre, nos universités, sous la poussée
d'hommes éclairés, se sont développées, une école poly-
technique, une école des hautes études commerciales,
une école forestière, des écoles d'agriculture, d'arts et de
métiers et d'arpentage sont en pleine opération, et de
nouveaux et larges horizons s'offrent à l'activité intelli-
gente de la jeunesse du pays.
Il y aiu-ait toutefois une autre institution à créer.
A la demande du comité catholique du Conseil de l'Ins-
truction publique, le gouvernement a multipUé nos écoles
normales catholiques poiu* la formation pédagogique de
nos institutrices et de nos instituteurs d'écoles primaires,
^ L'avenir du peuple canadien-français p. 177.
/
— 259 —
ces maisons sont maintenant au nombre de treize, lorsqu'en
1900 il n'en existait que quatre. Ce qui paraît s'imposer
aujourd'hui c'est d'établir ime école normale supérieure
pour la formation spéciale de ceux qui se destinent au
professorat dans nos institutions d'enseignement secon-
daire et le gouvernement de la province accomplirait une
œuvre d'une grande portée nationale s'il aidait à l'établis-
sement d'une maison de cette sorte qui serait comme le
couronnement magnifique de notre système d'éducation. ^
Dans le domaine des lettres et de la philosophie, la
province de Québec n'est certes pas à l'arrière de ses pro-
vinces sœurs; elle possède même en ce domaine une supé-
riorité qui exerce son influence au sein des professions
libérales et dans les assemblées délibérantes. Les anglo-
canadiens reçoivent sans doute une instruction propre à
développer leurs aptitudes pour le conmierce, l'industrie
et en général poiu* les autres opérations financières, mais
dans l'initiation des intelligences à l'art de raisonner juste
et aux idées les plus hautes et les plus belles du savoir
humain, ils n'ont pas toujours le sens exact du vrai,
parce qu'ils sont œurts de philosophie. La cause en est
que dans les high schools de la province, le jeune étudiant
ne reçoit pas une formation intellectuelle qui lui assure
la possession d'une somme de principes nécessaires,
que les scienses naturelles seules ne peuvent lui donner.
''Il y a des vérités, a dit Brunetière, que les méthodes
scientifiques ne peuvent pas atteindre." Notre province,
1 M. Tabbé Camille Roy, de l'Université de Québec, a plaidé forte-
ment en faveur de la fondation d'une école normale supérieure, et M. le
chanoine Dauth, vice-Recteur de l'Université Laval à Montréal, dans son
rapport de l'année académique 1909, annonçait que, sous les auspices de
cette institution, se tiendraient sous le nom de Méthodes comparées d* éduca-
tion et d'instruction, des séances d'études professionnelles ouvertes aux
professeurs et aux directeurs de l'enseignement secondaire. "C'est une
chaire qui se fonde disait-il. Quand donnera-t-on suite à ce projet" ?
«
I
— 260 —
quoique jeune et non beaucoup pojpuleuse peut aussi
comparer avec avantage Tefficacité de son enseignement
class'que avec celui du peuple qui Favoisine. La richesse
matérielle est loin sans doute d'égaler celle de Tinmiense
population des États-Unis; ses imiversités n'ont pas de
millions à dépenser annuellement; ses maisons d'écoles
primaires sont peut-être moins spacieuses et ses institu-
trices moins rémunérées, mais son enseignement public
possède des germes de vie, pendant que l'instruction quasi
païenne qui se donne dans les écoles publiques américaines
renferme une semence de mort. Aux États-Unis, le sys-
tème de l'instruction de l'État, en bannissant de l'école
l'enseignement de la religion, laisse le cœur des enfants
sans Hëfense contre la corruption qui annihile les vertus
familiales. Dans les écoles mixtes, la jeune fille est com-
me tlïl^' fîeur que le vent dessèche, pendant qu'ici, dans
nos couvents, elle se conserve pure et candide, se prépa-
rant à remplir dans la société l'importante mission que
Dieu lui a donnée. Ici, l'autorité paternelle exerce son
empire, là, elle s'affaibUt et se perd. Ici, la mère de famille
se renferme dans le cercle des occupations domestiques;
là, non contente de la protection de ses droits civils, elle
sort de ses attributions pour réclamer les mêmes droits
politiques que l'homme et l'éUgibilité à toutes les fonctions.
Ici, l'épouse reste indissolublement attachée à son époux,
pendant que là, la foi conjugale reçoit à chaque instant les
plus violentes atteintes par la loi odieuse et antisociale
du divorce. Aux États-Unis, la femme a arboré le dra-
peau du free-love, ici elle ne partage son affection qu'entre
son mari et ses enfants. Et qui n'a entendu parler de
ces infanticides commis par les mères elles-mêmes auxquels
il faut attribuer la diminution de la population indigène
dans les États de la République pendant que chez nous la
canadienne-française montre avec orgueil ses nombreux
— 261 —
enfants qui sont comme sa couronne de gloire et les regar*
de à juste titre comme une bénédiction du ciel.
Voilà, la différence qui existe entre les mœurs et les
habitudes des deux pays et voilà les résultats respectifs
de l'éducation qui s'y donne d'une part et de l'autre.
Sans doute, répéterons-nous, dans le fonctionnement de
notre régime scolaire il y a des détails à perfectionner; mais
le principe qui préside chez nous à l'instruction de la jeu-
nesse est sain ; il est conforme à la mentalité intellectuelle
de notre race, à nos traditions ancestrales, et les années
ne feront qu'en confirmer l'excellence et en démontrer la
fécondité. Ce serait un suicide national que de le rem-
placer par le principe contraire qui est celui de l'irréli-
gion.
N'oublions jamais que, découvreurs du pays, pre-
miers possesseurs du sol et propagateurs de la civilisation
chrétienne dans l'immense territoire du nord de l'Améri-
qiie7'^nous occupons siu* ce continent xme position qu'il
serait de notre part indigne de méconnaître, et qui nous
impose des responsabilités auxquelles nous ne saurions
nous dérober. Nous possédons une homogénéité que
n'ont ni le peuple des États-Unis composé d'émigrés de
toutes nations; ni les groupes d'individus venus d'Europe '
et d'ailleurs qui habitent particuUèrement l'ouest du Cana-
da. Nous formons ici, un tout compact que la fécondité
des familles fortifie; nous ne sommes pas seulement des
descendants des Français; notre home n'est ni Londres, ni
Paris, ni Dublin; nous sonunes des Canadiens: c'est-à-dire
par excellence des Américains. Ce n'est pas le hasard
qui nous a fait survivre aux obstacles semés sur notre
route après l'abandon de la France, mais c'est assurément
- la Providence divine. Notre peuple l'a compris . Sous
I la protection d'un drapeau qui lui a garanti sa liberté
[religieuse et poUtique, le peuple canadien français s'est
/
— 262 —
identifié avec les institutions britanniques et n'a marchan-
dé à l'Angleterre ni sa loyauté, ni son sang. Il aime la
constitution qui le régit et, par le fait que le Canada est
son imique patrie, il est en mesure autant et plus que tout
autre de donner aux populations trop dissemblables au
point de vue ethnique qui viennent hâtivement y cher-
cher refuge, l'exemple de la fidéUté au Roi et de l'atta-
chement au sol du pays.
C'est Dieu qui gouverne les nations et leur assigne
leiu" mission dans le monde. Pénétrons-nous bien du
rôle que nous sommes appelés à remplir; conservons dans
ses grandes Ugnes l'organisation scolaire nationale telle
que l'ont étabUe ceux qui nous ont précédés et ne dévions
pas de la route qu'ils nous ont tracée . Accomplissons
notre devoir et laissons faire la Providence.
APPENDICE
CHEFS DU DÉPARTEMENT DE l'iNSTRUCTION
PUBLIQUE
M. le docteur J.-B. Meilleur, surintendant de l'Ins-
truction publique de mai 1842 à juillet 1855
L honorable M. P.-J.-O. Chauveau, surintendant de
rinstruction publique de juillet 1855 à juillet 1867, pre-
mier ministre et ministre de l'Instruction publique de
juillet 1867 au 27 février 1873
L'honorable M. Gédéon Ouimet, premier ministre et
ministre de l'Instruction publique du 27 février 1873 au
22 septembre 1874.
L'honorable M. Chs Boucher de Boucherville, pre-
mier ministre et ministre de l'Instruction publique du
22 septembre 1874 au 25 janvier 1876.
L'honorable M. Gédéon Ouimet, surintendant de l'Ins-
truction publique du 28 janvier 1876 au 5 avril 1895.
L'honorable M. Boucher de LaBruère, surintendant
de l'Instruction publique du 5 avril 1895 au 12 avril 1916.
L'honorable M. Cyrille-F. Delâge, surintendant de
l'Instruction pubUque, depuis le mois d'avril 1916.
PRÉSIDENTS DU CONSEIL DE l'iNSTRUCTION
PUBLIQUE
Sir Étienne-Paschal Taché, premier président (1860,
1865).
M. Côme- Séraphin Cherrier, deuxième président
(1865,1869).
— 2jH —
M. Jacques Crémazie, troisième président (1869, 1871)
M. Cyrille Delagrave, quatrième président (1871,
1875)
L'honorable M. Gédéon Ouimet, cinquième président
(1875-1895)
L'honorable M. Boucher de LaBruère, sixième prési-
dent (1895,1916)
L'honorable M. Cyrille-F. Delâge, septième président,
depuis le mois d'avril 1916.
SECRÉTAIRES DU DÉPARTEMENT DE L'iNSTRUCTIOir
PUBLIQUE
M. le docteur Louis Giard, secrétaire du département
de l'Instruction publique de 1848 au 20 mai 1882.
M. Oscar Dxmn, secrétaire conjoint de langue fran-
çaise du département de l'Instruction pubUque du 7 avril
1880 au 20 mai 1882, secrétaire du 20 mai 1882 au 15
avril 1885.
M. Paul de Gazes, secrétaire de langue française du
département de l'Instruction publique du 2 avril 1886 au
27 juin 1908.
M. Henry Hooper Miles, secrétaire de langue anglaise
du département de l'Instruction pubUque du 1er juillet
1867 au 23 mars 1881.
Révérend M. Elson Irvine Rexford, secrétaire de
langue anglaise du département de l'Instruction pubUque
du 8 mai 1882 au 1er septembre 1891.
M. George Parmelee, secrétaire de langue anglaise
du département de l'Instruction pubUque du 1er juin
1891.
M. J.-N. MiUer, secrétaire de langue française du
département de l'Instruction pubUque du 27 juin 1908.
Table des matières
PREMIÈRE PARTIE
Le Conseil de T Instruction publique
CHAPITRE PREMIER
UN CONSEIL D'INSTRUCTION
PàGB
OBSERVATIONS PRÉLIMINAIRES — LA LOI DES ÉCOLES SOUS
l'union des canadas — LA LOI MUNICIPALE —
l'organisation scolaire et la paroisse — COMITÉ
CHARGÉ DE s'eNQUÉRIR DU FONCTIONNEMENT DE LA
LOI DE 1846 — UN CONSEIL d'iNSTRUCTION — LE
DR J.-B. MEILLEUR ET M. P.-J.-O. CHAUVEAU — LES
LOIS DE 1856 17
CHAPITRE DEUXIÈME
LA FORMATION DU CONSEIL DE L'INSTRUCTION
PUBLIQUE
LA FORMATION DU CONSEIL — PRÉSIDENCE DE SIR E.-P.
TACHÉ — LA LIBÉRALITÉ DU CONSEIL ENVERS LA
MINORITÉ PROTESTANTE — LIVRES DE LECTURE —
FONDATION PAR S. A. R. LE PRINCE DE GALLES DE
PRIX POUR LES ÉCOLES NORMALES — RÈGLEMENTS
POUR l'examen des CANDIDATS AU BREVET DE CA-
PACITÉ — RÉSIGNATION DE MEMBRES DU CONSEIL —
LIVRES DE CLASSE — ÉVÉNEMENTS POLITIQUES —
M. CHERRIER, PRÉSIDENT DU CONSEIL — "lE DEVOIR
DU chrétien'' — VOYAGE DU SURINTENDANT EN EU-
ROPE EXERCICES MILITAIRES DANS LES ÉCOLES NOR-
MALES LA CONFÉDÉRATION DU CANADA — M. GIARD
SURINTENDANT DE l'iNSTRUCTION PUBLIQUE 35
— 268 —
CHAPITRE TROISIÈME
LA LOI DE 1869
nouvelle loi scolaire réorganisation du conseil
— l'enseignement de l'agriculture aux Écoles
normales m. delagrave président du conseil
classification des écoles — changement de
gouvernement — la série des livres montpetit . . 51
CHAPITRE QUATRIÈME
LA LOI DE 1875
LE MINISTRE DE l'iNSTRUCTION PUBLIQUE REMPLACÉ PAR
UN SURINTENDANT — EFFET DE LA. NOUVELLE LOI
LE NOUVEAU CONSEIL LE COMTE DALHOUSIE ET SON
PLAN DE DEUX INSTITUTIONS ROYALES 67
CHAPITRE CINQUIÈME
LE NOUVEAU CONSEIL DE l'iNSTRUCTION PUBLIQUE LES
ÉCOLES DU DEGRÉ SUPÉRIEUR — LES COMITÉS UN
DIFFÉREND ENTRE LES MEMBRES DU CONSEIL LA
LOI FLYNN 85
DEUXIÈME PARTIE
Le Comité catholique
CHAPITRE SIXIÈME
1876-1877
PREMIÈRE RÉUNION DU COMITÉ CATHOLIQUE — L'iNSPEC-
TION DES ÉCOLES — l'eNSEIGNEMENT DU DESSIN. ... 97
— 269 —
CHAPITRE SEPTIÈME
1878-1883
PROJET d'abolir LA CHARGE d'iNSPECTEUR d'ÉCOLBS —
LE DÉPÔT DE LIVRES DU DÉPARTEMENT DE l'iNSTRUC-
TION PUBLIQUE — l'uNIFORMITÉ DES lilVRES DE CLAS-
SE — LA LOI SCOLAIRE DE 1880 ET LA REVISION DES
LIVRES DE CLASSE — DÉCLARATION DU PREMIER MI-
NISTRE, M. MOUSSEAU 103
CHAPITRE HUITIÈME
1884-1886
I-.ES ÉCOLES NORMALES — LE PREMIER MINISTRE, M. J.-J.
ROSS ET LES BIENS DES JÉSUITES 121
CHAPITRE NEUVIÈME
1888
UN INCIDENT — LA VILLE DE MONTRÉAL ET LA GRATUITÉ
DE l'enseignement 133
CHAPITRE DIXIÈME
UNE DÉCADE IMPORTANTE
1890-1900
l'enseignement du dessin — LA langue française —
l'équivalence des diplômes d'instituteurs 149
— 270 —
CHAPITRE ONZIÈME
UNE DÉCADE IMPORTANTE (suite)
1890-1900
LES BUREAUX D 'EXAMINATEURS ET LES ÉCOLES NORMALES
LA LOI FLYNN — LES BIBLIOTHÈQUES SCOLAIRES
LES CONGRÈS PÉDAGOGIQUES 173
CHAPITRE DOUZIÈME
LA REFONTE DE LA LOI SCOLAIRE 185
CHAPITRE TREIZIÈME
''mon premier livre", premier MANUEL POUR DISTRIBU-
TION GRATUITE — UN BUREAU D'ÉDUCATION A OT-
TAWA — l'exposition de paris en 1900 — LE TRAI-
TEMENT DES INSTITUTEURS — REFONTE DES PROGRAM-
MES SCOLAIRES 213
CHAPITRE QUATORZIÈME
l'enseignement ménager et nos écoles MÉNAGÈRES. . .233
CHAPITRE QUINZIÈME
LE COMITÉ CATHOLIQUE ET L'ŒUVRE DE L'ÉDUCATION
RÉSUMÉ — STATISTIQUES — CONSIDÉRATIONS GÉNÉRALES . 247
/
VC 57922
I