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Full text of "Le Costume au théâtre et à la ville"

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Le  Costume  au  théâtre  et 
Il  la  ville 
livT,A3     (1890/91) 


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Ces 


QUATRIÈME  ANNÉE  -  N»  lo.  43°  LIVRAISON. 


LE  COSTUME 

AU    THÉÂTRE 

Texte  Illustrations 

MM.    MOBISSON.  '^^^^^^^^  '^^'^^'    '^"*^'"^- 

RENÉ-BENOIST.  MESPLÈS,    CtC. 


ADRESSER    TOUTES    LES   COMMUNICATIONS    CONCERNANT    LA    RÉDACTION    A    M.    MOBISSON,    A    L  OPERA 

Pour  tout  ce  qui  concerne  l'Administration,  s' ixdresser  à  M.   LÉvv,  i3,  rue  Lafayette. 


ASCANIO 


OPÉRA    EN    CINQ    ACTES    ET    SIX   TABLEAUX 

d'après   le   drame  Benvenuto  Cellini  de  M.    PAUL  MEURICE 

PAR    M.    LOUIS   GALLET 

MUSIQUE    DE    M.    CAMILLE    SAINT-SAËNS 

Représenté  pour  la  première   fois,  sur  la    scène  de  l'Opéra, 
le    J I    Mars    iSgo 


DISTRIBUTION 

Benvenuto  Cellini ,  MM.  Lassalle;  Ascanio,  Cossira;  FnwçoisI"-,  Plançon;  Un  mendiant, 
Martapoura;  Charles-Quint.  Bataille;  Pagolo,  Crépaux;  D'Estourville,  Gallois;  D'Orbec, 
TÉQUi;   La  duchesse  d'Étampes,  M""  Adini;   Scozzone,  Bosman;    Colombe,   Eames. 

Depuis  qu'ils  sont  i\  la  tète  de  notre  Académie  nationale  de  musique, 
MM.  Ritt  et  Gailhard  se  sont  attachés  à  faire  entendre  au  public  un  ouvrage 
de    chacun   de   nos    compositeurs   français   les  plus  éminents,  maîtres  déjà 

célèbres  ou  musiciens  d'avenir. 

Cefutd'abordàM.Reyer  qu'ils  s'adressèrent,  le  lendemain  même  de  leur 
entrée  à  l'Opéra,  et  leur  premier  acte  directorial  fut  la  réception  de  Sigiird 
que  leurs  prédécesseurs   avaient  impitoyablement   et   injustement  repoussé. 

Vint  ensuite  le  tour  de  M.  Massenet,  avec  le  Cid,  puis  celui  de  M.  Pala- 
dilhe  avec  Pairie,  de  M.  Salvayre  avec  la  Dame  de  Monsoreau,  de  Gounod 
avec  la  reprise  àc  Roméo  et  Juliette,  d'Ambroise  Thomas  avec  la  Tempête. 

Tous  ces  ouvrages,  un  seul  excepté,  ont  pris  rang  à  côté  des  chefs- 
d'œuvre  du  répertoire,  qui  vient  encore  de  s'enrichir  de  V Ascanio  de 
M.  Camille  Saint-Saëns. 

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1890-91 


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M.  Louis  Galleta  tirélc  livret  iXAscanio  du  drame  de  M.  Paul  Mcurice, 
Benvenuto  Cellini,  qui  fut  représenté  pour  la  première  fois,  le  i"  avril  i852, 
au  théâtre  de  la  Porte-Saint-Martin,  où  il  obtint  un  immense  succès.  Le  même 
sujet,  emprunté  aux  Mémoires  de  Benvenuto  Cellini,  avait  été  traité  par 
Alexandre  Dumas  dans  un  de  ses  romans  les  plus  célèbres. 

Bien  que  M.  Louis  Gallet  ait  adopté  pour  son  opéra  le  titre  du  roman  de 
Dumas,  c'est  du  drame  seul  qu'il  s'est  inspiré,  en  s'attachant  surtout  à  en  sim- 
plilicr  les  situations  et  à  élaguer  les  tableaux  qui  n'étaient  pas  indispensables 
à  l'intelligence  de  l'intrigue.  Il  l'a  fait  avec  son  talent  et  son  habileté  scénique 
bien  connus,  et  nous  a  prouvé  une  fois  de  plus  qu'il  est  un  auteur  drama- 
tique et  un  poète  de  grande  valeur. 

Le  héros  de  l'opéra,  comme  du  drame,  est  Benvenuto  Cellini,  ce  célèbre 
ciseleur  et  statuaire  du  xvi'^  siècle,  qui,  après  une  jeunesse  aventureuse  en 
Italie,  vint,  vers  i53g,  à  l'âge  de  quarante  ans,  chercher  fortune  en  France,  à  la 
cour  de  François  I".  De  tous  les  chefs-d'œuvre  du  fameux  sculpteur,  il  ne 
nous  reste  qu'un  merveilleux  bas-relief,  la  Nymphe  de  Fontainebleau. 

Les  auteurs  nous  présentent  Benvenuto  quelques  mois  après  son  arrivée 
à  Paris.  Il  a  amené  avec  lui  son  élève  préféré,  Ascanio  des  Gaddi,  pour  lequel 
il  a  une  affection  presque  paternelle,  et  Scozzone,  une  jeune  Florentine  qui 
s'est  éprise  d'une  ardente  passion  pour  le  grand  artiste,  dont  elle  est  à  la  fois 
la  maîtresse  et  le  modèle 

Benvenuto  apprend  que  la  duchesse  d'Etampes,  la  favorite  de  François  I", 
brùle  d'amour  pour  Ascanio,  dont  elle  veut  faire  son  amant.  Le  maître 
redoute  les  suites  de  cette  aventure,  qui  ne  peut  qu'être  funeste  à  son  élève,  — 
car  la  duchesse  n'hésite  pas,  son  caprice  passé,  à  se  débarrasser  violemment 
de  ceux  qu'elle  a  donnés  pour  rivaux  au  roi  de  France,  —  et  il  jure  d'empê- 
cher la  réalisation  des  projets  amoureux  de  la  favorite. 

Benvenuto  ignore  qu'Ascanio  est  protégé  contre  les  séductions  de  la  du- 
chesse par  son  amour  pour  Colombe  d'Estourville,  la  fille  du  prévôt  de  Paris, 
dont  il  va  être  le  voisin.  Le  roi  vient,  en  efïet,  d'autoriser  son  orfèvre  à  in- 
staller ses  ateliers  à  l'hôtel  du  Grand-Nesle;  le  prévôt  habite  le  Petit-Nesle; 
les  deux  hôtels  sont  contigus  et  séparés  seulement  par  des  jardins. 

Cellini  se  trouve  bientôt  en  présence  de  Colombe,  et  demeure  extasié 
devant  la  grâce  et  la  beauté  de  la  jeune  fille.  Voilà  bien  le  modèle  rêvé,  qu'il 
cherchait  vainement,  pour  sa  statue  d'Hébé.  Mais  Sco/zone  s'est  aperçue  de 
l'impression  produite  sur  son  amant  par  la  vue  de  Colombe.  La  jalousie 
pénètre  dans  son  cœur;  malheur  à  celle  qui  lui  ravira  l'amour  de  Benvenuto! 

Installé  dans  le  Grand-Nesle,  le  Florentin  peut,  chaque  jour,  contempler 
Colombe.  L'admiration  de  l'artiste  pour  son  modèle  s'est  bientôt  changée  en 


une  folle  passion  de  l'homme  pour  la  jeune  fille,  et  c'est  à  Ascanio,  désespéré 
par  cette  révélation,  que  Benvenuto  fait  la  confidence  de  son  amour. 

Cependant  la  duchesse  d'Étampes  apprend  la  cause  du  dédain  d'Ascanio, 
et  obtient  du  roi  que  Colombe  soit  immédiatement  mariée  au  comte  d'Orbec. 
Il  n'y  a  qu'un  seul  moyen  pour  empêcher  cet  hymen  :  enlever  la  fille  du  pré- 
vôt et  la  faire  disparaître  pendant  quelques  jours,  en  attendant  que  Benvenuto 
puisse  demander  lui-même  la  main  de  Colombe  à  François  I";  celui-ci  a,  en 
effet,  formellement  promis  à  l'artiste  de  lui  accorder  la  faveur  qu'il  récla- 
mera, s'il  réussit  à  fondre  en  or  une  statue  de  Jupiter,  dont  le  roi  a  fort 
admiré  le  modèle.  Pour  enlever  Colombe,  on  l'enfermera  dans  une  immense 
châsse,  que  Benvenuto  vient  de  terminer  et  doit  livrer  au  couvent  des  Ursu- 
lines.  La  supérieure,  prévenue,  gardera  la  jeune  fille  auprès  d'elle. 

Mais  la  jalouse  Scozzone  a  surpris  ce  projet,  et  le  dévoile  à  la  duchesse 
d'Etampes.  Celle-ci  n'hésite  pas  à  se  venger  d'une  façon  terrible.  Elle  inter- 
ceptera le  reliquaire  en  route  et  le  fera  porter  au  Louvre,  où  elle  le  laissera 
pendant  trois  jours.  Elle  sait  qu'une  créature  humaine  ne  peut  vivre  plus  de 
ciuelques  heures  enfermée  dans  cette  châsse  ;  c'est  donc  la  mort  de  Colombe 
qu'elle  médite,  avec  la  complicité  de  Scozzone. 

Benvenuto  ignore  toujours  l'amour  d'Ascanio  pour  Colombe,  amour 
partagé  par  la  jeune  fille.  Scozzone  se  charge  de  lui  ouvrir  les  yeux,  et  le  fait 
assister  à  un  entretien  entre  les  deux  amants.  Après  un  moment  de  rage  et  de 
désespoir,  Cellini  se  sacrifie  et  renonce  à  sa  passion  insensée.  Il  sauvera 
Colombe,  mais  c'est  pour  Ascanio  qu'il  demandera  sa  main  à  François  l". 

'Vaincue  par  ce  noble  dévouement,  dévorée  de  remords  à  l'idée  du  crime 
qu'elle  voulait  commettre,  Scozzone  s'immole  à  son  tour;  elle  prendra  la  place 
de  Colombe  dans  le  reliquaire,  et  celle-ci,  cachée  sous  les  habits  et  la  cape 
de  la  Florentine,  pourra  sortir  du  Nesle  et  se  réfugier  au  ccuivent. 

Les  ordres  de  la  favorite  sont  exécutés  ;  la  châsse  est  apportée  au  Louvre, 
et  quand,  au  bout  de  trois  jours,  la  duchesse  d'Étampes  ouvre  le  reliquaire 
afin  de  s'assurer  que  Colombe  est  bien  morte,  elle  se  trouve  en  présence  du 
cadavre  de  Scozzone. 

Je  n'ai  pu,  dans  cette  rapide  analyse,  qu'indiquer  à  grands  traits  l'intrigue 
principale  et  les  situations  fort  intéressantes  et  très  dramatiques  qui  en 
découlent.  Ces  situations,  —  c'est  là  l'aspect  original  du  livret,  aspect  tout 
à  fait  nouveau  à  l'Opéra  et  qui  a  paru  plaire  fort  au  public,  —  sont  encadrées 
dans  des  tableaux  légers  et  charmants,  qui  font  d'Ascanio,  en  dépit  de  son 
dénouement  tragique,  plutôt  une  «  comédie  lyrique  »  qu'un  opéra. 

Et  c'est,  en  etîet,  en  véritable  comédie  lyrique  que  M.  Saint-Saëns  a 
traité  la  partition   d'Ascaiiif)  :  il   nous  a  donné,  dans  cet  ordre  d'idées,  une 


formule  tout  à  fait  neuve  ;  il  a  tracé  une  voie  nouvelle  aux  musiciens 
modernes,  à  côté  du  drame  lyrique,  si  cher  à  la  jeune  école. 

M.  Camille  Saint-Sacns  n'a  pas  cependant  tout  à  fait  répudié,  dans  cette 
œuvre  curieuse,  les  anciennes  formes  de  l'opéra.  Le  dialogue  musical  —  et 
ce  dialogue  est  écrit  a\ec  une  facilité,  une  élégance,  un  naturel  merveilleux  — 
est  coupé  par  des  airs,  des  duos,  des  trios  et  un  magnifique  quatuor  qui  a 
produit  un  grand  efi'et.  Mais  le  compositeur  a  rajeuni  ces  anciennes  formes  à 
l'aide  des  Icit-motivcn  ;  la  partition  à^Ascanio  en  contient  au  moins  une 
quinzaine,  qui  reviennent  constamment,  sous  des  aspects  difierents,  au  cours 
de  l'ouvrage  :  le  motif  du  travail,  le  motif  d'Ascanio,  le  motif  de  l'affection 
de  Cellini  pour  Ascanio,  de  la  jalousie  de  Scozzone,  du  Jupiter,  de  l'Hébé,  de 
la  duchesse  d'Étampes,  etc. 

Les  qualités  maîtresses  de  cette  partition  sont  la  clarté,  la  sincérité,  la 
noblesse  d'allure,  une  instrumentation  ciselée  avec  un  art  admirable  et 
merveilleuse  de  souplesse  et  de  coloris. 

La  place  me  manque  pour  citer  les  pages  les  plus  remarquables  de  ce 
magnifique  ouvrage;  cinq  ou  six  de  ces  pages  sont  redemandées,  chaque  soir, 
par  le  public  de  l'Opéra,  généralement  si  froid  et  si  sceptique.  Ascanio  est 
incontestablement  la  meilleure  partition  de  l'illustre  auteur  d'Henry  VIII,  de 
Samson  et  Dalila  et  à' Etienne  Marcel. 

L'interprétation  à'' Ascanio  est  digne  de  tous  points  de  la  haute  valeur  de 
l'œuvre.  Il  faut  d'abord  mettre  tout  à  fait  hors  de  pair  M.  Lassalle,  qui  a  mis  sa 
superbe  voix,  son  autorité  et  son  talent  en  pleine  maturité  au  service  du  rôle 
écrasant  de  Benvenuto,  dont  il  a  fait  une  magnifique  création;  l'éminent 
baryton  a  obtenu  un  véritable  triomphe. 

M.  Cossira  soupire  avec  un  goût  exquis  et  une  voix  charmante  le  joli 
rôle  d'Ascanio.  M.  Plançon  est  un  François  l'"'  d'une  noblesse  et  d'une 
élégance  parfaites;  il  chante  ce  rôle  avec  beaucoup  de  largeur  et  de  style. 
M.  Martapoura  a  été  très  justement  applaudi  dans  la  scène  du  mendiant. 
MM.  Téqui,  Gallois,  Bataille  et  Crépaux  tiennent  avec  talent  de  petits  rôles. 

Madame  Adiny,  fort  belle  en  duchesse  d'Etampes,  a  interprété  le  dernier 
acte,  qu'elle  remplit  presque  tout  entier,  en  grande  cantatrice  dramatique. 
Madame  Bosman,  tout  à  fait  charmante  en  Scozzone,  a  fait  bisser  sa  chanson 
florentine  du  second  acte.  Enfin  mademoiselle  Eames,  adorablement  jolie,  a 
chanté  le  rôle  de  Colombe  avec  beaucoup  de  charme  et  de  séduction. 

Les  chœurs,  sous  la  direction  de  M..  Jules  Cohen,  M.  Vianesi  et  sa 
remarquable  phalange  d'instrumentistes  ont  vaillamment  contribué  à  cette 
brillante  exécution. 

Le  ballet  d'Ascanio,  qui  occupe  tout  le  troisième  acte,  est  un  grand  diver- 


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M^Plançon  M''  Bataille 


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tissement   mythologique,    dont    le  prétexte   est  la   réception    de    rcmpcreur 
Charles-Quint  par  François  I",  dans  le  Jardin  des  Biiys,  à  Fontainebleau. 

La  musique  de  ce  ballet,  d'une  distinction  et  dune  finesse  exquises,  est 
un  véritable  bijou;  elle  suffirait,  à  elle  seule,  à  assurer  le  succès  de  l'ouvrage. 
M.  Hansen  a  réglé  avec  beaucoup  de  goût  et  de  talent  les  diverses  scènes  de 
ce  divertissement.  Signalons  surtout  la  jolie  scène  de  l'Amour  et  Psyché, 
interprétée  supérieurement  par  mesdemoiselles  Désiré  et  Chabot,  et  la  varia- 
tion dansée  par  mademoiselle  Désiré  sur  un  motif  de  flûte,  qui  a  valu  un  bis 
à  la  charmante  ballerine  et  une  ovation  bien  méritée  au  savant  flûtiste  Taffanel. 

Citons  encore,  parmi  les  dieux  et  les  déesses  les  plus  applaudis  : 
mesdemoiselles  Lobstein,  une  superbe  Vénus;  Torri,  un  Apollnn  plein  de 
noblesse;  Keller,  Invernizzi,  Ottolini,  Grange,  Biot,  etc. 

La  direction  de  l'Opéra  a  fait  des  merveilles,  pour  encadrer  dignement 
l'ouvrage  de  MM.  Gallet  et  Saint-Saëns. 

Les  costumes,  dont  nous  parlons  en  détail  à  notre  dernière  page,  sont 
d'une  richesse,  d'une  exactitude  et  d'une  variété  dignes  des  plus  grands  éloges. 

Les  décors  sont  tous  très  beaux.  Le  second  et  le  quatrième,  peints  par 
MM.  Lavastre  et  Carpezat,  sont  de  véritables  chefs-d'œuvre. 

Voici  la  description  de  ces  décors  : 

PREMIER  TABLEAU.  —  Les  ateliers  de  Benvenuto  :  vielle  salle  encombrc-e  d'établis, 
de  chevalets,  de  dressoirs  chargés  de  pièces  d'orfèvrerie.  A  gauche,  le  modèle  en  argile  du 
Jupiter.  A  droite,  une  immense  verrière  (Lavastre  et  Carpezat). 

DEUXIÈME  TABLEAU.  —  La  place  du  Cloître  des  Augustins  :  à  droite,  le  clievei 
d'une  chapelle;  du  même  côté,  au  second  plan,  les  deux  Nesles;  au  fond,  la  Seine  et  le  pano- 
rama du  vieux  Louvre  (Lavastre  et  Carpezat). 

TROISIÈME  TABLEAU.  —  L'atelier  de  Benvenuto,  au  Grand-Nesle  :  à  gauche, 
la  châsse;  à  droite,  la  statue'tte  d'Hébé,  couverte  d'un  voile;  au  fond,  le  jardin  du  Peiii- 
Nesle  tout  ensoleillé  et  rempli  de  fleurs.  (Rubé  et  Chapron). 

QUATRIÈME  TABLEAU.  —  Le  jardin  des  Buys  à  Fontainebleau  :  à  droite  et  à 
gauche,  les  jardins  magnifiquement  décorés,  et  l'estrade  royale;  au  fond,  un  escalier  à  double 
révolution  conduisant  sur  un  pont,  au-dessous  duquel  coule  une  cascade;   au  delà,  la  lorct. 

CINQUIÈME  TABLE.\U.  —  Même  décor  qu'au  troisième. 

SIXIÈME  TABLEAU.  —  Une  salle  du  Louvre. 

MM.  Ritt  et  Gailhard  n'ont  rien  négligé  pour  augmenter  la  splendeur  ci 
la  magnificence  du  spectacle,  et  la  représentation  à^Ascanio  fait  le  plus  grand 
honneur  aux  directeurs  de  notre  Académie  nationale  de  musique. 

F.     .MOBISSON. 


6  — 


ADA    ADINY    et    EMMA    EAMES 

La  Force  et  la  Grâce. 

Toutes  deux  venues  d'outrc-mer,  toutes  deux  ayant  passé  leur  enfance  au  même 
lieu,  toutes  deux  se  distinguant  par  l'allure  provocante  du  nom,  dont  la  sonorité 
rappelle,  avec  une  intlcxion  de  détî,  les  deux  svllabes  du  prénom. 

Et  puisque  le  sort,  qui  les  Ht  se  rencontrer  à  l'Opéra,  les  réunir  encore  dans 
Ascanio,  où  toutes  deux  font  ensemble  leur  première  création,  relàchons-nous,  pour 
une  fois,  de  la  règle  jusqu'alors  suivie,  en  ne  les  séparant  point  devant  notre  objectif 
et  en  ne  mettant  qu'une  seule  plaque  pour  les  deux. 

Addie  Chapman,  dite  Ada  Adin\%  fille  d'un  instituteur  de  Boston,  est  demeurée 
de  bonne  heure  orpheline  et  a  été  élevée  par  sa  grand'mère,  Mrs  Chapman,  qui.  au 
bout  de  quelques  années,  est  venue  se  fixer  à  Florence  avec  elle  et  y  vit  encore  actuel- 
lement. Rêvait  déjà  de  l'Opéra,  paraît-il,  avant  qu'il  ne  fût  achevé,  lors  de  son 
premier  voyage  à  Paris  (exposition  de  1867).  Ses  promesses  de  voix  s'affirmant,  elle 
devient,  à  Florence,  l'élève  du  maestro  \'anuccini.  qui  ne  cessera  plus  de  lui  donner 
des  conseils  jusqu'au  seuil  de  l'Opéra.  Puis,  en  1878,  on  la  ramène  à  Paris,  où  elle 
reçoit  les  leçons  de  la  grande  artiste  Pauline  Viardot. 

Enfin,  l'année  suivante,  à  l'âge  de  dix-neuf  ans,  elle  paraît  sur  la  petite  .scène  de 
Varese,  bourgade  de  la  province  de  Côme,  dont  le  public,  fier  d'avoir  eu  jadis  les  pre- 
mières notes  de  Gayarré,  se  pique  volontiers  de  sévérité  et  est  justement  redouté. 
C'est  le  Rouen  de  l'Italie.  Engagée  aux  mirifiques  appointements  de  deux  cent  cin- 
quante francs  par  mois,  Ada  Adiny,  dont  le  premier  emploi  est  celui  des  chanteuses 
légères,  y  débute  dans  Dinorah^  adaptation  italienne  du  Pardon  de  Ploërmel.  —  Et 
son  succès  est  si  vif  que,  séance  tenante,  l'imprésario  Ferrari  l'engage  pour  sa  tournée 
de  l'Amérique  du  Sud,  moyennant  huit  mille  francs  par  mois.  ^  C'est  déjà  un 
petit  progrès. 

Ses  étapes  sont  ensuite  :  New-York,  La  Havane,  Prague,  Madrid,  Nice  et  Vérone. 
Dans  cette  carrière,  tout  italienne,  elle  continue  de  s'adonner  au  répertoire  des  chan- 
teuses légères  :  Inès,  de /'.l/'/-/a7/7Zf,  Marguerite,  de  Faust,  la  reine,  des  Huguenots^ 
et  même  la  Linda,  où,  par  une  cruelle  fantaisie  autorisée  dans  ce  genre  de  sport,  elle 
se  donnait  parfois  le  luxe  d'un  fa  au-dessus  des  lignes. 

Ce  fut  à  Vérone  qu'une  brusque  évolution  la  conduisit  à  opter  désormais  pour  les 
sopranos  dramatiques.  S'étant  essayée  dans  les  rôles  d'Aïda  et  de  Rachel,  elle  y  réussit 
tellement  que  M.  Gailhard,  venu  afin  de  l'entendre,  lui  conseilla  de  quitter  le  théâtre 
pour  un  temps  et  d'aller  se  mettre  à  Paris,  sous  la  férule  de  M.  Sbriglia,  le  célèbre 
maître  de  Jean,  Edouard  et  Joséphine  de  Reszké. 

Le  conseil  fut  trouvé  bon  et  a  porté  ses  fruits. 

Moins  de  deux  ans  après  —  le  6  mai  1887  —  Ada  Adiny  faisait,  à  l'Opéra,  un 
excellent  début,  en  reprenant,  dans  le  Cid,  la  succession  de  mesdames  Fides  Devriès 
et  Rose  Caron.  Et  indépendamment  de  Chimène,  qu'elle  a  chantée  déjà  trente-deux 
fois  (c'est-à-dire  beaucoup  plus  souvent  que  ses  deux  devancières),  elle  s'est,  par  un 
travail  constant  et  avec  de  sérieux  progrès,  emparée  peu   à  peu  de  tout  le  répertoire, 


en  abordant  successivement  :  en  1887,  Aida  (qui  demeure  jusqu'ici  son  rôle  de  prédi- 
lectionj,  Valentine,  Selika  et  doria  Anna;  en  188S,  Brunehild,  de  SiffU7\i  et  Rachel,  de 
la  Juive;  en  1889,  Catherine,  de  Henry  17//. 

Enfin,  avec  Ascanio,  1890  lui  apporte  sa  première  «  figure  neuve  »  à  composer. 
—  Elle  aurait  pu  mieux  tomber  :  cette  silhouette  d'Anne  de  Pisseleu,  duchesse 
d'Étampes,  la  blonde  et  très  pâle  Picarde  que  l'histoire  a  surnommée  «  la  méchante 
maîtresse  »  du  roi.  n'était  point  du  tout  son  fait.  Ses  qualités  elles-mêmes  se  trouvant 
réfractaires  à  cette  incarnation,  ce  qui  aurait  du  être  une  bonne  chance  pour  Ada 
Adiny  ne  lui  a  été,  en  somme,  que  l'occasion  de  donner  une  preuve  de  dévouement  à  la 
maison  qui  se  l'est  attachée  et  dont  elle  est  devenue  un  des  solides  soutiens.  Mais  là 
encore,  elle  a  eu  ce  grand  mérite  de  mettre  de  réelles  qualités  d'intelligence  drama- 
tique au  service  d'un  personnage  où  l'action  a  plus  de  part  qu"il  ne  convient  dans 
une  œuvre  h'rique  et  dont,  sous  tous  les  rapports,  Réjanc  —  presque  son  antipode  — 
aurait  été  l'interprète  rêvée. 

Emma  Eames,  elle,  a  ce  bonheur  de  n'avoir  encore  point  d'histoire. 

Fille  d'Amérique  aussi,  elle  est  née  à  Shanghai,  où  son  père  exerçait  alors 
(en  1868)  des  fonctions  diplomatiques.  Amenée  à  Boston  dès  l'âge  de  quatre  ans,  c'est 
dans  cette  ville,  comme  Ada  Adiny,  qu'elle  a  été  élevée.  Son  premier  maître  fût  sa 
mère,  qui,  lorsque  devenue  grande, elle  fitminede  se  révéler,  la  conduisit  à  Bruxelles, 
où  elle  reçut  la  précieuse  direction  de  M.  Gevaert.  De  là,  elle  passa  à  Paris,  à  l'école 
de  madame  Marchesi,  qui  acheva  de  la  mettre  en  état  de  se  risquer  à  l'Opéra,  sans 
avoir  jamais  toulé  les  planches  d'aucune  autre  scène.  Un  instant  même  elle  faillit 
être  la  première  Juliette  de  l'Opéra,  mais  on  redouta  pour  elle  cette  formidable 
épreuve  et,  tandis  que  madame  Dardée  succédait  provisoirement  à  Adelina  Patti, 
Emma  Eames  dut  se  livrer  encore  à  un  travail  d'assouplissement  de  trois  mois,  avec 
MM.  Gailhard  et  Mangin,  avant.de  paraître  enfin  devant  le  public,  en  cette  soirée  du 
i3  mars  1889,  où  son  triomphe  eut  tout  l'éclat  du  plaisir  inattendu. 

Ce  fut  un  long  enchantenient  que  cette  représentation  de  Roméo  et  Ju/icl/c,  où 
la  petite  débutante  brilla  tout  naturellement  à  côté  de  Jean  de  Reszké  et  où, 
pour  la  première  fois  —  disons  même  pour  la  seule  — on  reçut  de  l'interprète  h; 
double  impression  du  rôle  la  virginale  et  l'amoureuse.  —  Et  à  ce  sujet,  je  ne  peux  que 
reproduire  ici  ce  que  j'écrivais  ailleurs  au  lendemain  de  cette  heureuse  soirée  : 

«  Mademoiselle  Eames,  qui  n'a  guère  plusde  vingt  ans,  avaiiséduittout  d'abord  son 
public  par  son  charme  naturel  et  sa  physionomie  expressive,  qu'éclairent  deux  grands  yeux 
bleus.  Fort  jolie  et  très  «  jeune  fille  »,  elle  est  bien,  au  point  de  vue  physique,  l'héroïne 
rêvée  par  Shakespeare.  C'est  avec  joie  qu'on  a  constaté,  en  outre,  chez  la  gracieuse 
débutante,  une  voix  fraîche  et  pure  que  l'étude  ne  tai\iera  pas  à  assouplir,  et  surtout 
une  intelligence  scénique  qui  dénote  un  vif  sentiment  de  l'art.  » 

Après  le  rôle  de  Marguerite,  où  Emma  Eames  a  plu  ensuite  par  la  force  péné- 
trante de  sa  sensibilité;  après  celui  de  Colombe  d'Estourville,  où  sa  tlamme  intérieure 
se  laisse  deviner  sous  l'insouciante  mélancolie  de  la  ballade  du  deuxième  acte,  je  n'ai 
rien  à  ajouter  à  mes  pronostics  optimistes.  Mais  je  n'ai  rien  à  en  retirer  non  plus. 

Je  disais,  en  commençant,  que  mademoiselle  Eames  n'a  pas  d'histoire,  et  je  ter- 
mine en  prévoyant  que  je  n'aurai  pas  à  le  dire  longtemps. 

René-Benoist 


NOS    DESSINS 


M.    LASSALLE    [Benvenulo). 

Premier  tableau.  —  Costume  d'atelier:  Maillot  de  soie  rouge  antique.  Pourpoint 
court  de  velours  noir,  laissant  passer  les  manches  d'une  chemise  de  fine  toile. 

M.  GOSSIRA  (Ascaniù). 

Quatrième  tableau.  —  Pourpoint  de  dessous  très  ajusté,  en  soie  mate  héliotrope  foncé. 
Ceinture  escarcelle  velours  pourpre  brûlée.  Bonnet  orné  d'un  motif  en  bijouterie.  Pourpoint 
de  dessous  en  brocart  bleu  gris,  à  grands  ramages, vert  éteint  et  orange  pâle.  Maillot  de  soie 
bleu  gris.  Chaussures  de  velours  noir.  Chaîne  d'or  au  cou. 

M.  PLANGON  [François  1"). 

Quatrième  tableau.  — ■  Ce  costume  est  la  reproduction  exacte  du  François  /"  de  Clouet 
(tableau  du  Louvre,  n"  109). 

Madame  AD  IN  Y  (Duchesse  d'Étampe). 

Premier  tableau.  —  Cotte  de  dessous,  en  velours  vert  pois.  Vertugade  en  ottoman,  à 
grosses  côtes  rose  pêche,  avec  double  bouillon  et  avant-bras  en  soie  pareille,  toute  garnie 
de  soie  vert  pois  clair  brodée  vert  pois  soutenu.  Mariette  en  velours  vert  pois  foncé,  avec 
revers  garnis  de  passementerie  trois  couleurs  de  vert  et  or.  Mancherons  de  la  marlotte  en  soie 
vert  pois  clair  rebrodé.  Cheveux  rouge  vénitien,  coiffés  en  passe-filon.  Résille  de  perles. 
Chapeau  à  l'allemande,  en  velours  vert  pois;  plume  pêche.  Costume  composé  d'après 
Rabelais  (abbaye  deTélesmes). 

Madame    B OSMAN   [Sco:{ione). 

Costume  type,  compose  d'après  Césare  Vecellio,  ce  parent  du  Titien,  auquel  on  doit  une 
si  jolie  suite  de  costumes  du  xvi'"  siècle, 

.lupe  de  dessous  à  dents,  en  soie  mate,  couleur  cuivre  rouge.  Jupe  de  dessus,  formée  de 
bandes  de  soie  brochée  vert  pré,  reliées  les  unes  aux  autres  par  des  piécettes  d'argent. 
Manches  florentines;  mêmes  détails  que  la  jupe.  Corselet  de  velours  laque  violette,  avec 
ornement  soie  or  vert  rebrodée  de  fleurettes  de  jais  de  diverses  couleurs.  Chemisette  de  tin 
crépon.  Collier  de  perles  de  corail  et  or.  Coiiîure  en  épingles  d'argent,  comme  les  paysannes 
italiennes. 

Mademoiselle  EAMES  [Colombe). 

Quatrième  et  cinquième  tableaux.  —  Corselet  drap  de  soie  blanche,  tout  uni.  Manches  à 
bandes  dans  le  haut,  et  ajustées  à  l'avant-bras  en  broché  de  soie  rose  pâle.  Jupe  à  mille  plis, 
en  crépon  blanc,  garnie  dans  le  bas  d'un  biais  de  broché  de  soie  rose  et  argent.  Coiffe  en 
velours  rubis,  garnie  de  perles,  avec  chaperon  pendant  en  crêpe  de  Chine  rose  pâle. 


Les  costumes  d'Ascanioonxéié  composés  par  M.  Bianchini,  le  savant  dessinateur  de  l'O- 
péra, avec  un  talent  qui  s'atiirme  à  chaque  pièce  nouvelle.  M.  Bianchini  puise  ses  documen^ts 
aux  sources  les  plus  authentiques  et  ses  costumes  sont,  en  même  temps  que  d'une  grande  ri- 
chesse et  d'un  goût  parfait,  d'une  vérité  saisissante. 

Pour  établir  les  délicieux  costumes  du  ballet,  M.  Bianchini  s'est  inspiré  de  la  mytho- 
logie vue  par  les  artistes  de  la  Renaissance,  tels  que  Jean  Goujon  avec  les  quatre  nymphes 
de'la  fontaine  des  Innocents,  — c'est-à-dire  longues  tuniques  tenues  sous  les  seins  par  des 
rteurs  et  des  émaux.  Ce  costume  n'était  guère  compatible  avec  les  exigences  chorégraphiques. 
Aussi  les  premières  danseuses  ont-elles  conservé  le  juponnage  traditionnel. 

Tous  nos  compliments,  en  terminant,  à  M""^  Floret,  l'habile  costumière  de  l'Opéra,  quia 
exécuté  toutes  ces  merveilles  avec  son  talent  et  son  goût  habituels. 


Maison  Qiiantin.  L.-II.  iMay,  directeur,  7,  rue  Saint-Iienoit,  Paris.  Le  Ocrant  :  A.  Lévy. 


Le  Costume  au  théâtre  et  k 
la  ville 


livr./+3 


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