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LE
DÉSERTEUR,
D R.A ME ^
£N PROSE ET EN CINQ ACTES j
Par M. MERCIER.
Mil an Théâtre , avec des Changemens |
Par M. J. P AT RAT. . ^
Représenté , pour la première fois , à Brest , l6
aj Janvier 1771 ,
Ec remis au Théâtre de Lyon , ait mois de
A LYON,
Chez C A 5 T A u D , Libraire , place de U
Comédie.
M. D C C, L X X I,
*P ER s b N KACES
îa«e.vI.t7ZERE, veuve d'un Manufjjctarier.
• î \ift Y, filié de madame Luzere.
V^^RIMBL, jeune Français, conduisant '
t -commerce <ie madame Luzere.
Le Chevalier deSAINX-FRANÇ, Majo
décoré de la Croix de St. Louis.
V^LCOUkx, jeune Oificier.
M. H O C T A U , vieux garçon.
■^ FRIDRIC, domestique de Mad. Luzère,
iaDçs SOLDATS.
L action se passe dans «une Retite ville <iAlk
snagne, frontière de France.
K*
La Sclnc est clu[ Mad. Luiire.
«..
V 'J
LE Déserteur;
DR À Ha.
. A C T
Le Théâtre représente une Salit à F allemande i
avec un poêle de fayence contre le mur ^ uw
porte dans le fond ^ seule issue de f appartement ,
et du coté droite près du po'éle^ une petite porte
de cabinet entrouverte.
SCENE PREMIÈRE.
M. HOCTAU, Mad. LUZERE, sont assis
pris du poêle à la levée du rideau,
^ M •• H O C T A u ♦, continuant la conversation*
Et tout c^a vient fondre sur nos pailHers 1 ides
bataillons «ans fin 1 infanterie, cavalerie, dra-
•gQjj-s , troupes légères , houzards , des bagages^
'^'un train d'enfer 1 Oh! malheureux paysl Ce
déluae annonce notr^ raine ; ^ je Tavois bîeii
prévu.— Vous souvient-il, madame, de ce que
j'ai dit il y a deux-ans, en vous lisant la gàzéttç
du 6 mars l J'ai vu yenir la.guerre de ce côté-ci ^
toxx% convme ceux qui lont imaginée. . / .
Mad. L tJ z E R E.
Eh bien , que pouvons-nous y faire , mon chel?
.14. Hoctau î ba marche des armées ne se règle
point d'après nos avis. Payons en silence , voilà
notre lot. Heureux si , par ce moyen , nous échap-
pons aux horreiyrs qui nous environnent.
M. Hoctau.
Ces troupesî françaises ♦qui sont à nos portes, ne
A *
4 LE DÉSERTEUR:
vont- elles pas encore nous forcer à des réjouissances
publiques pour célébrer leur bonne arrivée !
Mad. L U z E R E.
M^îs parlons franchement : qu a fait pour nous
cette milice avide qui se dîsoît nos alliés , nos dé-
fenseurs? Ils semblent n'être venus ici que pour
diLVànteç les.ennenîis dans lart du pillage : ^ les
français Atri vent; on leur cède la place : ils ne
feront pas pis que les autres j ils vivront seulement
à nos dépens. .
M. H O C T A u.
Il est vrai que je n^'attendois que nos troupes ,
au Heu de s'évader , alloîent -. j'enrage de bon
cœur. ^ On n'a pas seulement tiré un coup de
fiisil , et les français sont nos maîtres.
Mad. L u Z E R E.
J'aime mieux que les choses se soient ainsi pas*
fiées , que d'avoir vu le sang ruisseler dans les rues 5
et peut-être les quatre coins de notre petite ville li-
vrés auic flammes. Puisque nous devions avoir des
troupes^- autant vaut des français....
M. H O C T A U. \
'YotMi^avez beau dire , je n'aîme pas les fran5ais9
et A je suis bon patriote. '-=• M'entendei- vous ,
madame ? ^ /
Mfad. L u z E R E.
Que yoiiïèz-vous dire? ejcpliquez-vqus ouver-
tement. ..
M. H O c T A u.
Oui y oui y nous le voyons bien , vous ne haïssex
pas les français.
Mad. L u z £ R £.
Je suis bien loin de haïr aucune nation , et je ne
jne cache pas d'estimer dans le français plusieurs
excellentes qualités.
M. H C T A: U. '
Vous ne le f^iites que trop^i^oir^ par celui que
vous avez chez vous depuis sept ans. U ne fait^
DRAME. 5
cliaque jour, que prendre un ton plus haut dans
cette ville : on diroic qu'il est déjà ... je ne veux
pas dire« • . •
Mad. L u z £ R £.
Ditçs y dites. ^ Celui dont vous parlez est vtn
jeune homme d'un mérite rare ^ M. Hoctau ; il est
prudent » économe , intelligent, laborieux; et^
veuve comme je le suis , il m'était impossible de ren«r
contrer un homme plus utile à mon commerce. *-^
Pourriez-vous lui en vouloir i
M. H o c T A U.
Hom ! • • . Mais vous ne savez pas les bruits que
J*on fait courir^ *— tous vos amis en sont scaadalifiés.
Mad. L u Z £ R £y souriant*
£h ! . . , quels bruits donc ?
M. Hoctau.
On va jusquà* oser parler du mariage dé cet
llûrame-^là avec votre fille , et vous sentez. . . ..
Mad. L u Z £ R £ , souriant.
Oui y je sens qu'un bruit pareil peut inquietter ;
et pour le faire cesser , je veux que ^ dans les vingt-
quatre heur^ , Durimel soit son époux.
M. Hoctau, étoufant dt dépit.
Comment?... Mais... Comment?... Son époux l
Mad. LUZ£R£ , avec ironie , la première phrase
C'est à cause du bruit , M. Hoctau : vous l6
savez , les bruits sont dangereux. ^ D'ailleurs ^^ nia
fille a près de dix-huit ans , Durimel en a près de
trente : quels nœuds mieux assortis 1 d'un autre
côté, voici des officiers qui arrivent en fott^te j il
est important de marier les fille$.
M. H o c T A U.
Non , je n'en reviens pas. — Mais ouWHez-vouf
Tantipathie que défunt votre époux avoir pour les
français ? ne craignez- vous pas d'irriter son ombre?
Mad. L U z £ R £ ^ tranquillement •
Non ^ M. Hoctau ; il n^ ^. que les vivans qui
s*îrritent , et souvent poux des. affaires qui ne le&
regardent pas, A |
L E DE S E.R T EU R,
M. H O C T A u.
Vous rne payez d'ingratitude, madame I Voui
avez aussi oublié l'espoir qit a fait naître le refus du:
iecbnd époux que )e m'empressai de vous offrir dès
\^% premiers jours de votre veuvage.
- Mad. LUZ£RE , avec ironie la premiire phrase.
^ Il est vrai : ma fille vous doit beaucoup de rc-
Cônnoissance de vous être offert pour être lorf beau-
père. ^ A^ais je vous ai assez fait connoîrre com-^
t)ien j^imois qu'une mère osât se sacrifier pour son
enfant. Je n'avoîs que quelques années à attendre :
elles sont écoulées. Ma fille n'aura point rougi à ma
ttôec y et je paroîtrai avec honneur à la sienne, '
M. H 6 CT A u.
Quoi 1 mes espérances seront trompées! moî qui
ai toujours cru que jamais un autre. • •
Ma.d. L U Z li K £ , ironiquement. r
On ne peut pas tout savoir , M. Hoctau ; et tel
qui prédît si bien, sur une gazette , les révolutions
de l*Çurppe,lit souvent fort mal dans les yeux d'une
jeune fille, r* Maïs la voici. ^ Sî eHe vous veuç
pour époux, je ne m'y opposerai point. .
S C E M E 11.
M. HOCTAU ^Mad. LUZERE, CLARY.
Mad. L u z E R K.
. Clary t vous venez fort à propos. On vous dp*^
0iande à toute force en mariages N'^im^riez- vous
jas bien M. Hoctau pour votre époux ?
Clary, ingénûmeht.
Je raîmeraî dans toute autre occasion ; mais ,
cour mon époux ! . . . Oh ! non , ma chère bonne
maman. i;^:
Mad. L x; ZTE. R E, :
Pourquoi donc ? ^
C t A R Y.
r Mais vous le^ savez aus» bien que moi. Je vo»
V
DRAME. ^ r
ifonfie mes pensées les plus secretces , et je vous
ai avoué. ... ' ^
Mad. L u z E R £.
Achevez,
Cl A R Y , avec une madtstc confusion..
Le nommer I . . . — ■' Ah ! vous le connoissez bien.
M- Ho C T R u.
Quoi 1 .mademoiselle ? un français , qui vient de
[enesais„où, cjui n'a rien au monde, arrivé ici;
par aventure, . . • vous le préférez à moi, dont les
ayeux , depuis deux cents ans, sont honorés danS'
cette province s ^ nioi , qui possède des maisons
dans cette ville , où je puis aspirer à tout 1 ( A
madame Lu^irt. ) Ah ! triadame, line mère pru- '
dente ne devrott pas laisser faire à une fille sans^
expérience , une étourderie ds cette force-là. '^
Mad. L u z E R E.
Clary , c'est à vous à faire iinp réponse.
C L A R Y.
Elle sera bien simple. ^ Nos "âgés , nos goûts ^
003» sentimens, tout diffère : un bonheur mUtuel ne'
seroit pas le fruit de nos nœuds. ^ Nous vivrons'
bien mieux amis qu époux. ^ Soyez généreux :
mettez seulement rajnour de côté, et je vouspro-^
teste que vous ne m'en deviendrez que plus cher*
M. H O C T A U.
Je vous ai vu haîtrc , mademoiselle. — Me dé-
daigner ainsi ! '^^ Moi qui vous aurois donné tout
mon bien I ^ me préférer un 1 . . .
Mad. L U Z E R E.
M. Hoctau ....
M. Hoctau, furieux.
Laissez-moi , madame, laissez-moi. Il n*y a pltis
<ju*ingratrtude , dureté et trahison sur la terre. ►-
Comme tout est changé ! -- que le rtxonde est
haïssaBîe^î qû'îTest perverti l •- Ah 1 qu'es^ devenu
votre défunt \ Cet oit moi^ami ; c'étoit là un homzM
A4
■ ■» 1
s LEDÉSERTEUR, '
d'an sens droit , éclairé. ^ Hélas 1 on ne voit que
trop ici qu'il n*y est plus.
( // ^ortp et ne tin pas la porte après lui. )
SCÈNE I 1 L
Mad. LUZERE,CLARY.
Mad. L u 2 E ç. E.
Il m'attriste I — Je n'aime point à voir le chagrin
dans le cceur de ceux même qui ne respectent point
la sensibilité d'autrui : il «st vrai qu'il falloit une
bonne fois l'écondui^-e^^
C L A R Y,
Quelle différence entre Durîmel et lui 1 Oh ma
snère 1 c'est vous qui faites son bonheur et le mien.
Le ciel même a , conduit ici ce français : il vous
chérit comme moi; vous êtes témoin de notre ten-
dresse. ^ Il paroît bien sincère : — tout ce qu'il dit
peint l'honnêteté^ la vertu. ( D'un ton plus timide.)
Vous êtes toujours décidée en sa faveur ? ^ Cela
me fait tant de plaisir , que j'appréhende quelque-
fois de vous voir changer. Ce pays - ci e^t plein
d'envieux. ...
Mad. L u z E R E.
Ma chère enfant , puisque tu l'as choisi , il est
à toi : je le crois digne de ton amour. En te le don-
nant , qu'il m'est doux de satisfaire à la fois et mon
cœur er ma reconnoissaucel ^ Viens ici. ( Elle la
fait asseoir auprès d'elle ^ à la place quoccupoit
M. Hoctau ; elle lui prend les mains , et lui dit
affectueusement : ) Ma fille, il faut être avec ton
époux , affable , complaisante; préviens le moindre
nuagç qui pourroit obscurcir un seul de tes beaux
jours. Nous, n'avons point la force en partage ; une
douceur af&ctueuse, voilà nos seules arme^ : ^ fuis
les inégalités, évite les caprices, ils sont lecueil
de l'amour. ^ Sous le joug de l'hymen , des tortf ^
d'abord insensibles et légers 5 composent quelque-
Ibis la matière dangereuse des discordes. ^ Il f^ut
mmmmmmmmmmtmmm
DRAME. 9
ni*ouvrîr toujours ton atne , a^n que mes conseils
préviennent ou dissipent tout ce qui pourroic res-
sembler aux orages.
C L A R Y , embrassant sa mère*
Ahl vous n'aurez pas cette peine-là.
( Btndant h couplet suivant^ M, Hoc tau rentre^
comme un homme qui a oublié de dire quelque
chose ^important : la porte quil a laissée ou^
verte , lui facilite le moyen d'entrer sans itrd
entendu ; et voyant madame Lu^ère et sa fille
dans l'entretien le plus animée il se glissit ddns
le cabinet pour les écouter. )
Mad. L u z £ R Ë.
3*en accepte l'augure, ma chère enfant;^ tu
touches au moment où tu vas commencer un Heu
bien doux , mais non moins sérieux. Les devoirs*
d'épouse vont succéder à ceux de fille : Hs sont plus
importans , plus étendus , plus a uguste s, ^ Elève ^
affermis ton courage , agrandis ton ame , disposes-
la à tout événement. — . J'ai promis à M. Hoctau
que dans vingt-quatre heures Durîmel seroit toa
époux.
C L A R Y , se retirant d'entre les bras de sa mlre^
étonnée et confuse.
Dans vingt-quatre heures l . . . Dieu l i . . vous
m'avez toute saisie. — Je pense. ... Oh 1 c'est trop-
tôt aussi.
Mad. L U Z E R E , lui souriant amicalement.
Pourquoi trop-tôt ? j'ai toujours pensé qu'on ne
marioir q.ue trop tard deux personnes qui s'aiment.
( Plus sérieusement. ) Cette ville eiît en proie à
Tétranger . . . vous avez besoin d'un protecteur.
--LAR Y , baisant les mains de sa mère.
Avec quelle tendresse vous veillez sur* mon
bonheur !
Mad, L u Z E a E*
Le voici qui vient fort à propos. Nous allqns
U mettre au comWe de la joie. ( D'un air riant. )
Comme il va déraisonner 1
lo L E D É s E R T EU R,
C L A R Y 3 émut.
Je suts toute troublée. . . Je ne suis. . . Non, ^ jt
ne puis que me sauver. ( Elle^ sichdppt. )
SCENE IV.
D U R I M E L , Mad. LU Z E R E, ^
Mad. L u Z E R E.
Clary! Clary I ( A Durimel qui cnfre. ) Retenez-
la^ Durifnel. ^ Mais, bon ! elle est déjà bien loin.
Durimel.
Oq diroit que c'est ma présence qui cause sa
fuite, »- pardonne?. , j'ai peut - être interrompu un
entretien. ...
Mad. L IJ z E R E , souriant.
Point du tout. .- Alle7, c'est une jeune folle qnf
ne vou« fuira pas toujours. ( Prenant un ton noble
et sérieux. )KcoGtte2y Durimel : il est tems de donner
à votre mérite , à votre attachement à mes intérêts ^
à un autre sentiment que j*ai vu naître avec plaisir,
tout le prix que vous en attendez, et que je puis dîre
qui vous est àh.{P endant ce couplet ^ Durimel laisse
échapper des marques d'une douleur concentrée. )
Mais qu'avez - vous ? Votre regard est sombre ,
inquiet; —vous soufFretintérieurementj — vous n'a-
vez pas le visage que je vduxirois vous voir pour les
choses que j'ai à vous annoncer : — que signifie ce*^
silence ? Auriez-vous reçu quelques nouvelles désib-^
gréabies ? Auriez-vous à m'^pprendre quelque re-
tard^ quelque faillite ? Nos fonds auroient-ils es-
suyé des revers entre les mains de quelques uns de-
nos correspondans ?
D u H î M E L.
Non, Madame; vos affaires me paroissent sûres :
hier je vous remis les registres dans un ordre exacte
et qui les vérifie toutes.
Mad. LUZERE , avec ufie sorte ^inquiétude.
Mais, à propos, je ne vous les avoispas d'eman-
dé$. Qu'est-ce que cela'veat dite, mon cher DurU
D RAME. • th
meîî Avoir un air aussi triste î — et dans quel mo-
ment! ^ tous vos compatriotes vainc|ueurs et pleins
d allégresse» se répandent en foule dans tous ces can<^
tons. On ne célèbre plus que le nom français. Tou^.
vous rît. — Car , on a beau voyager, le cœur est
toujours jdu coté de la patrie -- et. .. . le vôcre
n*a't-il pas un secret pressentiment de ce que }9\
veux lui annoncer ?
Du R 1 m £ L , aprh avoir soupiréé
A moi, quelque chose d'heureux 1 ^ Ah! Ma-
dame 1 je ne m'en flatte plus.
- Mad. L u Z £ R £ , plus inquiète.
Vous n'êtes pas dans votre état ordinaire* ^ Nous
ce n'est pas là vous; «^ je respecte vos secrets ; — je
vais vous confier les miens , nous verrons après si
l€$ vôtres tiendront Contre. {ELU le fait aseoir au^
j^rh delU. ) Durimel , ce n'est pas devant mol que
vous vous êtes caché d aimer. Vos sentimens hou-»
nêces vous ont acquis mon estime et ma confiance*;
Vous êtts français , et vous n'avez pas cherché à^
séduire ma fille ; je vous la donne , ^ demain sera
le jour heureux que poursuivoît votre attente.
Du RXM£L, trcs^vivtmcnt.
Ah ! Madame I «-* de quels coups venez- vous de m»
frapper ? et dans quel moment l .— Vous êtes loin de
connoître la situation de mon ame; ^ oui ^ j'adçMre
Clary . , . . Mais. . . . Vous êtes sa mère , vous m*es-'
rimez; répondez-moi, Gary, m'aime- 1- elle ? un
mot va décider de mon sort.
Mad. L u Z E R E.
Si je vous le dis ce mot , serez-vous plus sage ?
Gar, je vous l'avouerai, je ne vous reconnois plus. —.
Oui ^ mon cher Durimt;!, je vous fais, cet aveu en
taute confiance, le cœur de Clary est à vous.
Durimel, se levant avec transport»
'- Ah! je puis donc défier le destin; elle m'aime; ^
demain je puis être son épou:ir, ^ et je la fuirois! i^
Non , dussairje payer de ma tête l'instant du boat
heur, • • . Je resterai i^ je mourrai content.
i2 LEDÉSER T E U R,
Ma<^. L u Z E R E , interdite , et se levant aussi. •
Que dites- vous? Vous avez jette le trouble dans
mon ame. ( D'un ton timide. ) Vous n"êces pas ia-
sensé , seriez-vons malheureux ?
D u U 1 M E L.
Si je le suis ! Ah ! . . . Vous me donnez votre
fille. Mais me connoissez-vous ? Vous pourriez du
moins soupçonner qu'un homme qui s'expatrie, n'a-
bandonné pas sans sujet le lieu chéri de sa naissance.
Qui sait si un seul mot prononcé ne révoqueroit
point l'aveugle penchant qui vous^ parle eu ma fa-
veur ? si Clary , elle-même , ne rougiroit pas ? l^c
me rejetréroit point. . , •
Mad. L u z E R E , avec tendresse.
Vous , mon cher Durimel 1 ^ Non , je ne puis me
tromper. Si je n'ai jamais songé à vous faire rompre
le silence que vous avez toujours gardé , c'est que U
première impression que vous avez faite sur nos
âmes a répondu pour vous. J'ai respecté votre se-
cret, sûre qu'avec vos vertus on n'a point un cœur
coupable. »- J'ai descendu dans le vôtre, je l'ai bien
étudié : par ce que vous êtes , 'je juge de ce que
vous avez été. — Epoux de Clary , vous allez de-
venir mon fils , vous Têtes déjà : — . gardez mainte-
nant votre secret, ou épanchez-le dans mon sein ,
vous êtes libre.
Durimel.
Vous allez tout savoir, — . J'allois vous quitter ^
madame. ( Ici madame Lw^re témoigne la pliBS
grande surprise.) Si j'ai le courage de parler, prenez
celui de m'entendre. ( Ils s asseyent. ). Je suis fils
d'un soldat. Elevé loin des yeux de mon père, j'aî
joui r-arement du bonheur de l'embrasser. A seize
ans, dépourvu de ressource^, emporté par l'exem-
ple , j'ai pris le parti des armes , sans avoir la con-
solation de me trouver dans le régiment où servoit
mon père; le sien ^ passa les iners, et depuis ce
tems j'ai été privé de ses nouvelles* D^ns c^ métier
DRAME. I)
pénible^ mon coarage ne fut point abattu; inab
c^ue j'eus de fréquentes occasions de l'exercer 1
'7'étois tombé sous un colonel dur, inflexible : p^
cinq années de patience àvoient ployé mon ame sous
un joug de fer. — Arrive un instant fatal : — in-
justement molesté , je Veux répondre j et mé sens
frapper • . . diffamant outrage qui fait encore rougir
mon front : — • un mouvement involontaire fit mou-
voir mon'bras pour venger, — l'instant d'après , je
sentis coûte l'étendue de ma faute ^ mais elle étoic
irréparable, i-h On me saisit , on m'emprisonne : ua
hasard heureux se présente, le sort seconde ma har-
diesse, j'ai le bonheuc de m'échapper. ^ Je me
trouvai, dansun mêmejour, poursuivi^ dénoncé*,
déserteur , jugé à mort. — « Errant, fugitif, j'ar-
*rive sur cette frontière ; le bonheur semble me sou-
rire , en m'o^fFrant chez vous un asyle dont je jouis
en paix depuis ^^pt an<s. Mais, au moment le plus
désiré, le plus beau de ma vie, la guerre amène
ren ces lieux le même régiment qui porte mon. arrêt;
inei juges sont à votre porte, madame: une fois rei-
connu, je n*ai plus qu'à mourir; et sans vous,
sans Clary , depuis trois jours j*aurx)is disparu*
Mad. L U Z £ R £, anéantie.
Mon cher Durimel, un instant. — Peripetteï
que je recueille mes sens :^ ma tête est troublée.
( Jprh un moment de réflexion. ) Je croîs q.tie la
fuite seroit plus dangereuse que le séjour* de ma
maison : des soldats remplissent au loin la cam-
pagne ; ce régiment ne fera que passer , et cet asyle
est préférable à tout autre. ^ O mon Dieu! — que
m'avei-Yous appris ?
D U R I M E U
Je voudrbis ne vous causer que de fausses al-
larmes. -^ J'ai entendu" dire que le régiment avoit
beaucoup souffert; le tems a dd détruire plui de
la moitié des chefs et des soldats :à la faveur du
renouvellement, j'espère n'être pas reconâu.^aigne
^4 LE P E SB R T EUR;
ie ciel sauver de la mort an coear qui ir^^ste <fuc
^our Glary l, ( Avec atiendruscment. ) Qfte depuis
'«[uelques motnens sur^touc , la vie m'est devenue
chère 1
• . Mad. L u z E R lE.
Ah 1 moq iîis ! n'envisageons pailit le malheur^
«ongeons plutôt à réloîgner: ne mettiez point le pied
•hors de cette .maison ; évite* la v.u^ de tout le
ixiQnde; en fermez- vous dans un eiidrait inaccessible
à toutes les recherches ; demeurez-y caché.
Due 1 m EU/
i> Mais y Clary allarmée , me demandera par-» tout:
xonuoent me dérobef à s^f y^ux i Ël(^ soupçoti*-
.Hera peut-être.. * . - f : .. • :
- . . Mad^i L u Z E 8. E. . V
O Die\i 1 ..•. niénagek cette ame sensible..^
îGardez-vous de laisser ccha^^per le moindre mot:
-son effroi nous trahiroit ; il lui causeroii U naor;,,'
•Nous lui raconterons le danger lotsqifil sera passé.
;Il faut même ne pas trop paroître , vous dérober
•à sa vue; épargnez lui tout sujet* d'allatmes : pa«^
O'oisseT^ à ses yeux, mais sans imprjidisnçe; prçne^
un air assuré, et que votre mamtien. .> •
S € k N E f^.
*lAD,LUZEREiDURIMEL,FftIDKIÇ.
F R r D II I c.
Madame, le régiment est -eAtré , et les compa-
[nies se répandent dans chaque.quartîer. Voici deux
âllets de logement d*officiers, qu'on vient d'envoyer.
Mad. LxfZEKE^ prenant les billets.
Allez, tout de suite, leiir préparer les deux cham-
bres qui sont au bgui du corridor , et que rien n'y
manque, {Fridric sort.)
S C E N E V ^I.
Mad. L U Z E r E, D U R I M« L^
D u R I M. £ L. .
allez trembler pour moilc^aiP
D a ; A M R ^5
^n^aveirvous placé ygtte tefl4r«stee Anyfirs un hanumi:
moins jïjifôrtuné 1
Mad. L u z je; #1 .£«
Pensez- vous que je ne vous chérissois qu'heureux i
— Me feriez- vous cette injustice ? ^,Vos peines ne
sont-elles pas ks fuienœs ?. \^[ ASl(<pii , du côuri^ge*
( D*un ton vrai et anime, } Ep vérité , mon cceiit.,
ne recèle aucun noir pressentiment, et .tout ceci
ne fera, dans quelques jours , que donner un nou-
veau degri d'intérêt aux 'charmes dé nos entretiens*
D U r: I M p L,
Vous êtes tout pour moi , vous consolez mon
cceur, veiis fortifiez mon.ame, «-^ Que n'ai-je le
icher auteiar deinesjoursl il afouteroit à Texpressioti
de ma reconnoissance. — Qu*est devenu cebonpère?
je Tai par- tout redemaqdé^n- vain ; ^ s'il vit encore,
«^ s'il savoir que son fils. . • . Je n'y songe jamais <}^e
\ je ne me sente oppi?essé d'un poids. . . . {^11 pprte Id
main sur sa poitrine , puis à ses yeux , pour tS"
suytr quelques lartnes. )
Mad. L If Z E R E.
Mon ami 9 il faut sur-le-champ vous retirer
^ans ce cabinet , derrière le magasin '; demeurez-y
invisible, calmez vos frayeurs, reposez-- vous, sur
-mol î je parlerai à Clary ^non œil attentif veillera
sur tout le resteg ^g[||MflP|. • .
J^ Ce coupletrse dit en remontant le théâtre , et ïon
perd les acteurs de yue^ comme s ils continuoient
la conversation,)
SCENE VIL
M. H c T A u , seul.
.( // sort au cahinct^ sur la pointe du pied. Il re-
^-arde si madame Lu[ère et Durimel sont partis*
Il est dans V attitude d'un homme qui attend le
marnent propre pour s'esquiver. )
Ce que je viens d'entendre est bieti bon pour moi.
i4 LE DÉSERTEUR;
L'espérance renaît dans mon cœur. Oh 1 pour le coup
)e l'emporterai sur lui , et j'ai de quoi me venger.
venger,
fin du pnmicr Acte.
C T E II
PREMIERE.
St. F R A N C, V A L C O U R T.
Deux domestiques portent des porte - manteaux z
Fridric fait entrer les deux officiers dans la>
salle de compagnie ^ et sort avec Us domesti^
gués pour les conduire à V appartement destiné k,
leurs maittes.
VAIîCOURT.
v/UE nous somme fortunés ! Quoi? nous tombons
tous deux chez une veuve dont la fille est un ange 1
Chevalier, comme nous allons être d'accord 1 *^ La
maman est bien ton affaire; ^ il me semble déjà vous
voir dans un charmant tête-à-tête, parler ensemble
de vos jeunes années, et en rappeller les momens
les plus curieux, »-« mais elle a encore l'air fort appé*
tissant^^ au moins, ^ d'honn eur »- ce doit être poar
toi une poulette de ^^(HHBto^ ^
St. ^^W^ ".
Peut-on, avec un cœur aussi noble, avoir une
tête aussi légère ? ^ Vous ne songez qu'au plaisir de
triompher des femmes, dans un pays, morbleu , où
nous avons des homme à combattre.'
V A L/C O u R T.
Eh 1 nous les en battrons mieux. Je sens que Ta-
mour me transforme en héros , il m*enflâme, ^ En
attendant le, jour d'une bataille, dis-moi, étoit-il
-possible de mieux rencorttrer '( As- tu vu un tour de
visage plus joli î Une taille mieux prise? Un regard
plus animé ï Et cette tresse adorable qui lui sert de
diadème 1 • . .
DRAME. tf
diadème!... Foî de milîtaîre, j'en suis transporté; ^
notre devoir est de servir ia patrie et les belles; les
mirtlies dv.- Tamoar s'entrelacenr avec souplesse aux
lauriers de Mars. — Ami , je v^ ux subjuguer cette
beauté dîvîvlne, et puis j'irai foudroyer Tennemî
tant qu'on voudra*
St. Franc.
Quel cœur! à chaque ville il est pris. Maïs , Val-
court, songe que nous sommes ici dans une inai&oa
respectable.
ValCOURT, légèrement.
Aussi mon amour est-il cput-à-fait respectueaxj
Si. F R A >' c.
Cette fille est honnête; ^ elle appartient à un#
mère. . . •
Vaicourt.
J'espère bien la lui rendre.
St. F R A N c.
Vaicourt, vous êtes jeune : mais votre amè est
faite pour sentir mieux qu'uneautre le repentir cruel
de toutes les larmes que vous auriez fait verser^
V A L c O U R T.
Ohl tu prends tout au tragique.
St. F R A N C.
Ah ! Vaicourt l que la probité embrasse d'objetsi
V 4«éÉH^ u k t.
Tu as une fureurd^morale.
St. Franc.
Eh bien , changeons de discours: ^ le conseil ià
été fort irrité de cette nouvelle désertion.
Valcourt.
Vraiment, vingt -sept en trois jours, et dans 1$J
même compagnie. Qu'on vienne à présent deman*n
- der la grâce dii premier qui sera pris.
St. F R A N C.
Il est vrai qu'il faut un exemple, mais que l'hu-
manité soufFreà le donnerl notre général , l'idole «
de la France, mon bienfaiteur^ ce héros à qui je
B
rS LE DÉSERTEUR,
dois tout, penche lai-même à la clémence. Cepen-
dant j'ai adhéré à 1 j résolution que naos avons prise
de ne plus nous intéresser pour aucun. Mais , cher
Valcour, vous ne sauriez vous imaginer le frémis-
sement cjue me cause ce smgtant appareil. Au seul
nom de désffrtîon , mes sens sont émus , boulever-
sés; H- songes donc que c'est moi qui suis forcé de
donner à chaque fois, le signal de mort : aucun de
vous ne les approche de si près ; leurs derniers re-
gards fixeht les miens , leur sang rejaillit jusques
sur moi >-« et j'ai été simple soldat comme eux.
V A L C O U R T.
'Ah! mon ami! ... Etre officier I Etre officier 1
C'est l'honneur , le courage, l'amour du monarque,
c'est la liberté même qui nous conduit à la victoire.
A nous seuls devroîen tappartenir la gloire et le dan-
ger des combats , et le nom de déserteur seroit cer-
tainement ignoré. ( Avec beaucoup de feu. ) Il
me vient une idée: trente officiers valent bien ,
je crois, un bataillon. Ne pourrions-nous pas, unis
en braves, représenter une armée entière? Former
un seul corps, audacieux, intrépide, impénétrable?
A»^^aQip*-<pe-**i^rible , il voleroit avec la vic-
toire, elle seroit assurée. Pas un ne reculeroit d'un
pouce sur le terrain , et le champ de bataille pour-
roit être couvert de tno^flMta||i$ jamais désert.
St. Franc.
J'aime cette fougue puerrière, elle vous'sera heu-
reuse. Ils moissonneront des lauriers ceux qui mar-
cheront su'r*vos traces': mais croyei - moi , cher
Comte, tel soldat est aussi brave que son capitaine,
tt n'a pas les même motifs pour l'être.
' Valcourt.
Ah! Voici notre charmante hâresse. Allons,
Chevalier, je vais porter les premiers compUiûens.
wm
DRAME- ip
SCÈNE II.
St. franc , VALCOURT , Mad. LUZERE.
Valcourt, allant au-devant delU:,
Le hazard, madame^ arrange les évênemens beau-
cqup mieux que nous ne feiions nous«niêmes. £a
vous voyant, nous lui rendons mille actions de
grâces; c'est lui qui nous a conduit chez la beauté
même; il sait que nous avons des yeux faits pour
la connoître, et des cœurs disposés à lui rendre nos
hommages.
Mad. L U z E R E.
A ces paroles on reconnoît un Français ; jamais
rîen que de flitteur n'échappe de sa bouche.
Valcourt.
Puisque vous les connois&ez, je me représente
avec un plaisir délicieux, que rien ne nous manque-
ra. ^ Rien y ^ absolument rien.
Mad. L u z E R E , avec graa.
Il est bien juste, Messieurs, de vous procurer dti
repos, car vous n'en avez pas toujours. ^ L'appar*
tement que j'ai fait disposer est en état de vous re^
cevoir, et vous pouvez vous y faire conduire.
Valcourt.
Vous êtes adorable: »— pourvu que notre chambre
soit voisine de la vjôtr^ telle qu'elle sera nous la»
trouverons délicieuse. Nous autres militaires , nous
savons nous arranger avec toute la complaisance
possible : mais aussi n'allez pas nous reléguer dans
' iHn canton éloigné. Je n'aime pas la solitude , moi.
Oo m'a 9 comme cela , par Fois attrapé, . • Messieurs
les Germains ont des corps de logis d'une longueur..,
qui ne finit point, et ils vous exilent encore tout au
b«ut , comme un pestiféré, ^ Je suis doux , doux..,«
comme un mouton, pourvu qu'on me flatte, mais
fier , implacable, si l'on me fâche. Nous vivrons en-
semble bons amts'» jel'etpète, et pour cimenter ami-
calement notre cha^rmante union, permettez^ chère
maman que je vous embrasse, B a
%o LE DÉSERTEUR,
Mad. LVZEKE^ du ton de la plaisanterie.
Ohl nous pouvons être fort bons amis sans cela.
Valcourt.
Eh î maïs , où est donc cette charmante enfant ,
dont la taille divine, le regard enchanteur, la phi-
sîonomie angélique. • , . Pourquoi n'est-elle pas à
vos côtés ? D*oii vient que Tamour fuit sa mère ? ^
Seroit-ce par vos ordres ? Cela crieroît vengeance.
Tenez, le major me disojt tout à l'heure mille choses
passionnées pour elle. ,— N'allez pas la lui cacher.
Il est véhément, et dans son courroux tout seroit
perdu.
St. Franc.
Il extra vague, h- Allez, Madame, ce ne sont que
des paroles, et sur ma parole d'honneur, vous n'au-
rez point à vous plaindre de vos hôtes.
Mad. L u z E R E.
Je n'en attends, sûrement, rien que d'honnête ,;
monsieur le chevalier, n- Non , je ne vous cacherai
pas ma fille; elle est élevée de façon à la laisser pa-
roître en toute sûreté. ( Elle appelle. ) Fridric.
( Le valet entre. ) Dites à Clary que je la demande.
( A St. Franc , quand Fridric est sorti. ) Vous ne
sa.vez pas , Monsieur , qu'elle est pour ainsi dire ma-
riée : le jour de demain lui donne un époux.
V A L C HU R T.
Vous la mariez, cette aimable enfant, sî promp-
tement V mais, vraiment , voilà un tour perfide. ^
Ahl chère maman, de grâce , point de précipita-
tion, H- croyez-moi, il sera tems de la marier quand
nous serons partis.
St. F r a n c.
Ne différez pas, Madame, de la rendre heureuse.
Sans doute vous lui trouvez un bon parti î
Mad. L u Z E R E.
On ne sauroit meilleur.
St» Franc.
£h bien ^ concluez au plus vite*
DRAME. tr
Valcourt.
Mais c'est vous, maman, qui faites ce mariage!...
Elle n'aime pas le futur prodigieusement, je gage> ^
n'est-il pas vrai ? elle ne Taime pas ?
Mad. L u z E R £•
Pardonnei-moi , beaucoup.
Valcourt.
Eh non, non, je vous dis, — Elle s'imagine qu*el te
l*aime ; ^ elle peut bien avoir pour lui un certain
penchant , parce qu'un mari , en tout pays , est une
chose commode: mais c'est bien loin, par exemple,
de ce que quantité de filles ont ressenti pour moi. ►*►
C'étoit un transport 1 . . , un affolement 1 . • .,
Mad. L U Z E R E.
Dont elles ont été bien récompensées, je crois.
SCENE III.
St. franc, valcourt, Mad. LUZERE,
CLARY.
Clary fait une révérence profonde , et va se ranger f
les yeux baissés , à coté de' sa mère*
Valcou RT, courant à elle.
La voici, la voici . . . Celle dont les yeux lancent
des traits toujours sûrs et vainqueurs. Quelle floris-
sante jeunesse ! quel éclat ! — Eh bien , Major ? «-k
elle me paroît encore embellie. C'est ma présence. —
Vois , qu'elle est aimable 1 la rougeur monte sur son
front.... et cette belle main, si douce, ( Il veut
lui baiser la main. ) Il faut qu'elle conn^oisse tout
le feu de mon cœur,
Glary, retirant sa main avec dignité y maïs
froidement.
Monsieur, réservez pour d autres... Je vous prie.»,
Mad. L u z E R F.
I Monsieur , un peu de retenue.
Sx. F R A N c.
Mon ami , songes que tu représentes la nation, et
que tu la calomnierais chez l'étranger. Tu dois. • «
ai LE DÉSERTEUR,
Valcourt.
L'adorer.— Vénus et ramour même, n'ont ja—
ma^is été si séduisans. Les doux rayons qui partent
de ses yeux, que je juge tendres à travers leur fierté ,
subjugueroient dignement le plus brave ofEcier de
l'armée : lui... ou moi. — On vous destine un mari»
Quel homme est-ce ?X^n bourgeois, sans doute? Un
Allemand î Un Allemand î Je serois presque jaloux »
6Î je n'étois pas ce que je suis.
St. F R A N c.
Quel verbiage! Eh, mon ami, viens, et laissons
cette honnête famille. .— C'est asseï déraisonner,
Valcourt.
Que tu es fâcheux 1
St. F r à *4 c , voulant V emmener.
Viens , te dis- je : le tems est cher.
Valcourt.
Êkl vraiment oui: je puis être tué demain, le
Cems est cher. Un militaire ne doit pas soupirer
comme un bourgeois.
St. Franc.
Valcourt, tu me suivras , ou parbleu , je me fâ-
cherai. ( // (entraine. )
Valcourt, cédant à St. Franc»
Adieu donc, la belle, on m'enlève.
SCÈNE IV.
mad. luzere, cl ARY,
Mad. Luzere.
Quel étourdi !
C L A R Y.
Le viel officier m'a paru un bien digne homme.
SCENE V.
Mad. luzere, CLARY , DURIMEL.
DURIMEL, à part , en entrant.
Ils «ont rentrés ; voicî le moment que j'attendois
tvec tant d'impatience. Je puis paroître enfin.
DRAME. 2}
Mad. L U Z E R E, bas à DurimcL
Vous, Durimel I Imprudent 1 — Allez... retirez-
vous,
C L A R Y.
Que VQuler-vous dire, maman î
Mad; L u Z E R £ , avec contrainte.
Rien, ma fiile.
C L À R y , un peu inquiète.
Mais vous aviex quelque chose à di-e, que vpus
avez retenu tout de suite. ( à Durimel, ) Et vous
aussi..,.. Vous êtes troublé. — Je ne suis pas
tranquille. Pou» quoi n'avtz r vous pas voulu ve-
nir avec moi devant ces officiers, vos— compa-
triotes ? Pourquoi yi)us tenif enft'rmé ? Nous ne
sommes qut- des femmes, vous êtes un homme^vous^
vous les auriez contenus.
Du R I M E L , vivement^
Contenus 1... Est-ce qu'ils auroient ? . , . ( i*c mo-
dérant. ( J*anrois bien voulu vous obéir , chère
CUry, mais ....
Mad. L U Z E R E.
Ma fille , as-tu oublié tout ce que je t'ai dît k ce
sujet. Laisse agir Durimel, laisse- le à lai-même:
ne te mêle de rien , je t'en prie. Tu sais que je n'agis
^ue pour ton banheur^ tu dois en être assurée.
C L A R Y.
Voilà qui est fait , — je respecterai en tout vos
volontés.
Mad L u Z E R E , les prenant par la main. '
Embrassez- vous , mes chers enfans: ei»brfts*ret-
lïWH>^— que toutes les heures de votre vie vous
payent un nouveau tribu de félicité. En formant ces.
nœuds, méritez les faveurs du ciel, otFre7-iui deux
cœurs vertueux^ unis pour célébrer ses bienfaits.
Durimel, avec passion.
AhlClaryl
Mad. L u Z E r £ y prenant la main de sa fille eÉ
la donnant k Durimel.
Je vous la donne* B 4 .
r^
â4 LE DÉSERTEUR,
C L A R Y , avec tendresse^
Et moi aussi, . , . avec ce cœ^r.
D U K I M E L, un peu triste. ,
Puissiez- vous assurer votre bonheur en faisant le
mien ! — quelque soit mon destin , vous vivrez dans
ce cœur, jusqu'au dernier instant d.- ma vie»
C L A R Y , le regardant dculoureusement.
Ah ! Durimel ! de quel ton me parle?- vous de vos
derniers momens ? Est-ce en ce jour que vous devez
m'ofFrir cette image funeste ?
Durimel la regarde tristement , et ensuite colle
ses lèvresjur sa main , da^s un silence touchant.
CENE VI.
RE, CLARY, DURIMEL,
^ VALCOURT.
COURT, les surprenant.
Pas mal, —pas mal, pour un Allemand. En vérité,
Je ne Taurois jamais cru.
Mad. L U Z £ R B,
Oh 1 ciel, protège- le.
V A L C O i; R T.
Mais , Madame , c'est donc pour me jouer qu'an
de relègue aux antipodes, là- bas au bout du monde.
Ah L.. Vous me rendrez méchant , je vous en aver-
tis. J'ai ambitionné Thonneur d'être votre voisin,
et vous me traitez aussi cruellement \ c'est mal. ^
Voilà donc monsieur l'épouseur.... Mais il n'a pas
l'air si germanique; il n'est pas trop m<il toprné:
je commence même à lecioire dangereux. — Sé-
rieusement, voudrois' tu te rendre mon rival? tu
n'y gagnerois rien ; va, mon ami, on ne tient pas
contre mes pareils.
Mad. L u z E R E.
Vous m'étonnez. Monsieur ; *-. javots cru quVm
Français ne savoit dire que des choses honnêtes; p-
de grâce ^ laissez-rnous ; vous avez votre apparte»
ment, c'est pour vous y reposer.
DRAME. jif
Valcourt.
CVst dans le cœur de cette aimable enfant, dans
ce joli petit cœur que nous voulons faire retraite ;
noMs ne prendrons plus désormais d'autre asile, et
BOUS y logerons malgré vous , sévère maman. ( à
CLiry, ) Iicomparable, vous voye^ un homme ido-
lâtre de vos attraits; et si j'avais une couronne ^
ce seroit pour en orner ce front charmant. • • .
( // vt'ue lui dérober un baiser^ Clary se retire entre
sa mère et Durimel, )
Màd. L U Z E R E.
Monsieur , vous vous oubliez. . . .
Val COURT, à Durimel qui le fixe.
Que fais-tu là avec tes deux gros yeux fixés sa»
moi.
Durimel, froiderrunt.
Ne me faites pas répondre.
Valcourt.
Mais seroîs-tù impertinent, monsieur le futtnr.
M.id, L u z E R E.
Durimel , retirez-vous , sortez.
Durimel.
Etre forcé de se taire !
Valcourt.
Mais c'est un des nôtres , je pense; seroîs-t»
Français*?
Mad. L u z E R £.
Clary, emmenez- le.
. Durimel, entraîné par Clary.
Mon sang bouillonne.
Valcourt, voulant retenir Clary*
Ah! fugitive! vous croyez m'échapper, mais...
Mad. L u Z e R E , V arrêtant avec force.
Monsieur, vous oubliez que vous êtes chez mot.
Quels sont ici vos droits ?
( Clary et Durimel sortent. )
N
%6 LE D É S E R T E U R;
SCENEVll.
Mad. LUZERE, VALCOURT.
V A L C O u R T.
Maïs , madame , dites-moi , est-ce que nous fai-
sons U petite guerre ensemble ? Vous êtçs forte ai»
moins,
Mad. L u Z £ R £ , indignée.
Allez, monsieur, vous devriez rougir; et sî tous
les Français vous ressembloient , nous mettrions air
rang des plus tristes malheurs de la guerre, la né-
cessité où nous somme de vous ouvrir nos asiles.
SCENE V 111.
VALCOURT, stul.
Elle a raison : j*ai poussé trop loin la plaisante-
rie ; ^ elle va porter ses plaintes au major, et je vais
entendre un sermon!... Il me Tayoît bien dit, cette
famille est honnête. — Allons le trouver , soyons le
premier à lui raconter mon équippée. Qu'il ramène
la tranquilité dans cette maiison , en assurant ces
braves gens que le goût du plaisir n*a jamais étouflEe
dans mon cœur, les semences de Thonneur et de la
vertu.
Fin du second Acte.
TE III.
PREMIERE.
Mad. L u Z e R e , St. FRANC.
St. Franc.
J E vous demande mille pardons, madame : c'est uit
étourdi dont le cœur n'est pis méchant ; mais tout
nouvellement échappé de la cour , il outre la folie
française c il se croit tout permis ici. Cependant ^
comme je lui conaois des sentimens d'honneur ^ de
DRAME 17
la raison, par intervalles, j'ose vous promettre pour
lui qu'à l'avenir. ...
Mad. L U Z E R E , /e faisant asseoir»
N'en parlons plus , monsieur le chevalier j s'il
nous a causé quelques désagrémens , votre honnê-
teté sait réparer ses fautes. Si tous les militaires
vous ressembloient , on endureroit les malheurs de
la guerre avec bien plus de résignation.^
St. Franc. "
' Ne vous y.trompez pas , madame : nous pensons
tous que c'est bien assez d'obéir à la nécessité ter-
rible qui nous ordonne, dans les batailles, de fermer
l'oreille aux cris de la nature et de la pitié. Pour
moi , dans les intervalles de ces sanglantes calami-
tés, je me sens un besoin de paix , mon ame soupire
après quelqu'action généreuse ; je tâche en sou-
lageant l'humanité souffrante , de réparer les maux
dont j'ai été le fatal instrument. Eh! comment le
triste spectacle de la guerre, en offrant des scènes si
douloureuses , ne rendroit-il pas le cœur de l'homme
plus tendre et plus sensible ?
Mad. L u z E R E.
Avec des sentimens aussi nobles , que vous avez
du essuyer de larmes amères 1 ^ Mais vous êtes heu-
reux sans doute , car on Test dès qu'on se plait à
faire le bien.
St. Franc.
J'ai eu le bonheur d'apprendre à réfléchir en
avançant en âge. L'infortune me ftt- prendre les
armes, l'habitude m'en fait un devoir; le cielm'a
favorisé dans les combats, ^ je ne saurois cependant
dire avoir vécu heureux, à moins qu'on ne le soit
en s'élevant au dessus de son sort..
Mad. L u Z £ R £.
Cependant la place que vous occupez peut avoir
des avantages dignes d'être enviés : il me semble
qu'un officier tel que vous ^ dans plus d'une occar
sion , joue un rôle distingué.
a8 L E D E s E R T E U R;
St. Franc.
Il est vraî, madame, que cette place peut récom-
penser un vieux militaire de ses longs services. De
simple soldat , je suis parvenu au grade d'officier :
incorporé depuis cinq ans dans un autre régiment
que celui où je fis lapprentissage de la guerre ;. resté
presque seul de tant d'hommes tués à mes côtés, j*ai
remporté des drapeaux qui m'ont fait des envieux, h-
Notre général , le_gj;aiKHh»tauxi£e , que vous verrez
peut-être demain, car il n*est qu'à quelques lieues
d'ici, m'a donné la place que j'occupe. Mon colonel
qui s'y opposoit, me hait, et sa haine veille et saisie
le moindre prétexte pour éclater. Valcourt , dont
l'esprit est si léger, est bien plus juste que son pèrej
son cœur est droit, son ame est noble, il s'est mon-
tré dans tous les tems mon défenseur. Je lui dois
beaucoup. — Mais son père qui cherche à m'humi-
lier , me rappelle sans cesse mon obscure origine;
et il oublie les cicatrices dont ce sein est couvert»
Mad. L u z £ R £.
Il est bien dur d'être forcé de vivre avec son en-
nemi : je vous plains.
. St. F R A N c.
Ahî madame, ce n'est pas le chagrin qui dévore
mon cœur ; ^ que de peines plus secrettesme con-
sument! elles sont réelles; elles ne sont point nées
de l'arabîtion, elles sont filles de la nature. — Mais
pardon, j'oubliois que je ne vou? entretiens que de
moi, — ce n'est pas en votre présence que je dois gé-
mir ! Est-ce à moi de troubler la sérénité de votre
ame 1 — Vous me spmble^ heureuse ; — vous êtes
mère d'pn enfant qui doit combler votre félicité;
vous touchez au moment lé plus beau de la vie , et
pour elle et pour vous; — elle est belle , elle paroît si
douce 1... Vous êtes prête enfin à la marier. Prenez
bien garde madame, de vous tromper au choix de
son époux. Qu'il seroit cruel de lui voir contracter
un lien funeste qui feroit le malheur de sa vie»
DRAME. 2^
Mad. L u z E R E.
Heureusement que le jeune homme à quî je la
doiTue, réunit les plus excellentes qualités. SU ne
lui apporte pas les mêmes biens qui composent la
4ot de ma fille , je le regarde comme plus riche par
les vertus qn*il possède.
Si. Franc.
Ses mœurs vous sont donc bien connues î
Mad. L u z E R E.
J3epuis sept ans, elles ne se sont point démenties.
St. F R A N c.
Il vous aime , il vous respecte î
Mad. L U z E R E.
Comme si j'étois sa mère.
St. Franc.
Il mérite d'être heureux : jouissez de votre* bon-
heur.
Mad. Lu^z^F-R E.
Ahî monsieur, lapparence du bonheur est sou-
vent trompeuse. ^ Chacun a ses peines, et plus elle$
sont renfermées, plus nous les sentons vivement.
St. F R a N c.
Comment, madame ?
Mad. L u z E R E.
On a souvent de certains intérêts de ne pas tout
dire, ^ n'est- il pas vrai qu'il faut se connoître avant
de risquer une confidence qu'on voudroit hazar-»
der ? ^ Vous vous attendrissez ?
St. Franc.
Je sens ce que vous dites , madame : mon ame ,
comme la vAtre a besoin de s'ouvrir, et je vais vous
donner l'exemple. -* Vous êtes mère, votre cœur
doit répondre au mien. ( après une pause. )
Mes camarades ignorent tous la cause d'une mé-
lancolie profonde qu'ils me reprochent chaque
jour. — Oui, je suis à plaindre, je ne jouis ni des
honneurs- ni des plaisirs attachés à mon rang. ^
JVus un fils que ^aimais , au momeat de sa nais-^
/.
30 LE DÉSERTEUR,
sance , je n*avois que des larmes à répandre sur lui.
Aujourd'hui que la fortune m*a souri , que je puis
lui faire un sort heureux, j'îgnore ce qu il est deve-
nu. ^ Son souvenir me poqrsuit sans cesse. ^ Hé-
ritier de mon infortune, il fut forcé de prendre le
parti des armes, il porta le même uniforme du sol-
dat que je commande aujourd'hui. Aussi , dans cha-
cun d'eux, je crois voir et reconnoître mon enfant;
tous me sont chersj ^ peut-être vît-il encore; mais
jelai perdu , madame, d'une façon à presque désirer
de ne le trouver jamais.
M ad. L u Z E R £, extrêmement émue.
Vous vous intéressez à la cause de tous les soldats
infortunés l
St. Franc.
Si je m'y intéresse l •. , Mon fils est du nombre.
'Mad. LuZEB E, avec la plus grande véhémence.
Ahl monsieur! écoutez-moi: vous Tavez dit , je
suis mère. C'est le ciel qui vous a conduit ici pour
rassurer mon cœur; il brûle à son tour de s'expli-
quer, ^ la confiance a ses périls, je le sais, mais
celle que vous inspirez ne peut être dangereuse]- ►-
je vais vous livrer le secret de ma vie.
St. Franc.
Tout nous réunit, candeur, franchise. Faut-il at-
tester rhonheur.
Mad. L u Z E R E.
Non. ^ Votre physionomie annonce la candeur
de votre ame.( à demie-voix. ) Guidez-moi , îns-
truisei^-moi. — Depuis votre arrivée je n'existe plus.
^ Sachez que ce même jeune homme qui dott épou-
ser ma fille, à l'heure où je vous parle , voit le trépas
suspendu sur sa tête; — je vous confie sa destinée, sa
malheureuse destinée. ...
St. Franc, tres-has.
Achevez.
Mad. L U Z £ R £ , du même ton.
Hélas 1 sauvez-le , il est» . . •
DRAME. Si
S C E N E I l.
St. franc, Mad. LUZERE, CLARY.
C L A R Y , accourant toute éplorét.
O cîell . . . ciell -H monsieur le chevalier , à son
secours : — ô ma mère ! ( ZlU tombe. )
Mad. LUZER£, la relevant.
Qu est-il arrivé ?
St. F ft A N c.
Expliquez- vous, parlez. Calmez-vous.
^ G. L A R Y.
Des gardes emmènent Durîmel.
V Mad. L u z £ R £.
O Dieu i
C L A R Y.
Ils sont entrés, ils se sont emparés de lui, ils le '
conduisant à travers tour un peuple, *- j ai vainement
couru. . . Durimel se laissoit entraîner sans élever
aucun cri, aucun gémissement , — comme s'il étoit
coupable.
Mad. L u z É R E , aux pieds de St. Franc.
^ Ahl monsieur ! ^ Courez . . . Faites qu'on le dé-
livre. Votre autorité dans le régiment doit avoir
un crédit sûr; embrassez sa cause.*- Si vous sa-
YÎezL..
St. F R A N G.
Je prendrai sa défense , je vous le promets. Maïs ,
àe grâce, achevez un aveu. . , ,
Mad. L u z £ R E.
>h! ^ ( a sa fille. ) Ma fillel Hélas! je fré-
mis J ^ éloigne-toi , ma chère fille , laisse-nous un
moment ; -. éloigne- toi, — écoute une mère....
C L A R Y.
Vous vous cachez encore de mot ! , . . • Ah ! si
cela continue , il faudra que je meure. ( Elle sort^
jpénëtrécde la plus vive inquiétude. )
I
%i LE DÉSERTEUR;
SCENE III.
St. franc, Mad. L U Z E R E-
Mad, L u z E R E.
Je m'abandortne à vous, écoutez si j'ai lîeu de fré-
mir. ( à elle-même. ) Commint a-t-on pu découvrir
son azile 'i { à St. Franc. ) Ce jeune hom ne pour
qui je vous implore est déserteur de votre régiment.
St. Franc.
Seroît-il possible ?
Mad. L TT Z E R E.
Il est perdu si
St. Franc.
Vous m'avez perc^ le cœur.
Mad. L u z E R E.
Puîs-je compter sur vous ?
. Sr. F R A N c.
Ah 1 vous ne savez pis ce qui se pts<îe dans mon
ame. -. Ahl madame 1 ce cœur est plui déchiié ^ue
le vatre.
Mad. L U z E R E.
C'est l'humanité qui vous parle en sa faveur.
St. Franc.
Oui, sans doute : mais • . . . ne vous y trompex
pas, il s'y joint un sentiment plus vif. — Il «'est
plus tems de ^ous le taire , mon fils est déserteur
aussi.
Mad. L u z E R E.
Que m'apprenez - vous ? ^ Quel pressentiment
vient me saisir 1 Durimel est fils d'un soldat. Le
Languedoc est sa patrie.
St. Franc.
Le Languedoc 1 ^ Àh î Dieu 1 je vais. . . je vole
à lui. (// son précipitamment. )
SCENE
DRAME. 3j
SCENE IV.
M AD. L U Z E R E , C L A R Y , qui entre lorsqut
St. Franc sort.
Mad. Lu z E R E.
O mon Dieu! donnez-moi du courage,
' C L A R Y.
Ah ! ma tnàrel . . . Tout mon corps frissonne. J^
pleure malgré moi.
Mad. L U z E R E.
Rassurex-vous.
C L A R Y.
Que je me rassure l Et vous êtes aussi pâle^ aussi
tremblante que moi.
Mad. L u z E R E.
Cruelle fille 1 — . laisSez-^moi respirer: c'est vous
qui m effrayez.
C L A r: Y.
Mais , dites-moi, d où vient qu'on l'arrête ? Que
sîgnîfioient ces mots entrecoupés, ces soupirs, cette
tristesse profonde qui perçoit à travers les expres-
sions de son amour ? ^ Il n*étoit plus le même. . . ;
Croyez-vous en avoir imposé à mon cœur ? -^ Ce
vieux chevalier qui vous quitte 3 je l'ai vu sortir le
visage altéré.
Mad. L U Z E R E.
• * Il a ses peines.
C L A R Y.
Je meurs mille fois de ce sîlpnce cruel.
Mad. L u Z E R E.
Je vous le répète , Clary , votre imagination ;
prompte à se forger des maux, fera le supplice de
votre vie C L A'R Y.
Hélas 1 vous voulez que je sois tranquille, et vous
dissimulez avec tnoiî — Nesuîs-je plus votre Clary î
^Ahl ma mèfe l^ est-ce ainsi ^ue notre hymen se cé-
lèbre? - c '"'- -.
Mad. li u z £ R £.
Ton hymen I C
1^ LE P É$E R T E V R,
S Ç E , N ' E V.
i^AJ9..Ly.^SP.'E, Cl^ ARY, HOCT AU.
M. H. O C T A. u.
Voilà donc etifin la mine éventie., L'homme qui
devoit me faire ça<?ter pn l^ir , n'est plp? àson Wse
à présent. - C'est très - ^cheux pour vous , Mes-
4ltîie$-: 0ïa1s- n'a» - JP i)*? toujours prédit que cet
avanturier finiroit mal î Vous fl'^vez pas voulu
écouter mes conseils j ji o'esc p.lwpjsems., Voyez le
bel honneur que cela va vous faire.
Mad. L y 2 p R E.
• ^rjrt, monsi?W» l^weiz-n^us Ul?reç;^o^$ ne
sommes pas en état de vous entendre,
M. H o c T A u.
Vous savez donc U fin de l'histoire î je ipiç suis
trouvé là, moi: à peine conduit à la prepij^fp garde,
un vieux sergent l'a ré* oji.nu d'abord.
Mad. h u z* R E, k part.
: Ala^ilèyreusel ( A Clary. ) Viens , ma fille , viens,
BU /Chère CUry ; fpyoBiS cet homme dur ^ui vieu|
iQUijr <iu fâaistir de rtous affliger.
..- . : , , -c î. A n y, : •
Non : le «iipp^li.ce.q«e j'endtf** ««^ a^i'4ps«w 4f tout
ce qu'il pourra m'apprendre.
Mad. L V z.p R E,
Eh bien I mon enfant , arme- tpj 4p ç^virage, —
Ton amant infortaivé. ; . .
C fc A A T.-
£h bien ? . t .
M^ HO P ï A u,
• EHç ignore que c'est»»- désf ft^ur ?
C L A R Y , tombant dans les bras de s^ mir4,
■■ Détsrtenr !
M. H O C T À ff,
guerre s'assemble; son procès est tout fait, djt-pp,
pour demain ii la gardf «ojltaQl^v
D R A M E. ii
Mad. L u z E R E.
Sortez de ma présence, homme méchant et vîn-
dlcacif , et n'y reparoîssez jamais. Sortez, vaus-dîs-
je , et laisseî-noiis an malheur qui nous opprime.
( Monsieur Hoctau sort^
SCENE
Mad. LUZERE,
C t A R Y*
Le ^oilà donc révélé ce terrible secret î Quoi 1
Durimel est arrêté comme déserteur ? Il est au mil-^
ilevL des soldats 1 -^ Il peut-être condamné. ^ Juget \
cruels, meslarmts Jie pourront-elles vous fléchit ?
Ahl courons'le sauver ou mourir. ;'
Mad. L U 2 £ R E.
Arrête, ma chère Clary , recueillons nos forces:
çomnaande-toi un instant — j'attens le vieux Che*-
valîer^— ma fille. .. . Au nom de ) amour que j'aî
pour toi, élève ton ame, et apprends à supporter
les malheurs de la vie.
C L A R Y > ^/2 plâursé
Jq touchois au bonheur.
Ma4. L u z E R Ev
Cest ainsi qu'il se joue des mortels. -
C li A R Y , continuant de plturer.
. Durmid ! Durimel I — Quelles sont à présent tei'
p£tti>sées ? ^ Je sens que ton cœur m'appelle, ^ com-*'
me tout est désert et Ingubre autour de moi I J^h L
€fm\ désespoir alïteux m*attend*
Mad. li u z £ R £ , appcrctvant Valcourt*
Que vois-jel Ah! fuyons.
S C E N É V 1 l.
Mad. LUZERE, CLARY, VALCOURT.
Valcourt. .
Un moment , madame : vous voyez. . , ,
C a
\
^6 LE P E S E R T E tJ R,
Mad. L u z E R E.
~ Un monstre, et nous maudissons l'heure oii vous
4vez paru dans cette maison.
C L A R Y.
Qwi! vous avex été asse^ lâche, assez cruel pour
/VoÏÏ^^?Fmir£ le délateur d'an infortu^ié que vous au-
riez dil proteg«£? Et vous osez encore • • . .
^ Va îr 6 o u R T, flvec/^a.
'\ ;^JMai,.iLélite«f*l ^ Ecoutez -moi de grâce; mon
fjCoe.at-rre vous est pas connu,vousm'avez mal jugé; ^-
j*ai peut-être pu y donner lieu par dès légèretés în-
dis/Çretes; ,maîs dans une pareille afFairè, coûte frî-
y^ité cesse. ^ J'en jure par l'honneur, non jamais
sion coçur ne s'est senti si vivement touché que lors--
que je l'ai reconnu. J*en ai pleuré de pitié.
Mad. L U Z £ R E.
; Ce n'est pas vous qui l'avez fait arrêter ?
y A L c O u r:t , noblement là première phrase ,
et avec feu tout le reste du couplets
-..Cessez une imputation odieuse; je rougirois delà
combatte . ^ Que la grâce de tous ces infortunés
n'est-elle en mon pouvoir , aucun ne périroît; ^^
Mais, ne désespérez pas, le colonel sous lequel il a
fervi est mon père; je vole à ses pieds , je les em-
brasse, je presse,. je sollicite sa grâce , je l'obtien-
drai. ^JPlusde repos, plus de tranquillité pour mon
ÇGQ^f que votre amant ne soit libre, et que vous ne
soyez unis. C'est en vous le rendant que je me ven-
gerai de; vos souipçans» ^ Vous verrez que la légere-
fé d'un Français n'est pas incompatible avec la sen-
sibil.içéyet que l'étourvierie n'exclut pa:$ ks yertus^
Adieu, les moméns sont chers, et je cours les em-
ployer. ( // sort sans écouter Madame Lu[hre. )
Mad. L u z E R E. '
r-AhJ monsieur ^ pardonnez. • • .
^* *
DRAME 3t
SCENE V 1 1 ï:
Mad. L U Z E R E , C l a r y. -
C L A R Y.
Oserons -nous espérer? Dites -moi, l'oserons*'
nous ?
Mad. L u Z E R E.
Ouï, ma chère 61le; nous ne sommes pas encore
certaines de notre malheur. Le corps généreux des
officiers sauve tous ceqfx qu'il peut sauver. ^ Penses-^;
tu qu'on ordonna de sang- froid la mort d'un homme?
C L A R Y.
Ah ! ma mèreî on pleure..,, et oh condamne. ^
Mais pourquoi ne courons-nous pas à Durimelî ïj
a besoin de nous.
Mad. L U Z E R E.
Allons au devant du vieux chevalier ; tu coh-*
noîtras son ame. — Tes pas chancelent! . . •
C L A R Y.
Je me trouve foible ; j'éprouve un serrement de
coeur. .. inexprimable.
Mad. L U Z E R E.
Viens, ma chère enfant, appuyé- toi sur moa
sein.
Fin dii troisième Acte.
•s
SCENE PREMIERE.
St. franc, VALCOURT.
St. Franc.
Laisse-moi , mon ami, laîsse-moî.
Vaicourt.
Que je te laisse ? non je ne te quitte pas. -* Com-
me dan3 un instant tous tes traits sont changés ! >--*
38 L E D Ê S E R T E U R,
3e t'ai vu sortir de la salle du conseil, pile et la
mort dans les yeux j quelle impression profonde ec
terrible ce malheureux a fait sur ton ame ! ^ Tu
.sais tout ce que j'ai tenté. ^ Tu voudroîs parler et
tu te tais, -^J^e suis -je plus ton ami? ^Ahl la
pirié qui te parle en sa faveur est sans doute res—
{)ectable, mais qu'elle n'aille pis te précipiter dans
e tombeau avec Tinfortuné que tu ne peux sauver.
St. F r a n c.
Valcourt, ton amitié me fut toujours utile et
chère; ayés pitié du plus malheureux des hommes. —
J'adopte tous les infortunés , mais celuî-cî,,. hélas !
je ne l'ai vu que trop tard: ^ vas trouver ton père j
tu sais que ma voix Tendurciroit au lieu de le fié-»
chir. I— Tâches d'obtenir un délai. — Notre générât
n'est pas éloigné. . . » peut-être • • • Ah ! . . . je seroîs
le plus heureux des .... va , et laisse- moi.
Valcourt.
Je te laisse pour servir ta générosité, que je dois
imiter. ^ Mais promets-moi de ne la point porter
à l'excès. Calme- toi, digne et respectable ami.
St. Franc.
Oui, mon cher Valcourt, je serai plus calme.
( Valcourt embrasse St. Franc et sort. )
CENE 1 I.
Sr. "K R A N C , scuL
' Impénétrable providence! tu veux rendre la fin
de ma carrière triste et fianeste, ^ Hélas ! il devoir
faire la consolation de ma vieilTeçse^ z: Ah! quand
ma main guidoit ses premiers ans, j'étois loin de
prévoir que c^tte même main devoit un jour le çoti-
dnire à la mort — je Tai vu languissant au berceau ;
j''4i vu la trame de ses jours prête à se rompre : il
étoit dans cet.âge oii la douleur n'arrive point jus-
qu'à l'ame, où, loin des horreurs du trépas, l'en-
fant meurt comme il s'endort, mes vœux ardions
•«t fuîgué le ciel : je Timplorois pour ^u'ît fM*
/i
r •!
DRAME» ^p
longeât sa vîe; ^ je ne s«voîs pas aters ce'qiire je àt^
maiidois^ »-« Ah 1 coalci m't^ latines , coulezi*
SCENE 111. . -
$T. FRANC, lAW. LUZERE.
St; F R A N C.
Epargnez-moi , madame , épargnez-moî ; je 1 aî
vu . . . je IVi reconnu, ^ Oui^ c'est mon fik*
Mad. L u z il R E.
Durîmel ! votre fils !
St. Franc, avec une douleur nohU.
II n'est que trop viai: je redoutois le coup, îî
ji*a pas manqué. C*est contre moi que s'épuisent
tous ies traits dfa malheur. Je ip'efFof'cerai à monter
3mon ame à un degré aussi haut que celuf de mes in-
fortunes. — Dans ou moment je vais conooître ce
qu'est mon fils , si son coeur est grand , il saura mou-
rir. — . Le reste sera bien aisé ; je n'aurai plus qu à 1^
suivre.
, Mad. t U z Ê R E.
^^Jlfaîs vou^ êtes un de ses jwges, îl est votre fils:
ne peut- on , en faveur de ce titre et des services que
vous avez rendu à la patrie. . • .
St. F R A N c. ^
— ta loi est inflexible et ne connoît personne.
\, Mad. L u z E R E.
Quoîl votre sarrg prodigué. ...
St. Franc.
!je vous lai dit, madame, le colonel est mon en-
nemi, il est inexorable. Si je disoîs un mot, je ne
ferois que hâter la mort de mon fils. — . Ce matin
même^ il a osé m'accuser en plein conseil, de trop
d'indtilgence pour les déserteurs, et j*ai poiic la pa-
role terrible de n'embrlsser la cause cl aticuii. *- J6
ire savoir pas qu'elle dût retomber sur h tête qaî
m'edt lar plus chère.
Mad. t u 2 È R E.
' Qire tardez- votîs 7 AHct rronver le^ ancreii^i tùttth
C4
40 LE DÉSERTEUR,
pagnons-de vo^ exploits ; écrîez-vous devant eux r
>> Cest raon fils que vous allez mettre à mort. »*
Alors leurs cœurs attendris . . •
-Sr. Franc.
Je ne le sauverois pas. Sa mort est signée depuis
sept ans, et l'arrêt est irrévocable. J*ai vu presque
toutes leis voix passer à la condamnation. ^ Ahl si
sa grâce étoit possible, pensez- vous que je balançc-
rois un instant ? — Si j'obtenois un délai, peut-être...
mais non: dans ces momens terribles, accompagner
ses pas , m'attâcher à lut , est. la seule consolation
qui me^este.
Mad. L u i: E R E.
Et vous vous êtes dérobé à si vuel et ses regards
ne se sont point fixés sur un père l , . •
St. F R A N c.
Il n'étoît pas tems. — . Dans mon malheur, j'ai
pourtant goûté quelque joie, mon cœur a été satis-
fait de son courage; j'ai reconnu mon sang. 11 n'a
affecté ni^jne contenance hardie, ni une contenance
ab.atue ; il ne^ s'est point humilié devant ses juges
pour mt ndier si vie. Il a répondu aux interroga-
tions sans fierté comme sans faiblesse ; tranquille
et poussant quelques^ soupirs par intervaîes. .— Mes
yeux, que je détournois, retomboient sans cesse sur
les siens: Cependant j'ai conservé toute ma fermeté,
et j'ai la constance de disputer pour lui un trépas
qui ne fut point infamant.
Mad. L u Z E R E.
Comment avez- vous pu> dompter ce mouvement
de la nature ?
St. Franc.
Il faudroit être moi pour le savoir'; mais cet effort
étoit indispensable. — L'unique soulagement à mes
maux , c'est d'avoir obtenu une faveur que je n'ai
demandé qu'en tremblant , et qui m'est bien pré-
cieuse: c'est que votre logis lui serve de prison^ jus-
qu'au moment où son arrêt doit être exécuté ^ j'ai
DRAME. I 4f
répondu de sa personne. ^ Il n'y a que voits, ma-^
dame, qui sachiez un secret que je voudrois encore
renfermer dans mon sein; et vous l'eussiez toujours
ignoré sans le bien q;ue vousm'avez dit de lui;
j^aurois fait plus : si j'eusse trouvé mon fils in-
digne de i;noi, il ne m'auroit janiais connu; mais ce
cœur paternel vole au-devant delui, il me tarde de
Tembrasser, de l*inonder àt mes larmes, de le pres-
ser contre mon cœur.
Mad. L u Z E R E.
Dieu! Je le reverraî 1
St. F R A N c.
Je meurs d'impatience et je fréniis du moment. -^
Madame , j'aurai besoin d'être seul avec lui. Je croîs
entendre.,..
Mad. L u z 1E R E.»
Ses regards vont me chercher, et ne me trouvant
pas. ...
' St. Franc.
Laissez-moi, je suis jaloux de posséder ses der-
niers momensjil me les doit. ( Madame Luière sort.)
SCÈNE IV.
St. F R A N C , seul.
Je ne me trompe pas , on vient* — O mon Dieu î
laisse-moi vivre encore une heure, et je t'aban-
donne le reste de ma vie. i— Ciel 1 le voici.
SCENE V.
St. FRANC, DÛRIMEL, Soldats-
D u R I M E L, au milieu des soldats.
Ah ! Clary , où es-tu ?
( J*/. Franc fait signe aux soldats de se retirer:
ils sont censés rester à la porte de la maison. )
o D 1/ R I M E L , allant à St. Franc.
Monsieur , c'est à vous que je dois la liberté dô
revoir ces lieux . • • qui me sont si chers : ^ à ce
bienfait daignez eu ajouter un autre : ^ de cous
\t LE OË^ÈRtEUR,
me^ juges , vous m'aver paru le plus attendri strr
mes malheurs; . , . ils sont grands. ►-Vous nie
Voyez pleurer ; maïs ce nVst pas sur moi que je
répands dès làrrftes. ( A part. ) O mon père 1 mon
pèrel que vas -ta devenir , si jamais la fin de ma
frîste destinée parvient jusqu'à toi? ( // tire une
lettre de son sein. ) Puisse cette lettre te consoler^
en t'appr ehaiit que je n'aî jamais oublié tes leçons ,
et que , jusqu'au dernier soupir , j'ai toujours eu
'devant las yetix , Dieu , la vertu et Thonneur^
( k St. Franc. ) Monsieur ^ il n'y a que le nom et
la compagnie qui pourront vous aider à la faire
parvenir à son adresse. Mon père est un soldat ,
dont le régiment a passé les mers ; ce régiment
ayant beaucoup soufFert, a été incorporé dans un
autre , dont j'ignore le nom. Je vous en conjure ,
ne négligez pas vos recherches, je mourrai content
sî vous me le promettez.
St. F.R a N C, après un silence.
Donnez. ( St. Franc prend la lettre , rompt le
tâchet et la parcourt. Cette action porte Durimel
à le fixer; St. Franc ouvre ^es bras tremblans ^
et s'écrie avec famé dun pèrs : ) Mon pauvre
Charles î
D U S. I M E t.
Dieu !
St. F H a k c.
Embrasse ton père. { Il s'appuie sur l'épaule de
son fils i ils demeurent embrassés. Durimel mec
un genou en terre , ^e saisit dune main de son
père i ^uil baise avec une tendrts^e respectueuse. )
D U R 1 M Ê L, avec joie.
• Mon père 1 dans quel état l . . . Grâce au ciel,
c'est vous. — Quel, heureux moment !
St. F 8. a K c , le relevant avec tristesse.
Oublies-tu le motnent qui doit le suivre ?
D u K I M £ L , avtc la plus grande réflexion'.
Gui , je Toublie. h- Je voulok vocis voir avant
R A M Ê. 4t
ëerriotirîr, et je bénis la faveur du de! qut m6
ftttn^i y à ce prix, d'embrasser vos genoux.
St, F R A N c.
Mon cher fils , ^ tu te sens donc la force de te
soumettre à cette main invisible ? .• . Dis, con-
serveras-tu ce courage jusqu'au dernier moment î
D U R 1 M E L.
J'y suis résolu , quoique mon cceur ait à re^
grctter ; et si quelque ^trouble vient à rafFolblir ^^
ô mon père 1 c'est de vous que j'attends uti regarda
qui me rende toute ma fermeté.
St. F R A N a
Ton père,malheureux, n'a plus que ce triste bîèrf-*
fait en son pouvoir : je ne tequitte plus: taff<fi*mir^'
t'encourager, e^t un droit trop précieux pouir lé
céder à personne. ^ Emploi cher et terrible ^ fû^-^
père te remplir 1 -
D y R I M B Im
Vous y serez , mon. père 1
St. F r a K" c.
; Igiioi'es-tu que c'est moi qui donne te signal î
Tout déserteur a trouvé en moi un père ; je croyoi»
tè voir daii3 chacun d'eux ; et je l'abandon neroisî
et je perdrois le fruit du plus cruel apprcntissfagel
-- Non ; qu'il m'en coûte ta vie, *- ton ame ne
aenvolefa sous l'œil d'un père , cjae pour se réfu-
gier dans le siein d'un Dieu : c'est le père commun
des hommes ^ man fils , et tome ma tendresse pï-
ternelle n'est qu'une foible image de la sienne*
D U R I M E t.
: Ah I ce Dieu, dont j'adore la bonté , saîtqti^
j'ai plus d'ufie victoire à remporter. ^ Je vous re-
trouve, mon père; à peine ai-je le tems de vous
baigner de mes larmes, qu'une voix impitoyable
m'appelle sur le li^u où ma fosse est déjà creusée.
St. F R A I* c.
. N'outre pas tes regrets: un monfieiit plus tjti'cl
€tl ttiourois teitt de iftièi, et je viVoris désespéré;
N
^4 LE DÉ S E R T EU R,
Vas, bénissons le cîel ; je sens toutes tes don-
leurs; mais c'est ensemble qu'il nous faut apprendre
à les surmonter.
D U R I M E L.
Il faut donc mourir 1 . . . mais ce crime. . .
St. Franc, s échauffant par degrés.
La loi est générale , et la plainte inutile. — Si ta
étoîs tombé sur le champ de bataille, tu seroîs mort
sans regret :—. mon fils , tu peux mourir en héros.
Songes que ta mort sera plus utile que ta vie: ta
mort retiendra sous les drapeaux de la patrie mille
jeunes imprudens qui les auroient abandonnés poijir
se trouver ensuite aussi malheureux que toi. En
tombant , tu préviens leur perte , tu raffermis les
colonnes de l'état. — . Embrasse cette idée digne
4\un citoyen, dis à toi-même : « Si j*aî trahi la.
ji^- loi de mon pays , il n'aura rien à me reprocher.
»> La réparation aura été plus éclatante que la faute
h même ». '
D U R I M E L.
Je rappellerai mon courage qui chancelé. Mais
qu'il est affreux de quitter la vie aux portes de la
félicité ! lorsqu'un père, une amante. . .Le senti-
ment l'emporte ^ et je ne suis qu'un foible mortel.
St. F R A N c.
Ce cœur paternel souffre en prononçant ces
mots : mais quand les calamités de l'homme sont
montées à leur comble , que tout échappe à ses
mains, qu'il se trouve seul sur le bord d'un abîme
inconnu , ( il prend Durimel par la main , ) mon
fils, connoîs-tu l'être qui console et qui se plaît
à consoler le malheureux qui l'implore î
Durimel.
Dieu , mon père.
St. Franc, avec une noble chaleur.
' Sa présence nous environne , il entend , il re-
cueille nos soupirs : ^ quand tu es sous son regard ,
connoîtras^tu le désespoir ? Et oii peux-tu tomber.
/
DR A M E. 4$
SI ce n'est dans son sein ? Que gagneroît ton ame à
s*irruer? En te montrant rebelle, tu te rendrois
encore plus malheureuîî. '>^ Si td as toujours été
homme de bien, lève ce front abattu.; ayes la con-
fiance d*un fils ,. et non la terreur d'un esclave.
C'est au vil incrédule à trembler; mais toi, qui vois
au-delà de cette* vtfe, tends tes bras au père uni-
versel. D u R I M E L.'
Ah 1 mon père, que cette idée auguste est con-
solante pour mon cœurî — • Allons, demain je
saurai ce que c'est de mourir.
St. F r a n c.
Je resterai s'en! : qui de nousserale plus infortuné?
D u R I M EL.
Vivez pour lès malheureux, pour bwf^^vî^e
père. ^
S C ^E N K^^
St. franc, durimel;
Valcourt.
^ 'Ecoute-moi , St. Franc , j'espéroîs en monpère ,
je croyois pouvoir fléchir sa rigueur , obtenir du
moins uii délai ; maïs il est inflexible y i\m, rebuté
mes prières. — Major , nous pouvons le sauver, il
né tient qu'à toi d'y consentir.
St. F R A N C.
'Le sauver I et comment ?
V A L c ou R T.
Ayes le courage de te prêter à mon projet. \ La
garde est dfevànt cette maison .; nîaîs an boi;it du
sentier qui mène à une porte de derrière , deux
de mes gens affidés sont prêts avec ma chaise de^
poste ; ils sont instruits de ce qu'ils doivent faire.
en présente un papier») Cette sauve-garde servira
en mon npm.de passe^port, «^Choisis la rpute qu il
doit ^ tenir.
/ ST. F R A li C.
"p. Ciel! que nfi'as^tu dit? cruel! qiie m^ofFrcj?
lu \\ \ . est-ce lâ h^rtu peui risquer?...
4$ L E D É S E R T E U R,
V A I. C O U R T.
Ne me parle p9,s des risques que je cours. ^ Je
veux accomplir ce projet, tout hardi qu'il te paroîr.
St. Franc, pénétré.
Tu me déchires Ta me. ^ Et qui peut c'inspirer
uqe pitié si courageuse ? •
V A L C 6 U R T.
Mon honneur. ^On m*a accusé d'être son delà-»-
teur , je me dois à moi -même* de \ç sauver.
St» f r A K c , h serrant dans ses bras.
Mon ami, mon cher ami! — tu ignores de quels
traits tu viens de me frapper. J'admire ton ame :
ri y^ ^ je n'oublierai Jamais ce moment.
V A t c ,6 u R T.
\ ' Je^TJ^iêXi^^ profites- en : agis, si tu l'aimes. Mes
ànôÎP^s , œ .pà^e-port , ma livrée , tout lui assure^
«nie^^^fràjte grortipte ^t facile ; que délibères- tu ?
^V.V.JT st^. ^f ^ A N' C.
.^^'^'î q;ue dç^toûps dans nn jour l -^ Ta connoî-i
tra's ce cœur et quel sacrifice il sait faire; ^ il
s'_agît ici plus que de ma vie.. . Ta, chaise Tattend,
dis-tu ? ^ laisse-nous en décider.'
V A X c O U R T.
; Que ftrs-tuî Est-ce dans une pareille cîrcops-
tar^ce qu'il faut peser ce qu'on doit- faire î — Crois-
mai , les momens sont précieux.. ( îl remet à St.
Franclepasse-port et une bourse.) Tiçns , prends»
( A DurimeL i.et point d'adieux.
D 17 R 1 ME li. j .
• Arrêtez, homme généreux. Tout ce q^ue je pour-
roisVrépondre est trop au-dessous de ce que je sens.
.-, Mais je vous dois une entière confiance. -r.Je.
suis . ici sur la parole d'honneur dé votre ami ;
dois- je Teng^ager à'manjquer î Soyez mon jugf j;
r- ît est mon père.' . / i.
V'alco u RT, avec la plus grande surprise. *
Ton père 1 .- ^h pieul (^AprU un moment' de
réficqçiçn , ilprmd un parti décidé, y etpatt avec la
plus grande vivacité , sans^ dire^ une pçrple. )r ^ ,
D k A M E. 47
S C ^ N E VIL
6t. F r a n c, d u r I m El.
St. Franc, serfant son fils contre son sein.
Ahl ipon fîlS} coinbien ta générosité jne cend
ta mort dgulc^reu^e 1
SCENE y I l 1.
St. fra^îC, çlary, durimel»
Mao. liUZERE.
c L A R Y , j« dérobant à sa mère.
Laîssez-inoi aller à lui : je ne Tai p^s vu depuis
qu'il est malheureux,
D u R I M E L.
, C'est jçlle ! ô mon coeur, afFermis-toL
St. Franc, arrêtant Clary.
M^ chère fille, ménage/, ménage7> notre foî-
fclesse * ^ ii a besoin de tout son courage.
Clary, h Durîrnel qui se détourne.
Tourne donc leç yeux $ur moi , Durimel.
D U R I M E L , se précipitant dans ses bras.^ •
Qary ! ô nja chère Qary l .
Ç fi A R Y, cyprès un moment de silende.
Quel regard au milieu de tes larmes l -^ Que
veut-il me dire ? ^ Je per4s U voix.... Le ciel
tc^^nd-ilàmol ?
D U R I M E L.
Va , bénis sa bonté : ce jour n'appartient pas
tout entier au malheur.
C L A B Y.
Ah 1 Durîmel ! . . . ta grâce . . . est- elle accordée ?
D y R I M E L.
Oui... La plus grande que je pouvoîs obtenir dti
ckl ; r^ i*ai retrpuvé mon père , le voici , — prçci-
pite-toi dans ses br^s.
C L À R Y ^ sy fetarît\
Vçus^son çèrel
48 LE DÉSERTEUR,
St. Fr ANC, (Ztf reçoit,, lui rend ses cmbrdsstmens^
et se détourne pour lui cacher ses larmes et dit
à part. ) Titre précieux qui va bientôt s effacer.
C L A R Y.
Vous êtes son père? AHI vous serez le mien;
mon coeur vous a nommé : vous le défendrez , vous
le sauverez. ^ Je meurs s'il pérît, r-^ Mais qu ai-je
à vous dire, pour lui ? la nature a parlé dans votre
ame. — • Qu'il va m être doux de vous honorer , de
vous chérir sous le double titre de père et de libé-
rateur de mon époux 1 •- Vous vous taisez!
St, F r a N C^ pénétré.
Chère enfant !
C L A R Y.
Hélas 1 si je vous suis chère ,,assurez-moî qu'il ne
périra point. --« Et pourquoi faut-il donc qu'il meiire?
D U R I M E L.
Que mes juges s'appaisent ou deviennent inflexi-
bles, ma tête est dévouée au malheur, et je ne puis
plus aspirer à votre main; c'est à rhoî à vous épar-
gner ces déchirantes allarmes. Séparez votre^ sort
du mien : -* un homme plus heureux remplira 'la
brillante carrière que je n'ai fait qu'entrevoir. »-^
j^h l je sens qu'il est des pertes plus sensibles q^ue
celle de la vie.
C L A R Y.
O paroles cruelles l ^ £t c'est toi qui m*accables
ainsi.... Non., tu ne le crois pas : 7- ai^jie besoin
de te le dire ?'Non , ce cœur n'appartiendra jamais,
à un autre. Parle-moi plutôt de subir la mort en-
semble ; mais garde-toi de penser que Clary puisse
renoncer à toi. Je ne dois plus cacher l'excès de
xpon amour, ton infortune m'en fait un devoir sacré.
D y R I M E L 5 transporté.
O mon père, mon pèrel comme elle m'aUroît
aîmél { lise f^tte aux pieds de Clary*)
Mad. L u Z'EÔ. e , les séparant avec tendresse.
Arrêtez , mes enfans : mon cœur se brise entre
vous
DRAME. 49
vous deux. ^ Dans ces momens aJfFreux, vos trans-
ports sont, de nouveaux .traits que vous enfoncez
dans nos âmes. Tristes victimes d'un amour, mal-
heureux, attendez ce que le ciel doit décider de
vous , et respectez deux cœurs que vous déchirez,
D u R I M E J^.
, Madame , je saurai braver la mort , la recevoir
d'un œil tranquille ; mais ce cœur ne peut renoncer
aux charmes qui lui étoient ofE rts; toutes les puis-
sances de la terre et du ciel ne peuvent même Taf-
foiblir. — • Que cette chaîne de jours fortunés vienne
à se rompre , un d'ebx , tlu moins , peut m'appar-
tenir. — Vous m'aimez 1 J*ose vous en demander It
preuve, --* Qu'importe ce que le jour de demain
peut amener de sinistre ? Je peux mourir en portant
le nom de son époux. ( /J madame Luiere.) Ce
nom heureux m'étoit destiné. ^ Ah ! je vous croîs
trop généreuse pour changer comme le'sort.
Mad. L u z £ R E , se couvrant le visage»
%h 1 cruel t
DuRiMEL^à son pèrCé
Vous aurez une fille si vous perdez un fils ; elle
vous tiendra lieu de moi. — . Sur les bords de la tombe
j'embrasserai le bonheur un seul instant , et j'aurai
assez, vécu.
Cl a r y , dans le plus grand transport de la
passion.
O ma mère ! je l'aime de toutes les forces de mon
ame ; j'unirois ses destinées aux miennes , quand
l'univers ordonneroit son opprobre. ^ Donnez-luî
ma main ; c'est le ciel qui l'éclairé et qui l'inspire ♦
dans ce dessein. Cette main lui fut promise s ♦ i.
il a de nouveaux droits sur elle. Il est malheureux^
^ le ciel aura pitié de ces nœuds foj"més soirs ses
regards; les barbares les respecteront malgré eux *
.et n'oseront les briser sans frémir. —. Oui ^ nous
. serons unis , cher Durïmel 1 et malheur à qui osera
nous séparer.
D
%& LE DÉSERT EUR,
D U R I M £ t , /22/ comble dt la foie.
Eh je ne suis pas heureux !... Et je me plaîndfoîs
, crtcbre 1 ^ O mort , tu peux frap^r j j ai connu Ta-
iiliiii'é, Tambur et la nature.
St. F r a K c, à madame Laièteé
Madame, on peixt accomplir cet hymen. Le ciel
hè défend pas l'espérance: c'est le trésor des infor-
tunés : — . Qui seroit assez cruel pdùt le leur ravir î
C L A R Y^à St. Franc.
Ah 1 qu'il m'est doux de vous hommet mon pèrel
St. F R A N c.
Mais. . . . ô rtà fille l eh déveniiit son épousé, Ce
"îîeh que vous âllei former vous îthpoise un devoir.;.
'c'est dé respecter la paix de son ame; t*est die défendre
Tabàtement à votre cœur ; c'est d'imiter son coût ag^e
et sa constance; c'est de vous soumettre aux arrêts
^àû ciel. Me le promette!- vous ? à ce prix^ul, ...
C L A R Y.
En lui donnait ma main , n'ai-je ^a^ tout promis î
tendresse , obéissance. ...
St/ Franc.
; t>st assez : ( A madame Lu{ère. ) Miadame , que
tout soit prêt. ( // les serre entre ses ^ràs. ) O mes
énrans \ laissez- îé, chère Qary : ^ rAôn fils recevra
le titre sacré d époux. ^ J'ai besoin d'être seul avec
lui. Làissez-nôus; ^ les minutés ^ont àes années.
C L A R y.
Hélas ï je hè le sais que trop , mon père : et je vous
cWS sacrifie. ( Etle donne la main à DurimeL ) Ah!
( Elle sort, avec sfi mïre. )
S C E if E IX.
: St. franc, b u r I m E L.
St. F r a N c^ après un silence.
iJôû^ siommes seuls. ^ Ecoute-mbi , inon fils , ^
*ttL touches â.a dèriiiér terme de Tespérance qui ap-
partient à la terre , et tu semble y voir encore le
DRAME. ^t
bonheur attaché: tu vas paroître devant Dîeu , quel
sacrifice lui as- tu fait? Cet instant est peut'-être le
seul dont tu puisses disposer , et tu oses le donner à
tout autre qu'à lui.
D U R I M E L.
Mon père, ce Dieu que j'adore , pourroît-îl s'of-
fenser d'un lien pur, formé sous son nom? Clary et
moi nous le bénirons ensemble de nous avoir permijj
d*être unis comme frères ^ avant une séparatioa
éternelle.
St. F R a N C, /« prenant parla main et lui lisant
dans les yeux»
Mais s'il falloit mourir à l'heure même, sans \xA
parler, sans la voir; si la voix redoutable t'appeloît
pour subir ton arrêt , ^ dis , — ton courage ne flé-
chirpit-il pas? Marcherois- tu en chérissant ton
père , en adorant le ciel ?
D U R I M E L.
Cette loi me seroit dure , je Tavoûrai : mais s'il
falloit obéir. ... Si votre bouche Tordonnoît. . . Sî
tel étoit mon sort. ...
St. F R A N c.
Eh bien î
D u R I M £ L.
On me verroit gémir ; mais me soumettre à Tar-;
rêt le plus cruel.
St. F R A N c.
Tu viens de le prononcer , et j'en croîs ta pro-
messe. — Il faut me suivre, mon fils ; — échappons-
nous sans bruic de cette maison; évitons l'inutile
désespoir de ces femmes que j'ai éloignées, et qu2
rendroient ta mort plus amère et plus douloureuse.
Tu mourras sans avoir à souffrir de leurs derniers
adieux. *- Marchons. ( H fait quelques pas four,
sortir. ) D U R 1 M E L,
O ciel ! mon cœur est brisé.
St. F r A n c, j« retournant.
Me suis-tu ?
D %
\i L E D ES E R T E U R,
D U R I M E L.
XJn instant, mon père^ un instant.
: St. Franc
Tu hésites ? ton courage foiblit ? -^ Ce quêta
viejis de promettre étoit trop au-dessus de toi.
D u R 1 M E L.
. OaîjSàns doute; — mais je ne succomberaî/poînr.
O.Clary ! ô mon père! Puisqu'il le faut, allons. ^
Saisissez-vous de tes mains triemblantes. ... Arra-
chez-moi de ces lieux, , . . Oui , je veux la rempor-
-ter cette terrible victoire, ( // avance du coté de la
^pçrte. )
St. Franc, arrêtant son fils.
Cen est assez , mon fils , demeure • ... Le maître
qui veille sur toi ntn demande pas davantage, le
sacrifice est fait, n: Tu as encore douze heures à toi ^
tu reverras Clary , ta maiti sera unie à la sienne,
jnais songe qu'en cts momens terribles, le nom d e-
poux n'est qu'un, titre qui doit te la rendre encore
'pîùs respectable.
D u R I M E L.
Il semble à mon cœur que vous lut redonniez la
VIP. — Je la reverrai. ... je n'ai plus à me plaindre.
[^ Avec fermeté, ) Dès que ces instans seront écoulés,
vous me verrez reparoître sans crainte : vous me
trouverez prêt à vous suivre. Je me regarde déjà
comme entouré de l'appareil militaire , et votre fils
sans pâlir. ...
St. F R A N c.
N'achèves pas: je vois que nos âmes s'entendent;
je lis dans tes regards la fermeté de la tienne. . . .
Allons, mon fils, jouis de la félicité pure qui peut
encore t'appartenir, et ne parlons de l'heure funeste
qu'au moment où elle doit sonner. ( Ils sortent en
se tenant embrassés. )
Fin du quatrième Acte.
D R A M E-
ACTE
SCENE P R
Le Jour commence à paroître: on voit deux
beaux posés sur une table; les bougies sontpres^
que consumées ; Clury est endormie sur un/au-^
teuily entre les bras de sa mère^ qui a veillé toutCx
la nuit pris desafille^ et qui semble abîmée dans
sa douleur. Durimel est assis auprès de Clary*
il lui tient la main ; il xi les yeux fixés sur elle;
il exprime par quelques regards et par quelques
soupirs Vétat de son ame-^ il prononce même
quelques mots mal articulés ';, il abandonne la main
de Ciaryy se ieve^ s'éloigne d'elle et la contemple
à diverses reprises.
Mad, LUZEIIE, CLARY, DURIMEL.
Durimel.
5es yeux appesantis et' fatigués de pleurs, cèdent
enfin au sommeil. ^ Repose , innocente épouse ,
endors tes maux. ^ Que je crains son réveil! qu'il
sera douloureux ! ^ Si je pouvois m'échapper... J'aî
entendu passer les compacrnies : — quoi, déjà ï —
Comme les heures se sont rapidement écoulées ! —
Le tems semble se hâter ; — mon père va paroître. ^-
Chère Clary 1... Hélasl nous' n avons plus qu*à«nous
séparer: ^ Il faut nous sauver à tous deux un trop
cruel adieu.
Il fait un mouvement pour s*éloigner^ il regarde
encore Clary , puis faisant un effort violent , il
met ses deux mains sur ses yeux et va du côté de
la porte.
C L A R Y , e/z songe»
Durimel î Durimel I
Du RI ME L, saisi d'un frémissement revient sur
ses pas , retourne à Clary , et dit^ à voix basse.
Elle s'égare dans un songe trompeur. — Ses lèvres
^4^ LE DÉSERTEUR,
mésojurîent..! — Il faut la quitter! hélas! ai- je assez
souffert ? ^ Mon Dieu , pardonne ce murmure ; je
Muche au moment oii t'ame la plufî ferme s'ébraBl^w
Soutiens moi, Dieu puissante ^ Apres un silence. )
Sentinlens délicieux , avec lesquels simpatise mori
être, amour, amitié, charme inconcevable, c'est
vous que je regrette. ( CLdry pousse quelques accens
sans suite. ) Comme elle paroît agitée î
C L A R Y , toujours en songe* ^
Vous êtes son roi . . . vous êtes un Dieu, maître
de sa vie. . • • Mon époux. • • • Sa grâce. • . . Que je
l'obtienne. . . . Ou je meurs. ( Elle jette un cri et
^* éveille; Durimel se jette à ses genoux et les tient
embrassés. )
Mad. L u z £ R £.
Ma fille l
Durimel.
Trop tendre épouse l
C L A R Y , revenant à elle»
Ou suis-je ? Ah ! malheureuse ! ce n'est qu un
songe. ^ Je croyois être aux genoux de ton roi, que
tu m'as dit si aimé, si bienfaisant; j'imploroi^ ta
grâce . • . je Tavois obte^iue. ^ Durimel , non je ne
puis le croire, tu ne mourras point. .— Ce présage
heureux. ...
Mad, L u z E R E.
Ah Dieu ! pourrois-je soutenir ? . . .
D U R I M, E L, tenant la main de Clary.
Clary... Je ne peux lui parler. Ah! malheureux!...
Clary.
Non , tu ne périras point. ( Elle se lève. ) Dieu
ne voudra pas que tu meures. «—Non, tu vivras
pour moi.
D U R I M E L,
Clary , ménage ton espoir et tes pleurs. *- Je
crains moins de mourir , j'ai connu ton ame. ^
N*augmente point nos peines. Ecoute: mon père va
'rentrer, je dois paroître avec lui devant mQs juges.
DRAME. $1
xnaîs avant, nos entretiens doivent être secrets. ►-
Laisse-moi l'attendre seul. ^ Ahl Clary, retiens
donc ces larmes qui me déchirent le cœur.
C L A R Y.
Et puis- je commander à mes larmes de ne point
couler ? La vie de Tun n'est- elle pas celle de l'autre ?
( St. Franc entrouvre la porte et se retire aussitôt.)
D u R I U'£ L f qui a apptrçu sonpère.
Madame ! . . . Ah 1 ma mèrel séparei-nous.
C t* A a Y. ;f
Que je te quitte, cruel l
r DuRlMEL, sarrachatit de ses bras.
Au nom de Tamour , laissez-moi seul, dérobez^
vous toutes deux. . . . Madame, emmenez-la.
C L A R Y.
Je te laisse; il le faut: ^ mais avant, dis-moi,
cspères-tu ? ^ Réponds. . . ne me trompes pas.
D U R 1 M E t...
Et quel est le malheureux qui n'a plus j.d*espoîr^
Ce cœur le nourrit encore. ^ Va , le cieï peut être
^ppaisé.
Mad. L U Z E R E. .
Mon enfant, Wens Timplorer ; il n'est pas inéxp-
rable.
C L A R Y , veut parler, se retient^ et cédant à
sa mère, dit ens*en allant*
Ma mère. . . . Ah. 1 comme je vais l'invoquer.
SCENE IL
D U R I M E L , seul.
Je trembloîs qu'elles ne restassent... Il me semble
avoir entrevu mon père, qui s'est arrêté sur le point
d'entrer. H- Allons, mon ame afFermis-toi ; voici
le moment. ^ Ce qu'elles ont vu de moi n'est jJlus
qu'une ombre qui va s'efFacer. ( St. Franc entre. ) Je
ne me suis pas trompé.
D4
\
(
iS LE DÉSERTEUR,
SCENE 111.
St. F ^ a N C, P U R I m E L.
St. Franc.
J'atteiidois leur' départ ; — donne-moî ta main. — .
Bon , elle ne tremble point. — Tu sais que je te viens
chercher.
D U R I M E L.
Je vous attendois plutôt. — Sont-ils prêts? — Ne
manque-t-il plus que mpi ?
St. F r a^n c. -
Le régiment est sur la place -et le détachement
est là pour t'y conduire.
D U R I M E L.
"Mon père , épn'^gnez-vous ce spectacle affreux.
Mon cœur tremble pour le vôtre.
St. F R A N c.
Ne songe pas à moi. — L'extrême malheur en-
fante lextrême courage.
D U R I M E L.
Cette fermeté dont se pare votre cœur , est une
vertu bien terrible.
St. Franc.
, Et nécessaire à tous deux.
D u R 1 M E L.
Le trépas ne s ra pour moi qu'un instant. C'est
vous qui souffrirez, et long'tems. t— Allons, ^ il
faut paroîrre devant ce Dieu , dont la clémence em-
brasse dans son sein routes les créatures. — Vous
m'êtes tout aptes lui , bc^nissez-moi, et que le ciel
ratifie le pardon qu'un père va donner en son nom.
( Il mu un genou en terre. )
-St. F R A N C.
Je te bénis, mon fils; que Dieu t'ouvre son sein,
comme ces bras te sont ouverts. ( Il le presse contre
son cceur. )
D U R I M E L , après s* être relevé,
^ Ce cœur se sent plus assuré ^ plus fort. Allons ,
D R A ME. 57
mon père, partons. ( Il avance vers la porte. )
St. Franc.
Arrêté y mon fils , arrête, ^ Honneur l . ; • Cruel
honneur 1 quoi ! je te laisse ^pérîr et je puis te sauver?
^ Voilà le passe- port, les gens de Valcourt at-
tendent encore nos ordres. ...
D U R I M E L.
Ah ! mon père ! Que dites-vous ? ^
St. F R A N c.
Ignores-tu combien ta vie m'est chère ?
D XJ R I M E L.
Ignorez- vous combien votre honneur m'est pré-
cieux î ^
St. Franc.
Ahl la nature me crie. ...
D U R 1 M E L,
Imposez- lut silence. —N'est-ce pas sous la foi
promise , sous le sceau des sermens que ma personne
vous a été confiée ?
St. F R A N C.
Oui.
D u R I M E L. '
. Le sacrifice de l'honneur n'est pas en notre pou-
voir. ^ Il falloir vous récuser ou vous devez ache-
ver.
St. Franc.
Ah! mon filsl je suis un homme foible, mats je
veux l'être. Mon cœur me l'ordonne , je n'écoute
plus d'autres loix. — Viens , et sauve-toi.
D u R I M E L.
Mon père, vou$ avez donné votre parole; cest
moi qui me charge du soin de la dégager. ^ Je souf-
frirai la mort , et non pas votre opprobre. Allons»
St. F R A N C.
Mon digne fils î ( Ils remontent le théâtre. )
5? LE DÉSERTEtJR,
T CENE 1 t^.
St. franc, dur I ME L, Mad. LUZERE,
C L A R y.
■ C l A R Y , avec force
OÙ allez- vous ? n- Où le conduisez- vous? Pen-
sez-vous me tromper encore î r-^ îîc s^is-J9 pas le
sort qui l'attend? J'ai ranimé mes fonces, je revole
ici pour le défendre. (-4 Vunmcî. ) Tu voudrpîsrn'é-
chapper pour courir à.U mort, n- £t c'est vous,
VQ^VSy çon pèire ^ qui Ty conduisez ?
D u K I M E L.
Chère Clary, laisse., laisse, ni lui, ni tes pleurs,
ni mes regrets. ... 11 faut se séparer»
C L A R Y , 5e Jetant dans ses bras*
Nous séparer î Ah cruel l ^ Voudront-ils t'ar-
jracher de mes bras ? L'oseront-il$ } Non ^ ipon dés:*
espoir touchera leurs cœurs ; j'attendrirai leuts
âmes féroces : ^ tremblez , vous qui osez disposer de
sa vie , tremblez d'outrager l'amour et la naturel
mes cris vous poursuivront p mes cris accuseront
votre insensibilité , vous fremitpz de honte ou de
pitié.
D u R I M E L, éperdu.
Ah , Dieu 1 chère Clary ! mon père. ►-
St. F R A N c.
i Ma fille est-ce là ce que vous m'aviez promis ?
C h A K Y y au désespoir.
Si mon époux pérît , que m'importe le reste du
imônde. Vous ne^e ferez jamais résoudre à ce sacri-
fice affreux. *- Tant de constance ne m'appartient
,pas: ma foiblesse est ma seule vertu, r- Ou trouvez-
vous donc ce courage qui m'épouvante î Ne l'aimez-
vovLi pas autant que moi ?
St. F R A N c.
Ma fille , me prepares-tu un nouveau genre de
tourment ?«^ Tu ne peux m'entendre. -^ Ne suis*- je
. D R A M E. '^ <^
plus son père ? Eh ! qui peut vèiUer sur lui avec tant
a'amour ? — • Ma fille , commande à tes douleurs.
D V R 1 M E L. . i
Chère épouse j tu portes le poignard dans les bles-
sures d'un père qui nous aime.
C L A R Y , i St. Franc.
Pardonnez au désordre de mes paroles ^ je ne me '
connois plus.^. . • Mes transports s'adressent au ciel
comme à vous.... Mais quel papier dans vos mains ?
ti-4 Si c etoît sa grâce 1
St. Franc; cachant son trouble.
Peut-être, ma fille, peut-être. — Mais quoique
le ciel en décide , laisse- nous. . . { La prenant par
la main ^ et l'emmenant sur le bord du théâtre. )
Ma fille, ma chère fille 1 Mes larme?, mes dernières
larmes couleront-elles envain î Ecoute un vieillard;
laisse-lui remplir les devoirs les plus sacrés. Ils lui
Sont imposes parla nature, par l'honneur;^ ce
àioment doit être celui de leur triomphe.-- De*
meure , je te rejoins ici.
C L A R y.
Avec lui , mon père ?
DURIMEL, s'^éloigant.
Adieu , Clary.
C L A R Y, se retourne et fetteuncrU
Il m'échappe ! — Laissez-moi, laissex-moî le voh:
encore un moment ; laissez- moi mourir à ses côté^.
>^ Je ne le reverrai plus. — Malheureuse 1 ^ Duri-
mel ! -* Durimel !
St. F R A N c, à Mad. Luihre qui entre.
Madame , par toute rautorîté que vous ayez sur
elle , arrêcez ses pas. '
Clary, tombant dàjis Us bras de sa mère.
'^ Je me meurs.
St. Franc, s arrêtant un m ornent auprh delà
' porte.
Hélas! mon filsl ^ De quel côté allons - npps
sortir ?
«0 LE DÉSERTEUR,
D U R I M E h/prenantlamaindesQnphrc^
Venez , mon père, je vous montrerai le chemin,
et rien ne pourra m'en détourner.
SCENE V.
C L A R Y, Mad. L U Z E R E.
C L A R Y.
Et vous , ma mère , vous êtes aussi leur complice I
— Où va-t-il , mon époux ? Quoi 1 son père. . . Noa
il n'est pas possible. — Où va-t-il ? répondez-moi.
Mad. L U Z E R E , dans une douleur profonde.
O ma chère Qary ! épargne-moi : est-ce moi que
tu forces à te consoler ? Ah ! mon coeur a trop de
ses maux ; et je ressens tes douleurs et les miennes.
Ménage une mère, et tremble de la frapper.
C L A R y.
Hélas î qui prendra donc pitié de mes tourmens?
ils sont inexprimables. Ma mère ne m*cntend plus,
ne me console plus : tout s'obscurcit autour de moi.
*-< Ah! secourez-moi. •. je ccpis que je meurs aussi.
( Elle s^évancuit. ) ( Le bruit du tambour la fait
tressaillir avec force ^ elle se relève précipitarn^
ment. )
Ûîeu! qu'entends-je? quel son frappe mon oreille î
— * Ma mère, entendez-vous ce bruit formidable?...
Seroit-ce ? . . . . Ah l — [ Rapidement.) La place
s'apperçoit d'ici, j'y vole; je percerai les rangs,
il me verra, il entendra mes cris, . . . mes derniers
•adieux. • . .
Mad. L u z E R E.
Arrêtez. . . Non .... arrêtez.
C L A R Y, dans xn tremblement mortel.
Que je m'arrête l ... Ah ciell vous m'avez tout
dît. — Il n'est donc plus d'espoir.
Mad. L U Z E R E.
Vous n'irez pas plus loin , fille infortunée 1 ►—
Notre seule ressource est d'élever au ciel nos marins
impuissantes*
D RAM E. (i
C L A R Y.
On l'abandonne, on le laisse périr, et Ton m'em-
pêche encore d'aller à lui ! Tous mes; sens sont
glacés:— je crois voir le bandeau fatal, sur son
front. . . Moment terrible! ( On bat un ban. ) Le
bruit cesse. — * Quai silence lugubre 1 épouvantable!
^ Durimel 1 tu n es donc plus ? ( Elle tomb^ à ge-
noux ^ les mains tendues vers le cieL)
Mad. L u z E R E.
O ma chère Clary ! ouvre la paupière; sors de
cet accablement affreux, — Ne suis- je plus rien
pour toi i Je n'ai qu'un enfant , elle est toute ma
consolation sur la terre^ etTame de ma vie maban-r
donne 1
SCENE. VI et dernière.
CJLARY, Mad. LUZERÈ, St. FRANC,
DURIMEL, VALCOURT.
Valcourt.
Le votcî , le voici. — O famille respectable I !
jouissez de votre bonheur; il a sa grâce.
C Mad. L u z E R E. . Mon fils!
Ensemble.'^ C t A R Y Mon époux.
^ D u R I M E L. . . . Ma femme!
St. Franc, montrant Valcourt.
O mes amis ! voilà notre bienfaiteur.
Mad. LUZERE, se jettant k genoux.
Cest à vos pieds qu'il faut nous prosterner.
Clary, en même tems que sa mire , en
imitant son action.
O mon dieu tutélaire.
V À L c U R T , les relevant.
Je ne suis qu'un homme sensible ; mais voici
deux héros.
Mad. L u z E R E.
. . Comment se peut- il ?
/;
*2 L E I> ES E R T E U R,
Valcourt,
. Hier aa soir , honteux d*avoir autorisé par mes
étourderies , les odieux soupçons qu'on vous a voit
fait concevoir, j'avois résolu de le sauver : sa fuîtê
croît assurée; ua pisse-port, ma chaise, ma iî-
yrée , tout étoit prêt ; il a tout refusé ; et l'hon-
neur de son père lui a paru préférable à la vie.
Frappé de tant d'héroïsme , je n'ai plus écouté que
le cri de la pitié. Aussi prompt que Téclair , je
Vole au quartier-général , je me précipite aux ge-
noux du héros de la France. Le nom de St. Franc ,
je Ta voue , a plus fait que hies véhémentes sol-
licitations. J'ai tout obtenu de ce guerrier sublime
et compatissant. — J'ai redoublé de vitesse pour
hâter mon retour j et chaque instant de retard
glaçoît mes sens. J'arrive au moment où l'on as-
semble les troupes; je résiste au violent désir dje'
vous rendre tous à la vie :je prends mon rang ,
j'étoîs sûr du cœur de; St. Franc : j'ai voulu que
mon père même admirât ses vertus , et qu'elles ser-
vissent à justifier la hardiesse de ma démarché.
— Nous arrivons sur la place:--, quel spectacle
s'offre à nos yeux l ^ Je l'ai vu ce brave jeune
homme traverser les rangs d'un p^s égal et tran-
quille. ^ Ce digne père pafoissoît être la victime.
Nos officiers le connoissoîent humain et généreux ,
mais personne ne savoir à quoi attribuer tant de
tendresse pour cet infortuné. »-. Il Pembrasse vingt
fois à «nos yeux j enfin , «'arrachant de ses bras et
remplissant son terrible devoir , il défend aux sol-
dats» sous peine de la vîe , de crier grâce. ^ Mais
aussi-tôt , d'une voix altérée , il nous appelle , il
s'écrie, les sanglots à la bouche : u Non, Vous
9f n'exigerez pas que cette main trçmblante donne
» le signal de son trépas : la nature l'emporte et
fy m'arrache mon secret. Blâmez-moi d'embraîB$^r
99 la cause de tous ces infortunés.. . Celui que vous
• voyez, •• • apprenez tous quHl est mon Bis. ..
DRAME. tf|
9» oui , mon fils. ^ Frappez deux victimes >», Il
se jette dans ses bras, il le presse sur son sein, il
ne peut s'en séparer. ^ Ah Dieu I j'ai vu tous les
visages pâlir , tous les yeux verser des pleurs. Mon
père , frappé d'admiration , lui a dit : « Pourquoi
»» nous avoir caché ce fatal secret ? J'aurois tout
9f fait^our le sauver >». ^ Ill'est, me suis-je écrié
en me jetant dans ses bras , voilà sa grâce : que ce
soit de vous qu'il la reçoive. ^Les officiers ^ les
soldats , k peuple , tous ont répondu par un cri de
joie y jugez de celle qui remplit mon cœur. J'ai
sauvé deux héros y j'ai rendu la vie à une famille
respectable , et j'ai reconcilié mon père avec mon
ami.
Mad. L U Z E R E.
O digne jeune homme !
St. Franc.
Mon ami !
D u K, 1 M E L.
Mon bienfaiteur !
C L A R Y,
Comment pouvons-nous acquitter ? . • •
Valcourt.
Vous ne me devez rien. -^ Quand un français
entreprend une bonne action , le bonheur de réussir
est sa plus glorieuse récompense.
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