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Full text of "Le génie de montesquieu"

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D.5.i.i=t; ^ Google 



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i 

LÉ GÉNIE 

DE 

MONTESQUIEU. 



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LE GÉNIE 

DE 

MONTESQUIEU. 

Ntn tu eoTpus crasJînepeSeTe. 



i^)tt» 



A AMSTERDAM, 

Chez AsKSTfE & MtBKUS. 

M. DCC. LIX. 






. Google 



AVERTISSEMENT. 



Me 



LOnsxEUII DB M0NTB5Q.UISU 

çR. peut - être de tous les Ecrivains 
le moins iàit pour être abrégé , 
parce que la continuité de profon- 
deur ou de finefle qui régne dans 
tout ce qui eft forti de fa plume , 
rend prefque toutes fes idées pré- 
cieufes/parce que les faits mêmes 
deviennent entre fes mains des 
principes lumineux , parce que fes 
penfécs, détachéçs du fiftême au- 
quel elles tiennent , perdent une 
partie de la lumière 6c de la force 
qu'elles reçoivent les unes des au- 



.i.i=t; .., Google 



iv AVERTISSEMENT, 
Très, auiiïi Tabré^ que Ton don- 
ne *u publie n^-eft pas fait pour te- 
nir lieu des ouvrages de ce grand 
faonatae; aaix oa croit <^A pour- 
ra être utile à ceux qui ne les con- 
noifTent pas, en teur infpirantïe 
defir de les étudier , &: qu^îl fera 
^ agréable à ceux qui les connoif- 
fent, en remettant fous leurs yeux 
des idées vaftes & fécondes, qui 
ne fçauroient leur, être trop farni- 
lieres. M. de MoNTESQ.uifiU luî- 
même avoit approuvé Vidée de cet 
abrégé. On n'y trouve que des an- 
neaux détachés d'une longue chaî- 
ne; mais ce font des anneaux d*or. 



D^ii.t..,Googlc ■ 



LE GÉNIE 

DE 

MONTESQUIEU^ 



CHAPITRE PREMIER. 

De la Religion. 

^^^S!& AReligionefttouioursIemeil- 
«*^T *^«l leurgarant que l'on puifle avoir 
Wjs R^ ^^^ moeurs & de la probité des 
®^^V hommes. 

L'homme pieux & l'Athée parlent tou- 
jours de Religion : l'un parle de ce qu'il . 
aime ; l'autre de ce qu'il craint. 

Un Prince qui aime la Religion & qui 
!a craint , c'eft un lion qui cède à la main 
qui le flatte , ou à la voix qui rappaife* 
Celui qui craint la Religion & qui la hait» 
eft coinhie les bêtes fauvages , qui mor- 
dent la chaîne qui le^empêchede fe jettet 
iiir ceux qui paffeot. Celui qui n'a point 
A 



ia tout àe Réligîoii , «ft àhfinkntl nr-' 
ftb]e«T^uiffc{Mt&libïrcé, que loiJi^u'U 
déchire & qu'il dévoie. 

QMBdUferoitintmieqïietesSajetseïif- 
fent une Religion , il ne le feroic pas que 
les Princes en eulTeiit , Se qa'ils blanchif- 
fent d'écume le feul frein que ceux qui ae 
craignent pas les LoixbumaiaeSf puifTent 
avoir. . 

Diea aime las' tiommes , pmCqu'il éta- 
blit une Religion pour les rendre heujeux : 
s'il aime les b«BEBes , on eft sûr de lui 
plaire en les aimant aufTî , c'eft - à-dire , 
en exerçant envers eux toos tes devoirs de 
la charité & de l'humanité , & en ne vio- 
lant point les Loix ibus lesquelles ils vi- 
vent. 

Dans quelque Refigion qu'on vive , 
l'oblervacion des Loîk , l'anaour pour les 
hommes , la piété envers les parens ,' {bot 
toujours les premiers aâes de la Religion. 

Jliautiàirelianbrer la divinité, ^ao 
fa venger jamais. 

Dans les chofes-qui blelTeut la Diviaité , 
ikoiiila'yz point d'aél^on publique i, il 
p'y a point de matière de crrme ; tout s'y 
paiTe entre l'homme Se Dieu , qui f^aic 
ta mesure & le tempsde Tes vengeances. 

Il Êiut être très - circpnfpea dans 1^ 
pourfuite'de la magie & de l'héréfie , par- 
f^ que la iqecUeare copduitç du mopd^:^ 



D^ii.t..,Goc^lc 



iimonit iz f>hK dum, lapracigae de 
tonslefi 4ev0it8, oelbtitpeimdes g&rans 
contre les foupçons de-ces crimes. 

Lezcde pour lei progrès de la Keligion, 
eft difiërent 'd« l'atcacnerneoE qii'on doit 
*»oJr jpc«w«We&'potK VatrAer 6zV(A>£et- 
ver-, il n'eft pas «éceUftire de haït & de 
perfécnercniK gui ne l'obtervene pas. 

La HeUgfon ne donne pas à ceQZ qaî 
la prtffèâeBi , vH dreic de-réduîre eo fer< 
vtcude4:eDKqui-ne1aprofeneQtpas, pour' 
travailler plus rûremenEàfa propagation. 
Cependant Louis XIÏI , qui s'étoit ^it 
Hne fwine ■ejitrême de la Loi qoi rendoit 
efclaves les nègres de fes Colonies, quand 
on lui«ut bien mis dam Kefprit qu£ c*é- 
toic la voie 'la plus sûre pour les conver- 
tir, yconfemit. 

LesLoiK de la Religion éviteront d'inf- 
|»rer -d'autre mépris quecelui du vice,, 
& fur-(oot d-'éloigner les hommes de l'a- 
iQour ëc de k piité pour les hommes.. 

Il ikut éviter les Loix pénales en fait de 
Beligion; «lies rendent les âmes atroces.' 

£n fait de changement de Religion , 
les invitations font plus fortes que les pei- 
nes. 

-Celai qui veut me -faire changerde Re^ 

Mgton, ne le fait fans doute que parce 

qu'il ne Chaogeroit pas la fienue , quand 

oa TDttdcoit l'y forcer: il trouve donc ' 

Ai» 

vr-- Google 



4 Ps 1 A Ri zi G i-off. 

IcraagB que je ne fefle pas Bne cbofe qu'il 
oe ferait pas lui-même , peuc-êcte, pour 

i'eropire du monde- 
Les biftoire$ font pleiaesdes guerres de 
Religion ; tqais qa'Qn y prenne bien gar? 
de, ce n'eil poinc la multiplicité des Ae- 
ligions qui a produit ces guerres, c'eftl'et 
prie d'intolérance qui animoic celle qui fë 
çroyoit la dominante ; c'eft cet efprit de 
vertige, dont les progrès ne peuvent être 
regardas que comme une éclipfe entière 
de la raifon huniaine. 

Ne feroit'il pas bon que dans un Etat 
il Y eût plufleurs Religions? On remart^ 
que que ceux qui vivent dans des Reli- 
gio(i$ tolérées, (e rendent ordinairement 
plu4 utiles à leur patfie , que ceux qui vi- 
vent dans la Religion dominante, parce 
qu'éloigiiés des hommes , ne pouvant fe 
didingu^r que par leur opulence & leur^ 
richeiles , ils font portés à en acquérir par 
leur travail , & àcmbrafTer les emplois de 
la fociécé les plus pénibles. D'ailleurs, 
comme toutes les Religions contiennent 
des précépcps Utiles à la Toçiété, il eA bon 
qu'elles foicnt observées avec zélé. Orqu'jf 
a t il de plus capable d'animer ce zéle^ 
quf: leur multiplicité ? Ce font des rivales 
qui ne le pardunçent rien. La jaloufie défi 
rend jurqu'aux particuliers ;chacun retient 
fur le; gatdes, & ciaiqt dç f^ïrç dçs chqx 



Lijii.t... Google 



DSXARBilGIOfT. 5 

fet qai deshonoreroienc fon partie & Vex- 
poferoiem aux mépris & aux cenfures du 
parti contraire. AuHi a-t-on toujours re< 
marqué qu'une Seâe nouvelle» incroduice 
dans ua État, étoit le moyen le plus sûr 
pour corriger tous les abus de l'ancienne. 

On a beau dire qu'il a'eft pas de l'inté- 
rêt du Prince de fouflfrir plufteurs Relï- 
gionsdansun Etat: quand toutes les Sec- 
tes du monde viendioienc s'y raflembler t 
cela ne lui poneroît aucun préjudice» 
parceqa'il n'y en a aucune qui ne prefcri*- 
ve robeiflance, 8c qui ne prêche la fou- 
nitffion. 

Lorfque les Loix d'un Etat ont cru de- 
voir fouflTrir plafîeurs Religions , il faut 
qu'elles les opllgenc auOî à fe tolérer en- 
tr'elles. 

Quand on e(l te maître de reccivoir 
dans un £tac une nouvelle Religion » oa 
de ne la pas recevoir , it ne faut pas l'y 
établir : quand elle y eâ établie , il fzuc 
la tolérer. 

Un Prince qui entreprend dans fofi 
Etat de détruire ou de changer la Reli- 

fion dominante , s'expofe b^ucoup^ La 
.eligion ancirane eft liée'avec la confli- 
tiition de l'Etat , & la nouvelle n'y tient 
point: celle-là s'accorde avec le climat, 
& fouvent la nouvelle s'y refufe. On fubf- 
titue des foup^ons contre lés deux Relî* 
Aiij 

...... Googk 



gions à une ferme croyance pour ode ; ea 
un mot, on <ionne à VEttt, an moins 
pour quelqye wmps , & de naiuRÛs ci- 
toyens , & de mauvais fidèles.' 

11 y a très-tbovenc beaucoup d^incoa- 
véniens à cranfporter noe Beligioo d'un 
Pays daas^ un autre. 

l«s Loix buniuQCs, &itet: poui pai<^ 
letàl'erprjc, doivenc doBiiea des précep- 
tes y & point de conËéik.! Lx Rdinon , 
faite pour panier au cceat , duc ooiMet 
beaucoupdecoBfeils, &peud«pré«apccT, 

Oa ne doit point établir pan le* Lcâx ' 
divines , ce qui doit l'écre par les Loia 
humainesi ni ré^n par les Lotx homai- 
neï, ce qui doit l'éuie par les lois divi^ 
xxs, C^s deux fortes de Lair dtfithient 

Ï)ar leur origine , par leur objet Sc- pai 
eut natocé. La natum des Lots htnnaî- 
fias e& de varier > à mefare que lei voïon< 
tés des honutt» changenr. La oaoïce dm 
Xi(ïi!a.de k Religion ^ de ne vanee pt' 
mais. Les Loix humaines flatueot fur le 
bien j 1& Religion &ir le m«lleur. La 
force de U Betigion vient de ce qu'on 
la croit; U fovee des. Loû fanmaioef 
vient de ce-qu'oni tes ccaias. 
■ Les Lois ttAtgKo&s ont ^losde foblii- 
;nité'; ied Loix civile plus d'étendu 
Cellss^là ont plus pour objet la bonté de 
■l'homme qui les observe , .que celle de U 



DïiaRsiicio». jr 

foclétj : celles - et ont plus poar objec 
la boDté morale des homisés en général, 
que celte des indÎTidus. AinTt lés idées 
qai naiflcnt tmmédîatefnenc de' la Reli- 
gioïi , se doÎTeiK pas toujours fervïr de 
principe aux Loix Civiles. 

Lorfque la Befigion condamne des 
cbcires que les îmïx CÎTtles doivent 
permettre , ït eft dangereux qoe les Loix 
Civiles ne permettent de leur c6té ce qne 
la Relifflon dût condamner. 

Une Religioti chargée de beaucoup de 
pratiques , attache plus à elle , qu'une 
antre qui l'ell moins. On tient beaucoup 
aux chofes dont on e(t cootiouellemenc 
occupé. 

La mifere même des peuples ell un 
m6tif qui les attactie à Ta Religion. 

Rien h'eft plus confolanc pour l^s 
hommes , qu'un lieu oh itj trouvent la 
divinité plus préfente > <Sc où tous en- 
femble, ils font parler leqrs foïblefles & 
leur mifere, Les peuples qui n'ont point 
de Temples» ont peu d'attachement pour 
leur Religion. 

Lorfque leculcc extérieur a une gran- 
de magnilicenœ, cela nous flatte & nous 
donne beaucoup d'attachement pour la 
Religion. 

Pour qu'une Religion attache il iaac 
qu'elle ait une morale pure. 

Air 



D^ii.t..,CoOglc 



$< DsiAREZ-ieioN. 

Far II nacare de l'eoKnâeaie&c litl' 
main , npus aimons . en faic de Kelï- 
gion , tout ce qui foppofe un effort , 
comme en roatieie de morale , nous aî- 
iDDDs fpécialement code ce qui porte le 
caraâère de la févéïité^ Dans tes Pays 
du midi de l'Europe , où , par la natu- 
re du climat » la Loi du célibat ed plas 
difficile à obferver, elle a été retenue: 
dans ceux du Nord, ou les payions font 
moins vives, elle a été profciite. Dans 
les Pays oii il y a peu d'habitans, elle 
a été admife ; dans ceux oi\ il y en a 
beaucoup , on l'a rejetiée. 

Nous fomtnes extrêmemeDe portés i 
l'idolâtrie, & cependant nous ne fomr 
Xaes pas fort attachés aux Religions ido- 
lâtres. Nous ne fommes gueres portés 
auxidées Ipirituelles , & cependant nous 
fommes tres-attachés aux Religions qui , 
nous font adorer un Etre rpirituel. Nouf 
regardons l'idolâtrie , comme la Reli- 
gion des peuples grofllers, & la Religion, 
qui a pour onjet un Etre fpirituel , conv 
me celle des peuples éclairés. 

Les hommes font extrêmement portés 
à efpérer & à craindre.; une Religion 
quin'auroit ni Enfer ni Paradis , ne ^aa- 
roit guéres leur plaire* 

On efl bien embarrafle dans toutes les 
Religions , quand il s'agit de donner une 



.i.i=t; .., Google 



DsiaReiicioit. ^ 
idée des plaifîrs qui font deflinés à ceux 
qoi ont bien vécu. Oa épouvante facile- 
menc les méchans par ane longue fuite 
de peines dont on les menace ; mais pour 
les gens vertueux ,. oq ne Tçait que leur 
promettre. Il femble que la nature des ' 
pUifîrs foit d'être d'une courte durée. 

N'offrons point nos tréfors à ta Divi- 
nité > fî nous ne voulons lui faire voir 
l'ellimeque nous Tairons des chofes qu'el- 
le veut que nous méprifions. Que doi- 
vent penfer les Dieux des dons des im- 
pies , dit admirablement Platon ^ puif- 
qu'un homme de bien rougîroit de re- 
cevoir des préfens d'un ihal-honnéte hom- 
me ? Des hommes chartes & pîeux y 
ajoute-t-il, doivent ^firir des doos qui 
leur reflemblent. 

Il ne faudtoic pas que la Religion en- 
courageât les dépenfes des funérailles. 
Qu'y a-E-il de plus .naturel qçe d'ôteÉ 
la différence des fortunes dans une cho- 
fe , & dans les momens qui cgalifenc 
toutes les fortunes f 

Quand la Religion ordonne la ceBk- 
tion du travail , elle doit avoir égard 
aux befoins des hommes > plus qu'à la 
grandeur de l'Etre qu'elle honore. 

IiOirque la Religîpn a beaucoup de 
- Miniflres > il e(l naturel qu'ils ayent un 
che£, & que le pontificat y foit établj. 



Djii..... Google 



La vraie Re%teo fe défend pit ût. 
vérité même , die n'a pas beToin de 
moyens violens pour fe maintenir. 

Comme ta Religtoa fe défend beatt^ 
coup par elle-m^e; elle perd plus, 
lorfqa'etle «ft mal défendue , qtre lorf- 
qu'ellen'eft point du tout défendue. 
_ Qoand un homme écrit fur les ma- 
tières de Religion , il ne fîiuc pas qu'il 
compte tellement fur la piété de ceux 
qui le lifent» qa'il dife des chofès coo- 
traires au bon fens ; parce que pour s'a^ 
Créditer auprès de ceux qui ont plus da 
piété que de lumières, ït fe décrédite 
auprès de ceux qui ont plus de lumières 
que de piété. 

Une luperftition groffiere abbaiflfe M^ 
prît^ autant que la Religion l'âére. 

Dans les Etats defpociques, là Reli-' 
gion a plus d^influence que dans aucun 
antre: elle efl une crainte ajoutée à là 
crainte. 

La RcHgion Jarre e(t un vieux tronc 
qui a produit deux branches qui ont cou- 
vert toute la terre, c'efl-à-dire, le Chriif^ 
lianifme & le Mahométifme. Elle fe ferc 
de l'un & de l'autre pour embrafîer le 
monde entier, tandis que d'un autre cô- 
té fa vieilleffe vénérable embrafle cous les 
temps. C'eft une mère qui a engendré deux 
filles qui l'onc accablée de mill» pbtîes ; 



D.5.i.i=t; ^ Google 



Db II. Raiifiioir. fi 
car en £ik'(fe Relûgion , les ptos proches 
bmt les plas gntiKKs ennemies. 

Les principes du ChriftianrAne bien 
gravés uns te cceirr, font infinimenr plus 
K)ns qne le fans honneur de la Monar- 
chie, les verres bnmaines d« Réptiblf- 
ques» & U crainte fervile des Etats <lef> 
potiqacs. 

Cboic adminhUl La Refi^oit Chré- 
tienne , qui ne fembte avoir d'objet qae 
la fébcité de Tawre vie, fsic encore no- 
ire bonheur dans celle>ei. 

La Religion Chrétienne qui ordonne 
de s'^tner j veut iàns doute qcre chaque 
peuple ait lesmeitkuFj Loix pcrtHiques & 
civiles r parce qu'Ailes fooc, après elle, le 
plus grand tven que tes honmes- paif^nic 
donner ét-recevoir. 

Flucarque dit dans b vie de Nnma , 
que dans le temps deSatarne, ilnyavon 
ni maître ni efclave. Dans nos cHtoars,- 
le Chriftianifme a ramené cet-âge. 

Nous deriMts au Chridianifmr, dans 
le GouveinKnent , un certain droit poli- 
tique, & dans la guerre, un certain droit 
des gens , qne la nature humaine ne fçau- 
roit aflfez leconnoître. C'eft ce droit des 
Gens, qui fait que parniî nous, laviâor- 
re laiflê aux peuples vaincus ces grandes 
chofes; kl vie, les Loix, les biçns, & tou- 
jours la Religion, lorfqu'on nes'aveu^^e 
pas foi- même. 

Lijii.t... Google 



I» D B £ A R s 1 1 G I O If; 

lift Religion du Ciel oe s'établit pas 

gar les mêmes voies que les Religions de 
, terre. La Religion Chrétienne a-t-elle 
réfolu d'entrer akas un Pays P Elle fçaît 
s'en faire ouvrir les portes ; tous les îof- 
tramens font bons pour cela. Se cach^ 
t-'elle dEuis tes lieux foûterreios F Atten- 
dez un moment , & vous verrez la Ma* 
jefté Impériale parler pour elle. Elle tra- 
verfe , quand elle veut , les mers , les ri- 
vières & les tnontagnes. Ce ne font pas 
les obAaeles d'ici-bas qui l'empêchent d'al< 
1er. 

EtablilTez des coutumes, formez des 
ufages, publiez d es édits, faites des Lois; 
la Religion Chrétienne triomphera duclt< 
mat^ des Lois qui en réfultént & des Lé- 
gillateurs qui les auront faites. Dieu, fui- 
vanc les décrets que nous ne connoiifons 

Ïas t étend ou leOerre les Utmtes de fa 
Leli^ionv 

Dieu permet que fa Religion ceffe d'è^ 
tre donainante en plulieurs lieux ; non pas 
qu'il l'abandonne, mais parce que, qu'eU 
le foit dans la gloire ou dans l'humitiation 
extérieure, elle eft toujcrûrs égalemenc 
propre à produire fon effet naturel, qui 
eft de fanâi&er. 

La profpérité de la Religion efl diffé- 
rente de celle des Empires. Un Auteur 
célèbre diloit qu'il étoît bica-aife d'eue 



D^ii...., Google 



DexaRszigiok. I) 

malade, parce que la maladie eft le vrai 
écac du Chrétien. On pourroît dire de mê- 
me que les humiliations de l'Eglife, fa 
dirperfîon , ta déftruâîoa de Ces Temples, 
les fouHrances de fes Martyrs foot le temps 
de là gloire, & que lorfqu'aux yeux oa 
monde elle paroît triompher , c'eft le tempt 
ordinaire de foo abbalffement. 

Il fuit des principes du Gouvernement 
de la Chine, une chofe bien irifie, c'eft 
qu'il n'eft prefque pas poflible que le Chilf- 
lianirme s'y établilTe jamais. Les vceuz de 
virginité , les Âflemblées des femtnes dans 
les Eglifes, leurcommunicatton'néceâai- 
re avec les IVIiniftres delaKelîgion, leur 
participation aux Sacremens, Ta. Coofef- 
fion auriculaire, l'Extrême-Onâion, le 
Mariage d'une feule femme ; tout ixia 
renverfe les mœurs & les manières du 
Pays , & frappe du même coup fui la Kér 
Ifgion & fur les Loix. 

Il femble, kumaintment parlant ^ qàt 
cefoit le climat qui a prefcrit des bornes 
à la Religion Chrétienne. Il fuit de-là , 
qu'il cft piefque toujours convenable qu'- 
une Religion ait des dogmes particuliers, 
& uii culte général. 

LeChriAiamfmeeftpIeindebonfens, ' 
l'âbiHnence eft. de droit divin ; mais une 
abftinence particulière eft de dioit de'p<^ 
fice f & do peitt ta changer. ' ' 



Lijii.t... Google 



j^ Ds x A RBxiai«3f. 

, £.3' Religion Chréùenoe CDvâl<qïpe 

jtouta les paJSoos i 'die bWI p»s pios 
iiloufe <tes aâioBfi que des deùtt 3c des 
peÀCées ; elle ne .Daiis ûeoc jkhdc atta- 
ciiés par .qoelqucc dhaânes i 'OiaK par un. 
flompte ùuioiabrable de £b ; elle la^b 
■«lârdefe «lie Ja ioAioe bumaine « pour 
commencer une Amtc .^uftice ; «lie eft 
iaite ,pour bdui aneser iaos colfe «in re- 
feacii k l'Amast, ik de i'anwur ta re- 
^nodr 4 clie œc enere le juge •& le cri- 
jniael ui^^rand médiateur, entre k'jufie 
■& 4e JoédÙMV 'Un '^rand juge. 

Ces'ell ipa« aSez peur une Keligioa 
•d'itablir un di^me , il &nc qu'elle le 
^ige. Ainfi -la EêligionChrécicDiienoiM 
&it «opérer un état que :noas ^crcjtons, 
«lOQ pas un'étatque Jui|]S'££uuoDs. Touc* 
iuftju^ la rfforroâiop des corps , nous 
. mené à >des idées Xpiiicuellei. . 

Il y a des geos qui dîfputenc faos 
Sa, fur la Religion inUK il Semble qu'ils 
xombactent -ea mâme-temps à qui i'ob- 
Jervera le tnoiiu. Non - feulement ils ne 
SûDz .pas .(nelUeurs Chvéuens, mais mê- 
me tneiUeurs -Citoyens. 

L'Ecriture e(l un .pays oii les Ciité- 
^tiens dé toutes -lés. biâes foot des def- 
-«ent(» , & vooc comme au pillï^ : c'eft 
•pn. clûinxp de 'bataille :oti les Nations 
ennemies qui&xencomrçnCf iurttntbieD 



Lijii.t... Google 



des combats; où l'on s'attaque^ oit l'oa 
s'efcarmouche de bien des manières. La 
flâpart des Inceipréiet n'ont point cher* 
cbé Jant l'Ecriture ce qu'il faut croire , 
Biais ce qu'ils croient eux aêcaes : ils □• 
l'ont poiiu r^ardéti comme un livre o£t 
étoient -contem» Iss dogioes qu'ils de- 
voient recevoir, mais comme un ouvur 
ge qui pourrott donner de l'aïuorité à 
leurs piopies idées : c'eA pour cela qa- 
ils en oDc corrompu tous, les feos, & 
qu'ils ont doDué Ja voicuK À tous les 
paflàges. 

Oo doit donner une gaaâe «ttentioa 
tax dî^uites des TiiéolqgteBs ; mais il 
iaut la cach»', autant qn'U eil pofIîble« 
la peine qa'on paroît prewlre à les cal* 
mêr, les accréditant loujours-^ & &i- 
fant voir que leur maoieie de penfer 
e(t fi iiEiponance, qu'Ole décide du tO' 
pos de l'Ëfat & ^de b sûieté du Fnoc& 
On ne peut pas plus £nir leurs aSaires 
en écautaac lears fubtibcés , qu'on oe 
pourroit abolir lec duels., en établilTaoc 
des écoles où l'on raËaecoit fur le point 
d'bonneur. 

On ■œ -reraatque point chez 1» plâ' 
fan des Cbrétiens^ une petXuaâon vira 
de leur Rel^ion. îl ya bien loin cbe? 
«ux de lâ.{»ofe^oQ à la ïroyaacçi d? 



D.5.i.i=t; ^ Google 



i£ Db ia Rbiigioit, 

U croyance à la conviâion^ & de lÀ 

conviâioQ à la pratique. 

La Religion eft moins un fujec de 
&ndîfication qu'un fujct de difputes > 
qui appartient à tout le monoe. Les 
gens de Cour, les gens de guerre, les 
lemm» même, demandent qu'on leur 
prouve ce qu'ils font réfolus de ne pas 
CTMre. Ce n'etï pas qu'ils fe foienc dé> 
terminés par raifen , Ëz qu'ils aient prjs 
la peine d'examiner la vérité, ou la 
fiulieté de la Religion qu'ils rejettenf^ 
ce font des rebelles qui ont îenti le 
|oug . & l'ont fecoué avant de l'avoir 
connv. Aufli ne iont-iïs pas plus fer- 
mes dUns leur incrédulité que dans leur 
foi ; ils vivent dans un flux & leBux qui 
les porte fans celTe de l'une à l'autre. 

Unhommedifoit unjour: » Je croîs 
39 rimmonalité de l'ame par fémeflre ; 
9> mes opinions dépendent abfolumenc 
s* de la conftitntion de mon corps. 
v Quand le Médecin ell auprès de mort 
X lit, le Confefleur me trouve à fou 
ai avantage. Je fçais bien empêcher 12 
w Retigion de m'affltger , quand }e me 
v porte bien ; mais je lui permets de 
aime confoler, quand je fuis malade; 
> lorfque je n'ai plus rien à efpérer d'un 
w côté , la Religion fe préleitte & me 



D.5.i.i=t; ^ Google 



D s L A R B £ I e I o ir; r^ 

» gagne par fes promedes ; }e vemc 
n bien m'y livrer, & mourir da côté de 
M refpérance. 

Un homme fàifoic tons lei Jours à 
Dieu cette prière : » Seigneur , je n'en- 
w tends rien dans les difpuies que l'oti 
3> fait fans celTe à vqtre fujet. Je voadroîs 
» vous fervir félon votre volonté , mais 
» chaque homme que je confulte , veuc 
9> que je vous' ferve à la (ienne. Lorfque 
M je vous fais ma prière , je ne fçais 
7> en quelle langue . je dois vous parler ; 
y> je ne fçais pas non plus en quelle pof 
» ture je dois me mettre. L'un dit qae 
37 jç dois vous prier debout ; l'autre veut 
» que je fois alTis ; l'antre -exige que mon 
3» corps potre fur ines genouxi II m'arri- 
» va l'autre jour de manger un lapin i 
K trois hommes qui m'avoîent vu, me 
yt firent trembler : ils me. foutinrent tout 
3» trois, que je vous avais griévemenc 
y> ofïènfé ; l'un , parce que cet animal 
X étoit immonde ; l'autre , parce qu'il 
y» étoit étoufTé ; l'autre enSn , parce qu'il ' 
*» n'étoit pas poiflbn. Toutes ces chofes, 
M Seigneur, me jettent dans un embar-' 
w ras inconcevable. Je ne puis remuer 
M la tête , que je ne fois menacé de vous 
M offenfer. Cependant je voudrols vous 
x> plaire, 6ç employer à cela la vie que 
B 



D^ii...., Google 



18 Db xa Kbiigiok. 
M je tiens 4« tous : je ne ffaïs fi je me 
.)» [Comp« ; .'mais je crois que le metl- 
»leur moyen pour y parvenir, eft de 
M vivre -en bon citoyen dans U tbciécé 
•• où vous m'avez fait mitre. 




.. Google 



CHAPITRE II. 

De la République. 

LA nature da Gouvernement R^pu' 
blicain eft que le peuple ea Corps, 
ou feulement une partie dupeupteyaienc 
la fouveraine puifuince. 

Le principe de ce Gouvernement, foit 
. Démocratique , foit Ariftbcratiqne, c'eft 
la vertu. 

La Vertu dans une République eft ine 
chofetrès-fimple; c'efl l'amour de la R^ 
publique. 

L'amour de la Démocratie eft celui de 
l'égalité ; c'efl; encore l'amour de ta fru- 
galité. 

L'amour de l'égalité dans une Démo> 
cratié, borne l'ambition au feul defîr, 
au feul bonheur de rendre de plus grands 
fervîcesàfapatrie, quelesautrescicoyens. 

L'amour de la frugalité borne le défir 
d'avoir; à l'attention que demande le né- 
ceflaire pour fa famille, £c même le fu- 
perflu pour fa patrie. 

Il eft de la nature d'une 'République, 
qu'elle n'ah ^u'un petit territoire. Dans 

Djii..... Google 



jio DsiARipuBiiQua. 
une grande République, il y a de grandes 
f»rtunes; les intérêw fe particularifent; 
le btep commun eft facrifîé à mille confî- 
dératiqbs. Dans une petite , le bien public 
eft mieux Tenti , mieux connu, plus près 
de chaque citoyen. 

Le peuple dans la Démocratie, efl à 
certains ^ards le Monarque, à cenains 
autres le fujec. 

C'ell une loi fondamentale de la Démo- 
cratie, que le peuple feul fade des Loix. 

C'eft une maxime fondamentale de ce 
Gouvernement, que le peuple nomme Tes 
Aliniflres, c'eft-àdire, fes M^giflrats. 

Le droit de TutTrage, & la manière de 
le donner, font dans la République , des 
Loix fondamentales. 

Le fufïiage par ley^-t ell de la nature 
de 4a Démocratie ; le fuf&age. par choix 
eA de celle de l'Ariflocratie. 

Plus une Ariftocratie approchera de la 
Démocratie, plus elle fera parfaite ^ & 
cite le tleviendra moins, à mefure qu'elle 
appiocbera de la Monarchie. 

La meilleure AriClociatie 'efl celle oîi 
la partie du peuple qui n'a point de parc 
à la puiHance, ell fi petite de fî pauvre, 
que la partie dominante u'a aucun inté- 
rêt à l'oppriiAer. 

La plus imparfaite de toutes ell celle 
oh la partie du peuplé qui obéit, eft dant 



Lijii.t... Google 



TefcUvage civil de celle qui commande; 
comme l'Ariflocratie de Pologne, où lef 
Fayfans font efclaves de la NobleOe. 

Dans le Gouvernement AriAocratiqaC', 
le Peuple ell à l'égard des Nobles, ce 
gae les Sujets font à l'égard du Monarque* 

Si le fa^e & la fplendeur qui environ- 
sent les Rois, font une partie de leur 
puiiTance ; la modedie & la fimplicité des 
manières font la force des nobles Arido- 
cratiques. 

L'efprit de modération eft ce qu'on- ap> 
.pelle la vertu dans t'ArîAocratie. 

La modération fondée fur la vert^^ e$ 
Taine du Gouvernement Républicain. 

' Lorfque cette vertu celTe, l'ambitioa 
entre dans tous les cœurs qui peuvent la , 
recevoir^ & l'ayatice entre dans tous. Les 
defîrs changent d'objets ; ce qu'on aim'oit, 
on ne l'aime plus ; on écoii libre avec tes 
Loix, on veut être libre contre elles ; cha^ 
que citoyen efl comme un efclave échap- 
pé de la maifon de fon maître. Ce qui 
étoit maxime, on l'appelle rigueur; ce qui 
étoit régie, on l'appelle gêne ; ce qui étoit 
dttentiony on l'appelle crainte. Auctefois 
le bien des particuliers faifoij: le tréfot' 
public ; mais pour lors le tréfor public 
devient le patrimoine des particuliers. La 
République eît une dépouille , St. fa foic« 



Djii.t...GoOglc . 



Zt pBI.AlliPUBLIQVB. 
n'ed plus que te pouroii de quelques ci* 
toycQs , Su la licence de tous. 

L'avantage (fan £tac libre, efl que les 
revenus y font mieux adminiftrés ; mais 
lorsqu'ils le font plus mal , l'avantage 
d'un Etat libre, ell qu'il n'y ait point de 
fevoris; mais qaand cela n'eO: pas, & qu'- 
au lieu des amis Se des païens du Prince, 
il faut faire la fortune des amis Ik des 
parens de tous ceux qui ont part au Gou- 
vetnement, tout efl: perdu. 

'Deux clÛTes font pernicieu tes dans TA* 
rîftocratie; la pauvreté extrême des nor 
blet, & leurs richefîes exorbitantes. 

Si Ton établit dans une République un 
Corps fixe quifoit par lui.même la régie 
desmœiirsj un Séoat cirage, la vertu, 
la gravité; les fervices donnent entrée; 
les Sénateurs expoféi à ta vue du peu- 
ple, comme les ftmulacres des Dieux, inf. 
pireront des fentimens qui feront portés 
dans le fein de toutes tes femitles. 

Dans un Sénat fait potir être la régie, 
ic pour ainfi dire, le dépôt des mœurs, 
les Sénateurs doivent être étus pour Is 
vie. Dans un Sénat fait ponr préférer les 
«fiaîres, lès Sénateurs peuvent charger. 

Il n'y a rien de fi puifïant qu'une Repa> 
blique oit l'on obferve les Loix , non pas 
>^r crainte, ni-parraHbn, mais par paP- 
comme furent Rome & Lacédé* 



P 

lu 



inone; car pour lors il fe joint à la ft- 
gefle d'un bon GouverneiDfnt, toute la 
force que poarroit avoir une fââtton. 

Dans le Gouvernement R^ablJcain , 
lés Lcâï doivent forcer un citoyen à ac* 
cepter les emplois publics. 

Une République fage ne doit rien lia- 
zarder qui l'expofe à la bonne ou à U 
mauvaiiè fortune ; le fetti bien auquel el- 
le dwE afpirer, c'eft ta perpif tuité de fon 



etac. 



Le fanduaire de l'honneur, de la ré. 
pntation & de la vertu fcmblé ftre éta- 
bli dans les Républiques , & dam les Pays 
où l'on peut prononcer ie mot de Patrie^ 

Comme une certaine confiance iàic la 
gloire & la sûreté d'une Monarchie, il 
iaut au contraire qu'une République re- 
doute qudque chofe. Chofc fingulirre ! 
fias ces Etats ont de sûreté ; pins, com* 
me des eaux tranquilles, ils font fojeis à f<ri 
corrompre. 

Le jM-incipe de la Démocratie ie cor- 
rompt, non-feulemem torfqu'otiperd VeC- 
prît d'égalité, maisencore quand on prend 
l'efprit d'égalité extrême. Se que chacun 
veut être égal à cetix qu'il chotirt peut 
commander. 

L'Arillacratte fecorrompt, lârf^uele 
pouvoir des Nobles devient atbitraire.Son 



D.5.i.i=t; ^ Google 



24 DsiARJPtrBLIQtTff. 
eitréme corruption eft, lorfque les Nobles 
deviennent héréditaires. 

La Démocratie a deux excès à éviter ; 
refpric d'inégalité qui la mené àTArillo- 
cratie, & l'efprit d'égalité extrême qui la 
conduit au Derpotifme. 

Quand une République efl corrompue^ 
on ne peut rem^ier à aucun des maax , 
qui naillenc , qu'en ôtani la corruption^ 
& en rappellant les principes : toute au- 
tre correâion eft ou inutile, ou un nou- 
vel abus. 

Si une Démocratie conqniert un peu- 

Ele, pour le gouverner comme fu jet , el- 
! expofera fa propre liberté, parce qu'el- 
le confiera une trop grande puillànce aux 
Magiltrats qu'elle enverra dans l'Etat con- 
quis. 

Il y a encore un inconvénient aux coi»- 
quêccs faites par les Démocraties. Leur 
Gouvernement efl- toujours odieux. Les 
peuples conquis y font dans un épat trifte ; 
ils ne joutfTenc ni des avantages de la Ré- 
jpublique , ni de ceux'de la Monarchie. « - 
La République fédérative ell une con* 
Teotion, par laquelle plufîeurs Corps po- 
litiques confentent à devenir citoyens d'un 
£tat plus grand, qu'ils veulent former. 
Ç'efl une lociété de foctétés qui en font 
une nouvelle. 



.i.i=t; .., Google 



Db la R£pUB£IQUS. At 

La nature des petites Monarchies n'elc 
pas k coofiédérattoo. Aiiffi U République 
fedérative d'Allemagne eft-elle plus im- 
parfaite que celle dC' Hollande &-de5uif- 
îe. Cette Tfépiiblîque'cdinpofce de Villes 
libres & de petits États rotimis à des Prin- 
ces» {ubUAe pourtant , parce qu'elle a ua 
chefi quieflen quelque fa^on leMagïf-. 
' ttat de l'union. 

Dans la République de Hollande , une . 
Province ne peut faire une alliance , fans ~ 
le conreiitement des autres. Cette Loi' 
manquédanslacon(litU[ion Germanique» ' 
où elle ptéviendroit les malheurs qui y 

feuvent arriver à tous les membres , par ' 
imprudence , l'ambicion , ou l'avarice . 
d'un feul. 

It y âvoit un grand vice dans la ^- 
part'des anciennes Républiques; c'eA que - 
le pe-jplc avoit droit d'y prendre des réfo- 
lutions ai^ives , & qui demandent quel- ' 
que exécution ; chofe. dont il efi entière- 
njeot incapable. Le peuple efl admirable^ 
pour cboifir ceux à q^i il doit conBer quel* , 
qut partis de fon autorité; mais ffaura- 
t-it conduire une afïaire^ connoître les 
lieux, les occafions, les momenSf eopro- 
Ëiêr ? Nba : ^ ne le f^aura pas. 



Djii..... Google 



iS 



pe la Mpnarch'u. 

LEi pouvoirs iotermédialKs». fitbor- 
dqfmh St dépepdaBs, confticuenc 
U D^cuve du Çoiivernemenc Monarcbi- 
qjt^l (fcd-àrdire.^ 4eçç)ui oh un feul gou- 
' Terne par dçs t-piv fcutd^nieiital^. 

.' Dans 1a Monarchie , |ê Prince e(l la 
foVTce dç tout pouvoir politique & civil. 

Le pouvoir intermédiaire fubordonoé 
le plus naturel, eft celui de^a Nohleâe. 
Powt àfi MituiT^ , point de . NobUJi .' 
jwnt de !^pbl^ , peint de Monarque, 

Aboli0¥Z dans une iVlonarchie les pré- 
rogatives des Seigneurs, du Ctergéf de 
la fïptleflc & dçs YiUes ; vous aurez bien- 
tôt un Etat Defpptiquç, 

panslesMQnarcbips, tes Lo!x tiennent 
la place des verc^ji. L'Etat fubfillei io- 
dépeudammentdç l'amour pour la, patrie, 
du deftr de 1% vraie gloire, du renonce- 
ment à foi-même, 6e. du lacrifice de Ces 
plus chers intérêts. 

L'bonneur , ç'eft-à-dire, le; préjugé de 
chaque perfoone Si de chaçiue cooduiouy 



.i.i=t; .., Google 



Dq XA Monarchie ^ 
«A If relTcirt du CÎQu.vçrpeqieni Modst- 

CpQ un honneur i^ux. qaï conduit 
taotes i» parties de l'Et» Moparcbique; 
mais cet nqnneur ffiux efl aufli utile aa 
FuUtc I qye le vrai le Terpic aux particu^ 
lier» qui pourraient l'avoir. 

{«'honnçur éc^nt le principe de ce Gon- 
vernçQient, il faut que Içs Loix travail- 
lent \ fptitenir cet» Nobleffe, dont l'hoa- 
neur eft, pour aialî dire, l'enfant & le 

\ji Çouv^rçement Monarchique â un 
g^nd avantage fur le Républicain ; les 
amiîres étant menées par un feul, il y a 
pJbs de promptitude dans l'exécution. 

Le GouverneiTient Monarchique a ua 
grand avantage fur le Defpocique. L'E- 
tat y ell plus fixe, U conditutîon plus iné- 
branlable, la perfoane de ceux qui gou- 
vernent, plusalTurée. 

C'cA dans les Monarchies, que Ton ver- 
ra autour du Prince, les fujets recevoir 
&f rayons; c'e^-là, que chacun tenant, 
pour ainfi dire, un plus' grand efpace, 
peut exercer ces vertus, qui donnent à 
l'aine» non pas de l'indépendance, mais 
de la grandeur. 

L? plupart des Monarchies, n*onc pas 
la liberté pour leur objet dired'; elles ne 
uiuleac qu'à la gloire dès Citoyens , dt 

eii 

■ ■. . Google 



sM DbiaMonarchib, .. 
l'Ecac & du' Prince : mais de cette gIoir« 
il réfulte aa efprit de liberté., quî^ dans 
ces £tats, peut faite d'aulC grandes cho- 
ies, & peut-être contribuer autant av 
bonheui , que la liberté même. 

Un Etat Monarchique doit être d'une 
grandeur médiocre ; s'il éioit fort étendu , 
les principaux de l'État, grands par eux- 
mêmes , n'étant point fous les yeux da 
Prince, ayant leur Cour hors de fa Cour, 
pourroient celfer d'obéïr. Le prompt éta- 
blifTeraenc du pouvoir fans bornes, feu! 
remède qui prévient la diflblution d'aa 
grand Etat, efl un nouveau malheur, 
après celui de l'aggrandiflèment. 

Les fleuves courent fe mêler dans la 
mer ; les Monarchies vont fe perdre 
d^ns lé Defpotirme. 

Le Gouvernement Monarchique dé- 

fénere toujours en Defpotîfme ou ea 
République. La puiflance ne peut ja- 
ipais être également partagée entre le 
-peuple & le Prince ; Véquihbre eft trop 
diflicile à garder. Il faut que le pouvoir 
diminued'uQ côié , tandis qu'il augmen- 
te de l'autre ; mais l'avantage elt ordi- 
nairement du côté du Prince qui efl à 
U tête des Armées. 

Dans une Monarchie, il &ut un dé-. 
pôt de loix. Le Coofejl du Prince n'eft 
plisVD dépôt convenable. U change iàiis 



i>e lA MONAKCHIV. If 

ceflè, il n'eft- point permaneac» il ne 
fçauroiE être nombreux, il n'a poinc 
à nn a0ez haut degré la conGance dii 
peuple. Ce dépôt ne peut êcre que dans 
les Corps politiques , qui annoncent les 
ïoiXf lorfqu'elles fomfaiteS, & les rap- 
{lellent , lorfqu'on les oublie. 

La Monarchie fe perd , lorrqu'un 
Prince croie qu'il montre ^lùï h puif- 
iâoce, en changeant l'ordre des chûfett 
qu'en les fuivant ; lorfqu'il ôte les fooc- 
cions naturelles des uns , pour les donner 
arbitrairement à d'autres ; lorfqu'il eft 

J)lus amoureux de Tes fantaines que de 
es volonté» ; lorfque le Prince rappor- 
tant tout uniquement à lui , apelle l'E- 
tat à Ùi Capitale , la Capitale 4 fa Cour , 
.& Ta Cour à ia feule perfonne. 

Le principe de la Monarchie Te cor- 
rompe f lorfque les ptemieres dignités 
.font les marques de la première ferviiu- 
de , lorlqu'on ôte aux Grands le refpeiîl 
.des peuples, & qu'on les rend de vils 
inftrumens du pouvoir arbitraire ; lorf- 
que l'honneur a été mis en contradiâion 
avec les honneurs. Se que l'on peut être 
,à la fois couvert d'infamie & de dignités; 
lorfque le Prince change fa juflice en fé> 
,vérité ; lorfque des âmes finguliérement 
lâches, tirent vanité de la grandeur que 
pourroïc avoir leur fervitude, & qu'elles 
Ciij 

Googli: 



5» , 'T>S iX MÔtTAicHtlI. 

croiCDt t^ue ce qui faic que l'oti doic tout 
au Pïirtte, faic que INsn tiedoic fîbn àHi 
patrie. 

Comme la nier qui femble vouloir côq»- 
vrir la terre , efl arrècéo par les herbes & 
les moindres gravien qui Te trouTeiii tat 
le rivage ; ainli leï Monarques , dont Hk 
pouvoir parojt fans bornes, s'àrréteAt par 
les plus petits obJUacleSj Se fountetcenc 
leur fierté naturelle à la plainte ft à là 
prière. 

Comme les peuptei qtii vîr^m fôus uRfe 
bonne police, foncplus beureux que ceux 
qui latis régie Se fans chefs, errent datw 
les forêts ; aufli les Motiarquet qui vivfrnt 
foils les loix fondamentales de leur Etat, 
fônt-Us plus heuréuît que les Princes Def- 

Eotiques qui n'ont rien qui étlifle régler 
•cceUr de leurs peuples, nileleur. 
L'autorité royale ell ua grand TtfTott 
qui doit fe mouvoir aifément, 8t fkos 
bruit. Les Chinois vantefit un de hWïi 
ËmiJereurs qui goUverha, dttenc-ils, c&m* 
liieleCiel, tfeft-à-dire, par fôti exemple. 
Comtfie les Monarques doivent avoît 
dé la fageffepoiir augmenter leur putflitn- 
ie , ils ûe doivent pas Avoir tûoitu dft 
JirùdeliCfc, afin de labortifrh 

;■ La vtàfê puilîkhce d'un PrtAce nt eo6- 

îilte pas tant dans la facilité qu'ît a à con- 
quérir, quï dans la difficulté qu'il y a à 



D^ii...., Google 



Db LA MOKÀKCRII. . }T 

l'attaquer, & pour ainfi dire , daosl'Hft* 
mutabiliiê de fa condition. 

Dans les Etats Mooarchiqaei, le Pri&> 
ce eA la partie qui poorfbit les accaf<^, 
& les fait punir ou, abToudre. S'il jugeoic • 
lui-même, il reroit le juge Se la psrcie; il 
perdroit le plus bel attribue de ta foave- 
raineté , ceiui de faire grâce : la crainte 
s'empareroit dé tous les e&rïts, ou ver- 
roit la pâleur fur tous Ifes Tlfigei ; plus ds 
confiance , plus d'honneur , puis d'amour* 
Il faut que le Prince encou^ge , ïi que 
ce foient les loix qui menacenr. 

Dans les Munarchies, ladifgraceeAuR 
Àiuivalen.i à là, peine. Les Grands y font 
Cl fore punis par la dilgrace, par la pêne- 
fouvenc imaginaire de leur fortune* da 
îeurcréditi de leurs habitudes^ de leurs 
plaiiirsy que la rigueur à te^t égaid eft 
inutile. 



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D.5.i.i=t; ^ Google 



C H A P I T. R E IV. 

Du Defpotîfm. 

L'Etat Defpotîque eft celui oîiiui feni , 
fans loi & fans r^gle, entraîne tout 
par Ta volonté Se par fes caprices. 

Comme il faut de la vertu dans une 
République, Se dans une Monarchie de 
l'hoimear, il faut de la crainte <ians un 
Gouvernement Defpotîque. 

Dans les Etats Defpotiques, la volon- 
té du Prince une fois connue, doit avoir 
àuffi infailliblement fon effet, qu'une bou- 
le jettée contre uiie autre doit arcir le 
fien. Il ne fert de rien d'oppofer les fenti- 
mens naturels, leTefpcâ pour un père, 
la tendrelTe pour (es enfans Se fes fem- 
mes, lesLoix de l'honneur, l'état de fa 
famé. Il y a pourtant une chofe que l'on 
peut quelquefois oppofer à la volonté du 
Frince, c'eft la Religioh.'On abandon- 
nera fon père, on le tuera même , fi le 
Prince l'ordoitAe ; mais.ûn ne boira point 
de vin , s'il le veut ou s'il l'ordonne. 

Dans les Etats Defpotiques, chaque 
maifon efl un Empire féparé. L'éducation 
y eft très-bornée, le fçavoir y feroit dan- 
gereux, l'émulation fuoelle. Il faurocet 



.i.i=t; .., Google 



Dit DE9-PQTXSXV* $■% 

tOiUf aGn de donner quelque cKc^ , St 
.commencer par Aire uD mauvais fujet, 
pour faire un bon efclave. 
.; Les hommes font tous ^aux dans lê 
Çpiivernement Républicain; ils roiiccgaux 
.dans le Gouveroemeot Derpoiique. Dans 
le preauér,'c'eft parce qu'ils font tout; 
dans le fécond , c'eft parce qu'ils ne font 
xieo. 

Dans les Etats Defpotiï^ues, l'homme 
e(t;oafî,créatttte'qui obéit a unç créature 
qui veut. ■ 

; Pour former .un Gouvernement njodé- 
tép il faut combiner les puilTances, le* 
.régler, lestempérer, les Mire agir; don- 
ner, pour ainlï dire, un lefl: à l'une pour 
la mettre en état d.e réfifler à. une autre : 
c'eA un chef- d'oeuvre de légination que 
le hazardiait rarement, ^queraremenc 
onlaiiTe faire à la prudence- Un Gouver- 
nement I^fpotique , au contraire, faute, 
pouraiafi'dire, auKyeuv. 11 cA uniforme 
.par-^ut ; comme il ne faitt que des paf- 
iTons pour l'établir, tout le monde «û 
bon pour cela. 

Comme le principe du Gouvernement 
Cefpotique 'en la crainte , le but en eft la 
tranquillité. 

.- Il femblerott que la nature humaine 
.devrait fe foulever uns cefle contre Ip 
GoiÀrernemenc Derpoiique. Mais malgré 



Lijii.t... Google 



3f Dv DsiPotMics. 
ftmtMir det hcMUton pouf la UhAfté^ 
nulfré lêut baihecdtitrfilA violence > Ift 
plupart des peu{)l«5 y fant ïbuuis. 

De cdHs les Oôitvernttneos t)«rpotîf 
ques y ilb'y èù i pi)mtt)ai it'atëâMe pluk 
ItaMhême, q^ue ^loi dû te Pdnce fe dé*- 
Cterd pmbritftdfl-e de cdUS les foodi dfc 
tvrTe> & rhérjtflït detobs les fûjeti: 

Quand les Sauvages de la LouHîâlsè 
yéUletitàv&it-dù fruits Us cou{>et)t l'Acre 
tu ^t«ii & cuwUem le Mit. VnMlà A» 

Gouveroement Defpotiqae. 

Le pHncipe du GôuvèrHedieoé &e& 
pdtiqbe fe corfempt faÉi titth , paret 
qu'il e(t eortbftipu pït ft Uenire. 11 |>é^ 
tic par fôn vice intérieiir. 

Cobtfhfe les Riépùbliquei po^lY^ehc 
3k lesr f&retë en ï^hlflatic ^ lA Ët&tk 
D«r|Wtitiâ4f le fônc CD fb fépktànt , ft 
ft tenahc , pour alAlî dirfr , ftuli. Ih 
lacriSeùt uâé ^anîe du Pays* ravageât 
les fh^tere» , 9c les rcRdeût défettik; 
le Ci^^s dé l'EMpiK dinriMt itiàtce(> 
fibte. 

Les places forces appaHienttttnt aiHc 
Mpnarcl^ies ; )« Etats Dkr|tocIqtiescrai- 
gnenc d'eh avoir. 

L'Ecat Defpocique fait . contre lai-mê- 
me tout lé mal que pourrdit taire ùâ ctuel 
enhèinî ; mais lia éanetni qu'on ne poud- 
roie arrêter. - 

Les Etats Defpotîqaes font enti'eux 



t>v Dbsfotismb. ^ 
des invaftoDs ; il n'y a que les Moaar> 
chies qui falTenc la guerre. 

Un Etat Derpotique eQ un corps ma- 
lade qui De fe fôutiént pas par un r^t- 
me doux Se tempéré , maïs par des re-' 
modes violons , qui l'épuifent & le mî- 
BeDc Ctoi celfe. 

Dans les £nts Dcfpotiqmt il ne fd 
forme point de petites révoltes ï il nY 
a jatoiAis d'ittcervalle entte le murunro 
{6 ht féditioti. Daas cet moment rigoO' 
teùx t tljà. toujours des mouvemeis cti- 
tbaltucDZ, où perfonne n'eftle chc£Le 
défefpoît même de l'impunité confinoto 
Icdéfbtdre, & le rend plus grand. 

Il ni &ut point qae les grandi éf^ 
néiiMDtf y bthnt pre^arés par de tftUH 
des cauliesc au contraire » Ift nvaïndft 
accident produit une grande révélation, 
foQvent «ullî imprévue dtf ceax qui là 
fbbt , que de ceux qui It foufirent. QMdii 
vne fois l'autorité violente eQ mépriféi), 
il d'en rcAe plus alTei: à perfonae , j>Mt 
la aire tcrenir. u^in^ , dans les Èuss 
Defpotiqties » le Prince , qtii «ft k 
Loi* même , cft moitu âiaitït qae fkt- 
tout ailleurs. 

Rtea ne rapproche plus \H Priâces 
de U c6ndîritA d« leurs iujëts , qufe cet 
immeâfe pouvoir qu'ih ekercétit fur eux ; 
rien ne Its foutnet plus aiU reveN fc 
aux capricesde.la fortune. 

D^ii.t..,Googlc 



CHAPITRE V. 

Des LoiXi 

\ 

LA Loi en général , ed la raifon bt^ 
maine ^ ' en tanc qu'elle gouverne 
tous les Peuples de la terre. 

Dite qu'il n'y a riendejufteni d'injufte, 
que ce qu'ordonnent ou défendenc les 
Xoix polittves , c'eft dire qu'avanc qu'on 
eôc tracé de cercle , tous les rayons n'é- 
toient pas égaux. 

Dans l'état de nature, les faommes 
JiaiiTenc bien dans l'égalité ; mais ils n'y 
.içauroiént refier. La fociécé la leur aie 
^perdre» & ils ne redeyieanenc égauxque 
,par les Loix. 

Les Loix doivent être relatives au Pby- 
,iique du Pays, au climat, à la qualité 
.du terretn , àfa fituation , à la grandeur, 
au genre de vie des Peuples, à la Relî- 

fiondes HabitaQs,' à leurs inclinations , 
leurs ricbeHes, à leur nombre, à leur 
commerce, à leurs mœurs,* à leurs ma- 
nières. 

Ce font les' diffîrens befoins dans les 
divers, climats, qui ont formé les difiê- 
rentes manières de vivre ; & ces difierentes 
.manières de vivre» «it formé les diverfes 



D^ii...., Google 



Dss Loix. ^ ijf 
fortes de Loix. Daoi uns Kation oîi les 
honjmes fe communiquent beaucoup, 
il faut de certaines Loix ; il eo 6lDt d'au- 
tres chez no Peuple , oii l'on ne fe conv 
munique point. 

Les Loix ont an très -grand rapporc' 
avec la &çon donc les divers Peuples fe 
procurent leur fubfiffance. Il faut un Co- 
de de Loix plus étendu pour un Peuple 
qui s'attacbe au commerce & à la mer, 
que pour un Peuple qui fe contente de 
cultiver fes'terres. 11 en faut un pi uigraml 
pour celutci, que pour un Peuple qui 
vit de fes uoupeaux. U en.fautan plus 
grand pour celui-ci , que pour un Peuple 
qui vitdefachafTe. 

' Le {lyle des Loix doit être concis. Les 
Loix des douze tables font un modèle de 
précificHi ; les enfans les apprenoienc par 
cœur. 

Le flyle des Loix doit être Hmple i 
l'exprelSondireâe s'entend toujours mieuil 
que l'expreirion réSéchie. 

Les Loix ne doivent point être fulrtt>' 
les; elles font faites pour des gens de- 
médiocre entendement ; elles ne font- 
point un Art de Logique , mais la nilba' 
jimjple d'un père de fatoille. 
- Comme tes Loix inutiles afToibliQènc. 
les J^oix néceflaires,' celtes qu'on peut 
cloder i sOeiblillimti U ^giOaww.. 



D.5.i.i=t; ^ Google 



)8 P«s Lqix. 

Il fânc dvn les hoix une ceittin» 
Qui^Bor* FaÎHN potir punir la mâchan- 
ceré 4et JiQnm» > «llei doivme auoir 
tllei-m^mos 1» plus mode ioQoceoce. 

C'eft une chofe abmrde pottr un fat* 
l^nr de- hou , Ak- fe ftrvir d'une aa- 
u« langue q^c do la valgaire. Com- 
nwst peuïron Iwt al)i«rv«r, fî sUet ne 
ilnic pis çoBouos f 

]^«« Ih«)x font ifli yeux du Friaoe; 
îî vskpapellef c» qa'U os poorroirpas 
wirfaBfi q11«. Veat-11 faire la ïbaâiaa 
f}a*ttibiuauxflUiavaiUe, non pas pour 
hû ■ mais pour {*% ffduâeurs eoùciv 
lei. ^ 

La Loi n'efl pas un pur a£te de puU*- 
&DCe % les cboFes iadiffeicnus par leur 
tffsxff^ , oe font pu de foo lefibct. 
-. LcsLfûx iom Ibuvenc de gra^s biens 
très- cachés , & de petits maux .très- 
^nfiblèt. 

. jPar une bizarrerie qui vîsnt ptotôt 
de la âature que de l'oCpric des Jiom- 
Btf» » il ed quelquefois nécelTaire de 
langer certaines Loix ; maÎK le cas e(l 
. «tfe ; 8c Iprlqit'il arrive , il n'y faut 
CtHlshïr que d'une main tren^Ume. On 
y doit obferver tant, de folemnit^, & 
^iporter tant de précautions , qu« le 
Ipfl^ple en. conclue nacurelleiscni qu'il 
£iut ^ il» Xioix.&iieu. biea i^tes» 



Lijii.t.. Google 



Dbs Loix. If 

pnifqull ÙLW tuât de folemmtés pour les 
abroger. 

QueUe^ ^ae ^omqe -Us .Loix^ il giac 
toujours lês'fuivre, Sc'lës regai^er com- 
me^ coDfcieQçe pabMqve, à laquelle 
celte des particuliers doit fe conformer 
[oii)onrs. 

C^ UB malheur An Gouvcroenent» 
lorfque la ftfagiftrature (k voit cootisinc* 
de faire des Loix crabes. C'cA paie* 
qDV>|^ a rfndu f oUïSànee difficile , que 
Voo sfl. obligé d'aggiavsr la peioe d^ la 
dérobéïlTaRce. Un Légidateur pnideot 
wéviendia le malfaevc de deveoif ua 
L^fUttur K»He. 




.i.i=t. ... Google 



CHAPITRE VI. 
Dts Pt'mtt. 

LA Cévémédcs peines coavieatmièur 
au Gouvernement Dèrpodque, donc 
le principe eA la terreur» qu'à la Mo-; 
naûbie & à la République. 

Dans les Etais modérés , ta plus grao-; 
de peine d'une mauraifcaâÎQiif'fera^d'en 
être convaincu.^ ! 

Dans ces Etats, tin bon LégiHateut- 
s'attachera moins à punit les crîtnes^ qu'à. 
- les prévenir ; il s'appliquera plus à donner 
des moeurs , qu'à infliger des fupplices. 

Il ne faut poinc mener les hommes pat 
les voies extrêmes. Suivons la nature » 
qui a donné aux bc)tames>la honte » com- 
me leur fléau , ■&;que la plus grande par* 
tie de la peine, ^isitTinfamip de la fouffrir. 

Dans un;"Ë6ac , les peines plus on 
moins cruelles" -nis foât- pas que Ton 
obéïfle plus aiis^oix. Dans les Pays où 
les cbâtimens foiic modérés , 0I^ les 
craint comme danîTceux où ils font 
cyranniques & affreux. 

La proportion qui doit être entre les 
fautes de les peines , efl comme Tame 
4es Etats , Si l'harmoue des Empires. 



Cas TeittEs. ^ 41 
Il e(l eflèâciel que les peines aieiic 
de l'harmonie entr'elles. C'e nn grand 
mal parmi nous , de faire, fubir la mé- 
me peine à celui qui vole fur on graod 
chemioy & à celui qui vole & affamoe. 

Les vols fur les grandschemins éioicbc 
communs dans quelques Etats :onvoa- . 
lut les arrêter, on inventa le fupplice de 
larotie , qui les fufpendit pendant quelque 
temps ; cfèpuis ce temps on a yolé, com* 
. me auparavant , fur les grands chetnins. 
De nos jouis la défercion fut tri»- 
' fréquente ; on établit la peine de more 
contre les déferteurs , & la défertlon 
ne fut pas diminuée, La raifon ea eft 
bien naturelle : un foldat accoutumé tous 
les )ours à expofer l'a vie, en méprîfe 
ou fe flaiie d!eB méprifer le danger ;. il 
efl: tous les jours accoutunité à craindre 
la honte , il falloît donc laifTer uns 
peine qui faifoit porter une 6étri0ure 
pendant la vie. * 

Quand Doa fait, danslefiécIepatTe, des 
Loixcapitales contre les duels, pem-étre 
auroit-il fulB d'ôcer à un guerrier fa qualité' 
de guerrier, par la perte de {a main , n'y 
ayant rien Ordinairement de plus trifttf 
pour les hommes, quer de lurvivre à l3 
perte de leur caractère. 

L'atrocité des Loix en empêcîie l'exé- 
cution. Lorfque la peine e£t fans mefurc^ 
D 

. . Google 



I 

4z Dis Pkïtttà. j 

on e(t fouvtnt oblige dé lui ptéCétit l'im- 
patilté, 

Tbiite peihè t^ui oe détîv* pw de fa 
téciVUté, eil tyràrmique. ' 

Les pefhes dèsCTÎmêsqttiatMqtMïftt la 
sûreté publtqiitf, fODt eé qu'on appelle 
derfupplices. C'ell UnâefpécedéTaïion, 
e^l fait que M fociété tefufe U iêrnié k Un . 
Qtbyeil zpl en a.ptiii, 6ù q^i ft T4tita 
«tl i^riV» iiti Autre. G^te )Ml»é eft puifife 
datu la tiatui'ë, dans la f&iitàbt dËtbl tes | 
fôtirces do biéti & da râit. | 

. ., Li peiAe de tnort eft cfiSiitit K tttti^ j 
'' dé de La fociété malade. 

l.ts fiipplices retrancberonc bien de U 
ibeijté ùrt Citoyen, qui by2nt perdu jU 
ihâétll'i, ^iolé tes Lois ; trltik fî fouc le t 
niondeà perdu fesmœàfs, l^t^ablironc- 
ih P Ils arrêteront plufitHffï cobfêqtfences 
dû tnal génial, tnat^ilï netiefrïgerênc 
pas ce mal. ' 

. Nos pères lesGcrmamir^ h'iàméftéiétit 
^aètei qiid dés f êirtes pééûnUifé*. Mtùf 
côitiirtè ce fôtit cenX qtli' n'ôiit point it 
hitltt r qbî àttaqileht plus volontiers cetui 
Ae) antres il i ùtihi qat la ptiâë zoipàttU 
U {uppïéit à la pétoàhiie*'. 



.i.i=t; ^ Google 



CHAPITRE VII. 
Ve U Uèertii. 

LA Liberté philofophique coaÊ&o 
dans l'exercice de fa volontf, ou du 
moins datû l'opinion où l'oti eil que l'oa 
exerce fa volonté. La Liberté politiqut 
'conHÂe dans ta sûreté, ou du moitis dans 
Tppjnion que l'on a de Fa SÛ^été. Quand 
i'innocencê dès Cicdyew n'éft pas affû- 
tée t la Liberté ne Teff pas non t>liis. 

La Libené policique tiëtonfifle point 
i faire ce que l'on veut, mais elle e(i lo 
droit dé faire ce que les Loîic per metten: ; 
écCiun Citoyen pouvoit faire ce qu'elles 
défendent, il n'auroit ptui de liberté, 
parce que les autres aùroiene tout de m^ 
îne cej5ouvoir. 

Là Liberté confifle principalement à 
oe pouvoir être forcé a faire une chofa 
que lés Loix n'ordonnent pas. 

La Liberté de chaque CitcJyeh eïl une 
partie de la iiberté publique. Cette quali- 
té dans l'Etat populaire, elt mêine une 
partie de la Souveraineté. 

hés Prîiicésqui né vttj:nt point et]tt*cu% 
fous des Loixciviles, ne fontfoint libres-i 
ils font gouvernés par la force ; ils peuvent 
Dij 

Google 



.44 I^B i-A LibsrtI 

^Êoachluellemenc forcer » ou être forcés : 
delà il fiiîc que les traités qu'ils ont ^izs 
par force, font au(Ii obligatoires que ceux 
qu'ils auroient &its del^on gré. 

It femble que la Liberté foit faite pour 
le.génie des'peuples d'Europe, & la fer- 
vitude pour celui des peuples d'AJÀe, £a 
ÂCie les Nations font oppofées' aux Na- 
tions, dufoft au foible; les peuples guer- 
riers, braves&adifs, touclient immédia- 
tement des peuples efTeminés, pareHeux', 
timides: il faut donc que l'un (oit conquis, 
& l'autre conquérant. En Europe, au 
contraire, les Nations font oppolees du 
fort au fort; celles qui fe touchent, ont 
à peu-près le même courage. C'eft U 
grande raifon de la foibleffe de l'Afie, 
Si. de la force de l'Europe; de la Liberté 
de l'Europe, & delà fervùude del'Afie. 
,*. Les Peuples des I/les font tilus portés à 
la liberté que les Peuples du Continent. 
I-es Ifles font ordinairement d'une petfte 
'étendue. Une partie du Peuple ne peuc 
pas être fi bien employée à opprimer Vau- 
tre. Les Conquérans font arrêtés par l'a 
mer, les Infulaûes ne font pas envelop- 
pés dans la conquête. 
' ' Dans les Pays de Montagnes , la liber- 
té eft le feul bien qui mérite qu*0Q le dé- 
fende. 
Les Pays ne font pas cultivés en raîfo' 



D^ii...., Google 



de ^eor. fertilité, niais en raîfon de lear 
libert*?. La plupart des invafions feibnt 
"idârts les Pays que la nature avoit fait» 
'pour être heureux. Ainfi les mrilteufs 
Pays forit le plus foLvint dépeuplés, can- 
dis que l'afVeax Pays, du Hotâ refte toir- 

■ jours habité, parla taifon qu'il eft prêt 

■ que itiFiabit^ble, ' '' 

'' La bonté des Terres d'un Pàysy ét& 
blic naturellemenc la dépendance. Le» 

" gens de la Cathpagne n'y font pas fi ja- 
loux de leur liberté; ils font.crop occu- 
pés & trop pleins tie leurs aSâîres parir- 

■ culierci. Une Campagne qui regorge de 
biens, craint le pillage, elle craint une 
Armée. 

. On peut po/ér pour maxime, quedans 
chaque Etat le oellr de la gloire croît 
avec ta liberté des Sujets, & diminue 
avec elte : la gToîre ife jamais compa^ 
"gne de la fervîtude. 

Or peut tout faire avec des homme» 
libres. Avant que le Chrîftianifme eût 
aboli en Enropela fervirude civile, on 
xegardoitles cravfiux des mains comme fl 
pénibfes, qu'on croyoit qu'ils ne pou^ 
voient être faits que par des efclaves , ou 
p5r des criminels. Aupurd'hur les hom- 
mes qui y font employés, vivent heureux. 

Il n'y a peut être pas de climat fur la: 
Krte , où fon ne- pût engager Au travail 



D^ii...., Google 



45 ■ Dp.i rirfiéRTi. , 
des tommes' liisres. I*atce qiie les Lobe 
£toiem mauvaifes , oh a trouvé dés hom- 
mes pareRèux ; parce que ces tiotnmès 
eioient parelTéux, on. les a mis daàs 
.i'elclàvage. 

Dans une Nation qui efl dans la Servi- 
tude, oa travaille plus à donferver qu*à 
acquérir. Dans une Nation libre ^ oQtrà< 
vaille plus à acquérir qu'à conferver. 

Kien n'attire plus les Etrangers que la 
liberié, & l'opulence qui là fuit toujourj. 
L'une fe fait recherclier par elle-même, 
& Its belbins attirent dans les Pays oCt 
l'on trouve l'autre. 

Ce qui fait que les Etats libres durent 
moins que les autres, c'çfl que les mal- 
heurs & les fuccès qui leur arrivent, leur 
font prefque ïoujours perdre la liberté; 
.au lieu que les fUccès & les malheurs d'ub 
Ëtac où le Peuple eft fouthis> confirment 
également fa fervitude. 

Une Nation libre peut avoir an li- 
bérateur ; utie Nation fùbjuguée oe peut 
avoir qu'un autre opprefleuri 

Toutes les fois qu'on verra tout le 
mofade trauquilfe dans un Etat qui fe 
donne le nom de République . on petit 
çtré aiïuré que la liberté n'y eu pas. 

La place naturelle de la vertu , êft 
auprès de la liberté ; mais elle ne fe 
trouve pas plus auprès de la liberté ex- 
trême , qu'auprès de k fetviiudc. 

Coogk 



m 



CHAPITRE VÎII. 

Dfe rEfiUvàge, . ■■' 

L'E^clhvige propretaieiic dit , efE 1'^ 
tabltflTitmenc d'un dtait qdi rend un 
honune teilemeat propre à eh autre 
luHnihe ) qu'il e(l le auitrs abfolu de 
Êi Ttê & de fes biens. 

L'efclavage n'ed pas ben jbif fa na- 
tdre : il a'èlt Dtile ni ap tndiirê , ni i 
l'efcUve; àc4tuHci« parce qu'il fie peut 
rien faire par vertu ; a celbi-là i parcs 
qu'il centrante avK fes frlclaVes toutes 
fortes de inivvaifci faabitudei t ^u'îl 
l'accoutume infenfiblettieot à tftariqoer 
à toutes lès Tsrtts morales ; qu'il dévietit 
fier i proftrpt > dur , ttilèt* > vttlup- 
tueux , cruel. 

Dam le Gouvernement Monitrcliiqae, 
oïl il Câ fouVeraifKtihetK rmportabt de 
ne point abattre ou avilir il nftttirè fau- 
mainci , il t» faut pcnni d'&feUv^. 

On ne croitait jan^ais ^M c'eât été 
la pitié qui eût établi l'efclavage. Le 
droit des gens a vdblu qUe Itfs ptltèi^ 
niers fùlTecc efclavet, podr qu'ofi ne les 
tu&t pas. X>e droit des Roiftâins pet'iBic 
î éM9 débneurs que Utirs ctéiéaiiHi pdto* 



.. Google 



voient maltraiter, de fe vendre ent- 
mêmes; Scie droit naturel a voulu que 
des enfans qu'an père efclave ne pou- 
voie [tIus irourrir, fuirent dans l'efcla- 
vage > comme leur perc.. Ces raifons ne . 
font point fenfées< 

Il efl; faux qu'il foit permis de toer dans 
la guerre, autrement que dans te cas de 
néceflîté. Tout le droit que la guerre penc 
. donner fur les captifs f eil de s'aflnrer 
tellement de leur perfonne, qu'ils se 
.puilTeni plus nuire; 

Il n'eîl pas vrai qu'un homme libre 
puilTe fe vendre. S'il n'eil pas permis de 
le tuer ^ parce qu'on fe dérobe à fa patrie, 
il n'eit pas plus permis de fe vendre. Si la 
liberté a un prix pour celui qui l'achète, 
. elle efl: fans prix pour celui qui la vend. 
Or lî un homme n'a pu fe vendre, encore 
moins a-t-il pu vendre (on fib qui n'étok 
pas né. 

Ce qui fiic que la more d'ut* crimî- 

col efl une chofe licite , c'eft que la 

. Loi qui le punit, a été faite en fa 6i- 

veur. Un meurtrier a joui de la Loi qui 

: le condanuie, elle lui a confervé la vie à 

. tous les in^ans: il ne peut donc pas récta- 

.. mer conn'e elle. Mais la Loi defefclava- 

. ge efl dans cous les cas contre l'efclave^ 

ians jamais être pour lui; ce qui eli con^ 

._ iraire au principe fondamental de toutes 

ïcs fociéiés, 

Djii.t...Googlc 



Comme tous lethémmesnaiireticégxux, 
refcJavage eft contre la nature. 

L'c&UvKge eftaiiiTi oppofé au droir ci- 
vil qu'au droit naturel. Q<^Uc Loi civile 
pourroit empêcher un cfclave de fuir, 
lui qui n'ell point dans la fociété, & qu- 
aueuôe Lois civ^es ne concernent ? 
' Ritfa nemet plus près de la condition 
d«s bétesj que de voirtouiouts des hom- 
mes libres , & de ne l'être pas. Les efcla- 
-ves Aine des ennemis naturels de la focié* 
lé, '&IeHr nombre feroit dangereux. 

Il y a deux forces de'fervitude , la r^l- 
iCf & la pcrfonnelle. La réelle eft celle 
I' qui' attache i'efclave au fonds de terre. 
La perlbnnelle fe rapporte plus à la per- 
fonne du maître. L'abus extrême de l'ef- 
clavage eft,- lorfqû'il èft en même-temps 
'perfoniiil & féel. 

Les Mofcovîtes fe vendent très-aîfé- 
menc ; c'en que leur liKrté ne vaut rien. 

Dans tout Gouvernement Defpotique , 
ca a une grande facilité à fe vendfe ; l'ef- 
-cl3vag«' politique y anéantit en quelque 
•fiÇoalii liberté civile. 

Dans le Gouvememcnc Defpotique , U 

condition -d'un homme libre & celle d'um 

•efclave fe touchent de fort près , & l'ef- 

clavcgepolittque établi dans le corps de 

.■ E 



. Google 



..$0 ,Db l'EfiCLÀTT Aap.' 

yËoLt, (m que -Von f<mt.peai'ei(:l4Tage 
civil. 

Dans cç^ Etats les hommes libres, trop 
foibles contre le GioHveruppîBiw , chef-, 
plient à devenir .le* efrlaves dç çepx qui 
tyrannifeiit le Gouverpement, , . 

Il y a des Pays oii la (ibaléur énerve le 
corps , & affuiblit il fort le courage , que 
les hommes ne font portés à un devoir 
pénible, que par la crainte du, châtiment:. 
L'efclavage y choque donc moips la rai- 
fon ; & le maître y étant au (îi lâche à.ré- 
^ard de.fon Prince, qu^ (on efçlave l'eft à 
^n égard, l'efclavage ciyil y-eft encOTp 
;tccomp3gné de l'efclavage poUtique. 

Les Peuples du Midi ont toutes fortes 
de commodités pour la yie, & peu de be- 
iJbins: c'eilcequi a natutalifé la iervitude 
chez eux; en force qu'ils. font e^qyelquc 
-iaçon d^ns un état viiçlenc, s'iis pe fotit 
^fçlaves, 

£n Allé , on a tojijours vu de grands 
Empires; la pMÎ^^nce y doit touiours être 
:Defpotique. ^wjp y.régne-t-il i^n efpric 
de fervicude qui ne l'a jamais quittée; & 
dans toute) les Hifloires de ce Pays, il 
: p'eA pas polTible de tpuver ua feuî traie 
.qui marque une aiQe libre: on n'y verra 
Jamais que l'héroïfmç de la iervit;^. . 

Les grandes vertus fe cachent i ou fa 
|>erdent ordinairement daos la lervitu^et 



D^ii...., Google 



C H A P I t R Ë IX. , 

Dt la Guerre. 

LA vie de» Eiati eft comme celle 
des homùies. Ceux-ci oni droit de 
tuer dans le cas de la défenfe naturelle; 
ceux-là ont droit de faire la guerre, pour 
leur propre confervation. 

Il n'y a que deux fortes de guerres jus- 
tes ; les unes , qui fe font pour repouflèr 
un ennemi qui attaque; \ûi au'tres, pour 
fçcourir uti allié qui efl attaqué. 

Sitôt que les hommes font en fociéte^ 
l'écac de guerre commence. Chaque focié- 
té particulière vient à fencir fa force; es 
qui produit la guerre de Nation à Nation. 

Entre les fociécés, ledroit de ladéfen- 
le naturelle entraîne quelquefois U né- 
çe,ffité d'attaquer; lorfqu'un Peuple voie 
qu'une longue paix enmettroit un autrft 
çn état de le détruire, & que l'attaqué 
efl dans Ce moment le f«ul moyen d'em- 
j)êcher fa deftrudion. " ' ■ ■' > 

Les petites fociécés ont plus fobveùt 
lé droit de faire la guerre qbe les gran- 
des, parce qu'elles (ont plus fouvent d%DS 
Je caide craindre d'être détruites. 



Lijii.t.'..Googk: 



52 Db £A Gubrrb. 

' Lorfqu'oa voie deux graods Peuples fa 
f&ire une guerre longue & opiuiâcrey c'^ 
iouvenc Une mauvaife policique de peo- 
fer qu'on ne peut demeurer fpeâateuE 
(ranquille;car celui des deux Peuples qui 
ell le vainqueur, entreprend d'abord d« 
nouvelles guerre»; &. une Nation de fot- 
iizs va combattre contre des Peuples. qui 
ne font que citoyens. 

Un Ptipce ne peut faire la guerre , par- 
ce qu'on lui aura refufé un honneur qui 
juieAdû; non plus qu'un particulier oe 
peut tuer celui qui lui'refufe le pas. La 
raifon en eH, que comme la déclaration 
de guerre eft un zâe de juflice, dans la- 
quelle il faut toujours que la peine foîc 
proportionnée à la faute; il faut voir fi ce- 
lui a qui on déclare la guerre, mérite la 
niprc. Car faire laguerreàquelqu'ua,c'efi 
vouloir le punir de mort. 

Le droit de la guerre dérive de la né- 
cedJté. Si l'on ne s'en tient pas là, tout 

' fSi perdu. Lorfqu'on fe fondera fur deç 
.principes arbitraires de gloire, de bien- 
léance, d'utilité, des Hots de fang inon- 

, derohe la terre : que l'on ne parle pas fur- 
tout de la gloire du Prince , fa gloire fe- 
^roit fon orgueil ; c'eA une paflîon , £c non 
Yas im droit légitime. La réputation de fa 
puiOance pounoic augmenter les forces 



Liji;... ..'Google' 



DbiaGvb&se. j| 

de (on Etac; niais la r^utacion de fa ja^ 
tice_augmenteroit tout de même. 

Dans le droit public, l'aâe de juflice 
le plus févere > c'eft la guerre, puifque 
ton bue eft la defimâion de la fociété. 



VCK 




«*>()<»» 



D^ii...., Google 



CHAPITRE X. 

Des Conquêtes. 

L'Objet de la guerre , c'efl la viâoi- 
re;celuidelaviftoire, laconquête : 
celui de la conquête, la confervaiion, 

La conquéce eft une acquiritioti ; leT- 
prit d'acquifîtlon porte avec lui l'erprît de 
coofervaiion & d'afage, & non pas celui 
de deftru<Si<»- . . - ■ 

Les Auteyts de notre droit public ont 
fupporé danxîesConf)<iéians un droit, je 
ne fçais quef,.de tuer, parce que le Con- 
quérant avoicïdrQÎc de d^îruire la fooié- 
té ; d'où ils ohc conclu ({u'il avoit celui de 
détruire les hommes qui la compofent : 
conféquence fauiïement tirée d'un faux 
principe. Car de ce que la fociéié ferojt 
anéantie, ilBes'enfuivroitpasque les hom- 
mes qui Informent, dunent aullt ctrea- 
néantis. La fociété efl l'^inion des hom- 
mes, & non pas les hommes ; le citoyen 
peut périr , & l'homme relier. 

Du droit de tuer dans la conquête , les 
Politiques ont tiré le droit de réduire en 
ferviiude ; mais la conféquence eft auffî 
mal fondée que le principe. On n'a droit 
de réduire en fervitude, que iorfqu'elle eft 



.i.i=t; .., Google 



liéceflaire pour la confeivacioa iela-xMa.-* 
qaéte. 

Siiaiervitùde eflnéceUâire, ileflcon' 
tre la tbcure de la ctiors , qu'elle foie é^ 
tèraeile^ Aûriîle.ConqnérsntqiRrédaîile 
Peuple e^ (tivundcy doit toù)oars ie té- 
ferrer des moyehf poar l'en iàir e forcîr; . 
' Une'conqitéte peuc détruire les pré^ 
jagés outfibles. Quel bien 1» EfpagnoU 
ne pouvoient - il -pzs faire aux Méxi* 
catns-? Ils JkTcâeiv^ leur donner une Rcr 
'itgiaa dàuce ; Ssleof appbnerent une (ât 
perftitîoo furîeufe : ils auroieoc pu ren- 
dre libres les efclave) ; Se tis rendirent 
efcfaves les hontmes libres : ih pQu.^ 
voient les éclairer fur l'abu» des facriS* 
te^biimâtoi; âuUeu ds cela, ils tes exi> 
tecïninerent. 

-Rieo'ac .devroic mioDS corriger les 
î*rtoees de la fureur dei conquêtes loin- 
taines , que l'exemple des Portugais Se 
des Ëfpagnols. Les ups fiirenc au(U-,tûf; 
ebaifés des terres . coaquilos ; les autre» 
eo fireqc^dCs deferts , Se readir^v dr 
toêoïc l(Vr profwe jPays. 

Tel Etat conquis tireroit des avan- 
tages de la conquête même , B ellen'é-; 
toit pas deflr^rve.. Vn Gouvernemenc 
parrepii au ^poioc ofi: il tie. pût plus f« 
féfo.tnKir 'lui;g;^me (t^iie perdroiç pE^ 
lïea^coiip jà jé$re. r^ffifidif, Vo Oyiqifor 



.i.i=t. ... Google 



ji Dms CoqxqviTzs. 

imnc» qui eatre cbcz ua Peuple^ tA^ 

par mille rufes & mille aniËces , leri* 
che s'eft iafenfiblement pratiqué une âi- 
£nité de moyeps d'ururper ; <A le mal* 
lienreiizqtii géout,voyani oc qu'il cio^t 
des abus devenir. <^M Loix^ eEk tûnè 
l'oppreflioD & croti avoir tore de ta-feih 
tir ; un Conqaéraoc alors peut dérouter 
tout , Se la tyrannie fourde eft la- pie* 
miere cbofe qui fouflrp violeoce; 

Dans les conquêtes , il ne Itiffic pas. 
<le laiiTeràla Nation vaxncue fesLoizc 
il eft pent-être plus nécefTaire de ïuî 
laiHer fes mœurs , parce qu'un Peuple 
cotuioît, aime & défend toujours plus 
fes mœurs que fes Loix. 

Les cooquétes ibnc aifées à &{re-^ 
parce qu'où les fait avec coûtes fes foi4 
ces ; elîes ' font diiSciles à cenfaver , 
parce qu'on ne les défend qu'avec une 
partie de fes forces. 

Si une Monarchie en conquiert one 
sutce, plus c«Ue-£i fera petite f mieat 
on ta contiendra p^r àts-^utfeBks t 
plus elle fera grande , TSietiX an Ul con^ 
îervera par des colcmie». 

Tel efl l'état nécellair» d'une Monar' 
chie conquérante r un luxé affreux dai» 
là Capitale f la tnifet-e dittS' tel Pro> 
viâces qui s'Ai éloijgnent, l'abondanca 
AUX extréihitéa. Il en eft comme de 



D.3.ii.t.., Google 



De s C o H Q v i T B s. -m 
■otre planette; le feu ell au centre, h 
verdure à la furface , une terre àtide « 
ùoide & llétile , ent^e les deux. 

Ceft le deftin des héros , de fe rui- 
ner à conquérir des Payi qu'ils perdent 
foudain , ou à foumettre des Nations ' 
qa'ils font obligés mx-mcmes de détrui- 
re ; comme cet inleole , qui le confa- 
mcût a acketçr iw ftatues qu'il îcnoîc 
daos J9 nvr , & de^ gUMjS qu'il bi^ 

Qq peuc dé&iù- le drok 4e c^n^q^ 
te , an droit -DécelTaire , légitime Se 
nwlhaiTeujt » qui laiQe toujours à payer 
Qoc décor immeafe» pour ^acquitcvco- 
Ters la. natiue Iwa^ÎBC' 




D.5.i.i=t; ^ Google 



.,: CH AP It:R E XI. , 

Du -Climat.' ■'- ' 

L'Empire du Climat eft' ïé prèttfet 
de tous le* Empires. 

L'air froid augmente le reffort & Il 
ftrce des fibre*. L'air chaud , au 'ift«fr 
traire, les relâche , &diminiieietfrïèit 
fort. On a donc- plus de'vîl^âeïif d'aas- 
les climats froids. Cette force plus-gcatlp 
de doit produire bien des efiêts ; pat 
exemple, plus de confiance eti foi-mé*- 
me , c'eft - à -dire , plus de- ooarage; 
plus de connoilTance de fa fupériorité, 
c'efl- à-dire > moins de dehrs de la 
vengeance ; plus d'apinion de fa sâreté , 
c'eftà-dirc , plus de franchife , muins de 
foupçons, de politiques & de rufes. 

Comme on diftiDgiieile^ climats par lef 
degrés de latitude, on pôurrolc les dif- 
tinguer, pour aififi dirç, par les dégrés 
de fenHoiliTé. Dans les f^ays froids on aura 
peu de fenlîbilité pour les plaifîrs; elle 
iera plus grande dans les pays tempérés ; 
dans les pays chauds, elle fera extrême. 

Dans les climats du Nord , à peine le 
phylîque de l'amour a-t-il la force de fe 
rendre bien fenfible : dans les climats tem- 



D^ii..... Google 



pérés , l'amour accompagné de' mille ac? 
ceflbires, fe rend agréable par deschorea 
qui d'abord femblent, être lui-même, Sc 
ne font pas encore lui' ; dans le$ cTimais 
plus chauds, on aime l'amour pour lui- 
même ; il eft la caufe unique du bori- 
beur, il edia vie. 

Vous trouverez dans les climats do 
Kord , des peuples qui «Jnt peu devices', 
alTez de vertu , b'eaucoup dé fincérlté & 
de franeliifë. Approchez des pays du 
Midi , vous croirez vous éloigner de La 
mora^ même. Dans les pays tempérés, 
vous verrez des peuples inconftans dans 
leurs manières , dans leurs vices mémçs 
& dans leurs vertus : le climat n'y a pas 
une qualité alTez déterminée' pour les fi- 
xer eux-mêfties. 

Comme une bonne éducation eftplus 
nécenaîreaux enfkns qu'à ceux dont t'eC- 
prit'efl dans fa maturité , de même les 
peuples àes climats d'Orient ont pliis 
befoin d'un Légiflateut fagej que les peu- 
ples du nôtre. Plus on ell aiféihent & 
fortement frappé , plus il importe de 
l'être d'une manière convenable, de ne 
recevoic pas des préjugés , & d'être con- 
duit par la raifon. 

Pour vaincre la parelTe dû climat , U 
faudroit qbe les loiit cherchafTeht à âtei 
tous les moyens de vivre faos travail ; 



D^ii...., Google 



6o Dit C^ixat^ 

mais dans le Midi de l'Europe , elles font 
tout le cDDtr^ire ; elles donnent à <%dx 
qui veulent être oifîfs , des places pro- 

Sres à la vie fpécuUtive, &y attacnent 
es richelTcs immenres. 
L'yvrognerJe fe trouve établie par 
toute la terre , dans la proportion de la 
froideur & deThumldite du climat. 

Les femmes font nubiles dans lea 
pays chauds » à huit, neuf&dixani; 
ainU l'enfance & le mariage y vont pref- 
que toujo;irs eofemble : elles font vieil- 
les à vingt ; la raifou ne fe trouve donc 
jamais chez elles avec I^ beauté. Quand 
la beauté demande l'empire , la raifon le 
&it refufer ; quand la raifon pourroït 
i'obtenir , U beauté n'efl plus. Les fem- 
mes doivent donc être dans ta dépen- 
dance, & il eft très fimple que la poly- 
gamie s'iotroduife. 

Dans les pays tempérés , où les agré- 
jnens des femmes fe confervent mjeux , la 
vieilIeiTe de leurs maris fuit en quelque 
Êfon la leur. Il a dû naturellement s'in- 
troduire une efpèce d'égalité dans les 
deux fexes, Sz par conféquent, la loi 
d'une feule femme. 

AiaCi la loi qui ne permet qu'une fem- 
me t ieft conforme au phyftque du clî- 
inatderEufope,. 6ç non au phyfiqueda 
climat de l'Afie. C'eA pour cela que le 



.i.i=t; .., Google 



D u C L I H A r. €t 

MaboméiHme a trouvé tanc de Ëicillté i 
l'écabiii ea Aiîe , & tant de diSiCalté i. 
s'étendre en Europe ; que le Chriftia- 
nirme s'eft maimeon ea Europe , 
& a été détruit eoAfîe ; & qu'enfin les 
Mabométans font tant de progrès à la 
Chioe , & les Chrétiens G peu. 

Céa'eftpas feulement la pluralité des 
femmes qui exige leur clôture dans cer- 
tains lieux d'Orient , c'eft le climat. Ceux 
qui liront les horreurs , les crimes , les 
perfidies , les noirceurs ,. les poifons » les 
ailkllinats , que la liberté des femmes ù.ic 
faire à Gea Si, dans les écabiilTemens des 
Portugais dans les Indes , où la Religion 
ne permet qu'une femme , & qui les com- 
pareront à l'innocence & à la pureté des 
mœurs des femmes de Turquie i de Per- 
fe» duMogol,.de laChine&du'Japon, 
verront bien qu'il efl fouvent auflî nécef» 
iaire de les féparer des hommes , lorf- 
qu'on n'eq a qu'une.^ que quand on en a 
plulîeurs. 

. ,C'en; le climat qui doit décider des 
chofes. Que ferviroit d'enfermer les fem* 
mes dans nos Pays du Nord , où leurs 
mœurs fotit naturellement bonnes , o£i 
toutes leurs pallions font calmes , peo 
aâives , peu rkfinées ; où l'amour a fur 
Je cœuç un empire ^; réglé, que \^ 



D^ii...., Google 



62 00 Climat, 

moiadrc polîc^, fuffic poat les con- 

Il eÀ heureux de vivfe dans tes climats 
qui piérméctent <iu'bn fe .communîqac , 
pu' le fexe qui a le plus d'agrémens, 
fembie parer la, fociéte , 'êc oîi'les fem- 
mes fe réfervanc au pl^ifir d'un feul , 
fervent encore a l'amufement de tous. 

La lâcheté des peuples des' climats 
.chauds les a prefque toujours rendus 
efclaveSf & le courage fies peuples des 
climats froids . les a maintenus libres. 
C'eft un effet qui dérive de fa caufe 
naturelle. 

I-es peuplesduKorddel'Ea^roperont 
conquife en hommes libres ; les peuples 
du Nord de l'Afîe l'ont conquife en eî- 
claves > & n'ont vaincu que pour un 
maître.' , 

C'eft dans le Nord de l'Europe , que 
fe forment ces Nations vaillantes , quî 
forterit de leur Pays , pour détruire les 
"tyrans & les cfclaves , & apprendre aux 
homoMS que la .nature les ayant faits 
égaux, la'râilbn n'a pu les rendre dé- 
pendans que pour leur bonheur. 

Lés dîverciuemehs des peuples varient 

beaucoup félon les climats. Comme les 

'climats chauds produifent quantité de 

fruits délicats , les Barbares qui tron- 

' vent 'd'abord' le néccflkùe , emploient 



.i.i=t; .., Google 



Du Climat. $3. 

plus d« temps à fe divertir. Les Indieos 
aès Tays froids n'onc pas tant de loîSr^ 
il faut qu'ils pèchent & chafTeat con-- 
tiaaellement ; il y a donc chez eux 
moins dé danfes , de musqué & dç 
feftins. ■ . 

Daos les;dimats cluuads,.les paffiofis 
fç fbn^ plutôt femir , & elles font.auŒ 
pluç6c amorties. 

, ïl .y, a- de tel* climats , oîi le phyfi- 
que a. une telle force,- que la morale 
n'y peut prefque rien. LailTez un hompt 
me avec une femme, les tentations fec 
ronc des chûtes, l'attaque sûre, la rér 
Mance mille. Dans ces Pays , au Ugif 
dç précep^e^ f il lauc des verioux. 






"V 



Lijii.t... Google 



CHAPITRE X II. 
De la PopidMîoiu 

GOmhbkt le monde eft-il ft peu pea> 
plé, encompariirondecequllétofc 
autrefois ? Comment la nature a-t-elle pu 
perdre cette prodigieufe fécondité des 
premiers temps ?■ Seroit-;elle déjà dans fk 
vieiilefl~e, & tomberdit-elle de langueur? 
Parcourez ia terre, & vous n'y trouve- 
rez quedu délabrement: on croit la voir 
fortir des ravages de la pefte &'de la &• 
mine. Après un calcul aullî exaâ qu'il 
peut l'être dans ces fortes de chofes , on 
trouve qu'il y a à peine fur le terre la cio- 

Suantiéme partie des hommes qui y étoieot 
u temps de Céfar. Ce -qu'il y a d'éton- 
nant , c'efi qu'elle fe dépeuple tous les 
jours f & fî cela coùtihùe ,-xlans dix fiéeles 
elle ne fera qu'un défert. 

Voilà la plus terrible catiflrophe qui 
foit jamais arrivée UâJis te monde ; mais 
à peine s'en eft on âpperçu, parce qu'el- 
le efl arrivée infenfiblement, &dans le 
cours d'un grand nombre de iîécles: ce 
qui marque un vice intérieur, un venia 
fecret&caché, uoemaladie de langueur, 
qui afflige la nature humaine. 

Le 

Lijii.t. ..Google 



Db ia FoPtfiATiojr. 6j 
Le monde n'eft point incorruptible : 
tes cieux mêmes ne le font pas: les Af- 
tronomes font des témoins oculaifes de 
tous les chaagemens qui Ibut les eflètt bien 
naturels du mouvement univerfel de la 
matière, La ;erre eft foumife, comme 
les autres phnetces > aux mêmes Loix dis 
mouvemeos: elle fouffre au-dedans d'elle 
un combat perpétuel de fes principe^ : la 
mer Se le continent femblem être datn 
une guerre continuelle; chaque înftatic 

Sroduic de nouvelles combinai fou». Let 
ommes dans une-demeure fi fujette aux 
changemens » font dans un état aulTI in- 
cenain: cent mille caufes peuvent agir, 
dont la plus petite peut les détruire, & 
à plus forte raifon augmenter ou dimi- 
cuer leur nombre. Les Hiftoires font p\6ï- 
nés de ces peftes univerfelles qui ont tour- 
à-tour défolé l'Univers. 

Les principes de la Religion ont ex'tré- 
tnetnent influé fur la propagation de t'et 
péce humaine; tantôt ils l'ont encoura- 
gée, comme chez les Juifs, les Mahomé* 
tans , les Guébres , les Chinois : tantôt 
ils l'ont choquée, comme Chez les Chré- 
tiens. ; 

La continence religiânfe a anéanti' pllis 
d'hommes que tes guerrdi te^pTus fâÀ- 
glantes n'ont jan^ais 'fait. On voit des fa- 
milles éternelles où il oe naûperfoone, 



D^ii...., Google 



'66 ■ Db^ia Po?oiatio!i., ■ 

' & (]ui .s'entretienneQt aux dépens dèsjm- 
treis. Ces màifons font toujours ouvertes, 
comme aatant de gouffres où s'qnftv'e- 
liPenc les races futures. ^ . 

Il fie faut pas s'éconner (î l'on voit par- 
mi nous tant de mariages Fournir un fi pe- 
tit nombre de citoyens ; le divorce ed abo- 
li,, les mariages mal alTortîs ne fe rac- 
commodent plus. Si de detix perfonnes 
liées par le mariage, ily enàune quîn'efl 
pas propre au delTein de la nature, {oie 
par Ton tempérament, foie par fon âge, 
elle enfevelic l'autre, avec elle , ôc la 
sepd aufli , inutile qu'elle l'efl elle- 
même. 
A peine a-t-on trois ans de mariage , 

■qu'on en néglige l'éflentiel,- On palTe- 
enfemble trenie ans de froiJeur. Il fe 
forme des réparations ioreftines , auHÎ 
fortes, Ôc peut-être plus pern.icieufcs 
que n elles étoieht publiques. Chacun 
vil 5c refte de fon côté , & tout cela au 
préjudice des races fucutes. Bientôt un 

. homme dégoûté d'une femme éternelle , 
fe livrera à un commerce hoiitéux & 
contraire à la fociété , lequel fàhs rern* 
Çlir l'objet .du .mariage, n'e,n repréfeh- 

' tç loUiC.aujJlûs'qiïe Jes plailïrs. 

La continence pubjjque éft natureiT 
lément jointe a la propagation de l'ef' 
pèce. * ' " 



.l.i=t; .., GOOglt- 



Ds£A PoPiriATroN. ^7 

Depuis la déraflaiîwj de l'Amérique, 
lés JEfpagnols qui ont pris la place de 
Tes anciens habicans , n'ont pa la re- 
peopler ; au concraire , par uue fatali- 
té^ qo'on ferait mieux de nommer une 
jullice divine , In defEi-uâeurs fe dé- 
trnifiïnt eux - mêmes , Se fe coofutnedc 
tQus tes jours. 

L'effet ordinaire des colonies elt d'af- . 
ibiblir Jes ^Pays d'oh on les tire* fans 
peupler 'cbiix où oa les «avoie. Il .fauc 
-qiieles hommes reftent o^ il* font: il 
y a des maladies qui viennent de' ce 
qufon change un bon air contre un mau- 
vais; d'autres qui viennent précifemenc 
de' ce qo'oD eii change. 

Qoailid un Pays ed défert , c'eft un pré- 
jugf de qoelqne vice particulier dans la 
nature du climat. Aiofi, quant on ôce le» 
■hammes d'un Ciel heureux , poiir les en- 
voyer dans un tel Pays, on fait précifé- 
ment le contraire -de cp qu'ion fe propofe, 
'Les Princes ne doiveoc donc pas fonger à 
'peofder de grands Pays par des Colonie^ r 
quand elles réufliroienc, aa lieu d'aug- 
'menter leur pùiQanCe ^ eUes -ne feroichc 
que la partager. 

Un éfprit de vanité a établi chez les 
Européens l'injuile droit d'aîneÛTe , l»dé' ■ 
fëvorable- à k: propagation ^ etf ce qa'it 
-poste VatcentioQ d'tm '^ere Sht un feuLde 
*. Fii 



D.3.ii.t... Google 



6i Db IA"PoTÎ7I1TIÔN. 

ks eaùiOi, & «n ce qu'il l'oblige pour 
rendre foÛde la fortune d'un feul ^ de 
s'oppo&r à l'ccabUlfemeac de pluGeurs^ 

Les hommes .font comme les f^hntes 
qui ne croîifenc jamais henreurement., ft 
«liés ne font bien cultivées. Chez les 
Peuples miférables, l'erpèce perd, êç 
même quelquefois dégénère. 

Les Pays de p&curaget fonc peu peu- 
plés » parce que peu de gcïls y trouTcnt 
de l'occupation; les terres .à bled- occo- 
pent plus d'hommes, & les ytgâcrijles in< 
finiment davantage. . . 

Les peuples nailTans fe multiplimc & 
croiflent beaucoup. 

L'efpéce fe multiplie dans, un PA]rs.rà 
rabondaoce fournit aux enfans, ïans rien 
diminuer de la fobfîllatice des pères. 

La doQceut du Gouvernement contri- 
bue merveiUeofemenc à la propagation de 
l'efpèce. Toutes les Répnoliqoes ea foui 
une preuve cotisante. 

L'Europe auroit befoiaaujotmtliui Je 
Loix qui favoriTaiTeni la prgp^atioade 
l'efpèce humaine. 

Ce font les perpétuelles réiinîons' de 
plutîeuts petits Etacs qui ont produic U 
diminuiioR des Habitans. Autrefoti. cha- 
que Village de France étoit une Capna- 
le; il n'y en a au^urd'hui qu'une grande: 
chaque parue de t'Eiatécoic aaceDiiede 



Google 



Dk IA PoFUIATrOH. Jtif 

puiSknce ; aujourd'hui tout Te rapporte^q 
un centre, & ce cemre cft, pour alnfî 
dire , l'Etat même. - 

Lorliqu'un Etat fe trouve dépeupla par 
des accidetu particuliers, des guerres, 
des pefles , des famines , il y a des rct 
fources. îles hommes -qui feAent, peu- 
vent confervcr l'efpriE de travail, & de* 
venir, plus induftfieux par leur ça^mjté 
même. Le mal pr efqu'incarablc eil , lorf- 
que la.dépopuUtion.vient de toi^e main, 
par un vice incérieur & un maMvaisGoii- 
vernemeot. Les hommes Y ai]cp.^ripar 
une oialadie ïnrenfîble& habituelle: nés 
dans la Ut^ueur Si. dans {a mifere , dans 
la violeBce o.u les préjugésdu Gouverse- 
tnent, i)s fé font vu déiruife, fauvenc 
iansfeDiir les cautes de leur deûruâiob. 
Daos les Pays déiblés par ie Delpocir- 
me, ou par, les avantages excemfs du 
Cln^é for les Laïques , les hotntnes dans 
leur défert font fans courage .& lansio- 
duftrie. Avcc-dlss Terres pour nournv un 
FeufHe , OB a à peine de quoi m^urfic une 
famille. 

Dans cette fîtuation il taudroic.diilri- 
bucF des Terres à coûtes les familles qui 
n'omTieni Ifeur pfoçurer les moyens de 
. les déîrichertâc de les cultiver. , . 



D.5.i.i=t; 1, Google 



70 



CHAEiTUE. XIII. ■ 
'Dit Mariage:' 

L£s femelles des anîmaiw onc à-pea< 
près une fécondité conllànte. Mais 
' dansl'erpécehufnafne, U manière de pen- 
fér^'ïecaraâèFe, les'paflions, lesiknui- 
■fies ,' les caprices , l'idée de conférver fa 
- beauté, l'embarras de ta grofleOc, celui 
d'une famille trop tiombreufe, trcrable^c 
la propagation de mille manières. 

• ■■ Lr'obligation natureite qu'a le père de 

* nourrir Tes enfans, a' faic établir le ma- 
riage j qui déclare celui- qùldoit rem^ 
plir cette obtigatiou. 

Les conjonâioM illicites comribuenl 
peu à ta propagation de l'efpéce. Le p«' 
re qui a l'obligation naturelle de nourrir 
& d'élever tes enfans, n'eft point alors 
Exé". & la' mère, à qui Toblf^ion reft» , 
trouve'milleqbftades, par^honte, les 
remords , la gêne de Ton fexe, la rigueur 
des Loix. 

C'ell aux pères à marier leurs enfant ; 
-'IcBT proJence à cet églvd^rera-Eouiours 
2U-de0us de cbute àDfr»'prud«rice. La 
nature donne aux pères un defîr de pro 
curet à leurs en^s des fucceÛeurs q,u'ils 



.. Google 



Du Mabiàgs. '"fi 

fentent à peioe pour eux -mêmes. Baas 
les divers dégrés de progéniture ils fe 
voient avancer infenfiblement vers l'a- 
venir. '" ■ ' '■ 

Le confentement cfes pères ëft, fondé 
fur leur puilTance , c'ell- à-dîré. , for 
leur droit de propriété ; il eft'encore 
fondé fur leur amour, fur leur railbn , 
& fur l'incertitude de celle de leurs en- 
fatïs, que l'âge tfent dans l'étac d'igno- 
rance', & les paifions dans l'état <Fy- 
vrelTe. 

:Les filles , que ron ne condair que 
par le mariage au platlîr & à la lîber- 

'té, qui ont un efprir qui n'ofe penfér, 
un cïEur qui n'ofe fentir , 'deS yeux qui 
n'ofetit voir, des oreilles qui n'dfeni 
entendre, condamnées fans relâche à 

"d^es bagatelles & à des' préceptes, font 
atTeïportées au mariage : ce font les gar- 
çons , qu'il feut encburagçr; ■ - ' ' 

Pàr-toucoùil fe trouve une place oEi 
âëux' perfonnes pèuvenr vivre'commô- 
dément, ilfe fait un mariage. 

Le mariage n'a que des peines poar 
ceux qui n'ont pTos de, fens pour lesplai- 
'firs de Tmiibcence. ■ 

" Phis on' diminue' \t. nombn;' dys ma- 
riages qui poUrroient'fe faire, 'plus-om. 

■ corlompt ceux qui font Tait» :■ nroins'ilt 



.i.i=t; .., Google 



^jt Du Maxiaob. 

5 a de gens mariés , moins il y a de fî- 
élîté dans les mariages. 
Le Mariage chez coucesles Nations da 
monde , efi un contrat fufceptible de 
toutes les conventions, & on n'en a dà 
bannir que celles qui auroient pu en a& 
foiblir l'objet. 

Le Mariage du 6I5 avec la mère con> 
fond l'état des chofes : le fib doit un 
refpeâ; fans bornes à ià mère , la fem- 
me doit un refpeâ fans bornes à fon ma* 
ri ; le mariage d'une m'ere avec fon 61s 
rraverferoit dans l'un & dans l'autre leur 
eut naturel. La nature a avancé dans 
la femme le temps oîi elle peut avoir 
des enfàns , elle Va reculé dans l'hom- 
me ; (i le mariage entre la mère &. le 
0s étoit permis , il arriveroit prefque 
toujours que » torfque le mari feroit ca- 
pable d'entrer dans les vues de la na- 
ture , la femme n'y feroit plus. 

L'horreur pour l'incefle du frère avec 
U fœur p vient de ce que les pères Se 
les mères ont voulu conferver les mœurs 
de leurs enfans & leurs maifons pures. 
La prohibition du mariage encre coo- 
lîns germains a la même origine. Dans 
.^es premiers temps , il ne falloic qu'une 
maifon très-petite pour une grande fa- 
mille. Les eniâns des deux frères , ou 



.i.i=t; ..,'Googlc 



Du Maeiace. ,73 

les coaHns germains , étoienc regardés 
& fe regardoient entr'eux comme frè- 
res. L'éloignemeiic qui éioic entre les 
frères , & les fœurs pour le mariage , 
étok donc auiTi entre les coufins ger- 
mains. Ces caufes fooc fi forces & li na- 
turelles , qu'elles ont agi prefque par 
toute la terre , indépendemmenc d'au- 
cune communkatioo. 




D^ii...., Google 



74 



CHAPITRE XIV. 

Pu Commerce, < 

LE Commerce a du rapport avec la 
conltituEÏoD. Daiu le GouvernemeDi 
d'un feul il eft fondé Tur le luxe, ^ 
dans le Gouvernemenc de plufieurs il 
eft ordinairement fondé fur l'économie. 

Dans la Monarchie , il faut que les 
Loix favori fent le Commerce, afin que 
les Sujets puilTetic , fans ôérîr , fatisfaire 
aux befoins toujours renailTans du Prince 
&defaCoijr. . _ 

Dans une, RcpuhUqtte, pour maintenir 
Tefpric de Commerce, il faut que le^ 
Loix mettent chaqueCitoyen pauvre dans 
une aQez grande aifance pour travailler, 
' & chaque Citoyen riche dans une telle 
médiuciiié qu'jl ait befoîn de fon travail , 
pourconferver, ou pour acquérir. 

Un Comimerce mené à l'autre, le pe- 
tit au médiocre, le médiocre au grand. 
^injî les grandes entreprifes conviennent 
aux Etats qui fubfiftenc par le Commerce 
d'économie , parce qu'elles y font toujours 
méléesavec les atfaires publiques. 

pans les Monarchies, les affaires pu- 
hli^ues iotû auHi fufpeâes aux Mar^ 



.. Google 



DtrCoHHBRci:. 7; 

chands , qu'elles leur paroiflènt fures 
dans les Etats libres. Les grandes encre- 
prifes de Commerce ne (ont donc pas 

Sour les Monarchies, mais pour les Etats 
épublicains. 

Les Compagnie; de Négocians' qui 
s'alTocient pour an certain Commerce j 
ne conviennent pas au Gouvernement 
d'un feul. La nature de ces Compagnies 
ell de donner aux ric^elTes particulières 
la force des richéffes publrques. Mais 
dans ces Etats cette forcené peut fe trou- 
ver que dans les mains du Prince, 

Il ell contre l'efprit du Commerce, 
que la NoblefTe le falTe dans la Monar- 
chie. Il eft contre l'efprit de la Monar- 
chie, que la Nobleile y falTe le Com- 
merce. / 

S'il y avait des Loix en France qui en* 
gageanent les Nobles à faire le Commer- 
ce, es feroit le moyeu d'y détruire la 
Noblefie, fans aucune utilité pour le 
Commerce. La pratique de ce Pays eft 
très-fage, les Négocians n'y font pas 
Nobles, mais ils peuvent le devenit; ils 
n'otit pas de moyen plus fur de fortir de 
leur profellion que de la bien faire, ou 
de la faire avec bonheur ; chofe qui eft 
ordinairement attachée à la fuBîfance. 

La vraie maxime ell de n'exclure au- 
cune Nation de fon Commerce fuis de 
Gij 



^â Du CoMHBRCE. 

grandes raifons. C'eH la concurrence qui 
mec un prix jufte aux marcbandifes^ & 
qui cublit les vrais rapports encr'elles. 

Un Etat ne doit jamais s'aflujetcir à ne 
vendre fes marcbandifes qu'à une feule 
Nation » fous prétexte qu'elle les prendra 
toutes 3 un certain prix. Ces conventions 
ne font propres qu'à une Nation pauvre , 
qui veut bien perdre l'efpérance de s'en- 
richir , ^uTvû qu'elle aie une fubfiflance 
alTurée. 

Les richcHes coafiAeot en fonds de 
terre, ou en etfets mobiliers. Les terres 
appartiennent à chaque Etat en particu- 
lier ; mats les effets mobiliers, comme 
l'argent, les billets , lesvaiOcaux, les 
maTchandifes, appartiennent au monde ' 
entier ; le Peuple qui pofiede le plus de 
ces etfets mobiliers de l'Univers , ellle ' 

(■las riche. Il peut fe trouver un Etat' 
i malheureu:^ , qu'il fera privé des ef- ' 
feis des autres Pays , & mên»e encore/ 
de prefque tous les liens : tes proprié-l 
taires des fonds de terre n'y feront quel 
les colons des étrangers. Cet Etat mao'l 
quera de tout , & ne pourra rien acquêt 
TÏr : il vaudroit bien mieux qu'il n'eût del 
Commerce avec aucune Nation du mon-l 
de. C'efl le Commerce qui l'a conduic î 
la pauvreté. 

Ce ne font dope point les Nations qoi 



t 



DuCoHMERCE. 77 

n*om befoin de rien , qai perdent à faire 
le commerce ; ce font celles qui ont be- 
foin de tout. Ce ne fone poin: les peu- 
ples qui fe fuflirent à eux-mêmes, mais 
ceux qui n'ont rien che2 eux , qui trou- 
vent de l'avantage à ne trafiquer avec 
perfonne. 

Les "Indes^ont été , les Indes feront ce 
qu'elles font à prefent > par rapport au 
Commerce; &. dans tous les temps , ceux 
qui négocieront aux Indes, y porterotic 
de l'argent , & n'en rapporteront pas.- 
■ La plupart des peuples des côtes de 
l'Afrique font fauvages ou barbares. Us 
foQt fans induftrie, ils n'ont poîntd'arts; 
ils oDt en abondance d?s métaux pré* 
cieux. Tous les Peujiles policés font donc 
en état de négocier avec eux avec avan- 
tage ; ils peuvent leur faire eftimer beau- 
coup de chofes de nulle valeur, & en 
retirer on très -grand prix. 

La où il y a du Commerça , il y a 
des Douanes. Il faut que l'Etat foît neu- 
tre entre fa Douane & fon Commerce, 
& qu'il faffe en forte que ces deux cho- 
fes ne fe croifent point. Alors on y jouit 
de la liberté du Commerce. 

Le Commerce tantôt détruit par les 
Conquérans, tantôt gêné par les Mo- 
narques , parcourt la terre , fuit d'oïl 
il eit opprimé , fe repofe oix on le laiflè 
refpirer. Il régne aujourd'hui où l'on oft 



yt 0ul^OMKERCE. 

. vo'ybît que des déferts , ^$ mers Sz det 
rochers ; là où it régnoh^ il n'y a que des 
défères. 

L'hiftoirc du Commerce eft celle ^e 
la communicacion des Peuples. Leurs 
tJelîruâions dîverfes , .& de cercains flux 
& reflux de populations & de'dévaAa- 
tions , en forment les plus grançls évé- 
nemens. 

Le Commerce guérit des préjugésdeP- 
irucleurs. Par-tout où il y a des mœurs 
douces , il y a du Commerce ; & par- 
tout où il y a du Commerce , il y a 
des mœurs douces. 

L'effet naturel du Commerce eft de 
portera la paix. Mais (î; refprit de Com- 
merce unit les Nations , il n'unit pas de 
même les particuliers. Dans les Pays oii 
l'on n'ell nffcâé que de l'efpric de Com- 
merce , on trafique de louces les allions 
humaines & de toutes les vertus mo- 
ral«s.. 

On peut dire que les Loix du' Commer- 
ce perfeâionnent les mœurs , par U mê-, 
me raifon que ces mêmes Loix perdenc 
les mœurs. Le Commerce corrompe les 
mœurs pures ; il polit les mœurs barbares. 

L'efpric de commerce produit dans les 
hommes un certain fentimenc de juflice 
exaâe, oppofé d'un côté au brigandage 
& de l'autre à ces vertus morales > qui 



Djii..... Google 



Du CoMttEltCB. 79 

Pqnt qu'on ne difcute pas toujcmrs (es in- 
térêts avec rigidité. 

Pins il y a d'faoQimes dans un Etat, 
plus le Commerce y Hcurit : nlus le Com- 
merce y Heurit , plus le nomore des hom- 
mes y augmente. Ces deux chofes s'en- 
tr'aident & fc favorifenc néceirairement. 

Quand il n'y a que le nombre de gens 
CuffiikDs pour la culture des Terres > îl 
fauc que le Commerce pérlfle; & lorCqu'il. 
n'y a que celui qui e(t nécelTaire pour en-' 
iretenir le Commerce, il fauc que la 
culture des Terres manque , c'ell-à-dire,. 
il fauc que tous les deux manquenc en ' 
même temps , parce qu'on ne sVuache 
jatnais à l'un , que ce ne foit aax dépens 
de l'autre. 

Les PuilTances établies par teCommer*! 
ce peuvent rubfiCler long -temps rfaos 
leur médiocrité, mais leur grandeur eft 
de peu de durée. 



K 



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L 



CHAPITRE XV. 

De VArgent. 

'Argent, ce inétal fi atlle au com- - 
imerce, comme (igné, ed encore la 
bafe du plus grand commerce de l'Uni- 
vers, comme marchandife. 

L'or & l'trgent font une richefTe defîc- " 
tion ou de ligne. Ces lignes font très du- 
rables, & le détruifcnt peu, comme il 
convieoi à leur nacure. Plus ils le multî* 
pdtenc, plus ils perdent de leur prix, par- 
ce T]u'ils repréfenceac moins déchoies. 

De même que l'argenc elt un (ig^e d'u- 
ne chofc, & la reprclence ; chaque chofe 
eft ua figne de l'argent , & le repréfente, , 
L'Ëcat ell dans la pïorpérité, félon que 
d'uD côté l'argenc repréfente bien toutes , 
chofes, & que d'un aucre toutes chofes 
repréfentent bien l'argept.. 

Une grande quantité d'or Si d'argent 

eft favorable, lotfqu'on regarde ces mé- 

' taux comme marcoandire; elle ne l'eft 

point , lorfqu'on les regarde comme ligne. 

L'argent comme métal , a une valeur , 
comme toutes les autres marchandifes. 
L'argent y comme monnoie^ a une valeur 
que Te Prince peut Exer. 



D.5.i.i=t; ^ Google 



De l'Akgbnt. il 

Lorfque les Nations policéer font les 
maîtreffes du inonde , l'or & l'argent aug- 
meateat cous les jours , foie qu'elles le ti- ; 
Km de chez elles , foie qu'elles l'aillsnt , 
chercher là oit il eft. 11 diminue au con- 
traire, lorfque les Nations barbares pren- 
ne! lé deflus. 

L'avarice garde l'or Se l'argent, parce 
(jw, cpmine elle ne veut pas confommer, 
elle aime des (îgnes qui ne fe détruifenc 
poînr. Elle aime mieux garder l'or qae 
i'argenc> parce qu'elle craint toujours de 
perdre, & qu'elle peut mieux cacher ce 
qui eft en plus petit volume. L'or dlfpa- 
roîc donc quand rai|;ent eft commua, 
parée que chacun en a pour le cacher : 
ilreparoîc quand l'argent «Il rare, parce 
qu'on eft obligé de le recirer de fes re- 
traites. 

Âinfî l'or eft commun quand l'argent 
eft rare, & l'or eft rare quand l'argent eft 
commun. 

Dans uo petit Etat oii l'on éléveroit tout 
Un peuple commeune famille, on peut ban- 
nir l'argent. Mais dans lesgraodes rociétés, 
lenombre, la variété, l'embarras, l'impor* 
. tance des affaires, la fàcilitédesacl>a[s,U 
lenteur des échanges demandent une mefu- 
re commune. Pour porter par-tout fa puîf- 
'^ce, ou la défendre par-cout, il faut' 



D^ii...., Google 



8i De i'ArgEnt. 

avoir ce à quoi les hommes ont attactié 

pat-couc la puiflancé. 

Lorfqu'un peuple trafique fur un très- ' 
grand nombre de marchandifes, il fauc 
nécelTaireraent.unemonnoie, parce qu'un 
métal facile àtranfporter, épargne bien 
des frais que l'on feroic obligé de faire> G. - 
l'on procédoît toujours par échange. 

La Monnoie eft un figne qui repré- 
fente la valeur de toutes les marcban- 
difes: 

Rien ne dort-être (îexemptede variation 
que la monnoie , parce qu'elle eft la me- 
fure commune de tout. 

Comme l'Argent eft le figné des va*- 
leurs des marchandifes , le papier eft un 
figne de la valeur de l'Argent 

LrArgenieft te fignedes valeurs. Ce- 
lui qui a befoin de ce figne i doit le 
louer. 

Ceft une aftion très - bonne de pré- ■ 
ter à un autre fon argent fans intérêt, ■ 
mais ce ne peut être qu'un confeil de 
Religion, £c non une Loi Civile. 

Celui-là paye moins,- dit Ulpien, qui 
paj% plus tard. Cela décide la queftîon 
fi l'intérêt eft légitime, c'eft-à-dïrei R 
le créancier peut vendre le temps, Se 
le débiteur l'acheter. 



«) 



CHAPITRE XVI. 

Du Luxe. 

LE Luxe td toujours en proportion 
avec l'inégalité des forcuaes. Si dans 
un Etat les richelTes fonc également par- 
tagées, il n'y aura point de luxe; car il 
n'eft fondé que fur les commodités qu'on 
fe donne par le travail des autres. 

Le luxe eft encorç en proportion avec 
la grandeur des Villes, & fur-tout delà 
Capitale. Plus il y a d'hommes enfemble, 
plus ils font vains, & fenient naîfro.eo 
eux l'envie de fe diflinguer par de petites, 
chofes. S'ils font en fi grand nombre, que 
la plupart foient inconnus les uns aux au-, 
très, l'envie de fe diflinguer redouble, 

Earce qu'il y a plus d'efpérance de réuflîr. 
,e iuife donne cette fîpérance: chacun 
prend les marques de la condition qui 
précède ta fienne. Mais à force de vou- 
loir fe distinguer, tout devient égal. Se 
on ne fe diftingue plus; comme tout le 
monde veut fe faire regarder , on ne re- 
marque perfonne. 

A mefure que le luxe s'établit dans une 
République, refprit fe tourne vers l'in- 
térêt particulier. A des gens à qui il ne 



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Il 



84 D u L ir X E. 

&UC rî«n qae le néceflitire , il ne relie à 
délirer que la gloire de la Patrie & la 
fieone ptopre. Mais une .ame corrompne 
par le luxe , a bien d'autres dellrs. 

Comme par laconftitucion des Monar- 
chies^ les richefTes y font inégalemenc 
>artagées, il faut bien qu'il y ait du luxe. 
'i ïè$ riches n'y dépenfent pas beaucoup, 
les pauvres mourront de faim. 

Ainfi pour que i'Etat Monarchique fe 
foutienne, le luxe doit aller en croiHânc, 
du Laboureurà l'ArEifaD, au Négociant, 
aux Nobles, aux MagîAracs, aux grands* 
Seigneurs» aux Princes; fans quoi tout 
feroit perdu. 

Les Républiques iîoinent par le luxe , 
les Monarchies par la pauvreté. 

L'efTet du commerce font les richefles , - 
la fuite des richeflês le luxe, celle du 
làxe la perfcdion des Arts. Ce fêroic une 
belle partie de TUiftoire du commerce, 
que l'hiftoire du luxe. 

Si on ne foutfroit dans un Royaume 
que les Arcs qui font abfolument nécéf- 
fairela la culture des terres, & qu'on 
en bannît tous ceux qui ne fervent qu'à la 
volupté , ou à la fantaiHe; cet Etat feroit 
•lé plus raiférable qu'il y eût au monde. 

Pour qu'un Prince foitpuiflant, ilfauc 
que fcs Sujets vivent dans les délices; il 
éuE qu'il travaille à leur'piooircr toutes 



fortes de fuperiluiiés, avec autant d'at- 
tention que les nécelËrés de la vie. 

£n Angleterre , le fol produit beau- 
coup plus de grain qu'il ne iaut pour nour- 
rir ceux qui cultivent les tenes , & ceux 
qui procurent les vêtemetis. Il peut donc 
y avoir des Arts frivoles , ^ par conCé» 

3uent du luxe. En France > il croît aflêz 
e bled pour la nourriture des Labou- 
reurs, & deceuxqui/ont employés aux 
Manufactures. De plus, le commerce 
avec les Etrangers peut rendre pour des 
cbofes frivoles tant de chofes nécelTaires, 
"<ju'on n'y doit guéres craindre le luxe. 
A la Chine, au contraire., les femmet^ 
font fi fécondes, & l'efpèce humaine s'y 
multiplie à un tel point que les terres, 
quelques cukîvées qu'elles foîent, fuffi- 
fent à peine pour la nourrîturedes Habi- 
tans. Le luxe y eft donc pernicieux; il 
faut qu'on s'attache aux Arcs néceflaires, 
& qu'on fuie ceux de la volupté. 

» Notre luxe eft fi grand , die un Au-' 
teur Chinois , » que le Peuple orne de 
» broderies les fouliers des jeunes garçons 
ï» fk des filies qu'il eft«bligé de vendre, «e 
Tant d'hommes étant occupés à faire des 
habits pour un leul , le moyen qu'il n'y 
ait bien des gens'quî manquent d'habits? 



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CHAPITRE XVIL 

Des hnpêts. 

*T Es revenus de l'Etat font une por- 
■ P i lion que chaque Çicoyen donne de 
fon bien , pour avoir la sûreté de l'au- 
tre, ou pour en jouir agréablement. Pour 
bien fixer ces revenus , il faut avoir égard 
aux néceflités de l'Ecac, & aux nécedî* 
tés des Citoyens. 

Lorfque dans un Etat tous les parti- 
culiers font Citoyens, que chacun y pof- 
féde par fon domaine ce que le Prince 
' y poHéde par fon empire , on peut met- 
tre des impôts fur les perfonnes , fur l^s 
terres j ou fur les marchandifes , fur 
deux de ces chofes , ou fur les trois 
eufemble. 

Les dtoits fur les marchandifes font 
-ceux que les peuples Tentent le moins. 

Il y a dans les Ecats modérés , un dé- 
dommagement pour la pefanceur des tri- 
buts , c'eft la liberté. 11 y a dans les 
Etats Defpotiques nn équivalent pour la 
.liberté , c'eft la modicité de» tributs. 

On peut augmenter les tributs dans 
la plûfiatt des Républiques , parce cjue 
le Citoyen «jui croie payer à lui-mcinè, 



Coogic 



Dss Impôts. 87 

a la volonté de les payer. Dans la Mo- 
narchie on peut augmenter les tubucs, 
parce t^ue la modération du Gouverne- 
- ment y peut procurer des richeOes ; c'efl 
comme la récompenfe du Prince j à cau- 
/fe du refpeft qu'il a pour les Loix. 

Dans le Gouvernement Monarchique, 
les impôts font le feul bien que le luxe 
peut procurer, & le feul bien qu^il puif- 
te recevoir. 

L'impôt par tête ell plus naturel à là 
fervitude ; l'impôt fur les marchaadifçs 
efl plus naturel, à la liberté. Ce dernier 
impôt étant payé par l'acheteur , quoi- 
-que le marchand l'avance, eft un prêt 
que le maicband a dé)àfait à l'acheteur. 
La liberté a produit l'excès des [ributs ; 
mais l'effet de ces tributs excelTifs eft de 
produire à leur tour la fervitude ^ &.Ve€- 
fct de la fervitude de produire la dimi- 
nudon des tributs. 

Les Monarques deTAfie ne font guè- 
res d'Ediis , que pour ejieinpter chaque 
année de tributs quelque Province de 
leur Empire. Les manifeftations de leur 
■volonté font des bienfaits. Mais eu Eu- 
rope ^ les Edits affligent même avant 
qu'on ns les ait vus , parce que nos Prin- 
ces y parlent toujours de leurs befuïns, 
& jamais des nôtres. 
I^s befoÎQs imaginaires ^e l'Etat font 



Lijii.t. ..Google 



iS . Vss Ihfôts. 

ce qae demandent les palïïoof & les foi- 
bleiïesde ceux qui gouvernent, Teavic 
malade d'une vaine gloire , Ôc ooe cer- 
taine impuifTance d'et'prit contre tes fkn- 
' taiftes. Ce n'eft poinc à ce que le Peu- 
ple peut donner qu'il faut mefurer les 
revenus publics , maïs à ce qu'il doit 
donner. 

La maxime des grands Empires d'O- 
rient , de remettre les ttibuts aux Pro- 
vinces qui ont [ouffsn, a quelquefois lieu 
dans les Etats Monarchiques; mais elle 
accable plus que H elle n'y étoic pas. 
^our foulagèr un Village qui paye mal, 
'on charge un autre qui paye mieux; on 
ne rétablit poinc le premier , on détruit 
le fécond. Le peuple ed dérefpéré entre 
la nécefllté de payer , de peiir des ex^c- . 
lions ;& le danget de payer^ de peur 
des furcharges. 

Que quelques Citoyens ne payent pas 
aHez , le mal n'eft pas grand ; leur ai- 
fance revient toujours au public. Que 
quelques particuliers payent trop , leur 
ruine fe tourne contre le public. 

Il n'y a poinc d'Etat oh l'on ait plus 
bcfoin de tributs que dans ceux quis'af- 
foiblîtTenc ; de forte que l'on efl obligé 
d'augmenter les charges, àmefuieqvi'oa 
eft moins en état de les porter. 

Plus les fujecE foat pauvres, dk où. 



Des Impôts. 89 

plus les familles font nombreufes. Plus 
on e(l chargé d'impôts , plut ou fe m» 
en état de les payer; deux fophifmei 
-qui perdront à jamais les Monarchies. 
La Régie eft t'adminifïration d'anboR 

fere de famille qui ïeve lui - même arftc 
conomie Se avec ordre fes revenus. 

Par la Régie , le Prince épargne à 
l'Etat les prohts immenfes des Fermiers, 
qui l'appauvriffent ; il épargne au peu- 
ple le fpeâacle des fortunes fubltes qui 
l'affligent. Par" la Régie , l'argent levé 
palTe par peu de mains; il va.direâe- 
jnent au Prince , & revient plus promp- 
cemenr au peuple. 

L'hiAoire des Monarchies efl pleine des 
maux faits par les Trattans. Tout eft per- 
du , torfque la profellîon lucrative des 
Traitans parvient encore par fes rîchef- 
fes à êcre une profellioa honorée -, un 
dégoût faifit tous les autres états : l'hon- 
neur perd toute fa, ■ confîdération , les 
moyens lents & naturels de fe dlllinguer 
ne touchent plus. . 

Il y a un lot pour chaque profedion. 
Le lot de ceux qui lèvent les. tributs « 
eft les richefles ; & les récompenfes de 
ces richeffes , font les richefles mêmes. 
La gloire & l'honneur font pour cette 
nobleiTe qui ne connoît , qui ne voit , 
qui ne fent de vrai bien que rhonneu* 
H 

Coogic 



90 Des Impôtj. 

Se ta gloire. Le refped & la confldé- 
ration font pour ces Miniftres & ces Ma* 
giftrats , qui ne trouvant que le travaif 
après le travail, veillent auit Se jour 
pour le bonheur de l'Empire. 

Il taut que les Loix mettent un ordrç 
dans la manière de lever les tributs, afin 
qu'elle ne foit plus pefance que les char- 
ges mêmes. 

La pefanteur des charges produit d'a- 
bord le travail ; le travail , l'accablc- 
lOent , l'efprit de pareSe. 

La Finance détruit le commerce pat 
&s injuAices , par ces vexations , par 
l'excès de ce qu'elle impofe , par les dif- 
ficultés qu'elle fait naître , & les for- 
Bulités qu'elle exige. 






'^-r-' 



D^ii...., Google 



-91 



CHAPITRE XVIII. 
De la Morale. 

L'Es hommes frippons en détail, font 
en gros de très-honnêtet genj; ils 
aiment la Morile. 

La vertu n*eft point une chofe qui doï*. 
ve nous coûter. Il ne faut point la regat* 
der comme un exercice pénible. 

11 y a des gens chez qui la vertu eR fi 
naturelle, qu'ellfe ne fe fait pas même 
Tentir. Ils s'attachent à leur devoir fans 
s'y plier. Se s'y portent comme par inf- 
tinift. Il femble que leurs belles qualités 
n'ont pas percé pifqu'à eux. Ce font des . 
gens qu'on aîme , & non pas ces hotn- 
ines vertueux qui femblenc être étonnés 
de l'être. 

Quand il n'y auroit pas de Dieu , nous 
devrions toujours aimer la juftîce, c'eftà- 
dire, faire tous nos efforts pour reffem- 
bter à cet Etre dont nous avons une (I 
belle idée, &qui, s'il exiftoit, feroitné- . 
celTairement jufte. Libre* que nous feriorts 
du joug de la Keligton , nous ne devrions 
pas l'être de celui de l'équité. 

La indice eft un rapport de convenan- 
ce qui fe trouve léellement entre deux 
Hij 



-ogk 



^z De la MoRAiB. 

chofes. Ce rapporc eft toujours le inême; 
il eft vrai que les hommes ne voïenc pas- 
tûujours ces rapports. Souvent même, 
lorfqu'tls les voient, ils s'en étorgneot; 
& leur imeTêt e(t toujouri'ce qu'ils voient 
le mieux. La juflice éJéve fa voix, mais 
elle a à peine à fe faire entendre dans le 
tumulte des pallions. . 

XjA jutlice e([ éternelle, & ne dépend 
poinïdesconyentionihumaines; & quand 
elle en dépendrott, ce (eroic une vérité 
terrible ^ qu'il ^udroit Ce dérober à lot- 
même. 

' Nous fommes entourés d'hommes plus 
fores que nous, ils peuvent nous nuire de 
mille manières différentes ; les crois quarts 
du temps i^s peuvent le faire impunément. 
Quel repospoui nous, de fçavoir qu'il y. 
a dans le cœur de tous ces homme;, utf 
principe intérieur qui combat en notre fa- 
veut, & nous met à couvett de leurs ert- 
ireprifes! San» cela, nous ferions dans 
une frayeur continuelle; nous paflerîons 
devant les hommes comme devant des 
lions, & nous ne ferions jamais alTurés 
un moment de notre vie, de notre biea, 
ni de notre honneur. 

Quand un homme s'examine, quelle 
racisfadion pour lui de trouver qu*il a le 
cœqr judeJ Ce plaifir, tout levére qu'il 
e(l, doit ie ravir: il voit foa étie autant 



.i.i=t; .., Google 



Db la Mo bals. 9^ 

aU'dèlTas de ceux qui ne l'ont pas, qu'il 
fe voitltû-m^me audeHus des tigres & des 
ours. 

La juftice pour autrui», eft une diarité 
pour nous. 

L'iajuflice e(t une très-mauvaire ména- 
gère, & ne dent pas tout ce qu'elle pto- 
mec. 

Pour être homme de bien, il faut avoir 
intention, de l'être. 

L'ame goûte tant de délices à dominer 
l£s autres âmes; ceux -même qui aimçnt 
le bien, s'aiment^ fore eux-mêmes, qu'il 
n'y a perfcaiDe quirne foit alTez malheu- 
reux pour avoir encore à Te défier de fes 
bonnes intentions ; & en vérité nos aâions 
tiennent à tam de chofet, qu'il e(t fuille 
fois plus aifé de faire le bien que de le 
bien faire. 

. Tout bomme eA capable do faire du 
bien à un autre homme ; mais c efl: relTeni- 
bler aux Dieux que de contribuer au bon- 
heur d'une fociété entière. ' 

' L'amour propte, l'amour de notre 
confervarion fe transforme en tant de 
manieies^ &agit par des principes li con-i 
traires, qu'il nous porte quelquefois à fa- 
crifîer notre être pour l'amour de notre 
être; & tel efl le cas que nous faifons de 
nous-mêmes, que nous confenions à cef' 
fer de vivre par un-inflin^ naturel & oblï 



Djii..... Google 



94 I^B LA MoRALS. 

cur , qui fait que nous nous aimons pliu 
que notre vie même. 

Le delir de la gloire n'ed point diffé-. 
rent de cet inftinâ que toutes les créatu- 
res ont pour leur confervation. Il femble 
que nous augmentons notre être, lorfque 
nous pouvons te porter dans la mémoire- 
des autres.. C'eÀ une nouvelle vie que 
nous acquérons , & qui nous devient auflî 
prccieufe que celle que nous avons reçue 
du Ciel. Mais comme tous les hommes 
ne font pas égalemem attachés à la vie , 
ils ne font pas aulii également fenlîbles à 
la gloire. Cette noble pafiion eft bien 
toujours gravée' dans leur cœur , . mais 
l'imagination & l'éducation la modifienc 
de mille manières. 

La nature de l'honneur efl d'avoir poôr 
cenfeur tout l'Univers. Tout homme qiti 
y manque efl fujet auK reproches de c«ux- 
mêmes qui n'en ont point. 

Tout homme qui a du - pouvoir, eft 
porté à en abufer. Il va jalqu'à ce qu'il 
trouve des limites. 

Ceft toujours pat un retour fur- eu»» 
Blêmes, que tes hommes agirent. Nul 
n'eCl mauvais gratuitement. 11 faut qu'il 
y aie une raifon qui détermine, & cette 
raifon efl touiours une raifon d'intérêt. 

Pour jager de U violation des mceurs, 
il faiu ea avoir. 



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De I.A MoBAiB. 9<; 

Un crime contre les mœurs, c*eft la 
violacion de la continence publique ou 
particulière, c'eft - à- dire, de la police 
fur la manière dont on doit jouir des 
plailîrs anacJiés à l'ufage des fens & à 
l'uoioo des corps. Ce crime eft moins 
fondé fur la méchante, que fur l'oubU 
ou le mépris de foi-méme. 

Le crime contre nature ne fera jamais 
dans une ibciéié de grands progrès, fi le 
Peuple ne s'y trouve porté d'ailleurs par 
quelque coutume, comme chez, nous, 
on l'éducation domeAique e(l hors dollar 
ge. Que l'un ne prépare point de crime, 
qu'on le profcrive par une policfc exadie , 
éz l'on verra foudain la natiire ou défen- 
dre fes droits, ou les reprendre. Douce, 
aimable, charmante, elle a répandu les 
plailîrs d'une main libérale, & en noue 
comblant de délices, elle nous prépare 
à des fatisfaâions plus grandes ^ue ces 
délices mêmes. 

Que penler d'un Pays où l'infidélité, 
le rapt , la perfidie & l'injuflice conduî- 
fent a la confidératïon ; où l'on eftime-, 
un homme , parce qu'il ôte une fille a 
fou père , une femme à Ton mari , Se 
troaole les focîéiéstes plus douces & les 
plus faintesP 

Qui pourroû fe taire contre ce Célî- 
bat qu'a formé le libertinage , 'où Içs 



Lijii.t. ..Google 



9^ Os I.A MoRAIB. 

deux Texes Te corrompant par les feit- 
-timens naturels mêmes, fuient une union 
qui doit les rendre meilleurs, pour vi- 
vre dans celles qui les sendent toujours 
pires F 

L'incontinence publique eft Jointe avec 
le luxe ; elle en eft toujours fuivie , elle 
le fuit toujours. 

Les hommes nés pour vivre enfem- 
ble , font aulli nés pour fe pUirè ; & 
celui qui n'obferveroit pas les bienféan- 
Ces f fe décrédirerok &u pDioc qu'il de- 
viendroic incapable de faire aucun bien. 
' La poliiefie naît de l'envie de fe dif- 
tinguer. Elle eft natnralifé à la Cour. Elle 
flatte autant ceux qui font polis, que ceux 
à l'égard de qui ils le font. 

'La politelfe flatte les vices des autres, 
& la civilité nous empêche de mettre les 
nôtres au jour. 

S'aBrauchir des régies de la civilité , 
c'eft chercher^ le moyen de tnettre fes 
- défauts à i'airè. 

'L'envie de plaire plus que les autres 
iftablit les parures, & l'envie dé plaire 
plus que foi -même établit les modes. 

Là fociété nous apprend à fentir les 
ridicules ; la retraite nous' rend plus 
pfopres à fentir les vices. 

' Le inonde e(t trfs- corrompu ; mais il 
y a de certaines palfions qui s'y trouvent 



Ds XA M0B.AXI. 97 

tris-contralnies : il y en a de favorites , 
qui défendent aux autres de paroîire* 
Conndérez les gens du monde emr'eux, 
il n'y a rien de fi :imide; c'eft l'orgueil 
qui n'ofe pas dire Tes fecrets. Si qui, 
dans les égards qu'il a pour les autres, 
fe quitte pour fe reprendre. 

Moins nous pouvons fatisfaire nos paf» 
fions particulières, plus nous nous livroiu 
aux générales. Plus une Loi retranche de 
nos penchans, plus elle donne de force 
à ceux qu'elle nous laiflè. 

Si la modedie efl une vertu nécelTaire 
à ceux À qui le Ciel a donné de grands 
jalens; que peut-on dire de ces mîedes, 
qui ofent faire paroitre un orgueil qui 
deshonoreroit les plus grands hommes ? 

On voie de tous côtés des gens qui 
. parlent fans celte d'eux-mêmes. Leurs 
converfations font un miroir qui préfente 
toujours leur impertinente figure. Ils ont 
tout fait, tout vu, tout penfé. Ils font 
un modèle univerlel, un fujet de com- 
paraifons inépuifable, une fource d'exem- 
ples qui nç taiit jamais. 

Oh .' que la louange eft fade , lorfqu'- 
elle réfléchit vers le lieu d'où elle part ! 
Heureux celui quiaaffez de vanité, pour 
ne dire jamais de bien de lui , qui craint 
ceux qui recourent, & ne compromet 
point fon mçrite avec l'orgueil des âutret ! , 

D.3.ii.t...Googlc 



^S Db la Moralb. 

Quand on voit des hommes qui rempent 
fur un atome , ( c'ell-à-dire, la terre , qui 
p'eft qu'un petit point de l'Univers, ) fe 
propofer diieâement pour modèles de 
la rrovidence , on ne fçaît comment ac- 
corder tant d'estravagance avec tant de 
petiiefle. 

Nous ne fentons point, notre petitefle ; 
& malgré qu'on en ait, nous voulons cire 
comptés dans l'Univers, y fîgurer , Scy 
être un objet important. Nous nous ima- 
ginons que l'ahéantiffement d'un être 
comme nous, dégraderoit toute la natUi- 
re ; & nous ne concevons pas qu'un 
homme de plus ou de moins dans le 
monde, un homme qa'ejî-ce? Tou$ les 
hommes enfemble , cent millions de ter- 
res comme la nôtre , ne font qu'un atome 
iubtil & délié que Dieu n'apperçoit qu'à 
caufe de l'immenfiié de Tes connoillances. 

La Providence eft admirable dans la 
manière dont elle a dillribué les riche^ 
(es. Si elle ne les avoit accordées qu'aux 
gens de bien, on ne les auroic pas aflex 
dillinguées de la vertu , & on n'en au- 
roii plus fenti tout le néant ; mais quand 
on examine qui Tonc les gens qui en font 
les plus chargés, à force de méprîfer les 
riches , on vient en6n à méprifer les ri- 
çheflés. 

l^'elTeç de l'argent elt de groHir 1« 



De la MoRixB. 99 

fortune des hommes au-delà des bornes 
que la nature y avotc mifes , d'apprendre 
à conferver înucilement ce qu'on avoir 
amaiïedemême, de muliiplier àrinfinï 
les delîrs ^ & de Tuppléer à la nature qui 
nous avoic donné des moyens crés-bornés 
d'irriter nos pafïïons Se de nous corrom- 
pre les uns les autres. 

Nous tirons cet avantage de la médio- 
crité de nos fortunes ^ qu'elles font pluj 
fùres. Nous ne valons pas la peine qu'on 
nous raviffe nos biens. 

Le bon fens & le bonheur des particu- 
liers confifte beaucoup dans la médio- 
crité de leurs talens & de leurs fortunes. 

Les hommes extrêmement heureux &i 
extrêmement malheureux font également 
portés à la dureté, témoins les Moines 
& les Conquérans. 11 n'y a que la mé- 
diocrité & le mélange de la bonne & de 
la mauvaife fortune, qui donnent de la 
douceur &. de la pitié. 

L'opulenceeA dans les mœurs, &non 
pas dans les richeffcs. 

Four connoître la frugalité, il faut ea 
jouïr. Des gens qui n'ont devant les yeux 
que des hommes riches, ou des hommes 
miférables comme eux , détellent leur 
mifere, fans aimer ou connoitre ce qui 
fait le terme de la mifere. 

La Loi faite pour nous rendre yiâts. 



IQO Ob XA MoRAtB. 

ne fert fouvenc qu'à nous leodre plus 
coupables. 

Toutes les fois que l'on défend une 
chofe naturellemcRc permife ou nccelTai- 
re , oa ne fait que rendre p|us ma{Iib(i- 
nêtes gens ceux qui la font. 

Quand un peuple a de bonnes mœurs, 
les Loix deviennent fimples. 

Les Loiï extrêoies dans le bien font 
naître le mal extrêmç. 

En fait de préceptes & dç dogmes fon- 
damentaux , le bien eft (oujours le mieux. 

Il y a des mauvais exemples qui font 
pires que tes crimes; & plus d'Etats ont 
péri paice qu'on a violé les moeurs, que 
parce qu'on a violé les Loix. 

Quand le peupleaune fbisde bonne; 
maximes, il s'y tient plus q()e ce qu'oq 
appelle les honnêtes gens. 

il y a beaucoup à gagner, en fait de 
mœurs, à garder les coutumes ancien- 
nes. Comme les peuples corrompus fonç 
parement de grandes chofes, qu'ils n'ont 
guéres établi defociétés, fondé de VIIt 
^es, donné des Loix, Si qu'au contraire 
ceux qui avoient des mœurs fimples &; 
auftères, ont fait la plupart dçs écablilTe- 
mens i rappeller les hommes au maximes 
ancj'erinçs, c'eft ordinairement les rame^ 
lier àla vertu. 

^ien ne maimient plus les mceûrs g\^- 



" Google 



Ds tA MoRAlE. TOI 

iiûç extiêtne fubocdinaciod du jeunes 
g«as envers les vieilluds. 

L'ambiHoD s'irrÏK par le travail, la 
pauvreté fe confole par la parelîe. La na- 
ture efl lufle eniers les hommes, elle les 
récompenfe de leurs peines» elle les rend, 
labotieux.pafce qu'à aeplusgrands travaux 
elle att&che de plus grandes récompenfes. 
11 n'f a rien de lî affligeant que les 
confolacions tirées de la nécelTité du mat , 
de l'inutilité des remèdes, de la. fatalité 
du deflln, de l'ordte de la Providence, 
& du malheur de ta condition huitaine. 
Oeft fe moquer, de vouloir adoucir un 
mal par la conndération que l'on ell né 
znîférable ; il vauE bien mieux enlever Veù " 
prit hors de les réflexions , & traiter l'hom- 
me comme fentîble, fiu lieu de le traiter 
comme raifonnable. 

' La jaloufîe ell une paffîon qu'on peut 
avoir, mais qu'ondoie taire. Il faut ado* 
ter en fecret les caprices de fa maîtrelTe» 
comme on adore les décrets des Dieux, 
qui deviennent plusjufles, lorfqu'on ofe 
s'en plaindre. 

It fàuc bien didinguer chez les peuples 
la jaloufîe de pallion d'avec la jaloufîe de 
coaiume, de mceurs, de loix. L'une c& 
une Ëévre ■ ardente qui dévore; l'autre 
froide, mais quelquefois terrible, peut 
s'aliier avec l'indifférence & le mépris. 
liii 

Lijii.t...G.ooglc 



102 Bb la Moralb. 

L'une, qui efl un abus de l'amour, tire 
ia naîflance de l'amour même ; l'autre tienc 
uniquement aux mœurs, aux manières de 
la Nation, aux loix du pays. 

Les hommes font bien malheureux ; ils 
flottent fans celTe entre de faufles efpé- 
Tances & des craintes ridicule? ; & au 
lieu de s'appuyer fur la raifon , ils fe font 
des mondres qui les încimident, ou de* 
fantômes qui lesféduirent. 

Nous fommes fi aveugles, que nous 
ne fçavons quand nous devons nous affli- 
ger ou nous rejouir. Nous n'avons pref- 
Sue jamais que de fauiïes triHelTes, oa 
e fâuflies joies. 

C'efl peUt-êtie un bonheur que noui 
trouvions de la c&ofolatioD daiu les foi- 
blelTes d'autrui. 

Les Hifioins t^on nous raconte â^un 
Antoine & Hun racème, font du moins 
une altégorîe bien naturelle, qui peuc 
iervir à nous faire fentir le malheur de 
la condition humaine. En vain cherchons- 
cous un étac tranquille, les tentations 
nous fuivent toujours; nos paflîons figu- 
rées ipar les démons, ne nous quittent 
point encore : ces morjlres du cocur,ces il- 
Iufionsderefprit,ces vains fancômesdel'er- 
reur & du menfonge fe montrent toujours 
à nous pour nous féduire, & nous atta- 
quent jufi]ues dans les jeûnes & les cUices, 



D.3.ii.t.., Google 



Db la MoRAtS. lOJ 

deft-à-dire , jufques dans nocre force mê- 
me. 

Les gens qu'on die ècre de bonne com* 

Eagnie , ne fonc fouvent que ceux dont 
î vice eft plus rafiné ; & peut-être qu'il 
en e(l comme des poifons, dont les plus 
fabcil; font les plus dangereux. 

Nous voyons avec plaifir fur notre théâ- 
treanjeuneHérosmontreraûtant d'horreur 
pour découvrir le crime de fa bellemere, 
qu'il en avoit pour le crime même. II ofe 
à peine dans fa furprife, accufé, jugé, 
condamné, profcriE& couvert d'infamie, 
faite quelques réflexions fur le fang abo- 
minable dont Phèdre eft fortie. 11 aban- 
donne ce qu'il a de plus cher & l'objet le 
plus tendre, tout ce qui parle à fon cœur, 
tout ce qui peut, l'indigner, pour aller fe 
livrer à la vengeange des Dieux qu'il n'a 
point méritée. Ce lout tesaccensdela na- 
ture , qui caufent ce plaifîr ; c'eft la plus 
douce de toutes les voix:- 

Heureux celui qui peutfe'rendre à lui-mê- 
me ce témoignage : Je ii'aï jamais vu coU'- 
1er les larmes de perfonne fans en être at*- 
tendri; jefens de l'humanicépour les mal- 
heureux , comme s'il n'y avoit qu'eux qui 
fulïent hommes, & les Grands mêmes 

Ïiour lefquels je trouve dans mon cœur de 
a dureté quand ils font élevés, je les ai* 
me, il-tôc qu'ils tombent l£n effet, qu*- 
liv 



.i.i=t; .., Google 



Iô4 Db la Morale. 

ont-its à faire dans la profpéricé, d'antf 
inutile rendrefle? Elle les approche trop 
de l'égalité ; ils aiment bieii mieax du 
refpecï qui ne demande point de retour: 
mais fi-rôt qu'ils font déchus de leur gran- 
deur, îln'/aque nos ptâintes qui puif- 
fent leur en rappeller l'idée. II y a quel- 
que chofe dâ bien naïf, 8c même de biea 
grand dans les paroles d'un Prince qui, 
près de tomber entre les mains de fes en- 
nemis, voyant Tes courtirans aatour de 
lui qui plearoient : » Jefens(leur dit-il) 
M à TOI larmes, que je fuis toujours votre 
9» Roi. 



... Google 



tei 



C H;A P I T R E XÏX. 
TABLEAUX. 

Les Romains. 

ROmb n'étoit pas proprement «ne 
Monarchie, ou une République, 
mais la cêce du corps formé par tous les 
peuples du monde. 

Far un travail continuel qui augtnen- 
toic leur force , & par des exercices 
qui leur donnoient de l'adrelTe , les Ro- 
mains le rendirent plus qu'hommes. Ja- 
mais Nation ne prépara la guerre avec 
tant de prudence, oc ne la ht avec tant 
de hardieiTe. 

Les Romains ne firent jamais la paix 
que vainqueurs. Ils augmentoient tou- 
jours leurs prétentions à raefure de leurs 
défaites ; par- là ils conflernoîent les vain- 
queurs , Ôc s'imporoient à eux-mêmes 
•une plus grande néce/îité de vaincre. Tou- 
jours expofés aux plus afireufes vengean- 
ces, la confiance & la valeur leur de- 
vinrent des vertus nécefîaires , & elles 
ne purent être diflinguées chez eux de 
l'amour de foi-même , de fa famille , de 
fa patrie , & de tout ce qu'il y a de 



D.5.i.i=t; ^ Google 



io6 Tabïbaux. 

plus clier parmi les hommes. 

Rome fut fativée par la force de fon 
ioflitution. Après la Bataille de Cannes, 
îl ne fui pas permis aux femmes même 
de verfer des larmes ; le Sénat refufa de 
racheter les prifonnieri , & envoya lea 
miférables reues de l'Armée faire la guer- 
re en Sicile , fans récompenfe ni aucua 
honneur militaire , jufqu'a ce qu'Annt- 
bal fut chaffé d'Italie. 

Après la Bataille de Cannes , lePea* 



pie Romain effrayé voulue fe retirer en 

"cipio ■ ~ ■ 
.à Rome. La crainte de violer lelerment 



pie K' 
Sicile. 



Seipion lui Bt jurer qu'il reAeroic 



furmonta toute autre crainte. Rome étoit 
.UQ vaiûeau tenu par deux ancres dans 
la tempête , U Religion & les mœurs. 

Quand Jugurtha eut enfermé une Ar< 
mée Romaine , Su qu'il l'eut laifiee aller 
fous la foi d'un traité , on fe fervit con- 
tre lui des. troupes mêmes qu'il avoic 
.iauvées; &Iorrque les Numantins eurent 
.réduit vingt mille Romains, prêtsàmou- 
:rlrde faim, à demander la paix, cette 
paix qui avoîc fauve tant de citoyens, 
fut rompue à Rojne , Se l'on éluda la 
foi publique, en envoyant aux ennemis 
le Conful qui avoic fignée. 

Ce ne fut que la viâoïre qui décida 
s'il falloit dire, 7a /« Punique ou la foi 
Romcàne. 



D.5.i.i=t; ., Google 



Tabisavx. to7 

Rien ne fervit mieux Rome» que le 
refpèâ qu'elle imprima à la terre. Elle 
' mie d'abord -les Rois dans le fîlence , & 
les rendît comme flupides. Il ne s'agîf- 
foit pas du degré de leur puillânce , mais 
leur ptfrfonne propre étoit attaquée: rîf- 
quer une guerre , c'étoît s'expofer à la 
mort ; à l'infamie du triomphe. Ainfi 
des Rois qui vivoient dans le faite Se 
dans les délices, n'ofoient jetter des re- 
gards fixes fur le Peuple Romain , Se 
perdaoc le courage , attendoient de leur 
patience & de leurs baflelTes quelque 
délai aux xuiferes dont ils étoient me- 
nacés. '-^ 

Il fembloit que les Romains ne con- 
quilïent que pour donner ; mais ils ref- 
toient fi bien les maîtres , que lorfqu'iU 
foifoienc la guerre à quelque Prince, ils 
Taccabloient , pour alnfi dire , du poids 
de tout l'Univers. 

Ce qui a le plus contribué à rendre 
les Romains les maîtres du monde, c'eft 
qu'ayant combattu fucceffivement con- 
tre tous les peuples, ils oit toujours re- 
noncé à leurs ufages , fitôi qu'ils en ont 
trouvé de meilleurs. 

X^e Gouvernement de Rome fut ad- 
mirable, en ce que depuis fa naiffànce, 
fa conftitution fe trouve telle , foit par 
l'efprii du Peuple , la force du Sénat, 



D.5.i.i=t; ^ Google 



io8 Tableau >;. 

ou l'autorité de cenams Magiftrau , que 
tout abus du pouvoir y pût toujours 
écre corrigé. 

Les Romains accoutumés à fe jouer 
de la nacure humaine dans la perfonne 
de leurs enfans & de leurs efclavesj ne 
pouvoient guéres connoîcre cette vertu 
que nous appelions humanité. 

L'efprit de liberté qui régnait â Romtf 
éioic un amour dominant pour ia Patrie, 
qui fortant des régies ordinaires des cri- 
mes Se des vertus, n'écoutoït que lui 
feul, & ne voyoit ni citoyen, ni ami, 
ni bienfaiteur, ni père. La vertu fem- 
bloit s'oublier pour Ce furpaiTer elle-mê- 
me, & raâion qu'on ne pouvoit d'abord 
approuver, parce qu'elle éioit atroce, 
elle la faifoit admirer comme divine. 

Rome , dont la paflion éibit de com- 
mander, dont l'ambition étoit de tout 
fuumettre , avotc continuellement de 
grandes affaires. Ses ennemis conjuroîenc 
■ contre elle, ou elle conjuroit contre fcs 
ennemis. 

Les Romains en détruifanc tous les " 
Peuples, fe décruifoient eux-mêmes. 
Sans cefle dans l'aâion, l'effort & lï 
violence, ils s'ufoieni comme une arme 
dont on fe ferc toujours. 

Rome s'étoit aggrandie, parce qu'elle 
n'avoit eu que des guerrM foccefliïcîi 



.i.i=t; ../Google 



TâBLB AUX. J09 

chaque Nation , par un bonheur incon- 
cevable, ne l'attaquant: que quand l'au- 
tre avoit été ruinée. Kome fut détruice , 
parce que loutes les Nations l'attaquèrent 
a la fois , & pénétrèrent par- tout. 

Ronfe avoit fî bien anéantie tous les 
Peuples , que lorfqu'elle fut vaincue'elle- 
même , il fembU que la terre en eût en- 
ËLDté de nouveaux pour la détruire. 

La permilTion indéiînie de tefter»' ac- 
cordée chez les Romains, ruina peu-à- 
peu la dirpoficion politique fur le partage 
des terres. Elle introduifit plus que toute 
autre chofe la funelle djtférence entre 
les richefles 5e la pauvreté. Plufieurs 
partages furent aOetqblés fur une rnêm^ 
tête ; des Citoyens curent trop , une in- 
anité d'autres n'eurent rien. 

La fefle d'Epicure qui s'iotroduifit 4 
Kome fur la fin de la République, con- 
tribua beaucoup àgâier le cœur & l'ef- 
ptit des Romains. Les Grecs en avolent 
été infatués avant eux; aulfi avoienc'il; 
ét^ plutôt corrompus. 

La corruption des mœurs chez les Ro- 
mains détrufit laCenfure, établit elle-mô' 
me pour détruire la corruption dos 
mœurs. Mais lorfque cette corruption 
devient générale f la cçnfuie n'a plus de 
force. 

^ Rome le; Chevaliers éiotent les 



;;gogk 



IIO TABlBAtrx. 

Traitant de la. République. Ils écoîent 
avides, il femoienc les malheun dans les 
malheurs. Se faifoîeac naîiie les befoïns 
publics des befoins publics. Bien loin de 
donner à de telles gens la puifTance de ju- 
ger, il auroit fallu qu'ils eufTent été fans 
celle fous les yeux des Juges. Lorfque les 
jugemens furent tranfponés aux Traitans, 
il n'y eut plus de Vertu, plus de Police, 

S lus de Loix, plus de Magiftracure, plus 
e Magiftrats. Une profeflion qui n'a ni 
ne peut avoir d'objet que le gain, une 
profeflïon qui demandoii toujours & à qui 
on ne demaadoit rien, uoe profellion 
fourde & inexorable qui appauvriffoit les 
ricbeiïes Se la mifcre même , Qe devoïc 
point avoir les jugemens. 

Comme on voie un fleuve miner fente- 
ment & fans bruit les digues qu'on lui op» 
pofe, & enfin les renverfer dans un mo- 
ment, & couvrir les campagnes qu'elle 
confervoit ; ainfi la puiCIance fouverai- 
ne fous Augufte agit infenfiblement , 
& renverfa fous Tibete avec violence. 
' Depuis Dioclétien , la vie des Empe- 
reurs commença à être plus alTurée. Ils 
purent mourir dans leur lie , & cela 
îembla avoir un peu adouci leurs mœurs; 
ils ne verferent plus le fang avec tant 
de férocité. Mais comme ît falloii que 
ce pouvoir jmmenie débordât quelque 



Tabibaux. tu 

part f on vit un autre genre de tyran- 
oie t tiuis piiii fourde. Ce ne furent 
plus des tnaFacres , mais des jngemeiu 
iniques > des formes de jullice qui fem- 
bloient n'éloigner la mort que pour flé- 
trir la vie : la Cour fuc gouvernée , & 
gouverna avec plus d'artifice, par des 
arts plus exquis , avec un plus grand 
filence; enlin au Heu de cette hardJelTe 
i concevoir une mauvaife aâion , &de 
cette impétuolité à la commettre , on 
ne vit plus régner que les vices des âmes 
foibles , & que des ctimes réBécbis.On 
ne dit rien , on inlinua tout; les gran- 
des réputations furent toutes attaquées > 
& les Minidres & les officiers de guer- 
re furent mis fans cefle à la difcrétioo 
de cette forte de gens qui ne peuvent 
fervir l'Etat , ni fou0iir qu'on le ferve 
avec gloire. 

C'efl ici qu'il faut fe donner le Tpec- 
tacle des chofes humaines. Qu'on voie 
-^ans lliiEloire de Rome tant de guerres^ 
entreprîfes, tant de fang répandu , tant 
de peuples détruits , tant de grandes 
aâions , tant de triomphes , tant do 
politique , de fagelTe y de prudence , 
de confiance > dé courage ; ce projet 
d'envahir tout » H bien fotmé , fi bien 
foutenu, fibienEni, à quoi aboutit -il, 
qu'à affouvii le bonheur de cinq ou lîx 



mooftrej ? Quoi ! ce Sénat n'avoit fait 
évaDOuir uni de Rois que pour tomber 
lui-même dans le plus bas efclavage 
de quelques - uns de l'es plus indignes ci- 
toyens , 5ç s'exterminer par fes propres 
Arrêts ? On n'éjéve donc fa puiflancp, 
que pour la voir mieux renvetfire? I^es 
hommes ne travaillent à augmenter leur ' 
pouvoir , que pour le voir tornber con- 
çr'eux - mêmes en de plus heureufes 
inains ? ■ 

■ lyfs p.cglemens que firent les Ro- 
piains pour augmenter le nombre de 
leurs citoyens , eurent leur effet , pen- 
dant que leur République dans la force 
de fon inftitution , n'eut à réparer que 
les pertes qu'elle faifoit , par fon cou- 
rage, par fon audace , par fa fermeté , 
par fon amour pour là gloire & pour 
la vertu même. Alats bientôt les lotx les 
plus fages ne purent établir ce qu'une 
République mouraijce, ce qu'une. Anar- 
chie générale, ce qu'un Gouvernement 
îyiiiitaife , ce qu'un Empire -dur, ce 
qu'un Defpotifme fuperbç , ce qu'une 
Monarchie foible , ce qu'une Cour ftu- 
pide , iiiiote & fuperftitieufe avoient 
fucceffivement abbatu. On eût dit qu'ils 
n'avoient conquis le monde que pour 
i'affbiblir, & le livrer fans défenfe aux 
barbares. Les Nation?, Gothes , Géti- 
•gues..- 

D^ii.t...Googlc 



T A B LE A tfl. Il'j 

quès f Sarafinei & Tarures l'accable- 
xent tour -à- tour. Bientôt les peuples 
batbares n'eurent à détruire que des 
peuples barbares. Ainlî dans le temps 
des fables , après les inondations iSc les 
déluges-, il forrit de la terre des hom-: 
mes armés qui s'exterminèrent. 

Les Etoliens, 

X^s ÉtoIiens éioîent belliqueux , har- 
dis, téméraires, avides du gain, toa- 
jours libres de leurs paroles & de leuis 
-fermens , enfin faifani la guerre fur la 
terre comme les pirates la. font fur h 
mer. 

Let Béotiens. 

Les Béotiens étoient les plus épais de 
-tous les Grecs , mais les plus fages ; 
vivoient ordinairement en paix: unique- 
ment conduics par le fentiment du bien 
'& du mal, ils n'avoient pas afiez d'ef* 
prit , pour que les Orateurs les agt- 
taflènc , & puflent -leur déguifer leurs 
véritables inicrêts. 

Les Macédoniens. ■' 

La Macédoine étoicprerque entourée 

Google 



i:^ T AB iH A « r. 

de montagnes ioaccellibles ; les peuples 
en étoient très - propres à la guerre , 
courageux , obéilTans , induitrieux, ia- 
fatigaoles ; & il falloît bien qu'ils tinf- 
ient CCS qualités-là du climat, puifqu'en- 
core aujourd'hui les hommes de ces 
contrées font tes meilleurs foldats de 
J'Empire des Turcs. 

Les Huns, 

. Chez les Huns > les en&ns entroiene 
en fureur au récit des beaux faits d'ar- 
inesde leurs pères, & les pères verfoîenc 
des larmes^ parce qu'ils ne pouvoienc 
imiter leurs enfans. 

Les Caulmr. 

■ L'amour delà gloire, te mépris cfc 
la mort ^ l'obAination pour vaincre ^ 
ctMenc les mêmes dans les Gaulois que- 
dans les Romains ; mats les armes étoienc 
' diSérentes. Ces peuples que les Homaios 
rencontrèrent dans prefque tous les lieux 
&.. dans prcrque tous les temps , k 
laiQerem détruire les uns après les au- 
tres » fans jamais confloître , cher- 
cher , ni ptévcsir la caufe de leurs 
malheurs. 



.i.i=t; .., Google , 



Tabisaux. 115 

Les Gtrm/ùnt. 

Les Germains ne coimoKToient que 
deux crimes capicaux. Ils pendoienc les 
. traîtres , & noyoient les poltroni. C'é- 
toicDC chez eux les feuls crimes qui fuf- 
fent publics. Il femble que du temps de 
Tacite , ib étoient encore dans Vétac 
de nature. 

11 y eue encore deux autres crimes 
chez les Germains. L'un étok de ne^ 
vouloir point faire ou de ne vouloir 
point recevoir la fatisfaâion que la loi 
.avOtt prefcriie à l'oSènfeur -, l'antre étok 
de fe venger, après avoir reçu la Û- 
tisËiâton. 

Chez ces Nations violentes, rendre 
la juHice o'éioit autre cbofe qu'accor< 
dei à celui qui avoicfait une oSènis, 
fa proteâion contre la vengeance, de 
celui qui t'avoic reçue , 3c obliger ce der- 
nier à recevoir la fatitiàâion qui lui étotc 
due ; de forte que chez les Germains « 
à la différence de tous les autres peu- 
ples , la juftice fe rendoit pour protéger 
je criminel , contre celui qu'il avoie 
oiTenfé. ■ . 

Les Germains n'admettoient guéres qur 
des peines pécuniaires. Ces hommes guer* 
*Kii 



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.Ii6 -Ta b iKA V X, 

ricrs & libres enimoîenc que leur Gmg ae 

dévoie éire vetîé que les armes à la ama. 

Les Indiens. 

L« Indiens, font natarellement fans 
courage. Cependant tes honunes fe fou- 

'mettent à des maux incroyables ; les fem- 
mes fe brûlent elles-mêmes : voilà bien (te 
la force pour tant de foibleiïe. La nature 

' qui a donné à ces peuples une foibleHë 
qui les rend timides, leur a donné aulll 
.une imagination iîvive, que tout les irap- 

{)eàrescèi.C'e{l la même iofeofibiliré qui 
car Élit fuir tous les périls , & les leur 
fait tous braver. 

Le Peuple des Indes ell doux, tendre, 
cbmpaûSant. AulTi'fes Légiflatears ont- 
îls une grande contîance enlui. Ils ont éta- 
bli peu de peines, & elles font peu févé- 
res. Ils fembie qu'ils ont penlé que cha- 
que citoyen devoit fe repofer fur le bon 
natuvel de tous les autres. Les Indiens 
donnent aifément la liberté à leurs ef- 
claves -, .ils les marient , ils les craitenc corn- | 
me. leurs enfans. Heureux climat qui fait 
raître la candeur des mœurs , 3c produit j 
la douceur dés Loix .' 



.i.i=t; .., Google 



T A Bt E A U X. 117 

Les Japono'u. 

Le peuple Japonois a un caraâere 
' fi atroce , que Tes Légiflateuts ne lui 
onc mis devant les yeux que des Juges, 
des menaces Se des châtimens. 

Au Japon» on punit de mort lesmen* 
fonges qui fe font devant tes Magillrats ; 
chofe contraire à la défenfe naturelle. 
Un homme qui hazarde de l'argent au 
jeu, y eft puni de mort. Ce peuple opi- 
niâtre, capricieux, déterminé, bizarre , 
qui brave tous les périls & tous les mal- 
heurs, femble, àla première vue, abfoa* 
dre fes Légiflateurs de l'atrocité de leurs 
Loix. Mais des gens qui naturellement 
méprirent la mort , êz qui s'ouvrent le 
ventre pour la moindre faniaifie, font-iU 
corrigés o\i arrêtés par la vue conti- 
nuelle desTuppltces , 6c ne s'y iami- 
lîarifeni • ils pas î . 

Les Tartares. 

De toutes les Nations du monde'» 
il' n'y en a pas qui ait furpalTé celle des 
Tartares, ni en. gloire, ni dans la gran- 
deur des- -conquêtes. Ce peuple elt te 
vrai dominateur de l'Univers ; tous les 
autres len^lçnt Être fûts pçuf le fervir. 



.i.i=t; .., Google 



• ii8 Tabisavs. 

il eft également le foodatear & le del^ 
tniâeur des Empires. Dam tous les 
temps il a donné ftir la terre des marques 

' de fa puiûance ; dans cous Iss âges il a écé 
le fléau des Nations. Qu'efl-ce que les 
conquêtes d'Alexandre, en c<Hnparairon 
de celles de Genghifcan ? Il n'a manqué 
À cette viâorieufe Nation que des Hifto- 
riens , pour célébrer la mémoire de fes 
merveilles. Mait usiquenlent occupée 

. de ùi gloire préfence , fiîre de vaincre 
dans tous les temps, elle ne fonçeoit 

. point à Te fîgnaler dans l'avenir , par la 

. fiiémoire de fes conquêtes paOees. 

Les François. 

On trouve dans cette Nation une .hu- 
meur fociable , une ouverture de cœur, 
une joie dans la vie, un goût, une facili- 
té à communiquer ies penfées. Elle efl 
vive, agréable, enjouée, quelquefois 
imprudente, fouvent indifcrette. Avec 
cela elle a du courage^ de la générgfîcé, 
de la francbife , un certain point d'bon- 
, neur. Dans les Pays étrangers , elle ij'efl 
touchée que de ce qu'elle a qukté. En 
partant de chez elle , elle regarde la 

{rloire comme UfoBveraio bien, &- daiu 
es Pays, éloignés cQmme un obftkdeÀ 
foa retour» £Uc iudûpofe par fei bonan 



.i.i=t; ^ Google 



TaBIBAU X. 11^ 

qualités mêmes , parce qu'elle paroît y 
joindre du mépris; elle peuc fupporceF 
les bleÛures, les périls âc les fatigues» & 
noa pas la perte de fes plaifïrs. 

La Grèce. 

Quelles caufes de profpérité pour U 
Grèce, que des jeux qu'elle donooiCf 
pour ainn dire, à l'Univers; des Tem- 
pies oîi tous les Rois etivoyoient des of- 
frandes : des Fêtes où l'on s'aOembloit de 
toutes parts ; des Oracles qui faifoient 
Tattentioode toute lacuriofïcé humaine; 
enfin le goûc& les Arts portés à us point ^ 
que de croire les furpauer, fera toujours 
ne pas les connokre f 

Athènes, 

Athènes eut dans fon feinles mémes' 
forces , pendant qu'elle domina avec 
tant de gloire , & pendant qu'elle fervïc 
avec tant de honte. Elle avoit vingt 
mille citoyens , lorfqu'elle dé&ndit les 
Grecs contre les Petfes, qu'elle difputa 
l'Empire à Laeédémone y & qu'elle at- 
taqua la Sicile. Elle en avoit vingt mîl- 
. le , lorfque Démétriua à* PkaUrt les- 
dénombra . comme dans un marché l'o» 
compte les elclaves. Cette Ville , i^ui 



D^ii...., Google 



ÏIO- TABtE AUX. 

avoit réfîdé à tant de défaices , qu'on 
avoit vu renaître après fes dedruâiom, 
fut vaincue à Ckéronée , Se le fut pour 
toujours. Qu'importe que Philippe ren- 
Toîe des prifonniers P il ne renvoie pas 
les hommes. Il écoit toujours aufG aiCf 
de triompher des forces d'Athéues , 
quil auroit été difHcile de triompher de 
fa vertu. 

Athènes remplie des projets de gloire; 
Athènes qui augmentoit la jalouiie, au 
lieu d'ilugmenter l'influence; plus atten- 
tive à étendre fou Empire maritime qu'à 
en jouïr , ne fît point ce grand commerce 
que lui promettojent le travail de fes mi- 
nes, la multitude de f« efclaves» le 
nombre de fes gens de mer, fon autorité 
fur les Villes Grecques , & plus que tout 
<ela, les belles inlÛtutions de Solon. 

Sparte. 

Lycurgue mêlant le Urcin avec l'efpn't 
de juftice, le plus dur efclavage avec 
l'extrême liberté, les fentimens ïes plus 
atroces avec la plus grande modération , 
donna de la habilité à fa Ville. Il fembla 
lui ôter toutes les reiTources, les Arts, 
le Commerce, l'Argent, fes MuraiHés. 
On y a de l'ambttion làns efpérance d'être 
mieux; ooyales fentimens oaturelt, & 



D^ii...., Google 



T.AB1EAÏTX'. ' m 

on bV e& ni- enlaot, .m Ciari, ni père.; 
la pudeur même eCl ôtée à U chaflecé. 
C'elt par Ces chemins , que Sparce eft 
laenée à la grandeur&ala gloire. 

Corinthii . : 

Coriiub: Répara deux mers» ouvrît 
& ferma le Feloponnèfe, & ouvric & 
ferma la Grèce. Elle fut une Ville de 
la plus, grande importance , dans un 
temps oh la Grèce étoii un monde & 
les Villes Grecques: des Nations. Elle 
fît un grand Commerce : daiu aucune 
Ville on ne porta H loin les ouvrages 
de l'Art. La Religion acheva de corrom- 
pre ce que fon opulence lui avoit laifle 
de- mœurs. Elle érigea ua Temple à Vé- 
nus, où plus de mille courtifanes fiitenc 
conCacrées. C'ell de ce Séminaire que fot- 
tirent la plupart de ces beautés célèbres» 
fionc Athénée a ofé écrire l'hiftoire. 

Syracujè. 

Syracufe toujours dans ta licence ou. 
4<ms l'oppreffian, également travaillée 
par fa liberté & par fa fervitude, recer 
vant toujours l'une & l'autre comme une 
cempéte, avoit dans fon fein Un Peuple 
immenfé qui n'eUciamai» qiie cette cruelle 

Diii.t..,Googlc 



111 T&BlBAVX. 

alternative de fe doonr an tyran ^ onde 
r^re Ini-mêAe; 

MarfiHU. 

Marfeille, retraité néceflàîre au mïlîea 
d'une mer oiageufe , Marfeille^ oi\ toas 
les v«ot|, les bancs ds la mer,' bdifjpo- 
fition des Cotes ordonnent de toacher, 
fut fréquentée par les genc de mer. ' La 
fléritit^ d« fon territoire détermina fes 
Citoyens an commerce d'économie. Il 
£iUut qu'ils fuirent laborieux, pour fup- 
ptéer à la nature qai (a refofoit ; qu'ils 
tiiOent jullet, pour vivre parmi les Na- 
tions barbares qui dévoient faire leur 
])ro(périté ; qu'ils tiilTent modérés , pour 
que leur Gouvernement fût toujours 
tranquille ; enlîn « qu'ils eufTent des 
mœurs frugales, pour qu'ils pulTent toii'- 
jours vivre d'un Commerce qu'ils con- 
ferveroicnt plus fûrement, lorfqu'il fer 
roit moins avantageux. 

{/Europe moderne, 

LaBouilble ouvrit, pour aînlt dire^ 
llJnivArt. On trouva l'Afie! & l'Afrique 
donc on ne connoilToit que quelques 
bords, & l'Amérique dont on ne con** 
iwîQoit riea du tout. L'efiêt do la décoo- 



D^ii.t..,Googlc " 



TX2IBACX. I4| 

Tcrte de rAmérique, fat de lier à l'Eu- 
. rope l'Âfie &. rA&'i<lue< L'Europe fklt lo 
commerce & la navigation des trois au- 
tres panies du moude , comme la Fran- 
ce , rAngleterie & la HoUaade fout à^ 
peu-près la navigation Se le commerça 
de rËurope. 

L'Europe elï parvenue à un fi haut 
degré de puidânce, que l'Hifloire n'a 
rien à comparer là-detTus ^ Jî l'on confide- 
ft rimmenfité des dépenfes , la grandeur 
des engagemens, le nombre des troupes, 
<& la continuité de leur entrecieu. 

L'Italie & une grande partie de rAUe< 
^lugne font partagées en un nombre infi- 
ni de. petits Ëcats , dont les Princes font, 
à proprement parler, les martyrs de la 
fouvcraineié. 

L'Allemagne efl la feule PuifTaace fur 
la terre , que la divifion n'a point affbï- 
hlie ; la feule qui fe fortifie à mefure de 
fes peiies, & qui lente à proficer des 
fucces, devient indomptable par fesd^ 
faites. 

Les Hidoriens d'Italie nous lepréfen- 
tenc une Nation autrefois maitreiïe du 
monde, aujourd'hui efclave de toutes 
les autres; fes Princes divifés^ foibtes^ 
& fans autre attribut de fouvecaineté^ 
qu'une vaine politique. 
Ïa Sicile, où il y avoit autrefois dft 
Lij 

Coogic 



lii . Tableaux. 
puiffans Royaumes^& des Peupîes nom- 
breux , n'a plus rien de copfiderable que 
fes volc^ins. 

" ■ Veni fe, n'a de rcffpu rces qu'en fon éco-i 
notnie; Gênes n'eft fupçrbe que parfes 
bâtimens. 

La SuilTc eft l'image de. la liberté. 
La Pologne ufefimaldc fa liberté, & 
du. droit qu'elle a d'élire fes Bois , qu'il 
femble qu'elle veuille confoler par- là les 
Peuples fes voifjns, qui ont perdu l'uii 
& l'autre. 

L'hiftoire nous repréjinte la Nation Ef- 
pagnole fortanc de quelques montagnes ; 
les Princes Mahométaiis fubjugués auflî 
infenfibleraent qu'ils avoient rapidement 
conquis ; tant de Royaumes réunis dans 
upevalie Monarchie, qui devint prefquç 
la feule, jufqu'à ce qu'accablée de fa 
fauflfe opulence, elle perdit fa force & 
ia, réputation même , & ne confervà que 
Torgueil de fa première puiiîknce. 

On voit dans l'Hifiotre de France d'abord 
la.puiflancedes.Rpis fe former; mourir 
deuK fois, renaître de même, languir 
enfuite pendant plufieurs fiécles ; mais 
■ptennant infenfiblement des forces, accrue 
de toutes parts , tiionter à fon dernier pé- 
riode : femblable à ces fleuves qui dans 
- l^ur courfe perdent leurs eaux, ou fe 
^çiLçhpni fous terre; puis lepaioiûàne dç 



Tabibaux. Jl$ 

nouveau , grotHs par les rivières qui sV 
jettent, encrament avec lapidicé toute* 
qui s'oppofe à leur pallage. 

On voit dans l'hiftoire d'Angleterre la 
liberté fonir fans ceffe des feux de la dif- 
corde & delà fédition, le Prince tou- 
jours chancelant ifur un thrône inébranla- 
ble, une Nation impatience, fage dans 
fa fureur, & qui mahfefle de la mer, 
mêle le Commerce avec l'Empire. 
' La Képublique de Hollande, cette 
' autre Reine de la mer , cd rePpedlée ea 
£urope , & formidable en Afie , où fes 
Négocians voyent tant de Rois profteroéi 
devant eux. 



y«^^ 




Lii} 

D.g.<.!,^ ,, Google 



taê 



C H A P I T R Ç XX. 
CARACTERES. 

Pyrrhus. 

LA grandeur de Pyrriius ne confît- 
toit que dsDs fes qualités perfon- 
Tielles. Ce Prince, maître d'un petit Etat 
dont on n'a plus entendu parler après 
lui, étoit un aventurier qui ^ifoit des 
cntreptifes contianelles , parce qu'il ne 
pouvait [uhG&et qu'en entreptenanc. 

Animal. 

Quand oQ exatnine bien cette foole 
d'obftacles qui fe prérenterent devant 
Annibal, & que cet homme exttaordi- 
oaire furmonta tous, on a le plus beau 
fpeâacle que nous -ait fobinî l'antiquité. 

De tous les Rois que les Romains 
attaquèrent , Mjthridaie feul fe défendit 
avec courage , & les mit en péril. II 
fie d'aboid -lentir à toute la terre qu'il 



.i.i=t; .., Goegic 



CA.ti.ACTia.sS4 117 

itoit ennemi des KtMnaios , & (fa'H le 
Ceroit toujours. Ce Prince après avoir 
batcD les Généraux Kvmains, &iàic la 
conquête de l'Aile, de ta Macédoine & 
de la Grèce , vaincu à foa cour paf 
Sylla f chaire par LucuUus , le réfugia 
dans fes propres Euts. Accablé par Pom- 
pée, il fuie de ies Etats, & marchant 
de péril en péril , il forma le deÛeîa de 
porter la guerre en Italie: mais trahi par 
Fharoace & par ime Armée elFrayée d« 
la grandeur de ik» eattepiilcs , il moa- 
rot en KoL 

On ^le beaucoup de la fortune d« 
Céfar , mais cet homme extraordinaire 
avoit tant de rares qualités fans pas ua 
défaut , quoiqu'il eût bien des vices , 
qu'il eût écé bien diâîcile que , quel- 
que Armée qu'il eût commandée., il 
n'eût été vainqueur , & qu'en quelque 
République qu'il iQt &é , il ne l'eût gou- 
vernée. 

Augufit & Sylla, 

■ Sylla, hommeemporté,. mennevia>- 
lemmem les Romains à la liberté ; Au- 
gultc , safé cyran , les conduit douce- 

LÏT 



128 CiBACTÉRES* 

mène à la fervitude. Pendant que font 
Sylla la Képublique reprenoit des forces , - 
touc ie monde crioît i U tyrannie ; & 
pendant qae fous Augufte là tyrannie (e 
fbf tiBoit , pn ne parloit que de Ubené. 

Ttajan. 

■ Nerva adopta Trajan , Priice le pbs 
accompli donc l'tiidoire ait jamais parlé. 
Ce fut un bonheur d'être né fous fon 
t^ne ; il n'y en eut point de G heureux 
ni de li glorieux pour le Peuple Ko- 
main. Grand homme d'Etat , grand Ca- 
pitaine ; ayant un cœur bon qui le por- 
toit au bien ; un efprit éclairé qui lui 
montroit le meilleur ; une ame noble , 
grande , belle , avec toutes les venus , 
n'étant extrême fur aucune ; enfin , 
l'homme le plus propre à honorer la na- 
ture humaine , & a. repréfenier la di- 
vine. 

- Attila^ 

Attila étok on des plus grands Mo- 
narques dont l'hiftoire ait jamais parlé; 
craint de (es fujets , il ne paroît pas 
<]u'il en fât.hzï ; prodigieufeir^eui Jffîr, 
& cependant rufé ; ardent dHns'fa co^ 
1ère , mais f$achJtnt pardonnes ou dif 



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Caractérbs. 119 

férer U pBnition. ,■ fuivant qu'il conve- 
□oit à tes imérêcs ; ne faifant jamais U 
gaerre, -quand la paix pouvoir luidoa- 
lier a0ez d'avautagei ; maîcre de toatta 
les Nacions barbares , & en quelque fa- 
çoa,.àe presque. toutes celles qui étoienc 
policées, .il avoit gardé pour lui feul 
l'ancienne Implicite des Hiins. 

Chartemagne. 

Charlemagne mit un tel rempéràmcnV 
dans les ordres de l'Ëtât, qu'ils furenc 
contrebalancés , & qu'il refta le maî- 
tre. Tout fut uni pat la fprce de fon gé- 
nie. L'Empire, fe inaintint par la gran- 
deur du chef; le Prince étoit grand, 
l'homime l'étoii davantage. Il fit d'ad- 
mirables R^lemens ; il fit plus , il les 
.fit exécuter. On voit dans les Loix de 
ce-Prince, un efprit dé prévoyance qui 
.comprend tout-, . & une certaine force 
qui entraîne tout : les prétextes pbur 
éludet les devoirs font Ôtés, les négli- 
gences corrigées, les abus réformés ou 
prévenus ; il ffavoit punir , il fçavofc 
encore mieux pardonner. Vafte dans 
fes deffeiiis , (impie dans Tcxécuiion , 
perfotme .n'put à -un plus hautdégré l'arc 
de iaire les' plus grandes chpCes avec 
facilité, & l-s dii&iles avec proinptf- 



.i.i=t. ... Google 



tjo 



Caractérs». 



tade. Il parcouroic fans cefle fon VaW 
Empire , portanc la main pat - toot oik 
il alloit tomber. Les affaires renuffiiieot 
de toute parts , U le» finiObic de conte» 
parti, jamais Prince ne km mieux bra- 
ver les dangers , jamais Friace ne fçot 
mieux les éviter. II fe jona de tous le* 
périls , & particolieremeut dé ceoi qa* 
prouvent prefque toujours les grand» 
Cooquérans , c'eft-à-dire , des confpira- 
tions. Ce Prince prodigieux étoit extrê^ 
memeni modéré ; fon caraôere étoie 
doux , fes manières fimptes ; il aimoit à 
vivre avec les gens de fa Cour. Il fut 
peut - être trop fenfible au. plaifir des 
femmes ; mais un Prince qui gouverna 
toujours par lui-même, & qui paflà fa 
vie dans les travaux, peut mériter plu* 
d'excufes. On tu dira plus qu'un mot ; il 
ordonnait qu'on venciît les œufs des baf- 
fes cours de fes Domaines , & les herbes 
inutiles de fes Jardins; 6c il avoit diftrî- 
bué à fes Peuples toutes les, richeffès des 
Lombards, & les îmmenftt tréfors de 
ces Hunt qui avoiem dépouillé l'Univers. 

Louh U Débonnaire. 

Un Prince, jouet de fes pàffions 8t 
dupe de fes vertu» mêmes ; , un Prjntt 
qui ne connut jamais fa force ni fa fbtr 



blefle ; qni ne ^t fe concilier dJUcraiB' 
te ni f amour ;- qui avec peu de vicei 
dans le cœur , avoit toutes fortes dtf dé- 
làuts dans l'erprii, prît en. main les rêoes 
dé l'Empire que Charleroagne avoit t^ 
nues. Louis le Débonnaire mêlant routel 
les complaifances d'nn vieux marî avec 
toutes les fbibleffes d'un vieux Roi , mit 
un défordre dansfa&mille, qui entrât* 
na la chute delà Monarchie. Que pou- 
voir faire un Prince fuperflitieux attaqué 
par la fuperftition même î 

Alcxcmirt, 

Alexandre fît une grande conquête. 
Les mefores qu'il ptit lurenc judcs. Il dc 
panit qu'après avoir achevé d'accabler 
les Gtecs; il ne laifla rien derrière lut 
contre lui. Il attaqua les Provinces ma- 
ritimes f Si. fit fuivr^à fon Armée de ter- 
re les cotes de la merj pour n'être point 
réparé de fa flotte. Il fe iervit admirable- 
ment bien de la difciplïne contre le nomr- 
bre ; &; s'il eft vrai que la viâoire lui donr 
na tout , il fit tout auflî pour fe procu* 
rer la viâoire. Dans le commencemenc 
de fon entreprife, c'eft-à-dire> dansas 
temps oi^ un échec pouvoit le renverfer» 
il mit peu de cbofe an hazard : quand la 
fortune le mit au-deflus det éréoemcBt^ 



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tjl Caractère^. 

U témérité ïtit quelquefois un de i^^ 
tBoyens; Lorsqu'il s'agic de combattre 
les forces maritimes des Ferfes , c'efi ptu- 
tôc Farménion qui a de l'audace; c'ell 

Ïlutôc Alexandre qui a de la fagefte. La. 
ataiUe d'Iiïus lui donna Tyr & l*£gyp-' 
te; la bataille d'Ârbellcs lui donna tour- 
te la terte. Voilà comme il iît fes con- 
quêtes ; il faut voir comment il les con- 
ferva. 

- Il téfilla à ceux qui vouloient qu'il 
traitât les Grecs comme maîtres, & les 
Perfes comme efclaves. Il ne fongea qu'a 
unir les deux Nations, âcà faire perdre les 
dillions du peuple conquérant & du peuple 
vaincu. Il abandonna après la conquête 
tous les préjugés qui luï avoient fervi k 
la faire. Il prît les mœurs des Perfes, 
j>our ne point défoler les Perfes, en leur 
iaifant prendre lès moeurs des Grecs. Il 
refpeâa les traditions anciennes, & tous 
les monumens de la gloire & de la va- 
nité des peuples. Il lembloit qu'il n'eût 
conquis que pour être.le Monarque par- 
ticulier de chaque Nation , 8ç le pre- 
mier citoyen de chaque Ville. Les Ro- 
. mains conquirent tout pour tout détrui- 
n; il voulut tout, conquéiir pour tout 
conferver,.Sa main fe fetmoit pour les dé- 
lienfes privées ; elle s'ouvroit pour les àc-* 
psofes publùjues. Falloic-il régler lanuîf 



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Car.acï£rbs. ij) 

foo'? Cétoîc un M^cé^onioo. Falloïc-U 
payer les dettes dgs folda»« faire paît 
de fa conquête aux Grecs, faire laforpj^ ' 
ne de chaque homme de fon Armée ? Il 
étoic Âlexaadre. 

Alexandre mourut, £c toutes les Na- 
tions furent fans maître. Alais qu'efl-ce 
jque ce Conquérant, qui«A plaint détour 
les peuples qu'il a fournis? Qu'eft-ceque 
cet ufurpaieur , fui la mort duquel la fa- 
mille qu'il a renrerf)^e du thiône ^ veifp 
des larmes ? 

Charles XII. 

Il n'éiott point Alexandre, maisilaih 
roit été le meilleur foldac dAlexandre. 
La nature ni la fortune ne furent ja- 
mais fi fort contre lui-même. Ce Prin- 
ce qui ne fie ufage que de fes feules 
forces, détermina fa chute, en formant 
des defleins q\ii ne ppuvoiem être exé- 
cutés que par une longue .guerre ; ce 
que fon Koyaumç ne pouvoir foutenir. 
Ce n'étoit pas un Etat qui fût dans la 
décadence , qu'il entreprit de renver- 
fer, mais un ÈmpiienailTant. Les Mqf- 
covites fe iécvirent de la guerre qu'il 
leur fajfoiE, comme d'une école. A cïja- 
qu« défaite, ils s'approchoient de la 
viâoiie. Ce ne fut point Pultoya <^\^ 



f^^ CAEACTinKI. 

perdît Charies: iHl n'avoit pis été dê> 
traie dan> ce Ueu , il l'auroïc été dans 
on autre. 

Coton & CU^ron, 

Gicéron avec des panies admirables 
pourjin fecood rôle, étoit incapable du 
premier. Il avoit un beau génie, mais 
une ame fouvent cofnmune. L'accelToi- 
re chez Cicéroo , c'écoic la vertu ; chez 
Caion , c'écoit la gloire. Cicéron fe voyoic 
toujours te premier; Cacon s'oublioit 
toujours. Celui-ci vouloir fauver la Ré- 
publique pour elle-même; celui-là pour 
^ea vanter. Quand Cacon prévoyoit, 
Cicéron craignoit ; là oà Caton efpéroic, 
Cicéron fe conBoit. Le premier voyoic 
toujours les chofes de fang froid, l'autre 
au travers de cent petites paŒons. 

RuMUu. 

Richelieu tira du chaos les régies de 
la JMonarcbie, apprit à la France le fe- 
crée de fes forces , à l'Efpagne celui de 
fa foiblelTè; ôta à l'Allemagne fes chaî- 
nes, lui en donna de nouvelles; brifa 
^lU-à-tour toutes les PuîÛîuices. 



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C H A P I T RE XXI. . 

PORTRAITS. 

ITST ExoTiE (oas tin babit fugabre^ 
^1j montre un aïi gai , un teiac fleuri. 
Il Iburic gracieufemeDt dès qu'on lui par^ 
le : - fa parure eA plus modefte » mzh 
|)lus arrangée que celle des femmes. H 
en fçait plus que les mark ; il connoîc 
le folble des femmes; elles ffavenc 3ufH< 
bien qu'il a le fien. 11 foudro^ en pu- 
blic , mais il ell doux comme un agneau 
CQ particulier. Ced un homme nécelTaî- 
re, il fait la douceur de la vie retirée: 
petits confeils, foins officieux, vifites 
marquées; il dilTipe un mal de tête mieux 
que perfonne : c'eft un homme excellent. 

MétTomant fait des grimaces > il a un 
langage différent des iutres, il n'a pas 
d'elpric pour -parler, mais il parle pour 
avoir de l'efpric: c*e(l le grottfque du 
genre humain, 

lie \ieux Typhon fe rend mémorable 
à tous &s auditeurs , par la longueur de 
les exploits. Il ne peut fouffrir que la 
France ait gagné des batailles oh il ne fe 
fyk |)U uouvéf ou ^u'on vante no £é^Q 



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Ijâ PoftTRAITS. 

oji il n'ait pas mante à Ja tranchée. H 
fe croit fi néceOàire it notre ^iftoire, 
qu'il s'imagioe qu'elle 6nir oh il a J> 
ni; il regarcfe quelques. blelTares qa'îl 
a reçues, comme la diflblution de la 
Monarchie';' & à la cTifférence de ces Piii- 
lofopbes, qui dîfent qu'on ne jouîc que 
du préient Se que le paiïe n'elï rien , H 
ne jouit au concraire que du pafTé, Si 
n'ekifte que dans tes campagnes qu'il à 
Àitês:' il refpire dans les'temps qui fe 
-font écoulés , comme les Héros doive» 
vivre dans ceux qui palTcronc après eux. 
Flonmond a à^i cheveux, peu d'ef- 

f)rîc , & beaucoup d'impertinence. Il par* 
e plus hauc que les autres, & fe fçaît 
bon gré d'être au monde. C'efl un hom- 
me à bannes fortunes. 11 n'a d'autre eni<- 
ploi que de faire enrager un mari, oii 
déferpérer un perer il aime, dit-il , à 
alarmer une femme qui croit le tenir. Il 
fait plus de bruii que le Guerrier le 
plus valeureux; il ell ^\as confîdéré 
qu'un grave Magiftrac. ' 

Cléon eft un des hommes de France 
qui repréfente, le mieux. Que cela veut- 
il dire ? Eft-ce qu'il eft plus poli , plue 
affable qu'un autre? Ce n'eft.pas cela..:. 
Ah .' j'entends ; il fait fentir a tous les 
inftans la fppériorité qu'il a fur ions ceux 
qui l'approchent. C'eft un petit hômmç 



■ Gqo«Ic 



FoRTR AITS. 137 

fi fiet, il prend du cabac &v«: tant de 
bauteur, il Te n^oache fi impitojrable- 
xnenc, il crache avec tant de flegme, 
il carefle fes chiens, d'une manière lî of- 
féafàme pour les hommes... On, ne peut 
fe lafTer de l'adtmrer. . 

Il.auroic fallu, dit «n Perjài} qtd aycit 
vu Cléon, que nous euHions eu un' biea 
mauvais naturel, pour aller faire cenc 
petites infultes à des gens qut venoienc 
tous les jours chez nous ^ nous témoi- 
gner leur bienveillance : ils ^voient biea 
que nous étions au-deflus d'eux, &: s'îU 
l'avoient ignoré, nos bienfaits le leur 
auroient appris chaque Jour. N'ayant 
rien^à faire pour nous faire refpeâer, 
nous faiitons tout pour nous rendre ai- < 
mables: nous nous communiquions aux 
plus petits: au milieu dn grandeurs qui 
endureilTeni toujours, ils nous trouvoienc 
ièonbles; ils ne.voyoient que notre coeur 
au-delTus d'eux , nous defcendions jurqu'à 
leurs befoins. iVlais loifqu'îl falloic fou- 
tenir la MajeAé du Prince dans les céré- 
monies publiques', lorfqu'il falloit faire 
refpefter la NatipB aux étrangers^ kirf- 
qu'enSn dans les occafiens périlkufes il 
falloit animer les foldais, nous remon- 
tions cent foiï plus haut que nous n'étions 
defccodu ; noue ramenions la Berté far 



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f|8 POR-TSA-ITI. 

ftotrtf vinige» & Voa tronrck (|ue Mon 
KpréCemiofli alTez biot. 

ServUiaj eft autant aa-âe{fiis des m> 
n'es pftf feï rkbdfes» cpi'â eftan-defibin 
de tcHit le monde par Êi naifTance. U ^ 
bien impertinent , mak it excelle pat (oft 
CuiHtàet ; atifH n'en eA-il pas iograt, car 
il le loue tout tefoar. 

Damis acheté des Beautés pow tes tà- 
ititt; mais il ne tes aime pas^ parceqi^it 
]e$ acheté. Ses trifors ne fervent qa'a le 
dégoûter de tout ce qall fa, de ptes chu* 
nant dans.la nature. 

Polygmte eft d'une rcrerir profonde t 
H dl occupé d*ane courbe qai le cour-» 
mente d^uis phii de huit jours. Ei^it 
ifffe réveilley il entre dam um maijbn, il 
JaJ^ed. Son efpiîr -r^ulter lOffe tout ce 

2 ni fe dit dans la cttnveffatîon. Il reflèil> 
]e à celui qui dans fon Jardin cooipott 
arec fon ^pée , ta tête dM lueurs qui i'é* 
Jernient au-deâus de) autres. Martyr de' 
Et ^uflelTè, il eft àSénfé d'une iàillie» 
comme une vue délicate cft oflenlce par 
une lumière trop vive : titti potir lui n'cft 
înd!iâ^ent^ pourvu qu'il ibit viai. Un 
fioaveilifte. parte du fiégetCunePiMCe, & 
Pelygente donne foudftb les propriété 
de la ligne que les bomlied doivent dé» 
crireen l'air. Un feMftmefeplaintd'ayoit 
étr ruiné l'Hyver dernier par une inonda^ 



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PoRTKAIÏf. ÏS9 

tion : ce que vous me dites-Ià m'efl fore 
agréable, dit alors le Céooaêtre ; je vois 

Î\ac je ne me fais pas trompé dans rol>- 
ervation que j'aî ^cc, & qu'il e|l aif , 
moins tombé fur la terre deux pooces 
d'eau plus que l'année paflée. Un roty 
mène après il Tort ; comme îl marche 
alTez vite , & qu'il n^lige de regarder 
devant lui , il w rencoscré direâemenc 
par un autre hfMnme ; ils fe choquent ru- 
dement, & de ce coup Us rejaiUiSeas 
chacun de leur coté, en raifon réciprt^ 
que de lear vîteOe & de leurs maOès. ' 
Il y a une certaine Nation qu'on ap* 
pelie Les NûavelUfief. Leur oîuveté e 
KMiJQnrs occupée. Ils font très -inutiles à 
l'Etat f cepçnaaix ils fe croient conTtdé- 
rables, parce qu'ils s'enuettenDenc de 
proiéts magaifîquet , & traitent de grand» 
intérêts. 1^ bafe de leur converfation eft 
une curiorité friv(de & ridicule. Il n'y a 
jRnnt de cabinets fi myllérieux qu'ils ne 
p-étendeot pénétrer ; ils ue f^auroienc 
confeatir à ignorer qudque chofe. A pei- 
ne om > ils épuifé le préfeoe , qu'ils f$ 
|)iécipieeiit dans l'avenir ; St marchant 
ftu-dçvant de la PrOTidence» ta prévien- 
nent fur toutes le» démarches dps hom- 
mes. Ils conduitént un Géoéral par Is 
maJa, & ipcés l'avoir ioas d^ mille fo- 
rUd qu'il tfa pas feitts, ils lui en pféps- 

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140 PoRÏRAÏTS. 

renc mille autres qu'il ne (et^ pas. Ils 
ibnc voler les Armées comme les grues , 
& tomber tes murailles comme des car- 
tons. Ils ont des ponts fur' toutes les ri- 
vières , des routes fécrettes dans toutes 
les montagnes, des magafins immenfes 
dans les fables brûlaiis: il- ne leur man- 
que que le bon fens, 

Camille eft belle , maïs .elle a des 
grâces plus touchantes que la beauté mê- 
me. Elle a une phiffonomie qui va fe 
peindre dans tous les coeurs. Les femmes 
qui font dei fouhait?, demandent aux 
Dieux les grâces de Camille. Les hom- 
mes qui la voyent / veulent la voir toir- 
jours , ou craignent de la voir epci>re. 
ïitle a une taille charmante , un air no^ 
ble, mais medefte ; des yeux vjfs » âc 
tout prétsà être tendres ; des traits faits 
exprès l'un peur l'acre ; des charmes 
jnvinblemeot aflbrtis pour la tyrannie des 
cœurs. Ciiffli//e ne cherche pointa fe pa>- 
ïer, mais elle eft" mieux parée que lej 
autres femmes. Elle a' un efprit que. la 
nature re/ufe ptefque touiours aux bel- 
les. Elle fe prête également au fcrieux 
& à l'enjouemenr. Si vous voulez , elle 
penfera fenfément ; (i vousvoulez ,.elle 
feadineracemmeies Grâces. 'Plus on a 
d'efprit- , plus on en trouve a Camille^ 
imie.a quelque, cbofé de fî naïf , qu'H 



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f QBTRAITS. I^t 

^tnbla qu'elle ne parle que le langage 
du cœur. Tout ce qu'elle dit , louc ce 
gi/elle fait , ,a les charmes de k im- 
plicite. ■ 

; Il y a une Ville où l'on ne met poinC 
de.aiiiërence entre les voluptés &. les 
befoms. Les Citoyens ne s'y fouviennçni 
que des bouSbns qui les ont divercis,' 
& ont perdu la mémoire des MagiUracs 
qui les ont gouveraés. Là lés bommer 
bmt n eSëminés* leur parure eft ft iem- 
bbble à celle des .femmes , ils compo- 
sent fî bien leur.teibt, ils Te frirenc ave« 
.tant d'art, ils cmployent tant de temps 
.à fe cor.riger à leurs miroirs , qu'il fem* 
ble qu'i^ n'y ait qu'un fcxe dans toute U 
Ville. Lw fecdmes fe livrent ,. au lîeij 
de Te readie -, cbaquè jour veit finir lei 
defîfs ic les cfpérances de chaque jour'; 
on ne f^alt ce que c'ell que d aimer Se 
d'être aimé ; on n'en occupé que de ce 

. .qu'on appelle li£au0èmentjoÛK-. Les fa- 
veurs n'y ont que leur réalité propre ; 

■ & tomes ces circonÛances qui les ac- 
compagnent lï bien , tous ces riens .qui 
font d'un fi grand prix , ces engage- 

. mens qui paroiiTent toujours plus grancls , 
«es -petites chofes qui valent tanc, tout 
ce qni. prépare un heureux moniént , 
tînt de conquêtes au lieu d'une. ^ tant 
de jouiflances avaac ia,derniere, "y font 



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1^1 . PoRTRArTS. 

]ncoDnun. Les habîtans pftSeat Inr 
vie dans une joie purement ezténeure; 
ils quittent qn f^rfir qui leur dépkft > 
pour un plaifir qui leur déplaira encore; 
tout ce qu'ils imaginenc eu an BouTcaa 
fujet de déffy&c. Leur ame incapiUe îe 
fentir les pJailîrs , femble n'avoir de àè- 
lîcateQe que pour tes peràes. La. mol*- 
leffe a tdlement affoft?ti leurs corps, 
qu'ils peuvent à peine fe foutenîr for letii» 

Ï lieds ; les vmtares le» plus douces le* 
ont évanouir' ; lorfqU*îIs font dans les 
feftrns, l'eftomac leur manque à chaque 
indant. Ils palTent leur vie fur des fié- 
ges renverfes , for lefqu«ls ils font oblN 
gés de fe repofer tout le jour , fans èrte 
languét ;' ils font bf ifSs , quand ils vont 
languir ailleun. Ce font des efclaves tottt 
prêts pour le pfemier maître. 

On die que l'homme eil im animal 
fociable. Sur ce pied • ^ , le Françou 
ett plus homme qu'un autre: c'eff rftôf^ 
me par excellence , car il femble être 
fait tioiqoiément pour la fociét^. Mat» 
il y a parmi eux des gens qnî non-fcD> 
Icment font fôdables, maïs eoï-mftne» 
la fociéié univerfelle. Ils fe multiplient 
dans tous les coins ^ & peuplent en un 
inftant les quatre quartiers «ruoe Ville. 
Cent hommes de cette efpèce abondent, 
ptas que deux mlUe Citoyens, Ils foat 



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F'OK-T-R'AIT^ J^l . 

' tcnt'ioâK «fnpFtltét t parce qu'iti ont l'u^ 
faire importance de demaoder à tout 
ceux qo'ili voiem , où ib vont , & d'où 
ik TMDbem. Oa ne leur ôcerok jamaû 
de h tcte e^u'il eA de b bicciiéxncc de 
vificer chaque jour le pui^ic en deuil , 
feas compter les viBc» qu'Us font ea gros 
dai» tes lieux où fon s'aiTemble. Si l'oB 
atloit examiner ta lifte de tous les por- 
tiers , on y crouverok chaque jour leurt 
noms eftropiés de mUlc matrieres en car 
vaâèrea Suivies. 

Les François ne parlent prefque }a^ 
mais de leurs femme»: c'eû c^'iU om 
peur d'en parler devant des gens qui le» 
connoilTeni mieux qu'eux. 

Il y a parmi eux des fiotntnes ttès- 
malheuseux , que perfonne ne confole ( 
- ce font les maris jaloux r il y en a qur 
tout le monde haàt ; ce SoDt les maris ja- 
loux : il y en 8 que tous les hommes m^ 
prîfént ; ce font encore les maris jaloux. 

Chez eux, un tslarï qui voudroic feul 
pofleder & femme , feroïc regardé corn* 
ne un perturbateur de k joie publique. 
Un mari qui aime fa ièmme^ e(c un honv 
ne qui n'a pas afTez'de mérite pour f* 
£iire aimer d'uue autre, qui abufe dr 
la nécelltcé de U k>i, pour fupptéer aux 
•grémeai ^i lui manq^eiu ; qui s'appio> 



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ir^4 PoRTRAirj. 

prie ce qui ne lui avoît été donné qu'en 
engagement. 

' La tranquillité des maris François n'eft 
pas ibndée fur la confiance qu'ils ont en 
leurs femmes; c'efl, au contraire , fur la, 
mauvaife opinion qu'ils en ont. 
: Le titre de mari d'une jt^ie femme fe 
porte fans inquiétude. On fe fent en 
état de faire diverfion par-tout. Un Prin- 
ce fe-confole de la perte d'une Place» 
pat la prife d'une autre. 

Un homme qui en général foulTre 1^ 
infidélités de fa femme» n'eft point dé- 
fàpprové; au contraire» on loue fa prtc- 
dence: il n'y a que les cas particuliers» 
qui deshonorent. 

Quand les François promettent à une 
femme qu'ils l'aimeront toujours, ik 
fuppofent qu'elle» de fon côté» fera 
toujours aimable iSc'fi elle manque à 
fa parole» ils- ne fe croient plus engagés 
à la leur. 

■ Il faut, pour plaire aux femmes, un- 
eertain talent ditférenc de celui qui leur 
plaît encore da^vantage. Il confille dans 
tine efpéce de badinage dans l'erprit qui 
les amufe» en ce qu'il femble leur pro^ 
mettre à chaque înllant ce qu'on ne-peut 
tenir que dans de trop longs intervalles. 
Ce. badinage, naturellement fait pour 
es toilettes» feœble être venu à former 



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PoRTKAITS. 145 

le caraâère d'une Nation. On badine 
au Confeil, on badine à la léte d'une 
Armée, on badine avec un ■Ambaflà- 
deur. Les profdTions ne paroiOenc ridi- 
cules, qu'à proportion du férîeux qu'on 
y met. Un Médecin ne ie feroii plus, 
fi fes habits écoient moins lugubres, & 
s'il tnolt fes malades en badinant. 

Les François avouent de bon cœur # 
que les autres Peuples font plus fages, 
pourvu qu'on convienne qu'ils foo mieux 
rêtus. 

La faveur e(l la grande divinité des 
FrançcU. Le Miniftte eft le grand Prê- 
tre qui lui offre bien des victimes. Ceux 
qui l'entourent, tantôt facrilicïteurs. Se 
tantôt facriBés, fe dévouent eux-mêmes 
à leur Idole, 3vec tout le Peuple. 

En France , il y a des gens qui font 
grands par leur nailTance , mais ils font 
fans crédit. Les Kois font comme ces 
ouvriers habiles , qui , pour exécuter 
leurs ouvrages, Te fervent toujours des 
machines les plus fimples. 

Un grand Seigneur eft un homme 
qui voit le Roi, qui parle aux Mioif- 
ires, qui a des ancêtres, des dettes Se 
des penfions. S'il peut avec cela cachet 
fon oifiveté par uil feint attachement 
pour les plaifirs, il croit être le plus 
h^ieux oe tous les hommes. 
■ N 

• Google 



s^6 Portraits. 

Le corps des laquais eft plus refpeâa- 
ble eo France qu'ailleurs ; c'ef^ un Sémi- 
naire de grands Seigneurs, il remplie le 
vuide des autres Erats, Ceux qui le corn- 
porenc prennent la place des grands mal- 
heureux, des Magidrats ruinés > dos Gen- 
tilshommes tués dans les fureurs de la 
guexre; & quand ils ne peuvent pas fup- 

fléer par eux-mêmes, ils relèvent toute; 
es grandes mfiifbns', par le moyen de 
leurs Jïlles, qui font comme une efpèce 
^e fumier, qui engrakTe les terres mon- 
tagneufes $c arides. 

Les EfpagDols font premièrement dé- 
vots, & Secondement jaloux -. ils fe gar- 
deront bien d'expofer leurs femmes aux 
entreprifes d'un guerrier criblé de coups, 
PU dun Magiriiat décrépit ; mais ils les 
enfermeront av?c un Novice fervent qui 
tailTe les yeux, ou un robuAe Francif- 
. çain qui les élève. 

Ils ont de petites politeHès qui en 
France paroûtoieui mal placées. Par 
exemple , un Capitaine ne bat jamais 
ion foldat, lans lui en demander per- 
mifCioa; ôi. rinquifirion ne fait jamais 
brûler un Juif, fans lui faire fes excufes. 
Les Efpagnolsont fait des découvertes 
immenfes dans Je Nouveau - Monde , 3c 
Us ne connoitTent pas encore leur propre 
^optioeacj II y a fur leurs rivières tet 



FoRTKAITS. r47 

Fort qui n'a pas encore été découvert , & 
dans leurs montagnes, des Nations qui 
leur font inconnues. Ils difenc que le 
Soleil fe levé & fe couche dans leur Pays; 
mais il faut dire aufÏÏ qu'en faifant ia 
courfe, il ne rencontre que des campa- 
gnes ruinées, Ôidts contréei défertes. 



K8 

D^ii...., Google 



148 



CHAPITRE XXII, 

De la Littérature. 

LEs travaux de la navigation d'Ulyfr' 
fe ont été un fujet fertile pour le plu$ 
beau Poëme du monde > après celui qui 
ell le premier de tous. 

Le Poëme du Camoëus fait feotir 
quelque chofe des charmes de l'Odyflée, 
& de la magniliceace de l'Enéide. 

Les connoiflfeurs difent qu'on n'a ja- 
mais fait que deux Poçmes épiques, Sç 
que les autres qç'on donne, fous ce qom , 
ne le font point : ils dilenc fie plus, qu'il 
e(l impoCible d'en faire 4^ nouveaux. 

Les Poètes firamstiqûes font les Poè- 
tes pat excellence, & les maîtres des 
palTions : les Comiques nous remuenf 
doucement , & les Tragiques nous trou- 
blent & nous agitent avec violence. 

Les Auteurs des Idylles & des Eclor 
gués plaifent même aux gens de Cour , 
par l'idée qu'ils leur donnent d'une cer- 
taine tranquillité qu'ils, n'ont pas, Sç 
[u'ils leur mpacienti dans la condîtioâ 
les Bergers. 

Les EpiaraiDïnesfoDt de petites flèche^ 



l 



Dq la LiTTéaATURB. 149 
déliées qui font une plaie profonde & 
inacce'dlble aux remèdes. 

On dirait que le métier des Poètes ell 
de mettre des entraves au bon fens. Se 
d'accabler la raifon fous les agrémens ; 
comme on enfévelifioît autrefois les fem- 
mes fuus leurs parures & leurs ornemens. 
Ils ne font pas rares chez les Orientaux , 
OLi le Soleil femble écbauiTer les imagina 
tions mêmes. 

Les Poètes Lyriques font de leur ArÇ 
.une harmonteufe extravagance* 
LesSomans font des efpèces dePoëmes 
qui outrent également le langage de 
l'efprÎE & celui du coeur ; qui palient leur 
vie a chercher la nature , & la manquent 
toujours , &. qui font des héros qui y 
font auffi étrangers que les dragons' aîléi, 
& les hippocentaures. 

Les Orateurs ont le talent de perfua- 
der indépendamment des raîfons. 

Les géomètres obligent un homme 
malgré lui d'être perfuadé , & le con- 
vainquent avec tyrannie. 

Les livres de médecine font les mo- 
numens de la fragilité de la nature & de 
la puiflance de l'art : ils font trembler , 
quand ils traitent des maladies même les 
plus légères, tant ils nous rendent la 
mort préfente ; mais ils nous mettent 
dans une fécurité entière , quand ils par- 
Niij 

Lijii.t... Google 



150 De lA LiTrisiTtrRB, 

lent de la vertu des remèdes > comme 

û nous étions devenus immortels. 

Les livres d'Anatomie contiennent bien 
moins la defcription des parties du corps 
humain , que les noms bafbares qu'on 
leur a donnés ; chofe qui ne guérit ni le 
malade de Ton mal , ni le Médecin de 
fon ignorance. 

Les traduilions font comme ces mon- 
noies de cuivre, qui ont bien la même 
valeur qu'une pièce d'or , & même foilc 
d'un plus grand ufage pour le peuple ; 
mais elles font toujours foibles , Se de 
mauvais aloi. 

Dans des temps d'ignorance , l'âbrégf 
d'un ouvrage fait fouveut tomber l'ou^ 
vrage même. . 

Rien ne recule plus les progrès des 
coiinoifTancës , qu'un' mauvais ouvrage 
d'un auteur célèbre; parce qu'avant d'înf 
truire , il fàui commencer par détrom- 
per. 

De tous les Auteurs il n'y en a point 
de plus méprifabUs que les Compilateurs, 
qui vont de tods côtés chercher des lam- 
beaux des ouvrages des autres, qu'ils 
plaquent dans les leurs , comme des piè- 
ces de gazon dans un parcere : ils ne 
font point au-delTus de ces ouvriers d'Im- 
primerie , qui rangent des caratîlères-. 



«L,^ ., Google 



De la LlTTiRATURE. ICI 

qui» combinés enfemble, fontunlivre, 
ovi ils n'ont fourni que la main. 

Il faudruic rerpeâer les livres of!gi>- t 
naux: c'ell une efpèce de profanation, 
de tirer les pièces qui les compofent , 
du fant^uaice où elles font , pour les ex- ' 
pofer à Un mépris qu'elles ne méritent 
point. 

Quand un homme n'a rien à dire de 
nouveau , que ne Te taît-il ? Mais je 
veax donner un nouvel ordre. Vous êtes 
un habile homme ; c'cflà-dire, que vous 
venez dans ma Bibliothèque , Se que 
vous mettez en bas les livres qui font en 
haut , & en haut ceux qui fonc en bas : 
vous avez fait un chef- d'oeuvre. 

11 y a de certains livres qui font des 
recueils de bons mots , compofés à l'u- 
fage de ceux qui n'ont pas d'efprit, & 
qui en Veulent contrefaire. 

Il y a une efpèce de livre qu'on a[>> 
pelle journaux. La parefle fe fent flattée 
en lés lifant: on eft ravi de pouvoir par^ 
courir trente volumes eo un quart 
d'heure. 

Le grand tort qu'ont les Joumalifles, 
c'efl qu'ils ne parlent que des livres nou- 
veaux , comme fi la vérité éroît jamais 
nouvelle. Il femble que jufqu'à ce qu'ua 
homme ait lu tous les livres anciens» 
il n'a aucune raffon de préférer les nou- 
, N iy . 



D^ii...., Google 



IJi De là LlTliUATORB. 

Veaux. Mais lorfqu'ils s'impofent la lo! 
de ce parler que des ouvrages encore 
tout chauds de la forge , ils s'en impo- 
fent une autre, qui eft d'être très-en- 
nuyeux. Ils n'ont garde de critiquer les 
livres dont ils font les extraits. Et ea 
eifet , quel efl l'homme alTez hardi pour 
fe faire dix ou douze ennemis tous les 
mois ? Ils Cam donc tout le contraire : 
ils commencent par louer la matière qut 
etl traitée , première fadeur : dcr^là ils 
paflent aux louanges de l'Auteur, louan- 
ges forcées; car ils ont à faite à des gens 
qui font encore en haleine , tous prêts 
à fi: faire raifon ^ & à foudroyer à coups 
de plume un téméraire Jouroalifte. 

Vous pourrez trouver del'efpric & du 
boa feus chez les Efpagnols, mais n'eil 
cherchez pas dans leurs livres. Voyez 
une de leurs Bibliothèques ; les Romans 
d'un côté , & les Scholaftiques de l'au- 
tre : vous diriez que les parties en ont 
éié faites , & le tout ralTemblé par quel- 
que ennemi fecret de la raifon humai- 
ne. Le feul de -leurs livres qui foit bdo, 
fù celui qui fait voir le ridicule de tous 
les, autres. 

Les écrits fatyriques des Angloîs fent 
fanglans. On a vu bien des Juvenals chez 
eux , avant d'avoir trouvé un Horace. 
Leurs poëies ont plus fouvent cette ru- 



D.3.ii.t... Google 



Db 14 LlTTÉRÀT0ïtB. V5'} 
ilefle originale de rinrencion > qu'une 
certaine déUcateffe que donne le goût. 

La fureur de la plupart des François, 
£*eft d'avoir de refpric ; &. ta fureur dr 
ceux qui veulent avoir de Tefprit, c'eft 
de faire' des livres. 

La nature fembloîc avoir fagemeni 
pourvu à ce que les fottifes des hom- 
mes fufTent paiiageres , & les livres les 
immorialirenc. Un fot devroit êcre con> 
tenc d'avoir ennuyé tous ceux qui ont 
vécu avec lui. Il veut encore tourmenter 
les races futurçs ; il veut que fa fotife 
triomphe de l'oubli , donc il auroit pu 
jouir comme du tombeau ; il veut que 
. lapoftérité foit informée qu'il fut «n for. 

Va nombre inBni de Maîtres de Lan- 
gues, d'Arts de de Sciences enfeignent 
ce qu'ils ne fçavent pas ; & ce talent eft 
bien coofidérable, car il ne faut pas 
beaucoup d'efprît , pour montrer ce qu'on 
fçait ; mais il en faut infiniment , pour 
montre^ ce qu'on ignore. 

La Fhilofophie d'Ariftote ayant été 
portée en Occident, elle plue beaucoup 
auxefprits fubtils, qui, clans les temps 
d'ignorance , font les beaux efprits. 

Ce qu'il y a de plus choquant dans lec 
beaux efprits, c'eu qu'ils ne fe rendent 

fias utiles à leur Patrie, & qu'ils amufene 
eurs ulens à des cbofes puériles. 



D.5.i.i=t; ^ Google 



I54 I^B £i Lltr^RÀTURV. 

Les faillies ne naidenc d'ordinaire ^ qae 
parce que l'efprit fe jette tout d'an côté, 
& abandonne tous les autres. 

Il ne faut pas toujours teUement épiiiièr 
un fujet , qu'on ne lailTe rien à faire ail 
ledeur. Il ne s'agit pas de faire lire, maïs 
de faire penfer. 

Céfar faifant la guerre aux Germains^ 
décrit les mœurs des Germains, Quel- 
ques pages de Céfar fur cette matière^ 
font des volumes. 

Tacite fait un ouvragé exprès fur lés 
mœurs des Germains. 11 ell court cet 
ouvrage ; mais e'eft l'ouvrage de Tacite 
^i abrégeoit tour, parce qu'il voyoit tout, 

C'eft un beau morceau d'antiquité, 
que la relation d'Hdmon. Le même 
homme qui a exécuté , a écrit ; il ne mec 
aucune ostentation dans fes récits. Les 
chofes font comme le Ayle. Les grands 
Capitaines écrivent leurs avions avec 
fîmplicicé , parce qu'ils font plus glorieux 
de ce qu'ils ont fait , que de ce qu'ils ont 
die. 

Quand on jette les yeux fur les monu- 
mens de notre HiAoire & de nos Lois, 
il femble que tout eft mer, & que les ri- 
vages mêmes manquent à la mer. Tous 
ces écrits froids , fecs, infipides & durs, 
il faut les dévorer,- comme la Fable dit: 
que Saturne dévoroit des pierres. 



.i.i=t; ^ Google 



Db lA LlTTÉRATffRV. I JJ 

Réglej de Critique. 

La critique pouvant écre conddér^e 
Comme une oIteaEacton de fa fupériorite 
fur les autres, & Ton effet ordinaire étanr 
de donner des momens délicieux pour 
l'oE'gueil'fiumain ;ceux qui s'y livrent mé-. 
ritent bien toujours de l'équité , mais ra- 
rement de l'indulgence. 

Comipe de cous les genres d'écrire , fa 
critique eft celui où il eft le plus dilHcilis 
de montrer un bon naturel , il faut avoir 
attention à ne point augmenter par l'ai- 
greur des paroles , la trifteHe de la chofe. 

Il e(l ires-diflicile de faire un bon ou- 
vrage, & très-aifé de le critiquer, parca 
que l'Auteur a eu tous les défiles à garder, 
& que le critique n'en a qu'un à forcer. . 

Dans les livres faits pour l'amufement, 
trois ou quatre pages donnent l'idée du 
flyle & des agrémens de l'ouvrage : dans 
les livres de raifonnement, on ne tient 
rien , ft on'ne tient toute la chaîne. 

Les principes de la Géométrie font 
très-vrais : mais (î on les appliquoit à des 
chofes de goût, on feroit aéraifonner la 
raifon même. 

Rien n'étouffe plus" la Doflrine, que 
de mettre à toutes Ips chofes une robV 
de Docteur: les gens qui veulent toiiiout» 



D^ii...., Google 



1;6 t>B £A LlTtiRÀTVRS. 
enfeigner, empêcheot beaucoup d'ap- 
prendre ; il n'y a point de génie qu'on ne 
rétrécifie, lorfqu'on l'enveloppera d'uif 
'million de fcrupules vains. 

Les déclamatioDS des hommes furieux 
ne fôntguéres d'impreflion, que furc6uz 
qui fonc furieux eux-mêmes. La plupart 
des leAeurs font des gens modérés ; on 
ne prend guéres un livre , que lorfqu'oa 
e(l de fang froid ; les gens raifonnables 
aiment les raifons. 

Noos ne devons Regarder les critiques 
comme perfonnettes , que dans tes cas 
où ceux qui 'les font , ont voulu les 
rendre telles. Ceux qui nous avercinènt» 
font les compagnons de nos travaux. Sî 
le critique & l'auteur cherchent la vé- 
rité , ils ont le même intérêt ; car la 
vérité eft le bien de tous les hommes : 
ils feront des confédérés , Se cooD pas 
des ennemis. 

Modèle it Critiquée 

iJl. le Comte de BoulidnvilUers & M. 
l'Abbé Dubos ont fait chacun un fyftê- 
me , dont l'un femble être une conjura- 
tion contre le tiers- Etat , & l'afitre une 
conjuration contre la Noblefle. 

M. le Comte de Boulainvilliers qui a 
manqué le point capital de foo fyftéiue, 



.i.i=t; .., Google 



avoit plus d'efpm que de lumières ,^plu$ 
de lumières que de fçavoîr. Son ouvrar 
ce eil fans aucun art. 11 y parle avec cet» 
te fïinplicité & cetce franchife de l'aor 
^eone Noblefle donc il étott fortt^ 

' L'ouvrage de M, l'Abbé Dubos fu? 
récabliflement de la Monarchie Fran- 
çoife dans les Gaules^ 3 féduît beaucoup 
de gens , parce qu'il eH écrit avec beau- 
coup d'art , parce qu'on y fuppofe écer-' 
nellement ce qui eft en queflion > parce 
que plus on y manque de preuves ^ plus 
OD y multiplie les probabilités. Le lec* 
teur oubliequ'il a douté , pour commen- 
cer à croire. Comme une érudition fans 
Ha eft placée , non pas dans le fyftéme, 
mais à côté du (tCléme , l'erpric efl dif- 
craic par des acceflbires , & ne s'occupe 
plus oa principal. D'ailleurs tant de re- 
cherches De permettent pas de croire 
qu'on ait rien trouvé; la longueur du 
voyage fait croire qu'on eft enHn arrivé. 
Mais quand on examine bien , on trou- 
ve un coloITe immenfe qui a des piedf 
d'argile, & c'eft parce que les pieds fonc 
d'argile, que le colore eft immenfe. Sî 
le fyftêmedeM. lïAbbé Dubos avotteu 
de bons fondemens > il n'auroit pas été 
obligé de &ire trois mortels volumes 
pour le prouyer. Il a puifé dans dç mai^T 



.i.i=t; .., Google 



15$ Cis I-^ LlTTéSATURB, 

vaifes fources pour rHiftoirej dans les 
poètes & les Orateurs : ce n'eft point fur 
des ouvrages d'ollentatioo qu'il faut fon* 
der des fyftêmes. 

Le Public ne doit pas oublier qu'il .eft 
redevable à M. l'Abbé Dubos de plu- 
sieurs compofitions excellentes. Celt fur 
ces beaux ouvrages qu'il doit le juger, 
& non pas fur çeluî-ci. 






y 



D.5.i.i=t; ., Google 



f^9 



CHAPITRE XXIII, 
Du Coût. 

LE Goûc n'e/l autre chofe que l'a- 
vantage de découvrir avec fineflè 
& avec promptitude la mefare du ptaî- 
fîr que chaque cbofe doit donoer aux 
hommes. 

Il faut partir de l'état oh eft notro 
être , & connotcre quels font . fes ptai- 
lirs , pour parvenir à mefurer , 3c même 
quelquefois à fentir fes plaifin. 

Notre maoiere d'être eft entièrement 
arbitraire; nous pouvions avoir été faits; 
autrement que nous ne femmes, mais 
aloTs nous aurions fenti autrement. Un 
organe de plus ou de moins dans notre 
machine , aoroît fait une autre éloquen- 
ce» une autre pocGe. 

Si la conftitution de nos organes nous 
avoit rendu capables d'une plus longue 
attention , toutes les régies qui propor- 
tionnent la difpofîtion du fujec a la me* 
fure de notre attention , ne feroienc plus. 
Si notre vue avoic été plus. foible, il au- 
roic fallu plus d'uniformité dans les meii^* 
brçs de l'Aichiteâuter 



D^ii...., Google 



i6o Da G o u T. 

Notre ame fe compofe elle- même des 
raifons de plaifir. Ceux qui jugent avec 
goût des ouvrages d'efprjt , onc & fe font 
fait une inSaité de fspfaciops que les au* 
très hommes n'ont pas> 

Le goût naturel n*e(t pas une connoif- 
fence de théorie ; c'cft une application 
ptompte & exquife des régies mêmes 
que Ton ne coonott pas. i 

L'efprit eft le genre qui a fous lui. 
plufieurs etpècas, te génie, le bon fens,' 
le difcernement, la juilefle, le talentj 
le goût. 

L'efprit confiAe à fçavoir frapper ,plu- 
fieurs organes à la fois ; Ôc fi l'on exa- 
mine les divers écrivains, on verra peut- 
être que les meilleurs Se ceux qui ont 
plû davantage, font ceux qui ont e^içi- 
té dans, l'aœe plus de fenfatioQs «r mé~ 
mertemps. 

L'ame cherche toujours des nouvel- 
les, & ne fe repofe jamais. Ainfi on Tst 
ra toujours sûr déplaire à l'ame, rorf- 
qu'oo lui fera voir beaucoup de cbofes* 
Qii plus qu'çlle n'avoic efpéré d'en voiri 

Notre ame fuit les bornes, & elle 
voudroit, pour ainfî dire» étendre U 
fpbêre de u préfencc. L'arc vient à 9p* 
ne fecouri, &^nous découvre la natuit 
qui fe cadie elle-même. 

Nous aimons l'ait, & nouf l'aiœonjl 



. Google 



Du CouT. i6t 

mieux que la nature. C'eft que l'arc 
( la Peinture * par exemple , ) ne prend la 
Daiure que là où elle e(l belle, là où el- 
le eA variée, là où elle p«ut-êcre vue 
avec plaifir. 

La perfeâion des Arts elt de nous 
montrer les cbofes telles qu'elles nous 
falTent le plus de plaifir qu'il efl poflible. 
Les idées qui îe préfentent au% gen» 
.qui font bien élevés & qui ont un grand 
efprit, font ou naïves, ou nobles, on 
fublimes. 

Ce qui fait ordinairement une grandtf 
penfée , c'eft lorqu'on dit une chofe qui 
en fait voir un grand nombre d'autres, 
& qu'on nous fait découvrir tout d'un 
. coup ce que nous ne pouvions efpérer 
qu'après une grande leâure. 

Florus nous donae tout le fpeâacle 
de la vie de Scipion, quand il dît dff 
fa jeuneffe ; ■» C'cA le Scipion qui croie 
M pour la deftrudtion de l'Afrique. « 
Vous croyez voir un enfant qui croît & 
a'éléve comme un géant. 
. Dans .les comparaifons, l'efprit doïe 
toujours gagner, & ne jamais perdre; 
car elles doivent toujours ajouter quel- 

aue chofe, faire voir la chofe plus gran- 
e, ou plus fine & plus délicate, 
II ne fuflît pas de montrer à l'ame 
beaucoup de chofes; il faut les luî moq- 
O 

. ... Google 



i6i Dit Gour. 

trer avec ordre. Dans ua ouvrage oh il 
n'y a point d'ordre, Tame ne retient 
rien, ne prévoit rten ; elle eft humiliée 
par la confunon de, (es idées , par J'ina- 
nité qui lui retle ; elle eft vainement fa- 
liguée, Se ne peut goûter aucun plaifîr. 
S'il faut de l'ordre dam les chofes» 
il faut aulTi de la variété. Sans cela l'a- 
me languit; car les chofes femblables 
lui paroiQent les mêmes. Une longue 
uniforniîcé rend tout infupportable. Ce- 
lui qui aura voyagé long-temps dans les 
Alpes , en defcendra dégoûté des fîtua- 
tions les plus beuréufes & des points de 
vue les plus cbanpans. Le roême ordre 
de périodes long-temps continué, acca^ 
bte dans une barangue ; les mêmes nom- 
bres âc les mêmes chutes metieoc de . 
l'ennui dans un long poëme. 

Tout nous fatigue a la longue, & fui^ 
tout lès grands plaifîrs. On les quitte 
toujours aVec la même fatisfaâion qu'on 
les a pris; car les Bbres qui en ont été . 
les organes, ont befoin de repos. No- 
tre .ame eft donc lalTe de fentir; mais ne 
pas fentir, c'eft tomber dans un anéan- 
tiffemenc qui l'accable. On remédie à 
tout, en variant fes modiiications ; elle 
fent , & elle ne fe lalTe pas. 

Les Hiftoires Dous plaifenc par la va- 
riété des técits, les Romans par- la va-: 



D^ii...., Google 



Du GotTT. Ifij 

tiêté des prodiges, les pièces de Théâ- 
tre par la variété des pallions. 

Il y a des chofes qui paroifTent variées, 
& oe le fonc poinc; d'autres qui paroit^ 
fent uniforme», & font t^è^va^^ées. L'ar- 
cbiteâure Gothique fatigue par la con- 
fufion & la peti:efle de fes ornemens. 
L'archiceâure Grecque qui a peu de di- 
vîûons, & de grandes drvilîons, imite 
les grandes choies ; L*ame fent une cer- 
taine majefté qui y régne par-tout. 

Il ikut que les grandes chofes aient 
^e grandes parues; les grands hommes 
ont de grands bras, les grands arbres de 
grandes branches, & les grandes mon- 
tagnes font compofées d'âuires montagnes 
qui font au-delTus & au-deflbus. 

Une des principales caufes des plaîfîrs 
de notre ame, lorfqu'elle voit des ob- 
jets,' fe(t la facilité qu'elle a à les ap- 
fiercevoir; & la raifon qui fait que la 
ymmétrie plaît à t'ame , c'eft qu'elle lui 
épargne de la peine, qu'elle la foula- 
ge. Se qu'elle coupe, pour ainlî dire, 
l'ouvrage par ta moitié. 

Par-tout oh la fymmétrre e(i Dtile sl 
l'ame, & peut aider Tes fondions, elle 
lui cft agréable; mais partout où elleeft 
inutile , elle eft fade. 

Les chofes que noas voyons fucceâ»- 
Oij 



.i.i=t; .., Google 



164 Du Go u r. 

vemenc, doivent avoir de la vaiieté; 
celles que nous appercevons d'un coup 
d'ceil, doivent avoir de la fymmécrîe. 

Si la nature demande des Peintres iS; 
des Sculpteurs, qu'ils mettent de la fym- 
méiiie dans les parties de leurs figures, 
elle veuc au contraire, qu'ils mettenc 
des contrafles dans les attitudes. 

La Iculpture naturellement froide, ne 
peut mettre de feu que par la force du 
comrafte & de la ficuation. 

Bien des Peintres font tombés dans le 
défaut de mettre des contrafles par-tout 
& fans ménagement, de forte que lorf- 
qu'on voit une figure, on devine d'a- 
bord la difpofttion de celles d'à côté; 
cette continuelle diverfité devient quel- 
que chofe de femblable. La natutë qui 
jette les chofes dans le défordre, ne 
montre pas l'ailêâation d'un contrade cor- 
lînuel; elle ne met pas tous les corps en 
mouvement, & dans un mouTement for- 
cé. 

Les Muficîens ont recontm que là Mu- 
£que qui fe chance le plus facilement, 
efl la plus difficile à compofer; preuve 
certaine que nos plaiflrs & l'art qui nous 
les donne, font entre certaines limites. 

A voir les vers de Corneille fi pom- 
peux, & ceux de Kacioe fi naturels, 



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Du GovT. j6^ 

on ne devineroît pas que Corneille tra- 
vaMloît facilement, & Racine avec peine. 
La furprife plaît à l'ame, m ce qu'elle 
apperçoit une chofe qu'elle n'attend pas, 
ou d'une manière qu'elle n'attendoic pas. 
Les ouvrages d'efprit ne font ordinaire» 
ment I'js que parce qu'ils nous caufent 
des furprifes agréables, & fuppléenc à 
l'infipîdité des converfacions prefque tott- 
jours languifîantes. 

Ce qui fait les grandes beautés, c'eft 
. lorfqu'une chofe elt telle que la furprife 
eft d'abord médiocre, qu'elle fefoutient» 
augmente, £c nous mené eufuite à l'ad- 
tntratlon. Oi> peut comparer Raphaël à 
Virgile, & les Peintres de Venife avec 
leurs attitudes forcées, à Lucain. Virgi- 
le plus naturel frappe d'abord moins, 
pour frapper enfuite plus. Lucain frap- 
pe d'abord plus, pour frapper etlfuiie 
moins. 

L'exaâe proportion de la fameufff 
Ëglifc de S. Pierre, fait qu'elle ne pa- 
foît pas d'abord aufîî grande qu'elle l'eft. 
Si elle étoit moins large, nous ferions 
frappés de fa longueur ; u elle étoit moins 
longuç, nous le ferions de fa largeur- 
Mais à mefure que l'on examine, l'ceiL 
la voit s'aggrandir, l'étonnertient aug- 
mente. On peut la comparer aux Pyré- 



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i66 D u G o u T. 

nées » oîi l'œil qui croyoic d'abord les m«- 
furet , découvre des moncagnes derrière 
des montagnes , & Te petd toujours da- 
vantage. 

ht je nefçais quoi eft un effet principa- 
lement fondé fur la furprife. L'on n'a ja- 
mais de grâces dans l'efpric que lorfque 
ce que l'on dit paroît trouve & nan pas 
recherché. Aion les grâces ne s'acquiè- 
rent poinc : pour en avoir, il faut être 
naïf. Mais comment peut-on travailler à 
être naïf f 

Les grâces lé trouvent plus ordînaire- 
menc dans t'efpric. que dans le vifage ; 
car un beau vifage paroît d'abord , Sç 
ne cache piefque rien ; mais l'efprit ne 
fe montre que peu- à- peu , que quand il 
veut, âcautam qu'il veut : il peut fe ca- 
cher pour paroîire , 6c donner cette ef- 
pèce de furprife qui fait les grâces. 

Les grâces fe trouvent moins dans les 
traits du vifage que dans les manières. 

Une des plus telles EâîoDs d'Home> 
te, c'efl celle de cette ceinture qui don- 
noit à Vénus l'art de plaire. Rien n'eft 
plus propre à faire femîr cette magie Se ce 

Souvoîr des grâces, qui femblent être 
onnées à une perfonne par un pouvoit 
inviftble , 6c qui font dÙltnguées de la 
beauté même. Ot cette ceinture ne pou- 



D^ji;...., Google 



D ir Govr. i6y 

voit être donnée qu'à Vénus; elle ne pou- 
voie convenir à la beauté majeftueule de 
Juoon, car la majefté demande une cer- 
nine gravité-, c'eft-à-drre, une con- 
trainte oppofée à l'ingénuité des grâces; 
elle ne pouvoJt bien convenir à la beau- 
té 6ere de Pallas , car la fiereté e& of- 
pofée à la douceur des grâces. 






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lèz 



CHAPITRE XXIV- 
Des Femmes, 

LEs Femmes ont peu de retentte dam 
les Mosarchies , parce que la diî- 
tinâion des rangs les appellanc a la Cour , 
elles y vont prendre cet efprii de liberté , 
qui e(t le feul qu'on y tolère. Chacun 
fe ferc de leurs agrémens pour avancer 
{à fortune ; & comme leur fbibleUe ne 
leur permet pas forgaeil , mais la vanité, 
le luxe y règne toujours avec elles. 

Dans les Etats Defpotiques, les feA- 
mes n'iocroduifent pas le luxe, mais el- 
les y font elles - mêmes un objet de luxe. 
Elles doivent être extrêmement efcUves. 
On a peur que la liberté des femmes a'f 
falTe des aflai^-es. Leurs brouilleriesr leurs 
indifcrétions, leurs penchans, leurs ja- 
loulîes , cet art qu'ont les petites âmes 
d'intérelTer la grandes , n'y fçauroienE 
être fans conféquence. 

Dans les Républiques, les femmes 
font libres par lesLoix, & captivées par 
les moeurs. 

IL eft contre la raifon & contre la na< 
lure, que les femmas foienc maûreSes 



.i.i=t; .., Google 



Des Fbmhbs. lé^ 

4ims U mtiioD ; mali il ne l'ed pas qu'el- 
les g(»iverDeat an Empire. Dans lepre- 
tnier cas, l'eue de Tciblefle où elles lom, 
ne leur portnet pai U prééminence ; 
dans le fécond , leur foibleiïè même; leuc 
donne ordinairemenc plus de douceur 
&• de modération. 

' La fervitude des femmes eft très-con- 
forme au génie du Gouvernement Def- 
potique , qui aime à abufer de tout. 

]L.a clôture des femmes fuie naturelle- 
ment île la polygamie ; l'ordre domef- 
cique le demande ainlî. Un débiteur jn- 
folvable cherche à fe mettre à l'abri de 
la pourfuice de fes créanciers. 

De la clôture des femmes dérivent pour 
elles toute la pratique de la morale , 
la pudeur, la chafteté, la retenue; le 
illence, la paix, U dépendance, le ref 
peA , l'amour ; enfin une direâioo gé- 
nérale de feotimens à la chofe du mon- 
de la meilleure par fa nature, qui eft 
i'attachemenc unique à fa famille. 

Les femmic ont naturellement à tfab 
plir tant de devoirs qui leur font pro> 
près, qu'on ne peut aflez les féparer de 
tout ce qui pourroic leur donner d'au- 
tres idées; de tout ce qu'on traite d'a- 
mufeniiens * Se de touc cç qu'oin appelle 
des aSairei. 

P 



D.5.i.i=t; ^ Google 



I/o Des Fehmbs. 

La polygamie en général n'eft poiat 
utile au genre humain , ni à aucun des 
deux fexes , foie à celui qui abufe , ibit 
à celui dont on abufe. Elle n'efi pas 
non plus utile aux enfans; car te pers 
& la mère ne peuvent pas avoir lamé* 
me afTeâion pour eux. 

L& pluralité des femmes, (qui ledî- 
loit ? ) mené à cet amour que la natu- 
re défavoue. C'eft qu'une diÛôluiion ea- 
entraine toujours une autre. 

La polTefnon de beaucpup de fem- 
mes ne prévient pas toujours les defirs- 
poot celte d'uD autre: 11 en efl de la' 
luxure comme de l'avarice; elle aug- 
mente fa foif par l'acquilîtion des tié- 
fors. 

Dans les pays où les femmes vivent 
avec les hommes, l'envie qu'elles ont 
de plaire , & le defir que l'on a de 
lettr plaire aufli , font que l'on chan- 
ge continuellemenc de manières. Les - 
deux fexes fe gâtent ; ils perdent l'ua 
& l'autre leur qualité difijoâive & ef- ' 
fehtielle. 

C'eft une grande, quefliog parmi let 
Iiommes, de fçavoir s'il efl: plus avan- 
tageux d'ôter aux femmes la liberté', 
que de la leur laiffer. Il y a bien des 
raifons pour Se contre. Si les Européens 
^ifçqt qu'U n'y a pas de généroiîcé^a ren- 



. Googk 



dre malheureufcs les pcrfonncs que Ton 
aime , les Afiatiques répondent qu'il y 
a de la bafTeCTe aux bomjnes > aè re> 
oonçer à,Vein6ire que U nature leur % 
donné fur les femmes. Si on leur dit qut 
le grand pombre.des femmes enfermées 
eift embïriaiTant , ils répondent que dix 
femmes qui obéirent , embarralTent moins 
qu'une qui n'obéit pas. Que s'ils objedent 
à leur tour , que les Européens ne -ffau- 
loient ^tr.e heureux, avec des femmes ^i 
ne leur font pas fidèles , on leur répond 
que cette Ë'^clite qu'ils vantent tant , 
n'empêche pas le dégo(ît qui fuit too- 
JDUrs les pallions fatisfaites ; qu'une pof- 
ieffion fi tranquille ne laifTe rien à ^e~ 
fîrerni à craindre ; qu'un peu de co-^ 
quetterie. eft un ièlqui pique, &'pré^ 
vient la corruption. Feot- être fe'rolt - on 
embarrafic de décider ; car fi les Afja^ 
tiques font fort bien de chercher des 
moyens propres à caloier leur inquié^ 
tudes , les Européens fopt fgrt bien auâî_ 
de n'en point avoir. 

Pour qu'un homme pût fe plaîhdrt 
avec raifoD de l'inBdélicédela femme , 
il faudroit qu'il n'y eût que trois per- 
fonnes dans le monde. Us feront tou- 
jours à but, quand il y en aura quatre. 

]^ feijuûes ont fur les hommes un 

■ l'ij ■ ■ : 

Google 



empire natutel; celui de la beaaté, ^ 
qui rien ne rélifte. 

Chez les peuples les plus polis , les 
femmes onc toujours eu l'auioEhé fur 
leurs maris. On difoîc des Romains^ 
qu'ils commandoienc à toutes les Na- 
tions f mais qu'ils obéiftoient à leurs 
femmes. 

£d Orient , on a de tout temps mul- 
tiplié l'ufage des femmes , pour leur ôter 
l'afcendanc prodigieux qu'elles ont fur 
nous dans ces climats. 

La fociété des femmes gâte les mœurs, 
3e forme le goût. 

^otre liaifon avec les femmes eft fon* 
Sé6 fur te bonheur attaché aux plaifirs 
des feos , fur le charme d'aimer &■ d'être 
aimé , èc fur le deltr de leur plaire ; 
parce que ce font des juges très-éclai- 
zés fur une partie des cbofes qui confti- 
tuenc le mérite perfonnel. Ce defîr gé- 
néral de plaire produit la galanterie ^ 
qui n'ed point 1 amour , mais le déli- 
cat , mais le léger , mais le perpétuel 
Snenfonge de l'amour. 
' Le commerce de galanterie produit 
roifiveté ; il fait que -les femmes corrom- 
pent , avant même d'être corrompues : 
il donne un prix à tous les riens , & rab- 
hiiSè ce qui eâ important ; il fait que 
Von ne fe conduit plus c^ue fur les nuud- 



DÇS FB,MKEt. I7J 

gies dtt lîdîcule , que les' Temmes en- 
tendem li bied à établir.; . 

La violation de la pudeur fuppofe 
dam les femmes un renoncement à tou- 
tes les venus. 

" Toutes les Nations fe font égaleraet^t 
accordées à attacher du mépris aTincon- 
tiuence des femmes: c'ell que la nature 
a parlé à tomes les Nations. Il n'eit donc 
pas vrai que l'incontinence fuive les Loix 
de la nature ; elle les viole , au con- 
traire. 

Il y a tant d'impérfeflions attachées i 
la perte de la vercii dans les femmes y 
que Von peut regarder dans un Etat po- 
pulaire, l'incontinence publique, com- 
tne le dernier des malheurs. 

Que penfer des femmes P. L'arc de com- 
poier leur lemc , les orneineiis donc elles 
fe parent, les foins qu'elles prennent de 
ileur perfonne , le defir continuel de plai- 
re qut les occupe, ne font-ce pas autanc " 
d'outrages faits à leurs époux ? Non : el- 
les portent toutes dans le cœur ^n certain 
caradère de vertu qui y eft gravé, que U 
nainance donne , & que l'éducation af- 
foiblit, mais ne détruit pas. Elles peu- 
vent bien fe relâcher des devoirs exté- 
rieurs que la pudeur exige ; mai $ qu.a;ad 
il ('agit de faire les derniers pas, la na- 
ture ft révolte. ... 

-Piiji ...i~ 



.i.i=t. ... Google 



1^4 ^^' Fe'MMis. . 

La nature qui a dillingiié le$ Iiomtnet 
par la force Se par la raifon , n'a mis ï 
leur pouvoir de cerme que celui de Cette 
force & de cette laifon. Elle a donné 
aux femmes les agrémens, & a voulu 
que leur alcendaDtBnît avec ces agrémens. 

C'eA un des avantages des charmes de 
la jeunefle dans les femmes , que dans un 
âge avancé , un tnart fé porte à la bien- 
veillance, parlefouvenirdefes plaifirs. 

La' plupart des femmes qde nous ai'- 
mons, n'ont pour elles que la prévention 
fur leur naifTance ou leurs biens/ les hon- 
neurs, ou l'eftime de certaines gens. 

Une femme qui aura une grande répu- 
tation & un léger défaut, pourra le met- 
tre en crédit j, 6: le faire regarder comme 
.une grâce. 

Les femmes laides ont très - fouvent 
des grâces; & il eft rare que les belles 
en aient. Aufii les belles perfonnes font- 
etles rarement les grandes pa/Hons, pref- 
qùe toujours réfervées à celles qui ont 
des grâces , ç'eft - k • dire , des' agrémens 
que nous n'attendions point. 

Une femnie ire peut guéres être belle 
que d'une façon, mais elle eA jolie de 
cent mille. 

La loi dei deux fexes a'^cabUparmi 
les Nations policées &lanvages, que les 
hommes .demanderoienc j' & qiie les 



.1.^;.; .., Google 



. Ces Fsumbs. 175 

femmes ne feroienc qu'accorder : de-U ti 
arrive que les grâces font plus parciculié- 
remenc attachées aux femmes. Comme 
elles ont ('ouc à défendre, elles ont tout à 
cacher ; la moindre- parole , le moindre 
gelle, tout ce qui fans choquer le pre- 
mier devoir , fe montre en elles , tout ce 
qui fe mec en liberté, devient une grâce; 
Se telle eft k fagelTe de la nature > que 
cp qui ne feroit rien fans la loi de la pu- 
deur, devient d'un prix intîm depuis cetce 
heureufe loi ,- qui iak le bonheur de 
l'Univers. 

C'elt un malheur pour une femme , de 
n*êire point aimée ; mais c'eA un jttTront, 
de ne l'être plus. 

Les femmes qui fe fentent Bnir d'avan- 
ce par la perte de leurs agrémcDs, vou- 
droient reculer vers la jeunefle. Eh ! corn* 
fnent ne chercheroîenc-cUes pas à tromper 
les autres? Elles font tous leurs efforts 
pour fe tromper elles-mêmes , & pour fe 
dérober la plus affligeante de toutes les 
idées. 

Les femmes ne fe livrent guéres au 
jeu dans leur jeuneHe, que pour favo- 
rifer une paCIion plus chère. Mais à me- 
fure qu'elles vieilliITent, leur paflion pour 
le jeu femble rajeunir , & cette padîoa 
remplit tout le vuide des autres. Elles ' 
veuleoc ruiner leurs maris , Se. pour y 
Piv 

D^ii.t..,Googlc 



i^tf . Dss Fbkhes. 
parvenir > elles ont des moyens pour tout 
les âges. Les habits & les équipages com- 
mencent le dérangement , la coi^uecterie 
J'augmente , & le jeu l'achevé. 

Celui qui eflà ta Cour, à Parts , dans 
les Provinces , qui voit agir des Mînif- 
ires , des MagiArats » des Prélats ; s'il 
fie connoîc les femnws qui les gouver- 
nent f ell comme celui qui voit bien une 
machine qui joue , mais qui n'en con- 
noîc point les reSbrts. 

Le rôle d'une jolie femme eft beaucoup 
plus grave que Ton ne penfe. Il n'y a 
rien ae plus férieux que ce qui fe pafie 
le matin à fa toilette, au milieu de feS 
- domeftiqucs. Un Général d'Armée n'em- 
ploie pas plus d'atcemion à placer fa 
droite ou fbn corps de réferve , qu'elle 
en met à porter une mouche qui peut 
manquer , mais dont elle «fpere , ou 
prévoie le fuccès. 



'^^ 



.i.i=t; .., Google 



»77 



CHAPITRE XXV. 

Maximes de Gmvemtmtnt. 

LE Goavernetnent le plus conforme 
à la nature , e(i celui donc la diC- 
polîcion particulière fe rapporte mieux à 
la difpomion du peuple pour lequel il 
efl: établi. 

Le Gouvernement le plus parfait eil 
celui qui va à fon but , à moins de frais : 
aJnfi celui qui conduit les hommes de U 
manière qui convient le plus à leur pen- 
chant & à leur inclination, elt le plut 
parfait. 

Si dans un Gouvernement doux , le 
peuple eft auffi foumis que dans un Gou- 
vernemenc févère , le premier eft pré- 
férable , parce qu'il ell plus conforme à 
la raifon , & que la févérité eft Un mo- 
tif étranger. 

C'eft une expérience reconnue, qu'il 
n'y a plus que la bonté du Gouvernement 
qui donne de la profpérité. On a corn- 
Biencé à fe guérir du Machîavélifme. Ce 
qu'on appelloit aucrefots des coups d'Etat, 
ne feroit aujourd'hui, indépendamment 
de l'honeur, que des imprudences. It 



^178 Maximes 

eft henreux pour les hommes , d'être dans 
ùoe fituation , oii , pendant que leurs 
pafnons leur infptrent d'être méchaos^ 
ils ont pourtant intéfêc de ne pas l'être, 

Fluneurs chofes gouvernent les hom- 
mes : le climat , la religion , les loiz , les 
maximes du gouvernement, les exemples 
des chofes palTées, les mœurs, les ma- 
nières, d'où il fe forme un efprit général 
qui en ré fuite. A mefure que dans cha- 
que Nation, une de ces caufes agit avec 
plus de force, tes autres lui cèdent d'au- 
tant. 

L'aggrandiiTement étoît l'objet de Ro- 
me, la guerre celui de Lacédémone, la 
religion celui des Loix Judaïques, le 
commerce celui de Marfeille, la tran- 
quillité publique celui des lotx' de la 
Chine, la navigation celui des loix des ' 
Rhodiens , la Ubené naturelle celui de la 
police des Sauvages, en général les déli- 
ces du Prince celui des Etats Deipotî- 
ques ; fa gloire & celle de l'Etat , celui 
JVlonarchies ; l'indépendance de chaque 
particulier , eft l'objetdesloixde Pologne. 

Ce qu'on appelle union dans un corps 
politique, eft une chofe très - équivoque. 
La vraie etl une union d'harmonie, qui 
fait que toutes les parties , quelque op- 
pofées qu'elles nous paroiHent , concou- 
reoc au bien général de la fociété ; comme 



Db GoOVBASSMBNT. (17^ 

/des difloDÂnces tlaos la muJîqué concQu- 
TCQt à'I'accord cocaL II peut y avott de 
.'l'uQÎPD dans un Etat où l'on ne ccoic vok 
que du trouble; c'eUri-dite -, une harmo- 
nie d'où réfulte le bonheur qui feu) ç& la 
vraie paix. Il en eu comme des parties 
de cet Univers y éternellement liées paf 
faâion des unes ^ Ôz la réaction des autres. 
'. Loifque dans un fiécle, ou dans uo 
Gouvernement, on voit les divers corps 
«le l'Etat chercher à augmenter leur au* 
torhé , & à prendre les uns fur les autres 
-de certains avarttages ; on fe (romperctît 
'Touveot, lil'on regardoit leurs entrepri* 
£ss comme une marque certaine de leur 
forraption. Par un malheur attaché à la 
condition humaine , les grands hommes 
-modérés font rares ; Se Comme il eu. tou- 
-jpuTî plus aifé de fuivre l'a force , que 
de l'arrêter, peut-être dans la clafTe des 
gens fupérieurs , efl - il plus facile de 
trouver des gens extrêmement vertueux, 
^ue des hqmmes extrêmement fages. 
- JL'efpric de modération doit être celui 
du Légillateur. Le bien politique , cotn* 
me le bien moral , fe trouve entre deux 
limites. 

Inviter , quand il ne faut pas con- 
traindre j conduire, quand il ne Êiut pas 
commander : c'eft l'habileté fuprêjne. La . 
raifbn a un empire naturel , elle a même 



D.5.i.i=t; ^ Google 



iSb M&xiHBS 

un enipire tyranaique } oo lai téGUe ; 
.mais cette rélîAance eft foD triompbc: 
encore un peu de temps , ic l'on fera 
forcé de revenir à elle. 

Il y a deux fortes de tyrannie : tine 
réelle , qui confifte dans la violence du 
Gouvernement ; & une d'opinion , qui 
le ^t fentir , lorfque cens qui gouver- 
nent, établiffent des chofes qui choquent 
la manière de penfer d'une Nation. 

On n'offenfe jamais plus lès .iiommef, 
que lorfqb'on choque leurs cérémonies 
éc leurs ufages. Cherchez à les oppri- 
mer, c'efl; quelquefois une preuve de 
l'eAime que vous en faites; choquez leurs 
-coutumes, c'efl toujours une marque 
de mépris. 

En général, les peuples font tris-ac* 
tachés a leurs coutumes; les leur ôtef 
violemment, c'efl les rendre malheu- 
reux : il faut donc les engager à les 
changer eux-mêmes. 

Loifqu'on veut changer les mœurs 
de les manières , il ne faut pas les chan- 
ger par les loix; il vaut mieux les 
changer par d'autres mœurs & d'autres 
manières: c'efl à l'exemple à établir ce 
changement. v 

Il y a des moyens pour empêcher 
les crimes, ce font les peines; il y es 



D.5.l.i=t;^GOOgle' 



Db Gouvskn&hrnt. iti 
à fmui Bdxe changer les manières ^ ce 
font les exemples. 

U n'y a pomt de plus crncUe tyran- 
nie f que celle qw- l'oA exerce à l'otn* - 
bre des loîx ^ & avec la couleur de I4 
judicé; loirqu'on va, pour aïnfi dire, 
noyer des malheureux fur la planche 
même, fur laquelle ils s'étoieat làuvés* 

Il y a deux genres de corruption: 
Tua , lorfque le peuple o'oblèrve point 
les lois; l'autre, lorfqu'il efl corrompu 
par les loix: mkl incurable, parce qu'- 
il eft dans le remède même. 

Un Peuple peut aifément fo^grir qu'. 
on exige de lui de nouveaux tributs ^ 
U ne fçait- pas s'il ne retirera point quel- 

2ue utilité de l'argent qu'on lui deman^ 
e : mais quand on lui fait un atfront, 
il ne fent que fon malheur, & il y ajoû- 
te l'idée de tous les maux qui fonc pof> 
fibles. 

C'ett un paralogirme de dire que 1« 
bien particulier doit céder au. bien pu- 
blic. Cela n'a lieu que dans les cas où 
il s'agit de l'empire de la Cité, c'ell-à- 
dire , de la liberté du citoyen. Le bien 

fubUc n'eft jamais que Ton prive nn 
artîcalier de fon bien, maïs que cba>- 
cun çonferve invariablemenc la proprié- 
té de fes biens. Si le M4gUlrat politi- 
que veut Étire quelgue édifice public, 

Googk 



iix ' M AxiiMSs 

quelque nouveau chemin , il fàuc. qii*il 
indemnlfe. 

L'Etat doit k tous les citoyens ;ane 
fubfiftance affurfe > an vêtement conve- 
nable, & ub genre de vie qui ne foit 
point contraire à la fants. 

Quand tout le mondé obéît, Se qus 
tout le monde travaille , l'Etat e/l dans 
une heiireufe Situation. 

Faire une coutume générale. die tou-- 
tés' les' coutumes particulières, fèroît 
lioé c(k>ft inconlidcréé , même dans un 
temps, où les Princes ne- trouvent par- 
tout que de l'obéiflance. Car s'il eft vrai 
qu'il ne faut pas changer, lorfque les 
inconvémehs^galent lès avantages ; en- 
tore moins le f?ut-il, lorfque les avan- 
tages font petits , £c les incoovéniens 
Immenfes. 

Il y a dâ' certaines idées d'uniformité 
qui faififfent quelquefois les grands ef- 

firits, mais qui frappent infailliblement 
es petits. Les mêmes poids dans la po- 
lice, les mêmes mefures dans le Com- 
merce , -les mêmes loik dans l'Etat , la 
même Religion dans toutes fes parties, 
ïfais le 'mal de changer eft-ir toujours 
moins graAd que celui de fouffric? Lorfr 
que les' citoyens futvent les ioix ,. qu*ini< , 
pOrtlir qu'ils fuivent la' même? 

t>«s nouveaux r^leqMos font tonjonn 



De Gouvbrnbmsnt. 18} 
des remèdes qui iodiquenc un mat' prp*. 
(eau 

hes ioflitatlons ancïeoaes font ordï-* 
aaiiement des correAions, Se tes nou- 
velles des abus. Dans le cours d'un lon^ 
gouveinemeiit , on va au mal par une 
pente lufenfible, & l'on oe remonte au. 
bien que par un eflbrt. 

L'extrême obéiOance fuppofe de l'ig-, 
norance dans celui qui obéit, elle en. 
fuppofe même dans celui qui comman- 
de; il n'a point à délibérer > à douter 
ni à raifonner, 11 n'a qu'à vouloir. 

Il n'efl pas indilTérenc que le peuple 
foit éclairé. Les préjugés des Magif* 
trais ont commencé par êcre les préju- 
gés de la Nation. Dans un temps d'ig- 
norance, on n'a aucun doute, mêmç 
lorfqu'oQ fait les plus grands mauxf 
dans un temps de lumière, on tremr. 
ble encore , lorfqu'on fait les plus grands 
biens. On fent tes abus anciens , on ei^ 
voit la corredion; mais on voit encore 
les abus de la corredion même. On 
laiOè le mal , fi l'on craint le pire ; on 
laiQis le bien, fi l'on eft en doute du 
mieux. 

Ceft une erreur de croire qu'il yaiç 
dans le monde une autorité humaine, ^ 
tous les égards defpotique. Le pouvoir 

Upl}» immeafe,eft coajour$ borné pa| 



Djii..... Google 



iv4 MAxiiLBf 

quelque coin. IL y a dans chaque Nation 
un elprit général , fur lequel la puiiTance 
même ell fondée : quand elle cboqne cez 
efprîc, elle fe choque elle-même , Scs'ar— 
fiôte néceffairement. 

Ce n'ell pas la fortune qui domine le 
nuyide. Il y a des caufes générales, foie 
morales, îbit phyfiques , qui agilTene 
dans chaque Monarchie, l'élevent , la 
maintiennent, bu ta précipitent. Tous 
tes accidens font fournis à ces caufes ; & 
fi le hazard d'une bataille , c'e(l-à-dire, 
use czTufe particulière a ruiné un Etat, 
ii y avoit une caufe générale qui faifoit 
que cet Etat devoït périr par une feule 
bataille. £□ un mot, l'allure principale 
entraîne avec elle tous les accidens par- 
ticuliers. 

Les fautes que font les hommes d'Etat» 
ne font pas toujours libres. Souvent ce 
font des fuites néceflaires de la (îtuation 
où l'on eft , & les inconvéniens ont fait 
naître les inconvéniens. 

Si quelque Nation tient de ta nature 
ou de fon inilitution quelque avantage 
particulier, il fautfçavoiren faire ufage. 

Lorfqu'on a pour voifîn un Ecatqui ell 
dans {a décadence , on doit bien f« gar- 
der de hâter fa ruine , parce qu'on ai k 
cet égard dans la ftiuation la plus heo^ 
Kub oii l'on puKTe être ; n'y ayaat rien 



DK GoVvBSHBMBffr. l8j 

de fi commode pour uo Prince , qa« 
d'être auprès d'uo autre qui reçoit pour 
lui tous les coups , & tous les outrages 
de la fortune. 

Un Etac bien gouverné , ^oit mettre 
pour le prenùer article de fa dépenfe, 
une femme pour les cas fortuits. Il en 
cil du Public , comme des particuliers 
qui fe tuineot* torfqu'ils dépenfent ex- 
aâemenc les reyenui de leurs terreï. 

Un Empire fondé par les armes r 9 
befoin de le foucenir par les i^rmes. Mais 
comme, lorfqu'un Eut eA dans le trou- 
ble , on n'îmagîne pas comment il peut 
en forcir ; de même , lorfqu'il eu en 
paix ^ qu'on refpeâe (à puiilànce, il 
ne vient point dans refprit comment cela 
peut. changer. Il néglige donc la Miit- ' 
ce , dont il croît n'avoir rien à efpérer 
Se tout à craindre, & fouvent même 
il cherche à l'aflbiblir. 

Les grandes Flottes, 000 plus que 
les grandes Armées deterrç, nontpref- 
que jamais réuffi. Commç elles epui- 
fenc un Etat, fi l'expédition eft lon- 
gue » ou que quelque malheur leur af 
rive, elles ne peuvent être fecourue» 
ni réparées ; fî une partie fe perd » ce 
qui refte ^eft /ien , parce que les Vaif- 
feaux de guerre , ceux de transport , la 
Cavalerie» VlofsoteiÎQ, les Mvnitioa». 

Lijii.t...Googlc 



t^6 *'- ''Maxi mes 
enfin cb'aque partie dépend du touten- 
femble. La lenteur de l'entreprifé fait 
qu'on trouve toujours des ennemis pré- 
parés ; outre qu'il eft rare que- l'expé- 
dition fe fkflê' jamais dans une (aifon 
côtnmode» on tombé dans tes' 'temps 
dés orages ; tant de ehofes ffétartt ptef- 
que jamais 'prêtes que' quelques mois 
plus tard qu'on ne tt VétiHc promis. 

Nos Armées périflent beaucoup par 
le travail iratnodéré des' foldats ; ceft 
que nos foldats paflent fans celTe d'un 
travail extt'ême à une extrême oillveté. 

Une expérience continuelle a dû faire 
cotinoîire en Europe, qu'un Prince qui 
a tut mjllioo de fujets, ne peut^ fans 
fe détruire lui-même, entretenir plus 
'^de dix niitte hommes de troupes. La 
jM-opoFtion des foldats au refle du peu- 
ple, y efl aujourd'hui comme d'un à 
cent. 

Ce n'eft pas ordinairement }a perte 
léetle que l'on fait dans une bataille , 
c'eft-à-dire , celle de quelques milliers 
/d'hommes, qui eft funefte à un Etat ; 
mais ta perte imaginaire. 2c le découra- 
gement , qti le prive des forces mêmes 
qne la fortune lui'avoit JailTées. . 

La paix ne peut foint s'acheter -par- 
ce que celui qui l'a vendue, l^n eft que 
plus en état de I0 faire acheter encore.' 



D^ii...:, Google 



B 8 G O U V B R K « M s H T. 1 87 
Il vaut mieux courir le rifque de faire 
une guerre malheureufe ^ qae de doo' 
Ber de l'argent pour avoir la paix : car 
00 refpeâe toujours un Prince , lorfqu'on 
fçait qu'on ne le vaincra qu'après une 
lo^ue rélîftaace. 

Dans les Monarchies & les Ecacs I>e& 
potiques, perfonne n'alpire à réalité; 
chacun y rend à la fupériorité. 

Le tribunal de l'Inquifition e(l iDfnp- 

girtable dans' tous les Gouvernemens. 
ans la Monarchie, il ne peut faire que 
des délateurs & des traîtres ; dans les 
K^pobliques , 11 ne peut former que des 
mal- honnêtes «ns ; dans l'Eiac Defpo 
tique , il elt deftruâeur comme lui. 

La vénatité des Charges eft bonne dans 
' les Etats Monarchiques ', oli Ton faic 
comme un métier de famille , ce qu'on 
ne voudrûit pas faire pour la vertu. 

C'e^ une ré^e générale ,■ que. les 
grandes récompénfes dans une Mûnar- 
chie & dans une République / &iK un 
%ne de leur- décadence; parce qu'elles 
prouvent que leurs principes font cor* 
tompus f que d'un côté l'idée de Tbon-i 
neur n'y a plut tant de force ; que de 
l'autre la qusdîté de citoyen s'eft affi>i< 
blie. 

Comme les Lotx de l'éducaàoU nous 
prépaient à êcre cïcoyens » chaque &• 

. . Google 



l88 M A X IKB s 

mille particulière doit être gonvetaéc 
far le plao de la grande famille qui les 
comprend toutes. 

Plus les caufes ptiyfiqoes ponenc lès- 
tommes BU repos , plus les caufes mora* 
les les en doivent éloigner. La culture 
des terres efl te plus grand travail des 
Jiommes ; plus le climat les porte à fuir 
ce travail , plus la Religion & les Loix 
doivent y exciter. 

Lotfqu'uoe Démocratie eft fondée far 
refprk de commerce , il peut fort biea 
arriver que des particuliers y aie&t de 
srandcs ricbelTes , 8c que les mœurs n'y 
foient pas corrompues. Ceftque l'erpric 
de coiiimercc entrait» avec foi celui de 
. frugalité , d'économie , de modération , 
«le' travail f de fagefle , detranquillité^ 
d'ordre & de r^te. Airtfi, tandis que 
cet efprit fubfifte^ les richefles qu'il pro- 
duit-, n'ont jamais aucun mauvais e^t. 
- Oeil nne mauvaifé efpèce de richeOe» 
qu'ua tribut d'accident , âc qui ne dé- 
tend pas de Fisduftrie de la Nation, 
du nçinbre de fes habicans , m. de la cu^ 
iDre de fes terres. 

hà btigue efl dangereufe dans un Sé- 
nat ; rile-eH; dxngereufei dans un Corps 
de Nobles ; elle ne l'efl pas dans le pe» 
^le ,. dont la nature eft d'agir^u pat 
&s>o. ■ ■ j . 



.i.i=t; .., Google 



X>S GoirvBKlTBHSRT. igO 

ItCs difcours font fi fujecs à ioterpr^ 
facioD , il y a tant de dîSërence entre 
l'iEdirciécion & la nultce, & il y en ar 
& peu dans ks ezprelTiont qu'elles em* 
ploient , que ta loi ne peut guéres fou* 
mettre les paroles à une peine capitale. 
Les paroles ne farment point un corpt 
de délit , elles ne refient que dans l'idw. 

Dans les Démocraties , ou a'empêcbff 
pas les écrits fatyriques. Comme ils font 
ordinairement comporés contre des geny 
putiTans , ils âattent la malignité du PeO' 
pie» qui gouverne. Dans la Monarchie » 
on les défend ; mais ils font pluiôc un ob^- 
)et de police, que de crime. Us peuvent 
confoler les mécontens , diminuer l'envie 
contre les places, donner au Peuple la 
patience de fou^rir , & le faire rire de 
les fouffrances. L'AriitocFatie profcrit les 
ouvrages fatyriques. Les Magidrats y 
font de petits Souverains , qui ne/ont pa» 
aiTez grands pour roéprifer les Ingres, 
Un Monarque ett ii haut, qu'un traie 
lancé n'arrive point jufqu'à lui; un Se»* 
gttein Ariflocratique en eH percé de parc 
en part* 

L'efpionageferoit peut-être toIéraWe, 
s'il pouvoii être exercé par d'honnête* 
gens : mais l'infamie néceJaire de la per^ 
fonne peat faire juger de i'infânùe de la 
chofe. 



Djii..... Google 



\^û Maximes pv GonvsRifEUBAT. 

Si ceux qui accufeoc un homme par 
des lettres anonymes, le fairoiene envne 
du tien public , ils ne l'accuferoïenc pas 
devant le Prince qui peut être aifémenc 
furpris f mais devant les Magiftrats , qui 
ont des régies qui ne font foimîdabîes 
qu'aux calomniateurs. 

Çcll une régie générale» que dans 
tous les Pays ou la loi accorde aux hom- 
mes la faculté de répudier , elle doit auffi 
l'accorder aux femmes. 



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; 

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ï9! 



' c H A p I T R E xxyt: . 

. ■ , " .mèla'ngesJ-/.]',, , 

De Dieu. ;. 

S'il y. a UQ DiâQ, il faut oéceflàir» 
mène qu'il kit , j^i^ ; , cai 4'ii ne l'é- 
tofc pas >' il.f<?iojt le plus, mauvais & lie 
plus, iiripar&ic de cous les êtres. 

Les hommes peuvent faire des injuf 
tices , parce qu'ils ont ÎDEéiêc de les com^ 
mettre , & qu'ils aiment mieux fe l4tîi'-. 
Élire, que les autres. Mais il n'eft paspof- 
fiUe que Dieu faiïe jamais rieo a'injufte> 
Dès qu'on fuppofe qu'il voit U juÂice, 
U fau$ néçeflairement qu'il la Tuive ; car 
comme il n'a befoin de lien , & qu'il fe 
fuBît à lui - même , il feroicle plus mé- 
chant de tous les êtres ^ pujfqu'il le f»- 
xoit faes incétêt. 

Que doit-' m donc- pinfer de ces Doç- 
teuts, qui repréfencent Dieu comme un 
être qui fait un exercice tyrannique de 
la puinîince ; qui le font agir d'une ma- 
nière dont nous ae youdiions pas agir 
nous-mêmes, de peur de l'oSenrer ; 
qui le ctuu-g^çc de..tou[« les.im^rfeo- 



D.5.i.i=t; ^ Google 



l^X MitkVGtt. 

ùoos ; & dans leurs optaions coQtradiC' 
toins, le repréfeoteoc tantôt comme ntr 
être mauvais , amôt comme un être qui 
hait le mal » & le pmk ? 

Les Philofophes les plus fenfés qni onc 
réfléchi Tur la nature -de Dieu, onc dit 
qu'il ctoic un être fouverainement par- 
bit ; mais ils oot extrêmement abufe de 
cette idée : ils ont fait une énumération 
de toutes les perfeâioas difFéretiies que 
l'homme efi capable d'avoir & d'image 
ner, & en ont chargé l'idée de la Divini- 
té , l^ans fonger que fouvent ces attributs 
s'entr'empêchent, & qu'ils ne peuvent 
fublîller dans un même fujet , fans fe dé- 
truire. ■ 

Souvent Dieu manque d'une perfeâlon 
qui pourroit lui donner une grande îm- 

Îietfeâion; maïs il n'eft limité que par 
ui-même , il e(l Ini - même fa néceflité* 
Ain(i , quoique Dieu Toit touc-putâknt , 
il ne peut pas violer fes promefles , ai 
tromper teshoinmes. Souvent même Tim- 
puiflance n'efl pas dans lui , mais dans' 
les chofes relatives ; Se c'en la'rzifba 
pourquoi il ne peut pas changer les-efîea^ 



Dit Pfineef. 
Le Fiioce étant tot^nte^ei grawS 



.i.i=t; .., Google 



CitiiyenjJe' l'Etàf, aJe.pliK d'iatérçt 
à là'cdnfervation, 

Irf commencement Jii - règne dçs 
mauvais Princes cil fouveot comme Iji 
fin de, celui des Up,ns, parce que p^r 
"iin élprit dé contra^JSion Tur la con- 
-duice do .cçbx Ji quP (Is Tucccdenc^ .i\$ 
peuvent faire ce ^ue'iès auties fopc par 
■vertu; .& c'eft à" cet cl'pr'it'de contr^- 
didion, que nous devons bien de borjs 
réglemens & biens des mauvais auilî. 
^' Les tréfpis airiatrés, par des priiices, 
n'ont prèfque jamais que des effets fij- 
,nçfteï._IIs corrompent leTuccçlTeur;, qiii 
"eii eft ébloui'; & s'ils ne gâtent pas fofi 
cœur, ils gâtent fon efprit. Il foriDC 
d'abord de grandes entreprifes avec une 
'piiifTance qui eft d'accident, qui ne peuc 
pas durer, qlii n'efl: pas naturelle, & 
qui eft plutôt enflée qu'aggraadîe. 

•Lrfs places que la poltérité donne, . 
font fujeues, comme Jes autres aux ca- 
prices de la fortune. Malheur à la ré- 
putation de tout Prince qui e(l accablé 
;,par un parti „quî devient le dominant, 
ou qui a; tenté dé détruire yn préjugé 
^qui luîfgrvii. ■ 

O^ft une chofe comm\ine devoir des 

Princeis qui fçavent donner une bataille; 

.il y en .S- biep peu qui fçachent faire 

2 une guerre , qui îoient également cajpa- 

"'*■'■' R' ' ' 

. . Google 



il94 ' MÉtAMCES. . 

bles de fe fervlt 'de la forcUhe'j Si' St 
l'atrendre; &-qui avdc cette dilpofitioh 
d'efpricqoi donne de la mé&aace avant 
que d'entreprendre , aîenc celle de ne 
craindre plus rien après avoir entrepris, 
Dans les Etats gûùVernés pat un Prin- 
ce; les divînpiis s'appaîfenc aifémenc j 
parce qu'il a dans' les naaîns une puîf- 
îance cocrciiive, qui ramené 1^ deux 

Ïjartis; mais dans une République, el- 
es font plus durables, parce ,que le mai 
attaque ordinairement' la 'puilîànce roê- 
me qui pourroié le giiérir. 

11 n'y a point' d'autorité plus abfolu'e 

Sue celle du Prince qui fuccéde à la 
îépnblique; car ilfé trouve avoir tou- 
te la puilTance du Peuple, qui n'avoit 
pu fe limiter lui-même; auni voyons- 
nous aujourd'hui lès Roîs de Danemard: 
exercer le pouvoir le plus'arbîtraire qu'- 
il y ait en Europe. 

On ne peut pas faire de plus grand 
afîront à un Prince , que de renoncer 
à fon alliàncp^ ni lui faire déplus grand 
"honneur que.de lacontraîSer.; ÏI' n'y a 
rien pa'rmi"les"hommes qui leur ïbït 
plus glorieux, & même; plus 'utile ;que 
d'en -voir d'autres toujours attentifs à 
leur confervacion. 

Comme les Peuples font fournis aux 
"^ii," les Princes k fôirt' à leijf ^itrolff 



fàcTSe-. Les grands Rois ' qâi tie f^ au- 
roient être liés par une autre Puîffiin- 
Ce f le font -Jnviticiblemetit pur les cbai- 
ncs qu'ih fc font faites ; comme le Dieii 
qu'ils Tepréfenténc, qui eft toujours in- 
dépéndant, Si toujours lidèle dans ki 
ptomefles. 

La clémence efl la qualité dliftinâî- 
Ve des Monarques.' 

Xes Monarques 'Ont tant à gagnef 
par la clémence -, elle eft fuîvie de tarit 
d'amouri ils en tirent tant de gloire, 
que c'efl prefque toujours un bonheur 
pour eux d'avoir occasion de l'exercer. 

Un Prince doit agir avec fes fujets 
avec candeur, avec franchifc, avec 
conSatice. Celui qui a tant d'inquiétu- 
des, dé ibupçôns & decraintes, e.ftua 
Aéleur qui eft embarrafle .à jouer foo' 
rôle- Qu'il n'ait aucune crainte, ilne' 
fçaaroit croire combien on eft porté à' 
l'aimer. Eh ! pourquoi ne l'aimeroit-on' 
pas? 11 eft la fource de prefque tout la 
bien qui fe fait, Scquaft toutes les' puni-' 
lions îbnrfur lé compte des loix. Ilnefe' 
montre jamais ail peuple, qu'avec uri' 
vifagé ferein; fa gloircmême fe com-' 
munique à notfs, & Ij puiflance nous 
foutient. Si le Prince Jçscveit .'■ dïi le 
Peuple : ces paroles font une. efpèce 
d'invocation. 

Eij 



1^6 MÉLANOES. 

'' Quil ^■. h Prince qui peut dire ^ » Jo 
» fuis le Roi, d'en peuple qui m'aime. 
3>Les pères de famille efperem la lon- 
»gueur de ma vie, comme celle de 
» leurs enfd^s; les eniàns cfaignent de 
3>mç perdre, com^ie ils ^craignent de 
«perdre leur père. Mes fujets ibnt lieii- 
»reux, 5; je le fuis? . 

Les mcéurs du Prince cootribuent 
autant à la liberté, que les loix. S'il 
aime les aines libres, il. aura des Su- 
jets; s'il aime les âmes balTes, il aura 
des efclaves,' Veut-il f^avoir le grand 
art de régner, qu'il approche, de lui 
fKonneur Se la vérité , qu'il appelle le 
mérite perronnel. Il peut même quel- 
quefois jetter les yeux fur les talens. 
Qu'il ne craigne point ces rivaux qu'on 
appelle les hommes de mérite ; il eft 
Ifiijr égal, dès qu'il les aime. Qu'il ga- 
gne le cœur , mais qu'il ne captive point 
IJefprit ; qu'il fe rende populaire. Il doiu 
être flacé de l'amour du moindre de fes 
fjijets, ce font toujours des hommes. 
Le peuple demande (\ peu d'égards^ 
qu'ilell jufte deles lui accorder. Qu'exo- 
rable à prière , il foit ferme contre 
Ifs demandes , & qu'il fçache que le peu- 
ple jonic, de fcs refus, & fes couriilâns 
(fe fes.gtacçs, ; ^.^ 

■>• )i ' '- ' 

D.3.ii.t.., Google 



Des Counijans. 

Les Princes regardent toujours leurs ■ 
courtifans , comme leurs plus fidèles 
fujets. 

L'ambition dans l'oifiveté, la baffelTe 
dans l'orgueil , te defir de s'enrichir fant 
travail , l'averiion pour la vérité , la 
flaterie , la trahifon , la perfidie , l'a- 
bandon de cous Tes engagemens , le mé- 
pris des devoirs du citoyen , la crainte 
de la vertu du Prince , l'efpérance de fes 
foibteflfes , & plus que tout cela le ri- 
dicule perpétuel jette fur la vertu, fonc 
le caraâerede la plupart des courtirans, 
marqué dans tout les lieux & daai tous 
les temps. Or il eft très-mal-aifé que les 
principaux d'un Etat foient mal-honnétes 
gens , & que les inférieurs foient gens 
de bien; que ceux-là foient trompeurs, 
& que ceux-ci confentent à n'être que 
dupes. 

L'air de la Cour confifle à quitter fa 
grandeur propre , pour une ; grandeur 
■empruntée. Celle-ci flate plus un cour- 
tifan que ta tienne même. Elle donne 
une certaine modeftie fuperbe qui fe ré- 
pand au loin , mais dont l'orgueil di- 
minue infenfiblanent , à proportion de 
R iij - 



D.5.i.i=t; ^ Google 



19S MéLANcas. 

la didance où l'on eft de la fource tfe 

cette graiidear. 

On crouve à la Cour une délicarefle 
de goûi en toutes chofes ^ qui vieac d'un 
ufage continuel des liiperfluités d'une 
grande fortune , de la variété , & fur- 
toDc de la laÛîtude des plailîrs, de la 
multiplicité, de la confufîon même des 
fantaifies qui , lotCqu'elles font agréa- 
bles i y Sont toujours reçues. 

Des Miniftres. 

Il n'y a prefque jamais de Prince fi 
méchant , que_ fon Minière ne le foJc 
encore davantage. S'il fait quelque aâion 
mauvaife , elle a prefque toujours été 
fuggérée; de manière que l'ambition des 
Frinces n'efl jamais fi dangereufe que 
la baifeiTe d'ame de fes Confeitlers. Mais 
comment un homme qui n'efl que d'hier 
dans le Miniftere, qui peut être n'y fera 
pas demain, peut- il devenir dans un 
i^iomenc l'ennemi de lui-même, de fa 
Emilie , de là patrie & du peuple qui 
naîtra à jamais de celui qu'il va faire 
flpprimer ? 

Un Prince a des pallions , le Minif-r 
tre les remue. C'efl: de ce»côté-U qu'il 
dirige Ton minillere : il n'a point d'au- 
tre Dut. , ni n'en veut connoître. Les 



D^ii...., Google 



MéxANGES. 199 

courcirans le féduifenc- pat leors louao-* 
ges; Se lutleflacte plus dàngerevfemetic 

Îiar Tes CQnféils ,. par les delTéins qu'il 
ui inrpire, 'Si, par Jet. maximes qu'il 
lui f ropofe. 

Si c'efl une maùvaife zâioa de noircir 
dansl'efpric du Prince le dernier de fes 
fujecs , qu'eft-ce quand on noircit la Na- 
tion entière, & qu'on Jui ôte la bien- 
veillance dé celui que la Providence a 
établi pour faire fon bonheur ? 

li y a long-temps que l'on a dit que 
la bonne foi étoit l'ame d'un grand 
Miniftre. 

' Un particulier peut jpuir de l'obfcu- 
ijte où il fe trouve ; il ne fé décrédite 
qiie devant quelques' geas\ U fe tienc 
couvert devant les au;res. Mais un Mi< 
riiHte qui manque à la probité , a au- 
tant de' témoins-, autant de juges > qu'il 
y a de gens qu'il gouverne^ 

Le plus grand mal que fait un Mi*- 
nlftre fans probité , .n'efî pas de delîer- 
vir Ton Prince , Si de ruiner fon peu- 
ple. Il y en a un autre mille fois plus 
dangereux , c'eft le mauvais exemple 
qu'il donne. 

Quçl fijus e^and crime que celui que 
. commet un MinjAre, lorfqu'il corrompe 
lesnlœtirs de toute une Nation, dé- 
grada lesame»lé^pluf généreufes, ter- 
Riv 



.. Google 



iOO .M £ L A N G^S s. . 

nie l'éclat des dignités , obfcurdt la ver- 
la même , & confond la plus haute aa.\(-' 
fance dans le mépri"s unîverfel .' 

On n^ppelte plus parmi nous un grand 
Mîniftre , celui qui eft le fage difpen-" 
lateur des revenus publics -, mais celui 
qui eft homme d'induftrie, & qui trou- 
ve ce qu'on appelle des expédiens. 

11' y a bien de la finelTc & du tnyfle- 
re dam l'adminîflration des finances.. Il 
faui que de grands génies travaillent 'quÎc' 
à )our ; qu'ils enfantent fans cefte &-aVec 
douleur de nouve&ux projets ; qu'ils écou- 
tent les avis d'une iuBnicé de gens qui' 
tïavaillent pour eux , ^ns en être prié ; 

3u'ilsfe retirent, "& vivent dans lé 'fond' 
'uq cabincc impénétrable aux gfa'nds, 
& facré aux petits ; qu'ils aient toujours 
la tête remplie de feerets imporcans, de 
deiTeins miraculeux , de fyflêmes noii* 
veaux ; &; qi/abrorbés dans les médita-- 
lions, ils.foieht privés.non-feulement de 
l^lfage de ta parois ; mais même quel- 
quefois delà politeffc ' 

Des Magi/îrars. ' 

Dans toute Magîflirâture , ,îl faut com- 
penfèr lagrandeur de' la pullTahce , par. 
la brièveté de fa! idtiréé. ' ' ' 

Les Corps qui ont le dépôt desloîx^ 



ç.8.i.i=t. ... Google 



M il. ANGES. ior 

n'obéiflent jamais mieux , que quand ifs 
vont à pas tardifs , & qu'ils apportcnc 
dfms les affaires du Ptince cette réflexion 
qu'oA ne peut guéris attendre du dé&uc' 
de lumières de la'Cour fur les loix de~ 
PEtat , ni de la précijjitation de fes con-* 
feils. > 

,Les ParlemeDsrefTemblentà ces ruines 
que l'on foule aux pieds , mais qui rap- 
pellent toujours l'idée de quelque tem- 
ple &meux par l'ancienne Religion des 
peuples. Leur autorité eft toujours lan- 
guiuante, à moins que quelque conjonc< 
ture imprévue ne vienne lui rendre la 
force & la vie. Ces grands Corps onc ^ 
fuivî tê-defïin des chofes humaines : Ils 
onc cédé au temps quHétruît 'tout , -à 
laf corruption des mœurs qui a tout a^* 
foibli , a l'autorité fupréme qui a tout 
abbatu. 

L« Parlemens font des 'Compagnies 
toujours odieufes à la , Cour. Elles n'ap- 
prochent des Rois 'que pour leur dire 
do triftes vérités ;' éc pendant qu'une fou- 
le de courtifans leur repréfente fanscef- 
fe un peuple heureux fous leurgouver- 
Beoient , elles viennent démentir la fla- 
terre , & apporter aux^ pieds du thrône 
les gémiflèmens & les larmes 4ont elle» 
font dépofiiâires. '■■■'■ 
■ C'eft uD-pefant fardeau que celui de 



D.5.i.i=t; ^ Google 



A02 MétANCBSi 

U vérité* lorsqu'il faut la porcerjarqa'anç 
Princes. Ils doivent bien penfer que ceux 
qui le font y font concraiots ^ Se qu'ils, 
ne (è réfoudroient jamais à faire des àé' 
marche* fi criAes & fi affligeantes pout. 
ceux qui les font ^ s'ils n'y etoient forcés 
par leur devoir f leurrefpeâ;, &inêai9 
leur amour. 

Dk Clergé. 

I<es Familles pazticuUeres peuvent pé- 
rir ; ainfi les biens n'y oqt point une deftï- 
natton perpétuelle. Le Clergé eft une 
FamîUeqiunepeutpaspérir; les biens./ 
' font donc attachés pour toujours , & a'oa 
peuvent pas fortir. Les Familles paxtiçH-^ 
lieres peuv,ept s'au^eiiter ; il faut donc? 
que leurs biens jpuinênt croître auHi. Le 
Clergé efl une Famille qui ne doit poîac. 
s'augmenter ; les biens, doivqnt {dopc y 
être bornés. Rendez facré & inviolable 
l'ancien & nécenaire domaine du Clergé , 
qu'il fuit (îxe & éternel comme lui ; mais 
lailTez fortir de fes mains les nouveaux 
domaines. Permettez de violer la régie ; 
lorfque la régie efl devenue un abus j 
fouffrcz l'abus^ > lorfqu'il reaire dans la 

régie. 

Les loix civiles trouvçpt :qu.ejquefois 
des obAacles à changer des a^us établb , 



«L,^ ,, Google 



MÉLANGESi JOI 

parce qu'ils Cont liés à des choies qu'elles 
doivent refpeder. Dans ce cas, une dif- 
^oiiûott inuire^e marque plus le bon ef- 
pricduLégiOateur, qu'une autre qui frat}- 
pêroit furTa chofe même. Au lieu de dé- 
lèndre les'acquifîtions du Clergé , il fàuc 
chercher à l'en dégoûter lui - même ; lalP 
Jer le droit , & ôter le fait. 

Ces Corps Religieux qui fe perpétuent 
fans fin ,-ne doivent pas vendre leurs fonds 
à vie , ni faire des emprunts à vie. Ce» 
gens jouent contre le peuple , mais ils 
tiennent la banque contre lui. 

Du Djoit. 

- Le Droit def gens efl naturellement 
fondé fur ce principe , que les diverfeS' 
Nations doivent fe faire dans la paix le 
plus de bien , & dans la guerre le moins 
de mal qu'il ell poHible , fans nuire à leurs 
véritables intérêts. 

Les MagiArats doivent rendre la juflice 
«le citoyen à citoyen : chaque peuple U 
doit rendre lui-même de lui à un autre 
peuple. De peuple à ptfuple , il e(l rare- 
ment befoin d'un tiers pour )nger, parce 
que les fujetc de difpute font ordinaire^ 
ment clairs & faciles à terminer. Les in- 
térêts de deux Nations font ordinairement 
fi'féparés , qu'il ne faut qu'aimer la jufti- 



.i.i=t; .., Google 



JI04 . MÉLANCBS. 

ce^ pour la trouver. On ne peut guèrei 
fe prévenir dans (a propre caufe. 

Les Nations quîTonc à l'égard de tout 
fU divers ce que les particuliers font dans 
un Etat , fe gouvernent comme eux par 
ledroîtnaturelt.& parles loix qu'elles fe 
font faites. Uo peuple peut céder à un 
autre la mer , comme il peut céder la 
terre. 

Une foctété particulière ne fait point 
de loix pour une autre focîéié. Il eft ridi- 
cule de prétendre décider des droits des 
Royaumes, des Nations &derUnivers,' 
par les mêmes maximes fur lefquelles on 
décide entre particuliers, d'un droit pour 
une gouttière. 

Les traités de paix ne font jamais légi- 
times ', lorfqu'ils ordonnent une ceflton , 
ou un dédommagement plus confîdérabte 
que le doinmage caufé. Autrement c*e{t 
une pure violence contrç laquelle on peut 
toujours revenir ; à moins que pour ravoir 
ce qu'on a perdu , on ne foit obligé de 
fe fervir de moyens fi violens, qu'il en 
arrive un mal plus grand que le bien que 
l'on en doit retirer. Voilà ce qu'on ap- 
pelle' le droit public; voilà te droit 
des gens , ou plutôt celui de la raifon. 
- UnTrajfjfd'alIiance fâiienrre deuxNa- 
ttons pour en opprimer uae troiOéme , 



D^ii...., Google 



MéLXNOBf. 40 J; 

n'eft pas l;égtt une ,& on peut I« violer {^s 
crime... 

Les payions des Fiioces , la padeoce 
des peuples , la flatterie des écrivaiiuoDt 
GoiKunpa tou3 les principes du droit pu- 
blic. " , _ . 
' Le droit public , tel qu'il e(t aujour- 
d'hui , e(t une Tcience qui apprend aux 
Princes jufqu'à quel point ils peuvent yio- 
1er la juflice , fans choquer leurs intérêts. 
Quel deÛeinde vouloir, pour endurcir 
leur confciencé; mettre l'iniquité ei>lyf- 
cême ; d'en donner des régies , d'en for- 
mer des principes, & d'en tirçr des coo- 
Xéqu^nces ! 

Du Change. 

JLe Change eA une fixation de la valeur 
àâuelle & momentanée des monnoies. 
Cette, valeur eft relative dans le fens qu'- 
on compare les monnoies d'un Etat , 
avec les monnoies des autres pays. Elle 
ell iixée par l'edime la plus générale des 
Négocians. Pour la fixer , les diverfcs 
Nations fe règlent fur celle qui â le plus 
d'argent. 

Les opérations violentes fur les mon- 
noies ne fçauroient .avoir lieu dans ces 
lemps-ci. Un Prince fe troniperoit lui? 
înême; & ne'tromper<fitpetronne.LetL 



.D^ii...., Google 



tre-tfes irionooies ne-peiicplus-êtreunïiei 
crecLe Banquier fçaiclescom parer coDceSf 
i& les^meitre à leurjtilïe râleur. Si le Prin- 
ce altère fa monnoie , les efpèces fortes 
fortent d'abord, &oh les lui renvote'foïr 
blés. Le change a ôcé les grands coups 
d'autorité. ' 

Les Banquiers font &its pour changer 
de l'argent , & tsoa pas pour en prêter. 
Quand ils fonf employés à faire des avan- 
ces , leur art confille à le procurer de gros 
profits de leur argent. ■ 

Depuis que piir l'ufage du change, les 
richeflès ne font en quelque façon à au- 
cun Etat en particulier , & qu'il y a tanc 
de facilité à les tranfporrer d'un pays à un 
autre , c'eft une mauvaife loi que celle qui 
ne permet. pas de difpofer pour les affai- 
res de fes fonds de terre, lorfqu'on peut 
■ difpofer de fon argent. Cette loi eft mau- 
vaife, parce qu'elle donne de l'avantage 
aux effets mobiliers fur les fonds de terre, 
parce qu'elle dégoûte les écrangers deve- 
nir s'établir dans un pays, & enfin parce 
'qu'on peut l'éluderj 

Des Dettes publiques. 

L'Etat peut être créancier à riàHnt ; 
îaaisjlné petit., être débiteur c^xi'k un 



Lijii.t... Google 



Mil. à: KG ES. .. . iéy 
cejtàtn dêgi'é , audelà diiqael le cittecm 
ictéancier s'é\^iïouit. ■ - ' 

Les , papiers qui repréfemem là dette 
publique .(îe la Nation , ne ^aurolenc 
Mre avalntageds; parce qu'ils ôcént lo^ 
revenus Véritables de l'£tat à 'ceux quS 
ont <Jé ra<£Hvité'& de finduftrfe', poirr 
tes trailfportèT aux gens 6ilT6. ' 

. Il y a quatre cla0es de gens qui paient 
les dettes de l'Etat ; les propriétaires des 
fonds de rette, ceus qui exercent leur 
indùllriè par le ïiégûcé, I&s laboureurs 
&. aTcrfâhs', 'etxfinles' rentiers de ' l'Etat. 
De ces qiiicfe'clafles, la dbrnieretianS 
un cas'de nécefliié ,' femblexoît devoir 
être ta ihoihs ménagée , parce qu'elle 
eft entîéreniepc pàtîlve ; mais ;<;omme on 
ne peQt"li,;'chatEef jitus fans détiiiire la 
coDËàiTcâ piiiîjqire ,& comme la clàlft 
des créànciefs'eft [oûjours la plus expô- 
fée aujt projets des Miniilres , 'il fautqiie 
l'Etat lui accorde une finguiiére pro- 
tedion. 

- ^ ■ Dis AYtt. 

■ ^l'jNJîjds biênUéciiéqite l'urifltéque 
l'oii tire des fciences & des arcs , - dédom- 
mage les^^ohimésldu mauvais ufage que 
Ton eij.'fiittiaûs les jours. . ' ' 

■ 'Prei^ufc'ib^ïés tes Mdftïrcïiies tfOnt 

Google 



agi MélASjass. 

,iié fondées que fitr rignoruure'desans, 
& d'ode été 'détraites que parce qu'on 
ies a trop cultivés. 

Il tfi yraj que les fondateurs des Em- 
.pires. ont prefque tous, ignoré les arcs ;■ 
mais Us.les orit.^i^ exercer aux peuples 
.vaincus; {«ns cpfa, leur puiOànce auroTc 
paAIê comme Iç bruit du lonneiré & def 
tempêtes. ■ , . ■ 

. Quand on dit q^e les ans rendent les 
Jiommes effépinés., .on ne parle pas du 
flioinî des gens cju; s'y appliquent» puif- 
q.u'ils;ne'. fo,ot: jamais dans roifiveté, qui 
'de cous les vices eH celui qui amollit 
le plus le courage. Il n'ell donc quefr 
cion que de ceux q^i en jouiffent.- Mais 
comme dans un pays policé ceux qui 
joiiiiteric descoqimodïiés'd'un arc, font 
.obiigési d'en cultiver un autre, à moins 
que de Ce voir réduits à une pauvreté 
.hoDCeufei il s'enfuit que roifivecé Se la 
molIeOe font incpmpatibles avec les arts. 

Depuis l'invention de la poudre » il 
n'y* plus de place imprenable, c'ell- 
à-dire , qu'il n'y a plus d'afyle fur la ter- 
re contre l'injuTlice 5c la' violence. 

L'invention de la poudre a fait uue 
çlioCe qu'on n'auroit pas foupçonDee ; 
c'eft que la force des Armées a plus que 
iamais confifté dans l'art ; car pour ;é- 
Sidef à la yioleoce du caiiori ., & ncpas 



Lijii.t... Google 



M EL A N GE S. 20^ 

elTuyer un feu fupérieur , il a fallu de 
gros Navires: mais à la grandeur de la 
machine on a dû proportionner la puif- 
iance de l'art. 
~ Ces machines donc l'objet efl d'abré- 

ter l'aTc , ne font pas toujours utiles. 
î les moulins à eau n'étoient pas partout 
établis , ils paroiiroienc moins utiles 
qu'on le die ; parce qu'ils ont tait repo- 
ser une infinité de bras, qu'ils ont privé 
bien des ge'ns de l'ufage des eaux , & 
ont fait perdre la fécondité à beaucoup ' 
dé terres. " , 

De VHonneur. . ' ' ' . 

'Le monde eft l'école de ce qu'on ap- 
pelle l'honneur. C'ed- là qu'on apptend 
qu'il faut mettre dans les vertus une cer- 
taine noblefle , dans les mœurs une cer- 
taine franchife , dai^s les manières une 
certaine politeffe. On n'y juge pas les 
actions des hommes comtne bonnes , ' 
mais comme belles ; commejuftes , mais " 
comme grandes ; comme raîfonnables',' 
mais comme extraordinaires. ' 

On y Teut de la vérité dans les dîf- ' 
cours , non par amour pour elle , mail '' 
parce qu'un homme qui eft accoutumé à ' 
ladire, paroit être hardie libres. 

L'honneur qui nous prefcrit Vobéiflàii* 
S 



j.i.i^ .., Google 



^fO MéLAHGBS. 

ce aax volontés du Prince, nous dît qœ 
le Prince ne doit jamais nous prefcrire 
une aâion qui nous déshonore , parce 
qu'elle nous rendroh incapables de Je ier- 
vir. 

L'honneur chez les François ed le ué- 
for facré de la Nation , & lé feui dont le 
Souverain n'eft pas le maître., parce qu'il 
ne peut l'écre fans choquer fes iocérêts. 
. L'honneur permet ta galanterie, lorf- 
qu'elle ed unie à l'idée ou Sentiment du 
cœur , ou à l'idée de conquête : il per- 
met la rufe , lorfqu'elle cft joinre à l'idée 
de la grandeur de i'efprîi:, ou de la gran- 
deur des aSâires , comme dans la politi- 
que. Il ne défend l'adulacion, que lorf- 
qu'elle efi réparée de l'idée d'une giao- 
de fortune^ 

De/ Gais ieffùc. 

Un bomaje d'efprit eft ordinairement 
difiîcile dans les focïétés. 11 cboifîc pett 
de' perfonnes , il s'ennuie avec le grand 
nombre,^&»ja/gr^/K(, fait un peu fentif 
ibh dégoût. Autant d'ennemis, il néglige 
de plaire-; il ell porté à la critique , parce 
qu'il voit plus de chofes qu'un autre & les 
feric mieux. Il échoue dans fesentrepri- 
fesVpsrce qu'il hazarde -beaucoup. Sa 
vuç qui porte toujours- loin , lui (axi voi^ 



.. Google 



MiLAHCBS. ^lE 

des objets qui font à de trop ffraodes dif> 
tances. Il néglige les menus détails, dont 
dépend cependant; la réuflîte de prefque 
toute; les grandes ï6aices, 

; L.'hon}[oe.n]^diocreaucontraire,cIier' 
che à tiier parti de tout : il lent bien qu'il 
n*a tien à perdre en négligences. L'ap- 
probation univerfelle ed plus ordinaire* 
mène pc^ur l'honiiQe méaiecre. On _e(l 
çUarmé de donner à celui-ci , on efl en- 
chao^ç do;er|tceliii-U. Fendant quel'en- 
yip fondïur l'un ^ Si qu'on ne lui pardon- 
ne rien , on fupplée tout en faveur de l'au- 
tre ; la vanité fe déclare pour lui. 

- A)aûfiunJboEniiie,d'erprica tantdedé- 
Tavantages , . fxe ne- dtHt-on pas dirt de 1^. 
dure condtiioïi dés S^vans? 

.' TmjB le5i$$avans étoienc autrefois ac-: 
cufés de magie. A préfent que ces fortes 
d'acc)ifatj)9RS font tombées dans le décri , 
cjRi a^pf i< lUi autre tour > & uq Savant ne 
fçaçf oit gucKS éviter le reproche d'irrc- 
ligiofi ou>d')iéréfte;-Il a beau être abfou 
i:#.r Jfipcuplé> la plaie elï £uie , elle ne 
fe fermera jamais bien. S'il écrit quelque 
hiftoire, & qu'il aie delà nobleuc dans 
^'efprit Si. quelque droiture dans le cœur , 
on lui fufcite mille perfécutions. On vou- 
dra qu^fa pl>tfDe^{captÂv<£f (î eUe a'iCt 
pas vénale. » 

Ce ii'c(l point aQez pour un , Auteur 



Cooglc 



XI2 l>]éLAN£Ei. 

d'avoir effuyé toutei ces infultes ; ce n'efl: 
point aiTèz pour lui d'avoir été dans une 
mciuiétinlecontimieU* furie fuccès de fon 
ouvrage. Il voit le jour enfin, cet ouvra- 
ge qui lui a tant coûté. Il lui attire des 
querelles de toute parcs. Encore s'il pou-' 
voit efpèrer d'obtenir quelque conddéra- 
tionf Non. Il n'efl tout au plus , eftiiné 
que de ceux qui fe font appliqués au mê- 
me genre de Tclence que lui. £n(îniIfâDC 
joindre à une -réputation équivoqae 
la privation des plaifîrs & la perte de fa 
^ famé. 

Cependant il e(l plus heureux que ces 
hommes lâches , qui abandonnent leur 
foi pour une médiocre penfion ; qui > à 
prendre toutes leurs impostures en dé- 
tail , ne tïs vendent pis feulemtfoc une 
obole ; qui rcnverfént la coaftitution de 
TEmpire ; diminuent les droits d'une 
Fuiffance, augmente CeuS- d'une autre;' 
donnent aux Princes, âtent au peuple; 
flattent les paffions qui font en Crédit de 
leur temps , Se les vices qui font fur le 
thrône. 

D'une artaine Nation. 

Cette Nation toujours écfa^ufTée par 
être conduite plus àifément par fes paf- . 
iîons que par k raifoa, qui se produit 



.. Google 



MiiÀncts. itj 

jamais de grands effets fur l'érpric des 
hommes. Cette Nation aime prod^îeu- 
Jemeni fa liberté , parce que cette liber- 
. té eft vraie. Pour Ja défendre, elle facrifie- 
roit fon biet);, fon aifancej fes intérêts. 
Cbacun y fait plus de cas de (i liberté 
que de la gloire de quelques citoyens ,' 
ou d'un feul. Cette Nation fouveraine- 
ment jatoufe , s'afflige plus delà profpé- 
rite des autres , qu'elle ne jouic de la 
fienne. Elle n'eftime guéres que les hofti- 
fftesqui ont des qualités réelles , qui fine 
les richeflès & le mérite perfonnel. Elle 
}ouit d'un grand fuperflu, & cependant 
hs'chofes frivores y font profcrites, Com- 
ftié on y eft toujijurs occupe defes in-- 
térêb-, on n'y a point cette (loliteflè, 
q'ai -eft fondée fur l'oi'fîreté. Les femmes 
y font modefles, c'eft-à-dire, timides. 
Cétie timidité fait leur vertu , tandis 
qbe les hommes, fans galanterie, 'fejecr 
lïm dans -une débbuche qui 'leur laiBè 
toute leur liberté & leur loifir. La plû- 
llart awec de r«[pric j'.fbnt- toui'tnetiié»' 
parleur efprit même. Dans là dédafa 
ou le dégoût de toutes chofcs , ils font 
malheureux avec tant de fujets de ne 
l'être pas. 

Les Anglois font le peuple du moa^ 
de qui a le mieux fçn fe prévaloir à la 



LMii*»Googlc 



tf4 M£ tÂjrcBs. 

fois de ces trois grandes choies , la KeH- 

gtoa , le Commerce , & la libené. 

D'une certaine fociùé. 

Elle regarde le feul plaifir de corn- 
xnaoder , comme le ieul bien de la vie ; 
mais il fera toujours beau de gouverner 
les hommes , en les rendant plus heu- 
iflux. Il.ell' glorieux pour elle d'aroit 
été Î3. première qui aie montré daas lei 
contrées de l'^mériqae , l'idée da la Re- 
ligion joioce à celle de rfaumaaité. En 
reparant les dévaftacions des ElpagoolSf 
elleacommencé à giiérir une des gfan- 
def plaies qu'aie encorie reçues le, genre, 
hupain. Un fefjtiqncDt exquis pour tout 
ce qu'elles ap{)elle^ honneur , fpn zèie 
pour une Religion qui humilie bien plus 
ceux qui, l'écouieut que ceux qui la prê- 
chent , lui ont fait entreprendre de griin- 
desichqfes, &,elleya rpuflî. EJle a titré 
des boiis des peuples difperfési.elbî leur- 
a, donné une iabi^riaâçç . aflgréa ,». elle 
Jçs a vêcuï. 



D^ii...., Google 



CHAPITRE XXVIir. 

Remarques Hijîoriques. 

CArthage qui faifoic la guerre avec 
fon opulence contre la pauvreté 
! Romaine , avoit pour cela même du dé-! 
; favantage. L'or & l'argent s'épuifent;. 
mais la vertu, la confiance, la force 
: & la pauvreté Jie s'épuilenc iamais. Les. 
I Carthaginois avec un efpritnîercaDtils, 
' firent toujours la guerre fans l'aimer. 

Carthage périt , parce que , lorfqu'il; 

' fallut retrancher les abus , elle ne put 

foulTrir la mai a de Ton Annibal même. 

Athènes tomba, parce que fes erreurs 

parurent (ï douces , qu'elle ne voulut pas 

'■ ert guérir ; & parmi nous les Républiques 

' dlcalie qui fe vantent de la perpétuité do 

leur gouvernement , ne doivent Te vaoter 

que de la perpétuité de leitri abus. Le , 

I Gouvernement d'Angleterreefl plus faee, 

: parce qu'il y a un corps qui l'examme 

' concinuetlemenc & qui s'examîoe conci- 

; nuellemeut lui - mêpio ; & telles fonc 

fes erreurs qu'elles ne' font jamais Ion- , 
I gués, & que-par refprit d'attention qu'- 
elles donnent a la Nation, elIos'fQDC fou- 



D^ii...., Google 



g 



n6 Rbharqitbs 

vent atiles. En an mot , un Gouverne' 
meut libre , c'eft-à-dîre , toujours agité , 
ne fçauroit fie maintenir , s'il n'efl par fes 
propres loix capable de correâion. 

On ne peut jamais quitter r^^^oire des 
Romains ; comme encore aujourd'hui 
dans leur Capitale^ on laiffe les aoaveaux 
Palais pour aller chercher des ruines. Le 
Peuple Romain plus qu'un autre s'émou- 
voît par les fpeiflacles. Celui du corps 
fangUnt de Lucrèce Ht lînir la Royauté. 
Le débiceut qui parut fur la place cou- 
vert de plaies, fît changer la, forme de la 
République. La vue de Virginie (icchan- 
;er les Décemvirs. La robbe fanglaniede 
;éfar remit Rome dans la fervirude. 

Les premiers. Gouvernemens dujtion- 
de furent Monarchiques. Ce ne fut que 
par hazard & par ta fuccelHoa des fié- 
cles> quêtes Républiques fe formèrent. 

L'amour de la liberté , la haine des 
Rois conferva long -temps la Grèce dans 
riniilépendance, & étendit au loin le Gou- 
verhement Républicain. 

L'Afie & TAfrique ont toujours été 
accablées fous le Defpotifme , fï vous en 
exceptez quelques Villes d'Afie mineure 
Se la, République de Carthage en Afri- 
que, 

'L'Afie a été fubjuguée treize fois, on* 
ze fois pu les Peuples du Nord , deux 



. Google 



HlSTOBIQUBS. 117 

foU par ceux du Midi. Dans les temps re^ . 
eulésj les Scythes la conquirent nois fois; 
enfuite les Médes & les Ferfes chacun 
une ; les Grecs , les Arabes, les Mogois , 
les Turcs, les Tartares., tes Ferfans £c 
les Agaaps. 

En Europe on n'a vu depuis l'éiablif- 
fement des colonies Grecques 6c Phéni- 
ciennes que quatre grands changemens ; 
le premier caufé par les conquêies des 
Komains, le fécond par les inondations 
des Barbares, letroifiémeparlesvidoires 
de Charlemagne, & ledernier par les inva- 
fîons des Normands. On fçait ia difficul- 
té que les Komains trouvèrent à conqué- 
rir en Europe , & la facilité qu'ils eurent 
à envahir l'Afie. On connoit les peines que 
les peuples du Nord eurent à renverfer 
l'Empire Romain. Les deAruâeurs é- 
loient fans celTe détruits.. 

Les Tartares paroîflent entr'eux dour 
& humains ^ Si ils font des Conquérans 
très-cruels : ils palTeot au fil de l'épée les 
habîtans des Villes qu'ils prennent. Cet 
horrible droit des gens vîenc de ce que 
n'ayant point eux-mêmes de ViUes, ni 
aucun art pour les afliéger , ils s'expo- 
foient beaucoup en les affiégeaut, Ilsven- 
eeoient donc par le fang tout celui qu'ils 
venoient de répandre, 

Les Fartbes ne purent fu^rter Mi". 

Pjii.t..Googlc 



2i8 Kbharqvbs 

thridate, c^i ayatiEécéélevéàRome, Te 
rendît a(&ble & acceinble à tout le moa-r 
de. La liberté même a paru infupporca- 
ble à dés peuples qui n'étoieut pas accou- 
luméiàeQ jouïr. C'eft ainG qu un air pur 
ed quelquefois nuifible à ceux qui oncvér 
eu dans des pays marécageux. 

A Sparte une des principales peines fut 
de ne pouvoir prêter fa femme à un au-> 
tre , ni recevoir celle d'un autre ; de n'ê- 
tre jamais dans fa mallbn qu'avec des 
vierges. Tout ce que la loi appelle une 
peine, eft efièâivement une peme. 

A Rome il fut permis au mari de prê- 
ter fa femme à un autre. Caton prêta fa 
femme à Hortenfîus , & Caton n'étoit 
point homme à violer lesloix de Ton pays. 
Cétoituneloi politique établie pour don- 
ner à ta République des enÊtns d'une lK>n? 
ne efpèce > fi l'on peut fe (êrvir de ce te» 
me. 

A Athènes & à Rome , en établilTaac 
lafrcgalité domeflique, on a voit ouvert 
la porte aux dépenfes publiques ; & com- 
me la Rel^ioQ demande qu'on ait les 
mains pures, pour faire des offraodesaux 
Dieux; lesloix voulaient des mœurs fm- 
galet , pour que Tpn pût donner à fa pa- 
trie. 

L^es Samnites avoient une coutume qui 
4evoii produire d'adtniiables effets, Oa 



HlSTOHIQlTKS. JIIJ . 

afTemblioit tous les jennes gens , & on les 
jugeoit. Celui qui écok déclaré le meiU 
lear de tous, prenoîc pour fa femme la 
fîlte qu'il vouloir; cehii qui avoîc les fuf- 
frages après lui choinObic encore > Se 
ainlidefaiie.Oanetegardoit entre les biens 
desgar^oDs, que les oelles qualités Sz les 
liervices rendues à la patrie. L'amour, la 
beauté , la chafteté , la vertu , ta naiOan- 
ce > les richefles même ; tout cela étoic , 
pour ainft dire , la dot de la vertu. 

Sous le régne de- S. Louis , on ne pou- 
voir pas coucher enf^mble la premier 
te nuit des noces , ni même les deux fui- 
vantes, fans en avoir acheté la permiflîoa 
des Evêques. C'étoit bien ces trois nuits- 
là qu'ilfalloitchoifirj car pour les autres 
on u'auroit pas donné beaucoup d'argent. 

Aridippe ayant fait naufrage, nagez 
& abordaau rivage prochain. Il vit qu'on 
Bvoit tracé fur le fable des figures de 
géométrie : il fe femit ému de joie , 
jugeant qu'il étoii arrivé chez un peuple 
Grec , Je non pas chez un peuple bar- 
bare. Soyez feul , Se ariivé par quel- 
que accident chiz un peuple inconnu ; 
il vous y voyez une pièce de monnoie, 
coînptez que vous êtes arrivé chez une 
îfation policée. 

On a vu le commerce fortir du feindc 
la yCTUÙotf & dudéfefpoir, I<es Juiâ 
Tij 

. . Google 



^2D RbhARQVSS 

profcrifs cour-à-tour de chaque pays, 
crouverenc le moyen de fauver leurs çf- 
iets. Ils inventèrent les lettres dechaogc, 
& par ce moyen le commerce put élu- 
der Ja violence & fe maintenir par-tout, 
le négociant le plus riche n'ayuit que 
des biens inviGbles qui pouvoienc être 
covoyés par-tout , & ne laifloiem de tra- 
ce nulle part. 

. Les Juifs enrichît par leurs exac- 
tions , furent pillés par les Princes avec 
la même tyrannie. Un Juif à qui on ar- 
racha fcpi depts , uoe chaque jour, don- 
na dix mille marcs d'argent à la hui- 
tième. C'ed aiufi que Jean, Roi d'AnT 
gteterre , fairoit fa chambre de Juftice. 
Combieu ne s'eft-on pas joué de cette 
Nation d'yn fiéclç à l'autre ? On confif- 
quoic leurs biens , lorfqu'ils voaloienc 
être. Chrétiens ; & bientôt après on les 
6c brûler , parce qu'ils ne voulureôt pas 
l'être. 

L'biftoire de Sabbacout un des Rois 
Fadeurs , e(l admirable. Le Dieu dt 
Xbébes lui apparut en fooge , & lui or- 
donna de faire mourir tous les Prêtres 
d'Egypte. Il jugea queles Dieux n'avoient 
plus pour agréable qu'il régnât , poif- 
qu'ils lui oraoonoteiit des cbofes lî con- 
traires à leur volonté ordinaire , & il fe 
«îira en Ethioipiç^ 



Djii..... Google 



tilStORIQVES. m 

Après la S. Banhelemii Gh;^Ies IX 
ayant écrit à toas les Gouverneurs de fù* 
ré maflacrer les Huguenots, le Vicomce 
JOorte qui commandoit dans Bayonne , 
^rivjt au Roi: » Sire, je n'ai trouvé 
» parmi les habicans & les gens de guer- 
û re , que de bons citoyens , debraves 
39 foldats , êc pas un bourreau : aîntî 
3* eux & moi fupplîons Votre Majefté 
s> d'employer nos bras & nos vies à chofej' 
» faîfables. » Ce grand & généreux cou- 
rage regardoit une lâcheté comme une 
^ofe impoflîble. 

Le plus beau Traité de Paix eft celui 
que GeloQ fit avec les Carthaginois. Il 
voulut qu'ils aboliOènt 1a coutume d'im- 
moler leurs eofans. Après avoir défait 
trois cens mille Carthaginois , il exigeoic- 
une condition qui n'écoit utile qu'à eux ; 
ou plutôt il fUpuloic pour la nature hu- 
maine. 

Lopès de Gama dit que les Efpagnol* 
trouvèrent près de Sainte Marthe, des, 
paniers oii les Habîtans avoietlt dés den- 
fées; c'étoient des cancres-, des cigales, 
des fauterelles. Les vainqueurs en Jîrenc 
un crime aux vaincus. L'Auteur avoue 
que c'eft là-dcflTus qu'on fonda le droic 
qui rendoit les Américains efcUves des ' 
Érpagnols , outre qu'ils fumoient du la- 
Tiij 



D.5.i.i=t; ^ Google 



211 Remarquas 

bac & qu'ils ne fe faifoieRi pas la barbe à 

l'EfpagnoIe. 

Les femmes de l'Amérique fe faifoienc 
avorter, pour que leurs enfans n'eufTent 
pas des maîtres suffi cruels. I^ doieté 
du Gouvernement peut aller julqu'à dé- 
truire les fentimens naturels , par tes fen- 
timens naturels mêmes. 

Un ancien ufage des Komains défendit 
de faire mourir les Biles qui n'écoiencpas 
nubiles. Tibère trouva l'expédient de les 
laire violer par le bourreau , avanc de les 
envoyer au uipplice. Tyran fubiil &. cruel, 
il détruifoit les mœurs, pour cooferver 
tes coutumes. 
., L'Hifloire dit que les horribles cruau* 
tés de Domitien effrayèrent les Gouver-^ 
juurs, au point que le Peuple fe rétablit 
un peu fous fon règne. C'elï aind qu'^m 
torrent qui ravage tout d'un côté, laiOè 
de l'autre des campagnes où l'ceil voit 
de loin quelques prairies. 

Juftinien avoit pris fur le Théâtre une 
femme qui s'y étoit long temps profil-. 
tuée. Elle le gouverna avec un empire 
qui n'a point d'exemple dans les hiCloires,. 
& mettant fans celle dans les affaires les 
paflîons & les fancailîes de fun fexe , elle 
corrompit les victoires & les fuccès les 
plus heureux. 

M Nos Anciens, dit un Empereur Où- 



D^ii...., Google 



■ Historiques. 2ij 

ytnoljf tenotenc pour maxime, que s'il 
» y avoic un homme qui ne labourât 
3> point: , ou une ^femme qui ne s'occupât 
» poinc, quelqu'un, fouffroît le froid on 
x> I2 faim dans l'Empire ; » 8c fur ce 
principe il fie détruire une infinité de Mo- 
nailères de Bonzes, 

Henri VIII voalanr réformer l'Eglifc 
en Angleterre, décruific les Moines, 
Nation parefleufe elie-mème , ôcquien- 
creEenoît la parelTe des autres ; parce 
qoe praciquani t'hofpicatité, une infinité 
de gens oififs, Gentils hommes & Bout- 
geois palToient leur vie à courir de Cou- 
vent en Couvent. Il ôca encore les Hôpi- 
taux où le bas Peuple irouvoic fa fubftan- 
ce, comme les Gentilshommes irou- 
voient la leur dans les Monaftères, De- 
puis ces chaogsmens, refprît de coni> 
merce & d'indullrie s'établit en Angle- 
terre. 

A Rome , les Hôpitaux font que tout 
le monde elt à fon atfe , excepté ceux 
qui travaillent, excepté ceux qui ont de 
l'induftrie, excepté ceux qui cultivent les 
atts, excepté ceux qui ont des terres, 
excepté ceux qui font le commerce. 
- - Quand le Kan de Tartarie a diné , en 
Hérault crie, que tous les Princes de la 
terre peuvent aller diner, fî bon leur 
fembie ; 6c ce barbare qui ne mange que 
Tiv 

D^ii.t..,Go'oglc 



224 Remarques 

du lait, qui n'a pas de mailbn, qaîne 

vit que de brigandages, regarde tous les 

Bois du moDoe comme fes efclaves , & 

les infulce régulièrement deux fois par 

)our. 

L'Empereur de la Chine eft informé 
chaque année du Laboureur qui s'eft le 
plus diflingué dans faprofefTion, illefâit 
s,i\1andarin du huitième ordre. Dans la 
Midi de l'Europe , où les Peuples font fi 
fore frappés par le point d'honneur, il 
feroit bon de donner des prix aux Labou- 
leurs qui amoienc le mieux cultivé leur 
champ, ou aux ouvriers qui aoroJent 
porté plus loin leurinduftrie. 

Au Tonquin, les Eunuques ne peu- 
vent &. pafler de femmes, & ils fe ma- 
rient. La toi qui leur permet le mariage 
ne peut être fondée d'un côté que fur la 
considération que l'on y a pour de pa- 
reilles gens> & de l'autre fur le mépris 
qu'on y a pour les femmes. C'eft alors 
que les fens qui relient , veulent oblliné-^ 
ment fuppléer à ceux que l'on a perdus ; 
& que les entreprîfes du défefpoir font 
une efpèce de jouifTance. AinG dans 
Milcon cet efprit à qui il ne refle que des 
delirs , péaétré de fa dégradation , veut 
faire ufage de fon impuilTance même. 

On ne voit point dans les hîAoires que 
lei Komains le filTent mourir ians fujet. 



D.5.i.i=t; ^ Google 



Historiques. 21$ 

mais les Angtois fe tuenc dans le fein 
même du bonheur. Cette aâïon chez 
les Romains étok l'efïèt de réducacion ; 
chez les Ânglois » elle eft l'efTec d'une 
maladie. La douleur efl un mal local 
qui nous porce au dedr de voie cefler cet- 
te douleur ; le poids de la vie eft un mal 
qui n'a point de lieu particulier , & qui 
nous porte au defir de voir finir cette vie. 

C'ell une bonne coutume des Mal- 
dives, que , lorfqu'un Seigneur eA dif*- 
gracié,. il va tous les jours faire fa cour 
au Roi , jufqu'à ce qu'il rentre engra' 
ce : fa préfence défarme le courroui du 
Prince. 

Charles XII étajit à Bender , trouf 
vant quelque réfiflance dans le Sénat dp 
Suéde , écrivit qu'il leur enverroit une 
de fes bottes pour les commander. Cet* 
te botte auroit gouverné comme un Roi 
Defpotique. 

Dansle temps des Croifades, unCom- 
le François alla fe mettre fur le Thrône 
de l'Empereur ; le Comte Baudouin le 
tira par le bras, & lui dit : Vousdevez 
fçavoir que quand on efl dans un pays , 
il en faut fuivre les ufages. Vraiment, 
voilà un beau payfan , répondit •il, de 
s'affeoir ici , tandis que tant de Capitai- 
nes font debout. , 

Les François ont été chapes neuf fuis de 



.i.i=t. ... Google 



^i6 Remarques 

l'Italie, àcEinre, dirent les HiftonenSf 
de leur infolence à l'égard des femmes 
êc des filles. 

Soixante - dix perfonnes coafpirerenc 
contre l'Empereur Bafile ; il les Ht fulli> 
ger , on leur brûla les cheveux & le poil. 
Un cerf l'ayant pris par la, ceinture , 
quelqu'un de fa fuite tîra Ton épée , cou- 
pa la ceinture , & le délivra : il lui tït 
trancher la tête , parce , difoit • il , qu'il 
avott ciré l'on épée contre lui. Qui pour- 
roit penler que fous le même Prince oa 
eât rendu- ces deux jugemens ? 

Les Empereurs TA^o(/o/c, Arcaiius&' 
Honorius écrivirent à Ku^R| Préfet d a 
Prétoire : « S! quelqu'un [larle mal de 
3» notre perfonne , ou de notre gouver- 
» nemeut , nou^ ne voulons point le pa- 
9» nir : s'il a parlé par t^éreie , il faut le 
M méprifer; (î c'ed par folie, il faut le 
» plaindre; lî c'ell une injure, jt faut 
» lui pardonner. 

Une loi des Empereurs { Gratien , 
Valtntinien &- Tkéodoji] pourfuivoitconv 
me facriléges , ceux qui mettoienc en 
queflion le jugement du Prince , &dou- 
toient du mérite de ceux qu'il avoît choî- 
lis pour quelque emploi. Ce furent bien 
le cabinet Ôc les favoris qui établirent ce 
crime. 

Les loix de la Chine décident que 



.i.i=t; ^ Google 



HlJTORIQUES. «;!• 

quiconque manque de te(peâ à l'Empe- 
reur, aoù être puni de mort. Deuxper- 
fonnes chargées de faire la gazçcte de la'^ 
Cour, ayant mis dans quelque fait des 
circonftances qui ne fe trouverenc pas 
vraies , on die que mentir dans une ga- 
zette de la Cour , c'étoît manquer de 
reljpeâ à la Cour; & on les fit mourir. 
L'Empereur Theodofe Lafcaris attti- 
buoit fa maladteàla magie. Ceux qui en 
çtoieuc accufés n'avoiem d'autre relfouf' 
ce que de manier un fer chaud fans fe 
brûler. Il eût été bon chez les Grecs 
d'être magicien , pour fe juftiBer de la 
magie. 

- Une Loi d'Angleterre paflce fous Hen.' 
ri VIII, déclaroit coupables de haute 
trahifon tous ceux qui prédïroient la more 
du Roi. Dans la dernière maladie, les 
Médecins n'oferenc jamais dire qu'il fiît 
en danger, & ils agirent fans doute en 
conféquence. 

L'Empereur Tkéodofe fie pafTer au fil 
de l'épée tous les Habiians d'une Ville, 
même Us femmes & les petits enfans: 
i'étant enfuiie préfemé pour entrer dans 
une Eglife, l'Evêque Ambroife lui fie 
fermer les portes, comme à un meurtrier 
& à un facrilége ; Se en cela il fit une ac- 
tion héroïque. Cet Empereur ayant en- 
fuite fait la pénitence qu'un tel crime 



D^ii...., Google 



éx'iseoK, ayant été admis dans l'Eglife^ 
s'alk placer parmi les Prêtres : le même 
£vêque l'en m fortir ; & en cela il eom- 
iliit l'adion d'un fanatique. & d'un fou : 
tant il eft vrai que l'on doit fe défier de 
fon zélé. 

Comme dans Itf temps que l'Empire 
Romain s'aiFoibliflbit, la Religion Chré- 
tienne s'établifToit ; les Chrétiens repro- 
Choient aux Païens cette décadence , & 
ceux-ci en demandoient compte à la Re- 
ligion Chrétienne : & comme autrefois 
dans Rome HorilTante on attribuoic les 
débordemens du Tibre & les autres éfïêts 
delà nature à la colère des Dieux; de 
même dans Rome mourante on imputoit 
les malheurs à un nouveau culte , & au 
renverfement des anciens autels. 

Des feâes de Fhilofophte introduilî- 
zent dans l'Empire Romain un efprit d'é- 
'loignemenc pour les aiTaires , pour les 
foins & les embarras d'une famille. La' 
Religion Chrétienne venant après la Phi- 
lofophie, fixa , pour ainfi dire, des idées 
que celle-ci n'avoit fait que préparer. Le 
Chriilianifme donna fon caraâère à la 
Jurifprudence : car l'Empire a toujours 
du rapport avec le Sacerdoce. 

Les changemens de Constantin furent 
faits fur des idées qui fe rapponoient à 
Pétabtiirement du CbriflianJUne > ou fur 



H 1 5 T O R T Q U B s. ^2f 

4cs idées prifes de la perfeâipo. Oa nç . 
cenà de prêcher par-tout la continence, 
c'ell'à-dire , cette vertu qui eft plus par- 
faite^ parce que par fa nature elle doit 
être pratiquée par très - peu de gens. I^a 
çaémç raifoo de rpirituafité qui avoit faïc 
permettre le célibat , impofa bientôt la 
nécefljté du célibat même. 
.. La fource la plus empoifonnée de tous 
les mallieurs des Grecs, c'eft qu'ils ne 
connurent jamais la nature ni les bornes 
de la puifTacce eccléTialltqiie & de la fé- 
culiere ; ce qui fît que l'on tomba de part 
^ d'autre dans des égaremens continuels. 
Cette grande diilindion qui eft la bafe 
fur laquelle pofe la tranquillicé des Feu- 
pies , eft fondée non - feulement fur I^ 
Religion , mais encore fur la raifon & la. 
oature qui veulent que des chofes réelle- 
menc féparées, & qui ne peuvent fublîf- 
ter que féparées , ne foient jamais con- 
fondues. 

Quand on penfe à l'ignorance profon- 
de dans laquelle le Clergé Grec plongea 
les Laïques, oti ne peut s'empêcher de 
les comparer à ces Scythes dont parle 
Hérodote, quicrêvoieni les yeux à leurs 
efclaves, afîn que rien ne pût les ditlraire, 
lorfqu'ils baitoicnt leur lait. 

Les Evêques eufenc upe autorité im'* 
^çnfe à l^Cour des Rois ^Tilî^otlis : |ef 



.i.i=t; .., Google 



)2;0 . KbHARQUES 

afraîres les plus importantes écoieoc dé- 
cidées dans les Conciles, Nous devons 
30 code des Wifigaths tous les principes 
de rinquifirion d'aujourd'hui , 6c les 
Moines o'onE fait que Copier contre les 
Juifs des loîx .faites autrefois par les 
Evêques. 

Le droit Romain fut retenu chez ïet 
Francs par les EccléiîaAiques , parce 
qu'ils n'avoient point d'intérêt à changer, 
& il leur convenoit d'ailleurs , parce qu'Û 
çtoit l'ouvrage des Empereurs Chrétiens. 

Les luix de S. Louis changèrent moins 
la jurifprudence Françoife , qu'elles ne 
donnèrent des moyens pour la changer. 
Elles ouvrit de nouveaux tribunaux; A: 
quand on put parvenir aifément àcelui 
qui avoit une autorité générale » les jn- 

{[emeas qui auparavant ne fatfoient que 
es ufages d'une Seigneurie particulière» 
formèrent une jurifprudence uBiverfelle. 
Ain(i les étahlijfemens qui étoient d'abord 
un code amphibie oîi l'on avoit mêlé la 
Jurifprudence Françoife avec la loi Ro- 
maine, eurent des effets qu'on n'auroic 
fias dû attendre du chef- d'œuvre de la 
égiHation. Le Parlement jugea en der- 
hier reflfort de prefque toutes les affaires 
du Royaume. AuparavaBt il ne jugeoit 
que de celles qui ctoient entre les Ducs, 
CtiAices, Barons, Evê^ues, Abbés, ou 



HiSTORIQUBS. ^31 

entre le Roi & (ci Vaflaux , ptucôc dans 
le rapport qu'elles avoïent avec l'ordre 
politique , qu'avec l'ordre civil. Bientôt 
on fut obligé de le rendre fédemaire » au 
lieu qu'il ne fe tenoit qu'une fois par an ; 
A: enËD on ep créa plufieurs, pour qu'ils 
puiTent fuJÎire à toutes les aSàires. 

Comme la jurifdidlion eccléfîadiqae 
avoit énervé la junfdiiflion des Seigneurs, 
& contribué à donner par-là des forces 
à la jurifdiâîon royale ; la jurirdîAioo 
royale reflraignit peu-à-peu la jurïf- 
diâion eccléfiaftique , & celle-ci recula 
devant la première. Le Parlement qui 
avoit pris dans fa forme de procéder , 
tout ce qu'il y avoit de bon êc d'utile 
dans celle des tribunaux des clercs , ne 
vit bientôt plus que les abus ; & la jurif- 
diâion royale fe fortifiant tous les jours , 
elle fut toujours plus en état de corriger 
ces mêmes abus. 

On peut juger par le Glence du Cler- 
gé, qu'il alla lui-même au-devant de la 
corredion ; ce qui , vu la nature de l'ef* 
prit humain, mérite des louanges. 

ï> Notre Éfc ell devenu pauvre, ( di- 
foît Chilperic, petit-fib de Clovis] te 
M nos ticheiïes ont été tranfportées au¥ 
» Eglilei ; il n'y a plus que les Evêques 
» qui régnent ; ils {ont dans la grandeur^ 
V êi nous n'y fommes plus, k 



D^ii...., Google 



Vs* -Rbmarqcbs 

' Alors les Maires dépouillèrent I« 
'Eglifes. PepÎD entra en Neuftrie , ioai 
"prétexte qu'il y avoic été invité par les 
ïccléfialliques , pour arrêter les entrer 
prifes des Maires qui privoient l'Eglife 
de tous fes biens. Ces Pépins dont les 
Moines vantèrent la dévotion & la libé- 
ralité, avoient occupé eux - mêmes les 
premières places de l'Eglife. » Un cor- 
» beau ne crève pas les yeux à un cor- 
»beau, «dlfoitChilperic aux Evêques. 

■pepin fe rendit maître de la Monar- 
cliie , en protégeant le Clergé ; Charles 
Martel fon fils , ne put Te maintenir qu'en 
l'opprimant. Il prit pour lui & pour fes 
Capitaines les biens des Eglifts, & les 
Eglifes mêmes , & fit ceffer un mal qui , 
à la différence des maux ordinaires, étôit 
d'autant plus facile à guérir, qu'il étoit 
extfême. 

Comme Charles Martel avoit trouvé 
le patrimoine public entre les maîns des 
Èccléfiaftiques , Charlemagne trouva les 
biens des Eccléfiaftiques entré les mains 
des gens de guerre. On ne pouvoir fiiire 
leftituer à ceux-ci ce qu'on leur avoit 
donné. D'un autre cô^é le Chriftianifine 
ne devoir pas périr faute de Mîniftres, 
de Temples & d'inftrudlioo. Cela fit que 
Ckarkmagne établit les dixmes, nouveau 
genre de bien qui eut cet avantage pour- 



. Google 



Historiques. ajj 

le Clergé, qu'étant fînguliérentent don- 
né à l'Eglife , il fuc plus aifé dans la fuke 
d'en reconnoître les ufurpations. 

Le Clergé recevant des mains des 
riches & des pauvres, a cane acquis, 
qu'il faut que datis les crois races de 
nos Rois, on lui aie donné plufieurs 
fois cous les biens du Royaume. Le 
Clergé a toujours acquis , il a toujours 
rendu, Çz il acquiert encore. 

Il y a deux fiécles qu'une maladie in- 
connue à nos pères, paUà du nouveau 
monde dans celui-ci, 8c vinc attaquer 
la nature humaine jufques dans la four- 
ce de la vie & des plaiflrs. On vit la 
plupart des grandes familles de l'Euro- 
pe périr par un mal qui devine trop 
commun pour être honteux, & ne fuc 
plus que funefte.' Ce fut la foif d« Tôt 
qui perpétua cette maladie ; on allafans 
cefTe en Amérique, & on en rapporta 
toujours de nouveaux levains. 

La fortune de la Maifon d'Autriche 
fut prodigieufe. Charles-Quinc recueil- 
lit la fuccellion de Bourg<^ne , de Caf- 
tille Si. d'Arragoti: il parvint à l'Empi- 
re; & pour lui procurer un nouveau 
genre de grandeur, l'Univers s'ciendic, 
& l'on vit paroître un monde nouveau 
fous fon obéiflànce. 

Beaucoup de gens déplorent l'aveugle- 

D^I;.t..,GOOglC 



1I4 ReuakqU'BS 

ment du Confeil.de François I , quï 
rebuta Crijîophe Colomb qui lui propo- 
foit les Indes. On fit peut-être par im- 
prudence une chofe bien fage. L'Efpa- 
gne a fait compte ce Roi infenfé, qui 
demanda que tout ce qu'il toucheroic 
ie convertit en or, £c qui fut oblfgé de 
demander aux Dieux définir fa milère. 

Qui ne feroit étonné de voir Grégoi- 
re de TouTf qui, après avoir parlé des 
afTaÛtnats de Clovis, dit que cependant 
Dieu proilernoic tous les jours fes en- 
nemis , -parce qu'il marchoit dans fes 
voies? Que fuppofe la flatterie, que 
la foibleÂe de celui qai eft obligé de 
flatter? 

11 y a loDg-temps que les Chrétien» 
affranchirent tous les efclaves de leurs 
ïltats, parce, difoient-ils, que le Chrif- 
tianifme rend tous les hommes égaux. 
Jl ell vrai que cec fufle de Religion leur 
étoit très-utile, parce qu'ils^ abbaiObienc 
par- là les Seigneurs de la puiffance def- 
quels ils retiroîentle bas peuple. Us ont 
enfuite fait des conquêtes dans des pays 
où ils ont vu qu'il leur étoît avanc^eux 
d'avoir des efclaves : ils opt permis d'en 
acheter £ç. d'en vendre, oubliant ce 
principe de Ketïgion qui les touchoîc 
tant : vérité daps un temps, erreur dacis 
^ autre. 



D^ii...., Google 



HiStORiQUÉ*. âJÎ 

Avant l'abbaiiTemencde la puilTaace 
d'Efpagne, les Catholiques étoient beau- 
coup plus forts que les Proteftans. Ces 
derniers font peu-à-peu parvenus à un: 
équilibre ; & aujourd'hui la balance com- 
mence à remporter de leur, côté: cette 
fupérîorité augmentera tous les jours ; 
les Froteftans deviendront plus riches Se 
plus putÛans, & les Catholiques plus 
foibles, 

I*j Pays Protçftans doivent être Si 
foot réellement plus peuplés que les 
Catholiques ; d'o^ il fuit que les tributs 
y font plus confidérables , que les ter- 
res y font mieux cultivées, enfin que 
le commerce y fleurit davantage, parcs 
qu'il y a plus de gens qui ont une for- 
tune à faire , & qu'avec plus de be- 
foins, on y a plus de leflburces pont 
les remplir. 

Les : Politiques Grecs qui vivoient 
dans le gouvernemenc populaire, ne re* 
connoiâoient d'autre force qui pûc les 
foutenir , que celle de la vertu. , Ceux 
d'aujourd'hui ne Qous parlent que do 
tDanufaâarest de commerce, de flnan* 
ces, de richeflès & de luxe même^ 

Les Loix Grecques Se Romaines pu' 

niflbient le receleur du vol comme le vo-' 

-leur; la Loi Ftançoife. fait de même. 

Celles-là étoient raifooaablei» ceUe-fi 

Vij 

D^ii...., Google 



Ajfi Bbmarqubs' 

ne l'efl pas. Chez les Grecs & chez les 
Romains, le voleur étoic condamné à 
une peine pécuniaire , il falloic pa- 
nir le receleur de la même peine; 
car tout ce qui contribue de quelque 
façon que ce Toit à un dommage^ doit 
le réparer. Mais parmi nous la peine 
. du vol étant capitale» on n'a pas pu, 
iaos outrer les chofes, punir le rece- 
leur > comme le voleur. 

La lot de Holon , qui déclaroït infô* 
mes tous ceux qui dans une fédition ne 
prendroient aucun parti , a paru bien 
extraordinaire. Mais il faut faire atten- 
tion aux ciiconflances dans lefquelles la 
Grèce fe trouvoic pour lors. Elle étoit 
partagée en de très-petits Etats. Il étoit à 
craindre que dans une République tra- 
vattlée par des difculHons civiles, les 
gens les -plus prudens ne fe minent à 
couvert, 6c que par-là lés chofes ne fuf- 
feni portées iVextièmîté. 

Quand la Sagefîe divine dît au peu- 
ple Juif: n Je vous ai donné des pré- 
Mceptes qui ne font pas bons; « cela 
lignifie qu'ilf n'avoîent qu'une bonté re- 
lative ; ce qui eft l'éponge de toutes les 
difficultés que l'on peut faire fur les 
Idîx de Moïfe. 

» Quand ton irere, ou ton fîls, oa. 
,jta femme bïen-ainiée, <m ton i&ari 



.i.i=t; .., Google 



Historiques. i\j 

,, qui eft comme ion aine> diront en, 
,, fecret: Allons à d'autres Dieux j la 
»> les lapideras. Cecte loi du Lévitlqu^ 
ne peut être une Loi Civile chez U 
plupart des^Peuptesque nou^ copnoilTotiSK 

{>arce qu'elle y duviicoit laporteàtOu» 
es crimes. 

La preuve par le combat finguli'er, 
uGtée parmi nos Pères , a. voit quelque rai- 
fonfondéeTur l'expérience. Dans une Nan 
tion uniquementguerriere, Iapolcroaeri0 
fuppofè d'autres vices. Elle prouve qu'oq 
a réliflé à l'éducation qu'on a reçue; elle 
fait voir qu'on ne craint pas le mépris des 
hommes > & qu'on ne fait point de cas , 
de leur ellime : pour peu qu'on foit bien 
ué , on n'y manquera pas de l'adieûe qui 
doit s'allier avec la force, ni de la force 
qui doit concourir avec le courage. Dans 
une Nation guerrière , où U force , le 
courage & la prouelTe iont en honneur» 
les crimes véritablement odieux font ceux 
qui nailTent de. la fourberie, de la finelTe 
Sx. de la rufe) c'eft-à-dire» de la poltio- 
nerie. 

. Quant il la preuve par le feu , après 
que raccufé avoic mis la main fur un 
fer cbaifd % ou^ans l'eau bouillante, on 
eoveloppoii la main dans un lac que l'oii 
cachetott : fi trois jours apr^i .il ne pa* 
{oiiibit pas i^e; marque de biulure, on 



D.5.i.i=t; 1, Google 



A)8 Rbharqubs 

étoit déclaré innoceac. Qui ne voit que 
chez un peuple eitercé à manier des 
armes > la peau rude & calteufe ne dé- 
voie pas recevoir aflez i'impretlioR du 
Set chaud ou de l'eau bouillante , pour 
qu'il y parÛE -trois jours après ? £c s'il 
y paroiuoît , c'écoic une marque que ce* 
lui qui falfoit l'épreuve > écoic elfémlné. 
Or dans les circoottances des temps oà 
ces fortes de preuves étoient en ulage, 
il y eut un tel accord de ces loix avec 
les mœurs , que ces lois produilîreDC 
moins d'iajuftices , qu'elles ne furent in* 
juftes. 

Il y a à préfeiit dans le monde ane 
République qui dans le fecrec At dans 
le lîlence augmente fes forces chaque 
}our. Si elle parvient jamais à l'état de 
grandeur où fa fageOe la delline ^ elle 
changera néceflâirement fes Loix , & ce 
ne fera point l'ouvrage d'un Légiilaceurt 
mais ceîui de la corruption même. 

On dît qu'il y a un Prince dans le 
monde qui travaille à abolir dans fes Etats 
le Gouvernement Civii, pour y établir 
le Gouvernement Militaire. Sans faire 
des réflexions odieufes fur ce delTein, on 
peut dire feulement, que par la- nature 
des chofes, deux cent Gardes peuvent 
mettre la vie d'un Prince en fureté, So 
non pas quatre-vingt milles outie^i^ao 



D^ii...., Google 



HlSTOSJQUfiS. JJ9 

Peuple armé e/l plusdangéreufementop 
prlmé^ (^u'un Peuple qui ne l'eft pas. 

Le Koi de France efl le plus puilTant. 
Prince de l'Europe. II n'a point démi- 
nes d'or comme iq Roi d'Kfpagiie fon 
Voifin ; mais il a plus de fichefies qiie 
lui , parce qu'il les tire de lavanîiédo 
fes fujets , plus inépuifable que les mines* 

Une maladie nouvelle s'eft répandue 
en Europe. Elle a faifi les Princes Se 
leur fait entretenir un nombre dérordon- 
aé de troupes. Elle a fès redoublemens, 
& elle devient nécclTairemenc concagieu- 
fe. Car fitôt qu'un Kcac augmente ce 

3u'il appelle fes troupes , les autres fou- 
aia augmentent les leurs, de façon 
qu'on ne gagne rien par -là que la ruine 
commune; oc on nomme paix, cet étac 
d'effort de tous contre tous. Nous fom- 
,mes pauvres avec les lichefTes & le com- 
merce de tout l'Univers ; Sq bientôt à 
force d'avoir des foldats^ nous n'aurons 
plus que des foldats. 

Chez lies Gerrûaim il y avoit des Vaf- 
faux , & non pas des Fiefs. Il n'y avoîc 
point de Visa, parce que les Princes 
n'avoient point de terres à donner. .11 j 
avoîc des vaJTaux , parce qu'il y avoic 
des hommes fidèles , liés par leurs pa- 
role & engagés pour laguerre 

Il n'efl: pas Yfai que les Francs entrant 



D^ii...., Google 



^40 RbU AEQUE S 

dans la Gaule aienc occuf^c tontes les 
Tprres du Pays pour en faire des Fiefi. 
Si toutes les Terres du Royaume avoïenc 
ét^ des Fiefs^ & cous les hommes da 
Royaume desYaHaux ou des Serfs ; com- 
me celui qui a les bieos a toujours auffi 
la puiÛânce , le Roi ànroic eu une puif- 
fance aufH arbitraire que celle du Sultan 
l'eft en Turquie. 

Des Peuples Timplés , pauvtes, libres, 

fuerriers ( ttls que Us Germains &■ lu 
rancs) qui vivolenc fans iadutlne & ne 
tenoient à leurs terres, que par des cafés 
de jonc, fuivoîent des Chefs pour faire 
du butin , & non pas pour payer ou le- 
ver des tributs. L'art de la malcoce eft 
toujours inventé après coup, & lorfque 
les hommes commencent a jouïr de lï 
félicité des autres arts. Si les Tattares 
inondoienc aujourd'hui l'Europe, il feu- 
droit bien des affaires, avant de leur 
faire entendre ce que c'ell qu'un Finan- 
cier parmi nous. 

Il ne faut pas croire que les droits dont 
les Seigneurs jouïCToîeni autrefois, $c 
dont ils ne jouiiTent plus aujourd'hui, 
leur ayem été ôcés comme des ufurpa- 
tions. Plufieurs de ces droits ont été per- 
dus' par négligence Se d'autres ont été 
abandonnés , parce que divers change- 
meos s'étaat introduits dans Je cours de 
plufieurs 

' o„„....Googlc 



Historiques. 34^ 

ptufieon Hécles , il ne. pouvoît' foblifler 
avec ces changement. 
. C'eft un beau Cpeâzc\c que celui des 
loix. féodales. Un chêne ancique s'étéve ^ 
l'œil en voit de lojn les feuillages- ; il 
approche, il en voÎCfU lige; mais il 
à.en apperçoic point les racines : il iauç 
percer la terre pour les trouver. 

Les loix féodales onc fait des biens 
& des maux infinis. Elles onc'laiSe des 
droits t quand on a cédé le Domaine ; 
elles ont pofé la régie avec une inclinair 
ion à l'Anarchie, & l'Anarchie avec une 
tendance à l'ordre & à l'harmonie. 
'. 11 n'y a que quatre ou cinq fiécles 
qu'un Roi de F^rance prie d^s Gardes , 
contre Vufage de ces temps - là pour fç 
garantir des afTafTms qu'un petit Prince 
3'Afie avoic envoyé pour le faire périr. 
Jufques-là les Rois avoienc vécu tran- 
quilles au milieu de leurs fujets, com- 
me des pères au milieu de leurs eofans. 

Les Anglois difem qu'un de leurs Roi* 

?oi avoit vaincu & pris . prifonnier ua 
rince qui s'étoît tNolté > & lui dif- 
putotc la Couronne^ ayant voulu lui 
reprocher Ebn infidélité âç fa perfidie : 
U n'y a qu'on moment / dit le Prince 
infortuné, qu'il vient d'être décidé Iç- 
qiielde nous deux eitle traîtrei 

■ ■ ' ■ ■ X 



.i.i=t; .., Google 



11 o'^ rien de fi magnanime que U 
réfolation que prit un grand Monarque 
(Louis XI V", ) de s'enfevelir plutôc fous 
les débris du Thrô.ne, que d'accepter 
des propofîtions qu'on ne doit pas en- 
tendre. 11 avoic l'ame trop 6ere pour 
defcendre plus bas que fes malheurs oe 
l'avoienc mis , & il fçavoit bien qos 
le courage peut railèrmjr une Couroit- 
iie , & que l'infamie ne le fait jamais. 
- Les 'Rois de la premidre race eurent 
un grand nombre ae femmes.. Mais ces 
martagei étoient moins un rémoignage 
d'incontinence qu'un attribut de dignité, 
^eût été les blcHer dans un endroit bien 
cendre , que de leur laite perdre une 
(elle prëroga'tive. 

Datas rifls Formofe , la Religion ne 
permet pas aux femmes de mettre des 
-itrifahs au monde , qu'elles iraient atteint 
trente-cinq ans: avant cet âge , la prc- 
treffe leur foule fe -ventre & les fait 
kvorter. Ceft qpt le climat étant plus 
Ifavorable à la. population que le terttfïn,' 
;le' peuple- s'y multk)lie & les famines la 
détrutfent , ' ,' ' . 

Les Allemands avoient une loi fort 
Trbgulierè,'« 'Sf l'on découvre Hne fimme 
■»à la tête, on payera une amende de 
f> fix fols; autant» c'eft à la jambe \aC- 



.i.i=t; .., Google 



; JlïSToaiQTTBS, I4I 

wtli^sn getioB ; le double deptiis le 
«'gerioB. *t -Il ftinble que la loi mefu- 
io'it les outrages faits à la perfonne des 
femmes , cooime on mefure une figure 
de Géomécfie. Elle ne puniflbit point 
le crime de l'iinagination , elle puntQoic 
ééiui des yeux. 

' Géfar défendit aux femmes qui avoieoc 
moins de quarante cinq ans , Se qui 
n'avoient ni maris ni enfans , de por- 
ter des "pierreries & de fe fervir de 11- 
éètes :. méthode excellente d'attaquer Ib 
«éîîbat par la vanité. 

La - loi de Genève qui exdut desMa-" 
giftratures les etifans de ceux qui ont 
vécu ou qui ibac morts infolvables , à 
moins qu'ils n'acquittent les dettes dé 
leurs pères , eft très - bonne. Elle donne 
de laconBanceptrarlesNégocians, pour 
les Magiftrats , pour la Gité même. 

Cecilius , dans . Auîu-GtlU , difcou- 
rant fur la loi des douze tables, qui 
permettoic au créancier de couper en 
morceaux le débiteur infolvable , Uju^ 
tiiioit par fon atrocité même qui empê- 
clioit qu'on n'empruntât au-delà de fes 
fecuUés, Les loix les plus cruelles feront 
donc les meilleures ? Le bien fera l'ex- 
cès. Se tous les rapports des chofesfti^ 
soot détruits. 

Xii 

D.8.i.i=t. ... Google 



^44 RSM.ARQl'M HlITOMCOTS. 

l!ae loi d'Athènes voulok que l&tL 
que U Ville étoit affiégée , on fit mon- 
•fit tous tes gens inutiles. C'étoic ipne 
abominable loi politique , qui étoit 
une fuite d'ua at>omipable droic des 
gens. 

Les loix Romaines vouloient quç les 
Médecins pgfient être punis pour Içur 
négligence ou pour leur impéritie. Par 
lies loix il en ell autrement. Mais à Ro- 
me i'ingéroic de la médecine qui vouloit t 
^, parmi nous les Médecins obligés de 
Élire des études & de prendre certain^ 
grades i font cenfés conooître leur ac ç. 

. . e * s 



■Djii..... Google 



i4î 



CHAPITRE XXIX. 

Ftnfées diverfttt 

CHacun doit Te ceQÎr ferme dans le 
polte où la nature l'a mis. 
Hçaceux celui qui cooDoiilant tout Is 
prix d'une vie douce & tranquille , re> 

Eofe .Ibn cœur au milieu de fa famll* 
! ; & ne coiuicît d'autre terre que celle 
qui lut a donoé le jour ! 

Les hommes les plus heureux & les 
plus malheureux fonc également environ- 
aés d« la qiain divine. 

Le courage elt le f^ntiment de fes 
propres forces. L'adreSe eft une jufte 
dirpenfacion des forces que l'on a^ 

G'eAea cherchant à inftruire Içs hom- 
mes que l'on peut pratiquer cette vertil' 
générale qui comprend l'amoui de tous. 

L'homme, cet être flexible» feplianc 
dans la fociété aux penfées & aux im- 
prenions des autres » efl également capa- 
Sle de connoître ^ (a propre nature lorf- 
qu'on la lui montre, &; d'en perdre )uf- 
qu'au fentiment lorfqu'on la lui dérobe. 
. Les connDi0aaces rendent les hommes 
Xiij 



.i.i=t; .., Google 



2^6 F B H s é B s 

doux, la raifon porte à rijainaaltj; 3 
n'y a que les préjugés qui y aliène, re- 
noncer. 

On a beau faire, ù véricé s'ichappe, 
& perce coujouis les ténèbres ' qui l'en- 
vironnent. Le temps qui conrume cqdc, 
iléiruic les erreurs mêmes. 

La vie & les biens ne /ont pas plus à 
ncuj que noerc manière de pmfer; &: 
qui peut ravir l'an , peut encore mieux 
êter l'autre. 

La politique cft une lime foupdcr. 

La tyrannie tA toujours tente & fot- 
ble dans Tes commencemeDs , comme 
elle.eft prompte & vive dans fa fîn. Elle 
ne montre d'abord qtï'une maia pouF 
fecourir, & opprime enfuïïc^ avec- une 
infinité de bras. 

La fervitude commence toujours par 
le fommeil. 

■ Les préjugés de ta fuperftîtio» font 
flipérieurs à tous les autres préjugés ,- 
Se fes nûfon» à K>Qtcs les autres rai^ 
fons. 

■ Les Cérémotties n*om point un dégr^ 
de bonté par elles-mêmes : elles ne font 
bonnes qu'avec égard , & dans ta fap- 
poftdon qiie Dieu Ui' a commandées. 
G'eft la matière d'une grande difcalSon;' 
îr-fkttt choilir celles trune Keligion eik- 
tre celles de mille. 

I " 

D.8.l.i.t; ;., Google 



D.IV£ÉLS£S. i0 

La dévotion échauffe le cœur, dif-' 
pofe à ta lendieOe , & lui faic envoyer 
des efprics au cerveau, qui réchau(l<;nt 
de même , d'oii naiflenc lei extafes Ôs 
les ravinemens. Cçc état ell le délire 
■ de la dévotion. Souvent il fe jperfec- 
tioQtie ou plutôt dégénère en Qifiétif^ 
me, 

. Un QuiétKle a'eA loutre chofe qu'mt 
homme fou , dévot Se libertin. 

Les CafuiHes mettent au joui les fe^ 
crets de la nuit ; ils forment dans leur - 
icnagination tous les montres que le dé- 
moa d'amour peut produite , les raf- 
fembleot . les comparent & eo font l'ob- 
jet éternel de leurs penfées : heureux fi 
leur ciTur ne fe tnn pas de ia partie > 
& »e devient pas lui-même complice de 
tant .d'égarem«iu fi naïvement décritf 
& ft nuement peints ! 

, Il paroît ridicule de recheKlier quelle 
eft l'origine de la fociété. Si les hom- 
mes n'en formoîent point, ^Is fequit- 
toient & fe fuyoieut les uns les autres^ 
il faudroit en demander la raifon & cher- 
dier ^pourquoi ils fe tiennent féparés. 
Mais ils naiflent tons liés les uns aux 
autres : un fils ell né auprès de fou pè- 
re & il'sV tient. Voilà la fociété & la 
la caufe de la focwté. 

Xiv 



D.5.i.i=t; ., Google 



348 Pensées 

■ Les Voyages , les Conquêtes , le Com- 
merce^ rétabtiiïemeni des grands Etats, 
les inventions des Podes, de la Bôuffb- 
' le & de Vl-mprimerie , une certaine [Po- 
lice générale fur U facilité des commu- 
nicacions , a établi parmi nous un Arc 
qu'on appelle la Politique. Chacun voit 
^'un coup d'œit tout ce qui fe remue 
flans l'Univers; & pour peu qu'un peu- 
ple montre d'ambition, il eÂfraye d'à- 
botd tous les autres. 

11 lembte que les grandes entreprifes 
Soient p^rmï nous plus difficiles à me- 
■ner que chez les anciens. 11 eft difficile 
de les cacher, parce que la communi- 
cation eft celte aujourd'hui entre les Na- 
ttons^, que chaque Prince a des Mïnif- 
très dans .toutes les Cours , &. peut avoir 
des traîtres dans tous les cabinets. 

Comme les grandes encreprifes ne peti. 
Tenc fe faire ikns argent, & que depuis 
l'invention des lettres de change, les 
Kégocians en font les maîtres, leurs 
sHàires font toujours liés avec le fecret 
de l'Etat , & ils ne négligent rien pour 
Je pénétrer. 

.' Les confpiratîons dans l'Etat font de* 
-venues difficiles, parce que depuis l'in- 
veociao des polies, tous les fecrets des 
particuliers font dans le pouvoit du pO' 



.i.i=t; .., Google 



BtVERSES. ^49 

Uic. Les Princes peutrenc agir avec 
jjrompcitude, parce qu'ils ont les for* 
Cesdel'EtaE dans leurs mains; les cons- 
pirateurs font obligés d'agir lentement, 
parce t^ùe touc leur manque; «Se cdm- 
Ine tout s'éclaircit avec plus de factliti 
& dc~ promptitude, pour peu qoe ceiix- 
ci perdent de temps à ^arranger, ils 
ifont découverts. 

' Le Jeu nous plaît, parce qu'il fittis- 
fait notre avariCe, c'eft-à-dire, l'efpé* 
rance d'avoir plus. Il flatte notre vanï* 
lé par ridée de la préférence que la 
fortune nous donne, & de l'attention 
que les autres ont fur notre bonheur; 
il fatisfait hotre curïofiré, en nom don- 
Bant un fpeilacle. Enfin il nous donne 
les differens plaifirs.de la furprife. ■ 

La Panfenous plaît par la légèreté, 
par une certaine grâce, par la beauté 
& la variété des attitudes, par fa liai- 
fon avec la mufique ; mais fur-tout el- 
le plaît par une difponcion de notre 
cerveau, qui eft telle qu'elle ramené 
en fecret l'idée de tous les mouvement 
à de certains mouvefflens , la plupart des 
attitudes à de certaines anitudes. 

La Mtiltque qui tient à l'efpric pi,t 
\é's organes du co^ps, t(t très-bonne 
pour adoucir les mceurs. Elle tient ua 



.i.i=t. ... Google 



a^o Peu lis s 

milieu «otre les exercices du corps qtii 
rendent les homme; rudes , & les fcien- 
cesdefpéculanon qui les rendent faurages. 
Lz musqué peut faiie ièntir à l'ame la 
douceur, la pitié, lateadrefle, le doux 
pUi(ir. De tous les jpUifirs des fens, 
il n'y en a aucun qui corrom^ moîni 
l'ame. 

Les Vatuofi d'Italie Ibnt cooune un 
iufinin^Qt dontrouTiîcr a retranché dû 
bois pour lai faire produire des fons. 
. Il fembte que les têtes des plus grands 
hommes s'étiécin«nt lorfqu'elles igut af- 
iiemblées, & que là oh il y a plus de 
fages, il y aie auflî moins de fageflè^ 
Les grands corps s'attachent toujours 
£ fort aux mîauties, aux formalités , 
aux vains ulages, que l'elTentiel ne va 
jamais qu'après. 

Il leroit aHez difficile de décider lî 
la forme s'eft rendue plus peroicieafe, 
k>rfqu'elle e(l entrée dans U Jurifpru- 
dence, ou lorfqu'elle s'eH: logée dans la 
Médecine: fielle a fait plus de ravages 
fous la tohe d'un JurifconfuUe, que 
fous le Urgc chapeau d'un Médecin ; & 
fi dans l'une elle a plus ruiné de gens 
qu'elle n*en a tué dans l'autre. 

Rien ne foulage plus les Magiftra» 
que l'autorité patecDclle ; rien ne d^s^ 



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«t plus les Ttibunaux ] rlea'eÇlEn nç 
répand plus de tranquillîtc: (U|is un ^taç 
oh lea Juceon font tou)ouTs-.{;l)]r àa Ci- 
toyens que le* Lotx. C'eH lie^oQtçf 
les puilTances celle dçm qq ah,u(e le 
«noios ; e!eû la plus facr«e àe toutes 1^ 
Maôiitracures ; c'eil la feule qui ne dér 
pena ;pai àa eoovemions » & qui. ley 
a même précédcca. 

' Las Lperes font l'icoag^ 4t Créueur 
lie l'Univen , qui, quoiqu'il ptiiSè conf 
dulre les hommes par fon amour, he 
laiiïe pas de fe les atcacher encore par 
les motifs de reTpérance & de la craincer 
La gravité des Afîanques vient du peu 
ds commerce qu'il y a entr'eux : Ms ne fe 
votent que loruju'ils y font forcés par tft 
cérémonie. L'amitié , ce doux engage-' 
mène du cœur qm ùk ailleurs la dou- 
ceur de la vie , leur eA prefque incour' 
une. Chaque fàmitleeft, pour ainfî dire, 
tfolée des autres. L'amour parmi ces peu- 
fits ne porte ni trouble ni foreur. C'en 
une pawon lai^iQante qui Uifle leur 
ame dans le calme. La piuralîté des fem> 
mes les fauve de leur empire ; rile tem- 
père la violence de leois deiïrs. 
' Un bon Mufulman àans fim ferrail efi 
tomme un ithtète dediné à combattre 
îàKs relâche-, mais qui bientôt foible & 



D.5.i.i=t; ., Google 



M^i. Pbhs^ies 

aceftbléde ft» premières fadgiies., lan- 
guit û&m le champ même de la viâoire i 
&;fâ trouve, pour atniî dire , eafcveli 
fous ki propre^ tFtomphes. 
- La tiatifre agit toQ}oais avec lenteur ^ 
& pour ainfî dire , avec épargne; Ses opé- 
rations ne font jamais violentes : iafques 
dan» fes produirions elle veut de la tem- 
'pérance : elle ne va jamais qu'avec régie 
'& tUefure : fi on la précipiie , elle tombe 
bientôt dans la langueur^ ; elle emploîe 
toute la force qui lui lefte à fe confer- 
ver» perdant abfolument Ta vertu pio- 
duârice & fa puJITance générative. 

Il y a en France trois fortes d'États ; 
l'Églife , l'Ëpée & -la Robe. Chacun a uo 
mépris fouverain pour lés deux autres. 
Tel, par exemple , que l'on klevroit mc- 
prifer, parce qu'il eft un Jbt , ne l'efl fou- 
vent que parce qu'il efl; homme de robe. 

11 ti'yapasjufqu'aux plus vilsartifans, 
qui ne difputent fur l'excellence de l'aïc 
qu'ils ont thoifî. Chacun s'élève au-defluï 
de celui qui eH d'une profedion diSeren- 
te,, à proportion de l'idée qu'il s'eft &ice 
de la fupériorité de la Aenne. 

Il femble que laChimie foit un quatriè- 
me fléau qui tnine les hommes 6c les dé^ 
truit en détail , mai» continiietlement ; 
candis que la gaerie, la p^o, la famine 



D.5.i.i=t; ^ Google 



]<is44^!Wfçi)teagt0Sf mais par nitçryai- 

. La Chymie babite tantôt t'HôpItal A^ 
tantôt )es-,Fetites-Maifons , çQmme de^ 
demeures qui lui Ipnt également propres, 

Les noms qui donnent aux hommex 
l'idée d'une chofe qui femble ne devoif 
pas piéiir, font très-propres à infpirer 
a c^iaque femille le deur d'étendie fa 
duréç. 

Les hommes par leurs foins & par 
de bonnes lois ont rendu la terre plus 
propre à être leur demeure. Nous voyons 
couler des rivières là où écoieoc deslacs 
& des marais: c'en un bien que la na- 
ture n'a point fait » mais qui eft entrer- 
tenu par la nature. Ainlî comme les 
Nattons defttuâives font des fnaux quj 
flurenc plus -qu'elles ^ il y a dés Ka- 
tioas iuduArieufes qui -font des biens 
gpi ne ânillent pas même avec elles. , 

Les torrens ^ les incendies nous oitc 
iaic djécouvrir que les métaux étoJenc 
dans les terres. 

L'£mpire de la mer a toujours donné 
^ux peuples qui l'oiit pofledé une fierté 
naturelle , parce que le fentant capable* 
d'infulier pai-tout, ils croient que leuf 
pouvoir n'a jpas plus ijp bornes quel'océan* 
l^a &ciiU(^ des terres rend les borçmtf 



.i.i=t; .., Google 



654 . -TiSirf*»' 

Induffrieint, fobres \ eiBl«*eîsâatiPavaili 
cpura^ux^ pcopres àlaguerre. ILa fW< 
tilité oSm Pays dorme avec l'aifàace la 
tnolltiffe & un cenain amour pour U 
confeivacion de la vie. 

' La parefle eft l'elfec de forgncSl , le 
travail, eft une fuite, de la vanité. 1L,'ot- 
gDctl d'un Efpagrtol le portera à ne pas 
travailler; U vanité d'un François le 
ponera à f$avoir travailler mieux que 
tes autres. 

Un homme -n'eft pas pauvre parce 
qu'il n'a rien ; ma» parce qu'il né tra- 
raille pas. . 

- Il y a des corps nombréoi que le titre 
de pauvres empêche de l'être. 

Nous n'aimons prefque que ce que 
nom ne connoifTons pas. 
" L'excès même de ia raifon n'dl pas 
toujours defirable , & les hommes s'ac- 
commodent prefqué toujours mieux de< 
intlieux que des extrémités. 

■ NoiUTie faifons rien de tnienx que ee 
que nous faifons librement , &. en fuiyanc 
hôrte'gëtiie naturel. 

' Lt Mbnachifnae eit né dans les Pays 
fchatfds d'Orient , ohl'bn eft moins porrf 
à l'aâion qu'à la fpéculation. 

■ Dans les Paysfroîds, le climat fem- 
He forcer à tint ceriaîne yviogoerie de 



.. Google 



Kations ,' bien difîïrente de celle de U 
perfohne. Un Allemand boit par cou- 
tume , un Efpagnol boît par cnoÎK. 

Quand un homme a écrit fur la ma* 
raie , il doit être plus diflkile qu'un au- 
tre fur Ces devoirs. Il n'y a point pour 
lui de dirpenfes, puîfqu'il a donne les 
règles. Il feroit ridicule qu'il a'eûc pils 
la force de faire des chofes donc il a cru 
tous les hommes capables ; qu'il aban- 
donnée fes propres maximes ; & que dan* 
chaque aâion , il eût en même remps à 
rougir de ce qu'il auroit faic & de ce 
qu'il auroic dît. 

Comme il y a une infinité de chofes 
fages qui font menées d'une manière 
très-folle , il y a auflî des folies qui ibnt 
conduites d'une manière très-fage. 

Ce qui gare prefque toutes les aSâi- 
tes , c'eft qu'ordinairement ceujî qui les 
entreprennent , outre la reullite princi- 
pale » cherchent encore de certains pe- 
tits fuccès particuliers qui flattent leur 
amour propre & les rendent cootens 
d'eux. 

Le peuple a toujours trop d'aâion, 
ou trop peu. Quelquefois avec cent mil- 
le bras il renverfe tout ; quelquefois avec 
cent mille pieds il ne va que comme 
les infe^t^ 



D^ii...., Google 



j<F$ Tnttsént sivSRsfis. 

Koiu^ne jugeons jamais des chofes; 
qae par UD retour £ecret qae nous fài- 
Ibns fur iious - mêmes. On a dit fore bien 
queft les triangles faifoieric un Dieu* lis 
lui donneroienc trois côtés. 
-. Dès qu'un homme entre dans une corn- 
pagnie , il prend d'abord ce qu'on ap- 
pelle l'efprit du Corps. 

On dit que les héritiers s'accommo- 
dent mieu& des Médecins que des Con- 
fefleurs. 

' A quoi fervetu les cécémoBÏes & tout 
l'attirail lugubre qu'on fait paroître à un 
mouraot dans fes derniers mpmens, les. 
larmes même de fa famille & la dou- 
leur de fes amis , qu'à lui exagérer ia 
perte qu'il va faire ? 

FIN. 



Djii..... Google 



^57 



TABLE 

DES CHAPITRES 

, ET DES MATIERES. 

CnktirMÏ.UE la Religion: Page i 
Son utilité. Ihîd. 

Sei premiers devcirs, i 

Crimes en matière de Religiotif & 
. leur punition, ■ Ibid. 

•Guerres de Religion. 3 

Doit-ily avoir plujîeurt RtU^ons 

dans un État i 
Loix concernant la ReU^on. 
Set peines & fes récompenfes. 8 

■ Religion Juive. , lo 
Chrijîianifme. 11 

■ DifputesfurlaReUgioJh 14 

Chap. il De la Républiçu. 19 

Sa Nature. Ibîd. 

Ses Principe/. IbiJ. 

Démocratie. ■ Ibîd. _^ ' 

' Ariftocratie. ' 10 rlp 



.. Google 



I 



25« TABLE 

Ffree^uae bonne Répuhli^ae, ±% 

^ Républifie Féiéradve. a^ 

Chap. Ilj. De ta Mmaretùe, aS 

Sa Nature. . , VcÀà. 

Son Prineipr. Jbîd, 

Set Avantages, 17 

D^pôt des Leix nicejfatn.- s^ 

Dtyoirs du Monarque. )C> 

Chaf. IV. Du Defpopfmi-, 31; 

Ce que Ceft. Ibid, 

Son Principe^ Ibidi 

SAEùbUJfe, 35 

Ch-aï*. V. Des Loix. 56 

Définition de la Loi en général. Tbid.- 
Rap'portt dei^ Loix avec la Nature 

des^dijféreiu P^t.- IbW^ 

S(yU des Loix. }7 

Oangemcnc dane les Loix.- jâ 

CirÀP. VL Des Peines.. 4° 

Lturfévéritê inutile. %\d^ 

Leur proportion avec Ut crimes.^ IbiiL 

Peines péeuniiûres. 4a 

Cbav. VU. La Ubertéi " ,. 4Î 

Définition de la Liberté.- ' , Ibîd. 
£//e paFo?( f/w, propre (i' certains- 



..Google 



DES MATIERES. ij> 

, ^lle encowrage la cidtare dis ter- 
res. 4î 
Elle augmente le defir de la gloire, Ibid, 

CHAV.VlU.DeVEfclavage. 47 

Ceqiifc'ejî. ■ ïbid. 
U a été étdbli par la pitié,. Ibjd. 

Il eft contrela nature. 49 

Deux fortes de fervitudes'. , , . Ibid. 
EfeUvage dans les différeiuGàu- ... 
vernemens. Ibid. 

Çhèx. IX. De U Guerre. J5 

Guerres jujlfs. ftid* 

■ Droit de Guerre.- 5* . 

CakT. X. Des Conquêtes, 54 

Leur objet. Ibid* 

Lear Miiiit^- 55 

Droit de c»nftite, .. 57 

Chat. XL Du C/iffW. . .58 

^on infiueSCe. IbH* 

Ses rapports avec les mceurf.. . 59 

1/ doit diri^rer /eJ Z.OJ*. 6t 

Uv0r'ulesdi>ertiJfim«Jû. 6a. 

Chap. XII. De /a Popu/«tion. ^4, 

• : Dépopulation du monde. ' Ibid* 

Les principes de. Religion ïtifiit^ 
fur U propagation. 6^ 

ïi> 

Google 



<a6o table 

Caujts it dépopulation. £7 

Chap* XIII. Ùu Marit^e. 70 

Ce quil'a ftût établir. Ibid. 

■ Droit àes' périt fur Itstnfans. - Ibîd. 

■' Mariage entre parens lUfenda &■ 

■ pourquoi/ 7^ 

Ctfkt. XIV. Du Commerce. 74 

Sesrafports avec les iiffiretisGùu- 

vememens. Ibid. 

Son'incompatibUité avee la noblej^ 

: .fi- , ■ 75 

La concurrence Ti^cejpùre, 76 

Commerce nuijiblt, ■ Ibid, 

Il adoiicit les maiurt. y% 

•Chap XV. De r argent. 81 

Sa valeur comme ^ne ô- comme 

Tnarckandife. Ibid. 

La monnpie doit être invariable. Î2 
Intérêt de Forgent légitime. Ibid. 

CifAP. XVI. Du luxt. 83 

Seseffktt. îbid. 
Il efi nécejjdn À certàns Fayt, 84 

Nuijîble à Vautres, 85 

Chap. XVII. Des ImpSti. 96 

Comment on doit Ut fixer, Ibid. 



Lijii.t. ..Google 



DES MATIERES. 


i6t 


■ Effets des tributs exctj/tfs-^ 


■ 87 


- LaR^U. 


99 


■ Lts Traittms. 


Ihid, 


Chap. XVIII. Dt la Morale. 


& 


■ ta vertu. 


.[ La Juftice efi éternelle. 


9» 


■ ' L'amour- propre. 


9i 


Crimes contre les mœurs. 


9S 


- La polïtejfe. • 


II 


97 


■ Irfj riehejfts. 


y» 


Les Mœurs. 


- ibo 


Mijère de la nature humaint. 


loi 


Humanité. 


lOJ 


Chap. XIX. Tableaux. 


■l^. 


■ Les Romains. 


Les Macédoniens. 


>'} 


Les Huns. 


'14 


Les Gaulois. 


ibid! 


Lts Germains. 


"S 


Lts Indiens. 


lllS 


- Lts Japonais. 


117 


■ LesTartarts. 


mî. 


Les François. 


118 


. U Grèce. 


m 


. jitkéner. 


Sparte. 


liO 


Cerinthe. 


Jll 



D^ii...., Google 



i6t TABLE 




Sirtteuft, 


IbiJ. 


M<irfiiUe. 


122 


, L'Europe Modtrnt. 


Ibid, 


CHAr.XX.Olr«ate/, 


I2& 


Pyrrhui. 


IM. 


Annibal, 


Ibid. 


Mithridate. 


Ibid. 


a/ar. 


117 


Augufti & SjlU 


Ibid. 


TniaiL 


12» 


ÂttiU. 


Ibid. 




"■9 

130 


AUf attire. 


>|i 


'CharhsXlI. 


'}i 


Caion û* Ctcérqttr 


IH 


. mchdim. 


Ibid* 


CHAP.XXLPowjiuv 


iJiï. 


Le Cortiplaifant. 


LeFcïte. 


Ibid. 


. LeVleUlmi.' 


!}« 


■ L*h«mme à bonnes fortunef. 


Ibid, 


Le Grand Seigneur^ , 


U7 


LeParvetiu* 


1)9 


Lt Curieux. 


Ibid, 


. UGiomitre. \ 


Ibid. 


Les Nouyellifier.- 


,,6 


, Camille. 


I*> 



.i.i=t; .., Google 



DES MATIERES, 


tét 


Parts. 


'*' 


LuFtançàt. 


■4» 


letEfpagnolt. . 


.1* 


Chap, XXIL Delà Lialraat, 


»«* 


■Ptitel. 


Ibid, 


Romans. 


iLl 


Géomètres: 


UvradtiUitcilu. " ,' 


I49> 


TraiuBioiit, 


IJ» 


. Journaux. , 


*!« 


Livrer EfoaenoU.- 


ftà 


.Ciprr.. 


«5t 


Tacite. 


Ibid, 


tiannon. .' 


Jbid. 


RijUriecriàfil^ 

MdèU de critiqué. 


'J5 


.5« 



Chap. XXIII. Du Goiîï: .. .1 .^.' 15a 
. Ce que c'efi^ Ibid.- 

■ Il varie fuivantxi>tremtaàtnftttf.}bi4:^ 

■ ASivité de Vame. lia 

■ Supériorité de Vartfur la.nSairt.^ tibtj. 
Vordre dans Vexpo^tiw àtseh^stft, xil 
Variété. iiz. 
Plaijîrdelafurprife... - lîy 
Le je ne fçais quoi. 1 66- 

Mr Grâces. Ibid. 

Cajff.XXIV. DesFw^ . - OS 



D^ii...., Google 



164 TA3LE 

' Leurs nueurs ont des rapports avec 

les diffUrens Gouvernemau. Ibid. 
Cléture aes Femmes. ' 1 69 

PoUgame. 170 

Autorités (Us Ftmmes fur Us Hom^ 

mes. ' J71 

^alanterU. ■ ijx 

Cbap. XXV. Maximes de Gouverne- 

ment. 177 

Le meilleur Gouvernement. Ibid. 

■ ' Union politique, 178 

ÇueldMtétrehfpritduLégiJlateurfïhid^ 

■ Tirannie. Ibid. 

■ Si le peupU doit être éclairé. 183 
' proportion du nombre desfildats 

• ' avec celui des hommes. ji6 

Satires fur UGouvernemmt. 188 

Délateurs. 189 

Gif AF. XXVL Mélanges. 191 

De Dieu. Ibid, 

■ Des Princes. ■ ' l$a 
^DesGounifms. 197 
~ Des Minijtres. 198 

Des Magijirats. ■ jioo 

^ Du CUrgé. tôt. 

■ Du Droit. ioj 
Du Change. Zo$ 
Des dettes pabUfûx .!.'2o6' 



.i.i=t; .., Google 



DES MATIERES. 26$ 

Des Arts. 207 

De thûiineuT. 109 

Des gens d'efprît. . 110 

D'une certaine ruuion. - aii 

Dune certaine fociété. -z 1 ^ 

Ghap. XXVII & XXVIII. Remar. 

-' quet hoftanques. ■ *'S 

Sur Carthoge. Ibid. 
Sur les S^rentes tffketdeGou- 

vernemens. ai 5 

Les Tar tares. ny 

LesPartkes. Ibïd. 

Sparte, liB 

Rome. Ibid. 

Athènes, Ibid. 

Les Sammter. Ibîd. 

Les Juifs. a 19 

BeZ/c rtipon/è <i Charles IX. 221 

L'Amérique, Ibid. 

£ur plujieurs ufages dijférms. ^.^} 

Sur quelques Empereurs, jïij 

Infiuence au Clergé, 229 

Flatterie odieufe de Grégoire de 

Tours. 2}4 

Les Froteflms. ajS 

Différentes Loix, Ibid, 

Combats fingulicrs, jt jT 

L'épreuve du feu, Ibid. 
Z 



D^ii...., Google- 



»46 TAfLE DES MATïEiLES 

Gouvernement Militûre. ■Jt)8 

J^s Germains & les Fmous^ ^39 

■fjoix féodales. <d4i 

Selle réfolution ~dt Lom XJf^ -^« 

J/Ie Formofi. '- -Ibid. 

Xôtjr particulières* Ibid. 

Chaf. XXiX. P«i/^ •<tii'er/<j. i-if 

Fin deJaÏAliilBh 



D.3.ii.t.., Google 



D^ii...., Google 



D.5.i.i=t; ^ Google