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D.5.i.i=t; ^ Google
i«t«iA«-~L„
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i
LÉ GÉNIE
DE
MONTESQUIEU.
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LE GÉNIE
DE
MONTESQUIEU.
Ntn tu eoTpus crasJînepeSeTe.
i^)tt»
A AMSTERDAM,
Chez AsKSTfE & MtBKUS.
M. DCC. LIX.
. Google
AVERTISSEMENT.
Me
LOnsxEUII DB M0NTB5Q.UISU
çR. peut - être de tous les Ecrivains
le moins iàit pour être abrégé ,
parce que la continuité de profon-
deur ou de finefle qui régne dans
tout ce qui eft forti de fa plume ,
rend prefque toutes fes idées pré-
cieufes/parce que les faits mêmes
deviennent entre fes mains des
principes lumineux , parce que fes
penfécs, détachéçs du fiftême au-
quel elles tiennent , perdent une
partie de la lumière 6c de la force
qu'elles reçoivent les unes des au-
.i.i=t; .., Google
iv AVERTISSEMENT,
Très, auiiïi Tabré^ que Ton don-
ne *u publie n^-eft pas fait pour te-
nir lieu des ouvrages de ce grand
faonatae; aaix oa croit <^A pour-
ra être utile à ceux qui ne les con-
noifTent pas, en teur infpirantïe
defir de les étudier , &: qu^îl fera
^ agréable à ceux qui les connoif-
fent, en remettant fous leurs yeux
des idées vaftes & fécondes, qui
ne fçauroient leur, être trop farni-
lieres. M. de MoNTESQ.uifiU luî-
même avoit approuvé Vidée de cet
abrégé. On n'y trouve que des an-
neaux détachés d'une longue chaî-
ne; mais ce font des anneaux d*or.
D^ii.t..,Googlc ■
LE GÉNIE
DE
MONTESQUIEU^
CHAPITRE PREMIER.
De la Religion.
^^^S!& AReligionefttouioursIemeil-
«*^T *^«l leurgarant que l'on puifle avoir
Wjs R^ ^^^ moeurs & de la probité des
®^^V hommes.
L'homme pieux & l'Athée parlent tou-
jours de Religion : l'un parle de ce qu'il .
aime ; l'autre de ce qu'il craint.
Un Prince qui aime la Religion & qui
!a craint , c'eft un lion qui cède à la main
qui le flatte , ou à la voix qui rappaife*
Celui qui craint la Religion & qui la hait»
eft coinhie les bêtes fauvages , qui mor-
dent la chaîne qui le^empêchede fe jettet
iiir ceux qui paffeot. Celui qui n'a point
A
ia tout àe Réligîoii , «ft àhfinkntl nr-'
ftb]e«T^uiffc{Mt&libïrcé, que loiJi^u'U
déchire & qu'il dévoie.
QMBdUferoitintmieqïietesSajetseïif-
fent une Religion , il ne le feroic pas que
les Princes en eulTeiit , Se qa'ils blanchif-
fent d'écume le feul frein que ceux qui ae
craignent pas les LoixbumaiaeSf puifTent
avoir. .
Diea aime las' tiommes , pmCqu'il éta-
blit une Religion pour les rendre heujeux :
s'il aime les b«BEBes , on eft sûr de lui
plaire en les aimant aufTî , c'eft - à-dire ,
en exerçant envers eux toos tes devoirs de
la charité & de l'humanité , & en ne vio-
lant point les Loix ibus lesquelles ils vi-
vent.
Dans quelque Refigion qu'on vive ,
l'oblervacion des Loîk , l'anaour pour les
hommes , la piété envers les parens ,' {bot
toujours les premiers aâes de la Religion.
Jliautiàirelianbrer la divinité, ^ao
fa venger jamais.
Dans les chofes-qui blelTeut la Diviaité ,
ikoiiila'yz point d'aél^on publique i, il
p'y a point de matière de crrme ; tout s'y
paiTe entre l'homme Se Dieu , qui f^aic
ta mesure & le tempsde Tes vengeances.
Il Êiut être très - circpnfpea dans 1^
pourfuite'de la magie & de l'héréfie , par-
f^ que la iqecUeare copduitç du mopd^:^
D^ii.t..,Goc^lc
iimonit iz f>hK dum, lapracigae de
tonslefi 4ev0it8, oelbtitpeimdes g&rans
contre les foupçons de-ces crimes.
Lezcde pour lei progrès de la Keligion,
eft difiërent 'd« l'atcacnerneoE qii'on doit
*»oJr jpc«w«We&'potK VatrAer 6zV(A>£et-
ver-, il n'eft pas «éceUftire de haït & de
perfécnercniK gui ne l'obtervene pas.
La HeUgfon ne donne pas à ceQZ qaî
la prtffèâeBi , vH dreic de-réduîre eo fer<
vtcude4:eDKqui-ne1aprofeneQtpas, pour'
travailler plus rûremenEàfa propagation.
Cependant Louis XIÏI , qui s'étoit ^it
Hne fwine ■ejitrême de la Loi qoi rendoit
efclaves les nègres de fes Colonies, quand
on lui«ut bien mis dam Kefprit qu£ c*é-
toic la voie 'la plus sûre pour les conver-
tir, yconfemit.
LesLoiK de la Religion éviteront d'inf-
|»rer -d'autre mépris quecelui du vice,,
& fur-(oot d-'éloigner les hommes de l'a-
iQour ëc de k piité pour les hommes..
Il ikut éviter les Loix pénales en fait de
Beligion; «lies rendent les âmes atroces.'
£n fait de changement de Religion ,
les invitations font plus fortes que les pei-
nes.
-Celai qui veut me -faire changerde Re^
Mgton, ne le fait fans doute que parce
qu'il ne Chaogeroit pas la fienue , quand
oa TDttdcoit l'y forcer: il trouve donc '
Ai»
vr-- Google
4 Ps 1 A Ri zi G i-off.
IcraagB que je ne fefle pas Bne cbofe qu'il
oe ferait pas lui-même , peuc-êcte, pour
i'eropire du monde-
Les biftoire$ font pleiaesdes guerres de
Religion ; tqais qa'Qn y prenne bien gar?
de, ce n'eil poinc la multiplicité des Ae-
ligions qui a produit ces guerres, c'eftl'et
prie d'intolérance qui animoic celle qui fë
çroyoit la dominante ; c'eft cet efprit de
vertige, dont les progrès ne peuvent être
regardas que comme une éclipfe entière
de la raifon huniaine.
Ne feroit'il pas bon que dans un Etat
il Y eût plufleurs Religions? On remart^
que que ceux qui vivent dans des Reli-
gio(i$ tolérées, (e rendent ordinairement
plu4 utiles à leur patfie , que ceux qui vi-
vent dans la Religion dominante, parce
qu'éloigiiés des hommes , ne pouvant fe
didingu^r que par leur opulence & leur^
richeiles , ils font portés à en acquérir par
leur travail , & àcmbrafTer les emplois de
la fociécé les plus pénibles. D'ailleurs,
comme toutes les Religions contiennent
des précépcps Utiles à la Toçiété, il eA bon
qu'elles foicnt observées avec zélé. Orqu'jf
a t il de plus capable d'animer ce zéle^
quf: leur multiplicité ? Ce font des rivales
qui ne le pardunçent rien. La jaloufie défi
rend jurqu'aux particuliers ;chacun retient
fur le; gatdes, & ciaiqt dç f^ïrç dçs chqx
Lijii.t... Google
DSXARBilGIOfT. 5
fet qai deshonoreroienc fon partie & Vex-
poferoiem aux mépris & aux cenfures du
parti contraire. AuHi a-t-on toujours re<
marqué qu'une Seâe nouvelle» incroduice
dans ua État, étoit le moyen le plus sûr
pour corriger tous les abus de l'ancienne.
On a beau dire qu'il a'eft pas de l'inté-
rêt du Prince de fouflfrir plufteurs Relï-
gionsdansun Etat: quand toutes les Sec-
tes du monde viendioienc s'y raflembler t
cela ne lui poneroît aucun préjudice»
parceqa'il n'y en a aucune qui ne prefcri*-
ve robeiflance, 8c qui ne prêche la fou-
nitffion.
Lorfque les Loix d'un Etat ont cru de-
voir fouflTrir plafîeurs Religions , il faut
qu'elles les opllgenc auOî à fe tolérer en-
tr'elles.
Quand on e(l te maître de reccivoir
dans un £tac une nouvelle Religion » oa
de ne la pas recevoir , it ne faut pas l'y
établir : quand elle y eâ établie , il fzuc
la tolérer.
Un Prince qui entreprend dans fofi
Etat de détruire ou de changer la Reli-
fion dominante , s'expofe b^ucoup^ La
.eligion ancirane eft liée'avec la confli-
tiition de l'Etat , & la nouvelle n'y tient
point: celle-là s'accorde avec le climat,
& fouvent la nouvelle s'y refufe. On fubf-
titue des foup^ons contre lés deux Relî*
Aiij
...... Googk
gions à une ferme croyance pour ode ; ea
un mot, on <ionne à VEttt, an moins
pour quelqye wmps , & de naiuRÛs ci-
toyens , & de mauvais fidèles.'
11 y a très-tbovenc beaucoup d^incoa-
véniens à cranfporter noe Beligioo d'un
Pays daas^ un autre.
l«s Loix buniuQCs, &itet: poui pai<^
letàl'erprjc, doivenc doBiiea des précep-
tes y & point de conËéik.! Lx Rdinon ,
faite pour panier au cceat , duc ooiMet
beaucoupdecoBfeils, &peud«pré«apccT,
Oa ne doit point établir pan le* Lcâx '
divines , ce qui doit l'écre par les Loia
humainesi ni ré^n par les Lotx homai-
neï, ce qui doit l'éuie par les lois divi^
xxs, C^s deux fortes de Lair dtfithient
Ï)ar leur origine , par leur objet Sc- pai
eut natocé. La natum des Lots htnnaî-
fias e& de varier > à mefare que lei voïon<
tés des honutt» changenr. La oaoïce dm
Xi(ïi!a.de k Religion ^ de ne vanee pt'
mais. Les Loix humaines flatueot fur le
bien j 1& Religion &ir le m«lleur. La
force de U Betigion vient de ce qu'on
la croit; U fovee des. Loû fanmaioef
vient de ce-qu'oni tes ccaias.
■ Les Lois ttAtgKo&s ont ^losde foblii-
;nité'; ied Loix civile plus d'étenduÂ
Cellss^là ont plus pour objet la bonté de
■l'homme qui les observe , .que celle de U
DïiaRsiicio». jr
foclétj : celles - et ont plus poar objec
la boDté morale des homisés en général,
que celte des indÎTidus. AinTt lés idées
qai naiflcnt tmmédîatefnenc de' la Reli-
gioïi , se doÎTeiK pas toujours fervïr de
principe aux Loix Civiles.
Lorfque la Befigion condamne des
cbcires que les îmïx CÎTtles doivent
permettre , ït eft dangereux qoe les Loix
Civiles ne permettent de leur c6té ce qne
la Relifflon dût condamner.
Une Religioti chargée de beaucoup de
pratiques , attache plus à elle , qu'une
antre qui l'ell moins. On tient beaucoup
aux chofes dont on e(t cootiouellemenc
occupé.
La mifere même des peuples ell un
m6tif qui les attactie à Ta Religion.
Rien h'eft plus confolanc pour l^s
hommes , qu'un lieu oh itj trouvent la
divinité plus préfente > <Sc où tous en-
femble, ils font parler leqrs foïblefles &
leur mifere, Les peuples qui n'ont point
de Temples» ont peu d'attachement pour
leur Religion.
Lorfque leculcc extérieur a une gran-
de magnilicenœ, cela nous flatte & nous
donne beaucoup d'attachement pour la
Religion.
Pour qu'une Religion attache il iaac
qu'elle ait une morale pure.
Air
D^ii.t..,CoOglc
$< DsiAREZ-ieioN.
Far II nacare de l'eoKnâeaie&c litl'
main , npus aimons . en faic de Kelï-
gion , tout ce qui foppofe un effort ,
comme en roatieie de morale , nous aî-
iDDDs fpécialement code ce qui porte le
caraâère de la févéïité^ Dans tes Pays
du midi de l'Europe , où , par la natu-
re du climat » la Loi du célibat ed plas
difficile à obferver, elle a été retenue:
dans ceux du Nord, ou les payions font
moins vives, elle a été profciite. Dans
les Pays oii il y a peu d'habitans, elle
a été admife ; dans ceux oi\ il y en a
beaucoup , on l'a rejetiée.
Nous fomtnes extrêmemeDe portés i
l'idolâtrie, & cependant nous ne fomr
Xaes pas fort attachés aux Religions ido-
lâtres. Nous ne fommes gueres portés
auxidées Ipirituelles , & cependant nous
fommes tres-attachés aux Religions qui ,
nous font adorer un Etre rpirituel. Nouf
regardons l'idolâtrie , comme la Reli-
gion des peuples grofllers, & la Religion,
qui a pour onjet un Etre fpirituel , conv
me celle des peuples éclairés.
Les hommes font extrêmement portés
à efpérer & à craindre.; une Religion
quin'auroit ni Enfer ni Paradis , ne ^aa-
roit guéres leur plaire*
On efl bien embarrafle dans toutes les
Religions , quand il s'agit de donner une
.i.i=t; .., Google
DsiaReiicioit. ^
idée des plaifîrs qui font deflinés à ceux
qoi ont bien vécu. Oa épouvante facile-
menc les méchans par ane longue fuite
de peines dont on les menace ; mais pour
les gens vertueux ,. oq ne Tçait que leur
promettre. Il femble que la nature des '
pUifîrs foit d'être d'une courte durée.
N'offrons point nos tréfors à ta Divi-
nité > fî nous ne voulons lui faire voir
l'ellimeque nous Tairons des chofes qu'el-
le veut que nous méprifions. Que doi-
vent penfer les Dieux des dons des im-
pies , dit admirablement Platon ^ puif-
qu'un homme de bien rougîroit de re-
cevoir des préfens d'un ihal-honnéte hom-
me ? Des hommes chartes & pîeux y
ajoute-t-il, doivent ^firir des doos qui
leur reflemblent.
Il ne faudtoic pas que la Religion en-
courageât les dépenfes des funérailles.
Qu'y a-E-il de plus .naturel qçe d'ôteÉ
la différence des fortunes dans une cho-
fe , & dans les momens qui cgalifenc
toutes les fortunes f
Quand la Religion ordonne la ceBk-
tion du travail , elle doit avoir égard
aux befoins des hommes > plus qu'à la
grandeur de l'Etre qu'elle honore.
IiOirque la Religîpn a beaucoup de
- Miniflres > il e(l naturel qu'ils ayent un
che£, & que le pontificat y foit établj.
Djii..... Google
La vraie Re%teo fe défend pit ût.
vérité même , die n'a pas beToin de
moyens violens pour fe maintenir.
Comme ta Religtoa fe défend beatt^
coup par elle-m^e; elle perd plus,
lorfqa'etle «ft mal défendue , qtre lorf-
qu'ellen'eft point du tout défendue.
_ Qoand un homme écrit fur les ma-
tières de Religion , il ne fîiuc pas qu'il
compte tellement fur la piété de ceux
qui le lifent» qa'il dife des chofès coo-
traires au bon fens ; parce que pour s'a^
Créditer auprès de ceux qui ont plus da
piété que de lumières, ït fe décrédite
auprès de ceux qui ont plus de lumières
que de piété.
Une luperftition groffiere abbaiflfe M^
prît^ autant que la Religion l'âére.
Dans les Etats defpociques, là Reli-'
gion a plus d^influence que dans aucun
antre: elle efl une crainte ajoutée à là
crainte.
La RcHgion Jarre e(t un vieux tronc
qui a produit deux branches qui ont cou-
vert toute la terre, c'efl-à-dire, le Chriif^
lianifme & le Mahométifme. Elle fe ferc
de l'un & de l'autre pour embrafîer le
monde entier, tandis que d'un autre cô-
té fa vieilleffe vénérable embrafle cous les
temps. C'eft une mère qui a engendré deux
filles qui l'onc accablée de mill» pbtîes ;
D.5.i.i=t; ^ Google
Db II. Raiifiioir. fi
car en £ik'(fe Relûgion , les ptos proches
bmt les plas gntiKKs ennemies.
Les principes du ChriftianrAne bien
gravés uns te cceirr, font infinimenr plus
K)ns qne le fans honneur de la Monar-
chie, les verres bnmaines d« Réptiblf-
ques» & U crainte fervile des Etats <lef>
potiqacs.
Cboic adminhUl La Refi^oit Chré-
tienne , qui ne fembte avoir d'objet qae
la fébcité de Tawre vie, fsic encore no-
ire bonheur dans celle>ei.
La Religion Chrétienne qui ordonne
de s'^tner j veut iàns doute qcre chaque
peuple ait lesmeitkuFj Loix pcrtHiques &
civiles r parce qu'Ailes fooc, après elle, le
plus grand tven que tes honmes- paif^nic
donner ét-recevoir.
Flucarque dit dans b vie de Nnma ,
que dans le temps deSatarne, ilnyavon
ni maître ni efclave. Dans nos cHtoars,-
le Chriftianifme a ramené cet-âge.
Nous deriMts au Chridianifmr, dans
le GouveinKnent , un certain droit poli-
tique, & dans la guerre, un certain droit
des gens , qne la nature humaine ne fçau-
roit aflfez leconnoître. C'eft ce droit des
Gens, qui fait que parniî nous, laviâor-
re laiflê aux peuples vaincus ces grandes
chofes; kl vie, les Loix, les biçns, & tou-
jours la Religion, lorfqu'on nes'aveu^^e
pas foi- même.
Lijii.t... Google
I» D B £ A R s 1 1 G I O If;
lift Religion du Ciel oe s'établit pas
gar les mêmes voies que les Religions de
, terre. La Religion Chrétienne a-t-elle
réfolu d'entrer akas un Pays P Elle fçaît
s'en faire ouvrir les portes ; tous les îof-
tramens font bons pour cela. Se cach^
t-'elle dEuis tes lieux foûterreios F Atten-
dez un moment , & vous verrez la Ma*
jefté Impériale parler pour elle. Elle tra-
verfe , quand elle veut , les mers , les ri-
vières & les tnontagnes. Ce ne font pas
les obAaeles d'ici-bas qui l'empêchent d'al<
1er.
EtablilTez des coutumes, formez des
ufages, publiez d es édits, faites des Lois;
la Religion Chrétienne triomphera duclt<
mat^ des Lois qui en réfultént & des Lé-
gillateurs qui les auront faites. Dieu, fui-
vanc les décrets que nous ne connoiifons
Ïas t étend ou leOerre les Utmtes de fa
Leli^ionv
Dieu permet que fa Religion ceffe d'è^
tre donainante en plulieurs lieux ; non pas
qu'il l'abandonne, mais parce que, qu'eU
le foit dans la gloire ou dans l'humitiation
extérieure, elle eft toujcrûrs égalemenc
propre à produire fon effet naturel, qui
eft de fanâi&er.
La profpérité de la Religion efl diffé-
rente de celle des Empires. Un Auteur
célèbre diloit qu'il étoît bica-aife d'eue
D^ii...., Google
DexaRszigiok. I)
malade, parce que la maladie eft le vrai
écac du Chrétien. On pourroît dire de mê-
me que les humiliations de l'Eglife, fa
dirperfîon , ta déftruâîoa de Ces Temples,
les fouHrances de fes Martyrs foot le temps
de là gloire, & que lorfqu'aux yeux oa
monde elle paroît triompher , c'eft le tempt
ordinaire de foo abbalffement.
Il fuit des principes du Gouvernement
de la Chine, une chofe bien irifie, c'eft
qu'il n'eft prefque pas poflible que le Chilf-
lianirme s'y établilTe jamais. Les vceuz de
virginité , les Âflemblées des femtnes dans
les Eglifes, leurcommunicatton'néceâai-
re avec les IVIiniftres delaKelîgion, leur
participation aux Sacremens, Ta. Coofef-
fion auriculaire, l'Extrême-Onâion, le
Mariage d'une feule femme ; tout ixia
renverfe les mœurs & les manières du
Pays , & frappe du même coup fui la Kér
Ifgion & fur les Loix.
Il femble, kumaintment parlant ^ qàt
cefoit le climat qui a prefcrit des bornes
à la Religion Chrétienne. Il fuit de-là ,
qu'il cft piefque toujours convenable qu'-
une Religion ait des dogmes particuliers,
& uii culte général.
LeChriAiamfmeeftpIeindebonfens, '
l'âbiHnence eft. de droit divin ; mais une
abftinence particulière eft de dioit de'p<^
fice f & do peitt ta changer. ' '
Lijii.t... Google
j^ Ds x A RBxiai«3f.
, £.3' Religion Chréùenoe CDvâl<qïpe
jtouta les paJSoos i 'die bWI p»s pios
iiloufe <tes aâioBfi que des deùtt 3c des
peÀCées ; elle ne .Daiis ûeoc jkhdc atta-
ciiés par .qoelqucc dhaânes i 'OiaK par un.
flompte ùuioiabrable de £b ; elle la^b
■«lârdefe «lie Ja ioAioe bumaine « pour
commencer une Amtc .^uftice ; «lie eft
iaite ,pour bdui aneser iaos colfe «in re-
feacii k l'Amast, ik de i'anwur ta re-
^nodr 4 clie œc enere le juge •& le cri-
jniael ui^^rand médiateur, entre k'jufie
■& 4e JoédÙMV 'Un '^rand juge.
Ces'ell ipa« aSez peur une Keligioa
•d'itablir un di^me , il &nc qu'elle le
^ige. Ainfi -la EêligionChrécicDiienoiM
&it «opérer un état que :noas ^crcjtons,
«lOQ pas un'étatque Jui|]S'££uuoDs. Touc*
iuftju^ la rfforroâiop des corps , nous
. mené à >des idées Xpiiicuellei. .
Il y a des geos qui dîfputenc faos
Sa, fur la Religion inUK il Semble qu'ils
xombactent -ea mâme-temps à qui i'ob-
Jervera le tnoiiu. Non - feulement ils ne
SûDz .pas .(nelUeurs Chvéuens, mais mê-
me tneiUeurs -Citoyens.
L'Ecriture e(l un .pays oii les Ciité-
^tiens dé toutes -lés. biâes foot des def-
-«ent(» , & vooc comme au pillï^ : c'eft
•pn. clûinxp de 'bataille :oti les Nations
ennemies qui&xencomrçnCf iurttntbieD
Lijii.t... Google
des combats; où l'on s'attaque^ oit l'oa
s'efcarmouche de bien des manières. La
flâpart des Inceipréiet n'ont point cher*
cbé Jant l'Ecriture ce qu'il faut croire ,
Biais ce qu'ils croient eux aêcaes : ils □•
l'ont poiiu r^ardéti comme un livre o£t
étoient -contem» Iss dogioes qu'ils de-
voient recevoir, mais comme un ouvur
ge qui pourrott donner de l'aïuorité à
leurs piopies idées : c'eA pour cela qa-
ils en oDc corrompu tous, les feos, &
qu'ils ont doDué Ja voicuK À tous les
paflàges.
Oo doit donner une gaaâe «ttentioa
tax dî^uites des TiiéolqgteBs ; mais il
iaut la cach»', autant qn'U eil pofIîble«
la peine qa'on paroît prewlre à les cal*
mêr, les accréditant loujours-^ & &i-
fant voir que leur maoieie de penfer
e(t fi iiEiponance, qu'Ole décide du tO'
pos de l'Ëfat & ^de b sûieté du Fnoc&
On ne peut pas plus £nir leurs aSaires
en écautaac lears fubtibcés , qu'on oe
pourroit abolir lec duels., en établilTaoc
des écoles où l'on raËaecoit fur le point
d'bonneur.
On ■œ -reraatque point chez 1» plâ'
fan des Cbrétiens^ une petXuaâon vira
de leur Rel^ion. îl ya bien loin cbe?
«ux de lâ.{»ofe^oQ à la ïroyaacçi d?
D.5.i.i=t; ^ Google
i£ Db ia Rbiigioit,
U croyance à la conviâion^ & de lÀ
conviâioQ à la pratique.
La Religion eft moins un fujec de
&ndîfication qu'un fujct de difputes >
qui appartient à tout le monoe. Les
gens de Cour, les gens de guerre, les
lemm» même, demandent qu'on leur
prouve ce qu'ils font réfolus de ne pas
CTMre. Ce n'etï pas qu'ils fe foienc dé>
terminés par raifen , Ëz qu'ils aient prjs
la peine d'examiner la vérité, ou la
fiulieté de la Religion qu'ils rejettenf^
ce font des rebelles qui ont îenti le
|oug . & l'ont fecoué avant de l'avoir
connv. Aufli ne iont-iïs pas plus fer-
mes dUns leur incrédulité que dans leur
foi ; ils vivent dans un flux & leBux qui
les porte fans celTe de l'une à l'autre.
Unhommedifoit unjour: » Je croîs
39 rimmonalité de l'ame par fémeflre ;
9> mes opinions dépendent abfolumenc
s* de la conftitntion de mon corps.
v Quand le Médecin ell auprès de mort
X lit, le Confefleur me trouve à fou
ai avantage. Je fçais bien empêcher 12
w Retigion de m'affltger , quand }e me
v porte bien ; mais je lui permets de
aime confoler, quand je fuis malade;
> lorfque je n'ai plus rien à efpérer d'un
w côté , la Religion fe préleitte & me
D.5.i.i=t; ^ Google
D s L A R B £ I e I o ir; r^
» gagne par fes promedes ; }e vemc
n bien m'y livrer, & mourir da côté de
M refpérance.
Un homme fàifoic tons lei Jours à
Dieu cette prière : » Seigneur , je n'en-
w tends rien dans les difpuies que l'oti
3> fait fans celTe à vqtre fujet. Je voadroîs
» vous fervir félon votre volonté , mais
» chaque homme que je confulte , veuc
9> que je vous' ferve à la (ienne. Lorfque
M je vous fais ma prière , je ne fçais
7> en quelle langue . je dois vous parler ;
y> je ne fçais pas non plus en quelle pof
» ture je dois me mettre. L'un dit qae
37 jç dois vous prier debout ; l'autre veut
» que je fois alTis ; l'antre -exige que mon
3» corps potre fur ines genouxi II m'arri-
» va l'autre jour de manger un lapin i
K trois hommes qui m'avoîent vu, me
yt firent trembler : ils me. foutinrent tout
3» trois, que je vous avais griévemenc
y> ofïènfé ; l'un , parce que cet animal
X étoit immonde ; l'autre , parce qu'il
y» étoit étoufTé ; l'autre enSn , parce qu'il '
*» n'étoit pas poiflbn. Toutes ces chofes,
M Seigneur, me jettent dans un embar-'
w ras inconcevable. Je ne puis remuer
M la tête , que je ne fois menacé de vous
M offenfer. Cependant je voudrols vous
x> plaire, 6ç employer à cela la vie que
B
D^ii...., Google
18 Db xa Kbiigiok.
M je tiens 4« tous : je ne ffaïs fi je me
.)» [Comp« ; .'mais je crois que le metl-
»leur moyen pour y parvenir, eft de
M vivre -en bon citoyen dans U tbciécé
•• où vous m'avez fait mitre.
.. Google
CHAPITRE II.
De la République.
LA nature da Gouvernement R^pu'
blicain eft que le peuple ea Corps,
ou feulement une partie dupeupteyaienc
la fouveraine puifuince.
Le principe de ce Gouvernement, foit
. Démocratique , foit Ariftbcratiqne, c'eft
la vertu.
La Vertu dans une République eft ine
chofetrès-fimple; c'efl l'amour de la R^
publique.
L'amour de la Démocratie eft celui de
l'égalité ; c'efl; encore l'amour de ta fru-
galité.
L'amour de l'égalité dans une Démo>
cratié, borne l'ambition au feul defîr,
au feul bonheur de rendre de plus grands
fervîcesàfapatrie, quelesautrescicoyens.
L'amour de la frugalité borne le défir
d'avoir; à l'attention que demande le né-
ceflaire pour fa famille, £c même le fu-
perflu pour fa patrie.
Il eft de la nature d'une 'République,
qu'elle n'ah ^u'un petit territoire. Dans
Djii..... Google
jio DsiARipuBiiQua.
une grande République, il y a de grandes
f»rtunes; les intérêw fe particularifent;
le btep commun eft facrifîé à mille confî-
dératiqbs. Dans une petite , le bien public
eft mieux Tenti , mieux connu, plus près
de chaque citoyen.
Le peuple dans la Démocratie, efl à
certains ^ards le Monarque, à cenains
autres le fujec.
C'ell une loi fondamentale de la Démo-
cratie, que le peuple feul fade des Loix.
C'eft une maxime fondamentale de ce
Gouvernement, que le peuple nomme Tes
Aliniflres, c'eft-àdire, fes M^giflrats.
Le droit de TutTrage, & la manière de
le donner, font dans la République , des
Loix fondamentales.
Le fufïiage par ley^-t ell de la nature
de 4a Démocratie ; le fuf&age. par choix
eA de celle de l'Ariflocratie.
Plus une Ariftocratie approchera de la
Démocratie, plus elle fera parfaite ^ &
cite le tleviendra moins, à mefure qu'elle
appiocbera de la Monarchie.
La meilleure AriClociatie 'efl celle oîi
la partie du peuple qui n'a point de parc
à la puiHance, ell fi petite de fî pauvre,
que la partie dominante u'a aucun inté-
rêt à l'oppriiAer.
La plus imparfaite de toutes ell celle
oh la partie du peuplé qui obéit, eft dant
Lijii.t... Google
TefcUvage civil de celle qui commande;
comme l'Ariflocratie de Pologne, où lef
Fayfans font efclaves de la NobleOe.
Dans le Gouvernement AriAocratiqaC',
le Peuple ell à l'égard des Nobles, ce
gae les Sujets font à l'égard du Monarque*
Si le fa^e & la fplendeur qui environ-
sent les Rois, font une partie de leur
puiiTance ; la modedie & la fimplicité des
manières font la force des nobles Arido-
cratiques.
L'efprit de modération eft ce qu'on- ap>
.pelle la vertu dans t'ArîAocratie.
La modération fondée fur la vert^^ e$
Taine du Gouvernement Républicain.
' Lorfque cette vertu celTe, l'ambitioa
entre dans tous les cœurs qui peuvent la ,
recevoir^ & l'ayatice entre dans tous. Les
defîrs changent d'objets ; ce qu'on aim'oit,
on ne l'aime plus ; on écoii libre avec tes
Loix, on veut être libre contre elles ; cha^
que citoyen efl comme un efclave échap-
pé de la maifon de fon maître. Ce qui
étoit maxime, on l'appelle rigueur; ce qui
étoit régie, on l'appelle gêne ; ce qui étoit
dttentiony on l'appelle crainte. Auctefois
le bien des particuliers faifoij: le tréfot'
public ; mais pour lors le tréfor public
devient le patrimoine des particuliers. La
République eît une dépouille , St. fa foic«
Djii.t...GoOglc .
Zt pBI.AlliPUBLIQVB.
n'ed plus que te pouroii de quelques ci*
toycQs , Su la licence de tous.
L'avantage (fan £tac libre, efl que les
revenus y font mieux adminiftrés ; mais
lorsqu'ils le font plus mal , l'avantage
d'un Etat libre, ell qu'il n'y ait point de
fevoris; mais qaand cela n'eO: pas, & qu'-
au lieu des amis Se des païens du Prince,
il faut faire la fortune des amis Ik des
parens de tous ceux qui ont part au Gou-
vetnement, tout efl: perdu.
'Deux clÛTes font pernicieu tes dans TA*
rîftocratie; la pauvreté extrême des nor
blet, & leurs richefîes exorbitantes.
Si Ton établit dans une République un
Corps fixe quifoit par lui.même la régie
desmœiirsj un Séoat cirage, la vertu,
la gravité; les fervices donnent entrée;
les Sénateurs expoféi à ta vue du peu-
ple, comme les ftmulacres des Dieux, inf.
pireront des fentimens qui feront portés
dans le fein de toutes tes femitles.
Dans un Sénat fait potir être la régie,
ic pour ainfi dire, le dépôt des mœurs,
les Sénateurs doivent être étus pour Is
vie. Dans un Sénat fait ponr préférer les
«fiaîres, lès Sénateurs peuvent charger.
Il n'y a rien de fi puifïant qu'une Repa>
blique oit l'on obferve les Loix , non pas
>^r crainte, ni-parraHbn, mais par paP-
comme furent Rome & Lacédé*
P
lu
inone; car pour lors il fe joint à la ft-
gefle d'un bon GouverneiDfnt, toute la
force que poarroit avoir une fââtton.
Dans le Gouvernement R^ablJcain ,
lés Lcâï doivent forcer un citoyen à ac*
cepter les emplois publics.
Une République fage ne doit rien lia-
zarder qui l'expofe à la bonne ou à U
mauvaiiè fortune ; le fetti bien auquel el-
le dwE afpirer, c'eft ta perpif tuité de fon
etac.
Le fanduaire de l'honneur, de la ré.
pntation & de la vertu fcmblé ftre éta-
bli dans les Républiques , & dam les Pays
où l'on peut prononcer ie mot de Patrie^
Comme une certaine confiance iàic la
gloire & la sûreté d'une Monarchie, il
iaut au contraire qu'une République re-
doute qudque chofe. Chofc fingulirre !
fias ces Etats ont de sûreté ; pins, com*
me des eaux tranquilles, ils font fojeis à f<ri
corrompre.
Le jM-incipe de la Démocratie ie cor-
rompt, non-feulemem torfqu'otiperd VeC-
prît d'égalité, maisencore quand on prend
l'efprit d'égalité extrême. Se que chacun
veut être égal à cetix qu'il chotirt peut
commander.
L'Arillacratte fecorrompt, lârf^uele
pouvoir des Nobles devient atbitraire.Son
D.5.i.i=t; ^ Google
24 DsiARJPtrBLIQtTff.
eitréme corruption eft, lorfque les Nobles
deviennent héréditaires.
La Démocratie a deux excès à éviter ;
refpric d'inégalité qui la mené àTArillo-
cratie, & l'efprit d'égalité extrême qui la
conduit au Derpotifme.
Quand une République efl corrompue^
on ne peut rem^ier à aucun des maax ,
qui naillenc , qu'en ôtani la corruption^
& en rappellant les principes : toute au-
tre correâion eft ou inutile, ou un nou-
vel abus.
Si une Démocratie conqniert un peu-
Ele, pour le gouverner comme fu jet , el-
! expofera fa propre liberté, parce qu'el-
le confiera une trop grande puillànce aux
Magiltrats qu'elle enverra dans l'Etat con-
quis.
Il y a encore un inconvénient aux coi»-
quêccs faites par les Démocraties. Leur
Gouvernement efl- toujours odieux. Les
peuples conquis y font dans un épat trifte ;
ils ne joutfTenc ni des avantages de la Ré-
jpublique , ni de ceux'de la Monarchie. « -
La République fédérative ell une con*
Teotion, par laquelle plufîeurs Corps po-
litiques confentent à devenir citoyens d'un
£tat plus grand, qu'ils veulent former.
Ç'efl une lociété de foctétés qui en font
une nouvelle.
.i.i=t; .., Google
Db la R£pUB£IQUS. At
La nature des petites Monarchies n'elc
pas k coofiédérattoo. Aiiffi U République
fedérative d'Allemagne eft-elle plus im-
parfaite que celle dC' Hollande &-de5uif-
îe. Cette Tfépiiblîque'cdinpofce de Villes
libres & de petits États rotimis à des Prin-
ces» {ubUAe pourtant , parce qu'elle a ua
chefi quieflen quelque fa^on leMagïf-.
' ttat de l'union.
Dans la République de Hollande , une .
Province ne peut faire une alliance , fans ~
le conreiitement des autres. Cette Loi'
manquédanslacon(litU[ion Germanique» '
où elle ptéviendroit les malheurs qui y
feuvent arriver à tous les membres , par '
imprudence , l'ambicion , ou l'avarice .
d'un feul.
It y âvoit un grand vice dans la ^-
part'des anciennes Républiques; c'eA que -
le pe-jplc avoit droit d'y prendre des réfo-
lutions ai^ives , & qui demandent quel- '
que exécution ; chofe. dont il efi entière-
njeot incapable. Le peuple efl admirable^
pour cboifir ceux à q^i il doit conBer quel* ,
qut partis de fon autorité; mais ffaura-
t-it conduire une afïaire^ connoître les
lieux, les occafions, les momenSf eopro-
Ëiêr ? Nba : ^ ne le f^aura pas.
Djii..... Google
iS
pe la Mpnarch'u.
LEi pouvoirs iotermédialKs». fitbor-
dqfmh St dépepdaBs, confticuenc
U D^cuve du Çoiivernemenc Monarcbi-
qjt^l (fcd-àrdire.^ 4eçç)ui oh un feul gou-
' Terne par dçs t-piv fcutd^nieiital^.
.' Dans 1a Monarchie , |ê Prince e(l la
foVTce dç tout pouvoir politique & civil.
Le pouvoir intermédiaire fubordonoé
le plus naturel, eft celui de^a Nohleâe.
Powt àfi MituiT^ , point de . NobUJi .'
jwnt de !^pbl^ , peint de Monarque,
Aboli0¥Z dans une iVlonarchie les pré-
rogatives des Seigneurs, du Ctergéf de
la fïptleflc & dçs YiUes ; vous aurez bien-
tôt un Etat Defpptiquç,
panslesMQnarcbips, tes Lo!x tiennent
la place des verc^ji. L'Etat fubfillei io-
dépeudammentdç l'amour pour la, patrie,
du deftr de 1% vraie gloire, du renonce-
ment à foi-même, 6e. du lacrifice de Ces
plus chers intérêts.
L'bonneur , ç'eft-à-dire, le; préjugé de
chaque perfoone Si de chaçiue cooduiouy
.i.i=t; .., Google
Dq XA Monarchie ^
«A If relTcirt du CÎQu.vçrpeqieni Modst-
CpQ un honneur i^ux. qaï conduit
taotes i» parties de l'Et» Moparcbique;
mais cet nqnneur ffiux efl aufli utile aa
FuUtc I qye le vrai le Terpic aux particu^
lier» qui pourraient l'avoir.
{«'honnçur éc^nt le principe de ce Gon-
vernçQient, il faut que Içs Loix travail-
lent \ fptitenir cet» Nobleffe, dont l'hoa-
neur eft, pour aialî dire, l'enfant & le
\ji Çouv^rçement Monarchique â un
g^nd avantage fur le Républicain ; les
amiîres étant menées par un feul, il y a
pJbs de promptitude dans l'exécution.
Le GouverneiTient Monarchique a ua
grand avantage fur le Defpocique. L'E-
tat y ell plus fixe, U conditutîon plus iné-
branlable, la perfoane de ceux qui gou-
vernent, plusalTurée.
C'cA dans les Monarchies, que Ton ver-
ra autour du Prince, les fujets recevoir
&f rayons; c'e^-là, que chacun tenant,
pour ainfi dire, un plus' grand efpace,
peut exercer ces vertus, qui donnent à
l'aine» non pas de l'indépendance, mais
de la grandeur.
L? plupart des Monarchies, n*onc pas
la liberté pour leur objet dired'; elles ne
uiuleac qu'à la gloire dès Citoyens , dt
eii
■ ■. . Google
sM DbiaMonarchib, ..
l'Ecac & du' Prince : mais de cette gIoir«
il réfulte aa efprit de liberté., quî^ dans
ces £tats, peut faite d'aulC grandes cho-
ies, & peut-être contribuer autant av
bonheui , que la liberté même.
Un Etat Monarchique doit être d'une
grandeur médiocre ; s'il éioit fort étendu ,
les principaux de l'État, grands par eux-
mêmes , n'étant point fous les yeux da
Prince, ayant leur Cour hors de fa Cour,
pourroient celfer d'obéïr. Le prompt éta-
blifTeraenc du pouvoir fans bornes, feu!
remède qui prévient la diflblution d'aa
grand Etat, efl un nouveau malheur,
après celui de l'aggrandiflèment.
Les fleuves courent fe mêler dans la
mer ; les Monarchies vont fe perdre
d^ns lé Defpotirme.
Le Gouvernement Monarchique dé-
fénere toujours en Defpotîfme ou ea
République. La puiflance ne peut ja-
ipais être également partagée entre le
-peuple & le Prince ; Véquihbre eft trop
diflicile à garder. Il faut que le pouvoir
diminued'uQ côié , tandis qu'il augmen-
te de l'autre ; mais l'avantage elt ordi-
nairement du côté du Prince qui efl à
U tête des Armées.
Dans une Monarchie, il &ut un dé-.
pôt de loix. Le Coofejl du Prince n'eft
plisVD dépôt convenable. U change iàiis
i>e lA MONAKCHIV. If
ceflè, il n'eft- point permaneac» il ne
fçauroiE être nombreux, il n'a poinc
à nn a0ez haut degré la conGance dii
peuple. Ce dépôt ne peut êcre que dans
les Corps politiques , qui annoncent les
ïoiXf lorfqu'elles fomfaiteS, & les rap-
{lellent , lorfqu'on les oublie.
La Monarchie fe perd , lorrqu'un
Prince croie qu'il montre ^lùï h puif-
iâoce, en changeant l'ordre des chûfett
qu'en les fuivant ; lorfqu'il ôte les fooc-
cions naturelles des uns , pour les donner
arbitrairement à d'autres ; lorfqu'il eft
J)lus amoureux de Tes fantaines que de
es volonté» ; lorfque le Prince rappor-
tant tout uniquement à lui , apelle l'E-
tat à Ùi Capitale , la Capitale 4 fa Cour ,
.& Ta Cour à ia feule perfonne.
Le principe de la Monarchie Te cor-
rompe f lorfque les ptemieres dignités
.font les marques de la première ferviiu-
de , lorlqu'on ôte aux Grands le refpeiîl
.des peuples, & qu'on les rend de vils
inftrumens du pouvoir arbitraire ; lorf-
que l'honneur a été mis en contradiâion
avec les honneurs. Se que l'on peut être
,à la fois couvert d'infamie & de dignités;
lorfque le Prince change fa juflice en fé>
,vérité ; lorfque des âmes finguliérement
lâches, tirent vanité de la grandeur que
pourroïc avoir leur fervitude, & qu'elles
Ciij
Googli:
5» , 'T>S iX MÔtTAicHtlI.
croiCDt t^ue ce qui faic que l'oti doic tout
au Pïirtte, faic que INsn tiedoic fîbn àHi
patrie.
Comme la nier qui femble vouloir côq»-
vrir la terre , efl arrècéo par les herbes &
les moindres gravien qui Te trouTeiii tat
le rivage ; ainli leï Monarques , dont Hk
pouvoir parojt fans bornes, s'àrréteAt par
les plus petits obJUacleSj Se fountetcenc
leur fierté naturelle à la plainte ft à là
prière.
Comme les peuptei qtii vîr^m fôus uRfe
bonne police, foncplus beureux que ceux
qui latis régie Se fans chefs, errent datw
les forêts ; aufli les Motiarquet qui vivfrnt
foils les loix fondamentales de leur Etat,
fônt-Us plus heuréuît que les Princes Def-
Eotiques qui n'ont rien qui étlifle régler
•cceUr de leurs peuples, nileleur.
L'autorité royale ell ua grand TtfTott
qui doit fe mouvoir aifément, 8t fkos
bruit. Les Chinois vantefit un de hWïi
ËmiJereurs qui goUverha, dttenc-ils, c&m*
liieleCiel, tfeft-à-dire, par fôti exemple.
Comtfie les Monarques doivent avoît
dé la fageffepoiir augmenter leur putflitn-
ie , ils ûe doivent pas Avoir tûoitu dft
JirùdeliCfc, afin de labortifrh
;■ La vtàfê puilîkhce d'un PrtAce nt eo6-
îilte pas tant dans la facilité qu'ît a à con-
quérir, quï dans la difficulté qu'il y a à
D^ii...., Google
Db LA MOKÀKCRII. . }T
l'attaquer, & pour ainfi dire , daosl'Hft*
mutabiliiê de fa condition.
Dans les Etats Mooarchiqaei, le Pri&>
ce eA la partie qui poorfbit les accaf<^,
& les fait punir ou, abToudre. S'il jugeoic •
lui-même, il reroit le juge Se la psrcie; il
perdroit le plus bel attribue de ta foave-
raineté , ceiui de faire grâce : la crainte
s'empareroit dé tous les e&rïts, ou ver-
roit la pâleur fur tous Ifes Tlfigei ; plus ds
confiance , plus d'honneur , puis d'amour*
Il faut que le Prince encou^ge , ïi que
ce foient les loix qui menacenr.
Dans les Munarchies, ladifgraceeAuR
Àiuivalen.i à là, peine. Les Grands y font
Cl fore punis par la dilgrace, par la pêne-
fouvenc imaginaire de leur fortune* da
îeurcréditi de leurs habitudes^ de leurs
plaiiirsy que la rigueur à te^t égaid eft
inutile.
%^^
ï
'wi*
D.5.i.i=t; ^ Google
C H A P I T. R E IV.
Du Defpotîfm.
L'Etat Defpotîque eft celui oîiiui feni ,
fans loi & fans r^gle, entraîne tout
par Ta volonté Se par fes caprices.
Comme il faut de la vertu dans une
République, Se dans une Monarchie de
l'hoimear, il faut de la crainte <ians un
Gouvernement Defpotîque.
Dans les Etats Defpotiques, la volon-
té du Prince une fois connue, doit avoir
àuffi infailliblement fon effet, qu'une bou-
le jettée contre uiie autre doit arcir le
fien. Il ne fert de rien d'oppofer les fenti-
mens naturels, leTefpcâ pour un père,
la tendrelTe pour (es enfans Se fes fem-
mes, lesLoix de l'honneur, l'état de fa
famé. Il y a pourtant une chofe que l'on
peut quelquefois oppofer à la volonté du
Frince, c'eft la Religioh.'On abandon-
nera fon père, on le tuera même , fi le
Prince l'ordoitAe ; mais.ûn ne boira point
de vin , s'il le veut ou s'il l'ordonne.
Dans les Etats Defpotiques, chaque
maifon efl un Empire féparé. L'éducation
y eft très-bornée, le fçavoir y feroit dan-
gereux, l'émulation fuoelle. Il faurocet
.i.i=t; .., Google
Dit DE9-PQTXSXV* $■%
tOiUf aGn de donner quelque cKc^ , St
.commencer par Aire uD mauvais fujet,
pour faire un bon efclave.
.; Les hommes font tous ^aux dans lê
Çpiivernement Républicain; ils roiiccgaux
.dans le Gouveroemeot Derpoiique. Dans
le preauér,'c'eft parce qu'ils font tout;
dans le fécond , c'eft parce qu'ils ne font
xieo.
Dans les Etats Defpotiï^ues, l'homme
e(t;oafî,créatttte'qui obéit a unç créature
qui veut. ■
; Pour former .un Gouvernement njodé-
tép il faut combiner les puilTances, le*
.régler, lestempérer, les Mire agir; don-
ner, pour ainlï dire, un lefl: à l'une pour
la mettre en état d.e réfifler à. une autre :
c'eA un chef- d'oeuvre de légination que
le hazardiait rarement, ^queraremenc
onlaiiTe faire à la prudence- Un Gouver-
nement I^fpotique , au contraire, faute,
pouraiafi'dire, auKyeuv. 11 cA uniforme
.par-^ut ; comme il ne faitt que des paf-
iTons pour l'établir, tout le monde «û
bon pour cela.
Comme le principe du Gouvernement
Cefpotique 'en la crainte , le but en eft la
tranquillité.
.- Il femblerott que la nature humaine
.devrait fe foulever uns cefle contre Ip
GoiÀrernemenc Derpoiique. Mais malgré
Lijii.t... Google
3f Dv DsiPotMics.
ftmtMir det hcMUton pouf la UhAfté^
nulfré lêut baihecdtitrfilA violence > Ift
plupart des peu{)l«5 y fant ïbuuis.
De cdHs les Oôitvernttneos t)«rpotîf
ques y ilb'y èù i pi)mtt)ai it'atëâMe pluk
ItaMhême, q^ue ^loi dû te Pdnce fe dé*-
Cterd pmbritftdfl-e de cdUS les foodi dfc
tvrTe> & rhérjtflït detobs les fûjeti:
Quand les Sauvages de la LouHîâlsè
yéUletitàv&it-dù fruits Us cou{>et)t l'Acre
tu ^t«ii & cuwUem le Mit. VnMlà A»
Gouveroement Defpotiqae.
Le pHncipe du GôuvèrHedieoé &e&
pdtiqbe fe corfempt faÉi titth , paret
qu'il e(t eortbftipu pït ft Uenire. 11 |>é^
tic par fôn vice intérieiir.
Cobtfhfe les Riépùbliquei po^lY^ehc
3k lesr f&retë en ï^hlflatic ^ lA Ët&tk
D«r|Wtitiâ4f le fônc CD fb fépktànt , ft
ft tenahc , pour alAlî dirfr , ftuli. Ih
lacriSeùt uâé ^anîe du Pays* ravageât
les fh^tere» , 9c les rcRdeût défettik;
le Ci^^s dé l'EMpiK dinriMt itiàtce(>
fibte.
Les places forces appaHienttttnt aiHc
Mpnarcl^ies ; )« Etats Dkr|tocIqtiescrai-
gnenc d'eh avoir.
L'Ecat Defpocique fait . contre lai-mê-
me tout lé mal que pourrdit taire ùâ ctuel
enhèinî ; mais lia éanetni qu'on ne poud-
roie arrêter. -
Les Etats Defpotîqaes font enti'eux
t>v Dbsfotismb. ^
des invaftoDs ; il n'y a que les Moaar>
chies qui falTenc la guerre.
Un Etat Derpotique eQ un corps ma-
lade qui De fe fôutiént pas par un r^t-
me doux Se tempéré , maïs par des re-'
modes violons , qui l'épuifent & le mî-
BeDc Ctoi celfe.
Dans les £nts Dcfpotiqmt il ne fd
forme point de petites révoltes ï il nY
a jatoiAis d'ittcervalle entte le murunro
{6 ht féditioti. Daas cet moment rigoO'
teùx t tljà. toujours des mouvemeis cti-
tbaltucDZ, où perfonne n'eftle chc£Le
défefpoît même de l'impunité confinoto
Icdéfbtdre, & le rend plus grand.
Il ni &ut point qae les grandi éf^
néiiMDtf y bthnt pre^arés par de tftUH
des cauliesc au contraire » Ift nvaïndft
accident produit une grande révélation,
foQvent «ullî imprévue dtf ceax qui là
fbbt , que de ceux qui It foufirent. QMdii
vne fois l'autorité violente eQ mépriféi),
il d'en rcAe plus alTei: à perfonae , j>Mt
la aire tcrenir. u^in^ , dans les Èuss
Defpotiqties » le Prince , qtii «ft k
Loi* même , cft moitu âiaitït qae fkt-
tout ailleurs.
Rtea ne rapproche plus \H Priâces
de U c6ndîritA d« leurs iujëts , qufe cet
immeâfe pouvoir qu'ih ekercétit fur eux ;
rien ne Its foutnet plus aiU reveN fc
aux capricesde.la fortune.
D^ii.t..,Googlc
CHAPITRE V.
Des LoiXi
\
LA Loi en général , ed la raifon bt^
maine ^ ' en tanc qu'elle gouverne
tous les Peuples de la terre.
Dite qu'il n'y a riendejufteni d'injufte,
que ce qu'ordonnent ou défendenc les
Xoix polittves , c'eft dire qu'avanc qu'on
eôc tracé de cercle , tous les rayons n'é-
toient pas égaux.
Dans l'état de nature, les faommes
JiaiiTenc bien dans l'égalité ; mais ils n'y
.içauroiént refier. La fociécé la leur aie
^perdre» & ils ne redeyieanenc égauxque
,par les Loix.
Les Loix doivent être relatives au Pby-
,iique du Pays, au climat, à la qualité
.du terretn , àfa fituation , à la grandeur,
au genre de vie des Peuples, à la Relî-
fiondes HabitaQs,' à leurs inclinations ,
leurs ricbeHes, à leur nombre, à leur
commerce, à leurs mœurs,* à leurs ma-
nières.
Ce font les' diffîrens befoins dans les
divers, climats, qui ont formé les difiê-
rentes manières de vivre ; & ces difierentes
.manières de vivre» «it formé les diverfes
D^ii...., Google
Dss Loix. ^ ijf
fortes de Loix. Daoi uns Kation oîi les
honjmes fe communiquent beaucoup,
il faut de certaines Loix ; il eo 6lDt d'au-
tres chez no Peuple , oii l'on ne fe conv
munique point.
Les Loix ont an très -grand rapporc'
avec la &çon donc les divers Peuples fe
procurent leur fubfiffance. Il faut un Co-
de de Loix plus étendu pour un Peuple
qui s'attacbe au commerce & à la mer,
que pour un Peuple qui fe contente de
cultiver fes'terres. 11 en faut un pi uigraml
pour celutci, que pour un Peuple qui
vit de fes uoupeaux. U en.fautan plus
grand pour celui-ci , que pour un Peuple
qui vitdefachafTe.
' Le {lyle des Loix doit être concis. Les
Loix des douze tables font un modèle de
précificHi ; les enfans les apprenoienc par
cœur.
Le flyle des Loix doit être Hmple i
l'exprelSondireâe s'entend toujours mieuil
que l'expreirion réSéchie.
Les Loix ne doivent point être fulrtt>'
les; elles font faites pour des gens de-
médiocre entendement ; elles ne font-
point un Art de Logique , mais la nilba'
jimjple d'un père de fatoille.
- Comme tes Loix inutiles afToibliQènc.
les J^oix néceflaires,' celtes qu'on peut
cloder i sOeiblillimti U ^giOaww..
D.5.i.i=t; ^ Google
)8 P«s Lqix.
Il fânc dvn les hoix une ceittin»
Qui^Bor* FaÎHN potir punir la mâchan-
ceré 4et JiQnm» > «llei doivme auoir
tllei-m^mos 1» plus mode ioQoceoce.
C'eft une chofe abmrde pottr un fat*
l^nr de- hou , Ak- fe ftrvir d'une aa-
u« langue q^c do la valgaire. Com-
nwst peuïron Iwt al)i«rv«r, fî sUet ne
ilnic pis çoBouos f
]^«« Ih«)x font ifli yeux du Friaoe;
îî vskpapellef c» qa'U os poorroirpas
wirfaBfi q11«. Veat-11 faire la ïbaâiaa
f}a*ttibiuauxflUiavaiUe, non pas pour
hû ■ mais pour {*% ffduâeurs eoùciv
lei. ^
La Loi n'efl pas un pur a£te de puU*-
&DCe % les cboFes iadiffeicnus par leur
tffsxff^ , oe font pu de foo lefibct.
-. LcsLfûx iom Ibuvenc de gra^s biens
très- cachés , & de petits maux .très-
^nfiblèt.
. jPar une bizarrerie qui vîsnt ptotôt
de la âature que de l'oCpric des Jiom-
Btf» » il ed quelquefois nécelTaire de
langer certaines Loix ; maÎK le cas e(l
. «tfe ; 8c Iprlqit'il arrive , il n'y faut
CtHlshïr que d'une main tren^Ume. On
y doit obferver tant, de folemnit^, &
^iporter tant de précautions , qu« le
Ipfl^ple en. conclue nacurelleiscni qu'il
£iut ^ il» Xioix.&iieu. biea i^tes»
Lijii.t.. Google
Dbs Loix. If
pnifqull ÙLW tuât de folemmtés pour les
abroger.
QueUe^ ^ae ^omqe -Us .Loix^ il giac
toujours lês'fuivre, Sc'lës regai^er com-
me^ coDfcieQçe pabMqve, à laquelle
celte des particuliers doit fe conformer
[oii)onrs.
C^ UB malheur An Gouvcroenent»
lorfque la ftfagiftrature (k voit cootisinc*
de faire des Loix crabes. C'cA paie*
qDV>|^ a rfndu f oUïSànee difficile , que
Voo sfl. obligé d'aggiavsr la peioe d^ la
dérobéïlTaRce. Un Légidateur pnideot
wéviendia le malfaevc de deveoif ua
L^fUttur K»He.
.i.i=t. ... Google
CHAPITRE VI.
Dts Pt'mtt.
LA Cévémédcs peines coavieatmièur
au Gouvernement Dèrpodque, donc
le principe eA la terreur» qu'à la Mo-;
naûbie & à la République.
Dans les Etais modérés , ta plus grao-;
de peine d'une mauraifcaâÎQiif'fera^d'en
être convaincu.^ !
Dans ces Etats, tin bon LégiHateut-
s'attachera moins à punit les crîtnes^ qu'à.
- les prévenir ; il s'appliquera plus à donner
des moeurs , qu'à infliger des fupplices.
Il ne faut poinc mener les hommes pat
les voies extrêmes. Suivons la nature »
qui a donné aux bc)tames>la honte » com-
me leur fléau , ■&;que la plus grande par*
tie de la peine, ^isitTinfamip de la fouffrir.
Dans un;"Ë6ac , les peines plus on
moins cruelles" -nis foât- pas que Ton
obéïfle plus aiis^oix. Dans les Pays où
les cbâtimens foiic modérés , 0I^ les
craint comme danîTceux où ils font
cyranniques & affreux.
La proportion qui doit être entre les
fautes de les peines , efl comme Tame
4es Etats , Si l'harmoue des Empires.
Cas TeittEs. ^ 41
Il e(l eflèâciel que les peines aieiic
de l'harmonie entr'elles. C'e nn grand
mal parmi nous , de faire, fubir la mé-
me peine à celui qui vole fur on graod
chemioy & à celui qui vole & affamoe.
Les vols fur les grandschemins éioicbc
communs dans quelques Etats :onvoa- .
lut les arrêter, on inventa le fupplice de
larotie , qui les fufpendit pendant quelque
temps ; cfèpuis ce temps on a yolé, com*
. me auparavant , fur les grands chetnins.
De nos jouis la défercion fut tri»-
' fréquente ; on établit la peine de more
contre les déferteurs , & la défertlon
ne fut pas diminuée, La raifon ea eft
bien naturelle : un foldat accoutumé tous
les )ours à expofer l'a vie, en méprîfe
ou fe flaiie d!eB méprifer le danger ;. il
efl: tous les jours accoutunité à craindre
la honte , il falloît donc laifTer uns
peine qui faifoit porter une 6étri0ure
pendant la vie. *
Quand Doa fait, danslefiécIepatTe, des
Loixcapitales contre les duels, pem-étre
auroit-il fulB d'ôcer à un guerrier fa qualité'
de guerrier, par la perte de {a main , n'y
ayant rien Ordinairement de plus trifttf
pour les hommes, quer de lurvivre à l3
perte de leur caractère.
L'atrocité des Loix en empêcîie l'exé-
cution. Lorfque la peine e£t fans mefurc^
D
. . Google
I
4z Dis Pkïtttà. j
on e(t fouvtnt oblige dé lui ptéCétit l'im-
patilté,
Tbiite peihè t^ui oe détîv* pw de fa
téciVUté, eil tyràrmique. '
Les pefhes dèsCTÎmêsqttiatMqtMïftt la
sûreté publtqiitf, fODt eé qu'on appelle
derfupplices. C'ell UnâefpécedéTaïion,
e^l fait que M fociété tefufe U iêrnié k Un .
Qtbyeil zpl en a.ptiii, 6ù q^i ft T4tita
«tl i^riV» iiti Autre. G^te )Ml»é eft puifife
datu la tiatui'ë, dans la f&iitàbt dËtbl tes |
fôtirces do biéti & da râit. |
. ., Li peiAe de tnort eft cfiSiitit K tttti^ j
'' dé de La fociété malade.
l.ts fiipplices retrancberonc bien de U
ibeijté ùrt Citoyen, qui by2nt perdu jU
ihâétll'i, ^iolé tes Lois ; trltik fî fouc le t
niondeà perdu fesmœàfs, l^t^ablironc-
ih P Ils arrêteront plufitHffï cobfêqtfences
dû tnal génial, tnat^ilï netiefrïgerênc
pas ce mal. '
. Nos pères lesGcrmamir^ h'iàméftéiétit
^aètei qiid dés f êirtes pééûnUifé*. Mtùf
côitiirtè ce fôtit cenX qtli' n'ôiit point it
hitltt r qbî àttaqileht plus volontiers cetui
Ae) antres il i ùtihi qat la ptiâë zoipàttU
U {uppïéit à la pétoàhiie*'.
.i.i=t; ^ Google
CHAPITRE VII.
Ve U Uèertii.
LA Liberté philofophique coaÊ&o
dans l'exercice de fa volontf, ou du
moins datû l'opinion où l'oti eil que l'oa
exerce fa volonté. La Liberté politiqut
'conHÂe dans ta sûreté, ou du moitis dans
Tppjnion que l'on a de Fa SÛ^été. Quand
i'innocencê dès Cicdyew n'éft pas affû-
tée t la Liberté ne Teff pas non t>liis.
La Libené policique tiëtonfifle point
i faire ce que l'on veut, mais elle e(i lo
droit dé faire ce que les Loîic per metten: ;
écCiun Citoyen pouvoit faire ce qu'elles
défendent, il n'auroit ptui de liberté,
parce que les autres aùroiene tout de m^
îne cej5ouvoir.
Là Liberté confifle principalement à
oe pouvoir être forcé a faire une chofa
que lés Loix n'ordonnent pas.
La Liberté de chaque CitcJyeh eïl une
partie de la iiberté publique. Cette quali-
té dans l'Etat populaire, elt mêine une
partie de la Souveraineté.
hés Prîiicésqui né vttj:nt point et]tt*cu%
fous des Loixciviles, ne fontfoint libres-i
ils font gouvernés par la force ; ils peuvent
Dij
Google
.44 I^B i-A LibsrtI
^Êoachluellemenc forcer » ou être forcés :
delà il fiiîc que les traités qu'ils ont ^izs
par force, font au(Ii obligatoires que ceux
qu'ils auroient &its del^on gré.
It femble que la Liberté foit faite pour
le.génie des'peuples d'Europe, & la fer-
vitude pour celui des peuples d'AJÀe, £a
ÂCie les Nations font oppofées' aux Na-
tions, dufoft au foible; les peuples guer-
riers, braves&adifs, touclient immédia-
tement des peuples efTeminés, pareHeux',
timides: il faut donc que l'un (oit conquis,
& l'autre conquérant. En Europe, au
contraire, les Nations font oppolees du
fort au fort; celles qui fe touchent, ont
à peu-près le même courage. C'eft U
grande raifon de la foibleffe de l'Afie,
Si. de la force de l'Europe; de la Liberté
de l'Europe, & delà fervùude del'Afie.
,*. Les Peuples des I/les font tilus portés à
la liberté que les Peuples du Continent.
I-es Ifles font ordinairement d'une petfte
'étendue. Une partie du Peuple ne peuc
pas être fi bien employée à opprimer Vau-
tre. Les Conquérans font arrêtés par l'a
mer, les Infulaûes ne font pas envelop-
pés dans la conquête.
' ' Dans les Pays de Montagnes , la liber-
té eft le feul bien qui mérite qu*0Q le dé-
fende.
Les Pays ne font pas cultivés en raîfo'
D^ii...., Google
de ^eor. fertilité, niais en raîfon de lear
libert*?. La plupart des invafions feibnt
"idârts les Pays que la nature avoit fait»
'pour être heureux. Ainfi les mrilteufs
Pays forit le plus foLvint dépeuplés, can-
dis que l'afVeax Pays, du Hotâ refte toir-
■ jours habité, parla taifon qu'il eft prêt
■ que itiFiabit^ble, ' ''
'' La bonté des Terres d'un Pàysy ét&
blic naturellemenc la dépendance. Le»
" gens de la Cathpagne n'y font pas fi ja-
loux de leur liberté; ils font.crop occu-
pés & trop pleins tie leurs aSâîres parir-
■ culierci. Une Campagne qui regorge de
biens, craint le pillage, elle craint une
Armée.
. On peut po/ér pour maxime, quedans
chaque Etat le oellr de la gloire croît
avec ta liberté des Sujets, & diminue
avec elte : la gToîre ife jamais compa^
"gne de la fervîtude.
Or peut tout faire avec des homme»
libres. Avant que le Chrîftianifme eût
aboli en Enropela fervirude civile, on
xegardoitles cravfiux des mains comme fl
pénibfes, qu'on croyoit qu'ils ne pou^
voient être faits que par des efclaves , ou
p5r des criminels. Aupurd'hur les hom-
mes qui y font employés, vivent heureux.
Il n'y a peut être pas de climat fur la:
Krte , où fon ne- pût engager Au travail
D^ii...., Google
45 ■ Dp.i rirfiéRTi. ,
des tommes' liisres. I*atce qiie les Lobe
£toiem mauvaifes , oh a trouvé dés hom-
mes pareRèux ; parce que ces tiotnmès
eioient parelTéux, on. les a mis daàs
.i'elclàvage.
Dans une Nation qui efl dans la Servi-
tude, oa travaille plus à donferver qu*à
acquérir. Dans une Nation libre ^ oQtrà<
vaille plus à acquérir qu'à conferver.
Kien n'attire plus les Etrangers que la
liberié, & l'opulence qui là fuit toujourj.
L'une fe fait recherclier par elle-même,
& Its belbins attirent dans les Pays oCt
l'on trouve l'autre.
Ce qui fait que les Etats libres durent
moins que les autres, c'çfl que les mal-
heurs & les fuccès qui leur arrivent, leur
font prefque ïoujours perdre la liberté;
.au lieu que les fUccès & les malheurs d'ub
Ëtac où le Peuple eft fouthis> confirment
également fa fervitude.
Une Nation libre peut avoir an li-
bérateur ; utie Nation fùbjuguée oe peut
avoir qu'un autre opprefleuri
Toutes les fois qu'on verra tout le
mofade trauquilfe dans un Etat qui fe
donne le nom de République . on petit
çtré aiïuré que la liberté n'y eu pas.
La place naturelle de la vertu , êft
auprès de la liberté ; mais elle ne fe
trouve pas plus auprès de la liberté ex-
trême , qu'auprès de k fetviiudc.
Coogk
m
CHAPITRE VÎII.
Dfe rEfiUvàge, . ■■'
L'E^clhvige propretaieiic dit , efE 1'^
tabltflTitmenc d'un dtait qdi rend un
honune teilemeat propre à eh autre
luHnihe ) qu'il e(l le auitrs abfolu de
Êi Ttê & de fes biens.
L'efclavage n'ed pas ben jbif fa na-
tdre : il a'èlt Dtile ni ap tndiirê , ni i
l'efcUve; àc4tuHci« parce qu'il fie peut
rien faire par vertu ; a celbi-là i parcs
qu'il centrante avK fes frlclaVes toutes
fortes de inivvaifci faabitudei t ^u'îl
l'accoutume infenfiblettieot à tftariqoer
à toutes lès Tsrtts morales ; qu'il dévietit
fier i proftrpt > dur , ttilèt* > vttlup-
tueux , cruel.
Dam le Gouvernement Monitrcliiqae,
oïl il Câ fouVeraifKtihetK rmportabt de
ne point abattre ou avilir il nftttirè fau-
mainci , il t» faut pcnni d'&feUv^.
On ne croitait jan^ais ^M c'eât été
la pitié qui eût établi l'efclavage. Le
droit des gens a vdblu qUe Itfs ptltèi^
niers fùlTecc efclavet, podr qu'ofi ne les
tu&t pas. X>e droit des Roiftâins pet'iBic
î éM9 débneurs que Utirs ctéiéaiiHi pdto*
.. Google
voient maltraiter, de fe vendre ent-
mêmes; Scie droit naturel a voulu que
des enfans qu'an père efclave ne pou-
voie [tIus irourrir, fuirent dans l'efcla-
vage > comme leur perc.. Ces raifons ne .
font point fenfées<
Il efl; faux qu'il foit permis de toer dans
la guerre, autrement que dans te cas de
néceflîté. Tout le droit que la guerre penc
. donner fur les captifs f eil de s'aflnrer
tellement de leur perfonne, qu'ils se
.puilTeni plus nuire;
Il n'eîl pas vrai qu'un homme libre
puilTe fe vendre. S'il n'eil pas permis de
le tuer ^ parce qu'on fe dérobe à fa patrie,
il n'eit pas plus permis de fe vendre. Si la
liberté a un prix pour celui qui l'achète,
. elle efl: fans prix pour celui qui la vend.
Or lî un homme n'a pu fe vendre, encore
moins a-t-il pu vendre (on fib qui n'étok
pas né.
Ce qui fiic que la more d'ut* crimî-
col efl une chofe licite , c'eft que la
. Loi qui le punit, a été faite en fa 6i-
veur. Un meurtrier a joui de la Loi qui
: le condanuie, elle lui a confervé la vie à
. tous les in^ans: il ne peut donc pas récta-
.. mer conn'e elle. Mais la Loi defefclava-
. ge efl dans cous les cas contre l'efclave^
ians jamais être pour lui; ce qui eli con^
._ iraire au principe fondamental de toutes
ïcs fociéiés,
Djii.t...Googlc
Comme tous lethémmesnaiireticégxux,
refcJavage eft contre la nature.
L'c&UvKge eftaiiiTi oppofé au droir ci-
vil qu'au droit naturel. Q<^Uc Loi civile
pourroit empêcher un cfclave de fuir,
lui qui n'ell point dans la fociété, & qu-
aueuôe Lois civ^es ne concernent ?
' Ritfa nemet plus près de la condition
d«s bétesj que de voirtouiouts des hom-
mes libres , & de ne l'être pas. Les efcla-
-ves Aine des ennemis naturels de la focié*
lé, '&IeHr nombre feroit dangereux.
Il y a deux forces de'fervitude , la r^l-
iCf & la pcrfonnelle. La réelle eft celle
I' qui' attache i'efclave au fonds de terre.
La perlbnnelle fe rapporte plus à la per-
fonne du maître. L'abus extrême de l'ef-
clavage eft,- lorfqû'il èft en même-temps
'perfoniiil & féel.
Les Mofcovîtes fe vendent très-aîfé-
menc ; c'en que leur liKrté ne vaut rien.
Dans tout Gouvernement Defpotique ,
ca a une grande facilité à fe vendfe ; l'ef-
-cl3vag«' politique y anéantit en quelque
•fiÇoalii liberté civile.
Dans le Gouvememcnc Defpotique , U
condition -d'un homme libre & celle d'um
•efclave fe touchent de fort près , & l'ef-
clavcgepolittque établi dans le corps de
.■ E
. Google
..$0 ,Db l'EfiCLÀTT Aap.'
yËoLt, (m que -Von f<mt.peai'ei(:l4Tage
civil.
Dans cç^ Etats les hommes libres, trop
foibles contre le GioHveruppîBiw , chef-,
plient à devenir .le* efrlaves dç çepx qui
tyrannifeiit le Gouverpement, , .
Il y a des Pays oii la (ibaléur énerve le
corps , & affuiblit il fort le courage , que
les hommes ne font portés à un devoir
pénible, que par la crainte du, châtiment:.
L'efclavage y choque donc moips la rai-
fon ; & le maître y étant au (îi lâche à.ré-
^ard de.fon Prince, qu^ (on efçlave l'eft à
^n égard, l'efclavage ciyil y-eft encOTp
;tccomp3gné de l'efclavage poUtique.
Les Peuples du Midi ont toutes fortes
de commodités pour la yie, & peu de be-
iJbins: c'eilcequi a natutalifé la iervitude
chez eux; en force qu'ils. font e^qyelquc
-iaçon d^ns un état viiçlenc, s'iis pe fotit
^fçlaves,
£n Allé , on a tojijours vu de grands
Empires; la pMÎ^^nce y doit touiours être
:Defpotique. ^wjp y.régne-t-il i^n efpric
de fervicude qui ne l'a jamais quittée; &
dans toute) les Hifloires de ce Pays, il
: p'eA pas polTible de tpuver ua feuî traie
.qui marque une aiQe libre: on n'y verra
Jamais que l'héroïfmç de la iervit;^. .
Les grandes vertus fe cachent i ou fa
|>erdent ordinairement daos la lervitu^et
D^ii...., Google
C H A P I t R Ë IX. ,
Dt la Guerre.
LA vie de» Eiati eft comme celle
des homùies. Ceux-ci oni droit de
tuer dans le cas de la défenfe naturelle;
ceux-là ont droit de faire la guerre, pour
leur propre confervation.
Il n'y a que deux fortes de guerres jus-
tes ; les unes , qui fe font pour repouflèr
un ennemi qui attaque; \ûi au'tres, pour
fçcourir uti allié qui efl attaqué.
Sitôt que les hommes font en fociéte^
l'écac de guerre commence. Chaque focié-
té particulière vient à fencir fa force; es
qui produit la guerre de Nation à Nation.
Entre les fociécés, ledroit de ladéfen-
le naturelle entraîne quelquefois U né-
çe,ffité d'attaquer; lorfqu'un Peuple voie
qu'une longue paix enmettroit un autrft
çn état de le détruire, & que l'attaqué
efl dans Ce moment le f«ul moyen d'em-
j)êcher fa deftrudion. " ' ■ ■' >
Les petites fociécés ont plus fobveùt
lé droit de faire la guerre qbe les gran-
des, parce qu'elles (ont plus fouvent d%DS
Je caide craindre d'être détruites.
Lijii.t.'..Googk:
52 Db £A Gubrrb.
' Lorfqu'oa voie deux graods Peuples fa
f&ire une guerre longue & opiuiâcrey c'^
iouvenc Une mauvaife policique de peo-
fer qu'on ne peut demeurer fpeâateuE
(ranquille;car celui des deux Peuples qui
ell le vainqueur, entreprend d'abord d«
nouvelles guerre»; &. une Nation de fot-
iizs va combattre contre des Peuples. qui
ne font que citoyens.
Un Ptipce ne peut faire la guerre , par-
ce qu'on lui aura refufé un honneur qui
juieAdû; non plus qu'un particulier oe
peut tuer celui qui lui'refufe le pas. La
raifon en eH, que comme la déclaration
de guerre eft un zâe de juflice, dans la-
quelle il faut toujours que la peine foîc
proportionnée à la faute; il faut voir fi ce-
lui a qui on déclare la guerre, mérite la
niprc. Car faire laguerreàquelqu'ua,c'efi
vouloir le punir de mort.
Le droit de la guerre dérive de la né-
cedJté. Si l'on ne s'en tient pas là, tout
' fSi perdu. Lorfqu'on fe fondera fur deç
.principes arbitraires de gloire, de bien-
léance, d'utilité, des Hots de fang inon-
, derohe la terre : que l'on ne parle pas fur-
tout de la gloire du Prince , fa gloire fe-
^roit fon orgueil ; c'eA une paflîon , £c non
Yas im droit légitime. La réputation de fa
puiOance pounoic augmenter les forces
Liji;... ..'Google'
DbiaGvb&se. j|
de (on Etac; niais la r^utacion de fa ja^
tice_augmenteroit tout de même.
Dans le droit public, l'aâe de juflice
le plus févere > c'eft la guerre, puifque
ton bue eft la defimâion de la fociété.
VCK
«*>()<»»
D^ii...., Google
CHAPITRE X.
Des Conquêtes.
L'Objet de la guerre , c'efl la viâoi-
re;celuidelaviftoire, laconquête :
celui de la conquête, la confervaiion,
La conquéce eft une acquiritioti ; leT-
prit d'acquifîtlon porte avec lui l'erprît de
coofervaiion & d'afage, & non pas celui
de deftru<Si<»- . . - ■
Les Auteyts de notre droit public ont
fupporé danxîesConf)<iéians un droit, je
ne fçais quef,.de tuer, parce que le Con-
quérant avoicïdrQÎc de d^îruire la fooié-
té ; d'où ils ohc conclu ({u'il avoit celui de
détruire les hommes qui la compofent :
conféquence fauiïement tirée d'un faux
principe. Car de ce que la fociéié ferojt
anéantie, ilBes'enfuivroitpasque les hom-
mes qui Informent, dunent aullt ctrea-
néantis. La fociété efl l'^inion des hom-
mes, & non pas les hommes ; le citoyen
peut périr , & l'homme relier.
Du droit de tuer dans la conquête , les
Politiques ont tiré le droit de réduire en
ferviiude ; mais la conféquence eft auffî
mal fondée que le principe. On n'a droit
de réduire en fervitude, que iorfqu'elle eft
.i.i=t; .., Google
liéceflaire pour la confeivacioa iela-xMa.-*
qaéte.
Siiaiervitùde eflnéceUâire, ileflcon'
tre la tbcure de la ctiors , qu'elle foie é^
tèraeile^ Aûriîle.ConqnérsntqiRrédaîile
Peuple e^ (tivundcy doit toù)oars ie té-
ferrer des moyehf poar l'en iàir e forcîr; .
' Une'conqitéte peuc détruire les pré^
jagés outfibles. Quel bien 1» EfpagnoU
ne pouvoient - il -pzs faire aux Méxi*
catns-? Ils JkTcâeiv^ leur donner une Rcr
'itgiaa dàuce ; Ssleof appbnerent une (ât
perftitîoo furîeufe : ils auroieoc pu ren-
dre libres les efclave) ; Se tis rendirent
efcfaves les hontmes libres : ih pQu.^
voient les éclairer fur l'abu» des facriS*
te^biimâtoi; âuUeu ds cela, ils tes exi>
tecïninerent.
-Rieo'ac .devroic mioDS corriger les
î*rtoees de la fureur dei conquêtes loin-
taines , que l'exemple des Portugais Se
des Ëfpagnols. Les ups fiirenc au(U-,tûf;
ebaifés des terres . coaquilos ; les autre»
eo fireqc^dCs deferts , Se readir^v dr
toêoïc l(Vr profwe jPays.
Tel Etat conquis tireroit des avan-
tages de la conquête même , B ellen'é-;
toit pas deflr^rve.. Vn Gouvernemenc
parrepii au ^poioc ofi: il tie. pût plus f«
féfo.tnKir 'lui;g;^me (t^iie perdroiç pE^
lïea^coiip jà jé$re. r^ffifidif, Vo Oyiqifor
.i.i=t. ... Google
ji Dms CoqxqviTzs.
imnc» qui eatre cbcz ua Peuple^ tA^
par mille rufes & mille aniËces , leri*
che s'eft iafenfiblement pratiqué une âi-
£nité de moyeps d'ururper ; <A le mal*
lienreiizqtii géout,voyani oc qu'il cio^t
des abus devenir. <^M Loix^ eEk tûnè
l'oppreflioD & croti avoir tore de ta-feih
tir ; un Conqaéraoc alors peut dérouter
tout , Se la tyrannie fourde eft la- pie*
miere cbofe qui fouflrp violeoce;
Dans les conquêtes , il ne Itiffic pas.
<le laiiTeràla Nation vaxncue fesLoizc
il eft pent-être plus nécefTaire de ïuî
laiHer fes mœurs , parce qu'un Peuple
cotuioît, aime & défend toujours plus
fes mœurs que fes Loix.
Les cooquétes ibnc aifées à &{re-^
parce qu'où les fait avec coûtes fes foi4
ces ; elîes ' font diiSciles à cenfaver ,
parce qu'on ne les défend qu'avec une
partie de fes forces.
Si une Monarchie en conquiert one
sutce, plus c«Ue-£i fera petite f mieat
on ta contiendra p^r àts-^utfeBks t
plus elle fera grande , TSietiX an Ul con^
îervera par des colcmie».
Tel efl l'état nécellair» d'une Monar'
chie conquérante r un luxé affreux dai»
là Capitale f la tnifet-e dittS' tel Pro>
viâces qui s'Ai éloijgnent, l'abondanca
AUX extréihitéa. Il en eft comme de
D.3.ii.t.., Google
De s C o H Q v i T B s. -m
■otre planette; le feu ell au centre, h
verdure à la furface , une terre àtide «
ùoide & llétile , ent^e les deux.
Ceft le deftin des héros , de fe rui-
ner à conquérir des Payi qu'ils perdent
foudain , ou à foumettre des Nations '
qa'ils font obligés mx-mcmes de détrui-
re ; comme cet inleole , qui le confa-
mcût a acketçr iw ftatues qu'il îcnoîc
daos J9 nvr , & de^ gUMjS qu'il bi^
Qq peuc dé&iù- le drok 4e c^n^q^
te , an droit -DécelTaire , légitime Se
nwlhaiTeujt » qui laiQe toujours à payer
Qoc décor immeafe» pour ^acquitcvco-
Ters la. natiue Iwa^ÎBC'
D.5.i.i=t; ^ Google
.,: CH AP It:R E XI. ,
Du -Climat.' ■'- '
L'Empire du Climat eft' ïé prèttfet
de tous le* Empires.
L'air froid augmente le reffort & Il
ftrce des fibre*. L'air chaud , au 'ift«fr
traire, les relâche , &diminiieietfrïèit
fort. On a donc- plus de'vîl^âeïif d'aas-
les climats froids. Cette force plus-gcatlp
de doit produire bien des efiêts ; pat
exemple, plus de confiance eti foi-mé*-
me , c'eft - à -dire , plus de- ooarage;
plus de connoilTance de fa fupériorité,
c'efl- à-dire > moins de dehrs de la
vengeance ; plus d'apinion de fa sâreté ,
c'eftà-dirc , plus de franchife , muins de
foupçons, de politiques & de rufes.
Comme on diftiDgiieile^ climats par lef
degrés de latitude, on pôurrolc les dif-
tinguer, pour aififi dirç, par les dégrés
de fenHoiliTé. Dans les f^ays froids on aura
peu de fenlîbilité pour les plaifîrs; elle
iera plus grande dans les pays tempérés ;
dans les pays chauds, elle fera extrême.
Dans les climats du Nord , à peine le
phylîque de l'amour a-t-il la force de fe
rendre bien fenfible : dans les climats tem-
D^ii..... Google
pérés , l'amour accompagné de' mille ac?
ceflbires, fe rend agréable par deschorea
qui d'abord femblent, être lui-même, Sc
ne font pas encore lui' ; dans le$ cTimais
plus chauds, on aime l'amour pour lui-
même ; il eft la caufe unique du bori-
beur, il edia vie.
Vous trouverez dans les climats do
Kord , des peuples qui «Jnt peu devices',
alTez de vertu , b'eaucoup dé fincérlté &
de franeliifë. Approchez des pays du
Midi , vous croirez vous éloigner de La
mora^ même. Dans les pays tempérés,
vous verrez des peuples inconftans dans
leurs manières , dans leurs vices mémçs
& dans leurs vertus : le climat n'y a pas
une qualité alTez déterminée' pour les fi-
xer eux-mêfties.
Comme une bonne éducation eftplus
nécenaîreaux enfkns qu'à ceux dont t'eC-
prit'efl dans fa maturité , de même les
peuples àes climats d'Orient ont pliis
befoin d'un Légiflateut fagej que les peu-
ples du nôtre. Plus on ell aiféihent &
fortement frappé , plus il importe de
l'être d'une manière convenable, de ne
recevoic pas des préjugés , & d'être con-
duit par la raifon.
Pour vaincre la parelTe dû climat , U
faudroit qbe les loiit cherchafTeht à âtei
tous les moyens de vivre faos travail ;
D^ii...., Google
6o Dit C^ixat^
mais dans le Midi de l'Europe , elles font
tout le cDDtr^ire ; elles donnent à <%dx
qui veulent être oifîfs , des places pro-
Sres à la vie fpécuUtive, &y attacnent
es richelTcs immenres.
L'yvrognerJe fe trouve établie par
toute la terre , dans la proportion de la
froideur & deThumldite du climat.
Les femmes font nubiles dans lea
pays chauds » à huit, neuf&dixani;
ainU l'enfance & le mariage y vont pref-
que toujo;irs eofemble : elles font vieil-
les à vingt ; la raifou ne fe trouve donc
jamais chez elles avec I^ beauté. Quand
la beauté demande l'empire , la raifon le
&it refufer ; quand la raifon pourroït
i'obtenir , U beauté n'efl plus. Les fem-
mes doivent donc être dans ta dépen-
dance, & il eft très fimple que la poly-
gamie s'iotroduife.
Dans les pays tempérés , où les agré-
jnens des femmes fe confervent mjeux , la
vieilIeiTe de leurs maris fuit en quelque
Êfon la leur. Il a dû naturellement s'in-
troduire une efpèce d'égalité dans les
deux fexes, Sz par conféquent, la loi
d'une feule femme.
AiaCi la loi qui ne permet qu'une fem-
me t ieft conforme au phyftque du clî-
inatderEufope,. 6ç non au phyfiqueda
climat de l'Afie. C'eA pour cela que le
.i.i=t; .., Google
D u C L I H A r. €t
MaboméiHme a trouvé tanc de Ëicillté i
l'écabiii ea Aiîe , & tant de diSiCalté i.
s'étendre en Europe ; que le Chriftia-
nirme s'eft maimeon ea Europe ,
& a été détruit eoAfîe ; & qu'enfin les
Mabométans font tant de progrès à la
Chioe , & les Chrétiens G peu.
Céa'eftpas feulement la pluralité des
femmes qui exige leur clôture dans cer-
tains lieux d'Orient , c'eft le climat. Ceux
qui liront les horreurs , les crimes , les
perfidies , les noirceurs ,. les poifons » les
ailkllinats , que la liberté des femmes ù.ic
faire à Gea Si, dans les écabiilTemens des
Portugais dans les Indes , où la Religion
ne permet qu'une femme , & qui les com-
pareront à l'innocence & à la pureté des
mœurs des femmes de Turquie i de Per-
fe» duMogol,.de laChine&du'Japon,
verront bien qu'il efl fouvent auflî nécef»
iaire de les féparer des hommes , lorf-
qu'on n'eq a qu'une.^ que quand on en a
plulîeurs.
. ,C'en; le climat qui doit décider des
chofes. Que ferviroit d'enfermer les fem*
mes dans nos Pays du Nord , où leurs
mœurs fotit naturellement bonnes , o£i
toutes leurs pallions font calmes , peo
aâives , peu rkfinées ; où l'amour a fur
Je cœuç un empire ^; réglé, que \^
D^ii...., Google
62 00 Climat,
moiadrc polîc^, fuffic poat les con-
Il eÀ heureux de vivfe dans tes climats
qui piérméctent <iu'bn fe .communîqac ,
pu' le fexe qui a le plus d'agrémens,
fembie parer la, fociéte , 'êc oîi'les fem-
mes fe réfervanc au pl^ifir d'un feul ,
fervent encore a l'amufement de tous.
La lâcheté des peuples des' climats
.chauds les a prefque toujours rendus
efclaveSf & le courage fies peuples des
climats froids . les a maintenus libres.
C'eft un effet qui dérive de fa caufe
naturelle.
I-es peuplesduKorddel'Ea^roperont
conquife en hommes libres ; les peuples
du Nord de l'Afîe l'ont conquife en eî-
claves > & n'ont vaincu que pour un
maître.' ,
C'eft dans le Nord de l'Europe , que
fe forment ces Nations vaillantes , quî
forterit de leur Pays , pour détruire les
"tyrans & les cfclaves , & apprendre aux
homoMS que la .nature les ayant faits
égaux, la'râilbn n'a pu les rendre dé-
pendans que pour leur bonheur.
Lés dîverciuemehs des peuples varient
beaucoup félon les climats. Comme les
'climats chauds produifent quantité de
fruits délicats , les Barbares qui tron-
' vent 'd'abord' le néccflkùe , emploient
.i.i=t; .., Google
Du Climat. $3.
plus d« temps à fe divertir. Les Indieos
aès Tays froids n'onc pas tant de loîSr^
il faut qu'ils pèchent & chafTeat con--
tiaaellement ; il y a donc chez eux
moins dé danfes , de musqué & dç
feftins. ■ .
Daos les;dimats cluuads,.les paffiofis
fç fbn^ plutôt femir , & elles font.auŒ
pluç6c amorties.
, ïl .y, a- de tel* climats , oîi le phyfi-
que a. une telle force,- que la morale
n'y peut prefque rien. LailTez un hompt
me avec une femme, les tentations fec
ronc des chûtes, l'attaque sûre, la rér
Mance mille. Dans ces Pays , au Ugif
dç précep^e^ f il lauc des verioux.
"V
Lijii.t... Google
CHAPITRE X II.
De la PopidMîoiu
GOmhbkt le monde eft-il ft peu pea>
plé, encompariirondecequllétofc
autrefois ? Comment la nature a-t-elle pu
perdre cette prodigieufe fécondité des
premiers temps ?■ Seroit-;elle déjà dans fk
vieiilefl~e, & tomberdit-elle de langueur?
Parcourez ia terre, & vous n'y trouve-
rez quedu délabrement: on croit la voir
fortir des ravages de la pefte &'de la &•
mine. Après un calcul aullî exaâ qu'il
peut l'être dans ces fortes de chofes , on
trouve qu'il y a à peine fur le terre la cio-
Suantiéme partie des hommes qui y étoieot
u temps de Céfar. Ce -qu'il y a d'éton-
nant , c'efi qu'elle fe dépeuple tous les
jours f & fî cela coùtihùe ,-xlans dix fiéeles
elle ne fera qu'un défert.
Voilà la plus terrible catiflrophe qui
foit jamais arrivée UâJis te monde ; mais
à peine s'en eft on âpperçu, parce qu'el-
le efl arrivée infenfiblement, &dans le
cours d'un grand nombre de iîécles: ce
qui marque un vice intérieur, un venia
fecret&caché, uoemaladie de langueur,
qui afflige la nature humaine.
Le
Lijii.t. ..Google
Db ia FoPtfiATiojr. 6j
Le monde n'eft point incorruptible :
tes cieux mêmes ne le font pas: les Af-
tronomes font des témoins oculaifes de
tous les chaagemens qui Ibut les eflètt bien
naturels du mouvement univerfel de la
matière, La ;erre eft foumife, comme
les autres phnetces > aux mêmes Loix dis
mouvemeos: elle fouffre au-dedans d'elle
un combat perpétuel de fes principe^ : la
mer Se le continent femblem être datn
une guerre continuelle; chaque înftatic
Sroduic de nouvelles combinai fou». Let
ommes dans une-demeure fi fujette aux
changemens » font dans un état aulTI in-
cenain: cent mille caufes peuvent agir,
dont la plus petite peut les détruire, &
à plus forte raifon augmenter ou dimi-
cuer leur nombre. Les Hiftoires font p\6ï-
nés de ces peftes univerfelles qui ont tour-
à-tour défolé l'Univers.
Les principes de la Religion ont ex'tré-
tnetnent influé fur la propagation de t'et
péce humaine; tantôt ils l'ont encoura-
gée, comme chez les Juifs, les Mahomé*
tans , les Guébres , les Chinois : tantôt
ils l'ont choquée, comme Chez les Chré-
tiens. ;
La continence religiânfe a anéanti' pllis
d'hommes que tes guerrdi te^pTus fâÀ-
glantes n'ont jan^ais 'fait. On voit des fa-
milles éternelles où il oe naûperfoone,
D^ii...., Google
'66 ■ Db^ia Po?oiatio!i., ■
' & (]ui .s'entretienneQt aux dépens dèsjm-
treis. Ces màifons font toujours ouvertes,
comme aatant de gouffres où s'qnftv'e-
liPenc les races futures. ^ .
Il fie faut pas s'éconner (î l'on voit par-
mi nous tant de mariages Fournir un fi pe-
tit nombre de citoyens ; le divorce ed abo-
li,, les mariages mal alTortîs ne fe rac-
commodent plus. Si de detix perfonnes
liées par le mariage, ily enàune quîn'efl
pas propre au delTein de la nature, {oie
par Ton tempérament, foie par fon âge,
elle enfevelic l'autre, avec elle , ôc la
sepd aufli , inutile qu'elle l'efl elle-
même.
A peine a-t-on trois ans de mariage ,
■qu'on en néglige l'éflentiel,- On palTe-
enfemble trenie ans de froiJeur. Il fe
forme des réparations ioreftines , auHÎ
fortes, Ôc peut-être plus pern.icieufcs
que n elles étoieht publiques. Chacun
vil 5c refte de fon côté , & tout cela au
préjudice des races fucutes. Bientôt un
. homme dégoûté d'une femme éternelle ,
fe livrera à un commerce hoiitéux &
contraire à la fociété , lequel fàhs rern*
Çlir l'objet .du .mariage, n'e,n repréfeh-
' tç loUiC.aujJlûs'qiïe Jes plailïrs.
La continence pubjjque éft natureiT
lément jointe a la propagation de l'ef'
pèce. * ' "
.l.i=t; .., GOOglt-
Ds£A PoPiriATroN. ^7
Depuis la déraflaiîwj de l'Amérique,
lés JEfpagnols qui ont pris la place de
Tes anciens habicans , n'ont pa la re-
peopler ; au concraire , par uue fatali-
té^ qo'on ferait mieux de nommer une
jullice divine , In defEi-uâeurs fe dé-
trnifiïnt eux - mêmes , Se fe coofutnedc
tQus tes jours.
L'effet ordinaire des colonies elt d'af- .
ibiblir Jes ^Pays d'oh on les tire* fans
peupler 'cbiix où oa les «avoie. Il .fauc
-qiieles hommes reftent o^ il* font: il
y a des maladies qui viennent de' ce
qufon change un bon air contre un mau-
vais; d'autres qui viennent précifemenc
de' ce qo'oD eii change.
Qoailid un Pays ed défert , c'eft un pré-
jugf de qoelqne vice particulier dans la
nature du climat. Aiofi, quant on ôce le»
■hammes d'un Ciel heureux , poiir les en-
voyer dans un tel Pays, on fait précifé-
ment le contraire -de cp qu'ion fe propofe,
'Les Princes ne doiveoc donc pas fonger à
'peofder de grands Pays par des Colonie^ r
quand elles réufliroienc, aa lieu d'aug-
'menter leur pùiQanCe ^ eUes -ne feroichc
que la partager.
Un éfprit de vanité a établi chez les
Européens l'injuile droit d'aîneÛTe , l»dé' ■
fëvorable- à k: propagation ^ etf ce qa'it
-poste VatcentioQ d'tm '^ere Sht un feuLde
*. Fii
D.3.ii.t... Google
6i Db IA"PoTÎ7I1TIÔN.
ks eaùiOi, & «n ce qu'il l'oblige pour
rendre foÛde la fortune d'un feul ^ de
s'oppo&r à l'ccabUlfemeac de pluGeurs^
Les hommes .font comme les f^hntes
qui ne croîifenc jamais henreurement., ft
«liés ne font bien cultivées. Chez les
Peuples miférables, l'erpèce perd, êç
même quelquefois dégénère.
Les Pays de p&curaget fonc peu peu-
plés » parce que peu de gcïls y trouTcnt
de l'occupation; les terres .à bled- occo-
pent plus d'hommes, & les ytgâcrijles in<
finiment davantage. . .
Les peuples nailTans fe multiplimc &
croiflent beaucoup.
L'efpéce fe multiplie dans, un PA]rs.rà
rabondaoce fournit aux enfans, ïans rien
diminuer de la fobfîllatice des pères.
La doQceut du Gouvernement contri-
bue merveiUeofemenc à la propagation de
l'efpèce. Toutes les Répnoliqoes ea foui
une preuve cotisante.
L'Europe auroit befoiaaujotmtliui Je
Loix qui favoriTaiTeni la prgp^atioade
l'efpèce humaine.
Ce font les perpétuelles réiinîons' de
plutîeuts petits Etacs qui ont produic U
diminuiioR des Habitans. Autrefoti. cha-
que Village de France étoit une Capna-
le; il n'y en a au^urd'hui qu'une grande:
chaque parue de t'Eiatécoic aaceDiiede
Google
Dk IA PoFUIATrOH. Jtif
puiSknce ; aujourd'hui tout Te rapporte^q
un centre, & ce cemre cft, pour alnfî
dire , l'Etat même. -
Lorliqu'un Etat fe trouve dépeupla par
des accidetu particuliers, des guerres,
des pefles , des famines , il y a des rct
fources. îles hommes -qui feAent, peu-
vent confervcr l'efpriE de travail, & de*
venir, plus induftfieux par leur ça^mjté
même. Le mal pr efqu'incarablc eil , lorf-
que la.dépopuUtion.vient de toi^e main,
par un vice incérieur & un maMvaisGoii-
vernemeot. Les hommes Y ai]cp.^ripar
une oialadie ïnrenfîble& habituelle: nés
dans la Ut^ueur Si. dans {a mifere , dans
la violeBce o.u les préjugésdu Gouverse-
tnent, i)s fé font vu déiruife, fauvenc
iansfeDiir les cautes de leur deûruâiob.
Daos les Pays déiblés par ie Delpocir-
me, ou par, les avantages excemfs du
Cln^é for les Laïques , les hotntnes dans
leur défert font fans courage .& lansio-
duftrie. Avcc-dlss Terres pour nournv un
FeufHe , OB a à peine de quoi m^urfic une
famille.
Dans cette fîtuation il taudroic.diilri-
bucF des Terres à coûtes les familles qui
n'omTieni Ifeur pfoçurer les moyens de
. les déîrichertâc de les cultiver. , .
D.5.i.i=t; 1, Google
70
CHAEiTUE. XIII. ■
'Dit Mariage:'
L£s femelles des anîmaiw onc à-pea<
près une fécondité conllànte. Mais
' dansl'erpécehufnafne, U manière de pen-
fér^'ïecaraâèFe, les'paflions, lesiknui-
■fies ,' les caprices , l'idée de conférver fa
- beauté, l'embarras de ta grofleOc, celui
d'une famille trop tiombreufe, trcrable^c
la propagation de mille manières.
• ■■ Lr'obligation natureite qu'a le père de
* nourrir Tes enfans, a' faic établir le ma-
riage j qui déclare celui- qùldoit rem^
plir cette obtigatiou.
Les conjonâioM illicites comribuenl
peu à ta propagation de l'efpéce. Le p«'
re qui a l'obligation naturelle de nourrir
& d'élever tes enfans, n'eft point alors
Exé". & la' mère, à qui Toblf^ion reft» ,
trouve'milleqbftades, par^honte, les
remords , la gêne de Ton fexe, la rigueur
des Loix.
C'ell aux pères à marier leurs enfant ;
-'IcBT proJence à cet églvd^rera-Eouiours
2U-de0us de cbute àDfr»'prud«rice. La
nature donne aux pères un defîr de pro
curet à leurs en^s des fucceÛeurs q,u'ils
.. Google
Du Mabiàgs. '"fi
fentent à peioe pour eux -mêmes. Baas
les divers dégrés de progéniture ils fe
voient avancer infenfiblement vers l'a-
venir. '" ■ ' '■
Le confentement cfes pères ëft, fondé
fur leur puilTance , c'ell- à-dîré. , for
leur droit de propriété ; il eft'encore
fondé fur leur amour, fur leur railbn ,
& fur l'incertitude de celle de leurs en-
fatïs, que l'âge tfent dans l'étac d'igno-
rance', & les paifions dans l'état <Fy-
vrelTe.
:Les filles , que ron ne condair que
par le mariage au platlîr & à la lîber-
'té, qui ont un efprir qui n'ofe penfér,
un cïEur qui n'ofe fentir , 'deS yeux qui
n'ofetit voir, des oreilles qui n'dfeni
entendre, condamnées fans relâche à
"d^es bagatelles & à des' préceptes, font
atTeïportées au mariage : ce font les gar-
çons , qu'il feut encburagçr; ■ - ' '
Pàr-toucoùil fe trouve une place oEi
âëux' perfonnes pèuvenr vivre'commô-
dément, ilfe fait un mariage.
Le mariage n'a que des peines poar
ceux qui n'ont pTos de, fens pour lesplai-
'firs de Tmiibcence. ■
" Phis on' diminue' \t. nombn;' dys ma-
riages qui poUrroient'fe faire, 'plus-om.
■ corlompt ceux qui font Tait» :■ nroins'ilt
.i.i=t; .., Google
^jt Du Maxiaob.
5 a de gens mariés , moins il y a de fî-
élîté dans les mariages.
Le Mariage chez coucesles Nations da
monde , efi un contrat fufceptible de
toutes les conventions, & on n'en a dà
bannir que celles qui auroient pu en a&
foiblir l'objet.
Le Mariage du 6I5 avec la mère con>
fond l'état des chofes : le fib doit un
refpeâ; fans bornes à ià mère , la fem-
me doit un refpeâ fans bornes à fon ma*
ri ; le mariage d'une m'ere avec fon 61s
rraverferoit dans l'un & dans l'autre leur
eut naturel. La nature a avancé dans
la femme le temps oîi elle peut avoir
des enfàns , elle Va reculé dans l'hom-
me ; (i le mariage entre la mère &. le
0s étoit permis , il arriveroit prefque
toujours que » torfque le mari feroit ca-
pable d'entrer dans les vues de la na-
ture , la femme n'y feroit plus.
L'horreur pour l'incefle du frère avec
U fœur p vient de ce que les pères Se
les mères ont voulu conferver les mœurs
de leurs enfans & leurs maifons pures.
La prohibition du mariage encre coo-
lîns germains a la même origine. Dans
.^es premiers temps , il ne falloic qu'une
maifon très-petite pour une grande fa-
mille. Les eniâns des deux frères , ou
.i.i=t; ..,'Googlc
Du Maeiace. ,73
les coaHns germains , étoienc regardés
& fe regardoient entr'eux comme frè-
res. L'éloignemeiic qui éioic entre les
frères , & les fœurs pour le mariage ,
étok donc auiTi entre les coufins ger-
mains. Ces caufes fooc fi forces & li na-
turelles , qu'elles ont agi prefque par
toute la terre , indépendemmenc d'au-
cune communkatioo.
D^ii...., Google
74
CHAPITRE XIV.
Pu Commerce, <
LE Commerce a du rapport avec la
conltituEÏoD. Daiu le GouvernemeDi
d'un feul il eft fondé Tur le luxe, ^
dans le Gouvernemenc de plufieurs il
eft ordinairement fondé fur l'économie.
Dans la Monarchie , il faut que les
Loix favori fent le Commerce, afin que
les Sujets puilTetic , fans ôérîr , fatisfaire
aux befoins toujours renailTans du Prince
&defaCoijr. . _
Dans une, RcpuhUqtte, pour maintenir
Tefpric de Commerce, il faut que le^
Loix mettent chaqueCitoyen pauvre dans
une aQez grande aifance pour travailler,
' & chaque Citoyen riche dans une telle
médiuciiié qu'jl ait befoîn de fon travail ,
pourconferver, ou pour acquérir.
Un Comimerce mené à l'autre, le pe-
tit au médiocre, le médiocre au grand.
^injî les grandes entreprifes conviennent
aux Etats qui fubfiftenc par le Commerce
d'économie , parce qu'elles y font toujours
méléesavec les atfaires publiques.
pans les Monarchies, les affaires pu-
hli^ues iotû auHi fufpeâes aux Mar^
.. Google
DtrCoHHBRci:. 7;
chands , qu'elles leur paroiflènt fures
dans les Etats libres. Les grandes encre-
prifes de Commerce ne (ont donc pas
Sour les Monarchies, mais pour les Etats
épublicains.
Les Compagnie; de Négocians' qui
s'alTocient pour an certain Commerce j
ne conviennent pas au Gouvernement
d'un feul. La nature de ces Compagnies
ell de donner aux ric^elTes particulières
la force des richéffes publrques. Mais
dans ces Etats cette forcené peut fe trou-
ver que dans les mains du Prince,
Il ell contre l'efprit du Commerce,
que la NoblefTe le falTe dans la Monar-
chie. Il eft contre l'efprit de la Monar-
chie, que la Nobleile y falTe le Com-
merce. /
S'il y avait des Loix en France qui en*
gageanent les Nobles à faire le Commer-
ce, es feroit le moyeu d'y détruire la
Noblefie, fans aucune utilité pour le
Commerce. La pratique de ce Pays eft
très-fage, les Négocians n'y font pas
Nobles, mais ils peuvent le devenit; ils
n'otit pas de moyen plus fur de fortir de
leur profellion que de la bien faire, ou
de la faire avec bonheur ; chofe qui eft
ordinairement attachée à la fuBîfance.
La vraie maxime ell de n'exclure au-
cune Nation de fon Commerce fuis de
Gij
^â Du CoMHBRCE.
grandes raifons. C'eH la concurrence qui
mec un prix jufte aux marcbandifes^ &
qui cublit les vrais rapports encr'elles.
Un Etat ne doit jamais s'aflujetcir à ne
vendre fes marcbandifes qu'à une feule
Nation » fous prétexte qu'elle les prendra
toutes 3 un certain prix. Ces conventions
ne font propres qu'à une Nation pauvre ,
qui veut bien perdre l'efpérance de s'en-
richir , ^uTvû qu'elle aie une fubfiflance
alTurée.
Les richcHes coafiAeot en fonds de
terre, ou en etfets mobiliers. Les terres
appartiennent à chaque Etat en particu-
lier ; mats les effets mobiliers, comme
l'argent, les billets , lesvaiOcaux, les
maTchandifes, appartiennent au monde '
entier ; le Peuple qui pofiede le plus de
ces etfets mobiliers de l'Univers , ellle '
(■las riche. Il peut fe trouver un Etat'
i malheureu:^ , qu'il fera privé des ef- '
feis des autres Pays , & mên»e encore/
de prefque tous les liens : tes proprié-l
taires des fonds de terre n'y feront quel
les colons des étrangers. Cet Etat mao'l
quera de tout , & ne pourra rien acquêt
TÏr : il vaudroit bien mieux qu'il n'eût del
Commerce avec aucune Nation du mon-l
de. C'efl le Commerce qui l'a conduic î
la pauvreté.
Ce ne font dope point les Nations qoi
t
DuCoHMERCE. 77
n*om befoin de rien , qai perdent à faire
le commerce ; ce font celles qui ont be-
foin de tout. Ce ne fone poin: les peu-
ples qui fe fuflirent à eux-mêmes, mais
ceux qui n'ont rien che2 eux , qui trou-
vent de l'avantage à ne trafiquer avec
perfonne.
Les "Indes^ont été , les Indes feront ce
qu'elles font à prefent > par rapport au
Commerce; &. dans tous les temps , ceux
qui négocieront aux Indes, y porterotic
de l'argent , & n'en rapporteront pas.-
■ La plupart des peuples des côtes de
l'Afrique font fauvages ou barbares. Us
foQt fans induftrie, ils n'ont poîntd'arts;
ils oDt en abondance d?s métaux pré*
cieux. Tous les Peujiles policés font donc
en état de négocier avec eux avec avan-
tage ; ils peuvent leur faire eftimer beau-
coup de chofes de nulle valeur, & en
retirer on très -grand prix.
La où il y a du Commerça , il y a
des Douanes. Il faut que l'Etat foît neu-
tre entre fa Douane & fon Commerce,
& qu'il faffe en forte que ces deux cho-
fes ne fe croifent point. Alors on y jouit
de la liberté du Commerce.
Le Commerce tantôt détruit par les
Conquérans, tantôt gêné par les Mo-
narques , parcourt la terre , fuit d'oïl
il eit opprimé , fe repofe oix on le laiflè
refpirer. Il régne aujourd'hui où l'on oft
yt 0ul^OMKERCE.
. vo'ybît que des déferts , ^$ mers Sz det
rochers ; là où it régnoh^ il n'y a que des
défères.
L'hiftoirc du Commerce eft celle ^e
la communicacion des Peuples. Leurs
tJelîruâions dîverfes , .& de cercains flux
& reflux de populations & de'dévaAa-
tions , en forment les plus grançls évé-
nemens.
Le Commerce guérit des préjugésdeP-
irucleurs. Par-tout où il y a des mœurs
douces , il y a du Commerce ; & par-
tout où il y a du Commerce , il y a
des mœurs douces.
L'effet naturel du Commerce eft de
portera la paix. Mais (î; refprit de Com-
merce unit les Nations , il n'unit pas de
même les particuliers. Dans les Pays oii
l'on n'ell nffcâé que de l'efpric de Com-
merce , on trafique de louces les allions
humaines & de toutes les vertus mo-
ral«s..
On peut dire que les Loix du' Commer-
ce perfeâionnent les mœurs , par U mê-,
me raifon que ces mêmes Loix perdenc
les mœurs. Le Commerce corrompe les
mœurs pures ; il polit les mœurs barbares.
L'efpric de commerce produit dans les
hommes un certain fentimenc de juflice
exaâe, oppofé d'un côté au brigandage
& de l'autre à ces vertus morales > qui
Djii..... Google
Du CoMttEltCB. 79
Pqnt qu'on ne difcute pas toujcmrs (es in-
térêts avec rigidité.
Pins il y a d'faoQimes dans un Etat,
plus le Commerce y Hcurit : nlus le Com-
merce y Heurit , plus le nomore des hom-
mes y augmente. Ces deux chofes s'en-
tr'aident & fc favorifenc néceirairement.
Quand il n'y a que le nombre de gens
CuffiikDs pour la culture des Terres > îl
fauc que le Commerce pérlfle; & lorCqu'il.
n'y a que celui qui e(t nécelTaire pour en-'
iretenir le Commerce, il fauc que la
culture des Terres manque , c'ell-à-dire,.
il fauc que tous les deux manquenc en '
même temps , parce qu'on ne sVuache
jatnais à l'un , que ce ne foit aax dépens
de l'autre.
Les PuilTances établies par teCommer*!
ce peuvent rubfiCler long -temps rfaos
leur médiocrité, mais leur grandeur eft
de peu de durée.
K
Lijii.t... Google
L
CHAPITRE XV.
De VArgent.
'Argent, ce inétal fi atlle au com- -
imerce, comme (igné, ed encore la
bafe du plus grand commerce de l'Uni-
vers, comme marchandife.
L'or & l'trgent font une richefTe defîc- "
tion ou de ligne. Ces lignes font très du-
rables, & le détruifcnt peu, comme il
convieoi à leur nacure. Plus ils le multî*
pdtenc, plus ils perdent de leur prix, par-
ce T]u'ils repréfenceac moins déchoies.
De même que l'argenc elt un (ig^e d'u-
ne chofc, & la reprclence ; chaque chofe
eft ua figne de l'argent , & le repréfente, ,
L'Ëcat ell dans la pïorpérité, félon que
d'uD côté l'argenc repréfente bien toutes ,
chofes, & que d'un aucre toutes chofes
repréfentent bien l'argept..
Une grande quantité d'or Si d'argent
eft favorable, lotfqu'on regarde ces mé-
' taux comme marcoandire; elle ne l'eft
point , lorfqu'on les regarde comme ligne.
L'argent comme métal , a une valeur ,
comme toutes les autres marchandifes.
L'argent y comme monnoie^ a une valeur
que Te Prince peut Exer.
D.5.i.i=t; ^ Google
De l'Akgbnt. il
Lorfque les Nations policéer font les
maîtreffes du inonde , l'or & l'argent aug-
meateat cous les jours , foie qu'elles le ti- ;
Km de chez elles , foie qu'elles l'aillsnt ,
chercher là oit il eft. 11 diminue au con-
traire, lorfque les Nations barbares pren-
ne! lé deflus.
L'avarice garde l'or Se l'argent, parce
(jw, cpmine elle ne veut pas confommer,
elle aime des (îgnes qui ne fe détruifenc
poînr. Elle aime mieux garder l'or qae
i'argenc> parce qu'elle craint toujours de
perdre, & qu'elle peut mieux cacher ce
qui eft en plus petit volume. L'or dlfpa-
roîc donc quand rai|;ent eft commua,
parée que chacun en a pour le cacher :
ilreparoîc quand l'argent «Il rare, parce
qu'on eft obligé de le recirer de fes re-
traites.
Âinfî l'or eft commun quand l'argent
eft rare, & l'or eft rare quand l'argent eft
commun.
Dans uo petit Etat oii l'on éléveroit tout
Un peuple commeune famille, on peut ban-
nir l'argent. Mais dans lesgraodes rociétés,
lenombre, la variété, l'embarras, l'impor*
. tance des affaires, la fàcilitédesacl>a[s,U
lenteur des échanges demandent une mefu-
re commune. Pour porter par-tout fa puîf-
'^ce, ou la défendre par-cout, il faut'
D^ii...., Google
8i De i'ArgEnt.
avoir ce à quoi les hommes ont attactié
pat-couc la puiflancé.
Lorfqu'un peuple trafique fur un très- '
grand nombre de marchandifes, il fauc
nécelTaireraent.unemonnoie, parce qu'un
métal facile àtranfporter, épargne bien
des frais que l'on feroic obligé de faire> G. -
l'on procédoît toujours par échange.
La Monnoie eft un figne qui repré-
fente la valeur de toutes les marcban-
difes:
Rien ne dort-être (îexemptede variation
que la monnoie , parce qu'elle eft la me-
fure commune de tout.
Comme l'Argent eft le figné des va*-
leurs des marchandifes , le papier eft un
figne de la valeur de l'Argent
LrArgenieft te fignedes valeurs. Ce-
lui qui a befoin de ce figne i doit le
louer.
Ceft une aftion très - bonne de pré- ■
ter à un autre fon argent fans intérêt, ■
mais ce ne peut être qu'un confeil de
Religion, £c non une Loi Civile.
Celui-là paye moins,- dit Ulpien, qui
paj% plus tard. Cela décide la queftîon
fi l'intérêt eft légitime, c'eft-à-dïrei R
le créancier peut vendre le temps, Se
le débiteur l'acheter.
«)
CHAPITRE XVI.
Du Luxe.
LE Luxe td toujours en proportion
avec l'inégalité des forcuaes. Si dans
un Etat les richelTes fonc également par-
tagées, il n'y aura point de luxe; car il
n'eft fondé que fur les commodités qu'on
fe donne par le travail des autres.
Le luxe eft encorç en proportion avec
la grandeur des Villes, & fur-tout delà
Capitale. Plus il y a d'hommes enfemble,
plus ils font vains, & fenient naîfro.eo
eux l'envie de fe diflinguer par de petites,
chofes. S'ils font en fi grand nombre, que
la plupart foient inconnus les uns aux au-,
très, l'envie de fe diflinguer redouble,
Earce qu'il y a plus d'efpérance de réuflîr.
,e iuife donne cette fîpérance: chacun
prend les marques de la condition qui
précède ta fienne. Mais à force de vou-
loir fe distinguer, tout devient égal. Se
on ne fe diftingue plus; comme tout le
monde veut fe faire regarder , on ne re-
marque perfonne.
A mefure que le luxe s'établit dans une
République, refprit fe tourne vers l'in-
térêt particulier. A des gens à qui il ne
.i.i=t... Google.
Il
84 D u L ir X E.
&UC rî«n qae le néceflitire , il ne relie à
délirer que la gloire de la Patrie & la
fieone ptopre. Mais une .ame corrompne
par le luxe , a bien d'autres dellrs.
Comme par laconftitucion des Monar-
chies^ les richefTes y font inégalemenc
>artagées, il faut bien qu'il y ait du luxe.
'i ïè$ riches n'y dépenfent pas beaucoup,
les pauvres mourront de faim.
Ainfi pour que i'Etat Monarchique fe
foutienne, le luxe doit aller en croiHânc,
du Laboureurà l'ArEifaD, au Négociant,
aux Nobles, aux MagîAracs, aux grands*
Seigneurs» aux Princes; fans quoi tout
feroit perdu.
Les Républiques iîoinent par le luxe ,
les Monarchies par la pauvreté.
L'efTet du commerce font les richefles , -
la fuite des richeflês le luxe, celle du
làxe la perfcdion des Arts. Ce fêroic une
belle partie de TUiftoire du commerce,
que l'hiftoire du luxe.
Si on ne foutfroit dans un Royaume
que les Arcs qui font abfolument nécéf-
fairela la culture des terres, & qu'on
en bannît tous ceux qui ne fervent qu'à la
volupté , ou à la fantaiHe; cet Etat feroit
•lé plus raiférable qu'il y eût au monde.
Pour qu'un Prince foitpuiflant, ilfauc
que fcs Sujets vivent dans les délices; il
éuE qu'il travaille à leur'piooircr toutes
fortes de fuperiluiiés, avec autant d'at-
tention que les nécelËrés de la vie.
£n Angleterre , le fol produit beau-
coup plus de grain qu'il ne iaut pour nour-
rir ceux qui cultivent les tenes , & ceux
qui procurent les vêtemetis. Il peut donc
y avoir des Arts frivoles , ^ par conCé»
3uent du luxe. En France > il croît aflêz
e bled pour la nourriture des Labou-
reurs, & deceuxqui/ont employés aux
Manufactures. De plus, le commerce
avec les Etrangers peut rendre pour des
cbofes frivoles tant de chofes nécelTaires,
"<ju'on n'y doit guéres craindre le luxe.
A la Chine, au contraire., les femmet^
font fi fécondes, & l'efpèce humaine s'y
multiplie à un tel point que les terres,
quelques cukîvées qu'elles foîent, fuffi-
fent à peine pour la nourrîturedes Habi-
tans. Le luxe y eft donc pernicieux; il
faut qu'on s'attache aux Arcs néceflaires,
& qu'on fuie ceux de la volupté.
» Notre luxe eft fi grand , die un Au-'
teur Chinois , » que le Peuple orne de
» broderies les fouliers des jeunes garçons
ï» fk des filies qu'il eft«bligé de vendre, «e
Tant d'hommes étant occupés à faire des
habits pour un leul , le moyen qu'il n'y
ait bien des gens'quî manquent d'habits?
Djii..... Google
CHAPITRE XVIL
Des hnpêts.
*T Es revenus de l'Etat font une por-
■ P i lion que chaque Çicoyen donne de
fon bien , pour avoir la sûreté de l'au-
tre, ou pour en jouir agréablement. Pour
bien fixer ces revenus , il faut avoir égard
aux néceflités de l'Ecac, & aux nécedî*
tés des Citoyens.
Lorfque dans un Etat tous les parti-
culiers font Citoyens, que chacun y pof-
féde par fon domaine ce que le Prince
' y poHéde par fon empire , on peut met-
tre des impôts fur les perfonnes , fur l^s
terres j ou fur les marchandifes , fur
deux de ces chofes , ou fur les trois
eufemble.
Les dtoits fur les marchandifes font
-ceux que les peuples Tentent le moins.
Il y a dans les Ecats modérés , un dé-
dommagement pour la pefanceur des tri-
buts , c'eft la liberté. 11 y a dans les
Etats Defpotiques nn équivalent pour la
.liberté , c'eft la modicité de» tributs.
On peut augmenter les tributs dans
la plûfiatt des Républiques , parce cjue
le Citoyen «jui croie payer à lui-mcinè,
Coogic
Dss Impôts. 87
a la volonté de les payer. Dans la Mo-
narchie on peut augmenter les tubucs,
parce t^ue la modération du Gouverne-
- ment y peut procurer des richeOes ; c'efl
comme la récompenfe du Prince j à cau-
/fe du refpeft qu'il a pour les Loix.
Dans le Gouvernement Monarchique,
les impôts font le feul bien que le luxe
peut procurer, & le feul bien qu^il puif-
te recevoir.
L'impôt par tête ell plus naturel à là
fervitude ; l'impôt fur les marchaadifçs
efl plus naturel, à la liberté. Ce dernier
impôt étant payé par l'acheteur , quoi-
-que le marchand l'avance, eft un prêt
que le maicband a dé)àfait à l'acheteur.
La liberté a produit l'excès des [ributs ;
mais l'effet de ces tributs excelTifs eft de
produire à leur tour la fervitude ^ &.Ve€-
fct de la fervitude de produire la dimi-
nudon des tributs.
Les Monarques deTAfie ne font guè-
res d'Ediis , que pour ejieinpter chaque
année de tributs quelque Province de
leur Empire. Les manifeftations de leur
■volonté font des bienfaits. Mais eu Eu-
rope ^ les Edits affligent même avant
qu'on ns les ait vus , parce que nos Prin-
ces y parlent toujours de leurs befuïns,
& jamais des nôtres.
I^s befoÎQs imaginaires ^e l'Etat font
Lijii.t. ..Google
iS . Vss Ihfôts.
ce qae demandent les palïïoof & les foi-
bleiïesde ceux qui gouvernent, Teavic
malade d'une vaine gloire , Ôc ooe cer-
taine impuifTance d'et'prit contre tes fkn-
' taiftes. Ce n'eft poinc à ce que le Peu-
ple peut donner qu'il faut mefurer les
revenus publics , maïs à ce qu'il doit
donner.
La maxime des grands Empires d'O-
rient , de remettre les ttibuts aux Pro-
vinces qui ont [ouffsn, a quelquefois lieu
dans les Etats Monarchiques; mais elle
accable plus que H elle n'y étoic pas.
^our foulagèr un Village qui paye mal,
'on charge un autre qui paye mieux; on
ne rétablit poinc le premier , on détruit
le fécond. Le peuple ed dérefpéré entre
la nécefllté de payer , de peiir des ex^c- .
lions ;& le danget de payer^ de peur
des furcharges.
Que quelques Citoyens ne payent pas
aHez , le mal n'eft pas grand ; leur ai-
fance revient toujours au public. Que
quelques particuliers payent trop , leur
ruine fe tourne contre le public.
Il n'y a poinc d'Etat oh l'on ait plus
bcfoin de tributs que dans ceux quis'af-
foiblîtTenc ; de forte que l'on efl obligé
d'augmenter les charges, àmefuieqvi'oa
eft moins en état de les porter.
Plus les fujecE foat pauvres, dk où.
Des Impôts. 89
plus les familles font nombreufes. Plus
on e(l chargé d'impôts , plut ou fe m»
en état de les payer; deux fophifmei
-qui perdront à jamais les Monarchies.
La Régie eft t'adminifïration d'anboR
fere de famille qui ïeve lui - même arftc
conomie Se avec ordre fes revenus.
Par la Régie , le Prince épargne à
l'Etat les prohts immenfes des Fermiers,
qui l'appauvriffent ; il épargne au peu-
ple le fpeâacle des fortunes fubltes qui
l'affligent. Par" la Régie , l'argent levé
palTe par peu de mains; il va.direâe-
jnent au Prince , & revient plus promp-
cemenr au peuple.
L'hiAoire des Monarchies efl pleine des
maux faits par les Trattans. Tout eft per-
du , torfque la profellîon lucrative des
Traitans parvient encore par fes rîchef-
fes à êcre une profellioa honorée -, un
dégoût faifit tous les autres états : l'hon-
neur perd toute fa, ■ confîdération , les
moyens lents & naturels de fe dlllinguer
ne touchent plus. .
Il y a un lot pour chaque profedion.
Le lot de ceux qui lèvent les. tributs «
eft les richefles ; & les récompenfes de
ces richeffes , font les richefles mêmes.
La gloire & l'honneur font pour cette
nobleiTe qui ne connoît , qui ne voit ,
qui ne fent de vrai bien que rhonneu*
H
Coogic
90 Des Impôtj.
Se ta gloire. Le refped & la confldé-
ration font pour ces Miniftres & ces Ma*
giftrats , qui ne trouvant que le travaif
après le travail, veillent auit Se jour
pour le bonheur de l'Empire.
Il taut que les Loix mettent un ordrç
dans la manière de lever les tributs, afin
qu'elle ne foit plus pefance que les char-
ges mêmes.
La pefanteur des charges produit d'a-
bord le travail ; le travail , l'accablc-
lOent , l'efprit de pareSe.
La Finance détruit le commerce pat
&s injuAices , par ces vexations , par
l'excès de ce qu'elle impofe , par les dif-
ficultés qu'elle fait naître , & les for-
Bulités qu'elle exige.
'^-r-'
D^ii...., Google
-91
CHAPITRE XVIII.
De la Morale.
L'Es hommes frippons en détail, font
en gros de très-honnêtet genj; ils
aiment la Morile.
La vertu n*eft point une chofe qui doï*.
ve nous coûter. Il ne faut point la regat*
der comme un exercice pénible.
11 y a des gens chez qui la vertu eR fi
naturelle, qu'ellfe ne fe fait pas même
Tentir. Ils s'attachent à leur devoir fans
s'y plier. Se s'y portent comme par inf-
tinift. Il femble que leurs belles qualités
n'ont pas percé pifqu'à eux. Ce font des .
gens qu'on aîme , & non pas ces hotn-
ines vertueux qui femblenc être étonnés
de l'être.
Quand il n'y auroit pas de Dieu , nous
devrions toujours aimer la juftîce, c'eftà-
dire, faire tous nos efforts pour reffem-
bter à cet Etre dont nous avons une (I
belle idée, &qui, s'il exiftoit, feroitné- .
celTairement jufte. Libre* que nous feriorts
du joug de la Keligton , nous ne devrions
pas l'être de celui de l'équité.
La indice eft un rapport de convenan-
ce qui fe trouve léellement entre deux
Hij
-ogk
^z De la MoRAiB.
chofes. Ce rapporc eft toujours le inême;
il eft vrai que les hommes ne voïenc pas-
tûujours ces rapports. Souvent même,
lorfqu'tls les voient, ils s'en étorgneot;
& leur imeTêt e(t toujouri'ce qu'ils voient
le mieux. La juflice éJéve fa voix, mais
elle a à peine à fe faire entendre dans le
tumulte des pallions. .
XjA jutlice e([ éternelle, & ne dépend
poinïdesconyentionihumaines; & quand
elle en dépendrott, ce (eroic une vérité
terrible ^ qu'il ^udroit Ce dérober à lot-
même.
' Nous fommes entourés d'hommes plus
fores que nous, ils peuvent nous nuire de
mille manières différentes ; les crois quarts
du temps i^s peuvent le faire impunément.
Quel repospoui nous, de fçavoir qu'il y.
a dans le cœur de tous ces homme;, utf
principe intérieur qui combat en notre fa-
veut, & nous met à couvett de leurs ert-
ireprifes! San» cela, nous ferions dans
une frayeur continuelle; nous paflerîons
devant les hommes comme devant des
lions, & nous ne ferions jamais alTurés
un moment de notre vie, de notre biea,
ni de notre honneur.
Quand un homme s'examine, quelle
racisfadion pour lui de trouver qu*il a le
cœqr judeJ Ce plaifir, tout levére qu'il
e(l, doit ie ravir: il voit foa étie autant
.i.i=t; .., Google
Db la Mo bals. 9^
aU'dèlTas de ceux qui ne l'ont pas, qu'il
fe voitltû-m^me audeHus des tigres & des
ours.
La juftice pour autrui», eft une diarité
pour nous.
L'iajuflice e(t une très-mauvaire ména-
gère, & ne dent pas tout ce qu'elle pto-
mec.
Pour être homme de bien, il faut avoir
intention, de l'être.
L'ame goûte tant de délices à dominer
l£s autres âmes; ceux -même qui aimçnt
le bien, s'aiment^ fore eux-mêmes, qu'il
n'y a perfcaiDe quirne foit alTez malheu-
reux pour avoir encore à Te défier de fes
bonnes intentions ; & en vérité nos aâions
tiennent à tam de chofet, qu'il e(t fuille
fois plus aifé de faire le bien que de le
bien faire.
. Tout bomme eA capable do faire du
bien à un autre homme ; mais c efl: relTeni-
bler aux Dieux que de contribuer au bon-
heur d'une fociété entière. '
' L'amour propte, l'amour de notre
confervarion fe transforme en tant de
manieies^ &agit par des principes li con-i
traires, qu'il nous porte quelquefois à fa-
crifîer notre être pour l'amour de notre
être; & tel efl le cas que nous faifons de
nous-mêmes, que nous confenions à cef'
fer de vivre par un-inflin^ naturel & oblï
Djii..... Google
94 I^B LA MoRALS.
cur , qui fait que nous nous aimons pliu
que notre vie même.
Le delir de la gloire n'ed point diffé-.
rent de cet inftinâ que toutes les créatu-
res ont pour leur confervation. Il femble
que nous augmentons notre être, lorfque
nous pouvons te porter dans la mémoire-
des autres.. C'eÀ une nouvelle vie que
nous acquérons , & qui nous devient auflî
prccieufe que celle que nous avons reçue
du Ciel. Mais comme tous les hommes
ne font pas égalemem attachés à la vie ,
ils ne font pas aulii également fenlîbles à
la gloire. Cette noble pafiion eft bien
toujours gravée' dans leur cœur , . mais
l'imagination & l'éducation la modifienc
de mille manières.
La nature de l'honneur efl d'avoir poôr
cenfeur tout l'Univers. Tout homme qiti
y manque efl fujet auK reproches de c«ux-
mêmes qui n'en ont point.
Tout homme qui a du - pouvoir, eft
porté à en abufer. Il va jalqu'à ce qu'il
trouve des limites.
Ceft toujours pat un retour fur- eu»»
Blêmes, que tes hommes agirent. Nul
n'eCl mauvais gratuitement. 11 faut qu'il
y aie une raifon qui détermine, & cette
raifon efl touiours une raifon d'intérêt.
Pour jager de U violation des mceurs,
il faiu ea avoir.
;i.i=t; .., Google
De I.A MoBAiB. 9<;
Un crime contre les mœurs, c*eft la
violacion de la continence publique ou
particulière, c'eft - à- dire, de la police
fur la manière dont on doit jouir des
plailîrs anacJiés à l'ufage des fens & à
l'uoioo des corps. Ce crime eft moins
fondé fur la méchante, que fur l'oubU
ou le mépris de foi-méme.
Le crime contre nature ne fera jamais
dans une ibciéié de grands progrès, fi le
Peuple ne s'y trouve porté d'ailleurs par
quelque coutume, comme chez, nous,
on l'éducation domeAique e(l hors dollar
ge. Que l'un ne prépare point de crime,
qu'on le profcrive par une policfc exadie ,
éz l'on verra foudain la natiire ou défen-
dre fes droits, ou les reprendre. Douce,
aimable, charmante, elle a répandu les
plailîrs d'une main libérale, & en noue
comblant de délices, elle nous prépare
à des fatisfaâions plus grandes ^ue ces
délices mêmes.
Que penler d'un Pays où l'infidélité,
le rapt , la perfidie & l'injuflice conduî-
fent a la confidératïon ; où l'on eftime-,
un homme , parce qu'il ôte une fille a
fou père , une femme à Ton mari , Se
troaole les focîéiéstes plus douces & les
plus faintesP
Qui pourroû fe taire contre ce Célî-
bat qu'a formé le libertinage , 'où Içs
Lijii.t. ..Google
9^ Os I.A MoRAIB.
deux Texes Te corrompant par les feit-
-timens naturels mêmes, fuient une union
qui doit les rendre meilleurs, pour vi-
vre dans celles qui les sendent toujours
pires F
L'incontinence publique eft Jointe avec
le luxe ; elle en eft toujours fuivie , elle
le fuit toujours.
Les hommes nés pour vivre enfem-
ble , font aulli nés pour fe pUirè ; &
celui qui n'obferveroit pas les bienféan-
Ces f fe décrédirerok &u pDioc qu'il de-
viendroic incapable de faire aucun bien.
' La poliiefie naît de l'envie de fe dif-
tinguer. Elle eft natnralifé à la Cour. Elle
flatte autant ceux qui font polis, que ceux
à l'égard de qui ils le font.
'La politelfe flatte les vices des autres,
& la civilité nous empêche de mettre les
nôtres au jour.
S'aBrauchir des régies de la civilité ,
c'eft chercher^ le moyen de tnettre fes
- défauts à i'airè.
'L'envie de plaire plus que les autres
iftablit les parures, & l'envie dé plaire
plus que foi -même établit les modes.
Là fociété nous apprend à fentir les
ridicules ; la retraite nous' rend plus
pfopres à fentir les vices.
' Le inonde e(t trfs- corrompu ; mais il
y a de certaines palfions qui s'y trouvent
Ds XA M0B.AXI. 97
tris-contralnies : il y en a de favorites ,
qui défendent aux autres de paroîire*
Conndérez les gens du monde emr'eux,
il n'y a rien de fi :imide; c'eft l'orgueil
qui n'ofe pas dire Tes fecrets. Si qui,
dans les égards qu'il a pour les autres,
fe quitte pour fe reprendre.
Moins nous pouvons fatisfaire nos paf»
fions particulières, plus nous nous livroiu
aux générales. Plus une Loi retranche de
nos penchans, plus elle donne de force
à ceux qu'elle nous laiflè.
Si la modedie efl une vertu nécelTaire
à ceux À qui le Ciel a donné de grands
jalens; que peut-on dire de ces mîedes,
qui ofent faire paroitre un orgueil qui
deshonoreroit les plus grands hommes ?
On voie de tous côtés des gens qui
. parlent fans celte d'eux-mêmes. Leurs
converfations font un miroir qui préfente
toujours leur impertinente figure. Ils ont
tout fait, tout vu, tout penfé. Ils font
un modèle univerlel, un fujet de com-
paraifons inépuifable, une fource d'exem-
ples qui nç taiit jamais.
Oh .' que la louange eft fade , lorfqu'-
elle réfléchit vers le lieu d'où elle part !
Heureux celui quiaaffez de vanité, pour
ne dire jamais de bien de lui , qui craint
ceux qui recourent, & ne compromet
point fon mçrite avec l'orgueil des âutret ! ,
D.3.ii.t...Googlc
^S Db la Moralb.
Quand on voit des hommes qui rempent
fur un atome , ( c'ell-à-dire, la terre , qui
p'eft qu'un petit point de l'Univers, ) fe
propofer diieâement pour modèles de
la rrovidence , on ne fçaît comment ac-
corder tant d'estravagance avec tant de
petiiefle.
Nous ne fentons point, notre petitefle ;
& malgré qu'on en ait, nous voulons cire
comptés dans l'Univers, y fîgurer , Scy
être un objet important. Nous nous ima-
ginons que l'ahéantiffement d'un être
comme nous, dégraderoit toute la natUi-
re ; & nous ne concevons pas qu'un
homme de plus ou de moins dans le
monde, un homme qa'ejî-ce? Tou$ les
hommes enfemble , cent millions de ter-
res comme la nôtre , ne font qu'un atome
iubtil & délié que Dieu n'apperçoit qu'à
caufe de l'immenfiié de Tes connoillances.
La Providence eft admirable dans la
manière dont elle a dillribué les riche^
(es. Si elle ne les avoit accordées qu'aux
gens de bien, on ne les auroic pas aflex
dillinguées de la vertu , & on n'en au-
roii plus fenti tout le néant ; mais quand
on examine qui Tonc les gens qui en font
les plus chargés, à force de méprîfer les
riches , on vient en6n à méprifer les ri-
çheflés.
l^'elTeç de l'argent elt de groHir 1«
De la MoRixB. 99
fortune des hommes au-delà des bornes
que la nature y avotc mifes , d'apprendre
à conferver înucilement ce qu'on avoir
amaiïedemême, de muliiplier àrinfinï
les delîrs ^ & de Tuppléer à la nature qui
nous avoic donné des moyens crés-bornés
d'irriter nos pafïïons Se de nous corrom-
pre les uns les autres.
Nous tirons cet avantage de la médio-
crité de nos fortunes ^ qu'elles font pluj
fùres. Nous ne valons pas la peine qu'on
nous raviffe nos biens.
Le bon fens & le bonheur des particu-
liers confifte beaucoup dans la médio-
crité de leurs talens & de leurs fortunes.
Les hommes extrêmement heureux &i
extrêmement malheureux font également
portés à la dureté, témoins les Moines
& les Conquérans. 11 n'y a que la mé-
diocrité & le mélange de la bonne & de
la mauvaife fortune, qui donnent de la
douceur &. de la pitié.
L'opulenceeA dans les mœurs, &non
pas dans les richeffcs.
Four connoître la frugalité, il faut ea
jouïr. Des gens qui n'ont devant les yeux
que des hommes riches, ou des hommes
miférables comme eux , détellent leur
mifere, fans aimer ou connoitre ce qui
fait le terme de la mifere.
La Loi faite pour nous rendre yiâts.
IQO Ob XA MoRAtB.
ne fert fouvenc qu'à nous leodre plus
coupables.
Toutes les fois que l'on défend une
chofe naturellemcRc permife ou nccelTai-
re , oa ne fait que rendre p|us ma{Iib(i-
nêtes gens ceux qui la font.
Quand un peuple a de bonnes mœurs,
les Loix deviennent fimples.
Les Loiï extrêoies dans le bien font
naître le mal extrêmç.
En fait de préceptes & dç dogmes fon-
damentaux , le bien eft (oujours le mieux.
Il y a des mauvais exemples qui font
pires que tes crimes; & plus d'Etats ont
péri paice qu'on a violé les moeurs, que
parce qu'on a violé les Loix.
Quand le peupleaune fbisde bonne;
maximes, il s'y tient plus q()e ce qu'oq
appelle les honnêtes gens.
il y a beaucoup à gagner, en fait de
mœurs, à garder les coutumes ancien-
nes. Comme les peuples corrompus fonç
parement de grandes chofes, qu'ils n'ont
guéres établi defociétés, fondé de VIIt
^es, donné des Loix, Si qu'au contraire
ceux qui avoient des mœurs fimples &;
auftères, ont fait la plupart dçs écablilTe-
mens i rappeller les hommes au maximes
ancj'erinçs, c'eft ordinairement les rame^
lier àla vertu.
^ien ne maimient plus les mceûrs g\^-
" Google
Ds tA MoRAlE. TOI
iiûç extiêtne fubocdinaciod du jeunes
g«as envers les vieilluds.
L'ambiHoD s'irrÏK par le travail, la
pauvreté fe confole par la parelîe. La na-
ture efl lufle eniers les hommes, elle les
récompenfe de leurs peines» elle les rend,
labotieux.pafce qu'à aeplusgrands travaux
elle att&che de plus grandes récompenfes.
11 n'f a rien de lî affligeant que les
confolacions tirées de la nécelTité du mat ,
de l'inutilité des remèdes, de la. fatalité
du deflln, de l'ordte de la Providence,
& du malheur de ta condition huitaine.
Oeft fe moquer, de vouloir adoucir un
mal par la conndération que l'on ell né
znîférable ; il vauE bien mieux enlever Veù "
prit hors de les réflexions , & traiter l'hom-
me comme fentîble, fiu lieu de le traiter
comme raifonnable.
' La jaloufîe ell une paffîon qu'on peut
avoir, mais qu'ondoie taire. Il faut ado*
ter en fecret les caprices de fa maîtrelTe»
comme on adore les décrets des Dieux,
qui deviennent plusjufles, lorfqu'on ofe
s'en plaindre.
It fàuc bien didinguer chez les peuples
la jaloufîe de pallion d'avec la jaloufîe de
coaiume, de mceurs, de loix. L'une c&
une Ëévre ■ ardente qui dévore; l'autre
froide, mais quelquefois terrible, peut
s'aliier avec l'indifférence & le mépris.
liii
Lijii.t...G.ooglc
102 Bb la Moralb.
L'une, qui efl un abus de l'amour, tire
ia naîflance de l'amour même ; l'autre tienc
uniquement aux mœurs, aux manières de
la Nation, aux loix du pays.
Les hommes font bien malheureux ; ils
flottent fans celTe entre de faufles efpé-
Tances & des craintes ridicule? ; & au
lieu de s'appuyer fur la raifon , ils fe font
des mondres qui les încimident, ou de*
fantômes qui lesféduirent.
Nous fommes fi aveugles, que nous
ne fçavons quand nous devons nous affli-
ger ou nous rejouir. Nous n'avons pref-
Sue jamais que de fauiïes triHelTes, oa
e fâuflies joies.
C'efl peUt-êtie un bonheur que noui
trouvions de la c&ofolatioD daiu les foi-
blelTes d'autrui.
Les Hifioins t^on nous raconte â^un
Antoine & Hun racème, font du moins
une altégorîe bien naturelle, qui peuc
iervir à nous faire fentir le malheur de
la condition humaine. En vain cherchons-
cous un étac tranquille, les tentations
nous fuivent toujours; nos paflîons figu-
rées ipar les démons, ne nous quittent
point encore : ces morjlres du cocur,ces il-
Iufionsderefprit,ces vains fancômesdel'er-
reur & du menfonge fe montrent toujours
à nous pour nous féduire, & nous atta-
quent jufi]ues dans les jeûnes & les cUices,
D.3.ii.t.., Google
Db la MoRAtS. lOJ
deft-à-dire , jufques dans nocre force mê-
me.
Les gens qu'on die ècre de bonne com*
Eagnie , ne fonc fouvent que ceux dont
î vice eft plus rafiné ; & peut-être qu'il
en e(l comme des poifons, dont les plus
fabcil; font les plus dangereux.
Nous voyons avec plaifir fur notre théâ-
treanjeuneHérosmontreraûtant d'horreur
pour découvrir le crime de fa bellemere,
qu'il en avoit pour le crime même. II ofe
à peine dans fa furprife, accufé, jugé,
condamné, profcriE& couvert d'infamie,
faite quelques réflexions fur le fang abo-
minable dont Phèdre eft fortie. 11 aban-
donne ce qu'il a de plus cher & l'objet le
plus tendre, tout ce qui parle à fon cœur,
tout ce qui peut, l'indigner, pour aller fe
livrer à la vengeange des Dieux qu'il n'a
point méritée. Ce lout tesaccensdela na-
ture , qui caufent ce plaifîr ; c'eft la plus
douce de toutes les voix:-
Heureux celui qui peutfe'rendre à lui-mê-
me ce témoignage : Je ii'aï jamais vu coU'-
1er les larmes de perfonne fans en être at*-
tendri; jefens de l'humanicépour les mal-
heureux , comme s'il n'y avoit qu'eux qui
fulïent hommes, & les Grands mêmes
Ïiour lefquels je trouve dans mon cœur de
a dureté quand ils font élevés, je les ai*
me, il-tôc qu'ils tombent l£n effet, qu*-
liv
.i.i=t; .., Google
Iô4 Db la Morale.
ont-its à faire dans la profpéricé, d'antf
inutile rendrefle? Elle les approche trop
de l'égalité ; ils aiment bieii mieax du
refpecï qui ne demande point de retour:
mais fi-rôt qu'ils font déchus de leur gran-
deur, îln'/aque nos ptâintes qui puif-
fent leur en rappeller l'idée. II y a quel-
que chofe dâ bien naïf, 8c même de biea
grand dans les paroles d'un Prince qui,
près de tomber entre les mains de fes en-
nemis, voyant Tes courtirans aatour de
lui qui plearoient : » Jefens(leur dit-il)
M à TOI larmes, que je fuis toujours votre
9» Roi.
... Google
tei
C H;A P I T R E XÏX.
TABLEAUX.
Les Romains.
ROmb n'étoit pas proprement «ne
Monarchie, ou une République,
mais la cêce du corps formé par tous les
peuples du monde.
Far un travail continuel qui augtnen-
toic leur force , & par des exercices
qui leur donnoient de l'adrelTe , les Ro-
mains le rendirent plus qu'hommes. Ja-
mais Nation ne prépara la guerre avec
tant de prudence, oc ne la ht avec tant
de hardieiTe.
Les Romains ne firent jamais la paix
que vainqueurs. Ils augmentoient tou-
jours leurs prétentions à raefure de leurs
défaites ; par- là ils conflernoîent les vain-
queurs , Ôc s'imporoient à eux-mêmes
•une plus grande néce/îité de vaincre. Tou-
jours expofés aux plus afireufes vengean-
ces, la confiance & la valeur leur de-
vinrent des vertus nécefîaires , & elles
ne purent être diflinguées chez eux de
l'amour de foi-même , de fa famille , de
fa patrie , & de tout ce qu'il y a de
D.5.i.i=t; ^ Google
io6 Tabïbaux.
plus clier parmi les hommes.
Rome fut fativée par la force de fon
ioflitution. Après la Bataille de Cannes,
îl ne fui pas permis aux femmes même
de verfer des larmes ; le Sénat refufa de
racheter les prifonnieri , & envoya lea
miférables reues de l'Armée faire la guer-
re en Sicile , fans récompenfe ni aucua
honneur militaire , jufqu'a ce qu'Annt-
bal fut chaffé d'Italie.
Après la Bataille de Cannes , lePea*
pie Romain effrayé voulue fe retirer en
"cipio ■ ~ ■
.à Rome. La crainte de violer lelerment
pie K'
Sicile.
Seipion lui Bt jurer qu'il reAeroic
furmonta toute autre crainte. Rome étoit
.UQ vaiûeau tenu par deux ancres dans
la tempête , U Religion & les mœurs.
Quand Jugurtha eut enfermé une Ar<
mée Romaine , Su qu'il l'eut laifiee aller
fous la foi d'un traité , on fe fervit con-
tre lui des. troupes mêmes qu'il avoic
.iauvées; &Iorrque les Numantins eurent
.réduit vingt mille Romains, prêtsàmou-
:rlrde faim, à demander la paix, cette
paix qui avoîc fauve tant de citoyens,
fut rompue à Rojne , Se l'on éluda la
foi publique, en envoyant aux ennemis
le Conful qui avoic fignée.
Ce ne fut que la viâoïre qui décida
s'il falloit dire, 7a /« Punique ou la foi
Romcàne.
D.5.i.i=t; ., Google
Tabisavx. to7
Rien ne fervit mieux Rome» que le
refpèâ qu'elle imprima à la terre. Elle
' mie d'abord -les Rois dans le fîlence , &
les rendît comme flupides. Il ne s'agîf-
foit pas du degré de leur puillânce , mais
leur ptfrfonne propre étoit attaquée: rîf-
quer une guerre , c'étoît s'expofer à la
mort ; à l'infamie du triomphe. Ainfi
des Rois qui vivoient dans le faite Se
dans les délices, n'ofoient jetter des re-
gards fixes fur le Peuple Romain , Se
perdaoc le courage , attendoient de leur
patience & de leurs baflelTes quelque
délai aux xuiferes dont ils étoient me-
nacés. '-^
Il fembloit que les Romains ne con-
quilïent que pour donner ; mais ils ref-
toient fi bien les maîtres , que lorfqu'iU
foifoienc la guerre à quelque Prince, ils
Taccabloient , pour alnfi dire , du poids
de tout l'Univers.
Ce qui a le plus contribué à rendre
les Romains les maîtres du monde, c'eft
qu'ayant combattu fucceffivement con-
tre tous les peuples, ils oit toujours re-
noncé à leurs ufages , fitôi qu'ils en ont
trouvé de meilleurs.
X^e Gouvernement de Rome fut ad-
mirable, en ce que depuis fa naiffànce,
fa conftitution fe trouve telle , foit par
l'efprii du Peuple , la force du Sénat,
D.5.i.i=t; ^ Google
io8 Tableau >;.
ou l'autorité de cenams Magiftrau , que
tout abus du pouvoir y pût toujours
écre corrigé.
Les Romains accoutumés à fe jouer
de la nacure humaine dans la perfonne
de leurs enfans & de leurs efclavesj ne
pouvoient guéres connoîcre cette vertu
que nous appelions humanité.
L'efprit de liberté qui régnait â Romtf
éioic un amour dominant pour ia Patrie,
qui fortant des régies ordinaires des cri-
mes Se des vertus, n'écoutoït que lui
feul, & ne voyoit ni citoyen, ni ami,
ni bienfaiteur, ni père. La vertu fem-
bloit s'oublier pour Ce furpaiTer elle-mê-
me, & raâion qu'on ne pouvoit d'abord
approuver, parce qu'elle éioit atroce,
elle la faifoit admirer comme divine.
Rome , dont la paflion éibit de com-
mander, dont l'ambition étoit de tout
fuumettre , avotc continuellement de
grandes affaires. Ses ennemis conjuroîenc
■ contre elle, ou elle conjuroit contre fcs
ennemis.
Les Romains en détruifanc tous les "
Peuples, fe décruifoient eux-mêmes.
Sans cefle dans l'aâion, l'effort & lï
violence, ils s'ufoieni comme une arme
dont on fe ferc toujours.
Rome s'étoit aggrandie, parce qu'elle
n'avoit eu que des guerrM foccefliïcîi
.i.i=t; ../Google
TâBLB AUX. J09
chaque Nation , par un bonheur incon-
cevable, ne l'attaquant: que quand l'au-
tre avoit été ruinée. Kome fut détruice ,
parce que loutes les Nations l'attaquèrent
a la fois , & pénétrèrent par- tout.
Ronfe avoit fî bien anéantie tous les
Peuples , que lorfqu'elle fut vaincue'elle-
même , il fembU que la terre en eût en-
ËLDté de nouveaux pour la détruire.
La permilTion indéiînie de tefter»' ac-
cordée chez les Romains, ruina peu-à-
peu la dirpoficion politique fur le partage
des terres. Elle introduifit plus que toute
autre chofe la funelle djtférence entre
les richefles 5e la pauvreté. Plufieurs
partages furent aOetqblés fur une rnêm^
tête ; des Citoyens curent trop , une in-
anité d'autres n'eurent rien.
La fefle d'Epicure qui s'iotroduifit 4
Kome fur la fin de la République, con-
tribua beaucoup àgâier le cœur & l'ef-
ptit des Romains. Les Grecs en avolent
été infatués avant eux; aulfi avoienc'il;
ét^ plutôt corrompus.
La corruption des mœurs chez les Ro-
mains détrufit laCenfure, établit elle-mô'
me pour détruire la corruption dos
mœurs. Mais lorfque cette corruption
devient générale f la cçnfuie n'a plus de
force.
^ Rome le; Chevaliers éiotent les
;;gogk
IIO TABlBAtrx.
Traitant de la. République. Ils écoîent
avides, il femoienc les malheun dans les
malheurs. Se faifoîeac naîiie les befoïns
publics des befoins publics. Bien loin de
donner à de telles gens la puifTance de ju-
ger, il auroit fallu qu'ils eufTent été fans
celle fous les yeux des Juges. Lorfque les
jugemens furent tranfponés aux Traitans,
il n'y eut plus de Vertu, plus de Police,
S lus de Loix, plus de Magiftracure, plus
e Magiftrats. Une profeflion qui n'a ni
ne peut avoir d'objet que le gain, une
profeflïon qui demandoii toujours & à qui
on ne demaadoit rien, uoe profellion
fourde & inexorable qui appauvriffoit les
ricbeiïes Se la mifcre même , Qe devoïc
point avoir les jugemens.
Comme on voie un fleuve miner fente-
ment & fans bruit les digues qu'on lui op»
pofe, & enfin les renverfer dans un mo-
ment, & couvrir les campagnes qu'elle
confervoit ; ainfi la puiCIance fouverai-
ne fous Augufte agit infenfiblement ,
& renverfa fous Tibete avec violence.
' Depuis Dioclétien , la vie des Empe-
reurs commença à être plus alTurée. Ils
purent mourir dans leur lie , & cela
îembla avoir un peu adouci leurs mœurs;
ils ne verferent plus le fang avec tant
de férocité. Mais comme ît falloii que
ce pouvoir jmmenie débordât quelque
Tabibaux. tu
part f on vit un autre genre de tyran-
oie t tiuis piiii fourde. Ce ne furent
plus des tnaFacres , mais des jngemeiu
iniques > des formes de jullice qui fem-
bloient n'éloigner la mort que pour flé-
trir la vie : la Cour fuc gouvernée , &
gouverna avec plus d'artifice, par des
arts plus exquis , avec un plus grand
filence; enlin au Heu de cette hardJelTe
i concevoir une mauvaife aâion , &de
cette impétuolité à la commettre , on
ne vit plus régner que les vices des âmes
foibles , & que des ctimes réBécbis.On
ne dit rien , on inlinua tout; les gran-
des réputations furent toutes attaquées >
& les Minidres & les officiers de guer-
re furent mis fans cefle à la difcrétioo
de cette forte de gens qui ne peuvent
fervir l'Etat , ni fou0iir qu'on le ferve
avec gloire.
C'efl ici qu'il faut fe donner le Tpec-
tacle des chofes humaines. Qu'on voie
-^ans lliiEloire de Rome tant de guerres^
entreprîfes, tant de fang répandu , tant
de peuples détruits , tant de grandes
aâions , tant de triomphes , tant do
politique , de fagelTe y de prudence ,
de confiance > dé courage ; ce projet
d'envahir tout » H bien fotmé , fi bien
foutenu, fibienEni, à quoi aboutit -il,
qu'à affouvii le bonheur de cinq ou lîx
mooftrej ? Quoi ! ce Sénat n'avoit fait
évaDOuir uni de Rois que pour tomber
lui-même dans le plus bas efclavage
de quelques - uns de l'es plus indignes ci-
toyens , 5ç s'exterminer par fes propres
Arrêts ? On n'éjéve donc fa puiflancp,
que pour la voir mieux renvetfire? I^es
hommes ne travaillent à augmenter leur '
pouvoir , que pour le voir tornber con-
çr'eux - mêmes en de plus heureufes
inains ? ■
■ lyfs p.cglemens que firent les Ro-
piains pour augmenter le nombre de
leurs citoyens , eurent leur effet , pen-
dant que leur République dans la force
de fon inftitution , n'eut à réparer que
les pertes qu'elle faifoit , par fon cou-
rage, par fon audace , par fa fermeté ,
par fon amour pour là gloire & pour
la vertu même. Alats bientôt les lotx les
plus fages ne purent établir ce qu'une
République mouraijce, ce qu'une. Anar-
chie générale, ce qu'un Gouvernement
îyiiiitaife , ce qu'un Empire -dur, ce
qu'un Defpotifme fuperbç , ce qu'une
Monarchie foible , ce qu'une Cour ftu-
pide , iiiiote & fuperftitieufe avoient
fucceffivement abbatu. On eût dit qu'ils
n'avoient conquis le monde que pour
i'affbiblir, & le livrer fans défenfe aux
barbares. Les Nation?, Gothes , Géti-
•gues..-
D^ii.t...Googlc
T A B LE A tfl. Il'j
quès f Sarafinei & Tarures l'accable-
xent tour -à- tour. Bientôt les peuples
batbares n'eurent à détruire que des
peuples barbares. Ainlî dans le temps
des fables , après les inondations iSc les
déluges-, il forrit de la terre des hom-:
mes armés qui s'exterminèrent.
Les Etoliens,
X^s ÉtoIiens éioîent belliqueux , har-
dis, téméraires, avides du gain, toa-
jours libres de leurs paroles & de leuis
-fermens , enfin faifani la guerre fur la
terre comme les pirates la. font fur h
mer.
Let Béotiens.
Les Béotiens étoient les plus épais de
-tous les Grecs , mais les plus fages ;
vivoient ordinairement en paix: unique-
ment conduics par le fentiment du bien
'& du mal, ils n'avoient pas afiez d'ef*
prit , pour que les Orateurs les agt-
taflènc , & puflent -leur déguifer leurs
véritables inicrêts.
Les Macédoniens. ■'
La Macédoine étoicprerque entourée
Google
i:^ T AB iH A « r.
de montagnes ioaccellibles ; les peuples
en étoient très - propres à la guerre ,
courageux , obéilTans , induitrieux, ia-
fatigaoles ; & il falloît bien qu'ils tinf-
ient CCS qualités-là du climat, puifqu'en-
core aujourd'hui les hommes de ces
contrées font tes meilleurs foldats de
J'Empire des Turcs.
Les Huns,
. Chez les Huns > les en&ns entroiene
en fureur au récit des beaux faits d'ar-
inesde leurs pères, & les pères verfoîenc
des larmes^ parce qu'ils ne pouvoienc
imiter leurs enfans.
Les Caulmr.
■ L'amour delà gloire, te mépris cfc
la mort ^ l'obAination pour vaincre ^
ctMenc les mêmes dans les Gaulois que-
dans les Romains ; mats les armes étoienc
' diSérentes. Ces peuples que les Homaios
rencontrèrent dans prefque tous les lieux
&.. dans prcrque tous les temps , k
laiQerem détruire les uns après les au-
tres » fans jamais confloître , cher-
cher , ni ptévcsir la caufe de leurs
malheurs.
.i.i=t; .., Google ,
Tabisaux. 115
Les Gtrm/ùnt.
Les Germains ne coimoKToient que
deux crimes capicaux. Ils pendoienc les
. traîtres , & noyoient les poltroni. C'é-
toicDC chez eux les feuls crimes qui fuf-
fent publics. Il femble que du temps de
Tacite , ib étoient encore dans Vétac
de nature.
11 y eue encore deux autres crimes
chez les Germains. L'un étok de ne^
vouloir point faire ou de ne vouloir
point recevoir la fatisfaâion que la loi
.avOtt prefcriie à l'oSènfeur -, l'antre étok
de fe venger, après avoir reçu la Û-
tisËiâton.
Chez ces Nations violentes, rendre
la juHice o'éioit autre cbofe qu'accor<
dei à celui qui avoicfait une oSènis,
fa proteâion contre la vengeance, de
celui qui t'avoic reçue , 3c obliger ce der-
nier à recevoir la fatitiàâion qui lui étotc
due ; de forte que chez les Germains «
à la différence de tous les autres peu-
ples , la juftice fe rendoit pour protéger
je criminel , contre celui qu'il avoie
oiTenfé. ■ .
Les Germains n'admettoient guéres qur
des peines pécuniaires. Ces hommes guer*
*Kii
.i.i=t; .., Google
.Ii6 -Ta b iKA V X,
ricrs & libres enimoîenc que leur Gmg ae
dévoie éire vetîé que les armes à la ama.
Les Indiens.
L« Indiens, font natarellement fans
courage. Cependant tes honunes fe fou-
'mettent à des maux incroyables ; les fem-
mes fe brûlent elles-mêmes : voilà bien (te
la force pour tant de foibleiïe. La nature
' qui a donné à ces peuples une foibleHë
qui les rend timides, leur a donné aulll
.une imagination iîvive, que tout les irap-
{)eàrescèi.C'e{l la même iofeofibiliré qui
car Élit fuir tous les périls , & les leur
fait tous braver.
Le Peuple des Indes ell doux, tendre,
cbmpaûSant. AulTi'fes Légiflatears ont-
îls une grande contîance enlui. Ils ont éta-
bli peu de peines, & elles font peu févé-
res. Ils fembie qu'ils ont penlé que cha-
que citoyen devoit fe repofer fur le bon
natuvel de tous les autres. Les Indiens
donnent aifément la liberté à leurs ef-
claves -, .ils les marient , ils les craitenc corn- |
me. leurs enfans. Heureux climat qui fait
raître la candeur des mœurs , 3c produit j
la douceur dés Loix .'
.i.i=t; .., Google
T A Bt E A U X. 117
Les Japono'u.
Le peuple Japonois a un caraâere
' fi atroce , que Tes Légiflateuts ne lui
onc mis devant les yeux que des Juges,
des menaces Se des châtimens.
Au Japon» on punit de mort lesmen*
fonges qui fe font devant tes Magillrats ;
chofe contraire à la défenfe naturelle.
Un homme qui hazarde de l'argent au
jeu, y eft puni de mort. Ce peuple opi-
niâtre, capricieux, déterminé, bizarre ,
qui brave tous les périls & tous les mal-
heurs, femble, àla première vue, abfoa*
dre fes Légiflateurs de l'atrocité de leurs
Loix. Mais des gens qui naturellement
méprirent la mort , êz qui s'ouvrent le
ventre pour la moindre faniaifie, font-iU
corrigés o\i arrêtés par la vue conti-
nuelle desTuppltces , 6c ne s'y iami-
lîarifeni • ils pas î .
Les Tartares.
De toutes les Nations du monde'»
il' n'y en a pas qui ait furpalTé celle des
Tartares, ni en. gloire, ni dans la gran-
deur des- -conquêtes. Ce peuple elt te
vrai dominateur de l'Univers ; tous les
autres len^lçnt Être fûts pçuf le fervir.
.i.i=t; .., Google
• ii8 Tabisavs.
il eft également le foodatear & le del^
tniâeur des Empires. Dam tous les
temps il a donné ftir la terre des marques
' de fa puiûance ; dans cous Iss âges il a écé
le fléau des Nations. Qu'efl-ce que les
conquêtes d'Alexandre, en c<Hnparairon
de celles de Genghifcan ? Il n'a manqué
À cette viâorieufe Nation que des Hifto-
riens , pour célébrer la mémoire de fes
merveilles. Mait usiquenlent occupée
. de ùi gloire préfence , fiîre de vaincre
dans tous les temps, elle ne fonçeoit
. point à Te fîgnaler dans l'avenir , par la
. fiiémoire de fes conquêtes paOees.
Les François.
On trouve dans cette Nation une .hu-
meur fociable , une ouverture de cœur,
une joie dans la vie, un goût, une facili-
té à communiquer ies penfées. Elle efl
vive, agréable, enjouée, quelquefois
imprudente, fouvent indifcrette. Avec
cela elle a du courage^ de la générgfîcé,
de la francbife , un certain point d'bon-
, neur. Dans les Pays étrangers , elle ij'efl
touchée que de ce qu'elle a qukté. En
partant de chez elle , elle regarde la
{rloire comme UfoBveraio bien, &- daiu
es Pays, éloignés cQmme un obftkdeÀ
foa retour» £Uc iudûpofe par fei bonan
.i.i=t; ^ Google
TaBIBAU X. 11^
qualités mêmes , parce qu'elle paroît y
joindre du mépris; elle peuc fupporceF
les bleÛures, les périls âc les fatigues» &
noa pas la perte de fes plaifïrs.
La Grèce.
Quelles caufes de profpérité pour U
Grèce, que des jeux qu'elle donooiCf
pour ainn dire, à l'Univers; des Tem-
pies oîi tous les Rois etivoyoient des of-
frandes : des Fêtes où l'on s'aOembloit de
toutes parts ; des Oracles qui faifoient
Tattentioode toute lacuriofïcé humaine;
enfin le goûc& les Arts portés à us point ^
que de croire les furpauer, fera toujours
ne pas les connokre f
Athènes,
Athènes eut dans fon feinles mémes'
forces , pendant qu'elle domina avec
tant de gloire , & pendant qu'elle fervïc
avec tant de honte. Elle avoit vingt
mille citoyens , lorfqu'elle dé&ndit les
Grecs contre les Petfes, qu'elle difputa
l'Empire à Laeédémone y & qu'elle at-
taqua la Sicile. Elle en avoit vingt mîl-
. le , lorfque Démétriua à* PkaUrt les-
dénombra . comme dans un marché l'o»
compte les elclaves. Cette Ville , i^ui
D^ii...., Google
ÏIO- TABtE AUX.
avoit réfîdé à tant de défaices , qu'on
avoit vu renaître après fes dedruâiom,
fut vaincue à Ckéronée , Se le fut pour
toujours. Qu'importe que Philippe ren-
Toîe des prifonniers P il ne renvoie pas
les hommes. Il écoit toujours aufG aiCf
de triompher des forces d'Athéues ,
quil auroit été difHcile de triompher de
fa vertu.
Athènes remplie des projets de gloire;
Athènes qui augmentoit la jalouiie, au
lieu d'ilugmenter l'influence; plus atten-
tive à étendre fou Empire maritime qu'à
en jouïr , ne fît point ce grand commerce
que lui promettojent le travail de fes mi-
nes, la multitude de f« efclaves» le
nombre de fes gens de mer, fon autorité
fur les Villes Grecques , & plus que tout
<ela, les belles inlÛtutions de Solon.
Sparte.
Lycurgue mêlant le Urcin avec l'efpn't
de juftice, le plus dur efclavage avec
l'extrême liberté, les fentimens ïes plus
atroces avec la plus grande modération ,
donna de la habilité à fa Ville. Il fembla
lui ôter toutes les reiTources, les Arts,
le Commerce, l'Argent, fes MuraiHés.
On y a de l'ambttion làns efpérance d'être
mieux; ooyales fentimens oaturelt, &
D^ii...., Google
T.AB1EAÏTX'. ' m
on bV e& ni- enlaot, .m Ciari, ni père.;
la pudeur même eCl ôtée à U chaflecé.
C'elt par Ces chemins , que Sparce eft
laenée à la grandeur&ala gloire.
Corinthii . :
Coriiub: Répara deux mers» ouvrît
& ferma le Feloponnèfe, & ouvric &
ferma la Grèce. Elle fut une Ville de
la plus, grande importance , dans un
temps oh la Grèce étoii un monde &
les Villes Grecques: des Nations. Elle
fît un grand Commerce : daiu aucune
Ville on ne porta H loin les ouvrages
de l'Art. La Religion acheva de corrom-
pre ce que fon opulence lui avoit laifle
de- mœurs. Elle érigea ua Temple à Vé-
nus, où plus de mille courtifanes fiitenc
conCacrées. C'ell de ce Séminaire que fot-
tirent la plupart de ces beautés célèbres»
fionc Athénée a ofé écrire l'hiftoire.
Syracujè.
Syracufe toujours dans ta licence ou.
4<ms l'oppreffian, également travaillée
par fa liberté & par fa fervitude, recer
vant toujours l'une & l'autre comme une
cempéte, avoit dans fon fein Un Peuple
immenfé qui n'eUciamai» qiie cette cruelle
Diii.t..,Googlc
111 T&BlBAVX.
alternative de fe doonr an tyran ^ onde
r^re Ini-mêAe;
MarfiHU.
Marfeille, retraité néceflàîre au mïlîea
d'une mer oiageufe , Marfeille^ oi\ toas
les v«ot|, les bancs ds la mer,' bdifjpo-
fition des Cotes ordonnent de toacher,
fut fréquentée par les genc de mer. ' La
fléritit^ d« fon territoire détermina fes
Citoyens an commerce d'économie. Il
£iUut qu'ils fuirent laborieux, pour fup-
ptéer à la nature qai (a refofoit ; qu'ils
tiiOent jullet, pour vivre parmi les Na-
tions barbares qui dévoient faire leur
])ro(périté ; qu'ils tiilTent modérés , pour
que leur Gouvernement fût toujours
tranquille ; enlîn « qu'ils eufTent des
mœurs frugales, pour qu'ils pulTent toii'-
jours vivre d'un Commerce qu'ils con-
ferveroicnt plus fûrement, lorfqu'il fer
roit moins avantageux.
{/Europe moderne,
LaBouilble ouvrit, pour aînlt dire^
llJnivArt. On trouva l'Afie! & l'Afrique
donc on ne connoilToit que quelques
bords, & l'Amérique dont on ne con**
iwîQoit riea du tout. L'efiêt do la décoo-
D^ii.t..,Googlc "
TX2IBACX. I4|
Tcrte de rAmérique, fat de lier à l'Eu-
. rope l'Âfie &. rA&'i<lue< L'Europe fklt lo
commerce & la navigation des trois au-
tres panies du moude , comme la Fran-
ce , rAngleterie & la HoUaade fout à^
peu-près la navigation Se le commerça
de rËurope.
L'Europe elï parvenue à un fi haut
degré de puidânce, que l'Hifloire n'a
rien à comparer là-detTus ^ Jî l'on confide-
ft rimmenfité des dépenfes , la grandeur
des engagemens, le nombre des troupes,
<& la continuité de leur entrecieu.
L'Italie & une grande partie de rAUe<
^lugne font partagées en un nombre infi-
ni de. petits Ëcats , dont les Princes font,
à proprement parler, les martyrs de la
fouvcraineié.
L'Allemagne efl la feule PuifTaace fur
la terre , que la divifion n'a point affbï-
hlie ; la feule qui fe fortifie à mefure de
fes peiies, & qui lente à proficer des
fucces, devient indomptable par fesd^
faites.
Les Hidoriens d'Italie nous lepréfen-
tenc une Nation autrefois maitreiïe du
monde, aujourd'hui efclave de toutes
les autres; fes Princes divifés^ foibtes^
& fans autre attribut de fouvecaineté^
qu'une vaine politique.
Ïa Sicile, où il y avoit autrefois dft
Lij
Coogic
lii . Tableaux.
puiffans Royaumes^& des Peupîes nom-
breux , n'a plus rien de copfiderable que
fes volc^ins.
" ■ Veni fe, n'a de rcffpu rces qu'en fon éco-i
notnie; Gênes n'eft fupçrbe que parfes
bâtimens.
La SuilTc eft l'image de. la liberté.
La Pologne ufefimaldc fa liberté, &
du. droit qu'elle a d'élire fes Bois , qu'il
femble qu'elle veuille confoler par- là les
Peuples fes voifjns, qui ont perdu l'uii
& l'autre.
L'hiftoire nous repréjinte la Nation Ef-
pagnole fortanc de quelques montagnes ;
les Princes Mahométaiis fubjugués auflî
infenfibleraent qu'ils avoient rapidement
conquis ; tant de Royaumes réunis dans
upevalie Monarchie, qui devint prefquç
la feule, jufqu'à ce qu'accablée de fa
fauflfe opulence, elle perdit fa force &
ia, réputation même , & ne confervà que
Torgueil de fa première puiiîknce.
On voit dans l'Hifiotre de France d'abord
la.puiflancedes.Rpis fe former; mourir
deuK fois, renaître de même, languir
enfuite pendant plufieurs fiécles ; mais
■ptennant infenfiblement des forces, accrue
de toutes parts , tiionter à fon dernier pé-
riode : femblable à ces fleuves qui dans
- l^ur courfe perdent leurs eaux, ou fe
^çiLçhpni fous terre; puis lepaioiûàne dç
Tabibaux. Jl$
nouveau , grotHs par les rivières qui sV
jettent, encrament avec lapidicé toute*
qui s'oppofe à leur pallage.
On voit dans l'hiftoire d'Angleterre la
liberté fonir fans ceffe des feux de la dif-
corde & delà fédition, le Prince tou-
jours chancelant ifur un thrône inébranla-
ble, une Nation impatience, fage dans
fa fureur, & qui mahfefle de la mer,
mêle le Commerce avec l'Empire.
' La Képublique de Hollande, cette
' autre Reine de la mer , cd rePpedlée ea
£urope , & formidable en Afie , où fes
Négocians voyent tant de Rois profteroéi
devant eux.
y«^^
Lii}
D.g.<.!,^ ,, Google
taê
C H A P I T R Ç XX.
CARACTERES.
Pyrrhus.
LA grandeur de Pyrriius ne confît-
toit que dsDs fes qualités perfon-
Tielles. Ce Prince, maître d'un petit Etat
dont on n'a plus entendu parler après
lui, étoit un aventurier qui ^ifoit des
cntreptifes contianelles , parce qu'il ne
pouvait [uhG&et qu'en entreptenanc.
Animal.
Quand oQ exatnine bien cette foole
d'obftacles qui fe prérenterent devant
Annibal, & que cet homme exttaordi-
oaire furmonta tous, on a le plus beau
fpeâacle que nous -ait fobinî l'antiquité.
De tous les Rois que les Romains
attaquèrent , Mjthridaie feul fe défendit
avec courage , & les mit en péril. II
fie d'aboid -lentir à toute la terre qu'il
.i.i=t; .., Goegic
CA.ti.ACTia.sS4 117
itoit ennemi des KtMnaios , & (fa'H le
Ceroit toujours. Ce Prince après avoir
batcD les Généraux Kvmains, &iàic la
conquête de l'Aile, de ta Macédoine &
de la Grèce , vaincu à foa cour paf
Sylla f chaire par LucuUus , le réfugia
dans fes propres Euts. Accablé par Pom-
pée, il fuie de ies Etats, & marchant
de péril en péril , il forma le deÛeîa de
porter la guerre en Italie: mais trahi par
Fharoace & par ime Armée elFrayée d«
la grandeur de ik» eattepiilcs , il moa-
rot en KoL
On ^le beaucoup de la fortune d«
Céfar , mais cet homme extraordinaire
avoit tant de rares qualités fans pas ua
défaut , quoiqu'il eût bien des vices ,
qu'il eût écé bien diâîcile que , quel-
que Armée qu'il eût commandée., il
n'eût été vainqueur , & qu'en quelque
République qu'il iQt &é , il ne l'eût gou-
vernée.
Augufit & Sylla,
■ Sylla, hommeemporté,. mennevia>-
lemmem les Romains à la liberté ; Au-
gultc , safé cyran , les conduit douce-
LÏT
128 CiBACTÉRES*
mène à la fervitude. Pendant que font
Sylla la Képublique reprenoit des forces , -
touc ie monde crioît i U tyrannie ; &
pendant qae fous Augufte là tyrannie (e
fbf tiBoit , pn ne parloit que de Ubené.
Ttajan.
■ Nerva adopta Trajan , Priice le pbs
accompli donc l'tiidoire ait jamais parlé.
Ce fut un bonheur d'être né fous fon
t^ne ; il n'y en eut point de G heureux
ni de li glorieux pour le Peuple Ko-
main. Grand homme d'Etat , grand Ca-
pitaine ; ayant un cœur bon qui le por-
toit au bien ; un efprit éclairé qui lui
montroit le meilleur ; une ame noble ,
grande , belle , avec toutes les venus ,
n'étant extrême fur aucune ; enfin ,
l'homme le plus propre à honorer la na-
ture humaine , & a. repréfenier la di-
vine.
- Attila^
Attila étok on des plus grands Mo-
narques dont l'hiftoire ait jamais parlé;
craint de (es fujets , il ne paroît pas
<]u'il en fât.hzï ; prodigieufeir^eui Jffîr,
& cependant rufé ; ardent dHns'fa co^
1ère , mais f$achJtnt pardonnes ou dif
. Google
Caractérbs. 119
férer U pBnition. ,■ fuivant qu'il conve-
□oit à tes imérêcs ; ne faifant jamais U
gaerre, -quand la paix pouvoir luidoa-
lier a0ez d'avautagei ; maîcre de toatta
les Nacions barbares , & en quelque fa-
çoa,.àe presque. toutes celles qui étoienc
policées, .il avoit gardé pour lui feul
l'ancienne Implicite des Hiins.
Chartemagne.
Charlemagne mit un tel rempéràmcnV
dans les ordres de l'Ëtât, qu'ils furenc
contrebalancés , & qu'il refta le maî-
tre. Tout fut uni pat la fprce de fon gé-
nie. L'Empire, fe inaintint par la gran-
deur du chef; le Prince étoit grand,
l'homime l'étoii davantage. Il fit d'ad-
mirables R^lemens ; il fit plus , il les
.fit exécuter. On voit dans les Loix de
ce-Prince, un efprit dé prévoyance qui
.comprend tout-, . & une certaine force
qui entraîne tout : les prétextes pbur
éludet les devoirs font Ôtés, les négli-
gences corrigées, les abus réformés ou
prévenus ; il ffavoit punir , il fçavofc
encore mieux pardonner. Vafte dans
fes deffeiiis , (impie dans Tcxécuiion ,
perfotme .n'put à -un plus hautdégré l'arc
de iaire les' plus grandes chpCes avec
facilité, & l-s dii&iles avec proinptf-
.i.i=t. ... Google
tjo
Caractérs».
tade. Il parcouroic fans cefle fon VaW
Empire , portanc la main pat - toot oik
il alloit tomber. Les affaires renuffiiieot
de toute parts , U le» finiObic de conte»
parti, jamais Prince ne km mieux bra-
ver les dangers , jamais Friace ne fçot
mieux les éviter. II fe jona de tous le*
périls , & particolieremeut dé ceoi qa*
prouvent prefque toujours les grand»
Cooquérans , c'eft-à-dire , des confpira-
tions. Ce Prince prodigieux étoit extrê^
memeni modéré ; fon caraôere étoie
doux , fes manières fimptes ; il aimoit à
vivre avec les gens de fa Cour. Il fut
peut - être trop fenfible au. plaifir des
femmes ; mais un Prince qui gouverna
toujours par lui-même, & qui paflà fa
vie dans les travaux, peut mériter plu*
d'excufes. On tu dira plus qu'un mot ; il
ordonnait qu'on venciît les œufs des baf-
fes cours de fes Domaines , & les herbes
inutiles de fes Jardins; 6c il avoit diftrî-
bué à fes Peuples toutes les, richeffès des
Lombards, & les îmmenftt tréfors de
ces Hunt qui avoiem dépouillé l'Univers.
Louh U Débonnaire.
Un Prince, jouet de fes pàffions 8t
dupe de fes vertu» mêmes ; , un Prjntt
qui ne connut jamais fa force ni fa fbtr
blefle ; qni ne ^t fe concilier dJUcraiB'
te ni f amour ;- qui avec peu de vicei
dans le cœur , avoit toutes fortes dtf dé-
làuts dans l'erprii, prît en. main les rêoes
dé l'Empire que Charleroagne avoit t^
nues. Louis le Débonnaire mêlant routel
les complaifances d'nn vieux marî avec
toutes les fbibleffes d'un vieux Roi , mit
un défordre dansfa&mille, qui entrât*
na la chute delà Monarchie. Que pou-
voir faire un Prince fuperflitieux attaqué
par la fuperftition même î
Alcxcmirt,
Alexandre fît une grande conquête.
Les mefores qu'il ptit lurenc judcs. Il dc
panit qu'après avoir achevé d'accabler
les Gtecs; il ne laifla rien derrière lut
contre lui. Il attaqua les Provinces ma-
ritimes f Si. fit fuivr^à fon Armée de ter-
re les cotes de la merj pour n'être point
réparé de fa flotte. Il fe iervit admirable-
ment bien de la difciplïne contre le nomr-
bre ; &; s'il eft vrai que la viâoire lui donr
na tout , il fit tout auflî pour fe procu*
rer la viâoire. Dans le commencemenc
de fon entreprife, c'eft-à-dire> dansas
temps oi^ un échec pouvoit le renverfer»
il mit peu de cbofe an hazard : quand la
fortune le mit au-deflus det éréoemcBt^
D^ii...., Google
tjl Caractère^.
U témérité ïtit quelquefois un de i^^
tBoyens; Lorsqu'il s'agic de combattre
les forces maritimes des Ferfes , c'efi ptu-
tôc Farménion qui a de l'audace; c'ell
Ïlutôc Alexandre qui a de la fagefte. La.
ataiUe d'Iiïus lui donna Tyr & l*£gyp-'
te; la bataille d'Ârbellcs lui donna tour-
te la terte. Voilà comme il iît fes con-
quêtes ; il faut voir comment il les con-
ferva.
- Il téfilla à ceux qui vouloient qu'il
traitât les Grecs comme maîtres, & les
Perfes comme efclaves. Il ne fongea qu'a
unir les deux Nations, âcà faire perdre les
dillions du peuple conquérant & du peuple
vaincu. Il abandonna après la conquête
tous les préjugés qui luï avoient fervi k
la faire. Il prît les mœurs des Perfes,
j>our ne point défoler les Perfes, en leur
iaifant prendre lès moeurs des Grecs. Il
refpeâa les traditions anciennes, & tous
les monumens de la gloire & de la va-
nité des peuples. Il lembloit qu'il n'eût
conquis que pour être.le Monarque par-
ticulier de chaque Nation , 8ç le pre-
mier citoyen de chaque Ville. Les Ro-
. mains conquirent tout pour tout détrui-
n; il voulut tout, conquéiir pour tout
conferver,.Sa main fe fetmoit pour les dé-
lienfes privées ; elle s'ouvroit pour les àc-*
psofes publùjues. Falloic-il régler lanuîf
.i.i=t; .., Google
Car.acï£rbs. ij)
foo'? Cétoîc un M^cé^onioo. Falloïc-U
payer les dettes dgs folda»« faire paît
de fa conquête aux Grecs, faire laforpj^ '
ne de chaque homme de fon Armée ? Il
étoic Âlexaadre.
Alexandre mourut, £c toutes les Na-
tions furent fans maître. Alais qu'efl-ce
jque ce Conquérant, qui«A plaint détour
les peuples qu'il a fournis? Qu'eft-ceque
cet ufurpaieur , fui la mort duquel la fa-
mille qu'il a renrerf)^e du thiône ^ veifp
des larmes ?
Charles XII.
Il n'éiott point Alexandre, maisilaih
roit été le meilleur foldac dAlexandre.
La nature ni la fortune ne furent ja-
mais fi fort contre lui-même. Ce Prin-
ce qui ne fie ufage que de fes feules
forces, détermina fa chute, en formant
des defleins q\ii ne ppuvoiem être exé-
cutés que par une longue .guerre ; ce
que fon Koyaumç ne pouvoir foutenir.
Ce n'étoit pas un Etat qui fût dans la
décadence , qu'il entreprit de renver-
fer, mais un ÈmpiienailTant. Les Mqf-
covites fe iécvirent de la guerre qu'il
leur fajfoiE, comme d'une école. A cïja-
qu« défaite, ils s'approchoient de la
viâoiie. Ce ne fut point Pultoya <^\^
f^^ CAEACTinKI.
perdît Charies: iHl n'avoit pis été dê>
traie dan> ce Ueu , il l'auroïc été dans
on autre.
Coton & CU^ron,
Gicéron avec des panies admirables
pourjin fecood rôle, étoit incapable du
premier. Il avoit un beau génie, mais
une ame fouvent cofnmune. L'accelToi-
re chez Cicéroo , c'écoic la vertu ; chez
Caion , c'écoit la gloire. Cicéron fe voyoic
toujours te premier; Cacon s'oublioit
toujours. Celui-ci vouloir fauver la Ré-
publique pour elle-même; celui-là pour
^ea vanter. Quand Cacon prévoyoit,
Cicéron craignoit ; là oà Caton efpéroic,
Cicéron fe conBoit. Le premier voyoic
toujours les chofes de fang froid, l'autre
au travers de cent petites paŒons.
RuMUu.
Richelieu tira du chaos les régies de
la JMonarcbie, apprit à la France le fe-
crée de fes forces , à l'Efpagne celui de
fa foiblelTè; ôta à l'Allemagne fes chaî-
nes, lui en donna de nouvelles; brifa
^lU-à-tour toutes les PuîÛîuices.
D^ii...., Google
nj
C H A P I T RE XXI. .
PORTRAITS.
ITST ExoTiE (oas tin babit fugabre^
^1j montre un aïi gai , un teiac fleuri.
Il Iburic gracieufemeDt dès qu'on lui par^
le : - fa parure eA plus modefte » mzh
|)lus arrangée que celle des femmes. H
en fçait plus que les mark ; il connoîc
le folble des femmes; elles ffavenc 3ufH<
bien qu'il a le fien. 11 foudro^ en pu-
blic , mais il ell doux comme un agneau
CQ particulier. Ced un homme nécelTaî-
re, il fait la douceur de la vie retirée:
petits confeils, foins officieux, vifites
marquées; il dilTipe un mal de tête mieux
que perfonne : c'eft un homme excellent.
MétTomant fait des grimaces > il a un
langage différent des iutres, il n'a pas
d'elpric pour -parler, mais il parle pour
avoir de l'efpric: c*e(l le grottfque du
genre humain,
lie \ieux Typhon fe rend mémorable
à tous &s auditeurs , par la longueur de
les exploits. Il ne peut fouffrir que la
France ait gagné des batailles oh il ne fe
fyk |)U uouvéf ou ^u'on vante no £é^Q
D^ii...., Google
Ijâ PoftTRAITS.
oji il n'ait pas mante à Ja tranchée. H
fe croit fi néceOàire it notre ^iftoire,
qu'il s'imagioe qu'elle 6nir oh il a J>
ni; il regarcfe quelques. blelTares qa'îl
a reçues, comme la diflblution de la
Monarchie';' & à la cTifférence de ces Piii-
lofopbes, qui dîfent qu'on ne jouîc que
du préient Se que le paiïe n'elï rien , H
ne jouit au concraire que du pafTé, Si
n'ekifte que dans tes campagnes qu'il à
Àitês:' il refpire dans les'temps qui fe
-font écoulés , comme les Héros doive»
vivre dans ceux qui palTcronc après eux.
Flonmond a à^i cheveux, peu d'ef-
f)rîc , & beaucoup d'impertinence. Il par*
e plus hauc que les autres, & fe fçaît
bon gré d'être au monde. C'efl un hom-
me à bannes fortunes. 11 n'a d'autre eni<-
ploi que de faire enrager un mari, oii
déferpérer un perer il aime, dit-il , à
alarmer une femme qui croit le tenir. Il
fait plus de bruii que le Guerrier le
plus valeureux; il ell ^\as confîdéré
qu'un grave Magiftrac. '
Cléon eft un des hommes de France
qui repréfente, le mieux. Que cela veut-
il dire ? Eft-ce qu'il eft plus poli , plue
affable qu'un autre? Ce n'eft.pas cela..:.
Ah .' j'entends ; il fait fentir a tous les
inftans la fppériorité qu'il a fur ions ceux
qui l'approchent. C'eft un petit hômmç
■ Gqo«Ic
FoRTR AITS. 137
fi fiet, il prend du cabac &v«: tant de
bauteur, il Te n^oache fi impitojrable-
xnenc, il crache avec tant de flegme,
il carefle fes chiens, d'une manière lî of-
féafàme pour les hommes... On, ne peut
fe lafTer de l'adtmrer. .
Il.auroic fallu, dit «n Perjài} qtd aycit
vu Cléon, que nous euHions eu un' biea
mauvais naturel, pour aller faire cenc
petites infultes à des gens qut venoienc
tous les jours chez nous ^ nous témoi-
gner leur bienveillance : ils ^voient biea
que nous étions au-deflus d'eux, &: s'îU
l'avoient ignoré, nos bienfaits le leur
auroient appris chaque Jour. N'ayant
rien^à faire pour nous faire refpeâer,
nous faiitons tout pour nous rendre ai- <
mables: nous nous communiquions aux
plus petits: au milieu dn grandeurs qui
endureilTeni toujours, ils nous trouvoienc
ièonbles; ils ne.voyoient que notre coeur
au-delTus d'eux , nous defcendions jurqu'à
leurs befoins. iVlais loifqu'îl falloic fou-
tenir la MajeAé du Prince dans les céré-
monies publiques', lorfqu'il falloit faire
refpefter la NatipB aux étrangers^ kirf-
qu'enSn dans les occafiens périlkufes il
falloit animer les foldais, nous remon-
tions cent foiï plus haut que nous n'étions
defccodu ; noue ramenions la Berté far
D^ii...., Google
f|8 POR-TSA-ITI.
ftotrtf vinige» & Voa tronrck (|ue Mon
KpréCemiofli alTez biot.
ServUiaj eft autant aa-âe{fiis des m>
n'es pftf feï rkbdfes» cpi'â eftan-defibin
de tcHit le monde par Êi naifTance. U ^
bien impertinent , mak it excelle pat (oft
CuiHtàet ; atifH n'en eA-il pas iograt, car
il le loue tout tefoar.
Damis acheté des Beautés pow tes tà-
ititt; mais il ne tes aime pas^ parceqi^it
]e$ acheté. Ses trifors ne fervent qa'a le
dégoûter de tout ce qall fa, de ptes chu*
nant dans.la nature.
Polygmte eft d'une rcrerir profonde t
H dl occupé d*ane courbe qai le cour-»
mente d^uis phii de huit jours. Ei^it
ifffe réveilley il entre dam um maijbn, il
JaJ^ed. Son efpiîr -r^ulter lOffe tout ce
2 ni fe dit dans la cttnveffatîon. Il reflèil>
]e à celui qui dans fon Jardin cooipott
arec fon ^pée , ta tête dM lueurs qui i'é*
Jernient au-deâus de) autres. Martyr de'
Et ^uflelTè, il eft àSénfé d'une iàillie»
comme une vue délicate cft oflenlce par
une lumière trop vive : titti potir lui n'cft
înd!iâ^ent^ pourvu qu'il ibit viai. Un
fioaveilifte. parte du fiégetCunePiMCe, &
Pelygente donne foudftb les propriété
de la ligne que les bomlied doivent dé»
crireen l'air. Un feMftmefeplaintd'ayoit
étr ruiné l'Hyver dernier par une inonda^
.i.i=t; .., Google
PoRTKAIÏf. ÏS9
tion : ce que vous me dites-Ià m'efl fore
agréable, dit alors le Céooaêtre ; je vois
Î\ac je ne me fais pas trompé dans rol>-
ervation que j'aî ^cc, & qu'il e|l aif ,
moins tombé fur la terre deux pooces
d'eau plus que l'année paflée. Un roty
mène après il Tort ; comme îl marche
alTez vite , & qu'il n^lige de regarder
devant lui , il w rencoscré direâemenc
par un autre hfMnme ; ils fe choquent ru-
dement, & de ce coup Us rejaiUiSeas
chacun de leur coté, en raifon réciprt^
que de lear vîteOe & de leurs maOès. '
Il y a une certaine Nation qu'on ap*
pelie Les NûavelUfief. Leur oîuveté eÂ
KMiJQnrs occupée. Ils font très -inutiles à
l'Etat f cepçnaaix ils fe croient conTtdé-
rables, parce qu'ils s'enuettenDenc de
proiéts magaifîquet , & traitent de grand»
intérêts. 1^ bafe de leur converfation eft
une curiorité friv(de & ridicule. Il n'y a
jRnnt de cabinets fi myllérieux qu'ils ne
p-étendeot pénétrer ; ils ue f^auroienc
confeatir à ignorer qudque chofe. A pei-
ne om > ils épuifé le préfeoe , qu'ils f$
|)iécipieeiit dans l'avenir ; St marchant
ftu-dçvant de la PrOTidence» ta prévien-
nent fur toutes le» démarches dps hom-
mes. Ils conduitént un Géoéral par Is
maJa, & ipcés l'avoir ioas d^ mille fo-
rUd qu'il tfa pas feitts, ils lui en pféps-
Google
140 PoRÏRAÏTS.
renc mille autres qu'il ne (et^ pas. Ils
ibnc voler les Armées comme les grues ,
& tomber tes murailles comme des car-
tons. Ils ont des ponts fur' toutes les ri-
vières , des routes fécrettes dans toutes
les montagnes, des magafins immenfes
dans les fables brûlaiis: il- ne leur man-
que que le bon fens,
Camille eft belle , maïs .elle a des
grâces plus touchantes que la beauté mê-
me. Elle a une phiffonomie qui va fe
peindre dans tous les coeurs. Les femmes
qui font dei fouhait?, demandent aux
Dieux les grâces de Camille. Les hom-
mes qui la voyent / veulent la voir toir-
jours , ou craignent de la voir epci>re.
ïitle a une taille charmante , un air no^
ble, mais medefte ; des yeux vjfs » âc
tout prétsà être tendres ; des traits faits
exprès l'un peur l'acre ; des charmes
jnvinblemeot aflbrtis pour la tyrannie des
cœurs. Ciiffli//e ne cherche pointa fe pa>-
ïer, mais elle eft" mieux parée que lej
autres femmes. Elle a' un efprit que. la
nature re/ufe ptefque touiours aux bel-
les. Elle fe prête également au fcrieux
& à l'enjouemenr. Si vous voulez , elle
penfera fenfément ; (i vousvoulez ,.elle
feadineracemmeies Grâces. 'Plus on a
d'efprit- , plus on en trouve a Camille^
imie.a quelque, cbofé de fî naïf , qu'H
D^ii...., Google
f QBTRAITS. I^t
^tnbla qu'elle ne parle que le langage
du cœur. Tout ce qu'elle dit , louc ce
gi/elle fait , ,a les charmes de k im-
plicite. ■
; Il y a une Ville où l'on ne met poinC
de.aiiiërence entre les voluptés &. les
befoms. Les Citoyens ne s'y fouviennçni
que des bouSbns qui les ont divercis,'
& ont perdu la mémoire des MagiUracs
qui les ont gouveraés. Là lés bommer
bmt n eSëminés* leur parure eft ft iem-
bbble à celle des .femmes , ils compo-
sent fî bien leur.teibt, ils Te frirenc ave«
.tant d'art, ils cmployent tant de temps
.à fe cor.riger à leurs miroirs , qu'il fem*
ble qu'i^ n'y ait qu'un fcxe dans toute U
Ville. Lw fecdmes fe livrent ,. au lîeij
de Te readie -, cbaquè jour veit finir lei
defîfs ic les cfpérances de chaque jour';
on ne f^alt ce que c'ell que d aimer Se
d'être aimé ; on n'en occupé que de ce
. .qu'on appelle li£au0èmentjoÛK-. Les fa-
veurs n'y ont que leur réalité propre ;
■ & tomes ces circonÛances qui les ac-
compagnent lï bien , tous ces riens .qui
font d'un fi grand prix , ces engage-
. mens qui paroiiTent toujours plus grancls ,
«es -petites chofes qui valent tanc, tout
ce qni. prépare un heureux moniént ,
tînt de conquêtes au lieu d'une. ^ tant
de jouiflances avaac ia,derniere, "y font
D^ii...., Google
1^1 . PoRTRArTS.
]ncoDnun. Les habîtans pftSeat Inr
vie dans une joie purement ezténeure;
ils quittent qn f^rfir qui leur dépkft >
pour un plaifir qui leur déplaira encore;
tout ce qu'ils imaginenc eu an BouTcaa
fujet de déffy&c. Leur ame incapiUe îe
fentir les pJailîrs , femble n'avoir de àè-
lîcateQe que pour tes peràes. La. mol*-
leffe a tdlement affoft?ti leurs corps,
qu'ils peuvent à peine fe foutenîr for letii»
Ï lieds ; les vmtares le» plus douces le*
ont évanouir' ; lorfqU*îIs font dans les
feftrns, l'eftomac leur manque à chaque
indant. Ils palTent leur vie fur des fié-
ges renverfes , for lefqu«ls ils font oblN
gés de fe repofer tout le jour , fans èrte
languét ;' ils font bf ifSs , quand ils vont
languir ailleun. Ce font des efclaves tottt
prêts pour le pfemier maître.
On die que l'homme eil im animal
fociable. Sur ce pied • ^ , le Françou
ett plus homme qu'un autre: c'eff rftôf^
me par excellence , car il femble être
fait tioiqoiément pour la fociét^. Mat»
il y a parmi eux des gens qnî non-fcD>
Icment font fôdables, maïs eoï-mftne»
la fociéié univerfelle. Ils fe multiplient
dans tous les coins ^ & peuplent en un
inftant les quatre quartiers «ruoe Ville.
Cent hommes de cette efpèce abondent,
ptas que deux mlUe Citoyens, Ils foat
D,g,l.i=t; .., Google
F'OK-T-R'AIT^ J^l .
' tcnt'ioâK «fnpFtltét t parce qu'iti ont l'u^
faire importance de demaoder à tout
ceux qo'ili voiem , où ib vont , & d'où
ik TMDbem. Oa ne leur ôcerok jamaû
de h tcte e^u'il eA de b bicciiéxncc de
vificer chaque jour le pui^ic en deuil ,
feas compter les viBc» qu'Us font ea gros
dai» tes lieux où fon s'aiTemble. Si l'oB
atloit examiner ta lifte de tous les por-
tiers , on y crouverok chaque jour leurt
noms eftropiés de mUlc matrieres en car
vaâèrea Suivies.
Les François ne parlent prefque }a^
mais de leurs femme»: c'eû c^'iU om
peur d'en parler devant des gens qui le»
connoilTeni mieux qu'eux.
Il y a parmi eux des fiotntnes ttès-
malheuseux , que perfonne ne confole (
- ce font les maris jaloux r il y en a qur
tout le monde haàt ; ce SoDt les maris ja-
loux : il y en 8 que tous les hommes m^
prîfént ; ce font encore les maris jaloux.
Chez eux, un tslarï qui voudroic feul
pofleder & femme , feroïc regardé corn*
ne un perturbateur de k joie publique.
Un mari qui aime fa ièmme^ e(c un honv
ne qui n'a pas afTez'de mérite pour f*
£iire aimer d'uue autre, qui abufe dr
la nécelltcé de U k>i, pour fupptéer aux
•grémeai ^i lui manq^eiu ; qui s'appio>
D^ii...., Google
ir^4 PoRTRAirj.
prie ce qui ne lui avoît été donné qu'en
engagement.
' La tranquillité des maris François n'eft
pas ibndée fur la confiance qu'ils ont en
leurs femmes; c'efl, au contraire , fur la,
mauvaife opinion qu'ils en ont.
: Le titre de mari d'une jt^ie femme fe
porte fans inquiétude. On fe fent en
état de faire diverfion par-tout. Un Prin-
ce fe-confole de la perte d'une Place»
pat la prife d'une autre.
Un homme qui en général foulTre 1^
infidélités de fa femme» n'eft point dé-
fàpprové; au contraire» on loue fa prtc-
dence: il n'y a que les cas particuliers»
qui deshonorent.
Quand les François promettent à une
femme qu'ils l'aimeront toujours, ik
fuppofent qu'elle» de fon côté» fera
toujours aimable iSc'fi elle manque à
fa parole» ils- ne fe croient plus engagés
à la leur.
■ Il faut, pour plaire aux femmes, un-
eertain talent ditférenc de celui qui leur
plaît encore da^vantage. Il confille dans
tine efpéce de badinage dans l'erprit qui
les amufe» en ce qu'il femble leur pro^
mettre à chaque înllant ce qu'on ne-peut
tenir que dans de trop longs intervalles.
Ce. badinage, naturellement fait pour
es toilettes» feœble être venu à former
.i.i=t; .., Google
PoRTKAITS. 145
le caraâère d'une Nation. On badine
au Confeil, on badine à la léte d'une
Armée, on badine avec un ■Ambaflà-
deur. Les profdTions ne paroiOenc ridi-
cules, qu'à proportion du férîeux qu'on
y met. Un Médecin ne ie feroii plus,
fi fes habits écoient moins lugubres, &
s'il tnolt fes malades en badinant.
Les François avouent de bon cœur #
que les autres Peuples font plus fages,
pourvu qu'on convienne qu'ils foo mieux
rêtus.
La faveur e(l la grande divinité des
FrançcU. Le Miniftte eft le grand Prê-
tre qui lui offre bien des victimes. Ceux
qui l'entourent, tantôt facrilicïteurs. Se
tantôt facriBés, fe dévouent eux-mêmes
à leur Idole, 3vec tout le Peuple.
En France , il y a des gens qui font
grands par leur nailTance , mais ils font
fans crédit. Les Kois font comme ces
ouvriers habiles , qui , pour exécuter
leurs ouvrages, Te fervent toujours des
machines les plus fimples.
Un grand Seigneur eft un homme
qui voit le Roi, qui parle aux Mioif-
ires, qui a des ancêtres, des dettes Se
des penfions. S'il peut avec cela cachet
fon oifiveté par uil feint attachement
pour les plaifirs, il croit être le plus
h^ieux oe tous les hommes.
■ N
• Google
s^6 Portraits.
Le corps des laquais eft plus refpeâa-
ble eo France qu'ailleurs ; c'ef^ un Sémi-
naire de grands Seigneurs, il remplie le
vuide des autres Erats, Ceux qui le corn-
porenc prennent la place des grands mal-
heureux, des Magidrats ruinés > dos Gen-
tilshommes tués dans les fureurs de la
guexre; & quand ils ne peuvent pas fup-
fléer par eux-mêmes, ils relèvent toute;
es grandes mfiifbns', par le moyen de
leurs Jïlles, qui font comme une efpèce
^e fumier, qui engrakTe les terres mon-
tagneufes $c arides.
Les EfpagDols font premièrement dé-
vots, & Secondement jaloux -. ils fe gar-
deront bien d'expofer leurs femmes aux
entreprifes d'un guerrier criblé de coups,
PU dun Magiriiat décrépit ; mais ils les
enfermeront av?c un Novice fervent qui
tailTe les yeux, ou un robuAe Francif-
. çain qui les élève.
Ils ont de petites politeHès qui en
France paroûtoieui mal placées. Par
exemple , un Capitaine ne bat jamais
ion foldat, lans lui en demander per-
mifCioa; ôi. rinquifirion ne fait jamais
brûler un Juif, fans lui faire fes excufes.
Les Efpagnolsont fait des découvertes
immenfes dans Je Nouveau - Monde , 3c
Us ne connoitTent pas encore leur propre
^optioeacj II y a fur leurs rivières tet
FoRTKAITS. r47
Fort qui n'a pas encore été découvert , &
dans leurs montagnes, des Nations qui
leur font inconnues. Ils difenc que le
Soleil fe levé & fe couche dans leur Pays;
mais il faut dire aufÏÏ qu'en faifant ia
courfe, il ne rencontre que des campa-
gnes ruinées, Ôidts contréei défertes.
K8
D^ii...., Google
148
CHAPITRE XXII,
De la Littérature.
LEs travaux de la navigation d'Ulyfr'
fe ont été un fujet fertile pour le plu$
beau Poëme du monde > après celui qui
ell le premier de tous.
Le Poëme du Camoëus fait feotir
quelque chofe des charmes de l'Odyflée,
& de la magniliceace de l'Enéide.
Les connoiflfeurs difent qu'on n'a ja-
mais fait que deux Poçmes épiques, Sç
que les autres qç'on donne, fous ce qom ,
ne le font point : ils dilenc fie plus, qu'il
e(l impoCible d'en faire 4^ nouveaux.
Les Poètes firamstiqûes font les Poè-
tes pat excellence, & les maîtres des
palTions : les Comiques nous remuenf
doucement , & les Tragiques nous trou-
blent & nous agitent avec violence.
Les Auteurs des Idylles & des Eclor
gués plaifent même aux gens de Cour ,
par l'idée qu'ils leur donnent d'une cer-
taine tranquillité qu'ils, n'ont pas, Sç
[u'ils leur mpacienti dans la condîtioâ
les Bergers.
Les EpiaraiDïnesfoDt de petites flèche^
l
Dq la LiTTéaATURB. 149
déliées qui font une plaie profonde &
inacce'dlble aux remèdes.
On dirait que le métier des Poètes ell
de mettre des entraves au bon fens. Se
d'accabler la raifon fous les agrémens ;
comme on enfévelifioît autrefois les fem-
mes fuus leurs parures & leurs ornemens.
Ils ne font pas rares chez les Orientaux ,
OLi le Soleil femble écbauiTer les imagina
tions mêmes.
Les Poètes Lyriques font de leur ArÇ
.une harmonteufe extravagance*
LesSomans font des efpèces dePoëmes
qui outrent également le langage de
l'efprÎE & celui du coeur ; qui palient leur
vie a chercher la nature , & la manquent
toujours , &. qui font des héros qui y
font auffi étrangers que les dragons' aîléi,
& les hippocentaures.
Les Orateurs ont le talent de perfua-
der indépendamment des raîfons.
Les géomètres obligent un homme
malgré lui d'être perfuadé , & le con-
vainquent avec tyrannie.
Les livres de médecine font les mo-
numens de la fragilité de la nature & de
la puiflance de l'art : ils font trembler ,
quand ils traitent des maladies même les
plus légères, tant ils nous rendent la
mort préfente ; mais ils nous mettent
dans une fécurité entière , quand ils par-
Niij
Lijii.t... Google
150 De lA LiTrisiTtrRB,
lent de la vertu des remèdes > comme
û nous étions devenus immortels.
Les livres d'Anatomie contiennent bien
moins la defcription des parties du corps
humain , que les noms bafbares qu'on
leur a donnés ; chofe qui ne guérit ni le
malade de Ton mal , ni le Médecin de
fon ignorance.
Les traduilions font comme ces mon-
noies de cuivre, qui ont bien la même
valeur qu'une pièce d'or , & même foilc
d'un plus grand ufage pour le peuple ;
mais elles font toujours foibles , Se de
mauvais aloi.
Dans des temps d'ignorance , l'âbrégf
d'un ouvrage fait fouveut tomber l'ou^
vrage même. .
Rien ne recule plus les progrès des
coiinoifTancës , qu'un' mauvais ouvrage
d'un auteur célèbre; parce qu'avant d'înf
truire , il fàui commencer par détrom-
per.
De tous les Auteurs il n'y en a point
de plus méprifabUs que les Compilateurs,
qui vont de tods côtés chercher des lam-
beaux des ouvrages des autres, qu'ils
plaquent dans les leurs , comme des piè-
ces de gazon dans un parcere : ils ne
font point au-delTus de ces ouvriers d'Im-
primerie , qui rangent des caratîlères-.
«L,^ ., Google
De la LlTTiRATURE. ICI
qui» combinés enfemble, fontunlivre,
ovi ils n'ont fourni que la main.
Il faudruic rerpeâer les livres of!gi>- t
naux: c'ell une efpèce de profanation,
de tirer les pièces qui les compofent ,
du fant^uaice où elles font , pour les ex- '
pofer à Un mépris qu'elles ne méritent
point.
Quand un homme n'a rien à dire de
nouveau , que ne Te taît-il ? Mais je
veax donner un nouvel ordre. Vous êtes
un habile homme ; c'cflà-dire, que vous
venez dans ma Bibliothèque , Se que
vous mettez en bas les livres qui font en
haut , & en haut ceux qui fonc en bas :
vous avez fait un chef- d'oeuvre.
11 y a de certains livres qui font des
recueils de bons mots , compofés à l'u-
fage de ceux qui n'ont pas d'efprit, &
qui en Veulent contrefaire.
Il y a une efpèce de livre qu'on a[>>
pelle journaux. La parefle fe fent flattée
en lés lifant: on eft ravi de pouvoir par^
courir trente volumes eo un quart
d'heure.
Le grand tort qu'ont les Joumalifles,
c'efl qu'ils ne parlent que des livres nou-
veaux , comme fi la vérité éroît jamais
nouvelle. Il femble que jufqu'à ce qu'ua
homme ait lu tous les livres anciens»
il n'a aucune raffon de préférer les nou-
, N iy .
D^ii...., Google
IJi De là LlTliUATORB.
Veaux. Mais lorfqu'ils s'impofent la lo!
de ce parler que des ouvrages encore
tout chauds de la forge , ils s'en impo-
fent une autre, qui eft d'être très-en-
nuyeux. Ils n'ont garde de critiquer les
livres dont ils font les extraits. Et ea
eifet , quel efl l'homme alTez hardi pour
fe faire dix ou douze ennemis tous les
mois ? Ils Cam donc tout le contraire :
ils commencent par louer la matière qut
etl traitée , première fadeur : dcr^là ils
paflent aux louanges de l'Auteur, louan-
ges forcées; car ils ont à faite à des gens
qui font encore en haleine , tous prêts
à fi: faire raifon ^ & à foudroyer à coups
de plume un téméraire Jouroalifte.
Vous pourrez trouver del'efpric & du
boa feus chez les Efpagnols, mais n'eil
cherchez pas dans leurs livres. Voyez
une de leurs Bibliothèques ; les Romans
d'un côté , & les Scholaftiques de l'au-
tre : vous diriez que les parties en ont
éié faites , & le tout ralTemblé par quel-
que ennemi fecret de la raifon humai-
ne. Le feul de -leurs livres qui foit bdo,
fù celui qui fait voir le ridicule de tous
les, autres.
Les écrits fatyriques des Angloîs fent
fanglans. On a vu bien des Juvenals chez
eux , avant d'avoir trouvé un Horace.
Leurs poëies ont plus fouvent cette ru-
D.3.ii.t... Google
Db 14 LlTTÉRÀT0ïtB. V5'}
ilefle originale de rinrencion > qu'une
certaine déUcateffe que donne le goût.
La fureur de la plupart des François,
£*eft d'avoir de refpric ; &. ta fureur dr
ceux qui veulent avoir de Tefprit, c'eft
de faire' des livres.
La nature fembloîc avoir fagemeni
pourvu à ce que les fottifes des hom-
mes fufTent paiiageres , & les livres les
immorialirenc. Un fot devroit êcre con>
tenc d'avoir ennuyé tous ceux qui ont
vécu avec lui. Il veut encore tourmenter
les races futurçs ; il veut que fa fotife
triomphe de l'oubli , donc il auroit pu
jouir comme du tombeau ; il veut que
. lapoftérité foit informée qu'il fut «n for.
Va nombre inBni de Maîtres de Lan-
gues, d'Arts de de Sciences enfeignent
ce qu'ils ne fçavent pas ; & ce talent eft
bien coofidérable, car il ne faut pas
beaucoup d'efprît , pour montrer ce qu'on
fçait ; mais il en faut infiniment , pour
montre^ ce qu'on ignore.
La Fhilofophie d'Ariftote ayant été
portée en Occident, elle plue beaucoup
auxefprits fubtils, qui, clans les temps
d'ignorance , font les beaux efprits.
Ce qu'il y a de plus choquant dans lec
beaux efprits, c'eu qu'ils ne fe rendent
fias utiles à leur Patrie, & qu'ils amufene
eurs ulens à des cbofes puériles.
D.5.i.i=t; ^ Google
I54 I^B £i Lltr^RÀTURV.
Les faillies ne naidenc d'ordinaire ^ qae
parce que l'efprit fe jette tout d'an côté,
& abandonne tous les autres.
Il ne faut pas toujours teUement épiiiièr
un fujet , qu'on ne lailTe rien à faire ail
ledeur. Il ne s'agit pas de faire lire, maïs
de faire penfer.
Céfar faifant la guerre aux Germains^
décrit les mœurs des Germains, Quel-
ques pages de Céfar fur cette matière^
font des volumes.
Tacite fait un ouvragé exprès fur lés
mœurs des Germains. 11 ell court cet
ouvrage ; mais e'eft l'ouvrage de Tacite
^i abrégeoit tour, parce qu'il voyoit tout,
C'eft un beau morceau d'antiquité,
que la relation d'Hdmon. Le même
homme qui a exécuté , a écrit ; il ne mec
aucune ostentation dans fes récits. Les
chofes font comme le Ayle. Les grands
Capitaines écrivent leurs avions avec
fîmplicicé , parce qu'ils font plus glorieux
de ce qu'ils ont fait , que de ce qu'ils ont
die.
Quand on jette les yeux fur les monu-
mens de notre HiAoire & de nos Lois,
il femble que tout eft mer, & que les ri-
vages mêmes manquent à la mer. Tous
ces écrits froids , fecs, infipides & durs,
il faut les dévorer,- comme la Fable dit:
que Saturne dévoroit des pierres.
.i.i=t; ^ Google
Db lA LlTTÉRATffRV. I JJ
Réglej de Critique.
La critique pouvant écre conddér^e
Comme une oIteaEacton de fa fupériorite
fur les autres, & Ton effet ordinaire étanr
de donner des momens délicieux pour
l'oE'gueil'fiumain ;ceux qui s'y livrent mé-.
ritent bien toujours de l'équité , mais ra-
rement de l'indulgence.
Comipe de cous les genres d'écrire , fa
critique eft celui où il eft le plus dilHcilis
de montrer un bon naturel , il faut avoir
attention à ne point augmenter par l'ai-
greur des paroles , la trifteHe de la chofe.
Il e(l ires-diflicile de faire un bon ou-
vrage, & très-aifé de le critiquer, parca
que l'Auteur a eu tous les défiles à garder,
& que le critique n'en a qu'un à forcer. .
Dans les livres faits pour l'amufement,
trois ou quatre pages donnent l'idée du
flyle & des agrémens de l'ouvrage : dans
les livres de raifonnement, on ne tient
rien , ft on'ne tient toute la chaîne.
Les principes de la Géométrie font
très-vrais : mais (î on les appliquoit à des
chofes de goût, on feroit aéraifonner la
raifon même.
Rien n'étouffe plus" la Doflrine, que
de mettre à toutes Ips chofes une robV
de Docteur: les gens qui veulent toiiiout»
D^ii...., Google
1;6 t>B £A LlTtiRÀTVRS.
enfeigner, empêcheot beaucoup d'ap-
prendre ; il n'y a point de génie qu'on ne
rétrécifie, lorfqu'on l'enveloppera d'uif
'million de fcrupules vains.
Les déclamatioDS des hommes furieux
ne fôntguéres d'impreflion, que furc6uz
qui fonc furieux eux-mêmes. La plupart
des leAeurs font des gens modérés ; on
ne prend guéres un livre , que lorfqu'oa
e(l de fang froid ; les gens raifonnables
aiment les raifons.
Noos ne devons Regarder les critiques
comme perfonnettes , que dans tes cas
où ceux qui 'les font , ont voulu les
rendre telles. Ceux qui nous avercinènt»
font les compagnons de nos travaux. Sî
le critique & l'auteur cherchent la vé-
rité , ils ont le même intérêt ; car la
vérité eft le bien de tous les hommes :
ils feront des confédérés , Se cooD pas
des ennemis.
Modèle it Critiquée
iJl. le Comte de BoulidnvilUers & M.
l'Abbé Dubos ont fait chacun un fyftê-
me , dont l'un femble être une conjura-
tion contre le tiers- Etat , & l'afitre une
conjuration contre la Noblefle.
M. le Comte de Boulainvilliers qui a
manqué le point capital de foo fyftéiue,
.i.i=t; .., Google
avoit plus d'efpm que de lumières ,^plu$
de lumières que de fçavoîr. Son ouvrar
ce eil fans aucun art. 11 y parle avec cet»
te fïinplicité & cetce franchife de l'aor
^eone Noblefle donc il étott fortt^
' L'ouvrage de M, l'Abbé Dubos fu?
récabliflement de la Monarchie Fran-
çoife dans les Gaules^ 3 féduît beaucoup
de gens , parce qu'il eH écrit avec beau-
coup d'art , parce qu'on y fuppofe écer-'
nellement ce qui eft en queflion > parce
que plus on y manque de preuves ^ plus
OD y multiplie les probabilités. Le lec*
teur oubliequ'il a douté , pour commen-
cer à croire. Comme une érudition fans
Ha eft placée , non pas dans le fyftéme,
mais à côté du (tCléme , l'erpric efl dif-
craic par des acceflbires , & ne s'occupe
plus oa principal. D'ailleurs tant de re-
cherches De permettent pas de croire
qu'on ait rien trouvé; la longueur du
voyage fait croire qu'on eft enHn arrivé.
Mais quand on examine bien , on trou-
ve un coloITe immenfe qui a des piedf
d'argile, & c'eft parce que les pieds fonc
d'argile, que le colore eft immenfe. Sî
le fyftêmedeM. lïAbbé Dubos avotteu
de bons fondemens > il n'auroit pas été
obligé de &ire trois mortels volumes
pour le prouyer. Il a puifé dans dç mai^T
.i.i=t; .., Google
15$ Cis I-^ LlTTéSATURB,
vaifes fources pour rHiftoirej dans les
poètes & les Orateurs : ce n'eft point fur
des ouvrages d'ollentatioo qu'il faut fon*
der des fyftêmes.
Le Public ne doit pas oublier qu'il .eft
redevable à M. l'Abbé Dubos de plu-
sieurs compofitions excellentes. Celt fur
ces beaux ouvrages qu'il doit le juger,
& non pas fur çeluî-ci.
y
D.5.i.i=t; ., Google
f^9
CHAPITRE XXIII,
Du Coût.
LE Goûc n'e/l autre chofe que l'a-
vantage de découvrir avec fineflè
& avec promptitude la mefare du ptaî-
fîr que chaque cbofe doit donoer aux
hommes.
Il faut partir de l'état oh eft notro
être , & connotcre quels font . fes ptai-
lirs , pour parvenir à mefurer , 3c même
quelquefois à fentir fes plaifin.
Notre maoiere d'être eft entièrement
arbitraire; nous pouvions avoir été faits;
autrement que nous ne femmes, mais
aloTs nous aurions fenti autrement. Un
organe de plus ou de moins dans notre
machine , aoroît fait une autre éloquen-
ce» une autre pocGe.
Si la conftitution de nos organes nous
avoit rendu capables d'une plus longue
attention , toutes les régies qui propor-
tionnent la difpofîtion du fujec a la me*
fure de notre attention , ne feroienc plus.
Si notre vue avoic été plus. foible, il au-
roic fallu plus d'uniformité dans les meii^*
brçs de l'Aichiteâuter
D^ii...., Google
i6o Da G o u T.
Notre ame fe compofe elle- même des
raifons de plaifir. Ceux qui jugent avec
goût des ouvrages d'efprjt , onc & fe font
fait une inSaité de fspfaciops que les au*
très hommes n'ont pas>
Le goût naturel n*e(t pas une connoif-
fence de théorie ; c'cft une application
ptompte & exquife des régies mêmes
que Ton ne coonott pas. i
L'efprit eft le genre qui a fous lui.
plufieurs etpècas, te génie, le bon fens,'
le difcernement, la juilefle, le talentj
le goût.
L'efprit confiAe à fçavoir frapper ,plu-
fieurs organes à la fois ; Ôc fi l'on exa-
mine les divers écrivains, on verra peut-
être que les meilleurs Se ceux qui ont
plû davantage, font ceux qui ont e^içi-
té dans, l'aœe plus de fenfatioQs «r mé~
mertemps.
L'ame cherche toujours des nouvel-
les, & ne fe repofe jamais. Ainfi on Tst
ra toujours sûr déplaire à l'ame, rorf-
qu'oo lui fera voir beaucoup de cbofes*
Qii plus qu'çlle n'avoic efpéré d'en voiri
Notre ame fuit les bornes, & elle
voudroit, pour ainfî dire» étendre U
fpbêre de u préfencc. L'arc vient à 9p*
ne fecouri, &^nous découvre la natuit
qui fe cadie elle-même.
Nous aimons l'ait, & nouf l'aiœonjl
. Google
Du CouT. i6t
mieux que la nature. C'eft que l'arc
( la Peinture * par exemple , ) ne prend la
Daiure que là où elle e(l belle, là où el-
le eA variée, là où elle p«ut-êcre vue
avec plaifir.
La perfeâion des Arts elt de nous
montrer les cbofes telles qu'elles nous
falTent le plus de plaifir qu'il efl poflible.
Les idées qui îe préfentent au% gen»
.qui font bien élevés & qui ont un grand
efprit, font ou naïves, ou nobles, on
fublimes.
Ce qui fait ordinairement une grandtf
penfée , c'eft lorqu'on dit une chofe qui
en fait voir un grand nombre d'autres,
& qu'on nous fait découvrir tout d'un
. coup ce que nous ne pouvions efpérer
qu'après une grande leâure.
Florus nous donae tout le fpeâacle
de la vie de Scipion, quand il dît dff
fa jeuneffe ; ■» C'cA le Scipion qui croie
M pour la deftrudtion de l'Afrique. «
Vous croyez voir un enfant qui croît &
a'éléve comme un géant.
. Dans .les comparaifons, l'efprit doïe
toujours gagner, & ne jamais perdre;
car elles doivent toujours ajouter quel-
aue chofe, faire voir la chofe plus gran-
e, ou plus fine & plus délicate,
II ne fuflît pas de montrer à l'ame
beaucoup de chofes; il faut les luî moq-
O
. ... Google
i6i Dit Gour.
trer avec ordre. Dans ua ouvrage oh il
n'y a point d'ordre, Tame ne retient
rien, ne prévoit rten ; elle eft humiliée
par la confunon de, (es idées , par J'ina-
nité qui lui retle ; elle eft vainement fa-
liguée, Se ne peut goûter aucun plaifîr.
S'il faut de l'ordre dam les chofes»
il faut aulTi de la variété. Sans cela l'a-
me languit; car les chofes femblables
lui paroiQent les mêmes. Une longue
uniforniîcé rend tout infupportable. Ce-
lui qui aura voyagé long-temps dans les
Alpes , en defcendra dégoûté des fîtua-
tions les plus beuréufes & des points de
vue les plus cbanpans. Le roême ordre
de périodes long-temps continué, acca^
bte dans une barangue ; les mêmes nom-
bres âc les mêmes chutes metieoc de .
l'ennui dans un long poëme.
Tout nous fatigue a la longue, & fui^
tout lès grands plaifîrs. On les quitte
toujours aVec la même fatisfaâion qu'on
les a pris; car les Bbres qui en ont été .
les organes, ont befoin de repos. No-
tre .ame eft donc lalTe de fentir; mais ne
pas fentir, c'eft tomber dans un anéan-
tiffemenc qui l'accable. On remédie à
tout, en variant fes modiiications ; elle
fent , & elle ne fe lalTe pas.
Les Hiftoires Dous plaifenc par la va-
riété des técits, les Romans par- la va-:
D^ii...., Google
Du GotTT. Ifij
tiêté des prodiges, les pièces de Théâ-
tre par la variété des pallions.
Il y a des chofes qui paroifTent variées,
& oe le fonc poinc; d'autres qui paroit^
fent uniforme», & font t^è^va^^ées. L'ar-
cbiteâure Gothique fatigue par la con-
fufion & la peti:efle de fes ornemens.
L'archiceâure Grecque qui a peu de di-
vîûons, & de grandes drvilîons, imite
les grandes choies ; L*ame fent une cer-
taine majefté qui y régne par-tout.
Il ikut que les grandes chofes aient
^e grandes parues; les grands hommes
ont de grands bras, les grands arbres de
grandes branches, & les grandes mon-
tagnes font compofées d'âuires montagnes
qui font au-delTus & au-deflbus.
Une des principales caufes des plaîfîrs
de notre ame, lorfqu'elle voit des ob-
jets,' fe(t la facilité qu'elle a à les ap-
fiercevoir; & la raifon qui fait que la
ymmétrie plaît à t'ame , c'eft qu'elle lui
épargne de la peine, qu'elle la foula-
ge. Se qu'elle coupe, pour ainlî dire,
l'ouvrage par ta moitié.
Par-tout oh la fymmétrre e(i Dtile sl
l'ame, & peut aider Tes fondions, elle
lui cft agréable; mais partout où elleeft
inutile , elle eft fade.
Les chofes que noas voyons fucceâ»-
Oij
.i.i=t; .., Google
164 Du Go u r.
vemenc, doivent avoir de la vaiieté;
celles que nous appercevons d'un coup
d'ceil, doivent avoir de la fymmécrîe.
Si la nature demande des Peintres iS;
des Sculpteurs, qu'ils mettent de la fym-
méiiie dans les parties de leurs figures,
elle veuc au contraire, qu'ils mettenc
des contrafles dans les attitudes.
La Iculpture naturellement froide, ne
peut mettre de feu que par la force du
comrafte & de la ficuation.
Bien des Peintres font tombés dans le
défaut de mettre des contrafles par-tout
& fans ménagement, de forte que lorf-
qu'on voit une figure, on devine d'a-
bord la difpofttion de celles d'à côté;
cette continuelle diverfité devient quel-
que chofe de femblable. La natutë qui
jette les chofes dans le défordre, ne
montre pas l'ailêâation d'un contrade cor-
lînuel; elle ne met pas tous les corps en
mouvement, & dans un mouTement for-
cé.
Les Muficîens ont recontm que là Mu-
£que qui fe chance le plus facilement,
efl la plus difficile à compofer; preuve
certaine que nos plaiflrs & l'art qui nous
les donne, font entre certaines limites.
A voir les vers de Corneille fi pom-
peux, & ceux de Kacioe fi naturels,
.i.i=t; .., Google
Du GovT. j6^
on ne devineroît pas que Corneille tra-
vaMloît facilement, & Racine avec peine.
La furprife plaît à l'ame, m ce qu'elle
apperçoit une chofe qu'elle n'attend pas,
ou d'une manière qu'elle n'attendoic pas.
Les ouvrages d'efprit ne font ordinaire»
ment I'js que parce qu'ils nous caufent
des furprifes agréables, & fuppléenc à
l'infipîdité des converfacions prefque tott-
jours languifîantes.
Ce qui fait les grandes beautés, c'eft
. lorfqu'une chofe elt telle que la furprife
eft d'abord médiocre, qu'elle fefoutient»
augmente, £c nous mené eufuite à l'ad-
tntratlon. Oi> peut comparer Raphaël à
Virgile, & les Peintres de Venife avec
leurs attitudes forcées, à Lucain. Virgi-
le plus naturel frappe d'abord moins,
pour frapper enfuite plus. Lucain frap-
pe d'abord plus, pour frapper etlfuiie
moins.
L'exaâe proportion de la fameufff
Ëglifc de S. Pierre, fait qu'elle ne pa-
foît pas d'abord aufîî grande qu'elle l'eft.
Si elle étoit moins large, nous ferions
frappés de fa longueur ; u elle étoit moins
longuç, nous le ferions de fa largeur-
Mais à mefure que l'on examine, l'ceiL
la voit s'aggrandir, l'étonnertient aug-
mente. On peut la comparer aux Pyré-
.i.i=t; .., Google
i66 D u G o u T.
nées » oîi l'œil qui croyoic d'abord les m«-
furet , découvre des moncagnes derrière
des montagnes , & Te petd toujours da-
vantage.
ht je nefçais quoi eft un effet principa-
lement fondé fur la furprife. L'on n'a ja-
mais de grâces dans l'efpric que lorfque
ce que l'on dit paroît trouve & nan pas
recherché. Aion les grâces ne s'acquiè-
rent poinc : pour en avoir, il faut être
naïf. Mais comment peut-on travailler à
être naïf f
Les grâces lé trouvent plus ordînaire-
menc dans t'efpric. que dans le vifage ;
car un beau vifage paroît d'abord , Sç
ne cache piefque rien ; mais l'efprit ne
fe montre que peu- à- peu , que quand il
veut, âcautam qu'il veut : il peut fe ca-
cher pour paroîire , 6c donner cette ef-
pèce de furprife qui fait les grâces.
Les grâces fe trouvent moins dans les
traits du vifage que dans les manières.
Une des plus telles EâîoDs d'Home>
te, c'efl celle de cette ceinture qui don-
noit à Vénus l'art de plaire. Rien n'eft
plus propre à faire femîr cette magie Se ce
Souvoîr des grâces, qui femblent être
onnées à une perfonne par un pouvoit
inviftble , 6c qui font dÙltnguées de la
beauté même. Ot cette ceinture ne pou-
D^ji;...., Google
D ir Govr. i6y
voit être donnée qu'à Vénus; elle ne pou-
voie convenir à la beauté majeftueule de
Juoon, car la majefté demande une cer-
nine gravité-, c'eft-à-drre, une con-
trainte oppofée à l'ingénuité des grâces;
elle ne pouvoJt bien convenir à la beau-
té 6ere de Pallas , car la fiereté e& of-
pofée à la douceur des grâces.
.i.i=t; .., Google
lèz
CHAPITRE XXIV-
Des Femmes,
LEs Femmes ont peu de retentte dam
les Mosarchies , parce que la diî-
tinâion des rangs les appellanc a la Cour ,
elles y vont prendre cet efprii de liberté ,
qui e(t le feul qu'on y tolère. Chacun
fe ferc de leurs agrémens pour avancer
{à fortune ; & comme leur fbibleUe ne
leur permet pas forgaeil , mais la vanité,
le luxe y règne toujours avec elles.
Dans les Etats Defpotiques, les feA-
mes n'iocroduifent pas le luxe, mais el-
les y font elles - mêmes un objet de luxe.
Elles doivent être extrêmement efcUves.
On a peur que la liberté des femmes a'f
falTe des aflai^-es. Leurs brouilleriesr leurs
indifcrétions, leurs penchans, leurs ja-
loulîes , cet art qu'ont les petites âmes
d'intérelTer la grandes , n'y fçauroienE
être fans conféquence.
Dans les Républiques, les femmes
font libres par lesLoix, & captivées par
les moeurs.
IL eft contre la raifon & contre la na<
lure, que les femmas foienc maûreSes
.i.i=t; .., Google
Des Fbmhbs. lé^
4ims U mtiioD ; mali il ne l'ed pas qu'el-
les g(»iverDeat an Empire. Dans lepre-
tnier cas, l'eue de Tciblefle où elles lom,
ne leur portnet pai U prééminence ;
dans le fécond , leur foibleiïè même; leuc
donne ordinairemenc plus de douceur
&• de modération.
' La fervitude des femmes eft très-con-
forme au génie du Gouvernement Def-
potique , qui aime à abufer de tout.
]L.a clôture des femmes fuie naturelle-
ment île la polygamie ; l'ordre domef-
cique le demande ainlî. Un débiteur jn-
folvable cherche à fe mettre à l'abri de
la pourfuice de fes créanciers.
De la clôture des femmes dérivent pour
elles toute la pratique de la morale ,
la pudeur, la chafteté, la retenue; le
illence, la paix, U dépendance, le ref
peA , l'amour ; enfin une direâioo gé-
nérale de feotimens à la chofe du mon-
de la meilleure par fa nature, qui eft
i'attachemenc unique à fa famille.
Les femmic ont naturellement à tfab
plir tant de devoirs qui leur font pro>
près, qu'on ne peut aflez les féparer de
tout ce qui pourroic leur donner d'au-
tres idées; de tout ce qu'on traite d'a-
mufeniiens * Se de touc cç qu'oin appelle
des aSairei.
P
D.5.i.i=t; ^ Google
I/o Des Fehmbs.
La polygamie en général n'eft poiat
utile au genre humain , ni à aucun des
deux fexes , foie à celui qui abufe , ibit
à celui dont on abufe. Elle n'efi pas
non plus utile aux enfans; car te pers
& la mère ne peuvent pas avoir lamé*
me afTeâion pour eux.
L& pluralité des femmes, (qui ledî-
loit ? ) mené à cet amour que la natu-
re défavoue. C'eft qu'une diÛôluiion ea-
entraine toujours une autre.
La polTefnon de beaucpup de fem-
mes ne prévient pas toujours les defirs-
poot celte d'uD autre: 11 en efl de la'
luxure comme de l'avarice; elle aug-
mente fa foif par l'acquilîtion des tié-
fors.
Dans les pays où les femmes vivent
avec les hommes, l'envie qu'elles ont
de plaire , & le defir que l'on a de
lettr plaire aufli , font que l'on chan-
ge continuellemenc de manières. Les -
deux fexes fe gâtent ; ils perdent l'ua
& l'autre leur qualité difijoâive & ef- '
fehtielle.
C'eft une grande, quefliog parmi let
Iiommes, de fçavoir s'il efl: plus avan-
tageux d'ôter aux femmes la liberté',
que de la leur laiffer. Il y a bien des
raifons pour Se contre. Si les Européens
^ifçqt qu'U n'y a pas de généroiîcé^a ren-
. Googk
dre malheureufcs les pcrfonncs que Ton
aime , les Afiatiques répondent qu'il y
a de la bafTeCTe aux bomjnes > aè re>
oonçer à,Vein6ire que U nature leur %
donné fur les femmes. Si on leur dit qut
le grand pombre.des femmes enfermées
eift embïriaiTant , ils répondent que dix
femmes qui obéirent , embarralTent moins
qu'une qui n'obéit pas. Que s'ils objedent
à leur tour , que les Européens ne -ffau-
loient ^tr.e heureux, avec des femmes ^i
ne leur font pas fidèles , on leur répond
que cette Ë'^clite qu'ils vantent tant ,
n'empêche pas le dégo(ît qui fuit too-
JDUrs les pallions fatisfaites ; qu'une pof-
ieffion fi tranquille ne laifTe rien à ^e~
fîrerni à craindre ; qu'un peu de co-^
quetterie. eft un ièlqui pique, &'pré^
vient la corruption. Feot- être fe'rolt - on
embarrafic de décider ; car fi les Afja^
tiques font fort bien de chercher des
moyens propres à caloier leur inquié^
tudes , les Européens fopt fgrt bien auâî_
de n'en point avoir.
Pour qu'un homme pût fe plaîhdrt
avec raifoD de l'inBdélicédela femme ,
il faudroit qu'il n'y eût que trois per-
fonnes dans le monde. Us feront tou-
jours à but, quand il y en aura quatre.
]^ feijuûes ont fur les hommes un
■ l'ij ■ ■ :
Google
empire natutel; celui de la beaaté, ^
qui rien ne rélifte.
Chez les peuples les plus polis , les
femmes onc toujours eu l'auioEhé fur
leurs maris. On difoîc des Romains^
qu'ils commandoienc à toutes les Na-
tions f mais qu'ils obéiftoient à leurs
femmes.
£d Orient , on a de tout temps mul-
tiplié l'ufage des femmes , pour leur ôter
l'afcendanc prodigieux qu'elles ont fur
nous dans ces climats.
La fociété des femmes gâte les mœurs,
3e forme le goût.
^otre liaifon avec les femmes eft fon*
Sé6 fur te bonheur attaché aux plaifirs
des feos , fur le charme d'aimer &■ d'être
aimé , èc fur le deltr de leur plaire ;
parce que ce font des juges très-éclai-
zés fur une partie des cbofes qui confti-
tuenc le mérite perfonnel. Ce defîr gé-
néral de plaire produit la galanterie ^
qui n'ed point 1 amour , mais le déli-
cat , mais le léger , mais le perpétuel
Snenfonge de l'amour.
' Le commerce de galanterie produit
roifiveté ; il fait que -les femmes corrom-
pent , avant même d'être corrompues :
il donne un prix à tous les riens , & rab-
hiiSè ce qui eâ important ; il fait que
Von ne fe conduit plus c^ue fur les nuud-
DÇS FB,MKEt. I7J
gies dtt lîdîcule , que les' Temmes en-
tendem li bied à établir.; .
La violation de la pudeur fuppofe
dam les femmes un renoncement à tou-
tes les venus.
" Toutes les Nations fe font égaleraet^t
accordées à attacher du mépris aTincon-
tiuence des femmes: c'ell que la nature
a parlé à tomes les Nations. Il n'eit donc
pas vrai que l'incontinence fuive les Loix
de la nature ; elle les viole , au con-
traire.
Il y a tant d'impérfeflions attachées i
la perte de la vercii dans les femmes y
que Von peut regarder dans un Etat po-
pulaire, l'incontinence publique, com-
tne le dernier des malheurs.
Que penfer des femmes P. L'arc de com-
poier leur lemc , les orneineiis donc elles
fe parent, les foins qu'elles prennent de
ileur perfonne , le defir continuel de plai-
re qut les occupe, ne font-ce pas autanc "
d'outrages faits à leurs époux ? Non : el-
les portent toutes dans le cœur ^n certain
caradère de vertu qui y eft gravé, que U
nainance donne , & que l'éducation af-
foiblit, mais ne détruit pas. Elles peu-
vent bien fe relâcher des devoirs exté-
rieurs que la pudeur exige ; mai $ qu.a;ad
il ('agit de faire les derniers pas, la na-
ture ft révolte. ...
-Piiji ...i~
.i.i=t. ... Google
1^4 ^^' Fe'MMis. .
La nature qui a dillingiié le$ Iiomtnet
par la force Se par la raifon , n'a mis ï
leur pouvoir de cerme que celui de Cette
force & de cette laifon. Elle a donné
aux femmes les agrémens, & a voulu
que leur alcendaDtBnît avec ces agrémens.
C'eA un des avantages des charmes de
la jeunefle dans les femmes , que dans un
âge avancé , un tnart fé porte à la bien-
veillance, parlefouvenirdefes plaifirs.
La' plupart des femmes qde nous ai'-
mons, n'ont pour elles que la prévention
fur leur naifTance ou leurs biens/ les hon-
neurs, ou l'eftime de certaines gens.
Une femme qui aura une grande répu-
tation & un léger défaut, pourra le met-
tre en crédit j, 6: le faire regarder comme
.une grâce.
Les femmes laides ont très - fouvent
des grâces; & il eft rare que les belles
en aient. Aufii les belles perfonnes font-
etles rarement les grandes pa/Hons, pref-
qùe toujours réfervées à celles qui ont
des grâces , ç'eft - k • dire , des' agrémens
que nous n'attendions point.
Une femnie ire peut guéres être belle
que d'une façon, mais elle eA jolie de
cent mille.
La loi dei deux fexes a'^cabUparmi
les Nations policées &lanvages, que les
hommes .demanderoienc j' & qiie les
.1.^;.; .., Google
. Ces Fsumbs. 175
femmes ne feroienc qu'accorder : de-U ti
arrive que les grâces font plus parciculié-
remenc attachées aux femmes. Comme
elles ont ('ouc à défendre, elles ont tout à
cacher ; la moindre- parole , le moindre
gelle, tout ce qui fans choquer le pre-
mier devoir , fe montre en elles , tout ce
qui fe mec en liberté, devient une grâce;
Se telle eft k fagelTe de la nature > que
cp qui ne feroit rien fans la loi de la pu-
deur, devient d'un prix intîm depuis cetce
heureufe loi ,- qui iak le bonheur de
l'Univers.
C'elt un malheur pour une femme , de
n*êire point aimée ; mais c'eA un jttTront,
de ne l'être plus.
Les femmes qui fe fentent Bnir d'avan-
ce par la perte de leurs agrémcDs, vou-
droient reculer vers la jeunefle. Eh ! corn*
fnent ne chercheroîenc-cUes pas à tromper
les autres? Elles font tous leurs efforts
pour fe tromper elles-mêmes , & pour fe
dérober la plus affligeante de toutes les
idées.
Les femmes ne fe livrent guéres au
jeu dans leur jeuneHe, que pour favo-
rifer une paCIion plus chère. Mais à me-
fure qu'elles vieilliITent, leur paflion pour
le jeu femble rajeunir , & cette padîoa
remplit tout le vuide des autres. Elles '
veuleoc ruiner leurs maris , Se. pour y
Piv
D^ii.t..,Googlc
i^tf . Dss Fbkhes.
parvenir > elles ont des moyens pour tout
les âges. Les habits & les équipages com-
mencent le dérangement , la coi^uecterie
J'augmente , & le jeu l'achevé.
Celui qui eflà ta Cour, à Parts , dans
les Provinces , qui voit agir des Mînif-
ires , des MagiArats » des Prélats ; s'il
fie connoîc les femnws qui les gouver-
nent f ell comme celui qui voit bien une
machine qui joue , mais qui n'en con-
noîc point les reSbrts.
Le rôle d'une jolie femme eft beaucoup
plus grave que Ton ne penfe. Il n'y a
rien ae plus férieux que ce qui fe pafie
le matin à fa toilette, au milieu de feS
- domeftiqucs. Un Général d'Armée n'em-
ploie pas plus d'atcemion à placer fa
droite ou fbn corps de réferve , qu'elle
en met à porter une mouche qui peut
manquer , mais dont elle «fpere , ou
prévoie le fuccès.
'^^
.i.i=t; .., Google
»77
CHAPITRE XXV.
Maximes de Gmvemtmtnt.
LE Goavernetnent le plus conforme
à la nature , e(i celui donc la diC-
polîcion particulière fe rapporte mieux à
la difpomion du peuple pour lequel il
efl: établi.
Le Gouvernement le plus parfait eil
celui qui va à fon but , à moins de frais :
aJnfi celui qui conduit les hommes de U
manière qui convient le plus à leur pen-
chant & à leur inclination, elt le plut
parfait.
Si dans un Gouvernement doux , le
peuple eft auffi foumis que dans un Gou-
vernemenc févère , le premier eft pré-
férable , parce qu'il ell plus conforme à
la raifon , & que la févérité eft Un mo-
tif étranger.
C'eft une expérience reconnue, qu'il
n'y a plus que la bonté du Gouvernement
qui donne de la profpérité. On a corn-
Biencé à fe guérir du Machîavélifme. Ce
qu'on appelloit aucrefots des coups d'Etat,
ne feroit aujourd'hui, indépendamment
de l'honeur, que des imprudences. It
^178 Maximes
eft henreux pour les hommes , d'être dans
ùoe fituation , oii , pendant que leurs
pafnons leur infptrent d'être méchaos^
ils ont pourtant intéfêc de ne pas l'être,
Fluneurs chofes gouvernent les hom-
mes : le climat , la religion , les loiz , les
maximes du gouvernement, les exemples
des chofes palTées, les mœurs, les ma-
nières, d'où il fe forme un efprit général
qui en ré fuite. A mefure que dans cha-
que Nation, une de ces caufes agit avec
plus de force, tes autres lui cèdent d'au-
tant.
L'aggrandiiTement étoît l'objet de Ro-
me, la guerre celui de Lacédémone, la
religion celui des Loix Judaïques, le
commerce celui de Marfeille, la tran-
quillité publique celui des lotx' de la
Chine, la navigation celui des loix des '
Rhodiens , la Ubené naturelle celui de la
police des Sauvages, en général les déli-
ces du Prince celui des Etats Deipotî-
ques ; fa gloire & celle de l'Etat , celui
JVlonarchies ; l'indépendance de chaque
particulier , eft l'objetdesloixde Pologne.
Ce qu'on appelle union dans un corps
politique, eft une chofe très - équivoque.
La vraie etl une union d'harmonie, qui
fait que toutes les parties , quelque op-
pofées qu'elles nous paroiHent , concou-
reoc au bien général de la fociété ; comme
Db GoOVBASSMBNT. (17^
/des difloDÂnces tlaos la muJîqué concQu-
TCQt à'I'accord cocaL II peut y avott de
.'l'uQÎPD dans un Etat où l'on ne ccoic vok
que du trouble; c'eUri-dite -, une harmo-
nie d'où réfulte le bonheur qui feu) ç& la
vraie paix. Il en eu comme des parties
de cet Univers y éternellement liées paf
faâion des unes ^ Ôz la réaction des autres.
'. Loifque dans un fiécle, ou dans uo
Gouvernement, on voit les divers corps
«le l'Etat chercher à augmenter leur au*
torhé , & à prendre les uns fur les autres
-de certains avarttages ; on fe (romperctît
'Touveot, lil'on regardoit leurs entrepri*
£ss comme une marque certaine de leur
forraption. Par un malheur attaché à la
condition humaine , les grands hommes
-modérés font rares ; Se Comme il eu. tou-
-jpuTî plus aifé de fuivre l'a force , que
de l'arrêter, peut-être dans la clafTe des
gens fupérieurs , efl - il plus facile de
trouver des gens extrêmement vertueux,
^ue des hqmmes extrêmement fages.
- JL'efpric de modération doit être celui
du Légillateur. Le bien politique , cotn*
me le bien moral , fe trouve entre deux
limites.
Inviter , quand il ne faut pas con-
traindre j conduire, quand il ne Êiut pas
commander : c'eft l'habileté fuprêjne. La .
raifbn a un empire naturel , elle a même
D.5.i.i=t; ^ Google
iSb M&xiHBS
un enipire tyranaique } oo lai téGUe ;
.mais cette rélîAance eft foD triompbc:
encore un peu de temps , ic l'on fera
forcé de revenir à elle.
Il y a deux fortes de tyrannie : tine
réelle , qui confifte dans la violence du
Gouvernement ; & une d'opinion , qui
le ^t fentir , lorfque cens qui gouver-
nent, établiffent des chofes qui choquent
la manière de penfer d'une Nation.
On n'offenfe jamais plus lès .iiommef,
que lorfqb'on choque leurs cérémonies
éc leurs ufages. Cherchez à les oppri-
mer, c'efl; quelquefois une preuve de
l'eAime que vous en faites; choquez leurs
-coutumes, c'efl toujours une marque
de mépris.
En général, les peuples font tris-ac*
tachés a leurs coutumes; les leur ôtef
violemment, c'efl les rendre malheu-
reux : il faut donc les engager à les
changer eux-mêmes.
Loifqu'on veut changer les mœurs
de les manières , il ne faut pas les chan-
ger par les loix; il vaut mieux les
changer par d'autres mœurs & d'autres
manières: c'efl à l'exemple à établir ce
changement. v
Il y a des moyens pour empêcher
les crimes, ce font les peines; il y es
D.5.l.i=t;^GOOgle'
Db Gouvskn&hrnt. iti
à fmui Bdxe changer les manières ^ ce
font les exemples.
U n'y a pomt de plus crncUe tyran-
nie f que celle qw- l'oA exerce à l'otn* -
bre des loîx ^ & avec la couleur de I4
judicé; loirqu'on va, pour aïnfi dire,
noyer des malheureux fur la planche
même, fur laquelle ils s'étoieat làuvés*
Il y a deux genres de corruption:
Tua , lorfque le peuple o'oblèrve point
les lois; l'autre, lorfqu'il efl corrompu
par les loix: mkl incurable, parce qu'-
il eft dans le remède même.
Un Peuple peut aifément fo^grir qu'.
on exige de lui de nouveaux tributs ^
U ne fçait- pas s'il ne retirera point quel-
2ue utilité de l'argent qu'on lui deman^
e : mais quand on lui fait un atfront,
il ne fent que fon malheur, & il y ajoû-
te l'idée de tous les maux qui fonc pof>
fibles.
C'ett un paralogirme de dire que 1«
bien particulier doit céder au. bien pu-
blic. Cela n'a lieu que dans les cas où
il s'agit de l'empire de la Cité, c'ell-à-
dire , de la liberté du citoyen. Le bien
fubUc n'eft jamais que Ton prive nn
artîcalier de fon bien, maïs que cba>-
cun çonferve invariablemenc la proprié-
té de fes biens. Si le M4gUlrat politi-
que veut Étire quelgue édifice public,
Googk
iix ' M AxiiMSs
quelque nouveau chemin , il fàuc. qii*il
indemnlfe.
L'Etat doit k tous les citoyens ;ane
fubfiftance affurfe > an vêtement conve-
nable, & ub genre de vie qui ne foit
point contraire à la fants.
Quand tout le mondé obéît, Se qus
tout le monde travaille , l'Etat e/l dans
une heiireufe Situation.
Faire une coutume générale. die tou--
tés' les' coutumes particulières, fèroît
lioé c(k>ft inconlidcréé , même dans un
temps, où les Princes ne- trouvent par-
tout que de l'obéiflance. Car s'il eft vrai
qu'il ne faut pas changer, lorfque les
inconvémehs^galent lès avantages ; en-
tore moins le f?ut-il, lorfque les avan-
tages font petits , £c les incoovéniens
Immenfes.
Il y a dâ' certaines idées d'uniformité
qui faififfent quelquefois les grands ef-
firits, mais qui frappent infailliblement
es petits. Les mêmes poids dans la po-
lice, les mêmes mefures dans le Com-
merce , -les mêmes loik dans l'Etat , la
même Religion dans toutes fes parties,
ïfais le 'mal de changer eft-ir toujours
moins graAd que celui de fouffric? Lorfr
que les' citoyens futvent les ioix ,. qu*ini< ,
pOrtlir qu'ils fuivent la' même?
t>«s nouveaux r^leqMos font tonjonn
De Gouvbrnbmsnt. 18}
des remèdes qui iodiquenc un mat' prp*.
(eau
hes ioflitatlons ancïeoaes font ordï-*
aaiiement des correAions, Se tes nou-
velles des abus. Dans le cours d'un lon^
gouveinemeiit , on va au mal par une
pente lufenfible, & l'on oe remonte au.
bien que par un eflbrt.
L'extrême obéiOance fuppofe de l'ig-,
norance dans celui qui obéit, elle en.
fuppofe même dans celui qui comman-
de; il n'a point à délibérer > à douter
ni à raifonner, 11 n'a qu'à vouloir.
Il n'efl pas indilTérenc que le peuple
foit éclairé. Les préjugés des Magif*
trais ont commencé par êcre les préju-
gés de la Nation. Dans un temps d'ig-
norance, on n'a aucun doute, mêmç
lorfqu'oQ fait les plus grands mauxf
dans un temps de lumière, on tremr.
ble encore , lorfqu'on fait les plus grands
biens. On fent tes abus anciens , on ei^
voit la corredion; mais on voit encore
les abus de la corredion même. On
laiOè le mal , fi l'on craint le pire ; on
laiQis le bien, fi l'on eft en doute du
mieux.
Ceft une erreur de croire qu'il yaiç
dans le monde une autorité humaine, ^
tous les égards defpotique. Le pouvoir
Upl}» immeafe,eft coajour$ borné pa|
Djii..... Google
iv4 MAxiiLBf
quelque coin. IL y a dans chaque Nation
un elprit général , fur lequel la puiiTance
même ell fondée : quand elle cboqne cez
efprîc, elle fe choque elle-même , Scs'ar—
fiôte néceffairement.
Ce n'ell pas la fortune qui domine le
nuyide. Il y a des caufes générales, foie
morales, îbit phyfiques , qui agilTene
dans chaque Monarchie, l'élevent , la
maintiennent, bu ta précipitent. Tous
tes accidens font fournis à ces caufes ; &
fi le hazard d'une bataille , c'e(l-à-dire,
use czTufe particulière a ruiné un Etat,
ii y avoit une caufe générale qui faifoit
que cet Etat devoït périr par une feule
bataille. £□ un mot, l'allure principale
entraîne avec elle tous les accidens par-
ticuliers.
Les fautes que font les hommes d'Etat»
ne font pas toujours libres. Souvent ce
font des fuites néceflaires de la (îtuation
où l'on eft , & les inconvéniens ont fait
naître les inconvéniens.
Si quelque Nation tient de ta nature
ou de fon inilitution quelque avantage
particulier, il fautfçavoiren faire ufage.
Lorfqu'on a pour voifîn un Ecatqui ell
dans {a décadence , on doit bien f« gar-
der de hâter fa ruine , parce qu'on ai k
cet égard dans la ftiuation la plus heo^
Kub oii l'on puKTe être ; n'y ayaat rien
DK GoVvBSHBMBffr. l8j
de fi commode pour uo Prince , qa«
d'être auprès d'uo autre qui reçoit pour
lui tous les coups , & tous les outrages
de la fortune.
Un Etac bien gouverné , ^oit mettre
pour le prenùer article de fa dépenfe,
une femme pour les cas fortuits. Il en
cil du Public , comme des particuliers
qui fe tuineot* torfqu'ils dépenfent ex-
aâemenc les reyenui de leurs terreï.
Un Empire fondé par les armes r 9
befoin de le foucenir par les i^rmes. Mais
comme, lorfqu'un Eut eA dans le trou-
ble , on n'îmagîne pas comment il peut
en forcir ; de même , lorfqu'il eu en
paix ^ qu'on refpeâe (à puiilànce, il
ne vient point dans refprit comment cela
peut. changer. Il néglige donc la Miit- '
ce , dont il croît n'avoir rien à efpérer
Se tout à craindre, & fouvent même
il cherche à l'aflbiblir.
Les grandes Flottes, 000 plus que
les grandes Armées deterrç, nontpref-
que jamais réuffi. Commç elles epui-
fenc un Etat, fi l'expédition eft lon-
gue » ou que quelque malheur leur af
rive, elles ne peuvent être fecourue»
ni réparées ; fî une partie fe perd » ce
qui refte ^eft /ien , parce que les Vaif-
feaux de guerre , ceux de transport , la
Cavalerie» VlofsoteiÎQ, les Mvnitioa».
Lijii.t...Googlc
t^6 *'- ''Maxi mes
enfin cb'aque partie dépend du touten-
femble. La lenteur de l'entreprifé fait
qu'on trouve toujours des ennemis pré-
parés ; outre qu'il eft rare que- l'expé-
dition fe fkflê' jamais dans une (aifon
côtnmode» on tombé dans tes' 'temps
dés orages ; tant de ehofes ffétartt ptef-
que jamais 'prêtes que' quelques mois
plus tard qu'on ne tt VétiHc promis.
Nos Armées périflent beaucoup par
le travail iratnodéré des' foldats ; ceft
que nos foldats paflent fans celTe d'un
travail extt'ême à une extrême oillveté.
Une expérience continuelle a dû faire
cotinoîire en Europe, qu'un Prince qui
a tut mjllioo de fujets, ne peut^ fans
fe détruire lui-même, entretenir plus
'^de dix niitte hommes de troupes. La
jM-opoFtion des foldats au refle du peu-
ple, y efl aujourd'hui comme d'un à
cent.
Ce n'eft pas ordinairement }a perte
léetle que l'on fait dans une bataille ,
c'eft-à-dire , celle de quelques milliers
/d'hommes, qui eft funefte à un Etat ;
mais ta perte imaginaire. 2c le découra-
gement , qti le prive des forces mêmes
qne la fortune lui'avoit JailTées. .
La paix ne peut foint s'acheter -par-
ce que celui qui l'a vendue, l^n eft que
plus en état de I0 faire acheter encore.'
D^ii...:, Google
B 8 G O U V B R K « M s H T. 1 87
Il vaut mieux courir le rifque de faire
une guerre malheureufe ^ qae de doo'
Ber de l'argent pour avoir la paix : car
00 refpeâe toujours un Prince , lorfqu'on
fçait qu'on ne le vaincra qu'après une
lo^ue rélîftaace.
Dans les Monarchies & les Ecacs I>e&
potiques, perfonne n'alpire à réalité;
chacun y rend à la fupériorité.
Le tribunal de l'Inquifition e(l iDfnp-
girtable dans' tous les Gouvernemens.
ans la Monarchie, il ne peut faire que
des délateurs & des traîtres ; dans les
K^pobliques , 11 ne peut former que des
mal- honnêtes «ns ; dans l'Eiac Defpo
tique , il elt deftruâeur comme lui.
La vénatité des Charges eft bonne dans
' les Etats Monarchiques ', oli Ton faic
comme un métier de famille , ce qu'on
ne voudrûit pas faire pour la vertu.
C'e^ une ré^e générale ,■ que. les
grandes récompénfes dans une Mûnar-
chie & dans une République / &iK un
%ne de leur- décadence; parce qu'elles
prouvent que leurs principes font cor*
tompus f que d'un côté l'idée de Tbon-i
neur n'y a plut tant de force ; que de
l'autre la qusdîté de citoyen s'eft affi>i<
blie.
Comme les Lotx de l'éducaàoU nous
prépaient à êcre cïcoyens » chaque &•
. . Google
l88 M A X IKB s
mille particulière doit être gonvetaéc
far le plao de la grande famille qui les
comprend toutes.
Plus les caufes ptiyfiqoes ponenc lès-
tommes BU repos , plus les caufes mora*
les les en doivent éloigner. La culture
des terres efl te plus grand travail des
Jiommes ; plus le climat les porte à fuir
ce travail , plus la Religion & les Loix
doivent y exciter.
Lotfqu'uoe Démocratie eft fondée far
refprk de commerce , il peut fort biea
arriver que des particuliers y aie&t de
srandcs ricbelTes , 8c que les mœurs n'y
foient pas corrompues. Ceftque l'erpric
de coiiimercc entrait» avec foi celui de
. frugalité , d'économie , de modération ,
«le' travail f de fagefle , detranquillité^
d'ordre & de r^te. Airtfi, tandis que
cet efprit fubfifte^ les richefles qu'il pro-
duit-, n'ont jamais aucun mauvais e^t.
- Oeil nne mauvaifé efpèce de richeOe»
qu'ua tribut d'accident , âc qui ne dé-
tend pas de Fisduftrie de la Nation,
du nçinbre de fes habicans , m. de la cu^
iDre de fes terres.
hà btigue efl dangereufe dans un Sé-
nat ; rile-eH; dxngereufei dans un Corps
de Nobles ; elle ne l'efl pas dans le pe»
^le ,. dont la nature eft d'agir^u pat
&s>o. ■ ■ j .
.i.i=t; .., Google
X>S GoirvBKlTBHSRT. igO
ItCs difcours font fi fujecs à ioterpr^
facioD , il y a tant de dîSërence entre
l'iEdirciécion & la nultce, & il y en ar
& peu dans ks ezprelTiont qu'elles em*
ploient , que ta loi ne peut guéres fou*
mettre les paroles à une peine capitale.
Les paroles ne farment point un corpt
de délit , elles ne refient que dans l'idw.
Dans les Démocraties , ou a'empêcbff
pas les écrits fatyriques. Comme ils font
ordinairement comporés contre des geny
putiTans , ils âattent la malignité du PeO'
pie» qui gouverne. Dans la Monarchie »
on les défend ; mais ils font pluiôc un ob^-
)et de police, que de crime. Us peuvent
confoler les mécontens , diminuer l'envie
contre les places, donner au Peuple la
patience de fou^rir , & le faire rire de
les fouffrances. L'AriitocFatie profcrit les
ouvrages fatyriques. Les Magidrats y
font de petits Souverains , qui ne/ont pa»
aiTez grands pour roéprifer les Ingres,
Un Monarque ett ii haut, qu'un traie
lancé n'arrive point jufqu'à lui; un Se»*
gttein Ariflocratique en eH percé de parc
en part*
L'efpionageferoit peut-être toIéraWe,
s'il pouvoii être exercé par d'honnête*
gens : mais l'infamie néceJaire de la per^
fonne peat faire juger de i'infânùe de la
chofe.
Djii..... Google
\^û Maximes pv GonvsRifEUBAT.
Si ceux qui accufeoc un homme par
des lettres anonymes, le fairoiene envne
du tien public , ils ne l'accuferoïenc pas
devant le Prince qui peut être aifémenc
furpris f mais devant les Magiftrats , qui
ont des régies qui ne font foimîdabîes
qu'aux calomniateurs.
Çcll une régie générale» que dans
tous les Pays ou la loi accorde aux hom-
mes la faculté de répudier , elle doit auffi
l'accorder aux femmes.
*#%^
;
6^^
i
.i.i=t; .., Google
ï9!
' c H A p I T R E xxyt: .
. ■ , " .mèla'ngesJ-/.]',, ,
De Dieu. ;.
S'il y. a UQ DiâQ, il faut oéceflàir»
mène qu'il kit , j^i^ ; , cai 4'ii ne l'é-
tofc pas >' il.f<?iojt le plus, mauvais & lie
plus, iiripar&ic de cous les êtres.
Les hommes peuvent faire des injuf
tices , parce qu'ils ont ÎDEéiêc de les com^
mettre , & qu'ils aiment mieux fe l4tîi'-.
Élire, que les autres. Mais il n'eft paspof-
fiUe que Dieu faiïe jamais rieo a'injufte>
Dès qu'on fuppofe qu'il voit U juÂice,
U fau$ néçeflairement qu'il la Tuive ; car
comme il n'a befoin de lien , & qu'il fe
fuBît à lui - même , il feroicle plus mé-
chant de tous les êtres ^ pujfqu'il le f»-
xoit faes incétêt.
Que doit-' m donc- pinfer de ces Doç-
teuts, qui repréfencent Dieu comme un
être qui fait un exercice tyrannique de
la puinîince ; qui le font agir d'une ma-
nière dont nous ae youdiions pas agir
nous-mêmes, de peur de l'oSenrer ;
qui le ctuu-g^çc de..tou[« les.im^rfeo-
D.5.i.i=t; ^ Google
l^X MitkVGtt.
ùoos ; & dans leurs optaions coQtradiC'
toins, le repréfeoteoc tantôt comme ntr
être mauvais , amôt comme un être qui
hait le mal » & le pmk ?
Les Philofophes les plus fenfés qni onc
réfléchi Tur la nature -de Dieu, onc dit
qu'il ctoic un être fouverainement par-
bit ; mais ils oot extrêmement abufe de
cette idée : ils ont fait une énumération
de toutes les perfeâioas difFéretiies que
l'homme efi capable d'avoir & d'image
ner, & en ont chargé l'idée de la Divini-
té , l^ans fonger que fouvent ces attributs
s'entr'empêchent, & qu'ils ne peuvent
fublîller dans un même fujet , fans fe dé-
truire. ■
Souvent Dieu manque d'une perfeâlon
qui pourroit lui donner une grande îm-
Îietfeâion; maïs il n'eft limité que par
ui-même , il e(l Ini - même fa néceflité*
Ain(i , quoique Dieu Toit touc-putâknt ,
il ne peut pas violer fes promefles , ai
tromper teshoinmes. Souvent même Tim-
puiflance n'efl pas dans lui , mais dans'
les chofes relatives ; Se c'en la'rzifba
pourquoi il ne peut pas changer les-efîea^
Dit Pfineef.
Le Fiioce étant tot^nte^ei grawS
.i.i=t; .., Google
CitiiyenjJe' l'Etàf, aJe.pliK d'iatérçt
à là'cdnfervation,
Irf commencement Jii - règne dçs
mauvais Princes cil fouveot comme Iji
fin de, celui des Up,ns, parce que p^r
"iin élprit dé contra^JSion Tur la con-
-duice do .cçbx Ji quP (Is Tucccdenc^ .i\$
peuvent faire ce ^ue'iès auties fopc par
■vertu; .& c'eft à" cet cl'pr'it'de contr^-
didion, que nous devons bien de borjs
réglemens & biens des mauvais auilî.
^' Les tréfpis airiatrés, par des priiices,
n'ont prèfque jamais que des effets fij-
,nçfteï._IIs corrompent leTuccçlTeur;, qiii
"eii eft ébloui'; & s'ils ne gâtent pas fofi
cœur, ils gâtent fon efprit. Il foriDC
d'abord de grandes entreprifes avec une
'piiifTance qui eft d'accident, qui ne peuc
pas durer, qlii n'efl: pas naturelle, &
qui eft plutôt enflée qu'aggraadîe.
•Lrfs places que la poltérité donne, .
font fujeues, comme Jes autres aux ca-
prices de la fortune. Malheur à la ré-
putation de tout Prince qui e(l accablé
;,par un parti „quî devient le dominant,
ou qui a; tenté dé détruire yn préjugé
^qui luîfgrvii. ■
O^ft une chofe comm\ine devoir des
Princeis qui fçavent donner une bataille;
.il y en .S- biep peu qui fçachent faire
2 une guerre , qui îoient également cajpa-
"'*■'■' R' ' '
. . Google
il94 ' MÉtAMCES. .
bles de fe fervlt 'de la forcUhe'j Si' St
l'atrendre; &-qui avdc cette dilpofitioh
d'efpricqoi donne de la mé&aace avant
que d'entreprendre , aîenc celle de ne
craindre plus rien après avoir entrepris,
Dans les Etats gûùVernés pat un Prin-
ce; les divînpiis s'appaîfenc aifémenc j
parce qu'il a dans' les naaîns une puîf-
îance cocrciiive, qui ramené 1^ deux
Ïjartis; mais dans une République, el-
es font plus durables, parce ,que le mai
attaque ordinairement' la 'puilîànce roê-
me qui pourroié le giiérir.
11 n'y a point' d'autorité plus abfolu'e
Sue celle du Prince qui fuccéde à la
îépnblique; car ilfé trouve avoir tou-
te la puilTance du Peuple, qui n'avoit
pu fe limiter lui-même; auni voyons-
nous aujourd'hui lès Roîs de Danemard:
exercer le pouvoir le plus'arbîtraire qu'-
il y ait en Europe.
On ne peut pas faire de plus grand
afîront à un Prince , que de renoncer
à fon alliàncp^ ni lui faire déplus grand
"honneur que.de lacontraîSer.; ÏI' n'y a
rien pa'rmi"les"hommes qui leur ïbït
plus glorieux, & même; plus 'utile ;que
d'en -voir d'autres toujours attentifs à
leur confervacion.
Comme les Peuples font fournis aux
"^ii," les Princes k fôirt' à leijf ^itrolff
fàcTSe-. Les grands Rois ' qâi tie f^ au-
roient être liés par une autre Puîffiin-
Ce f le font -Jnviticiblemetit pur les cbai-
ncs qu'ih fc font faites ; comme le Dieii
qu'ils Tepréfenténc, qui eft toujours in-
dépéndant, Si toujours lidèle dans ki
ptomefles.
La clémence efl la qualité dliftinâî-
Ve des Monarques.'
Xes Monarques 'Ont tant à gagnef
par la clémence -, elle eft fuîvie de tarit
d'amouri ils en tirent tant de gloire,
que c'efl prefque toujours un bonheur
pour eux d'avoir occasion de l'exercer.
Un Prince doit agir avec fes fujets
avec candeur, avec franchifc, avec
conSatice. Celui qui a tant d'inquiétu-
des, dé ibupçôns & decraintes, e.ftua
Aéleur qui eft embarrafle .à jouer foo'
rôle- Qu'il n'ait aucune crainte, ilne'
fçaaroit croire combien on eft porté à'
l'aimer. Eh ! pourquoi ne l'aimeroit-on'
pas? 11 eft la fource de prefque tout la
bien qui fe fait, Scquaft toutes les' puni-'
lions îbnrfur lé compte des loix. Ilnefe'
montre jamais ail peuple, qu'avec uri'
vifagé ferein; fa gloircmême fe com-'
munique à notfs, & Ij puiflance nous
foutient. Si le Prince Jçscveit .'■ dïi le
Peuple : ces paroles font une. efpèce
d'invocation.
Eij
1^6 MÉLANOES.
'' Quil ^■. h Prince qui peut dire ^ » Jo
» fuis le Roi, d'en peuple qui m'aime.
3>Les pères de famille efperem la lon-
»gueur de ma vie, comme celle de
» leurs enfd^s; les eniàns cfaignent de
3>mç perdre, com^ie ils ^craignent de
«perdre leur père. Mes fujets ibnt lieii-
»reux, 5; je le fuis? .
Les mcéurs du Prince cootribuent
autant à la liberté, que les loix. S'il
aime les aines libres, il. aura des Su-
jets; s'il aime les âmes balTes, il aura
des efclaves,' Veut-il f^avoir le grand
art de régner, qu'il approche, de lui
fKonneur Se la vérité , qu'il appelle le
mérite perronnel. Il peut même quel-
quefois jetter les yeux fur les talens.
Qu'il ne craigne point ces rivaux qu'on
appelle les hommes de mérite ; il eft
Ifiijr égal, dès qu'il les aime. Qu'il ga-
gne le cœur , mais qu'il ne captive point
IJefprit ; qu'il fe rende populaire. Il doiu
être flacé de l'amour du moindre de fes
fjijets, ce font toujours des hommes.
Le peuple demande (\ peu d'égards^
qu'ilell jufte deles lui accorder. Qu'exo-
rable à prière , il foit ferme contre
Ifs demandes , & qu'il fçache que le peu-
ple jonic, de fcs refus, & fes couriilâns
(fe fes.gtacçs, ; ^.^
■>• )i ' '- '
D.3.ii.t.., Google
Des Counijans.
Les Princes regardent toujours leurs ■
courtifans , comme leurs plus fidèles
fujets.
L'ambition dans l'oifiveté, la baffelTe
dans l'orgueil , te defir de s'enrichir fant
travail , l'averiion pour la vérité , la
flaterie , la trahifon , la perfidie , l'a-
bandon de cous Tes engagemens , le mé-
pris des devoirs du citoyen , la crainte
de la vertu du Prince , l'efpérance de fes
foibteflfes , & plus que tout cela le ri-
dicule perpétuel jette fur la vertu, fonc
le caraâerede la plupart des courtirans,
marqué dans tout les lieux & daai tous
les temps. Or il eft très-mal-aifé que les
principaux d'un Etat foient mal-honnétes
gens , & que les inférieurs foient gens
de bien; que ceux-là foient trompeurs,
& que ceux-ci confentent à n'être que
dupes.
L'air de la Cour confifle à quitter fa
grandeur propre , pour une ; grandeur
■empruntée. Celle-ci flate plus un cour-
tifan que ta tienne même. Elle donne
une certaine modeftie fuperbe qui fe ré-
pand au loin , mais dont l'orgueil di-
minue infenfiblanent , à proportion de
R iij -
D.5.i.i=t; ^ Google
19S MéLANcas.
la didance où l'on eft de la fource tfe
cette graiidear.
On crouve à la Cour une délicarefle
de goûi en toutes chofes ^ qui vieac d'un
ufage continuel des liiperfluités d'une
grande fortune , de la variété , & fur-
toDc de la laÛîtude des plailîrs, de la
multiplicité, de la confufîon même des
fantaifies qui , lotCqu'elles font agréa-
bles i y Sont toujours reçues.
Des Miniftres.
Il n'y a prefque jamais de Prince fi
méchant , que_ fon Minière ne le foJc
encore davantage. S'il fait quelque aâion
mauvaife , elle a prefque toujours été
fuggérée; de manière que l'ambition des
Frinces n'efl jamais fi dangereufe que
la baifeiTe d'ame de fes Confeitlers. Mais
comment un homme qui n'efl que d'hier
dans le Miniftere, qui peut être n'y fera
pas demain, peut- il devenir dans un
i^iomenc l'ennemi de lui-même, de fa
Emilie , de là patrie & du peuple qui
naîtra à jamais de celui qu'il va faire
flpprimer ?
Un Prince a des pallions , le Minif-r
tre les remue. C'efl: de ce»côté-U qu'il
dirige Ton minillere : il n'a point d'au-
tre Dut. , ni n'en veut connoître. Les
D^ii...., Google
MéxANGES. 199
courcirans le féduifenc- pat leors louao-*
ges; Se lutleflacte plus dàngerevfemetic
Îiar Tes CQnféils ,. par les delTéins qu'il
ui inrpire, 'Si, par Jet. maximes qu'il
lui f ropofe.
Si c'efl une maùvaife zâioa de noircir
dansl'efpric du Prince le dernier de fes
fujecs , qu'eft-ce quand on noircit la Na-
tion entière, & qu'on Jui ôte la bien-
veillance dé celui que la Providence a
établi pour faire fon bonheur ?
li y a long-temps que l'on a dit que
la bonne foi étoit l'ame d'un grand
Miniftre.
' Un particulier peut jpuir de l'obfcu-
ijte où il fe trouve ; il ne fé décrédite
qiie devant quelques' geas\ U fe tienc
couvert devant les au;res. Mais un Mi<
riiHte qui manque à la probité , a au-
tant de' témoins-, autant de juges > qu'il
y a de gens qu'il gouverne^
Le plus grand mal que fait un Mi*-
nlftre fans probité , .n'efî pas de delîer-
vir Ton Prince , Si de ruiner fon peu-
ple. Il y en a un autre mille fois plus
dangereux , c'eft le mauvais exemple
qu'il donne.
Quçl fijus e^and crime que celui que
. commet un MinjAre, lorfqu'il corrompe
lesnlœtirs de toute une Nation, dé-
grada lesame»lé^pluf généreufes, ter-
Riv
.. Google
iOO .M £ L A N G^S s. .
nie l'éclat des dignités , obfcurdt la ver-
la même , & confond la plus haute aa.\(-'
fance dans le mépri"s unîverfel .'
On n^ppelte plus parmi nous un grand
Mîniftre , celui qui eft le fage difpen-"
lateur des revenus publics -, mais celui
qui eft homme d'induftrie, & qui trou-
ve ce qu'on appelle des expédiens.
11' y a bien de la finelTc & du tnyfle-
re dam l'adminîflration des finances.. Il
faui que de grands génies travaillent 'quÎc'
à )our ; qu'ils enfantent fans cefte &-aVec
douleur de nouve&ux projets ; qu'ils écou-
tent les avis d'une iuBnicé de gens qui'
tïavaillent pour eux , ^ns en être prié ;
3u'ilsfe retirent, "& vivent dans lé 'fond'
'uq cabincc impénétrable aux gfa'nds,
& facré aux petits ; qu'ils aient toujours
la tête remplie de feerets imporcans, de
deiTeins miraculeux , de fyflêmes noii*
veaux ; &; qi/abrorbés dans les médita--
lions, ils.foieht privés.non-feulement de
l^lfage de ta parois ; mais même quel-
quefois delà politeffc '
Des Magi/îrars. '
Dans toute Magîflirâture , ,îl faut com-
penfèr lagrandeur de' la pullTahce , par.
la brièveté de fa! idtiréé. ' ' '
Les Corps qui ont le dépôt desloîx^
ç.8.i.i=t. ... Google
M il. ANGES. ior
n'obéiflent jamais mieux , que quand ifs
vont à pas tardifs , & qu'ils apportcnc
dfms les affaires du Ptince cette réflexion
qu'oA ne peut guéris attendre du dé&uc'
de lumières de la'Cour fur les loix de~
PEtat , ni de la précijjitation de fes con-*
feils. >
,Les ParlemeDsrefTemblentà ces ruines
que l'on foule aux pieds , mais qui rap-
pellent toujours l'idée de quelque tem-
ple &meux par l'ancienne Religion des
peuples. Leur autorité eft toujours lan-
guiuante, à moins que quelque conjonc<
ture imprévue ne vienne lui rendre la
force & la vie. Ces grands Corps onc ^
fuivî tê-defïin des chofes humaines : Ils
onc cédé au temps quHétruît 'tout , -à
laf corruption des mœurs qui a tout a^*
foibli , a l'autorité fupréme qui a tout
abbatu.
L« Parlemens font des 'Compagnies
toujours odieufes à la , Cour. Elles n'ap-
prochent des Rois 'que pour leur dire
do triftes vérités ;' éc pendant qu'une fou-
le de courtifans leur repréfente fanscef-
fe un peuple heureux fous leurgouver-
Beoient , elles viennent démentir la fla-
terre , & apporter aux^ pieds du thrône
les gémiflèmens & les larmes 4ont elle»
font dépofiiâires. '■■■'■
■ C'eft uD-pefant fardeau que celui de
D.5.i.i=t; ^ Google
A02 MétANCBSi
U vérité* lorsqu'il faut la porcerjarqa'anç
Princes. Ils doivent bien penfer que ceux
qui le font y font concraiots ^ Se qu'ils,
ne (è réfoudroient jamais à faire des àé'
marche* fi criAes & fi affligeantes pout.
ceux qui les font ^ s'ils n'y etoient forcés
par leur devoir f leurrefpeâ;, &inêai9
leur amour.
Dk Clergé.
I<es Familles pazticuUeres peuvent pé-
rir ; ainfi les biens n'y oqt point une deftï-
natton perpétuelle. Le Clergé eft une
FamîUeqiunepeutpaspérir; les biens./
' font donc attachés pour toujours , & a'oa
peuvent pas fortir. Les Familles paxtiçH-^
lieres peuv,ept s'au^eiiter ; il faut donc?
que leurs biens jpuinênt croître auHi. Le
Clergé efl une Famille qui ne doit poîac.
s'augmenter ; les biens, doivqnt {dopc y
être bornés. Rendez facré & inviolable
l'ancien & nécenaire domaine du Clergé ,
qu'il fuit (îxe & éternel comme lui ; mais
lailTez fortir de fes mains les nouveaux
domaines. Permettez de violer la régie ;
lorfque la régie efl devenue un abus j
fouffrcz l'abus^ > lorfqu'il reaire dans la
régie.
Les loix civiles trouvçpt :qu.ejquefois
des obAacles à changer des a^us établb ,
«L,^ ,, Google
MÉLANGESi JOI
parce qu'ils Cont liés à des choies qu'elles
doivent refpeder. Dans ce cas, une dif-
^oiiûott inuire^e marque plus le bon ef-
pricduLégiOateur, qu'une autre qui frat}-
pêroit furTa chofe même. Au lieu de dé-
lèndre les'acquifîtions du Clergé , il fàuc
chercher à l'en dégoûter lui - même ; lalP
Jer le droit , & ôter le fait.
Ces Corps Religieux qui fe perpétuent
fans fin ,-ne doivent pas vendre leurs fonds
à vie , ni faire des emprunts à vie. Ce»
gens jouent contre le peuple , mais ils
tiennent la banque contre lui.
Du Djoit.
- Le Droit def gens efl naturellement
fondé fur ce principe , que les diverfeS'
Nations doivent fe faire dans la paix le
plus de bien , & dans la guerre le moins
de mal qu'il ell poHible , fans nuire à leurs
véritables intérêts.
Les MagiArats doivent rendre la juflice
«le citoyen à citoyen : chaque peuple U
doit rendre lui-même de lui à un autre
peuple. De peuple à ptfuple , il e(l rare-
ment befoin d'un tiers pour )nger, parce
que les fujetc de difpute font ordinaire^
ment clairs & faciles à terminer. Les in-
térêts de deux Nations font ordinairement
fi'féparés , qu'il ne faut qu'aimer la jufti-
.i.i=t; .., Google
JI04 . MÉLANCBS.
ce^ pour la trouver. On ne peut guèrei
fe prévenir dans (a propre caufe.
Les Nations quîTonc à l'égard de tout
fU divers ce que les particuliers font dans
un Etat , fe gouvernent comme eux par
ledroîtnaturelt.& parles loix qu'elles fe
font faites. Uo peuple peut céder à un
autre la mer , comme il peut céder la
terre.
Une foctété particulière ne fait point
de loix pour une autre focîéié. Il eft ridi-
cule de prétendre décider des droits des
Royaumes, des Nations &derUnivers,'
par les mêmes maximes fur lefquelles on
décide entre particuliers, d'un droit pour
une gouttière.
Les traités de paix ne font jamais légi-
times ', lorfqu'ils ordonnent une ceflton ,
ou un dédommagement plus confîdérabte
que le doinmage caufé. Autrement c*e{t
une pure violence contrç laquelle on peut
toujours revenir ; à moins que pour ravoir
ce qu'on a perdu , on ne foit obligé de
fe fervir de moyens fi violens, qu'il en
arrive un mal plus grand que le bien que
l'on en doit retirer. Voilà ce qu'on ap-
pelle' le droit public; voilà te droit
des gens , ou plutôt celui de la raifon.
- UnTrajfjfd'alIiance fâiienrre deuxNa-
ttons pour en opprimer uae troiOéme ,
D^ii...., Google
MéLXNOBf. 40 J;
n'eft pas l;égtt une ,& on peut I« violer {^s
crime...
Les payions des Fiioces , la padeoce
des peuples , la flatterie des écrivaiiuoDt
GoiKunpa tou3 les principes du droit pu-
blic. " , _ .
' Le droit public , tel qu'il e(t aujour-
d'hui , e(t une Tcience qui apprend aux
Princes jufqu'à quel point ils peuvent yio-
1er la juflice , fans choquer leurs intérêts.
Quel deÛeinde vouloir, pour endurcir
leur confciencé; mettre l'iniquité ei>lyf-
cême ; d'en donner des régies , d'en for-
mer des principes, & d'en tirçr des coo-
Xéqu^nces !
Du Change.
JLe Change eA une fixation de la valeur
àâuelle & momentanée des monnoies.
Cette, valeur eft relative dans le fens qu'-
on compare les monnoies d'un Etat ,
avec les monnoies des autres pays. Elle
ell iixée par l'edime la plus générale des
Négocians. Pour la fixer , les diverfcs
Nations fe règlent fur celle qui â le plus
d'argent.
Les opérations violentes fur les mon-
noies ne fçauroient .avoir lieu dans ces
lemps-ci. Un Prince fe troniperoit lui?
înême; & ne'tromper<fitpetronne.LetL
.D^ii...., Google
tre-tfes irionooies ne-peiicplus-êtreunïiei
crecLe Banquier fçaiclescom parer coDceSf
i& les^meitre à leurjtilïe râleur. Si le Prin-
ce altère fa monnoie , les efpèces fortes
fortent d'abord, &oh les lui renvote'foïr
blés. Le change a ôcé les grands coups
d'autorité. '
Les Banquiers font &its pour changer
de l'argent , & tsoa pas pour en prêter.
Quand ils fonf employés à faire des avan-
ces , leur art confille à le procurer de gros
profits de leur argent. ■
Depuis que piir l'ufage du change, les
richeflès ne font en quelque façon à au-
cun Etat en particulier , & qu'il y a tanc
de facilité à les tranfporrer d'un pays à un
autre , c'eft une mauvaife loi que celle qui
ne permet. pas de difpofer pour les affai-
res de fes fonds de terre, lorfqu'on peut
■ difpofer de fon argent. Cette loi eft mau-
vaife, parce qu'elle donne de l'avantage
aux effets mobiliers fur les fonds de terre,
parce qu'elle dégoûte les écrangers deve-
nir s'établir dans un pays, & enfin parce
'qu'on peut l'éluderj
Des Dettes publiques.
L'Etat peut être créancier à riàHnt ;
îaaisjlné petit., être débiteur c^xi'k un
Lijii.t... Google
Mil. à: KG ES. .. . iéy
cejtàtn dêgi'é , audelà diiqael le cittecm
ictéancier s'é\^iïouit. ■ - '
Les , papiers qui repréfemem là dette
publique .(îe la Nation , ne ^aurolenc
Mre avalntageds; parce qu'ils ôcént lo^
revenus Véritables de l'£tat à 'ceux quS
ont <Jé ra<£Hvité'& de finduftrfe', poirr
tes trailfportèT aux gens 6ilT6. '
. Il y a quatre cla0es de gens qui paient
les dettes de l'Etat ; les propriétaires des
fonds de rette, ceus qui exercent leur
indùllriè par le ïiégûcé, I&s laboureurs
&. aTcrfâhs', 'etxfinles' rentiers de ' l'Etat.
De ces qiiicfe'clafles, la dbrnieretianS
un cas'de nécefliié ,' femblexoît devoir
être ta ihoihs ménagée , parce qu'elle
eft entîéreniepc pàtîlve ; mais ;<;omme on
ne peQt"li,;'chatEef jitus fans détiiiire la
coDËàiTcâ piiiîjqire ,& comme la clàlft
des créànciefs'eft [oûjours la plus expô-
fée aujt projets des Miniilres , 'il fautqiie
l'Etat lui accorde une finguiiére pro-
tedion.
- ^ ■ Dis AYtt.
■ ^l'jNJîjds biênUéciiéqite l'urifltéque
l'oii tire des fciences & des arcs , - dédom-
mage les^^ohimésldu mauvais ufage que
Ton eij.'fiittiaûs les jours. . ' '
■ 'Prei^ufc'ib^ïés tes Mdftïrcïiies tfOnt
Google
agi MélASjass.
,iié fondées que fitr rignoruure'desans,
& d'ode été 'détraites que parce qu'on
ies a trop cultivés.
Il tfi yraj que les fondateurs des Em-
.pires. ont prefque tous, ignoré les arcs ;■
mais Us.les orit.^i^ exercer aux peuples
.vaincus; {«ns cpfa, leur puiOànce auroTc
paAIê comme Iç bruit du lonneiré & def
tempêtes. ■ , . ■
. Quand on dit q^e les ans rendent les
Jiommes effépinés., .on ne parle pas du
flioinî des gens cju; s'y appliquent» puif-
q.u'ils;ne'. fo,ot: jamais dans roifiveté, qui
'de cous les vices eH celui qui amollit
le plus le courage. Il n'ell donc quefr
cion que de ceux q^i en jouiffent.- Mais
comme dans un pays policé ceux qui
joiiiiteric descoqimodïiés'd'un arc, font
.obiigési d'en cultiver un autre, à moins
que de Ce voir réduits à une pauvreté
.hoDCeufei il s'enfuit que roifivecé Se la
molIeOe font incpmpatibles avec les arts.
Depuis l'invention de la poudre » il
n'y* plus de place imprenable, c'ell-
à-dire , qu'il n'y a plus d'afyle fur la ter-
re contre l'injuTlice 5c la' violence.
L'invention de la poudre a fait uue
çlioCe qu'on n'auroit pas foupçonDee ;
c'eft que la force des Armées a plus que
iamais confifté dans l'art ; car pour ;é-
Sidef à la yioleoce du caiiori ., & ncpas
Lijii.t... Google
M EL A N GE S. 20^
elTuyer un feu fupérieur , il a fallu de
gros Navires: mais à la grandeur de la
machine on a dû proportionner la puif-
iance de l'art.
~ Ces machines donc l'objet efl d'abré-
ter l'aTc , ne font pas toujours utiles.
î les moulins à eau n'étoient pas partout
établis , ils paroiiroienc moins utiles
qu'on le die ; parce qu'ils ont tait repo-
ser une infinité de bras, qu'ils ont privé
bien des ge'ns de l'ufage des eaux , &
ont fait perdre la fécondité à beaucoup '
dé terres. " ,
De VHonneur. . ' ' ' .
'Le monde eft l'école de ce qu'on ap-
pelle l'honneur. C'ed- là qu'on apptend
qu'il faut mettre dans les vertus une cer-
taine noblefle , dans les mœurs une cer-
taine franchife , dai^s les manières une
certaine politeffe. On n'y juge pas les
actions des hommes comtne bonnes , '
mais comme belles ; commejuftes , mais "
comme grandes ; comme raîfonnables','
mais comme extraordinaires. '
On y Teut de la vérité dans les dîf- '
cours , non par amour pour elle , mail ''
parce qu'un homme qui eft accoutumé à '
ladire, paroit être hardie libres.
L'honneur qui nous prefcrit Vobéiflàii*
S
j.i.i^ .., Google
^fO MéLAHGBS.
ce aax volontés du Prince, nous dît qœ
le Prince ne doit jamais nous prefcrire
une aâion qui nous déshonore , parce
qu'elle nous rendroh incapables de Je ier-
vir.
L'honneur chez les François ed le ué-
for facré de la Nation , & lé feui dont le
Souverain n'eft pas le maître., parce qu'il
ne peut l'écre fans choquer fes iocérêts.
. L'honneur permet ta galanterie, lorf-
qu'elle ed unie à l'idée ou Sentiment du
cœur , ou à l'idée de conquête : il per-
met la rufe , lorfqu'elle cft joinre à l'idée
de la grandeur de i'efprîi:, ou de la gran-
deur des aSâires , comme dans la politi-
que. Il ne défend l'adulacion, que lorf-
qu'elle efi réparée de l'idée d'une giao-
de fortune^
De/ Gais ieffùc.
Un bomaje d'efprit eft ordinairement
difiîcile dans les focïétés. 11 cboifîc pett
de' perfonnes , il s'ennuie avec le grand
nombre,^&»ja/gr^/K(, fait un peu fentif
ibh dégoût. Autant d'ennemis, il néglige
de plaire-; il ell porté à la critique , parce
qu'il voit plus de chofes qu'un autre & les
feric mieux. Il échoue dans fesentrepri-
fesVpsrce qu'il hazarde -beaucoup. Sa
vuç qui porte toujours- loin , lui (axi voi^
.. Google
MiLAHCBS. ^lE
des objets qui font à de trop ffraodes dif>
tances. Il néglige les menus détails, dont
dépend cependant; la réuflîte de prefque
toute; les grandes ï6aices,
; L.'hon}[oe.n]^diocreaucontraire,cIier'
che à tiier parti de tout : il lent bien qu'il
n*a tien à perdre en négligences. L'ap-
probation univerfelle ed plus ordinaire*
mène pc^ur l'honiiQe méaiecre. On _e(l
çUarmé de donner à celui-ci , on efl en-
chao^ç do;er|tceliii-U. Fendant quel'en-
yip fondïur l'un ^ Si qu'on ne lui pardon-
ne rien , on fupplée tout en faveur de l'au-
tre ; la vanité fe déclare pour lui.
- A)aûfiunJboEniiie,d'erprica tantdedé-
Tavantages , . fxe ne- dtHt-on pas dirt de 1^.
dure condtiioïi dés S^vans?
.' TmjB le5i$$avans étoienc autrefois ac-:
cufés de magie. A préfent que ces fortes
d'acc)ifatj)9RS font tombées dans le décri ,
cjRi a^pf i< lUi autre tour > & uq Savant ne
fçaçf oit gucKS éviter le reproche d'irrc-
ligiofi ou>d')iéréfte;-Il a beau être abfou
i:#.r Jfipcuplé> la plaie elï £uie , elle ne
fe fermera jamais bien. S'il écrit quelque
hiftoire, & qu'il aie delà nobleuc dans
^'efprit Si. quelque droiture dans le cœur ,
on lui fufcite mille perfécutions. On vou-
dra qu^fa pl>tfDe^{captÂv<£f (î eUe a'iCt
pas vénale. »
Ce ii'c(l point aQez pour un , Auteur
Cooglc
XI2 l>]éLAN£Ei.
d'avoir effuyé toutei ces infultes ; ce n'efl:
point aiTèz pour lui d'avoir été dans une
mciuiétinlecontimieU* furie fuccès de fon
ouvrage. Il voit le jour enfin, cet ouvra-
ge qui lui a tant coûté. Il lui attire des
querelles de toute parcs. Encore s'il pou-'
voit efpèrer d'obtenir quelque conddéra-
tionf Non. Il n'efl tout au plus , eftiiné
que de ceux qui fe font appliqués au mê-
me genre de Tclence que lui. £n(îniIfâDC
joindre à une -réputation équivoqae
la privation des plaifîrs & la perte de fa
^ famé.
Cependant il e(l plus heureux que ces
hommes lâches , qui abandonnent leur
foi pour une médiocre penfion ; qui > à
prendre toutes leurs impostures en dé-
tail , ne tïs vendent pis feulemtfoc une
obole ; qui rcnverfént la coaftitution de
TEmpire ; diminuent les droits d'une
Fuiffance, augmente CeuS- d'une autre;'
donnent aux Princes, âtent au peuple;
flattent les paffions qui font en Crédit de
leur temps , Se les vices qui font fur le
thrône.
D'une artaine Nation.
Cette Nation toujours écfa^ufTée par
être conduite plus àifément par fes paf- .
iîons que par k raifoa, qui se produit
.. Google
MiiÀncts. itj
jamais de grands effets fur l'érpric des
hommes. Cette Nation aime prod^îeu-
Jemeni fa liberté , parce que cette liber-
. té eft vraie. Pour Ja défendre, elle facrifie-
roit fon biet);, fon aifancej fes intérêts.
Cbacun y fait plus de cas de (i liberté
que de la gloire de quelques citoyens ,'
ou d'un feul. Cette Nation fouveraine-
ment jatoufe , s'afflige plus delà profpé-
rite des autres , qu'elle ne jouic de la
fienne. Elle n'eftime guéres que les hofti-
fftesqui ont des qualités réelles , qui fine
les richeflès & le mérite perfonnel. Elle
}ouit d'un grand fuperflu, & cependant
hs'chofes frivores y font profcrites, Com-
ftié on y eft toujijurs occupe defes in--
térêb-, on n'y a point cette (loliteflè,
q'ai -eft fondée fur l'oi'fîreté. Les femmes
y font modefles, c'eft-à-dire, timides.
Cétie timidité fait leur vertu , tandis
qbe les hommes, fans galanterie, 'fejecr
lïm dans -une débbuche qui 'leur laiBè
toute leur liberté & leur loifir. La plû-
llart awec de r«[pric j'.fbnt- toui'tnetiié»'
parleur efprit même. Dans là dédafa
ou le dégoût de toutes chofcs , ils font
malheureux avec tant de fujets de ne
l'être pas.
Les Anglois font le peuple du moa^
de qui a le mieux fçn fe prévaloir à la
LMii*»Googlc
tf4 M£ tÂjrcBs.
fois de ces trois grandes choies , la KeH-
gtoa , le Commerce , & la libené.
D'une certaine fociùé.
Elle regarde le feul plaifir de corn-
xnaoder , comme le ieul bien de la vie ;
mais il fera toujours beau de gouverner
les hommes , en les rendant plus heu-
iflux. Il.ell' glorieux pour elle d'aroit
été Î3. première qui aie montré daas lei
contrées de l'^mériqae , l'idée da la Re-
ligion joioce à celle de rfaumaaité. En
reparant les dévaftacions des ElpagoolSf
elleacommencé à giiérir une des gfan-
def plaies qu'aie encorie reçues le, genre,
hupain. Un fefjtiqncDt exquis pour tout
ce qu'elles ap{)elle^ honneur , fpn zèie
pour une Religion qui humilie bien plus
ceux qui, l'écouieut que ceux qui la prê-
chent , lui ont fait entreprendre de griin-
desichqfes, &,elleya rpuflî. EJle a titré
des boiis des peuples difperfési.elbî leur-
a, donné une iabi^riaâçç . aflgréa ,». elle
Jçs a vêcuï.
D^ii...., Google
CHAPITRE XXVIir.
Remarques Hijîoriques.
CArthage qui faifoic la guerre avec
fon opulence contre la pauvreté
! Romaine , avoit pour cela même du dé-!
; favantage. L'or & l'argent s'épuifent;.
mais la vertu, la confiance, la force
: & la pauvreté Jie s'épuilenc iamais. Les.
I Carthaginois avec un efpritnîercaDtils,
' firent toujours la guerre fans l'aimer.
Carthage périt , parce que , lorfqu'il;
' fallut retrancher les abus , elle ne put
foulTrir la mai a de Ton Annibal même.
Athènes tomba, parce que fes erreurs
parurent (ï douces , qu'elle ne voulut pas
'■ ert guérir ; & parmi nous les Républiques
' dlcalie qui fe vantent de la perpétuité do
leur gouvernement , ne doivent Te vaoter
que de la perpétuité de leitri abus. Le ,
I Gouvernement d'Angleterreefl plus faee,
: parce qu'il y a un corps qui l'examme
' concinuetlemenc & qui s'examîoe conci-
; nuellemeut lui - mêpio ; & telles fonc
fes erreurs qu'elles ne' font jamais Ion- ,
I gués, & que-par refprit d'attention qu'-
elles donnent a la Nation, elIos'fQDC fou-
D^ii...., Google
g
n6 Rbharqitbs
vent atiles. En an mot , un Gouverne'
meut libre , c'eft-à-dîre , toujours agité ,
ne fçauroit fie maintenir , s'il n'efl par fes
propres loix capable de correâion.
On ne peut jamais quitter r^^^oire des
Romains ; comme encore aujourd'hui
dans leur Capitale^ on laiffe les aoaveaux
Palais pour aller chercher des ruines. Le
Peuple Romain plus qu'un autre s'émou-
voît par les fpeiflacles. Celui du corps
fangUnt de Lucrèce Ht lînir la Royauté.
Le débiceut qui parut fur la place cou-
vert de plaies, fît changer la, forme de la
République. La vue de Virginie (icchan-
;er les Décemvirs. La robbe fanglaniede
;éfar remit Rome dans la fervirude.
Les premiers. Gouvernemens dujtion-
de furent Monarchiques. Ce ne fut que
par hazard & par ta fuccelHoa des fié-
cles> quêtes Républiques fe formèrent.
L'amour de la liberté , la haine des
Rois conferva long -temps la Grèce dans
riniilépendance, & étendit au loin le Gou-
verhement Républicain.
L'Afie & TAfrique ont toujours été
accablées fous le Defpotifme , fï vous en
exceptez quelques Villes d'Afie mineure
Se la, République de Carthage en Afri-
que,
'L'Afie a été fubjuguée treize fois, on*
ze fois pu les Peuples du Nord , deux
. Google
HlSTOBIQUBS. 117
foU par ceux du Midi. Dans les temps re^ .
eulésj les Scythes la conquirent nois fois;
enfuite les Médes & les Ferfes chacun
une ; les Grecs , les Arabes, les Mogois ,
les Turcs, les Tartares., tes Ferfans £c
les Agaaps.
En Europe on n'a vu depuis l'éiablif-
fement des colonies Grecques 6c Phéni-
ciennes que quatre grands changemens ;
le premier caufé par les conquêies des
Komains, le fécond par les inondations
des Barbares, letroifiémeparlesvidoires
de Charlemagne, & ledernier par les inva-
fîons des Normands. On fçait ia difficul-
té que les Komains trouvèrent à conqué-
rir en Europe , & la facilité qu'ils eurent
à envahir l'Afie. On connoit les peines que
les peuples du Nord eurent à renverfer
l'Empire Romain. Les deAruâeurs é-
loient fans celTe détruits..
Les Tartares paroîflent entr'eux dour
& humains ^ Si ils font des Conquérans
très-cruels : ils palTeot au fil de l'épée les
habîtans des Villes qu'ils prennent. Cet
horrible droit des gens vîenc de ce que
n'ayant point eux-mêmes de ViUes, ni
aucun art pour les afliéger , ils s'expo-
foient beaucoup en les affiégeaut, Ilsven-
eeoient donc par le fang tout celui qu'ils
venoient de répandre,
Les Fartbes ne purent fu^rter Mi".
Pjii.t..Googlc
2i8 Kbharqvbs
thridate, c^i ayatiEécéélevéàRome, Te
rendît a(&ble & acceinble à tout le moa-r
de. La liberté même a paru infupporca-
ble à dés peuples qui n'étoieut pas accou-
luméiàeQ jouïr. C'eft ainG qu un air pur
ed quelquefois nuifible à ceux qui oncvér
eu dans des pays marécageux.
A Sparte une des principales peines fut
de ne pouvoir prêter fa femme à un au->
tre , ni recevoir celle d'un autre ; de n'ê-
tre jamais dans fa mallbn qu'avec des
vierges. Tout ce que la loi appelle une
peine, eft efièâivement une peme.
A Rome il fut permis au mari de prê-
ter fa femme à un autre. Caton prêta fa
femme à Hortenfîus , & Caton n'étoit
point homme à violer lesloix de Ton pays.
Cétoituneloi politique établie pour don-
ner à ta République des enÊtns d'une lK>n?
ne efpèce > fi l'on peut fe (êrvir de ce te»
me.
A Athènes & à Rome , en établilTaac
lafrcgalité domeflique, on a voit ouvert
la porte aux dépenfes publiques ; & com-
me la Rel^ioQ demande qu'on ait les
mains pures, pour faire des offraodesaux
Dieux; lesloix voulaient des mœurs fm-
galet , pour que Tpn pût donner à fa pa-
trie.
L^es Samnites avoient une coutume qui
4evoii produire d'adtniiables effets, Oa
HlSTOHIQlTKS. JIIJ .
afTemblioit tous les jennes gens , & on les
jugeoit. Celui qui écok déclaré le meiU
lear de tous, prenoîc pour fa femme la
fîlte qu'il vouloir; cehii qui avoîc les fuf-
frages après lui choinObic encore > Se
ainlidefaiie.Oanetegardoit entre les biens
desgar^oDs, que les oelles qualités Sz les
liervices rendues à la patrie. L'amour, la
beauté , la chafteté , la vertu , ta naiOan-
ce > les richefles même ; tout cela étoic ,
pour ainft dire , la dot de la vertu.
Sous le régne de- S. Louis , on ne pou-
voir pas coucher enf^mble la premier
te nuit des noces , ni même les deux fui-
vantes, fans en avoir acheté la permiflîoa
des Evêques. C'étoit bien ces trois nuits-
là qu'ilfalloitchoifirj car pour les autres
on u'auroit pas donné beaucoup d'argent.
Aridippe ayant fait naufrage, nagez
& abordaau rivage prochain. Il vit qu'on
Bvoit tracé fur le fable des figures de
géométrie : il fe femit ému de joie ,
jugeant qu'il étoii arrivé chez un peuple
Grec , Je non pas chez un peuple bar-
bare. Soyez feul , Se ariivé par quel-
que accident chiz un peuple inconnu ;
il vous y voyez une pièce de monnoie,
coînptez que vous êtes arrivé chez une
îfation policée.
On a vu le commerce fortir du feindc
la yCTUÙotf & dudéfefpoir, I<es Juiâ
Tij
. . Google
^2D RbhARQVSS
profcrifs cour-à-tour de chaque pays,
crouverenc le moyen de fauver leurs çf-
iets. Ils inventèrent les lettres dechaogc,
& par ce moyen le commerce put élu-
der Ja violence & fe maintenir par-tout,
le négociant le plus riche n'ayuit que
des biens inviGbles qui pouvoienc être
covoyés par-tout , & ne laifloiem de tra-
ce nulle part.
. Les Juifs enrichît par leurs exac-
tions , furent pillés par les Princes avec
la même tyrannie. Un Juif à qui on ar-
racha fcpi depts , uoe chaque jour, don-
na dix mille marcs d'argent à la hui-
tième. C'ed aiufi que Jean, Roi d'AnT
gteterre , fairoit fa chambre de Juftice.
Combieu ne s'eft-on pas joué de cette
Nation d'yn fiéclç à l'autre ? On confif-
quoic leurs biens , lorfqu'ils voaloienc
être. Chrétiens ; & bientôt après on les
6c brûler , parce qu'ils ne voulureôt pas
l'être.
L'biftoire de Sabbacout un des Rois
Fadeurs , e(l admirable. Le Dieu dt
Xbébes lui apparut en fooge , & lui or-
donna de faire mourir tous les Prêtres
d'Egypte. Il jugea queles Dieux n'avoient
plus pour agréable qu'il régnât , poif-
qu'ils lui oraoonoteiit des cbofes lî con-
traires à leur volonté ordinaire , & il fe
«îira en Ethioipiç^
Djii..... Google
tilStORIQVES. m
Après la S. Banhelemii Gh;^Ies IX
ayant écrit à toas les Gouverneurs de fù*
ré maflacrer les Huguenots, le Vicomce
JOorte qui commandoit dans Bayonne ,
^rivjt au Roi: » Sire, je n'ai trouvé
» parmi les habicans & les gens de guer-
û re , que de bons citoyens , debraves
39 foldats , êc pas un bourreau : aîntî
3* eux & moi fupplîons Votre Majefté
s> d'employer nos bras & nos vies à chofej'
» faîfables. » Ce grand & généreux cou-
rage regardoit une lâcheté comme une
^ofe impoflîble.
Le plus beau Traité de Paix eft celui
que GeloQ fit avec les Carthaginois. Il
voulut qu'ils aboliOènt 1a coutume d'im-
moler leurs eofans. Après avoir défait
trois cens mille Carthaginois , il exigeoic-
une condition qui n'écoit utile qu'à eux ;
ou plutôt il fUpuloic pour la nature hu-
maine.
Lopès de Gama dit que les Efpagnol*
trouvèrent près de Sainte Marthe, des,
paniers oii les Habîtans avoietlt dés den-
fées; c'étoient des cancres-, des cigales,
des fauterelles. Les vainqueurs en Jîrenc
un crime aux vaincus. L'Auteur avoue
que c'eft là-dcflTus qu'on fonda le droic
qui rendoit les Américains efcUves des '
Érpagnols , outre qu'ils fumoient du la-
Tiij
D.5.i.i=t; ^ Google
211 Remarquas
bac & qu'ils ne fe faifoieRi pas la barbe à
l'EfpagnoIe.
Les femmes de l'Amérique fe faifoienc
avorter, pour que leurs enfans n'eufTent
pas des maîtres suffi cruels. I^ doieté
du Gouvernement peut aller julqu'à dé-
truire les fentimens naturels , par tes fen-
timens naturels mêmes.
Un ancien ufage des Komains défendit
de faire mourir les Biles qui n'écoiencpas
nubiles. Tibère trouva l'expédient de les
laire violer par le bourreau , avanc de les
envoyer au uipplice. Tyran fubiil &. cruel,
il détruifoit les mœurs, pour cooferver
tes coutumes.
., L'Hifloire dit que les horribles cruau*
tés de Domitien effrayèrent les Gouver-^
juurs, au point que le Peuple fe rétablit
un peu fous fon règne. C'elï aind qu'^m
torrent qui ravage tout d'un côté, laiOè
de l'autre des campagnes où l'ceil voit
de loin quelques prairies.
Juftinien avoit pris fur le Théâtre une
femme qui s'y étoit long temps profil-.
tuée. Elle le gouverna avec un empire
qui n'a point d'exemple dans les hiCloires,.
& mettant fans celle dans les affaires les
paflîons & les fancailîes de fun fexe , elle
corrompit les victoires & les fuccès les
plus heureux.
M Nos Anciens, dit un Empereur Où-
D^ii...., Google
■ Historiques. 2ij
ytnoljf tenotenc pour maxime, que s'il
» y avoic un homme qui ne labourât
3> point: , ou une ^femme qui ne s'occupât
» poinc, quelqu'un, fouffroît le froid on
x> I2 faim dans l'Empire ; » 8c fur ce
principe il fie détruire une infinité de Mo-
nailères de Bonzes,
Henri VIII voalanr réformer l'Eglifc
en Angleterre, décruific les Moines,
Nation parefleufe elie-mème , ôcquien-
creEenoît la parelTe des autres ; parce
qoe praciquani t'hofpicatité, une infinité
de gens oififs, Gentils hommes & Bout-
geois palToient leur vie à courir de Cou-
vent en Couvent. Il ôca encore les Hôpi-
taux où le bas Peuple irouvoic fa fubftan-
ce, comme les Gentilshommes irou-
voient la leur dans les Monaftères, De-
puis ces chaogsmens, refprît de coni>
merce & d'indullrie s'établit en Angle-
terre.
A Rome , les Hôpitaux font que tout
le monde elt à fon atfe , excepté ceux
qui travaillent, excepté ceux qui ont de
l'induftrie, excepté ceux qui cultivent les
atts, excepté ceux qui ont des terres,
excepté ceux qui font le commerce.
- - Quand le Kan de Tartarie a diné , en
Hérault crie, que tous les Princes de la
terre peuvent aller diner, fî bon leur
fembie ; 6c ce barbare qui ne mange que
Tiv
D^ii.t..,Go'oglc
224 Remarques
du lait, qui n'a pas de mailbn, qaîne
vit que de brigandages, regarde tous les
Bois du moDoe comme fes efclaves , &
les infulce régulièrement deux fois par
)our.
L'Empereur de la Chine eft informé
chaque année du Laboureur qui s'eft le
plus diflingué dans faprofefTion, illefâit
s,i\1andarin du huitième ordre. Dans la
Midi de l'Europe , où les Peuples font fi
fore frappés par le point d'honneur, il
feroit bon de donner des prix aux Labou-
leurs qui amoienc le mieux cultivé leur
champ, ou aux ouvriers qui aoroJent
porté plus loin leurinduftrie.
Au Tonquin, les Eunuques ne peu-
vent &. pafler de femmes, & ils fe ma-
rient. La toi qui leur permet le mariage
ne peut être fondée d'un côté que fur la
considération que l'on y a pour de pa-
reilles gens> & de l'autre fur le mépris
qu'on y a pour les femmes. C'eft alors
que les fens qui relient , veulent oblliné-^
ment fuppléer à ceux que l'on a perdus ;
& que les entreprîfes du défefpoir font
une efpèce de jouifTance. AinG dans
Milcon cet efprit à qui il ne refle que des
delirs , péaétré de fa dégradation , veut
faire ufage de fon impuilTance même.
On ne voit point dans les hîAoires que
lei Komains le filTent mourir ians fujet.
D.5.i.i=t; ^ Google
Historiques. 21$
mais les Angtois fe tuenc dans le fein
même du bonheur. Cette aâïon chez
les Romains étok l'efïèt de réducacion ;
chez les Ânglois » elle eft l'efTec d'une
maladie. La douleur efl un mal local
qui nous porce au dedr de voie cefler cet-
te douleur ; le poids de la vie eft un mal
qui n'a point de lieu particulier , & qui
nous porte au defir de voir finir cette vie.
C'ell une bonne coutume des Mal-
dives, que , lorfqu'un Seigneur eA dif*-
gracié,. il va tous les jours faire fa cour
au Roi , jufqu'à ce qu'il rentre engra'
ce : fa préfence défarme le courroui du
Prince.
Charles XII étajit à Bender , trouf
vant quelque réfiflance dans le Sénat dp
Suéde , écrivit qu'il leur enverroit une
de fes bottes pour les commander. Cet*
te botte auroit gouverné comme un Roi
Defpotique.
Dansle temps des Croifades, unCom-
le François alla fe mettre fur le Thrône
de l'Empereur ; le Comte Baudouin le
tira par le bras, & lui dit : Vousdevez
fçavoir que quand on efl dans un pays ,
il en faut fuivre les ufages. Vraiment,
voilà un beau payfan , répondit •il, de
s'affeoir ici , tandis que tant de Capitai-
nes font debout. ,
Les François ont été chapes neuf fuis de
.i.i=t. ... Google
^i6 Remarques
l'Italie, àcEinre, dirent les HiftonenSf
de leur infolence à l'égard des femmes
êc des filles.
Soixante - dix perfonnes coafpirerenc
contre l'Empereur Bafile ; il les Ht fulli>
ger , on leur brûla les cheveux & le poil.
Un cerf l'ayant pris par la, ceinture ,
quelqu'un de fa fuite tîra Ton épée , cou-
pa la ceinture , & le délivra : il lui tït
trancher la tête , parce , difoit • il , qu'il
avott ciré l'on épée contre lui. Qui pour-
roit penler que fous le même Prince oa
eât rendu- ces deux jugemens ?
Les Empereurs TA^o(/o/c, Arcaiius&'
Honorius écrivirent à Ku^R| Préfet d a
Prétoire : « S! quelqu'un [larle mal de
3» notre perfonne , ou de notre gouver-
» nemeut , nou^ ne voulons point le pa-
9» nir : s'il a parlé par t^éreie , il faut le
M méprifer; (î c'ed par folie, il faut le
» plaindre; lî c'ell une injure, jt faut
» lui pardonner.
Une loi des Empereurs { Gratien ,
Valtntinien &- Tkéodoji] pourfuivoitconv
me facriléges , ceux qui mettoienc en
queflion le jugement du Prince , &dou-
toient du mérite de ceux qu'il avoît choî-
lis pour quelque emploi. Ce furent bien
le cabinet Ôc les favoris qui établirent ce
crime.
Les loix de la Chine décident que
.i.i=t; ^ Google
HlJTORIQUES. «;!•
quiconque manque de te(peâ à l'Empe-
reur, aoù être puni de mort. Deuxper-
fonnes chargées de faire la gazçcte de la'^
Cour, ayant mis dans quelque fait des
circonftances qui ne fe trouverenc pas
vraies , on die que mentir dans une ga-
zette de la Cour , c'étoît manquer de
reljpeâ à la Cour; & on les fit mourir.
L'Empereur Theodofe Lafcaris attti-
buoit fa maladteàla magie. Ceux qui en
çtoieuc accufés n'avoiem d'autre relfouf'
ce que de manier un fer chaud fans fe
brûler. Il eût été bon chez les Grecs
d'être magicien , pour fe juftiBer de la
magie.
- Une Loi d'Angleterre paflce fous Hen.'
ri VIII, déclaroit coupables de haute
trahifon tous ceux qui prédïroient la more
du Roi. Dans la dernière maladie, les
Médecins n'oferenc jamais dire qu'il fiît
en danger, & ils agirent fans doute en
conféquence.
L'Empereur Tkéodofe fie pafTer au fil
de l'épée tous les Habiians d'une Ville,
même Us femmes & les petits enfans:
i'étant enfuiie préfemé pour entrer dans
une Eglife, l'Evêque Ambroife lui fie
fermer les portes, comme à un meurtrier
& à un facrilége ; Se en cela il fit une ac-
tion héroïque. Cet Empereur ayant en-
fuite fait la pénitence qu'un tel crime
D^ii...., Google
éx'iseoK, ayant été admis dans l'Eglife^
s'alk placer parmi les Prêtres : le même
£vêque l'en m fortir ; & en cela il eom-
iliit l'adion d'un fanatique. & d'un fou :
tant il eft vrai que l'on doit fe défier de
fon zélé.
Comme dans Itf temps que l'Empire
Romain s'aiFoibliflbit, la Religion Chré-
tienne s'établifToit ; les Chrétiens repro-
Choient aux Païens cette décadence , &
ceux-ci en demandoient compte à la Re-
ligion Chrétienne : & comme autrefois
dans Rome HorilTante on attribuoic les
débordemens du Tibre & les autres éfïêts
delà nature à la colère des Dieux; de
même dans Rome mourante on imputoit
les malheurs à un nouveau culte , & au
renverfement des anciens autels.
Des feâes de Fhilofophte introduilî-
zent dans l'Empire Romain un efprit d'é-
'loignemenc pour les aiTaires , pour les
foins & les embarras d'une famille. La'
Religion Chrétienne venant après la Phi-
lofophie, fixa , pour ainfi dire, des idées
que celle-ci n'avoit fait que préparer. Le
Chriilianifme donna fon caraâère à la
Jurifprudence : car l'Empire a toujours
du rapport avec le Sacerdoce.
Les changemens de Constantin furent
faits fur des idées qui fe rapponoient à
Pétabtiirement du CbriflianJUne > ou fur
H 1 5 T O R T Q U B s. ^2f
4cs idées prifes de la perfeâipo. Oa nç .
cenà de prêcher par-tout la continence,
c'ell'à-dire , cette vertu qui eft plus par-
faite^ parce que par fa nature elle doit
être pratiquée par très - peu de gens. I^a
çaémç raifoo de rpirituafité qui avoit faïc
permettre le célibat , impofa bientôt la
nécefljté du célibat même.
.. La fource la plus empoifonnée de tous
les mallieurs des Grecs, c'eft qu'ils ne
connurent jamais la nature ni les bornes
de la puifTacce eccléTialltqiie & de la fé-
culiere ; ce qui fît que l'on tomba de part
^ d'autre dans des égaremens continuels.
Cette grande diilindion qui eft la bafe
fur laquelle pofe la tranquillicé des Feu-
pies , eft fondée non - feulement fur I^
Religion , mais encore fur la raifon & la.
oature qui veulent que des chofes réelle-
menc féparées, & qui ne peuvent fublîf-
ter que féparées , ne foient jamais con-
fondues.
Quand on penfe à l'ignorance profon-
de dans laquelle le Clergé Grec plongea
les Laïques, oti ne peut s'empêcher de
les comparer à ces Scythes dont parle
Hérodote, quicrêvoieni les yeux à leurs
efclaves, afîn que rien ne pût les ditlraire,
lorfqu'ils baitoicnt leur lait.
Les Evêques eufenc upe autorité im'*
^çnfe à l^Cour des Rois ^Tilî^otlis : |ef
.i.i=t; .., Google
)2;0 . KbHARQUES
afraîres les plus importantes écoieoc dé-
cidées dans les Conciles, Nous devons
30 code des Wifigaths tous les principes
de rinquifirion d'aujourd'hui , 6c les
Moines o'onE fait que Copier contre les
Juifs des loîx .faites autrefois par les
Evêques.
Le droit Romain fut retenu chez ïet
Francs par les EccléiîaAiques , parce
qu'ils n'avoient point d'intérêt à changer,
& il leur convenoit d'ailleurs , parce qu'Û
çtoit l'ouvrage des Empereurs Chrétiens.
Les luix de S. Louis changèrent moins
la jurifprudence Françoife , qu'elles ne
donnèrent des moyens pour la changer.
Elles ouvrit de nouveaux tribunaux; A:
quand on put parvenir aifément àcelui
qui avoit une autorité générale » les jn-
{[emeas qui auparavant ne fatfoient que
es ufages d'une Seigneurie particulière»
formèrent une jurifprudence uBiverfelle.
Ain(i les étahlijfemens qui étoient d'abord
un code amphibie oîi l'on avoit mêlé la
Jurifprudence Françoife avec la loi Ro-
maine, eurent des effets qu'on n'auroic
fias dû attendre du chef- d'œuvre de la
égiHation. Le Parlement jugea en der-
hier reflfort de prefque toutes les affaires
du Royaume. AuparavaBt il ne jugeoit
que de celles qui ctoient entre les Ducs,
CtiAices, Barons, Evê^ues, Abbés, ou
HiSTORIQUBS. ^31
entre le Roi & (ci Vaflaux , ptucôc dans
le rapport qu'elles avoïent avec l'ordre
politique , qu'avec l'ordre civil. Bientôt
on fut obligé de le rendre fédemaire » au
lieu qu'il ne fe tenoit qu'une fois par an ;
A: enËD on ep créa plufieurs, pour qu'ils
puiTent fuJÎire à toutes les aSàires.
Comme la jurifdidlion eccléfîadiqae
avoit énervé la junfdiiflion des Seigneurs,
& contribué à donner par-là des forces
à la jurifdiâîon royale ; la jurirdîAioo
royale reflraignit peu-à-peu la jurïf-
diâion eccléfiaftique , & celle-ci recula
devant la première. Le Parlement qui
avoit pris dans fa forme de procéder ,
tout ce qu'il y avoit de bon êc d'utile
dans celle des tribunaux des clercs , ne
vit bientôt plus que les abus ; & la jurif-
diâion royale fe fortifiant tous les jours ,
elle fut toujours plus en état de corriger
ces mêmes abus.
On peut juger par le Glence du Cler-
gé, qu'il alla lui-même au-devant de la
corredion ; ce qui , vu la nature de l'ef*
prit humain, mérite des louanges.
ï> Notre Éfc ell devenu pauvre, ( di-
foît Chilperic, petit-fib de Clovis] te
M nos ticheiïes ont été tranfportées au¥
» Eglilei ; il n'y a plus que les Evêques
» qui régnent ; ils {ont dans la grandeur^
V êi nous n'y fommes plus, k
D^ii...., Google
Vs* -Rbmarqcbs
' Alors les Maires dépouillèrent I«
'Eglifes. PepÎD entra en Neuftrie , ioai
"prétexte qu'il y avoic été invité par les
ïccléfialliques , pour arrêter les entrer
prifes des Maires qui privoient l'Eglife
de tous fes biens. Ces Pépins dont les
Moines vantèrent la dévotion & la libé-
ralité, avoient occupé eux - mêmes les
premières places de l'Eglife. » Un cor-
» beau ne crève pas les yeux à un cor-
»beau, «dlfoitChilperic aux Evêques.
■pepin fe rendit maître de la Monar-
cliie , en protégeant le Clergé ; Charles
Martel fon fils , ne put Te maintenir qu'en
l'opprimant. Il prit pour lui & pour fes
Capitaines les biens des Eglifts, & les
Eglifes mêmes , & fit ceffer un mal qui ,
à la différence des maux ordinaires, étôit
d'autant plus facile à guérir, qu'il étoit
extfême.
Comme Charles Martel avoit trouvé
le patrimoine public entre les maîns des
Èccléfiaftiques , Charlemagne trouva les
biens des Eccléfiaftiques entré les mains
des gens de guerre. On ne pouvoir fiiire
leftituer à ceux-ci ce qu'on leur avoit
donné. D'un autre cô^é le Chriftianifine
ne devoir pas périr faute de Mîniftres,
de Temples & d'inftrudlioo. Cela fit que
Ckarkmagne établit les dixmes, nouveau
genre de bien qui eut cet avantage pour-
. Google
Historiques. ajj
le Clergé, qu'étant fînguliérentent don-
né à l'Eglife , il fuc plus aifé dans la fuke
d'en reconnoître les ufurpations.
Le Clergé recevant des mains des
riches & des pauvres, a cane acquis,
qu'il faut que datis les crois races de
nos Rois, on lui aie donné plufieurs
fois cous les biens du Royaume. Le
Clergé a toujours acquis , il a toujours
rendu, Çz il acquiert encore.
Il y a deux fiécles qu'une maladie in-
connue à nos pères, paUà du nouveau
monde dans celui-ci, 8c vinc attaquer
la nature humaine jufques dans la four-
ce de la vie & des plaiflrs. On vit la
plupart des grandes familles de l'Euro-
pe périr par un mal qui devine trop
commun pour être honteux, & ne fuc
plus que funefte.' Ce fut la foif d« Tôt
qui perpétua cette maladie ; on allafans
cefTe en Amérique, & on en rapporta
toujours de nouveaux levains.
La fortune de la Maifon d'Autriche
fut prodigieufe. Charles-Quinc recueil-
lit la fuccellion de Bourg<^ne , de Caf-
tille Si. d'Arragoti: il parvint à l'Empi-
re; & pour lui procurer un nouveau
genre de grandeur, l'Univers s'ciendic,
& l'on vit paroître un monde nouveau
fous fon obéiflànce.
Beaucoup de gens déplorent l'aveugle-
D^I;.t..,GOOglC
1I4 ReuakqU'BS
ment du Confeil.de François I , quï
rebuta Crijîophe Colomb qui lui propo-
foit les Indes. On fit peut-être par im-
prudence une chofe bien fage. L'Efpa-
gne a fait compte ce Roi infenfé, qui
demanda que tout ce qu'il toucheroic
ie convertit en or, £c qui fut oblfgé de
demander aux Dieux définir fa milère.
Qui ne feroit étonné de voir Grégoi-
re de TouTf qui, après avoir parlé des
afTaÛtnats de Clovis, dit que cependant
Dieu proilernoic tous les jours fes en-
nemis , -parce qu'il marchoit dans fes
voies? Que fuppofe la flatterie, que
la foibleÂe de celui qai eft obligé de
flatter?
11 y a loDg-temps que les Chrétien»
affranchirent tous les efclaves de leurs
ïltats, parce, difoient-ils, que le Chrif-
tianifme rend tous les hommes égaux.
Jl ell vrai que cec fufle de Religion leur
étoit très-utile, parce qu'ils^ abbaiObienc
par- là les Seigneurs de la puiffance def-
quels ils retiroîentle bas peuple. Us ont
enfuite fait des conquêtes dans des pays
où ils ont vu qu'il leur étoît avanc^eux
d'avoir des efclaves : ils opt permis d'en
acheter £ç. d'en vendre, oubliant ce
principe de Ketïgion qui les touchoîc
tant : vérité daps un temps, erreur dacis
^ autre.
D^ii...., Google
HiStORiQUÉ*. âJÎ
Avant l'abbaiiTemencde la puilTaace
d'Efpagne, les Catholiques étoient beau-
coup plus forts que les Proteftans. Ces
derniers font peu-à-peu parvenus à un:
équilibre ; & aujourd'hui la balance com-
mence à remporter de leur, côté: cette
fupérîorité augmentera tous les jours ;
les Froteftans deviendront plus riches Se
plus putÛans, & les Catholiques plus
foibles,
I*j Pays Protçftans doivent être Si
foot réellement plus peuplés que les
Catholiques ; d'o^ il fuit que les tributs
y font plus confidérables , que les ter-
res y font mieux cultivées, enfin que
le commerce y fleurit davantage, parcs
qu'il y a plus de gens qui ont une for-
tune à faire , & qu'avec plus de be-
foins, on y a plus de leflburces pont
les remplir.
Les : Politiques Grecs qui vivoient
dans le gouvernemenc populaire, ne re*
connoiâoient d'autre force qui pûc les
foutenir , que celle de la vertu. , Ceux
d'aujourd'hui ne Qous parlent que do
tDanufaâarest de commerce, de flnan*
ces, de richeflès & de luxe même^
Les Loix Grecques Se Romaines pu'
niflbient le receleur du vol comme le vo-'
-leur; la Loi Ftançoife. fait de même.
Celles-là étoient raifooaablei» ceUe-fi
Vij
D^ii...., Google
Ajfi Bbmarqubs'
ne l'efl pas. Chez les Grecs & chez les
Romains, le voleur étoic condamné à
une peine pécuniaire , il falloic pa-
nir le receleur de la même peine;
car tout ce qui contribue de quelque
façon que ce Toit à un dommage^ doit
le réparer. Mais parmi nous la peine
. du vol étant capitale» on n'a pas pu,
iaos outrer les chofes, punir le rece-
leur > comme le voleur.
La lot de Holon , qui déclaroït infô*
mes tous ceux qui dans une fédition ne
prendroient aucun parti , a paru bien
extraordinaire. Mais il faut faire atten-
tion aux ciiconflances dans lefquelles la
Grèce fe trouvoic pour lors. Elle étoit
partagée en de très-petits Etats. Il étoit à
craindre que dans une République tra-
vattlée par des difculHons civiles, les
gens les -plus prudens ne fe minent à
couvert, 6c que par-là lés chofes ne fuf-
feni portées iVextièmîté.
Quand la Sagefîe divine dît au peu-
ple Juif: n Je vous ai donné des pré-
Mceptes qui ne font pas bons; « cela
lignifie qu'ilf n'avoîent qu'une bonté re-
lative ; ce qui eft l'éponge de toutes les
difficultés que l'on peut faire fur les
Idîx de Moïfe.
» Quand ton irere, ou ton fîls, oa.
,jta femme bïen-ainiée, <m ton i&ari
.i.i=t; .., Google
Historiques. i\j
,, qui eft comme ion aine> diront en,
,, fecret: Allons à d'autres Dieux j la
»> les lapideras. Cecte loi du Lévitlqu^
ne peut être une Loi Civile chez U
plupart des^Peuptesque nou^ copnoilTotiSK
{>arce qu'elle y duviicoit laporteàtOu»
es crimes.
La preuve par le combat finguli'er,
uGtée parmi nos Pères , a. voit quelque rai-
fonfondéeTur l'expérience. Dans une Nan
tion uniquementguerriere, Iapolcroaeri0
fuppofè d'autres vices. Elle prouve qu'oq
a réliflé à l'éducation qu'on a reçue; elle
fait voir qu'on ne craint pas le mépris des
hommes > & qu'on ne fait point de cas ,
de leur ellime : pour peu qu'on foit bien
ué , on n'y manquera pas de l'adieûe qui
doit s'allier avec la force, ni de la force
qui doit concourir avec le courage. Dans
une Nation guerrière , où U force , le
courage & la prouelTe iont en honneur»
les crimes véritablement odieux font ceux
qui nailTent de. la fourberie, de la finelTe
Sx. de la rufe) c'eft-à-dire» de la poltio-
nerie.
. Quant il la preuve par le feu , après
que raccufé avoic mis la main fur un
fer cbaifd % ou^ans l'eau bouillante, on
eoveloppoii la main dans un lac que l'oii
cachetott : fi trois jours apr^i .il ne pa*
{oiiibit pas i^e; marque de biulure, on
D.5.i.i=t; 1, Google
A)8 Rbharqubs
étoit déclaré innoceac. Qui ne voit que
chez un peuple eitercé à manier des
armes > la peau rude & calteufe ne dé-
voie pas recevoir aflez i'impretlioR du
Set chaud ou de l'eau bouillante , pour
qu'il y parÛE -trois jours après ? £c s'il
y paroiuoît , c'écoic une marque que ce*
lui qui falfoit l'épreuve > écoic elfémlné.
Or dans les circoottances des temps oà
ces fortes de preuves étoient en ulage,
il y eut un tel accord de ces loix avec
les mœurs , que ces lois produilîreDC
moins d'iajuftices , qu'elles ne furent in*
juftes.
Il y a à préfeiit dans le monde ane
République qui dans le fecrec At dans
le lîlence augmente fes forces chaque
}our. Si elle parvient jamais à l'état de
grandeur où fa fageOe la delline ^ elle
changera néceflâirement fes Loix , & ce
ne fera point l'ouvrage d'un Légiilaceurt
mais ceîui de la corruption même.
On dît qu'il y a un Prince dans le
monde qui travaille à abolir dans fes Etats
le Gouvernement Civii, pour y établir
le Gouvernement Militaire. Sans faire
des réflexions odieufes fur ce delTein, on
peut dire feulement, que par la- nature
des chofes, deux cent Gardes peuvent
mettre la vie d'un Prince en fureté, So
non pas quatre-vingt milles outie^i^ao
D^ii...., Google
HlSTOSJQUfiS. JJ9
Peuple armé e/l plusdangéreufementop
prlmé^ (^u'un Peuple qui ne l'eft pas.
Le Koi de France efl le plus puilTant.
Prince de l'Europe. II n'a point démi-
nes d'or comme iq Roi d'Kfpagiie fon
Voifin ; mais il a plus de fichefies qiie
lui , parce qu'il les tire de lavanîiédo
fes fujets , plus inépuifable que les mines*
Une maladie nouvelle s'eft répandue
en Europe. Elle a faifi les Princes Se
leur fait entretenir un nombre dérordon-
aé de troupes. Elle a fès redoublemens,
& elle devient nécclTairemenc concagieu-
fe. Car fitôt qu'un Kcac augmente ce
3u'il appelle fes troupes , les autres fou-
aia augmentent les leurs, de façon
qu'on ne gagne rien par -là que la ruine
commune; oc on nomme paix, cet étac
d'effort de tous contre tous. Nous fom-
,mes pauvres avec les lichefTes & le com-
merce de tout l'Univers ; Sq bientôt à
force d'avoir des foldats^ nous n'aurons
plus que des foldats.
Chez lies Gerrûaim il y avoit des Vaf-
faux , & non pas des Fiefs. Il n'y avoîc
point de Visa, parce que les Princes
n'avoient point de terres à donner. .11 j
avoîc des vaJTaux , parce qu'il y avoic
des hommes fidèles , liés par leurs pa-
role & engagés pour laguerre
Il n'efl: pas Yfai que les Francs entrant
D^ii...., Google
^40 RbU AEQUE S
dans la Gaule aienc occuf^c tontes les
Tprres du Pays pour en faire des Fiefi.
Si toutes les Terres du Royaume avoïenc
ét^ des Fiefs^ & cous les hommes da
Royaume desYaHaux ou des Serfs ; com-
me celui qui a les bieos a toujours auffi
la puiÛânce , le Roi ànroic eu une puif-
fance aufH arbitraire que celle du Sultan
l'eft en Turquie.
Des Peuples Timplés , pauvtes, libres,
fuerriers ( ttls que Us Germains &■ lu
rancs) qui vivolenc fans iadutlne & ne
tenoient à leurs terres, que par des cafés
de jonc, fuivoîent des Chefs pour faire
du butin , & non pas pour payer ou le-
ver des tributs. L'art de la malcoce eft
toujours inventé après coup, & lorfque
les hommes commencent a jouïr de lï
félicité des autres arts. Si les Tattares
inondoienc aujourd'hui l'Europe, il feu-
droit bien des affaires, avant de leur
faire entendre ce que c'ell qu'un Finan-
cier parmi nous.
Il ne faut pas croire que les droits dont
les Seigneurs jouïCToîeni autrefois, $c
dont ils ne jouiiTent plus aujourd'hui,
leur ayem été ôcés comme des ufurpa-
tions. Plufieurs de ces droits ont été per-
dus' par négligence Se d'autres ont été
abandonnés , parce que divers change-
meos s'étaat introduits dans Je cours de
plufieurs
' o„„....Googlc
Historiques. 34^
ptufieon Hécles , il ne. pouvoît' foblifler
avec ces changement.
. C'eft un beau Cpeâzc\c que celui des
loix. féodales. Un chêne ancique s'étéve ^
l'œil en voit de lojn les feuillages- ; il
approche, il en voÎCfU lige; mais il
à.en apperçoic point les racines : il iauç
percer la terre pour les trouver.
Les loix féodales onc fait des biens
& des maux infinis. Elles onc'laiSe des
droits t quand on a cédé le Domaine ;
elles ont pofé la régie avec une inclinair
ion à l'Anarchie, & l'Anarchie avec une
tendance à l'ordre & à l'harmonie.
'. 11 n'y a que quatre ou cinq fiécles
qu'un Roi de F^rance prie d^s Gardes ,
contre Vufage de ces temps - là pour fç
garantir des afTafTms qu'un petit Prince
3'Afie avoic envoyé pour le faire périr.
Jufques-là les Rois avoienc vécu tran-
quilles au milieu de leurs fujets, com-
me des pères au milieu de leurs eofans.
Les Anglois difem qu'un de leurs Roi*
?oi avoit vaincu & pris . prifonnier ua
rince qui s'étoît tNolté > & lui dif-
putotc la Couronne^ ayant voulu lui
reprocher Ebn infidélité âç fa perfidie :
U n'y a qu'on moment / dit le Prince
infortuné, qu'il vient d'être décidé Iç-
qiielde nous deux eitle traîtrei
■ ■ ' ■ ■ X
.i.i=t; .., Google
11 o'^ rien de fi magnanime que U
réfolation que prit un grand Monarque
(Louis XI V", ) de s'enfevelir plutôc fous
les débris du Thrô.ne, que d'accepter
des propofîtions qu'on ne doit pas en-
tendre. 11 avoic l'ame trop 6ere pour
defcendre plus bas que fes malheurs oe
l'avoienc mis , & il fçavoit bien qos
le courage peut railèrmjr une Couroit-
iie , & que l'infamie ne le fait jamais.
- Les 'Rois de la premidre race eurent
un grand nombre ae femmes.. Mais ces
martagei étoient moins un rémoignage
d'incontinence qu'un attribut de dignité,
^eût été les blcHer dans un endroit bien
cendre , que de leur laite perdre une
(elle prëroga'tive.
Datas rifls Formofe , la Religion ne
permet pas aux femmes de mettre des
-itrifahs au monde , qu'elles iraient atteint
trente-cinq ans: avant cet âge , la prc-
treffe leur foule fe -ventre & les fait
kvorter. Ceft qpt le climat étant plus
Ifavorable à la. population que le terttfïn,'
;le' peuple- s'y multk)lie & les famines la
détrutfent , ' ,' ' .
Les Allemands avoient une loi fort
Trbgulierè,'« 'Sf l'on découvre Hne fimme
■»à la tête, on payera une amende de
f> fix fols; autant» c'eft à la jambe \aC-
.i.i=t; .., Google
; JlïSToaiQTTBS, I4I
wtli^sn getioB ; le double deptiis le
«'gerioB. *t -Il ftinble que la loi mefu-
io'it les outrages faits à la perfonne des
femmes , cooime on mefure une figure
de Géomécfie. Elle ne puniflbit point
le crime de l'iinagination , elle puntQoic
ééiui des yeux.
' Géfar défendit aux femmes qui avoieoc
moins de quarante cinq ans , Se qui
n'avoient ni maris ni enfans , de por-
ter des "pierreries & de fe fervir de 11-
éètes :. méthode excellente d'attaquer Ib
«éîîbat par la vanité.
La - loi de Genève qui exdut desMa-"
giftratures les etifans de ceux qui ont
vécu ou qui ibac morts infolvables , à
moins qu'ils n'acquittent les dettes dé
leurs pères , eft très - bonne. Elle donne
de laconBanceptrarlesNégocians, pour
les Magiftrats , pour la Gité même.
Cecilius , dans . Auîu-GtlU , difcou-
rant fur la loi des douze tables, qui
permettoic au créancier de couper en
morceaux le débiteur infolvable , Uju^
tiiioit par fon atrocité même qui empê-
clioit qu'on n'empruntât au-delà de fes
fecuUés, Les loix les plus cruelles feront
donc les meilleures ? Le bien fera l'ex-
cès. Se tous les rapports des chofesfti^
soot détruits.
Xii
D.8.i.i=t. ... Google
^44 RSM.ARQl'M HlITOMCOTS.
l!ae loi d'Athènes voulok que l&tL
que U Ville étoit affiégée , on fit mon-
•fit tous tes gens inutiles. C'étoic ipne
abominable loi politique , qui étoit
une fuite d'ua at>omipable droic des
gens.
Les loix Romaines vouloient quç les
Médecins pgfient être punis pour Içur
négligence ou pour leur impéritie. Par
lies loix il en ell autrement. Mais à Ro-
me i'ingéroic de la médecine qui vouloit t
^, parmi nous les Médecins obligés de
Élire des études & de prendre certain^
grades i font cenfés conooître leur ac ç.
. . e * s
■Djii..... Google
i4î
CHAPITRE XXIX.
Ftnfées diverfttt
CHacun doit Te ceQÎr ferme dans le
polte où la nature l'a mis.
Hçaceux celui qui cooDoiilant tout Is
prix d'une vie douce & tranquille , re>
Eofe .Ibn cœur au milieu de fa famll*
! ; & ne coiuicît d'autre terre que celle
qui lut a donoé le jour !
Les hommes les plus heureux & les
plus malheureux fonc également environ-
aés d« la qiain divine.
Le courage elt le f^ntiment de fes
propres forces. L'adreSe eft une jufte
dirpenfacion des forces que l'on a^
G'eAea cherchant à inftruire Içs hom-
mes que l'on peut pratiquer cette vertil'
générale qui comprend l'amoui de tous.
L'homme, cet être flexible» feplianc
dans la fociété aux penfées & aux im-
prenions des autres » efl également capa-
Sle de connoître ^ (a propre nature lorf-
qu'on la lui montre, &; d'en perdre )uf-
qu'au fentiment lorfqu'on la lui dérobe.
. Les connDi0aaces rendent les hommes
Xiij
.i.i=t; .., Google
2^6 F B H s é B s
doux, la raifon porte à rijainaaltj; 3
n'y a que les préjugés qui y aliène, re-
noncer.
On a beau faire, ù véricé s'ichappe,
& perce coujouis les ténèbres ' qui l'en-
vironnent. Le temps qui conrume cqdc,
iléiruic les erreurs mêmes.
La vie & les biens ne /ont pas plus à
ncuj que noerc manière de pmfer; &:
qui peut ravir l'an , peut encore mieux
êter l'autre.
La politique cft une lime foupdcr.
La tyrannie tA toujours tente & fot-
ble dans Tes commencemeDs , comme
elle.eft prompte & vive dans fa fîn. Elle
ne montre d'abord qtï'une maia pouF
fecourir, & opprime enfuïïc^ avec- une
infinité de bras.
La fervitude commence toujours par
le fommeil.
■ Les préjugés de ta fuperftîtio» font
flipérieurs à tous les autres préjugés ,-
Se fes nûfon» à K>Qtcs les autres rai^
fons.
■ Les Cérémotties n*om point un dégr^
de bonté par elles-mêmes : elles ne font
bonnes qu'avec égard , & dans ta fap-
poftdon qiie Dieu Ui' a commandées.
G'eft la matière d'une grande difcalSon;'
îr-fkttt choilir celles trune Keligion eik-
tre celles de mille.
I "
D.8.l.i.t; ;., Google
D.IV£ÉLS£S. i0
La dévotion échauffe le cœur, dif-'
pofe à ta lendieOe , & lui faic envoyer
des efprics au cerveau, qui réchau(l<;nt
de même , d'oii naiflenc lei extafes Ôs
les ravinemens. Cçc état ell le délire
■ de la dévotion. Souvent il fe jperfec-
tioQtie ou plutôt dégénère en Qifiétif^
me,
. Un QuiétKle a'eA loutre chofe qu'mt
homme fou , dévot Se libertin.
Les CafuiHes mettent au joui les fe^
crets de la nuit ; ils forment dans leur -
icnagination tous les montres que le dé-
moa d'amour peut produite , les raf-
fembleot . les comparent & eo font l'ob-
jet éternel de leurs penfées : heureux fi
leur ciTur ne fe tnn pas de ia partie >
& »e devient pas lui-même complice de
tant .d'égarem«iu fi naïvement décritf
& ft nuement peints !
, Il paroît ridicule de recheKlier quelle
eft l'origine de la fociété. Si les hom-
mes n'en formoîent point, ^Is fequit-
toient & fe fuyoieut les uns les autres^
il faudroit en demander la raifon & cher-
dier ^pourquoi ils fe tiennent féparés.
Mais ils naiflent tons liés les uns aux
autres : un fils ell né auprès de fou pè-
re & il'sV tient. Voilà la fociété & la
la caufe de la focwté.
Xiv
D.5.i.i=t; ., Google
348 Pensées
■ Les Voyages , les Conquêtes , le Com-
merce^ rétabtiiïemeni des grands Etats,
les inventions des Podes, de la Bôuffb-
' le & de Vl-mprimerie , une certaine [Po-
lice générale fur U facilité des commu-
nicacions , a établi parmi nous un Arc
qu'on appelle la Politique. Chacun voit
^'un coup d'œit tout ce qui fe remue
flans l'Univers; & pour peu qu'un peu-
ple montre d'ambition, il eÂfraye d'à-
botd tous les autres.
11 lembte que les grandes entreprifes
Soient p^rmï nous plus difficiles à me-
■ner que chez les anciens. 11 eft difficile
de les cacher, parce que la communi-
cation eft celte aujourd'hui entre les Na-
ttons^, que chaque Prince a des Mïnif-
très dans .toutes les Cours , &. peut avoir
des traîtres dans tous les cabinets.
Comme les grandes encreprifes ne peti.
Tenc fe faire ikns argent, & que depuis
l'invention des lettres de change, les
Kégocians en font les maîtres, leurs
sHàires font toujours liés avec le fecret
de l'Etat , & ils ne négligent rien pour
Je pénétrer.
.' Les confpiratîons dans l'Etat font de*
-venues difficiles, parce que depuis l'in-
veociao des polies, tous les fecrets des
particuliers font dans le pouvoit du pO'
.i.i=t; .., Google
BtVERSES. ^49
Uic. Les Princes peutrenc agir avec
jjrompcitude, parce qu'ils ont les for*
Cesdel'EtaE dans leurs mains; les cons-
pirateurs font obligés d'agir lentement,
parce t^ùe touc leur manque; «Se cdm-
Ine tout s'éclaircit avec plus de factliti
& dc~ promptitude, pour peu qoe ceiix-
ci perdent de temps à ^arranger, ils
ifont découverts.
' Le Jeu nous plaît, parce qu'il fittis-
fait notre avariCe, c'eft-à-dire, l'efpé*
rance d'avoir plus. Il flatte notre vanï*
lé par ridée de la préférence que la
fortune nous donne, & de l'attention
que les autres ont fur notre bonheur;
il fatisfait hotre curïofiré, en nom don-
Bant un fpeilacle. Enfin il nous donne
les differens plaifirs.de la furprife. ■
La Panfenous plaît par la légèreté,
par une certaine grâce, par la beauté
& la variété des attitudes, par fa liai-
fon avec la mufique ; mais fur-tout el-
le plaît par une difponcion de notre
cerveau, qui eft telle qu'elle ramené
en fecret l'idée de tous les mouvement
à de certains mouvefflens , la plupart des
attitudes à de certaines anitudes.
La Mtiltque qui tient à l'efpric pi,t
\é's organes du co^ps, t(t très-bonne
pour adoucir les mceurs. Elle tient ua
.i.i=t. ... Google
a^o Peu lis s
milieu «otre les exercices du corps qtii
rendent les homme; rudes , & les fcien-
cesdefpéculanon qui les rendent faurages.
Lz musqué peut faiie ièntir à l'ame la
douceur, la pitié, lateadrefle, le doux
pUi(ir. De tous les jpUifirs des fens,
il n'y en a aucun qui corrom^ moîni
l'ame.
Les Vatuofi d'Italie Ibnt cooune un
iufinin^Qt dontrouTiîcr a retranché dû
bois pour lai faire produire des fons.
. Il fembte que les têtes des plus grands
hommes s'étiécin«nt lorfqu'elles igut af-
iiemblées, & que là oh il y a plus de
fages, il y aie auflî moins de fageflè^
Les grands corps s'attachent toujours
£ fort aux mîauties, aux formalités ,
aux vains ulages, que l'elTentiel ne va
jamais qu'après.
Il leroit aHez difficile de décider lî
la forme s'eft rendue plus peroicieafe,
k>rfqu'elle e(l entrée dans U Jurifpru-
dence, ou lorfqu'elle s'eH: logée dans la
Médecine: fielle a fait plus de ravages
fous la tohe d'un JurifconfuUe, que
fous le Urgc chapeau d'un Médecin ; &
fi dans l'une elle a plus ruiné de gens
qu'elle n*en a tué dans l'autre.
Rien ne foulage plus les Magiftra»
que l'autorité patecDclle ; rien ne d^s^
.i.i=t; .., Google
«t plus les Ttibunaux ] rlea'eÇlEn nç
répand plus de tranquillîtc: (U|is un ^taç
oh lea Juceon font tou)ouTs-.{;l)]r àa Ci-
toyens que le* Lotx. C'eH lie^oQtçf
les puilTances celle dçm qq ah,u(e le
«noios ; e!eû la plus facr«e àe toutes 1^
Maôiitracures ; c'eil la feule qui ne dér
pena ;pai àa eoovemions » & qui. ley
a même précédcca.
' Las Lperes font l'icoag^ 4t Créueur
lie l'Univen , qui, quoiqu'il ptiiSè conf
dulre les hommes par fon amour, he
laiiïe pas de fe les atcacher encore par
les motifs de reTpérance & de la craincer
La gravité des Afîanques vient du peu
ds commerce qu'il y a entr'eux : Ms ne fe
votent que loruju'ils y font forcés par tft
cérémonie. L'amitié , ce doux engage-'
mène du cœur qm ùk ailleurs la dou-
ceur de la vie , leur eA prefque incour'
une. Chaque fàmitleeft, pour ainfî dire,
tfolée des autres. L'amour parmi ces peu-
fits ne porte ni trouble ni foreur. C'en
une pawon lai^iQante qui Uifle leur
ame dans le calme. La piuralîté des fem>
mes les fauve de leur empire ; rile tem-
père la violence de leois deiïrs.
' Un bon Mufulman àans fim ferrail efi
tomme un ithtète dediné à combattre
îàKs relâche-, mais qui bientôt foible &
D.5.i.i=t; ., Google
M^i. Pbhs^ies
aceftbléde ft» premières fadgiies., lan-
guit û&m le champ même de la viâoire i
&;fâ trouve, pour atniî dire , eafcveli
fous ki propre^ tFtomphes.
- La tiatifre agit toQ}oais avec lenteur ^
& pour ainfî dire , avec épargne; Ses opé-
rations ne font jamais violentes : iafques
dan» fes produirions elle veut de la tem-
'pérance : elle ne va jamais qu'avec régie
'& tUefure : fi on la précipiie , elle tombe
bientôt dans la langueur^ ; elle emploîe
toute la force qui lui lefte à fe confer-
ver» perdant abfolument Ta vertu pio-
duârice & fa puJITance générative.
Il y a en France trois fortes d'États ;
l'Églife , l'Ëpée & -la Robe. Chacun a uo
mépris fouverain pour lés deux autres.
Tel, par exemple , que l'on klevroit mc-
prifer, parce qu'il eft un Jbt , ne l'efl fou-
vent que parce qu'il efl; homme de robe.
11 ti'yapasjufqu'aux plus vilsartifans,
qui ne difputent fur l'excellence de l'aïc
qu'ils ont thoifî. Chacun s'élève au-defluï
de celui qui eH d'une profedion diSeren-
te,, à proportion de l'idée qu'il s'eft &ice
de la fupériorité de la Aenne.
Il femble que laChimie foit un quatriè-
me fléau qui tnine les hommes 6c les dé^
truit en détail , mai» continiietlement ;
candis que la gaerie, la p^o, la famine
D.5.i.i=t; ^ Google
]<is44^!Wfçi)teagt0Sf mais par nitçryai-
. La Chymie babite tantôt t'HôpItal A^
tantôt )es-,Fetites-Maifons , çQmme de^
demeures qui lui Ipnt également propres,
Les noms qui donnent aux hommex
l'idée d'une chofe qui femble ne devoif
pas piéiir, font très-propres à infpirer
a c^iaque femille le deur d'étendie fa
duréç.
Les hommes par leurs foins & par
de bonnes lois ont rendu la terre plus
propre à être leur demeure. Nous voyons
couler des rivières là où écoieoc deslacs
& des marais: c'en un bien que la na-
ture n'a point fait » mais qui eft entrer-
tenu par la nature. Ainlî comme les
Nattons defttuâives font des fnaux quj
flurenc plus -qu'elles ^ il y a dés Ka-
tioas iuduArieufes qui -font des biens
gpi ne ânillent pas même avec elles. ,
Les torrens ^ les incendies nous oitc
iaic djécouvrir que les métaux étoJenc
dans les terres.
L'£mpire de la mer a toujours donné
^ux peuples qui l'oiit pofledé une fierté
naturelle , parce que le fentant capable*
d'infulier pai-tout, ils croient que leuf
pouvoir n'a jpas plus ijp bornes quel'océan*
l^a &ciiU(^ des terres rend les borçmtf
.i.i=t; .., Google
654 . -TiSirf*»'
Induffrieint, fobres \ eiBl«*eîsâatiPavaili
cpura^ux^ pcopres àlaguerre. ILa fW<
tilité oSm Pays dorme avec l'aifàace la
tnolltiffe & un cenain amour pour U
confeivacion de la vie.
' La parefle eft l'elfec de forgncSl , le
travail, eft une fuite, de la vanité. 1L,'ot-
gDctl d'un Efpagrtol le portera à ne pas
travailler; U vanité d'un François le
ponera à f$avoir travailler mieux que
tes autres.
Un homme -n'eft pas pauvre parce
qu'il n'a rien ; ma» parce qu'il né tra-
raille pas. .
- Il y a des corps nombréoi que le titre
de pauvres empêche de l'être.
Nous n'aimons prefque que ce que
nom ne connoifTons pas.
" L'excès même de ia raifon n'dl pas
toujours defirable , & les hommes s'ac-
commodent prefqué toujours mieux de<
intlieux que des extrémités.
■ NoiUTie faifons rien de tnienx que ee
que nous faifons librement , &. en fuiyanc
hôrte'gëtiie naturel.
' Lt Mbnachifnae eit né dans les Pays
fchatfds d'Orient , ohl'bn eft moins porrf
à l'aâion qu'à la fpéculation.
■ Dans les Paysfroîds, le climat fem-
He forcer à tint ceriaîne yviogoerie de
.. Google
Kations ,' bien difîïrente de celle de U
perfohne. Un Allemand boit par cou-
tume , un Efpagnol boît par cnoÎK.
Quand un homme a écrit fur la ma*
raie , il doit être plus diflkile qu'un au-
tre fur Ces devoirs. Il n'y a point pour
lui de dirpenfes, puîfqu'il a donne les
règles. Il feroit ridicule qu'il a'eûc pils
la force de faire des chofes donc il a cru
tous les hommes capables ; qu'il aban-
donnée fes propres maximes ; & que dan*
chaque aâion , il eût en même remps à
rougir de ce qu'il auroit faic & de ce
qu'il auroic dît.
Comme il y a une infinité de chofes
fages qui font menées d'une manière
très-folle , il y a auflî des folies qui ibnt
conduites d'une manière très-fage.
Ce qui gare prefque toutes les aSâi-
tes , c'eft qu'ordinairement ceujî qui les
entreprennent , outre la reullite princi-
pale » cherchent encore de certains pe-
tits fuccès particuliers qui flattent leur
amour propre & les rendent cootens
d'eux.
Le peuple a toujours trop d'aâion,
ou trop peu. Quelquefois avec cent mil-
le bras il renverfe tout ; quelquefois avec
cent mille pieds il ne va que comme
les infe^t^
D^ii...., Google
j<F$ Tnttsént sivSRsfis.
Koiu^ne jugeons jamais des chofes;
qae par UD retour £ecret qae nous fài-
Ibns fur iious - mêmes. On a dit fore bien
queft les triangles faifoieric un Dieu* lis
lui donneroienc trois côtés.
-. Dès qu'un homme entre dans une corn-
pagnie , il prend d'abord ce qu'on ap-
pelle l'efprit du Corps.
On dit que les héritiers s'accommo-
dent mieu& des Médecins que des Con-
fefleurs.
' A quoi fervetu les cécémoBÏes & tout
l'attirail lugubre qu'on fait paroître à un
mouraot dans fes derniers mpmens, les.
larmes même de fa famille & la dou-
leur de fes amis , qu'à lui exagérer ia
perte qu'il va faire ?
FIN.
Djii..... Google
^57
TABLE
DES CHAPITRES
, ET DES MATIERES.
CnktirMÏ.UE la Religion: Page i
Son utilité. Ihîd.
Sei premiers devcirs, i
Crimes en matière de Religiotif &
. leur punition, ■ Ibid.
•Guerres de Religion. 3
Doit-ily avoir plujîeurt RtU^ons
dans un État i
Loix concernant la ReU^on.
Set peines & fes récompenfes. 8
■ Religion Juive. , lo
Chrijîianifme. 11
■ DifputesfurlaReUgioJh 14
Chap. il De la Républiçu. 19
Sa Nature. Ibîd.
Ses Principe/. IbiJ.
Démocratie. ■ Ibîd. _^ '
' Ariftocratie. ' 10 rlp
.. Google
I
25« TABLE
Ffree^uae bonne Répuhli^ae, ±%
^ Républifie Féiéradve. a^
Chap. Ilj. De ta Mmaretùe, aS
Sa Nature. . , VcÀà.
Son Prineipr. Jbîd,
Set Avantages, 17
D^pôt des Leix nicejfatn.- s^
Dtyoirs du Monarque. )C>
Chaf. IV. Du Defpopfmi-, 31;
Ce que Ceft. Ibid,
Son Principe^ Ibidi
SAEùbUJfe, 35
Ch-aï*. V. Des Loix. 56
Définition de la Loi en général. Tbid.-
Rap'portt dei^ Loix avec la Nature
des^dijféreiu P^t.- IbW^
S(yU des Loix. }7
Oangemcnc dane les Loix.- jâ
CirÀP. VL Des Peines.. 4°
Lturfévéritê inutile. %\d^
Leur proportion avec Ut crimes.^ IbiiL
Peines péeuniiûres. 4a
Cbav. VU. La Ubertéi " ,. 4Î
Définition de la Liberté.- ' , Ibîd.
£//e paFo?( f/w, propre (i' certains-
..Google
DES MATIERES. ij>
, ^lle encowrage la cidtare dis ter-
res. 4î
Elle augmente le defir de la gloire, Ibid,
CHAV.VlU.DeVEfclavage. 47
Ceqiifc'ejî. ■ ïbid.
U a été étdbli par la pitié,. Ibjd.
Il eft contrela nature. 49
Deux fortes de fervitudes'. , , . Ibid.
EfeUvage dans les différeiuGàu- ...
vernemens. Ibid.
Çhèx. IX. De U Guerre. J5
Guerres jujlfs. ftid*
■ Droit de Guerre.- 5* .
CakT. X. Des Conquêtes, 54
Leur objet. Ibid*
Lear Miiiit^- 55
Droit de c»nftite, .. 57
Chat. XL Du C/iffW. . .58
^on infiueSCe. IbH*
Ses rapports avec les mceurf.. . 59
1/ doit diri^rer /eJ Z.OJ*. 6t
Uv0r'ulesdi>ertiJfim«Jû. 6a.
Chap. XII. De /a Popu/«tion. ^4,
• : Dépopulation du monde. ' Ibid*
Les principes de. Religion ïtifiit^
fur U propagation. 6^
ïi>
Google
<a6o table
Caujts it dépopulation. £7
Chap* XIII. Ùu Marit^e. 70
Ce quil'a ftût établir. Ibid.
■ Droit àes' périt fur Itstnfans. - Ibîd.
■' Mariage entre parens lUfenda &■
■ pourquoi/ 7^
Ctfkt. XIV. Du Commerce. 74
Sesrafports avec les iiffiretisGùu-
vememens. Ibid.
Son'incompatibUité avee la noblej^
: .fi- , ■ 75
La concurrence Ti^cejpùre, 76
Commerce nuijiblt, ■ Ibid,
Il adoiicit les maiurt. y%
•Chap XV. De r argent. 81
Sa valeur comme ^ne ô- comme
Tnarckandife. Ibid.
La monnpie doit être invariable. Î2
Intérêt de Forgent légitime. Ibid.
CifAP. XVI. Du luxt. 83
Seseffktt. îbid.
Il efi nécejjdn À certàns Fayt, 84
Nuijîble à Vautres, 85
Chap. XVII. Des ImpSti. 96
Comment on doit Ut fixer, Ibid.
Lijii.t. ..Google
DES MATIERES.
i6t
■ Effets des tributs exctj/tfs-^
■ 87
- LaR^U.
99
■ Lts Traittms.
Ihid,
Chap. XVIII. Dt la Morale.
&
■ ta vertu.
.[ La Juftice efi éternelle.
9»
■ ' L'amour- propre.
9i
Crimes contre les mœurs.
9S
- La polïtejfe. •
II
97
■ Irfj riehejfts.
y»
Les Mœurs.
- ibo
Mijère de la nature humaint.
loi
Humanité.
lOJ
Chap. XIX. Tableaux.
■l^.
■ Les Romains.
Les Macédoniens.
>'}
Les Huns.
'14
Les Gaulois.
ibid!
Lts Germains.
"S
Lts Indiens.
lllS
- Lts Japonais.
117
■ LesTartarts.
mî.
Les François.
118
. U Grèce.
m
. jitkéner.
Sparte.
liO
Cerinthe.
Jll
D^ii...., Google
i6t TABLE
Sirtteuft,
IbiJ.
M<irfiiUe.
122
, L'Europe Modtrnt.
Ibid,
CHAr.XX.Olr«ate/,
I2&
Pyrrhui.
IM.
Annibal,
Ibid.
Mithridate.
Ibid.
a/ar.
117
Augufti & SjlU
Ibid.
TniaiL
12»
ÂttiU.
Ibid.
"■9
130
AUf attire.
>|i
'CharhsXlI.
'}i
Caion û* Ctcérqttr
IH
. mchdim.
Ibid*
CHAP.XXLPowjiuv
iJiï.
Le Cortiplaifant.
LeFcïte.
Ibid.
. LeVleUlmi.'
!}«
■ L*h«mme à bonnes fortunef.
Ibid,
Le Grand Seigneur^ ,
U7
LeParvetiu*
1)9
Lt Curieux.
Ibid,
. UGiomitre. \
Ibid.
Les Nouyellifier.-
,,6
, Camille.
I*>
.i.i=t; .., Google
DES MATIERES,
tét
Parts.
'*'
LuFtançàt.
■4»
letEfpagnolt. .
.1*
Chap, XXIL Delà Lialraat,
»«*
■Ptitel.
Ibid,
Romans.
iLl
Géomètres:
UvradtiUitcilu. " ,'
I49>
TraiuBioiit,
IJ»
. Journaux. ,
*!«
Livrer EfoaenoU.-
ftà
.Ciprr..
«5t
Tacite.
Ibid,
tiannon. .'
Jbid.
RijUriecriàfil^
MdèU de critiqué.
'J5
.5«
Chap. XXIII. Du Goiîï: .. .1 .^.' 15a
. Ce que c'efi^ Ibid.-
■ Il varie fuivantxi>tremtaàtnftttf.}bi4:^
■ ASivité de Vame. lia
■ Supériorité de Vartfur la.nSairt.^ tibtj.
Vordre dans Vexpo^tiw àtseh^stft, xil
Variété. iiz.
Plaijîrdelafurprife... - lîy
Le je ne fçais quoi. 1 66-
Mr Grâces. Ibid.
Cajff.XXIV. DesFw^ . - OS
D^ii...., Google
164 TA3LE
' Leurs nueurs ont des rapports avec
les diffUrens Gouvernemau. Ibid.
Cléture aes Femmes. ' 1 69
PoUgame. 170
Autorités (Us Ftmmes fur Us Hom^
mes. ' J71
^alanterU. ■ ijx
Cbap. XXV. Maximes de Gouverne-
ment. 177
Le meilleur Gouvernement. Ibid.
■ ' Union politique, 178
ÇueldMtétrehfpritduLégiJlateurfïhid^
■ Tirannie. Ibid.
■ Si le peupU doit être éclairé. 183
' proportion du nombre desfildats
• ' avec celui des hommes. ji6
Satires fur UGouvernemmt. 188
Délateurs. 189
Gif AF. XXVL Mélanges. 191
De Dieu. Ibid,
■ Des Princes. ■ ' l$a
^DesGounifms. 197
~ Des Minijtres. 198
Des Magijirats. ■ jioo
^ Du CUrgé. tôt.
■ Du Droit. ioj
Du Change. Zo$
Des dettes pabUfûx .!.'2o6'
.i.i=t; .., Google
DES MATIERES. 26$
Des Arts. 207
De thûiineuT. 109
Des gens d'efprît. . 110
D'une certaine ruuion. - aii
Dune certaine fociété. -z 1 ^
Ghap. XXVII & XXVIII. Remar.
-' quet hoftanques. ■ *'S
Sur Carthoge. Ibid.
Sur les S^rentes tffketdeGou-
vernemens. ai 5
Les Tar tares. ny
LesPartkes. Ibïd.
Sparte, liB
Rome. Ibid.
Athènes, Ibid.
Les Sammter. Ibîd.
Les Juifs. a 19
BeZ/c rtipon/è <i Charles IX. 221
L'Amérique, Ibid.
£ur plujieurs ufages dijférms. ^.^}
Sur quelques Empereurs, jïij
Infiuence au Clergé, 229
Flatterie odieufe de Grégoire de
Tours. 2}4
Les Froteflms. ajS
Différentes Loix, Ibid,
Combats fingulicrs, jt jT
L'épreuve du feu, Ibid.
Z
D^ii...., Google-
»46 TAfLE DES MATïEiLES
Gouvernement Militûre. ■Jt)8
J^s Germains & les Fmous^ ^39
■fjoix féodales. <d4i
Selle réfolution ~dt Lom XJf^ -^«
J/Ie Formofi. '- -Ibid.
Xôtjr particulières* Ibid.
Chaf. XXiX. P«i/^ •<tii'er/<j. i-if
Fin deJaÏAliilBh
D.3.ii.t.., Google
D^ii...., Google
D.5.i.i=t; ^ Google