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Full text of "Le iournal des sçavans"

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JOURNAL 

SCAVANS, 

FOUR 
VANNEE    M.    DCC.    XXXIV. 
JANVIER. 


A     PARIS, 

Chez    CHAUBERT,    à  l'entrée   du  Qiiay  des 

Auguftins ,  du  côté  du  Pont  Saint  Michel,  à  la 

Renommée  &  à  la  Prudence. 

M.   DCC.  XXXIV. 

AVEC  APPROBATION  ET  PRIVILEGE  DU  ROY: 


I 


LE 


JOURNAL 

DES 

SCAVANS 

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JANVIER   M.  DCC.    XXXIV. 

MEMOIRES  DE  LITTERATURE  ,  TIRE'S  DES  REGISTRES 

de  f  Académie  Royale  des  Infcripiions  &  Belles  -  Lettres:  depuis  l'année 
ï-ji6.jttfi]ues  &  compris  l'année  1730.  Tome  Vlll.  A  Paris  ,  de  l'Impri- 
merie Royale.  1733.  /w-40.  pages  740.  planch.  détach.  vi. 


LE  S  Mémoires  de  Littérature 
compris  dans  ce  Volume  ap- 
partiennent   principalement    à  la 
Critique  Scàl'Hiftoire  du  moyen 
âge.  Il  font  au  nombre  de  41  donc 
Janvier. 


voici  les  titres.  1  °.  Difcours  dans  le- 
quel on  rend  compte  de  divers  Ouvra- 
ges modernes  touchant  l'ancienne  Àiu- 
fique  ;  par  M.  Burette.  1.  Exanen 
du  Traité  de  Plut  arque  fur  la  Mufî- 
Aij 


4  JOURNAL  D 

que;  par  le  même.  3.  Obfervations 
touchant  V  Hiftoire  Littéraire  du  Dia- 
logue de  Plutarque  fur  la  Mufique  ; 
par  le  même.  4.  Nouvelles  réflexions 
fur  la  Symphonie  de  l'ancienne  Mufi- 
■  due  pour  fer  vir  de  confirmation  à  ce 
qu'on  a  taché  d'établir  la-dejfus  dans 
le  quatrième  Volume  des  Alsmoires 
de  Littérature  ,  page  116  ;  par  le 
même.  5.  Analyfe  du  'Dialogue  de 
Plutarque  fur  la  Mufique  ;  par  le 
même,  6.  Difcours  fur  la  Perfpetli- 
ve  de  l'Ancienne- Peinture  ouSculptu- 
re  ;  par  M.  l'Abbé  Sallier.  7.  Re- 
cherches fur  la  Vie  &  les  Ouvrages 
d'Evhémere  ;  par  M.  l'Abbé  Sevin. 

8.  Recherches  fur  la  Fie  &  les  Ou- 
vrages de  Phylarque  ;   par  le  même. 

9.  Recherches  fur  la  Vie  &  les  Ou- 
vrages de  CaU'iflhène  ;  par  le  même. 
30.  Recherches  fur  la  Vie  &  les  Ou- 
vrages de  Tyrtée  ;  par  le  même.  1  r . 
Vie  de  D'ernetrius  de  Phalére  ;  par  M. 
Bonamy.  1 2.  Dijfertation  oit  F  on  exa- 
mine s'il  y  a  eu  deux  Zoiles  Cenfeurs 
d'Homère  ;  par  M.  Hardion.  13. 
Dijfertation  oit  l'on  examine  s'il  eflne- 
cejfaire  qu'une  Tragédie  foit  en  cinq 
Ailes;  par  M.  l'Abbé  Vatry.  14. 
Dijfertation  où  l'on  traite  des  avanta- 
ges que  la  Tragédie  ancienne  retiroit 
de  fes  chœurs  ;  par  le  même.  i$-Dif- 
fertation  fur  la  recitation  des  Tragé- 
dies anciennes  ;  par  le  même.  i<f. 
Bclaircijfemens  fur  la  Tragédie  d'A- 
gamemnon  par  Efchyle  ;  par  M.  l'Ab- 
bé Sallier.  17 .  Difcours  fur  la  Mé- 
dée  d'Euripide  ;  par  M.  Hardion. 
ï8.  Dijfertation  fur  V Andromaqut 
d'Euripide;  parle  même.  19.  Ob- 
fervations Critiques  &  Hiftoriques 
fur  le  chœur  de  l' Andromaqut  d'EH~ 


ES  SÇAVANS; 

ripide;  par  le  même.  20.  Comparai- 
fon  de  l'Iphigénie  d'Euripide  avec 
l'Jphigéniede  Racine;  par  M.  Raci- 
ne. 21.  Comparai fon  de  V Htppolyte 
d'Euripide  avec  la  Tragédie  de  Raci- 
ne fur  le  même  fujet  ;  par  le  même.' 
2  2.  Recherches  fur  les  comfes  de  che- 
vaux &  les  courfes  de  chars  qui 
étaient  en  ufiige  dans  les  Jeux  Olym- 
pique ;  par  M.  l'Abbé  Gédoyrr  23. 
Recherches  fur  les  courfes  de  chars  , 
qui  étaient  en  ufage  aux  Jeux  Olym- 
piques ;  par  J^  même.  24. Remarques 
fur  la  route  de  Sardes  a  Sufes  décrite 
par  Hérodote  ,  &  fur  le  cours  de 
l'Halys ,  de  l'Euphrate  ,  de  l'Ar.ixesy 
&  du  Phafe;  par  M.  de  la  Barre. 
25.  Obfervations  fur  quelques  chapi- 
tres du  fécond  Livre  de  la  première 
Décade  de  Tite-Live  ;  par  M.  de  la 
Curne.  16.  Dijfertation  fur  la  Livre 
Romaine  ,  avec  des  remarques  fur 
quelques  mefures;  par  M.  de  la  Barre, 

27.  Aiémoircs  fur  les.  divifions  que  les 
empereurs  Romains  ont  faites  de.  Gaules 
en  plufieurs  Provinces;  par  le  même. 

28.  Des  limites  de  la  France  &  de  la 
Gothie  ;  par  M.  deManda'ors.  29. 
Dijfertation  fur  Genr.bum  ancienne 
Ville  du  Pays  des  Carnutes  ou  Char- 
trains  ;  par  M.  Lancelot.  50.  <&- 
cond  Mémoire  pour  établir  que  le 
Royaume  de  France  a  étéfucceffifhè- 
rêditaire  dans  la  première  Race  ;  par 
M.  de  Foncemagne.  31.  Mémoire 
Hifiorique  fur  le  partage  du  Royaume 
de  France  dans  la  première  Race;  pat 
le  même.  32.  Mémoire  Hiflonque 
dans  lequel  on  examine }  fi  les  filles 
ont  été  exclufes  de  la  fucceffion  an- 
Royaume  s  en  vertu  d'une  difpofition. 
de  la  Loi  Salique  ;  par  le  même.  33. 


J  A  N  VI 

Mémoire  fur  l'étendue  du  Royaume 
de  France  ,  dans  la  première  Race  ; 
par  le  même.  34.  Mémoire  concer- 
nant la  Vie  &  les  Ouvrages  de  Rigord 
&  de  Guillaume  le  Breton  ;  par  M. 
de  la  Cume.  35.  Mémoire  concer- 
nant la  Vie  &  les  Ouvrages  de  Gla- 
ber ,  Hiflorien  du  tems  de  Hugues- 
Capet;  par  le  même.  1$.  Aiemoire 
fur  la  Vie  &  les  Ouvrages  de  Guil- 
laume de  Nangis  &  de  [es  Continua- 
teurs ;  par  le  même.  37.  Poème  fait  à 
la  louange  de  la  Dame  de  Beaujeu  , 
fœur  de  Charles  VIII.  avec  des  notes; 
par  M.  Lancelot.  38.  Suite  de  l'ex- 
plication d'un  Monument  de  Guil- 
laume le  Conquérant  ;  par  le  même. 
39.  Jttjtification  de  la  conduite  de  Phi- 
lippe de  Valois  ,  dans  le  procès  de 
Robert  d'Artois  ;  par  le  même.  40. 
Recherches  fur  Guy  Dauphin  ,  frère 
de  Jean  Dauphin  de  Viennois  ;  par 
le  même.  41.  Eclairciffernent  fur  les 
premières  années  du  règne  de  Charles 
VIII.  par  le  même.  Dansl'impofîî- 
biliré  où  nous  fommes  de  nous 
étendre  ici  fur  chacun  de  ces  Mor- 
ceaux ,  quoique  très-dignes  de  tou- 
te la  curiohté  du  public  ;  nous 
nous  contenterons  d'en  prendre 
quelques  uns  dans  chaque  clafïe  & 
d'en  donner  l'extrait. 

IX.  Les  cinq  Mémoires  de  M. 
Burette  imprimés  à  la  tête  de  ce 
Volume  ,  roulent  fur  la  Muficjue 
des  anciens  ,  6i  font  une  fuite  de 
fix  autres  Pièces  de  lui  fur  cette  ma- 
tière qui  ont  paru  dans  le  III.  le 
IV.  &  le  Ve  Volume  de  YHtfloire 
&  des  Mémoires  de  cette  Acadé- 
mie. 

i.  Dans  le  premier  des  cinq  mor- 


e  r  ;  173  r-  4 

ceaux  dont  il  cft  ici  queftion  ,  l'A- 
cadémicien donne  un  détail  hiftori- 
que  de  l'occafion  qui  l'a  engagé  à 
examiner  &  à  développer  plufieurs 
points  de  l'ancienne  Mufique,  fur- 
tout  par  rapport  au  contrepoint  ou 
au  concert  à  plufieurs  parties^dont 
il  s'efforça  de  prouver  contre  le 
fentiment  de  feu  M.  l'Abbé  Fra-° 
guier  fon  confrère  ,  que  leg  anciens 
n'avoient  eu  nulle  connoifTance  5c 
n'avoient  fait  nul  ufage. 

Sa  Dillertation  fur  la  Sympho- 
nie t  dans  laquelle  il  adoptoit  le  Sy- 
ftême  de  feu  Claude  Perrault  tou- 
chant le  concert  à  la  tierce  connu 
des  anciens  ,  lui  fufeita  un  adver- 
faire  en  la  perfonne  du  R.  P.  Bou- 
geant de  la  C.  de  J.  qui  eflaya  de 
détruire  cette  fuppofition  par  une 
Dillertation  publiée  dans  les  Mé- 
moires deTrevoux.  M.  Burette  re- 
poufie  ici  cette  attaque  ,  en  fe  plai- 
gnant d'abord  de  quelques  faufTes 
imputations  de  la  part  de  fon  ad- 
verfaire  ;  du  peu  d'exactitude  de 
celui-ci,  en  cirant  quelques  palTa- 
ges  de  la  DilTertation  de  lAcadé- 
micien  ,  &'  de  la  manière  tout  à-faiî 
infoûtenable  dont  ce  Père  traduis 
le  pafïage  de  Platon  qui  originaire- 
ment a  fait  naître  cette  difpute, 
Après  quoi  l'Auteur  répond  pied  à 
pied  aux  objections  du  P.  Bougeant 
contre  l'hypothéfe  du  concert  à  la 
tierce  admis  dans  l'ancienne  Mufi- 
que  -,  &  ces  objections  qui  font  au 
nombre  de  cinq ,  paroifïent  fonde- 
ment refutées. 

M.  Burette  vient  enfui  te  au  Dia- 
logue de  l'Abbé  de  Château-Neuf 
fur  la  Mufique  des  anciens,  &  il 


6  JOURNAL  D 

fait  fur  cet  Ouvrage ,  d'ailleurs  fi 
plein  d'efprit  &  d'agrément ,  di- 
verfes  obfervations  importantes.La 
principale  tombe  fur  la  preuve  en 
faveur  du  contrepoint  ufité  dans  l'an- 
cienne Mufique  ;  preuve  que  cet 
Abbé  tire  du  Monocorde  de  Ptolo- 
mée  décrit  par  ce  Mathématicien  , 
dont  l'Abbé  rend  très-  imparfaite- 
ment les  termes  en  François.  C'eft 
ce  que  prouve  l'Académicien  ,  en 
donnant  une  explication  plus  ap- 
profondie de  ces  termes  grecs  peu 
exa&ement  interprétés  par  Waïïis 
lui-même. 

M.  Burette  expofe  à  la  fin  de  ce 
premier  Mémoire  les  motifs  qui 
l'ont  porté  à  traduire  en  François 
le  Dialogue  de  Plutarque  fur  la 
Mufique  ,  &  à  l'éclaircir  par  des 
notes  ;  &i  le  plus  puiffant  de  ces 
motifs  a  été  l'efperance  de  tirer  de 
ce  Dialogue  bien  entendu  une  preu- 
ve convaincante  &c  fans  réplique  de 
l'ignorance  où  étoient  les  anciens 
fur  ce  que  nous  appelions  contre- 
point en  Mufique. 

i.  Le  premier  foin  de  l'Acadé- 
micien pour  parvenir  à  fon  but ,  eft 
de  confirmer  Plutarque  dans  la 
poffeffion  où  il  eft  de  paffer  pour  le 
véritable  Auteur  de  ce  Dialogue  , 
contre  le  fentiment  à'Amyot  &  de 
quelques  autres  fur  cet  article  :  Se 
M.  Burette  ,  dans  un  fécond  Mé- 
moire ,  s'applique  à  prouver  cette 
propofition  ,  i°.  par  le  confente- 
ment  unanime  de  tous  les  autres 
Interprètes  ou  Commentateurs  -, 
2°.  par  la  reffemblance  du  ftyle  de 
ce  Dialogue  avec  celui  des  autres 
Ouvrages  reconnus  pour  être  in-. 


ES  SÇAVANS, 

conteftablement  de  Plutarque  ,  ref- 
femblance obfervée  quant  au  Dia- 
lecte &c  au  choix  des  termes ,  au 
tour  de  li  phrafe  ,  aux  ornemens  , 
aux  citations  poétiques  ,  &  à  la 
manière  de  débuter  ou  de  tourner 
un  Exorde  ;  30.  par  l'uniformité 
pour  la  do&rine  en  fait  de  Mufi- 
que entre  ce  Dialogue  Se  les  autres 
Traitez  de  l'Auteur  Grec  ;  unifor- 
mité qui  règne  conftamment  quant 
à  l'hiftoricme  &  quant  au  dogmati- 
que ,  des  parties  duquel  l'Académi- 
cien fait  une  exacte  énumeration,  à. 
laquelle  nous  renvoyons. 

Le  3e  Mémoire  de  M.  Burette 
contient  des  obfervations  touchant 
l'Hiftoire  Littéraire  du  Dialogue  de 
Plutarque  ;  c'eft-à  dire  ,  qu'il  y  eft 
parlé  de  fes  différentes  éditions  gré- 
ques  &  de  fes  verfions  latines  y  qui 
font  celles  deXylanderSc  de  l'Italien 
Valgulio  ,  defquelles  on  fait  la  cri- 
tique ou  l'examen,  ainfi  que  delà 
verfion  Françoife  èîArnyot.  A  l'é- 
gard des  Commentateurs ,  qui  ont 
travaillé  à  l'éclairciffement  du  Dia- 
logue dont  il  s'agit,  ils  fe  reduifent 
à  quatre ,  fçavoir  Xylander }  Mei- 
bom  }  Valgidio ,  &  Mêzjriac  \  mais 
on  ne  peut  tirer  d'eux  que  de  très- 
foiblesfecours.  Les  notes  de  Xylan- 
der ne  font  qu'au  nombre  de  trois. 
Celles  de  Meibom  ont  été  feule- 
ment annoncées ,  fans  avoir  été  ja- 
mais imprimées.  Celles  de  Aièz.i- 
riac  manuferites  &  communiquées 
généreufement  à  l'Académicien  par 
MM-  les  Abbez  Sevm  &c  Sallitr 
fes  confrères  qui  en  font  poffefîeurs, 
feront  pour  lui  de  quelque  reflour- 
cc  }    quelques  -  uns  des  panages 


J  A  N  V 

difficiles  s'y  trouvant  corrigés  & 
expliques  ;  mais  en  fort  petit  nom- 
bre. Quant  à  Valgulio  il  ne  fournit 
qu'une  Differtation  en  forme  de 
Préface  fur  la  Mufiquedes  anciens, 
&  l'Académicien  donne  ici  un  pré- 
cis de  cette  Pièce  fur  laquelle  il 
porte  fon  jugement. 

4.  Dans  le  Mémoire  fuivant ,  il 
fait  de  nouvelles  réflexions  fur  la 
Symphonie  de  l'ancienne  Muftque,  8c 
cela  pour  confirmer  ce  qu'il  a  tâché 
d'établir  là-deiTus  dans  le  quatriè- 
me Volume  des  Mémoires  de  Litté- 
rature [  page  116]  &  pour  répon- 
dre aux  objections  du  feu  Père  du 
Cerceau  de  la  C.  de  J.  contre  le 
concert  à  la  tierce  ,  imprimées  dans 
les  Journaux  de  Trévoux.  M.  Bu- 
rette fe  récrie  centre  l'inutilité  de  la 
première  des  deux  parties  de  la  Dif- 
fertation de  ce  Père  contre  l'Acadé- 
micien, dans  laquelle  partie  le  Ie' 
prouve  très-bien  que  la  tierce  a  tou- 
jours patTé  pour  diffonnance  dans 
l'ancienne  Mudque  (  ce  que  le  fé- 
cond n'a  jamais  nié  :  )  après  quoi  ce- 
lui ci  entreprend  de  prouver  contre 
le  P.  du  Cerceau  ,  i°.  Que  les  an- 
ciens ont  connu  très-diftinctement 
toutes  les  diflonances  :  20.  Qu'ils 
les  ont  défignées  par  leurs  propres 
dénominations ,  &c  qu'en  cela  les 
confonances  n'ont  eu  fur  les  diflo- 
nances aucun  avantage  :  30.  Qu'ils 
ont  partagé  celles-ci  en  deux  gen- 
res ,  qui  n'ont  été  ni  l'un  ni  l'autre 
abfolument  exclus  de  l'ancienne 
Mélopée  ,  non  plus  que  le  premier 
des  deux  ne  l'a  point  été  de  l'an- 
cienne Symphonie. 

A  l'égard  du  paiTage  d'Horace 


I  E  R  ;   175  4;  7 

employé  par  l'Académicien  pour 
prouver  l'exiftence  du  concert  à  la 
tierce  chez  les  anciens  ;  celui  ci  for- 
tifie cet  argument  par  de  nouvelles 
preuves  qui  combattent  l'hypothé- 
fe  du  P.  du  Cerceau  fur  ce  point 
comme  étant  hors  de  toute  vrai- 
femblance ,  &  qui  vont  le  forcer  ' 
pour  ainfi  dire  ,  jufques  dans  fes 
derniers  rctranchemens.  Nous  ren- 
voyons fur  tout  cela  au  Mémoire 
même  de  M.  Burette. 

5.  Enfin  il  nous  expofe  dans  fon 
dernier  morceau  une  Analyfe  exac- 
te du  Dialogue  de  Plut  arque  fur  la 
Mufîque  ,  pour  nous  donner  com- 
me un  avant  goût  du  grand  Ou- 
vrage auquel  il  travaille  actuelle- 
ment fur  cette  matière  ,  &  qui  pa- 
roîtra  en  fon  tems  dans  les  Mémoi- 
res de  l'Académie. 

X.  M.  l'Abbé  S 'allier ,  dans  fois 
Difcours  fur  la  Perfpeflive  de  l'an- 
cienne Peinture  ou  Sculpture  ,  exami- 
ne, à  l'occafion  de  quelques  pafla- 
ges  d'Auteurs  ,  s'il  eft  vrai  que  les 
anciens  hiflent  deftitués  de  toute 
connoiffance  de  Perfpeètive ,  com- 
me l'aiîure  feu  Charles  Perrault 
dans  fon  Parallèle  des  anciens  & 
des  modernes.  Il  prétend  ,  r°.  Que 
les  Peintres  ou  les  Sculpteurs  de 
l'Antiquité  n'avoient  aucune  idée 
de  la  Perfpective  ,  qu'ils  en  igno- 
roient  les  principes  &  les  règles  ; 
20.  Qu'en  confequence  ,  ils  étoient 
privés  du  fecret  de  dégrader  les  fi- 
gures ,  foit  pour  la  forme  ,  foit 
pour  les  couleurs  ,  &  qu'ils  n'z.- 
voient  jamais  fait  fentir  cette  dégra- 
dation dans  aucun  de  leurs  tableaux 
eu  de  leurs  bas-reliefs. 


g  JOURNAL   D 

L'Académicien  ,  fans  vouloir 
égaler  fur  ce  point  les  anciens  aux 
modernes,  croit  pouvoir  préfumer 
qu'à  fe  renfermer  dans  les  fculs  ter- 
mes de  la  probabilité ,  il  n'y  a  nulle 
apparence  ,  que  les  exccllens  Maî- 
tres en  l'un  &  en  l'autre  genre  qui 
ont  brillé  avec  tant  d'éclat  fous  le 
reçme  d'Alexandre  leGrand,n'ayent 
eu  aucune  idée  de  la  Perfpe&ive  : 
fans  compter  que  fur  les  titres  qui 
nous  font  reftés  de  plufieurs  Ou- 
vrages anciens,  écrits  fur  l'art  de  la 
Peinture  on  pourroit  conjecturer 
qu'il  y  en  avoit  quelques  uns  dont 
la  Perfpe&ive  faifoit  le  fujet.  Mais 
l'Académicien  fonde  fon  fentiment 
fur  des  preuves  plus  convaincantes 
que  de  tels  préjugez. 

La  première  refulte  d'un  double 
paffage  de  Platon  ,  que  nous  ne 
tranferirons  point  ici  (  pour  abré- 
ger )  &  qui  revient  aux  propofi- 
tions  fuivantes  :  i°.  Que  les  Statuai- 
tes  dans  leurs  figures  de  ronde  bof- 
fe  ,  fe  conformoient  quelquefois 
exactement ,  pour  les  dimenfions  , 
aux  modèles  qu'Us  s'étoient  propo- 
fés  :  2°.  Qu'ils  s'éloignoient  auffi 
quelquefois  de  ces  proportions  : 
3°.  Que  les  Peintres  en  faifoient 
autant  dans  la  pratique  de  leur  art  : 
4°.  Qu'ils  confultoient  les  appa- 
rences ,  le  vraifcmblable ,  le  fpe- 
cieux  ,  réglant  leurs  traits  fui- 
vant  les  points  de  fituation  &c  de 
diftance  où  dévoient  être  les  figu- 
res. Ces  deux  dernières  propor- 
tions fe  trouvent  confirmées  par  la 
fuite  du  paffage  dont  il  s'agit ,  où 
l'on  appelle  la  figure  faite  par  l'Ou- 
vrier tô  çaivoVttw ,  Tt  <jttïTK^« ,  c'eft- 


ES    SÇAVANS. 

à- dire  ,  qui  ne  rejfemble  point  à  ce 
qu'on  du  quelle  reprefente  ;  Se  où 
l'on  ajoute  que  cetre  forte  d'imita- 
tion eft  du  reffort  de  la  Peinture, 
&  de  tout  autre  ait  dont  le  but  eft 
d'imiter. 

De  cette  double  imitation  , 
naiffent  deux  véritez  (  dit  l'Au- 
teur )  l'une  hiftorique  ou  natu- 
relle, qui  n'eft  qu'une  fimple  imi- 
tation de  la  nature;  l'autre,  artifi- 
cielle, qui  met  en  oeuvre  le  relief  & 
l'entoncement  ;  la  lumière  &  l'ob- 
feurité  ;  la  force  ,  Padouciffement, 
le  contour ,  pour  en  impofer  à  nos 
yeux  en  leur  prefentant  les  objets 
tels  qu'ils  font ,  non  dans  leur  réa- 
lité ,  mais  dans  la  feule  apparence  : 
&  c'eft  auffi  cette  vérité  artificielle 
qui  exige  le  plus  de  génie,  d'étude, 
&  defi;avoir,  quoiqu'elle  ne  foie 
qu'une  illulîon  que  la  Peinture  fait 
à  nos  fens.  Cette  erreur  (  ajoute 
Socratc  dans  l'un  de  ces  partages  ) 
fe  communique  jufqu'à  notre  ame, 
&  la  Peinture  n'oublie  rien  pour 
nous  enchanter  &  nous  fafcinerles 
yeux.  Or  [  dit  M.  l'Abbé  Sallier  ] 
cette  illufion  que  tait  un  tableau  ne 
roule  ni  fur  l'invention  du  fujet ,  ni 
fur  fa  délinéation  ,  ni  fur  l'expref- 
lïon  que  le  Peintre  donne  à  fes  fi- 
gures. Elle  ne  pouvoit  donc  confi- 
fter  alors  (  comme  elle  ne  confifte 
aujourd'hui  )  que  dans  l'ufage  que 
les  anciens  faifoient  de  la  Perfpedi- 
ve ,  pour  la  modification  des  gran- 
deurs &c  des  couleurs  i  d'où  il  fuit 
qu'Us  connoiffoient  la  dégradation 
en  fait  de  Peinture  ,  &  que  Socratc 
dans  les  deux  paffages  de  Platon  J 
ne  dit  autre  chofe  de  l'art  des  Ou- 
vriers 


J  A  N  V  I 

Vriers  de  fon  tems  en  ce  genre  ,  que 
ce  qu'on  trouve  fur  cet  article  dans 
le  Traité  de  la  Peinture  compofé 
par  Léonard  de  Vinci. 

Cet  autre  preftige  de  la  Peinture 
(  dit  l'Académicien  )  qui  éloigne 
les  objets  dans  un  tableau  ,  qui  hit 
fuir  les  uns  &  rapproche  les  au- 
tres, n'étoit  pas  inconnu  aux  an- 
ciens. La  preuve  en  eft  dans  Vitru- 
ve ,  qui  parlant  du  Peintre  Afatu- 
rius ,  dit  qu'il  peignit  dans  la  Ville 
de  Tralles  une  Scène  de  Théâtre, 
dont  l'afpccl  étoit  d'autant  plus 
beau  ,  que  le  Peintre  y  avoit  fi  bien 
mélangé  les  différentes  teintes  , 
qu'il  fembloit  que  cette  architectu- 
re eût  en  effet  toutes  fes  faillies.  Le 
même  Vitruvc  dit  ailleurs:  «Qu'on 
»  ne  lailfe  pas  de  reprefenter  fort 
»  bien  les  Edifices  dans  les  Perf- 
»  pedtives  que  l'on  fait  aux  décora- 
»  tions  des  Théâtres  ;  &  on  fait  que 
»  ce  qui  eft  peint  feulement  fur  une 
>»  furface  platte  paroît  avancer  en 
?>  des  endroits  &c  fe  reculer  en  d'au- 
m  très. 

Rien  de  plus  décifif  (  comme 
l'on  voit)  que  ce  partage  pour  éta- 
blir l'ufage  de  la  pcrfpecîive  chez 
les  anciens.  L'Auteur  en  allègue 
plufieurs  autres  qui  prouvent  le 
même  fait  ,  mais  en  des  termes 
moins  précis  ,  &  qui  demandent 
quelques  reflexions  pour  être  ame- 
nés à  leur  fens  véritable.  Rien  de 
plus  jufte ,  au  refte  ,  que  le  parallèle 
que  l'Académien  fait  ici  de  la  Poe- 
fie  avec  la  Peinture  ,  qui  eft  une 
Poëfîc  muette  ,  Se  dont  on  peut 
mefurer  les  progrès  par  ceux  de 
l'autre  ,  &c  appercevoir  dans  les 
Janvier. 


E  R  ,    1 7  5  4:  P 

Tableaux  que  nous  offrent  ces  deux 
arts  une  forte  de  dégradation  -,  fur 
quoi  il  compare  l'Iphigénie  en  Au- 
lide  d'Euripide  avec  le  merveil- 
leux tableau  du  Peintre  Timanthc 
fur  le  même  fujet. 

A  tous  ces  témoignages  fi  précis 
rapportés  par  l'Académicien  en  fa- 
veur du  fentiment  qu'il  tâche  d'é- 
tablir ;  il  joint  les  obfervations  fai- 
tes fur  plufieurs'pierres  gravées  da 
Cabinet  du  Roi  (  telles ,  par  exem- 
ple ,  que  le  fameux  Cachet  de  Mi- 
chel -  Ange  t  pierre  antique  s'il  en 
fut  jamais  )  dans  les  figures  def- 
quelles  on  voit  manifeftementune 
dégradation  ,  fuivant  l'endroit  du 
plan  où  elles  font  fituées. 

Mais  (  obferve  charles  Perrault  ) 
comment  exeufer  le  défaut  de  dé- 
gradation &  de  perfpeclive  qui  rè- 
gne dans  les  bas-reliefs  de  la  colom- 
ne  Trajane  ?  M.  l'Abbé  Sallier  ré- 
pond d'après  de  Piles ,  qu'un  tel  dé- 
faut, dans  ce  célèbre  Monument , 
venoit ,  non  de  l'ignorance  de  la 
la  Perfpeclive  ,  mais  du  deflein 
que  l'Ouvrier,  fupérieur  aux  règles 
de  fon  art  ,  avoit  de  foulager  la 
vûë  ,  &  de  rendre  les  objets  plus 
fenfibles  &  plus  palpables.  Or  c'eft 
à  la  pratique  de  ce  précepte  capital, 
que  les  autres  doivent  quelquefois 
être  facrifiés. 

XI.  Les  recherches  de  M.  l'Abbé 
Sevin  fur  la  Vie  &  les  Ouvrages  de 
Callifihêne  ,  nous  font  connoître 
plus  particulièrement  un  Philofo- 
phe  qui  avoit  plus  de  fçavoir  Se 
d'éloquence  que  de  jugement,  qui 
étoit  naturellement  chagrin  ,  peu 
traitable ,  toujours  prêt  à  contredi- 
B 


io        JOURNAL    DE 

rc  Se  àcenfurer  avec  aigreur  les  dé- 
fauts d'autrui  ,  par  confequent 
peu  propre  à  la  Cour  ,  où  il  s'enga- 
oea  mal-à-propos ,  Se  où  les  enne- 
mis qu'il  s'étoit  faits  en  grand  nom- 
bre travaillèrent  efficacement  à  fa  - 
perte. 

Il  naquit  à  Olynthe  ,  Ville  de 
Thrace  ,  environ  365  ans  avant 
J.  C.  Son  père,  félon  quelques-uns, 
portoit  le  même  nom  -,  félon  d'au- 
tres.il  s'appelloitDiotime,&  famere 
Héro  étoit  coufine  d'Ariftote.  Ce- 
lui-ci prit  également  foin  des  étu- 
des Se  de  la  fortune  de  Callifthêne» 
puifque  appelle  dans  la  fuite  à  la 
Cour  de  Macédoine  pour  être  Pré- 
cepteur d'Alexandre  ,  il  fe  fit  ac- 
compagner par  ce  parent  ,  qu'il 
mit  même  en  fa  place  quelques  an- 
nées après  ,  lorsqu'il  obtint  la  per- 
miffion  de  fe  retirer.  Callifthênc 
profita  mal  du  confeil  que  lui  avoit 
donné  Ariftote,  de  parler  rarement 
devant  les  Princes ,  ou  du  moins 
de  ne  leur  dire  que  des  chofes 
agréables.  Il  fuivit  Alexandre  en 
qualité  d'Hiftoriographe  ,  dans 
l'expédition  de  ce  Prince  en  Afie , 
efperant  que  fes  fervices  le  met- 
troient  en  droit  de  lui  demander 
le  retabliiTement  d'Olynthe  fa  Pa- 
trie ,  ruinée  par  la  guerre. 

Alexandre  le  confidera  fort  juf- 
qu'à  la  mort  de  Clitus  :  mais  de- 
puis cette  funefte  cataftrophe ,  les 
Sophiftes  Se  les  flatteurs,  à  la  tête 
delquels  étoit  le  Philofophe  Ana» 
xarque  ,  prévalurent  à  la  Cour  ,  Si 
Callifthcne  y  fut  beaucoup  moins 
écouté  :  d'où  l'Académicien  prend 
occafion  de  nous  peindre  le  eaiacte- 


S    SÇAVANS; 

re  de  ces  faux  PhilofophcS^  qui 
faifoient  profelïîon  de  parler  fans 
être  préparés  fur  quelque  fujet  que 
ce  pût  être  ,  de  Religion ,  de  Mo- 
rale ,  Pde  olitique  ,  Se  de  foûtenir 
indifféremment  le  pour  Se  le  con- 
tre. Callifthêne  ne  cefloit  de  dé- 
crier ces  Sophiftes  •>  6v  pour  prou- 
ver que  leur  talent  n'avoit  rien  de 
fi  merveilleux ,  il  compofoit  quel- 
quefois avec  fuccès  dans  ce  genre 
d'écrire  ,  fans  en  avoir  fait  aucune 
étude  particulière. 

Ce  fut  juftement  ce  qui  précipita 
fa  difgrace,  Alexandre  d'intelli- 
gence avec  les  Sophiftes  qui  étoient 
en  faveu»,  l'cngagea^pour  le  rendre 
odieux-  aux  Macédoniens ,  à  faire, 
dans  un  repas  ,  un  difeours  à  la 
louange  de  ceux-ci ,  à  quoi  il  réuf- 
fit  au  gré  de  tous  les  auditeurs  | 
mais  immédiatement  après ,  le  Roi 
lui  ayant  ordonné  de  prononcer 
contre  eux  une  inventive  où  il  cen- 
fureroit  fans  quartier  leurs  vices  , 
Se  feroit  voir  par  là  toute  la  fupe- 
riorité  de  fon  éloquence  -,  Calli- 
fthêne s'en  acquita  encore  mieux 
qu'il  n'avoit  fait  du  panégvrique  ~, 
ce  qui  aigrit  infiniment  contre  lui 
tous  les  conviés  ;  Se  fon  impruden- 
ce le  fit  ainfi  donner  dans  le  piège 
que  fes  ennemis  lui  avoient  tendu. 
Il  étoit  d'ailleurs  d'une  vanité  in- 
fupportable  ,  fouffrant  très- impa- 
tiemment tous  ceux  qui  en  matiè- 
re de  feience  vouloient  fe  mefurcr 
avec  lui  ;  Se  faifant  dépendre  de  fa 
plume  le  bruit  que  dévoient  faire 
dans  le  mon.de  les  exploits  d'Alc-- 
xandre. 
Ce  Ponce  gardok  encore  ccpcn- 


JANVIÉ  R;   i7j4 

■âant  quelques  mei'ures  avec  ce  Phi-     murmures  parmi  les  Grec 
ufqu'au  tems  où  celui 


lofophe ,   juiqu'au  tems  où 
ci  refufa  de  le  ialuer  à  la  Perfane.Ce 
refus ,  malheureufement  pour  Cal- 
lifthêne ,  fut  bien-tôt  fuivi  de  la 
découverte  d'une  confpiration  fai- 
te contre  le  Roi  par  Hermolaiis  ; 
$c  l'on  ne  manqua  pas  d'y  impli- 
quer le  Philofophe ,  &  de  l'arrêter 
comme  complice.  Les  témoignages 
desHiftoriens  varient  fur  ce  point- 
Les  uns  difent  qu'il  ne  fut  chargé 
à  la  queftion  par  aucun  des  conju- 
ïés ,  &  allèguent  en  preuve  deux 
fragmens  des  Lettres  d'Alexandre. 
Les  autres  alîurent  que  les  conju- 
rez aceuferent  Callifthêne  :  mais  il 
paroît  que  M.  l'Abbé  Sevin  pen- 
cheroit  allez  à  juftifier  le  Philofo- 
phe aux  dépens  du  Héros. 

Quoiqu'il  en  foit ,  les  fentimens 
ne  font  pas  moins  partagés  au  fujet 
du  fuppliee  de  Callifthêne.  Selon 
Ariftobule  ,  Strabon  ,  Plutarque 
Se  Diogéne-Laërce,  il  fut  chargé  de 
chaînes ,  enfermé  dans  une  cage , 
conduit  à  la  fuite  de  l'armée  ,  & 
mourut  de  maladie  ,  mangé  de  la 
vermine.Suivant  Ptolomée  &Quin- 
te-Curce  ,  après  avoir  fubi  la  que- 
ftion, il  fut  mis  en  croix.  Au  rap- 
port de.luftin,  on  lui  coupa  le  nez, 
les  oreilles  &  les  lèvres  ;  après  quoi 
on  l'enferma  dans  une  cage ,  où  Ly- 
fimaque  fon  ami ,  touché  de  com- 
pagnon lui  apporta  le  poifon  qui 
mit  fin  à  fa  vie  &C  à  fes  malheurs. 
Ariftote  dit  feulement  que  Calli- 
fthêne fut  condamné  dans  une  af- 
femblée  de  Macédoniens. 

Ce  qu'il  y  a  de  plus  certain  ,  c'eft 
^u'un  tel  jugement  excita  bien  des 


rr 

&  fur- 


tout  parmi  les  Difciples  d'Ariftote; 
&  l'on  a  cru  même  ,  fans  beaucoup 
de  fondement  ,  (  dit  l'Académi- 
cien )  que  ce  Philofophe  ,  pour 
venger  la  mort  de  fon  parent  - 
avoit  préparé  &  fourni  le  poifon 
dont  on  fuppofe  que  mourut  Ale- 
xandre. Mais  il  eft  plus  vraifembla- 
ble  (  ajoute  t-on  )  qu'Ariftote  ne 
fit  point  éclater  fa  douleur  ,  quoi^ 
que  fon  Difciple  Théophrafte  aie 
rendu  la  ilenne  publique  par  u* 
Livre  intitulé  Callifthêne  ou  de  l'af- 
fiittion ,  dans  lequel  Alexandre  n'é- 
toit  point  épargné. 

Quant  aux  Ouvrages  de  Calli- 
fthêne ,   M.  l'Abbé  Sevin  nous  e» 
donne  une  notice  des  plus  exacies. 
Ce  Philofophe ,  en  premier  lieu  , 
eut  grande  part  à  la  revifion  de  l'I- 
liade &  de  l'Odyflee,   entreprife 
parles  ordres  &  fous  les  yeux  d'A- 
lexandre même  ;  d'où  refulta  cette 
fameufe  Edition  d'Homère  ,  con- 
nue fous  le  nom  de  l'Edition  de  la 
Ctffette.   i°.  Il  avoit  compofé  une 
Hiftoire  fuivie  de  la  Guerre  de  Troye^ 
Ouvrage  qui  devoit  être  fort  utile 
pour  l'intelligence  d'Homère,  Se 
qu'il  avoit  détaché  d'un  autre  Ou- 
vrage de  plus  longue  haleine ,  qui 
étoit  une  cfpece  à'Hifloire  univer- 
felle,  comme  le  prouve  folidement 
l'Académicien  par  un  partage  de 
Ciceron  &  par  quelques  autres  au- 
toritez.  30.  Dans  les  Hellêniijttts  de 
Callifthêne  partagées  en  dix  Livres, 
on  trouvoit  le  récit  de  ce  qui  s'é- 
toit  parte  de  plus  mémorable  dan» 
la  Grèce  depuis  la  féconde  année  de 
la  98e  Olympiade  jufqu'à  la  fin  ds 
Bij| 


13  JOURNAL    DE 

la  i°5ej  c'eft-à -dire  pendant  l'ef- 
pace  de  30  ans  que  fignalcrent  fur- 
tout  les  fameufes  batailles  de  Leuc- 
tres  Se  de  Mantinée.  40.  Il  avoit 
écrit  auiïi  V  Hiftoire  de  la  Guerre  Sa- 
crée ,  dans  laquelle  toute  la  Grèce 
prit  les  armes  contre  les  Phocéens  , 
pour  venger  l'outrage  fait  par  ceux- 
ci  à  l'Oracle  de  Delphes.  50.  Suidas 
nous  parle  d'un  autre  Ouvrage 
Hiftorique  de  Callifthêne  fous  le 
titre  des  Perjîqucs  ,  lequel  notre 
Auteur  prétend  n'être  que  V Hiftoi- 
re même  à' Alexandre  ;  fur  quoi  il 
faut  voir  fes  preuves. 

On  attribue  encore  à  notre  Phi- 
lofophe  6°.  un  Traité  de  la  nature 
de  l'œil.  70.  Un  autre  concernant  la 
Botanique.  8°.  Un  Recueil  à'Apoph- 
thegmes.  90.  Un  Traité  de  la  Cbajfe. 
io°.  Un  Périple  ou  la  defeription 
des  Côtes  &  des  Iiles  parcourues 
dans  une  navigation.  Quelques-uns 
de  ces  cinq  derniers  Ouvrages 
pourroient  bien  être  de  quelque 
autre  Callifthêne  ;  Se  c'eft  une  dif- 
culhon  pour  laquelle  nous  ren- 
voyons à  l'Académicien  ,  ainli  que 
pour  les  divers  jugemens  portés 
par  les  anciens  fur  le  ftyle  de  ce 
Philofophe. 

XII.  M.  Bon.imy  a  raifemblé  avec 
beaucoup  de  foin  &  d'exactitude 
dans  une  narration  fuivie  tout  ce 
que  l'Antiquité  nous  apprend  de 
Démetrius  de  Phalére  ,  grand  Ora- 
teur Se  grand  Homme  d'Etat.  Il 
étoit  du  Bourg  de  Phalére  dans 
l'Attique  &  fils  de  Phanoflrate  qui 
avoit  été  efclave.  On  ne  fçait  pas 
précifément  en  quelle  année  il  na- 
quit y  niais  l'Académicien  préfume 


S    SÇAVANS, 

de  quelques  fynchronifmes  &  de 
quelques  paffages  d'Auteurs  que 
Démetrius  pouvoit  avoir  environ 
trente  ans  la  troilîéme  année  de  la. 
1 1 5e  Olympiade  ,  c'eit-à  dire  lors 
de  la  mort  de  l'Orateur  Démadcs  , 
arrivée  cinq  ans  après  celle  de  Dé- 
moithéne  &  d'Hypéride.  Il  fut  le 
Difciple  Se  l'ami  intime  de  Théo- 
phrafte  ,  fous  lequel  il  perfectionna. 
fes  talens  naturels  pour  l'éloquen- 
ce ,  Se  cultiva  la  Philofophie  ,  la 
Politique  Se  l'Hiftoire  :  car  il  écri- 
vit dans  tous  ces  genres  ,  iSc  le 
fit  avec  fuccès  3  quoique  fes  Ou- 
vrages Oratoires  eulfent  plus  de 
douceur  ,  que  de  véhémence ,  au 
jugement  de  Ciceron.  Cette  dou- 
ceur faifoit  le  caractère  de  fon  ef- 
prit,  auquel  répondoit  un  extérieur 
aimable. 

Quoiqu'il  fût  déjà  célèbre  à 
Achénes  dans  l'art  de  parler ,  avant 
la  domination  d'Antipater  ;  ce  ne 
fut  proprement  que  depuis  cette 
époque  ,  qu'il  y  joiia  un  rôle  confl- 
derable  :  &  c'eit  pour  mieux  lier 
les  évenemens  de  fa  vie  ,  que  l'Au- 
teur donne  un  détail  de  ceux  qui 
fuivirent  la  mort  d'Alexandre,  pat 
rapport  aux  Athéniens ,  &  fur  lef- 
quels  nous  renvoyons  à  l'Académi- 
cien. Antipater ,  après  la  bataille  de 
Cranon  ,  s'étant  rendu  maître  d'A- 
thènes ,  Démetrius  fe  retira  vers 
Nicanor  grand  ami  de  Caifander 
fils  du  vainqueur  -,  Se  fut  condam- 
né ,  quoiqu'abfent ,  par  les  Athé- 
niens pour  crime  d'irréligion.  Mais 
peu  de  tems  après  ayant  fait  fon 
accommodement  avec  Antipater  } 
il  revint  à  Athènes ,  où  il  eut  beau- 


JAN  VIE 

coup  de  part  aux  affaires  de  la  Ré- 
publique. Il  y  vefta  jufqu'à  l'arri- 
vée du  fils  de  Polyfperchon  avec 
une  armée  ,  qui  l'obligea  d'en  for- 
tir  pour  fe  mettre  en  ïu;  été  ,  pen- 
dant que  Phocion  lut  lacrifié  à  la 
fureur  du  peuple  ,  qui  condamna 
aufiî  plufieurs  des  abfcns  ,  &  entre 
autres  Démetrius.  Mais  Calfander 
devenu  le  plus  fort  dans  Athènes  , 
choifit  du  confentement  du  peuple 
Démetrius  de  Phalére  pour  gouver- 
ner la  république  ;  &  celui  ci  rem- 
plit cette  dignité  pendant  dix  ans 
ou  jufqu'à  la  prife  d'Athènes  par 
Démetrius  -  Poliorcète  -,  fur  quoi 
l'Académicien  relevé  une  lourde 
méprife  de  Jof.  Scaiiger. 

Ce  fut  donc  pendant  ces  dix  an- 
nées de  gouvernement  que  Déme- 
trius de  Phalére  mérita  cette  haute 
réputation  qui  l'a  égalé  en  quelque 
forte  aux  plus  grands  hommes  d'A- 
thènes. 111a  gouverna  avec  toute  la 
douceur ,  la  paix  &  l'équité  qui 
pouvoient  ie  rendre  cher  à  fes  con- 
citoyens >  èc  quoique  chef  de  la 
Republique,  bien  loin  d'abolir  la 
Démocratie ,  il  la  rétablit.  Il  aug- 
menta les  revenus  de  l'Etat  •,  il  dé- 
cora la  Ville  par  de  nouveaux  Edi- 
fices ;  il  s'appliqua  fur-tout  à  refor- 
mer le  luxe  &  à  retrancher  toutes 
les  dépenfes  qui  n'avoient  que  le 
farte  pour  objet  ,  ne  permettant 
celles-ci  que  dans  les  céf  émonies  re- 
ligieufes,  au  nombre  defquelles  il 
ne  comprenoit  nullement  les  funé- 
railles ,  d'où  il  bannit  toute  fomp- 
tuolîté.  Il  fit  encore  de  fages  Loix 
pour  le  règlement  des  mœurs  & 
pour  le  foulagement  des  pauvres  \ 


R  ,  i  7  ?  4:  i£ 

&  les  Athéniens  fe  trouvèrent  fi 
heureux  fous  fon  gouvernement 
qu'ils  crurent  ne  pouvoir  mieux 
lui  en  marquer  leur  recunnoifianec 
qu'en  lui  faifant  ériger  fucceflive- 
ment  $6o  itatuè's  ;  honneur  [dit 
l'Académicien  ]  qui  n'a  été  fait  à 
nul  homme. 

Mais  comment  accorder  avec 
une  conduite  fi  réglée  &c  fi  digne  de 
refpeèt  ce  qu'Athenéc  nous  racon- 
te de  la  vie  privée  de  Démetrius  , 
d'après  les  deux  Hiftoriens  Cary- 
ftius  &  Duris  î  S'il  faut  les  en  croi- 
re, Démetrius  menoit  une  vie  très- 
diflolue  &  toute  contraire  à  fes 
Loix.  La  profufion  de  fa  table  alloit 
au  point ,  que  fon  Cuifinicr  ,  qui 
difpofoit  de  la  deflerte  ,  acquit 
dans  l'efpacc  de  deux  ans  trois  ter- 
res confiderables.  Le  Maître  avoit 
de  revenu  annuel  douze  cens  ta- 
lens  ,  qui  fuivant  l'évaluation  de 
M.  Bonamy  taifoient  cinq  millions 
4Z  milles  Z50  livres  de  notre 
monnoye ,  dont  il  faifoit  (  dit  oa  ) 
auffi  peu  de  largefles  aux  gens  de 
guerre  ,  que  pour  les  frais  de  l'ad- 
miniitration  publique.  »  Tous  les 
»  jours  (  continue  l'Académicien  ) 
»  c'étoient  nouveaux  feltins  les 
»  uns  plus  magnifiques  que  les  au- 
»  très  •,  ils  l'emportoient ,  pour  la 
»  profufion  ,  fur  ceux  des  Macédo- 
»  niens  ,  &  ne  le  cédoient  en  rien 
»  pour  le  bon  goût,  la  délicate/Te  & 
»>la  propreté  à  ceux  des  Phéni- 
»  ciens  &  des  Cypriots  ;  il  n'y  avoic 
»  pas  jufqu'au  parquet  qui  ne  fût 
»îemé  de  fleurs,  &  fur  lequel  on 
»>  ne  répandît  des  parfums.  Le  re- 
»  fte  de  la  conduite  de  Démetrius 


i4         JOURNAt   DE 

«répondoit  à  cette  volupté  de  fa 
»  table.  La  pudeur  ne  permet  pas 
»  d'entrer  dans  le  détail  de  fc$  dé- 
jà bauches;  elles  font  dignes  d'un 
»  homme  efféminé. 

Sur  de  pareils  témoignages ,  M. 
Bonamy  ne  diffimule  point  l'em- 
barras où  il  fc  trouvoit  pour  difcul- 
per  Démctrius  de  Phalérc  ,  dont 
il  avoit  conçu  d'abord  Ci  bonne 
opinion.  Heureufemcnt  pour  lui 
étant  tombé  fur  un  chapitre  d'E- 
lien ,  où  cet  Auteur  traite  de  l'in- 
continence &  du  luxe  de  Déme- 
trius  Poliorcète  ou  le  Preneftr  de  Pil- 
les -,  il  y  lut  précifément  les  mêmes 
circonftances  mifes  par  Athénée  fur 
le  compte  du  Phaléréen  ;  d'où  il 
conclut  qu'Athénée  s'étoit  groffie- 
rement  trompé  en  appliquant  à  ce 
dernier  Démetrius  ce  qu'avoit  dit 
du  premier  l'HiftorienDuris,  dont 
le  témoignage  n'étoit  que  trop  con- 
firmé par  Plutarque  dans  la  Vie  de 
ce  Prince.  Ainfi  en  fuppofant 
que  perfonne  n'ait  apperçû  jufques 
ici  la  bévue  d'Athénée  ,  l'on  peut 
dire  que  la  juitiheation  de  Déme- 
trius de  Phalére  efl:  une  découverte 
due  à  l'Académicien  ,  qui  le  réta- 
blit par  -  là  dans  toute  fa  réputa- 
tion. 

Démetrius  ,  malgré  les  com- 
plots contre  l'Oligarchie ,  fe  main- 
tint dans  le  gouvernement  d'Athè- 
nes jufqu'à  h  prife  de  cette  Ville 
par  Dcmetrius-Policrcéte  ,  du  con- 
fentement  duquel  il  fe  retira  à 
Thébes ,  d'où  il  palTa  en  Egvpte  : 
fur  quoi  l'Auteur  difeute  &  éclair- 
cit  une  difficulté  de  chronologie  , 
qu'on  peut  voir  cher.  lui.  Démc- 


S   SÇAVANS ; 

trius  trouva  une  retraite  agréable 
aupçès  de  Ptolomée-Soter  Roi  d'E- 
gypte. Ce  Prince  le  chargea  du  foi» 
de  veiller  à  l'obfervation  des  Lois 
de  l'Etat  ,  lui  donna  le  premier 
rang  entre  fes  amis  ,  &  le  fit  vivre 
dans  l'abondance  de  toutes  chofer. 
On  lui  tait  honneur  du  premier 
ctablifïement  de  la  Bibliothèque 
d'Alexandrie  ,  &  d'avoir  eu  la  di- 
rection de  la  verfion  Gréque  deî 
Septante.  Mais  Ci  l'on  place  l'un  &£ 
l'autre  événement  fous  Philadel- 
phe  ;  il  n'y  a  nulle  apparence  que 
Démetrius  y  ait  eu  aucune  part , 
ayant  encouru  l'indignation  de  ce 
Prince  :  &  c'efl:  un  point  dont  l'A- 
cadémicien renvoyé  la  difcullion  à 
l'Hiftoire  qu'il  promet  de  la  Bi- 
bliothèque d'Alexandrie.  Du  refte, 
Démetrius  qui  avoit  confeillé  à  So- 
ter  d'écarter  de  la  fucceffion  Phila- 
dclphe ,  fut  relégué  par  celui  -  ci 
dans  une  Province  d'Egypte  ,  où  il 
mena  une  vie  malheureufe  ,  qu'il 
termina  en  fe  faifant  picquer  d'um 
afpic  ,  la  troifiémeoula  quatrième 
année  de  la  124e  Olympiade. 

XIII.  La  Difïertation  dans  la- 
quelle M.  Hardton  examine  s'il  y  * 
en  deux  Zoiles  Cenfeurs  d'Homère 
combat  le  fentiment  commun  où 
l'on  eft  fur  l'unité  de  cet  injufte  & 
bizarre  Critique  ,  dont  le  nom 
étoit  autrefois  un  terme  injurieux  ' 
&c  qui''  poufToit  la  folie  jufqu'à 
toiietter  les  ftatue's  de  ce  grand 
Poète,  8c  à  prendre  de-là  le  titre 
faftueux  de  Fléau  d'Homère  (Ho~ 
mtromtiftix  ).  L'Académicien  pré- 
tend que  cette  cenfurc  téméraire  Se 
extravagante  appartient  toute  e«- 


j A  N  V  ï 

Siere  a  un  fécond  Zoïlc  ,  qu'elle 
rendit  l'objet  de  la  haine  Se  de  la 
rifée  de  toute  la  Grèce  :  mais  qu'il 
y  en  a  eu  un   autre  plus  ancien 
qu'on   doit  regarder   comme    un 
Critique  judicieux  &  circonfpecT:  ; 
ainfi  que  s'en  eft  apperçû  feu  Tané- 
guy  le  Vivre  y   qui  avertit  dans 
une  de  fes  notes  fur  Longin  ,  de  ne 
confondre  pas  l'un  avec  l'aune  ; 
ajoutant  que  l'HomêromaJtix  n 'étoit 
point  aufli  fot   Se  aulîî  ridicule  , 
qu'on  fe  le  figuroit  ordinairement, 
(  minime  fatum  )  ce  qu'il   promet 
de  prouver  un  jour  (  Ht  alias  yroba- 
bitur.  )  Mais  il  ne  s'engage  à  rien 
fur  l'article  de  l'ancien  Zoïle  ,  qu'il 
dit  feulement   avoir  été  Rhéteur 
&  contemporain  de  Platon  contre 
lequel  il  écrivit;  alléguant  pourga- 
r-ansDenys  d'Halicarnaffe  Se  Quin- 
tilien.  M.  Hardion  n'a  donc  rien  à 
regretter  de  ce  côté-là  ,  &  conduit 
fes  recherches  beaucoup  plus  loin. 
Le  premier  Zoïle  étoit  d'Amphi- 
polis  ,  Ville  de  Thrace  ,  fut  Difci- 
pie  de  l'Orateur  Polycrate  Se  maî- 
tre d'Anaximéne  ,  l'un  des  Précep- 
teurs d'Alexandre  ;  Se  il  devoir  par 
confequent  être  fort  vieux  fur  la 
fin  du  règne  de  Philippe  ,  qui  mou- 
rut dans  la  ii oc  Olympiade.  Le  fé- 
cond Zoïle  étoit  d'Ephéfc  ,  &  vi- 
voit  fous  Ptolomée  -  Philadelphe  , 
qui  commença  de  régner  environ 
60  ans  après  la  mort  de  Philippe; 
Se  il  vint  à  Alexandrie ,  au  rapport 
de  Vitruve ,  reciter  à  Ptolomée  fes 
Ouvrages  contre  l'Iliade  Se  l'Odyf- 
fée  ,  ce  Prince  étant  au  moins  alors 
dans  la  quinzième  année  de  fon  rè- 
gne ,  o'eft-à-dire  plus  de  jo  ans 


E  R,  1734.  tx 

après  la  mort  du  premier  Zoïle  , 
que  Vofllus ,  contre  toute  vraifem- 
blance,  a  fait  vivre  jufques  -  là, 
pour  remplir  ce  vuide  :  fur  quoi  il 
a  été  abandonné  de  tous  les  Criti- 
ques ,  lefquels  ont  mieux  aimé 
renvoyer  parmi  les  fables  le  récif 
de  Vitruve. 

Mais  c'eft  ce  qu'on  ne  fe  perfua- 
dera  jamais  ,  fi  l'on  péfe  mûrement 
diverfes  circonftances  détaillées  pas 
l'Académicien  qui  fcmblent  mettre 
ce  récit  hors  de  doute.  Telles  font 
i°.  Celle  du  fupphcede  Zoïle  mis 
en  croix  par  l'ordre  de  Ptolomée  ; 
i°.  Celle  de  la  première  Apologie 
d'Homère  contre  fon  Ccnfeur 
écrite  par  Athénodore  contempo- 
rain de  Philadelphe  ;  3  °.  Celle  de  1 1 
revifion  des  Poèmes  d'Homère 
propofée  aux  p!us  célèbres  Gram- 
mairiens de  la  Grèce  par  les  deux: 
premiers  Ptolomées.  Ajoutez  à 
tout  cela  l'incompatibilité  R  mar- 
quée entre  le  caractère  du  premier 
Zoïle  Se  celui  du  fécond  ,  laquelle 
M.  Hardion  s'applique  à  mettre 
ici   dans   un  plein  jour. 

Le  premier  s'étoit  fait  m»  nom 
dans  Athènes  par  fes  plaidoyers  &c 
fes  harangues  fur  les  affaires  publi- 
ques ,  ce  qui  lui  donnoit  un  ran<? 
dans  la  féconde  claffe  des  Orateurs,, 
Ses  Ouvrages  furent  recherchés 
avec  empreffement  Se  étudiés  avec 
foin  par  Démofthéne.  Zoïle  ,  dans 
fon  ftyle  ,  s'étoit  rendu  imitateur 
de  Lyfias  ,  au  rapport  de  Denys- 
d'Halicainafle  :  &  c'eft  tout  ce  que 
ce  Rhéteur  nous  en  apprend.  Mais 
pour  nous  en  donner  une  idée  plus 
complette.,  M.  Hardion  npus  peine 


s4'  JOURNAL'   D 

ici  le  genre  d'éloquence  dans  lequel 
cxcelloit  l'Orateur  Lylîas ,  Se  qui 
étoit  le  genre  gracieux  Se  fleuri  , 
où  regnoient  la  noble  (Implicite,  le 
beau  naturel  ,  la  douceur  &  les 
grâces  de  l'élocution  ,  la  peinture 
des  mœurs  Se  des  caractères  6c  les 
autres  qualitez  dont  il  faut  lire  ré- 
munération dans  la  DiiTertation 
même.  De  là  l'Auteur  conclut  que 
le  ftyle  de  chaque  Ecrivain  étant 
une  fidcle  peinture  de  fon  ame , 
Lynas ,  Se  fes  imitateurs  ,  tels  que 
Zoïle  ,  dévoient  être  caraiîterifés 
pat  beaucoup  de  douceur  dans  l'ef- 
prit  Se  dans  les  mœurs  ,  &  que  par 
confequent  le  premier  Zoïle  loin 
d'être  envifagé  comme  un  Cenfeur 
farouche  Se  intraitable  ,  ne  pou- 
voit  pafler  que  pour  un  Ecrivain 
mefuré  ,  fage  Se  incapable  d'ai- 
greur. Il  avoit ,  à  la  vérité,  fait  la 
Critique  de  Platon  ,  mais  par  le 
feul  deilr  de  chercher  le  vrai  ;  au- 
quel cependant  on  peut  croire  que 
i'étoit  joint  le  motif  fi  légitime  de 
défendre  fon  maître  Lvfias  contre 
la  vive  Cenfure  du  Philofophe.  S'il 
eft  vrai  ,  comme  l'aflure  Denys  , 
(  ajoute  M.  Hardion  )  que  ce  Zoï- 
le ait  écrit  contre  Homère  ,  il  l'a 
fait  fans  doute  ,  avec  toute  la  mo- 
dération qu'on  devoit  attendre 
d'un  Cenfeur  exempt  de  toute  ani- 
mofité. 

Il  n'en  étoit  pas  de  même  du  fé- 
cond Zoïle.  Par  la  manière  infolen- 
te  dont  il  critiquoit  Homère ,  il 
devint  odieux  à  tous  les  honnêtes 
gens.  »  On  l'avoit  (  dit  l'Aureur  ) 
»  furiiommé  le  Chien  de  la  Rhéto- 
»  rique  ;   on  comparoit  fa  folie  à 


ES  SÇAVANS, 

u  celle  de  Salmonée  qui  avoit  votc- 
»  lu  s'égaler  à  Jupiter  :  on  le  trai- 
»  toit  de  vil  efclave  ,  decalomnia- 
»  teur  ,  de  facrilege.  Il  portoit 
»  (  dit-on  )  une  longue  barbe  ,  & 
»>  fa  tête  étoit 'rafée  jufqu'au  cuir. 
»  Son  manteau  n'alloit  pas  jufqu'à 
»  fes  genoux.  Il  aimoit  à  mal  par- 
»  1er  de  tout  fans  règle  Se  fans  me- 
n  fure  ,  Si  fembloic  avoir  pris  à 
n  tâche  de  fe  taire  haïr.  Enfin  il  n'y 
»  avoit  rien  de  fl  hargneux  que  ce 
»  miferable.  Ses  Ecrits  étoientauiîl 
»  méprifables  que  fa  perfonne  ,  Se 
»  fes  remarques  contre  Homère 
»  n'étoient  qu'un  tilTu  d'imperti- 
>»  nences.  «  On  en  peut  juger  par 
quelques  échantillons  que  nous  en 
ont  confervés  les  anciens  ,  Se  que 
M.  Hardion  nous  communique  ici. 
Les  zélés  partifans  d'Homère  dans 
leurs  Ecrits  ont  tous  fait  périr  Zoï- 
le miferablement  •,  on  l'a  mis  en 
croix  ,  félon  les  uns  ;  lapidé  ,  félon 
les  autres  ;  brûlé  vif,  au  rapport  de 
ceux-ci  -,  précipité  du  haut  d'une 
roche  ,  au  rapport  de  ceux  -  là. 
Quelle  relTemblance  d'un  homme 
de  ce  caractère  (dit  l'Académicien) 
avec  leRhéteur  Zoïle.,  diftingué  pat 
fon  éloquence  douce  ,  polie ,  gra- 
cieufe  ,  Se  qui  avoit  excité  l'émuli- 
tion  de  Démofthéne! 

M.  Hardion  termine  fon  Mé- 
moire par  une  difcuflâon  des  divers 
Ouvrages  indiqués  chez  les  anciens 
fous  le  nom  de  Zoïle  ,  fur  quoi  on 
peut  le  confulter  -,  &  par  une  refle- 
xion très-fenfée  »  fur  l'abus  qu'on 
»  a  fait  d'un  tel  nom  ,  en  l'appli- 
»  quant  trop  légèrement  à  quelques 
*  Ecrivains  modernes  aullî  eftima- 
»  blés 


j  A  N  V  I 

i>  blés  par  leur  politefTe  &c  par  leur 
»  modération  ,  que  le  fécond  Zoïle 
»  avoit  mérité  de  haine  &  de  mé- 
»  pris  par  fa  rufticité  Se  par  fon  im- 
»  pudence. 

XIV.  M.  l'Abbé  Vatry  ,  en  trai- 
tant des  avantage!  que  la  Tragédie 
ancienne  retiroit  de  [es  Chœurs  ,  la 
propofe  à  nos  Poètes  comme  un 
modèle  pour  perfectionner  la  nô- 
tre ;  mais  fans  prérendre  leur  pref- 
crire  ce  qu'ils  devroient  en  imiter  , 
fur  quoi  ils  ne  fçauroient  mieux 
faire  (  félon  lui  )  que  de  confulter 
le  goût  de  notre  fieele  &  celui  de 
notre  nation.  Après  avoir  dit  un 
mot  de  l'origine  de  la  Tragédie , 
dont  les  Chœurs ,  c'eft  -  à  -  dire  des 
Cantiques  &  des  danfes  ,  compo- 
foient  d'abord  tout  l'cffenticl  ;  juf- 
qu'à  ce  que  dans  la  fuite ,  on  y  en- 
tremêla des  Epifodes  ou  des  Actes  , 
qui  formèrent  enfin  le  corps  de  la 
Pièce  ,  dont  les  Chœurs  ne  furent 
plus  que  des  accompagnemens  : 
l'Auteur  obferve  que  lî  ces  Chœurs 
furent  confervés  ,  ce  fut  beaucoup 
moins  par  égard  pour  une  coutume 
établie  ,  qu'en  vue'  des  grandes  uti- 
litez  qui  en  refultoient ,  i°.  Pour 
rendre  la  Tragédie  plus  régulière 
Se  plus  variée  :  z°.  Pour  lui  donner 
plus  d'éclat  &  de  majefté  :  30.  Pour 
en  augmenter  la  pathétique  -,  &  ces 
trois  articles  font  le  partage  duDif- 
cours  de  M.  l'Abbé  Vatry. 

1.  Les  chœurs  rendoient  la  Tra- 
gédie plus  régulière  ,  en  devenant 
une  fuite  naturelle  du  choix  de  l'ac- 
tion reprefentée  ainfi  que  du  lieu 
de  la  Scène ,  &  en  fervant  de  ronde- 
Jxnvier, 


ment  à  la  plupart  des  règles  du 
Théâtre. 

Le  lieu  de  la  Scène  ,  chez  les  an- 
ciens étoit  toujours  le  devant  d'un 
Temple  ,  d'un  Palais  ,  ou  quel- 
que autre  lieu  public  ,  &  par 
confequent  expofé  à  un  grand 
nombre  de  Spectateurs  qui  étoient 
prefens  à  l'action ,  &c  qui  compo- 
foient  le  chœur  :  &  comme  cette 
action  qui  devoit  être  éclatante, 
intereffoittout  un  peuple,  il  falloir 
que  ceux  qui  en  étoient  fpect.i- 
teurs  «$  témoins  y  priifent  aifez  de 
part  pour  s'entretenir  enfemble  ou 
avec  les  autresActcurs,  de  ce  qui  fe 
palfoit  actuellement  fous  leurs 
yeux  ,  de  ce  qu'ils  avoient  à  crain- 
dre ou  à  cfperer  pour  la  fuite;  & 
tout  cela  fourniffoit  la  matière  aux 
chants  du  chœur  ;  ce  que  l'Acadé- 
micien met  dans  pleine  évidence 
par  l'exemple  de  l'Oedipe  de  So- 
phocle. 

De  plus ,  on  regardoit  comme 
une  dépendance  naturelle  de 
ces  Chœurs  la  plupart  des  règles 
fondamentales  du  Théâtre  ,  telles 
que  i".  l'unité  de  lieu,  lequel  ne 
pou  voit  changer,  puifque  les  mê- 
mes perfonnages  ou  le  chœur  re- 
Itoit  perpétuellement  fur  la  Scène  ; 
1°.  La  durée  de  la  Tragédie  affez 
justement  proportionnée  à  celle  de 
l'action  même  qu'on  reprefentoit  -, 
durée ,  que  les  chants  du  chœur 
qui  (  30.  )  lioient  outre  cela  un  Ac- 
te avec  un  autre ,  &  par-là  taifoient 
mieux  fentir  l'unité  de  l'action  j 
fervoient  à  mefurer  plus  exacte- 
ment &  plus  vraifemblablement 
C 


,8  JOURNAL   D 

que  ne  fait  la  fymphonie  qui  rem- 
plit les  Intermèdes  de  nos  cinq 
Actes  ifolés  ,  Se  regardés  par  l'Aca- 
démicien comme  cinq  Pièces  diffé- 
rentes que  l'on  jolie  les  unes  après 
les  autres. 

Les  chœurs  ,  en  fécond  lieu , 
jettoient  beaucoup  de  variété  dans 
la  Tragédie  ,  par  le  moyen  des 
chants  Se  des  danfes  ;  les  chants 
étant  differens  pour  ces  chœurs  Se 
pour  les  Scènes  ;  car  l'Auteur  pa- 
roît  allez  du  fentiment  de  ceux 
^ui  prétendent  que  lesTragédies  fe 
chantoient  d'un  bout  à  l'autre  , 
comme  nos  Opéra.  Sur  ce  princi- 
pe en  mettant  à  la  place  de  la  dé- 
clamation une  forte  de  Mufique 
aufli  différente  de  celle  des  chœurs 
que  l'étoit  la  poè'fie  de  ceux-ci 
comparée  avec  celle  des  Scènes  tant 
pour  la  cadence  &  l'harmonie  que 
pour  les  exprefiions  ;  M.  l'Abbé 
Vatri  prétend  que  »  l'ancienne 
»  Tragédie  varioit  fans  ceffe  les  ob- 
»  jets ,  offrait  continuellement  de 
*>  nouveaux  plaiflrsaux  Spectateurs, 
»  &  fçavoit ,  fans  les  fatiguer  ,  les 
«•retenir  &:  les  occuper  jufqu'àce 
»  qu'elle  les  renvoyât  pleins  des 
j> paillons  qu'elle  fe  propofoitd'ex- 
»  citer  en  eux. 

L'Auteur  va  au-devant  de  l'ob- 
jection faite  ordinairement  contre 
nos  Opéra,  Se  qui  pourrait  égale- 
ment valoir  contre  les  anciennes 
Tragédies  fuppofées  chantantes  , 
fçavoir,  Qu'il  eft  ridicule  d'ordon- 
ner ,  de  menacer ,  de  fe  plaindre  , 
de  mourir  en  chantant  -,  d'expri- 
mer la  crainte  ,  l'horreur  &  d'au- 
tres pallions  femblables  en  danfant. 


ES   SÇAVANS, 

L'Académicien  répond  en  fubftan- 
ce  ,  que  la  Tragédie  eft  à  la  vérité, 
une  imitation  ;  mais  une  imitation 
en  vers  ou  un  Poème  deftiné  à  de- 
venir fpectacle  -,  qu'elle  imite  ,  non 
feulement  par  fes  difeours,  mais 
encore  par  fes  tons  &:  par  fes  ge- 
ftes  ,  aufquels  doivent  préfider  la 
Mufique  Se  la  danfc  ,  Se  qui  doi- 
vent être  differens  du  ton  naturel  Se 
de  converfation ,  après  lequel  on 
court  aujourd'hui  ;  en  un  mot  qu'il 
n'eft  pas  plus  ridicule  de  chanter  , 
que  de  parler  en  vers  ,  dans  le  fort 
d'une  grande  paillon. 

2.  Rien  ne  contribuoit  davanta-r 
ge  que  les  chœurs  (  dit  l'Académi- 
cien )  à  la  pompe  Se  à  l'éclat  du 
Spectacle  dans  les  Tragédies  -,  Se 
c'eft  le  fécond  article  qu'il  doit 
prouver.  Il  trouve  de  quoi  relever 
infiniment  cet  éclat  dans  ce  grand 
nombre  d'Acteurs  de  differens  fe- 
xes  Se  de  differens  âges  dont  les 
Chœurs  étoient  compofés  ;  dans 
leurs  danfes  -,  dans  leurs  chants  -, 
dans  la  magnificence  de  leurs  ha- 
bits -,  dans  l'intérêt  que  tant  de  gens 
prennent  à  l'action  ,  Se  dont  le 
Spectateur  eft  frappé  bien  plus  vi- 
vement lorfqu'il  en  eft  témoin  lui- 
même  ,  que  lorfqu'il  ne  l'apprend 
que  par  le  récit  d'un  Acteur  ;  dans 
les  refpects  rendus  Se  les  louanges 
données  par  les  Chœurs  aux  princi- 
paux perfonnages  de  la  Pièce  ;  ce 
qui  les  illuftre  d'autant  plus  aux 
yeux  des  Spectateurs  ;  dans  les  in- 
ftructions  morales  ,  que  le  Poète 
n'ofe  toujours  hazarder  à  chaque 
Scène  ,  &  qu'il  prodigue  plus  li- 
brement par  l'organe  des  Chœurs  ï 


J  A  N  V 

enfin  dans  la  commodité  qu'ils  of- 
frent d'inftruireleSpectateur  de  tout 
ce  qu'il  doit  fçavoir ,  &c  de  donner 
occafion  aux  principaux  Acteurs 
de  s'expliquer  devant  lui  fur  leurs 
divers  fentimens  ;  ce  qui  a  bien 
plus  de  vraifemblance  que  nos  Mo- 
nologues -,  où  un  Acteur  s'entre- 
tient long-rems  avec  foi-même  ;  ou 
que  les  confidens  que  nous  donnons 
à  nos  principaux  perfonnages  ,  ce 
qui  fait  tomber  (  dit  l'Auteur  )  no- 
tre Tragédie  dans  un  air  de  familia- 
rité peu  convenable  à  la  dignité 
d'un  tel  Spectacle. 

Il  répond  enfuite  à  l'objection, 
tirée  du  fecret  où  doivent  fe  dire  & 
fe  paiTer  plufieurs  chofes  qui  for- 
ment les  Scènes  les  plus  intereffan- 
tes ,  &  dont  on  fe  prive  en  rendant 
public  le  lieu  de  la  Scène  ,  par  la 
prefence  continuelle  des  Chœurs  : 
ôc  la  reponfe  de  l'Académicien 
conlifte  à  faire  obferver  ,  que  ces 
fortes  de  Scènes  étoient  beaucoup 
plus  rares  chez  les  anciens  qu'elles 
ne  le  font  parmi  nous  -,  que  leurs 
Tragédies  rouloient  moins  fur  des 
projets  cachés  ou  fur  des  intrigues 
myfterieufes  ,  que  fur  de  grandes 
actions  expofées  aux  yeux  de  tout 
le  monde  :  que  les  Chœurs  ne  re- 
ltoient  jamais  dans  l'indifférence  , 
prenant  toujours  le  parti  de  quel- 
qu'un des  principaux  Perfonnages  ; 
&  l'Auteur  montre  la  juftefTe  &  la 
vérité  de  ces  obfervations  par  plu- 
fieurs exemples  ,  d'où  il  palTe  aux 
preuves  de  fon  troifiéme  article  , 
concernant  le  jeu  des  pallions  con- 
sidérablement accru  dans  l'ancien- 
ne Tragédie  par  le  fecours  des 
Chœurs. 


I  E  R  ,    i  7  5  4.  1$ 

30.  L'ancienne  Tragédie  fe  pro- 
pofant  pour  but  principal  d'infpi- 
rer  aux  peuples  l'horreur  du  vice  , 
&  d'être  pour  eux  une  école  de 
toutes  les  vertus  ,  ne  pouvoit  y 
mieux  réufîïr  qu'en  excitant  à  pro- 
pos &  en  foûtenant  les  pallions  les 
plus  capables  de  concourir  à  une 
fin  fi  louable.  Or  c'eft  à  quoi 
fervoient  merveilleufement  les 
Chœurs  ,  1  °.  par  la  Mufique  Se  par 
la  Danfe ,  qui  venant  à  l'appui  de* 
l'exprefiîon  vive  de  la  Poé'fie ,  ne 
pouvoient  qu'en  augmenter  infini- 
ment le  pathétique  ;  fur-tout  dans 
les  Intermèdes,  où  il  eft  important 
de  ne  point  laiffer  refroidir  le  Spec- 
tateur ,  en  l'abandonnant  à  lui- 
même. 

Un  fécond  moyen  par  lequel  ces 
mêmes  Chœurs  contribuoient  à 
émouvoir  &  à  fortifier  les  pallions , 
étoit  de  prefenter  aux  Spectateurs 
étrangers  pour  ainfi  dire  à  la  Pièce  , 
d'autres  Spectateurs  qui  en  fai- 
foient  partie  ,  &  qui  paroiffoient 
fortement  agités  de  toutes  les  paf- 
fions dont  les  principaux  Acteurs 
étoient  remués;car  (  obferve  l'Aca- 
démicien )  il  fuffit  fouvent  pour 
reffentir  les  pallions  de  voir  quel- 
qu'un qui  en  foit  vivement  touchéi 
&c  c'eft  un  artifice  que  les  habiles 
Peintres  fçavent  mettre  en  œuvre 
avec  grand  fuccès.  »  Un  bon  Poète 
»  (  continue  l'Auteur)  doit  faire  la 
»  même  chofe  ;  &c  Iphigénie  fur  le 
»  Théâtre  doit  être  environnée  de 
«perfonnes  qui  foient  fcnfibles  à 
>»  fes  malheurs. 

Rien  (  ajoute  M.  l'Abbé  Vatry 
en  finiffant  )  n'eft  plus  propre  à 
Ci] 


ao  JOURNAL  D 

nous  perfuader  des  grands  effets 
produits  par  les  Chœurs  de  l'an- 
cienne Tragédie  ,  que  la  grande 
réulTîte  de  nos  Opéra.  »  On  a  traité 
»  ce  Spe&acle  de  ridicule  Si  de 
»monftrueux:on  avoit  raifon  à  bien 
»  des  égards  ;  mais  ce  n'eft  point 
»  en  ce  que  les  Opéra  fe  chantent 
»  &  qu'ils  font  accompagnés  de 
»  danfes ,  qu'ils  font  vicieux  -,  c'eft 
»  parce  que  trèsfouvent  ,  on  n'y 
»  trouve  ni  bon  fens,  ni  intelligen- 
»  ce  du  Théâtre  ;  c'eft  parce  que 
7>  des  lieux  communs  d'amour  & 
»>  des  bagatelles  joliment  dites  y 
»  tiennent  la  place  des  grandes  paf- 
»  fions  propres  à  la  Tragédie.  Il 
»  faut  que  le  pouvoir  de  la  Mufique 
J5  Se  de  la  danfe  foit  bien  grand 
»  pour  avoir  pu  faire  goûter  un 
»  Poème  aufti  défectueux. 

XV.  Dans  la  Comparai/on  del'I- 
fhigêiiie  d'Euripide  avec  celle  de 
Racine,  l'Académicien  très -digne 
fils  de  ce  dernier  avertie  qu'un  Juge 
tel  que  lui  pourroit  être  juftement 
teeufé  par  le  Poète  Grec.  »  Si  Plu- 
»  tarque  dans  fes  comparaisons  des 
»  Héros  de  la  Grèce  avec  ceux  de 
»Romc  [dit-il]  a  été  foupçonné 
m  de  favorifer  les  premiers ,  par 
t»  amour  pour  fa  Patrie  -,  ce  même 
»  amour  fe  trouvant  en  moi  réuni 
»  à  un  autre  intérêt  plus  particu- 
»  lier ,  doit  me  porter  à  favorifer 
»  le  Poète  François.  Je  fuis  un  Ju- 
»  ge  fufpecT:  -,  mais  après  tout ,  je 
»>  puis  ne  me  pas  laiiTer  corrompre, 
»  &  l'on  ne  doit  m'en  aceufer  , 
»  qu'après  avoir  examiné  les  rai- 
»  fons ,  fur  lefquelles  fera  établi  le 
»  jugement  que  j'en  vais  porter. 


ES  SÇAVANS; 

M.  Racine  obferve  d'abord  que 
le  facrifice  d'Iphigénie  eft  un  des 
plus  heureux  fujets  que  les  Poètes 
Tragiques  ayent  pu  mettre  fur  le 
Théâtre  ;  que  la  principale  gloire  , 
qui  eft  celle  de  l'invention  ,  en  eft 
due  à  Euripide  ;  mais  que  le  Poète 
François  fon  imitateur  peut  avoir 
accompagné  de  nouvelles  circon- 
ftances  le  même  fujet  pour  l'embel- 
lir ,  &c  avoir  imaginé  de  nouveaux 
reflorts  pour  émouvoir.  C'eft  fur 
quoi  l'Auteur  entre  dans  un  paral- 
lèle très  -  détaillé  dont  nous  nous 
contenterons  d'indiquer  les  princi- 
paux traits. 

L'ouverture  de  la  Scène  a  dans 
Euripide  ,  peint  plus  vivement 
l'irrciolution  Se  le  trouble  d'Aga- 
memnon,  qui  écrit,  puis  efface;  qui 
plie  5c  déplie  la  Lettre  par  laquelle 
il  contremande  fa  femme  6c  fa  fille; 
mais  d'un  autre  côté  l'expofition  du 
fujet  faite  par  Agamemnon  eft 
beaucoup  moins  languiflante  dans 
Racine  que  dans  le  Poète  Grec.  Si 
ce  Roi  veut  obéir  à  l'Oracle  de 
Calchas ,  ce  n'eft  point,  comme 
dans  Euripide,  le  miniftere odieux 
de  fon  propre  frère  Ménélas  qui  l'y 
oblige  ;  c'eft  la  cruelle  induftric 
d'Ulyfte  qui  le  féduit,  c'eft  l'amour 
du  rang  fuprême  ,  &  les  fonges 
dont  il  eft  agité  ,  qui  le  détermi- 
nent :  ce  qui  le  rend  plus  excufablc 
&  plus  digne  de  compaifion  cher 
le  Poète  François. 

Dans  Euripide  ,  Ménélas  arrache 
avec  violence  la  Lettre  d'Agamem- 
non  à  l'efclave  qui  eft  chargé  delà 
rendre  à  Clytemneftre  ;  fur  quoï 
les  deux  frères  s'accablent  mutuel- 


J  A  N  VI 

lcment  d'injures  &  de  reproches, 
qui  les  déshonorent  tous  deux  •,  au 
lieu  que  chez  Racine  c'eft  Ulyf- 
fe  qui  encourage  Agamemnon  au 
meurtre  de  fa  fille  ,  en  lui  reprefen- 
tant  la  gloire  de  fa  Patrie. 

Quelle  doit  être  la  douleur  de  ce 
Prince  en  apprenant  l'arrivée  de  fa 
fille,  qu'il  vient  de  contremander? 
La  peinture  qu'en  fait  Euripide  efl' 
lî  merveilleufe,  que  M.  Racine  en 
efl  (  dit-il  )  beaucoup  plus  touché 
que  de  celle  de  l'imitateur;  &  pour 
juftifier  cette  préférence ,  il  tranf- 
crit  ce  partage  entier  du  Tragique 
Grec.  Celui  ci  dépeint  fi  vivement 
la  première  entrevue  du  père  &  de 
la  fille  ,  que  Racine  (  dit-on  )  n'a 
prefque  d'autre  gloire  que  celle 
d'une  parfaite  conformité  avec  fon 
modèle. 

A  l'égard  d'Eriphile ,  perfonna- 
gc  de  l'invention  du  Poète  Fran- 
çois introduit  dans  cette  Pièce 
pour  ne  point  y  fouiller  la  Scène 
par  le  meurtre  de  la  vertueufè  Iphi- 
génie ,  l'Académicienne  difîimule 
point  le  jugement  peu  favorable 
qu'en  ont  porté  plufieurs  Critiques 
1cVl.cs  ;  jugement  qu'il  ne  prétend 
ni  approuver  ni  réfuter ,  &  dont  il 
abandonne  la  décifion  au  public.  Il 
revient  donc  à  Euripide. 

Ce  Poète  introduit  Achiile  fur  le 
Théâtre  fans  aucune  raifon  apparen- 
te, puifque  ce  Prince  ignore  tout 
ce  qui  fe  paffe  au  fujet  d'Iphigénie , 
qu'il  n'a  jamais  eu  deffein  de  la  de- 
mander pour  époufe,  &  que  c'efl 
par  hazard  qu'il  vient  chercher 
Agamemnon.  Cependant  comme 
il  apprend  qu'on  a  abufé  de  fon 


E  R  ;  1734;  ar 

nom  pour  faire  venir  au  camp  Cly- 
temneftre&Iphigéniefous  prétexte 
de  marier  avec  lui  cette  Princeffe,  if* 
jure  à  la  merc  qu'il  prendra  la  défen- 
fe  d'Iphigénie  lk  qu'il  fera  fon  Dieu 
Tutélaire.  Mais  il  n'eft  excité,com- 
me  l'on  voit ,  à  la  défendre  que  pat 
un  pur  effet  de  fa  générofité  ;  au 
lieu  que  dans  la  Tragédie  Françoi- 
fe  un  motif  bien  plus  intereflane 
l'anime  ,  puifqu'il  eft  non  feule- 
ment Héros  généreux  ,  mais  enco- 
re Amant  paffionné;  &  cela  fans 
deshonorer  la  majefté  de  la  Tragé- 
die ,  ne  s'amufant  point  à  foupiret 
aux  pieds  de  fa  maîtrefTe  ,  &c  con- 
fervant  toujours  le  propre  caractère 
d'Achille. 

Le  tendre  Difcours  que  chez  le 
Poète  François,  Iphigénie  adreffe 
à  fon  père  ,  non  pour  lui  demander 
la  vie  qu'elle  a  reçue  de  lui ,  8c 
qu'elle  ell:  prête  à  lui  rendre  ,  mais 
pour  lui  reprefenter  l'intérêt  qu'u- 
ne mère  &  un  Amant  y  prennent  , 
efl  fi  fort  au-deffus  de  celui  que  lui 
faic  tenir  Euripide  ,  que  l'Auteur 
n'ofe  infiller  liir  une  comparaifon 
fi  défavantageufe  à  ce  Poète  Grec. 
En  effet  que  penfer  de  ces  paroles 
qu'il  met  à  la  bouche  de  cette  jeu- 
ne PrinceiTe  ;  Ne  me  faites  point 
mourir  a  la  fleur  de  mon  âge ,  parce 
t/u'd  efl  doux  de  voir  la  lumière 
La  lumière  du  jour  a  droit  de  charmer 
tout  le  monde  ,  mais  les  ténèbres  de  la, 
mort  ne  prefmtent  qu'effroi  :  qui  fou- 
haite  de  mourir  a  perdu  la  raifon  \ 
une  vie  fans  honneur  efl  préférable  k 
une  mort  glorieufe . 

Il  efl  vrai  que  dans  la  fuite  cIIq 
reprend  des  fentimens  plus  élevés  ; 


a*  JOURNAL   D 

ce  n'cft  plus  une  jeune  fille  que  la 
crainte  de  la  mort  fait  pleurer^  c'eft 
une  PrinceiTe  courageufe  qui  veut 
répandre  fon  fang  pour  le  falut  de 
fa  Patrie  i  &  c'eft  véritablement  à 
ce  dernier  caractère  que  Racine  eft 
redevable  de  celui  qu'il  donne  à 
Iphigénie ,  &  qu'il  foûtient  depuis 
le  commencement  jufqu'à  la  fin. 

La  féparation  de  la  mère  &  de  la 
fille  eft  également  touchante  dans 
les  deux  Pièces  ;  avec  cette  diffé- 
rence qu'Euripide  a  oublié  cette 
peinture  d'une  mère  défolée  ,  que 
Racine  a  jugé  neceffaire  d'expofcr 
à  nos  yeux.  De  plus  il  a  eu  l'art  de 
rendre  Agamemnon  moins  odieux 
Se  par  confequent  plus  digne  de 
compaffion  ,  qu'il  ne  l'eft  dans 
la  Pièce  Gréque  ,  en  l'accablant 
de  malheurs  coup  fur  coup  , 
puifque  ce  Prince  infortuné  fe  voit 
attendri  comme  père  par  les  ref- 
peclueux  fentimens  de  fa  fille  ;  dé- 
chiré comme  époux  par  les  repro- 
ches fanglans  de  Clytemneftre  ; 
outragé  commeGénéral  d'armée  par 
les  injures  &  les  menaces  d'Achil- 
le. Mais  au  milieu  de  toutes  ces  dif- 
graces  ,  il  conferve  toujours  un 
cœur  de  père  ,    il    ordonne  à  fa 


ES   SÇ  AVANS. 

femme  &  à  fa  fille  de  tuir  loin  du 
camp  ,  &  l'on  ne  pourra  lui  repro- 
cher d'avoir  confenti  à  ce  cruel  fa- 
crifice. 

Quant  au  dénouement  de  la  Pie- 
ce  dans  les  deux  Poètes  ,  il  eft  dû  à 
un  miracle  chez  Euripide,  fuivant 
l'opinion  commune  à  laquelle  il 
devoit  fe  conformer;  mais  on  doit 
être  fort  furpris  de  voir  à  l'Autel 
Achille  ,  qui  loin  de  s'oppofer  à  la 
mort  d'Iphigénie  ,  comme  il  l'a- 
voit  promis ,  la  demande  lui-mê- 
me à  haute  voix  au  nom  de  tous 
les  Grecs  :  au  lieu  que  chez  Racine 
le  dénouement  également  heureux 
a  toute  la  vraifemblance  que  l'on 
peut  fouhaiter.  »  Iphigéni*  arrive  à 
»>  l'autel  ;  elle  y  voit  toute  l'armée 
»  contre  elle  ;  le  feul  Achille  pour 
»  elle  qui  épouvante  l'armée  &  par- 
»  tage  les  Dieux  :  le  combat  com- 
»mence,  &  dans  ce  moment  de 
«trouble  on  découvre  une  autre 
»»  Iphigénie,  dont  la  mort  appaife 
»  lesDieux,  contente  tous  lesGrecs, 
»  Se  épargne  au  Spectateur  la  dou- 
>»  leur  de  voir  périr  la  vertueufe 
»  Princeffe  ,  qui  pendant  tout  le 
»  cours  de  la  Pièce  a  été  l'objet  de 
y»  fa  pitié  &  de  fon  admiration. 


JANVIER;  1754.  2j 

HISTOIRE    GENERALE  DES  AVTEVRS  SACRE'S  ET 

Ecclefiaflinues ,  qui  contient  leur  Vie  ,  le  Catalogue  i  la  Critique  ,  le  Juge- 
ment ,  /^  Chronologie  ,  V  Analyfe ,  ^  /<■  dénombrement  des  différentes  Edi- 
tions de  leurs  Ouvrages ,  c?  ^«'//j  renferment  de  plus  intereffant  Jur  le  Doqme 
fur  la  Morale  ,  &  fur  la  Difcipline  de  l'Eglife  ;  l'Hiftoire  des  Conciles  tant 
Généraux  que  Particuliers  ,  Cr  /f/  y#7«  C&0//&  <&j  Martyrs.  Par  le  R.  P. 
Dom  Remy  Ceillier ,  Bènéditlin  de  la  Congrégation  de  S.  Hydulphe  y  Coa- 
djuteurde  Flavigni.  Tome  IF.  A  Paris  ,  au  Palais ,  chez  Paulus-duMefnil} 
i73  3./»-4°.pp.772. 


CE  Volume  comprend  les  Au- 
teurs Ecclefiaftiques  qui  ont 
fleuri  pendant  les  6b  premières  an- 
nées du  quatrième  fiecle ,  les  Saints 
qui  ont  fouffert  le  martyre  ,  &  les 
Conciles  qui  ont  été  tenus  pendant 
le  même  tems.  Il  eft  divifé  en  27. 
Chapitres.  Dans  le  premier  l'Au- 
teur continue  à  donner  FAnalyfe 
des  Actes  des  Saints  qui  ont  fouf- 
fert le  martyre  fous  l'Empire  de  Ga- 
lère ,  de  Maximin  &  de  Licinius. 
Entre  les  Martyrs  de  cette  perfecu- 
tion  commencée  par  Diocletien 
dont  les  Actes  finceres  ont  été  con- 
fervés  ,  il  y  en  a  quelques-uns  qui 
font  au  rang  des  Auteurs  Ecclefia- 
ftiques. Tel  eft  S.  Méthode  fur- 
nommé  Cubule  ,  premièrement 
Evêque  d'Olympe  en  Licie  ,  puis 
de  Tyr  en  Phénicie. 

Il  avoit  compofé  divers  Ouvra- 
ges fur  la  Religion.  11  ne  nous  refte 
que  celui  qui  a  pour  titre  le  Ban- 
quet des  Vierges  ,  connu  de  S.  Gré- 
goire ,  de  S.  Jérôme ,  d'André , 
d'Aretas  tous  deux  Evêqucs  de 
Céfarée  en  Cappadocc,  de  Photius, 
de  S.  Jean  de  Damas  &  de  plufieurs 
autres  qui  le  lui  attribuent  d'un 
confentement  unanime.Rivet  eft  le 


feul ,  fuivant  notre  Auteur,  qui  ait 
prétendu  que  cet  Ouvrage  n'étoit 
point  de  S.  Méthode  j  fon  prétexte 
eft  que  le  Théologien  s  c'eft-i  dire  , 
S.  Grégoire  de  Nazianze  plus  ré- 
cent que  S.  Méthode  ,  fe  trouve 
cité  dans  un  morceau  de  ce  Banquet 
rapporté  par  Photius  ;  mais  le  P. 
Ceillier  obferve  que  ce  partage  ne 
fe  trouve  point  dans  les  différentes 
Editions  du  Banquet  de  S.  Métho- 
de ;  &  que  dans  l'endroit  de  Pho- 
tius dont  il  s'agit ,  c'eft  Photius 
lui-même  qui  infère  dans  fon  Ex- 
trait le  partage  où  S.  Grégoire  de 
Nazianze  explique  en  quel  fens 
l'homme  a  été  créé  à  l'image  de 
Dieu. 

Ce  Banquet  des  Vierges  eft  un 
Dialogue  où  Dix  Vierges  font  cha- 
cune un  difeours  fur  la  Chafteté 
pour  en  relever  les  avantages  ou 
pour  en  expliquer  les  devoirs.  Le 
P.  Ceillier  donne  une  Analyfe  du 
Difeours  de  chacune  de  ces  Vier- 
ges. Enfuite  il  parle  des  autres  Ou- 
vrages de  S.  Méthode  dont  il  ne 
nous  refte  que  des  fragmens  ,  puis 
il  vient  à  la  doctrine  de  S.Méthode. 
Il  s'explique  aflez  clairement  fur  le 
diftinction  des  «ois  Perfonnes  de 


a4  JOURNAL  D 

la  Sainte  Trinité  ,  &  fur  la  divinité 
du  Fils  &  du  S.  Efprit.  Ce  qui  peut 
faire  de  la  peine  ,  c'eft  ce  que  dit 
cet  Auteur  que  deux  puiirances , 
fçavoir  le  Père  Se  le  Fils  onr  con- 
couru à  la  création  de  l'Univers , 
que  la  première  donne  l'être  aux 
chofes  par  la  feule  volonté ,  &  que 
la  féconde  les  polit  &:  les  achevé. 
Mais  le  P.  Ceillier  dit  qu'on  doit 
attribuer  au  tems  dans  lequel  Saint 
Méthode  écrivoit  l'exprelïion  peu 
exacte  qui  fe  trouve  au  commence- 
ment de  ce  partage  ,  &  que  Photius 
qui  eft  fi  fevere  d'ailleurs  fur  les 
Ecrits  des  premiers  Auteurs  Eccle- 
fiaftiques  n'a  point  cru  que  ce  paf- 
fage  eût  befoin  de  juftification. 
Pour  ce  qui  eft  de  l'endroit  où  Saint 
Méthode  avance  que  le  Fils  polit  & 
achevé  les  Ouvrages  aufquels  le 
le  Père  a  donné  l'être  ,  notre  Au- 
teur dit  qu'il  ne  contient  rien  que 
de  conforme  à  ce  qu'on  lit  dans 
S.  Jean  ,  le  Fils  ne  peut  agir  par  lui- 
même  ,  il  ne  fait  cjue  ce  qu'il  voit  faire 
mi  F  ère  ,  car  tout  ce  que  le  Père  fait 
le  Fils  le  fait.  Ce  qui  fait  dire  à  Saint 
Grégoire  de  Nazianze  ,  que  les 
mêmes  formes  des  chofes,  qui  font 
comme  ébauchées  par  le  Perc ,  font 
achevées  par  le  Fils.  La  ieule  pré- 
caution que  S.  Grégoire  prenne  en 
cet  endroit  eft  d'obfeiver ,  que  le 
Fils  n'agit  point  fervilement  &  d'u- 
ne manière  qui  fente  l'ignorance  , 
mais  en  maître  &  pour  mieux  dire 
en  Dieu.  S.  Méthode  a  auflî  pris  la 
même  précaution  ,  puifqu'en  par- 
lant ainlî  du  Fils ,  il  l'appelle  la 
main  forte  &c  toute  -  puiflante  du 
Père.  Il  n'çft  pas  plus  difficile  ,  fui- 


ES  SÇAVANS, 

vant  le  Père  Ceillier  ,  de  donner 
un  bon  fens  à  un  autre  endroit  de 
S.  Méthode  ,  où  il  dit  que  le  Fils 
qui  eft  au-defius  des  créatures  s'eft 
fervi  du  témoignage  du  Père  qui 
feul  eft  plus  grand  que  lui  ;  mais  il 
entend  ,  comme  le  dit  S.  Chrifofto- 
me  ,  que  le  Père  eft  plus  grand  en 
tant  qu'il  eft  le  Principe  du  Fils. 
D'ailleurs  S.  Méthode  s'explique 
clairement  fur  la  divinité  de  J.  C. 
&  fur  fon  éternité  ,  Se  fur  le  My- 
ftere  de  l'Incarnation ,  d'où  vient 
qu'on  s'en  eft  fervi  pour  combattre 
les  Héréfies  de  Ncftorius  5c  d'Euti- 
chés.  11  y  a  plufieurs  autres  dogmes 
de  l'Eglifc  Catholique  folidement 
expliqués  dans  ce  qui  nous  refte  des 
Ecrits  de  S.  Méthode  ,  auquel  on 
ne  peut  guéres  reprocher  que  l'er- 
reur des  Millénaires  ,  d'où  vient 
qu'on  l'a  compté  parmi  les  Percs 
de  l'Eglifc  les  plus  illuftres  par 
leur  doctrine.  Néanmoins  Socrate 
parle  de  S.  Méthode  avec  mépris , 
parce  qu'après  avoir  détendu  Ori- 
géne  ,  il  s'eft  déclaré  hautement 
contre  lui.  On  croit  que  c'eft  quel- 
que motif  à  peu  près  fcmblablc  qui 
a  engagé  Eufebe  de  Céfarée  à  ne 
rien  dire  de  S.  Méthode  dans  fon 
Hiftoirc  de  l'Eglifc  Ce  faint  Evê- 
que  fouffrit  le  martyre  à  Calcide 
dans  la  Grèce  vers  l'année  311.  ou 
312. 

Entre  les  Actes  de  plufieurs 
Martyrs  qui  ont  fouffert  pendant 
la  perfecution  de  Dioclétien  ,  de 
Galère  e\:  de  Licinius  ,  il  y  en  a 
quelques-uns  que  notre  Auteur  ne 
peut  regarder  comme  finecres.  Tels 
font  les  Actes  de  S.  Sebaftien.  »  Ils 
»  font 


JANVIER,     17J4:  2r 

m  font  beaux  j  pleins  d'efprit,  bien      dre  fon  Hiftoire  merveilleufe  que 

croyable. 

Le  fécond  Chapitre  de  ce  Volu- 
me &  les  fept  fuivans ,  le  onzième 
&  les  quatre  qui  les  fuivent  ont  cha- 
cun pour  fujet  un  des  Auteurs  Ec- 
cleiiaftiques  de  ce  tems-là  ,   faint 
Alexandre    Archevêque  d'Alexan- 
drie ,  faint  Rctice  Evêque  d'Au- 
tun ,  &c  Juvencus  Prêtre  Efpagnol 
&    Poète  Chrétien  ,    l'Empereur 
Conftantinien-Commodia  &Maus- 
Magaés  ,  S.  Euftate  Evêque  d'An- 
tioche ,  Eufcbe  de  Céfarée  ,  S.  Pa- 
come,  S.  Jacques  Evêque  de  Nih- 
be  ,  S.   Jules  Pape  ,    S.  Antoine 
&  Olîus  Evêque  de  Cordoiie.  De 
ces  Chapitres  le  plus  étendu  eft  ce- 
lui d'Eufebe  de  Céfarée.  Notre  Au- 
teur y  donne  un  abrégé  de  la  Vie 
de  cet  Evêque  ,  &  une  Analyfe  dé- 
taillée de  fes  Ouvrages,  enfuite  il 
parle  de  fa  doctrine  fur  la  divinité 
du  Fils  ,    nous  allons  dire  quelque 
chofe  de  ce  dernier  article.  Le  Perc 
Ceillier  croit  que  lerefpeèt  dû  aux 
grands   Hommes   &  le  penchant 
qu'on  a  naturellement  à  diminuer 
leurs  fautes  ,  devoieot  porter  à  ex- 
eufer  Eufebe  fur  ce  point  en  expli- 
quant des  expreilions  trop  dures  de 
cet  Auteur  par  d'autres  plus  ortho- 
doxes.   Mais  ce  qui  la  fait  traiter 
d'une  manière  rigoureufe  ,  ce  font 
fes  liaifons  avec  les  chefs  de  la  ca- 
bale Arienne  ,  &  la  part  qu'il  a  eu 
aux  violences  exercées  contre  faint 
Athanafe  &C  contre  quelques  autres 
faints  Evêques  défenfeurs  de  la  foi 
orthodoxe.  La  caufe  de  S.  Athanafe 
avant  été  confiderce  comme  celle 
D 


»  circonftanciés  3  &  'paroiftent 
w  avoir  été  écrits  avant  la  fin  du 
»  quatrième  fiecle  ;  parce  qu'il  y 
»  eil  parlé  des  Spectacles  des  Gla- 
»  diatcurs  ,  comme  de  chofes  qui 
»  fubfiftoient  encore.  «  Mais  il  faut, 
dit  le  P.  Ceillier  ,  que  l'Auteur  ait 
eu  de  mauvais  Mémoires ,  ou  qu'il 
ait  lui-même  ajouté  aux  Originaux: 
car  on  trouve  dans  ces  Ades  un 
qrand  nombre  de  faits  qui  fonrin- 
foûtcnables.  Tels  font  le  manteau 
dont  ce  Saint  fut  revêtu  par  fept 
Anges  ;  le  confeil  qu'il  donna  à 
Chroman  de  teindre  d'être  malade, 
pour  avoir  un  prétexte  de  deman- 
der à  être  déchargé  de  la  Préfectu- 
re ,  l'affranchilTement  de  quatorze 
cens  efclaves  de  Chromaée,  le  titre 
d'Evêque  des  Evêques  que  Saint 
Tiburce  donTie  au  Pape  ,  le  grand 
nombre  d'évenemens  furprenans 
dont  ces  Actes  font  remplis  ,  la 
longueur  cxceilive  des  difeours ,  &c 
d'autres  circonftances  femblables 
qui  ne  font  pas  dans  les  Actes  fin- 
ceres.  Les  Actes  du  Martyre  de 
S.  Quentin  paroi  lient  auili  au  Père 
Ceillier  très  bien  écrits ,  &c  fur  une 
Hiftoire  compofée  un  demi  fiecle 
après  la  mort  de  Saint  Quentin. 
Mais  il  eft  perfuadé  que  l'Ecrivain  a 
ajouté  beaucoup  de  chofes  à  fon 
Original ,  Se  qu'en  plufieurs  en- 
droits il  ne  s'appuye  que  fur  le 
bruit  public.  Il  eft  vifible  par  la 
longueur  &  l'afleètion  des  difeours 
que  l'Ecrivain  tait  taire  au  Saint,  &c 
par  le  nombre  des  miracles  qu'il  lui 
attribue  ,  qu'il  a  plus  penfé  à  ren- 
Janvicr. 


26  JOURNAL    D 

de  l'Eglife,on  a  cru  devoir  condam- 
ner comme  ennemi  de  la  doctrine 
de  l'Eglife  celui  qui  l'avoit  été  de 
lado&rine  de  S  Athanafe. 

Cependant  le  Pcre  Ccillicr  croit 
qu'on  peut  féparer  la  toi  d'Eufebe 
de  fa  conduite  ;  que  iî  Eufebe  prit 
d'abord  le  parti  d'Arius ,  c'eft  qu'il 
fut  trompé  par  les  artifices  de  cet 
Hcréiiarque.Sc  que  s'il  en  entreprit 
la  défenfe,ce  fut  fans  un  deiTcin  ror- 
mé  d'appuyer  fes  erreurs.  11  ne  pa- 
roît  pas  qu'il  ait  contribué  aux  in- 
juftes  accufations  contre  S.  Euftate 
&  contre  S.  Athanafe ,  il  a  pu  avoir 
part  à  leur  dépofition ,  pour  avoir 
été  trompé  par  leurs  ennemis  ,  qui 
n'avoient  que  trop  d'artifice  pour 
cacher  la  calomnie.  Les  Saints  mê- 
mes ne  font  pas  exempts  de  ces  for- 
tes de  foiblelîes.  Ce  qui  paroît  à 
rrotrc  Auteur  devoir  déterminer  à 
interpréter  de  cette  manière  la  con- 
duite d'Eufebe  ,  c'eft  qu'il  a  fouf- 
crit  au  Symbole  de  Nicée  ,  même 
fans  exception  du  terme  de  confîth- 
ftantiel  :  dire  qu'il  a  pris  ce  parti 
contre  faconfeience  &  par  des  vues 
temporelles  ,  c'eft  vouloir  fonder 
les  cœurs  &  ufurper  un  droit  qui 
n'appartient  qu'à  Dieu.  S.  Athana- 
fe qui  avoit  aceufé  Eufebe  d'avoir 
été  Arien  avant  le  Concile  de  Ni- 
cée ,  difoit  depuis  à  Acace ,  qu'en 
s'eloignant  de  la  foi  du  Concile  de 
Nicée  il  s'éloignoit  en  même  tems 
de  celle  d'Eufebe  fon  maître.  No- 
tre Auteur  fe  propofe  enfuite  de 


ES  SÇAV  ANS, 

prouver  par  plufieurs  pafTages  d'Eu- 
febe, qu'il  condamne  formellement' 
les  principales  erreurs  d'Arius,  qu'il 
donne  au  Fils  les  mêmes  attributs 
qu'au  Père  ,  qu'il  dit  qu'il  cft  la 
fubftance  même  du  Père.  Après  ces 
obfervations  notre  Auteur  eft  per- 
fuadé  qu'il  eft  très-facile  de  prou- 
ver qu'on  doit  expliquer  dans  un 
fens  Catholique  quelques  expref- 
fions  qu'on  reproche  à  Eufebe  de 
Céfarée  ,  &  en  particulier  celle  qui 
avoit  donné  lieu  à  S.  Athanafe  de 
l'accufer  d'Arianifme. 

Le  Chapitre  neuvième  contient 
l'Hiftoire  du  Martyre  de  S.  Simeon 
Archevêque  de  Seleucie  ,  &c  de 
beaucoup  d'autres  Saints  fous  Sa- 
por  Roi  de  Perfe;  &z  le  i  f  lcsActes' 
de  plufieurs  Martyrs  dans  la  perfé- 
cution  de  Julien  l'Apoftat  :  à  cette 
occafion  l'Auteur  parle  de  cet  Em- 
pereur Si  de  fes  Ecrits. 

Les  Conciles  qui  font  le  fujec 
des  derniers  Chapitres  de  ce  Volu- 
me t  font  outre  le  Concile  de  Nicée 
les  Conciles  particuliers  qui  ont 
été  tenus  contre  les  Ariens ,  &  les 
Conciliabules  contre  S.  Athanafe  , 
les  Conciles  de  Laodicée  ,  de  Gran- 
gres ,  de  Milan  ,  &c.  Notre  Auteur 
explique  à  quelle  occafion  ces  Con- 
ciles ont  été  tenus  ,  il  donne  un 
précis  des  Acres  ,  &  il  en  rapporte 
les  décifions  ,  pour  le  Dogme ,  la 
Morale  ,  la  Difcipline  8c  les  juge- 
mens  des  perfonnes  Ecclefiaftiques. 


ÀSî&SLÈn 


J  A  N  V  I  E  R  ,  i  7  5  4.  2? 

PENSEES  MORALES  ET  CHRETIENNES  SVR  LE 
Texte  de  la  Genéfe  ,  dédiées  à  Aîonfeigneur  le  Duc  d'Orléans.  Par  M. 
/'^Wf  ie  Mere.  A  Rouen  ,  chez  Charles  Ferrand j  rue  &  vis-à-viî 
S.  Lo,  à  S. Charles.  1733. /»-i 2.  2.  vol.  Tom.  I.  pp.  J05.  Tom.  II. 
pp.  513. 


AVANT   que  rl'en  venir  à 
aucun  expofé  de  ces  P  en  fées 
Morales  ,  nous  rapporterons  le  té- 
moignage qu'en  rend  l'Auteur  mê- 
me. Il  dit ,  Que  »  dans  le  defir  de 
m  donner  au  public  quelque  choie 
»  d'utile  ,   il  a  penfé  que  l'agréable 
*>qui   devoit  précéder  ce  quelque 
a  cbofe  d'utile  ,  l'envelopper  &  le 
a  faire  recevoir  ,    confiftoit  dans 
»>  une  certaine  précilîon  3  dans  un 
»  choix  de  termes   courts   &  un 
»  tour  vif. ....  .  Qu'un  long  dif- 

»  cours  fatigue  &  ennuyé  ;  qu'on 
n  en  perd  ie  rîl ,  qu'on  n'y  eft  plus  ; 
»  Que  le  feu  au  contraire  s'iniïnue 
»  &  pénétre  ;  Qu'on  a  donc  tâché 
»dans  ce  petit  Ouvrage  ,  d'inftrui- 
»  re  par  des  paroles  courtes  &  vi- 
s>  ves  ;  Que  le  titre  qu'on  a  pris  de 
*>  Penfées  ,  le  fait  affèz  entendre  ; 
»  Que  l'épithéte  de  Morales  & 
j>  Chrétiennes  en  déterminent  feide- 
ï>  ment  l'objet  ;  Que  qui  dit  penfées 
■»  annonce  quelque  cbofe  d'aifé  t  de 
n  facile  &  d'aimable ,  qui  n'a  pas  le 
»  rebutant  d'une  inftriiÙion  féche  & 
iifouvent  hèrtjfée. 

Cela  pofé  ,  il  fait  diverles  réfle- 
xions fur  ce  qui  concerne  hpenfée. 
11  remarque  à  ce  fujer,  que  «chacun 
»  veut  penfer  ,  &  cherche  à  penfer, 
»  Que  l'efprit  fe  nourrit  de  la  pen- 
»  fée  }  qu'elle  lui  eft  fi  unie  &  h  in- 
»  time  que  fans  elle  il  ne  ferait  mê- 


»  me  pas  ;  Que  propofer  Se  donner 
>•>  à  l'efprit  des  penfées  ,  c'elt  lui 
»  prefenter  fon  aliment  ;  Que  le 
«cœur  fe  conforme  enfuite  à  l'ef- 
»  prit  ,6c  reçoit  volontiers  les  mê- 
lâmes impreilïons. 

Mais  l'Auteur  avertit  que  >«  dans 
«  la  manière  de  prefenter  à  l'hom- 
»  me  des  penfées  ,  il  y  a  desména- 
»  gemens  à  garder  ;  Qu'à  la  vérité 
"  l'homme  veut  penfer  ,  mais  qu'il 
»  ne    peut    pas  toujours  penfer 
»  qu'ainfi  lui   faciliter    feulement 
»  certaines  penfées  &  ne  les  lui  pas 
«donner  dans   leur  entier  ,    c'efi 
»  ménager  fa  délicatefle  ,  &  ne  pas 
»  perdre  la  confideration  qu'on  lui 
»  doit  ;  on  aime  ,  pourjuit  il    à  fe 
»  devoir  quelque  chofe  à  foi  -mê- 
»  me,  &  on  n'aime  pas  à  tout  devoir 
»aux  autres  ;    un  travail  modère 
»  plaît ,   on  le  goûte  ,  mais  s'il  eft 
»  exceffif  onfe  rebute. 

Notre  Auteur  affure  qu'il  eft  en. 
tré  autant  qu'à  a  pu  t  dans  ce  "énis 
de  l'homme }  &  qu'il  a  pris  ce  milieu 
fouhaitabJe  qui  s'inftmant  dans  l'ef- 
prit gagne  facilement  le  cœur.  Que 
pour  cette  raifon  il  s'efl  attaché  à  un 
flyle  court  &  concis  ,  &  s'efl  plus  ap- 
pliqué kjetter  des  femences  de  penfées 
qu'à  donner  des  penfées  -,  Que  fouvent 
même  il  s'efl  abflenu  de  les  finir  y  afin 
de  laifler  à  fes  LeUeurs  la  liberté  & 
le  plaijtr  de  les  étendre. 


i 

m 


a8  JOURNAL    DE 

Telle  eft  l'idée  que  l'Auteur  don- 
ne de  fon  Ouvrage  ;  il  ne  s'agit  plus 
pour  mettre  les  Lecteurs  en  état 
d'en  juger  ,  que  d'en  citer  quelques 
exemples  ,  nous  prendrons  ceux 
qui  fe  prefentent  dès  l'entrée  du 
Livre. 

i .  An  commencement  Dieu  créa  le 
Ciel  &  la  Terre. 

Notre  Auteur  fait  fur  ce  premier 
vcrfet,les  reflexions  fuivantes:  dans 
lefquelles  au  refte  ,  l'on  ne  trouve- 
ra peut-être  pas  toute  la  précifion 
que  femble  annoncer  la  Préface. 
Mais ,  félon  toutes  les  apparences  , 
en  promettant  comme  il  fait  , 
d'être  extrêmement  concis  &  de 
ne  parler  prefque  qu'à  demi  mot , 
pour  lailTer  à  fes  Lecteurs  le  plaifir 
de  fupplcer  le  refte  ,  il  ne  pré- 
tend pas  s'en  faire  une  loi  indifpen- 
fable.  Quoiqu'il  en  foit ,  voici  ce 
qu'il  dit  fur  ce  premier  verfet  de  la 
Gcnéfe  :  au  commencement  Dieu  créa 
le  Ciel  &  la  Terre. 

Pense'es  Morales.  »  L'Efprit 
»de  Dieu  parle  ,  &  nous  apprend 
»  que  ce  Ciel  que  nous  voyons  , 
»  que  cette  terre  fur  laquelle  nous 
»  marchons ,  que  tout  enfin  a  été 
»  créé  ,  &  qu'il  en  eftlefeul  princi- 
»  pe.  Je  fuis ,  je  penfe  &  je  raifon- 
*>  ne  -,  je  n'en  puis  douter  :  j'ai  vu 
»  naître  ,  je  vois  mourrir  :  je  con- 
»  nois  qu'il  en  eft  &  qu'il  en  fera 
»  autant  de  moi  :  je  fuis  né  &  je 
»  mourrai  :  je  fuis ,  mais  il  ne  dé- 
»  pend  pas  de  moi  d'être  ou  de  n'ê- 
»  tre  pas  :  je  fuis  par  une  caufe  fu- 
»  périeure  :  ce  bel  ordre  ,  cet  arran- 
»  gement  fi  bien  établi  dans  tout  ce 
jî  qu'on  voit ,  nous  aiTurent ,  &.  ils 


S    SÇAVANS, 

»  doivent  nous  convaincre  qu'il  ne 
»  dépend  pas  du  hazard  de  produi- 
»  re ,  ni  d'un  corps  de  fe  donner  le 
»  mouvement ,  Se  un  mouvement 
»  fi  régulier.  Il  faut  qu'il  y  ait  donc 
»  un  être  fuprême ,  un  Dieu  qui 
»  par  fa  fouveraine  puiflance  ,  crée 
»  &  gouverne  toutes  chofes  ;  qui 
»  de  rien  a  compofé  ce  qu'on  ne 
»  peut  allez  admirer ,  &  que  toute 
>»  la  raifon  humaine  ne  peut  conce- 
voir ,  qui  appelle  ce  qui  n'oit 
»  point  comme  ce  qui  eft. 

«L'homme  ne  peut  douter  qu'u- 
»  ne  caufe  fupérieurc  ne  lui  ait  don- 
»  né  l'être  ;  pourquoi  douteroit- 
a  il  que  la  même  caufe  n'ait  créé 
»  tout  ce  qu'il  voit  ;  Il  peut  dire  : 
»  rien  n'eft  plus  parfait  que  'moi 
»  dans  tout  ce  vafte  Univers  :  je  re- 
»  trouve  en  moi  feul  toutes  les  per- 
»  fections  que  j'admire  ailleurs.  Il 
»  y  a  pourtant  eu  un  jour  auquel 
»  j'ai  pu  dire  :  hier  je  n'étois  pas  :  je 
»  dois  de  même  dire  du  monde , 
»  qu'il  n'a  pas  toujours  été.  Le  mon- 
»  de  a  donc  eu  un  commencement: 
»  une  autorité  fi  puiflante  ,  une  vé- 
»  rite  fi  claire  j  doivent  enfin  nous 
»  fixer.  Mon  imagination  l'empor- 
»  teroit-elle  fur  la  raifon  ?  Oppofer 
»  fon  efprit  à  celui  de  Dieu  eft  rdû- 
»  tôt  une  foiblelTe  de  l'ame  ,  qu'u- 
»  ne  force  de  l'efprit.  Que  celui 
»  qui  entend  ces  chofes  vous  loiic 
»  ô  mon  Dieu  !  Se  que  celui  qui  ne 
»  les  entend  pas ,  vous  loiie  enco- 
»  re  ;  qu'il  aime  mieux  une  igno- 
»  rance'  humble  qui  éclaire  fa  vo- 
»  lonté  ,  &qui  l'approche  de  vous,. 
»  qu'une  feience  préfomptueufe 
»  qui  obfcurciroit  fon  efprit  %  Se 


J  A  N  V  I 

jjcndurciroit  fon  cœur. 

Voilà  les  Penfées  Morales  de  no- 
tre Auteur  fur  ces  paroles  :  au  com- 
mencement Dieu  créa  le  Ciel  &  la 
Terre.  Il  vient  enfuitc  au  fécond 
verfet. 

2.  La  terre  étoit  informe  &  toute 
nue  ,  les  ténèbres  couvraient  la  face  de 
l'abîme  i  &  l'Efprit  de  Dieu  étoit  por- 
té fur  les  eaux. 

Pense'es  Morales.  »  Tout  eft 
j>  d'abord  informe.  Ce  grand  cahos 
»  ne  fe  développe  cjue  peu  à  peu  ; 
»  ce  bel  ordre  n'eft  pas  tout  à  coup 
»  établi  :  ainfi ,  6  mon  Dieu  !  vous 
»  vous  accommodez  à  la  foibleffe 
«humaine.  Elle  ne  pourroit  foûte- 
»  nir  l'éclat  de  vos  grandeurs  ; 
»  l'excellence  de  vos  ouvrages  l'ac- 
»  cableroit  ;  vous  vous  montrez 
»peu  à  peu,  Se  comme  pardegrez 
»  vous  l'élevcz  à  votre  Trône. 

»  Tout  cft  nud ,  tout  n'eft  qu'un 
» vuide  &  qu'un  defert  affreux  fans 
»  l'admirable  fécondité  de  l'elprit 
»  faint  :  il  fe  répand  fur  la  terre  : 
»  les  ténèbres  font  féparées  de  la  lu- 
j»miere  ;  la  ftérilité  devient  técon- 
»  de.  Envoyez  cet  efprit  dans  mon 
»  ame  ,  ô  mon  Dieu  !  &  elle  fera 
»  créée  de  nouveau,  &  elle  fe  trou- 
»  vera  entièrement  renouvellée. 

Nous  pourrions  nous  en  tenir  à 
ces  deux  citations  ,  où  l'on  voit 
fuftîfaminent  le  goût  de  l'Auteur , 
mais  afin  qu'on  ne  nous  aceufe  pas 
de  trop  ménager  les  exemples,  nous 
rapporterons  le  troifieme  Se  le  qua- 
trième ,  c'eft-à-dire  les  deux  dont 
les  précedens  font  immédiatement 
fuivis. 

Notre  Auteur  ,  après  les  refle- 


E  R.  ,  ï  7  3  4;  29 

xions  qu'il  vient  de  faire  fur  le  pre- 
mier &  fur  le  fécond  verfet  de  la' 
Genéfe  ,  paffe  aux  fix  verfets  qui  fe 
lifentenfuite,  fçavoir  : 

3 .  Or  Dieu  dit  :  Que  la  lumière 
foit  faite,  &  la  lumière  fut  faite. 

4.  Dieu  vit  que  la  lumière  étoit 
bonne ,  &  il  fèpara  la  lumière  d'avec 
les  ténèbres. 

j.  Il  donna  k  la  lumière  le  nom  de 
jour  &  aux  ténèbres  le  nom  de  nuit 
&  dufoir  &  du  matin  fe  fit  le  premier 
jour. 

Pense'es  Morales.  »  Dansl'or- 
»  dre  de  la  nature ,  vouloir  &  faire 
»ne  doivent  pas  être  diftingués  en 
»  Dieu.  Sa  puiffance  n'eft  bornée 
»  que  par  fa  volonté  :  il  dit  &  il 
»  fait.  Ici  tout  ce  que  Dieu  veut 
»  s'accomplit  ;  craignons  dans  l'or- 
»  dre  de  la  grâce  ,  de  nous  rendre 
«rebelles  à  fa  volonté.  La  lumière 
»  eft  pour  nous  éclairer  ,  &  non 
»  pour  fervirà  des  ouvrages  de  té- 
»  nébres.  Dieu  change  les  ténèbres 
*  en  lumière  ;  &  nous ,  nous  chan- 
»  geons  fouvent  la  lumière  en  té- 
»  nébres.  Quel  defbrdre  î  vous  qui 
»  avez  commandé  que  la  lumière 
»  fortît  des  ténèbres  ,  faites  luire  , 
m  ô  mon  Dieu ,  dans  mon  cœur  4  la 
»  lumière  de  vorre  grâce. 

6.  Dieu  dit  auffi  :  Que  le  firma- 
ment foit  fait  au  milieu  des  eaux  \  & 
qu'il  fipare  les  eaux  d'avec  les  eaux. 

7.  Et  Dieu  fit  le  firmament ,  &  di- 
vifa  les  eaux  qui  étoient  fous  le  firma- 
ment ,  de  celles  qui  étaient  au-dejfus 
du  firmament ,  &  cela  fe  fit  ainft. 

8.  Et  Dieu  donna  au  firmament  le 
nom  de  Ciel  :  &  dufoir  &  du  matin 
fefit  le  fécond  jour, 


3o         JOURNAL     DE 

Pense'es  Morales.  »  Une  ver- 
î»  tu  folide  tient  toujours  le  milieu  -, 
»  elle  fuit  les  deux  extrémitez  : 
»  femblable  au  firmament ,  elle  eft 
»  inébranlable  ;  rien  ne  peut  nuire  à 
»  la  vertu.  Etre  uniquement  atta- 
»  ché  à  fon  Créateur ,  être  toujours 
»  <a»aj  ,  ne  fe  point  élever  par  la 
x>  profperité  ,  ni  fe  laitier  abattre 
»  par  i'adverfité  ,  c'eft  tenir  de  la 
»  foliditédu  firmament. 

Nous  ne  croyons  pas  qu'après  ces 
exemples ,  Se  fur-tout  après  ce  der- 
nier où  l'on  propofe  la  folidité  Se  la 
Situation  du  firmament ,  comme  le 
modèle  de  la  véritable  vertu ,  qui 
doit  être  inébranlable   &  tenir  le 


S     SÇAVANS; 

milieu ,  il  foit  neceffaire  d'en  citof 
un  plus  grand  nombre. 

Nous  remarquerons  ,  au  refte^ 
que  ces  Penfées  Morales  &  Chrétien- 
nes fur  le  Texte  de  la  Genéfe  ,  dont 
on  trouve  des  exemplaires  à  Paris  , 
rue  de  la  Vieille  Bouderie  ,  chez 
Gtffij  :  chez  Chaubert  ,  David  le 
jeune  ,  Se  Hourdel ,  Quai  des  Au- 
guftins ,  Se  rue  S.  Jacques ,  chez 
Ofmont ,  Huart  t  Se  Cloufîer }  font 
afTez  dans  le  goût  des  Réflexions  in- 
ftrutlives  &  morales  fur  le  Texte  de 
l'yjpocalypfe,  defquelles  nous  avons 
donné  l'Extrait  le  mois  de  Septem- 
bre de  l'année  1732. 


DUO  RERUM  IANGLICARUM  VETERES  SCRIPTORES  VIZ. 

Thomas  Otterbourne  &  Joannes  Whethamftedc  ab  origine  gentis 
Britannica:  ufque  ad  Edwardum  IV.  è  Codicibus  Manufcriptis  anti- 
quis  nunc  primus  eruit  Thomas  Hearnius.  Accedunt  inter  alia  Liber 
de  Vitâ  &  Miraculis  Henrici  Sexti.  Per  Joannem  Blakjnannum  ,  &c. 
C'cft-à-dire  :  Deux  anciens  Hiftoriens  d'Angleterre  ,  Thomas  Otterbourne 
&  Jean  de  Whetbamftede  5  qui  contiennent  ce  qui  s'eflpaffi  dans  la  grande 
Bretagne  jufqu 'au  règne  d' Edouard  IV.  avec  quelques  autres  Ecrits  s  com- 
me le  Livre  de  la  Vie  &  des  Miracles  d' Henri  VI.  Par  Jean  Blacmann 
&c.  A  Oxfort.  173  i.in-%°.  2.  vol.  pp.  8®o. 


VO  I C  I  le  quarante  Se  uniè- 
me Ouvrage  que  l'infatigable 
M.  Héarn  donne  au  public  depuis 
l'année  1701.  l'Auteur  commence 
dans  la  Préface  de  celui-ci  pardon- 
ner une  idée  des  compilations  d'an- 
ciens Hiftoriens  d'Angleterre  ,  qui 
avoient  été  entreprifes  avant  qu'il 
eût  travaillé  dans  le  même  goût. 
Le  premier  de  ces  Recueils  eft  ce- 
lui qui  a  pour  titre  3  Hiftoriœ  Angli- 
can£  Scriptores  decein  i  imprimé  à 
Londres  en    1 6^52.   des   peifonnes 


très-habiles,  comme  Uiïerius,  Ro- 
ger Twyfden  ,  JeanSelden,  Guil- 
laume Somner  Se  GerardLsngbain 
qui  avoient  engagé  Corneille  Ben 
à  taire  imprimer  ce  Recueil ,  ont 
contribué  à  fa  perfection.  Quoi- 
qu'il y  eût  beaucoup  de  tables  dans 
les  Ecrivains  dont  cette  Compila- 
tion étoit  compofée  ,  elle  fut  fort 
recherchée.  Ce  qui  engagea  T^yf- 
den  qui  avoit  le  plus  contribué  à 
l'Edition  de  ce  Volume  ,  à  faire 
copier  plusieurs  de  ces  anciens  Hj- 


J  A  N  V  I 

itoriens  Anglois,  pour  donner  un 
fécond  Volume  ,  mais  la  mort  de 
Twyfden  &  celle  de  fon  Copifte 
empêchèrent  le  public  de  profiter 
de  ion  travail.  Il  ne  pamtrien  dans 
ce  goût  en  Angleterre  ,  jufqu'à  ce 
que  Guillaume  Fahnan  excité  par 
Jean  Fell  Evêque  d'Oxfort  eût  pu- 
blié à  Oxforten  1684.  un  Volume 
in-folio  qui   comprenoit    pluficurs 
Ouvrages  pour  l'ancienne  Hiftoirc 
d'Angleterre.  La  mort  de  Jean  Fell 
&  les  occupations  de  Fuïman  l'em- 
pêchèrent de  continuer  cette  Com  • 
pilation. Thomas  Gai  mort  en  170Z. 
entreprit  cette  Continuation,  &  il 
en  fit  imprimer   deux  Volumes  à 
Oxfort,    l'un  en  1687.  l'autre  en 
1691.  ces  deux  Volumes  de   Tho- 
mas Gai  &  celui  de  Fulman  ,  qui 
n'a  pas  mis  fon  nom  à  la  tête  j  font 
ceux  qu'on  appelle  communément 
les  Hiitoriens  d'Oxfort.  M.  Hearne 
qui  i.  fuccedé  à  ces  Hommes  Ulu- 
Jlres  dans  la  Republique  des  Let- 
tres ,  l'a  encore  plus  enrichi  dans 
ce  genre  ,   que  ceux  qui  l'avoient 
précédé.    Il  croit  que  les  Chroni- 
ques   des  Rois    d'Angleterre   de 
Thomas  Otterbourne  qu'il  donne 
dans  ceVolumc  feraient  entrées  dans 
la  Compilation  dcThomas  Gai,  s'il 
l'avoit  continué ,  parce  queTWyf- 
den,  Seldcn  cv  Jean  Fell  avoient  ju- 
gé que  cet  Hiitoricn  méritoit  d'être 
imprimé  j  &  que  Baleus ,  Pitfeus , 
Gerard-Jean  Voulus ,   &  Antoine 
de  Vood  en  ont  fait  l'éloge.  C'eft  à 
M.  Mead  ,  célèbre  Médecin  ,  que 
M.  Héarn  reconnoît  avoir  l'obli- 
gation de  la  copie  fur  laquelle  il  a 
fait  imprimer  les  Chroniques  de 


E    R  ;    1  7  3  4«"  5  r 

Thomas  Otterbourne  ,  elle  avoic 
été  tranferite  fur  le  Manufctit  de  la 
Bibliothèque  Cotoniene. 

Cet  Hiftorien  étoit  de  l'Ordre 
de  S.  François,  fa  Chronique  finit 
en  l'année  1429.  ce  qui  fait  croire  à 
M.   Hearn  qu'il  cft  mort  vers  l'an 
142.1.  l'Editeur  remarque  que  Tho- 
mas Otterbourne  a  tiré  fes  Chroni- 
ques des  meilleurs  Ecrivains ,  qu'il 
a  fait  paraître  beaucoup  de  juge- 
ment dans  le  choix  qu'il  a  fait  des 
traits  qui  font  entres  dans  fon  Ou- 
vrage ,   que  fa  narration  eft  (impie 
&  concife  ;   mais  ce  qui  rend  l'Ou- 
vrage plus  intereflant ,  c'eft  qu'en 
donnant  l'Hiltoire  de  fon  tems  ,  il 
a  rapporté  plu/leurs    chofes  qu'il 
avoitapprifes  de  perfonnes  dignes 
de  foi  y  ou  qu'il  avoit  vues  lui  mê- 
me pendant  qu'il  étoit  à  Oxfort  où 
il  enfeignoit  la  Théologie.    On  y 
trouve  auffi  quelques  Pièces  consi- 
dérables tranferites  toutes  entières., 
telles  que  font  la  Lettre  du  Pape 
Boniface  VIII.  au  Roi  Edouard,  où 
le  Pape  fe  plaint  de  l'entreprife  du 
Roi  d'Angleterre  fur  l'Ecolfe  .  &c 
lui  ordonne  d'envoyer  des  Procu- 
reurs à  Rome  pour  y  foûtenir  fes 
prétentions ,  la  réponfe  des  Grands 
d'Angleterre  au  Pape ,  où  ilsdifent 
qu'après  avoir  fait  lire  les  Lettres 
du  Pape  dans  une  aflemblée  géné- 
rale, ils  ont  déclaré  unanimement 
que  le  Roi  Edouard  ne  pou  voit  ni 
ne  devoit  envoyer  des  Procureurs  à 
Rome  comme  le  Pape  le  fouhaitoit 
&  qu'il  étoit  de  leur  devoir  y  file 
Roi  vouloit  en  envoyer  de  s'y  op- 
pofer  de  toute  leur  force,  parce  que 
ce  feroit  détruire  les  droits  de  la 


32  JOURNALDE 

Couronne  d'Angleterre  ,  anéantir 
la  dignité  Royale  &  renvcrfer  l'E- 
tat ,  de  foûmettre  au  jugement  du 
Pape  ,  même  de  mettre  en  queftion 
à  Rome  ,  les  droits  du  Roi  d'An- 
gleterre par  rapport  au  temporel. 
La  Lettre  d'Edouard  I.  à  Bonifa- 
ce  VIII.  fur  le  même  fujet  eft 
moins  vive  que  celle  des  Grands 
d'Angleterre  ,  le  Roi  fe  borne  à  y 
établir  par  un  grand  nombre  de 
faits  Se  de  pièces  qu'il  cite  ,  que  de 
tout  temsles  Rois  d'Ecoffe  ont  été 
les  vafTaux  dcsRois  d'Angleterre,& 
il  le  prie  de  ne  point  ajouter  de  foi 
à  tout  ce  que  fes  ennemis  pourront 
lui  dire  fur  ce  fujet. 

La  Lettre  que  le  Roi  Edouard 
III.  écrivit  au  Pape  Se  aux  Cardi- 
naux ,  avant  que  d'entrer  en  Fran- 
ce eft  encore  du  nombre  des  pièces 
qui  exciteront  l'attention  des  Lec- 
teurs ;  on  y  voit  un  raifonnement 
qui  paraîtra  fingulier  au  fujet  du 
droit  qu'Edouard  prétendoit  avoir 
fur  la  Couronne  de  France  ;  s'il 
étoit  vrai ,  difoit  ce  Prince  ,  que 
le  fils  d'une  fille  qui  fe  trouve  le 
plus  proche  de  la  Couronne  fût  ex- 
clu par  la  Loi  qui  exclut  fa  mère 
d*  droit  de  fucceder  à  la  Couron- 
ne ,  il  faudroit  en  conclure  contre 
ce  que  la  foi  nous  enfeigne ,  que 
J.  C.  n'aurait  pas  été  véritable- 
ment Roi  des  Juifs ,  puifque  J.  C. 
ne  tirait  fon  droit  que  de  la  Sainte 
Viergcqui  étoitde  laRacedeDavid, 
laquelle  n'avoit  ni  fuccedé  ,  ni  pu 
fucceder  à  ce  Royaume  des  Juifs. 

Nous  ne  pouvons  entrer  dans  le 
détail  des  faits  que  contient  cette 
Chronique  de  Thomas  Otterbour- 


5  SÇ A VANS  ; 

ne  ,  il  fuffit  de  remarquer  en  géné- 
ral que  l'Auteur  explique  les  diffé- 
rentes révolutions   d'Angleterre  , 

6  qu'il  s'étend  davantage  fur  les 
faits  à  mefure  qu'il  approche  du 
tems  auquel  il  écrivoit.  Selon  lui 
la  première  révolution  eft  arrivée 
dans  la  grande  Bretagne  43  ans 
après  la  ruine  de  Troyc  ,  tems  au- 
quel Brutus  qui  defeendoit  de 
Troius  premier  Roi  de  Troycs ,  &z 
par  Troyus  de  Belus  fils  de  Nem- 
brod ,  entra  dans  la  Bretagne  ,  y 
vainquit  les  Tyrans ,  fe  rendit  maî- 
tre du  Pays,  le  nomma  Bretagne  , 
&:  y  introduifît  la  Langue  qu'on 
parloit  à  Troyes.  Ce  ne  font  pas  ces 
traits  &  quelques  autres  femblables 
qui  ont  fait  donnera  Thomas  d'Ot- 
terburne  la  qualité  d'Hiftoricn  ju- 
dicieux. Il  a  fuivi  en  cela  les  autres 
Ecrivains  d'Angleterre  qui  n'ayant 
rien  à  dire  de  certain  fur  ces  tems 
éloignés  ,  y  ontfubftitué  des  faits 
imaginés  à  plaifir. 

Jean  de  Whethamftede  dont  la 
Chronique  occupe  la  plus  grande 
partie  du  fécond  Volume  s'appel- 
loit  de  fon  nom  de  famille  Boftoc  , 
s'étant  fait  Religieux  Bénédictin 
dans  l'Abbaye  de  S.  Albain  ,  il  prit 
le  nom  de  Whethamftede  du  lieu 
de  fa  naiffance  qui  eft  peu  éloigné 
de  S.  Albain.  Il  fut  ordonné  Prêtre 
en  1382.  quelque  tems  après  il  tut 
fait  Prieur  d'un  Monafterc  dépen- 
dant de  l'Abbaye  de  S.  Albain,  5c 
enfuite  du  Collège  que  les  Bénédic- 
tins avoicit  à  Oxfort ,  pour  y  faire 
étudier  les  jeunes  Religieux.  En 
1410.  il  fut  élu  Abbé  de  S.  Albain  ,, 
puis  le  Clergé  d'Angleterre  le  choi- 
fit 


JANVIER;    17*4:  u 

fit  pour  être  fon  Orateur  au  Con-     lui  attribue.  L'Auteur  de  cet  éloge 


cile  de  Pife,où  il  fe  diftingua  par  la 
manicre  dont  il  s'y  conduifit.  Il  eut 
tant  de  fujets  de  chagrin  de  la  part 
de  fes  Religieux  qui  prétendoient 
que  fon  application  à  l'étude  lui 
faifoit  négliger  le  temporel ,  qu'il 
refigna  fon  Abbaye  en  1440.  pour 
fe  retirer  à  Whethamftede.  Mais  il 
fut  élu  une  féconde  fois  Abbé  de 
S.  Albain  en  145 1.  il  gouverna  cet- 
te Abbaye  jufqu'à  fa  mort  arrivée 
en  1464.  il  étoit  âgé  de  plus  de  100 
ans.  Il  a  compofé  outre  fa  Chroni- 
que des  Commentaires  fur  diffe- 
rens  Livres  de  l'Ecriture  Sainte ,  un 
Traité  des  Hommes  Illuftres  ,  8c 
d'autres  Ouvrages  dont  quelques 
Ecrivains  d'Angleterre  ont  parlé 
avec  éloge. 

M.  Héarne  n'a  point  fait  impri- 
mer la  Chronique  entière  de  Jean 
de  Whethamftede ,  dont  le  princi- 
pal objet  eft  l'Hiftoire  de  l'Abbaye 
de  S.  Albain.  Il  en  a  feulement  tiré 
des  morceaux  où  l'Hiftoire  de  cette 
Abbaye  fe  trouve  liée  avec  l'Hiftoi- 
re générale  d'Angleterre  ,  8c  des 
morceaux  concernant  Henri  VI.  8c 


eft  Jean  Blakman  Bachelier  en 
Théologie  ,  &  depuis  Moine  de  la, 
Chartreufe  de  Londres.  Blakman 
ne  doutoit  point  qu'Henri  VI.  ne 
dût  être  mis  au  nombre  des  Saints. 
M.  Héarne  avoiic  que  c'étoit  us 
Prince  très-pieux  ,  mais  il  ajoute 
que  ce  Prince  n'avoit  ni  pénétration 
d'efprit  ,  ni  jugement ,  ni  aucune 
des  qualitez  neceiTaires  pour  gou- 
verner un  grand  Royaume  ,  qu'il 
avoit  été  Roi  de  fait  8c  non  de 
droit  ,  8c  qu'il  s'étoit  attiré  par 
fon  peu  de  conduite  tous  les  mal- 
heurs qui  lui  font  arrivés.  Cepen- 
dant Henri  VIL  follicita  vivement 
le  Pape  Jules  IL  pour  qu'il  canoni- 
fàt  Henri  VI.  ce  qui  donna  lieu  à 
une  Bulle  par  laquelle  Jules  IL  or- 
donna de  faire  des  informations  en 
Angleterre  fur  la  vie  d'Henri  VI. 
&fur  les  miracles  qu'on  difoitqui 
s'étoient  faits  par  fon  interceiîïon. 
Mais  foit  que  l'information  ne  pa- 
rût pas  établir  les  faits  qu'on  avoit 
avancés,  foit  que  le  Pape  ne  voulût 
pas  mettre  au  rang  des  Saints  un 
Prince  qu'il  croyoit  n'avoir  été  Roi 


Edouard  IV.  dans  lefquels  il  y  a  que  de  fait ,  foit  par  quelque  autre 
quelques  traits  que  M.  Héarne  àf-  motif,  Jules  IL  ne  procéda  point  à 
fure  qu'on    ne  trouve  point  ail-     la  canonifation.   Henri  VIII.  qu* 


leurs. 

L'Ouvrage  intitulé ,  Collciïarium 
manfuetudinum  &  bonomm  rnorum 
Régis  Hennci  VI.  n'eft  qu'un  éloge 
des  vertus  Chrétiennes  du  Roi 
d'Angleterre  Henri  VI.  avec  une 
cnumeration  des  révélations  qu'on 
prétend  qu'il  a  eues  avant  fa  prifon, 
&  depuis  qu'il  a  été  enfermé  à  Lon- 
dres, 8c  une  Prière  dévote  qu'on 
Janvier, 


afFe&oit  un  extérieur  de  dévotion 
dans  le  tems  de  fes  Amours  avec 
Anne  de  Boulen,  renouvella  fesin- 
ftances  en  Cour  de  Rome  pour  la 
Canonifation  d'Henri  VI.  mais  fes 
follicitations  furent  aufïi  inutiles 
que  celles  qu'avoit  faites  Henri  VIL 
cependant  on  invoquoit  publique- 
ment Henri  VI.  en  Angleterre  au 
commencement  du  règne  d'Henri 


34  JOURNAL  D 

VIII.  M.  Héarnc  prouve  ce  fait  par 
des  Livres  d'Offices  publics ,  dans 
kfquels  il  y  avoit  des  Antiennes , 
des  Verfets  &  des  Oraifons  en 
l'honneur  d'Henri.  Notre  Auteur 
les  rapporte  en  entier,  &  on  y  ap- 
pelle ks  vertus  de  ce  Roi  mérita 
Ji4.tr ac  ni  i  s  fulgemia.  L'Ouvrage  de 
Blakman  que  l'on  croit  avoir  été 
compofé  fous  le  règne  &  par  les 
ordres  d'Henri  VIII.  avoit  été  im- 
primé à  Londres  en  ijio.  mais  il 
ctoit  devenu  fi  rare  que  M.  Héarne 
a  cru  rendre  un  fervice  au  public 
en  lui  en  procurant  une  nouvelle 
Edition. 


ES'  SÇAVANS; 

Les  Lettres  Angloifes  que  M, 
Hcarne  a  inférées  dans  le  fécond 
Volume  ont  été  écrites  en  15:3.  & 
en  1514.  elles  contiennent  quel- 
ques traits  pour  l'Hiftoire  d'Angle- 
terre de  ce  temslà.  Il  y  en  a  quel- 
ques -  unes  de  Marguerite  Reine 
d'Ecoffe  &  fille  aînée  d'Henri  VIL 

Le  Catalogue  des  Evêques  de 
Bath  &:  de  Wele  contient  un  abré- 
gé de  la  Vie  de  chaque  Evêquc. 
Cet  Ouvrage  finit  en  1 594.  il  eft  de 
François  Godwin  ,  fils  de  Thomas 
Godwin  Evêque  de  Bath  &  de 
Wele. 


LA  NOVFELLE  MER  DES  HISTOIRES.  A  Paris,  ckéû CÊarleS 

Guillaume  ,  Quai  des  Auguftins  ,  à  S.  Charles  ;  &c  P-  Gandoura  k 
jeune  ,  rue  du  Hurepoix  ,  aux  trois  Fleurs  de  Lys.  1753.  '«-J 1>  2.  vol. 
Tom.  I.  pp.  239.T0m.lI.  pp.  232. 


L'AUTEUR  veut  qu'on  fça- 
che  que  les  Hiftoires  qu'il 
donne  ici  ,  font  de  la  nature  de 
ces  Ouvrages  qui  ne  coûtent  pas 
beaucoup  de  peine  &  qui  fe  jet- 
tent en  moule.  »  J'ai  pris ,  dit-il , 
»tant  de  plaifir  à  écrire,  que  je 
»  me  crois  plus  que  payé  de  mon 
m  travail  ,.'&■  fi  ks  curieux  rendent 
»  fouvent  vilîte  au  Libraire  ,  je 
»  leur  donnerai  de  pareilles  Hi- 
»  ftoires  tant  qu'ils  voudront ,  le 
»>  moule  eft  chez  moi. 

Après  une  telle  déclaration  ,  il 
eft  facile  de  juger  que  le  Livre  dont 
il  s'agit ,  n'eft  pas  le  fruit  de  beau- 
coup de  veilles ,  Se  qu'il  n'en  fau- 
dra pas  non  plus  beaucoup  pour 
l'augmenter. 

Cette  facilité  cependant  se  fuffit 


pas  à  notre  Auteur  pour  l'engager' 
à  groffir  fa  Nouvelle  Aier  :  il  veut 
quelles  curieux  encouragent  l'Ou- 
»  vrier  par  quelques  louanges  ,  &C 
»  que  ces  louanges  foient  foûrenuës 
»  de  quelques  louis.  «  Moyennant 
cela  la  matière  »e  manquera  jamais 
&  il  fournira  toujours  de  l'ouvrage. 

Le  point  effentiel  pour  notre  Au- 
teur dans  cette  occafion  ,  eft  donc 
d'être  encouragé  par  des  éloges  & 
fur-tout  par  des  louis  ;  fans  cette 
condition  il  ne  promet  rien.  Cela 
pofé  ,  il  fera  facile  de  voir  par  les 
échantillons  que  nous  rapporte- 
rons, files  deux  Volumes  qu'il  don- 
ne feront  fuivis  de  quelques  autres. 
Avant  que  d'en  venir  aux  exem- 
ples ,  nous  dirons  un  mot  de  ce  ti- 
tre ,  la  Neuvette  Mer  des  H'Jisiresï 


J  A  N  VI 

titre  que  notre  Auteur  n'explique 
•peint ,  &  qui  a  befoin  que  nous 
avcrtitlions  i°.  Qu'en  1536.  c'eft-à- 
dire  il  y  a  deux  cens  moins  trois  ans, 
si  fut  imprimé  à  Paris ,  chez  Galliot 
Dupré  Libraire  Juré  de  l'Univerfi- 
té ,  au  Palais ,  un  in-folio  en  carac- 
tères gothiques ,  intitulé  :  La  Mer 
des  Hiftoires  ,  auquel  eft  contenu  tant 
du  vieux  Teftament  que  du  Nouveau, 
toutes  les  hiftoires,  ailes, &  faits  dignes 
de  mémoire,  fuis  la  création  du  monde 
jufe/ues  en  l'an  mil  cinq  cens  xxxvi. 

2°.  Que  cette  ancienne  Mer  des 
Hiftoires ,  avoit  déjà  paru  en  1480. 
fous  Louis  XI.  mais  en  latin  ,  Se 
avec  un  titre  différent ,  fçavoir  , 
Rudimentum  Noviciorum  ;  c'eft-à-di- 
re  ,  le  Rudiment  des  Novices  en. 
Hiftoire,  &  avoit  pour  Auteur  un 
Docteur  en  Théologie  nommé 
Brochait. 

3°.  Que  ce  Rudimentum  Novicio- 
rum alloit  jufques  à  l'an  1516.  &C 
futenfuite  traduit  en  François  fous 
■le  règne  de  Charles  VIII.  par  un 
Ecrivain  natif  du  Pays  de  Beauvoi- 
fin ,  lequel  y  ajouta  divers  articles , 
ëc  plufieurs  entre  autres,  concer- 
nant l'Hiftoire  de  France. 

40.  Que  l'Ouvrage  fut  depuis 
revu  ,  corrigé  &  confiderablement 
augmenté  par  les  foins  de  quelques 
Sçavansquele  Sieur  Galliot  Librai- 
re employa  à  ce  travail ,  lefquels 
pouffèrent  le  cours  de  l'Hiftoire 
jufqu'à  l'année  153^.  &  donnèrent 
le  Livre  fous  le  titre  de  Mer  des 
Hiftoires. 

Voilà  ce  que  ne  remarque  point 
notre  Auteur,  &  ce  qu'on  peut 
voir  tant  dans  une  Requête,  du  Li> 


E  R  ;   1754.        ^         5; 

braire  ,  laquelle  cft  à  la  tète  du  Li- 
vre en  queftion  ,  que  dans  deux 
Difcours  Préliminaires  qui  s'y 
trouvent  ,  l'un  intitulé  ,  aux  hum- 
bles Letleurs  en  V Emrndation  de 
l'Oeuvre,  &  l'autre  ,  le  Prologue  de 
V  AHeur,  Comme  l'Ouvrage  cft 
très-rare  aujourd'hui  ,  peut-être  ne 
fera-t-on  pas  tâché  de  voir  ici  en 
quels  termes  ce  que  nous  venons 
de  rapporter  y  eft  énoncé.  En  voici' 
la  copie  fans  autre  différence  que 
celle  de  l'imprcflion  qui  eft  gothi- 
que dans  l'original  ,  car  nous  en 
fuivrons  jufqu'à  l'orthographe  &à 
la  ponctuation.  Nous  commence- 
rons par  la  Requête. 

A  Monfieur  le  BaiHy  de  Paris  ou  fort 
Lieutenant. 

»  Supplie  humblement  Galliot 
»  Dupré  Libraire  Iuré  de  Luni- 
jjuerfite  comme  ledit  Suppliant 
»  puis  ung  an  enca  ait  recouucrt 
j>  ung  Liure  long-temps  a  imprime 
*>  intitule  la  Mer  des  Hiftoires 
»  eftant  en  deux  Volumes  8c  du- 
»quel  Ion  ne  pouuoit  plus 
»  recouurer  contenant  les  Hi- 
»  ftoires  |  Cronicques  8c  Fai&s  di- 
»>  gnes  de  mémoire  aduenuspuisk 
»  création  du  monde  iufques  en 
»  lan  mil  cinq  cens  feize.  Lequel  a 
»  grant  diligence  aurait  par  gens 
n  Scavans  faiét  ueoir  &  corriger  8c 
«coder  au  marge  les  paffages  fin- 
»  guliers  eftans  en  iceluy  |  auflî 
»  faicl:  mettre  la  dacte  des  temps 
*  Tant  puis  lan  du  monde  que 
y>  lan  de  Iefu  Chrift  iufquc-s  a  pre- 
»  fçnr  |  en  la  fin  duquel  aurait  faict 
Eij 


?6  JOURNAL  D 

«  mettre  Se  adioufter  ce  qui  auroit 
3>  efte  faid  digne  de  mémoire  puis 
»  ledit  an  cinq  cens  feize  iufques  a 
»  ce  lourdhuy  Extraid  de  pluiîeurs 
»  Audeurs  tant  Latins  q  François  a 
»quoy  faire   luy  auroit  conuenu 
y>  fraper  grotte  fomme   de  deniers 
»  tant  pour  limpreflîon  q  correc- 
»  tion    dudit    Liure    |    requérant 
»  humblemét  quil  vous  plaife  lui 
»  permettre  icelluy  vendre  5c  di- 
»  ftribuer  &  ordôner  inhibition  & 
j.  deffenfes  eftre  faides  a  tous  Li- 
a>  braires-Imprimeurs  5c  autres  ql 
;»  appartiendra  quilz  nayent  àim- 
3.  primer  faire  imprimer  ne  vendre 
x  ledit  Liure  de  la  Mer  des  Hiftoi- 
»  res  félon  la  coppie  Se  correction 
»  dudit  Suppliant  iufques  a  fixans 
y>  après  en  fuyuans  sil  neft  impri- 
»  mé  pour  luy  ôc  ce  fur  peine  de 
»  cofifeation  des  Liures  quilz  au- 
«roient  vendus   Se  imprimez    Se 
adamende  arbitraire  a  ce  que  le 
a>  dit  Suppliant  fe  puiile  rembour- 
»  fer  des  fraiz  l  miles  Se  impenfes 
»  quil  luy  a  conuenu  faire  pour 
»  limpreflîon  dicelluy  Se  vous  fe- 
»  rez  bien. 

»  Il  eft  permis  avec  les  deffenfes 

»  iufques  a  cinq  ans  faid  le  dernier 

»iouï    dauril   cinq  cens  xxxvi. 

Morin. 

Cette  Requefte  eft  immédiate- 
ment fuivie  de  l'Avis  ci-deffous. 

jiux  humbles  LeBeurs  en  LemendA- 
ùon  de  Lœnvre. 

»  Jay  faid  de  nouueau  reimprï- 
»mei  cette  dide  Hyftoire  qui  fut 


ES  SÇAVANS; 

»  en  lan  mil  cccclxxx.  faide  pre- 
»  mierement  latine  foubz  lempir-e 
»  de  Frédéric  troihefme  du  nom  / 
»  Se  régnant  fur  les  François  Loys 
»  unziefme  par  ung  Docteur  en 
»  Saincte  Théologie  nômeBrochart 
»  homme  de  grande  expérience  Se 
y>  feauoir  /  Se  qui  auoit  circuy  & 
»  enuironne  la  terre  Sainte  /  Se  in- 
»  titula  la  dide  Hyftoire  en  latin 
»  Rudimentum  Nouiciorum  /  la- 
»  quelle  depuis  pour  fa  magnificen- 
»  ce  6c  fingularite  fut  traduite  de 
»  latin  en  François  régnant  en 
»  France  Charles  huytiefme/  paru» 
»  natif  du  pays  de  Beauuoifm.  Se 
»  pour  décorer  une  chofe  h  riche 
»  ay  taid  rafrefehir  Se  amplifier  les 
»  chapitres  daucuncs  fubltances  qv 
»  y  eftoient  deftaillanr.es.  Noter  les 
»  chofes  dignes  de  mémoire  au 
»  marge  /  accorder  les  aages  8e 
y>  temps  coder  les  dades  félon  les 
»  urayes  ^amputations  /  uerifier  Se 
»  reueoir  la  table  Se  indice  a  la  ueri- 
»  te/  6c enfin  additionner  &  aug- 
»  menter  ouftre  les  précédentes 
»  imprefîïons  les  euenemens  mer- 
»  ueilleux  Se  grandes  fortunes  du 
»  règne  du  très  ehreftien  roy  de 
»  France  François  premier  de  ce 
»  nom  iufque*  a  prefent  mil  cinq 
»censxxxvi.  le  rout  en  beaux  ca- 
»raderes  Se  impreflïon  correde  ; 
»  reueue  6c  corrigée  diligemment 
»  par  gens  de  grans  lettres  6c  con- 
«noifîance  Au  moyen  que  en  fuf- 
»dide  Hyftoire  (  qui  pour  le  grât 
v  fruid  qui  y  eft  cache  a  efte  plu- 
»  fieurs  fois  imprimée  )  y  avoit 
*»  beaucoup  de  chofes  deprauees  Se 
g  fuppofees  &  a  efte  loidre  dicelie 


j  A  N  V 

»  obferuc  en  grande  curioflte  & 
»  félon  le  cours  des  fix  aages  7 
»  temps  7  royaulmes;  Seigneuries 
»  &  mutation  dicelies  de  temps  en 
»  temps  Commençant  félon  le  pre- 
»  mier  livre  de  Genefe  a  la  création 
»  du  monde  7  &  nniflant  le  hui- 
»  tiefme  iour  de  May  cinq  cens 
»  xxxvi. 

Pour  ce  qui  eft  du  Prologue  de 
VAlleur  on  y  lit  entre  autres  chofes 
ecqui  fuit  :  »  Moy  de  rechiefcon- 
»  fiderant  que  ce  prefent  liure  eft 
»  appelle  la  Mer  des  Hyftoires  iay 
»  penfe  en  mon  petit  entendement 
»  quil  feroit  bon  y  mettre  de  re- 
»  chiet  quelque  chofe  digne  de 
»  mémoire  pour  laugmenter  ÔC 
»  quant  iay  tout  penfe  ic  ne  fcau- 
»  roye  faire  chofe  plus  digne  ne 
»  plus  triomphante  que  de  adiou- 
»  fter  les  faiits  7  geftes  &  grans 
»  uicloires  des  roys  Charles  VIII  & 
»  Loys  XIIe  auec  une  partie  &  plus 
»  euidente  du  roy  François  premier 
»de  ce  nom  a  prefent  régnant  au- 
>»  quel  dieu  doint  grâce  de  gouuer- 
»  ner  fon  peuple  en  paix  au  prouffit 
»  &  falut  de  fon  ame. 

Il  y  a  donc,  comme  on  voit, 
un  ancien  Livre  intitulé  LaMcr  des 
Hiftoires  ,  &  c'eft  fans  doute  par 
rapport  à  ce  titre  que  notre  Auteur 
intitule  aujourd'hui  fon  Ouvrage  , 
La  nouvelle  Mer  des  Hiftoires.  La 
première  concernoit  ce  qui  s'eft 
pafle  de  plus  remarquable  depuis 
la  création  du  monde  jufqu'à  l'an 
1536.  &  celle-ci  eft  un  Recueil 
d'Hiftoriettes  dont  l'Auteur  dit 
avoir  un  moule  tout  fait.  Il  affure 
au  relie  dans  un  Aveitiflèment  ex- 


I  E  R  ,    1754;  37 

près ,  que  les  Hiftoires  qu'il  rap forte 
font  tris-véritables  ,  qu'elles  font  ar- 
rivées depuis  quelque  terris  ,  que  les 
principaux  perfonnages  en  font  vi- 
vans ,  qu'il  a  feulement  changé  leurs 
noms  &  leurs  pays  ,  &  que  ce  font 
des  gens  de  condition  qui  ne  feraient 
pas  bien  aifes  d'être  donnés  en  fpetl.i- 
cle. 

Il  eft  tems.  de  rapporter  quelques 
temples  de  ces  Hiftoires,  après 
toutefois  que  nous  aurons  dit  un 
mot  de  l'eftampe  qui  fe  voit  à  k 
tête  du  Recueil. 

Elle  reprefènte  une  femme  aflife 
au  pied  d'un  rocher  &C  couronnée 
de  fleurs ,  laquelle  tient  de  la  main 
gauche  une  plume  à  écrire  ,  avec 
un  grand  Livre  fermé  ,  &  reçoit  de 
la  main  droite  un  papier  que  lui 
prefente  un  enfant.  Deux  petits  gé- 
nies paroiflent  dans  les  airs ,  5c 
volent  à  elle  avec  chacun  un  papier  ''■>  j 
à  la  main.  Au  bas  du  rocher  &  fous  à 
les  pieds  de  cette  femme ,  eft  un  * 
homme  à  demi  couché  qui  la  mon- 
tre de  la  main  droite  ,  &  qui  tient 
la  gauche  appuyée  fur  une  Urne 
renverfée  ,  d'où  fort  une  grande 
abondance  d'eau. 

Selon  toutes  les  apparences  cet- 
te femme  eft  la  Mufc  qui  préfide  à 
l'Hiftoire,  les  papiers  que  lui  ap- 
portent les  trois  enfansfontde  pe- 
tites Hiftoriettes  pour  mettre  dans 
la  nouvelle  Mer ,  &  l'homme  ap- 
puyé fur  l'Urne  renverfée  T  d'où 
fort  une  grande  quantité  d'eau  eft 
notre  Auteur  même  qui  répand 
avec  profufion  fès  Hiftoriettes. 
Cette  eau ,  au  refte  ,  paroît  tomber 
dans  une  efpece  de  mer  }  c'eft  la 


58  JOURNAL   D 

nouvelle  Merdes  Hiftoires. 

Venons  à  prefent  à  ce  qui  con- 
cerne le  Livre:  c'eft  donc  une  Mer, 
félon  notre  Auteur.  Or  cette  Mer 
cft  divifée  en  deux  bras  -,  le  pre- 
mier contient  dix-fept  Hiftoires  ou 
Hiftoriettes ,  &  le  fécond  douze. 
Voilà  ce  que  c'eft  que  la  nouvelle 
2ldir  des  Hiftoires.  Ce  nombre  à  la 
vérité  paroît  peu  de  chofe  pour  une 
Mer  ,  mais  comme  l'Auteur  ne 
compte  pas  en  demeurer  là  ,  il  n'a 
fans  doute  choifi  ce  titre  que  par 
rapport  aux  grandes  augmentations 
qu'il  efpere  faire  à  fon  Livre ,  & 
qui  ne  lui  coûteront  pas  beaucoup, 
puifqu'il  en  a  le  moule  tout  fait. 

Lesdix-fcpt  premières  Hiftoriet- 
tes ,  font  le  Miroir  Magique ,  l'E- 
change ,  le  Voleur  innocent  ,  le 
Certificat  des  Bergers ,  les  Serin- 
gues ,  le  faux  Poifon ,  l'Amant  dé- 
guifé  ,  l'Amant  infortuné ,  les  Va- 
peurs ,  la  Dupe  ,  les  faux  Rivaux  , 
les  étranges  effets  de  la  Jaloufîe  j  le 
Myftere  dévoilé  ,  l'Amant  garde 
malade  ,  la  Folie  ,  la  faufte  Sorciè- 
re ,  &  la  Sœur  retrouvée. 

Les  douzes  autres  qui  compofent 
la  féconde  Partie  du  Livre,  font,La 
vertu  d'Elips  recompenfée,l'Exem- 
ple  de  la  plus  cruelle  Jaloufîe  ,  Les 
Avantures  d'Aleran  de  Saxonne  & 
d1  Adélafic,  Nouveau  genre  de  pu- 
nition que  le  Comte  de  Meden  in- 
vente pour  punir  fa  femme  qu'il 
avoit  furprife  en  adultère ,  Mort 
Tragique  de  deux  Amans  ,  Trait 
de  cruauté  ,  Zélinde  Hiftoire 
Orientale ,  Le  faux  Mort ,  Les  Pois 
verds ,  Le  Mariage  d'Avanture  , 
L'Avanturc  d'un  bel£fprit,&:Dom 


ES    SÇAVANS. 

Alvar  del  Sol ,  Hiftoire  Napolitai- 
ne. 

On  juge  bien  d'abord  à  ces  titres 
quel  peut  être  le  caractère  de  ce? 
Hiftoires,  &  il  femble  que  nous 
pourrions  nous  difpenler  d'en  rap- 
porter aucun  exemple  -,  mais  com- 
me tout  le  monde  n'eft  pas  de  mê- 
me goût ,  &  qu'il  pourroit  fe  trou- 
ver des  Lecteurs  qui  nous  blame- 
roient  de  notre  fîlence  ,  voici  deux 
échantillons  des  Hiftoires  dont  il 
s'agit  ,  nous  choifirons  les  plus 
courtes  ,  &c  nous  tâcherons  enco- 
re de  les  abréger. 

Lef'Mx  Poifon  :  »  Si  l'on  n'ïst 
»  pas  perfuadé  que  la  force  de  l'i- 
»  magination  produife  tous  les  ef- 
y>  fets  qu'on  en  raconte  ,  ce  qui  cft 
»  arrivé  depuis  peu  ,  en  peut  con- 
j>  vaincre  tout  le  monde.  Un  hom- 
»  me  de  qualité  proteftoit  à  une 
»  jeune  perfonne  ,  dont  il  étoic 
»  épris ,  une  foûmiflîon  aveugle  à 
»  fes  volonrez.  Les  proteftations 
»  allèrent  fi  loin  ,  qu'il  lui  jura  d'a- 
»  valler  du  poifon  ,  fi  elle  le  lui 
»  ordonnoit.  Elle  fit  femblant  de  le 
>s  prendre  au  mot,  &  lui  dit  qu'el- 
»  le  avoit  de  l'arfenic  dans  fon  Ca- 
•*  binet,  &z  y  étant  entrée  elle  lui 
«apporta  dans  un  petit  papier  urne 
»  poudreblanche  qu'elle  afTura  être 
»  l'arfenic  en  queftion,  quoique  ce 
»nc  fût  que  de  la  poudre  àpou- 
»  drer.  Le  Cavalier  reçut  la  pri- 
»  fe  &  l'avala.  «  Peut-être  ,  obferve 
notre  Auteur ,  crut-il  que  la  jeune 
perfonne  lui  retiendroit  la  main 
ou  que  ce  qu'elle  lui  avoit  prefenté 
n'étoit  pas  du  véritable  poifon.  Ce 
qui  donne  lieu  d'en  juger  ainfij 


J  A  N  V  I 

continue  l'Auteur  ,  c'cft  ,  que  le 
Cavalier  ayant  gardé  d'abord  un 
v.ifage  gay  ,  changea  enfuite  de 
couleur ,  lorfquc  la  perfonne  qui 
lui  aveit  apporté  le  papier  ,  lui  dit- 
on  ,  affectant  un  air  de  trouble, 
qu'il  a  voit  eu  tort  d'avaler  fi  ptom- 
ptement  cette  poudre  ,  &  fè  mit 
en  devoir  d'aller  chercher  du  con- 
tre-poifon.  Une  lueur  froide  &  de 
grands  vomiffemens  faifirent  en 
même  tems  le  Cavalier.  La  jeune 
perfonne  connoiffant  alors  qu'elle 
avoit  poulTé  la  chofe  trop  loin ,  &c 
que  l'imagination  du  Cavalier  fai- 
foit  les  mêmes  effets  qu'aur  >it  pu 
faire  l'arfenic  ,  crut  que  le  remè- 
de fur  à  ce  mal,  étoit  de  détrom- 
per le  Cavalier  ;  mais  elle  eut  beau 
lui  protefter  que  ce  qu'il  venoit 
d'avaller  n'étoit  que  de  la  fimple 
farine  ,  elle  eut  beau  en  avaller  elle- 
même  ,  les  vomiffemens  continuè- 
rent trois  jouis  de  fuite  ,  &  il  fal- 
loit  tout  ce  tems-là  au  Cavalier 
pour  revenir  de  fon  erreur. 

Avmture  d'un  bel  Efprit  :  Un 
bel  Esprit  s'étant  un  jour  trouvé 
en  débauche  chez  un  de  fes  amis , 
but  fi  bien  qu'il  s'en  reffentit  -,  la 
nuit  étant  déjà  avancée  le  maître  du 
logis  fit  mettre  les  chevaux  au 
carroffe  pour  renvoyer  fon  ami  ;  le 
bel  Efprit  monte  dedans ,  &c  le  Co- 
cher l'ayant  arrêté  devant  fa  porte, 
demeura  quelque  tems  fur  le  fiége 
pour  donnera  l'ami  de  fon  maître 
le  tems  de  fortir  du  carroffe  ;  mais 
n'en  ayant  entendu  fortir  perfon- 


E  S.  ï    ï  7  34"  39 

ne  ,  il  defeendit  de  fon  fiége  pour 
voir  s'il  y  avoit  encore  quelqu'un 
dans  le  carroffe  ,  &  n'y  ayant  vu 
perfonne  ,  il  s'en  retourna  chez 
fon  maître  ,  où  il  remit  à  l'ordinai- 
re le  carroffe  fous  la  remife  &z  les 
chevaux  dans  l'écurie.  Il  fut  enfuite 
ôter  les  glaces  du  carroffe  ,  &  met- 
tre des  grilles  d'ozier  à  la  place  , 
comme  il  avoit  coutume  de  faire 
tous  les  foirs -,  après  quoi  il  fut  fe 
coucher,  &  le  lendemain  matin 
on  entendit  grand  bruit  au  dedans 
du  carroffe  ,  contre  les  grilles  d'o- 
zier  :  le  Cocher  qui  crut  que  c'elt 
qu'il  v  avoit  enfermé  quelque  chat 
par  rnégarde  ,  courut  auffi-tôt  ou- 
vrir h  portière  pour  le  chaffer, 
mais  il  tut  bien  furpris  de  trouver 
dans  le  carroffe  le  bel  Efprit  que  la 
nuit  d'auparavant  il  avoit  ramené 
chez  lui.  Tout  le  monde  de  la  mai- 
fon  accourut  ,  on  demande  au  bel 
Efprit  à  quelle  heure  il  eft  entré,  Se 
par  où  ,  il  demeure  plus  étonné  que 
les  autres  ,  Se  ne  comprend  rien 
à  ce  qu'on  lui  dit  ;  mais  enfin  à 
force  de  le  queftionner ,  lemyftere 
s'éclaircit  ,  &  on  développa  que  le 
bel  Efprit  s'étant  endormi  pendant 
qu'on  le  conduifoit  chez  lui ,  étoit 
tombé  au  fond  du  carroffe  ,  & 
avoit  continué  d'y  dormir  jufqu'au 
matin. 

Nous  nous  contenterons  de  ces 
deux  exemples  ;  fi  quelques  Lec- 
teurs croyent  que  ce  foit  trop  peu, 
nous  les  renvoyons  ,  pour  notre 
juftification ,  au  Livre  même, 


4©  JOURNAL    DES    SÇAVANS; 

HISTOIRE   LITTERAIRE    DE  LA  FRANCE  ,   OV  VON 

traite  de  l'origine  &  du  progrès ,  de  la  décadence  &  dit  retablijfement  des 
Sciences  parmi  les  Gaulois  &  parmi  les  François  ;  du  goût  &  du  génie  des 
jtns  &  des  autres  pour  les  Lettres  en  chaque  fiecle  \  de  leurs  anciennes 
Ecoles  ;  de  retablijfement  des  Vniverjitez  en  France  ;  des  principaux  Col- 
lèges ;  des  Académies  des  Sciences  &  des  Belles  Lettres;  des  meilleures  Bi- 
bliothèques anciennes  &  modernes  ;  des  plus  célèbres  Imprimeries  ;  &  de 
tout  ce  qui  a  un  rapport  particulier  a  la  Littérature  :  avec  les  Eloges  Hlflo- 
riques  des  Gaulois  &  des  François  ,  qui  s'y  font  fait  quelque  réputation  ;  le. 
Catalogue  &  la  Chronologie  de  leurs  Ecrits  ,  des  Remarqua  Hijioriques  & 
Critiques  fur  les  principaux  Ouvrages  ;  le  dénombrement  des  différentes 
Editions  :  le  tout  juflifié  par  les  citations  des  Auteurs  originaux.  Par  des 
Religieux  Beneditlins  de  Lt  Congrégation  de  S.  Maur.  Tome  I.  qui  comprend 
les  tems  qui  ont  précédé  la  Naiffance  de  Jefus-Chrijl  y  &  les  quatre  premiers 
fiecles  del'Eglife.  A  Paris  ,  chez  C haubert 3  Libraire  du  Journal,  Quai 
des  Auguftins  ,  à  la  Renommée  &  à  la  Prudence  -,  Gijfey  ,  rue  de  la 
vieille  Bouderie  ,  à  l'Arbre  de  Jeffé;  Ofmont }  à  l'Olivier-,  Huart l'aî- 
né ,  àla  Juftice;  Cloujier ,  à  l'Ecu  de  France  ,  rue  S.  Jacques  ;  Hour- 
del  ;  &  David  \e  jeune  ,  à  l'Efperance  ,  Quai  des  Auguftins.  1733.  '«-4°. 
première  Partie  ,  pages  414.  fans  la  Préface  &  la  Table  des  citations 
qui  en  rempliffent  64.  féconde  Partie  ,  pages  450.  fans  la  Table  des 
Auteurs  &  des  Matières.  Planches  détachées  1. 


DANS  un  premier  Extrait, 
public  au  mois  d'Octo- 
bre de  l'année  précédente  ,  nous 
avons  rendu  compte  du  deffein 
général  de  cet  Ouvrage  ,  &  de  l'é- 
tat des  Lettres  dans  les  Gaules , 
avant  J.  C.  Il  nous  refte  maintenant 
àfuivre  les  progrès  de  la  Littératu- 
re dans  ce  même  Pays  pendant  les 
trois  premiers  fiecles  de  l'Eglife  ; 
&c  c'eft  de  quoi  nous  allons  entre- 
nu  le  public  ,  d'après  ce  que  nous 
en  apprennent  nos  fçavans  Béné- 
dictins ,  dans  le  refte  de  leur  pre- 
mière Partie. 

I.  Le  premier  fiecle  depuis  l'Ere 
Chrétienne  ne  nous  offre  dans 
i'Hiftoire  Littéraire  des  Gaules  ,  ni 


Auteur  Ecclefiaftique^ni  rien  qui  ait- 
rapport  à  l'établi ffement  du  Chri- 
ftianifme  ;  quoiqu'ayent  avancé  au 
contraire  ,  fans  aucunes  preuves 
pofitives  ,  divers  Ecrivains  dont 
les  témoignages  font  démentis  par 
des  autoritez  refpedlables.  Les  ré- 
volutions arrivées  dans  les  Lettres 
ne  furent  pas  à  beaucoup  près  fi 
fenfibles  ,  que  celles  qui  ébranlè- 
rent l'Etat  ;  &  quoique  les  Sciences 
y  fouffriffent  quelque  altération 
elles  ne  biffèrent  pas  de  fe  mainte- 
nir prefquc  fur  le  même  pied  vers 
la  fin  du  règne  d'Augufte  &  fous 
le  règne  entier  de  Tibère. 

Les  Ecoles  fc  multiplièrent  donc 

dans  les  Gaules  f  Se  y  fleurirent  à 

l'envi. 


J  A  N  V  I 

l'envi.  Jamais  il  n'y  parut  tant  d'O- 
rateurs ,  qui  fournirent  même  à 
Rome  des  Maîtres  d'Eloquence  , 
des  Magiftrats  ,  des  Capitaines. 
C'eft  de  quoi  ce  ficelé  produit  cent 
exemples ,  &c  ce  que  l'Empereur 
Claude  reconnoilïoit  lui  -  même 
dans  fa  harangue  au  Sénat ,  dont  il 
poftuloit  l'entrée  pour  les  Gaulois. 
Cet  Empereur  nous  y  fait  l'éloge 
d'un  Veftinus  &  d'un  Perficus  , 
tous  deux  originaires  de  laViennoi- 
fe  &  fes  favoris.  Nos  Auteurs  paf- 
fent  en  revue  plusieurs  grands 
Hommes  de  la  Gaule,  qui  pendant 
ce  fiecle  ,  remplirent  avec  diftinc- 
tion  les  premières  charges  de  la  ro- 
te &  del'épée,  tels  qu'un  Valerius- 
Afiaticus ,  un  .Tulius  -  Vindex  ,  un 
Poppxus-Vopifcus  ,  un  Valerius- 
Paulinus ,  un  ,(4ibutius-Liberalis  , 
un  Antonius  -  Primus  ,  furnommé 
Bec-de-coq;  ces  trois  derniers ,  fur- 
tout  ,  fçavoient  auiTi-bien  manier 
la  plume  que  l'cpée  ,  &  ne  firent 
guéres  moins  d'honneur  auxLettres 
qu'aux  armes.  On  n'oublie  pas  ici, 
dans  ce  dénombrement,  TitusAu- 
relius-Fulvius ,  natif  de  Nifmes,  & 
ayeul  paternel  de  Tite-Antonin,  le 
meilleur  &  le  plus  équitable  de 
cous  les  Empereurs  Payens. 

A  tous  ces  grands  fujets  qui  illu- 
strèrent la  Magiftrature  ou  brillè- 
rent à  la  tête  des  armées ,  on  joint 
quelques  Orateurs  fameux  ,  tels 
que  Julius-Aufpex  &Valcntin  qui 
fignalerent  leur  éloquence  dans 
l'afTemblée  des  Gaulois  tenue  l'an 
70.  au  fujet  de  la  concurrence  de 
Vitellius  &  de  Vefpafien  ;  &  nos 
Hiftoriens  nous  en  nomment  en- 
Janvicr. 


E  R  ,  1  7  5  4.  41 

cor-e  un  troifiéme  plus  célèbre  en  la 
ptrfonne  de  Claudius-CofTus ,  fa- 
meux Orateur  chez  les  Helvériens , 
ou  les  SuifTes.  Ils  y  ajoutent  Vibiuî- 
Gallus,  les  deux  Montanus  ,  Jul. 
Grxcinus ,  l'Empereur  Claude  Se 
Pétrone,  Domitius  Afer,  Agrotas, 
Quirinal  ,  Jul.  Florus  6v  Jul.  Sc- 
cundus  l'oncle  év  le  neveu  ,  Gabi- 
nien ,  Marcus-Aper ,  RufTus  &  Ar- 
tanus,  tous  Rhéteurs  ou  Orateurs 
très-diftingués  en  ce  fiécle.  Ils  trou- 
vent auffi  dans  les  Gaules  plufieurs 
Médecins  d'une  grande  réputa- 
tion ,  un  Charnus ,  un  Crinas ,  un 
Démofthéne. 

Les  Ecoles  Gauloifes  ,  encore 
floriflantes  alors  ,  difent-ils  ,  n'a- 
voient  rien  perdu  de  leur  première 
fplcndeur  ;  &  ils  en  produifent 
pour  preuves  l'Ecole  de  Marfeillc 
&  celle  d'Autun  ,  fans  oublier  les 
Villes  de  Vienne  &  de  Lyon, dans 
la  première  defquelles  le  latin  étoit 
la  langue  vulgaire,  comme  on  peut 
le  recueillir  d'un  pafTage  de  Martial 
èc  dont  la  féconde  vit  en  ce  fieele 
établir  dans  fon  enceinte  des  Jeux 
&  des  Exercices  Littéraires  ,  qui  fc 
faifoient  en  grec  &c  en  latin  ,  &  où 
il  s'agifToit  de  remporter  le  prix  de 
l'éloquence. 

Le  refie  des  beaux  arts  n'étoic 
pas  moins  heureufement  cultivé 
dans  les  Gaules  ;  &  Zénodore  y 
paffa  pour  l'un  des  plus  excellens 
Graveurs  Se  Sculpteurs  qui  eufient 
jamais  paru  dans  cette  Profeflïon. 
Ce  fut  lui ,  au  rapport  de  Pline,qui 
fit  dans  la  Capitale  de  l'Auvergne 
une  Statue  d'une  grandeur  énorme, 
reprefentant  Mercure  ,    8c  qu'on 


42        JOURNAL     DE 

cftimoit  quatre  millions  de 'notre 
monnoye.  Il  fut  appelle  à  Rome 
par  Néron  pour  y  faire  le  tameux 
ColoiTe  de  ne  pieds  de  haut ,  qui 
après  li  mort  de  ce  Prince  ,  fut 
eonfacré  au  Soleil. 

Mais(  obfcrvcnt  nos  Hiftoriens  ) 
quelque  émulation  qui  régnât  en- 
core alors  dans  l'étude  £c  la  prati- 
que de  l'éloquence,  elle  ne  lailTa 
pas  de  dégénérer  &  de  fe  corrom- 
pre au  point ,  qu'à  peine  fous  Né- 
ron &  Vetpafien  trouvoit  on  quel- 
que fujet  qui  méritât  le  nom  de  vé- 
ritable Orateur  ;  &  c'eft  de  quoi 
divers  Sçavans  fe  plaignirent  alors 
amèrement.  Cette  décadence  ve- 
noit  de  différentes  caufes  qu'ils  ont 
eu  foin  d'allîgner ,  &  que  nos  Au- 
teurs allèguent  Ici  d'après  eux  ,  fur- 
tout  d'après  la  Satire  de  Pétrone  & 
le  Dialogue  furies  Orateurs  attribué 
à  Tacite  ou  à  Quintilien  :  pièces 
dont  ils  nous  fourniffent  ici  plu- 
fieurs  extraits ,  aufqucls  nous  ren- 
voyons furlaqucftion  prefente. 

A  ce  Difcours  Préliminaire  fur 
l'état  des  Lettres  dans  les  Gaules  au 
premier  fiécle  ,  fuccede  un  dénom- 
brement exact  des  Ecrivains  de 
tout  genre  qui  s'y  font  fait  connoî- 
tre ,  &  dont  nos  Hiftoriens  nous 
donnent  toujours  ,  autant  qu'il  eft 
poffible  ,  un  détail  de  la  vie  S:  une 
notice  des  Ecrits  tant  confervés  , 
que  perdus  ou  fuppofés.  On  y  trou- 
ve 14  ,  tant  Rhéteurs  qu'Orateurs, 
dont  nous  avons  déjà  indiqué  la 
plupart  -,  deux  Poètes ,  Pétrone  5c 
Antonius -Primus  ;  deux  Philofo- 
phes,  Gncir.us  &  Libcralis  -,  trois 
Médecins  ;  fans  compter  Germani- 


S     SÇAVANS, 

cus-Céfar ,  l'Empereur  Claude  ,  8t 
Agiicola  Gouverneur  de  la  grande 
Bretagne,  qui  décorent  cette  Lifte 
de  Sçavans.  Les  articles  les  plus 
étendus  &c  les  plus  intereffans  font 
ceux  deGermanicus ,  de  Claude  & 
de  Pétrone. 

II.  »  Jufqu'ici  (  difent  nos  Au- 
•  teurs  )  nous  n'avons  encore  vu 
«dans  nos  Gaules,  qu'une  Pbilo- 
»  fophie  purement  humaine  &  des 
3)  Sciences  toutes  profanes.  Mais  le 
n  ficelé  où  nous  entrons ,  nous  y  va 
»  découvrir  l'établiilement  de  la 
»  SagelTc  &  de  la  Science  qui  tait 
»  les  Saints.  «  Telle  cft  en  effet  la 
véritable  époque  de  l'établi iTement 
du  Chriftianifme  au  deçà  des  Al- 
pes ,  où  l'on  ne  vit  les  premiers 
Martyrs  que  fous  Marc-Auréle.  Il 
s'y  forma  certainement  dès  ce  fié- 
de  ci  des  Eglifes  qui  eurent  leurs 
Evêques  ;  mais  il  n'y  parut  encore 
que  très-peu  de  Monumens  de  la 
Science  dont  les  Chrétiens  tai- 
•foient  profeiîîon.  Comme  les  Gau- 
les (  obfervent  nos  Hiftoriens  ) 
avoient  emprunté  des  anciens 
Grecs  en  la  perfonne  des  Marfeil- 
lois  les  premières  notions  des  Let- 
tres humaines  ,  ils  reçurent  de 
cette  même  nation  les  premières 
leçons  de  l'Evangile,  parle  Minifte* 
re  de  S»  Pothin  venu  d'Allé  &  pre- 
mier Evêque  de  Lyon ,  de  S.  Ire- 
née  fon  fucceffeur  ,  &  de  quelques 
autres  Difciples  de  S.  Polycarpc. 
De  Lyon  ,  la  prédication  du  Chri- 
ftianifme fe  répandit  bientôt  dans 
'plufieurs  autres  Villes  des  Gaules  , 
à  Vienne  ,  à  Châlons ,  à  Tournus , 
à  Autun  ,  à  Langres  ,  à  Dijon  &c 
ailleurs. 


j  A  N  V  I 

On  Ce  tromperait  tort  (  conti- 
nuent nos  Auteurs  )  fi  l'on  fe  per- 
fuadoit  que  l'établilTcment  de   i.i 
Religion  Chrétienne  dans  les  Gau- 
les en  eût  banni  la  politeffe  Se  les 
ScienCes  profanes  que  les  étrangers 
y  venoient  puifer  auparavant.  Bien 
loin    d'être   contraire  aux  bonnes 
Lettres  ,  elle  les  perfectionne  où 
elle  les  trouve  établies ,  &  les  éta- 
blit où  elles  font  encore  incon- 
nues. Nos  Auteurs  prétendent  que 
les  premiers  qui  annoncèrent  l'E- 
vangile àLyon  ne  s'y  trouvèrent  pas 
tout- à -fait   étrangers  ,  quoique 
Grecs ,  parce  qu'on  parloit  la  Lan- 
gue Gréque  dans  cette  Ville-là  &c 
dans  les  lieux   circonvoifins  -,    ce 
qu'ils  s'efforcent  de  prouver  i°.  par 
la  proximité  de  la  Provence  &  le 
commerce  perpétuel  de  Lyon  avec 
Marfeille  :   z°.  Parce  que  ces  pre- 
miers Ouvriers  Evangeliques,  loin 
d'apprendre  la  Langue  Latine  ou  la 
Gauloife,  n'employèrent  dans  tous 
leurs  travaux  ,  foit  de  vive  voix , 
foit  par  écrit ,  que  la  Langue  Gré- 
que :   30.  Parce  que  S.  Irenée  qui 
écrivoit  pour  i'inltruction  des  fidè- 
les de  fon  Eglife ,  ne  l'eût  pas  fait 
en  Grec  ,  fi  cette  Langue  n'eût  été 
connue  à  Lyon  que  des  Sçavans. 
Ajoutez  à  cela ,  qu'à  Arles  au  IVe 
&  même  au  VIeiïécle,  cette  Lan- 
gue étoit  encore  entendue  commu- 
nément ,  "puifqu'on  y  fit  en  Grec 
l'Oraifon  Funèbre  de  Conftantin  le 
Jeune  mort  en  .340.  &  que  fous 
S.  Cefaire  on  faifoit  l'Office  de  l'E- 
glife  en  cette  même  Langue.  Nos 
Hiftoriens   avouent  qu'elle  devoit 
être  fort  corrompue  parmi  le  peu- 
ple. 


E   R  ,    1  7  ?  4.  4J 

A  l'égard  de  la  Langue  Latine  , 
elle  n'y  étoit  pas  moins  vulgaïr* 
quelaGauloiie,  comme  en  font  toi 
les  Actes  des  premiers  Martyrs  de 
Lyon  ,  les  Poéfies  de  Martial  qui  fe 
trouvoient  àVienne  entre  les  mains 
de  tout  le  monde ,  ainfi  que  les 
Ecrits  d".  Pline  le  jeune  &  de  divers 
autres  ,  qu'on  débitoit  à  Lyon 
comme  s'ils  euffent  été  ceux  du 
Pays  même. 

On  préfume  qu'autant  qu'il  fe 
formoit  d'Eglifes  particulières  dans 
les  Gaules  ,  c'étoit  autant  d'Ecoles 
Chrétiennes  qui  s'y  étabii/Toient;  & 
l'on  fuppofe  qu'elles  étoient  ani- 
mées du  même  efprit  qui  regnoit 
dès  le  ie  fiécle  dans  l'Ecole  d'Ale- 
xandrie ,   où  les  Maîtres  n'inftrui- 
foient  pas   moins  leurs  Difciples 
dans  la  connoiiîance  des  Lettres 
que  dans  la  pratique  de  la  vertu.  Là 
les  Evêques   ,  Se  quelquefois  les 
fimplcs   Prêtres    expliquoient  aux 
fidèles  les  Saintes  Ecritures  d'une 
manière  proportionnée  à  leurs  be- 
foins ,  Scies  précautionnoient  con- 
tre les  héréfies  en  leur  expofanth 
vraye  doctrine  delEglife  ;  ne  tou- 
chant au  refte  les  queftions  de  Re- 
ligion qu'avec  beaucoup  de  rete- 
nue ,  &  toute  leur  Théologie  con- 
fiftant  dans  l'étude  &  l'intelligen- 
ce des  Livres  Saints. 

Dans  ces  premiers  tems ,  il  n'y 
avoit  prefque  point  d'autres  Maî- 
tres pourles  Chrétiens  que  les  Evê- 
ques ;  &c  il  ne  paroît  pas  qu'avant 
le  quatrième  fiécle ,  les  fidèles  étu- 
diaient ,  au  moins  dans  les  Ecoles 
publiques ,  les  Sciences  profanes. 
Mais  (  ajoute  - 1  -  on  )  quoique  les 
Fij 


JOURNAL   DESSÇAVANS, 


44 

Pères  de  ces  premiers  fiécles  ne  les 
culïent  point  étudiées ,  ils  n'étoient 
pour  cela  dépourvus  ni  de  fçavoir 
ni  d'éloquence  ,  comme  il  cft  aifé 
de  s'en  convaincre  par  cette  fubli- 
mité  de  penfées  ,  par  cette  force  de 
raifonnemens  qui  fe  trouvent  dans 
leurs  Ouvrages  -,  Se  s'ils  ne  parlent 
pas  le  Grec  &  le  Latin  aulli  pure- 
ment que  les  anciens  Orateurs ,  ce 
défaut  d'élocution  ne  tait  aucun 
tort  à  ce  qui  conftitue  foncièrement 
leur  éloquence. 

A  la  voye  d'initru&ion  fe  joignit 
dès  ce  fiécle  un  moyen  très-propre 
à  étendre  la  faine  doctrine  Se  à  l'af- 
fermir -,  Se  ce  fut  la  convocation 
des  Conciles.  Celui  de  Lyon  fut 
aiTemblé  alors  au  fujet  de  la  difpu- 
te  fur  le  tems  de  la  célébration  de 
la  Pâque ,  Se  l'Hérétique  Valentin 
trouva  dans  les  Gaules  un  puiiTant 
adverfaire  ,  en  la  perfonne  de  faint 
Irenée.  Telle  étoit  donc  la  premiè- 
re conftitution  des  Lettres  chez  les 
Chrétiens  de  la  Gaule  dans  ce  fé- 
cond fiécle. 

Quant  à  la  Littérature  Payenne 
du  même  Pays  ,  l'éloquence  Ro- 
maine quoique  déchue  à  Rome 
même,  depuis  Pline  le  jeune,  fe  foû- 
tint  encore  glorieufement  ainhque 
îaGréque  dans  les  principalesVilles-, 
desGaules  Se  le  Poé'tejuvenal  y  ren- 
voyoit  ceux  qui  vouloient  fe  perfec- 
tionner dans  l'art  de  bien  dire. Il  y  a 
tout  lieu  de  croire  que  les  Ecoles 
"Gauloifes  renommées  déjà  dans  les 
fiécles  précedens  fubfifterent  encore 
avec  honneur  pendant  celui-ci,  Se 
l'on  n'en  feauroit  douter  du  moins 


grand  pere  de  l'Orateur  Eumène^ 
Athénien  de  nation  ,  vint  enfeigner 
laRhétorique  après  l'avoir  proieiTée 
à  Rome  avec  applaudiiîemenr,  A 
l'égard  d'une  certaine  Académie 
ou  Univerfité  érigée  (  dit  on  )  à 
Orle.ms  par  l'Empereur  Marc-Au- 
rele  ,  nos  Auteurs  la  traitent  de  pu- 
rement imaginaire  ,  &  ne  la  trou- 
vent appuyée  fur  aucune  preuvs 
folide. 

Malgré  cet  état  rlorifîant  des 
Ecoles  de  la  Gaule  ,  l'Hiltoire  de  ce 
fiécle  ne  nous  y  offre  cependant 
qu'un  très-petit  nombre  d'élevés  , 
dont  le  mérite  à  la  vérité  peut  com- 
penfer  cette  forte  de  difette.  Tels 
font  un  Sentius-Augurinus ,  dont 
les  Poé'fies  faifoient  les  délices  de 
Pline  le  jeune  -,  un  Favorin,  le  plus 
fameux  Sophitte  de  fon  tems  ;  un 
Marc.  Cornel.  Fronto  _,  le  fécond 
Maître  de  l'éloquence  après  Cice- 
ron  ,  &c.  Nous  renvoyons  fur  ces 
principaux  articles  au  Livre  même, 
atnfi  que  fur  celui  de  l'Empereur 
Tite-Antonin ,  qui  figure  ici  entre 
les  gens  de  Lettres. Mais  pour  l'arti- 
cle de  Florus  l'Hiftoricn  ,  que  nos 
Auteurs  s'efforcent  de  revendiquer 
ici  à  la  Gaule^  nous  en  donnerons  k 
précis. 

Les  Efpagnols  ,  fur  la  créance 
que  Florus  étoit  de  leur  nation  , 
l'ont  rangé  parmi  leurs  Ecrivains. 
Nos  Auteurs  à  leur  tour  ,  perfuadés 
qu'il  éteit  Gaulois  plutôt  qu'Efpa- 
gnol  prétendent  le  difputerà  ceux- 
là  ,  Se  regardent  cette  prife  de  pof- 
fetlion  comme  un  titre  frivole  qui 
ne  peut  jamais  preferire.  Pour  met- 


par  rapport  à  celle  d'Autun  ,  où  le     tre  le  Ledeur  à  portée  de  juger  la-: 


J  A  N  V  I  E 

quelle  de  ces  deux  prétentions  eft 
Ix  mieux  fondée  ,  nos  Hiftoriens 
expofent  les  «lions  de  part  & 
d'autre. 

Les  contendans  avouent  d'abord 
que  d'un  8c  d'autre  côté  ils  n'ont 
pour  eux  aucune  preuve  décifive  , 
ni  Texte  de  l'Auteur  même  ,  ni  té- 
moignages d'Auteurs  contempo- 
rains. Ils  font  donc  obligés  de  fe 
rabattre  fur  deux  autres  moyens , 
ï°.  La  tradition  des  fiécles  pofte- 
rieurs  à  Florus ,  &  2°.  les  divers 
noms  qu'il  a  portés- 

La  première  (  dit  on  )  n'eft  pas 
lavorable  aux  Efpagnols  -,  car  de- 
puis le  règne  de  la  critique  ,  pref- 
que  tous  ceux  qui  ont  parlé  de 
l'Hiftorien  Romain  ,  l'ont  pris  ou 
pour  Julius  Florus  l'Orateur,  ou 
pour  Julius-Secundus ,  &  en  con- 
séquence l'ont  fuppofé  Gaulois;  od 
bien  ils  l'ont  regardé  comme  iiTu 
de  l'un  de  ces  deux  Orateurs ,  ce 
qui  revient  au  même.  Chriftophle 
de  Longueil  n'a  pas  fait  difficulté  de 
le  mettre  aunombre  de  nos  fçavans 
Gaulois.  Il  y  a  plus  (  ajoûte-t-on  ) 
cette  tradition  remonte  bien  plus 
haut  que  le  quinzième  fiéde  où  vi- 
voient  quelques  uns  de  ces  garants 
allégués  :  en  effet  ou  Florus  por- 
toit  originairement  le  prénom  de 
Julius  que  lui  donnent  les  Manuf- 
crits  ;  ou  il  ne  l'a  reçu  qu'en  des 
tems  pofterieurs.  Le  premier  cas  eft 
favorable  à  nos  Auteurs ,  puifque 
florus  aura  eu  les  deux  noms  de 
cette  famille:  &  dans  le  fécond  cas, 
il  n'aura  reçu  ce  prénom  ,  que  par- 
ce qu'on  le  croyoit  originaire  de 
cette  même  famille.  OrlcsManuf- 


R  ,     \  7  5  4?  4; 

crits  dont  il  s'agit  étant  anciens • 
la  tradition  qui  le  fait  Gaulois  ne* 
fçauroit  qu'être  ancienne. 

La  prétention  des  Efpagnols  n'a 
d'autre  fondement  que  le  fcul  nom 
A'Annms  donné  à  l'Hiftorien  ,  &c 
qui  eft  le  nom  de  la  famille  Efpa- 
gnole  des  Sénequcs  ;  mais  d'autre 
part  le  nom  de  Florus  qu'il  portoit 
également ,  l<  même  plus  commu- 
nément ,  eft  celui  d'une  famille 
Gauloife.  Ainfi  la  balance  eft  enco- 
re égale  de  ce  côté-là.  Etoit  il  donc 
tout  enfcmble  Gaulois  &  Efpa- 
gnol  ?  Non  ,  répondent  les  conten- 
dans de  ce  dernier  parti  ;  le  nom 
de  Florus,  difent-  ils  ingénieufe- 
ment ,  ne  lui  fera  venu  que  d'une 
adoption  dans  la  famille  de  ce  nom 
qui  étoit  Gauloife  :  &  c'eft  (  conti- 
nuent ils  )  l'opinion  de  Vojfiits;  la- 
quelle véritablement  n'eft  appuyée 
d'aucune  preuve. 

Nos  Auteurs  fe  croyent  plus  en 
droit  que  lui  d'afTurer  que  le  pré- 
nom & Ann&us  n'avoit  été  donné  à 
Florus  qu'en  vertu  de  fon  adoption 
dans  ta  famille  Atmaa  qui  étoit 
Efpagnole:  &  ce  qui  les  rend  plus 
hardis  dans  cette  décifion,  c'eft  le 
témoignage  de  Pline  le  jeune  quî 
certifie ,  que  depuis  la  fin  de  l'Em- 
pire d'Augufte  la  plupart  de  ceux 
quiétoient  adoptés  prenoient  pour 
prénom  le  nom  de  la  famille  qui 
les  adoptoit  ;  il  en  fournit  divers 
exemples.  Or  Florus  ayant  Annms 
pour  prénom  paroît  avoir  été  plu- 
tôt adopré  par  les  Ann&us  que  par 
les  Fhrus. 

Nous   renvoyons  "à  nos  Hifto- 
riens fur  le  refte  du  détail  cancer- 


\ 


46         JOURNÀÊ    DE 

nantla  Vie,  lesOuvrages,  &  les  dif- 
férentes Editions  de  cet  Abrévu- 
teur  de  l'Hiftoire  Romaine. 

III.  Nos  Auteurs,  pour  donner 
une  idée  plus  Julie  &  plus  com- 
plexe de  l'état  des  Lettres  dans  les 
Gaules  au  troifiéme  fiécle ,  y  diftin- 
guent  deux  genres  de  Littérature  , 
la  Sacrée  &c  la  Profane. 

La  première  s'y  répandit  à  pro- 
portion des  progrès  qu'y  fit  le  Chri- 
itianifme  -,  &  ce  fut  à  quoi  contri- 
buèrent infiniment  les  travaux  de 
S.  Irenée ,  dès  le  commencement 
de  ce  fiécle.  Non  content  dans  fes 
Ecrits  de  combattre  la  licence  des 
Hérétiques,  il  s'appliquoit  à  con- 
firmer la  foi  qu'il  avoit  prêchée  & 
à  former  les  mœurs  des  Fidèles. 
Après  fa  mort  la  même  ferveur 
éclata  dans  le  miniltere  de  fes  Dif- 
ciples  ;  &  nuls  d'entr'eux  ne  mon- 
trèrent plus  de  zélé  que  Caïus  & 
S.  Hippolyte  ,  qui  imitèrent  par- 
faitement un  fi  excellent  Maître. 
Le  premier  attaqua  par  fes  Ecrits 
diverfes  erreurs  ,  entr'autres  celle 
des  Millénaires  :  &:  le  fécond  fut 
un  fçavant  Interprète  de  l'Ecriture. 

Les  Gaules  ayant  perdu  ces  deux 
Elevés  de  S.  Irenée  ,  qui  allèrent 
éclairer  d'autres  Eglifes  ;  elles  en 
furent  dédommagées  par  la  venue 
de  fept  autres  Millionnaires  ,  en- 
voyés de  Rome,  comme  l'on  croit, 
&  qui  furent  les  SS.  Gatien  ,  Tro- 
phime  ,  Paul  ,  Saturnin  ,  Denys  , 
Auftremoine  ,  &  Martial ,  qui  fi- 
xèrent leur  féjour  dans  autant  de 
Villes  Gauloifes  ,  qu'on  a  foin  ici 
d'indiquer. 
Ces  nouveaux  Ouvriers  Evangeli- 


S    SÇAVANS , 

ques  introduifirent  dans  les  Gaules 
le  Rit  Latin  ,  en  la  place  du  Rit 
Grec  qu'on  y  avoic  apparemment 
fuivi  jufqu'alors  ;  c\:  l'on  préfume 
auflî  qu'ils  y  apportèrent  en  même 
tems  l'ancienne  Verhoii  Italique  , 
ou  l'ancienne  Veriiou  Latine  de 
l'Ancien  &c  du  Nouveau  Tefta- 
ment.  Mais  (  obferven:  nos  Hi- 
ftoriens  )  il  ne  faut  pas  s'imaginer 
que  les  Millions  de  ces  fept  Evê- 
ques  ayent  été  précifément  de  mê- 
me date  ,  comme  fembleroit  le  di- 
re S.  Grégoire  de  Tours.  Ces  pre- 
miers Prélats ,  à  l'aide  de  leurs  Dif- 
ciples  qui  fécondés  de  nouveaux 
Millionnaires  ,  fe  répandirent  de 
tous  cotez  dans  les  Gaules  ,  y  fon- 
dèrent grand  nombre  d'Eglifcs 
dont  on  trouve  ici  quelque  détail. 

Quant  à  la  doctrine  de  ces  Egli- 
fes durant  ce  fiécle  ,  l'Héréfie  de 
Novatien  qui  refufoit  la  paix  aux 
pénitens  ,  y  fut  embrailée  parMar- 
cien  Evêque  d'Arles  ,  que  fon  ob- 
ftuaation  dans  l'erreur  fit  dépofer 
félon  toute  apparence.  Nos  Histo- 
riens fpecifient  ici  quantité  d'Ou- 
vrages Eccleilaftiques  de  ce  tems-là, 
defquels  il  ne  nous  refte  que  les  ti- 
tres, &qui  font  de  S.  Retice  d'Au- 
tun  ,  de  S.  Irenée  ,  de  Caïns  &ç  de 
S.  Hippolyte.  De  plus  de  30  Trai- 
tez de  ce  dernier ,  à  peine  nous  en 
refte-t-il  deux  en  leur  entier  ,  &c 
quelques  fragmens  du  refte.  Nous 
n'avons  que  les  cinq  Livres  de  faint 
Irenée  contre  les  Héréfus  :  encore 
ne  les  avons  -  nous  que  dans  une 
Verfion  Latine. 

A  l'égard  des  Sciences  Profanes  ,' 
leurs  progrès  dans  ce  fiécle  furent 


J  A  N  V  I 

fort  inférieurs  à  ceux  que  fit  dans 
Ii  Gaule  la  Littérature  Sacrée.  Les 
Guerres  Civiles  qui  s'allumèrent 
alors  dans  l'Etat  ,  jointes  aux  ir- 
ruptions des  Barbares  dans  ce  mê- 
me Pays  où  l'on  vit  fondre  les  Al- 
lemans  ,  les  Lyges ,  les  François  , 
les  Bourguignons ,  les  Vandales ,  y 
cauferent  aux  Lettres  Humaines 
une  fâcheufe  éclipfe.  Dans  la  fuite 
la  Cour  Impériale  établie  à  Trêves 
pour  reprimer  ces  incurfions ,  y  re- 
veilla l'amour  Se  la  culture  des 
Sciences  &  des  beaux  Arts.  Claude 
Mamcrtin  y  prononça  en  prelcnce 
de  Maximien-He'icule  ,  deux  Pané- 
gyriques à  la  louange  de  cet  Empe- 
reur. 

Sous  Confiance-Chlore  la  Gaule 
jouit  d'une  paix  profonde,  &  d'une 
pleine  liberté  ,  tant  pour  la  prpfèf- 
lion  du  Chriftianifme  que  pour 
celle  des  Lettres.  Il-  y  avoit  des  E- 
coles  floriflantes,  non  feulement  à 
Trêves  ,  mais  à  Autun  ,  où  Eu- 
méne  (  dit -on  )  tout  Secrétaire 
d'Etat  qu'il  étoit  ,  ne  laiiToit  pas 
de  profeiTer  l'Eloquence  Se  de  s'en 
faire  honneur.  Jule-Titien  ,  fameux 
Rhéteur  ,  Poète  &  Géographe  , 
gouvernoit  alternativement  l'Ecole 
de  Befançon  &  celle  de  Lyon. 

Au  furplus ,  de  tous  les  Ouvra- 
ges de  ces  gens  de  Lettres ,  il  ne 
nous  refte  aujourd'hui  que  quatre 
Panégyriques  ,  deux  de  l'Orateur 
Mamertin ,  &  deux  de  l'Orateur 
Euméne  à  la  louange  de  Confiance- 
Chlore.  Parmi  les  xiii.  articles  de 
i'Hifloire  Littéraire  de  ce  3e  fiécle, 
où  paroifTent  les  noms  de  trois 
Empereurs  ,  Caracalle  ,  Carus  & 


E  R  ,  1  7  3  4;  47 

Numericn ,  ceux  qui  fournifîent  le 
plus  de  matière  à  nos  Hiftoriens 
font  l'article  de  S.  Irenéc  ,,  ceux  de 
S.  Hippolyte  j  de  Titien  &  de  Ma- 
mertin. 

Nous  n'oublierons  pas  d'avertir 
que  nos  Hiftoriens  ,  en  nous  don- 
nant ici  ce  qu'ils  ont  pu  recueillir 
de  plus  certain  fur  la  Vie  de  Saint 
Hippolyte  ,  ce  qui  fe  rcduit'à  peu 
de  chofe  ,  le  regardent  avec  juflice 
comme  Elève  de  l'Eglife  de  Lyon; 
fur  quui  tout  le  monde  cft  d'accord 
avec  eux  ;  puifque  ce  Saint  fut  Dif- 
ciple  de  S.  Irenée  ,  Evêque  de  cet- 
te Ville-làj&qu'il  paifa  auprès  de  lui 
un  tems  confidcrable.  Mais  ils 
avancent  de  plus  qu'il  naquit  en 
quelque  lieu  des  Gaules  &  que  ce 
fut  où  iî  commença  de  fe  faire  con- 
noître.  Ni  fon  nom  Grec  ,  ni  fa 
qualité  de  Sénateur  Romain,  ni 
fes  Ouvrages  écrits  en  Grec  ,  n'é- 
branlcroient  nullement  cette  opi- 
nion ,  puifque  l'on  portoit  afTez 
vulgairement  en  Gaule  des  noms 
propresgrecs  ;  que  les  Gaulois  dès 
devant  l'Empire  de  Claude 
avoient  entrée  dans  le  Sénat  de  Ro- 
me -,  &  qu'ils  écri  voient  affez  com- 
munément en  grec.  Au  regard  du 
fentiment  de  ceux  (  M.  Bafnage  ) 
qui  le  font  naître  en  Orient  &  le 
fuppofent  Prêtre  établi  en  Arabie  ; 
comme  ils  n'en  produifent  aucu- 
nes preuves  ,  on  ne  doit  pas  les  en 
croire  fur  leur  parole. 

On  fçait  qu'il  fut  élevé  à  l'Epif- 
copat  ,  mais  l'on  ignore  quelle 
Eglife  il  a  gouvernée  ;  &c  de  -  là 
tant  de  conjectures  hazardées  fur 
ce  point  dans  h$  fiécles  fuivans  £ 


48  JOURNAL    DE 

les  uns  l'ayant  faic  Métropolitain 
d'Arabie,  fur  un  témoignage  d'Eu- 
fébe  mal  traduit  par  Rufin  ;  les  au- 
tres le  fuppofant  Evêque  de  Porto  , 
en  le  confondant  avec  un  autre  de 
même  nom  \  ceux-ci  le  difant  Evo- 
que du  Port  que  les  Romains 
avoient  anciennement  en  Arabie  , 
&  qui  eft  un  Siège  Epifcopal  pu- 
rement imaginaire  alors  -,  ceux  -  là 
le  croyant  Evêque  de  Tivoli ,  à 
caufe  de  fa  ftatue  trouvée  près 
de  cette  même  Ville  ,  mais  qui 
peut  palTer  aufïi  -  bien  pour  la 
marque  d'une  Chapelle  érigée  en 
l'honneur  de  ce  Saint  que  pour 
la  marque  de  fa  fépulture  ;  quel- 
ques-uns enfin  le  faifant  Evêque  de 
Rome ,  fentiment  aujourd'hui  re- 
jette de  tous  les  Sçavans. 
Nos  Hiftoriens  feroient  fort  por- 


5    SÇAVANS, 

tés  à  croire  que  S.  Hippolyte  ,  fans 
avoir  eu  de  Siège  fixe  ,  auroit  été 
Evêque  des  Nations  comme  Caïus 
fon  Condifciple  ,  dont  on  a  parle 
plus  haut  ;  &  en  ce  cas  ,  l'on  ren- 
droit  aifément  raifon  ,  pourquoi  il 
paroît  tantôt  en  Orient ,  tantôt  en 
Occident ,  comme  cela  refulte  du 
peu  que  nous  fçavons  de  fon  Hi- 
ftoire.  Il  eft  vrai  cependant  que  le 
partage  d'Eufebe  qui  fait  S.  Hippo- 
lyte Evêque  d'un  certain  lieu  fans 
le  nommer ,  embarralTe  un  peu  nos 
Auteurs,  aufquels  nousrenvovons 
fur  toute  cette  difcufiîon. 

Nous  rendrons  compte  ailleurs 
de  ce  que  renferme  la  féconde  Parr- 
tie  de  ce  Volume. 

On  va  incelfamment  mettre  en 
vente  le  IIe  Volume  de  ce  même 
Ouvrage.  Le  IIIe  eft  fous  Prefle. 


OBSERVATIONS 


JANVIER,    i7j4: 


*f 


OBSERVATIONS    SVR    LES   ARRESTS    REMARQUABLES 

du  Parlement  dg  Touloufc ,  recueillis  parMeJfîre  Jean  de  Catellan ,  Con- 
feillcr  an  même  Parlement ,  enrichies  des  Arre fis  nouveaux  rendus  fur  Us 
mimes  matières.  Par  Gabriel  de  Vedel ,  Ecuyer ,  Dotleur  &  Avocat  au 
Parlement  de  Touloufc.  A  Touloufe,  de  l'Imprimerie  de  N.  Caranove, 
à  la  Bible  d'or ,  &  fe  vendent  chez  Etienne  Manavit ,  &  Jean-François 
Foreft  ,  à  la  Couronne  d'or,  1733.  in-tf.  2. Volume  ,  Tome  I.  pp.  371. 
Tome  II.  pp.  291. 


M  Vedel  ayant  pris  pour  fon 
.  partage  l'étude  des  Loix  s 
qui  n'eft  ,  dit-il ,  ni  moins  noble  , 
ni  moins  utile  à  l'Etat ,  que  celle 
des  armes  &c  de  la  guerre ,  crut  que 
ïe  principal  fruit  qu'il  pourroit  ti- 
rer de  cette  étude ,  étoit  de  con- 
noître  l'ufage  que  les  differens  Par- 
jemens  du  Royaume  &  en  parti- 
culier celui  de  Touloufe  font  de 
ces  Loix.  C'cft  dans  cette  vûë  qu'il 
s'attacha  particulièrement  au  Re- 
cueil d'Arrefts  Notables  de  M.  de 
Catellan  •,  ce  qui  lui  donna  lieu  de 
faire  des  Obfervations  fur  les  ma- 
tières qui  ont  été  traitées  par  M.  de 
Catellan,  &c  d'ajouter  de  nouveaux 
Arrefts  à  ceux  qui  avoient  été  infe- 
tés  dans  ce  Recueil.  Ainfi  la  Com- 
pilation de  M.  de  Catellan  a  eu  le 
même  fort  qu'a  eu  au  Parlement 
de  Paris  la  Compilation  des  Arrefts 
de  M.  Louet  d'être  expliquée  Se 
commentée  par  un  Avocat. 

Notre  Auteur  a  fuivi  dans  fes 
Obfervations  le  même  ordre  que 
M.  de  Catellan  dans  fes  Arrefts 
Notables  \  c'eft-à-dire  que  le  pre- 
mier Volume  contient  les  Matières 
Ecclefiaftiques ,  que  le  fécond  con- 
cerne les  Succédions  ,  qu'il  s'agit 
dans  le  troifiéme  des  Droits  Sei- 
Jmvier, 


gneuriaux  ,  dans  le  quatrième  des 
Mariages  &  des  Dots ,  dans  le  cin- 
quième des  Contrats ,  dans  le  fixié- 
me  des  Saifies  &  des  Décrets  des 
immeubles.  Les  Prefcriptions  ,  les 
Tutelles  ,  &  la  Procédure  Judiciai- 
re font  le  fujet  des  deux  derniers 
Livres.  Nous  nous  bornerons  à  rap- 
porter quelques  exemples  pris  en 
differens  endroits  de  ce  Recueil. 

C'eft  une  maxime  au  Parlement 
de  Touloufe  ,  différente  de  celle 
du  Parlement  de  Paris  ,  que  le 
Curé  ou  le  Vicaire  perpétuel  ne 
jouit  pas  pour  toujours  de  la  dixmc 
des  terres  nouvellement  défrichées, 
mais  qu'il  en  a  la  jouiffance  pour  un 
certain  tems  qui  eft  ordinairement 
fixé  à  dix  ans  ,  après  lequel  les  gros 
Décimateurs  jouiffent  des  dixmes 
novales.,comme  des  anciennes  dix- 
mes. 

On  demande  fi  cette  maxime  a 
lieu  dans  le  reffort  du  Pailementdc 
Touloufe  ,  à  l'égard  des  dixmes 
qui  appartiennent  à  des  Laïcs ,  Se  fi 
les  novales  leur  retournent ,  après 
que  les  Curez  ou  les  Vicaires  per- 
pétuels en  ont  joui  dix  ans  ?  M.  de 
Catellan  ,  liv.  1.  chap.  71.  dit  qu'il 
fut  jugé  au  Parlement  de  Touloufc 
en  favçur  du  Curé  de  Pigean  ,  coti- 
G 


je  JOURNALD 

trele  Seigneur  de  Monlezun  Deci- 
mateur Laïc  ,  le  1 5  Mars  i^tf  3.  que 
le  Decimateur  Laïc  ne  pouvoit  ja- 
mais avoir  la  dixme  des  terres  dont 
le  Curé  a  joui  comme  de  novales 
ou  de  dixmes  perçues  fur  les  terres 
nouvellement  détrichées.  La  raifon 
qu'en  rend  M.  de  Catcllan  eft  qu'il 
n'eu:  pas  jufte  ,  que  le  Laïc  qui 
jouit  des  dixmes  par  grâce  &  par 
tolérance  ,  ait  autant  de  privilège  à 
l'égard  du  Curé  que  les  Décima- 
îeurs  Eccleflafliques.  Il  ajoute  que 
îe  Concile  de  Latran  qui  défend 
aux  Laïcs  de  poffeder  des  dixmes  t 
fembie  les  exclure  des  dixmes  des 
terres  qui  font  défrichées  de  nou- 
veau ,  comme  de  la  dixme  des 
fruits  qui  n'étoient  point  fujets  à  la 
dixme  du  tems  du  Concile. 

M.  Vedel  foûtient  qu'il  y  a  eu  de 
la  méprife  dans  la  Compilation  de 
M.  de  Catellan  par  rapport  à  cet 
Arreft.  Pour  juftifier  le  fait  il  pro- 
duit un  extrait  de  cet  Arreft  qu'il  a 
fait  lever  au  Greffe.  Cet  Extrait 
prouve  qu'on  a  jugé  par  cet  Ar- 
reft contre  le  Decimateur  Laïc  que 
le  Curé  de  Prejean  avoit  droit  de 
jouir  de  la  totalité  de  la  dixrae  des 
terres  nouvellement  défrichées  , 
quoiqu'il  n'eût  qu'un  quart  dans 
les  groffes  dixmes.  Mais  cet  Arreft 
n'avoit  point  décidé  ,  que  la  dix- 
me navale  fût  due  au  Curé  fans  au- 
cune limitation  de  tems  de  jouif- 
fance.  On  a  jugé  au  contraire  au 
Parlement  de  Touloufe  ,  fuivant 
notre  Auteur ,  qu'après  que  le  Cu- 
ré a  joui  pendant  dix  ans  de  la  dix- 
me de  la  terre  nouvellement  défri- 
chée ,  la  réunion  fc  fait  de  plein 


t  S  SÇAVANS; 

droit  à  la  dixme  rrrféodée.  Il  en  ci- 
te un  Arreft  définitif  rendu  au  rap- 
port de  M.  Prejean  le  28  Juillet 
1694.  entre  le  Curé  de  Negrepelif- 
fe  &  le  Sieur  de  Tieys  Seigneur 
d'Ariac  Decimateur  inféodé.  Un 
autre  Arreft  provifoire  du  18  Mars 
1717.  fuppofe  îa  même  Jurifpru- 
dence.  M.  Vcdel  dit  pour  appuyet 
ces  dédiions  qu'en  quelque  tems 
qu'on  fixe  l'établiiTement  des  dix- 
mes inféodées ,  le  Decimateur  Laïc 
fc  trouvera  fubrogé  au  Decimateur 
Ecclefiaftique  à  titre  onéreux  ,  par 
confequent  qu'il  doit  jouir  des 
mêmes  droits  à  l'égard  des  dixmes 
novales  ,  dont  jouiffent  les  gros 
Décimateurs  Ecclefîaftiques;  Il 
ajoute  que  la  dixme  n'étant  point 
attachée  de  droit  divin  à  la  perfon- 
ne  des  Miniftres  de  i'Eglife3  elle 
peut  tomber  entre  les  mains  des 
Laïcs ,  même  par  la  conceffioTvdc 
l'Eglife.,  pour  être  perçue  de  la  mê- 
me manière  qu'elle  l'auroit  été  en- 
tre les  mains  des  Ecclefiaftiques, 

M.  Vedel  fe  fondant  fur  ces  prin- 
cipes décide  encore  contre  ce  que 
paroît  avoir  jugé  un  Arreft  du  Par- 
lement de  Touloufe  ;  de  l'année 
166$.  que  de  droit  commun  le  De- 
cimateur inféodé  doit  avoir  les  me-' 
nues  dixmes  de  la  Paroiffe  comme 
les  grofTes.  En  effet  les  menues  dix 
mes  étant  aulîî  anciennes  que  Us 
greffes  dixmes  ,  pourquoi  n'au- 
roient- elles  pas  été  inféodées  ea 
même  tems? 

On  juge  au  Parlement  de  Tou- 
loufe en  matière  de  fubftitution 
que  les  enfans  de  l'inftitué  qui  fc 
trouvent  dans  la  condition  £oa£ 


J  A  N  V  I 

compris  danslafubftitu<:ion,quand 
Je  Teftateur  a  borné  la  condition 
aux  enfims  mâles.  On  y  préfume 
que  quand  un  Teftateur  n'appelle  à 
une  fubftitution  un  étranger  de 
l'inftitué  qu'en  cas  que  cet  inftitué 
décède  fans  enfans  mâles  ,  l'inten- 
tion du  Teftateur  qui  a  eu  une  af- 
fection particulière  pour  les  mâles, 
a  été  que  les  enfans  mâles  mis  dans 
la  condition ,  fulTent  auifi  compris 
dansladifpofîtion. 

Notre  Auteur  décide  dans  le 
chapitre  ji  du  Livre  z.  que  les  mâ- 
les qui  font  dans  la  condition 
doivent  être  auffi  compris  dans  la 
fubftitution,  quand  le  Teftateur  a 
inftitué  une  de  fes  filles,  &  qu'il 
l'a  grevée  de  fubftitution  en  faveur 
d'un  étranger  en  cas  qu'elle  décé- 
dât fans  enfans  mâles.  Il  eft  vrai 
que  le  Teftateur  n'a  pu  alors  avoir . 
en  vue  l'agnation ,  ni  la  conferva- 
,tion  du  bien  dans  fa  famille  j.mais 
il  a  marqué'une  prédilection  pour 
les  mâles  qui  doit  faire  préfumer , 
fuivant  la  Jurifprudence  du  Parle- 
ment de  Touloufe  ,  que  fon  inten- 
tion a  été  de  comprendre  les  mâles 
dans  la  fubftitution.  Ce  que  l'Au- 
teur confirme  par  l'autorité  de 
Ranchin  fur  la  queftion  i  3  3  de 
Guy  Pape  &  fur  celle  de  Mantica 
dans  le  Livre  1 1.  de  fes  conjectures 
fur  les  derniers  Volumes.  Il  conclue 
des  mêmes  principes  après  Mantica 
que  quand  c'eft  une  femme  qui  con- 
ftitue  ,  à  la  charge  d'une  fubftitu- 
tion fi  l'inftitué  décède  fans  enfans 
mâles  ,  les  enfans  mâles  de  l'infti- 
tué font  appelles  tacitement  à  la 
fubftitution  ;  parce  qu'il  fuftît  que 


E  El  ;     1734;  .fi 

la  Tcftatrice  ait  marqué  une  prédi- 
lection particulière  en  faveur  des 
mâles ,  pour  qu'on  préfume  que 
fon  intention  a  été  de  les  compren- 
dre dans  la  fubftitution  ,  quoi- 
qu'elle n'en  ait  fait  mention  que 
dans  la  condition. 

On  pratique  au  Parlement  de 
Touloufe  la  loi  AJfiduis  au  Code 
qui  potiores  in  f  ignore }  fuivant  la- 
quelle la  femme  eft  préférée  pour 
la  reftitution  de  fa  dot }  aux  créan- 
ciers de  fon  mari  antérieurs  au  ma 
riage.  Le  moyen  qu'on  admet  au 
Parlement  de  Touloufe  pour  faire 
celTer  ce  privilège  de  la  femme  ,  eft 
que  les  créanciers  dénoncent  leurs 
créances  à  la  future  époufe  par  un 
Acte  authentiqne.  La  Jurifpruden- 
ce établie  par  les  derniers  Arrefts 
du  Parlement  de  Touloufe  cités 
1  par  M.  de  Catellan  3  eft  que  cette 
■dénonciation  des  créanciers  fe  fatTc 
à.  la  future,  époiffe,  en  parlant  à  fa 
perfonxie  ,  Se  qu'il  ne  fuffit  pas 
qu'elle  foit  faite  au  domicile.  Cette 
Jurifprudence  a  paru  extraordinai- 
re à  Graverol ,  notre  Auteur  la  re- 
garde de  même  ,  &  il  allègue  plu- 
fîeursraifons  pour  autonfer  les  no- 
tifications faites  au  domicile  de  la 
future  époufe.  La  première  eft 
que  fuivant  les  Ordonnances  ,  les 
fignifications  faites  au  domicile  , 
n'ont  pas  moins  de  force  que  celles 
qui  font  faites  à  la  perfonne  ,  la  fé- 
conde qu'il  n'eft  pas  toujours  facile 
de  faire  cette  dénonciation  à  la  per- 
fonne ,  la  troifiéme  que  la  loi  AJfi- 
duis contenant  un  privilège  fingu- 
lier ,  il  faut  autant  qu'il  eft  pollible 
en  diminuer  la  rigueur  ,  en  recc- 
Gij 


S*  JOURNAL   D 

vant  la  Signification  du  créancier 
faite  au  domicile  de  la  future  épou- 
fe,  &  en  lui  donnant  les  mêmes 
avantages  qu'a  la  fignification  qui 
feroit  raite  à  la  peifonnc. 

M-  Vedel  remarque  fur  la  fin  de 
ce  chapitre  qui  regarde  le  privilège 
de  la  loi  Ajftdnis ,  qu'il  feroit  à  foiï- 
haiter  que  le  Parlement  de  Toulou- 
fe  fe  conformât  fur  ce  point  à  la 
Jurifprudence  des  autres  Parle- 
mens  de  Droit-écrit  où  cette  loi 
n'eft  point  fuivie.  Ce  privilège  ac- 
cordé aux  femmes  lui  paroît  inju- 
fte ,  &  contraire  à  la  proteelion  que 
la  loi  doit  au  commerce.  Il  donne 
lieu  aux  fraudes  que  pratiquent  les 
maris ,  en  donnant  des  reconnoif- 


ES    SÇAVANS, 

fances  de  dots  qu'ils  n'ont  pas  re- 
çues, &en  ôtant  aux  Créanciers  le 
moyen  de  faire  la  dénonciation  à 
la  future  époufe,attendu  que  le  peu 
d'interval  qu'il  y  a  entre  les  fian- 
çailles Se  la  célébration  du  mariage 
à  caufe  de  ladifpenfe  de  la  publica- 
tion des  bans  ;  enfin  ce  privilège 
eft  une  fource  de  procès. 

Nous  nous  bornerons  à  ces  trois 
exemples  qui  fuffifent  pour  faire 
connoître  la  méthode  de  l'Auteur 
&c  pour  donner  une  idée  de  l'Ou- 
vrage ;  il  ne  pourra  être  qu'utile  à 
ceux  qui  voudront  faire  une  étude 
particulière  de  la  Jurifprudence  du 
Parlement  de  Touloufe. 


j  A  N  VIE  R.  ;  1734: 


*3 


W.  ANTONTI  GOMEZII  IN  ACADEMIA  SALMANTICENSI 
Juris  Civilis  primarii  Profefloris  ,  varia:  refolurioncs  Juris  Civilis, 

Communis  &  Repii.  Tomis  tribus  diftinfti ad  leges  Tauri 

Commentarium  abfolutillïmum. 

C'eft-à-dire  :  Différentes  refolufions  de  Droit  Civile  ,  de  Droit  Commun  &  du 
Droit  Efpagnol  ,  &  le  Commentaire  fur  les  Loix  d'Efpagne  publiées  en 
i}$6-par  le  Roi  sHphonfe.  Nouvelle  édition.  A  Lyon  ,  chez  Antoine  Ser- 
vant. 1733.  in- fol.  i.  vol.  Tome  I.  pp.  550.  Tome  II. pp.  504. 


ANTOINE  Gomés,  Pro- 
fefl'eur  de  Droit  dansl'Uni- 
verfité  de  Salamanque  ,  fleuriffoit 
vers  le  milieu  du  feiziéme  fiécle. 
Plusieurs  Auteurs  ont  fait  l'éloge 
de  fa  pieté  &  de  fon  érudition.  Ce- 
lai de  fes  Ouvrages  qui  a  le  plus 
contribué  à  établir  fa  réputation  eft 
fon  Recueil  de  différentes  Refolu- 
tions  divifé  en  trois  Tomes.  Le 
premier  regarde  les  Succeffions  & 
les  Teftamens ,  le  fécond  concerne 
les  Contrats ,  le  troifiéme  les  diffé- 
rentes efpeces  de  crimes  &  de  dé- 
lits ,  Si  la  procédure  criminelle. 
L'Auteur  a  cru  que  les  principales 
queftions  de  Droit  fe  trouvoient 
décidées  dans  fes  trois  Livres.  Ema- 
nuel  Soarés  de  Ribeira  a  fait  des 
Notes  fuj  ces  trois  Livres  des  Re- 


folutions.  On  a  eu  foin  d'inférer  ces 
Notes  dans  la  nouvelle  édition  ; 
mais  ce  qui  la  doit  faire  préférer 
aux  autres  éditions  d'Anvers  &  de 
Lyon  ,  &:  même  aux  éditions  d'Ef- 
pagne ,  c'eft  qu'elle  a  été  faite  fur 
l'édition  de  Salamanque  de  1579.  à 
laquelle  on  a  travaillé  fous  les  yeux 
de  l'Auteur  ,  qui  a  embelli  cette 
édition  de  plufieurs  augmentations 
qui  ne  font  point  dans  les  éditions 
d'Anvers  ou  de  Lyon  ,  lefquelles 
ont  été  faites  fur  la  première  édi- 
tion des  Refolutions  d' A  ntoine  Go- 
més. C'eft  M.  Antoine  Docteur  en 
Droit  ,  Avocat  au  Parlement  & 
aux  cours  de  Lyon  ,  qui  a  eu  foin 
de  cette  dernière  édition.  Les  Ta- 
bles des  matières  en  font  très-am- 
ples. 


$4 


JOURNAL   DES   SÇAVANS, 


NOVVELLES     LITTERAIRES. 


ALLEMAGNE. 
De  Vienne, 

L'A  B  B  E'  de  Giïïwe'm  ,  célèbre 
Abbaye  de  Bénédictins  dans  la 
b.ille  Autriche  ,  a  fait  imprimer 
magnifiquement  le  premier  Tome 
de  l'Hiftoire  de  cette  Abbaye.  Le 
titre  fera  connoître  quel  eftledef- 
fein  de  l'Auteur  dans  cette  premiè- 
re Partie  ,  &  quelle  en  eft  l'impor- 
tance par  rapport  à  l'Hiftoire  gé- 
nérale de  l'Allemagne  ,  &  à  la  con- 
noiftance  des  Manufcrits  &  des  an- 
ciennes Chartres  de  ce  Pays-là. 
Chronicon  GotWicense  ,  feft 
Annales  liberi  &  exempt  Aionafle- 
rii  Gofwicenfis  ,  Ordinis  fanfti  Be- 
mdiEli  Inferioris  Aufmx,  ,  faciem 
Auftriae  Antiquae  &  Medix  ufyue 
ad  noftra  tempora  ,  deinde  ejufdem 
Monaflerii  fundatïontm ,  progrejfum, 
Sttttumque  hodiernum  exhibent ",  ex 
Codicibns  Antiquis  ,  Aiembranis  & 
Inflrumentis  tum  domefticis ,  tum  ex- 
traneis  depromptum  :  pro  quorum  faci- 
liori  intelleclit  Tomus  Prodromus 
De  Codicibns  AntiqutsAianufcriptis; 
De  Imperawum  ac  Regitm  Germania 
Diplomattbus;  De  eorumdem  Palatiis3 
fil  lis  &  C  urubus  Régi  i  s  atque  de 
German'uAlediitALvi  Vagis  premitti- 
tur ,  &  ea  qm  Gtfareorum  ,  Regio- 
rumque  Germania  Dtplomatum  An- 
ticjuttatem  ,  Aiateriam  f  flylum  , 
Scripturam  ,  Aionogramata  ,  SigilU 


Subfcriptiones ,  Notafque  Chronolo- 
gidïs ,  atque  ai  Palathmm  &  Villu- 
rwm  Regiarum  ,  P  agorumque  Germa- 
nia Aie  dis.  fit  nrn  pertinent  exflican- 
tur }  &  a ijetlis fpecimin'ibus  ,  tabu- 
lifque  *y£ri  incifîs  illufirantnr.  To- 
mus I.  Typis  Mm.iflerii  léger  efnen- 
fis.  B.  J.  Beneditli.  1732.  in  folio.  Ce 
Volume  fe  débite  chez  Briffant ,  Li- 
braire de  cette  Ville  ,  ainfi  que 
l'Ouvrage  fuivant. 

Palignesii  Aionïta  Généalogie*. 
Anton  Vindieiariim  Arboris  Généa- 
logie a  Augufttt  G 'entisC 'arohno-Bsictt  9 
quas  videliest  Vindicias  fcnpft  con- 
tra Syfiema ,  quod  Sercnïjfimwn  Boio- 
rum  Principitm  Fundatorem  ponit 
Luitpoldum  ,  denegat  ejfe  Carolum 
Magnum  ;  ediditque  Aionachii  t 
in-folio  1750.  Hts  autem  monitis 
Prlncipum  Genealogias  probanii  ra- 
tio explicatur  ;  in  Vindictes  allata  do- 
cumenta recenfemur  expendunttirque; 
de  prebo  itificïalis  Argument':  ufu  ex 
optimornm  Philofophornm  LeElionibtu 
pracepta  repetuntur  ;  opinio  Vtndicis 
cum  aliis  reiieulis  traditionibus  corn- 
mittitur;  Magnus  Luitpoldus  in  prifli- 
na ,  ut  pote  genuinus  Serenijfima  Gen- 
tis  Botca,  Fundator  t  jurafua  reftitui- 
tur;  fecus  ffatuentes  Vtndicis.  univer- 
fim  placide  emtndantur.  Alejiadii  t  ex 
OJfieina  Aghekni.  1732.  in-jf. 

De  H  a  m  bourg. 

ïl  piroît  ici  in  -  40.  &  en  Aile- 


}  A  N  V  I 

mand  une  Defcription  Géographi- 
que ,  Politique  6c  Hifrorique  de  la 
Province  de  Dithmarse  dans  le 
Duché  d'Holftein  ,  pai  M.  Ant. 
Vietbenins  }  Confeillcr  du  Duc 
d'Holftein.  Cet  Ouvrage  eft  ac- 
compagné de  planches  gravées.  M. 
Jean  -  Albert  Fabricius  ,  Profeffeur 
de  Hambourg  y  a  ajouté  une  Préfa- 
ce Critique  fur  les  Hiftoriens  qui 
ont  parlé  de  cette  Contrée. 

SUISSE. 

De  B  a  s l e. 

Le?  Frères  Thumeifen  viennent 
3e  publier  un  Projet  de  Soufcrip- 
tion  pour  la  nouvelle  édition  qu'ils 
veulent  donner  du  Code  Théodo- 
fien  ,  fous  ce  titre  :  Codex  Theodo- 
fiarnts  cum  perpetuis  Commentants 
Jacobi  Gothofredi  Vin  Sénat  orii  & 
Jurifconfulti  Superiorisftculi  eximii. 
Prswittitur  Chronologia  acettratior  3 
cum  Chronicp-Hiftorict  &  Prolego- 
ttiena  :  fuyjiciunturr  Notitia  dignita- 
tum  ,  Profopographia  ,  Topograpbia , 
Index  Rerum  &  Gloffar'mm  Nomi- 
cum.  Opus  Pofthumum  ,  dm  in  foro 
&  in  Schola  defideratum  ,  &  ordina- 
îttm  ad  ufum  Codicis  Jufîinianxi  > 
opéra  &  fludio  Antonii  Marvillii, 
jintccejforis  Primtcerii  in  Vniverfita- 
te  Valentina.  Editio  nova  in  vi  To- 
mcs  Digefta  ,  appendice  Codicis 
Theodofiani  t  novis  Confiitittionibus  , 
ctmtdat!or3  cum  Epiftolis  aliqmt  Ve- 
terum  Conciliorum  &  Pontifcum  Ro- 
manorwrn  adaulla }  &  fubfcriptionis 
Lege  recudenda.  Âpud  E.  &  }.  R* 
Thurnijîos  fr aires.    1734.  in  -folio,- 


E  R  ;  ï  7  3  4.  $  f 

Cette  édition  doit  être  entièrement 
conforme  à  l'édition  du  même  Ou- 
vrage donné  par  Antoine  de  Mar- 
ville  ,  à  Lyon  ,  chez  Jean-Antoine 
Huguetan  &  Marc-Antoine  Ravaud 
en  1665.  Les  Libraires  fe  propofent 
de  commencer  l'imprefTion  au 
mois  de  Mars  prochain  ,  Se  de  dé- 
livrer les  exemplaires  de  deux  Vo- 
lumes de  fix  mois  en  fix  mois  à  cha- 
que foire  de  Franfort  ;  à  commencer 
depuis  celle  d'Automne  de  cette 
année  jufqu'à  celle  d'Automne  de 
l'année  prochaine  173  5.  Le  prix  de 
la  Soufeription  pour  le  papier  com- 
mun eft  de  iç  florins  d'Empire  ; 
dont  on  payera  5  en  fouferivant ,  5 
en  recevant  les  deux  premiers  To- 
mes j  &  les  5  autres  en  recevant  le 
troifiéme  &  le  quatrième ,  ceux  qui 
voudront  avoir  de  plus  grand  5c  de 
plus  beau  papier  ,  l'achèteront  2. 1 
florins }  qui  feront  payés  de  même. 
On  pourra  foufurire  k  Paris  t  chez 
Jidontalant  ,  Mariette  &  Cavelier. 
On  nous  mande  de  Strafbourg 
que  Maurice -George  JVeidmann  s 
Libraire  à  Leipzig  ,  vient  auflî  de 
propofer  des  Soufcriptions  pour 
l'édition  du  même  Ouvrage  ,  qu'il 
a  entrepris  de  donner  en  fix  Volu- 
mes in-folio  ,  &  qu'il  promet  de  li- 
vrer complets  à  la  fin  de  l'année 
prochaine.  Le  prix  du  total  de  la 
Soufeription  doit  être  de  douze 
écus  argent  d'Empire.  Voila  de 
quoi  ne  pas  manquer  fi-tôt  d'un 
Ouvrage  dont  l'édition  de  Lyon 
étoit  devenue  très-rare.  Il  ne  s°agic 
que  de  fçavoir  lequel  des  deux  LJ~ 
braires  réuiïîra  le  mieux. 


SC  JOURNAL D 

HOLLANDE. 

De   Le  y  de. 

Les  Verbeek^  viennent  de  donner 
une  nouvelle  édition  du  Novum 
Lumen  Obfletricantium  de  M.  de 
Ditenter.  Les  augmentations 
qu'annonce  le  Frontifpice  confl- 
uent en  trois  Obfervations  déta- 
chées ,  &  une  Lettre  à  M.  Winck^t 
Docteur  en  Médecine ,  &  Profef- 
feur  d' Anatomie  &  de  Chirurgie  à 
Rotterdam. 

Voici  le  précis  de  ces  Obferva- 
tions qu'on  nous  a  prié  d'inférer 
ici.  La  première  Obfervaûon  eft 
fur  un  acouchement  où  l'enfant 
mort,  dont  le  bras  étoit  forti  juf- 
qu'à  l'épaule  ,  a  été  tiré  entier  par 
les  pieds,  après  un  travail  de  qua- 
tre jours,  malgré  l'inclinaifon  de  la, 
matrice  en  arrière.  La  mère  s'eft 
parfaitement  guérie. 

La  féconde  rapporte  l'Hiftoire 
d'une  femme ,  qui  envoya  chercher 
l'Auteur  ,  après  un  travail  de  fix 
jours  ;  &c  qui  mourut  fans  être  dé- 
livrée ,  tant  par  rapport  à  l'obliqui- 
té de  fa  matrice  ,  qui  étoit  renver- 
fée  en  avant ,  5c  où  l'enfant  couché 
fur  le  dos ,  étoit  tombé  la  tête  la 
première  dans  la  courbure  infé- 
rieure de  l'os  facrum  ,  ce  qu'on 
trouva  par  l'ouverture  qui  fut  faite 
de  la  femme  ,  que  par  rapport  à 
l'extrême  enflure  de  fes  parties  gé- 
nitales,qui  faifoit  qu'on  avoit  beau- 
coup de  peine  à  palier  le  doigt  en- 
tre l'orifice  de  la  matrice  Se  la  tête 
de  l'enfant. 


ES  SÇAVANS; 

La  troifiéme  eft  d'un  enfant  cou- 
ché fur  le  dos  dans  le  ballîn  ,  où  il 
étoit  fi  reflerré ,  par  rapport  à  l'en- 
tière fecherelfe  de  la  matrice ,  &  fa 
parfaite  contraction  autour  de  lui , 
qu'il  étoit  impoilîble  à  l'Auteur  , 
je  ne  dis  pas  de  le  retourner  ,  mais 
de  tenir  pendant  quelque  terns  la 
main  dans  h  matrice  ,  fans  qu'elle 
tombât  en  ftupeur.  L'Auteur  le  tira 
en  double  ,  après  lui  avoir  vuidé  le 
bas-ventre. 

La  reflexion  que  fait  l'Auteur  fur 
ces  Obfervations ,  c'eft  que  ces  en- 
fans  ne  font  morts  ,  &  le  travail 
des  mères  n'a  été  fi  long  a  que  faute 
d'avoir  retourné  ,  &  tiré  par  les 
pieds  ces  enfans  aufli-tôt  après  l'é- 
coulement des  eaux. 

La  Lettre  écrite  au  Docteur 
Winck.  n'a  prefque  d'autre  but. 
L'Auteur  après  y  avoir  rapporté 
une  Hiftoire  d'obliquité  de  matrice 
toute  femblable  à  celle  qu'on  trou- 
vera au  Chapitre  z  de  la  féconde 
Partie  ,  page  383  ,  avec  cette  feule 
différence  que  dans  cette  dernière 
le  fond  de  la  matrice  étoit  tombé 
plus  directement  en  devant,  &  que 
dans  la  première  il  étoit  tombé  di- 
rectement dans  le  coté,  parle  d'une 
fituation  femblable  de  l'enfant 
dans  une  matrice  droite.  L'événe- 
ment de  ces  deux  Hiftoires  eft  fort 
différent.  La  femme  qui  fait  le  fujet 
de  la  première  mourut  fans  qu'on 
pût  lui  donner  de  fecours ,  &  la 
féconde  fut  délivrée  en  un  quart 
d'heure.  Ces  deux  Hiftoires  don- 
nent occaiïon  à  l'Auteur  de  répéter 
les  raifonnemens  qu'il  a  faits  dans 
tout  le  cours  de  fon  Ouvrage,  pour 
prouves 


JANVI 

prouver  la  necelïité  d'une  prompte 
délivrance  dans  le  cas  des  mauvai- 
fes  foliations  de  l'enfant ,  fur-tout 
quand  la  matrice  eft  inclinée  ,  ou 
oblique. 

FRANCE. 

De    Lyon, 

PerachonSi  Crameront  imprimé 
depuis  peu  R.  D.  Caroti  Mufitani, 
latries  ProfeJJiris  celeberrimi  s  Opé- 
ra omnia  ,  fin  trutina  Medica  Chi- 
rurgien Pharmaceutico-Chymica,  Sec. 
Omnia  juxta  recentiorum  Philofopho- 
rum  Principia  ,  &  Medicorum  expé- 
rimenta ,  excogitata  ,  &  adornata. 
Denuo  accedunt  Trailatus  de  morbis 
infantum ,  de  luxationibus  &  de  frac- 
turis,  Editio  omnium  Operum  fe- 
cunda  ,  ab  omnibus  mendis  Typogra- 
phicis  accuratiffimè  expurgata.  Cura 
Jndicibus  capitum  ,  rertim  &  mate- 
riarum.  1733.  in  -folio ,  deux  Vo- 
lumes. 

De  Bordeaux. 

Extrait  des  Regijfres  de  V  Académie 

Royale    des  Belles  -  Lettres  s 

Sciences  &  Arts. 

L'Académie  afTemblée  le  8.  Sep- 
tembre 1733.  prefens  Messieurs  , 
&c.  Après  qu'il  a  été  vérifié,  que 
le  véritable  Auteur  de  la  DùTerta- 
tion  ,  fur  la  circulation  de  la  fève 
dam  les  plantes  ,  couronnée  &  im- 
primée ,  fous  le  nom  de  M.  de  la 
Baïsse  ,  a  déjà  remporté  trois  prix 
en  différentes  années.  Vu  la  délibe- 
Janvier. 


E  R  i    1 7  î  4»  si 

ration  du  29  Avril  1717.  par  la- 
quelle il  eft  ftarué  ,  qu'un  même  Au- 
teur ne  pourra  obtenir  que  trois  prix  • 
&  cjue  M.  le  Secrétaire  fera  charte 
de  prier  ceux  qui  fe  trouveront  dans  le 
cas  ,  de  ne  plus  travailler  pour  le 
concours.  M.  le  Secrétaire  ayant  dit 
qu'il  avoit  averti  l'Aureur  ci-deffus, 
lorfqu'il  eut  remporté  le  troifiéme 
prix  ,  dans  la  même  forme  que  le 
tut  M.  DEMAiRANen  ^^.L'A- 
cadémie a  délibéré  que  la  Médaille 
d'or  décernée  à  l'Auteur  delà  Dif- 
fertion  fur  la  circulation  de  la  feve 
dans  les  plantes,  demeurera  refervec 
pour  un  deuxième  prix  à  diftribucr 
le  25.  Aouft  1734. 

Ce  nouveau  prix  refervé  eft  defti- 
né  à  celui  qui  expliquera  avec  le 
plus  de  probabilité ,  la  dureté ,  la 
moleffe  &  la  fluidité  des  corps. 

Les  Dilfertations  pourront  être 
en  François  ou  en  Latin  ,  elles  ne 
feront  reçues  pour   le  concours 
que   jufqu'au    premier    Mai   pro- 
chain inclufivement. 

Au  bas  des  Diflertations  ,  il  y 
aura  une  Sentence  ,  &  l'Auteur 
mettra  dans  un  billet  féparé  &  ca- 
cheté ,  la  même  Sentence  ,  avec 
fon  nom  ,  fes  qualités  &  fa  demeu- 
re  5  d'une  façon  qui  ne  puilfe  pas 
former  d'équivoque. 

Les  paquets  feront  affranchis  de 
port  t  &  adreffis  à.  M.  Sarrau ,  Se- 
crétaire de  V  Académie  }  rué  de  Gour- 
gues  ,  ou  aufieur  Brun ,  Imprimeur 
de  l  Académie ,  rué  faim  James. 

De     Paris. 

Nous  croyons  ne  pouvoir  mieHs 
H 


5S  JOURNAL    DE 

commencer  cet  article  qu'en  ren- 
dant compte  d'un  petit  Ecrit  de 
pages  in  1 1.  intitulé  :  Eloge  de  M. 
V  Abbé  le  Grand ,  mort  l'année  demis. 
re.  Si  les  bornes  de  nos  Nouvelles 
ne  nous  permettent  pas  de  fuivre 
l'Auteur  de  cet  Eloge  dans  tous  les 
détails  où  il  entre  fur  les  Ecrits  de 
fon  ami ,  nous  tâcherons  du  moins 
de  ne  rien  omettre  de  ce  qui  l'a 
rendu  célèbre  dans  la  Republique 
des  Lettres. 

Joachim  le  Grand  naquit  à  S.  Lo 
au  Diocéfe  de  Coutance  le  fix  de 
Février  1553.  après  avoir  étudié  la 
Philofophie  à  Caé'n  fous  Pierre 
Cailly  ,  il  entra  dans  l'Oratoire  en 
léji.  ilenfortiten  1676.  &z  vintà 
Paris  où  les  étroites  liaifons  qu'il 
eut  avec  le  fçavant  Père  le  Cointe 
lui  donnèrent  pour  l'étude  de  i'hi- 
ftoire  }  cette  inclination  qu'il  a 
confervée  toute  fa  vie.  Perfonne 
n'étoitplus  propre  pour  y  réunir. 
A  une  mémoire  fûre  M.  FAbbé  le 
Grand  joignoit  un  jugement  ex- 
quis ,  une  fagaCité  mcrveilleufe 
pour  la  difeuffion  des  faits  &  un 
grand  amour  de  la  vérité  &  du  tra- 
vail. 

Au  mois  de  Janvier  168 1.  M. 
l'Abbé  le  Grand  perdit  le  Père  le 
Cointe.  Il  en  fit  l'éloge  ainfi  que  ce- 
lui de  Michel  de  Marottes  Abbè  de 
Villeloin.  Ces  deux  Pièces  furent 
inférées  l'une  dans  le  Journal  des 
Sçavans  du  mois  de  Février  ,  & 
l'autre  dans  le  Journal  du  mois 
d'Avril  delà  même  année. 

En  1688.  il  publia  l'Hifloire  du 
Divorce  d'Henri  VU  I.  Roi  et  Angle- 
terre &  de  Catherine  d'Arragon.  La 


S    SÇAVANS, 

Définfe  de  Sanderus  &  la  Réfu- 
tation des  dtttx  premiers  Livres  de 
l'Hifloire  de  la  Reformation  de  M. 
Eurnet  &  les  preuves.  A  Paris  ,  chez 
Martin  8c  Boudot.  Trois  Volumes 
10-12.  Une  Conférence  que  M. 
l'Abbé  le  Grand  eut  avec  le  Doc- 
teur Burnet  pendant  !e  féjour  que 
ce  Do&eur  fit  à  Paris  en  16S5.  & 
dont  on  parle  au  long  dans  l'Eloge^ 
donna  occafion  à  cet  Ouvrage  que 
l'Auteur  dédia  à  M.  Thevenot}  Gar-* 
de  de  la  Bibliothèque  du  Roi. 

Le  Docleur  Burnet  écrivit  au 
même  M.71):venot  une  Lettre  où  il 
fait  une  courte  critique  de  l'Hifloi- 
re du  Divorce  d'Henri  VIII.  &  où 
il  ne  parle  pas  de  M.  l'Abbé  le 
Grand  d'une  manière  convenable. 
Celui-ci  fe  contenta  de  faire  im- 
primer de  nouveau  la  même  année 
1688.  cette  Lettre  avec  un  Avertiffe- 
ment  qu'il  mit  à  la  tête  Se  quelques 
Remarques  au  bas  des  pages. 

L'année  fuivante  le  So&eur  Bur- 
net mie  au  jour  une  Critique  de  l'Hi- 
floire des  Variations.  L'Abbé  le 
Grand  lui  écrivit  trois  Lettres.  L* 
première  fur  les  Variations.  La  fé- 
conde fur  la  Reformation.  La  troi- 
fîéme  fur  l'Hifloire  du  Divorce,  Il 
mit  à  la  têce  une  longue  Préface 
contenant  des  Obfervations  feavantes 
&  judicieufes/«r  l'Hifloire  des  Egli- 
fes  Reformées  de  Bafnage.  Le  tout 
parut  à  Paris  \n- 11.  en  1691. 

En  171 1.  l'Abbé  le  Grand  em- 
ployé depuis  1705.  dans  les  affaires 
étrangères  fous  les  ordres  de  M.  le 
Marquis  de  Torcy ,  fit  paroître  les 
Ecrits  fuivans. 

Mémoire  touchant  la  fuccejfitn  # 


J  A  N  V  I 

la  Couronne  d'Ej 'pagne  (  prétendue 
traduction  de  l'Efpagnol.  ) 

Reflexions  fur  la  Lettre  à  un  Ali- 
lard  fur-  la  neccffuè  &  la  juflice  de 
rentière  refiitutton  de  la  Monarchie 
d'Efpagne  s  avec  les  Extraits  de  di- 
vers Auteurs  fervant  de  preuves  au 
Mémoire.  171 1.  in-%°. 

Difcours  fur  ce  qui  s,efl  paffe  dans 
V  Empire  au  fujet  de  la  fuccejfwn 
d'Efpagne. 

L'Allemagne  menacée  d'être  bien- 
tôt réduite  en  Monarchie  abfolue 
in-40. 

Lettre  de  M.  D.  à  M.  le  DoBeur 
M.  touchant  le  Royaume  de  Bohême 
in-40. 

M.  l'Abbé  le  Grand  mit  au  jour 
en  1728.  deux  Ouvrages  également 
folides  ,  quoique  dans  un  genre 
différent.  Le  premier  in-40.  intitulé: 
Relation  Hiflorique  d'Abiffinie  du 
Révérend  Père  Jérôme  Lobo  de  la 
Compagnie  de  Jefus  '  &£•  dont  nous 
avons  donné  deux  Extraits  dans 
nos  Journaux  des  mois  de  Septem- 
bre &c  d'Octobre  de  cette  même 
année.  Le  fécond  Ouvrage  a  pour 
titre  :  de  la  fucceffton  a  la  Couronne 
de  France  pour  les  Agnats  (  c'eft-à- 
dire  pour  la  fuccelîion  masculine 
directe)  avec  un  Mémoire  touchant 
la  fucceflion  à  la  Couronne  d'Efpa- 
gne. A  Paris,  chçzMartin}&Guerw. 
Ï718.  in-xz.  Ce  dernier  Mémoire 
eft  le  même  que  celui  qui  avoit  pa- 
ru en  171 1. 

Après  avoir  ainfi  donné  la  fimple 
note  des  Ecrits  dont  feu  M.  l'Abbé 
le  Grand  a  enrichi  le  public  ,  il  ne 
nous  refte  qu'à  dire  un  mot  d'un 
autre  Ouvrage  important  qui  par 


E  R  ,  1  7  3  4.  yp 

malheur  n'a  pas  encore  vu  le  jour. 
C'eft  ï'Hiftoire  &  la  Vie  de  Louis 
XI.  Roi  de  France  t  à  laquelle  l'Au- 
teur avoit  travaillé  depuis  1697. 
avec  tout  le  foin  ,  &  toute  l'exacti- 
tude dont  il  étoit  capable.  Il  y 
avoit  mis  la  dernière  main  dès  l'an- 
née 1717.  &  il  s'étoit  déterminé 
alors  à  la  faire  paroître ,  mais  des 
raifons  particulières  l'avoicnt  fait 
changer  de  refolution  ,  &  l'Ouvra- 
ge eft  refté  Manufcrit.  Les  gens  de 
Lettres  en  attendent  l'impreilion 
avec  impatience. 

Nous  renvoyons  nos  Lecteurs  à 
l'Eloge  même  pour  s'inftruire  de 
diverfes  particularitez  qui  regar- 
dent les  Voyages  de  M.  l'Abbé  le 
Grand  en  Portugal  &c  en  Efpagne  , 
fes  emplois ,  fes  Ecrits ,  fa  Vie  &  fa 
famille. 

Il  mourut  le  premier  Mai  de 
l'année  dernière  d'une  féconde  atta- 
que d'apoplexie  à  l'âge  de  80  ans  5 
mois  &  7  jours.  >»  C'étoit  ;  dit  l'Au- 
»  teur  de  l'Eloge ,  un  homme  plein 
»  d'honneur ,  de  probité  &c  de  Re- 
»  ligion  ,  &c  des  plus  habiles  du 
»  Royaume  furie  Droit  Public, 
»  d'une  vafte  érudition  ,  d'une  fa- 
»  gacité  admirable.  Quelque  cm- 
»  brouillée  que  fût  une  affaire ,  il 
»  en  faififfoit  les  difficultez ,  &  fon 
»  efprit  pénétrant  &c  fécond  lui 
»fuggeroit  des  expediens  pour  les 
»  franchir.  Rien  de  plus  judicieux 
»  que  fa  conduite  ,  rien  de  plus  in- 
»  ftructif  que  fa  converfation. 
»  Comme  il  fçavoit  beaucoup  ,  & 
»  qu'il  avoit  beaucoup  voyagé  ,  fa 
»  mémoire  lui  fourniffbit  à  propos 
a  fur  toutes  fortes  de  fujets ,  des 
Hij 


€o  JOURNAL   D 

»  faits  curieux  Se  interefTans.  Aulli 
»  la  droiture  de  fou  cœur  ,  la  foli- 
■jjdité  de  fon  jugement ,  &:  la  fagef- 
»fe  de  fa  conduite  lui  avoieat  elles 
3>  .-.cquis  l'eftirne,  l'amitié  &  même 
»  la  confiance  d'un  grand  nombre 
»  de  perfonnes  les  plus  diftinguées, 
»  foit  par  leur  naillance  ,  foit  par 
»  leurs  emplois  ,  foit  par  leur  méri- 
»tc. 

On  débite  à  l'Imprimerie  Royale 
le  Volume  de  ï'Hiftoire  &  des  Mé- 
moires de  l'ts4cadcmie  Royale  des 
Sciences  pour  l'année  1731-  »»-4°. 
&  le  Traité  Pbyjiqtte  &  Hiftontjite 
de  l'Aurore  Boréale,  Par  M.  de  Mai- 
ran.  "One  fuite  des  Mémoires  de  cette 
Académie  ,  pour  la  même  année 
173 1.  Ce  Livre  qui  n'a  pas  de  liai- 
fon  neceffaire  avec  les  Mémoires  , 
fe  vend  féparément  chez  Lambert , 
rue  S.  Jacques. 

Les  Libraires  aflociés  pour  l'im- 
preffion  des  Mémoires  de  la  même 
Académie  des  Sciences  avant  1699. 
viennent  de  propofer  une  nouvelle 
Soufcription  pour  neuf  nouveaux 
Volumes  /'w-40.  qu'ils  vont  donner 
au  public  ,  &  que  nous  n'avons  fait 
qu'indiquer  dans  nos  Nouvelles  du 
mois  de  Novembre  dernier. 

De  ces  neuf  Volumes  trois  con- 
tiendront i°.  Une  troifiéme  Partie 
des  Mémoires  vourfervir  hl' Hiftoire 
des  Animaux  y  qui  n'a  jamais  paru. 
a°.  La  Table  des  Matières  conte- 
nues dans  tous  les  Tomes  de  l'an- 
cien Recueil  depuis  1666.  jufqu'en 
1699.  Cette  Table  ,  à  la  place  de 
laquelle  on  a  fubftiué  X  Analyfc  de 
M.  de  Lagny  ,  devoit  faire  l'onzié- 
ane  Tome  de  l'ancien  Recueil  fui- 


ES  SÇAVANS, 

vant  le  Profpcclus  de  1718.  3*.  Là 
Table  des  Matières  des  Mémoires 
de  l'Académie  depuis  &  com- 
pris T  7  2  1.  jufques  Se  compris 
1730. 

Les  fix  autres  Volumes  com- 
prendront la  reprefenration  &  la 
defeription  de  toutes  les  Machines 
ou  Inventions  préfentées  à  l'Acadé- 
mie Se  honorées  de  fon  approba- 
tion depuis  fon  établifTement  juf- 
qu'à  prefent. 

Les  Libraires  promettent  de 
fournir  ces  neuf  Volumes  dans  le 
courant  de  la  prefente  année  1734. 
Le  prix  de  la  Soufcription  en  entier 
cft  de  90  livres ,  dont  on  payera  30 
livres  en  fouferivant,  30  livres  en 
recevant  les  trois  Volumes  des  Mé- 
moires ,  Se  50  livres  en  recevant  les 
iîx  Volumes  des  Machines. 

On  pourra  foulcrire  pour  les  ma- 
chines féparément,  en  payant  36  . 
livres  en  fouferivant  Se  $6  livres  er/ 
recevant  les  fix  Volumes,  mais  il 
ne  paroît  pas  par  le  ProfpcRus  qu'il 
foit  également  libre  de  fouferire 
auflï  féparément  pour  les  trois  Vo- 
lumes des  Mémoires. 

Les  Soufcriptions  feront  reçues 
jufqu'au  premier  jour  du  mois  pro- 
chain chez  Gabriel  Martin  ,  Coi- 
gnard  fils  ,  Se  Gucrtn  l'aîné ,  rue 
S.  Jacques. 

Jacques  Pincent ,  rue  S.  Scverin, 
à  l'Ange ,  a  en  vente  Hifloire  Gêné- 
raie  de  Languedoc  ,  avec  des  Notes 
Se  les  Pièces  justificatives  :  compo- 
fée  fur  les  Auteurs  Se  les  titres  ori- 
ginaux ,  Se  enrichie  de  divers  Mo- 
numens.  Par  deux  Religieux  Béné- 
dictins de  la  Congrégation  de  Saint 


JANVI 

Maur.  Tome  fécond,  1730.  in  folio.. 

Hiftoire  des  Découvertes  &  Con- 
quêtes des  Portugais  dans  le  nouveau 
Amende ,  avec  des  figures  en  taille- 
douce.  Par  le  Révérend  Père  Jo- 
feph François  Lafitau  ,  de  la  Com- 
pagnie de  Jcfus.  Chez  Saitgrain 
père  ,  Quai  des  Auguftins  ,  &  J.  B. 
Coignard  fils,  rue  S.  Jacques.  1711. 
in-t,*.  1.  vol. 

.  Reglcmens  fur  les  Scellez.  &  In- 
ventaires en  Adatiere  Criminelle  ^ avec 
les  principes  qui  ont  donné  lieu  à 
ces  Reglemens ,  &  qui  en  expli- 
quent la  pratique  ,  &c.  Chez  De- 
nis Alouchet,  Grand'Salle  du  Palais^ 
&  Pierre  Prauit }  Quai  de  Gêvres. 
1734./K-40. 

Nouvelle  introduBion  à  la  Prati- 
que y  ou  Dictionnaire  des  termes 
de  Pratique  ,  de  Droit ,  d'Ordon- 
nances <k  de  Coutumes  ,  avec  les 
Jurifdidhons  de  France.  Par  M. 
Claude- Jofeph  Deferriere ,  Doyen 
des  Docteurs-Régens  de  la  Faculté 
des  Droits  de  Paris  ,  &  ancien 
Avocat  au  Parlement.  Chez  Mi- 
chel Brunet ,  Grand'Salle  du  Palais. 
1734. /»-4°.  i.  vol. 

La  Bibliothèque  des  Philofopbes  & 
des  Sçavans  anciens  &  modernes. 
Avec  les  Merveilles  de  la  Nature  , 
où  l'on  voit  leurs  opinions  fur  tou- 
tes fortes  de  matieres,C7V.Par  M. H. 
Gantier ,  Architecte,  Ingénieur  & 
ancien  Infpecteur  des  grands  Che- 
mins,Ponts  ôcChauiTécs  du  Royau- 
me. Tome  III.  Chez  André  Cail- 
leauy  au  coin  de  la  rué  Gift-le-cœur, 
à  l'Image  Saint  André.  i734./«-8°. 
On  trouve  chez  le  même  Libraire 
£fprit  de  l'Eglife  dans  la  recitation  de 


E  Ki  1734:  $x 

cette  partie  de  l'Office  qu'en  appelle 
Compiles.  En  forme  de  Dialogue 
entre  le  Maître  &  le  Difciple.1734. 
in- 11. 

De  la  connoiffance  &  l'amour  de 
N.  S.  Jésus-Christ.  Par  le  Perc 
J.  B.  de  Belingan  ,  de  la  Compa- 
gnie de  Jefus.  Chez  Rollin  fils  ; 
Quai  des  Auguftins.  1734.  in-i  2. 

Traité  du  vrai  mérite  de  l'Homme 
coniîderé  dans  tous  les  âges  &c  dans 
toutes  les  conditions  :  avec  des 
principes  d'éducation  ,  propres  à 
former  les  jeunes  gens  à  la  vertu. 
Chez  Saugrain  ,  Grand'Salle  du 
Palais.  1734.  /«-la. 

Hiftoire  des  Empires  &  des  Répu- 
bliques depuis  le  Déluge  jttfciïk  Jg_ 
eus-Christ.  Où  l'on  voit  dans  cel- 
le d'Egypte  &  d'Afiela  liaifon  de 
l'Hiftoire  Sainte  avec  la  Profane  , 
&  dans  celle  de  la  Grâce  le  rapport 
de  la  Fable  avec  l'Hiftoire.  Chez 
Simart,  rue  S.  Jacques;  Jean  Rouan^ 
Quai  des  Auguftins  -,  Jofeph  Bullott 
rué  de  la  Parcheminerie ,  tk.  Jeaa 
Nully1  Grand'Salle  du  Palais.  1733, 
in-n.  4.  vol. 

Prault  pere  ,  Quai  de  Gêvres  J 
débite  les  quatre  Livres  fuivans. 

Hiftoire  de  l'Empire  des  Cberifs  en 
Afrique  ,  fa  Defeription  Géogra- 
phique &  Hiftorique  :  la  Relation 
de  la  prife  d'Oran  par  Philippe  V» 
Roi  d'Efpagne ,  avec  l'abrégé  de  la 
Vie  de  M.  de  Santa-Crux  ,  ci-de- 
vant Ambaftadeur  en  France  ,  & 
Gouverneur  d'Oran  depuis  la  prife 
de  cette  Ville.  Ornée  d'un  plan 
très-exact  de  la  Ville  d'Oran  ,  & 
d'une  Carte  de  l'Empire  des  Che^ 
rifs.ParM.*!?.  J73}.  in-iz, 


<Sa        JOURNAL    DE 

Hijïoire  d'Ofman,  premier  du  nom, 
XIXe  Empereur  des  Turcs  Se  de 
l'Impératrice  Aphendina  -  Aftada. 
Par  Madame^  Gomés.  1734.  in-n. 
deux  Volumes. 

Hifloire  d'Efievanille  Gonzales  , 
furnommé  le  Garçon  de  Bonne- 
Humeur  ,  tirée  de  l'Efpagnol.  Pat 
M.  Lefage.  1734.  in-11.  2.  Parties. 

Les  petits  Soupers  de  l'Eté  ou 
Àvantures  Galantes ,  avec  l'origine 
des  Fées.  Par  Madame  Durand. 
173  3.  in  12.  2.  Parties. 

Le  Livre  intitulé  la  Bibliothèque 
des  Enfans  ,  &c.  fe  vend  chez  Pier- 
re Simon  ,  Imprimeur  du  Parle- 
ment ,  rue  de  la  Harpe  ,  à  l'Her- 
cule ,  &  chez  Pierre  Witte ,  rue 
S.  Jacques ,  proche  S.  Yves  ,  à 
l'Ange  Gardien.  Cet  Ouvrage 
j»-4°.  comprend  qmrre  Parties.  La 
première  de  28  feuilles,  contient 
le  Syflème  du  Bureau  Typographique. 
La  féconde  en  quinze  feuilles  con- 
tient les  leçons  du  nouvel  Abc  la- 
tin pour  les  Maîtres  &  pour  les 
Enfans.  Le  troilîéme  en  3 1  feuilles, 
contient  les  cens  fix  leçons  du  nou- 
vel Abc  François ,  &  du  Supplé- 
ment fur  l'Arithmétique  ,  fur  le 
Calendrier  &  fur  l'Ecriture.  Ces 
trois  Volumes  fe  vendront  enfem- 
ble,  comme  faifant  un  feul  Ouvra- 
ge de  Littérature. 

On  vendra  féparément  le  qua- 
trième Volume  qui  en  10  feuilles 


S     SÇAVANS. 

/«-40.  contient  le  Rudiment  pratiqué 
de  la  Langue  Latine  pour  les  Gar- 
çons ,  &  une  Introduction  à  la  Lan- 
gîte  Françoife  pour  les  filles.  Ou 
vendra  aulïï  féparément  &  en  petit 
pour  l'exemplaire  de  chaque  enfant 
le  nouvel  Ave  Latin,  le  nouvelle 
François ,  &  le  Rudiment  pratique 
de  la  Langue  Latine. 

Pierre  Gandonin ,  Quai  des  Au- 
guftins ,  à  la  Belle  -  Image  ,  vend 
depuis  le  4  de  ce  mois  dans  les  Sal- 
les du  grand  Couvent  des  R.  Pères 
Auguftins ,  une  Bibliothèque  com- 
pofée  de  dix-huit  mille  Volumes, 
dont  le  Catalogue  imprimé  fe  vend 
chez  le  même  Libraire. 

Chaubert ,  Libraire  du  Journal  ~ 
GiJfey,Hourdelfifmont,Huart,David 
le  jeune  ,  &  Cloufter  ,  mettront  en 
vente  à  la  fin  de  ce  mois  Y  Hifloire 
Critique  de  V établi jfement  de  la  A1o- 
narchie  Françoife  dans  les  Gaules  ,  3 
vol.  /«-40.  M.  l'Abbé  Dubos ,  l'un 
des  Quarante,  &  Secrétaire  Perpé- 
tuel de  l'Académie  Françoife  ,  con- 
nu par  plulieurs  autres  Ouvrages 
qui  ont  mérité  l'eftime  du  public 
eft  Auteur  de  celui-ci;  nous  en 
rendrons  compte  dans  un  de  nos 
plus  prochains  Journaux. 

Almanach  Militaire  ,  ou  le  Ca- 
lendrier des  Officiers  &  Gens  de 
Guerre. Pourl'Année  m.dccxxxiv. 
Chez  Giffey ,  rue  de  la  Vieille  Bou- 
derie ,  à  l'Arbre  de  JclTé. 


6j 


Fautes  à  corriger  dans  le  Journal  de  Novembre  1733. 


PAg.  6t$.  col.  première  ,  lig.  1 2.  de  douleur  :  indépendamment ,  /;/. 
de  douleur,  indépendamment  :  pag.  632.  col.  1.  lig.  14.  ils  doivent 
s'en  abftcnir ,  lif.  ils  doivent  d'abord  s'en  abftenir  :  pag.  637.  col.  1. 1.  20; 
voulut  enfin  terminer  cette  guerre,///,  voulut  enfin  la  terminer  :  p.  655. 
col.  1.  lig.  30.  foûtenir  l'effet ,  lif.  foûtenir  l'effort  :  pag.  6j-j.  col.  z.  1.  il, 
expérimente ,  lifez.  n'expérimente. 

Dans  le  Journal  de  Décembre  1733. 

Pag.  6%o.  col.  I.  lig.  6.  atteflé  ,  lif.  atteftée  :  pag.  £82.  col.  1.  lig.  3. 
différend  ,  lif.  différent  ;  pag.  699.  col.  2.  lig.  31.  introduite,  ///introduit: 
pag.  700.  col.  1.  lig.  4.  la  quatrième ,  lif.  h  quarantième  :  pag.  716.  col.  2. 
lig.  15.  mais  on  paroît  en  peine  defçavoir  pourquoi,  lif.  mais  on  deman- 
de pourquoi  :  Ibid.  lig.  18.  qui  ait  peine  ,  Hft^  oui  aura  de  la  peine  : 
pag.  717.  lig.  dernière  de  l'Extrait ,  après  ces  mots  :  a  former  le  goût  ,ouà  le 
réveiller  ,  ajoutez  :  nous  avons  donné  dans  le  Journal  précèdent  l'Extrait 
du  Difcours  Latin  qui  eft  critiqué  dans  cette  Lettre:  pag.  729.  dans  la 
Bibliographie  ,  au  titre  du  dernier  article;  Poligrafhi  ,  lif.  Polygraphi. 


TABLE 

Des  Articles  contenus  dans  le  Journal  de  Jav.  1734. 

MEmoires  de  Littérature ,  tirés  des  Regiflres   de  l'Académie  Royale 
des    fnferiptions  ,    &c.  Tome  Vlll.  page   3 

Hifloire  générale  des  Auteurs  Sacrés  &  Ecclefiafticjues  ,  &c.  Tome  IV.     2  3 
Y  en  fée  s  Morales  &  Chrétiennes  fur  le  Texte  de  la  Genéfe     &c.  27 

Deux  anciens  Hifloriens  d'Angleterre  ,  &c.  30 

La  nouvelle  Mer  des  Hifloires  ,  ,. 

Hifloire  Littéraire  de  la  France,  &c.  Tome  premier ,  *0 

Obfervat ions  fur  les  Arrefls  remarquables  du  Parlement  de  Touloufe    &c.  49 
Différentes  Refolutions  de  Droit  Civile ,  de  Droit  Commun ,  &c.  5 1 

Nouvelles  Littéraires ,  *. 

Fin  de  la  Table. 


L  E 


JOURNAL 

SCAVANS 

POUR 
VANNEE     M.    DCC.     XXXIF. 
FEVRIER. 


A      PARIS, 

Chez    CHAUBERT,    à  l'encrée   du  Quay   des 

Auguftins,  du  côté  du  Pont  Saint  Michel,  à  la 

Renommée  &  à  la  Prudence. 

M.    DCC.  XXXIV. 
AVEC  APPROBATION  ET   PRIVILEGE  DU  ROY, 


LE 


JOURNAL 

DES 

SCAVANS 

FEVRIER  M.  DCC.    XXXIV. 

MEMOIRES  DE  LITTERATURE ,   TIRE'S  DES  REGISTRES 

de  /' Académie  Royale  des  Infcriptions  &  Belles  -  Lettres  :  depuis  l'année 
i-jt6.jufcjues  &  compris  Vannée  1730.  Tome  VIII.  A  Paris ,  de  l'Impri- 
merie Royale.  1733.  /«-40.  pages  740.  planch.  décach.  vi. 

L'ABONDANCE  &  la  va-  en     avons     donné     dans    notre 
rieté  des  fujets  interefïans  qui  Journal  de  Janvier  de  la  prefente 
font  trairésdans  ce  VIIIe  Volume,  année.  Nous  rendrons  compte  en- 
ne  nous  permettent  pas  de  nous  en  core, dans  celui  ci,  de  divers  mor- 
tenir  au  premier  Extrait  que  nous  ceaux  très-dignes  de  la  curiofué  du 
Février.  I  ij 


6%  JOURNAL    DE 

Public  ,  par  rapport  à  l'Hiftoire  an- 
cienne Se  à  celle  du  moyen  âge  -,  Se 
nous  terminerons  par-là  le  détail 
dans  lequel  nous  nous  crions  pro- 
pofés  d'entrer  ,  touchant  ce  pré- 
cieux Recueil  de  Littérature. 

XVI.  Les  Jeux  publics  de  la 
Grèce,  célébrés  avec  tant  de  folem- 
nité  ,  &  où  les  Athlètes  fe  don- 
noient  en  fpectacîe  avec  tant  d'é- 
mulation ,  étoient  principalement 
compofés  de  ces  exercices  du  corps, 
que  l'art  appelle  Gymnafiiefue  faifoit 
profeffion  d'enfeigner.  Parmi  ces 
exercices  ,  il  y  en  avoit  d'abfolu- 
ment  indépendans  de  tout  agent 
ou  mobile  étranger  ;  &  tels  étoient 
la  Danfe  ,  la  Lutte ,  la  Courfe  à 
pied,  &c.  Il  y  en  avoit  d'autres , 
où  cet  agent  étranger  entroit  effen- 
tiellement;  Se  de  ce  nombre  étoient 
la  Courfe  à  cheval ,  &celle  des  Chars. 
Comme  M.  Burette  s'eft  contenté  , 
dans  les  Volumes  précedens ,  d'é- 
crire amplement  des  premiers  exer- 
cices fans  toucher  aux  féconds  ;  M. 
l'Abbé  Giâoyn  entreprend  de  nous 
communiquer  ici  fur  ces  derniers 
fes  fçavantes  recherches,  lefquelles 
jointes  à  celles  de  fon  Confrère, 
formeront  comme  un  corps  com- 
plet d'ancienne  Gymnaftique. 

Mais  pour  jetter  quelque  ordre 
&  quelque  clarté  dans  une  matière 
affez  vaftecv  que  rendent  aflez  obf- 
cure,  les  deferiptions  peu  déraillées 
que  nous  ont  laiffées  de  ces  Cour- 
fts  les  Auteurs  contemporains  , 
qu'on  entendoit  alors  très  diftinète- 
ment  àdemi  mot  :  l'Académicien 
a  cru  devoir  divifer  fon  fujet  en 
deux  Parties ,  l'une  toute  hiftori- 


S    SÇAVANS, 

que,  l'autre  mêlée  de  critique.  Il 
s'efforce  donc  ,  dans  la  première,  de 
découvrir  l'origine  de  ces  fortes  de 
Courfes  Agoniftiques ,  d'en  fuivre 
les  divers  progrès  ,  d'en  affigner 
les  différentes  efpeces  ,  de  marquer 
l'époque  de  leur  introduction  dans 
les  Jeux  publics  ,  de  faire  connoî- 
tre  les  périls  qui  en  étoient  infépa- 
rables  pour  les  combattans ,  ainfi 
que  les  honneurs  &  les  prix  qu'elles 
procuraient  aux  vainqueurs.  Il  raf- 
femblera  dans  la  féconde  Partie  de 
fon  Traité  plusieurs  partages  qui 
font  naître  de  très-grandes  dtfhcul- 
tez  ,  Se  fur  l'éclairciffement  def- 
quels  fon  deffein  eft  de  confulter 
l'Académie.  Des  deux  Differta- 
tions  rentermées  dans  ce  Volume , 
touchant  cette  matière,  &quifem- 
blent  appartenir  l'une  Se  l'autre  a  la 
première  Partie  du  Traité  dont  il 
s'agit ,  la  première  ne  regarde  que 
la  Courfe  à  cheval ,  &  la  féconde 
eft  deltinée  à  ce  qui  concerne  la 
Courfe  des  Chars  ;  l'une  Se  l'autre 
Courfe  conflderées  telles  qu'on  les 
pratiquoit  dans  les  Jeux  Olympi- 
ques. 

i.  M.  l'Abbé  Gédoyn  eft  perfua- 
dé  ,  que  dans  la  première  institu- 
tion de  ces  Jeux  célèbres ,  il  n'étoit 
queftion  que  de  la  Courfe  à  pied  j- 
le  cheval  étant  alors  un  animal  fau- 
vage  ,  qu'on  n'avoit  point  encore 
trouvé  l'art  de  dompter  ,  dans  la 
Grèce.  Elle  en  fur  redevable  à  Bel- 
lérophon  qui  (  fuivant  le  calcul 
chronologique  du  P.  Pe tau  )  vivoit 
13314  cens  ans  avant  J.  C.  Se  quoi  - 
que  les  Athéniens  fiffent  honneur  à 
Neptune  de  la  création  du  cheval 


F  E  V  R  I 

te  de  fon  ufage  pour  le  fervice  de 
l'homme  ,  l'Académicien  laifle  ce 
conte  aux  Poètes  Se  aux  Mytholo- 
gues ,  &  s'en  tient  au  feul  témoi- 
gnage des  Hiftoriens.  Selon  eux  , 
les  Theflaliens  acquirent  deflors  la 
réputation  d'excellens  Cavaliers  , 
combattant  à  cheval  contre  des 
Taureaux  fauvages  ,  d'où  ils  eurent 
le  furnom  de  Centaures  :  &  les  La- 
pithes,  peuple  du  même  Pays,  fe 
diftinguerent  dans  l'art  de  fabri- 
quer des  mords  3  des  caparaçons , 
éc  de  bien  manier  un  cheval. 

Prefque  dans  ce  même  rems  Pé- 
îops  fit  célébrer  les  Jeux  Olympi- 
ques en  l'honneur  de  Jupiter  avec 
plus  de  pompe  qu'on  n'avoit  fait 
jufqu'alors ,  Se  l'Auteur  ne  doute 
pas  s  qu'outre  la  Courfe  à  pied  , 
qui  étoit  ordinaire  dans  ces  Jeux  , 
ce  Prince  ,  en  cette  occafion  ,  n'y 
ait  introduit  des  Courfes  de  che- 
vaux &  de  Chars -,  fur-tout  après  la 
victoire  ûgnalée  qu'il  venoit  de 
remporter  lur  Qcnomaiis  à  cette 
dernière  forte  de  Courfe  ;  Se  qui 
lui  avoit  valu  le  Royaume  de  Pife 
&  la  plus  belle  PrinceiTe  qui  fût 
alors.  Cela  n'empêcha  pas  que  les 
chevaux  ne  fuftent  encore  long- 
tems  rares  Se  précieux  ;  ce  qui  don- 
ne lieu  à  l'Auteur  de  pafler  ici  en 
revue  pluheurs  chevaux  merveil- 
leux accordés  en  prefent  par  les 
Dieux  mêmes  aux  anciens  Héros , 
s'il  en  faut  croire  les  Mythologi- 
ftes. 

Il  obferve  de  plus ,  que  l'ufage 
des  Chars  le  répandit  en  Grèce 
prefque  en  même  tems  que  celui 
des  Chevaux  ;  Se  que ,  fuivant  l'o- 


E  R  ,  i  7  3  4.  £p 

pinion  la  plus  commune  ,  Erich- 
thonius  ou  Erechthée  Roi  d'Athè- 
nes en  fut  l'inventeur.  Sur  quoi  il 
n'eft  point  d'accord  avec  le  Père 
Hardomn  qui  d'un  partage  de  Pline 
prétend  inférer  que  cet  Erichtho- 
nius  étoit  le  Prince  Troycn  fils  de 
Dardanus  ;  d'où  il  s'enfuivroit 
(dit  l'Académicien  )  que  les  Chars 
auroient  été  trouvés  avant  l'ufage 
des  chevaux ,  ce  qui  feroit  abfur- 
de. 

Il  va  au-devant  d'une  difficulté 
qu'on  pourroit  faire  fur  ce  que 
Pline  afligne  deux  découvertes  dif- 
férentes pour  deux  ufages  qui  fem- 
bleroient  n'en  demander  qu'une  -, 
c'eft  à-dire  pour  l'attelage  de  deux 
chevaux  ou  de  quatre  à  un  feul 
Char  ;  l'un  ne  paroilTant  pas  plus 
difficile  que  l'autre.  Cela  eft  vrai 
chez  nous  (  répond  l'Académicien) 
où  l'ufage  eft  de  les  atteller  à  la 
queue  les  uns  des  autres  ;  au  lieu 
que  les  anciens  les  attelant  tous 
de  front ,  l'invention  d'en  atteller 
quatre  exigeoit  plus  d'induftrie  que 
celle  de  n'en  atteler  que  deux. 

M.  l'Abbé  Gédoyn  après  cette 
difcuffion  touchant  l'origine  des 
Courfes  de  chevaux  Se  de  Chars  , 
reprend  le  fil  de  fa  narration  pat 
rapport  à  l'ufage  que  l'on  fit  des 
unes  &  des  aiîtres  dans  les  Jeux 
Olympiques.  Elles  en  firent  partie 
fous  tous  les  Princes  qui  régnèrent 
en  Ehdc  ,  c'eft-à-dire  fous  Amy- 
thaon  ,  Pelias  &  Nélée ,  Augée  , 
Hercule  fils  d'Amphitryon  ;  jus- 
qu'au règne  d'Oxylus  ,  après  lequel 
les  Jeux  Olympiques  furent  inter- 
rompus pendant  plus  de  350  ans  j. 


7o        JOURNAL     DE 

&  ces  divers  combats  ne  furent  ad- 
mis tout  au  plus  qu'aux  funérailles 
des  Princes  Se  des  Héros  de  la  Gré- 
ce. 

Enfin  408  ans  après  la  prife  de 
Troye  cv  25  ans  depuis  la  fondation 
de  Rome  (  félon  le  Père  Petau  ) 
Iphitus  rétablit  les  Jeux  Olympi- 
ques ,  lefquels  prirent  alors  une 
forme  plus  régulière  ,  &  donnèrent 
commencement  à  l'époque  tameu- 
fe  des  Olympiades.  On  ht  entrer 
fucceflîvement  dans  ces  Jeux  tous 
les  exercices  agoniitiques ,  à  mefu- 
re  qu'il  fe  formoit  d'habiles  Ath- 
lètes en  chaque  genre  ;  Se  les  Cour- 
fes  de  Chars  Se  de  Chevaux  (  dit 
notre  Auteur  fur  h  foi  de  Paufa- 
nias  )  furent  les  dernières  à  y  re- 
prendre leur  place  ,  fans  doute 
(continue  t-on  )  à  caufe  de  la  rareté 
des  chevaux  dont  l'acquifition  n'é- 
toit  point  encore  à  la  portée  de 
tout  le  monde.  Quoiqu'il  en  foit , 
l'une  Se  l'autre  Courfe  ne  furent 
renouvellées  dans  ces  Jeux  qu'en- 
viron cent  ans  après  leur  rctablif- 
fement. 

Les  Courfes  de  chevaux  étoient 
de  trois  fortes.  La  première  fefai- 
foit  fur  des  chevaux  de  felle  ;  Se 
cette  cfpece  de  cheval  s'appelloit 
ks'ahî.  On  couroit  en  fécond  lieu  , 
avec  des.  poulains  montés  comme 
des  chevaux  de  felle.  La  troifiéme 
forte  de  Courfe  à  cheval  nommée 
Calpé  confiltoit  ,  dit  l'Auteur ,  à 
courre  avec  deux  jumens  ,  dont 
on  montoic  l'une  Se  l'on  menoit 
l'autre  en  main  jufquesfurla  fin  de 
la  Courfe  ,  que  le  Cavalier  fe  jet- 
toit  à  terre  ,  &:  prenant  les  deux  Ju- 


S     SÇAVANS. 

mens  par  leurs  mords ,  il  achevoit 
ainfi  fa  carrière.  Sur  quoi  M.  l'Abbé 
Gédoyn  n'oublie  pas  de  redrefTer 
l'Interprète  de  Pindare  Se  celui  de 
Paufanias ,  qui  ont  très-mal  expli- 
qué ce  que  fignifient  les  mots  Kéles 
Se  Calpé ,  du  dernier  dciquels,pour 
le  dire  en  paffant  avec  l'Auteur , 
dérivent  nos  deux  mots  François 
galop  &c  galoper. 

Du  refte ,  ces  deux  différentes 
Courfes  à  cheval  avoient  cela  de 
commun  ,  i°.  qu'elles  fe  faifoient 
fans  étriers ,  20.  que  les  enfans  y 
étoient  admis  [  du  moins  dans  les 
deux  premières  ]  à  difputer  les  prix 
de  même  que  les  hommes  ,  30. 
qu'avant  que  d'achever  la  carrière, 
il  falloit  tourner  autour  d'une  bor- 
ne plantée  fi  défavantageufement 
pour  lescoureurs  qu'elle  les  mettoit 
fouvent  en  danger  de  tomber  de 
cheval  Se  de  perdre  la  victoire.  Car 
ce  péril  (  obferve  l'Académicien 
d'après  Paufanias  )  étoit  pour  la 
Courfe  à  cheval  comme  pour  celle 
des  Chars  ;  d'où  l'Auteur  croie  de- 
voir inférer  que  le  ftade  ou  le  lieu 
deltiné  à  la  première  de  ces  deux 
fortes  de  Courfes  étoit  différent  de 
celui  où  s'exécutoit  la  féconde.  Il 
vient  enfuite  à  la  Courfe  des 
Chars. 

2.  Il  a  puifé  prefque  tout  ce 
qu'il  nous  en  apprend  dans  trois 
Auteurs  ,  Homère  ,  Pindare  8c 
Paufanias  -,  Se  ce  qu'il  a  recueilli 
d'eux  fur  cette  matière  il  le  partage 
en  quatre  points  principaux  ;  c'eft- 
à-dire  ,  qu'il  examine  i°.  la  diffé- 
rence des  Chars  ;  i°.  la  barrière  où 
ils  s'afTembloient  -,  30.  la  lice  où  ils 


F  E  V  R  I 

couroient  ;  Se  40.  les  dangers  qui 
accompagnoienc  ces  fortes  de 
Courfes ,  Se  dont  le  plus  à  craindre 
étoit  celui  de  heurter  la  borne  ,  au- 
tour de  laquelle  il  falloit  tourner. 

Les  Chars  ne  differoient  entr'eux 
que  par  le  nombre  des  chevaux 
qu'on  y  atteloit  ;  fur  quoi  M.  l'Ab- 
bé Gédoyn  relevé  les  méprifes  de 
deux  Interprètes  de  Pindare  Se  de 
Paufanias  :  car  pour  le  plus  ou  le 
moins  de  magnificence  dans  la  dé- 
coration extérieure ,  cela  ne  met- 
toit  entre  ces  Chars  nulle  diftinc- 
tion  effentielle.  Elle  ne  fe  tiroit 
donc  uniquement  que  de  la  variété 
des  attelages  ,  fuivant  qu'ils  é- 
toient  de  deux  chevaux  ou  de  qua- 
tre ;  de  jeunes  chevaux  ou  de  che- 
vaux faits  ;  de  poulains  ou  de  mu- 
les :  Se  fur  toutes  ces  circonftances, 
l'Académicien  entre  dans  un  détail 
très-particulier,  nous  apprenant  en 
quel  tems  chaque  efpece  d'attela- 
ge commença  d'avoir  cours  dans  les 
Jeux  ,  quel  fut  le  premier  Athlète 
qui  y  remporta  le  prix  de  la  Courfe, 
à  quelle  occafion  Se  en  quel  tems 
quelques  -  uns  de  ces  attelages  fu- 
rent exclus  de  ces  fpeclacles  pu- 
blics ,  &c. 

Tous  ces  Chars  attelés  Se  defti- 
nés  pour  la  Courfe ,  fe  rendoient 
dans  une  grande  place  appellée  en 
Latin  Carceres  ,  &  que  l'Auteur 
nomme  la  Barrière  ;  Se  cette  Bar- 
rière d'Olympie  étoit  regardée 
comme  le  chef-d'œuvre  d'un  grand 
Architecte  nommé  Cléétas.  Paufa- 
nias nous  la  décrit  amplement  , 
mais  faute  d'un  plan  figuré  ,  il  eft 
difficile  de  fe  former  une  jufte  idée 


E  R  ,  1734;  7* 

de  cet  Edifice  fur  la  defeription 
qu'il  nous  en  a  laiffée  ,  &  aue  l'Au- 
teur a  eu  foin  de  tranferire  ici  Se 
d'éclaircir  par  fes  reflexions ,  auf- 
quelles  nous  croyons  devoir  ren- 
voyer les  Le&curs.  Nous  nous  con- 
tenterons d'obfervcr  en  général 
Que  cette  place  ,  par  les  bâtimens 
qui  l'environnoient ,  reprefenroit 
une  proue  de  Vaiffeau  ;  que  ces  bâ- 
timens fournifioiçnt  aux  Chars  Se 
aux  chevaux  des  loges  ou  remifes 
inégalement  éloignées  de  la  Lice 
&  qui  fe  tiroient  au  fort  entre  les 
Combattans  ;  qu'au  devant  des 
chevaux  Se  des  Chars  regnoit  d'un 
bout  à  l'autre  un  gros  cable  qui  fer  - 
voit  de  barre  ,  Se  qui  les  contenoit 
dans  leurs  loges ,  jufqu'à  un  certain 
fignal ,  auquel  on  lâchoit  le  cable 
ce  qui  permettoit  aux  chevaux  de 
s'avancer  vers  la  Lice  ,  à  l'entrée  de 
laquelle  ils  fe  rangeoient  tous  fur  la 
même  ligne;  comme  l'Auteur  croit 
pouvoir  le  recueillir  d'un  paffage 
d'Homère  ,  fur  l'explication  du- 
quel il  adopte  le  fentiment  de  Ma- 
dame Dacïer. 

On  ne  connoît  la  Lice  ou  l'Hip- 
podrome d'Olympie  guéres  plus 
diftinctement  que  fa  barrière.  Cette 
Lice  ne  pouvoit  avoir  moins  de  500 
pas  de  longueur(dit  l'Académicien) 
mais  elle  pouvoit  en  avoir  plus  ; 
Se  c'eft  ce  plus  qu'il  foûtient  qu'on 
ne  peut  déterminer  au  jufte,  préten- 
dant que  le  paffage  de  Paufanias 
allégué  par  M.  Burette  fur  ce  point 
n'eft  rien  moins  que  concluant. 

Il  avoiie  qu'on  n'eft  guéres  mieux 
inftruit  fur  le  fait  des  bornes  pla- 
cées à  l'extrémité  de  la  Lice  :  mais 


72  JOURNAL    DE 

il  eft  perfuadé  qu'il  y  en  avoit  au 
moins  trois ,  l'une  pour  les  Courfes 
de  chevaux  ,  l'autre  pour  celles  des 
Chars  à  deux  chevaux ,  &  la  troi- 
fiéme  pour  celles  des  Quadriges. 

A  l'égard  du  Taraxippus  ou  de 
cet  autel  fitué  à  l'extrémité  de  la 
Lice  d'Olympie,  &  qui  devenoit 
peur  les  chevaux  qui  pafloient  par 
devant  une  efpece  d'épouvantail 
très  dangereux  aux  coureurs  -,  c'eft 
un  fait  très-peu  éclairci  chez  les  an- 
ciens quant  à  fa  caufe ,  &  fur  lequel 
on  ne  peut  que  hazarder  quelques 
conjectures.  Il  faut  recourir  à  celles 
de  l'Auteur. 

XVII.  Les  Remarques  de  M.  de  la 
Barre  fur  la  route  de  Sardes  a  Sufes 
décrite  par  Hérodote  ,  Crjur  le  cours 
de  rH.ilys  ,  de  l'Euphrate  ,  de  VA- 
raxes ,  &  du  Phafe ,  tendent  toutes 
à  perfectionner  la  connoilTance  de 
l'ancienne  Géographie  ,  &  font 
eonnoître  combien  l'Auteur  eft 
clair-voyant  fur  cette  matière. 

i.  La  difficulté  fur  la  route  de 
Sardes  à  Sufes  ,  telle  que  la  décrit 
Hérodote  ,  confifte  en  ce  que  la 
diftance  totale  qu'il  met  entre  ces 
deuxVilles  ne  fe  trouve  point  égale 
à  celle  qui  refulte  des  mefures  que 
fournitîent  en  détail  les  journées 
de  chemin  qu'il  compte  de  l'une  à 
l'autre.  En  effet  ce  détail  ne  va  qu'à 
81  gîtes  marqués  par  autant  de 
Maifons  Royales  ou  d'Hôtelleries, 
qui  tenoient  alors  lieu  de  ce  qu'on 
nomme  aujourd'hui  Carvanferas 
dans  l'Orient.  Cependant  il  aflure 
enfuite  qu'il  y  avoit  en  tout  cent 
onze  de  ces  Hôtelleries  fur  le  che- 
min dont  il  s'agit.  On  trouve  un 


S    SÇAVANS ; 

femblable  mécompte  en  comparant 
le  nombre  des  parafanges  qu'il 
met  entre  ces  deux  Villes  &  qui  eft 
de  450  avec  celui  que  donne  l'addi- 
tion des  parafanges  comprifes  dans 
les  diftances  particulières  ,  laquelle 
ne  fe  monte  qu'à  313.  D'où  pour- 
rait naître  une  telle  erreur  de  cal- 
cul? 

La  recherche  exacte  qu'en  a  faite 
l'Académicien ,  l'a  convaincu  que 
l'erreur  n'étoit  point  dans  la  diftan- 
ce générale  exprimée  par  l'Hifto- 
rien  ,  non  feulement  en  parafanges 
ou  mefures  perfanes,  mais  en  ftades 
ou  mefures  gréques ,  dont  il  com- 
pte 13500  de  Sardes  à  Sufes.  Le 
mécompte  viendroit  -  il  de  la  cor- 
ruption de  tous  les  nombres  fpeci- 
fiés  dans  chacune  des  parties  de  la 
defeription  ,  ou  feulement  de  l'o- 
miflîon  de  ces  nombres  en  un  feu! 
endroit  ?  C'eft  à  cette  dernière  cau- 
fe que  fe  détermine  l'Auteur,  en 
examinant  de  plus  près  la  manière 
dont  s'énonce  l'Hiitoricn  Grec 
dans  chaque  article  de  fa  deferip- 
tion ,  où  il  marque  toujours  deux 
circonftances ,  le  nombre  des  Hô- 
telleries que  l'on  rencontrait  dans 
chaque  Province ,  &  celui  des  pa- 
rafanges qu'on  parcourait  en  la  tra- 
verfanr. 

Cette  exactitude  d'Hérodote  ne 
fe  dément  qu'à  un  feul  article  ,  & 
c'eft  celui  où  il  eft  queftion  de  la 
Province  appcllée  Matiéne  }  fur  la- 
quelle il  s'explique  en  ces  termes  : 
au  fortir  de  l'Arménie  on  fait  quatre 
journées  dans  la  Matiéne  ;  raS^s'i  tin 
-riraifiç,  :  d'où  M.  de  la  Barre  con- 
clut que  dans  cet  endroit  lesCopi- 
ftes 


F  E  V  R  I 

fies  ont  omis  les  nombres  que  la 
defeription  générale  engagea  fup- 
pléer ,  enforte  qu'il  taut  lire  ç-afye'i 

l vi  TïWffîS  [  i)  Tfi»Kov1a  ,  va.fatra.yta.1  <fé 
f  »1à  k)  Tpiitxoyl*  i)  llcolo'*.  ]  C'eft-à- 
dire  :  on  fait  trente  -  quatre  journées 
dans  U  Mattène  &  cent  trente  -  fept 
parafanges. 

M.  de  la  Barre  avoue  que  fa  cor- 
rection doit  paroître  hardie.  Mais 
U  la  croit  d'autant  mieux  fondée  , 
qu'elle  garde  une  proportion  affez 
jufte  entre  le  nombre  des  parafan- 
ges cv  celui  des  maifons  publiques 
ou  Hôtelleries,  dont  les  diftances 
excedoient  rarement  quatre  para- 
fanges  ou  i  io  ftades  :  enforte  que 
d'une  telle  proportion  prefque 
toûjouis  confiante  il  prend  droit 
de  conclure  que  le  Texte  d'Héro- 
dote n'a  fouffert  d'altération  que 
dans  le  feul  article  où  manque  l'une 
des  deux  circonftances  fpecifiées 
exa&cment  dans  tous  les  autres  :  & 
cet  article  eft  celui  de  la  Matiéne. 
L'Auteur  convient  qu'il  ne  trou- 
ve nulle  part  un  pays  de  ce  nom 
qui  ait  autant  d'étendue  ,  que  fa 
correction  en  fuppofe  dans  la  Ma- 
tiéne d  Hérodote.  Mais  il  prétend 
que  cette  dénomination  dans  i'Hi- 
ftorien  Grec  eft  beaucoup  moins  le 
vrai  nom  du  Pays  dont  il  s'agit , 
qu'un  nom  appellatif  qui  défignoit 
feulement  la  fituation  &c  les  quali- 
tez  des  Pays  aufquels  on  le  don- 
noit ,  cV  qui  étoient  tous  ceux  que 
formoient  de  vaftes  plaines  renfer- 
mées entre  de  hautes  montagnes  & 
une  grande  rivière  -,  or  l'Auteur 
compte  jufqu'à  trois  Matiénes  de 
ce  genre. 

Février, 


ER,     17?  4-  7ï 

Il  ne  diffimule  pas ,  qu'on  n'eût 
lieu  d'être  furpris ,  que  dans  fon 
hypothéfc  il  ait  fallu  faire  du  Nord 
au  Midi ,  après  avoir  pafté  le  Ty- 
gre  ,  jufqu'à  137  parafanges  ,  ce 
qui  revient  à  110  de  nos  lieues , 
pendant  que  la  route  entière  n'en 
avoit  qu'environ  360.  Mais  il  ré- 
pond que  cette  route  étoit  bien 
différente  de  celle  qu'on  fuivoic 
pour  aller  à  Babylone  ,  &  que  dans 
celle-là  on  paffoit  le  Tigre  &  l'Eu- 
phrate  beaucoup  plus  haut  :  qu'en 
un  mot  la  route  décrite  par  Héro- 
dote &:  celle  du  jeune  Cyius  dans 
fon  expédition  n'ont  de  commun 
que  le  paffage  à  travers  la  Lydie  8c 
la  Phrygie  ;  aue  ce  Prince  ne  trou- 
va point  l'Halys  en  fon  chemin,  au 
lieu  que  dans  celui  d'Hérodote  il 
falloit  palier  ce  fleuve. 

n.  Cette  difeuffion  conduit  l'Au- 
teur à  nous  faire  part  de  fes  Obfer- 
vations  touchant  la  fource  Se  le 
cours  de  l'Halys  ;  fur  quoi  il  trou- 
ve peu  de  difficulté  à  concilier 
quelques  anciens  avec  Strabon,  qui 
a  parlé  le  plus  exactement  de  ce 
point  de  Géographie.  Pour  cela  il 
fuffità  l'Auteur  de  corriger  un  feul 
mot  dans  leTexte  de  ce  Géographe, 
&  d'y  lire  ;  l'Halys  a  fa  fource  dans 
la  grande  Cappadoce ,  près  de  la  Pan- 
tique  ,  vers  la  Cammancne  ,  au  lieu 
qu'on  y  lit  vers  la  Cambyfène  ,  ce 
qui  eft  faux  (  dit  l'Académicien  )  la 
Cambyfène  n'ayant  jamais  fait  par- 
tie ni  de  la  Cappadoce 3  ni  de  la 
Pontique. 

U  lui  en  coûte  encore  moins  pour 
accorder  Pline  avec  Strabon  fur  ce 
point  :  mais  il  ne  lui  eft  pas  tout-à- 
K 


74  JOURNAL   D 

fait  auffi  aifé  de  mectre  celui  -  ci 
d'accord  avec  Hérodote  fur  le  mê- 
me fuiet.  Après  avoir  tranfcrit  ici 
le  partage  de  ce  dernier  dans  toute 
fon  étendue  :  il  fait  voir  que  ce  paf- 
fage  femble  offrir  dès  les  premiers 
mots  une  grande  difficulté ,  en  fai- 
fant  couler  d'abord  l'Halys  à  tra- 
vers le  Pays  des  Ciliciens  ,  dont  on 
fait  qu'il  eft  très  éloigné.  Mais  pour 
montrer  qu'en  cet  endroit  l'Hiito- 
rien  n'eft  pas  contraire  au  Géogra- 
phe ,  M.  de  la  Barre  fait  reffou ve- 
nir qu'anciennement  la  Cilicie 
étoit  un  grand  Royaume  ,  dont  les 
Souverains  prenoient  part  aux  plus 
grandes  affaires  de  l'Aile  ,  8c  qui 
pouvoit  s'étendre  jufqu'au  fleuve 
Halys  ;  ce  qu'il  tâche  de  juftificr  , 
ainlî  que  les  autres  articles  du  pafla- 
ge  concernant  le  cours  du  même 
fleuve  ,  par  diverfes  obfcrvations 
curieufes  &c  recherchées ,  aufquel- 
les  pour  abréger  nous  fommes  obli- 
gés de  renvoyer  le  Lecteur. 

M*  de  la  Barre  n'a  garde  de  com- 
prendre dans  cette  jufHhcation 
d'Hérodote  l'abfurdité  manifefte 
où  tombe  cet  Hiflorien  ,  dans  le 
partage  en  queftion  5c  dans  un  au- 
tre ,  en  affurant  que  la  largeur  de 
la  baffe  Aiie  prife  où  ce  fleuve  l'ar- 
rofe,  peut  être  traverféc  à  pied  en 
cinq  jours  -,  fur  quoi  notre  Auteur 
s'efforce  d'affigner  la  caufe  la  plus 
vraifemblable  qui  ait  pu  donner 
lieu  à  une  fuppofîtion  fi  peu  fen- 
fée. 

5.  Delà  il  pafle  au  cours  de  l'Eu- 
phrate  ,  de  l'Araxes  &  du  Phafe  , 
qui  ont  leur  fource  dans  l'Armé- 
nie ;  ôc  il  s'applique  à  mieux  faire 


ES  SÇAVANS, 

connoître  cette  Province  ;  après  eh 
avoir  fait  autant  pour  la  Cilicie. 
L'Euphrate,  félon  Strabon  &c  Pli- 
ne ,  prend  fa  fource  au  Mont  Abos3 
l'une  des  chaînes  du  Taurus;  tra- 
verfe  l'Arménie  d'Orient  en  Occi- 
dent ,  jufqu'aux  frontières  de  la 
Cappadoce  ,  d'où  il  prend  fon 
cours  vers  le  midi  ;  6c  l'on  apprend 
d'ailleurs  que  fa  fource  cfl  plus 
orientale  que  celle  du  Tigre  :  fur 
quoi  Ptolomée  s'accorde  parfaite- 
ment avec  Strabon.  A  ce  propos, 
notre  Académicien  obferve  que  feu 
M.  Delifles'eft  trompé  en  ne  pou- 
vant fe  perfuader  que  la  rivière 
qu'il  appelle  Aîourat-chai  dans  fa 
Carte  de  Pcrfe  ,  &  qu'il  nomme 
Exphratc  dans  celle  de  la  Retraite 
des  dix  mille ,  fût  véritablement 
l'Euphrate  connu  de  tous  les  An- 
ciens ;  comme  en  font  foi  Strabon  3 
Pline  &  Ptolomée. 

M.  de  la  Barre  eft  perfuadé  que 
les  méprifes  fur  la  fource  de  l'Eu- 
phrate ont  donné  une  faufîe  idée 
du  cours  de  l'Araxe  ,  &  que  l'une 
&  l'autre  erreur  ont  été  caufe  que 
nos  Géographes  modernes  ont  défi- 
guré toute  l'Arménie  Se  les  envi- 
rons. 

Quant  à  la  difeuffion  dans  la- 
quelle notre  Auteur  s'engage  tou- 
chant le  cours  du  Phafe  Se  fes  120 
ponts  ,  touchant  le  Rione  cv  le 
Boas  confondus  avec  ce  premier 
Fleuve  ,  nous  ne  pourrions  l'y  fui- 
vre  iàns  nous  jetter  dans  une  lon- 
gueur excertîve  ;  outre  que  faute 
d'une  Carte  Chorographique  du 
Pays  nous  ne  ferions  enrendusque 
très-difficilement.  Nous  nous  con= 


FEVRI 

tenterons  d'avertir  que  fur  cet  arti- 
cle il  relevé  encore  une  méprife  de 
feu  M.  'Dciifle  ,  5c  qu'il  s'appuye 
pour  cela  fur  l'autorité  de  Procope 
dans  ce  que  celui-ci  nous  apprend 
des  Laz.es ,  Peuple  de  la  Colchide, 
&  fur  celle  de  Chardin  dans  fon 
Voyage  àcMmgreliey  d' bnirette, 5cc. 
XVIII.  Les  Obfervations  de  M. 
de  la  Curne  fur  quelques  Chapitres 
de  Tite-Live  ont  pour  objet  de 
montrer  que  l'Hiftoire  que  cet  Au- 
teur nous  a  lai  (fée  du  neuvième 
Confulat  de  Rome  &  des  cinq 
Confulats  fuivans  3  quoique  nulle- 
ment d'accord  en  apparence  avec 
celle  de  ces  mêmes  Confulats  telle 
que  l'a  écrite  Denys  d'Halicarnaffe, 
peut  cependant  ;  lorfqu'on  y  re- 
garde de  plus  près  ,  fe  concilier 
aifément  avec  celle  de  ce  dernier 
Ecrivain  ,  à  la  faveur  d'une  fimple 
tranfpofition  ;  comme  s'en  eft  ap- 
perçû  l'ingénieux  Académicien  , 
qui  ne  marque  avoir  eu  pour  ce  dé- 
nouement aucun  guide. 

Pour  faire  mieux  fentir  d'abord 
la  différence  de  ces  deux  récits  ,  il 
met  fous  les  yeux  du  Lecteur  les 
Textes  de  ces  deux  Hiftoriens  im- 
primés vis  -  à  -  vis  l'un  de  l'autre  à 
deux  colonnes  ;  &c  l'on  n'y  apper- 
coit  nulle  conformité  ,  fi  ce  n'eft 
peut-être  dans  le  feul  article  de  la 
guerre  contre  les  Latins  dont  ils 
tont  mention  l'un  &  l'autre  fous  le 
premier  de  ces  Confulats  ;  encore 
cette  conformité  fe  dément  -  elle 
bien  -  tôt  ,  puifque  ,  félon  Tite- 
Live  ,  la  guerre  étoit  ouvertement 
déclarée  ;  au  lieu  que  fuivant  De- 
nys d'Halicarnaffe  ,   il  n'y  avoit 


E  R.  ;    i  7 }  4;  7S 

qu'un  commencement  de  ru  pture 
&c  l'on  ceftoit  feulement  d'être 
amis. 

La  conciliation  de  ces  deux  Hi- 
ftoriens imaginée  par  M.  de  la  Cur- 
ne  ,  confifte  en  premier  lieu  à  met- 
tre en  parallèle  les  neuvième ,  di- 
xième ,  &c  onzième  Confulats  ra- 
contés par  Tite  Live  avec  les  dou- 
zième ,  treizième  &  quatorzième  , 
tels  que  les  rapporte  l'Hiftorien 
Grec:  en  fécond  lieu,  à  comparer 
les  douzième ,  treizième  &  quator- 
zième Confulats  de  l'Hiftoire  de 
Tite-Live  avec  les  neuvième ,  dixiè- 
me &  onzième  de  Denys  d'Hali- 
carnafTe.  En  effet,  fous  le  neuvième 
Confulat  chez  le  premier ,  6v  fous 
le  douzième ,  chez  le  fécond  ,  il  eft 
parlé  de  la  ligue  de  30  Villes  des 
Latins  contre  les  Romains  -,  de  Lar- 
tius  créé  Dictateur  &  de  Cailïus 
Général  de  la  Cavalerie  ;  des  Lic- 
teurs qui  précédèrent  le  Dictateur 
pour  le  rendre  plus  refpectable. 
Sous  le  dixième  Confulat ,  chez 
Tite-Live  ,  5c  fous  le  neuvième  , 
chez  Denys ,  on  lut  fort  tranquille, 
àcaufe  delà  trêve  faite  avec  les  La- 
tins. Sous  le  onzième  ,  chez  l'Hi- 
ftorien Latin  ,  &  le  quatorzième  , 
chez  l'Hiftorien  Grec,  on  trouve  la 
guerre  plus  vivement  allumée  que 
jamais  entre  les  Latins  Se  les  Ro- 
mains ;  Pofthumius  Dictateur  & 
yEbutius  Général  de  la  Cavalerie , 
5c  le  fanglant  combat  de  Résille  ; 
le  Triomphe  décerné  aux  deux 
Chefs  des  Romains  ;  la  mort  de 
Tarquin. 

De  ce  parallèle  M.  de  la  Curtie 
conclut   allez    vraifemblablement 
Kij 


7<?  JOURNALD 

que  ce  que  dit  Tite-Live  ,  fous  les 
douzième  ,  treizième  Se  quatorziè- 
me Confulats  ,  doit  répondre  à  ce 
que  Dcnys  d'Halicarnalfe  raconte 
fous  les  neuvième  ,  dixième  Se  on- 
zième. Or  fous  ces  trois  derniers  , 
chez  Denys,  les  Latins  après  avoir 
annullè  tous  les  traitez  faits  avec  les 
Romains  ,  délibérèrent  long-tcms 
i'ils  leur  déclareroient  la  guerre  , 
Se  ne  s'y  déterminèrent  que  la  qua- 
trième année  ,  après  deux  Sièges 
entrepris  fans  fucecs  durant  cet  in- 
tervalle ,  fçavoir  eclur  de  Fidenes 
par  les  Romains ,  Si  celui  de  Signie 
par  lesTarquins.  D'un  autre  côté, 
ious  les  douzième  ,  treizième  & 
quatorzième  Confulats  chez  Tite- 
Live  ,  on  ne  trouve  que  ces  mots  : 
Triennio  deinde  nec  certa  pax  3  nec 
bellurn  fuit  ,  c'eft-à-dire  ,  dans  les 
trois  années  fiiivantes  s  il  ny  eut  ni 
guerre  ni  paix  bien  ajfurèe  :  fur  quoi 
l'Académicien  n'oublie  rien  pour 
exténuer  la  difeonvenance  qui  pa- 
roît  entre  ces  paroles  de  Tite- 
Live,  Se  ce  que  Dcnys  ajoute  au 
fujet  des  Sièges  de  Fidenes  Se  de 
Signie. 

Il  refulte  de  cette  comparaifon 
entre  les  Textes  de  ces  deux  Hilto- 
riens  ,  qu'ils  ne  différent  que  par 
l'ordre  des  évenemens  qu'ils  racon- 
tent. Mais  comme  il  pourroit  fem- 
bler  indiffèrent  auquel  des  deux 
Hiftoriens  on  devroit  attribuer 
l'erreur  chronologique  3  M.  de  la 
Curne  qui  fur  ce  point  fait  céder 
l'autorité  de  Tite-Live  à  celle  de 
Denys  d'Halicarnaffe  ,  croit  devoir 
expofer  au  public  les  raifons  de 
cette  préférence.  Elles  fe  reduifent 


ES  SÇAVANS, 

à  celles-ci  :  i°.  Tout  le  monde  con- 
vient (  dit-il  )  que  Denys  l'empor- 
te infiniment  fur  Tite-Live  du  côté 
de  l'exactitude  Se  de  la  critique  : 
i°.  L'ordre  fuivi  par  le  premier  eft 
confirmé  parles  Faites  Capitolins, 
eu  égard  à  la  création  des  deux 
Dictateurs  ,  Se  des  deux  Généraux 
de  la  Cavalerie  :  30.  Plufieurs  con- 
tradictions dans  la  narration  de 
Tite  -  Live  femblent  achever  de  ie 
mettre  dans  fon  tort.  L'Académi- 
cien en  allègue  trois  bien  marqués , 
que  l'on  peut  voir  chez  lui  ,  Se 
d'où  il  conclut  que  l'Hiftoricn  La- 
tin a  mieux  aimé  avoiier  tout  d'un 
coup  la  confuhon  qui  regnoit  dar.s 
l'Hiftoire  de  ces  tems-là  ,  que  de 
prendre  la  peine  de  débrouiller  un 
tel  cahos -,  au  lieu  que  l'Hiftoricn 
Grec  s'eft  chargé  de  la  difcuflïon  des 
faits  les  plus  embarraffés ,  dans  la 
vue  de  répandre  fur  fon  Hiftoirc 
toute  la  clarté  Se  toute  la  certitude 
qui  peuvent  inftruirefolidemcntla 
pofterité. 

XIX.  Les  Recherches  de  M.  de 
Alandajors  fur  les  Limites  de  la 
France  &  de  la  Gothie  font  voir 
avec  quelle  exactitude  il  fçait 
fouiller  dans  les  Auteurs  con- 
temporains des  faits  hiftoriques 
qu'il  veut  établir  ,  Se  avec  quel- 
le vraifcmblance  il  fçait  tirer  par- 
ti de  leurs  témoignages  en  fa- 
veur de  fes  hypothéfes.  Il  s'agit 
d'abord  de  la  premiercNarbonnoi- 
fe,  qui  après  avoir  été  environ  500 
ans  fous  la  domination  des  Ro- 
mains ,  éprouva  les  ravages  des 
Alains  Se  des  Vandales  qui  la  traver- 
ferent  pour  pafTer  en  Efpagne.  Ils. 


.      FEVRI 

furent  bien-tôt  fuivis  des  Vifigots , 
qui  marchèrent  vers  Narbonne  , 
d'où  ils  furent  chaffés  par  le  Patri- 
ce Confiance  ,  cjui  dans  la  fuite 
leur  céda  une  partie  des  Gaules  de 
laquelle  on  ignore  quelle  étoit  pré- 
cifément  l'étendue.  Mais  on  peut 
recueillir  de  Prolper ,  d'Ifidorcde 
Seville  &  d'idace  ,  Que  la  féconde 
Aquitaine  ex  quelques  Citez  voifi- 
nes  y  étoient  comprifes  ;  que 
leur  Royaume  s'étendoit  depuis 
Touloufe  jufqu'à  l'Océan  ;  d'ori  il 
fuit  que  le  Querci ,  qui  fépare  Tou- 
loufe de  la  féconde  Aquitaine  ,  de- 
voit  entrer  dans  la  conceifion  taire 
aux  Vifigots  ,  faute  de  quoi  elle 
n'eût  pas  été  contigue. 

Ceux-ci  ,-  fous  l'Empire  de  Va- 
lentinien  ,  mirent  le  Siège  devant 
Arles  ,  qu'Aëtius  véritablement  les 
contraignit  de  lever  ;  ce  qui  n'em- 
pêche point  qu'on  n'intere  d'une  pa- 
reille entreprife  ,  que  cette  guerre 
leur  avoir  acquis  toute  la  partie  de 
la  Narbonnoilc  ,  qui  s'étendoit  de- 
puis Touloufe  leur  Capitale  juf- 
qu'au  Rhône  ,  &  qu'ils  ne  rendi- 
rent pas  tout  ce  qu'ils  avoient  pu 
conquérir  pendant  cette  conjonctu- 
re au-delà  de  cette  conceifion  faite 
à  leur  Roi  Vallia  :  ce  que  l'Acadé- 
micien s'applique  à  prouver  par  di- 
vers faits  tirés  des  Ouvrages  de  Si- 
doine Apollinaire  ,  de  Profper  & 
d'idace  -,  d'où  il  refulte  que  depuis 
la  première  incurfion  des  Alains  & 
des  Vandales  dans  la  première  Nar- 
bonnoife  ,  les  Gots  étoient  les  maî- 
tres de  Nifmes  toutes  les  fois  qu'ils 
faifoient  des  tentatives  fur  Arles;  ôc 
que  c'eft  à  cet  intervalle  de  tems 


E  R.  ,"   1 7  j  4;  77 

qu'il  eft  fort  vraifemblable  de  rap- 
porter l'érection  de  la  Ville  d'Ufez 
en  Siège  Fpifcopal. 

Mais  quel  motif  (  dit  notre  Au- 
teur )  d'ériger  en  Evêché  une  Ville 
fi  voifine  de  Nifmes  ,  qui  l'était 
déjà ,  &  dont  Ufez  n'étoit  éloignée 
que  de  trois  lieues  ?  Au  défaut  d'e- 
claircifiemens  fournis  fur  ce  point 
par  les  Ecrivains  contemporains, 
M.  de  Mandajors  propofe  fes  con- 
jectures qui  ne  font  pas  fans  beau- 
coup de  probabilité  ,  &  que  l'on 
peut  lire  chez  lui. 

Il  revient  enfuite  à  ce  qui  con- 
cerne la  première  Narbonnoife.  Il 
palfe  en  revue  les  Princes  Vifigots 
qui  la  pofiederent  fucceflîvemenr , 
ÔV*  qui  pour  y  faire  de  nouvelles 
conquêtes ,  fçurent  profiter  de  la 
circonftance  favorable  que  leur  of- 
froit  la  foibleife  des  derniers  Empe- 
reurs Romains.  Les  Vifigots  fe  ren- 
dirent donc  enfin  maîtres  de  Nar- 
bonne ,  &c  d'une  partie  de  la  pre- 
mière Aquitaine  ,  qu'ils  nommè- 
rent Septimanic  ,  avant  que  d'y 
avoir  joint  l'Auvergne;  &  ce  fut 
par  ce  nom  que  les  François  dési- 
gnèrent la  Gothic. 

En  507.  ceux-ci ,  fous  la  condui- 
te de  Clovis  ,  en  conquirent  une 
partie  ,  après  la  défaite  d'Alaric 
Roi  des  Vifigots  à  la  bataille  de 
Vouillé.  Clovis  &  fon  fils  Thierry, 
après  cette  victoire  fournirent  tous 
ces  Pays  jufqu'aux  frontières  des 
Bourguignons ,  maîtres  du  Vivarez 
limitrophe  de  l'Ufége  ,  dont  l'Au- 
teur ne  doute  pas  que  les  François 
ne  fe  foient  alors  emparés  ;  &  c'eft 
un  fait  dont  il  produit  quelques 
preuves. 


78  JOURNAL    D 

Apres  la  mort  de  Clo  vis,  les  Vi- 
figots reprirent  fur  les  François  le 
Rouergue  &  quinze  ParroilTcs  de 
l'Ufége  limitrophes  du  Diocéfe  de 
Rhodez  ,  &  l'Evêque  de  cette 
dernière  Ville  jouit  de  ces  Parroif- 
fes  jufqu'au  tems  des  conquêtes  de 
Théodebert,  qui  en  533-  chalîalcs 
Vifigots  du  Rouergue  &  des  quin- 
ze Parroi  (Tes ,  qu'il  unitàl'Evêché 
d' ' Ariptum  formé  d'une  partie  de 
celui  d'Ufez  en  laveur  du  frère  de 
l'Evêque  de  ce  Diocéfe.  C'eft  ce 
que  l'on  peut  recueillir  de  plus 
probable  d'une  difeuffion  critique 
alTez  étendue  où  l'Auteur  s'engage 
&c  à  laquelle  ,  pour  abréger ,  nous 
renvoyons  le  Lecteur. 

Les  limites  de  la  France  &c  de  la 
Gothie  marqués  ici  exactement  par 
l'Académicien  tels  qu'ils  étoient 
depuis  les  conquêtes  de  Théode- 
bert,rcfterent  fans  changement  juf- 
qu'en  585.  que  Gontran  Roi  de 
Bourgogne  &  Childebert  fils  de 
Sigebert  Roi  d'Auftrafie  ,  firent 
marcher  des  troupes  vers  la  Septi- 
manic  5  à  l'extrémité  de  laquelle  fe 
trouvoit  encore  la  Ville  de  Nifmes 
en  675.  du  temsde  VambaRoides 
Vifigots  ,  qui  vint  y  alfieger  un  re- 
belle qu'il  fit  prifonnier  ;  &c  alors 
(  félon  l'Hiftorien  de  cette  expédi- 
tion )  les  frontières  de  la  France 
étoient  encore  très-voifïnes  de  cette 
Ville-là. 

Vamba  de  retour  en  Efpagne 
pour  terminer  les  contellations  en- 
tre les  Evêques ,  fit  une  Ordonnan- 
ce ,  par  laquelle  il  fixa  les  limites  , 
donnant  à  chaque  Diocéfe  quatre 
termes ,  dont  les  noms  très-defigu- 


ES    SÇAVANS, 

rés  dans  le  Manufcrit  original  im- 
primé par  Duchefne  font  rapportés 
ici  par  M.  de  Mandajors ,  qui  pour 
la  correction  de  cette  Pièce  ,  hazar- 
de  quelques  conjectures ,  &  y  joint 
quelques  réflexions  qui  terminent 
{on  Mémoire. 

XX.  M.  de  Foncemagne  ,  dans 
le  Mémoire  Hiftorique  où  il  exa- 
m'mçjl  les  filles  ont  été  exclu/es  de  la 
fuccejjïon  au  Royaume  en  vertu  d'une 
difpofîtion  de  la  Loi  Stlicjue  ,  entre- 
prend deux  chofes  :  i°.  De  prouver 
que  dans  le  Royaume  de-  France 
purement  fucccllïf-héréditaire  fous 
la  première  Race  ,  [  comme  il  croit 
l'avoir  folidement  établi  ailleurs  ] 
la  fuccellîon  étoit  agnatique  dans  la 
même  Race  ,  Se  que  les  filles  en 
ont  toujours  été  exclues  par  la  cou- 
tume ,  quoique  leur  exclufion  ne 
foit  formellement  énoncée  dans 
aucune  Loi  :  20.  De  faire  quelques 
Obfervations  fur  l'état  que  l'on  af- 
furoit  aux  PrincelTes  filles  ,  afin 
qu'elles  puflent  foûtenir  la  dignité 
de  leur  naiifance. 

i°.  Il  prouve  d'abord  fa  principa- 
le propofition  par  une  fuite  Chro- 
nologique des  Princefles  qui  n'ont 
été  admifes  ,  ni  à  partager  avec 
leurs  frères,  ni  à  fucceder  au  défaut 
des  mâles.  De  ce  nombre  furent 
Clotilde  &  Théodechilde  fille  de 
Clovis  ;  une  autre  Théodechilde 
fille  de  Thierry  I.  Théodebalde 
fucceda  feul  à  fon  père  Théodebert 
au  préjudice  de  fes  deux  fœurs.  Les 
deux  filles  de  Childebert  Roi  de 
Paris  ,  n'eurent  aucune  part  au 
Royaume  de  leur  père  ,  dont  Clo- 
taire  leur   oncle  fut  feul  héritier. 


F  E  V  R  I 

Alboin  Roi  des  Lombards  ,  mari 
de  Clcfinde  fille  de  Clotaire  1.  ne 
réclama  point  la  part  de  fa  femme 
après  la  mort  de  fon  beau-pere. 
Ethclbert  Roi  de  Kent  en  ufa  de 
même  par  rapport  à  fa  femme  fille 
aînée  de  Caribert,  duquel  la  fuccef- 
fion  }  faute  d'enfans  mâles ,  échut 
aux  Collatéraux.  Gontran  ,  quoi- 
que père  de  deux  filles  3  déiîgna 
fon  neveu  Childebert  pour  fon 
fuccclTeur  -,  &  Chilperic  auquel , 
après  la  mort  de  tous  fes  fils  il  ne 
reftoit  que  deux  filles }  en  fit  autant 
par  rapport  à  fon  neveu  fils  de  fon 
trcre.  La  réunion  de  tous  ces  exem- 
ples (  dit  l'Auteur  )  forme  une  dé- 
monltration  invincible  de  la  pro- 
pofition  qu'il  veut  prouver  tou- 
chant la  fucceflîon  toujours  agnati. 
que  en  France  :  au  lieu  que  dans  le 
même  tems  ,  chez  quelques  Na- 
tions voifines ,  les  filles  tranfmet- 
toient  du  moins  leur  droit  à  leurs 
fils  ou  à  leurs  époux  ,  fi  elles  ne 
fuccedoient  pas  immédiatement  à 
leur  père  mort  fans  enfans  mâles; 
flt  c'eft  de  quoi  M.  de  Foncemagne 
allègue  quelques  exemples. 

Delà  il  paffe  à  l'examen  du  pré- 
jugé commun  ,  qui  attribue  l'origi- 
ne de  cette  exclufion  des  filles  en 
France  à  la  Loi  Salique  ,  regardée 
comme  une  Loi  écrite  formelle- 
ment pour  les  exclure  du  Thrône, 
Rien  (  félon  lui)  de  plus  mal  fonde 
que  cette  opinion  qui  n'a  com- 
mencé à  avoir  cours  qu'à  la  fin  du 
quinzième  fiécle  ,  fur  le  fimple  té- 
moignage de  Robert  Gaguin  &  de 
Claude  de  Seyjfcl.  Le  Recueil  ou  le 
Code  desLoix  ,  appellées  Saliqnts3 


E    R;      I7?f  19 

des  Saliens  ,  l'un  des  peuples  de  la 
Ligue  Franque  :  (  Recueil  dont  la 
date  ne  fçauroit  être  poftericure  à 
Clovis  I.  )  n'eft  que  la  compilation 
des  Reglemcns  que  dévoient  ob- 
ferver  les  François  établis  entre  la 
Forêt  Charbonnière  &  la  Loire  ,  &c 
ne  renferment  aucune  difpofition 
exprelTe  concernant  la  fucceiïîon  au 
Royaume.  Car  ce  qu'on  s'eft  ima- 
giné y  avoir  quelque  rapport  dans 
le  fixiéme  paragraphe  du  titre  6ii 
qui  porte  que  les  mâles  feuls pourront 
jouir  de  la  terre  Salique  ,  &  que  les 
femmes  n'auront  aucune  part  k  l'héri- 
tage ,  ne  regarde  que  les  fuccef- 
fions  entre  les  particuliers  &  même 
en  ligne  collatérale.  Rien  ne  fonde 
l'application  qu'on  en  fait  à  la  Cou- 
ronne -,  &  il  n'eft  pas  vraifemblable 
que  les  Auteurs  de  la  Loi  ayent  ré- 
glé par  un  même  décret  l'état  des 
Rois  8c  l'état  des  Sujets;  renvoyant 
à  la  fin  du  Décret }  comme  un  Sup- 
plément ou  un  acceffbire  ,  l'article 
concernant  les  Rois  }  &  s'expli- 
quant  en  deux  lignes  fur  une  ma- 
tière de  cette  importance.  Le  Texte 
du  Code  Salique  doit  donc  s'enten- 
dre uniquement  (  continue  l'Aca- 
démicien )  des  terres  de  conquête 
diftribuées  aux  François  ,  en  re- 
compenfe  S:  à  condition  du  fervice 
militaire  ,  à  mefure  qu'ils  s'établif- 
foient  dans  les  Gaules  ;  &  les  fem- 
mes qui  fe  trouvoient  dans  l'im- 
puiffance  de  remplir  une  telle  con- 
dition ,  dévoient  être  exclues  de  la 
recompenfc  par  la  Loi  ,  dont  te! 
étoitle  fens  &  l'efprir. 

M.  de  Foncemagne  non  content 
de  ce  raifonnement  contre  fe6  ad- 


8o  JOURNAL   D 

verl'aires ,  en  employé  un  autre  en- 
core plus  décifif  fondé  fur  cette  ob- 
servation ,  Que  malgré  cette  Loi 
des  Saliens ,  l'ufage  de  ne  plus  di- 
ftinguer  les  fexes  dans  le  partage 
des  terres  Saliques  s'étoit  introduit 
chez  les  François ,  dès  le  règne  de 
Dagobert  I.  fous  lequel  écrivoit 
Marculphs  .  qui  nous  a  confervé  la 
formule  ,  fous  laquelle  un  père 
étoit  maître  de  rappeller  fes  filles 
à  fa  fucccffion.  Or  en  vertu  de  cet 
ufage  (  dit  l'Académicien  )  rien 
n'empcchoit  que  les  Rois  ne  puf- 
fent  rappeller  leurs  filles  à  la  fuc- 
celTion  du  Royaume ,  puifque  dans 
le  Syftême  de  fes  adverfaires  ,  ce 
Royaume  étant  une  terre  Salique , 
devoit  neceflairement  fuivre  la 
condition  de  ces  fortes  de  terres  ; 
d'où  il  s'enfuivroit  que  les  filles  en 
certains  cas  pouvoient  fucceder  au 
Royaumejenforte  [ajoute  l'Auteur] 
que  la  confequence  qui  refultoit  du 
principe  qu'ils  pofoicnt  dctrui- 
foit  l'opinion  qu'ils  prétendoient 
établir.  D'ailleurs,  fuivant  l'obfer- 
vation  de  Chanterean-le  Févre ,  les 
Loix  Saliques  n'obligeant  que  les 
Saliens  ,  n'auroient  pu  renfermer 
un  Décret  obligatoire  pour  les  au- 
tres peuples  de  la  domination  Fran- 
çoife  ,  tels  que  les  Ripuaires  les 
Thuringiens  ,  les  Saxons  ,  qui 
avoient  leurs  Loix  à  part. 

M.  de  Foncemagne  ne  nie  pour- 
tant pas  que  le  chapitre  61  du  Code 
Salique  dont  il  s'agit  ,  ne  puilTe 
s'appliquer  indirectement  à  la  fuc- 
cclïîon  au  Royaume.  Mais  cette 
application  indirecte  n'étant  point 
développée  par  la  Loi  même ,  on 


ES   SÇAVANS, 

peut  foûtenir  que  l'exclufion  des 
femmes  par  rapport  à  la  fucceiîion 
au  Royaume  de  France  n'eft  fondée 
que  fur  une  Coutume  immémoria- 
le ,  qui  a  pu  me  nommée  Loi  Sœli- 
(jne  ,  parce  qu'elle  en  a  voit  la  force 
chez  les  premiers  François  ,  qui 
l'avoient  empruntée  des  Germains, 
parmi  lefquels  des  le  tems  de  Taci- 
te elle  étoit  obfervce.  Ce  droit  fon- 
damental du  gouvernement  Fran- 
çois dont  l'écriture  ne  fçauroit  fixer 
l'époque  devient  plus  refpêctable 
par  l'autorité  de  fon  origine.  »  Tel 
»  que  ces  maifons  illuftres  (  conti- 
»  nue  l'Auteur  )  de  qui  la  haute  no- 
»  bielle  s'eft  perpétuée  par  une 
»  pofleflîon  dont  le  principe  le 
n  perd  dans  les  ténèbres  du  paiTé  ; 
»  &  qui  font  d'autant  plus  grandes 
»  à  nos  yeux ,  qu'aucun  titre  pri- 
j>  mordial  ne  décelé  lés  commen- 
»  cemens  de  leur   grandeur. 

A  cette  reflexion  l'Académicien 
en  joint  une  autre  qui  en  eft  une 
fuite  ,  &  qui  ne  paroît  pas  moins 
folide.  Elle  nous  tait  fentir  l'avan- 
tage de  la  Coutume  fur  la  Loi ,  le- 
quel confiite  en  ce  que  la  première 
tire  toute  fa  force  d'une  pratique 
volontaire  ;  au  lieu  que  la  féconde, 
en  restreignant  la  liberté  publique , 
a  toujours  quelque  chofe  d'odieux, 
qui  la  fait  plus  ou  moins  refpe&er, 
félon  le  degré  de  puiiTance  qui 
l'accompagne ,  &  quelquefois  mê- 
me abroger  par  le  non- ufage. 

a.  M.  de  Foncemagne ,  dans  la 
féconde  partie  de  fon  Mémoire, 
recherche  quel  dédommagement  les 
PrincelTes  filles  ,  dans  la  première 
Race  ,  avoient  à  cfperer  du  tort 
que 


F  E  V  R  I 

que  leur  faifoit  la  Coutume  :  &  il 
en  trouve  trois  ;  i°.  Le  nom  de 
Reines  qu'on  leur  donnoit ,  &  qui 
leur  étoit  un  préfige  de  l'alliance 
qu'elles  dévoient  un  jour  contracter 
ûvec  quelque  Roi  étranger  ;  autre- 
ment elles  gardoient  le  célibat  ; 
2°.  en  parlant  d'elles  ,  après  leur 
mort ,  on  joignoit  à  leur  nom  la 
qualification  de  glorieufe  ou  à'heu- 
reitfe  mémoire  ,  comme  aux  têtes 
couronnées  ;  3".  enfin  on  leur  afiî- 
gnoit  des  terres  Se  desVilles  mêmes 
d'un  revenu  fuftîfant  pour  leur  fub- 
fiftance  ,  foit  du  vivant  de  leur  pè- 
re ,  foit  après  fa  mort.  Elles  joiïif- 
foient  apparemment  de  quelques 
droits  Régaliens  dans  l'étendue  des 
lieux  qu'on  leur  abandonnoit:  mais 
elles  n'avoient  que  l'ufufruit  des 
terres  &  des  Villes  qu'elles  pofle- 
doient ,  &c  dont  après  leur  mort  la 
propriété  étoit  réunie  au  fife  :  en 
quoi  elles  n'étoient  pas  traitées  plus 
favorablement  que  les  Reines  veu- 
ves des  Rois.  Elles  ne  dévoient  tou- 
cher les  revenus  qui  leur  étoient  ac- 
cordés ,  que  tant  qu'elles  feroient 
leur  féjour  en  France. 

La  coutume  généralement  obfer- 
vée  chez,  les  François  de  ne  point 
doter  les  filles  en  les  mariant ,  fon- 
doit  la  maxime  politique  ,  quidé- 
fendoit  que  les  terres  ou  l'argent 
du  fife  devinrent  la  dot  des  filles 
des  Rois.  Il  en  étoit  de  même  chez 
les  Bourguignons ,  &  félon  Tacite, 
chez  les  Germains.  C'étoient  les 
peres  de  ceux  qui  les  époufoient 
qui  leur  conftituoient  une  dot ,  la- 
quelle ne  doit  pas  être  confondue 
avec  le  douaire ,  que  l'époufc  ne 
février. 


E  R  ,    1  7  5  4.  g  r 

recevoit  que  le  lendemain  de  fes 
noces ,  à  fon  premier  réveil ,  &:  que 
les  Loix  Ripuaires  appellent  Mor- 
gangeba.  Cette  Coutume  avoit éga- 
lement lieu  dans  les  mariages  des 
Souverains  &  dans  ceux  des  parti- 
culiers. Les  Rois  cependant  déro- 
geoient  quelquefois  à  cette  Coutu- 
me ,  &  donnoient  à  leurs  filles  des 
fommes  confiderables  à  titre  de 
prefent  -,  mais  fans  les  prendre  fur 
le  tbréfor  public. 

C'eftainfi  qu'en  ufa  Chilperic  L 
en  mariant  fa  fille  auRoid'F.fpa- 
gne  ;  &  la  Reine  Frédégonde  mère 
de  la  Princeffe  exeufoit  les  dons 
immenfes  qu'elle  lui  faifoit  en  di- 
fant  que  c'étoit  le  fruit  de  fon  travail 
&  de  ïœconomie  avec  {agnelle  etls 
avoit  adminiflré  les  biens  dont  elle 
joiujfoit  ;  exeufe  qui  devenoit  d'au- 
tant plus  necefiaire  ,  que  cinquante 
chariots  pouvoient  à  peine  conte- 
nir l'or,  l'argent,  les  meubles  & 
les  habits  que  fa  fille  emportoit 
avec  elle.  Oeil  à  quoi  répondoit  la 
magnificence  de  fon  cortège  ,  dé- 
crit par  M.  de  Foncemagne  ,  qui  a 
foin  d'appuyer  fes  Obfervations 
hiitoriques  par  plufieurs  exemples 
ou  preuves ,  dont  le  choix  &  l'ar- 
rangement font  honneur  à  fon  dif- 
cernement ,  à  fon  exa&itude  &  à  fa 
précifion. 

XXI.  L'explication  du  Ai  on  li- 
ment fingulier  de  Guillaume  le  Con- 
quérant ,  donné  il  y  a  fix  ans  par  M. 
Lancelot  n'en  éclairciffoit  qu'une 
très-petite  portion.  Il  doit  aux  re- 
cherches de  Dom  Bernard  de 
Montfaucon  la  découverte  entière 
d'une  Pièce  fi  curieufe  ,  qui  eit  une 
L 


82  JOURNAL  D 

tapiflerie  très-ancienne  de  l'Eglife 
de  Bayeux ,  que  ce  dernier  a  fait 
copier  très- fidèlement  far  le  lieu 
même  par  fon  Deflinateur  envoyé 
exprès.  Pour  avoir  une  copie  encore 
plus  exacte  des  Infcriptions  qu'on 
y  lit,  M.  Lancelot  a  eu  recours  à 
M.  l'Evêque  de  Bayeux^quia  char- 
gé de  cette  revifion  une  perfonne 
intelligente  :  enforte  qu'il  n'y  a 
plus  rien  à  fouhaiter  pour  l'entier 
éclairciflement  de  cette  tapifTerie. 

C'cft  une  Pièce  de  toile  de  lin 
de  19  pouces  de  haut  6c  de  110 
pieds  1 1  pouces  de  long  ,  fur  la- 
quelle on  a  tracé  des  figures  avec  de 
la  Lune  couchée  &  crotfée,  a  peu  près 
comme  on  hache  une  première  penfèe 
an  crayon  :  ce  font  les  termes  de  la 
lettre  écrite  de  Bayeux  à  M.  Lance- 
lot.  Cette  tapiflerie  qui  ne  fait 
qu'une  feule  pièce ,  &c  que  l'on  ex- 
pofe  dans  la  Nef  de  la  Cathédrale 
de  Bayeux  pendant  ce  qu'on  y  ap- 
pelle l'Oflave  des  Reliques  ;  paroît 
n'avoir  jamais  été  achevée  ;  &  com- 
me l'extrémité  commence  à  fe  gâ- 
ter ,  le  Chapitre  ,  pour  en  prévenir 
un  déperiflement  plus  confidera- 
ble  ,  l'a  fait  doubler ,  &c  a  dépofé 
dans  les  Archives  une  copie  des 
Infcriptions  qu'elle  porte.  On  l'ap- 
pelle d'ordinaire  dans  le  Pays  la 
Toilette  du  Duc  Guillaume  ,  fur  la 
foi  de  la  feule  tradition  ,  qui  veut 
aulliquece  foit  Mathilde  ou  Ma- 
hault  de  Flandres  ,  époufe  de  ce 
Prince  ,  qui  l'ait  tifTuë  elle-même 
avec  fes  femmes. 

Cette  tradition  paroît  d'autant 
mieux  fondée  à  M.  Lancelot ,  que 
Hé  goût  du  travail,  les  armes,  les 


ES  SÇAVANS, 
habillemens  ,  les  inftrumens  de 
Guerre  &  de  Marine  que  prefente 
cet  Ouvrage  ,  concourent  à  le  faire 
placer  dans  un  fiécle  qui  ne  foit 
point  pofterieur  à  celui  de  Guillau- 
me le  Bâtard  ;  outre  que  certaines 
particularitez  de  la  conquête  d'An- 
gleterre qui  y  font  rapportées  ,  & 
qui  ont  échappé  à  tous  les  Hifto* 
riens, prouvent  qu'il  n'a  pu  être  tra- 
vaillé que  par  des  témoins  oculaires 
des  évenemens  qui  y  font  reprefen- 
tés ,  &  aufquels  perfonne  ne  pou- 
voit  s'interelTer  davantage  que  cet- 
te Princefle.  Sans  compter  qu'Eu- 
des frère  utérin  de  Guillaume  étant 
alors  Evêque  de  Bayeux",  aura  pu 
facilement  obtenir  de  Mathilde  un 
pareil  prefent  pour  cette  Eglife. 
Or  cette  Princelfe  (  obferve  l'Aca- 
démicien )  étant  morte  en  1083- 
elle  ne  put  continuer  cet  Ouvrage, 
qui  finit  à  la  bataille  de  Senlac,  fans 
aller  jufqu'au  couronnement  de 
Guillaume  ,  qui  fans  doute  n'eût 
pas  été  oublié.  D'où  il  paroît  qu'u- 
ne antiquité  de  plus  de  600  ans 
rend  ce  Monument  d'autant  plus 
digne  d'être  tiré  de  l'obfcurité  oùv 
on  l'avoitlaifTé  depuis  lî  long-tems. 
M.  Lancelot  reprend  donc  ici 
l'explication  détaillée  du  premier 
morceau  qu'il  en  donna  dès  l'année 
1724.  Se  il  le  continue  avec  la  mê- 
me exactitude  &  la  même  fagacité , 
citant  allez  fouvent  le  Roman  de 
Rou  écrit  par  Robert  Waice  ,  &  le 
faifant  d'autant  plus  volontiers  , 
que  cet  Auteur  ne  vivoit  que  59 
ans  après  la  conquête  de  l'Angleter- 
re ,  qu'il  étoit  Chanoine  de  Bayeux,, 
&  qu'il  aura  pu  v«ir  fouvent  cette. 


FEVRI 

tapiflerie ,  d'où  il  aura  vraifembla- 
blemcnt  tire  pluficurs  faits  qu'il 
n'a  pu  emprunter  d'ailleurs ,  puif- 
que  nul  autre  Hillorien  n'en  fait 
mention:  d'où  il  arrive  (  dit  l'Au- 
teur )  que  la  tapifferie  &  le  Ro- 
mancier le  fervent  réciproquement 
de  garans  d'autant  moins  reprocha- 
bles  ,  qu'ils  font  contemporains. 

Nous  n'entreprenons  pas  ici  de 
fuivre  l'Académicien  dans  tout  le 
détail  où  il  entre  ,  ce  cjui  nous  mè- 
nerait trop  loin  ,  &  ce  qui  ne  fçau- 
roit  être  entendu  bien  clairement 
qu'en  lifant  en  entier  &  les  figures 
fous  les  yeux  ,  fon  explication. 
Nous  nous  arrêterons  feulement 
fur  quelques  endroits  qui  nous  pa- 
roîtront  mériter  par  leur  fingulari- 
té  une  attention  plus  particulière  ; 
par  exemple  fur  les  circonstances 
niitoriques  qui  ne  fe  trouvent  men- 
tionnées que  dans  cette  tapiflerie , 
de  même  que  fur  les  moeurs  &  cou- 
tumes de  ce  tems-là  qui  font  atte- 
flées  par  ce  Monument. 

L'emprifonnement  de  Harold  à 
Beaurain  fur  la  Canchc  par  l'ordre 
de  Guy  Comte  de  Ponthieu,  eft  un 
fait  ignoré  des  autres  Hifloriens. 
L'expédition  queGuillaume  accom- 
pagné deHaroldfitenBretagnecon- 
trele  Comte  Conan,  n'eft  racontée 
que  par  Guillaume  de  Poitiers^  mais 
fon  récit  nous  en  apprend  beaucoup 
moins  que  la  tapillerie.  Elle  repre- 
fente  en  effet  la  prife  de  Dinant  en 
Bretagne  par  le  Duc  Guillaume  ; 
exploit  dont  aucun  Hiftorien  na 
parlé.  Cette  guerre  de  Bretagne 
donne  occaiîon  à  M.  Lancelot  de 
décrire  une  fois  pour  toutes  les  ha- 


E  R  ,  i  7  5  4;  81 

billemens  de  guerre ,  les  armes  tant 
défenfives  qu'offenfives ,  les  har- 
nois  de  chevanx  ,  les  étendarts,  &c. 
tels  que  les  offre  à  nos  yeux  la  ta- 
pifferie. 

Après  l'expédition  de  Bretagne  , 
Guillaume    &    Haiold    vinrent  à 
Baveux,  où  (félon  la  TapifTerie  ) 
Harold  jura  fur  les  Reliques  des 
Saints   qu'il  tiendrait    inviolable- 
ment  la  parole  qu'il  avoit  donnée  à 
Guillaume  pour  la  fucceffion  d'An- 
gleterre.   Prcfque   tous  les  Hifto- 
riens  varient  fur  le  lieu  où  fe  fit  ce 
ferment.  Cette  variation  (  dit  l'Au- 
teur )  paraît  décidée  par  la  Tapif- 
ferie  6c  le  Roman  de  Rou ,  qui  dé- 
pofent  l'un  &  l'autre  pour  Baveux: 
ce  qui  eft  d'autant  plus  probable 
qu'Eudes  frère  utérin  de  Guillaume 
étant  alors  Evêque  de  cette  Ville- 
là  ,   détermina  fans  doute  le  Duc  à 
choifir  cette  Eglife  pour  une  telle 
cérémonie  ;  fur-tout ,  s'il  eft  vrai 
comme  l'affurent  quelques  Hiflo- 
riens ,  que  Guillaume  ait  employé 
dans  la   preftation  de   ce  ferment 
une  petite  fupercherie  dont  l'Evê- 
que  fon  frère  étoit  à  portée  de  lui 
faciliter  l'exécution.  Cette  fuper- 
cherie conflftoit  à  rendre  le  ferment 
de   Harold  plus  folcmnel,  en  le 
fiifant  jurer    fur  un   plus  grand 
nombre  de  Reliques  choifîes  qu'il 
ne  croyoit.  Guillaume  fit  emplir 
de  Reliques  une  cuve ,   un  coffre 
ou  une  huche  ,  &  mit  par  deffus  un 
Reliquaire    ordinaire    fur     lequel 
Harold  fit  fon  ferment  félon  la  for- 
mule ufitée  :  après  quoi  Guillaume 
pour  lui  infpirer  plus  de  refpccl:  Se 
de  religion  lui  montra  le  tréfordes 
Lij 


84  JOURNAL    DE 

Reliques  ,  fur  lequel  il  avoit  juré 
fans  le  fçavoir.  Mais  c'efl:  un  fait 
pour  la  vérité  duquel  la  Tapilferie 
ne  fournit  aucune  induction. 

Ici  M.  Lancelot  difeute  les  droits 
de  Guillaume  &  de  Hivold  à  la  fuc- 
ceflion  du  Royaume  d'Angleterre; 
&  après  avoir  balancé  fur  ce  point 
les  fentimens  6i  les  témoignages 
des  divers  Hiftoriens ,  il  décide  en 
faveur  de  Guillaume.  A  Foccafion 
de  la  mort  d'Edouard  &c  de  fa 
pompe  funèbre  reprefenrée  fur  la 
TapifTerie,  M.  Lancelot  fait  plu- 
fîeurs  obfervationscurieufes  furies 
ufiges  pratiqués  alors  dans  les  fu- 
nérailles. 

La  mort  d'Edouard  fur  la  Tapif-  . 
ferie  ,  eft  fuivie  du  couronnement 
de  Harold  ,  de  l'apparition  d'une 
Comète,  des  préparatifs  de  Guil- 
laume pour  palTer  en  Angleterre  , 
de  l'équipement  de  fa  flotte ,  de 
fon  embarquement ,  de  fon  heu- 
reufe  navigation  ,  de  fon  débarque- 
ment à  Pemfey  dans  le  Comté  de 
Suflex.  On  voit  le  grand -feftin  que 
donna  Guillaume  à  fes  Officiers 
pour  les  diftraire  de  la  vue  du  dan- 
ger qu'ils  couroient  ;  le  Confeil  te- 
nu furie  parti  qu'il  y  avoit  à  pren- 
dre ,  &  dans  lequel  il  fut  refolu 
qu'on  fe  retrancheroit  à  Haftings  ; 
les  travaux  que  l'on  y  fait ,  &  aux- 
quels le  Duc  préfide  ,  la  nouvelle 


S    SÇAVANS , 

qu'il  reçoit  qu'Harold  s'avance  avec 
fes  troupes  >  la  fortie  de  Guillaume 
hors  de  fes  retranchemens  ;  la  mar- 
che de  fon  armée  ,  dans  laquelle 
on  diftingue  le  Duc ,  l'Evéque  de 
Bayeux  ou  le  Comte  de  Mortain  } 
autre  frère  utérin  de  Guillaume ,  le 
Sénéchal ,  le  Gonfanonicr  ;  le  re- 
tour d'un  Cavalier  que  le  Duc  avoit 
envoyé  à  la  découverte  ;  un  efpion 
de  Harold  ,  qui  obferve  l'armée  de 
Guillaume  ;  celui  ci  haranguant  (es 
troupes  ;  la  difpofition  de  fon  ar- 
mée ,  enfin  la  bataille  de  Senlac  , 
ou  font  tués  les  deux  frères  de  Ha- 
rold :  le  danger  que  court  une  par- 
tie de  l'armée  de  Guillaume  pour 
s'être  engagée  mal-à-propos  dansdes 
herbages ,  &  Guillaume  levant  fon 
cafque  pour  fe  faire  voir  à  fes  Sol- 
dats ,  parmi  lefquels  le  bruit  de  fa 
mort  s'étoit  répandu  ,  quoiqu'il  ne- 
fût  que  bleifé  ;  enfin  la  déroute  en- 
tière des  Anglois  Si  la  mort  de  Ha- 
rold. 

M.  Lancelot  en  fuivant  pied  à- 
pied  les  differens  morceaux  de  cet- 
te Tapiiïerie  ,  vient  à  bout  de  nous 
donner  une  Hiftoire  complette  & 
critique  de  cette  fameufe  conquête, 
fur  laquelle  il  raflemble  les  témoi- 
gnages de  prefque  tous  les  Auteurs 
qui  en  ont  fait  mention  ,.  &c  nous- 
met  en  état  d'apprétier  au  jufte  ce 
qu'ils  nous  en  apprennent. 


F  E  V  R  I  E  R,  1734. 


8s 


HISTOIRE  VN1VER RSELLEDETVIS  LE  COMMENCEMENT 

du  monde  jufquaprefent ,  traduite  de  l'slnglois ,  d'une  Société  de  gens  de 
Lettres.  Tome  I.  contenant  l' Hiftoire  ZJniverfelle  jufe/n'à  Abraham  l' Hi- 
ftoire d'Egypte ,  &  F  Hiftoire  des  anciens  peuples  de  Canaam.  Imprimée 
à  la  Haye  ,  &  fe  vend  à  Paris ,  chez  Chaubert ,  Libraire  du  Journal  des 
Sçavans  -,  Gijfey  ,  Ofmont ,  Hourdel ,  Httart,  David  le  jeune ,  &  Cloufier. 
I73I./W-49.  pp.  £31. 


CEUX  qui  donnent  au  public 
des  Ouvrages  qui  doivent 
compofer  un  grand  nombre  de  Vo- 
lumes ,  expliquent  ordinairement 
dans  une  Préface  ,  l'ordre  de  la  mé- 
thode qu'ils  fe  propolent  de  fuivre, 
&leur  plan  général.  Nos  Auteurs 
n'ont  pas  cru  devoir  fe  conformer 
à  cet  ufage.  Us  ont  mieux  aimé 
qu'on  jugeât  de  leur  deilein  par 
l'Ouvrage  même  que  par  une  expo- 
fition  générale  où  les  Auteurs  pro- 
mettent fouvent  beaucoup  plus 
qu'ils  ne  tiennent  &  qu'ils  ne  peu- 
vent tenir.  Us  avertirent  feule- 
ment, après  quelques  réflexions  fur 
la  Chronologie  des  premiers  tems  , 
qu'ils  ont  travaillé  à  cette  Hiftoire 
du  mieux  qu'il  leur  a  été  polTible , 
«Se  ils  fe  flattent  de  n'y  avoir  fait 
que  des  fautes  excufables  ;  car  pour 
une  Hiftoire  Univerfelle  fans  dé- 
fauts ,  ils  croyent  qu'on  ne  la  verra 
que  la  même  année  qu'on  trouvera 
le  mouvement  perpétuel  ,  Se  la 
Pierre  Philofophaie.  Us  ajoutent 
qu'ils  ont  pris  la  liberté  de  traduire 
&  même  de  copier  quelques  en- 
droits des  Auteurs  dont  les  Ouvra- 
ges les  ont  aidé  à  former  leur  Hi- 
ftoire ,  quand  ils  ont  cru  pouvoir 
contribuer  par-là  à  l'utilité  ou  à' 
fombeliflement  de  l'Ouvrage.  Ne 


trouvant ,  difent-ils ,  après  M.  Le- 
wis ,  ni  mérite  ni  génie  ,  à  changer 
le  ftile  d'un  Auteur,  dans  h  feule 
vue  de  cacher  l'ignorance  du  Copi- 
fte,  ou  de  fe  diipenfer  du  devoir 
d'une  jufte  reconnoiflance. 

Us  entrent  en  matière  par  une  in- 
troduction qu'ils  intitulent  Cof- 
mogonie  ou  Création  du  monde.  Us 
y  font  voir  que  Dieu  eft  créateur  de 
l'Univers  ,  tant  à  l'égard  de  la  ma- 
tière que  de  la  forme  ,  &  que  les 
difhcultez  qu'on  oppofe  contre  la 
Création  ,  &  contre  l'exiftence  de 
la  matière,  viennent  plutôt  de  la 
foibleffe  de  notre  entendement 
qui  n'a  point  d'idées  diftinéles  de 
l'éternité  &  de  l'efpace  que  de  la 
chofe  même.  Ce  qui  fuit  dans  cette 
expofition  eft  plus  hiftorique  ,  les 
Auteurs  y  rapportent  les  fentimens 
des  Philofophes  anciens,  des  Héré- 
tiques &  de  quelques  Philofophes 
modernes ,  &  des  differens  peuples 
de  l'Aile  ,  comme  des  Chinois,  des 
Japonnois  &  des  Siamois  au  fujet 
de  la  création  du  monde.  Us  n'ou- 
blient pas  dans  le  détail  de  ces  faits 
ceux  qui  admettent  deux  principes, 
non  plus  que  ceux  qui  croyent  que 
Dieu  eft  l'ame  du  monde ,  &  que. 
l'Univers  entier  eft  Dieu  même  ., 
ou  ceux  qui  admettent  des  Natures 


8<?  JOURNAL    D 

Plaftiques.  Ils  paffent  à  la  création 
de  la  manière  dont  Moyfe  l'expofc 
dans  le  premier  chapitre  de  la  Ge- 
néfe ,  cv  ils  expliquent  à  cette  occa- 
fion  les  Syftêmes  fur  la  formation 
de  l'Univers  de  trois  Philofophes 
modernes,  Defcartes  ,  le  Docteur 
Burnet  &  M.Wifton.  Us  préten- 
dent qu'on  a  fait  des  objections 
contre  l'Hypothéfe  de  Defcartes 
qui  la  détruifent  de  fond  en  com- 
ble. Le  Syftême  de  M.  Burnet  leur 
paroît  contraire  en  plusieurs  points 
aux  loix  de  la  Phyfique  ,  &  à  la 
lettre  de  l'Ecriture  ,  à  l'égard  de  la- 
quelle M.  Burnet  s'eft  donné  une 
grande  liberté.  Car  il  a  fuppofé  que 
les  Ecrivains  Sacrés  fidèles  dans 
leur  récit  à  l'égard  des  véritez  géné- 
rales &c  fondamentales  ,  fe  font 
énoncé  du  refte  d'une  manière  my- 
ftique  &  Mythologique,  plus  con- 
venable aux  idées  qu'ils  vouloient 
exciter  dans  l'efprit  de  leurs  Lec- 
teurs qu'à  la  réalité  des  chofes.  Le 
Syftême  de  M.  "Wifton  que  nos 
Auteurs  croyent  plus  conforme 
aux  principes  de  la  Philofophie  &  à 
la  lettre  de  l'Ecriture  que  les  deux 
précedens  leur  femble  encore  fujet 
à  de  grandes  difficultez.  Ils  fe  re- 
duifent  par  cette  raifon  à  dire 
qu'on  ne  doit  point  rechercher 
d'autre  explication  de  la  création 
du  monde  que  celle  que  prefente  le 
fens  littéral  du  premier  chapitre  de 
la  Cenéfe.  Ils  rapportent  fur  la  for- 
mation de  l'homme  les  idées  de 
quelques  Rabinsquiont  cru  qu'A- 
dam avoit  été  créé  maie  &  femelle, 
&  lcsTraditions  des  Mahometans 
furie  même  fujet.  Us  font  perfuadés 


ES    SÇAVANS, 

que  l'ame  de  l'homme  étant  fpiri- 
tuelle  ne  peut  être  propagés  par  la 
génération ,  &c  que  toutes  les  âmes 
n'ont  point  été  créées  en  même 
tems.  Us  rejettent  aulfi  l'opinion 
des  Préadamites  ;  mais  ils  croyent 
que  les  Anges  ont  été  créés ,  &  que 
la  chiite  des  mauvais  Anges  eft  ar- 
rivée avant  la  création  du  monde 
ÀfofaijHe. 

Après  cette  introduction  vient  le 
commencement  de  l'Hiftoire  Uni- 
verfelle  ,  dont  les  quatre  premiers 
chapitres  remplirent  le  refte  du 
Volume. 

Dans  le  premier  Chapitre  nos 
Auteurs  parlent  de  la  création  de 
l'homme  ,  de  fon  fejour  dans  le  Pa- 
radis Terreftre  ,  de  fa  chiite  ,  &  de 
ce  qui  eft  arrivé  dans  l'Univers  de- 
puis Adam  jufqu'au  Déluge.  S'ils 
s'étoient  bornés  à  ce  que  l'Ecriture 
Sainte  nous  apprend  par  rapport  à 
cette  première  époque  ;  ce  Chapi- 
tre auroit  été  très-court ,  mais  ils 
traitent  à  cette  occahon  plusieurs 
queftions  fur  lefquelles  ils  rappor- 
tent les  fentimens  des  Auteurs  ,  & 
ils  font  plufieurs  Obfervarions  Cri- 
tiques ,  fans  oublier  des  idées  fin- 
gulieres  des  Rabins  &  des  Maho- 
metans. Nous  ne  fuivrons  point  nos 
Auteurs  dans  ce  détail  ,  il  nous 
fufTira  d'en  rapporter  quelques 
traits.  Nous  tirerons  le  premier 
exemple  de  la  fituation  du  Paradis 
Terreftre. 

Quelques  Auteurs  des  premiers 
fiécles  de  l'Eglife  ont  cru  qu'il  n'y 
avoit  point  eu  de  Paradis  Terreftre 
proprement  dit  ,  de  que  tout  ce 
qu'en    rapporte   l'Ecriture  Sainte 


FEVRI 

doit  être  regardé  comme  une  allé- 
gorie. D'autres  l'ont  placé  dans  le 
troifiéme  Ciel  ,  d'autres  dans  la 
Lune ,  d'autres  dans  la  moyenne 
région  de  l'air.  Il  y  a  encore  un 
grand  partage  d'opinions  entre 
ceux  qui  ont  été  convaincus  par 
l'Ecriture  Sainte  ,  que  le  Paradis 
Terreftre  étoit  fur  notre  terre.  Il 
n'y  a  point  de  partie  du  monde 
dans  laquelle  ils  ne  l'ayent  mis.  Il 
y  a  même  des  Ecrivains  qui  ont 
avancé  qu'il  étoit  en  Suéde.  Des 
trois  Syftêmes  qui  font  à  prefent 
adoptes  le  plus  communément  par 
les  Sçavans ,  le  premier  qui  place 
le  Paradis  Terreftre  près  de  Damas 
en  Syrie  ,  vers  les  fourecs  du  Jour- 
dain ,  paroît  à  nos  Auteurs  le  plus 
mal  tonde  ,  n'ayant  ,  félon  eux  , 
aucun  des  caractères  marqués  dans 
la  deferiptionde  Moyfe  :  ils  rejet- 
tent aulli  le  fentiment  de  ceux  qui 
placent  le  Paradis  Terreftre  en 
Arménie  ,  entre  les  fources  du  Ti- 
gre ,  de  l'Euphrate  ,  de  l'Araxe  &c 
du  Phafe  ,  parce  que  le  Phafe  ne  ti- 
re pas  fa  fource  des  montagnes 
d'Arménie  ,  mais  du  MontCauca- 
fe,  félon  les  Cartes  les  plus  exactes, 
&  que  cette  rivière  ne  coule  pas  du 
Midi  au  Septentrion  ,  mais  du  Sep- 
tentrion au  Midi.  Le  troifiéme  Sy- 
ftême  eft  celui  qui  place  le  Pa- 
radis Terreftre  fur  le  confluent  du 
Dilat  &  du  Phrat,  qui  commence  à 
deux  journées  au-deiïusde  Bafrah  , 
èi  qui  environ  cinq  lieues  au-def- 
fous  fc  partage  en  deux  ou  trois  ca- 
naux qui  fe  jettent  dans  le  Golphe 
de  Perfc.  Mais  ces  deux  branches 
du  Phrat  ne  paroiflent  point  à  nos 


E  R  ;    i  7  3  4.  §7 

Auteurs  allez  confiderables  ]  pour 
reprefenter  le  Phiforr  &  le  Ghion. 
Mais  en  faifant  quelques  change- 
mens  à  ce  Syftême,  on  pourrait 
félon  nos  Auteurs  ,  placer  le  Para- 
dis Terreftre  au  deflus  de  l'endroit 
où  l'Euphrate  &  le  Tigre  fe  joi- 
gnent ,  &  où  ils  trouvent  deux 
grands  bras  qui  environnent  le  Pais 
où  ces  fleuves  fe  joignent.  Bras  qui 
reprefenteroient  le  Phifon  &  le 
Ghion.  Après  tout  ils  font  perfua- 
dés  qu'il  n'eft  pas  neceflaire  de  s'in- 
quiéter C\  fort  fur  cette  matière, 
parce  qu'ils  font  convaincus  •>  que 
nia  description  de  Moïfe  ne  s'ac- 
»  corde  pas  avec  l'état  des  chofes 
»  telles  qu'elles  font  à  prefent ,  ou 
»  telles  qu'elles  ont  jamais  été,  au 
»  moins  fuivant  les  apparences. 
»  Puifqu'il  n'y  a  point  de  fleuve 
3)  commun  ,  dont  les  quatre  rivie- 
»  res  puiflent  proprement  être  ap- 

»  pellées  des  branches mais 

»  nous  devons  confiderer  la  deferi- 
»ption  de  Moïfe  conformément 
»  aux  notions  imparfaites  ,  qu'on 
»  avoir  des  chofes  dans  les  premiers 
»  fiécles  du  monde.  «  Ce  qui  re- 
vient en  quelque  façon  au  fenti- 
ment de  ceux  qui  font  perfuadés 
de  l'exiftence  du  Paradis  Terreftre , 
mais  qui  croyent  qu'on  cherche 
inutilement  à  en  fixer  la  fituation. 

Nos  Auteurs  parlant  du  Serpent 
dont  le  Démon  avoit  emprunté  le 
corps  pour  tenter  Eve,  prétendent 
que  ce  n'étoit  pas  un  Serpent  de 
l'efpece  ordinaire  ,  mais  de  ces  for- 
tes de  Serpens  brillans  &  aîlés  qui 
naiftenten  Arabie  &c  en  Egypte.  Ils 
font  d'une  couleur  jaune  &:  brillan~ 


88        JOURNAL     DE 

te  ,  &  lorfque  les  rayons  du  Soleil 
donnent  fur  leurs  aîles ,  leur  réfle- 
xion fait  un  effet  magnifique.  Un 
pareil  animal  écoit  très-propre  au 
defteindu  Démon  ,  &  nos  Auteurs 
croyent  qu'Eve  le  prit  pour  le 
corps  de  quelqu'un  des  Anges 
qu'elle  étoit  accoutumée  de  voir. 

Après  ce  que  nos  Auteurs  ont 
tiré  de  l'Ecriture  Sainte  pour  l'Hi- 
ftoire  Univerfelle  pendant  le  pre- 
mier âge  ,  ils  rapportent  ce  que 
quelques  Hiftoriens  Prophanes  ont 
publié  pour  l'Hiftoire  jufqu'au 
tems  du  Déluge  ,  ils  tirent  ce  qu'ils 
en  difent  des  Antiquitez  Phénicien- 
nes de  Sanchoniaton  ,  des  Anti- 
quitez Babyloniennes  de  Berofe  ou 
plutôt  des  Fragmens  qui  reftent  de 
cet  Auteur ,  &  de  Manethon  ,  par 
rapport  à  l'Egypte.  Ils  laiflent  à 
leurs  Lecteurs  à  juger  de  ce  qu'on 
doit  penfer  de  ce  que  racontent  les 
Ecii vains  des  Antiquitez  de  ces 
trois  Pays  differens. 

Le  Chapitre  fécond  de  ce  Volu- 
me contient  l'Hiftoire  générale  de- 
puis le  Déluge  jufqu'à  la  naiflance 
d'Abraham;  ce  qui  leur  fournit  le 
plus  de  matière  dans  cette  féconde 
époque  ..eft  la  difperhon  du  genre 
humain  ,  après  la  contulîon  des 
Langues ,  £c  la  fondation  des  diffé- 
rentes Nations  ,  fur  laquelle  nous 
obfcrveronsque  nos  Auteurs  n'ont 
pas  cru  devoir  autant  s'arrêter  aux 
conjectures  tirées  de  quelque  ref- 
femblance  de  nom,  que  l'ont  fait 
quelques  Sçavans  du  dernier  liecle. 
Il  n'y  a  d'Hiftoriens  Prophanes  que 
Sanchoniaton  ,  dont  ils  ayent  tiré 
quelques  traits  pour  le  tems  qui 


S     SÇAVANS; 

s'eft  écoulé  depuis  le  Déluge  juf- 
qu'à la  naiflance  d'Abraham  ,  tou- 
jours avec  la  précaution  de  s'en  re- 
mettre aux  Lecteurs  fur  la  foi 
qu'ils  doivent  ajouter  à  Sanchonia- 
ton. 

Par  rapport  à  la  Chronologie 
pour  ces  deux  premiers  âges ,  nos 
Auteurs  l'ont  fixé  fur  le  Texte  Sa- 
maritain du  Pentateuque,  qui  tient 
le  milieu  entre  le  nombre  de  l'Hé- 
breu ,  qui  leur  paroît  trop 
borné  ,  &  le  nombre  des  Septantes 
qui  leurfembleexceffif.  Ilscroyenc 
que  le  Texte  Hébreu  a  été  corrom- 
pu ,  &  que  les  véritables  nombres 
fe  font  confervés  dans  le  Texte  Sa- 
maritain -,  ils  prétendent  que  ce 
dernier  calcul  convient  le  mieux 
avec  la  nature  &■:  les  circonftances 
de  l'Hiftoire  des  anciens  tems  con- 
tenue dans  le  Pentateuque ,  cv  qu'il 
fe  trouve  confirmé  d'ailleurs  parle 
témoignage  de  l'Hiftoire  Prophane 
qui  ne  doit  point  être  négligée. 

Dans  le  troifiéme  Chapitre  eft: 
contenue  l'Hiftoire  d'Egvpte  juf- 
qu'au tems  d'Alexandre  le  grand. 
Elle  eft  divifée  en  fix  fections  , 
dont  la  première  contient  une  def- 
cription  de  l'Egypte  ,  par  rapport 
à  la  Géographie  ,  à  l'Hiftoire  Natu- 
relle du  Pais  ,  fur- tout  pour  le  dé- 
bordement du  Nil ,  &£  aux  Ouvra- 
ges de  l'art  comme  font  les  Pyrami- 
des,  le  Labyrinthe,  les  Palais ,  le 
Lac  Mxris ,  &.c  le  Gouvernement, 
les  Loix ,  la  Religion  ,  les  Coutu- 
mes ,  les  Arts ,  les  Sciences  &  le 
Commerce  des  Egyptiens  font  le 
fujet  de  la  féconde  Section.  No,* 
Auteurs  ont  recueilli  ce  que  Diodo 


F  E  V  R  I 

ïe  de  Sicile ,  Hérodote  Se  d'autres 
•Ecrivains  tant  anciens  que  moder- 
nes ont  dit  fur  ce  fujet,  qui  paffe 
pour  un  des  morceaux  des  plus  in- 
tereflans  de  l'ancienne  Hiftoire 
Prophanc  ;  parce  qu'on  a  cru  que 
.c'étoit  dans  l'Egypte  qu'il  falloit 
chercher  l'origine  du  bon  gouver- 
nement ,  des  Sciences  Se  des  Arts. 

On  explique  dans  la  troifiéme 
Se&ion  les  différentes  Dinafties  des 
Rois  d'Egypte  Se  la  fuite  de  ces 
Rois  ,  fuivant  Africanus ,  Eufcbe , 
Hérodote  ,  Diodore  de  Sicile  ,  Se 
d'autres  Hiftoriens.  Nos  Auteurs 
font  des  reflexions  fur  les  différen- 
tes Tables  Chronologiques  qu'ils 
prefentent  aux  Lecteurs  ,  Se  ils  a- 
vouent  enfuite  que  ce  feroit  fe  don- 
ner une  peine  très-inutile  de  vou- 
loir dreffer  une  Table  générale  qui 
les  accordât  entr'elles  ,  auffi-  bien 
qu'avec  l'Ecriture  Sainte  Se  avec 
les  Obfervations  Chronologiques 
des  autres  Hiftoriens. 

Nos  Auteurs  tâchent  dans  la 
troifiéme  Section  de  tirer  quelques 
traits  hiftoriques  de  ce  qu'on  rap- 
porte d'Ofiris ,  d'Ifis ,  de  Typhon, 
&  d'Orus ,  puis  ils  reviennent  dans 
la  Section  furvante  au  tems  auquel 
on  dit  ordinairement  que  unifient 
les  règnes  fabuleux  ,  quoique 
l'Hiftoire  en  foit  encore  bien  obf- 
cure  Se  bien  confufe.  Quand  Héro- 
dote Se  Diodore  de  Sicile  font  dif- 
ferens  entr'eux ,  ce  qui  arrive  très- 
fouvent ,  nos  Auteurs  rapportent 
les  faits ,  fuivant  que  les  racontent 


E  R  ;  1734;  89 

l'un  Se  l'autre  de  ces  Hiftoriens  ;  ils 
y  joignent  quelques  traits  tirés  de 
l'Ecriture  Sainte  ou  de  .lofeph. 

Ils  finiffent  ce  Chapitre  par  la 
fuccefiion  des  Rois  d'Egypte  ,  fui- 
vant les  Hiftoriens  Orientaux  qui 
font  tous  differens  des  Hiftoriens 
Grecs ,  foit  par  rapport  aux  noms 
des  Rois  s  foit  par  rapport  à  leurs 
actions. 

Le  quatrième  Chapitre  ,  qui  eft. 
le  dernier  de  ce  Volume,compiend 
l'Hiftoire  des  peuples  avec  lcfquels 
les  Ifraclitcs  eurent  à  faire  avant 
que  de  pofteder  le  Pays  de  Canaam. 
C'eft  a-dire  ,  des  Mohabitcs ,  des 
Ammonites ,  des  Madianitcs ,  des 
Edomites ,  que  la  Vulgate  appelle 
ordinairement  Iduméens,  des  A- 
malécites ,  des  Cananéens  ,  Se  des 
Philiftins.  Ce  qui  fournit  la  matiè- 
re de  fept  Sections ,  dans  chacune 
defquelles  nos  Auteurs  s'attachent 
à  déterminer  autant  qu'ils  le  peu- 
vent ,  la  fituation  du  Pays  que  cha- 
cun de  ces  peuples  occupoit ,  Se 
celle  de  leurs  Villes  principales  la 
forme  de  leur  gouvernement  ,  Se 
leur  Hiftoire  dont  les  faits  font 
bien  conftans,  puifquenos  Auteurs 
fe  bornent  à  ce  qu'en  rapporte 
l'Ecriture  Sainte  ,  les  Hiftoriens 
Prophanes  n'ayant  point  parlé  de 
ces  différentes  Nations.  Nous 
croyons  que  les  Lecteurs  verront 
avec  plaifir  réuni  en  un  même  arti- 
cle ce  que  les  Hiftoriens  Sacrés 
nous  ont  tranfmis  fur  chacun  de 
ces  peuples. 


Février. 


M 


9o  JOUHNÂI  DES  SÇAVANS; 

SVÎTE  DES  ELOGES  DES  ACADEMICIENS  DE 

l'Académie  Royale  des  Sciences ,  morts  depuis  l'an  1712.  Par  Ai.  de 
Fontenelle  Secrétaire  de  l'Académie  Royale  des  Sciences.  A  Paris,  chez 
Chaubert  ,  Libraire  du  Journal  ;  Ofmont ,  rue  S.  Jacques  ;  Hourdel  s 
Quai  des  Auguftins  -,  Huart  l'aîné  ,  rue  S.  Jacques  ;  Gijfey  ,  rue  de  la 
Vieille  Bouderie  ;  David  le  jeune ,  Quai  des  Auguftins  ;  Cloufier ,  rue 
S.  Jacques.  1733.  vol.  in-11.  pp.  332. 


DANS  un  Avertiffement  qui 
eft  à  la  tête  de  ce  Recueil , 
on  informe  les  Lecteurs  que  dans 
la  dernière  Edition  des  Oeuvres  de 
M.  de  Fontenelle,  imprimée  à  Pa- 
ris en  trois  Volumes  in-li.  chez 
Michel  Brunet  en  1724.  le  troifiéme 
Volume  eft  compofe  des  Eloges  des 
Académiciens  de  l'AcadémieRoya- 
le  des  Sciences  ,  morts  depuis  i<f  99. 
jufqu'en  1722.  &  que  comme  de- 
puis ce  tems-là  ,  il  s'eft  trouvé  du 
même  Auteur  ,  un  allez  grand 
nombre  de  pareils  Eloges  pour  en 
former  un  Volume  nouveau ,  on  a 
cru  devoir  donner  celui-ci  qui  fera 
la  fuite  des  trois  précedens. 

Après  cet  avis  ,  viennent  les  Elo- 
ges dont  il  s'agit,qui  font  au  nom- 
bre de  quatorze.  Sçavoir ,  l'Eloge 
du  Czar  Pierre  I.  &c  ceux  de  Mef- 
fieurs  Littre  ,  Artfoéker  ,  Deliile  3 
de  Malezieu  ,  Neuton  ,  du  Père 
Reyneau  ,  de  M.  le  Maréchal  de 
Tallard,  du  Père  SebaftienTruchet, 
de  Mefïïeurs  Bianchini ,  Maraldi  , 
de  Valincourc  ,  de  Marfigli  ,  du 
Verney. 

L'Eloge  du  Czar  Pierre  1.  eft  im- 
primé dans  l'Hiftoire  de  l'Acadé- 
mie Royale  des  Sciences  année 
1725.  Nous  marquerons  de  même  3 
en  parlant  des. autres  Eloges 3  les 


Volumes  de  l'Hiftoire  de  l'Acadé- 
mie ,  dans  lefquels  ils  font  impri- 
més ;  ce  que  l'Editeur  a  omis  de 
faire  ,  s'étant  contenté  de  marquer 
que  le  premier  Eloge  a  été  lu  dans 
l'AlTemblée  publique  de  l'Acadé- 
mie le  14.  Novembre  1725.  & 
n'ayant  rien  dit  des  années  où  les 
autres  ont  été  lus  ou  imprimés. 

L'Eloge  dit  Czar  Pierre  1.  fumommê 
le    Grand. 

Comme  il  eft  fans  exemple  que 
l'Académie  ait  fait  l'Eloge  d'un 
Souverain  en  taifant  celui  d'un  de 
fes  Membres ,  M.  de  Fontenelle  fe 
croit  d'abord  obligé  d'avertir,  i". 
Qu'il  ne  regardera  le  feu  Czar  qu'en 
qualité  d'Académicien  ,  mais  d'A- 
cadémicien Roi  &  Empereur  ,  qui 
a  établi  les  Sciences  &  les  Arts  dans 
les  vaftes  Etats  de  fa  domination  ; 
20.  Que  quand  il  le  confiderera 
comme  Guerrier  &  comme  Con- 
quérant ,  ce  ne  fera  que  parce  que 
l'art  de  la  Guerre  eft  un  de  ceux 
dont  ce  Prince  a  donné  l'intelligen- 
ce à  fes  Sujets. 

M.  de  Fontenelle  commence  fon 
Difcours  par  la  naiflance  du  Czar. 
Ce  Prince  naquit  le  1 1  Juin  1672, 
du  Czar  AlcxisMicluélo-Wits,  Se 


FEVRIER, 

de  Natalie  -  Kirilouni-Nariskin  fa  comme 
féconde  femme.  Michaëlo  -  Wits 
étant  moit  en  1676.  Fédor  ou 
Théodore  fon  fils  aîné  lui  fucceda, 
&  mourut  en  1  &  8 1.  après  fix  ans  de 
règne.  Le  Prince  Pierre  ,  âgé  feule- 
ment de  10  ans ,  fut  proclamé  Czar 
en  fa  place  ,  au  préjudice  de  Jean  , 
quoiqu'aîné  a  dont  la  fanté  étoit 
fortfoible  &  l'efprit  imbécile. 

Pierre,  déjà  Czar  dans  un  âge  fi 
tendre  ,  étoit  très-mal  élevé  ,  non 
feulement  par  le  Vice-Générai  de 
l'éducation  Mofcovite ,  &  par  celui 
de  l'éducation  ordinaire  des  Princes 
que  la  flatterie  fe  hâte  de  corrom- 
pre dans  le  tems  même  deftiné  aux 
préceptes  &  à  la  vérité  ,  mais  enco- 
re plus  par  les  adreffes  de  l'ambi- 
tieufe  Sophie ,  qui  avoit  foin  que  le 
jeune  Czar  ne  fût  environné  que  de 
perfonnes  capables  d'étouffer  fes 
lumières  naturelles ,  de  lui  gâter  le 
cœur ,  &  d'avilir  fon  efprit  par  les 
plaifirs  ;  fur  quoi  notre  Auteur  fait 
cette  réflexion  ,  Que  ni  la  bonne 
éducation  ne  forme  les  grands  caracle- 
res  ,  ni  la  mauvaife  ne  les  détruit  ; 
Que  les  Héros  en  quelque  genre  que 
ce  fou  t  fortent  des  mains  de  la  natu- 
re déjà  tout  formés  &  avec  des  quali- 
tés mfmmontables. 

Il  remarque  que  l'inclination  du 
Czar  Pierre  pour  les  exercices  mili- 
taires ,  fe  déclara  dès  fa  première 
jeuneffe  ,  qu'il  fe  plaifoit  à  battre  le 
tambour  ,  qu'ilcherchoità  s'y  ren- 
dre habile  ,  de  qu'il  le  devint  au 
point  d'en  donner  quelquefois  des 
leçons  à  des  Soldats.  Ce  qui  fait 
voir  ,  obferve  notre  Auteur ,  que 
le  Prince  ne  vouloit  pas  s'amufer 


17  3  4-  pr 

un  entant  ~  par  un  vain 
bruit,mais  apprendre  une  fonction 
de  Soldat. 

Un  point  bien  important  à  re- 
marquer ici  dans  la  conduite  du 
jeune  Czar  ,  c'eft  qu'ayant  formé 
une  Compagnie  de  cinquante  hom- 
mes commandés  par  des  Officiers 
étrangers  ,  il  voulut  s'enrôler  dans 
cette  troupe  ,  il  y  prit  le  moindre 
de  tous  les  grades  qui  fut  celui  de 
Tambour  ,  &  détendit  qu'on  fe 
fouvînt  qu'il  étoit  Czar.  li  lervoie 
avec  toute  l'exactitude  &  toute  la 
foûmiffion  d'un  fimpie  Soldat  :  il 
ne  vivoit  que  de  fa  paye  &  ne  cou- 
choit  que  dans  ime  tente  de  Tam- 
bour à  la  fuite  de  fa  Compagnie.  Il 
devint  Sergent  après  l'avoir  mérité 
au  jugement  des  Officiers 3  qu'il  au» 
roit  puni  d'un  jugement  trop  favo- 
rable ,  &  il  ne  fut  jamais  avancé 
que  comme  un  Soldat  de  fortune  , 
dont  fes  Camarades  même  au- 
roient  approuvé  l'élévation.  M.  de 
Fontenelle  dit  fur  cela  que  le  Czar 
vouloit  apprendre  aux  Nobles  que 
la  Naiflance  feule  n'eft  point  un  ti- 
tre fuffifant  pour  obtenir  les  digrù- 
tez  militaires ,  &:  à.  tous  fes  Sujets 
que  le  mérite  feul  en  ett  un.  Les  bas 
emplois  par  où  il  pafloit  ,  la  vie 
dure  qu'il  y  effuyoit  ,  lui  don- 
noient  droit  d'en  exiger  autant ,  Se 
plus  de  droit  que  ne  lui  en  donnoit 
fon  autorité  defpotique. 

Notre  Auteur  pafle  ici  à  un  pro*- 
jet  de  Marine  que  forma  le  |euue 
Czar  qui  fit  d'abord  conitruire  à 
Mofcou  ,  de  petits  bâtime  is  [ai- 
des Hollandois ,  puis  quar  c  !  é- 
gates  de  quatre  pièces  de  canon  fur 
Mij 


$2  JOURNAL   D 

le  Lac  de  Pareflave.  Déjà  il  leur 
avoit  appris  à  fe  battre  les  unes  con- 
tre les  autres.  Deux  Campagnes  en- 
fuite  ,  il  partit  d'Arkangel  fur  des 
VaiiTeaux  Hollandois  ou  Anglois 
pour  s'inftruire  par  lui-même  de 
toutes  les  opérations  de  la  mer. 

Au  commencement  de  1^96".  le 
Czar  Jean  mourut ,  &  Pierre  ,  feul 
maître  de  l'Empire  ,  fe  vit  en  état 
d'exécuter  ce  qu'il  n'auroit  pu 
avec  une  autorité  partagée. 

M.  de  Fontenelle  fait  ici  le  dé- 
tail de  diverfes  entreprifes  du  nou- 
veau Czar ,  entreprifes  nouvelles  & 
hardies  ,  mais  heureufes  &  vérita- 
blement dignes  d'un  fi  grand  Prin- 
ce  ,  qui  n  avoit  pour  but  que  1  in- 
struction de  fes  peuples  dans  ce  qui 
regarde  l'art  de  la  guerre  &  tous 
les  arts  propres  à  rendre  un  Etat 
recommandable.  Il  s'agiffoit ,  com- 
me le  remarque  M.  de  Fontenelle  , 
de  créer  une  nouvelle  Nation  ,  car 
tout  étoit  à  faire  en  Mofcovie  , 
&c  rien  à  perfectionner.  11  falloit  de 
plus  agir  feul,  fans  fecours,  fans 
inflrumens  -,  quelle  étrange  fitua- 
tion  pour  le  Czar  !  Notre  Auteur 
à  ce  fujet  fait  de  l'état  où  étoit  alors 
la  Mofcovie,une  defcription  qu'on 
ne  fera  peut-être  pas  fâché  de  voir 
ici  : 

L'aveugle  politique  des  prédé- 
ceiTcurs  de  Pierre ,  avoit  prefque 
entièrement  détaché  la  Mofcovie 
d'avec  le  refte  du  monde.  Le  com- 
merce y  étoit  ou  ignoré  ou  abfolu- 
ment  négligé  ;  quoique  cependant 
toutes  les  richefles ,  fans  excepter 
même  celles  de  l'efprit ,  dépendent 
du  commerce.  Le  Czar  ouvrit  fes 


ES    SÇAVANS, 

grands  Etats  jufques  -  là  fermés. 
Après  avoir  envoyé  fes  principaux 
Sujets  chercher  des  connoifTances 
&  des  lumières  chez  les  étrangers , 
il  attira  chez  lui  tout  ce  qu'il  put 
d'étrangers  capables  d'en  apporter 
à  fes  Sujets  :  Officiers  de  terre  &C 
de  mer  ,  Matelots  ,  Ingénieurs  , 
Mathématiciens,  Architectes,  gens 
habiles  dans  la  découverte  des  Mi- 
nes ,  &  dans  le  travail  des  Métaux  , 
Médecins  ,  Chirurgiens }  Artifans 
de  toutes  les  efpeces. 

Toutes  ces  nouveautez,  qui,dans 
un  Pays  comme  la  Mofcovie  , 
étoient  aifées  à  décrier  par  le  feul 
nom  de  nouveauté  ,  taifoient  beau- 
coup de  mécontens ,  &  l'autorité 
defpotique  alors  fi  légitimement 
employée ,  étoit  à  peine  affez  puif- 
fante  pour  obliger  les  mécontens  à 
fouffrir  le  bien  qu'on  leur  vouloir 
procurer. 

Le  Czar  avoit  à  faire  à  un  peu- 
ple dur  ,  inflexible  ,  devenu  paref- 
îeux  par  le  peu  de  fruit  de  fes  tra- 
vaux ,  accoutumé  à  des  châtiment 
cruels ,  &  fouvent  injuftes ,  déta- 
ché de  l'amour  de  la  vie  par  une  af- 
freufe  mifere  ,  perfuadé  par  une 
longue  expérience  qu'on  ne  pou- 
voit  travailler  à  fon  bonheur,infen- 
fible  à  ce  bonheur  inconnu.  Les 
changemens  les  plus  indifferens  & 
les  plus  légers ,  tels  que  celui  de 
l'ancienne  manière  de  s'habiller , 
ou  le  retranchement  des  longues 
barbes,  trouvoient  uneoppoiîtion 
opiniâtre,  &  fi  opiniâtre  quelque- 
fois ,  qu'il  n'en  falloit  pas  davanta- 
ge pour  exciter  des  féditions.  Auffi 
pour  plier  la  nation  à  des  nouveau* 


F  E  V  R  I 

fez  utiles  ,  fallut-il  porter  la  vi- 
gueur au-delà  de  celle  qui  eût  fuffi 
avec  un  peuple  plus  traitable  ;  Se  le 
Czar  y  étoit  d'autant  plus  forcé , 
que  lesMofcovites  ne  connoiiïoienr 
la  grandeur  Se  la  fuperiorité  ,  que 
par  le  pouvoir  qu'on  avoit  de  leur 
faire  du  mal  ;  enforte  qu'un  maître 
indulgent  Se  facile  ,  bien  loin  de 
leurparoître  un  grand  Prince  ,  leur 
eût  à  peine  paru  un  maître. 

La  guerre  que  le  Czar  eut  contre 
les  Suédois ,  les  revers  qu'il  y  effuya 
d'abord,  Se  les  vi&oires  étonnantes 
qu'il  remporta  enfuite  lur  ces  peu- 
ples ,  font  le  fujet  d'un  article  dont 
toutes  les  circonftances  méritent 
d'être  confédérées.  Nous  le  paiîons 
à  regret ,  mais  il  faut  abréger. 

La  défaite  des  Suédois  à  Pultava 
procura  au  Czar  Pierre  ,  par  rap- 
port à  l'établiflement  des  arts ,  un 
avantage  conlîderable.  Près  de 
trois  mille  Officiers  Suédois  faits 
prifonniers  furent  difperfés  dans 
tous  les  Etats  de  ce  Prince,  &  prin- 
cipalement en  Sibérie  :  ces  prifon- 
niers qui  manquoient  de  fubhftan- 
cc  ,  Si.  qui  voyoient  leur  retour 
éloigné  Se  incertain  ,  fe  mirent 
prefque  tous  à  exercer  differens 
métiers ,  &  la  neceflïtéles  y  rendit 
en  peu  de  rems ,  afîez  habiles.  Il  y 
eut  parmi  eux  jufqua  des  maîtres 
de  Langues  Se  de  Mathématiques. 
Ils  devinrent  une  efpece  de  colonie 
qui  civilifa  les  anciens  habitans ,  Se 
tel  art,  qui  quoiqu'établi  en  Mof- 
covie  ,  eut  pu  être  long-tems  à  pé- 
nétrer en  Sibérie  ,  s'y  trouva  porté 
tout  d'un  coup. 

Nous   paflbns  quelques  autres 


E  R .  ;   iyj  4;  5)5 

particularitez  pour  venir  à  ce  que 
fit  le  Czar  en  portant  la  guerre  dans 
le  Duché  de  Holitcin  ;  ce  Prince  y 
porta  en  même  tems  ,  fes  obfcrva- 
tions  continuelles  ,  S:  fes  études 
politiques.  Ilfaifoit  prendre  par  des 
Ingénieurs  le  plan  de  chaque  Ville, 
avec  les  deffeins  des  differens  mou- 
lins Se  des  machines  qu'il  n'avoit 
pas  encore  ;  il  s'informoit  de  toutes 
les  particularitez  du  labourage  ,  de 
celles  de  tous  les  métiers ,  &  par- 
tout il  engageoit  d'habiles  Artifans 
qu'il  envoyoit  chez  lui. 

A  Gottorp  dont  le  RoideDan- 
ncmark  étoit  alors  maître  ,  il  vit 
un  grand  Se  énorme  Globe  ,  qui 
étoit  célefte  en  dedans  Se  terreftre 
en  dehors ,  fait  fur  un  dcfllin  de 
Ticho  -  Brahée.  Douze  perfonnes 
peuvent  s'alleoir  dedans  autour 
d'une  table ,  Se  y  faire  des  obferva- 
tions  céleftes  en  faifant  tourner  ce 
prodigieux  Globe.  La  curiofité  du 
Czar  en  fut  frappée  ,  il  le  demanda 
au  Roi  de  Dannemark  i  Se  fit  venir 
exprès  de  Peterfbourg  une  Frégate 
qui  l'y  porta.  Des  Aftronomes  le 
placèrent  dans  une  grande  maifon 
qui  fut  bâtie  pour  cet  ufage. 

M.  de  Fontenelle  ,  après  cet  ar- 
ticle ,  vient  à  celui  d'une  victoire 
navale  remportée  fur  les  Suédois  à 
Gango  par  le  Czar,vers  les  côtes  de 
Finlande  ,  Se  décrit  une  cérémonie 
de  triomphe  qui  fut  faite  à  ce  fujet 
par  la  Flotte  Mofcovite  ,  qui  entra 
dans  le  Port  dePeterfbourg  avec  les 
VaifTcaux  ennemis  qu'elle  am&noitj 
puis  il  fupprime  de  l'Hiitoir&du. 
Czar  ,  tout  ce  qui  appartient  à  la 
guerre  3  Se  rapporte  les  differeDS 


5>4  JOURNAL   D 

voyages  que  fit  le  Prince  pour  s'in- 
ftruire  de  ce  que  chaque  Pays  offroit 
de  plus  important  dans  les  Arts  & 
dans  les  Sciences.  Son  voyage  de 
France  ,  comme  on  juge  bien  ,  n'eft 
pas  oublié  dans  cette  occafion  ,  & 
une  des  circonftances  qu'on  y  rele- 
vé le  plus,  eft  celle  qui  concerne  fa 
réception  dans  l'Académie  des 
Sciences. 

Le  19.  Juin  1717.  il  fit  l'hon- 
neur à  cette  Académie  d'y  venir. 
Elle  fe  para  de  ce  qu'elle  avoit  de 
plus  nouveau  &  de  plus  curieux  en 
fait  d'expériences  8c  de  Machines. 
Dès  qu'il  fut  retourné  dans  fesEtats 
il  fit  écrire  à  M.  l'Abbé  Bignon  par 
M.  AreskinsEcoffois ,  l'on  premier 
Médecin  ,  qu'il  vouloit  bien  être 
Membre  de  cette  Compagnie  ,  & 
quand  elle  lui  en  eut  rendu  grâces 
avec  tout  le  refpedt  &c  toute  la  re- 
connoiflance  qu'elle  devoit ,  il  lui 
écrivit  lui-même  une  Lettre  que  M. 
de  Fontenelle  n'ofe  appeller  une 
Lettre  de  remerciment,quoiqu'elle 
vînt ,  dit  -  il ,  d'un  Souverain  qui 
s'étoit  depuis  long-tems  accoutu- 
mé à  être  homme.  Tout  cela  eft 
imprimé  dans  l'Hiftoire  de  l'Acadé- 
mie ,  année  1710.  La  Compagnie 
étoit  tort  régulière  à  lui  envoyer 
chaque  année  le  Volume  qui  lui 
ctoit  dû  en  qualité  d'Académicien, 
&:  il  le  recevoit  avec  plaihrdela 
part  de  fes  Confrères. 

Poux  porter  la  puiflance  d'un 
Etat  aufti  loin  qu'elle  puifle  aller  , 
il  faudrait  que  le  Maître  étudiât 
fon  Pavs ,  prefque  en  Géographe 
&c  en  Phyficien  ,  qu'il  en  connût 
parfaitement  tous  les  avantages  na- 


ES  SÇAVANS, 

turels ,  Se  qu'il  eût  l'art  de  les  faire 
valoir.  Or  c'eft  ,  dit  M.  de  Fonte- 
nelle ,  à  quoi  le  Czar  travailla  fans 
aucun  relâche  ;  il  ne  s'en  fioitpasà 
des  Miniftres  peu  accoutumés  à  re- 
chercher fi  foigneufement  le  bien 
public,  il  n'en  croyoit  que  fes  yeux, 
&c  des  voyages  de  3  ou  400  lieues 
ne  lui  coûtoient  rien  pour  s'inftrui- 
re  par  lui-même  ;  auiiî  polfedoit-il 
fi  exactement  la  Carte  de  fon  vafte 
Empire  ,  qu'il  conçut ,  fans  crainte 
de  fe  tromper  ,  les  grands  projets 
qu'il  pouvoit  fonder  ,  tant  fur  la 
fituation  en  général  ,  que  fur  les 
détails  particuliers  des  Pays.  L'Au- 
teur rapporte  fur  cela  des  chofes 
étonnantes  dont  le  Czar  eft  venu  à 
bout ,  &  qu'il  faut  lire  dans  le  Dif- 
cours  même-,  nous  nous  reftrein- 
drons  à  un  (impie  expofé  des  prin- 
cipaux établiiîemens  que  lui  doit  la 
Mofcovie  par  rapport  aux  Sciences 
&  aux  Arts,  ces  établilfemens  font: 

Une  Académie  de  Marine  &  de 
Navigation  ,  où  toutes  les  Familles 
Nobles  font  obligées  d'envoyer 
quelques-uns  de  leurs  enfans. 

Des  Collèges  à  Mofcou  ,  à  Pé- 
terfbourg  ,  &C  à  Kiof  ,  pour  les 
Langues  ,  les  Belles-Lettres  &  les 
Mathématiques. 

De  petites  Ecoles  dans  les  Villa- 
ges, pour  apprendre  aux  enfans  des 
Payfans  à  lire  &  à  écrire. 

Un  Collège  de  Médecine  & 
une  Apotiquaircrie  à  Mofcou  ,  qui 
fournit  de  remèdes  les  grandes  Vil- 
les &  les  armées.  Jufques  -  là  il  n'y 
avoit  eu  dans  tout  l'Empire  aucun 
Médecin  que  pour  le  Czar  ;  nul 
Apotiquaire. 


F  E  V  R  I 

Des  Leçons  publiques  d'Anato- 
inie  ,  dont  le  nom  n'étoit  pas  mê- 
me connu  ;  &  ce  qu'on  peut  regar- 
der comme  une  Anatomie  toujours 
fubfiftante  ,  le  Cabinet  du  fameux 
Ruifch  acheté  par  le  Czar ,  où  font 
raflemblées  tant  de  diffe&ions  fi  fi- 
nes ,  iî  inftructives  Se  fi  rares. 

Un  Obfervatoire  ,  où  des  Agro- 
nomes font  continuellement  occu- 
pés à  étudier  le  Ciel  ,  Se  où  font 
renfermées  les  principales  curiofi- 
tez  del'Hiftoire  Naturelle. 

Un  Jardin  des  Plantes  où  des 
Botaniftes  qu'il  a  appelles ,  rafiem- 
bleront  toutes  les  Plantes  qu'ils 
pourront  découvrir  dans  l'Univers. 
Des  Imprimeries  dont  il  a  changé 
tes  anciens  caractères  trop  barbares 
&  prefquc  indéchiffrables  ,  par  les 
fréquentes  abréviations. 

Des  Interprètes  pour  toutes  les 
Langues ,  Se  entr'autres  pour  la  La- 
tine ,  pour  la  Gréque  ,  pour  la 
Turque,  pour  la  Calmouque,  pour 
la  Mongule  5:  pour  la  Chinoife. 

Une  Bibliothèque  Royale  formée 
de  trois  grandes  Bibliothèques 
qu'il  avoit  achetées  en  Angleterre, 
en  Hollande  Se  en  Allemagne. 

Nous  finirons  par  l'expofé  de 
certains  abus  que  le  Czar  a  refor- 
més dans  fes  Etats  au  fujet  de  la 
Religion. 

Les  Mofcovites ,  remarque  M.  de 
îontenelle  ,  obfervoient  plufieurs 
Carêmes ,  comme  tous  les  Grecs  ; 
Se  ces  jeûnes ,  pourvu  qu'ils  fuflen? 
très  -  rigoureufement  gardés ,  leur 
tenoient  lieu  de  tout.  Le  Culte  des 
Saints  avoit  dégénéré  en  une  fuper- 
ftition  honteuîe  :  chacun  avoit  le 


E  R  ;    1754;  $s 

fien  dans  fa  maifon  pour  eh  avoir 
la  protection  particulière  ,  Se  on 
prêtoit  à  Ion  ami  le  Saint  Domefti- 
que  dont  on  croyoit  s'être  bien 
trouvé.  Les  miracles  ne  dépen- 
doient  que  de  la  volonté  &  de  l'a- 
varice des  Prêtres.  Les  Pafteurs  ne 
fçavoient  rien  ,  Se  par  confequent 
n'enfeignoient  rien  à  leurs  peuples. 
La  corruption  des  mœurs  ,  qui 
peut  fe  maintenir  jufqu'à  un  certain 
point  ,  nonobfiant  l'inltruclion  ■ 
étoit  infiniment  acruë  par  l'igno- 
rance. 

Le  Czar  entreprit  la  reforme  de 
tant  d'abus.  Les  jeûnes,  par  exem- 
ple ,  fi  rréquens  Se  fi  rigoureux  ih- 
commodoient  trop  les  Troupes  Se 
les  rendorent  fouvenr  incapables 
d'agir  ,  il  trouva  moyen  de  corri- 
ger cet  excès.  Il  ofa  encore  plus  :  il 
retrancha  aux  Monafteres  trop  ri- 
ches, l'excès  de  leurs  biens,  Se  l'ap- 
pliqua àfon  Domaine.  Notre  Au- 
teur dit  fur  cela  qu'on  ne  fçauroit 
louer  que  la  politique  du  Czar  ,  Se 
non  pasfon  zélé  de  Religion  ,  mah 
il  ajoute  en  même  tems ,  que  la 
Religion  bien  épurée  peut  Je  confoler 
de  ce  retranchement. 

Le  Czaraauflî  établi  une  pleine 
liberté  de  confeience  dans  fesEtacs} 
fur  quoi  l'Auteur  dit  que  le  pour 
Se  le  contre  peut  être  foûtenu  en 
général  Se  par  la  politique  Se  par  la 
Religion.  Il  termine  l'Eloge  du 
Prince  par  des  firigularitez  remar- 
quables Se  du  nombre  defquclles 
font  les  fuivantes  :  i°.  Le  Czar 
ayant  créé  des  Officiers  pour  portes 
du  fecours  dans  les  incendies ,  prit 
lui-même  une  de  ces  Charges  ;  & 


5*  JOURNAL    D 

■afin  de  donner  l'exemple,  montoit 
au  haut  des  maifons  en  feu ,  quel 
que  fût  le  péril ,  enforte  que  ce 
qu'on  admireroit  ici  dans  un  lîm- 
ple  Officier  ,  étoit  pratiqué  par 
l'Empereur.  i°.  Il  fçavoit  honorer 
fi  parfaitement  le  mérite  ,  qu'il  ne 
fe  contentoit  pas  de  le  taire  par  des 
bienfaits  Se  des  pendons  ,  mais 
qu'il  marquoit  fouvent  par  des 
voyes  encore  plus  flateufes ,  fa  con- 
fideration  pour  les  perfonnes ,  non 
feulement  pendant  leur  vie,  mais 
après  leur  mort.  Jufques-  là  qu'il 
fit  faire  des  funérailles  magnifiques 
à  M.  Areskins  fon  premier  Méde- 
cin ,  &  y  affifta  portant  à  la  main 
une  torche  allumée  ,  honneur  qu'il 
a  fait  à  deux  Anglois ,  l'un  Contre- 
Amiral  de  fa  Flotte  ,  &;  l'autre  In- 
terprète de  Langues  :  30.  Le  Czar  a 
compofé  lui-même  des  Traitez  de 
Marine  ,  enforte  que  l'on  augmen- 
tera de  fon  nom  la  Lifte  peu  nom- 
breufe  des  Souverains  qui  ont  écrit. 
40.  Il  fe  divertiffoit  à  travailler  au 
Tour.  Il  a  envoyé  de  fes  Ouvragés 
à  l'Empereur  de  la  Chine  ,  &  a  eu 
la  bonté  d'en  donner  un  à  M.d'On- 
zembrai ,  dont  il  jugea  le  Cabinet 
digne  d'un  fi  grand  ornement. 

Le  Czar  n'avoitque  53  ans  lorf- 
qu'il  mourut  le  28  Janvier  1725. 
d'une  rétention  d'urine  caufée  par 
un  abfcès  dans  le  col  de  la  veille.  Il 
quitta  la  vie  avec  tout  le  courage 
d'un  Héros ,  &  toute  la  pieté  d'un 
Chrétien. 

A  l'Eloge  du  Czar  ,  fuccede  celui 
de  la  Czarine.  Nous  n'en  rapporte- 
rons que  deux  mots  ,  fçavoir  i°. 
Que    cette   Princeffe   pleinement 


ES    SÇAVANS, 

inftruite  de  toutes  les  vues  de  Pier- 
re furnommé  le  Grand,  en  a  pris  le 
fil  ,  qu'elle  le  fuit  ,  tk  que  c'eft 
toujours  Pierre  le  Grand  qui  agit 
par  elle  :  20.  Que  Ci  le  Dannetnark 
a  eu  une  Reine  qu'on  a  nommée  la 
Sémiramis  du  Nord  ,  il  faudra  que 
la  Mofcovie  trouve  quelque  nom 
aullî  glorieux  pour  fon  Impéra- 
trice. 

Eloge  de  M.  Alexis  Littre  ,  Dotlmr 

en  Médecine  de  la  Faculté 

de  Paris. 

La  qualité  d'Académicien  égale 
tous  les  Membres  de  l'Académie , 
enforte  qu'il  ne  faut  pas  s'étonner 
de  voir  ici  immédiatement  après 
l'Eloge  d'un  Empereur ,  celui  d'un 
fimpie  Anatomifte.  Ce  font  deux 
Confrères  qui  n'ont  en  cette  ren- 
contre,d'autre  diftinétion  que  celle 
que  leur  donne  leur  titre  d'Acadé- 
micien; lereftceft  purement  étran- 
ger ,  &  voilà  l'avantage  des  Scien- 
ces ,  d'unir  enfemble  tous  les  Sca- 
vans  ,  fans  aucune  différence  de 
rang  ni  de  fortune.  Le  Czar  Pierre 
mourut  le  28  Janvier  1725.  &  M. 
Littre  lui  furvécut  de  fix  jours , 
étant  mort  le  trois  Février  de  Ja 
même  année.  M.  de  Fontenelle 
commence  PHiftoire  de  cet  Acadé- 
micien par  rapporter  fa  nailTance 
qui  fut  le  21  Juillet  1^58.  à  Cordes 
en  Albigeois.  Son  père  Marchand 
de  cette  petite  Ville  eut  douze  en- 
fans  qui  vécurent  tous  ,  &  dont 
aucun,  dit  l'Hiftorien ,  nelefou- 
lagea  par  l'Eglifc. 

On  juge  bien  à  ce  Difcours.,  que 
M. 


F  E  V  R  I 

M.  Littre  ne  fut  pas  beaucoup  aidé 
de  la  tortune  ;  mais  il  ne  faut  pas 
conclure  que  fon  éducation  en  tût 
pour  cela  moins  bonne.  Rien  ,  dit 
M.  de  Fontcnelle,  ne  donne  une 
meilleure  éducation  ,  qu'une  peti- 
te tortune,  pourvu  qu'elle  foit  ai- 
dée de  quelque  talent.   La  force  de 
l'inclination,  le  befoin  de  parvenir, 
le  peu  de  fecours  même  ,  aiguifent 
le  delîr  &C  l'induflrie  ,  &.'  mettent 
en  œuvre  tout  ce  qui  eft  en  nous. 
M.  Littre  ,  remarque  l'Hiftorien  , 
joignit  à  ces  avantages  un  caractère 
très-férieux ,  très-appliqué,  £v  qui 
n'avoir  rien  de  jeune  que  le  pou- 
voir de  foûtenir  beaucoup  de  tra- 
vail. Il  fit  fes  études  à  Ville-Franche 
en  Roucrgue  chez  les  Percs  de  la 
Doctrine.    La  promenade  eut  été 
une  débauche  pour  lui ,  &c  dans  les 
teins  où  il  étoit  libre  il  fuivoit  un 
Médecin   chez  fes  malades  -,   puis 
au  retour ,  il  s'enfermoit  pour  écri- 
re les  raifonnemens  qu'il  avoit  en- 
tendus taire  au  Médecin. 

Ses  études  de  Ville -Franche  fi- 
nies, il  fut  étudier  en  Médecine  à 
Montpellier  ,  d'où  peu  d'années 
après  il  vint  à  Paris  ;  fa  plus  forte 
inclination  étoit  pourl'Anatomie , 
&  il  y  devint  fi  habile  qu'il  s'attira 
beaucoup  d'envieux  ,  jufques-là 
qu'on  ne  lui  laifToit  pas  la  liberté  de 
diffequer  tranquillement  des  Cada- 
vres :  on  les  lui  enlevoit  avec  une 
pompe  infultaute  ,  ÔC  fes  ennemis 
faifoient  gloire  d'arrêter  les  progrès 
d'un  jeune  homme,qui,à  les  enten- 
dre ,  n'avoit  pas  droit  de  devenir  fi 
habile. 

Il  eduya  un  jour  là-deflus,en  ver- 
fevricr. 


E  R  ,    i  7  3  4.  p7 

tu  d'une  fentence  de  M.  delà  Rey- 
nie  Lieutenant  de  Police  ,  obtenue 
par  les  Chirurgiens ,  un  nouvel  af- 
tront  ,  qui  l'obligea  à  lâcher  un 
Cadavre  qu'il  diflequoit  ,  &  à  fe 
rabbatre  fur  les  animaux ,  8c  prin- 
cipalement fur  les  chiens. 

Malgré  fes  traverfes  ,  &  peut- 
être  par  fes  traverfes  mêmes  ,  fa 
réputation  croifToit ,  &:  les  Ecoliers 
qui  fe  rendoient  chez  lui  fe  multi- 
plioicnt.  Il  affiftoit  à  toutes  les 
Conférences  qu'on  tenoit  fur  les 
matières  qui  l'intercfloient  ;  il  fe 
trouvoit  aux  panfemens  des  Hôpi- 
taux ,  il  fuivoit  les  Médecins  dans 
leurs  vifites ,  enfin  il  fut  reçu  Doc- 
teur-Régent de  la  Faculté  de  Mé- 
decine de  Paris. 

M.  Littre  n'étoit  pas  éloquent , 
&c  l'Hiftorien  fait  là-deiTus  des  re- 
flexions qui  méritent  bien   d'être 
rapportées.  »  L'éloquence  ,  dit-il  t 
»  lui   manquoit    abfolumcnt.    Un 
»  fimple  Anatomifte  peut  s'en  paf- 
»  fer  ;  mais  un  Médecin  ne  le  peut 
»  guéres  :  l'Anatomifte  n'a  que  des 
»  faits  à  découvrir  &  à  expofer 
»  mais  le  Médecin  éternellement 
»  obligé  de    conjecturer    fur  des 
«matières  très-douteufes,  l'eftauilî 
j»  d'appuyer  fes  conjectures  pardes: 
»  raifonnemens  afiez  folides  ,  ou 
«  qui  du  moins  raflurent  &  flattent 
»  l'imagination    des    malades    ef- 
»  frayés.  Il  doit  quelquefois  parler 
»  fans  avoir   prefque   d'autre  but 
»  que  de  parler  ;  car  il  a  le  malheur 
»  de  ne   traiter  avec  les  hommes 
»que  lors  précisément  qu'ils  (ont 
»  plus  foibles  &  plus  enfans  que 
»  jamais.  Cette  puérilité  de  la  mak- 
N 


9S        JOURNAL    DES     SÇAVANS; 

»  die  règne  principalement  dans  le      cure  qui  coûta  à  M.  Littre  ,  quatre 

a>  grand  monde  ,   &  fur  tout  dans 

»  une  certaine  moicié  de  ce  grand 

»  monde  ,  qui  occupe  plus  les  Me- 

»  decins,  qui  fçait mieux  les  mettre 

»  à  la  mode  ,   &  qui  a  fouvent  plus 

»  de  befoin  d'être  amufee  que  gué- 

»  rie.  Un    Médecin  peut  agir  plus 

»  raifonnablemcnt  avec  le  peuple. 

»>  Mais  en  général  ,  s'il  n'a  pas  le 

»  don  de  la  parole  ,  il  faut  en  re- 

»  compenfe  ,  qu'il  ait  prefque  celui 

»  des  miracles.  Audi  ne  fut-ce  qu'a 

»  force  d'habileté   que   M.   Littre 

s>  rendit  dans  cette  Profelïion  -,  en- 

»  core  n:v  réulîît-il  que  parmi  ceux 

»  qui  fe  contentoient  de  l'Art  de  la 

j>  Médecine ,   dénué  de  celui  du 

»  Médecin.  Sa  vogue  ne  s'étendit 

»  point  jufqu'à  la  Cour  ,  ni  juf- 

sî  qu'aux  femmes  du  monde.  Son 

»»  laconifme  peu  confolant  n'etoit 

»  d'ailleurs  reparé  ni  par  fa  figure  , 

»  ni  par  fes  manières. 

A  cet  article  fuccede  celui  delà 
réception  de  M.  Littre  dans  l'Aca- 
démie ,  où  on  le  connut  bien-tôt , 
non  par  fon  emprelTement  à  fe  tai- 
re connoître,  à  dire  fon  fentiment, 
à  combattre  celui  des  autres  ,  à  éta- 
ler un  fçavoir  impofant,  quoiqu'in- 
unle  ,  mais  par  fa  circcnfpecLion  à 
propofer  fes  penfées  ,  par  fon  ref- 
pecl  pour  celles  d'autrui  ,  par  la 
luitelte  &  la  precifion  des  Ouvrages 
qu'il  donnoit ,  par  fon  lîlence  mê- 
me. 

La  cure  merveilleufe&  fi  connue 
qu'il  fit  de  cette  femme  enceinte 
dans  la  trompe  ou  dans  l'evaire  de 
laquelle  s'étoit  formé  le  fœtus ,  fait 
ici  le  fujet  d'un  article  important , 


mois  de  foins  tes  plus  aïfidus  6i  les 
plus  fatiguans  ,  d'une  attention  la 
plus  pénible  ,  &  d'une  p.uience  la 
plus  opiniâtre,  fans  qu'il  y  fûtani- 
irté  par  l'efpoir  d'aucune  recom- 
penfe. 

Il  fut  frappé  d'apoplexie  le  pre- 
mier Février  1725.  &  mourut  le 
trois ,  fans  avoir  eu  aucune  con- 
noifTance  dans  tout  cet  efpece  de 
tems.  Mais  cette  mort  fubite  ne  le 
furprit  point  :  il  avoit  quinze  jours 
auparavant  fait  ,  de  fon  propre 
mouvement  ,  fes  dévotions  à  fa 
ParoifTe. 

Voilà  le  précis  de  l'Hiftoire  de 
M.  Littre. 

Elleeft  imprimée  ,  comme  celle 
du  Czar  ,  dans  l'Hiftoire  de  l'Aca- 
démie des  Sciences ,  année  1725. 

Eloge  de  M.  Nicolas  Hartfoeker. 

M.  Hartfoeker  mourut  onze 
mois  après  M.  Littre  ,  le  dix  Dé- 
cembre 1725.  5c  fon  Eloge  dont 
nous  allons  donner  le  précis  ,  fe 
trouve  imprimé  avec  celui  du  Czar 
&  deM. Littre,  dans  le  mcmeVolu- 
me  de  l'Hiftoire  de  l'Académie, 
année  1725. 

Nicolas  Hartfoeker  naquit  à 
Goudc  en  Hollande  le  16  Mars, 
16  $6.  de  Chriftian  Hartfoeker  Mi- 
ni (ire  Remontrant  cV:  d'Anne  Van- 
cermy.  Cette  fimille  étoit  ancien- 
ne dans  le  Pays  de  Drente  ,  qui  eft 
des  Provinces-Unies. 

Le  jeune  homme  fe  fentit  des 
fes  premières  années  ,  une  forte 
inclination   pour  les   Mathcmati- 


FEVRI 
ques,  &:  comme  c'étoic  contre  le 
gré  de-  fesparens  ,  il  cnchoitle  plus 
qu'il  lut  étoit  polliblc  l'étude  qu'il 
en  faifoit  pendant  les  snuits  ,  &c 
pour  cela  ii  étendoit  devant  la  fe- 
nêtre de  fa  chambre  ,  les  couvertu- 
res de  lbn  lit  ,  qui  ne  lui  fervoit 
plus  qu'à  empêcher  qu'on  ne  s'ap- 
perçût  qu'il  ne  dormoit  pas. 

Il  s'attacha  fur  tout  à  faire  de 
bons  Microfcopes  pour  voir  les  ob- 
jets les  plus  imperceptibles  ,  &  il 
fut  le  premier  a  qui  fe  dévoila  le 
fpe&acle  du  monde  le  plus  impré- 
vu pour  les  Phviiciens  même  les 
plus  hardis  en  conjectures  ;  ces  pe- 
tits animaux  juiques-li  invilîbies, 
qui  doivent  fe  transformer  en  hom- 
mes ,  qui  nagent  en  une  quantité 
prodigieufe  dans  la  liqueur  deitinéc. 
à  les  porter,  qui  ne  font  que  dans 
celle  des  mâles  ,  qui  ont  la  figure 
de  grenouilles  nailTantes  ,  de  grof- 
fes  têtes ,  de  longues  queues  &c  des 
mouvemens  très-vifs  ,  fe  manife- 
stèrent à  lui  par  le  moyen  de  fes 
Microfcopes.  Ub-  (I  étrange  nou- 
veauté étonna  J'Obfervateur ,  &  il 
n'en  ofa  rien  dire,  croyant  que  ce 
qu'il  voyait  pouvoit  être  l'effet  de 
quelque  maladie.  Mais  deux  années 
sprèî  ayant  voulu  examiner  lacho- 
fe  de  nouveau,  il  revit  ces  animaux 
qui  lui  avoient  été  fufpects.  11 
communiqua  fon  obfervation  à  un 
Maître  de  Mathématique  qu'il 
avoit ,  &  à  un  autre  ami.  Ils  s'en 
affinèrent  tous  trois  enfemble.  Us 
virent  de  plus  ces  mêmes  animaux 
fortis  d'un  chien  ,  &  de  la  même 
figure  à  peu  près  que  les  animaux 
humains.  Us  virent  ceux  du  coq  &: 


E  R  ,   1734.  99 

du  pigeon,  mais  comme  des  vers  ou 
des  anguilles  L'obfervation  s'arfer- 
miffoit  &c  s'étendoit ,  &  les  trois 
confidens  de  ce  fecret  de  la  narure 
nedoutoient  prefque  plus  ,  dit  M. 
de  Fonteneile  ,  que  tous  les  ani- 
maux ne  naquilTènt  par  des  méta- 
morphofes  invihbles  &  cachées  1 
comme  toutes  les  efpects  de  mou- 
ches &  de  papillons  viennent  de 
métamorphofes  fenilbles  &  con- 
nues. 

Nous  panons ,  fur  ce  fujet,  plu- 
sieurs circonftances  qu'on  peut 
voir  dans  le  Difcours  même. 

En  1678.  M.  Hartfoeker  vint  à 
Paris,  où  il  demeura  jufqu'à  la  fin 
de  1679.  &  où  il  revint  en  1684. 
après  s'être  marié ,  il  y  demeura  1 4 
années.  Les  verres  de  Thélcfcopes 
avoient  été  fa  première  occupation, 
ces  verres  lui  donnèrent  beaucoup 
d'accès  à  l'Obfervatoire  ,  où  il  n'y 
en  avoit  que  de  Campani ,  excel- 
lens  à  la  vérité  ,  mais  pas  allez 
grands.  Après  pluheurs  eifais  qui 
ne  lui  réullirent  pas  il  vint  enfin  à 
bout  de  faire  unTélefcope  de  éoo 
pieds  de  foyer  ,  dont  il  n'a  jamais 
voulu  fe  détaire  à  caule  de  fa  rareté. 

En  1694.  il  fit  imprimer  à  Paris 
où  il  étoit  ,  fon  premier  Ouvrage,, 
ï'Ejfai  de  Diopmqiu  ;.  Ouvrage  qui 
a  eu  un  grand  fucces  ,  &  dont  M. 
de  Fonteneile  fait  une  ample  & 
exacte  defeription. 

M.  Hartfoeker  animé  par  le  fuc- 
ces de  fa  Dioptrique  ,  publia  deux 
ans  après  ,  fes  Principes  de  Pbyfîqne 
à  Paris  ,  Ouvrage  dont  M.  de  Fon- 
teneile fait  tout  de  même  la  def- 
eription dans  fon  Difcours. 
N  ij 


îoo        JOURNAL    DE 

Au  renouvellement  de  l'Acadé- 
mie en  i£o9.  tems  où  il  étoit  re- 
tourné en  Holhnde  avec  fa  ramil- 
îe  ,  il  fut  nommé  aiïocié  étranger. 
Quelque  tems  après  il  fut  aufliag- 
grégé  à  la  Société  Royale  de  Berlin, 
&c  l'Hiftorien  remarque  que  dans 
tous  les  Ouvrages  que  cet  Acadé- 
micien a  publié  depuis  ,  il  ne  s'en; 
paré  ni  de  ces  titres  d'honneur  ,  ni 
d'aucun  autre  ,  &  qu'il  a  toujours 
mis  (ïmplemcnt  &  à  l'antique  par 
"Nicolas  Hartfoeker  -,  bien  différent 
de  ceux  qui  ramaflent  le  plus  de 
titres  qu'ils  peuvent  8:  qui  croyent 
augmenter  leur  mérite ,  à  force  d 'enfler 
leur  nom. 

Les  Conjeïiures  Phyfyues  de  M. 
Hartfoeker  publiées  en  1707.  6c 
ï~o'ï.  ne  font  pas  oubliées  ici  par 
l'Hiftorien, non  plus  que  les  éclair- 
eiffemens  du  même  Auteur  fur  ce 
Livre. 

M.  de  Fontenelle  en  rapporte 
avec  foin  le  contenu  &  en  tait  le 
caractère. 

En  172.*.  M.  Hartfoeker  fit  im- 
primer à  Dtrech  un  Recueil  de  Pie- 
ces  de  Phyfisjtte.  L'Hiftorien  fait  de 
ces  Pièces  un  inventaire  curieux. 

M.  Hartfoeker  étoit  vif,  enjoué, 
officieux,  d'une  bonté  &  d'une  fa- 
cilité dont  de  faux  amis,  dit  M.  de 
Fontenelle  ,  ont  fouvent  abufé. 

Eloge  de  M.  Delifle. 

Guillaume  Delifle  né  à  Paris  le 
dernier  Février  1675-  ^e  Claude 
Delifle  ,  homme  très-célébre  par  fa 
grande  connoiffance  de  l'Hiftoire 
&  de  1a  Géographie ,  eut  dès  fon 


S    SÇAVANS ; 

enfance  une  grande  inclination 
pour  les  mêmes  études  qu'avoir 
cultivées  avec  tant  de  fuccès  Claude 
Delifle  fon  père.  Cette  inclination 
réulîit  au  point  qu'à  l'âge  de  huit 
à  neuf  ans  il  avoit  déjà  drerte  Si 
defliné  lui  -  même  des  Cartes  fur 
l'Hiftoire  Ancienne. 

Nicolas  Samfon  a  été  dans  le 
fiécle  parte  ,  le  plus  fameux  des 
Géographes',  cependant  fes  Cartes 
étoient  fort  imparfaites,  foit ,  com- 
me le  remarque  M.  de  Fontenelle  , 
par  la  faute  de  fon  hécle  ,  foit  par  la 
iienne,  év  lorfque  le  tems  amena  de 
nouvelles  connoillances  fur  cet  arti- 
cle,Samfon  aima  mieux  les  négliger 
que  d'en  profiter.  La  fource  de  ion 
Nil  fut  toujours  fous  le  tropique  du 
Capricorne  à  3  5  degrez  de  diftance 
de  fa  véritable  pofition  ,  parce  que 
cet  Auteur  en  avoit  cru  Ptolomée 
qui  en  avoit  ainfî  jugé.  Sa  Chine  , 
fi  Tartane  ,  fa  Terre  d'Yeço  s'ob- 
ftinerenr  à  demeurer  mal  placées  & 
mal  dilpofécs ,  noncbflant  le  té- 
moignage de  Relations  indubita- 
bles'. 

M.  Delifle  vint  dans  le  tems  où 
tout  fembloit  annoncer  que  la  Géo- 
graphie alloit  changer  de  face  :  le 
nombre  des  découvertes  fur  ce  fu- 
jet  augmentait  tous  les  (ours  dans 
les  climats  lointains ,  &c  à  la  fin  de 
1699.  le  nouveau  Géographe  donna 
une  Mappemonde,  quatre  Cartes 
des  quatre  Parties  de  la  Terre  ,  & 
deux  Globes ,  l'un  Célefle  ,  l'autre 
Terreftre. 

L'ouverture  du  iîécle  prefent  te 
fit  ,  à  l'égard  de  la  Géographie,  par 
une  terre  prefquc  nouvelle  que  M' 


FEVRI 

Delifle  prefenta  :  il  fit  voir  que  la 
Méditerranée  n'avoir  que  860 
lieues  d'Occident  en  Orient ,  au 
lieu  de  1 160  qu'on  lui  donnoit  au- 
paravant. L'Afie  fe  trouva  pareille- 
ment racourcie  de  çoo  lieues ,  &  la 
poiition  de  la  terre  d'Ycço  changée 
de  1700. 

M.  Deliflea  embrafle  laGéogra- 
phie  dans  toute  fon  étendue  ,  &  l'a 
iuivie  dans  toutes  fes  branches.  Il 
en  a  donné  des  preuves  au  public 
par  des  Cartes  de  toutes  les  efpeces, 
qui  font  au  nombre  de  90.  M.  de 
Fontenelle  en  indique  plufîeurs  de 
chaque  forte. 

En  1702.  cet  habile  Géographe 
entra  dans  l'Académie.  Il  avoit 
promis  une  Carte  à  M.  l'Abbé  de 
Vertot  pour  fon  Hifioire  de  Mal- 
the  }  il  la  finit  le  25  Janvier  1726. 
au  matin  &  le  même  jour  étant  for- 
ti  l'apres-dînee  ,  il  fut  frappé  dans 
la  rue  ,  d'une  apoplexie,  dont  il 
mourut  peu  d'heures  après  ,  fans 
avoir  repris  connoiflance. 

Cet  Eloge  eit.  imprimé  dans 
l'Hiitoire  de  l'Académie   ,    année 

I72éT. 

Eloge  de  Al.  de  Malezieu. 

M.  Nicolas  de  Malezieu  naquit 
à  Paris  en  1 6  50.  de  Nicolas  de  Ma- 
lezieu ,  Ecuyer  Seigneur  de  Bray  , 
Se  de  Marie  des  Forges  originaire 
de  Champagne. 

Les  progrès  étonnans  que  M.  de 
Malezieu  fit  dans  les  Sciences  dès 
fes  premières  années  ,  fon  talent 
univerfel  pour  la  Philofphie  ,  pour 
î'Hiftoire  ,  pour  le  Grec  ,  pour 


E  R  ,  1  7  3  4:  101 

l'Hébreu  s  pour  les  Mathémati- 
ques ,  pour  l'Aftronomie .,  de  mê- 
me pour  la  Poefîe  ,  fi  incompati- 
ble avec  ces  deux  dernières  Scien- 
ces-, l'eftime  fînguliere  que  firent  de 
lui ,  M.  le  Prince  ,  M.  le  Duc.  M. 
le  Prince  de  Conti.  M.  Bolîuet  Evê- 
que  de  Meaux  ,  M.  Vialart  Evêque 
de  Châlons ,  &  M.  l'Abbé  de  Féné- 
lon  ,  depuis  Archevêque  de  Cam- 
bray  ;  le  choix  qu'en  fit  Louis  XIV. 
pour  le  mettre  auprès  de  M.  le  Duc 
du  Maine  ,  le  fuccès  avec  lequel  il 
remplit  cette  place  ,  &  remplit  en- 
luite  crlie  que  Madame  la  Duchef- 
fe  du  Maine  lui  donna  dans  faCour, 
l'honneur  qu'il  eut  d'enfeigner  les 
Mathématiques  à  M.  le  Duc  de 
Bourgogne  ,  fa  réception  dans  l'A- 
cadémie Royale  des  Sciences  en 
1699.  &c  dans  l'Académie  Francoi- 
fe  en  1701.  Sa  qualité  de  Chance- 
lier de  M.  le  Duc  du  Maine,  tout 
cela  entre  dans  l'Eloge  de  M.  de 
Malezieu. 

L'Auteur  mêle  detemsentems 
dans  cet  Eloge  ,  comme  dans  tous 
les  autres  de  ce  Recueil ,  certaines 
reflexions  qui  reveillent  le  Leètcur, 
èVqui  plaifent  d'autant  puisqu'elles 
ne  font  point  amenées  de  loin  ,mais 
qu'elles  naiflent  du  fujet  même  : 
par  exemple  en  parlant  du  mariage 
de  M.  de  Malezieu  à  23  ans ,  avec 
Damoifclle  Françoife  Faudelle  de 
FaverelTe  ,  on  dit  que  quoiqu'a- 
moureux ,  il  fit  un  bon  mariage. 
Sur  ce  qu'après  s'être  marié  il  pafla 
dix  ans  en  Champagne  dans  une 
douce  folitude  ,  uniquement  occu- 
pé de  deux  paillons  heureufes ,  fea- 
voir  celle  qu'il  avoit    pour  fon 


toi        JOURNAL    DE 

époufe  ,  &  celle  qu'il  avoit  pour 
les  Livres  ;  l'Auteur  de  l'Eloge  dit, 
que  >»  c'efl:  un  bonheur  pour  les 
»  Sçavans  qui  doivent  venir  à  Paris, 
»  d'avoir  eu  le  loifir  de  fe  taire  un 
»  bon  fonds  dans  le  repos  d'une 
»  Province  ,  parce  que  le  tumulte 
n  de  Paris  ne  permet  pas  allez  de 
»  faire  de  nouvelles  acquittions  en 
»  fait  de  fçavoir ,  Ci  ce  n'eft  celle 
i>  de  la  manière  de  fçavoir. 

Comme  M.  de  Malezieu  d'un 
tempérament  fort  vif ,  &  M.  de 
Court  .  d'un  tempérament  fort 
tranquille  ,  furent  choifis  pour  être 
enfemble  auprès  de  M.  le  Duc  du 
Maine:  M.  de  Fontenelle  remarque 
à  cette  occafion  ,  qu'il  fe  trouvoit 
entre  leurs  caratleres  ,  toute  la  rejfem- 
blance  ■  &  de  plus  toute  la  différence 
qui  peuvent  fervir  à  former  une  gran- 
de liaifon  ;  car }  dit-il ,  en  fe  con- 
vient aujjî  par  ne  fe  pas  rejfembler. 
L'un  vif& l'autre  ardent ,  continue- 
t-il ,  l'autre  plus  tranquille  &  toujours 
égal  ,  fe  réitnifoient  dans  le  même 
goût  pour  les  Sciences  ,  &  dans  les 
mêmes  principes  d'honneur.  Enforte 


5  SÇAVANS, 

que  leur  amitié  n'en  faifoit  qtfun  feui 
homme  }  en  qui  tout  fe  trouvait  dans 
iinjufie  degré. 

Une  autre  reflexion  que  l'Auteur 
prend  ici  oecalion  de  faire  ,  c'eft 
que  ces  deux  grands  hommes  ren- 
contrèrent dans  M.  le  Duc  du  Mai- 
ne,des  difpofitions  il  heureufes  &  fi 
fingulieres  ,  foit  pour  l'efprit ,  foie 
pour  le  cœur  ,  qu'on  ne  ff  aurait  afh- 
rer  qu'ils  lui  ayent  été  fort  utiles 
principalement  à  l'égard  des  qualité*? 
de  l'ame^  puifquds  n'eurent  gttéres 
que  l'avantage  de  les  voir  de  plus  pris 

6  avec  plus  d'admiration. 

M.  de  Malezieu  mourut  d'apo- 
plexie le  14  Mars  1 717.  dans  fa  foi- 
xante  &  dix  -feptiéme  année.  Sur 
quoi  nous  remarquerons  que  voilà 
trois  Académiciens  prefque  de  fuite 
qui  meurent  d'apoplexie:  M.Litrrc, 
M.  Delille  &  M.  de  Malezieu.  L'E- 
loge dont  nous  venons  de  donner 
le  précis,eft  imprimé  dans  l'Hiftoi- 
re  de  l'Académie,  année  1727. 

Nous  rendrons  compte  des  au- 
tres Eloges  dans  le  Journal  pro- 
chain. 


FEVRIE   K  ,    1734: 


103 


DISSERTATIO  MED1CA  DE  FRICTIONE,  QUAM  ANNUENTE 
Deo  teroptimo  maximo,  ex  automate  magnifia  Rcctons,  D.  Taconis 
Haionis  Van  Den  Honert ,  SS.  Thcologiff  Doètcris ,  cjufdtmque  Fa- 
cultatif ,  ut  &  antiquitatum  Judaïcarum  Piofcfforis  ordinarii  ,  nec  non 
ampliflîrni  Scnatus  Âcadcmici  confenfu  ,  &  nobiliffmx  Facultatis  Me- 
dica-  Decrcto,pro  gradu  Docloratûs  ,  publico  acfolcmni  cruditorum 
difquifitioni  fubjicit  Hcnricus  Loclhoeffel  Memeha-Boruffus  ,  Philo- 
fophix  Magiftcr  :  ad  dicm  Junii  1732.  horâ  lecoque  folitis.  Lugduni 
Batavorum  ,  apud  Conradum  "Weshorf. 

C'eft  -  à  -  dire  :   Dijfertation  fur  la  Friblion  ,  par  Henri  Loclhoeffcl ,  pour 

obtenir  le  degré  de  Dotleur  en  Médecine ,  dans  Wniverfitè  de  Leide. 

A  Leide,  chez  Conrad  iVeshorf.  1732.  Brochure  in-tf.  pag.  4c. 


CETTE  Differt'ation  eft  prin- 
cipalement une  Hiftoire  de 
ce  qui  s'eft  pratiqué  dans  l'Anti- 
quité &  de  ce  qui  fe  piatiquc  enco- 
re en  quelques  Pays  au  fujet  de  la 
Friclion  ,  pour  la  confervation  de 
la  fauté  c\*  pour  la  guérifon  de  di- 
verfes  maladies ,  mais  une  Hiftoire 
où  i'on  ne  fc  piopofc  pas  de  com- 
prendre tout  ce  qui  fe  peut  rappor- 
ter fut  cette  matière. 

L'Auteur  commence  d'abord 
par  expliquer  ce  qu'il  faut  entendre 
par  le  mot  de  Friétion  en  général , 
puis  il  defeend  dans  le  détail  des  ef- 
fets que  la  friction  produit  ,  fur  les 
différentes  chofes  que  l'on  frotte  , 
tels  que  font  le  fer  ,  le  bois  ,  la 
pierre  ,  la  chair  ,  &c.  Après  quoi  il 
paffe  aux  différentes  Fri&ions  de  la 
peau  du  corps  ,  dont  les  unes 
ont  été  en  ufage  chez  les  anciens  cV 
les  autres  fe  pratiquent  encore  au- 
jourd'hui dans  quelques  Pays. 
i\7ous  pafferons  le  premier  article  , 
&  le  commencement  du  fécond 
pour  venir  à  ce  qui  concerne  la 
Friction  de  la  peau  du  corps,  qui  cft 


celle  proprement  dont  il  s'agit  dans 
cette  Differtation. 

Hippocrate  établit  différentes 
Frictions  de  la  peau  ,  l'une  forte  . 
cV  l'autre  douce  ,  l'une  continue  s 
&  l'autre  qui  fe  fait  à  diverfes  re- 
prifes.  La  première,  félon  lui ,  dur- 
cit le  corps  ,  la  féconde  l'amollit  „ 
la  troifiéme  l'exténue  ,  &  la  qua- 
trième rétablit  ce  qui  s'en  cft  diffi- 
pé  de  trop.  La  première  ne  con- 
vient pas  aux  gens  fecs  ék  d'un  tem- 
péramment  chaud  ,  mais  eft  très- 
propre  aux  perfonnes  d'une  confti- 
tution  humide  &  froide  ;  la  fécon- 
de eft  nuifible  à  ceux  qui  onr  la 
chair  lâche ,  &  convient  à  ceux  qui 
l'ont  remplie  d'obftruclions  &  de 
durctez.  La  troifiéme  fait  du  bien 
aux  perfonnes  replcttes,  &  la  qua- 
trième beaucoup  de  tort  à  celles 
qui  n'ont  ni  trop  ni  trop  peu  d'hu- 
meurs. 

Les  Médecins  qui  font  venus 
après  Hippocrate  ,  ont  établi  d'au- 
tres différences  dans  la  Friction  par 
rapport  aux  lieux  &  à  d'autreycir- 
conftances.    Les  unes  fe  font  cm 


io*  JOURNAL  D 

plein  air ,  les  autres  dans  la  cham- 
bre ,  les  unes  à  l'ombre  ,  les  autres 
au  foleil  ,  les  unes  dans  un  lieu 
chaud  ,  les  autres  dans  un  lieu 
froid;  les  unes  au  vent,  les  autres 
à  un  air  tranquille  ;  les  unes  dans 
le  bain  ,  les  autres  devant  ou  après 
le  bain  ;  les  unes  avec  de  l'huile  , 
les  autres  fans  huile  ;  les  unes  avec 
les  mains  Amplement ,  les  autres 
avec  des  linges  ,  Se  celles  ci  avec 
des  linges  rudes  ou  avec  des  linges 
doux. 

Ils  ont  encore  diftingué  les  Fric- 
tions ,  par  rapport  aux  differens 
fens  dans  lefqucls  elles  fe  prati- 
quoient.  Les  unes  fe  faifoient  de 
bas  en  haut ,  Se  les  autres  de  haut 
en  bas  ;  les  unes  en  ligne  directe, 
Se  les  autres  en  ligne  oblique  ;  les 
unes  abfolument  en  travers  ,  &  les 
autres  un  peu  moins  horizontale- 
ment. Toutes  différences  qui  leur 
ont  paru  fî  elTcntiellcs  à  obferver , 
que  de  peur  qu'on  ne  vînt  à  les 
oublier,  ils  ont  cru  les  devoir  ex- 
pofer  fous  les  yeux  dans  une  figure 
exprès  qui  eft  celle  qui  fc  trouve-ci 
jointe  ,  Se  quife  voit  dansGalien. 

Ce  dernier  prétend  qu'en  tai- 
fant  les  Frictions  en  ces  dirTerens 
fens  ,  Se  les  faifant  exactement , 
toutes  les  fibres  des  mufcles  s'en 
reltentent.  Quelques  Médecins  de 
fon  tems  croyoient  que  la  Friction 
qui  fe  faifoit  tranfverfdement  ref- 
ferroit  les  parties  6v  leur  procuroit 
de  la  fermeté ,  que  celle  au  con- 
traire qui  fe  faifoit  en  ligne  directe, 
les  raréfiait  Se  les  relâchoit ,  mais 
Galicn  les  aceufe  en  cela  d'ignoran- 
ce. 


E  S   SÇAVANS, 

Plulleurs  ont  voulu  déterminer 
le  nombre  de  Frictions  qu'il  fal- 
loit  faire  dans  chaque  maladie  , 
mais  Celfe  rejette  cette  penfée 
comme  abfnrde  ,  Se  remarque  que 
c'elt  fur  les  forces ,  fur  le  fexe ,  & 
lur  l'âge  des  malades  ,  que  ce 
nombre  doit  fe  régler;  en  forte  , 
premièrement,  Que  fi  le  malade  eft 
bien  toible  ,  c'elt  aiTez  de  cinquan- 
te Frictions ,  Se  que  s'il  a  beaucoup 
de  force  on  en  fait  faire  jufqu'à 
deux  cens;  fecondement ,  Que  il 
c'eft  une  femme  ,  il  en  faut  moins 
que  (1  c'eft  un  homme  ;  troifiéme- 
ment ,  Qie  les  entans  Se  les  vieil- 
lards n'en  peuvent  pas  fouffrir  un 
aufti  grand  nombre  que  les  perfon- 
nes  d'un  âge  médiocre. 

Notre  Auteur  palfe  ici  aux  Fric- 
tions qui  font  en  ufage  chez  les 
Egyptiens.  Ils  font  les  unes  avec  les 
mains  enduites  d'huile  de  Sefamc  , 
les  autres  avec  des  linges  cruds ,  Se 
les  autres  avec  des  lambeaux  d'é- 
torles  de  poil  de  chèvre.  Quant  à 
celles  qu'ils  pratiquent  avec  des 
linges  ,  voici  ce  qu'ils  obfervent. 
Ils  font  affeoir  le  malade  dans  un 
fiégehaut,  &  lui  frottent  tiois  à 
quatre  rois  tout  le  devant  du  corps, 
commençant  parles  pieds  ,  les  jam- 
bes ,  les  cuilTes  ,  continuant  par  le 
ventre  Se  les  cotez,  Se  finiifantpar 
le  haut  du  tronc  &  par  les  bras, fans 
excepter  les  doigts  ,  qu'ils  frottent 
avec  un  foin  extrême  les  uns  après 
les  autres.  Après  avoir  ainfi  pafle 
en  revue  tout  le  devant  du  corps  , 
ils  font  étendre  le  malade  tout  de 
fon  long  le  ventre  contre  terre  ,  & 
procèdent  de  la  même  manière  à  la 
Friction 


Fei/r  itr-  4 

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FEVRI 

Friction  de  cette  partie  du  corps. 
La  Friction  faite  ,  ils  en  recom- 
mencent d'autres  avec  l'étoffe  de 
poil  de  chèvre. 

Les  Indiens  Orientaux  em- 
plovent  les  Frictions  contre  plu- 
fieurs  maladies  ,  &  principalement 
contre  une  efpece  de  paralyfie  à  la- 
quelle ils  font  fujets ,  Se  qui  leur 
caufe  un  tremblement  général  de 
tout  le  corps.  Ce  font  des  Frictions 
fortes  Se  douloureufes.  Ils  fe  fer- 
vent du  même  remède  contre  une 
forte  de  convullîon  qui  leur  efî  fa- 
milière ,  laquelle  leur refferre telle- 
ment le  gofier  qu'ils  ne  peuvent  ni 
boire  ni  manger  ,  &  les  empor- 
te en  peu  de  jours  après  leur  avoir 
faitfouffrir  des  tourmens  inexpli- 
cables. 

Les  Indiens  Occidentaux,  Se  fur- 
tout  les  Brafiliens ,  ne  connoiflent 
prcfque  d'autres  remèdes  que  la 
Friction  ,  contre  les  maladies  chro- 
niques. Ils  commencent  par  frotter 
tout  le  bas- ventre  ,  fi  la  maladie  elt 
caufée  par  des  embarras  dans  cette 
partie,  mais  fi  elle  vient  d'obûruc- 
tions  qui  foient  dans  la  tète  ,  ou 
dans  la  poitrine  ,  ils  pratiquent  la 
Fri&ion  fur  tout  le  corps  générale- 
ment,  en  y  employant  l'huile  de 
tabac  ,  ou  de  camomille  ,  dans  la- 
quelle ils  ont  fait  macérer  un  peu 
d'encens. 

Notre  Auteur, après  cesremar- 
ques ,  examine  les  divers  effets  que 
les  différentes  Frictions  doivent 
produire  fur  le  fang  ,  foit  pour  en 
faciliter  le  cours ,  du  cœur  aux  ex- 
trémitez  ,  ou  des  extrémitez  au 
cœur ,  foit  pour  modérer  Se  retar- 
fevrier. 


E  R  ,  1734:  ioj 

der  ce  cours  s'il  elt  trop  impétueux 
Se  qu'il  empêche  les  parties  de 
prendre  la  nourriture  qui  leur  eft 
neceffaire.  Car  lorfque  le  fang  cir- 
cule avec  trop  de  rapidité ,  les  fucs 
nourriciers  n'ont  pas  le  tems  de 
s'arrêter  aux  parties  ,  &  le  corps 
tombe  dans  le  deffechement.  L'Au- 
teur ,  à  cette  occafion  ,  rapporte  la 
coutume  des  Dames  d'Egypte.,  qui, 
comme  l'écrit  Profper  -  Alpinus 
dans  fon  Livre  de  Med.  n^£gypt. 
chapitre  8.  ont  recours  à  certaines 
Frictions  douces  ,  pour  s'empê- 
cher de  maigrir  ;  il  rapporte  fur 
le  même  fujet ,  l'ufage  qui  s'ob- 
ferve  en  certains  endroits  d'Alle- 
magne,pourengraiffer  les  cochons; 
on  les  lave  d'abord  avec  de  l'eau 
pour  en  attendrir  la  peau  ,  puis  on 
leur  fait  plufieurs  Fiidions. 

Les  précautions  qu'il  faut  obfer- 
ver  pour  rendre  les  Frictions  utiles, 
foit  pour  la  confervation  de  la  fan- 
té  ,  foit  pour  la  guérifon  des  mala- 
dies,font  exactement  rapportées  par 
notre  Auteur.  Il  faut  d'abord  com- 
mencer par  les  Frictions  douces , 
lors  même  qu'on  en  a  de  fortes  à 
faire.  Un  frottement  trop  rude  tout 
d'un  coup,  ne  peut  que  caufer  du 
defordre  dans  les  humeurs  ,  Se 
dans  les  vai fléaux  qui  les  renfer- 
ment ,  il  pouffe  des  fucs  gioflîers 
dans  des  routes  étroites  ,  Se  fait 
par  -là  desengagemensdangereuxi 
au  lieu  que  ïorfqu'on  commence 
par  une  Friction  légère,  on  amollit, 
on  affine  par  ce  moyen  les  humeurs, 
Se  on  les  rend  capables  d'être  pouf- 
fées  enfuite  fans  danger  par  desFric-. 
tions  plus  fortes.  Une  Friction  rude 
O 


106        JOURNAL    DE 

tout  d'un  coup  ,  mettant  en  mou- 
vement des  humeurs  grofiieres  ,  & 
les  faifant  aller  dans  des  vaiiTeaux 
étroits ,  dilate  ces  vaifleaux  outre 
mefure  ,  &  leur  fait  perdie  leur 
relïort,  ce  qui  donne  occafion  à  des 
dépôts  &  à  des  engorgemens  mor- 
tels. 

Une  autre  précaution  importan- 
te ,  c'eft  de  ne  recourir  jamais  à  la 
Friction  que  les  premières  voyes  ne 
foient  dégagées  :  il  faut  attendre 
que  l'eftomac  foit  vuide  &  que  les 
inteftins  fe  foient  débarraifés  ,  &  fi 
l'eftomac  eft  rempli  de  mucofitez 
que  la  nature  ne  puilTechafTer  ,  il 
faut  recourir  à  l'émetique  -,  il  en  eft 
de  même  des  inteftins  ;  s'ils  font 
trop  pleins  &c  qu'ils  ne  puiffent  fe 
débarrafler  d'eux  -  mêmes ,  il  faut 
recourir  à  la  purgation.Lesfaignées 
même  ne  doivent  pas  être  omifes , 
fi  les  vaifîeaux  font  trop  pleins. 

Les  maladies  aufquelles  les  Fric- 
tions conviennent  ,  font  ici  le  fujet 
d'un  article  exprès  ;  l'Auteur  met 
de  ce  rang  ,  la  leucophlegmatie  , 
l'ydropifie  ,  l'anafarque  ,  le  rachi- 
tis  &  toutes  les  maladies  qui  dépen- 
dent d'une  difpofition  cacochyme. 
Il  veut  en  premier  lieu  ,  que  dans 
ces  occafions,on  tafTe  la  Friction  de 
tout  le  corps  trois  à  quatre  fois  par 
jour  ,  &  qu'on  frotte  principale- 
ment l'épine  &  le  bas-ventre  ;  en 
fécond  lieu  ,  que  le  malade  après 
avoir  été  frotté ,  porte  une  chemife 
de  grofle  toile  ,  afin  que  le  frotte- 
ment de  cette  chemife  contre  la 
chair ,  foit  une  efpece  de  Friction 
continuée  ;  en  3e  lieu  ,  que  cette 
chemife  ait  été  pauee  à  la  fumée  de 


S    SÇAVANS  ; 

quelques  herbes  ou  de  quelques 
gommes  aromatiques  :  en  quatriè- 
me lieu  ,  que  les  habits  de  ce  mala- 
de lui  foient  un  peu  juftes ,  &  qu'ils 
le  ferrent  ;  parce  que  le  corps  étant 
médiocrement  ferré ,  les  vaifleaux 
qui  portent  le  fang  en  ont  deux 
fois  plus  de  force  &  dereffort ,  ce 
qui  favorife  confiderablement  la. 
circulation. 

Notre  Auteur  veut  en  cinquième 
lieu,  qu'après  la  Friction,  le  malade 
s'excite  un  peu  à  toufter  ou  à  rire  3 
parce  que  l'action  dutouiîer  &  du 
rire  aide  beaucoup  au  mouvement 
du  fang  dans  les  vaiiîeaux  du  pou- 
mon. 

L'apoplexie  ,  la  léthargie ,  laca- 
talepfie  &  la  phthifie  font  encore 
du  nombre  des  maladies  aufquelles 
notre  Auteur  prétend  que  les  Fric- 
tions conviennent  ;  mais  à  l'égard 
des  trois  premières.,  iltaut,  félon 
lui ,  que  ces  Frictions  foient  très- 
fortes  dans  l'accès  du  mal  ,  & 
qu'elles  foient  au  contraire  très- 
douces  après  l'accès.  Quant  à  la 
phthifie,  elles  doivent  toujours  être 
molles  &c  légères  ,  il  faut  fonger 
auparavant  à  enlever  le  foyer  du 
mal  ;  mais  fi  l'on  ne  peut  en  venir  à 
bout ,  il  ne  faut  pas  croire  que  les 
Frictions  foient  inutiles  pour  guérir 
cette  maladie  ,  elles  contribuent 
toujours  ,  en  favorifant  la  circula- 
tion du  fang  ,  à  enlever  les  matières 
purulentes  qui  font  attachées  à  la 
furface  intérieure  des  vaifleaux. 

La  vieillelTe  eft  une  grande  ma- 
ladie ;  mais  notre  Auteur  ne  defef- 
pere  pas  que  par  le  moyen  de  la 
Friction ,   on  ne  puifle  en  éloignes 


F  E  V  R  I 

les  incommoditez  ,  &  prolonger  la 
vie  au  delà  du  terme  ordinaire  :  la 
vieillerie  conliite  dans  l'épuifement 
de  l'humide  radical ,  dans  l'épaif- 
feur  des  fucs ,  &  dans  la  rigidité  des 
vaifleaux  qui  n'ont  plus  la  fouplef- 
fe  qu'ils  avoient  dans  la  force  de 
l'âge.  Or  ,    demande  notre  Au- 
teur ,  qu'y  a-t-il  de  plus  propre  à 
reparer  la  perte  qui  fe  fait  tous  les 
jours    de    cette    prétieufe  liqueur 
qu'on  appelle  l'humide  radical ,  à 
rendre  aux  fucs  leur  fluidité  natu- 
relle, &  aux  vailTeaux  leur  fouplef- 
fe  Se  leur  reflort ,  que  ce  qui  s'opè- 
re  par   le  moyen  de  la  Friction  ? 
puifque    le    mouvement    qu'elle 
procure  contribue  d'une  manière 
extraordinaire  &  à  la  digeftion  des 
alimens,qui  eft  ce  qui  repareJa  dif- 
fipation  de  l'humide  dont  il  s'agit , 
&  à  la  fluidité  des  fucs ,  en  empê- 
chant qu'ils  ne  croupiflent,  &  au 
reflort  des  parties  folides  ,   en  le 
réveillant  par  de  légères  fecoufles. 
Il  eft  fi  vrai  que  la  Fridion  rend  les 
fucs  fluides ,    &  donne  du  reflort 
aux  vaifleaux  ,  que  de  légères  Fric  - 
tions   fuffîfeHt   quelquefois    pour 
diflîperlesfchirres  ,  les  loupes,  & 
autres  maladies  femblables  qui  ne 
viennent  que  de  l'épaifleur  des  fucs 
&  de  l'inadion  des  vaifleaux. 

Nous  ne  rapporterons  point  ici 
tous  les  cas  où ,  félon  les  principes 
de  notre  Auteur  ,  la  Friction  eft 


E  R,   1754.  107 

convenable  ;   ceux  dont  nous  ve- 
nons de  faire  mention  ,  fuitifent 
pour  les  donner  à  entendre.  Une 
remarque  par  laquelle  nous  finirons 
notre  Extrait,  &  qui  paroît  impor- 
tante, c'eft  que  la  Fridion  peut 
fupplcer  quelquefois  à  la  faignée  , 
pour  donner  certaines  détermina- 
tions au  fang.On  veut,par  exemple, 
faire  des  revulfions,  &  l'on  faigne 
pour  cela  ou  du  pied  ou  du  bras 
fans  que  cependant ,  comme  il  ar- 
rive très  fouvent ,  le  malade  n'aie 
point  trop  de  fang  ;  or  on  trouve 
dans  la  Fridion  de  quoi  faire  ces 
revulfions  fans  qu'il  en  coûte  une 
goûte  du  fang ,  &  cela  en  faifant  la 
Friction  ou  de  la  tête  aux  pieds,  ou 
des  pieds  à  la  tête,foit  directement 
foit  obliquement  ;    les  Fridions 
tranfverfales  peuvent  encore  fervir 
à  rappeller  le  fang  d'un  endroit  à 
un  autre ,  félon  la  partie  où  on  les 
commence  &  où  on  les  finit.  Il  eft 
étonnant  que    les  Fridions  étant 
d'une  fi  grande  vertu  contre  diver- 
fes  maladies  ,  elles  foient  fi  néoli- 
gées  aujourd'hui  ;  c'eft  la  reflexion 
que  fait  notre  Auteur  à  la  fin  de  fa 
Diflertation.  Il  répond  à  cela  que 
telle  eft  l'inconftance  de  l'efprit  hu- 
main ,  de  fe  dégoûter  des  meilleu- 
res choies ,  &  de  ne  fçavoir  fe  fixer 
à  rien  ,   quelque  utilité  qu'il  en 
puifle  cfperer. 


Oij 


,o8  JOURNAL  DES  SÇAVANS; 

HISTOIRE   LITTERAIRE  DE   LA  FRANCE  ,  OV   L'ON 
traite  de  l origine  &  du  progrès ,  de  la  décadence   &  du  retabUJfemem  des  • 
Sciences  -parmi  les  Gaulois  &  parmi  les  François  ;  du  goût  &  du  génie 
des  uns  &  des  autres  pour  les  Lettres  en  chaque  fie  de  ;  de  leurs  anciennes 
Ecoles  ;  de  Pétablijfement  des  Vniverfuez.  en  France  ;  des  principaux  Collè- 
ges ;  des  Académies  des  Sciences  6"  des  Belles  ■  Lettres;  des  meilleures  Bi- 
bliothèques anciennes  &  modernes  ;  des  plus  célèbres  Imprimeries  ;  &  de 
tout  ce  qui  a  un  rapport  particulier  à  la  Littérature  :  avec  les  Eloges  Histo- 
riques des  Gaulois  &  des  François  ,  qui  s'y  font  fait  quelque  réputation  ;  le 
Catalogue  &  la  Chronologie  de  leurs  Ecrits  ;  des  Remarques  Hifloriques  & 
Critiques  fur  les  principaux  Ouvrages  ;    le  dénombrement  des  différentes 
Editions  :  le  tout  jttjlifé  par  les  citations  des  Auteurs  originaux.   Par  des 
Religieux  Bénédictins  de  la  Congrégation  de  Saint  Ma.ur.    Tome  premier ,. 
Partie  féconde  t  qui  comprend  le  quatrième  fiicle   de  l'Eglife.    À  Paris  v 
chez  C haubert ,  Libraire  du  Journal,  Quai  des  Augultins ,  à  la  Re- 
nommée &  à  la  Prudence  -,  Gijfey  ,  rue  de  la  vieille  Bouderie  ,  à  l'Ar- 
bre de  Je  (Té  ;  Ofmont  y  à  l'Olivier  ■■>  Hitart  l'aîné  ,  à  la  Jultice  ;  Cloujîer, 
à  l'Ecu  de  France  ,  rue  S.  Jacques  ;  Hourdel  ;  &  David  le  jeune  ,  à 
TEfperance  ,  Quai  des  Augultins.  173  3.  in-^a.  première  Partie^  pp.  414. 
fans  la  Préface  &  la  Table  des  citations  qui  en  remplirent  64.  féconde 
Partie  ,  pages  450.  fans  la  Table  des  Auteurs  &  des  Matières.  Plan- 
ches détachées  z. 

NOUS  acquittons  ici  la  pro-  riens ,   25   tant  Rhéteurs  qu'Ora- 

meffe  que  nous  fîmes  au  Pu-  teurs  ,  10  Poètes  :  feulement  trois 

blic  dans  notre  Journal  de  Janvier  Hiftoriens  ,  deux  Philofophes  8c 

dernier ,  de  lui  rendre  un  compte  un  Médecin.    En  recompenfe  les 

exad  de  ce  que  contient  la  féconde  Théologiens  y  paroifTent  en  grand 

Partie  de  ce  Volume.  Quoiqu'elle  nombre  ,  parmi  les  Chrétiens.  Tels 

ne  parcoure  qu'un  fiécle  ,  elle  four-  font  1 3  Evêques  ,    entre  lefquels 

nit  une  moifïon  beaucoup  plus  ri-  brillent  fur-tout  un  S.  Hilaire ,  un 

che  que  les  trois  iîéclcs  précedens  Saint  Ambroife  ,  un  Saint  Martin, 

n'ont  pu  l'offrir  à  la  première  Par-  &  dont  l'Hiftoire  fe  trouve  liée  à 

rie.  On  voit  dans  celle-ci  parmi  les  celle  d'onze  Conciles  tenus  dans  les 

gens  de  Lettres  qui  ont  illuftré  les  Gaules ,  &  dont  il  eft  fait  ici  men- 

Gaules  ,  trois  Empereurs  ,  Con-  tlon. 

ftantin  le  jeune ,  Gratien  &  Valen-  Avant  que  d'entrer  en  matière 
tinien  II.  quatre  Préfets  du  Prétoi-  fur  chacun  de  ces  articles  en  para- 
fe ,  Tiberien  ,  Salufte ,  Sibure  &  culier  ,  nos  Auteurs  ont  grand  foin 
Grégoire  :  deux  Miniftres  d'Etat ,  de  nous  expofer  dans  un  Difcours 
Théodore  ôc  Rufin  ;  zi  Giamraai-  Préliminaire  quel  ctoit  l'état  des 


FEVRIE 

Lettres  dans  les  Gaules ,  pendant  ce 
quatrième  fiécle.  Ils  le  regardent 
comme  plus  iécond  en  Sçavans  de 
tout  genre  que  ne  l'ont  été  les  trois 
fiécles  précedens.  Jamais  les  études 
ne  fleurirent  avec  plus  d'éclat  dans 
ces  Provinces  par  l'établiffement 
de  quantité  de  Collèges ,  où  grand 
nombre  d'excellens  Profeffeurs 
travailloient  de  concert  à  culti- 
ver les  Sciences  &  les  Arts ,  &  à  les 
répandre  dans  toutes  les  Villes  con- 
fiderables,  par  le  moyen  des  Elevés 
qu'ils  y  envoyoient.  Mais  cette  ar- 
deur des  Gaulois  à  procurer  la  cul- 
ture des  Lettres  fe  vit  merveilleufe- 
nient  favorifée  (difent  nos  Auteurs) 
par  la  Providence ,  qui  écarta  les 
deux  obftacles  les  plus  capables  de 
retarder  les  effets  d'une  fi  loiiable 
difpofir'ion  ;  6c  dont  l'un  étoit  l'in- 
curfion  des  Barbares ,  l'autre  la  ty- 
rannie du  Paganifme  contre  les 
Chrétiens.  Larefidence  des  Empe- 
reurs dans  les  Gaules  remédia  à  la 
première  ;  Se  la  converfion  de 
Conftantin  au  Chriftianifme  arrêta 
la  féconde. 

Cet  Empereur  appella  le  célèbre 
Laitance  à  fa  Cour  ,  pour  y  con- 
duire les  études  de  Crifpe  fon  fils 
aîné.  Il  publia  plufieurs  Loix  très- 
favorables  aux  Sçavans,  fur -tout 
aux  Médecins  &  aux  Profeffeurs  de 
Belles- Lettres  :  par  d'autres  il  re- 
prima les  Superftitions  Aftrologi- 
ques  ,  Magiques  &  Auguralcs. 
Après  avoir  quitté  les  Gaules  ,  il  y 
envoya  Confiance  fon  fils  pour  les 
gouverner  en  la  place  ,  Si  après  la 
mort  du  père,  Conftantin  le  jeune, 
à  qui  les  Gaules  étoient  échues, 


vint  y  faire  fon  féjour.  Son  frère 
Confiant  qui  lui  fucceda  ,  choifit  la 
Ville  de  Trêves  pour  y  tenir  fa 
Cour  -,  &  ce  fut  dans  la  fuite  le 
lieu  le  plus  ordinaire  où  refidoient 
les  Empereurs  &:  ceux  à  qui  étoit 
confié  le  gouvernement  des  Gaules. 
Julien  cependant  lui  préfera  Paris, 
qui  n'étoit  alors  qu'une  Ville  peu 
confiderablc  -,  &  fon  Médecin  Ori- 
bafe  l'un  des  plus  fameux  de  ce 
tems  là,  s'y  fit  (difent  nos  Auteurs) 
particulièrement  connoître  par  l'a- 
brégé des  Ouvrages  de  Galieil  qu'il 
y  publia  ,  &  qui  fervit  à  y  per- 
fectionner la  Médecine.  De-là  ils 
paffent  à  Valentinien  I.  puis  à  Gra- 
tien  Difciple  du  célèbre  Aufone  de 
Bourdeaux ,  &  à  qui  fucceda  Va- 
lentinien II.  après  la  défaite  de  l'u- 
furpateur  Maxime. 

A  l'occafion  de  la  refidence  que 
firent  à  Trêves  la  plupart  de  ces 
Empereurs ,  nos  Auteurs  nous  font 
obferver  quelle  étoit  alors  la  répu- 
tation Se  le  luftre  de  cette  grande1 
Ville ,  qui  paffoit  non  feulement 
pour  la  fixiéme  entre  les  plus  célè- 
bres de  l'Univers ,  &  pour  l'un  de? 
Boulevards  de  l'Empire  ;  mais  qui 
l'emportoit  fur  Rome  même  pour 
la  culture  delà  Jurifprudence  ,  de 
l'Eloquence  ,  &  étoit  comme  une 
pépinière  de  gens  habiles  à  remplir 
les  premières  Places  de  la  Robe  & 
de  l'Epée.  Ils  nous  parlent  encore 
de  plufieurs  Villes  Gauloifes  ,  dont 
les  Ecoles  fe  diftinguoient  par  l'ha- 
bileté des  Profeffeurs  ,  &  par  le 
grand  concours  des  Etudians;  four- 
niffant  même  aux  Pays  étrangers  , 
à  Rome,  pat  exemple,  à  Conftaftïi- 


no        JOURNAL    D 

nople  &  ailleurs  d'illuftres  Profef- 
feurs  de  Belles  -  Lettres.  Telles  é- 
toient ,  entre  plufieurs  autres,  cel- 
les de  Bourdeaux  ,  d'Autun  ,  de 
Touloufe ,  de  Narbone  ,  de  Poi- 
tiers ,  &c. 

Ils  font  enfuite  une  revue  généra- 
le des  principaux  Sçavans  en  cha- 
que genre  ,  qui  dans  ce  fiécle  ont 
rendu  les  Gaules  floviffantes.  Ils 
commencent  par  les  Orateurs  ,  tels 
qu'Eumene  ,  Panégvrifte  du  Grand 
Conftantin  ,  Minervius  qui  excel- 
loit  dans  le  même  genre  d'Elo- 
quence ,  Agrœtus  l'Orateur  le  plus 
accompli  de  fon  tems ,  Alcime  Pa- 
négyrifte  de  Julien  l'Apoftat,  Ma- 
mertin  ;  Drépane  ,  &c.  Ils  vien- 
nent après  cela  aux  Poètes  ,  dont 
le  plus  connu  aujourd'hui  eft  Aufo- 
ne  j  qui  nous  peint  le  caractère  de 
tous  les  autres  que  nous  ignorerions 
prefque  totalement  fans  fes  Ecrits. 
Nos  Auteurs  ne  rencontrent  en  leur 
chemin  que  très-peu  d'Hiftoriens  , 
dont  les  plus  remarquables  font 
Eutrope  &  Sévère-  Sulpice.  Les 
Philofophes  &  les  Mathématiciens 
ne  les  occupent  guéres  davanta- 
ge ,  fe  reduifant  chez  eux  à  un  Né- 
potien,  un  Hellefponce,  un  Arbo- 
rius.  De  tant  d'Auteurs  differens,  il 
ne  nous  refte  que  très-peu  d'Ecrits, 
fçavoir  l'Hiftoire  d'Eutrope  ,  celle 
de  Sévère  -  Sulpice  ,  les  Oeuvres 
d'Aufone  ,  &  quelques  Panégyri- 
ques ,  faifant  partie  du  Recueil  qui 
eft  entre  les  mains  de  tout  le  mon- 
de. Mais  [  difent  nos  Auteurs  ]  ce 
n'eft  là  que  la  moindre  partie  des 
productions  de  nos  fçavans  Gaulois 
de  ce  fiécle  ;  Se  ils  travaillent  à 


ES    SÇAVANS, 

nous  en  convaincre  par  le  dénom- 
brement de  celles  de  la  perte  des- 
quelles on  eft  certain  ,  fans  comp- 
ter celles  qui  nous  font  abfolument 
inconnues. 

Il  s'enfuit  des  Obfervatiohs  de 
nos  Auteurs  fur  la  Littérature  des 
Gaulois  en  ce  quatrième  fiécle,  que 
leur  génie  dominant  les  portoit  à 
l'Eloquence  &  à  la  Poëfie.  Mais 
l'une  &  l'autre  fe  trouvoient  fort 
déchues  de  l'état  floriHant  où  elles 
avoient  paru  dans  les  bons  fiécîes. 
Le  genre  d'écrire  qui  fe  foûtint  le 
mieux  (  nous  dit-on)  futl'hiftori- 
que  :  encore  avoit-il  perdu  quel- 
que chofe  de  fon  ancienne  majefté  ; 
&  c'eft  de  quoi  on  allègue  pour 
preuves  Eutrope  &  Sévére-Sulpice. 
L'on  porte  un  jugement  tout  pareil 
fur  le  ftyle  épiftolaire.  Du  refte  ,  la 
Langue  Latine  étoit  encore  [  difent 
nos  Auteurs  ]  la  Langue  Vulgaire 
dans  toutes  les  Gaules  ;  les  femmes 
l'entendoient  &  la  parloient  com- 
me les  hommes  ;  &  il  y  avoit  mê- 
me des  Profelîeurs  publics  pour  la 
Langue  Gréque  dans  la  plupart  des 
grandes  Villes. 

Après  cette  expofition  de  l'état 
où  fe  trouvoit  dans  les  Gaules  la. 
Littérature  profane  pendant  le  qua- 
trième fiécle  -,  nos  Auteurs  nous 
entretiennent  des  avantages  qui  en 
rcfulterent  par  rapport  à  l'Eglife.  La 
Religion  &  l'amour  des  Lettres 
[  difent  -  ils  ]  fe  prêtant  un  fecours 
mutuel  ;  comme  les  Lettres  turent 
alors  plus  noriftantes  que  jamais 
dans  les  Gaules  ,  aufli  l'Eglife  y 
fut-elle  dans  fa  plus  grande  fplen- 
deur.  Les  Villes  coniiderables  qui 


FEVRI 

étoienf  encore  fans  Evêques  ,  en 
eurent  alors  ;  &  le  Chriftianifme 
renfermé  jufques-là  dans  l'enceinte 
des  Villes ,  fe  répandit  dans  la  cam- 
pagne au  long  &  au  large  ;  ce  qu'ils 
juftifient  par  divers  exemples.  L'E- 
glife  Gallicane  étoit  alors  en  fi  gran- 
de réputation  ,  &pour  la  fcience  & 
pour  l'intégrité  de  la  toi ,  que  les 
Donatiftes  d'Afrique  du  parti  de 
Majorin   voulurent  avoir  de  nos 
Evêques  pour  Juges  de  leur  diffé- 
rend avec  Cecilien  de    Carthage. 
Dans  les  deux  Conciles  tenus  pour 
la  décifion  de  cette  affaire ,  l'un  à 
Rome  ,  l'autre  à  Arles  ,  les  Prélats 
Gaulois  firent  le  plus  grand  nom- 
bre.  Sur  ce  pied-là  ,   il  paroît  fort 
étrange  à  nos  Auteurs  que  de  tant 
d'Evêques   célèbres    qui  gouver- 
noient  les  Gaules  ,   il  ne  s'en  foit 
trouvé  qu'un  feul  au  Concile  de 
Nicée  convoqué  onze  ans  après  ce- 
lui d'Arles. 

»  L'Héréfie  d'Arius  (  difent  nos 
»  Auteurs  )  s'effarça  de  répandre 
*  fon  venin  dans  les  Gaules.  Mais 
»  elle  y  trouva  nos  Evêques  munis 
»  contre  fes  traits  empoifonnés ,  & 
»  eut  en  eux  de  puiffans  adverfaires. 
»  A  quelques  uns  près ,  foibles  ou 
»  intereffés  ,  qui  fouferivirent  à 
»  l'erreur,  les  autres  fermes  dans  la 
»  foi ,  &  généreux  dans  fadéfenfe, 
"n'abandonnèrent  jamais  les  inte- 
»  rets  de  la  vérité.  «  Il  faut  pour- 
tant (  ajoutent  -  ils)  en  excepter  la 
chiite  fatale  qu'ils  firent  au  Conci- 
le de  Rimini ,  mais  dont  ils  fe  rele- 
vèrent promptement.  C'eft  fur 
quoi  ils  entrent  dans  un  détail ,  où 
nous  ne  les  fuivrons  pas. 


E   R  ;    1734.  m 

Les  Evêques  des  Gaules  à  peine 
délivrés  des  troubles  de  l'Arianif- 
me  ,  eurent  à  foûtenir  de  nouveaux 
combats  pour   le  maintien    de  la 
vérité,  à  l'occafion  de  l'Héréiîe  des 
Prifcillianiltes  ,  qui  prit  naiflance 
en  Efpagne  fur  la  fin  de  ce  fiécle. 
Ces  Hérétiques  étoient  à  la   fois 
Gnoftiques  ,  Manichéens ,  Marcio- 
nites ,  Sabelliens ,  Photiniens  -,  & 
fous  un  extérieur  mode/te  &  févére 
joignoient  à  l'erreur  dans  le  dogme, 
la  plus  grande  corruption  dans  les 
mœurs.  De  l'Efpagne  cette  Héréfie 
fe  glifia  dans  les  Gaules  &  y  fit 
quelques  ravages.    Mais  ayant  été 
condamnée  au  Tribunal  de  l'Em- 
pereur Maxime  qui  étoit  alors  à 
Trêves  ,  Prifcillien  Se  fes  princi- 
paux Sectateurs  furent  punis  avec 
la  rigueur  que  tout  le  monde  lait  3 
Se  que  procurèrent  Ithace  Se  quel-' 
ques  autres  Evêques  leurs  aceufa- 
teurs.  Cette  févérité  exceflîve  con- 
damnée hautement  par  leurs  Con- 
frères ,  inftruits  que  l'Eglife  a  tou- 
jours eu  en  horreur  l'cffufion  du 
fang  ,    fit  naître  le  parti  des  Itha- 
ciens ,  qui  pour  défendre  la  con- 
duite rigoureufe  tenue  contre  les 
Prifcillianiltes,  excita  d'étranges  di- 
vifions  dans  l'Eglife  des  Gaules  , 
pendant  plus  de  15  ans.  Ithace  Se 
fes  Partifans  poufToient  l'injuitice 
&  la  licence  jufqu'à  taxer  d'héréfie 
les  gens  à  la  feule  vue  ,  Se  à  don- 
ner le  nom  odieux  de  Prifcilliani- 
ltes à  ceux  qui  s'appliquoient  à  l'é- 
tude, ou  qui  menoientune  vie  au- 
ftere  &  pénitente. 

L'Eglife  des  Gaules ,  qui  jufqu'ici 
(  «difent  nos  Auteurs  )  s'étoit  tenue 


lt2       JOURNAL     DE 

en  garde  contre  les  erreurs  étrangè- 
res ,  eut  la  douleur  de  voir  naître 
l'héréfie  dans  fon  propre  fein  vers 
la  fin  de  ce  quatrième  fiécle.  Vigi- 
lance,  le  premier  monftre ,  ditfaint 
Jérôme  ,  que  les  Gaules  ayent  pro- 
duit ,  ferna  plufieurs  erreurs  contre 
la  Religion  ôc  les  pieufes  pratiques 
de  l'Eglife  -,  blâmant  la  profeilion 
de  la  continence  ,  le  refpect  rendu 
aux  Reliques  des  Martyrs  ,  l'ufage 
d'allumer  pour  eux  des  cierges  en 
plein  jour  -,  foûtenant  de  plus  qu'a- 
près la  mort  on  ne  pouvoit  plus 
prier  les  uns  pour  les  autres ,  <Sc  que 
les  miracles  opérés  aux  fépulcres 
des  Martyrs  ,  n'étoient  que  pour 
les  Infidèles  ;  condamnant  enfin  les 
veilles  publiques  dans  les  Eglifes  , 
excepté  la  nuit  de  Pâques ,  &  ceux 
qui  vendoient  leur  bien  pour  le 
diftribuer  aux  pauvres ,  ou  qui  em- 
braffoient  la  vie  Monaftique.  Mais 
cette  Hérélîc  tut  prefqu'aufli  tôt 
étouffée  que  mife  au  jour ,  &  cela 
non  feulement  par  les  Ecrits  de 
S.  Jérôme  &c  parles  foins  des  Pré- 
lats ,  mais  fur-tout  par  les  ravages 
affreux  que  firent  les  Barbares  dans 
les  Gaules ,  au  commencement  du 
cinquième  fiécle. 

Nos  Hiûoriens  terminent  leur 
Difcours  Préliminaire  par  quel- 
ques obfervations  fur  l'Inftitut  de 
l'Ordre  Monaftique  dans  ce  même 
Pays.  Il  y  doit  fon  origine  à  S.  Mar- 
tin ,  depuis  Evêque  de  Tours  ,  qui 
bâtit  un  Monaftere  à  Ligugé  auprès 
de  cette  Ville-là.  Il  y  fit  un  miracle 
éclatant,  en  y  reffufcitantun  moit; 
&C  la  célébrité  de  ce  Monaftere 
continua  dans  les  fiécies  fuivans , 


S     SÇAVANS; 

qui  en  virent  fortir  quelques  gens 
de  Lettres.  S.  Martin  devenu  Evê- 
que ,  bâtit  à  une  demi  -lieue  de 
Tours  un  fécond  Monaftere  ,  qui 
eft  aujourd'hui  la  célèbre  Abbaye 
de  Marmoutier  ,  &  qui  devint  une 
pépinière  d'Evêques ,  &  une  Ecole 
pour  la  Littérature.  Tout  le  travail 
desSolitaires  o'ybornoit  à  copier  des 
Livres.  Delà  ,  comme  d'une  ruche 
féconde  (  difent  nos  Auteurs  )  for- 
tirent  pluiieurs  Moines  ,  qui  fe  ré- 
pandirent de  tous  cotez. 

Pour  venir  maintenant  au  corps 
hiftorique  de  cette  féconde  Partie , 
nous  en  uferons  comme  nous  avons 
fait  par  rapport  à  l'Hiftoire  Litté- 
raire des  trois  premiers  fiécies  dé- 
duite dans  la  première  Partie.  C'cft- 
à-dire  que  nous  prendrons  çà  &  là 
quelques  articles  intereffans  pour 
le  Public  &  pour  les  Auteurs,  par 
quelques  nouvelles  découvertes;  Se 
en  les  lui  faifant  connoître  plus 
particulièrement,  nous  le  mettrons 
à  portée  de  fe  former  une  idée  plus 
jufte  du  refte  de  l'Ouvrage. 

i.  Parmi  les  monumens  qui  com- 
pofent  le  Supplément  à  la  Biblio- 
thèque des  Pères  (  de  Lyon  )  fe 
trouve  un  petit  Poème  d'un  Auteur 
Anonyme  fous  ce  titre  de  Laudibus 
Domini.  Nos  Auteurs  font  perfua- 
dés  que  cet  Ouvrage  appartient  à 
un  Ecrivain  Gaulois  ;  Se  que  félon 
toutes  les  apparences  ,  ce  Poëtc 
étoic  d'Autun  ou  du  voihnage. 
Deux  raifons  leur  paroiffent  mettre 
la  chofe  hors  de  doute  :  i°.  La  def- 
cription  qu'il  fait  de  ce  Pays-là  : 
z°.  Le  trait  d'hiftoire  qui  femble 
lui  avoir  fourni  i'occafion  de  com- 
pofes 


F  E  V  R  I 

pofer  fon  Poëme.  Ce  trait  d'Hiftoi- 
tc  rapporté  prefque  avec  les  mêmes 
circonstances     par     Grégoire     de 
Tours  plus  de  200  ans -après,  con- 
cerne le  mariage  de  S.  Rétice  Evê- 
que d'Autun  avant  fon  Epifcopat , 
éc  la  merveille  arrivée  à  làfépultu- 
re  ,   lorfqu'étant  inhumé  dans  le 
même  tombeau  avec  l'on    époufe 
morte  long-tems  avant  lui ,  celle-ci 
étendit  la  main  vers  le  corps  de  fon 
époux   &  donna  des  lignes  de  vie  , 
félon  l'Anonyme ,  au  lieu  que  fé- 
lon Grégoire  de  Tours,  ce  fut  faint 
Rétice  qui  reprit  fes  efprits  pour 
annoncer  à  fon  époufe  leur  réu- 
nion.  Sur  quoi  nos  Auteurs  obfer- 
vent  que  l'Anonyme  cft  plus  croya- 
ble que  l'Evêque  de  Tours ,  puif- 
que  le  premier  étoit  contemporain 
ou  prefque  contemporain  de  S. Ré- 
tice ;  comme  en  tont  foi  deux  traits 
de  fon  Poëme  ■-,  l'un  qu'en  racon- 
tant cette  hiftoire  miraculcufe,  il 
en  parle  comme  la  fçachant  par  lui- 
même  ou  de   témoins  oculaires  -, 
Conjugiurn   memini   fumma    pietaie 
fideque  :  l'autre  qu'il  y  hit  mention 
de  Conftantin   le   Grand  comme 
nouvellement  victorieux,  fans  dou- 
te de  Licinius.   Du  récit  merveil- 
leux de  la  fépulture  de  S.  Rétice , 
l'Anonyme    prend     occafion    de 
loiier   les    autres    merveilles    que 
Dieu  a  fait  éclater  dans  la  création 
du  monde  ,   dans  l'Incarnation  du 
Verbe ,  dans  la  Refurrcction  des 
morts ,  &c.  d'où  ce  petit  Poëme 
d'environ   160   vers  hexamètres  a 
reçu  fon  titre  des  Louanges  du  Sei- 
gneur. Cette  Pièce  de  Poëfie ,  mal- 
gré les  rautes  des  Copiftes }  ne  laif- 
Fevrier. 


E  R,    1734.  115 

fe  pas  (  s'il  en  faut  croire  nos  Au- 
teurs )  d'offrir  des  beautez  qui  ne 
font  pas  indignes  des  bons  fiécles. 
Le  Lecteur  en  jugera  par  les  fix  vers 
de  l'Exorde  tranfciits  dans  ce  Vo- 
lume. Voilà  donc  un  Ecrivain  re- 
vendiqué à  nosGauiois  par  les  foins 
de  nos  Auteurs. 

2.  Il  ne  tient  pas  à  eux  que  l'Evê- 
que nommé  Paul  allégué  par  Gen- 
nade  comme  Auteur  d'un  Traité 
fur  la  Pénitence  dont  le  but  étoit 
de  ne  pas  jetter  par  trop  de  rigueur 
les  pénitens  dans  le  dcfefpoir  -,  ne 
foit  Paul  Evêque  de  Paris.  Outre  la 
convenance  du  nom  ci  de  la  digni- 
té ,  celle  des  tems  s'y  trouve  toute 
entière.  On  le  compte  pour  le  fep- 
tiéme  Evêque  de  Paris  depuis  Saint 
Denys.  Il  aîhfta  au  Concile  de  Paris 
tenu  en   361.  Le  fujet  traité  dans 
l'Ouvrage  dont  il  s'agit,  convenait 
merveilleufementauxcirconftanccs 
de  ce  tcms-là ,  où  les  maximes  ou- 
trées de  Lucifer  Evêque  de  Cagliari 
tendoient  à  taire  autant  de  defefpe- 
résqu'ily  avoit  de  pénitens.  De  ce 
principe,  étendu  &,  développé  par 
diverfes  reflexions  ,  nos  Hiitoricns 
concluent  que  de  tous  les  Evêqucs 
du  quatrième  fiécle  nommés  Paul 
on  n'en  connoît  point  à  qui  l'on 
puiife  attribuer  plus  légitimement 
ce  Traité  de  la  Pénitence  ,  qu'à 
Paul  Evêque  de  Paris.   Or  que  ce 
Paul  cité  par  Gennade  foit  du  fié- 
cle où  le  placent  nos  Auteurs ,  la 
preuve  s'en  tire  de  ce  que  ,  malgré 
quelques   négligences  de  cet  Ecri- 
vain quant  à  l'ordre  chronologique; 
les  38   premiers  Chapitres  de  fon 
Catalogue  ne  renferment  que  des 
P 


ïï4         JOURNAL    D 

Auteurs  qui  ont  fleuri  dans  le  qua- 
trième fiécle  ,  &c  que  l'Ecrivain 
donc  il  eft  queftion  fait  le  fujet  du 
31e  Chapitre.  Aloûtez  à  cela  que 
Gennade  a  drefTé  fon  Catalogue 
principalement  pour  v  faire  entrer 
les  Ecrivains  Ecclefiaftiques  des 
Gaules  ,  comme  iui  étant  plus  con- 
nus. 

3.  Nos  Hiftoriens  s'appliquent 
encore  à  prouver  que  le  Sabbatins 
dont  parle  Gennade,  eft  le  même 
queS.Servais  Evêque  deTongres,& 
par-là  ils  enrichirent  le  Catalogue 
de  nos  Ecrivains  de  l'Eglife  Gallica- 
ne. Voici  leurs  preuves.  i°.  Gennade 
le  qualifie  Evêque  de  cette  même 
Eglife.  20.  Le  nom  de  Sabbat  tus 
qu'il  lui  donne  ,  eft  à  une  lettre 
près  vifiblement  le  même  que  Sar- 
ïattus  j  que  chacun  fçait  n'être  pas 
différent  de  Servatius.  30.  Gennade 
le  place  parmi  les  Ecrivains  du 
quatrième  fiécle  ',  parlant  de  lui 
dans  fon  15e  Chapitre.  40.  La  ma- 
tière traitée  dans  l'Ouvrage  de  Sab- 
batius ,  où  il  s'agit  de  réfuter  les 
erreurs  de  Valentin  ,  de  Marcion  , 
d'Aetius  8c  d'Eunomius  ,  étoit  des 
p  us  convenables  au  quatrième  fic- 
elé 5c  nommément  à  Saint  Servais 
comme  défenfeur  de  la  Confub- 
ftantialité  du  Verbe  ,  dont  l'Ouvra- 
ge traitoit. 

4.  S.  Phébade  Evêque  d'Agen  , 
l'un  des  plus  illuftres  Prélats  de 
l'Eglife  Gallicane  ,  dans  ce  quatriè- 
me fiécle  ,  &  des  plus  zélés  défen- 
feurs  de  la  foi  Catholique  contre 
les  Ariens ,  ne  fe  borna  pas  à  ia 
foûtenirde  vive  voix  -,  il  le  fit  en- 
core  par  fes  Ecrits.  Des  divers  Ou- 


ES    SÇAVANS, 

vrages  qu'il  com-pofa  J  &  dontfaint 
Jérôme  cependant  n'avoit  lu  qu'un 
feulcn  392.  il  ne  nous  refte ,  fui- 
vant  l'opinion  commune ,  que  ce- 
lui-là ,  qui  eft  un  Traité  contre  les 
Ariens  ,  où  il  réfute  la  féconde  for- 
mule de  Sirmich  ,  établit  le  Myfte- 
Te  de  la  Trinité  ,  relevé  l'autorité 
des  Pères  de  Nicée  5  foiitient  qu'il 
n'y  a  en  Dieu  qu'une  Subfiance ,  & 
qu'il  faut  conferver  ce  terme  & 
celui  de  Confttbftamiel ,  retranché  de 
la  ieconde  formule  qu'il  combat. 
A  cet  unique  Ouvrage  univerfelle- 
ment  reconnu  pour  être  de  S.  Phé- 
bade ,  nos  Hiftoriens  entrepren- 
nent d'en  joindre  un  fécond  ,  &  de 
le  reftiruer  à  cet  Evêque  ,  comme 
à  fon  véritable  Auteur  ,  malgré  les 
fentimens  oppofés  de  ceux  qui  onc 
cru  devoir  l'attribuer  à  divers  au- 
tres Ecrivains. 

Cet  Ecrit ,  quoique  latin  ,  eft  le 
49e  Difcours  entre  ceux  de  S.  Gré- 
goire de  Nazianze.  On  l'a  regardé 
comme  une  traduction  faire  par 
Pvutfin  fur  l'Original  Grec.  D'au- 
tres l'ont  pris  pour  un  Ouvrage  de 
S.  Ambroife.  Des  Critiques  plus 
rahnés ,  dans  le  dernier  fiécle,  l'ont 
ôté  à  ces  deux  Pères  de  l'Eglife 
pour  le  donner  ;  les  uns ,  comme 
le  P.  Chifflet ,  à  Vigile  de  Tapfe  ; 
les  autres ,  comme  le  P.  J^uepid 
à  Grégoire  d'Elvire.  Les  railons  qui 
paroifient  appuyer  ces  différentes 
opinions ,  ne  font  au  jugement  de 
nos  Auteurs,  que  de  iimples  con- 
jectures ,  dont  la  plus  forte  ,  en 
apparence  ,  ne  tient  pas  contre  les 
argumens  de  nos  Hiftoriens. 

Ceux-ci ,   après  l'avoir  refutée  , 


F  E  V  R  I 

vienne  nt  aux  preuves ,  qui  a  (Turent 
à  S.  Phébade  la  pofleflîon  de  l'Ou- 
Vrage  dont  il  s'agit.  Elles  font  au 
nombre  de  cinq.  i°.  L'Anonyme 
dit  qu'il  y  avoir  déjà  long-tems  , 
qu'il  avoit  publié  un  autre  Ecrit 
contre  les  Ariens  ;  ce  qui ,  pris  à  la 
lettre  ,  ne  peut  s'appliquer  à  Gré- 
goire d'Elvire  ,  &  convient  parfai- 
tement à  S.  Phébade.  i°.  Le  ftyle  de 
l'Ecrit  contefté  cil  précifément  le 
même  que  celui  du  Traité  de  Saint 
Phébade,  quant  aux  termes,  quant 
au  tour  &  à  la  force  du  raifonne- 
ment ,  &i  quant  à  la  manière  de  ci- 
ter 1  Ecriture.  30.  A  cette  unifor- 
mité du  ftyle  répond  celle  de  la 
doctrine.  Il  fuffit  ,  pour  en  être 
convaincu  ,  de  confronter  la  fécon- 
de colonne  de  la  303t  page  du  pre- 
mier Traité  avec  1a  3  5  5e  du  fécond. 
40.  L'Ecrit  contefté  fuppofe  vi(l- 
blementle  premier  de  S.  Phébade, 
&  ne  tend  uniquement  qu'à  l'é- 
claircir  ,  comme  l'Anonyme  le 
déclare  lui  -  même  :  caraclérifant 
ce  premier  Ecrit  par  des  traits ,  qui 
ne  permettent  pas  de  le  méconnoî- 
tre.  50.  Enfin  ,  dans  l'un  &  dans 
l'autre  Ecrit,  c'eft  le  même  Auteur 
qui  combat  les  mêmes  adverfaires , 
qu'il  a  foin  de  peindre  avec  les  mê- 
mes couleurs ,  c'eft-à-dire  comme 
des  Hérétiques  aheurtés  à  proferire 
le  terme  àefubflunce ,  plutôt  parce 
que  fa  lignification  les  incommode 
que  parce  qu'il  n'exifte  point  dans 
l'Ecriture^  de  habiles  à  féduire  les 
fimples  par  l'emploi  artificieux 
qu'ils  font  de  quelques  cxpreflîons 
orthodoxes. 

Nos    Hiftoriens   par    PAnalyfc 


E  R  ;    r  7  5  4.  1 1  y 

exade  qu'ils  nous  offrent  de  ces 
deux  Ecrits  S:  par  la  compara: ljn 
qu'ils  font  de  l'un  &  de  l'autre 
achèvent  de  donner  à  leur  fenri- 
ment  toute  la  vraifemblance  dont 
il  eft  fufceptible.  Nous  y  renvoyons 
les  Le&eurs. 

ç.  Nos  Auteurs  non  contens  de 
reftituer  à  la  Gaule  divers  Ecrivains 
Ecclefiaftiques  ,  lui  revendiquent 
de  plus  l'Hiftorien  Eutrope.  Deux 
opinions  ont  jufqu'ici  (  dit  on  )  par- 
tagé les  Sçavans  fur  la  Patrie  de  cet 
Auteur.  Les  uns  ont  cru  qu'il  étoit 
de  Conftantinople  ou  Grec  de  na- 
tion :  les  autres  en  ont  fait  un  So- 
phifte  Italien.  On  prétend  ici  qu'il 
étoit  de  même  Pays  que  Jule-Au- 
fone  père  du  Poète  de  ce  nom 
c'eft-à-dire  ou  de  Bourdeaux,  ou 
de  quelque  autre  endroit  de  l'A- 
quitaine du  côté  dû  Bafas  :  ce  qu'on 
appuyé  du  témoignage  du  Méde- 
cin Marcel  l'Empirique.  Symma- 
que  ,  ami  particulier  d'Eutrope 
(  pourfuit  on  )  confirme  ce  fenti- 
ment ,  en  difant  que  celui  ci  avoit 
des  terres  contigué's  à  celles  du 
Conful  Aufone  fils  de  Jule.  Il  eft 
vrai  que  le  Texte  de  Symmaque  eft 
conçu  en  ces  termes  :  Aufomus  vir 
Confularis  ,  admirator  tuus  ,  feriptg 
ex  Afia  nuper  alUto  ,  mutilari  ngros 
fuos ,  qui  tuis  eonjunguntur ,  accevit. 
Mais ,  outre  qu'Aufone  dont  tou- 
tes les  terres  étoient  (îtuées  en  Sain- 
tonge  Se  près  de  Bafas ,  n'auroit  pu 
apprendre  d'Afie  qu'on  cnvahilfoit 
une  partie  de  fes  terres  ;  il  paroît 
par  la  fuite  ,  qu'Eutrope  ,  à  qui 
Symmaque  mande  cette  particula- 
rité ,  étoit  lui-même  alors  en  Allé  ; 
Pij 


iï<J  JOU  RN  AL   D 

d'oùileft  vifible  qu'il  faut  lire  dans 
ce  Texte  ex  Aitfci*  ,  d'Auch  Mé- 
tropole de  Bafas  ,  &C  non  pas  ex 
Aji.i. 

Les  fept  Lettres  de  Symmaque 
écrites  à  Eutrope  fournilTent  à  nos 
Auteurs  diverlcs  reflexions  qui 
vont  à  confirmer  la  propofition 
qu'ils  viennent  d'établir  touchant 
la  vraye  patrie  de  cet  Ecrivain  ,  de 
même  qu'à  faire  connoître  fon  fça- 
voir  éniinent ,  fes  divers  emplois 
<k  fes  Ouvrages  ;    fur  quoi  nous 


ES    SÇAVANS, 

paflons  d'autant  plus  légèrement  ~ 
que  nous  en  avons  parlé  avec  alTcs 
d'étendue  dans  notre  Journal 
d'Aouft  (  1731.)  à  l'occafionde  la 
nouvelle  édition  de  cet  Auteur 
procurée  à  Lcyde  par  les  foins  de 
M.  Havercamp  :  en  forte  qu'en  joi- 
gnant ce  que  nous  en  avons  dit  alors 
à  ce  que  nous  en  apprennent  ici 
nos  fçavans  Hiftoriens  Littéraires  , 
il  reliera  peu  de  chofe  à  fouhaiter 
pour  l'entier  éclairciflement  de  ceï 
article. 


FEVRIER,     1734; 


117 


ERUM  ITALICARUM  SCR1PTORES,  &c. 
C'eft-  A  -  dire  :  Recueil  des  Ecrivains  de  ÏHiftoire  d' 'Italie  ,  depuis  l'an 
^00.  jhfeju' a  l'an  1500.  par  M.  Muratori  ',  Tome  X  F.  A  Milan  ,  parla 
Société  Palatine.  1729.  in-fol.  col.  1136'. 


CE  VOLUME  fera  d'autant 
mieux  reçu  qu'aucunes  des 
Pièces  qui  le  compofent  n'avoient 
point  encore  paru.  Elles  font  au 
nombre  de  neuf  :  la  première  eft 
une  Chronique  de  Sienne  écrite  en 
Italien  par  André  Dei  &  continuée 
par  Agnolo-Tura.  On  en  eft  rede- 
vable aux  recherches  de  M.  Hubert 
Benvoglienti  Patrice  Sicnnois. 
Comme  il  eft  très-veifé  dans  l'Hi- 
ftoire  de  fon  Pays ,  il  a  bien  voulu 
accompagner  fon  Manulcrit  de 
notes  curieufes.  qui  font  prefques 
aufîî  étendues  que  l'Ouvrage  même 
fur  lequel  elles  font  faites. 
"  On  les  trouvera  ici  avec  uneef- 
pece  de  Préface  qu'il  a  compofée 
fur  les  Hiftoriens  de  fa  Patrie  qu'il 
a recueillis ,  &  qui  paroîtront  avec 
fon  agrément  èc  félon  leur  rang 
dans  les  Tomes  fuivans  de  ce  Re- 
cueil. M.  Benvoglienti  obferve  que 
depuis  la  farr  mfe  perte  qui  ravagea 
l'Italie  en  1348.  la  plupart  de  ceux 
qui  en  ont  écrit  l'Hiftoire,  fontob- 
feurs  6v  embarrafTés  dans  leur  ftile. 
Avant  ce  tems ,  dit-il }  nos  Hifto- 
riens étudioient  les  Livres  Proven- 
çaux ,  mais  dans  la  fuite  ils  s'atta- 
chèrent au  tour  de  laLangue  Latine; 
&  le  goût  que  ceux  mêmes  qui  ai- 
moient  leur  Langue  naturelle  pri- 
rent pour  la  Scolaftique  acheva  de 
les  gâter  &  de  leur  faire  perdre  cet 
«ir  aifé  &  naturel  qui  regnoit  au; 


paravant  dans  leurs  Ecrits.  Les 
ignorans  furent  alors  pour  ainfi  di- 
re lesfeulsqui  fçuftent  écrire  agréa- 
blement en  Italien.  Ce  qu'il  prou- 
ve par  l'exemple  du  Dante  &  de 
plufieurs  autres  Sçavans  qui  ont 
elTayé  avec  peu  de  fuccés  d'écrire 
en  leur  langue  fur  des  matières 
fublimes  &  élevées.  Mais  la  plupart 
de  ceux  qui  fe  picquoient  d'érudi- 
tion voulurent  aufli  que  leurs  Ou- 
vrages fuiïent  lus  par  les  gens  d'ef- 
prit  &  de  fçavoir,  c'eft  ce  qui  les 
détermina  à  compofe*  plutôt  en 
Latin  qu'en  Italien. 

Or  comme  la  Chronique  d'An- 
dré Dei  commence  en  l'an  1187.& 
finit  à  l'an  1352.  &  qu'ainfi  elle  a 
été  écrite  au  jugement  des  bons 
connoiiïeurs  dans  un  tems  où  l'Ita- 
lien étoit  dans  fa  pureté ,  on  efpc- 
re  qu'elle  fera  autant  recherchée 
pour  la  beauté  du  langage  que  pouï 
la  vérité  de  l'Hiftoire. 

La  féconde  Pièce  de  ce  Volume 
qui  eft  aufli  une  Chronique  de 
Sienne  vient  encore  de  M.  Benvo- 
glienti. Elle  va  depuis  l'an  1352. 
jufqu'à  l'an  1381.  l'Auteur  s'y  qua- 
lifie de  Neri  fils  de  Donat  Ligrittie- 
re  ou  Rigattiere  3  félon  la  dialecte 
desFlorentins,mot  qui  revient  à  ce- 
lui de  Rcgratier  ou  de  Fripier  en 
François.  Cependant  on  voit  dans1 
cette  Chronique -là  même  que  le 
père  de  Néri  avoit  été  du  ConfeU' 


n8  JOURNAL    D 

des  douze  qui  étoient  pour  lors  les 
premiers  Magiftrats  de  Sienne.  Il 
faut  donc  fe  reffouvenir  que  dans 
ces  tems  là  le  Peuple  &  les  Arufans 
étoient  admis  au  gouvernement  de 
Sienne.  C'eft  pourquoi  ceux  qui 
vouloient  y  avoir  part  fe  trou  voient 
pour  lors  dans  l'obligation  d'exer- 
cer quelque  profeffion  mécanique 
ou  du  moins  d'en  prendre  le  titre. 
On  voit  en  effet  dans  les  Monu- 
mens  de  l'Hiftoire  de  Sienne  des 
Fripiers  parvenus  au  premier  degré 
de  la  Magistrature  ,  &  encore  au- 
jourd'hui dans  les  Procédions  fo- 
lemnelles  ils  y  marchent  les  pre- 
miers après  les  Parfumeurs. 

Ce  qu'il  y  a  du  moins  de  certain, 
c'eft  que  Néri  n'étoit  pas  homme 
de  Lettres  ,  &  qu'il  avoir  encore 
moins  de  goût ,  outre  que  fon  ftile 
eft  fimple  Se  grolîîer  ,  il  a  tard  fa 
Chronique  d'une  infinité  de  faits  h 
bas  &c  Ci  ridicules  que  M.  Muratori 
a  été  contraint  d'en  retrancher  une 
grande  partie  ,  Se  que  malgré  cela 
il  appréhende  qu'on  ne  lui  reproche 
d'avoir  eu  trop  d'indulgence  pour 
fon  Auteur. 

3°.  Une  Chronique  d'Eft  conte- 
nant les  actions  des  Marquis  d'Eft. 
Elle  vient  de  differcnsAuteursAno- 
nymes ,  mais  contemporains.  On 
ne  doit  point  être  furpris  de  voir 
M.  Muratori  revenir  Ci  fouvent  à 
tout  ce  qui  peut  contribuer  à  la 
gloire  des  Princes  de  ce  nom.  11  eft 
Ré  leur  fujet  ,  Se  depuis  le  tems 
qu'il  eft  attaché  au  Duc  de  Modene 
en  qualité  de  Bibliothécaire  ,  il  a 
reçu  tant  de  marques  de  fa  libérali- 
té Se  de  fa  protection  ,  fur  -  tout 


E  S  SÇAVANS, 

pour  achever  ce  grand  Ouvrage  J 
qu'il  fe  croit  obligé  de  chercher 
toutes  les  occafions  de  faire  éclater 
fa  reconnoiffince.  Ainii  quoiqu'il 
eût  déjà  montré  dans  fes  Antiqui- 
tez  de  la  Maifon  d'Eft  qu'il  publia 
en  1717.  que  cette  illuftre  &:  an- 
cienne famille  étoit  inconteftable- 
ment  la  tige  de  la  Branche  Royale 
des  anciens  Ducs  de  Saxe  Se  de  Ba- 
vière ,  aujourd'hui  Ducs  de  Brunf- 
Wic  ,  Electeurs  de  l'Empire  ,  & 
régnante  en  Angleterre  dans  laper  • 
fonne  de  George  II.  Se  que  dans  les 
Tomes  précedens  il  eut  encore 
donné  quelques  morceaux  où  l'on 
trouve  beaucoup  de  chofes  qui  ont 
rapport  à  l'Hiftoire  des  Princes  de 
cette  Maifon  ,  cependant  fon  zélé 
n'étoit  point  encore  fatisfait  ,  mais 
jl  a  eu  enfin  le  bonheur  de  trouver 
une  ancienne  Chronique  qui  rem- 
plit prefque  tous  fes  delîrs. 

Elle  renferme  à  la  vérité  l'Hi- 
ftoire de  Ferrare  Se  des  Villes  voiiî- 
ncs  ;  mais  comme  elle  contient 
au  (11  les  actions  des  anciens  Princes 
de  la  Maifon  d'Eft,  il  a  cru  pouvoir 
lui  donner  le  nom  de  Chronique 
d'Eft.  Elle  s'étend  depuis  l'an 
1101.  jufqu'à  l'an  1393.  il  nous 
promet  encore  deux  differens  Hi- 
ftonens  de  cette  même  Maifon ,  en 
forte  qu'on  en  trouvera  dans  ce 
Recueil  une  Hiftoire  complette  de- 
puis l'an  1  zoo.  jufqu  à  nos  jours. 

11  avertit  au  refte  que  lorfquc 
fous  l'année  1 09  c.  l'Auteur  de  cet- 
te Chronique  parle  de  la  divilion 
de  la  famille  d'Eft  en  différentes 
branches,  il  mêle  quelquefois  le 
faux  avec  le  vrai ,  mais  on  y  verra 


H  VRIE 

du  moins ,  ajoute  - 1  -  il ,  que  dans 
tous  les  rems  on  n'a  jamais  oublié 
qu'une  branche  de  la  Maifon  d'Eft 
avoir  pris  racine  dans  l'Allemagne. 
Ce  qui  arriva  en  effet  fous  le  Ne- 
veu de  Guelphon  IV.  Duc  de  Ba- 
vière. Or  ce  Guelphon  qui  avoit 
pour  père  Azon  II.  grand  Marquis 
d'Italie  ,  tut  la  Souche  de  la  Royale 
Maifon  des  Ducs  de  Brunfwic  , 
comme  Fulcon  fou  frère  &  fils  du 
même  Azon  &  Hugues  Princes  du 
Mans  furent  la  Souche  des  Marquis 
d'Eft  environ  vers  l'an  r  o  7  o. 
les  anciens  Ferrarois  fçavoient  à  la 
vérité  qu'un  Prince  de  la  Maifon 
d'Eft-  s'étoit  établi  en  Allemagne , 
mais  ils  ne  connoiiToient  pas  ce 
Guelphon,  &  ils  ignoroient  même 
la  divifîon  de  la  Maifon  d'Eft  en 
Italie  dans  les  defccndans  de  Ful- 
con &  de  Hugues.  M.  Muratori 
renvoyé  ceux  qui  voudraient  de 
plus  grands  éclairciffemens  fur  cet- 
te matière  au  Chapitre  1.  Se  3e  de 
fes  Antiquitez  de  la  Maifon  d'Eft. 

40.  Une  Chronique  de  Modene 
depuis  l'an  1002.  jufqu'à  l'an  1363. 
paT  Jean  de  Bazano  de  Modene  , 
Auteur  contemporain.  L'Editeur 
prévoit  qu'il  y  aura  fans  doute  des 
gens  qui  ne  confultant  que  leur 
propre  goût,  fouffriront  impatiem- 
ment qu'on  publie  tant  d'Hifto- 
riens  de  Villes  particulières ,  dans 
lefquels  on  trouve  ordinairement 
les  mêmes  faits  répétés  ,  &r  où  l'on 
ne  voit  que  des  chofes  qui  ayent 
rapport  au  13  ,  14  &  15e  fiécle  , 
tandis  qu'il  vaudroit  mieux  éclair- 
cir  l'Hiftoire  des  tems  plus  reculés,, 
&  principalement  de  ceux  qui  ont 


précédé  le  dixième  fiécle  ,  mais  il 
efpere  en  même  tems  que  les  bons 
Juges  ne  penferont  pas  de  même. 
Il  montre  d'un  côté  qu'il  n'rft  pas 
coupable  de  n'avoir  donné  qu'un  Ci 
petit  nombre  d'Auteurs  anciens  , 
puifqu'il  n'eft  pas  en  fon  pouvoir 
de  les  tirer  des  ténèbres  dans  lef- 
quelles  ils  font  enfevélis  ;  Se  de 
l'autre  que  le  public  ne  peut  que 
gagner  au  foin  qu'il  prend  d'arra- 
cher ceux  qui  reftent  encore  aux  in- 
jures du  tems.  Ainfî  quoiqu'on  foit 
expofé  par  là  à  relire  plufieurs  fois 
les  mêmes  faits  ,  comme  ils  font 
comptés  avec  différentes  circon- 
ftances  ,  Se  avec  plus  ou  moins  d'é- 
tendue ,  on  eft  beaucoup  plus  en 
état  de  former  un  jugement  fain 
fur  la  vérité  de  ces  mêmes  faits , 
Si.  fur  l'ordre  des  tems  où  ils  font 
arrivés. 

Au  refte  ,  continue  -t-  il ,  fila 
plupart  des  Hiftoires  qui  paraî- 
tront dans  la  fuite  ,  ou  qui  ont  déjà 
paru  dans  les  Tomes  précedens  ne 
roulent  que  fur  des  évenemens  ar- 
rivés pendant  les  3  &  4e  fiécles  qui 
ont  précédé  l'an  1500.  on  doit  fe 
refTouvenir  que  depuis  l'entrée  des 
Lombards  dans  l'Italie  ,  il  n'y  a 
point  eu  de  tems  plus  fécond  en 
évenemens ,  Se  par  confequent  où 
le  grand  nombre  d'Hiftoriens  foit 
plus  utile  ,  la  plupart  des  Villes 
d'Italie  furent  obligés  de  paroître 
de  tems  en  tems  fur  la  Scène  dans 
les  cruelles  Tragédies  qu'enfante- 
rent  les  fadions  des  Guelphes  &  des 
Gibellins.  Au  lieu  que  fi  quelqu'un 
aujourd'hui  entreprenoit  en  parti- 
culier l'Hiftoire  de  ces  mêmes  Vil- 


lao  JOURNAL  D 

les  depuis  ioo  ans  ,  il  manqueroit 
bien-tôt  de  matière  ,  puifqu'au  mi- 
lieu de  la  tranquillité  qui  a  régné 
depuis  ce  tems-là ,  à  peine  les  Ca- 
pitales ,  &c  à  plus  forte  raifon  les 
Villes  moins  confiderables  ,  peu- 
vent-elles fournir  aucun  événement 
qui  foit  remarquable  &  digne  de 
l'Hiftoire. 

Ainfi  quoique  M.  Muratori  ait 
donné  dans  l'onzième  Tome  de  ce 
Recueil  les  anciennes  Annales  de 
Modéne  ,  avec  encore  une  autre 
Pièce  qui  a  rapport  au  même  fujct , 
il  préfume  cependant  que  cette 
Chronique  de  Jean  de  Bazano  auftî- 
bien  que  les  Pièces  de  même  genre 
qu'il  fe  propofe  de  publier,  ne  dé- 
plairont point  aux  Amateurs  de 
l'Antiquité.  Ce  qui  rend  cette 
Chronique  plus  précieufe  ,  félon 
l'Editeur ,  c'eft  qu'on  y  trouve  non 
feulement  l'Hiftoire  de  Modéne  , 
mais  encore  celles  des  Villes  voifi- 
nes  écrite  par  un  homme  qui  vivoit 
dans  le  quatorzième  iîéclc  ,  Se  qui 
parle  fouvent  comme  témoin  ocu- 
laire :  du  refte  on  ne  fçait  rien  de 
particulier  de  cet  Hiftorien  ,  mais 
on  nous  allure  qu'il  ne  manque  ni 
d'exa&itude  ni  de  jugement  ,  &c 
qu'il  s'explique  avec  liberté.  Nous 
n'en  apporterons  cependant  pas 
pour  preuve  la  manière  dont  fous 
l'année  1347.  il  raconte  l'expédi- 
tion de  Louis  Roi  de  Hongrie  dans 
le  Royaume  de  Naple. 

50.  Des  Epheméndes  d'Orviette 
en  Italie  depuis  l'an  1341-  jufqu'à 
l'an  1563.  par  un  Auteur  Anony- 
me. Ces  Ephémérides  font  très  dif- 
férentes   des  Annales    d'Orviette 


ES  SÇAVANS; 

cm'on  a  \ucs  dans  le  douzième  To- 
me de  ce  Recueil.  Les  unes  &  les 
autres  contiennent  à  la  vérité  l'Hi- 
ftoire des  Monaldefchi  qui  ont  été 
long-tems  Souverains  d'Orvietrei 
mais  dans  les  premières  on  fort  de 
l'enceinte  de  cette  Ville  ,  &c  on  y 
trouve  beaucoup  de  chofes  fur  l'Hi- 
ftoire générale  d'Italie  ,  au  lieu  que 
ces  Epheméndes  font  uniquement 
renfermées  dans  ce  qui  regarde  les 
Monaldefchi ,  Se  dans  lesdivihons 
que  l'ambition  des  Seigneurs  de  cet- 
te famille  ht  naître  parmi  leshabi- 
tans  d'Orviette. 

L'Editeur  reconnaît  encore 
qu'on  y  trouvera  des  détails  frivo- 
les ,  &  peu  de  faits  capables  d'at- 
tacher le  Lecteur  ,  à  l'exception 
peut-être  de  ceux  qui  concernent  la 
légation  du  Cardinal  Albornos ,  &C 
l'arrivée  d'Urbain  VIII.  mais  mal- 
gré la  fecherefte  qui  règne  dans  cet 
Ouvrage  ,  foit  pour  le  fonds  des 
chofes  ,  foit  pouv  la  manière  de  les 
dire;  il  ne  doute  point  que  l'Hi- 
ftoire particulière  des  Villes  ,  & 
même  les  Fragmens  de  ces  Hiftoi» 
rcs  ne  doivent  neceiïairement  en- 
trer dans  un  Ouvrage  où  l'on  fe 
propofe  de  raftembler  tous  les 
Hiftorier.s  d'Italie  qui  ont  paru 
dans  les  liécks  barbares ,  ce  font 
des  pierres  grolTieres  &  mal  polies 
qui  font  une  partie  eflentielle  de  ce 
grand  Edifice,  cV  fans  lesquelles  il 
ne  pourroit  avoir  ni  la  folidité  ni  la 
grandeur  qui  lui  conviennent.  Ce- 
pendant tout  intérieur  qu'eft  cet 
Anonyme  aux  Villani ,  pour  la  pu- 
reté du  langage,  on  ne  le  juge  point 
indigne  de  tenir  fon  rang  par- 
mi 


FEVRIE 

mi  les  Hiftoriens  qui  dans  le  qua- 
torzième fiécle  ont  écrit  en  langue 
vulgaire. 

6°.  L'Hiftoire  de  la  Guerre  de 
Chiozza  entre  les  Vénitiens  &  les 
Génois  depuis  l'an  1 378.  Se  les  fui- 
vans  ,  compofée  en  Italien  par  Da- 
niel de  Chinazzo  de  Trevife. 

Sur  la  fin  du  quatorzième  fiécle 
la  R.  P.  de  Gêne  ,  François  Carra- 
ra  l'ancien,  Prince  de  Padoiie  ,  & 
plufieurs  autres  s'étant  ligués  en- 
semble contre  la  Republique  de 
Venife  ,  il  s'éleva  alors  une  guerre 
dont  les  principaux  évenemens  fe 
palTerent  auprès  de  Chiozza.  Elle 
fut  fanglinte  &  opiniatre,mais  plus 
le  péril  des  Vénitiens  y  fut  grand, 
plus  auflî  on  admira  la  fagefte  avec 
laquelle  ilsavoient  fçû  conjurer  une 
tempête  fi  terrible. 

Barthelmi  Facio  de  l'Etat  de 
Gênes  avoit  déjà  compofé  l'Hiftoi- 
jre  de  cette  guerre  environ  l'an 
I450.  &  fon  Ouvrage  fut  imprimé 
à  Lyon  en  1568.  mais  comme  il 
parle  de  chofes  qui  n'étoient  pas  de 
Ion  tems ,  &  qu'il  n'avoit  point  eu 
lesfecours  neceffaires  pour  en  être 
bien  inftruit ,  c'eft  avec  juftice  que 
Laurent  Valle  l'acaife  d'avoir  man- 
qué d'exactitude  &  de  jufteffedans 
fes  récits.  Chinazzo  par  la  raifon 
contraire  eft  fi  exa£t  &  C\  détaillé 
dans  tout  ce  qu'il  rapporte, qu'il  en 
devient  quelquefois  puérile  &  mê- 
me ennuyeux  :  mais  il  faut ,  dit  M. 
Muratori  ,  pardonner  ce  défaut  à 
un  Auteur  qui  fe  croit  obligé  de 
nous  mettre  la  Scène  entière  fous 
les  yeux  ,  &  lui  tenir  compte  d'une 
candeur  aimable  &c  d'un  goût  fincé- 
Fevrier. 


R-  »   17  34"  121 

re  pour  la  vérité  qui  le  rend  inaccef- 
fible  aux  illufions  de  l'efprit  de 
parti. 

Deux  chofes  pourroient  cepen- 
dant rendre  cet  Ouvrage  fulpecT: 
aux  Critiques  délicats  ,  c'eft  qu'on 
y  trouve  Bernabo  -  Vifonty  ,  Sei- 
gneur de  Milan  t  &  Amedée  Com- 
te de  Savoye  qualifiés  de  Ducs ,  ti- 
tre que  le  premier  n'a  jamais  porté, 
&qui  a  été  donné  beaucoup  plus 
tard  aux  Comtes  de  Savoye.  Mais 
l'Editeur  conjecture  que  ce  mot  de 
Duc  fe  fera  gliffé  dans  l'Hiftoire  de 
Chinazzo  par  l'ignorance  ou  par  k 
hardieffe  des  Copiftes.  Peut-être 
auffi ,  comme  il  eit  arrivé  plufieurs 
fois  ,  que  la  flatterie  aura  prodigue 
à  Bernabo  &  au  Comte  Amedée  le 
titre  de  Duc  ,  quoiqu'ils  n'eulfent 
point  pour  lors  le  droit  de  le  por- 
ter. 

70.  Un  Poé'me  de  Gorelli  Notai- 
re d'Arezzo  ,  contenant  ce  qui  s'eft 
pafle  de  remarquable  dans  cette 
Ville  depuis  13 10.  jufqu'en  1384. 

M.  Muratori  eft  vivement  affli- 
gé de  n'avoir  pu  trouver  jufqu'à 
prefent  aucun  Ouvrage  confidera- 
ble  fur  l'Hiftoire  d'une  Ville  auffi 
illuftre  qu'Arezzo.  Le  Poème  qu'il 
publie  aujourd'hui  pour  la  premiè- 
re lois,  tout  imparfait  qu'il  eft, 
peut  apprendre  du  moins  quelle 
étoit  la  iituation  de  cette  Ville  au 
quatorzième  fiécle  ,  &  les  maux 
qu'elle  fonffrit  des  divifions  qui 
s'élevèrent  parmi  fes  Citoyens  3 
divifions  qui  finirent  par  la  perte 
de  leur  liberté  ,  &  qui  les  ahujet- 
tirent  au  joug  des  Horentions , 
l'Auteur  en  parle  comme  témok 
CL 


iaa  JOURNAL  D 

cculaire  ,  mais  il  nous  apprend  peu 
de  chofes  de  lui-même.  Le  titre  de 
Ser  qu'on  lui  donne  ,  qui  étoit  af- 
fecté aux  Notaires ,  fait  conjecturer 
qu'il  en  avoit  fait  la  fonction  dans 
fa  Patrie.  Ce  qui  n'empêche  pas 
qu'il  ne  fut  d'une  famille  noble  , 
car  alors  cetrs  profeffion  étoit  très- 
compatible  avec  la  NoblefTe.  La 
réputation  que  le  Dante  acquit  par 
l'on  Poème ,  qui  eft  rempli  de  mo- 
numens  hiftoriques  ,  fit  naître  à 
Gorclli  le  deiir  de  l'imiter  ;  ce  fut 
par  cette  raifon  qu'il  écrivit  en  ce 
que  les  Italiens  appellent  terza  rima 
ou  tercets.  Mais  c'eft  le  feul  point 
par  lequel  il  refîemble  au  Dante. 
Ses  vers  font  durs ,  fes  penfées  obf- 
cures  &  fes  expreffions  n'ont  rien  de 
poétique.  Cependant  comme  il  eft 
l'unique  Hiltorien  d'Aiezzo  qui 
nous  refte  ,  on  eft  encore  fort  heu- 
reux de  l'avoir. 

8°.  Une  Chronique  de  Rimini , 
par  un  Anonyme  ,  depuis  l'an  1188. 
jufqu'à  l'an  1385.  Se  continuée  de- 
puis ce  tems  par  un  autre  Anony- 
me jufqu'à  l'an  1452.  C'eft  du 
moins  la  conjecture  de  M.  Murato- 
ri ,  qui  croit  y  voir  ,  à  la  différence 
du  ftile  ,  au  moins  deux  Auteurs. 

La  famille  des  Malatefti  qui  2 
pofledé  la  Souveraineté  dans  plu- 
lieurs  Villes  méridionales  delà  met 
Adriatique  ,  <k  en  particulier  à  Ri- 
mini ,  où  elle  a  régné  jufqu'à  la  fin 
du  quinzième  fiécle  ,  eft  fi  illuftre 
&c  fi  connue  dans  l'Italie ,  qu'on 
verra  avec  plaifir  fon  Hiftoire  dans 
selle  de  Rimim  &  des  Villes  voiû- 


ES  SÇAVANS, 

nés,  car  tel  eft  le  but  de  cet  Ouvra- 
ge ,  le  ftile  en  eft  bas  &c  l'Italien 
allez  corrompu.  Cependant  l'E- 
diteur a  jugé  à  propos  de  nous 
le  donner  avec  tous  fes  défauts, 
à  la  referve  feulement  de  quel- 
ques changemens  qu'il  a  cru  de- 
voir faire  dans  l'ortographe  qu'il 
a  rectifiée. 

9°.  Des  Monumens  de  la  Ville 
de  Pife  depuis  l'an  1089.  jufqu'à 
l'an  1  3 g^.  par  un  Anonyme.  M. 
Muratori  prouve  par  plufieurs  en- 
droits de  cet  Ouvrage  même  qu'il 
a  été  compofé  dans  le  quatorzième 
fiécle  ,  ou  du  moins  avant  que  les 
Aragonois  fulîent  maîtres  du 
Royaume  de  Naples» 

L'Auteur  étoit  de  la  Faction  Gi- 
belline  cV  très-attaché  aux  Gamba- 
corta  qui  dominoient  pour  lors  à 
Pife.  C'eft  tout  ce  qu'on  fçait  de 
cet  Ecrivain.  A  l'égard  de  fon  Ou- 
vrage ,  on  nous  affure  à  l'ordinaire 
que  la  lecture  n'en  fera  ni  défagréa- 
ble  ni  inutile  à  ceux  qui  fouhaitent 
s'inftruire  de  l'ancienne  Hifloire 
des  Pifans  :  on  avertit  néanmoins 
qu'on  doit  le  lire  avec  précaution 
dans  tout  ce  qui  regarde  la  Chro- 
nologie ,  &  que  d'ailleurs  il  faudra 
continuellement  fe  reflouvenir 
qu'un  Auteur  fent  toujours  l'an- 
cienne Ere  des  Pifans  qui  anticipe 
de  neuf  mois  fur  l'Ere  vulgaire  3 
enforte  que  le  15  de  Mars  de  l'an- 
née 1729.  dans  laquelle  l'Editeur 
écrivoit  ceci ,  on  comptoit  déjà  à. 
Pife  l'an  113e. 


FEVRIER,  i7J  +. 


12$ 


NOVVELLES .    LITTERAIRES, 


ITALIE. 


De  Venise. 


LE  P.  Mijfori  a  fait  imprimer  ici 
le  Traité  où  il  prétend  prou- 
ver que  les  deux  fameufes  Lettres 
de  S.  Firmilien  &  de  S.  Cyprien 
contre  le  Décret  du  Pape  Etienne 
fur  le   Baptême  des  Hérétiques , 
font  faufTement   attribuées   à   ces 
deux  Saints  ,   &  qu'elles  ont  été 
fuppofées  par  les  Donatiftes.  Cet 
Ouvrage  Latin  eft  intitulé  :  In  duas 
celeberrimas  Epiftolas  SS.  Firmiliani 
&  Cypriani  adverfus  Decretum  S. 
Stephani  Papa   I.  de  non  herando 
Haretworum  Bapttfme  Difputationes 
Criticx  ,  quitus  unam  &  alteram  a 
Donatiftisfuijfe  confiBam  ,  nunc  pri- 
mo demonjlrat  F.  Raymundus  Mif- 
forius ,  Francifcanus  Conventualis , 
Sec.  Venetiis  s    apud  Francifcum 
Pitterium  ,  173  3. /«-40. 

Sebaftien  Coleti  vient  de  mettre 
en  vente  la  Traduction  Latine  du 
Traité  Hiftorique  publié  en  Fran- 
çois par  feu  M.  Grancolas  Dodeur 
de  la  Faculté  deThéologie  de  Paris, 
fur  le  Bréviaire  Romain.  Commen- 
tarius  Hiftoricus  in  Romanum  Brevia- 
num  ,  qHïJîmià  aliarum fîngularium 
Ecclefiarurn  ,  précipite  vero  Breviarii 
Panfîcnfîs  Rims  expltcantur.  Auclore 
3.  Grancolas  nunc  vero  è  G /illico  La. 
tine  redditus .  1 7  3  4.  in-  40, 


De    Vérone. 

J.  Albert  Tumerviani  t   Libraire 
de  cette  Ville ,  a  donné'une  jolie 
édition  /».«•.  des  Poëfies  Italiennes 
de  M.  Rolli ,  fous  ce  titre  :  Rime  di 
Paolo  Rolli  Compagno  délia  Reale  So- 
cieta  in  Londra ,  V  Acclamato  neW  A- 
cademia  de  gl' Internat i  in   Siena 
Academico  Quirino  e  Paftor  Arca- 
de in  Rama.   1733.    Cette  édition 
contient  plufieurs  Pièces  qui  ne  fc 
trouvent  pas  dans  l'édition  de  Lon- 
dres, publiée  par  l'Auteur  en  ijzj. 
Le  même  Libraire  a  achevé  d'im- 
primer &  débite  aux  Soufcripteurs 
le  Traité  du  Sublime  de  Longin  avec 
le  Texte  Grec  &  la  Traduction  en 
Latin  ,  en  Italien  &  en  François  fur 
quatre  colomnes. /«-4e'.  1733. 

De  Milan. 

Euclides  ab  omni  ntvo  vindicatus: 
Jive  conatus  Geometrkm  cjuo  ftabi- 
liuntur  prima  if  fa  unherfe  Geome- 
trU  principia.  Auclore  Hieronymo 
Saccherio  Societatis  ]efu  in  Tici- 
nenfVniverfitate  Mathefeos  Prof  effa- 
re. Opufculum  Ex""  Senatui  Medio- 
lanenfi  ab  Atttlore  dicatum.  1 73  3 .  ex 
TypograpbiaPauli-Antonu  Montani, 

ANGLETERRE. 
De   Londres. 
On  propofe  ici  d'imprimer  par 

a* 


i24       JOURNAL     DE 

Soufcription  les  Ouvrages  fuivans  : 
i°.  Une  nouvelle  Traduction  en 
A  nglois   du    Dictionnaire    de  M. 
B  ayle,  entreprife  par  une  Société  de 
ge  nsde  Lettres  ;  on  y  doit.faire  des 
au  "mentirions  confiderables    ,    Se 
to  u  t  l'Ouvrage  fera  en  fix  vol.  infol. 
on  en  publie  tous  les  mois  20  feuil- 
les qui  coûtent  trois  fchelings  Se 
demi. 

2°.  Le  fécond  Volume  du  Livre 
du  feu  Dodeur  Burnet  ,  Evêquede 
Salifiury  ,  qu'il  a  intitulé  Hijloire  de 
fort  tems.  C'eftaux  foins  de  M.  Tho- 
mas Burnet ,  Avocat  au  Temple  ,  Se 
fils  de  l'Auteur  ,  que  le  public  eft 
redevable  de  cette  édition.  Ce  nou- 
veau Volume  fera  de  la  même  fer- 
me que  le  précèdent ,  Se  imprimé 
de  même.   La  foufeription  eft  de 
deux    liv.  'fterlings  dix   fchelings 
pour  le  grand  papier   ,  Se  de  25 
fchelings  pour  lepapicr  ordinaire. 
30.  Un  Recueil  des  Offices  publics 
de  l'Eglife  Grecque  ,  en  Grec  Se  en 
Anglois  ,  fur  deux  colomnes ,  par 
M.  B.  Caffa.no ,  Prêtre  Grec  Se  Cha- 
pelain de  l'Ambaffadeur  de  la  Cza- 
jrine  à  Londres. 

L'Ouvrage  fera  /»-4°.  Se  le  prix 
de  1a  Soufcription  eft  de  20  fche- 
lings ,  dont  on  en  paye  dix  en  fouf- 
crivant  Se  les  dix  autres  en  recevant 
l'exemplaire. 

M.  Sbaiv,  Docteur  en  Médecine, 
a  donné  une  nouvelle  édition  en  2 
Vol.  i»-8°.  de  la  Géographie  de  Va- 
renhis ,  avec  les  additions  Se  les 
changemens  de  M.  Neivton  Si  de 
Meilleurs  Jurin  Se  Dugdale. 

"W.  Innys  ,  R.  Manby  ,  J.  Clarke 
débitent  The   Lives  ofthe  Roman 


S     SÇAVANS; 

Poets ,  Sec.  Les  Vies  des  Poètes  La- 
tins, contenant  une  Hiftoire  Criti- 
que de  leuis  Ouvrages  :  par  M, 
Crufius  ,  ci  -  devant  Membre  du 
Collège  de  S.  Jean  ,  à  Cambridge. 
;»-4°.  2.  Vol. 

Philofophical  Effays  on  varions 
fubjets ,  Sec  C'eft  -  à  -  dire,  Effays 
Philofophiques  fur  divers  Sujets  -, 
fçavoir  ,  l'Efpace ,  la  Subftance  ,  le 
Corps ,  l'Efprit ,  les  Opérations  de 
l'Ame  durant  fon  union  avec  le 
corps ,  les  Idées  innées  ,  le  Senti- 
ment perpétuel  de  ce  qui  fc  paffb 
en  nous,  le  lien  Se  le  mouvement 
des  Efprits ,  le  départ  de  l'Ame  ,  la 
refurrection  du  Corps,  la  produc- 
tion Se  les  opérations  des  Plantes  Se 
des  Animaux.  Avec  quelques  re- 
marques fur  l'Effay  de  M.  Locke 
touchant  l'entendement  humain,  à 
quoi  l'on  a  joint  un  Syftême  abrégé 
à  Ontologie  5  ou  de  la  Science  de 
l'Etre  eu  général  Se  de  fes  proprie- 
tez.  Par/.  \V.  chez  E.  Ford  Se  R. 
Hett.  in  8°. 

Obfervations  ttpon  the  Prophecies 
of  Daniel  :  Remarques  fur  les  Pro- 
phéties de  Daniel  Se  furl'Apoca- 
lypfe  de  S.  Jean.  Par  M.  lfaac 
Newton.  Chez  J.  Darby  Se  Th., 
Brown.  1733.  ««-4". 

HOLLANDE. 

D'A  MSTÏRBAM. 

J.  Wetflein  Se  G.  Smith  ont  ache- 
vé d'imprimer  les  deux  premiers 
Tomes  du  Recueil  intitulé  :  Thé- 
saurus Morellianus  ,Jive  Familiarum 
Romanamm  Numifmata  omma  ,  ds- 


'    F  E  V  R  I 

îigentifflme  undique  cenquifita  ,  ad 
ip forum  mtmmorum  fdtm  accuratiffi- 
mè  delmeata  &  juxta  ordincm  F.Vr- 
fim  &  C.  Fatint  difpofita  h  celeber. 
Antiquario  And.  Mortllio  :  accedunt 
Nummi  MifceUanci ,  XJrbis  Roma , 
Hifpanici  &  Goltziani  dubia  fidei 
onmes  ,  mwc  primiim  edid.it  &  Com- 
memario  perpetuo  illuftravit  Sigcb. 
Avercarnpus  3  in-fol. 

Les  deux  derniers  Volumes  de 
cet  Ouvrage  qui  rcftent  à  impri- 
mer, ne  tarderont  pas  à  paroîrre. 

Les  mêmes  Libraires  débitent  ac- 
tuellement la  nouvelle  &  magnifi- 
que Edition  des  Avantttres  de  Thé- 
lémaqite.  in-fol.  &  in-40.  à  laquelle 
on  avoit  travaillé  depuis  pluheurs 
années.  Elle  a  été  faite  avec  tcut  le 
foin  poliîble  furie  manuferit  origi- 
nal qui  a  été  communiqué  par  M. 
Je  Marquise  Fcnelon ,  Amballa- 
deur  du  Roi  à  la  Haye  3  petit  neveu 
de  l'illuftre  Auteur.  Ce  Volume  tft 
embelli  de  24  grandes  tailles-  dou- 
ces gravées  par  les  plus  habiles 
Maîtres,  outre  un  portrait  de  l'Au- 
teur, &.'  un  frontifpice  du  deflein 
de  feu  B.  Ficart ,  avec  des  vignettes 
Se  des  culs-de-lampes  à  la  tête  &  à 
la  fin  de  chaque  Livre. 

FRANCE. 

De     Paris. 

Rollin  fols }  Quai  des  Auguftins , 
a  S.  Athanafe  ,  a  achevé  d'impri- 
mer &  a  mis  en  vente  l'Hifloire  des 
Révolutions  d'Efpagne ,  depuis  la  de- 
rtrudtion  de  l'Empire  desGothss 
jufqu'à  l'entière  &  parfaite  réunion 


des  Royaumes  de  Caftille  &  d'Ar- 
ragon  en  une  feule  Monarchie  ,  par 
le  P.  Jofeph  A'Orleans ,  de  la  Com- 
pagnie de  Jefus ,  revue  &.'  publiée 
par  les  Pères  Rouillé  6c  Brnmoy  3  de 
la  même  Compagnie.  1734.  in-40. 
trois  vol. 

Adùnoires tresfidéles  &  trés-exaUs 
des  expéditions  militaires  qui  je  font 
faites  en  Allemagne  ,  en  Hol/anae  & 
ailleurs  depuis  le  Traité  d'Aix-la- 
Chapelle  ,  jufqu'à  celui  de  Nimegue 
aufquelson  a  joint  la  Relation  de  la 
Bataille  de  Senefpar  M.  Leprince  3 
&  quelques  autres  Mémoires  fur  les 
principales  actions  qui  fe  font  paf- 
fées  durant  cette  guerre.  Par  un  Offi- 
cier diftingué.  Chez  Briaffon  ,  rue 
S.  Jacques  ,  à  la  Science.  1734. 
«9-12.  deux  vol. 

Inftrutlwns  Chrétiennes  &  Mora- 
les fur  les  Sacremens.  Avec  quelques 
Inftruclicns  Jurles  Indulgences  &  ]u- 
bile'^>  &  les  bons  ufages  des  maladies. 
Chez  Ch.  J,  B.  "Delefpine  fils,  rue 
S.  Jacques ,  vis  -  à  -  vis  la  rue  des 
Noyers ,  à  la  Vicloire.  1734.  in- 1 2. 
Prix  propofé  par  l'Académie  de 
Chirurgie  pour  l'année  1  "?  3  4. 

»  L'Académie  de  Chirurgie  éta- 
»  blie  à  Paris  fous  la  protection  du 
»  Roi,  délirant  contribuer  aux  pro- 
m  grès  de  cet  Art  &  à  l'utilité  publi- 
»  que  ,  propofe  pour  le  Prix  de 
»  l'année  1734.  le  fujet  fuivant. 

Déterminer ,  dans  chaque  genre  de 
Maladies  Chirurgicales  ,  les  cas  oit  il 
convient  de  pan  fer  fréquemment  & 
ceux  oit  il  convient  de  fanfer  rare- 
ment. 

»  Ceux  qui  travailleront  pour  le 
»  Prix ,  font  invités  à  fonder  leurs 


ii6       JOURNAL   DE 

»  raifonncmens  fur  la  pratique  :  on 
»  les  prie  d'écrire  en  François  ou 
»  en  Latin  ,  autant  qu'il  fe  pourra, 
»&  d'avoir  attention  que  leurs 
»  écrits  foient  forts  liflbj.es. 

»  Us  mettront  à  leur  Mémoire 
»  une  marque  diftiniftive  ,  comme 
h  Sentence  ,  Dcvife  ,  Paraphe  ou 
»  Signature  ;  &c  cette  marque  fera 
»  couverte  d'un  papier  blanc  collé 
»  ou  cacheté  ,  qui  ne  fera  levé 
m  qu'en  cas  que  la  Pièce  ait  rempor- 
3*  té  le  Prix. 

»  Ils  adrelTeront  leurs  ouvrages 
»  francs  de  port ,  à  M.  Morand  , 
»  Secrétaire  de  l'Académie  de  Chi- 
»»  rurgie  à  Paris  -,  ou  les  lui  feront 
»  remettre  entre  les  mains. 

»  Les  Chirurgiens  de  tout  Pays 
»i  feront  admis  à  concourir  pour  le 
»  Prix  ;  on  n'en  excepte  que  les 
"  Membres  de  l'Académie. 


5    SÇAVANS. 

»Le  Prix  eft  une  Médaille  d'or 
»  de  la  valeur  de  deux  cens  Livres , 
»>  qui  fera  donnée  à  celui  qui  au  ju- 
wgementde  l'Académie,  aura  fait 
»  le  meilleur  Mémoire  fur  le  fujer 
wpropofé. 

»  La  Médaille  fera  délivrée  - 
»  l'Auteur  même  ,  qui  fe  fera  coa- 
>♦  coître  ,  ou  au  Porteur  d'une  Pxo- 
a  curation  de  fa  part  ;  l'un  ou  l'au.- 
»  tre  reprefentant  la  marque  diftin- 
»  clive  ,  avec  une  copie  nette  du 
»  Mémoire. 

n  Les  ouvrages  ne  feront  reçus 
h  que  jufques  au  dernier  jour  de 
j>  l'année  1734.  inclufivement. 

»  L'Académie  à  fon  aflembléc 
»  publique  de  173  5.  qui  fe  tiendra 
»  le  Mardi  d'après  la  Trinité,  pro- 
»  clamera  la  Pièce  qui  aura  mérite 
»  le  Prix. 


TABLE 

Des  Articles  contenus  dans  le  Journal  de  Fev.  1774. 

MEmoires  de  Littérature  ,  tirés  des  Regiftres  de  l'Académie  Royale  des 
Infcriptiens  ,  &c  Tome  Vlll.  page  6j 

Hiftoire  Vmverfelle  ,  depuis  le  commencement  du  monde  jufqu'à  pre[ent)  &c. 
Tome  I.  85 

Suite  des  Eloges  des  Académiciens  de  l'Académie  Royale  des  Sciences }  &c. 

90 
Dijfertation fur laFriSlion  ,   &c.  ioj 

Hiftoire  Littéraire  de  la  France  ,  &c.  Tome  I.  Partie  II.  108 

Recueil  des  Ecrivains  de  l' Hiftoire   d Italie ,  &c.  Tome  XV.  117 

Niuvelles  Littéraires ,  123 


Fin  de  la  Table. 


L  E 

JOURNAL 

SCAVANS, 

FOUR 

VANNEE     M.    DCC.     XXXIT» 

MARS. 


A      PARIS, 

Chez    CHAUBERT,    à  l'entrée   du  Quay   des 

Auguftins,  du  côté  du  Pont  Saint  Michel,  à  la 

Renommée  &  à  la  Prudence. 

M.    DCC.  XXXIV~ 
AVEC  APPROBATION  ET  PRIVILEGE  DU  ROY. 


LE 


JOURNAL 

DES 

SCAVANS 

MARS   M.  DCC.    XXXIV. 

SYSTEME  TIRE'  DE  V ECRITURE  SAINTE  SVR  LA  DVRE'E 

du  Monde  }  depuis  le  premier  Av;n;ment  de  J.  C.  jufejn"à  la  fin  desfiècles. 
1733.  A  Paris,  chez  Huart}  rué'  S.  Jacques ,  à  la  Juftice.  in-n.  pp.367. 
fans  la  Table  des  matières. 


ON  avoiie    dans  une  courte 
Préface  qu'on  a  mife  à  la  tête 
de  cet  Ouvrage,que  l'idée  en  paroi- 
tra  neuve  &  finguliere  ;  mais  on  ef- 
perc  que  cette  ûngularité-là  même 
Mars. 


picquera  davantage  l'attention  du 
Lecteur.  Avant  que  d'entrer  en 
matière  on  examine  (<.".  1.  )  s'il  eft 
permis  de  rechercher  dans  l'Ecritu- 
re Sainte  le  tems  de  la  durée  du 
Rij 


ijo       JOURNAL    DE 

Monde  ,  &  on  prouve  que  les  Percs 
en  ont  donné  les  premiers  l'exem- 
ple :  à  l'égard  des  Textes  de  l'Evan- 
gile où  J .  C.  dit  que  le  jour  &  l'heu- 
re de  fin  dernier  avènement  n'efi  con- 
nu que  de  Dieu  feul  ,  &  celui  de3 
A6tes  des  Apôtres  ,  où  il  dit  à  fes 
Difciples  fur  le  point  de  monter 
au  Ciel  ,  qu'il  ne  leur  appartient 
point  de  connoître  les  momens  que 
Dieu  a  mis  en  fa  puijfance  ;  on  fait 
voir  qu'ils  n'emportent  pas  une 
défenfc  abfolue  de  rechercher  dans 
les  Livres  Saints  la  circonftance  du 
tems  de  ce  grand  Avènement. 

On  convient  cependant  »  qu'il 
»  n'y  adans  l'Ecriture  aucunes  révé- 
»  lations  affez  formelles  ni  allez  im- 
»  médiates  pour  obliger  de  croire 
s»  que  la  fin  du  monde  arrivera 
»  après  un  certain  nombre  d'années 
»  fixe  6\:  déterminé;  que  l'Eglife  n'y 
»»  en  reconnoît  pas  même  de  média- 
»  tes  &  de  virtuelles ,  telles  que  la 
»  Théologie  demande  pour  en  ti- 
»  rer  une  conclufion  Théologique. 
j>  Maison  ne  craint  point  d'avancer 
»  qu'il  n'ell  pas  moins  certain  que 
»  l'Eglife  a  toujours  reconnu  dans 
»  les  Livres  Saints  quelques  révéla- 
»  tions  implicites  ,  &:  obfcures  ,  de 
wla  circonftance  du  tems  où  doit  ar- 
*»  river  ce  dernier  Avènement,  c'eft- 
»à-dire  desTextcs  oùce  dernier  ave- 
n  nement  fe  trouve  défigné  par  des 
«indices  qui  le  doivent  préceder,ex- 
s»  primé  fous  des  emblèmes  &  des 
=•  allégories  ,  enveloppé  dans  des 
»  nombres  fymboliques  de  jours  & 
j»  d'années  qui  ayent  été  ou  la  me- 
»  fure  de  la  durée  de  quelque  ope- 
»  ration  de  Dieu  extérieure  &  fen- 


S     S  Ç  A  V  A  N  S  ; 

»  fible  ,  ou  que  le  S.  Efpric  aitem- 
»  ployé  ,  foit  dans  les  Prophètes , 
»pour  défigner  le  tems  de  ce  grand 
"événement  en  défi^nant  celui  de 
»  quelque  événement  qui  en  ait  été 
«la  figure,  foit  dans  la  Loi  pour 
*>  fixer  le  tems  de  la  célébration  de 
»  certaines  fetes  établies  par  l'ordre 
»  de  Dieu  pour  le  fignifier. 

Mais  comme  des  figures  obfcu- 
res ,  des  allégories  cachées  ,  des 
fymboles  enveloppes  &  des  combi- 
naifons  arbitraires  de  jours  &  d'an- 
nées ne  peuvent  jamais  former  une 
preuve  bien  complette  ,  nous  n'a- 
vons garde  d'oublier  que  l'Auteur 
avoiie  que  tout  homme  de  bon* 
fens  n'aura  jamais  la  vaine  préfom- 
ption  quelque  découverte  qu'il  aie 
faite,de  croire  avec  certitude  avoir 
trouvé  précifément  le  tems  de  la 
durée  du  monde  ,  moins  encore  le 
jour  &  l'heure  de  fa  fin. 

Il  avertit  encore  qu'il  met  une 
grande  différence  entre  dire  com- 
me il  le  fait  dans  fon  Syftême ,  que 
le  monde  durera  2401  depuis  le 
premier  Avènement  de  J.  C.  juf- 
qu'au  fécond  ,  &  dire  que  l'année 
où  on  comptera  2401  an  depuis  ce 
premier  Avènement  (  à  quelque 
époque  qu'on  veuille  le  fixer)  fera 
celle  du  fécond.  Cette  première 
durée  pourroit  être  connue  avec 
certitude  ,  5c  le  tems  précis  où  les 
2401  an  feront  révolus ,  être  igno- 
ré. 

ïl  faudroit  pour  le  connoître 
qu'on  pût  fçavoir  fùremcnt  que  les 
années  qui  précéderont  i'avene- 
ment  de  J.C  font  des  années  folai- 
res  ou  lunaires  ;  calculer  jufte  le 


M  A  R 

tems  écoulé  depuis  &  avant  J.  C. 
pour  entreprendre  de  fixer  le  jour 
8c  l'heure  aufquels  la  hra  du  monde 
arrivera  ,  il  feroitnccetfiire  de  Ra- 
voir précisément  ,  fi  c'efl  du  pre- 
mier jour  de  la  création  ,  ou  du 
huitième  qu'on  doit  commencer 
à  fupputer  la  durée  du  monde  ;  fi 
ce  jour  a  commencé  au  matin  ,  à 
midi ,  ou  au  foir.  Il  y  auroit ,  ajoû- 
te-t-il  ,  de  l'extravagance  à  croire 
qu'on  pût  avoir  une  connoiflanec 
parfaite  de  toutes  ces  chofes  dont 
la  plupart  ne  peuvent  être  connues 
que  de  Dieu  fcul. 

Ainfi  l'Auteur  penfe  précifément 
comme  le  faint  Prêtre  Ezechius 
qui  croyoit  à  la  vérité  avoir  trouvé 
dans  l'Ecriture  le  tems  de  i'avene- 
ment  de  J.  C.  mais  qui  étoit  en 
même  tems  trop  modefte  pour 
ofer  déterminer  l'année  &  le  mois 
précis  où  la  fin  du  monde  devoit 
arriver.  S.  Auguftin  ,  àquiilavoit 
fait  part  d;  cette  découverte ,  bien 
loin  de  le  condamner  ,  lui  marque 
qu'il  lui  fera  un  fenfible  plaifir  de 
lui  communiquer  fes  penfées  fur 
cette  matière ,  &  les  raifons  fur  lef- 
quelles  il  fe  fonde.  Hoc Jijamcom- 
prehendijii  ,  id  rogo  benigms  imper- 
tias ,  adhibens  idonea  dscumenta  qui- 
bm  id  potueris  indagare. 
L'Auteur  ayant  montré  par  toutes 
ces  raifons  &  par  plufieurs  autres 
qu'on  verra  dans  l'Ouvrage  même, 
que  fonentreprife  n'a  rien  de  té- 
méraire ,  qu'elle  eft  digne  d'un 
Théologien  itudieux  &  très  -  con- 
forme à  i'efprit  de  pieté  &  de  Reli- 
gion ,  protefte  d'ailleurs  qu'il  ne 
s'eft  déterminé  à  donner  fon  Syftê- 


S;    175  4-    "  **i 

me  que  dans  les  mêmes  vues  que 
l'Apôtre  S.  Paul  avoit  en  écrivant 
fa  féconde  Epître  aux  ThciTaloni- 
ciens  ,  c'eftà-dirc  pour  empêcher 
ou  diflïper  les  imprefllons  de  crain- 
te &c  de  frayeur  que  tant  d'Ecrits 
qui  ont  paru  depuis  quelque  tems 
pourroient  faire  ou  avoir  déjà  fait 
fur  les  cfprits  trop  crédules  aux  foi- 
bles  idées ,  que  les  Auteurs  y  don- 
nent de  la  proximité  de  ce  grand 
jour.  S'il  a  ie  malheur  de  fe  trom- 
per 3  en  le  reculant  encore  de  705 
ans  ,  il  a  du  moins ,  dit  il ,  la  con- 
fblation  de  feavoir  de  S.  Auguftin 
que  fon  erreur  n'a  rien  que  d'heu- 
reux 3  èc  qu'elle  eft  à  l'abii  des  in- 
conveniens  de  ceux  qui  le  fixent  à 
un  tems  moins  éloigné  ;  il  fe  flatte 
même  qu'après  la  lecture  de  fon 
Ouvrage  ,  on  conviendra  qu'il  y  a 
du  moins  beaucoup  de  probabilité 
dans  ce  qu'il  avance ,  &  que  nous 
ne  touchons  point  encore  à  la  fin 
des  fiécles. 

Après  avoir  ,  dans  le  premiei 
Chapitre  ,  préparé  les  efprits  à  re- 
cevoir fon  Syftême  ,  l'Auteur  com- 
mence à  l'expofcr  dans  le  fécond ,  il 
pofe  pour  principe  que  la  fin  du 
monde  doit  être  le  commence- 
ment du  grand  &  éternel  repos 
dans  lequel  J.  C.  entrera  alors ,  & 
fera  entrer  fes  Elus.  Que  tous  les 
repos  fanétifiés  ,  commandés  aux 
Juifs  dans  leur  Loi  étoient  des  figu- 
res du  moins  imparfaites  des  deux 
Avenemens  de  J.  C.  Il  remarque 
quelesreposdontl'obfervanceétoic 
le  plus  rigoureufemenï  preferite 
aux  Juifs  ,  étoient  fixés  au  nombre 
de  feptiéme ,  foit  de  jouis  t  foit  de 


i$2  JOURNAL    D 

femaines,  foit  de  mois  ,  foit  d'an- 
nées ;  &  de  la  différence  qui  fe 
trouve  entre  les  autres  repos  des 
Juifs  ,  Se  ceux  de  la  Pentecôte  Se 
du  Jubilé  ,  il  en  conclut  qu'ils 
étoient  des  figures  plus  exprefles , 
Se  plus  formelles  des  deux  Avene- 
mens  de  J.  C.  »  11  montre  enluite 
t>  que  les  fept  femaines  d'années 
»  qui  fe  comptoient  d'un  Jubilé  à 
»  l'autre  ,  n'étoient  pas  moins  la 
»»  figure  du  tems  écoulé  depuis  une 
»  certaine  époque  ,  jufqu'au  pre- 
»mier  Avènement  du  Meifie  ,  & 
>j  de  l'intervalle  qui  doit  fe  trouver 
m  depuis  ce  premier  Avènement 
»  jufqu'au  fécond  ,  que  le  Jubilé 
n  étoit  la  figure  de  l'un  &  de  l'au- 
»tre. 

Or  par  le  premier  Avènement 
de  J.  C.  on  ne  prétend  point  enten- 
dre ici  le  tems  de  faNaiffance, 
mais  conformément  à  la  prophétie 
de  Daniel  qui  fert  de  baze  à  tout  le 
Syftême ,  on  entend  celui  de  l'épo- 
que de  l'établiffement  de  fon  règne 
dans  l'Eglife  en  qualité  de  Chef  du 
Peuple  de  Dieu  ;  établilfement 
que  l'on  doit  fixer  fuivant  les  ter- 
mes de  cette  prophétie  à  l'année  38 
de  fon  Incarnation  qui  eft  l'année 
qui  fuivit  immédiatement  l'expira- 
tion des  70  femaines  de  Daniel  . 
dont  la  dernière  au  milieu  de  la- 
quelle J.  C.  eft  mort ,  finifloit  à  la 
57e.  Si  on  lui  objeéte  que  les  Pères 
qui  conviennent  tous  comme  il  le 
fait  voir  (  chapitre  9  )  que  la  Pen- 
tecôte Se  le  Jubilé  des  Juifs  étoient 
de  parfaites  figures  du  premier  Se 
du  fécond  Avènement  de  J.  C.  fi 
on  lui  objecle  ,  disje  ,  que  ces  mê- 


ES    SÇ  A  VAN  S, 

mesPdes  »  fe  contentent  de  don- 
»  ner  de  gr.mds  éloges  au  nombre 
»  de  fept  comme  avant  de  mifte- 
»  rieufes  lignifications, fans  en  faire 
»  l'application  à  une  durée  de  tems 
»  fixe  &  déterminée  qui  dût  pré- 
»  céder  les  évenemens  que  le  nom- 
»  bre  de  50  figuroit  :  »  l'Auteur 
répond  i°.  qu'il  fe  peut  faire  qu'il 
ne  leur  foit  pas  venu  en  penfée  de 
rechercher  la  durée  du  tems  que 
ces  fept  femaines  qui  précedoient 
le  nombre  de  50  ,  pouvoient  ligni- 
fier ,  Se  en  fécond  lieu  qu'on  peut 
attribuer  leur  filence  fur  une  matiè- 
re fi  digne  de  leurs  recherches  ,  à 
l'incertitude  de  la  Chronologie  de 
l'Hiftoire  Sainte  qui  n'étoit  point 
perfectionnée  de  leur  tems  comme 
elle  l'a  été  depuis  Se  particulière- 
ment dans  les  deux  derniers  fiécles. 
Dans  une  auili  grande  incertitude  , 
il  leur  étoit  autant  difficile  de  don- 
ner une  jufte  durée  au  tems  dont 
ces  fept  femaines  étoient  la  figure  , 
qu'il  l'étoit  d'en  fixer  le  commen- 
cement à  quelque  époque  confian- 
te &  certaine. 

Mais  quelle  eft  donc  cette  fa meu- 
fe  époque  ?  aidé  de  l'exaâ:itude  Se 
des  lumières  de  nos  Chronologi- 
ftes ,  notre  Auteur  a  quelque  con- 
fiance de  l'avoir  trouvée  ,  Se  cette 
époque,  félon  fon  calcul,  eft  le 
Déluge  ,  ou  plutôt  la  féconde  an- 
née après  le  Déluge  ,  dans  laquelle 
Noé  offrit  un  Sacrifice  qui  fut  fuivi 
de  l'alliance  mémorable  que  Dieu 
reconcilié  fit  avec  le  Patriarche  Se 
en  fa  perfonne  avec  toute  fa  pofte- 
rité.  Depuis  cette  féconde  année 
jufqu'à  la  37e  année  de  J.  C.  on 


M  A  R 

trouve  une  révolution  juftede  fept 
femaines ,  dont  les  fept  qui  s'ccou- 
loient  d'un  Jubilé  à  l'autre  étoient 
la  figure  ,  lefquelbs  faifoient  49 
fois  49  ans  ou  2401  an. 

Il  fuit  delà  »  que  les  fupputa- 
aitions  de  ceux  des  Chronologiftes 
^>  qui  fe  trouvent  approcher  le  plus 
»  de  fon  Svftême  ,  doivent  être 
»  cenfées  celles  qui  approchent  le 
»  plus  de  la  vérité.  «  De  ce  nombre 
font  celles  de  Natalis  Alexandcr  , 
&  Anton.  Capellus ,  Tirims ,  Gor- 
don 3  Vjferius,  qui  ne  s'en  éloignent 
que  de  quelques  années ,  mais  il  a 
la  fatisfa&ion  d'avoir  entièrement 
pour  lui  Pérérius  ,  Conradus  Se  Pœ- 
vellus.  On  trouvera  dans  le  chapitre 
10  une  Table  Chronologique  rela- 
tive au  Syftême  de  l'Auteur. 

Dans  le  Chapitre  fuivant  en  re- 
fumant toutes  fes  preuves  ,  il  en 
conclut  que  c'eft  une  confequence 
neceffaire  qu'il  doit  s'écouler  au- 
tant de  tems  depuis  le  premier 
Avènement  du  Meflîe  jufqu'à  fon 
fécond,  qu'il  s'en  eft  écoulé  depuis 
le  Déluge  jufqu'à  fon  premier  Ave- 
ncment,&  que  fi  on  a  compté  2401 
an  depuis  le  Déluge  jufqu'à  ce  pre- 
mier Avènement  ,  on  doit  auffi 
trouver  un  pareil  nombre  d'années 
depuis  ce  premier  Avènement  juf- 
qu'à la  fin  du  monde  qui  fera  le 
tems  du  fécond  Avènement.  C'eft- 
à  dire  ,  ,que  ce  fécond  intervalle  , 
"comme  le  premier  ,  contiendra 
»  fept  femaines  ,  qui  feront  com- 


S,  1734.  ,jj 

»  pofées  chacunes  de  343  ans  ou 
»  de  49  fois  49  ans  ,  à  l'inftar  des 
»  fept  femaines  qui  précedoient 
"l'année  Jubilaire  ,  lesquelles  fai- 
»  foient  ce  nombre  de  49  ans. 

Cela  paraîtra  ,  dit  -  il  _,  encore 
plus  probable  quand  on  conlîdere- 
ra  la  connexité  qui  fe  trouve  entre 
le  Déluge  ,  le  premier  &  le  fécond 
Avènement  de  J.  C.  Comme  cette 
connexité  eft  uniquement  fondée 
fur  des  explications  allégoriques 
dont  on  ne  peut  fentir  la  juftcfTe 
qu'en  les  voyant  dans  toute  leur 
étendue  s  nous  nous  contenterons 
de  les  indiquer  ;  il  en  eft  de  même 
des  autres  preuves  qu'il  tire  des 
quatre  animaux  &des  24  Vieillards 
dont  il  eft  parlé  chap.  4  de  l'Apo- 
calypfe.  A  l'égard  de  celles  que  lui 
fournit  le  Prophète  Daniel ,  elles 
font  d'autant  moins  fufceptibles 
d'extrait  qu'elles  font  appuyées  fur 
des  difculfions  hiftoriques  &  fur 
des  fupputations  Chronologiques , 
qu'il  eft  impoflîble  d'expofer  en 
peu  de  mots ,  &  qui  montrent  que 
l'Auteur  n'eft  pas  moins  rempli  de 
l'Ecriture  que  de  fon  Syftême. 

En  fuppofant  donc  qu'il  ait  cal- 
culé avec  juftefle  les  années  écou- 
lées depuis  la  Naiffance  de  J.  C. 
jufqu'à  l'année  1733.  où  il  écrit, 
cette  année  fe  trouve  la  5755e  de- 
puis la  création  du  monde  ,  ainfi  , 
félon  notre  Auteur  ,  nous  avons 
encore  705  ans  jufqu'au  fécond 
Avènement  de  J.  C. 


554        JOURNAL    DES    SÇAVANS, 


HISTO  IRE  D  E   ROCH  EFORT  ,     CONTENANT 

Vétablijfement  de  cette  Ville ,  de  fort  Port  &  Arfenal  de  Marine  ,  &  des 
Antiquité*,  de  [on  Château.  A  Blois ,  &  fe  vend  à  Paris ,  chez  BriaJfon> 
Libraire  ,  rue'  Saint  Jacques ,  à  la  Science.  1733.  /K-40.  pages  241. 


L'A  U  T  E  U  R  a  trouvé  l'art  de 
rendre  cet  Ouvrage  plus  cou- 
fîderable  par  les  chofes  étrangères 
qu'il  y  fait  entrer  que  par  le  fujet 
même  qui  en  fait  l'objet.  Il  n'a  rien 
oublié  pour  l'orner  :  à  la  tête  de 
chaque  chapitre  au  lieu  de  vignet- 
tes qui  auroient  caufé  trop  de  dé- 
pendes ,  il  a  mis ,  dit-il ,  à  l'exem- 
ple de  M.  Addifondans  le  Specta- 
teur ,  des  vers  tirés  de  difîerens 
Poètes  qui  fervent  à  donner  une 
idée  de  la  matière  qu'il  y  traite. 
Tels  font  ,  pour  en  donner  un 
exemple  ,  les  vers  qu'il  a  placés 
avant  la  Préface. 

Nota  leges  quidam  ,  fed  lima  rafa 
recenti 

Pars  nova  major  erityLeElor  uirique 
fave. 

Il  nous  afTure  dans  cette  Préface 
qu'il  a  compofé  fon  Hiltoire  fur  les 
anciens  Monumens ,  fur  toutes  les 
Archives  qui  ont  été  à  fa  difpolî- 
tion  j  &  même  fur  le  témoignage 
de  plulieurs  perfonnes  encore  vi- 
vantes ,  mais  toujours  avec  une  at- 
tention fi  fcrupuleufe  pour  la  véri- 
té, »  qu'il  a  mieux  aimé  perdre 
»  quelque  chofe  d'agréable  que  de 
»>  fe  mettre  en  danger  de  dire  quel- 
■>que  chofe  de  faux.  «  Cependant 
pour  tirer  fon  Ouvrage  de  la  fe- 


cherelîe  de  l' Hiltoire  &  pour  le 
rendre  plus  varié  ,  plus  égayé  & 
plus  nourri ,  il  l'a  enrichi  de  tout 
ce  qu'il  a  pu  trouver  de  Médailles , 
d'Infcriptions  &  de  Monumens  $ 
mais  comme  la  plupart  de  ces  Pic- 
ces  font  en  latin  ,  il  les  a  traduites 
en  François ,  &  quelquefois  même 
en  vers ,  lorfque  le  ûijet  lui  a  paru 
fufceptiblc  de  Poefie. 

Au  refte  il  fe  flatte  qu'on  ne  lui 
fera  pas  un  crime  d'avoir ,  à  l'exem- 
ple de  plufieurs  célèbres  Auteurs  , 
eflayé  de  remédier  à  la  ftérilitédc 
fon  fujet  en  y  faifant  entrer  des  di- 
grelîïons  remplies  d'une  littéra- 
ture agréable  &  de  reflexions 
fines  &  fenfées.  »  Cependant  lî 
»  quelqu'un ,  dit  il ,  défaprouvoit 
■o  ma  conduire  ,je  ne  lui  déplairois 
»  que  pour  avoir  trop  voulu  lui 
»  plaire.  «  Les  mêmes  Critiques  qui 
jugeront  peut-être  qu'il  a  cherché 
trop  loin  ,  &  fouvent  trop  multi- 
plie les  ornemens  dont  il  embellit 
ion  Hiltoire  ,  ne  pourront  néan- 
moins s'empêcher  d'applaudir  à 
l'art  avec  lequel  il  a  fçû  la  rendre 
intereffante  ,  &  lier  avec  fon  objet 
principal  une  infinité  de  chofes  qui 
ïembloient  n'y  avoir  aucun  rap- 
port. 

Cette  Hiltoire  eft  divifée  en 
trois  Parties-,  toutes  trois  précédées 
d'une  Epître  Dédicatoire.  La  pre- 
mière Partie  dans  laquelle  l'Auteur 
décrit 


MARS 

déarit  ce  qui  a  précédé  l'établifle- 
ment  de  Rochefort  eit  dédiée  à  M. 
l'Evêque  de  Toul  ;  la  féconde  à 
Meilleurs  delà  Marine  de  Roche- 
fort  ,  l'Auteur  y  traite  de  tout  ce 
qui  a  contribué  à  rétablillèment  de 
cette  Ville  -,  latroifiéme  Partie  qui 
paroît  fous  les  Aufpices  de  Mef- 
fieurs  de  l'Hôtel  de  Ville  renferme 
ce  qui  a  fuivi  cet  établiflemcnt. 

Rochefort  qui  eit  aujourd'hui , 
félon  l'Auteur ,  une  des  plus  belles 
Villes  du  Royaume  ,  n'étoit  avant 
Louis  XIV.  qu'un  aflemblage  de 
Marais  remplis  par  les  inondations 
de  la  Charante  ,  qui  formoient  un 
lieu  mal  fain  ,  défagrcable  &  (teri- 
le.  Ce  grand  Roi  ayant  conçu  le 
projet  de  fe  rendre  auflî  redoutable 
fur  mer  que  fur  terre  ,  fentit  la  ne- 
ceflïté  d'avoir  fur  l'Océan  un  port 
d'un  plus  facile  accès ,  &c  dont  la 
rade  fût  plus  fûre  que  celle  de 
Breft.  On  rit  fonder  en  plulîcurs 
endroits  des  mers  du  Ponent ,  afin 
d'y  trouver  un  lieu  propre  à  faire 
un  port.  L'embouchure  de  la  Seu- 
dre  parut  d'abord  convenable  à  ce 
-deiTein,  &  c'eft  -  là  où  le  Duc  de 
Bcaufort  armoit  ordinairement  les 
Vaifleaux  dont  il  fe  fervoit  pour 
fes  expéditions  d'AfTrique. 

Mais  comme  la  Seudre  n'avoit 
pas  aiTez  de  profondeur  pour  porter 
les  Vaifleaux  du  premier  rang  ,  on 
refolut  d'abandonner  ce  port  ,  & 
M.  Colbert  tourna  fes  vues  fur  le 
Havre  de  Brouage.  Il  confia  l'exé- 
cution de  fon  deflein  à  M.  Colbert 
de  Terron  Intendant  d' Aunis  &  des 
Iflcs  adjacentes  ;  mais  le  Comman- 
dant de  la  place  lui  ayant  fait  quel- 
Mars. 


.     I7MÏ  tjy 

ques  infultes,  l'envie  de  le  morti- 
fier à  fon  tour  ,  lui  fit  prendre  la 
refolution  de  retirer  la  Marine  de 
Brouage.  Sur  dirferens  prétextes 
qu'il  fit  valoir  en  Cour  ,  le  Roi 
jetta  les  yeux  fur  Soubife.  Ce  lieu 
fitué  fur  la  Charante  paroiffoit 
avantageux  à  la  Marine ,  on  y  con- 
îtruiiir  même  quelques  Vailfeaux  , 
mais  M.  de  Rohan  à  qui  apparte- 
noit  Soubife ,  ayant  refufé  d'aban- 
donner une  terre  qui  avoir  été  éri- 
gée en  Principauté  ;  cette  opposi- 
tion fit  prendre  le  parti  de  fe  fixer  à 
Tonnay-Charente.  On  y  tranfporta 
donc  la  Marine  ;  elle  commençoit 
déjà  d'y  être  floriflante,  lorfque  les 
ditfkultcz  que  M.  de  Mortemar  de 
qui  Tonnay-Charente  dépendoit , 
fit  de  le  vendre  ,  l'éloignement  de 
la  rade  .  &  pluûeurs  autres  incon- 
veniens  qu'on  remarque  dans  ce 
Port  ,  obligèrent  M.  Colbert  à 
abandonner  cet  établiflement  qui 
avoit  duré  près  de  trois  ans ,  &  il 
s'attacha  enfin  à  Rochefort. 

A  cette  occafion  l'Auteur  nous 
rapporte  ce  qu'on  fçait  de  l'origine 
du  Château  de  Rochefort  ,  l'Hi- 
ftoire  des  principaux  Seigneurs  qui 
l'ont  poiiedé ,  &  même  .celle  des 
évenemens  aufquels  ils  ont  eu  part. 
Il  remarque  que  dès  l'onzième  fié- 
cle  ce  Château  tenoit  un  rang  con- 
fiderable  dans  la  Province  de  Sain- 
tonge.  On  verra  dans  l'Ouvrage 
même  les  différentes  révolutions 
par  lefquelles  il  pafla  enfin  entre 
les  mains  de  Louis  XIV.  ce  Prince 
l'ayant  acheté  dans  l'efperance  d'y 
bâtir  un  Port  ,  M.  Colbert  de 
Terron  fut  encore  chargé  de  l'exé- 
S 


t36  JOURNAL  D 

cution  de  ce  projet.  L'Auteur  dans 
le  Chapitre  quatrième  nous  donne 
une  idée  du  cara&ere  &  des  talens 
de  cet  Intendant ,  qui ,  félon  lui , 
après  avoir  fondé  la  Ville  de  Ro- 
chefort en  Romulus  ,  la  poliça  en 
Numa  :  &c  comme  c'eft  par  le  zélé 
&  l'attention  de  ceux  qui  lui  ont 
fuccedé  dans  cette  Place  que  la 
Ville  &  le  Port  de  Rochefort  font 
parvenus  à  leur  perfection  ,  il  em- 
ployé les  quatre  Chapitres  fuivans 
à  nous  faire  connoître  Meilleurs 
Demuin  ,  Arnou  ,  Bégon  ,  Se  de 
Beauharnois  ,  tous  Intendans  de 
Rochefort ,  Se  il  entre  dans  un  dé- 
tail exacl:  fur  tout  ce  qui  s'eft  fait 
fous  leur  miniftere  de  glorieux  ou 
d'avantageux  pour  la  Ville  de  Ro- 
chefort. 

On  place  ordinairement  l'épo- 
que de  fa  fondation  dans  l'année 
16C6.  mais  ce  ne  fut  qu'en  16^9. 
année  où  le  Roi  l'érigea  en  Bourg 
fermé  que  cet  établillement  com- 
mença à  prendre  une  forme  régu- 
lière ,  Se  qui  l'a  rendue  depuis  di- 
gne de  porter  le  nom  de  Ville. 

Cependant  les  ennemis  de  la 
gloire  de  M.  de  Terron ,  Se  de  cel- 
le de  M.  Colbert  répandirent  le 
bruit  que  l'eau  de  la  Charente  en- 
gendreroit  neceffairement  des  vers 
dans  le  bois  des  Vaiffeaux.  L'Au- 
teur avoiie  que  ce  bruit  fe  foûtient 
encore  aujourd'hui  ,  mais  il  affure 
que  rien  n'eft  plus  faux  3  Se  que 
c'eft  contre  toute  vérité  que  Robbe 
a  écrit  dans  fa  Géographie  qu'on 
avoit  vu  à  Rochefort  un  Vaiffeau 
tout  picqué  de  vers.  Il  dit  au  con- 
traire que  plufieurs  expériences  fai- 


ES  SÇAVANS; 

tes  juridiquement  prouvent  que 
les  eaux  de  Rochefort ,  bien  loin 
d'engendrer  des  vers  ,  dans  les 
Vaiffeaux  qui  y  féjournent  ,  les 
font  mourir  dans  ceux  qui  en  ap- 
portent. 

Dans  la  féconde  Partie  l'Auteur 
traite  d'abord  de  la  Navigation ,  & 
de  la  Marine  en  général ,  enfuite 
de  la  Marine  ,  par  rapport  à  la 
France  ;  il  montre  quel  en  a  été 
l'état  depuis  l'origine  de  la  Monar- 
chie jufqu'au  tems  prêtent.  Après 
avoir  ramalTc  làdeffus  une  partie 
de  ce  qu'on  lit  dans  tous  les  Au- 
teurs qui  ont  traité  ces  matières  , 
il  vient  enfin  à  ce  qui  regarde  l'état 
de  la  Marine  de  Rochefort  ,  &  à 
l'Hiftoire  des  differens  armemens 
qu'on  y  a  faits  ,  Se  des  évenemens 
qui  y  ont  donné  lieu.  Comme  fon 
fujet  par  lui  -  même  lui  fournit  peu 
de  choies  ,  il  ne  lauTe  rien  à  defirer 
de  tout  ce  qui  lui  appartient.  On 
en  jugera  par  le  détail  où  il  entre 
fur  les  differens  Officiers  de  Marine 
qui  font  établis  à  Rochefort ,  fut 
leurs  fonctions  Se  fur  leurs  appoin- 
terons. Cette  féconde  partie  finir 
par  la  defeription  de  l'Arfenal ,  & 
du  Port  de  Rochefort. 

Dans  la  troifiéme  l'Auteur  conti- 
nue à  nous  donner  encore  la  def- 
eription de  tout  ce  que  Rochefort 
a  de  plus  curieux  pour  ce  qui  regard 
de  l'ornement ,  l'utilité  Se  la  com= 
modité  du  Port  Se  de  la  Ville  3' 
comme  la  Fonderie ,  la  Corderie  , 
le  Magazin  des  Vivres ,  l'Hôpital 
de  la  Marine,  celui  des  Orphelines^, 
&c.  Nous  renvoyons  à  l'Ouvrage 
même  pour  ce  qui  concerne  les  dif- 


MARS 

lercntes  Charges  de  Judicature  & 
de  Police  établies  à  Rochefort  auffi 
bien  que  pour  l'état  des  privilèges 
qui  ont  été  accordés  à  cette  Ville. 
Comme  ces  matières  ne  font  pas 
fort  interelTantes  pour  le  grand 
nombre  des  Lecteurs  ;  l'Auteur 
n'oublie  pas  ,  félon  fa  promette  , 
d'en  diminuer  la  fecherefle  par 
différentes  digreflîons  fur  l'origine 


»   »  7Î4;  157 

de  ce  qu'on  appelloit  autrefois  les 
Communes  ,  fur  l'établiflement 
des  Maifons  de  Ville  ,  de  la 
Maîtrife  des  Eaux  &  Forêts  ,  &c. 
Voilà  tout  ce  que  nous  avons  re- 
cueilli d'un  Ouvrage  qui  fera  fans 
doute  autant  d'honneur  à  la  Ville 
en  faveur  de  laquelle  il  eit  écrit 
qu'à  l'Auteur  même  qui  l'a  com- 
pofé. 


M.  JOACHIM-JUSTI  RAU  DIATRIBE  HISTORICO-  PHILO- 
SOPHICA  dePhilofophiaLucii-Ladantii-Firmiani,  &c.  C'eft-à  due  ; 
Differtation  Hiflonque  &  Philofophiejue  Jkr  la  Philofopbie  de  Lailance. 
Par  M.  Rau  de  Berlin  :  avec  une  autre  Dijfertation  Critique  &  Théologi- 
enne ,  oit  l'on  trouve  l'Hifloire  ancienne  &  moderne  du  mot  Omooufios  ? 
par  le  même  Auteur.  A  Jcne  ,  chez  Chriftophle  -  François  Buch.  J73  3. 
in-11.  pp.  iC\. 


AVANT  que  d'entrer  en 
matière  ,  M.  Rau  fe  croit 
obligé  de  donner  le  portrait  de 
La&ance  ,  &  de  nous  faire  connoî- 
trefon  efprit ,  fes  mœurs  &  fes  in- 
clinations. Il  n'entre  point  cepen- 
dant dans  l'Hiftoire  de  fa  Vie  ,  il 
renvoyé  là-delïusà  Meilleurs  Cave, 
Scultet  &  Dupin.  Il  s'attache  uni- 
quement à  nous  peindre  Ladtance , 
parce  que  le  cara&ere  d'un  Auteur 
influe  toujours  fur  les  fentimens 
qu'il  prend,  &:  fur  la  manière  dont 
il  les  foûtient. 

La  candeur  avec  laquelle  il  fe 
propofe  de  faire  cet  examen  lui 
fait  appréhender  d'un  côté  de  dé- 
plaire à  ceux  qui  par  un  refpect  ou- 
tré pour  l'Antiquité  ,  &  fur  -  tout 
pour  les  Pères  de  l'Eglife  ,  ne  peu- 
vent fouffrir  qu'on  rabatte  rien  à 
leurs  louanges  ,  &  de  l'autre  de 
s'attirer  l'indignation  de  ces  Criti- 


ques 3  qui  tombant  dans  un  excès 
contraire,  fe  plaifent  àrabaiflerla 
réputation  &c  l'autorité  des  Pères  '' 
uniquement  parce  qu'ils  jouiffent 
de  l'une  &  de  l'autre.  Pour  lui  il 
promet  de  prendre  un  jufte  milieu. 
Il  ne  taira  point  ce  qu'il  y  a  de  re- 
prchenfîble  dans  Laitance  ,  mais  il 
ne  s'écartera  jamais  du  refpcd 
qu'on  doit  aux  grands  Hommes , 
lors  même  qu'on  eft  obligé  de  rele- 
ver leurs  défauts. 

Il  convient  donc  que  Laitance 
avoit  le  cœur  excellent ,  &  qu'il 
n'avoit  rien  oublié  pour  corriger  Ja 
volonté.  C'eft  une  exprcflîon  fa- 
milière à  M.  Rau  ,  par  laquelle  il 
entend  le  foin  avec  lequel  tous  les 
hommes  doivent  veiller  fur  ce 
fonds  de  corruption  qui  leur  eft 
naturel.  Mais  en  même  tems  1  foû- 
tient que  Lactance  a  pou  '•<:  nop 
loin  h  haine  contre  les  anciens  Phi- 
Si} 


ij8        JOURNAL   DE 

lofophes.  Il  ne  les  cite  jamais  que 
pour  les  combattre  ,  »»  S-:  quand  ils 
«ont  penfé  juite  fur  quelque fujet, 
»  il  fe  garde  bien  de  leur  en  faire 
«honneur,  de  peur,  dit-il  ,  d'em- 
»  prunter  quelque  chofe  de  gens 
3>  dont  il  a  refolu  de  découvrir  Se 
»  de  réfuter  les  erreurs.  «  Il  lui  cft 
encore  échappé,  en  elTayant  de  dé- 
mafquer  leur  orgueil  cV  leur  vani- 
•  té  ,  de  tomber  dans  le  défaut  qu'il 
leur  reprochoit  ,  Se  d^  montrer 
qu'il  s'eltimoit  autant  lui  -  même 
qu'il  les  méprifoit  ;  il  fe  glorifie  L.  J 
de  fes  In  dilutions ,  Chap.  4.  de  dé- 
truire d'un  fe  ni  coup  tous  les  Philofo- 
phes  ;  défaire  entièrement  fur  ce  point 
ce  que  ni  Aiinutins-Tdix }  ni  Tertul- 
lien ,  ni  Cyprien  n  avaient  pu  exécu- 
ter \  &  de  fervir  d'exemple  à  tons 
ceux  qui  voudraient  entrer  dans  la 
même  carrière. 

M.  Rau  prétend  néanmoins  que 
non  feulement  on  doit  lui  pardon- 
ner ces  défauts ,  mais  qu'on  peut 
même  en  quelque  forte  les  regarder 
comme  des  Vertus ,  fur  tout  fi  on 
les  compare  avec  les  mœurs  des 
Philofophes  qu'il  avoit  à  combat- 
tre ,  tels  qu'étoient ,  par  exemple  , 
un  Hieroclés  Se  un  Porphyre. 

Notie  Auteur  trouve  qu'il  efl: 
plus  difficile  de  le  juftifier  fur  l'in- 
conftance  de  fes  fentimens ,  fur  la 
précipitation  avec  laquelle  il  ju- 
geoit  de  ceux  de  fes  adverfaires ,  Se 
fur  le  peu  d'attention  Se  de  difeer- 
nement  qu'il  apportoit  pour  choi- 
fîr  les  raifons  Se  les  preuves  qu'il  al- 
leguoit  contr'eux  ,  fur  fa  négligen- 
ce à  citer  les  anciens  Ecrivains,  & 
fiir-toutles  Auteurs  Sacrés.  11  trai- 


S    SÇAVANS. 

te  ,  dit-il ,  en  général  tous  les  Phi- 
îofophes  d'aveugles  Se  d'infenfés  , 
Se  il  avoiie  qu'Hermès  Trifmegiite, 
Se  Sénéque  ont  écrit  divinement  en 
certaines  rencontres. 

On  voit  par  fes  Ecrits  que  fes 
moeurs  étoient  pures ,  &  qu'il  étoit 
plein  de  Religion.  A  l'égard  des 
qualitez  de  fon  efprir,  M.  Rau  Jes 
croit  fupérieures  à  celles  de  fon  ju- 
gement, ou  plutôt  il  penfè  que  s'é- 
tant  confacré  à  l'art  Oratoire ,  i 
avoit  plus  travaillé  à  perfectionner 
fon  itile  qu'à  cultiveria  raifort  ,  Se 
à  acquérir  de  la  fécondité  dans  l-'cx- 
preffion  que  de  la  juftefîe  dans  le 
raifonnement.  De-là  vient ,  ajoûte- 
t'il ,  qu'il  y  a  peu  d'ordre  &  de  Lo- 
gique dans  fes  Ecrits, &  qu'on  peut 
douter  avecraifon  que  LacTance  en 
compofant  fe  foit  jamais  formé  un 
plan  tel  que  Servatius-GalLvus  ,  Se 
Abraham  Scultet  lui  en  attribuent 
dans  les  Analyfes  qu'ils  ont  don- 
nées de  fes  Ouvrages. 

D'où  ileonclut  que  fi  Lactanci 
n'a  pas  été  fort  inférieur  à  Ciccron  , 
ni  pour  la  beauté  de  l'efprit  ni  pour 
celle  du  ftile ,  le  dernier  l'emporte 
infiniment  fur  le  premier  par  la 
force  ,  le  choix  ,  l'arrangement  de 
fes  preuves  Se  de  fes  raifons.  Il 
s'autorife  même  du  témoignage 
de  Bellarmin  qui  ne  dilîîmule  pas 
que  La&ancene  fùtplus'verfé  dans 
la  lecture  des  Livres  Profanes  que 
dans  celle  des  Livres  Sacrés. 

M.  Rau  ,  pour  établir  le  juge- 
ment peu  favorable  qu'il  porte  de 
Ladance  ,  apporte  en  preuve  ce 
que  cet  Auteur  dit  contre  Platon  , 
la  foiblelTe  des  argument  qu'il  cm- 


M  A  R 

ployé  pour  foùtenir  les  vers  Sybil- 
lins ,  pour  montrer  que  l'ame  qu'il 
place  dans  le  fommet  de  la  tête  , 
voit  comme  par  une  fenêtre  les  ob- 
jets extérieurs  ,  d'où  il  arrive  ,  fé- 
lon lui ,  qu'on  découvre  le  caractè- 
re d'un  homme  par  l'inlpeCtion  de 
fes  yeux  :  pour  réfuter  les  raifons  de 
ceux  qui  foûtenoient  l'exiftence 
des  Antipodes  ,  &  ce  qu'il  dit  en- 
core fur  la  nature  de  l'ame  ,  ou  par 
un  défaut  de  mémoire  ou  par  légè- 
reté ,  il  combat  formellement  en 
certains  endroits  ce  qu'il  avoit 
avancé  dans  d'autres. 

Sur  ce  caractère  de  Lactance  M. 
Rau  décide  qu'il  n'étoit  pas  infini- 
ment propre  à  difeuter  des  points 
de  Philofophie  ,  &  qu'il  auroit 
beaucoup  mieux  réuni ,  s'il  s'étoit 
borné  à  l'éloquence  ,  comme  fon 
génie  l'y  portoit;  mais  il  croit  que 
lanecefllté  où  il  étoit  de  travailler 
pour  vivre  ,  ce  l'efperance  de  fe 
procurer  quelque  établiflement 
avantageux  ,  l'avoit  contraint  de 
tourner  fes  études  du  côté  de  la 
Philofophie  Si  de  la  Théologie. 

Notre  Auteur  a  comme  pour 
exeufer  la  févérité  de  fa  critique 
contre  Laclance ,  fe  croit  obligé 
d'examiner  jufqu'où  alloit  le  fça- 
voir  des  Pères  fur  les  matières  Phi- 
lofophiques  ,  &  il  déclare  nette 
ment  qu'on  ne  doit  pas  s'en  for- 
mer une  grande  idée  ;  mais"il  ac- 
compagne cette  déclaration  de 
toute  la  politeiîe  qu'employent 
ordinairement  ceux  qui  fe  permet- 
tent de  manquer  de  refpect  aux 
perfonnes  qui  ont  droit  d'en  exi- 
ger »   &  il  avertit  qu'on  ne  doit 


S  ,    I7  3  4-'  139 

point  méprifer  les  Pères  ,  encore 
moins  Laitance ,  lorfqu'on  remar- 
que quelques  erreurs ,  ou  de  faux 
raifonnemens  dans  leurs  Ecrits. 
Paice  qu'ils  ont  paru  dans  un  tems 
où  ils  avoient  beaucoup  moins  de 
fecours  que  nous  n'en  avons  au- 
jourd'hui -,  d'ailleurs  quelque  eft i- 
me  que  nous  fallions  à  prel'ent  de 
notre  Philofophie  ,  il  s'élèvera 
peut-être  après  nous  des  gens  qui 
nous  montreront  la  fauffeté  de  nos 
prétendues  découvertes  ,  Si  qui 
nous  feront  rougir  de  notre  iliu- 
fion. 

Et  comment  ,  ajoûte-t-il  ,  les 
Pères  auroient-ils  pu  réuffir  dans 
l'étude  de  la  Philofophie  ,  puifque 
leur  unique  but  étoit  de  la  détrui- 
re. H  ne  dillimule  pas  cependant 
que  S.  Juftin  Martyr ,  Si  S.  Clé- 
ment d'Alexandrie  montrent  au- 
tant d'eftime  pour  la  Philofophie  , 
que  Laclance  témoigne  de  mépris 
pour  elle.  Il  eft  donc  naturel  de 
penfer  que  les  éloges  des  deux  pre- 
miers tombent  fur  la  vraye  Philo- 
fophie qui  mené  à  la  vérité  ,  &  que 
les  reproches  de  ceux  qui  avec  Lac- 
tance  blâment  la  Philofophie  ,  s'a- 
drclTent  à  cette  faufle  Philofophie 
qui  ne  confiftoit  qu'en  difputes  fri- 
voles Si  qu'en  queftions  inutiles  c'e 
mal  fondées.  M.  Rau  avoiie  que 
c'eft  ainfi  qu'on  concilie  ordinaire- 
ment ce  que  les  Percs  paroiftent 
avoir  de  contradictoire  entr'eux  , 
lorfqu'ils  parlent  de  la  Philofophie; 
pour  lui  il  eft  d'un  avis  contraire,  Se 
foûcient  qu'en  général  les  Pères  ont 
condamné  tout  ce  qui  s'appelle 
Philofophie.  Il  fe  fonde  fui  ce  que 


i4o  JOURNAL   D 

La&ance  en  particulier  ne  recon- 
noît  d'autre  principe  de  vérité  que 
larévélation,  d'où  il  luit  qu'il  re- 
gardent comme  impoilible  de  rien 
découvrir  de  vrai  p3r  les  feules  for- 
ces naturelles  de  l'Elprit. 

M.  Rau  tâche  de  prouver  cette 
aflertion  par  plufieurs  endroits  de 
fon  Auteur  ,  dans  lefquels  il  fem- 
ble  dire  qu'il  n'y  a  d'autre  règle  de 
vérité  que  les  Oracles  divins  ;  c'eft 
donc  à  tort  que  Pamélius  a  voulu 
juftifier  Lacî:ance  du  reproche 
qu'on  lui  taifoit  de  condamner  la 
Philofophie  en  général. 

Mais  la  haine  qu'il  avoit  pour 
elleeft  d'autant  plus  pardonnable  , 
qu'il  vivoit  dans  un  tems  où  la  Re- 
ligion Chrétienne  n'avoit  point  de 
plus  grands  ennemis  que  les  Philo- 
sophes ,  Se  où  la  Philofophie  mê- 
me fourmilloit  d'erreurs  grolîleres; 
il  ignoroit ,  dit  M.  Rau  ,  qu'il  y 
en  avoit  une  plus  pure  qui  avoit 
fes  principes  dans  une  raifon  fage 
Se  éclairée. 

Mais  dès  qu'on  reprefente  Lac- 
tance  comme  l'ennemi  de  toute 
Philofophie  que  prétend  donc 
l'Auteur  en  donnant  à  fon  Ouvra- 
ge le  titre  de  Diflcrtation  fur  la 
Philofophie  de  La&ance.  11  répond 
qu'on  appelle  Philofophes  fur-tout 
quand  il  s'agit  des  anciens,  ceux 
qui  guidés  par  les  feules  lumières 
de  k  raifon  ,  ont  à  quelque  deflein 
que  ce  foit  mêlé  dans  leurs  Ecrits 
desvéritez  ,  ou  même  des  opinions 
particulières  ,  Se  comme  Laclance 
eft  du  nombre  de  ces  Auteurs,  c'eft 
à  ce  titre  qu'on  l'appelle  Philofo- 
phe ,  Se  il  en  uie  ainlî  ,  continue-. 


ES  SÇAVANS, 

t-il,  à  l'imitation  de  ceux  qui  ont 
traité  de  la  Philofophie  d'Homère  , 
d'Horace ,  &c. 

Dans  le  Chapitre  fécond  qui  eft 
partagé  en  deux  Sections  ,  l'Auteur 
traite  de  la  Philofophie  intellec- 
tuelle Se  morale  de  Laclance.  Com- 
me cet  Ecrivain  parle  ordinaire- 
ment plutôt  en  Orateur  qu'en  Phi- 
lofophe  :  M.  Rau  avertit  fes  Lec- 
teurs qu'il  ne  peut  pas  lui-même 
mettre  beaucoup  d'ordre  dans  ce 
qu'il  va  recueillir  de  Lacrance  fur 
cette  matière ,  &  il  leur  tient  paro- 
le. Il  expofe  donc  d'une  manière 
très  abrégée  ce  qu'il  a  trouvé  épars 
çà  Se  là  dans  les  Oeuvres  de  Lac- 
tance fur  les  facultez  Se  les  opéra- 
tions de  l'entendement ,  fur  leur 
perfection  ,  fur  les  \  ices  ,  fur  leurs 
remèdes ,  év  fur  la  vérité. 

Après  l'avoir  loiié  de  s'être  fort 
attaché  aux  véritez  -  pratiques  de 
morale  ,  il  recherche  fi  comme 
quelques-uns  l'ont  prétendu ,  il  eft 
le  premier  qui  ait  connu  la  diffé- 
rence des  Vertus  Théologiques 
d'avec  celles  qui  font  purement 
Philofophiques  ,  c'eft  -  à  -  dire  de 
celles  qui  ont  leur  principe  dans  la 
grâce  d'avec  celles  qui  viennent  de 
la  nature  ;  Se  il  fe  déclare  pour  la 
négative.  Il  expofe  enfuite  ce  que 
LnCtance  a  penfé  fur  la  nature  de  la 
volonté  ,  Se  en  particulier  fur  la 
liberté,  fur  les  pallions  ,  &c.  en 
général  il  loue  plutôt  la  pureté  de 
fes  intentions  que  la  pureté  de  fa 
doctrine  ,  Se  il  le  compare  aux 
grands  fleuves  qui  entraînent  fou- 
vent  avec  eux  beaucoup  de  limon. 
Mais  il  remarque  en  même  tems 


M  A  R 

que  toute  la  Logique  des  Auteurs 
de  ce  tems-là  fe  reduifoit  à  la  Dia- 
lectique ,  c'eft-à-dire  à  l'art  de  par- 
ler ,  celui  de  raifonner  étant  pref- 
que  ignoré.  Ainfî  les  défauts  de 
Laitance  lui  font  communs  avec 
Seneque,  Plutarque,  Dion,  Ma- 
xime de  Tyr,  Libanius-Thémiftius3 
&c. 

M.  Rau,  dans  la  féconde  Section, 
palTe  à  ce  que  Ladance  à  enfeigné 
fur  la  Philofophie  &  far  la  Théo- 
logie naturelle.  Pour  -ce  qui  con- 
cerne en  général  la  nature  des  corps, 
&  en  particulier  des  corps  céleftes, 
tels  que  le  Ciel ,  le  Soleil ,  la  Lune 
&  les  Etoiles ,  la  Mer  ,  la  Terre  & 
les  Eiémens  ,  les  efprits ,  le  corps 
&  l'ame  de  l'homme,  les  bêtes, &c. 
Notre  Auteur  montre  que  fur  tous 
ces  points ,  Lactance  ne  s'accordoit 
pas  avec  lui  même  ,  ni  avec  ce  que 
la  bonne  Philofophie  nous  en  a  de- 
puis appris.  Le  Ciceron  Chrétien 
ne  craint  pas  d'attribuer  à  Dieu 
certaines  paiïions.  Il  n'avoit  pas 
même  des  notions  bien  claires  fur 
la  nature  des  efprits ,  puifqu'à  l'e- 
xemple de  plufieurs  Pères ,  ilfon- 
tient  que  les  bons  &  les  mauvais 
Anges  étoient  capables  d'avoir 
commerce  avec  les  femmes.  Et  par- 
mi les  preuves  de  l'immortalité  de 
l'ame ,  il  compte  le  pouvoir  qu'il 
attribue  aux  Magiciens  d'évoquer 
les  âmes  des  enfers. 

Cependant  comme  le  but  de 
Laitance  eft  de  montrer  qu'il  n'y  a 
ïien  dans  la  nature  qui  ne  foit  ad- 
mirable ,  rien  qui  n'ait  été  fait 
avec  deflein  ,  &  que  tout  ce  qu'el- 
le renferme  a  quelque  utilité  ,.  on 


S  ;    17*4-  141 

avoiie  ici  que  les  Oeuvres  de  Lac- 
tance  font  femés  de  deferiptions 
vives  Se  même  dedigrciïions  agréa- 
bles qui  font  parfaitement  fentir  la 
bonté  &  la  fagefTe  de  la  Providence 
dans  la  conftruction  de  cet  Uni- 
vers. 

La  troifiéme  Section  roule  fur  le 
droit  des  gens ,  notre  Auteur  s'at- 
tache à  montrer  que  Laitance  en  a 
entièrement  ignoré  les  principes. 
Parce  qu'il  étoit  perfuadé  qu'on  ne 
peut  connoître  les  principes  du 
droit  naturel  par  les  feules  forces 
de  la  raifort.  Parmi  les  erreurs  qui 
lui  font  échappées  fur  cettelnatie- 
re  ,  M.  Rau  compte  non  feulement 
ce  que  Lactance  dit  contre  les  guer- 
res ,  la  navigation  ,  l'inégalité  des 
Etats  &  des  conditions  ,  les  fuppli- 
ces  &  la  mort  des  criminels ,  tous 
ufages  qu'il  regarde  comme  inju- 
ftes ,  mais  encore  ce  qu'il  avance 
contre  l'ufure.  Lactance  la  con- 
damne fans  reftriction.  On  allègue 
ici  pour  le  réfuter  fur  ce  dernier 
article  ce  que  M-  de  Barbeyrac  a 
écrit  de  l'ufure  dans  fa  Préface  du 
droit  des  gens  par  PufFendorf  &c  fes 
réponfes  à  Dom  Rémi  Ceilier  dans 
fon  Apologie  de  la  Morale  des 
Pères. 

M.  Rau  place  dans  le  dernier 
Chapitre  tout  ce  que  Lactance  a 
dit  par  rapport  à  l'Hifloire  de  la 
Philofophie  ,  comme  il  s'étoit 
propofé  de  combattre  tous  les  Phi- 
lofophes ,  il  n'a  pu  s'empêcher  de 
s'étendre  quelquefois  fur  leur  doc- 
trine, &  fur  les  principaux  évene- 
mens  de  leur  Vie.  Mais ,  félon  no» 
tre  Auteur  ,  l'envie  de  les  rendre 


1*2         JOURNAL    D 

odieux  ,  &  la  chaleur  de  fon  imagi- 
nation l'emportoit  fouvent  au-delà 
de  la  vérité.  Et  c'eft  à  fesdirîcrens 
préjugez  qu'il  faut  attribuer  les 
contradictions  où  LacTrance  tombe 
quelquefois  fur  les  Philofophcs.  Il 
convient  dans  un  endroit  qif  Epi- 
cure  a  placé  le  fouverain  bien  dans 
la  volupté  de  l'efprit  ;  &  dans  un 
autre  il  l'appelle  le  patron  de  la  vo- 
lupté la  plus  honte ufe. 

Au  refte  ,  M.  Rau  fe  contente 
poui -l'ordinaire  d'expofer  lîniple- 
ment  ce  que  Laitance  rapporte  des 
Philofophes  félon  l'ordre  du  tcm's 
auquel  leurs  principales  Sectes  ont 
paru.  Il  lui  étoit  facile  ,  ainii  qu'il 
l'allure  ,  d'étendre  davantage  cette 
dernière  Partie  ,  &  de  l'enrichir 
d'un  plus  grand  nombre  d'Obfer- 
vations  ;  mais  outre  qu'il  fe  feroit 
par-là  éloigné  de  fon  deffein  ,  il  a 
cru  ,  dit-il ,  devoir  refervertoutee 
qu'il  a  recueilli  fur  cette  matière 
pour  des  Ouvrages  où  elle  entrera 
plus  naturellement.  Ce  fera  appa- 
remment dans  deux  Differtations 
qu'il  nous  promet ,  dont  l'une  trai- 
tera de  la  Philofopliie  de  S.  Juftin 
Martyr  ,  &  de  celle  d'Athénagore  , 
&  l'autre  fera  fur  ce  mot  de 
Socrate ,  tout  ce  cjuejefçai ,  c'eft  que 
je  neftai  rien. 


ES    SÇAVANS, 

La  Differtation  fur  l'Hiftoire  an- 
cienne 6c  moderne  du  mot  Omoou- 
fios ,  Confubftantiel ,  cft  divifée  en 
quatre  Parties,  la  première  com- 
prend les  fens  dirîerens  qu'on  a 
donnés  à  ce  mot  avant  le  Concile 
de  Nicée ,  la  féconde  le  fens  précis 
auquel  il  a  été  fixé  dans  ce  Sy- 
node-là même  ,  la  troifiéme  les  di- 
verfes  lignifications  qu'il  a  eues  de- 
puis cette  époque  ,  &  la  quatrième 
enfin  roule  fur  ce  qu'on  a  penfé 
dans  ces  damiers  tems  au  fujet  de 
cette  expreflîon. 

Plufieurs  Auteurs  avoient  déjà 
travaillé  fur  la  même  matière 
comme  le  P.  Petau  ,  Jean  -  Gafpar 
Suicerus ,  George  Bullus ,  Etienne 
Courcelle  ,  Chriftophle  Sandius  t\C 
M.  le  Clerc  ;  mais  outre  que  ces 
trois  derniers  l'ont  fait  avec  peu 
d'équité  ,  M.  Rau  prétend  que  les 
uns  ni  les  autres  n'ont  pas  touché 
la  vingtième  partie  des  Obferva- 
tions  que  ce  point  de  critique  de- 
mandoit.  Il  effaye  donc  de  fuppléer 
à  leurs  omiflions }  &  il  le  fait  en 
zélé  détenfeur  de  la  foi  de  Nicée , 
Se  en  homme  qui  a  tort  approfondi 
cette  matière  ,  c 'eft  tout  ce  que 
les  bornes  qu'on  nous  preferit  nous 
permettent  de  dire  fur  cette  Difïcjs- 
tation. 


VETERUM 


M    A  R   3  ,"     1734. 


J4? 


^VETERUM  SCRIPTORUM  ET  MONUMENTORUM 
Hiftoricorum  ,  Dogmaticorum  ,  Moralium  ampliiïima  Collecrio. 
Tomus  VII.  C'eft-à-dire  :  Très-ample  Colleilion  des  anciens  Ecrivains  . 
&  de  Pièces  concernant  l'Hifioire  ,  le  Dogme  ,  &  la  Morale.  Tome  VII. 
Pttr  Dom  Edme  Martene  &  Boni  "Jrfm  Durand ,  Prêtres  &  Religieux 
Beneditlins  de  la  Congrégation  de  faim  Maux.  A  Paris ,  chez  Montalant, 
fur  le -Quai  des  Auguftins,  proche  le  Pont  S.  Michel.  173  5.  in -fol. 
pp.  71  z,  fans  la  Préface  qui  eft  de  109  pages. 


LE  S  laborieux  Auteurs  de  cet- 
te grande  Compilation  s'é- 
toient  engagés  de  la  compofer  de 
neuf  Volumes  /«-/oZ/Voilà  leur  en- 
gagement rempli  par  les  trois  Vo. 
lûmes  qu'ils  ont  donnes  en  1733. 
Nous  allons  rendre  compte  dans  ce 
Journal  du  feptiémeVolume.  Nous 
parlerons  du  huitième  &  du  neu- 
vième dans  deux  autres  Journaux. 
Ce  Volume  eft  compofé  de  Con- 
ciles ,  d'Acres  &  de  Pièces  qui  y 
ont  rapport ,  cV  de  Statuts  Syno- 
daux de  differens  Diocéfes.  Il  fem- 
ble  qu'après  les  recherches  qu'ont 
faites  depuis  long-tems  de  fçavans 
Hommes  pour  donner  desRecuiels 
complets  des  Conciles  &  des  Actes 
qui  v  ont  rapport ,  il  ne  refteroit 
plus  lien  à  découvrir  en  ce  genre. 
Cependant  les  Pères  Martene  &Du- 
rand  ont  découvert  en  différentes 
Bibliothèques  plufieurs  Conciles 
dont  on  n'a  rien  dit  dans  les  Com- 
pilations qui  font  regardées  comme 
les  plus  parfaites ,  il  y  en  a  d'autres 
dont  les  Editeurs  des  Conciles  n'a- 
voient  rapportés  que  quelques  Ca- 
nons ,  Se  dont  on  trouve  dans  ce 
Volume  toutes  les  décidons  en 
leur  entier.  Mais  ce  qui  contribue 
le  plus  à  enrichir  ceVolume,ce  font 
Mars. 


des  Pièces  &  des  Actes  qui  regar- 
dent les  Conciles  &  qui  n'avoient 
point  encore  été  imprimés. 

Entre  les  Conciles  dont  les  Ac- 
tes font  compris  dans  ce  feptiéme 
Tome  ,  celui  qui  nous  a  paru  de- 
voir le  plus  réveiller  l'attention  des 
Lecteurs  ,  eft  celui  qui  fut  tenu  en 
Arménie  en  1341.  les  Editeurs 
l'ont  tiré  d'un  Manufcrit  de  la  Bi- 
bliothèque du  Roi.  Voici  quelle  a 
été  l'occahon  de  ce  Concile.  Léon 
Roi  d'Arménie  avoit  envoyé  des 
AmbalTâdeurs  au  Pape  Benoît  XII. 
pour  demander  du  fecours  contre 
lesSarazins;  ce  Papefitréponfeau 
Roi  d'Arménie  qu'il  ne  pouvoit 
efperer  aucun  fecours ,  à  moins  que 
les  Arméniens  n'euffent  abjuré 
toutes  les  erreurs  qu'on  les  aceufoit 
de  foûtenir  ,  lk  qu'ils  ne  fillent 
une  profeflion  exprefle  de  croire 
tout  ce  que  croit  l'Eglife  Romaine. 
C'eft  pourquoi  Benoit  XII.  fit  faire 
un  Recueil  de  toutes  les  erreurs 
qu'on  imputoit  aux  Arméniens,  & 
qui  comprenoit  cent  dix-fept  arti- 
cles. C'eft  pour  répondre  à  ces  ar- 
ticles differens  que  LeonRoi  d'Ar- 
ménie fit  aflembler  un  Concile  gé- 
néral de  fes  Etats  ,  auquel  préfida 
Mekquitar  Catholique  ou  Patriat^ 


X44         JOUR.NALD 

chc  desArmeniens,  &  où  fe  trouvè- 
rent les  Archevêques  &  les  Evêques 
Arméniens,  des  Abbez  &  un  grand 
nombre  de  Prêtres.  On  répondit 
dans  ce  Concile  article  par  article 
au  Mémoire  de  Benoît  XII» 

On  aceufoit  les  Arméniens  de 
foûtenir  que  lors  de  l'Incarnation 
il  s'étoit  fait  en  J.  C.  une  contuiîon 
des  deux  natures  ,  enforte  qu'il  n'y 
avoit  plus  en  lui  qu'un  feul  enten- 
dement, une  feule  volonté  ,  une 
feule  opération  ,  divine  &non  hu- 
maine -,  on  prétendoit  qu'en  con- 
fequence  de  ces  erreurs  les  Armé- 
niens rejettoient  le  Concile  de  Cal- 
cédoine ,  &c  qu'ils  célébroient  avec 
beaucoup  de  folemnité  la  fête  de 
Diofcore.  Les  Arméniens  répon- 
dent qu'ils  ont  toujours  cru  & 
qu'ils  ont  toujours  confeffé  un  feul 
J.  C  qui  eft  en  même  taras  Dieu 
parfait  &  homme  parfait,qu'en  tant 
qu'il  eft  Dieu  parfait ,  il  a  tous  les 
attributs  de  la  Divinité  ,  &  qu'en 
tant  qu'il  elt  homme  parfait  il  a 
toutes  les  qualitez  des  autres  hom- 
mes ,  fans  être  néanmoins  fujet  au 
péché  ,  par  confequent  qu'il  a  en 
tant  qu'homme  un  corps,  un  en- 
tendement humain ,  une  volonté 
humaine.  Appliquant  ce  principe  à 
la  Paillon  de  J.  C.  ils  difent  que  le 
Verbe  a  fouffeit  en  la  chair  à  la- 
quelle il  s'eft  uni  par  l'Incarnation; 
c'eft  une  erreur  ,  ajoutent-ils ,  de 
dire  que  c'eft  un  qui  a  fouffert  &  un 
autre  qui  n'a  point  fouffert ,  car 
c'eft  le  Verbe  qui  a  fouffert  la  mort 
pour  nous  fauver.  Ainfî  le  Verbe 
impaffible  par  fa  nature  fouffroit  , 
parce  que  fon  corps  fouffroit. 


ES  SÇAVANS; 

Mais  en s'ëXpliqUaot  ainfî  furla 
foi ,  ils  avouent  que  plufieurs  d'en- 
tre eux  ne  peuvent  fe  déterminera 
fe  fervir  de  ces  expreftions  qu'il  y  a 
en  J.  C.  deux  volontez ,  deux  ope- 
rations ,  deux  natures,  ce  qui  ne 
donne  aucune  atteinte  à  leur  foi ,  à 
ce  qu'ils  prétendent ,  parce  qu'ils 
n'évitent  de  fe  fervir  de  ces  expref- 
lîons  qu'à  caufe  des  differens  fens 
qu'a  chez  eux  le  mot  de  nature  -,  les. 
Arméniens  reconnoiffent  enfuite 
qu'il  y  en  a  eu  plufieurs  d'entr'eux 
qui  ont  rejette  le  Concile  de  Calcé- 
doine ,  qui  ont  condamné  S.  Léon, 
&  qui  ont  folemnifé  la  fête  de 
Diofcore.  Mais  tout  ceci  n'étoit 
qu'une  erreur  de  fait  ,  fuivant  le 
Concile  de  1341.  &£  cette  erreur 
provenoitde  ce  qu'on  avoit  publié 
que  le  Pape  S.  Léon  &  le  Concile 
de  Calcédoine  autorifoient  les  er- 
reurs de  Neftorius,&  que  Diofcore 
avoit  détendu  h  vérité  contre  faint 
Léon  &£  contre  le  Concde  de  Cal- 
cédoine. Ils  ajourent  qu'au  tems 
auquel  fetenoit  le  Concile  de  1 342. 
il  y  avoit  déjà  plus  de  cinquante 
ans  que  les  Arméniens  étoient  dé- 
trompes fur  ce  point  de  fait ,  Se 
qu'ils  ne  faifoient  plus  la  fête  de 
Diofcore. 

Les  Arméniens  répondant  aux 
articles  du  Mémoire  qui  regardent 
l'Euchariftie  ,  y  traitent  de  calom- 
niateurs ceux  qui  les  aceufent  de  ne 
pas  croire  la  préfence  réelle  de  J.C. 
dans  l'Euchariftie,  ils  reconnoiffent 
même  expreffément  que  ce  Myfte- 
re  s'opère  par  la  tranfubftantiation. 
Au  fujet  du  Paradis  les  Arméniens 
affurent  qu'on  n'avoit  jamais  foî^- 


MARS 

tenu  parmi  eux  ,  qu'après  la  mort 
des  Juftes  leurs  âmes  ayant  été  pre- 
fentées  à  Dieu  parles  Anges  ,  fuf- 
fent  conduites  enfuite  par  les  An- 
ges fur  la  terre  ou  dans  l'air  pour  y 
attendre  le  jour  du  Jugement. 

Plufieurs  articles  des  réponfes 
faites  par  le  Concile  des  Arméniens 
ne  parurent  pas  allez  exacts.  C'eft 
ce  qui  donna  lieu  au  Pape  Clément 
VII.  qui  reçut  leur  réponfe  ,  de 
leur  adrefler  un  fécond  Mémoire  , 
fur  lequel  il  fouhaita  qu'ils  s'expli- 
quaflent  exprefiement. 

Les  Pièces  au  fujet  de  la  réu- 
nion des  Grecs  à  l'Eglife  Latine 
faite  dans  le  Concile  de  Lyon  en 
ï  174.  qui  ont  été  tirées  de  la 
Bibliothèque  de  M.  ChauveJin  , 
Garde  des  Seaux  ,  font  au  nombre 
de  45.  Les  principales  font  des 
Lettres  des  Papes  Clément  IV. 
Grégoire  X.  Innocent  V.  &  Nico- 
las III.  à  Michel  Paléologue  Em- 
pereur de  Conftantinoplc  3  au 
Prince  fils  aîné  de  cet  Empereur , 
au  Patriarche  &  à  plufieurs  Evê- 
ques  de  l'Eglife  Gréque  &  au  Roi 
de  Sicile.  Elles  contiennent  des  cir- 
conftances  fur  cette  affaire  dont  les 
anciens  Hiftoriens  n'ont  point 
parlé. 

Plus  de  la  moitié  de  ce  Volume 
eft  rempli  par  des  Pièces  qui  regar- 
dent le  Concile  de  Pife.  C'eft. 
pourquoi  les  Editeurs  ont  employé 
leur  Préface  à  une  Hiftoire  abrégée 
du  Schifme  d'Avignon  qui  fert  à 
faire  entendre  les  Pièces  de  ce  Re- 
cueil ;  lefquelles  fournirent  à  leur 
tour ,  plufieurs  traits  à  ceux  qui 
voudront    eclaircir   l'Hiftoirc  du 


»     î7  5  4-  14J 

Schifme  d'Avignoû  &  celle  du 
Concile  de  Pife.  Ces  Pièces  font 
en  Ci  grand  nombre  qu'il  ne  nous 
eft  pas  pofïïble  même  d'en  rappor- 
ter les  titres  :  nous  donnerons  le 
précis  d'une  de  ces  Pièces  des  plus 
importantes. 

C'eft  l'inftru&ion  donnée  aux 
Ducs  de  Berry  ,  de  Bourgogne  5c 
d'Orléans ,  lorfquc  le  Roi  les  en- 
voya en  Ambailade  auprès  du  Pape 
féant  à  Avignon  fous  le  nom  de 
Benoît  XIII.  elle  eft  de  l'année 
I39J.  on  l'a  tiré  d'un  Manufcrit  de 
la  Bibliothèque  du  Roi.  Les  Ara- 
balîadeurs  font  chargés  de  repre- 
fenter  à  ce  Pape  combien  le  Roi 
fouhaitoit  de  voir  finir  le  Schifme 
qui  divifoit  l'Eglife  depuis  fi  long- 
tems  ,  &  que  c'étoit  dans  la  vue  de 
trouver  un  moyen  de  rendre  la 
paix  à  l'Eglife  ,  que  le  Roi  avoit 
afiemblé  les  Prélats  de  fon  Royau- 
me ,  plufieurs  Abbez  ,  Prieurs , 
Maîtres  en  Théologie ,  Docteurs  , 
Députez  des  Etudes  de  Paris  , 
d'Orléans  ,  d'Angers  &  de  Tou- 
loufe  ,  &  plufieurs  Religieux  des 
Ordres ,  des  Chartreux  ,  des  Ccle- 
ftins  &  des  Mandians ,  &C  qu'il  a 
voulu  avoir  en  particulier  l'avis  de 
l'Univerfité  de  Paris.  On  avoit  pro- 
pofédans  ces  aflemblées  différentes 
voyes  dont  on  avoit  fait  le  rapport 
au  Roi ,  avec  les  raifons  de  partSc 
d'autre ,  pour  que  le  Roi  étant  in- 
ftruit  par  lui-même,  pût  propofer 
au  Pape  celle  de  ces  voyes  qui  lui 
paroifîoit  la  plus  convenable. 

Celle  qu'on  appelloit  la  voye  de 
fait  confiftoit ,  comme  on  le  voit, 
par  les  inftrucïions  à  aller  à  Rome 


i4tf        JOURNAL    D 

à  main  armée  ,  en  charter  celui  qui 
occupoitleSiégedeS.Pierre&ypla- 
cer  Benoît.  Mais  cette  voye  ne  pa- 
roifloit  pas  convenable  ,  attendu 
qu'elle  auroit  engagé  leRoi  dans  la 
guerre  contre  plufieurs  Souverains 
avec  lefquels  il  étoit  en  paix  ,  & 
que  quand  Benoît  auroit  été  ainfi 
placé  fur  le  Siège  de  Rome ,  les 
Nations  qui  ne  vouloient  pas  le 
reconnoître  pour  Pape  ne  manque- 
roientpas  de  dire,  que  ce  n'eft  que 
par  force  qu'il  a  été  mis  fur  le  Siège 
de  Rome.  Ce  raifonnement  paroif- 
foit  aux  François  mériter  d'autant 
plus  d'attention ,  que  fi  le  parti  de 
Benoît  XIII.  leur  fembloit  le 
meilleur  ,  celui  de  fon  adverfaire 
ne  latjfoit  pas  d'être  coloré  &  fondé  fur 
plufieurs  caraiïeres  &  raifons ,  mê- 
me qu'il  étoit  foûtenu  par  un  plus 
orand  nombre  de  Clercs  notables ,que 
!c  parti  de  Benoît. 

Les  mêmes  raifons  faifoienteon- 
noitre  l'impoflibilité  qu'il  y  aveit 
de  réuffir  par  la  féconde  vaye  qui 
avoitété  propofée,c<:  qui  conllftoit 
à  engager  les  Princes  oppofés  à  Be- 
noît XIII-  à  fe  déclarer  en  fa  faveur, 
en  les  convaincant ,  foit  par  écrit , 
foit  verbalement  de  la  juftice  de  fa 
caufe.  De  la  part  de  l'Univerfité  on 
avoit  propofé  d'autres  voyes  pour 
faire  celTer  le  Schifmc  ,  la  première 
étoit  celle  du  Concile  général  qui 
paroiffbit  la  plus  jufte  ,  car  es  faits 
concernant  la  foi  ou  l'état  de  l'Egli- 
fe  Univerfelle ,  comme  eft  le  Schif- 
me  ,  difent  les  inftrudions ,  le  Pa- 
pe eft  fujet  au  Concile  &  en  peut  le 
Concile  juger  &  déterminer,  mais 
.ette  voye  paroiffoit  finette  à  bien 


ES    SÇAVANS, 

des  inconveniens,  par  la  difficulté- 
d'aflemblcr  le  Concile  ,   &  par  la 
peine  qu'on  auroit  d'obliger  à  fe 
foûmertre   à  cette  décifion  ,  ceux 
qui  fc  verraient  condamnés  ;  en- 
fin parce  qu'il  eft  à  fouhaiter  pou* 
parvenir  à  une  réunion    fincere , 
qu'aucune  des  obédiences  ne  foie 
condamnée  pour  l'Eglife  Univer- 
felle comme  ayant  foûtenu  un  Pape 
Schifmatique.  La  voye  du  compro- 
mis que  d'autres  ont  propofée  efr 
fujette  à  d'auffi   grands   inconve- 
niens ,   parce  qu'on  doutera  h  l'on- 
peut  difpofer  de   la  Papauté    par 
cette  voye  ,  qu'elle  engage  dans  de 
grandes  difcuflîons  ,  &  qu'on  n'eft 
point  afluré    que   tous   les    Etats 
Chrétiens  veuillent  fe  foûmettre  au 
jugement   des   Arbitres.    Refte  la 
voye  de  lacçflion  par  les  deux  Papes 
qui  avoit  été  propofée  dans  l'Uni- 
verfité &  dans  les  Affemblées  ,  & 
pour  laquelle  plus  de  deux  tiers 
des    opinans     s'étoient     déclarés. 
C'eft  aullî  celle  que  le  Roi  fait  pro- 
pofer  à  Benoît  XIII.  parce  que  c'eft 
ïx  feule  qui  puifle  conduire  feu- 
rement  à  la   paix  ,  que  c'eft  celle 
qui  paroît  la  plus  aifée  aux  per- 
fonnes  les  plus  habiles  évlcs  plus 
zélées  pour  l'extinétion  du  Schifmc 
de  l'une  ou  de  l'autre  Obédience  , 
celle  que  Clément  prédeceffeur  de- 
Benoît  avoit  lui-même  adoptée  , 
qu'elle  avoit  été  approuvée  par  les 
Cardinaux  affembléspour  l'éleétion 
de  Benoît,  &  par  Benoît  lui-même. 
Les  Amballadeurs  étoient  enfuite 
chargés    d'expliquer  à  Benoît  les 
mefures  que  le  Roi  devoit  pren- 
dre pour  obliger  le  Pape  qui  tenait 


M  A  R 

fon  Siège  à  Rome  à  faire  une 
pareille  renonciation ,  &  pour  qu'il 
y  eût  un  Pape  reconnu  par  l'Eglifc 
Univerfclle.  La  plupart  des  autres 
Pièces  qui  concernent  le  Schifme 
d'Avignon  &  ce  qui  s'eft  palTé 
ivant  ou  depuis  le  Concile  de  Pife 
ne  font  ni  moins  cuneufes,ni  moins 
mtereiTantes  que  celles  dont  on 
vient  de  voir  le  précis.  Les  Actes 
du  Concile  de  Pife  inférés  dans  ce 
Volume  ,  tort  differens  de  deux  cf- 
peces  d'Actes  de  ce  Concile  ,    in- 

SVITE  DES  ELOGES  DES  ACADEMICIENS  DE 

l'Académie  Royale  des  Sciences ,  morts  depuis  l'an  1722.  Par  M.  D2 
Fontenelie  ,  Secrétaire  de  l'Académie  Royale  des  Sciences.  A  Paris  , 
chez  Chaubert  ,  Libraire  du  Journal  ;  Ofmont ,  rue  S.  Jacques  ; 
Hourdel ,  Quai  des  Auguftins  -,  Hitart  l'aîné  ,  rue  S.  Jacques;  GiJ[ey3 
rue  de  la  Vieille  Bouderie  ;  David  le  jeune ,  Quai  des  Auguftins  ; 
Cloi/fer }  rue  S.  Jacques.  1733.  vol.  itï-Jz.  pp.  332. 


s ,  1734;  147 

ferés  dans  la  grande  Collection  des 
Pères  Labbe  &  ColTart ,  &  des  dif- 
ferens  Actes  du  même  Concile  pu- 
bliés par  Vonder  -  Ardt  dans  la 
grande  Collection  fur  le  Concile 
de  Confiance. 

Les  dernières  Pièces  de  ce  Volu>- 
me  font  d'anciens  Statuts  Syno- 
daux pour  les  Diocéfes  d'Amiens  y 
d'Orléans,  de  Cambray  ,  du  Mans. 
Ce  font  des  morceaux  que  ceux  qui 
font  curieux  des  matières  qui  y  font 
traitées  doivent  lire  tous  entiers. 


NOUS  avons  ,  le  mois  der- 
nier ,  rendu  compte  des  cinq 
premiers  Eloges  contenus  dans  ce 
Recueil ,  il  nous  refle  à  parler  des 
neut  autres  ,  qui  font  ceux  de  M. 
Neuton  ,  du  Pcre  Reynaud  ,  de  M. 
le  Maréchal  de  Talard  ,  du  Pcre 
Sebaftien  Truchet  Carme,  &c  de 
Meilleurs  Bianchini ,  Maraldi ,  de 
Vafincourt ,  Marfigli ,  du  Verney. 

Eloge  de  M.  Neuton. 

Ifaac  Neuton  naquit  le  jour  de 
Noël  V.  S.  de  l'an  1642.  à  Volfbro- 
pe  dans  la  Province  de  Lincoln.  Il 
iortoit  de  la  Branche  aînée  de  Jean 
Neuton  ,  Chevalier  -  Baronnet , 
Seigneur  de  Volftrope. 

L'Auteur,  commence  cet  Eloge 


par  faire  mention  de  l'étonnante 
profondeur  d'efprit  de  M.Neuton, 
i°.  pour  les  Mathématiques  en  gé- 
néral ,  20.  pour  tout  ce  qui  les 
concerne  en  particulier  ,  comme 
l'Aftronomie ,  la  Géométrie  ,  l'Op- 
tique ,  30.  pour  la  Phy/ique.  Il  en- 
tre dans  un  détail  exact  des  Ouvra- 
ges de  ce  grandHomme,  il  en  déve- 
loppe les  differens  fujets,&  il  n'ou- 
blie rien  de  tout  ce  qui  peut ,  de  c; 
côté-là, faire  véritablement  connoî- 
tre  M. Neuton  ;  l'on  pafTe  enfuite  à 
fon  alïociation  dans  l'Académie  des 
Sciences  ,  de  au  choix  que  le  Roi 
Guillaume  fit  de  lui,  pour  la  Char- 
ge de  Garde  des  Monnoyes  ,  Se  peu 
après  pour  celle  de  Maître  de  la 
Monnaye,  emploi  d'un  revenu  con- 
fiderable.  L'honneur  qu'il  reçut  en 


148  JOURNAL   D 

1^87.  d'être  nommé  par  l'Univer- 
fîté  de  Cambridge  pour  un  des  Dé- 
légués de  cette  Univerfité  parde- 
vant  la  Cour  de  la  Haute  Commif- 
fion ,  le  privilège  qu'il  eut  en  1688. 
de  tenir  Séance  dans  le  Parlement 
de  convention ,  cV:  en  170 1.  d'être 
choifi  une  féconde  fois  Membre  de 
cette  Aiîemblée  pour  h  même 
Univerfité  de  Cambridge  ;  fon 
élection  en  1705.  à  la  dignité  de 
Président  de  la  Société  Rovale  ,  di- 
gnité qu'il  a  polTedée  fans  interrup- 
tion jufqu'à  fa  moit  pendant  23 
ans,  exemple  unique  dont  on  ne 
crut  pis  ,  dit  M.  de  Fontenclle  , 
devoir  craindre  lesconfequences. 

La  qualité  de  Chevalier  dont  il 
fut  décoré  en  1705.  par  la  Reine 
Anne  ,  fon  zélé  pour  lefervicede 
fa  Patrie  ,  rien  de  tout  cela  n'eit 
oublié  dans  l'Eloge  de  M.Neuton. 

L'on  remarque  que  fa  fanté  fut 
toujours  ferme  &  égale  jufqu'à  lâ- 
ge  de  quatre- vingt  ans ,  où  il  com- 
mença à  être  incommodé  d'une  in- 
continence d'urine.  Il  ne  fouft'rit 
beaucoup  que  dans  les  derniers  20 
jours  de  fa  vie.  On  jugea  fûrement 
qu'il  avoit  la  pierre  ,  &  qu'il  ne 
pouvoit  revenir  de  cette  maladie. 
Il  mourut  le  vingt  Mars  V.  S.  au 
matin ,  âgé  de  quatre  -  vingt  -  cinq 
ans. 

Les  cérémonies  de  fes  funérailles 
font  un  article  digne  de  remarque  : 
fon  corps  tut  mis  fur  un  lit  de  pa- 
rade dans  la  Chambre  de  Jerufa- 
lem  ,  endroit  d'où  l'on  porte  au 
lieu  de  leur  fépulture  ,  les  perfon- 
nes  du  plus  haut  rang  ,  &  quel- 
quefois les  Têtes  couronnées.  On 


ES  SÇAVANS, 

le  transfera  dans  l'Abbaye  deWeft- 
miniter,  le  poile  étant  foûtenu  par 
Mdord  grand  Chancelier  ,  par  les 
Ducs  de  Montrofe  Se  Roxburg  , 
8c  par  les  Comtes  de  Pembrocke , 
de  Suflex  &  de  Maclesfield.  Ces 
fîx  Pairs  d'Angleterre  qui  firent 
cette  fonction  folemnelle ,  laiffent 
allez  juger  quel  nombre  de  perfon- 
nes  de  diftinction  groilnent  la 
pompe  funèbre.  L'Evêque  de  Ro- 
chefter  ,  accompagné  de  tout  le 
Clergé  de  l'Eglife  ,  ht  le  Service. 
Le  corps  fut  enterré  près  de  l'en- 
trée du  coeur. 

M.  de  Fontenellc  reflechiflfant 
fur  cette  pompe  funèbre  ,  dit  qu'il 
faudroit  prefque  remonter  chez  les 
anciens  Grecs ,  ii  l'on  vouloit  trou- 
ver des  exemples  d'une  au(ÏÏ  gran- 
de vénération  pour  le  fçavoir.  Il 
ajoute  que  la  famille  de  M.  Neu- 
ton  imite  encore  la  Grèce  de  plus 
près ,  par  un  Monument  qu'elle  lui 
fait  élever  ,  &z  auquel  elle  employé 
une  fomme  considérable.  Le  Doyen 
cv  le  Chapitre  de  Weftminiteront 
permis  que  l'on  conitruisît  ce  Mo- 
nument dans  un  endroit  de  l'Ab- 
baye ,  qui  a  fouvent  été  refufé  à  la 
plus  haute  NoblelTe. 

M.  Neuton  a  vécu  jufqu'à  85 
ans  ,  fans  fe  fervir  jamais  de  lu- 
nettes, ni  avoir  perdu  qu'une  feule 
dent  ;  le  nom  d'un  fi  grand  Hom- 
me ,  dit  M.  de  Fontenellc  ,  permet 
ces  petits  détails. 

Il  étoit  d'un  caractère  fort  doux, 
il  ne  parloit  jamais  de  foi  ,  ni 
jamais  n'agilToit  d'une  manière  à 
taire  foupçonner  aux  plus  malins 
le  moindre  fentiment  de  vanité.  Il 


M  A  R 

:ft  vrai  ,  comme  il  eft  facile  de  le 
conjecturer  ,  qu'on  lui  épargnoit 
affez  le  foin  de  fe  faire  valoir  -,  mais 
combien  d'autres ,  demande  M.  de 
Fontenelle  ,  n'auroicnt-ils  pas  laiffé 
de  prendre  encore  un  foin  dont  on 
fe  charge  fi  volontiers ,  6v  dont  il 
cft  lî  difficile  de  fe  repofer  fur  per- 
fonne  î  Combien  de  grands  Hom- 
mes généralement  applaudis  n'ont- 
ils  pas  gâté  le  concert  de  leurs 
louanges ,  en  y  mêlant  leur  voix  ? 

m  M.  Neuton  ctoit  fimple  ,  affa- 
»  ble  ,  toujours  de  niveau  avec 
«  tout  le  "inonde.  Il  ne  fe  croyoit 
»difpenfé,  ni  par  fon  mérite,  ni 
»>  par  fa  réputation  ,  d'aucun  des 
«devoirs  du  commerce  ordinaire 
»  de  la  vie.  Nulle  fîngularité  ni  na- 
turelle ,  ni  affectée  ,  il  feavoit 
»:  n'être  ,  des  qu'il  le  talioit ,  qu'un 
55  homme  du  commun. 

L'Auteur  de  l'Eloge  remarque 
fur  cela,  Que  les  génies  du  premier 
ordre  ne  méprifent  point  ce  qui  eft 
au-deiïous  d'eux  ,  tandis  au  con- 
traire que  les  autres  méprifent  ceux 
mêmes  au-deffous  defquels  ils  fe 
trouvent. 

L'abondance  dont  joiiiffoit  M. 
Neuton  &  par  un  grand  patrimoi- 
ne ,  &  pour  fon  emploi  de  Maître 
de  la  Monnoye  ,  cette  abondance 
augmentée  par  la  fage  fimplicité 
avec  laquelle  il  vivoit ,  ne  lui  of- 
froit  pas  inutilement  de  quoi  faire 
du  bien.  Il  ne  croyoit  pas  que  don- 
ner par  un  teftament ,  ce  fût  don- 
ner ;  aufiî ,  remarque  M.  de  Fonte- 
nelle ,  n'a-t-jl  point  laifle  de  tefta- 
ment ,  &  il  s'eft  dépouillé  toutes 
les  fois  qu'il  a  fait  des  liberalitez  ou 


$  »    T  7  ?  4*  149 

à  fes  parens,  ou  à  ceux  qu'il  feavoit 
être  dans  le  befoin.  Cela  n'a  pas 
empêché  qu'il  n'ait  laifle  en  biens- 
mcublcs ,  environ  trente-deux  mil- 
le livres  fterlin  ,  fomme  qui  reviens 
à  celle  de  fept  cens  mille  livres  , 
monnoye  de  France.  LefçavantM. 
Leibnits  fon  Concurrent  mourut 
riche  auffi  ,  quoique  beaucoup 
moins  ,  &  'avec  une  fomme  de  re-. 
ferve  affez  confiderable  ;  ces  exem- 
ples rares ,  &  tous  deux  étrangers  , 
fcmblcnt  mériter  ,  ditM.de  Fon- 
tenelle ,  qu'on  ne  les  oublie  pas, 
c'eft  par  cette  reflexion  que  finit 
l'Eloge  -,  mais  qu'il  nous  foit  permis 
d'y  ajouter  que  voilà  de  quoi  faire 
revenir  de  leur  erreur,  ceux  qui 
s'imaginent  que  la  culture  des 
Sciences  &  les  richçffes  font  in- 
compatibles. 

Eloge  du  Père  Reyveau. 

Après  avoir  débuté  par  dire  avec 
l'Auteur  de  cet  Eloge  ,  que  le  Perc 
Charles  Reyncaude  l'Oratoire,  & 
grand  Mathématicien ,  naquit  à 
Briffac ,  Diocéfe  d'Angers ,  &  qu'il 
étoit  fils  d'un  fimple  Maître  Chi- 
rurgien nommé  Charles  Reyneau  ,, 
&  de  Jeanne  Chauveau:  nous  com- 
mencerons notre  Extrait  par  où  l'E- 
loge finit,  &  nous  remarquerons 
d'abord  ,  que  la  Vie  dont  il  s'agit 
aététrès-iîmple  &  très-uniforme  ; 
que  l'étude  ,  la  prière  ,  &  deux 
Ouvrages  de  Mathématique,  l'un 
intitulé  l'Analyfe  démontré  ,  & 
l'autre  la  Science  du  Calcul ,  en  font 
tous  les  évenemens  -,  que  le  Perc 
Reyneau  fe  tenoit  à  l'écart  de  toute 


iyo   JOURNAL  DES  SÇAVANS; 

affaire ,  encore  plus  de  toute  intri- 
gue ,  qu'il  comptoit  pour  beau- 
coup ,  l'avantage  fipeu  recherché  , 

de  n'être  de  rien  ,  qu'il   avoit  peu 

de  liaifons ,  peu  de  commerces  & 

pour  principaux  amis ,  le  Père  Mal- 

branche  (  dont  il  adoptoit  tous  les 

principes  )  Se  M.  le  Chancelier  ; 

deux  noms  que  M.  de  Fontcnelle 

ne  craint  pas  de  mettre  ici  en  même 

rang,  la  première  dignité  duRoyau- 

me  étant ,  comme  il  le  remarque , 

fi  peu  neceffaire  à  M.  le  Chancelier 

pour  l'illuftrer  ,  qu'on  peut  ne  le 

traiter  que  de  grand  Homme. 

On  voit  dans  le  corps  de  l'Eloge, 
que  le  Père  Reyneau  entra  dans 
l'Oratoire  à  Paris  ,  âgé  de  vingt 
ans  ;  Que  fes  Supérieurs  l'envoyè- 
rent profeiTer  la  Philofophie  àTou- 
loufe  ,  puis  àPezenas  ;  Qu'il  enfei- 
gna  dans  ces  deux  Villes  la  Philofo- 
phie nouvelle  ;  Qu'enfuite  on  lui 
donna  les  Mathématiques  àprofef- 
fer  à  Angers  en  1633.  Que  dans 
cette  fonction  il  fe  rendit  familier 
tout  ce  que  la  Géométrie  moderne 
a  produit  de  découvertes  ingénieu- 
fes  &  de  hautes  fpéculations  ;  Que 
rempli  de  ces  connoillances  ,  il  en- 
treprit pour  l'ufage  de  ceux  qui 
venoient  l'entendre  ,  de  mettre  en 
un  même  corps  ,  les  principales 
Théories  répandues  dansDefcartes, 
dans  Leibnits ,  dans  Neuton  ,  dans 
les  Bernouilli  3  dans  ies  Mémoires 
de  l'Académie  ,  ce  qui  produiik  le 
Livre  de  ï'Analyfe  démontrée  p  qu'il 
publia  en  1708.  ayant  profefie  22 
ans  à  Angers  ,  &  le  Livre  de  la 
Science  du  Calcul  ,  qui  vint  cinq 
ans  après  ;  Ouvrage  d'une  utilité 


finguliere  ,  &  dont  M.  de  Fcnte- 
nellc  fait  voir  l'excellence. 

Le  P.  Reyneau  fut  reçu  dans  l'A- 
cadémie des  Sciences  en  171e.  au 
nombre  des  Aftociés  libres  ,  & 
mourut  en  1728.1e  24  Février  -,  on 
ne  rapporte  aucune  particularité  de 
la  fin  de  fa  vie  ,  finon  qu'il  fut 
obligé  dans  fes  dernières  années  de 
fe  ménager  fur  le  travail.  Qu'après 
s'être  toûjouts  arToibli  pendant 
quelque  tems  ,  il  mourut ,  &  Que 
près  de  mourir  ,  il  refufoit  juf- 
qu'aux  foins  d'un  périt  Domcfti- 
que  ;  parce  qu'il  craignolt  de  gêner 
ce  Domeftique.  Si  M.  de  Fonteiiel- 
le  ne  dit  rien  de  particulier  fur  la 
mort  du  Pcre  Reyneau  ,  il  n'en  eft 
pas  de  même,  en  un  fens  ,  des  pre- 
mières années  de  fa  vie  ;  car  il  allu- 
re qu'on  ne  fçait  rien  de  tout  le 
tems  qui  s'eft  écoulé  depuis  la  naif- 
fance  de  ce  fçavant  Homme  ,  juf- 
qu'à  fon  entrée  dans  l'Oratoire  ;  ce 
qui  eft  une  chofe  bien  finguliere  } 
l'Eloge  du  P.  Charles  Reyneau  fe 
trouve  imprimé  dans  l'Hiftoirede 
l'Académie  des  Sciences  ,  année 
1718.  avec  celui  de  Camille  d'Ho- 
îtun  ,  Maréchal  de  Tallard  ,  dont 
nous  allons  rendre  compte. 

Eloge  de  M.  le  Maréchal  de  Tallard, 

Camille  d'Hoftun  naquit  le  14 
Février  1652.  de  Roger  d'Hoftun  3 
Marquis  de  la  Baune  ,  Scde  Cathe- 
rine de  Bonne  ,  fille  Punique  hé- 
ritière d'Alexandre  de  Bonne  d'Au- 
riac,  Vicomte  de  Tallard.  Sanaif- 
fance  ,  comme  le  remarque  M.  de 
Fonteneile,  le  deftinant  à  la  guerre, 
& 


MARS,    1734.  i/ï 

Se  encore  plus  fon  inclination,  il     l'année  Françoifc  à  Hochftet    mais 
.entra  dans  le  Service  auffi-tôt  qu'il     victoires  qui ,  indépendamment  de 


y  put  entrer  ;  &  à  l'âge  de  1 6  ans  il 
fut  Mettre  de  Camp  du  Régiment 
des  Cravates.  Trois  ans  après  il  fui- 
vit  le  Roi  à  la  Campagne  de  Hol- 
lande. L'Auteur  de  l'Eloge  fuppri- 
me  le  détail  militaire  des  différen- 
tes actions  où  fe  trouva  M.  de  Tal- 
lard  pendant  le  cours  de  cette  guér- 
ie ,  &  desblefîuresqu'ily  reçut.  Il 
ne  rapporte  qu'un  trait  qui  fuffit 
pour  prouver  combien  la  valeur  de 
ce  Guerrier ,  &  même  fa  capacité 
furent  connues  de  bonne  heure  & 
cftimées  par  le  meilleur  Juge  cjuon 
fuijje  nommer.  M.  de  Turenne  le 
choifît  en  1674.  pour  commander 
le  corps  de  bataille  de  fon  armée 
aux  combats  de  Mulhaufen  &  de 
Turkeim, 

On  entre  ici  dans  des  récits  que 
nous  fupprimerons  pour  éviter  la 
longueur  ,  &  qui  font  voir  avec 
quel  fuccès  M.  de  Tallard  paffa  en- 
fuite  par  toutes  les  occafions  qui 
pouvoient  prouver  fes  talens  dans 
le  métier  de  la  guerre  ,  &  par  tous 
les  grades  qui  dévoient  les  recom- 
penfer ,  fans  excepter  le  grade  de 
Maréchal  de  France  ,  qu'il  obtint 
de  la  Juftice  du  Roi  au  commen- 
cement de  1703.  &  après  l'obten- 
tion duquel  il  courut  au  fecours  de 
Traerbach  puilfammenr  alfiégé,  & 
conferva  à  la  France  ,  cette  conquê- 
te qu'elle  lui  devoit  depuis  peu. 

La  prife  de  Brifac,  celle  de  Lan- 
dau &  la  foûmilfion  de  tout  le  Pa- 
latinatne  font  pas  oubliés  ici ,  vic- 
toires de  peu  de  durée,  à  la  vérité  , 
par  le  trifte  fort  qu'éprouva  enfuite 
Mars. 


ce  revers  de  fortune  ,  ne  laiiferenc 
pas  d'attirer  fur  le  Maréchal,les  fa- 
veurs du  Roi  ;   puifque   peu   de 
mois  après  la  bataille  d'Hochftet, 
il  fut  fait  Gouverneur  de  Franche- 
Comté  ,  puis  Duc  en  171 2.  &  en- 
fuite  Pair  de  France  en  171 5.  com- 
blé de  ces  honneurs  &  de  pluiieurs 
autres  que  nous  partons,  tous  capa- 
bles de  remplir  la  plus  vafte  ambi- 
tion ,  il  defira  d'être  de  l'Académie 
des  Sciences.  Il  y  entra  honoraire 
en  1723.  &  l'année  fuivante  il  en 
fut  Préiîdent.    Après  avoir  com- 
mandé des  armées,  il  ne  négligea 
aucune  des   fonctions    d'un  com- 
mandement   h    peu    éclatant   en 
comparaifon  du  premier. 

Il  mourut  le  29  Mars  1728.  âgé 
de  foixante  &c  feize  ans. 

Son  Eloge  ,  comme  nous  venons 
de  le  remarquer  à  la  fin  de  l'article 
qui  concerne  le  P.  Reyneau  ,  eft 
imprimé  dans  l'Hiftoire  de  l'Aca- 
démie année  1728. 

Eloge  du  Père  Truchet  Carme. 

Voici  un  Eloge  bien  différent ,  il 
ne  s'y  agit  que  de  Machines  &  de 
Méchaniques. 

Jean  Truchet  naquit  à  Lyon  en 
1^57.  d'un  Marchand  fort  homme 
de  bien ,  qui ,  en  mourant,  le  laiffa 
encore  très-jeune  ,  entre  les  mains 
d'une  mère  pieufe  aufïi ,  qui  ne  né- 
gligea rien  pour  l'éducation  de  ce 
fils. 

A  l'âge  de  17  ans  il  entra  dans 
l'Ordre  des  Carmes  à  Lyon  &  y 
V 


IJT2        JOURNAL    DE 

prit  le  nom  de  Sebaftien  -,  fur  quoi 
M.  de  Fontenelle  fait  cette  refle- 
xion ,  que  l'Ordre  des  Carmes  eft 
du  nombre  de  ceux  oit  fon  porte  le  re- 
noncement au  monde  Jufauà  changer 
fou  nom  de  Bapthne.  Le  Père  Tru- 
chet  n'a  été  connu  que  fous  celui 
de  Frère ,  ou  de  Père  Sebaftien  ,  Se 
il  le  choifit  par  affection  pour  fa 
mère  qui  fe  nommoit  Sebaftiane. 

Il  avoit  un  goût  naturel  pour  la 
Méchanique  :  le  célèbre  Cabinet 
de  M.  de  Serviere ,  Gentilhomme 
d'une  ancienne  Noblefle,qui,  après 
avoir  long-tems  fervi  ,  mais  peu 
utilement  pour  fa  fortune  ,  parce 
qu'il  n'avoit  fongé ,  dit  M.  de  Fon- 
tenelle ,  qu'à  bien  fervir  ,  s'éroit 
retiré  à  Lyon  couvert  rie  bleffures , 
Se  avoit  employé  fon  loifir  à  inven- 
ter Se  à  faire  plulîeurs  Ouvrages  de 
tour,  différentes  Horloges  &  divers 
modèles  d'inventions  propres  pour 
la  guerre  ou  pour  les  arts;ce  fameux 
Cabinet  ,  Se  fi  hmeux  qu'il  n'y 
avoit  rien  qui  le  fût  davantage  en 
France  ,  rien  que  les  voyageurs  &: 
les  étrangers  eu  lient  été  plus  hon- 
teux de  n'avoir  pas  vu ,  attira  la 
curiofité  du  Père  Sebaftien  qui  en 
fit  fon  école.  Il  y  voyoit  toutes 
fortes  de  machines  curieufes  Se 
fouvent  en  devinoit  les  reffortsfe- 
crets ,  ce  qui  augmenta  en  lui  l'in- 
clination qu'il  avoit  pour  les  Ma- 
chines, &  qu'il  cultiva  enfuite  avec 
un  fuccès  furprenant. 

Les  Supérieurs  du  Père  Sebaftien 
l'envoyèrent  à  Paris  au  Collège 
Royal  des  Carmes  de  la  Placc- 
Maubeit ,'  pour  y  étudier  la  Phi- 
lofophie  Se  h  Théologie,  mais  il 


S    SÇAVANS. 

n'y  eut  guéres  que  la  Phylîcjuc 
qui  flattât  fon  goût ,  parce  qu'en- 
core qu'elle  fût  en  ce  tems  -  là  , 
prefque  toute  Scholaftique  ,  il  né 
laifloit  pas  d'y  entrevoir  quelque 
rapport  aux  Machines.  Il  lui  don- 
noit  tout  le  tems  que  fes  devoirs 
laifloient  en  fa  difpolîtion,  6c  peut 
être,  fans  s'en  appercevoir,  leur  en 
abandonnoit-il  quelque  petite  par- 
tic  que  les  autres  études  euffent  pu- 
reclamer.  Le  moyen  ,  demande  fur 
cela  M.  de  Fontenelle ,  que  le  devoir 
&  le  plai/ir  fajfent  entre  eux  des  par- 
tages Jijuftes  ? 

Le  génie  du  P.  Sebaftien  pour 
les  Méchaniques,  ne  tarda  pas  à  fe 
faire  connoître.  En  voici  un  exem- 
ple qui  mérite  bien  d'être  rapporté. 

Charles  II.  Roi  d'Angleterre 
avoit  envoyé  au  reu  Roi  deux 
montres  à  répétitions ,  les  premiè- 
res qu'on  ait  vues  en  France.  Elles 
ne  pouvoient  s'ouvrir  que  par  un 
fecret  -,  précaution  des  Ouvriers 
Anglois  pour  cacher  ,  dit  M.  de 
Fontenelle,  la  nouvelle conftruc- 
tion  ,  Se  s'en  affurer  d'autant  plus 
la  gloire  Se  le  profit.  Les  montres , 
continue  l'Auteur ,  fe  dérangèrent 
Se  furent  mifes  entre  les  mains  de 
M.  Martineau  ,  Horloger  du  Roi  ; 
ce  fameux  Horloger  n'y  put  tra- 
vailler faute  de  les  fçavoir  ouvrir , 
Se  il  dit  à  M.  Colbert ,  qu'il  ne 
connoiffoit  qu'un  jeune  Carme  ca- 
pable d'ouvrir  les  montres  en  que- 
ftion  ,  &  que  fi  ce  Carme  n'y  réuf- 
fiffoit  pas,  il  falloit  prendre  le  parti 
de  les  renvoyer  en  Angleterre.  M. 
Colbert  confentit  qu'on  les  donnât 
au  P.  Sebaftien  ,  qui  les  ouvrit  allez 


M  A  R 

promptement ,  &  de  plus  les  ra- 
commoda  fans  feavoir  qu'elles  ap- 
partenoient  au  Roi.  Il  étoit  déjà 
habile  en  Horlogerie ,  ôc  ne  de- 
mandoit  que  des  occafions  de  s'y 
exercer. 

M.  de  Fontenelle  ne  termine  pas 
ici  l'Hiftoire  ,  en  voici  la  fuite  qui 
vaut  bien  le  commencement. 

M.Colbert ,  quelque  tems  après, 
envoya  ordre  au  P.  Sebaftien  de  le 
Tenir  trouver  à  fept  heures  du  ma- 
tin d'un  jour  marqué.  Nulle  expli- 
cation fur  le  motif  de  cet  ordre.  Le 
P.  Sebaftien  ne  manqua  pas  à  l'heu- 
re ;  il  fe  prefenta  interdit  &  trem- 
blant. Le  Miniftre  accompagné  de 
deux  Académiciens  dont  M.  Ma- 
riote  étoit  l'un,  le  loua  fur  les  mon- 
tres ,  &  lui  apprit  pour  qui  il  avoit 
travaillé  ,  l'exhorta  à  fuivre  fon 
grand  talent  pour  les  Méchaniques , 
Se  fur-tout  à  étudier  les  Hydrauli- 
ques ,  qui  devenoient  neceflaires  à 
la  magnificence  du  Roi;  il  lui  re- 
commanda de  travailler  fous  les 
yeux  de  ces  deux  Académiciens , 
qui  le  dirigeraient,  &  pour  l'ani- 
mer davantage  ,  &:  parler  plus  di- 
gnement en  Miniftre  ,  il  donna  au 
jeune  Carme  qui  n'a  voit  encore  que 
dix-  neuf  ans,  fix  cens  livres  de 
penfion ,  dont  la  première  année  , 
félon  la  coutume  de  ce  tems  -  là , 
lui  fut  payée  le  même  jour.  Notre 
Hiftoricn  qui  ne  manque  jamais  de 
relever  fes  récits  par  quelques  réfle- 
xions ,  dit  ici  ,  que  lorfque  les 
Princes  ou  les  Minières  ne  trouvent 
■bas  des  hommes  en  tout  genre  ,  c'eft 
qu'ils  ne  fçavent  pas  qu'il  faut  des 
hommes ,  ou  qu'ils  n'ont  pas  l'art  d'en 
irtuver. 


S,  17  34-  1/5 

Selon  l'ordre  que  le  P.  Sebaftien 
reçut  de  M.  Colbert,  de  s'attacher 
aux  Hydrauliques  ,  il  pofleda  à 
fond,la  conftt  uiition  des  pompes  &: 
la  conduite  des  eaux.  Il  a  eu  part  à 
divers  Aqueducs  de  Verfaiiles  ,  & 
pendant  fa  vie  ,  il  ne  s'eft  guéres 
fait  ou  projette  en  France  de  grands 
canaux  de  communication  de  rivie- 
res,pour  lefquels  on  n'ait  du  moins 
pris  fes  confeils. 

Il  a  fçû  joindre  à  cela  une  gran- 
de connoiftance  des  arts  ,  &  il  a 
travaillé  à  un  grand  nombre  de 
modèles  pour  différentes  Manufac- 
tures ;  par  exemple,  pour  les  pro- 
portion des  filières  des  Tireurs  d'or 
de  Lyon  ,  pour  le  blanchilTage  des 
toiles  à  Senlis ,  pour  les  Machines 
des  monnoyesde  Fiance. 

Il  a  imaginé  pour  M.  le  Duc  de 
Noailles ,  lorfque  ce  Duc  faifoit 
la  guerre  en  Catalogne ,  de  nou- 
veaux Canons  ,  qui  fe  portoient 
plus  aifément  fur  les  montagnes,  &: 
fe  chargeoient  avec  moins  de  pou- 
dre ,  &  il  a  fait  des  Mémoires  pour 
M.  le  Duc  de  Chaune  fur  un  Ca- 
nal de  Picardie.  C'eftlui  qui  a  in 
venté  la  machine  à  tranfportcr  de 
gros  arbres  tout  entiers  ,  fans  les 
endommager,  de  forte  que  du  jour 
au  lendemain  Marly  changcoit  de 
face  ,  &  étoit  orné  de  longues  al- 
lées arrivées  de  la  veille. 

Les  Tableaux  mouvans  ne  font 
pas  oubliés  par  M.  de  Fontenelle  , 
&  ils  font  un  des  articles  des  plus 
curieux  de  l'Eloge.  Le  Roi  en  don- 
nant à  l'Académie  le  Règlement 
de  1699.  nomma  le  P.  Vbrftien 
Honoraire  de  cette  Académie  , 
V.j 


i54  JOURNAL  D 

place  qui  n'obligeoit  l'Académi- 
cien à  aucun  travail  réglé  i  &  dans 
laquelle  cependant  il  n'a  pas  laifle 
de  donner  fon  élégante  Machine  du 
Syftème  de  Galilée  pour  les  corps 
pefans,  &:  fes  combinaifons  des  car- 
reaux mi  partis  qui  ont  excité  d'au- 
tres Scavansà  cette  recherche. 

Les  dernières  années  de  fa  vie 
ont  été  un  tilïu  d'infirmitez ,  Si  en- 
fin il  mourut  le  5  Février  1729. 

Après  avoir  fait  mention  des  ta- 
lens  du  P.  Sebaftien  pour  les  Ma- 
chines, nous  ne  devons  pas  oublier 
l'eiTentiel ,  qui  eft  le  foin  qu'il  eut 
d'être  aulli  bon  Chrétien  que  bon 
Méchanicien.  Il  a  toujours  été  très- 
fidéle  à  fes  devoirs ,  extrêmement 
deiîntcrefte,  doux,  modefte  ,&c  fé- 
lon i'expreflion  dont  fe  fervit  M.le 
Prince  ,  en  parlant  de  ce  Religieux 
au  Roi ,  aujfifimple  que  [a  Machi- 
nes. Les  derniers  traits  de  fon  Eloge 
tournent  trop  à  fa  gloire  pour  ne 
devoir  pas  trouver  ici  place. 

L'Auteur  remarque  que  le  Pcre 
Sebaftien  conferva  toujours  dans  la 
dernière  rigueur  ,  tout  l'extérieur 
convenable  à  fon  état  de  Reli- 
gieux, Que  fort  répandu  au  dehors, 
&  prefque  inceiTamment  diflipé  , 
il  ne  contracta  rien  de  cet  air  que 
donne  le  grand  commerce  du 
monde  ,  &  que  le  monde  ne  man- 
que pas  de  défaprouver  &  de  railler 
dans  ceux  mêmes  à  qui  il  l'adonné, 
quand  ils  ne  font  pas  faits  pour  l'a- 
voir. 

M.  de  Fontenelle  demande  ici 
comment  le  P.  Sebaftien  eût  pu 
manquer  aux  bienféances  d'un  habit 
qu'il   n'a   jamais   voulu  quitter  , 


ES  SÇAV  ANS, 
quoique  des  perfonnes  puiffàntes- 
lui  offriircnt  de  l'en  défaire  par  leur 
crédit  ;  en  fe  fervent  de  ces  moyens 
que  l'on  -ifçu  rendre  légitimes.  »  11  ne 
»  prêta  point  l'oreille  à  des  propo- 
»  lirions  qui  en  auroient  peut-être 
»  tenté  beaucoup  d'autres,  ex  il  pré- 
paiera la  contrainte  &  la  pauvreté  où 
»  il  vivoit  ,  à  une  liberté  &  à  des 
ncommoditez  qui  euftenî  inquietté 
»  fa  délicatefle  de  confeience. 

L'Eloge  du  Père  Sebaftien  elt 
imprimé  dans  l'Hiftoire  de  l'Aca- 
démie des  Sciences,  année  1719.. 
avec  celui  de  M.  Bianchini  dont 
nous  devons  parler  ,  &  celui  de  M. 
Maraldi  qui  viendra  enfuite. 

Nous  avons  palTé  dans  le 
cours  de  cet  Extrait  deux  Hiftoires 
curieufes ,  que  les  Lecteurs  ne  fe- 
ront peut-être  pas  tâchés  que  nous 
rappellions  ici  ,  tant  pour  la  ma- 
nière dont  elles  font  contées  par 
l'Auteur  de  l'Eloge  ,  &  que  nous 
fuivrons  exactement  ,  que  pour 
leur  fingularité  propre. 

La  première  concerne  un  Gen- 
tilhomme Suédois  ,  qui  attiré 
par  la  réputation  du  Père  Se- 
baftien ,  vint  à  Paris  lui  redeman- 
der ,  pour  ainfi  dire  ,  fes  deux 
mains  qu'un  coup  de  canon  lui 
avoit  emportées  -,  il  ne  lui  reftoit 
que  deux  moignons  au-deftus  du 
coude.  Il  s'agifloit  de  faire  deux 
mains  artificielles  qui  n'auroient 
pour  principe  de  leur  mouvement 
que  celui  de  ces  moignons ,  diftri- 
bué  par  des  fils  à  des  doigts  qui  fe- 
roient  flexibles.  On  aflurc  que 
l'Officier  Suédois  fut  renvoyé  au 
Père  Sebaftien  par  les  plus  habiles 


M  A  R 

Anelois ,  peu  accoutumés  cepen- 
dant à  reconnecte  aucune  fuperio- 
tité  dans  la  nation  Françoife.  Une 
entrepnfe  fi  difficile  ,  &  dont  le 
fuccès  ne  pouvoit  être  qu  une  ei- 
pece  de  miracle,  n'effraya  pas  tout- 

à  fait  le  P.  Sebaftien.  Il  alla  même 
fi  loin  qu'il  ofa  expofer  aux  yeux 
de  l'Académie  &  du  Public ,  fes 
cflais,  fes  tentatives,  &  diflerens 
morceaux  déjà  exécutes  qui  dé- 
voient entrer  dans  le  deffein  géné- 
ral Mais  Monfieur  eut  alors  beloin 
de  lui  pour  le  Canal  d'Orléans,  & 
interrompit  le  P.  Sebaftien  dans  un 

travail  qu'il  abandonna  peut -être 
fans  beaucoup  de  regret.  En  partant 
il  mit  le  tout  entre  les  mains  d  un 
Méchanicien  ,  dont  il  eftimoit  le 
génie  &  qu'il  connoiffoit  propre  a 
fuivre  ou  à  rectifier  fes  vues.  C  elt 
M  du  Quet  dont  l'Académicien  a 
approuvé  différentes  inventions. 
Celui-ci  mit  la  main  artificielle  en 
état  de  fe  porter  au  chapeau  de 
l'Officier  Suédois ,  de  l'oter  de  dei- 
fus  fa  tête,  &  de  l'y  remettre  :  mais 
cet  étranger  ne  put  faire  un  allez 
lona  ftjour  à  Paris  ,  de  fc  relolut  a 
une"  privation  ,  dont  il  avoit  pris 
peu  à  peu  l'habitude. 

M  deFontenelle  dit  fur  cela  , 
Qu'on  avoit  cependant  trouvé  de 
nouveaux  artifices  ,  &  paffe  les 
bornes  dans  lefquelles  on  fe  eroyoït 
renfermé  ,  &  que  peut"  être  fe 
trompera-ton  plutôt  en  fe  défiant 
trop  de  l'induftrie  humaine  qu  en 
s'y  fiant  trop. 

La  seconde  Histoire  concerne 
la  vifite  dont  le  feu  Czar  Pierre  c 

Grand, honora  le  P.  Sebaftien.  Elle 


S  ;    ï7?4-    ""  **? 

dura  trois  heures.  Ce  Monarque  ne 
avec  tant  de  génie  ,  quoique  dans 
une  barbarie  fi  épailïc  ;  ce  Monarr 
que  ,  Créateur  d'un  peuple  nou- 
veau ,  ne  pouvoit  fe  raffafier  de 
voir  dans  le  Cabinet  de  cet  habile 
Homme  ,  tant  de  modèles  de  Ma- 
chines ,  ou  inventées  ou  perfec- 
tionnées par  lui ,  tant  d'Ouvrages 
dont  ceux  qui  n'étoient  pas  recom- 
mandables  par  une  grande  utilité , 
l'étoient  au  moins  par  une  extrême 
induftrie.  Après  la  longue  applica- 
tion que  le  Prince  donna  a  cette 
efpece  d'étude  ,  il  voulut  boire,  & 
ordonna  au  P.  Sebaftien  ,  qui  s'en 
défendit  le  plus  qu'il  put ,  de  boire 
après  lui  dans  le  même  verre  ,  ou 
Sa  Mafefté  verfa  elle-même  le  vin  , 
elle  à  qui  le  defpotifme  le  plus  ab- 
folu  auroit   pu  perfuader  que  le 
commun  des  hommes  n'étoit  pas 
de  la  même  nature  qu'un  Empe- 
reur de  Ruffie. 

Les  Sçavans  doivent  d'autant 
plus  s'intereffer  à  ces  fortes  d'hon- 
neurs rendus  à  leurs  pareils  ,  qu'ils 
n'y  font  guéres  accoutumés. 


Eloge  de  M.  Bianchini. 

François  Bianchini  né  à  Vérone 
le  13  Décembre  1661.  de  Gafpat 
Bianchini ,  &  de  Cornelie  Vailetti, 
embraffa  l'état  Ecclefiaftiquc ,  &  a 
eu  ,  remarque  M.  de  Fontenelle  , 
fur'la  fin  de  l'Eloge,  deuxCanoni- 
cats  dans  deux  des  principales 
Eglifes  de  Rome.  Il  a  été  Camener 
d'honneur  de  Clément  XI.  &  Pré- 
lat Domeftique  de  Benoît  XIIL 
outre  le  Secrétariat  de  la  Congter 


i;6*  JOURNAL   D 

gation  du  Calendrier,Clément  XI. 
lui  donna  par  une  Bulle  ,  une  In- 
tendance générale  fur  toutes  les 
Antiquitez  de  Rome.  Il  auroit  pu 
afpirer  plus  haut  dans  un  Pays  où 
l'on  fçait  qu'il  faut  quelquefois  dé- 
corer la  pourpre  elle  -  même  par 
des  talens  &  par  le  fçavoir.  L'exem- 
ple récent  du  Cardinal  Noris  l'au- 
torifoit  à  prendre  des  vues  il  éle- 
vées ,  mais  ceux  qui  l'ont  connu 
alTurent  que  fa  modération  natu- 
relle ,  tk  fa  Religion  l'en  preferve- 
rent  toujours. 

C'étoit  un  homme  d'une  feien- 
ce  immenfe  ,  grand  Hiftorien  , 
grand  Mathématicien  .,  grand 
Aftronome  ;  fes  Ouvrages  en  font 
foi.  M.  de  Fonte nelle  en  donne  le 
détail.Il  étoit  même  très-éloquent, 
&  on  a  de  lui  des  productions  qui 
font  des  Pièces  d'éloquence ,  il  cm- 
bralîbit ,  dit-on  ,  jufqu'à  la  Poe'fie. 
Auffi  lailîe  t-il  voir  aiTez  fouvent 
dans  fon  ityle  une  force  &C  une 
beauté  d'exprefïîon  ,  des  figures , 
des  comparaifons  ,  qui  fentent  le 
Poète. 

L'Académie  le  mit  dès  l'an  1705. 
dans  le  petic  nombre  de  fes  aflo- 
ciez  étrangers.  Il  mourut  d'une  hy- 
diopiiîe  le  deux  Mars  1719.  on  lui 
trouva  uncilice  qui  ne  fut  décou- 
vert que  par  fa  mort ,  &  ce  qui 
vaut  mieux  que  tous  les  cilices 
c'ellque  toute  fa  vie  ,  par  rapporta 
la  Religion  ,  avoit  été  conforme  à 
cette  pratique  fecrette.  »  La  facili- 
»>  té ,  la  candeur  de  fes  mœurs  étoit 
»  extrême  ,  &  encore  plus ,  s'il  fe 
»  peut,  Ion  ardeur  à  taire  plaifir." 
Il  la  portoit  à  un  point  dont  on  ne 


ES   SÇAVANS» 

trouve  guéres  d'exemples  parmi  1er 
perfonne  >  de  Cabinet ,  c'elt  »  qu'il 
»  n'étoit  jamais  engagé  dans  aucune 
»  étude  fi  interelfante  pour  lui , 
>»  dans  aucun  travail  dont  la  conti- 
»j  nuation  fwivie  fût  fi  neceiTaire ,  & 
»  l'interruption  (1  dommageable  , 
»  qu'il  n'abandonnât  tout  dan»  le 
j>  moment  pour  rendre  un  fervice. 
Les  Ouvrages  qu'il  a  lailTés  font  : 

La  Hiftoria  Univerfale  provata 
con  momimenti ,  &figurata  conjîmbo- 
li  de  gli  Antichi. 

De  Calendario  &  Cyclo  Cxfaris 
ac  de  Canone  Pafchali  Santli  Hippo- 
lyti  Martyris  ,  Dijfertaiiones  dut. 

De  Nnmmo  &  Gnomone  Elemen- 
iino. 

Caméra  ed  lnfcriptiom  Sepnlerali 
de  llberti ,  fervi ,  ed  "Vfficiali  délia 
Cafa  di  Augitjlo  ,  Sec. 

Hefperi  &  Phofphiri  nova  Pha- 
nomeiia,  Jive  obfervationes  arcà  Pla- 
mtam  Veneris. 

M.deFontenelle  donne  l'expli- 
cation de  tous  ces  Ouvrages.  On 
n'auroit  pas  été  fâché  de  trouver 
dans  cet  Eloge  quelque  détail  tou- 
chant la  famille  de  M.  Bianchini  ; 
mais  on  n'y  trouvé  autre  chofe  fur 
cet  article  ,  que  ce  que  nous  en 
avons  rapporté  au  commencement, 
fçavoir  que  le  Pcre  de  M-  Bianchi- 
ni ,  s'appelloit  Gafpar  Bianchini,  & 
fa  mere  Cornelie  Vailetti. 

Eloge  de  M.  Marald'u 

Jacques  -  Philippe  Maraldi  né  le 
2iAouft  1^6  5.  à  Périnaldo  dans  le 
Comté  de  Nice ,  lieu  déjà  honoré 
par  la  nailTancc  du  grand  Cafllni  ; 


M  A  R 

tut  fils  de  François  Maraldi  ,  &c 
d'Angela-Catherine  Caflîni  ,  feeur 
de  ce  fameux  Aftronome. 

Ayant  fini  avec  dilhnétion  ,  le 
cours  des  études  ordinaires ,  il  cul- 
tiva les  Mathématiques ,  &  à  l'âge 
de  iz  ans  appelle  en  France,  par  M. 
Caflîni  fon  oncle ,  il  fe  mit  à  obfer- 
ver  le  Ciel  ,  &  conçut  le  deflein 
de  faire  un  Catalogue  des  étoiles 
fixes'',  Catalogue  qui  eft  la  pièce 
fondamentale  de  tout  l'Edifice  de 
"Aitronomie.    ■ 

De  cet  Ouvrage  qui  n'eft  encore 
que  manuferit ,  il  a  détaché  des  po- 
rtions d'étoile  dont  quelques  Au- 
teurs avoient  befoin  ;  par  exemple, 
M.  Dclifle  pour  fon  Globe  Célefte , 
M.  Manfrcdi  pour  fes  Ephéméri- 
des  ,  M.  Ifaac  Broukner  pour  le 
Globe  dont  il  eft  parlé  dans  l'Hi- 
ftoire  de  l'Académie  année  1725. 
M.  de  Fontenelle  dit  en  parlant  de 
ce  Catalogue  que  l'Auteur  l'avoit 
tellement  dans  fa  tête  ,  qu'on  ne 
lui  pouvoit  déligner  aucune  étoile, 
quoique  prefque  imperceptible  , 
qu'il  ne  dît  fur  le  champ  la  place 
qu'elle  occupoit  dans  fa  conftella- 
tion  ;  de  forte  que  les  étoiles  étant 
appellées  dans  les  Livres  faints , 
l'armée  du  Ciel  3  on  pourroit  dire 
que  M.  Adaraldi  connoijfeit  toute 
cette  Armée  t  comme  Cirus  connoijfoit 
la  jienr.e. 

On  peut  réduire  toute  la  vie  de 
ce  grand  Aftronome  à  la  conftruc- 
tion  du  Catalogue  dont  il  s'agit ,  à 
des  Obfervations,  foit  journalières, 
foit  rares ,  comme  celles  des  Pha- 
fes  de  l'Anneau  de  Saturne  ;  à  des 
déterminations  de  retours  d'étoiles 


fixes,qui  difparoilTent  quelquefois; 
à  des  applications  adroites  des  mé- 
thodes données  par  M.  Caflîni  \  hc 
à  des  vérifications  de  Théories  qui 
peuvent  recevoir  plus  d'exactitu- 
de. Voilà  un  précis  des  évenemens 
delà  Vie  de  M.  Maraldi  ;  les  diffe- 
rens  Volumes  de  l'Hiftoire  de  l'A-; 
cadémie  des  Sciences  en  font  rem- 
plis. 

A  quelques  voyages  prés  que  fie 
cet  Aftronome  ,  foit  pour  travaille! 
fous  M.  Callini  fon  oncle  à  la  pro- 
longation de  la  fameufeMéridiennc 
jufqu'à  l'extrémité  du  Royaume  , 
foit  pour  s'unir  avec  ceux  que  l'im- 
portante affaire  du  Calendrier ,  oc- 
cupoit ;  foit  pour  terminer ,  avec 
trois  autres  Académiciens ,  la  gran- 
de Méridienne  du  côté  du  Septen- 
trion ;  à  ces  voyages  près ,  on  peut 
dire  que  M.  Maraldi  a  pafle  fa  vie, 
depuis  fon  arrivée  à  Paris,  renferme 
dans  l'Obfervatoire,  ou  plutôt ,  fé- 
lon la  reflexion  de  M.  de  Fontenel- 
le, qu'il  l'a  paflee  toute  entière 
dans  le  Ciel ,  d'où  fes  regards  & 
fes  recherches  ne  fortoient  point. 

Il  ne  lui  refloit  plus ,  pour  ache- 
ver fon  Catalogue  des  étoiles  fixes, 
que  d'en  déterminer  quelques-unes 
vers  le  Zénit  &  vers  le  Nord  :  dans 
ce  deflein  il  venoit  de  placer  un 
quart  de  cercle  mural ,  fur  le  haut 
de  l'Obfervatoire  ,  lorfqu'il  fut  at- 
taqué de  la  maladie  dont  il  eft 
mort  ,  maladie  contre  laquelle  il 
employa  inutilement  le  feul  remè- 
de auquel  il  avoit  confiance  &  dont 
il  s'étoit  toujours  bien  trouvé,  c'eft 
la  dicte  aultere.  Il  mourut  le  pre- 
mier Décembre  172.9. 


ij-8        JOURNAL    D 

Son  caractère  ,  félon  la  remar- 
que de  M.  de  Fontenelle ,  écoit  ce- 
lui que  les  Sciences  donnent  ordi- 
nairement à  ceux  qui  en  font  leur 
unique  occupation  :  du  ferieux  ,  de 
la  iimplicité  ,  de  la  droiture. 

Eloge  de  M.  de  Valincourt. 

Jean-Baptifte-Henri  du  Trouf- 
fet  de  Valincourt  naquit  le  pre- 
mier Mars  1653.  de  Henri  du 
TroufTet  &  de  Maiie  du  Pré.  Sa  fa- 
mille étoit  noble  Si  honorable,  ori- 
ginaire de  S.  Quentin  en  Picardie. 
Il  n'avoit  que  fix  ou  fept  ans,  qu'il 
perdit  fon  père  ,  &  demeura  entre 
les  mains  d'une  mère  propre  à 
remplir  feule  tous  les  devoirs  de 
l'éducation  de  fes  en  fans. 

Il  n'elt  guéres  d'Eloges  où  ceux 
qui  en  font  le  fu|et,ne  foient  repre- 
fentés  comme  s'étant  diftingués  dès 
leurs  plus  tendres  années  par  des 
qualitez  au-deffus  de  leur  âge.  M. 
deFontenelle  qui  n'aime  quelevrai, 
&  qui  fçait  d'ailleurs  que  le  mérite 
de  l'enfance  eff  un  préfage  fort  équi- 
voque dumérite  futur,  &  que  ceux 
qui  brillent  le  plus  alors  n'ont  fou- 
vent  que  le  feu  de  l'éclairjM. deFon- 
tenelle perfuadé  de  cette  maxime 
confirmée  tous  les  jours  par  l'expé- 
rience, ne  craint  point  d'avoiier 
que  celui  dont  il  va  parler  ne  brilla 
point  dans  fes  clafles ,  &  que  ce 
Latin  &c  ce  Grec  qu'on  y  apprend  , 
n'étoient  pour  lui  ,  que  des  fons 
étrangers  dont  il  chargeoit  fa  mé- 
moire ,  parce  qu'il  le  falloit  ;  mais 
en  même  tems  il  obferve  que  M. 
de  Valincourt  répara  dans  la  fuite 


ES    SÇAVANS, 

avec  ardeur  ,  la  nonchalance  du 
tems  paire,  &  fe  nourrit  avidement 
de  la  lecture  des  bons  Auteurs  tant 
anciens  que  mordernes. 

Les  petits  Ouvrages  où  il  lui 
échappoit  quelquefois  de  parler  la 
langue  des  Poètes ,  Ouvrages  qu'il 
ne  regardoit  pas  aiTez  férieufement 
pour  en  faire  parade  ,  ni  même 
pour  les  djfavoùer  ;  l'habitude  que 
jufqu'à  la  fin  il  a  confervée  de  cette 
langue  qu'il  ne  parloit  qu'à  l'oreille 
de  quelques  amis,  &c  en  badinant;fa 
Critique  de  la  PrinceiTe  deCléves, 
fa  modération  de  n'oppofer  que  le 
fllence  à  la  réponfe  qui  lui  fut  laite 
fur  ce  fujet ,  avec  autant  d'amertu- 
me &  d'emportement ,  dit  M.  de 
Fontenelle  ,  que  fi  on  avoit  eu  à 
défendre  une  mauvaife  caufe  ;  fon 
averlîon  pour  ces  fortes  de  difpu- 
tes ,  toujours  onéreufes  à  ceux  qui 
ont  les  mains  liées  par  de  bonnes 
mœurs  ,  Si  par  les  bienféances  ;  la 
perfuafion  oùilétoit  que  le  public 
lui  même ,  malgré  fa  malignité  ,  fe 
laffe  bien  tôt  de  ces  fortes  de  fpec- 
tacles ,  cv  qu'après  avoir  vu  une  ou 
deux  joutes ,  il  lailTe  d'ordinaire  , 
les  deux  Champions  fe  battre  fur 
l'Arénc  fans  témoins  ,  fon  prompt 
renoncement  à  la  critique  pourfe 
tourner  d'un  autre  côté  plus  conve- 
nable à  fes  talens  &  à  fon  caraclere. 
Sa  V te  de  François  de  Lorraine  Due 
de  Guife.  Sa  dignité  de  Secrétaire 
Général  de  la  Marine ,  fon  atta- 
chement à  M.  le  Comte  de  Tou- 
louze  fon  Maître  &  ion  Bienfai- 
teur ;  fon  goût  pour  les  Mathéma- 
tiques ,  qui  le  mit  en  état  de  rem- 
plir dignement  une  place  d'Hono- 
raire 


M  A  R 

(faire  à  laquelle  l'Académie  des 
Sciences  le  nomma  en  1721-La 
tranquillité  avec  laquelle  il  regarda 
de  les  propres  yeux  l'incendie  de  fa 
Bibliothèque  ,  ne  difant  autre  cho- 
fe,  en  voyant  périr  ce  tréfor,  linon 
qu'/7  n'aurait  guère  s  profilé  de  fes  Li- 
vres y  s'il  nefçavoit  pas  les  perdre^ 
L'égalité  d'ame  que  lui  donnoitfa 
Philofophie  ,  cV  encore  plus  fa  Re- 
ligion qui  ne  fe  démentit  jamais  ; 
tout  cela  ,  ainfî  que  tout  ce  qui 
fait  la  matière  des  autres  Eloges  de 
ce  Recueil ,  tant  de  ceux  dont  nous 
avons  parlé  jufqu'ici ,  que  de  ceux 
dont  il  nous  refte  à  parler ,  eft  tou- 
ché de  manière  par  M.  de  Fonte- 
nelle  ,  qu'en  ne  fçait  auquel  des 
deux  on  doit  le  plus  applaudir^ou  à 
celui  qui  lotie  ,  ou  à  celui  qui  eft 
loiié. 

M.  de  Valincourt  fut  attaqué  de 
diverfes  maladies  fur  la  fin  de  fes 
louis ,  &  mourut  le  4  Janvier  1730. 

Eloge  de  M.  le  Comte  Marfigli. 

Louis-Ferdinand  Marfigli  naquit 
à  Boulogne  le  10  Juillet  1658. du 
Comte  Charles-François  Marfigli , 
iflu  d'une  ancienne  Maifon  Patri- 
cienne de  Boulogne ,  &  de  la  Com- 
teffé  Marguerite  Cicolani. 

L'éducation  que  fes  parens  lui 
donnèrent  d'une  manière  convena- 
ble à  fa  naiftance ,  celle  qu'il  fe 
donna  à  lui  -  même ,  par  rapport 
aux  Lettres-,  le  foin  qu'il  eut  d'aller 
dès  fa  première  jeuneffe  ,  chercher 
les  plus  illuftres  Sçavans  d'Italie, 
<i'apprendre  de  Seminiano  -  Mon- 
tanar  &  d'Alphonfe  -  Boreili  ,  les 
Mars, 


S  ;    175  4;  1  j9 

Mathématiques  ;  de  Marcel  Malpi- 
guil'Anatomie  ;  8c  des  Obferva- 
tions  que  fon  génie  lui  fourniftbit 
dans  fes  voyages,  furl'HiftoireNa- 
tureile  ;  [\c  voyage  qu'il  fit  à  Con- 
ftantinopie  en  1679.  où  il  examina 
en  Philofophe  ,  le  Bofphore  de 
Thrace  &  fes  fameux  Courans ,  le 
Traité  qu'il  en  donna  en  168 1.  ce- 
lui qu'enfuitc  il  a  publié  rDel  inerc- 
mentoe  decremento  dell' Imperio  Otto. 
mano ,  &  qui  paroît  depuis  quel- 
ques années  imprimé  à  Amfterdam 
avec  une  Traduction  Françoife  -, 
l'offre  qu'à  fon  retour  de  Conftan- 
tinople  ,  il  fit  de  fes  fervices  à 
l'EmpereurLéopoldquilesacceptai 
fes  lignes  &  fes  travaux  fur  le  Rab 
pour  arrêter  les  Turcs  ;  fa  captivité 
chez  les  Tartaresen  1683.1e  2  Juil- 
let jour  de  la  Vifitation  ,  fon  ra- 
chapt  l'année  fuivantele  25  Mars 
jour  de  l'Annonciation  ;  la  Corn- 
million  que  lui  donna  l'Empereur 
de  fortifier  Strigonie  ,  &  d'ordon- 
ner les  travaux  neceffàires  pour  le 
Siège  de  Bude  que  méditoient  les 
Impériaux  ;  la  part  qu'il  eut  à  lj 
conftruètion  du  Pont  fur  le  Danu- 
be ,  fon  élévation  à  la  Charge  de 
Colonel  en  1689.  fes  deux  Ambaf- 
fides  à  Rome  en  cette  même  année 
pour  faire  part  aux  Papes  Inno- 
cent XI.  &  Alexandre  VIII.  des 
grands  fucecs  des  Armées  Chrétien- 
nes ,  l'honneur  qu'il  eut  d'être  em- 
ployé par  l'Empereur  pour  le  rè- 
glement des  limites  entre  l'Empe- 
reur Si  la  Republique  de  Venife  , 
d'une  part ,  &  la  Porte  d'autre  part, 
le  fuccès  avec  lequel  il  s'en  :cqii  t- 
ta  ,  la  générofité  qu'il  exerça  en- 
X 


i6o  JOURNAL  D 

vers  deux  pauvres  Turcs  dont  il 
avoir,  été  cfclave  pendant  fa  capti- 
vité chez  les  Tartares  ,  &  envers 
un  troifiéme  ,  qui  pendant  cet- 
te même  captivité  ,  &  par  l'or- 
dre des  deux  autres  Turcs ,  l'en- 
chaînoit  toutes  les  nuits  à  un  pieu, 
les  triftes  lbupçons  qu'il  efluya  par 
rapport  au  Siège  de  BriiTac  ,  &  fa 
conduite  pleinement  juftifiée  fut 
ce  fujet ,  l'Ouvrage  qu'il  a  donné 
en  171 3.  fous  le  titre  d' Hiftoire 
Phyficjtie  de  la  Msr  3  la  donation 
qu'il  fit  en  17  La.  au  Sénat  de  Bolo- 
gne ,  d'un  très-riche  fonds  de  tou- 
res  les  Pièces  qui  peuvent  fervir  à 
.'Hiftoire  Naturelle  ,  fonds  acquis 
1  grands  frais ,  5i  tranfporté  encore 
a  plus  grands  frais ,  de  difFercns 
lieux  éloignés  ,  jufqu'à  Bologne  -, 
l'Académie,  qu'en  1714.  il  a  érigée 
ii  cette  occafion  fous  le  titre  d'Infti- 
lui  des  Sciences  &  des  Arts  de  Bolo- 
gne ,  fa  réception  dans  l'Académie 
des  Sciences  de  Paris  l'année  fui- 
vante  ,  en  qualité  d'Aiîocié  étran- 
ger ,  l'Imprimerie  qu'il  a  fondée  à 
Bologne  fous  le  nom  d'Imprime- 
rie de  S.  Thomas  d'Aquin  ,  l'Ou- 
vrage qu'il  a  publié  du  Cours  du 
Danube  3  dont  il  a  paru  à  la  Haye 
en  iyi6-  une  magnifique  édition 
en 6 Volumes;  enfin  l'union  qu'à 
l'exemple  des  anciens  Romains  , 
M.  Marfigli  a  faite  des  Lettres  & 
des  Armes ,  &  la  moi  t  de  ce  grand 
Homme  le  premier  Novemb.  1750. 
dans  la  Ville  de  Bologne  fa  Pa- 
trie qui  n'a  rien  oublié  de  tout  ce 
qu'elle  devoit  à  la  mémoire  d'un 
Citoyen  fi  chéri  &  fi  digne  de  l'ê- 
ïre  5  tout  cela  ne  fait  qu'une  partie 


ES  SÇAVANS, 

des  matériaux  que  M.  de  Fonteneî- 
le  ,  avec  fa  délicate(fe  ordinaire  3  a 
mis  en  œuvre  dans  cet  Eloge. 

Eloge  de  M.  du  Verney. 

Guichard-Jofeph  du  Verney  né 
à  Feurs  en  Forcit  3  le  5  Aouft  1^48. 
de  Jacques  du  Verney  Médecin  de 
la  même  Ville  ,  6c  d'Antoinette 
Pittre  3  vint  à  Paris  en  1667.  après 
avoir  étudié  cinq  ans  en  Médecine 
à  Avignon.  Arrivé  à  Paris ,  ilfefit 
bien  -  tôt  un  grand  nom  ,  par  fa 
feience  dans  l'Anatômie  ,  &  par 
l'éloquence  avec  laquelle  il  s'expli- 
quoit  fur  cette  matière ,  éloquence 
pleine  de  feu  qui  réveillokfes  Au- 
diteurs &  ne  leur  permettoient  pas 
de  languir  un  moment.  Il  entra  en. 
167e.  dans  l'Académie  des  Scien- 
ces qui  ne  comptoit  encore  que 
dix  années  depuis  ■  fon  établille- 
ment.  Etant  Académicien ,  il  fut 
choifi  pour  enleigner  l'Anatômie  à 
M.  le  Dauphin  qui  prit  tant  dé- 
goût aux  leçons  de  M.  du  Verney, 
que  ce  Prince  offrit  quelquefois  de 
ne  point  aller  à  la  chafTe ,  (i  on 
pouvoit  les  lui  continuer  après  fon 
dîner.  En  1679.  il  fut  nommé  Pro- 
felîeur  d'Anatomie  au  Jardin 
Roval,  où  il  s'attira  un  nombre  ex- 
traordinaire d'Auditeurs  ;  il  publia 
en  1683.  un  Traité  de  C  organe  de 
l'oùte ,  qui  fut  traduit  en  Latin  l'an- 
née fuivante,  &  imprimé  à  Nurem- 
berg ,  feul  Livre  qu'ait  donné  ce 
grand  Anatomifte  ,  retenu  fans 
doute  par  un  trop  grand  amour 
de  la  perfection ,  ou  par  une  trop 
grande  délicatelfe  de  gloire. 


M  A  R 

M.  du  Verney  fut  pendant  quel 
que  tems  le  feul  Anatomifte  de  l'A- 
cadémie ,  &c  ce  ne  tut  qu'en  1684. 
qu'on  lui  joignit  M.  Méry.  M.  de 
Fontenelle  remarque  que  ces  deux 
Anatomiftes  n'avoient  rien  de  com- 
mun qu'une  grande   paflîon  pour 
la  même  feience  ,  &c  beaucoup  de 
capacité  ;  que  du  refte  ,  ils  étoient 
prefque  entièrement  oppofés ,  fur- 
tout  à  l'égard  des  talens  extérieurs. 
La  difpute  qu'ils  ont  eue  fur  la  fa- 
meufe  queftien  de  la  circulation  du 
fang  du  fœtus  ,  eft  ici  touchée  en 
partant  ;  on  en  a  parlé  tant  de  fois , 
qu'il  feroit  inutile  de  rebattre  cette 
matière. 

L'admiration  que  caufoient  à  M. 
du  Verney  ,  Jes  merveilles  que  fon 
attachement  à  l'Anatomie  lui  dé- 
couvrait tous  les  jours  dans  la  ftruc- 
turefurprenante  du  corps  humain , 
élevoit  tellement  fon  efprit  à  la 
contemplation  du  fouverain  Ou- 
vrier 3  qu'il  craignoit  que  la  Reli- 
gion ,  dont  il  avoit  un  fentiment 
très- vif ,   ne  lui  permît  pas  un  fi 
violent  attachement,  qui  s'empa- 
roit  de  toutes  fi?s  penfées  ,  &  de 
tout  fon  tems.  La  main  divine  qu'il 
réveroit  fans  celle  dans  les  Ouvra- 
ges qu'il  étudioit  ,   &  qu'il  con- 
noiflbit  fi  bien  ,  ne  lui  paroifloit 
pas  furfifamment  honorée  par  ce 
culte  fçavant ,  toujours  cependant 
accompagné  du  culte  ordinaire  le 
plus  régulier.  Il  ne  s'attachoit  pas 
feulement  à  l'Anatomie  du  corps 
humain  ,  celle  des  animaux  l'occu- 
poit  encore.  Il  avoit  entrepris  fur 
les  infectes  un  ouvrage  qui  l'obli- 


S;    '7?  4-  ïô-r 

geoit  à  des  foins  très-pénibles  :  on 
l'a  vu,  en  fon  plus  grand  âge,  pafler 
des  nuits  entières  dans  les  endroits 
les  plus  humides  du  Jardin  Royal 
&  les  y  pafler  comme  immobile 
couché  fur  le  ventre ,  pour  décou- 
vrir, dit  M.  de  Fontenelle  ,  les  al- 
lures ,  &  la  conduite  des  limaçons 
qui  femblctn  en  vouloir  faire  unfecret 
iMpênétrable.  Sa  famé  en  foufroh  , 
mais  il  aurait  encore  plus  fouffèrt  de 
rien  négliger.    Il  mourut  le  10  Sep- 
tembre 1730.  âgé  de  81  ans.  Ilalc- 
gué,par  teftamentjtoutes  (es  prépa- 
rations Anatomiqucs  à  l'Académie 
des  Sciences.   Son  Eloge  eft  im- 
primé dans  l'Hiftoire  de  cette  Aca- 
démie année  1730.  avec  ceux  de 
Meflîeurs  de  Valincour  &  Marfi- 
gH- 

On  trouve  à  la  fin  de  ce  Recueil, 
le  Difcours  que  M.  de  Fontenelle 
fit  le  fix  Mars  de  l'année  1732. 
a  l'Académie  Françoife ,  en  y  rece- 
vant M.  l'Evêque  de  Luçon  ,  Suc- 
celfeur  de  feu  M.  de  la  Motte. 
Comme  ce  Difcours  ,  qui  roule 
principalement  fur  le  mérite  de  M. 
de  la  Motte  ,  eft  à  peu-près  du  mê  • 
me  genre  que  les  Eloges  faits  pour 
l'Académie  des  Sciences ,  l'Editeur 
a  cru  pouvoir  le  joindre  dans  le 
même  Volume. 

Ceux  qui  veulent  de  l'exaclitu- 
de  ,  de  la  fimplicité  &  de  l'élégan- 
ce dans  des  Eloges  Hilloriques  , 
doivent  lire  ce  Recueil;  ceux  qui 
y  veulent  de  l'efprit ,  des  images  , 
des  métaphores  ,  des  tours  &  de» 
traits  qui  réveillent  l'attention  ,  le 
doivent  lire  aufîî. 


Xij 


ifa  JOURNAL   DES   SÇAVANS, 


RERUM  ITAL1CARUM  SCRIPTORES,  &i. 
C'eft-à  -dire  :  Recueil  des  Ecrivains  de  l'H'ftoire  d'Italie  ,  depuis  l'/tn 
500.  jufju'a,  l'an  1 500.  par  M.  Muratori ,  Tome  XV.  A  Milan  ,  par  la. 
Société  Palatine.  1729.  in-foî.  col.  n  56. 


CE  feiziéme  Volume  nous  of- 
fre i°.  lesVies  des  Patriarches 
d'Aquilée  depuis  le  premier  fiécle 
de  l'Ere  Chrétienne  jufqu'en  1358. 
par  un  Anonyme. 

Cet  Ouvrage  contient  pluficurs 
faits  alTez  confidcrablesqui  avoient 
échappes  à  la  connoiilanced'Ughel- 
li ,  èc  des  autres  qui  ont  déjà  tra- 
vaillé fur  la  même  matière.  C'eft 
ce  qui  engagea  M.  Muratori  à  le 
oublier  en  171 3»  dans  le  troifiéme 
Tome  de  fes  Anecdotes  ,  &  ce  qui 
lui  fait  encore  efperer  aujourd'hui 
qu'on  le  recevra  avec  plaiiîr  dans 
le  Recueil. 

Il  n'a  pu  rien  découvrir  de  ce 
qui  regarde  en  paiticulier  l'Auteur 
de  ces  Vies.  Il  conjecture  feule- 
ment qu'il  vivoit  environ  vers  l'an 
1358.  Il  eft  certain  du  moins  qu'il 
a  compofécetOuvrage  avant  1320. 
car  en  parlant  de  S.  Marc  ,  il  dit 
qu'il  écrivit  de  fa  propre  main  un 
Evangile  qu'on  montre  s.ajoûte-t- 
il  t  dans  l'Eglife  d'Aquilée  ,  à  tous 
ceux  qui  demandent  à  le  voir.  Or 
nous  apprenons  par  une  Lettre  de 
M.  Fontanini  au  Père  de  Montfau- 
con  que  cet  ancien  exemplaire  fut 
apporté  à  Venife  en  1420. 

Ce  même  Evangile  fert  d'épo- 
que au  tems  où  vivoit  Antoine 
Bellon  qui  nous  a  donné  aufli  les 
Vies  des  Patriarches  d'Aquilée ,  &C 
qu'on  trouve  ici  à  la  fuite  de  cet 


Anonvme.  Jean  Bellon  y  dit  ex* 
preffément  que  l'Evangile  de  Saint 
Marc  eft  gardé  prefentement  à  Ve- 
nife dans  le  Temple  qui  porte  le 
nom  de  ce  Saint ,  avec  plus  de  foin 
&  de  décence  qu'il  ne  l'etoit  lorf- 
que  l'Eglife  d'Aquilée  pofîedoit  ce 
précieux  manuferit  :  il  paroîrquc 
l'Auteur  était  d'Udine  ,  où  il  exer- 
coit  la  Profeifion  de  Notaire  ,  Si 
félon  toutes  les  apparences ,  il  avoit 
été  Chancelier  de  l'Eglife  d'Aqui- 
lée ;  il  mérite  d'autant  plus  do 
croyance  ,  qu'il  aflure  avoir  eu  en 
fa  difpolition  les  anciennes  Archi- 
ves de  cette  Eglife.  Son  Hiftoire 
eft  très  -  abrégée  ,  &.  finit  par  les 
Vies  des  Patriarches  Nicolas ,  Ma- 
rin &  Marc,  rous  trois  de  l'illultre 
famille  Grimani  ,  comme  il  avoit 
été  pendant  fept  ans  Secrétaire  du 
premier ,  &i  que  les  deux  autres 
étoient  encore  vivans ,  parce  que 
Marin  s'étoit  démis  de  fa  dignité' 
en  faveur  de  fon  frerc  Marc  •,  il 
n'en  rapporte  que  peu  de  chofes 
dans  la  crainte  ,  dit  il,  de  palTer 
pour  flatteur, 

L'Editeur  a  cru  devoir  joindre  à 
ces  deux  Pièces  un  Cayer  qui  lui  a 
été  envoyé  de  la  Bibliothèque  du 
Vatican  ,  dans  lequel  on  trouve  la 
fuite  des  Patriarches  d'Aquilée  de- 
puis Otthon  qui  tut  nommé  Pa-! 
triarghe  par  le  Pape  Boniface  VIIL 
jufqu'à  l'an  1445.  &  un  état  foin- 


maire  des  droits  &  des  biens  atta- 
chés au  Patriarchat  d'Aquilée.  En- 
fin pour  donner  une  fuite  corn  plet- 
te  de  ce  qui  regarde  cette  Eglife  , 
il  a  jugé  à  propos  de  faire  imprimer 
ici  plulîeurs  Diplômes  Se  Privilè- 
ges donnés  en  faveur  des  Patriar- 
ches d'Aquilée  qui  ne  fe  voyent 
pas  dans  l'Italie  Sacrée  d'Ughelli. 

On  y  remarque  entre  autres  un 
A<fte  d'Otthon  datte  de  l'an  noS, 
par  lequel  cet  Empereur  donne  au 
Patriarchat  d'Aquilée  le  Duché  de 
Frioul ,  avec  tous  ces  droits  &  dé- 
pendances ,  St  ce  qu'il  appelle  de- 
narutm fanguinolentum ,  c'ell-  à-dire 
(Suivant  la  manière  dont  cette  ex- 
prelîion  eft  expliquée  dans  la  Pa- 
tente ,  le  droit  de  juger  en  dernier 
refTort  &  de  punir  ceux  qui  feraient  ' 
coupables  de  mutilation,  d'homi- 
cides ,  de  vols  j  &  en  général  de 
tous  crimes  ,  à  condition  cepen- 
dant que  le  Patriarche  exercera  cet- 
te .lurifdicf  ion  par  lui ,  ou  par  fes 
Officiers,  (ans  qu'il  lui  foit  per- 
mis d'en  invertir  aucun  de  fes  Feu- 
dataires. 

2°.  Les  Vies  des  Princes  de  Car- 
rera par  Pierre  Paul  Vergerius  de 
Capo   d'Iftria    jufqu'environ  l'an 

On  connoît  deux  Auteurs  de  ce 
nom  de  la  même  Ville  &  célèbres 
parmi  les  Sçavans.  Le  plus  récent 
fut  en  grande  confîderation  à  la 
Cour  de  Rome  ,  &  envoyé  plu- 
fieurs  fois  en  Ambaffade  par  Clé- 
ment VII.  pour  éteindre  les  divi- 
sions que  caufoit  l'Héréfie  de  Lu- 
ther. Son  mérite  l 'éleva  fur  le  Siège 
Epifcopal  de  fa  propre  Ville  ,  mais 


M  A  R  S,  1734;  î£j 

après  y  avoir  combattu  les  Héréti- 
ques avec  fuccès ,  il  eut  le  malheur 
d'être  aceufé  lui  -  même  d'entrer 
dans  leurs  fentimens ,  &  foit  qu'il 
y  fût  en  effet  engagé ,  ou  foit  qu'il 
fût  piqué  d'en  être  injuftement 
foupçonné  ,  dans  le  tesns  qu'on 
croyoit  qu'il  alloit  être  nommé 
Cardinal ,  il  fut  aflez  aveugle  ou 
affez  foible  pour  abjurer  la  Reli- 
gion Catholique  &  pour  fe  faire 
Prote  fiant. 

L'autre  Pierre-Paul  Vergerius  eft 
plus  ancien  &  n'eft  pas  moins  di- 
ïtingué  par  fon  fçavoir.  Il  vivoit 
fur  la  fin  du  quatorzième  fîçcle ,  & 
au  commencement  du  quinzième  ; 
on  le  met  au  rang  des  Jurifconful- 
tes,  des  Orateurs  &  des  Philofo- 
phes  les  plus  eftimés  de  fon  tems. 
Il  poffedoit  la  Langue  Grecque 
qu'il  avoit  apprife  à  Venife  du  fa- 
meux Emmanuel  Chryfoloras.  Il 
fut  en  grande  faveur  auprès  des 
Princes  de  Carrara  ,  pour  lors  maî- 
tres de  Padoiie.  On  croit  même 
qu'il  y  demeura  jufqu'àla  deftruc- 
tion  de  cette  îlluftre  Maifon  ;  il 
prit  le  Bonnet  de  Docteur  dan3 
cette  Ville  en  1400.  &  nous  appre- 
nons d'^Enéas-Silvius  qu'il  mourut 
en  Hongrie  pendant  la  tenue  du- 
Concile  de  Bafle. 

A  l'égard  de  l'Hiftoire  des  Prin- 
ces de  Carrara  qu'on  donne  aujour- 
d'hui pour  la  première  fois ,  Verge- 
rius l'a  commencée  par  l'origine  de 
cette  Maifon  ,  &  il  l'a  continuée 
jufqu'à  la  mort  de  Jacobini  ;  elle 
eft  écrite  avec  élégance.  Il  eft  trifte 
qu'il  ne  l'ait  pas  achevée  ,  comme 
il  auroit  pu  le  faire.  Car  il  a  long- 


i<?4        JOURNAL    D 

tems  furvécu  à  fes  Maîtres ,  peut- 
être  qu'il  n'aura  pu  gagner  fur  lui- 
même  de  raconter  leurs  malheurs  , 
ou  qu'il  aura  craint  en  les  racon- 
tant d'encourir  la  haine  des  Véni- 
tiens dont  il  étoit  né  fujet.  Cet  Au- 
teur avoit  encore  tait  quelques  au- 
tres Ouvrages ,  dont  les  uns  ont 
été  imprimés  ,  &c  dont  les  autres 
qu'on  conferve  en  manuferit  fe- 
roient  très-dignes  ,  au  jugement  de 
M.Muratori,  de  voir  le  jour. 

j°.  Difcours  &  Epîtres  du  même 
Pierre-Paul  Vergérius ,  imprimés 
fur  un  manuferit  de  la  Bibliothèque 
d'Eft  ,  malheureufemer.t  ce  ma- 
nuferit eft  unique  ,  &  rempli  de 
fautes  &  de  lacunes  qui  y  laiflent 
de  grandes  obfcuritez.  M.  Murato- 
ri  avoue  qu'il  a  été  fouvent  obligé 
de  s'abandonner  à  fes  conjectures 
pour  deviner  les  intentions  de 
l'Auteur,  mais  en  général  il  a  mieux 
aimé  que  le  Le&eur  y  trouvât 
quelques  difficultez  que  de  s'expo- 
fer  au  danger  de  le  tromper  en  fub- 
ftituant  fes  idées  à  celles  de  fon 
Auteur.  Il  y  a  feulement  fupprimé 
un  Difcours  à  la  louange  de  S.  Jérô- 
me ,  parce  qu'il  eft  rempli  de  cho- 
fes  communes ,  ôc  quelquefois  mê- 
me fabuleufes.  Mais  pour  ce  qui 
regarde  les  autres  Difcours  &  les 
Lettres  de  Vergérius ,  il  ne  doute 
pas  qu'on  ne  les  life  avec  d'autant 
plus  de  plaifir ,  qu'outre  les  traits 
hiftoriques  dont  ces  Pièces  font 
remplies  &  par  lefquels  elles  ap- 
partiennent à  ce  Recueil  ,  on  y 
verra  avec  quel  fucecs  les  Italiens 
ont  été  les  premiers  à  fecoiier  la 
bivbirie  Scia  groifiereté  des  ficelés 


ES    SÇAVANS, 

4".  Un  abrégé  de  l'Hiftoire  d'Iti- 
lic  depuis  le  tems  de  Frédéric  II. 
jufqu'à  l'an  13  54.  par  un  Auteur 
Anonyme,  mais  contemporain. 

On  eft  redevable  de  ce  manuferit, 
tour  imparfait  qu'il  eft,  àlalibera- 
lité  de  M.  Jean  Burchavd  Menke- 
nius.  Ce  Sçavant  qui  nous  a  déjà 
donné  deux  Tomes  d'une  nouvelle 
Collection  d'Ecrivains  d'Allema- 
gne ,  trouva  cette  Hiftoire  dans 
la  Bibliothèque  Pauline  de  Leip- 
fic ,  &  voyant  qu'elle  concernoit 
uniquement  l'Italie  ,  il  la  remit 
généreufement  à  Moniteur  Mura- 
tori. 

Cet  Ouvrage  remonte  jufqu'à  la 
création  du  monde  ,  &  le  com- 
mencement en  eft  tiré  mot  à  mot 
du  Pomanum  de  Ricobalde  qu'on 
trouve  dans  le  neuvième  Tome  de 
ce  Recueil.  Le  Plagiat  étoit  d'au- 
tant plus  commun  dans  ces  tems- 
là  ,  que  la  rareté  des  manuferits 
empêchait  qu'on  ne  découvrît  aifé- 
ment  de  pareils  larcins.  Mais  com- 
me M.  Muratori  s'étoit  trouve 
dans  la  necellité  de  mutiler  l'Ou- 
vrage même  de  Ricobalde  ,  il  n'a 
pas  eu  plus  d'indulgence  pour  fon 
Abréviateur.  Ainfî  il  en  a  retran- 
ché ,  comme  abfolument  inutile  , 
tout  ce  qui  précède  le  règne  de 
Frédéric  II.  &  depuis  ce  tems  -  là 
même,  il  avertit  qu'il  faut  le  lire 
avec  d'autant  plus  de  précaution 
qu'il  étoit  zélé  Gibellin ,  &  qu'il 
déclame  avec  beaucoup  d'amertu- 
me contre  ceux  de  la  Faction  con- 
traire. Cet  Anonyme  écrivit  fon 
Ouvrage  dans  le  tems  que  l'Empe- 
reur Charles  IV.  auquel  il  eft  dé- 


M  A  R 

die  ,  vint  en  Italie  pour  prendre  la 
Couronne  Impériale. 

5°.  Une  Chronique  des  actions 
des  Princes  de  la  Maifon  Vifconti 
par  Pierre  Azario  Notaire  de 
Novarre  depuis  l'an  1250.  jufqu'à 
l'an  1562.  avec  un  petit  Ouvrage 
du  même  Auteur  fur  la  Guerre  du 
Canavéfe. 

Azario  étoit  de  Novarre ,  &  fut 
employé  par  Mathieu  fécond  Vif- 
conti en  qualité  de  CommifTaire 
des  vivres  à  Bergamc  ck  à  Bologne. 
Il  exerça  aulfi  la  Charge  de  Juge  & 
de  Chancelier  à  Tortone ,  il  eut 
dans  ces  differens  emplois  beau- 
coup de  part  aux  évenemens  qu'il 
raconte.  On  le  trouvera  vil ,  fen- 
tenticux  ,  plein  de  difeernement  & 
de  probité  ,  aufiî  M.  Muratori  foû- 
tient  il  que  malgré  la  balTelTe  &c  la 
grolfiereté  de  fon  ftile,  il  fe  tait 
lire  avec  plaihr ,  &  il  allure  qu'on 
doit  le  regarder  comme  un  des 
meilleurs  Auteurs  de  ces  fiécles 
barbares. 

C'eft  par  cette  même  raifon  que 
l'Editeur  nous  donne  ici  le  petit 
Ouvrage  fur  la  guerre  du  Comté 
de  Canavéfe  dans  le  Piémond,  tel 
qu' Azario  l'avoit  compofé.  Lazare- 
Àuguftin  Cotta  Jurifconfulte  de 
Novarre  l'avoit  déjà  fait  imprimer 
dans  fa  Galleria  di  Adinerva  ou 
Galltrie  de  Minerve  ,  mais  avec 
differens  changemens  dans  le  ftile 
qu'il  fuppofoit  y  avoir  été  faits  par 
Ambroife  de  Roccacontrata.  M. 
Muratori  croit  cependant  que  Cot- 
ta lui-même  cft  l'Auteur  de  cette 
correction.  Ce  foupçon  eft  d'autant 
mieux  fondé  que  ce  dernier  avoit 


S,    17  5  4-         a  iە 

déjà  entrepris  le  même  travail  fui 
la  Chronique  de  Pierre  Azario, 
mais  à  la  prière  de  M.  Muratori, 
à  qui  le  Jurifconfulte  de  Novarre 
avoit  confié  le  manuferit  ainfi 
corrigé  ,  M.  Argélati  l'a  dépouillé 
de  ce  lard  étranger,  &c  a  rétabli  le 
Texte  tel  qu'il  étoit  avec  le  fecours 
d'un  manuferit  original  de  la'Ei- 
bliothéque  Ambroiiîenne.  En  effet 
comme  on  le  remarque  ici ,  fi  on 
fe  donnait  la  liberté  de  toucher  aux 
Ecrits  des  anciens  Auteurs  6v  de  les' 
rendre  plus  ingénieux  ou  plus  élo- 
quens  qu'ils  n'ont  été  ,  ce  feroit 
donner  fes  propres  Ouvrages ,  & 
non  ceux  des  autres ,  &  nous  ôter 
le  moyen  de  connoître  le  génie  & 
le  caractère  du  fiécle  dans  lequel  ils 
ont  été  écrits. 

6°.  Une  Chronique  de  Plaifance, 
depuis  l'an  222.  jufqu'à  l'an  1402. 
par  Jean  de  Mufiis  de  la  même  Vil- 
le. 

Cette  Chronique  commence  dans 
le  manuferit  à  la  création  du  mon- 
de; mais  comme  depuis  ce  tems  là 
jufqu'à  l'an  mille  de  J.  C.  elle  ne 
contient  que  des  chofes  générales  , 
&  tirées  pour  la  plupart  de  l'Ou- 
vrage de  Ricobalde  intitulé  de  l'o- 
rigine des  failles  ,  M.  Muratori  & 
cru  devoir  épargner  à  fes  Lecteurs 
cette  longue  &  inutile  Compila- 
tion, &  ilfe  contente  de  nous  don- 
ner ici  ce  qui  regarde  Plaifance,  en 
nous  afTurant  qu'il  eft  rare  de  trou- 
ver rien  de  plus  exact  que  cette 
Chronique  dans  ce  qui  concerne  les 
évenemens  qui  approchent  du  tems 
auquel  elle  a  été  cbmpofée  ;  elle 
paroît  avoir  été  faite  fux  les  Régi- 


166        JOURNAL    DE 

ftres  publics  ,  &  l'habile  Editeur 
foupçonne  même  que  c'eft  l'Ou- 
vrage de  plufieurs  Ecrivains.  Celui 
qui  l'a  rédigé  vivoit  en  1389.  Car 
en  parlant  d'une  Eclipfe  terrible  , 
il  dit  qu'il  l'a  vu  lui-même ,  &  hoc 
vidi. 

Du  refte  tout  ce  qu'on  peut  re- 
cueillir de  cette  Hiftoire  par  rap- 
port à  l'Auteur  ,  c'eft  qu'il  étoit 
Gibellin  outré.  Car  fous  l'année 
137^.  il  éclate  en  déclamations 
auffi  vaines  que  violentes  contre 
les  Pafteurs  de  i'Eglife  ,  il  rejette 
fur  eux  tous  les  maux  qui  défolé- 
rent  l'Italie  pendant  ce  liccle. 

Mais  il  faut,  dit  M.  Muratori , 
donner  quelque  chofe  aux  préju- 
gez de  cet  Ecrivain  &  au  malheur 
des  tems.  Ces  mêmes  plaintes  fe 
trouvent  répandues  dans  plulieurs 
autres  Hiftoriens ,  dont  quelques- 
uns  font  écrits  en  langue  vulgaire  , 
&c  les  vrais  Chrétiens  les  li.fent  fans 
qu'elles  fafTent  aucune  impreiîion 
fâcheufe  fur  leur  efprit.  Il  feroit  à 
fouhaiter  ,  continue -t -il ,  que  les 
perfonnes  qui  par  état  dévoient 
être  les  meilleures  de  toutes ,  le 
fuiïent  toujours  en  effet  ,  &C  que 
ceux  qu'ils  employent  pour  les  fé- 
conder dans  le  miniftere  ,  l'empor- 
taffent  fur  tous  les  feculiers  par 
leurs  vertus.  Mais  fous  le  règne  de 
cette  nature  corrompue  ,  on  ne 
doit  point  cfperer  de  trouver  des 
hommes  ii  parfaits.  Il  huit  en  mê- 
me tems  avoiier  que  (1  pendant  ces 
fiécles  de  corruption  6c  de  ténè- 
bres ,  les  Chefs  de  I'Eglife  font 
tombés  dans  quelques  excès  qu'on 
ne  peut  exeufer.  C'eft  avec  beau- 


S    SÇAVANS. 

coup  plus  d'avidité  que  les  puif- 
fances  temporelles  &les  Républi- 
ques Laisjites  ont  tenté  d'ufurper 
des  biens  èz  des  droits  qui  ne  leur 
appartenoient  point.  Enfin  on  peut 
dire,  ajoùtc-t-il ,  que  tout  ce  qu'on 
remarque  de  débuts  &c  d'imper- 
feclions  dans  les  perfonnes  Eccle- 
fiaftiques  de  ces  tems  là  tourne  à  la 
gloire  de  celles  qui  gouvernent 
aujourd'hui ,  &z  que  les  reproches  , 
foit  vrais  ,  foit  faux  qu'on  leur  a 
faits  ne  fervent  qu'à  donner  plus 
d'éclat  à  leur  mérite  &  à  leurs  ver- 
tus ;  éclat  qui  rejaillit  encore  fur 
les  Minifties  qui  travaillent  fous 
leurs  ordres. 

Après  cette  Chronique  ,  on 
trouve  une  Defcription  de  la  Ville 
de  Plaifince ,  &  l'origine  de  quel- 
ques familles  nobles  non  feulement 
de  cette  même  Ville  ,  mais  encore 
de  plulieurs  autres  Villes  d'Italie. 
Ce  Traité  eft  à  la  fin  du  même  ma- 
nuferit,  &:  félon  toutes  les  appa- 
rences il  eft  du  même  Auteur. 

Vient  enfuite  une  Chronique 
des  Podeftats  de  Plaifancc  qui  fe  rc- 
nouvelloient  tous  les  ans,  &  le  Ca- 
talogue des  Evêques  de  la  même 
Ville  par  Fabricius  de  Marciano 
d'abord  Evêque  de  Tortonne  ,  & 
transféré  depuis  à  Plaifince  en 
1476. 

70.  Des  Annales  de  Milan  de- 
puis 1230.  jufqu'cn  1402.  par  un 
Anonyme  qui  floriftbit  environ 
l'an  1480. 

Ces    Annales   ne    font  qu'une 
Compilation   de  difTerens  Ouvra- 
ges, tels  que  celui  de  Gualvaneus 
de  la  rlamma  ,   intitulé  Maniptilus 
Florum 


M     A  R 

Tlorttm  ,  la  Chronique  de  Pierre 
Azario,  celle  de  Plaifance,  dont 
nous  venons  de  parler,  &  plusieurs 
autres  Ecrits  de  ce  liécle.  L'Auteur 
Jcs  a  copié  d  fcrvilcment  que  tan- 
tôt vous  le  croiriez  de  Milan  ,  tan- 
rôt  deNovarre  &  quelquefois  de 
Plaifjncc.  11  employé  leurs  pro- 
pres expreffions  fans  fe  donner  la 
peine  de  s'approprier  leurs  penfées, 
A:  qui  plus  eft  fans  les  citer. Ces  vols 
fi  manifeftes  ont  obligé  M.  Mura- 
tori  à  retrancher  une  grande  partie 
de  ce  qu'on  voit  dans  ces  Annales 
jufqu'à  l'an  1130.  &  même  depuis 
ce  tems  là  il  n'a  fait  grâce  qu'aux 
faits  qui  ne  fc  trouvent  point  dans 
Gualvaneus.  Il  n'a  pas  cru  non  plus 
devoir  remettre  fous  les  yeux  du 
Lecteur  ,  ce  qu'il  vient  de  voir 
dans  Pierre  Azario  ,  dont  notre 
Anonyme  tranferit  fouvent  des  pa- 
ges entières.  Cependant  malgré 
tout  cela  ,  M.  Muratori  juge  ces 
Annales  d'autant  plus  eftimables 
qu'elles  contiennent  des  faits  qui 
ne  fe  trouvent  point  ailleurs ,  Se 
que  placées  entre  la  Chronique  de 
Pierre  Azario  qu'il  vient  de  don- 
ner, Si  celle  d'André  Billius  qu'il 
publiera  en  fon  tems ,  on  aura  une 
fuite  entière  de  l'Hiftoire  de  Milan 
jufqu'à  l'an  1 500. 

8°.  Un  Ouvrage  intitulé  :  Liber 
Mirabilium  ,  Livre  des  Merveilles, 
ou  Chronique  de  Bergame  Guel- 
pho  -  Gibelline  ,  par  Caftello  de 
Caftello,  depuis  l'an  1378.  jufqu'à 
l'an  1407. 

Cet  Ouvrage  eft  unique    dans 
fon  efpéce  ;   car  au  lieu  de  grands 
çvenemens ,  ou  de  faits  généraux 
Mars. 


S  ,"      I  754;  l6f 

concernant  les  Princes  Se  les  Villes, 
on  n'y  trouve  qu'un  {impie  détail 
de  vols  ,  de  pillages ,  d'incendies, 
de  meurtres  ,  d'afTailînats  caufés 
par  des  querelles  &  des  haines  en- 
tre difTercns  particuliers  de  Berga- 
me ou  des  environs.  Des  chofes  fl 
peu  intereflantes  par  elles-mêmes 
le  deviennent  encore  moins  par  la 
dureté  &  la  barbarie  du  fille  dans 
lequel  elles  font  écrites.  Au  pre- 
mier afpect  M.  Muratori  vouloit 
condamner  ces  Annales  au  feu  ,  ou 
même  à  quelque  chofe  de  pis;  mais 
les  ayant  examinées  plus  mûre- 
ment, il  s'eft  flatté  que  les  Sçavans 
pourroient  les  honorer  de  leurs 
luffragcs.  Il  n'y  a  ,  dit-il,  que  ceux 
qui  n'ont  aucune  teinture  de  l'Hi- 
ftoire  qui  ignorent  l'excès  des 
maux  dans  lefquels  les  diflenfîons 
des  Guelphcs&  des  Gibellins  plon- 
gèrent l'Italie  ;  mais  il  refte  à  ceux 
même  qui  en  font  initruits ,  de  Ra- 
voir jufqu'à  quel  point  les  deux 
partis  portèrent  la  folie  &  la  fu- 
reur. Or  ilfoûtient  que  .comme  il 
n'y  a  point  de  peuple  ,  fi  on  en 
excepte  les  Breflkns  ,  qui  foit  entré 
dans  ces  factions  avec  plus  d'ani- 
moiité  que  les  Bergamafqucs  ,  il 
n'y  a  perfonne  aufli  qui  les  ait  dé- 
crites avec  tant  de  force  Se  d'exac- 
titude que  l'Auteur  de  ces  Anna- 
les. 

Il  étoit  de  Bergame  même  ,  où  il 
avoit  exercé  la  profeffion  de  No- 
taire Se  pluiieurs  emplois  confide- 
rables  dans  la  Magiftrature  ,  &il 
parle  comme  témoin  de  la  plupart 
des  Scènes  Tragiques  qu'il  raconte. 

90.    L'ordre  des  Funérailles  de 
Y 


i6S  JOURNAL  DE 
Jean  Galcas  Vifconti  ,  premier 
Duc  de  Milan  ,  célébrées  dans  cet- 
te Ville  en  1401.  &  recueilli  par 
Frère  Pierre  de  Caftelleto  de  l'Or- 
dre des  Hermitcs  de  S.  Auguftin. 

Ce  qui  nous  a  paru  de  remarqua- 
ble dans  cette  Pompe  Funèbre  , 
c'eft  que  les  chevaux  de  parade  du 
Duc  qui  éroient  au  nombre  defix 
&  qui  portoknt  l'on  étendard  ,  l'es 
armes,  fon  calque,  fes  éperons ,  Se 
autres  pièces  d'honneur  furent  con- 
duits en  cérémonie  au  pied  de  l'Au- 
tel où  étoit l'Archevêque  Officiant, 
&  préfentés  l'un  après  l'autre  en  of- 
frande par  deux  Chevaliers. 

Après  la  deferiprion  de  cette  cé- 
ïémoniejuit  i'Oraifon  Funèbre  qui 
y  fut  prononcée  par  le  même  Au- 
teur. Il  y  règne  un  efprit  de  Scho- 
laftique  qui  rend  cette  Pièce  très- 
fînguliere  ,  &  qui  peut  en  même 
tems  fervir  à  nous  faire  connoître 
quel  étoit  le  goût  de  l'éloquence  en 
ces  tems  là. 

La  dixième  &  dernière  Pièce  eft 
un  plan  de  l'Hiftoire  Univerfelle 
de  Sozoméne ,  Prêtre  de  Piftoïe  , 
depuis  l'an  1 372.  jufqu'à  l'an  1410. 

Quoique  cet  Auteur  n'ait  jamais 
été  imprimé  &  qu'il  y  ait  peu  de 
copies  manuferites  de  fes  Ouvra- 
ges ,  il  ne  laiffe  pas  d'être  en  quel- 
que réputation.  Plufieurs  Ecrivains 
tels  que  Raphaël  de  Volterre ,  Pof- 
fevin  ,  Onuphrius-Panvinus  ,  Vof- 
&us  ,  Cave  ,  &  en  dernier  lieu  Ca- 


S     S  ÇA  VANS; 

fimir  Oudin  en  ont  parlé  comme 
d'un  Ecrivain  qui  vivoit  en  1232, 
mais  M.  Muratori  prouve  évidem- 
ment qu'il  n'eft  pas  fi  ancien ,  & 
fans  parler  de  plufieursAuteurs  qui 
appu\  ent  fon  fentiment ,  Sozomé- 
ne nous  fournit  lui-même  dans  fon 
Hiftoirc  différentes  époques  de  fa 
Vie  ,  par  lefquclleson  voit  qu'il  efb 
né  en  1387.  &  qu'il  mourut  en 
1455.  mais  l'Editeur  non  contenc 
de  lui  avoir  beaucoup  ôté  de  fon 
ancienneté  ,  lui  enlevé  encore  une 
partie  de  fa  réputation  ;  rien  n'eft 
plus  bas ,  félon  lui  ,  ni  plus  dur 
que  fon  flile  -,  d'ailleurs  il  n'eft  que 
le  Copifte  &c  l'Abréviateurde  tous 
ceux  qui  l'ont  précédé  ,  &  dans  les 
chofes  mêmes  qui  approchent  de 
fon  tems  ,  il  s'eft  contenté  de  tra- 
duire 8c  d'abréger  en  fort  mauvais 
Latin  ce  que  Jean  &  Mathieu  Vil- 
lani  nous  avoient  donné  en  Italien. 
Ces  motifs  font  qu'on  nous  donne 
feulement  ici  pour  échantillon  de 
la  manière  d  écrire  de  cet  Auteur 
ce  qu'il  raconte  depuis  l'an  1362. 
jufqu'à  l'an  1410.  Il  paroît  qu'il 
avoit  continué  cette  Hiftoire  juf- 
qu'en  1455.  ma's  cequi  en  auroit 
dû  être  le  morceau  le  plus  interef- 
fant  ,  ne  fe  trouve  malheureufe- 
ment  plus  aujourd'hui ,  il  n'en  reft* 
dans  les  manuferits  que  les  titres 
des  Chapitres  que  M.  Muratori  A  ' 
cru  devoir  faire  imprimer  ici. 


*S3I» 


MARS,    1754: 


itfj? 


REMARQVES   HISTORIQVES  ET  CRITIQUES  SVR 

ÏHijloirc  d'Angleterre  de  M.  Rapin  de  Tboyras  ,  par  AI.  Tyndal  Maître 
es  Arts  &  Picaire  du  grand  Walthan  dans  le  Comté  d'EJfex  :  &  Abrégé 
Hijloriaue  du  Recueil  des  Acles  publics  d'Angleterre  de  Thomas  Rhymer. 
Par  Ai.  Rapin  de  Thoyras  ,  avec  les  Notes  de  M.  Etienne  Whatley. 
A  Ja  Haye  ,  chez  Gojfe  Si  Nèaulrne.  1733.  ««-4°.  deux  Vol.  Tom.  I. 
pp.  380  pour  les  Remarques  fur  l'Hiftoire  d'Angleterre  ,  &  315  pag. 
pour  l'abrégé  des  cinq  premiers  Tomes  des  Actes  de  Rhymer.  Tom.  II. 
LPart.pp.3S3  Se  348  pour  la  II.  contenant  la  fuite  de  ces  mêmes  Acles. 


ON  trouve  dans  la  première 
Partie  du  Tome  premier  les 
Remarques  dont  M.  Tyndal  a  en- 
richi la  Traduction  Angloife  qu'il 
a  donnée  de  l'Hiftoire  de  M.  Ra- 
bin de  Thoyras.  Comme  ces  Re- 
marques font  au  jugement  des  Li- 
praires  de  Hollande  remplies  de 
particularitcz  curieufes ,  d'éclaircif- 
femens  néceftaires  Se  d'une  f^a vante 
critique  ,  ils  ont  jugé  à  propos  de 
les  faire  traduire  en  François  pour 
la  commodité  du  public  ;  ils  ont 
eu  foin  d'ajouter  en  marge  les  pa- 
ges de  l'Hiftoire  de  M.  de  Thoyras 
tant  de  l'édition  de  France  que  des 
deux  qu'on  en  a  laites  en  Hollan- 
de ,  auxquelles  fe  rapportent  les 
remarques  qu'ils  nous  donnent  au- 
jourd'hui. Sans  cela  il  eût  été  fort 
difficile  d'en  faire  ufage  ;  il  faut 
même  avouer  que  cette  précaution 
n'empêche  pas ,  que  la  lecture  n'en 
(bit  un  peu  fatigante  ,  parce  qu'il 
faut  neceffaircment  avoir  l'Hifto- 
iien  d'Angleterre  fous  les  yeux  3  Si, 
fouventy  parcourir  plulicurs  pages, 
pour  y  trouver  le  fcul  mot  qui  a 
donné  occafion  aux  remarques  de 
M.  Tyndal. 
La  féconde  partie  contient  l'ex- 


trait ou  l'abrégé  hiftorique  des  Ac- 
tes publics  d'Angleterre  par  Rhy- 
mer. Ces  Extraits  font  répandus 
dans  divers  Tomes  de  la  Bibliothè- 
que choijie ,  &  de  la  Bibliothèque 
ancienne  Se  moderne  de  M.  le 
Clerc.  M.  Fagel,  Greffier  des  Etats 
Généraux  ,  les  a  fait  réimprimer 
tous  enfemble  à  laHaye.chezSchel- 
tus  ;  on  n'en  a  tiré  qu'un  très-pe- 
tit nombre  d'exemplaires  pour 
faire  des  prefens.Cet  Ouvrage  ayant 
depuis  été  traduit  en  Anglois  avec 
des  notes  par  M.  Whatley  ,  les  Li- 
braires ont  cru  qu'on  leur  fçauroit 
gré  de  ralfembler  tout  à  la  fois  dans 
un  feul  corps  Se  les  remarques  de 
M.  Tyndal ,  Se  l'abrégé  hiftorique 
des  Actes  de  Rhymer  ,  par  M. 
de  Thoyras.  Par  ce  moyen  on  pour- 
ra les  joindre  à  fon  Hiftoire  d'An- 
gleterre dont  ce  recueil  eft  une  dé- 
pendance ,  &  fur  laquelle  il  fournit 
des  éclairciftemens  qu'on  ne  peut 
trouver  ailleurs.  Quand  ils  parlent 
de  la  forte  ,  il  taut  croire  qu'ils  ont 
oublié  qu'en  1718.  ces  mêmes  Ex- 
traits a  voient  été  imprimés  en  entier 
à  la  fin  de  l'Hiftoire  de  M.de  Thoy- 
ras chez  Rogiffartà  la  Haye. 
Des  remarques  pour  la  plupart 
Yij 


i7o         JOURNAL    D 

li  courtes  ,  qu'elles  ne  contiennent 
ordinairement  que  4.  ou  5.  lignes  , 
6c  d'ailleurs  détachées  du  texte  fur 
lequel  elles  font  faites  ,  ne  font  pas 
fufceptibles  d'un  Extrait  fuivi  , 
nous  nous  contenterons  donc  d'en 
indiquer  quelques-unes  pour  don- 
ner aux  le£teurs  une  idée  générale 
du  goût  qui  règne  dans  cet  Ouvra- 

De  ces  notes  les  unes  font  tort 
fuperficielies  ;  en  voici  un  exem- 
ple à  l'occafion  d'un  endroit  où 
Mon  fleur  de  Thoyras  cite  le  mot 
de  Chorevcque.  »  Les  Archevêques 
»  dit  Tyndal ,  avoient  autrefois  un 
■■>  Chorevêque  ,  ou  affiliant;  mais 
0  cet  office  lut  fupprimé  par  Lanc- 
ia franc.  «  Sur  quoi  il  renvoyé  à  l'Hï- 
itoire  Ecclefiaiiiquc  de  M.  Collier  , 
pag.  213.  D'autres,  &  c'eft  le  grand 
nombre ,  paroilfent  n'être  faites  que 
pour  conferver  les  mémoires  des 
traditions  populaires  ,  des  Fables 
Romanefques- ,  Se  des  traits  mer- 
veilleux <k  incroyables  dont  les 
Auteurs  des  ficelés  d'ignorance  ont 
rempli  leurs*  Chroniques  dans  la 
vaine  idée  de  les  embellir.  Quel- 
ques-unes font  plus  fçavantes  , 
comme  celles  qui  regardent  le  gou- 
vernement des  anciens  Saxons  , 
leurs  loix  ,  l'établi (fement  du  pou- 
voir législatif ,  celui  des  Fiefs  ,l'o- 
rigne  des  comtes ,  des  Barons,  cVrc. 
mais  l'Auteur  n'a  fait  que  copier  &c 
abréger  ce  que  S.  Amand  en  dit 
dans  fon  elTay  fur  l'autorité  légif- 
lative. 

En  général  dans  fes  notes  ,  il  pa- 
roît  que  M.  Tyndal  ne  dit  jamais 
rien  de  lui  même ,  &  qu'il  ne  fait 


ES    S  ÇA  VANS, 

que  profiter  des  recherches  des  Au- 
teurs modernes  qui  ont  travaillé  fur* 
les  matières  qui  ont  quelque  rap- 
port à  l'Hiftoire  de  M.  de  Thoyras. 
Il  eft  affez  fîngulier  que  les  Ifles 
Hébrides  qui  font  des  Ifles  fituées  à 
l'Occident  de  l'Ecofle  ,  ne  foient 
pas  plus  connues  à  cet  Auteur  An- 
glois  que  lî  elles  étoient  dans  le 
tond  de  l'Amérique  Septentrionale ; 
voici  comme  il  en  parle  :  »  Les 
»  hebrides  font  un  amas  d'ifles  nom- 
w  mées  par  les  naturels  du  pays  Ihch 
»  Gall.  Elles confervent  les  mœurs, 
w  coutumes,  &  habits  des  anciens' 
30  Ecoflbis  ,  &  l'on  y  parle  Irlan- 
»  dois.  On  croit  communément' 
»  qu'elles  font  au  nombre  de  40.- 
»  Mais  ceux  qui  les  ont  parcourues: 
»  en  comptent  plus  de  300.  les  An- 
»  glois  les  nomment  Weftern  Ifles 
33  c'elf.  à-dire  ,les  Ifles  Occidental 
»  les.  «  A  la  page  127.  notre  Au- 
teur fait  encore  mention  de  ces1 
ifles ,  &  comme  s'il  avoit  oublié 
ce  qu'il  en  avoit  déjà  dit,  il  ajoute' 
qu'elles  font  nommées  par  un  Ecri- 
vain du  dernier  fiéclc  Hébrides  ,  8c 
par  les  anciens  Beteorica  ,  Iwbades  ,' 
Leucades  ,  Habndes  :  »  On  croie 
3»  dit  il,  qu'elles  font  au  nombre 
3»  de  44.  mais  il  y  en  a  réellement 
3»  davantage.  Il  y  a  entr'autres ,  cel- 
3»  le  de  Jona  que  Bédé  appelle  Hy  , 
30  ou  Hu  ,  donnée  aux  moines  d'E- 
3»  cofle  par  les  Pietés  pour  y  prê- 
»'cher  l'Evangile.  Il  y  a  dans  la 
3»  même  Ifle  un  monaftere  fameux 
»  par  la  fepulture  des  Rois  d'Ecof- 
»  fe.  Elles  font  pofledées  à  préfent 
»  par  les  Alac  Conells.  Ils  fe  difent 
»  defeendus  de  ce  même  Donald- 


MARS 

«  qui  prenoit  le  titre  de  Roi  des 
*>  Kles  ,  cV  qui  ravagea  iî  cruelle- 
»  ment  l'Ecolle. 

Au  fujct  de  la  mort  du  Duc  de 
Eîarencè  qui  fùivant  l'opinion  vul- 
gaire fut  noyé  dans  un  tonneau  de 
Malvoifie  ,  on  obfcrve  que  c'eft 
une  erreur  de  croire  ,  que  le  Duc 
demanda  ce  genre  de  mort.Vitlock 
s'exprime  plusjufte  en  ces  termes, 
il  fut  noyé  dans  un  tonneau  de  vin  com- 
me on  croit,  mais  non  à  l'infçn  dit  Roi. 
On  y  trouve  certaines  remarques, 
qui  aui oient  befoin  d'un  Commen- 
taire pour  être  entendues,  du  moins 
par  ceux  qui  ne  font  point  au 
Fait  des  Loix  Angloifes  telle  eft  la 
note  fur  cette  expreiïion  bénéfice 
du  Clergé ,  que  M.  Rapin  de  Thoy  • 
ras  employé  dansfon  Hiftoire.  C'é- 
coit,ditle  traducteur  de  M. Tyndal, 
un  ancien  privilège  de  l'Eglife  con- 
firmé par  plulieurs  Adtcs  du  Par- 
lement.» Lorfqu'un  Prêtre  ,  ou  au- 
»  tre  homme  dans  les  ordres  étoit 
*  aceufé  d'un  crime  capital,  à  la  ré- 
M-ferVc  des  crimes  d'Etat ,  devant 
y>  un  juge  laïque,  il  pouvoit  lui 
»  demander  fon  renvov  devant 
y  l'ordinaire  ,  pour  fejudifier  du 
»  crime  dont  on  l'accufoit.  Mais 
»  l'efprit  de  cette  loi  à  l'égard  du 
»Clcrgé,eft  fort  changé  en  ce  point. 
»  Les  hommes  dans  les  Ordres  ne 
»j  font  plus  renvoyés  à  leur  ordi- 
»  naire  ,  pour  s'v  purger  des  accu- 
»  fations  ;  m.:is  à  prefent  un  aceufé 
>rquelqu'il  foit ,  quoiqu'il  ne  foit 
»  point  dans  les  Ordres  ,  eft  reçu 
»  à  lire  à  la  Barre  ,  lorfqu'il  eft  con- 
s»  vaincu  du  crime  pour  lequel  le 
»  bénéfice  du  Clergé  eft  accordé  , 


«17  5  4-        'J^\  17» 

»  &  eft  enfuite  brûlé  à  la  main  pour 
»  la  première  fois  ,  fi  le  député  de 
»  l'ordinaire  qui  fe  tient  debout 
»  près  de  l'aceufé  dit  legit  ut  clericus. 

Peut-être  que  l'obfcurité  qui  rè- 
gne dans  cet  endroit,  aulli-bicn  que 
dans  pluficurs  autres ,  doit  être  re- 
jettée  fur  le  traducteur  ,  qui  d'ail- 
leurs ne  paroît  pas  poflederà  fond 
la  Langue  Françoife. 

La  plupart  des  remarques  qui 
accompagnent  le  huitième  Livre  , 
font  tirées  des  Mémoires  de  \\7hit- 
lock  fous  ce  titre  Alcmoire  des  affai- 
res d'Angleterre  ,  on  Rtlatio»  Hiflo- 
ritfue  de  ce  <jui  s'eji  pajfé  depuis  le  com- 
mencement du  règne  de  Charles  l.jitf- 
qu'à  l'heureux  rétabliffement  de  Char- 
les II.  contenant  les  évenemens  tant  ci- 
vils que  militaires  avec  les  délibérations 
&  les  fecrets  dit  cabinet.  M.  Tyndal 
croit  que  M.  Rapin  de  Thoyras  ne 
les  avoit  jamais  vus.  le  Lecteur  en 
fait  un  grand  éloge.  »  Comme 
»  Whitlock,  dit  il ,  les  avoit  com- 
»  pofé  pour  fa  fatisfacLion  particu- 
»  liere ,  fans  deftein  de  les  donner 
»  au  public  ,on  ne  fcau^oitle  foup- 
»  çonner  d'autre  chofe ,  que  d'avoir 
<>  voulu  fe  reprefenter  les  chofes 
»  à  lui-même  telles  qu'elles  étoient. 
»Tout  y  eft  nud  ,  &  un  parti  ,' 
»  quel  qu'il  foit ,  a  plus  à  fouffrir 
»  de  la  vérité ,  que  la  vérité  n'eft 
»  violentée  en  faveur  d'aucun  par- 
»  ty. 

Dans  les  endroits  où  M.  Tyndal 
releveM. Rapin,  ce  qui  lui  arrive  ra- 
rement^ ce  qu'il.ne  fait  même  que 
pour  de  légères  omifllons  ou  pour 
quelques  fautes  d'inadvertance  s 
il  en  parle  toujours  avec  beaucoup 


i72  JOURNAL    D 

d'eltime&  de  rcfpcd  ,  il  n'a  pu  ce- 
pendant s'empêcher  de  le  repren- 
dre un  peu  durement  de  ce  qu'il 
fait  intervenir  trop  fouvcnt  les  ju- 
gemens  de  Dieu  dans  fon  Hiftoire. 
»  Le  moins,  ajoute-t  il ,  qu'on  puif- 
»  fe  dire  de  ces  fortes  de  réflexions, 
»  c'eft  qu'elles  partent  d'une  peti- 
x  tefle  d'efprit.  Mais  quand  elles 
jj  ont  leurs  fondemens  fur  de  faux 
»  faits,  elles  font  entièrement  inex- 
»  cufables.Nous  en  avons,continue- 
?>  t-il ,  un  exemple  dans  M.  Rapin 
»  lui-même.  Il  remarque  à  la  fin 
»  du  rggne  d'Henri  VI.  un  Juge- 
*  ment  particulier  qui  cft  tombé 
?»  fur  tous  les  Rois  d'Angleterre  qui 
m  ont  époufé  des  Princefles  de  Fran- 
»  ce,  &.  dit  qu'Edouard  II.  Richard 
»  II.  Henri  VI.  &  Charles  I.  furent 
»  les  feuls  princes  qui  le  rirent  &  pé- 
rirent malheureufement ,  fans  fe 
»  fouvenir ,  que  Henri  V.  époufa 
»  Catherine  de  France  ,  &  ne  fut 
»  point  malheureux  à  moins  qu'on 
»  ne  nomme  infortune  une  mort 
»>  couverte  de  gloire. 

M.  Tyndal  ajoute  cette  note  aux 
événemens  que  M.  de  Thoyras  rap- 
porte fur  l'année  1669.  Henri  Jen- 
kins  mérite  qu'on  en  rafle  mention 
à  caufe  de  fon  âge  très- avancé.  C'é- 
toit  un  pauvre  pêcheur  du  Comte 
d'YorcK  né  en  1501.  &  qui  avoit 
vécu  fous  le  règne  de  huit  Rois  ou 
Reines  d'Angleterre  ,  il  mourut 
âgé  de  169  ans  plus  vieux  de  17. 
ans  que  le  fameux  Thomas  Parr. 

L'Hiftoire  de  M.  Burnct  qui  ne 
fut  publiée  que  peu  de  tems  après  la 
mort  de  M.  Rapin  ,  fournit  en- 
core à  M.  Tyndal  pluûeurs  Anec- 


ES  SÇ  AVANS, 

dotes  qui  lui  paroiflent  très  propres 
à  éclaircir  ce  qui  regarde  la  derniè- 
re révolution.  Par  ce  que  nous  ve- 
nons de  dire  il  paraît  qu'on  n'a  rien 
négligé  ici  de  tout  ce  qui  peut 
donner  une  parfaite  connoiffance 
de  l'Hiltoire  d'Angleterre.  Ainfi 
quoiqu'on  ne  trouve  rien  dans  cet 
Ouvrage  ,  qui  ne  foit  répandu  dans 
des  Livres,  connus  de  tout  le  mon- 
de ;  cependant  en  ne  peut  -douter 
qu'il  ne  rafle  plaifir  à  une  infinité 
de  perfonnes  qui  aiment  à  feavoir 
tout  ce  qui  s'eftdit  fur  une  matière, 
fans  être  obligés  de  feuilleter  plu- 
lîeurs  Volumes. 

La  féconde  partie  contient  l'abré- 
gé Hiitorique  des  Acles  publics 
d'Angleterre  par  Rhymer.  Le  pre- 
mier volume  parut  en  1704.  par  la 
libéralité  de  la  Reine  Anne  cv  de 
fes  miniftres  qui  dans  le  milieu 
d'une  guerre  qui  demandoit  une 
dépenfe  prodigieufe  ,  ne  Jaiflcrent 
pas  de  foutenir  une  entreprife  qu'ils 
regardoient  comme  utile  èv  glo- 
rieufe  à  la  Nation.  M.  le  Clerc 
donna  l'Extrait  du  premier  Tome 
dans  le  dix-feptiéme  Volume  de  fa 
Bibliothèque  choifie  ,  &  on  a  trou- 
vé à  propos  de  le  remettre  ici.  Dans 
la  fuite  fes  occupations  ne  lui  ayant 
pas  permis  de  pourfuivre  ce  travail, 
il  s'en  déchargea  fur  M .  de  Thoy- 
ras, qui  l'a  continué  jufqu'à  la  fin, 
év  fes  Extraits  ont  paru  fucccilîvc- 
ment  fous  fon  nom  dans  les  diffé- 
rents volumes  de  la  Bibliothèque 
choiiîe,  &c  de  la  Bibliothèque  an- 
cienne &£  moderne  de  M.  le  Clerc. 

Quelque  complette  que  foit  cet- 
te colledion  ,  il  ne  faut  pas  croire , 


M  A  R 

JitM.  le  Clerc  ,  qu'il  n'y  manque 
aucune  pièce  importante  du  règne 
des  Rois  dont  on  y  retrouve  les 
Actes.  Il  s'en  eft  perdu  un  grand 
nombre  ,  6c  fouvent  même  les  plus 
coniîderables  ;  foit  qu'ils  ayent  été 
fupprimés  par  des  intérêts  particu- 
liers ,  comme  ceux  qui  fembloient 
diminuer  la  puiffance  des  Rois  &c 
trop  augmenter  celle  des  peuples  , 
foit  même  que  ce  malheur  fait  ar- 
rivé par  l'injure  des  tems ,  ou  par  la 
négligence  de  ceux  qui  gardoient 
les  Archives, 

Par  exemple  on  ne  trouve  dans 
Rymcr  aucuns  des  Ades  qui  font 
le  fondement  de  la  liberté  du  peu- 
ple ,  &  en  particulier  ce  qu'on  ap- 
pelle la  grande  Chaitre  :  *  magn.i 
Charta,  que  Henri  fit  la  quinzième 
année  de  Ion  règne  ,  comme  les 
Hiftoriens  le  témoignent. 

Il  eût  été  à  fouhaiter  ,  félon  la 
remaïquc  de  M-  Thoyras  ,  que  ce 
Recueil  eut  commencé  à  Guillau- 
me le  Conquérant.  Outre  que  c'eft 
l'époque  la  plus  confiderable  de 
l'HiIloire  d'Angleterre  ,  il  ëft  cer- 
tain qu'il  feroit  neceflaire  d'avoir 
quelque  connoiffance  de  ce  qui 
s'en  palTé  dans  ce  Rovaume  depuis 
la  conquête  ,  c'eft- à  dire  depuis 
l'an  1066.  jufqu'en  l'an  1101.  où 
commence  ce  grand  Ouvrage  , 
pour  entendre  parfaitement  la  plu- 
part des  Pièces  qui  s'y  trouvent.  On 
en  auroit  tiré  de  grands  éclaircifle- 
mens  fur  ce  qui  regarde  la  fuccef- 
lîon à  la  Couronne.  Mais  pour  fup- 
pléer  en  quelque  forte  à  cette 
omiflion  ,M.deThoyrasa  cru  de- 
yoir  rechercher  quel  étoit  l'état  où 
*  i6.v.dtlnB.(h»iJie. 


5  J    1  7  3  4«  175 

fe  trouvoit  le  droit  à  la  fucceflîon 
de  la  Couronne  pendant  les  deux 
premiers  fiécles  qui  ont  fuivi  la 
conquête.  Ce  point  lui  paroît  très- 
important  par  rapport  aux  diffé- 
rentes révolutions  arrivées  dans  la 
fuite  ,  &  même  à  ce  qui  s'eft  piule 
de  nos  jours,  ' 

Il  donne  donc  une  Hiftoire  abré- 
gée de  la  fucceflîon  à  h  Couronné 
d'Angleterre  depuis  Guillaume  le 
Conquérant  jufcju'à  Henri  III.  H 
montre  ,  i°.  Que  la  Couronne  a  été 
confervée  dans  la  pofterité  de  Guil- 
laume I.  Quoiqu'Eîiehne  &  Hen- 
ri II.  ne  dcfcendiilent  de  ce  Prince 
que  par  les  femmes.  20.  Que  tous 
les  Rois  d'Angleterre  depuis  Hen- 
ri II.  tirent  leur  origine  de  Mathil- 
de  fille  de  Henri  I.  qui  épôuia 
en  fécondes  noces  Geoffroy  Plan- 
tagenct ,  Comte  d'Anjou.  30.  Que 
des  8  premiers  Rois  qui  ont  régné 
depuis  la  Conquête  ,  il  n'y  en  a  eu 
que  deux  ,  fçavoir  ,  Richard  ,  & 
Henri  III.  qui  ayent  fuccedé  félon 
l'ordre  naturel ,  c'eft  à-dire  de  père 
en  fils }  en  fuivant  la  priorité  des 
Branches. 

Ceux  qui  admettent  cet  Ordre 
comme  une  maxime  fondamenta- 
le de  la  fucceflîon  ne  peuvent  s'em- 
pêcher de  reconnoître  que  Guillau- 
me I.  Guillaume  II.  Etienne  ,' 
Henri  II.  &  Jean  3  ont  été  des 
ufurpateurs,  du  moins  s'ils  veulent 
s'en  tenir  à  leur  principe.  Mais 
comme  dans  cetefpace  de  temson 
ne  trouve  aucune  loi ,  ni  auCun  rè- 
glement qui  ait  établi  cet  Oidrc, 

6  qu'au  contraire  on  voit  dans  ces 
huit  premiers  règnes  fix  préjugez 


i74  JOURNAL   DES  SÇAVANS, 

oppofés  à  cette  maxime  ,  il  lui  fern-      Mahomct.ms  n'ont  jamais  datte  de 


ble  qu'on  en  peut  inférer  qu'il  n'y  a 
rien  de  fixe  à  cet  égard  ,  ni  aucun 
principe  alîuré  pour  régler  la  fuc- 
ceflîon. 

Après  ce  Préliminaire  M.  de 
Thoyras  expofe  en  peu  de  mots  les 
principaux  évenemens  qui  font  ar- 
rivés fous  chaque  règne.  Comme 
il  compofoit  ces  Extraits  dans  le 
tems  qu'il  travailloit  à  fon  Hifloire 
d'Angleterre  ,  l'abrégé  qu'on  en 
trouve  ici  eft  fur  le  même  plan  & 
dans  les  mêmes  principes.  Il  mar- 
que en  généra^  le  rapport  .que  les 
Actes  recueillis  par  Rhymer  ont 
avec  les  faits  les  plus  coniiderables 
de  fon  Hiftoire.  Mais  il  le  fait  fans 
fui vre  Tordre  des  dattes.  Sa  métho- 
de eft  de  ranger  ces  Actes  ,  fuivant 
les  différentes  matières  fous  lef- 
quelles  il  a  cru  pouvoir  les  rafTem- 
bler  _,  comme  ceux  qui  regardent 
l'Angleterre  en  particulier  ,  fes 
guerres  domeftiques  avec  les  étran- 
gers .  fes  démêlez  avec  les  Papes  , 

$  rr  ■ 

£c  tout  ce  qui  a  rapport  aux  affaires 
Ecclcfiaftiques ,  &  il  fait  un  article 
féparé  des  Actes  qui  ne  peuvent  fe 
rapporter  aifément  à  aucun  de  ces 
Chefs. 

Parmi  une  fi  grande  multitude 
de  Pièces  ,  il  y  en  a  quelques-unes 
qu'on  foupçonne  d'être  fuppofées  ■ 
telle  eft  une  Lettre  du  Vieil  de  Ja 
Montagne  au  Duc  d'Autriche  pour 
juftifier  Richard  premier  du  meur- 
tre du  Marquis  de  Monferrat.  Cet- 
te Lettre  eft  dattée  de  la  cinquième 
année  du  Pape  Alexandre  ;  or  les 


la  forte.  Tels  font  encore  deux  Bil- 
lets qu'on  prétend  écrits  l'un  par 
Charles  d'Anjou  ,  Se  l'autre  par 
Pierre  d'Arrâgori ,  le  premier  pour 
propofer  de  le  fécond  pour  accep- 
ter un  duel  au  fujet  du  Royaume 
de  Sicile;  mais  quoique  ces  deux 
Pièces  foient  écrites  en  Italien  ,  el- 
les font,  dit  l'Auteur,  des  notes 
qui  accompagnent  cet  Extrait  , 
d'un  ftile  qui  approche  beaucoup 
des  défis  que  fe  font  les  Gladiateurs 
de  Londres. 

Cependant   M.  de  Thoyras  ne 
s'eft  pas  flatté  de  donner  une  par- 
faite connoiffance  des   différentes 
Pièces  qui  entrent  dans  ce  Recueil, 
il  auroit  fallu  pour  cela  en  faire  un 
abrégé  plutôt  qu'un  Extrait.  Les 
deux  premiers  font  fort  étendus  , 
mais  il  a  été  contraint  de  fe  ferrer 
davantage  dans  les  autres,  ils  ne 
laiffent  pas  cependant  de  faire  bien 
fentir  l'avantage   que   non  feule- 
ment les  Anglois  ,  mais  même  la 
plupart  des  autres  Nations ,  peu- 
vent tirer  des  Pièces  que  M.  Rhy- 
mer a  recueillies  ici.  Outre  les  17 
Tomes  dont  on  vient  de  parler,  de- 
puis Henri  I.  jufqu'à  la  fin  d'Elifa- 
beth  ,  ce  laborieux  Auteur  a  raf- 
femblé  en  59  Volumes  in-folie ,  un 
grand  nombre  d'autres  Actes  qui  ' 
félon  M.  de  Thoyras,  mériteroient 
d'être  imprimés  ,    &  qui  donne- 
roient  un   grand  jour    à  plulîeurs 
points  de  l'Hiftoirc  d'Angleterre, 
qui    font    encore    enfévelis  dans 
l'obfcurité. 


NOVVELLE 


MARS,    1734; 


*1S 


NOUVELLE   HISTOIRE  DE   L'ABBAYE   ROYALE    ET 

Collégiale  de  S.  Philibert  &  de  la  Fille  deTournus  ;  enrichie  défigures  , 
avec  une  Table  Chronologique  ,  &  quelques  Remarques  Chritiques  fur  le 
quatrième  Tome  de  la  nouvelle  Gaule  Chrétienne  ,  les  preuves  de  ÏHtfloire 
Sec.  ParunChanoine  de  la  même  Abbaye.  173  3.  A  Dijon  ,  chez  Antoine 
du  Fay ,  &  fe  vend  à  Paris ,  chez  Briaffon.  vol.  /'«-40.  pp.  383  pour  l'Hi- 
ftoire; Se  pour  les  Preuves,  PP-  3  3  5,  fans  y  comprendre  la  Table 
Chronologique ,  l'Epure  Dédicatoire  à  M.  le  Cardinal  deFleury  ,  la 
Préface ,  &c. 


TROIS  differens  Ecrivains 
nbusavoient  déjà  donné  l'Hi- 
ftoire de  la  célèbre  Abbaye  de 
Tournus.  Mais  le  premier  ,  félon 
M.  Juenin  ,  eft  trop  abrégé  ,&ne 
va  d'ailleurs  que  jufqu'à  l'an  1087. 
le  fécond  a  peu  d'exactitude  3  cv  le 
troifiéme ,  qui  eft  le  fçavant  Père 
Chrfflet ,  tombe  quelquefois  dans 
ce  même  défaut.  Quelque  habile 
qu'il  fût  ,  comme  il  ne  demeura 
qu'un  mois  fur  les  lieux  ,  il  n'eft 
pas  étonnant  qu'il  lui  foit  échappé 
fur  les  Antiquités  de  Tournus 
beaucoup  de  chofes  qu'un  féjour 
de  trente -fept  ans  dans  cette  Ab- 
baye ,  aura  mis  M.  Juenin  en  état 
de  recueillir. 

Il  divife  fon  Hiftoire  en  quatre 
Parties.  La  première  comprend 
tout  ce  qui  a  quelque  rapport  à 
l'Hiftoire  de  Tournus  jufqu'à  l'an 
8  57.  que  les  Moines  de  S.  Philibert 
s'y  établirent.  La  féconde  contient 
l'Hiftoire  de  Tournus  fous  les  Ab- 
bcz  Réguliers  de  la  Congrégation 
de  S.  Philibert ,  la  troifiéme  ce  qui 
s'eft  pafféfous  les  Abbez  Commen- 
dataircs  -,  la  quatrième,  l'Hiftoire 
■de  la  fécularifation  de  l'Abbaye  ,  Se 
tout  ce  qui  concerne  l'Hiftoire  de 
Mars, 


Tournus  depuis  cette  époque  juf- 
qu'à prefent. 

L'Auteur  commence  la  première 
Partie  de  fon  Hiftoire  par  la  def- 
cription  de  la  Ville  de  Tournus  an- 
cienne Se  moderne.  Il  avoiie  que 
fon  origine  eft  tres-cachée ,  Se  qu'il 
n'en  eft  point  parlé  dans  l'Hiftoire 
jufqu'à  l'arrivée  de  S.  Valérien  qui 
en  fut  l'Apôtre  ,  &  qui  y  fouffrit  le 
martyre  fous  l'Empire  de  Marc- 
Aurele  l'an  de  J.  C.  177.  Les  Ades 
de  ce  Saint  nous  apprennent  que 
Tournus  étoit  un  Grenier,  ou  uu 
Magafin  pour  les  Troupes  Romai- 
nes ,  Horreum  Caftrenfe.  La  Vie  & 
la  mort  de  S.  Valérien  font  auftî 
remplies  de  grandes  obfcuritez  qui 
fournilTent  un  beau  champ  à  l'ériN 
dition  &  à  la  critique  de  M.  Jue- 
nin. Sans  prétendre  fixer  letemsoù 
l'on  bâtir  une  Eglife  à  l'honneur  de 
ce  Saint,  il  montre  du  moins  que 
cette  Eglife  portoitle  nom  d'Ab- 
baye ,  Se  qu'il  y  avoit  des  Moines 
lorfque  le  Roi  Charles  le  Chauve 
en  fit  donation  aux  Religieux  de 
S.  Philibert.  Il  en  prend  occafiou 
de  faire  l'Hiftoire  de  ce  dernier 
Saint ,  des  Abbez ,  Se  des  Moines  , 
de  Narmoutier  jufqu'à  kurétablif- 


i76  JOURNAL  D 

fement  à  Tournus  ,  des  diverfes 
Translations  des  Reliques  de  Saint 
Philibert ,  &  de  celles  de  plufiears 
autres  Saints  qui  ont  été  particuliè- 
rement révérés  à  Tournus. 

Parmi  les  chofes  précieufes  que 
les  Moines  de  S.  Philibert  faiive- 
rent  des  ravages  des  Normands ,  Si 
qu'ils  apportèrent  à  Tournus ,  on 
croit  pouvoir  compter  un  Even- 
tail qui  fe  voit  encore  aujourd'hui 
dans  le  Tréfor  de  l'Abbaye  ,  &  qui 
étoit  deftiné  au  fervice  de  l'Eglife. 
Durand  dans  fon  Livre  des  Offices 
Divins  prétend  que  l'ufage  de  ces 
fortes  d'Eventails  vient  du  Pape 
S.  Clément  ;  il  nous  apprend  que 
»  deux  Diacres  le  tenoient  de  cha- 
»  que  coin  de  l'Autel  pour  empê- 
»  cher  les  petits  animaux  volans  de 
»>  tomber  dans  le  Calice.  «  On  lit 
fur  celui  dont  nous  parlons  i  S  vers 
latins  qui  en  montrent  les  divers 
ufages ,  comme  de  challcr  les  mou- 
ches ,  de  rafraîchir  l'air ,  &c.  Se  qui 
inarquent  en  termes  exprès  qu'il 
eft  confacré  à  Dieu  ,  &  fait  et» 
l'honneur  delà  Sainte  Vierge.  L'é- 
criture en  paroît  du  dixième  fiécle. 
Il  eft  de  vélin  ,  peint  de  plufieurs 
figures  qui  reprefentent  les  Saints 
qui  étoient  honorés  dans  l'Abbaye 
de  Tournus ,  &  il  s'ouvre  en  rond  , 
comme  on  peut  le  voir  dans  la 
planche  que  l'Auteur  en  a  fait  gra- 
ver. 

On  décrit  dans  le  fécond  Livre 
l'arrivée  de  Gcilon  à  Tournus.  Cet 
Abbé  y  fixa  fa  Congrégation  qui 
ctoit  errante  depuis  3  y  ans  que  les 
Courfes  des  Normands  avoient 
obligé  les  Religieux  de  S.  Philibert 


E  S  SÇAVANS; 

à  quitter  Narmontier.  Il  s'y  établit, 
dit  l'ancien  B.eviaire  de  l'Abbaye 
de  Tournus  ,  parce  que  quoique 
pauvre  ,  &  peu  confiderable  pour 
lors  ,  elle  n'étoit  point  foûmifc  à  la 
puiffance  d'aucun  Seigneur  parti- 
culier ,  ni  même  à  la  Jurifdiction 
Epïfcppale.  Charles  le  Chauve  lui 
donna  le  Château  de  Tournus,  des 
terres  confiderables  ,  lui  accorda 
l'exemption  de  tous  impôts  ,  avec 
grand  nombre  de  privilèges.  C'eft 
par  ce  Geilon  que  M.Juenin  com- 
mence la  fuite  des  Abbez  Régu- 
liers de  Tournus  ,  év  l'Hhïoirc  de 
ce  qui  s'y  eft  paffé  de  plus  confide- 
rable fous  leur  gouvernement.  Ils 
devinrent  en  peu  de  tems  des  ef- 
peces  de  Souverains ,  Se  on  voit  en 
effet  qu'ils  en  exerçoient  prefquc 
tous  les  Aclxs.  Eude  Comte  de  Pa- 
ris donna  à  l'Abbé  Blitgaire  la  per 
million  de  battre  monnoye. 

Vingt  -  fix  ans  après  Charles  le 
Simple  confirma  l'Abbé  Guicheran 
dans  ce  droit  à  condition  cepen- 
dant que  la  monnoye  porteroit  le 
nom  du  Prince.  En  vertu  de  cette 
conceflïon  qui  a  été  exprefTément 
confirmée  par  les  Rois  Raoul  , 
Louis  d'Outremer ,  Lothaire ,  Hu- 
gues-Capet ,  Henri  I.  Philippe  le 
Bel,  &c.  L'Abbaye  de  Tournus  a 
fait  battre  de  la  monnoye  ,  qu'on 
retrouve  encore  dans  les  Cabinets 
des  Curieux  ,  Se  dont  l'Auteur 
donne  ici  deux  types. 

Il  compte  quarante-neuf  Abbez, 
parmi  lefquels  Ardain,  ou  Ardaing 
eft  le  feul  qui  foit  honoré  comme 
Saint.  On  ne  fçait  que  peu  de  cho- 
fe  de  fa  Vie ,  &  par  confequent  de 


MARS 

fes  vertus  ,  mais  la  Légende  qu'on 
recite  au  jour  de  fa  Fête  ,  nous  ap- 
prend que  fon  Hiftoirc,  aufli-bien 
que  fes  Reliques  t  a  éré  brûlée  par 
les  Huguenots.  Il  mourut  en  1056". 

Entre  ces  Abbez  ,  il  y  en  a  fix 
ou  fept  qui  avoient  échappé  à  la 
connoilTance  du  Père  Chifflet  ,  & 
que  M.  Juenin  a  eu  le  bonheur  de 
découvrir  en  feuilletant  les  Archi- 
ves de  l'Abbaye.  Mais  comme  di- 
vers accidens  en  ont  fait  périr  une 
grande  partie  a  ileft  fouvent  obligé 
de  s'abandonner  à  fes  conjectures 
fans  ofer  fe  flatter  de  donner  une 
Hiftoire  complette  de  ces  Abbez. 

Ce  qu'il  en  rapporte  même  , 
roule  en  général  plutôt  fur  les  ac- 
quifitions  ou  les  pertes  que  l'Ab- 
baye de  Tournus  a  faites  fous  leur 
règne ,  que  fur  ce  qui  regarde  ces 
Abbez  en  particulier.  Les  grands 
biens  qu'ils  pofledoient  pour  lors 
les  rendirent  d'un  côté  l'objet  de  la 
jaloulie  des  Seigneurs  voifins  ;  & 
de  l'autre  la  pu i (Tance  prefque  fans 
bornes  qu'ils  exerçoient  fur  les  ha  - 
fcitans  de  Tournus ,  excitèrent  fou- 
vent  de  grandes  plaintes ,  &  même 
des  révoltes  de  la  part  de  ces  der- 
niers. 

On  expofe  avec  beaucoup  d'ordre 
&  de  netteté  tous  ces  démêlez  ,  &c 
comme  les  Rois  de  France  &  les 
Ducs  de  Bourgogne  entrèrent 
tour  à  tour  dans  ces  querelles  , 
prenant  tantôt  le  parti  des  Abbez, 
Se  tantôt  celui  des  habitans ,  on 
s'eft  trouvé  dans  la  neceffité  de 
toucher  quelques  points  d'hiftoire 
alTez  curieux  -,  à  l'égard  des  faits 
qui  demandent  de  longues  difeuf- 


,1734.  1 77 

fions ,  on  les  renvoyé  à  des  Notes 
Critiques  qui  font  entièrement  fé- 
parées  du  Texte. 

Après  avoir  parlé  des  Abbez 
Réguliers  dans  les  deux  Livres  pré- 
cédens  ,  M.  Juenin  nous  donne 
dans  le  troifiéme  la  fuite  des  Abbez 
Commcndataircs.  Jean  I V.  qui 
étoit  de  laMaifondeToulonjonJ& 
dernier  Abbé  Régulier  étant  mort, 
les  Moines  deTournus  élurent  pour 
lui  fucceder  Robert  de  Lenoncour 
qui  étoit  déjà  Abbé  Commandatai- 
re  de  S.  Rhémy  de  Rheims  ,  Se 
Archevêque  de  cette  Ville.  »On  ne 
=  fçait,  dit  l'Auteur  ,  s'ils  furent 
»  portés  à  cela  par  quelques  foi- 
»  bielles  fcandaleufcs  qu'on  avoit 
»  remarquées  dans  ce  dernier  Ab- 
»  bé  -,  &  de  celles  que  fon  préde- 
»  cefleur  n'a  voit  pas  allez  défaprou- 
»  vées  dans  fes  plus  proches  pirens, 
»  ou  bien  fi  ces  Moines  efperoient 
»  de  vivre  dans  une  plus  grande 
»  liberté  fous  un  Abbé  Comman- 
»  dataire  ,  qui  ne  refidei  oit  pas  par- 
»  mi  eux  :  *  quoiqu'il  en  foit  , 
l'élection  de  l'Abbé  fut  confirmée 
par  le  Pape  ,  malgré  la  répugnance 
de  quelques  Religieux  qui  s'y  op- 
poferent  inutilement. 

Au  refte  ,  on  remarque  que  Ro- 
bert de  Lenoncour  ,  quoiqu'Abbé 
Commandatairc,  ne  laifla  pas  de 
faire  du  bien  à  fon  Abbaye.  Il  la 
refigna  dans  la  fuite  à  fon  neveu  & 
fon  filleul  qui  portoit  le  même 
nom  que  lui  ;  ce  dernier  devint 
Cardiml  ,  6c  poffeda  tout  à  la 
fois  l'Evêché  de  Metz-,  les  Ar- 
chevêchez  d'Ambrun  ,  d'Arles  , 
&  de  Toulouze.  Il  permuta  enfuite 
Zij 


178        JOURNAL    DE 

l'Abbaye  de  Tournus  avec  celle  de 
Beaulieu,  au  Diocéfe  de  Verdun  , 
qui  appartenoi:  au  Cardinal  de 
Tournon. 

Kocre  Auteur  qui  ne  le  confidc- 
re  ici  que  comme  Abbé  de  Tour- 
nus  ,  fans  entrer  dans  le  détail  de 
la  Vie  de  ce  Prélat  qui  fut  un  des 
plus  grands  hommes  de  fon  fïécle  , 
fe  contente  d'en  donner  une  Chro- 
nologie fuccinte. 

Le  Cardinal  de  Tournon  eut 
pour  fuccefleur  dans  l'Abbaye  de 
Tournus ,  Louis  de  Lorraine  ,  Car- 
dinal de  Guife  ,  qui  s'en  démit  peu 
de  teins  après  en  faveur  de  François 
fécond.  Cardinal  de  laRochefou- 
caut  ,  qui  fut  le  cinquième  Se 
dernier  Abbé  Commandataire. Sous 
fon  règne  l'Abbaye  fut  fécularifée  -, 
mais  avant  que  de  raconter  cet 
événement  ,  on  nous  donne  une 
Narration  circonftanciée  de  ce  qui 
s'eitpafTé  de  plus  remaquabledans 
l'Abbaye  de  Tournus  pendant  la 
guerre  des  Huguenots ,  Se  pendant 
les  troubles  de  la  Ligue. 

Dc-là  on  paiTe  à  l'Hiftoire  de  la 
fécularifation  de  l'Abbaye  ;  les 
Moines  de  Tournus  de  concert 
avec  le  Cardinal  de  la  Rochefou- 
caut  reprefenterent  au  Pape  ,  que 
les  guerres  dont  leur  Pays  avoit  été 
affligé  ,  les  avoient  contraint  de 
changer  leur  Couvent  en  une  efpe- 
ce  de  place  d'armes ,  que  les  gar- 
nifons  qu'ils  étoient  obligés  d'y  en- 
tretenir ,  tant  pour  leur  propre  fu- 
reté que  pour  celle  des  habitans  , 
avoient  rendu  leur  Monaftere  peu 
propre  aux  exercices  de  la  Vie  Mo- 
naftique  ,  que  ces  exercices  étoient 


S    SÇAVANS, 

même  pour  la  plupart  abolis  parmr 
eux  depuis  long-tems  ,  enfin  que- 
les  Moines  étant  tombés  dans  un 
fi  grand  defordre  ,  qu'il  ne  pa- 
roilloit  pas  poflible  de  les  re- 
former ,  le  parti  le  plus  convena- 
ble dans  cette  (îtuation  étoit  de  fé>- 
cularifer  l'Abbaye. 

Après  que  cet  expofé  eut  été 
vérifié  fur  les  lieux  ,  &  principa- 
lement l'article  du  defordre  des. 
Moines  qui  fut ,  dit  M.  Jucnin  en- 
rapportant  l'enquête  qui  fe  fit  à 
cette  occahon  ,  exagéré  par  les  ha- 
bitans ,  le  Pape  confentit  à  leur,, 
demande,  Se  par  une  Bulle  dattéo 
du  6  Acuft  1^23.  l'Abbaye  de 
Tournus  fut  changée  en  Collégiale- 
Séculière  qui  fut  aflujettie  à  la  Ju- 
rifdiction  de  LEvcque  de  Ghalon.- . 
mais  à  l'égard  de  l'Abbé  il  relia, 
toujours  uniquement  fous  la  dé- 
pendance du  S.  Siège.  Tous  les* 
Moines  qui  étoient  pour  lors  ré- 
duits au  nombre  de  7  furent  dé- 
chargés de  l'obfervance  de  la  Régie 
deS.Benok^&même  dé  leurs  vecuxy 
à  l'exception  de  celui  de  chafteté  , 
les  revenus  furent  féparés  en  deux- 
Menfes  ,  l'Abbatiale  Se  la  Capitu- 
laire.  On  y  fonda  douze  Canoni- 
cats,  autant  de  demi  Prébendes , 
Se  on  accorda  au  nouveau  Chapitre 
tous  les  privilèges  ,  honneurs  ,  & 
prérogatives  dont  jo'U'iJfoient  les  plus 
injignes  Collégiales  de  ces  Contrées. 

On  verra  dans  l'Auteur  les  Sta- 
tuts que  M.  de  Neufchefe  Evêquc 
de  Châlons  donna  aux  Chanoines 
de  Tournus y  Se  pluficurs  particu- 
laritez  de  ce  genre  très-interelTan- 
tes  fans  doute  poux  ceux  qui  com^ 


M  A  R 

pofent  ce  Chapitre.  Charles  Ro- 
chechouart  de  Chandcnier  ,  devint 
en  ib'a-ç.  Abbé  Titulaire  par  la 
mort  du  Cardinal  de  Roche- 
chouart  fon  oncle  qui  l'avoit  fait 
nommer  fon  Coadjutcur.  Il  ne  gar- 
da cette  Abbaye  que  deux  ans ,  & 
il  la  remit  avec  l'agrément  du  Roi, 
à  Louis  de  Rochechouart  fon  frère, 
moyennant  une  pcnfion  de  ioooo 
liv.  quoique  cet  Abbé  vécut  en 
grande  réputation  de  pieté,  &  qu'il 
mourut  aggrégé  à  la  Congrégation 
de  la  Million  ,  il  eut  defréqucns 
démêlez  avec  fes  Chanoines ,  &  il 
les  poulla  vivement.  Son  Succef- 
feur  tut  M.  le  Cardinal  de  Bouillon 
qu'on  nommoit  alors  le  Duc  d'Al- 
bret.  Comme  toute  Communauté 
ne  manque  jamais  de  raifons  pour 
fe  croire  difpenfée  dé  la  reconnoif- 
fanec  ,  les  grandes  fommes  qu'il 
employa  généreufementà  la  déco- 
ration de  l'Eglife  ,  &  à  la  conftruc- 
tion  de  plulîeurs  bâtimens  pour  le 
Chapitre  n'empêchèrent  pas  fes 
Chanoines  de  lui  demander  un 
nouveau  partage  de  biens  ,  atten- 
du ,  dit  l'Auteur ,  que  ceux  de  la 
Menfe  Canoniale  étoient  fort  di- 
minués. Après  plufieurs  procédu- 
res le  Cardinal ,  par  accommode- 
ment ,  leur  accorda  iooo  livres 
d'augmentation  par  an. 

M.  le  Cardinal  de  Fleury  qui  fut 
nommé  en  171 J.  à  l'Abbaye  de 
Tournus  ,  y  a  fait  en  petit  ce  qu'il 
a  fait  depuis  en  grand  dans  tout  le 
Royaume  ,  ainfi  au  lieu  d'un  long 
détail  de  procès  Se  de  conteftations 
qui  remplit  la  Vie  de  la  plupart 
des  autres  Abbez  Réguliers  Se  Se- 


S.  17  34-  17s 

culiers  ,  on  voit  ici  que  toujours 
attentif  à  concilier  les  intérêts  du 
public  avec  ceux  des  particuliers 
il  a  considérablement  embelli  fon 
Eglife  Abbatiale  ,  augmenté  les  re- 
venus des  Chanoines ,  fait  diverfes 
fondations  en  faveur  des  Hôpitaux 
&  des  Couvens,  établi  des  Ecoles 
de  Charité ,  &  procuré  des  grâces 
fingulieres  au  Chapitre  Seaux  ha- 
bitans  de  Tournus.  Chaque  année., 
dit  M.  Juénin  ,  depuis  qu'ils  ont  le 
bonheur  de  l'avoir  pour  Abbé  a 
été  marquée  par  quelque  nouveau 
bienfait. 

On  ajoute  »  qu'il  n'y  a  que  M» 
»  l'Abbé  Briflart ,  cet  Agent  habile 
»  fur  lequel  S.  E.  fe  repofe  de  la  di- 
»  ltribution  de  fes  grâces  Se  de  fes 
»  fiveurs ,  qui  pounoit  rendre  un 
»»  compte  exact  de  tout  ce  qu'elle  a 
«fait  &  continué  de  faire  a  non 
»  feulement  à  Tournus ,  mais  auflï 
»  dans  les  ParoiiTes  de  Iadépendan- 
»  ce  de  l'Abbaye. 

Ce  premier  Volume  finit  par  la 
defeription  de  l'Eglife  &  de  l'Ab- 
baye de  Tournus  telle  qu'elle  etoic 
lofque  les  Huguenots  la  pillèrent 
en  156e.  par  une  Table  Chronolo- 
gique pour  fervir  à  l'Hiftoire  de 
Tournus ,  &  par  quelques  Remar- 
ques Critiques  fur  une  partie  du 
quatrième  Tome  de  la  nouvelle 
Gaule  Chrétienne,  M.  Juénin  y 
relevé  avec  beaucoup  de  modeftie 
quelques  endroits  où  les  Auteurs 
de  cet  Ouvrage  parodient  s'être 
trompés.  Le  fécond  Tome  contient 
les  titres ,  les  actes ,  Si  les  autoritez 
qui  fervent  de  preuve  àfonHiftoi- 
re  ;  la  plupart  de  ces  Pièces  avoienp 


,80  JOURNAL   D 

déjà  été  données  par  le  Père  Chir- 
flet ,  mais  on  les  retrouvera  ici  avec 
d'autant  plus  de  pbilîr  qu'elles  y 
paroitTent  avec  des  additions  &:  des 
corrections  importantes.  On  y  a 
joint  auiïiun  Recueil  des  Epitaphes 
les  plus  remarquables  qu'on  voit 
encore  ou  qu'on  voyoit  autrefois 
dansi'Egliïe  de  l'Abbaye  deTour- 


ES   SÇAVANS, 

nus  ,  le  Pouillé  des  Bénéfices  qui 
en  dépendent ,  avec  un  EfTai  fut 
l'origine  &:  la  Généalogie  des  Com- 
tes de  Châlons ,  de  Mâcon  ,  &  des 
Sires  de  Baugé  ,  en  un  mot  tout 
ce  qu'on  peut  attendre  fur  une  pa- 
reille matière  d'un  Auteur  exact  Se 
laborieux. 


MARS;    1754: 


i8r 


FRANCE. 


De    Lyon. 


NOVVELLES     LITTERAIRES. 

Secunda  Editio.  1734.  in  folio. 

D.  D.  Jofephiàe  Rofa  J.  C.Nea- 
f  alitant  celebemmi ....  Confultatio- 
nes  Jurisfeleclijfima  }  cum  decifîoni- 
busfuper  eis  prolatis  afupremis  Nea- 
politani  regni  Tribunalibus  &c. 
Editio  tcrtia  Gallica,  accurate  re- 
cognita  &  emendata  3  neceffariifque 
lndicibus  meliufquam  batlenus  con- 
cinnatis  locupletata.  173$.  in-folio. 

De  Ratiociniis  Adminiflratorum,  & 
Compittutionibus  variis  aliis  TraÉla- 
tus  pruflantijfimus  i  omnibus  Juri  ope- 
ram  dantibus  tam  in  theoria  ejuam 
praxi  utdis  3  judictbus  &  advocatis 
pernecejfarius.  sîuBore  D.  Franfcijco 
Munos  de  Efcobar  J.  C.  in  Regia 
Pinciana  Cancellaria  caufarum  Pa- 
trono.  1733.  in-folio. 

TratlatHS  bipartitus  de  Puritate  & 
NobUitate  probanda,  fecttndumftatu- 
ta  S.  Officii  Ine/uifitionis  3  Regii  Ordi 
num  Senattis ,  faniïœ  Ecclefïœ  Toleia- 
nœ  ,  Collegiorum  ,  aliarum^ue  Corn- 
munitatum  Hifpanit ,  adexplicatie- 
nem  Regia  pragmatica  fanBionis 
§.  2.0.  incipiente  Yporque  el  odio  , 
à  Domino  noflro  Rege  Philippo  IV. 
lata  Aîatriti  10  Februani t  anno  Do- 
mini  16 2.3.  Autlore  D.  D.  Joannt 
Efcobar  k  Corro  J.  V.  D.  &e,  Edi- 
tio ultima  ab  ipfomet  Autlore  auUa) 
&  à  rnendis  expurgata.  1 7  j  3 .  in-fol, 


VOICI  les  titres  de  quelques 
Ouvrages  que  les  Frères  de 
Ville  &;  Louis  Chalemette  ont  réim- 
primés depuis  quelque  tems  :  R.  P. 
JacobiTinni  Antuerpianie  Societa- 
te  Jefit  Comment arius  in  facram 
Scripturam ,  duobus  Tomis  compre- 
henfns  ....  Editio  novijfima  prioribus 
longe  emendatior  ,  cum  IndicibhS 
quine/ue  ficundo  Tomofubntxis.  1734. 
in  -folio. 

Traclatiis  de  Praventione  jiidiciali 
feu  de  comentione  JurifliflionumAuc- 
tore  D.  Petro  Francisco  de  Tonduti., 
Domino  &  Toparcha  Loci  S.  Legicr 
in  Comitatu  Venaijftno  s  Comité  Pa- 
latir.o  ,  &  fdnEli  Officii  Inqitifitionis 
Avcnionenfis  Confultorum  Decano. 
Opus  olirn  in  duas  partes  divifum 
lame  tertia  auElum  :  ex  extjui/îtijjimis 
ïpfmfmet  AuBoris  ad  fingula  prope 
capita  additionibus  locupUtatum^cz. 
*7J4»  in-folio. 

Ejufdem  TraElatus  de  Penfioni- 
bus  Ecclefiaflicis  }  ad  flylum  Curii. 
Roman  &  }  &  ad  praxim  Trtbunalium 
Gallia  accommodatus.  Adjicitur  in 
fine  operis  felellarum  ac  recemijfima- 
rum  Rot£  Romand  Decifionum  Cetitu- 
ria  j  pro  confirmatione  eorum  ,  (jus, 
ab  Autlore  refoluta  funt  in  materia 
Penfionum  &  Beneficiorum  :  cum  no- 
fis  quibufd&m  ad  pracedentia  opéra. 


De     Paris. 


La  Veuve  Matières  &  J.  B.  Gar- 


ig2       JOURNAL   D 

nier  ont  imprimé  &c  débitent  :  Sanc- 
ti  Aurelii  Augufttni  Hipponenfls 
Epifcopi  EpifloU  dus.  recens  in  Ger- 
mania  repenti  ,  nous  criticis  ,  hiftori- 
cis ,  Cbrcnobtricifjue  illuftraU  ,  ac 
juxta  noviffimam  editionem  omnium 
cjufdem  S.  DoBoris  openim  à  Bene- 
ditlinis  e  Congregaûone  S.  Mauri 
concinn.ttam  terfk  attjue  adornata. 
Opéra  &  fiadio  D***  ejufdcm Con- 
grégations Prefbyteri  :  1734.  in-folio. 
Ces  deux  Lettres  dont  la  Veuve 
Manières  a  auffi  imprimé  une  tra- 
duction Françoife ,  turent  trouvées 
il  y  a  deux  ans  par  le  P.  Dom  Ber- 
nard Pez, ,  célèbre  Bénédi&in  d'Al- 
lemagne ,  dans  un  manuferit  de 
l'Abbaye  de  Gotfwein  ou  Gottivtig 
dans  la  balte  Autriche  ,  à  quelques 
lieues  de  Vienne.  M.  Godefoy  Bef- 
fell  Abbé  de  ce  Monaftere  ,  &  Au- 
teur du  Chremcon  Gottnvicenfe  , 
que  nous  avons  annoncé  dans  les 
Nouvelles  du  mois  de  Janvier  der- 
nier ,  avoit  publié  prelque  furie 
champ  une  Edition  de  ces  Lettres 
à  Vienne ,  avec  une  Préface  :  mais 
comme  cette  Edition  étoit  rare  en 
France  _,  on  a  cru  avec  raifon  faire 
plaifir  aux  Sçavans  en  leur  faifant 
part  de  cette  importante  découver- 
te ,  &  en  faifant  imprimer  ces  deux 
Pièces  dans  une  forme  propre  à  les 
joindre  à  l'Edition  fi  connue  les 
Oeuvres  de  S. Auguftin  parJesRR. 
PP. Bénédictins  de  la  Congrégation 
de  S.  Maur. 

Claude  Robuftel ,  rué'  S.  Jacques, 
près  S.  Yves ,  à  l'Image  S.  Jean  ,  a 
en  vente  dernière  Edition  augmen- 
tée de  nouvelles  Remarques  des 
Oeuvres  de  M.  Jean-Marie  Rtcart , 


ES    SÇAVANS, 

Avocat  an  Parlement.  Tome  I.  con- 
tenant le  Traité  des  Donations  tntre 
vifs  &  Teftamentaires ,  avec  la  Cou- 
tume ^'Amiens  commentée. Tome  il, 
contenant  les  Traitez,  du  Don  Mu- 
tuel t  des  Dtfpofîtions  conditionnelles, 
Sec.  des  Subjiitutiens  ,  de  la  Repre- 
fentation  &  du  Rapport  en  matière  de 
Succeffions.  Enfemble  la  Coutume  de 
Senlis  commentée.  1754.  in  folio. 

On  trouve  chez  Ch aubert  ,  Li- 
braire du  Journal ,  Quai  des  Au- 
guftins  ,  Ofmont  ,  Huart  l'aîné _, 
Cloufîer  ,  rué'  S.  Jacques ,  Hourdel  y 
David  le  jeune  ,  Quai  des  Augu- 
ftins ,  &  Giffey ,  rue  de  la  Vieille 
Bouderie  :  Hijtoire  Critique  de  Péta- 
bliffement  de  la  Monarchie  Fratiçvife 
dans  les  Gaules.  Par  M.  T  Abbé  Du- 
bas  t  l'un  des  Quarante  ,  Jk.  Secré- 
taire perpétuel  de  l'Académie  Fran- 
çoife.  1734.  /»-4°.  3.  vol. 

Les  Dons  des  Enfans  de  Latone  ; 
La  MufîcjU!  &  la  Chaffe  du  Cerf  ' 
Poèmes  dédiés  au  Roy.  Chez 
P rouit ,  Quai  de  Gêvres  ,  Jean  Dé- 
funt ,  rue  S.  Jean  de  Beauvais ,  Se 
Jacques  Guerin  t  Quai  des  Augu- 
ftins.  1734.  in-%°.  fort  bien  imprimé 
&  orné  de  figures  en  tailles  douces 
&  d'autres  gravures.  Le  Poème  de 
la  Muficjue  eft  fuivi  d'un  Catalogue 
Chronologique  des  Opéra  repre- 
fentés  en  France  depuis  l'année 
1^45.  où  ils  ont  commencé  de  pa- 
roître  jufqu'à  prefent  •,  8c  on  trouve 
après  le  Poème  de  la  Chajjc  du  Cerf 
un  Dièlionnaire  des  termes  ufités 
dans  cette  forte  de  Chafle  ;  ainfi 
qu'un  Divcitilfement  eft  Mufique 
intitulé  Nouvelle  Chaffe  du  Cerf . 
compofé  de  plufieurs  Airs  paro 
diéc 


MARS 

diés  fur  les  Opéra  d'Angleterre  , 
avec  différentes  Symphonies  étran- 
gères. 

Traité  général  des  Horloges.  Par  le 
R.  P.  Dom  Jacques  Alexandre  , 
Religieux  Bénédictin  de  la  Con- 
grégation de  S.  Maur.  Ouvrage  en- 
richi de  figures.  Chez  Hippolyte- 
Louis  Guerin  ,  rue  S.  Jacques  ,  & 
Jacques  Guerin ,  Quai  des  Augu- 
ftins.  1734. /w-8°. 

Leçons  de  Phyjîque  ,  contenant 
IcsElémens  de  la  Phyfique  ,  déter- 
minés par  les  feules  Loix  desMé- 
chaniques ,  expliquées  au  Collège 
Royal ,  par  M.  Jofeph  -  Privât  <& 
JMolieres ,  Profefieur  Royal  en  Phi- 
lofophie  ,  de  l'Académie  Royale 
des  Sciences ,  &  Membre  de  la  So- 
ciété Royale  de  Londres.  Chez  la 
Veuve  Brocas  a  rue  S.  Jacques  ,  au 
ChefS.  Jean,  &  Jofeph  Bultot ,rùe 
de  la  Parcheminerie.  1733.  in-11. 
Ces  Leçons  dont  nous  n'annonçons 
ici  que  la  première ,  feront  diftri- 
buées  au  Collège  Royal ,  à  mefure 
qu'elles  feront  imprimées. 

Penfées  Critiques  fur  les  Mathé- 
matiques s  où  l'on  propofe  divers 
préjugez  contre  ces  Sciences  ,  àdef- 
îein  d'en  ébranler  la  certitude,  &de 
prouver  qu'elles  ont  peu  contribué 
à  la  perfection  des  beaux  Arts.Chez 
Ofmont  &  Cloujîer ,  rue  S.  Jacques. 
1733.  in-ii. 

Hifloire  Naturelle  de  l'Univers } 
dans  laquelle  on  rapporte  des  rai- 
fons  Phyfiques  ,  fur  les  effets  les 
pluscurieux&les  plus  extraordinai- 
res de  la  Nature.  Enrichie  de  figu- 
res en  taille-douce.  Par  feu  M.  Co- 
lonne ,  Gentilhomme  Romain. 
Mars. 


1     17  3  4',  i§5 

Chez  André  Cailleau  ,  Quai  des 
Auguftins ,  au  coin  de  la  me  Gift- 
le-Cœur.  1734.  in-i  2.  2.  vol. 

Abrégé  de  la  Vie  de  Saint  Gaud  , 
Evêque  d'Evreux  de  S.  Pair  Evê- 
que d'Avranches  t  de  S.  Scabilion  , 
Abbé  de  Saint  Senier  ,  aujfi  Evcque 
d'Avranches,  &  de  S.  Aroafte,  Prê- 
tre t  tous  Anachorètes  du  defert  de 
Scycy  ,  inhumés  dans  l'Eglife  de 
S.  Pair  fur  mer,  Diocéfc  deCou- 
tances ,  &c.  Le  tout  conforme  aux 
Martyrologes ,  aux  meilleurs  Hi- 
ftoriens  ,  &  particulièrement  à  un 
Manufcrit  très-ancien  ,  qui  fe  trou- 
ve dans  les  Archives  de  la  Parroitfc 
de  S.  Pair  ,  dont  il  y  a  copie  dans 
celles  de  la  Cathédrale  d'Evreux. 
Psr  M.  le  Roitault ,  Curé  de  S.  Pair 
fur  mer.  De  l'Imprimerie  de  Mon- 
talant.  1734.  in-\z. 

La  Retraite  de  la  Marquife  de  Go- 
aanne ,  contenant  diverfes  Hiftoi- 
res  Galantes  &  véritables.  Chez 
Etienne  Ganeau  ,  rue  S.  Jacques. 
1734.  /»-ii.  2.  vol. 

Seconde  Partie  de  la  Vie  de  Ma- 
rianne ,  ou  Avanmres  de  Madame 
la  Comtefe  de***.  Par  M.  de  Ma-  ' 
rivaux.  Chez  Prault  père  ,   Quai 
de  Gêvres.  1734.  brochure/»  12. 

Après  avoir  annoncé  dans  nos 
Nouvelles  Littéraires  du  mois  d'A- 
vril de  l'année  dernière ,  le  grand 
Ouvrage  du  R.  P.  du  Halde  fur 
l'Hiftoire  de  la  Chine,  il  nous  refte 
encore  à  inférer  ici  en  entier  l'Avis 
fuivant  qui  fe  diftribue  imprimé 
fur  une  feuille  volante. 

»  On  imprime  maintenant  chez 
»  P.  G.  le  Mercier  fils  le  Livre  inti- 
n  tulé  :  De/cription  Géographique  , 
An 


i8*        JOURNAL    D 

»  Hiflorique  y  Chronologique  ,  Poli- 
3)  tique ,  &  Phyfique  de  l'Empire  de 
»  la  Chine  ,  &  de  la  "Tartane  Chinoi- 
»fe  ,  enriibie  d;  Cartes  générales  & 
n  particulières  de  ces  Pays  i  de  la 
»>  Carte  générale  &'  des  Cartes  parti- 
»  entières  dit  Tlubet  &  de  la  Corée  , 
n  &  ornée  d'un  grand  nombre  de 
»  Plans  de  Villes  }  de  Figures  &  de 
»  Vignettes  en  taille-douce  en  quatre 
»  Volumes  in-folio  ,  fur  grand  rai- 
»  fin ,  dont  on  a  donné  le  Projet  il 
»  y  a  cinq  ou  fis  mois. 

»  On  n'épargne  rien  pour  la 
»  beauté  de  l'Edition  &  des  Gravû- 
=»res}  on  a  fait  fondre  exprès  des 
»  cara&eres  pour  cet  Ouvrage.  La 
»  gravure  des  Cartes  &  des  figures 
»  eft  des  meilleurs  Maîtres ,  ce  qui 
w  eit  connu  d'un  grand  nombre  de 
»  perfonnes  qui  ont  eu  la  curiofité 
»  de  les  venir  voir  chez  l'Auteur  : 
»>  Et  afin  qu'il  ne  manque  rien  à  la 
)>  perfection  de  l'Ouvrage ,  ou  fera 
»  enluminer  les  Cartes  générales  , 
>»  ce  qu'on  n'avoit  pas  promis.  On 
»  a  jugé  à  propos  de  mettre  dans 
»le  premier  Tome  l'Hiftoire  abré- 
y>  gée  de  l'Empire  de  la  Chine  ,  qui 
«dans  le  Projet  n'a  été  annoncée 
»>  que  pour  le  quatrième  Volume  ; 
•>  &  l'on  a  cru  que  la  connoiflance 
»  générale  qu'on  prendra  d'abord 
»>  de  ce  vafte  Empire ,  faciliteroit 
»>  l'intelligence  des  autres  matières 
»  qui  y  font  traitées ,  lorfqu'on  ckc 
»>des  Empereurs  ou  des  Hommes 
»  Illuftres  de  cette  Nation  -y  on  y  a 
»  fait  même  des  Additions  depuis 
m  la  distribution  du  Projet  ;  &  en- 
*>  tr'autres  on  fait  connoître  quel 
ç.  cft  le  goût  des  Chinois  poui  le 


ES   SÇAVANS; 

»  Théâtre  ,  en  donnant  la  traduc- 
»  tion  d'une  de  leurs  Tragédies. 

»  Ceux  qui  ont  retenu  des  exem- 
»  plaires,  ou  qui  en  veulent  retc- 
»  nir ,  &  qui  fc  font  offerts  à  payer 
n  la  moitié  d'avance  ,  font  avertis 
»  de  le  faire  préfentement.  Le  prix 
»  pour  ceux-là  eft  de  cent  quarante- 
«  quatre  livres.  Le  premier  paye- 
»  ment  fera  de  foixante-douze  livres, 
»  dont  on  donnera  un  billet  de  rc- 
»  connouTance.  Le  fécond  paye- 
»  ment  fera  de  pareille  fomme  de 
nfiixame-douz.e  livres  en  recevant 
»  l'Ouvrage  ,  &  rapportant  le  bil- 
»  let  de  reconnoiffanec.  Ceux  qui 
»  n'en  auront  point  retenus  ,  le 
»  payeront  deux  cens  livres.  On  li- 
ts vrera  l'Ouvrage  vers  le  milieu  de 
»  l'année  1735. 

o  Pour  avoir  des  billets  de  re- 
»  connoilTance  ,  il  faut   s'adreiTer 
»  au  Père  du  Halde  3  demeurant  à  - 
»  la  Maifon  ProfeiTe  des  Jefuites  , 
»  rue  S.  Antoine,  ou  au  Perc  Pt- 
»  chon  ,   Procureur  des  Penfionnai- 
»res  du  Collège  de  Louis  leGrand,  , 
>»  ou  à  P.  G.  le  Mercier  fils  ,  Impa- 
rt meur-Libraire  ,   rue  S.  Jacques  ,\ 
»  au  Livre  d'or. 

M.  le  Gt  ndre ,  Marquis  de  Saint  - 
Aubin-fur- Loire,  Auteur  àuTrai- 
té  de  l'Opinion ,  avertit  qu'il  s'eft- 
gliflé  dans  cet  Ouvrage  trois  er- 
reurs confiderables. 

»  Liv.  1.  ch.  6.  p.  140.  Du  Hail- 
»  lan ,  le  Seigneur  de  Langey ,  &c 
»  le  P.  Vignier  font  cités  pour  avoir 
»  foûtenu  que  la  Pucelle  d'Orléans- 
»  n'a  point  été  brûlée.  Il  faut  diftin- 
»  guer  deux  opinions  problcmati- 
»  ques  au  fujet  de  cette  iillc  guer» 


M    A  R 

«riere  ;  l'une  ,  que  tout  ce  qui  en 
»  a  été  publié  d'extraordinaire  5  a 
»  été  l'effet  de  la  politique-,  l'autre  , 
»  qu'elle  n'a  point  été  brûlée.  Il 
»  n'y  a  que  la  première  de  ces  opi- 
»  nions  qui  doive  être  attribuée  au 
»  Seigneur  de  Langey  &  à  du  Hail- 
w  lan  -,  la  féconde  ,  qui  ne  peutba- 
:»  lancer  le  témoignage  unanime 
«des  Hiftoriens,  a  été  celle  du  P. 
»  Vignier. 

»  Liv.  5.  ch.  i.  p.  £5.  La  décifion 
»  de  la  prefféance  adjugée  aux  Am- 
»  baffadeurs  du  Duc  de  Bourgogne 
»  fur  ceux  des  Electeurs ,  eft  rap- 
»  portée  comme  du  Concile  de 
«Confiance  ,  quoiqu'elle  fou  du 


*•  Concile  de  Balle  J  en  l'aiTemblée 
»  générale  tenue  le  Mardi  16.  Juin 

»  1433. 

»  Liv.  1.  ch.  3.  p.  77.  &  Liv.tf. 
»ch.  1.  p.  99.  L'Alexiade  eft  regar- 
»  dée  comme  un  Poème  ,  au  lieu 
»»  que  c'eft  une  Hiftoire  de  l'Empc- 
»  reur  Alexis  premier  ,  écrite  en 
»  profe  par  Anne  Comméne  fa 
»  fille. 

Il  feroit  à  fouhaiter  que  tous  les 
Auteurs  tuffent  aulîî  exacts  à  faire 
la  revifion  de  leurs  Ouvrages  que 
l'eft  M.  de  S.  Aubin  à  faire  la  revi- 
fion  du  fien  ,  &  qu'ils  euffent  la 
même  candeur. 


Fautes  à  corriger  dans  le  Journal  de  Février  1734. 

PAge  73.  col.  1.  lig.  3.  s-efyi'' ,  Hf-  fù/Ji  :  pag.  y(.  col.  z.  lig.  13.  mar- 
qués ,  lif.  marquées:  pag.    80.  col.  1.   lig.  19.  fuivre  ,  lif.  fubir  :• 
pag.  83.  col.  z.  lig.  3.  .chevanx  ,  lif.  chevaux. 


TABLE 

Dès  Articles  contenus  dans  le  Journal  de  Mars  1734* 

SYflème  tiré  de  l'Ecriture  faintefur  la  durée  du  Monde ,  page  1 1  j 

Hiftoire  de  Roche  fort ,  &c.  134 

Differtation  Hiftoriejue  &  Philofophique  fur  la  Philofophie  deLaftanee,!kc.  1 3  7 
Très-ample  Colletlion  des  anciens  Ecrivains ,  &  de  Pièces  concernant  ï Hiftoi- 
re ,  le  Dogme  y  &  la  Morale  %  &c.  Tome  VU.  145 
Suite  des  Eloges  des  académiciens  de  V  Académie  Royale  des  Sciences ,  &c. 

H? 

Recueil  des  Ecrivains  de  l' Hiftoire  d'Italie  ,  &c.  Tome  Xfl.  i6z 

Remarques  Hiftoriyucs  &  Critiques  fur  l' Hiftoire  d'Angleterre  de  M.  Rapin 

Toyras}&cc.  169 

Nouvelle  Hiftoire  de  l'Abbaye  Royale  &  Collégiale  de  S.  Philibert  de  la  Fille 

de  Tournus  f  Sic.  175 

Ntuv elles  Littéraires  ,  x8  s* 

Fin  de  la  Taljk; 


L  E 

JOURNAL 

SCAVANS, 

6 

FOUR 

VANNEE    M.    DCC.    XXXÏF. 

AVRIL. 


A      PARIS, 

Chez     CHAUBERT,    à  l'entrée   du  Quay  des 

Auguftins,  du  côté  du  Pont  Saint  Michel,  à  la 

Renommée  &  à  la  Prudence. 

M.    DCC.  XXXIV. 
AVECAFFROBATION  EX  PRIVILEGE  DU  ROY. 


L  E 

JOURNAL 

DES 

SCAVANS 

AVRIL  M.  DCC.    XXXIV. 

TRAITE'  PHYSIQUE  ET  HISTORIQUE  DE  VAVRQRE 
Boréale :  Par  M.  de  M  air  an.  Suite  des  Mémoire  de  l'Académie  Royale 
des  Sciences  ,  année  173  i.  A  Paris  ,  de  l'Imprimerie  Royale.  1733. 
iw-40.  pp.  281.  Planch.  xv.  Se  vend  chez  Jacques  Lambert  t  rue  S.  Jac- 
ques ,  à  la  Sageffe  ;  féparément,  pour  ceux  qui  ne  voudront  pas  acheter 
les  Mémoires,  ioliv.  en  blanc ,  &  loliv.  10  f.  relié. 

L'AURORE  Boréale  ,  phé-  jufqu'ici  que  pour  les  feuls  Aftro- 

noméne  ,   qui  par  fa  grande  nomes  ,  l'cft  devenu  pour  tous  les 

rareté  ,  n'étoit  guéres  intereflant  Sçavans  depuis    quelques  années  3 
Avril.  B  b  ij 


I 


1^)0       JOURNAÊ   DE 

at  fes  fréquentes  apparitions.' El- 
es  ont  donne  lieu  de  l'obferver 
avec  plus  de  foin  &  d'exactitude  , 
d'en  rechercher  les  véritables  eau- 
fes  ,  &:  d'imaginer  fur  ce  fait  af- 
fez  obfcur  &  alfez  compliqué  par 
lui-même  ,   pluheurs  dénouemens 
plus  ou  moins  fpecieux.  Il  y  a  cinq 
ans  que  M.  de  Mairan  voulut  s'en- 
gager dans  cette  carrière  -,  mais  il 
s'en  tint  uniquement  alors  aux  ob- 
fervations  qui  pouvoient  le  mettre 
à  portée  de  donner  à  l'Académie 
une  jufte  description  du  Phénomè- 
ne ,   dégagée  de  toute  difculîion 
phvfique.  C'eft  de  quoi  il  fe  difpen- 
ù.  d'autant   plus  volontiers  ,  que 
peu  content  jufque  là  des  explica- 
tions d'autrui  fur  ce  point ,  il  avoit 
même  prefque  oublié  celle  qu'en 
1717.  il  avoit  prefentée  à  l'Acadé- 
mie de  Bordeaux  dans  fa  Differta- 
tion  fur  les  Pbofpbores.  Il  ne  fe  l'eft 
tappellée ,  cette  explication  ,  avec 
tout  ce  qui  en  dépend ,  qu'à  l'occa- 
fîon  des  retours  fi  réitérés  du  phé- 
nomène dont  il  s'agit ,  &c  fur  les 
fingularitez  duquel  il  a  eu  le  loiiir 
de    méditer    profondément.     Ses 
nouvelles  reflexions  ont  perfection- 
né là-deffus  fes  premières  idées  ;  & 
il  en  a  refulté  une  hypothéfe  ,  qui 
tient  au  moins  à  tout  le  Syftêmc 
Solaire,&  qui  ne  peut  être  fuffîfam- 
ment  développée  ,   qu'à  l'aide  de 
plufieurs  obfervations  générales  , 
curieufes  par  elles  mêmes  &c  fans 
rapport  au  fait  dont  il  eft  ici  que  - 
ftion.  C'eft  donc  en  viiç  de  foûmefc 
îre  cette  nouvelle  hypothéfe  au  ju- 
gement des  Sçavans ,  que  l'ingé- 
ïiieux  Auteur  la  communiqua  il  y 


S    SÇAVANS, 

a  deux  ans  à  l'Académie  ;  &  qu'il 
la  remet  aujourd'hui  fous  les  yeux 
de  cette  Compagnie  avec  plus  de 
précifion  &  de  détail ,  en  livrant  ce 
Volume  au  public. 

M.  de  Mairan  y  donne  d'abord 
une  explication  fommaire  de  l'Au- 
rore Boréale  ,  fuivie  du  plan  de  cet 
Ouvrage.  L'aurore  boréale  ,  ainfi 
appellée  parce  qu'elle  paroît  ordi- 
nairement vers  le  Nord  ,  &  que 
proche  de  l'horizon  elle  reffemble  à 
l'Aurore  ,  n'a  pour  fa  vraye  caufe , 
félon  l'Auteur ,  que  la  lumière  Zo- 
diacale. Celle  ci ,  découverte  ,  dé- 
crite &  nommée  par  feu  M.  CaJJiniy 
eft  une  blancheur  lumineufe  ,  qui 
fèuvent  imite  celle  de  la  voye  lac- 
tée, 8c  qui  en  certains  tems  de  l'an- 
née ,  après  le  coucher  du  Soleil  ou 
avant  fon  lever,  paroît  au  Ciel  en 
forme  de  lance  ,  ou  de  pyramide  , 
renfermée  toujours  par  fa  pointe  8c 
fon  axe  le  long  du  Zodiaque,  8c  ap- 
puyée obliquement  fur  l'horizon 
par  fa  bafe.  L'Auteur  la  confond 
avec  l'atmofphére folaire ,  lumineufe 
par  elle  -  même  ,  ou  feulement 
éclairée  des  rayons  du  Soleil ,  & 
qui  environne  le  globe  de  cet  aftre, 
fur  1  equateur  duquel  elle  eft  plus 
abondante  8c  plus  étendue  que  par- 
tout ailleurs.  Elle  eft  vifîble  plus 
ou  moins  ,  8c  quelquefois  dif- 
paroît  totalement ,  félon  que  cer- 
taines circonstances  favorifent  plus 
ou  moins  fon  apparition.  D'où  il 
fuit  que  cette  lumière  ne  manifefte 
pas  toujours  l'atmofphére  folaire,' 
quoique  celle  -  ci  fe  fafle  toujours 
appercevoir  autour  du  Soleil  dan* 
fes  éclipfes  totales.    La  longueur. 


A  V  R 

fumTantc  de  la  lumière  zodiacale 
fur  le  Zodiaque  eft  une  des  condi- 
tions les  plus  effentielles  à  l'appari- 
tion de  l'atmofphere  folaire.  Mais 
les  varierez  de  longueur  dans  cette 
lumière  font  quelquefois  réelles,  & 
quelquefois  feulement  apparentes , 
celle-ci  pouvant  être  fort  étendue 
&c  paroître  peu  ;  au  lieu  qu'elle  ne 
fçauroit  paroître  fort  étendue,  fans 
l'être  effectivement.  Au  moins  cft- 
il  certain  par  quantité  d'obferva- 
tions  non  équivoques  ,  que  l'at- 
mofphere du  foleil  regardée  com- 
me lumière  zodiacale  atteint  quel- 
quefois jufqu'à  l'orbite  terreftre. 

Alors  la  matière  de  cette  atmof- 
pherc  trouvant  en  fon  chemin  les 
parties  fuperieures  de  notre  air , 
précilement  où  l'adion  delà  pefan- 
Jeur  univerlelle  commence  à  tendre 
avec  plus  d'effort  vers  le  centre  de 
la  terre  que  versleSolcilielle  tombe 
dans  l'atmofphere  de  celle-là,  plus 
ou  moins  profondément ,  félon  les 
divers  degrez  de  fapefanteur  fpéci- 
fique,  fuivant  lefquels  elle  y  forme 
plusieurs  couches  de  différente 
hauteur.  Les  plus  baffes  ,  comme 
étant  les  plus  épaiffes  &c  les  moins 
inflammables  ,.  produiront  ces 
brouillards  épais ,  quoique  tranf- 
parens  &c  cette  forte  de  fumée,  qui 
d'ordinaire  accompagnent  l'aurore 
boréale.  Ils  nous  l'annoncent ,  en 
nous  la  cachant  en  partie  ,  tantôt 
fous  l'apparence  d'un  fegment  de 
cercle  bornant  l'horizon  au  Nord  ; 
tantôt  fous  celle  de  {impies  nuages, 
femés  çà  &  là  &  dans  tont  le  Ciel , 
(ombres  &c  fumeux  Supérieure- 
ment ,  inférieuiement  blancs  & 


I  L,  1754;  spt 

lumineux  :  d'où  il  fuit,  qu'au-def- 
fus  de  la  matière  obfcure  en  eft  une 
plus  légère  ,  plus  inflammable  &c 
actuellement  enflammée,  par  quel- 
que caufe  que  ce  puiffe  être  ,  &  qui 
de  fujet  qu'elle  étoit  auparavant  de 
la  lumière  zodiacale,  deviendra  ce- 
lui de  l'aurore  boréale. 

Elle  doit  être  plus  vifible  du  cô- 
té du  pôle  (obferve  M.  de  Mairan) 
que  vers  féquateur  (  ainfi  que  l'at- 
tefte  l'expérience  )    &  cela  pour 
trois  raifons  :  i".  parce  que  toutes 
chofes  d'ailleurs  égales ,   le  rayon 
vifuel  du   Spectateur  fait  un  plus 
long  trajet  dans  l'air  qui  l'environ- 
ne vers  l'horizon  ,  que  vers  le  ze- 
nit  :    i>'.  parce  que,  félon  toute 
apparence  ,  l'atinofphere  terreftre 
eft  plus  groffiere  vers  le  pôle  que 
vers  l'équateur  :   30.  parce  que  la 
matière  de  l'aurore  oréale  a  réel- 
lement une  tendance ,  qui  la  porte 
de  la  zone  torride  vers  les  pôles ,  & 
qui  a  fon  principe  dans  le  double 
mouvement  de  la  terre,  l'annuel  Se 
celui  de  rotation  ,    comme  l'Au- 
teur le  fait  voir  en  fon  lieu.   Delà 
(continue- 1- il)   i°.  les  Aurores 
Boréales  plus  fréquentes  &  plus  re- 
marquables dans  les  Pays  Septen- 
trionaux ,  que  dans  les  Méridio- 
naux :  2°.  le  liège  confiant  du  Phé- 
nomène vers  ce  côté  du  monde  s 
30.  fa  forme  ordinaire  en  arc  ou  en 
plusieurs  arcs  concentriques  ,  ap- 
puyés fur  un  fegment  de  cercle  ob- 
feur  joint  à  l'horizon ,  &  dont  le 
pôle  terreftre  boréal  fait  à  peu  près 
le  centre. 

L'Auteur  explique  plus  particu- 
lièrement les  caufes  de  ces  Phéno 


i92        JOURNAL    DE 

mènes  ainfi  que  des  colonnes  &  des 
jets  lumineux  perpendiculaires  à 
l'horizon  ou  concentriques  à  l'arc 
Se  au  fegment  obfcur  ,  d'où  ils 
femblent  s'élancer.  Il  recherche  en- 
core la  caufe  qui  rend  vilibles  de  la 
zone  tempérée  &  des  endroits  fort 
éloignés  du  pôle  ,  tous  ces  Phéno- 
mènes -,  &  il  l'attribue  à  la  grande 
hauteur  de  la  région  qu'ils  occu- 
pent dans  l'air.  Il  en  conclut ,  que 
l'Aurore  Boréale  confifte  ou  dans 
une  matière  plus  rare  &  plus  légère 
que  les  parties  fuperieures  de  notre 
air  (ce  qui  eft  l'opinion  commune)  - 
ou  dans  une  élévation  beaucoup 
plus  grande  de  notre  atmofphérc 
qu'on  ne  l'a  fuppofée  jufqu'à  pre- 
fent  ;  &  c'eft  à  quoi  s'en  tient  M. 
de  Mairan;  &  ce  qu'il  fe  propofe 
de  prouver  dans  la  fuite.  A  l'égard 
de  l'extrême  rareté  de  la  matière 
du  Phénomène  ,  on  doit  l'inférer 
de  ce  qu'à  travers  fes  parties ,  foit 
éclairées ,  foit  obfcures ,  les  corps 
lumineux  font  ordinairement  via- 
bles; ce  qui  lui  eft  commun  avec 
la  lumière  zodiacale ,  qui  en  eft  la 
fource. 

Telle  eft  en  fubftance  l'idée  de 
M.  de  Mairan,  fur  la  caufe  phyfi- 
que  de  l'Aurore  Boréale  ,  confide- 
rée  dans  ce  qu'elle  a  de  plus  ordi- 
naire. Quant  à  fes  autres  Phénomè- 
nes, tels  que  l'efpece  de  couronne 
quiparoît  vers  le  zénit ,  les  petits 
nuages  ou  rloccons  lumineux  ré- 
pandus quelquefois  dans  tout  l'hé- 
mifphére  vifible  ,  les  éclairs  plus 
ou  moins  fréquens ,  les  vibrations 
réglées  de  lumière  ,  &  les  diverfes 
couleurs  ;   il  n'oubliera  pas  d'en 


S    SÇAVANS, 

parler  ,  &  d'en  chercher  l'explica- 
tion particulière  dans  le  Syftême 
général  dont  il  vient  d'expofer  le 
précis.  Il  aura  la  même  attention 
pour  certaines  circonftances  }  qui 
bien  qu'extérieures  au  Phénomène, 
feront  d'un  grand  fecours  pour  en 
déterminer  la  véritable  origine. 
Tels  font ,  par  exemple  ,  l'heure  de 
la  nuit  où  il  paroît,  6c  les  faifons  de 
l'année  où  il  eft  plus  fréquent  :  & 
e'eft  de  quoi  l'Auteur  nous  a  dreffe 
une  Table  des  plus  exactes  :  perfua- 
dé  au  furplus  que  fon  explication 
empruntera  une  nouvelle  évidence 
de  la  liaifon  5c  du  rapport  qu'il  fe- 
ra voir  entre  l'aurore  boréale  ou  fa 
caufe  &  divers  autres  effets  de  la 
nature. 

Tout  cela  fait  ici  le  fujet  des 
cinq  Sections  qui  partagent  ce 
Volume ,  &  qui  font  fubdivifées 
chacune  en  plufieurs  Chapitres.  La 
première  eft  uniquement  deftinéeà 
ï'Hiftoire  &  à  la  defeription  de  la 
lumière  zodiacale  ou  de  l'atmof- 
phére  folaire.  Dans  la  féconde  il 
s'agit  de  l'atmofphére  ternftre,  de 
fa  hauteur ,  de  la  région  qu'y  occu- 
pe la  matière  des  aurores  boréales, 
Ôc  de  l'exclufion  que  cette  circon- 
ftance  donne  à  d'autres  caufes  qu'on 
en  a  voit  alîïgnées  jufqu'à  prefent. 
La  troifiéme  regarde  la  formation 
du  Phénomène  Se  de  fes  différentes 
parties,  ainfi  que  l'explication  dé- 
taillée de  tout  ce  que  l'Auteur  n'a 
fait  qu'indiquer  dans  fon  Préliminai- 
re. Il  a  ralfemblé  dans  la  quatrième 
Section  les  preuves  hiftoriques  de 
fon  hypothéfe  ,  les  Mémoires  qui 
nous  reftent  touchant  l'aurore  bo- 


A  V  R  I 

féale  ,  les  traits  aufquels  on  peut  la 
reconnoîtie  chez  les  anciens ,  des 
obfervations  fur  la  correfpondance 
de  fes  reprifes  avec  les  divers  états 
de  la  lumière  zodiacale ,  &  fur  l'a- 
nalogie qui  règne  entre  fes  appari- 
tions &  les  pofitions  ou  les  mouve- 
meDS  de  la  terre  en  divers  points 
de  fon  orbite.  Il  renvoyé  à  la  cin- 
quième &  dernière  Sedion  quel- 
ques queftions  ou  quelques  doutes 
propofés  fur  des  Phénomènes  qui 
n'ont  qu'un  rapport  éloigné  avec 
l'aurore  boréale  s  de  même  que 
quelques  articles  furlefquels  il  n'a 
pu  ou  ofé  s'expliquer  plus  décifive- 
ment  dans  le  cours  du  Traité , 
quoiqu'ils  tinlîent  plus  immédiate- 
ment au  principal  fujet. 

I.  Pour  venir  maintenant  an 
corps  de  l'Ouvrage  t  nous  dirons 
d'abord  que  M.  de  Mairan  donne 
fes  premiers  foins  à  mettre  hors  de 
doute  l'exiftence  de  la  lumière  zo- 
diacale ,  dont  il  fait  le  fondement 
de  toute  fa  théorie  fur  l'aurore 
boréale. 

i.  La  découverte  de  la  lumière 
zodiacale  eft  dûë  à  feu  M.  Caflini 
qui  l'obferva  le  premier  au  Prin- 
tems  de  1683.  Elle  fut  confirmée 
par  les  obfervations  de  M.  Fatio  de 
Duillier  faites  en  1^84.  85.  &  %6. 
&  par  celles  de  MM.  Kirch  &  Eim- 
mart  t  en  i£88.  89.  91.9}.  &  94. 
C'efl  dans  ces  fources  que  notre 
Auteur  puife  tout  ce  qu'il  nous  ap- 
prend ici  fur  cette  matière.  Cha- 
cun peut  fe  convaincre  par  lui- 
même,  de  l'exiftence  de  ce  Phéno- 
mène en  l'obfervant  quelque  tems 
après  le  coucher  du  Soleil  vers  la 


L»  '7  34-  1$$ 

fin  de  l'Hiver  &  dans  le  Printems 
ou  avant  le  lever  en  Automne  & 
au  commencement  de  l'Hiver  :  car 
il  eit  rare  qu'on  puifTe  le  voir  com- 
modément en  d'autres  tems  :  enco- 
re ne  le  voit-on  que  par  quelques 
parties  qui  font  les  fuperieures,  & 
qu'il  faut  bien  prendre  garde  de 
confondre  avec  la  voye  la<5tée.  On 
ne  peut  jamais  voir  la  lumière  zo- 
diacale par  fon  milieu  Se  pour  ainlî 
parler  jufqu'à  fa  racine  ,  que  dans 
les  éclipfes  totales  du  Soleil. 

2.  Mais  (  dira-t-on  )  ce  Phéno- 
mène a-r-  il  été  connu  des  anciens? 
M.  Caffini  conjecture  qu'il  eft  du 
nombre  de  ceux  qu'ils  ont  appelles 
Trabes ,  Contres  s  &c  M.  de  Mairan» 
qu'ils  l'ont  défigné  quelquefois  par 
le  Cône  de  lumière  &  par  la  Pyrami- 
de. Mais  pour  venir  à  quelques 
faits  plus  modernes,  Defcartes  don- 
ne à  croire  qu'au  moins  il  avoitoui 
parler  de  quelque  Phénomène  pa- 
reil à  la  lumière  zodiacale;  &  l'An- 
glois  Childrey  fait  part  aux  Mathé- 
maticiens d'une  de  fes  obfervations 
qui  relTemble  fort  à  celle  de  nos 
Aftronomes  fur  cette  même  lumiè- 
re. D'où  l'on  peut  inférer  (  dit  no- 
tre Auteur  ).  qu'il  eft  très-probable 
qu'il  y  a  eu  dans  tous  les  fiécles  des 
lumières  zodiacales ,  comme  il  y  a 
eu  des  aurores  boréales. 

3.  Il  recherche  enfuite  quelle  eft 
la  nature  de  cette  lumière  ,  qu'il 
diftingue  fort  de  l'éther  >  lequel  ne 
réfléchit  point  la  lumière  ;  &  fans 
examiner  les  divers  fentimens  fur 
ce  point,  ilfe  contente  de  recon- 
noitre  que  la  lumière  zodiacale  ne 
confifte  qu'en  des  parties  beaucoup 


iP4  JOURNAL D 

plus  groffieres  que  celles  de  la  lu- 
mière ,    puifqu'elle  les  réfléchit  , 
peut  être  inflammables  ou  actuelle- 
ment  enflammées ,  &C  qui  forment 
l'atmofphére  du  Soleil.  Rien  ne 
paroît  mieux  juitifier  cette  opinion 
de  M.  de  Mairan ,  que  la  comparai- 
fon    que     font     perpétuellement 
MM.  Cajfmi  5c  Fm'io  de  la  lumière 
zodiacale  avec  la  queue  des  Comè- 
tes ,  qui  n'efl:  que  l'effet  des  rayons 
du  Soleil  réfléchis ,  &  à  travers  la- 
quelle on  apperçoitles  plus  petites 
étoiles.  L'Auteur  ,  qui,  à  fon  tour, 
en  juge  par  fes  propres  yeux ,  la 
trouve  plus  forte  &  plus  denfe  que 
la  lumière  de  la  voye-de-lait ,  plus 
uniforme  ,      quelquefois    moins 
blanche  ,  &  fujette  à  quelques  va- 
riations dans  la  confiftance  &  la 
couleur  •  comme  le  fpecifie  l'Aca- 
démicien ;   qui  n'omet  point  aufïî 
certains  petillemens  qu'il  croit  y 
avoir  apperçûs ,  foit  à  l'aide  des  lu- 
nettes ,  foit  à  la  (impie  vue  ,  mais 
dont  à  l'exemple  de  M.  Cajfmi  qui 
croyoit  avoir  vu  quelque  chofe  de 
femblable  ,  il  n'ofe  certifier  la  réa- 
lité. 

4.  La  nature  de  la  lumière  zodia- 
cale une  fois  établie ,  M.  de  Mairan 
s'applique  à  en  décrire  la  figure. 
La  lumière  zodiacale  eft  toujours 
vûë  de  la  terre  fous  la  figure  d'un/?<- 
feau.  Or  il  n'y  a  qu'un  fpheroïde  ap- 
plati  ou  de  forme  lenticulaire,qui  é- 
tant  vu  de  côté  ou  par  fon  tranchant, 
puifle  toujours  paroître  fous  la  figu- 
re d'un  fitfeau  :  donc  ta  forme  de  la 
lumière  zodiacale  ne  s'éloigne  pas 
beaucoup  de  celle  d'une  lentille. 
Auflî  la  voit  on  étendue  comme  une 


ES  SÇAVANS, 

lance  ou  comme  une  pyramide  plus 
ou  moins  pointue  ,  toujours  diri- 
gée par  fa  bafe  vers  le  corps  du  So- 
leil ,  &  par  fa  pointe  vers  quelque 
étoile  ,  qui  ne  fort  jamais  du  zo- 
diaque :  .&c  l'on  peut  même  s'aflu- 
rer  de  fes  deux  pointes  en  un  mê- 
me jour,vrrs  les  Solftices.  L'atmof- 
phére du  Soleil  eft  donc  difpofée 
autour  de  cet  aftre  en  forme  de 
lentille  ou  à  peu-près  ;  &  l'Auteur 
met  ici  fous  nos  yeux  la  proje&ion 
de  cette  lentille  fur  une  partie  de  la 
concavité  de  l'hémifphére  boréal 
du  Ciel ,  &  fur  le  plan  de  l'équa- 
teur  folaire ,  qui  fe  confond  avec  le 
difque  même  de  la  lentille.  L'Au- 
teur parle  de  quelques  variations 
obfervées  dans  cette  figure  de  la 
lumière  zodiacale  ;  mais  comme 
ces  obfervations  font  très-rares ,  il 
juge  à  propos  de  s'en  tenir  à  la  fi- 
gure de  ce  Phénomène  la  plus  ordi- 
naire. 

5.  C  eft  encore  la  forme  de  lance 
ou  de  pyramide ,  gardée  conftam- 
ment  par  la  lumière  zodiacale,  qui 
doit  nons  en  indiquer  la  pofition  , 
comme  elle  nous  en  a  fait  décider  la 
figure.  Elle  eft  donc  fituée  de  ma- 
nière ,  comme  il  réfulte  des  obfer- 
vations de  M.  Cajfmi ,  que  le  plan , 
qui  partage  en  deux  portions  égales 
l'atmofphére  folaire  ,  eft  le  plan 
même  de  la  révolution  du  Soleil 
fur  fon  axe  ,  ou  de  fon  équateur. 
Or  c'efl:  encore  à  cette  fituation  que 
fe  fixe  M.  de  Mairan  pour  toute  la 
fuite  de  ce  Traité  ;  ce  qu'il  fait  d'au- 
tant plus  volontiers  que  les  obfer- 
vations de  ce  grand  Aftronome  s'ac- 
cordent parfaitement  fur  ce  point 
avec 


A  V  R  I 

iycc  celles  de  l'Auteur  ,  en  indi- 
quant une  inclinaifon  fenlible  entre 
l'écliptique  &C  le  plan  de  l'atmof- 
p'nére  folaire  :  inclinaifon  que  l'Au- 
teur fait  ici  la  même  que  celle  de 
l'équateur  du  Soleil ,  fçavoir  de  7 
degrés  -f. 

g.  Pour  afllgner  maintenant  re- 
tendue de  la  lumière  zodiacale  ,M. 
de  Mairan  ,  par  la  comparaifon  de 
toutes  les  obfervations  &  de  leurs 
circonftanccs  ,  trouve  qu'elle  n'a 
jamais  occupé  guéres  moins  de  50 
ou  60  degrez  de  longueur  depuis 
fa  pointe  jufqu'au  Soleil  ,  &  de  8  à 
9  degrez  de  largeur  à  fa  partie  la 
plus  claire  ou  la  plus  voiline  de 
l'horizon.  De  même  ,  fa  plus  gran- 
de étendue  apparente  a  été  de  90  , 
9$  &jufqu'à  iooou  103  degrez  de 
longueur  ,  &  de  plus  de  20  degrez 
de  largeur.  Sur  quoi  l'Auteur  fait 
obfervcr  i°.  Que  la  plus  grande 
largeur  ne  fe  rencontre  pas  tou- 
jours avec  la  plus  grande  longueur. 
ï°.  Que  la  terre  fe  trouvant  vis-à- 
vis  des  plus  grandes  diltances  du 
tranchant  de  la  lentille,  par  rap- 
port au  plan  de  l'écliptique  ,  le 
profil  du  fphéroïde ,  ou  la  lance 
formée  par  la  lumière  zodiacale , 
nous  doit  paraître  plus  large ,  que 
quand  elle  eft  à  fes  nœuds  :  30. 
Qu'on  juge  fûrement  du  nombre 
de  degrez  qu'occupe  la  lumière  zo- 
diacale vifiblc  ,  en  remarquant  à 
quelles  étoiles  fe  termine  fa  pointe, 
ïc  fçachant  à  quel  degré  de  l'éclip- 
tique fe  trouve  a&uellement  le 
Soleil. 

Mais  il  n'en  eft  pas  de  même  de 
fa  largeur  vue  fur  l'horizon  ,  la- 
Avril. 


quelle  ne  décide  pas  abfolumenf. 
de  l'cpaifTeur  de  l'atmofphére  au- 
près du  globe  du  Soleil  :  ce  qui  im- 
porte  peu  au  fujet  prefent,  où  il 
n'ell  queftion  que  de  la  longueur 
de  la  lumière  zodiacale  qui  peut 
aller  jufqu'.i  l'orbite  de  la  terre  , 
en  forte  que  celle-ci  peut  en  être 
inondée  pour  ainfi  dire  :  &  c'eft  ce 
que  notre  Auteur  s'applique  à  met- 
tre dans  une  entière  évidence  par 
le  moyen  de  quelques  figures. 

7.  Quant  au  mouvement  propre 
de  la  lumière  zodiacale  autour  du 
Soleil ,  quoique  M.  de  Mairan  ne 
trouve  dans  les  obfervations  rien  qui 
paille  le  convaincre  d'un' tel  mou- 
vement, il  ne  s'éloigneroit  pas  d'en 
admettre  l'hypothéfe  adoptée  déjà 
par  M.  Fatio  ,  s'il  n'aimeit  mieux 
ne  recevoir  dans  fes  recherches 
que  des  obfervations  &c  des  faits 
qui  puillent  fe  foûtenir  dans  tous 
les  Syftêmes. 

8.  L'Auteur  termine  fa  première 
SecTrion  par  diverles  remarqut  ;  im- 
portantes fur  les  changemr ns  réels 
ou  apparens  de  l'a  lumière  zodiaca- 
le,&  fur  quelques  inductions  qu'on 
en  peut  tirer  par  rapporta  l'aurore 
boréale.  Ces  changemens  regar- 
dent l'étendue  ,  la  clarté  ,  la  figure 
&c  la  lîtuation  de  cette  lumière. 
C'eft  fans  doute  le  défaut  d'éten- 
due ,  de  force  Se  de  durée ,  qui  en 
a  retardé  la  découverte  jufqu'à  M. 
Cajjîni  ,  malgré  le  renouvellement 
de  l'Aftronomic  arrivé  40  ou  5®  ans 
plutôt.  Elle  a  depuis  été  apperçûë 
par  les  PP.  Noël  &  Rickiud  ,  par 
î'Evcque  de  Aletellopolis  ,  par  M. 
de  la  Lonbere  ,  &c.  MM.  Caffini  ôc 

Ce 


i$>«  JOURNAL   D 

Fatio  y  ont  obfervé  une  augmenta- 
tion de  lumière  tk.  de  denfité  -,  fa 
longueur  alla  jufqu'à  cent  degrez 
en  16S7.  après  quoi  il  femble 
qu'elle  n'ait  fait  que  diminuer  juf- 
qu'en  iéSS.  d'où  il  réfultc  [  dit 
l'Auteur  ]  que  l'atmofphére  folaire 
s'étendit  enfin  jufqu'à  l'orbe  an- 
nuel de  la  terre  &  au-delà,  qu'elle 
parvint  jufqu'à  la  terre  même  ,  & 
qu'elle  fe  mêla  tout  au  moins  avec 
la  région  fupérieure  de  notre  air. 
Mais  elle  peut  fort  bien  atteindre 
jufqucs  là,fans  que  lesObfervateurs 
lapperçoivent ,  s'il  arrive  (  comme 
il  eft  très  polîible  )  que  fa  clarté  & 
fi  denfîté ,  loin  d'augmenter  avec 
fou  étendue  ,  diminuent  au  con- 
traire ,  ou  que  la  denfité  ou  la  clar- 
té de  fon  milieu  augmente  trop 
avec  cette  étendue  ■■>  car  cette  clarté 
pour  lors  effacera  tout  le  refte.  Les 
remarques  laites  plus  haut  fur  les 
variations  de  l'atmofphére  folaire 
quant  à  fa  figure  &  à  fa  fituation  , 
fuffifent  dans  la  fuppolition  qu'elle 
eft  un  fphéroïde  plat,  parfaitement 
circulaire  par  fes  bords  6\;  concen- 
trique au  Soleil.  Mais  il  eft  très- 
potfible  (  dit  notre  Auteur  )  que 
cette  atmofphére  foit  elliptique  par 
fon  tranchant ,  &  que  le  Soleil  en 
occupe  un  des  foyers  plutôt  que  le 
centre  -,  ce  qui,  avec  le  mouvement 
propre  autour  du  Soleil ,  feroit  une 
îburce  d'erreur  par  rapport  à  la  fi- 
gure de  cette  atmofphére ,  dont  il 
n'y  a  que  les  fréquentes  &  nom- 
breufes  obfervations  qui  puiftent 
conftater  fûrement  l'efpece. 

II.  De  l'atmofphére  folaire  M. 
de  Mairan  palfe  à  l'atmofphére  ter-. 


ES   SÇAVANS, 

relire.  11  recherche  quelle  en  peu? 
être  la  hauteur  ,  &  quelle  région  y 
occupe  l'aurore  boréale. 

1.  Il  trouve  que  les  moyens  em- 
ployés jufqu'ici  pour  déterminer 
cette  hauteur  font  peu  fùrs.  Us  peu- 
vent fe  réduire  à  deux.  La  première 
&c  la  plus  ancienne  de  ces  deux  Mé- 
thodes eft  prife  de  la  durée  des  cré- 
pufcules  ,  fixant  la  hauteur  de  l'at- 
mofphére à  celle  des  dernières 
couches  d'air  qui  nous  reflechiiTenc 
les  rayons  du  Soleil.  La  fccunde,la 
plus  moderne  &;  la  plus  fuivie  au- 
jourd'hui, eft  fondée  fur  les  diffé- 
rentes hauteurs  du  Mercure  dans  le 
Baromètre  ,  félon  qu'elles  répon- 
dent à  des  hauteurs  terreftres  accef- 
fibles  5c  actuellement  mefurées  au- 
deffus  du  niveau  de  la  mer  ou  de  la 
furface  de  la  terre.  Mais  (  obferve- 
t-on  )  l'une  Se  l'autre  Méthode 
renferment,  entre  15  ou  20  lieues, 
la  hauteur  de  l'atmofphére  prife 
pour  cet  amas  d'air, capable  de  pro- 
duire des  effets  fcnlîbles  ,  &  l'ont 
ici  de  nulle  conlideration  ;  ni  l'une 
ni  l'autre  ne  nous  indiquant  le  vé- 
ritable poids  de  l'atmofphére.  Ce 
qui  ne  fouffre  aucune  difficulté , 
pour  les  crépufcules  ,  &  ce  que 
l'Auteur  s'efforce  d'éclaircir  Si  de 
juftifier  par  rapport  au  Baromè- 
tre. 

2.  Celui-ci  ne  nous  indique  uni- 
quement que  le  poids  de  la  colon- 
ne de  l'air  greffier  &  nullement  ce- 
lui de  l'atmofphére  ,  ni  par  confé- 
quent  fa  hauteur.  Mais  pourquoi 
borner  la  matière  de  l'atmofphére 
&  l'air  même  à  cet  air  groffier  qui 
ne  peut  pénétrer  les  pores  du  verre? 


A  V  R  ï 

Plufieurs  expériences  font  foi  de 
l'inégale  grofleur  de  fes  particules , 
&  de  la  facilité  plus  ou  moins  gran- 
de que  les  plus  fines  trouvent  à  paf- 
fer  par  des  porcs  fi  étroits.  Les  Ba- 
romètres faits  de  differens  verres  en 
fournirent  une  première  preuve  : 
car  le  Mercure  s'y  foûtient  à  des 
hauteurs  qui  différent  de  z ,  3,4, 
&  jufqu'à  6  ou  7  lignes  -,  ce  qui  ne 
peut  venir  que  de  la  différente  po- 
rofité  des  verres ,  dont  les  uns  laif- 
fent  paffer  des  particules  d'air  plus 
groffes  que  les  autres.  L'Auteur  ne 
dilîîmule  point  les  difficultez  qui 
tendent  à  rendre  cette  caufe  dou- 
teufe  ;  8c  il  a  foin  de  les  lever.  Une 
féconde  preuve  de  i'infuffifance  du 
Baromètre  fe  tire  de  ce  que  de  l'eau 
bien  purgée  d'air  demeure  fufpen- 
duc  dans  un  tuyau  long  de  3  ou  4 
pieds  ,  furmonté  d'une  boule  de 
verre  aufïî  remplie  d'eau  ,  quoique 
le  tout  foit  renfermé  dans  le  vuide; 
&  de  ce  que  du  Mercure  bien  pur- 
gé ,  renfermé  dans  un  tuyau  de 
verre  dont  le  bout  ouvert  trempe 
dans  d'autre  Mercure  également 
purgé  ,  s'y  tient  jufqu'à  la  hauteur 
de  75 pouces,  le  tuyau reftant tou- 
jours plein  ,  fans  qu'on  feache  en- 
core jufqu'où  pourroit  s'étendre  la 
plus  grande  hauteur  de  ce  Mercure. 
En  troifiéme  lieu  ,  on  fait  venir  à 
l'appui  des  expériences  précéden- 
tes celle  de  Guéricke  faite  à  Magde- 
bourg  ,  5i  celle  de  Leyde ,  ou  deux 
plans  polis  de  1  pouces  3  quarts  de 
diamètre  s'uniftoient  fi  bien  en- 
femble  par  la  fimçle  juxta-pofîtion  , 
&  frottés  feulement  d'un  peu  de 
graille ,  qu'ils  foûtenoient  fans  fe 


L  ;    17*  4«  iP7 

feparer  un  poids  de  5 80  livres  atta- 
ché au  plan  inférieur.  Or  ,  dit  M. 
de  Mairan  ,  ni  la  petitefTe  des 
tuyaux,  ni  la  ténacité  ou  l'adhéfion 
des  parties ,  ni  même  leur  attrac- 
tion mutuelle  ne  fuffîfent  pour  l'ex- 
plication phyfique  de  tous  ccsfaitSi 
Se  il  en  montre  I'infuffifance  ,  fans 
oublier  de  répondre  à  une  objec- 
tion fur  ce  point.  D'où  il  conclut  , 
que  ni  le  Baromètre ,  ni  rien  de 
connu  jufqu'ici ,  ne  peut  indiquer 
la  vraye  hauteur  de  l'atmofphérc 
terreftre  ;  laquelle  ,  en  général  , 
doit  être  plus  étendue  &  plus  éle- 
vée vers  l'Equateur  &:  au-defïiis  de 
la  zone  torride  ,  que  hors  des  tro- 
piques &c  fous  les  pôles. 

3.  Il  s'agit,  après  cela ,  d'aflîgner 
la  région  que  l'aurore  boréale  oc- 
cupe dans  notre  atmofphérc  ,  ce 
qui  engage  M.  de  Mairan  dans  une 
difeuffion  curieufe  &  dans  un  calcul 
Aftronomique  ,  dont  nous  nous 
contenterons  de  donner  lesreful- 
tats.  Dès  1726.  il  avoit  attribué  à 
ce  Phénomène ,  dans  une  Differta- 
tion  publique,  la  hauteur  de  plus 
de  70  lieues  au-deflus  de  la  furfacc 
de  la  terre  :  &  il  avoit  cru  faire 
beaucoup  ,  eu  égard  au  préjugé 
commun.  Mais ,  des  obfervations 
plus  récentes  l'ont  rendu  bien  plus 
hardi.  Celles  qui  ont  été  faites  par 
des  Aftronomes  correfpondans  en 
des  lieux  confidcrablement  éloi- 
gnés l'un  de  l'autre  ,  au  fujet  de 
l'aurore  boréale  &c  d'où  refulte  fa 
parallaxe  ,  ont  été  rafTemblées  en 
affez  grand  nombre  ,  pour  donner 
lieu  de  conclure  que  la  matière  de 
ce  Phénomène  eft  dans  une  régioa 
Ccij 


»p8         JOURNAL    D 

de  l'atmofphére  bien  fupérieure  à 
celle  des  météores  ordinaires  &C  à 
celle  des  derniers  rayons  du  cré- 
pufcule  :  &  l'Auteur  en  allègue 
pour  preuve  quelques  unes  de  ces 
obfervations.  En  conféquence  des 
deux  de  Lifbonne  &C  de  Pctcrf- 
bourg  ,  par  exemple,  en  mettant 
les  chofes  fur  le  plus  bas  pied  ,  & 
fuppofaxit  le  Phénomène  vu  en 
même  tems  des  deux  endroits ,  à  £a 
plus  petite  hauteur  apparente  ,  ou 
tout  auprès  de  l'horizon  ,  l'on  aura 
malgré  cette  fuppofition  forcée , 
près  de  58  lieues  de  hauteur  per- 
pendiculaire pour  le  lieu  où  1a  ma- 
tière du  Phénomène  a  été  vûë. 
Mais  comme  l'on  fçait  qu'à  Peterf- 
bourg  le  Phénomène  a  été  vu  tort 
haut ,  le  calcul  lui  donuera  plus  de 
200  lieues  de  hauteur.  A  l'égard  de 
l'objection  faite  contre  la  méthode 
employée  par  l'Auteur  pour  déter- 
miner la  hauteur  du  Phénomène  , 
il  avoiie  que  cette  méthode  n'eu: 
pas  la  meilleure  ,  mais  par  un  en- 
droit tout  contraire  au  but  de  l'ob- 
jection ,  ou  parce  qu'elle  forme  la 
hauteur  du  Phénomène  trop  petite. 
Ce  calcul  donc  rectifié  fuivant  cette 
dernière  vûë,  donnera  plus  de  hau- 
teur que  le  précèdent ,  comme  le 
démontre  l'Auteur. 

Il  propofe  enfuite  un  choix 
d'obfervations  en  général  pour  l'ap- 
plication du  calcul  aux  parallaxes 
des  parties  de  l'aurore  boréale  ,  fur- 
tout  de  fon  arc  lumineux  ;  &  il 
choifit  pour  fondement  d'un  tel 
calcul  deux  obfervations  faites  à  de 
grandes  diftances ,  à  Paris  &  à  Ro- 
me :  avertiffant  ,  eomrr||  d'un 


ES    SÇAVANS, 

point  trèselTentiel,  que  ce  n'efl  pas 
fur  la  diltance  abfolue  des  lieux 
qu'il  faut  faire  le  calcul  en  que- 
ftion  ,  mais  que  c'eft  feulement  fur 
la  diftance  en  latitude  ,  comme  s'il 
ne  s'agilfoit  que  d'un  même  Méri- 
dien. Il  trouve  donc  par  ce  calcul 
plus  de  2  6  6  lieues  de  hauteur  à 
la  matière  de  l'aurore  boréale  ,  en 
réduifant  tout  au  plus  bas  pied. 
Cette  hauteur  va  jufqu'à  250 
lieues ,  lî  l'on  s'en  tient  à  une  ob- 
fervarion  faite  à  Ccppenhaguc 
comparée  avec  une  autre  faite  pat 
M.  de  Mairan  lui-même  à  Breuille- 
font.  11  conclut ,  de  l'aflemblagc 
de  toutes  les  obfervations  qu'il  a 
examinées,  que  la  plupart  donnent 
au  Phénomène  200  lieues  de  hau- 
teur j  quelques-unes  loo  y  &  quel- 
ques autres  plus  de  300.  Il  nous 
parle  entin  d  une  méthode  très-in- 
génieufe  de  M.  Aïeyer  pour  cette 
détermination  ,  &  fur  laquelle  il 
renvoie  à  l'explication  qu'en  a  don- 
née M.  de  MauyertMi  ;  mais  il 
croit  en  général  qu'on  doit  préférer 
à  cette  méthode  celle  des  paralla- 
xes, principalement  fur  de  gran- 
des diftances. 

4.  Après  avoir  déterminé  la  pla- 
ce qu'occupe  dans  notre  atmofphé- 
re  l'aurore  boréale  ,  l'Auteur 
s'applique  à  découvrir  quelle  en 
peut  être  la  matière  ;  &  il  examine 
d'abord  fi  ce  pourroient  être  les 
vapeurs  Se  les  exhalaifons  terreftres, 
fuivant  l'opinion  commune  ,  qui 
range  l'aurore  boréale  parmi  les 
météores  les  plus  élevés  y  tels  que 
certains  feux  volans  que  l'onaju-' 
gés  à  13  ou  14  lieues  au-defluî 


AVRIL 

fa  furface  de  la  terre.  M.  de  Mairan 
combat  cette  hypothéfe  par  les  re- 
flexions fuivantes.  i°.  Il  faut  pour 
notre  Phénomène  une  matière  ca- 
pable de  réfléchir  vers  nous,  mal- 
gré fcn  extrême  ténuité  cV  cette 
grande  hauteur  où  elle  doit  être, 
une  lumière  auflî  vive  ou  plus  que 
celle  des  météores.  Or  les  vapeurs 
Se  les  exhalations  mêlées  dans  l'air 
peuvent  à  peine  nous  réfléchir  les 
derniers  6c  les  plus  foibles  rayons 
du  crépufcule  à  15  ou  20  lieues  au 
plus  de  hauteur  perpendiculaire. 
A  l'égard  des  ftux  volans  ,  outre 
que  la  hauteur  n'en  eft  pas  bien 
certaine ,  ilsferviroient  peut-être  à 
prouver  l'hypothcfe  de  l'Auteur  , 
plutôt  qu'à  la  détruire.  Quoiqu'il 
en  foit  ,  ils  refteRt  encore  à  plus  de 
ioo  lieues  au-deflous  de  l'aurore 
boréale  ,  ils  font  toujours  en  mou- 
vement ,  très-rares ,  Si  inftantanées. 
z°.  A  en  juger  parles  obfervations 
météorologiques ,  les  changemens 
qui  arrivent  au  rotai  de  notre  at- 
mofphére  l'ont  infenfibles  :  au  lieu 
que  l'aurore  boréale  ,  pour  le  tems 
de  fes  apparitions,  eft  fuiette  à  des 
variations  très  -  confiderables.  ZJn 
même  principe  ,  demande  l'Auteur, 
prsduiroit-U  tant  d'uniformité  d'une 
fart ,  &  tant  de  variété  de  Vautre  ? 
30.  Il  feroit  encore  plus  difficile 
[  continue-t-il  ]  d'accorder  l'hypo- 
théfe  des  exhalaifons  terreftres  avec 
la  plupart  des  Phénomènes  qui  ac- 
compagnent Si  qui  caracterifent 
l'aurore  boréale  ,  tel  que  la  place 
confiante  qu'elle  affeéte  vers  le 
Nord  ,  dont  les  terres  (  dit  l'Au- 
teur )     renferment    certainement 


,     1754*  *99 

moins  de  matières  grades ,  bitumi- 
neufes  Se  inflammables.  40.  Tous 
les  météores  produits  par  des  exha- 
laifons de  cette  nature  ,  font  plus 
fréquens  en  été  qu'en  hiver  -,  au 
lieu  qu'il  arrive  tout  le  contraire 
aux  aurores  boréales.  50.  11  exifte 
hors  du  globe  terrelbre  la  matière 
de  l'atmofphére  du  Soleil ,  capable 
de  réfléchir  vers  nous  une  lumière 
fenfible  ,  qui  peut  arriver  jufqu'à 
notre  atmofphére ,  comme  on  l'a 
vu  plus  haut,  &  qui  peutêtre  une 
caufe  fuflîfante  de  notre  Phénomè- 
ne. 

5.  L'Auteur  vient  enfuite  à  l'hy- 
pothéfe  des  glaces  Se  des  neiges  de 
la  zone  polaire,  pour  la  formation 
de  l'aurore  boréale  ,  Se  à  l'opinion 
qui  rapporte  ce  Phénomène  à  la 
matière  magnétique.  11  réfute  l'une 
Se  l'autre  par  plufieurs  raifons  qui 
paroiflent  très  -  convaincantes  ,  Se 
aufquelles  ,  pour  abréger ,  nous 
renvoyons  le  Lecteur. 

6.  A  propos  de  ces  glaces  Se  de 
ces  neiges ,  l'Auteur  nous  parle  de 
quelques  Phénomènes  dépendans 
de  celles  qui  couvrent  les  Pays  voi- 
fins  du  pôle.  Telles  font  les  gran- 
des montagnes  du  Spitzberg  qui 
paroilîent  d'un  beau  bleu ,  ainh 
que  la  neige  ,  qui  eft  fortlumineufe 
au  delïus  des  nuages ,  où  les  vérita- 
bles rochers  paroiflent  tout  en  feu, 
&  le  Soleil  n'y  donne  qu'une  lueur 
pâle ,  &c.  au  rapport  de  Frederit 
Martens. 

M.  de  Mairan  feroit  fortdifpofc 
à  croire  que  ces  Phénomènes  joints 
aux  grands  crépufcules  du  Nord 
ont  quelquefois  été  confondus  avec 


aoo       JOURNAL     DE 

l'aurore  boréale,  lorfqu'elle  a  com- 
mencé à  reparoître  dans  nos  cli- 
mats ;  &c  les  curieufes  recherches 
qu'il  a  faites  fur  ce  fujet ,  &c  dont 
il  nous  fait  part  ici ,  l'ont  confirmé 
dans  cette  penfée.  Il  ne  difconvient 
pas  que  l'aurore  boréale  ne  foit 
plus  fréquente  dans  les  terres  arcti- 
ques ,  qu'en  Allemagne  &  en 
France  ;  mais  il  faut  fe  relTouvenir 
aulïî  des  Phénomènes  a(Tez  com- 
muns dans  le  Nord  ,&  affez  reiîem- 
blans  à  l'aurore  boréale  pour  en 
impofer  à  des  Obfervatcuis  peu 
exacts  ou  peu  inltruits  ,  qui  les  au- 
ront prispour  elle,  fans  qu'elle  y  fût 
mêlée.Tel  cft,parexemple,ce  grand 
crépufcule  qui  éclaire  un  air  grof- 
ficr.  Tel  pourroit  être  encore  ce 
grand  cercle  blanc  horizontal  dé- 
crit par  Olaus-Magnus ,  (  dans  fon 
Hiftoire  des  Pays  Septentrionaux  ) 
lequel  cercle  en  contient  un  autre 
qui  eft  noirâtre,  &  eftfurmonté  de 
trois  ou  quatre  autres  petits  qui 
femblent  imiter  le  Soleil  Si  font 
diverfement  colorés. 

Il  paroît  vraifemblable  à  M.  de 
Mairan  que  notre  Phénomène  ait 
eu  fes  intervalles  &  fes  reprifes 
dans  les  Pays  Septentrionaux  com- 
me dans  les  autres,  toutes  propor- 
tions gardées  ;  &  c'eft  de  quoi  il  fe 
perfuade  d'autant  plus,qu'il  appro- 
fondit  davantage  cette  queftion. 


S     SÇAVANS, 

En  effet ,  il  n'y  a  pas  30  ans  que  les 
aurores  boréales  font  fréquentes  en 
Dannemark  (  dit  notre  Auteur 
d'après  une  Lettre  écrite  de  ce 
Pays-là  par  M.  le  Comte  de  Plélo;  ) 
maintenant  elles  y  font  fi  fréquen- 
tes qu'on  n'y  fait  plus  d'attention. 
L'Auteur  pour  conftater  la  vérité 
de  ces  ceflations  &  de  ces  reprifes 
de  l'aurore  boréale  même  dans  le 
Nord  ,  produit  une  preuve  affez 
convaincante,  qu'il  tire  d'une  com- 
paraifon  du  tems  où  vivoient  les 
Hiftoriens  qui  ont  parlé  du  Phéno- 
mène ou  qui  n'en  ont  rien  dit , 
avec  le  tems  de  fes  celTations  ou  de 
{es  reprifes.  C'eft  ce  qu'il  exécute 
par  rapport  à  ce  qu'en  ont  écrit  la 
Peyrère,  l'Auteur  d'une  Chronique 
Iflandoife  ,  Thormode  Torf  ',  Peder- 
Clauftn ,  Jean  Wood  &  Linfchot  f 
dont  il  difeute  les  récits  avec  gran- 
de exactitude,  comparant  l'âge  des 
Ecrivains  avec  les  différentes  épo- 
ques de  l'apparition  du  Phénomè- 
ne :  &  il  conclut  de  tous  ces  faits 
bien  examinés,  qu'il  n'y  a  rien  dans 
tout  cela  qui  puiffe  le  moins  du 
monde  favorifer  la  prétendue  per- 
pétuité de  l'aurore  boréale  dans  les 
Pays  Septentrionaux. 

Nous  renvoyons  au  prochain 
Journal  les  trois  dernières  Sections 
de  cet  Ouvrage. 


avril;  1754: 


soi 


CRONICON  GOTWICENSE  ,  SEU  ANNALES  LIBERI  ET 
cxempti  Monafterii  Gotwicenfis  Ordinis  S.  Bencdicti  inferioris  Au- 
ftrix<  C'eft  -  à  -  dire  :  La  Chronique  de  Gotiueic  i  ou  Annules  du  Mona- 
ftere de  Gofweic  ,  de  l'Ordre  de  S.  Benoît }  dans  la  baffe  Autriche.  Tome 
Préliminaire.  De  l'Imprimerie  du  Monaftere  de  Tegernéetis ,  Ordre 
de  S.  Benoît.  1731.  in- fol.  Tome  I.  pag.  800.  fans  les  planches  gravées 
&  les  Cartes  Géographiques  qui  font  en  grand  nombre. 


LE  S  Chroniques  de  Gotweic  , 
dont  l'Ouvrage  duquel  nous 
allons  rendre  compte  ,  n'eft  qu'un 
Préliminaire ,  feront  compofées  de 
deux  Volumes  in-folio.  Le  premier 
Volume  contiendra  les  Annnales 
de  l'Abbaye.  Elles  feront  précé- 
dées d'une  Hiftoire  abrégée  de  la 
balle  Autriche  :  M.  l'Abbé  de  Got- 
Weic  traitera  enfuite  de  la  fondation 
de  ce  Monaftere  ,  du  bienheureux 
Ateman  qui  en  eft  le  Fondateur ,  il 
palTera  à  l'Hilloire  de  chaque  Ab- 
bé ,  dont  il  s'engage  de  faire  con- 
noître  les  bonnes  Se  les  mauvaifes 
qualitez  fans  aucune  partialité.  Ce 
qui  rendra  ,  ajoute  t-il ,  cette  Hi- 
ftoire plus  intcrciTantc  pour  ceux 
qui  ne  fontpas%curieux  d'approfon- 
dir l'Hiftoire  d'un  Monaftere  par- 
ticulier ,  c'eft  que  l'Auteur  y  join- 
dra un  grand  nombre  de  traits  pour 
l'Hiftoire  de  l'Autriche.  Il  ne  s'ar- 
rêtera point  aux  faits  généraux  qui 
font  d'ailleurs  allez  connus  ,  mais 
il  s'attachera  à  certains  faits  particu- 
liers qu'il  tirera  des  Diplômes ,  des 
Chartres ,  des  Lettres  ,  &  d'autres 
Monumens  qui  ont  été  jufqu'à  pre- 
fent  renfermés  dans  les  Chartriers 
ou  dans  les  Bibliothèques. 

Le   fécond   Volume    de   cette 
Chronique  contiendra  les  preuves 


des  fiits  rapportés  dans  le  premier 
Volume.  Ces  preuves  feront,  à  ce 
qu'on  aflure  ,  au  nombre  de  plus  de 
mille  trois  cens  Pièces  ,  qui  font 
desBulks  de  Papes  ,  des  Diplômes 
d'Empereurs,  de  Rois ,  d'Arche- 
vêques ,  d'Evêques  ,  de  Ducs  ]  de 
Marquis ,  de  Comtes  ,  &  de  Char- 
tres entre  des  particuliers  comme 
font  des  Tcftamens,  des  Donations 
entre-vifs  Si  à  caufe  de  mort ,  des 
Jugemens,  des  Enquêtes ,  &c.  M. 
l'Abbé  deGotWeic  annonce  auxju- 
rifconfultes  que  ces  Pièces  leur  fe- 
ront très  -  utiles  pour  remonter  à 
l'origine  du  Droit  Germanique  , 
tant  pour  le  Droit  Public,que  pour 
celui  des  particuliers  ,  &c  qu'ils  y 
pourront  découvrir  la  caufe  de 
cette  diveriîté  d'ufages  qui  fe  font 
introduits  dans  les  différentes  par- 
ties de  l'Allemagne.  Il  eft  auflî  per- 
fuadé  que  les  fceaux  qu'on  trouvera 
gravés  dans  ce  fécond  Volume  ,  fe- 
ront beaucoup  de  plaifir  à  ceux  qui 
fouhaiteront  de  fe  rendre  habiles 
dans  l'art  héraldique  par  rapport  à 
l'Allemagne  ,  fur-tout  par  rapport 
à  l'Autriche. 

Mais  comme  ces  anciens  Monu- 
mens font  le  fondement  de  tout 
l'Ouvrage  ,  &  qu'il  pourroit  y 
avoir  des  perfonnes  qui  ne  feroient 


soî  JOURNALD 

point  en  état  de  juger  par  elles-mê- 
mes de  ces  Pièces  ,  parce  qu'elles  ne 
font  pas  inftruites  de  la  manière 
dont  on  peut  diftinguer  les  Char- 
tres fauffes  d'avec  les  véritables ,  &c 
qu'il  y  a  même  des  perfonnes  à  qui 
ces  anciens  Monumens  paroi  lient 
des  Pièces  fufpectes  ,  l'Auteur  a  cru 
devoir  faire  précéder  fa  Chronique 
de  GotWcic  de  ceVolume  Prélimi- 
naire 3  qu'il  a  divifé  en  deux  Paities 
pour  n'en  point  taire  un  Volume 
trop  épais.  C'eft  un  Traité  de  la  Di- 
plomatique dans  le  goût  de  celui 
du  Pcrc  Mabillon. 

L'Auteur  fait  un  grand  éloge  de 
cet  Ouvrage  du  Père  Mabillon , 
&c  il  fe  le  propofe  pour  modèle. 
Mais  le  premier  n'ayant  parlé  que 
des  Diplômes  des  Rois  Méro 
vingiens  &  Carlovingicns  ,  & 
feulement  de  ceux  des  Diplô- 
mes de  ces  Princes  qui  regar- 
doient  la  France  ;  on  ne  peut  «n 
tirer  des  règles  par  rapport  aux  Di- 
plômes qui  concernent  l'Allema- 
gne depuis  le  règne  de  Conrad  I. 
Roi  de  Germanie.  M.  Hert  Jurif- 
confulte  de  Heffe  avoit  donné  en 
1700.  une  Differtation  fur  cette 
matière  imprimée  au  fécond  Volu- 
me de  fes  Opufcules  :  elle  a  pour 
titre  de  fi.de  Diplornamm  Germants. 
lmycra,iornm  &  Regum.  Quoiqu'il  y 
ait  dans  cette  Differtation  des  re- 
marques utiles  au  jugemcntde  no- 
tre Auteur  ,  il  croit  que  M.  Hert 
n'avoit  point  vu  allez  de  Diplômes 
ou  d'anciennes  Chartres  pour  pou- 
voir fatisfaire  le  public  fur  ce  fujet. 
M.  l'Abbé  de  Gotweic  porte  à  peu- 
près  le  même  jugement  de  la  Thé- 


ES  SÇAVANS, 

fe  que  M.  Engelbrecht  a  foùrenue 
fur  le  même  fujet  en  1703.  à  l'égard 
des  Mémoires  particuliers  qui  ont 
été  faits  pour  foûtenir  quelques 
Diplômes  ,  dont  on  avoit  attaqué 
l'authenticité  dans  des  affaires  parti- 
culières pendantes  dans  les  Tribu- 
naux de  l'Empire  ,  on  en  peut  tirer 
des  règles  pour  la  connoiffance  de 
la  Diplomatique. Mais  ces  règles  ne 
font  pas  fuffifantes  pour  former  un 
Syftême  complet.  Ce  qui  a  fait  fou- 
haiter  à  M.  Ludewig  ,  que  quelque 
Sçavant  entreprit  un  Traité  de  l'Art 
Diplomatique  pour  l'Allemagne  , 
qui  fut  même  plus  étendu  que  ce- 
lui que  le  Père  Mabillon  a  donné 
pour  les  Diplômes  des  Rois  Méro- 
vingiens &  Carlovingiens. 

Notre  Auteur  eft  perfuadé  que 
l'érude  des  règles  pour  difeerner 
les  faux  Diplômes  des  véritables, 
cil:  d'autant  plus  necelTaire  que 
depuis  qu'on  a  fait  une  étude  en 
Allemagne  de  ces  anciens  Monu- 
mens ,  on  a  imprimé  en  differens 
Recueils  un  grand  nombre  de  Pie- 
ces  fauffes.  Il  cite  pour  exemple  le 
Recueil  des  Conftitutions  Impé- 
riales de  Goldaft.  Cet  Auteur  trop 
crédule  &  peu  verfé  dans  la  Criti- 
que ,  a  inféré  dans  fa  Compilation 
tant  de  Pièces  dont  les  unes  font 
très-lufpecles  &  les  autres  abfolu- 
raent  fauffes  ,  que  fon  peu  d'exac- 
titude tait  naître  des  foupeons  mê- 
mes par  rapport  à  celles  qui  font  les 
plus  authentiques. 

Cette  nouvelle  Diplomatique 
Germanique  cft  divifée  en  quatre 
Parties.  Dans  la  première  l'Auteur 
parle  des  anciens  Manufcrirs  en  gé- 
néral. 


A  V  R 

néral.  Il  donne  dans  la  féconde 
Partie  des  Diplômes  des  Empe- 
reurs &  des  Rois  de  Germanie  de- 
puis Conrad  I.  jufqu'à  Frédéric ,  & 
il  fait  des  Obfervations  fur  chacun 
de  (es  Diplômes.  Il  parle  dans  la 
troifiéme  Partie  des  Palais  d'où 
font  datés  les  Diplômes  de  ces 
Princes  8c  des  lieux  où  ils  tenoient 
leurs  Cours  :  on  voit  dans  la  qua- 
trième Partie  les  differens  Pays  ou 
Cantons  dans  laquelle  l'Allemagne 
êtoit  divifée  dans  le  tems  que  re- 
gnoient  les  Princes  dont  les  Diplô- 
mes font  rapportés  dans  la  féconde 
Partie. 

Comme  la  première  Partie  eft 
fort  courte  ,  &  qu'elle  ne  contient 
point  de  chofes  auflî  fingulieres 
que  les  trois  fuivantes  ;  nous  allons 
joindre  au  plan  général  de  l'Ouvra- 
ge un  précis  delà  première  Partie  , 
nous  réfervant  à  parler  des  trois  au- 
tres dans  le  Journal  fuivant. 

M.  l'Abbé  de  Gotweic  commence 
par  faire  voir  qu'il  eft  très-utile  aux 
Sçavans ,  fur-tout  à  ceux  qui  s'ap- 
pliquent à  l'étude  de  l'Hiftoire,  de 
laThéologie  &  de  lajurifprudence, 
de  s'inftruire  de  ce  qui  concerne 
les  Manufcrits,d'en  connoître  l'âge, 
&  de  fe  mettre  en  état  de  juger 
quelle  foi  on  doit  ajouter  à  chacun 
de  ces  Monumens  qui  font  enfer- 
més dans  les  Bibliothèques.  Il  eft 
vrai  qu'il  y  a  des  Auteurs  qui  pré- 
tendent que  ces  recherches  font  in- 
utiles ,  &  que  les  caractères  ne 
peuvent  faire  juger  ni  de  l'âge  du 
Mf.ni  de  l'authenticité  de  l'Ouvra- 
ge. Mais  ce  font  là ,  dit  notre  Au- 
teur ,  des  artifices  employés  pat 
Avril, 


I  L  ;     i  7  j  4:  20$ 

des  Ecrivains  jaloux  "y  qui  pour 
ôter  aux  plus  fameux  Monafteres 
l'honneur  d'avoir  confervés  d'an- 
ciens Manufcrits  ,  veulent  les  faire 
regarder  comme  des  papiers  inuti- 
les. Il  ajoute  qu'on  ne  peut  donner 
fur  cette  matière  de  démonftra- 
tions  Mathématiques  ,  &  qu'il  faut 
quelquefois  s'abandonner  à  des 
conjectures ,  fur- tout  pour  les  plus 
anciens  Manufcrits  ,  mais  que  du 
moins  chaque  fiécle  a  fon  caractère 
particulier  qui  fait  qu'on  peut  fixer 
à  peu  près  le  tems  de  chaque  Ma- 
nuferit.  Pour  ce  qui  eft  du  Syftême 
que  le  Père  Hardouin  a  publié  dans 
plufieurs  de  fes  Ouvrages  ,  en  fai- 
fant  parler  un  Septique  ,  qui  pré- 
tend qu'à  l'exception  deCiceron  , 
de  Pline  ,  des  Georgiques  de  Vir- 
gile ,  des  Difcours  &  des  Epîtres 
d  Horace,  &  de  quelques  Infcrip- 
tions ,  tout  ce  qu'on  nous  donne 
pour  des  Ecrits  anciens  ,  font  des 
productions  du  1  je  fiécle ,  qu'on  a 
imaginés  dans  ce  tems-là  des  carac- 
tères qu'on  a  voulu  faire  pafler  pour 
anciens  ,  Se  qu'on  a  inventé  des 
Langues  qu'on  n'a  jamais  parlé, 
l'Auteur  n'a  pas  cru  devoir  le  réfu- 
ter. Il  fe  contente  de  renvoyer  ià- 
deffus  fes  Lecteurs  à  M.  de  la  Croze 
&  à  la  Préface  que  M.  Hikes  a  mis 
à  la  tête  de  fon  Tréfor  des  Langues 
Septentrionales. 

Après  cette  Diflertation  l'Au- 
teur vient  à  ce  qu'il  appelle  l'exté- 
rieur des  Manufcrits,  c'eft-à-dire, 
aux  différentes  matières  fur  lefquel- 
les  on  a  écrits  en  differens  tems  ou 
en  differens  Pays,  à  ce  que  l'on  em- 
ployoit  pour  écrire  ,  le  ftile  3  le  ro- 
Dd 


â04         JOURNAL   D 

feau&la  plumc,à  la  liqueur  dont  on 
fefervoit,  à  la  diverfité  des  caractè- 
res ,  foit  en  differens  tems ,  foit  en 
differens  Pays,  à  la  manière  d'écrire 
les  Chartres  toujours  plusirrégu- 
lieres  que  celle  de  copier  desLivres 
qui  fe  faifoit  avec  beaucoup  plus 
de  foin  Se  de  travail ,  l'ufage  de 
mettre  les  Livres  en  rouleau  ou  de 
les  relier.  Notre  Auteur  fait  aufll 
mention  des  diftinctions  des  Cha- 
pitres &  des  articles,  des  différentes 
notes  qu'on  voit  dans  les  Manuf- 
crits,  de  la  date  qu'on  trouve  dans 
quelques  Manufcrits  &  plufieurs 
autres  remarques  qui  feront  plaifir 
à  ceux  qui  n'ont  pas  lu  différentes 
Differtations  faites  fur  cette  matiè- 
re }  ou  qui  les  ayant  lus ,  voudront 
s'en  rappeller  les  points  principaux. 
Pour  apprendre  à  connoître  l'â- 
ge des  Manufcrits  ,  l'Auteur  a  fait 
graver  quelques  lignes  des  Manuf- 
crits de  differens  fiécles  ,  &C  de  ceux 
de  chaque  fiecles  dans  lefquels  il 
lui  a  paru  quelque  chofe  de  fingu- 
lier.  Tous  ces  exemples  font  tirés 
de  Manufcrits  confervés  dans  les 
Bibliothèques  d'Allemagne.  Les 
premières  planches  font  pour  les 
Manufcrits  que  l'Auteur  croit  plus 
anciens  que  le  neuvième  fîécle.  Il  y 
a  enfuite  des  planches  particulières 
pour  les  fiécles  fuivans  ,  jufqu'au 
douzième  ,  pour  lequel  l'Auteur 
fe  contente  de  faire  quelques  Ob- 
fervations,  de  même  que  pour  le 
treizième  fiécle. 

Il  faut  voir  ces  planches,  même 
plufieurs  fois  dans  le  Livre  &  y 
joindre  les  Obfervations  de  l'Au- 
teur ,  fi  l'on  veut  profiter  de  cet 


ES  SÇAVANS, 

Ouvrage  pour  connoître  par  foi- 
même  l'âge  des  Manufcrits ,  fui- 
vant  le  Syftême  de  M.  TAbbé  de 
Gotweic.il  en  eft  de  même  des  dif- 
ferens caractères  gothiques  dont 
lAuteur  donne  l'alphabet  avec 
l'explication.  Les  premiers  font  les 
caractères  appelles  Runiques  ,  les 
féconds  les  caractères  appelles 
d'Ulphilas ,  &  les  troifiémes  &  les 
plus  recens  font  ceux  aufquels  on 
adonné  le  nom  de  caractères  Go- 
thiques Monachaux. 

Notre  Auteur  a  pouffé  l'exacti- 
tude jufqu'à  rapporter  des  modèles 
de  Lettres  initiales  ornées  de  chif- 
fres ,  de  fleurs  d'animaux  à  quatre 
pieds,  d'oifeaux.,  de  poiffons.  Il  y  en- 
a  aufli  des  Mfs.  où  une  figure  hu- 
maine fait  la  lettre  initiale.  Par  ex. 
dans  un  article  d'un  Manufcrit  du 
onzième  fiécle ,  où  il  y  a  plufieurs 
figures  qui  font  les  lettres  initiales 
à  un  des  articles  qui  commence  in 
diebus  Mis.  C'eft  la  figure  du  Sau- 
veur du  monde  qui  tient  un  rou- 
leau où  font  écrits  ces  mots  relegas 
in  dieb9  Mis ,  qui  forme  la  lettre  /. 

Dans  un  autre  Manufcrit  du  mê- 
me fiécle  qui  a  un  article  qui  com- 
mence par  ces  mots  Johanms  ChrU- 
flo.  Il  y  a  une  figure  humaine  de- 
puis les  pieds  jufqu'au  col  ,  fur  le- 
quel il  y  a  une  tête  d'aigle  qui  for- 
me la  lettre  J ,  &  qui  reprefente 
S.  Jean  l'Evangelifte ,  dont  il  eft 
parlé  dans  cet  article.  Les  Manuf- 
crits d'Allemagne  de  ces  fiécles 
font  auffi  ornés  d'autres  mignatu- 
res  qui  font  au  commencement  ou 
à  la  fin  des  Livres.  Si  le  deffein 
n'en  eft  pas  foit  régulier  les  cou- 


A  V  R  I 

leurs  en  font  encore  vives.  Plu- 
sieurs de  ces  figures  de  même  que 
les  lettres  initiales  font  ornées  de 
lames  très-fines  d'or  ou  d'argent. 

On  avoit  foin  dans  le  onzième 
fiécle  de  marquer  les  notes  pour 
les  Livres  d'Eglife.  L'Auteur  a  fait 
graver  quelques  lignes  d'un  Livre 
d'Eglife  ainfi  noté.  Ces  notes  font 
toutes  fur  la  même  ligne  au-deflus 
des  mots ,  mais  chaque  ton  eft  mar- 


£  i     I  7  3  4;  20J 

que  par  un  cara&efô  particulier.  Il 
y  en  avoit  qui  employoient  des  let- 
tres pour  marquer  ces  differens 
tons.  A  l'occafion  des  Manufcrits 
qui  font  ainfi  notés  l'Auteur  fait 
une  Differtation  fur  les  chants  d'E- 
glife depuis  S.  Grégoire  jufqu'au 
tems  du  Moine  Aretin,  qu'on  re- 
garde comme  le  Rcftaurateur  du 
plein- chant. 


TRAITE'    DE  LA  COMMUNAUTE'  ENTRE    MARI   ET 

femme }  avec  un  Traité  des  Communautés,  oh  Societez.  tacites  ;  par  Maî- 
tre Denis  le  Brun  ,  Avocat  au  Parlement ,  Ouvrage  pojlhume  donné  d'a- 
bord au  public  par  les  Joins  de  Louis  Hideux ,  Avocat  au  Parlement* 
Nouvelle  édition  ,  augmentée  conjidcrablement  de  nouvelles  "Dicifïons  &  de 
Notes  Critiques  ,  par  Mc  ***  &  Me  *** ,  Avocats  au  Parlement.  A 
Paris,  chez  Claude  Robuftel }  rue'  S.Jacques.  1735.  in  -fol.  pp.  648. 
pour  le  Traité  de  la  Communauté  entre  mari  &  femme  ,  pp.  58.  pour 
le  Traité  des  Communautez  ou  Societez  tacites. 


QU  O I  Q.U  E  ce  Traité  n'ait 
point  été  auffi  eftimé  que  ce- 
lui des  Succédions  du  même  Au- 
teur ,  il  n'a  pas  biffé  que  d'être  re- 
cherché ,  parce  que  c 'eft  l'Ouvrage 
le  plus  complet  qui  ait  paru  jufqu'à 
prefentfur  cette  matière  importan- 
te du  Droit  François.  Les  additions 
qui  ont  été  faites  à  cette  nouvelle 
Edition  font  de  trois  efpeces  diffé- 
rentes ,  les  unes  ne  font  que  des  re- 
flexions pour  fortifier  les  moyens 
dont  s'étoit  fervi  M.  le  Brun  pour 
foûtenir  fes  Décifions ,  ou  pour  les 
rendre  plus  claires ,  les  autres  con- 
tiennent les  décifions  des  Au- 
teurs des  additions  fur  quelques 
queftions  qui  pouvoient  naturelle- 
ment entrer  dans  le  plan  de  M.  le 
Brun  a  dans  quelques  autres  les 


Auteurs  des  additions  ont  pris  un 
avis  contraire  à  celui  que  M.  le 
Brun  avoit  embrafle.  La  plupart  de 
ces  nouvelles  obfervations  font  ap- 
puyées d'Arrêts  du  Parlement  de 
Paris  rendus  dans  les  derniers  tems, 
particulièrement  de  ceux  qui  font 
rapportés  dans  le  Recueil  des  Ar- 
refts  notables  de  M.  Augeard. 

Ces  augmentations  n'ont  point 
été  faites  de  concert  entre  les  deux 
Auteurs  qui  y  ont  travaillé  -,  ce  ne 
font  pas  non  plus  des  notes  qui 
ayent  été  répandues  par  chacun 
d'eux  en  differens  endroits  des  qua- 
tre Livres  dont  ce  Traité  eft  com- 
pofé.  Les  notes  fur  le  premier  Livre 
font  de  la  même  main.  L'Auteur 
qui  eft  connu  par  d'autres  Ouvra- 
ges, ayant  été  chargé  d'affaires  qui 
Ddi) 


âo6       JOURNAL    DE 

l'ont  empêché  de  fuivre  le  Barreau 
&  de  continuel  les  obfervations  ; 
celles  qui  ont  été  faites  au  fécond  , 
au  troifiéme  &c  au  quatrième  Livre 
viennent  d'un  autre  Avocat,  qui  a 
donné  au  public  d'autres  Ouvrages 
de  Jurifprudence  ,  mais  fur  une 
matière  toute  différente.  Pour  que 
les  Lecteurs  distinguent  plus  aifé- 
ment  le  fond  de  l'Ouvrage  d'avec 
les  additions ,  on  a  eu  foin  démet- 
tre des  marques  particulières  à 
l'endroit  où  commencent  &  à  ce- 
lui où  finiffent  les  augmentations  &c 
les  Notes  Critiques.  Parla  on  rend 
à  l'Auteur  du  Traité  &  à  ceux  qui 
ont  compofé  les  additions  toute  la 
juStice  qui  leur  eft  dûë.  Mais  on  a 
peut  -  être  point  eu  aSîez  d'égard 
dans  la  distribution  de  cette  nouvel- 
le Edition  à  la  commodité  des  Lec- 
teurs. Chaque  Chapitre ,  &  même 
chaque  Section  &  chaque  distinc- 
tion du  Traité  de  la  Communauté 
eft  divifé  en  articles  marqués  par 
dès  nombres  particuliers.  La  plu- 
part des  nouvelles  additions  for- 
ment des  articles  avec  des  chiffres , 
de  manière  qu'il  ne  fera  pas  tou- 
jours aifé  de  trouver  dans  la  nou- 
velle Edition  ,  les  citations  faites 
fur  la  première  Edition  de  cet  Ou- 
vrage. On  avoit  évité  cet  inconvé- 
nient dans  les  nouvelles  Editions 
des  Oeuvres  de  Ricard  où  les  addi- 
tions ne  changent  point  le  numéro 
ancien  des  articles. 

Voici  quelques  exemples  des  ad- 
ditions. Nous  en  rapporterons  du 
premier  &c  du  fécond  Livre  ,  afin 
qu'on  en  voye  ici  des  deux  Auteurs 
des  augmentations. 


S     SÇAVANS, 

Dans  le  Chapitre  fécond  du  pre- 
mier Livre  où  M.  le  Brun  examine 
fur  quelle  Coutume  on  fe  règle 
pour  le  Droit  de  Communauté  ,  il 
n'avoit  point  parlé  de  la  queftion  , 
s'il  y  a  Communauté  entre  deux 
Conjoints  étrangers  qui  fe  marient 
fans  avoir  Stipulé  de  Communauté 
dans  une  Coutume  où  elle  a  lieu. 
L'Auteur  des  additions  traite  cette 
queftion  avec  étendue.  Renufîbn  , 
dans  fon  Traité  de  la  Commu- 
nauté ,  Si  la  Lande  ,  croyent  que 
la  Communauté  ne  doit  point 
avoir  de  lieu  en  ce  cas ,  parce  que 
l'étranger  étant  privé  de  tous  les 
avantages  des  Regnicoles  ,  ne  doit 
pas  participer  aux  bénéfices  des 
Coutumes  dont  les  difpofitions  ne 
font  pas  fondées  fur  le  Droit  des 
Gens  ,  mais  fur  un  ufàge  qui  eft 
purement  du  Droit  François  dans 
l'on  origine.On  cite  pour  confirmer 
cet  avis  deux  Arrefts  ,  l'un  du  S 
Janvier  1631.  l'autre  du  29  Mars 
1640.  l'Auteur  de  l'addition  foû- 
tientau  contraire  que  dans  ce  cas  il 
y  a  Communauté  entre  les  deux 
Conjoints  étrangers.  La  raifon  qu'il 
en  rend  eft  que  la  focieté  des  biens 
entre  les  Conjoints  eft  une  fuite 
naturelle  de  celle  qui  fe  contracte 
par  le  mariage  entre  les  parties-,  que 
les  profits  de  la  Communauté  vien- 
nent de  leur  travail  ou  de  leurœco- 
nomie  mutuelle  ,  qu'ainfi  cette 
Communauté  eft  fondée  fur  un 
principe  de  Droit  Commun,&  non 
fur  unDroit  particulierauxFrançois", 
qu'elle  a  même  lieu  en  plufieurs 
Pays  hors  de  la  France.  11  ajoute^ 
que  la  capacit»  qu'ont  les  étranger* 


A  V  R  I 

dé  contracte*  mariage  en  France  , 
emporte  avec  elle  celle  de  contrac- 
ter fuivant  h  Coutume  du  lieu, 
qui  n'en  cil  qu'un  accefloire.  Com- 
me lacapacité  de  poffeder  des  Fiefs 
emporte  ,  par  rapport  à  l'étranger, 
le  droit  de  joiiir  de  tous  les  droits 
féodaux,entre  lefquels  il  y  en  a  qui 
font  purement  de  Droit  Coûtu- 
mier  ,  &  qu'il  n'y  a  point  de  diffé- 
rence entre  une  convention  expref- 
fe  pour  établir  la  Communauté  en- 
tre Conjoints  étrangers  que  tout  le 
monde  reconnoît  valable  ,  &  la 
ftipulation  tacite  ,  qui  refulte  de 
la  difpofition  de  la  Coutume.  Il  y 
en  a  une  difpofition  dans  l'article 
31 2.  de  la  Coutume  d'Orléans ,  & 
c'eft  l'avis  qui  a  été  embrafTé  par 
Baquet ,  par  Auzanet&  par  l'Au- 
teur des  Notes  fur  Dupleifis.  On 
joint  à  ces  raifons  &  àcesautoritez 
un  Arreft  du  23  Février  163 3.  rap- 
porté par  Bardet. 

Sur  le  Chapitre  fécond  du  Livre 
premier ,  diftinction  4  ,  où  il  s'agit 
des  rentes  par  rapport  à  la  Com- 
munauté d'entre  les  Conjoints  , 
l'Auteur  fe  propofe  la  queftion  à 
quelle  Coutume  il  faut  avoir  égard 
pour  fçavoir  fi  une  rente  échue  à 
l'un  des  Conjoints  par  fucceffion 
cft  réputée  meuble  ou  immeuble  à 
l'effet  d'entrer  ou  de  ne  point  en- 
trer dans  la  Communauté ,  quand 
on  n'a  point  ftipulé  que  tout  ce  qui 
échoiroit  à  l'un  des  Conjoints  lui 
tiendroit  nature  de  propre.  Il  déci- 
de qu'en  ce  cas  ,  ce  n'eft  pas  la 
Coutume  du  Domicile  de  celui  par 
la  fuccelfion  duquel  la  rente  eft 
échue,   qui  doit  fervir  de  règle, 


£  ;  1754*  207 

parce  que  quand  la  renîë  eft  défe-? 
rée  à  l'héritier  par  la  fucceffion  , 
c'eft  la  Coutume  à  laquelle  l'héri- 
tier eft  fujet  qui  détermine  la  na- 
ture de  ce  bien  quirefide  en  la  per- 
fonne  du  Créancier  3  Se  qui  doit 
par  confequent  être  régi  ,  comme 
un  droit  perfonnel ,  par  la  Coutu- 
me du  Domicile  des  Conjoints. 
L'Auteur  exclut  le  Domicile  qu'a- 
voient  les  Conjoints  lors  de  leur 
Contrat  de  mariage  -,  parce  que  dès 
que  le  domicile  actuel  du  Créan- 
cier détermine  la  nature  de  la  ren- 
te ,  il  doit  auffi  déterminer  fi  elle 
entrera  ,  ou  fi  elle  n'entrera  pas 
dans  la  Communauté.  S'il  falloir 
s'en  rapporter  à  la  Coutume  du 
Domicile  au  tems  de  la  célébration 
du  mariage,  il  faudroit  feindre  que 
le  Conjoint  auroit  pofledé  la  rente 
avant  qu'elle  lui  fut  échûë. 

Voici  le  précis  d'une  des  Notes 
fur  le  Chapitre  premier  du  fécond 
Livre.  C'eft  une  maxime  certaine 
qu'une  fille  ou  une  veuve  fiancée 
peut  s'ebliger  valablement  fans  au- 
torifation  de  fon  fiancé.  On  n'ex- 
cepte de  cette  règle  que  les  Coutu- 
mes qui  ont  une  difpofition  con- 
traire. Mais  à  quelle  Coutume 
faut- il  avoir  égard  en  ce  cas  î  C'eft' 
une  queftion  que  le  Brun  n'a  point 
décidée.  L'Auteur  des  additions  en 
fait  dépendre  la  décifion  de  la  ma- 
nière dont  eft  conçue  la  difpofition 
de  la  Coutume.  Si  la  difpofition 
qui  défend  à  la  fiancée  de  s'enga- 
ger ,  comme  lui  paroît  être  celle 
delà  Coutume  d'Artois  ,  eft  pure- 
ment perfonnelle  ,  la  fille  fiancée 
qui  eft  foûmifc  à  cette  Coutume  ne 


iôS         JOURNAL  D 

peut  obliger  fans  autorifation  non 
feulement  les  biens  qu'elle  a  dans 
cette  Coutume  ,  mais  encore  ceux 
qui  lui  appartiennent  dans  d'autres 
Coutumes  qui  n'ont  pas  de  difpofi- 
tion  femblable.  Si  la  difpofition  de 
la  Coutume  eft  conçue  d'une  ma- 
nière qui  la  rende  plus  réelle  que 
perfonnelle  (  telle  eft  félon  l'Au- 
teur celle  de  Sedan  )  elle  ne  s'étend 
point  fur  les  biens  fitués  dans  les 
Coutumes  qui  n'exigent  point  que 
îa  fiancée  foit  autorifée  pour  con- 
tracter valablement.  L'article  447 
de  la  Coutume  de  Bretagne  paroif- 
fant  à  l'Auteur  être  relatif  à  la 
Communauté  ,  il  en  conclut  que 
la  fiancée  n'a  befoin  d'autorifation 
en  Bretagne  pour  la  validité  de  l'o- 
bligation fans  autorifation  du  fian- 
cé ,  que  quand  la  Communauté  eft 
régie  par  cette  Coutume. 

Ricard  décide  dans  fon  Traité 


ES  SÇAVANS; 

des  Donations  qu'une  femme  dont 
le  mari  eft  mort  civilement  n'a  pas 
befoin  d'autorifation  même  en  ju- 
ftice  pour  s'obliger  valablement , 
parce  que  l'autorifation  en  jufticc 
n'étant  que  l'image  de  celle  qui  fe 
feroit  faite  par  le  mari ,  elle  eft  inu- 
tile quand  le  mari  n'eft  plus  en  état 
d'autorifer  lui-même.  Le  Brun  eft 
d'avis  contraire ,  &  il  cite  pour  fon 
fentiment  un  Arreft  rapporté  par 
Brodeau  fur  M.  Louet.  L'Auteur 
des  additions  embraiTe  le  fentiment 
de  Ricard  contre  le  Brun.  Il  fe 
fonde  fur  ce  que  la  mort  civile  ne 
donne  point  d'atteinte  aux  liens  du 
mariage  quant  aux  effets  du  Sacre- 
ment ,  mais  qu'elle  les  détruit  tous 
quant  aux  effets  civiles.  Il  montre 
enfuite  que  l'Arreft  rapporté  par 
Brodeau  n'a  point  jugé  cette  que*» 
ftion- 


GALUJE  ANTIQUITATES  QUIDAM  SELECTE  IN  PLURES 

Epiftolasdiftnbutx.  Pariliis,  fub  Oliva  Caroli  Ofmont  ,  via  San  Jaco- 
bxL  1733.  C'eft-àdirc  :  Recueil  de  quelques  AntiquiteT^chtifies  ,  qui  fe 
trauvent  en  France ,  &  dont  on  rend  compte  dans  pl/tfîeurs  Lettres.  A  Paris, 
chez  Charles  Ofmont ,  rue  S.  Jacqucs>  à  l'Olivier.  1733.  //7-40.  pp.  175. 
planch.  détach.  2. 


L'AUTEUR  de  ce  Recueil 
eft  M.  le  Marquis  Scipion 
MafTei ,  fi  connu  déjà  dans  la  Re- 
publique des  Lettres  par  fon  com- 
merce littéraire  avec  la  plupart  des 
Sçavans  de  l'Europe  ,  &  par  divers 
Ouvrages  qui  ont  fait  grand  hon- 
neur à  fon  goût  5c  à  fon  érudition , 
fur-tout  en  matière  d'Antiquitez. 
C'eft  de  quoi  principalement  il 
s'agit  encore  dans  ce  Volume.    Il 


contient  25  Lettres  de  l'Auteur 
prefquc  toutes  Latines  ,  adreifées  à 
autant  de  perfonnes  de  divers  Pays, 
diftinguées  par  leur  Littérature, 
Cette  Collcâion  d'Antiquitez  eft 
dédiée  au  Roi  par  une  Epître  écrite 
en  vers  Latins ,  où  l'on  s'apperçoit 
que  l'Auteur  prend  à  tâche  d'imiter 
le  tour  poétique  de  Virgile  &la 
variété  de  la  cadence  employée  par 
ce  Poë'te  incomparable.  On  pourra 


A  V  R  I 

jUger  de  cette  conformité  de  véri- 
fication par  ces  4  vers,  où  M.  le 
Marquis  MafTei  décrit  ces  Infcrip- 
tions  anciennes  écrites  gvrpo<p*rôv  , 
c'eft- à-dire  dont  une  premiercligne 
va  de  la  droite  à  la  gauche  ,  puis 
une  féconde  de  la  gauche  à  la  droi- 
îe  Se  ainfi  alternativement. 

Mulu  etiam  ,  (  tabula:  )  curfum  ta 
quibus  ambiguum,  atque  recurfum 

dllterni  verfns  incunt  '  revolutaque 
rnrfus 

OccHrritfpatio  adverfoftbi  littera ,  nt 

olim 
Converti  exercent  xerram  tonfuevit 

arator. 

On  pourra  mieux  décider  enco- 
re cette  reffemblance  de  ftile  entre 
le  Poète  de  Mantoiie  Se  celui  de 
Vérone  (  c'eft  M.  le  Marquis  Maf- 
fei  )  par  cette  fuite  de  vers  ,  où  ce- 
lui-ci compare  les  recherches  in- 
fructueufes  d'un  Antiquaire  ,  qui 
parcourt  les  régions  les  plus  recu- 
lées fans  y  rien  découvrir ,  avec  les 
courfes  inutiles  d'un  Chafleur  ,  qui 
rectu  Se  haraffé  ,  revient  chez  lui 
les  mains  vuides.  Cette  comparai- 
fon  commence  au  fécond  vers  de 
h  quatrième  page  par  ces  mots,  Ut 
venator ,  inaltis,  Sec.  Du  refte  nous 
pouvons  aiTurer  en  général  que  la 
Latinité  de  l'Auteur  fait  fentir  dans 
fa  profe  le  même  tour  Se  la  même 
élégance  qu'on  vient  de  remarquer 
dans  fa  Po'éfie. 

Les  25  Lettres  de  ce  Recueil 
nous  offrent  1 50  Infcriptions  anti- 
ques ,   prefque  toutes  choifies ,  & 


£»   '75  4'  aô$ 

trouvées  en  France }  parmi  îefquel« 
les  on  peut  en  compter  près  de 
cent  qui  doivent  avoir  toute  la 
grâce  de  la  nouveauté  ,  n'ayant  ja- 
mais paru  jufques  ici.  Rien  n'eft 
plus  ordinaire  ,  que  de  voir  des 
étrangers  qui  voyageant  unique- 
ment en  vue  de  faire  des  découver- 
tes de  ce  genre  ,  y  réuffiffent  au 
point  de  retourner  chargés  de  ces 
fortes  de  richeffes  ,  échappées  juf- 
qu'alors  aux  gens  du  Pays ,  à  qui 
elles  étoient  abfolument  inaon- 
nue's.  Ces  Infcriptions  parmi  lef- 
quelies  il  y  en  a  quelques  -  unes 
d'Afrique  Se  d'Italie  ,  mais  en  fort 
petit  nombre  ;  font  prefque  toutes 
rangées  fous  les  diverfes  clafTes  qui 
leur  conviennent ,  fuivant  qu'elles 
font  Géographiques  ,  Militaires, 
Poétiques  ,  Chrétiennes  ,  &c. 
Comme  nous  ne  pourrions  les  faire 
ici  connoître  toutes  en  détail,  nous 
nous  arrêterons  feulement  à  celles 
qui  nous  paroîtront  les  plus  re- 
marquables par  quelque  fingulari- 
té.  L'Auteur  ne  s'eft  point  amufé  à 
expliquer  toutes  les  Infcriptions 
qu'il  nous  communique.  Mais  il 
s'eft  propofé  fur-tout  d'y  développer 
certaines  difficultez  qui  n'avoient 
point  été  encore  éclaircies. 

Dans  la  première  Lettre  addrefféc 
de  Vérone  au  Baron  de  Bimard}  M. 
le  Marquis  Maffei  à  propos  de 
quelques  Infcriptions  ,  examine 
une  queftion  curieufe  Se  difficile 
qui  confifte  à  fçavoir  pourquoi 
dans  ce  qu'on  appelle  chez  les  Ro- 
mains congé  honorable  d'un  Soldat 
(honefta  inijfio  )  ,  on  y  faifoit  tou- 
jours le  Soldat  Citoyen  Romain  , 


flrô        JOURNAL    D 

quoiqu'il  eût  déjà  fervi  25  ans  dans 
quelque  Légion ,  où  il  n'avoit  pu 
certainement  avoir  entrée  fans  être 
déclaré  tel  auparavant.  L'Auteur 
eft  perfuadé  que  cette  première  dé- 
claration n'étoit  accompagnée 
d'aucun  acte  expédié  au  Soldat } 
qui  ne  le  recevoit  que  lorfqu'après 
2  5  ans  de  fervice  on  lui  accordoit 
fon  congé.  Il  en  allègue  une  autre 
raifon  tirée  des  mariages  de  ces  mê- 
mes Soldats  ,  Se  qu'il  explique 
avec  beaucoup  d'étendue  Se  d'éru- 
dition ,  comme  on  peut  le  voir 
dans  la  Lettre  même. 

Il  y  rapporte  encore  une  belle 
ïnfeription  Gréque  ,  de  la  Ville  de 
Bérénice  ,  &  qui  eft  confervée  à 
Aix  dans  le  Cabinet  de  M.  le  Bret 
premier  Préfident  de  cette  Ville- 
ià.  L'Auteur  l'avoit  déjà  publiée  un 
an  auparavant  dans  une  feuille  vo- 
lante avec  la  Traduction  -,  mais  il 
en  parle  ici  plus  au  long ,  ainfi  que 
dans  fa  huitième  Lettre ,  à  laquelle 
nous  renvoyons  ,  pour  un  détail 
plus  particulier.  A  la  fuite  de  cette 
Ïnfeription  en  vient  une  autre  écri- 
te en  Dialecte  Dorique  ,  Se  qui  eft 
un  Décret  par  lequel  le  peuple  de 
Gèle  en  Sicile  décerne  une  couron- 
ne d'olivier  au  Gymnafiarque  Hé- 
raclide ,  en  recompenfe  de  fon  at- 
tention à  maintenir  le  bon  ordre 
dans  le  Gymnafe  ou  le  lieu  d'exer- 
cice commis  à  fes  foins.  M.  le  Mar- 
quis Maffei  a  fait  graver  à  la  fin  de 
cette  Lettre  deux  Médailles ,  dont 
on  n'avoit  eu  jufques  ici  nulle  con- 
noiflance  ,  Se  dont  il  nous  donne 
l'explication  dans  la  Lettre  qui 
fuit. 


ES    SÇAVANS, 

Elle  eft  écrite  de  Turin  au  célè- 
bre M.  J.  Alberr  Fabricius ,  &  M. 
le  Marquis  Maffei  nous  y  expofe 
fes  reflexions  ,  fur  ces  deux  Mé- 
dailles (î  rares  ,  dont  l'une  eft  de 
Tarcondimotiis  Roi  de  Cilicie,  dont 
piufieurs  anciens  Auteurs  font  men- 
tion :  Se  l'autre  eft  de  Mufa  Reine 
de  Bithynie.  Il  employé  cette  der- 
nière à  la  correction  d'un  paffage 
de  Salufte  ,  qui  eft  corrompu  dans 
toutes  les  Editions}  où  on  lit  Nyftt 
au  lieu  de  Mufa,  Se  Regem  au  lieu 
de  Regina.  Pour  juftiher  les  deux 
noms  Romains  Lucius  Antomu% 
donnés  fur  la  Médaille  au  Roi  Tar- 
condtmotus ,  l'Auteur  fait  part  en- 
core à  M.  Fabricius  d'une  autre 
ïnfeription  ,  qui  fe  voit  fur  l'Arc 
de  Sufe,  laquelle  perfonne  n'avoit 
pu  copier,  &  dont  il  a  déjà  donné 
l'explication  ailleurs.  Il  y  eftque- 
ftion  d'un  Ai.  Julius  Cottius  fils  du 
Roi  Donnas  ,  Se  Préfet  de  quatorze 
Citez,  nommées  dans  l'Infcription, 
Se  de  fept  defquelles  notre  Auteur 
croit  avoir  découvert  les  noms  mo- 
dernes ainfi  que  les  lieux  où  habi- 
toient  ces  fept  Peuples  ,  incon- 
nus jufqu'à  prefent  aux  Géogra- 
phes. 

Dans  la  troifiéme  Lettre  adreffée 
de  Genève  à  M.  Ba/krini  y  paroif- 
fent  deux  Infcriptions  trouvées 
dans  le  voifinage  de  cette  même 
V  ille  ,  Se  où  fe  lifent  les  noms  La- 
tins des  deux  Bourgs  Aiitinodunum 
(  Meudon  )  Se  Albmnnm  \  (  Alby  ) 
fur  quoi  l'Auteur  hit  quelques  ob- 
fervations  :  Se  dans  fa  quatrième 
Lettre  écrite  de  Lyon  à  M.  Fréret 
il  lui  communique  deux  ïnferip- 
tion* 


A  V  R  I 

tions  Latines  trouvées  dans  cette 
Ville-là  &  qu'il  lui  explique  ;  après 
quoi  il  Jui  parle  de  l'Infcription  de 
Téméflihée  qui  fe  voit  auili  dans  la 
même  Ville  ,  que  Spon  (  félon  lui  ) 
a  peu  heureufement  expliquée,  & 
fur  laquelle  M.  le  Marquis  propofe 
quelques  conjectures.  Sur  la  fin  de 
fa  Lettre ,  il  fait  mention  de  fon 
nouvel  Ouvrage  écrit  en  Italien  , 
qui  a  pour  titre  Verona  illuftrata  , 
Se  dont  il  allègue  quelques  articles 
ïînguliers  ,    l'un  concernant  l'an- 
cienne écriture  Gothique  ,  Lom- 
barde ,  Saxone  ,  Françoife  ,  qu'il 
prétend  n'avoir  été  que  l'écriture 
courante  Romaine  ;   l'autre  tou- 
chant les  anciennes  Métropoles. 

Dans  la  Lettre  fuivante  écrite  de 
Nifmes ,  l'Auteur  fait  part  à  M.  le 
Nonce  PaJJîonet  d'une  Infcription 
finguliere  de  cette  même  Ville,  où 
font  nommées  à  la  fois  trois  Divi- 
nitezTopiques  Némanfus,  Vrnia  Se 
Avicanms  ;  ce  qui  eftrare  (  dit  M. 
le  Marquis  MafTei  ).    Quant  aux 
deux  dernières ,  il  les  abandonne 
aux    conjectures  des  Antiquaires. 
Pour  le  Dieu  Némaufus ,  que  quel- 
ques-uns font  fils  d'Hercule  ,  &  re- 
gardent comme  le  Fondateur  de  la 
Ville  de  Nifmes  ,    à  laquelle  ils 
croyent  qu'il  a  donné  fon  nom  ; 
notre  Auteur  n'eft  pasde  leurfen- 
timent ,  &  il  fe  perfuade  que  cette 
Ville  ne  doit  l'on  nom  qu'à  Né- 
manfus fontaine  voiline  ,  dont  parle 
Aufone  dans  fon  petit  Poème  des 
Villes  célèbres. 

La  Lettre  fixiéme  écrite  de  Nar- 
bonne  au  P.  Montauz.an  ,  ne  lui 
préfente  que  des  Infcriptions  Sé- 
Avril. 


L  »  i  7  3 4.  2ir 

pulcrales  au  nombre  de  quinze 
parmi  lefquelles  la  dixième  mérite 
une  attention  particulière  par  la 
prodigieufe  étendue  de  terrain 
qu'elle  donne  au  Monument  dont 
elle  faifoit  partie  ,  &c  qui  (  félon 
M.  MafTei  )  avoit  3  25  pieds  de  face, 
fur  195  pieds  de  profondeur  vers 
la  campagne. 

Dans  la  Lettre  fuivante  ,  adref- 
fée  de  Toulon  à  M.  le  Chevalier 
Garelli ,  Bibliothécaire  de  l'Empe- 
reur, M.  le  Marquis  MarTei ,  enre- 
connoiflàncc  du   prefent  de  plu- 
fieurs  Infcriptions  de  pierres  mil- 
liaircs  qu'il  avoit  reçu  de  celui-ci 
le  paye  en  mêmemonnoye,  &  lui 
en  envoyé  fept,  toutes  choifies;  à 
l'occafion  defquelles  il  débite  fur 
cette  matière  une  érudition  recher- 
chée ,   ayant  trouvé  en  parcourant 
le  Languedoc   jufqu'à  25   de  ces 
pierres  très-belles  ,    dans  l'efpace 
de  20  lieues  :  ce  qui  l'a  mis  en  état 
de  déterminer  au  jufte  la  mefure  du 
mille  Romain  :  fur  quoi  nous  ren- 
voyons à  la  Lettre  même. 

La  huitième ,  écrite  de  Marfeille 
à  M.Chisbull ,  contient  un  long  & 
fçavant  Commentaire  fur  l'Infcrip- 
tion Gréque  de  la  Ville  de  Béréni- 
ce ,  que  nous  avons  déjà  indiquée 
plus  haut.  L'auteur  y  rapporte  de 
plus  une  autre  Infcription  fembla- 
ble ,  qu'il  a  vue  dans  le  même  Ca- 
binet j  mais  dont  la  plus  grande 
partie  eft  effacée.  La  première  de 
ces  deux  Infcriptions  commence 
par  ces  mots  :  Atino  LV.  menfis 
Phaophi  die  XXV.  Tabernaculorum 
conventus  tempore.  Sur  quoi  M. 
M affei  fait  voir  qu'il  eft  tort  poffiblc 
Ee 


a, a  JOURNAL  DES  SÇAVANS, 

que  U    fête  des  Tabernacles  des 
Juifs  tombât  au  vingt -cinquième 
du  mois  Phaoph  :   mais  que  pour 
cela  ,  il  faut  renoncer  à  la  préven- 
tion commune  où  l'on  eft  ,  que  les 
Egyptiens  ayent  abandonné   leur 
année  mobile  &  rétrograde  ,    pour 
y  fubftituer  l'année  fixe  des  Ro- 
mains :  &  les  quatre  raifons  qu'en 
allègue    l'Auteur  ,    &  auxquelles 
nous  renvoyons  paroiflent  éviden- 
tes.  Les  deux  marbres  chargés  de 
ces  Infcriptions  ont   été  apportés 
de  Tripoli  de  Barbarie  ,  &c  trouvés 
dans  le  lieu  où  étoit  fituée  l'ancien- 
ne Bérénice  de  Cyrénc3ce  qui  a  dé- 
terminé l'Auteur  à  les  attribuer  à 
cette  Ville-là. 

Quelques  Sçavans  prétendent 
au  contraire  qu'elles  appartiennent 
plutôt  à  la  Bérénice  qui  étoit  aux 
confins  de  l'Ethiopie  à  l'extrémité 
de  la  haute  Egypte  -,  &  ils  fondent 
cette  prétention  fur  ce  qu'on  y  lit 
le  nom  d'un  mois  Egyptien.  Mais 
M.  Maffei  montre  que  cette  raifon 
ne  conclut  rien  en  faveur  d'une  tel- 


voir  fur  la  côte  d'Afrique  ,  où  étoit 
la  Bérénice  Cyrénéenne.  Les  mê- 
mes Sçavans  ont  cru  que  l'Infcnp- 
tion  ne  devoir  point  être  attribuée 
à  la  Ville  dont  il  s'agit  ;  mais  qu'el- 
le appartenoit  à  la  Synagogue  des 
Juifs  établie  dans  cette  Ville-là. 
L'Auteur  foûtient  que  le  décret 
tut  promulgué  par  la  Ville-même 
pour  faire  honneur  au  Préhder.t  de 
la  Province;  &  les  différentes  preu- 
ves qu'il  en  produit  paroiflent  fi 
fortes  ,  qu'elles  femblcnt  mettre 
la  chofe  hors  de  doute. 

M.  le  Marquis  Maffei ,  dans  fa 
neuvième  Lettre  .  écrite  d'Avi- 
gnon ,  envoyé  à  M.  l'Abbé  Orfatta 
onze  Infcriptions  recueillies  dans 
plufieursVillesdcs  Provinces  voifi- 
nes ,  Se  fur  lefquelles  il  lui  com- 
munique quelques  obfervations.  Il 
y  trouve  ,  par  exemple  ,  que  le 
culte  d'Hippolyte  déifié  fous  le 
nom  de  Virbms  étoit  paflé  dans  les 
Gaules  ;  que  le  mot  penula  (  man- 
teau ,  cafaque  )  fe  prenoit  pour  le 
comble,  ou  la  voûte,  ou  lalanterne 


le  hypothéfc  ,  puifque  la  Cyrénaï-      d'un  Edifice  [tholus  ]  :   que  les  fa- 
que  étoit  contiguë  à  l'Egypte  ,  &      milles  Carentia  ,  Venujia  Se  Divia, 


que  ces  deux  Etats  avoient  long- 
tems  été  aux  mêmes  Rois.  A  quoi 
il  faut  ajouter  le  peu  d'apparence 
qu'il  y  a  qu'on  eût  tranfporté  ces 
deux  marbres  du  fond  de  l'Egypte 
dans  la  Cyrénaïque  ,  comme  le 
fuppofent  ces  Sçavans  :  outre  que 
ces  Infcriptions  faifant  mention 
d'un  Amphithéâtre,  il  n'eft  pas 
vraifemblable  qu'il  fe  trouvât  de 
ces  Edifices  au-delà  de  Syené  ,  fur 
les  confins  de  l'Ethiopie  ;  au  lieu 
qu'il  n'étoit  pas  merveilleux  d'en 


qui  y  font  nommées  ,  n'étoient 
point  encore  venues  à  fa  connoiflan- 
ce.  Il  tait  aufli  quelques  remarques 
fur  deux  Bourgs  du  Dauphiné  qui 
portent  le  nom  d'Aofte  J  &  dans 
l'un  defquels  ,  fçavoir  celui  qui 
avoifine  la  Savoye  ,  l'on  rencontre 
plufieurs  Infcriptions  anciennes ,  ce 
qui  lui  paroît  lingulier  ;  Se  c'eft  de 
quoi  il  s'efforce  de  découvrir  la 
caufe. 

Dans  fa  dixième  Lettre ,  adreflfée 
de  Lyon  à  M.  Abamjt  ,  Bibliothc- 


A  V  R  I 

Caire  de  Genève ,  il  l'entretient  de 
la  neceflîté  mdifpenfable  où  font 
les  Antiquaires  de  procurer  un  nou- 
veau Recueil  d'Infcriptions  ancien- 
nes où  elles  foient  rapportées  plus 
fîdellement  &c  imprimées  ou  gra- 
vées plus  correctement.  Entre  au- 
tres preuves  de  ces  infidélitez  de 
Copiftes  ,  lefquelles  régnent  dans 
nos  Recueils  de  ce  genre ,  &  fur- 
tout  dans  celui  de  Gruter ,  M.  Maf- 
fei  en  produit  une  que  lui  fournit 
une  Infcription  d'Arles  donnée  par 
ce  Colle&eur  ,  chez  qui  elle  paroît 
défigurée  au  point ,  qu'on  y  lit  tout 
le  contraire  de  ce  qu'elle  porte.  De 
COMES  RIP^E  AN.  I.  Gruter  en 
a  fait  AMICO  MES.  P.  L.  de 
PR.ESIDIA  CONIUX  ,  il  en  a 
fait  PRESIDE  COS.  L'Auteur 
fait  encore  çà  &  là  plufieurs  correc- 
tions femblables  dans  d'autres  Inf- 
criptions  publiées  avec  auflî  peu 
d'exactitude. 

Dans  la  Lettre  fuivante ,  écrite 
encore  de  Lyon  à  M.  Afuratori }  il 
traite  la  queftion  tant  agitée  entre 
les  Sçavans,  fur  ce  que  fignifie  dans 
les  Infcriptions  Sépulcrales  de 
France ,  la  formule  fub  afeia  dedica- 
vit.  Il  allure  qu'on  a  mis  au  jour  fur 
ce  point  douze  opinions  différen- 
tes ,  fans  compter  celles  qui  n'ont 
point  encore  été  rendues  publi- 
ques. Après  avoir  difeuté  les  plus 
fpécieufes  de  ces  opinions  ,  dont  il 
ne  tombe  point  d'accord  ,  il  pro- 
pofe  la  fienne  ,  où  fur  la  parole  de 
plufieurs  Sçavans ,  il  fe  flatte  de 
donner  la  vraye  folution  de  la  diffi- 
culté. 11  prétend  donc  que  Sepul- 
smm  ou  Monumcntum  fub  afeia  de- 


L;   175  4*  **5 

dicatum  ne  fignifie  autre  chofe 
qu'un  Sépulcre  tout  neuf,  oit  perfen- 
ne  n'a  encore  été  mis  ;  &  il  fonde 
pricipalement  cette  hypothéfc  ,  fm 
ce  que  l'on  employoit  l'inftrumenc 
appelle  afeia  (  hache  )  pour  broyer 
la  chaux  qui  fervoit  au  dernier  en- 
duit de  ces  fortes  de  monumens , 
aufquels  on  mettoit  par-là  comme 
la  dernière  main  ;  à  quoi  fe  rappor- 
te cette  fin  d'Infcription  qui  fe  lit 
dans  Guichenon ,  dans  Reinefius  & 
ailleurs  confummatum  hoc  opus  fub 
tifcia  efl  :  ce  que  les  Grecs  dans 
leurs  Infcriptions  Sépulcrales  ex- 
primoientpar  le  mot  nèf/ttr^  ,  nou- 
vellement conflruit ,  comme  on  le 
voit  ici  par  une  Infcription  de  ce 
genre  écrite  envers  grecs ,  qu'allè- 
gue Se  que  traduit  en  vers  latins 
notre  Auteur ,  auquel  nous  ren- 
voyons pour  plus  ample  éclaircifle- 
ment  fur  cette  curieufe  matière. 

Parmi  les  15  Infcriptions  qui 
remplifTent  la  1  ie  Lettre  adreflee 
d'Autun  à  M.  Bonarroti ,  il  y  en  a 
plufieurs  qui  ont  été  déjà  publiées, 
&c  que  M.  le  Marquis  Maffei  corri- 
ge. Il  explique  auflî  ce  qu'on  doic 
entendre  dans  quelques-unes  de  ces 
Infcriptions  par  le  mot  abrégé 
ORNAM.  qui  pourroit  caufer  de 
l'ambiguité  ,  &  dont  une  Infcrip- 
tion où  la  phrafe  eft  exprimée  dans 
toute  fon  étendue  ,  développe  le 
vrai  fens  ;  ernamentis  Dccarien.  ho- 
norât*). 

Les  huit  Infcriptions  raflemblées 
dans  la  treizième  Lettre  écrite  de 
Paris  [  ainfi  que  toutes  celles  qui 
fuivent  ]  &  adreflee  à  M.  le  Mar- 
quis de  Caumont ,  font  toutes  rniiâ- 
Ee  ij 


_4        JOURNAl    DE 

taires  :  &  des  fix  envoyées  dans  la 
Lettre  fuivanre  à  M.  le  Préfident 
Boithier  ,  les  cinq  premières  font 
Latines  &  d'un  tour  fingulier  ,  fur 
quoi  l'Auteur  propofe  fes  conjec- 
res  au  Préfident ,  dont  il  fouhaite- 
roit  fort  la  décifion.  La  dernière  de 
ces  Infcriptions  venue  de  Smyrne  , 
&  qui  ne  prefente  rien  que  de  tri- 
vial, n'eft  recommandableque  par- 
ce qu'elle  eft  gréque. 

Dans  fa  quinzième  Lettre  ,  écrite 
à  M.  le  Préfident  de  MazAUgues  , 
qui  l'avoit  prié  de  lui  envoyer  les 
anciennes  Infcriptions  en  vers  , 
dont  fes  Voyages  Littéraires  pour- 
roient  le  mettre  en  poflefllon;  il 
s'exeufe  auprès  de  cet  illuftreami , 
fur  le  petit  nombre  qu'il  lui  en 
communique  ,  n'ayant  pu  en  raf- 
fembler  jufqu'alors  que  quatre  La- 
tines ,  dont  les  deux  dernières  font 
très-mutilées  ;  Se  une  Gréque  ,  de 
ï  8  vers  tant  hexamètres  que  penta- 
mètres ,  que  notre  Auteur  a  rendus 
en  autant  de  vers  Latins  de  pareille 
mefure.  Cette  Infcription  compo- 
fée  en  forme  de  Dialogue  ,  ainfi 
que  quelques-unes  de  l'Antholo- 
gie &  qui  eft  l'Epitaphe  d'une 
femme  morte  en  couche ,  étoit  ori- 
ginairement inferite  fur  une  pier- 
re ,  qui  dans  la  fuite  fut  fciée  en 
deux  du  haut  en  bas.  L'Auteur 
trouva  dans  le  Cabinet  de  MM. 
Grimant  à  Venife  l'une  des  deux 
Pièces  où  fe  lifoient  tous  les  pre- 
miers hémiftiches  de  l'épitaphe. 
Environ  trois  ans  après  ,  vifitantla 
Bibliothèque  de  S.  Marc,  &  en 
examinant  lescuriofitez  ,  il  apper- 
cût  un  fragment  de  pierre  fur  le- 


S    SÇAVANS, 

quel  on  lifoit  les  derniers  hémifti-' 
ches  d'une  Infcription  compofée 
de  18  vers  Grecs ,  &  qu'il  recon- 
nut d'abord  être  le  complément  de 
ceux  dont  ci-devant  il  avoit  tranf- 
crit  les  commencemens. 

Des  douze  Infcriptions  com- 
muniquées à  M.  BrencMmann  Jurif- 
confulte,  dans  la  feiziéme  Lettre,  il 
n'y  en  a  aucune  où  il  ne  s'agifle  de 
quelque  profelîion  particulière  , 
fur  quoi  l'Auteur  donne  fes  con- 
jectures &  fes  réflexions.  La  der- 
nière de  ces  Infcriptions  fe  lit  fut 
une  petite  pierre  quarrée  ,  qui  fer- 
voit  (  dit-on  )  de  couvercle  à  une 
boete  d'onguensoude  collyres  de- 
ftinés  à  guérir  les  maladies  des 
yeux.  Il  paroît  par  le  nombre  des 
petites  Infcriptions  écrites  fur  les 
quatre  cotez  de  cette  pierre,  qu'el- 
le contenoit  quatre  fortes  de  médi- 
camens ,  foit  collyres  ou  autres. 

La  Lettre  dix-feptiéme  écrite  à 
M.  Gagliardi  (  à  qui  l'on  doit  la 
belle  Edition  de  S.  Gaudence  )  rou- 
le prefquc  toute  fur  la  belle  Inf- 
cription qui  fe  voit  dans  le  Châ- 
teau de  Thorigni  en  Normandie. 
Elle  remplit  la  face  antérieure  Se 
les  deux  cotez  d'une  bafe  de  mar- 
bre ,  haute  d'environ  quatre  pieds 
fur  deux  de  large  !k  fur  un  pied  &C 
demi  d'épaifleur.  Spon  avoit  déjà 
publié  une  partie  de  cette  Infcrip- 
tion ,  mais  très-peu  correctement. 
Monlicur  Marlei  nous  la  donne  ici 
copiée  avec  toute  l'exactitude  pof- 
fible.  Quant  aux  lumières  que  les 
Antiquaires  pourroient  en  tirer ,  il 
fe  referve  à  en  raifonner  quelque 
jour  plus  à  rond  avec  fon  ami. 


A  V  R  I 

La  Lettre  fuivante  adreffée  au 
P.  ToHrnemine  contient  d'abord  un 
remerciment  de  l'Auteur  au  fujet 
d'une  Infcription  iînguliere  ,  dont 
ce  Père  lui  avoit  tait  part ,  Se  en 
échange  de  quoi  M.  Maffei  lui  en 
envoyé  huit  ,  quatre  Latines  Se 
quatre  Gréques  :  il  a  tiré  ces  der- 
nières du  Cabinet  de  l'Académie 
Royale  des  Infcriptions  Se  Belles- 
Lettres. 

La  même  Académie  lui  fournit 
encore  la  précieufe  Infcription 
dont  il  s'agit  dans  fa  dix-neuviéme 

tri 

Lettre  adreflee  a  M.  Ma\oc!)io  qui 
a  écrit  fur  l'Amphithéâtre  de  Ca- 
poue.  Dom  Bernard  de  Aiontfancon 
en  avoit  publié  le  titre  Se  la  pre- 
mière ligne  dans  fa  Paléographie  ; 
Se  Spon  dans  fes  Mélanges  en  avoit 
donné  la  dernière  partie  ,  mais 
tronquée  &:  fort  corrompue.  Cette 
Infcription  remplit  aujourd'hui 
deux  tables  de  marbre.  Il  y  en  avoit 
une  troifiéme  ,  que  Spon  affure 
avoir  vue  à  Athènes ,  mais  qui  ne 
s'y  trouve  plus  à  prelent.  Sur  ces 
tables  font  gravés  les  noms  des 
Athéniens  de  la  Tribu  Erechihéide , 
Se  de  plusieurs  autres  qui  font 
morts  pour  le  fervice  de  leur  Patrie 
dans  différentes  expéditions  entre- 
prifes  en  Chypre  ,  en  Egypte ,  en 
Phémcte  3  chez  les  Haliens  Se  chez 
les  Eginétes  :  ce  qui  défigne  préci- 
fément  les  tems  de  Cimon,deThé- 
miftocles  Se  de  la  guerre  du  Pélo- 
ponnéfe  (  dit  l'Auteur  )  d'où  il 
conclut  que  cette  Infcription  eft 
des  plus  anciennes  que  l'on  con- 
noiffe,  puifqu'elle  précède  Alexan- 
dre d'environ  ioo  ans  ,  &  l'Ere 


L  ,    ï  734:  215 

Chrétienne  de  450.  Sur  ce  pied  -  là 
elle  eft  donc  plus  ancienne  que  la  fa- 
meufe  Chronique  de  Paros  qui  n'a 
été  écrire  que  fous  le  règne  d'Ale- 
xandre où  de  fes  premiers  Succef- 
feurs.  M.  Maffei  fait  diverfes  obfer- 
vations  curieufes  fur  les  fingulari- 
tez  de  l'orthographe  Se  fur  la  for- 
me des  caractères  de  cette  Infcrip- 
tion :  fur  quoi  il  faut  confulter  la 
Lettre  même. 

Dans  la  vingtième  adreftée  à  M. 
Riviera  ,  fait  Cardinal  peu  de  jours 
après  cette  Lettre  écrite,  l'Auteur 
a  raffemblé  x6  Infcriptions  Chré- 
tiennes trouvées  en  France  ,  Se 
dont  la  pl«^&rt  indiquent  des  Con- 
fulats  ,  fur  lefqucls  M.  Maffei  fait 
diverfes  remarques  intereflantes 
pour  les  Antiquaires. 

On  trouve  dans  la  vin»t-deuxié- 
me  Lettre  écrite  à  M.^pojloloZeno, 
la  defeription  d'environ  50  Médail- 
les très-importantes  pour  la  Litté- 
rature ,  Se  qui  n'avoient  point  en- 
core été  publiées.  L'Auteur  les  a 
tirées  de  plufieurs  Cabinets  de 
Paris ,  ou  de  celui  de  M.  le  Bret  à 
Aix  :  ce  qui  lui  donne  occahon  de 
faire  au  commencement  de  faLettre 
une  revue  des  principaux  Cabinets 
de  ce  genre  qu'il  a  eu  foin  de  vifi- 
ter  ,  Se  dont  chacun  y  eft  caracteri- 
fé  par  les  traits  les  plus  convena- 
bles. Nous  voudrions  pouvoir 
nous  étendre  fur  cet  article  &  en 
donner  un  détail  plus  circonftartcié: 
mais  il  nous  refte  encore  à  rendre 
compte  de  deux  Lettres  Italiennes., 
Se  de  deux  autres  écrites  en  Fran- 
çois. 

Dans  la  première  Lettre  Italien- 


aie  JOURNAL  D 

ne,  adreflee  à  M.  le  Marquis  Paient } 
(  c'eft  un  Profefleur  de  Mathémati- 
que à  Padoue  )  notre  Auteur  trai- 
te des  Amphithéâtres  qui  fc  trou- 
vent en  France  :  Se  il  l'a  écrite  en 
Italien  ,  pour  faire  de  cette  Pièce 
un  Supplément  à  fon  Traité  des 
amphithéâtres  {  de  gli  Anfiteatri  ) 
compofé  dans  la  même  Langue ,  Se 
dont  nous  avons  parlé  amplement 
dans  deux  de  nos  Journaux.  M. 
Martel  décrit  d'abord  celui  de  Nif- 
mes ,  &  il  en  examine  1a  ftruâiure 
en  fuivant  la  même  méthode  qu'il 
a  mife  en  œuvre  pour  nous  faire 
connoître  diftinctement  celui  de 
Vérone.  Il  fait  voir  q>ae  l'Amphi- 
théâtre de  Nifmes  eft  d'ordre  Tof- 
can  -,  r.  propos  de  quoi  il  corrige 
l'endroit  de  Pline  où  on  lit  dans 
toutes  les  Editions  que  la  grofleur 
des  colonnes  doriques  eft  Izjtxiéme 
partie  de  leur  hauteur  ,  au  lieu  qu'il 
faut  lire  la  hutiéme  partie  ,  puif- 
qu'au  même  endroit  Pline  en  met 
nnc  feptiéme  pour  la  grofleur  des 
colonnes  Tofcanes  ,  &  une  neu- 
vième pour  celle  des  Ioniques. 
L'Auteur  confirme  auflî  fa  décou- 
verte de  l'entablement  Tofcan  , 
dont  les  Architectes  fe  font  tou- 
jours plaints,  qu'il  ne  nous  reftoit 
rien  dans  les  anciens  Edifices  ;  &  il 
le  fait  voir  tout  entier  dans  ces 
Amphithéâtres.  Il  développe  la 
ftruclure  intérieure  de  ce  bâtiment 
à  laquelle  ni  Jufîe-Lipfe ,  ni  le  Ca- 
valier Fontana  3  ni  les  autres  qui 
ont  voulu  décrire  ces  Amphithéâ- 
tres n'ont  rien  compris.  Il  donne 
aulïi  des  figures  en  taille-douce  de 
h  façade  extérieure  de  ces  Edifices, 


ES  SÇAVANS; 

ainll  que  de  leurs  parties  arehitefta- 
niques  ,  Se  de  leur  coupe  inté- 
rieure. 

De  l'Amphithéâtre  de  Nifmes  il 
pafle  à  celui  d'Arles  ,  qu'il  prouve 
n'avoir  jamais  été  achevé.  Il  en  don- 
ne la  façade,  Se  la  coupe  de  l'entrée 
qui  étoit  magnifique;  Se  il  en  dé- 
crit fort  au  long  les  merveilleux 
fouterrains.  Il  termine  cette  matiè- 
re par  l'Amphithéâtre  de  Trêves 
qui  jufques  ici  étoit  abfolument 
ignoré  ■>  Se  il  en  met  fous  nos  yeux 
le  plan  Se  la  coupe.  Il  compare  tou- 
jours les  Amphithéâtres  entre  eux 
Se  avec  ceux  d'Italie  :  Se  par-là  il 
trouve  de  quoi  appuyer  la  décou- 
verte qu'il  a  faire  dans  celui  de  Vé- 
rone de  la  ftruchire  intérieure  de 
ces  Edifices ,  en  farfant  voir  qu'il 
n'y  avoit  point  de  porte  d'entrée 
fur  le  Podium  ,  Si  de  quelle  maniè- 
re on  pouvoity  arriver. 

La  féconde  Lettre  Italienne  écri- 
te à  M.  Zendrini  Mathématicien 
deVenife,  nous  offre  la  defeription 
du  Théâtre  d'Orange  ,  qu'on  a 
toujours  appelle  jufqu'à  prefent  le 
Cirque  d'Orange  ,  Se  qui  en  ce  gen- 
re n'eft  point  inférieur  aux  plus 
beaux  reftes  d'Italie.  On  en  voit  en- 
core fur  pied  un  mur  de  3  28  pieds 
de  long  fur  près  de  110  de  haut, 
qui  eft  parfaitement  confervé. 
L'Auteur  en  donne  le  deflein  de 
l'un  &  de  l'autre  côté.  Il  montre 
que  la  face  intérieure  de  ce  mur 
étoit  le  fond  même  du  Théâtre  , 
dont  il  a  fait  graver  le  plan  fur  un 
deflein  qu'il  en  a  tracé  ,  non  d'a- 
près ce  que  lui  en  auroit  pu  fournir 
fon  imagination,  s'il  n'eût  fait  que 


A  V  R 

la  confulter  ,  ainfi  qu'on  a  coutu- 
me d'en  ufer  en  pareil  cas  ;  mais 
feulement  en  fe  taillant  guider  par 
les  parties  mêmes  de  ce  bâtiment 
quifubfiltent  encore  ,  ou  dont  on 
découvre  des  vertiges  certains.  Il 
fait  donc  voir  que  ce  Monument 
d'Orange  nous  prefente  l'extrémi- 
té de  la  Scène  ou  L\  vûë  la  plus 
éloignée  desSpedatcu:s3de laquelle 
on  n'avoit  pu  rien  découvrir  dans 
les  débns  des  anciens  Edifices  ;  & 
c'eft  une  partie  du  plan  de  cette 
Scène  que  nous  reprefente  la  di- 
xième figure. 

M.  Maffei ,  chemin  faifant,  cor- 
rige un  paffage  de  Vitruve ,  où  les 
Editeurs  &  les  Traducteurs  ,  en 
déplaçant  une  virgule  ,  &  lifant 
Tragicam  pour  Tragœdiam ,  lui  ont 
fait  dire  qaeleVoïte  Efchyle  avoit 
enfeigné  à  peindre  la  Scène  ,  à 
quoi  cet  Architecte  n'a  jamais  pen- 
fé  :  &  ce  qui  a  contribué  à  autori- 
fer  cette  méprife  n'eft  que  l'igno- 
rance des  Interprètes  fur  la  vérita- 
ble lignification  de  l'expreffion 
Gréque  Tpa>»Aiav  MAÔ-mn  ,  &  de  la 
Latine  Tragadiam  docere. 

L'Auteur  nous  apprend  enfuitc 
que  la  façade  extérieure  du  grand 
murfervoit  à  un  Cirque  -,  &  par  là 
il  rend  raifon  de  plufieurs  fîngula- 
ritez  qu'on  obferve  à  ce  mur  ,  & 
dont  perfonne  n'a  découvert  les 
ufages.  Telles  font  ces  pierres  en 
faillie  qui  paroiffent  dans  toute  fa 
longueur  en  haut  &  en  bas  :  telles 
font  encore  les  21  arcades  fermées 
qui  fe  voyent  à  la  moitié  de  fa  hau- 
teur :  tels  font  enfin  les  chapiteaux 
d'enbas  fans  aucune  faillie  ,  l'arc 


du  milieu  qui  n'eft  point  fini  ,  &: 
les  traces  d'un  efcalier  aux  deux 
extrémitez  du  mur. 

A  la  fin  de  fa  Lettre  l'Auteur 
rend  compte  de  quelques  circon- 
ftances  extraordinaires ,  qu'il  a  re- 
marquées en  fait  d'architecture 
dans  les  Antiquitcz  de  France  :  par 
exemple,  dans  le  peu  qui  refte  d'un 
Théâtre  de  la  Ville  d'Arles  ,  on 
voit  l'architrave  entièrement  tra- 
vaillée comme  une  frife  dorique , 
au-deffus  de  laquelle  eft  une  frife 
corinthienne  :  au  Temple  de  Nif- 
mes ,  les  modillons  font  placés  à 
rebours ,  &c. 

Dans  la  Lettre  Françoife  adreffée 
à  Madame  la  Marquife  de  Caumonts 
notre  Auteur  fait  pafferen  revue  la 
plupart  des  anciens  Edifices  &  au- 
tres Antiquitez  remarquables  qui 
reftent  en  France.  Tels  font  l'exté- 
rieur d'un  Temple  confervé  à  Nif- 
mes,d'ordre  corinthien,  tout  ifolés 
&c  de  la  figure  d'un  quarré  long  , 
décrit  ici  avec  foin  par  M.  Maffei  : 
les  reftes  d'un  autre  Temple  hors 
la  Ville  ,  les  reftes  de  l'enceinte  des 
murailles  qui  l'environnoient  du 
tems  des  Romains  :  le  Monument 
appelle  aujourd'hui  la  Tour  Magne } 
&  qui  (  félon  l'Auteur  )  avoit  ori  - 
ginairement  été  érigé  pour  fervir 
de  Sépulcre  ou  de  Maufolée.  Tel 
eit  encore  le  fameux  Aqueduc 
nommé  le  Pont  du  Gard.  Tels 
font  le  beau  Maufolée  de  la  Ville 
de  Saint  Rcmi ,  le  Temple  d'ordre 
Corinthien  à  Vienne,  les  reftes  de 
la  vieille  muraille  &  des  anciennes 
portes  de  Fréjus ,  un  refte  de  Palais 
nommé  Panthéon  dans  la  même 


2i8         JOURNAL    D 

Ville  ,  &  celui  d'un  Aqueduc  : 
deux  ou  trois  milles  fragmens  de 
pierres  antiques ,  ou  figurées ,  ou 
écrites  ,  enchaffées  dans  l'enceinte 
des  murailles  de  Narbonne  con- 
ftruites  du  rems  de  François  I.  le 
grand  Arc  d'Orange ,  d'ordre  co- 
rinthien :  des  Ponts  antiques  bâtis 
horizontalement,  c'eft-à  dire, qu'on 
traverfe  fans  être  obligé  de  monter 
ni  de  defeendre,  comme  le  Pont 
de  Sommiéres,  celui  de  S.  Charrias, 
celui  de  Saintes  :  deux  anciennes 
Portes  d'Autun  ,  &  une  partie  de 
fes  anciens  murs  ,  &c.  Il  n'oublie 
pas  d'entretenir  Madame  de  Cau- 
niont  des  richeffes  en  tout  genre 
d'Antiquitez  qu'il  a  vues  à  Fontai- 
nebleau ,  à  Verfailles ,  6c  fur  tout  à 
Paris  dans  l'immenfe  Bibliothèque 
du  Roi,  à  laquelle  nulle  autre  n'eft 
comparable  pour  le  prodigieux 
amas  de  Livres  imprimés ,  de  Ma- 
nufcrits6c  d'Eftampes. 

A  la  fuite  de  toutes  ces  Lettres  , 
en  vient  une  Francoife  de  M.  le 
Préfident  Bouhier  ,  écrite  à  M. 
Maffei ,  6c  qui  contient  les  conjec- 
tures les  plus  ingénieufes  pour  l'ex- 
plication d'une  Infcription  Gréque 
en  vers  ,  &  rapportée  dans  le  Li- 
vre des  Hiftoires  mervedleitfes ,qu'on 
met  fur  le  compte  à'driftote  -,  mais 
d'ailleurs  tellement  défigurée  , 
qu'elle  en  eft  prefque  inexplicable, 
èc  qu'elle  a  exercé  la  fagacité  des 
deux  feavans  Critiques ,  Saitmaifc 
&  Ifaac  Voffuts ,  qui  ont  travaillé 
avec  affez  peu  de  fuccès  à  la  réta- 
blir. M.  Bonhier  fait  d'abord  l'Hi- 
ftoire  de  la  découverte  de  ce  Mo- 
nument ,  où  il  s'agit  de  Geryon  6c 


ES    SÇAVANS, 

d'Hercule.  Il  montre  enfuite  le  peu 
de  vraifembl.ince  qu'il  y  a  dans  les 
corrections  qu'y  ont  faites  8c  les 
explications  qu'en  ont  données  les 
deux  Sçavans  que  nous  venons  de 
nommer.  Enfin  il  propofe  la  fienne 
dans  laquelle  il  femble  ne  lailTer 
rien  à  fouhaiter  pour  l'entier  dé- 
nouement d'une  Pièce  aulïi  oblcu- 
re  &  aullî  corrompue  que  l'étoic 
cette  Infcription.  C'eft  à  regret  que 
pour  abréger  nous  fommes  con- 
traints de  paffer  fi  légèrement  fur 
un  morceau  aullî  curieux.  Il  mérite 
d'être  lu  d'un  bout  à  l'autre  par 
tous  ceux  qui  ont  le  goût  d'une  cri- 
tique fine  Se  judicieufe  affaifonnée 
de  tous  les  agrémens  que  fçait  y  ré- 
pandre l'érudition  la  plus  exquife. 

On  trouve  ,  après  cette  Lettre  , 
cinq  nouvelles  Infcriptions  produi- 
tes en  forme  de  Supplément  par 
M.  le  Marquis  Maffei.  La  première 
eft  celle  de  l'Arc  de  Tripoli  ,  en 
quatre  lignes  :  la  féconde  le  lit  au- 
près de  la  5  ie  Arcade  d'un  Aque- 
duc d'Ephéfc  :  la  troifiéme  fur  un 
coflre  de  marbre  placé  dans  le  Ve- 
ftibule  d'une  Mofquée  peu  diftante 
de  la  même  Ville  :  la  quatrième  eft 
tirée  d'un  Cimetière  Grec  ,  à  24 
lieues  de  Conitantinople  ;  6c  la  der- 
nière eft  écrite  en  lettres  d'argent 
fur  un  poids  d'airain  trouvé  dans  le 
Danube  ,  proche  de  Rnfcbitz.a  ,  & 
dont  on  voit  ici  le  volume  6c  la  fi- 
gure. Cela  eft  fuivi  de  quelques 
additions  renvovées  pai  des  chiffres 
chacune  en  fon  lieu. 

Oh  a  jointà  la  fin  de  ce  Volume 

le  Plan  ou  le  ProfpeElus  en  François 

de  la  nouvelle  Edition  de  S.  Jérôme , 

jmmencée 


A  V  R  I 

commencée  à  Vérone,  &  à  laquel- 
le M.  Maffei  a  quelque  part.  On 
peut  dire  (  félon  lui  )  que  nous  n'a- 
vons point  jufques  ici    de  corps 
complet  des  Oeuvres  de  ce  faint 
Docteur ,  puifqu'on  n'a  inféré  dans 
aucune  de  fes  Editions  ni  la  Chro- 
nique ,  ni  la  verfion  des  76  Home- 
lies  d'Origéne  ,  ni  plufieurs  autres 
Pièces.  Dans  la  nouvelle  Edition 
de  Vérone,  dont  le  premier  Tome 
peut-être  a  déjà  paru  ,  feront  raf- 
femblés  non    feulement   tous  les 
Ouvrages  qui  n'ont  été  publiés  que 
féparément ,  mais  encore  plufieurs 
Pièces  qui  n'avoient  jamais  paru  ; 
par  exemple  ,  la  verfion  de  la  fa- 
meufe    Synodique    de  Théophile 
d'Alexandrie  ,    qui   eft   un  chef- 
d'œuvre  par  elle-même  ,  Se  parles 


L ,  1734:  2I£ 

rares   particularités    qu'elle  nous 
apprend  touchant  la  caufe  Origé- 
nienne.  Le  Texte  Grec  en  eft  per- 
du ,  &  l'on  croyoit  que  la  verfion 
avoit  eu  le  même  fort.  Mais  M. 
l'Abbé  Vallarfi ,  qui  eft  l'Editeur, 
l'a  trouvée  parmi  les  Manufcrits  de 
la  Bibliothèque  Vaticane ,  ainfi  que 
plufieurs  autres   précieux    Monu- 
mens  dans  d'autres  Bibliothèques 
à  Rome  ,  à  Milan  ,  à  Vérone  &:  ail- 
leurs. On  s'eft  appliqué,  fur-tout 
à  purger  le  Texte  dans  une  infinité 
d'endroits,  qui  n'ont  à  prefent  au- 
cun fens ,  ou  qui  font  entièrement 
falfifiés.  On  peut  en  juger  par  le 
peu   de  corrections  alléguées    ici 
dans  la  Lettre  vingt  unième  écrite 
à  M.  de  Rubeis ,  &  qu'on  a  prifes  au 
hazard  &  fans  affecter  aucun  choix. 


l'A  RT  D'APPRENDRE  LA  MVSIQVE,  EXPOSE' 

d'une  manière  nouvelle  &  intelligible ,  par  une  fuite  de  Leçons  qui  Ce  fer- 
vent fuccejfivement  de  préparation  :  par  Ai.  V.  gravé  par  L.  Hué.  A  Pa- 
ris, chez  la  Veuve  Ribott  &  Pierre  Ribou  ,  vis-à-vis  la  Comédie  Fran- 
çoife  ,  à  l'Image  S.  Louis  :  le  Sieur  Boivin ,  rue  S.  Honoré  ,  à  la  Règle 
-d'or  :  le  Sieur  le  Clair ,  rue  du  Roule ,  à  la  Croix  d'or.  1733.  in  -foL 
pp.  82.  fans  la  Prétace. 


CE  n'eft  point  ici  un  nouveau 
Syftême  de  Mufique  ,  où  par 
des  routes  arbitraires  &c  le  plus  fou- 
vent  ou  fauffes  ou  très  -  embarraf- 
fées  on  fe  propofe  de  conduire  les 
Etudians  à  la  connoiffance  de  cet 
Art.  Ce  n'en  eft  uniquement  que 
le  Syftême  commun  le  le  plus  en 
ufage  aujourd'hui  ,  c'eft-à  dire  le 
Syftême  du  Si  que  l'on  a  fçû  ré- 
duire à  une  méthode  beaucoup 
plus  nette  &  plus  facile  ,  &  dont 
tous  les  principes  fe  trouvent  liés 
Avril, 


6c  enchaînés  fi  naturellement,  que 
les  premiers  une  fois  bien  conçus 
mènent  à  l'intelligence  de  ceux  qui 
fuivent  ,  &  ainfi  fuccefîîvement 
jufqu'à  la  fin.  C'eft  ce  que  M.  Va- 
gue ,  Auteur  de  cet  Ouvrage  ,  a  eu 
particulièrement  en  vue  ,  comme 
il  s'en  explique  lui  même  dans  fa 
Préface. 

Il  commence  donc  par  donner 

une  idée  claire  &  précife  du  fujet 

qu'il  entreprend  de  traiter  ;  enfuite 

il  définit   exactement  les  termes 

Pf 


î2o         JOURNAL    D 

qu'il  doit  employer  ;  après  quoi  il 
di vile  fon  fujet  en  toutes  les  par- 
tics  dont  il  cil  compofé  ,  Se  qu'il 
range  dans  l'ordre  le  plus  propre  à 
faire  fentir  la  liaifon  intime  de  ces 
:ntes  parties.  Enfin  il  prétend 
guider  (i  (virement  fon  Difciplc 
que  celui-ci  connoilTe  toujours  di- 
ftinctementew  .//*»<?/?,  combien  il  a 
gagné  de  terrain  3  &  combien  il  lui 
en  refle  encore  à  parcourir.  L'Au- 
teur compare  cette  Méthode  qu'il 
s'engage  a  fuivre  fcrupuleufement , 
avec  les  Méthodes  ordinaires  ;  de 
l'on  peut  dire  que  ce  parallèle  tour- 
ne fort  au  défavantage  de  celles-ci , 
par  les  défauts  effentiels  qu'on  y 
apperçoit.  L'Auteur  déclare  qu'en 
traçant  le  plan  qu'il  nous  prefente  , 
il  s'eft  fait  cette  loi  inviolable3de  fc 
mettre  toujours  à  la  place  des  Eco- 
liers 3  bien  loin  de  les  mettre  à  la 
lîenne.  Avec  de  pareilles  difpofi- 
tions  on  ne  peut  que  fe  rendre  très- 
intelligible.  Voici  donc  le  plan 
qu'il  s'eft  formé. 

Il  pofe  d'abord  pour  principe 
capital  ,  Que  toute  la  Mufique 
confifte  à  nommer  les  Notes  Mufî- 
cales ,  à  les  entonner  Sx  à  les  mefu- 
rer.  Cette  nomination  des  Notes  eft 
plus  aifée  que  l'intonation  ,  &  celle- 
ci  l'eft  beaucoup  plus  que  la  mefu- 
re.  Il  faut  donc  que  le  Maître  qui 
enfeigne  ces  trois  opérations,  com- 
mence par  la  plus  facile  pour  delà 
palTer  à  celles  qui  offrent  de  plus 
grandes  difficultez.  Mais  [  dira  t- 
on  ]  n'eft-ce  pas  aind  qu'en  ufent 
tous  les  Maîtres  ?  Pourquoi  donc 
(  répond  M.  Vague  )  les  Ecoliers  , 
.  même  avec  de  la  pénétration ,  re- 


ES    SÇAVANS, 

lient  -  ils  il  long-tems  à  s'inftruirc 
pleinement  de  la  nomination  des 
Notes  qui  au  tond  n'a  rien  de  diffi- 
cileîCela  ne  peut  venir  que  du  vice 
de  la  Méthode  qu'on  leur  tait  fui- 
vre pour  cette  nomination, 

L'Auteur  fait  obferver  que  cha- 
cune de  ces  trois  opérations  nom- 
mer j  entonner  Se  mefurer,  a  diverfes 
nuances  ,  c'eft  à-dire  plufieurs  for- 
tes de  difficultez,  qui  ne  doivent 
point  être  expofées  tout  de  fuite  , 
pour  éviter  l'embarras  ;  mais  qu'on 
doit  palTer ,  par  exemple  ,  des  pre- 
mières &  plus  faciles  leçons  de  la 
nomination  à  celles  de  même  genre 
qui  appartiennent  à  l'intonation  ,  5c 
de  celles-ci  aux  premières  concer- 
nant la  mefure  :  moyennant  quoi 
s'évanouiront  plufieurs  difficultez 
capables  de  troubler  &  de  rebuter 
des  Commençans  :  &c  ceux-ci  fen- 
dront plus  promptement  le  rap- 
port de  toutes  ces  parties  fonda- 
mentales de  l'exécution. 

C'eit  donc  conformément  à  des 
vues  fi  fenfées  que  M.  Vague  parta- 
ge d'abord  ce  qu'il  veut  nous  ap- 
prendre fur  les  trois  Opérations 
Muiîcales ,  en  autant  de  Chapitres 
qu'il  y  découvre  de  fortes  de  diffi- 
cultez. C'ell  à-dire  ,  qu'il  y  en  a 
trois  pour  la  nomination  ;  4  pour 
l'intonation  -,  &  3  pour  la  mefure. 
Mais  à  ce  premier  partage  en  fuecc- 
de  un  autre  ,  qui  forme  trois  Sec- 
tions ,  dont  la  première  comprend 
trois  Chapitres ,  qui  font  les  pre- 
miers de  la  nomination  de  l'intona- 
tion Se  de  la  mefure,  comme  les  plus 
aifés  à  mettre  en  pratique  :  la  fé- 
conde Section'  contient  les  féconds 


AVRI 

Chapitres  de  l'intonation  &  de  la 
mefure  ,  comme  plus  épineux  que 
les  pvécedens  :  enfin  la  troifiéme 
renferme  le  fécond  Chapitre  Si  le 
troifiéme  de  la  nomination  t  les 
deux  derniers  de  l'intonation  ,  &  le 
dernier  de  la  mefure  ,  comme  les 
plus  compliqués  &  en  confequence 
les  plus  difficiles.  Chacun  des  dix 
Chapitres  qui  compofent  ces  trois 
Sections ,  font  fubdivifés  en  plu- 
fieurs  articles ,  où  les  difficultez  fc 
trouvent  rangées  par  degrez.  En 
un  mot  ,  »  depuis  le  commence- 
»  ment  jufqu'à  la  fin  (dit  l'Auteur) 
»  tout  eft  lié  ,  tout  eft  nuancé  d'une 
«manière  fi  infenfible  ,  que  l'on 
»  pafTe  d'une  difficulté  à  l'autre, 
n  fans  prefque  s'appercevoir  d'au- 
a>  cune  refiftance. 

C'eft  ainfi  qu'il  s'efforce  ,  dans 
cette  Méthode  ,  à  remplir  fon  ob- 
jet ,  qui  eft  de  frayer  un  chemin  à 
ceux  qui  fouhaiteront  d'apprendre 
la  Mufique  fans  aucun  fecours  des 
Maîtres ,  ou  du  moins  de  fournir  à 
ceux-ci  des  moyens  plus  fûrs  &c  plus 
faciles  d'enfeigner  cet  art  ,  que 
ceux  qu'ils  ont  coutume  de  mettre 
en  œuvre.  Il  prie  les  Lecteurs  de 
ne  prononcer  fur  la  jufteffe  de  ce 
qu'il  avance  dans  cet  Ouvrage  & 
fur  le  fruit  qui  peut  refultcr  de  ce 
Syftème,  qu'après  l'avoir  mis  à  l'é- 
preuve fur  divers  fujets  ;  &  ils  con- 
noîtront  quel  jugement  ils  en  doi- 
vent porter ,  par  les  progrès  plus 
ou  moins  rapides  que  feront  ces 
Etudians  à  l'aide  de  ces  nouveaux 
fecours. 

La  nature  de  ce  Traité ,  comme 
l'on  voit ,  ne  le  rend  guéres  fufeep- 


L  ,     17  5  4;  221 

tible  d'un  Extrait  plus  détaillé. 
Cependant  nous  y  prendrons  quel- 
que morceau  que  nous  expofe- 
rons  plus  au  long. 

Comme  l'article  de  la  tranfpo/itio» 
eft  d'ordinaire  un  des  plus  embar- 
rafTans  pour  ceux  qui  étudient  la 
Mufique  :  l'Auteur  a  eu  foin  fur- 
tout  d'en  applanir  les  difficultez. 
Selon  lui ,  la  tranfpofïtion  dont  on 
fe  fait  un  monftre  ,  ne  l'eft  que  par 
imagination  ;  c'eft  (  dit-il  )  de  tou- 
tes les  connoiffànces  de  la  Mufi- 
que celle  dont  l'acquifïtion  eft  la 
plus  facile  :  un  peu  de  mémoire  & 
d'ufage  fuffit.  Cela  doit  raflurer 
des  Commençons  trop  difpofés  à 
s'effrayer  fur  les  feules  apparences. 
M.  Vague  expofe  les  trois  maniè- 
res de  chanter  par  tranfpofïtion 
ufitées  jufqu'à  prefent. 

La  première  confifte  à  entonner 
les  intervalles  qu'elle  indique  ,  fins 
changer  les  noms  que  la  clef  donne 
aux  Notes.  M.  Vague  ,  loin  d'a- 
dopter cette  manière,  la  regarde 
comme  impraticable  pour  un 
Commençant  ,  ou  comme  très- 
capable  de  déranger  &  de  boulever- 
fer  toutes  les  idées  acquifes  juf- 
qu'alors  fur  ï  intonation. 

Le  fécond  moyen  de  chanter  pan 
tranfpofïtion  ,  ainfï  que  le  troifié- 
me ,  ont  cela  de  commun ,  qu'il 
s'agit  dans  l'un  &  dans  l'autre  de 
trouver  des  nominations  convena- 
bles pour  marquer  les  intervalles 
que  demande  la  tranfpofïtion. 
Dans  le  premier  de  ces  deux  der- 
niers moyens  ,  on  propofe  d'ap- 
pelier  ut  la  Note  fondamentale , 
quand  le  ton  eit  majeur -,  &c  quand 
Ffij 


3.22.       JOURNAt   DE 

il  eft  mineur,  de  nommer  re  cette 
Note  fondamentale ,  dans  la  tranf- 
pofîtion  des  bémols  ,  Se  la  dans  celle 
des  diéfes.  Mais  [  félon  notre  Au- 
teur ]  ce  moyen ,  loin  de  conduire 
fûrement  au  terme  ,  peut  en  écar- 
ter ,  Se  n'y  fçauroit  mener  que 
ceux  qui  y  font  déjà  parvenus  : 
c'eft-làun  de  ces  moyens  ,  (  ajoûte- 
t-il)  qui  exigent  ,  pour  en  faire 
ufage  ,  des  connoiffances  qu'on  n'a 
pas  ,  Se  qui  deviennent  inutiles 
dès  qu'on  les  a. 

Enfin  la  troifiéme  manière  fc 
réduit  à  nommer/?  la  Note  qui  ré- 
pond au  diéfe  ou  à  l'un  des  diéfes 
placés  immédiatement  après  la  clef, 
&  à  nommer  fa  la  Note  qui  ré- 
pond au  bémol  ou  à  l'un  des  bémols 
mis  après  cette  clef  :  &  c'eft  à  ce 
dernier  moyen^comme  au  plus  faci- 
le ,  que  s'en  tient  M. Vague.  Il  n'eft 
plus  queftion  que  de  fçavoir  pré- 
cifément  auquel  de  tous  ces  diéfes 
Se  de  tous  ces  bémols  différemment 
fitués  après  la  clef  à  la  tête  de  la 
portée  eu  de  l'échelle  des  fons ,  on 
doit  donner  le  nom  dey?  &  le  nom 
de  fa.  Voici  fa  règle.  Quand  l'un 
ou  l'autre  de  ces  lignes  eft  unique  , 
il  n'y  a  nul  embarras  pour  le  choix: 
au  lieu  que  lorfqu'il  y  en  a  deux  , 
trois ,  quatre ,  cinq  ,  &c.  auquel 
donnera-t-on  la  préférence  ,  pour 
en  faire  un/?ou  un  fa  ?  Ce  fera  (  ré- 
pond l'Auteur  )  toujours  au  der- 
nier diéfe  Se  au  dernier  bémol  , 
quand  ils  font  plufieurs ,  fur  quoi 
nous  renvoyons  à  l'Auteur. 

On  verra  chez  lai  traitez  à  fond 
&  avec  la  même  exactitude  plu- 
sieurs autres  articles  concernant  la 


S    SÇAVANS; 

tranfpofitiotv,  tels  que  ceux  où  l'on 
examine  la  raifon  Se  la  neceffité  de 
cette  tranfpoiîtion  ,  Se  les  fruits 
qu'on  en  peut  recueillir  -,  l'article 
où  l'Auteur  expofe  un  Syftêmc 
qu'il  a  imaginé  pour  rendre  aifée  la 
nomination  des  leçons  en  tranfpofî- 
tion  ;  Syftême  qui  piroît  ingé- 
nieux ,  &c.  Nous  ne  fçaurions 
nous  étendre  fur  ces  divers  articles, 
ce  que  nous  en  dirions  ici  ne  pou- 
vant devenir  intelligible  qu'à  l'aide 
des  Notes  Muficales  ,  qu'il  fau- 
droit  mettre  fous  les  yeux  du  Lec- 
teur. 

11  doit  donc  recourir  au  Livre 
même  pour  en  mieux  apprétier  le 
mérite  ;  Se  nous  ne  fçaurions  trop 
inviter  les  amateurs  de  laMufique, 
lefquels  voudront  s'en  inftruirc 
foncièrement  Se  fans  beaucoup  de 
peine  ,  à  faire  ufage  de  la  nouvelle 
Méthode  que  leur  prefente  M.  Va- 
gue. Mais  nous  les  avertirons  en 
mêmetems  que  les  leçons  actuelles 
d'un  tel  Maître  leur  feront  très-uti- 
les pour  faire  difparoître  par  des 
explications  de  vive  voix  certaines 
diflîcultez,  que  la  feule  lecture  foû- 
tenue  même  de  quelques  reflexions 
ne  feroit  pas  toujours  capable  d'é- 
claicir 

Au  furplus  ,  nous  aurions  fort 
fouhaité  pouvoir  ici  rendre  compte 
de  plufieurs  DifTertations  de  l'Au- 
teur fur  divers  points  difficiles  de 
la  Mufiquc  ,  Se  deft inces  d'abord  à 
être  inférées  chacune  en  fon  rang 
dans  le  corps  de  l'Ouvrage  ,  puis 
renvovées  toutes  pour  plus  grande 
commodité  à  la  fin  de  ce  Volume 
Mais  comme  l'exemplaire  qui  eft 


AVRIL1;    1754-  31$ 

tombé  entre  nos  mains  ne  renfer-      plus    particulièrement    dans    ce 
moit  aucune  de  ces  DifTertations ,      Journal, 
nous  n'avons  pu  les  faire  connoître 

HISTOIRE  DES  EMPIRES  ET  DES  REPVBLIQVES, 
depuis  J.  C.  oit  l'on  voit  dans  celle  d'Egypte  &  d'Afie  la.  liaifon  de  l'Hiftoi- 
re  Sainte  avec  la  Profane ,  &  dans  celle  de  la  Grèce  le  rapport  de  la  Table 
Avec  l'Hifîoire.  1733.  A  Paris ,  chez  Simart ,  rue  S.  Jacques ,  au  Dau- 
phin ;  Jean  Nully ,  Grand'Salle  du  Palais,  &c.  in-it.  quatre  Volumes  | 
Tom.  I.  pp.  439.  fans  le  Difcours  Préliminaire  &  laTable  des  matières 
Tom.  II.  pp.  512.  Tom.  III.  pp.  502.  Tom.  IV.  pp.  520. 


NO U S  ne dillîmulerons  point 
que  le  grand  fuccès  qu'a  eu 
l'Hiuoire  Ancienne  de  M.  Rollin  , 
ne  forme  un  préjugé  fâcheux  con- 
tre l'Ouvrage  que  nous  annonçons 
aujourd'hui.  Il  femble  que  le  Pu- 
blic ait  épuifé  toute  fon  admiration 
en  faveur  de  cet  illuftre  Ecrivain, 
&  qu'il  ne  fe  foit  reiervé  qu'un 
fonds  de  mépris  ou  d'indifférence 
pour  tout  ce  qui  paroîtroit  après 
lui  dans  le  même  genre. 

Cependant  l'Auteur  fe  flatte  que 
!e  refpecl:  qu'on  a  pour  l'autorité 
même  par  laquelle  on  prétend  le 
condamner  ,  lui  fervira  de  justifi- 
cation. Il  n'entreprend  que  ce  que 
M.  Rollin  lui-même  auroit  fouhai- 
té  qu'un  autre  que  lui  eût  eu  le 
courage  &  la  patience  d'exécuter , 
&  ce  qui  n'a  même  jamais  été  fait , 
c'eft  à  dire  ,  de  développer  par  des 
Hiftoires  fuivies  &  particulières 
toutes  les  Monarchies  &  les  Repu- 
bliques qui  fe  font  rendu  célèbres 
dans  le  monde  depuis  le  Déluge 
jufqu'à  J.  C.  Travail  trop  obfcur  & 
trop  épineux  ,  dit  M.  Rollin,  To.  2. 
p.  488.  très-utile  néanmoins  pour  ceux 
fui  veulent  approfondir  /' Hiftoire, 


Ainfi  prononcer  qu'on  ne  peut 
écrire  fur  l'Hiftoirc  Ancienne  après 
M.  Rollin  ,  c'eft  aller  en  quelque 
forte  contre  Ces  intentions  ,  c'eft 
n'avoir  pas  pris  l'efprit  &  l'idée  de 
fon  Ouvrage ,  Se  ne  pas  connoître 
l'objet  qu'il  s'y  propofe.  Son  uni- 
que vue  ,  comme  il  ne  celle  de  le 
repeter  ,  eft  de  former  l'efprit  &  le 
coeur  de  la  jeunefîc  par  la  ledure 
des  Anciens,  d'infpirer  à  ce  qu'il 
appelle  fes  jeunes  gens  des  mœurs  & 
des  fentimens  en  leur  propofant 
les  plus  beaux  endroits  de  l'Hiftoi- 
rc  ,  &  en  les  rendant  auffi  interef- 
fans  qu'inftru&ifs  fur  les  fré- 
quentes &  judicieufes  reflexions 
qu'il  y  fait  entrer. 

Ce  plan  n'exigeoit  donc  de  lut 
que  des  exemples,  de  grands  traits 
fufccptibles  d'inftrudion  ,  qu'il 
falloit  néanmoins  lier  &  enchaîner 
les  uns  aux  autres  pour  les  faire  li- 
re avec  plaifir.  Mais  par  la  même 
raifon  il  s'eft  crû  difpenfé  de  re- 
monter jufqu'à  ces  ficelés  obfcurs 
qui  préfentent  peu  d'occafions  de 
donner  des  préceptes  de  morale 
Se  où  il  eft  très-difficile  de  placer 
les  faits ,  fans  fe  jetter  dans  uu  tî?.- 


224  JOURNAL  D 

vail  rebutant  par  les  difcuflîons.,les 
recherches  ,  Se  les  combinaifons 
infinies  ,  qu'il  demande  neceflaire- 
ment.  C'eft  néanmoins  ce  que  doit 
trouver  dans  un  Ouvrage  tout  Lec- 
teur qui  veut  fçayoir  (î  nous  ofons 
ainh  nous  exprimer  \!  Hiftoire  An- 
cienne a  Se  non  Amplement  des 
Hiftoircs  Anciennes. 

Il  faut  donc  regarder  ['Hiftoire 
Ancienne  &  l'Hftoire  de*  Empires 
comme  deux  Ouvrages  d'un  carac- 
tère entièrement  différent ,  Se  qui 
par  confequent  peuvent  avoir  des 
avantages  qui  leur  font  particuliers. 
M.  Rollin  a  celui  de  la  morale  Se 
des  reflexions.  Le  nouvel  Ecrivain 
aurait  peut  être  celui  de  l'ordre  & 
de  l'exaditude.  Il  prend  l'Hiftoirc 
dans  fon  origine  ,  ou  au  Déluge  ,  Se 
la  continue  depuis  ce  tems-là  fans 
interruption, au  lieu  que  M. Rollin, 
àl'exemple  deM.Prideaux3dans  Ion 
Hiftoire  des  Juifs ,  ne  commence 
l'Hiltoire  d'Aite  qu'environ  700 
ans  avant  J.  C.  Se  pour  ce  qui  re- 
garde l'Hiftoire  Grecque  ,  il  ne  re- 
monte guéres  plus  loin  que  n'a  fait 
Plutarque  dans  fes  Vies  des  Hom- 
mes Illuitres. 

Que  deviennent  donc  les  mille 
ans  Se  au-delà  de  ce  qu'on  appelle 
les  tems  fabuleux  ,  héroïques  }  ou  in- 
connus ?  Ils  font  cependant  très-in- 
tereffans  ,  puifqu'ils  renferment 
tout  le  corps  de  la  Fable  ,  Se  même 
une  Hiftoire  réelle  qui  en  eft  le 
fondement.  C'eft  ce  que  notre  Au- 
teur a  traité  dans  un  ordre  fuivi  de- 
puis l'origine  de  la  Mythologie  juf- 
qu'aux  tems  Hiftoriques.  Il  fuit 
voir  par-tout  le  rapport  de  la  Fable 


ES  SÇAVANS, 

avec  l'Hiftoirc  ,  avouant  que  fur 
ce  point  il  a  profité  du  travail  Se 
des  conjectures  de  M.  l'Abbé  Ban- 
nier  qu'il  cite  fouvent ,  Se  il  mon- 
tre que  les  fictions  des  Poètes  font 
conformes  au  recit  des  Hiftoriens. 
Toute  Hiftoire  qui  ne  commence 
donc  que  vers  ces  derniers  liécles , 
laifle  un  vuide  réel  ,  Se  très-cm- 
barraffant,  parce  qu'elle  prefente 
fans  ce  (Te  des  traits  dont  l'intelli- 
gence dépend  de  ce  qu'on  a  laifle 
derrière  foi.  Chez  notre  Auteur  la 
Fable  fait  d'autant  plus  de  plaifir 
qu'on  peut  dire  qu'elle  y  a  du 
corps  ,  Se  qu'elle  y  paroît  pour  la 
première  fois  dans  fon  ordre  Chro- 
nologique. 

M.  Rollin  ,  pour  fuivre  fa  Mé- 
thode qui  eft  de  rapporter  feule- 
ment les  faits  dont  il  peut  tirer 
quelque  inftructionpourla  jeunef- 
fe  ,  ne  s'embarrafle  point  de  fuivre 
exactement  la  Chronologie  ,  Se 
par-là  s'eft  vu  contraint  de  laifler 
l'Hiltoire  Si  les  Rois  d'Egypte  dans 
une  obfcurité  entière  pendant  près 
de  izoo  ans.  Sans  y  mettre  aucune 
datte  ,  fans  parler  feulement  de 
Dvnaftie,  il  ne  donne  qu'environ 
la  quatrième  partie  de  la  fuite  de 
ces  Princes  ,  telle  qu'il  l'a  trouvée 
dans  Hérodote  Se  dans  Diodore. 
L'Auteur  de  i'Hiftoire  des  Empires 
s'eft  appliqué  particulièrement  à 
cet  objet.  Il  range  tous  les  Rois  de 
cette  Monarchie  fuivant  leurs  Dy- 
naftics  ou  Principautez  ,  fournit  les 
preuves  de  tout  ce  qu'il  avance  par 
la  convenance  Se  le  rapport  de  cette 
Hiftoire  avec  celle  du  Peuple  de 
Dieu  ,  Se  porte  la  Chronologie  de 


A  Y  R  I 

«et  Empire  jufqu'au  tcms  d'Abra- 
ham &  même  au-delà  ,  ce  qui  n'a- 
voitpas  encore  paru  d'une  manière 
qui  pûtfe  concilier  avec  la  fuppu- 
tation  du  Texte  Hébreu  que  l'Au- 
teur fuit  ici  préfcrablemcnr  à  celui 
des  Septante.  On  peut  voir  les  rai- 
lons  de  cette  préférence  dans  le 
Difcours  Préliminaire  ,  auffi  bien 
que  celles  qui  l'engagent  à  aban- 
donner la  Chronologie  d'Uiîerius 
fur  ce  qui  regarde  le  commence- 
ment d'Inachus  premier  Roi  d'Ar 
gos  ,  &  à  fe  frayer  fur  ce  point  une 
route  particulière  dans  les  Hiftoires 
d'Egypte ,  d'Aiie  &  d'Argos. 

Quelque  important  qu'il  foit 
d'appercevoir  la  liaifon  de  l'Hiitoi- 
re  Sainte  avec  l'Hiftoire  Profane  , 
c'eft  encore  un  point  auquel  M. 
Rollin  n'a  point  touché  ,  &  que 
notre  Auteur  s'eft  propofé  d'éclair- 
cir.  Comme  il  n'eft  perfonne  qui 
en  lifant  les  Livres  Saints,  n'y  trou- 
ve de  l'obfcurité  par  le  mélange 
des  évenemens  arrivés  dans  les  Mo- 
aarchies  étrangères  dont  il  eft  parlé 
à  chaque  page  dans  les  Ecris  desPro- 
phétes ,  notre  Auteur  n'a  rien  ou- 
blié pour  trouver  cette  liaifon  ,  & 
le  fécond  Volume  eft  employé  tout 
entier  pour  en  lever  les  difficiiltez. 
Par-là  il  embralTe  également  le  Sa- 
cré &  le  Profane,  conduifant  l'Hi- 
ftoire des  Juifs  depuis  la  création 
du  monde  jufqu'a  1  etablilTement 
de  l'Eglife  ,  Se  celle  des  Payens  de- 
puis l'origine  de  l'Idolâtrie  jufqu'à 
la  deftruction  par  la  promulgation 
de  l'Evangile. 

On  peut  donc  regarder  l'Hiftoire 
des  Empires  comme  une  Introduc- 


L»    *73  4'  225 

tion  à  la  lecture  des  Livres  Saints 
à  celle  de  l'Hiftoire  Ecclefialtique  \ 
à  l'étude  des  premiers  Pères  de  l'E- 
glife, &  fur-tout  des  Apologiftes  de 
la  Religion  Chrétienne  qui  ayant 
entrepris  de  faire  voir  le  faux  &lc  ri- 
dicule du  Paganifme  ont  rempli 
leurs  Ouvrages  des  dogmes  &  des 
fables  qui  avoient  cours  parmi  les 
Idolatres.Cet  Ouvrage  répand  auffi 
beaucoup  de  lumière  fur  l'Hiftoire 
Romaine.  Car  depuis  que  les  Con- 
quêtes des  Romains  leur  eurent 
ouvert  l'entrée  de  l'Egypte  ,  de  la 
Grèce  ,  &  de  l'Afie  ,  ils  en  adoptè- 
rent le  Politheifme  :  la  plupart  des 
Divinitez  de  l'Orient  eurent  leurs 
Autels  dans  Rome  un  fiécle  avant 
la  Naiflance  de  J.  C.  Or  c'eft  à 
l'Hiftoire  de  la  Grèce  qu'il  faut 
avoir  recours  pour  connoître  cette 
nouvelle  Mythologie.  Tous  avan- 
tages qu'on  doit  d'autant  moins 
chercher  dans  l'Hiftoire  ancienne 
que  le  delTein  de  l'Auteur  ne  lui 
permettoit  pas  de  les  y  raffembler. 
Enfin  la  Méthode  de  ces  deux 
Ouvrages  eft  toute  différente.  M. 
Rollm  fait  un  Paragraphe  fur  l'Hi- 
ftoire d'Egypte,  un  autre  fur  l'Afie, 
un  autre  fur  Athènes ,  un  autre  fur 
Lacédémone ,  un  autre  fur  ia  Thra- 
ce  \  puis  il  revient  d'où  il  eft  parti 
d'abord  ;  en  forte  que  le  Lecteur  , 
après  quatre-vingt  ou  cent  pages,eft 
obligé  de  revenir  fur  fes  pas ,  Se  de 
fe  rappeller  en  quel  état  il  a  laifte 
le  fujet  dont  il  va  reprendre  la  lec- 
ture. Notre  Auteur  nous  donne 
chaque  Hiftoire  en  particulier,  il 
la  fuit  par  le  fil  d'un  même  dif- 
cours jufqu'à  la  fin  ,  Se  en  montre 


256  JOURNAL  DES  SÇAVANS, 

ainfi  fous  un  même  point  de  vue         II  avertit  aullî  que  dans  quelques 


l'origine  ,  le  progrès  ,  les  affoiblif- 
femens  &  la  décadence ,  &  pour  les 
rapprocher  toutes  l'une  de  l'autre  , 
il  a  fait  imprimer  en  même  tems 
deux  grandes  Cartes  Chronologi- 
ques ,  &  relatives  à  fon  Ouvrage  , 
où  l'on  voit  la  naiftance  ,  l'étendue 
&c  la  deftm<5tion  des  Empires  fiécle 
par  fiécle ,  &  leur  concours  réci- 
proque, en  forte  que  de  quelqu'an- 
née  que  vous  parliez,  iln'eft  per- 
fonne  qui  ne  puilfe  vous  dire  dans 
l'inftant  quel  Prince  regnoit ,  ou  ce 
qui  fe  pafloit  dans  chaque  Etat  du 
monde. 

Nous  pourrions  encore  pouffer 
plus  loin  le  parallèle  ,  mais  nous 
nous  contenterons  fimplement  de 
dire  que  ces  deux  Ouvrages  fe  ref- 
femblent  fi  peu  tk  pour  le  plan  & 
pour  l'exécution  ,  qu'en  général 
il  nous  paroît  impoiîîblc  qu'on 
puifle  jamais  les  louer  ou  les  criti- 
quer tous  deux  par  les  mêmes  en- 
droits. 

Mais  nous  n'oublierons  pas  que 
notre  Auteur  témoigne  par-tout 
une  très  -  grande  vénération  pour 
M.  Rollin.  »  Il  eft  peu  d'hommes, 
»  dit-il ,  dans  notre  fiécle  ,  dont  la 
»  réputation  foit  auffi  univerfelle  , 
u  &  mieux  établie.  Son  rare  méri- 
»te  ,  &c  les  titres  dont  il  eft  reve- 
»  tu  ,  me  fourniroient  une  abon- 
»  dante  matière  pour  fon  éloge  , 
»  mais  fa  Religion  qui  le  rend  en- 
»core  plus  grand ,  n'aimeroit  point 
»  à  l'entendre  ,  je  le  ferois  néan- 
»  moins  d'autant  plus  volontiers , 
»  ajoûte-t-il,  que  j'ai  reçu  plufieurs 
»  fois  des  marques  de  fa  bienveil- 
v  lance. 


endroits  on  le  trouvera  femblable 
pour  les  expreffions  à  M.  Rollin  , 
mais  uniquement  parce  qu'ils  ont 
l'un  8c  l'autre  puifé  dans  les  mê- 
mes fources.  Avec  cette  différence 
cependant  que  »  lorfqu'il  fait  ufa- 
»  ge  de  la  traduction  des  Vies  de 
=  Plutarque  par  M.  d'Acier  ,  & 
*»  quelquefois  de  celles  de  M.  d'A- 
»  blancourt ,  c'eft  avec  plus  de  pré- 
caution ,  ayant  toujours  le  Grec,' 
»  le  Latin  devant  les  yeux  ,  car  il 
»les  altère,  dit-il ,  à  tout  inftant. 
»  Il  fe  donne  la  licence  d'avancer  , 
»  ou  de  retarder  les  circonftances 
»>  de  fa  narration  comme  il  le  juge  à 
■b  propos  ,  en  forte  qu'on  pourrois 
»  les  nommer  Thucydide  ,  Xéno- 
»  phon  ,  &c.  retouchés  par  dA- 
»  blancourt. 

L'Auteur  ne  donne  à  prefent  que 
quatre  Volumes  pour  fe  conformer  t 
dit-il ,  au  goût  du  public ,  mais  il  en 
promet  de  fix  mois  en  fix  mois 
deux  autres  jufqu'à  la  concurrence 
de  dix.  Nous  allons  donner  au- 
jourd'hui une  idée  du  premier  Vo- 
lume qui  conrient  l'Hiftoire  des 
Egyptiens  ,  &  nous  parlerons  des 
trois  aurres  dans  les  Journaux  fui- 
vans. 

»  La  plus  belle  partie  de  l'Hi* 
»  ftoire  Ancienne  eft  celle  de  l'E- 
"  gypte>  Tout  y  eft  curieux  ou  in- 
»tereflant;  le  plaifir&  l'inftruction 
»y  occupent  alternativement  l'ef- 
»  prit  du  Lecteur.  Les  Rois,  les 
»>  Prêtres  ,  les  Particuliers  ,  les 
»  Loix  ,  les  Coutumes  ,  les  Villes , 
»la  Terre  ,  les  Fruits ,  les  Animaux 
»  &  les  Fleuves  font  autant  de 
»merveiljc$ 


AVR 

»  merveilles  qui  demandent  pour 
»  ainft  dire  d'être  tenues  &  confi- 
wderées  avec  attention  ,  il  faut 
»  donc  les  examiner  les  unes  après 
»  les  autres  ,  avant  que  d'entrer 
»  dans  l'Hiltoirc  de  la  Monarchie. 
>»  Je  renferme  le  tout  fous  deux  ar- 
ticles,  la  Géographie  du  Pays  Se 
»  la  connoi (Tance  des  mœurs. 

L'Auteur  rapporte  ce  qu'il  a 
trouvé  de  plus  curieux  fur  cette 
matière  dans  les  Auteurs  tant  an- 
ciens que  modernes  ,  Se  fans  pré- 
fumer  qu'on  doive  l'en  croire  lur 
fa  parole  ,  il  indique  fcrupulcu- 
fement  toutes  les  fources  dans  ltf- 
quclles  il  a  puifé.  Il  a  pris  cet  en- 
gagement dans  fon  Difcours  Préli- 
minaire  ,  Se  il  le  tient  hdelement 
dans  le  cours  de  fon  Hiftoire. 

En  parlant  du  Culte  fuperfti- 
ticux  Se  extravagant  que  les  Egyp- 
tiens rendoient  à  certains  Ani- 
maux ,  Se  en  particulier  du  Bouc 
qui  étoit  adoré  à  Mendez  Se  des 
horreurs  qui  étoient  une  fuite  de 
cette  Idolâtrie  ,  l'Auteur  fait  une 
reflexion  que  nous  tranferirons  ici 
pour  donner  encore  un  échantil- 
lon de  fon  ftile  ,  Se  pour  faire  con- 
noître  l'efprit  Se  le  caractère  qui 
règne  dans  cette  Hiftoire. 

»  On  dira  peut  être  que  je  terois 
»  beaucoup  mieux  de  laiffer  ces 
"abominations dans  le  honteux  fi- 
»  lence  qu'elles  méritent  que  d'en 
»  rcnouveller  le  fouvenir;  mais  je 
»  ne  le  fais  pas  fans  raifon  ,  Se  j'ef- 
»  père  que  la  droiture  de  mes  vues 
»  me  fera  trouver  grâce.  Mon  def- 
»  fein  eft  de  prévenir  le  Lecteur 
v  contre  le  feutiment  pernicieux 
Avril. 


IL,    I754;  22J 

»dc  quelques  Ecrivains,  qui  ont 
»  ofé  dire  ,  que  le  culte  des  Idoles 
»  étoit  relatif  aux  perfections  du 
»  Créateur  ;    que  l'on  adoroit  (bus 
»  differensfymboles,  fa  puiffance 
»  dans   Jupiter  ,    fa   juftice    dans 
»  Thémis ,  fa  fageffe  dans  Minerve 
*>  &:  autres  femblables  ,  Se  par  ce 
»  moyen  ils  difculpent  les  Idolâtres 
»  Se  l'Idolâtrie.    Qu'on    me  dife 
»  donc  par  quel  effort  d'efprit ,  011 
"d'une  charité  mal  entendue ,  on 
«  pourrait    exeufer     Héliopolis 
»  Memphis ,  Mendés ,  Cyfthére  &: 
»  tant  d'autres  î    ou  comment  un 
»  Auteur  moderne  qu'il  ne  nomme 
»  point  ,    refpectahle   d'ailleurs  , 
»  ajoute. t- il ,  par  fa  vafle  érudirion, 
>>  peut  s'écrier  :  ch  !  que  ne  puis-je 
»  exeufer  tous  mes  frères  ? 

L'autre  motif  qu'il  fe  propofe 
en  racontant  ces  horreurs  du  Pa- 
ganifme.  »  C'eft  de  rappeller  le 
»  Lecteur  à  fon  propre  cœur  ,  Se  de 
»  reveiller  en  lui  les  fentimens  de 
»  la  plus  jufte  reconnoiffance  ■  ou- 
»  vrant  fous  fes  yeux  le  précipice 
»dont  il  a  été  tiré.  Car  malheur, 
»  continue-t-il ,  à  ceux  qui  n'écri- 
»  vent ,  ou  ne  lifent  que  pour  con- 
»  tenter  leur  efprit.  La  Religion  elt 
>>  le  terme  où  il  faut  tout  rappel- 
ât 1er ,  Se  elle  nous  enfeigne ,  &c. 

Le  dernier  article  de  cette  intro- 
duction roule  fur  l'ordre  Se  la  fuc- 
cefïion  des  Dynafties  ou  familles 
Royales.  Quelque  difficile  qu'il  pa- 
roiffe  d'abord  de  rien  dire  qui  fatis- 
faffe  fur  cette  matière  par  différen- 
tes raifons  que  l'Auteur  allègue  ,  & 
qui  font  connues  des  Sçavans  ,  il 
montre  néanmoins  qu'au  travers  de 


sa8  JOURNAL   DES  SÇAVANS, 

tes  obfcuritez  on  ne  laifle  pas  d'ap-  C'eft  à   cette   Epoqu 

d 


percevoir  certains  rayons  de  lumiè- 
re qui  font  connoître  aux  efptits 
attentifs  U  tems  &  la  place  de  quel- 
ques Rois  d'Egy}He  ,  &  par  un:  con- 
séquence necejpure  la  place  de  plu- 
sieurs autres.  Ce  fujet  le  met  dans  la 
r.eceflîté  d'entrer  dans  des  difeuf- 
iions  Hiftoriques  &  Chronologi 


cette  tpoque  ,  félon 
l'Auteur  ,  qu'on  voit  difparoître 
ces  épaifles  ténèbres  qui  ont  enve- 
loppé jufqu'ici  les  commencemens- 
de  cette  Monarchie.  Les  dirncultez 
qui  pourroient  refter  lui  paroiffent 
de  peu  d'importance  ,  &  il  promet 
de  les  lever  pot  la  liailon  que  cette 
Hiftoire  aura  déformais  avec  celle 


eues  qu'il  faut  lire  dans  l'Ouvrage  du  Peuple  de  Dieu, 
même  ce  qu'il  y  dit  de  RamelTés-  Le  fécond  Livre  contient  la  fui- 
Miamum  ayeul  de  Sefoftris  eft  un  te  de  la  première  Dynaftie  ,  & 
point  de  Chronologie  qui  n'a  pas  commence  au  règne  d'Àménophis 
été  développé  ,  à  ce  qu'il  prétend,  fils  de  Thmofis  II.  ce  Prince  doit 
par  nos  meilleurs  Ecrivains  ,  &  être  regardé  comme  un  des  plus 
qu'il  fe  flatte  d'avoir  d'autant  plus  grands  Conqucrans  de  l'Antiquité, 
heureufement  éclairci ,  qu'il  expli-  pourvu  toutefois  que  les  anciens  ne 
que  naturellement  le  paflage  de  la  Payent  pas  confondu  avec  quel- 
Genéfe  ,  où  il  eft  dit  que  quand] a-     qu'autre  Prince  de  ce  nom  que  nous 

ne  connoiflons  pas,  »  il  mourut 
»  dans  le  fein  de  la  gloire ,  &  alla 
»  éprouver  jufque  fur  le  Thrônp 
»  de  fon  orgueil  ,  je  veux  dire 
»  (  c'eft  l'Auteur  qui  parle  )  h  ri- 
»  che  merveille  de  fon  Maufôlêé  , 
y>  combien  font  vaines  Se  fragiles 
»  les  louanges  qui  ne  viennent  que 
>»des  hommes. 

On  ne  connoit  que  les  noms  & 
la  durée  des  règnes  des  fix  ou  fept 
Princes  qui  le  fuivirent  immédia- 
te, on  n'en  fait  même  ici  aucune 
mention.  Ce  vuide  renferme  près- 
d'un  fiécle  jufqu'à  Ramefl~és-Mia- 
mum  ,  qu'on  compte  pour  le  hui- 
tième qui  occupa  lcThrône  après 
Aménophis.  RamelTés  régna  é^ans 
deux  mois ,  &  féroit  auffi  peu  con- 
nu que  fes  prédecelïeurs  ,  fi  l'Ecri- 
ture ne  fuppléoit  au  filence  des 
Monumens  Profanes  fur  ce  qu'il 
y  a  de  remarquable  dans  la  Vie  de 


ceb  arriva  en  Egypte  avec  tous  fes 
enfans  ,  Jefeph  leur  donna  la  terre  de 
Gejfenfurr.ommée RameJJés.  Explica- 
iion  qui  lui  fert  d'une  puiflante 
preuve  pourautorifer  l'ordre  qu'il 
garde  entre  les  Dynafties. 
Après  ce  Préliminaire  il  entre  dans 
Je  détail  &  dans  la  fuite  de  l'Hiftoi- 
re  d'Egypte  il  la  divifeen  8  Livres. 
Le  premier  comprend  les  dix-huit 
premières  Dynafties  des  Egyp- 
tiens, depuis  Mefraim  ou  Menés  , 
jufqu'à  Thmofis  fils  de  Mifphrag- 
mutofis.  C'eft  fous  ce  règne  qu'arri- 
va ,  félon  notre  Auteur,  l'expul- 
fion  des  Rois  Pafteurs  ,  car  s'il  fal- 
loit  placer  cet  événement  fous  le 
règne  de  Thmofis  premier  -,  il  faa- 
droit  encore ,  dit-il ,  faire  remonter 
i'entrée  des  Pafteurs  en  Egypte  de 
129  ans,  éc  qui  conduiroitau  rems 
4'Athotis  le  premier  des  quatre  fils 
ée' Menés  &  le  Chef  de  h  Dynaftie 
des  ThébainS- 


AVRI 

ce  Prince  ;  c'eft  ,  félon  notre  Au- 
teur ,  l'entrée  de  Jacob  avec  fa  fa- 
mille en  Egypte  qui  arriva  l'an  du 
monde  3008.  1701?.  avant  J.  C.  ôc 
la  29e  du  règne  de  Ramelfcs.  Il  trai- 
ta favorablement  les  enfans  de  Ja- 
cob, Se  ils  ne  furent  perfécutés 
que  fous  le  règne  de  Sefoftris  nom- 
mé aufll  Sefoofis ,  Sethos ,  Sezon- 
cholîs  ,  Chef  de  la  dix-neuvième 
Dynaltic,  que  quelques  Sçavans , 
dit-il ,  ont  confondu  mal  à-propos 
avec  le  Sezac  de  Salomon.  Il  pré- 
tend auiîi  ,  contre  le  fentiment 
d'Ufferius ,  du  P.  Petau  ,  de  Dom 
Pezron  ,  de  Mefîîeurs  Boffuet  , 
Dupin ,  Bannicr  ,  Rollin  &  autres, 
qu'Armais  frère  de  Sefoftiis  qui  fe 
révolta  contre  lui ,  n'eft  pas  le  mê- 
me que  Danaiis  qui  fut  obligé  l'an 
r5.i1.  avant  l'Ere  Chrétienne  j  de 
quitter  l'Egypte  &c  de  fe  retirer  au 
Péloponnéfe  :  »  les  Hiftoriens  va- 
■o  rient  extrêmement  fur  le  nom  de 
»  fon  Succedeur  Hérodote  le  nom- 
»  me  Phéron.  Par  où  ,  félon  la  con- 
=j  jec~ture  de  notre  Auteur  ,  il  a  fans 
*>  doute  voulu  dire  Pharaon  ;  Dio- 
»  dore  l'appelle  Sefoftris  II.  Mané- 
»  thon  dans  le  Syncelle  ,  dit  Amé- 
»  némes  ;  &  dans  Jofcphe  Rham- 
»  pfés  ;  Jules  AfTricain  ,  dont  on 
»  fuit  ici  l'ordre  pour  cette  Dyna- 
»  ftie,  le  nomme  de  même. 

On  verra  dans  l'Auteur  de  quelle 
manière  il  arrange  les  principaux 
evenemens  qui  arrivèrent  aux  Ifraë- 
lites  jufqu'à  leur  délivrance  mira- 
culeufe  qu'il  place  fous  le  règne 
d'Amenophis  II.  l'an  du  monde 
2513.  1491.  avant  la  Naiffance  de 
jf.  C.  c'eft  par  cette  célèbre  Epoque 


qu'il  termine  le  fécond  Livre. 

Dans  le  troifiéme  &  dernier  LU 
vre  l'Auteur  continue  la  fuite  de  I4 
dix  neuvième  Dynaftie  des  Egyp- 
tiens. Il  attribue  l'aviliffement  où 
elle  tomba  au  trifte  état  où  la  ven- 
geance divine  avoit  réduit  cette 
Monarchie.  Il  eft  vrai  que  les  Hi- 
ftoriens Profanes  ne  difent  rien  des 
raifons  qui  jetterent  l'Egypte  &fes 
Princes  dans  l'indolence  &  dans  la 
langueur  ,  »  mais  comme  ils  n'ont 
»  puifé  ,  dit  -  il ,  leurs  Mémoires 
»  que  dans  les  Annales  des  Prêtres  , 
»  il  n'eft  pas  étonnant  qu'ils  n'y  en 
»  ayent  trouvé  aucun  veftige  ;  ces 
«traits  étant  trop  odieux  pour 
»  qu'on  en  eut  voulu  tranfmettre  le 
»  fouvenir  à  la  pofterité. 

Cet  Etat  reprit  cependant 
une  partie  de  fon  luftre  fous  la 
Dynaftie  fuivante  dont  on  ne  nous 
apprend  point  l'origine.  On  ne 
fçait  non  plus  ni  pour  quel  fujet,  nj 
à  quelle  occalîon  le  Thrône  de 
l'Egypte  fut  transteré  dans  la 
vingt-unième  Dynaftie  à  Tanis  Vil- 
le de  la  petite  Diofpole. .  Dans  les 
Dynafties  fuivantes  on  le  voit 
pafter  fuccellivcment  à  différentes 
Villes  comme  à  Bubafte  ,  à  Sais  &: 
même  fous  la  domination  des 
Ethiopiens.  Ce  fut  fous  leur  Dyna- 
ftie, qui  eft  la  vingt-cinquième,  & 
dont  notre  Auteur  fixe  l'ordre  tout 
différemment  d'UlTerius  &  de  Pri- 
deaux ,  que  commencèrent  à  s'ac- 
complir les  malheurs  prédits  à  l'E- 
gypte par  Ifaye.  Ces  paroles ,  dit 
l'Auteur  ,  qui  pourroiem  peut  -  être 
avoir  quelque  chofe  d'obfcur  t  vont  de- 
venir claires  &  faciles  a  entendre  fat 


*jo  JOURNAL   D 

la  lumière  de  l'Hiftoire.  Il  rapporte 
donc  les  Prophéties  d'Ifaïe  ,  auftî- 
bien  que  celles  de  Jeremie ,  &  mê- 
me fort  au  long  ,  toutes  les  lois 
qu'elles  lui  paroiiTent  avoir  quelque 
liaifon  avec  l'Hiftoire  de  l'Egypte. 
11  dit  dans  fon  Difcours  Préliminai- 
re »  que  le  récit  de  ces  endroits  d'I- 
x  faïe  &dejeremic  a  été  jugé  bon  Se 
»  neceflaire  par  quelques  uns  Se  que 
»  les  autres  l'ont  regardé  comme 
:»  fuperflu  ,  &  hors  d'oeuvre. 

On  pourra  voir  en  particulier 
fous  le  règne  d'Amafis  la  manière 
dont  l'Auteur  les  accommode  à  fon 
fujet ,  quoiqu'il  obferve  en  même 
tems  qu'on  ne  trouve  dans  les  an- 
ciens aucune  trace  ni  aucun  veftige 
des  calamitez  prédites  à  l'Egypte 


ES   SÇAVANS, 

par  les  Prophètes  [  p.  385].  Si  ce 
n'en:  fous  la  trentième  &  dernière 
Dynaftie  ,  où  l'an  du  monde  3644. 
3  50  ans  avant  J.  C.  comme  il  avoit 
été  annoncé  plus  de  100  ans  aupa- 
ravant par  le  Prophète  Ezechiel ,  le 
grand  Empire  des  Egyptiens  fut 
entièrement  détruit  par  la  défaite 
de  Nectanélc  qui  en  fut  le  dernier 
Roi.  Depuis  ce  tems  l'Egypte  fut 
réduite  au  nombre  des  Provinces 
de  Perfcs  pendant  les  19  ans  que 
dura  encore  cette  Monarchie. 

Comme  cet  Ouvrage  nous  a  pa- 
ru digne  de  l'attention  des  Sçavans, 
nous  ne  manquerons  pas  de  rendre 
compte  du  fécond  Volume  dans  le 
prochain  Journal. 


HISTOIRE    DES    ROIS     DE    POLOGNE    ET   DV 

Gouvernement  de  ce  Royaume ,  oit  l'on  trouve  un  détail  très  -  circonftancit 
de  tout  ce  qui  s'eft  pajjè  de  plus  remarquable  fous  le  règne  de  Frédéric- 
jiugufte  ,  &  pendant  les  deux-  derniers  Interrègnes  :  par  M.  A4*  *  *. 
A  Amiterdam  ,  chez  François  MHonorè.  1753.  tn-n.  4.  vol.  &  fe  trou- 
ve à  Paris ,  chez  Gijfey  ,  rue  de  la  vieille  Bouderie ,  &  Ofmont  ,  rue 
S.  Jacques. 


LE  principal  objet  de  cet  Ou- 
vrage eft  l'Hiftoire  de  Frédé- 
ric-Augufte  dernier  Roi  de  Pologne 
Se  Electeur  de  Saxe  ,  qui  compo- 
fe  le  fécond  &  le  troihéme  Volu- 
me qui  font  chacun  beaucoup  plus 
gros  que  le  premier.  Mais  comme 
pour  bien  entendre  cette  Hiftoiie  , 
il  faut  avoir  une  idée  de  la  forme 
du  Gouvernement  de  la  Pologne  , 
Se  de  l'Hiftoire  générale  de  ce 
Koyaume  :  l'Auteur  a  cru  qu'il  fe- 
roit  à  propos  de  faire  précéder 
l'Hiftoire  de  Frédéric  d'un  Traité 


fur  le  Gouvernement  de  la  Polo- 
gne Se  du  grand  Duché  de  Litua- 
nie ,  Se  d'un  abrégé  de  l'Hiftoire 
de  Pologne  ,  jufqu'à  la  mort  de 
Jean  Sobieski.  Quoiqu'on  femble 
annoncer  dans  le  titre  ,  l'Ouvrage 
entier  comme  nouveau  ,  ce  premier 
Volume  avoit  été  imprimé  pour  la 
première  fois  à  Amfterdam  en 
1698. 

A  l'égard  de  l'Hiftoire  de  Frédé- 
ric -  Augufte  ,  les  difterens  évene- 
mens  des  guerres  que  ce  Prince  a 
eu  à  foûtenir  contre  Chaiks  XII. 


A  V  R  I 

Roi  de  Suéde  ,  contre  les  Litua- 
niens ,  &  même  contre  ceux  d'en- 
tre les  Polonois  qui  fe  fontfouvent 
déclarés  contre  lui,  la  rendent  très- 
inierelTante,les  dietestenues  au  fujet 
des  troubles  &  des  divifions  dont 
la  Pologne  a  été  agitée  pendant  fon 
règne  ,  les  differens  Manifeftes  qui 
ont  été  publiés  en  faveur  de  ce 
Prince,  ou  contre  lui  ôc  les  diffe- 
rens Traitez  aufquels  ces  guerres  S: 
ces  troubles  intérieurs  ont  donné 
(ieu  ,  méritent  aulîl  une  attention 
particulière  de  la  part  des  Lecteurs 
qui  font  curieux  de  l'Hiftoire  de 
leur  tems.  L'Auteur  s'eft  attaché  à 
lui  vre  l'ordre  chronologique, même 
à  marquer  le  mois  Se  le  jour  auquel 
chaque  fait  doit  être  rapporté.  Il  ne 
s'eft  écarté  de  cette  règle  que  quand 
il  n'auroit  pu  s'y  attacher  ferupu- 
lcufement  fans  rompre  le  récit  de 
quelque  événement  particulier.  Il 
allure  encore  dans  fa  Préface  ,  qu'il 
a  puifé  fes  matériaux  dans  les  Ecri- 
vains qui  lui  ont  paru  les  plus  di- 
gnes de  foi ,  &  que  quand  il  a  trou- 
vé du  vuide  dans  ces  Ecrivains  il  a 
eu  recours  aux  fources  publiques, 
c*cft-à  dire  aux  Gazettes  &  autres 
Ouvrages  de  cette  nature  ,  où  l'on 
trouve  les  principaux  faits  mar- 
qués ,  quoique  ce  ne  foit  pas  tou- 
jours de  la  manière  la  plus  convena- 
ble à  une  Hiftoire. 

Notre  Auteur  peufie  la  fincerité 
)ufqu'à  reconnoître  contre  la  prati- 
que ordinaire  des  Hiltoriens ,  que 
quelque  peine  qu'il  ait  prife  pour 
ne  rien  dire  que  d'aiTuré  ;  il 
n'entreprend  point  de  garantir  , 
tout  ce  qu'il  a  avancé.  On  cft  quel- 


le ,    175  4.  *ji 

quefois  obligé  dans  ces  fortes 
d'Hiftoires  de  fuivredes  Relations 
faites  ou  par  des  perfonnes  mal  in- 
ftruites ,  ou  par  des  perfonnes  in- 
tereflees  ,  fans  qu'on  puiiîe  apper- 
cevoir  ces  défauts.  Les  Hiftoriens 
qui  fe  piquent  d'avoir  le  plus  d'e- 
xactitude &  de  fidélité  font  expo- 
fés  à  cet  inconvénient.  L'Auteur 
cite  pour  exemple  l'Hiftoire  de 
Charles  XII.  par  M. de  Voltaire  qui 
n'a  pas  laifle  d'être  critiquée  fur 
des  poiïits  trèsimportans ,  tels  que 
font  ceux  qui  regardent  l'incendie 
d'Althena  &  l'action  de  Bender 
quoique  M.  de  Voltaire  allure  qu'il 
n'a  avancé  aucun  fait  fur  lequel  il 
n'ait  confulté  des  témoins  oculai- 
res &  irréprochables. 

Nous  ne  nous  arrêterons  pas  à 
donner  ici  un  précis  de  la  Vie  de 
Fréderic-Augufte  ,  parce  que  nous 
ne  pourrions  parler  que  des  princi- 
paux évenemens  qui  font  connus 
de  tout  le  monde  ,  &  que  le  détail 
des  faits  doit  être  lu  dans  l'Auteur 
même.  Nous  rapporterons  fimple- 
nient  quelques  traits  de  l'Eloge 
qu'il  a  fait  de  ce  Prince,  après  avoir 
rapporté  les  circonftances  de  la 
maladie  dont  il  mourut. 

»  Il  a  été,  dit  l'Auteur,  un  de* 
»  plus  grands  Princes  de  fon  tems, 
»  élevé  dès  fa  plus  tendre  jeunefle , 
»  dans  le  métier  de  la  guerre  & 
»>fous  la  conduite  de  fon  père  le 
«  vaillant  Jean-George  III.  il  don- 
»  na  de  bonne  heure  fur  les  bords 
»  du  Rhin  des  marques  fi  éclatan- 
»  tes  de  fon  courage  qu'elles  lui  at- 
a>  tirèrent  de  grands  éloges  de 
»  l'Empereur  Léopold ,  &  qu'elles 


%l%       JOURNAL    DE 

»  lui  méritèrent  peu  après  le  com- 
»  mandement  de  l'armée  Impéria- 
■  le  dans  la  Hongrie.  Frédéric-Au- 
»  gufte  avoit  parcouru  dans  fa  jcu- 
x  nèfle  toutes  les  Cours  &  prefque 
m  toutes  les  Provinces  de  l'Europe. 
»  C  etoit  dans  ces  voyages  qu'il 
»  avoit  acquis  ces  belles  manières, 
»  qui  l'ont  toujours  fait  confiderer 
»  depuis  comme  le  Prince  le  plus 
»  poli ,  le  plus  gracieux  ,  le  plus 
»  affable  Se  le  plus  généreux  qui  ait 
•  jamais  régné.  Qualitez  qui  le 
w  mettoient  au  -  deffus  de  tous  ces 
>»  Courtifans  ,  du  moins  autant 
»  que  la  Royauté.  Il  aimoit  les 
»  Sciences  Se  ks  Arts.  Il  les  prote- 
»  geoit  particulièrement ,  Se  la  Sa- 
»  xe  lui  doit  l'utile  établiffement  de 
»  plusieurs  Societezde  Sçavans ,  Se 
»  de  plufieurs  Manufactures ,  qui 
»  tous  pleurent  amèrement  la  perte 
»  de  ce  Royal  Fondateur ,  dont  la 
»  libéralité  ne  connoiiïbit  pas  de 
»  bornes  à  leur  égard. 

Ce  fut  dans  le  cours  de  la  guerre 
contre  le  Roi  de  Suéde ,  dit  un  peu 
plus  bas  notre  Auteur  ,  que  Fré- 
déric-Augufte  fit  éclater  cette  gran- 
deur d'ame  &  cette  force  d'efprit 
qui  le  mirent  toujours  au-delîus 
des  évenemens  les  plus  fâcheux. 
Quand  il  fut  rc.nonté  fur  le  Thrô- 
»c  fes   ennemis  éprouvèrent  juf- 


S  SÇAVANS; 
qu'où  il  portoit  la  clémence  l  &ç 
combien  il  fçavoit  fe  vaincre  lui- 
même.  Depuis  la  fin  de  la  guerre 
du  Nord  il  fe  livra  tout  entier  aux 
befoins  de  fes  fujets  héréditaires  Se 
de  fes  fujets  adoptifs  ,  mais  avec 
des  fuccès  biens  dirTerens.  Adoré 
en  Saxe  ,  il  y  répandit  l'abon- 
dance ,  te  les  richefies  ,  que 
la  guerre  avoit  fait  difparoître. 
Il  y  ht  de  nouvelles  Loix  ,  il  y  bâ- 
tit des  Villes  &  des  FortcrelTes  ,  & 
il  employa  toutes  fortes  de  moyens 
pour  y  rendre  fes  fujets  heureux  , 
&  il  y  réulfit.  Mais  il  n'a  pu  quel- 
que chofe  qu'il  ait  faite ,  s'acquérir 
la  confiance  des  Polonois.  Ce  qui 
en  tut  la  caufe  ,  c'eft  la  fucceffion 
du  Prince  Royal  au  Thrône,  à  la- 
quelle néanmoins  notre  Auteur  af- 
fure  ,  que  Fréderic-Augufte  n'a  ja- 
mais penfé. 

Voici  les  dernière  traits  de  l'éloge. 
»  Augufte  étoiteftimé  Se  révéré  de 
»  tous  les  Princes  de  l'Europe.  On 
»  admiroit  fa  torce  prefque  furna- 
»  turclle  ,  fon  agilité  ,  fon  adrelTe  , 
»fa  bonne  mine.  Mais  beaucoup 
'  »  plus  l'étendue  de  fes  lumières ,  la 
*  fagacité  de  fon  jugement  Se  la 
»  grande  préfence  d'efprit  qu'il  a 
»  fait  paroître  dans  toutes  les  ac- 
b  tions  de  fa  vie. 


AVRIL 


7  3  4- 


253 


REFLEXIONS  SVR  LA  POESIE  EN  G  £'  N  F  RA  L, 

fur  FEglogue  a  fur  la  Fable ,  fur  l'Elégie ,  fur  la  Satyre  ,  fur  l'Ode  ,  & 
fur  les  autres  petits  Poèmes ,  comme  Sonnet  t  Rondeau ,  Madrigal  '  &ç. 

fitivie  de  trois  lettres  Jur  la  décadence  du  goût  en  France  :  par  M.  R.  D.  S. 

M.  A  la  Haye  ,  chez  C.  de  Rogiffart  ôv  Sœurs.  1734.  m  12.  pages  349. 


LE  S  Réflexions  fur  la  Poëfle  en 
général  qui  font  à  la  tête  de 
ce  Volume  ont  déjà  paru  ,  l'Au- 
teur s'eft:  contenté  de  faire  quel- 
ques additions  qui  rendent  l'Ou- 
vrage plus  complet.  Comme  nous 
en  avons  rendu  un  compte  allez 
déraille  ,  à  l'occahon  de  h  premiè- 
re Edition  ,  nous  nous  contente- 
rons d'obferver  que  l'Auteur  fe 
propofe  de  faire  voir  dans  fes  réfle- 
xions, que  le  plaifir  que  nous  cau- 
fe  laPoen"e,vicnt  i°.dc  ce  qu'en  pei- 
gnant les  objets  d'une  manière  vive 
&  fenfible ,  elle  nous  fait  envifager 
avec  plus  de  facilité  ce  qu'on  nous 
prefente  :  20.  de  ce  que  la  Poëfie  re- 
veille &  qu'elle  entretient  nos  paf - 
lions  :  3  °.de  ce  qu'elle  flatte  lroreille 
par  une  harmonie  méchanique,que 
l'habitude  nous  rend  aimable,&que 
nous  admirons  d'autant  plus  qu'il 
eft  plus  difficile  d'allier  le  fens  avec 
la  rime  :  40.  de  ce  que  le  ftile  coupé 
qui  forme  une  autre  efpece  d'har- 
monie,&qui  convient  fort  à  iaPoë- 
fie  eft  très-propre  à  peindre  lesfen- 
dmer.s  vifs  &  les  paillons. 

Dans  les  reflexions  fur  chacune 
des  différentes  Pièces  de  Poctic  an- 
noncées dans  le  titre  ,  l'Auteur  ap- 
plique à  ces  différentes  efpeces  de 
Poèmes ,  ce  qu'il  a  dit  de  la  Poëfle 
en  général. 

Quoiqu'on  foit  perfuadé  que  les 


Bergers  qu'on  fait  parler  dans  l'E- 
glogue  ne  foyent  qu'imaginaires 
on  a  du  plaiilr  à  les  entendre  parler 
de  leurs  amours.  Au  fond  les  Ber- 
gers n'ont-ils  pas  du  loiflr  ?  n'ont-ils 
pas  un  cœur  ?  n'en  voilà-t-il  pas  af- 
fez  pour  qu'ils  puilîent  aimer  avec 
dclicnrelfe.  Je  ne  demande  point 
d'autre  fondement  à  mon  plaiilr, 
mon  avidité  à  le  goûter  fait  le  refte 
&  je  n'ai  garde  de  me  chicaner  fur 
mon  bonheur.  Mais  pour  que  ces 
plailirs  continuent,  notre  Auteur 
voudroit  des  Bergers  qui  fuilent 
prefque  comme  feroient  des  gens 
du  monde  que  le  monde  n'auroit 
pas  corrompus,  qui  auroient  de  l'ef- 
prit ,  mais  qui  n'en  feroient  jamais 
ufage,parce  qu'ils  en  feroient  conti- 
nuellement de  leur  cœur.  A  l'égard 
des  Bergères  il   voudroit  qu'elles 
fuiîent  tendrcs,délicates,ilncéres.  Il 
n'aime  point  qu'elles  fçachent  ga- 
gner un  cœur  par  un  manège  dé- 
tourné ,  qu'elles  ayent  appris  à  ca- 
cher de  l'amour  pour  en  faire  naî- 
tre ,  cela  le  tire  de  la  bergerie  ,  ce- 
la le  renvoyé  à  la  Ville  d'où  il  étoif 
forti  avec  plaiilr ,  enfin  cela  le  dé- 
goûte de  l'amour,  &  le  lui  montre 
par  un  vilain  côté. 

Notre  Auteur  trouve  cette  ai- 
mable /implicite  dans  quelques  en- 
droits des  Eglogucs  de  M.  de  Fon- 
tenelle  ,   mais  il  prétend  qucleS 


2j4        JOURNAL    D 

Bergers  n'y  foûtiennent  pointées 
caractères.  Qu'ils  difenc  de  jolies 
chofes ,  qu'ils  fe  plaignent  avec  élé- 
gance. Qu'au  lieu  d'un  Berger  on 
entend  un  doucereux  ,  une  façon 
de  bel  efprit ,  un  homme  de  Cour, 
ou  un  Galand  de  Ruelle.  On  peut 
voir  dans  le  Livre  même  les  exem- 
ples qu'il  rapporte  &  les  reflexions 
qu'il  fait  fur  ces  exemples. 

Le  parallèle  que  fait  notre  Au- 
teur dans  fes  réflexions  fur  la  Fa- 
ble, entre  les  Fables  de  la  Fontaine 
&  celles  de  M.  de  la  Motte  n'eft 
point  fort  avantageux  pour  ce  der- 
nier. Il  prétend  qu'il  y  a  de  grands 
défauts ,  dans  la  difpofition  de  fes 
Fables  ,  dans  le  choix  des  fujets , 
dans  la  narration  ,  il  voit  avec  pei- 
ne que  M.  de  la  Motte  ait  fi  fou- 
vent  perfonifîè  des  êtres  moreaux  , 
Dom  Jugement,  Dame  Mémoire, 
ic  Demoifelle  Imagination  l'étour- 
diflent ,  il  ne  fçait  de  quelle  cou- 
leur eft  tout  ce  monde-là. 

On  fçait  bon  gré  à  la  Fontaine 
des  Préambules  dont  il  a  quelque- 
fois décoré  fes  Fables  -,  car  la  Fable 
étant  amenée  ,  en  a  l'air  plus 
naturel.  L'Auteur  cite  pour  mo- 
dèle le  Prologue  d'une  Fable  de 
la  Fontaine  adreflée  à  Monfieur  le 
Duc  de  Bourgogne.  Il  y  admire  le 
ftile  lîmple  &  naturel  ,  l'art  de 
mettre  du  vif  à  côté  du  fimple  ,  & 
la  douceur  qui  doit  être  jointe  à  la 
vivacité  ,  pour  attraper  la  nuance 
fans  laquelle  on  ne  peut  allier  le 
fimple  avec  le  vif.  Il  n'en  eft  pas  de 
même  du  Prologue  d'une  des  Fa- 
bles de  M.  de  la  Morthe  adreflée  à 
M.  le  Duc.  Quoiqu'il  y  ait  de  l'ef- 
- 


ES    SÇAVANS, 

prit  dans  ce  Prologue  ,  notre  Au- 
teur n'en  eft  pas  content ,  &  après 
l'avoir  copié  ,  il  femble  qu'il  ne 
puifle  s'empêcher  de  s'écrier ,  quel 
ton  ,  Monfieur  ?  qu'il  eft  guindé  , 
qu'il  eft  l'ec  ,  qu'il  eft  peu  convena- 
ble au  ftile  de  la  Fable. 

L'Elégie  eft  le  genre  de  notre 
PoëfieFrançoife  qui  paraît  à  notre 
Auteur  le  plus  infipide  ,  on  n'y 
voit  que  des  Amans  malheureux. 
Ces  Amans  fe  plaignent  toujours  , 
fe  defelperent ,  ils  veulent  abfolu- 
ment  brifer  leurs  chaînes ,  ils  veu- 
lent même  mourir ,  &  comme  tout 
cela  fuppofe  du  courage  au  lieu  de 
parler  dans  ces  petits  Poèmes  le 
langage  qui  eft  fait  pour  la  tendref- 
fe  &c  pour  la  plainte  ,  le  langage 
fimple  ,  délicat ,  naturel,  on  s'y 
guindé  ,  on  s'y  force ,  &  l'on  fe 
livre  fins  ménagement  à  la  pompe 
&  à  l'enflure.  Comme  les  exemples 
rendent  ces  obfervations  plus  fenfi- 
bles  l'Auteur  fait  remarquer  ces  dé- 
fauts dans  une  des  Elégies  de 
Madame  de  la  Suze,  femme  célè- 
bre en  ce  genre  d'écrire  ,  à  qui  l'on 
ne  peut  contefter  une  partie  des 
qualitez  neceflaires  pour  y  excel- 
ler. 

Quelque  indifpofé  que  notre 
Auteur  paroiffe  contre  l'Elégie,  il 
ne  fçauroit  s'empêcher  d'en  admi- 
rer une  à  laquelle  Madame  Def- 
houliere  a  donné  le  nom  d'Eglo- 
gue  ,  il  paraît  fur  tout  charme  de 
ces  vers  de  la  Bergère. 

Ici  j'ai  vh  V  ingrat  qui  me  tient  fous 
fis  loix 

Ici  j'ai  foitfpiri  pour  la  première  fois  : 
Mats 


A  V   R  I 

J^iuis  tendis  que  pour  lui  je  craignois 
mes  foiblejfes , 

Il  rappelloit  fin  chien  ,  l'accabloit  de 
carejjcs. 

Dit  defordre   ou  yétois ,  loin  de  fe 
prévaloir , 

Le  cruel  ne  vit  rien  oh  ne  voulut  rien 
voir  ! 

Il  loua  mes  moutons  ,  mon  habit ,  ma, 
houlette  , 

Il  m'offrait  de  chanter  un  air  fur  fa 

mufette  t 

Il  voulut  nienfeigner  quelle  herbe  va 
paiffant  , 

Pour  reprendre  fa  force ,  un  troupeau 

languiffant , 
Ce  que  fait  le  foleil  des  brouillards 

qu'il  attire. 

N'avoit-il  rien  hélas  de  plus  tendre  à 
me  dire  ? 

A  l'occafion  de  l'Ode  ,  notre 
Auteur  parle  de  deux  efpeces  de 
Sublimes ,  celui  des  images ,  dont 
Homère  fournit  de  fi  beaux  exem- 
ples ,  &  le  Sublime  dans  le  tour  qui 
eft  ,  félon  notre  Auteur ,  un  grand 
fentiment  que  nous  fommes  fûrs 
avoir  été  approuvé  par  un  grand 
Homme  ,  à  la  place  duquel  nous 
nous  mettons.  11  faut  que  ce  grand 
fentiment  foit  peint  d'une  manière 
très-vive.  Notre  Auteur  remarque 
encore  que  l'admiration  de  cette 
cfpcce  de  Sublime  vient  ordinaire- 
ment d'un  fond  d'orgueil.  11  traite 
enfuite  la  queftion  ,  fi  l'entoufiaf- 
Âvril. 


L  ;     i  7  ?  4«  2  ?  5 

me  eft  necelîaire  dans  l'Ode.  Il  fe 
déclare  pour  l'affirmative  ,  après 
avoir  rapporté  les  raifons  de  part  Se 
d'autre,  &  il  veut  de  l'entoufiafme, 
même  dans  les  Odes  morales. 
L'Auteur  compare  enfuite  l'Ode 
fur  la  louange  par  M.  de  la  Motthe, 
avec  une  imitation  d'un  desPfeau- 
rnes  de  David  par  M.  RoufTeau  & 
avec  l'Ode  du  même  Auteur  à  M. 
le  Marquis  de  la  Fare.  Il  n'eft  pas 
difficile  de  deviner  auquel  de  ces 
deux  Poètes  il  donne  le  prix  ,  s'é- 
tant  d'abord  déclaré  pour  la  necef- 
fité  de  l'entoufiafme  dans  l'Ode. 
Il  y  a  un  entoufiafme  doux  ,  qui 
doit ,  félon  notre  Auteur  ,  fe  trou- 
ver dans  les  Odes  Anacréontiques 
&  dans  nos  Chanfons. 

Notre  Auteur  fc  propofe  de 
prouver  dans  fes  reflexions  furies 
petits  Poèmes ,  qu'ils  ont  un  mé- 
rite auquel  on  ne  fait  point  aflez 
d'attention  :  puis  il  fait  quelque 
remarque  fur  chacun  de  ces  Poè- 
mes en  particulier.  Il  obferve  fur 
quelques  -  uns  de  ces  Poèmes  ,  en 
particulier  fur  les  Sonnets  ,  que  ce 
qui  les  fait  le  plus  admirer  ,  c'eft 
quand  ces  morceaux  de  Poèiie  3 
malgré  les  difhcultez  &  l'aufterité 
de  leurs  règles  ne  fentent  point  le 
travaiLUne  des  chofes  qui  nous  tou- 
che le  plus,  c'eft  de  voir  quelqu'un 
de  gêné  taire  une  chofe  avec  la  mê- 
me liberté  &  lamêmeaifancequc 
s'il  ctoit  a  fon  aife.  L'Auteur  remet 
à  parler  dans  un  autre  Volume  de 
la  Tragédie  &  du  Poème  Epique. 

Ses  trois  Lettres  fur  la  décaden- 
ce   du   goût  en   France  regardent 
particulièrement  les  Poètes.  Ainfi 
H  h 


2j5        JOURNAL    DE 

ces  Lettres  fe  trouvent  allez  natu- 
rellement jointes  avec  les  reflexions 
fur  la  Poëiîe. 

Le  goût  des  Romains  fut  dans  fa 
perfection  fous  l'Empire  d'Augu- 
ftc  ,  mais  Ovide  commença  à  taire 
perdre  ce  bon  goût  aux  Romains , 
&  Seneque  acheva  ce  qu'Ovide 
avoit  commencé.  Après  avoir  ad- 
miré ce  qu'il  y  avoit  de  bon  dans 
ces  Auteurs  ,  on  fe  porta  jufqu'à 
admirer  leurs  débuts  a  même  à 
vouloir  les  imiter.  Comme  les  imi- 
tateurs n'avoient  point  autant  d'ef- 
pi  it  que  ces  deux  Ecrivains  ,  ils  co- 
pièrent tous  les  défuits  de  leur 
Maître ,  fans  en  avoir  les  qualitez. 
Il  en  eit  arrivé  de  même  en  France, 
fuivant  notre  Auteur,  le  goût  fut 
porté  à  fa  perfection  fous  le  règne 
de  Louis  XIV.  Mais  un  Ecrivain 
îllultre  a  commencé ,  à  ce  que  pré- 
tend notre  Auteur,  à  corrompre  le 
goût  des  François,  cet  Ecrivain  eft 
M.  de  Fontenelle.  On  en  fait  ici 
un  éloge  ,  dont  il  y  a  lieu  de  croire 
que  les  plus  grands  Admirateurs  de 
M.  de  Fontenelle  feront  contens. 
Mais  on  foûtient  d'un  autre  côté 
que  fes  Ouvrages  font  dénués  de 
cet  air  de  vie  ,  de  cette  belle  cha- 
leur &  de  cette  fimplicité  qu'on 
admire  chez  les  anciens  ,    qu'il 


S    SÇAVANS, 

prend  plaiiîrày  raifembler  tout  ce 
qui  peut  éblouir  ,  à  accabler  de 
penfées  mifes  les  unes  fur  les  autres, 
à  habdler  en  paradoxe  des  idées 
communes ,  à  faire  prendre  fon  ton 
aux  matières  qu'il  traite  ,  au  lieu 
de  prendre  le  leur.  Ces  défauts 
qu'on  attribue  à  M.  de  Fontenelle 
ne  lui  viennent ,  dit-on  ,  que  de  ce 
que  vovant  que  les  grands  Ecri- 
vains du  règne  de  Louis  XIV* 
avoient  atteint  la  perfection  en  fui- 
vant les  anciens  ,  au  lieu  de  foûte- 
nir  ce  goût  comme  il  l'auroit  pu 
faire ,  il  a  voulu  donner  du  nou- 
veau. Ceux  qui  l'ont  fuivi  n'ayant 
point  le  génie  de  M.  de  Fontenel- 
le ont  copié  les  défauts  de  fes  Ou- 
vrages ,  fans  en  imiter  les  beautez, 
M.  de  laMotthecft ,  à  ce  que  l'Au- 
teur prétend  ,  le  fécond  qui  a  cor- 
rompu le  goût  de  notre  fiécle  en 
voulant  auiïï  fe  mêler  d'être  nou- 
veau. On  avoue  qu'il  avoit  quelque 
efprit,  mais  on  foûtient  qu'il  n'y  a 
point  de  beauté  réelle  dans  fes  E- 
crits,  foit  en  vers ,  foit  en  profe ,  & 
que  fes  Ouvrages  font  remplis  d'un 
grand  nombre  de  défauts.  Pans  la 
dernière  Lettre  l'Auteur  attribue 
encore  la  décadence  du  goût  au  ca- 
ractère &  aux  mœurs  de  notre 
fiécle. 


A  V  R  I  t,  1734»  2J7 

VETERUM    SCRIPTORUM    ET    MONUMENTORUM 
Hiftoricorum  ,  Dogmaticorum  ,  Moralium  ampliffima 
Colle&io.   Tomus  VIII. 
C'cft  -  à  -  dire  :  Tris  -  ample  Collellion  d'anciens  Ecrivains ,   &  de  Pièces 
anciennes  Par  rapport  à  ÏHtftoire}  au  Dogme  }&  à  la  Morale.  Tome  huit. 
Par  Dom  £^Mahtene  &  Dom  Vrfin  Durand  ,  Prêtres  &  Reli- 
gieux Benediclins  ,  de  la  Congrégation  de  S.  Maur.  A  Paris ,  chez  Mon- 
talant ,  fur  le  Quai  des  Auguftins,  proche  le  Pont  S.Michel.  173  5. 
in  -folio.  pag.  7  S  t. 


COMME  la  plus  grande 
partie  des  Pièces  contenues 
dans  le  feptiéme  Volume  de  cette 
Collection  concernoient  le  Schif- 
me  d'Avignon  ,  les  PP.  Martene 
&  Durand  ont  cru  devoir  donner 
un  abrégé  de  l'Hifloire  de  ce  Schif- 
me  au  commencement  de  ce  feptié- 
me Volume.  La  même  raifonles  a 
engagé  de  mettre  un  abrégé  de 
l'Hiftoire  du  Concile  de  Bafleàla 
tête  de  ce  huitième  Volume.  En  ef- 
fet fi  l'on  ne  fe  rappelloit  les  princi- 
pales circonftances  de  cette  Hiftoi- 
re  ,  il  feroit  difficile  de  bien  enten- 
dre une  partie  des  Pièces  au  fujet 
du  Concile  de  Balle  qui  font  com- 
ptifes  dans  ce  Volume.  Elles  font 
en  fi  grand  nombre ,  que  quand 
nous  n'en  rapporterions  que  les  ti- 
tres il  faudrait  pafler  de  beaucoup 
les  bornes  ordinaires  de  nos  Ex- 
traits. Il  nous  fuffira  donc  de  don- 
ner le  précis  de  quelques  -  unes  de 
ces  Pièces. 

Il  y  eut  une  conteftation  dans  le 
Concile  de  Balle  entre  les  Ambafla- 
deuts  des  Electeurs  &  ceux  du  Duc 
deBourgogne  pour  la  préféance.  On 
voit  à  la  page  112  de  ce  Volume  un 
Difcour:  de  l'Evêque  de  Nevers  fur 


ce  fujet,ii  y  expofe  que  les  Ambafta- 
deurs  duDuc  de  Bourgogne  avoient 
été  furpris  d'entendre  un  Docteur 
qui  étoit  du  nombre  des  Ambafla- 
deursdesElecT:curs,foûtenir  en  plein* 
Concile ,  que  les  Ambalfadeurs  des 
Electeurs  dévoient  précéder  ceux 
du  Duc  de  Bourgogne  ,  il  déclare 
enfuite  qu'ils  n'ont  pu  garder  plus 
long-tcms  lefilence  fur  un  fujet  fi 
important ,  qu'ils  n'ont  point  ce- 
pendant reçu  d'ordre  de  leur  Maî- 
tre, &  qu'ils  ne  parleront  que  pour 
ne  point  abandonner  un  rang  qui 
leur  eft  dû  ,  &  pour  convaincre  les 
Ambalfadeurs  des  Electeurs  du  peu 
de  folidicé  de  leurs  prétentions. 

Après  ce  préambule  l'Evêque  de 
Nevers  propofe  trois  moyens  pour 
foûtenir  le  droit  des  Ambalfadeurs 
du  Duc  de  Bourgogne.  Le  premier 
de  ces  moyens  eft  tiré  de  la  naif- 
fance  de  ce  Prince.  Il  eft  par  fon 
père  de  la  Maifon  de  France;  donc, 
conclut  l'Evêque  de  Nevers  ,  il 
defeend  de  Francus  Prince  Troyen 
&  par  confequent  de  Dardanus.  Il 
defeend  encore  par  fon  père  des 
Rois  de  Bourgogne  ,  d'où  il  s'en- 
fuit qu'il  tire  fon  origine  des  Rois 
établis  en  Italie  long  tems  avant  la 
Hh  ij 


2Î8  JOURNAL  D 

fondation  de  Ro.mc  ,  d'Evandre 
Roi  des  fept  Montagnes ,  &  de  ja- 
nus  fils  dejaphet ,  lequel  koit  fils 
de  Noé  ,  après  quoi  il  cil  facile  de 
remonter  jul'cm'a  Adam.  Il  tire  en- 
core fon  origine  du  côté  paternel 
de  l'ancienne  Maifon  de  Lorraine, 
depuis  appellée  de  Brabant,  &  par- 
là  il  détend  de  Charles  Martel , 
de  Pépin  ,  de  Charlemagnc  ,  de 
Louis  le  Débonnaire  Se  de  Charles 
le  Chauve.  Du  côté  de  fa  mère ,  il 
cft  de  l'illuftre  Maifon  de  Bavière  , 
où  il  n'y  a  que  des  Empereurs  ,  des 
Rois  &  des  Ducs.  Il  eft  parent  & 
allié  des  Rois  de  France  ,  d'Angle- 
terre ,  de  Caftille  ,  de  Portugal , 
d'Arragon  ,  de  Navarre  ,  de  Chy- 
pre, de  Sicile,  d'Albert  Duc  d'Au- 
triche. L'étendue  &  le  nombre  des 
Seigneuries  qui  appartenoient  au 
Duc  de  Bourgogne  fournilloient 
un  fécond  moyen  à  l'Evêque  de 
Nevers.  Le  Pays  qui  a  été  occupé 
par  les  Bourguignons  ,  difoit  l'E- 
vêque de  Nevers  ,  étoit  du  tems 
des  Romains  des  plus  confidera- 
bles  des  Gaules,  depuis  les  Bour- 
guignons s'y  étant  établis  en  firent 
un  Royaume.  Les  deux  Royaumes 
de  Bourgogne  .Se  de  France  furent 
réunis  en  la  perfonne  de  Clovis  par 
fon  mariage  avec  Clotilde  fille 
d'un  Roi  de  Bourgogne. CeRovau- 
me  fut  enfuite  divifé  de  celui  de 
France  ,  jufqu'à  ce  que  Charlema- 
gne  l'ayant  réuni  au  Royaume  de 
France  en  fit  la  première  Pairie. 
Ses  Ducs  furent  toujours  honorés 
d'une  Couronne. 

La  Bourgogne  a  eu  pour  pre- 
mier Apôtre  de  la  Foi  S.  Lin  qui 


ES  SÇAVANS, 

avoit  été  envoyé  par  S.  Pierre  ,  St 
on  voit  encore  des  Eglifes  bâties 
dans  ce  Pays  par  S.  Lin  en  l'hon- 
neur de  S.  Pierre  même  pendant  la 
vie  de  ce  faint  Apôtre.  Farix,  Ec- 
clefîarum  JlruElura  in  honorent  Sanc- 
ti  Pétri  viventis  ufqm  in  diem  pra- 
Jentem  concemuntur.  Il  y  a  eu  depuis 
plufieurs  Saints  en  Bourgogne  mê- 
me du  nombre  de  fes  Rois  ,  la 
Reine  Clotilde  a  contribué  à  la 
converfion  de  Clovis ,  à  celle  des 
François  ,  &  à  celle  d'une  partie 
des  Peuples  de  l'Allemagne.  Il  y  a 
dans  le  Pays  plufieurs  Eglifes  très- 
confiderables  ,  tant  feculieres  que 
Régulières ,  6c  des  Abbayes  Chefs 
d'Ordre,  Clugny ,  Cîteaux  &  le 
Val  des  Choux. 

Les  Bourguignons  ont  accom- 
pagné Charles-Martel  dans  fes  ex- 
péditions contre  les  Infidèles.  De- 
là vient,  dit  l'Evêque  de  Nevers, 
que  Charles  -  Martel  a  donné  pat 
l'ordre  du  Pape  les  dixmes  des 
Eglifes  aux  Seigneurs  du  Pays  qui 
en  font  encore  en  pollelTion.  Les 
Seigneurs  Bourguignons  fuivirent 
aulh  Charlemagnc  à  la  Conquête 
de  Lombardie  ,  le  même  Prince  les 
employa  à  réduire  les  Saxons ,  & 
fous  Louis  le  Débonnaire  ,  ils  con- 
tribuèrent à  la  converfion  des  Bo- 
hémiens. Les  Ducs  de  Bourgogne 
fe  lonr  distingués  dans  les  "uerres 
d'Outremer.  L'Orateur  vient  en- 
fuite  aux  trois  derniers  Ducs  de 
Bourgogne.  Le  premier  des  trois 
avoit  beaucoup  travaillé  pour  l'ex- 
tinction du  Schifme.  Le  fécond, 
étoit  palié  en  Hongrie  avec  un 
corps  de  troupe  confiderable  poux 


A  V  R  I 

combattre  les  Turcs  ,  &  le  dernier 
eft  un  des  plus  zélés  dérenfeurs  de 
ifEglife. 

Ce  font  ces  fervices  rendus  à 
l'Eglife  parles  Ducs  de  Bourgogne 
qui  tournilïèntun  troifiéme  moyen 
à  l'Evêque  de  Nevers.  Ce  difeours 
qui  eft  une  des  preuves  des  plus 
confiantes  du  peu  de  goût  Se  de 
critique  de  ceux  qui  palloient  pour 
les  plus  habiles  vers  le  milieu  du 
15e  îiécle,  n'eft  point  refté  fans  ré- 
ponfes  de  la  part  des  Electeurs.  Les 
répliques  de  l'Evêque  de  Nevers 
font  rapportées  à  la  page  610.Il  pa- 
roît  par  cet  Ecrit  que  les  AmbaiTa- 
deurs  des  Electeurs  ne  s'arrêtèrent 
pas  à  contefter  les  laits  avancés  par 
l'Evêque  de  Nevers  ;  ils  fc  bor- 
noient  à  dire  que  les  Electeurs 
avoient  fuccedé  au  Sénat  qui  fui- 
vant  l'impreflion  des  Loix  efl  pars 
ttrporis  imperatoris.  Que  comme 
l'Empereur  piécede  tous  les  Rois , 
les  Electeurs  doivent  précéder  tous 
les  Princes ,  que  les  Cardinaux  qui 
élifent  le  Pape  fuivent  immédia- 
tement ,  que  le  Duc  de  Bourgogne 
étant  lui-même  Vallal  de  l'Empi- 
re n'a  pu  preferire  la  préféance  con- 
tre les  Electeurs  qui  font  Membres 
de  l'Empire  ,  que  des  que  les  Ducs 
de  l'Empire  font  élevés  à  la  digni- 
té d'Electeurs ,  ils  précèdent  tous 
les  autres  Ducs  ,  que  la  dignité 
des  Electeurs  était  plus  ancienne 
que  celle  de  Duc  de  Bourgogne  ; 
enfin  que  les  AmbaiTadeurs  des 
Electeurs  avoient  eu  la  préféance 
fur  ceux  du  Duc  de  Bourgogne 
dans  les  Conciles  de  Pife  ck  Con- 
fiance ,  à  la  Cour  de  l'Empereur  6c 


t ,    1  7  ?  4.  23^ 

dans  la  Chapelle  du  Pape. 

L'Evêque  de  Nevers  repliquoit 
que  l'Elcctorat  n'étoit  qu'un  Offi- 
ce ,  ôc  que  ce  n'étoit  pas  cet  Office 
mais  la  qualité  6%  l'étendue  des  Sei- 
gneuries ,  par  lequel  le  rang  doit 
être  réglé  entre  les  Ducs.  Que  Cc 
n'étoit  que  dans  les  Fonctions  de 
l'Office  d'Electeurs  que  ceux  qui 
font  revêtus  de  cette  dignité  font 
cenfés  ne  faire  en  quelque  manière 
qu'un  fcul  corps  avec  l'Empereur, 
que  ce  qui  Ce  paiTe  dans  l'Empire  à 
l'égard  du  rang  des  Ducs  avec  les 
Electeurs  ne  doit  point  s'étendre 
aux  Ducs  qui  ne  font  pas  partie  du 
Corps  Germanique.  Il  eft  vrai  que 
le  Duc  de  Bourgogne  pofTede  des 
Fiefs  qui  relèvent  de  l'Empire  , 
mais  ce  n'eft  pas  à  caufe  de  ces  Fiefs5 
mais  à  caufe  du  Duché  de  Bourgo- 
gne qu'il  doit  avoir  la  préféance 
fur  les  Electeurs  ;  les  Electeurs ,  fé- 
lon l'Evêque  de  Nevers ,  n'ont  été 
établis  que  vers  l'an  999. par  lePape 
Grégoire  V.  du  tems  d'Othon  III. 
le  Royaume  &  le  Duché  de  Bour- 
gogne font  beaucoup  plus  anciens 
que  les  Electorals.  A  l'égard  de  la 
poftefîîon  l'Evêque  de  Nevers  foû- 
tient  qu'il  eft  prouvé  par  une  en- 
quête que  les  AmbaiTadeurs  du 
Duc  de  Bourgogne  ont  précédé 
ceux  des  Electeurs  au  Concile  de 
Confiance.  Pour  les  autres  faits  de 
pofTefiîon  articulés  par  les  Ambaf- 
fadeurs  des  Electeurs  ,  l'Evêque  de 
Nevers  leur  demandoit  qu'ils  en 
rapportaient  la  preuve. 

Sur  ce  différend  le  Concile  or- 
donna le  \{->  Juin  1435.  que  le  pre- 
mier dis  Ambaffadeurs  du  Duc  de 


240         JOURNAL    D 

Bourgogne  feroit  immédiatement 
après  les  Ambalîadeurs  des  Rois , 
après  lui  un  des  Ambaffadeurs  des 
Electeurs ,  Si  après  cet  Ambaffa- 
deur  des  Electeurs ,  le  fécond  Am- 
baffadeur  du  Duc  de  Bourgogne  & 
ainfi  alternativement ,  le  tout  fans 
préjudice  du  droit  des  parties,  foit 
pour  le  polTeffoire  ,  foit  pour  le 
pétitoire.  Le  décret  du  Concile  eft 
rapporté  en  entier  dans  ce  Volu- 
me :  il  eft  à  propos  d'obferver 
avant  que  de  paffer  à  un  autre  ar- 
ticle ,  que  félon  ce  que  dit  l'Eve- 
que  de  Nevcrs  dans  fa  réplique  le 
Duc  de  Bourgogne  cedoit  le  rang 
aux  Cardinaux  Prêtres  ,  Si  qu'il  s'é- 
toit  confervé  la  préféanec  fur  les 
Cardinaux  Diacres. 

Jufqu'à  prefent  nous  n'avons 
point  eu  de  relation  détaillée  de  ce 
qui  s'eû  paffé  à  l'aiTemblée  tenue  à 
Bourges  en  1456.  pour  l'accepta- 
tion des  Décrets  du  Concile  de  Baf- 
le  ,  Si  par  rapport  à  la  dépofition 
du  Pape  Eugène  ;  en  attendant 
qu'on  puiffe  recouvrer  le  procès 
verbal  de  cette  célèbre  AlTemblée , 
nos  Auteurs  nous  en  donnent  dans 
ce  Volume  une  relation  fort  fuc- 
cinte  faite  par  un  témoin  oculaire. 
On  y  voit  que  les  Archevêques  de 
Reims,  de  Tours,  de  Bourges  Si  de 
Touloufe  alîilterent  à  cette  affem- 
blée ,  qu'il  y  avoit  15  Evêques  , 
grand  nombre  d'Abbez,de  Prieurs^ 
de  Députez  des  Chapitres  Si  des 
Univerfitez ,  en  particulier  de  l'U- 
niverfité  de  Paris,trois  Docteurs  en 
Théologie,  deux  Canoniftes  Si  un 
Député  de  la  Faculté  des  Arts ,  que 
le  Dauphin,  les  Ducs  de  Bourbon, 


ES    SÇAVANS, 

d'Anjou  6v  de  Bretagne  ,  le  Comte 
de  Vendôme  £c  plufieurs  autres 
Seigneurs  du  Royaume  y  affiliè- 
rent. L'aiTemblée  avoit  commen- 
cé au  premier  jour  de  Mai.  Le 
Roi  prélîda  à  celle  du  cinq  Juin  j 
les  AmbalTadeurs  du  Pape  Eugène 
du  nombre  defquels  étoit  l'Arche- 
vêque de  Crète,  demandèrent  que 
le  Concile  de  Ferrare  fût  tenu  en 
France  pour  Oecuménique  ,  qu'il 
plût  au  Roi  d'y  envoyer  fes  Am- 
baffadeurs ,  qu'il  permît  aux  Evê- 
ques de  fon  Royaume  de  s'y  ren- 
dre ,  qu'il  rappellât  ceux  de  ces  fu- 
jets  qui  étoient  à  Balle  ,  &  qu'on, 
ne  s'arrêtât  point  au  Décret  de  fuf- 
penfion  prononcée  à  Balle  contre 
le  Pape  Eugène.  Les  Ambaffadeurs 
du  Concile  qui  étoieist  l'Evêquede 
Sipons,  l'Abbé  de  Véfelay  ,  Maî- 
tre Thomas  de  Courcelles ,  l'Ar- 
chidiacre de  Metz  ,  Si  un  Licentié, 
neveu  de  l'Archevêque  de  Lyon , 
demandèrent  au  Roi  qu'il  lui  plue 
de  faire  garder  dans  fes  Etats  les 
Décrets  du  Concile  de  Balle  pour 
la  reformation  ,  de  détendre  à  fes 
Sujets  d'aller  au  Concile  de  Floren- 
ce ,  d'envoyer  de  nouveaux  Am- 
baffadeurs au  Concile  de  Balle,  afin 
qu'on  y  continuât  ce  qui  reftoit  à 
faire  pour  le  bien  de  l'Eglife  &c 
pour  la  reformation  ,  Si  de  faire 
mettre  à  exécution  en  France  le 
Décret  de  fufpenfion  fait  par  le 
Concile  de  Balle  contre  le  Pape. 

Le  Chancelier  fit  enfuite  un 
Difcours  ,  où  il  reprit  fommaire- 
ment  ce  qui  avoit  été  dit  de 
part  Si  d'autre  ,  Si  il  expofa  de 
quelle  manière  les  Rcis  de  France 


AVRIL,  i  7  J  4-  241 
avoient  toujours  travaillé  a  procu-  privilèges  des  Ecclefiaftiques ,  Se 
ter  l'union  dans  l'Eglife  ,  enfuite  de  vouloir  bien  prendre  des  me- 
on  nomma  deux  Commiffaires  fures  pour  pourvoir  au  bien  defon 
pour  examiner  l'affaire,  Prendre  Royaume  qui  étoitdéfolé.  Robert 
enfuite  un  compte  plus  particulier  Erboule  Doclreur  en  Théologie  fit 
à  Patfemblée.  Ces  deux  Commif-  un  difeours  au  Roi  fur  ces  trois 
faires  furent  l'Archevêque  deTours  points  ,  il  fut  d'autant  plus  admi- 
se l'Evêque  de  Caltre  ,  qui  difeu-  ré  qu'il  n'avoit  eu  qu'un  jour  pour 
terent  à  la  féance  fuivante  les  rai-  fe  préparer  à  cela  ,  remarque  l'Au- 
fons  de  parc  Se  d'autre.  Enfuite  le  teurde  la  Relation  ,  le  Roi  promit 


Chancelier  ayant  été  aux  opinions  , 
il  fut  arrêté  à  la  pluralité  des  voix 
que  le  Roi  écriroit  au  Pape  Se  au 
Concile  ,  Se  qu'il  leur  envoyeroit 
des  Ambafladeurs  pour  prendre 
des  voyes  de  conciliation  ,  Se  ce- 
pendant que  toutes  chofes  refte- 
roient  en  fufpens.  Enfuite  on  nom- 
ma dix  Députez ,  Prélats  Se  Doc- 


fur  le  dernier  chef  d'y  faire  travail- 
ler dans  fon  Confeil ,  &  il  accorda 
tout  ce  qu'on  lui  demandoit  par 
les  deux  premiers. 

Sur  la  fin  du  Volume  il  y  a  un 
grand  nombre  de  Pièces  concer- 
nant le  Concile  de  Trente  ,  une  des 
plus  confiderables  contient  les  Ac- 
tes de  ce  Concile  par  Ange  Maffa- 


teurs  pour  examiner  les  Décrets  du  relli  &:  par  Jean  de  Curtembroche 
Concile  de  Bafle  fur  la  réforma-  Le  premier  étoit  Secrétaire  du 
tion  ,  Se  il  fut  arrêté  qu'on  les  re-     Concile  ,    le    fécond   étoit  né  à 

Gand  ,  homme  des  plus  habiles 
de  fon  fiécle  ,  &  qui  avoit  afïïfté 
au  Concile.  De  ces  deux  relations , 
nos  Auteurs  ont  cru  n'en  devoir 
compofer  qu'une  feule  ,  mar- 
quant ce  qu'il  y  a  dans  l'une  de 
ces  Pièces  ,  différent  de  l'autre.  Le 
Journal  de  ce  qui  s'eft  paffé  au 
Concile  de  Trente  fous  le  Pontifi- 
cat de  Pie  IV.  par  le  Chanoine  To- 
rello  Phala  de  Puggio  ,  n'efl:  pas 
moins  curieux  que  la  Relation  pré- 
cédente. Ces  Relations  originales 
Se  laites  par  des  témoins  oculaires 
ne  fçauroient  être  recueillies  avec 
trop  de  foin.  Le  Volume  finit  par 
quelques  Statuts  Synodaux. 

Nous  parlerons  dans  le  Journal 
fuivant  du  je  &  dernier  Volume. 


cevroit  avec  des  modifications.  Ces 
Députez  s'étantaiTemblés  plufieurs 
fois  Se  ayant  eu  fouvent  des  conte  - 
ftations  firent  enluite  leur  rapport, 
&  les  Décrets  furent  reçus  avec  des 
modifications  ;  il  y  eut  fur  -  tout 
des  conteftations  au  fujet  des  An- 
nates  ,  on  convenoit  que  le  Pape 
ayant  du  patrimoine  de  l'Eglife 
Romaine  de  quoi  s'entretenir  lui 
Se  fa  Cour  ne  devroit  pas  jouir  des 
Annates,néanmoins  on  voulut  bien 
lui  accorder  une  provifion  pen- 
dant la  vie  du  Pape  Eugène.  Enfui- 
te l'affemblée  fupplia  le  Roi  de 
vouloir  confirmer  par  des  Let- 
tres -  Patentes  tout  ce  qui  a  été 
fait,  de  maintenir  dans  fon  Royau- 
me les  libertez  de  l'Eglife  &  les 


a*2  JOURNAL  DES  S  ÇAVANS: 


NOVVELLES     LITTERAIRES. 


ITALIE. 
De   Rome. 

IL  paroît  ici  une  DhTertation 
Latine  ,  intitulée  :  De  rettâ  fefti- 
vitate  Pafchx  anno  1734.  celébran- 
dâ.  L'Auteur  ,  qui  cil  M.  Pietro- 
Marcellmo  de  Luccia  ,  Avocat  de 
cette  Ville,  réfute  dans  ce  Traité 
•diverfes  raifons  qu'on  pourroit  al- 
pour  montrer  que  la  Fête  de 
Pâques  devroit  tomber  cette  année 
au  18  cV  non  au  :  5  d'Avril. 

M.  B:t.!Z.z.i  ,  Cui  é  de  Prato  ,  Au- 
teur d'un  Ouvrage  fort  étendu  fur 
le  Cicle  Pafchal  ,  dont  nous  avons 
parlé  dans  nos  Nouvelles  du  mois 
de  May  de  l'année  dernière  , 
vient  de  faire  imprimer  à  Florence 
une  Lettre  en  Italien  ,  dans  laquel- 
le en  donriant  de  grands  éloges  à  la 
Dilîeitation  de  M.  de  Luccia,  il 
expofe  ce  qu'il  penfe  lui-même 
fur  cette  matière. 

DANNEMARC. 

De  Coppenhague. 

M.  Buftf&us  ,  homme  tres-verfé 
dans  la  connoiflanec  de  l'Hiftoire 
Se  des  anciennes  Langues  du  Nord 
a  donné  au  public  une  nouvelle 
Edition  du  Texte  Iilandoisdcl'Hi- 
ftoireou  Chronique  à'iflande  com- 
pofée  dans  le  douzième  ficelé  par 


Ara-Proda  }  ou  le  Sçavant ,  qu'on 
qualifie  de  premier  Hiftoricn  du 
Nord  :  ce  Texte  avoir  déjà  été  im- 
primé en  i<î SS.   mais  comme    la 
Langue  dans  laquelle  il  cil:  écrit, 
eft  aujourd'hui  três-difficije  à  en- 
tendre ,  même  parmi  les  Danois. 
M.  BuJ[mis  l'a  fait  paraître  de  nou- 
veau en  y  joignant  à  côté  une  tra- 
duction Latine  dont.il  eft  l'Auteur, 
&  dont  les  Gens  de  Lettres  ,  fur- 
tout  les  étrangeis,  ne  fçauroient 
que  lui  être  très  redevables.  Cette 
Traduction  eft  intitulée:^"//' T/jor- 
gilfis  filii  ,   cognomen  Froda  ,    id  eft 
Multifcii ,  vel  Polyhiftoris,  in  If- 
landia  quonds.m  Prejbyteri ,  primi  in 
Septentrione  H<(lorici  ,  Schedx  ,  feu 
Libellus  de  Iflandia  ,   Iflendinga- 
Bok.  diRus  ;  c  veteri  Jftandicâ    vel  t 
Jîmavis  ,  Damcâ  anticjuà  ,  Septen- 
tnonalibus  olim  communi  Ltngua  ,  in 
Launam  ver  fus  j  ac pr&ter  necejpirios 
indices  ,   quorum  unus  eft  Lexici  /»- 
flar ,  brevibus  nous  &  Chronologia  , 
prœtntfta  quoejue  Aulloris  vitâ  illu- 
ftratus  ab  Andréa  Bullxo.  Havnia. 
1733.  in  -  40.  Cet  Ouvrage  qui  eft 
dédié  à  M.  le  Comte  de  Plelo  Am- 
baftadeur  du  Roi  en  Danncmarc  , 
eft  fuivi  de  deux  autres  dont  le 
premier  eft  une  Dillertation  en- 
voyée dans  le  cours  de  l'impreffion 
d'Ara-Froda  à  M.  BuJJkus ,  par  M. 
Gam  ,  Recteur  du  Collège  de  Ncft- 
ved  en  Klande  ',  Jona  Gam  Scbe- 
diafma  de  Ratione  anni  Solaris ,  fe- 
CHîtdhm 


AVRI 

cundum  rudem  obfervationem  veterum 
Paganontm  in  ljlandia ,  ex  Solis  mo- 
tu  reflituti ,  re fi  rente  Ara  -  F  roda  , 
cap.  4.  Schcdarnm  ,  &c.  L'autre 
Ouvrage  dont  M.  Bujf&us  a  cru  fai- 
re plaiik  de  donner  une  nouvelle 
Edition  avec  quelques  Notes  ,  cft 
une  courte  Relation  d'un  Voyage 
fait  dans  le  neuvième  fiéclc  aux 
extremitez  du  Nord  &  dans  la  mer 
Baltique ,  par  Ohther  Norvégien , 
&  Wulfftan  Anglois ,  de  l'Ordre 
d'Elfred  leGrand,Roi  des  Anglois, 
écrite  par  le  même  Roi  en  Langue 
Anglo-Saxone ,  £c  publiée  ci  devant 
à  Oxford  avec  une  Traduction  La- 
tine ,  d'après  un  ancien  manuferit 
de  la  Bibliothèque  Cottonienne  j 
Periplus  Ohtheri  Halgolando  -  Nor- 
vegt ,  ut  &  Walfftani  Angli ,  fiecim- 
dur»  narrât iones  eorumdem  de  fuis 
umus  in  ultimam  plagam  Septentrio- 
nalem  ;  Htriufque  autem  in  Mari 
Baltiço  navigationibus  ,JitJfu  y£lfrc- 
di  Magni ,  Anglorum  Régis ,  fitcti- 
lo  à  Nativitate  Chrifli  nono  fiaflis  ; 
ab  ipfo  Rege  Anglo-Saxonica  Linguâ 
dtficriptus ,  &c. 

PRUSSE. 

D  £  Berlin. 

Ambroife  Haude  ,  Libraire  de 
cette  Ville  3  diftribue  le  Profipeflus 
d'un  Ouvrage  qu'il  va  imprimer 
par  Soufcription  :  il  cft  intitulé  : 
Chronologie  de  PHiftoire  Sainte  & 
des  Hiftoires  étrangères  qui  la  concer- 
nent ,  depuis  la /ortie  d'Egypte  juf- 
qu'k  la  captivité  de  Bitbylone.  Par  Ad, 
Alphonfc  des  Vignoies.  AJfociê  de 
Avril. 


l' Académie  Royale  des  Sciences  de 
Berlin  t  depuis  fin  et  ablijjement ,  & 
Dire  fleur  de  la  ClaJJc  de  Mathéma- 
tiques. M.  Heinius  ,  Dodeur  & 
Profcfleur  en  Théologie  ,  a  joint  à 
ce  Profpe&us  un  Ecrit  Latin  où 
nous  apprenons  que  M.  des  Vigno- 
ies à  prefent  âgé  de  plus  de  S4  ans , 
avoit  travaillé  dès  fajeunefle  à  cet 
Ouvrage ,  qu'il  l'avoir  interrompu 
pendant  long-tems  ,  &  qu'enfin 
l'ayant  repris,  il  en  avoit  fait  fa 
principale  occupation  pendant 
près  de  douze  années.  M.  Heinius 
rend  compte  enfuite  de  la  métho- 
de que  l'Auteur  y  a  fuivie  ,  &  fait 
voir  quel  avantage  le  Syftême  de 
M.  des  Vignoies  peut  avoir  au  def- 
fus  des  autres  Syftêmes  de  même 
genre  qui  ont  paru  jufqu'ici  ;  il  fi- 
nit en  rapportant  les  témoignages 
honorables  que  quelques  Sçavans 
&  entr'autres  feu  M.  Lenfiant ,  ont 
rendu  de  cet  Ouvrage  après  l'avoue 
lu. 

Il  fera  imprimé  avec  foin  en 
deux  Volumes  «r-40.  avec  des  Ta- 
bles Chronologiques  &c  des  Cartes- 
Géographiques  ,  le  portrait  de 
l'Auteur.  La  Soufcription  en  entier 
cft  de  quatre  écus  d'Empire ,  ou  de 
huit  florins  de  Hollande ,  ce  qui 
fait  lé  livres  de  France.  On  payera 
onze  florins  pour  le  grand  papier. 
Les  Soufcriptions  feront  reçues 
jufqu'à  Pâques  prochain ,  &  tout 
l'Ouvrage  paroîtra  vers  l'Autom- 
ne de  cette  année. 

On  peut  fouferire  à  Paris  y  cher. 
Briajfon ,  rue  S.  Jacques ,  à  la  Sciere.- 
ce. 


«44      JOURNAL    DE 

ANGLETERRE. 
De   Londres. 

M.  Milliard,  Docleur  en  Mé- 
decine ,  a  fait  imprimer  chez  A. 
Blacktwd  un  Ouvrage  en  Anglois 
in-  8°.  en  forme  de  Lettre  adreffée  à 
l'illuftre  M.  Hans-Sloam  ,  dans  le- 
quel il  fe  propofe  de  juftifier  les 
anciens  Médecins  Grecs  qui  onc 
fleuri  &  qui  ont  écrit  fur  la  Méde- 
cine après  Gallien ,  fut  ce  qu'on 
leur  reproche  de  n'avoir  fait  que 
copier  ceux  qui  les  ont  précédés. 

Alexandre  Trallien ,  des  Oeuvres 
duquel  M.  Adilivard  eft  dans  le 
deffein  de  donner  une  Edition  , 
fait  le  principal  objet  de  fes  recher- 
ches ,  dans  la  vue ,  fans  doute  ,  de 
prévenir  le  public  en  faveur  de  cet 
Auteur. 

Exercitatio  Geometrica  de  deferip- 
ùone  Lineamm  Curvarum  :  Autlore 
Gulielmo  Braikenridge  ,  Ecclefid 
Anglican*  Prejbytero.  Apud  Rie. 
Hett  &  Job.  Nourfe.  Broch.  Jfc-4-. 

J.  Wdcox  a  achevé  d'imprimer 
&  délivre  aux  Soufcripteurs  :  The 
Koran  ,  common.y  Call'the  Alcoran 
e/Mohammed  ,  tranjlated  tnto  En- 
glish  immediately  from  the  original 
Arabie,  &c.  C'eft-à-dire  :  le  Koran, 
communément  appelle  /'Alcoran  de 
Mahomet  ,.  traduit  de  l'Original 
Arabe  en  Anglois ,  avec  des  Notes 
tirées  des  meilleurs  Commentateurs  , 
pour  faciliter  l'intelligence  de  cet  Ou- 
vrage. Par  M.  George  Sale.  in-^°. 
*7Î4.  Ccue  TwdutSion  eft  préce- 


S     SÇAVANS; 

dee  d'un  Difcours  Préliminaire  quï 
contient  un  grand  nombre  d'Ob- 
fervations  curieufes  &  intereffan- 
tes.  Il  eft  partagé  en  huit  Se&ions  , 
dans  lefquellcs  M.  Sale  traite  i°.  de 
l'Hiftoirc  ,  de  la  Religion  ,  des 
Sciences  &  des  Coutumes  des  Ara- 
bes avant  Mahomet.  i°.  De  l'état 
du  Chriitianifme  &  du  Judaïfmc 
en  Orient  lorfque  Mahomet  parut, 
&  de  quelle  manière  ce  dernier  s'y 
prit  pour  établir  fa  Religion.  3°.De 
ce  qui  regarde  l'Alcoran  ,  foit  par 
rapporta  la  lignification  de  ce  mot, 
&  au  nombre  des  Chapitres  que  ce 
Livre  contient  ,  foit  par  rapport 
aux  différentes  Editionsou  anciens 
Manufcrits  qu'on  en  a ,  à  la  maniè- 
re dont  il  a  été  compofé  &  rédigé  , 
aux  Langues  dans  lefquelles  il  a  été 
traduit,©"c.  40.  &  5*.  Des  Préceptes 
pofitifs  &  négatifs  de  l'Alcoran  , 
des  Principes  fondamentaux  Si  des 
Cérémonies  de  la  Religion  Maho- 
métane.  6°.Des  Loix  &  des  Confti- 
tutions  fondées  fur  l'Alcoran.,  par 
rapport  aux  affaires  civiles.  j°.  Des 
Fêtes  ou  Solemnitez  dés  Mahomc- 
tans.  8°.  Enfin  de  leurs  principales 
Sectes  ,  des  points  fur  lefquels  ils 
font  divifés  entr'eux  ,  de  leur 
Théologie,  &c. 

HOLLANDE. 

D'A  MSTERDAM. 

Voici  le  titre  d'un  nouvel  Ou- 
vrage confiderable  que  lV:t(lein  Se 
Smith  vont  imprimer  par  Soufcrip- 
tion  :  Locupletijfimi  Rerum  Natura-- 
Hum  ThsÇmri  aççumn  Defcnptio  v 


A  V  R 

t?  Iconibus  artificiofjfimis  expreffio  t 
fer  univerfam  Phyfices  Hifloriam. 
£x  toto  Terrarum  Orbe  collegit ,  di- 
geffit  j  defcripfit  &  depingendum  *«- 
ravit  Albertus  Seba ,  Etzela  Oift- 
friftus ,  Académie,  Ctftirea  Leopoldi- 
no  Carolins.  Nature  CuriofommColle- 
ga  Xenocrates  diElus  ',  Societatis  Ré- 
git Anglicane ,  &  Inflituti  Eononien- 
fis  Sodalis, 

Cette  ample  Collection  qui  con- 
fifte,  comme  on  le  voit  par  le  ti- 
tre ,   dans  la  gravure  &  l'expli- 
cation   d'une   infinité    de    chofes 
curieufes   qui  regardent  l'Hiftoi- 
re  Naturelle  &laPhyfique,  doit 
être  en  quatre  Volumes  in  -folio. 
Chaque  Volume  contiendra  plus 
de  ioo  planches  qui  reprefenteront 
.dans  un  certain  ordre  les  plantes , 
les  rieurs ,  les  animaux ,  les  infec- 
tes ,  les  coquillages  &  les  végétaux 
les  plus  rares ,  &c.  Les  explications 
que  M.  Seba  a  joint  à  tout  cela 
rempliront  encore  plus  de  50  feuil- 
les par  Volume  :    comme  le  pre- 
mier Tome  eft  achevé  d'imprimer, 
il  a  été  facile  aux  Libraires  de  voir 
à  quelle  fomme   tout  l'Ouvrage 
pourra  revenir.  Ce  premier  Tome, 
fuivant  un  calcul  exact  qu'ils  don- 
nent dans  leur  Profpetlus  3  devroit 
coûter   $$  florins  16  fols ,  ce  qui 
feroit  en  total  pour  les  quatre  Vo- 
lumes.i3  5  florins  4  fols ,  ou  argent 
de  France  470  livres  huit  fols.  Ce- 
pendant ceux  qui  voudront  fouf- 
crire  ne  payeront  pour  le  tout  que 
160  florins ,  ou  3  zo  livres  ,  dont 
on  donnerra  50  florins  en  fouferi- 
vant ,  ou  plutôt  en  recevant  le  pre- 
sr.icr  Tome  qui  cft  achevé  ;  4s  flo- 


I  L  ,    173  4:  24J. 

rins  en  recevant  le  Tome  fécond 
40  florins  en  recevant  le  troifiérrre 
&  feulement  30  florins  en  recevant 
le  quatrième.  On  pourra  fouferire 
jufqu'au  premier  Septembre  de 
cette  année  ,  &  le  fécond  Volume 
fera  délivré  au  premier  Février 
1735.  les  Libraires  promettent 
de  donner  un  nouveau  Tome  cha- 
que année  fuivante  au  même  mois. 

FRANCE. 

De     Paris. 

Projet  d'un  Supplément  k  la  Col- 
leclion  des  Conciles  du  P.  Labbe,  qui 
don  s'imprimer  inceffamment  k  Paris, 
che"^  Briaflbn  t  rue  faim  Jacques  ,  k 
la  Science  ,  &  à  Cenêve ,  chez 
Fabri  &  Barillot. 

Ceux  qui  voyent  avec  peine 
qu'on  multiplie  quelquefois  fans 
beaucoup  de  nece/fité  les  Editions 
de  certains  Livres  utiles,  parce  que 
la  dépenfe  qu'il  faut  faire  pour  les 
acquérir  devient  à  la  fin  exceflîve 
ne  manqueront  pas  d'applaudir  au 
Projet  que  nous  annonçons. 

De  toutes  les  Colle&ions  de 
Conciles  qui  ont  paru  jufqu'i  p»e- 
fent ,  celle  que  M.  Coleti  a  publiée 
depuis  peu  à  Venife  doit  certaine- 
ment paiîer  pour  la  plus  ample. 
Non  feulement  cet  Editeur  y  a  fait 
entrer  tout  ce  qui  compofoit  la 
grande  Collection  du  P.  Hardouin, 
qui  lui  même  avoit  eu  foin  de  pro- 
fiter des  recherches  de  tous  ceux  qui 
l'avoient  précédé  dans  cette  cfpece 
de  travail  ;  mais  il  y  a  encore  ajou- 
té _,  autant  qu'il  lui  a  été  pofîibie 
Iiij 


246  JOURNAL   D 

tout  ce  qui  fe  trouve  de  Conciles 
ou  de  Statuts  Synodaux  répandus 
dans  les  differens  Recueils  donnés 
au  public  depuis  l'Edition  des  Con- 
ciles donnée  par  ce  fçavant  Jcfnite. 

Mais  quelque  ample  qu'on  iup- 
pofe  la  Collection  des  Conciles 
imprimée  à  Vernie  ,  la  qualité  de 
ces  fortes  d'Ouvrages  fuffit  pour 
perfuader  qu'il  n'eft  pas  difficile 
d'y  taire  des  additions  nouvelles. 
En  effet  l'Auteur  de  ce  Projet  allu- 
re qu'il  a  ramaffé  un  nombre  conlî- 
derable  de  Conciles  &  de  Synodes, 
ou  inconnus  jufqu'à  prefent  ou  qui 
n'ont  pas  encore  été  imprimés ,  ou 
qui  jufqu  ici  n'ont  été  inférés  dans 
aucune  Collection  des  Conciles. 
C'eftcequil'a  déterminé  à  publier  le 
Supplément  dont  il  eft  ici  queftion^ 
&  afin  que  cette  entreprife  puiffe 
être  de  quelque  utilité  au  public; 
voici  en  abrégé  la  manière  dont  on 
fe  propofe  de  l'exécuter. 

Comme  l'Edition  des  Conciles 
du  P.  Labbe  eft  la  plus  répandue  , 
le  nouvel  éditeur  doit  recueillir 
tous  les  Conciles  publiés  parle  Père 
Hardoitin  5c  M.  Coleti ,  5c  les  join- 
dre à  ceux  qu'il  a  lui-même  décou- 
verts ,  pour  être  imprimés  de  la 
même  forme  ,  grandeur  ,  5c  carac- 
tères que  cette  Edition. 

Tous  ces  Acles  feront  accompa- 
gnés de  notes  pour  l'intelligence 
du  Texte ,  ôc  de  variantes  tirées 
des  manulcrits  5c  des  imprimez. 
Ces  divers  morceaux  compofcronr 
la  première  Partie  de  ce  Supplé- 
ment ,  laquelle  fera  accompagnée 
d'une  Table  exacte  des  matières. 

L'Editeur  ne  s'eft  pas  borne  à  ce 


ES  SÇ'AVANS, 

fimple  Recueil  ',  il  a  encore  entre- 
pris de  rectifier  5c  reformer  la  Col- 
lection entière  des  Conciles  du 
Père  Labbe  y  quelque  pénible  que 
puiffe  être  un  pareil  travail.  Il 
s'eft  attaché  à  épurer  le  Texte  ,  à- 
revoir  5c  à  corriger  plusieurs  en- 
droits des  verlîons ,  à  fuppléer  à 
ceux  qui  étoient  omis  Se  qui  fe 
trouvent  dans  les  manuferits  ou 
dans  les  premières  Editions  ,  à  réta- 
blir certains  termes  aufquels  on  en 
a  fubftitué  d'étrangers ,  dTc  5c  ce 
qui  n'eft  pas  de  moindre  importan- 
ce, il  a  compofé  des  notes  fur  les 
endroits  les  plus  difficiles  ;  celles 
que  le  Père  Labbe  devoit  donner  a' 
n'ayant  pas  vu  le  jour  ,  quoiqu'il  y 
renvoyé  fes  Lecteurs. 

On  donnera  de  plus  une  Lifte 
Alphabétique  de  certains  mots  in- 
connus ,  barbares  5c  obfcurs  qui 
font  dans  les  Actes  5c  les  Pièces 
originales  des  Conciles,  en  indi- 
quant les  pages  des  différentes  Edi- 
tions où  ils  fe  trouvent. 

Enfin  on  ajoutera  à  tout  l'Ou- 
vrage une  Lifte  de  tous  les  Conci- 
les inférés  dans  les  diverfes  Collec- 
tions ,  à  laquelle  on  a  joint  le  nom 
des  Archives  ou  des  Bibliothèques, 
d'où  ils  ont  été  tirés  ,  ce  qui  a  été 
affez  fouvent  négligé  par  les  Edi- 
teurs modernes. 

Cet  amas  de  corrections  ,  de 
variantes  ,  de  notes  5c  de  Catalo- 
gues doit  tormer  la  féconde  Partie 
de  ce  Supplément.  Quoiqu'on  y 
-ir  principalement  en  vue  la  Col- 
lection du  Père  Labbe  ,  on  aura 
pourtant  foin  pour  la  commo- 
dité de  ceux  qui  ont  toute  autre- 


A  V  R  I 

Collection  j  d'indiquer  les  pages 
de  ces  divers  Recueils ,  où  le  trou- 
ve chaque  Concile  ,  auquel  par 
confequent  doivent  fe  rapporter 
les  notes  ,  les  corrections  &  les 
variantes. 

On  ne  dit  dans  ce  Projet  ni 
quand  on  commencera  l'impref- 
ilon  de  ce  Supplément  ,  ni  en  com- 
bien de  Volumes  il  fera  imprimé  : 
on  afïiire  feulement  qu'on  n'en 
imprimera  qu'un  petit  nombre 
d'exemplaires ,  fur  le  prix  defquels 
on  accordera  un  bénéfice  à  ceux 
qui  en  retiendront  par  avance  :  on 
n'en  imprimera  ,  ajoûte-ton  ,  en 
grand  papier  que  pour  ceux  qui  en 
demanderont. 

On  trouve  chez  le  même  Briaf- 
fon  :  Epiftola  plurium  Doilorum  è 
Societate  Sorbomca  ad  illuftriffimum 
JMarchionem  Scipionem  Maffeium 
de  ratio  fie  Induis  Sorbonici  ,feu  Bi- 
bliothec*.  Alphabetica  quant,  ador- 
nant ,  ubi  de  Eptftolis  fantli  Augufli- 
ni  nuperrtmi  inventis  &  editis.  Bro- 
chure /»-4°.  C'eft  à  regret  que  nous 
fommes  obligés  de  différer  jufquau 
mois  prochain  de  rendre  un  compte 
exact  de  ce  que  contient  cette  Let- 
tre ;  l'article  précèdent  n'eft  déjà 
que  trop  étendu  pour  une  Nouvel- 
le Littéraire. 


E  î    *  7  5  4--  *47 

Plaidoyer  de  M.  Erard  Avocat 
au  Parlement ,  »  avec  les  Arrelts  du 
»  Parlement ,  donnés  en  interpre- 
«tationsdes  Articles  282  &  283 
»  de  la  Coutume  de  Paris  \  tou- 
»  chant  les  avantages  indirects  faits 
»  par  l'un  des  Conjoints  à  l'autre  5 
»  &  un  Extrait  du  Teftament  de  la. 
»  Dame  Marquife  de  Torcy  ,  con- 
»  tenant  un  Legs  univerfel  au  pro- 
»  fit  de  la  Dame  de  la  Tour ,  merc 
a  de  fon  mari  :  &  les  Fa&ums  de 
»  M.  Erard  pour  les  héritiers  de 
y>  ladite  Dame  de  Torcy ,  qui  ont 
»  obtenu  cet  Arreft.  «  Seconde  édi- 
tion. Chez  Mefnier  y  rue-  S.  Severin 
&  au  Palais,  au  Soleil  d'or.  1734. 
in -S". 

Le  grand  Commandement  de  la. 
Loi  ,  ou  le  Devoir  principal  de 
V  Homme  envers  Dieu  &  envers  le 
Prochain  ,  expofé  félon  les  princi- 
pes de  S.  Thomas.  Par  le  Père  Ber- 
nard d'Arras ,  Capucin  ,  Lecteur 
en  Théologie.  De  l'Imprimerie  de 
J.  B.  Coignard  fils ,  Imprimeur  de 
l'Ordre  de  Saint  François.  17.33. 
in  - 1 2. 

Les  Mémoires  du  Chevalier  de' 
*  *  *.  Par  Madame  Meheuft.  Chez 
Dupais ,  Grand'Salle  du  Palais, .au' 
S.  Efprit.  1754.  in-vu 


*îs 


TABLE 

Des  Articles  contenus  dans  le  Journal  d'Avril  1734.' 

TRaité  Phyfîque  &  Hijforique  de  V Aurore  Boréale  t  page  1 8) 

La  Chronique  ou  Annales  de  Gofweic  ,  &c.  2d 

Traité  de  la  Communauté  entre  mari  &  femme  }  &c.  i©J 

Recueil   de  quelques  Antiquitez.  de  France ,  &c.  208 

L'An  d'apprendre  la  Mufique ,  &c.  1 19 

Hiftoire  des  Empires  &  des  Républiques  ,  &c  223 
Hiftoire  des  Rois  de  Pologne  &  du  Gouvernement  de  ce  Royaume,  tcç.  230 

"Réflexions  fur  la  Poe  fie  en  général  y  &c.  2  3  J 

Tris  -  ample  Colletlion  d'anciens  Ecrivains  y  &c.  par  Us  PP.  Martenc  & 

Durand.  Tome  huit ,  237 

Nouvelles  Littéraires ,  M* 

Fin  de  1»  Table. 


L  E 

JOURNAL 

SCAVANS, 

5 

FOUR 

L'ANNEE     M.    DCC    XXXlF. 

MAY. 


A      PARIS, 

Chez     CHAUBERT,    à  l'entrée   du  Quay  des 

Auguftins,  du  côté  du  Pont  Saint  Michel,  à  la 

Renommée  &  à  la  Prudence. 

M.   DCC.   XX~XIV: 
AVEC  APPROBATION  ET  PRIVILEGE  DU  ROY, 


LE 


JOURNAL 

DES 

SCAVANS 

MAY   M.  DCC.    XXXIV. 

HISTOIRE  DES  EMPIRES    ET  DES  REPVBLIQVES, 

depuis  le  Déluge  jiifqtt'à  J.  C.  ou  l'on  voit  dans  celle  d'Egypte  &  d'Ajte  la. 
liaifon  de  VHifloire  Sainte  avec  la  Profane  ,  &  dans  celle  de  la  Grèce  le 
rapport  de  la  Fable  avec  l'Hifloire.  Origine  de  la  Mythologie.  Araos ,  My- 
cenes  &  Lacèdimone.  1735.  A  Paris  ,  chez  Simart ,  rue  S.  Jacques ,  au 
Dauphin  -,  Jean  Rouan  ;  Bullot ,  rue  de  la  Parchemincrie  ,  &  Jean  Nul- 
ly  ,  Grand'Salle  du  Palais ,  ««-12.  quatre  Volumes ,  Tom.  I.  ou  plû- 
eôt  féconde  Partie  du  premier  Tom.  pp.  ç  1 1.  fans  le  Difcours  Préli- 
minaire Se  la  Table  des  matières }  Tom.  III.  pp.  502.  Tom.  IV.pp.5z0. 


May, 


Kkij 


*/«         JOURNAL   DES   SÇAVANS; 


CE  fécond  Volume  commen- 
ce par  l'origine  de  la  Mytho- 
logie. Pour  la  découvrir ,  l'Auteur 
remonte  jufqu'au  principe  de  l'Ido- 
lâtrie &  c'eft  ainfi  qu'il  le  rapporte. 
»  Les  eaux  que  le  Seigneur  avoit 
»>  envoyées  fur  là  terre  ,  l'avoient 
a»  bien  purifiée  de  fes  criminels  ; 
->  niais  elles  lui  lai  lièrent  avec  leur 
:>  farïge  empoifonnée  le  principe  de 
»  fa  corruption  ,  funefte  effet  de 
s»l'anathême  qui  avoit  été  pronon- 
»  ce  contre  elle  dès  le  commence- 
»  ment.  L'Univers  ne  fe  repeupla 
y  que  pour  enfanter  des  pécheurs. 
Noé  même  eut  la  douleur  de  voir 
fes  enfans  paffer  des  plus  grands 
crimes  jufqu'à  l'oubli  du  vraiDieu, 
»  en  forte  que  fi  la  Religion  ne 
s*  nous  obligeoit  de  croire  que  le 
»  Monde  ne  fût  jamais  fans  quel- 
»queAdorateur  en  qui  fe  confervât 
»  le  précieux  germe  de  la  foi  &  du 
s>  vrai  culte ,  on  feroit  tenté  de  dire 
»  qu'Abraham  lui-même  étoit  cn- 
»  veloppé  dans  les  ténèbres  du  Pa- 
»ganifme  quand  le  Seigneur  l'ap- 
=»pella  du  milieu  des  Chaldéens  4Z7 
00  ans  depuis  le  Déluge. 

Mais  parmi  les  defeendans  de 
Japhet ,  qui  peuplèrent  la  Grèce  , 
l'Italie  ,  les  Gaules  5c  l'Efpagne , 
une  famille  entr'aiures  fe  diftingua 
par  fes  injuftices ,  fa  cruauté ,  fon 
ambition  &  fes  autres  crimes  : 
étendue  depuis  l'Orient  jufqu'au 
couchant,  fa  puiflance  la  rendit 
formidable  ;  les  Chefs  en  furent  re- 
gardés comme  des  hommes  ex- 
traordinaires ;  bien-tôt  même  on 
parut  oublier   qu'ils  avoient  été 


hommes  ,  &  tout  au  plus  un  fiécîe 
après  leur  mort  ,  la  fu  perdition 
n'héfita  pas  d'en  faire  des  Dieux. 

On  montre  enfuite  qu'il  eft  im- 
poffible  de  rien  dire  de  certain  & 
de  fuivi  fur  ces  Héros  divinifés. 
C'eft  par  cette  raifon  que  l'Auteur 
appelle  tems  inconnus  ceux  pendant 
lefquels  il  paroît  qu'ils  ont  vécu. 
On  ne  peut  tirer  aucunes  lumières 
certaines  des  Poètes  fur  cette  ma- 
dère ,  les  Philofophes  ou  autres  Sa- 
ges de  Rome  S:  d'Athènes,  quoique 
récitant  le  même Jîmbole ,  ne  faifoient 
pas  difficulté  de  fe  déclarer  leurs 
contradicteurs. 

Cependant  la  plupart  des  Fables 
que  les  Poètes  nous  racontent  de 
leurs  Dieux  avoient  quelque  fon- 
dement dans  l'Hiftoire  ,  quoiqu'il 
foit  très  difficile  de  le  découvrir , 
l'Auteur  ne  perd  jamais  l'occafion 
de  le  taire  toutes  les  fois  qu'elle  fe 
prefente. 

C'eft  fur  ce  plan  qu'il  recherche 
ce  qu'étoit  Jupiter  ,  quels  furent 
£ts  ancêtres ,  fes  frères  &c  fes  def- 
eendans ,  parce  que  ce  point  une 
fois  éclairci  ,  portera  la  lumière 
dans  toute  l'Hiftoire  Grecque. 
C'eft  principalement  des  premiers 
Apologiftes  de  la  Religion  Chré- 
tienne qui  avoient  puifé  dans  les 
Hiftoriens  Prophanes  ,  dont  les 
Ecrits  fubfiftoicnt  encore  dans  les 
premiers  fiécles  de  l'Eglife  qu'il 
emprunte  ce  qu'il  dit  de  Jupiter  & 
des  aunes  Dieux. 

Il  établir  donc  que  des  Gomc- 
riens  ,  furnommés  depuis  Cim- 
briens  ou  Suques ,  fortit  environ 


MAY, 

ioo  ans  avant  la  naiflance  d'Abra- 
ham ,  un  homme  illuftre  nommé 
Acmon  qui  vint  à  la  tête  d'une 
puiffante  Colonie  s'établir  vers  le 
Pont-Euxin.  Comme  l'Auteur  fc 
fert  de  l'autorité  de  Sanchoniathon 
pour  appuyer  ce  fait ,  il  montre 
dans  une  cfpece  de  Diflertation 
qu'on  trouvera  à  la  fin  de  ce  Traité 
que  le  fragment  de  cet  Auteur  Phé- 
nicien n'eft  pas  fuppofé  comme 
l'ont  penfé  M.  Simon  ,  les  Pères  de 
Montfaucon  &  Calmet ,  mais  que 
le  faux  s'y  trouve  mêlé  avec  le  vrai 
&  qu'en  particulier  le  Sanchonia- 
thon eft  d'autant  plus  croyable  fur 
ce  qu'il  dit  d'Acmon  3Urane,  Sa- 
turne Se  Jupiter  ,  que  fon  récit  eft 
confirmé  par  d'autres  Hiftoriens. 

Cet  Acmon  fe  rendit  célèbre 
par  fes  conquêtes  Se  par  fes  rava- 
ges ,  ce  qui  fit  donner  à  fes  peuples 
le  nom  de  Saques  comme  qui  di- 
roit  voleurs  ou  brigans  ,  Se  l'Au- 
teur prétend  que  c'eft-là  même  l'o- 
rigine des  mots  de  fac  Se  defacca- 
ger  s  Se  que  c'eft  delà  encore  qu'eft 
venu  le  jeu  des  Echecs  qu'on  nom- 
me en  Latin  Scacorum ,  ou  Latinn- 
culomm  Ludus ,  le  jeu  des  brigans  , 
parce  que  les  fujets  d'Acmon  le 
jouoient ,  Se  le  regardoienr  comme 
une  image  de  la  guerre.  M.Fréret, 
dit-il ,  dans  la  DifTertation  fur  les 
Saques  ne  les  fait  pas  tout  à  fait 
lî  anciens,  mais  il  en  donne  cepen- 
dant à  peu-près  la  même  origine. 
Acmon  laiffa  un  fils  nommé  Ura- 
nc  ,  qui  ne  fe  rendit  pas  moins  fa- 
meux que  fon  père.  11  étendit  fa  do- 
mination jufque  dans  la  Lybie  Oc- 
cidentale,   Se  les' peuples  de  ces 


*7  34*  aj-j 

Contrées  le  reconnurent  pour  un 
Dieu  ,  mais  Saturne  le  plus  jeune 
de  fes  enfans  lui  déclara  la  guerre  , 
l'obligea  de  lui  céder  la  Royauté; 
Se  triompha  de  fes  autres  frères  , 
dont  il  envahit  les  Etats. 

Ce  fut  fous  fon  règne  ,  parmi 
une  infinité  d'autres  fictions  que 
l'Auteur  rapporte  ,  que  les  Poètes 
placèrent  l'âge  d'or ,  ce  qui  ne  con- 
vient guéres  ni  à  la  peinture  qu'ils 
en  font  ,  ni  à  la  conduite  auliï 
cruelle  qu'injufte,  que  Saturne  tint 
avec  fon  père  Se  avec  fes  frères  , 
mais  il  foûtient  avec  plufieurs  Sça- 
vans  que  les  premiers  Poètes  ont 
orné  leurs  fictions  de  tout  ce  qu'ils 
avoient  trouvé  de  beau  &  de  tou- 
chant dans  les  Livres  de  Moyfe,  & 
dans  la  tradition  des  Juifs ,  Se  on 
nous  fait  voir  aflez  au  long  le  rap- 
port que  ce  qu'ils  racontent  de  Sa- 
turne peut  avoir  avec  ce  que  l'Ecri- 
ture nous  apprend  de  Noc. 

Mais  avant  que  de  finir  l'Hiftoi- 
re  de  Saturne  il  nous  donne  l'Hi- 
ftoire  de  deux  de  fes  frères  qui  font 
auffi  fort  connus.  L'un  eft  Japet  & 
l'autre  Promethée  ,  Se  c'eft-là  que 
l'Auteur  montre  bien  que  Pyrrha 
Se  Deucalion  n'étoient  pas  regar- 
dés comme  les  premiers  des  hom- 
mes ,  quoiqu'il  lui  fût  échappé  de 
les  appeller  ainfi  dans  le  premier 
Volume  de  fon  Hiftoire. 

Enfuite  il  paife  à  celle  des  trois 
enfans  de  Saturne  ,  Jupiter  ,  Nep- 
tune Se  Pluton.  Il  fait  voir  que 
toutes  les  intrigues  d'amour  qu'on 
a  attribué  au  premier  ,  ne  peuvent 
être  mifes  fur  le  compte  du  fils  de 
Saturne.Dès  qu'unRoi  s' étoit  acquis 


ay4        JOURNAL    DE 

«quelque  réputation  dans  le  mon- 
de ,  il  fe  faifoit  appeller  Jupiter, 
Se  Varron  en  comptoit  plus  de  300 
qui  avoient  porté  ce  nom.  D'ail- 
leurs les  anciens  accoutumés  à  con- 
fondre les  tems  ,  croyoient  honorer 
ïeurs  Héros  en  leur  donnant  ce 
nom  célèbre  ,  quoiqu'ils  fuffent 
fort  antérieurs  au  Jupiter  Olym- 
pien. C'eft  ainfi  que  les  Babylo- 
niens nommèrent  Jupiter  leur  Bé- 
lus  qui  eft  Nembrod  ,  &:  que  les 
Egyptiens  en  ufoient  à  l'égard  de 
Cham  connu  fous  le  nom  de  Jupi- 
ter Annnon. 

Le  rils  de  Saturne  eut  en  partage 
l'Afie  Mineure  ,  la  Grèce  ,  les  Gau- 
les ,  &:  l' ï fie  de  Crète  qu'il  fe  reler- 
va  comme  le  lieu  dé  Fa  naiffance  &C 
de  fon  éducation  ;  Neptune  eut  la 
Mer,  les  lflcs  &  les  Pays  Maritimes, 
&c  Pluton  les  Pays  Occidentaux  , 
comme  l'Efpagne  &  l'Afrique  Oc- 
cidentale. Les  Mines  dont  ce  Pays 
abonde  &  fa  (uuation  baffe  par  rap- 
port à  la  Grèce  ,  engagèrent  les 
Poètes  à  placer  le  Royaume  de  Plu- 
ton  dans  le  centre  de  la  terre  ,  &  à 
le  regarder  comme  le  Dieu  de  l'En- 
fer. A  cette  occafion  en  nous  don- 
ne une  defeription  allez  étendue 
de  l'Enfer  des  Poètes  ,  mais  fans 
rien  ajouter  à  ce  qu'Homère  & 
Virgile  nous  en  ont  appris. 

Il  eft  impolliblc  de  fuivre  notre 
Auteur  dans  ce  qu'il  raconte  des 
autres  Dtvinitez  de  la  Fable  ,  fur 
chacunes  defquelles  il  donne  un  ar- 
ticle féparé.  Il  ne  fe  propofe  pas  ce- 
pendant d'approfondir  cette  ma- 
tière ;  fon  but  eft  de  n'en  dire  que 
se  qui  eft  neceflaire  pour  l'intelli- 


S    SÇAVANS, 

gence  des  anciens  Auteurs  tant  Sa- 
crés que  Prophanes ,  &  pour  faire 
fentir  la  liaifon  de  la  Fable  avec 
l'Hiftoire.  C'eft  ainfi  qu'il  s'enex- 
plique  lui-même.  »  Quand  je  com- 
»  mence  à  parler  des  enfans  de  Ju- 
»piter,  ma  penfée  n'eft  pas  d'en- 
»  trer  ici  dans  un  long  détail.  L'in- 
»  continence  exceffive  de  ce  Prin- 
»ce,  celle  de  tant  d'autres ,  &  de 
»fes  Prêtres,  quiabuferent  tous  de 
*>  fon  nom  ,  pour  cacher ,  comme  il 
m  le  dit  ailleurs  ,  leurs  crimes  fous 
»  un  voile  refpecls.ble  au  peuple  ,  me 
»jetteroient  dans  cet  immenfe  la- 
nbirinthe  qui  compofe  tout  le 
»  merveilleux  delà  Mythologie.  Il 
fe  contente  donc  de  propofer  fes 
doutes  fur  Apollon ,  fes  incertitudes 
fur  Vénus  &  fur  Mars ,  &  fur  quel- 
ques autres  Divinitez  Subalternes 
qui  font  les  plus  connues. 

Ainfi  des  tems  inconnus  qui  finif- 
fent  vers  les  commencemens  de  la 
vie  de  Jacob  ,  il  palTe  à  ceux  qu'on 
appelle/࣫/f«.v ,  j>  parce  que  juf- 
»  qu'au  lïécle  où  la  fameufe  Troyc 
»  périt  par  la  Ligue  des  Grecs ,  la 
»  Fable  a  extrêmement  enchéri ,  ou 
»  défiguré  la  vérité  de  l'Hiftoire 
»  pour  y  mêler  le  merveilleux  & 
»  les  fictions.  «  Il  efpere  néanmoins 
de  ramener  tout  à  la  (Implicite  des 
faits ,  &  de  rendre  à  ces  grands  Hé- 
ros l'honneur  qui  leur  eft  dû  en  fau- 
vant  la  vérité  du  menfonge.  Il  faut 
donc  ,  ajoute  - 1  -  il ,  appeller  les  4 
ou  5  fiéclcs  fuivans ,  tems  héroïques , 
comme  l'a  remarqué  Scaliger. 

Apres  la  mort  de  Jupiter  &  de 
Mercure  ,  la  famille  de  Saturne 
manquant  d'héritiers  en  ligue  die 


MAY, 

fecte  ,  l'Univers  fut  long  -  tems 
dans  une  efpecc  d'Anarchie.  Parmi 
ceux  qui  afpirerent  enfuite  à  la  Sou- 
veraineté ,  Inachus  eft  regardé 
comme  le  premier  &  comme  le 
Fondateur  du  Royaume  d'Argos, 
dont  notre  Auteur  commence  ici 
l'Hiftoire.  Ce  Prince  établit  fon 
Empire  fur  les  côtes  du  Péloponnè- 
se qui  font  au-deflous  de  Corinthe. 
Il  eut  deux  enfans  de  Mélifla  fa 
fceur.  Le  premier  lui  fucceda  clans 
le  Royaume  d'Argos ,  qui  fut  ainfi 
appelle  du  nom  d'Argus  petit  fils 
de  Phoronée  ,  car  auparavant  ce 
Pays  fe  nommoit  Elide  ou  Inachie. 
Le  fécond  fils  d'Inachus  fut  Roi  de 
Sicyone  dans  l'Achaïe.  De  leurs 
tems  arriva  le  fameux  Déluge  d'O- 
gygés ,  le  premier  de  ceux  dont 
les  Traditions  Grecques  falfent 
mention.  Ce  ne  fut ,  à  ce  qu'on 
prétend ,  qu'une  inondation  de  la 
Boëtie ,  Se  de  l'Attique  ,  caufée 
par  le  débordement  du  Lac  Copaïs 
dont  les  écoulemens  fe  trouvèrent 
bouchés. 

On  trouve  ici  la  fuite  des  Rois 
d'Argos  d'après  Eufébe  &  le  Sin- 
celle  ,  comme  étant  defeendus 
d'Inachus,  ils  furent  nommés  Ina- 
chides ,  jufqu'à  Danaiis  qui  l'an  du 
monde  1 5 10.  ufurpa  la  Souveraine- 
té fur  Gélanor.  Danaiis  étoit  Egyp- 
tien ,  mais  notre  Auteur  prétend 
que  c'eft  fauflemeiit  que  plufieurs 
Auteurs  difent  qu'il  étoit  frère  du 
fameux  Séfoftris.  Il  rapporte  enfui- 
te l'Hiftoire  des  Danaïdes  ,  celle 
de  Bellerophon  &  de  la  Chimère  , 
de  Danaé ,  de  Perfée  ,  de  Médufe  , 
4es  Gorgones ,  &c . 


17  5  4-  ISS 

Il  remarque  que  depuis  Mé^a- 
pente  Roi  de  Tyrinthe  qui  devint 
Roi  d'Argos  par  l'échange  qu'il  fit 
de  fon  Royaume  contre  Perfée,  on 
n'entend  plus  rien  à  la  fuite  des 
Rois  d'Argos  ,  les  Etats  qui  le 
compofoient  ayant  été  partagés  en 
trois  par  Anaxagore  fils  de  Méga- 
pente  -,  ce  Royaume  fut  réduit  à  fi 
peu  de  chofes  qu'il  ne  mérita  plus 
l'attention  des  Ecrivains  pofte- 
rieurs.  Orefte  fils  d'Agamemnon 
s'en  empara  Se  le  mit  fous  la  puif- 
fance  des  Rois  de  Mycénes ,  dont 
il  ne  fe  releva  jamais ,  il  avoit  duré 
690  ans, 

L'Auteur  entre  dans  l'Hiftoire  du 
Royaume  de  Mycénes ,  par  celle 
de  fon  origine.  Perfée  par  l'échange 
qu'il  avoit  fait  avec  Mégapente 
devoit  naturellement  s'établir  à 
Tyrinthe ,  mais  cette  Ville  ne  lui 
ayant  pas  plû  ,  il  en  bâtit  une  au- 
tre à  qui  il  donna  le  nom  de  Mycé- 
nes pour  une  raifon  qu'on  verra 
dans  l'Ouvrage  même  ;  nous  y  ren- 
voyons encore  pour  tout  ce  qui  re- 
garde les  expéditions  de  Perfée,  les 
merveilles  dont  la  Fable  les  a  em- 
bellies ,  les  Travaux  d'Hercule  ,  le 
voyage  des  Argonautes  qu'il  place 
l'an  du  monde  1277.  la  guerre  de 
Troyc ,  &c.  H  avertit  en  même 
tems  que  comme  fon  defiein  eft  de 
ramener  tout  à  l'Hiftoire ,  il  omet 
dans  celle  des  Argonautes  plufieurs 
circonftances  qui  ne  peuvent  s'ac- 
corder avec  la  Chronologie.  Le 
Royaume  de  Mycénes  finit  fous  le 
règne  deTitaméne  fils  d'Orefte  :  ce 
dernier  mourut ,  feJon  l'Auteur 
cnArménie  de  la  piqueure  d'un  Ser- 


a$6  JOURNALD 

pent  à  l'âge  de  70  ans  Se  la  neuviè- 
me année  de  fon  regne.Ce  qu'il  n'en; 
pas  aifé  de  concilier  avec  ce  qu'il 
dit  plus  bas  dans  l'Hiftoire  de  La- 
cédémone ,  que  ce  Prince  mourut 
dans  la  90e  année  de  fon  âge  après 
en  avoir  régné  70. 

Quoiqu'il  en  foit ,  les  Héracli- 
des ,  ou  defeendans  d'Héracle ,  qui 
avoient  de  légitimes  prétentions 
fur  le  Péloponnéfe  y  entrèrent  à 
main  armée  ,  s'en  rendirent  entiè- 
rement les  maîtres ,  &  y  changè- 
rent le  gouvernement.  Ils  s'établi- 
rent les  uns  à  Argos  ,  les  autres  à 
Mycénes  Se  à  Corinthe  i  leur  fa- 
mille s'y  foûtint  pendant  quelques 
fiécles  ;  quoiqu'on  n'ait  aucune 
fuite  exacte  des  Princes  qui  y  ré- 
gnèrent. Ariltodéme  fut  le  feul 
dont  la  pofrerité  fe  foit  conftam- 
ment  foûtenue  à  Sparte  ,  qui  lui 
échût  en  partage. 

Après  avoir  parlé  en  peu  de  mots 
du  Royaume  de  Sicyone  qui  n'eft 
diftingué  que  par  fon  antiquité,  Se 
dont  les  Rois  font  peu  connus ,  & 
n'ont  d'ailleurs  rien  fait  d'interef- 
fant;  il  vient  à  l'Hiftoire  de  Lacé- 
démone  qu'il  divife  en  trois  Livres, 
Se  qui  lui  ouvre  un  vafte  champ. 
Ce  Royaume  dura  plus  de  900  ans, 
c'eft-à-dire  jufqu'à  l'an  119.  avant 
J.  C.  qu'il  tomba  en  la  puiiTance 
des  Romains. 

Le  mépris  que  les  Lacédémo- 
niens  faifoient  des  Sciences  eft  cau- 
fc  qu'ayant  peu  d'Hiftoriens ,  les 
commencemens  de  leur  Etat  font 
suffi  fort  obfcurs  ;  il  nous  feroit 
même  entièrement  inconnu  ,  fi 
Paufanias ,  dans  un  voyage  qu'il 


ES  SÇAVANS; 

fit  exprès  en  Laconie  pour  s'en  in- 
ftruire  ,  ne  nous  en  avoit  tranfmis 
quelques  particularitez  qu'il  y  ap- 
prit ,  Se  dont  l'Auteur  nous  fait 
part. 

On  compte  neuf  Rois  depuis 
Lelex  qui  en  fut  le  premier  jufqu'à 
Orcfte,  maison  ne  voit  nulle  part 
ni  la  durée  totale  de  leurs  règnes 
ni  combien  ils  renferment  d'années 
chacun  en  leur  particulier.  Cepen- 
dant par  différentes  circonftances 
qu'on  lira  dans  l'Auteur  ,  on  fçait 
que  Lelex  commença  à  régner  à  La- 
cédémone  environ  l'an  1 500.  avant 
J.  C.  ce  qui  fait  voir ,  dit-il ,  com- 
bien fe  font  trompés  tous  les  Chro- 
nologiftes  qui  pour  s'être  copiés  les 
uns  les  autres ,  fans  autre  examen  , 
ont  placé  l'Ere  de  Lelex  en  141 6. 
un  fiécle  plus  tard  qu'elle  n'eft  dans 
la  vérité. 

Mylés  fils  de  Lélex  n'ayant  qu'u- 
ne fille  nommée  Sparte  ,  la  maria  à 
Lacédémon  ,  ce  Prince  ayant  fuc- 
cede  à  Lelex  donna  fon  nom  à  la 
Province ,  Se  par  tendreffe  pour  fa 
femme ,  il  fit  bâtir  une  Ville  qu'il 
nomma  Sparte  i  du  nom  de  Lacé- 
démon  fe  forma  celui  de  Lacédé- 
moniens  pourfignifier  leshabitans 
de  la  Province,  comme  celui  de 
Spartiates  qui  ne  fe  donnoit  pro- 
prement qu'aux  Citoyens  de  la 
Ville  Capitale  vint  de  Sparte.  C'eft 
de  leur  famille  Se  à  peu-près  dans  le 
même  tems  que  font  fortis  Hya- 
cinthe ,  dont  les  Jeux  Funèbres  de- 
vinrent par  la  fuite  une  des  plus 
grandes  Fêtes  des  Lacédémoniens , 
Se  le  célèbre  Efculape  dont  les  Poè- 
tes firent  un  Dieu.  A  cette  occa- 
fion 


MAY 

fîon  l'Auteur ,  apparemment  pour 
délaffer  l'efprit  de  fon  Le&eur  , 
rapporte  aller  au  long  l'impofture 
d'un  certain  Alexandre  de  Paph- 
iyonio ,  qui  après  avoir  apprivoifé 
un  Serpe&t ,  trouva  moyen  de  faire 
croire  au  peuple  que  c'étoit  Efcula- 
pe  même  qui  venoit  le  vifiter.  Il  a 
tiré  ce  récit  de  Lucien. 

Il  revient  après  cela  à  l'Hiftoire 
de  ce  qu'il  y  a  ,  foit  de  vrai ,  foit  de 
fabuleux  dans  la  fuite  des  Rois  de 
Lacédémone  jufqu'à  Ariftodéme 
dont  nous  avons  parlé  ci-deiïïis ,  & 
il  place  la  fameufe  révolution  qui 
enleva  le  Péloponnéfe  à  la  famille 
de  Pélops  pour  le  mettre  entre  les 
mains  des  Héraclides  80  ans  après 
la  prife  de  Troye  ,  1  ï  19  ans  avant 
J.  C.  1875  depuis  la  création  du 
monde.  Le  Peuple  de  Dieu  étoit 
pour  lors  fous  le  gouvernement  du 
grand  Prêtre  Héli,  environ  15  ans 
j.vant  l'élection  de  Samuel. 

Cependant  quoiqu'on  fçache  fi 
politivement  l'époque  du  règne 
d'Ariftodéme  ,  rien  n'eu:  plus  obf- 
cur  que  la  fuite  des  Rois  qui  lui 
ont  fuccedé  ,  pendant  plus  de  trois 
fiécles.  Thucidide  ,  dit  l'Auteur  , 
femble  exeufer  le  filencedesHifto- 
riens  furie  peud'évenemens  que  la 
vie  de  ces  Princes  a  dû  fournir. 
Concentrant  leur  ambition  dans 
leurs  propres  Etats ,  ils  n'ont  rien 
fait  de  remarquable  au  dehors  ,  & 
l'on  fçait ,  ajoûte-t  il ,  que  l'Hiftoi- 
re ancienne  ne  fe  charge  commu- 
nément que  des  guerres  &c  des  ré- 
volutions. 

Ariftodéme  eut  deux  enfansju- 
maux  ,  l'un  nommé  Eujryfthéncs  _; 
May. 


;     i  7  î  4«  257 

&  l'autre  Proclez.  Ils  régnèrent 
conjointement  fur  les  Etats  de  leur 
père.  Les  peuples  furent  fi  contens 
de  leur  gouvernement  qs'ils  vou- 
lurent que  le  Sceptre  fe  perpétuât 
dans  leurs  familles.  Ainfi  ils  eurent 
toujours  deux  Rois ,  l'un  de  la  fa- 
mille des  Agides  ,  ainfi  nommés  à 
caufe  d'Agis  fils  d'Euryfthéne ,  Se 
l'autre  de  la  famille  des  E  uryponti- 
des ,  du  nom  d'Eurypont  petit  fils 
de  Proclez.  Pour  mettre  le  Lec- 
teur en  état  de  diftinguer  plus  aife- 
ment  les  Rois  fortis  de  ces  deux 
différentes  branches  ,  on  obferve 
de  mettre  les  noms  de  ceux  de  la. 
première  au  commencement  de  la 
ligne  ,  lk  ceux  de  la  féconde  au 
milieu. 

L'événement  le  plus  conûdera- 
ble  du  règne  d'Agis,  comme  on  le 
voit  dans  le  Livre  fécond  ,  fut  la 
réduction  des  Ilotes.  Ces  peuples 
qui  habitoient  la  Ville  d'Hélos , 
ayant  refufé  de  payer  le  tribut 
qu'Agis  avoir  impofé  fur  les  Tribus 
qui  lui  étoient  échues  en  partage  , 
ce  Prince  força  leur  Ville  ,  les  fit 
tranfporter  pour  la  plus  grande 
partie  à  Sparte  ,  où  ils  furent  diftri- 
buésà  titre  d'efclaves  qui  ne  pour- 
roient  jamais  fe  racheter,  &  qu'il 
feroit  défendu  de  vendre  hors  du 
Royaume  ;  depuis  ce  tems  -  là  les 
Lacédémoniens  fe  firent  un  princi- 
pe de  politique  de  les  traiter  tou- 
jours avec  la  dernière  inhumanité. 
Les  SucceiTeurs  d'Agis  jufqu'à  Ly- 
curgue  font  peu  célèbres  dans  l'Hi- 
ftoire i  lorfque  ce  dernier  parvint 
à  la  Couronne  l'an  928.  avant  J.  C. 
il  trouva  l'Etat  dans  le  trouble  Se 
LI 


&s%         JOURNALD 

dans  la  confufion.  Mais  »  lapru- 
»dence  &  la  fageffe  de  cet  habile 
»  Législateur  firent  totalement 
»  changer  de  face  au  Royaume  de 
»  Lacédémone  ,  il  fçut  relever  les 
»Rois  de  cet  état  d'aviliffemenr 
«dans  lequel  ils  s'étoient  jettes 
«d'eux-mêmes  ;  tempérer  néan- 
»>  moins  leur  puifTance  par  l'autori- 
a>  té  d'un  Sénat  Souverain  &  re- 
sodoutable  ,  rendre  les  peuples 
s>  heureux  par  des  voyes  qui  fem- 
m  bloient  devoir  le  ruiner  ;  former 
»unc  puiflante  Republique  qui 
»  fut  la  terreur  de  toutes  les  autres, 
s>  &  du  formidable  Royaume  des 
s*  Perfes  ,  enfin  dont  les  Loix  &  la 
»  Police  devinrent  après  fa  de- 
»  ffruction  même ,  l'étonnement  6c 
al'admiracion  de  tous  les  peuples. 
»  Néanmoins  ce  ne  fut  point  du- 
rant fon  règne  qu'il  exécuta  ce 
»>  grand  Ouvrage.  Le  terme  en  fut 
»trop  court ,  &  le  projet  n'en  étoit 
»>  peut-être  pas  encore  formé. 

L'Auteur  expofe  ces  Loix  ,  &  il 
obferve  en  même  tems  que  l'expé- 
rience &  les  circonstances  des  tems 
obligèrent  les  premiers  Officiers  de 
la  Republique  d'y  faire  quelques 
changemens  ,  l'honneur  dont  on 
étoit  en  poiTeflion  d'avoir  des  Rois 
qui  dcfcendilTent  d'Hercule  ,  fit 
établir  pour  maxime  inviolable 
qu'on  n'en  reconnoîtroit  jamais 
d'une  autre  famille  ,  &  de  peur 
qu'on  n'y  fût  trompé  par  l'infidé- 
lité des  Reines,  elles  furent  établies 
fam  lagarde  &  vigilance  des  Epho- 
rts.  Quoique  l'Auteur  raconte  cet 
ïtfage  de  manière  à  faire  croire  que: 
Lycurguc  ca  fûti' Auteur  ,  il  dit 


ES  SÇAVANS; 

plus  bas  que  les  anciens  ne  font 
point  d'accord  entr'eux  fur  l'origi- 
ne des  Ephores  ,  qm  étoïent  fembla- 
bles  à  des  Infpelleurs  ou  Controlleurs 
Généraux ,  ou  même  aux  Tribuns  du 
peuple  parmi  les  Romains.  Hérodote 
&  Xénophon  les  attribuent  à  Ly- 
curgue  ;  mais  ils  font ,  dit -il,  les 
feuls  de  leur  fentiment.  Le  com- 
mun des  Auteurs  en  rapporte  l'éta- 
bliflement  au  Roi  Théopompe  130 
ans  après.  Le  tems  auquel  Lycur- 
gue  donna  fes  Loix  eft  encore  ,  fé- 
lon lui,  une  énigme  plus  embarraf- 
fante.  On  pourroit  fur  ce  point 
compter  facilement  20  opinions 
toutes  évidemment  famTes  ,  ou 
contradictoires  à  certains  faits ,  8c 
peut  être  feroit-il  plusfage  d'imiter 
le  P.  Petau  qui  dans  une  fi  grande 
diverfité  de  fentimens  a  cru  devoir 
ne  prendre  aucun  parti.  Cependant 
il  croit  qu'on  peut  fixer  à  peu-près 
ce  tems  ,  &  par  plufieurs  raifons 
qu'il  apporte  ,  il  lui  paroîtque  les- 
Loix  de  Lycurgue  furent  portées 
en  854. 

Depuis  ce  tems  les  Lacédémo- 
niens  devinrent  fi  paffionnés  pour 
la  gloire  de  leur  Patrie  que  le  cou- 
rage &  la  confiance  que  cet  amour 
leur  infpiroit ,  les  rendit  Supérieurs 
à  tous  leurs  ennemis ,  on  en  verra 
fur-tout  des  exemples  dans  la  guer- 
re qu'Us  eurent  à  fôûtenir  contre 
lesMeffénieus.  L'Auteur  en  racon- 
tant les  trois  batailles  qui  rendi- 
rent cette  guerre  célèbre  ,  décrit 
fort  au  long  le  fécond  combat  qui 
fe  donm  entre  Tluopompe  Roi 
des  Lacédemoniens -,  &  Luphaès 
Roi  des  Mefléniens  ;  comme  cette 


MAY, 

action  cft  regardée ,  félon  le  témoi- 
gnage de  M.  le  Chevalier  Follard 
dans  fa  Diflertation  fur. cette  guer- 
re ,  &C  pafle  pour  une  des  plus  cé- 
lèbres de  l'Antiquité  .,  on  a  cru 
qu'on  en  verroit  avec  plaiiir  les 
principales  circonstances. 

Le  troisième  Livre  offre  encore 
des  évenemens  plus  confiderables. 
On  y  voit  les  Lacédémoniens 
triompher  non  feulement  des  ef- 
forts de  leurs  voidns ,  mais  encore 
de  route  la  pui (Tance  des  Rois  de 
Perfe.  La  guerre  du  Péloponnéfe 
termine  ce  dernier  Livre.  L'Auteur 
en  développe  les  caufes ,  le  progrès 
&  les  fuites  ,  mais  feulement  au- 
tant qu'elles  ont  quelque  rapport  à 
ce  qui  regarde  l'Hiftoire  de  Lacé- 
démone  ;  il  fe  referve  d'en  détail- 
ler plus  exactement  les  circonfhn- 
ces  lorfqu'il  traitera  de  la  Republi- 
que d'Athènes  en  particulier.  Cette 
guerre  dura  27  ans  &  finit  par  la 
ruine  des  Athéniens.  Leur  flotte 
ayant  été  furprife  par  l'habileté  de 
LyfaFtdre  à  la  bataille  d'Egofpota- 
mos  ,  fut  entièrement  détruite  ,  &c 
cette  perte  les  jetta  dans  un  épuife- 
ment  dont  ils  ne  fe  relevèrent  ja- 
mais. Nous  allons  rapporter  la  def- 
cription  de  ce  combat  ,   afin  de 


1  7  î  4-  25* 

donner  un  échantillon  du  ftile 
de  l'Auteur.  »  Conçu  fut  le 
»  premier  qui  apperçut  i'enne» 
»  mi.  Aufli-tôt  il  lait  fonner  l'allar- 
»  me  pour  rappelier  fes  troupes.  Il 
»  fe  donne  un  mouvement  infini  ' 
»  appelle,  crie  de  toute  fa  force; 
»  anime  les  uns&  contraint  lesau- 
»  très  de  remonter  dans  leurs  vaif- 
»  féaux.  Mais  toutes  fes  peines  dc- 
»  vinrent  prefque  inutiles.  PIu- 
»  ficurs  étoient  trop  éloignés  pour 
»  l'entendre  ,  quelques  -  uns  dor- 
»  moient  déjà ,  ou  foupoient  tran- 
joquillement  dans  leurs  tentes  " 
m  d'autres  étoient  allés  chercher  des 
»  vivres  ;  en  forte  qu'il  ne  put 
"trouver  que  huit  ou  neuf  Galères 
»  pour  oppofer  à  l'ennemi.  Lyfan- 
»  dre  n'eut  pas  de  peine  à  les  forcer, 
»  &  Conon  fut  le  feul  qui  ne  fe 
jslaiffa  pas  invertir.  Alors  les  Lacé- 
»  démoniens  s'emparèrent  de  tous 
«  les  vaifTeaux  qui  étoient  dans  le 
»  Port  ;  puis  ils  vinrent  fondre  fur 
»  les  Soldats  difperfés  en  firent  un 
j»  carnage  horrible  &  en  emmène- 
ra rent  3000  prifonniers 

Nous  donnerons  dans  le  Journal 
fuivant  l'Extrait  du  troifiéme  Vo- 
lume qui  contient  l'Hiftoire  de 
Thébes  Se  d'Athènes. 


«*o       JOURNAL    DES    "SÇAVANS; 

HISTOIRE  DE  L'EMPIRE  DES  CHERIFS  EN  AFRIQVE , 
fa  Defcription  Géographique  &  Hiftoriejue  ;  la  Relation  de  la  prife  d'O- 
'ran  ,  par  Philippe  V.  Roi  d'Efpagm  ,  avec  l'abrégé  de  la  Vie  de  M.  de 
Sainte-Croix ,  ci- devant  Ambaffideur  en  France  ,  &  Gouverneur  d'Oran 
depuis  la  prife  de  cette  'riUe  ;  Ornée  d'un  plan  très-exatl  de  la  Ville  d'O- 
ran &  d'une  Carte  de  l' Empire  des  Cherifs.  Par  M.  ***.  A  Paris ,  chez 
Prault  père  ,  Quai  de  Gcvres ,  au  Paradis-  173  3.  vol.  in- 1 1.  pages  346. 
pour  l'Hiftoire  de  l'Empire  des  Cherifs ,  &  p.  161.  pour  la  Defcription 
Géographique. 


AVANT  que  de  donner 
l'Extrait  de  cette  Hifloire  de 
l'Empire  des  CheriisJ  nous  croyons 
à  propos  de  donner  celui  de  la 
Defcription  Géographique  5c  Hi- 
ftoriquc  annoncée  dans  le  fécond 
article  du  titre. 

Il  eft  naturel  quand  on  veut  fça- 
voir  l'Hiftoire  d'un  Etat,  de  com- 
mencer par  en  connoître  les  diffe- 
ïens  Pays. 

L'Empire  des  Cherifs  comprend 
trois  Royaumes ,  fçavoir,  celui  de 
Maroc  ,  celui  de  Fez  ,  &  celui  de 
Tremecen.  Le  Royaume  de  Fez 
étoit  anciennement  le  plus  puilTant 
de  l'Afrique,  mais  ayant  été  fou- 
rnis aux  Cherifs ,  le  Royaume  de 
Maroc  qui  dépendoit  en  quelque 
forte  de  celui-là  ,  devint  bientôt 
fon  égal,  &  enfuite  le  furpafla  tant 
par  le  nombre  de  fes  habitans,que 
par  l'étendue  de  l'on  commerce. 

Ce  Royaume  de  Maroc  compo- 
fe  la  première  partie  de  la  Maurita- 
nie Tingitane  &  confifte  en  fept 
Provinces  ,  qui  font  Hea  ,  Suz , 
Géfula,  Maroc,  Duquéla,  Efcura 
®u  Efcure  &  Tedla. 

Le  Royaume  de  Fez  forme  la  fé- 
conde parue  de  la  Mauiitanie  Tin- 


gitane qui  regarde  l'Orient ,  &  iî 
eft  féparé  de  la  première  par  la  fa- 
meufe  rivière  d'Ommirabi.  Il  a  au 
Levant ,  la  rivière  de  Melvia  ,  & 
au  Septentrion  ,  le  détroit  de  Gi- 
braltar i  il  eft  borné  au  Midi  par 
les  Montagnes  du  Mont  Atlas.  Ce 
Royaume ,  comme  celui  de  Ma- 
roc ,  contient  fept  Provinces  dont 
la  première  eft  celle  de  Témécen  -, 
la  féconde  ,  celle  de  Fez;  la  troifié- 
me  ,  celle  d'Afgar-,  la  quatrième  „ 
celle  d'Habat  >-la  cinquième,  celle 
d'Errif -,  la  fixiéme  ,  celle  deGua- 
ret  ;  &  la  feptiéme  ,  celle  de  Cuzi. 
Le  Royaume  de  Tremecen  eft 
dans  la  Mauritanie  Céfarienne.  Les 
rivières  de  Ziz  &  de  Muluye  ,  le 
féparent  au  Couchant ,  d'avec  le 
Royaume  de  Fez  ;  la  Province 
d'Afrique  la  borne  au  Levant }  & 
les  deferts  de  la  Numidie,  au  Midi. 
Il  eft  divifé  en  quatre  Provinces  ; 
la  première  eft  celle  de  Tremecen  j 
la  féconde ,  de  Tenez  ;  la  troifiéme,, 
d'Alger  ;  &  la  dernière  de  Bugie  , 
que  les  Rois  de  Tunis  ont  difputée 
long-tems  à  ceux  de  Fez  ,  &  que 
quelques  Géographes  mettent  en- 
core au  nombre  des  Provinces  du 
Royaume  de  Tunis. 


MAY 

Toutes  ces  Provinces  renferment 
tin  nombre  coniîdcrable  de  Villes , 
dont  notre  Hiftorien  fait  un  détail 
cxacT:  Se  curieux ,  tant  pour  la  Géo- 
graphie que  pour  l'Hiltoire.  Nous 
nous  attacherons  feulement  à  quel- 
ques particularités  que  nous  rap- 
procherons les  unes  des  autres , 
•comme  (î  elles  étoient  ainfi  rangées 
dans  le  Livre  ,  Se  nous  aurons  foin 
outre  cela  ,  d'en  abréger  le  récit , 
pour  ne  pas  donner  trop  d'étendue 
à  notre  Extrait  ,  qui  nonobftant 
cette  précaution  ,  ne  laiflera  peut- 
être  pas  d'en  avoir  encore  allez. 
Mais  nous  efperons  que  la  variété 
des  matières  pourra  empêcher 
qu'on  ne  s'apperçoive  de  cette  lon- 
gueur. 

Les  habitans  de  h  Province 
-d'Hea ,  qui ,  comme  nous  l'avons 
lemarqué  ,  eft  une  des  fept  Provin- 
ces du  Royaume  de  Maroc  ,  font 
gens  greffiers  &  fauvages  qui  ne 
connoiftent  ni  politelfe  ni  juftice. 
On  les  voit  errer  comme  des  bêtes 
féroces  fur  les  rochers  Se  dans  les 
plaines.  Aucun  d'eux  ne  fçait  lire , 
Se  quoiqu'ils  fe  difent  Mahomé- 
tans,  ils  ne  font  nullement  inftruits 
de  cette  Religion.  Ilscroyent  aveu- 
glement tout  ce  que  leur  difent  les 
Alfaquis  ,  efpecc  de  Prêtres  fort 
ignorans  &  d'autant  plus  refpectés 
qu'il  n'y  a  dans  la  Province  aucune 
perfonne  en  état  de  connoître  leur 
ignorance.  Les  femmes  du  Pays 
font  belles  Se  fort  portées  au  plai- 
iîr.  Elles  ont  pour  habillemens  des 
Hatcjues  t  cfpeces  de  Mantes  fem- 
blables  aux  veftes  des  Turcs  Si  des 
Maures-  Leurs  bras  font  toujours 


i    175  4*  fitfr 

garnis  de  gros  anneaux  d'argent 
ou  de  fer,  elles  en  mètrent  même 
lur  la  cheville  du  pied  ,  Se  on  ne 
diftingue  les  femmes  de  condition 
d'avec  les  autres  que  par  le  nombre 
de  ces  anneaux.  La  manière  de  vi- 
vre des  hommes  les  rend  forts  Se 
robuftes.  Ils  couchent  fur  des  nat- 
tes ;  Se  les  plus  riches  fur  des  mate- 
lats  très-minces.  Ils  fe  nourriiTent 
d'une  mauvaife  pâte  d'orge  mal 
cuite ,  Se  qu'ils  humeelent  de  beur- 
re Se  de  miel. 

Les  jours  deftinés  à  quelques  ré- 
joiïiflances  ,  ils  tuent  des  poules 
qu'ils  font  cuire  avec  une  grande 
quantité  d'œufs  Se  qu'ils  fervent 
dans  des  terrines.  C'eft  alors  un  re- 
pas de  cérémonie.  Les  hommes  3c 
les  femmes  qui  y  affilient  s'alTéyent 
par  terre  Se  mettent  au  milieu 
d'eux  la  terrine  où  eft  le  mets ,  cha- 
cun en  tire  un  morceau  de  la  main 
droite  Se  le  porte  à  la  bouche  avec 
la  même  main  ,  car  c'eft  un  crime 
pour  un  Mahométan  ,  de  prendre 
aucune  nourriture  avec  la  main 
gauche.  Us  ne  fe  fervent  ni  de 
fourchettes  ni  d'affiettes ,  Si  ils  s'ef- 
fuyent  les  mains  en  les  frottant  l'u- 
ne contre  l'autre  ,  de  peur  de  falir 
leur  linge.  Au  refte  ,  quand  ce  lin- 
ge eft  fale  ils  le  blanchiiïent  avec 
une  herbe  nommée  Gazul  qui  leur 
fert  de  favon. 

La  Ville  de  Tedneft  eft  la  Capi- 
tale de  la  Province  d'Héa  -,  on  ne 
voit  dans  cette  Ville  aucune  Hôtel- 
lerie. Mais  un  étranger  qui  n'y  eon- 
noît  perfonne  ,  va  d'abord  trouver 
celui  qui  y  rient  la  place  de  Maire, 
&  ceMagiftratle  loge  chez  unikbe 


nés  JOURNAL    D 

Bourgeois  qui  eft  obligé  de  le 
nourrir  ,  &  qui  s'en  fait  même  un 
plaifir  :  l'hofpitalité  eft  tellement 
regardée  dans  cette  Ville,  comme 
une  vertu, que  l'habitant  qui  reçoit 
chez  lui  l'étranger ,  fe  tiendrait  of- 
fenfé  G  cet  étranger  reconnoiflant 
lui  offroit  quelque  recompenfe  :  ce 
trait  met  une  grande  exception  à  ce 
que  l'Hiftorien  vient  d'avancer 
plus  haut ,  en  difant  que  dans  la 
Province  d'Hea  on  ne  connoît  nul- 
le politefle. 

Hadequis  autre  Ville  de  cette 
Province  fe  diftingue  par  la  beauté 
des  Dames  qu'on  y  voit.  Elles  y  at- 
tirent par  cette  beauté  un  fi  grand 
nombre  d'étrangers ,  que  la  Ville 
n'eftprefque  peuplée  que  d'Amans 
qui  y  font  de  grandes  dépenfes ,  & 
qui  la  rendent  par  là  une  des  plus 
riches  de  la  Provinae. 

La  Ville  de  l'Eufugaguen  n'eft 
pas  éloignée  de  là  ,  mais  fes  habi- 
tans  ne  rciTemblent  en  rien  à  ceux 
d'Hadeguis  -,  ils  font  traitres  & 
cruels  :  leur  point  d'honneur  eft 
de  fe  vanger  .d'un  ennemi.  Ils 
.racontent  hardiment  &  impuné- 
ment leurs  afTafllnats  :  un  habitant 
d'Eufugagucn  qui  n'a  pas  afl~a(Tîné 
dix  ou  douze  de  fes  Compatriotes, 
eft  regardé  comme  un  lâche. 

Les  Citoyens  de  la  Ville  d'Eitde- 
vet ,  qui  eft  encore  de  la  Province 
d'Héa ,  fe  difent  defeendans  de  la 
Tribu  de  Juda.  Cette  Ville  eft 
remplie  d'Avocats ,  de  Procureurs, 
de  Notaires ,  &  de  Juges  -,  tous  les 
Peuples  y  acourent  pour  terminer 
leurs  differens  ;  les  gens  de  lettres  y 
font  fort  refpc&és ,  &  ils  neparoif- 


E  S  SÇAVANS, 

fent  en  public  que  fur  de  beaux 
chevaux  qu'ils  font  venir  des  lieux 
voifins. 

La  Province  de  Sus  ,  qui  eft  1» 
féconde  du  Royaume  de  Maroc  , 
renferme  au  nombre  de  fes  Villes  , 
celle  de  Mefta ,  partagée  en  trois 
grands  quartiers  qui  forment  com- 
me trois  Villes  féparées  l'une  de 
l'autre  par  une  diftance  d'un  quart 
de  li^uéi  les  anciens  habitans  du 
Pays  ont  élevé  fur  le  bord  de  la 
mer ,  un  grand  Temple  dont  la 
charpente  eft  compoféc  de  côtes 
de  baleines.  Le  Peuple  croit  que  ce 
fut  en  cet  endroit  que  le  Monftre 
Marin  rejetta  Jonas ,  &  il  prétend 
que  depuis  ce  tems-là  toutes  les 
baleines  que  le  vent  jette  vis  à  vis 
le  Temple  ,  meurent  fur  le  champ. 

La  première  Ville  de  la  Province 
de  Maroc  eft  celle  de  Maroc.  Elle 
a  donné  fon  nom  à  la  Province , 
laquelle  s'appelloit  autrefois  Boca- 
no-Emero.  Cette  Ville  eft  la  plus 
belle  &  la  plus  célèbre  de  toute 
l'Afrique  ,  tant  pour  fa  fituation 
avantageufe  que  pour  le  grand 
nombre,  &  pour  la  magnificence 
de  fes  bâtimens.  On  croit  qu'elle 
fut  bâtie  par  Abu-Tcchificn  ,  pre- 
mier Roi  de  la  race  des  Almoravi- 
des  ,  6c  que  fon  fils  Jofeph  victo- 
rieux de  toutes  les  forces  d'Efpa- 
gne  ,  employa  à  la  perfection  de  la 
Ville  commencée  par  fon  père  , 
trente  mille  prifonniers  qu'il  avoic 
gagnés  fur  les  ennemis.  On  voit 
hors  de  la  Ville  de  Maroc  fur  un 
ancien  Sépulchre ,  une  grande  pier- 
re d'albâtre  ,  de  la  hauteur  d'un 
homme ,  fur  laquelle  eft  écrite  en 


MAY 
caractères  Arabes,  l'Epitaphc  fui- 
vante  : 

Ci  gît  Aly  fils  d'Atia  ,  q  ni  com- 
mandai cent  mille  hommes  ,  eus  dix 
mille  chevaux  ,  &  fis  creufer  cent  & 
un  puits  en  un  jour  four  les  abreuver. 
J'époufai  trois  cens  filles ,  fusfidelle , 
viÙorieux  ,  &  l'un  des  vingt-quatre 
Généraux  de  Jacob -Almanfor.  Je 
finis  mes  jours  à  quarante  ans.  Qui 
lira  cette  épitaphe  ,  prie  Dieu  qu'il 
me  pardonne, 

Notre  Hiftorien  parle  ici  des  Edi- 
fices fomptueux  qui  diftinguent 
!a  Ville  de  Maroc  des  autres  Villes 
de  l'Afrique  ,  &  il  commence  par 
le  Palais  du  Roi.  Ce  Palais  eft  d'u- 
ne grandeur  immenfe ,  parce  que 
ie  Roi  y  a  joint  le  Palais  du  Gêné  - 
raliffime  de  fes  armées, ôdeCollége 
des  fils  de  Rois  &  des  grands  Sei- 
gneurs ;  les  portes  en  font  de  cèdre 
marquetées  d'y  voire,  &  enrichies 
d'or  &  de  couleurs  fi  bien  mêlées, 
qu'elles  ont  confervé  tout  leur 
éclat.  Dans  l'enceinte  eft  le  loge- 
ment des  Gardes,  en  forte  que  le 
Palais  du  Roi  de  Maroc  eft  le  plus 
beau  cv  le  plus  fpacieux  bâtiment 
de  l'Afrique.  Il  eftentourré  de  fu- 
perbes  Edifices  ,  &  on  ne  voit  dans 
fon  intérieur  que  bains  magnifi- 
ques ,  qu'appartemens  richement 
meublés ,  &  des  Jardins  qui  ne 
cèdent  en  rien  aux  plus  beaux  Jar- 
dins de  l'Europe. 

Les  hahitans  de  Maroc  font  en- 
nemis jurés  des  Chrétiens,  ils  font 
fiers  cV  fe  piquent  d'une  grande 
bravoure. 

Les    habitans  de  li  Province 
de  Jefuh   ont   confervé   l'ancien 


;    »  7  3  4«   ;  z€% 

nom  de  Gétules  ,  &  notre  Hi- 
ftorien dit  qu'ils  fe  vantent  avec 
raifon  d'être  les  premiers  peuples 
de  l'Afrique.  On  ne  connoît  dans 
ce  Pays-là  ni  potence  ni  roiie  :  oft  y 
fait  mourir  les  coupables  à  coups 
de  lances  ,  &  on  jette  leurs  corps 
aux  chiens.  Tous  les  Marchands 
qui  viennent  aux  foires ,  quoiqu'ils 
y  foient  quelquefois  au  nombre 
de  dix  mille  ,  font  nourris  aux  dé- 
pens du  public  pendant  tout  le 
tems  qu'elles  durent.  La  plus  gran- 
de de  ces  foires  eft  celle  qui  com- 
mence au  jour  qu'on  célèbre  la 
naiffance  de  Mahomet, 

Les  peuples  dont  il  s'agit  font 
les  premiers  de  l'Afrique  qui  ayent 
trouvé  le  fecret  de  fondre  le  fer,  & 
d'en  faire  des  boulets  de  canon. 

La  Ville  de  Fez,  comme  nous 
l'avons  remarqué  ,  eft  compoféede 
trois  Villes  :  on  voit  dans  ces  trois 
Villes ,  les  plus  beaux  Edifices  de 
toute  l'Afrique  :  elles  fontl'azile 
des  Sciences  5c  des  Arts  ,  &  pour 
peu  qu'on  y  féjourne ,  on  y  perd  , 
dit  notre  Auteur' ,  la  mauvaife 
opinion  qu'on  a  des  Mahométans 
au  fujet  de  la  Science. 

Il  y  a  dans  Fez  plufieurs  Magi- 
ftrats  ,  le  Prévôt  des  Marchands 
tient  le  premier  rang  parmi  eux.  Il 
y  a  aulîi  un  Gouverneur  fous  le- 
quel un  Cadis  rend  la  juftice.  Si  un 
Criminel  condamné  à  mort ,  eft  n>  ■ 
turier ,  il  eft  conduit  dans  les  prin- 
cipales rués  de  la  Ville  les  mains 
liées  derrière  le  dos  ;  arrivé  au  lieu 
où  il  doit  être  exécuté ,  il  fait  à" 
haute  voix,  une  défciiption  du  fu* 
p.lice  qu'il  va  fou rTrir,  fis  crie  et»-- 


&6i  JOURNAL   D 

fuite  :  voilà  ce  qu'a  mérité  celui  qui 
a  commis  tel  crime. 

Après  qu'il  aainfi  crié  ,  l'Exccu- 
Êeur  le  pend  par  les  pieds ,  Se  lui 
coupe  la  gorge.  A  l'égard  d'un 
homme  de  Condition  ,  on  l'égorgé 
avant  que  de  le  faire  paroître  en 
public  ,  S:  l'Exécuteur  public  lui- 
même  le  crime  du  coupable. Quand 
un  homme  en  a  aflaffiné  un  autre  f 
on  le  conduit  au  plus  proebe  pa- 
rent du  mort ,  &  ce  parent  en  ufe 
comme  il  lui  plaît  envers  le  cou- 
pable. Il  le  condamne  à  mort  s'il 
veut  ,  ou  lui  rend  la  vie  moyen- 
nant une  grofle  fomme  d'argent. 
Mais  fi  l'accufé  nie  le  crime  ,  on 
lui  fait  donner  des  coups  de  fouet 
par  tout  le  corps  ,  excepté  fur  les 
flancs  &  fur  Teftomac  ,  parce  que 
les  Bourreaux  appliquent  ces  coups 
avec  tant  de  force  que  d'ordinaire 
le  patient  tombe  mort  du  fécond 
coup.  S'il  refifte  à  cette  épreuve  ,  il 
cft  déclaré  innocent  ;  mais  s'il  n'eft 
pas  artez  riche  pour  payer  alors  une 
certaine  fomme  au  Cadis ,  le  Cadis 
lui  fait  donner  d'autres  coups  pour 
fon  droit  &  pour  celui  de  fon 
Greffier.  A  l'égard  de  la  Juftice 
Spirituelle  ,  on  ne  prend  aucune 
rétribution. 

La  garde  du  Roi  de  Fez.  eft  cotn- 
pofée  d'environ  deux  mille  quatre 
cens  chevaux  ,  &  de  deux  mille 
hommes.  Il  a  outre  ces  Troupes , 
un  Efcadron  tout  compofé  de  Gen- 
tilshommes -,  les  chevaux  de  ces 
Gentilshommes  font  toujours  ri- 
chement enharnachés  :  les  mords , 
les  étriers  &  les  éperons  font  dorési 
la  tétiere  eft  d'or  pur ,  leurs  Telles 


ES    SÇAVANS, 

font  la  plupart  enrichies  d'or  &  de 
perles.  Prefque  tous  les  hommes  de 
Fez  font  habillés  de  velours  ,  de 
damas ,  de  fatin ,  ou  de  taffetas ,  de 
différentes  couleurs.  Ils  portent 
deux  baudriers  garnis  d'or  &  d'ar- 
gent. A  l'un  de  ces  baudriers  pend 
une  riche  épée  ,  &  à  l'autre  une 
boëte  pleine  de  Livres  d'Oraifons  , 
ils  prétendent  que  ces  Livres  d'O- 
raifons contribuent  à  les  préferyeï 
de  dangers. 

Le  Roi  eft  héritier  de  tous  les 
Gouverneurs  Se  de  tous  les  gens 
de  guerre  de  fes  Etats ,  &c  lorfqu'il 
voit  un  Marchand  qui  s'eft  enrichi 
dans  le  commerce  ,  il  ne  manque 
point  de  lui  donner  quelque  em- 
ploi de  Gouverneur ,  ou  autre  fem- 
blable  ,  pour  pouvoir  hériter  de 
fes  grands  biens.  Après  la  mort  des 
Officiers  dont  il  hérite ,  les  Dome- 
ftiques  de  ces  Officiers  empioyent 
ordinairement  toute  leur  adreffe 
pour  cacher  les  richeftes  de  leurs 
maîtres  ;  mais  un  grand  nombre 
d'efpions  que  le  Roi  entretient 
rendent  la  plupart  de  ces  précau- 
tions inutiles  ;  ces  mêmes  eipions 
fervent  aufll  à  découvrir  les  Caba- 
leurs  &  les  rebelles,&quand  ils  ont 
dénoncé  quelqu'un  comme  tel  , 
le  Roi  lui  fait  couper  la  tête  fur  la 
moindre  aceufation  }  mais  ces  Dé- 
nonciateurs rifquent  beaucoup  de 
leur  côté  ,  car  s'ils  viennent  a  être 
convaincus  de  Calomnie  ,  ils  font 
punis  de  mort. 

Les   Couronnes   d'Afrique    ne 

partent  point  de  la  tête  du  père  fur 

celle  de  fon  fils  aîné.   Les  Grands 

du  Royaume  choifiiîcnt,  après  la 

more 


M  A 

mort  du  Roi ,  celui  des  Princes  du 
Sang  qu'ils  croyent  leur  convenir 
davantage  ,  &  les  enfans  du  Roi 
vivent  fouvent  en  perfonnes  pri- 
vées ,  à  moins  que  le  Roi  leur  perc 
n'ait  eu  la  précaution  pendant  fa 
vie  ,  de  les  revêtir  des  grandes 
Charges  de  l'Etat.  La  première  de 
toutes  eft  celle  de  Vizir  ;  mais  le 
Vizir  ne  commande  que  la  troifié- 
me  partie  de  la  Cavalerie  ,  ce  qui 
borne  beaucoup  l'autorité  de  cette 
Charge  ,  qui  indépendamment  de 
cela  ne  laide  pas  d'être  très-vafte.La 
féconde  eft  celle  de  Secrétaire  d'E- 
tat, qui  exerce  à  la  fois  les  fondions 
dcSurintendant  Se  deGrandMaître; 
la  troifiéme  eft  celle  de  Lieutenant 
du  grand  Vizir.  Après  ces  premiers 
Officiers  ,  font  les  Intendans  de 
Province  ,  qui  vont  rendre  la  ju- 
ftice  aux  Arabes  &  aux  Bérebéres.Il 
yaauffi  un  Chancelier  dépofitaire 
des  Sceaux  ,  Se  pluficurs  autres  Ma- 
giftrats  pour  la  Police.  Quand  l'ar- 
mée marche  ,  elle  eft  précédée  d'un 
grand  nombre  de  Timbaliers  bien 
montés  ;  ils  ne  portent  qu'une 
Timbale  chacun  -,  le  fon  de  cette 
Timbale  eft  fi  horrible  qu'il  glace 
les  fens  de  ceux  qui  n'y  font  pas 
accoutumés.  Les  Maures  préten- 
dent par-là  faire  trembler  leurs  en- 
nemis. Ils  ont  aulïi  des  Trompettes 
Si  des  Clairons,  mais  dont  le  bruit, 
quoiqu'effrayant  ,  l'eft  beaucoup 
moins  que  celui  des  Timbales. 

Il  y  a  dans  la  Province  de  Fez  , 
plufieurs  montagnes  que  notre  Au- 
teur décrit  ,  celle  de  Zathon  ou 
Zarahanun  en  eft  une  des  plus  con- 
sidérables ,  par  la  beauté  de  fon 
Avril. 


Y  ,    1754.  207 

climat  ,  &c  par  l'excellence  des 
fruits  qu'elle  rapporte.  Les  Oliviers 
qui  la  couvrent  reiTem.blent  de  loin 
à  une  épaifTe  forêt.  *Les  habitans 
forts  &  laborieux ,  cultivent  avec 
foin  cette  terre  fi  féconde  ,  Se  leur 
travail  les  rend  les  plus  riches  ha- 
bitans du  Pays.  Les  femmes  y  font 
belles  ;  Se  ce  qui  eft  rare  en  Afri- 
que, dit  notre  Auteur,  elles  peu- 
vent fe  piquer  de  fagefle. 

Auprès  de  la  montagne  eft  une 
place  nommée  Tiulit  ,  laquelle 
doit  fon  origine  aux  Romains.  Ses 
murs  de  pierre  de  taille  fe  font 
confervés  ;  mais  elle  a  perdu  tout 
l'éclat  que  lui  avoir  donné  un  Roi 
de  Fez.  Ses  habitans  chaftés  par  le 
Roijofeph,  errent  dans  les  cam- 
pagnes, fans  vouloir  rentrer  dans 
leur  ancien  azile.  Il  refte  feulement 
dans  cette  place  abandonnée  ,  une 
vingtaine  de  maifons  occupées  par 
lesAlfaquis,  qui  rendent  un  culte 
actuel  au  tombeau  du  premier 
Idris ,  qui ,  difent-ils  ,  fait  des  mi- 
racles. Tous  les  peuples  des  envi- 
rons viennent  rendre  hommage  à 
ceTombeau,  &z  les  Alfaquis  qui  ne 
vivent  que  de  la  dévotion  de  ces 
peuples  ,  les  attirent  dans  cet  en- 
droit en  publiant  chaque  jour  de 
nouveaux  prodiges.  On  voit  fur  la 
même  montagne  où  eft  cette  pi  -ce, 
le  Château  de  Faraon  ou  de  Pha- 
raon ,  dont  les  habitans  du  Pays 
attribuer.-:  l'origine  à  Pharaon  Roi 
d'Egypte ,  qui  pourfuivit  Moïle. 
C'eft  du  moins  le  fentiment  de 
Calbi  Hiftorien  Arabe  ;  mais  notre 
Auteur  prétend  que  le  Château 
dont  il  s'agit ,  doit  être  plutôt  rc- 
M  m 


%66       JOURNAL    DE 

gardé  comme  un  ouvrage  desGots 
autrefois  maîtres  de  l'Afrique.  Les 
environs  de  ce  Château  font  dan- 
gereux par  la  quantité  de  lions  qui 
s'y  rencontrent. 

Autour  de  la  Ville  de  Dar-Ec- 
Harmara,autre  Ville  de  la  Province 
de  Fez  ,  il  y  a  aulîi  un  grand  nom- 
bre délions ,  mais  les  habitans  font 
fi  accoutumes  aies  voir ,  qu'ils  ne 
s'en  effrayent  point  ;  les  enfans  mê- 
me ne  craignent  pas  de  les  pourfui  - 
vre  à  coups  de  bâtons.  Un  de  ces 
lions  ,  après  avoir  rodé  long-tems 
autour  d'un  enclos  dont  prefque 
toutes  les  maifons  font  défendues  , 
vit  paroître  une  petite  fille  ,  il  fe 
jetta  fur  elle  &  l'emporta.  Cette 
petite  fille  avoit  une  fixur  âgée  tout 
au  plus  de  douze  ans  ,  laquelle  à 
cet  afpect  s'arma  d'un  bâton ,  atta- 
qua le  lion ,  èc  l'obligea  enfin  ,  à 
force  de  cris  &  de  coups ,  de  lâcher 
fa  proye ,  qu'il  n'avoit  pas  encore 
eu  le  tems  d'étrangler. 

A  deux  lieues  de  la  Ville  de  Fez , 
qui ,  comme  nous  l'avons  déjà  re- 
marqué ,  eft  la  Capitale  du  Royau- 
me de  ce  nom ,  eft  une  montagne 
nommée  Tagat  dont  les  habitans 
vivent  entr'eux  comme  des  Sauva- 
ges ,  &  ne  font  vifités  que  par 
quelques  Citoyens  de  Fez  qui  vien- 
nent creufer  la  montagne  pour  y 
trouver  des  tréfors  qu'ils  préten- 
dent que  les  Romains  y  ont  cachés. 
Sur  quoi  lHiftorien  remarque 
qu'une  expérience  de  cinq  cens  ans 
.m  moins  ,  ne  les  défabufe  point  de 
cette  idée  ridicule  ;  Sx.  ne  les  em- 
pêche pas  de  perdre  inutilement 
Jeur  tems  &  leurs  richelTes  à  fouil- 
ler dans  la  terre. 


S     SÇAVANS; 

Nous  voici  arrivés  à  la  Province 
d'Afgar.  Dans  cette  Province  eft 
une  Ville  nommée  Alcaçaquivir 
dont  Jacob  Alaianzoreft  le  Fonda- 
teur. Un  jour  que  ce  Prince  étoit  à 
la  chafTe  ,  il  s'écarta  de  fà  fuite  ,  & 
ayant  été  furpris  la  nuit  au  milieu 
de  plufîeurs  Lacs  Se  de  plufieurs 
Marécages  ,  d'où  il  ne  pouvoit 
s'expofer  à  fortir  fans  danger,  il 
apperçut  à  quelque  diftance  de  là  , 
un  peu  de  lumière  ,  il  s'avança  Se 
trouva  un  Pécheur  à  qui  il  dit  :  Je 
fuis  Ecuyer  du  Prince  CT  je  vous 
prie  de  vouloir  me  conduire  au  gros  de 
la  chajfe.  Je  ne  le  puis  ,  répondit  le 
Pêcheur ,  &  fut-ce  le  Roi  mon  maître 
que  j'aime  inf.nimeM  ,  je  lui  refitferois 
ce  que  vous  me  demandez.  ,  parce 
qu'il  ri  eft  pas  poffible  de  fortir  impu- 
nément de  ce  lieu  pendant  la  nuit.  Le 
Roi  fut  donc  obligé  de  fuivre  le 
Payfan  dans  fa  cabanne  ;  il  y  palfa 
la  nuit ,  &  mangea  avec  lui  d'un 
chevreau.  Le  lendemain  il  partit 
au  point  du  jour  avec  le  Pêcheur 
&  rejoignit  les  gens ,  qui  le  cher- 
choient  de  tous  cotez.  Mais  il  eut 
grand  foin  de  remarquer  les  diffe- 
rens  détours  qu'il  avoit  été  obligé 
de  prendre  pour  fortir  d'entre  ces 
lacs  &  ces  marécages ,  &  il  connue 
l'obligation  qu'il  avoit  au  Pêcheur, 
de  n'avoir  pas  voulu  l'expofcr  pen- 
dant la  nuit  dans  des  chemins  fi 
dangereux.  Il  lui  demanda  alors 
pourquoi  il  avoit  témoigné  tant 
d'amitié  pour  fon  Roi.  C'eft  ,  lui 
répondit  le  Pêcheur  qui  ne  le  con- 
noifloit  pas ,  &c  qui  le  prenoit  pour 
un  Officier ,  que  bien  loin  de  ré- 
gner en  Tyran ,  il  ménage  fes  fu^- 


MAY 

jets,  Se  les  traite  comme  fes  cn- 
fans.  Le  Roi  charmé  d'une  réponfe 
qu'il  ne  pouvoit  foupçonner  de 
flatterie ,  fe  fit  connaître  à  lui  Se 
lui  demanda  ce  qu'il  vouloit  :  une 
maifon  où  je  pui(fe  palier  le  refte 
de  ma  vie ,  repartit  le  Pécheur.  Le 
Prince  lui  en  fit  bâtir  une  ,  mais  ce 
fut  un  Palais  plutôt  qu'une  maifon 
particulière.  Il  n'en  demeura  pas  là, 
il  fit  fortifier  cette  maifon,  &  pour 
en  peupler  les  environs ,  il  accorda 
de  grands  privilèges  à  tous  ceux 
qui  viendroient  s'y  établir  ;  en  forte 
que  la  maifon  de  ce  Pécheur  fe 
trouva  bien  -  tôt  dans  une  Ville  •, 
mais  dans  une  Ville  fi  belle  que  les 
Rois  ne  l'ont  pas  jugée  indigne  de 
leur  féjour  en  certains  tems  de 
l'année.  Elle  a  été  témoin  de  plu- 
fieurs  combats  qui  fe  font  pafTcs 
fous  fes  murailles  ,  entre  les  Portu- 
gais Se  les  Maures  qui  la  défen- 
doient- 

La  Province  d'Habat  renferme 
entr'autres  Villes  celle  d'Aguila  bâ- 
tie fur  les  rives  de  l'Erguile  ,  au- 
tour de  laquelle  rodent  de  grandes 
troupes  de  lions  fi  privés  qu'ils  n'at- 
taquent perfonne  ,  pas  même  les 
enfans. 

Tanger  Ville  confiderable  de  la 
même  Province  ,  fut  bâtie ,  à  ce 
qu'affurent  fes  habitans ,  par  Ced- 
ded ,  fils  de  Had  ;  Prince  ,  qui  , 
feloneux  ,  pofiedoit  avec  l'Europe 
entière,  toute  l'Afrique,  &  une 
grande  partie  de  l'Afie.  Il  fit  faire  , 
difent-ils ,  une  Ville  dont  les  murs 
étoient  d'airain  ,  Se  les  maifons 
couvertes  d'or  Se  d'argent  -,  mais 
aotic  Hiftorien  remarque  que  cet 


;  173  4-  .  2^7 

excès  de  magnificence  eft  démenti 
par  tous  les  Auteurs.  Quoiqu'il  en 
ibit ,  la  Ville  de  Tanger  ,  dit  -  il  t 
eft  à  prefent  fermée  de  fortes  mu- 
railles de  pierre  ,  &  défendue  par 
desbaftions.  Les  Rois  de  Fez  ont 
foin  d'y  entrenir  une  bonne  garni- 
fon  ,  avec  des  Magafins  toujours 
pleins  de  vivres  &  de  munitions. 

Cette  Ville  qui  incommodoit 
extrêmement  la  Chrétienté  par  les 
courfes  fréquentes  de  fes  habitans 
fur  les  vaifleaux  étrangers  ,  fut  af- 
fiégée  par  les  Portugais  ;  le  Roi  de 
Fez  vint  fecourir  la  place  ,  Se  con- 
traignit l'Infant  Dom  Ferdinand 
fil  du  Roi  de  Portugal ,  quicom- 
n  .Mdoit  les  Troupes  de  fon  père , 
de  fe  rendre  prifonnier.  On  pro- 
pofa  de  donner  la  Ville  de  Ceutî 
pour  la  rançon  du  jeune  Prince  , 
mais  il  n'y  voulut  jamais  confentir 
Se  il  aima  mieux  refter  dans  les  fers 
que  d'acheter  fa  liberté  à  ce  prix. 
Le  Roi  de  Fez  ,  au  lieu  d'être  char- 
mé de  la  grandeur  d'ame  de  Dom 
Ferdinand ,  en  fut  irrité  ,  il  le  mal- 
traita ,  Se  pour  l'humilier  davanta  - 
ge  ,  il  lui  donna  le  foin  de  panfer 
fes  chevaux.  L'Infant  mourut  dans 
ce  vil  emploi ,  Se  les  Maures  firent 
enfermer  fon  tombeau  dans  les 
murailles  de  Fez.  Le  Roi  de  Portu- 
gal s'étant  depuis  rendu  maître  de 
Tanger ,  fe  difpofoit  à  venger  fur 
cette  Place  la  mort  de  fon  fils  , 
lorfque  les  habitans  ,  qui  crai- 
gnoient  le  reflentiment  du  Mon?r- 
que  juftement  irrité  ,  abandonnè- 
rent leurs  remparts  Se  fortirent  de 
la  Ville  chargés  de  tout  ce  qu'il* 
purent  emporter  ;  en  forte  que  ic 
M  mi; 


%6%  JOURNAL   D 

Roi  de  Portugal  n'eut  d'autre  pei- 
ne que  de  faire  abacre  la  porte  par 
où  il  votiloit  entrer. 

La  première  des  Villes  de  la 
Province  de  Guaret  ,  eft  celle  de 
Mélila  ,  ou  Milila  que  Ptolomée 
appelle  Rulîadire.Lcs  Efpagnols  en 
furent  long-terris  les  Souverains, 
malgré  les  différentes  tentatives  des 
Maures  conduits  par  un  Morabite; 
ce  Religieux  Africain  raifoit  ac- 
croire aux  Maures  qu'il  avoit  le 
pouvoir  d'enchanter  les  Efpagnols 
&  qu'il  enchanteroit  ceux  qui  gar- 
doient  Milila.  Sur  cette  promette 
plulleurs  Maures  étant  venus  lui 
offrir  leurs  fervices ,  il  les  condui- 
fit  vers  les  Efpagnols;  mais  ceux-ci 
avertis  de  fa  marche  &  de  la  pré- 
vention ridicule  des  troupes  qui  le 
fuivoient ,  biffèrent  les  portes  de 
la  Ville  ouvertes  ,  &c  ne  parurent 
point  fur  les  murailles.  Les  Maures 
ne  doutèrent  point  alors  que  les 
Efpagnols  ne  fuffent  effectivement 
enchantés ,  &  ils  entrèrent  dans  la 
Ville  avec  confiance.  Mais  les  pré- 
tendus enchantés  vinrent  fondre 
fur  les  Maures  qui  ne  s'attendant 
pas  à  une  telle  cataftrophe  ,  éprou- 
vèrent une  cruelle  défaite. 

Dans  la  Province  de  Cuzt  eft  la 
Ville  d'Umégiunaibe  3  fameufe  par 
une  côte  voilîne,  que,fui  vant  la  tra- 
dition des  gens  duPays,l'on  eft  obli- 
gé de  monter  en  danfant,  fi  l'on  veut 
s'épargner  une  violente  fièvre, dont 
l'on  ne  manque  point  d'être  faifî 
en  defeendant ,  lofqu'on  n'a  pas  eu 
foin  de  prendre  cette  précaution.  Il 
y  a  des  Voyageurs  qui  refufent  de 
croire  ce  qu'on  leur  conte  là-deflus-, 


ES    SÇAVANS, 

mais  cependant  ,  remarque  notre 
Auteur  ,  ils  n'ofent  fe  fier  à  leur 
incrédulité  ,  &  en  montant  la  col- 
line ,  ils  aiment  mieux  danftr  com- 
me les  autres, que  de  s'expofer  à  fai- 
re i'épreuve  de  ce  qu'ils  ne  croyent 
pas. 

Cette  Province  eft  remplie  de 
montagnes  ,  où  l'on  voit  une 
quantité  extraordinaire  de  couleu- 
vres qui  viennent  chercher  à  man- 
ger dans  les  maifons  ,  Se  s'en  re- 
tournent enfuite  fans  faire  aucun 
mal ,  à  moins  qu'on  ne  les  attaque; 
en  cela  moins  féroces  que  les  habi- 
tans ,  qui  égorgent  lans  pitié  ,  dit 
notre  Hiftorien  ,  tout  Voyageur 
que  l'indigence  met  hors  d'état  de 
payer  un  tribut  qu'ils  exigent  de 
quiconque  paiTe  dans"  leur  Pays. 
Les  Caravanes  feules  font  à  l'abri 
de  ce  brigandage  ;  encore  faut  -  il 
qu'elles  payent  une  fomme  pour 
Içs  Chameaux  chargés  de  marchan- 
difes. 

La  montagne  de  Miathir,  appel- 
lée  de  cent  puits ,  eft  une  de  ces 
montagnes.  Elle  eft  nommée  de 
cent  puits  ,  parce  qu'il  y  en  a  un 
grand  nombre.  On  prétend  qu'ils- 
font  pleins  de  tréfors  ,  &  les  habi- 
tans  de  Fez  qui  le  croyent  ferme- 
ment, vont  la  lanterne  à  la  main 
dans  le  fond  de  ces  puits ,  qui  font 
toujours  fecs ,  chercher  des  richef- 
fes  qu'ils  ne  trouvent  jamais.  Ces 
amateurs  de  tréfors  courent  de 
puits  en  puits ,  &  il  arrive  fouvent 
que  plufieurs  d'entr'eux  en  cou- 
rant ainfi ,  s'engagent  dans  des  dé- 
tours fouterrains  ,  d'où  ils  ne  peu- 
vent fortir ,  &  où  ils  périffent  mi-; 


MAY 

fcrablement.  Mais  la  perte  de  ceux- 
là  n'effraye  point  les  autres  ;  ceux- 
ci  efpcrcnt  au  contraite  qu'ils  fe- 
ront plus  heureux  ,5c  la  confiance 
qu'ils  ont  en  certains  efprits  qu'ils 
fuppofent  être  les  gardiens  de  ces 
prétendus  tréfors  ,  fe  ranime  en 
eux  déplus  en  plus.  Ils  comptent 
fur  la  protection  de  ces  génies  téné- 
breux ,  &  pleins  de  cette  idée  ,  ils 
s'abandonnent  dans  des  creux  où 
ils  font  environnés  de  chauve-fou- 
ris  qui  éteignent  les  flambeaux 
qu'ils  portent.  Un  de  ces  chercheurs 
de  tréfors ,  ayant  été  ainfi  plongé 
dans  les  ténèbres  ,  &c  ayant  erré 
long-tems  dans  les  précipices  qui 
font  dans  ces  fouterrains ,  rencon- 
tra heureufement  un  animal  que  les 
Africains  nomment  Dabu  ;  il  le 
fuivit&  fortitavec  lui  par  une  fen- 


;     173  4'  269 

te  de  rochers  ',"  qu'une  grande 
quantité  d'arbres  épais  avoit  cachée 
jufqu'alors.  Il  courut  aulli  tôt  an- 
noncer cette  nouvelle  à  fes  voifins, 
&  quelques  jours  enfuite  une  mul- 
titude de  gens  vinrent  creufer  au- 
tour de  cette  fente  de  rochers,  pour 
en  faire  un  paffage  libre.  Mais  une 
grande  abondance  d'eau  combla 
aufli-tôt  les  trous  qu'ils  avoient 
faits  &  empêcha  l'ouvrage. 

Nous  palTons  un  grand  nombre 
d'articles  concernant  les  Provinces 
de  Tremccen  ,  de  F^,  à' Alger  t  & 
de  Bugie.  C'eft  par  la  defeription 
de  cette  dernière  qq^finit  le  Volu- 
me. 

Nous  commencerons  dans  le 
Journal  prochain  ,  l'Extrait  de 
l'Hiftoire  de  l'Empire  des  Cherifs. 


CRONICON  GOTWICENSE  ,  SEU  ANNALES  LIBERI  ET 
Exempti  Monafterii  Got^icenfis  Ordinis  S.  Benedidti  inferioris  Au- 
ftrix.  C'eft  -  à  -  dire  :  La  Chronique  de  Gotiueich,  ou  Annales  du  Monn- 
fiere  de  Gotiveicb  J  de  l'Ordre  de  S.  Benoît  ,  dans  la  baffe  Autriche. 
Tome  Préliminaire.  De  l'Imprimerie  du  Monaftere  de  Tegernéens 
Ordre  de  S.  Benoît.  1732.  in  fol.  Tome  I.  pag.  800.  fans  les  planches 
gravées  &  les  Cartes  Géographiques  qui  font  en  grand  nombre. 


CE  Tome  Préliminaire  qui 
contient  une  Diplomatique 
Germanique,  comme  nous  l'avons 
obfcrvé  dans  le  premier  Extrait  de 
cet  Ouvrage  ,  eft  divifé  en  quatre 
Livres.  L'Auteur  traite  dans  le  pre- 
mier des  anciens  Manutcrits. 
Nous  en  avons  rendu  compte  dans 
le  Journal  précèdent. 

Dans  le  fécond  Livre  M.  l'Abbé 
de  Gotteveich  parle  des  Diplômes 
des  Empereurs  &  des  Rois  de  Ger- 


manie. Pour  former  des  règles  par 
le  moyen  defquelles  on  puiffedi- 
ftinguer  ces  véritables  Diplômes  de 
ceux  qui  font  abfolument  faux  ou 
de  ceux  qui  ont  été  altérés  ,  il  en  a 
fait  graver  un  grand  nombre.  Il  a 
eu  foin  de  ne  donner  pour  exem- 
ple dans  cette  fuite  de  ces  ancien- 
nes Chartres  que  des  pièces  qui  lui 
ont  paru  être  au-deffus  de  tout 
foupeon. Elles  commencent  à  Con- 
rad 1.  &  elles  finiflent  au  règne  de 


27o  JOURNAL    D 

Frédéric  II.  l'Auteur  fait  des  Ob- 
fervations  fur  chacun  de  ces  Di- 
plômes. Ses  premières  Obferva- 
tions  roulent  fur  ce  qu'il  appelle 
l'extérieur  du  Diplôme,  c'eft  à  dire 
fur  la  forme  des  lettres ,  foit  ma- 
jufculcs,  foit  courantes,  fur  la  diffé- 
rence des  traits  Se  des  inflexions  des 
lettres  ,  fur  les  abréviations ,  fur 
l'orthographe ,  fur  lesfouferiptions 
des  Rois  ,  fur  les  monogrames, 
dont  il  a  foin  de  diftinguer  diffé- 
rentes efpcces ,  fur  les  féaux ,  dont 
il  marque  la  matière  Se  la  gran- 
deur ,  fur  la  manière  dont  les  Rois 
Se  les  Empcfitirs  font  reprefentés 
fur  ces  féaux  ,  enfin  fur  les  fouf- 
criptions  des  Chanceliers  Se  fur  la 
date  des  Diplômes. 

De  ces  obfervations  fur  l'exté- 
rieur des  Diplômes  ,  notre  Auteur 
paffe  à  ce  qu'il  appelle  l'intérieur 
des  Diplômes  dont  il  parcourt  les 
différentes  parties.  La  première  eft 
l'invocation  du  nom  de  Dieu,  ou  de 
la  fainte  Trinité  dont  il  donne  les 
formules.  Enfuite  viennent  les  ti- 
tres Se  lesqualitez  ,  foit  ordinaires, 
foit  extraordinaires  que  les  Princes 
ont  pris  dans  ces  Chartres ,  les  dif- 
férentes formules  de  l'adrefle  de  ces 
Chartres  à  leurs  Vaffaux  ou  àlcuis 
Sujets  pour  les  faire  exécuter.  Les 
qualitez  qui  font  données  aux  diffé- 
rentes perfonnes  dont  il  y  eft 
parlé. 

Les  fujets  ordinaires  de  ces  Di- 
plômes ,  font  des  donations  de 
fonds  de  terre  ,  ou  de  droits  Sei- 
gneuriaux ,  des  concédions ,  ou 
des  confirmations  de  privilèges  ac- 
cordées par  les  Princes   prédecef- 


ES  SÇAVANS, 

feursde  ceux  dont  les  noms  paroif- 
fent  à  la  tête  des  Diplômes.  Une 
claufe  qui  a  fourni  beaucoup  d'ob- 
fervations ,  eft  celle  qui  contient  la 
condamnation  à  une  amende  pécu- 
niaire Se  des  imprécations  contre 
ceux  qui  voudroient  donner  at- 
teinte aux  droits  Se  aux  privilèges; 
accordés  par  ces  Diplômes  à  des 
communautez  ou  à  des  particu- 
liers. Il  en  eft  de  même  des  diffé- 
rentes fouferiptions  des  Empereurs 
Se  des  Rois ,  des  ArchichancelicrSj 
des  Archichapclains  Se  des  Chan- 
celiers. Les  remarques  qu'a  faites 
M.  l'Abbé  de  Gotteweich  fur  ce 
dernier  article ,  ferviront  à  fixer  lt 
tems  dans  lequel  ont  vécu  ceux  qui 
ont  poffedé  ces  grandes  Charges  , 
à  faire  connoître  pluiîeurs  d'entr. 
eux  dont  les  Ecrivains  qui  ont  tra 
vaille  fur  cette  matière  n'ont  faii 
aucune  mention ,  ou  à  éviter  de; 
fautes  dans  lefquellcs  ces  Ecrivains 
font  tombes. 

C'eft  particulièrement  aux  datel 
que  notre  Auteur  s'eft  appliqué.  Il 
s'attache  à  lever  de  la  manière  qui 
lui  paroîtia  plus  folide  les  difhcul- 
tez  aufquelles  peuvent  donner  lieu 
les  différentes  manières  de  compter 
les  années  du  règne  d'un  Prince. 
Quand  il  ne  peut  concilier  la  date 
d'un  Diplôme  avec  THiftoire  ou 
avec  d'autres  Chartres  qu'il  croit 
inconteftables ,  il  ne  veut  pas  qu'on 
conclue  de  cette  feule  raifon  que 
cette  Chame  foit  abfolument 
fauffe  ,  il  foûtient  qu'il  y  a  des 
Diplômes  très-véritables  où  la  date 
eft  peu  cxa&e  ,  &  il  donne  des  rè- 
gles par  le  fecours  dcfquelles  il  eft 


MAY] 

perfuadé  ,  qu'on  apprendra  à  di- 
ftinguer ,  quand  la  tauiTeté  dans  la 
date  ,  emporte  la  preuve  de  la 
faufteté  de  l'ade ,  ou  quand  c'eft 
une  fimple  erreur  dans  une  pièce 
véritable  qu'il  faut  reformer. 

Sur  ces  Obfervations  notre  Au- 
teur a  cru  devoir  fuivre  une  autre 
route  que  celle  du  Pcre  Mabillon 
dans  fa  Diplomatique  -,  car  le  Père 
Mabillon  n'a  point  jugé  à  propos 
de  donner  fes  règles  fur  ies  Diplô- 
mes de  chaque  Roi,  il  lésa  réunies 
fous  un  peint  de  vûë  •,  au  lieu  que 
notre  Auteur  explique  fes  règles  en 
rapportant  les  Diplômes  de  chaque 
Empereur  ou  Roi  de  Germanie. 

Notre  Auteur  a  bien  fenti  qu'il 
fe  pourrok  bien  trouver  en  Alle- 
magne des  Papebrocs  -,  des  Ger- 
mons, &  peut-être  même  des  Har- 
douins  ,  qui  ne  ménageroient  pas 
plus  fa  Diplomatique  ,  qu'ils  n'ont 
ména-gé  celle  du  Pcre  Mabillon. 
Mais  il  n'a  pas  cru  devoir  répondre 
aux  objections  qu'on  peut  faire 
fur  les  Diplômes  d'Allemagne  , 
comme  fur  ceux  des  Rois  de  Fran- 
ce de  la  première  &  de  la  féconde 
Race.  Il  fe  contente  fur  ce  point  de 
renvoyer  fes  Lecteurs  aux  Ecrits  du 
Père  Mabillon  &:  aux  autres  Ouvra- 
ges qui  ont  été  faits  ,  tant  en  France 
qu'en  Italie,  pour  la  défenfe  de  la 
Diplomatique  de  ce  feavant  Béné- 
dictin. 

Par  rapport  à  l'ufage  de  ces  Di- 
plômes pour  le  droit  public  d'Al- 
lemagne ,  nous  avons  remarqué 
que  M.l' Abbé  deGottcweich  s'atta 
che  à  en  tirer  des  inductions  pour 
foûtenir  les  prétentions  de  l'Empe- 


i  7  5  4.  27t 

reur  contre  celles  des  differens 
Etats  de  l'Empire  ,  &  pour  com- 
battre ce  qu'avoient  avancé  en  plu- 
fieurs  endroits  de  leurs  Ouvrages 
Puffendort  &  plufîcurs  Ecrivains 
qui  ont  traité  ces  queftions  délica- 
tes, au  fujet  des  droits  des  differens 
Etats  d'Allemagne. 

Cette  partie  de  l'Ouvrage  roule 
fur  un  fi  grand  nombre  de  Pièces  , 
&  il  y  a  tant  d'Obfervations  fur 
chaque  Pièce  en  particulier  ,  qu'il 
ne  nous  feroit  pas  polTible  d'entrer 
dans  le  détail  d'aucun  article  du 
Livre  ,  fans  paiTer  les  bornes  ordi- 
naires de  nos  Extraits'.  D'ailleurs  il 
y  a  des  remarques  qu'on  ne  pour- 
roit  bien  faire  entendre  fans  avoir 
fous  les  yeux  les  Diplômes  que 
l'Auteur  a  fait  graver.  C'eft  pour- 
quoi nous  fommes  obligés  de  ren- 
voyer au  Livre  même  les  Lecteurs 
qui  font  curieux  de  s'inftruire  2 
fond  de  l'Ouvrage  le  plus  étendu 
&  le  plus  curieux  qui  ait  paru  juf- 
qu'à  prefent  fur  la  Diplomatique 
d'Allemagne. 

Les  Palais  des  Empereurs  d'où 
les  Diplômes  font  datés  ,  font  une 
partie  de  ces  Pièces  ,  dost  la  con- 
noilTance  eft  neceiTaire  à  ceux  qui 
veulent  les  entendre  parfaitement. 
C'eft  pourquoi  Dom  Michel  Ger- 
main avoit  compofé  un  Ouvrage 
fur  les  Palais  de  nos  anciens  Rois 
qui  fait  le  quatrième  Livre  de  la 
Diplomatique  du  Père  Mabillon. 
Quelques  Auteurs  Allemans ,  com- 
me Leuber ,  Fritch  ,  Okel ,  Hert , 
Freher  ,  &c.  avoient  auilî  parlé  des 
Palais  des  Empereurs  :  mais  aucun 
d'eux  n'éîoit  entré  fur  ce  fujet  dans 


272  JOURNAL   DES   SÇAVANS, 

un  fi  grand  détail  que  M.  l'Abbé      territoire    dans  lequel  il  y  avoit 


de  Gotteweich  fait  des  articles 
féparés  des  Palais ,  dont  fe  trou- 
vent datés  un  grand  nombre  de 
Diplômes,  ou  qui  lui  ont  paru  les 
plus  remarquables  ,  foit  par  rap- 
port à  ce  qui  fe  rencontre  dans  les 
Chartres  ,  foit  par  rapport  à  ce 
qu'en  difent  les  anciens  Chrono- 
graphes  ou- d'autres  Auteurs.  Ces 
Palais ,  defquels  il  y  en  a  plusieurs 
dont  fe  font  formées  de  grandes 
Villes,  font  tous  difpofésfuivant 
l'ordre  alphabétique.  M.  l'Abbé  de 
Gotteweich  en  marque  la  iïtuation, 
il  indique  quelques-uns  des  princi- 
paux Diplômes  qui  y  ont  été  don- 
nés ,  &  il  marque  ce  qu'il  a  trouvé 
fur  chacun  d'eux  dans  les  anciens 
Ecrivains. 

Le  Traité  des  differens  Cantons 
dans  lefquels  l'Allemagne  étoitdi- 
viféc  dans  le  moyen  âge  qui  com- 
pofe  le  quatrième  Livre  eft  fait 
dans  le  même  goût  que  le  troifiéme 
Livre.  Ces  Cantons  étoient  nom- 
més Pagi  dans  les  anciennes  Char- 
tres.   Ils  comprennent  un  certain 

HISTOIRE  CRITIQVE  DE  L'ETABLISSEMENT  DE  LA 
Monarchie  Franceife  dans  les  Gaules  :  par  AL  l'Abbé  du  B  o  s  ,  l'un 
des  Quarante  ,  &  Secrétaire perpétuel  de  l'Académie  Erançoife.  A  Paris, 
chez  Ch  aubert  ,  Quai  des  Auguftins ,  à  la  Rénommée  &  à  la  Pru- 
dence ;  Gijpy  ,  rue  delà  vieille  Bouderie,  à  l'Arbre  de  JeiTé  ;  rue 
S.  Jacques ,  chez  Ofmont ,  à  l'Olivier  ;  Huart  l'aîné ,  à  la  Jufticc  ;  Clou- 
fier  ,  à  l'Ecu  de  France  :  Quai  des  Auguftins  ,  chez  Hourdel;  David 
le  jeune,  àl'Efperance.  1734.  «2-40.  trois  Vol.  Tom.  I.  pp.  53^.  Sans 
le  Difcours  Préliminaire.  Tom.  II.  pp.  611.  Tom.  III.  pp.  552.  fans  la 
Table.  Planch.  1. 


plufieurs  Bourgs  &:  plufieurs Châ- 
teaux ;  même  des  Villes  confidera- 
bles.  On  remarque  aulli  qu'il  j 
avoit  fouvent  plufieurs  Comtes 
dans  le  même  Canton.  Les  grands 
Cantons  étoient  divifés  en  plu- 
fieurs parties  dont  chacune  avoit 
un  nom  particulier  ,  &  dont  le 
nom  général  étoit  celui  de  petits 
Cantons  Notre  Auteur  a  mis  dans 
un  ordre  alphabétique  ceux  de  ces 
grands  &  de  ces  petits  Cantons 
qu'il  a  remarqués  ,  foit  dans  les 
Chartres,  foit  dans  les  anciens  Au- 
teurs. Les  Cartes  Géographiques 
qui  accompagnent  ces  deux  Livres 
fervent  à  fixer  la  fituation  &  des 
Palais  des  Empereurs  du  moyen 
âge  Se  des  differens  Cantons  dont 
on  n'a  plus  fait  de  mention  dans  les 
Acles  depuis  le  treizième  fiécle.  On 
eft  furpris ,  quand  on  voit  les  gran- 
des recherches  que  M.  l'Abbé  de 
Gotteweich  a  été  obligé  de  faire 
pour  ces  deux  derniers  Livres  de  fa 
Diplomatique. 


C'EST    une    opinion    reçue 
communément  des  Auteurs 
modernes  ,  qui  ont  écrit  l'Hiftoire 


de  France  ,  que  le  premier  établif- 

fement  de  cette  Monarchie  dans  les 

Gaules  n'a  été  qu'une  fuite  de  la 

conquête 


MAY, 

conquête  qu'en  firent  les  Francs  , 
Peuples  barbares ,  qui  fous  la  con- 
duite de  leurs  premiers  Rois ,  Se 
fur-tout  de  Clovis ,  en  chafferent 
de  vive  force  les  Romains  &  y  re- 
duifirent  les  anciens  habitans  à  une 
condition  fi  dure ,  qu'elle  étoit  peu 
différente  de  l'efclavage.  Quelques- 
uns  même  de  nos  derniers  Hifto- 
riensont  pouffé  cette  idée  jufqu'au 
point  de  mettre  cette  prétendue 
invafion  des  Gaules  par  les  Francs  , 
prefque  en  parallèle  avec  celles  de 
la  Grèce  par  les  Turcs  Se  de  l'Amé- 
rique par  les  Efpagnols.  C'eft  un 
préjugé  h  général  &  fi  peu  révoqué 
en  doute  jufques  ici  ,  qu'entre- 
prend de  détruire  ,  dans  cet  Ou- 
vrage ,  M.  l'Abbé  du  Bos  ,  dont  la 
plume  a  déjà  mérité  plus  d'une  fois 
en  divers  genres  d'écrire  ,  toute 
l'attention  des  Sçavans  ,  &  qui 
feait  paffer  avec  fucecs  des  améni- 
tez  les  plus  intereffantes  de  la  belle 
Littérature  aux  recherches  hiftori- 
ques  Se  critiques  les  plus  épineufes 
£e  les  plus  profondes ,  concernant 
le  Droit  Public  de  notre  Nation.  Il 
fe  propofe  de  prouver  folidement 
ici  plufieurs  faits ,  de  l'affemblage 
defquels  doit  refulter  la  vérité  d'un 
Syftêmehiitoricjue  tout  contraire  à 
celui,  qui  jufqu'à  prefent  a  eu  cours 
fur  la  matière  dont  il  s'agit. 

Il  prétend  montrer ,  en  premier 
lieu  ,  ainfi  qu'il  l'annonce  lui-mê- 
me ,  dans  fon  Difcours  Préliminai- 
re ,  que  lorfqu'àk  fin  du  cinquiè- 
me fiécle  de  l'Ere  Chrétienne  Se  au 
commencement  du  fixiéme  ,  les 
Provinces  de  la  Gaule  pafferent 
fucceffivement  fous  la  domination 
May. 


Î754-  ;  275 

de  nos  Rois  ]  il  y  avoit  déjà  200 
ans  que  les  Francs  ,  de  quelque 
Contrée  qu'ils  fuffent  originaires  , 
étoient  établis  fur  la  rive  droite  du 
Rhin  ,  Se  partagés  en  différentes 
Tribus  confédérées  :  Que  l'Empi- 
re Romain  les  regardoit  comme 
s'ils  euffent  été  fes  fujets  naturels , 
ayant  toujours  des  traitez  d'allian- 
ce avec  ceux  qui  les  tenoient  dans 
une  forte  de  dépendance  ,  prenant 
chez  eux  à  fa  folde  des  corps  de 
Troupes,  dont  les  Officiers  étoient 
avancés  aux  grades  les  plus  émi- 
nens ,  Se  leur  donnant  des  terres  en 
plufieurs  Provinces  des  Gaules ,  à 
condition  d'y  vivre  conformément 
aux  Loix  de  l'Empire ,  Se  fournis  à 
fes  Officiers  tant  civils  que  mili- 
taires. 

Il  fera  voir,  en  fécond  lieu,  que 
cette  Nation  en  général  fidelleob- 
fervatrice  de  fes  traitez  avec  les 
Romains,  fervoit  ceux  -  ci  contre 
les  Francs  mêmes  qui  de  tems  en 
tems  enfreignoient  ces  traitez  : 
qu'en  407.  qu'arriva  dans  les  Gau- 
les la  fameufe  invafion  des  Barba- 
res ,  c'elt-à-dirc  celle  des  Vandales 
Se  de  leurs  alliez,  les  Francs  tou- 
jours attachés  aux  intérêts  de  l'Em- 
pire ,  fe  firent  tailler  en  pièces  en 
difputant  à  ces  Barbares  l'approche 
du  Rhin  :  qu'en  l'année  413.  quel- 
ques Tribus  de  Francs  s'étant  can- 
tonnées au  deçà  de  ce  fleuve  ,  Aé- 
tius  qui  commandoit  alors  dans  les 
Gaules ,  les  contraignit  en  428.  à  le 
repaffer  ,  ou  à  reconnoître  l'autori- 
té de  l'Empire. 

M.  l'Abbé  du  Bos  doit  prouver 
en  troifiéme  lieu ,  Que  Clodion  & 
Nr 


274  JOURNAL  D 

Mérovér,  Princes  Francs  qui  ré- 
gnèrent l'un  après  l'autre  fur  \& 
Tribu  des  Saliens ,  &  qui  s'étoienï 
emparés  de  Cambrai  &  du  Pays 
compris  entre  cette  Ville  &  ia  Ri- 
vière de  Somme  ,  quoique  terri- 
toire de  l'Empire  ,  acquirent  le 
droit  d'y  demeurer  en  qualité  de 
fes  Hâtes  par  la  capitulation  que  les 
Romains  ,  lors  de  l'irruption  d'At- 
tila, firent  contre  ce  Prince  avec  les 
Nations  barbares  établies  déjà  dans 
les  Gaules  ;  capitulation  ,  dont  les 
conditions  étoient  ,  qu'à  l'avenir 
elles  fe  contiendroient  dans  les 
bornes  des  quartiers  qu'elles  a- 
voient  pris  par  force  ,  &  qu'en 
bonnes  &  fidèles  alliées  de  l'Empi- 
re ,  elles  le.  ferviroient  dans  les  oc- 
cahons  comme  troupes  auxiliaires  : 
Que  Mcrovée  en  vertu  de  ces  en- 
gagemens  fe  joignit  aux  Romains 
contre  les  Huns  ,  qu'ils  défirent  de 
concert  en  451.  Que  fon  fils  Chii- 
deric  fe  fignala  aufÏÏ  en  faveur  de 
l'Empire  (  dont  il  paroît  même 
qu'iLétoit  l'un  des  Généraux)  dans 
les  guerres  qu'il  foûtint  contre  les 
Vifigots  &  les  Saxons  ,  qui  vou- 
loient  envahir  toutes  les  Gaules  : 
Qu'après  la  prife  de  Rome  Se  la 
deftruètion  totale  de  l'Empire 
d'Occident  par  Odoacre ,  quelques 
Officiers  Romains  s'étant  canton- 
nés dans  cette  Province,  il  ne  pa- 
roît nullement  que  Childeric  ait 
profité  de  la  conjoncture  pour  ac- 
croître fes  Quartiers  ou  fes  Etats , 
puifqu'à  fa  mort  arrivée  en  481.  il 
ne  biffa  au  Roi  Clovis  fon  fils  & 
fon  fucceffeur  qu'un  très -petit 
Royaume ,  compofe  duToumaifis 


ES  SÇAVANS, 

Si  de  quelques  Contrées  voifines. 

Enfin  notre  Auteur  montrera, 
clairement  ,  Que  Clovis>  en  30  ans- 
de  règne,  fe  rendit  maître  des  deux 
tiers  de  la  Gaule  ,  mais  fans  fe  dé- 
clarer ennemi  de  l'Empire  ;  Qu'a 
la  vérité  ,  il  fit  la  conquête  du- 
Soiflonnois  fur  un  Officier  Romaiiv 
qui  s'en  étoit  fait  Seigneur;  mais 
que  ni  les  Gaulois  ni  les  Romains 
ne  regardèrent  cette  guerre  que 
comme  une  querelle  particulière  :• 
Qu'il  rie  conquit  le  territoire  de 
Tongres  que  fur  des  Barbares ,  qui1 
l'bccupoient  depuis  pluhcurs  an- 
nées ;  &  qu'il  ne  tut  reconnu  Sou- 
verain dans  cette  partie  des  Gaules 
fituée entre  la  Somme  &  la  Seine  , 
&  foûmife  encore  à  l'Empire  ,  que 
par  voye  de  négociation  :  Que  ce 
Prince  ,  en  496.  après  fon  baptê- 
me ,  reçut  fous  û  domination  les 
cinq  Provinces  Gauloifcs  confédé- 
rées en  forme  de  Republique  dès 
le  commencement  de  ce  lîécle ,  Se 
ce  qui  reftoit  encore  de  Troupes 
Romaines  entre  la  Seine  &  la  Loi- 
re, lefqucllcs  Troupes  lui  prêtèrent 
ferment  de  fidélité  :  Qu'à  l'égard 
de  l'expédition  ,  qui  le  rendit  maî- 
tre des  Pays  fitués  entre  la  Loire  & 
les  Pyrénées ,  il  ne  l'entreprit  qu'à 
la  follicitation  des  Romains  de  ces 
mêmes  Pays  ,  non  pas  contre  l'Em- 
pire,qui  même  approuva  cette  con- 
quête après  l'événement  ,  mais 
contre  les  Vifigots  qui  s:étoient 
emparés  de  ces  provinces  depuis 
pies  d'un  fiéele  :  Qu'en  vertu  de  k 
dignité  de  Conful  conférée  par 
Anaftafe  Empereur  d'Orient  à 
CIoyis,  &  qui  lui  donnoit  l'atlmi- 


MAY, 

■niftration  du  pouvoir  civil  par-tout 
où  il  auroit  celle  du  pouvoir  mili- 
taire ,  ce  Prince  vint  à  bout  de  foù- 
mettre  à  fon  autorité  toutes  les 
Tribus  des  Francs  qui  jufqu'alors 
avoient  eu  chacune  leur  Roi  parti- 
culier :  Que  fcs  quatre  fils  qui  lui 
fuccederent  chacun  pour  un  quart 
de  fon  Royaume  ,  marchèrent  fur 
les  traces  de  leur  père  pour  s'ag- 
grandir  ;  c'eft  à-dire  ,  qu'ils  con- 
quirent cette  partie  des  Gaules 
comprifc  entre  la  Durance  ,  le 
Rhône,  la  Saône,  le  Rhin  &  les 
Alpes,  non  fur  l'Empire,  mais  fur 
les  Bourguignons  qui  y  regnoient 
depuis  près  d'un  fiécle  ;  qu'ils  ne 
fe  mirent  en  poffefllon  du  P-ays  ren- 
fermé entre  les  limites  des  Bour- 
guignons &  la  Mer  Méditerranée  , 
qu'en  conféqucnce  de  la  ccffion 
que  leur  en  firent  les  Oftrogots , 
ainfi  que  de  toutes  les  prétentions 
qu'ils  pouvoient  avoir  fur  la  Gaule 
en  général,par  le  Traité  fait  dès  l'an 
474.  entre  leur  Nation  &  Julius- 
Népos ,  Empereur  d'Occident  : 
Qu'en  un  mot,  Juftinien  Empe- 
reur d'Orient  confentit  à  cette 
ceftîon  faite  aux  Francs  par  les 
Oftrogots  &  la  confirma  par  un 
Diplôme  authentique  ,où  il  tranf- 
porte  à  la  Monarchie  Françoife 
tous  les  droits  que  la  Monarchie 
Romaine  pouvoit  reclamer  encore 
fur  les  Gaules. 

Le  fimple  expofé  que  nous  don- 
nons ici  de  tous  ces  faits  ,  quoi- 
que dénués  de  leurs  preuves ,  fuffit 
pour  mettre  le  Lcdteur  dans  un 
point  de  vue  tout  différent  de  celui 
{Toi  il  avait  coutume  d'envifager 


17  5  4.  475 

le  premier  établirtetnent  de  notre 
Monarchie.  On  n'y  voit  plus  un 
peuple  que  l'oppreftîon  a  mis  fous 
le  joug  d'un  Conquérant  :  on  y 
apperçoit  au  contraire  ,  une  Na- 
tion 3  qui  foûmife  volontairement 
a  fes  nouveaux  Souverains,  joiiit  en 
pleine  propriété  de  tous  fes  biens  , 
a  permiffion  de  vivre  fuivant  le 
Droit  Romain  ,  Se  eft  admife  à 
toutes  les  dignitez  ,  même  aux  mi- 
litaires. Comment  donc  a-t-il  pu 
arriver  (dit  notre  Auteur  )  que  la 
vérité foit  difparaé  ,  &  cjtte  l'erreur  fe 
foit  ,  pour  ainfi  dire  ,  emparée  de  nos 
Annales  ?  Voici  comme  il  conçoit 
que  la  chofe  a  pu  fe  faire.  Nos  Hi- 
ftoriens  modernes  ont  pris  cette 
fautfe  idée  dans  ceux  de  nos  Anna- 
liftes  qui  ont  écrit  fous  les  premiers 
Rois  de  la  troifiéme  Race ,  &  qui 
reprefencent  l'établiffement  de  no- 
tre Monarchie  fous  la  forme  d'une 
conquête  faite  par  une  Nation  fur 
une  autre.  Ces  Annaliftes,  tels  que 
Aimoin,  Sigebert  de  Gcmblouis  & 
d'autres  ont  trouvé  cette  erreur 
dans  Frédégaire  l'abréviateur  de 
Grégoire  de  Tours ,  Se  dans  l'Au- 
teur Anonyme  des  GeflesdtsFrancs, 
8c  l'ont  adoptée.  Elle  venoit  origi- 
nairement dans  Frédégaire  d'un 
paffage  de  Grégoire  de  Tours  mal 
entendu  par  cet  abréviaceur  igno- 
rant &;  privé  du  fecours  de  la  tra- 
dition ,  ainfi  que  l'étoient  les  Ecri- 
vains du  feptiéme  fiécle.  11  eft  dit 
dans  ce  partage  mal  expliqué  par 
Frédégaire  ,  que  Childeric  fit  une 
expédition  contre  l'Empire  ;  au 
lieu  que  Grégoire  de  Tours  n'jr 
veut  dire  autre  chofe  iïnon  que 
Nnjj 


z76        JOURNAL    DE 

Childeric  avoic  fait  cette  expédi- 
tion ,  en  portant  les  armes  pour  le 
fervice  de  l'Empire  ,  Se  de  concert 
avec  le  Général  de  l'armée  Romai- 
ne. Le  faux  préjugé  de  Frédégaire 
au  fujet  de  Childeric  s'eft  étendu 
jnfques  fur  Clovis  fils  &  fuccelTeur 
de  ce  Prince  ,  -Si  dont  l'Annalifte  a 
toujours  parlé  comme  d'un  enne- 
mi déclaré  de  l'Empire.  Cette  er- 
reur née  ,  comme  l'on  voit  dès  le 
feptiéme  ficelé ,  Se  embraflee  dans 
le  huitième  par  l'Auteur  des  Gefies, 
a  fubfilté  dans  le  neuvième ,  6c  s'eft 
fortifiée  dans  le  dixième  ,  où  l'i- 
gnorance 6c  la  barbarie  Liftèrent 
perdre  plufieurs  Ouvrages  du  cin- 
quième fiécle  Se  du  fixiéme .,  dont 
la  lecture  feule  auroit  pu  décou- 
vrir la  méprife  de  Frédégaire  :  ce 
qui  a  rendu  cette  découverte  com- 
me impoifible  ,  du  moins  jufqu'au 
milieu  du  dix-feptiéme  fiécle. 

Mais  (  dira-t  on  )  comment  tous 
les  Hift  oriens  pofterieui  s  à  Aimoin 
n'ont  ils  vu  dans  Grégoire  de  Tours 
Se  dans  fes  contemporains ,  que  ce 
ce  qu'Aimoin  y  avoit  vu  ,  d'après 
Frédégaire  ?  M.  l'Abbé  du  Bos  re- 
fout cette  difficulté  par  ces  deux  ob- 
fervations  :  i*.  Qu'il  eft  très-diffici- 
le de  compofer  une  bonne  Hiftoi- 
re  de  France  ,  à  l'aide  de  tous  les 
Monumcns  Littéraires  qui  nous 
reftent  du  cinquième  &  du  fixiéme 
fiécle  :  i".  Que  ce  qui  n'eft  plus 
aujourd'hui  que  difficile  ,  n'étoit 
prefque  pas  poffible  avant  l'inven- 
tion de  l'Imprimerie  ,  Se  avant  que 
ces  Monumenseuffentétéfuffifam- 
ment  expliqués  &  commentés ,  ce 
qui  ne  s'eft  achevé  que  vers  l'année 


5  SÇAVANS, 

L'Auteur  s'applique  à  prouver 
ces  deux  propofitions  fur  lcfquelles 
il  entre  dans  une  difeuffion  très- 
dc caillée  ,  nous  donnant  une  Noti- 
ce exacte  6c  critique  de  tous  les 
Ecrivains  du  cinquième  Se  du  fi- 
xiéme fiécle  ,  foit  hiftoriques  ou 
non  ,  qui  peuvent  fournir  quel- 
ques fecours  pour  rétablir  le  com- 
mencement de  nos  Annales.  Tels 
font  en  premier  lieu  ,  pour  l'Ht- 
ftoire  Ecciefiaffique  ,  Paul  Orofe  Se 
Grégoire  de  Tour,  :  Frê iég.zire ,  i'Au- 
reur  des  Gefles  dis  Francs  ;  les  Vies- 
de  S.  Germain  d'Auxerrc  ,  de  Saint 
Cefaire  d'Arles ,  de  S.  Lupicin  ,  de 
S.  Hilairede  Poitiers ,  de  S.  Rémi; 

6  les'Opufcules  de  Grégoire  de 
Tours  :  en  fécond  lieu  ,  les  fragj- 
mens  hiftoriques  à'Olympiodorc,  de 
Prifcjue  le  Rhéteur ,  de  Candide  l'I- 
faurien  ,  de  Sulpice  Alexandre  ,  & 
de  Frigérids  ,  lefquels  fragment 
nous  ont  étéconfervés  par  Gonfla»- 
tin-Porphyrogénéte  ,  par  Pholius  & 
par  Grégoire  de  Tours  :  en  rroilîé- 
me  lieu,  les  Chroniques  de  Profper3 
â'Idace  3  de  Ciijfwdore  ,  de  Marias 
d'Avanches  ,  6c  quelques  autres  : 
en  quatrième  lieu  ,  les  Hiftoriens 
contemporains  ,  tant  Grecs  que 
Latins  ,  fçavoir  Zozime  ,  Proca- 
pe }  Agathias  ,  Cajfiodore  }  dans 
fon  Hiftoire  tripanite ,  lornandes 
Ifîdore  de  Seville  -,  en  cinquième 
lieu ,  les  Monumens  non  hiftori- 
ques relatifs  à  deux  clalles ,  dont  la 
première  contient  la  Notice  de 
l'Empire  }  Se  celle  des  Provinces  Se 
des  Citez  de  h  Gaule ,  rédigées 
l'une  Se  l'autre  fous  Honorius  -, 
plufieurs  Loix  des   Empereurs  ii> 


MAY 

cinquième  fiécle  ;  les  Loix  nationa- 
les des  peuples  barbares  établis  dans 
les  Gaules  ,  fçavoir  celles  des  Vifi- 
gots  ,  des  Bourguignons  ,  des 
francs  Saliens ,  des  Francs  Ripuai- 
res,  Se  quelques  autres;  les  Let- 
tres écrites  à  nos  premiers  Rois  ou 
par  eux  ,  &  leurs  Edits  ;  des  Tefta- 
mens  cV  d'autres  Aires  judiciaires  ; 
on  range  fous  la  féconde  clafife  de 
ces  Monumens  non  hiftoriquesles 
Ouvrages  fçavans  ,  tels  que  le 
Traité  de  Salvicn  fur  la  Providen- 
ce ,  les  Lettres  &  les  Poëfies  de  Si- 
doitie-Apoâmairo  ,  les  œuvres  d' A- 
vitus ,  Evêque  de  Vienne  ,  les  Let- 
tres de  CajfioAore  \  les  Poëfies  de 
Tortunat  Evêque  de  Poitiers  y  &C 
quelques  autres  Ouvrages. 

Telles  font  les  fources  où  l'on 
peut  puifer  aujourd'hui  lesfecours 
neceifaires  pour  débrouiller  l'origi- 
ne ôi  les  premiers  progrès  de  la 
MonarchieFrançoife  :  ce  font  elles 
qui  ont  fourni  à  notre  Auteur  tous 
les  matériaux  ,  dont  il  a  fçu  tirer 
un  parti  fi  avantageux  pour  la  dé- 
couverte d'une  vérité  hiftorique  , 
ignorée  jufqu'à  prefent  ,  &  que 
même  avec  toutes  ces  rclTources  , 
il  ne  laiiîoit  pas  d'être  fort  difficile 
de  découvrir ,  comme  il  cft  aifé  de 
fe  le  perfuader  après  l'examen  qu'en 
fait  ici  M.  l'Abbé  du  Bos.  Mais  il 
fbûtient ,  de  plus ,  que  la  chofe 
étoit  prefque  impoffible  ,  avant 
l'invention  de  l'Imprimerie  ,  & 
l'éclairciffement  des  Monumens 
Littéraires  que  nous  venons  d'indi- 
quer fommairement.  Cette  impof- 
fibilitc  étoit  fondée  i°.  fur  l'igno- 
rance eu  Ton  étoit  al«rs  de  l'cxi- 


.  '7  34»  *77 

ftence  de  la  plupart  de  ces  Monu- 
mens ,  à  caufe  de  leur  extrême  ra- 
reté :  i°.  Sur  la  difficulté  de  s'en 
aider  en  l'état  où  ils  étoient  encore, 
c'eft  -  à  -  dire  en  Manufcrits  fou- 
vent  très-alterés  &  dépourvus  de 
tous  les  fecours  d'une  faine  cri- 
tique. 

Il  n'eu:   donc    pas  merveilleux 
(  continue   l'Auteur   )     qu'avant 
l'impreffion  inventée   ,    perfonne 
n'ait  rétabli  le  commencement  de 
nos  Annales:  que  Robert  Gagum  y 
Nicole  Gilles ,  &  Paul  JoveJ  trente 
ans  après  cette  invention  ,  n'ayenc 
point  apperçu  la  neceiïité  d'un  pa- 
reil retabliuement  :  que  50  ou  <s"® 
ans  après ,  lorfque  fufage  des  Li- 
vres étoit  devenu  beaucoup   plus 
commun  &:  plus  commode,  on  n'y 
ait  pas  même  penfé ,  parce  qu'on 
étoit  alors  trop  épris  &  trop  occu- 
pé de  l'étude  des  humanitez  foit 
Gréquesfoit  Latines  pour  s'amufer 
à  déchiffrer  des  Ecrits  aufli  peuin- 
tereffans  ,  fur-tout  pour  le  ftyle 
que  la  plupart  de  ceux  qui  concer- 
noient  l'origine  de  nctre  Monar- 
chie. On  lifoitj  on  ctudioit  Thu- 
cydide &Tite  Livepréférablement 
à  Grégoire  de  Tours  &  à  Frédéçai- 
re.  Si  vers  la  fin  du  feiziéme  fiécle, 
du  Haillon  ,    Vignier  &  les  autres 
n'ont  rien  fait  de  plus  que  leurs  de- 
vanciers pour  le  commencement 
de  nos  Annales ,  c'eft  que  la  ma- 
tière n'étoit  pas  encore  défrichée» 
Le   fçavant  Adrien  de  Valois   en 
i  & a,6.  u'avoit  point  encore  tes  pro  - 
vifions  neceffaires  pour  s'écarter  > 
dans  fon  Hiftoire  de  France  ,  de  îa 
route  frayée  fur  cet  article  y  quoi- 


a78  JOURNAL    DES    SÇAVANS, 

qu'il  fente  que  pour  y  voir  bien     pouvoit  prefquerien  :  en  forte  que 


clair ,  il  lui  manquoit  encore  quel 
ques  lumières ,  qu'il  n'avqit  pu  juf- 
ques  là  fe  procurer. 

Il  eft  vrai  que  depuis  environ  50 
ans ,  grâce  aux  travaux  «k  MM. 
Ptthoii ,  de  Valais  ,  Jérôme  Bignon  , 
du  Cange  &  Baluze  ;  des  PP.  S'tr- 
monà  Petau  ,  Labbe ,  Luc  à'Ache- 
ry  ,  Jean  Mabillon  ,  Thierry  Rui- 
ncin,  des  Bollandifles  &c  de  plusieurs 
autres  ,  tous  les  fecours  pofiïbles 
pour  l'éclaircifTement  des  premiers 
tems  de  notre  Hiftoire  ,  font  entre 
les  mains  de  tout  le  monde.  Ce- 
pendant perfonne  n'en  a  fait  enco- 
re l'ufage  que  prétend  ici  en  faire 
M.  l'Abbé  du  Bos.  On  a  mieux  ai- 
mé adopter  une  opinion  accréditée 
depuis  long-tems,  que  d'eiTuyer  la 
fatigue  d'une  difeuffion  critique 
auliî  rebutante  que  celle  qui  fait 
l'objet  de  cet  Ouvrage ,  fur-tout 
pour  ces  Ecrivains  qui  entrepren- 
nent de  donner  une  Hiftoire  de 
France  complette. 

C'eft  ainfi  [  ajoute  notre  Auteur] 
que  s'eft  perpétuée  jufqu'à  prefent 
l'erreur  de  Frédégaîre  ,  laquelle  , 
tant  qu'elle  fubfiftera }  fera  la  four- 
ce  de  quantité  d'autres.  C'eft  elle 
qui  a  fait  imaginer  fauflement  à 
quelques  modernes  ;  Qu'après  la 
conquête  des  Gaules ,  les  Francs 
repartirent  entr'eux  le  Pays  fubju- 
gué ,  où  chacun  exerçoit  arbitraire- 
ment fur  les  Romains  de  fon  di- 
ftricl:  la  Jurifdidion  Se  les  droits  de 
hauts  Jufticiers  :  Que  les  Francs  ne 
payoient  rien  au  Prince ,  &  n'é- 
eoient  jufticiables  que  de  la  Nation 
alfemblée ,  fans  laquelle  le  Roi  ne 


le  Royaume  des  Francs  étoit  origi- 
xiairement  (  félon  eux  )  plutôt  Ari- 
ftocratique  que  Monarchique.  Cet- 
te fau(Te  idée  furie  gouvernement 
de  la  première  Race  de  nos  Rois  , 
s'eft  étendue  fur  la  féconde  &  mê- 
me fur  la  troifiéme  ,  faifant  envifa- 
ger  tout  ce  que  les  fucccftcuis  de 
Hugues  Capet  ont  fait  en  faveur  de 
l'autorité  Royale  ,  comme  un  at- 
tentat contre  la  première  constitu- 
tion de  la  Monarchie,  quoiqu'ils 
n'ayent  fait  que  revendiquer  les 
droits  imprefcriptibles  de  la  Cou- 
ronne &  les  droits  du  peuple  fur 
ceux  qui  avoient  ufurpé  les  uns  & 
les  autres  dans  le  neuvième  &  le 
dixième  lâécle.  L'erreur  dont  nons 
parlons  a  donné  cours  aux  faulTes 
idées  touchant  l'origine  ix  la  natu- 
re des  Fiefs ,  &  aux  illufions ,  qui 
ious  François  I.  introduifirent  la 
maxime ,  Qu'il  n'efi  point  de  terre 
fans  Seigneur. 

Pour  détruire  plus  efficacement 
ces  faux  préjugez  ,  M.  l'Abbé  du 
Bos  employé  le  premier  des  fix  Li- 
vres qui  partagent  fon  Hiftoire 
Critique  ,  à  expofer  quel  étoit  l'é- 
tat de  l'Empire  d'Occident  au 
commencement  du  cinquième  lîé- 
cle  :  il  deftinc  le  fécond  Livre  à  ra- 
conter tout  ce  qui  s'eft  pafTé  dan* 
les  Gaules  depuis  la  grande  inv.a- 
fion  des  Barbares  en  407.  jufqu'à 
l'année  456.  le  troifiéme  Livre 
comprend  le  règne  de  Childcric  & 
celui  de  Clovis  jufqu'à  fon  baptê- 
me. Le  refle  de  ce  règne  remplit  le 
quatrième  Livre  ,  &  le  cinquième , 
où  il  eft  aufli  parlé  des  évenemens 


M  A 

«rivés  depuis  la  mort  de  Clovis 
jufqu'en  536.  Enfin  l'Auteur  expo- 
fe  dans  le  dernier  Livre  ,  l'état  des 
Gaules  fous  le  règne  de  Clovis  Si 
fous  celui  de  fes  premiers  Succef- 
feurs.  Du  refte  ,  dans  tout  cet  Ou- 
vrage ,  il  n'avance,  comme  certain, 
aucun  fait  ,  fans  l'appuyer  du 
témoignage  d'un  Auteur  contem- 
porain ou  prefque  contemporain  : 
Se  il  a  eu  foin  de  faire  imprimer 
exactement  toutes  ces  autoritez  au 
bas  des  pages  ,  après  en  avoir  inféré 
dans  fon  Texte  une  verfion  plus  ou 
moins  littérale  ,  quant  au  ftyle  , 
iuivant  que  l'exige  le  genre  d'élo- 
cution  propre  à  chaque  Auteur 
cité. 

Après  l'Extrait  que  nous  venons 
de  donner  du  Dtfcours  Préliminaire 
de  M.  l'Abbé  du  Bos ,  où  il  rend 
compte  de  fon  deffein  Se  de  la  ma- 
nière dont  il  l'a  exécuté  :  on  ne 
s'attend  pas  ,  fans  doute ,  que  par 
rapport  au  corps  même  de  l'Ou- 
vrage ,  nous  entrions  dans  un  aulîî 
grand  détail.  Nous  ne  finirions 
point ,  fi  nous  voulions  indiquer 
en  particulier  toutes  les  recherches 
curieufes  ,  toutes  les  difcufîions 
critiques  ,  toutes  les  conje&ures 
ingénieufes ,  toutes  les  idées  neu- 
ves; en  un  mot ,  toutes  les  décou- 
vertes intereiTantes  pour  notre  Hi- 
iloire,dont  l'affemblage  remplir  ces 
rroisVolumes:  &chaqueLivre  pour 
roit  fournir  &  mériteroit  certaine- 
ment un  Extrait  fort  étendu.  Nous 
nous  bornerons  donc  ici  à  une  fim- 
ple  Analyfe,  qui  prefente  au  public 
les  principaux  faits  établis  par  le 
%avamAcadémicien,5c  les  preuves 


Y,  1754.  %19 

dont  il  les  appuyé  :  ce  qui  fuffin 
pour  exciter  la  curiofité  du  Lecteur, 
Se  pour  l'engager  à  la  fatisfaire 
pleinement  ,  en  confultant  &  en 
étudiant  l'Ouvrage  même. 

L'Auteur  ouvre  fon  premier  Li- 
vre par  une  expofition  de  l'état  des 
Gaules  ,  au  commencement  du 
5*  fiécle.  Partagées  alors  en  17 
Provinces,  dont  chacune  avoir  fa 
Métropole  ou  Capitale  ,  Se  fefub- 
divifoit  en  plufieurs  Citez,  ou  di- 
fhicts  (civitates)  au  nombre  de  1 1  j 
compofées  auflî  d'uneVilleCapitalc 
Se  de  plufieurs  cantons(/'<*ig/)qui  en 
dépendoient ,  elles  faifoient  cnco« 
re  une  partie  de  l'Empire  Romain. 
Dès  la  fin  du  quatrième  fiécle,  les 
Gaulois  ,  qui  depuis  près  de  500 
ans  vivoient  fous  la  domination  de 
Rome,  étoient  devenus  des  Ro- 
mains. Ils  avoient  gagné  l'amitié  Se 
la  confiance  de  Jules  Céfar  ;  l'Em- 
pereur Claude  les  avoit  admis  aux 
grandes  dignitez  de  l'Empire  -,  fous 
Vefpafien  ,  ils  avoient  tous  les 
droits  Se  toutes  les  prérogatives  des 
Citoyens  Romains  -,  &  fous  Cara- 
calle  ,  toutes  les  Citez  des  Gaules 
jouilîoicnt  également  du  droit  de 
Bourgeoific  Romaine.  Le  Droic 
Romain  devint  par-là  celui  de  tous 
les  Gaulois ,  qui  avoient  pris  aulli 
les  mœurs  ,  les  coutumes  Se  les 
goûts  de  leurs  maîtres  ,  aulfi  -  bien 
que  la  langue  ,  fans  avoir  perdu 
pour  cela  l'ufage  de  celles  qu'ils 
partaient  originairement  :  car  les 
Gaules  étoient  alors  habitées  par 
cinq  Nations  différentes  iffucs  des 
Romains,  des  Belges,  des  Celtes, 
des  Aquitains  Se  des  Germains  : 


280        JOURNAL    DE 

d'où  il  atiivoit  que  ces  peuples  par- 
taient Latin  plus  ou  moins  pure- 
ment ,  ainfi  que  le  prouve  notre 
Auteur.  Les  habitans  des  Gaules 
étoicnt  d'abord  divifés  en  hommes 
libres  &  en  efclaves  de  deux  efpe- 
ces  ,  les  uns  domiciliés  chez  leurs 
maîtres ,  les  autres  dans  une  habi- 
tation à  eux.  Les  Gaulois  libres 
étoicnt  ou  Ecclefiaftiques  ou  Laï- 
ques. L'Auteur  paffe  légèrement 
fur  les  premiers.  Les  féconds ,  eu 
égard  à  la  Religion  ,  étoient  ou 
Chrétiens  (  foit  Catholiques  foit 
Ariens  )  Juifs  ou  Payens  ;  par  rap- 
port au  Droit  Public  ils  étoient 
Patriciens  ou  Sénateurs  -,  bons  Bour- 
geois partagés  en  plufieurs  Curies 
ou  clarfes  ;  &  Artifans.  L'Auteur 
s'étend  fort  au  long  fur  la  féconde 
chffe  de  ces  Citoyens.  Il  parle , 
après  cela  ,  du  revenu  particulier 
de  chaque  Cité ,  qui  avoit  auili  fon 
Sénat  8c  fes  Milices  ;  &  de  la  ma- 
nière dont  elle  étoit  gouvernée.  Il 
vient  enfuite  aux  alîemblées  géné- 
rales tenues  par  les  Citez  Gauloifes, 
&  réduites  alors  à  la  fimplc  voix 
eonfultative  dans  les  affaires  d'Etat  ; 
il  examine  quelle  étoit  l'étendue 
de  l'autorité  Impériale  ,  &  fait 
voir  qu'elle  étoit  entièrement  def- 
potique  Si  revêtue  de  tout  le  pou- 
voir Législatif ,  qu'elle  ne  parta- 
geoit  plus  avec  perfonne. 

Pour  mieux  faire  connoître  les 
fondions  des  Officiers  civils  ou 
militaires  envoyés  dans  les  Gaules 
au  commencement  du  cinquième 
llécle  ,  fous  l'Empire  d'Honorius  ; 
M.  l'Abbé  du  Bos  nous  trace  une 
idée  de  l'adminiftration  Impériale 


S    SÇAVANS, 

dans  cette  grande  Province  ,  avant 
Conftannn.  Le  pouvoir  civil  5c  le 
militaire  étoient  alors  entre  les 
mains  d'un  même  Officier  ,  à  qui 
le  Préfet  du  Prétoire  envoyoit  les 
ordres  du  Prince.  Des  17  Provin- 
ces de  la  Gaule  ,  il  n'y  en  avoit  que 
deux  ,  la  première  &  la  féconde 
Germanique  ,  qui  fuffent  armées  5 
c'eft-àdirc  ,  où  il  y  eut  garnifon 
Romaine.  Les  troupes  qui  la  com- 
pofoient  étoient  divifées  en  Lé- 
gions chacune  de  cinq  à  fix  mille 
Soldats,  prefque  tous Fantaffins  &c 
en  Cohortes  auxiliaires.  Un  Soldat 
Légionaire  touchoit  une  paye  trois 
fois  auffi  forte  ,  que  celle  des  Fan- 
taffins entretenus  fur  le  meilleur 
pied  aujourd'hui  dans  la  Chrétien- 
té. Non  feulement  une  Légion  fer- 
voit  ordinairement  toute  entière 
daiïs  la  même  armée  ,  ne  fe  fépa- 
rant  pas  même  à  la  fin  de  la  campa- 
gne ;  mais  les  mêmes  Légions  fer- 
voient  prefque  toujours  enfemble. 
D'où  il  efl  aife  de  concevoir  les  fa- 
cilitez qu'un  Gouverneur  de  Pro- 
vince ,  audacieux  &  perfide  ,  & 
déjà  maître  des  troupes5de  la  Juiti- 
ce  &  des  Finances ,  avoit  pour  fe 
faire  proclamer  Empereur.  Auffi 
(  dit  l'Auteur  )  depuis  Augufte  juf- 
qu'à  Conftantin  ,  voit-on  plus  de 
cent  Gouverneurs  de  Provinces  ar- 
mées ,  avoir  pris  la  pourpre  ,  & 
plus  d'une  vingtaine  de  ces  Ufur- 
pateurs  y  avoir  réuffi. 

Pour  obvier  à  de  pareils  incon- 
venicus  ,  Conftantin  crut  devoir 
changer  la  forme  de  l'ancienne  ad- 
minillrarion  ,  S:  la  manière  dont 
lee  troupes  railbient  le  fervice.  Il 
multiplia 


MAY,   1734.  281 

multiplia  les  grandes  Charges  (  dit  principaux  du  Tréforier  général  de 

Zozime)  Se  les  dépouilla  de  la  plû-  l'Empire  d'Occident  :  trois  Direc- 

part  de  leurs  fonctions.  Au  lieu  de  reurs  des  Monnoyes  ,  Se  ceux  de 

deux  Préfets  du  Prétoire  ,  à  qui  diflerens  Arteliers  ,    où  divers  Ou- 

toutes  les  troupes  étoient  foûmifes,  vriers  travailloient  pour  le  compte 

il  en  créa  quatre  :  avec  pareil  nom-  du  Prince. 


bre  de  Généralijjimes  ,  foit  de  la  Ca- 
valerie ,  foit  de  l'Infanterie  ,  auf- 
quels  il  fubordonna  les  Centu- 
rions ,  les  Tribuns ,  Se  même  tous 
les  Généraux  appelles  Dites  ;  leur 
attribuant  de  plus  la  fonction  de 
veiller  au  maintien  de  ladifeipline 
militaire  ,  Se  chargeant  un  autre 
Officier  du  foin  de  faire  toucher  la 
folde  aux  troupes  Se  de  pourvoir  à 
leur  fubfiftance.  Voilà  (  dit  notre 
Auteur  )  l'origine  de  l'ufage  de 
partager  les  fonctions  de  Lieute- 
nant du  Prince  ,  dans  un  même 
diftricl ,  entre  deux  reprefentans  , 
dont  l'un  a  l'adminiflration  de  la 
Guerre,  Se  l'autre,  celle  delà  Ju- 
stice Se  des  Finances. 

Il  nous  entretient  après  cela  des 
Officiers  Civils  envoyés  dans  les 


A  l'égard  des  Officiers  Militaires 
qui  commandoient  dans  les  Gaules, 
fous  les  fuccefTeurs  de  Conftantin  ; 
il  y  avoit  i°.  le  Générahffime  de  la 
Cavalerie ,  Se  celui  de  l'Infanterie  , 
dont  les  emplois  fe  trouvoient 
quelquefois  réunis  fur  une  même 
tête  :  1".  Sous  eux  étoient  les  Ducs, 
Se  fous  les  Ducs  ,  30.  les  Comtes 
Militaires  ou  Tribuns.  La  Notice 
de  l'Empire  fpécifie  fix  de  ces  Of- 
ficiers ,  fçavoir  les  Ducs  du  DiftricT; 
Armorique  Se  du  Ncrvien ,  de  la 
Province  Séquanoife,  de  la  féconde 
Germanique ,  de  Mayence ,  de  la 
féconde  Belgique  ,  &  le  Comte 
Militaire  de  Strafbourg  ;  fur  quoi 
il  paroît  que  l'Auteur  cft  très-bien 
fondé  à  corriger  le  Texte  de  la  No- 
tice qui  lui  fournit  ce  dénombre- 


Gaules  pour  les  gouverner  ,  fous  ment,  &C  où  il  lit  Dttx  fecunda  Ger- 

Conftantin  le  Grand  Se  fes  Succef-  mania ,  au  lieu  de  Dux  prima  Ger- 

fcurs.Ccs  Officiers  étoient  1  "le  Pré-  maniez,  qu'y  lifent  tous  les  Edi- 

fet  du  Prétoire  des  Gaules  ,  qui  teurs.   Mais  il  fait  une  remarque 

icfidoit  à  Trêves  ,&  qui  avoit  trois  beaucoup  plus  importante  fur  ce 

Vicaires  généraux  ,   l'un  pour  les  que  la  même  Notice  appelle  Trac- 


Gaules  ,  l'autre  pour  l'Efpagne  ,  &: 
le  troifiéme  pour  la  Grande-Breta- 
gne :  2°.  Les  Gouverneurs  ou  ?{ic- 


tus  Armoricanus  &  Ncrvieanus.  11 
fait  voir  que  ce  mot  Traftn-s ,  en  cet 
endroit  &  ailleurs  défigne  un  aïîem- 


teurs  des  17  Provinces  de  la  Gaule,     blage  de  Provinces  duquel  l'éten- 
defquels  fix  portoient  le  titre  de     due  qui  formoit  un  Commande- 


Préfident,  Se  onze  ,  celui  de  Pro- 
conful  :  3".  Les  Comtes  chargés 
dans  chaque  Cité  particulière  ,  du 
foin  de  la  Juftice ,  de  la  Police  Se 
des  Finances  :  40.  Quatre  Commis 
May. 


ment  ou  Gouvernement  Militaire 
particulier  ,  ne  répondoit  nulle- 
ment à  celle  d'une  des  17  Provin- 
ces de  la  Gaule.  Il  paroît  par  le  té- 
moignage de  la  Notice  même,  que 
Oo 


2S2  JOURNAL  D 

le  Diftric't  ou  Commandement  Ar- 
morique  ou  Maritime  renfermoit 
cinq  Provinces  entières  ,  fçavoir  , 
les  deux  Aquitaines  ,  la  Sénonoife 
(  ou  quatrième  Lyonnoife  )  la  troi- 
iiémeLyonnoife,la  féconde,  &  qu'il 
s'étendoit  encore  jufqu'au  Pays  des 
Nerviens ,  c'eft  -  à  -  dire  jufques  à 
l'embouchure  du  Rhin  dans  l'O- 
céan. D'où  il  arrivoit  (  obferve 
l'Auteur  )  qu'Orléans ,  Chartres  , 
Paris,  fe  trouvoient  dans  le  Gou- 
vernement Maritime  ,  Se  qu'un 
Hiftorien  du  cinquième  fiécle  aflii- 
roit  qu'une  bataille  ,  qu'on  fçait 
d'ailleurs  avoir  été  donnée  aux  por- 
tes d'Orléans ,  l'avoit  été  dans  la 
Province  Armorique. 

M.  l'Abbé  du  Bos  nous  offre  un 
exemple  fenfible  &  qui  en:  prefquc 
fous  nos  yeux  de  ces  dénomina- 
tions abufives  ,  &  qui  femblent 
impliquer  contradiction.  C'eft  le 
nom  de  Pays-bas  donné  à  l'afTem- 
blage  de  plusieurs  Provinces  ,  par- 
ce que  la  plupart  de  celles  dont  il 
fut  d'abord  compofé  ,  étoient  un 
Pays  plat  &  prefque  de  niveau  avec 
la  mer  Se  les  fleuves  dont  il  eft  ar- 
rofé.  Dans  la  fuite  les  Souverains 
de  cet  Etat  y  ayant  joint  des  Pro- 
vinces Méditerranées  &  Montueu- 
fes,  comme  le  Duché  de  Luxem- 
bourg ,  le  Comté  de  Namur  ,  &c. 
l'on  s'eft  accoutumé  à  dire  que 
Luxembourg,  que  Namur  étoient 
dans  les  Pays-bas.  De  même  (con- 
tinue l'Auteur  )  après  l'établiflc- 
ment  du  Gouvernement  Armori- 
que ou  Maritimc3on  aura  pris  l'ha- 
bitude de  dire  que  Sens  ,  qu'Or- 
léans étoient  dans  la  Province  Ma- 
ritime.. 


ES  SÇAVANS, 

L'Auteur  nous  découvre  ici  les 
raifons  qui  avoient  engagé  les  Ro- 
mains à  réduire  fous  un  feul  &  mê- 
me Chef  cette  grande  Province 
Maritime  Se  à  étendre  ce  Diftrift 
jufques  aux  Citez  Méditerranées 
de  la  quatrième  Lyonnoife.  C'étoit 
pour  mettre  tous  ces  Pays  en  fure- 
té contre  les  defeentes  imprévues 
que  faifoient  les  Pirates  Saxons  Se 
autres ,  non  feulement  le  long  de 
cette  Côte  ,  qui  s'étendoit  depuis 
l'embouchure  du  Rhin  jufqu'à 
Bayonnc  ,  mais  en  remontant  les 
rivières  jufques  à  50  lieues  de  la- 
Mer  ,  fur  des  barques  plattes ,  Se 
ravageant  tout  à  droite  Se  à  gauche. 
L'Auteur  ,  à  cette  occafion  ,  re- 
cherche encore  l'origine  du  nom  de 
Rivage  Saxomqne  donné  à  la  Côte 
de  la  Cité  de  Bayeux  comme  à  une 
partie  de  celle  de  la  grande  Breta- 
gne ,  dès  le  troilîéme  fiécle  ',  Se  il 
conjecture  que  cette  dénomination 
qui  par  rapport  au  rivage  Breton 
venoit  du  grand  nombre  de  Ger- 
mains que  l'Empereur  Probus  y 
avoit  tranfplantés  vers  l'an  Z78. 
pourroit  bien  avoit  été  donnée  à  la 
Côte  de  Bayeux  pour  quelque 
événement  femblable. 

De-là  l'Auteur  parte  au  détail  des 
Troupes  Romaines  Se  des  Flottes 
entretenues  dans  les  Gaules  par  les 
Empereurs.  Les  flottes  étoient 
compofées  de  Vaifleaux  ronds  Se 
de  Galères  ,  pour  la  garde  des  Cô- 
tes, Se  de  petits  bâtimens ,  pour 
celle  de  l'embouchure  des  fleuves. 
Suivant  la  Notice  ,  la  flotte  defti- 
née  à  garder  la  Meufe  avoit  fon^ 
bailîn  Se  les  arfenaux  dans  le  lit  de 


MAY 

ïa  Sambrc  -,  celle  qui  gardoit  le 
Rhône  défarmoit  à  Arles ,  &  celle 
qui  gardoit  la  Seine  avoit  Ion  badin 
à  Paris.  Quant  aux  troupes  de  terre, 
elles  étoient  de  deux  eipeces.  Il  y 
avoit  les  troupes  de  campagne  defti- 
nées  principalement  à  la  garde  du 
Prince  ,  &  prêtes  à  marcher  fans 
délai  où  il  le  jugeoit  à  propos  :  il 
y  avoit  les  troupes  de  la  frontière 
{  Milites  limitanei  )  employées  à  la 
garde  d'une  certaine  Contrée ,  où 
la  plupart  des  Soldats  avoient  mê- 
me leurs  domiciles.  Les  troupes  de 
campagne  appellées  Soldats  prefens 
(  Milites  pr&fentanei  )  avoient  un 
Chef  particulier  nommé  le  Maître 
des  Soldats  prefens  ,  qui  faifoit  au- 
près de  l'Empereur  toutes  les  fonc- 
tions militaires  des  anciens  Préfets 
du  Prétoire.  M.  l'Abbé  du  Bos 
compare  auxjanifïàires  de  l'Empire 
Turc  ces  Soldats  prefens ,  dont  il  y 
avoit  dans  les  Gaules  un  corps  con- 
sidérable ,  qui  étoit  le  nerf  des  ar- 
mées Romaines.  Pour  les  troupes 
attachées  à  la  garde  de  quelque 
frontière  ,  &  qui  dévoient  leur  ori- 
gine à  l'Empereur  Alexandre- Sévè- 
re (  félon  notre  Auteur  )  elles 
avoient  des  bénéfices  militaires 
dans  leurs  quartiers  ,  en  fonds  de 
terres  ;  bénéfices ,  qui  certainement 
les  empêchoient  de  deferter  ;  mais 
qui,  peut-être,  les rendoient plus 
parefleufes  à  prévenir  quelque  ir- 
ruption de  Barbares ,  de  Germains , 
par  exemple ,  en  les  allant  attaquer 
dans  leur  propre  Pays. 

Quant  aux  troupes  étrangères 
que  l'Empire  prenoit  à  fa  folde  , 
fous  le  nom  à' Alliez,  ou  de  Confè- 


*    '7?  4-  28} 

devez, ,  &  qui  toutes  n'étoient  com- 
pofées  que  de  Barbares  enrôlés  & 
toujours  entretenus;  elles  fervoient 
comme  d'un  frein  propre  à  retenir 
les  Troupes  Romaines  dans  le  de- 
voir ,  ôc  fuppléoient  à  la  difette  de 
celles  ci ,  qui  devenoient  alors  aflez 
difficiles  à  recruter.  Les  capitula- 
tions de  ces  Barbares  avec  l'Empire 
étoient  (  félon  1  A  uteur)  Que  l'Em- 
pire pourvoiroir  à  leur  folde  ,  qu'il 
leur  donneroitune  recompenfe,  &c 
qu'ils  ne  feroient  point  obligés  à  le 
fervirdans  des  Provinces  fort  éloi- 
gnées de  leur  patrie.  Cette  folde 
(  comme  le  préfume  l'Auteur ,  d'a- 
près un  paflage  de  Caffiodore)  étoit 
pour  chaque  Barbare  ,  tant  qu'il 
étoit  en  route  ,  à  peu  -  près  de  45 
livres  de  notre  monnoyc  par  Se- 
maine ;  mais  elle  étoit  moindre  , 
lorfqu'ils  campoient  ou  qu'ils 
étoient  dans  leurs  quartiers. 

Parmi  les  troupes  auxiliaires  qui 
fervoient  dans  lesGaules,  8c  étoient 
des  Francs  &  d'autres  Nations  Ger- 
maniques ,  ou  voifines  du  Danube 
tk.  du  Pont  Euxin  ,  la  Notice  fait 
mention  des  Lit  es  [  Leti  ]  dont 
patient  aulîî  ZozimecV  Jornandès. 
M.  l'Abbé  du  Bos  eft  perfuadé  que 
ce  mot  Lètes  n'eft  le  nom  propre 
d'aucune  Nation  particulière  , 
comme  l'ont  cru  du  Cange  &  quel- 
ques autres  :  mais  que  ce  nom 
marquoit  l'état  &  la  condition  de 
ceux  des  Barbares  de  toute  Nation, 
enrôlés  au  fervice  de  l'Empire  ,  & 
aulquelson  avoit  conféré  des  béné- 
fices militaires  ;  c'efl  à  dire  ,  qu'on 
regardoit  ces  Barbares  comme  de- 
vant être  fatisfaits  de  leur  fort& 
Ooij 


a84  JOURNAL   D 

de  leur  établillemcnt ,  &  qu'on  les 
nommoit  en  confequence  les  Con- 
tens  (  Ltti  )  :  comme  par  une  rai- 
fon  contraire  ,  on  appeîloit  à  la  fin 
du  dernier  fiécle  les  Hongrois  ré- 
voltés contre  l'Empereur  ,  pour 
n'être  plus  opprimés  par  fes  Offi- 
ciers les  Àiécontens.  Nous  ren- 
voyons fur  ce  point  aux  preuves 
de  l'Auteur.  On  verra  de  plus  chez 
lui  comment  ces  troupes  auxiliaires 
dans  le  defordre  des  affaires  de 
l'Empire ,  fe  cantonnèrent  en  cer- 
tains Pays ,  comment  les  Empe- 
reurs furent  contraints  d'en  pren- 
dre à  leur  fervice  des  Tribus  entiè- 
res conduites  par  leurs  Rois ,  & 
aufquclles  ils  affignoient  des  quar- 
tiers fiables  pour  y  vivre  félon 
leurs  loix.,  S:  dans  l'indépendance 
des  Officiers  Civils  de  l'Empire  ; 
en  un  mot  ,  comment  plufieurs 
effains  de  Barbares  fe  firent,  mal- 
gré l'Empire,  fes  troupes  auxiliai- 
res ;  s'arrogeantle  titre  fpécieux  de 
fes  Hôtes. 

L'Auteur  recherche  enfuite  quels 
étoient  les  revenus  que  les  Ro- 
mains avaient  dans  les  Gaules  ;  & 
il  le  fait  avec  d'autant  plus  de  foin, 
que  le  patrimoine  de  la  Couronne 
Impériale  devint  précifément  celui 
de  la  Couronne  Royale  des  Francs, 
après  l'établiffement  de  leur  Mo- 
narchie. Ces  revenus  provenoient 
i°.  des  fonds  de  terre  :  z°.  du  fub- 
iîde  ordinaire  qui  comprenoit  la 
taxe  par  arpent ,  la  capitation  & 
d'autres  impofitions  ,  qui  faifoient 
partie  du  tribut  public  -,  30.  des 
gabelles  ,  péages  &  douannes  ;  40. 
des  dons  gratuits  &  autres  revenus 


ES  SÇAVANS, 

cafuels.  Les  fonds  de  terre  apparte- 
nant à  l'Empire  confiftoient  en  par- 
tie dans  la  portion  des  terres  que 
les  Romains  approprioient  à  la  Ré- 
publique en  Pays  de  Conquête  ;  en 
partie  des  terres  réunies  au  Domai- 
ne de  l'Etat  pour  quelque  autre 
raifon  que  ce  fût  :  Se  ces  terres 
étoient  mifes  en  valeur  au  profit  de 
l'Empire.  L'Auteur  fe  perfuade  , 
quoiqu'il  n'en  ait  pas  d'autorité 
pofitive  ,  que  les  Romains  s'appro- 
prioient  aulfi  une  partie  des  forêts 
&  des  bois  taillis  dans  les  Provinces 
qu'ils  avoient  affujetties  ;  ce  qui  lui 
donne  occalîon  de  faire  une  di- 
greffion  curieufe  &  approfondie 
touchant  le  Droit  appelle  Tien  & 
danger,  qui  fe  levé  en  Normandie 
au  profit  du  Roi  fur  les  deniers 
provenans  de  la  coupe  de  plufieurs 
forêts.  L'Etat  tiroit  encore  divers 
profits  de  fes  fonds  de  terre  par  la 
taxe  impofée  fur  le  gros  &  le  me- 
nu bétail ,  par  les  mines  d'or  ou 
d'autres  métaux  qui  s'y  rencoa- 
troient  ;  par  les  carrières  de  pierre 
ou  de  marbre  ,  &c. 

Sur  la  taxe  réelle  ou  par  arpent 
&  fur  la  perfonnelle  ou  la  capita- 
tion ,  l'Auteur  examine  trois  cho- 
fes  ;  commentées  impofitions  s'a-f- 
feoient ,  en  quoi  elles  confîftoicnt, 
&  comment  elles  fe  levoient  :  fur 
quoi  nous  renvoyons  au  Livre  mê- 
me. Nous  remarquerons  feulement 
après  l'Auteur  ,  que  pour  rendre  la 
capitation  fupportable  ,  les  Ro- 
mains avoient  imaginé  un  expé- 
dient ,  qui  paroît  d'abord  afTcz  bi- 
zarre ,  parce  que  l'on  en  ignore  les 
motifs }  &  qui  ctoit  d'alfocier  plu- 


MAY, 

fieurs  perfonncs  pour  payer  en- 
tr'elles  une  feule  tête  ou  cotte 
part  de  capitation  :  &  fur  cela  il 
faut  recourir  aux  conjectures  de 
notre  Auteur.  Il  faut  le  confulter 
encore  fur  quelques  autres  Charges 
publiques  telles  que  les  corvées 
preferites  pour  le  ttanfporc  des 
denrées  ,  pour  l'entretien  des 
grands  chemins  ,  pour  prêter  fes 
chevaux  en  certains  cas  ,  &  pour 
recruter  les  troupes. 

Au  regard  de  la  manière  dont  fe 
faifoit  le  recouvrement  de  toutes 
ces  impofitions -,  il  paroît  par  le 
détail  où  il  entre  fur  ce  point ,  que 
quelque  légères  qu'elles  euflent 
été ,  cette  manière  de  les  lever  les 
eût  rendues  très  onéreufes.  A  pro- 
pos d'un  Edit  de  l'Empereur  Ma- 
jorien  contre  les  exadteurs  des  im- 
pôts publics ,  au  fujet  des  mon- 
noyes  frappées  avec  l'effigie  des 
Faufiines  ,  M.  l'Abbé  du  Bos  fait 
qaelques  réflexions  tfès-ferifées  fur 
la  diftinclion  prétendue  mife  entre 
les  monnoyes  &  les  Médailles  an- 
ciennes. Il  obferve  encore  que  les 
Empereurs  pratiquoient  de  leur 
tems  ce  que  François  I.  a  depuis 
introduit  en  France ,  lorfque  non 
content  des  droits  que  fes  préde- 
ceffeurs  levoient  fur  le  fel ,  il  s'en 
eft  refervé  comme  à  fes  fuccefleurs 
la  vente  exclusive.  L'Auteur  ,  en  fi- 
niflant  cette  difeuffion  des  revenus 
que  l'Empire  tiroit  des  Gaules, fou- 
haiteroit  fort  pouvoir  en  détermi- 
ner  Là  fomme  totale.  Elle  ne  fc 
montoit  guéres  fous  Jules-Céfar  5c 
fous  Augufte  qu'à  dix  millions  de 
livres.  Mais  il  conjecture  fur  des  rai- 


17  5  4-  di- 

rons plaulîbles ,  que  fous  Conftan- 
tin  cette  fomme  devoit  être  dix 
fois  plus  grande  que  fous  Augufte. 

M.  l'Abbé  du  Bos ,  dans  les  cinq 
derniers  Chapitres  de  fon  premier 
Livre  ,  pafle  en  revue,  &  nous  fait 
connoître  plus  particulièrement  les 
Nations  barbares  ,  qui  habitoient 
fur  la  frontière  de  l'Empire  du  cô- 
té du  Septentrion  ;  &  qui  étoient 
les  Bourguignons  &  lesAllemands., 
les  Saxons  ,  les  Francs,  la  Nation 
Gothique  ,  les  Alains ,  les  Huns  , 
&  les  autres  Peuples  de  la  Nation 
Scythique.  Contens  de  donner  un 
précis  de  ce  qui  concerne  les 
Francs  ,  comme  étant  celui  de  tous 
ces  Peuples  qui  doit  le  plus  inte- 
relfer  par  rapport  à  cette  Hiftoire  ; 
nous  renvoyons  au  Livre  même 
fur  tous  les  autres. 

Les  Francs  (  dit  notre  Auteur  ) 
étoient  de  toutes  les  Nations  Ger- 
maniques voifînes  de  la  Gaule  , 
celle  qui  étoit  la  moins  barbare  &c 
le  plus  en  liaifon  avec  les  Romains. 
Suivant  les  Tables  de  Peutinger  leur 
Pays  ,  dans  le  cinquième  fiécle  3 
s'étendoit  depuis  l'embouchure  du 
Mein  dans  le  Rhinjufqu'à  celle  du 
Rhin  dans  l'Océan  ;  c'eft-à-dire  , 
depuis  l'Iile  des  Bataves  jufqu'aux 
environs  de  Francfort.  Les  Francs 
étoient  divifés  en  plufieurs  Tribus 
dont  chacune  avoit  fon  Roi  ou  fon 
Chef  indépendant,  qui  rempliltoit 
en  perfonne  deux  fondions  ;  l'une 
décommander  fes  fujets  dans  les 
expéditions  militaires  ,  l'autre  de 
leur  rendre  la  juftice.  L'Auteur  n'a 
pu  découvrir  jufqu'à  prefent  quel 
étoit  le  nombre  de  ces  Tribus ,  & 


*26       JOURNAL     DE 

quel  étoit  le  nom  propre  de  chacu- 
ne ;  il  defefpere  même  de  pouvoir 
y  réuiïir ,  &  il  en  allègue  la  raifon 
qu'on  peut  voir.  Toutes  ces  Tribus 
étoient  confédérées  par  une  alliance 
défenfive  ,  qui  les  obligeoit  d'ac- 
courir au  fecours  de  celle  qui  feroit 
attaquée  dans  fes  foyers.  Mais  cette 
alliance  n'étoit  point  ofTenfive  , 
comme  en  font  foi  pluheurs  faits 
rapportés  ici  ;  &  elle  n'empêchoit 
pas  que  chaque  Tribu  ne  fût  fou- 
veraine  dans  fon  territoire.  Les 
Francs  paffoient  pour  la  Nation  la 
plus  brave  fur  terre  &:  fur  mer  qui 
tût  parmi  les  Barbares  de  l'Euro- 
pe, comme  le  prouvent  leurs  ex- 
ploits ptefque  incroyables  fur  l'un 
&  fur  l'autre  élément. 

La  politique  des  Romains  leur 
fit  rechercher  l'amitié  des  Francs 
dès  que  ceux  -  ci  fe  furent  une  fois 
établis  fur  la  rive  droite  du  Rhin  , 
vers  le  milieu  du  troificme  ûécle. 
Ils  employèrent  auprès  d'eux  les 
moyens  reconnus  les  plus  efficaces 
pour  engager  des  Nations  barbares 
à  laiffer  en  paix  le  territoire  de 
l'Empire.Le  premier  de  ces  moyens 
étoit  de  les  obliger  à  cultiver  leurs 
propres  terres,  &c  à  élever  du  bé- 
tail :  le  fécond  ,  de  leur  payer  des 
fubfides  :  le  troifiéme  ,  de  tenir 
à  la  folde  de  l'Empire  des  corps  de 
troupes  de  cette  Nation  ,  &  d'a- 
vancer aux  premières  dignitezeeux 
qui  fervoient  dans  ces  corps.  No- 
tre Auteur  rapporte  ici  des  exem- 
ples nombreux  de  Généraux  Francs 
employés  dans  les  armées  de  Con- 
ftantin,  dans  celles  de  Gratien  &c 
de  Valentinien  II.  d'un  Mellobau- 


5  SÇAVANS; 

des  ,  d'un  Baudon  ,  d'un  Arboga- 
fte.  Un  quatrième  moyen  mis  en 
œuvre  par  les  Romains  pour  fc 
garentir  des  incurfions  des  Francs , 
étoit  d'en  tranfplanter  de  tems  en 
tems  des  peuplades  dans  le  terri- 
toire de  l'Empire  ,  où  ils  leur  don- 
noient  des  habitations.  C'eit  de 
quoi  l'Auteur  allègue  plus  d'une 
preuve  ,  expliquant  auflî  par  occa- 
îîon  un  paffage  du  Poète  Claudien, 
qui  a  fait  croire  fauffement  à  plu- 
fieurs  Ecrivains ,  que  les  Francs 
envoyoient  leurs  troupeaux  paître 
au  -  delà  de  Y  Elbe  ,  fleuve  d'Alle- 
magne -3  au  lieu  qu'il  n'eft  queftion 
dans  le  paffage  que  de  YAlve  a  ri- 
vière des  Ardennes. 

De  toute  cette  difeuffion  il  doit 
refulter  que  plus  de  zoo  ans  avant 
le  règne  de  Clovis  les  Romains  & 
les  Francs  étoient  extrêmement  fa- 
miliarifés  les  uns  avec  les  autres  , 
en  forte  que  pour  le  perfuader  au 
Lecfeur,  M.  l'Abbé  duBosnefc 
croit  pas  obligé  de  faire  valoir  l'E- 
dit  de  Conftantin  le  Grand  cité 
dans  une  Loi  publiée  par  Conftan- 
tin-Porphyrogenéte.  Il  eft  même 
perfuadé  que  la  Nation  entière  des 
Francs  ,  depuis  fon  établiffement 
fur  la  rive  droite  du  Rhin  ,  n'a 
point  eu  de  guerre  générale  con- 
tre l'Empire  ,  c'eft  -  à  -  dire  ,  de 
guerre  de  peuple  à  peuple  ,  comme 
s'exprime  l'Auteur.  S'il  y  a  eu 
quelques  hoftilitez  de  leur  part 
contre  les  Romains,  ceux-ci  loin 
de  s'en  prendre  à  la  Nation  entière 

6  de  rompre  avec  elle  ,  employoit 
pour  repouffer  ces  heitilitez.  les 
Francs  mêmes  qui  fervoienc  dans 


M  A  Y  ;     17J4.  287 

leurs  troupes.  très  Livres  de  cet  Ouvrage  dans  un 

Nous  rendrons  compte  des  au-      autre  Journal. 

TRAITE'  PHYSIQVE  ET  HISTORIQVE  DE  VAVRORE 
Boréale.  Par  M.  de  Mairan.  Suite  des  Mémoires  de  l'Académie  Royale 
des  Sciences  ,  année  173 1.  A  Paris,  de  l'Imprimerie  Royale.  1735. 
/fl-40.  pp.  281.  Planch.  xv.  Se  vend  chez  Jacques  Lambert  ,  rue  Saint 
Jacques ,  à  la  Sageffe  ;  féparément  ,  pour  ceux  qui  ne  voudront  pas 
acheter  les  Mémoires  ,10  liv.  en  blanc  ,  Se  10  liv.  10  f.  relié. 


DANS  notre  Journal  d'Avril 
dernier  nous  avons  rendu 
compte  des  deux  premières  Sec- 
tions de  ce  Traité  ,  dont  l'une  indi- 
que la  matière  ,  qui  (  félon  l'Au- 
teur )  forme  l'aurore  boréale,  Se 
qui  eft  l'atmofphére  folaire  ;  l'au- 
tre nous  fait  connoître  plus  à  fond 
le  lieu  Se  le  fluide  ,  où  l'aurore  bo- 
réale prend  naiffance  &  fe  manife- 
fte  ■■,  Se  c'eft  l'atmofphére  terreftre. 
Il  nous  refte  prefentement  à  fuivre 
M.  de  Mairan  dans  fes  trois  der- 
nières Sections ,  où  il  fe  propofe  de 
confirmer  la  Théorie  qu'il  a  fuppo- 
fée  jufqu'ici  ,  Se  d'en  montrer 
l'accord  avec  les  exemples  Se  les 
faits  aufquels  il  l'applique. 

III.  C'eft  ce  qu'il  exécute  d'a- 
bord par  l'explication  des  divers 
phénomènes ,  qui  compofent  ou 
qui  accompagnent  l'aurore  boréale. 

1.  Il  détermine,  en  premier  lieu, 
la  diftance  d'où  la  matière  de  l'at- 
mofphére folaire  peut  tomber  dans 
l'atmofphére  terreftre,  ou  les  limi- 
tes de  la  force  centrale  qui  agit  vers 
la  terre  ,  relativement  à  celle  qui 
agit  vers  le  foleil.  Il  lui  paroît  évi- 
dent ,  par  le  calcul ,  que  cette  ma- 
tière de  l'atmofphére  du  foleil 
pounoit  tomber  dans  l'atmofphére 


de  la  terre ,  non  feulement  du  lieu 
où  cette  matière  s'étend  lorfqu'elle 
parvient  jufqu'au  point  qu'occupe 
actuellement  la  terre  dans  fon  or- 
bite, mais  encore  de  plus  de  6000» 
lieues  au-delà.  Pour  déterminer 
plus  généralement  les  limites  de 
cette  diftance  Se  juftifier  ce  calcul  , 
il  en  fait  un  autre ,  par  lequel  il 
trouve  que  ces  limites  ne  peuvent 
être  que  la  furface  d'un  Conoide  qui 
s'étendroit  à  l'infini  ,  Se  dont  toute 
la  matière  pourroit  fe  précipiter  fur 
la  terre  Se  s'entaffer  dans  l'atmof- 
phére de  celle-ci ,  non  feulement 
de  60  mille  lieues ,  mais  encore  de 
100  mille ,de  200  mille, d'un  milion 
de  lieues ,  &c.  Ce  qu'il  ne  faut  pas 
cependant  regarder  [  dit  l'Auteur] 
comme  rigoureufement  conforme 
à  la  nature  ,  mais  comme  une  /im- 
pie approximation  propre  à  fixer 
l'imagination  des  Lecteurs  :  Se  il 
n'oublie  pas  de  lever  une  difficulté, 
que  le  calcul  précèdent  pourroit 
faire  naître  au  fujet  de  la  Lune,  qui 
couroit  grand  rifque  de  tomber 
fans  retour  dans  le  foleil  ou  d'aller 
circuler  immédiatement  autour  de 
lui. 

2.  M.  de  Mairan  explique  enfui  - 
te  pourquoi  l'aurore  boréale  paroît 


288  JOURNAL   D 

ordinairement  du  côté  du  Nord  : 
au  lieu  qu'étant  produite  [  félon 
lui  ]  par  î'atmofphére  du  Soleil  où 
le  globe  terreftre  eft  fouvent  entiè- 
rement plongé,  cette  aurore  de- 
vroit  fe  montrer  indifleremment 
dans  toutes  les  parties  de  l'horizon. 
L'Auteur  en  allègue  plufieurs  cau- 
fes  ,  fçavoir  ,  1°.  la  groflîereté  de 
l'air  qui  couvre  les  régions  polai- 
res ,  par  rapport  à  notre  climat , 
&  qui  doit  y  favorifer  l'amas  de  la 
matière  zodiacale  ,  plutôt  que  par- 
tout ailleurs  ,  l'y  retenir ,  Se  la  ren- 
dre plus  vifible  pour  nous  :  2°.  Le 
mouvement  diurne  delà  terre  ,  le- 
quel doit  faire  aller  vers  le  pôle  Se 
y  fixer  la  matière  de  l'aurore  boréa- 
le qui  tombe  en  deçà  ,  &  qui  pour- 
roit  s'attacher  à  des  portions  plus 
méridionales  de  notre  atmofphére: 
Se  cette  expuhîon  doit  s'exécuter 
d'autant  plus  facilement  que  cette 
matière  de  l'aurore  boréale  n'a  au- 
cune force  centrifuge  ,  du  moins 
par  rapport  à  l'axe  de  la  terre  :  fur 
quoi  l'Auteur  prévient  une  objec- 
tion fpécieufe  ,  Se  y  répond  :  30.  le 
mouvement  qu'a  la  terre  vers  cette 
matière  par  le  pôle  boréal,  qui  fc 
trouve  le  premier  à  la  rencontrer  , 
pendant  une  moitié  de  l'année  ,  où 
d'autres  circonstances  favorifent 
d'ailleurs  l'apparition  de  l'aurore 
boréale.  L'Auteur  explique  ici 
comment  il  imagine  la  chofe ,  Se  le 
met  fous  nos  yeux  par  une  figure. 

De  tout  cela  ilrefulte,  i°.  Que 
toutes  chofes  égales  _,  le  phénomè- 
ne doit  être  plus  fréquent  pour 
l'hémifphére  feptcntrional  depuis 
le  folftice  d'été  jufqu'à  celui  d'hi- 


ES   SÇAVANS, 

ver  ,  que  depuis  celui  ci  jufqu  a 
l'autre  ;  Se  tout  au  contraire  pour 
l'hémifphére  méridional ,  fuppofé 
que  ce  phénomène  y  paroi  (Te  :  i°. 
Que  les  aurores  boréales ,  vues  de- 
puis la  fin  de  Juin  jufqu'à  celle  de 
Décembre  ,  doivent  être  générale- 
ment plus  vilibles  vers  le  pôle  bo- 
réal ,  &  moins  fur  le  refte  de  l'ho- 
rizon ,  que  celles  qui  fe  montrent 
depuis  Décembre  jufqu'en  Juin  : 
j*.  Que  les  confequences  précé- 
dentes doivent  avoir  d'autant  plus 
lieu,  que  le  mouvement  d'appro- 
che ou  de  fuite  du  pôle  feptentrio- 
nal  ou  méridional  de  la  terre  par 
rapport  à  la  matière  du  phénomène 
eft  plus  rapide  :  ce  qui  arrive  , 
comme  l'on  fçait  dans  les  équino- 
xes  :  Se  toutes  ces  remarques  (ajou- 
te l'Auteur  )  ont  été  jufqu'ici  par- 
faitement confirmées  par  l'expé- 
rience. 

3.  Delà  il  pafle  à  une  deferip- 
tion  très-détaillée  de  l'aurore  bo- 
réale ,  dont  il  fpécifie  la  déclinai- 
fon  orientale }  l'heure  de  l'appari- 
tion ,  l'ordre  fucceifit  des  phéno- 
mènes qui  l'accompagnent ,  Se  le 
tems  qu'elle  employé  à  fe  former. 
Elle  paroît  ordinairement  deux  , 
trois  ,  ou  quatre  heures  tout  au 
plus  après  le  coucher  du  Soleil  ;  Se 
elle  commence  par  une  efpece  de 
brouillard  allez  obfcur  qu'on  ap- 
perçoit  vers  le  Septentrion  décli- 
nant un  peu  vers  l'Oiïeft.  Ce 
brouillard  prend  peu  à  peu  la  forme 
d'un  fegment  de  cercle ,  dont  l'ho- 
rizon fait  la  corde  ,  Se  dont  la  cir- 
conférence eft  bien-tôt  bordée  de 
deux  ou  trois  arcs  concentriques  , 
alternativement 


MAY, 

alternativement  lumineux  Se  obf- 
curs ,  d'où  partent  par  différentes 
brèches  éclairées  plusieurs  jets  Se 
piuficurs  rayons  de  lumière  diver- 
sement colorés.  Tout  cela  produit 
une  foi  te  d'incendie,  dontl'exten- 
llon  offre  aux  yeux  comme  une 
couronne  au  zénith  où  femblent  fc 
réunir  tous  les  mouvemens  d'alen- 
tour, Se  qui  fait  comme  la  clef  de 
la  voûte  ,  la  lanterne  d'une  coupo- 
le ,  le  fommet  d'un  pavillon.  C'eft- 
là  (  dit  l'Auteur  )  le  moment  de  la 
plus  grande  magnificence  du  phé- 
nomène ,  tant  par  la  variété  des 
objets  que  par  la  beauté  des  cou- 
leurs ;  après  quoi  il  diminue  ,  fe 
calme ,  non  fans  quelques  reprifes , 
qui  renouvellent  quelquefois  pref- 
que  tout  le  fpe&ade  ;  Se  s'éteint 
tout-à-fait. 

L'Auteur  entreprend  d'expli- 
quer en  détail  toutes  ces  circon- 
ftances ,  par  la  caufe  générale  qui 
les  produit ,  fuivant  fon  hypothé- 
fe  :  Se  il  fait  de  cette  explication  fîx 
Chapitres  ,  dans  lefquels  il  s'agit , 
i°.  du  fegment  obfcur  qui  borde 
l'horizon,  des  arcs  lumineux,  Se 
des  créneaux  ,  qui  en  interrompent 
quelquefois  le  limbe  :  z°.  Des  co- 
lonnes ,  des  rayons  ou  jets  de  lu- 
mière ,  des  brèches  du  fegment 
obfcur  ,  Se  des  brifures  de  l'arc  lu- 
mineux :  3°.  Des  éclairs  &e  des  vi- 
brations de  lumière  ,  des  ondula- 
tions ,  de  la  fumée ,  du  mouve- 
ment réel  ou  apparent  qui  les  ac- 
compagne ,  &  du  filence  qui  rc- 
one  dans  tous  ces  phénomènes  : 
4°.  Du  concours  des  rayons  Se  de 
la  matière  du  phénomène  au  zénit, 
May. 


i  7  j  4.  28p 

ou  près  du  zénît ,  Si.  de  la  couron- 
ne :  50.  De  la  denfîté  Se  de  la  tranf- 
parence  de  l'aurore  b»réale  :  6a.  De 
fes  couleurs.  Nous  ne  prétendons 
point  ici  particularifcr  routes  ces 
explications  ;  ce  qui  nous  jetterait 
dans  uneexcelîlve  longueur.  Con- 
tens  de  les  avoir  indiquées  en  géné- 
ral Se  dans  le  même  ordre  où  elles 
font  déduites  }  nous  nous  borne- 
rons à  prendre  çà  Se  là  quelques 
obfervations  des  plus  interelfantes, 
&  qui  pourront  faire  fentir  jufqu'à 
quel  point  l'Auteur  s'cJî  rendu  in- 
génieux à  tirer  de  fon  nouveau  Sy- 
flême  tout  le  meilleur  parti  qu'il 
étoit  pofîîble. 

4.  En  parlant  des  dimenfions  de 
l'aurore  boréale  ,  par  rapport  à  fon 
arc  lumineux ,  on  obierve  que  la 
largeur  de  fon  limbe  va  depuis 
deux  jufqu'à  dix  degrez  :  que  fa 
longueur  ordinaire  s'arrête  à  100 
Se  quelques  degrez  d'étendue  ,  Se 
que  fa  hauteur  prife  à  fon  fommet 
va  de  20  ,  30  à  40  degrez,  rare- 
ment au  delà  ou  au  deffous  ;  en  gé- 
néral ,  la  grandeur  de  cet  arc  vient 
toujours  de  la  grandeur  réelle  du 
cercle  ,  dont  cet  arc  fait  partie.  Du 
refle  ,  entre  les  aurores  boréales  les 
plus  régulières  ie  les  mieux  termi- 
nées quant  à  cet  arc  ,  on  peut 
compter  celle  du  dix-  neuvième 
Octobre  iji6.  Se  les  deux  obfer- 
vées  à  Gieffen  en  Allemagne  le  17 
Février  Se  le  premier  Mars  1711. 

5.  La  matière  boréale  (  dit  l'Au- 
teur )  répandue  par  des  floccons 
qui  rendent  tout  le  Ciel  pommelé, 
comme  feroient  de  vrais  nuages  , 
montre  que  cette  matière  ne  fe  me- 
Pp 


290        JOURNAL    DES    SÇAVANS, 

le  pas  toujours  &  pat  tout  unifor-  boréale  ,  où  le  concours  des  rayons 

mement  avec  notre  air  ,  &c  qu'elle  vers  le  zénit  en  forme  de  couronne 

y  eft  peut-être  fouvent  comme  une  eft  bien  marqué  :  Nous  vîmes  pen- 

liqueur   huileufe  ép.irfe  dans  l'eau  dant  deux  nuits  de  fuite  [dit-il]^/ 

en  gouttes  féparées  les  unes  des  au-  fign*s  dans  le  Ciel  ,    c'ejl-à-dire  des 

très.   Il  obiervt  encore  au  même  rayons  de  lumière  ejui  s'élevaient  du 

endroit,    que  les  jets  de  lumière  coté  de  l'aquilon  ,  ainfî  qu'il  arrive 

dans  ces  aurores  ne  confident  ordi-  fouvent.  'Un:  granie  clarté  s'empara, 

nairement  qu'en  de  Amples  rayons  d'une  partie  du  Ciel  t  &  fembloit  le 


échappés  des  brèches  enflammées 
du  fegment  ,  &  dardés  contre  la 
matière  fumeufe  ambiante  •,  effet 
tout  femblable  à  celui  que  font 
voir  les  rayons  du  Soleil  couchant , 
entre  des  nuages. 

6.  Il  fembleroit  [remarque  M.  de 
Mairan  ]  que  tant  d'agitations  , 
d'inflammations  tk  d'éruptions  fu- 
bites  ,  qui  dans  l'aurore  boréale 
produifent  les'éclairs  ,  devroient 
être  fuivies  du  tonnerre  ou  du 
moins  de  quelque  bruit  fenfible 
C'eft  ce  qui  ne  manquoit  point  fans 
doute    aux    aurores    boréales  des 


parcourir.  .  .  .  ,&  il  y  avoit  au  mi- 
lieu du  Ciel  un  nuage  fort  lumineux 
auquel  tous  ces  rayons  allaient  fe  réu- 
nir fous  la  forme  d'une  tente  3  dont  les 
bandes  beaucoup  plus  larges  vers  le 
pied ,  montaient  en  fe'retrectjjatn  juf- 
qtt'a  fon  fommet  ,  eu  elles  fe  termi- 
naient comme  une  efpece  de  capuchon. 
Au  furplus  on  ne  doit  regarder  cet- 
te couronne  que  comme  une  fim- 
ple  apparence  optique  ;  de  c'eft  fur 
ce  pied  là  que  l'explique  notre  Au- 
teur, auquel  nous  renvoyons  fur 
ce  point. 

8.  Il  faut  le  confulter  encore  fur 


la  manière  dont  il  conçoit  que  la 
matiete  zodiacale  puifle  s'affemblct 


fiécles  paffés ,  où  des  gens  (  dit  no 
tre  Auteur  )  qui  voyoient  pref- 

aue  toujours  dans  ce  phénomène  tk  s'accumuler  dans  notre  atmof 
le  combat  fanglant  de  deux  armées  phere  au  point  d'y  acquérir  une 
en  l'air  ,  ne  pouvoient  guéres  fe     deniîté  capable  de  produire  dans  le 

phénomène  en  queftion  le  fegment 
obfcur.  Il  trouve  dans  fon  hypo- 
théfelamême  facilité  à  expliquer 
la  rranfparence  des  parties  diapha- 
nes de  l'aurore  boréale. 

9.  Des  différentes  couleurs  de 
celle-ci  ,  qui  font  l'effet  d'une  lu- 
mière ou  rompue  ou  réfléchie  ;  Si 


difpenfer  d'y  entendre  le  fracas  des 
armes  ,  l'artillerie  ,  &  apparem- 
ment auffi  le  bruit  des  tambours  & 
le  fon  des  trompettes.  Mais  ces  au- 
rores font  devenues  fi  tranquilles  à 
cet  égard  ,  que  l'Auteur  n'y  a  ja- 
mais oui  ni  fifflement  ni  le  moin- 
dre murmure  ,    &  il  en  allègue 


pour  une  raifon  la  trop  grande  éle-  de  la  région  que  le  phénomène  oc- 

vation  &  le  trop  grand  éloigne-  cupe  ,    l'Auteur  tire  cette  confe- 

ment  du  phénomène.  quence  ,  Que  la  matière  refrailive 

j.  On  trouve  dans  Grégoire  de  dans  notre  atmofphére  a  une  bien 

Toim  la  defeription  d'une  aurore  plus  grande  hauteur  qu'on  ne  l's- 


MAY 

voit  penfé  ,  ou  que  la  matière  mê- 
me du  phénomène  a  la  propriété  de 
rompre  les  rayons  de  lumière. 

io.  Au  fujet  de  la  constitution 
de  l'air  &  des  autres  ci rcon (lances 
favorables  ou  contraires  à  la  forma- 
tion Se  à  l'apparition  de  l'aurore  bo- 
réale, l'Auteur  ne  peut  déterminer 
autre  chofe  fînon  que  la  première 
elt  tout  à-fait  indépendante  de  ce 
qui  fe  paffe  dans  la  région  des  mé- 
téores ,  &  que  la  féconde  trouve  un 
égal  obftacle  dans  un  Ciel  trop 
couvert  ou  trop  éclairé. 

ii.  Le  dernier  Chapitre  de  cette 
troifléme  Section  roule  fur  les  di- 
vers genres  d'aurores  boréales.  Il  y 
en  a  de  tranquilles  qui  ne  donnent 
aucuns  jets  de  lumière:  d'horizonta- 
les}  qui  n'ont  qu'une  très -petite 
hauteur  :  d'Occidentales  ,  d'Orienta- 
les Se  de  Méridionales ,  qu'on  peut 
appeller  irrégulieres  :  enfin  il  y  en  a 
d'informes  ,  Se  de  tout- à- fait  indéci- 
jcs. 

IV.  M.  de  Mairan  ,  dans  fa 
quatrième  Section  ,  traite  des  ap- 
paritions de  l'aurore  boréale  ,  en 
rant  qu'elles  dépendent  de  l'éten- 
due ,  de  la  poiîtion  Se  de  la  figure 
de  l'atmofphére  folaire.  C'eft-à-di- 
re  qu'il  nous  donne  d'abord  une 
Hiftoire  de  ce  phénomène ,  fui  vant 
les  Mémoires  qui  nous  en  reftent , 
&  qui  nous  en  indiquent  les  repri- 
fes  &:  les  interruptions. 

i.  Il  regarde  Ariftote  comme  le 
plus  ancien  de  nos  Auteurs  qui  ait 
fait  mention  de  l'aurore  boréale  ; 
car  il  eft  perfuadé  que  c'eft  ce  phé- 
nomène que  ce  Philofophe  nous 
déligne  en  le  comparant  à  unefiam- 


>  T7  34"  *oi 

me  mêlée  d;  famée ,à  celle  d'une  lampe 
qui  s'éteint  a  Se  à  Yembrafement  d'une 
campagne  dont  on  brûle  le  chaume. 
Elle  a  principalement  cette  apparen- 
ce (  dit  Ariltote  )  lorfqu'elle  s-' étend, 
beaucoup  en  longueur  &  en  largeur. 
Ce  font  (  ajoûte-t  il  )  de  ces  phéno- 
mènes ,    qui  ne  paroijfsnt  que  pendant 
la  nuit ,  &  dans  un  tems  ferein  ,  & 
qu'on  appelle  gaufres  ,  ffffes ,  tifont 
allumés  t  chèvres.   Le  goufre    Se  11 
foffe  marquent   (  félon  notre  Au- 
teur )  le  fegmentobfcur  de  l'auro- 
re boréale  :  les  tifons  allumés  font 
fans  doute  les  colonnes  ou  les  jets  de 
lumière  ;  les  chèvres  font  les  pelo- 
tons blanchâtres   ,    qui  rendent  le 
Ciel  pommelé.  Les  Auteurs  Latins 
(dit  M.  de  Mairan  )   ont  eu  de  ce 
phénomène  la  même  idée  que  les 
Grecs,  &  l'ont  exprimée  en  ter- 
mes équivalens.    Ciceron  (  félon 
lui)  en  parle  ,  lorfqu'il  dit,  on  a 
vu  des  torches  ardentes  vers  l'Occi- 
dent &  le  Ciel  tout  en  feu.  Pline  le 
Naturalifte  nous  la  reprefente  fous 
divers  noms  Se  fous  divers  afpects. 
Séneque  s'en  explique  encore  plus 
clairement.  Parmi  les  prodiges  raf- 
femblés  par  Jidius-Obfequens  Se  par 
fon  Continuateur  Conrad  Lycoflhe- 
ne  on  trouve  quelquefois  notre  phé- 
nomène. Ainfi  (  pourfuit  M.  de 
Mairan)  on  peut  pouffer  l'Hiftoirc 
de  l'aurore  boréale  jufqu'au  com- 
mencement du  cinquième  fiécle , 
Se  y  fixer  l'époque  des  apparitions 
de  ce  phénomène ,  defquelles  on 
peut  tirer  ici  quelque  induction. Er 
parcourant  (  continue- 1- il  )  les 
Monumens  qui  nous  reftent  depuis 
2000  ans,  on  en  peut  conclure  en 
Ppij 


a$2        JOURNAL    D 

général  ,  que  l'aurore  boréale  n'a 
guéres  été  au  delà  de  60  ou  80  ans 
fans  paroître  ,  excepté  peut-être  le 
treizième  ôi  le  quatorzième  hccle. 
Mais  on  peut  aiïurer  qu'avant  Gaf- 
fendi ,  nul  Auteur  ne  paroît  avoir 
parlé  de  fang  froid  de  ce  phé- 
nomène ,  &  que  la  plupart  n'en 
ont  fait  mention  que  dans  le  def- 
fein  formé  de  l'ajufter  aux  évene- 
mens  &  aux  avantures  tragiques 
de  leur  tems. 

2.  A  ce  récit  hiftorique  touchant 
l'aurore  boréale  en  général ,  fucce- 
de  un  ordre  chronologique  des  re- 
prifes  de  ce  phénomène  que  Ton 
peut  compter  depuis  le  commen- 
cement du  cinquième  fïécle  juf- 
qu'aujourd'hui  :  &C  ces  reprifes 
«ont  au  nombre  de  2 1  ,  où  l'on  a 
foin  d'avertir  des  fingularitcz  ob- 
fervéesdans  chacune. 

3.  Vient  enfuite  un  recueil  ou 
dénombrement  des  aurores  boréa- 
les ,  dont  on  fçait  le  jour  ou  le 
mois ,  rangées  par  ordre  chronolo- 
gique depuis  le  commencement  du 
fixiéme  fiécle  jufqu'à  la  fin  de  l'an- 
née 173 1.  avec  quelques  remar- 
ques &  des  deferiptions  :  le  tout 
fuivi  d'une  Table  abrégée ,ou  d'une 
redadion  du  dénombrement  pré- 
cèdent ,  de  laquelle  il  refulte  que 
dans  ce  long  intervalle  de  tems  il  a 
paru  en  tout  129  aurores  boréales. 
C'eft  une  difcuflîon  hiftorique  dans 
laquelle  nous  ne  pouvons  fuivre 
l'Auteur,  mais  qui  a  dû  lui  coûter 
beaucoup  de  travail  &  de  recher- 
ches ,  &  dont  les  Agronomes  doi- 
vent lui  fçavoir  gré. 

\.  Ils  ne  doivent  pas  lui  tenir 


ES    SÇAVANS, 

moins  de  compte  du  calcul  où  il 
entre  par  rapport  à  !a  détermina- 
tion des  nœuds ,  des  pôles ,  des  li- 
mites, &  de  ladéclinaifon  de  l'at- 
mofphére  ou  de  l'équateur  folairt. 
Il  fuppofe  avec  feu  M.  C'iJfi>uYi\c 
du  Soleil  incliné  de  7  degrez  -£  à 
celui  derécliprique.Mais  de  ce  que 
l'équat.  folaire  décline  de  7  degrez 
\  par  rapport  à  l'écliptique,  &  de 
ce  que  l'écliptique  décline  d'envi- 
ron 23  degrez  -^  par  rapport  à  l'é- 
quateur terreftre  ,  il  s'enfuit  feule- 
ment (  fclon  l'Auteur  )  que  la  dé- 
clinaifon  totale  de  l'équateur  folai- 
re ,  eu  égard  à  l'équateur  terreftre  , 
tient  un  milieu  entre  la  fomme  des 
deux  inclinaifons  qui  eft  3 1  ,  & 
l'inclinaifon  de  l'écliptique  ,  qui 
eft  23-^-  :  &  c'eft  fur  ce  pied  là  que 
M.  de  Mairan  règle  l'on  calcul. 
Nous  y  renvoyons  ,  ainfi  qu'aux 
figures  qui  l'accompagnent,  &  qui 
fervent  à  éclaircir  une  Théorie  que 
l'Auteur  ne  fçait  avoir  été  expli- 
quée nulle  part  ,  quoiqu'indépen- 
damment  du  fujet  qu'il  traite,  elle 
puifle  être  quelquefois  d'une  gran- 
de utilité. 

5. 11  en  tire  pluficurs  confequen- 
ces  par  rapport  à  la  lumière  zodia- 
cale ou  à  l'atmofphére  du  Soleil 
vue  dé  la  terre  ;  &:  il  hit  au  Aï  men- 
tion des  irrégularitez  ou  variations 
feulement  apparentes,  qui  peuvent 
naître  de  fes  divers  afpe&s.  Il  infère 
donc  de  cette  Théorie,  i°.Quetoui 
tes  chofes  d'ailleurs  égales ,  les  ob1 
fervations  de  cette  lumière  doivent 
être  plus  faciles  &  plus  fréquente? 
vers  l'équinoxe  du  Printems.  que 


M  A  Y  ,  i  7  5  4-                           2$$ 

vers  celui  de  l'Automne  ;  ce  que  des  reprifes  de  l'aurore  beréale  avec 

l'expérience  a  juftifié  :   2°.  Que  la  les  apparitions  de  la  lumière  zodia- 

lumicre    zodiacale  fera  beaucoup  cale  ,  ou  avec  les  accroiffemens  de 

plus  élevée  fur  l'horizon  le  foir  au  l'atmofphére  folairc.  Mais  il  avoiie 

folftice  d'été ,  que  le  marin  ;  Si  au  que  c'en1  ce  qu'il  ne  fçauroit  execu- 


contraire ,  au  folltice  d'hiver  ;  ce 
que  confirme  encore  l'expérience  : 
3°.  Que  Jes  plus  grandes  largeurs 
de  la  lumière  en  général ,  fe  doi- 
vent rencontrer  ,  Si  fc  rencontrent 
en  effet  ordinairement  aux  points 


ter  qu'imparfaitement  par  le  défaut 
d'obfervations  de  la  lumière  zodia- 
cale ,  qui  eft  prefque  la  feule  voye 
de  fe  mànifeftèr  qu'air  l'atmofphére 
folaire  ,  Si  dont  on  n'a  des  obfer- 
vations  exa&es  que  depuis  1683. 


Si  aux  tems  où  la  terre  eft  vis-à-vii  Or  ces  obfervations  qui  pourroient 

des   plus  grandes  latitudes  de  l'é-  attelkr  cette  correfpondance  fe  re 

quateur  folairc  cv  autour  de  fes  li-  duifent  malheureufement  à  quatr 

nlrtes ,  Si  que  le  contraire  doit  arri-  ou  cinq  ,  malgré  toutes  les  recher 


&  arrive  le  plus  fouvent , 
lorfqu'clle  efi  autour  de  fei  uccuds. 
6.  L'Auteur  applique  enfuite  la 
même  Théorie  aux  aurores  boréa- 
les ,   cV  il  fait  voir  comment  il  fe- 


chesdu  curieux  Académicien. 

8.  Dans  le  dernier  Chapitre  de 
cette  quatrième  Section  ,  il  appli- 
que aux  apparitions  effectives  de 
l'aurore  boréale  ,  rangées  dans  la' 


roit  poiîîble  qu'il  n'y  en  eût  jamais  Table  dont  on  a  parlé  plus  haut 
fur  la  terre,  ou  comment  il  fe  peut  une  partie  de  ce  qu'il  vient  de  re- 
qu'elles  foient  très  long  tems  fans  marquer  en  général  fur  leur  pofîlbi- 
paroître  :  ôc  au  contraire,  comment  lité  ou  leur  impoffibiliré  ,  leur  isé- 
elles  pourroient  paroître  toujours  quence  ou  leur  rareté',  &  il  compa- 
fuppofélescirconftancesacceffoires  re  les  divers  points  de  l'écliptique 
&  phyfiques  favorables  ;  ou  enfin  où  fc  trouve  la  terre  par  fa  révolu- 
Comment  elles  peuvent  paroître  en  tion  périodique  avec  les  faifons  ou 
certains  tems ,  en  certains  fiécles ,  mois  de  l'année ,  où  le  phénomène 
Si  non  pas  en  d'autres ,  tantôt  plus  a  paru  le  plus  fouvent  ;  ccquiiou- 


&  tantôt  moins  fréquemment  :  Si 
c'eft  de  quoi  les  viciffitudes  de  la 
différente  extenfion  de  l'atmofphé- 
re folaire  combinées  avec   toutes1 


le  principalement  fur  trois  Chefs; 
r°.  fur  la  diftance  etélongrtion  dit' 
Globe  terreftre  ,  dans  les  divers 
tems  de  l'année  ,  quant  ail  foleil 


les  autres  circonftances  qu'on  a  eu  ou  à  fon  atmofphere  ,  Si  indépen- 

foin  d'indiquer  doivent  Fournir  la  damment  de  fa  lituation  à  l'égard' 

raifon  ,  &en  donneroient  le  détail,  des  nœuds  ou  des  limites  de  l'équa- 

fi  les  caufes  primitives  de  ces  vicif-  tcur  folaire  :    1".  Sur  la  diflznce  de' 

fitudes    pouvoient  un    jour  nous  latitude  ou  de  déclinaifon  ,   par  rap- 

ètre  connues.  port  aux  nœuds  Si  aux  limites  de 

7.   M.  de  Mairan  nous  parle  ,  cetéquateur:  50.  Surla  diredion  de 

après  cela  ,  de  la  correfpondance  fen  mouvement  annuel  et,   afeen-- 


2P4  JOURNAL    DES    SÇAVANS, 

dance  ou  en  defcendance  ,  par  rap- 
port à  fon  pôle  boréal ,  lieu  ordi- 
naire des  aurores  qui  nous  font 
connues.  L'Auteur  donne  le  calcul 
&  des  exemples  figurés  de  tous  ces 
cas,  aufquels  nous  croyons  devoir 
renvoyer  le  Lecteur. 

V.  Les  queftions  &:  les  doutes 
fur  divers  fuiets  relatifs  à  quelques 
articles  de  cet  Ouvrage  t  &  que 
rafîemble  M.  de  Mairan  dans  fa 
cinquième  &  dernière  Section  , 
font  au  nombre  de  xxviii.  Nous 
nous  contenterons ,  pour  abréger , 
de  les  indiquer  fommairement  , 
ainfi  que  leurs  folutions ,  lorfqu'il 
s'en  prefentera  quelqu'une. 

Il  s'agit  donc  de  feavoir ,  i°.  fi 
quelques  étoiles  fixes  appellées  né- 
buleufes  n'ont  cette  apparence  qu'en 
vertu  deratmofphére  qui  les  envi- 
ronne ,  &  fi  l'efpace  lumineux  , 
moins  bleu  &  moins  toncé  que  le 
refte  du  Ciel ,  &c  qu'on  appercoit 
autour  delà  nébuleufe  d'Orion  ,  ne 
feroit  pas  l'effet  d'une  femblable 
caufe  i  Sur  quoi  l'Auteur  panche 
vers  l'affirmative  :  2°.  Si  la  lumière 
zodiacale  n'eft  point  fujette  à  di- 
vers accidens  ,  tels  que  des  fer- 
mentations Se  quelques  précipita- 
tions de  fes  parties  les  plus  groifie- 
res  vers  le  globe  du  Soleil  -,  & 
l'Auteur  paroît  alTez  difpofé  à  le 
croire  :  30.  Si  les  taches  vues  (i 
fréquemment  fur  ce  globe ,  ne  fe- 
roient  point  dues  à  quelque  fem- 
blable précipitation  ;  &c  la  chofe  lui 
paroît  alTez  probable  :  4*.  Si  la  ma- 
tière de  l'atmofphére  folairc  ;  en  fe 
mêlant  avec  l'atmofphére  terreftre 
ne  reçoit  pas  diveries   modifica- 


tions ,  d'où  refulteroient  les  trois 
régions  de  notre  air  ,  celle  des  au- 
rores boréales ,  celle  des  crépufeu- 
les,  &  celle  des  météores  ?  50.  Quel 
eft  le  lieu  Se  la  formation  des  feux 
volans  ?  6°.-  Si  de  fréquentes  auro- 
res boréales  ne  laiflerotent  point 
dans  l'air  quelque  levain  capable 
d'en  changer  plus  ou  moins  la  tem- 
pérature ?  70.  Si  la  longueur  irré- 
guliere  de  certains  crépufcuks  ne 
feroit  point  due  aux  vertiges  de  la 
lumière  zodiacale  &  de  l'aurore 
boréale  ,  qui  n'ont  pu  fe  former  ou 
fe  rendre  vifibles  par  l'extrême  ra- 
réfaction de  leurs  parties  3 

8°.  S'il  n'y  auroit  point  des  au- 
rores boréales  qu'on  pourroit  ap- 
peller  nébuleufes ,  &  qui  ne  confi- 
fteroient  que  dans  le  prodigieux 
amas  de  la  matière  zodiacale  tom- 
bée dans  l'atmofphére  en  forme  de 
brouillard  &  fans  pouvoir  s'en- 
flammer î  9°.  Quelle  eft  l'apparen- 
ce des  aurores  boréales  pour  les  ha- 
bitans  des  terres  arctiques  ?  ic 
l'Auteur  conjecture  que  nous  fem- 
mes en  France  ,  en  Angleterre  '  en 
Allemagne  ,  &c.  fitués  le  plus  fa- 
vorablement pour  démêler  toutes 
les  fingularitez  de  ce  phénomène  : 
io°.  S'il  y  a  des  aurores  polaires 
antarctiques  ,  &  quelles  elles 
pourroient  être  ?  1 1°.  Si  la  trop 
grande  fréquence  des  aurores  bo- 
réales ne  nuiroit  point  enfin  à  la  re- 
cherche des  caufes  de  ce  phénomè- 
ne ,  ou  fi  elle  ne  lui  deviendrait 
pas  moins  favorable  ,  qu'une  fré- 
quence médiocre;  rz°.  Si  l'idée  du 
point  d'équilibre  entre  toute  pla- 
nète principale  &lcfoleil,  &  l'i- 


M  A 

déc  du  conflict  des  forces  centrifu- 
ges &  centripètes  à  divers  égards  ne- 
ceftaire  pour  retenir  dans  Ton  orbi- 
te &  autour  de  fa  planète  principa- 
le tout  Satellite  placé  au  delà  de  ce 
point  vers  le  Soleil.,  ne  fourniroient 
point  un  éclairciftement  utile  pour 
l'intelligence  d'un  endroit  de  M. 
Newton  dans  fes  principes  î  130. 
Quels  font  les  tems  de  chute  de 
la  matière  zodiacale  ?  140.  Si  la 
matière  zodiacale  tombe  fut  la  Lu- 
ne ,  &  fi  cette  planète  a  fon  atmof- 
phére  ;  fur  quoi  l'Auteur  conclud 
pour  l'affirmative  ,  &  répond  à 
deux  objections. 

150.  Quels  phénomènes  produi- 
sit la  matière  zodiacale  fur  la  Lu- 
ne ?  &  il  conçoit  que  cette  matiè- 
re s'y  répandroit  avec  bien  plus 
d'uniformité  que  dans  l'atmofpké- 
re  terreftre  :  i£°.Si  les  phénomènes 
produits  par  la  matière  zodiacale 
fur  la  Lune  feroient  vifibles  pour 
nous  -,  Se  c'eft  ce  que  ne  croit  nul- 
lement l'Auteur ,  fondé  fur  de  bon- 
nes raifons  :  170.  Si  la  Lune  eft  fa- 
vorable ou  contraire  à  nos  aurores 
boréales  î  Sur  quoi  l'on  peut  aiTu- 
rer  que  la  pleine  Lune  nuit  beau- 
coup plus  à  l'apparition  de  ces 
phénomènes  par  la  clarté  ,  qu'elle 
n'aide  à  leur  formation  par  l'union 
de  fa  force  centrale  à  celle  de  la 
terre  :  1 8°.  Si ,  dans  les  planètes 
inférieures  ,  Vénus  &  Mercure  , 
toujours  enveloppées  de  la  matière 
zodiacale  pendant  fes  grandes  ex- 
ténuons ,  leur  atmofphére  ,  fup- 
pofé  qu'elles  en  ayent  une  ,  n'en 
fera  pas  prefque  toujours  plus  char- 
gée que   la  nôtre ,  dans  les  plus 


Y  ,    1  7  j  4.  apy 

grandes  aurores  boréales  ?  &  c'eft 
ce  qui  ne  paroît  point  douteux  à 
l'Auteur  :  19'.  Si  la  difficulté  d'ap- 
percevoir  les  taches  de  ces  planè- 
tes ,  ne  d^it  pas  être  attribuée  en 
partie  à  la  matière  zodiacale  qui  les 
enveloppe  ,  &c  fi  l'on  ne  pourroit 
pas  foupçonner  que  quelque  cir- 
conitance  de  cette  nature  ait  em- 
pêché tout  récemment  qu'on  n'ait 
diftingué  à  Paris  3  fur  le  difque  de 
Venus ,  les  taches  que  feu  M.  Bian- 
chwi  y  avoir  vues  àRome  quelques 
années  auparavant  ?  200.  Si  l'accu- 
mulation de  la  matière  zodiacale 
fur  la  terre  &  fur  les  planètes  infé- 
rieures j  ne  doit  pas  enfin  produire, 
entre  plufieurs  autres  effets  ,  quel- 
que altération  fenfible  dans  leur* 
mouvemens  périodiques  ou  de  ro- 
tation ,  par  l'augmentation  def 
maffics  de  leurs  globes  î  210.  Si  la 
matière  zodiacale  que  les  Comètes 
font  obligées  de  traverfer  à  l'en- 
droit le  plus  denfe ,  &  dont  elles 
fe  font  chargées  ,  ne  doit  pas  faire 
la  partie  extérieure  &la  plus  éten- 
due de  cette  vafte  atmofphére  , 
qu'on  apperçoit  autour  de  la  tête 
de  la  plupart  des  Comètes  ;  & 
l'Auteur  tient  pout  l'affimative  , 
dont  il  allègue  quatre  raifons  que 
l'on  peut  voir. 

22°.  Si  l'atmofphére  des  Comè- 
tes telle  qu'il  vient  de  l'expliquer 
n'eft  point  pour  elles  3  pendant  une 
partie  de  leur  cours  ,  une  efpece 
d'aurore  boréale  continue,  fembla- 
ble  ,  toutes  proportions  gardées,  a 
quelques-unes  des  nôtres  ?  23°.  Si 
c'eft  par  voye  de  diffipation  ou  de 
précipitation  ,  que  quelques  Co- 


apé  JOURNAL  D 

métes  perdent  enfin  cette  grande 
atmofphére  extérieure  qui  les  envi- 
ronnoit?  24°.  Si  la  matière  del'at- 
mofphére  folaire  ne  doit  pas  être 
indifpenfablement  employée  À  l'ex- 
plication des  phénomènes  de  leurs 
queues  1  &  c'eft  ce  qui  paroîttrès- 
vraifemblable  à  l' Auteur  :  250. 
Quelle  fcroit  l'apparence  de  ces 
queues  vues  de  deffus  les  Comètes 
mêmes  :  Se  fi  elle  ne  ferviroit  point 
à  expliquer  le  phénomène  de  la 
couronne  des  aurores  boréales  ? 
260.  Si  l'étincellement  apperçu 
quelquefois  avec  de  grandes  lunet 
tes  dans  la  lumière  zodiacale  ,  ainfi 
que  dans  l'atmofphére  &  la  queue 
des  Comètes ,  n'auroit  point  fait 
croire  aux  deux  Philofophes ,  Dé- 
mocrite  Se  Anaxagore  }  que  toute  la 
lumière  des  Comètes  Se  de  leurs 
queues  f  ne  refultoit  que  d'un  amas 
prodigieux  de  petites  étoiles  ?  270. 
Ce  que  ce  pou  voit  être  que  le  phé- 
nomène fingulier  d'une  étoile  ou 
Comète  ,  rapporté  par  Nicéphorc  , 


ES   SÇAVANS, 

dans  fon  tiifluir;  Ecclefîs.ftitjHt ,  & 
que  nous  ne  tranferirons  point  ici  ; 
280.  Si  le  pa  liage  du  globe  terre  lire 
à  travers  la  partie  ïuperieure  de 
l'atmofphére  d'une  Comète  &  à 
travers  fa  queue  ,  produiroit  furli 
terre  autre  choie  que  quelques  au- 
rores boréales  ,  telles  à  peu  près  , 
que  nous  les  voyons  -,  &  h  les  prin- 
cipes employés  dans  laThéorie  pré- 
cédente ,  ne  mettent  pas  du  moins 
la  terre  à  couvert  de  ces  inonda- 
tions ,  ou  plutôt  de  ces  déluges  j 
aufquels  un  célèbre  Anglois  veut 
qu'elle  foit  expofée  par  la  rencon- 
tre des  Comètes?  Se  M.deMairan 
ne  croit  pas  notre  globe  moins 
exempt  de  déluge  que  d'embrafe- 
ment  en  pareil  cas  ,  quoique  ce 
dernier  accident  dût  fembler  plus 
à  craindre  ,  fi  nous  n'étions  con- 
vaincus par  expérience  ,  que  le 
globe  terreftre  peut  être  plongé 
dans  la  matière  zodiacale  ,  fans  en 
éprouver  aucune  chaleur  fenfible. 


RERUM 


MAY,   1734: 


297 


RERUM  ITALICARUM  SCRIPTORES,  &e. 
C'eft  -  à  -  dire  :  Recueil  des  Ecrivains  de  l'Hifloire  d'Italie  ,  depuis  l'am 
500.  juftju 'à  l'an  1 500.  par  M.  Muratori,  Tome  X^H.  A  Milan ,  par  la 
Société  Palatine.  1730. in-fol.  col.  1^66. 


DEUX  Ouvrages  ,  qui  )uf- 
qu'alors  avoient  été  enfevelis 
dans  les  Bibliothèques ,  remplirent 
prefque  tout  ce  Volume.  Le  pre- 
mier eft  une  Chronique  de  Padoiie 
compofée  par  Galeas-Gatari  ,  & 
continuée  par  André  fon  fils.  Le 
Père  florifloit  en  1380.  Scardonius, 
dans  fes  Antiquitez  de  Padoiie  , 
Liv.  1.  Claf.  xi.  nous  apprend  qu'il 
vivoitfousla  domination  des  deux 
Princes  François  Carrara  ,  l'ancien 
&  le  jeune  ,  il  en  parle  comme 
d'un  homme  plein  de  zélé  pour  fa 
Patrie  ,  diftingué  par  fon  éloquen- 
ce ,  &  qui  avoit  été  chargé  de  plu- 
fieurs  AmbalTades. 

Mais  il  ignoroit  apparemment 
que  fon  Ouvrage  avoit  été  aug- 
menté par  André  fon  fils  ,  celui-ci 
dit  en  termes  formels  dans  cette 
Chronique  même  que  fon  pere  fut 
emporté  en  1405.  par  une  cruelle 
pefte  qui  ravagea  la  Ville  de  Pa- 
doiie. Il  nous  y  allure  encore  que 
prefque  tous  les  faits  qui  y  font  ra- 
contés jufqu'à  l'an  1405.  ont  été 
recueillis  par  Galeas  -  Gatari  :  que 
lui  André  les  avoit  mis  en  or- 
dre ,  &  qu'il  avoit  continué  le  re- 
lie de  l'Ouvrage  jufqu'à  la  fin  de  la 
guerre  de  Padoiie  ,  &  à  la  trille 
ruine  des  Princes  de  la  famille  Car- 
rara. 

M.   Muratori  prétend  que   le 
nom  de  Gatari  ,  qui  eft  celui  d'une 
May. 


illuftre  &  ancienne  Maifon  ,  vient, 
du  mot  Cathari }  nom  que  portè- 
rent certains  Hérétiques  allez  con- 
nus 3  qui  au  douzième  fiécle  renou- 
vellerentune  partie  des  erreurs  des 
Manichéens ,  &  dont  les  impietez 
donnèrent  lieu  à  l'établi iTement  de 
l'Inquifition  ;  il  croit  vraifembla- 
ble  que  quelqu'un  des  Ancêtres  de 
nos  deux  Auteurs  ,  s'étant  diftin- 
gué parmi  ces  Fanatiques  ,  le 
nom  de  Cathare  lui  fera  demeuré  , 
&  que  ce  nom  tout  odieux  ,  &C 
tout  infâme  qu'il  étoit  pour  lors , 
fera  pafle  à  fes  defeendans  •,  comme 
il  eft  arrivé  plufieurs  fois  que  des 
noms  de  raillerie  ou  de  mépris 
dans  leur  origine  ,  font  devenus 
enfuite  très  beaux  &  très-honora- 
bles par  le  mérite  &  les  vertus  de 
ceux  à  qui  ils  ont  été  tranfmis. 

Au  refte  ,  l'Editeur  fe  plaint  ici 
contre  fon  ordinaire  que  le  grand 
nombre  de  Manufcrits  de  cette 
Chronique  qu'il  a  trouvés ,  a-tendu 
fon  travail  très  -  difficile.  La  feule 
Bibliothèque  d'Eft  en  contient 
trois  fcmblables  à  la  vérité  pour  le 
fonds  des  chofes  ,  mais  très-diffe- 
rens  parla  manière  de  les  raconter. 
Le  premier  renferme  cette  Hilloirc 
écrite  fort  au  long  &c  avec  des  addi- 
tions ,  le  fécond  eft  à  peu  près  de  la 
même  étendue  :  mais  le  ftile  en  pa» 
roît  plus  travaillé,  6c  les  deferip- 
tions  plus  ornées ,  &  le  troiûémc 

Q-q 


ap8  JOURNAL   D 

beaucoup  plus  abrégé  prefente 
partout  un  certain  air  de  ftmplicité 
qui  plaît  fouvent ,  dit  M.  Murato- 
ii,  plus  que  les  récits  Afinûques  des 
deux  autres  Manufcrits  :  il  conjec- 
ture que  le  premier  eft  l'Ouvrage 
même  de  Galeas  ,  que  le  fécond 
aura  été  retouché  &  embelli  par 
André  fon  fils.  A  l'égard  du  troifié- 
ine  ,  M.  Muratori  ne  fçait  à  qui 
l'attribuer  ,  car  les  Manufcrits  le 
donnent  également  à  André  Gatta- 
ïi. 

Cependant  comme  il  voudroit 
ne  pas  priver  fes  Lecteurs  de  tout 
ce  qui  peut  exciter  leur  curiofité  , 
Se  que  d'un  autre  côté  ,  trois  Ou- 
vrages qui  ne  differeroient  entr'eux 
que  par  la  forme  pourroient  les 
ennuyer  ,  il  fe  contente  de  publier 
feulement  deux  de  ces  Chroni- 
ques •,  la  plus  étendue  qui  eft ,  dit- 
il  ,  fort  eftimée  par  les  Padoiïans  , 
Se  enfuite  celle  dont  le  ftile  eft  plus 
fimple  &  plus  concis.  Il  ne  manque 
pas  de  raifons  pour  s'autorifer  dans 
un  panique  le  refpect  qu'il  a  pour 
Galeas  ,  Se  pour  André  Gatari ,  lui 
font  prendre  ;  le  fond  même  de 
l'Ouvrage  lui  donne  la  confiance 
de  croire  qu'il  ne  faut  rien  perdre 
d'une  Hiftoire  où  il  s'agit  d'une 
famille  confiderable ,  Se  d'actions 
célèbres  arrivées  dans  une  Ville  ii- 
luftre  Se  diftinguée.  Il  prétend  que 
la  lecture  en  eft  fi  agréable  qu'on 
ne  peut  la  quitter  dès  qu'une  fois 
en  l'a  commencée  ;  qu'à  la  vérité 
le  Lecteur  en  fort  trifte  8c  chagrin, 
non  pas  cependant  par  la  faute  de 
l'Auteur  ,  mais  par  la  cruelle  Se 
tragique  fin  des  Princes  de  Carrara, 


ES  SÇAVANS, 

qui  furent  immolés  ,  à  la  politique 
des  Vénitiens.  Il  ajoute  d'ailleurs 
qu'elle  ne  fatigue  point  par  fon  élé- 
vation ,  mais  qu'elle  plaît  infini- 
ment par  fa  naïveté  ;  qu'il  eft  aife 
de  voir  qu'André  s'étoit  formé  fur 
la  lecture  des  bons  Romans ,  Se 
que  quoiqu'il  ne  foit  pas  compara- 
ble aux  fameux  Ecrivains  de  Grèce 
Se  de  Rome ,  ni  même  à  ceux  que 
l'Italie  a  produits ,  il  a  néanmoins 
des  agrémens  Se  des  beautezqui  le 
feront  aimer  Se  loiier  de  tous  ceux 
qui  le  liront. 

On  s'étonnera  fins  doute ,  die 
l'Editeur ,  de  ce  que  les  deux  Gata- 
ri fe  font  déterminés  à  compofer 
en  Italien,  car  quoique  la  Tofcane 
nous  eût  déjà  donné  les  trois  Villa- 
ni ,  Se  quelques  aucres  Hiftoriens 
femblables ,  cependant  l'ufage  d'é- 
crire en  langue  vulgaire  étoit  alors 
fi  rare ,  que  le  refte  de  l'Italie  ne  les 
connoifloit  pas  feulement  de  nom  , 
Se  fur-tout  en  deçà  de  l'Apennin 
prefque  tous  les  Ecrivains  pu- 
blioient  conftamment  leurs  Hiftoi- 
res  en  latin  ;  on  demandera  encore 
comment  des  Padoiians ,  laiflant  là 
leur  Dialecte  ,  ont  pu  employer  . 
non  pas  à  la  vérité  un  langage  fort 
élégant  ,  mais  cependant  tolera- 
ble  pour  ce  fiécle  grolfier.  On  ré- 
pond à  cela  qu'en  1559.  on  com- 
ptoit  Galeas  -  Gatari  parmi  les 
Hiftoriens  Italiens  ;  ainiî  on  ne 
peut  douter  que  cette  Chronique 
n'ait  été  originairement  compofée 
dans  cette  langue.  A  quoi  il  faut 
ajouter  que  cet  Ouvrage  n'a  pas 
réellement  été  donné  d'abord  par 
les  Gatari ,  tel  qu'on  le  trouve  ici  5 


MAY, 

ce  que  M.  Muratori  prouve  par  un 
ancien  Manufcrit ,  ou  le  jargon  Pa- 
doiian  fe  fait  allez  fentir.  Mais  An- 
dré aura  poli  le  langage  de  Ga- 
leas  ,  les  Copiftes  auront  tait  la  mê- 
me caofe  fur  l'Ouvrage  du  fils  juf- 
qu'à  l'an  1 500.  qui  eft  le  tems  où  la 
langue  &:  l'orthographe  Italienne 
commencèrent  à  fe  fixer. 

Cette  Chronique  commence  en 
1 3 1 1 .  &  finit  en  1 406.  année  où  la 
Ville  de  Padoiie  eut  àfoûtenir  une 
violente  guerre  caufée  par  l'ambi- 
tion du  grand  Cane  Scaliger  Sei" 
gneur  de  Vérone.  Depuis  ce  tems 
Padoiie  fut  agitée  par  des  troubles 
continuels.  Jean  Galcas  Vifconti , 
Conte  de  Vertus ,  Duc  de  Milan  , 
Seigneur  de  toute  la  Lombardie  , 
de  la  Romagne  ,  d'une  partie  de  la 
Marche  Trévifane  ,  &  regardé 
comme  le  plus  grand  Prince  de  fon 
tems ,  fut  aulîi  un  des  principaux 
inftrumens  du  malheur  des  Carra- 
ra.  André  Gatari  dans  la  Continua- 
tion de  l'Hiftoire  de  fon  pere  ,  re- 
marque en  parlant  de  ce  Prince 
qu'en  l'année  1401.  il  parut  une 
fameufe  Comète  :  »  Phénomène  , 
»  dit-il ,  qui  félon  l'opinion  des 
»  Philofophes ,  annonce  une  gran- 
»  de  pefte  ou  la  mort  de  quelque 
9  Grand.  Le  Ciel ,  continue-t-il  , 
»  ayant  montré  par  ce  ligne  qu'il 
»  vouloit  exécuter  fa  volonté  fur 
»  le  Comte  de  Vertus ,  ce  Prince 
»  tomba  en  effet  dans  une  dange- 
»  reufe  maladie ,  &  fe  voyant  près 
9  de  la  mort ,  il  fit  appeller  tous 
»  fes  Barons  &  fes  premiers  Capi- 
»  taincs ,  &  leur  parla  ainfi  :  Mag- 
»  nifiques  Seigneurs ,  la  mort  qui 


1734;  2<J£ 

»  fait  à  prefent  l'objet  de  mes  dc- 
»  firs ,  m'eft  plus  chère  que  ne  me 
»  le  feroit  la  conquête  de  toute  la 
»  terre ,  je  ne  puis  douter  que  Dieu 
»  ne  fe  reflbuvienne  de  moi ,  puif- 
»  qu'il  veut  bien  faire  paroître 
»  dans  le  Ciel  le  préfage  de  ma 
»  mort  avec  une  étoile  fi  noble.  Je 
»  puis  donc  vous  afTurer  que  je 
»  meurs  avec  joye.  Cognofcendo  cloe 
l'altijfmo  Li'dio  ,  Signore  noflro  firi- 
corda  di  noi  ,  amenda  vojlrato  in 
Cielo  t  ilfegno  cm  cofi  nobile  ftella. 

Comme  tout  eft  fujet  à  l'Empire 
de  la  Coutume  jufqu'à  la  manière 
d'exprimer  même  les  fentimens 
les  plus  naturels  de  l'ame,  on  voit 
dans  les  Hiftoriens  de  ce  tems  que 
l'ufage  étoit  d'honorer  les  obfeques 
des  perfonnes  puilTantes  par  les 
plus  vives  démonftrations  de  dou- 
leur &  de  defefpoir.  André  n'ou- 
blie pas  qu'aux  funérailles  de  Fran- 
çois Carrara  l'ancien  ,  qui  mourut 
en  prifon  à  Monza,où  le  Comte  de 
Vertus  le  retenoit  depuis  lon<*- 
tems ,  les  Daines  fur-tout  jetterent 
de  11  grands  cris  pendant  la  céré- 
monie ,  &  qu'il  y  avoir  une  telle 
confufion  de  gémifTemens  ,  d'ex- 
clamations &  de  fanglots,,  qu'on 
auroiteru  que  la  fin  du  monde  al- 
loit  venir.  Mais  ce  fut  encore  bien 
davantage  à  celles  du  Comte  de 
Vertus  ,  les  Dames  Milanéfes  y 
jouèrent  fi  bien  leur  rôle ,  que  je  ne 
fçais  ,  dit  l'Auteur  ,  fi  depuis  la 
mort  d'Hector ,  on  avoit  jamais  vu 
dans  le  monde  des  femmes  mener 
un  deuil  ni  plus  grand  ni  plus  gé- 
néral. 
La  Chronique  des  Gatari  eft  fui- 


3oo  JOURNAL   D 

vie  des  Annales  de  Gênes  depuis 
l'an  1198.  jufqu'à  Tan  1409.  par 
George  Stella  ,  continuées ,  & 
conduites  par  Jean  Stella  fon  trere 
jufqu'à  l'an  1435. 

Cet  Ouvrage  ,  quoique  confer- 
vé  en  Manufcrit  dans  pluiicurs  Bi- 
bliothèques ,  n'avoir  point  encore 
vu  le  jour.  L'Editeut  fe  flatte  qu'on 
Je  verra  avec  d'autant  plus  de  plai- 
fu  dans  ce  Recueil ,  que  joint  aux. 
autres  Pièces  qu'on  a  déjà  données, 
&  qu'on  donnera  encore  fur  l'Hi- 
ftoire  de  la  Republique  de  Gênes  , 
on  en  trouvera  ici  une  fuite  com- 
plette  jufqu'à  nos  jours.  L'Auteur 
de  ces  Annales  dans  la  plupart  des 
Manufcrits  eft  qualifié  de  George. 
Stella  fils  du  Notaire  Facino  }  Ci- 
toyen de  Gênes.  Dans  le  Manufcrit 
de  Vérone ,  dont  l'Editeur  eft  re- 
devable au  fçavant  Marquis  Sci- 
pionMaffei,  il  eft  appelle  George 
Stella  fils  de  Facino  Chancelier  de 
la  Commune  de  Gênes.  Quoiqu'il 
en  foit  ,  il  eft  du  moins  certain 
par  les  Annales  mêmes  que  George 
Stella  y  exerçoit  cette  Charge  qui. 
ne  fe  donnoit  dans  ces  tems-là,  du 
moins  en  Italie  ,  qu'à  des  gens  ha- 
biles dans  la  Langue  Latine  ;  il  eft 
aifé  de  voir  qu'il  avoit  en  effet 
beaucoup  d'efprit  &  de  feience  : 
mais  ce  qui  brille  le  plus  en  lui  r 
c'eft  l'équité  Si  la  modération.  Car 
au  milieu  des  factions  qui  parta- 
oeoientde  fon  tems  la  Ville  de  Gê- 
nes, ou  tantôt  les  Guelphes ,  tan- 
tôt les  Gibelins  étoient  les  maîtres, 
en  ne  s'apperçoit  point  que  l'efprit 
de  parti  &  de  flatterie  conduife  ja- 
mais fa  plume.  Il  les  loue  &  les  biâ- 


ES   SÇAVANS; 

me  tour  à  tour  avec  une  fîneerité 
au llî   courageufe  que    prudente 
quoiqu'il  avoiie  qu'il  fut  né  de  pa- 
rens  attachés  à  la  faction  Gibeline. 

On  voit  par  pluiicurs  endroits 
de  ces  Annales  que  Jean  Stella  fon 
frère  &  Ion  Continuateur  étoit  No- 
taire àGênes;  il  nous  y  apprend  auftl 
que  ce  frère  y  mourut  de  la  pefte 
en  1310.  Cependant  ce  fut  long- 
tems  avant  fa  mort  que  Jean  Stella 
lui  fucceda  dans  la  compofition  de 
ces  Annales  -,  ce  qu'il  a  exécuté" 
avec  plus  de  foin  &  plus  de  délica- 
tefle  ,  du  moins  pour  le  ftile. 

M.  Muratori  avertit  en  mime 
tems  que  Follieta  ,  Juftinien  év  lcs> 
autres  Hiftoriens  pofterieurs  de  la 
Republique  de  Gênes  ,  ont  pillé 
les  Ecrits  de  Caffaro  8c  de  fes  Con- 
tinuateurs ,  aulii-bicn  que  ceux  de 
George  &c  de  Jean  Stella,  &  que 
c'eft  principalement  fur  ce  fonds 
qu'ils  ont  bâti  leur  Hiftoire  fans 
cependant  en  taire  aucune  men- 
tion. 

On  fera  bien  aife  de  retrouver- 
ici  les  fources  où  ils  ont  puifé  ; 
fources  d'autant  plus  précieufes 
qu'elles  font  plus  pures ,  &  moins 
altérées  par  le  tems. 

La  dernière  Pièce  de  ce  Volume 
eft  intitulée  :  petite  Chronique  de 
Ripalta.  Elle  eft  en  effet  très-cour- 
te, &  contient  à. peine  quatre  co- 
lonnes d'impreflîon  ;  M.  Muratori 
avoiie  que  le  fil  de  la  Chronique  y 
eft  continuellement  interrompu  ;  il 
s'exeufe  fur  ce  que  la  diferte  où 
l'on  eft  d'Ecrivains  qui  traitent  de 
ce  qui  regarde  l'Hiftoire  Piémon- 
toife  l'oblige  de  mettre  tout  à  pre-* 


M   A  Y 

fit.  îl  nous  apprend  en  même  tems 
que  Ripalta  eft  un  Village  fitué  à 
quatre  lieues  de  Turin.  Il  y  avoit 
«in  ancien  Monaftere  dont  il  eft 
queftion  dans  cetteChroniqueton  y 
voit  encore  aujourd'hui  des  Moi- 
nes de  Cîteaux  qui  dans  la  fuite 


des  tems  ont  été  fubftitués  aux  Bé- 
nédictins :  il  eft  probable  que  cette 
efpece  de  Chronique  aura  été  écrite 
par  quelque  Moine  de  cette  Ab- 
baye ;  elle  commence  en  1195.  & 
finit  en  1 40  j . 


NOWELLES   CLASSE  DES  MALADIES  y    DANS  VN 

ordre  fanblable  à  celui  des  Botanifles  ,  comprenant  les  genres  &  les  efpeces 
de  toutes  les  maladies  y  avec  leurs  fignes  &  leurs  indications.  Par  Sauvages 
de  la  Croix  ,  Dolleiiren  Médecine  de  la  Faculté  de  Montpellier  3  dr  cor- 
refpondant  de  la  Société  Royale  des  Sciences.  A  Avignon  ,  chez  B.  d'A- 
vanville  t  Imprimeur  ,  près  la  Place  Saint  Didier.  1733.  vol.  ih-i%, 
pp.  450. 


IL  en  eft  des  maladies  comme 
des  plantes ,  le  nombre  des  unes 
&  des  autres  eft  prodigieux  :  mais 
on  peut  dire  avec  notre  Auteur,que 
celui  des  maladies  paroît  encore 
plus  grand  ,  &  quand  il  ne  s'agi- 
roit  que  de  celles  qu'on  nomme 
épiuémiques  ,  combien  ,  remar- 
quer il,  n'en  voit-on  pas  chaque 
année  ,  dont  les  caractères  ,  quoi- 
que femblablcs  en  apparence ,  font 
11  difterens  que  telle  méthode  qui 
l'année  d'auparavant  aura  réuftl 
dans  certaines  maladies  du  même 
nom  ,  y  fera  mortelle  l'année  d'a- 
près ,  ce  qui  fait  dire  au  grand  Sy- 
denham  :  malheur  aux  malades  qui  y 
en  tels  cas  '  tombent  les  premiers  entre 
nos  mains ,  ils  courent  rifque  d'ejfuyer 
dé  funefles  expériences ,  &  nos  rai- 
fonnemens  ne  fçauroient  les  mettre  à 
l'abri.  Ces  maladies  cependant  , 
ajoute  M.  de  la  Croix  ,  quelque 
nombreufes  qu'elles  foient  ,  ne 
vont  pas  à  l'infini  ;  le  nombre  en 
eft  fixe  ainfi  que  celui  des  plantes  ; 


Se  s'il  ne  l'étoit  pas  ,  pourroit  -  on 
reconnoître  comme  on  fait  au- 
jourd'hui ,  tant  de  fortes  de  mala- 
dies décrites  par  les  anciens  Méde- 
cins foit  Grecs  ou  Arabes  ?  On  voit 
la  pleurefie  ,  la  petite  -  vérole  ,  la 
fièvre-quarte  arriver  chacune  dans 
les  faifons  qu'ils  ont  marquées. 
Leurs  durées  ,  leurs  révolutions 
font  les  mêmes  que  celles  qu'ils  ont 
décrites,  à  moins ,  comme  s'expli- 
que notre  Auteur ,  que  les  joins  tur- 
bulens  du  Aiedecin  ne  dérangent  la 
nature.  Car  M.  de  la  Croix  recon- 
noît  que  la  méthode  qu'on  fuit  or- 
dinairement dans  le  traitement  de 
ces  maladies  ,  leur  fait  fouvent 
changer  de  lace  ;  mais  il  en  eft 
de  cela  ,  félon  lui ,    comme    des 

Sdantes  ,  que  le  tranfport ,  la  culture y 
a  diverfï  é  des  climats  '  &  les  varia- 
tions de  l 'air  font  un  peu  dégénérer , 
mais  jamais  au  point  de  leur  faire 
changer  de  genre  ,  &  de  les  rendre 
mêconnoijf.ibles. Les  plus  fameuxpra- 
îiciens  ,  ajoute  M.  de  la  Croix ,  font 


3o2  JOURNAL  D 

garons  de  ce  que  je  dis}&  il  refte  prou- 
vé que  le  nombre  des  maladies  &  des 
fiantes  efl  infini ,  que  l'on  en  peut 
marquer  les  caratleres  invariables  , 
&  faire  même  la  defcription  de  cha- 
cune de  leurs  efpeces  ,  quand  la  natu- 
re n'a  point  été  troublée  dans  leur  for- 
mat ion. 

Noue  Auteur  conclut  de  -  là 
qu'on  peut  réduire  à  certains  gen- 
res .  à  certaines  efpeces  ,  Se  à  cer- 
taines clafles  ,  toutes  les  maladies 
fans  exception  ,  comme  on  réduit 
toutes  les  plantes.  On  obje&era 
peut-être  que  la  plupart  des  mala- 
dies ne  font  que  des  efforts  de  la 
nature  qui  tend  à  fe  rétablir,  Se  que 
fi  on  les  examine  bien  on  verra 
qu'elles  peuvent  toutes  fe  rappor- 
ter à  une  feule ,  qui  eft  la  fièvre.  M. 
de  la  Croix  fe  fait  l'objeclion  ,  &c  il 
répond  que  toutes  les  plantes  peu- 
vent pareillement  être  comprifes 
fous  un  feul  genre  ,  qui  eft  celui  de 
végétal  compofé  de  racines  ,  de 
fleurs  de  feuilles }  Sec. 

Philippe  Nenter  a  tenté  de  rer 
duirc  les  maladies  fous  diverfes 
clafles  ;  mais  fa  méthode  ,  à  ce  que 
remarque  notre  Auteur  ,  a  un 
grand  nombre  de  défauts ,  dont  le 
plus  confiderable  eft  de  mettre  en- 
femblc  des  maladies  qui  n'ont  au- 
cun rapport,  comme  l'Apoplexie, 
la  paralyfie  j  avec  la  chute  du  fon- 
dement Se  l'ongle  des  yeux  s  le  tin- 
touin des  oreilles  avec  la  mélan- 
cholie  ;  de  plus  fes  genres  Se  fes 
clafles  entrent  les  uns  dans  les  au- 
tres. Nenter  fuit  l'ordre  des  caufes 
qui ,  à  ce  que  prétend  M.  de  la 
Croix  ,  eft  un  ordre  défectueux  } 


ES  SÇAVANS, 

enfin  il  ne  fait  nulle  mention  des 
efpeces  -,  les  efpeces  cependant 
étant  ce  qu'il  y  a  de  plus  eflentiel  à 
connoître  dans  les  maladies. 

M.  de  la  Croix  aceufe  ici  tous  les 
Médecins  d'avoir  négligé  cette 
connoiflance  ,  Se  cela  fuppofé  ,  il 
les  compare  à  ces  Payfans  qui  con- 
fondent fous  un  nom  général  30 
fortes  de'plantes  differentes,fe  con- 
tentant d'appeller  les  unes  faunes  , 
les  autres  bâtardes  ,  comme  fi  elles 
n'étoient  pastouteslégitimt;.  Pour 
confirmer  fa  comparaifon ,  il  cite 
l'exemple  de  la  pleurefie  ,  que  les 
Médecins  fe  contentent  de  diftin- 
guer  en  vraye  Se  en  faufle  ,  fans  fai- 
re attention  qu'entre  les  pleurcfies 
il  y  en  a  de  pulmor.iquts ,  àefioma- 
chiques  ,  de  catharrales  ,  de  gouteu- 
fes  de  médiaflines ,  de  diaphragma- 
tiques  ,  de  dorfales  de  péricardiai- 
res ,  de  rheumatiques ,  à'idiopatiques  ■ 
de  fympatiques ,  à'erjtpétaeitfes  ,  de 
malignes ,  de  pejlilentielles  j  toutes 
efpeces  qui  ne  fçauroient  être  com- 
prifes fous  la  fimple  diftindion  de 
pleurefies  vrayes  Se  de  pleurefies 
faunes  ,  Se  qui  demandent  toutes 
des  traitemens  differens.  Voila 
pour  ce  qui  regarde  les  pleurefies. 
Mais  à  l'égard  des  fièvres ,  de  com- 
bien de  fortes  ne  font-elles  pas  ?  Se 
fi  un  Médecin  remarque  notre 
Auteur  ayant  à  traiter  une  fièvre 
produite  par  un  coup  de  Soleil ,  la 
traitoit  de  la  même  manière  qu'une 
fièvre  produite  par  le  vin  ,  par  le 
jeûne,  par  quelque  excès  de  colère, 
ou  par  le  froid  ,  à  quels  dangers 
n'expoferoit -il  pas  un  malade  ?  Si 
tout  de  même  ,  pourfuit  -  il ,  les 


Maîtres  de  l'Art  ;  chargés  d'in- 
ltruire  les  jeunes  Médecins  ,  leur 
donnoient  des  méthodes  ou  routi- 
nes générales ,  pour  traiter  indiffé- 
remment toutes  les  maladies  de 
même  nom  ,  comme  Ci  elles  n'a- 
voient  qu'une  ou  deux  efpcces , 
dans  quelles  erreurs  dangereufes  ne 
les  jetteroient-ils  pas  ?  on  les  voit 
cependant,  dit-il ,  ces  Maîtres  de 
l'Art  ,  conclure  généralement 
dans  des  Théfes  &  fans  beaucoup 
de  diftinction  :  ergo  vomitui  vomi- 
tus  >  ergo  chlorofî  martialia  j  Sic. 
Comme  fi  de  vingt  cfpeces  de  ces 
maladies  ,  il  ne  s'en  trouvoit  pas 
plus  de  quinze  où  ces  remèdes  peu- 
vent être  dangereux  ?  tout  cela  lait 
voir  qu'il  manque  à  la  Médecine 
une  Hiftoire  générale  &:  exacte  des 
maladies  ,  laquelle  comprenne 
routes  leurs  différentes  efpeces. 

On  a  ,  il  eft  vrai  ,  d'excellens 
Ouvrages  fur  quelques  genres 
de  maladie ,  comme  ceux  de  L. 
Aloifius  fur  les  vénériennes  ,  de 
Morton  fur  les  phthifiques,de  Muf- 
grave  fur  la  goûte ,  de  Sydcnham 
fur  les  vapeurs  ,  d'Albert  fur  les 
hémorrhoïdes ,  &c.  Mais  M.  delà 
Croix  remarque  que  ces  Traitez  ne 
fumfent  pas ,  &  qu'il  faut  à  la  Mé- 
decine une  Hiftoire  générale  y  dont 
la  méthode  puifie  faire  apperce- 
voir  d'un  coup  d'ceil  Se  diftinguer 
d'avec  leur  femblables,  toutes  les 
■  maladies  du  corps  humain  ,  celle 
des  animaux  même  &  des  plantes  ; 
.car  enfin  ,  dit  notre  Auteur,  U  Mé- 
decine eft  l'jirt  de  cennoitre  &  de 
guérir  tous  les  maux  des  corps  vivons 
dent  Us  hvmmes  ne^ont  quune  efpece. 


M  A  Y  ;    175  4-  30* 

Mais  une  telle  méthode  eft  très-dif- 
ficile à  trouver.  On  en  connoît trois 
générales  ,  fçavoir  la  Méthode  Al- 
phabétique ,  la  Méthode  /tthiolo- 
gique,  &  la  Méthode  Anatomique. 
La  première ,  fçavoir  l'Alphabéti- 
que qui  eft  celle  de  M.  Manget,  Se 
de  quelques  autres ,  range  les  ma- 
ladies ,  félon  les  Lettres  initiales  de 
leurs  noms,  foit  Grecs',  Latins,  ou 
autres-,  mais  ces  noms  étant  des 
lignes  arbitraires  Se  variables  ,  ne 
fçauroient  donner  aucune  lumière 
fur  la  nature  ,  fur  le  prognoftic,  ni 
furies  indications  des  maladies.  La 
féconde  Méthode  ,  fçavoir  1V£- 
thiologicjue  ,  qui  eft  celle  de  Junc- 
ker ,  de  Nenter ,  &  de  Boërhaave  , 
dans  laquelle  on  fuit  l'ordre  des 
caufes  ou  prochaines,  ou  éloignées., 
eft  fujette  à  des  grands  inconve- 
niens  ,  vu  qu'elle  eft  fondée  fur 
des  caufes  fouvent  chyrneriques  s 
telles  que  font ,  fuivant  notre  Au- 
teur 5  les  caufes  chymiques  ou 
phyfiques.  La  troifiéme  Méthode  , 
qui  eft  l'Anatomique  ,  où  l'on  fuit 
l'ordre  des  parties  malades  ,  &  qui 
eft  la  Méthode  de  Sonnert,  de  Ri- 
vière Se  de  plufieurs  autresAuteurs, 
divife  les  maladies  en  externes  Se 
en  internes;  les  unes  &  les  autres 
en  celles  de  la  tète  ,  du  col,  de  ta 
poitrine  ,  du  bas- ventre  ,  8c  desek- 
trémitez  ;  après  quoi  viennent  les 
maladies  univerfelles  ,  comme  la 
fiewe  ,  la  jauniffe  ,  &c.  Mais  cette 
Méthode  a  aulli  de  grands  inconve- 
niens,uHe  même  partie  étant  fujette 
à  des  maladies  toutes  différentes. 

Quelle  «ft  donc,  félon  notre  Au- 
teur  }  la  Méthode  la  plus  fuie  &  la 


$04.       JOURNAL     DE 

plus  facile  pour  découvrir  la  mala- 
die qu'on  cherche  à  connoître  ?  La 
voici  ;  c'eft  de  fuivre  l'ordre  fymp- 
tomatique,  c'eft  -  à  -  dire  de  ranger 
les  maladies  fuivant  leurs  fymptomes 
ou  phénomènes  évidens  ^confiant  &  ef- 
fentiels-.,  mettant  dans  chaque  clajfe 
toutes  les  maladies  dont  les  figues  oh 
fymptomes  évidens  &  pathognomoni- 
tjues  font  les  mêmes. 

Dans  cet  ordre  notre  Auteur  di- 
vife  les  maladies  en  internes  ,  ou  mé- 
dicales •■,  &  en  externes ,  ou  Chirur- 
gicales, n  Les  Médicales  font  ou 
»  aiguës  ou  chroniques  -,  les  aiguës 
*>font  ou  univerfelks  comme  les 
»  fièvres  &  les  maladies  inflamma- 
*■  toires  ,  ou  particulières  comme 
«les  évactiatoires  &  les  paralytiques. 
Quatre  autres  dalles  comprennent 
les  maladies  chroniques  ,  fçavoir 
les  maladies  convulhves  ,  les  mala- 
dies d'efprit ,  les  maladies  doulou  • 
reufes,  &  les  maladies  cachectiques. 

Les  affections  chirurgicales  font 
comprifes  dans  la  clalîe  des  mala- 
dies fuperficiaires  ,  <:'eft-à  dire  qui 
tttaquentla  peau  ;  &des  maladies 
dialytiques  ,  c'eft-à-direoù  il  y  a  fo- 
lution  de  continuité. 

Pour  montrer  laquelle  de  ces 
quatre  Méthodes  eft  la  plus  propre 
à  faire  connoître  tout  d'un  coup  & 
fans  embarras,  chaque  maladie ,  fes 
efpeces  ,  fes  fignes  diagnoftics  &: 
prognoftics,  fes  indications  géné- 
rales, M.  de  la  Croix  fuppofe  deux 
malades ,  dont  l'un  cft  jaune  par 
tout  le  corps  ,  nefent  point  de  fiè- 
vre ,  &  n'allègue  d'autre  caufe  de  fa 
maladie  qu'un  mouvement  de  co- 
lère ,  &  l'autre  cft  couché  comme 


S     SÇAVANS, 

à  demi  mort ,  fans  mouvement  ni 
fentiment ,  a  le  .poiilx  élevé  oc  la 
refpiration  gênée. 

A  l'égard  du  premier,  un  jeune 
Médecin  qui  fera  appelle  pour  le 
traiter ,  &  qui  voudra  connoître 
ce  que  c'eft  que  cette  maladie  dont 
on  fuppofe  qu'il  ignore  jufqu'au 
nom,  feuillettera  avec  foin  fes  Au- 
teurs :  Ceux  qui  rangent  les  mala- 
dies fuivant  l'ordre  alphabétique  , 
lui  feront  inutiles  ,  puifque  le  nom 
même  de  ce  mal  lui  eft  inconnu  , 
ceux  qui  les  rangent  félon  l'ordre 
des  caufes  ,  ne  lui  feront  pas  d'un 
plus  grand  lecours  ;  ils  lui  appren- 
dront qu'il  y  a  trente  ou  quarante 
maladies  que  la  colère  peut  produi- 
re ,  &c  cela  ne  le  rendra  pas  plus 
fçavant  pour  traiter  celle-ci.  L'or- 
dre Anatomique  lui  fera  juger  que 
cette  maladie  eft  univerfelle,maisil 
ne  la  trouvera  pas  dans  cette  clafie, 
au  lieu  que  fi  ce  jeune  Médecin  a 
quelque  idée  de  la  Méthode  que 
notre  Auteur  propofe  dans  fon  Li- 
vre ,  il  découvrira  tout  d'un  coup 
que  c'eft  une  maladie  de  la  huitiè- 
me clafle,  de  la  Section  cachetliques 
à  couleurs  dépravées ,  en  forte  qu'il 
n'aura  qu'à  examiner  fi  c'eft  une 
chlorofe ,  un  iclerenoir ,  une  cache- 
xie ,  ou  i'aurigo  ,  ce  qui  fe  fera  d'un 
coup  d'œil ,  &  en  même  tems  il 
verra  que  c'eft  aurigo  ,  ab  animi  pa- 
themate.  Il  n'aura  ,  dirat-on  ,  qu'à 
recourir  aux  maladies  du  loye  Se  e* 
cela  l'ordre  Anatomique  lui  fera 
utile  ;  mais  le  roy€  ,  à  ce  que  re- 
marque ici  notre  Auteur ,  eft  fou- 
vent  innocent  de  ce  mal  ;  &  l'on 
n'eft  nullement  fur  que  la  bile  en 
foit 


M  A 

(bit  la  caufe  :  au  lieu  que  dans  h 
Méthode  de  M.de  la  Croix  le  jeune 
Médecin  verra  tout  de  fuite  la  na- 
ture du  mal ,  &  comparant  toutes 
lesefpecesenfcmble ,  Si  les  confé- 
rant avec  ce  que  les  Auteurs  cités 
en  italique  à  ce  fujet  ont  dit  de 
chacune  ,  il  verra  tout  d'un  coup 
le  prognoftic  ,  les  indications  &  les 
remèdes  fpécifiques  ,  tant  com- 
muns à  toute  la  dafTe ,  &  à  la  kc- 
tion,que  propres  au  genre  &  à  l'ef- 
pece.  Mais  enfin  quand  on  pour- 
roit  découvrir  aifément  que  c'eft 
une  maladie  du  foye ,  cette  con- 
noilTance  générale  n'apprendroit 
rien.  Le  vifcere  dont  il  s'agit  eft  en 
ce  cas ,  fans  tumeur  ni  dureté.  Les 
faignées  ,  les  ratraîchiflans  font 
ici  indiqués  ;  plutôt  que  les  hépati- 
ques ,  de  plus  le  foye  eft  fujet  à 
vingt  maux  de  différente  nature. 

Quant  au  fécond  malade,  qui 
eft  étendu  comme  demi  -  mort , 
dont  le  pouls  eft  élevé ,  &  la  refpi- 
ration  gênée,  M.  de  la  Croix  de- 
mande comment  un  Novice  en 
Médecine  pourra  découvrir  ce  que 
c'eft  que  ce  mal,  en  fuivant  ou  l'or- 
dre alphabétique  ou  l'ordre  bizarre 
des  caufes ,  ou  l'ordre  Anatomi- 
que.  Quant  à  l'ordre  Anatomique  , 
cet  ordre  lui  apprendra  que  c'eft 
«ne  maladie  de  la  tête  ,  ce  qui  fup- 


pofe  cependant  bien  des  raifonne- 
mens  &c  des  connoiffances  ;  mais 
que  lui  fervira  cette  connoiflanec  , 
puifque  les  convulfions,  la  phre- 
nefîe ,  la  manie  en  font  aufîî  ,  quoi- 
que de  nature  toute  différente. 
Mais  l'ordre  fymptomatique  ne  de- 
mande que  la  vue  ou  un  léger  exa- 
men du  malade  ,  lequel  fe  plaint 
fouvent  lui  -  même  du  principal 
fymptome  que  l'on  cherche ,  & 
qui  caraderife  la  maladie. 

Cette  Méthode  de  M.  de  la 
Croix  eft  divifée  en  dix  clalTes  ;  la 
première  eft  des  fièvres  (impies  ,  la 
féconde  des  maladies  inflammatoi- 
res ou  fièvres  avec  inflammation  t 
la  quatrième  des  paralyfies,  Se  des 
maladies  foporeufes ,  la  cinquième 
des  maladies  convullives ,  la  fixié- 
mc  de  celles  de  l'efprit  ,  la  feptié- 
mc  des  maladies  douloureufes  ,  la 
huitième  des  cachectiques ,  la  neu- 
vième des  fuperficiaires  ,  Se  la  di- 
xième des  affections  où  il  y  a  folu- 
tion  de  continuité  ,  chaque  claffe 
eft  fubdivifée  en  plusieurs  fections, 
&  à  mefure  que  l'Auteur  cite  une 
maladie  ,  il  rapporte  en  abrégé  ce 
que  les  Auteurs  en  ont  dit,  leurs 
indications  ,  leurs  fignes  &  leurs 
remèdes  ;  ce  qui  ne  peut  manquer 
d'être  d'une  grande  utilité  aux  jeu- 
nes Médecins. 


Maj. 


Ht 


1o6  JOURNAL    DES    SÇAVANS, 


NOVVELLES     LITTERAIRES. 


ITALIE. 
Di  Trevise. 

G  A  S  P  A  R  Pianta  ,  Libraire 
de  cette  Ville  ,  imprime  par 
Soufcription  une  Traduction  Ita- 
lienne de  l'Hiftoire  de  la  Médecine  , 
publiée  en  François  par  M.  le  Clerc 
&  en  Anglois  par  M.  Freind.  Cette 
Traduction  fera  en  deux  Volumes 
in  folio  ,  dont  le  premier  contien- 
dra l'Hiftoire  de  la  Médecine  par 
M.  le  Clerc  ,  avec  la  Lettre  du  mê- 
me M.  le  Clerc  à  M.  Freind,  impri- 
mée en  17*7.  dans  la  féconde  Par- 
tie de  la  Bibliothèque  ancienne  & 
moderne.  Le  fécond  Volume  eft  de- 
ftiné  pour  l'Hiftoire  de  M.  Freind. 
La  Soufcription  de  tout  l'Ouvrage 
dont  on  promet  de  donner  le  pre- 
mier Volume  dans  le  courant  de 
cette  année  ci ,  eft  de  37  livres  de 
Venife  :  ceux  qui  n'auront  pas 
fcufcric  en  payeront  50  livres. 

ALLEMAGNE. 

De  Ham  bourg» 

Abraham  Vandenhoeck.  débite 
fous  le  nom  de  Londres  une  Edi- 
tion m»-4°.  des  Poëfies  de  Sapho  pu- 
bliée par  le  célèbre  M.  Wolfim  pro- 
fefleur  de  l'Univerfité  de  cette  Vil- 
le ,  fous  ce  titre  :  Safphns  ,  Poetria 
JLefbi*  3  fragmenta  &  tlogia  quoi 


qnot  in  Autloribus  Antiquis  Grach 
&  Latinis  reperiuntur,  cum  Viromm 
Dottor;im  noin  integris  ,  cura  &flu- 

dio  Jo.  Chriftiani  Wolfii qui 

vitam  Sapphonis  &  indices  adjecit. 
Londini  ,  apud  Abrahamum  Van- 
denhoeck.  1733. 

ANGLETERRE. 

De   Londres. 

M.  le  Docteur  fVilkJns ,  Archi- 
diacre de  Sujfolk^  a  entrepris  depuis 
plufieurs  années  de  donner  au  pu- 
blic une  Collection  complette  des 
Conciles  de  la  grande  Bretagne ,  & 
de  l'Irlande ,  &  des  Conftitutions 
ou  autres  Monuniens  qui  peuvent 
regarder  l'Hiftoire  de  l'Eglife  An- 
glicanne.  Or.  vient  de  propofer 
l'imprcffion  de  cet  Ouvrage  par 
Soufcription  fous  ce  titre  :  Concilia 
Magna  Britannis.  &  Hibernin  i 
Synodo  Verulamenfi  A.  D.  44a".  ad 
Lendinenfem  A '.  D.  17 17.  Accédant 
Conjiitutiones  &  alla  ad  Htjîoriam 
£cclefi&  AnglicamfpeUantia. 

Il  y  aura  quatre  Volumes  in-felio^ 
dont  le  prix  eft  de  fix  guinées  pour 
hs  Soufcriptcurs  ,  qui  en  payeront 
la  moitié  en  fouferivant  &  l'autre 
moitié  en  recevant  l'exemplaire  en. 
feuilles. 


MAY 

HOLLANDE. 

D'A  MSTBRDAM. 

J.  Frédéric  Bernard  a  mis  en 
vente  YHiftoire  Critique  de  Mani- 
chie  &  du  Manicbéifme  ,  par  M. 
de  Beaufobre.  1734.  '#-4°. 

FRANCE. 

De     Paris. 

M.  Gayot  de  Pitaval ,  toujours 
occupé  du  foin  d'inftruire  le  pu- 
blic en  l'amufant ,  vient  de  donner 
deux  nouveaux  Volumes  des  Cau- 
fes  célèbres  &  interejptntes  ,  avec  les 
Jugemens  qui  les  ont  décidées.  Chez 
Théodore  le  Cras}  au  Palais.  1734. 
m  1 2.  le  débit  rapide  des  deux  pre- 
miers Trimes  de  cet  Ouvrage  n'eft 
pas  un  médiocre  préjugé  en  raveur 
de  ces  deux  ci ,  qui  pourront  bien 
n'être  pas  les  derniers. 

On  trouve  chez  Nicolas  le  Clerc, 
rue  de  la  vieille  Bouderie  ,  &  chez 
Mercier ,  rue  S.  Jacques  ,  au  Livre 
d'or ,  Lettres  Edifiantes  &  curieufes 
écrites  des  Mi  fions  étrangères  ,  far 
quelques  Mijjionnaires  de  la  Compa- 
gnie de  Jefus.  xxie  Recueil.  1734. 
in  -  iz. 

Les  Vies  des  Saints  F  ères  des  De- 
ferts  y  &  de  quelques  Saintes ,  écri- 
tes par  des  Pères  de  FEglife  ,  & 
autres  anciens  Auteurs  Ecclefiafti- 
ques  Grecs  &  Latins.  Traduites  en 
François  par  M.  Arnauld  eHAndiUy. 


»  *7  34-  J07 

Nouvelle  Edition.  Chez  Louis 
JoJ/ê  %  rue  S.  Jacques  ,  à  la  Cou- 
ronne d'Epine.  1733.  in-%°.  trois 
Volumes. 

Les  Souverains  du  Monde.  »  Ou- 
ïs vrage  qui  fait  connoître  la  Gé- 
«néalogie  de  leurs  Maifons,  Fé- 
»  tendue  &  le  gouvernement  de 
»  leurs  Etats ,  leur  Religion  ,  lcms 
»  revenus ,  leurs  forces ,  leurs  ti- 
»  très  ,  les  lieux  de  leurs  refidences, 
»  leurs  prétentions ,  leurs  Aimoi- 
»  ries  ,  &  l'origine  hiftorique  des 
»  Pièces  ou  des  Quartiers  qui  les 
»  compofent.  Avec  un  Catalogue 
»  des  Auteurs  qui  en  ont  le  mieux 
t>  écrit.  Nouvelle  Edition ,  corrigée, 
augmentée  &conduite  jufqu'àla  fin 
de  l'année  1733.  Chez  G.Cavelier 
rue  S.  Jacques ,  au  Lys  d'or.  1754, 
ift-11.  cinq  Volumes. 

Le  même  Libraire  a  imprimé 
Traité  de  Chimie  ,  contenant  la  ma- 
nière de  préparer  les  remèdes  qui 
font  les  plus  en  ufage  dans  la  pra- 
tique de  la  Médecine.  Par  M.  Ma- 
louin,  Do&eurRégent  de  la  Faculté 
de  Médecine  de  Paris.  1734.  in-i  2. 

Les  Amours  de  Clitophon  &  de 
Leucippe  ,  Traduction  libre  du 
Grec  d'Achilles  -  Tatius.  Avec  des* 
Notes ,  par  le  Sieur  D  *  *  *  D  *  **. 
Chez  André  François  le  Breton  3  rue 
de  la  Harpe,  au  S.  Efprit.  1734. 
in-  11. 

Le  Payfan  parvenu  ,  ou  les  Mé- 
moires de  M  *  *  *.  par  M.  de  Ma- 
rivaux. Chez  Prault  perc,  Quai 
de  Gêvres.  1734.  init, 


;o8 


TABLE 

Des  Articles  contenus  dans  le  Journal  de  May  1734. 

Hifloire  des  Empires  &  des  Républiques  ,  &c.  page   2$* 

Hifloire  de  l'Empire  dis  Cherifs  en  Afrique ,  &».  z6o 

La  Chronique  ou  Annales  de  Gofweich ,  &c  169 
Hifloire  Critique  de  l'établijfcment  de  U  Monarchie    Frattfcife  dans  les 

G  Aid;  s ,  8cc.  27 2 

Traité  Phyjîque  &  Hiflorique  de  l'Aurere  Boréale  ■  287 

Recueil  des  Ecrivains  de  l 'Hifloire  d'Italie  t  &c.  Tome  XVII.  297 

Nouvelle  Claffe  des  Maladies  ,  &c.  301 

Ne  us  die  s  Littéraires ,  %*>( 

Fin  de  U  Table. 


L  E 


JOURNAL 

CAVANS 

0 

POUR 

L'ANNEE     M.    DCC.    XXXIV- 

JUIN. 


A      PARIS, 

Chez     CHAUBERT,    à  l'entrée   du  Quay   des 

Auguftins,  du  côté  du  Pont  Saint  Michel,  à  la 

Renommée  &  à  la  Prudence. 

M.    DCC.   XXXIV. 
AVEC  APPROBATION  ET   PRIVILEGE  DU  ROY. 


LE 


JOURNAL 

DES 

SCAVANS 

3 

JUIN   M.  DCC.    XXXIV. 

HISTOIRE  DE  L'EMPIRE  DES  CHERIFS  EN  AERIQVE  , 
fa  Defcription  Géographique  &  Hijlortque  ;  la  Relation  de  la  prije  d'O- 
ran  ,  par  Philippe  V.  Roi  d'Efpagne  ,  avec  l'abrégé  de  la  Vie  de  M.  de 
Sainte  -  Croix  ,  ci-devant  Ambaffadeur  en  France  ,  &  Gouverneur  d'O- 
ran  depuis  la  prife  de  cette  ViUe  ;  Ornée  d'un  plan  très-exatl  de  la  Ville 
d'Or  an ,  &  d'une  Carte  de  l'Empire  des  Cherifs.  Par  M.  *  *  *.  A  Paris, 
chez  Prault  père  ,  Quai  de  Gêvres ,  au  Paradis.  1733.  vol.  in  -  12. 
divifé  en  deux  Parties ,  pages  354. 


Juin. 


Sfij 


jia  JOURNAL  DE  S  SÇAVANS, 


ON  a  vu  dans  le  Journal  pré- 
cèdent l'Extrait  de  la  Des- 
cription Géographique  &  Hiflori- 
que  de  l'Empire  des  Cherirs  ;  il 
nous  refte  à  prefent  à  donner  celui 
de  1  Fliftoirc  de  ce  même  Empire. 
Elle  eft  divifée  en  deux  Parties. 
Nous  parlerons  de  chacune  dans 
un  Journal  à  part. 

Un  Prince  de  la  famille  des  Mé- 
rinis ,  nommé  Abdulach  ,  s'étant 
rendu  maître  des  Royaumes  de 
Tremézen  &  de  Fez  ,  (  l'Hiftorien 
ne  dit  point  en  quel  tems  )  mit  la 
Royauté  dans  fa  famille. Ses  Succef- 
feurs  choifirent  Fez  pour  Capitale 
de  leur  Empire,  &  mirent  à  Maroc 
des  Gouverneurs  qui  dépeuplèrent 
cette  grande  Ville  par  leur  avarice 
&  par  leur  cruauté.  Les  Oatazes 
régnèrent  après  les  Mérinis  ,  & 
leur  mauvaife  adminiftration  ruina 
la  Partie  de  l'Afrique  dont  ils 
étoient  Souverains.  Les  Cherits  les 
chalTerent  du  Trône  ,  &  y  montè- 
rent. Le  premier  des  Cherifs,  dit 
notre  Auteur  ,  fut  Hafcen  ,  natif 
de  la  Ville  deTigumedcs  en  Nu- 
midie  ,  homme  ambitieux  ,  qui 
pour  gagner  les  Peuples  affecta  des 
dehors  de  pieté  qui  le  mirent  en 
grande  considération.  L'éclat  du 
Trône  le  frappa  ;  Se  il  refolut  d'en 
illuftrer  fa  Maifon.  Il  commença 
d*abord  par  fc  parer  d'une  haute 
naiflance ,  en  fe  faifant  defeendre 
des  premiers  Cherifs  &  de  Maho- 
met même  :  Sur  quoi  nous  remar- 
querons que  l'Hiftorien  qui  dit  ici 
qu'Afcen  fe  faifoit  defeendre  des 
premiers  Cherifs ,  vient  cependant 


de  dire  que  ce  même  Afcen  fut  le 
premier  des  Cherifs  ;  c'eft  toute  la 
refiexion  que  nous  ferons  là-de(Tus, 
Afcen  avoit  trois  fils  qu'il  fouhai- 
toit  faire  monter  aux  plus  grands 
honneurs  ,  Abdelquivir  ,  Hamet , 
&  Mahamet.  Il  leur  rit  faire  le 
voyage  de  la  Mecque  ,  pour  les 
rendre  plus  refpeetables  aux  yeux 
du  peuple.  De  ces  trois  fils,  Ab- 
delquivir étoit  lemoins  ambitieux, 
mais  les  deux  autres  profitant 
mieux  que  leur  aîné  ,  des  inftruc- 
tions  de  leur  perc  ,  ne  fondèrent 
qu'à  s'aggrandir  à  quelque  prix, 
que  ce  fût.  C'eft  fur  eux  principa- 
lement que  roule  la  première  Par- 
tie de  cette  Hiftoire ,  &  c'eft  à  ce 
qui  les  concerne  que  nous  nous 
bornerons  ici. 

Au  bout  de  quelque  tems  les 
trois  frères  arrivèrent  de  la  Mec- 
que ,  &  le  peuple  qui  s'étoit  déjà 
déclaré  en  laveur  du  pe*e  ,  courut 
au  devant  d'eux  baifer  le  bas  de 
leur  vefte.  Ceux-ci  defirant  aug- 
menter ,  s'il  étoit  poiîîble  ,  leur 
grande  réputation  ,  feignirent  d'a- 
voir des  raviflemens  &  des  entou- 
fiafmes,  ce  qui  leur  réunit  à  gré. 
Afcen  crut  qu'il  étoit  tems  de  faire 
éclorre  fes  dedans.  Hamet  cV  Ma- 
hamet aufquels  il  avoit  enfeigné 
la  Magie, reçurent  ordre  de  lui  d'al- 
ler à  la  Cour  de  Mahamet  Oatas 
qui  regnoit  alors  à  Fez  :  à  peine 
les  deux  frères  y  furent-ils  arrivés 
que  Mahamet  fut  choiiî  pour  Pré- 
cepteur des  enfans  du  Roi ,  &  Ha- 
met pour  remplir  une  Chaire  de 
Profefleur  dans  le  Collège  de  Mo- 
radafç:. 


JUIN 

Quoiqu'ils  flirtent  tous  deux 
très-capables  de  fuivre  par  eux  mê- 
mes les  intentions  ambitieufes  de 
leur  père  ,  Hafcen  était ,  fans  le 
paroîtrc  ,  Panie  quidirigcoit  tous 
leurs  mouvemens.  Ils  écoutoient 
docilement  fes  Confcils  ,  &  fui- 
voient  la  route  qu'il  leur  traçoit. 

Mahamct  chargé  de  l'éducation 
des  entans  du  Roi ,  s'attacha  parti- 
culièrement à  celui  qui  devoit  ré- 
gner un  jour,  6c  par  fes  manières 
insinuantes  il  fe  fit  beaucoup  aimer 
de  ce  jeune  Prince. 

La  Tingitane  ctoit  dans  ce  tems- 
là  divifée  par  la  difeorde  de  fes 
Princes  ;  &  de  plus ,  défolée  par 
les  ravages  que  Ls  Portugais  y  fai- 
foient.  Hafcen  toujours  attentif  à 
faifir  l'occafion  de  faire  la  fortune 
de  fes  enfans  ,  confeilla  à  fes  deux 
fils  de  demander  au  Roi  de  fortes 
troupes  pour  encourager  le  peuple 
à  fe  défendre  vaillamment  contre 
les  Portugais  ,  &  à  combattre  avec 
zélé  pour  la  Loi  de  Mahomet. 
Mahamet  Se  Amet ,  félon  le  con- 
feildeleur  père,  reprefenterent au 
Roi  qu'étant  Cherifs  ,  &  defeen- 
dans  de  Mahomet  ,  ce  Prophète 
trouveroit  en  eux  de  zélés  défen- 
feurs  de  fa  Loi  ;  qu'il  étoit  de  l'in- 
térêt du  Roi  d'exciter  les  Arabes  à 
prendre  les  armes ,  &  que  les  peu- 
ples voyant  la  veix  du  Souve- 
rain unie  à  celle  des  Cherifs  ,  tra- 
vailleroient  avec  ardeur  à  la  con- 
fervation  de  leur  Pays  &  de  leur 
Religion.  Ils  lui  firent  entendre  en 
même  tems  ,  que  chargé  de  l'ad- 
miniftration  d'un  grand  Etat,  il  ne 
pouvoit  furfircà  le  régir  au  dedans 


>    »  7  3  4-  ?i? 

&  à  le  défendre  au  dehors  ;  qu'il 
devoit  confier  le  foin  de  quelques 
Provinces  à  des  perfonnes  éclairées 
&  capables  de  les  gouverner.  Que 
s'il  vouioit  leur  accorder  à  tous 
deux  les  Provinces  de  Sufa ,  d'Héa, 
de  Ducala  ,  de  Maroc  &  de  Tre- 
mezen  ,  ils  fe  chargeroient  d'y 
maintenir  le  bon  ordre ,  &  de  faire 
échouer  les  entreprifes  des  Chré- 
tiens. 

Le  Roi  Oatas  qui  ne  pénétroit 
point  dans  la  profonde  politique 
des  artificieux  Cherifs  ,  entra  im- 
prudemment dans  leurs  vues  » 
nonobstant  les  fages  remontrances 
que  lui  fit  là  deflus  Mulei  -  Naccr 
fon  Irere,  qui  lui  reprefenta  tout  le 
danger  qu'il  y  avoit  de  fe  fier  à  eux. 
Oatas  accorda  donc  des  troupes  aux 
deux  frères ,  &  écrivit  aux  Gouver- 
neurs des  Provinces  où  Mahamet 
de  Hamet  dévoient  aller  ,  de  fuivre 
exactement  leurs  avis. 

Les  deux  frères  fe  rendirent  d'a- 
bord dans  la  Province  de  Ducala  5 
au  Royaume  de  Maroa  ,  où  ils 
avoient  beaucoup  d'amis. 

Les  Portugais  étoient  alors  Mai- 
res d'Azafi,  Ville  de  cette  Pro- 
vince. Mahamet  &  Hamet  s'avan- 
cèrent comme  pour  en  taire  le  liè- 
ge ,  mais  trouvant  la  Place  bien 
fortifiée  ,  &  bien  gardée  ,  ils  parte  - 
rent  jufqu'auCap  d'Aguer. 

Quoiqu'ils  n'eulTent  fait  encore 
aucun  exploit  de  guerre,,  la  régula- 
rité affectée  de  leurs  mœurs  ,  l'e- 
xacte difeipline  qu'ils  taifoientob- 
iérver  à  leur  armée  ,  &  les  fages 
précautions  qu'ils  prirent  pour  ar- 
rêter les  progrès  rapides  des  Portu- 


3i4  JOURNAL    D 

gais ,  les  firent  eftimer  de  ceux  mê- 
me qui  avoient  d'abord  défaprouvé 
la  prévention  d'Oatas  en  leur  fa- 
veur. 

Le  feul  Mtdei-Nacer  dont  nous 
avons  parlé  ,  déploroit  les  mal- 
heurs qu'il  prévoyoit  devoir  acca- 
bler bien  tôt  un  Etat  dont  tous  les 
fu|ecsfembloient  favonler  les  am- 
bitieux deffeins  des  deux  hypo- 
crites. 

Cependant  après  avoir  parcouru 
plufieurs  Provinces ,  les  Cherifs  , 
qui  ne  recevoient  point  d'argent 
de  la  Cour  ,  craignoient  d'être 
obligés  de  congédier  leurs  troupes , 
mais  les  peuples  qui  mettoient 
tout  leur  efpoir  dans  ces  deux  frè- 
res ,  offrirent  volontairement  de 
payer  le  dixième  de  leurs  revenus 
pour  l'entretien  de  l'aimée.  Les  ha- 
bitans  des  Villes  de  Tarudante  ,  de 
Tedfi  ,  &  des  lieux  voifins,  fe  fi- 
gnalerent  en  choifitfant  pour  leur 
Chef  Afcen  père  des  Cherifs ,  &  ils 
lui  donnèrent  une  troupe  de  cinq 
cens  chevaux.  Mahamet  le  plus 
aftif  &  le  plus  vaillant  des  deux  fils 
d'Afcen  ,  s'établit  dans  Tarudante  , 
&  fit  bâtir  allez  près  de  l'enceinte 
de  cette  Ville  ,  la  ForterelTe  de  Fa- 
raixa. Ayant  enfuite  obtenu  le  com- 
mandement des  armes  &  l'admini- 
ftration  civile  ,  que  les  Maures  qui 
lui  étoient  affldés  ,  avoient  deman- 
dés avec  empreiîement  pour  lui ,  il 
fit  marcher  fon  armée  vers  la  Pro- 
vince de  Sufa,  fournit  les  habitans 
de  Mezuar  qui  favorifoient  les 
Chrétiens,  &  fe  rendit  maître  delà 
Province  de  Dara  que  ces  mêmes 
habitans  poffedoient. 


ES   SÇAVANS, 

Mahamet- Llché  ,  renégat  Gé- 
nois lui  ayant  donné  partage  par  la 
Province  de  Tigujut ,  il  entra  dans 
la  Province  de  Sufa ,  «S:  prit  celles 
d'Héa  ,  de  Ducala  ,  ôcdeTreme- 
zen ,  fous  prétexte  de  fecourir  les 
peuples. 

La  Ville  de  Tcndeftc  Capita- 
le de  la  Province  d'Héa  ,  entre- 
prit de  lui  refifter  ,  mais  il  s'en  ren- 
dit maître  ,  &  ayant  choifi  cette 
Ville  pour  y  établir  fa  refidence,  il 
y  fit  bâtir  un  Palais. 

La  fortune  qui  avoit  favorifé 
jufques-là  Mahamet  ,  l'abandonna 
pour  un  tems  ,  mais  ce  tems  ne  fut 
pas  long,  &  le  Chérit  trouva  bien- 
tôt moyen  de  fe  la  réconcilier.  Ce 
que  notre  Auteur  raconte  fur  ce 
fujet,n'eftpas  moins  digne  d'atten- 
tion que  ce  que  nous  avons  déjà 
rapporté  ,  nous  l'abrégerons  le 
plus  qu'il  nous  fera  pofiiblc. 

Yahui-Ben-Tafuf  ,  Tributaire 
des  Portugais,  homme  que  fes  in- 
térêts particuliers  rendoient  le  plus 
grand  ennemi  des  Cherifs  ,  aftem- 
bla  des  troupes  pour  s'oppofer  à 
Mahamet  ;  mais  n'ofant  combattre 
fuul  contre  un  homme  accoutumé 
à  vaincre,  &  dont  les  forces  étoient 
fupericures ,  il  fe  joignit  à  Nugno 
Fernandés  de  Ataïde  Portugais  , 
Gouverneur  d'Afafi  ,  Se  avec  une 
armée  qu'ils  formèrent  enfem- 
ble  ,  ils  marchèrent  vers  Tendcfte, 
où  étoit  Mahamet.  Quoique  ces 
deux  Capitaines  n'eurtent  rien  ou- 
blié pour  rendre  leur  marche  fe- 
crette ,  le  Cherif,  qui  avoit  des 
cfpions  par  tout ,  en  fut  averti ,  & 
comme  fa  réputation  étoit  le  pria- 


JUIN 

cipal  appui  fur  lequel  il  comptoit , 
il  crut  qu'il  n'avoit  qu'a  fe  prefen- 
ter  pour  déconcerter  ceux  qui  ve- 
noient  à  lui  ;  mais  il  fut  trompé 
dans  fon  attente  :  Yahui  &  Nugno 
l'attaquèrent  avec  intrépidité,  & 
le  défirent.  Mahamet  vaincu  fut 
obligé  d'abandonner  Tendcfte  , 
mais  il  conferva  après  fa  défaite,  k 
prefence  d'efprit  qui  lui  avoit  ac- 
quis tant  de  Provinces ,  5c  il  ne 
longea  qu'à  reparer  cette  perte. 
Tafuf  de  les  Portugais  entrèrent 
dans  Tendefte  ,  &c  après  avoir  ré- 
duit fous  leur  obéiiîance  tout  le 
Pays  d'alentour ,  ils  fe  retirèrent. 
Mahamet  qui  avoit  apellé  à  fon  fe- 
cours  Hamet  fon  frère,  fe  mit  alors 
à  la  tête  d'une  groffe  armée  ,  fe  ren- 
dit maîtrede  la  campagne  nouvel- 
lement conquife  par  les  Portugais , 
&  rentra  dans  Tendefte. 

Afcen  père  des  Cherifs ,  mourut 
peu  de  tems  après  ,  &:  lailTa  fes 
trois  fils ,  dont  l'aîné  Abdelquivir, 
le  moins  fameux  des  trois ,  fut  tué 
dans  un  combat  que  les  deux  Che- 
rifs fes  frères  livrèrent  aux  Portu- 
gais qui  affiégeoient  la  Ville  d'A- 
nega.  Mahamet  &  Hamet  après 
avoir  combattu  avec  beaucoup  de 
valeur  ,  remportèrent  la  victoire  , 
firent  prifonnier  le  Commandant 
des  Portugais ,  Se  voulant  profiter 
de  la  confternation  des  ennemis , 
tefolurent  de  fe  rendre  maîtres  de 
Maroc.  Us  en  vinrent  à  bout  par 
une  noire  trahifon:  ils  s'infinuerent 
adroitement  dans  l'efprit  de  Nacer- 
Buxentuf  qui  en  étoit  le  Souverain, 
&  ayant  fait  une  partie  de  chalTe 
avec  lui,  ils  lui  présentèrent  d'un 


gâteau  empoifonné  qui  le  fit  mou- 
rir peu  de  tems  après  ,  fans  que 
perfonne  foupçonnit  la  caufe  de 
cette  mort  précipitée.  Hamet  fe  fit 
auflî  tôt  déclarer  Roi  de  Maroc  par 
les  habitans  de  cette  grande  Ville  , 
qui  privèrent  par-là  les  enfans  de 
Nacer-lluxentuf  delà fucceffion  de 
leur  père.  Ce  perfide  nuroit  bien 
voulu  en  même  tems  fe  rendre  in- 
dépendant du  Roi  de  Fez  à  qui  lui 
8c  fon  frère  Mahamet  ,  comme 
nous  l'avons  vu  ,  avoient  de  fi 
grandes  obligations  ,  mais  ne  fe 
trouvant  point  encore  allez  fort 
pour  cela  ,  il  envoya  à  ce  Prince 
des  Ambalîadeurs  pour  lui  offrir 
des  prefens ,  lui  payer  un  tribut , 
&c  l'alTurer  d'une  foumiflion  parfai- 
te. 

Une  nouvelle  occafion  de  s'ag- 
grandir,  par  la  voye  de  la  fourberie 
ôc  de  la  trahifon ,  fe  prefenta  alors 
aux  Cherifs  ;  ils  nelalaifferent  pas 
échaper  ;  voici  en  peu  de  mots  ce 
que  î'Hiftorien  rapporte  fur  ce  fu- 
jet.  Les  Arabes  de  Zarquia  &:  de 
Garlia  dans  la  Province  de  Du- 
cala  ,  étoient  en  guerre  :  cha- 
que parti  cherchoit  des  alliez  ,  & 
tous  deux  briguoient  la  protection 
des  Cherifs  :  ceux-ci  la  promet- 
toient  également  à  l'un  &  à  l'autre 
parti  :  les  Arabes  trompés  par  les 
Cherifs  ,  vinrent  camper  à  quel- 
que diftance  de  Maroc  ,  d'où  Ma- 
hamet &  Hamet  étoient  fortis  avec 
une  armée.  Chaque  parti  croyant 
que  les  Cherifs  ailoient  fe  déclarer 
pour  lui,  fe  hâta  de  livrer  bataille. 
Les  deux  frères  furent  quelque 
tems  ,   tranquilles  Spectateurs  du 


3i5       JOURNAL     DE 

combat ,  jufqu'à  ce  que  les  deux 
armées  également  épuifées  donnaf- 
fent  lieu  à  ces  fourbes  ,  de  faire  fû- 
rement  le  coup  qu'ils  méditoient; 
ils  fe  jetterent  donc  fur  elles  dès 
qu'ils  les  virent  affoiblies  au  point 
de  ne  pouvoir  refifter  ,  &  les  ayant 
pour  lors  taillées  en  pièces ,  ils  s'en 
retournèrent  aufïl  glorieux  à  Ma- 
roc ,  que  s'ils  venoient  de  faire 
la  plus  belle  aclion  de  bravoure. 
Enflez  d'une  telle  victoire  ou  plu- 
tôt d'une  telle  trahifon  ,  qui  non 
feulement  leur  donnoit  des  che- 
vaux ,  des  armes ,  &  un  grand  atti- 
rail de  guerre  ,  mais  qui  les  faifoit 
encore  redouter  de  plus  en  plus, 
ils  crurent  pouvoir  impunément 
refufer  au  Roi  de  Fez,  la  foi  qu'ils 
lui  avoient  voliée  ,  &  le  tribut 
qu'ils  lui  dévoient.  Notre  Hiftorien 
ajoute  même  qu'ils  joignirent  ici 
l'infulte  au  refus  ,  &  que  pour  bra- 
ver ce  Prince  à  qui  ils  dévoient 
toute  leur  élévation ,  ils  firent 
choix  des  plus  méchans  chevaux 
qu'ils  avoient  pris  fur  les  Arabes , 
&  les  lui  envoyèrent  par  déiilîon. 

Le  Roi  de  Fez  ,  comme  on  peut 
juger  ,  fentit  vivement  alors  la 
faute  qu'il  avoit  faite  de  ne  pas 
écouter  les  fages  confeils  que  fon 
frère  lui  avoit  donnés  au  fujet  de 
ces  deux  Cherifs.  Mais  cette  faute 
ne  pouvoit  plusfe  réparer.  Cepen- 
dant Oatas  crut  pouvoir  s'en  rele- 
ver. Pour  en  venir  à  bout",  il  mena- 
ça les  Cherifs  de  leur  déclarer  la 
guerre ,  &c  leur  fit  cette  menace 
dans  un  tems  où  fes  forces  n'étoient 
pas  comparables  aux  leurs.  Le  def- 
lein  étoit  téméraire ,  mais  il  fut 


S     SÇAVANS, 

fans  exécution.  Le  Roi  mourut  fur 
ces  entrefaites  &  laifla  le  Trône  à 
Hamet- Oatas  fon  fils  :  ce  fils  qui 
étoit  celui  dont  le  Chérit  Mahamet 
avoit  été  précepteur ,  voulut  pour 
cette  raifon ,  ufer  de  douceur  avec 
Mahamet,  &  avec  Hamet.  Il  fe 
contenta  d'exiger  d'eux  un  modi- 
que tribut.  Cette  bonté  dont  les 
Cherifs  n'auroient  pu  être  trop  re- 
connoiflans  ,  les  encouragea  au 
contraire  à  refufer  le  tnbut  tout  lé- 
ger qu'il  étoit.  Ils  pouffèrent  plus 
loin  leur  ambition  ;  &  après  avoit 
remporté  fur  le  jeune  Roi ,  qui  fut 
enfin  contraint  de  leur  déclarer  la 
guerre  ,  plufieurs  victoires  consi- 
dérables ,  dont  on  peut  voir  le  dé- 
tail dans  notre  Hiftorien  ,  ils  pri- 
rent tous  deux  le  nom  de  Rot. 
Une  telle  ufurpation  força  le  Roi 
de  Fez  à  les  attaquer  de  nouveau , 
mais  il  ne  fut  pas  plus  heureux  dans 
cette  guerre  que  dans  les  autres. 
Nous  nous  difpenferons  de  fuivre 
notre  Auteur  dans  tout  ce  qu'il  ra- 
conte à  ce  fujet.  Il  faut  recourir  au 
Livre  même.  Les  deux  Cherifs  ne 
firent  enfuite  que  voler  de  conquê- 
tes en  conquêtes  ,  &  ils  étoient  au 
comble  de  leurs  fouhaits ,  lorfquc 
la  méfmtelligence  fe  mit  entr'euxj 
cet  article  n'eft  pas  un  des  moin- 
dres del'Hiftoire  ,  mais  nous  fom- 
mes  obligés  de  le  pafTer  pour  abré- 
ger. Nous  remarquerons  feulement 
que  cette  méfînteliigence  fut  entre- 
mêlée de  plufieurs  raccommode- 
mens ,  &  qu'enfin  les  deux  frères 
réunis ,  ne  cefTerent  de  pourfuivre 
le  Roi  de  Fez  ,  qui  après  bien  des 
efforts  inutiles  pour  défendre  con- 
tre 


JUIN 

tre  eux  fes  Etats  ,  devint  la  trille 
victime  de  Mahamet ,  qui  ofr  faire 
étrangler  fon  propre  Difciple. 
C'eft  ce  qu'il  nous  faut  raconter 
avec  quelque  détail.  Nous  fuivrons 
exactement  notre  Hiftorien  ,  nous 
l'abrégerons  feulement. 

OatasRoi  de  Fez  déterminé  à 
combattre  encore  Mahamet  ,  leva 
une  forte  armée  ,  qu'il  divifa  en 
cinq  bataillons;  le  commandement 
du  premier  qui  étoit  à  Paîle  droite 
fut  donné  à  Mulei ,  &  à  Buhaçon 
fon  Lieutenant  général  &  fon  pa- 
tent ,  la  conduite  du  fécond  qui 
ét-oit  à  l'aîle  gauche  fut  donnée  à 
Buzqueri ,  frère  du  Roi  -,  les  deux 
autres  bataillons  qui  étoient  placés 
derrière  les  deux  premiers,  avoient 
à  leur  tête  Mulei  -  Cacer  &c  Mulei- 
Xeque  ,  tous  deux  fils  du  Roi , 
lequel  avec  Mulci-Budquer  un  au- 
tre de  fes  fils  ,  conduifoit  le  cin- 
quième bataillon,  compoféde  tout 
ce  qu'il  y  avoit  de  plus  brave  dans 
l'armée.  Il  fit  enfuite  placer  le  Ca- 
non fur  une  petite  éminence  ,  que 
le  Perfan  Marian  fut  chargé  de  gar- 
der. 

Mahamet  voyant  tout  cet  appa- 
reil, afTembla  fes  enfans  avec  les 
Chefs  de  fon  armée  &  les  autres 
Seigneurs ,  pour  les  exhorter  à  foû- 
tenir  la  haute  réputation  qu'ils  s'e- 
toient  acquife  par  tant  de  victoires 
qui  les  rendoient  maîtres  d'une 
grande  partie  de  l'Afrique  ,  &  en 
leur  reprefentant  que  s'ils  ga- 
gnoient  la  bataille  qui  alloit  fe 
donner ,  une  telle  victoire  leur  foû- 
mettroit  prefque  toute  cette  partie 
du  monde.  Comme  il  eomptoic 
Juin. 


>   i7 î  4-  317 

beaucoup  moins  fur  le  grand  nom- 
bre de  fes  Soldats  que  fur  leur 
courage  ,  il  permit  de  fe  retirer  à 
tous  ceux  qui  le  voulurent,  &  pour 
animer  ceux  qui  reftoient ,  il  leur 
fit  entendre  qu'il  avoit  découvert 
par  les  fecrets  de  la  Magie  ,  que  de 
toute  fon  armée  il  ne  périroit 
qu'un  feul  Nègre  ,  &  que  le  Roi 
de  Fez  feroit  pris.  Les  troupes  du 
Cherif  encouragées  par  ce  dif- 
cours ,  fe  préparèrent  pour  le  len- 
demain ;  &c  dès  que  le  jour  parut 
on  en  vint  au  combat.  Notre  Au- 
teur en  décrit  les  circonftances. 
Nous  les  panons  pour  abréger.  Le 
Roi  de  Fez  fut  obligé  de  fuir  ,  & 
dans  fa  fuite  étant  tombé  de  che- 
val au  palTage  d'une  rivière,  il  fut 
pris,  &c  aufiï  tôt  conduit  à  Maha- 
met qui  d'un  ton  de  maître  &  con- 
tretaifant  l'homme  religieux  ,  fe 
mit  à  donner  au  Roi  les  leçons  fui- 
vantes. 

»  La  fortune  ,  lui  dit  -  il  ,  qui 
»vous  rend  aujourd'hui  mon  Cap- 
»>  tif ,  me  donne  fur  vous  ,  unefu- 
»  periorité  dont  je  ne  veux  profiter 
»que  pour  vous  faire  fouvenir 
»  qu'ayant  été  autrefois  fotre  Pré- 
»  cepteur ,  je  fuis  en  droit  de  vous 
»  donner  des  leçons ,  mais  des  le- 
»  çons  utiles  &  fans  aigreur.  On  ne 
»  peut  vous  aceufer  d'un  autre  cri- 
»  me  que  de  n'avoir  point  puni 
j>  ceux  que  commettent  tous  les 
y  jours ,  vos  fujers  Votre  Capitale, 
»  cette  Ville  fameufe  où  notre  Re- 
»  ligion  a  pris  une  féconde  nailTan- 
»  ce  ,  &c  qui  devroit  être  aujour- 
*>  d'hui  le  féjour  de  la  pieté  ,  voit 
»  régner  dans  fes  murs  t  l'envie  , 
Tt 


3i8  JOURNAL   D 

»  l'ambition  ,  l'irréligion  ,  &  tous 
=>  les  vices  ,  nés  de  l'impunité  où 
»»vos  ancêtres  &  vous  même  avez 
3>  laiffé  vivre  fcs  habitans  corrom- 
a>  pus  ;  mais  lorfque  la  crainte  d'ir- 
M  riter  vos  peuples  ,  vous  fait  fer- 
»  mer  les  yeux  fur  leurs  forfaits , 
»fongez  que  Dieu  examine  votre 
»  conduite  ,  &  que  vous  tombez 
«dans  le  précipice  que  par  une 
3)  prudence  criminelle  vous  vouliez 
»  éviter.  Oui ,  vous  avez  toujours 
a>  craint  d'être  détrôné  par  vos  fu- 
»  jets  fi  vous  ofîez  vous  fervir  de  ce 
»  pouvoir  que  Dieu  vous  a  donné 
j>  fur  eux.  Eh  bien ,  vous  voilà  dé- 
*>  trôné  aujourd'hui ,  pour  n'avoir 
»  pas  employé  ce  pouvoir.  Car  ne 
»>  croyez  pas  que  ce  foit  moi  qui 
»  vous  ai  vaincu  ,  Dieu  a  combattu 
»  pour  moi  contre  vous  ;  &  votre 
■n  défaite  eft  fon  Ouvrage.  Un  Roi 
»  puiflant  ne  voit  jamais  la  vérité  , 
»>  qu'à  travers  d'épais  nuages  ,  ôc  il 
j>  reçoit  rarement  les  confeils  que 
»  la  fagefle  lui  donne.  Dieu  a  vou- 
»  lu  vous  abaiiTer  pour  vous  faire 
»connoître  que  votre  chute  dé- 
»  pendoit  de  lui  ,  &  pour  vous 
m  rendre  plus  docile  à  fa  voix.  C'eft 
3»  donc  lui-même  qui  vous  dit  pat 
»  ma  bouche ,  de  rendre  à  la  Reli- 
s>  cnon  fon  premier  éclat ,  de  reme- 
»  dier  aux  defordres  qui  ont  pris 
»  naiiîance  fous  votre  règne  ,  d'ai- 
»  mer,  mais  de  châtier  vospeu- 
»  pies ,  de  cultiver  les  Arts  &  les 
>»  Sciences,  enfin  d'avoir  les  vertus 
m  d'un  bon  Roi. 

L'Hipocrite  Cherif  ,  non  con- 
tent de  fe  contrefaire  par  un  dif- 
çouis  fi  pieux  en  apparence ,  pouf- 


ES    SÇAVANS, 

fa  plus  loin  le  déguifement  :  »  Au 
»  refte  ,  ajoûta-t-d  ,  ne  croyez  pas 
3>  que  je  veuille  profiter  de  votre 
33  malheur  -,  il  eft  vrai  que  j'ai  fujec 
»  de  me  plaindre  de  vous ,  parce 
»  que  vous  avez  fecouru  mon  fre- 
3t>  re  contre  moi  ;  mais  je  fçaiaufli- 
»  bien  oublier  les  injures ,  que  je 
33  fçai  m'en  venger  quand  on  m'y 
>3  force.  Prenez  donc  courage  ,  & 
»  comptez  que  je  vous  rétablirai 
»  bien-tôt  dans  votre  Royaume. 

Oatas ,  que  la  chute  qu'il  venoit 
de  faire  ,  avoit  confiderablemenc 
bleiTé ,  ne  put  nonobftant  l'état  où 
il  étoit ,  s'empêcher  de  répondre  à 
la  Harangue  de  Mahamet. 

ï>  On  n'a  guéres  vu  de  vain- 
»  queur ,  lui  dit-il ,  ufer  de  fa  vic- 
»  toire  avec  autant  de  modération 
3o  que  vous  -,  &  je  ne  croyois  pas 
3»  que  vous  euffiez  pris  les  armes 
»  contre  moi  ,  pour  me  donner 
j>  des  leçons.  Il  eft  vrai  que  vous 
33  me  les  donnez  en  qualité  de  Pré- 
»  cepteur  ,  c'eft  ce  qui  m'engage  à 
m  vous  répondre  en  Difciple  plutôt 
»  qu'en  prifonnier.  Permettez-moi 
»  donc  d'ufer  envers  vous  de  cette 
»  même  liberté  dont  vous  ufez  en- 
»  vers  moi  -,  &c  fi  vos  confeils  peu- 
»  vent  un  jour  m'être  utiles,  peut- 
»>  être  que  ma  réponfe  ne  vous  le 
»  fera  pas  moins. 

»  Les  Princes  ne  peuvent  pas 
»  toujours  veiller  fi  févérement  fur 
30  la  conduite  de  leurs  fujets  ,  qu'il 
»  ne  s'y  gliiTe  quelquefois  des  abus, 
»  mais  quand  même  tous  mes  peu- 
»  pies  s'abandonneroient  à  une  li- 
3»  cence  déréglée  ,  &  que  moi  qui 
*>  fuis  leur  Souverain ,  fermciois- 


JUI 

»  criminellement  les  yeux  fur  leurs 
»  defordres  ,  eft-ce  à  vous ,  qui  du 
»  fervile  emploi  de  Précepteur  , 
»  vous  êtes  à  force  de  crimes ,  élevé 
»fur  le  Trône  où  l'on  vous  voit  au- 
»  jourd'hui,  eft-ce  à  vous  à  me  pu- 
»  nir  de  ma  conduite  2  vous  à  qui 
»  mon  père  ,  par  mes  propres  con- 
j>  feils ,  a  donné  lieu  de  vous  agran- 
»  dir ,  &c  d'accabler  fa  trifte  famil- 
»  le  ;  vous  que  j'ai  moi  -  même  , 
i>  comblé  de  bienfaits ,  &  qui  me 
»  payez  de  la  plus  noire  ingratitu- 
»  de  ;  vous  enfin  qui  vous  parant 
m  d'une  fauffe  vertu  ,  cherchez  un 
»  prétexte  fpécieux  pour  juftifier 
n  auprès  de  moi  vos  horribles  ac- 
»  tions  ;  mais  ne  parlons  point  de 
»  chofes  qui  vous  rendent  U  odieux 
»  &C  qui  peuvent  faire  connoître  à 
»  tous  ceux  qui  viennent  de  vous 
»  entendre  &  qui  m'écoutent ,  juf- 
»  qu'à  quel  point  vous  pouffez  la 
x>  diffimulation.  Croyez  feulement 
»  que  Dieu  qui  m'a  livré  entre  vos 
»  mainsaeudeffein  de  vouséprou- 
»  ver  ;  qu'il  en  a  ufé  ainfi  pour  taire 
»>  voir  à  tous  comment  vous  uferiez 
j>  de  la  victoire,  &c  fi  ayant  violé , 
»  comme  vous  avez  fait ,  la  foi  des 
»  Traitez  ,  &c  rompu  les  liens  fa- 
aï  crés  de  l'obéiflance  que  vous  me 
»  deviez  ,  votre  coeur  feroit  enfin 
»  touché. 

m  Après  que  vous  m'avez  fi  bien 
»  remontré  mon  devoir ,  voyons  fi 
»  vous  ferez  le  vôtre ,  &  fi  vous  re- 
»connoîtrez  que  l'inconftance  de 
»  la  fortune  nous  rend  neceffaires 
»  les  uns  aux  autres.  Vous  me  re- 
»  prochez  d'avoir  accordé  du  fe- 
o  cours  à  votre  frète  ,  je  ne  daigne 


N  ,    175  4-  3*9 

»  pas  me  juftifier  d'une  action  loua- 
»  ble  par  elle  -  même  ,  &  qui  doit 
»  vous  faire  fentir  que  vous  auriez 
»  pu  attendre  de  moi  le  même  fe- 
»  cours ,  fi  vous  vous  étiez  trouvé 
»  dans  le  même  cas. 

Mahamet  reçut  avec  un  vifage 
riant ,  cette  réponfe  d'Oatas ,  &  fe 
mit  en  devoir  de  marcher  vers  Fez, 
mais  il  n'avoit  pas  prévu  ce  qui  ar- 
riva. Buhaçon  Lieutenant  du  Roi 
de  Fez  &fon  parent  entra  dans  Fez, 
avec  Mulei-Cacet,  fils  de  ce  Mo- 
narque :  les  habitans  qui  crai- 
gnoient  les  fuites  de  la  captivité  de 
leur  Roi  donnèrent  la  Couronne  à 
Mulei-Cacer  ,  à  condition  qu'il  la 
rendroit  àfon  père  auffi  tôt  que  ce 
Prince  feroit  forti  de  captivité. 
C'eft  ainfi  que  le  décida  le  Confeil 
privé,  à  la  tête  duquel  étoit  Buha- 
çon ;  ce  Général  fe  profternale  pre- 
mier aux  pieds  du  Roi ,  qui  fur  le 
champ  le  fit  Vilîr  &  fon  premier 
Miniftre. 

Notre  Hiftorien  remarque  ici 
que  les  Maures  fuperftitieux  attri- 
buèrent tous  ces  malheurs  de  l'Etat 
à  une  permiffion  que  le  Roi  de  Fez 
avoit  accordée  aux  Chrétiens ,  d'a- 
voir du  vin  chez  eux  ;  &  au  grand 
nombre  de  Lions  que  ce  Prince 
nournfloit.  Mulei-Cacer  fon  fils 
voulant  d'abord  s'attacher  cette  na- 
tion ,  fit  répandre  tout  le  vin  qui 
fe  trouva  dans  les  caves  de  laVille-, 
&  ordonna  que  tous  les  Lions  fuf- 
fent  tuez  à  coups  de  traits. 

Mahamet  qui  ignoroit  ce  chan- 
gement ,    s'avança    jufqu'à    deux 
lieues  de  la  Ville  de  Fez  ,  &  de-là 
il  envoya  à  la  mère  &  au  fils  d'Oa- 
Ttij 


?2o  JOURNAL    DES    SÇAVANS, 


tas  ,  des  Lettres  de  ce  Prince  ,  par 
lefquelles  il  leur  demandent  que 
pour  fa  rançon  ,  le  Pays  de  Me- 
quinez  fût  livré  au  Cherif  j  Buha- 
cen  à  qui  le  Roi  avoir  écrit  la  mê- 
me chofe  entretint  l'efperancc  du 
Cherif  ,&  prit  en  mêmetems  tou- 
tes les  mefures  requifes  pour  fur- 
prendre  ce  traître  ,  qui  de  fon  côté 
tichoit  de  tromper  le  Roi  &  les 
Miniftres  de  Fez.  Mais  les  mefures 
que  prit  Buhaçon,  &  que  rapporte 
notre  Hiftorien  ,  furent  inutiles. 
Mahamet  qui  en  eut  avis  ,  courut 
promptement  jufqu'aux  portes  de 
Fez  ,  où  il  prit  deux  cens  Bour- 
geois qui  croyant  n'avoir  rien  à 
craindre  ,  fe  promenoient  le  long 
de  leurs  murailles  &  les  fit  étrangler 
devant  lui.  Il  fe  rendit  enfuite  au 
détroit  d'Honegui  ,  d'où  il  em- 
mena à  Maroc  le  Roi  de  Fez  les 
fers  aux  pieds. 

Buhaçon  voyant  qu'il  n'y  avoit 
plus  moyen  de  refufer  au  Cherif  ce 
qu'il  exigeoit  pour  la  rançon  du 
Roi  ,  traita  avec  les  fils  du  Cherif, 
&c  les  mit  en  poiTeflîon  du  Pays  de 
Mequinez.  Mahamet  outre  cela  exi- 
gea du  Roi  de  Fez  que  ce  Prince  lui 
livrerait  Fez  toutes  les  fois  que  lui 
Mahamet  le  fouhaiteroit.  Maha- 
met obtint  tout  ce  qu'il  demanda, 
&  rendit  enfin  la  liberté  à  Oatas 
qui  retourna  fur  le  champ  à  Fez  , 
où  fon  fils  Mulei-Cacer  lui  remit 
toute  l'autorité  dont  ce  fils  avoit 
joui  pendant  la  captivité  du  Roi 
fon  père. 

Oatas  rendu  à  fes  Etats  ,  n'y 
fut  pas  long  -  tems  tranquille  : 
Mahamet  l'envoya  fommer  quel- 


ques   mois  après  ,    de  lui  livrer 
Fez ,    fuivant  la  convention  qui 
avoit  été  faite.  Oatas,  qui  d'un 
côté  ,   craignoit  d'irriter  le  Cherif 
en  luirefufanr  l'entrée  de  la  Ville  , 
&  de  l'autre  appréhendoit  que  cet 
homme  fans   foi  ,    ne  fe    rendît 
maître  de  Fez  quand  les  portes  lui 
en  feraient  ouvertes ,  crut  pouvoir 
fe  tirer  d'embarras  par  l'expédient 
fuivant.   Il  envoya  dire  au  Cherif 
que  la  mort  des  deux  cens  Bour- 
geois de  Fez  qu'il  avoit  fait  étran- 
gler depuis  peu,  avoit  tellement  ir- 
rité contre  lui  toute  la  Ville,  que 
les   habitans  ne  confentiroient  ja- 
mais à  le  recevoir.  Cet  expédient 
n'eut  pas  le  fuccès  qu'en  attendoit 
Oatas.    Mahamet  furieux  s'avança 
jufqu'aux  portes  de  Fez ,  &  paiîa 
au  fil  de  l'épée  tout  ce  qu'il  ren- 
contra. Il  altiegea  Fez  ,  &c  au  bout 
de  deux  ans  de  fiége  entra  dans  le 
vieux  Fez,  puis  mit  une  forte  gar- 
nifon  dans  la  Ville  neuve  où  étoit 
le  Roi    ,    &  envoya    enfuite   ce 
Prince  à  Maroc. 

Quelques  Barbares  s'étant  fou- 
levés  contre  Mahamet  dans  h  Pro- 
vince de  Derenderea  ,  ce  Cherif 
qui  ne  cherchoit  qu'un  prétexte 
pour  fe  défaire  du  Roi  de  Fez  , 
quoique  ce  Roi  eût  été  fon  Difci- 
ple  ,  crut  devoir  l'accufcr  d'avoir 
excité  les  Barbares  à  la  révolte  dont 
il  s'agit ,  &  fur  cette  fimple  impu- 
tation ,  il  le  fit  étrangler  ,  avec  fon 
fils.  Te]  fut  le  trifte  fort  du  Roi  de 
Fez. 

Voyons  quelle  fut  la  fin  du  per- 
fide Mahamet.  Nous  palTerOns 
pour  cela  plufieurs  articles  concer- 


JUIN 

liant  divcrfes  victoires  du  Cherif 
&  divers  troubles  arrivés  après  la 
mort  du  Roi. 

La  Seigneurie  d'Alger  étant  de- 
venue vacante,  fut  donnée  par  le 
Grand  Seigneur  à  Hafcen  fils 
d'Haradin-Barberouflc  qui  y  avoit 
régné.  Le  Cherif  qui  étoit  alors 
plus  puiffant  que  jamais  fe  rendit 
îufpeâ:  à  Hafcen  ,  Se  comme  Haf- 
cen n'avoit  pas  alTez  de  troupes 
pour  combattre  Mahamet ,  il  refo- 
lut  de  s'en  défaire  par  un  affalîïnat. 
Il  employa  pour  cette  action  un 
fcélérat  nommé  Hafcen  comme 
lui,  auquel  il  promit  une  grande 
recompenfe.  Ce  fcélérat  teignit 
d'avoir  reçu  quelque  injure  de  fon 
Souverain  ,  &  quittant  Alger  avec 
vingt  hommes,  il  fe  rendit  d'abord 
à  Fez ,  d'où  il  fut  trouver  le  Cherif 
à  Maroc  :  Mahamet  le  reçut  favo- 
rablement ,  Se  ayant  conçu  beau- 
coup d'amitié  pour  ce  traitre ,  il  le 
fit  Capitaine  de  fes  Gardes.  Ce 
bienfait  retarda  la  mort  du  Cherif, 
Hafcen  ne  pouvant  confentir  à 
priver  de  la  vie  un  Prince  qui  lui 
faifoit  tant  de  bien  :  mais  il  fur- 
monta  enfin  fes  fcrupules  ;  &  le 
Chérit  étant  allé  à  Sus ,  il  le  fuivit , 
Se  fongea  a  exécuter  fon  deflein.  11 
fçavoit  que  la  Garde  de  Mahamet 
avoit  lieu  de  fe  plaindre  de  lui  à 
caufe  de  la  paye  qu'elle  nerecevoit 
plus  depuis  un  an.  Comme  Hafcen 
pofledoit  l'art  de  manier  les  efprits, 
il  n'eut  pas  de  peine  à  engager  les 
Turcs  de  la  Garde  à  tremper  dans 
fon  complot  fur-tout  en  leur  pro- 
mettant les  tréfors  du  Cherif,  & 
une  retraite  affujceàTremezcn  ;  il 


>  17  34-  $ar 

ne  fut  plus  queftion  que  de  trouver 
l'occafion  de  tuer  Mahamet ,  elle 
ne  tarda  pas  à  fe  prefenter  ;  le  Che- 
rif étant  allé  en  un  endroit  du 
Mont  Atlas ,  appelle  Alquel ,  Af- 
cen  fuivi  de  pluiieurs  Gardes ,  fut 
dans  le  même  endroit  fe  prefenter 
devant  la  tente  du  Cherif  ,  & 
voyant  que  ce  Prince  ne  fe  défiant 
de  rien  en  fortoit,  il  mit  l'épée  à 
la  main  ;  le  Cherif  épouvanté  prit 
la  fuite  ;  comme  il  couroit  avec 
précipitation  ,  il  tomba  ;  Afcen 
profita  de  l'occafion  ,  &  coupa  les 
jarrets  au  Cherif.  Alors  tous  les 
Conjurez  étant  furvenus ,  fe  jette- 
rentfurlui,  &  le  percèrent  de  mil- 
le coups  ;  un  Portugais  qui  avoit 
défendu  Mahamet  jufqu'à  l'extré- 
mité ,  fut  tué  avec  lui.  Ainfi  mou- 
rut Mahamet ,  qui  n'ayant  aucunes 
mœurs  ,  &  ne  devant  la  plupart  de 
fes  vi&oires  qu'à  la  rufe  Se  à  la 
fourberie ,  fut  bien  plus  digne  de 
mépris  que  d'eftime.  Notre  Hifto- 
rien  en  penfe  autrement  :  il  dit 
que  ce  Cherif  eût  paffi  pour  un  des 
plus  grands  Hommes  de  fon/îécle  ,  Jit 
né  dans  un  Pays  ou  regnoit  alors  & 
ou  règne  encore  la  barbarie  &  l'i- 
gnorance ,  fes  plus  belles  allions 
n'eujfent  été  enfevelies  avec  lui. 

Cette  première  partie  dont  le 
Cherif  Mahamet  fait  la  principale 
matière,  finit  par  la  relation  de  la 
prife  d'Oran  fous  le  miniftere  du 
Cardinal  Ximenés ,  &  par  une  Hi- 
ftoire  fuccinte  de  la  Ville  d'Alger , 
&  des  révolutions  qui  y  font  arri- 
vées en  differens  tems.  L'Auteur 
reprend  enfuite  I'Hiitoire  des  Che- 
rifs  qu'il  avoit  interrompue  }  Se 


322         JOURNAL  D 

cette  continuation  fait  la  matière 
de  la  féconde  Partie ,  dont  nous 
parlerons  dans  un  autre  Journal. 
Mais  nous  nefçaurions  guéres  nous 
difpenfer  de  dire  ici  un  mot  de  cet- 
te fameufe  expédition  des  Efpa- 
gnols  ,  qui  fous  le  miniftere  du 
Cardinal  Ximenés  ,  enlevèrent  aux 
Africains  la  Ville  d'Oran ,  Place 
très-importante  &  un  des  meilleurs 
Ports  de  l'Empire  des  Cherifs.  Ce 
Cardinal  entreprit  de  l'afficger  en 
1 509.  &  pour  y  entrer  il  ne  fit  pas 
difficulté  d'employer  des  feelerats 
qui  lui  promirent  de  lui  livrer  la 
Ville  moyennant  une  certaine  rc- 
compenfe  dont  ils  convinrent  avec 
lui.  Voici  en  abrégé  ce  que  notre 
Hiftorien  rapporte  fur  ce  fujet. 

Ximenés  ménagea  deux  ans  au- 
paravant ,  une  intelligence  fecrette 
avec  deux  Maures  mécontens  du 
gouvernement,  &  un  Juif  que  le 
Roi  de  Tremezen  avoit  envoyé  à 
Oran  pour  y  lever  des  tribus  qui 
luiétoient  dûs.  Ces  traîtres  gagnés 
par  les  grandes  promefles  du  Car- 
dinal ,  s'engagèrent  à  lui  ouvrir  la 
porte  de  la  Ville  qui  conduifoit  à 
Tremezen ,  &c  qui  en  portoit  le 
nom.  Cette  intrigue  ayant  été  bien 
concertée  ,  le  Cardinal  en  fit  part  à 
Ferdinand  Roi  d'Efpagne  ,  qui  lui 
mit  en  main  un  plein  pouvoir  &  le 
revêtit  de  fon  autorité. 

Ximenés  pafla  tout  l'hiver  à  faire 
les  préparatifs  neceflaires  pour  ce 
Siège.  Sur  la  fin  de  Février  il  fe  ren- 
dit avec  toutes  fes  Troupes  à  Car- 
thagéne  ,  où  l'on  avoit  donné  le 
rendez-vous  à  la  flotte  qui  devoit 
débarquer  toute  l'armée  en  Afri- 
que. 


ES  SÇAVANS, 

Pierre  de  Navarre  Vianelli ,  &: 
tous  les  Officiers  généraux  vinrent 
y  trouver  le  Cardinal.  Les  Trou- 
pes campèrent  dans  la  plaine ,  où 
elles  attendirent  la  flotte  pour 
s'embarquer. 

La  flotte  arrivée  à  Carthagéne  , 
Ximenés  s'embarqua  avec  toute 
fon  armée  ,  &  le  lendemain  fur  le 
midi  on  découvrit  les  Côtes  d'Afri- 
que. La  flotte  entra  de  nuit  dans  le 
Port  de  Marfalquivir ,  avec  tout  le 
fucecs  qu'on  auroit  pu  attendre  en 
plein  jour,puis  au  lever  dufoleil  elle 
s'empara  du  terrain  qui  lui  étoie 
neceflaire.  Le  Cardinal  fit  alors 
un  dilcours  pieux  &  touchant  pour 
animer  les  Soldats  au  combat.  En- 
fuite  il  fe  retira  dans  la  Forterefle 
de  Marfalquivir,  à  la  follicitation 
de  toute  l'armée. 

Les  Maures  quii'étoient  aflem- 
blés  pendant  la  nuit ,  fe  préparaient 
à  marcher  contre  l'Armée  Chré- 
tienne ,  lorfqu'ils  apperçurent 
qu'elle  s'avançoit  vers  Oran.  Leur 
furprife  fut  d'autant  plus  grande , 
qu'ils  n'avoient  pu  s'imaginer  , 
qu'au  milieu  d'une  nuit  obfcure 
l'armée  eut  ofé  hazarder  l'entrée  du 
Port. 

Les  deux  Armées  refterent  quel- 
que tems  en  prefence  fans  rien  en- 
treprendre ;  mais  enfin  la  Cavale- 
rie des  Maures  plusnombreufe  que 
celle  des  Chrétiens ,  livra  le  Com- 
bat ;  les  batteries  du  Fort  &c  des 
Vaiflcaux  Aient  un  fi  grand  ravage 
dans  le  camp  des  Maures,  qu'ils  fu- 
rent obligés  de  fe  retirer.  Les  Vaif- 
feaux  qui  portoient  le  refte  de  la 
Cavalerie    vinrent    promptemene 


JUIN,    i  7  5  4- 

de  Marfalquivir  devant  Oran  «Si  fi-      trouver  de  réfiftance. 
ïent  une  décharge  de  toute  leur  ar- 


32J 


tillerie  contre  les  murailles  de  cet- 
te Ville.  Enfuite  on  divifa  cette 
mêmeCavalerie  en  deux  corps,cha- 
cun  de  mille  chevaux.  La  conduite 
du  premier  fut  donnée  à  Soura 
Mettre  de  Camp  du  Régiment 
de  Ximenés  ,  avec  ordre  de  fe  ren- 
dre à  la  porte  d'Oran  ,  appellée  la 
porte  de  Tremezen ,  que  les  trois 
fcélérats ,  dont  nous  avons  parlé , 
s'étoient  engagés  de  livrer  au  Car- 
dinal ,  l'autre  corps  fut  mis  fous  la 
conduite  du  Comte  d'Altamira  , 
qui  demeura  derrière  une  Colline  , 
d'où  il  ne  pouvoit  être  vu  ni  de  la 
Ville ,  ni  de  l'Armée  des  Maures. 
Alors  Ls  deux  Maures  &  le  Juif 
avec  lefquels  le  Cardinal  avoit  eu 
une  fecrecte  intelligence^lui  ouvri- 
rent la  porte  de  la  Ville  qui  con- 
duit à  Tremezen  ,  Se  comme  la 
Garnifon  d'Oran  étoit  fortie  pour 
aller  joindre  l'Armée  des  Maures , 
la  Cavalerie  Efpagnole  y  entra  fans 


Les  habitans  fe  voyant  trahis 
prirent  la  fuite  &  fe  fauverent  dans 
les  Mofquées ,  la  Cavalerie  Efpa- 
gnole s'étant  emparée  d'Oran  ,  fe 
rendit maîtreflTe  des  principaux  po- 
rtes de  cette  Ville  &  pointa  le  Ca- 
non contre  les  maifons  pour  les 
réduire  en  cendre  en  cas  de  réfiftan- 
ce.  On  mit  alors  fur  les  murs  de  la 
Ville ,  les  étendarts  d'Efpagne  avec 
la  Croix.  Ainiî  fut  prife  fans  beau- 
coup de  peine  la  Ville  d'Oran  s  au 
moyen  de  trois  traitres  avec  lef- 
quels le  Cardinal  Ximenés  étoit 
d'intelligence  i  &c  qu'il  anima  à 
cette  trahifon  par  une  grande  re- 
compenfe.,  qu'il  leur  promit.  Nous 
ne  fuivons  pas  plus  loin  notre  Hi- 
florien  3  la  longueur  de  cet  Extrait 
nous  en  difpenfe  fuffifamment. 

Ceux  qui  voudront  voir  plus  au 
long  ce  qui  concerne  cette  prife 
d'Oran  ,  peuvent  confulter  là-def- 
fus  l'Hiitoire  de  la  Vie  du  Cardi- 
nal Ximenés. 


VETERUM    SCRIPTORUM    ET   MONUMENTORUM 

Hi'Wicorum,  Dogmaticorum  ,  Moralium  ampliiîîma 
Colleâio.  Tomus  IX. 
C'eft-à  inç  :  Très-ample  Colleclion  d'anciens  Ecrivains  _,  &  de  Pièces  an- 
cienne, y-vr  rapport  a  l'Hi/loire  ,  ait  Dogme  }&  à  la  Morale.  Tome  neuf. 
Par  Dom  Edme  Marjene  &  Dom  Vrfm  Durand  ,  Prêtres  &  Reli- 
gieux Beneditlins  }  de  la  Congrégation  de  S.  Maitr.  A  Paris  ,  chez 
Aiontalant ,  fur  le  Quai  des  Auguftins ,  proche  le  Pont  S.  Michel. 
i7ii.in-fol.  pp.  735. 


CE  dernier  Volume  de  la  gran- 
de Collection  des  PP.  Mar- 
ten  &  Durand  comprend  differens 
Opufcules  des  Saints  Pères  Se  d'au- 
tres Auteurs  Eccklisrtiques. 


Le  premier  eft  un  Poème  fur  la 
Refurreciion  des  Morts  tiré  d'un 
Manufcrit  de  l'Abbaye  de  Corbie 
qui  a  plus  de  900  ans.  Ce  Poème  y 
paxoît  fous  ie  ncjm  de  S.  Ciprien  3 


j24        JOURNAL   DE 

le  ftile  barbare  &  le  peu  d'exactitu- 
de par  rapport  à  la  mefure ,  font 
bien  connoître  que  ce  Poé'me  n'eft 
point  de  S.  Ciprien  Evêque  de  Car- 
thagc.  Nos  Auteurs  ne  fçavent 
point  qui  étoit  le  S.Cipricn  Auteur 
de  ce  Poème.  Ce  qu'ils  alîurent 
c'eft  qu'il  écrivoit  dans  le  tems 
des  plus  vives  perfccutions  contre 
l'Eglife  ,  qu'il  foûtient  le  fenti- 
ment  des  Millénaires ,  qu'il  s'atta- 
che à  combattre  les  Payens  &  fur- 
tout  leurs  Philofophes  ,  Se  qu'il 
s'explique  d'une  manière  aflez 
exacte  fur  le  Myftere  de  la  Trinité , 
fur  le  péché  originel ,  fur  la  nécef- 
fité  du  Baptême  Si  fur  la  Réfurrec- 
tion  des  Morts  ,  qui  fait  le  princi- 
pal objet  de  fon  Ouvrage.  Nos  Au- 
teurs remarquent  que  ce  Poe'me 
avoit  été  déjà  imprimé  à  la  fuite  des 
Ouvrages  de  Tertullien  ,  mais  que 
l'Editeur  y  avoit  fait  de  grands 
changemens  en  plufieurs  endroits 
qui  fentoient  la  barbarie  ,  Si  en 
d'autres  endroits  où  les  régies  de  la 
Poéfie  avoient  été  négligées. 

Un  autre  ancien  Manufcrit  de 
Corbie  a  fourni  à  nos  Auteurs  un 
abrégé  de  la  Genefe  en  vers  que  ce 
Manufcrit  attribue  à  Juvencus  Prê- 
tre Efpagnol  qui  eft  regardé  comme 
le  premier  des  anciens  Poètes  Chré- 
tien? dont  S.  Jérôme  &  le  Pape 
Gélafe  ont  parlé  avec  éloge  ,  fur- 
tout  à  caufe  de  fes  quatre  Livres 
en  vers  fur  les  Evangiles  ;  l'Ouvra- 
ge de  Juvencus  fur  les  quatre  Evan- 
giles a  été  écrit  du  tems  du  grand 
Conftantin,  nos  Auteurs  ne  voyent 
rien  qui  les  détermine  fur  le  tems 
auquel  celui-ci  a  été  compofé.  On  a 


S    SÇAVANS, 

imprimé  les  quatre  prcmiersChapi- 
tres  de  cet  Ouvrage  à  la  fin  des 
Oeuvres  de  Tertullien  Se  de  S.  Cy- 
prien  ,  Pamélius  foûtient  qu'il  eft 
de  S.  Cyprien.  Il  dit  qu'il  y  are- 
marqué  plufieurs  expreiïions  &C 
plufieurs  tours  du  Saint  Evêque  de 
Carthage  ,  &  qu'il  y  en  a  un  Ma- 
nufcrit en  la  Bibliothèque  de  Saint 
Victor  de  Paris  qui  porte  le  nom 
de  S.  Cyprien.  M.  Du  Pin  croyoit 
que  cet  Ouvrage  étoit  de  Salvien 
de  Marfeillc ,  &  il  cite  Gennade  , 
qui  dit  que  Salvien  avoit  fait  un 
Livre  en  vers  de  l'Ouvrage  des  fix 
Jours  depuis  le  commencement  de 
la  Genéfe  jufqu'à  la  création  de 
l'Homme.  Ce  qui  ne  peut  convenir 
à  ce  Poème  qui  va  jufqu'à  la  fin  de 
la  Genéfe. 

Les  Morceaux  d'un  Père  dont  les 
Ecrits  ont  été  auffi  utiles  à  l'Eglife 
que  l'ont  été  ceux  de  S.  Hilaire 
Evêque  de  Poitiers ,  font  toujours 
beaucoup  de  plaifir  au  public  ,  c'eft 
pourquoi  nos  Auteurs  ont  cru  de- 
voir publier  des  Traitez  de  S.  Hi- 
laire fur  les  Pfeaumes  15,  21  &  40. 
Nos  Auteurs  y  ont  joint  un  Ser- 
mon adrefle  aux  Néophites  pour  Je 
jour  de  Pâques.  Ce  Sermon  con- 
tient une  explication  du  Pfcaume 
149.  Les  PP.  Martene  6c  Durand 
croyent  que  s'il  n'eft  point  de  Saint 
Hilaire,  il  eft  du  moins  d'un  très- 
ancicnAuteur.  Ils  n'en  ont  pas  jugé 
de  même  de  l'explication  de  quel- 
ques autres  Pfeaumes  qu'ils  ont 
trouvés  joints  dans  le  Manufcrit  à 
celles  de  S.  Hilaire  ,  parce  que 
l'Auteur  de  ces  explications  écri- 
voit dans  le  cinquième  fiécle  ,  ôc 
que 


JUIN 

que  fes  difcours  étoient  adreffés  à 
des  Moines  d'Orient. 

Le  Traité  de  la  Philofophie  Chré- 
tienne du  Moine  S.  Nil  qui  fuit  im- 
médiatement les  ex  pointions  des 
Pfeaumes  dont  nous  venons  de 
parler  ,  n'eft  point  un  Ouvrage 
nouveau.  C'cft  le  même  Traité 
qui  a  été  publié  dans  l'Edition  des 
Ouvrages  de  S.  Nil  fous  ce  titre  : 
Trailatus  de.Monjflicâ  exercitatiotie. 
Mais  c'eft  une  verfion  différente  : 
celle  qui  a  été  inférée  dans  l'Edi- 
tion de  Rome  eft  de  M.  Suarez 
Evêque  de  Vaifon  ,  celle  dont  il 
s'agit  eft  d'Ifidore  Moine  du  Mont 
Caffin.  Nos  Auteurs  croyent  que 
ce  Traducteur  eft  Ifidore  deClario, 
l'un  des  ornemens  de  la  Conereçza- 
tion  du  Mont  Caffin  ,  très-fçavant 
dans  les  Langues  Hébraïque  & 
Gréque  ,  quife  fit  admirera  Rome 
fous  Paul  III.  &  dans  le  Concile  de 
Trente  ,  il  mourut  Evéque  6c 
eftimé  ,  le  2.8  Mai  1555.  étant  âgé 
d'environ  60  ans.  Le  P.  Mabillon 
avoit  pris  une  copie  de  cette  tra- 
duction du  Traité  de  la  Philofo- 
pbie  Chrétienne  /&  il  avoit  delîein 
delà  faire  imprimer,  parce  qu'elle 
eft,  difent  nos  Auteurs ,  plus  élé- 
gante Se  plus  fidèle  que  la  verfion 
de  M.  Suarez. 

Le  Poëme  fur  l'Incarnation  que 
nos  Auteurs  attribuent  au  Poète 
Sedulius,  parce  qu'ils  l'ont  trouvé 
dans  un  Manufcrit  de  Corbie  im- 
médiatement après  l'Ouvrage  Paf- 
cal  du  même  Auteur  ,  eft  prefque 
tout  cornpofé  de  differens  vers  de 
Virgile  que  l'Auteur  applique  au 
Myftere  de  l'Incarnation. 
Juin. 


;    i7î4-  32* 

Après  ce  petit  Poème  viennent 
fix  Homélies  de  S.  Maxime  de  Tu- 
rin qui  font  du  nombre  de  celles 
que  le  P.  Mabillon  avoit  tirées  d'un 
Manufcrit  de  S.  Gai ,  &:  dont  il  en 
avoit  fait  imprimer  douze  dans  le 
Aiuf&nm  Itrtlkum.  Ces  Homélies 
n'avoient  point  encore  été  fendues 
publiques  ,  quoiqu'on  en  eût  pu- 
blié plufieurs  de  ce  Saint  Evêque 
fous  lenomde  Sain:  Amhrotfcou 
fous  celui  de  S.  A'ùguftin  ,  ou  fous 
d'autres  noms.  Ces  Sermons  de 
S.  Maxime  font  fuivis  de  fix  Ser- 
mons de  Faufte  Evoque  de  Riez  , 
de  différentes  formules  des  obia- 
tions  que  les  parens  laifoient  de 
lcins  enfansaux  Monafteres,  d'une 
Règle  Monaftique  par  un  Anonyme 
tirée  d'un  Manufcrit  de  la  Biblio- 
thèque de  M.  Colbert,  à  prefent 
de  la  Bibliothèque  du  Roi  ,  qui  a 
plus  de  700  ans.LeTi aité  fui vant  de 
la  Concorde  de  l'jincien  &  du  Nou- 
veau Teflamem  ,  qui  eft  auffi  d'un 
Auteur  Anonyme  ,  eft  tiré  d'un 
Manufcrit  du  Collège  de  Navarre, 
qui  a  plus  de  800  ans. L'Auteur  y  ré- 
pond aux  blafphêmes  d'un  Satàfin 
contre  J.  C.  Se  contre  la  Sainte 
Vierge. 

Les  quatorze  premiers  Sermons 
de  Saint  Boniface  Archevêque  de 
Mayence,  Martyr  &  Apôtre  d'Al- 
lemagne ,  ont  été  tirés  d'un  Ma- 
nufcrit de  M.  d'Agueffeau  Chan- 
celier de  France  ,  le  P.  Bernard  Pès 
a  fourni  le  15e  à  nos  Auteurs.  Ces 
Sermons  font  écrits  d'un  ftile  très- 
fimple ,  &  S.  Boniface  ne  s'eft  pas 
beaucoup  attaché  à  fuivre  les  règles 
de  la  Grammaire.  Mais  on  y  voit 
Vr 


3a5  JOURNAL    D 

par-tqutun  Homme  Apoftoliquc  , 
qui  travaille  à  former  fcsNéophi- 
tes  d'une  manière  proportionnée  à 
la  portée  de  leur  ■cfprit.  Nos  Au- 
teurs ont  fait  aulu  remarquer  dans 
ces  Sermons  quelques  traits  fur  la 
difcipline  Ecclefiaftique.  On  voit 
par  exemple  dans  le  douzième  Ser- 
mon que  du  tems  de  S.  Boniface 
le  Jeûne  du  Carême  ne  commen- 
çoit  pas  au  jour  des  Cendres,  mais 
le  lendemain  du  premier  Diman- 
che de  la  Quadragéfime.  U  exige 
des  Fidèles  dans  le  douzième  qu'ils 
s'abfticnnent  àc  l'ufage  du  mariage 
pendaùt  tout  le  tems  du  Carême. 

Les  fujets  des  trois  Sermons  con- 
tre Ambroife  Autpert  font  la  Cu- 
pidité ,  la  Purification  de  la  Sainte 
Vierge  ,  &  la  Transfiguration  de 
J.  C.  L'Auteur  de  ces  Sermons 
n'étoit  pas ,  comme  quelques-uns 
le  prétendent ,  Maître  &  Archi- 
chanctlier  de  Charlemagnc  ,  mais 
c'étoit  un  François  qui  s'étoit  fait 
Moine  en  Italie ,  qui  s'y  diftingua 
par  fa  pieté  &c  par  fa  feience,  &  qui 
mourut  Abbé  de  fon  Monaftere  en 
779.  Paul  "Warnefirid  lui  donne  la 
qualité  d'homme  trcs-fçavant.  On 
dit  qu'Aubert  étant  jeune  avoit 
beaucoup  de  peine  à  parler ,  &  que 
fa  langue  fut  déliée  par  l'intercef- 
fion  de  la  Sainte  Vierge.  Sigebert 
&  Triteme  font  mention  de  plu- 
fieurs  Ouvrages  d'Autport  &  en 
particulier  du  Sermon  qu'ils  appel- 


ES   SÇAVANS, 

lent  le  Livre  de  la  Cupidité ,  que  le 
P.  Labbe  regardoit  comme  un  Ou- 
vrage perdu  i  Se  que  nos  Auteurs 
ont  retrouvé  dans  un  Manufcrit  de 
plus  de  800  aus  confervé  dans  la 
Bibliothèque  de  M.  Chauvclin , 
Garde  des  Sceaux  de  France. 

Les  queftions  fur  le  Prophète 
Daniel  refoluës  par  l'Archidiacre 
Pierre  font  tirées  d'unManufcrit  du 
Monaftere  de  -Stavelo  qui  porte 
que  le  Roi  Charles  (  c'eft  Charle- 
magne  )  a  tait  tranferire  ces  que- 
ftions fur  une  copie  authentique 
de  cet  Ouvrage  de  Pisrre  Archidia- 
cre. Nos  Auteurs  avouent  qu'ils 
ne  connoiffent  pas  ce  Pierre  Archi- 
diacre ,  à  moins  que  ce  ne  foit ,  di- 
fent  ils ,  le  Diacre  Piene  qui  eft  un 
des  Intcrlocutcurr  dans  les  Dialo- 
gues de  S.  Grégoire.  Charlemagnc 
fit  aufu  tranferire  les  queftions  de 
Wicbo.d  fur  plufieurs  Livres  de 
l'ancien  Teftament.  Le*  réponfes 
à  ces  queftions  font  tirées  des  Pères 
de  l'Eglife  Latine  ,  dont  il  y  a 
fouvent  de  grands  morceaux  tranf- 
crits  de  fuite ,  &  d'autres  qui  font 
abrégés  :  nos  Auteurs  n'ont  pas 
cru  devoir  tranferire  ces  queftions 
en  entier,  ils  fe  font  contentés  de 
celles  qui  regardent  les  premiers 
Chapitres  de  la  Genéfe. 

Nous  fommes  obligés  de  ren- 
voyer à  un  autre  Journal  ce  que 
nous  avons  à  dire  fur  les  autres  Piè- 
ces coutenues  dans  ce  Volume. 


J  U  I  N  ,    173  4;  327 

TRAITE'  DV  VRAI  MERITE  DE  L'HOMME  CONSIDERE' 

dans  tous  les  âges  &  dans  toutes  les  conditions  }  avec  des  principes  d'iduca- 
tion  propres  à  former  les  jeunes  gens  à  la  vertu.  A  Paris ,  chez  Saugrain  , 
Grand'Salie  du  Palais  ,  à  la  Providence.  1734.  vol.  in-  m.  pages  514. 


HUIT  Chapitres  partagent  ce 
Traité  :  dans  le  premier  ,  qui 
fert  d'exorde  à  l'Ouvrage  ,  l'Au- 
teur débute  par  fe  demander  à  lui- 
même,  (1  c'eft  un  Livre  qu'il  en- 
treprend de  donner  au  Public  3  II 
répond  qu'il  n'en  fçait  rien ,  mais 
que  ce  qu'il  y  a  de  certain  ,  c'eft 
qu'il  s'eft  propofé  d'écrire  &  qu'il 
écrit.  Après  cette  queftion  &  cette 
réponfe,il  dit  que  tout  eft  fmgulier 
dans  fon  Projet,  que  peut-être  l'e- 
xécution le  paroîtra-t-elle  encore 
davantage  ;  que  c'eft  ici  un  pot- 
pourri  de  proie  &  de  vers ,  de  traits 
d'hiftoire  Se  de  bons  mots  ,  de 
Morale  &  de  plaifir  ,  que  ces  frag- 
mens  au  refte  ne  font  pas  de  lui  ; 
qu'il  invente  des  conventions 
pour  placer  des  confeils  ,  que  tan- 
tôt il  fait  badiner  le  Philofophc  &: 
tantôt  moralifer  l'horrrine  de  plai- 
fir ;  qu'il  rajeunit  de  viedles  chan- 
fons  ,  qu'il  parle  latin  ,  qu'il  mêle 
enfemble  Vaudevilles,  Axiomes, 
règles  d'ufage  ou  de  droit  ,  qu'il 
confond  tout  :  qu'en  certains  en- 
droits il  eft  diffus  au  point  de  faire 
bailler  fes  Le&eurs ,  Si  qu'en  d'au- 
tres ,  à  force  d'être  ferré  il  fe  rend 
inintelligible  ,  qu'au  refte  il  desho- 
nore quelquefois  Horace  en  l'ha- 
billant à  la  Françoife  -,  Qu'il  cite 
pêle-mêle  Molière  &c  Bourdaloue  ; 
Qu'il  tire  fouvent  d'un  Opéra  ,  1a 
preuve  d'une  vérité  morale  ;  Que 


rien  n'eft  à  lui  de  tout  ce  qu'il  pre- 
fente  à  fes  Lecteurs  ;  Que  s'il  avoit 
eu  la  mémoire  plus  firlelle  il  auroit 
cité  à  chaque  ligne  le  Livre  6:  la 
page  où  il  a  pris  ce  qu'il  dit  ;  Qu'il 
ne  fçauroit  tirer  vanité  de  ce  qu'il 
écrit  ,  n'écrivant  rien  qu'il  n'ait 
volé.  Qu'ainfi  n'ayant  nul  fujet 
d'efpcrer  ni  de  craindre  ,  peu  lui 
importe  que  ce  qu'il  barbouille  (  c'eft 
fon  terme  )  devienne  un  Livre  ou 
non. 

Il  n'en  demeure  pas  là  ,  il  ajou- 
te que  ce  qu'il  donne  font  des  frag- 
mens  ramaffés  ,  qu'il  imite  ceux 
qui  ne  fçavent  ni  broder  ni  pein- 
dre ,  &  qui  veulent  travailler  en 
s'amufant.  Ils  ont  ,  dit-il ,  inventé 
une  forte  de  découpure  nouvelle  s  dont 
on  remplit  le  vuide  d'un  refte  de  d^ap 
d'argent  ou  d'un  bout  de  ruban  d'or. 
Mille  &  une  pièce ,  &  toutes  les  cou- 
leurs entrent  dans  l'ouvrage  :  & 
quand  le  morceau  eft  fini  ,  on  vait 
une  figure  ,  des  fruits  étrangers  un 
pot  de  fleurs  t  qui  m  font  pourtant 
que  des  coupons  de  toute  efvece  colés 
fur  le  papier  ;  voilà '■  continue  t-il , 
à  peu-près  mon  Ouvrage  x  j'ai  dérobé 
mes  matières .  j'en  ai  rempli  une  dé- 
coupure ajfez.  bizarre  ,  j'ai  coufu  des 
coupons  &  j'ai  fourni  ce  liferé. 

Notre    Auteur   vient   d'avertir 
qu'il  forge  quelquefois  des  conver- 
fations pour  placer  des  confdls,  en 
voici  un  exemple  ;  il  raconte  qu'un 
V  v  ij 


328  JOURN  AL   D 

jeune  homme  vint  lin  jour  l'em- 
braser ,  Sz  le  pria  Je  lui  épargner 
'la  Philufophie  de  Collège.  Notre 
Auteur  craignit  d'abord  qu'il  n'en- 
trât dans  cette  demande  ou  de  la 
pareîle  ,  ou  du  libertinage  ,  ou  du 
moins  un  goût  émancipé  pour  imc 
vie  plus  libre  ,  mais  apres  y  avoir 
un  peu  penfé  ,  il  fit  réflexion  que 
la  Icience  du  monde  vaut  bien  la 
Philofophie  de  Collège,  que  d'ail- 
leurs on  étudie  encore  plus  utile- 
ment dans  le  Cabinet  qu'au  Colié- 
oe  s  qu'on  choifit  ks  matières  ,  & 
qu'on  effc  moins  en  danger  de  pren- 
dre un  elprit  de  Sophifme.  Il  enga- 
gea donc  le  jeune  homme  à  étudier 
&  -  >     .  i   • 

avec  attention  ,  ce  qu  on  lui  pro- 

poferoit  à  apprendre  ;  on  fit  avec 
lui  des  conventions ,  &  le  jeune 
homme  promit  toute  la  docilité 
qu'on  pouvoit  fouhaiter.  Notre 
Auteur  trouvant  ce  jeune  homme 
fi  bien  difpofé ,  commença  par  lui 
mettre  par  écrit  les  articles  fuivans, 
pour  être  obfervés  de  point  en 
point  : 

i°.  Vous  ne  ferez  jamais  de  liai- 
fons  avec  menteurs  ou  libertins, 
encore  moins  avec  des  impies ,  ou 
des  femmes  folles. 

2°.  Vous  cultiverez  avec  tout  le 
foin  pofliblc  ,  le  commerce  des 
plus  honnêtes  gens,  d'habiles  gens 
Se  de  gens  polis. 

3".  Vous  vous  tiendrez  propre- 
ment^ vous  vous  mettrez  de  bon 
coût ,  mais  modeltement ,  &  fans 
vous  trop  attacher  à  la  vaine  paru- 
re comme  font  les  petits  Maîtres. 

4°.  Vous  écouterez  avec  atten- 
tion ,  vous  paxlciez  peu ,  Si  vous 


ES   SCAVANS, 

vous  attacherez  à  parler  jufre. 

5°.  Vous  fuivrez  ks  plus  grands 
Maîtres  en  tout  genre  d'éloquence, 
vous  choifirez  les  plus  beaux  Ser- 
mons ,  vous  ne  manquerez  ni  plai- 
doyer d'appareil ,  ni  difeours  Aca- 
démique. 

é°.  Vous  lirez  quatre  heures  par 
jour  d.ms  votre  chambre  ,  pendant 
ks  deux  ans  que  vous  auriez  mis  à 
étudier  la  Philofophie  dans  le  Col- 
lège. 

-]".  Vous  employerez  une  heure 
chaque  jour  à  écrire  les  remarques 
que  vous  aurez  faites  fur  Ce  que 
vous  aurez  lu  ou  entendu  de  bon  , 
Sz  fur  les  Ouviagesd'efprit  qu'on 
appelle  pièces  fugitives ,  que  vous 
croirez  d'alkz  bon  goût  pour  méri- 
ter votre  attention. 

8°.  Vous  ferez  trcs-regulier  aux 
exercices  que  M.  votre  père  vous 
preferira,  vous  lui  en  rendiez  com- 
pte tous  ks  foirs ,  aufîi  -  bien  que 
de  l'emploi  de  votre  journée. 

9°.  Moyennant  ces  conditions 
vous  pourrez  donner  trois  heures 
par  jour  à  ^os  plaiiîrs. 

Après  ces  articles  dreiîés  ,  on 
parla  d'exercices  ;  comme  notre 
Auteur  remarqua  dans  le  jeune 
homme  un  peu  trop  de  goût  pour 
le  deflein  ,  il  lui  fit  comprendre 
que  dès  qu'on  peut  attraper  un 
point  de  vue ,  Si  ébaucher  un  plan 
U  en  faut  demeurer  là  ,  à  moins 
qu'on  ne  foit  deftiné  au  génie  Si 
aux  fortifications  ;  fans  quoi  fi  l'on 
va  jufqu'à  la  Peinture  ,  on  contrac- 
te aifément  un  goût  dangereux  ,  on 
fe  ruine  en  originaux  ,  (F  l'on  refle 
un  original.  Tel  qui  devroitfçavoir 


JUIN 

camper,   juger  ,   parler,  ne  fçait 
que  peindre. 

Pour  !  Danfe  ,  c'eft,  pourfuivit 
notre  Auteur  ,  en  parlant  toujours 
au  jeune  homme  ,  un  ornement 
qu'il  eft  bon  de  fe  procurer  ,  mais 
il  ne  huit  s'y  addonner  ,  pour  ainfl 
dire  ,  que  pendant  quatre  jours.  A 
trente  ans  on  ne  darfe  plus,  Se  alors 
c'eft  le  plus  petit  mérite  du  monde, 
que  d'être  bon  danfeurvJufqu'à  fei- 
ze  ans  nous  n'apprenons  qu'à  ap- 
prendre ,  à  quarante  nous  n'appre- 
nons plus.  IL  raut  donc  mettre  à 
profit  l'intervalle  de  ces  deux  âges, 
pour  apprendre  ce  qui  doit  durer 
toujours. 

Notre  Auteur  penfe  mieux  de 
la  Mufique ,  c'eft  ,  félon  lui  ,  une 
ïeflource  pour  toute  la  vie  -,  mais  il 
prétend  que  dès  qu'on  peut  déchif- 
frer un  air,  Se  faire  fa  partie  ,  c'en 
eft  allez;  il  remarque  que  rien  n'eft 
plus  méprifé  qu'un  homme  de  qua- 
lité qui  ne  fçait  faire  que  le  Muti- 
cien  ,  Se  il  dit  qu'on  doit  craindre 
qu'un  tel  homme  ne  s'avife  de  joiier 
du  Tuorbe  quand  il  faut  monter  à 
l'affaut  ,  ou  qu'il  ne  fredonne  à 
l'audience.  Quant  à  l'exercice  de 
l'épée  il  dit  que  fix  mois  d'armes 
bien  employés  fuftîfent ,  Se  qu'il 
eft  auiîi  dangereux  <Sc  méprifable 
de  taire  le  Gladiateur ,  qu'il  eft  uti- 
le &  glorieux  de  fçavoirfe  défen- 
dre. Pour  ce  qui  regarde  le  cheval , 
un  an  de  cet  exercice  eft  sbfolu- 
ment  neceffaire  ,  mais  c'eft  allez , 
félon  lui  ;  on  ne  monte  plus  long- 
temsqueparamufement ,  &  pour 
remplir  le  vuide  d'un  tems  qu'on 
ne  fçait  à  quoi  employer. 


>    »  7  3  4-  3*9 

Notre  Auteur  confeille  à  fon  éle- 
vé de  prendre  tous  ces  exercices  , 
comme  en  volant,  fans  qu'aucun 
puifle  lui  ravir  up  feul  des  mo- 
mens  deftinés  à  la  lecture.  Si  l'on 
vous  fait  voyager ,  lui  dit-il ,  ne 
reflemblez  pas  à  ces  évaporés  qui 
ont  couru  tout  le  monde  Se  qui 
n'ont  rien  vu.  Rendez-vous  tel  que 
ceux  qui  tiendront  le  gouvernail 
fe  croyent  intereiîés  à  vous  mettre 
en  œuvre  tôt  ou  tard.  Les  talens 
ont  leur  part  à  la  diftribution  des 
grâces,  l'honnête  homme  ne  veut 
devoir  fa  fortune  qu'au  mérite  , 
commencez  donc  par  amafter  des 
matériaux. 

Ici  le  jeune  homme  interrompt 
fon  Maître  ,  pour  lui  demander 
quelles  lectures  il  faut  faire  Se  quel 
ordre  on  y  doit  fuivre.  Vous  devez, 
lui  répond  notre  Auteur  ,  vous  at- 
tacher tout  à  la  fois  à  ce  qui  peut 
enrichir  &  orner  l'efprit.  Il  faut  fur- 
tout  fçavoir  l'Hiftoire  ,  c'eft  de 
toutes  les  Sciences  celle  dont  l'i- 
gnorance eft  la  moins  permife  ; 
l'Hiftoire  eft  le  témoin  des  tems  , 
l'amede  la  mémoire  ,  la  lumière  Se 
l'oracle  de  la  vérité  ;  elle  nous  ap- 
prend la  morale  en  nous  mettant 
devant  les  yeux  des  exemples  de  vi- 
ce Se  de  vertu  ,  pour  fuivre  les  uns, 
Se  fuir  les  autres  ;  tout  le  monde 
devroit  fçavoir  l'Hiftoire  ,  puis- 
qu'elle eft  faite  pour  tout  le  mon- 
de ,  &  que  fon  principal  objet  eft 
l'inltrudion  générale  ,  mais  il  raut 
fe  fou  venir  que  la  Carte  Se  la  Chro- 
nologie funt  des  parties  elTenticlles 
de  l'Hiftoire  ,  puifque  fans  ces 
deux  Sciences  on  ignoreies  épo>; 


330       JOURNAL     DE 

qucs  importantes  ;  &  on  ne  fçait 
quel  eft  le  Théâtre  des  grands  éve- 
nemens. 

L'Auteur  entre,  à  cette  occafion, 
dans  un  détail  qui  n'eft  pas  un  des 
moindres  articles  du  Difcours 
qu'il  tient  au  jeune  homme.  Vous 
fçavcz  déjà  ,  lui  dit-il  ,  que  les 
Jçifsj  leslfraciitcs,  les  Hébreux  j 
Se  le  Peuple  de  Dieu  ,  ne  font 
qu'un  même  Peuple  ;  &  comme  il 
n'eft  pas  permis  d'ignorer  ce  qui 
concerne  un  Peuple  que  nous  re- 
prefentons  par  adoption ,  il  faut 
paffer  en  revue  tout  ce  qui  lui  eft 
arrivé  d'important  depuis  que  Moï- 
fe  l'ayant  tiré  miraculeufcment  de 
l'Egypte  ,  ce  Peuple  fût  mêlé  avec 
les  Grecs  -,  il  faut  fçavolr  com- 
bien d'Etats  fe  font  trouvés  con- 
fondus dans  tout  ce  qui  s'elt  appel- 
lé  la  Grèce  ;  on  ne  doit  rien  perdre 
de  tout  ce  qui  regarde  une  Monar- 
chie fi  renommée  par  la  valeur, 
par  la  fagetîc  £c  par  l'érudition.  Il 
faut  coniîderer  la  petite  (Te  des 
Romains  dans  leur  fondation  ,  en 
comparaifon  de  la  fplendeur  des 
Grecs.  Après  le  règne  des  fept 
Rois  de  Rome ,  qui  fut  environ  de 
deux  cens  cinquante  ans,  Se  après 
la  durée  de  la  Republique  ,  qui  fut 
de  cinq  cens  ,  on  entre  dans  les 
Céfars  &:  on  touche  à  cette  époque 
vénérable  qui  fit  le  falut  de  l'hom- 
me. Notre  Auteur  promet  à  fon 
Difciple  de  lui  expofer  foigneufe- 
ment  tous  ces  points  d'hiftoire  , 
puis  de  le  conduire  au  règne  de  40 
Empereurs  qui  dura  cent  ans,  mais 
de  l'y  faire  palTer  légèrement  pour 
venir  à  Conftantin  le  Grand,  &  ad- 


S  S  Ç  A  V  A  N  S  , 
mirer  le  zèle  de  ce  Prince  contre 
Arius ,  &  comment  Dieu  avoitre- 
fervé  à  cet  Empereur  ,  la  gloire 
d'arborer  le  premier  letendart  de 
la  Croix ,  in  hoc  Signa  vinces.  Cette 
réflexion  jointe  au  fouvenir  de  tous 
les  fecours  que  les  Romains  a  voient 
prêtés  aux  Juifs  de  Grèce  ,  eft  em- 
ployée par  notre  Auteur  pour  faine 
fentir  d'avance  à  fon  Difciple  ,  que 
Dieu  avoit  refolu  de  tous  les  tems, 
de  faire  de  Rome  le  Siège  principal 
de  la  Religion  Chrétienne.  Il  par- 
tage enfuite  fon  attention  entre  le 
progrès  de  l'Eglile ,  &  les  évene- 
mens  des  deux  Empires.  II. tombe 
enfin  fur  l'Hiftoire  des  Muful- 
maus  }  il  promet  d'examiner  ce 
qu'ils  étoient  avant  le  quinzième 
fiéele,  qu'ils  prirent  Conftantino- 
ple  ,  de  parcourir  enfuite  tous  les 
évenemens  de  l'Europe,  fur  l'Hi- 
ftoire de  chaque  Etat ,  dont  cette 
partie  du  monde  eft  compofée  ,  Se 
enfin  d'achever  fa  courfe  hiftorique 
par  ce  qui  concerne  la  Nation  Eran- 
çoife. 

Voilà  tout  ce  que  notre  Auteur 
s'engage  de  montrer  à  fon  Difciple 
pour  ce  qui  regarde  l'Hiftoire  ;  il 
cxhoTte  enluite  le  jeune  homme  à 
palTer  de  l'Hiftoire  aux  difterens 
Syftêmes  de  Philofophic  ,  à  quel- 
que connoilîance  des  beaux  Arts , 
Si.  à  la  Fable  ,  puis  à  l'étude  du 
Droit  Romain  ,  à  celle  des  Coutu- 
mes particulières,  &  des  differens 
ufages ,  enfin  à  examiner  ce  qui 
concerne  les  intérêts  des  Princes,  Se 
les  négotiations ,  afin  que  muni  des 
principes  généraux  Se  eflentiels , 
il   puiffe  quand  il  entrera  dans  le 


JUIN 

monde  ,  n'être  neut  fur  rien.  Mais 
comme  un  il  grand  nombre  de  lec- 
tures ferieules  pounoit  rebuter  le 
jeune  homme  ,  notre  Auteur  a  foin 
de  le  prévenir  là-deiTus  par  le  dil- 
cours  fuivant. 

»  Afin  ,  lui  dit-il  ,  de  vous  dé- 
»  laiTer  de  lectures  qui  pourroient 
m  vous  paraître  un  travail  i  je  vous 
»  ferai  lire  dans  tous  les  genres  de 
«  littérature  ,  quelques  Volumes 
»  choifis  qui  rafinent  le  goût  en  or- 
«  nant  l'efprit.  A  l'égard  de  la  plu- 
»  ralité  des  Langues  ,  convenez 
n  avec  moi  ,  que  fur  ce:  article  nos 
:>  voifins  font  plus  habiles  que 
»  nous.  Il  n'en  eft  point  parmi  eux 
»  qui  ne  regarde  notre  Langue 
»  Françoife  ,  comme  un  furcroit 
»  d'agrément  &c  de  politefle  ;  & 
»  nous,  nous  négligeons  tous  leurs 
»  idiomes  à  un  point  qiw  nous 
»  fait  aceufer  d'orgueil ,  ou  foup- 

»  conner  d'incapacité Nous 

»  avons  mille  bonnes  chofes  en 
y  Efpagnol ,  en  Anglois  5c  en  Ita- 
»  lien.  On  ne  peut  difputer  à  l'Al- 
»  lemagne  une  profonde  érudition. 
»  Si  la  Langue  en  eft  un  peu  diftî- 
»  cile,  aufll  eft-elle  plus  nccefîaire, 
«  non  feulement  par  le  refpeâ  dû 
»  à  la  première  Cour  du  monde 
»  Chrétien  s  mais  encore  parrap- 
»  port  à  ce  nombre  de  Princes  très- 
»  puiftans  ,  auprès  defquels  on 
»  peut  être  chargé  de  quelque 
*  commifiîon,  &  dont  il  eft  aulîi 
»  honorable  qu'utile  de  mériter  la 
»  bienveillance .... 

Après  ce  Difcours  que  nous 
avons  un  peu  abrégé,  notre  Auteur 
mena  fon  Difcipleà  l'Opéra.  Voi- 


.     I7Î4-    .  231 

ci  les  raifons  qui  l'y  engagèrent  :  on 
en  jugera  : 

»  Je  crus,  dit-il  ,  que  pour  dé- 
j-  lafler  mon  jeune  homme  ,  d'un 
»  entretien  un  peu  ferieux  ,  je  dc- 
»  vois  le  mènera  l'Opéra  ,  attendu 
»  que  ce  pouvoir  être  une  leçon  af- 
»  fez  utile  pour  lui ,  que  de  lui  fai- 
»  re  connoître  les  plaifirs  :  en  effet 
»  c'eft  un  des  points  les  plus  impor- 
»  tans  de  la  vie ,  que  de  connoître 
»  la  reflource  &  le  danger  des  plai- 
»  firs  ,  puifque  c'eft  le  moyen  le 
»  plus  fur  de  fe  garantir  Se  du 
»  chagrin  &  delà  débauche  ;  je  fuis 
»  tellement  convaincu  de  cette  vé- 
»  rite  ,  que  j'en  donnerai  un  Chapi- 
»  tre  ,  mais  j'établirai  que  les  plai- 
»  firs  de  l'efprit  &  de  l'ame  font 
»  infiniment  au  -  déifias  des  plaiiïrs 
»  des  fens.  Pour  corriger  le  danger 
»des  plaifirs  par  un  peu  d'étude  , 
»  j'ordonnai  au  jeune  homme  de 
n  venir  le  lendemain  me  faire  l'a- 
»  nalyfe  de  la  dixième  Ode  du  fe- 
»  cond  Livre  d'Horace.  On  y  trou- 
»  ve  la  matière  des  confeils  les 
»  plus  ferieux.  Le  ReUilts  vives 
»"nous  mené  à  la  paix  intérieure  , 
»  qui  ne  peut  être  que  le  rruit  d'un 
"attachement  inviolable  à  l'efprit 
»  de  juftice  &  aux  bonnes  mœurs. 
»  Lauream  mediocritatan  nous  ap- 
*>  prend  la  modération  des  defirs  , 
»  le  littus  inisjitum  défigne  bien  une 
*>  fortune  faite  à  la  hâte  ,  &c  il  me 
»  femble  que  le  benè  préparation 
»  petlus  eft  une  leçon  bien  falutaire 
»  dans  les  difgraces.  Quelques  jours 
après  j'allai  voir  le  père  &  la  mère 
du  jeune  homme .... 

Nous  ne  fuivrons  point  notre 


33*         JOURNAL    DE 

Auteur  dans  le  récit  qu'il  fait  de 
cette  vifite  ;  il  y  fut  dit  de  part  & 
d'autre  quantité  de  chofes  impor- 
tantes touchant  l'éducation  desen- 
fans,on  les  peut  voir  dans  le  Livre. 

Après  le  récit  de  la  vifite  "}  &  de 
tout  ce  qui  s'y  pafla  ,  l'Auteur  fc 
répand  en  reflexions  générales  fur 
la  manière  dont  il  faut  fe  conduire 
à  l'égard  des  jeunes  gens  pour  leur 
former  l'efprit "&  le  cœur. 

Viennent  enfuite  divers  Chapi- 
tres particuliers  ,  où  l'Auteur  s'ex- 
plique premièrement  lur  la  naiffan- 
cc  &  fur  le  mérite  petfonnel ,  fur  le 
but  de  la  Philofophie  \  fur  ce  que 
c'eft  que  le  galant  homme  ,  l'hon- 
nête homme ,  l'homme  de  mérite  , 
l'homme  de  bien  -,  fur  la  différence 
qu'il  y  a  entre  galant  homme  & 
homme  galant  ,  fur  les  effets  de  la 
vraye  vertu  ,  fur  fes  rapports  avec 
l'homme,  la  raifon  &  la  Religion* 
fur  la  neceflité  de  bien  diftinguer 
le  vrai  d'avec  le  faux  dans  ce  qui 
regarde  la  vertu ,  fur  le  méchant 
exemple,  fur  la  douceur  de  l'efprit, 
fur  l'égalité  d'humeur  ;  fur  lacom- 
plaifance  &  fur  la  politefle. 

L'Auteur  palîc  delà  à  la  neceflité 
&  à  l'utilité  de  la  lecture  a  au  choix 
des  Livres ,  au  jugement  qu'il  faut 
porter  des  Ouvrages  d'efprit  ,  il 
fait  diverfes  réflexions  fur  l'élo- 
quence ,  fur  la  manière  de  parler 
&  d'écrire  ,  fur  la  raillerie  ,  fur  les 
Livres  dangereux  ,  fur  le  foin 
qu'on  doit  prendre  ,  de  ne  parler 
jamais  de  foi- même  ,  fur  la  médi- 
fance  ,  la  calomnie ,  tv  les  fots  rap- 
ports ,  fur  le  bon  efprit ,  fur  la  dif- 
limulation  •  fur  l'indulgence  qu'on 


S    5ÇAVANS, 

doit  avoir  pour  les  défauts  d'au- 

trui. 

L'utilité ,  le  choix  &  l'ufage  des 
plailîrs ,  tels  que  le  jeu  ,  la  chatte  , 
le  bal ,  les  fpectaclcs ,  la  mufique , 
la  table  ,  la  promenade  ,  la  fré- 
quentation des  Dames ,  font  la  ma- 
tière d'un  Chapitieexprès,où  l'Au- 
teur enfeigne  de  quelle  manière  , 
fans  manquer  à  ce  qu'exige  la  vertu, 
on  peut,  félon  lui,ufer  de  toutes  ces 
chofes.  Il  s'étend  fort  au  long  fui 
ce  qui  concerne  la  Comédie  ,  & 
l'Opéra.  Il  prétend  que  ces  Specta- 
cles ,  de  la  manière  qu'ils  font  au- 
jourd'hui ,  ne  fçauroient  être  in- 
terdits avec  raifon.  A  la  vérité 
dit- il  ,gtns  qui  connoiffent  peu  le  mon- 
de ,  &  qui  [ont  entêtés  dans  leurs  Pré- 
ventions ,  croyent  que  la  dèfenfe  des 
Speclacles  efl  un  devoir  de  leur  m'ini- 
flere  ,  ou  du  moins  l'effet  d'une  fage 
prévoyance  &  d'un  J crapule  délicat  : 
mais  je  crois  au  contraire  que  fi  l'on 
apprenait  aux  jeunes  gens  ,  la  vraye 
valeur  des  Speïlacles  ,  il  ferait  plus 
fur  de  prévenir  l'air  de  corruption 
qu'on  leur  attribue  ,  &  l'on  ne  man- 
querait pas  une  reffource  mcrvedlcufc 
de  polir  l'efprit  ,  d'épurer  le  goût  & 
déformeriez  mœurs  ....  Le  "Théâtre 
François  efl  plus  pur  que  jamais ,  & 
je  doute  qu'aucun  Sermon  fur  l'hypo- 
crifie  foit  plus  efficace  pour  convertir 
un  faux  dévot  que  la  Comédie  du  Tar- 
tuffe ....  Quoi  de  plus  propre  ,  pour- 
fuit  notre  Auteur  ,  à  former  un  ex- 
cellent carailcre  dans  une  jeune  per- 
fonne  ,  que  de  lui  faire  éviter  par  de 
bons  cenfeils  ,  &  par  des  représenta- 
tions naturelles  &  perfuafives  ,  les 
impertmens  caratleres  que  Molière  a 
ridiculifé..,. 


JUIN 

ridiculifés... .  Le  jeune  homme  qui  veut 
fe  former  au  bien ,  tire  de  chaque  cho- 
fe  tout  le  bon  qu'il  en  peut  tirer  ; 
s'il  va  h  la  Comédie  ,  /'/  lit  la  Pièce 
Avant  que  de  l'entendre  ,  &  par -là  il 
fent  tout  le  mérite  que  l'allion  ajoute 
à  la  compofiiion.  Il  ne  fort  point  de 
l'Avare  fans  en  detefter  l'infâme  ca- 
ratlere,ni  du  Grondeur  fans  être  plus 
raifonnable  &  plus  doux.  Il  voit  dans 
Ctnna  ,  combien  un  repentir  fincere 
peut  laver  de  fautes  ,  &  combien  la 
clémence  Jçait  gagner  les  cœurs. 

Au  reftc  ,  notre  Auteur  avertit 
qu'il  ne  blâme  pas  qu'on  aille  par 
curiohté  a  une  Pièce  nouvelle  , 
mais  qu'il  blâme  feulement  qu'on 
ne  cherche  qu'à  y  fatisfaire  fa  cu- 
riofité.  Quant  au  choix  des  Pièces  , 
il  croit  que  fi  l'on  fe  trouve  atta- 
qué de  quelque  humeur  mélancho- 
lique  qu'on  ait  peine  à  furmonter  , 
une  Pièce  plus  plaifante  que  belle 
furfit  ;  on  commence  alors ,  dit-il , 
par  fe  remettre  ,  &  on  finit  par  fe 
réjouir  :  mais  fi  l'on  eft  dans  une 
alfiette  ordinaire  il  demande 
quelque  chofe  de  plus  ,  il  veut 
qu'on  choififTe  ou  une  Tragédie 
dont  la  di&ion  foit  pure,  lesfenti- 
mens  grands ,  l'intrigue  bien  ma- 
niée ,  le  dénouement  naturel  &  ju- 
dicieux ,  ou  une  Comédie  dans  la- 
quelle on  puifle  apprendre  en  riant, 
à  fe  garantir  de  toutes  les  efpeces 
de  ridicule. 

Pour  ce  qui  eft  de  l'Opéra  ,  il 
eftime  qu'il  faut  bien  des  connoif- 
fances  différentes  pour  en  fentir 
toutes  les  beautez.  11  ne  craint  pas 
cependant  de  dire  que  celui  qui 
connoît  également  la  Comédie,  Se 
Juin. 


»  17  34-        v  }J5 

qui  la  préfère  à  l'Opéra  ,  fait  preu- 
ve tout  à  la  fois  &  de  beaucoup 
d'efprit ,  &  d'un  difeernement  dé- 
licat. 

L'Opéra  eft  moins  un  Spectacle 
qu'un  aflemblagc  de  plufieurs 
Spectacles.  Muliques  ,  paroles 
Ballets  ,  Machines  ,  décorations, 
quelle  dépenfe  !  que  d'Ouvriers  ! 
Le  Spectacle  eft  brillant,  il  éblouit, 
il  étonne  ;  mais  fi  l'on  en  fait  l'a- 
natomic  on  trouvera  ,  dit  notre 
Auteur  ,  ou  qu'il  y  a  de  grands  dé- 
fauts dans  chaque  partie  de  ce 
Spectacle  ,  ou  qu'avec  des  parties 
bonnes  en  foi ,  ce  n'eft  qu'un  tout 
médiocre.  Les  Opéra  les  plus  par- 
faits ont  des  endroits  qui  ennuyent, 
&  l'Auteur  cite  fur  ce  fujet  l'Opéra 
d'Atys. 

On  voit  dans  les  autres  Chapi- 
tres ,  combien  les  plaifirs  de  l'ef- 
prit  &  de  l'ame  font  préférables 
aux  plaifirs  des  fens,  combien  la 
reconnoiflance  &  la  générofité  font 
juftes ,  quel  malheur  c'eft  de  s'atta- 
cher trop  aux  riclielfes ,  comment 
il  faut  s'y  prendre  pour  faire  choix 
d'un  état  de  vie.  On  y  trouve  un 
parallèle  de  l'éloquence  avec  la 
valeur  ,  un  contrafte  de  la  pro- 
digalité &  de  l'avarice  ,  diverfes 
règles  concernant  le  bon  ufage 
du  crédit  ,  de  l'autorité  &  du 
bien  ,  plufieurs  confeils  pour  être 
heureux  dans  le  mariage  ,  &c. 
un  grand  nombre  de  reflexions  im- 
portantes fur  l'ufage  du  tems ,  fur 
ce  qu'on  doit  à  Dieu  &  au  pro- 
chain ,  fur  l'excellence  de  la  Reli- 
gion Catholique ,  fur  le  refpect  hu- 
main ,  fur  la  grâce ,  fur  la  colère  & 
Xx 


524  JOURNAL   D 

fur  la  vengeance  ,  fur  l'envie  &  fur 
la  gourmandife  ,  fur  l'hypocrifie , 
fur  la  lecture  des  Livres  Saints ,  fur 
les  bonnes  œuvres ,  telles  que  l'au- 
mône &  la  Prière  -,  fur  la  Parole  de 
Dieu ,  fur  le  Sacrifice  de  la  Mette  , 
fur  le  l'efpect  dû  aux  Eglifes ,  fur  la 
mifere  &  fur  la  dignité  de  l'hom- 
me ,  fur  l'orgueil  &  fur  l'impiété  , 
fur  le  peu  de  crainte  qu'on  doit 
avoir  de  la  mort. 

Le  toutfe  termine  par  une  Priè- 
re que  l'Auteur  fait  à  Dieu  &  dont 
voici  les  derniers  mots  :  »>  Daignez, 
x  grand  Dieu  3  répandre  vos  béné- 
3>  dictions  fur  cet  amufement  que 
j>  je  vous  offre  en  réparation  de» 
»  vains  amufemens  de  ma  jeunelle: 
»  quoique  j'aye  pris  plaifîr  à  ren- 
n  dre  hommage  à  la  vérité  ,  vous 
»  n'en  payerez  pas  moins  mes  foi- 
»  blés  foins  au  centuple  -,  vous  me 
»  l'avez  promis ,  oui  ,  mon  Dieu , 
»>  vous  nous  aimerez  affez  ,  les 
»  miens  &  moi  ,  pour  nous  infpirer 
n  à  tous  de  vous  aimer  infiniment, 
»  de  vous  louer ,  de  vous  rcmer- 
»  cier ,  de  vous  adorer  toujours,  & 
»  de  nous  faire  mourir  de  la  mort 
«des  Juites. 

Une  des  principales  raifons  que 
ceux  qui  déclament  contre  les 
Spectacles,  ont  coutume  d'alléguer 
pour  établir  hrur  fentiment ,  c'eft 
que,  d'aller  a  la  Comédie  ou  à  l'O- 
péra ,  n'eft  pas  une  action  qui  fe 
puilîe  offrir  à  Dieu.  Notre  Auteur 
penfe  autrement ,  puifqu'il  offre  à 
Dieu  cet  Ouvrage  même  dans  le- 
quel, comme  nous  venons  de  voir, 
il  fait  un  article  exprès  pour  jufti- 
fiat  k  Comédie  &.  l'Opéra  ;  il  prie 


ES  SÇAVANS, 
le  Seigneur  de  répandre  fes  béné- 
dictions fur  un  tel  Ecrit.  Il  appelle 
cet  Ecrit  un  amufement ,  &  c'eû  à 
ce  qu'il  dit  ,  en  réparation  des 
vains  amufemens  de  fa  jeuneffe , 
qu'il  offre  à  Dieu  celui  -  ci.  Que 
peut-on  dire  de  plus  ?  Ce  que  nous 
venons  d'extraire  de  ce  Traité  ,  cft 
infuffifant  pour  en  donner  une 
idée  ;  il  nous  faut  rappeller  quel- 
ques exemples  de  ce  qu'on  y  lit  fur 
la  Grâce  ,  fur  la  vengeance  ,  fur  la 
médifance  ,  &c  la  calomnie  ,  fur  la 
gourmandife ,  fur  l'hypocrifie  ;  ar- 
ticles que  nous  choifiifons  non  par 
préférence  à  un  grand  nombre 
d'autres  qui  ne  méritent  pas  moins 
d'être  cités,  mais  parce  qu'ils  nous 
ont  paru  plus  fufceptibles  d'Ex- 
traits. 

Sur  la  Grâce, 

»  Quoique  le  joug  du  Seigneur 
»  foit  confolant ,  il  eft  pourtant 
»  vrai  qu'il  a  fes  amertumes  ;  car 
»  enfin  il  faut  mortifier  fa  chair,  & 
n  la  chair  n'aime  pas  qu'on  la  mor- 
»  tifie.  Il  faut  donc  refufer  quelque 
»  chofe  à  fes  fens  -y  mais  auflî  dans 
»  quel  Pays  &  dans  quel  commer- 
»  ce  a-t-on  rien  pour  rien  ?  Le  com- 
»  bat  de  la  chair  &  de  l'efprit  eft 
>»  l'affaire  de  toute  la  vie ... .  Mais 
n  ici  je  dois  vous  aguerrir  contre  le 
*>  prétexte  le  moins  raifonnable,  & 
»  pourtant  le  plus  commun  ,  fur  le- 
»  quel  la  plupart  croyent  juftifier 
»»le  retardement  de  leur  conver- 
j>  fion.  Je  me  convertirai ,  dit-on, 
»  dès  que  Dieu  m'en  aura  donné 
»  la  grâce. 


JUI 

»  Cette  façon  de  raifonner  fi- 
»  gnific  préciféraent,  que  l'impiété 
»>  veut  rendre  la  grâce  de  Dieu  ref- 
»  po niable  de  la  corruption  de 
»  liiommc.  C'eft  ainli  que  l'incré- 
»  dule  &  l'endurci  corrompent  en 
h  toute  manière  ,  le  beau  mot  de 
»  S.  Auguftin  :  Da  c/md  jubés ,  & 
vjube  e/uod  vis.  Fatales  imagina- 
it tions  de  la  Scholaftique  ,  pour- 
»quoi  fourrùflez-  vous  à  l'homme  , 
»  des  Sophifmcs  ingénieux  pour  fe 
»  tromper  ?  Que  nous  fommes  dé- 
»  raifonnables  de  nous  fervir  ii  mal 
»  de  notre  efprit  !  Tout  borné 
»  qu'il  eft ,  il  veut  fouiller  dans  les 
•»  fecretsde  Dieu  ,  &c  pénétrer  des 
»  myfteres  fur  lcfquels  on  ne  lui 
»  demande  que  confiance  &  foû- 
»  million.  On  voit  des  perfonnes 
«  d'érudition  ,  de  vertu ,  &c  de  mé- 
»  rite  ,  vouloir  épuifer  la  matière 
»  fur  le  Chapitre  de  la  Grâce  &  de 
»  la  Providence  ;  &  qu'y  compren- 
»  nent-ils  ?  Qu'y  peut-on  compren- 
»dre  ?  N'ai-je  pas  lieu  de  me  plain- 
»  dre  de  leur  fçavoirtroprafiné  ; 
»  &  de  leur  fubtilitc  à  diftinguer 
»  &  divifer  ,  puifque  ce  jargon  de 
»  l'Ecole  ne  fert  qu'à  m'embarraf- 
»  fer  l'efprit  ?  Ai  -  je  befoin  d'une 
»fcience  profonde  pour  me  perfua- 
y  der  qu'il  y  a  un  Dieu  î  puis-jc 
n  croire  Dieu  injufteî  Dieu  jufte  me 
a»  commande-t-il  l'impolfiblc  ,  & 
»  confondra-t  il  dans  fes  jugemens 
»  l'homme  de  bien  &  le  fcélérat  ? 

Notre  Auteur ,  après  ces  refle- 
xions importantes  ,  vient  à  des  ex- 
plications qui  ne  font  pas  moins 
cflentielleSjÛ  reconnoît  que  la  grâ- 
ce eft  un  don  gratuit,  que  Dieu  eft 


N  ,   I7Î4*  m 

lefeul  arbitre  de  fes  grâces,  qu'il 
les  donne  quand  &  de  quelle  ma- 
nière il  lui  plaît  y  qu'il  trouve  en 
nous  la  matière  de  fes  vengeances, 
&  ne  trouve  qu'en  lui  -  même  les 
raifons  de  fa  mifericorde  ;  mais 
qu'il  eft  vrai  auffi  que  la  grâce  ne 
nous  manque  jamais,  &  que  nous 
manquons  prefque  toujours  à  la 
grâce.  Que  les  bonnes  œuvres  nous 
attirent  des  grâces ,  &  que  la  re- 
connoiflance  des  grâces  reçues 
nous  en  attire  de  nouvelles;  mais 
que  s'il  eft  de  la  grandeur  de  Dieu 
de  ne  trouver  dans  les  hommes 
d'autres  fondemens  de  fa  miferi- 
corde que  la  foiblelîc  humaine  ,  il 
eftaulfidela  prudence  du  Chrétien 
de  travailler  à  s'attirer  cette  miferi- 
corde par  les  bonnes  œuvres  ;  que 
cependant  au  lieu  d'y  chercher  le 
fecours  &  la  force  qui  y  font  atta- 
chés ,  on  fe  jette  dans  des  raifonne- 
mensqui  tiennent  plus  de  l'impié- 
té que  de  la  feience. 

"Nous  voudrions  que  la  grâce 
«efficace  nous  enlevât  tout  d'un 
»  coup  ,  Se  que  Dieu  fît  feul  les 
»  frais  de  notre  falut  ;  c'eft-à-dire, 
»  que  nous  prétendons  que  Dieu 
»  nous  prévienne  toujours  ,  qu'il 
»  fafte  les  premières  démarches  , 
»&qu'il  nous  donne  les  grâces  donc 
»  nous  avons  befoin ,  fans  que  de 
«notre  côté  nous  ayions  la  peine  de 
»  les  lui  demander ,  c'eft  une  im- 
»  pieté  que  de  cenfurer  l'ordre 
»  de  la  Providence  ,  &  un  attentat 
»  que  d'en  vouloir  pénétrer  le  my- 
»  fterc  ;  fions  nous -y  ,  &  faifons 
»  de  notre  part ,  tout  ce  que  nous 
»  pouvons.  Voilà  les  grandes  ré- 
«  gles.  Xxij 


33$  JOURNAL  D 

Notre  Auteur  remarque  ici  que 
les  plaintes  qu'on  t'ait  de  la  Provi- 
dence, &la  déteftable  excufe  qu'en 
tire  du  prétendu  manque  de  grâce, 
n'échappent  qu'aux  libertins  du 
premier  ordre,  parce  qu'ils  ne  crai- 
gnent rien  tant  que  de  fe  corriger 
8c  qu'ils  aiment  mieux  fe  taire  une 
idée  monftrueufe  de  la  divinité  que 
de  rectifier  leurs  raifonnemens  8c 
leur  conduite  ;  corruption  de  cœur 
qui  produit  à  la  fin  celle  de  l'el- 
prit ,  &  qui  conduit  à  l'impénitep- 
ce  finale. 

Chacun  fçait  cette  parole  de  l'E- 
vanoile  ,  que  l'on  n'entrera  point 
dans  le  Royaume  Célefte  fi  l'on  ne 
relTemble  à  des  enfans.Notre  Auteur 
fait  là  -  deiTus  d'excellentes  refle- 
xions. »  Que  de  morales  dans  cette 
»  parole  ,  dit  -  il  ,  peut-on  lire  un 
»  plus  beau  Sermon  fur  la  pureté 
»  des  mœurs  &  fur  la  fimplicité 
»  Evangelique.  Tel  vife  au  Doclo- 
»  rat ,  qui  ne  fçait  pas  fon  Caté- 
»chifme  ;  on  n'aime  que  les  ma- 
n  tieres  incompréhenfibles  ;  8c  à 
»  quelque  prix  que  ce  puilîe  être  , 
»  on  veut  faire  le  bel  efprit.  AL- 
»  mons  les  Sciences ,  mais  ne  per- 
»  dons  jamais  de  vue  les  f  ondemens 
»  de  notre  Religion.  Reparlons 
»  fouvent  le  Décalogue ,  faifons-en 
•  notre  pain  ordinaire.  Ce  confeil 
»  eft  uni  ,  mais  il  eft  falutaire  ,  &c 
»  puifque  nous  devons  reflembler 
»  aux  enfans ,  ne  faifons  pas  fotte- 
»  ment  les  Docteurs. . . . 

Sur  la  Vengeance. 

La  Vengeance  -t   dit  notre  Au- 


ES  SÇAVANS, 

teur  t  eft  le  vice  des  dévots;  mais 
ce  n'eft  point  celui  d'un  grand 
homme  ,  ni  d'un  homme  de  bien. 
Un  Courtifan  du  jeune  Théodofe 
lui  reprochoit  refpe&ueufement 
d'être  trop  doux  :  En  vérité ,  lui  ré- 
pondit ce  Prince  }  bien  loin  de  vou- 
loir faire  mourir  lesvivans,  je  vou- 
drais pouvoir  rejfufciter  les  morts. 

Pour  faire  voir  combien  on  doit 
fuir  la  vengeance  ,  notre  Auteur 
remet  fous  les  yeux,  la  gloire  qu'on 
acquiert  à  pardonner ,  8c  les  maux 
qu'on  s'épargne  en  même  tems  à 
foi-même. 

»  Quelle  vengeance  plus  illu- 
»  ftre  ,  dit-il  3  que  de  voir  ceux  qui 
»  nous  ont  orTenfés  réduits  à  nous 
»  demander  grâce.  Il  y  a  donc  de  la 
»  grandeur  à  pardonner.  Mais 
»  comptera-ton  pour  rien  les  pei- 
»  nés  qu'on  s'épargne  en  pardon- 
n  nant  ?  Quelle  foule  de  mouve- 
»  mens  furieux  dans  l'ame  d'un 
«vindicatif  ;  c'eft  un  aiîemblage 
»  d'inquiétudes  affreufes ,  de  foins 
»  devorans ,  de  dangers  de  toute 
»  efpece  ,  de  funeftes  confidences  , 
»  8c  d'homicides  penfees.  Je  crois 
»  voir  toutes  les  Eumenides  la  tor- 
»che  à  la  main  8c  la  tête  chargée  de 
»  ferpens ,  acharnées  fur  le  cœur  du 
»  vindicatif  :  fentons  bien  le  mé- 
»rite  de  ce  repos  précieux  qu'Ho- 
rs race  eftimoit  tant  ;  8c  raifonnons: 
»  Dieu  me  fait  une  loi  de  ce  qui 
*»  faifoit  les  plus  doux  plaifîrs  d'un 
»  Payen  honnête  homme.  Oh  !  que 
»  la  loi  qui  'me  preferit  de  confer- 
»  ver  toujours  de  la  tranquillité  & 
»  de  la  douceur  ,  que  cette  Loi  qui 
»  m'apprend  à  réprimer  mes  fuil- 


JUIN,    i7î  4-  337 

«lies,  &  à  vaincre  mes  paillons  ,  «l'éternité  devant  les  yeux  ,  pour 
»  eft  une  aimable  &  une  admirable  »ne  pas  trop  manger  ou  trop  boire. 
»  Loi  !  Serois-je  aullî-  bien  conduit  »  Eft- ce  donc  que  ma  fanté  ne  me 
»  fi  je  meconduifois  moi-même »  le  défend  pas  allez  ?  La  feule  po- 


De  cet  article  l'Auteur  paffe  à 
celui  de  la  médifance  &  de  la  ca- 
lomnie. Il  remarque  que  félon  le 
monde -même  ,  il  n'eft  rien  de 
plus  indigne  que  de  parler  mal 
d'autrui.  Il  demande  s'il  n'y  a  pas 
une  petiteiTe  infinie  à  n'avoir  de 
l'efprit  qu'aux  dépens  de  fon  pro- 
chain. »  Vous  menagera-t-on  ,  con- 
»  timie  -t  -  il  5  quand  on  verra  que 
»  vous  ne  ménagez  perfonne  ?  Si 
wvous  révélez  le  fecret  confié  ,  ou 
»  fi  vous  calomniez,  vous  êtes  fou- 
an  verainement  malhonnête  hom- 
»me.  Si  vous  m'apprenez  le  début 
»  caché  de  votre  voifin ,  je  n'écoute 
»  pas  l'hiftoire  ,  je  ne  penfe  qu'à 
»  votre  malignité.  Il  eft  donc  vrai 
»  que  la  Religion  qui  m'oblige  à 
»  mefurer  mes  paroles  ,  eft  une  ex- 
»  cellente  Religion.  Nonje  ne  puis 
»  trop  le  répeter  ,  la  Religion 
»  Chrétienne  n'exige  rien  de 
n  l'homme,  qui  ne  convienne  à  fon 
»  vrai  bonheur  pour  le  tems  ,  à  fa 
»  probité,  à  fa  fanté,  à  fon  repos3& 
»  à  fon  amour  propre ,  fi  l'on  fça- 
»  voit  fe  bien  aimer  foi-même. 

Ce  que  l'Auteur  remarque  fur 
la  gourmandife,  fera  encore  mieux 
fentir  la  vérité  de  cette  maximej 

Sur  la  Gourmandife. 

»Puifque  la  gourmandife  eft  fpé- 
n  cialement  défendue ,  je  vous  de- 
*  mande  :  me  faut-il  une  Loi  écrite, 
»  ai-je   befoin   d'avoir   fans   cefte 


»  litefie  fait  regarder  avec  horreur 
»  un  gourmand  de  profelfion  ;  aulfi 
»  ne  voit-on  guéres  que  des  ftupides 
»  qui  foient  fufceptibles  d'un  dé- 
»  faut  aufli  méprifable  j  parce  que 
»  c'eft  celui  qui  raproche  le  plus 

»  l'homme  de  la  bête 

Notre  Auteur  au  refte  avertit 
qu'il  ne  prétend  pas  démontrer 
l'excellence  de  la  Religion  Chré- 
tienne ,  uniquement  par  le  foin 
qu'elle  prend  de  reprouver  des  vi- 
ces que  les  honnêtes  gens  déte- 
llent. 

»  En  cela  ,  dit-il  ,  l'Evangile  me 
»  femble  ne  faire  que  l'office  d'un 
»  fage  Gouverneur  :  c'eft  me  pref- 
»  crire  des  règles  de  conduite  qui 
»  puifient  m'attirer  de  la  part  des 
«hommes,  plus  de  confiance  & 
n  d'amitié  ,  c'eft  m'apprendre  le 
«moyen  de  vivre  plus  heureux  & 
*>  plus  long-tems  ;  mais  de  me  ren- 
»  dre  méritoire  pour  l'Eternité  le 
»  plaifir  que  j'aurai  pris  à  vivre  en 
»  homme  réglé  ,  en  homme  fage  , 
»  en  homme  vrai;  me  tenir  compte 
»  du  foin  que  j'aurai  eu  de  ma  re- 
»  putation  ,  de  ma  fortune  ,  de 
»  ma  fanté ,  de  l'heureufe  occafion 
n  que  j'aurai  faifie  d'obliger  un 
»  honnête  homme  ,  ou  de  fecourir 
»  un  malheiiïeux  ;  me  f  ça  voir  gré 
»de  mon  attention  à  payer  mes 
y>  dettes ,  à  remplir  les  devoirs  de 
x>  mon  état ,  à  ne  me  point  livrer  à 
n  des  parlions  brutales,  me  recom- 
»  penfer  d'un  peu  de  force  d'efpnt 


3iS  JOURNAL    DES    SÇAVANS. 

•  qui  me  fait  fupporter  patiem-      »  mieux  tromper  les  hommes ,  un 


»  ment  une  difgrace  ou  une  injure, 
»  accidens  aufquels  j'ai  donné  lieu, 
»  ou  que  je  pouvois  éviter  :  en  vé- 
»  rite ,  c'eft  le  comble  des  miferi- 
»  cordes  du  Très-Haut.  Non  ,  on 
»  ne  fçauroit  allez  publier  l'excel- 
»  lence  d'une  Religion  auffi  fainte 
»  &  auffi  confolante. . . . 

Sur  l'Hypocrifie. 

»  Que  l'Evangile  fait  bien  l'é- 
»  loge  de  la  probité  ,  en  décla- 
»  mant  auffi  vivement  contre 
a»  l'hypocrifie  !  On  a  bien  de  la 
»  peine  à  trouver  un  homme  de 
»  bien  ,  &  il  pleut  des  dévots.  Il 
»  eft  vrai  que  le  titre  de  dévot  eft 
»  un  vernis  admirable  pour  un  fri- 
»pon  &  pour  une  femme  déré- 

»  glée Je  ne  crois  point  d'a- 

»  thées ,  mais  je  crois  que  rien  n'en 
j>  approche  tant  que  l'hypocrite. 
«C'eft  un  fcéiérat  qui  n'affecte  de 
»  paroître  craindre  Dieu,  que  poux 

HISTOIRE  CRITIQVE  DE  L'ETABLISSEMENT  DE  LA 
Monarchie  Françoife  dans  les  Gaules  :  par  M.  L'Abbé  du  B  o  s  ,  l'un 
des  Quarante ,  &  Secrétaire  perpétuel  de  l'Académie  Françoife.  A  Paris, 
chez  Chaubert,  Quai  des  Auguftins ,  à  la  Renommée  &  à  la  Pru- 
dence ;  Cijfey  ,  rue  de  la  vieille  Bouderie  ,  à  l'Arbre  de  JefTé  ;  rue 
S.  Jacques  ,  chez  Ofmont ,  à  l'Olivier  -,  Huart  l'aîné ,  à  la  Juftice  ; 
Cloufier ,  à  l'Ecu  de  France  :  Quai  des  Auguftins ,  chez  Hourdel  \  Da- 
vid le  jeune  ,  à  l'Efperance.  1734.  /«-40.  trois  Vol.  Tom.  I.  pp.  53^. 
Sans  le  Difcours  Préliminaire.  Tom.  II.  pp.  611.  Tom.  III.  pp.  552. 
fans  la  Table.  Planch.  1. 


fcélerat  qui  trafique  ce  que  nous 
»  avons  de  plus  augufte  ,  &  qui  le 
»  fait  dans  la  feule  vue  de  pouvoir 
»  refter  toujours  impunément  vi- 
»  cieux  ,  à  la  faveur  d'un  peu  de 
»  réputation  dérobée. 

»  Au  fujet  de  ce  vice  qui  eft  dia- 
»>  métralement  oppolé  à  toute  Re- 
»•>  ligion ,  &  à  l'honneur ,  je  bazar- 
da de  une  proposition  bien  fimple  , 
»  &  je  l'addrefle  aux  Déifies.  Je 
»  leur  dis  :  vous  croyez  un  Dieu  , 
»  &  vous  croyez  qu'il  y  a  tout  au 
»  moins  dans  le  monde  un  homme 
»  de  bien  ,  &  un  hypocrite.  La 
»  confequence  eft  abfolument  né- 
y  ceflaire  :  il  y  a  donc  un  Paradis 
»  &  un  Enfer. 

A  conliderer  la  nature  de  ces  re- 
flexions ,  &  d'un  grand  nombre 
d'autres  auffi  graves  &:  auffi  impor- 
tantes qui  compofent  ce  Traité  ,  il 
eft  difficile  de  les  concilier  avec 
le  badinage  de  l'Exorde. 


LA  Préface  &  le  premier  Livre 
de  cet  Ouvrage  ont  fait  la  ma- 
tière d'un  Extrait  imprimé  dans 
notre  dernier  Journal.  Nous  ren- 


drons compte  dans  celui  -  ci ,  des 
deux  Livres  fuivans. 

II.  Le  fécond  Livre  contient  un 
détail  des  événemens  axiivés  dans 


JUI 

les  Gaules  depuis  la  grande  inva- 
fion qu'y  firent  les  Barbares  en  407 
jufqu'à  l'année  456'  ;  ôc  quoique  les 
Francs  n'y  joiiaiîent  point  encore 
de  rôle  considérable  ,  leur  Hiftoirc 
ne  laifle  pas  de  fe  trouver  elTentiel- 
lement  liée  à  cette  révolution  qui 
difpofa  les  Romains  des  Gaules  à 
implorer  le  fecours  de  cette  belli- 
queufe  Nation,  Sc'à  fe  jetter,  pour 
ainfi  dire ,  entre  fes  bras. 

L'Auteur  expofe  d'abord  quel 
étoit  alors  l'état  de  l'Empire  Ro- 
main en  Occident.  Devenu  fouve- 
rainement  defpotique  ,  il  étoit  en- 
tre les  mains  d'Honorius,  Prince 
foible  ,  dépourvu  du  talent  de  fc 
faire  craindre  ,  &  livré  totalement 
à  Srilicou  Vandale  d'origine  ,  fon 
premier  Miniftre  ,  fon  Favori ,  fon 
beau-pere  ,  &  Généraliiïime  de  fes 
Armées.  Celui-ci  non  content  de 
régner  fous  le  nom  d'aurrui  ,  & 
voulant  mettre  fur  le  Trône  fon 
propre  fils ,  que  pour  ce  dclTein  il 
avoit  fait  élever  dans  l'Idolâtrie  : 
follicita  fous  main  lcsBarbares.dont 
jufqu'alors  il  avoit  été  le  fléau ,  & 
principalement  les  Vandales  ,  de 
tenter  une  irruption  dans  les  Gau- 
les ;  efperant  que  la  confufion  où 
feroit  alors  tout  l'Empire  ,  jointe 
au  prenant  befoin  qu'on  auroit  de 
fesfervices,  lui  fourniroit  l'occa- 
fion  la  plus  favorable  pour  exécuter 
fon  grand  projet.  Ses  follicitations 
eurent  d'autant  plus  de  crédit  fur 
ces  Barbares ,  qu'il  s'y  joignit  le  mê- 
me motif,  qui  dans  les  ûécles  pré- 
cedens  avoit  puiftamment  détermi- 
né les  Nations  encore  demi-fauva- 
ges  à  envahir  l'Italie  &  les  Proviu-. 


N,   1754-  33P 

ces  de  la  Gaule  les  plus  fertiles  ;  01 
ce  motif,  félon  l'Auteur  qui  cite 
fes  garans ,  étoit  le  défirde  s'y  gor- 
ger  de  vin  &  de  s'y  raflafier  des 
fruits  qu'on  y  cultivoit,  &  qui  ne 
croilîoient  pas  chez  ces  peuples. 

Le  Dernier  Décembre  de  l'année 
de  J.  C.  407.  (  dit  notre  Auteur)  fut 
la  journée  fatale ,  où  ces  Babares  en- 
trèrent dans  les  Gaules  pour  n'en 
plusfortir.  Le  peu  de  circon  (lances 
que  l'on  fçait  de  cette  invafion  fe  lit 
dans  Orofe ,  dans  Procope  &  dans 
un  Fragment  de  Frigeride  rapporté 
par  Grégoire  de  Tours  :  &  il  réful- 
te  de   ces  témoignages  ,   que  les 
Francs  établis  alors  fur  la  rive  droi- 
te du  Rhin ,  défendirent  le  partage 
de  ce  fleuve  contre  ces  Barbares  , 
qu'ils  battirent  même  en  plus  d'u- 
ne rencontre ,  mais  fousl'effort  def- 
quels  ils  fuccomberent  à  la   fin. 
Ces  Barbares  ,  après  avoir  paiTé  le 
Rhin  ,  traverferent  toute  la  Gaule 
&  la  ravagèrent  jufqu'au  pied  des 
Pyrénées.  Malgré  le  filence  des  Hi- 
ftoriens ,  il  n'eft  pas  vraifcmblahle 
qu'une  telle  invafion  n'ait  été  tra.- 
verfée   par    aucun   obftacle   ,  & 
qu'il  n'y  ait  eu  depuis  le  Rhin  juf- 
qu'à cesMontagnes  plufieurs  com- 
bats donnés  &  quelques  Villes  af- 
fiégées;  mais  c'eft  de  quoi  il  ne  nous 
refte  aucun  détail. 

L'indignation  contre  la  perfidie 
de  Stilicon  &c  contre  l'imbécillité 
du  Prince  qui  employoit  un  tel 
Miniftre  ,  caufa  la  révolte  des 
Troupes  Romaines  dans  la  Grande- 
Bretagne.  Elles  proclamèrent  Em- 
pereur un  de  leurs  Généraux  nom- 
mé Conftantin,qui  fut  reconnu,  pat 


340        JOURNAL    DE 

la  meilleure  partie  des  Gaules  &c 
par  les  Troupes  Romaines  qui  s'y 
trouvoient  éparfes  ;  exempl:  que 
fuivirent  plufieurs  Citez  d'Efpagnc. 
Conftantin  défit  les  Barbares  dans 
les  Gaules  en  plufieurs  occalions , 
en  châtia  une  partie  hors  du  Pavs , 
contraignit  l'autre  à  fe  cantonner 
aux  extrémitez  de  cette  grande 
Province  ,  ou  à  s'y  habituer  en 
qualité  de  bons  6V:  véritables  Con- 
fédérés :  en  un  mot  il  y  rétablit 
dans  l'efpace  d'une  année  les  affai- 
res des  Romains.  Honorias  trop 
foible  pour  détruire  cet  ufurpateur, 
prit  le  partide  l'afTocier  à  l'Empire, 
après  la  mort  de  Stilicon  malîacré 
par  les  Soldats  ;  &  d'un  autre  côté , 
les  Vandales  ,  les  Alains  &  les  Sue- 
ves  cantonnés  dans  les  Provinces 
Méridionales  de  la  Gaule  ,  Se  inti- 
midés par  ce  Traité  de  l'Empereur, 
fe  jetterent  en  Efpagne. 

Conftantin  y  envoya  fon  fils 
Conftans ,  qui  fournit  toute  cette 
Province  i  ildefcendit  lui  même  en 
Italie  pour  en  chaffer  les  Vifigots , 
&  peut-être  pour  fe  rendre  maître 
de  la  perfonne  d'Honorius,  ce  qu'il 
n'exécuta  pas  cependant.  Mais  en- 
fuite  la  confufion  devint  telle  dans 
l'Empire  ,  qu'avant  l'année  410  ré- 
volue' ,  il  fe  forma  un  nouveau  par- 
ti en  Efpagne  ,  la  Grande  Bretagne 
fe  révolta  ,  plufieurs  Provinces  des 
Gaules  s'érigèrent  en  Républi- 
que ,  &  Rome  fut  prife  par  les  Vi- 
figots. M.  l'Abbé  du  Bos  difeute  en 
particulier  tous  ces  évenemens  d'a- 
près les  Hiftoricns  qui  en  font 
mention.  Il  explique  par  occafion 
ce  qu'on  entendoit  par  le  mot  de 


S    SÇAVANS, 

Bagaudes  ,  qui  figtiihoit  propre- 
ment des  révoltés  ,  &  qui  venoit 
du  mot  Celtique  B.tgad  ,  pris  pour 
{'Attroupement,  l'alTemblée  féditieu- 
fe  des  habitans  d'un  Pays  :  nom 
que  les  Gaulois  révoltés  fous  Dio- 
cleticn  s'étoient  donné  ,  <Sc  que 
dans  la  fuite  on  appliqua  indiffé- 
remment à  toy,s  ceux  qui  vou- 
loient  fecoùer  le  joug  des  Ro- 
mains. NotreAuteur  trouve  aulîïlc 
moyen  de  concilier  deux  dates  d'un 
même  événement  alléguées  dif- 
féremment par  Idace  &  par  Ifidore 
de  Seville  ;  ce  qui  conlîire  à  fuppo- 
fer  que  l'un  comptoit  par  années 
courantes  ,  &  l'autre  par  années 
révolues. 

Les  Provinces  de  la  Gaule  ,  qui 
fe  mirent  en  République  après 
l'invafion  des  Barbares  furent  celles 
qui  compofoient  le  gouvernement 
Àrmorique  ou  Maritime  ,  dont 
nous  avons  parlé  dans  notre  pre- 
mier Extrait.  M.  l'Abbé  du  Bos 
compare  l'état  de  cette  Républi- 
que avec  celui  où  les  Provinces- 
Onies  des  Pays  Bas  après  leur  fou- 
levement  contre  le  Roi  d'Efpagne, 
demeurèrent  durant  les  premières 
années  de  leur  révolte  ;  c'eft-à  dire, 
le  reconnoillant  toujours  de  bou- 
che pour  leur  Prince  légitime  , 
priant  Dieu  pour  fa  profperité  , 
faifint  en  fon  nom  le  procès  à  fes 
fujets  fidèles ,  frappant  à  fon  coin 
la  monnoye  deftinée  à  payer  les 
Troupes  qui  agiffoient  contre  lui  ; 
en  un  mot  lui  faifint  prêter  fer- 
ment par  des  Officiers  qui  ne  pou- 
voient  cependant  lui  obéir  fans  être 
punis  comme  traitres.  De  même 
les 


JUIN 

les  Armoriques  auront  déclaré 
qu'ils  ne  fe  foulevoient  pas  contre 
l'Empire  ,  qu'ils  regardoient  tou- 
jours comme  leur  Souverain  légi- 
time; mais  qu'ils  ne  vouloient  plus 
reconnoîtrefes  Officiers  8c  fes  Ma- 
giltrats,  que  leurs  exactions  Se  leurs 
dillipations  rendoient  -indignes  de 
la  confiance  du  Prince.  Auffi  (  fé- 
lon Salvien  )  n'ont-ils  jamais  ref  ufé 
leurs  fecours  à  l'Empire  ,  jufqu'à 
leur  entière  foiïmifïion  à  Clovis, 
en  497.  8c  notre  Auteur  préfume 
qu'ils  continuèrent  à  frapper  leur 
monnoye  au  coin  de  l'Empereur 
régnant ,  de  quoi  il  allègue  plu- 
fleurs  preuves  ,  qu'on  peut  voir 
chez  lui ,  8c  parmi  lefquelles  il  cite 
un  pafTage  de  la  Loi  Gombette,  au 
fujet  des  fols  d'or  ,  dans  le  Texte 
de  laquelle  il  lit  avec  beaucoup  de 
vraifemblancc  Solidos  Armoricanos , 
au  lieu  A'Ardaricar.os ,  qui  ne  fait 
aucun  fens  raifbnnable.  Nous  ren- 
voyons aufll  .à  fes  conjectures  fur 
la  forme  de  gouvernement  que  fe 
preferivit  cette  nouvelle  Republi- 
que des  Armoriques. 

Notre  Hiftorien  raconte  enfuite 
ce  qui  fe  paffa  dans  l'Empire  d'Oc- 
cident depuis  410.  jufqu'à  416.  Les 
plus  remarquables  de  ces  évene- 
mens  furent  la  révolte  de  Géronce 
contre  le  Tyran  Conftantin  qu'il 
affiegea  dans  Arles,  après  avoir  fait 
proclamer  Empereur  un  Officier 
nommé  Maxime  ;  la  levée  de  ce 
fiége  ,  à.  l'approche  de  l'armée  , 
commandée  par  le  Patrice  Con- 
fiance ;  fur  quoi  l'Auteur  obferve 
que  le  Patriciat  étoit  la  troiûéme 
dignité  de  l'Empire  ,  Si  fuperieu- 
Juin, 


,  *7  34«  r  34* 

re  à  celle  des  Préfets  du  Prétoire  ; 
le  fécond  Siège  d'Arles  fait  par 
Confiance  ,  qui  prit  cette  Ville  &c 
le  Tyran  Conftantin,  qu'Honorius 
fit  mourir  ;  Jovin  ,  l'un  des  plus 
puiflans  Seigneurs  des  Gaules,  pro- 
clamé Empereur  dans  les  deux 
Provinces  Germaniques;  l'entrée 
des  Vifigots  conduits  par  Ataul- 
phe  dans  les  Gaules  ,  pour  y  pren- 
dre des  quartiers,  à  condition  de 
fervir  l'Empire  ,  comme  Troupes 
Auxiliaires,  vivant  au  furplus  fé- 
lon leur  Loi  Nationale ,  8c  n'ayant 
d'autre  Supérieur  que  leur  Roi  ; 
(  8c  c'eft  ,  remarque  l'Auteur  ,  la 
première  Colonie  de  Barbares  éta- 
blie dans  le  territoire  de  l'Empire , 
comme  indépendante  des  Officiers 
Civils  par  la  conce (lion  du  Prince  ) 
la  fin  tragique  du  Tyran  Govin ,  de 
fon  frère  Sebaftien  ,  qu'il  avoir  af- 
focié  à  l'Empire ,  8c  de  plufîeurs 
de  leurs  partifans ,  dont  Àtnulphe 
débarrafTa  Honorius  :  le  pafTage 
des  Bourguignons  dans  les  Gaules 
où  ils  s'emparèrent  de  pluficurs 
Contrées  fur  la  rive  sauche  du 
Rhin  ,  qui  font  aujourd'hui  l'Alfa- 
ce  &  la  Franche  Comté;  la  révolte 
d'Héraclien  Proconful  d'Afrique , 
lequel  y  prit  la  pourpre  ,  &  y  pé- 
rit peu  de  tems  après  :  le  mariage 
d'Ataulphe  avec  Placidie  fœur 
d'Honorius,  laquelle  par  fon  habi- 
leté fçut  ramener  l'efpnr  de  fon 
époux  &  le  mettre  dans  les  intérêts 
de  fon  frère  ;  la  mort  d'Ataulphe  , 
8c  la  retraite  des  Vifigots  qui  re- 
prirent la  route  d'Efpagne  ,  après 
avoir  rendu  Placidie  à  l'Empereur. 
Au  commencement  de  l'année 
Yy 


i42        JOURNAL    DE 

417.  Honorius  entra  en  négocia- 
tion avec  les  Armoriques  ,  par  le 
rainiftere  d'Exuperance  ,  Citoyen 
du  Diocéfe  de  Poiriers  ,  lequel  re- 
duifit  une  partie  de  ces  Républi- 
cains fous  l'obéiffance  de  ce  Prin- 
ce. Celui-ci  en  même  tems  envoya 
Cafiinus  Chet  de  la  Garde  Impéria- 
le faire  h  guerre  à  ceux  des  Francs 
qui  avoient  pillé  Trêves ,  &  qui 
peut-être  s'étoient  cantonnés  fur  le 
territoire  de  l'Empire.  On  ignore 
quel  en  fut  le  fuccès.  Mais  l'année 
fuivante,  Honorais  donna  un  Edit 
pour  rétablir  l'ordre  dans  celles 
des  Provinces  des  Gaules ,  qui  re- 
connu iiToient  pleinement  fon  auto- 
rité ,  &  pour  ordonner  qu'à  l'ave- 
nir ,  l'affemblée  générale  de  ces 
Provinces  fe  tiendroit  dans  Arles. 
L'Auteur  nous  communique  cet 
Edit  dans  toute  fon  étendue ,  &  y 
lait  fes  obfervations ,  entre  autres 
celle  qui  roule  fur  ks  fept  Provin- 
ces de  la  Gaule  mentionnées  dans 
cet  Edit ,  &c  que  l'Auteur  croit 
différentes  de  celles  ,  qui  aupara- 
vant recevoient  cette  dénomination 
dans  l'ufage  vulgaire.  Ses  preuves 
fur  cet  article  méritent  d'être  con- 
fultées  ,  &  l'on  y  trouvera  la  cor- 
rection importante  d'une  faute  qui 
s'eft  gliiTée  dans  la  Notice  de  l'Em- 
pire ,  où  on  lit  J^izariusfeptem  Pro- 
vinciarum  j  au  lieu  de  Vic*rius  de- 
cem  &Jeptem  Provincïarum. 

En  4 19.  les  Vifigots  qui  avoient 
évacué  les  Gaules ,  y  rentrèrent  de 
l'aveu  du  Patrice  Confiance  pour  y 
occuper  les  mêmes  quartiers  qu'au- 
paravant, à  condition  de  remettre 
à  l'Empire  Romain  plufieuis  Con- 


S    SÇAVANS, 

trées  de  i'Efpagne  qu'ils  avoient 
reconquifes  iur  les  autres  Barbares. 
Ce  retour  des  Vifigots  fut  fuivi  de 
nouveaux  troubles  dans  l'Empire 
par  la  mort  de  Confiance  ,  à  qui 
Honorius  avoit  donné  la  pourpre  , 
après  lui  avoir  fait  époufer  Placidie 
Veuve  d'Ataulphe  ■■,  par  la  défaite 
des  Troupes  Romaines;  par  la  ré- 
volte de  Bonifiée  qui  fitlbulevei 
l'Afrique  ;  par  la  difgrace  de  Placi- 
die ,  que  fon  frère  Honorius  accu- 
foit  de  vouloir  le  trahir  ,  difgrace 
qui  fut  fuivie  de  la  mort  de  cet  Em- 
pereur après  un  règne  de  30  ans. 
Les  Troupes  d'Italie  lui  donnèrent 
pour  SuccelTeur  un  des  principaux 
Officiers  de  la  Garde  Impériale 
nommé  Jean ,  lequel  fit  Grand- 
Maître  de  fa  MaifonActius,  que  fes 
exploits  rendirent  depuis  fi  célèbre. 
Ce  nouvel  Empereur  ne  jouit  pas^ 
long-tems  de  cette  dignité.  Placi- 
die qui  s'étoit  réfugiée  à  Conftanti- 
noplc  près  de  fon  neveu  l'Empe- 
reur Théodofe  le  Jeune  ,  revint  en 
Italie  par  l'ordre  de  ce  Prince  ,  ac- 
compagnée de  fon  fils  Valentinien 
qu'elle  avoit  eu  de  l'Empereur 
Confiance  ,  5c  fuivie  d'une  armée , 
deftinée  à  chafier  du  Trône  l'Ufur- 
pateur.  Cette  Princeffe  négotia  fi 
heureufement  avec  Aëtius ,  que  le 
Tvran  fut  abandonné  ,  défait  Se 
tué  -,  ce  qui  reduifit  tout  l'Empire 
d'Occident  fous  l'obéiffance  de 
Théodofe  ,  lequel  dès  la  même  an- 
née le  donna  au  fils  de  Placidie, 
fi>us  le  nom  duquel  cette  habile 
Princeffe  gouverna  l'Empire  juf- 
qu'à  fa  mort.  M.  l'Abbé  du  Bos 
nous  raconte  enfuite  les  évenernens 


JUIN,    I7?f  545 

arrivés  pendant  les  trois  premières     d'où  l'on  infère  que  c'eft  dans  la 


années  du  nouvel  Empereur  ,  fi 
gnalées  par  les  victoires  d'Aétius 
fur  les  Vilîgots ,  qui  affiegeoient 
A'  les  ,  fur  les  Juthunges  ,  Peuple 
Allemand ,  qui  s'étoit  emparé  de  la 
Norique  ,  &  fur  les  Bourguignons 
de  même  que  fur  les  Francs  ;  mais 
où  fe  trouve  auflî  l'époque  funefte 
de  la  tranfmigration  des  Vandales^ 
qui  pallerent  d'Efpagne  en  Afri- 
que fous  la  conduite  de  Genferic 
leur  Roi. 

A  propos  de  l'expédition  d'Aé'- 
tius  contre  les  Francs  ;  l'Auteur 
obferve  i°.  queClodion  commen- 
ça de  régner  fur  ce  Peuple  vers 
l'année  4*6.  z°  Qu'il  refidoit  alors 
dans  l'ancienne  France  ou  au-delà 
du  Rhin;  ce  qui  n'empêchoit  point 
qu'il  n'occupât  dans  les  Gaules 
quelque  Canton  fitué  vis-à-vis  du 
petit  Etat  qu'il  avoit  dans  la  Ger- 
manie ;  8c  que  lorfqu'Aëtius  ayant 
défait  les  Francs  eut  recouvré  ce 
Canton  des  Gaules  ufurpé  fur  les 
Romains ,  il  eft  probable  que  ce 
Général  aura  permis  à  ces  Barbares 
d'habiter  fur  quelque  partie  du> 
territoire  de  l'Empire  ,  à  condition 
de  s'avouer  fes  fujets  &  de  le  fer 


Taringe  f  région  de  la  Germanie , 
qu'il  faut  chercher  Difpargum  ,  & 
non  pas  dans  le  Pays  de  Tongrcs  , 
l'une  des  Citez  de  la  Gaule.  M. 
l'Abbé  du  Bos  foûtient  qu'il  ne  s'a- 
git point  de  la  Turinge  ,  dans  Gré- 
goire de  Tours ,  &  qu'il  n'y  a  mê- 
me aucune  corre&ion  à  faire  dans 
fes  Manufcrits,  parce  qu'on  em- 
ployoit  alors  indifféremment  les 
mots  Toringia  &  Tongria,  Toringi  & 
Tongri  pour  défigner  le  Pays  de 
Tongns  &c  les  Peuples  qui  l'habi- 
toient  ;  que  les  Turinginu  de  Ger- 
manie &  les  Tongnens  des  Gaules 
étoient  originairement  le  même 
Pc  uple  ;  dont  le  nom  recevoit  dif- 
férentes prononciations  -,  ce  qu'il 
appuyé  de  preuves  très -folides, 
auxquelles  nous  renvoyons  }  pou* 
abréger. 

Les  intrigues  d'Ae'tius  mécon- 
tent de  Placidie  ,  fa  promotion  ait 
Confulat ,  fa  difgrace  ,  fa  retraite 
chez  les  Huns  ,  fon  raccommode- 
ment avec  la  Cour  \  qui  lui  confère 
la  dignité  de  Patrice,  font  les  prin- 


cipaux évenemens  qui  fe  panèrent 
depuis  429.jufquesà  434.  &  l'Au 
teur  obferve  en  cet  endroit  que  les 
vir  dans  fes  guerres.  L'endroit  de     Confédérés  Armoriques  font  ap- 
la  Gaule  ,  où  Clodion  faifoit  fa  re-     pelles  Bagaudes  j  dans  ta'  Chroni- 
fidence,  (  félon  Grégoire  de  Tours)     que  de  Profper  &  que  c'eft  d'eux 


étoit  Difpargnm  (  à  prefent  Duyf- 
borch  )  fur  la  lifiere  de  la  Cité  de 
Tongres.  11  fe  prefertte  ici  une 
difficulté  fur  ce  quedans  la  plupart 
des  Manufcrits  de  cet  Hiftorien  , 
on  lit  dans  le  paftage  dont  il  eft 
queftion  ,  Toringia  ,  &  non  pas 
Tongria ,  Toringi  &  non  pas  Tongri; 


que  veut  parler  celui-ci  ,  lorfqu'il 
dit  que  les  Provinces  Septentriona- 
les de  la  Gaule  fe  fou  levèrent  en  fa- 
veur des  Bagaudes  (  in  Bagaudianj') 
car  c'eft  en  ce  fens  que  notre  Au- 
teur explique  la  prépofition  (  in  ) 
du  pafTage  de  Profper  ,  &  c'eft  de 
quoi  il  donne  des  raifons  pîaufibles 
Yyij 


344  JOURNAL  D 

ainfi  que  de  cette  expreffion  (  les 
Provinces  Septentrionales  de  la  Gau- 
le )  par  lefquelles  il  rend  le  GaUia 
nlterioràu  Chroniqueur. 

Aëtius  de  retour  dans  les  Gaules 
dès  l'année  435.  y  fit  divers  ex- 
ploits.Il  y  fournit  le  Roi  Gundicai- 
re  £<  les  Bourguignons ,  qui  l'an- 
née fuivante  ,  peut-être  fur  les  or- 
dres mêmes  du  Général  Romain  , 
furent  exterminés  par  les  Huns  3 
qu'il  avoit  fait  venir  comme  trou- 
pes auxiliaires  contre  les  Vifigots 
&  les  autres  ennemis  de  l'Empire. 
Il  battit  pluiîeurs  fois  les  Vifigots  , 
en  43  &  :  allîgna  des  quartiers  (tables 
dans  le  voifinage  d'Orléans  aux  Scy- 
thes ou  Alains  qui  fervoient  dans 
ion  Armée;  puis  fe  rendit  à  la  Cour 
de  rEmpercur.M.PAbbé  duBos  fait 
une  correction  importante  au  Tex- 
te de  Profper  ,  où  il  lit  Vrbis  Au- 
reliana  deferta  rura,  s  au  lieu  à'Vrbis 
Jfalentina ,  &c.  Se  il  en  allègue  de 
folides  raifons. 

En  l'abfence  d'Aetius ,  Litorius 
fon  Lieutenant  après  quelque  avan- 
tage remporté  fur  les  Armoriques  , 
attaqua  les  Vifigots  ,  qui  ne  s'y  at- 
tendoient  pas ,  mais  fon  armée  fut 
défaite  ,  Se  lui  fait  prifonnier  :  ce 
qui  n'empêcha  pas  que  la  même 
année  l'on  ne  fit  la  paix  avec  les 
Vifigots.  Cette  paix  jointe  à  celle 
que  Valentinien  fit  avec  les  Vanda- 
les- d'Afrique ,  mit  Aëtius  en  étar 
de  penferaux  affaires  de  la  Gaule  , 
fur-  tout  à  réduire  les  Armoriques. 
II. chargea  de  cette  expédition  les 
Alains  établis  fur  la  Loire  :  mais 
S.  Germain  d'Auxerre  ayant  inter- 
jpofé:  fa  médiation  _,   en  faveur  des 


ES  SÇAVANS, 

Armoriques  ,  mit  ces  Provinces- à 
couvert  du  ravage  ,  &  leur  obtint 
une  fufpenfion  d'armes. 

Elle  ne  fut  pas  de  longue  durées 
ces  peuples  rompirent  bien-tôt  la 
négotiation  qui  fe  faifoit  pour  eux 
à  la  Cour  de  Valentinien  ,  &  l'Au- 
teur  attribue  cette  rupture  à  4  mo- 
tifs difterens  fur  lefquels  il  s'étend' 
fort  au  long.  Le  premier  étoit 
l'embarras  que  donnoit  au  Patrice 
Aëtius  finvafion  faire  vers  l'an  445. 
dans  le  Nord  des  Gaules  par  les- 
Francs  ,  qui  s'y  étoient  rendu  maî- 
tres de  Cambrai  &c  de  Tournai.  Le 
fécond  étoit  l'état  déplorable  où> 
les  Provinces  obéilTantes  des  Gau- 
les fe  trouvoient  réduites  parla 
faute  des  Officiers  du  Prince.  Le 
troiiiémc  aura  pu  être  l'opinion- 
prefqueuniverfelle  alors  ;  quoique 
faulle  Se  ridicule  ,  Que  le  terme 
marqué  par  les  Dieux  pour  la  du- 
rée de  l'Empire  Romain  ,  alloit 
expirer.  Enfin  le  quatrième  motif 
aura  été  l'abus  que  les  Officiers  du 
Prince  faifoient  de  la  fufpenfioiv 
d'armes ,  pour  former  chez  les  Ar- 
moriques un  parti  à  l'aide  duquel- 
ils  pulfent  les  remettre  fous  le 
joug. 

M.  l'Abbé  du  Bos  prouve  forr 
bien  ,  contre  le  P.  Daniel ,  que  le 
tems ,  où  Clodion  fut  battu  en  Ar- 
tois par  Aëtius  efl  fort  pofterieur  à' 
l'année  428.  ainfi  que  le  tems  où  il- 
conquit  le  Cambrefis  &  les  Con- 
trées adjacentes  jufqu'à  la  rivière 
de  Somme  :  après  quoi  il  nous  fait 
connohre  fort  diftinètementqucls' 
étoient  les  Francs  furnommés  Ri-- 
puaires. 


L'Auteur  nous  décru 
l'état  malheureux  des  Provinces 
Gauloifes  encore  foîumfes  à  l'Em- 
pire ,  Se  où  la  mifere  reduifoit  plu- 
fieurs  Citoyens  à  fe  bannir  eux- 
mêmes  de  leur  Patrie  ,  pour  fe 
fouftraire  aux  vexations  des  Bar- 
bares cantonnés  en  divers  endroits 
en  qualité  de  troupes  auxiliaires  , 
aux  taxes  Se  aux  impofitions  exor- 
bitantes, à  la  dureté,  à  la  cruauté 
des  Exaclreurs  publics,  aux  injufti- 
ces  criantes  des  gens  riches.  C'eft 
de  quoi  rendent  témoignage  les 
Auteurs  contemporains  ,  entre- 
autres  Salvien  ,  dont  on  tranferit 
iciplufieurs  paffages. 

Aétius  créé  Confiai  pour  la  troi- 
fiéme  fois  en  446.  étant  paffé  en 
Italie  pour  y  prendre  poffelfion  de 
cette  dignité  ;  les  Armoriques  re- 
prirent les  armes ,  &  firent  une  en- 
treprife  fur  la  Ville    de  Tours  . 


JUIN,    1754-  34J- 

nfuite  Gaules  fe  trouvoient  alors  ,  qu'il 
n'y  en  avoit  plus  que  le  tiers ,  où 
les  Officiers  de  l'Empereur  fulTent 
obéis ,  Se  où  ils  pullent  exiger  de, 
fubiîdes  &  lever  des  troupes.  En- 
core ce  tiers  étoit-il  compofé ,  non 
de  Citez  contigues,  mais  de  Citez 
difperfées  çà  Se  là. 

Tel  étoit  l'état  de  l'Empire  dans 
les  Gaules ,  lorfqu'en  449.  le  bruit 
de  l'invafioii  que  devoit  y  faire  At- 
tila Roi  des  Huns ,  s'v  répandit,  Se 
obligea  les  Romains  à  faire  la  paix 
avec  les  Francs  &  les  Armoriques. 
Merovée  regnoit  alors  chez  les 
Francs ,  Se  l'année  fuivante  mourut 
Théodofe  le  jeune ,  Empereur  d'O- 
rient ;  ce  qui  détermina  le  Roi  des 
Huns  à  ne  pas  différer  plus  long- 
tems  l'exécution  de  fon  entreprife. 
Notre  Auteur  la  détaille  ici  dans 
toutes  fes  circonftances ,  fur  les- 
quelles nous  ne  pourrions  le  fuivre 


qu'Aé'tius  avoit  remife  fous  l'obéif-  fans  trop  nous  étendre.  Les  princi- 
fanee  de  l'Empire,  ainfi  que  tout  pales  furent  l'entrée  d'Attila  dans 
le  Pays  le  long  de  la  Loire  ,  depuis     les  Gaules  à  la  tête  d'une  armée  des 


cette  Ville  |ufqu'à  Orléans.  Mais 
Majorien  depuis  Empereur  ,  fit 
avorter  cette  entreprife.  Vers  ce 
même  tems  y£gidius-Afranius  con- 
nu fous  le  nom  du  Comte  Gilles  ou 
Gellon  ,  Se  depuis  Généralifllmc 
des  Romains  dans  les  Gaules ,  mit 
le  Siège  devant  la  Fortereffe  de 
Chinon  ,  que  tenoient  encore  les 
Armoriques  ,  quoiqu'en  dife  M. 
Adrien  de  Valois ,  qui  par  une  fup- 
poiîtion  infoûtenable  (  ajoute  l'Au- 
teur )  prétend  que  cette  Place 
éteit  alors  occupée  par  les  Vifigots, 
Il  refulte  de  ce  que  nous  expofe  ici 


plus  nombreufes;  le  Siège  de  Metz 
Se  fa  prife  ,  fuivie  du  Sicge  d'Or- 
léans ;  la  marche  de  l'armée  Ro- 
maine fortifiée  de  tous  fes  alliés  , 
Vifigots,  Francs,  Alains  ,  Armo- 
riques ,  Létes  ,  Saxons  de  la  Cité 
de  Bayeux  ,  Bourguignons  ,  Ri- 
puaires  Se  Bréons ,  laquelle  vint  au 
fecours  de  la  Place  ,  dont  Attila 
leva  le  Siège ,  pour  regagner  prom- 
ptement  le  Rhin;  fa  défaite  aux  en- 
virons de  Châlons  fur  Marne  ;  la 
mort  deThéodoric  Roi  des  Vifi- 
gots ,  lequel  périt  dans  le  combat. 
L'Auteur  nous  raconte  enfuite 


M.  l'Abbé  du  Bo*  fur  l'état  où  les    l'irruption  d'Attila  en  Italie  ,  &  fa- 


346  JOURNAL    DES    SÇAVANS, 

retraite;  fur  quoi  il  examine  s'il  eft     (  dit  l'Auteur)  étoient  ïegardés 


vrai  que  ce  Prince  ait  fait  une  fé- 
conde invafion  dans  les  Gaules  ;  Se 
il  décide  pour  la  négative. 

M.  l'Abbé  du  Bos  dans  les  deux 
derniers  Chapitres  de  fon  premier 
Volume  nous  entretient  du  meur- 
tre de  Thorifmond  Roi  des  Vifi- 
gots  ,  à  qui  fucceda  fon  frereThéo- 
doric  H.  Se  de  diverfes  particulari- 
tez  concernant  la  manière  de  vivre 
&  la  Cour  de  celui-ci ,  ce  qui  peut 
fervir  (dit-il)  à  nous  donner  quel- 
que idée  de  la  Cour  de  nos  pre- 
miers Rois.  11  nous  parle  enfin  du 
meurtre  d'Aé'tius  ,  fuivi  de  celui 
de  l'Empereur  Vaientinien  III.  au- 
quel fucceda  Maxime,  qui  au  bout 
de  quelques  femaines  tut  dépofé 
par. les  Vifîgots  ,  lefquels  mirent  en 
la  place  Avwus. 

III.  Le  trorûéme  Livre  de  cette 
Hiftoire  ,  qui  comprend  le  règne 
deChildcric  Si  celui  de  Clovis  juf- 
qu'à  fon  baptême  ;  devient  ,  com- 
me l'on  voit,  plus  întererTant  pour 
nous  pat  rapport  aux  Francs  qui 
commencent  à  y  joiier  un  grand 
rôle. 

M.  l'Abbé  du  Bos  examine  d'a- 
bord les  droits  que  l'Empire  d'O- 
rient avoit  fur  l'Empire  d'Occi- 
dent, en  confequence  du  partage 
qui  s'étoit  fait  du  peuple  Romain 
en  deux  peuples  :  Se  il  croit  cet 
examen  d'autant  plus  utile  pour 
l'intelligence  de  notre  Hiftoire  , 
que  ces  droits  ont  été  reconnus  par 
les  Francs  &  les  autres  Barbares  , 
établis  dans  les  Gaules  en  qualité 
de  Confédérés.  Dès  que  lTmpe- 
reur  d'Orient  Se  celui  d'Occident 


comme  deux  Collègues  ,  Se  que 
d'autre  part  ,  la  Monarchie  Ro- 
maine étoit  réputée  par  fes  Maîtres, 
pour  un  Etat  patrimonial  dont  ils 
pouvoient  difpofer  ;  il  fcmbleroit 
que  dans  la  vacance  de  l'un  des 
deux  Trônes  ,  faute  de  Succeiîeu* 
dcfïgné ,  ce  fût  au  Prince  qui  rem- 
plilîoit  l'autre-  à  pourvoir  au 
Trône  vacant  ;  Se  que  ce  droit  dût 
être  réciproque  entre  les  deux  Em- 
pires. Cependant  cette  réciprocité 
n'eut  point  de  lieu  ;  puifque  le 
peuple  de  l'Empire  d'Orient  dif- 
pofoit  du  Trône  qui  vaquoit ,  & 
cela  ,  fans  attendre  l'aveu  de  l'Em- 
pereur d'Occident  ;  au  lieu  que  les 
Romains  d'Occident  ,  en  pareil 
cas ,  attendoient  la  décifion ,  ou  du 
moins  la  confirmation  de  l'Empe- 
reur d'Orient  :  ce  que  notre  Hi- 
îîorien  juftifie  parplufieurs  exem- 
ples. Il  attribue  à  diverfes  caufes 
cette  prérogative  del'Empire  d'O- 
rient. La  première  étoit  la  préémi- 
nence attachée  à  la  primogénituite , 
Théodofe  le  Grand  ayant  choifi 
Arcadius  fon  fils  aîné  pour  rem- 
plir le  Trône  de  Conftantinople,  Se 
Honorius  fon  cadet  pour  occuper 
celui  de  Rome  -,  prééminence  ,  qui 
devint  enfuite  une  véritable  fupé- 
riorité.  En  fécond  lieu-,  laqueftion 
touchant  cette  prérogative  avoit 
été  décidée  en  faveur  del'Empire 
d'Orient ,  dans  la  première  vacan- 
ce de  l'un  des  deux  partages  ,  arri- 
vée paria  mort  d'Hononus.  A  cet- 
te décilion  fe  font  jointes  pluiîeurs 
conjonctures  très-propres  à  1a  fa- 
voriferjtelles  que  les  malheurs  pref- 


J  U  I 

que  continuels  de  l'Empire  d'Oc 
cident ,  fes  plus  riches  Provinces 
envahies ,  Rome  fa  Capitale  prife 
jufqu'à  trois  fois ,  les  fecours  de 
Conffantinople  fouvent  mandiés 
contre  les  Barbares  par  des  Empe- 
reurs ,  qui  n'en  avoient  prefque 
plus  que  le  nom  ',  toutes  ces  circon- 
fiances  contribuèrent  extrêmement 
à  fortifier  le  préjugé  qui  établi/Toit 
comme  légitime  la  fuperiorité  que 
l'Empire  d'Orient  s'étoit  arrogée, 
Tel  cil  le  fentiment  de  M.  l'Abbé 
du  Bos ,  qui  fur  ce  point  penfe  dif- 
féremment du  célèbre  Grotius}  con- 
tre l'avis  duquel  il  produit  plu- 
lieurs  raifons  plaufibles  ,  qu'on 
peut  voir  chez  lui.  Après  cette  di- 
grelîlon  afTez  étendue",  il  reprend 
le  fil  de  fa  narration. 

L'Empereur  Avitus ,  quoique  re- 
connu par  l'Empereur  d'Orient , 
fut  contraint  d'abdiquer  en  45e". 
par  les  menées  du  Suéve  Ricimer , 
un  des  Officiers  barbares  qui  fer- 
voient  l'Empire  ;  Se  l'Auteur  rap- 
porte quelques  circonftances  de 
cette  abdication  ,  dont  il  conjec- 
ture que  l'accroifTement  de  la  do- 
mination des  Bourguignons  dans 
les  Gaules  pourroit  bien  avoir  été 
une  fuite.  Majorien  ,  SuccefTeur 
d'Avitus  ,  &  proclamé  Empereur 
en  457.  du  confentement  de  Léon, 
Empereur  d'Orient  ,  fit  fon  Géné- 
raliifime  dans  les  départemens  des 
Gaules  ,  ^Egidius  ,  dont  nous 
avons  parlé  plus  haut.  L'Auteur 
nous  fait  connoître  ici  plus  parti- 
culièrement cet  Officier.  Il  étoit 
de  la  famille  Syagria  ,  l'une  des 
plus  iUufties  du  Diocéfe  de  Lyon , 


N,  173  4-  547 

&  qui  en  381.  avoit  donné  à  Ro- 
me un  Conful.  Paulin  de  Péri- 
gueux  fait  un  grand  éloge  d'/£gi- 
dius  ,  ainfi  que  Sidoine-Apollinai- 
re, qui  fans  le  nommer  fe  conten- 
te de  le  défîgner  par  le  titre  de 
Maître  de  la  Milice ,  ce  qui  a  fait 
croire  au  P.  Sirmond  que  le  Poé'tc 
avoit  en  vue  Ricimer  ou  Népotien; 
fentiment  que  combat  ici  notre 
Auteur  par  des  raifons  très-proba- 
bles. Le  premier  exploit  de  l'Em- 
pereur Majorien  fut  de  battre  un 
corps  nombreux  de  Vandales  d'A- 
frique ,  qui  avoient  fait  une  def- 
cente  dans  la  Campanie  :  après 
quoi  il  donna  fes  principaux  foins 
à  faire  un  armement  par  mer  &  par 
terre  ,  pour  foûmettre  le  parti  for- 
mé contre  lui  dans  les  Gaules ,  en 
faveur  d'un  Marcellien  ou  Marcel- 
lin,  !k  pour  reconquérir  enfuire 
l'Afrique  fur  les  Vandales.  C'en:  à 
ces  préparatifs  qu'il  employa  la  fin 
de  l'année  457.  &c  une  partie  de 
458.  fur  quoi  l'Auteur  relevé  un 
faux  raifonnement  du  P.  Daniel 
au  fujet  du  Comte  Gilles. 

Ici  M.  l'Abbé  du  Bos  interrompt 
le  récit  des  expéditions  de  Majo- 
rien ,  pour  parler  de  l'avènement 
de  Childeric  fils  de  Merovée  à  la 
Couronne  des  Francs  Saliens ,  & 
de  fes  avantures  pendant  les  pre- 
mières années  de  fon  règne.  Il  rap- 
porte l'Hiftoire  de  la  dépofition  de 
ce  Roi  d'après  ce  que  nous  en  ap- 
prend Grégoire  de  Tours,  dont  Li 
narration  n'a  rien  (  dit  on  )  que  de 
très  -  vraifemblable ,  eu  égard  aux 
ufages  de  ces  tems-là  ,  & à  in  fitua- 
îion  des  Saliens  établis  fur  le  terri- 


348  JOURNAL    D 

foire  de  l'Empire.  On  a  foin  de  ju- 
ftifier  les  principales  circonftances 
de  cette  narration ,  fans  oublier 
celle  de  la  pièce  d'or  partagée  en 
deux  ;  Se  il  paroît  qu'on  réfute  fo- 
nderaient toutes  les  objections  du 
P.  Daniel  contre  le  récit  de  Gré- 
goire de  Tours  :  fur-tout  i°.  par 
rapport  à  ./Egidius ,  que  les  Francs 
prirent  pour  leur  Roi  d'autant 
plus  volontiers  qu'ils  lui  obéif- 
foient  déjà  comme  au  Généraliffi- 
me  des  Romains  :  i°.  par  rapport 
à  la  Langue  dans  laquelle  ^Egidius 
fe  faifoit  entendre  à  fes  nouveaux 
fujets ,  laquelle  étoit  la  Langue  La- 
tine ,  très  -  commune  alors  parmi 
les  Francs  :  30.  par  rapport  au  titre 
de  Roi ,  qui  bien  loin  d'être  en  ces 
tems-là  incompatible  avec  les  di- 
gnitez  Romaines  ,  étoit  regarde 
comme  fort  inférieur  à  ces  digni- 
tcz ,  en  forte  que  ces  petits  Rois 
barbares  tenoient  à  grand  honneur 
les  titres  de  Mettre  de  la  Milice,  de 
Patrice  }  &c. 

L'Auteur  après  cela  revient  à  Ma- 
jorien  ,  dont  l'expédition  contre 
les  Vandales  d'Afrique  tut  malheu- 
reufe.,  la  flotte  qu'il  avoit  équipée 
dans  les  Ports  d'Efpagne  ,  y  ayant 
été  brûlée  par  ces  Barbares  avant 
qu'elle  eût  misa  la  voile.  Majorien 
de  retour  en  Italie  ,  informé  des 
hoftilitez  que  commettoient  les 
Alains  habitués  fur  les  bords  de  la 
Loire  f  fe  difpofoit  à  marcher  con- 
tre eux  ,  lorfque  par  les  intrigues 
du  Patrice  Ricimer.,  l'armée  fe  fou- 
leva  contre  ce  Prince  ,  &  le  malTa- 
cra  en  461.  après  quoi  Ricimer , 
fans  attendre  l'agrément  de  Léon 


ES    SÇAVANS, 

Empereur  de  Conftantinople  ,  qui 
tardoit  trop  à  s'expliquer ,  fit  pro- 
clamer Sevére  Empereur  d'Occi- 
dent ;  5c  l'Auteur  nous  expofe  quel 
étoit  alors  l'état  de  cet  Empire  , 
menacé  en  Italie  de  trois  ora- 
ges à  la  fois ,  l'un  du  côté  des  Van- 
dales, l'autre  de  celui  de  l'Empe- 
reur d'Orient  mécontent  du  choix 
qu'on  avoit  fait  de  Sévère  ,  &  le 
troifiéme  de  la  partd'^Egidius,  qui 
à  la  tête  de  l'armée  des  Gaules , 
vouloit  vanger  le  meurtre  de  Ma- 
jorien. Ricimer  vint  à  bout  de 
conjurer  les  deux  derniers ,  &  il  n'y 
eut  que  le  premier  dont  il  ne  put 
garantir  alors  l'Italie  :  il  donna  de 
l'occupation  ailleurs  à  ^Egidius  , 
en  allumant  la  guerre  entre  ce  Gé- 
néral &  les  Vifigots. 

En  4<f  3.  fe  fitleretablilfement  de 
Childenc  dans  fes  Etats  ;  &  notre 
Auteur  conjecture  qu'yEgidius 
pourroit  bien  y  avoir  donné  les 
mains  ou  même  l'avoir  procuré 
pour  s'attacher  ce  jeune  Prince  cou- 
rageux &  généralement  eftimé  de 
toute  fa  Nation  }  dans  les  conjectu- 
res racheufes  ou  lui  (  iEgidius  )  fe 
trouvoit  par  les  ennemis  que  le 
parti  de  Sévère  lui  avoir  fufcités.M. 
l'Abbé  du  Bos  en  citant  le  paflage 
de  Grégoire  de  Tours  où  eft  ra- 
conté ce  retablifïemcnt  de  Childe- 
ric  ,  tombe  d'accord  que  cet  Hifto- 
rien  s'eft  trompé  en  comptant  huit 
années  pour  la  retraite  de  ce  Roi  ; 
au  lieu  qu'il  eft  hors  de  doute 
qu'elle  n'a  pu  être  que  de  4  ans  j 
mais  il  rejette  cette  erreur  fur  la  né- 
gligence du  Copifte  ,  qui  aura  pris 
un  chiffre  pour  un  autre  t  remar- 
quant 


JUIN 

quant  de  plus  que  le  Texte  de 
Grégoire  n'eft  pas  exempt  de  pareil- 
les méprifes  en  diveis endroits,  Se 
c'eft  de  quoi  il  produit  quelques 
exemples.  La  guerre  entre  le  Com- 
te Gilles  Se  les  Vifigots  commença 
en  461.  Quelque  féconde  en  éve- 
nemens  mémorables  qu'elle  ait  dû 
être  entre  deux  Nations  belliqueu- 
fes ,  nous  n'en  fçavons  que  le  Siège 
d'Arles,  Si  la  prife  de  Narbonne 
par  les  Vifigots.  yEgidîus  qui  en 
402.  s'étoit  enfermé  dans  la  pre- 
mière de  ces  deux  places ,  la  défen- 
dit avec  tant  de  bravoure  }  que  les 
ennemis  furent  contrains  de  lever 
le  Siège  ,  à  quoi  contribua  auflî  un 
miracle  ,  félon  Grégoire  de  Tours. 
Quant  à  la  prife  de  Narbonne  arri- 
vée la  même  année  ,  ce  fut  Agrip- 
pin  qui  en  étoit  Comte ,  lequel  la 
livra  aux  Vifigots }  pour  en  obte- 
nir du  fecours  contre  ^Egidius. 
Notre  Hiftorien  place  fous  cette 
même  année  la  prife  de  Cologne  & 
le  fac  de  Trêves  par  les  Francs  Ri- 
f  unir  es  -,  Si  il  fait  fur  ces  évenemens 
diverfes  reflexions  aufquelles  nous 
renvoyons. 

En  463.  l'armée  des  Vifigots 
commandée  par  Frédéric  frère  de 
leur  Roi  Théodoric  II.  s'avança 
jufques  fous  Orléans ,  laiiïant  der- 
rière elle  la  première  Aquitaine  3 
&  elle  fe  joignit  à  la  peuplade  d'A- 
lains  établie  en  ces  quartiers.  Au- 
doacre  Roi  des  Saxons ,  tandis  que 
les  Vifigots  attaqueroient  Orléans, 
devoit  remonter  la  Loire  fur  fa 
flotte,  Si  débarquer  au-defTous  du 
Pont  de  Ce  pour  prendre  la  Ville 
d'Angers.  Ce  projet  fut  déconcerté 
Juin. 


par  la  bataille  qu'^Egidius  &  Chil- 
deric  gagnèrent  contre  ces  peuples, 
laquelle  fe  donna  entre  la  Loire  & 
le  Loiret ,  Si  où  le  Prince  Frédéric 
fut  tué.  Que  Childeric  ait  partagé 
la  gloire  de  cette  déroute  avec 
vEgidius ,  le  témoignage  de  Gré- 
goire de  Tours  ne  permet  pas  d'en 
douter,  Si  ne  peut  s'entendre  d'au- 
cune autre  action ,  comme  le  prou- 
ve très  bien  M.  l'Abbé  du  Bos.  Il 
préfume  qu'après  cette  défaite ,  les 
vainqueurs  auront  tranfplantc  dans 
les  Provinces  obéiliantcs  Se  fur- 
tout  dans  lesconféderées,les  Alains 
dont  on  vient  de  parler  ;  ce  qui  eft 
d'autant  plus  probable,  que  depuis 
cette  époque  ,  il  n'eft  fait  aucune 
mention  d'eux  dans  les  Hiftoriens  ; 
&  que  d'autre  part  le  nom  propre 
à' Alain  eft  devenu  ,  8c  eft  encore 
aujourd'hui  Ci  commun  en  Breta- 
gne. La  mort  d'^Egidius  arrivée 
vers  la  fin  de  464.  rompit  les  pro- 
jets de  ce  Général  qui  fe  mettoiten 
devoir  de  prendre  des  liaifons  avec 
les  Vandales  d'Afrique,  contre  fes 
ennemis. 

Environ  un  an  après  la  mort  du 
Comte  Gilles  ,  Ricimer  las  de  gou- 
verner l'Empereur  Sévère  ,  s'en  dé- 
fit en  l'cmpoifonnant  ;  Se  après  urt 
interrègne  de  deux  ans ,  il  convint 
avec  Léon  Empereur  d'Orient  de 
faire  Empereur  d'Occident  le  Pa- 
trice Anthémius  Grec  de  nation , 
dont  il  époufala  fille  ,  5c  qui  au(Ii- 
tôt  pafta  en  Italie ,  Si  prit  poftef- 
fion  de  fa  nouvelle  dignité  à  Rome 
en  467.  Le  motif  qui  détermina 
Léon  à  un  tel  choix  fut  le  deflein 
d'avoir  à  Rome  un  Collègue  avec 
Zz 


jr©       JOURNAL    DE 

lequel  il  pût  prendre  de  juftes  me- 
fures  pour  porter  inceffamment  la 
guerre  en  Afrique  contre  Genferic 
Roi  des  Vandales ,.  avec  qui  l'Em- 
pereur d'Orient  s'étoit  brouillé  de 
nouveau  ,  en  lui  refufant  d'agréer 
Olybrius  pour  Empereur  d'Occi- 
dent. Ce  Roi  barbare  ne  s'interef- 
foit  fi  vivement  pour  Olybrius  , 
que  parce  que  celui-ci  avoit  épou- 
fé  l'une  des  deux  PrinceïFes  filles 
de  Valentinien  111.  emmenées  à 
Carthaçe  après  le  Sac  de  Rome  par 
Genferic,  qui  avoit  donné  l'autre 
en  mariage  à  fon  fils  Hunncrtc. 
L'année  même  qu'Anthémius  fut 
proclamé  Empereur  ,  mourut 
Théodoric  II.  Roi  des  Vifigots,  af- 
(affiné  par  fon  frère  Euric ,  de  mê- 
me qu'il  avoit  fait  tuer  fon  trere  & 
fon  prédecefleur  Thorifmond  , 
pour  monter  fur  le  Thrône.  Euric 
ne  rompit  avec  les  Romains  que 
la  troilléme  année  de  fon  règne  , 
s' étant  faifi  de  l'Efpagne  fuperieure 
dont  ceux-ci  étoient  encore  en  pof- 
feiîîon»  D'un  autre  côté  l'entrepri- 
fe  des  deux  Empereurs  fur  l'Afri- 
que ,  où  le  Général  Marcellien 
conduifoit  une  puilïante  armée , 
échoua  par  les  intrigues  de  Genfe- 
ric Se  d'Olybrius,  qui  vinrent  à 
bout  de  faire  poignarder  ce  Géné- 
ral par  (es  propres  Officiers. 

De  cette  entreprife  des  Romains 
contre  les  Vandales ,  notre  Auteur 
revient  à  celles  d'Euric  contre  les 
Romains ,  qui  fe  virent  par-là  dans 
la  neceflïté  d'employer  les  armes 
des  Francs ,  &  en  confequence,  de 
payer  leurs  fervices  par  de  grandes 
conceffism.    11  paroît  par  Sidoine- 


S     SÇAVANS, 

Apollinaire  qu'Euric  en  vouloir: 
fur  tout  a  l'Auvergne  en  échange 
de  laquelle  il  auroit  volontiers  ce- 
dé  toute  la  Septtmanis.  Notre  Au- 
teur explique  ici  ce  qu'on  doit  en- 
tendre par  ce  terme.  Anthémius , 
pour  déconcerter  les  projets  d'Eu- 
ric ,  ht  venir  un  corps  de  troupes 
levées  dans  la  Grande-Bretagne 
&  qu'il  polb  dans  le  Bern  fur  la 
Loire  en  46 S.  Prefque  en  même 
tems  ,  on  découvrit  la  trahifon 
dArvandus  ,  Préfet  du  Prétoire 
des  Gaules,  qui  confeilloirpar  une 
Lettre  à  Euric  de  ne  point  vivre  en 
amitié  avec  ce  Grec  ,  qu'on  avoit 
mis  fur  le  Trône  d'Occident,  & 
l'Auteur  lait  ici  une  obfervation 
critique  fur  le  véritable  nom  de 
ce  traître.  Après  la  rupture  ouverte 
entre  les  Romains  &  les  Viiîgots, 
le  premier  exploit  de  ceux-ci  fut 
l'enlèvement  des  quartiers  qu'a- 
voient  les  Bretons  fur  la  Loire, 
iefquels  furent  défats,  avant  que 
les  troupes  Romaines  euffent  pu 
les  joindre.  Celles  ci  apparemment 
fauverent  Bourges  ,  &  une  partie 
de  la  Province  Sénonoife  :  maisce 
tut  vraifemblablement  dans  le 
cours  de  cette  guerre  que  les  Vifi- 
gots  occupèrent  l'Efpagne  Terra- 
gonoife  ,  Marfeille  ,  Arles  ,  quel- 
ques Cite2  de  Ja  féconde  Aquitai- 
ne ,  prefque  toutes  celles  de  la 
première  ,  &  celle  de  Tours.  Les 
Armoriques  dans  cette  guerre  fer- 
virent  les  Romains  comme  alliés; 
Si  le  Comte  Paul  qui  commandoit 
l'armée  Romaine  ayant  été  joint 
par  Childeric  &z  les  Francs  battit 
les  Vifigotsen  plufieurs  rencontres. 


JUIN 

Mais  Audoacre  Roi  nés  Saxons 
étant  revenu  au  fecours  des  Vifi- 
gots ,  prit  Angers  après  avoir  dé- 
fais &  tué  le  Comte  Paul ,  en  l'ab- 
fcncc  de  Childeric ,  qui  ne  put  ar- 
river que  le  lendemain  de  l'action  •, 
fuivant  le  témoignage  de  Grégoire 
de  Tours ,  pris  dans  le  fens  qu'y  dé- 
rouvre  ici  M.  l'Abbé  du  Bos. 

Il  employé  tout  le  Chapitre  fui- 
vant [  XI.  ]  à  jufti fier  cette  inter- 
prétation ,  qui  certainement  don- 
ne un  jour  merveilleux  au  com- 
mencement de  nos  Annales.  Le 
partage  de  cet  Hiftorien ,  qui  eft 
au  18e  Chapitre  du  fécond  Livre  , 
eft.  conçu  en  ces  termes  :  Veniente 
vero  Adouacrio  Andegavis  ,  Childe- 
ricus  Rex  fequenti  die  advenif ,  inte- 
remptoque  Paulo  Comité  ,  Civitatem 
obtinmt.  Tous  les  Interprètes  l'ont 
entendu  dans  le  fens  qui  fe  prefen- 
te  d'abord  ,  içavoir  ,  Que  ce  fut 
Childeric  qui  prit  Angers  fur  les  Ro- 
mains après  avoir  tué  le  Comte  Paul. 
Mais  ce  fens  eft  abfolument  dé- 
menti par  lesévenemens  antérieurs 
&  pofterieurs  à  l'action  racontée 
par  Grégoire  ;  comme  le  démontre 
notre  Auteur  :  qui  vient  à  bout  d'y 
trouver  une  lignification  toute 
contraire  ,  &  par  confequent  très- 
conforme  a  la  vérité  des  faits ,  par 
le  moyen  d'une  parenthéfe  ,  &  en 
fous  -  entendant  un  nominatif  fup- 
primé  par  une  vicieufe  conftruction 
tres-ordinaire  à  Grégoire  de  Tours: 
voici  donc  comment  l'Auteur  lit 
le  paflage  :  Veniente  vero  Adouacrio 
ulndegavis  ,  (  Childericus  Rex  fe- 
quenti die  advenif  )  Adouacrius,  in- 
terempta  Paulo  Comité ,    Civitatem 


17  *4-'  25  r 

obtinuit.  Que  cette  conftruction  vi- 
cieufe foit  très-familiere  à  Grégoire 
de  Tours  ,  c'eft  ce  que  prouve  in- 
vinciblement M.  l'Abbé  du  Bos, 
par  une  foule  de  partages  tirés  de 
ce  même  Auteur  ,  &  dans  lef- 
quels  on  voit  l'ablatif  abfolu  d'une 
première  phrafe  fer'vir  tantôt  de 
nominatif  &c  tantôt  d'aceufatif  à 
une  féconde.  Nous  renvoyons  fur 
ce  point  important  ,  au  Chapitre 
même  où  il  eft  fçavamment  difcu- 
té  ,  &  qui  mérite  d'être  lu  d'un 
bout  à  l'autre.  On  y  trouvera 
aulll  plufieurs  preuves  du  peu  d'e- 
xactitude &  de  jugement  de  Frede- 
gaire  Abrcviateur  de  Grégoire  de 
Tours ,  &  qui  le  premier  ayant 
ma!  pris  le  palfage  enqueftion  a  in- 
duit en  erreur  tous  les  Ecrivans  qui 
l'ont  fuivi. 

Dans  le  Chapitre  XII.  il  eft  par- 
lé de  la  mort  d'Anthémius,  tué  par 
l'ordre  de  Ricimer  ,  &c  à  qui  fuc- 
ceda  Olybrius ,  dont  le  règne  ne 
fut  que  de  fept  mois  ;  de  la  mort 
de  Ricimer  lui-même,  6c  de  celle 
de  Gunderic  Roi  des  Bourgui- 
gnons -,  de  la  proclamation  de  Gly- 
cerius ,  qui  ne  régna  que  14  mois. 
Notre  Auteur  y  montre  par  divers 
exemples  que  les  grandes  dignitez 
de  l'Empire  n'étoient  pas  incompa- 
tibles avec  la  Couronne  des  Rois 
Barbares  ;  &  il  nous  raconte  aufli 
les  nouvelles  entreprifes  d'Euric  , 
qui  continue  à  s'agrandir.  Tous  ces 
articles ,  il  eft  vrai ,  ne  concernent 
pas  directement  les  Francs  ;  mais  , 
dit  l'Auteur,  ils  ne  lai  (Tent  pas  d'y 
être  en  quelque  forte  relatifs ,  par 
rapport  aux  reflbrts  que  Ciovis  fit 

Yyij 


?ya  JOURNAL   D 

agir  pour  foûmettre  les  Gaules  , 
relTbrts  alîez  femblables  à  ceux  que 
fit  jouer  Euric  pour  s'emparer  des 
Provinces  qu'il  pofledoit  dans  ce 
même  Pays. 

Julius  Népos  élevé  fur  le  Trône 
en  474.  après  la  dépofition  de  Gly- 
cerius  ,  fit  négocier  à  Touloufc  le 
Traité  ,  par  lequel  il  cédoit  aux  Vi- 
figots  non  feulement  l'Auvergne  , 
mais  encore  toutes  les  Gaules , 
dont  il  prérendoit  cependant  dé- 
membrer les  Contrées  qui  le  ren- 
voient maître  des  gorges  des  Alpes_, 
ifc  qu'il  vouloit  taire  palier  dans 
fon  Traité  pour  être  des  annexes  de 
l'Italie.  M.  l'Abbé  du  Bos  elt  per- 
fuadé  que  cette  cetîion  des  Gaules 
faite  par  Népos  à  Euiic  mettoit  ce- 
lui-ci en  droit  de  les  tenir  déformais 
en  toute  fouveraineté',ce  qu'il  prou- 
ve par  le  pouvoir  légiflatif  que  ce 
Prince  y  a  exercé  ,  &  par  les  mon- 
noyes  d'or  frappées  à  fon  coin.  Il 
fait  enfuite  plusieurs  obfervations 
fur  l'exécution  de  ce  Traité  ,  lef- 
quelles  il  faut  lire  chez  lui. 

Dès  que  le  Traité  négocié  feerc- 
tement  par  Népos  avec  les  Vifi- 
gots  fut  rendu  public  ,  il  excita 
l'indignation  de  tous  les  Romains. 
Orefte  ,  qui  devoit  commander 
dans  les  Gaules  fit  dépofer  Népos  p 
en  475.  Se  lui  fubftitua  Romulus 
ou  Momylle  fon  propre  fils  plus 
connu  fous  le  nom  à'Auguflule. 
Népos  fc  réfugia  en  Dalmatie  ,  où 
il  vécut  jufques  en  480.  fe  portant 
toujours  pour  Empereur  légitime 
d'Occident ,  &  reconnu  pour  tel 
par  celui  d'Orient.  Quanta  Augu- 
ftuie  ,  tout  le  monde  fçait  que  ce 


ES  SÇAVANS, 

fut  fous  fon  règne  que  finit  l'Empi- 
re d'Occident ,  Odoacre  quicem- 
mandoit  les  troupes  auxiliaires  en 
Italie,  s'étant  rendu  maître  de  Ro- 
me ,  Se  ayant  obligé  le  Sénat  à  ren- 
voyer les  ornemens  Impériaux  à 
Zenon  Empereur  d'Orient  ,  lui 
déclarant  qu'il  ne  vouloit  plus 
reconnoître  d'autres.  Empereurs ,. 
&z  le  conjurant  de  créer  Patrice 
Odoacre  ,  qui  en  vertu  de  cette 
dignité  commanderoit  en  Occi- 
dent au  nom  de  l'Empereur.  Mal- 
gré le  refus  que  lui  en  fit  Zenon  t 
il  ne  laifia  pas  de  traiter  avec  Euric, 
auquel ,'  fans  doute  ,  il  accorda  la 
confirmation  du  Traité  fait  avec 
Népos.  Euric  de  fon  côté  fit  la 
paix  avec  les  PuifTances  des  Gau- 
les, aufqtielies  l'Empereur  d'Orient 
avoitretufé  des  fecours. 

L'Auteur  nous  informe  ,  après 
cela  ,  de  ce  qu'il  eft  poffible  de  (la- 
voir touchant  la  fuipenfion  d'ar- 
mes conclue  dans  les  Gaules,  vers 
l'an  478.  &c  il  obferve  que  Sidoine- 
Apollinaire  ,  dans  fes  Lettres ,  où 
il  nous  en  apprend  quelque  chofe , 
s'explique  là-delfus  avec  une  ex- 
trême diferetion.  Il  remarque  de 
plus  ,  que  les  Francs  furent  com- 
pris dans  ce  Traité  -,  mais  que  la 
destruction  de  l'Empire  en  Occi- 
dent lai  (Ta  les  Provinces  de  la  Gau- 
le encore  obéifiantes  dans  une  ef- 
pece  d'Anarchie  ,  &c  il  nous  com- 
munique fes  conjectures  fur  la  ma- 
nière dont  elles  pouvoient  alors  fe 
gouverner.  Il  nous  donne  auiïi  un 
état  général  des  Gaules ,  où  il  mon- 
tre comment  elles  étoient  parta- 
gées entre  les  Romains  &  les  Bar- 


JUIN 

bares ,  qui  s'y  étoient  cantonnés. 

Il  place  après  la  paix  faite  vers 
l'année  477.  (  Se  dont  nous  venons 
de  parler  )  l'expédition  de  Childe-" 
rie  contre  une  Tribu  d'Allemands} 
Se  lien  allègue  les  raifons.  Ce  Prin- 
ce mourut  4  ans  après ,  en  4<s"i.  Se 
fut  enterré  à  Tournai  ,  où  fon 
Tombeau  hit  découvert  en  I655. 
&  notre  Auteur  en  fait  ici  mention. 
Selon  lui ,  Childeric  ne  lailïa  à  fon 
fils  Clovis  qu'un  très  petit  Royau- 
me ,  qui  avoir  la  Somme  pour  li- 
mites -,  Se  l'Auteur  explique  un 
palTage  de  la  Vie  de  Sainte  Gene- 
viève, duquel  il  femble  d'abord 
qu'on  pourroit  intérêt  que  le 
Royaume  de  Childeric  s'étendoit 
iufqu'à  Paris  :  mais  d'où  il  refulte 
feulement  que  ce  Prince  en  qualité 
de  Maître  de  l.i  Milice  Romaine 
pouvoit  donner  des  ordres  dans 
Paris  ,  fans  en  être  Roi ,  cette  Vil- 
le étant  encore  alors  du  nombre 
des  Villes  Armoriques. 

L'Auteur  avant  que  d'entamer 
l'Hiftoire  du  Roi  Clovis ,  nous  ra- 
conte quelques  évenemens  tragi- 
ques arrivés  avant  la  mort  de  Chil- 
deric dans  le  Royaume  des  Bour- 
guignons. Telles  (tirent  les  guerres 
entre  les  fils  du  Roi  Gundéiic,dont 
l'aîné  Gondebaud  fe  défit  de  deux 
de  fes  frères ,  Chilperic  Se  Gonde- 
mar  ,  Se  s'empara  de  leurs  partages. 
M.  l'Abbé  du  Dos  rapporte  encore 
ce  qui  lui  reftoit  à  dire  touchant 
Euric  Roi  des  Vifigots ,  qui  pen- 
dant les  dix  dernières  années  de  fa 
vie  ,  perfecuta  cruellement  les 
Catholiques ,  pour  leur  faire  em- 
braser l'Arianifme.    Ce   Prince  , 


après  avoir  régné  environ  17  ans 
mourut  en  483.  la  quatrième  année 
du  règne  de  Clovis. 

Celui  ci  feulement  âgé  de  15  ou 
ïd  ans ,  parvint  en  48  1.  à  la  Coifc- 
ronne  de  la  Tribu  des  Francs  éta- 
blie dans  le  Tournaifis.  11  y  fut  re- 
vêtu peu  de  tems  après  de  celle  des 
dignitez  de  la  Milice  Romaine 
qu'avoit  eue  Childeric  ,  Se  qui  fé- 
lon toute  apparence ,  étoit  celle  de 
Maître  de  cette  Milice.  C'eft  ce 
que  M.  l'Abbé  du  Bos  s'efforce  de 
prouvrr  par  une  Lettre  de  S.  Rémi 
écrite  a  ce  Prince  ,  par  plufîems  re- 
flexions f.ir  cette  Lettre ,  Se  par  la 
folution  très-plaufible  qu'il  donne 
à  quelques  objections  qu'on  pour- 
roit  lui  faire  fur  ce  point ,  d'où  il 
paraît,. que  les  Provinces  de  la 
Gaule  encore  obéiflantes  ,  qui 
avoient  accepté  pour  Maître  de  la 
Milice  Chilperic  Roi  des  Bourgui- 
gnons ,  auront  admis  Clovis  en 
cette  qualité  beaucoup  plus  volon- 
tiers ,  ayant  plus  d'affection  pour 
les  Francs  que  pour  les  Bourgui- 
gnons ,  Se  pour  les  Vifigots  ,  que 
l'Arianifme  leur  rendoit  alors 
beaucoup  plus  à  craindre  que  les 
Payens  mêmes.  C'eft  ce  que  l'Au- 
teur confirme  par  l'Hiftoire  d'A- 
prunculus  Evêque  de  Langres  , 
chaftè  de  fon  Siège  comme  Partifan 
de  Clovis  i  fur  quoi  notre  Auteur 
juftifie  ce  Prélat. 

Il  examine  enfuite  quelle  pou- 
voit être  la  conftitution  du  Royau- 
me de  Clovis  Se  fon  étendue.  Il 
prétend  ,  fur  des  raifons  probables, 
que  bien  que  ce  Royaume  fût  en- 
core ,  félon  le  droit  des  gens ,  une 


5;4        JOURNAL    DE 

portion  du  territoire  de  l'Empire  , 
Clovis  y  jouifToit  également  du 
pouvoir  civil  Se  du  militaire.  Il 
Foûtient  en  fécond  lieu  ,  que  ce 
Royaume  devoit  être  fort  petit, 
Comprenant  uniquement  le  Tour- 
nait &  quelques  autres  Pays  fitués 
entre  celui-ci  &c  le  Vahal  :  &  c'eft 
ce  qu'il  appuyé  de  deux  raifons 
très-fortes  ■-,  la  première ,  Que  les 
Contrées  limitrophes  du  Tournai- 
fis ,  lors  de  l'avenemcnt  de  Clovis 
à  la  Couronne,  étoient  pofledées 
par  d'autres  Rois ,  entièrement  in- 
dépendans  les  uns  des  autres ,  ainfi 
que  de  Clovis  •,  ce  que  i'Auteur 
s'applique  à  prouver  par  quantité 
de  faits  hiftoriques  inconteftables , 
aufquels  nous  renvoyons  :  la  fé- 
conde raifon  eft  fondée  fur  ce  que 
Clovis ,  au  commencement  de  fon 
règne ,  &  même  16  ans  après ,  n'a- 
voit  fous  fes  ordres  que  4  ou  5  mil- 
le combattans  qui  ruffent  Francs 
de  nation  ;  ce  qu'il  établit  fur  ces 
deux  faits,  r°.  Que  lors  du  baptê- 
me de  Clovis  ,  le  plus  grand  nom- 
bre des  Francs  fes  fujets  le  reçut 
avec  lui  :  20.  Qu'il  n'y  eut  cepen- 
dant que  3  ou  4  mille  hommes  en 
âge  de  porter  les  armes  ,  qui  fuf- 
fent  baptifés  avec  lui  ;  &  l'Auteur 
employé  plufieurs  pages  à  la  difeuf- 
fion  de  ces  deux  faits  ,  qu'il  faut 
voir  chez  lui,  auflî  bien  que  celle 
où  il  s'engage  à  cette  occalion  ,  au 
fujet  de  l'autorité  qu'on  doit  attri- 
buer à  la  Vie  de  S.  Rémi  écrite  par 
Hincmar. 

Delà  il  palTe  au  récit  de  la  guer- 
re qui  s'alluma  entre  les  Bourgui- 
gnons  &  les  Vifigots  ,    après  la 


S  SÇAVANS, 
mort  d'Euric  ,  &  pendant  laquelle 
les  premiers  conquirent  fur  les  au- 
tres la  Province  Marfeilloife  :  en 
fuite  de  quoi  il  s'étend  fur  l'expédi- 
tion par  laquelle  Clovis,  la  cin- 
quième année  de  fon  règne  ,  fc 
rendit  maître  de  la  portion  des 
Gaules  que  tenoit  Syagrius  fils  du 
Comte  Gilles ,  Se  qui  après  fa  défai- 
te à  la  bataille  de  SoilTons  ,  fut 
contraint  de  fe  réfugier  à  Touloufe, 
chez  les  Vifigots.  M.  l'Abbé  du 
Bos  recherche  ici  en  quel  lens  Sya- 
grius pouvoit  prendre  le  titre  de 
Roi  de  SoilTons ,  quelle  étoit  l'é- 
tendue des  Contrées  dont  il  étoit 
maître  ,  quels  furent  les  motifs 
qui  déterminèrent  Clovis  à  l'atta- 
quer ;  &  il  prouve  par  plufieurs 
circonftances  que  nous  omettons, 
pour  abréger ,  que  cette  guerre  ne 
fut  point  une  guerre  de  Nation  à 
Nation  ,  mais  qu'elle  fut  feule- 
ment une  querelle  particulière  où  il 
n'y  eut  que  Clovis  Se  Syagrius ,  ou 
tout  au  plus ,  leurs  amis  les  plus 
intimes  qui  prirent  les  armes. 

A  la  fuite  de  ce  grand  événe- 
ment, notre  Hiftorien  raconte  d'a- 
près Grégoire  de  Tours  &  d'autres 
Ecrivains  ,  l'avanture  célèbre  du 
Franc,  qui  dans  le  partage  du  bu- 
tin ,  voulut ,  feul  de  fon  avis  ,  em- 
pêcher qu'un  vafe  d'argent  reclamé 
par  S.  Rémi ,  ne  fût  rendu  à  ce  Pré- 
lat ;  év  à  qui  ,  l'année  fuivante  , 
dans  une  revue  ,  Clovis  pour  le 
punir  d'une  pareille  infolence  , 
fendit  la  tête  d'un  coup  de  hache  , 
fous  prétexte  que  les  armes  de  ce 
Franc  étoient  en  mauvais  état.  Sur 
quoi  l'Auteur  obferve  la  prévari- 


J  U  ï  N 

Cation  hardie  d'un  Ecrivain  moder- 
ne ,  qui  expofe  ce  fait  hiftorique 
d'une  manière  route  oppofée  à  cel- 
le qu'on  vient  de  lire  ,  Se  qui  n'a 
pour  lui  d'autre  garant  que  fa  pro- 
pre imagination.  Clovis  ,  quoi- 
que maître  des  Etats  de  Syagrius  , 
Se  tenant  déformais  le  Siège  de  fa 
Monarchie  à  Soiffons ,  garda  tou- 
jours de  grands  ménagemens  avec 
l'Empire  Romain  ,  s'abftenant  de 
faire  mettre  fon  nom  &  fa  tête  fur 
les  monnoyes  d'or  frappées  par  fes 
ordres  ,  comme  l'Auteur  le  remar- 
que ici  d'après  Procope  :  préten- 
dant au  furplus  que  la  tête  qu'on 
voit  fur  quelques  monnoyes  d'or 
frappées  à  Soi  [Tons  du  tems  de  Clo- 
vis ,  eft  celle  de  l'Empereur  de 
Conftantinople .  &  nullement  cel- 
le du  Roi  des  Francs.  Clovis  ,  la 
dixième  année  de  fon  règne,  fit  la 
conquête  du  Pays  de  Tongres,  qui 
étoit  tout  à-fait  à  fa  bienféance  ,  &c 
que  Grégoire  de  Tours  appelle  le 
Pays  des  Turingiens ,  comme  nous 
l'avons  déjà  remarqué  plus  haut 
d'après  notre  Auteur. 

Il  interrompt  ici  l'Hiftoire  de 
Clovis  3  pour  retourner  en  Italie  , 
èv  pour  nous  apprendre  ce  qui  s'y 
pafla  depuis  489.  jufques  en  493. 
L'Italie  ,  depuis  13  ans  ,  gémiffoit 
fous  le  joug  d'Odoacre  &  des  trou- 
pes révoltées  qu'il  commandoir. 
L'Empereur  Zenon  donna  en  4^9. 
à  Théodoric  ,  Roi  des  Oftrogots , 
l'importante  commiffion  d'aller 
mettre  à  la  raifon  les  troupes  auxi- 
liaires cantonnées  en  Italie  ,  &  qui 
compofoient  l'armée  d'Odoacre , 
lui    tranfportanî  au    furplus  les 


i    *  71  4-  5T$ 

droits  que  l'Empire  pouvoir  con- 
ferver  fur  des  Provinces  déjà  per- 
dues. »  Théodoric  (  dit  M.  l'Abbé 
»duBos)  é-toic  de  1a  Maifon  des 
»  Amalcs ,  la  plus  illuftre  qui  fût 
n  dans  la  Nation  Gothique.  S'il 
»  avoit  beaucoup  de  valeur  &c  d'ex- 
il perienec  ,  il  avoit  encore  plus 
»  d'ambition.  Elevé  parmi  les  Ro- 
»  mains ,  il  avoir  cultivé  fon  efprit 
»  de  bonne  heure  ,  6V  avec  tant  de 
»  fruit ,  qu'il  étoit  le  moins  barba- 
»  re  de  tous  les  barbares  ,  dont  p.ir- 
»  le  l'Hiftoire  de  fon  tems.  S'il 
»  n'eût  point  été  Arien  ,  on  l'auroit 
»  pris  pour  un  Romain  travefti  en 
»  Got.«Revêtu  de  la  dignité  de  Pa- 
trice, il  vint  donc  en  Italie,  où  dans 
l'efpace  de  4  ans ,  il  gagna  4  batail- 
les contre  Odoacre  ,  le  prit  &  le  fie 
mourir  :  après  quoi  ayant  quitté  le 
vêtement  de  Patrice ,  il  reprit  l'ha- 
bit de  fa  nation  &  les  marques  de 
la  Royauté  ,  pour  faire  entendre 
qu'il  vouloit  régner  fur  les  Ro- 
mains,  comme  il  regnoit  furies 
Oftrogots.  L'Empereur  Zenon 
étoit  mort  alors ,  &  Anaftafe  lui 
avoit  fuccedé.  L'Auteur  termine  ce 
Chapitre  par  quelques  reflexions 
fur  l'effet  que  la  nouvelle  de  la  cel- 
fion  faite  par  Zenon  à  Théodoric, 
&  celle  des  heureux  fucecs  de  celui- 
ci,durcnt  produire  dans  les  Gaules. 
Le  Chapitre  fuivant  contient 
l'Hiftoire  du  mariage  de  Clovis 
avec  la  Princeffe  Clotilde ,  fille  de 
Chilperic  ,  cet  infortuné  Roi  des 
Bourguignons  ,  qui  fut  maffacré 
avec  prcfque  route  fa  famille  par 
les  ordres  cruels  de  fon  frère  Gon- 
debaud.  Cette  Hiftoire  racontée  ici 


3;<ï  JOURNAL  D 

dans  toutes  fes  circonstances  ,  d'a- 
près les  divers  Ecrivains  qui  en  ont 
tait  mention  ,  mérite  d'être  lûë  en 
entier.  Aulïî  n'en  donnerons-nous 
point  d'Extrait ,  qui  ne  rempliroit 
qu'imparfaitement  la  curiofité  du 
Le&eur. 

L'Auteur  nous  apprend  ,  dans 
le  dernier  Chapitre  de  fon  troilîé- 
me  Livre  ,  comment  les  Provinces 
obéiffantes  de  la  Gaule  comprifes 
dans  le  Pays  qui  s'étendoit  jufqu'à 
la  Seine,  fe  fournirent  au  pouvoir 
de  Clovis ,  &  comment  les  Pro- 
vinces confédérées  ou  les  Armori- 
ques  ,  qui  s'étendoient  jufqu'à  la 
Loire  ,  ayant  refufé  de  s'y  foûmet- 
tre  ,  ce  Prince  leur  fit  la  guerre. 
Pour  fixer  la  vraye  date  de  ces  éve- 
nemens  fur  laquelle  les  Hiftoriens 
varient  tmr'eux  ;  notre  Auteur  en- 
tre dans  une  difcuiïion  très  recher- 
chée fur  la  caufe  de  cette  variété 
qui  vient  de  ce  que  ces  Hiftoriens 
comptent  les  années  du  règne  d'un 
Prince  depuis  différentes  époques 
de  fa  Vie  ;  d'où  l'Auteur  conclut 


E  S  SÇAVANS, 

que  le  mariage  de  Clovis  avec  Clo« 
tilde  ,  &  la  foûmifîîon  volontaire 
des  Citez  d'entre  la  Somme  de  la 
Seine  font  deux  évenemensarrivés 
dans  le  même  tems  ,  &c  dont  le 
premier  doit  être  envifagé  com- 
me l'une  des  caufes  du  der- 
nier ,  par  lVfperance  qu'il  fît  naî- 
tre chez  ces  Peuples  ,  de  la  pro- 
chaine converfion  de  Clovis  au 
Chriftianifme.  L'Auteur  croit  auiïï 
que  ce  fut  immédiatement  après  la 
redu&ion  de  ces  Provinces  ,  c'eft- 
à-dire  en  493.  que  ce  Prince  entre- 
prit la  guerre  contre  les  Armori- 
ques ,  laquelle  dura  jufqu'à  l'année 
497.  M.  l'Abbé  du  Bos  y  place  deux 
évenemens  mémorables  ,  fçavoir 
le  blocus  de  Paris  qui  reduifit  cette 
Ville  à  une  extrême  famine  ,  &  le 
Siège  de  Nantes  par  l'armée  de 
Clovis ,  laquelle  y  étoit  venue  par 
mer ,  félon  lui  :  fur  quoi  il  faut 
voir  fesraifons. 

Nous  renvoyons  à  un  autre 
Journal  les  trois  derniers  Livres  de 
cet  Ouvrage. 


1NSTRVCTION    SVR  LE  fVBILt'  DE  V  EGLISE 

Primatiale  de  S.  Jean  de  Lyon  ,  h  Voccajion  du  concours  de  la  Fête-Dieu 
avec  celle  de  la  Nativité  de  S.  Jean-B^ptifie  en  cette  année  1734.  imprimée 
par  l'ordre  de  Monfeigneur  /'  Archevêque  de  Lyon.  A  Lyon,  chez  Pierre 
Valfray  ,  Imprimeur  ordinaire  du  Roi  &  du  Clergé.  Et  le  vend  à  Pa- 
ris ,  chez  Antoine  Chippier ,  Libraire ,  rue  du  Foin  ,  à  S.  Antoine,  vol. 
in-iz.  pp.  161.  fans  compter  la  Préface. 


CET  Ouvrage  eft  divifé  en 
trois  Parties.  Dans  la  premiè- 
re on  rapporte  l'origine  du  Jubilé 
dont  il  s'agit ,  Jubilé  bien  fingulier 
qui  fe  célèbre  à  Lyon  dans  l'Eglife 
Primatiale  de  S.  Jean  -  Baptifte  , 


lorfque  la  Fête-Dieu  Se  celle  de  ce 
Saint  fe  rencontrent  le  même  jour. 
Dans  la  féconde  Partie  on  répond 
aux  dîfficultcz  qui  fe  peuvent  for- 
mer au  fujet  de  ce  Jubilé  en  parti- 
culier ,  &  au  fujet  même  des  In- 
dulgences , 


JUIN 

diligences ,  &C  de  tous  les  Jubilez 
en  général.  La  troifîéme  Partie  eft 
une  Inftruction  familere  ,  où  l'on 
marque  Amplement  ce  qu'il  fauc 
pratiquer  pour  gagner  ce  Jubilé 
extraordinaire  qui  ne  revient  qu'u- 
ne fois  chaque  fiécle  &  fe  célébre- 
ra cette  année  1734.  dans  la  Ville 
de  Lyon  -,  pour  ne  revenir  que  dans 
cent  cinquante  deux  ans  d'ici.  En- 
forte  qu'aucune  des  perfonnes  qui 
vivent  aujourd'hui  n'en  verra  un 
femblable. 

L'Auteur  ,  pour  donner  tous  les 
éclairciftemens  necefiaires  fur  un 
fujet  fi  intereftant ,  a  fuivi  les  traces 
d'une  tradition  confiante  &  non 
interrompue  :  il  a  remonté  jufqu'à 
la  fource  de  ce  Jubilé  ,  il  en  a  re- 
cherché les  caufes  3  &  en  a  démon- 
tré la  vérité  par  les  preuves  les  plus 
inconteftables ,  qui  font  les  Man- 
demens  des  Archevêques  de  Lyon, 
les  A&es  Capitulaires  de  l'Eglife 
de  S.  Jean  de  Lyon  ,  les  publica- 
tions faites  de  ce  Jubile  par  l'ordre 
des  Comtes  de  Lyon  ,  les  Médail- 
lons frappés  à  ce  fujet  dans  les 
deux  fiécles  précedens  ,  les  anciens 
Directoires  ou  Brefs  de  l'Office 
Divin  ,  les  Calendriers  ,  &  les  vers 
Techniques  qui  s'y  voyent  ,  le 
témoignage  unanime  des  Hifto- 
-ïiens  de  la  Ville  de  Lyon  ,  divers 
Monumens  qui  fubfiftent  encore  , 
mais  fur-tout ,  une  pofteffion  im- 
mémoriale ,  qui  eft  le  plus  fort  de 
tous  les  titres.  L'Auteur  paroît 
avoir  porté  la  chofe  au  plus  haut 
degré  d'évidence  ,  &  on  peut  dire 
avec  lui ,  que  dans  le  genre  des 
faits  Hiftoriques  purement  bu- 
Juin. 


»  *734-    '  3Ï7 

mains ,  il  n'y  en  a  guéres  de  mieux 
conftaté  que  celui-là. 

Les  recherches  qu'il  a.  faites 
n'auroient  pas  été  neceffaires ,  fi  le« 
anciens  l'avoient  prévenu  en  cela  , 
mais  tout  ce  qui  a  été  écrit  Jà-defTus 
eft  un  petit  Traité  qui  parut  trois 
ans  avant  l'ouverture  du  dernier 
Jubilé  de  Lyon  célébré  en  \666. 
&c  qui  fut  le  troifîéme  ;  on  expli- 
que dans  cet  Ecrit  les  privilèges  de 
l'Eglife  de  Lyon  ,  &  ce  qui  s'eft 
pafle  en  1451.  fous  le  Cardinal  de 
Bourbon  ,  &  en  1 546.  fous  le  Car- 
dinal de  Ferrare.  Ce  ne  fera  qu'en 
i8  8£.  c'eft  -  à  -  dire  dans  cent  cin- 
quante deux  ans  ,  qu'arrivera  de 
nouveau  le  concours  de  la  Fête- 
Dieu  avec  celle  de  S.  Jean-Baptifte, 
Sx.  qu'en  conféquence  de  ce  con- 
cours ,  l'Eglife  de  Lyon  célébrera 
pour  la  cinquième  fois  le  Jubilé 
dont  il  s'agit. 

Ce  Jubilé  privilégié  eft  eflentiel- 
lement  relatif  à  celui  de  l'année 
Sainte  de  Rome  ;  car  notre  Auteur 
fait  voir  qu'il  en  eft  une  participa- 
tion &  une  extenfion  ;  en  forte 
que  tout  ce  que  l'héréfie  ou  le  li- 
bertinage peuvent  dire  contre  le 
Jubilé  de  l'Année  Sainte  en  parti- 
culier ,  Si  contre  les  Indulgences 
en  général  ,  retombe  directement 
fur  le  Jubilé  de  Lyon.  Il  refulte  de 
là  que  pour  démontrer  folidement 
la  vérité  du  Jubilé  de  Lyon  ,  il  faut 
faire  fentir  la  vérité  du  Jubilé  de 
Rome  ,  fur  lequel  il  eft  fondé  ;  & 
c'eft  ce  que  notre  Auteur  n'oublie 
pas. 

L'abus  qu'on  a  pu  faire  des  In- 
dulgences en  certains  tems ,  paroît 
Aaa 


5;8  JOURNAL   D 

à  quelques-uns ,  un  titre  fuffifant 
pour  les  condamner.  Ils  donnent 
là-deiïus  dans  le  fens  de  Viclef  &c 
de  Luther  j  fans  faire  réflexion 
qu'en  raifonnant  fur  les  Indulgen- 
ces comme  ces  deux  Héréfiarques , 
ils  fe  montrent  comme  eux  ,  auflî 
mauvais  Dialecticiens  que  mauvais 
Catholiques ,  puifque  ainfi  que  le 
remarque  Tertulicn  ,  &c  que  la  rai- 
fon  le  montre  ,  l'abus  qu'on  peut 
faire  des  chofes  faintes  en  elles-mê- 
mes ,  en  prouve  la  bonté  ,  étant 
vrai  de  dire  qu'on  n'abufe  que  de 
ce  qui  eft  bon  ,  &  qu'on  ne  profa- 
ne que  ce  qui  eft;  fainr. 

C'eft  en  faveur  de  ces  fortes  de 
perfonnes  que  l'Auteur  de  ïlnflnic- 
tion  a  cherché  dans  les  fources 
de  l'Antiquité  ;  les  plus  fortes 
preuves  de  fait  &  de  droit,  par 
lefquelles  il  confie  que  l'Eglife  de- 
puis fon  établiflement  a  été  dans 
une  paifïble  pofleffion  d'accorder 
des  Indulgences  aux  Fidèles.  Il  le 
prouve,  i°.  par  le  témoignage  des 
faints  Pères  ,  &  fur-tout  par  celui 
defaint  Cyprien ,  z°.  par  l'autorité 
de  S.  Thomas  ,  30.  par  les  paroles 
de  S.  Paul ,  40.  par  les  paroles  mê- 
mes de  J.  C. 

Il  cite  encore  fur  le  même  fujet 
les  principaux  Auteurs  qui  depuis 
les  deux  derniers  ficelés  en  ont 
écrit ,  tels  que  font  entre  autres , 
S.  Charles  Borromée  ,  Gerfon  ,  les 
Cardinaux  Bellarmin  5c  Tolet ,  feu 
M.  Bofluet  Evêque  de  Meaux  ,  & 
Joli  Evêque  d'Agen,  Maldonat, 
Navarre  ,  le  Cardinal  de  Lugo  , 
Suarez ,  Sylvius ,  Réginaldus  & 
Grégoire  de  Valentia,  Notre  Au- 


ES   SÇAVANS, 

tcur  a  mis  auffi  à  profit  plufieurs 
autres  Ecrivains  qui  étant  plus  re- 
cens ,  font  encore  plus  au  fait  de 
tout  ce  qui  concerne  la  pratique 
qu'obferve  aujourd'hui  l'Eglife  à 
l'égard  des  Indulgences  &  des  Ju- 
bilez. 

Il  avertit  qu'il  a  trouvé  bien  des 
recherches  utiles  &  curieufes  dans 
un  Livre  in-  12.  intitulé  :  Spicile- 
gimn  Theologicum  de  JubiUo  anni 
THAgnl  pacnlaris  ,  c\:c.  imprimé  à 
Lyon  ,  il  y  a  109  ans  fur  le  Jubilé 
de  l'Année  Sainte.  Il  avertit  encore 
pour  ce  qui  regarde  le  concours  des 
1  Fêtes  auquel  le  Jubilé  de  Lyon 
eft:  attaché  ,  que  dans  un  grand 
nombre  de  Bréviaires ,  deMiflels, 
d'Heures  ou  Livres  de  Prières ,  im- 
primés à  Anvers  ,  à  Paris ,  à  Lyon 
ôc  ailleurs ,  vers  le  commencement 
de  ce  fiécle  ,  on  trouve  à  la  Table 
des  Fêtes  Mobiles  ,  celle  de  Pâques 
fixée  au  dix-huitiéme  d'Avril  pour 
la  prefente  année  1734.  &  les  au- 
tres Fêtes  qui  en  dépendent ,  mar- 
quées à  proportion  ;  en  forte  que 
fuivant  ce  Syftême  erroné ,  la  Fête 
de  Pâques  ne  tombant  pas  au  25 
d'Avril,  celle  de  la  Fête-Dieu  qui 
eft  relative  à  celle-là  ,  ne  pourra 
pas  non  plus  tomber  au  24  Juin 
jour  de  S.  Jean-Baptifte. 

Mais  notre  Auteur  remarque 
que  cette  difficulté  difparoîtra ,  jj; 
que  l'on  conviendra  de  l'erreur  au 
premier  coup  d'œil ,  fi  l'on  fait  at- 
tention que  le  dix-huitiéme  jour 
d'Avril  de  cette  année  1734.  fe 
trouve  précifément  le  jour  de  la 
pleine  Lune  auquel  les  Juifs  font 
leur  Pàque  ,  c\'  que  par  lesLoix  in- 


JUIN,    17?  4-   m  3Ï9 

Yariables  de  l'Eglife ,  Loix  autori-      1734.  le  cinquième,  en  18 8^.  Le 


fées  dans  le  Concile  de  Nicée  ;  les 
Chrétiens ,  pour  éviter  de  judaïfer, 
ne  peuvent  point  faire  leurs  Pâques 
ce  jour-là  ,  Se  qu'ainfi  félon  ces 
mêmes  Loix  ,  la  Pâque  des  Chré- 
tiens eft  neceflairement  renvoyée 
au  Dimanche  fuivant,  fçavoir  au  25 
Avril ,  comme  le  Pape  Clément 
XII-  vient  de  le  déclarer  dans  un 
Bref  qu'il  a  écrit  à  M.  l'Archevê- 
que de  Lyon  ,  Se  qui  eft  rapporté 
dans  ce  Livre. 

Tout  quadre  donc  parfaitement 
à  ce  jour  ,  puifque  la  Pâque  des 
Chétiens  qui  règle  toutes  les  autres 
Fêtes  Mobiles ,  fe  célèbre  toujours 
le  Dimanche  après  le  14  de  la  Lu- 
ne ,  qui  a  été  précédé  par  l'équino- 
xe ,  lequel ,  félon  le  calcul  Éccle- 
fiaftique ,  a  été  fixé  au  25  de  Mars. 
Telle  eft  l'exacte  fupputation  des 
Ephémérides  imprimées  par  les 
Sçavans  Aftronomes  de  l'Académie 
des  Sciences.  Telle  eft  aufïl,  comme 
le  remarque  notre  Auteur  ,  la  fup- 
putation de  Clavius,  qui,  par  l'or- 
dre de  Grégoire  XIII.  travailla 
avec  tant  de  fuccès  à  la  reformation 
du  Calendrier. 

Ce  Calendrier  reformé,  Se  qu'on 
nomme  le  Calendrier  Grégorien  , 
contient  l'exa&e  fupputation  des 
Jubilez  qui  fe  font  célébrés  jufqu'à 
prefent  dans  l'Eglife  de  Lyon ,  Se 
de  tous  ceux  qui  s'y  célébreront  à 
l'occaûon  de  l'occurrence  de  la 
Fête  -  Dieu  avec  celle  de  S.  Jean- 
Baptifte  ,  jufqu'à  l'année  3000.  le 
premier  tut  en  145 1.  le  fécond  ,  en 
1546.  le  troifiéme  ,  en  1666.  Le 

quatrième  fe  célébrera  cette  année    Jubilé  a  été  folemnifé  régulière 

A  a  ai; 


fixiéme  ,  en  1943.  5c  ainlî  des  au- 
tres. 

Quant  à  celui  dont  il  s'agit  au- 
jourd'hui ,  Se  qui  va  être  inceflam- 
ment  célébré  ,  Meilleurs  les  Com- 
tes de  Lyon  ont  fait  frapper  une 
Médaille  ,  où  on  voit  d'une  part  Ja 
fainte  Hoftie  dans  un  Soleil  pofé 
fur  un  Jubé.  Autour  du  Soleil  on 
lit  ces  paroles  Ecclefa  Lugdun.Ju- 
bd&umfeculare  quarinm. 

L'époque  Se  la  date  font  mar- 
quées dans  l'Exergue  par  ces  paro- 
les en  lettres  initiales  : 

Decanm  &  Capitulum  Ecclefiœ  J 
Comités  Lugduni  dant ,  dicant ,  con~ 
fecrant ,  An.  m.  dcc.  xxxiiii. 

Au  revers  du  Médaillon  ,  on 
voit  un  S.  Jean-Bapti(te  ,  reprefen- 
.té  à  l'antique  ,  avec  cette  légende; 

Prima  Sedes  Galliarum. 

Notre  Auteur  obferve  que  ces 
paroles  font  les  mêmes  qu'on  voit 
encore  aujourd'hui  fur  les  mon- 
noyes  de  Lyon  que  l'Archevêque 
Se  le  Chapitre  faifoient  frapper 
dès  le  neuvième  ficelé  ,  Se  qui  ont 
eu  cours  pendant  500  ans.  On  trou- 
ve encore  de  ces  monnoyes  dans  les 
Cabinets  des  Curieux. 

On  ne  doit  point  chercher  dans 
les  douze  premiers  fiécles  de  l'Egli- 
fe ,  l'origine  du  Jubilé  de  Lyon  ; 
puifque  la  Fête  du  S.  Sacrement  à 
l'occafion  de  laquelle  il  a  été  accor- 
dé par  le  S.  Siège  ,  n'a  été  établie 
que  plufieurs  années  après  le  mi- 
lieu du  xnie  fiécle.  Notre  Auteur 
remarque  que  c'eft  feulement  de- 
puis quatre  ou  cinq  fiécles  que  ce 


3<fo  JOURNAL  D 

ment ,  lorfquc  la  Fête  -  Dieu  s'eft 
rencontrée  le  24  Juin  ,  le  concours 
dont  il  s'agit  n'ayant  pu  fe  faire 
jufques  ici  trois  fois. 

Voici  le  Mandement  que  fit  pu- 
blier à  ce  fujet  le  Cardinal  de  Ferra- 
re  ,  peut-être  fera-ton  bien  aife  de 
voir  ici  cette  Pièce. 

»  De  l'autorité  de  Monfeigneur 
»  Reverendillîme  Se  Illuftrilîime 
»  Cardinal  de  Ferrare  ,  Archevê- 
»  que  Se  Comte  de  Lyon  ,  Primat 
»  de  France  ,  Se  de  Mefleigneurs 
=»  les  Doyen  Se  Chapitre }  Comtes 
»  de  la  grande  Eglife  Monfieur 
nS.  Jean  de  Lyon  ,  eft  publié  & 
=»  dénoncé  à  tous  bons  Fidèles  j  le 
»  grand  Se  général  pardon  de  ple- 
»  niere  indulgence  ,  Se  remifllon 
>»d'icelle  Eglife  ,  reçucv  approuvé 
»&  confirmé  d'ancienneté  en  no- 
»tre  mère  fainte  Eglife  Catholique^ 
■»  par  11  long-tems  qu'il  n'en:  me- 
*  moire  du  contraire  ,  toutes  & 
»  quantes  fois  qu'il  advient  concur- 
»  rence  de  la  tres-facrée  Fête  du 
»  précieux  Corps  de  N.  S.  Sauveur 
»  &  Rédempteur  J.  C.  avec  la  fo- 
»  lemnelle  Fête  de  la  Nativité  de 
»  fon  glorieux  Précurfeur  Mon- 
»  fieur  S.  Jean-Baptifte  ,  comme 
»  adviendra  cette  prefente  année 
»  1 54^.  le  24  de  Juin. 

»  Ledit  pardon  arrivera  à  midi 
a>  de  la  Vigile  de  la  Fête  ,  Se  durera 
»  par  toute  ladite  Fête  Se  jufques  à 
»  Samedi  à  midi  du  lendemain  iC 
a>  dudit  mois ,  Se  à  l'aide  de  Dieu 
=»  par  lefdits  Seigneurs  fera  donné 
»  ii  bon  ordre  que  chacun  aifé- 
»  ment  en  tranquille  dévotion 
3»  fans  tumulte  Se  opprefllon  pour- 


ES  SÇAVANS, 

»  ra  gagner  ledit  pardon.  Il  eft  aufîî 
3»  enjoint  à  tous  gensd'Eglife  ayarit 
»  peuple ,  que  ce  que  deffus  ils  pu- 
blient Se  taftent  fçavoir  en  leurs 
»  Prônes. 

Notre  Auteur  fait  diverfes  re- 
marques fur  ce  Mandement  :  la 
première  eft:  que  quatre  fortes  d'ar- 
moiries accompagnoient  le  Mande- 
ment ,  fçavoir  les  armoiries  du  Pa> 
pe  PaulllI.  celles  du  Roi  François 
premier  ,  qui  étoient  enfemble  à  la 
tête  ,  Se  celles  de  Meilleurs  les 
Comtes  de  Lyon  qui  étoient  au 
bas  :  la  féconde  remarque  eft  que 
ces  armoiries  font  voir  que  le  Ju- 
bilé dont  il  s'agit  eft  émané  du  faint 
Siège  ,  qu'il  eft  autorifé  par  le  Ror, 
Se  accordé  à  l'Eglife  de  Lyon  en 
faveur  de  fon  Archevêque  &  de  fon 
Chapitre  Métropolitain. 

La  quatrième  ,  que  le  Cardinal 
de  Ferrare  par  le  nom  duquel  com- 
mence le  Mandement,  eft  Hyppo- 
lyte  d'Efte  quife  rendit  très-celébre 
dans  l'Eglife,  dans  la  Cour  de  Fran- 
ce ,  Se  dans  la  Littérature  :  Qu'il 
fut  furnommé  de  Ferrare ,  parce 
qu'il  étoit  fils  d'Alphonfc,  premier 
Duc  de  Ferrare  ,  allié  des  Rois 
François  I.  Se  Henri  II.  Que  ce 
Cardinal  eft  regardé  comme  un  des 
plus  grands  Prélats  qu'ait  eu  le  Siè- 
ge Primatial  de  Lyon  ;  Qu'il  étoit 
çsirckevêque  "%Jlé ' ,  Prince  Magnifi- 
que y  Mimflre  éclairé ,  Légat  du  faint 
Siège  en  France  3  Cardinal  Protec- 
teur de  cette  Couronne  à  Rome;  Génie 
dit  premier  ordre  ,  Mécène  des  gens 
de  Lettres ,  &  célébré  dans  les  Ecrits 
de  Paul  Mannce  s  &  de  Marc- An- 
toine Muret ,  qui  prononça  à  Roms 


j 


UIN 

laquelle  fie 


fin  Oraifion  Funèbre 

voit  dans  les  Ouvrages  de  ce  grand 

Orateur. 

La  cinquième  remarque  que  fait 
notre  Auteur  fur  le  Mandement, 
regarde  ces  mots  :  &  de  MeJJèi- 
gneurs  les  Doyen  &  Chapitre  Comtes 
de  la  grande  Eglifi  de  Aionfieur 
S.Jean  de  Lyon.  Il  dit  que  ce  titre 
fpécial  de  grande  Eglife,  par  lequel 
le  Cardinal  de  Ferrare  cara&erife 
celle  de  S.  Jean  de  Lyon  ,  eft  un 
langage  établi  depuis  un  tems  im- 
mémorial pour  marquer  la  noblelTe 
Se  la  prééminence  de  cette  Eglife 
fur  toutes  les  autres  Eglifes  de 
Lyon  2c  fur  toutes  celles  du 
Royaume. 

La  fixiéme  remarque  eft  que  iî 
le  mot  de  Jubilé  ne  fe  trouve  point 
dans  le  Mandement  du  Cardinal 
de  Ferrare ,  mais  feulement  celui 
de  grand  &  général  pardon  de  ple- 
niere  indulgence  &  remijfion  ,  il  ne 
faut  pas  croire  pour  cela  que  ce  ne 
foit  un  véritable  Jubilé  -,  &  il  ob- 
ferre  là-deifus  que  Boniface  VIII. 
fe  contenta  de  publier  fous  le  nom 
de  grand  &  général  pardon  de  plenie- 
r;  indulgence  &  remijfion  ,  le  Jubilé 
de  l'Anne  Sainte  es  1300.  que  Clé- 
ment VI.  fut  le  premier  qui  rame- 
nant ces  indulgences  de  l'année 
feculaire  ,  à  la  cinquantième  ,  les 
nt  annoncer  fous  le  nom  de  Jubilé, 
pour  faire  allufion  à  celui  de  l'an- 
cienne Loi  :  Que  de  plus ,  fi  le  ter- 
me de  Jubilé  ne  fe  trouve  point 
dans  le  corps  du  Mandement  du 
Cardinal  de  Ferrare  ,  il  étoit  au  ti- 
tre de  ce  Mandement ,  ôi  y  étoit 
en  ces  termes.  Le  grand  jubilé  reçu, 


y    *73  4'  $5i 

approuvé  &  confirmé  d'ancienneté 

par  fi  long  tems  qu'il  n'efi  mémoire  du 
tontraire. 

La  feptiéme  remarque  de  notre 
Auteur  eft  qu'en  l'année  de  ce  Ju- 
bilé ,  publié  par  le  Cardinal  de 
Ferrare  ,  le  jour  de  la  Paflîon  s'é- 
tant  rencontré  avec  la  Fête  de  faint 
Georges ,  &  celui  de  la  Refurrec- 
tion  étant  tombé  le  jour  de  Saint 
Marc,  il  arriva  par  une  fuite  necef- 
faire  ,  que  la  Fête-Dieu  fe  trouva  le 
jour  même  de  S.  Jean-Baptifte,  car 
ces  lîx  Fêtes  font  relatives,  comme 
notre  Auteur  l'explique  enfuite. 

La  huitième  remarque  concerne 
ces  mots  du  Mandement  :  ledit  par- 
don  entrera  a  midi  de  U  vigile  de  U 
Fête  ,  &  durera  par  toute  ladite  Fête 
jufqiCait  Samedi  à  midi  z6  dttdit 
mois.  L'Auteur  oblerve  qu'on  fe  rè- 
gle ici  comme  à  l'ordinaire ,  non 
par  le  jour  civil  ,  mais  par  le  jonc 
Ecclefiaftique  qui  commence  dès 
la  veille  de  la  Fête  après  midi,  & 
là-deiTus  il  avertit  que  de  Rubis 
s'eft  trompé  quand  il  a  dit  dans  fon 
Hiftoire  de  Lyon  ,  que  le  pardon 
avoit  commencé  le  Mercredi  à  mi- 
di ,  év  qu'il  avoit  duré  jufqu'au 
Jeudi  au  foir. 

La  neuvième  remarque  eft  au  fu- 
jet  des  foins  que  Meilleurs  les 
Comtes  promettent  d'apporter 
pour  maintenir  le  bon  ordre  dans 
la  folemnité  de  ce  fécond  Jubilé  , 
arrivé  en  1546.  Notre  Auteur  dira 
cette  occallon  que  dans  le  premier 
Jubilé  de  Lyon  le  concours  dts 
peuples  venus  de  diverfes  Provin- 
ces lut  fi  prodigieux  ,  qu'il  y  ent 
un    giand  nombre  de  perfonnes 


5éz  JOURNAL  D 

étouffées  par  la  foule.  Meilleurs  les 
Comtes  de  Lyon ,  pour  prévenir 
de  femblables  accidens  ,  prirent, 
dit  notre  Auteur ,  les  quatre  pré- 
cautions fuivantes ,  qui  ont  enfuite 
fervi  d'exemple  pour  le  troifiéme 
Jubilé ,  publié  en  1666.  par  Meffi- 
re  Camille  de  Neuville  Archevê- 
que de  Lyon  ,  en  forte  que  les  me- 
fures  qui  furent  prifes  à  ce  fujet  , 
pour  le  Jubilé  de  1666.  étant  les 
mêmes  qui  avoient  été  prifes  pour 
le  Jubilé  de  1546'.  il  fuffira  ici  de 
rappeller  ce  qui  fut  obfervé  dans  le 
dernier  Jubilé  pour  maintenir  le 
bon  ordre  ,  Se  c'eft  ce  qu'on  va 
voir  par  l'Ordonnance  fuivante  , 
dont  le  Chapitre  de  Saint  Jean  de 
Lyon  accompagna  le  Mandement 
de  l'Archevêque. 

»  Les  Doyen  ,  Chanoines  ,  Se 
x>  Chapitre  del'Eglife,  Comtes  de 
»  Lyon  ,  font  fçavoir  que  pour  ga- 
>»gner  le  grand  Jubilé  dans  leur 
3»  Églife  à  caufe  de  la  concurrence 
»  de  la  Fête-Dieu  avec  celle  de  la 
»  Nativité  de  S.  Jean-Baptifte ,  il 
»  fuffira  de  vifiter  une  fois  ladite 
»  Eglife  ,  depuis  le  Mercredi  z}  de 
»Juin  prochain  à  midi  jufqu'au 
»  Samedi fuivant  16  du  même  mois 
n  à  midi ,  Se  d'y  faire  les  prières 
a»  accoutumées  pour  l'exaltation  de 
»  notre  Mcre  Sainte  Eglife,  l'union 
»)  des  Princes  Chrétiens ,  év  l'extir- 
»  pation  de  l'Héréfie  ,  après  s'être 
»  dûement  confeffé,  Se  communié, 
i>fans  qu'il  foit  neceffaire  de  le  fai- 
»re  le  même  jour  ni  dans  ladite 
»  Eglife  ,  en  laquelle  ,  pour  éviter 
»  la  confufion  l'on  ne  confeffera 
»  point   Se  l'on   ne  communiera 


ES  SÇAVANS, 

»  point  ,  pendant  ledit  tems.  Et 
»  pour  empêcher  la  foule  Se  le  de- 
»  fordre  l'on  n'y  entrera  que  par 
»  trois  grandes  portes ,  dont  les 
=  avenues  feront  pour  cet  effet 
a»  duëment  difpofées ,  l'on  fortira 
»  par  la  porte  de  l'Archevêché  & 
»  celle  de  Sainte  Croix  ,  après  y 
»  avoir  demeuré  pendant  le  tems 
»  feulement  de  cinq  P.iter  Se  cinq 
»  Ave  >  ou  de  quelque  autre  courte 
»  Prière  ,  à  fa  volonté ,  fans  qu'on 
>j  y  puiffe  entrer  qu'après  que  tous 
»  ceux  qui  les  premiers  y  feront  ca- 
sa très  ,  en  foient  fortis,  Se  ainfi 
»  fucceffivement ,  afin  que  chacun 
»  puiffe  profiter  d'une  occafion  fî 
»  rare  Se  fi  falutaire. 

Ce  que  nous  avons  extrait  juf- 
qu'ici  ne  regarde  que  la  première 
partie  du  Livre  ,  il  nous  refte  enco- 
re pour  achever  l'expofé  de  cette 
première  Partie  ,  à  remarquer 
qu'aux  preuves  que  nous  venons 
d'indiquer  du  fait  dont  il  s'agit  , 
(  fçavoir  que  toutes  les  fois  que  la 
Fête-Dieu  Se  celle  de  S.  Jean-Bap- 
tifte  fc  font  rencontrées  ,  le  Jubilé 
en  queftion  a  été  folemnifé  dans 
l'Eglife  de  S.  Jean  de  Lyon  )  l'Au- 
teur en  ajoute  deux  autres  ,  dont 
l'une  pour  être  triviale  n'en  efr  pas 
moins  forte  ,  c'eft  un  vieux  Qua- 
train tiré  d'anciens  Calendriers  Se 
Almanachs  faits  pour  la  Ville  de 
Lyon  ,  dans  lequel  on  annonce  en 
vers  Techniques ,  que  lorfque  le 
Vendredi  Saint  fe  trouve  le  23 
Avril ,  jour  de  S.  Georges ,  Pâques 
le  15  du  même  mois  jour  de  Saint 
Marc  ,  Se  la  Fête-Dieu  le  24  Juin 
jour  de  S.  Jean  -  Baptiftc  ,  il  y  a 
alors  grand  Jubilé  à  Lyon. 


JUIN 

Quand  Georges  Dieu  crucifira  t 
Quand  Marc  le  rejfufcitera  } 
Et  lorfcjue  fjeun  le  porter* 
"jubilé  dans  Lyon  fera. 

L'autre  preuve  eft  tirée  de  Clau- 
de de  Rubis  ,  dont  nous  avons 
parle  plus  haut ,  Auteur  d'une  Hi- 
ftoire  de  Lyon  ,  en  quatre  Livres , 
celui  de  tous  les  Ecrivains  qui  eft 
entré  dans  un  plus  grand  détail 
touchant  le  Jubilé  dont  il  s'agit. 
Rubis  étoit  de  Lyon,  il  en  tut  deux 
fois  Echevin  ,  il  exerça  pendant 
trente  ans  la  Charge  d'Avocat  Gé- 
néral, &  deProcureur  Général  de  la 
Maifon  de  Ville.  Il  raconte  ce  qui 
s'eft  pafle  fous  fes  yeux ,  &  voici 
comme  il  parle  dans  le  troifiéme 
Livre  de  fon  Hiftoire ,  Chap.  33. 
l'endroit  eft  curieux  ;  peut-être  ne 
fera-ton  pas  fâché  que  nous  le  rap- 
portions dans  fon  entier. 

«L'année  1546.  la  Fête-Dieu 
»  s'étant  rencontrée  le  jour  de  la 
x)  S.  Jean  ,  le  Z4  jour  de  Juin  ,  fut 
»  le  grand  Jubilé  de  S.  Jean  de 
»  Lyon  ,  où  fe  gagnoient  les  mê- 
»  mes  Indulgences  plenieres  que 
»  l'on  gagne  allant  à  Rome  (  An- 
»  no  Santlo  )  pour  gagner  ce  grand 
»  Jubilé.  On  vit  à  Lyon  une  telle 
«  aftluence  de  peuple  de  tous  les 
»  quartiers  de  la  France  ,  du  Pays 
»  de  Lorraine ,  Savoye  ,  Brefle  ,  & 
»  autres  divers  endroits ,  que  l'on 
x  ne  fc  pouvoit  tourner  par  les 
»  rues ,  éc  parce  que  les  Hôtelle- 
•j  ncs  5  Tavernes  5c  Cabarets  de  la 


î     173  4-  3<?3 

»  Ville  ne  furent  pas  capables  pour 
»  héberner  une  telle  multitude,  on 
»  fut  contraint  de  drefler  des  feuil- 
»lécs  par  les   rues  ,  comme   on 
»  fait  aux  vogues  des  Villages  ,  ou 
»  des  Tentes  de  la  façon  des  Caba- 
»  rets  de  la  Cour  ,  où  on  donnoit  à 
»  manger  aux  gens  ,  &  outre  ce  n'y 
»  avoit  bonne  maifon  en  la  Ville , 
»>  qui  n'eût  des  Seigneurs  &  Da- 
»mes,  ou  de  fes  amis  de  dehors 
'>  logés  ;   comme  auflî  parce  que 
»  les  ConfelTeurs  difperfés  par  les 
»  Eglifes  &  Couvens    ,    ne  pou- 
»  voient  fuffire  à  ouir  en  confeflîon 
»  un  fi  grand  peuple ,  il  y  en  avoit 
»  bon  nombre  qui  confelfoient  par 
»  les  rues  &  fous  les  tentes  Se  feuil- 
n  lages.  Davantage  ,  quoique  pour 
»  éviter  la  confufion  qui  eût  été ,  fi 
»  ceux  qui  alloient  &:  venoient  du 
»  pardon  ,  fe  fuffent  rencontrés  par 
»  même  chemin  pour  aller  gagner 
»  le  Pont  de  Saône,  on  fit  un  Pont 
»  de  bois  dernier  S.  Jean  fur  des 
»  bateaux,  qui  alloit  droit  répon- 
»  dre  aux  degrez  qui  font  devant 
»  l'Eglife  des  Céleftins  ,  &c  ne  laif- 
»  fa  la  foule  du  Peuple  d'être  li 
i>  grande  depuis  ledit  Pont  jufqu'à 
»  l'Eglife  de  S.  Jean  ,   qu'il  y  de- 
»  meura  pluficurs  perfonnes  ctout- 
»  fées ,  tk.  y  en  eût  eu  davantage 
»  fans  le  fecours  que  firent  plu- 
»  fieurs   gens  de  bien  à  ceux  qui 
Ȏtoient  dans  cette  foule  ,   leur 
»  jettant  du  pain  trempé  ,   &  du 
»  vin  en  abondance  par  les  fenêtres, 
»  que  les  pauvres  gens  recevoient, 
»  ouvrant  la  bouche   &  haletant 
n  comme  poulnns.  La  tontaine  qui 
*  eft  en  la  place  de  S.  Jean,  jetta 


364  JOURNAL    D 

»  du  vin  par  fes  tuyaux  tant  que  le 
»•  pardon  dura. 

Notre  Auteur  auroit  pu  joindre 
à  ces  témoignages  ce  qu'ont  dit  fur 
le  même  fujet ,  le  Père  Meneftrier 
dans  fon  Hiftoire  Confulaire  ,  £c 
dans  fon  Sanctuaire  de  l'Eglife  de 
Lyon  ,  le  Père  Colombi  dans  fon 
Hiftoire  Manufcrite  des  Archevê- 
ques de  Lyon  ,  le  Père  Pierre  Bail- 
lard  ,  dans  fes  Indices  Manufcrits 
ou  Mémoires  fur  l'Hiftoire  Sacrée 
&  Profane  de  la  Ville  de  Lyon,  M. 
Broffette  ,  dans  fon  nouvel  Eloge 
Hiftorique  de  la  même  Ville,  & 
l'Auteur  de  l'Hiftoire  Littéraire  de 
la  même  Ville  encore  ,  auffi-bien 
que  quantité  d'autres  Ecrivains , 
foit  Lyonnois  ,  foit  étrangers  •,  mais 
les  témoignages  qu'il  a  rapportés 
fuftîfent  au-delà  pour  conftater  le 
fait  dont  il  s'agit. 

La  féconde  Partie  contient  les 
ïéponfes  à  diverfes  queftions  qui  fe 
peuvent  former  au  fujet  du  Jubilé 
de  Lyon  :  l'une  de  ces  queftions 
entre  autres,  eft  fi l'Eglife  de  Lyon 
efl  la  feule  a  laquelle  le  S.  Siège  ait 
accordé  un  fi  rare  privilège. 

L'on  répond ,  qu'il  y  a  en  Fran- 
ce 8c  en  Efpagne  deux  autres  Egli- 
fes  distinguées  ,  qui  joùiffcnt  d'une 
femblable  prérogative  ,  fçavoir 
l'Eglife  du  Puy  dans  le  Velay  ,  èc 
l'Eglife  de  S.  Jacques  de  Compo- 
ftelle  dans  la  Galice. Cette  préroga- 
tive à  l'égard  de  l'Eglife  du  Puy  cft 
que  toutes  les  fois  que  la  Fête  de 
l'Annonciation  de  la  Sainte  Vierge 
fe  trouve  le  même  jour  que  le  Ven- 
dredi-Saint, il  y  a  tout  ce  jour- là 
dans  la  Cathédrale  du  Puy  ,   un 


ES  SÇAVANS, 

grand  Jubilé  ,  avec  un  concours 
prodigieux  d'étrangers  qui  s'y  ren- 
dent de  toutes  les  Provinces  du 
Royaume,  &  même  des  Pays  les 
plus  éloignés. 

Cluant  au  Jubilé  de  S.  Jacques 
de  Compoftelle  ,  il  revient  toutes 
les  fois  que  la  Fête  de  S.  Jacques  le 
Majeur  fe  trouve  un  Dimanche  ,  & 
il  dure  toute  l'année  courante. 

La  plupart  des  autres  queftions 
regardent  les  Indulgences  &  les  Ju- 
bilez en  général  ;  on  y  répond  fça- 
vamment&  d'une  manière  à  rame- 
ner les  incrédules  les  plus  opiniâ- 
tres. On  demande  quelquefois  dans 
le  monde ,  fi  ce  n'eft  pas  une  erreur 
de  croire  que  pour  une  courte 
prière  rapidement  recitée ,  l'Eglife 
puiffe  accorder  à  un  pécheur  invé- 
téré la  remiffion  delà  peine  due  à 
fes  péchez  5  Notre  Auteur  répond 
que  ce  feroit  effectivement  une  er- 
reur groffiere.  Mais  il  fait  voir  que 
l'Eglife  en  accordant  la  grâce  du 
Jubilé  ,  prefent  bien  d'autres  con- 
ditions. Il  remarque  que  ces  condi- 
tions font  exprimées  dans  ces  qua- 
tre mots,  verè  pœnitentibus,  confeffis; 
&  centrais  corde  :  il  explique  au  long 
ce  que  ces  paroles  fignihent  ,  ce 
qu'il  obferve  là-deffus  eft  capable 
de  fermer  la  bouche  à  tous  ceux 
qui  pour  décrier  les  Indulgences  , 
n'ont  pas  honte  de  dire  que  ce  font 
des  privilèges  accordes  a  ceux  qui 
veulent  fe  difpenfer  de  faire  péni- 
tence ,  l'endroit  mérite  d'être  lu  , 
c'eft  page  105. 

La    troihéme    Partie    renferme 

plufieurs    Inftruc'tions    familières 

fur  les  moyens  de  gagner  le  Jubilé 

de 


J  U  I  N,   1734;  3$S 

de  S.  Jean  de  Lyon  5c  fur  les  privi-  Tout  ce  Livre  au  refte  eft  écrit  d'u- 
lcgcs  qui  font  attachés  à  ce  Jubilé,  ne  manière  très-exacte  ,  &  pour  ie 
Nous    y    renvoyons  les  Lecteurs,      fond  ,  &c  pour  la  forme. 


NOVVELLES      LITTERAIRES. 


ITALIE. 


De  Venise. 


IL  y  a  déjà  quelque  tems  que 
J.  B.  Pafqitaliz  achevé  d'impri- 
mer la  nouvelle  Edition  de  Y  Hi- 
ftoire  Bizjintine  en  iz  Volumes 
in-folio.  Il  a  commencé  depuis  peu 
à  débiter  le  13'  Volume  de  cet  am- 
ple Recueil  :  ce  qui  doit  taire  le 
plus  de  plaifir  aux  gens  de  Lettres, 
c'eft  que  ce  Volume  fert  de  Sup- 
plément non  feulement  à  la  nou- 
velle Edition  ,  mais  encore  à  l'an- 
cienne Edition  de  Paris  ,  &  que 
pour  cette  raifon  il  fe  vend  féparé- 
ment. 

Des  différentes  Pièces  que  l'E- 
diteur a  raffemblées  dans  ce  Volu- 
me ,  la  première  eft  une  Hiftoire 
de  Conftantinople  depuis  Léon 
l'Arménien  jufqu'à  Baille  le  Macé- 
donien par  Jofeph  Geneftm ,  Au- 
teur qui  floriffoit  fous  l'Empire 
de  Léon  le  Sage  ,  &  qui  paroît 
avoir  écrit  par  ordre  de  Conftantin 
Porphyrogenete.  Cet  Ouvrage 
n'avoit  pas  encore  été  imprimé.  Feu 
M.  Bourkard  -  Mencken  de  Leipfig 
en  avoit  le  Manufcrit  dont  il  avoit 
permis  à  l'Editeur  de  faire  tirer  une 
copie  ;  8c  c'eft  d'après  cette  copie 
qu'il  paroît  pour  la  première  fois 
Juin. 


avec  une  Traduction  Latine  &  des 
Notes. 

Les  autres  Pièces  ont  déjà  été 
imprimées  ailleurs  :  peut-être  fera- 
t-on  bien  aile  d'en  voir  ici  la  Lifte, 
quoiqu'elle  doive  donner  un  peu 
trop  d'étendue  à  cet  article. 

Georgii  Phranz.A  Protoveftiarii 
Chronicon  cum  nous  ]acobi  Pontani 
Societatis  ejefu. 

Epifiola  Georgii  TrapeXuntii  ad 
£Jo.  Paleologum  Imp. 

$oannis  Antiocheni  Cognominto 
Malal&  Chronogmphia  y  Edmundo 
Chilmeado  Interprète. 

Richardi  Bentleii  Epifiola  ad  Cl. 
Vir.Joannem  Millium  S.  T.  P.  mm 
Indice  rerum  memorabilium,  &Scrip- 
toritm  qui  in  ea  emendantur. 

OpufcMla  Gr&ca  '&  Latina  vetu- 
fiiora ,  ac  recentiora  édita  à  Leone 
Allatio ,  &  ejnfdern  Allatii  in  ea 
prafatiuncula. 

fjohannes  Phocas  de  Locis  Antio- 
chiam  inter  &  Hierofolymam  ,  nec- 
non  Syr'iA ,  Phanicit.  &  Palefiin&. 

Epiphanii  HagiopolitA  Syria  & 
Vrbsfanlla. 

PerdiccA  Ephejii  Hierofolyma. 

Anonymus  de  Loch  Hierofolymita- 
nis. 

Eugefippm  de  difiantiis  Locorum 
Terr&fanEÎA. 

Vdlebrandi  ab  Oldenborg  ltinera- 
rinm,  B  b  b 


}66        JOURNAL    DE 

Léo  Allatius  de  foie  a  veterls  Eccle- 
Jîa. 

Idem  de  Liturgia  fanili  Jacobi. 
Idem    pro  Gr&corum   communiove 
fib  fpecie  unica. 

Idem  de  L'ignls  fantl&  Cruels. 
Rituale  vêtus  Cophtltarum  ,  latine 
redditur  ab  Athanafîo  Kircherio. 

Conradi  Marpurgici  S.  Elifabeth, 
vldua  Thurlngia  Landgravia. 

Gabriel  Sionita  de  r.on  nidlls  nu- 
bus  Maronltarum. 

Joannes^  Anagnojîa  de  extremo 
Thtffilonicenfi  excidio ,  Leone  Alla- 
tio interprète. 

Joannis  Anagnofla  Monodia  de 
excidio  Urbls  Theffato&ic*  eodem 
Allatio  interprète. 

Tbodorus  Gaz.a  de  origine  Turca- 
rttm  ,  Léon:  Allatio  interprète. 

Melchior  Inchoferus  deEunucbif- 
îfio. 
Léo  Allatius  de  Commentltla  Pa- 

0b. 

Lucas  Holflenius  de  Abajfnorum 
summunionefub  unie  à  fpecie. 
Idem  de  Sabbathiofiumine. 
Anonymus  de  Flumine  eodem. 

De    Vérone. 

Jacques  Vallarfi  a  imprimé  une 
nouvelle  Edition  des  Lettres ,  des 
Differtations  &  de  quelques  autres 
Ouvrages  du  P.  Fronton  3  Chanoine 
Régulier  de  Sainte  Geneviève  & 
Chancelier  de  l'Univerfité  de  Paris; 
fous  ce  titre  :  Jo.  Frontonts  Acade- 
m'u  Parifienjîs  Cancellarii  &  Cano- 
nici  Regularis  S.  Gtnovefd  EplfioU 
&  Dijfertationes  Eccle/iaftica.  Calen- 
dttrium   Romanum  nongentis   annis 


S    SÇAVANS, 

antiquius ,  nous  &  indicibus  illujfra- 
tum.  S.  Ivo/ils  Epifcopi  Camotenjts 
Vita  ,  &C.  Accedunt  in  hac  editione 
variantes  leiliones  atcjue  emendatio- 
nes  Calendarii  "R^omani  ex  aliovetu- 
ftiori  Mf.  Caruotenfiper  venerabilem 
Cardlnalem  Thomafium  excerpt*.  ar- 
que ex  ejus  autographo  mine  primitm 
édita.  1733.  in  -  8". 

De  Milan. 

M.  Argelati  a  déjà  publié  le  troi- 
fiêrne  Tome  des  Oeuvres  de  Sigonlus 
dont  il  a  entrepris  de  donner  une 
Edition  complette.  Ces  trois  Volu- 
mes fe  trouvent  à  Paris  chez  de  Bu- 
re ,  Quai  des  Auguftins. 

ECOSSE. 

D'Edimbourg, 

Il  paroît  ici  un  Volume  /«-g0,  in- 
titulé :  Médical  tffays  and  Obfer- 
vatlons  revifed  and  publisbed  by  a 
Society  in  Edimburgh.  C'eft  à-dire  , 
Effals  &  Obfervattons  de  Médecine 3 
revus  &  publiés  par  une  Société 
d'Edimbourg.  Premier  Vol.  1733. 

La  Société  des  Sçavans  Médecins 
à  qui  le  public  eft  redevable  de  ce 
premier  Recueil  ,  fe  propofe  d'en 
donner  un  femblable  tous  les  ans  ; 
il  contiendra ,  x°.  une  Table  des 
hauteurs  du  Baromètre,  des  degrez 
du  Thermomètre  &c  de  l'Hygrof- 
cope.  La  quantité  de  pluye  qui  fe- 
ra tombée  ,  les  directions  &  la  roi- 
ce  des  vents,  &  enfin  la  comparai- 
fon  de  ces  obfervations  faites  à 
Edimbourg  pendant  l'année ,  avec 


JUIN 

celles  du  même  genre  faites  ail- 
leurs, Se  qui  feront  communiquées 
à  la  Société. 

z°.  La  Relation  des  maladies 
épidémiques  qui  auront  régné  à 
Edimbourg  pendant  l'année  en 
chaque  faifon  ,  Se  la  Lifte  des 
morts. 

3°.  Un  Recueil  d'Efîais  Se  d'Ob- 
fervations  fur  les  médicamens  am- 
ples ou  compofés  ,  galéniques  ou 
chymiques ,  l'anatomie  ,  l'œcono- 
mie  animale  ,  la  théorie  Se  la  pra- 
tique de  la  Médecine  Se  de  la  Chi- 
rurgie. 

4°.  Les  figures  neceffaires  pour 
l'intelligence  des  Inftrumens ,  des 
opérations  Se  des  deferiptions  dont 
il  fera  parlé  dans  les  Traités  de  ce 
Recueil. 

5°.  Les  découvertes  qui  auront 
été  faites  en  quelque  endroit  que 
ce  foit  fur  chaque  branche  de  la 
Médecine  ,  Se  le  Catalogue  des  Li- 
vres publiés  fur  la  même  matière 
pendant  l'année. 

6°.  Une  Table  alphabétique  des 
matières  de  chaque  Volume.  Il  fuf- 
fit  d'avoir  expofé  la  méthode  que 
doivent  fuivre  dans  chaque  Volu- 
me les  Auteurs  de  ce  Recueil,  pour 
faire  fentir  toute  l'importance  Se 
toute  l'utilité  de  leur  projet. 

ANGLETERRE. 

D'  O  X  F  O  R  D. 

M.  Tho.  Shaw  ,  Membre  du 
Collège  de  la  Reine  ,  Se  ci- devant 
Chapellain  de  la  Factorerie  d'Al- 
ger ,  va  faire  imprimer  par  Soufcri- 


;    175  4-  367 

ption  fes  Obfervalions  Geographtcal, 
Phyfîcal  and  Mijcellaneous  in  the 
Kingdoms  of  Algiers  and  Tunis ,  in 
Egypt  and  Arabia  Petrxa,  in  Syria, 
Phxnice  and  the  Holy.  Land. 

Le  deiTein  principal  de  l'Auteur 
eft  de  rétablir  dans  fes  Obferva- 
tions l'ancienne  Géographie  autant 
qu'il  fera  polîîble  Se  de  mettre  dans 
un  jour  convenable  l'Hiftoire  Na- 
turelle des  Pays  dont  il  a  entrepris 
de  parler. 

Cet  Ouvrage  qui  doit  être  enri- 
chi d'un  grand  nombre  de  Cartes 
Géographiques  Se  de  planches  gra- 
vées fera  un  Volume  in-folio  d'en- 
viron cent  trente  feuilles. 

La  Soufcription  eft  d'une  guinéc 
pour  le  petit  papier  &  d'une  guinée 
6c  demie  pour  le  grand  papier.  On 
en  payera  la  moitié  en  fouferivant 
Se  le  refte  en  recevant  l'exemplaire. 

On  fouferit  à  Oxford  chez  l'Au- 
teur ,  Se  chez  plufieurs  Libraires 
de  cette  Ville  ,  Se  à  Londres  chez 
Guill.  Innys ,  Mamby    Ojbormfiec 

De   LoNDRat. 

L'Hiftoire  du  Japon  par  le  Doc- 
teur Engelbert  Kampfer ,  a  été  fî 
bien  reçue  du  public  qu'on  s'eft 
déterminé  à  traduire  en  Anglois  les 
Voyages  du  même  Auteur  en  Mof- 
covit3  en  Perfe  t  Se  aux  Indes  Orien- 
tales fur  les  Manufcrits  originaux 
en  Allemand  ,  qui  aulîî-bien  que 
ceux  de  l'Hiftoire  du  Japon  appar- 
tiennent à  M.  le  Chevalier  Hans- 
Sloane.  M.  Cromiuel  -  Mortimer  t 
Do&eur  en  Médecine  ,  Secrétaire 
de  la  Société  Royale  Se  Membre  d» 
Bbbij 


JOURNAL    DES    SÇAVANS, 


Collège  des  Médecins ,  fait  actuel- 
lement imprimer  cette  traduction 
par  Soufcription.  Ce  fera  un  Vo- 
lume in-folio  orné  de  tailles  -  dou- 
ces ,  &  dont  le  papier  6c  les  carac- 
tères feront.les  mêmes  que  ceux  de 
Y.Hiftoire  du  Japon,  Le  prix  île  la 
Soufcription  eft  de  deux  guiuées  , 
pour  le  petit  papier  ,  &  de  quatre 
guinées  pour  le  grand  ,  à  payer 
moitié  en  fouferivant  5c  moitié  en 
recevant  l'exemplaire.  On  affine 
que  l'Ouvrage  ne  tardera  pas  à  pir 
roître. 

Basket  a  aufiï  propofé  d'imprimer 
par  Soufcription  en  deux  Volumes 
in-tf.  A  Short  Paraphafi  on  the  old 
and  neiv  Teflament  ,  Sic.  c'eft  à-di- 
re  :  courte  Paraphrafe  fur  l'Ancien 
&  le  Nouveau  Teftament  ;  dans  la- 
quelle en  confervant  le  Texte  en 
entier,  on  en  explique  le  fens  d'une 
manière  concife  en  parenthefe  Si 
en  caractères  difterens.  Par  M.  Sa- 
muel Mody  Miniftre  de  Dndm- 
ghurft  dans  le  Comté  d'Effex. 

Cette  Soufcription  eft  d!une  gui- 
née. 

Ilparoît  chez  J.  Robert  un  Traité 
en  Anglois  fur  la  Goûte  ,  par  le 
Docteur  Guillaume  Stukeley^Açm- 
bre  du  Collège  des  Médecins  de 
Londres ,  Si  de  la  Société  Royale. 
1734.  in-î".  Cet  Ouvrage  eft  divifé 
en  deux  Parties.  La  première  eft 
une  Lettre  adreffée  à  M.  Hans-floa- 
ne  fur  la  manière  de  guérir  la  goûte 
par  des  huiles  appliquées  exterieu- 
ïement  •  la  féconde  Partie  eft  un 
Traité  descaufes  &  de  la  cure  de  la 
goûte. 

Strœban  &  J,  Leake  ont  en  Yente 


un  Traité  intitulé  :  The  English, 
Mdady  :  or  a  treatife  of  Nervous* 
difidfss  of  ail  Kindi , .  &c.  C'eft-à- 
dire  :  la  Maladie  Angloife  ,  ou 
Traité  des  Maladies  d:s  nerts  de. 
toute  efpecc  ,  comme  le  mal  de 
rate ,  les  vapeurs  ,  l'abattement  ,. 
les  maladies  hypocondriaques  "Se 
hyfteriques ,  &c.  par  M.  Georges 
Cheyne  ,  Docteur  en  Médecine,. 
Membre  du  Collège  des  Médecins 
d'Edimbourg  ,  Se  de  la  Société 
Royale.  1733.  in-§°. 

Guillaume  Boivyer  a  imprimé  lé 
Supplément  aux  Marbres  d'A'run- 
del  ou  d'Oxford  que  M.  M.'.htairt. 
a  publié  depuis  peu  fous  ce  titre  : 
Appeniix  ai  AlanmrjL  Académie 
Oxomenfis ,  fîve  greca  trium  A4ar~ 
morum  recens  repertortm  Infcriptio- 
nes  :  cum  Latina  verfione  &  nous» 
1733.  On  fçait  que  M.  Maataire  a 
donné  il  y  a  quelque  tems  unc 
nouvelle  Edition  des  précieux  Mo- 
numens  de  l'Antiquité  confervés  à 
Oxford  ,  dont  Selden  a  le  premier 
fait  part  au  public. 

Il  fe  trouve  encore  chez  P.  dit. 
Noyer  ,  à  la  tête  d'Erafme  ,  dans 
le  Strand  ,  quelques  exemplaires 
d'un  Ouvrage  conhderable  impri- 
mé en  1731.  Si  dont  nous  n'avons 
pas  encore  parlé  :  il  eft  intitule  ; 
Hortiis  JLlthamenfis ,  feu  Plant  arum 
\ariornm  quas  in  Horto  fuo  Elthami 
in  Cantio  coluit  Vir  ornatifjimus  & 
pra/ïantifjfmns  Jacobus  Sherard  M.. 
D.  Soc.  Reg.  &  Coll.  Med.  Lond. 
Soc.  Guillelmi  P.  A4,  frater  ,  deli- 
neationes  &  deferiptiones  ,  qitarum 
Htfloria  vel  plane  non  ,  vel  imperfec- 
tè  à  rei  herbari*  S<riptorWHs  tradit*-- 


JUIN 

full.j4v.Bore  Joanne-Jacovo  Dillenio 
M.  D.  in  folio. 

Il  s'eft  fait  tout  nouvellement 
une  Edition  complctre  des  Pièces 
de  Théâtre  de  Shake/pear  s  avec  les 
notes  lie  M.  TheobaXd ,  en  7  Volu- 
mes in  8°.  La  Soufcription  étoit  de 
deux  guinées. 

FRANCE. 

D'  O  R  L  E  A   N  S. 

A  l'occafion  de  l'entrée  du  nou- 
vel Evêque  de  cette  Ville  M.  Ni- 
colas -  Jofeph  de  Paris  ,  François 
Rouzeau  a  imprimé  trois  Brochures 
curieufes  qui  ont  rapport  à  cette 
cérémonie  ,  &£  qui  font  de  la  com- 
position de  M.  Polluche. 

La  première  eft  une  Defeription 
de  Ventrée  des  Evoques  d'Orléans  , 
Û"  des  cérémonies  qui  l'accompagnent. 
La  féconde  eft  un  Difcours  fur  l'ori- 
gine du  Privilège  qu'ont  les  Evêques 
^'Orléans  de  donner  la  grâce  a  tous 
les  Criminels  qui  leur  font  pre fentes  le 
jour  de  leur  entrée  folemnelle  dans 
cette  Ville  }  &  la  troifiéme  contient 
une  Dijfertation  fur  l'offrande  de  ci- 
re ,  afrpellée  les  Gantières  ,  que  l'on 
pre  fente  tous  les  ans ,  le  fécond  jour  de 
May,  a  l'Eglife  d'Orléans  ;  &  fur 
l'ufage  oit  font  les  Evêques  de  cette 
Ville  ,  d'être  portés  le  jour  de  leur  en- 
trée :  avec  des  Remarques  Hiftori- 
ques. 

Ces  trois  Brochures  qui  regar- 
dent à  peu-près  le  même  fujet  font 
un  petit  Volume  /»-8'°.  lequel  ne 
fçaufoit  manquer  d'être  recherché 
par  ceux' qui  s'appliquent'àraiTem- 


.     17  5  4-  36*p 

bler  tout  ce  qui  peut  fervir  à  l'Hi- 
ftoire  particulière  des  Provinces  & 
des  Villes  du  Royaume. 

De   Soîssons. 

M.  de  Laubriercs  JLvççpiz  de  cette 
Ville  ,  commence  à  établir ,  pour 
l'Académie  de  SoilTons  ,  un  ufa- 
ge  qui  fait  tant  d'honneur  à  la  plu- 
part des  Académies  de  France  ,  & 
qui  n'eft  pas  d'une  moindre  utilité 
pour  la  Republique  des  Lettres. 
En  confequence  l'Académie  par  un 
Programme  imprimé  vient  d'aver- 
tir »  le  Public  que  l'année  prochai- 
ne 1735.  Ie  Lundi  d'après  le  Di- 
»  manche  de  Quafimodo  t  elle  ad- 
»  jugera  un  prix  propofé  par  ce 
»  Prélat,  lequel  fera  une  Médaille 
»  d'or  de  la  valeur  de  trois  cens 
»  livres ,  à  une  Diflertation  Hifto- 
»  rique  d'une  demie-heure  de  lec~ 
n  ture ,  ou  de  trois  quarts  d'heure 
»  au  plus  ,  fur  ['Etat  des  anciens  ha- 
bit ans  duSoiffonnois  avant  la  conquête 
des  Gaules  par  les  Francs  ,  lafitua- 
tion  &  l'étendue  du  Pays  qu'ils  habi± 
toient  j  le  nom  &  l'antiquité  de  leurs 
Villes  &  Châteaux  ,  leurs  forces  & 
les  armes  dont  ils  fe  fervoient  leurs 
mœurs  t  leur  gouvernement  &  leur 
Religion. 

»  Dans  l'examen  ,  ajoute  le  Pro- 
»  gramme  ,  qu'on  fera  des  Ouvra- 
»  ges ,  on  aura  égard  taiat  au  nom- 
»  bre  &  à  l'étendue  des  recherches 
»  qu'à  la  beauté  du  ftile  &  à  la  pu- 
»  reté  du  langage.  DeplusJesAu- 
»  teurs  font  avertis  de  mettre  à  la 
«marge  ou  à  la  fuite  de  leur  Ou- 
*  vrage  les  preuves  des  faits  qu'ils 


570       JOURNAL     DE 

»  auront  avancés ,  Se  les  fources  où 
»  ils  les  auront  prifes. 

Le  Programme  ne  dit  pas  fi  les 
Membres  de  l'Académie  feront  ex- 
clus du  concours,  mais  pour  le  re- 
fte  il  fpecifie  les  précautions  tou- 
jours ufitées  ailleurs  en  pareil  cas. 

Les  Ouvrages  feront  adrefles 
francs  de  port  à  M-  le  Préfident  de 
Beyne  ,  Secrétaire  perpétuel  de  l'A- 
cadémie de  Solfions ,  &:  ils  ne  fe- 
ront reçus  que  jufqu'au  premier 
Février  de  l'année  prochaine. 

De     Paris. 

*Le  fujet  que  l'Académie  Royale 
»  des  Infcriptions  &  Belles  -  Lettres 
»  donne  à  traiter,  pour  le  concours 
»  au  prix  qu'elle  diftnbuera  l'année 
»  prochaine  1735.  eft  de  fçavoir 
xjufquok  les  Anciens  avaient  porté 
»  leurs  connoiffances  Géographiques  , 
»  au  tems  de  la  mon  à'  Alexandre  le 
»  Grand. 

»  Le  prix  fera  toujours  d'une 
»»  Médaille  d'or  de  la  valeur  de  400 
m  livres. 

Les  Pièces  affranchies  de  tous 
ports  feront  remifes  entre  les 
mains  du  Secrétaire  de  l'Académie 
avant  le  premier  Décembre  1734. 

Dans  la  dernière  afiemblée  pu- 
blique d'après  Pâques ,  l'Académie 
déclara  que  M.  l'Abbé  le  Beuf  t 
Chanoine  d'Auxerre  ,  avoit  rem- 
porté le  prix  de  cette  année. 

L'Académie  Royale  des  Sciences  a 
pour  fujet  du  prix  qui  regarde  le 
Syftême  général  du  monde  &  l'A- 
ftronomie  Phyfique  ,  &c  qui  tombe 
dans  l'année  i736.propofecow2W<w 


S     SÇAVANS, 

fe  fait  la  propagation  de  la  lumière. 

Les  Ouvrages  ne  feront  reçus 
que  jufqu'au  premier  Septembre 
I735.exclulïvement ,  &  l'Acadé- 
mie à  fon  afiemblée  publique  d'a- 
près Pâques  1736-  proclamera  la 
Pièce  qui  aura  ce  prix. 

M.  Jean  Bernoulli ,  Profcjfeuren 
Mathématique  arBafle,  &  M.  Daniel 
Bernoulli/<wy*/.f ,  qui  Va  été  a  Peterfi. 
bourg  J  ont  remporté  le  prix  de  cette 
année  1724.  qui  étoit  double  ,  &  qui 
a  été  partagé  en  deux  ,  parce  que  les 
deux  Pièces  ont  paru  d'un  mérite  égal. 
Ce  font  les  termes  de  l'imprimé  , 
par  lequel  l'Académie  annonce  le 
fujet  du  prix  de  1736. 

Le  29  Mars  dernier  il  a  été  rendu 
un  Arreft  du  Confeil  d'Etat  privé 
du  Roi  qui  *>  ordonne  que  les  Por- 
»  teurs  de  Soufcriptions  du  Livre 
»  intitulé  les  Vies  des  Hommes  Iliu- 
y>  flres  de  Plutarque  ,  par  M.  Dacier 
»  en  huit  Volumes  in-40.  &  achevé 
»  d'imprimer  dès  V année  1721.  fe- 
»  ront  tenus  de  rapporterez  Souf- 
»  cripttons }  &  d'en  faire  le  fécond 
»  payement  dansy£v  mois  pour  tou- 
»te  préfixion  &  délai ,  à  compter 
»  de  ce  jour  z?  Mars  :  finon  &  Je- 
»  dit  tems  pafie  ,  que  les  exem- 
»  plaires  de  ce  Livre  qui  n'auront 
»  pas  été  retirés  feront  &  demeu- 
w  reront  acquis  aux  Libraires  afio- 
»  ciés  à  l'impreflion  d'icclui  par 
»  forme  d'indemnité  ,  fans  que  le- 
*>  dit  tems  pafie  dejîx  mois  il  puiffe 
»>être  formé  aucune  demande  con- 
»  tre  lefdits  afibeiés  au  fujet  dcfdi- 
»  tes  Soufcriptions ,  &c. 

Voici  la  copie  d'un  petit  Pro- 
gramme imprimé  qui  fe  diftribus 


JUIN 

ici  depuis  quelques  jours. 

*  Suivant  l'avis  reçu  de  Londres, 
»  touchant  la  traduction  Françoife 
»  de  YFJtfloire  ds  M.  de  Thon  ,  le 
»  public  peut  s'adrelTer  aux  princi- 
»  paux  Libraires  de  Paris ,  qui  don- 
»  neront  une  rcconnoiiTance  du 
»  Sieur  Alexandre  Libraire  de 
»  Londres  ,  moyennant  le  paye- 
ra ment  de  144  livres  argent  de 
»  France  pour  un  exemplaire  petit 
«papier,  qui  fera  fourni  en  feuil- 
»  les  ,  franc  de  port  en  cette  Ville 
»  de  Paris  au  mois  de  Juillet  pro- 
x>  chain  ,  ou  de  116  livres  pour  un 
»  exemplahe  grand  papier.  Ces  re- 
»  connoiftances  fe  délivrent  actuel- 
«  lement. 

Cette  nouvelle  Traduction  Fran- 
çoife de  VHiflotre  de  Ai.  de  Thou  , 
doit  être  en  feize  Volumes  in-^°. 

"Nicolas  Simart  ,  rue  S.  Jacques  , 
au  Dauphin  ,  a  imprimé  &  débite  : 
Recueil  des  Lettres  de  Madame  la 
Marquife  de  Sévigné  à  Madame  la 
Comteffe  de  Grignan  fa  fille.  1734. 
in-iz.  4.  vol.  L'empreflement  du 
public  à  rechercher  les  Editions 
turtives  qu'on  a  faites  ci  devant  de 
ces  Lettres ,  eft  un  fur  garant  du 
mérite  de  ce  nouveau  Recueil  qui 
eft  bien  plus  complet  &:  pour  l'E- 
dition duquel  on  a  apporté  beau- 
coup plus  de  foin. 

M.  Vbgel }  Grand  Juge  des  Gar- 
des SuilTes  du  Roi ,  vient  de  pu- 
blier chez  Claude  Simon ,  rue  des 
Maçons ,  un  nouvel  Ouvrage  inti- 
tulé :  Code  Criminel  de  i Empereur 
Charles-Quint ,  vulgairement  appelle 
la  Caroline  :  contenant  les  Leix  qui 
fontfuivies  dans  Us  Jurifdicliws  Cri- 


y    »  7  5  4-  m 

minettes  de  l'Empire  ,  &  à  l'iifave 
des  Confeils  de  guerre  des  Troupes 
Suijfes.  1734.  in-  40.  Ce  qu'on  ap- 
pelle la  Caroline  ,  dit  M.  Vogel  au 
commencement  de  fa  Préface  ,  eft 
un  Editqui  renferme  plulîeurs  Dé- 
crets faits  par  l'Empereur  Charles- 
Quint  dans  la  Diète  d'Auibourg  en 
1530.  Se  dans  celle  de  Ratiibonne 
en  1532.  fur  les  inftances  &  avec 
l'approbation  des  Etats  de  l'Empi- 
re ,  pour  reformer  plufieurs  abus 
qui  s'étoient  glilTés  dans  l'admini- 
ftration  de  la  Juftice  Criminelle. 
Cet  Edit  qui  contient  219  articles 
eft  encore  obfervé  dans  les  Jurif- 
didions  de  la  SuiiTe  par  rapport  aux 
procédures  criminelles  :  c'eft  de 
quoi  nous  rendrons  compte  plus 
particulièrement  quand  nous  don- 
nerons l'Extrait  de  l'Ouvrage  de 
M.  Vogel. 

Ephemerides  des  mouvemens  cele- 
fles  pour  les  années  1735.  jufqu'cn 
1745.  ok  l'on  trouve  les  mouvemens 
diurnes  des  Planètes  en  longitudes  ; 
leurs  latitudes ,  afpetls  ,  &  média- 
tions i  celles  des  Etoiles ,  leur  lever , 
coucher ,  apparitions  &  occultations  \ 
les  immerfwns  &  émerjions  du  premier 
Satellite  de  Jupiter  pour  tes  mêmes 
années.  Avec  lafituation  de  plufieurs 
lieux ,  dont  la  longitude  &  la  latitu- 
de ont  été  obfervées  par  plufîeurs  ha- 
biles Aftronomes  ;  &  plusieurs  pro- 
blèmes Géographiques.  Pour  le  Méri- 
dien de  la  Ville  de  Paris.  Parle fieur 
des  Places.  Tome  II l.  Chez  Jacques 
Collomb.it ,  rue  S.  Jacques.  1734. 
in  -  40. 

Defcription  des  Plantes  qui  naif- 
fent  eu  fe  renouvellent  aux  environs 


372         JOURNAL    DE 

de  Paris ,  avec  leurs  ufages  dans  la 
Médecine  Se  dans  les  Arts  ,  le 
commencement  Se  le  progrès  de 
cette  Science  ,  Se  l'Hiftoire  des 
perfonnes  dont  on  parlera  dans 
l'Ouvrage.  Par  M.  Fabregoa  ,  Bota- 
nifte  Se  Démonltrateur.  Tome  I. 
Chez  Jacques  Lambert  J  rue'  S.  Jac- 
ques ,  àlaSagelte.  1734. in-ïi. 

Antoine  de  Heuqueville  ,  rue 
Gift-lc-Cœur ,  Quai  des  Augultins, 
débite  Tarif  des  Marchands  ,  Fri- 
piers 3  Tailleurs }   Couturiers  &  Ta- 


S    SÇAVANS, 

pijfitrs  ,  »  dans  lequel  on  trouve 
»  plulieurs  Tarifs  propres  à  fçavoir 
y>  combien  il  taut  d'une  étoffe  de 
»  telle  largeur  qu'elle  foit  ,  pour 
«faire  tel  ouvrage  ou  vêtement 
»  que  l'on  fouhaite.  On  y  trouve  la 
«différence  des  Aunes  de  chaque 
»  Pays ,  les  noms  des  Manufactures 
»  Se  la  largeur  des  étoffes  qui  s'y 
»  font ,  &c  par  M.  %oflm  y  Expert 
Ecrivain  Se  Arithméticien  Juré,  à 
Paris,  rue  Saint  Martin,  Brochure 
in  -  S0. 


Fautes  à  corriger  dans  le  Journal  de  May  1734. 

PAge  273.  col.  2. lig.  10.  ceux  ,  tif.cux  :  pag.  302.  col.  1.  lig.  3.  infi- 
ni ,  lif.  fini  :  pag.  305.  col.  2.  lig.  30.  &  31. leurs  indications,  leurs 
lignes ,  Se  leurs  remèdes ,  lif.  les  indications ,  les  fignes  êe  les  remèdes. 


TABLE 

Des  Articles  contenus  dans  le  Journal  de  Juin  1734. 

HIftoire  de  l'Empire  des  Cherifs  en  Afrique  ,  Sec.  page  311 

Très-ample  Colleflion  d'anciens  Ecrivains }  Sec.  parles  PP.  Martene 
&  Durand.  Tome  neuf ,  323 

Traité  du  vrai  mérite  de  l'Homme  a  Sec.  3  27 

Hiftoire  Critique  de  V  ètabîiffement  de  la  Monarchie  Franfoife  dans  les  Gau- 
les a  &c.  338 
Inflrutlion  fur  le  Jubilé  de  l'Eglife  Primatiale  de  faim  Jean  de  Lyon>  Sec.  3  56 
Nouvelles  Littéraires  ,                                                                           3^5 


Fin  de  la  Table. 


L  E 


JOURNAL 

SCAVANS 

b 

P  0  U  R 

L'ANNEE     M.    DCC.    XXXIV. 

JUILLET. 


A      PARIS, 

Chez     CHAUBERT,    à  l'entrée    du  Quay   des 

Auguftins ,  du  côté  du  Pont  Saint  Michel,  à  la 

Renommée  &  à  la  Prudence. 

M.    DCC.   XXXIV. 
AVEC  APPROBATION  ET  PRIVILEGE  DU  ROY. 


: 


\»  iJi 


LE 


JOURNAL 

DES 

SCAVANS 


JUILLET    M.  DCC.  XXXIV. 

HISTOIRE  ANCIENNE  DES  EGYPTI  ENS  ,    DES 

Carthaginois ,  </«  A  Syriens  ,  ^«  Babyloniens  ,  <^«  Médes  &  des  Perfes , 
/&f  Macédoniens ,  des  Grecs.  Par  M.  RolJin  ,  ancien  ReEleur  de  l'Vniver- 
ftê  de  Paris  t  Profejfenr  d'Eloquence  ,  <?«  Collège  Royal  t  &  AJfocii  a 
V Académie  Royale  des  Infcriptions  &  Belles-Lettres.  Tome  VI.  A  Paris , 
chez  la  Veuve  Etienne ,  Libraire  ,  rue  S.  Jacques ,  vis-à-vis  la  rue  du 
Plâtre,  à  la  Vertu»  1733./W-12.  pp.  735. 


CE  fixiéme  Volume  ne  con- 
tient que  36  années  de  l'Hi- 
ftoirc  Gréque  -,  c'eft-à-dire  24  pour 
Juillet. 


le  règne  de  Philippe  Roi  de  Macé- 
doine j  &  1 2  pour  celui  de  fon  fils 
&    fon   Succeffeur  Alexandre   le 
Cccij 


316        JOURNAL    D 

Grand  :  ce  qui  s'étend  depuis  la 
première  année  de  la  105e  Olym- 
piade jufqu'à  là  première  année  de 
la  1 1 4e  fous  les  Rois  de  Perfe  Arta- 
xcrxe-Ochus ,  Arsès  5i  Darius  Co- 
doman  ;  fous  les  Grands  Prêtres 
Juifs  Jean  ou  Johanan  &  Jaddusi 
depuis  l'an  de  Rome  393.  jufqu'à 
l'an  419.  pendant  lequel  intervalle 
plufieurs  grands  Hommes  illuftre- 
rent  cette  Republique ,  ainfi  que 
l'obfervc  notre  Auteur  dans  l'A- 
vant propos.  Au  défaut  d'une  Hi- 
ftoire  Méthodique  de  Philippe , 
que  l'Antiquité  ne  nous  fournit 
pas  ;  il  a  eu  recours  [  dit-il  ]  pour 
écrire  la  Vie  de  ce  Prince  ,  à  ce  qui 
s'en  trouve  épars  dans  Démofthéne 
&  fes  Interprètes  5  fur-tout  dans  les 
Notes  de  M.  de  Tourreil }  &£  dans 
celles  de  M.  Lucchefmi ,  noble  Pa- 
tricien de  Ltrcques.  M.  Rollin  a 
trouvé  beaucoup  plus  de  fecours 
pour  l'Hiftoire  d'Alexandre  ,  qu'il 
a  tirée  de  Diodore  de  Sicile  &  de 
Juftin  ,  de  Plutarque  ,d'Arrien  & 
de  Quinte-Curce  :  &  fur  le  ftile 
hiftorique  de  ces  deux  derniers , 
notre  Auteur  fait  quelques  obfer- 
vations  que  l'on  peut  voir.  Nous 
nous  étendrons  ici  par  préférence 
fur  l'Hiftoire  de  Philippe ,  comme 
beaucoup  moins  connue  que  celle 
de  fon  fils ,  laquelle  n'eft  ignorée 
de  perfonne.  Qui  cft  en  effet  l'hom- 
me de  guerre  ou  l'homme  de  Let- 
tres ,  qui  n'ait  pas  oui  parler  d'A- 
lexandre J 

Avant  que  d'entrer  en  matière  , 
l'Auteur  fait  une  brieve  deferip- 
tion  de  la  Macédoine,petit  Royau- 
me héréditaire  ,  fitué  dans  la  Thra. 


ES    SÇAVANS, 

ce ,  &  qui  ,  depuis  fon  Fondateur 
Caranus  fils  d'Hercule  ,  avoit  eu 
1 5  Rois,  en  comptant  Amyntas  II. 
Celui-ci  mourut,  après  24  ans  de 
règne  ,  Se  laiffa  de  fa  femme  Eury- 
dice trois  fils  légitimes  ;  Alexan- 
dre ,  Perdiccas  &  Philippe ,  qui 
régnèrent  l'un  après  l'autre.  Philip- 
pe ,  après  avoir  demeuré  à  Thébes, 
en  qualité  d'otage  ,  pendant  9  o« 
10  ans,  parvint  enfin  au  Thrône  , 
a  l'âge  de  24.  Ses  premiers  foins 
turent  de  rétablir  la  difcipline  mi- 
litaire ,  fur  -  tout  celle  de  la  pha- 
lange. Macédonienne,  qu'il  rendit 
invincible,  (  &  dont  l'Auteur  nous 
donne  ici  une  defciiption  détail- 
lée; )  de  négocier  une  paix  captieu- 
fe  ayee  les  Athéniens  -,  de  fe  dé- 
faire de  tous  fes  concurrens  à  la 
Couronne  ,  &  de  repouffer  les  at- 
taques des  ennemis  du  dehors. 

M.  Rollin  ,  après  nous  l'avoir 
montré  fous  ce  premier  caractère  , 
nous  le  fait  voir  fous  uh  autre  , 
c'eft-à-dire  fous  celui  d'un  Prince 
qui  en  qualité  de  politique  &r  de 
Conquérant  affeètoit  l'Empire  de 
la  Grèce  ,  affoiblie  alors  dans  fes 
trois  principaux  Etats  ,  Sparte  y 
Athènes  ,  &  Thébes.  Philippe 
s'empara  donc  une  féconde  fois 
d'Amphipoliî ,  Ville  frontière  de 
fon  Royaume  ,  laquelle ,  après  l'a- 
voir prife  dès  le  commencement 
de  fon  règne  ,  il  avoit  déclarée  li- 
bre ,  pour  endormir  les  Athéniens, 
&c  leur  ôter  tout  fujet  de  jaloufie. 
Mais,  dans  cette  féconde  occahon, 
loin  de  remettre  cette  Place  aux 
Athéniens ,  fuivantfa  promeffe,  il 
fe  rendit  maître  encore  de  Pydne  , 


J  U  I  L  L 

Si  de  Potidée  ,  puis  de  Crénides , 
qu'il  nomma  Philippes  de  fon 
nom  ,  &  qui  devint  célèbre  par  la 
défaite  de  Brutus  &  de  Calîlus.  Le 
Roi  de  Macédoine  fit  ouvrir  près 
de  cette  Ville  des  Mines  d'or  3  qui 
chaque  année,lui  rapportoient  plus 
de  trois  millions  ,  fomme  alors 
très  -  confiderable.  Ce  fut  pour  ce 
Prince  une  grande  reflource  ,  tant 
pour  lever  des  troupes  étrangères , 
que  pour  entretenir  des  Penfion- 
naircs  dans  toutes  les  Républiques 
de  la  Grèce  ;  ce  qui  lui  donnoit 
lieu  de  fe  vanter  qu'il  avoitempor- 
té  plus  de  Places  par  les  largefles 
que  par  les  armes;  ajoutant,  qu'il 
n'enfonçait  jamais  une  porte  qu'il  n'eût 
tâché  de  l'ouvrir  }  &  qu'il  ne  regar- 
doit  point  comme  imprenable  une 
ForrerefTe  où  pouvait  monter  un 
Mulet  chargé  d'argent.  Audi  s'ap- 
plaudifloit  il  moins  du  fuccès  d'u- 
ne bataille  (  dit  M.  Rollin  )  que  de 
celui  d'une  négociation  ,  où  il  fça- 
voit  bien  que  fes  Généraux  ni  les 
Soldats  n'avoient  rien  à  prétendre. 
11  avoit  époufé  Olympias  fille  de 
Néoptoleme  fils  d'Alcétas  ,  Roi 
des  Molofles  ou  d'Epire.  De  ce 
mariage  naquit  Alexandre  ,  la  pre- 
mière année  de  la  \o6.  Olympiade: 
fe  Philippe  ,  alors  abfcnt,  reçut 
cette  agréable  nouvelle  avec  deux 
autres  qui  n'étoient  guéres  moins 
intereflantes  ,  fçavoir  fon  couron- 
nement aux  Jeux  Olympiques  3  &c 
la  défaite  des  Illyriens  par  l'un  de 
fes  Généraux.  Un  fi  rare  bonheur 
lui  paroilTant  excefîif  &  lui  faifant 
craindre  quelque  revers  ,  Grand 
Jupiter  (  s'écria- 1  -  il  )  pour  tant  de 


ET,     1754.  377 

biens  envoye-moi  au  pliitot  quelque 
légère  difgrace. 

Vers  ce  même  tems ,  Ja  difeorde 
fe  ralluma  vivement  parmi  les 
Grecs  au  fujet  des  Phocéens ,  qui 
avoient  labouré  les  terres  des  Del- 
phiens  confacrées  à  Apollon" •,  ce 
qui  ctoit  une  profanation  des  plus 
criminelles.  Les  Phocéens  refufant 
de  reconnoître  &  de  reparer  un  tel 
forfait  ,  tous  les  Grecs  armèrent 
contr'eux  ,  &  leur  rirent  pendant 
dix  ans  une  guerre  ,  qu'on  appella 
Sacrée ,  comme  entreprife  par  un 
motif  de  Religion.  L'Auteur  nous 
en  raconte  ici  fommairement  les 
principales  circcnftances ,  fur  lef- 
quelks  nous  ne  croyons  pasdevoir 
nous  arrêter. 

Philippe  prit  d'abord  peu  de  part 
à  cette  guerre  ,  &  garda  la  neutra- 
lité. Mais  fongeant  de  fon  côté  à 
s'afïujcttir  la  Thrace  ,  il  fit  le  Siège 
de  Méthone ,  petite  Ville  qui  l'in- 
commodoit  pour  ce  defTein  ,  la  prit 
&  la  rafa.  Il  y  perdit  un  œil  par  une 
avanture  lînguliere.  After  d'Am- 
phipolis  lui  ayant  offert  fes  fervices 
en  qualité  d'excellent  tireur  en  vo- 
lant, &  qui  ne  manquoit  jamais 
fon  coup  ;  Eh  bien  je  vous  prendrai 
(  lui  répondit  le  Prince  )  lorfque  je 
ferai  la  guerre,  aux  étourneaux.  After 
picqué  de  cette  raillerie ,  fe  jette 
dans  la  place  .  d'où  il  tira  contre  le 
Roi  une  flèche  ,  qui  portoit  pour 
écriteau  a  l'œil  droit  de  Philippe ,  &c 
qui  le  lui  ayant  crevé  en  effet , 
prouva  que  l'Archer  croit  bon  ti- 
reur. Philippe  lui  renvoya  la  même 
flèche  ,  avec  cette  infeription  :  Phi- 
lippe fera  pendre  A  fier  s'il  prend  U 


378  JOURNAL    DES    SÇAVANS, 

VMe  ;  &  il  lui  tint  parole.  reveiller  de  ce  dangereux  artbupirte- 

Après  cette  conquête  ,  il  mar-  ment,  Se  les  animer  contre  Philip- 
eha  en  TheiTalie  ,  dont  les  peuples  pe ,  que  Démofthéne  prononça  ces 
a  voient  imploré  ton  fecours  contre 
les  Tyrans.  Philippe  les  en  délivra, 
malgré  la  protedion  des  Phocéens, 
dont  il  défit  les  troupes  -,  êc  par  ce 
bon  fuccès ,  il  s'acquit  pour  tou- 
jours l'affection  des  Theffaliens  , 
dont  l'excellente  Cavalerie  eut  de- 
puis tant  de  part  aux  vidoires  de 
ce  Prince  &  à  celles  de  fon  fils.De- 
là  Philippe  fe  mit  en  devoir  de  paf- 
fer  dans  la  Phocide ,  fous  le  fpé- 
cieux  prétexte  de  châtier  les  Pho- 
céens facriléges  ;  mais  en  effet  pour 
commencer  à  mettre  le  pied  dans  la 
Grèce  ,  &  à  fe  mêler  dans  les  affai- 
res générales  des  Grecs  ,  d'où  les 
Macédoniens  avoient  toujours  eu 
l'exclufion  ,  en  qualité  d'étrangers. 
Dans  cette  vue  ,  il  marche  vers  les 
Thermopyles ,  ce  partage  h  impor- 
tant pour  pénétrer  dans  la  Grèce 
Se  fur-tout  dans  l'Attique.  Mais  les 
Athéniens  y  étant  accourus ,  fe  fai- 
firent  fort  à  propos  du  partage  ;  en 
forte  que  Philippe  defefperant  de 
pouvoir  le  forcer ,  fut  contraint  de 
retourner  en  Macédoine. 

Cette  entreprife  fur  les  Thermo- 
pyles allarma  fort  les  Athéniens. 
Ils  fe  trouvoient  alors  très-déchus 
de  cette  ancienne  vertu  ,  qui  leur 
avoit  acquis  tant  de  gloire  fur  terre 
Se  fur  mer  -,  ils  étoient  amollis  par 
l'averfion  des  travaux  militaires  f 
dont  ils  fe  déchargeoient  fur  des 
troupes  auxiliaires  ,  par  les  flatte- 
ries de  leurs  Orateurs  ,  Se  par  le 
goût  dominant  pour  les  Jeux  Se 
pour  les  Spedacles.  Ce  fut  pour  les 


Harangues  li  fameufes  ,  connues 
fous  le  nom  de  Philippines ,  Se  qui 
font  encore  aujourd'hui  l'admira- 
tion de  ceux  qui  les  lifent ,  mais 
qui  firent  alors  aflez  peu  d'impref- 
fion  furies  Athéniens. 

Philippe  ayant  manqué  le  parta- 
ge des  Thermopyles  ,  tourna  vers 
la  Thrace  ,  fuivant  fon  projet  de 
s'étendre  de  ce  côté-là  ,  Se  mit  le 
Siège  devant  Olynthe,  Ville  de  ce 
même  Pays ,  Se  qui  étoit  une  Colo- 
nie des  Athéniens.  Les  Olyntkiens 
eurent  recours  à  ceux-ci ,  qui  mi- 
rent l'affaire  en  délibération  ,  &  la 
firent  difeuter  par  leurs  Orateurs. 
Mais  malgré  toute  l'éloquence  de 
Démofthéne  ,  Se  tout  l'art  avec  le- 
quel il  fçavoit  dansfes  Harangues 
épouvanter  Se  raffurer  alternative- 
ment fon  Auditeur,  ks  Athéniens 
n'envoyèrent  que  de  foibles  fe- 
cours ,  &  Philippe  enfin  fe  rendit 
maître  d'Olvnthe.  M.  Rollin  n'ou- 
blie pas  d'inférer  ici  dans  fa  narra- 
tion un  précis  exad  de  chacune 
des  Harangues  de  l'Orateur  Grec 
lefquelles  concernent  les  érene- 
mens  dont  il  s'agit  ;  Se  par-là  il 
intereffe  d'autant  plus  les  Lecteurs 
Se  reveille  leur  attention.  Il  faut 
lire  ,  entre  autres  endroits ,  le  dou- 
ble portrait  de  Philippe  ,  rapporté 
ici  par  l'Auteur  ,  d'après  feu  M. 
de  Tourreil ,  Se  tracé  parla  réunion 
de  tous  les  traits  répandus  dans  la 
féconde  Olynthienm  de  Démofthé- 
ne. 

Philippe  devenu  maître  d'Olyn- 


J  U  I  L  L 

the  ,  fe  déclara  contre  les  Phocéens 
en  faveur  des  Thébains ,  qui  fati- 
gués d'une  longue  guerre  ,  avoicnt 
imploré  fon  fecours  ;  &  ce  tut  ainiî 
que  ce  Prince  commença  pour  lors 
à  joiier  un  rôle  conllderable  dans 
la  Guerre  Sacrée-  Il  fçut  amufer  les 
Athéniens  &  leur  donner  le  change 
par  une  fauiTe  paix  &  de  fauflcs 
promeffes  ,  malgré  toutes  les  re- 
montrances de  Démoflhéne.  Phi- 
lippe différa  toujours  la  ratification 
de  fon  traité  de  paix  avec  Athènes, 
jufqu'à  fon  arrivée  dans  la  Thelfa- 
lie ,  &  ce  fut  là  qu'en  le  ratifiant , 
ilrerufa  d'y  comprendre  les  Pho- 
céens, quoiqu'alliés  des  Athéniens. 
A  l'occafion  de  cette  paix  ,  l'Ora- 
teur Ifocrate  publia  un  beau  dif- 
cours  ,  qui  avoitpour  but  d'exhor- 
ter Philippe  à  profiter  d'une  lï  fa- 
▼erablc  conjoncture  pour  concilier 
entr'eux  tous  les  Grecs ,  &  à  porter 
enfuitc  la  guerre  contre  le  Roi  de 
Perfe.  M.  Rollin  donne  ici  l'Ana- 
lyfc  de  ce  Difcours.  Philippe  ter- 
mina cette  affaire  en  fe  faifilTant  des 
Thermopyles  ,  &  en  reduifant  les 
Phocéens  ,  qui  fe  livrèrent  à  fa 
merci  ;  en  forte  que  fans  beaucoup 
de  peine  ,  il  eut  tout  l'honneur 
d'une  longue  &  fanglante  guerre  , 
qui  avoitépuifé  les  forces  des  deux 
partis  j  &  qu'il  fur  même  admis 
dans  le  Confeil  des  Amphi&yons  t 
qui  étoit  comme  l'affemblée  des 
Etats  généraux  de  toute  la  Grèce. 

De  retour  en  Macédoine ,  Phi- 
lippe porta  fes  armes  contre  l'Illy- 
ric  &  contre  la  Thrace ,  pour  éten- 
dre fes  frontières  de  ce  côté-là ,  Se 
pour  tenir  toujours  par   quelque 


E  T,   1734.  37P 

nouvelle  expédition  fes  troupes  en 
haleine.  Avant  la  prife  d'Olvnthe 
il  s'étoit  rendu  maître  de  3Z  Villes 
dans  la  Chalcide  ,  qui  faifoit  partie 
de  la  Thrace.  Il  prit  aufïï  fous  fa 
prote&ion  contre  les  Athéniens 
Cardie  ,  Ville  de  la  Qucrfonnéfe , 
qui  étoit  un  Pavs  fort  à  la  bienféan- 
ce  de  ce  Prince  :  &  ce  fut  le  fujet 
d'une  des  Harangues  de  Démo- 
fthéne.  Philippe  fit  enfuite  le  pro- 
jet d'une  ligue  avec  les  Thébains , 
les  Mefféniens  &  les  Argiens,  pour 
attaquer  enfemble  le  Péloponné- 
fe  :  mais  Lacédémone  juftement  al- 
larmée  5  ayant  réclamé  le  fecours 
des  Athéniens ,  c\:  Démofthéne  ap- 
puyant fortement  cette  négocia- 
tion ;  le  Roi  de  Macédoine  fufpen- 
dit  fon  entreprife  contre  le  Pélo- 
ponnéfe  ,  pour  n'avoir  pas  à  la  fois 
tant  d'ennemis  fur  les  bras. 

En  attendant  une  conjoncture 
plus  favorable  ,  il  fit  de  nouvelles 
tentatives  fur  Mlle  d'Eubée  ,  très- 
propre  par  fa  fituation ,  à  féconder 
les  deffeins  de  Philippe  contre  la 
Grèce,  Si  qu'il  appelloit  les  entraves 
de  ce  Pays-là.  Il  s'y  empara  de  plu- 
fîeHrs  Places,  où  il  mit  des  Gouver- 
neurs. Les  Athéniens  follicités  par 
les  Eubéens  leur  envoyèrent  quel- 
qaes  troupes  fous  la  conduite  du  cé- 
lèbre Phocion,  dont  l'Auteur  peint 
ici  le  caractère  ;  &  ce  Général  chaf- 
fa  de  l'Eubée  tous  ceux  qui  y  tc- 
noient  le  parti  de  Philippe. 

Celui-ci  dreffa  une  autre  batte- 
rie contre  Athènes ,  &  pour  être  en 
état  de  l'affamer  quand  il  voudrait, 
il  marcha  vers  la  Thrace  d'où  elle 
tiroit  la  meilleure  partie  de  fes  yi- 


38o       JOURNAL     DE 

vres  ,  &il  ouvrit  la  campagne  par 
le  Siège  de  Périnthe  ,  qu'il  invertit 
ivec  une  armée  de  30  mille  hom- 
mes. Quelque  tems  après ,  pour 
ôrer  aux  aflîégés  les  fecours  qu'ils 
tiroientde  Byzance,  il  alla  former 
lui-même  le  Siège  de  cette  Place 
avec  la  moitié  de  fon  armée  ,  bif- 
fant l'autre  pour  continuer  celui 
de  Périnthe.  Ce  fut  alors  qu'il 
écrivit  aux  Athéniens  une  grande 
Lettre,  qui  valoitunbon  manife- 
fte ,  &  où  leur  reprochant  leurs  in- 
fractions aux  Traitez  s  dont  il  pré- 
tend avoir  été  religieux  obferva- 
teur  ,  il  fçait  mettre  en  œuvre  les 
plaintes  &  les  menaces  les  plus  ca- 
pables de  faire  agir  fur  les  hommes 
la  honte  ou  la  crainte.  »  Cette  Let- 
»  tre  (  dit  M.  Rollin  )  paroît  un 
»  chef-d'œuvre  dans  l'original.  11  y 
»  règne  une  vivacité  majeftueufe 
»  &c  perfuafive  ;  une  force  Se  une 
3»  juftefle  de  raifonnement  foûte- 
y  nues  jufqu'au  bout  ;  une  expofi- 
wtion  de  faits  fimple  ,  Se  chacun 
»  fuivi  de  fa  confequence  naturelle  ; 
»  une  ironie  délicate  -,  enfin  ce  ftile 
»  noble  Se  concis  qui  convient  lî 
»  bien  aux  Têtes  couronnées.  « 
Démofthéne  n'oublia  rien  pour  ef- 
facer au  plutôt  les  premières  im- 
preÛîons  de  cette  Lettre  fur  l'efprit 
des  Athéniens -,  Se  il  les  détermina 
puiffamment  au  fecours  des  deux 
Places  aliiégécs ,  où  ils  envoyèrent 
Phocion  ,  qui  les  remit  l'une  Se 
l'autre  en  liberté ,  après  avoir  chaf- 
fé  Philippe  de  l'Hellefpont. 

Ce  Prince  ,  après  la  levée  de  ces 
deux  Sièges,  marcha  contre  Atheas 
Roi  des  Scythes ,  qui  l'avoit  mé- 


S     SÇAVANS; 

contenté.  Il  le  battit ,  &  fît  fur  lui 
un  riche  butin  ,  puis  au  retour  de 
cette  expédition  ,  il  vainquit  les 
Triballes ,  qui  vouloientlui  difpu- 
ter  le  partage ,  mais  il  fut  blefté  à 
la  cuiffe  dans  l'action  ,  &  fecouru 
fort  à  propos  par  le  jeune  Alexan-' 
dre  fon  hls,  qui  l'avoit  accompagné 
dans  cette  guerre. 

Philippe  ,  qui  redoutoit  fort  la 
puirtançe  des  Athéniens  ,  dont  il 
avoit  gratuitement  encouru  la  hai- 
ne par  le  Siège  de  Byzance,  leur  fît 
parler  d'accommodement  Se  de 
paix  :  Se  Phocion  étoit  d'avis  qu'on 
acceptât  les  offres  de  ce  Prince. 
Mais  Démofthéne ,  qui  le  connoif- 
foit  beaucoup  mieux  Se  qui  s'en 
déiîoit ,  empêcha  les  Athéniens  de 
prêter  l'oreille  à  ces  propofitions. 
Le  Macédonien  vint  à  bout  par  fes 
intrigues  &  par  fesfouterrains  *  de 
fe  taire  nommer  dans  le  Confeil 
des  Amphictyons  ,  Généraliflîmc 
des  Grecs  ,  pour  une  nouvelle 
Guerre  Sacrée  contre  les  Locriens 
d'Ozoles  ou  d'Amphiffe  :  mais  fei- 
gnant de  marcher  contre  ces  Lo- 
criens pour  venqer  l'injure  faite  au 
Temple  de  Delphes ,  il  fe  rabattit 
tout  à  coup  fur  Elatéc ,  la  plus  im- 
portante Ville  de  la  Phocide  ,  &  la 
mieux  placée  pour  tenir  en  ref- 
pec~t  les  Thébains  ,  lefquels  com- 
mencèrent à  ouvrir  les  yeux  ,  tan- 
dis que  l'allarme  fe  répandit  dans, 
Athènes. 

Il  y  tut  refolu  ,  par  le  confeil  de 
Démofthéne  ,  qu'on  mettroit  en 
mer  200  voiles,  qu'on  raftemble- 
roit  un  bon  corps  d'Infanterie  Se 
de  Cavalerie }  Se  qu'on  envoyeroit 
des 


J  U  I  L  L 

des  Ambaffadcurs  aux  autres 
Grecs,  fur-tout  aux  Thébains,  pour 
les  folliciter  contre  Philippei&l'O- 
rateur  tut  nommé  Chef  de  l'Am- 
baffade  vers  ces  derniers.  Le  Roi  de 
Macédoine  ne  manqua  pas  d'y  en- 
voyer auflfi  fes  Députez.  Mais  l'élo- 
quence vive  &  perfuafive  de  Dé- 
mofthéne  leur  ferma  la  bouche  -,  &C 
la  Ligue  fut  conclue  avec  les  Athé- 
niens, malgré  une  nouvelle  dépu- 
tation  de  Philippe  vers  ceux-ci, 
laquelle  n'eut  aucun  effet.  Ce  Prin- 
ce réunit  donc  toutes  fes  troupes 
au  nombre  de  30  mille  hommes  de 
pied  Se  de  2000  chevaux  &c  entra 
dans  la  Béotie.  L'armée  ennemie 
étoit  peu  inférieure  en  Soldats  , 
mais  elle  l'étoit  infiniment  en  Offi- 
ciers -,  le  feul  Phocion ,  qui  auroit 
pu  faire  tête  à  Philippe  ,  ayant  été 
exclus  du  commandement  par  la 
cabale.  Les  armées  s'étant  donc 
rencontrées  près  de  Chéronée  , 
Ville  de  Béotie ,  ce  fut  là  que  fe 
donna  cette  fameufe  bataille  ,  par 
laquelle  Philippe  mit  pour  ainfi di- 
re toute  la  Grèce  fous  le  joug.  Alc- 
xandrcâgé  pour  lors  de  16  à  17  ans, 
y  commandoit  l'aîle  gauche  ,  affi- 
lié des  Généraux  les  plus  braves  8c 
les  plus  expérimentés  ,  &  fon  père 
commandoit  l'aîle  droite.  Démo- 
fthéne  fi  intrépide  lorfqu'il  s'agif- 
foit  de  parler  dans  la  Tribune  aux 
Harangues  ,  &  qui  combattoit 
alors  dans  l'armée  Athénienne  , 
prit  la  fuite  avec  les  autres ,  &  jet- 
ta  bas  fes  armes.  On  prétend  mê- 
me (  ajoute  M.  Rollin  )  que  pen- 
dant qu'il  fuyoit ,  fa  robe  s'étant 
accrochée  à  un  chardon ,  il  crut  que 
Juillet. 


ET,    1754-  ?8i 

c'étoit  quelque  ennemi  qui  l'arrê- 
toit ,  &c  cria  :  donnez.-moi  la  vie. 

Le  principal  fruit  que  Philippe 
tira  de  cette  grande  vicfoire  ,  fut 
d'exécuter  enfin  le  projet  qu'il 
avoit  conçu  depuis  long  -  tems  de 
fe  taire  nommer  par  l'affembiée  des 
Etats  de  la  Grèce  leur  Général  con- 
tre les  Perfes.  En  cette  qualité,  il 
fe  preparoit  donc  àl'invafion  de  ce 
puiffant  Royaume.  Mais  les  trou- 
bles inteflins  qui  agitèrent  fa  Mai-, 
fon  ,  lui  rendoient  la  vie  défagréa- 
ble  ,  malgré  tant  de  profperitez  La 
mauvaife  humeur  d'Olympias  la 
lui  fit  répudier ,  pour  en  époufer 
une  autre.  Alexandre  mécontent 
mena  fa  mère  en  Epire  ,  &  paffa 
chez  les  Illy riens,  d'où  fon  perc  le 
rappella  peu  de  tems  après  ,  pat 
l'entremife  du  Corinthien  Démara- 
te.  Pour  fe  mettre  en  état  de  ne 
plus  penfer  qu'à  la  conquête  de 
l'Afie  ,  il  fe  hâta  de  finir  toutes  fes 
affaires  domeftiques,  &  il  célébra 
avec  une  magnificence  incroyable 
les  noces  de  fa  fille  Cléopatre  , 
qu'il  donnoit  en  mariage  au  Roi 
d'Epire  ,  Alexandre  frère  d'Olym- 
pias. Mais  au  milieu  de  toutes  ces 
tejoiiilfances  ,  il  fut  tué  à  l'âge  de 
47  ans  par  Paufaniasjeune  Seigneur 
de  fa  Cour ,  auquel  il  avoit  refufé 
de  rendre  juftice. 

M.  Rollin  ,  en  vue  de  nous  faire 
connoître  plus  intimement  Philip- 
pe &  de  nous  le  peindre  plus  au 
naturel ,  a  recueilli ,  d'après  M.  de 
Tourreil ,  la  plupart  des  faits  &c  dits 
mémorables  de  ce  Prince  ;  &  nous 
en  tranferirons  ici  quelques-uns. 
Il  difoit  qu'il  avoit  l'obligation 
Ddd 


382         JOURNAL   D 

aux  Orateurs  d'Athènes  de  l'avoir 
corrigé  de  fes  défauts ,  à  force  de 
les  lui  reprocher. 

Il  gageoit  un  homme  pour  lui 
dire  tons  les  jours  ,  avant  qu'il 
donnât  audience  :  Philippe  ffoa- 
viens-toi  que  tu  es  mortel. 

A  la  fin  d'une  audience  donnée 
aux  Ambalïadeurs  d'Athènes,  il 
leur  demanda  s'il  pouvoit  leur  ren- 
dre quelque  fervice  :  le  plus  grand 
fervice  que  tu  nous  pitijfes  rendre,  ré- 
pondit l'un  des  Députez,  c'eft  de 
(aller  pendre.  A  ces  mots  ,  fans  s'é- 
mouvoir ,  malgré  l'indignation  de 
tout  le  monde  :.  dites  k  vos  Maîtres, 
(  repli qua-r  il  )  que  ceux  qui  ofent 
dire  de  pareilles  infolences  ,  font  plus 
hautains  &  moins  pacifiques  ,  que 
teux  quiffavent  les  pardonner. 

Toute  fa  Cour  le  follicitant  de 
punir  l'ingratitude  des  Péloponné- 
iîens  ,  qui  l'avoient  publiquement 
fifflé  dans  les  Jeux  Olympiques  : 
Que  ne  feront- ils  point  (  répondit-il) 
R  je  leur  fais  du  mal  ,  puifq/t'tlsfe 
mocquent  de  met ,  après  en  avoir  reçu 
tant  de  bien  ? 

Ses  Courtifans  lui  confeillantde 
chatTer  quelqu'un  quidifoitdumal 
de  lui  :  bon  ,  bon  [  dit-il  J  afin  qu'il 
en  aille  médire  par-tout. 

IL  difoit  qu'il  était  an  pouvoir  des 
Rois  de  fe  faire  aimer  ou  haïr. 

Prefïe  d'aider  de  fon  crédit ,  au- 
près des  Juges,  un  homme  3  que 
leur  fenrence  alloit  décrier  infailli- 
blement :  J'aime  mieux  [  dit  -  il  ] 
■mi il  foit  décrié  que  moi. 

Une  femme  l'ayant  pris  pour 
Juge  i,  à  la  fin  d'un  long  repas ,  elle 
lui  dit  fes  raifons ,   après  quoi  il  la 


ES    SÇAVANS, 

jugea  &  la  condamna.  Elle  répond 
de  fang  froid  :  J'en  appelle.  Com- 
ment (  dit  Philippe  )  de  votre  Roi  > 
&  k  qui  ?  A  Philippe  k  jeun  ,  repli- 
qua-t-elle.  Il  examine  l'affaire  de 
nouveau ,  reconnoît  l'injufticc  de 
fon  jugement ,  &  fc  condamne  à  la 
réparer. 

Il  aimoit  les  bons  mots,  &  en. 
difoit;  ayant  reçu  uneblefTure  près 
du  gofier ,  &  fon  Chirurgien  l'im- 
portunant tous  les  jours  de  quelque 
nouvelle  demande  :  Frens  tout  ce 
que  tu  voudras  (  dit  -  il  )  car  tu  me 
tiens  k  la  gorge. 

Le  Médecin  Ménécrate  ,  extra- 
vagant au  point  de  fe  croire  Jupi- 
ter ,  écrivit  à  Philippe  en  ces  ter- 
mes :  Ménécrme-hipiter  k  Philippe 
falut.  Philippe  lui  répondit  ;  Phi- 
lippe k  Adénécrate  ,  famé  &  bon  fins. 
Ce  Prince,  pour  le  guéiir ,  le  pria 
d'un  grand  repas,  où  il  lui  donna 
une  table  à  part ,  &  ne  lui  fit  fervir 
pour  tous  mets  que  de  l'encens  3c 
des  parfums. 

Voici  un  mot  bien  flatteur  pouï 
lcMiniftrede  Philippe.  Comme  on 
reprochoit  à  ce  Prince  qu'il  s'aban- 
donnoit  trop  long-tems  au  fomeil  t 
Je  dors  (  dit-il  )  mais  Antipater  veil- 
le. 

Parménion  voyant  un  jour  les 
AmbaiTadeurs  de  toute  la  Grèce, 
murmurer  de  ce  que  Philippe  tar- 
dait trop  à  fe  lever  cV  à  leur  donner 
audience  :  Ne  vous  étonnez. pas  [leur 
dit  il  ]  s'il  dort  tandis  que  vous  veill- 
iez. ,  car  tandis  que  vous  dormiez.  U 
veilloit  :  leur  reprochant  ainfi  avec 
fineiïe  qu'ils  s'endormoient  fur 
leurs  propres  intérêts  ,    pendant 


JUILLE 

que  ce  Prince  étoit  fort  éveillé  fur 
les  fiens. 

Philippe  plaifantoit  fur  la  multi- 
plicité des  Généraux  Athéniens  , 
élus  chaque  année  jufqu'au  nombre 
de  dix  ,  8c  qui  rouloient  entr'eux 
pour  le  commandement  de  dix  en 
dix  jours.  Je  n'ai  pky  en  tonte  ma  vie, 
(  difoit  -  il  )  parvenir  qu'à  trouver 
unfeul  Général  (  c'étoit  Parmenion) 
maie  les  Athéniens  ne  manquent  pas 
d'en  trouver  à  point  nommé  dix  tous 
les  ans.  Ceux  qui  voudront  s'in- 
ftruire  plus  à  fond  du  caractère  de 
ce  Prince ,  n'ont  qu'à  lire  le  por- 
trait qu'en  a  tracé  ici  notre  Auteur 
d'après  M.  de  Tburreil. 

Quant  à  l'Hiftoire  d'Alexandre 

GEMNL£  ANTIQUE   EX  THESAURO-MED1CEO, 

8c  privatorum  dactyliothecis  Florentine  exhibentes  Tabulis  C. 

Imagines  Virorum  Illuitrium  8c  Dcorum  ,  &c. 

C'eft-à-dire  ;  Cent  Planches  grav: es  d'après  les  Pierres  antiques  qu'on  garde 
à  Florence  dans  le  Cabinet  du  Grand-Duc ,  &  dans  celui  de  quelques 
particuliers  ,  ou  l'on  voit  reprefemées  les  Images  des  Hommes  Illujtres  & 
des  Dieux  ,  avec  les  Objervations  d'Antoine  Gori  j  Profejfeur  d'Hiftoirt. 
A  Florence,  de  l'Imprimerie  de  François  A<fovcl?e.  1732.  papier  impé- 
rial ,  pp.  100.  pour  les  Planches,  158.  pour  les  Observations,  fans 
compter  la  Table  des  matières. 


T  ,    »  7  3  4-  385 

le  Grand  ,  qui  remplit  au  moins 
les  trois-quarts  de  ce  Volume  -,  elle 
eft  Ci  connue  de  tout  le  monde , 
qu'il  feroit  aflez  inutile  d'en  don- 
ner ici  l'extrait.  Nous  avertirons 
feulement  en  général ,  que  ceux 
qui  voudront  s'en  rafraîchir  la  mé- 
moire, la  reliront  chez  M.  Rollin 
avec  d'autant  plus  de  plaifîr  8c  de 
profit,  qu'ils  en  trouveront  les  éve- 
nemens  raflemblés  avec  beaucoup 
d'exactitude  ,  rangés  dans  l'ordre 
le  plus  convenable  ,  &  accompa- 
gnés de  folides  reflexions ,  qui,  eu 
apprétiant  au  jufte  PhéroiTme  de  ce 
Conquérant  ,  prémuniront  les 
Lecteurs  contre  une  admiration 
fans  referve. 


NOUS  avons  rendu  compte 
du  premier  Volume  de  ce 
grand  Ouvrage  dans  notre  Journal 
du  mois  de  Juillet  de  l'année  der- 
nière ,  le  fécond  qui  paroît  aujour- 
d'hui eft  exécuté  far  le  même  plan 
8c  dans  le  même  goût. 

Il  eft  compolé  comme  le  pre- 
mier de  cent  planches  gravées  avec 
beaucoup  de  vérité  Se  de  correc- 
tion ,  8c  divifé  de  même  en  quatre 
clafles.    C'eft  toujours  M.  Bian- 


chi  Garde  du  Cabinet  du  Grand- 
Duc  qui  préfide  à  cet  Ouvrage  ,  8c 
qui  s'eft  chargé  du  foin  de  difpofer 
les  Pierres  ,  félon  l'ordre  qui  lui  a 
paru  le  plus  convenable.  Il  a  ren- 
fermé dans  la  première  clalTe  les 
Pierres ,  foit  en  relief  ou  en  creux  , 
qui  portent  le  nom  de  l'Ouvrier 
qui  les  a  faites ,  ou  qui  font  remar- 
quables par  quelque  Infcription 
particulière  :  M.  Gori  les  appelle 
Gemma  Litterata  ,  qui  eft  le  terme 
Dddy 


384  JOURNAL  D 

dont  Plautc  fe  fcrt  pour  les  défi- 
gner.  C'étoit  la  coutume  des  excel- 
lens  Artiftes  tels  que  les  Graveurs  , 
les  Peintres  ,  les  Statuaires  &  les 
Architectes  de  mettre  leur  nom  à 
leurs  Ouvrages ,  lorsqu'ils  les  ju- 
geoient  dignes  de  l'admiration  des 
ConnoifTeurs,  &  qu'ils  fc  flattoient 
de  les  voir  paffer  à  la  pofterité. 
Voici  les  noms  des  Graveurs  qu'on 
trouve  lut  les  pierres  de  cette  claiTe, 
Agathapm  ,  All'ion  ,  Ampbotems  , 
Afpajiits ,  Au  us ,  Carpits  ,  Cns.etis, 
Epitynchanus  ,  Hyllus  ,  OnefiS  , 
Tigrnon  ,  Plotarcbus  ,  Qtùntus-Ale- 
xa  ,  Scylax  ,  Seleucns ,  Solon  ,  Teu- 
crits. 

Quelques  habiles  qu'ils  paroiflent 
avoir  été  par  les  morceaux  qu'on 
en  voit  ici  ,  cependant  Pline  ni  les 
anciens  Auteurs  ne  font  aucune 
mention  de  ces  Graveurs  ,  Se  M. 
Gori  n'a  pu  rien  découvrir  qui 
nous  falTe  connoître  ni  le  Pays  ni 
le  tems  où  ils  ont  vécu. 

Après  les  pierres  qui  font  les 
plus  rares  dans  ce  genre  ,  fui  vent 
celles  fur  lefquelles  ,  outre  les 
figures  particulières  dont  elles  font 
ornées,  on  voit  quelques  Lettres  , 
foit  G.ccques  ,  foit  Latines,  foit 
même  Phéniciennes  ,  Etrufques , 
&c.  Ces  Lettres  font  l'abrégé  ou 
du  nom  de  celui  qui  portoit  la  pier- 
re dans  un  Anneau  ,  ou  de  quelque 
mot  de  bon  augure  ,  ou  même  de 
certaines  paroles  fuperftitieufesqui 
fervoient  comme  d'Amulete  con- 
tre les  fafeinations.  Parmi  celles  là 
on  en  prefente  plufieurs  qui  ont  été 
confacrées  aux  Dieux  ou  faites  en 
l'honneur    de  quelques  Hommes 


ES  SÇAVANS, 

lllultres,  des  Athlètes  Vainqueurs, 
&  des  Cochers  qui  avoient  rem- 
porté le  prix  dans  les  Jeux  du  Cir- 
que ,  ou  même  envoyées  à  des  amis 
dans  les  Saturnales  ,  le  jour  de  leur 
noce  ,  ou  de  leur  nai  (Tance. 

M.  Gori  avoiie  de  bonne  foi 
qu'il  n'y  a  qu'un  Oedipe  qui  puif- 
fe  deviner  ce  que  les  lettres  Se 
les  caractères  que  la  plupart  de 
ces  pierres  portent  ,  fignifient ,  8C 
il  ajoute  que  dans  des  chofes  Ci  ob- 
feures ,  il  n'eft  pis  feulement  per- 
mis de  faire  des  conjectures  ;  cepen- 
dant il  ne  peut  fe  refufer  au  plaiiïr 
de  s'y  livrer  quelquefois  ;  Se  ce 
plaifir  femble  lui  faire  oublier  alTcz 
fouvent  ces  premières  refolutions. 

On  rejette  de  cette  clalTe  les 
pierres  nommées  communément 
Abraxas  ,  qu'on  prétend  avoir  été 
inventées  par  les  Bafilidiens  &  au- 
tres Hérétiques  fembiables.  Quoi- 
qu'il y  en  ait  beaucoup  dans  le  Ca- 
binet de  Médicis  ,  on  n'en  fait  ici 
aucune  mention  i  parce  que  cette 
matière  a  été  épuifée  par  Jean  Ma- 
carius  ,  &  par  le  P.  Chiflet ,  fans 
parler  des  pierres  de  même  nature 
qu'on  a  données  au  public  d'après 
le  Recueil  d'Antoine  Cappello , 
noble  Vénitien. 

Le  morceau  le  plus  précieux  de 
cette  clalîe ,  foit  par  la  rareté  ,  foit 
par  la  beauté  du  travail ,  ou  par  les 
connoiffances  qu'on  en  peut  tirer  , 
elt ,  félon  M.  Gori,  un  anneau  d'or 
dans  lequel  font  enchalîés  trois  gre- 
nats dont  celui  du  milieu  repreien- 
te  une  femme  ,  &  les  deux  autres 
deux  têtes  de  cheval  ;  fur  chaque 
côté  de  l'anneau,  à  droite  on  lit  le 


J  U  I  L  L 

mot  amor  ,  &  fur  le  gauche ,  celui 
d'Ofpis  ,  avec  cette  lnfcription  au 
milieu,  Pomphimca.  Les  lettresqui 
la  forment  font  percées  à  jour,  Se 
évidées  avec  tant  d'art  qu'on  ne 
peut  s'empêcher  d'en  être  ravi 
d'admiration. 

M.  Gori  prétend  que  fans  être 
Oedipe  ,  il  eft.  aifé  d'expliquer  le 
fujet  de  cet  Anneau.  Il  le  regarde 
comme  un  pvefent  fait  à  quelque 
Cocher  qui  avoit  été  Vainqueur 
dans  les  Jeux  du  Cirque  ,  &  telle 
eft  fon  explication.  Le  cheval  qui 
eft  à  la  droite  porte  le  nom  à'amor} 
amour  ,  parce  qu'il  étoit  agile  ou 
qu'il  étoit  beau  ;  l'autre  s'appelle 
Ofpis  ;  comme  ce  mot  fouffre  quel- 
que difficulté  ,  il  conjecture  qu'on 
doit  lire  Hnfpes  t  la  lettre  H  afpi- 
rée  comme  les  anciens  le  prati- 
quoient  ,  aura  été  omife  éV  IV  aura 
été  changé  en  i  ,  ainli  comme  dans 
l'Antiquité  on  ne  donnoit  point 
de  nom  fans  quelque  raifon  parti- 
culière ,  on  aura  vraifemblable- 
ment  donné  le  nom  d' Hofpes  , 
Hôte  à  un  de  ces  chevaux  ,  à  caufe 
qu'il  étoit  très  cher  à  fon  maître  , 
&  qu'il  faifoit  autant  d'honneurs  à 
ce  cheval  qu'on  en  faifoit  pour  lors 
aux  Hôtes. 

A  L'égard  de  l'Infcription  Pom- 
phimca  ,  c'eft  un  compofé  de  Pom- 
pei  au  vocatif,  Se  du  mot  grec 
ïixa  ,  vince  -,  on  aura  mis ,  continue- 
t-il ,  un  h  au  lieu  d'un  e  ,  ce  qui 
étoit  alTez  ordinaire  parmi  les  an- 
ciens ,  pour  le  mot  de  nient ,  on 
fçait  que  c'étoit  l'acclamation 
commune  de  ceux  qui  s'interef- 
foient  en  faveur  des  Cochers  du 
Cirque. 


E  T  ,    173  4.  387 

La  tête  de  femme  qu'on  voit  gra- 
vée fur  la  principale  pierre  de  cet 
Anneau  ,  ne  l'embarraiTe  pas  non 
plus.  Il  croit  probable  qu'elle  rc- 
prefente  là  remme  même  du  vain- 
queur ,  c'eft-à  dire  de  Pomphins^ou. 
de  Pompeius  ,  félon  fa  manière  de 
lire. 

Ou  bien  cette  figure  reprefente 
peut  -  être  quelque  femme  de  la 
famille  d'Augufte  qui  auroit  don- 
né les  Jeux  du  Cirque  au  peu- 
ple ,  car  on  apprend  par  les  ancien- 
nes Infcriptions  que  non  feulement 
les  femmes  de  ce  rang ,  mais  encore 
celles  des  (impies  particuliers  don- 
noient  ces  fortes  de  Spectacles. 

Mais  quoique  M.  Gori  foit  encore 
l'Auteur  de  cette  explication  ,  il  l'a- 
bandonne en  faveur  de  la  première. 

Cependant ,  continue  - 1  -  il ,  lî 
quelqu'un  vouloit  que  cet  Anneau 
eût  été  donné  à  quelque  fille  com- 
me le  prix  d'une  gageure  qu'elle 
auroit  gagnée  contre  fon  amant  en 
pariant  contre  lui  que  ce  Pompée 
fortiroit  vainqueur  :  je  ne  m'oppo- 
ferai  pas ,  dit  il ,  à  ce  fentiment.  Il 
montre  même  que  du  tems  d'Ho- 
mère ces  fortes  de  gageures  étoient 
fort  ordinaires ,  &  en  général  il  ap- 
puyé fes  conjectures  de  toute  l'eru 
dition  que  les  Sçavans  emploient 
ordinairement  en  pareilles  occa- 
ilons. 

La  féconde  clarté  comprend  en 
28  planches  les  pierres  gravées 
qu'on  appelle  Homériques  ,  parce 
qu'elles  fervent  à  éclaircir  pluheurs 
endroits  d'Homère  ,  &  que  réci- 
proquement ce  Poème  lcit  aulli  à 
e\pl:quer  quelques  -  unes   de   ces 


}S6  JOURNAL   D 

pierres.  L'Editeur  avoue  que  fi  on 
n'avoit  pas  été  aftraint  à  prendre 
la  commodité  du  Peintre ,  on  au- 
roit  pu  les  ranger, de  manière  qu'el- 
les eufient  fuivi  l'ordre  des  évene- 
mens  de  la  guerre  de  Troye  ,  aux- 
quelles elles  ont  rapport.  On  a 
joint  à  ces  pierres  celles  qui  repre- 
fentent  les  Images  des  Dieux  &  des 
DéefTes  dont  lePoe'teGrec  a  embelli 
fon  Poème,  &  qui  félon  toute  ap- 
parence ont  été  gravées  d'après  fes 
fixions  ,  Se  on  affure  qu'on  ne 
trouvera  nulle  part  une  Collec- 
tion fi  complette  en  ce  genre.  M. 
Gori  juftifie  à  fon  ordinaire  les  ex- 
plications qu'il  donne  de  ces  pier- 
res par  differens  endroits  des  an- 
ciens &  fur-tout  d'Homère  ,  on  les 
trouvera  prefque  toujours  fort  in- 
génieufes ,  c'eft  communément  la 
feule  louange  qu'on  puiffe  donner 
à  de  pareilles  recherches.  Le  grand 
nombre  de  cespierres  eft  fufcepti- 
ble  de  différentes  explications  tou- 
tes foûtcnables  ,  &  dont  aucune 
cependant  ne  contentera  absolu- 
ment que  celui  -  là  feul  qui  l'aura 
inventée. 

On  a  placé  dans  la  troifiéme 
claffe  les  pierres  qui  ont  rapport  à 
l'Hiftoire  Romaine  ;  elles  peuvent 
fervir  à  faire  connoître  certains 
traits  qui  concernent  l'origine  de  la 
Ville  de  Rome  ,  quelques  actions 
des  grands  Hommes  qu'elle  a  por- 
tés, les  habillemcns  de  fes  Soldats, 
fes  Sacrifices,  fes  Jeux  du  Cirque, 
d'Athlètes ,  de  Théâtre  ,  &c 

Enfin  la  quatrième  claffe  eft  af- 
fignée  aux  pierres  fur  lefquelles  on 
trouve  des  conftellations  ,  &  à  ces 


ES    SÇ  A  VAN  S, 

autres  pierres  qu'on  nomme  fimbo- 
liques.  Pour  mettre  quelque  ordre 
dans  une  matière  affezeonrufe  par 
elle-même  ,  car  celui  qui  a  fait  la 
difpofitiondes  planches  n'a  pas  eu 
cette  attention  ,  M.  Gori  réduit 
toutes  ces  pierres  à  certains  chefs 
particuliers.  Elles  reprefentent  i°. 
des  animaux  confacrés  aux  Dieux  , 
2°.  des  monftres  fabuleux  ,  30.  les 
animaux  qui  imitent  le  caractère  t 
les  inventions  &  les  inclinations 
de  l'homme  ,  4'.  ceux  qu'on  avoit 
apprivoifés  pour  l'utilité  ou  pour 
le  plaifir ,  50.  ceux  qui  fervoient 
aux  aufpices,  6°.  ceux  qu'on  offroit 
enfacrifice,  70.  les  animaux  que 
la  fuperftition  avoit  enfantes ,  8°. 
les  vafes,  les  autels ,  les  plantes  ,  les 
herbes ,  &  les  chofes  qui  étoient 
dédiées  aux  Divinitez  ,  j9.  les  in- 
ftrumens  propres  aux  Prêtres ,  aux 
Miniftres  Sacrés  ,  aux  Magiftrats , 
avec  les  armes  &~  les  enfeignes  mi- 
litaires ,  i&°.  les  pierres  qu'il  ap^ 
pelle  /ymplegmata  ,  qui  font  pour 
la  plupart  un  compofé  bizarre  & 
monltrucux  de  la  plupart  des  figu- 
res dont  on  vient  de  parler. 

Cette  claffe ,  comme  on  le  voit, 
offre  un  beau  champ  à  l'imagina- 
tion ,  mais  l'Editeur  eft  trop  fage 
pour  s'y  donner  l'effor ,  &  content 
d'indiquer  feulement  celles  d'en- 
tre ces  pierres  iîmbohqucs  qui  lui 
ont  paru  les  plus  curieulcs,  ou  mê- 
me fur  lefquelles  il  s'eft  flatté  d'a- 
voir à  dire  quelque  chofe  de  vrai- 
femblable ,  il  cherche  ordinaire- 
ment moins  à  les  expliquer  qu'à 
mettre  fes  Lecteurs  en  état  &  dans 
le  goût  de  donner  eux  mêmes  les 
explications  convenables. 


JUILLET,"     1734. 


387 


VETERUM     SCRIPTORUM   ET    MONUMENTORUM 

Hiftoricorum  ,  Dogmaticorum ,  Moraliiim  ampliflima 
Collectio.  Tomus  IX. 
C'eft-à  dire  :  Très  -  ample  Colleclion  d'anciens  Ecrivains  y  &  de  Pièces  an- 
ciennes par  rapport  à  l'Hifloire  ,  an  Dogme  }  &  à  la  Morale.  Tome  neuf. 
Par  Dom  Edme  Martene  &  Dom  Vrfin  Durand  ,  Prêtres  &  Reli- 
gieux Benedillins  y  de  la  Congrégation  de  S.Maur.  A  Paris ,  chez  Monta- 
lant  y  fur  le  Quai  des  Auguftins,  proche  le  Pont  Saint  Michel.  J733. 
in-fol.  pp.  735. 


CE  dernier  Volume  de  la  gran- 
de Collection  des  Pères  Mar- 
tene &  Durand  comprend  diife- 
rens  Opufcules  des  Saints  Pères  & 
d'autres  Auteurs  Eccleliaftiques  , 
dont  nous  avons  indiqué  une  par- 
tic  dans  le  .Journal  p  écedent,  nous 
allons  continuer  dans  cet  article 
l'indication  de  ceuv  de  ces  Opuf- 
cules  dont  nous  n'avions  point  en- 
core parlé. 

Le  Livre  de  Pafcafe  Ratbert  Ab- 
bé de  Corbie  ,  du  Corps  &  du  $ang 
du  S;ign?ur ,  cft  un  des  plus  pré- 
tieux  monumens  du  neuvième  fic- 
elé. L'Auceur  y  établit  fi  folide- 
ment  la  prefence  réelle  de  J.  C. 
dansl'Euchariftie ,  &  il  s'y  expli- 
que avec  tant  de  précifion  fur  ce 
Miftere  ,  que  Poflevin  l'appelle  un 
Ecrivain  prophétique  qui  a  combat- 
tu l'Héréfic  de  Berenger  près  de 
deux  cens  ans  avant  la  nai(Tance  de 
cet  Héréfiarque.  Mais  les  Editions 
qui  avoient  parues  jufqu'à  prtfent 
de  cet  excellent  Ouvrage  avoient 
été  très  imparfaites  ;  le  Luthérien 
Hiobe  -  Gaft  qui  en  donna  la  pre- 
mière Edition  en  1528.  en  avoit 
retranché  des  Chapitres  entiers ,  Se 
iL  avoit  changé  dans  d'autres  Cha- 


pitres non  feulement  des  expref- 
îîons  3  mais  encore  des  phrafes  en- 
tières ,  pour  faire  croire  que  Rat- 
bert avoit  favorifé  le  fentiment  de 
Luther.  Guillaume  Rat  Docteur  en 
Théologie  &  Chanoine  de  Rouen  , 
faifant  imprimer  en  1540.  le  Dialo- 
gue de  Lanfranc  contre  Berenger, 
y  joignit  le  Livre  de  Pafcafe  -  Rat- 
bert ,  mais  il  le  donna  fur  l'Edi- 
tion de  Gaft ,  n'étant  point  inftruie 
de  la  fraude  du  premier  Editeur. 
Mais  Nicolas  Mameran  ayant  dé- 
couvert la  mauvaife  foi  de  Gaft 
donna  une  nouvelle  Edition  en 
1 5  50.  du  même  Ouvrage  fur  deux 
Manufcrits  qu'il  trouva  à  Cologne. 
Il  en  parut  une  autre  Edition  en 
fjtfi.  à  fçavoir  fur  des  Manufcrits 
d'Angleterre  ,  &  le  Père  Sirmond 
joignit  en  161 8.  ce  Traité  aux  au- 
tres Ouvrages  de  Ratbert.  Mais  ces 
différentes  Editions  &  celles  qui 
en  ont  été  faites  dans  la  Bibliothè- 
que des  Percs  ,  font  encore  bien 
défeâueufes  ;  le  Perc  Sabbatier 
avoit  revu  cet  Ouvrage  fur  vingt 
Manufcrits  anciens  entre  lefquels  il 
y  en  a  qui  font  du  tems  même  do 
Ratbert  ,  il  a  communiqué-  fon 
travail  au  Père  Martene,  qui  a  en 


388  JOURNAL   D 

foin  de  mettre  au  bas  des  pages  de 
fon  Edition  ,  les  différentes  leçons 
de  ces  Manufcrits  &  des  imprimez; 
ainfi  cette  Edition  l'emportera  de 
beaucoup  fur  les  précédentes  pour 
l'exactitude.  Ratbert  qui  avoit 
corn pofé  ce  Livre  pendant  la  prifon 
de  l'Abbé  Vala  ,  fuivant  le  Père 
Martene  ,  le  revit  étant  Abbé  de 
l'ancienne  Corbie  ,  6c  le  dédia  au 
Roi  Charles  le  Chauve. 

Un  autre  Livre  de  Ratbert  fur  la 
Foi ,  l'Efperance  ,  &  la  Charité ,  a 
été  donné  au  public  par  le  P.  Pez , 
mais  fur  une  copie  peu  exacte  que 
lui  avoit  fournie  M.  Eccard.  On  le 
donne  ici  fur  une  copie  collation- 
née  exactement  avec  un  Manufcrit 
de  l'Abbaye  de  la  nouvelle  Corbie 
en  Saxe.  Ces  deux  Livres  avoient 
été  compofés  par  Ratbert  à  la  priè- 
re de  Warin  Abbé  de  la  nouvelle 
Corbie. 

L'Ouvrage  de  Florus  Diacre  de 
PEglife  de  Lyon,  de  Exportions 
Mijfa  ,  n'aveit  été  infère  qu'en 
abrégé  dans  la  Bibliothèque  des 
Pères.  Nos  Editeurs  le  donnent 
tout  entier  fur  la  copie  que  le  Père 
Mabillon  a  fait  faired'un  Manufcrit 
du  dixième  fiécle  qui  a  appartenu  à 
la  Reine  Chriftine  de  Suéde.  L'O- 
pufcule  de  Florus  contre  les  er- 
reurs d'Amalarius  avoit  été  auiïî 
copié  par  les  foins  du  Pcre  Mabil- 
lon fur  deux  Manufcrits  du  neuviè- 
me fiécle. 

Les  trois  Livres  fur  Jofué  de 
Raban-Maur ,  l'un  des  plus  célè- 
bres Ecrivains  Ecclefiaiîiques  de 
fon  tems  n'avoient  point  encore  été 
imprimés.  Dom  Lannois  Religieux 


ES   SÇAVANS, 

de  Citeaux  &  le  Père  Chiflet  Jefui- 
te  en  avoient  envoyé  des  copies  au 
Père  Dachery.  Cette  explication  du 
Livre  de  Jofué  eft:  prefque  toute  al- 
légorique. 

Dom  Duc  d'Achery  avoit  donné 
dans  fon  Spicilégc  pluficurs  Opuf- 
cules  de  Ratherius ,  qui  ayant  été 
Evêque  de  Véronne  &  de  Liège, 
fut  obligé  de  quitter  ces  deux  Siè- 
ges ,  parce  qu'il  déclamoit ,  à  ce 
que  dit  un  Auteur  ancien  ,  avec 
beaucoup  de  vivacité  contre  les 
vices  de  fon  tems,  ce  qui  lui  at- 
tira l'inimitié  des  Grands.  Mais  le 
Père  Dachery  ayant  reçu  trop  tard 
une  copie  des  fix  Livres  de  Rathe- 
rius intitulé  Praloçniorum  ne  put 
l'ajouter  aux  autres  Ouvrages  de 
Ratherius ,  qu'il  avoit  fait  impri- 
mer. C  eft  de  cette  copie  dont  nos 
Editeurs  fe  font  fervi  pour  donner 
cet  Ouvrage  au  public.  Ce  font  des 
Méditations,  comme  le  dit  lui- 
même  Ratherius ,  dans  lefquelles 
l'Auteur  explique  les  devoirs  des 
perfonnes  de  tous  les  états  Se  de 
toutes  les  conditions,  il  y  infifte 
particulièrement  fur  le  refpect  dû 
aux  Evoques ,  &:  il  donne  quelques 
préceptes  fur  la  manière  dont  on 
doit  foufTrirl'adverfité.  Il  y  fait  en 
quelques  endroits  fon  Apologie. 

Les  cinq  Livres  de  Dialogues 
fur  la  vie  vrayement  Apoftolique  , 
qui  fuivent  l'Ouvrage  de  Rathe- 
rius ,  tirés  d'un  Manufcrit  d'envi- 
ron fix  cens  ans  ,  font  d'un  Auteur 
inconnu.  Nos  Auteurs  foupçon- 
nent  néanmoins  qu'ils  font  d'un 
Abbé  Bénédictin  proche  de  Colo- 
gne nommé  Rupert.  Ces  Dialogues 
ont 


JUILLE 

ont  été  compofés  à  l'occafion  des 
difputes  entre  les  Moines  &  les 
Chanoines  Réguliers.  L'Auteur  y 
foûtient  que  ce  font  les  Moines 
qui  mènent  une  vie  véritablement 
Apoftolique  ,  Se  qu'ils  ont  rendu 
de  grands  fervices  à  l'Eglife. 

Le  Livre  des  ditferens  ordres  qui 
font  dans  l'Eglife  regarde  la  même 
matière  que  le  Traité  précèdent, 
l'Auteur  y  parle  des  Reclus  ,  des 
Hermites,  des  Moines,  des  Cha- 
noines Réguliers  ,  Se  des  différen- 
tes efpeces  de  Religieufes.  Il  fe 
propofe  d'y  prouver  que  ces  diffe- 
rens  états  dont  il  explique  les  rè- 
gles &  les  exercices  plaifent  tous  au 
Seigneur.  Quoiqu'il  ne  décide 
point  expreffement  lequel  de  ces 
états  lui  paroît  mériter  la  préféren- 
ce ,  il  y  foûtient  que  l'ordre  des 
Chanoines  Réguliers  dans  lequel  il 
a  fait  profeifion ,  a  été  établi  avant 
celui  des  Moines ,  Se  que  les  Cha- 
noines Réguliers  ont  été  appel- 
lés  les  premiers  pour  travailler  à 
l'établiiTement  de  la  Religion 
Chrétienne  &  à  la  propagation  de 
l'Evangile. 

L'Harmonie  ©u  le  Traité  du  Li- 
bre Arbitre  Se  de  la  Grâce  ,  tiré 
d'un  Manufcritde  la  Bibliothèque 
du  Collège  de  Navarre ,  eft  de  Vi- 
vien un  des  premiers  Religieux  de 
Prémontré,  comme  le  fait  croire  ce 
que  l'Auteur  dit  de  lui  même  :  Pau- 
pernm  Prxmonftrata  Ecclefa  Mini- 
mus.  Vivien  fait  profeifion  de  fui- 
vre  dans  ce  Traité  les  fentimens  de 
S.  Bernard ,  dont  le  Traité  fur  la 
Grâce  &  le  Libre-Arbitre  avoit  pa- 
ru quelque  tems  auparavant.  Le 
Juillet. 


T  ,    173  4.  5Sp 

Perc  Pagi  Se  Cafimir  Oudin  qui 
ont  fait  tant  de  recherches  fur  les 
Auteurs  de  l'Ordre  de  Prémontré 
n'ont  pas  parlé  de  Vivien. 

Après  ce  Traité  viennent  des 
vers  ou  Rithmes  d'Abailard  fur  la 
Sainte  Trinité  ,  Se  des  Proverbes 
ou  Maximes  de  Wipon  adreffées  à 
Henri  fils  de  l'Empereur  Conrad. 

La  courte  expofition  du  Simbolc 
&del'Oraifon  Dominicale  qui  fuit 
ces  Rithmes,  e(t  de  Joflain  Evo- 
que de  SoilTons  qui  étoit  avec  l'Ab- 
bé Suger  ,  un.  des  principaux  Mi- 
nières de  Louis  VII.  que  le  Pape 
Eugène  III.  employa  avec  S.  Ber- 
nard pour  l'extinction  du  Schifme, 
Se  qui  fonda  plufieurs  Monaftcres 
dans  fon  Diocéfe. 

Pi  I  e  le  Vénérable  ,  Abbé  de 
Clugny  ,  ayant  fait  traduire  l'Alco- 
ran  en  Latin  ,  avoit  voulu  engager 
S.  Bernard  à  écrire  contre  les  Ma- 
homérans  ,  mais  le  faint  Abbé  de 
Clairveaux  n'ayant  point  jugé  à  pro- 
pos d'écrire  fur  une  matière  qui 
meritoit  fi  bien  d'exercer  fon  zélé 
Se  fa  plume ,  Pierre  le  Vénérable 
qui  avoit  déjà  écrit  contre  les  Juifs 
Se  contre  les  Hérétiques  de  fon 
tems ,  compofa  quatre  Livres  con- 
tre la  SeSle  détejiable  des  Surajîns. 
De  ces  quatre  Livres  nos  Auteurs 
n'ont  pu  en  recouvrer  que  deux. 

Differens  Ouvrages  Théologi- 
que  de  Hugues  Archevêque  de 
Rouen  qui  fleuriiTok  dans  le  dou- 
zième fiécle ,  ont  été  déjà  publiés , 
nos  Auteurs  oat  même  inféré  ces 
fept  Livres  des  Dialogues  ou  des 
Queftions  Théologiques  dans  le 
cinquième  Volume  des  Anecdotes. 
Eec 


jpo       JOURNAL    DE 

On  nous  donne  dans  ce  Volume 
un  éloge  de  la  mémoire  en  trois 
Livres  compofé  par  le  même  Au- 
teur ,  &  une  explication  du  Sim- 
bole  &  de  l'Oraifon  Dominicale. 

Le  Livre  d'Hildebrand  de  la 
Contemplation  ne  paraît  être  qu'u- 
ne Homélie  fur  l'Evangile  de  la 
Fête  de  l'Epiphanie. 

On  voit  par  le  Traité  fuivanc 
dont  l'Auteur  n'eft  point  connu  , 
contre  Alberon  Prêtre  de  Mecke  , 
dans  le  Diocéfc  de  Cologne  ,  que 
ce  Prêtre  foûtenoit  les  erreurs 
d'Arnaud  de  Breffe ,  &  en  particu- 
lier celle  qu'un  mauvais  Prêtre  ne 
confacroit  point.  Alberon  préten- 
doit  foûtenir  fes  erreurs  par  des 
révélations  ,  il  offroit  auflî  de  paf- 
fer  dans  un  bûcher  allumé.  Com- 
me s'il  falloit  abandonner  la  foi , 
dit  l'Auteur  ,  parce  que  le  feu  per- 
drait fa  force  par  l'effet  de  quel- 
que maléfice. 

On  a  publié  jufqu'à  prefent  peu 
d'Ouvrages  de  Nicolas  Orefme 
Précepteur  du  Roi  Charles  V.  de- 
puis Evcque  de  Lifieu  ,  l'un  des 
plusfçavansde  fon  fiécle ,  &  qui  a 
le  plus  contribué  à  faire  fleurir  les 
Sciences  dans  le  Collège  de  Navar- 
te.  On  conferve  cependant  plusieurs 
Ouvrages  de  cet  Auteur  en  Ma- 
nuferit  dans  ce  Collegc.De  ce  nom- 
bre eft  le  Livre  de  ï 'Antechrifl ,  de  [es 
Minières ,  &  des  fignes  prochains  & 
éloignés  de  fon  événement  tiré  de  diffè- 
rens  pajfages  de  l'Ecriture.  On  pou- 
voit  ajouter  au  titre  ,  &  de  ce  que 
plufieurs  Pères  de  l'Eglife  ont  dit  de 
î'Ante-Chrift  Les  Editeurs  remar- 
quent que  dans  le  Manufciit  de 


S     SÇAVANS, 

Saint  Vi&or  ,  on  lit  Liber  Bonaven- 
tur*  fecundum  alignas  ,  Jecnndur» 
allas  Magijîri  Nicolai  Orefme. 

Sur  la  fin  du  Volume  on  trouve 
quelques  Pièces  concernant  l'Hi- 
ftoire  de  l'Eglife  &  celle  de  France, 
à  ajouter  au  Tome  premier  de  cette 
grande  Collection.  La  dernière  de 
ces  Pièces  eft  un  Traité  pour  une 
trêve  de  cent  ans  entre  les  Rois  de 
France  &  d'Angleterre  du  1 8  Juin 
1462.  fi  on  donne  un  Supplément 
au  corps  diplomatique,  ou  Recueil 
desTraitez  de  paix  de  M.  du  Mont, 
cette  Pièce  pourra  faire  partie  du 
Supplément. 

Avant  la  Table  des  matières,  nos 
Auteurs  ont  mis  un  Gloffaire  pat 
ordre  alphabétique  des  termes  bar- 
bares qu'ils  ont  trouvés  dans  les 
différentes  pièces,  qu'ils  ont  fait  en- 
trer dans  cette  Collection. 

Nous  ne  fçaurions  nous  empê- 
cher ,  en  finiflant  cet  article ,  de 
témoigner  au  Père  Martene  &  au 
Compagnon  de  fes  travaux  com- 
bien le  public  leur  a  d'obligation 
d'avoir  tiré  des  différentes  Biblio- 
thèques de  l'Europe  tant  d'Ouvra- 
ge qui  n'y  étoient  confervés  qu'en 
Minufcrit ,  la  plupart  uniques ,  & 
d'avoir  procuré  de  nouvelles  Edi- 
tions exactes  de  plufieurs  Ouvra- 
ges qui  avoient  été  imprimés  d'une 
manière  très  peu  exacte.  Le  P.  Mar- 
tene déclare  avec  beaucoup  de  mo- 
deftie  que  (i  fes  travaux  font  utiles 
au  public  ,  il  en  eft  redevable  au 
Père  de  l'Hotalcrie  Supérieur  Gé- 
néral de  la  Congrégation  de  Saint 
Maur  ,  dont  il  donne  un  éloge  hi- 
ftorique  dans  la  Préface  de  ce  Vo- 
lume. 


JUILLET.  i7j*. 


3Pi 


OBSERVATIONS  IMPORTANTES  SUR  LE  MANUEL  DES 

Accouchemens  ,  oit  l'on  trouve  tout  ce  qui  efi  necejfaire  pour  les  opérations 
qui  les  concernent  ,  &  l'on  fait  voir  de  quelle  manière ,  dans  les  cas  d'une 
necejfitè  prejfante  ,  on  peut ,  fans  avoir  recours  aux  Inflrumens ,  remettre 
dans  une  fituation  convenable  ,  ou  tirer  par  les  pieds  ,  dune  matrice  obli- 
que j  ou  diretle ,  les  enfans  malfttuis ,  vivans ,  ou  morts  ,/ans  les  endom- 
mager ni  la  mère.  Traduites  du  Latin  de  Henri  de  Deventer  ,  DoElteur  en 
Médecine ,  &  augmentée  de  reflexions  fur  les  points  les  plus  inierejfans  , 
par  Jacques-Jean  "Brubier  d'Ablaincour ,  Dobleur  en  la  même  Faculté.  A 
Paris,  chez  Guillaume  Cavelier  ,  rue  S.  Jacques ,  au  Lys  d'or.  1733. 
vol.  /»-4°.  pages  431. 


ON  ne  manque  point  d'Ou- 
vrages fur  l'art  des  Accouche- 
mens :  Paré  ,  Guillcmeau,  Liébaut, 
Bienaflîs ,  Portai ,  Peu,  Mauriceau, 
Viardel  ,  Amand  ,  Dionis  ,  La- 
motte  ,  ont  en  cette  matière  fuccef- 
fivement  enchéri  les  uns  fur  les  au- 
tres ,  &  on  ne  peut  nier  que  la  Chi- 
rurgie des  Accouchemens  ne  leur 
ait  de  grandes  obligations.  Mais  le 
Traducteur  des  Obfervations  dont 
il  s'agit ,  remarque  qu'après  avoir 
étudié  les  Traitez  qu'ils  ont  donnés 
au  public ,  on  fent  un  vuide  dont 
i'efprit  ne  peut  s'accommoder ,  & 
qui  laifle  voir  qu'il  s'en  faut  de 
beaucoup  qu'ils  ayent  atteint  la 
perfection.  M.  de  Deventer ,  par  fes 
Obfervations  ,  fupplée  ,  félon  le 
Traducteur ,  à  tout  ce  qui  manque 
aux  Ouvrages  des  autres  touchant 
les  préceptes  d'un  art  fi  important. 
Ce  fçavant  Médecin  ,  animé  par 
l'exemple  de  plufieurs  de  fes  Con- 
frères ,  n'a  pas  cru  deshonorer  la 
Médecine  en  s'appliquant  à  donner 
lui-même  des  fecours  qu'une  fierté 
mal  entendue  femblc  avoir  aban- 
donné aux  feuls  Chirurgiens.  Il  y  a 


fi  bien  réufiî  ,  que  la  Hollande  fa 
patrie  n'oubliera  jamais ,  dit  le  Tra- 
ducteur, les  obligations  qu'elle  a 
dans  cette  partie  de  la  Chirurgie  , 
à  un  Médecin  fi  expert  Se  fi  éclairé. 

Mais  M.  de  Deventer  ne  s'eft  pas 
contenté  de  fervir  fa  patrie  ,  en  y 
fecourant  avec  un  zélé  fans  exem- 
ple ,  toutes  les  perfonnes  qui 
avoient  befoin  de  fon  miniftere. 

Inftruit  que  les  diflîcultez  qui 
l'avoient  arrêté  dans  les  commen- 
cemens  de  fa  pratique  ,  étoient 
tous  les  jours  funeftes  à  quantité 
de  femmes  &  d'enfans ,  tant  dans 
la  Hollande  que  dans  les  Pays 
étrangers ,  il  fe  fit  un  devoir  de 
rendre  publiques  fes  découvertes  -, 
cequ'ilexécutaen  1701.  SonTraité 
intitulé  :  Operationes  Chirurgie*  }no- 
vum  lumen  exhibentes  objletricanti- 
bus  ,  fut  imprimé  cette  année-là  à 
Leyde  ,  chez  André  Dyckhuyfen  , 
&  il  l'avoit  été  peu  de  mois  aupa- 
ravant en  Hollandois. 

Cette  Edition   fut  fuivie  d'une 

autre  cinq  ans  après ,  dans  la  même 

Ville  ,   chez  Jean  &  Herman-Ver- 

beck.  Il  eft  étonnant ,  comme  le 

E  eeij 


3p2        JOURNAL    DE 

témoigne  M.d'Ablaincourt,  qu'un 
Livre  dévoré ,  pour  ainfi  dire  ,  par 
les  Sçavans  du  Pays ,  traduit  en  Al- 
lemand &  en  Anglois  „  répandu 
dans  tous  les  Etats  limitrophes,  ait 
eu  tant  de  peine  à  être  connu  en 
France  ,  puifque  pédant  près  de 
douze  ans  M.  "Winflow  fut  le  feul 
qui  eût  cet  Ouvrage  à  Paris,  &c  que 
le  même  Ouvrage  n'y  eft  devenu 
un  peu  moins  rare  que  depuis  que 
M.  Hequet  ancien  Doyen  de  la  Fa- 
culté de  Médecine  de  Paris  ,  le  ht 
venir  il  y  a  quelques  années  de 
Hollande  pour  lui  &  pour  plu- 
sieurs de  fes  amis. 

M.  d'Ablaincourt  qui  en  donne 
la  tradu&ion  ,  avertit  que  c'eft 
pour  les  perfonnes  qui  ne  font 
point  Lettrées  t  qu'il  a  principale- 
ment travaillé  ,  parce  qu'en  effet  le 
plus  grand  nombre  de  celles  a  l'u- 
fage  de  qui  eft  ce  Traité,  font  dans 
le  cas.  Mais  ce  qui  l'a  le  plus  encou- 
ragé dans  ce  travail,  eft  la  refle- 
xion qu'il  a  faite  que  l'Ouvrage  de 
M.  de  Deventer  étant  traduit  en 
François  peut  fauver  la  vie  à  un 
nombre  infini  de  femmes  &  d'en- 
fans.  Car  il  eft  perfuadé  que  fans  les 
nouvelles  lumières  qui  fe  trouvent 
danscetOuvrage,  l'imperfection  de 
l'art  d'accoucher  ,  &  les  faufles  dé- 
marches de  ceux  qui  l'exercent  ne 
peuvent  produire  dans  les  cas  diffi- 
ciles que  des  effets  funeftes.  Il  dé- 
clare cependant  qu'il  ne  prétend 
pas  taxer  d'ignorance  tous  ceux  qui 
exercent  cette  profeflîon ,  mais  il 
croit  que  les  plus  habiles  même 
d'entr'eux  ,  ne  le  font  point  affez 
pour  ne  pouvoir  le  devenir  encore 


S    SÇAVANS, 

davantage    par   la    ledurc  de   ce 
Livre. 

On  pourra  demander  àM.  d'A- 
blaincourt quel  eft  donc  l'avantage 
du  Traité  de  M.  de  Deventer  fur 
ceux  qu'ont  laiifés  d'habiles  Ac- 
coucheurs François  ,  tels  que  Mcf- 
fieurs  Peu  ,  Portai  &  les  autres  que 
nous  venons  de  nommer.  11  pré- 
vient la  demande  ,  en  expofant  le 
fort  &  le  foible  des  Ouvrages  de 
ces  Auteurs  :  il  remarque  ig.  Que 
les  Hiftoires  qu'on  trouve  dans  le 
Livre  de  M.  Peu,  font  à  h  vérité 
bien  détaillées ,  que  le  ftyle  en  eft 
clair  cC  aflez  exaét ,  mais  que  ce  qui 
fait  lamitiere  de  ces  Fliftoires  rou- 
le fur  un  trop  petit  nombre  de  cas, 
Que  le  dehr  d'étaler  de  l'érudition 
fait  fouvent  écarter  cet  Auteur  & 
l'engage  à  traiter  des  fujets  plus 
curieux  qu'utiles  ;  Que  les  fitua- 
tions  qu'il  donne  aux  enfans  dans 
fes  figures ,  font  de  pures  imagina- 
tions i  Qu'il  fait  prefque  fon  uni- 
que objet ,  des  circonvolutions  du 
cordon  ombilical  ;  Qu'il  fe  déter- 
mine d'ailleurs  fans  beaucoup  d'e- 
xamen ,  à  caffer  bras  &  jambes 
aux  enfans  ,  quand  il  croit  fe  pro- 
curer par-là  plus  de  facilité  pour 
l'opération  de  l'Accouchement  ; 
Qu'une  mâchoire  lixée  l'embarraf- 
fe  aulfi  fort  peu,  pour  la  même  rai- 
fon  i  au  lieu  que  M.  de  Deventer 
eft  très-  circonfpect  dans  tous  ces 
cas ,  nonobftant  la  maxime  de  M. 
Peu  ,  ijtid  eft  a'tfè  de  réparer  le  mal 
dans  les  enfans  nouveaux  nés;  Qu'au 
refte  M.  Peu  par  une  prudence  fort 
louable,veut  qu'on  appelle  un  Mé- 
decin dans  les  Accouchemens  dirfi- 


J  U  I  L  L 

ciles,  fi  toutefois  ce  n'eft  pas  plutôt 
pour  partager  avec  le  Médecin  le 
défagrément  des  mauvais  fuccès. 

M.  d'Ablaincourt  remarque  en 
fécond  lieu  que  les  Traitez  qu'ont 
donnés  Meffieurs  Portai  &Amand, 
Jt  on  les  regarde  comme  des  Traitez 
Dogmatiques,  font  tris  -  dèfeclueux  ; 
Qu'ils  fuppofent  une  partie  des  prin- 
cipes ,  Se  que  les  autres  principes  qui 
font  répandus  dans  les  différentes  ob- 
fervations des  mêmes  Traitez,  font 
beaucoup  moins  d'imprtffion  que  s'ils 
compofoicnt  un  Traité  Dogmatique. 
Qu'au  furplusy/o»  regarde  en  parti- 
culier les  obfervations  dont  il  s'agit , 
ce  font  des  Colletlions  qui  ont  leur 
mérite  non  feulement  pour  les  perfon- 
nes  de  la  profeffion  ,  mais  pour  les 
Médecins  mêmes  qui  y  trouvent  ^àitiï, 
/mondes  remèdes  fmgulicrs  5  du  moins 
l'effet  de  ceux  qu'ils  ont  vu.  employer. 
Ces  remèdes }  au  refte  ,  pourfuit  le 
Traducteur ,  ont  un  grand  avantage, 
qui  efl  lajîmplieité.  On  trouve  d'ail- 
leurs dans  les  Traitez  de  M.  Portai , 
Se  de  M.  Amand ,  de  curieufes  obfer- 
vations &  des  hifloires  fîngulieres  qui 
doivent  apprendre  combien  on  doit 
être  refervé  en  certains  cas ,  à  porter 
fon  jugement  fur  ce  qui  concerne 
l'honneur  des  perfonnes  dufexe. 

Une  troifiéme  remarque  du  Tra- 
ducteur regarde  Meilleurs  Mauri- 
ceau  ,  Dionis  &  Lamotte.  Il  pré- 
tend que  ces  trois  Auteurs  paroî- 
tront  à  beaucoup  de  perfonnes 
avoir  embraifé  plus  qu'ils  ne  dé- 
voient :  les  Traitez  ,  dit  -  il ,  qu'ils 
ont  donnés  ne  font  pas  de  fimples 
Traitez  de  l'opération  des  Accou- 
cbemens ,  ils  y  ont  parlé  outre  ce- 


E  T,     1734.  393 

la  de  toutes  les  maladies  qui  peu- 
vent attaquer  les  femmes  gro  fies  & 
les  enfàns   nouveaux  nés ,  ou  du 
moins  des  plus  fréquentes  &  des 
plus  confiderables;  Mauriceau  mê- 
me &  Dionis  n'en  font  pas  demeu- 
rés là,  ils  le  font  jettes  dans  la  Phy- 
siologie •,  à  cela  près  on  peut  dire 
que  les  Traitez  de  ces  trois  Auteurs 
font  les  meilleurs  qui  ayent  paru 
de   leur    tems  fur  l'opération   de 
l'Accouchement.  Un  défaut  qu'on 
peut  reprocher  à  Mauriceau  ,  c'eft, 
félon  la  reflexion  de  M.  d'Ablain- 
court 5  de  n'avoir  donné  d'autre  or- 
dre à  fes  Obfervations,  que  l'ordre 
Chronologique  ;  des  obfervations 
ainfi  rangées  ne  pouvant  être  d'un 
grand  fecours.  On  peut  même  dire 
en  général ,  avec  notre  Traducteur, 
que  ces  fortes  d'Obfervations  ne 
font  pas  d'un  ufage  bien  utile  dans 
les  Arts  fondés  fur    des   princi- 
pes certains  ,  puifqu'un  Lecteur 
qui  aura  bien  conçu  les  principes 
peut  fe  pafïer   d'elles.    Pour  ren- 
dre la  chofe  fenfible  ,  M.  d'Ablain- 
court fait  le  raifonnement  que  voi- 
ci :  »  De  ce  qu'un  Auteur  dira  qu'en 
«multipliant  le  côté  d'un  quarré 
»  par  l'autre  ,  il  lui  eft  arrivé  plu- 
n  fleurs  fois  d'en  trouver  au  jufte  la 
»  furface  ,  le  Lecteur  n'apperçoit 
n  pas  pour  cela  dans  le  principe  fur 
»  lequel   eft   fondée   la   méthode 
»  de  trouver  l'aire  d'un   quarré  , 
»  plus  de  certitude  ni  plus  de  clar- 
»té.  De  même  quand  on  a  établi 
»  le  principe  fuivant  :  fçavoir,  que 
»  quelque  partie  que  prefente  l'en- 
»  fant  dans  un  utérus  droit,  excep- 
»  té  la  tête  ,  le  plus  fur  eft  de  le  ti- 


5P4  JOURNAL    DES    SÇAVANS, 

»  rcr  par  les  pieds  ,  ou  cet  autre     corps  ;  z°.  aux  deux  dernières,  qui, 


»  principe  :  que  quand  l'utérus  eft 
»»  oblique  ,  il  n'y  a  pas  d'accouché - 
»  ment  plus  difficile  ,  que  celui  où 
»  l'enfant  prefente  la  tête,  &  qu'au 
■  contraire  il  n'y  en  a  point  qui 
m  réuffiffe  alors  plus  heureufement 
»  que  celui  où  l'enfant  prefente  les 
»  pieds ,  on  amaffera  des  Obferva- 
»»  lions  à  l'infini ,  que  le  principe 
»  n'en  fera  ni  plus  clair  ni  plus  cer- 
s>  tain. 

M.  Lamotte  paroît  avoir  fenti  le 
premier  défaut ,  ayant  rangé  cha- 
que obfervation  au  bas  du  Chapi- 
tre auquel  elle  a  rapport ,  il  y  a  de 
plus  ajouté  des  reflexions  fort  uti- 
les ;  mais  M.  d'Ablaincourt  lui  re- 
proche comme  à  M.  Dionis  ,  de 
n'avoir  aidé  le  Lecteur  par  aucune 
figure.  Les  figures  foulagent  beau- 
coup l'imagination  quand  elles 
font  travaillées  avec  foin.  Celles 
que  Mauriceau  a  employées  ont  un 
défaut  effentiel  qui  eft  de  ne  la  pas 
fixer  fuffifamment  :  on  n'y  voit 
que  le  rapport  de  l'enfant  aux  diffé- 
rentes parties  de  l'utérus  ;  au  lieu  , 
dit  le  Traducteur,  que  dans  celles 
de  Deventer  ,  on  voit  le  rapport 
que  l'enfant  Se  l'utérus  ont  avec  le 
baffio ,  ce  qui  aide  infiniment  à 
comprendre  les  difficultez  que 
caufent  les  différentes  fituations 
des  enfans. 

M.  d'Ablaincourt  avertit  qu'il 
n'a  rien  changé  aux  figures  de  l'o- 
riginal ,  excepte  i°.  à  la  vingt-fep- 
tiéme,  qui,  par  la  faute  fans  doute 
du  Deflmateur ,  étoit  très  -  défec- 
tueufe ,  l'enfant  y  étant  reprefenté 
avec  un  bras  auffi  long  que  tout  le 


par  la  négligence  du  même  Defllna- 
teur  ,  ne  laifloient  pas  afféz  voir 
la  penfée  de  Deventer.  Il  a  de  plus 
fait  tracer  fur  la  première  &  fur  la 
féconde  figure,  quelques  lignes  qui 
peuvent  être  d'un  grand  ufage 
pour  l'intelligence  de  l'inclinaifon 
de  l'utérus. 

La  préférence  que  mérite  l'Ou- 
vrage de  M.  de  Deventer  ,  ne  vient 
pas  feulement  de  la  perfe&ion  des 
figures:  Le  grand  principe  qu'éta- 
blit ce  Médecin  ,  touchant  l'obli- 
quité de  l'utérus ,  la  méthode  qu'il 
enfeigne  de  reculer  le  coccix  lorf- 
que  l'utérus  étant  droit ,  l'enfant 
prefente  une  grofTe  tête  qui  ne  peut 
fortir ,  différentes  indications  tirées 
de  la  nature  de  l'Accouchement , 
8c  de  la  figure  des  eaux  ,  la  mobili- 
té de  l'enfant;  le  caractère  diftinctif 
des  fauffes  douleurs  &  des  vérita- 
bles ,  tout  cela  donne  lieu  à  des 
obfervations  importantes  qui  font 
propres  à  M.  de  Deventer.  Il  n'y  a 
de  plus  aucune  iîtuation  de  l'enfant 
fur  laquelle  ce  fçavant  Médecin  ne 
fournifle  quelque  remarque  de  fa 
façon. 

Comme  fon  ftyle  n'eft  pas  auflî 
exempt  de  défaut  que  le  rond  de 
fon  Ouvrage  ,  M.  d'Ablaincourt 
n'a  pas  cru  devoir  s'attacher  feru- 
puleufement  à  fuivre  la  lettre  , 
&c  il  avertit  ,  que  pour  s'ac- 
commoder au  génie  de  la  Na- 
tion Françoife  ,  8c  fe  faciliter  des 
tranfitions ,  il  n'a  pas  même  fait 
difficulté  de  changer  certaines  pen- 
fées ,  de  retrancher  des  phrafes  en- 
tières ,  de  mettre  à  la  fin  ce  qui 


J  U  I  L  L 

ctoit  au  commencement ,  en  un 
mot,  de  fe  donner  toutes  les  liber  - 
tez  qu'il  a  cru  permifes  à  un  Tra- 
ducteur. 

Quelque  grandes  que  foient  ces 
libertcz ,  il  dit  qu'il  s'en  feroit  don- 
né encore  de  plus  grandes  s'il  avoit 
voulu  fuivre  là-deflus ,  les  avis  de 
certaines  perfonnes  qui  lui  confèil- 
loient ,  entre  autres  chofes ,  de  re- 
trancher entièrement  de  l'original , 
la  préparation  de  l'opium  par  le 
pain  de  feigle ,  le  mémoire  fur  les 
pilules  fudorifiques ,  &  celui  où 
font  détaillées  les  opérations  Chi- 
xurgiques  que  faifoitM.  de  Deven- 
«cr. 

A  l'égard  de  l'opium,  on  repre- 
fentoit  à  M.  d'Ablaincourt  ,  i°. 
que  ce  n'eft  point  faute  d'être  pre- 
paré,que  ce  remède  eft  quelquefois 
funefte  ,  puifqu'indépendamment 
de  toute  preparation,il  produit  des 
effets  merveilleux  entre  les  mains 
d'un  Médecin  prudent ,  2°.  Que 
cette  préparation  par  le  pain  de  fei- 
gle ,  eft  une  opération  chymique  , 
ennuyeufe  &  pénible  ,  M.  d'A- 
blaincourt n'a  pas  cru  devoir  fe 
rendre  à  ces  avis  ;  il  prétend  que 
fans  regarder  l'opium  comme  un 
poifon,  qui ,  pour  être  employé  en 
médecine  ait  befoin  d'être  corrigé  , 
on  ne  fçauroir  afTûrer  que  cette 
longue  digeftion  procurée  par  le 
pain  de  feigle ,  ne  puiffe  pas  fervir 
à  développer  davantage  les  princi- 
pes de  l'opium  ,  &  à  les  mettre  en 
état  de  produire  un  meilleur  effet , 
quelques  unes  des  parties  effentiel- 
les  du  feigle  ,  incorporées  avec  ce 
fuc,  pouvant  fans  miracle,  y  caufer 


E  T,  1734.  m 

des  changemens avantageux. 

Il  étoit  d'ailleurs  difficile  de  re- 
trancher cette  opération  fans  faire 
tort  à  la  gloire  de  l'Auteur ,  qui 
n'eft  pas  feulement  bon  Médecin 
&  bon  Chirurgien  ,  mais  encore 
bon  Chymifte ,  perfection  que  les 
Lecteurs  ne  lui  auroient  pas  con- 
nue fionavoitfupprimé  cette  pré- 
paration. 

Pour  ce  qui  eft  du  Mémoire  con- 
cernant les  opérations  Chirurgi- 
ques  de  M.  de  Déventer,  on  ne 
doit  que  fçavoir  gré  au  Traducteur 
de  l'avoir  confervé  :  Un  des  princi- 
paux obftacles  au  progrès  de  la 
Chirurgie  ,  eft  la  faufîe  perfuafion 
où  l'on  eft  que  cet  art  ne  peut  être 
porté  à  une  plus  grande  perfection* 
or  on  verra  dans  le  Mémoire  dont 
il  s'agit ,  que  M.  de  Déventer  a 
penfé  autrement ,  &  fon  exemple 
enhardira  fans  doute  plufîeurs  Lec- 
teurs à  faire  des  tentatives  qui  leur 
feront  glorieufes  ,  &  feront  en  mê- 
me tems  utiles  au  public. 

De  plus  ,  l'intérêt  qu'un  Tra  • 
duefeur  doit  prendre  à  la  gloire  de 
fon  Auteur ,  s'oppofoit  à  ce  re- 
tranchement ;  c'eft  par  le  même 
motif  qu'on  n'a  pas  jugé  à  propos 
de  fupprimer  le  Mémoire  concer- 
nant les  pilules  fudorifiques. 

Il  ne  nous  refte  plus  qu'un  mot 
à  dire  fur  quelques  reflexions  que 
le  Traducteur  a  jointes  au  Texte. 
Ces  reflexions  fervent  ou  à  confir- 
mer certaines  véritez  fondamenta- 
les, telles  par  exemple, que  celle  de 
l'épaifieur  de  l'utérus  pendant  la 
groflefle ,  contre  ce  qu'en  ont  écrit 
Mauriceau  &  quelques  autres  ,  ou 


396  JOURNAL    D 

à  faire  voir  les  faunes  routes  que 
des  Accoucheurs  ont  fuivies  en 
différentes  conjonctures. 

On  trouve  au  commencement 
du  Volume  ,  diverfes  Lettres  qui 
ont  été  écrites  à  M.  de  Déventer  , 
par  lefquelles  on  voit  l'eftime  fîn- 
guliere  que  font  de  fon  Livre,  plu- 
fîeurs  Sçavans  des  Pays  étrangers. 
Mais  pour  en  juger  tout  d'un  coup 
parfaitement,  il  fautfçavoir  ce  que 
M.  de  Dcventer  dit  lui  même  des 
peines  qu'il  s'efl:  données  pour  fe 
mettre  bien  au  fait  des  Accouche- 
mens  ,  ce  qu'il  dit  de  la  méthode 
qu'il  a  fuivie  pour  compofer  fen 
Ouvrage  ,  &  des  erreurs  qu'il  y  a 
évitées. 

Quand  la  douleur  de  voir  tant 
de  victimes  de  l'ignorance  des 
Accoucheurs  &  des  Sages-Femmes, 
eut  fait  prendre  à  M.  de  Déventer, 
le  parti  d'exercer  lui  -  même  cette 
profeffion  ,  il  y  avoit  déjà  long- 
tems  qu'il  étoit  mal  fatisfait  de 
tous  les  Ouvrages  qu'il  avoit  lus 
fur  le  fujet  dont  il  s'agit.  Il  crut 
d'abord  que  s'il  ne  les  entendoit 
pas,  c'étoit  fa  faute  ;  mais  il  foup- 
çonna  bien-tôt  que  le  défaut  de  vé- 
rité dans  les  principes  ,  étoit  la 
caufe  de  l'obfcurité  qu'il  trouvoit 
dans  ces  fortes  d'Ouvrages  -,  c'eft  ce 
qui  lui  fit  fouhaiter  que  quelqu'un 
voulût  donner  du  jour  à  cette  ma- 
tière ,  expliquer  folidement  les 
caufes  des  Accouchemens  difficiles, 
&  en  confequence,trouver  une  mé- 
thode fûre  pour  remédier  au  dan- 
ger ,  ou  pour  le  prévenir.  Mais  fes 
fouhaits  n'étant  point  fécondés ,  il 
s'appliqua  à  faire  des  obfervations 


ES  SÇAVANS, 
exactes  fur  les  Accouchemens ,  lef- 
quclies  jointes  aux  lumières  qu'il 
empruntoit  de  l'Anatomie  des 
femmes  mortes  en  travail,  com- 
mencèrent à  lui  découvrir  la  véri- 
table caufe  de  l'obfcurité  &  des 
contradictions  qu'il  trouvoit  dans 
les  Traitez  en  queftion.  Il  reconnut 
que  les  plus  habiles  Accoucheurs 
alloient  à  tâton  ;  qu'ils  prenoient 
l'un  pour  l'autre ,  &c  qu'enfin  les 
Hiftoires  qu'ils  ont  laiffées  des 
Accouchemens  laborieux  ,  n'a- 
voient  pour  fondement  que  des 
conjectures  ,  ou  des  foupçons.  Il  fe 
trouva  trop  bien  de  fa  métode  pour 
l'abandonner.  Il  laiiTa  donc  les  Ou- 
vrages de  ces  Auteurs ,  refolu  de 
s'en  tenir  à  l'Anatomie,  Se  àl'ob- 
fervation  ,  &  il  continua  pendant 
tout  le  tems  qu'il  lui  refta  des  dou- 
tes fur  cette  matière.  Il  réuffit  en- 
fin à  s'éclaircir  entièrement  ;  mais 
ce  ne  fut  point  alfez  pour  lui  :  il  fe 
crut  obligé  de  faire  part  au  public 
des  lumières  qu'il  avoit  acquifes, 
&  de  tracer  un  chemin  que  l'on  pût 
fuivre  fans  craindre  de  s'égarer. 

N'ayant  pour  but  que  de  traiter 
de  l'opération  ,  il  n'a  point  rempli 
fon  Livre  ,  d'une  Théorie  recher- 
chée ,  ni  d'un  vain  amas  de  formu- 
les &  de  recettes.  Il  ne  s'efl:  pas 
non  plus  arrêté  à  imaginer  ou  à  re- 
chercher entre  les  caufes  des  Ac- 
couchemens difficiles,  celles  qu'on 
nomme  caufes  éloignées.  Tl  a  de 
plus  évité  avec  foin  a  de  tomber 
dans  le  ridicule  de  ceux  qui  vou- 
lant donner  un  Traité  des  Accou- 
chemens ,  y  parlent  d'une  infinité 
de  maladies  &  d'accidens  qui  peu- 
vent 


J  U  I  L  L  E 

vent  futvenit  devant  ou  après  les 
Couches ,  &c  lorfqu'il  faut  venir  au 
fait  trouvent  à  peine  de  quoi  rem- 
plir quelques  Chapitres  ,  dont  en- 
core fe  débarrafl~ent  -  ils  le  plutôt 
qu'ils  peuvent ,  laiflant  le  Le&eur 
tout  étonné  de  trouver  uneThéorie 
Médicinale  où  il  ne  cherchoit  que 
l'opération.  On  ne  verra  rien  de  tel 
dans  ce  Traité ,  l'Auteur  s'y  réduit 
précifément  à  expliquer  ce  qu'il  eft 
neceflaire  de  fçavoir  fur  les  Accou- 
chemens ,  de  quelque  nature  qu'ils 
foient  ;  il  donne  de  grands  éclair- 
cifïemens  pour  faire  voir  le  parti 
qu'il  faut  prendre  dans  les  cas  diffi- 
ciles ,  foit  pour  éviter  le  danger , 
foit  pour  en  fortir  ,  &  il  ne  fait  pas 
difficulté  d'avancer  fur  cela,  qu'il  a 
pouffé  les  chofes  à  un  point  de  cer- 
titude qui  met  l'art  dont  il  s'agit, 
au-deffus  de  toutes  les  Sciences ,  Se 
le  fait  aller  de  pair  avec  les  Mathé- 
matiques. Il  admet  avec  les  Au- 
teurs qui  l'ont  précédé  ,  ce  princi- 
pe commun  qu'ils  reconnoiffent 
tous  pour  confiant ,  fr avoir ,  Que 
les  Accouchement  difficiles  viennent 
de  la  mauv~ife  filiation  de  l'enfant 
dans  l'utérus.  Mais  il  eft  bien  éloi- 
gné de  prétendre  comme  eux  ,  que 
V enfant  efi  toujours  bienjttué  lorf qu'il 
p irefente  la  tête  à  l'orifice  de  l'utérus. 
Il  remarque  au  contraire ,  qu'il  y  a 
des  cas  où  nonobstant  cette  fitua- 
ùon  de  l'enfant ,  l'Accouchement 


T,    17*4;  397 

doit  être  très  -  difficile  ;  tel  eft  en- 
tre autres  le  cas  où  l'utérus  eft  obli- 
que. Il  va  même  plus  loin ,  &  il 
fait  voir  avec  évidence ,  que  dans 
cette  fituation  de  l'utérus ,  l'enfant 
n'en  peut  prendre  une  qui  lui  foit 
moins  convenable  que  celle  de  pre- 
fenter  la  tête  à  l'orifice. 

Si  les  Auteurs  fe  font  trompés 
jufques  ici  fur-un  article  de  cette 
confequence  ,  on  ne  s'étonnera  pas 
fans  doute  ,  qu'ils  fe  foient  trom- 
pés fur  beaucoup  d'autres  moins 
importans.  Ainfi  ceux  qui  veulent 
s'inftruire  de  la  Méchanique  des 
Accouchemens ,  doivent  fuivrepas 
à  pas  notre  Auteur  3  &  pofer  avec 
lui  les  fondemens  d'une  nouvelle 
doctrine ,  fur  les  débris  de  celle 
qui  a  régné  jufqu'à  prefenr. 

En  annonçant  cette  tradiiftion 
dans  les  Nouvelles  Littéraires  du 
mois  de  Janvier  dernier  ,  nous 
avons  dit  que  l'Auteur  de  la  Le.!  -  -e 
écrite  au  Doclreur  Winch,  rappor- 
te une  Hiftoire  d'obliquité  de  ma- 
trice ,  toute  femblable  à  celle 
qu'on  trouve  au  chap.  2.  de  h  fon- 
de Partie  ,  pag.  383. 

Comme  l'on  pourroit  croire  que 
cette  page  383  eft  citée  du  Livr* 
de  M.  de  Déventer ,  nous  avertif- 
fons  qu'elle  n'eft  citée  que  de  la 
Traduction  du  Livre  ,  &  qu'ainiî 
c'eft  dans  cette  Traduction  qu'il  la 
faut  chci'chcr. 


Juillet, 


Fff 


&S         JOURNAL   DES  SÇAVANS, 

Ht  S  TO  IRE  CRITIQVE  DE  LETAB  LISSE  MENT  DE  LA 
Monarchie  Françeife  dans  les  Gaules  :  par  M.l'Abbi  du  Bos,  l'un 
des  Quarante ,  &  Secrétaire -perpétuel  de  l'Académie  Françoife.  A  Paris; 
chez  Chaubert  ,  Quai  des  Auguftins ,  à  la  Rénommée  &  à  la  Pru- 
dence ;  Gijfey  ,  rue  de  la  vieille  Bouderie ,  à  l'Arbre  de  Jefle  ;  rue 
Saint  Jacques  ,  chez  Ojmont ,  à  l'Olivier  ;  Huart l'aîné,  à  la  Juftice  j 
Cloujier ,  à  l'Ecu  de  France  :  Quai  des  Auguftins ,  chez  Hourdel  ; 
David  le  jeune,  à  l'Efperance.  1734.  /«-4e.  trois  Vol.  Tom.  I.  pp.  53É. 
Sans  le  Difcours  Préliminaire.  Tom.II.  pp.  £12.  Tom.IlI.  pp.  552.fans 
la  Table.  Planch.  1. 


LES  trois  premiers  Livres  de 
cet  Ouvrage  ont  fait  le  fujec 
de  deux  Extraits  qui  ont  paru  dans 
deux  de  nos  précedens  Journaux. 
11  nous  relie  à  rendre  compte  dans 
celui-ci ,  des  trois  derniers  Livres , 
qui  contiennent  l'Hiftoire  du  rè- 
gne de  Clovis  depuis  Ion  baptême 
jufqu'à  fa  mort ,  &:  ce  qui  eft  arrivé 
depuis  fa  mort  jufqu'à  l'an  53^. 
avecl'expofition  de  l'état  des  Gau- 
les fous  le  règne  de  ce  Prince  Se 
fous  celui  de  fes  premiers  Succef- 
feurs. 

IV.  M.  l'Abbé  du  Bos  ouvre  fon 
quatrième  Livre  par  l'événement 
qu'on  doit  regarder  comme  le  plus 
mémorable  du  règne  de  Clovis , 
puifque  la  converfion  de  ce  Prince 
en  a  été  la  fuite.  C'eft  la  guerre 
qu'il  fit  aux  Allemands,  peuple  des 

5 lus  nombreux  de  la  Germanie  , 
ont  plufieurs  e (Tains  s'étoicnt  éta- 
blis entre  le  Lac  de  Genève  &  le 
Mont  Jura ,  dans  l'Alface ,  Se  dans 
quelques  autres  Contrées  ,  d'où  ils 
faifoient  fou  vent  des  incui  fions  en 
Italie.  Ces  Allemands  en  49e.  forti- 
fiés du  fecours  des  Suéves  leurs  voi- 
&is  3.  entierent  hoûilemcnt  dans  h 


féconde  Germanique  ,  occupée 
alors  par  les  Francs  Ripitairss}  dont 
Sigebert  étoit  Roi.  Celui-ci  affifte 
de  Clovis,  qu'il  avoit  appelle  pour 
repoulTer  cet  ennemi  commun  ,lui 
donna  bataille  auprès  de  Tolbiac , 
aujourd'hui  Zulpick,  lieu  fitucau- 
deçà  du  Rhin ,  à  4  ou  5  lieues  de 
Cologne.  L'action  fut  des  plus  vi- 
ves ;  Sigebert  y  fut  blefle  au  gc- 
nouil ,  &  l'armée  des  Francs  cour- 
toit  rifque  d'être  battue  ,  lorf- 
qu'Aurelien  fidèle  Serviteur  de 
Clovis  Se  de  Clotilde  ,  exhorta  ce 
Prince  à  croire  au  Dieu  que  fon 
Epoufe  lui  avoit  annoncé  ;  moyen- 
nant quoi  il  vaincroit  fes  ennemis. 
Clovis  n'eut  pas  plutôt  prononcé 
le  vceu  par  lequel  il  s'engageoit  fo- 
lennellement  à  fe  faire  baprifer  3 
s'il  remportoit  la  victoire  ,  que  fes 
troupes  battirent  les  Suéves  &  les 
Allemands ,  dont  le  Roi  péril  dans 
le  combat. 

Ceux  de  ces  Allemands  ,  qui 
voulurent  demeurer  dans  le  Pays 
dont  ils  s'étoient  emparés  (  Se  non> 
pas  leur  Nation  entière ,  comme 
femble  le  dire  Grégoire  de  Tours  ) 
fe  fournirent  à  Clovis,  à  propos  de 


JUILL 

quoi  notre  Auteur  tait  diverfes  re- 
cherches fur  les  différentes  habita- 
tions de  ce  peuple  ;  fur  fes  liaifons 
avccThéodoric  Roi  des  Oftrogots, 
qui  devint  fon  intercefTeur  auprès 
de  Clovis  ;  fur  les  Suéves  alliés  de 
ces  Allemands ,  &  fur  les  Boiens 
ou  Bavarois  leurs  voifins  ,  que  no- 
tre Auteur ,  d'après  le  témoignage 
d'.^w#'/wleurAnnalifte ,  conjectu- 
re avoir  reconnu  Clovis  pour  leur 
Souverain.  Il  conjecture ,  de  plus , 
que  ce  Prince  ,  après  la  défaite  des 
Allemands ,  fe  fera  rendu  maître 
de  ce  qu'ils  avoient  ufurpé  dans  les 
Gaules  depuis  80  ans  ;  qu'il  aura 
fubjugué  cette  partie  de  la  Germa- 
nie placée  entre  la  rive  droite  du 
Rhin  &  la  montagne  noire  ;  qu'il 
aura  pu  ,  avant  l'année  49  6.  foû- 
mettre  la  Cité  de  Toul ,  qui  étoit 
d'une  grande  étendue'  ;  de  pendant 
le  cours  de  cette  guerre-ci ,  réduire 
fous  fon  obéiflance  l'Alface  ,  & 
très-certainement  la  Cite  de  Bafle  : 
&c  c'eft  de  ce  dernier  fait ,  que  l'Au- 
teur allègue  une  preuve  qui  paroît 
convaincante. 

Il  nous  décrit  enfuite  avec  éten- 
due ,  d'après  Grégoire  de  Tours  & 
Hincmar  ,  le  baptême  de  Clovis 
par  S.  Rémi ,  &  celui  de  fa  fœur 
Albofléde  ;  l'abjuration  de  l'Aria- 
nifme  que  fit  Lantilde  fon  autre 
fœur  ,  &  le  miracle  de  la  Sainte 
Ampoule  :  Se  il  prétend  que  cette 
grande  cérémonie  îe  fit  à  Reims  , 
non  le  Samedi  Saint ,  félon  Hinc- 
mar ScFlodoardj  mais  aux  Fêtes 
de  Noël,  comme  l'allure  l'Evêque 
Avitus  contemporain. 

La  converfion  de  Clovis  répan- 


E  T,     1754-     .  39J> 

dit  parmi  les  Catholiques  d'autant 
plus  de  joye  ,  que  dans  le  monde 
Romain  [  dit  notre  Auteur  ]  il  n'y 
avoit  alors  d'autre  Souverain  que 
ce  Prince  ,  qui  fût  orthodoxe  ,  & 
qui  put  les  protéger  contre  la  per- 
fecution  des  Princes  Ariens.  Il  nous 
refte  encore  divers  Monumens  de 
cette  joye  univerfclle  ;  &  M.  l'Ab- 
bé du  Bos  les  a  raffemblés  ici  avec 
foin  ,  en  les  accompagnant  de  plu- 
fieurs  reflexions  ,  qui  tendent  à 
éclaircir  quelques  faits  hiftoriques 
déjà  indiqués  ailleurs  ,  ou  qui  en 
établifTent  d'autres  ,  fur  lefquels 
il  n'avoit  poinc  eu  jufqu'ici  occa- 
fion  de  s'expliquer.  Du  nombre  de 
ces  Monumens  font  i°.  la  Lettre 
du  Pape  Anaftafe  II.  écrite  à  Clo- 
vis ,  où  ce  Pontite  le  traite  d'Illu-, 
ftre  &  glorieux  fils  ,  le  regardant 
deflors  comme  le  fils  unique  de 
l'Eglife ,  ce  qui  a  valu  dans  la  fuite 
à  fes  fuccefTeurs  le  titre  de  fils  aine 
de  l'Eglife  ;  z°.  la  Lettre  de  l'Evê- 
que Avitus  fujet  de  Gondebaud  , 
Roi  des  Bourguignons  ,  adreffée  à 
Clovis ,  laquelle  (  ainfi  que  plu- 
fieurs  autres  du  même  Prélat  rap- 
portées ici  )  fait  foi  que  les  Rois 
Barbares  qui  regnoient  dans  les 
Gaules  ,  &  nommément  les  Bour- 
guignons ,  entretenoient  des  rela- 
tions fuivies  avec  l'Empereur  d'O- 
rient ,  &  témoignoient  beaucoup 
de  déférence  pour  la  Cour  de  Con- 
ftantinople.  L'Auteur  ,  au  fujet  de 
cette  Lettre ,  propofe  fes  conjectu- 
res (  qu'il  faut  voir  )  touchant  la 
véritable  lignification  du  titre  de 
vefter  miles ,  -votre  fiddat ,  qu' Avitus 
donne  au  Roi  Gondebaud ,  en  par- 
Fffij 


±qo        JOURNAL    D 

lant  à  Clovis.  Notic  Anteltf,  à  la 
fin  de  ce  Chapitre  ,  s'applique  à 
pïouver  ,  contre  le  ientimeiit  de 
nos  Hiftoriens  ,  qu'avant  l'année 
500.  les  Bourguignons  avoient  déjà, 
été  en  guerre  avec  les  Oftrogots. 

Après  cette  petite  digreiîion  , 
M.  l'Abbé  du  Bos  reprend  le  fil  de 
l'Hiftoire  de  Clovis  ,  racontant 
tout  ce  qu'il  eft  poffible  de  décou- 
vrir touchant  fes  progrès  dans  les 
Gaules ,  depuis  fon  baptême.  Dcum 
des  plus  confiderables  furent  la  ré- 
duction des  Armoriques  à  fon 
obéiffance ,  5c  fa  capitulation  avec 
les  troupes  réglées  quireftoient  en- 
core aux  Romains  dans  les  Gaules, 
5c  qui  pafîerent  au  fervice  de  ce 
Piince ,  en  lui  prêtant  ferment  de 
fidélité  ,  5c  en  lui  remetcant  les 
Pays,  que  jufqu'alors elles  avoient 
gardés  au  nom  de  Rome,  c'eft-à-di- 
re  le  Pays  fitué  entre  le  Loir  5c  la 
Loire  ,  le  Berri,  &c  quelques  Con- 
trées adjacentes.  Il  tire  le  détail  de 
ces  deux  évenemens ,  du  Texte  de 
Procopc  ,  qu'il  allègue  dans  route 
fon  étendue.  Il  n'y  trouve  point  la 
date  de  ces  deux  faits  :  mais  elle  lui 
cft  fournie  par  une  Chartre  de  Clo- 
vis même ,  laquelle  lui  apprend  , 
que  lafeiziéme  année  du  règne  de  ce 
Prince  était  lit  première  d'après  fan 
baptême  ;  6c  que  la  première  année 
d'après  fin  baptême  étoit  aujjl  la  pre- 
mière d'après  lafiHmijJion  des  Gau- 
lois. Or  il  cft  confiant  que  la  feizié- 
Bie  année  du  règne  de  Clovis  eft  la 
4.97.  de  J.  C.  Nous  renvoyons  , 
pour  abréger  ,  fur  toute  cette  dif- 
cufilon  Critique  5c  Chronologique 
à  l'Auteur  même  ,  qui  travaille  à 


ES    SÇAVANS, 

lever  quelques  difncultez  qu'on 
pourroit  lui  faire  fur  ce  fujet ,  5c  à 
montrer  la  vraifemblance  des  deux 
évenemens  dont  il  s'agit.  Il  fait 
voir  auffi  la  necefllté  indifpenfable 
de  corriger  le  Texte  de  Procope  en 
y  lifant  les  Armoriques  au  lieu  des 
Arboriques  ,  peuple  inconnu  à  tous 
les  Géographes ,  comme  à  tous  lés 
Hiftoriens,  5c  que  le  Père  Daniel 
a  eu  tort  de  prendre  fous  fa  pro- 
tection ,  comme  s'efforce  de  le 
prouver  notre  Auteur.  Il  ne  lui  pa- 
roît  pas  plus  étrange  que  le  mot 
Arborici  pour  Armorici  fe  foit  glif- 
fé  plus  d'une  fois  par-la  négligence 
des  Copiftes  ,  dans  le  Texte  de 
Procope ,  que  d'y  rencontrer  auilî 
plus  d'une  fois  le  mot  Eridani 
pour  Rbodani ,  c'eft  -  à  -  dire  le  P» 
pour/e  Rhône. 

La  puiftance  de  Clovis  accrue 
par  deux  acquittions  de  cette  im- 
portance qui  le  rendoient  maître 
de  tous  les  Pays  fitués  entre  la  Sei- 
ne 5c  la  Loire  ,  le  mit  en  état  de  ré- 
pandre des  grâces  fur  tous  ceux 
qui  s'attacheroient  à  lui.  Mais  elle 
reveilla  en  même  tems  la  jaloufie 
des  Vifigots  devenus  fes  proches 
voifins ,  5c  à  qui  l'Arianifme  qu'ils 
profefloient  devoit  infpirer  une 
nouvelle  défiance  contre  un  Prince 
Catholique  ,  dont  ils  regardoient 
tous  les  Orthodoxes ,  5c  principa- 
lement les  Eccleuaftiqucs  comme 
de  fecrets  parnfans.  Notre  Auteur 
en  donne  pour  exemple  Volufien 
Evêque  de  Tours  ,  perfecuré  5c  re- 
légué ,  comme  fufped  d'intelli- 
gence avec  les  Francs.  A  propos  de 
quoi  M.  l'Abbé  du  Bos  fait  quel- 


JU  I  L  L 

ques  remarques  fur  l'époque  tirée 
de  l'année  que  mourut  S.  Martin. 

Les  Vifigots  ne  furent  pas  cepen- 
dant les  premiers  à  qui  Clcvis  fit  la 
guerre  après  la  réduction  des  Ar- 
moriques  Se  des  Troupes  Romai- 
nes :  ce  furent  les  Bourguignons  , 
contre  lefquels  il  fit  alliance  avec 
Théodoric  Roi  des  Oitrogots  ,  Se 
qui  avoit  époufé  Audefiéde  feeur 
de  Clovis.Théodoric  étoit  parvenu 
à  /egner  enfin  paifiblement  fur  tou- 
te l'Italie  Se  fur  quelques  Pays  voi- 
fins,  en  vertu  d'un  Traité  par  le- 
quel l'Empereur  Anaftafe  lui  ce- 
doit  ces  différentes  Provinces  ,  à 
condition  de  ne  point  nommer  le 
Conful  d'Occident ,  qu'il  prefen- 
teroit  feulement  à  l'Empereur ,  Se 
de  ne  pourvoir  des  Magirtratures 
Se  des  autres  Emplois  civils,  que 
les  feuls  Citoyens  Romains.  C'efl: 
de  quoi  l'Auteur  nous  fournit  un 
détail  r.hifforique  ,  ainfi  que  du 
Traité  de  ligue  entre  Clovis  Se 
Théodoric  contre  Gondebaud  Roi 
des  Bourguignons  ,  Se  des  divers 
evenemens  de  cette  guerre  que 
l'Auteur  nous  raconte  en  premier 
lieu  d'après  Grégoire  deTours,  puis 
d'après  Procope.  Les  principaux 
de  ces  evenemens  furent  i°.  la  dé- 
faite de  Gondebaud  trahi  par  fon 
frère  Godegifile  ,  &  mis  en  dérou- 
te par  les  Francs ,  à  la  bataille  de 
Dijon  :  z°.  Gondebaud  dépouillé 
de  fes  Etats ,  Se  réduit  à  fe  renfer- 
mer dans  Avignon ,  où  fes  ennemis 
i'affiegent  :  30.  Ce  Siège  levé  par  la 
dexserité  d'un  Miniftre  du  Bour- 
guignon ,  qui  conclut  la  paix  avec 
l'ennemi  à  des  conditions  fuppor- 


E  T,  1734.  46r 

tables  :  40.  Gondebaud  délivré  de 
Clovis ,  rafiemblant  une  nauvclie 
armée  avec  laquelle  il  afliége  fon 
frère  dans  Vienne  ,  l'y  prend  ,  l'y 
tue ,  Se  par-là  fe  remet  en  poiTeffion 
de  tous  fes  Etats  ;  à  la  referve  de 
Marfeille  Se  de  quelques  autres 
Citez  voifines  ,  dont  Théodoric 
s'étoit  emparé  durant  cette  ^lierre 
&  qui  lui  réitèrent. 

Au  fujet  de  cette  expédition 
contre  les  Bourguignons  commen- 
cée Se  finie  certainement  dans  le 
cours  de  l'année  500.  l'Auteur  ob- 
ferve  ,  que  de  quelques  variations 
qui  fe  trouvent  dans  le  récit  que 
nous  en  font  les  deux  Hiftoriens 
qu'on  vient  de  cirer;  il  n'en  faut  pas 
conclure  avec  quelques  Ecrivains 
que  Clovis  ait  fait  deux  guerres 
différentes  contre  Gondebaud  :  Se 
c'eft  ce  que  diverfes  preuves  re- 
cueillies ici  par  l'Auteur  fcmblent 
mettre  hors  de  doute.  Il  obferve 
en  fécond  heu  ,  que  les  intérêts  de 
la  Religion  eurent  grande  part  aux 
difgraces  Se  aux  profperitez  égale- 
ment fubites  de  Gondebaud  dans 
la  guerre  dont  il  eft  ici  queftion ,  Se 
dont  les  révolutions  arrivées  en  fi 
peu  de  tems  ont  de  quoi  furpren- 
dre.  Si  Gondebaud  fe  vit  détrôné 
auffi  brufquement  qu'on  vient  de 
l'expofer;  il  n'eut  principalement 
à  s'en  prendre  qu'à  fes  fujets  Ro- 
mains &  Catholiques  ,  à  qui  quel- 
ques mois  avant  la  bataille  de  Di- 
jon ,  il  avoit  ôté  l'efperance  de  lui 
voir  abjurer  1  Arianifme.  S'il  fut  ré- 
tabli fur  le  Trône  avant  l'année  ré- 
volue, il  en  eut  l'obligation  à  ces 
mêmes  fujets ,  douî  il  regagna  les 


4oâ  JOURNAL    DES   SÇAVANS, 

cœurs  en  leur  faifant  cfpcrer  de  fa         Elle  ne  fat  pas  de  longue  duré?. 


part  une  converfion  très-prochaine, 
&  la  publication  d'un  nouveau  Co- 
de ,  qui  mit  les  Romains  fes  fujets 
à  couvert  de  la  vexation  des  Bour- 
guignons. Il  ne  lenr  tint  parole  que 
fur  ce  dernier  article  ,  en  faifant 
publier  ce  que  les  Jurifconfultes 


La  conduite  que  tint  Alaric  en 
altérant  la  monnoye  d'or  ,  &  en 
maltraitant  les  Prélats  Catholiques 
foupçonnés  de  s'interefler  pour  les 
Francs ,  indifpofa  contre  lui  les 
Romains  fes  fujets.  Clovis  profita 
de  cette  favorable  conjoncture  ;  & 


ont  appelle  la  Loi  Gombetu.   Les     les  Vifigots   n'eurent    pas  plutôt 
preuves  dont  l'Auteur  a  foin  d'ap-     obligé  Quintien  Evêque  de  Rho- 
puyer  ces  conjectures  leur  donnent 
toute  la  probabilité  que  l'on  peut 
fouhaiter  en  fait  d'Hiftoire. 

Clovis  defefperant  de  pouvoir 
faire  des  conquêtes  fur  Gondebaud 
nouvellement  reconcilié  avec  fes 
peuples ,  forma  le  projet  de  faire  la 


dez  ,  &  très-attaché  aux  Princes 
Francs  ,  à  fefauver  de  fbn  Diocéfc, 
que  Clovis  déclara  la  guerre  à  AU- 
ric  ,  après  avoir  fait  alliance  avec 
les  Bourguignons ,  &  avec  les  KJ- 
puaires.  Alaric ,  d'autre  part ,  après 
avoir  imploré  le  fecours  de  Théo- 


guerre  aux  Vifigots,  dont  il  croyoit  doric  ,  ralTembla  fes  Troupes  ,  & 
avoir  lieu  d'être  mécontent.  Théo-  marqua  leur  rendez-vous  général 
doric  ,  d'un  autre  coté  ,  qui  com- 
me poflefleur  d'une  efpece  d'état 
dans  les  Gaules  ,  avoit  intérêt  de 
maintenir  la  paix  dans  cette  grande 
Province  ,  pour  y  rendre  plus 
refpe&able  l'autorité  qu'il  préten- 
doit  y  avoir  en  qualité  de  Maître 
de  Rome  Capitale  de  l'Empire 
d'Occident ,  employoit  la  voye  des 
négotiations  ,  pour  empêcher  une 
rupture  entre  les  Francs  &  les  Vifi- 
gots. On  trouve  ici  les  Lettres 
qu'il  écrivit  dans  cette  vûë  à  fon 
gendre  Alaric  II.  Roi  de  ces  der- 
niers ;  à  Clovis ,  à  Gondebaud ,  & 
aux  Rois  des  Turingiens  :  Lettres, 
que  nous  a  confervées  Cafliodore. 
Elles  procurèrent  une  entrevue  de 
Clovis  &  d' Alaric  ,  fous  les  murs 
d'Amboife  vers  l'année  502.  d'où 
ils  fe  féparerent ,  en  fe  promettant 
d'entretenir  la  paix  &  de  vivre  en 
bonne  intelligence. 


dans  le  Poitou.  Clovis  fe  hâta  de 
marcher  vers  cette  Province  pour 
y  combattre  fon  ennemi.  Comme 
fon  armée  palîoit  à  une  petite  di- 
ftance  de  Tours ,  il  eut  la  curiofité 
de  faire  confulter  le  Dieu  des  Ar- 
mées  dans  l'Eglifc  de  S.  Martin 
pour  apprendre  ,  s'il  étoit  poffible, 
quel  feroit  le  fuccès  de  fon  expé- 
dition -,  &c  on  lui  en  rapporta  l'au- 
gure le  plus  heureux. 

Il  fe  remit  en  marche  auffi  tôt , 
dans  le  defiein  de  palTer  la  Vienne 
derrière  laquelle  étoit  le  Camp  en- 
nemi :  mais  par  malheur  cette  ri- 
vière groflie  outre  mefure  n'étoit 
plus  gayablc;  ce  qui  faifoit  perdre 
un  tems  précieux  pour  Clovis ,  Se 
dont  les  Vifigots  ne  manqueroient 
pas  de  profiter.  Cependant,  le  len- 
demain ,  l'armée  des  Francs  ayant 
vu  une  biche  traverfer  la  Vienne 
fans  perdre  pied  ,  apprit  ainfi  l'en- 


J  U  I  L  L 

droit  où  cette  rivière  étoit  gayable 
malgré  la  crue  de  fes  eaux  ,  & 
après  l'avoir  paffée  fans  obftacle , 
elle  vint  camper  à  la  vue  de  Poi- 
tiers. Les  Vifigots  qui  avoient 
grand  intérêt  d'éviter  le  combat 
jufqu'à  leur  jonction  avec  l'armée 
de  Théodoric,  laquelle  marchoit 
à  leur  fecours ,  décampèrent  pour 
fe  retirer  ,  à  l'approche  de  l'armée 
de  Clovis.  Mais  ce  Prince  ks  ayant 
atteins  à  deux  milles  de  Poitiers  , 
dans  la  plaine  de  Vouglé ,  les  con- 
traignit d'en  venir  à  une  bataille  , 
où  ils  furent  défaits  a  pîatte  coutu- 
re ,  Se  où  leur  Roi  fut  tué  ,  à  ce 
qu'on  prétend  ,  par  Clovis  même, 
qui  y  courut  rifque  de  la  vie.  Notre 
Auteur  raconte  ici  foit  au  long  ce 
grand  événement  d'aprcsGregoiie 
de  Tours ,  Procopc  &  Fortunat  , 
qui  lui  en  fournifient  les  principa- 
les circonfhnces.  Mais  il  fait  une 
correction  importante  dans  ieTexte 
de  Procopc  ,  où  il  lit  ,  guidé  par 
un  Manufcritde  Jof.  Scalige*-,  Au- 
gOH^oriiona.  (  Poitiers)  au  lieu  de 
(  Ou  Carcaflbna  )  mot  corrompu  , 
dont  on  a  fait  mal  à  propos  Carcaf- 
fiatte  (  Carcajfonne  )  &  il  montre  la 
necelïiré  de  cette  correction. 

Après  la  bataille  de  Vouglé  , 
Clovis  envoya  fon  fils  Thierri  avec 
un  corps  de  troupes ,  s'emparer  de 
l'Albigeois ,  du  Roiiergue  &  de 
l'Auvergne  :  ce  que  le  jeune  Prince 
exécuta  pendant  le  refte  de  la  cam- 
pagne de  507.  Clovis ,  de  fon  côté, 
mit  le  Siège  devant  Carcaiïonne,&; 
fut  obhgé  de  le  lever  ,  par  la  mar- 
che de  Théodoric  à  la  tête  de  fes 
CjQts  ;  ee  qui  n'empêcha  pas  le  Roi 


E  T,  1734.  4oj 

des  Francs  de  fe  rendre  maître  de 
celles  des  Citez  qu'il  avoit  biffées 
derrière  lui ,  pour  s'avancer  jufqu'à 
Carcaflonne  ,  c'eft  à-dire  des  deux 
Aquitaines ,  de  la  Novempopula- 
nie  ,  &  de  quelque  partie  de  la 
première  Narbonnoife.  Quant  aux 
Vifigots  ,  ils  proclamèrent  à  Nar- 
bonne  pour  leur  Souverain  Géfalic 
fils  naturel  du  Roi  Alaric  IL  & 
après  quatre  ans  de  règne ,  ce  Prin- 
ce indigne  de  porter  le  Sceptre  fut 
dépofé  par  l'autorité  de  Théodoric. 
L'année  fuivante  (  508.  )  Clovis 
prit  la  Ville  d'Engoulême  ,  qui  lui 
afluroit  la  poflellion  de  la  première 
Aquitaine  ,  que  déjà  il  tenoit  en 
entier.  Notre  Auteur  ,  en  cela  d'ac- 
cord avec  le  Père  Daniel  ,  place 
après  la  prife  d'Engoulême  le  fa- 
meux Siège  d'Arles  entrepris  par 
les  Francs  &  les  Bourguignons  ,  & 
que  par  h  vigour  iife  refïftance  des 
a:lîcc;és&  le  fecours  de  Théodoric, 
ces  deux  Nations  confédérées  fu- 
rent obligées  de  lever  avec  beau- 
coup de  perte.  On  trouvera  ici 
rafemblées  plufieurs  particularitez 
de  ce  Siège  ,  &  de  la  Vie  de  S.  Ce- 
faire  Evêquc  de  cette  Métropole. 

M.  l'Abbé  du  Bos ,  au  dernier 
Chapitre  de  fon  quatrième  Livre,, 
nous  parle  de  ce  qui  fe  pa(Ta  dans 
les  Gaules  pendant  l'année  509.  & 
il  conjecture  que  c'eft  à  cette  cam- 
pagne qu'on  doit  rapporter  la  ba- 
taille mémorable  qu'un  des  Géné- 
raux de  Théodoric  gagna  contre 
les  Francs ,  fuivant  le  témoignage 
de  Jornandès.  L'Auteur  enfuitc 
nous  raconte  ladépofition  de  Gelà- 
lic  ,  l'élévation  d  Amaiaric  3  fils 


404       JOURNAL    HE 

i'Alaric  II.  &  d'une  fille  de  Thco- 
doric  au  trône  desVifigots  en  5 1  o.la 
paix  faite  par  Théodoric  tant  pour 
lui  que  pour  Amalaric  fon  petit- 
fils  Û  fon  pupille  ,  avec  Clovis  qui 
demeure  maître  de  la  plus  grande 
partie  du  Pays  tenu  par  les  Vifigots 
dans  les  Gaules.  L'Auteur  nous 
fait  part  de  la  Lettre  circulaire  écri- 
te par  Clovis  aux  Evêques  de  fes 
Etats ,  &  par  laquelle  non  feule- 
ment il  exempte  de  toute  contri- 
bution &  de  tout  pillage  les  biens 
appartenais  aux  Eglifes  ,  voulant 
qu'on  mette  en  liberté  tous  les  Ec- 
clefiaftiques  ,  &  tous  ceux  qui 
étoient  en  quelque  dépendance 
temporelle  de  ces  mêmes  Eglifes; 
mais  il  rend  encore  les  Evêques 
maîtres  de  juger  en  quelque  forte 
quels  prifonniers  de  guerre  dé- 
voient demeurer  captifs ,  &c  quels 
dévoient  être  jugés  de  mauvaife 
prife.  Enfin  l'Auteur  recherche  en 
quel  tems  Clovis  vint  à  Tours  3  &c 
quelles  furent  les  offrandes  qu'il  J 
fit  à  S.  Martin. 

V.  Une  des  circonftances  de  la 
Vie  de  Clovis ,  laquelle  après  fon 
baptême  ,  contribua  le  plus  f  dit 
notre  Auteur  )  à  l'établifiement  de 
la  Monarchie  Françoife  ,  fut  la  di- 
gnité de  Confiai  qui  lui  fut  conférée 
par  l'Empereur  Anaftafe  en  5 10.  & 
dont  il  prit  folemnellement  poiTef- 
fion ,  au  rapport  de  Grégoire  de 
Tours ,  qui  décrit  cette  cérémonie. 
Cette  dignité  rendoit  le  Roi  des 
Francs  le  Supérieur  de  tous  les  Offi- 
ciers Civils  des  Gaules ,  comme  il 
l'y  étoit  déjà  des  Officiers  Militai- 
cakes  :  en  un  mot  (  dit  l'Auteur  ) 


S    SÇAVANS; 

elle  lui  dor.noit  le  droit  de  com- 
mander en  vertu  desLoix  à  tous  les 
Romains  des  Gaules  qui  fe  difoienc 
encore  fujets  de  l'Empire  :  &  ce 
Prince  avoit  en  main  la  force  necef- 
fairepourfe  faire  obéir.  D'ailleurs, 
[  continue  -t  -  il  ]  le  Prince  dont 
Clovis  en  qualité  de  Confiai  fe  re- 
connoiffoit  de  nouveau  l'Officier  , 
relîdoit  à  une  telle  diitance  des 
Gaules ,  qu'il  ne  pouvoit  y  avoir 
d'autre  autorité  ,  que  celle  dont  il 
plairoit  à  Clovis  de  l'y  faire  jouir. 

Il  fe  prefente  ici  une  difficulté 
contre  le  Confulat  de  Clovis  ,  fon- 
dée fur  ce  qu'il  n'eft  point  inferit 
dans  les  Fades  Confulaires  fous 
l'année  510.  où  l'on  ne  trouve  pour 
Confiai  que  le  feul  Boëce.  Mais 
(  répond  l'Auteur  )  cette  omiffion 
ne  doit  point  tirer  à  confequence 
par  rapport  à  la  vérité  du  fait  dont 
il  s'agit ,  parce  que  les  Faites  qui 
nous  reftent  aujourd'hui  n'ont  été 
rédigés  que  par  des  particuliers ,  ou 
tout  au  plus  dans  Rome  ou  dans 
Arles ,  où  Théodoric,  lequel  y  rc- 
gnoit ,  n'aura  pas  permis ,  par  ja- 
loufie,qu'on  inferivît  dans  ces  Mo- 
numens  publics,  le  nom  de  Clovis. 
A  l'égard  de  l'opinion  de  ceux  qui 
ont  prétendu  qu'Anaftafe  avoit 
conféré  à  Clovis ,  non  le  Confulat, 
inais  feulement  le  Patriciat  ,  M. 
l'Abbé  du  Bos  n'a  pas  de  peine  à  la 
réfuter.  Clovis,  non  content  du 
titre  de  Confiai ,  en  portoit  encore 
ordinairement  les  marques ,  aînfî 
que  le  prefume  notre  Auteur  ,  d'a- 
près un  des  plus  précieux  reftes  des 
Antiquitez  Françoifes  ,  qui  cft  la 
lUtuc  de  ce  Prince  telle  qu'on  la 
voit 


JUILL 

toit  avec  fcpt  autres  au  grand  por- 
tail de  S.  Germain  des  Prez  à  Pâ- 
tis :  car  cette  ftatue,  au  fentiment 
des  Percs  Ruynart ,  Mabillon  ,  & 
RonïlUrt ,  reprefente  certainement 
Clovis  en  habit  Confulaire  ;  ce  que 
l'Auteur  confirme  par  une  nouvel- 
le preuve. 

Il  expofe  enfuite  les  motifs  qui 
engagèrent  Clovis  à  l'acceptation 
du  Confulat ,  &  l'Empereur  Ana- 
ftafe  à  le  lui  conférer.  Par-là  Clovis 
foûmettoit  à  fon  autorité  grand 
nombre  de  Citez  ,  qui  n'avoient 
donné  des  quartiers  aux  Francs 
qu'à  condition  qu'ils  ne  fe  mêle- 
roient  en  rien  du  gouvernement 
civil  :  par-là  il  devenoit  le  Vicaire 
d'Anaftafe  dans  tout  le  partage 
d'Occident  où  il  n'y  avoit  plus 
d'Empereur.  D'un  autre  côté  l'Em- 
pereur qui  voyoit  tout  ce  partage 
■occupé  par  différentes  Nations  Bar- 
bares qu'il  n'étoit  guéres  poffiblc 
d'en  charter^ne  pouvoit  mieux  faire 
que  de  traiter  avec  l'une  de  ces  Na- 
tions la  moins  barbare  &  la  feule 
Catholique  ,  &  de  l'armer  contre 
les  autres  en  lui  faifant  efperer 
qu'elle  deviendrait  elle-même  une 
portion  des  Citoyens  Romains } 
avec  qui  elle  fe  confondrait  :  fans 
compter  qu'Anaftafe  par  -  là  don- 
noit  à  Théodoric  fufpect  à  la  Cour 
de  Conftantmople  ,  un  rival  très- 
capable  de  le  contenir.  Car  (  obfer- 
ve  notre  Auteur)  Clovis  fans  dou- 
te promit  à  l'Empereur  tout  ce 
que  voulut  ce  Prince.  Mais  il  ne 
tint  pas  toutes  fes  promefles,  com- 
me on  peut  le  recueillir  d'une  Let- 
tre du  Roi  Théodebert  petit-fils  de 
Juillet. 


E  T,  ijîf      ■         v  4°5 

Clovis  ,  écrite  en  réponfe  à  celle 
que  l'Empereur  Juftinien  lui  avoit 
adreifée  pour  le  féliciter  fur  fon 
avènement  à  la  Couronne ,  &  dans- 
laquelle  il  aceufoit  Clovis  d'avoir 
manqué  à  fes  engagemens  envers 
les  Empereurs.  On  peut  voir  l'ex- 
plication donnée  à  cette  Lettre  de 
Théodebert  par  M.  du  Bos ,  fur  la- 
quelle il  n'eit  point  d'accord  avec 
Adrien  de  Valois  ,  qu'il  réfute. 

Notre  Auteur  eft  donc  perfuadé 
qu'il  y  eut  un  Traité  dans  les  for- 
mes entre  Clovis  &  Anaftafe  ,  qui 
confommoit  l'ouvrage  de  l'établif- 
fement  des  Francs  dans  les  Gaules, 
&  que  c'eft  de  ce  Traité  qu'il  eft 
fait  mention  dans  le  préambule 
de  la  Loi  Salique  fous  le  nom  de 
Traité  de  paix  t  par  excellence. 
Clovis ,  au  fortir  de  Tours  (  conti- 
nue l'Auteur)  vint  à  Paris,  en  51c 
où  il  fixa  le  Siège  de  fa  Royauté. 

Comme  il  ne  regnoit  encore 
que  fur  la  feule  Tribu  des  Francs 
furnommés  Saliens ,  &  que  les  au- 
tres Tribus  étoient  gouvernées  cha- 
cune par  fon  Roi  indépendant  de 
tous  les  autres  ,  quoique  tous  ces 
Princes  fuilent  pris  dans  la  même 
Famille  ,  &  fufTentpar  confequent 
parens  de  Clovis  ;  celui  -  ci  les  fît 
tous  périr  les  uns  après  les  autres,& 
engagea  chacune  de  ces  Tribus  à  le 
prendre  pour  Roi  ;  ce  qui  le  rendit 
Souverain  de  toute  la  Nation  des 
Francs.  On  eft  d'abord  furpris  Se 
indigné  tout  à  la  fois  de  la  manière 
dont  Grégoire  de  Tours  raconte 
les  circonftances  affreufes  d'un  pa- 
reil événement,  en  les  accompa- 
gnant des  plus  grands  éloges  pour 
Ggg 


405       JOURNAL     DE 

la  conduite  que  tint  Clovis  en  cet- 
te occafion.  Mais  M.  l'Abbé  du 
Bcs  s'efforce  d'exeufer  le  Saint 
Evêque,  en  fuppofant  que  Clovis 
n'ôta  la  vie  à  tous  ces  Princes  que 
pour  les  punir  d'avoir  attenté  les 
premiers  à  la  iienne.  Il  e(l  vrai 
que  l'Hiftorien  ne  dit  pas  un  mot 
de  ces  attentats  iï  propres  à  difcul- 
per  Clovis  ;  mais  (  remarque  notre 
Auteur  )  c'eft  que  des  confidera- 
îions  qu'il  e(t  impoiiîble  de  devi- 
ner aujourd'hui ,  l'auront  obligé  à 
paiTer  ces  laits  fous  filence.  Ces 
Rois  infortunés  que  Clovis  facrilîa 
à  fon  ambition,  furent  i°.  Sigcbert 
Si  fon  fils  Clodéric  Rois  des  Francs 
Ripuaires  établis  à  Cologne,  z°.Ca-' 
raric  &  fon  fils ,  qu'il  fit  tondre  en 
premier  lieu,&  les  engagea  dans  les 
Ordres  Sacrés  ,  puis  les  fit  égorger 
pour  s'être  évaporés  en  menaces; 
3°.  Ragnacaire  ScRiquier  fon  frère 
Rois  de  Cambrai,  aufquels  il  fen- 
dit la  tête  à  coups  de  hache ,  après 
les  avoir  faits  prifonniers  ,  Si  Ré- 
gnomer  frère  de  ces  deux  derniers, 
&c  Roi  du  Mans  ,  qu'il  fit  aflaifi- 
iner. 

Les  autres  évenemens  de  la  Vie 
de  Clovis  furent  le  Siège  de  Ver- 
dun, qui  avoit  refufé  de  fe  foû- 
mettre  ,  &  qui  par  l'interceilion 
du  Saint  Prêtre  Eufpice  ,  fut  reçue 
à  compofition  :  Si  le  Concile  Na- 
tional alTemblé  à  Orléans  ,  en  511. 
par  les  ordres  de  Clovis  &  dont 
l'Auteur  allègue  ici  quelques  Ca- 
lions comme  très-propres  à  mon- 
trer quel  étoit  alors  l'état  politique 
des  Gaules  ,  Si  à  faire  connoître 
que  k  Roi  des  Francs  lailîoit  aux 


S      S  Ç  A  V  A  N  S  , 

Romains  de  fes  Etats  la  liberté  d'y 
vivre  fuivant  le  Droit  Romain  ;  Se 
aux  Prélats  ,  toutes  les  prérogati- 
ves dont  ils  joùilToient  fous  le  rè- 
gne des  derniers  Empereurs.  Cette 
même  année  (  511.  )  mourut  Clo- 
vis à  l'âge  de  4  5  ans,  après  30  ans  de 
règne  ,  &  fut  enterré  dans  l'Eglife 
de  S.  Pierre  Si  S.  Paul  [aujourd'hui 
Sainte  Geneviève  ]  dont  la  Reine 
Clotilde  Si  lui  avoient  commencé 
la  conltruction  ,  qui  fut  achevée 
par  cette  Princefle.  L'Auteur  fait 
diverfes  réflexions,  aufquclîes  nous 
renvoyons  fur  cette  fépulture  de 
Clovis  Si  de  fa  Famille  ,  ainfi  que 
fur  la  rapidité  des  progrès  de  ce 
Prince. 

Après  la  mort  de  Clovis  ,  (es  4 
filsThierri,  Clodomire  ,  Childe- 
bert  &  Clotaire  lui  fuccederenr,  & 
partagèrent  fon  Royaume  entr'eux 
par  égales  portions.  C'-efl  à  dire  , 
que  chacun  des  4  frères  eut  dans 
fon  lot  autant  de  territoire  Si  au- 
tant de  Francs ,  que  les  comparta- 
geans  :  ce  qui  dut  produire  (  obfer- 
ve  l'Auteur  )  un  partage  des  plus 
bizarres  ,  qui  attribuoit  à  chacun 
certain  nombre  de  Citez  féparées 
l'une  de  l'autre ,  Si  pour  ainfi  dire,, 
éparpillées  dans  toutes  les  Provin- 
ces des  Gaules ,  à  caufe  de  l'inégale 
distribution  des  Francs  ,  qui  fe 
trouvoient  très  -  nombreux  dans 
quelques  Citez,  Si  en  très  -  petit 
nombre  dans  quelques  autres.  M, 
l'Abbé  du  Bos  difeute  ici  fort  au 
long  les  avantages  &  les  inconve- 
niensd'un  partage  de  cette  nature  : 
fur  quoi  il  faut  le  confulter.  Il  ob- 
ferve  encore ,  que  bien  que  ces  4 


JUILLE 

Royaumes  fuflenr  plutôt  les  Mem- 
bres d'une  même  Monarchie  ,  que 
4  Monarchies  différentes  &  étran- 
gères l'une  à  l'égard  de  l'autrrc  ,  il 
n'y  avoit  cependant  aucune  fubor- 
dination  entre  les  4  fils  de  Clovis , 
chacun  d'eux  régnant  à  fon  gré  fur 
les  Citez  comprifes  dans  fon  par- 
tage. 11  préfume  auffi  que  Clotilde, 
pendant  la  minorité  des  trois  Prin- 
ces fes  fils  j  aura  gouverné  leurs 
Etats  :  &  il  rapporte  quelques  éve- 
nemens  arrivés  dans  les  Gaules  les 
premières  années  du  règne  de  ces 
Princes  ;   tels  que  quelques  Citez 
que  recouvrèrent  alors  les  Vifigots 
iur  les  Francs ,  &  la  defeente  que 
firent  les  Danois  fur  la  Cote  d'un 
Canton  appartenant  au  Roi  Thier- 
ry ,  qu'ils  ravagèrent  &  pillèrent , 
mais  fur  lefquels  l'armée  de  ce  Roi 
Se  fa  flotte  venues  promptement  au 
fecours  du  Pays  ,  reprirent  tout , 
après  avoir  taillé  en  pièces  ces  Bar- 
bares tant  fur  terre  que  fur  mer. 

Delà  notre  Auteur  paffe  au  récit 
de  trois  évenemens  arrivés  fous  le 
règne  des  Succeffeurs  de  Clovis 
fufqu'à  l'année  540.  £:  qui  font  la 
conquête  de  la  Turinge  ,  celle  du 
Royaume  des  Bourguignons ,  & 
l'acquifition  de  toutes  les  Contrées 
que  les  Oftrogots  tenoient  dans  la 
Germanie  &  dans  les  Gaules ,  faite  . 
en  vertu  de  la  cefllon  de  ces  Bar- 
bares. Il  fait  de  chacune  de  cesac- 
quifitions  une  Hiftoirc  particulière, 
dont  il  promet  de  ne  point  inter- 
rompre la  narration  en  y  mêlant 
celle  de  quelques-uns  des  faits  ap- 
partenans  aux  deux  autres  ;  &  cela 
«*ns  la  vûë  d'en  donner  une  idée 


T  ,    r  7  j  4;  4q7 

plus  diftinde  ,  &  à  caufe  de  l'incer- 
titude des  dates. 

Les  Francs  firent  deux  expédi- 
tions contre  les  Turingiens.  Dans 
la  première  ,  Thierry  s'étant  ligué 
vers  l'année  $ré\  avec  Hcrman- 
froi  l'un  des  Rois  de  Turinge  con- 
tre Baderic  frère  de  celui-ci  ;  ces 
deux  Princes  après  avoir  défait  & 
tué  Baderic  ,  dévoient ,  en  vertu 
de  leur  Traité ,  partager  également 
entr'eux  les  Etats  du  défunt.  Mais 
Hcrmanfroi  ne  tint  point  fa  parole. 
Pour  fc  yanger  de  l'inexécution  de 
ce  Traité  &  des  cruautez  inouié's 
exercées  par  les  Turingiens  fur  les 
Francs  d'au  delà  du  Rhin  ,  fous  le 
règne  de  Clovis,  Thierry  plufieurs 
années  après,  c'efl:-à-dire  en  529. 
ayant  engagé  Clotaire  fon  frère 
dans  fa  querelle  ,  ils  marchèrent 
contre  Hermanfroi ,  le  défirent  en 
deux  batailles  ,  &  le  tuèrent  en 
trahifon;  après  quoi  tout  le  Royau- 
me des  Turingiens  fe  fournit  à 
eux. 

Tandis  que  Thierri  achevoit/a 
conquête  de  la  Turinge  ,  le  bruit 
de  fa  mort  s'étant  répandu  en  Au- 
vergne ,  Chiidebert  fon  frère  y  ac- 
courut auflî-tôtpour  s'emparer  de 
cette  Cité.  Mais  ayant  appris  que 
Thierri  revenoit  violoneux  ,  il  éva-  ' 
cua l'Auvergne,  &  paffa  en  Efpa- 
gne  pour  délivrer  leur  feeur  Clo. 
tilde  femme  d'Amalaric  Roi  des 
Vifigots  ,  de  la  tyrannie  de  ce 
Prince  Arien  ,  qui  en  haine  de  la 
Religion  Catholique,  qu'elle pro- 
feflbit ,  lui  faifoit  les  plus  mauvais 
traitemens.  Dans  cette  guerre  A- 
malaric  fut  tué  par  fes  propres  SoJ- 

Gggy 


4o3        JOURNAL    DE 

dats  foule  vés  contre  lui,  &c  Chil- 
debert  fit  un  riche  butin  :  mais  au 
retour  de  cette  expédition  il  perdit 
fa  feeur  qui  mourut  dans  le  voya- 
ge. M.  l'Abbé  du  Bos ,  après  cette 
digreflion  au  fujet  des  Vifigots ,  re- 
vient au  fécond  article  de  fon  prin- 
cipal fujet ,  qui  efl:  la  guerre  àes 
Francs  contre  les  Bourguignons. 

Sigifmond  ,  bon  Catholique  , 
avoit  fuccedé  à  fon  père  Gonde- 
baud  Roi  des  Bourguignons ,  mort 
Arien.  L'Auteur  rapporte  ici  quel- 
ques Lettres  de  Sigifmond  écrites  à 
l'Empereur  Anaftafe ,  &  qui  font 
foi  que  les  Rois  Barbares  qui  re- 
gnoient  dans  les  Gaules  ,  recon- 
noifloient  que  les  Provinces  qu'ils 
avoient  occupées,  ne  laifToient  pas 
d'être  toujours  une  portion  du  ter- 
ritoire de  la  Monarchie  Romaine. 
Sigifmond  ayant  fait  périr  injuste- 
ment en  512.  fon  fils  Sigeric  ,  qu'il 
avoit  eu  de  fon  premier  mariage 
avec  la  fille  deThéodoric  Roi  des 
Oftrogots  ,  avoit  fort  indifpofé 
contre  -lui  fon  beau  père.  Ainfi  la 
«onjon<5ture  étoit  des  plus  favora- 
bles pour  attaquer  le  Roi  des  Bour- 
'guignons.  Clotilde  en  profita  pour 
exécuter  par  le  moyen  actes  fils  la 
vengeance  qu'elle  méditoit  depuis 
près  de  40  ans  contre  le  Roi  Gon- 
debaud  Se  contre  la  pofteritédece 
Prince  ,  lequel  avoit  fait  mourir 
cruellement  le  père,  la  mère  &  les 
frères  de  cette  Princefle.  Ses  trois 
fils  2  à  fa  follicitation  ,  prirent 
donc  les  armes ,  marchèrent  con- 
tre Sigifmond  ,  le  défirent  dans 
une  bataille  ,  le  prirent  prifonnier 
5c  s'emparèrent  de  Ces  Etats ,  après 


S    SÇAVANS, 

quoi  ils  le  jetterent  dans  un  puits 
ainfi  que  fa  femme  &  fes  enfans. 
Mais  les  Bourguignons  en  524.  fe- 
couerent  le  joug  des  Francs  aufli- 
tôt  après  la  retraite  de  ceux-ci ,  pro- 
clamèrent Roi  Godemar  frere  de 
Sigifmond  ,  &  pour  obtenir  du  fe- 
cours  de  Théodoric  ,  ils  lui  cédè- 
rent 4  Citez  dans  les  Gaules  ;  com- 
me le  prouve  ici  notre  Auteur.  Les 
Rois  des  Francs  revinrent  à  la 
charge  fur  les  Bourguignons  ,  8C 
les  battirent  à  la  journée  de  Véfe- 
ronce  ,  proche  de  la  Ville  de  Bel- 
lai  -,  m*is  Clodomire  y  fut  tué  ,  en 
pourfuivant  trop  chaudement  les 
fuyards.  Godemar  profitant  du  dé- 
couragement où  la  mort  de  Clo- 
domire avoit  jette  les  Francs,  fit  la 
paix  avec  eux  &  recouvra  fes  Etats. 
Clodomire  avoit  lailTé  trois  fiîs 
en  minorité  qui  étoient  élevés  fous 
la  tutelle  de  Clotilde  leur  ayeule  , 
en  attendant  qu'ils  fulTent  en  âge 
de  partager  entr'eux  le  Royaume 
de  leur  père.  Childcbert  &  Clotaire 
leurs  oncles  (  en  550.  )  tentés  de 
s'approprier  cet  héritage  ,  s'étant 
rendus  maîtres  de  la  deftinée  de  ces 
petits  Princes  en  les  tirant  des 
mains  de  Clotilde,  fous  prétexte 
de  les  faire  proclamer  Rois  ,  en- 
voyereat  à  cette  Princefle  une  paire 
de  cifeaux  &  une  épée  nue  ,  lui 
faifant  demander  Ci  elle  fouhaitoit 
qu'on  les  laiflat  vivre  ,  après  leur 
avoir  fait  couper  les  cheveux  ,  ou 
fi  elle  aimoit  mieux  qu'on  les  fît 
mourir  ?  Clotilde  qu'une  pareille 
alternative  mettoit  hors  d'elle- 
même  ,  répondit  brufquemcnt  & 
hns  aucune  réflexion ,  j'aime  mieux 


JUILL 

voir  mes  petits  fils  poignardés  ,  que  de 
les  voir  tondus  &  déchus  de  la  Cou- 
ronne :  qu'ils  meurent  oit  qu'ils  ré- 
gnent. Les  deux  oncles  la  prirent  au 
mot ,  tuèrent  les  deux  aînés  &  fi- 
rent égorger  leurs  Gouverneurs, 
On  trouva  moyen  de  tirer  le  plus 
jeune  nommé  Clodoalde  du  Palais 
de  Childebert ,  où  s'étoit  pafle  cet- 
te fanglantecataftrophe. 

Vers  l'année  552.  &  8  ans  après 
la  dernière  paix  ,  les  Rois  Francs 
«commencèrent  la  guerre  contre 
les  Bourguignons ,  firent  le  Siège 
d'Autun,  reduiûrcnt  Godemaràfc 
iàuver ,  &  fe  rendirent  maîtres  de 
fon  Royaume  vers  l'an  534.  L'Au- 
teur ,  dans  ce  même  Chapitre  ,  fait 
l'Hiftoire  de  Mundéric  ,  qui  pré- 
tendoit  être  de  la  Maifon  Royale 
des  Francs  ,  &  celle  d'un  Romain 
devenu  efclave  du  Roi  Thierri^qui 
mourut  cette  même  année  ,  avant 
l'entière  conquête  duRoyaume  des 
Bourguignons.  Son  fils  Théodc- 
bert  lui  fucceda. 

Dans  le  Chapitre  fuivant  (  ix.  ) 
M.  l'Abbé  du  Bos  raconte  la  der- 
nière des  trois  grandes  acquisitions 
faites  par  les  enfans  de  Clovis  ,  $c 
qui  eft  celle  des  Pays  que  les  Oftro- 
gots tenoient  dans  les  Gaules  Se 
dans  la  Germanie  ;  &  que  les  trou- 
bles qui  fuivirent  la  mort  d'Atha- 
laric  Roi  de  ces  derniers  &  Succef- 
feur  deThéodoiic  ,  livrèrent  aux 
Francs.  L'Auteur ,  pour  nous  met- 
tre mieux  au  fait  de  cette  révolu- 
tion , .  nous  donne  un  récit  abrégé 
delà  conquête  que  l'Empereur  Ju>- 
ftinien  fit  de  la  Province  d'Afri- 
que en  fubjuguant  lesYandales^qul 


E  T,     1754:  40$ 

l'avoient  envahie.  Il  met  enfuitc 
fous  nos  yeux  la  décadence  du 
Royaume  des  Oftrogots  en  Italie  , 
fous  les  SucceiTeurs  du  Grand- 
Thcodoric  ;  décadence  qui  déter- 
mina Juftinien  à  recouvrer  auiîî 
cette  grande  Province  ,  comme  il 
avoit  recouvré  l'Afrique.  Ce  fut 
alors  qu'il  négotia  un  premier 
Traité  avec  les  Rois  Francs  ,  par 
lequel  il  obligeoit  ces  Princes  à  ne 
le  point  traverfer  dans  la  conquête 
de  l'Italie  fur  les  Oftrogots  ;  à  l'y 
fervir  ,  au  contraire ,  moyennant 
un  prefent  qu'il  leur  faifoit  en  ar- 
gent comptant ,  &  un  fubfide  con- 
fiderable  qu'il  leur  promettoit 
dès  qu'ils  auroient  commencé  la 
guerre. 

Les  premiers  fuccès  de3élifairc 
Général  de  Juftinien  en  Italie  fu- 
rent fi  heureux  ,  qu'ils  mirent  Viti- 
gès  Roi  des  Oftrogots  dans  la  ne- 
celîîté  de  mandier  contre  les  Ro- 
mains le  fecours  des  Francs  &  de 
faire  avec  eux  un  Traité  ,  en  537. 
par  lequel  il  leur  cedoit  tout  ce 
que  les  Oftrogots  polTedoient  en- 
core dans  les  Gaules  ou  dans  la  Ger- 
manie ,  avec  tous  leurs  droits  fur 
ces  deux  Provinces  en  qualité  de 
Seigneurs  de  Rome  ,  y  ajoutant  de 
plus  20  mille  fols  d'or  en  argent 
comptant ,  à  condition  qu'ils  com- 
battaient pour  les  Oftrogots. 
Ceux-ci  exécutèrent  de  bonne  foi 
les  articles  du  Traité  5  mais  les 
Francs  à  caufe  de  leurs  engagement 
antérieurs  avec  Juftinien  ,  s'excu- 
ferent  de  marcher  en  perfonne,& 
fe  contentèrent  d  envoyer  à  Vitt- 
gès  des  troupos  levées  parmi  les 


*ïo  JOURNAL    DES    SÇAVANS, 

Nations  qu'ils  avoient  fubjuguces.      pour   abréger  d'indiquer  ici  pîu 


En  533.  les  Oftrogots  à  l'aide  de 
10  mille  Bourguignons  fournis 
fecrettement,&:  en  même  tems  dé- 
favoiiés  par  Théodebcrt  Roi  des 
Francs  ,  reprirent  Milan  fur.  les 
Romains.  Mais  Théodebert  l'année 
fuivante  (  539.  )  defeendit  lui- 
même  en  Italie  ,  s'y  empara  de  la 
Ligurie  ,  &  pénétra  même  dans  le 
Plaifantin  ,  où  ton  armée  eut  beau- 
coup à  fouffrir. 

L'Auteur  prétend  que  ce  fut  en- 
tre cette  première  expédition  des 
Francs  en  Italie,&  celle  de  547.que 
Juftinien  perfuadé  qu'il  ne  foûmet- 
troit  jamais  les  Oftrogots  tant 
qu'il  auroit  la  guerre  contre  les 
Francs ,  fit  un  fécond  Traité  avec 
ceux-ci,par  lequel  non  feulement  il 
leur  confirmoit  h  ceilion  que  leur 
avoient  déjà  faite  les  Oftrogots  , 
mais  il  leur  aecordoit  par  un  Di- 
plôme expédié  en  bonne  forme  la 
poftelïion  fouveraine  &  permanen- 
te de  toutes  les  Gaules  (ditProco- 
pe  )  en  forte  que  deflors  ils  devin- 
rent Souverains  de  Marfeille  ,  des 
Citez  adjacentes,  6i  maîtres  delà 
mer  qui  baigne  cette  côte  ;  ils  don- 
nèrent dans  Arles  des  Jeux  à  la 
Troyenne  ,  comme  faifoient  les 
Romains  ,  &  firent  frapper  des 
monnoyes  d'or  marquées  de  leur 
effigie.  Cette  cefiion  ou  confirma- 
tion de  Juftinien  (  obferve  l'Au- 
teur )  autorifoit  les  Francs  à  exiger 
des  Romains  de  cette  grande  Pro- 
vince un  ferment  de  fidélité  abfolu 
&  fans  aucune  referve  ,  ce  qu'ils 
n'avoient  pu  leur  demander  ,  juf- 
qu'alors.  Nous  nous  contenterons 


fleurs  Obfervations  de  M.  l'Abbé 
du  Bos  fur  divers  articles  du  pafta- 
ge  de  Procope  concernant  ce  fé- 
cond Traite  de  l'Empereur  avec  les 
Francs  ;  feavoir ,  i°.  fur  les  Jeux  à 
la  Troyenne  donnés  dans  Arles; 
i°.  Sur  les  efpeccs  d'or  fabriquées 
par  les  Rois  Francs  -,  30.  Sur  ce  que 
l'Hiftorien  Grec  entend  dans  cet 
endroit  par  le  Roi  de  Perfes  ;  40. 
Sur  les  14  monnoyes  d'or  des  Rois 
Vifigots.  Nous  renvoyons  fur  tous 
cçs  points  à  l'Auteur  même. 

Il  termine  fon  cinquième  Livre 
par  quelque  détail  fur  l'exécution 
du  fécond  Traité  dont  il  s'agit. 
Quoique  prefquc  tous  les  Ro- 
mains des  Gaules  remifes  par  les 
Oftrogots  aux  Francs  duftent  paf- 
fer  volontiers  fous  la  domination 
de  ces  derniers  qui  étoient  Catho- 
liques ;  il  y  en  eut  cependant  qui 
par  des  motifs  particuliers  ne  vi- 
rent point  avec  joye  les  Francs  maî- 
tres de  ces  Pays  cédés  par  les  Oftro- 
gots ,  Se  qui  le  témoignèrent  dans 
l'occafion.  En  confequence  duTrai- 
té  dont  il  eft  queftion  ,  Juftinien 
s'abftint  de  nommer  des  Préfets  du 
Prétoire  des  Gaules ,  quoiqu'il  fe 
portât  en  Italie  y  comme  étant  aux 
droits  des  Empereurs  d'Occident  : 
fur  quoi  notre  Auteur  réfute  le  P. 
Laearry  ,  qui  eft  d'avis  contraire. 
Le  fécond  Traité  des  Francs  avec 
Juftinien  ne  fut  pis  plus  durable 
que  le  précèdent ,  fans  qu'on  puif- 
fe  fçavoir  qui  le  viola  le  premier. 
Peu  d'années  après  le  fécond  Trai- 
té ,  Théodebert  envoya  en  Italie 
contre  l'Empereur  une  armée  corn- 


J  U  I  L  L 

mandée  par  Buccellin  ;  &  après  la 
mort  de  ce  Prince,fon  fils  Théode- 
bald  y  fit  encore  la  guerre  contre 
les  Romains  d'Orient. 

M.  L'Abbé  du  Bos  finit  la  par- 
tie hillorique  de  cet  Ouvrage  par 
ces  deux  Obfer  varions  :  i°.  Que 
les  Traitez  faits  entre  nos  Rois  & 
les  Empereurs  d'Orient ,  pofterieu- 
rement  aux  2  expéditions  deThéo- 
debert  &:  de  Théodebald  en  Italie  , 
ayant  rétabli  la  paix  entre  les  deux 
PuilTances  &  remis  en  vigueur  les 
articles  eiTenticls  du  fécond  Traité, 
les  Romains  de  ConPcantinople  ne 
fe  portèrent  plus  pour  Seigneurs 
Suzerains  des  Gaules,  Se  ceflerent 
d'y  exercer  ouvertement  tous  actes 
de  Souveraineté  ;  i°.  Que  la  Mo- 
narchie ,  dont  le  Fondateur  a  pla- 
cé le  trône  dans  Paris  ,  a  non  feu- 
lement comme  les  autres  Monar- 
chies ,  fur  les  Contrées  de  fa  dé- 
pendance ,  le  droit  acquis  par  la 
foûmiflîon  des  anciens  habitans,  &c 
par  la  prefeription  ;  mais  encore 
un  droit  particulier  à  elle  feule  , 
qui  eft  la  ceflîon  authentique  à  elle 
faite  de  ces  Contrées  par  l'Empire 
Romain,  [qui  depuis  près  de  iîx  fic- 
elés ,  les  pofTedoit  à  titre  de  con- 
quête, ]  &  par  un  des  SuccefTeurs 
de  Jules  -  Céfar  &  d'Augulte  ;  en 
forte  que  la  Monarchie  Françoife 
eft  le  feul  de  tous  les  Etats  fubG- 
ftans  qui  puifie  fe  vanter  de  teniï 
fes  droits  immédiatement  de  l'an- 
cien Empire  Romain;  prétention 
que  ne  peut  avoir  l'Empire  moder- 
ne ou  d'Allemagne  ,  ainfi  que  le 
montre  notre  Hiftorien,  par  les  té- 
moignages des    Auteurs  les  plus 


E  T,  1734.  4II 

graves  qui  ont  écrit  furie  droit  pu- 
blic de  cette  Nation. 

VI.  Nous  voici  enfin  arrivés  au 
fixiéme  ëc  dernier  Livre  de  cet 
Ouvrage  ,  où  l'Auteur  difeonti- 
nuant  l'Hiftoire  de  la  Monarchie 
Françoife,  expofe  ,  autant  qu'il  eft 
polîïble  ,  quelle  en  fut  la  forme  &C 
h  conftitution  fous  le  règne  de 
Clovis  &  fous  celui  de  fes  premiers 
SuccefTeurs. 

Il  nous  donne  d'abord  une  idée 
générale  de  l'état  des  Gaules ,  du- 
rant le  fixiéme  fiécle  &  les  trois  fic- 
elés fuivans  :  &  cette  idée  doit  rc- 
fulter  de  l'aiTemblage  &  de  l'arran- 
gement le  plus  méthodique  de 
tous  les  partages  concernant  cette 
matière  fournis  par  les  Auteurs 
contemporains ,  ou  éclaircis  par 
les  MoRumens  Littéraires  des 
tems  pofterieurs.  Delà  il  paroît , 
en  premier  lieu  ,  que  la  divifion 
des  Gaules  en  17  Provinces  ,  ceffa 
d'être  en  ufage  dans  l'ordre  politi- 
que ,  &  ne  fe  conferva  que  dans 
l'Ecclefiaftique  ;  où  les  17  Arche- 
vêques exercèrent  toujours  fur 
leurs  Suffragans  le  même  pouvoir 
qui  leur  appartenoit  au  tems  des 
Empereurs.  Cette  confufion  des 
anciennes  Provinces  ,  quant  au  po- 
litique ,  fut ,  fans  doute  ,  l'effet  du 
partage  des  Gaules  entre  les  enfans 
de  Clovis  ;  partage  ,  qui  divifoit 
la  même  Province  entre  plusieurs 
Rois.  D'ailleurs  ces  Princes  ayant 
choifi  pourCapitales  de  leurs  Erats, 
non  des  Villes  Métropoles,  mais 
de  fimples  Citez  ,  telles  que  Metz, 
Orléans,  Paris,  SoifTons  ;  ces  der- 
nières Villes  eurent  bien-tôt  acquis 


4i2  JOURNAL   D 

une  efpece  de  fupériorité  &  d'Em- 
pire fur  les  autres  de  ces  mêmes 
Etats ,  ce  qui  aura  beaucoup  con- 
tribué ,  dit  l'Auteur ,  à  intervertir 
l'ordre  ancien.  Mais  la  fubdivifion 
des  Gaules  en  plufieurs  Citez  con- 
tinua d'avoir  lieu  ,  tant  pour  le 
gouvernement  civil  que  pour  l'Ec- 
elefiaflique. 

Les  habitans  des  Gaules  étoient 
alors  compofés  de  Nations  diffé- 
rentes ,  mêlées  enfemble ,  fans  être 
confondues  ,  diftincles  les  unes  des 
autres  par  les  mœurs  ,  par  les  ha- 
bits ,  par  la  langue ,  &  fur-tout  par 
les  Loix  :  d'où  il  airivoit,  Que  ces 
habitans  étoient  Compatriotes  , 
fans  être  pour  cela  concitoyens  ;  8c 
regnicoles ,  fans  être  de  la  même 
Nation  :  Que  c'étoitla  filiation  & 
non  pas  le  lieu  de  la  naiiTance ,  qui 
décidoit  de  quelle  Nation  l'on  de- 
voit  être  :  que  le  mot  de  Nation  &c 
celui  de  Peuple  fignifioient  alors 
deux  chofes  différentes  ;  le  premier 
une  Société  compofee  d'un  certain 
nombre  de  Citoyens ,  &  cjui  avoit 
fes  mœurs ,  fes  ufages  &  même  fa 
loi  particulière  ;  le  fécond  ,  l'af- 
femblage  de  toutes  les  diverfes 
Nations  qui  habitoient  fur  le  terri  - 
toire  d'une  même  Monarchie.  Cha- 
cune de  cesNations  étoit  divifée  en 
hommes  libres  &  en  efclaves  ;  de 
telle  forte  qu'un  homme  libre  de- 
venu efclave  ,  l'étoit  de  la  Nation 
ou  de  fon  créancier  ,  ou  de  celui 
qui  l'avoit  fait  fon  prifonnier  de 
guerre-,  tandis  que  d'un  autre  côté, 
fuivant  le  droit  commun ,  l'efclave 
affranchi  étoit  réputé  de  la  Nation 
du  maître  qui  l'avoit  mis  en  liber- 


ES  SÇAVANS, 

té.  Ce  que  l'Auteur  juftifie  par  di- 
vers partages  de  la  Loi  Ripuaire  , 
lefquels ,  ainfi  que  ceux  de  diffe- 
rens  autres  Codes  Nationaux  ,  qui 
nous  retient  encore  aujourd'hui  4 
font  foi ,  que  les  fix  ou  fept  Na- 
tions ,  qui  fous  les  deux  premières 
Races  de  nos  Rois ,  habitoient  les 
Gaules,  avoient chacune  leur  Loi 
nationale  ,  fuivant  laquelle  tous 
les  particuliers  de  cette  Nation-là 
dévoient  être  jugés.  C'eft  ce  que 
fenible  confirmer  encore  un  article 
du  ferment  prêté  par  le  Roi  Char- 
les le  Chauve ,  avant  fon  inaugu- 
ration. 

L'Auteur  obferve  ici  que  le 
corps  de  droit  civil  ,  félon  lequel 
tout  le  peuple  des  Gaules  étoit 
gouverné  ,  &  qui  comprenoit  avec 
le  Code  Théodofien  les  Codes  na- 
tionaux des  Barbares  ,  s'appelloit 
collectivement  Lex  Mundana  ,  ou 
la  Loi  du  Monde  t  par  oppofition, 
au  Droit  Canonique  confacré  aux 
affaires  Ecclefiaftiques.  Du  refte  , 
pour  nous  faire  paroître  moins  ex- 
traordinaire cette  divifion  du  peu- 
ple d'une  Monarchie  en  plufieurs 
Nations  diftinctes ,  l'Auteur  en  al- 
lègue des  exemples  qui  font  actuel- 
lement fous  nos  yeux  ;  tels  que  ce- 
lui des  Anglois  établis  en  Irlande  , 
des  Turcs  maîtres  de  la  Grèce  ,  des 
Arméniens ,  des  Juifs ,  des  Egyp- 
tiens ,  des  Syriens ,  habitués  en 
Turquie  ,  &c.  dont  la  diftinction 
fe  perpétue  peur  le  moins  autant 
par  la  différence  de  leurs  loix  na- 
tionales ,  que  par  celle  de  leurs 
Religions. 
L'Auteur  fait  voir  enfuite,  que  la 
Royius* 


J  U  I  L  L 

Royauté  ou  le  pouvoir  de  Clovis  Se 
celui  de  fes  SuccefTems  confifloicnt 
çn  ce  que  ces  Princes  étoient  non 
feulement  Rois  des  Francs ,  mais 
de  plus  Rois  ou  Chers  fuprêmes  de 
chacune  des  Nations  qui  compo- 
foient  le  peuple  de  leur  Monarchie: 
ainfï  Théodebert  étoit  Roi  des 
Francs ,  Roi  des  Bourguignons  , 
Roi  des  Allemands  _,  Roi  des  Ro- 
mains ,  en  un  mot ,  Roi  de  chacu- 
ne des  Nations  établies  dans  fon 
partage.  Nous  avons  aujourd'hui 
quelques  exemples  femblables  de 
plusieurs  Etats  indépendans  les  uns 
des  autres,  quoique  réunis  fous  lin 
feul  &  même  Chef  politique.  Or 
comme  une  telle  réunion  d'Etats 
indépendans  ne  les  incorpore 
point ,  il  en  étoit  de  même  fous 
nos  Rois  delà  première  Race. 

Comme  la  Monarchie  Françoife 
étoit  héréditaire  dès  fon  origine  , 
l'Auteur  s'efforce  d'expliquer  com- 
ment cetteLoi  s'y  eitétablie,c\:quels 
en  pouvoient  être  les  articles.  Cet 
établiffement  paroît  être  auflî  an- 
cien que  la  divihon  des  Francs  de  la 
Germanie  en  leurs  différentes  Tri- 
bus ,  dont  les  diverfes  Couron- 
nes étoient  héréditaires ,  du  moins 
en  ligne  directe  ;  &c  les  preuves 
ou'en  apporte  M.  l'Abbé  du  Bos 
femblent  d'autant  plus  décifîves, 
qu'elles  empruntent  une  nouvelle 
force  de  l'ufage  obfervé  dans  la 
Monarchie  depuis  la  mort  de  Clo- 
vis ,  &  qu'elles  ne  fe  trouvent 
contredites  par  aucuns  monumens 
de  notre  HiÈoirc.  La  Couronne  de 
Clovis  formée  de  celles  de  toutes 
les  Tribus  des  Francs  ,  lefquelles 
Juillet. 


E  T,    1734;  415 

étoient  héréditaires  avant  cette  réu- 
nion ,  étoit  donc  aulîî  héréditaire. 
11  eit  vrai  qu'à  toutes  .ces  Couron- 
nes fe  joignoit  encore  le  pouvoir 
Confulaire  ,  qui  rendoit  Clovis 
Chef  des  Romains  des  Gaules  -,  & 
que  cette  Magiftrature  n'étoit 
qu'annuelle.  Mais  (  ajoute  notre 
Auteur  )  il  eft  fort  vraifemblable 
que  l'Empereur  Analtafe  avoit 
conféré  à  Clovis  la  puiffance  Con- 
fulaire pour  un  tems  indéfini  ;  con- 
jecture qu'on  appuyé  ici  de  quel- 
ques exemples  de  même  efpece  ,  & 
fuivant  laquelle  les  enfansde  Clo- 
vis auroient  eu  droit  de  fucceder 
au  pouvoir  Confulaire,  ainfi  qu'à 
la  Couronne  de  leur  père.  Mais 
quoiqu'il  en  foit  de  cette  fuppofi- 
tion  hazardée  ,  la  ceffion  des  Gau-; 
les  faite  aux  Rois  Francs  par  l'Em- 
pereur Juftinien  termina  pleine- 
ment la  queftion  ;  &  le  droit  dç 
fouveraineté  fur  les  Romains  des 
Gaules  fut  abfolument  réuni  à  la 
Couronne  des  Francs.  Elle  fut  cer- 
tainement héréditaire  du  moins 
pour  les  fuccefleurs  de  Clovis ,  8C 
nullement  élective  ,  comme  le 
prouve  évidemment  l'Auteur  par 
une  foule  de  témoignages  hiftori- 
ques ,  lefquels  on  peut  voir  chex 
lui. 

Delà  il  paffe  à  l'exhérédation 
des  filles -,  autre  article  de  la  Loi  de 
fucceffion  en  ufage  dès  l'origine  de 
la  Monarchie.  A  ia  vérité  cette  Loi 
ne  fe  trouve  nulle  part  &  n'a  peut- 
être  jamais  été  rédigée  par  écrit. 
Mais  en  pareil  cas ,  un  ufage  con- 
fiant &  auquel  on  n'a  jamais  déro- 
ge fufEt  pour  prouver  l'exiftencc 
Hhh 


4i4  JOURNAL  D 

delà  Loi  qu'il  fuppofc.  Or  les  filles 
de  nos  Rois  morts  dans  le  fixiéme 
fiécle,  loin  de  partager  avec  leurs 
frères  la  Monarchie  ,  quoiqu'alors 
divifible  ,  ont  été  toujours  exclues 
du  trône  ,  quoiqu'elles  fuftent  la 
feule  pofterité  de  leurs  pères.  C'eft 
un  fait  fuffifamment  conftaté  pat 
toute  notre  Hiftoire  ,  &c  fur  lequel 
il  ne  doit  refter  aucun  doute.  Ce 
qui  n'empêche  pas  que  l'Auteur  , 
par  le  feul  motif  de  curiofité ,  n'e- 
xamine s'il  eft  vrai  j  que  fuivant 
l'opinion  commune ,  le  Texte  des 
Loix  Saliques  contienne  véritable- 
ment l'article  de  notre  Loi  de  fuc- 
ceffion ,  en  vertu  duquel  les  femel- 
les jufqu'à  prefent  ont  été  toujours 
exclues  de  la  Couronne.  Il  rapporte 
ici  cet  article ,  &  y  fait  un  fçavant 
Commentaire  ,  qu'il  faut  lire  chez 
lui.  On  y  verra  l'Hiftoire  du  diffe- 
rent  pour  la  fucceffion  au  Royau- 
me de  France  entre  Philippe  de  Va- 
lois &c  le  Roi  d'Angleterre  E- 
douard  III.  dans  lequel  on  ne  man- 
qua pas  d'alléguer  de  part  &  d'au- 
tre l'article  de  la  Loi  Salique  diffé- 
remment expliqué  par  les  conten- 
dans  :  &c  notre  Auteur  obferve 
qu'on  n'a  jamais  révoqué  en  doute, 
avant  les  tems  de  la  ligue  ,  que  cet 
article  fût  applicable  à  la  Couron- 
ne. 

A  l'égard  de  l'article  de  notre 
Loi  de  fucceffion  qui  rend  la  Cou- 
ronne indivifïble  ,  il  n'a  été  mis  en 
vigueur  que  fous  les  Rois  de  la 
troifiéme  Race.  C'eft  le  tems  [  dit 
M.  l'Abbé  du  Bos  ]  c'eft  l'expé- 
rience 't  c'eft  le  Chriftianifmc  fur- 
îouc  ,  qui  ont  porté  les  lois  de 


ES  SÇAVANS, 

fucceffion  jufqu'au  point  de  perfec- 
tion qu'elles  ont  atteint  dans  les 
Monarchies  héréditaires  de  la  Chré- 
tienté ,  au  moyen  de  quoi  elles 
préviennent  tant  de  maux  :  &  il 
n'eft  point  furprennant  que  ces 
loix  dans  le  fixiéme  fiécle  fufTent 
encore  imparfaites ,  puifque  l'Em- 
pire Romain,  la  mieux  réglée  pour 
lors  de  toutes  les  Monarchies ,  n'a- 
voit  point  lui-même  une  loi  de  fuc- 
ceffion bien  établie  ,  lorfqu'il  finit 
en  Occident  ;  ce  que  l'Auteur 
montre  par  quantité  d'exemples. 

Il  nous  parle ,  après  cela  ,  de  la 
diyifion  la  plus  ordinaire  des  fujets 
regnicoles  de  la  Monarchie  Fran- 
çoife  ,  fous  les  deux  premières  Ra- 
ces de  nos  Rois.  Cette  divifion  fc 
faifoit  en  Romains  &  en  Barbares 
ou  Chevelus.  Les  Romains  étoient 
les  anciens  habitans  établis  dans 
les  Gaules  avant  l'invafiondes  Peu- 
ple du  Nord.  Les  Barbares  étoient 
ces  derniers  que  leur  longue  che- 
velure diftinguoit  des  premiers. 
Dans  le  fixiéme  fiécle  &  dans 
le  feptiéme  le  nom  de  Barbare  n'a- 
voit  rien  d'odieux  puifque  ces 
étrangers  eux-mêmes  fe  le  don- 
noient  comme  un  nom  devenu  il- 
luftre.  L'Auteur  trouve  encore  une 
autre  divifion  des  fujets  de  notre 
Monarchie  en  Francs  ev  en  Neuftra- 
fîens  ou  Nations  Occidentales ,  qui 
comprenoient  les  Romains  ,  les 
Bourguignons  ,  les  Vifigots ,  &c. 

L'Auteur  vient  enfuite  à  ce  qui 
concerne  la  conftitution  du  gou- 
vernement des  Nations  différentes 
comprifes  dans  la  Monarchie  des 
Francs  ,  &  il  commence  par  ces 


J  U  î  L  L 

derniers.  Ils  fe  gouvemoient  fclon 
deux  Loix ,  la  Salique  &c  la  Ripuai- 
re.  La  plus  ancienne  rédaction  que 
nous  ayons  de  la  première  eft  due  à 
Clovis.  On  croit  que  la  féconde  a 
été  rédigée  par  Thierry  fon  fils.  La 
première  divifion  de  la  Nation 
parmi  les  Francs  comme  parmi 
toutes  les  Nations  contempo- 
raines étoit  celle  qui  la  parta- 
geoir  en  hommes  libres  c>:  en  efcla- 
ves.  La  fervitude  de  ceux-ci  croit 
de  divers  genres;  &C  notre  Auteur 
en  fpecifie  jufqu'à  cinq.  En  général 
[  dit  -  il  ]  le  nombre  des  efclaves , 
lors  de  l'établilTement  des  Francs 
dans  les  Gaules  ,  étoit  beaucoup 
plus  grand  parmi  toutes  les  Na- 
tions que  le  nombre  des  Citoyens  : 
&  fous  nos  premiersRois  de  la  troi- 
fiéme  Race ,  les  deux  tiers  des  ha- 
bitans  de  la  France  étoient  efclaves 
ou  Serfs-,  ce  qui  procedoit  unique- 
ment £  obferve  l'Auteur  ]  de  la 
conftitution  générale  de  toutes  les 
focietés  politiques  d'alors;  &  nulle- 
ment de  la  dureté  des  Francs ,  qui 
eufTent  réduit  les  anciens  habitans 
des  Gaules  dans  une  forte  d'efcla- 
vage.  Il  nous  parle  du  traitement 
que  les  Peuples  Germaniques  fai- 
foient  à  leurs  Serfs  ;  &  il  regarde 
l'introduction  de  cet  efclavage 
germanique  dans  les  Gaules  com- 
me l'origine  de  ce  grand  nombre 
de  chefs  de  famille .  ou  de  perfon- 
nes  domiciliées  dans  un  manoir 
particulier  ,  &c  qu'on  voit  néan- 
moins avoir  été  Serves  de  corps  & 
de  biens  dans  le  feptiéme  fîécle  & 
dans  les  ficelés  fuivans.  La  condi- 
tion de  Serfs  n'interdifoit  point  le 


E  T  ,   î  7J4»  415- 

maniment  des  armes  à  ceux  qui  l'é- 
toient ,  chez  les  Nations  Germani- 
ques :  l'ufage  de  les  conduire  à  la 
guerre  avoit  encore  lieu  fous  nos 
Rois  de  la  troifiéme  Race  ,  &  ces 
Serfs  étoient  admis  juridiquement 
dans  les  combats  en  champ  clos , 
pour  la  décifion  des  procès. 

Quant  aux  Francs  de  condition 
libre,  ils  étoient  tous  Laïques; 
car  l'état  Fccleinltique  les  faifoit 
pafler  dans  la  Nation  Romaine , 
fuivant  le  droit  de  laquelle  ils  é- 
toient  obligés  de  vivre.  Les  Francs 
ne  compofoient  tous  qu'un  feul  8c 
même  ordre  de  Citoyens  ,  dont  les 
Princes  de  la  Maifon  Royale  é- 
toient  feuls  diftingués.  L'Auteur 
prouve  cette  unité  d'ordre  chez  les 
Francs  par  divers  exemples  tirés  des 
Loix  Salique  Se  Ripuaire  ,  par  l'au- 
torité d'Adrien  de  Valois  &  celle 
de  M.  Hertius  fondées  l'une  &C 
l'autre  fur  des  palTages  décififs.  Ii 
obferve  ,  que  bien  que  les  vo- 
leurs &  les  meurtriers  ne  fuitent 
condamnés  par  ces  Loix  qu'à  une 
amende  pécuniaire  ,  ils  ne  laif- 
foient  pas  d'être  punis  de  mort.  Il 
conclut  que  dans  la  Nation  des 
Francs  ,  il  n'y  avoit  aucunes  famil- 
les de  Citoyens ,  qui,  en  qualité 
de  Nobles  &  en  vertu  de  leur  naif- 
fanec  formalTent  un  ordre  public  t 
Se  que  la  conftitution  de  la  Société 
chez  les  Francs  étoit  à  cet  égard  la 
même  ,  qu'elle  eft  encore  aujour- 
d'hui en  Angleterre. 

M.  l'Abbé  du  Bos  ,  après  nous 

avoir  parlé  de  la  Loi  des  Francs, 

nous  entretient  de  ceux  qui  étoient 

prépofés   pour  la  faire   obfcrver. 

Hhhij 


4i6  JOURNAL  D 

Les  Rois  exerçoient  fouvent  les 
fonctions  de  premier  Magittrat. 
immédiatement  fous  eux  étoient 
les  Semeurs  [feniorcs  ]  ou  les  vieil- 
lards ,  qui  étoient  en  même  tems 
ies  principaux  Officiers  du  Roi  , 
tant  pour  le  civil  que  pour  le  mili- 
taire ,  &c  dont  les  Supérieurs  ou 
Préfidens  s'appelioient  Archi-Sé- 
nienrs}  nommés  dans  la  Loi  Salique 
Sagbarones  [  Hommes  d'affaires.  ] 
Une  partie  de  ces  Sénieurs  reftoit 
auprès  du  Roi  ,  pour  lui  lervir  de 
confeil  ,  &  l'autre  envoyée  dans 
les  Provinces  y  gouvernoit  les 
Francs  à  la  tête  d'une  efpece  de  Sé- 
nat compofé  de  ioo  perfonnes 
choifics  par  les  Citoyens  de  chaque 
département ,  &£  nommées  Cente- 
naires. 

'  Les  Francs  avoient  dtux  aflem- 
blées  ;  l'une  appellée  Champ  de 
Mars ,  parce  qu'elle  fe  tenoit  au 
mois  de  ce  nom  ,  &  dans  laquelle 
ils  prenoient ,  fous  la  direction  de 
leur  Prince ,  toutes  les  refolutions 
convenables  au  bien  général  de  la 
Tribu  i  l'autre  nommée  Mallus  ou 
Maïlmn ,  qui  fe  tenoit  par  des 
Officiers  prépofés  à  cet  effet  ,  Se 
qui  alloient  de  Contrée  en  Con- 
trée ,  rendant  la  juftice  dans  tout 
un  Canton.  L'ancien  champ  de 
Mars  fut  aboli  fous  les  SuccefTeurs 
de  Clovis ,  parce  que  les  Etats  dif- 
perfés  ne  comportoient  plus  de  pa- 
reilles affemblées  tous  les  ans  :  &c 
l'on  ne  les  convoqua  plus  que 
pour  des  expéditions  militaires 
importantes.  Les  Tribunaux  infé- 
rieurs à  celui-là  étoient  convoqués 
par  le  Comte  ou  Gouverneur  parti- 


ES   SÇAVÀNS, 

culier  d'une  Cité,  pour  termines 
les  procès  de  petite  confequence  , 
Si  juger  les  autres  en  premier  ref- 
fort. 

Bien  loin  que  les  Francs  ne  fif- 
fent  d'autre  profeffion  que  celle  des 
armes  ,  comme  fe  le  font  figuré 
chimeriquement  certains  Auteurs  \ 
M.  l'Abbé  du  Bos  montre  qu'il  en 
étoit  d'eux  comme  des  Romains  de 
des  autres  Nations  habituées  dans 
les  Gaules  -,  c'eft-à-dire  ,  qu'il  y 
avoit  des  Francs  dans  tous  les  états 
&  dans  toutes  les  conditions  de  la 
Société',  dans  l'état  Ecckfîaftique 
&c  même  dans  l'Epifcppat ,  comme 
un  Le at on ,  un  Genotigerne  &c  d'au- 
tres; dans  les  dignité*  de  Duc  &  de 
Comte ,  où  ils  exerçoient  en  même 
tems  le  pouvoir  civil  &  le  militai- 
re ,  qui  turent  réunis  fous  Clovis 
&  fes  SuccefTeurs  ;  dans  les  Sénats' 
des  Villes  ,  où  ils  exerçoient  les 
fonctions  des  emplois  municipaux  j, 
en  un  mot ,  dans  toutes  les  profef- 
iîons  lucratives.  Que  Léman  &  Ge- 
notigerne fuffent  des  Evêques 
Francs ,  (  obferve  l'Auteur  )  kurs 
noms  feuls  en  font  foi  ,  8c  e'eft 
(  félon  lui  )  une  marque  fûre  pour 
distinguer  les  Romains  d'avec  les 
Barbares.  Il  prévient  encore  une 
objection  qu'on  pourroit  lui  feire 
fur  le  peu  d'aptitude  des  Francs  à, 
exercer  les  emplois  qu'il  leur  fait 
remplir  ,  Se  dont  l'ignorance  du 
Latin  les  rendoit  peu  capables.  Il 
montre  qu'ils  dévoient  tous  enten- 
dre fe  Latin  &  le  parler ,  &  il  ea 
allègue  des  raifons  très-fortes. 

Du   gouvernement  des  Francs 
dans  les  Gaules ,  notre  Auteur  paf- 


JUILLET,    1754:  4I7 

fe  à  celui    des  Bourguignons  qui      à  détruire  le  faux  préjugé  où  l'on 

eft  que  ces  Princes  reduifirent  les 
anciens  habitans  des  Gaules  à  une 
condition  peu  différente  de  la  fer- 
vitude.  Il  obfervc  donc,  i°.Que 
Clovis ,  à  l'exception  du  petit  Etat 
de  Syagrius,  n'a  rien  conquis  par 


étoit  dirigé,  comme  on  l'a  déjà  dit, 
par  la  Loi  Gambette.  Cette  Loi  avoir 
introduit  l'ufage  des  duels  pour  dé- 
couvrir par  l'événement  du  combat 
la  vérité  des  faits  déniés  par  un  ac- 
eufé.  Quelque  pernicieufe  que  foit 


la  morale  d'une  telle  Loi  [  remar-  force  dans  les  Gaules  ;  qu'il  n'y  a 
que  l'Auteur  ]  elle  a  fait  plus  de  fait  toutes  fes  acquittions  que  par 
Sectateurs  que  les  meilleures  Loix  :      voye  de  négociation  ,  &  de  l'aveu 


&leRoiGontran  petit -fils  deClovis 
eft  le  premier  de  nos  Monarques 
qui  ait  ordonné  un  combat  fingu- 
lier  ,  comme  une  procédure  juridi- 
que. Mais  l'Auteur  conjecture  que 
ces  combats  iniques  ne  s'accrédi- 
tèrent parmi  les  Francs  que  fous 
les  derniers  Rois  Carliens.  Au  fur- 
plus  ,  les  Bourguignons ,  ainfi  que 
les  Francs,  avoient  part' aux  prin- 
cipaux emplois  de  la  Monarchie. 

M.  l'Abbé   du   Bos  examine  , 
dans  fon  feptiéme  Chapitre  ,  quel- 


des  Romains  du  Pays  :  20.  Qu'il 
n'eft  pas  vraifembhble  qu'Anaftafc 
en  faifant  Conful  Clovis  déjà  maî- 
tre d'une  grande  partie  des  Gaules, 
eût  conféré  cette  dignité  à  un  Prin- 
ce qui  auroit  perfecuté  les  Rcr- 
mains  :  30.  Que  comme  les  Gau- 
lois ,  pour  plaire  aux  Romains , 
avoient  fuppofé  que  l'un  &  l'autre 
peuple  defeendoient  également  des 
anciens  Tfoyens  .,  de  même  les 
Francs  dés  leur  premier  établiffe- 
ment  dans  les  Gaules    ,    voulu- 


les  étoient  les  Loix  fuivant  lefquel-  lent  aufîï  defeendre  des  habi- 
les fe  gouvernoient  les  autres  Bar-  tans  d'Ilion.  L'Auteur  efl:  donc 
bares ,  qui  compofoienc  la  Monar-  perfuadé  que  dans  les  rems  dont  il 
chic  des  Francs ,  tels  que  les  Aile-  eft  ici  queftion  ,  l'état  des  Gaules 
mands  domptés  à  la  bataille  de  étoit  à  peu  près  le  même  qu'il  avoit 
Tolbiac  ,  les  Vifîgots,  les  Bavarois,  été  fous  Honorius  &  fous  Valenti- 
les  Téifales ,  Nation  Scythique  ,  nien  III.  c'eft  à-dire ,  quelesEvê- 
établie  dans  le  Poitou ,  les  Saxons  ques  gouvernoient  leurs  Diocéfes 
qui  avoient  leurs  quartiers  dans  la  avec  la  même  autorité  ;  que  les  Ro- 


Cité  de  Bayeux  ;  les  Bretons  Infu 
laires  :  &c  il  fait  fur  toutes  ces  Na- 
tions des  recherches  curieufes ,  auf- 
quclles  nous  renvoyons  ,  pour 
abréger. 

Il  vient  enfuite«au  gouverne- 
ment général  des  Gaules  fous  Clo- 
vis &   fes  premiers  Succefleurs , 


mains  continuoient  à  vivre  fuivant 
le  Droit  Romain  ;  qu'on  y  voyoit 
les  mêmes  Officiers  dans  chaque 
Cité  -,  qu'on  y  levoit  les  mêmes 
impofitions  ;  qu'on  y  donnoit  les 
mêmes  Spectacles  ;  en  un  mot  ^ 
que  les  mœurs  &c  les  ufages  y 
étoient  les  mêmes  que  fous  les  Em~ 


fur  quoi  il  fait  d'abord  trois  obfer-     percurs. 

.varions  préliminaires,  qui  tendent        L'Auteur  entre  dans  un  détail 


*i8  JOURNAL   D 

plus  particulier  ,  fur  chacun  de  ces 
Chefs  ,  en  commençant  par  les 
Ecclefiaftiques.  Il  montre  que  les 
Rois  Mérovingiens ,  guidés  par  les 
maximes  de  Clovis ,  témoignoient 
beaucoup  de  zélé  pour  la  propaga- 
tion de  la  Foi  Se  pour  les  intérêts 
de  l'Eglife.  Ils  lailïoient  aux  Con- 
ciles le  droit  de  juger  les  Evêques , 
même  ceux  qui  étoient  coupables 
du  crime  de  Leze-Majellé ,  Se  mar- 
quaient beaucoup  de  refpect  pour 
les  Canons.  L'Auteur  s'applique  à 
prouver  ,  contre  le  fentiment  de 
quelques  modernes,  que  jamais  les 
Evêques  n'ont  été  plus  puiflans  Se 
plus  accrédités  dans  les  Gaules,  que 
fous  les  Rois  Mérovingiens  ;  Se  fes 
preuves  font  appuyées  fur  l'énu- 
meration  de  toutes  leurs  prérogati- 
ves. Nos  Rois  (  ajoûte-t  il)  avoient 
tant  de  confiance  dans  la  vertu  Se 
Se  dans  la  capacité  de  ces  Prélats  , 
qu'ils  les  appelloient  même  pour  la 
difeuffion  des  affaires  les  plus  éloi- 
gnées de  leur  profeiïion.  En  un  mot 
(  continue  l'Auteur  )  les  Evêques 
faifoient  une  fi  grande  figure  fous 
les  petits-fils  de  Clovis  ,  que  ces 
Rois  eux-mêmes  leur  portoient  en- 
vie. 

Outre  les  preuves  générales  par 
lefquclles  notre  Hiftorien  a  fait 
voir  que  chaque  Nation  établie 
dans  les  Gaules ,  Se  par  confequent 
la  Romaine  qui  y  faifoit  le  plus 
grand  nombre ,  y  étoit  gouvernée 
fuivant  fes  Loix  ;  il  en  produit  ici 
de  plus  particulières  par  rapport 
aux  Romains.  Elles  confident  en 
un  Edit  du  Roi  Clotaire  I.  en  quel- 
ques Formules  de  MavcuI\>\k  pour 


ES    SÇAVANS, 

les  Actes  Juridiques  ,  en  quelques 
autres  Formules  ufitées  fous  les 
Rois  Mérovingiens  ,  Se  en  plu- 
fieurs  faits  hiftoriques  recueillis 
par  l'Auteur,  Se  qui  attellent  que 
fous  h  première  Race  les  Romains 
des  Gaules  vivoient  fuivant  la  Ju- 
rifprudence  Romaine.  Il  eit  per- 
fuadé  qu'ils  fuivoicnt  alors  le  Code 
Théododen  Se  celui  d'Anian  rédi- 
gé par  les  ordres  d'Alaric  II.  Roi 
des  Viligots  en  J05.  Se  qu'ils  ont 
continué  d'être  divifés  en  trois  or- 
dres ,  ainfi  qu'ils  l'étoient  aupara- 
vant. 

Du  refte  ,  la  diverfité  de  tous 
ces  Codes  Nationaux  ,  fuivant 
lefqucls  on  devoit  rendre  la  juftice, 
en  cmbarraiToit  Se  en  retardoit 
beaucoup  l'adminiftration  ;  d'où 
l'on  doit  juger  combien  la  premiè- 
re conformation  de  notre  Monar- 
chie étoit  vicieufe  à  cet  égard  ainfi 
qu'en  plufieurs  autres  ;  en  forte  que 
notre  Auteur  s'étonne  moins  que 
1  jo  ans  après  fa  fondation  elle  foit 
devenue  fujette  à  des  troubles  pref- 
que  continuels  ,  qu'il  n'en;  furpris 
qu'elle  ait  pu  refifter  à  tous  fes 
maux  ,  fans  y  fuccomber  à  la  fin. 
C'eft  fur  quoi  M.  l'Abbé  du  Bos 
fait  diverfes  reflexions  également 
juftes  Se  intereiîantes  ,  qu'il  faut 
lire  chez  lui ,  Se  que  nous  palTons 
pour  en  venir  au  Chapitre  Xe ,  où 
il  eit  prouvé  que  la  divifion  des 
Romains  en  trois  Ordres  a  fubfifté, 
fous  nos  Rois  ,  que  les  Romains 
avoient  part  à  tous  les  emplois  de 
la  Monarchie  ,  Se  qu'ils  s'allioient 
par  mariage  avec  les  Francs. 

Que  la  diviilon  des  Romains  en 


J  U  I  L  L  E 

trois  Ordres  ,  le  Sénatorial  3  le  Cu- 
rïal ,  &c  celui  des  affranchis  ,  ait 
fubfifté  fous  nos  Rois ,  l'Auteuc  en 
trouve  la  preuve  ,  non  feulement 
dans  Grégoire  de  Tours,  mais  dans 
la  Loi  Salique  ,  dont  il  cite  ici  plu- 
sieurs titres.  Que  ces  mêmes  Rois 
ayent  fouvent  conféré  aux  Ro- 
mains des  Gaules  les  emplois  les 
plus  importans  de  la  Monarchie  , 
c'eft  de  quoi  les  Monumens  du  fi- 
xiéme  Se  du  feptiéme  ficelé  ne  per- 
mettent pas  de  douter.  On  y  voit 
de  cette  Nation  des  Ducs  ou  des 
Généraux  d'Armées ,  un  Lupus , 
un  Crammelenus  ;  on  y  voit  des 
Tribuns  Militaires  ,  des  Maîtres 
de  la  Milice  ;  on  y  voit  des  Patri- 
ces  ,  un  Celfe  ,  un  Amatus ,  un 
Mummole  ;  on  y  voit  des  Ambaf- 
fadeurs ,  un  Bodegefile  ,  un  Evan- 
îhius.  Notre  Auteur  n'entre  fur  ce 
point  dans  un  détail  fi  particulier , 
que  pour  fermer  la  bouche  à  cer- 
tains modernes,  qui  penfent  diffé- 
remment ,  &  cela  ,  fans  être  fon- 
dés fur  aucune  Loi  pofitive  ,  fur 
aucun  fait ,  fur  aucun  exemple ,  Se 
fans  avoir  jamais  eu  la  réputation 
(  dit  notre  Auteur  )  d'être  fçavans 
dans  nos  Antiquitez.  Une  nouvelle 
preuve  que  les  Francs  ne  traitoient 
point  leurs  Sujets  Romains  comme 
des  Serfs  ,  c'eft  qu'ils  leur  don- 
noient  tous  les  jours  leurs  filles  en 
mariage  ;  comme  l'Auteur  s'efforce 
de  le  montrer  par  une  foule  d'auto- 
ïitez  ,  fur  lefquelles  on  peut  le 
eonfulter. 

Chaque  Cité  ,  fous  nos  premiers 
Rois  ,  étoit  gouvernée  par  un 
Comte  ,  à  qui  dévoient  s'adieffer 


T  ,     1734.  4i£ 

les  Magiftrats  Municipaux  &  les 
Officiers  Militaires  des  Romains  ; 
ainfi  que  les  Senteurs  dvs  Francs  & 
les  autres  Chefs  des  Effains  de  Bar- 
bares établis  dans  les  Gaules.  C'é- 
toit  ce  Comte  ,  qui ,  dans  les  occa- 
fîons  commandoit  les  troupes  de 
ion  diftrid  &  qui  avoit  foin  que  la 
juftice  fût  rendue  &  que  les  reve- 
nus du  Prince  fuffent  payés.  Mais 
lorfque  nos  Rois  enclavoient  plu- 
fieurs  Citez  dans  un  feul  &  même 
gouvernement  ,  ce  qui  arrivoit 
quelquefois  ,  fans  former  néan- 
moins un  département  ftable,  alors 
celui  auquel  on  confioit  un  pareil 
gouvernement  prenoit  le  titre  de 
Duc.  Quoique  les  Rois  conferaf- 
fent  ces  Emplois  de  Comte  fuivant 
leur  bon  plaifir  ,  ils  avoient  cepen- 
dant quelquefois  la  complaifance 
de  laiffer  le  choix  de  ces  Officiers 
au  Peuple  de  la  Cité  même  qu'il 
devoit  gouverner  :  ce  qui  ne  fent 
en  nulle  façon  l'efclavage  [obfervc 
l'Auteur.  ] 

Chaque  Cité  avoit  confervé  fon 
Sénat ,  qui  avoit  la  même  autorité 
dans  fon  diftricl: ,  que  le  Sénat  de 
Rome  dans  le  fien  ,  fous  le  bas  Em- 
pire :  &  c'eft  de  quoi  Grégoire  de 
Tours  rend  témoignage.  Il  paroîc 
[  dit  l'Auteur]  que  pluficurs  de  ces 
Sénats  avoient  été  maintenus  dans 
leurs  principaux  droits  ,  même 
fous  la  troifiéme  Race ,  quoique 
leurs  citez  fe  trouvaient  enfermées 
dans  les  Domaines  des  grands  Feu- 
datairesde  laCouronne.C'eft  ce  qui 
mettoit  alors  ces  Villes  en  poffef- 
fîon  du  Droit  de  Commune ,  qu'el- 
les prétendoient  tenir  de  tems  im- 


4-20         JOURNAL    DE 

mémorial  ;  &  c'eft  ce  que  notre 
Auteur  expofe  ici  plus  au  long ,  an- 
ticipant même,  pour  l'expliquer 
mieux  ,  fur  l'Hiltoire  des  fiécles 
pofterieurs  au  fixiéme  6v  au  frptié- 
me,  comme  on  peut  le  voir  dans 
le  Livre  même  ,  par  rapport  aux 
Villes  ou  citez  de  Tournai ,  d'Ar- 
ras  ,  de  Teroucnne  ,  de  S.  Malo  , 
de  Rheims  ,  de  Boulogne  ,  d'An- 
goulêmc ,  de  Touloufe  &  de  Lyon. 
C'eft  à  regret  que  pour  ne  point 
trop  étendre  cet  Extrait  ,  nous 
fommes  contrains  de  nous  renfer- 
mer dans  la  fimple  indication  de 
tous  ces  articles. 

Non  feulement  chaque  Cité 
avoit  confervé  fon  Sénat  fous  nos 
premiers  Rois  -,  mais  on  ne  lui 
avoit  pas  même  retranché  fa  Mili- 
ce particulière  ,  &  ces  Citez  pre- 
noient  quelquefois  les  armes  l'une 
contre  l'autre  ,  dans  le  cas  du  déni 
de  Juftice,  comme  elles  le  faifoient 
fous  les  Empereurs ,  à  titre  d'al- 
liées ,  &  non  de  fujettes  du  Peuple 
Romain.  Ainfi  [  obferve  M.  l'Abbé 
du  Bos  ]  lorfque  nos  premiers  Rois 
de  la  troifiémc  Race  ,  ont  accordé 
parleurs  Chartres  aux  Communes 
qu'ils  retablilToient  ou  qu'ils  éri- 
geoicntde  nouveau,  ledroit  de  ti- 
rer raifon  de  fes  Concitoyens  par 
la  voye  des  armes  ;  ces  Princes 
n'ont  fait  en  cela  que  rendre  aux 
premières  un  droit  dont  des  ufur- 
pateurs  les  avoient  dépouillées ,  & 
qu'elles  reclamoient  :  cv  en  accor- 
der un  pareil  aux  fécondes  ,  dans 
un  tems  où  la  France  étoit  couverte 
de  brigands  nichés  dans  des  forte- 
refles  j  &  refpe&ant  peu  les  juge- 


5  SÇAVANS; 

mens  des  Souverains.  Ce  furent 
[  continue  notre  Auteur  ]  ces  guer- 
res civiles  ,  qui  changèrent  dans 
les  Gaules  les  bâtimens  en  mafures, 
les  champs  labourés  en  forêts ,  les 
prairies  en  marécages  ,  &c  qui  re- 
duifirent  enfin  cette  Contrée  fiflo- 
rilTante  encore  fous  Clovis ,  dans 
l'état  de  mifere  &c  de  dévaluation 
où  elle  étoit  au  huitième  héclc.  Au 
furplus  les  milices  des  Citez  étoient 
tenues  de  marcher  au  premier  com- 
mandement fur  peine  d'être  punies 
comme  défobéillantes.  Tous  les 
faits  avancés  dans  ce  Chapitre  font 
appuyés  du  témoignage  de  Grégoi- 
re de  Tours  ;  fur  quoi  l'Auteur 
obferve  que  quand  cet  Hiftorien 
déligne  ceux  dont  il  fait  mention 
par  le  nom  propre  de  leur  Pays  ,  il 
entend  parler  des  Romains  de  ce 
Pays-là  ,  &  nullement  des  Barbares 
qui  s'y  étoient  établis. 

M.  l'Abbé  du  Bos  employé  fon 
XIIIe  Chapitre  à  prouver  que  les 
Francs  n'en  ont  pas  ufé  avec  les  Ro- 
mains des  Gaules ,  comme  la  plu- 
part des  autres  Nations  Barbares  en 
avoient  ufé  avec  les  anciens  habi- 
tans  des  Provinces  Romaines  où 
ils  s'étoient  cantonnés ,  &  qu'ils 
ne  leur  ôterent  point  une  portion 
de  leurs  terres.  Il  avoiie  bien, 
que  fous  les  Rois  de  la  première 

6  de  la  féconde  Race  ,  &  même 
fous  les  premiers  de  h  rroifiéme  , 
il  y  a  eu  dans  le  Rovaume  desef- 
peces  de  Fiefs  appelles  Terres  Sali- 
nités &  aftcétés  particulièrement  à 
la  Nation  des  Francs  :  mais  il  nie 
que  ces  terres  euftent  été  ufurpées 
par  nos  Rois  fur  les  particuliers 

des 


J  U  ï  L  L  E 

•«Ses  Provinces  qui  s'étoient  foûmi- 
fes  à  la  domination  de  ces  Princes  ; 
&  il  le  ronde  pour  cela  fur  deux 
raifons.  La  première  eft  que  Clovis 
a  pu  donner  des  terres  Saliques  à 
fes  Francs  fans  dépouiller  les  Ro- 
mains des  Gaules  d'une  partie  de 
leurs  fonds.  La  féconde  eft  tirée  du 
filence  profond  de  tous  les  Monu- 
mens  Littéraires  de  nos  Antiquitez 
fur  un  fait  de  cette  nature. 

Que  Clovis  ôc  fes  Succe fleurs 
ayent  pu  distribuer  à  leurs  Francs 
des  terres  Saliques  fans  dépouiller 
en  partie  les  Romains  ;  M.  l'Abbé 
du  Bos  s'efforce  de  le  prouver  par 
ces  deux  considérations  ;  i°.  Que 
la  Nation  entière  des  Francs  fe  re- 
duifoit  au  petit  nombre  de  24  ou 
15  mille  combattans  :  2.°.Que  dans 
les  deux  Provinces  Germaniques , 
&  les  deux  Belgiques  foûmifes  à 
l'obéiffance  de  Clovis  avant  fa 
mort ,  il  devoir  y  avoir  des  Bénéfi- 
ces militaires  en  plus  grand  nom- 
bre ,  que  dans  aucun  autre  canton 
de  l'Empire  ,  parce  que  dans  tous 
les  tems  3  les  Romains  y  avoient 
tenu  plus  de  troupes  à  proportion 
que  par-tout  ailleurs  ■>  d'où  l'Au- 
teur infère ,  que  Clovis  aura  fait 
de  ces  bénéfices  militaires  autant 
de  terres  Saliques  en  les  conférant  à 
des  Francs  aux  mêmes  conditions 
que  les  Romains  en  avoient  joui 
auparavant ,  c'eft-à-dire,  à  la  char- 
ge de  porter  les  armes  pour  le  fer- 
vice  du  Prince  à  fa  requifition  ; 
moyennant  quoi  ces  bénéfices  paf- 
feroient  à  pareilles  conditions  aux 
enfans  du  gratifié.  Clovis  £  ajoute 
l'Auteur]  aura  de  plus  converti  en 


T  ,  1734;  4aï 

terres  Saliques  d'autres  fonds  diffe- 
rens  des  bénéfices  militaires  ,  & 
dont  il  aura  pu  difpofer ,  comme 
ayant  été  du  Domaine  des  Empe- 
reurs ,  ou  étant  dévolus  au  Prince 
à  titre  de  déshérence  ,  de  confifea- 
tion  ou  autre  :  fans  compter ,  qu'on 
ne  lit  dans  aucun  Auteur  ancien  , 
que  Clovis  air  donné  une  portion 
de  terre  Salique  à  chacun  des 
Francs  qui  l'avoient  fuivi. 

A  l'égard  du  filence  qui  règne 
dans  tous  les  anciens  Monumcns 
Hiltoriques  au  fujet  de  cette  ufur- 
pation  prétendue  des  Francs  fut 
les  terres  appartenantes  aux  Ro-; 
mains  des  Gaules  -,  il  forme  une 
preuve  du  contraire  d'autant  plus 
forte ,  que  ces  Monumens  }  tels 
que  les  Loix  Salique  &Ripuaire, 
les  Capitulaires  t  ainfi  que  l'Hi- 
fto're  de  Grégoire  de  Tours  Se 
celle  de  Procope  ,  ne  laiiTent  point 
ignorer  la  conduite  des  autres  Bar- 
bares ,  tels  que  les  Vandales  ,  les 
Oftrogots ,  les  Vifigots  &  les  Bour- 
guignons ,  qui  après  s'être  établis 
fur  le  territoire  de  l'Empire  Ro- 
main ,  s'y  approprièrent  une  pârrie 
des  terres  des  anciens  habitans  :  ce 
que  l'Auteur  juftifie  par  un  grand 
nombre  de  paffagesid'où  il  conclud 
quel'Hiftoire&les  Loix  des  Francs 
ne  nous  apprenant  rien  de  pareil 
touchant  ces  Peuples ,  il  s'enfuit 
qu'ils  n'ont  point  ôté  aux  Romains 
une  partie  de  leurs  terres  pour  en 
former  des  terres  Saliques. 

L'Auteur   fait  voir  ,   dans  les 
Chapitres  XIV  &c  XV  que  les  reve- 
nus de  Clovis  &  des  autres  Rois 
Mérovingiens  étoient  les  mêmes 
Iii 


412       JOURNAL     DE 

que  ceux  qu'avoientles  Empereurs 
dans  les  Gaules  ,  lorfqu'ils  en 
étoient  les  Souverains.  Il  le  prouve 
en  premier  lieu  par  rapport  au  re- 
venu des  terres  qui  étoient  du  Do- 
maine de  l'Etat  ou  du  Prince.  Ce 
revenu  devoit  être  d'ancienne  date, 
[  dit  l'Auteur  ]  puifque  fous  le 
Roi  Charibert  petit-fils  de  Clovis, 
on  doutoit  [  au  rapport  de  Grégoi- 
re de  Tours  ]  fi  la  Métairie  de  Na- 
zelles  appartenante  à  l'Eglife  de 
S.  Martin  ,  étoit  ou  non  du  Domai- 
ne Royal  ;  au  lieu  que  le  fait  eût 
été  notoire  ,  fi  pour  le  vérifier  il 
n'eût  rallu  remonter  que  jufqu'à 
Clovis.  Les  revenus  provenans  du 
droit  qui  fe  levoit  fur  les  beftiaux 
qu'on  menoir  paître  dans  les  terres 
domaniales  ,  &  de  celui  qu'on  ti- 
roit  des  Mines  ou  carrières,  appar- 
tenoient  aux  Rois  Mérovingiens , 
coinme  ils  avoient  appartenu  aux 
Empereurs  ,  Se  l'on  en  donne  ici 
des  preuves. 

La  féconde  branche  du  revenu 
de  ces  derniers  confiftoit  dans  le 
tribut  public  ,  c'eft-à-dire ,  la  taxe 
par  arpent  &c  la  capitation.  Les  Rois 
Francs  (  dit  notre  Auteur)  laiffe- 
"rent  ce  fubfide  fur  le  même  pied  , 
où  il  étoit  fous  les  Romains;  &  c'eft 
ainfi  qu'en  uferentles  Vifigots,  les 
Bourguignons  &  les  Oftrogots  , 
qui  levèrent  les  revenus  publics 
dans  les  Gaules  conformément  aux 
anciens  cadaftres  ou  Canons.  C'eft 
de  quoi  ne  permettent  pas  de  dou- 
ter les  divers  témoignages  qu'en 
allègue  M.  l'Abbé  du  Bos.  C'étoit 
îc  Comte  de  chaque  Cité  qui  Eai- 
Soïi  le  recouvrement  de  ces  de- 


S  SÇAVANS, 
niers ,  fous  nos  Rois ,  ainfi  que 
fous  Ls  Empereurs.  Perfonne,  non 
pas  même  les  Ecclefiaftiques  ,  n'é- 
toit  exempt  de  payer  le  tribut  pu- 
blic ,  à  l'exception  de  ceux  à  qui  le 
Prince  en  avoit  accordé  une  exem- 
ption fpeciale  ;  &  rien  [  félon  les 
Jufifconfultes  ]  ne  prouve  mieux 
l'cxiitcnce  d'une  Loi  3  que  ces  for- 
tes d'exemptions ,  dont  on  produit 
ici  pluiîeurs  exemples, 

L'Auteur  examine  enfui  te  une 
queftion  curieufe  §£  importante 
pour  la  matière  dont  il  s'agit ,  fça- 
voir ,  fi  les  Francs  ,  fous  le  règne 
des  enfans  de  Clovis  ,  payoient  ou 
non  le  fubfide  ordinaire.  L'opinion 
commune  eft  pour  la  négative  : 
mais  notre  Auteur  eft  d'avis  con- 
traire ,  &  en  apporte  de  folides 
raifons  ,  fondées  fur  la  conduite 
tenue  en  pareil  cas  par  tous  les  au- 
tres Barbares  contemporains ,  éta- 
blis dans  les  Gaules,  &  fur  l'auto- 
rité des  Capitulaires  de  nos  Rois 
de  la  féconde  Race,aufquels  on  n'a 
jamais  reproché  d'avoir  dégradé  les 
Francs,  &c  fur  un  Edit  de  Charles 
le  Chauve  :  après  quoi ,  il  îépond 
à  deux  objections  tirées  par  fes  ad- 
verfiures  de  deux  paffages  de  Gré- 
goire de  Tours ,  qu'il  montre  n'in- 
firmer en  rien  fen  fcntiment  fur  ce 
point. 

Les  droits  de  douane  &  de  péage 
fubfifterenrfous  nos  Rois  des  deux 
premières  Races,  &  ce  produit  fai- 
foit  une  troifiéme  branche  du  reve- 
nu de  ces  Princes.  L'Auteur  prouve 
contre  quelques  Ecrivains  moder- 
nes ,  ennemis  déclarés  de  l'érae 
prefent  de  notre  Monarchie  3  que- 


JUILLE 

les  Francs  n'étoient  pas  même 
exempts  de  payer  ces  droits  •>  &  il 
le  prouve  par  quelques  articles  des 
Capitulaires,  appuyés  de  quelques- 
unes  de  fes  reflexions  qu'on  peut 
voir.  Quant  à  la  quatrième  branche 
du  revenu  des  Empereurs ,  laquel- 
le confiftoit  en  confifcations  &  au- 
tres droits  cafuels  ,  tels  que  des 
prefens  volontaires  offerts  par  les 
iujets  en  certaines  occafions  ;  ces 
droits  avoient  aufïî  lieu  fous  nos 
Rois  Mérovingiens  ,  comme  le 
fait  voir  iM.  l'Abbé  du  Bos. 

Il  nous  parle  t  après  cela  ,  de 
quelques  ufages  établis  dans  les 
Gaules  fous  les  Romains  ,  &  qui 
continuèrent  fous  la  première  Race 
de  nos  Rois.  Tels  étoient  celui  des 
maifons  &  des  chevaux  de  porte 
placés  de  diftance  en  diftance  fur 
les  grandes  routes  ;  les  Manufactu- 
res &c  les  Gynécées  ou  Edifices  pu- 
blics dans  lefquels  on  faifoit  tra- 
vailler un  grand  nombre  de  fem- 
mes au  profit  du  Prince  ;  les  Spec- 
tacles publics  ou  Tournois  ;  les 
bajns  -,  la  fabrique  des  monnoyes 
d'or  frappées  au  même  titre  &  du 
même  poids  que  fous  les  Empe- 
reurs ;  l'ufage  vulgaire  de  la  Lan- 
gue Latine  dans  tous  les  Actes  pu- 
blics ,  &c 

Le  pénultième  Chapitre  de  cet 
Ouvrage  roule  fur  l'autorité  avec 
laquelleClovis  &  Jes  Rois  fes  fils  & 
fes  petits- fils  ont  gouverné;  &l'on 
y  voit  qu'elle  n'étoit  guéres  moins 
•defpotique  fur  les  Francs  que  fur 
les  Romains  accoutumés  depuis 
iong-tems  à  ce  defpotifme.  Les 
Francs  épars  dans  les  Gaules,  & 


n'étant  plus  rafTemblés  dans  un  pe- 
tit Canton ,  comme  en  Germanie  l 
étoient  obligés  d'obéir  au  Souve- 
rain avec  autant  de  foûrniflion  que 
les  Romains  ,  au  milieu  defquels 
ils  vivoient.  C'eft  à  quoi  contri- 
buoit  encore  beaucoup  l'ufage  éta- 
bli ,  qui  donnoit  au  Roi  des  Francs 
le  pouvoir  de  juger  feul  en  matière 
civile  ou  criminelle., &ccluid'aug- 
menter  les  impôts ,  fans  en  obtenir 
îe  confentement  de  perfonne. 
L'Auteur  prouve  l'un  &  l'autre 
par  divers  exemples  &  par  plufieurs 
raifonnemens  que  nous  fupprimons 
pour  abréger.  Mais  (  obfcrvet-on 
ici  )  il  ne  paroît  pas  que  les  Rois 
Mérovingiens  ayent  abufé  de  leur 
autorité  ,  quant  à  l'impofition  de 
nouveaux  fubiîdes.  Ils  étoient  fi  œ, 
conomes  s  &  leurs  revenus  étoient 
fi  grands  à  proportion  du  peu  de  dé- 
penfe  qu'ils  faifoient  pour  l'entre- 
tien de  leurs  troupes  ,  à  qui  les 
terres  dont  elles  joUiifoicnt  te- 
noient  lieu  de  paye  ;  que  ces  Prin- 
ces étoient  toujours  riches  en  ar- 
gent comptant.  D'ailleurs  ils  a-? 
voient  des  reflourecs  toujours  pre- 
fentes  dans  les  avances  des  Juifs  , 
ou  dans  la  confifeation  de  quelque 
riche  coupable  ,  qu'ils  condam- 
noient. 

M.  l'Abbé  du  Bos  termine  cet 
important  Ouvrage  par  la  recher- 
che du  tems  où  a  celîéla  diitinction 
entre  les  différentes  Nations  qui 
compofoient  le  peuple  de  la  Mo- 
narchie. Il  trouve  que  cette  diitinc- 
tion s'eft  maintenue  jufqu'à  la  fin 
de  la  féconde  Race  de  nos  Rois  ; 
bien  qu'il  lût  permis ,  dès  le  terne 
ïiiijj 


424  JOURNAL    DES    SÇAVANS, 

de  la  première,  au  Franc  de  fe  faire      plus  fenfiblement ,  en  forte  que  les 


Romain  ,  &  au  Romain  de  fe  faire 
Franc,  ou  de  telle  autre  Nation 
qu'il  lui  plaifoit  ;  &  que  les  autres 
Barbares  euflent  la  même  liberté , 


Ecclefiaftiques  auront  été  les  feuh 
reconnus  à  leur  habit  pour  être  de 
la  Nation  Romaine.  Quand  les 
Provinces  du  Royaume,  fous  les 


quelque    bizarre    qu'elle  paroifTe.      derniers  Rois  de  la  féconde  Race 
Comment  s'eft  -  il  donc  pu  faire      devinrent  la  proye  des  ufurpateurs, 


(  demande  l'Auteur  )  que  toutes 
les  Nations  ,  dont  l'aflemblage 
formoit  le  Peuple  de  la  Monarchie 
Françoife  ,  ayent  été  confondues 
en  une  feule  &  même  Nation  ; 
Voici  quelle  eft  fon  opinion  fur  ce 


ces  Tyrans  qui  n'avoient  d'autre 
Loi  que  leur  volonté  ,  auront  im- 
pofé  îîlenceà  tous  les  Codes  Natio- 
naux. D'où  il  fera  vraifemblable- 
ment  arrivé  ,  que  ces  Nation* 
n'ayant  plus  pour  fe  diftinguer ,  ni 


point.  11  prétend  que  ces  diverfes      marques  extérieures ,  ni  Loi  parti 


Nations  qui  au  bout  de  quelques 
«énérations  parloient  communé- 
ment la  même  langue  dans  la  mêr 
me  contrée  ,  auront  commencé , 
par  un  habillement  uniforme  ,  à 
faire  difparoître  les  marques  exté- 
rieures ,  qui  les  diftinguoient  le 


culiere  ,  elles  fe  feront  enfin  con- 
fondues. C'en-  ce  que  M.  l'Abbé  du 
Bos  s'efforce  de  mettre  dans  ua 
plein  jour  par  une  difculïion  appn> 
fondie  ,  fur  laquelle  nous  ren^- 
voyons  au  Livre  même. 


DESCRIPTION  DES  PLANTES  QVI  NAISSENT  ,    OU  SE 

renouvellent  aux  environs  de  Paris  ,  avec  leurs  ufages  dans  la  Médecine 
&  dans  les  Ans  ,  le  commencement  &  le  progrès  de  cette  Science  ,  & 
l'Hifloire  des  perfonnes  dont  il  ejl  parlé  dans  l'Ouvrage.  Par  M^  Fabre- 
gou  ,  Botanifie  &  Démonflrateur.  Tome  I.  A  Paris  ,  chez  Jacques  Lam- 
bert ,  rue  S.  Jacques,  à  la  Sagefle.  1754.  Volume  /»-iz.  pages  354. 


LE  Volume  qu'on  donne  ici  au 
Public ,  cft  une  Introduction  à 
fept  autres  qui  le  doivent  fuivre. 
L'Auteur  ,  pour  cette  raifon  ,  fe 
propofe  uniquement,  dans  celui- 
ci  ,  de  parler  des  Plantes  en  com- 
mun j  après  quoi ,  conformément 
au.  titre  général  de  l'Ouvrage  ,  il 
traitera  en  particulier  de  celles  qui 
viennent  aux  environs  de  Paris  , 
foit  qu'elles  y  croilTent  d'elles-mêV 
mes  ,  c'efbàdire^  fans  y  avoir  été 
Kanfgottées  d'ailleurs ,  foit  qu'elr 


les  s'y  renouvellent,  c'eft-à-dire  ^ 
qu'elles  y  croilTent  après  y  avoir 
été  tranfplantées ,  &  s'y  être  natu- 
ralifées  ;  car  c'eft  ce  qu'il  faut  en- 
tendre par  ces  mots  du  titre  :  qui 
naijfent  ou  fe  renouvellent. 

La  defeription  dont  il  s'agit 
dans  ce  premier  Volume,  &qui, 
comme  nous  venons  de  le  remar- 
quer, n'eft  qu'une  Introduction 
au  Livi  ,  ne  regarde  donc  pas  plus 
les  Plantes  des  environs  de  Paris, 
que  celles  de  tous  les  auties  enr 


J  U  I  L  L 

droits  du  monde.  Elle  confifte  en 
une  Analyfe  univerfelle  des  parties 
intérieures  des  végétaux ,  depuis  la 
graine  d'où  ils  fortent ,  jufqu'à  cel- 
le qu'ils  produifent  enfuite  eux- 
mêmes. 

M.  Fabregou  commence  par  la 
Plante  en  général. Il  vient  enfuite  à 
ïa  graine  confiderée  comme  l'origi- 
ne du  végétal ,  puis  à  la  racine  ,  à 
îa  moelle ,  aux  infertions  &c  à  la  ti- 
ge. Il  palTe  delà  aux  bourgeons , 
aux  branches  ,  aux  feuilles ,  à  la 
fleur  ,  au  fruit ,  &  enfin  à  la  graine 
eonfiderée  ,  non  comme  l'origine 
du  végétal,  ainfi  qu'il  l'a  confiderée 
d'abord  ,  mais  comme  la  dernière 
production  du  végétal  même. 

Pour  rendre  cette  Introduction 
plus  complette  ,  il  traite  enfuite 
de  l'établilTemenr,  des  genres  Se 
des  efpeces  où  chaque  Plante 
doit  être  rangée.  La  lignification 
des  termes  de  Botanique  ,  la  durée 
des  Plantes  ,  &  la  manière  de  les 
cultiver  ,  fontlefujet  de  la  fin  du 
Volume  ,  conjointement  avec  la 
méthode  de  multiplier  les  arbres 
&  les  arbriu^eaux ,  foit  par  graines , 
foit  par  boutures ,  foit  par  greffes, 
fbit  par  provins,  foit  par  croflettes. 

Les  fécond  ,  troifiéme  ,  quatriè- 
me ,  &  cinquième  Volumes  con- 
tiendront la  defeription  des  plan- 
tes qui  croifient  aux  environs  de 
Paris  ;  le  fixiéme  renfermera  la  di- 
vifion  de  ces  mêmes  Plantes  félon 
leurs  genres  &  leurs  claffes ,  avec 
des  notes  qui  ferviront  à  faire  di- 
ftinguer  les  Plantes  ufuelle3  d'avec 
les  autres.  Le  feptiéme  &  le  huitiè- 
me feront  employés  à  l'Hiftoiffc 


ET,    1754Î  42J 

des  Auteurs  célèbres  dont  il  aura 
été  parlé  dans  le  cours  de  l'Ouvra- 
ge 

M.  de  Tournefort  s'elt  fignalé 
par  divers  Ecrits  fur  la  Botanique  , 
&  entr'autres  ,  par  celui  qui  a  pour 
titre  :  Hiftoïre  des  Plantes  qui  naif- 
fent  aux  environ*  de  Paris  ,  avec 
leurs  ufages  dans  la  Médecine. 

M.  Chicoineau  premier  Méde- 
cin du  Roi,  &  ci-devant  Intendant 
du  Jardin  Royal  des  Plantes  à 
Montpellier,  die  dans  une  appro- 
bation authentique,  dont  le  Livre 
de  M.  Fabregou  fe  trouve  décoré 
qu'après  cette  fçavante  Hiltoire  de 
M.  de  Tournefort ,  ilfembloit  qu'il 
n'y  eût  plus  rien  à  defirer  fur  une 
telle  matière  ,  mais  que  depuis  les 
deux  dernières  Editions  qui  en  ont 
paru  ,  M.  Fabregou  a  travaillé  fi 
utilement  fur  le  memefujet ,  qu'il  fera 
aifé  de  juger  par  la  leïlure  de  fou 
Ouvrage  ,  que  ce  fujet  n'était  pas 
êpuifé  ,  &  qu'il  pouvait  être  notable- 
ment enrichi  non  feulement  par  la  def- 
eription exatle  d'un  grand  nombre 
de  nouvelles  plantes ,  mais  encore  par" 
plufieurs  obfervations  importantes  & 
réflexions  tris-judicieufes  fur  les  par- 
ties intérieures  de  ces  plantes  ,  &  fur 
leurs  vertus. 

M.  Winflov  qui  a  examiné  par 
l'ordre  de  Monfeigneur  le  Garde 
des  Sceaux  ,  les  deux  premiers  To- 
mes du  même  Livre,  attefte  dans 
fon  certificat,  que  c'eftunmanuf- 
crit  qui  peut  être  imprimé  comme' 
un  Ouvrage  utile  &  curieux. 

Apres  de  tels  témoignages  ,  M. 
Fabregou  paroît  excufable  d'avoir 
ofé  travailler  fur  la  même  matière: 


4*6        JOURNAL    DE 

que  M.  de  Tournefort  ;  d'autant 
plus  qu'il  ne  prétend  point  fe  met- 
tre en  parallèle  avec  un  fi  illultre 
Botanitte ,  &  qu'il  déclare  au  con- 
traire que  fans  la  lecture  des  Ou- 
vrages de  cegrand  Homme ,  il  au- 
roit  été  bien  éloigné  de  pouvoir  ja- 
mais faire  aucun  progrès  dans  la 
Botanique.  Mais  fi  l'on  veut  juger 
ici  du  Livre  par  le  Livre  même  ,  en 
voici  un  expolé  ridelle. 

L'Auteur  combat  d'abord  la  dé- 
finition que  M.  de"  Tournefort  a 
donnée  de  la  Plante  ,  fçavoir  ,  que 
c'eft  un  corps  orginifè  qui  a  effentiel- 
Ument  une  racine ,  peut  être  nnefe- 
mence  ,  &c. 

i".  M.  Fabregou  foûtient  que 
toutes  les  Plantes  ont  des  graines  , 
qu'à  la  vérité  on  n'a  pas  encore  dé- 
couvert celles  de  plulieurs  fortes  de 
moufles  ,  ni  de  plulieurs  cfpeces  de 
champignons ,  non  plus  que  de  la 
plupart  des  Plantes  qui  nailfentau 
fond  de  la  mer  ,  mais  que  cela 
n'empêche  pas  que  toutes  les  Plan- 
tes n'ayent  leurs  graines.  Il  avance 
contre  ce  qu'en  ont  penfé  Mrs  Mal- 
pighi  &  de  Tournefort ,  qu'il  n'y 
a  point  de  trachées  ni  de  vcficules 
dans  les  Plantes  ,  &  que  les  tuyaux 
qu'elles  renferment  fe  reduifent 
tous  à  une  feule  efpece  de  tuyau 
fait  en  forme  de  Vrille.  Il  prétend 
dans  ce  Sy  (teme,  que  la  fève  ,  l'air, 
&  la  matière  fubtile  fe  communi- 
quent à  la  Plante  par  cette  efpece 
de  tuyau,  &  que  toutes  les  plantes 
font  compofées  de  parties  fiftuleu- 
fes. 

2°.  Il  eft  de  fentiment  que  ce 
que  l'on  appelle  la  partie  farineufe 


S    SÇAVANS, 

de  la  Plante  ,  n'eu:  qu'une  fev? 
épaiflie  ,  &  que  la  fève  en  elle  mê- 
me ,  n'eft  qu'un  mélange  de  divers 
fucs  de  la  terre  ;  que  c'eft  cette  fè- 
ve épaiflie  &  préparée  qui  fait  gon- 
fler toutes  les  parties  des  graines  , 
que  par  ce  gonflement ,  la  Plante 
eft  déterminée  à  pouffer  de  nouvel- 
les feuilles  ,  de  nouvelles  fleurs  &C 
de  nouveaux  truits.  Il  développe 
ici  toutes  les  parties  qui  compofent 
la  iemence  de  la  Plante  ,  &  il  en 
fait  l'anatomie.  Il  explique  de  quel- 
le manière  lafévefert  à  la  nourri- 
ture de  la  graine ,  &  les  differens 
contours  qu'elle  prend  pour  cela. 

3°.  Il  expofe  comment  certaines 
Plantes  vivent  delà  vie  des  autres, 
6c  il  remarque  que  les  pointes  de 
leurs  racines  entrant  dans  les  petits 
pores  de  l'écorce  qu'elles  embraf- 
îent ,  s'imbibent  du  fiic  qui  y  eft 
contenu,  &  s'en  nourriflfent ,  fans 
empêcher  le  cours  de  ce  fuc  ;  de 
même  qu'un  chien  boit  fur  le  bord 
d'une  rivière  ,  fans  empêcher  la  ri- 
vière de  couler.  Il  cite  là  -  deflus  , 
pour  exemple  ,  la  Cufcute  &  le 
Lierre  commun.  Il  effaye  enfuite 
d'expliquer  tout  ce  qui  concerne 
la  racine  &c  la  moelle.  Il  parle  des 
différentes  efpeces  de  fève  ;  &c  la 
comparaifon  qu'il  fait  de  ce  qui 
palfe  de  cette  fève  dans  le  corps  de 
laPlinte  pour  la  nourrir,  la  com- 
paraifon qu'il  en  tait  avec  le  fang 
artériel  qui  eft  porté  dans  le  pou- 
mon par  l'artère  pulmonaire ,  eft: 
un  article  qu'il  faut  voir  dans  le 
Livre  même  ,  auflî-bien  qu'une 
autre  comparaifon  de  l'élévation 
du  fuc  dans  la  moelle  ,  avec  l'élé- 


j  U  I  L  L 

vation  du  fang  dms  l'aorte  pour 

être  diftrihué  à  toutes  Jes  parties 

du  corps. 

4°. Il  rend  raifon  pourquoi  les  par- 
ties les  plus  volatiles  de  la  fève  s'é- 
levcnt  en  droite  ligne  vers  la  tige 
de  la  Plante  :  il  prétend  qu'elles  y 
montent  comme  le  fang  le  plus 
pur  étant  rapporté  dans  le  coeur, 
monte  au  cerveau  ,  &:  que  les  par- 
ties de  cette  fève  qui  ne  font  pas 
encore  fubtilifées  prennent  un  au- 
tre cours  ;  qu'enfin  celles  qui  par 
elles  -  mêmes  ,  ne  font  nullement 
propres  à  monter  ,  &  ne  peuvent 
non-plus  defeendre  ,  prennent  un 
mouvement  moyen  ,  &  vont  fe 
rendre  dans  l'écorce ,  qui  eft  com- 
me la  veine-cave  qui  rapporte  le 
fang  de  toutes  les  parties  du  corps  ; 
mais  il  faut  voir  cette  explication 
dans  l'Auteur. 

5°.  M.  Fabregou  ,  en  parlant 
de  la  tige  des  Plantes  ,  fait  voir 
que  le  corps  ligneux  de  cette 
tige  ,  eft  de  la  même  nature  dans 
tous  les  végétaux  ;  qu'il  tire  fon 
origine  immédiatement  de  la  grai- 
ne ">  que  les  infertions  &  la  moelle 
de  la  tige  ,  fc  forment  du  paren- 
chyme de  la  plume  ,  de  même  que 
celles  de  la  racine  tirent  leur  origi- 
ne du  parenchyme  de  la  radicule. 
Il  combat  encore  ici  le  fentiment 
de  Mrs  Malpighi  &  de  Tour- 
nefort  au  fujet  des  valvules  & 
des  trachées,  qui  félon  eux,  retien- 
nent le  fuc  ,  Se  l'empêchent  de  for- 
tir  lorfqu'il  eft  une  fois  entré  dans 
la  Plante, 

Quant  à  la  moelle  il  montre 
qu'elle  fert  suffi-bien  que  le  bois,,  à 


E  T  ,    i  7  5  4.  427 

élever  le  fuc  ;  que  ce  fuc  dans  la 
mobile,  n'a  pas  feulement  un  mou- 
vement perpendiculaire  qui  le  por- 
te en  haut ,  mais  qu'il  a  encore  un 
mouvement  latéral  qui  Je  porte 
vers  le  corps  ligneux. 

6°.  Notre  Auteur  eft  de  fenti- 
ment que  les  parties  qui  compofent 
les  branches  ,  les  bourgeons  ,  & 
les  feuilles  ,  font  de  même  nature 
que  celles  qui  compofent  la  tige  , 
Ht  que  les  parties  qui  conftituent  la 
fève,  ont  differens  ufages  :  que  les 
plus  groflîeres  fervent  à  la  nourritu- 
re &  à  l'accroilfement  de,  la  ti^e 

6  les  plus  légères  ,  à  produire  les 
bourgeons  ;  il  en  apporte  diverfes 
preuves- 

Nous  pafions  plufieurs  autres 
articles  pour  venir  à  ce  qui  regarde 
l'établiiîement  des  genres  &  des 
efpeces  par  rapport  à  la  ftrudture 
de  la  graine  ,  des  racines ,  &  des 

7  utres  parties  des  Plantes. 

Le  deffein  de  M.  deTournefort 
dans  fes  Elémens  de  Botanique  ,  a 
été  de  faciliter  la  connoiflance  des 
Plantes ,  en  établiftant  des  princi- 
pes par  lefquelson  pût  réduire  cha- 
que eipecefous  fon  véritable  genre, 
La  méthode  qu'il  a  fuivie  pour  y 
réunir,  eft  fondée  fur  la  ftruclure 
des  rieurs  &  des  fruits  ,  &  il  a  cru 
qu'on  ne  pouvoit  s'en  écarter  fans 
fe  jetter  dans  des  embarras  infur- 
montables  ;  mais  ayant  fenti  que 
cette  méthode  n'étoit  pas  univer- 
fclîe ,  il  a  recouru  en  bien  des  oc- 
canons,  aux  autres  parties  des  Plan- 
tes. M.  Fabregou  ,  après  avoir  exa- 
miné la  méthode  de  M.  de  Tour- 
neiorc  ,  croit  qu'on  peut  y  ajoû=- 


428  JOURNAL   D 

ter  quelque  chofe  pour  mieux 
diftinguer  les  genres  des  Plantes  : 
c'eft  de  confiderer  non  feulement  la 
fleur  &  le  fruit ,  mais  encore  tou- 
tes les  autres  parties  de  chaque 
Plante  :  il  veut  pour  cela,qu'outre 
la  ftrufture  des  fleurs  &des  fruits  à 
laquelle  M.  de  Teurnefbrt  fem- 
ble  s'être  borné  ,  on  ait  égard  à  la 
ftruifture  de  la  graine  ,  à  celle  des 
racines  ,  à  la  couleur  même  ,  à 
l'odeur  ,  &c  à  la  fïtuation  des 
parties.  H  eft  très-utile  de  cher- 
cher l'établiflement  du  genre 
d'une  Plante  dans  toutes  les 
parties  qui  la  compofent  ,  & 
même  dans  le  port  de  quelques- 
unes  de  ces  parties.  Il  ne  feroit  pas 
poflîble  ,  par  exemple ,  comme  le 
remarque  notre  Auteur  ,  de  diffé- 
rencier IcBlataria  d'avec  le  Verbaf- 
cum  ,  fi  on  n'avoit  pas  égard  au 
port  extérieur  de  leurs  graines  ,  ces 
Plantes  ayant  d'ailleurs  ,  leurs 
fleurs,  leurs  tiges  ,  leurs  feuilles, 
&  leurs  racines,  tout-à-fait  fembla- 
bles.  Il  avertit  qu'on  ne  doit  pas 
craindre  de  venir  ici  à  un  trop 
grand  détail.  Il  établit  dans  les 
Plantes  deux  fortes  de  genres  ;  l'un 
du  premier  ordre  &  l'autre  du  fé- 
cond. Il  appelle  genre  du  premier 
ordre  ,  celui  pour  l'établiffement 
duquel  il  fuffit  d'avoir  égard  à  la 
feule  convenance  qui  fe  trouve  en- 
tre plufieurs  Plantes  par  rapport  à 
la  ftru£ture  de  leurs  fleurs  &c  de 
leurs  fruits ,  comme  on  le  voit  dans 
l'Aconit,  &  dans  le  Renoncule.  Il 
appelle  genre  du  fécond  ordre ,  ce- 
lui dans  l'établiffement  duquel  on 
fait  entrer  ,  outre  la  fleur  &  le  fruit 


ES  SÇAVANS, 

quelque  autre  chofe  de  particulier  , 
de  quelque  nature  qu'il  puiffe 
être. 

La  Germandrée  fait  aflez  bien 
connoîtrela  différence  de  ces  deux 
fortes  de  genres.  Ses  marques  effen- 
tielles  font  d'avoir  les  fleurs  fiftu- 
leufes,  évafées  en  devant,  avec  une 
lévre  recourbée  en  bas  ,  &  des  éta- 
mines  ordinairement  crochues  qui 
occupent  la  place  de  la  lévre  fupé- 
rieure.  On  trouve  quatre  femences 
dans  les  fonds  des  cornets  qui  ont 
fcrvidecapfuleaux  fleurs.  Voilà  le 
modèle  que  notre  Auteur  donne 
d'un  genre  du  premier  ordre. 

Mais  comme  en  confiderant  les 
fleurs  &  les  fruits  de  la  German- 
drie  ,  il  faut  encore  avoir  égard  à  ïa 
difpofition  de  Ces  parties  qui  font  dif- 
pofées  le  long  des  tiges  &  des  branches 
dans  les  aijfelles  des  feuilles ,  il  en  fait 
un  genre  du  fécond  ordre.  Le  po- 
lium  eft  aulïï  félon  lui ,  un  genre 
du  fécond  ordre  ,  parce  que  fes 
fleurs  &  fes  fruits,qui  reffemblent  à 
ceux  de  la  Germandrie ,  font  effen- 
tiellement  ramaffès  en  manière  de 
tête.  Le  Teucrium  tout  de  même 
eft  un  genre  du  fécond  ordre  ,  par- 
ce que  fi  différence  eft  tirée  du  ca- 
lice de  fes  fleurs ,  lequel  reffemble 
à  une  campane  ;  au  lieu  que  le  ca- 
lice des  fleurs  de  la  Germandrie, 
&  du  Polium ,  reffemble  à  un  cor- 
net. 

La  difpofition  Si  le  nombre  des 
feuilles  font  encore  à  obferver 
pour  établir  les  genres  de  certaines 
Plantes  ;  notre  Auteur  citelà-def- 
fus  le  Pcntaphvllum  ,  leFraifîer,' 
&  le  Penîaphylloidesices  trois  gen- 


J  U  I  L  L 

ïcs  ont  les  fleurs  Se  les  fruits  à  peu- 
près  femblables  ,  Se  s'il  y  a  quel- 
ques efpeces  de  Fraifiers  dont  les 
fruits  font  bons  à  manger  ,  il  y  en 
a  aufTi  plufieurs  dont  les  fruits  ne 
le  font  pas  :  il  vaut  donc  mieux  par- 
tager ces  trois  fortes  de  Plantes  en 
autant  de  genres  du  fécond  ordre , 
par  rapport  à  leurs  feuillages.  Le 
Pentaphyllum  a  cinq  feuilles  ou 
davantage  ,  difpofées  en  éventail 
fur  la  même  queue;  leFraifiern'en 
a  que  trois  rangées  de  la  même 
manière.  Le  Pentaphylloïdes  en  a 
plus  ou  moins  ,  mais  dans  un  ar- 
rangement différent.  Le  Pin ,  le  Sa- 
pin Se  la  Meliffe ,  font  trois  genres 
du  fécond  ordre ,  qui  ont  les  fruits 
écailleux  Se  des  chatons  de  même 
ftru&ure  :  leur  différence  fe  doit 
tirer  de  la  difpofition  de  leurs  feuil- 
les; le  Sapin  les  porte  feules  rangées 
tout  le  long  des  branches,  Se  le  Pin 
les  porte  deux  à  deux  engagées  par 
enbasdansdestuyauxmembraneux, 
femblables  à  ceux  d'où  fortent  les 
jeunes  plumes  des  oifeaux  ;  les 
feuilles  de  la  Melifle  forment  com- 
me autant  de  petits  bouquets  pla- 
cés dans  la  longueur  des  branches. 
Il  eft  donc  important  ,  conclud 
notre  Auteur ,  de  diftinguer  cer- 
tains genres  par  les  feuilles,  puif- 
que  c'eft  par  le  moyen  des  feuilles 
que  l'on  connoît  la  plupart  des 
Plantes  qui  pendant  une  bonne 
partie  de  l'année  font  fans  fleur  Se 
fans  graine  ,  tels  que  les  Genêts  , 
les  Cytifes  Se  quelques  autres. 

M.  Fabregou  veut  qu'on  ait  auflî 
égard  à  la  différence  des  tiges  ,  Se 
même  à  celle  de  leurs  écorces  :  U 
Juillet, 


ET,    175  4;  420 

cite  fur  ce  fujet ,  le  Piffenlit ,  Se  le 
Liège  :  le  premier  ne  différant  de 
l'Hieracium  ,  que  par  fa  tige  fiftu- 
leufe  Se  fimple  ,  Se  le  fécond  ne 
différant  du  Chêne-verd  ,  que  par 
fon  écorec  épaiffe  Se  légère. 

Le  calice  de  la  fleur  ,  le  fuc  de 
la  Plante  ,  la  couleur  de  certaines 
parties  qui  la  compofent  ,  le  goût 
même  de  la  Plante  ,  le  port  qu'elle 
a  ,  tout  cela  confideré  féparémeut, 
met  de  la  différence  entre  quelques 
genres  du  fécond  ordre.  Notre  Au- 
teur rapporte  là-delïus ,  les  exem- 
ples fuivans. 

La  Scorfonaire  a  le  calice  écail- 
leux Se  celui  de  la  "Barbe  de  bouc 
eft  tout  fimple.  Le  faux  Di&ame 
a  le  calice  évafé  en  entonnoir ,  au 
lieu  que  celui  de  la  plupart  des  au- 
tres Plantes  verticillées ,  eft  un  cor- 
net dentelé  dans  fon  ouverture. 

Une  des  principales  différences 
qui  fe  trouvent  entre  l'Apocinum 
Se  le  Vincéroxicum  ,  eft  que  le  pre- 
mier rend  du  lait ,  Se  que  l'autre 
n'en  rend  point. 

Quant  à  la  couleur  de  certaines 
parties  des  plantes ,  le  Chryfanthe- 
mum  Se  le  Lcucanthemum  ne  dif- 
férent que  par  la  couleur  de  leurs 
fleurs;  l'éclat  du  calice  des  efpeces 
d'Elycrifum  ,  les  diftingue  de  cel- 
les du  Gnafaiium.  Pour  ce  qui  eft 
de  la  faveur  ,  la  Julienne-favage  , 
la  Roquette  ,  la  Moutarde  ,  l'Iris , 
différent  par  leur  faveur  particuliè- 
re ,  non  feulement  entre  elles  / 
mais  d'avec  beaucoup  d'autres 
dont  les  fleurs  Se  les  fruits  font  de 
même  forme. 

Au  regard  du  port  de  certaines 

Kkk 


4JO  JOURNAL D 

Plantes  ,  lequel  oblige  quelque- 
fois d'en  faire  des  genres  au  fécond 
ordre ,  l'Abfynrhc  ,  l'Auronne  mâ- 
le 5  &  l'Armoife  ,  ne  différent  que 
par  cet  endroit. 

Enfin  M.  Fnbregou  croit  que 
pour  ce  qui  regarde  les  fleurs  dans 
l'établiflement  des  genres ,  il  vaut 
mieux  s'en  tenir  aux  fleurs  (impies 
qu'aux  doubles  ,  non  feulement 
parce  que  les  fleurs  Amples  font  les 
plus  ordinaires  ,  mais  parce  que 
leur  ftruclure  eft  plus  diftindle. 

Quant  à  la  méthode  que  M.  de 
Tournefort  a  établie  fur  la  itrudtu- 
re  des  fleurs  &c  des  fruits  :  notre 
Auteur  convient  qu'à  cet  égard 
elle  eft  incontestablement  la  meil- 
leure ,  Si  même  la  feule  dont  on 
puilîe  faire  un  bon  ufage  :  ce  qu'il 
y  a  de  fâcheux  dans  cette  méthode, 
c'eft  qu'il  faut  attendre  la  faifon 
des  fleurs  &c  des  fruits  pour  s'aflurer 
du  caracTrere  de  chaque  genre,  mais 
M.  Fabregou  dit  qu'il  ne  voit  point 
de  remède  à  cela  ,  &  que  rien  ne 
lui  femble  plus  raifonnable  que 
d'examiner  toutes  les  parties  d'une 
Plante  ,  avant  que  d'entreprendre 
de  la  réduire  à  fon  genre. 

Pour  ce  qui  eft  de  la  diftribution 
des  efpeces  du  même  genre  ,  il 
prétend  qu'elle  fe  doit  tirer  de  ce 
qu'il  y  a  de  plus  particulier  dans  la 
ftru&urede  quelques-unes  de  leurs 
parties ,  ou  dans  leurs  modifica- 
tions ,  comme  font  h  figure  ,  la 
faveur ,  l'odeur  ,  ou  la  reflemblan- 
ce  que  les  parties  ou  les  modifica- 
tions peuvent  avoir  avec  celles  de 
quelques  autres  Plantes  connues , 
ou  de  quelques  autres  corps ,  quels 
qu'ils  foyent. 


ES   SÇAVANS, 

Notre  Auteur  remarque  ici  que 
les  noms  dont  on  fe  fert  pour  défi- 
gner  chaque  efpece  de  Plante,  font 
comme  autant  de  définitions  qui 
annoncent  d'abord  le  genre,puis  la 
différence  ;  il  prétend  que  cette 
méthode  eft  préférable  à  celle  de 
quelques  Auteurs  qui  ont  voulu 
établir  la  diftin&ion  des  efpeces  pat 
les  nombres  de  première  efpece  , 
de  féconde  efpece  ,  &c.  la  raifon 
qui  lui  paroîtautorifer  cette  préfé- 
rence ,  eft  que  l'idée  d'une  diftinc- 
tion  purement  méchanique  com- 
me celle  des  nombres ,  n'étant  ac- 
compagnée d'aucune  image  ,  il  eft 
malaifé  de  ne  pas  confondre  une 
efpece  avec  une  autre  ,  la  quatriè- 
me ,  par  exemple ,  avec  la  cinquiè- 
me ,  au  lieu  que  l'idée  de  la  ftruc- 
ture  des  parties ,  ou  de  leurs  modi- 
fications ,  eft  une  image  qui  re- 
vient à  l'efprit ,  auftî-tôt  qu'on  a  la 
Plante  devant  les  yeux.  M.  Fabre- 
gou cite  là-deffus  Gafpard  Bauhir. 
8c  Jean  Bauhin  qui  ont  appelle 
certaines  Renoncules ,  Ranunculus 
nemorofus  vel  Sylvaticas  folio  rotun- 
do  pin  ;  178.  %anunailus  pratenfis 
ereSlus  acris  pin  :  ibid,  'Ranunculus 
phr.tgmites  tutens  nemorofus ,  Tom.  3 , 
4 17.  où  l'on  voit  que  le  mot  de 
Ranunculus  tient  lieu  de  genre  ,  &c 
que  le  refte  exprime  la  différence. 

Il  remarque  ici  qu'en  fait  de 
noms  de  Plantes ,  il  n'y  a  rien  de 
mieux  pour  éviter  les  noms  corn- 
pofés  de  plufieurs  mots ,  que  de 
multiplier  les  genres  autant  qu'il 
fe  peut ,  parce  qu'alors  on  a  moins 
d'efpeces  à  renfermer  fous  un  mê- 
me genre ,  &  qu'on  exprime  leurs- 


jUILLE 

differencesenmoinsdcparoles.c'eft 
à  ce  qu'il  déclare ,  ce  qui  lui  a  per- 
fuadé  qu'il  failoit  avoir  égard  à  cha- 
que partie  des  Plantes  pour  en  tor- 
mer  des  genres  &  des  efpeces.  En 
effet  il  eft  beaucoup  plus  commo- 
de d'étendre  à  un  certain  nombre 
de  genres  ,  la  plupart  des  Plantes 
connues ,  que  de  les  réduire  fous 
un  plus  petit  nombre ,  parce  que 
ce  petit  nombre  fe  trouveroit  char- 
gé de  tant  d'efpeccs  que  pour  ex- 
primer leurs  différences  ,  on  feroit 
obligé  de  recourir  à  des  noms  fort 
compofés ,  au  lieu  qu'en  multi- 
pliant les  genres ,  on  n'introduit 
qu'un  nom  dans  chaque  genre;  ce 
qui  eft  bien  plus  court ,  &c  épargne 
bien  de  l'embarras.  Notre  Auteur 
confeille  pour  ce  fujet ,  de  ne  pas 
beaucoup  s'attacher  à  la  méthod* 
de  quelques  Botanilfes  &  Démon- 
ftrateurs  d'aujourd'hui,  qui  croyent 
devoir  multiplier  les  efpeces  tant  à 
caufe  de  la  différence  deslieux^u'à 
caufe  de  quelques  changemens  ac- 
cidentels, Se  qui  pour  cette  raifon 
font  de  la  même  Plante  plufieurs 
Plantes  différentes  8c  grolïilfent 
ainfi  certains  genres  par  des  Plan- 
tes de  divers  caractères ,  qu'ils  font 
obliges  d'appellerPlantes  hétérogè- 
nes ,  Plantes  bâtardes ,  Plantes  dé- 
générées ,  parce  qu'elles  n'ont  pas 
les  marques  elfentielles  des  genres 
aufquelles  il  leur  a  plû  de  les  rap- 
porter. M.  Fabregou  demande  fur 
cela ,  de  quelle  neceffité  il  eft ,  par 
exemple,  d'appelleravec  Morifon, 
le  Houblon ,  Convolvulus  hetero- 
clitus  perennis  floribus  foliaceis  flmbi- 
iiinfiar ,  plutôt  que  d'en  faire  un 


T  ,    t  7  5  4:  4?i 

genre  particulier  ,  &  de  lui  lailfer 
le  nom  de  Lupulns  vulgaris  ■  qui 
eft  connu  de  tout  le  monde.  On 
objectera  peut-être  qu'en  multi- 
pliant ainfi  les  genres ,  il  s'en  trou- 
vera qui  n'auront  fous  eux  qu'une 
feule  efpece  ,  mais  qu'importe  , 
répond  M.  Fabregou  ;  d'ailleurs , 
ajoute  t- il ,  il  eft  à  croire  qu'à  force 
d'herborifer  ,  on  enrichira  non 
feulement  les  genres  qui  renfer- 
ment le  moins  d'efprces  ,  mais 
qu'on  fera  peut-être  oliligé  un  )our 
d'en  établir  plufieurs  nouveaux  , 
parce  qu'il  ne  faut  pas  douter  que 
l'on  ne  découvre  à  l'avenir  plu- 
fieurs Plantes  qui  feront  de  même 
genre  que  celles  qu'on  aura  appel- 
ïées  hétéroclites  ou  bâtardes. 

M.  Fabregou  vient  à  prefent 
aux  claffes  dans  lefquelles  il  faut 
ranger  les  Plantes.  On  peut  établir 
ces  clalfes  en  déterminant  précifé- 
ment  ce  que  plufieurs  genres  de 
Plantes  ont  de  commun  qui  lesdi- 
ftingue  effentiellement  d'avec  tous 
les  autres  genres  ,  &  en  renfermant 
ces  mêmes  genres  dans  certains  or- 
dres. Notre  Auteur  donne  là  delfus 
divers  préceptes  que  la  crainte  de 
nous  trop  étendre  nous  oblige  de 
paffer. 

Il  parle  enfuite  de  la  durée  des 
Arbres  ,  des  Arbriffeaux,  des  Sous- 
ArbrifTeaux  &  des  Herbes  :  puis 
il  explique  au  long  ,  tous  les  ter- 
mes de  Botanique,  tant  ceux  qui 
font  propres  à  cette  Science  ,  que 
ceux  qu'elle  emprunte  de  plufieurs 
Arts.  Il  finit  par  diverfes  remar- 
ques fur  la  manière  de  cultiver  les 
Plantes ,  &  de  les  perpétuer.  A  l'é- 
Kkki^ 


412         JOURNAL   D 

gard  de  ce  dernier  poinc ,  il  obfer- 
ve  entre  autres  choies ,  que  l'ufage 
des  Jardiniers  ,  de  choifir  l'Au- 
tomne pour  arracher  les  Arbres 
fruitiers  afin  de  les  tranfplanrcr  , 
n'eft  pas  le  plus  convenable  ,  & 
qu'il  faut  renvoyer  cette  opération 
à  la  fin  de  Février  ou  au  mois  de 
Mars,  pourvu  que  les  gelées  ne 
foient  pas  alors  trop  fortes ,  &  cela 
pour  deux  raifons  principales ,  la 
première  ,  parce  que  l'Arbre  &.  les 
autres  Plantes  n'ayant  que  deux 
fortes  de  racines  ,  fçavoir  i°.  la 
maîtrefTc  racine  qui  eft  leur  foû- 
tien ,  &  où  fe  conferve  une  grande 
partie  de  la  fève  ;  20.  le  Chevelu 
qui  fournit  à  cette  maîtrefte  racine 
le  fuc  de  la  terre  ,  il  arrive  qu'es 
arrachant  l'Arbre  ,  &  lui  retran- 
chant par confequent  ce  Chevelu, 
on  lui  ôte  une  partie  de  la  vie  fans 
qu'elle  puifle  être  reparée  pendant 


ES    SÇAVANS; 

l'Automne ,  puifque  dans  cette  fai- 
fon  la  fève  cefie  de  fe  diftribuer 
dans  les  Végétaux.  La  féconde  rai- 
fon  ,  c'eft  que  l'Arbre  étant  tranf- 
planté  en  Automne  ,  le  peu  de  ra- 
cine qui  lui  refte  eft  expofé  à  la  ri- 
gueur de  cette  Saifon  &  de  l'Hiver, 
ce  qui  ordinairement  le  fait  périr 
par  les  gelées.  Au  lieu  qu'à  la  fin  de 
l'hiver  la  nature  lui  tournit  un  fuc 
nouveau  ,  qui  s'infinue  dans  fes 
pores  &  repare  celui  que  la  Plante 
a  perdu.  C'eft  une  expérience  apu- 
rée ,  &i  que  l'Auteur  dit  avoir  faite 
plusieurs  fois  ,  que  les  Arbres  ainfi 
tranfplantés  réulîiffent  beaucoup 
mieux  que  les  autres. 

En  voilà  fuffîfamment  pour 
donner  une  notion  de  ce  premier 
Volume  ;  nous  rendrons  compte 
des  autres  à  mefure  qu'Us  paroî- 
tront. 


NOVVELLES     LITTERAIRES. 


ITALIE. 
De  Venise. 


mort  l'a  enlevé  à  fon  Ordre ,  dont 
il  n'étoit  pas  un  des  moindres  or- 
nemens. 


LE  R.  P.  Gattola ,  fçavant  Bé- 
nédictin de  la  Congrégation 
du  Mont  Cafïin  ,  publia  ici  l'année 
dernière  ,  Hiftoria  Sacri  Monafterii 
Cajfwenfîs  ,  ab  ereftione  ad  annum 
»fyne  17  it,.  Cet  Ouvrage  eft  en 
deux  Volumes  in-folio  aufquels 
on  a  joint  un  Volume  de  preuves  ; 
l'Auteur  fe  difpofoit  à  en  donner 
un  fécond  cette  année  ,  lorfque  la 


D' A  s  s  1  s  e. 

André  Sgariglia  achevé  d'impri<- 
mer  in-folio  :  Catalogi  très  Eptfcopo~ 
ritm  ,  Reformatorum  ,  &  Virorum 
SanElitate  illujlriitm  è  Congrégations 
Cajfmenfi ,  alias  S.Jujiint  Patavina. 
C'eft  au  R.  P.  Dom  Mariano  Ar- 
melltni ,  Abbé  de  S.  Pierre  de  cette 
Ville  que  Je  Public  eft  xedeYabk 


J  U  ï  L  I 

àe  ces  Catalogues.  Le  même  Au- 
teur avoitdéja  mis  au  jour  en  1732- 
la  Bibliothèque  des  Ecrivains  de  fa 
Congrégation  en  deux  Volumes 
ui  folio  fous  ce  titre  :  Bibliotheca 
Betiediilino-Caffinenfîs  ,/ive  Script 0- 
rum  Cafftnenfis  Congregationis  t  aliàs 
S.  Jufttn&  Patavins  ,  qm  in  eâ  ad 
httc  ufcjue  tempora  floruerunt ,  ope- 
rum  ,  ac  geflorum  notait  ;  Authore 
ReverendiJJimo  Pâtre  D.  Mariano 
Armel  Uni,  ejufdem  Congregationis 
fantlt  Pétri  de  Affifio  Abbate.  Affifii. 
1731.  On  ne  fçauroit  douter  que 
tes  trois  Ouvrages  que  nous  venons 
d'indiquer  ne  donnent  la  plus  am- 
ple connoilTance  qu'il  eft  poflible 
de  tout  ce  qui  regarde  non  feule- 
ment le  fameux  Monaftere  du 
Mont  Caifin  ,  mais  encore  la  célè- 
bre Congrégation  qui  porte  ce 
nom. 

ALLEMAGNE. 

De  Leipsik. 

Frider.  Vilelmi  Stubner.  A.  M. 
Ord.  Philof.  Ltpf.  Adfeff.  Regia  So- 
eietati  Scientiarum  Boruffic*  ,  qui. 
Berolini floret  adfcripti ,  demonftra- 
ïio  verx  menfurz  virium  Motri- 
ciumvivarum  ,  è  legitimis  principiis 
Dynamices  luculentius  expofîtts  peti- 
ta.  Breirkopfius  Typis  expreffit. 
1734.  /»-4°.  Brochure  de  22  pages. 
L'Auteur  promet  de  donner  enco- 
re d'autres  Démonftrations  du  mê- 
me genre  ;  ce  qui  ne  peut  que  faire 
plaifir  à  ceux  qui  s'intereflent  au 
progrès  de  cette  partie  des  Mathé- 
matiques. 


E    T    ï      I  7  J  4;  ^  £jjj 

M.  Kortholt  a  fait  imprimer  avec 
quelques  notes  ,  chez  le  même  Li- 
brùrc  Breitkppf ,  le  premier  Volu- 
me du  Recueil  des  Lettres  de  M.  de 
Leibnitz. ,  fous  ce  titre  :  Vin  Illu- 
ftris  Godefridi  Guil.  Leibnitii  Eptflo- 
la  ad  diverfos;  Theologi  Juridici  Me- 
dia y  Phdofophici ,  Mathematici  , 
Hiflorici  &  Philofophici  argument i  è 
Manufc.  AuEloris  ,  cum  annotationi- 
bus  fuis  primim  divulgavit  Cbriflian. 
Kortholtus  ,  A.  M.  Ord.  Philojopbi- 
ci  in  Academia  Lipfienfi  Affeffor  & 
Collegii  Minoris  pnncipum  Collé- 
gial us.  1734.  /'«-8°.  Ce  Volume 
contient  245  Lettres  ,  dont  209 
font  Latines  &  adreflees  à  divers 
Sçavans  d'Allemagne  &  d'Angle- 
terre ;  les  autres  font  en  François , 
&  écrites  à  M.  k'eyffiere  U  Croze 
Antiquaire  &  premier  Bibliothé- 
caire du  Roi  de  Prune. 

De  Nuremberg. 
Conrad  Monath  vient  de  faire 
réimprimer  cinquante  feuilles  & 
graver  trente-cinq  figures  qui  man- 
quoient  à  plufieurs  exemplaires  in- 
complets qu'il  avoit  de  l'abrégé 
des  Mémoires  ou  Commentaires 
de  Lambecius  fur  la  Bibliothèque 
de  Vienne  ,  par  Neffelius  ;  il  a 
averti  qu'il  ne  vendrait  cet  Ouvra- 
ge que  "12  florins  d'Allemagne  de- 
puis le  premier  Juin  jufqu'au  der- 
nier jour  du  prefent  mois  de  Juil- 
let ;  &  que  paffé  ce  tems  il  ne  le 
donnera  pas  à  moins  de  ï  8  florins. 

ANGLETERRE, 
De   Londres» 
W.  Innys  ,   R.  Manby}  J.  0|C 


43*  JOURNAL  D 

born  ,  Sic.  débitent  le  premier  Vo- 
lume d'un  Cours  d'Expériences 
Philofophiques.  Par  M.  le  Do&eur 
Defagitliers.  1734.  ««-4°.  en  An- 

Slols-  f     ...       . 

On    propote    d  imprimer    par 

Soufcription  l'Hifloire  de  Jacques 
Duc  d'Ormond ,  depuis  fa  naiflance 
en  \ù  10.  jufqu'à  fa  mort  arrivée  en 
n>SS.  Cet  Ouvrage  compofé  en 
Anglois  par  M.  Thomas  Carte ,  doit 
contenir  plufieurs  recherches  fur 
ies  affaires  &c  le  gouvernement  de 
l'Irlande  ,  avec  un  ample  Recueil 
de  Lettres  Originales  foit  du  Duc 
d'Ormond  ,  foit  du  Roi ,  des  Se- 
crétaires d'Etat,  &c.  Cette  Hiftoi- 
re  fera  en  trois  Volumes  in-folio. 
On  demande  trois  guinées  pour  la 
Soufcription.  On  ne  donnera  qu'u- 
ne guinée  en  fouferivant ,  6i  les 
deux  autres  feront  payées  en  rece- 
vant l'exemplaire. 

FRANCE. 

De  Dijon. 

A.  J.  B.  Auge  a  imprimé  Réfle- 
xions Critiques  fur  l'Elégie.  Par  M. 
Michault.  1734. in-n.  Cet  Ouvra- 
ge eft  la  Critique  d'un  Livre  im- 
primé à  Paris ,  chez  Chaubert  t  en 
17  31.  intitulé  :  Elégies  de  Ai.  L. 
avec  un  Difcoursfur  ce  genre  de  Poë- 
fte.  in -8°. 

De     Paris. 

Expériences  de  Phyfîque ,  par  M. 
Pierre  Poliniere ,  DocTreur  en  Mé- 
decine ,  &  de  la  Société  des  Arts. 


ES  SÇAVANS, 

Quatrième  Edition  .  revûë,  corri- 
gée &  augmentée  confiderable- 
menr  par  l'Auteur.  Chez  Gijfey, 
rue  de  la  Vieille  Bouderie  ,  à  l'Ar- 
bre de  Jeffé.  1734.  in-11. 1.  vol. 

Hfloire  Romaine  :  Odlavien-Cé- 
far ,  Marc- Antoine  &  Lépide,  Em- 
pereurs fous  le  nom  de  Triumvirs. 
Avec  des  Notes  Hijîoriques ,  Géogra- 
phiques &  Critiques  ,  des  gravures 
en  taille-douce  :  des  Cartes  Géogra- 
phiques j  &  plufieurs  Médailles  au- 
thentiques. Parles  RR.  PP. Catrou 
&  Rouillé, .ak  la  Compagnie  dejejus. 
Tome  18.  depuis  l'art  de  Rome 7 10. 
jufqu'k  l'anju.  Chez  Jacques  Roi- 
lin  ,  Quai  des  Auguftins  -,  J.  B. 
Delefpine ,  Coignard  fils ,  &  Charles 
J.  B.  Delefpine  fils ,  rue  S.  Jacques. 
1734.  i»-4». 

Anatomie  Chirurgicale ,  ou  Def- 
cription  exade  des  parties  du 
Corps  Humain  ,  avec  des  remar- 
ques utiles  aux  Chirurgiens  dans 
la  Pratique  de  leur  Art.  Publiée  ci- 
devant  par  M.Jean  Palfin  ,  Chi- 
rurgien Juré,  Anatomifte  &  Lec- 
teur en  Chirurgie  ïGand.  Nouvel- 
le Edition ,  revûë,  corrigée  &  aug- 
mentée ,  accompagnée  de  notes 
dans  le  premier  Volume  ,  &  refon- 
due dans  le  fécond.  Par  M.  B.  Bon- 
don  ,  Doiteur  en  Médecine.  On  y 
a  joint  les  Obfervations  Anatomi- 
ques  &  Chirurgicales  de  bi.Rityfch, 
traduites  du  Latin  &  celles  de  M. 
BriJJèau.  Avec  plufieurs  figures  en 
taille-douce.  Chez  Guillaume  Cave- 
lier,  rué  S.  Jacques.  1734.  in-  8°. 
2.  vol. 

Les  Hommes.  Tome  1.  Chez  Hen- 
ry ,  rué  S.  Jacques ,  vis-à-vis  Saint 
Yves.  1734.  in-11. 


J  U  I  L  L  E 

Penfèes  choifîes  fur  divers  fujets  de 
Morale }  tirées  des  plus  excellens  Au- 
teurs. Chez  le  même  Libraire ,  Se 
Guillaume-Denis  David ,  à  ladef- 
cente  du  Pont  S.  Michel ,  à  l'Efpc- 
rance. 

Penfées  du  Père  Bourdaloue  de  la 
Compagnie  dejefus,fur  divers  fujets 
de  Tijïigion  &  de  Morale.  Chez 
Caille  au ,  Se  RollinÇAs,  Quai  des 
Auguftins  j  Prault ,  Quai  de  Gê- 
vres ,  Se  Bordelet ,  rue  S.Jacques  , 
vis-à-vis  les  Jefuites.  1734.  in-11. 
3-.  vol. 

Prières   au  faim   Sacrement   de 


T;     1734;  4?T 

V Autel  j  pour  chaque  Semaine  de 
l'année  ,  avec  des  Méditations  fur 
divers  Pfeaumes  de  David.  Par  feu 
M.  Pelijfon  de  l'Académie  Françoi- 
fe.  Chez  François  Mathey  ,  rue 
S.  Jacques ,  au  coin  de  la  rue  des 
Noyers,  à  S.  Auguftin.  1734.  /»-i8. 
Lettres  au  fujet  d'un  Livre  inti- 
tulé :  Reflexions  fur  ta  Poe  fie  en  géné- 
ral s  fur  l'Eglogue  ,  fur  la  Fable,  fur 
l'Elégie,  fur  la  Satyre  ,  fur  l'Ode  & 
fur  les  autres  petits  Poèmes.  Chez. 
Jacques  Guerin  y  Quai  des  Augu- 
ftins. 1734.  in-iz. 


Faute  à  corriger  dans  le  Journal  de  Juin  1734. 
A    Age  341.  colonne  2.  ligne  21.  Govin  ,  Ufez  Jovin. 


TABLE 

Des  Articles  contenus  dans  le  Journal  de  Juillet  1734. 

HIfloire  Ancienne  des  Egyptiens ,  des  Carthaginois  ,  des  AJfjriens , 
&c.  Tome  VI.  page   375 

Cent  Planches  gravées  d'après  des  Pierres  antiques  reprefentans  des  Hom- 
mes Illuftres  &  des  Dieux  ,  &c.  38? 

Très-ample  Colleclion  d'anciens  Ecrivains  s  Sec.  par  les  PP.  Martcne  & 
Durand.  Tome  neuf ,  387 

Obfervations  importantes  fur  le  Manuel  des  Accouchemens ,  Sec.  391 

Hifloire  Critique  de  l'êtablijfement  de  la  Monarchie  Franfoife  dans  les  Gau- 
les ,  &c.  398 

Defcription  des  Plantes  qui  naiffent  ou  fe  renouvellent  aux  environs  de 
Paris ,  Sec.  .  4*4 

Nouvelles  Littéraires }  43,2 

Fin  de  1»  Table. 


L  E 


JOURNAL 

CAVANS, 

POUR 
VANNEE    M.    DCC.    XXXIF- 

AOUST. 


A     PARIS, 

Chez    CHAUBERT,    à  l'entrée   du  Qiiay  des 

Auguftins,  du  côté  du  Pont  Saint  Michel,  à  la 

Renommée  &  à  la  Prudence. 

"  M.    DCC.   XXXIV. 

AVEC  APPROBATION  ET  PRIVILEGE  DU  ROY: 


ù 


JOURNAL 


DES 

SCAVAN 

.-5 

A  OUST    M.  D  CC.  XXXIV. 

LES  DONS  DES  ENFANS  DE  LATONE  ,  LA  MVS1QVE 
&  la  Chajfe  du  Cerf,  Poèmes  dédiés  au  Roi.  A  Paris ,  chez  Pierre  Traulty 
Quai  de  Gêvres  ;  Jean  Defaint ,  rue  S.  Jean  de  Beauvais  ,  Se  Jacques 
Cuerin  ,  Quai  des  Auguftir.s.  1754.  in%°.  pp.  330.  fans  y  comprendre 
les  fons  de  ChafTc  qui  font  3 1.  pages. 


CE  T  Ouvrage  eft  divifé  en 
deux  Parties  ,   dont  le  fujet 
cft  tropintereiîant ,  &  traité  d'une 
manière  trop  neuve  pour  que  nous 
AohJI. 


n'en  rendions  pas  un  compte  exad. 
La  première  partie  regarde  laMu- 
fîque.  On  y  voit  d'abord  un  Poème 
fur  l'origine  des  Spectacles.  Et  il 
Llifj 


Eft  inferilîble  aux  tons  ,  qu'elle-même 
clic  enfante. 


44o   JOURNAL  DES  SÇAVANS; 

eft  divifé  en  quatre  Chants.  L'Au- 
teur a  trouvé  l'art  d'y  faire  entrer 
d'une  manière  auffi  ingénieufe  que 
naturelle  tout  ce  que  la  Mufique 
a  de  plus  profond  &  de  plus  ab- 

Pour  mieux  taire  lentir  les  prin- 
cipes du  Chant  on  commence  par 
expofer  la  manière  dont  la  voix  fe 
forme. 


L'air  dans  un  fein  fécond  eft  à  peine 
reçu, 
Que  le  fon  aufli-tôt  repouffé,  que  conçu, 

D'un  flexible  gofier  s'ouvrant  la  trace 
humide, 

Se  fait  entendre  au  gré  du  foufflequile 
guide. 

Des  mufcles ,  des  tendons ,  au  paflhge 
attachés , 

En  bordent  les  contours ,  plus  ou  moins 
relâchés  ; 

S'ils  fe  ferrent ,  le  fon  avec  éclat  fe  lance; 

S'ils  s'ouvrent ,  il  groflît  :  de  cette  diffé- 
rence , 

Du  erave  &  de  l'aigu  naît  le  genre  oppo- 
fé; 

Entre  eux  fe  forme  encore  un  ordre 
compofé, 

Dont  les  accens  fuîvis  ,    s'élèvent ,  ou 
defeendent , 

Se  détachent  par  bords  ,  voltigent,  ou 
s  étendent. 

Mais  ce  n'étoit  pas  afTcz  que 
l'homme  fût  capable  de  former  des 
fons. 

Ainfî  qu'aux  champs  de.  Mais  la  timballe 
bruyante 


Il  falloit  qu'il  pût  encore  s'en- 
tendre foi-mêsie  Se  les  autres.  Cet- 
te reflexion  donne  lieu  d'expliqués 
la  ftruéture  de  l'oreille ,  &  cette 
admirable  Méch.inique  avec  la- 
quelle elle  reçoit  le  fon ,  &:  le  tranf- 
met  enfuite  jufqu'au  principe  des 
fenfations.  Ce  morceau  mérite 
également  l'attention  des  Physi- 
ciens &  des  Poètes. 

Cependant  ,  malgré  tous  la 
avantages  qui  rendoient  les  hom- 
mes fi  capables  de  goûter  les  beau- 
tez  du  Chant ,  ils  les  ignoroient. 
Apollon  defeend  fur  les  bords  de 
l'Àmphvfe  év  prenant  la  forme  de 
Berger ,  il  fe  mêle  parmi  eux  ,  &  il 
leur  apprend  qu'ils  ont  tort  d'en- 
vier le  Criant  que  la  nature  a  donné 
aux  oifeaux  ,  &  qu'elle  leur  a  fait! 
part  d'une  voix  propre  à  des  modu- 
lations plus  variées  &  plus  tou- 
chantes que  celles  qu'ils  admirent 
dans  les  hôtes  des  bois. 

Le  tendre  Roflignol  en  fon  brillant  déli- 
lire 

Entre  tous  les  oifeaux  mérite  qu'on  l'ad- 
mire: 

De  fa  légère  voix  il  feait  en  cent  façons 

Enfler ,  diminuer ,  &  déguifer  les  fons  ; 

ïl  l'élevé ,  l'abaiffe  ,  ou  la  tient  en  ba- 
lance , 
La  brife  par  les  coups  d'une  égale  caden- 
ce, 

Semble  exprimer  les  feux  dont  fon  cœur 
eft  épris. 

Mais  fur  lui  doutez-vous  de  remportes 
Je  pris .' 


A  O  U  S 

Ah  !  celTcz  d'ignorer  la  douceur  infinie , 

Qu'a  la  voix  cultivée  ajoute  l'harmonie; 

Ecoutez-moi,  je  vais  découvrir  à  vos 
yeux 

î.qs  mifteres   d'un  art  inventé  par  les 
Dieux. 

Là  -  dedus  il  leur  explique  dans 
une  cinquantaine  de  vers  tous  les 
principes  de  la  Mufique  ,  il  y  joint 
même  quelques  règles  de  la  com- 
pofiticn.  Mais  pour  les  rendre  plus 
fenfibles  ,  l'Auteur  a  fait  graver  à 
la  fin  du  premier  &  du  fécond 
Chant  différentes  planches  où  l'on 
voit  en  détail  les  principes  de  la 
Modulation  &  de  l'Harmonie  avec 
la  nouvelle  règle  de  l'Octave. 

Il  faut  cependant  remarquer 
qu'Apollon  fe  borne  à  montrer 
aux  Bergers  les  feuls  Modes  natu- 
rels ,  il  leur  cache  ce  qu'on  appelle 
les  tranfpofitions  &c  les  faufies  dif- 
fonances  ,  dans  l'idée  que  la  con- 
noilfance  de  ces  miiteres  de  l'art 
pourrait  leur  être  dangereufe,  c'eft 
ainfi  qu'il  s'explique. 

Ne  portez  pa3  plus  loin  vos  foins  ni  votre 
v»e; 

Par  des  ions  diiïonans  votre  aine  trop 
émue  , 

Contre  Ton  innocence  &  contre  (à  rai- 
fon 

Y  trouveroït  peut  -  être  un  dangereux 
poifon. 

Les  Dieux  feuls  à  leur  gré  vertueux  ,  in- 
vincibles, 

Se  refervent  peur  eux  ces  délices  fenfî- 
bles. 

Cette  refcive  fait  ,  pour  ainfi 


T,   1754.  441 

dire  ,  le  nœud  du  Poème  ,  comme 
on  le  verra  dans  les  Chants  fui- 
Vans. 

Dans  le  fécond  Minerve  jaloufe 
de  voir  les  Bergers  (i  épris  des  char- 
mes de  l'harmonie  qu'ils  en  négli- 
geoient  fon  culte  pour  celui  d'A- 
pollon qui  s'etoit  fait  connoître 
à  eux  ,  cette  Dcefle  fe  fert  de  la 
paillon  même  qu'ils  avoient  pour. 
la  Mufique  ,  afin  de  les  ramener  à 
fes  Autels.  Dans  ce  defiein  elle  in- 
vente la  flutte  à  bec",  mais  bien- tôt 
elle  s'en  dégoûte  ,  piquée  de  ce 
qu'elle  n'en  pouvoit  jouir  fans  dé- 
ranger les  traits  &  les  agrémens  de 
fon  vifage  ,  elle  jette  cet  infini- 
ment. Pan  qui  en  avoit  entendu 
lesfons,  s'en  empare. 

Au  milieu  des  débris  de  cent  rofeaux 
épars , 

Sur  le  nouvel  ouvrage  il  jette  fes  regards: 

Le  canal  qui  le  perce  également  con- 
cave, 

Sous  l'empire  des  mains  y  tieut  le  fon 
efclave; 

Sa  tête  s'exténue  en  courbe  finiflant  ; 

L'autre  bout  évafé  s'ouvre  en  s'arondif- 
fant, 

Sept  trous  dans  un  long  ordre  arrangés 
par  mefure , 

Dîvifent  de  ce  corps  l'harmonique  figu- 
re. 

Le  premier  plus  ouvert  des  autres  déta- 
ché, 

Rend  tout  l'air  qu'il  reçoit  &  n'eft  jamais 
bouché. 

A  ce  tendre  rofeau  le  Dieu  de  l'Arcadie 

Applique  tout  à  coup  une  lèvre  hardie. 


4*2         JOURNAL    D 

Il  en  découvre  toutes  les  posi- 
tions &  en  tire  des  accens  qui  le 
font  admirer  des  Bergers.  Apollon 
lui-même  en  devient  jaloux  }  Se 
pour  l'emporter  fur  Pan,  il  inven- 
te le  Violon.  La  defcription  de  cet 
infiniment  fera  lue  avec  d'autant 
plus  d'avidité  que  nous  avons  peu 
de  morceaux  en  ce  genre  qu'on 
puilfe  lui  comparer  ,  év  que  nos 
Poètes  tout  hardis  qu'ils  font ,  ont 
rarement  le  courage  d'effarer  de 
vairrre  les  dirricultcz  que  ces  for- 
tes de  détails  prefentent. 

Le  Violon  Se  la  Lyre  qu'Apol- 
lon imagine  en  même  tems  font 
fur  les  cœurs  beaucoup  plus  d'im- 
preiïion  que  la  flûte. 

'A  l'éclat  de  fes  fons  les  timides  Bergères, 

Les  Faunes  ,   les  Sylvains,    &  les  Nym- 
phes légères 

Volent  autour  de  lui ,  le  fuivent  en  tous 
lieux , 

Et  forment  en  danfant  un  cercle  gra- 
cieux. 

Les  Dieux  même  defeendent  de 
l'Olympe.  L'Amour  prévoit  que 
cet  Inftrument  pourra  devenir  fa 
reffource  ,  Se  fes  dernières  armes 
contre  les  cœurs  échappés  à  fes 
chaînes  ,  mais  ne  pouvant  obtenir 
d'Apollon  qu'il  lui  apprenne  les 
fecretsde  l'harmonie  ,  &le  moyen 
de  les  faire  pafTer  fur  la  Lyre  ,  il  l'é- 
coute avec  tanc  d'attention  ,  qu'il 
'  comprend  Se  retient  tout  ce  qui 
regarde  les  Modes  tranfpofés  Se 
les  diffenances  ,  Se  fans  avertir 
Apollon  du  larcin  qu'il  lui  a  fait , 
il  ne  perd  pas  de  tems  à  le  mettre  à 


ES    SÇAVANS, 

profit  ,  Se  pour  y  mieux  réuffit 
[  troiftème  Chant  ]  il  fait  part  au 
Dieu  Pan  des  nouvelles  connoif- 
fances  qu'il  vient  d'acquérir  :  Se  lui 
apprend  que, 

Le  rentier  rebattu  de  l'échelle  ordinaire 

Ne  fçauroit  infpirer  qu'un  ftile  plagiaire, 

Où  s'épuifent  le  goût ,  le  fentimenr  & 
l'art. 

Le  diéze  ou  B  mol  y  brillent  par  hazard. 
Il  ajoute  qu'il  a  vîi  Apollon. 

—  Parcourant  des  routes  trjnfpofées, 

Répandre  fur  les  tons  des  grâces  dégui- 
fees. 

A  l'aide  du  diéze  offrir  des  ions  perçans% 

Sous  les  tendres  B  mois  emprifonner  les 
fons  i 

Etparl'expreffion  languiffante  ou  vive, 

Expofer  fçavamment  une  image  naïve. 

Profitons  à  loifir  d'un  vol  fi  précieux , 

Que  du  touchant  B  mol  l'effort  victo- 
rieux 

Porte  dans  tous  les  cœurs  de  fenfibles 
atteintes  ; 

Qu'il  charme  les  ennuis  ,  qu'il  diffipelcs 
craintes, 

Et  d'une  Amante  fiere  étouffant  les  ri- 
gueurs , 

Lui  fade  en  fa  défaite  éprouver  des  dou- 
ceurs. 

Que  du  diéze  vif  le  mode  plus  rapide 

Allume  des  defirsdans  une  ame  timide  , 

Excite  la  vengeance  &  les  foupçons  Ja- 
loux, &c. 

Pan  devenu  ainfi  le  Difciple  de 


A  O  U  S 

l'Amour  ,  fc  joint  à  lui ,  ils  parcou- 
rent cnfcjnble  la  Grèce,  6c  répan- 
dent une  Mufique  molle  &  effémi- 
née qui  porte  dans  tous  les  cœurs 
le  goût  de  lJamour  &  de  la  volu- 
pté. 

Minerve  indignée  de  voiries  arts 
abandonnés ,  fe  plaint  à  Apollon 
des  mauvais  effets  de  l'harmonie  : 
ce  Dieu  ,  pour  en  arrêter  le  cours  , 
de  concert  avec  elle  ,  invente  la 
trompette  guerrière.  Bellone  l'em- 
bouche aufii-tôr ,  !a  fierté  &  l'éclat 
de  ces  fons  raniment  le  courage 
parmi  les  Grecs ,  ils  rougiffent  de 
leur  molefle,  les  feuls  accens  guer- 
riers charment  leurs  oreilles  ,  & 
tous  renoncent  aux  chanfons  ten- 
dres &  paffionnées  ,  à  l'exception 
des  trois  filles  d'Acheloùs,connué's 
depuis  fous  le  nom  de  Syrénes.  Ces. 
Nymphes  s'obftinent  à  chanter  les 
douceurs  &  les  plailîrs  de  l'amour. 

Minerve  les  en  punit,  ( £  chant  ) 
elles  deviennent  moitié  femme  &£ 
moitié  poiffon  ;  auflï-tôt  elles  per- 
dent la  voix  &  fe  plongent  dans  le 
fein  des  mers.  Après  plufieurs  fié- 
cles  Apollon  a  pitié  d'elles  &fans 
leur  rendre  leur  piemiere  figure,  il 
leur  rend  leur  première  voix,  mais 
à  condition  qu'elles  n'en  abuferont 
pas  pour  amollir  la  vertu  &  le  cou- 
rage des  hommes.  Il  fait  plus  ;  il 
forme  la  refolution  de  s'en  fervir 
pour  Pétabliflement  d'un  Théâtre 
Lyrique  ,  dont  il  a  formé  le  projet, 
Se  qu'il  leur  expofe  dans- ces  vers. 

Je  prétens  dans  ce  jour  fur  la  lyrique 
Scène 
Aux  harmoniques  loix  fç-wnettre  MeJp»- 
mène  5 


T  ,    173  4, 


445 


Je  Veux  qu'avec  éclat  elle  expofe  en  ces 
lieux 

D'un  tragique  deflein  le  nœud  judicieux. 

Gircé  qui  de  mon  fang  a  reçu  la  naiffan- 
ce. 

Va  du  magique  effet  /îgnaler  la  puiiTan- 
ce  : 

Au  fouffle  de  la  voix  on  verra  fur  les 
eaux 

Eclore  tout  à  coup  des  fpectacles  nou- 
veaux. 

Apprenez  l'art  du  chant  aux  Tritons, 
aux  Naïades  ; 

Que  Pan  ,  que  les  Sylvains  ,  les  Nym<- 
phes,  les  Dryades, 

Répondent  du  rivage,  &  par  un  fécond 
chœur 

Joignent  des  chalumeaux  l'éclatante  dou- 
ceur. 

Mais  ce  n'eft  point  aiTez  ;  qu'une  troupa 
légère 

Vienne  encore  dans  chaque  aéte  offrir 
fon  miniftere , 

Les  Ballets  au  fujet  prêtant  mille  agré- 
mens , 

En  fuivant  le  progrès  &  les  évenemens , 
&c. 


Et  cet  heureux  effort  du  talent  harmoni- 
que, 

Soumis  aux  fages  loix  de  la  Mufe  Tragi- 
que; 

Dans  les  fiécles  futurs  un  jour  éclatera 

Sous  le  faite  pompeux  Si  le  nom  d'Opsi- 


jet. 


L'exécution  fuit  de  près  ce  pro» 


JOURNAL   DES  SÇAVANS, 


444: 

Le*  Sy  rênes  aux  jeux  courent  fe  préparer 
Et  le  miroir  en  main  elles  vont  fe  parer. 

On  voit  s'élever  tout  à  coup  fur 
la  mer  un  fpe&acle  magnifique  , 
l'enlèvement"  de  Proferpine  en  eft 
le  fujet  s  la  defcription  de  cette 
brillante  fête  qui  a  fervi  de  modèle 
à  celles  qui  ont  paru  depuis  fous  le 
nom  d'Opéra ,  termine  le  Poème. 

Il  eft  fuivi  d'une  Epître  en  vers 
partagée  aufïi  en  quatre  Chants. 
Elle  a°voit  d'abord  été  imprimée  en 
1714.  en  Hollande,  &:  enfuite  à 
Lyon.  On  la  reverra  ici  avec  d'au- 
tant plus  de  plaifir  que  l'Auteur  l'a 
ïetouchée  en  plufieurs  endroits. 

Elle  eft  adrelîée  à  un  ami  qui 
partifan  de  l'ancien  goût  ne  pou- 
voit  fouffrir  les  Auteurs  modernes. 
Le  Poète  le  fait  parler  ainfi  : 

Loin  de  nous  ces  Auteurs  dent  la  fiere 

Italie. 
Etale  vainement  la  fçavante  folie. 

Chez  eux  tout  elt  extrême ,  &  jamais  le 
bon  fens , 

Ne  régla  leurs  defleins  ou  trop  vifs  ou 
trop  lens. 

Leur  fonate  à  Lully  n'eût  paru  qu'un  ca- 
price , 

Propre  à  former  la  main  par  un  vif  exer- 
cice; 

Defons  impétueux  un  bizarre  cahos, 

Qui  fans  toucher  le  coeur  en  trouble  le 
repos. 

Que  n'eût  point  dans  ce  genre  enfanté 
fon  génie , 

S'il  n'en  eût  dédaigné  la  frivole  manie  ? 

Son  goût  nous  doit  fervii  de  modèle  &  de 
loi; 


Lully  feul  en  un  mot  a  des  charmes  pouç 
moi. 

L'Auteur  rend  juftice  au  mérite 
de  Lully  ;  mais  répond-il , 

Le  refpect  pour  une  beauté  qu'on  aime 

A-t-il  droit  d'attirer  d'injurieux  mépris 

A  toute  autre  beauté  qui  peut  avoir  loo 
prix? 

ïl  veut  donc  qu'on  péfe  fans  par- 
tialité les  avantages  de  la  nouvelle 
Se  de  l'ancienne  Mufique,  Se  pour 
mettre  le  Lefteur  en  état  de  déci- 
der ,  il  lui  apprend  les  progrès  de  la 
Muïîque  foit  en  France ,  foit  en 
Italie  depuis  un  iîécle  ou  environ. 
Il  parle  des  Compofiteurs  qui  ont 
eu  de  la  réputation  ]ufqu'au  tems 
où  parut  Lully  ,   fait  l'éloge  des 
principaux  Ouvrages  de  ce  dernier, 
donne  une  idée  de  ce  qui  forme  un 
Opéra ,  &  des  difficultez  qui  s'y 
rencontrent,   foit  pour  le  Mufi- 
cien  ,  foit  pour  le  Poète  ,  Se  foû- 
tient  que  jamais  Lully  ne  fût  parve- 
nu à  la  gloire  qu'il  s'eft  acquife5s'il 
n'eût  trouvé  Quinaut  pour  lui  don- 
ner occafion  de  déployer  toutes  les 
richelTesdefon  génie. 

Il  continue  la  même  matière 
dans  le  fécond  Chant  ,  &  preferit 
aux  Poctes  les  règles  neceffaires 
pour  le  choix  ,  Se  l'exécution  des 
fujets  propres  aux  Opéra.  Il  vient 
enfuite  aux  differens  Compofi- 
teurs  qui  ont  fuccedé  à  Lully  ,  fait 
la  critique  de  leurs  Ouvrages. 


Colafle  de  Lully  craignit  de  s'écarter, 


11 


Il  le  pilla,  dit-on,  cherchant  à  l'imiter 


Marais  fuit  une  route  &  diverfe  &  fça- 
vante  ; 

Son  audace  déplaît ,  fon  icavoir  épou- 
vante. 

Ainii  dans  fon  génie  un  moderne  enchaî- 
né , 

Ne  produit  plus  qu'un  chant  ou  vulgaire 
ou  gêné ,  &c. 


A  O  U  S  T,  1734;  445- 

obligent  les  Entrepreneurs  à  re- 
mettre au  Théâtre  les  anciens  Ope- 
ras  de  Lullv. 


Elevé  tout  à  coup  par  FEurope  Galan- 
te , 

Du  public  empreflé  Campra    remplit 
l'attente. 

De  peuples  ditïêrens  l'alîemblage  nou- 


Y   brilla  des  couleurs  d'un  fidelle  pin- 
ceau. 

Venus  dans  Hesione  étala  mille  char- 
mes; 

Dans  Tancrede  l'amour  fit  répandre 
des  larmes  ; 

Le  travail  éclatant  d'un  Chœur  harmo- 
nieux        # 

Fut  dans  fon  Carnaval  un  œuvre  pré- 
cieux. 

D'un  Poète  enjoué  fécondant  l'entrepri- 

fc, 
Ilhazardades  jeux  empruntés  de  Venile; 

Les  célèbres  plaifirs  qui  régnent  fiir  fes 
bords 

Yfurent  exprimés  par_d'éelatans  accords, 
&c. 

Cependant  quoiqu'il  donne  de 
juftes  loiianges  à  1a  plupart  des 
Compofiteurs  qui  vivent  aujour- 
d'hui ,  il  avoiie  que  les  nouveaux 
Opéras  ne  font  pas  de  longue  durée, 
&  que  le  peu  de  fuccès  qu'ils  ont , 
Aon(l. 


Nous  verrons-nous  bornés  dans  la  foif 
qui  nous  prefle  î 

A  quelques   Opéras  qu'on  épuife  fan$ 

cc-Ué  ; 

Ainfi  que  Jupiter  du  creux  de  fon  cer- 
veau , 

Phœbus  enfante  donc  un  Amphion  nou- 
veau , 

Qui  moins  fournis  aux  Ioix  d'un  flyle  pla- 
giaire , 

Ouvre  à  notre  Mufique  un  chemin  moins 

vulgaire; 

Et  qui  de  l'Italie  empruntant  quelques 
feux , 

De  nos  chants  &  des  liens  fafle  un  mélan- 
ge heureux  ! 

Comme  ce  fouhait  choque  le 
goût  de  fon  ami ,  le  Poète  pour  le 
reconcilier  avec  la  Muhque  Italien- 
ne fe  croit  obligé  de  la  lui  faire  con- 
noître  ;  &c  c'eft  ce  qu'il  exécute 
dans  le  troifiéme  Chant.  Il  y  expo- 
fe  le  goût  &  le  caractère  de  la  Mu- 
fique  Italienne  ,  ce  qui  la  distingue 
des  autres.  Les  beautez  &  les  dé- 
fauts des  Opéras  Italiens  ,  il  fait 
l'éloge  des  grands  Maîtres  en  cet 
art,  tels  que  Scarlati ,  Bononcini , 
Hendel  qui  tout  Allemand  qu'il 
eft,  mérite  d'être  compté  parmi  les 
Italiens.  Il  avoiie  en  même  terris 
que  l'Italie  abonde  en  Muficiens 
dont  les  compositions  bizarres  & 
extravagantes  choquent  le  goût  & 
la  raifon  ,  mais  il  prétend  qu'elles 
font  méprifées  en  Italie  même. 

Les  François  rebutés  de  tant  de  vain» 
Ouvrages , 

M  m  m 


4±6  JOURNAL    DES    SÇAVANS, 

avoit  déjà  parlé  dans  le  troifiémé 
Chant ,  on  foûtient  ici , 


A  ces  fougueux  tranfports  refiifent  leurs 

furîrages. 
Mais  eft-ce  par  des  airs  que  dans  Rome 

on  abhorre. 
Qu'on  doit  Te  prévenir  fur  un  goût  qu'on 


On  cxpofe  dans  le  quatrième 

Chant  la  manière  dont  le  goût  Ita- 
lien s'eft  répandu  en  France ,  &  les 
avantages  que  nous  en  avons  tirés. 
Charpentier  ,  la  Lande  ,  Bernier  , 
Campra,  firent  paffer  dans  leurs 
Chants  d'Eglife  une  partie  des  grâ- 
ces &C  des  heureufes  hardielles 
qu'on  admiroit  dans  ceux  des  habi- 
les Maîtres  de  Chapelle  d'Italie. 
Morin  fe  diftingua  auiïi  par  cet  en- 
droit ,  &:  fut  le  premier  des  Fran- 
çois qui  ofa  compofer  des  Canta- 
tes. Batiftin  fuivit  fon  exemple. 

Et  fe  formant  un  ftile  harmonieux  &  ten- 
dre 

Dans  notre  goût  François  avec  art  fçut 
defeendre. 


Que  peu  d'Auteurs  fortant  du  Hyle  pla- 
giaire , 

De  ce  genre  nouveau  prirent  le  carac- 
tère. 

Le  Clair  eft  le  premier  qui  (ans  imiter 
rien 

Créa  du  beau ,  du  neuf,  qu'il  peut  dire  le 
lien. 

Le  Poé'te  ,  après  avoir  montre 
combien  la  Mufique  Italienne  avoit 
contribué  à  l'embellitTement  de  la 
Mufique  Françoife  ,  finit  en  faifant 
des  vœux  par  la  réunion  des  deux 
Sœurs ,  la  Mule  Italienne  &  la  Mu- 
le Françoife. 

La  Mufique  n'eft  qu'une,&  fes  mêmes  ac- 
cords     » 

Par-tout  doivent  former  de  iemblables 
tranfports. 


A  la  fuite  de  ce  Poe'me  on  trou- 
ve une  Table  Chronologique  de 
tous  les  Opéras  reprefentés  enFran- 
ce  depuis  l'année  1^45.  jufqu'à 
prefent. 

La  féconde  Partie  de  cet  Ouvra- 
ge regarde  la  Chaffe  ,  on  y  trouve 
i°.  un  Poe'me  qui  a  pour  titre:D/rf- 
m  oh  la  Chaffe  du  Cerf:  i".  Un  Dic- 
tionnaire des  termes  ufités  dans 
cette  ChafTe  :  3®.  Un  nouveau 
DivertifJTement  enMufique  intitulé 
la  Chajfe  du  Cerf ,  &  compofé  de 
plufieurs  airs  Parodiés  fur  les  Opéra 
d'Hendel  avec  différentes  Sympho- 
nies tirées  de  quelques  célèbres 
À  l'égard  des  Sonates  dont:  on     Compofiteurs  Italiens.  Enfin  des 


Mais  à  l'exception  de  Bernier  & 
de  Clairambaut  à  qui  il  donne  de 
grands  éloges ,  l'Auteur  parle  ainfi 
de  la  plupart  des  autres  qui  entre- 
prirent de  travailler  dans  le  même 
genre. 

En  vain  quelques  Auteurs  à  l'envi  s'ani- 
mèrent , 

Sur  la  Cantate  en  vain  leurs  plumes  s'ef- 
crimerent  .- 

Elles  ne  firent  voir  dans  leurs  bizarres 
traits 

Qu'un  mélange  forcé  de  deux  goûts  im- 
parfaits. 


ÀOUST 

Parodies  faites  par  diffcrens  Au- 
teurs fur  les  Fanfares  de  M.  de 
Dampierre  ,  fur  quelques  autres 
tant  anciennes  que  modernes 
dont  on  trouvera  ici  les  airs  exac- 
tement notés. 

A  l'égard  du  Poëme  de  la  ChafTe 
qui  fait  le  principal  fujet  de  cette 
Partie ,  5c  dont  la  longueur  de  cet 
Extrait  ne  nous  permet  pas  de  parler 
aullî  Icng-tems  que  nous  le  fouhai- 
terions,  nous  nous  contenterons  de 
dire  ici  quec'eft  un  Ouvrage  pure- 
ment didactique  dans  lequel  l'Au- 
teur s'eft  propofé  de  donner  aux 
perfonnes  curieufes  une  idée  de  la 
ChalTe  du  Cerf ,  &  de  retracer  aux 
Chaffeurs  une  image  réduite  en  prin- 
cipes des  opérations  qu'ils  reconnoiffent 
tous  les  jours  dans  la  pratique  de  cet 
exercice.  Ce  Poème  eft  compofé  de 
fix  Chants  ,  &  n'emprunte  de  la 
Fable  que  le  feul  nom  de  Diane , 
«dont  on  a  cru  devoir  fe  fervir  pour 
parler  un  langage  plus  convenable 
à  la  Poëfie. 

L'Auteur  ne  nous  donne  cet 
Ouvrage  que  comme  une  traduc- 
tion libre  d'un  Poème  Latin  que 
Jacques  Savary  fit  imprimer  à  Caè'n 
en  165  J«  il  eut  un  très  grand  fuc- 
cès.  La  nouveauté  de  la  matière; 
La  difficulté  de  la  mettre  en  vers 
firent  beaucoup  d'honneur  à  l'Au- 
teur. Il  faut  avouer  cependant  qu'il 
lui  étoit  d'autant  plus  facile  de  fe 
faire  admirer ,  que  peu  de  perfon- 
nes entendent  parfaitement  le  La- 
tin ,  &  que  ceux  même  qui  ont  le 
plus  étudié  cette  Langue  ,  ignorent 
la   propriété  de    la  plupart    des 


»    *  7  î  4-  447 

mots  qui  la  compofene  -,  ce  qui 
met  un  Ecrivain  bien  au  large. 
Notre  Auteur  ,  bien  loin  d'avoir 
cet  avantage  ,  écrit  dans  une  Lan- 
gue connue  de  tous  fes  Lecteurs , 
&  loin  d'éviter  les  termes  fouvent 
bizarres  qui  font  ufités  dans  la 
ChalTe  du  Cerf,  il  affecte  au  con- 
traire de  s'en  fervir  continuelle- 
ment, &  il  le  fait  pour  l'oidinairc 
avec  tant  de  délicateffe,  qu'on  peut 
dire  qu'il  a  fçû  y  allier  très-heureu.- 
fement  le  langage  du  Poète  à  celui 
du  ChalTeur  :  il  dit  cependant  dans 
fa  Préface  que  c'eft  fouvent  aux 
dépens  de  la  Poëfie  que  ces  termes 
barbares  ont  été  mis  en  œuvre. 

Du  refle  ,  comme  félon  la  re- 
marque de  l'Auteur ,  la  Chaffe  &  U 
Aiufyue  font  deux  Arts  qui  font 
particulièrement  deflinès  à  faire  les 
délices  des  gens  de  condition  ,  que  ce 
font  prefque  les  feuls  dont  ils  fajfent 
gloire  d'approfondir  les  détails  ,  & 
dans  lefquels  ils  ne  dédaignent  pas 
même  d'être  les  Ouvriers  ,  nous 
croyons  d'un  côté  que  cet  Ou- 
vrage trouvera  auprès  d'eux  un 
favorable  accueil ,  &  que  de  l'autre 
il  animera  les  Poètes  à  ofer  décrire 
les  Arts  en  notre  Langue  ,  en  leur 
étant  le  prétexte  de  rejetter  fur  fa 
fterilité  &  fur  fa  contrainte ,  ce  qui 
ne  vient  fouvent  que  d'un  défaut 
de  génie  ou  de  courage. 

Il  ne  faut  pas  oublier  que  cefi 
Ouvrage  eft  orné  de  plufieurs  tail- 
les -  douces  ,  dont  les  fujets  font 
défîmes  par  M.  Oudry  cV  gravés 
par  le  Sieur  le  Bas. 


M  m  mi/ 


448     JOURNAL  DES  SÇAVANS, 


HISTOIRE  DE  L'EMPIRE  DES  CHERIT  S  EN  AFRIQVE; 
fa  Defcription  Géographique  &  Hiftoriaue  -.,  la  Relation  de  laprijt  d'O- 
ran  ,  par  Philippe  V.  Roi  d'Efpagne }  avec  l'abrégé  de  la  Vie  de  M.  de 
Saitue-Çroix  ,  ci-devant  Ambaffadeur  en  France  ,  &  Gouverneur  d'Oratt 
depuis  la  prife  de  cette  ViUe  ;  Ornée  d'un  plan  très  ex.icl  de  la  Ville  d'O- 
ran  &  d'une  Cane  de  l'Empire  des  Chéri fs.  Seconde  Partie.  Par  M. 
*  *  *.  A  Paris,  chez  Prault  père  ,  Quai  de  Gèvres  :  au  Paradis.  1735. 
vol.  in  iz.  pages  1x6, 


O  U  S  avons  donné  dans  !e 
Journal  de  Juin  dernier 
l'Extrait  de  la  première  Partie  de 
cette  Hiftoirc  ,  il  nous  refte  à  par- 
ler de  la  féconde. 

Le  dernier  Cherif  dont  l'Auteur 
a  décrit   la  Vie  dans  la  première 
Partie  dont  nous  avons  parlé  ,  fe 
nommoit  Abdala.  Il  eut  pour  Suc- 
cefleur  Milei-Mahamet ,  quj  mon- 
ta fur  le  Trône  en  1 574.  Ce  Cherif 
qui  avoit  deux  frères  ,  ne  tut  pas 
plutôt  déclaré  Roi,  qu'il  ht  arrêter 
les  deux  frères  ,   trancher  la  tête  à 
l'aîné  ,  Se  enfermer  le  cadet  dans 
une  prifon.  Il  ne  fe  paffa  rien  de 
cor.fiderable   fous    fon    règne.    Il 
mourut  en  1606.  Se  laiiîa  trois  en- 
fans,  fçavoir,  Mulei-Jacdb-el-Man- 
for,  Mulei  -  Boheflon  ,  £c  Mulei- 
Bouffers.     Chacun    d'eux    voulut 
monter  fur  le  Trône  ,  &    en  iïx 
Semaines   on  vit  trois  Rois  dans 
Maroc ,  mais  ils  turent  challes  par 
Mulei  -  Zidan  ,  qui  régna  jufqu'en 
ï^o.AMulei  -ZidanfuccedaMulci- 
Abdelmelecq  fon  fils  aîné  qui  ne 
régna  que  trois  ou  quatre  ans.  Ce 
Prince  étoit  cruel  ,   5c  fa  cruauté 
avec   quelques  autres   vices  qu'il 
1 1  ,  mais  que  notre  Hiftorien  ne 
rapporte  point  ,  lui  attirèrent  la 


haine  de  tous  fes  fujets  ,  qui  ne 
cherchoient  que  l'occafion  de  s'en 
défaire. 

Il  aimoit  à  boire ,  Se  un  jour 
qu'il  étoit  campé  avec  toute  fon 
armée,  il  fut  tué  dans  fa  tente  d'un 
coup  de  Moufqueton  par  un  rené- 
gat François  qui  le  trouva  enfeveli 
dans  le  vin.  Muley-Elwalifon  trerc 
monta  fur  le  Trône.  Il  étoit  fils 
d'une  Morifque  Efpagnole  ,  fa 
douceur  Se  fon  affabilité  lui  gagnè- 
rent l'eltime  &  l'affeétion  de  tous 
fes  peuples.  Il  régna  en  paix  l'efpa- 
ce  de  douze  ans  ,  Se  mourut  re- 
gretté de  tous  fes  fujets.  Muley- 
Hamet  Checq,  fon  frère,  lui  fucce- 
da  ;  ce  Prince  aimoit  beaucoup  les 
femmes,  Se  fapafiion  pour  le  fexs 
f Lit  li  violente  qu'elle  lui  fit  négli- 
ger toutes  les  affaires  de  fonRc  .il- 
me.  Les  Alarbes  profitant  de  fa 
mollefie  ,  vinrent  l'aflieger  dans 
Maroc  ,  Se  après  l'avoir  tué  ,  ils 
s'emparèrent  de  la  Ville  Se  élurent 
pour  leur  Roi ,  un  Alarbe  nommé 
Crammelhaich  ,  qui  régna  quel- 
ques années. 

A  cetufurpateur  fucceda  Mulcy- 
Cherif  Roi  de  Tafilet.  Notre  Hi- 
ftorien ne  dit  point  combien  de 
tems  régna  Mulci-Cherif;  il  rcmar- 


AOUS 

que  feulement  que  ce  Prince  eut 
d'une  Negrefle  deux  enfans  mu- 
lâtres ,  nommés  Muley-Archy  &c 
Muley-Ifmaël  ,  que  Muley-Archi 
fucceda  à  ion  père  dans  le  Royau- 
me de  Tatîlct ,  &  qu'il  ne  fit  rien 
de  remarquable  pendant  fon  rè- 
gne ,  dont  on  ne  dit  point  non  plus 
la  durée.  Mulei  -  Ifmaël  trere  de 
Mulci-Archi  lui  fucceda  ,  il  com- 
mença à  régner  en  16-ji.  Un  des 
divcrtilïemens  ordinaires  de  ce 
Prince  ,  croit  de  taire  en  un  même 
infiant  ,  les  trois  choies  fuivantes: 
feavoir  ,  de  monter  à  cheval ,  de 
tirer  fon  Sabre  ,  «Se  de  couper  la 
fête  à  l'efclave  qui  lui  tenoit  l'é- 
trier. 

Son  Gouvernement  étoit  plus 
que  defpotique  -,  il  traitoit  comme 
des  efclaves,  tous  ceux  qui  rele- 
voient  de  fon  Empire,  il  fe  croyoit 
maître  de  leurs  vies  &  de  leurs 
biens.  Souvent  il  coupoit  la  tête  à 
plufieurs  de  fes  Sujets ,  pour  mon- 
trer fon  adreffe  ,  ou  les  obligeoit 
a  fe  précipiter  pous  marquer  fon 
pouvoir  abfolu  ....  Il  chargeoit 
tous  les  jours  d'impôts  fes  Sujets, 
5c  ne  vouloit  jamais  rien  dépenfer. 
Il  obligeoit  même  les  Maures  à 
fervir  gratuitement  dans  les  ar- 
mées, il  ne  leur  donnoit  ni  habits, 
ni  armes ,  ni  paye ,  ni  vivres. 

En  l'an  1705.  ce  Prince  ayant 
donné  ordre  à  treize  mille  Nègres 
d'aller  joindre  Mulei  -  Zidan  fon 
fils  pour  reprendre  la  Ville  de  Ma- 
roc dont  un  de  fes  autres  enfans 
uomme  Mulei-  Mahamet  s'étoit 
emparé,  fit,  tout  encolérela  répon- 
iè  que  voici  aux  Officiers  qui  lui 


T  ;     1  7  5  4-  44P 

demandoient  de  l'argent  pour  con" 
duire  fes  troupes  :  »  Chiens  de 
»  Maures  ,  'avez- vous  jamais  vîi  les 
»  Mules  ,  les  Chameaux  ,  &  aucun 
»des  autres  animaux  de  mon  Em- 
»  pire  ,  me  demander  quelque 
»  chofe  pour  leur  nourriture  >  ufez- 
»  en  de  même ,  &c  marchez  en  dili- 
»  gence. 

Cette  conduite  engagea  les  Offi- 
ciers &  les  Soldats  à  faire  toutes 
fortes  de  pillages  fur  leur  chemin. 

Notre  Auteur  ne  termine  pas  à 
ce  que  nous  venons  de  rapporter,lc 
portrait  de  ce  Roi.  Il  dit  que  l'Etat 
ne  foufîroit  pas  moins  de  l'avarice 
d'un  tel  Prince  ,  &c  en  voici  des 
exemples.  L'argent  quinecirculoit 
point  reduifoit  les  peuples  à  une 
extrême  pauvreté.  On  leur  ôtoit  la 
vie  quand  ils  étoient  allez  malheu- 
reux pour  être  foupçonnés  d'avoir 
de  l'argent.  Si  le  Prince  rendoit  la 
juitice,ce  n'étoit  qu'en  vûë  du  pro- 
fit qui  lui  en  revenoit.  Dès  qu'un 
particulier  venoit  fe  plaindre  du 
tort  qu'un  autre  lui  avoit  faiv,lecou- 
pablc  étoit  condamné  à  rapporter  ce 
qu'il  avoit  volé  &c  à  payer  outre 
cela  ,  une  groffe  amende  ,  mais  ïe 
Roi  s'cmpaioit  de  l'un  &  de  l'au- 
tre ,  de  forte  que  les  particuliers 
qui  avoient  été  volés ,  ne  retiroient 
d'autre  avantage  de  leurs  plaintes , 
que  de  fe  venger  de  ceux  dont  ils 
fe  plaignaient. 

Mulci-Ifmaël  ne  prenoiteonfeil 
que  de  lui-même  dans  toutes  fes 
rapines.  Il  avoit  feulement,  pour  la 
forme  ,  quelques  Alcaydes  auprès- 
de  lui,  &  fon  Talbe,  à  qui  il  faifoit 
part  de  les  deffeins,  fans  Us  confut- 


^o  JOURNAL  D 

ter  ;  en  force  que  quand  ce  Roi 
avoit  parlé  ,  ceux-ci  fe  conten- 
toient  de  répondre  :  Anamajîdy  } 
tu  dis  bien  Seigneur. 

'Il  étoit  cruel  a  l'excès  \  nous  en 
avons  rapporté  des  exemples  ;  en 
voici  d'autres  qui  ne  font  .pas 
moins  extraordinaires.  Il  portoit  fa 
cruauté  jufques  dans  fon  Serrail  ; 
&;  fans  avoir  aucun  égard  pour  fes 
femmes ,  il  les  faifoit  maltraiter  par 
des  efclaves  y  d'une  manière  hon- 
teufe  ;  il  leur  ôtoit  même  la  vie 
pour  la  moindre  action  qui  lui  dé- 
plaifoitj  &  il  en  fit  étrangler  une 
parce  qu'elle  avoit  détaché  une 
orange  en  fe  promenant  dans  le 
Jardin  du  Serrail. 

Notre  Auteur  fait  ici  une  lon- 
gue digreffion  que  nous  palTons,  & 
après  laquelle  il  vient  à  Muley-Ma- 
hamet  que  Mulei  IfmacJ  fon  perc 
avoit  fait  Gouverneur  de  Fez. 

Il  y  avoit  quelques  mois  que 
Mulei-Mahamet ,  chéri  de  tout  le 
monde  vivoit  tranquillement  dans 
Fez ,  lorfqu'il  apprit  que  les  habi- 
tans  de  Tafilet  le  demandoient 
avec  empreflement  pour  Gouver- 
neur j  &  que  le  Roi  étoit  difpofé 
à  les  fatisfaire  :  comme  il  aimoit 
mieux  le  Gouvernement  de  Fez 
que  celui  de  Tafilet ,  il  prétexta 
une  maladie  pour  fe  difpenfer  d'al- 
ler à  Tafilet. 

Le  Roi  le  croyant  erTecTrivement 
malade  ,  fit  venir  le  Médecin  des 
Mifîîonnaires  de  Mequinez  ,  qui 
étoit  chez  eux  en  grande  réputa- 
tion ,  lui  dit  d'aller  voir  Mulei- 
Mahamet ,  &  de  ne  point  revenir 
que  ce  Prince  ne  fût  guéri.  Le  Me- 


ES  SÇAVANS; 

decin  accompagné  de  quatre  Nè- 
gres ,  partit  au1!!  tôt  pour  fe  rendre 
à  Fez,  d'où  il  alla  dioit  au  Châ- 
teau du  Gouverneur. 

Comme  Mahamet  n'étoit  point 
malade  ,  ce  Prince  ne  fut  pas  peu 
embarralTé  ,  pour  cacher  û  rufe  au 
Médecin.  Voici  ce  que  notre  Hifto- 
rien  raconte  là  delfus.  Mahamet 
étoit  dans  fes  écuries  lorfqu'on 
vint  lui  annoncer  qu'un  Médecin 
demandoit  à  le  voir  de  la  part  du 
Roi.  Le  Prince  défendit  de  le  laif- 
fer  entrer  3  Se  envoya  dire  au  Mé- 
decin qu'il  pouvoit  toujours  or- 
donner les  remèdes  qu'il  falloit.  Le 
Médecin  furpris  d'un  tel  difeours , 
répondit  qu'il  étoit  neceiîaire  de 
voir  le  malade  pour  )u^er  de  fa 
maladie  ;  on  lui  répliqua  qu'il  ne 
pouvoit  lui  parler  ,  parce  que  le 
malade  étoit  embarraflé.  Alors  le 
Médecin  demanda  à  voir  au  moins 
de  l'urine  de  Mahamet  ,  &  tira 
auiîî-tôt  de  fa  poche  une  ventoufe  , 
afin  qu'on  y  en  mît  une  certaine 
quantité.  Mahamet  voyant  qu'il 
n'étoit  pas  aifé  d'amufer  le  Méde- 
cin ,  confulta  fur  cette  affaire  un 
de  fes  Alcaids;  l'Alcaid  prit  la  ven- 
toufe ,  la  remplit  de  l'urine  d'un 
Chameau  ,  &  l'envoya  au  Doèteur. 
Celui-ci  ne  l'eut  pas  plutôt  reçue  , 
qu'il  fe  mit  en  colère  ,  &  demanda 
hautement  fi  c'étoit  ainfi  qu'on  fe 
mocquoit  de  ceux  que  le  Roi  en- 
voyoit.  En  même  tems  il  jetta 
brufquemcnt  la  ventoufe  contre  la 
muraille  ,  remonta  fur  fa  mule ,  Se 
prit  la  route  de  Mequinez.  A  pei- 
ne étoit-il  en  chemin  que  le  Chef 
des  Eunuques  courut  après  lui  pour 


A  O  U  S 

le  prier  de  retourner  fur  fes  pas  ; 
mais  il  falloit  trouver  une  exeufe  , 
&c  voici  celle  qu'on  imagina.  On 
lui  dit  que  c'étoit  les  Nègres  qui 
lui  avoient  jolie  ce  tour  à  l'infçû 
de  leur  maître  ;  tk  pour  le  lui  per- 
fuader  ,  Mahamet  fe  mit  au  lit , 
&  fit  foiietter  unNégre  en  prefence 
du  Doèteur.  Mais  le  Médecin  n'en 
fut  pas  la  dupe  ,  &  après  avoir  tâté 
le  poulx  au  Prince  ,  &  l'avoir  fixe- 
ment regardé  ,  il  lui  dit  en  Efpa- 
gnol  :  on  fe  moccjne  de  moi  ,  mais  je 
jure  que  le  Roi  en  fera  informé.  Ces 
mots  ne  turent  pas  plutôt  pronon- 
cés ,  qu'on  mit  tout  en  œuvre  pour 
appaifer  le  Docteur  ;  mais  ni  pro- 
meiTes,  ni  prefens  ne  furent  capa^ 
blés  de  l'engager  à  déguifer  la  véri- 
té au  Roi.  Dès  qu'il  fut  arrivé  à 
Mequinez  ,  il  dit  à  ce  Prince  que 
fon  fils  étoit  guéri  avant  qu'on  eût 
appris  fa  maladie  :  le  Roi  répondit 
au  Médecin  :  Je  ne  fuis  pas  Dofleur, 
mais  je  connais  auffi  bien  que  toi  le  mal 
de  mon  fils ,  vas  ,  je  te  fat  i  s  fer  ai  de  ta 
peine.  En  même  tems  ,  il  envoya 
quérir  Mahamet ,  qui  dès  le  lende- 
main fe  rendit  à  Mequinez  avec 
toute  fa  Maifon.  Il  mit  pied  à  ter- 
re chez  l'Alcaid-Abdala  Rouflî,  où 
tous  les  Alcaids  étant  venu  le  fa- 
luer ,  lui  apprirent  que  le  Roiavoit 
refolu  de  l'envoyer  à  Tafilet.  Il 
leur  témoigna  fa  répugnance  pour 
Tafilet,  &  les  pria  de  lui  obtenir 
de  fon  père  le  gouvernement  de 
Maroc  ,  ils  lui  promirent  d'en  par- 
ler au  Roi ,  mais  ils  ne  furent  pas 
plutôt  en  fa  prefence  ,  qu'intimidés 
par  fon  afpect ,  ils  n'oferent  execu- 
ïer  leur  promeffe.  Quelqu'un  étant 


T  ,    >7  34'  4n 

venu  dire  à  Mahamet  que  le  Roi 
venoit  de  fortir  de  l'AlcaiTave  , 
qui  eft  le  Serrail  ,  Mahamet  fe 
rendit  au  Michoir ,  c'eft  -  à  -  dire , 
dans  la  Cour,  accompagné  de  fon 
frère  Mulei-Cherif.  Auflï  -  tôt  que 
le  Roi  parut ,  ces  deux  frères  le 
faluerent  d'une  manière  très  -  ref- 
pe&ueufe  ,  le  Roi  de  fon  côté  les 
reçut  avec  beaucoup  de  tendreiTe } 
&c  s'étant  affis  fous  fon  parafol ,  les 
fit  mettre  auprès  de  lui  fous  une 
haïque  que  l'on  tendit  tout  exprès 
au  delTusde  leurs  tètes  pour  les  ga- 
rantir de  l'ardeur  du  Soleil.  Il  ad- 
drella  d'abord  la  parole,  à  Maha- 
met ,  &c  après  lui  avoir  reproché 
fa  prétendue  maladie  ,  il  lui  de- 
manda pour  quelles  raifons  il  ne 
vouloit  pas  accepter  le  gouverne- 
ment de  Tafilet ,  Mahamet  répon- 
dit que  c'eit,  qu'il  ne  fe  fentoit  pas 
afTez  de  mérite  pour  bien  remplir 
cette  place  ,  mais  qu'il  prioit  fa 
Majefté  de  lui  accorder  le  gouver- 
nement de  Maroc.  Le  Roi  furpris 
de  la  demande  ,  baifTa  la  tète  d'un 
air  à  faire  comprendre  qu'elle  ne 
lui  plaifoit  pas  ,  &  en  même  tems 
il  dit  à  Mahamet  :  mon  fils  ,  je 
veux  vous  faire  prefenr  d'un  Cafe- 
tan de  beau  drap  vert ,  que  je  gar- 
de depuis  long-tems.  Auflî  -  tôt  il 
ordonna  à  une  fille  de  l'aller  qué- 
rir \  Se  quand  le  Cafetan  fut  appor- 
té ,  il  en  revêtit  lui-même  Maha- 
met ;  le  trouvez  -  vous  beau  ,  de- 
manda-! il  auffi-tôt  à  fon  fils  ;  très- 
beau,  répondit  le  fils,  mais  il  n'a 
pas  été  taillé  pour  moi  &  je  le  trou- 
ve trop  long.  Hé  bien  ,  répliqua  le 
Roi ,  Maroc  n'a  pas  été  non  plus 


4f2         JOURNAL    DES    SÇAVANS, 


bâti  pour  toi  ,    il  eft  trop  grand 
pour  ra  taille. 

Mahamet  dilTîmula  fon  cha* 
grin  ,  accepta  le  Gouvernement  de 
Montigara  que  le  Roi  lui  donna  à 
la  place  de  celui  de  Maroc-,  mais 
comme  les  habitans  de  Montigara 
avoient  demandé  pour  ce  Gouver- 
nement Mulci  -  Cherif  ,  frère  de 
Mulei- Mahamet  ,  ces  deux  frères 
qui  croient  extrêmement  unis,  Se 
qui  ne  pouvoient  (e  refoudre  à  fe 
féparer  l'un  de  l'autre  ,  fe  rendirent 
tous  deux  à  Montigara  ,  où  ils  fi- 


quintaux  d'argent.  Il  fait  fi  bien  , 
par  fes  manières  infinuantes,  ga- 
gner l'affection  du  Peuple  ,  qu'on 
y  vit  en  peu  de  tems  régner  la  paix 
Si  le  bon  ordre  ;  mais  une  Sultane 
que  Mulei  -  Ifmacl  airrioit  éperdu- 
ment,  Se  àlaquelle  Mahamet  avoit 
déjà  caufe  beaucoup  d'ombrage", 
ainli  qu'on  le  peut  voir  plus  haut 
dans  nôtre  Auteur ,  car  nous  avons 
été  obligés  de  partir  cet  article  pour 
abréger  ,  ne  put  voir  lans  douleur 
l'élévation  de  Mahamet  :  comme 
elle  craignoit  qu'il  ne  montât  un 


rent  kitir  ,  peu  après  leur  arrivée  ,  jour  furie  T  ônc  au  préjudice  d'un 

un  magnifique  Château.  Ils  parte-  fils  qu'elle  avoit  de  Mule i-Ifmaè'Lj 

rent  cinq  ans  enfemble  ,  au  bout  elle  ne  penfa   plus  qu'à  traverfer 

defquels  Mahamet  fut  transféré  du  la  fortune  de  Mahamet  Se  à  lui  fai- 

Gouvernement  de  Montigara  à  ce-  re  perdre  les  bonnes  grâces  du  Roi. 

lui  de   Tarudante  ,    Capitale  du  La  manière  dont  elle  s'y  prit  pour 

Royaume  de  Sus ,  à  caufe  de  la  re-  réuOîr  dans  ce  dertein  ,  clt  racontée 

volte  de  l'Alcaid-Bcnfacatin  ,  que  au  long  par  notre  Hiftorien,  on 

ce  Roi  y  avoit  envoyé  en  qualité  peut  voir  là  deffus  les  pages  203  , 

de  Gouverneur.    Cet  Alcaid  qui  204  ,  &c.  Mahamet  convaincu  des 

avoit  fçû  gagner  les  bonnes  grâces  mauvaifes  intentions  de  la  Sultane, 

du  Roi  ,  fe  voyant  revêtu  du  Gou-  qui  avoit  un  pouvoir  abfolu  fur 

vemement   le  plus  impoitant   de  l'efprit  du  Roi,  crut  qu'il  n'y  avoit 

tout  l'Empire  de  Maroc  ,  &  très-  plus  d'autre  parti  à  prendre  pour 

lucratif  ,  voulut  s'y  maintenir  dans  lui  que   celui    delà  révolte.    La 

l'indépendance  ;  mais  le  Roi  à  qui  crainte  de  nous  trop  étendre  nous 

il  n'étoit  pas  aifé  d'en  impoler  ,  le  fait  fupprimer  à  ce  fujet ,  plufieurs 

furprit,   Se   l'avant  fait  prendre,  circonltances  que  notre  Hiftorien 

lorfque   ce  rebelle  y    penfoit   le  rapporte  ,  nous  remarquerons  feu- 


moins  ,  il  le  fit  étrangler. 

Mahamet  accepta  cette  Place 
avec  joye  ,  comme  une  marque 
fenfible  de  l'artec-lion  que  fon  père 
avoit  pour   lui  ,    &  comme  un 


lement  que  Mahamet  leva  reten- 
dait de  la  révolte  ,  &  engagea  dans 
ïo-t  parti  plufieurs  Alcaids,  Se  tout 
le  Peuple  de  fon  Gouvernement, 
en  forte  qu'en  peu  de  tems  il  leva 


moyen  de  s'élever  &  de  groffir  fes  une  forte  armée  ,  avec  laquelle  il 
tréfors.  Il  s'y  rendit  pour  rangera  alla  devant  Maroc.  11  n'avoit  ni 
leur  devoir  les  rebelles ,  &  y  arriva  l'artillerie  ,  ni  les  mûririons  necef- 
avec  huit  mille  hommes  Se  trente     faires  pour  faire  un  Siège  ,  mais 

fondé 


A  O  U  S  T 

fondé  fur  l'affeiftion  que  les  Peu- 
ples lui  témoignoient ,  &  fur  h 
bravoure  de  quarante  mille  hom- 
mes ,  à  la  tête  defquels  il  étoit ,  il 
crut  qu'il  en  vicndroit  aifémcnt  à 
bout  ,  mais  il  fut  trahi  6c  livré  à 
fon  père  ,  comme  on  peut  voir  au 
long  dans  notre  Auteur.  Voici 
quelques  circonftanccs  de  la  mal- 
hcureufe  fin  que  fit  ce  Prince. 

Un  Vendredi  ,  jour  folemnel 
chez  les  Mahométans  ,  Mahamet 
fortit  pour  vifiter  fon  Camp.  A  fon 
retour  il  trouva  des  Nègres  qu'on 
avoit  fait  mettre  en  embufcade.  Il 
les  prit  d'abord  pour  des  fuyards 
qui  venoientfe  rendre  à  lui.  Dans 
cette  erreur  ,  il  les  approcha  ,  mais 
ayant  remarqué  qu'il  s'étoit  trom- 
pé ,  il  paffa  au  milieu  de  cette 
troupe  ,  la  Lance  &  le  Sabre  à  la 
main  ,  en  criant  :  je  fuis  Mulei- 
Mahamet.  Ceux  -  ci  répondirent  : 
nous  te  connoiffons  bien  ,  nous  te 
cherchons  par  l'ordre  du  Roi.  Le 
Cherif  fe  voyant  inverti  poulfa  fon 
cheval  pour  gagner  la  porte  de  la 
Ville  ,  mais  la  voyant  fermée  &  la 
garde  ne  répondant  point  à  fa  voix, 
il  ne  douta  plus  qu'il  ne  fût  trahi. 
Auffi-tôt  il  recommença  à  courir& 
à  frapper  en  defefperé ,  fur  tous 
ceux  qui  l'approchoient.  Il  en  tua 
plufieurs  ,  parce  que  les  Nègres 
n'ofoient  fe  fervir  de  leurs  armes , 
de  peur  de  répandre  le  fang  d'un 
Cherif.  Mais  comme  ils  perdoient 
beaucoup  de  leurs  Compagnons , 
l'un  d'eux  s'avifa  de  couper  les 
jambes  de  devant  au  cheval  de  Ma- 
hamet. Le  Cherif  tomba  &  fut  en 
même  tems  faifi  par  ceux  qui  l'en- 
te*/?. 


*7  3  4-  4H 

vironnoient.  On  le  fit  suffi  -  tô 
monter  fur  un  autre  chevaL,  &:  on 
le  conduisît  jufqu'à  Beth  ,  où  étoit 
le  Roi  :  Mulei- Mahamet  fe  jetta 
aux  pieds  de  fon  père  en  lui  de- 
mandant pardon.  Le  Roi  gardant 
le  filcncc  ,  lui  mit  le  bout  de  Ci 
lance  fur  I'citomac»  Alors  ce  mal- 
heureux fils  apperçut  à  quelques 
pas  de  lui  ,  des  bouchers,  &  une 
chaudière  pleine  de  poix  cv  d'huile 
bouillante:  effrayé  d'un  fi  horrible 
fpectacle  ,  il  dit  à  fon  père  :  par- 
donne-moi :  je  te  le  demande  au 
nom  de  Dieu  6v  de  fon  faint  Pro- 
phète Mahomet.  Mais  le  Roi 
fourd  à  fes  cris ,  ordonna  à  deux 
hommes  de  prendre  le  bras  droit 
de  Mahamet,  &  d'en  appuyer  le 
poignet  fur  la  chaudière.  Puis  il  fit 
venir  un  des  Bouchers  &  lui  ordon- 
na de  couper  ce  poignet.  Le  Bou- 
cher étant  prêt  à  frapper  ,  s'arrêta , 
&  dit  qu'il  fouffriroit  plutôt  la 
mort  que  de  couper  la  main  au  fils 
de  fon  maître.  LeRoi  irrité  de  cette 
réponfe  ,  coupa  fur  le  champ  la  tê- 
te au  Boucher ,  &  en  appella  un  au. 
tre  qui  n'ofa  défobéir  :  le  Cherif 
fit  paroître  affez  de  confiance  lorf- 
qu'on  lui  coupa  la  main  ,  mais  le 
Boucher  ayant  enfuite  reçu  ordre 
de  lui  couper  le  pied  ,  Mahamet  ne 
put  s'empêcher  de  jetter  un  grand 
cri  quand  on>en  vint  à  ce  fupplice. 

Après  cette  exécution  ,  le  Roi 
dit  d'un  air  moqueur  à  fon  fils ,  hé 
bien  ,  malheureux ,  connois  -  tu  à 
prefent  ton  père  ?  puis  prenant  un 
rufil  ,  il  tua  à  l'inftant  le  Boucher 
qui  venoit  de  couper  la  main  &  le 
pied  à  Mahamet.  Cet  infortuné 
Nnn 


4H;         JOURNAL    DE 

fils ,  quoiqu'à  demi  mort,  dit  avec 
une  prefence  d'efprit  qu'on  aura 
peine  à  croire  :  voyez,  le  vaillant 
homme  .  conjîderez,  je  vous  prie  ,  fa 
bravoure  ,  celui  cjiii  exécute  [es  ordres 
il  le  tue  comme  celui  qui  refufe  de  lui 
obéir. 

On  mit  enfuite  le  bras  &c  la  jam- 
be de  Mahamet  dans  la  chaudière 
pour  arrêter  le  fang.  Puis  le  Roi 
monta  à  cheval ,  &c  ordonna  fous 
peine  de  la  vie,  à  quatre  Alcaids  de 
lui  amener  à  Méquinez  fon  fils  vi- 
vant. Dès  qu'à  Méquinez  on  enten- 
dit faire  le  récit  du  fupplice  que 
l'infortuné  Chcnf  avoit  fouffert , 
toutes  les  femmes  du  Serrail  fe  mi 
rent  à  pouffer  de  grands  cris.  Le 
Roi  pour  calmer  ce  trouble  menaça 
de  mort  toutes  celles  qu'il  enten- 
drait pleurer  ,  &  jura  qu'il  les  fe- 
roit  étrangler.  L'effet  fui  vit  de  près 
la  menace  ,  &  il  en  fit  mourir  qua- 
tre le  même  jour  pour  avoir  défo- 
béià  fes  ordres ,  &  n'avoir  pu  rete- 
nir leur  larmes  ;  Mahamet  avoit 
une  fille  ,  &c  cette  fille  fut  la  feule , 
qui  eut  la  liberté  de  gémir.  Le  Roi 
avoit  même  foin  d'éviter  fa  rencon- 
tre ,  5c  lorfqu'il  l'entendoit  dans 
un  quartier ,  il  fe  retiroit  dans  l'au- 
tre. Un  des  fils  de  Mahamet ,  fut  fi 
tranfportc  de  douleur  ,  qu'il  fe  pré- 
cipita du  haut  d'une  terraffe.  La 
conduite  que  le  Roi  garda  enfuite 
à  l'égard  de  fon  fils ,  eft  finguliere 
dans  toutes  fes  circonftances  :  voici 
en  peu  de  mots  ce  qu'on  lit  là-def- 


S    SÇAVANS, 

fus  dans  notre  Hiftorien. 

Sur  le  loir  Mahamet  arriva  dans 
Méquinez ,  monté  fur  une  Mule  J 
le  bras  en  écharpe  ,  la  jambe  dans 
un  petit  coffre  de  bois  ,  &  la  tête 
couverte  de  fa  Haïque.  Lorfqu'on 
l'eut  conduit  dans  la  maifon  qui  lui 
étoit  dcftsnée,  on  le  mit  au  lit.  Le 
Roi  envoya  enfuite  tous  les  jours 
les  Alcaids  le  vifiter  -,  il  n'y  eut  que 
la  fille  de  cet  infortuné  Cherif  qui 
fut  privée  de  la  confolation  de  lui 
rendre  fes  devoirs.  Les  Chirurgiens 
Chrétiens  eurent  ordre  de  ne  le 
point  quitter  ,.&  de  le  panfer  avec 
grand  foin  ,  ce  qu'ils  firent  avec 
toute  l'exactitude  poffible.  Il  fut 
fort  tranquille  pendant  quelques 
jours  ;  mais  le  treizième  de  fa  ma- 
ladie ,  la  gangrené  fe  mit  à  fes 
playes  ,  &  il  mourut  peu  de  jours 
après.  Il  fut  inhumé  comme  les 
Nègres  les  plus  pauvres  ;  on  dit 
qu'il  l'avoir  ainfi  ordonné,  aile- 
gant  pour  raifon  que  le  Roi  fon 
père  l'avoit  traité  comme  un  fcele- 
rat  Se  non  pas  comme  un  Prince. 

Le  Roi  après  la  mort  de  ce  fils,. 
lui  fit  élever  un  Maufolée  foûtenu 
par  quatre  colomnesde  marbre,  & 
couvert  d'un  Dôme  de  bois  peint 
en  verd. 

Cette  féconde  Partie  de  l'Hiftoi- 
re  des  Cherifs  contient  plusieurs 
autres  évenemens  extraordinaires , 
dont  nous  nous  refervons  de  parler 
dans  le  Journal  du  mois  prochain, 


•H  §4i* 


aoust;  175  4: 


4;  5 


LECpNS  DE  PHYS1QVE  ,  CONTENANT  LES 
Elément  de  la  Phyficjuc ,  déterminés  car  les  feules  loix  des  Méchanicjues 
expliquées  an  Collégi  Royal  de  France  :  par  Jofcph-Privat  de  Molieres, 
Profejfeur  Royal  en  Pbilofophie  ,  de  l' Académie  Royale  des  Sciences  ,  & 
Membre  de  la  Société  Royale  de  Londres.  A  Paris ,  chez  la  Veuve  Bro- 
cas ,  rue  S.  Jacques  ,  au  Chef  S.  Jean  ,  £;  Jofcph  Bullot ,  Imprimeur 
Libraire ,  rue  de  la  Parcheniinerie ,  près  S.  Severiri  ,  à  l'Image  S.  Jofeph. 


17}  j.  in-ii.  pages  404 

ON  s'eft  accoutumé  à  ne  re- 
garder les  Syftêmes  de  Phy- 
fique ,  que  comme  des  conjectures 
•propofées  par  les  Philofophes  pour 
expliquer  les  effets  naturels ,  entre 
lefquels  chacun  choifitïoit  celui  de 
ces  Syftêmes  qui  lui  paroilToit  le 
plus  probable  ,  le  plus  fimplc  ,  & 
le  plus  fécond ,  fans  avoir  des  prin- 
cipescertains  qui  le  déterminaient 
dans  ce  choix.  Defcartes  lui-même 
parle  de  fon  Syftême  de  Phyfïque, 
comme  d'un  Roman  de  la  natu- 
re ,  Se  M.  Newton  ,  qui  a  prouvé 
que  le  Syftême  de  Defcartes  eft 
fujet  à  des  contradictions ,  en  a 
imaginé  un,  dans  lequel  il  fuppofe 
une  partie  des  principales  qualitez 
des  corps, fans  en  faire  connoître  la 
caufe.  Notre  Auteur  ayant  entre- 
pris d'expliquer  la  Phyfiqtîc  au  Col- 
lège Royal ,  a  cru  qu'il  étoit  necef- 
fairc  pour  le  progrès  de  cette  Scien- 
ce de  fubftituer  des  principes  cer- 
tains aux  conjectures  qui  avoient 
été  propofées  jufqu'à  prefent  pour 
l'explication  des  effets  naturels. 
Pour  exécuter  ce  planM.deMolieres 
fepropofe  de  donner  danscesLeçons 
les  élémens  de  la  Phyfïque,  comme 
Euclides  a  donné  ceux  de  la  Géo- 
métrie ,  &  de  démontrer  ces  élé- 


mens de  Phyfiqùe,  en  déduifant 
les  propohnons  les  unes  des  auties, 
félon  1rs  règles  de  la  Méthode  dont 
les  Géomètres  fe  fervent ,  &  par  ce 
moyen  de  fixer  pour  toujours  le 
nombre  év  la  qualité  des  principes 
de  la  Phyfïque  ;  fans  quoi  il  eft 
évident  qu'on*  ne  fçauroir  jamais 
faire  de  progrès  dans  cette  Science. 
Une  entreprife  fi  utile  &  en  même 
tems  fi  hardie,  ne  manquera  pas 
d'attirer  l'attention  de  tous  ccuxqui 
s'attachent  à  l'étude  de  la  Phyfiqûe. 
On  voit  parles  cinq  premières 
Leçons  qui  compofent  ce  Volume, 
&  qui  feront  fuivies  d'un  rjrand 
nombre  d'autres,  que  notre  Auteur 
fuit  Defcartes  en  ce  qu'il  regarde 
ce  qui  fe  pafte  dans  l'Univers  com- 
me l'effet  d'un  méchanifme  perpé- 
tuel. Il  adopte  même  le  Syftême' 
des  tourbillons  ;  mais  il  tâche  de 
perfectionner  ce  qui  lui  a  paru  de 
meilleur  dans  le  Syftême  de  Def- 
cartes ,  en  démontrant  des  propo» 
fitions  que  cet  habile  Philofophe 
avoit  fuppofées  ,  en  retranchant 
plufieurs  propositions  que  M.  de 
Molieres  a  regardées  comme  inuti- 
les ,  &:  de  rectifier  ce  qui  a  paru  , 
dans  le  Syftême  de  Defcartes ,  con- 
traire aux  principes  ,  ou  à  l'expc- 
Nn  n  jj 


4r<*  JOURNAL    D 

rience.  D'un  autre  côté  il  a  profité 
des  découvertes  de  M.  Newton  s 
non  feulement  pour  rectifier  le  Sy- 
ftême  de  Defcartes ,  mais  encor» 
pour  établir  des  principes  qui  lui 
fervent  à  expliquer  d'une  manière 
méchanique  des  effets  dont  M. 
Newton  lui  -  même  a  cru  qu'on 
chercheroit  inutilement  lacaufe. 

Après  quelques  définitions ,  qu'il 
étoit  necefiaire  de  mettre  à  la  tête 
de  l'Ouvrage  ,  fuivant  la  méthode 
des  Géomètres  ;  l'Auteur  demande 
qu'on  lui  accorde  qu'il  y  a  dans 
l'Univers  de  la  matière  Se  du  mou- 
vement ;  enfuite  il  établit  dans  la 
première  Leçon  lesloix  du  mouve- 
ment en  ligne  directe  ,  en  onze 
propofitions.  La  première  eft  que 
la  vitefTe  d'un  mobile  eft  Pefpace 
qu'il  parcourt  divifé  par  le  tems 
qu'il  eft  à  le  parcourir ,  &  que  fa 
force  eft  le  produit  de  fa  maiTe 
pour  fa  vite  (Te.  11  prouve  dans  les 
propofitions  fuivantes  qu'un  corps 
en  repos  demeurera  de  lui-même  en 
repos,  qu'un  corps  en  mouvement 
continuera  de  lui-même  à  fe  mou- 
voir uniformément  en  ligne  droite, 
&:  que  s'il  eft  contraint  de  fc  mou- 
voir en  ligne  courbe  ,  il  tendra  à 
chaque  point  de  la  courbe  qu'il  dé- 
crira à  parcourir  la  tangente  de  la 
courbe  en  ce  point.  Les  différentes 
parties  de  cette  propofition  ,  font 
fondées  fur  ce  qu'un  corps  ne  peut 
apporter  de  lui-même  aucun  chan- 
gement à  fa  difpolition  actuelle. 

Dans  ces  premières  propofitions 
l'Auteur  ne  confidere  le  mobile 
que  comme  mû  par  une  feule  force 
en  ligne  directe.,  dans  les  fuivantes 


ES  SÇAVANS, 

il  examine  ce  qui  doit  arriver 
quand  le  corps  eft  mû  en  ligne  di- 
recte par  des  forces  qui  ont  pour 
direction  une  même  ligne  droite 
qui  paffe  par  fou  centre  ;  ce  corps 
fe  mouvera  en  ligne  directe  avec  la 
fomme  des  deux  forces  fi  leurs 
directions  font  de  même  fens  ,  ou 
avec  la  différence  de  ces  forces  ,  fi 
leurs  directions  font  à  fens  contrai- 
res ,  8c  ainfi  les  forces  contraires  fe 
détruiront  mutuellement.  Mais  Ci 
les  directions  des  deux  forces  for- 
ment un  angle  ,  le  corps  mû  par. 
ces  deux  forces  parcourera  unifor- 
mément 1a  diagonale  du  parallélo- 
gramme ,  dont  les  cotez  pris  fut 
ces  directions  font  entre  eux  com- 
me ces  forces  iv  cela  dans  le  même 
tems  qu'il  parcoureroit  l'un  ou 
l'autre  côté  par  l'une  ou  par  l'autre 
de  ces  forces.  On  peutfubftituer  à 
l'action  conjointe  de  ces  deux  for- 
ces ,  une  feule  force  qui  ait  pour 
direction  ,  celle  de  l'action  con- 
jointe de  ces  deux  forces.  Lorfquc 
deux  forces  font  employées  à  mou- 
voir un  globe ,  elles  font  équili- 
bres fi  elles  font  égales  &  oppofées 
dans  une  même  direction  qui  pafle 
par  fon  centtre.  Si  on  fubftitue  à 
l'une  de  ces  forces  un  point  capa- 
ble de  foûtenir  l'effort  de  l'autre 
force  mouvante ,  l'équilibre  fubfi- 
ftera. 

Trois  forces  dont  les  directions 
paffent  par  le  centre  d'un  globe  , 
font  équilibre  ,  lorfqae  leurs  di- 
rections font  dans  un  même  plan , 
&  qu'elles  forment  un  parallélo- 
gramme ,  dont  les  cotez  y  compris 
la  diagonale ,  étant  dans  ces  direc-- 


A  O  U  S 

tions  font  entre  eux  ,  comme  ces 
forces.  Si  à  l'une  de  ces  trois  forces 
on  fubftitue  un  point  d'appui  in- 
vincible dans  la  direction  de  cette 
force  ,  l'équilibre  continuera.  Mais 
fi  au  lieu  de  ces  trois  forces  onfup- 
pofe  deux  points  d'appui  invinci- 
bles dans  la  direction  de  ces  deux 
forces  ,  la  troilîéme  fe  décompo- 
fera  en  deux  forces  égales  à  celles 
des  deux  premières  forces ,  &  dont 
la  femme  fera  plus  forte  que  ne  l'é- 
toit  cette  force  à  laquelle  on  n'a 
pas  fubftitue  de  points  d'appui. 
C'cft  -  là  le  premier  exemple  que 
l'Auteur  donne  de  la  decompofi- 
tion  des  forces.  11  foùtient  qu'une 
force  ne  peut  être  ainfi  décompofée 
en  deux  autres  i  dont  la  fomme 
foit  plus  grande  que  cette  force  , 
que  par  l'oppofition  de  quelque 
reliftance  &  d'une  façon  détermi- 
née. 

Quand  deux  globes  homogènes 
fe  mouvans  dans  une  ligne  droite 
qui  palTe  par  leur  centre  fe  cho- 
quent ,  ces  mobiles  vont  en- 
femble  après  le  choc  dans  la  même 
ligne  droite  ou  avec  la  fomme  des 
forces  qu'ils  avoient  avant  le  choc, 
lorfque  leurs  directions  font  dans 
le  même  fens  ,  ou  avec  la  différen- 
ce de  ces  forces  ,  lorfque  leurs  di- 
rections font  à  fens  contraires. 
Mais  fi  un  globe  fe  mouvant  uni- 
formément dans  une  ligne  droite 
perpendiculaire  à  un  plan  inébran- 
lable ,  tombe  fur  un  point  de  ce 
plan,  le  mobile  demeurera  en  re- 
pos au  point  fur  lequel  il  tombera, 
Il  faut  voir  dans  le  Livre  même  les 
démonftrations  de  ces  règles  &  les 


T,    1754.  4;? 

corollaires  que  l'Auteur  en  tire ,  & 
qu'on  doit  encore  regarder  comme 
des  règles  de  mouvemens.  Il  faut 
feulement  avertir  ici  ceux  qui  fe 
contenteront  de  l'idée  générale  que 
nous  venons  d'en  donner  ,  que 
l'Auteur  confiderc  ici  les  corps  , 
comme  s'ils  n'avoient  point  de  ref- 
fort,  &  comme  fi  le  milieu  dans 
lequel  fe  tait  le  mouvement  ne  fai- 
foit  aucune  refiftance.il  avertitauffi 
qu'il  prouvera  par  la  fuite  que  la 
deftruction  dès  forces  contraires 
par  le  choc,  n'empêche  pas  que  la 
même  quantité  de  forces  que  la 
matière  a  reçu  dès  le  commence- 
ment ne  feconferve  dans  l'Univers. 
Dans  la  féconde  Leçon  l'Auteur 
expofe  les  loix  générales  du  mou- 
vement en  ligne  courbe  ,  &  les 
proprietez  du  tourbillon.  Il  éta- 
blit d'abord  qu'un  globe  con- 
traint de  fe  mouvoir  le  long  d'une 
ligne  courbe,  ne  perd  qu'une  quan- 
tité de  fa  Yiteffe  infiniment  petite 
fur  chacun  des  points  de  la  courbe. 
D'où  il  conclut  que  quoique  le 
nombre  des  cotez  infiniment  petits 
d'une  courbe  foit  infini ,  le  mobile 
ne  perd  de  fa  viteffe  en  les  parcou- 
rant tous  qu'une  quantité  infini- 
ment petite  qu'on  eft  en  droit  de 
négliger.  Il  montre  dans  la  féconde 
propofïtion  que  le  mobile  qui  dé- 
crit une  circonférence  de  cercle 
tend  à  chaque  point  à  s'éloigner  du 
centre  de  ce  cercle  avec  une  égale 
force  ,  &  dans  la  troifiéme  que  là 
force  centrifuge  d'un  globe  qui  fè 
meut  dans  une  circonférence  de 
cercles  eft  égal  au  quarré  de  fa 
vitelTe  divifé  par  le  rayon.  D*où  M»- 


4y8       JOURNAL     DE 

de  Molieres  tire  fa  quatrième  pro- 
portion que  fi  le  plan  d'un  cercle 
cil  rempli  de  très-  petits  globules 
égaux  ,  qui  y  circulent  chacun  avec 
une  égale  vitefle  ,  ces  globules  ten- 
dront à  s'éloigner  du  centre  com- 
mun de  leurs  mouvemens  avec  des 
forces  centrifuges  qui  feront  entre 
elles  en  raifon  inverfe  de  leur  di- 
ftance  au  centre  ,  &  que  il  on  n'a 
aucun  égard  aux  frottemens  ,  les 
globules  continuèrent  à  y  circuler 
avec  la  même  vitefle. 

Notre  Auteur  fuppofant  enfuite 
que  la  fuperficie  d'un  cilindre  droit 
eft  remplie  de  petits  globules  ,  & 
que  ces  points  y  circulent  avec  une 
égale  vitefle  dans  les  plans  perpen- 
diculaires à  l'axe  &  y  forment  ce 
qu'on  nomme  un  tourbillon  ;  il 
prouve  i".  que  chacun  de  ces  glo- 
bules tendra  à  s'éloigner  du  point 
de  l'axe  du  cilindre  fur  lequel  tom- 
be la  perpendiculaire  menée  du 
centre  du  globule  fur  l'axe  du 
tourbillon  ,  &  que  tous  les  globu- 
les compris  dans  une  même  cou- 
che cilindrique  auront  une  égale 
force  centrifuge  :  z°.  Que  les  for- 
ces centrifuges  des  points  compris 
dans  des  couches  différentes  ,  fe- 
ront entre  elles  en  raifon  inverfe 
de  leur  diftance  à  l'axe  "•  3*.  Que  fi 
l'on  n'a  égard  qu'à  la  feule  force 
centrifuge  ,  tous  ces  points  conti- 
nueront d'y  ciiculer  éc  d'y  confer- 
ver  entre  eux  une  égale  vitefle.  De 
ce  que  les  vitefles  des  points  d'un 
tourbillon  cilindrique  demeurent 
égales,  notre  Auteur  conclut  avec 
M.NeWton  que  leurs  tems  périodi- 
ques ,  feront  entre  eux  comme  leur 


S     SÇAVANS; 

difhnce  à  l'axe.  Mais  une  différen- 
ce eflentielle  entre  le  Syftême  de 
M.  Newton  è>  celui  de  notre  Au- 
teur ,  c'eit  que  M.  de  Molieres  , 
pour  découvrir  les  proprietez  du 
tourbillon  ,  le  transforme  de  cilin- 
drique en  fphérique  par  la  f?ule 
infeription  d'une  fuperheie  fphéri- 
que ,  lans  changer  autre  choie  à  ce 
qu'on  en  avoit  déduit  ,  que  ce  que 
cette  nouvelle  difpofition  deman- 
doit  qu'on  y  changeât  ,  &:  qu'il  dé- 
duit de-là  les  loix  aftronomiques 
de  Kepler,  au  lieu  que  M.  Newton 
n'ayant  point  jugé  à  propos  de  faire 
cette  transformation  ,  a  formé  une 
hypothéfe  fur  la  formation  du 
tourbillon  fphérique  qui  l'a  écarté 
des  confequences  qu'il  avoit  tirées 
du  tourbillon  cilindrique  -,  de  ma- 
nière qu'il  a  cru  qu'il  étoit  impoilî- 
ble  d'expliquer  par  le  Syftcme  du 
méchanifme  la  pefanteur,le  reflort, 
le  mouvement  des  Planétes,C^V.On 
doit  lire  dans  le  Livre  même  la  ma- 
nière dont  l'Auteur  explique  le 
mouvement  dans  les  tourbillons 
fphériques ,  d'où  il  déduit  la  fa- 
meufe  règle  de  Kepler  ,  par  laquel- 
le on  décermine  le  rapport  des  di- 
flances  des  Planètes  au  Soleil  en 
connoilTant  le  tems  de  leurs  révolu- 
tions ,  &  que  les  Aitronomes  mo- 
dernes ont  vérifiée  par  rapport  aux 
Satellites  de  Jupiter  8ç  de  Saturne. 
Ce  Syftême  des  tourbillons  ex- 
pliqué dans  la  féconde  Leçon  s'ac- 
corde avec  celui  deDcfcartes. L'Au- 
teur s'en  éloigne  dans  la  troifiéme 
Leçon  où  il  parle  des  tourbillons 
comparés  entr'eux  &  des  tourbil- 
lons  compofés.     Notre     Auteur 


A  O  U  S 

avoiie  que  C\  l'on  fuppofoit  un 
mouvement  de  la  matière  en  ligne 
droite  en  tous  fens,  même  contrai- 
res ,  ou  en  ligne  courbe  qui  fe  croi- 
faffent ,  le  mouvement  le  perdroit 
bientôt,  &  par  confequent  qu'il 
ne  produiroit  pas  les  effets  de  la 
nature.  C'eft  pourquoi  il  foû- 
tient  que  chaque  grand  tourbillon 
eft  compofé  d'autres  touibillons, 
qui  font  encore  compofés  d'autres 
tourbillons  infiniment  plus  petits , 
qui  ont  chacun  leur  mouvement 
en  tourbillons  ,  comme  les  plus 
grands  tourbillons  ,  d'où  notre 
Auteur  conclut  que  le  mouvement 
doit  fe  conlervec  dans  l'Univers 
pour  tous  les  civets  naturels,  &  que 
le  mouvement  s'eft  introduit  & 
s'eft  confervé  dans  la  matière  ,  fans 
le  fecours  du  vuide  ,  que  M.  New- 
Son  n'avoit  admis  dans  l'Univers, 
que  parce  qu'il  ne  croyoit  pas  qu'on 
pût  expliquer  autrement  les  effets 
de  la  nature. 

Un  fécond  point  dans  lequel  no- 
tre Auteur  s'écarte  encore  du  Syftê- 
me  de  Defcartes ,  c'eft  qu'il  fubfti- 
tue  comme  avoit  fait  le  Père  Male- 
branche,  aux  globules  durs  de  Def- 
cartes,de petits  tourbillons,c]ui font 
une  fuite  deiadiviiîon&  delafub- 
divifionde  la  matière' en  autant  de 
parties ,  qu'il  étoit  neceffaire  pour 
la  production  des  effets  naturels. 
D'ailleurs  on  n'a  point  à  craindre 
dans  le  tourbillon  compofé  de  pe- 
tits tourbillons  élaftiques  qui  pren- 
nent aifément  la  figure  convenable 
aux  lieux  où  ils  fe  trouvent,  les 
frottemens  qu'on  craignoit  tant 
dans  le  tourbillon  formé  de  petits 
globules  durs. 


T,    1754.  4^ 

Dans  la  quatrième  Leçon  l'Au- 
teur recherche  la  caufe  de  la  pefan- 
tcur  que  M.  Newton  a  cru  devoir 
regarder  comme  une  qualité  dont 
on  ne  pouvoit  expliquer  l'origine. 
M.  de  Molieres  tire  la  pefanteur , 
non  immédiatement  de  la  force 
centrifuge  que  la  matière  du  tour- 
billon acquiert  en  circulant ,  mais 
de  celle  qui  naît  de  l'effort  que  les 
petits  tourbillons,  dont  le  grand 
tourbillon  cft  compofé  ,  font  pour 
s'écarter  les  uns  des  autres.  Car  le 
corps  dur ,  c'eft-à-dire  ,  dont  les 
parties  font  proches  l'une  de  l'au- 
tre ,  év  qui  ne  fe  mouvent  pas  en 
tourbillon  ,  circule  auflî  vire  au- 
tour de  la  terre  qui  forme  un  grand 
tourbillon  que  le  volume  du  petit 
tourbillon  dont  il  occupe  la  place. 
Mais  la  force  par  laquelle  ce  corps 
tend  à  s'éloigner  du  centre  de  la  ter- 
re n'eft  que  la  moitié  de  celle  par  la- 
quelle un  pareil  volume  du  tourbil- 
lon tend  à  s'en  éloigner,parce  que  le 
petit  tourbillon  a  outre  la  force  gé- 
nérale du  tourbillon  ,  celle  de  fes 
petites  parties  qui  tendent  à  s'éloi- 
gner de  leur  centre.  La  pefanteur 
ou  la  force  avec  laquelle  un  mobile 
dur  tend  à  s'approcher  du  centre 
du  grand  tourbillon  eft  en  raifon 
inverfe  du  quarré  des  diftances  du 
mobile  au  centre  du  grand  tourbil- 
lon ,  parce  que  la  force  des  parties 
du  petit  tourbillon  croiffant  &  dé- 
eroiffant  à  raifon  inverfe  des  quar- 
rez  des  diftances  au  centre  du  tour- 
billon -,  la  pefanteur  du  mobile  qui 
eft  l'effet  immédiat  de  cette  force, 
doit  auflî  croître  £c  décroître  de  la 
même  façon. 


46o  JOURNAL   D 

L'Ether  &  fon  infenfible  refi- 
ftance  font  le  fmet  de  la  cinquième 
Leçon.  L'Auteur  y  foûtient  que  les 
trois  élémens  de  Defcartesne  peu- 
vent fubfifter  félon  les  loix  des  mé- 
chaniques  ,  principalement  parce 
que  les  parties  de  la  matière  de  Ion 
premier  élément  étant  les  plus  fub- 
tiles ,  elles  auroient  bien-tôt  perdu 
leur  vitelfe  quelque  grande  qu'elle 
eût  pu  être  dans  le  commence- 
ment, en  la  communiquant  aux 
parties  de  fon  fécond  &c  de  fon 
troifiéme  élément  qu'il  fuppofe 
mille  fois  plus  grofles.  Dans  le  Sy- 
ftême de  notre  Auteur  l'Ethcreft 
compofé  de  petits  tourbillons  qui 
occupent  tout  l'Univers  à  l'excep- 
tion des  corps  durs  dont  les  parties 
font  en  repos  les  unes  auprès  des 
autres.  Il  déduit  delà  l'élafticité  de 
l'Ether  &  fon  mfeniîble  refiftance. 
Il  trouve  dans  fon  Syftême  un 
grand  avantage  par  rapport  à  ce 
dernier  article  ,  en  ce  que  l'Ether 
ne  faifant  qu'une  refiftance  infenfi- 
ble aux  corps  pefans  qui  le  traver- 
fent  ,  on  explique  fans  détruire  le 
Syftême  du  plain  toutes  les  obferva- 
tions  dont  M.  Newton  s'eft  fervi 
pour  établir  le  vuide  ,  &  pour  ré- 


ES    SÇAVANS, 

pondre  aux  objections  de  ce  Philo- 
fophe  fur  le  Syftême  du  plain. 

Le  but  de  l'Auteur  ,  de  don- 
ner au  Public  des  élémens  de  Phy- 
iique  démontrés  géométrique- 
ment ,  engagera  fans  doute  ceux 
qui  aiment  la  Phyfique  à  examiner 
cet  Ouvrage  avec  attention  ,  &  à 
faire  fouhaiter  que  l'Auteur  conti- 
nue à  donner  fes  Leçons  au  Public 
fur  une  matière  fi  importante.  Il  y 
aura  d'autant  plus  de  perfonnes  en 
état  de  juger  des  calculs  fur  lef- 
quels  ces  démonftrations  font  ap- 
puyées ,  que  l'Auteur  s'eft  borné 
dans  fes  Elémens  aux  calculs  or- 
dinaires des  Géomètres ,  laiftant 
à  d'autres  à  y  appliquer  les  calculs 
de  la  plus  fublime  Géométrie.  On 
ne  fçauroitque  loiier  la  Méthode 
de  l'Auteur.  L'examen  de  ce 
qu'il  a  propofé  pour  principes ,  de 
la  part  des  Phyficiens  &  des  Géo- 
mètres eft  également  à  fouhaiter 
pour  l'Auteur  qui  fait  profefîlon 
de  rechercher  la  vérité  ,  &  pour  le 
Public.  Nous  n'avons  point  rap- 
porté l'enchaînement  des  propofi- 
tions  dans  fes  trois  dernières  Le- 
çons,  parce  que  ce  détail  nous  au« 
roitmené  trop  loin. 


ABREGE* 


AOUS  T,  1734; 


461 


'ABREGE'  DE  L'HISTOIRE  DE  FINGT-QVATRE  PERES  DE 

l'Eglife.  Hifloire  abrégée  des  Empereurs  Romains  depuis  Jule-Céfar  juf- 
tju'à  Confiant  in  le  Grand.  Caractères  de  5  8  des  meilleurs  Hifloriens  t  Ora- 
teurs ,  &  Poètes  Grecs }  Latins  &  François.  Ouvrage  très  -  utile  fur-tout 
aux  jeunes  gens  de  l'un  &  de  l'autre  fexs  ,  tjui  pourront  en  très-peu  de  tems 
Acquérir  une  connoiffance  générale  des  matières  annoncées  ci  -  dejfus.  A 
Paris  ,  chez  Chaubert  ,  Libraire  du  Journal;  Tautin  ,  rue  Judas 3  8c 
Alufier  fils ,  Quai  des  grands  Auguftins.  1731.  in-iz.  pp.  178. 


QU  O I  QU E  cet  Ouvrage  ne 
foitpas  fufceptible  d'Extrait, 
cependant  comme  il  peut  être  pro- 
pre à  orner  &  même  à  former  l'ef- 
prit  de  la  jeunefle  ,  nous  allons  en 
donner  ici  quelques  morceaux  qui 
mettront  le  Lecteur  en  état  de  ju- 
ger du  ftile  &  du  caraclere  qui  rè- 
gne dans  cet  abrégé.  Parmi  les  Vies 
de  24.  Pères  de  l'Eglife ,  nous  choi- 
firons  celle  de  Tertullien. 

»  Il  eft  confiant ,  dit  l'Auteur  , 
»  que  Tertullien  avoit  été  Payen  , 
»  comme  il  l'avoiie  lui- même  ; 
»  mais  on  ne  fçait  point  en  quel 
»  tems  ,  ni  à  quelle  occafion  il  en- 
»  tradans  le  fein  de  l'Eglife.  Il  fut 
»  ordonné  Prêtre  de  Carthage  en 
»  Afrique  fa  Patrie.  Ce  fçavant 
»Homme  éclaira  d'abord  l'Eglife 
»  par fes  Ecrits ,  l'édifia  par  l'inno- 
»»  cence  de  fa  vie  ,  Se  la  dérendit 
»  par  un  admirable  Apologétique 
»  qui  a  pafTé  dans  tous  les  fiécles 
»  pour  un  Chef-d'œuvre  d'érudi- 
»  tion  &  d'éloquence.  Mais  aveu- 
»  glé  depuis  pat  une  orgueilleufe 
»  févérité  que  lui  infpira  le  trop 
»  d'attachement  à  la  morale  des 
*»  Stoïciens  ,  &  féduit  par  les  vi- 
»  fions  du  faux  Prophète  Montan  , 
olta  contre  l'Eglife  ,  fe 
A  i#. 


»  fervit  pour  la  combattre  de  la 
n  même  plume  dont  il  avoit  atta- 
»  que  avec  tant  de  zélé  &  de  force 
»  les  Marcionites,  les  Valentiniens 
»  &  autres  femblables  monftres,  & 
»  tomba  dans  un  fi  grand  excès  de 
»  foiblefle  &  de  folie  ,  qu'il  fe  laifla 
»  entraîner  à  croire  des  révélations 
»  ridicules  &  des  Prophéties  plei- 
»  nés  d'extravagances  débitées  par 
>»un  Impofteur,  &  par  certaines 
»  femmes.  On  ne  fçait  ce  que  fit 
»  Tertullien  depuis  fa  chute ,  ni  ce 
»  qu'il  devint.  11  ne  paroît  pas  pat 
»>  fes  Ouvrages  qu'il  foit  revenu  de 
»  fon  égarement  :  tous  les  anciens 
»  au  contraire  en  ont  parlé  comme 
»  d'un  homme  mort  hors  la  com- 
»  munion  de  l'Eglife.  On  croit 
»  communément  qu'il  mourut  vers 
»  l'an  210. 

Nous  avons  eboifi  cette  Vie  uni- 
quement parce  qu'elle  eft  une  des 
plus  courtes  ,  cette  même  raifon 
nous  déterminera  dans  le  choix  que 
nous  ferons  encore  de  deux  autres 
endroits  du  même  Ouvrage. 

Telle  eft  dans  l'Hiftoire  abrégée 
desEmpereurs  Romains  la  peinture 
qu'il  fait  de  l'Empereur  Commode. 

»  Au  meilleur  de  tous  les  Petes, 
»  fucceda  le  plus  méchant  de  tous 
Ooo 


452  JOURNAL   D 

»  les  fils.  Commode  ayant  pris  les 
»  rênes  de  l'Empire  dans  un  âge 
»  encore  trop  tendre  ,  fe  laifla  en- 
wticrement  corrompre  parlesflat- 
»  teurs ,  de  forte  que  fans  avoir  au- 
»  cune  des  qualitez  de  Marc-Aure- 
»le,  il'eut  prefque  tous  les  vices 
3>  de  Néron.  Quoique  fon  extrême 
.•»  cruauté  ,  &  fes  infâmes  débau- 
.•>ches  eu(Tent  fait  revivre  les  tems 
»  malheureux  de  Domitien  Se  de 
»Caligula,  il  voulut  cependant 
a  que  fon  règne  fût  appelle  le  fié- 
»  cle  d'or.  Les  palmes  fréquentes 
»  qu'il  remporta  dans  les  combats 
»>  des  Gladiateurs  étoient  quelque 
»  chofe  pour  lui  de  plus  grand  que 
»  les  triomphes  les  plus  honorables 
»&  les  plus  glorieux.  Il  étoit  fi 
»  adroit  à  lancer  le  Javelot  Se  à  ti- 
»»  rer  de  l'arc ,  qu'il  tuoit  quelque- 
»  fois  en  un  feul  jour  cent  bêtes 
»>  fauvages.  Il  lançoit  enfuite  les 
u  Javelots  Se  les  flèches  fur  le  Peu- 
»ple  pour  couronner  un  fi  beau 
»  fpectacle.  Fier  de  femblables  ex- 
»  ploits ,  il  ajouta  aux  grands  nom- 
»  bres  de  titres  magnifiques  qu'il 
»  s'étoit  déjà  donnés ,  celui  d'Invin- 
»  cible  Se  d'Hercule  Romain.  Ce 
»>monftre  plus  féroce  que  toutes 
j>  les  bêtes  qu'il  avoit  fait  périr  , 
»fut  empoifonné  par  fa  Maîtreflc 
»  Marcia  ,  Se  enfuite  étranglé  par 
»  un  Athlète  nommé  Narcifle  la 
»  treizième  année  de  fon  règne  ,  Se 
»  la  trente  deuxième  de  fon  âge. 

Après  l'abrégé  de  l'Hiftoire  des 
Empereurs  Romains  ,  l'Auteur  , 
fans  s'attacher  au  détail  de  leur  vie, 


ES  SÇAVANS, 

nous  donne  le  caractère  de  58  des 
meilleurs  Hiuorien6  ,  Orateurs,  & 
Poètes  ,  Grecs ,  Latins  3  Se  Fran- 
çois. Parmi  ces  derniers  il  eft  re- 
marquable que  M.  Roulîeau  foit 
le  feul  Poète  vivant  dont  on  fafle 
ici  mention.  On  y  trouve  le  carac- 
tère de  M.  de  la  Motte  Se  du  P.  du 
Cerceau  Jefuite.  Nous  finirons  cet 
Extrait  par  ce  que  l'Auteur  dit  de 
ce  dernier. 

Du  Cerceau  a  mieux  imité  que 
perfonne  l'élégant  badinage  de 
Marot ,  la  charmante  naïveté  qui 
fe  trouve  dans  fes  penfées.  Ses 
tours  ingénieux  ,  fa  diction  pure  & 
enjouée  ne  font  pas  fes  feuls  ta- 
lens.  Il  fçait  aulfi  répandre  une 
noblefle  Se  une  dignité  merveil- 
leufe  fur  les  chofes  qui  en  pa- 
roifîent  le  moins  fufceptibles.  Ce 
qu'il  dit  eft  ordinairement  aflez 
commun  pour  le  fond  ,  mais  il  le 
prefente  fous  des  jours  qui  lui  don- 
nent un  air  de  nouveauté  ,  &  quel- 
que chofe  de  piquant.  Le  naturel 
&  le  vrai  font  pour  ainfi  dire  le 
fond  Se  la  matière  de  fes  Ouvrages». 
Rien  de  plus  fimple  pour  l'ordi- 
naire que  fes  fujets.  Mais  il  a  foin 
de  les  relever  par  une  verfification 
aifée  Se  coulante  -,  par  une  fécondi- 
té ,  une  délicatefîe  ,  une  netteté 
d'expreffion  ,  Se  fi  j'ofe  le  dire ,  par 
une  légèreté  de  pinceau  qui  plai- 
fent  infiniment  -,  fa  Mufeeftgaye 
&  badine ,  mais  elle  ne  s'écarte  ja- 
mais des  règles  de  la  bienféance  Se 
du  devoir, 


AOUST,  I7J4.1 


4*î 


DESCRIPTION  D'VN   PETIT  EAQVET  DE  VASSEAVX 

pétrifié  ,  trouvé  dans  le  ventricule  droit  du  cœur  d'une  jeune  Demoifelle  ,  ou 
Von  rapporte  les  accidens  que  le  corps  étranger  lui  caufa  &  ejui  furent  fui- 
vis  d'une  prompte  mort.  Laquelle  Defcription  nous  a  été  donnée  par  Ai. 
Hallays  ,  Médecin  de  la.  Rochelle. 


LT  N  E  jeune  Créole  de  Caycn- 
)  ne  âgée  de  treize  ans ,  d'un 
temperamment  mélancholique,  Se 
élevée  dès  l'âge  de  fcpt  ans  à  la  Ro- 
chelle, tombale  quatrième  Février 
1720.  dans  une  fièvre  ardente  avec 
trcmblemens  convulhfs  Se  délire. 
Le  neuvième,  la  petite-vérole  pa- 
rut Se  fut  confluente.  La  malade  en 
fut  entièrement  guérie  le  vingt- 
fixiéme  du  même  mois,  qui  étoit 
le  vingt-deuxième  de  la  maladie  ôc 
le  dix-feptiéme  de  l'éruption. 

Le  treizième  Avril  fuivant,  cette 
jeune  Demoifelle  joiiilToit  d'une 
fanté  parfaite  ,  Se  avoit  acquis ,  de- 
puis fa  petite-vérole  ,  un  embom- 
point  qu'elle  n'avoit  jamais  eu, 
lorfque  tout  d'un  coup,  fur  le  foir, 
elle  le  fentit  frappée  d'une  violente 
douleur  de  tête,  d'abord  du  côté 
droit ,  Se  qui  s'étendit  en  fort  peu 
de  tems ,  dans  toute  la  tête,  palpi- 
tation de  cœur  très-forte ,  inquié- 
tude ,  angoifle  ,  agitation  de  tout 
le  corps,  le  poulx  dur,  tendu, 
convulfif.  Environ  une  heure  après 
la  première  attaque  du  mal  ,  la 
connoilTance  fe  perdit  Se  la  malade 
tomba  dans  des  convulfions  énor- 
mes. Je  la  fis  faigner  cinq  fois  en 
moins  de  douze  heures ,  fçavoir , 
quatre  fois  du  bras ,  d'où  on  lui  tira 
neuf  à  dix  onces  de  fang  à  chaque 
fois,  &  enfuite  du  pied,  d'où  on 


lui  en  tira  jufqu'à  treize  à  quatorze 
onces  ,  parce  qu'environ  une 
heure  après  que  la  malade  eut  été 
faignée  du  bras  pour  la  dernière 
fois ,  la  palpitation  de  cœur  Se  la 
doulcu  de  tête  ne  laifferent  pas  de 
contin  r  ;  quoique  les  convul- 
fions éûffent  celTé  ,  que  la  connoif- 
fance  fî.i  revenue  Se  que  le  poulx 
commençât  à  fe  rétablir.  Tout  le 
relie  du  quatorzième  Se  le  quinziè- 
me ,  la  malade  fut  en  pleine  con- 
noilTance ,  malgré  fa  palpitation 
de  cœur,  Se  une  douleur  de  tête 
gravative,  avec  une  fièvre  très  con- 
sidérable qu'on  tâcha  inutilement 
d'éteindre  par  les  boifions  nîtrées  , 
les  bouillons  de  poulet ,  les  lave- 
mens  d'eau  tiède  Se  autres  fecours 
pareils. 

La  nuit  du  quinzième  au  feiziéme 
la  palpitation  de  cœur  augmenta 
au  point  de  taire  trembler  tout  le 
lit  :  ce  qui  fut  bien-tôt  fuivi  d'une 
perte  totale  de  connoilTance  8c  de 
convulfions  horribles.  Deux  fai- 
gnées  du  pied  Se  une  de  la  jugulai- 
re diminuèrent  les  convulfions  & 
changèrent  les  palpitations  en  (im- 
pies tremblemens.  Le  vifage  pâlit 
depuis  les  yeux  jufqu'au  menton  , 
mais  feulement  autour  du  nez  -,  lt 
front,  les  joues,  ôc  la  gorge  étant 
d'un  rouge  très-vif,  qui ,  par  de- 
grez  devint  cramoifi ,  enluite  vio- 
Oooij 


464  JOURNAL   D 

let  Se  enfin  livide.  Le  dix-fept  elle 
mourut  fur  leshuit  heures  du  ma- 
tin ,  le  cinquième  de  la  maladie 
commençant. 

Dès  l'entrée  du  feiziéme ,  lorf- 
que  je  vis  les  convulfions  revenir  , 
&  les  palpitations  de  cœur  s'aug- 
menter lî  considérablement  ,  je 
penfai  que  ces  accidens  n'étoient 
caufés  qus  par  quelque  corps 
étranger  dans  l'un  ou  dans  l'au- 
tre des  ventricules  du  cœur  ,  Se 
qu'on  ne  pouvoit  attendre  qu'une 
mort  très-prochaine,  je  l'affurai  à 
ceux  qui  avoient  foin  de  cette  jeu- 
ne Demoifelle  ,  &  Je  le  fis  d'autant 
plus  affirmativement  que  j'avois 
vu  mourir  plufieurs  malades  avec 
les  mêmes  lymptômes  produits  par 
la  même  caufe  -,  mais  entre  autres 
une  femme  de  la  rue  de  la  Chan- 
verrerie  à  Paris,  qui  trois  Semaines 
après  une  couche  fort  heureufe  % 
tomba  tout  à  coup  dans  les  mêmes 
accidens  que  la  jeune  Demoifelle 
dont  il  eft  ici  queftion,  mais  moins 
violens  ,  &  mourut  le  troifiéme 
jour  de  cette  attaque.  Je  fus  pre- 
fent  à  l'ouverture  qu'on  en  fit  &c 
que  j'avois  confeillée.  On  trouva 
dans  le  ventricule  gauche  du  cœur 
un  corps  de  couleur  &  de  confi- 
dence tendineufe  ,  de  la  groffeur 
d'une  noix  ,  fait  comme  un  cœur 
entier,  qui,  d'une.bafe  large  fe  ter- 
minoit  en  pointe,  cV  d'où  partoient 
des  fibres  fpirales  qui  alloientfe  ter- 
miner à  la  bafe.  Ce  corps  étoit 
creux,  contenoit  environ  une  demi- 
coquille  de  noix,  de  liqueur  rouffa- 
tre  ^  &  étoit  attaché  au  milieu  du 
fcptm  médium  comme  un  champi- 


ES    SÇAVANS, 

gnon  ,  par  un  pédicule  allez  gros  Se 
affez  forr  pour  tenir  le  co.ps  fuf- 
pendu  au  milieu  du  ventricule  gau- 
che. 

Quant  à  notre  jeune  Créole  t 
mon  prognoftic  ,  quoique  très- 
vrai  ,  fut  contredit  par  plufieurs 
perfonnes,  les  uns  difantque  c'é- 
toient  des  vers  qui  caufoientlesac- 
cidens ,  les  autres  que  ce  n'étoient 
que  des  convulfions  épileptiques. 
ordinaires  ;  pour  décider  là  que- 
ftion je  demandai ,  dès  que  la  Ma- 
lade fut  morte ,  qu'on  en  ouvrît 
la  poitrine. 

Nous  y  trouvâmes  les  deux  lo- 
bes du  poumon  ,  à  peu  de  chofe 
près ,  dans  leur  couleur  naturelle  3 
le  ventricule  gauche  du  cœur  ab- 
folument  vuidede  fang,  la  veine- 
cave  ,  l'oreillette  droite ,  &  le  ven- 
tricule droit  du  cœur  ,  engorgés, 
de  fang  &  prodigieufement  dilatés. 
Ce  ventricule  ouvert ,  il  en  fortit 
une  fort  grande  quantité  de  fang 
noirâtre  ,  on  en  tira ,  outre  cela  , 
avec  les  doigts ,  beaucoup  de  gru- 
meaux durs  &  noirâtres ,  mais  qui 
fe  brifoient  facilement.  Voulant 
examiner  par  moi-même  s'il  n'y 
a  voit  rien  d'entrelacé  dans  les  co- 
lomnes  charnues  dé  ce  ventricule  , 
&  y  portant  doucement  le  doigt 
indice  ,  de  bas  en  haut  -,  je  fentis  un 
petit  corps  dur  fous  la  valvule  po- 
fterieure  que  je  tirai  doucement  & 
peu  à  peu ,  parce  qu'il  étoit  enfon- 
cé diagonalement  par  une  de  fes 
extremitez  h  plus  pointue  ,  dans 
les  fibres  de  la  valvule  ,  &  par  l'au- 
tre extrémité  plus  large,  mais  tran- 
chante ,  à  la  partie  fùpeneure  ôt 


A  O  U  S  T 

pofterieure  du  ventricule  droit  du 
cœur.  Nous  n'apperçûmes  rien  de 
plus  dans  ce  ventricule  ,  (mon  que 
les  valvules  étoient  demeurées  en- 
flammées ,  épaifles  ,  roides  ,  & 
tendues.  Je  fis  enfuite  plufieurs 
ouvertures  tant  dans  la  partie  con- 
vexe que  dans  la  partie  concave  des 
deux  lobes  du  poumon  ;  mais  le 
tranchant  de  tous  nos  Scalpels  fut 
bien  tôt  émoufle  par  une  quantité 
de  pierres  de  toutes  fortes  de  figu- 
res ,  &  de  groiTcurs  ,  qui  fe  trou- 
verent  répandues  dans  les  bron- 
ehes  &:  dans  la  fubftance  véficuiairc- 
même  du  poumon  ;  cependant  la 
malade  n'avoittu  dans  le  cours  de 
fa  maladie  ,  aucune  oppreflîon  & 
ceux  qui  étoiéitt  journellement 
avec < iv  ,  iM'.itTurerent  qu'ils  n'a- 
voi  •  i  .imais  apperçu  qu'elle  fût 
attaquée  ni  qu'elle  fe  plaignît  d'au- 
cune difficulté  de  refpirer. 

Defcripion  du  Corps  étranger. 

Ce  corps  étranger  étant  lavé  & 
dégagé  du  fang  qui  l'enveloppoit , 
puis  jette  dans  une  foucoupe  de 
porcelaine  ,  la  faifoit  fonner  com- 
me auioit  fait  une  pierre  dure  :  je 
diftinguois  facilement  à  l'œil  plu- 
fieurs petits  ronds  comme  des  ori- 
fices de  vailTeaux  coupés  pour  la 
plûpart'diagonalement ,  ou  plutôt 
arrachés  ,  car  les  bords  en  étoient 
inégaux.  Quelques  uns  de  ces  orifi- 
ces paroifloient  creux  ;  mais  en  les 
fondant  avec  une  épingle  ,  je  les 
fentois  auflî  durs  &  auffi  foïides  en 
dedans  qu'en  dehors.  Ce  corps  gros 
environ  comme  un  bon  grain  de 


.     ï  7  i  4-  4*J 

froment  ,  convexe  d'un  côté  &  un 
peu  concave  de  l'autre  ,  n'étoit 
qu'un  aflemblage  de  petits  viaf- 
feaux  de  dinerens  diamètres  &de 
différentes  longueurs  colcs  les  uns 
contre  les  autres. 

Un  peu  à  côté  de  la  partie  con- 
vexe &  au  -  deflous  d'un  vailfeau 
ouvert  dans  fa  longueur ,  on  voyoit 
fortir  quatre  filets  qui  d'une  bafe 
large  d'une  dixième  partie  de  li- 
gne ,  fe  terminoient  en  une  pointe 
très-fine  &  prefque  imperceptible 
dans  la  longueur  de  quatre  à  cinq 
lignes  5  &  décrivoient  un  demi- 
cercle. 

Depuis  cette  baze  jufques  à  la- 
pointe  on  appercevoit  des  inter- 
férions qui  fembloient  naître 
les  unes  des  autres ,  de  la  même 
manière  qu'on  reprefente  les 
vaifTcaux  lymphatiques.  Vers  la 
pointe  de  la  partie  concave  il  y 
avoit  auflî  quatre  autres  filets  , 
mais  plus  fins  ;  deux  qui  décri- 
voientleur  demi  cercle  vers  la  par- 
tie fuperieurc ,  deux  autres  vers 
l'inférieure ,  &  qui  étoient  rangés 
alternativement.  Ces  huit  filets 
étoient  auflî  pétrifiés  ;  mais  élafti- 
ques. 

Reflexions. 

i°.  Comme  une  Dame  dévote  à 
qui  cette  jeune  perfonne  avoit  été 
recommandée ,  ne  voulutpasnous 
permettre  d'ouvrir  d'autre  partie 
que  la  poitrine  ,  il  ne  me  fut  pas 
poflibie  de  décider  de  quel  endroit 
du  corps,  ce  paquet  de  vaiiTeaux  pé- 
trifié s'étoit  détaché  pour  tombée 


46<S         JOURNAL  D 

dans  le  ventricule  droit  du  cœur. 

2°.  On  voit  bien  que  fi  ce  corps 
s'étoit  détaché  du  poumon  où  il  y 
avoit  une  fi  grande  quantité  d'au- 
tres concrétions  pierreufes  de  tou- 
tes les  figures  &  de  toutes  les  gran- 
deurs ,  il  n'eût  pu  être  porté  que 
dans  le  ventricule  gauche  du  cœur 
&c  non  pas  dans  le  droit  ;  à  moins 
qu'on  ne  veuille  fuppofer  que  le 
paquet  de  vaifteaux  pétrifiés  déta- 
ché de  l'un  ou  de  l'autre  lobe  du 
poumon  ,  ait  d'abord  été  porté 
dans  le  ventricule  gauche  du  cœur , 
d'où  ,  par  un  heureux  hazard  ,  il 
ait  été  pouffé  dans  l'aorte  fans  s'ac- 
crocher à  aucune  partie  folide ,  & 
de-là  ,  fuivant  les  loix  de  la  circula- 
tion ordinaire  ,  il  ait ,  par  un  autre 
hazard,  pénétré  des  extrémitez  des 
artères  capillaires ,  dans  les  veines  , 
pour  être  rapporté  fans  aucun  ob- 


ES  SÇAVANS; 

ftacle  dans  le  ventricule  droit  du 
cœur. 

30.  Je  fçai  que  la  chofe  ,  tout 
extraordinaire  qu'elle  eft ,  n'eft 
pas  fans  exemple ,  les  Livres  des 
Médecins  font  pleins  dépareilles 
Obfervations  ,  &  l'expérience 
journalière  en  fournit  alfez  fou- 
vent.  La  nature,  pourfedébarraf- 
fer  de  ce  qui  l'incommode  ,  s'ou- 
vre des  routes  que  toute  la  fagacité 
humaine  ne  fçauroit  découvrir. 

Telle  eft  la  Defcription  que  M. 
Hallays ,  Médecin  de  la  Rochelle, 
nous  a  communiquée.  Quelques 
Lecteurs  diront  peut-êtte  que  pour 
expliquer  ce  phénomène ,  il  feroit 
plus  vraifemblable  de  fuppofer  que 
le  corps  étranger  dont  il  s'agit,  s'eft 
formé  dans  le  cœur  même  où  il  a 
été  trouvé  ,  mais  M.  Hallays  ne 
paroît  pas  avoir  ce  foupçon. 


CONTINUATION  DE  L HISTOIRE  DV  PARLEMENT  DE 
Bourgogne,  depuis  l'année  1 649.  juftju'e n  1735.  Par  le  Sieur  François  Pe- 
titot.  A  Dijon,  chez  Antoine  de  Fay  ,  Imprimeur  des  Etats  }  de  la 
Ville  ,  &  de  l'Univerfité.  1733.  in  -folio ,  pages  166. 


L'HISTOIRE  du  Parle- 
ment deBourgogne  a  été  don- 
née au  Public  en  1649.  in-folio , 
fous  ce  titre  :  Le  Parlement  de  Bour- 
gogne ,  fon  origine  ,fon  établiffement , 
àrfon  progris  ;  avec  les  noms ,  cjua- 
litez.  y  Armes  &  Blazons  des  Préfl- 
dens ,  Confeillers  ,  Procureurs  Géné- 
raux &  Greffiers  en  Chefcjui  y  ont  été 
jufcju'A  prefent  par  Pierre  Palliot  Pa- 
riften  ,  Hiftoriographe  du  Roi  &  Gé- 
néalogifie  de  Bourgogne.  Palliot  qui 
étoit  Imprimeur  &  Auteur ,  a  lui- 
même  imprimé  cet  Ouvrage ,  com- 


me fes  autres  Livres  ,  &  il  a  grave 
le  grand  nombre  de  planches  de 
Blazons  dont  ils  font  remplis. 
C'eft  ce  que  marque  le  P.  le  Long 
dans  fa  Bibliothèque  Hiftorique  de 
la  France.  Le  Sieur  Palliot  étoit, 
ajoute  le  P.  le  Long ,  un  homme 
exact ,  laborieux  &  infatigable.  Il 
eft  mort  fort  âgé  en  1C99. 

Son  Hiftoire  du  Parlement  de 
Bourgogne  contenoit  deux  Parties; 
la  première  étoit  un  Extrait  des 
Edits  pour  l'érection  de  ce  Parle- 
ment ,  pour  la  création  ou  la  fup- 


A  O  U  S  T 

preffion  de  differens  Offices  ,  des 
diverfes  Déclarations  qui  con- 
cernent le  Parlement  de  Dijon  ,  & 
des  Reglemens  de  ce  Parlement 
pour  la  Police  du  Corps  &  pour  la 
confervation  de  la  Jurifdiction.  La 
féconde  Partie  regardoit  les  diffe- 
rens Officiers  de  ce  Parlement  juf- 
qu'en  1 649.  leur  nom ,  leur  Office, 
le  Blazon  de  leurs  Armes. 

La  continuation  de  cette  Hiftoi- 
re  dont  il  s'agit  ici ,  cft  dans  le  mê- 
me goût  que  l'Ouvrage  de  Palliot. 
CeVolume  commence  parun  précis 
des  derniers  Edits  ,  &  des  Déclara- 
tions du  Roif,  pour  le  Parlement  de 
Bourgogne,on  y  joint unExtrait  des 
Reglemcns  faits  par  le  même  Parle- 
ment. On  voit  dans  la  féconde  Par- 
tie les  noms ,  fur-noms ,  qualitez , 
les  armes  &  le  blazon  des  premiers 
Préfidens  ,  des  Préfidens  à  Mor- 
tier ,  des  Abbez  de  Citeaux  Con- 
feillers  nés  en  ce  Parlement,  des 


*    *  75  4-  4*7 

Chevaliers  d'honneur,  des  Con- 
feillers  tant  Clercs  que  Laïcs  t  des 
Gens  du  Roi  &  des  Greffiers  en 
Chefs  de  ce  Parlement  depuis 
164}).  jufqu'à  prefent. 

L'Auteur  de  la  Continuation  af- 
fure  que  fi  l'on  n'y  trouve  pas  des 
portraits  &  des  deferiptions  auffi 
chargées  d'éloges  que  celles  qui  fc 
trouvent  dans  la  première  Partie  } 
il  ne  faut  imputer  cette  fecherefle  , 
ni  à  la  matière  de  l'Ouvrage  ni  aux 
intentions  de  l'Auteur  ;  mais  qu'il 
faut  l'attribuer  à  la  modeftie  des 
Officiers  du  Parlement  de  Bourgo- 
gne ,  qui  ne  lui  ont  pas  permis  de 
faire  des  éloges.  Les  âmes  vraiment 
vertueufes  ,  dit  l'Auteur  à  cette 
occafion  font  toujours  en  garde 
contre  le  faux  brillant  de  la  vainc 
gloire.  On  voit  allez  par  ce  plan  de 
l'Auteur  ,  qu'un  pareil  Ouvrage 
n'eft  point  fufceptible  d'un  Extrait 
plus  étendu. 


ARII  THORG1LSIS  FILII  COGNOMENTO  FRODA ,    ID  EST 

Multifcii  vel  Polyhiftoris  ,  in  Klandiâ  quondam  Prefbyreri  primi 

in  Septentrione  Hiftorici  Schedx  ,  feu  Libellus  de  Iflandiâ. 

C'eft-à-dire  :  Livre  de  l'IJlande  par  Aras  fils  de  Torgils  ^furnommé  le  Sça- 
vant  :  traduit  en  Latin  de  la  Langue  IJlandoife  ,  ou  de  V ancienne  Lan- 
gue Danoife  ,  qui  étoit  autrefois  commune  à  tous  les  peuples  du  Nord.  Tar 
André  B  v  s  s.  A  Copenhague  ,  de  l'Imprimerie  de  Joachim  Schmidt- 
gen.  i73  3./»-4°. 


ARAS  étoit  né  en  Mande 
vers  le  milieu  du  onzième 
fiécle  d'une  Famille  des  plus  diftin- 
guées  du  Pays.  Après  avoir  été  fai- 
re fes  études  à  Cologne  en  Alle- 
magne ,  il  retourna  en  fa  Patrie  où 
il  fut  ordonné  Prêtre  ,  il  y  com- 
pofa  plulieuxs  Ouvrages  en  Lan- 


gue Iflandoife  ou  en  ancienne  Lan- 
gue du  Nord  ,  dont  il  ne  nous  re- 
lie que  ces  Chroniques  ou  Livre 
d'Iflande.  Aras  a  précédé  de  cent 
ans  Saxon  le  Grammairien.  Ainfi 
il  doit  être  regardé  ,  fans  conteita- 
tion  ,  comme  le  plus  ancien  Hifto- 
tien  du.  Nord.  M.  Bufs  qui  a  pris 


468  JOURNAL    DES    SÇAVANS. 

la  peine  de  traduire  ces  Chroni-  le  Pays  verd.  Us  y  trouvèrent  des 

ques  nous  affaire  qu'elles  font  écri-  preuves  que  ce  Pays  avoit  été  au- 

<es  avec  toute  la  pureté  &  la  déli-  trefois  habité  ,  mais  les  habitans 

catefle  dont  l'ancienne  Langue  If-  étoient  pafTé  ,  dit  l'Auteur ,  dans 

landoife  eft  fufceptible.  Il  y  a  raê-  la  Vinlandie.  M.  Bufs  prétend  que 


me  des  Auteurs  qui  ont  comparé 
Aras  à  Polybe  ,  M.  de  Leibnitz 
n'étoit  point  du  nombre  des  Ado- 
rateurs de  ces  premiers  Hiftoriens 
du  Nord. 

On  donne  dans  ce  Volume  l'If- 
landois  d'Aras  avec  la  verfion  de 
M.  Bufs ,  5c  avec  quelques  notes  au 
bas  des  pages.  On  y  voit  que  l'If- 
lande  commença  à  être  habitée  par 
les  Norvégiens  vers  l'an  874.  In- 
golf fut  le  premier  qui  pafTa  dans 
cettelfle  avec  unetroupe  de  fes  com- 
patriotes. Ces  premiers  Norvégiens 
le  trouvèrent  fi  contens  de  cetéta- 
blilTemcnt  qu'on  fut  obligé  de  fai- 
re desLoix,  pour  défendre  depaffer 
de  Norvège  en  Iflandefans  une  per- 
mifiion  particulière  du  Roi.  Avant 
que  les  Norvégiens  entraîfent  dans 
Tlflande ,  elle  étoit  habitée  par 
quelques  Prêtres  Hibernois  qui 
abandonnèrent  l'Ifle  pour  n'être 
point  expofés  à  vivre  avec  les  Nor- 
végiens qui  étoient  tous  Payens. 
Les  nouveaux  habitans  de  l'Iflande 
furent  gouvernés  par  des  Loix 
qu'Ulfiot  apporta  de  Norvège.  On 
établit  des  affemblées  générales  du 
Pays  pour  y  former  des  efpeces 
d'Etats  &  un  Chevalier  pour  la 
confervation  des  Loix  &  pourl'ad- 
miniftration  de  la  Juftice. 

Ce  font,  félon  notre  Auteur, 
des  Iflandois  qui  ayant  à  leur  tête 
Eiric  le  Roux ,  ont  les  premiers 


la  Vinlandie  dont  Aras  parle  en  cet 
endroit  eft  une  partie  de  l'Améri- 
que Septentrionale  qui  fut  décou- 
verte parles  Norvégiens  établis  en 
Iflande,  plufieurs  fiécles  avant  que 
cette  Partie  du  monde  fût  connue 
du  refte  de  l'Europe.  Il  cite  là-def- 
fus  Torphœus. 

La  Religion  Chrétienne  fut  éta- 
blie dans  l'Iflande  quatorze  ou 
quinze  ans  après  que  les  Iflandois 
eurent  découvert  le  Pays  deGroen- 
land.  Le  premier  Prêtre  qui  fut 
envoyé  pour  Millionnaire  en  Iflan- 
de  par  le  Roi  Olafus  -  Tryggien  , 
s'appelloit  Thangbrand  :  il  tut  (1 
maltraité  par  les  habitans  qu'il  fe 
vit  obligé  de  fe  retirer ,  après  en 
avoir  tué  quelques-uns  [  ce  qui  pa- 
roît  bien  du  caractère  d'un  Mif- 
fïonnaire  du  dixième  fiécle]  quel- 
que tems  après  d'autres  Million- 
naires entrèrent  en  Iflande ,  Se  le 
Chancelier  (  quoique  Payen,  mais 
gagné  par  argent  )  publia  une  Loi 
dans  une  afTemblée  générale  pour 
ordonner  l'exercice  public  de  la 
Religion  Chrétienne  ,  &c  pour  dé- 
fendre tout  exercice  public  du  Pa- 
ganifme. 

Aras  vient  enfuite  aux  Evêques 
d'Iflande  ,  dont  il  ne  donne  pref- 
que  qu'un  fîmple  Catalogue. 

Après  les  Chroniques  dJIflande 
on  voit  dans  le  Livre  deux  DifTer- 
tations  de  Janus-Gam,  Recteur 


habités  le  Pays  de  Groinland  ,  ou    des  Ecoles  de  fon  Pays  ,  pour  ex- 
pliquer 


A  O  U  S 

pliqucr  un  des  Chapitres  de  la 
Chronique  d'Aras  fur  la  manière 
dont  les  Iilandois  comptoient  l'an- 
née Solaire  avant  qu'ils  euffent 
embrallé  le  Chriftianifme. 

Après  cette  Differtation  vient  le 
Dictionnaire  des  termes  employés 
dans  les  Chroniques  d'Aras.  Nous 
ne  parlerons  ici  que  du  mot  Saga , 
qu'il  eft  necellaire  d'entendre 
quand  on  lit  des  Catalogues  d'Hi- 
ftoriens  du  Nord  où  ce  terme  eft 
quelquefois  employé  fans  explica- 
tion. Il  fignifie  Hiftoire  ,  Narra- 


T  ;   1754*.  4^P 

tioH  ou  Dejcription  Hiflorique. 

M.  Bufs  a  fait  entrer  dans  fon 
Livre ,  après  ce  Gloiïaire  ,  une  Re- 
lation des  Voyages  d'Other  Nor- 
végien &  de  Wlftan  Anglois  dans 
le  tond  du  Nord  &  dans  la  Mer 
Baitique ,  écrite  en  Langue  Anglo- 
Saxonne  par  le  Roi  Alfred  ,  & 
mife  en  Latin  par  des  Membres  de 
rUniveriitc  d'Oxfort.  Cette  Rela- 
tion n'eft  guéres  détaillée  ,  &C  ne 
fembleroitavoirpoint  mérité  qu'un 
Roi  prît  la  peine  de  la  rédiger. 


HISTOIRE  DES  E  AIE  IRES  ET  DES  REPVBLIQVES, 
depuis  le  Dèluqe  jufqiCa  J.  C.  on  l'on  voit  dans  celle  d'Egypte  &  d '  Afle  la 
liai  fon  de  l'Hiftoire  Sainte  avec  la  Profane  ,  &  dans  celle  de  la  Grèce  le 
rapport  de  la  Fable  avec  l'Hiftoire.  Origine  delà  Mythologie.  Argos  ,  My- 
cenes  &  Lacédémonc.  1733.  A  Paris,  chez  Simart ,  rue  Saint  Jacques  , 
au  Dauphin  -,  Jean  Rouan  -,  Btdlot ,  rue  delà  Parcheminerie  ,  &  Jean 
Nnlly  ,  Grand'Salle  du  Palais ,  in  -  12.  quatre  Volumes ,  Tom.  L  ou 
plutôt  troifiéme  Partie  du  premier  Tome  ,  pp.  512.  fans  le  Difcours 
Préliminaire  &  la  Table  des  matières  ,  Tom.  III.  pp.  502.  Tom.  IV. 
pp.  520. 


»  T  T  N  E  Province  habitée  dès 
»  \^J  les  premiers  tems  que  la 
»  polterité  de  Japhet  vint  peupler 
»  la  Grèce.  Un  peuple  dont  les 
»  commencemens  font  groilîers  Se 
»  rufliques ,  Se  qui  après  trois  fié— 
»  clés  change  tout  d'un  coup  de  fa- 
»  ce  par  la  venue  d'un  étranger.  Un 
»  Prince  dont  l'induftrie  ,  la  pru- 
»  dence  trouvent  le  moyen  de 
u  s'emparer  des  cceurs  &  de  la  fou- 
»  veraine  autorité;  mais  auffidont 
»  les  premiers  pas  vers  le  Trône , 
3>  qu'il  venoit  d'élever  3  furent  le 
»  lignai  de  tous  les  malheurs ,  qui 
«  peuvent  affieger  une  famille  de- 
Aouji. 


»  puis  le  premier  jufqu'au  dernier 
»  de  fes  membres.  Enfin  une  Mo- 
*>narchie  qui  s'éteint  dans  le  fang 
»  de  fes  Rois,  &  qui  dégénère  en 
»  Republique  :  c'eft ,  dit  notre  jiu- 
nteur,  l'idée  qu'on  doit  prendre 
»  du  Royaume  de  Thébes. 

De  ce  plan  général  il  defeend  au 
détail  de  l'Hiftoire  ,  &  à  l'origine 
de  la  Ville  de  Thébes.  Cadmus  nn 
des  trois  fils  d'Agénor ,  lalfé  des 
péremptions  inutiles  qu'il  avoit 
faites  pour  retrouver  fa  fœur  Euro- 
pe ,  s'arrêta  fur  les  confins  de  la 
Phocide  ;  il  y  traça  les  murs  d'une 
Ville  qu'il  nomma  Cadmée  ,  8c 
PPP 


470  JOURNAL    DES    SÇAVANS, 

qu'il  bâtit  fur  le  plan  de  la  fameufe         Après  cette  efpece  de  digreffion, 


Thébes  Egyptienne.  Mais  fous  le 
règne  d'Amphion  un  de  fes  Suc- 
cefTeurs  ,  cette  Ville  ayant  été 
confidcrablement  augmentée ,  prit 
le  nom  de  Thébes  ,  qu'elle  garda 
toujours  depuis. 

L'Auteur  rapporte  les  différentes 
fi  (fiions  dont  les  Fabuliftes  ont  orné 
l'Hiftoire  de  Cadmus,  6i  il  avoue 
qu'il  eft  aftez  difficile  de  démêler  la 
vérité  parmi  tant  de  fables.  Ce 
Prince  avoit  eu  d'Hermione  fa 
femme  cinq  enfans,  parmi  lefquels 
on  ne  connoît  qu'un  fils  qui  lui 
fucceda  dans  fa  principauté  naiflan- 
te.  Ses  filles  furent  Ino ,  Agave , 
Autonoé  ,  &  Sémélé  ,  toutes  fa- 
meufes  par  leurs  crimes ,  ou  par 
leurs  infortunes.  Cette  dernière  eut 
un  fils ,  qui  tant  par  fon  courage , 
que  par  fon  attachement  au  culte 
de  Bacchus ,  fut  regardé  par  les 
Grecs  comme  Bacchus  même.  Ils 
embellirent  fon  Hiftoire  de  tout 
ce  qu'il  y  avoit  de  plus  fingulier 
dans  celle  de  Menés  ,  ou  Ofiris 
premier  Roi  des  Egyptiens ,  &  le 
vrai  Bacchus.  C'eft  celui  qui  a  fait 
la  réputation  de  tous  les  autres ,  car 
on  en  connoît  jufqu'à  cinq  etiffe- 
xens.  Notre  Auteur  rapporte  ce 
que  les  Portes  en  racontent  ,  & 
réfute  aflez  au  long  le  Père  Tho- 
maffin  qui  par  divers  rapports  qu'il 
trouve  entre  Moyfe  &  le  Bacchus 
des  Mythologiftes  ,  foûtient  que 
ce  dernier  n'a  jamais  exifté  ,  & 
qu'il  n'eft  autre  chofe  que  le  Légif- 
latcur  du  Peuple  de  Dieu  ,  dont  les 
Poètes  ont  défiguré  la  plupart  des 
traits  pour  les  accommoder  à  leurs 
fcaions». 


on  revient  .1  l'Hiftoire  de  la  famil- 
le de  Cadmus.  La  fin  tragique 
d'Oedipe  ,  d'Etéocle  ,  de  Polinice^ 
&c  la  fatale  deftinéc  qui  étoit  atta- 
chée à  tous  leurs  Rois ,  dégoûtè- 
rent les  Thébains  du  gouverne- 
ment Monarchique.  Us  donnèrent 
à  leur  Etat  la  forme  de  Republi- 
que ,  &  c'eft  la  première  qu'on 
connoiffe  dans  la  Grèce.  »  Ce  chan- 
»  cernent  arriva  ,  félon  l'Auteur  , 
»l'an  du  inonde  2851.  depuis  l'en- 
«itrée  de  Cadmus  dans  la  Grèce 
»  366.  depuis  le  paffage  de  la  Mer- 
»  Rouge  3  38.  ans  ;  la  troificme  de 
»la  Judicature  d'Héli  ,  &  115J. 
u  ans  avant  J.  C. 

Thébes  en  perdant  fes  Rois  r 
perdit  tout  ce  qui  la  faifoit  con- 
noître  dans  le  monde.  Pendant  fix 
ou  fept  fiécles  cette  Republique 
fut  enfevelie  dans  une  honteufe  ob- 
feurité.  Mais  fous  le  Gouverne- 
ment de  Pélopidas  &  d'Epaminon- 
das  t  elle  reprit  fon  ancien  luftre  , 
&  trouva  même  le  moyen  d'enle- 
ver l'Empire  de  la  Grèce  aux  Lacé- 
démoniens.  Sa  puiffance  devint 
alors  fi  formidable  qu'elle  donna 
de  la  jaloufîe  à  Philippe  Roi  de 
Macédoine;  &  furie  refus  que  les 
Thébains  firent  de  le  reconnoître 
pour  Chef  des  Grecs ,  il  entra  à 
main  armée  dans  la  Phocidc ,  &  en 
fit  un  lieu  de  défolation.  . 

Alexandre  le  Grand  marcha  fur 
les  traces  de  fon  père  &  détruilît 
la  Ville  de  Thébes  de  fond  en 
comble.  CafTandre  fils  d'Antipater 
effaya  inutilement  d'en  relever  les 
murs  &  de  xappeller  fes  Citoyens. 


A  O  U  S  T 

Enfin  dans  la  guerre  de  Mitridatc 
les  Thébains  ayant  ofé  fc  déclarer 
contre  les  Romains.Sy  lia  ravagea  la 
Béocie  avec  une  armée  viclorieufe, 
&  défola  tellement  la  Ville  que 
fous  les  Empereurs  fuivans  la  Ville 
BaiTe  bâtie  par  Amphion  ,  n'étoit 
plus  qu'un  amas  de  ruines ,  à  l'ex- 
ception des  Temples  ;  la  Citadel- 
le fubfiftoit  encore  ,  mais  elle  ne 
s'appelloit  plus  Cadmce  comme 
auparavant  ,  mais  lîmplement 
Thébes. 

L'Auteur  paffe  enfuite  à  l'Hi- 
ftoire d'Athènes  ,  qu'il  partage  en 
quatre  Livres.  Dans  le  premier  il 
remonte  jufqu'à  l'origine  des 
Grecs ,  &  defeend  enfuite  à  la  fon- 
dation d'Athènes.  Cette  Ville  doit 
fa  naiflance  à  une  Colonie  d'Egyp- 
tiens ,  qui  ayant  à  leur  tète  Cé- 
crops  ,  arrivèrent  dans  l'Afrique 
1582  ans  avant  l'Ere  Chrétienne  , 
334  ans  depuis  le  Déluge,  &  91 
ans  avant  le  paftage  de  la  Mer-Rou- 
ge. Ainfi  ,  dit  notre  Auteur  ,  Cé- 
crops  devoir  être  d'environ  20  ans 
plus  âgé  que  Moyfe.  w  La  date  fixe 
»  du  commencement  de  ce  règne 
»  eft  un  de  ces  points  aflurés  de 
»  l'Hiftoire  ,  auquel  tous  les  Au- 
*  teurs  fe  réunifient  fur  l'autorité 
»  Magiftrale  des  fameux  marbres 
y>  d'Arundel. 

Cécrops  donna  le  nom  de  Ce- 
cropia  à  une  efpcce  de  Forterefic 
qu'il  bâtit  fur  le  lieu  où  il  fc  fixa  , 
&  ce  nom  pafla  depuis  à  toute  la 
terre  d'alentour  ;  auparavant  le 
Pays  fe  nommoit  Afrique  d'un  cer- 
tain Afreus  ,  qui  peut  être  ,  félon 
l'expreffion  de  l'Auteur  ,  avait  fait 


,     *7?4:  471 

ou  eu  cjmlcju?  chofe  de  remarquable. 
On  trouvera  ici  l'origine  de  l'A- 
réopage ,  Se  les  progrès  de  cet  illu- 
lire  Sénat. 

A  Cécrops  fucceda  Cranaus 
Grec  &  Athénien  de  naiilance. 
C'eft  fous  le  règne  de  ce  Prince 
qu'on  place  le  Déluge  de  Deuca- 
lion  i  événement  dans  leauel  les 
Auteurs  Grecs  n'ont  pu  s'empêcher 
de  mêler  le  merveilleux  de  leur 
Mythologie.  »  Mais  celui  de  tous 
«qui  a  donné  une  plus  libre  car- 
»  ricre  à  fon  imagination  eft  Ovi- 
»  de.  Il  nous  a  moins  tracé  l'Hiftoi- 
>i  re  de  Deucalion  que  défiguré 
»  celle  des  Livres  Saints  par  une  de 
»  ces  allufions  toujours  flateufes 
»  pour  l'efprit  qui  les  invente.  « 
L'Auteur  rapporte  à  cette  occafion 
l'Hiftoire  de  Promethée  ,  &  de 
Pirra,  telle  que  le  Poète  la  raconte, 
&  donne  enfuite  l'explication  de 
cette  Fable. 

Cranaus  eutplufieurs  filles ,  en- 
tre autres  une  nommée  Athis  ,  qui 
dans  la  fuite  ,  félon  quelques-uns, 
donna  fon  nom  à  tout  le  Pays.Mais 
on  remarque  dans  une  petite  note 
qu'une  autre  tradition  portoit  que 
la  Ville  d'Athènes  tiroit  fon  nom 
de  Minerve. 

Le  règne  d'Amphifrion  ,  qui 
avoit  époufé  une  des  filles  de  Cra- 
naus ,  eft  célèbre  par  l'établi  (Te - 
ment  des  Amphifrions.  C'étoit, 
pour  ainfi  dire ,  les  Etats  Généraux 
de  toute  la  Grèce.  Nous  renvoyons 
à  l'Ouvrage  même  fur  l'autorité  de 
ce  célèbre  Tribunal ,  fur  les  Loix 
qu'on  y  fuivoir  ,  fur  le  nombre , 
8c  fur  4a  qualité  des  Villes  qui 
Pppij 


472  JOURNAL   D 

avoient  droit  d'y  envoyer  des  Dé- 
putez ;  &  fur  les  divers  change- 
mens  qu'il  éprouva  jufqu'au  tems 
de  Paufanias.  On  y  lira  aulTi  avec 
pîaifir  ce  qui  regarde  les  Myfteres 
d'Eleulîs.  Aucun  des  Auteurs  an- 
ciens ne  nous  a  donné  le  récit  com- 
plet des  cérémonies  qui  s'y  prati- 
quoieRt.  Paufanias  qui  étoit  initié  . 
dans  ces  Myfteres  ,  s'en  explique 
ainfi.  »  Pour  moi  je  voulois  tâcher 
n  de  raconter  en  détail  tout  ce  que 
»  l'on  voit  à  Athènes  dans  le  Tem- 
»ple  de  Céres  ,  &  d'éclaircir  ce 
»  point.  Mais  un  fonge  que  j'ai  eu 
j>  &  que  je  regarde  comme  un 
wavertiffement  des  Dieux  ,  m'em- 
»  pêche  de  divulguer  ces  Myfteres; 
»>  je  paffe  donc  à  des  chofes  d'une 
»  autre  nature  ,  &  dont  il  foit  per- 
»  mis  de  donner  connoiffance  à 
»  tout  le  monde. 

Mais  comme  une  partie  du  fe- 
cret  n'a  pas  laiiTé  de  tranfpirer, 
l'Auteur  profite  ici  de  ce  que  Meur- 
fius  ,  &  M.  le  Clerc  en  ont  recueil- 
li. Il  continue  après  cela  la  fuite 
des  Rois  d'Athènes,  &  il  ne  man- 
que pas ,  fuivant  les  engagemens 
qu'il  a  pris ,  de  marquer  le  rapport 
de  la  Fable  avec  l'Hiftoire.  C'eft 
ce  qu'on  remarquera  fur-tout  dans 
celle  du  règne  de  Théfée. 

Ce  premier  Livre  finit  à  la  mort 
de  Codrus,qui  rombe  en  l'an  1093. 
avant  J.  C.  les  Athéniens  defcfpe- 
rant  de  trouver  un  Roi  qui  rallem- 
blât  les  grandes  qualitez  ,  qu'ils 
avoient  admirées  dans  ce  Prince  , 
&  déjà  animés  de  cet  efprit  Répu- 
blicain ,  qui  leur  fut  depuis  fi  fune- 
ite  ,  fe  choitirent  des  Magiftrats , 


ES  SÇ  A  VAN  S, 
qu'ils  nommèrent'  Archontes.  Ju- 
piter fut  déclaré  feul  Roi  d'Athè- 
nes ,  au  mime  tems  que  les  Juifs  en- 
nuyés de  la  Théocratie ,  c'eft  à -dire 
d'avoir  le  vrai  Dieu  pour  7{oi ,  vou- 
lurent abfclitment  obéir  à  un  homme. 

Le  premier  Archonte  d  Athènes. 
(  Liv.  fécond)  fut  Médon  fils  ai- 
ne de  Codrus.  Ce  Magiftrat  étoit 
comme  le  Chef  de  l'Aréopage  &C 
du  Sénat ,  dans  lefquels  refidoit 
toute  l'autorité.  Ainfi  le  gouverne- 
ment d'Athènes  devint  Ariftocra- 
tiqus  ,  &  il  dura'  3  3 1  ans  fans  qu'il 
y  foit  arrivé  aucun  changement 
conhderablc  ;  mais  foit  que  les  Ar- 
chontes perpétuels  abufaffent  de 
leur  autorité ,  ou  que  les  Athéniens 
exceffivement  jaloux  de  leur  liber- 
té ,  craigniffent  qu'ils  n'v  donnaf- 
fent  atteinte.  Ils  rediiifirent  la 
puitTance  de  ces  Magiftrats  à  dii 
années,  en  leur  lailTant  cependant 
tous  les  privilèges  dont  ils  étoient 
pour  lors  en  poffellîon. 

Cet  efpace  de  tems  parut  encore 
trop  long  au  peuple  d'Athènes,  & 
il  rendit  l'Archonrat  une  Magiftra- 
ture  annuelle.  Le  premier  qui  en 
fut  revêtu  à  cette  condition  (  £84 
ans  avant  J.  C.  )  eft  nommé  Créons 
L'Auteur  obferve  en  même  tems 
que  quoiqu'on  ne  faffe  mention 
que  d'un  feul  Archonte  dans  les 
A  «fies  publics ,  il  y  en  avoit  réelle- 
ment neuf,  qui  étoient  les  princi- 
paux Officiers  de  la  Republique. 
Premièrement  celui  qui  porroit  le 
nom  d'Archonte  par  excellence,  & 
qui  donnoit  ion  nom  à  l'année  de 
fa  Magiftrature  ,  enfuite  le  Roi  on 
premier  Sacrificateur,  le  Polémar.- 


AOUS 

que  ou  Chef  des  Armées ,  &  les 
fix  Thefmotétes.  Tous  ces  Magi- 
ftrats  entroient  &c  fortoient  de 
Charge  en  même  tems. 

Soixante  ans  après  ce  dernier 
changement  ,  Dracon  un  de  ces 
Archontes  annuels  donna  un  Corps 
de  Loix  à  la  Republique  d'Athè- 
nes ,  car  jufqu'alors  il  ne  paroît 
pas  qu'on  y  en  connût  d'écrites. 
Mais  leur  extrême  févériré  qui  fit 
dire  qu'elles  avoient  été  tracées 
non  avec  de  l'encre,  mais  avec  du 
fang  ,  tut  caufe  qu'elles  tombèrent 
d'elles-mêmes.  Pour  y  fuppléer, 
Solon  dont  on  trouvera  ici  l'FIi- 
ftoirc  &  le  caractère  ,  publia  de 
nouvelles  Loix ,  fi  fages  &c  fi  mo- 
dérées ,  que  les  Romains  en  em- 
pruntèrent une  partie  j  lorfqu'il 
fut  queftion  de  policer  leur  Repu- 
blique naillante. 

»  Quelqu'un  ayant  demandé  au 
»  célèbre  Légifiateur  ,  fi  les  Loix 
»  qu'il  ayoit  données  aux  Athé- 
2>  niens  ,  étoient  les  meilleures 
7>  qu'on  pou  voit  leur  preferire ,  il 
»  répondit  :  oui ,  ce  font  les  meillen- 
»  res  de  toutes  celles  qu'ils  font  capa- 
»  blés  de  recevoir.  Belle  leçon  ,  ajoû- 
»  te  l'Auteur ,  pour  quiconque  cil 
»  obligé  de  conduire  ou  de  repren- 
»  dre.  Ce  feroit  tout  gâter  que  de 
»  vouloir  mettre  aufiî-tôt  dans  la 
»  clalTe  des  parfaits ,  ceux  qui  font 
»  encore  foibles  &chancelnns. 

Athènes  ne  joiiit  pas  long  tems 
du  bon  ordre  que  Solon  y  avoir 
établi  i  les  premières  diilenfions 
s'y  renouvellerenr  ,  &  le  refte  dur 
fecond  Livre  eft  employé  à  détail- 
ler les    troubles   que   Pilîftrate  t 


T.  17  34-  473 

Hypparque,  Hyppias ,  !k  les  au- 
tres Tyrans  qui  s'emparèrent  de 
l'autorité,  y  cauferent.  Ces  guerres 
inteftines,  obligèrent  les  Athéniens 
de  recourir  aux  Lacédémoniens 
pour  les  délivrer  de  ces  Tyrans  ; 
d'un  autre  côté  ceux-ci  fc  mirent 
fous  la  protection  des  Rois  de  Per- 
fe ,  &c  tel  fut  le  germe  infortuné 
de  ces  longues  Se  cruelles  guerres 
qui  coûtèrent  tant  de  fang  à  la  Gré- 
ce  &  à  l'Afie. 

Ces  guerres  font  le  fujet  du 
troifiéme  Livre.  On  y  verra  le  dé- 
tail des  fameufes  batailles  de  Mara- 
thon, de  Salamine  ,  de  Platée  ,  &c. 
Les  ravages  de  l'Attique  par  Xer- 
cès  ■  la  ruine  totale  d'Athènes  par 
Mardonius  ,  l'Hiftoire  Se  le  carac- 
tère de  Miltiade ,  de  Thémiftocles 
&  des  autres  grands  Capitaines  qui 
fauverent  la  Republique.  Mais 
comme  l'Auteur  n'avoit  pu  fe  dif- 
penfer  de  parler  de  quelques  -  uns- 
de  ces  évenemens  ,  dans  l'Hiftoire 
de  Lacédémone  }  pour  ne  pas  fe  re- 
peter lui-même  ,  il  y  renvove  quel- 
quefois le  Lecteur. 

Les  Athéniens  (  T.iv.  4.  )  ayant 
triomphé  des  Perfes  ,  &  ne  crai- 
gnant plus  rien  de  leur  puiflanec  , 
firent  revenir  leurs  femmes ,  leurs 
enfans  ,  &  tout  ce  que  la  crainte 
de  l'ennemi  les  a»oit  contraint  de 
tranfporter  à  Trezéne  &  à  Salami- 
ne. Ils  rebâtirent  Athènes ,  &  lui 
donnèrent  plus  d'étendue  &  de 
magnificence ,  qu'elle  n'en  avoit 
eu  avant  fa  ruine.  Cet  important 
ouvrage  fut  achevé  par  la  vigueur 
&  par  la  prudence  de  Thémifto- 
cles, malgré  l'oppolition  èv  \i  jà- 


474;  JOURNAL   D 

loufie  des  Lacédémoniens ,  qui  fi- 
lent diverfes  tentatives  pour  l'em- 
pêcher. L'Auteur  reprend  ici  la  fui- 
te de  la  Vie  de  Thémiftocles ,  & 
n'oublie  rien  de  tout  ce  qui  peut 
fervir  à  nous  le  faire  connoître.  Il 
en  ufe  ordinairement  ainfi  à  l'égard 
de  tous  ceux  qui  joiient  un  Rôle 
confiderable  dans  le  fujet  qu'il  trai- 
te ,  &  il  le  fait  fouvent  avec  autant 
d'étendue  que  s'il  écrivoit  leur  Hi- 
ftoire  particulière.  Le  defir  qu'il  a 
de  rendre  fon  Ouvrage  interelTant, 
lui  fait  mettre  à  profit  tout  ce  qu'il 
rencontre,  au  hazard  d'interrom- 
pre le  fil  de  fa  narration  ,  &  de 
revenir  quelquefois  fur  fes  pas. 

Depuis  fon  retabliffement  [  475 
avant  J.  C.  ]  Athènes  acquit  un 
degré  de  force  &  de  puilTance  qui 
lui  donna  environ  pendant  73  ans 
la  fuperiorité  fur  les  autres  Repu- 
bliques de  la  Grèce.  Elle  s'en  fervit 
pour  régler  la  contribution  que  les 
divers  Etats  qui  la  compofoient  , 
dévoient  payer  pour  les  frais  com- 
muns de  la  guerre.  Ariftide  en  fit 
la  repartition  avec  une  égalité  qui 
lui  attira  une  grande  réputation  de 
defintereffement.  Ce  tréfor  public 
fut  mis  en  dépôt  dans  l'Ifle  de  Dé- 
los.  Les  Athéniens  quelques  tems 
après  refolurent  de  s'en  rendre 
maîtres  ,  &  de  le  tranfporter  à 
Athènes.  Cette  affaire  ayant  été 
portée  au  Confeil.  »  Quand  ce  fut 
»  à  Ariftide  à  opiner  ,  il  dit  que  la 
»  chofe  paroijjiit  injufle  y  mais  qu'elle 
»  ètoit  utile ,  &  fon  avis  prévalut. 
«Cette  réponfe,  continue  notre 
»  Auteur ,  a  fort  choqué  un  mo- 
>»  derne    d'ailleurs    extrêmement 


ES  SÇAVANS; 

»  judicieux    qui  lui   en  fait   un 
»  procès.    Mais  qu'il  me  foit  per- 
n  mis  pour  un  moment  de  défen- 
xAiclafageJfePayenne.  Il  eft  vrai 
»  que  dans  la  morale  ;  l'utilité  , 
»  quelque  grande  qu'elle  foit  ,  ne 
»  fçauroit  prefetire  contre  la  jufti- 
»  ce.  Mais  ici  il  n'y  a  ni  Religion  , 
»  ni  bonnes  mœurs  lézés.  Il  s'agit 
»  uniquement  de  faire  changer  de 
»  place  au  tréfor  de  la  Grèce ,  & 
»cela  pour  le  plus  grand  bien  non 
»  feulement  d'Athènes ,  mais  en- 
»  core  des  Villes  alliées  ,  jufques 
»  dans  l'Aile  Mineure  }    puifquc 
»  ceux  de  Samos  en  firent  la  pre- 
y>  miere  demande.   S'il   y  avoit  à 
«craindre  du  côté  de  la  jufticc  5  ce 
»  n'étoit  pas  en  vertu  du  tranfport, 
*>  c'étoit  le  danger  que  les  Athé- 
»niens  n'en  abufaflent  ;   mais  le 
»  jufte     Ariftide    ne    l'auroit   pas 
»  fouffert.  Son  crime  confifte  donc 
»  dans  une  trop  grande  délicatefle 
»  de  probité  ,  qui  lui  faifoit  appré- 
>»hender  de  manquer  à  fa  parole 
«dans  une  circonftance  qui  n'au.- 
y  roit  pas  mérité  la  reflexion  d'un 
»  autre. 

Quoiqu'il  en  foit ,  il  ne  paroît 
pas  que  le  déplacement  du  tréfor 
public  ait  eu  aucune  fuite  fâcheufe, 
ni  pour  les  alliés ,  ni  pour  Athènes. 
Cette  Republique  conferva  encore 
long  -  tems  toute  fon  autorité  fur 
fes  rivales  ;  &  Cimon  fils  de  Mil- 
tiade  la  porta  au  comble  par  l'en- 
tière deftruction  des  Barbares  ré- 
pandus dans  l'Afie  ,  6c  dans  les 
Provinces  que  les  Grecs  revendi- 
quèrent. Mais  ce  grand  Capitaine 
fe  vit  obligé  de  céder  pour  un  rem* 


A  O  U  S  T 

aux  intrigues  de  Périclés  ,  &c  fut 
exilé  ,  félon  le  langage  de  l'Auteur, 
par  le  ban  de  l'Oftracifme  ;  fa  dif- 
grace  ne  fut  pas  longue  ,  &  le  be- 
foin  qu'on  eut  de  fes  Confeils  ,  le 
fit  rappeller  après  fa  mort.  Périclés 
délivré  d'un  concurrent  fi  dange- 
reux ,  fignala  fon  gouvernement 
par  plufieurs  établiftemens  magni- 
fiques ,  au  dedans ,  Si  par  un  grand 
nombre  de  conquêtes  au  dehors. 

L'Auteur  qui  s'étend  à  fon  ordi- 
naire fur  la  Vie  de  cet  Hcro  ,  re- 
marque qu'il  fit  un  éloge  lî  magni- 
fique de  ceux  qui  avoient  été  tués 
dans  la  guerre  de  Samos ,  que  tou- 
tes les  femmes  coururent  l'en  féli- 
citer. »  La  feule  Elpinice  femme  de 
»  Cimon  en  parut  mécontente.  « 
Mais  Périclés  en  fouriant ,  lui  ré- 
répondit ce  vers  tout  bas. 

Cejfe  de  te  farder  au  moins  fur  tes 
vieux  jours. 

»  C'eft  qu'elle  étoit  très-connue 
»  à  Athènes  pour  fa  vielicentieufe, 
»  &  l'on  voit  communément  par  la 
»  lecture  des  anciens  que  l'ufagc 
=»  du  rouge  décidoit  d'une  femme. 
"Elpinice  comptoit  par-là  retran- 
»  cher  du  nombre  de  fes  années  , 
»  ou  rappeller  de  nouveaux  agré- 
»  mens.  Mais  il  ne  lui  étoit  pas  don- 
»  né  de  devenir  Papillon.  Sur  quoi 
»  je  prie  qu'on  me  permette  d'in- 
»  terrompre  un  moment  le  léricux 
»  del'Hiftoire,  pour  raconter  une 
»  Fable.  Là  délais  il  rapporte  celle 
de  la  Chenille. 

Comme  il  n'eft  pas  facile  de  cou- 
dre un  récit  de  ce  genre  à  des  négo- 


\    *  7  J  4-  47J* 

dations  politiques,  on  ne  s'éton- 
nera pas  que  l'Auteur  palfe  de  -  là 
fans  tranfition  aux  differenscvene- 
mens  qui  précédèrent"  &  qui  fu- 
rent la  caufe  de  la  guerre  du  Pélo- 
ponnéfe.  C'ell  par  là  que  finit  le 
quatrième  Livre  de  l'Hiftoire  des 
Athéniens. 

Tl  eft  fuivi  d'une  Difïerration  fur 
les  Jeux  Olympiques  &  fur  les 
Olympiades.  L'Auteur  nous  allu- 
re qu'ils'eft  déterminé  d'autant  plus 
volontiers  à  traiter  ce  fujet  avec 
quelque  étendue  que  perfonne  juf- 
qu'à  piefent  ne  s'en  eft  encore 
donné  la  peine.  Il  n'a  rien  oublié  à 
foa  ordinaire  pour  en  adoucir  la 
fccherefle,  il  eft  vrai  qu'il  a  fort 
abrégé  ce  qui  regarde  les  differens 
exercices  qui  rendoient  les  Jeux 
Olympiques  fi  fameux  ,  les  chan- 
gemens  fréquens  qui  y  font  arri- 
vés ,  &  les  recompenfes  qu'on 
donnoit  aux  vainqueurs. 

A  l'égard  des  Combats  de  Mufi- 
que  qui  faifoient  un  des  princi- 
paux ornemens  de  ces  Jeux  ,  il  dit 
feulement  qu'il  y  avait  des  prix  de 
Muftcjiie  pour  lefjuels  les  meilleurs 
AÎMtres  chantoient  &  jouaient  devant 
une  flatuë  de  Jupiter  à  l'entrée  de 
l'Altis.  Eft  -  il  queftiondu  Stade  ÔT 
de  la  Lice ,  il  nous  en  donne  une 
courte  defeription  ;  mais  on  y  en 
trouve  une  très-longue  de  tout  ce 
qu'il  y  avoit  de  rare  <3c  de  magn-fi- 
que  dans  le  Temple  de  Jupiter- 
Olympien.  Il  y  a  fait  entrer  aufli  en 
entier  le  Dialogue  entre  Solon  &c 
Anacharfis  ,  dans  lequel  Lucien 
fait  une  Critique  très-ingénieufe 
de  la  Lutte  &  du  Pugilat  3  qui 


47<î  JOURNAL    DES  SÇAVANS, 

étoient  les  principaux  exercices  des      donner   quelque  connoirtance  de 
Jeux  Olympiques. 

La  féconde  Partie  de  la  Differta- 
tion  qui  regarde  les  Olympiades, 
ne  comprend  que  deux  articles ,  cV: 
pourra ,  auflî-bien  que  la  première, 


ces    matières    a    ceux    qui    nen 
avoient  encore  aucune  idée. 

Nous  donnerons  incelfamment 
l'Extrait  du  quatrième  5c  dernier 
Volume  de  cetOuvrace. 


JOSEPHI  -  AUGUSTINI    ORSI    ORDIN1S    PR^DICATOra'M 
Diflertationes  dux  :  de  B.iptifmo  in  nomine  Jefu  Chrifti  , 
&de  Chrifmate  Confirmationis. 
C'eft-à  -dire  :  Deux  Dijfert citions ,  l'une  fur  le  Bcptème  donné  au  nom  de 
J.  C.  Vautre  fur  lefaint  Chrême  dont  on  fe  fert  pour  la  Confimation.  Par  le 
P.  Jefeph  -  siugujlin  O R  s  i  ,  de  V Ordre  des  Frères  Prêcheurs  ,   Conful- 
teur  de  la  Sacrée  Congrégation  de  l' 'Index.  A  Milan  ,  chez  Jofeph  Rtchi- 
m.  i753.T»-4?;  pag.  27S. 


SAINT  Thomas  a  cru  que  les 
Apôtres  avoient  quelquefois 
donné  le  Baptême  au  nom  feul  de 
Jefus-Chrift  ,  fans  parler  des  deux 
autres  Perfonnes  de  la  Sainte  Tri- 
nité ;  il  étoit  perfuadé  que  les 
Apôtres  en  avoient  agi  ainlî  par 
une  difpenfe  particulière.  Plufieurs 
Théologiens  n'ont  pas  cru  pouvoir 
adopter  cette  opinion  d;  S.  Tho- 
mas ,  &:  quelques-uns  même  d'en- 
tre eux  ont  été  jufqu'à  la  mettre  au 
rang  des  Fables.  Le  P.  Orfi  zélé  Dé- 
tenteur de  l'Ecole  de  S.  Thomas ,  a 
vu  avec  peine  qu'en  ait  parlé  de 
fon  maître  avec  li  peu  de  refpect. 
Ce  qui  l'a  engagé  à  compofer  cette 
Dilîertation  ,  dans  laquelle  il  fe 
propofe  de  prouver  ,  que  fi  l'opi- 
nion de  S.  Thomas  n'eft  pas  du 
nombre  de  celles  qu'on  peut  pro- 
pofer  comme  incontestables,  on  ne 
peut  du  moins  en  parler  avec  mé- 
pris ,  comme  l'ont  fait  quelques 
Théologiens. 

Il  commence  par  plufieurs  parta- 


ges des  Actes  des  Apôtres ,  où  il 
eft  parlé  du  Baptême  donné  au 
nom  de  J.  C.  chap.  3.  v.  3  8.  Bapti- 
fetur  unufjuifjue  veflrum  in  nomine 
jefu  Chrijii.  Chap.  S.  v.  12.  In  nomi- 
ne Jefu  Chrifti  baptifabamur  viri  ac 
multeres  ■.  au  même  chapitre  ,  v.  \g. 
Baptïfati  tanlum  erant  in  nomme  Do- 
mini  jefu.  Ce  qui  eft  répété  en  mê- 
mes termes  dans  le  Chapitre  18  & 
19.  Notre  Auteur  foûtient  que  le 
fens  littéral  &  qui  fe  prefente  ls 
plus  naturellement  à  l'efprit  de 
ceux  qui  lifent  ces  paroles ,  eft  que 
les  Apôtres  baptifoient  au  nom  de 
J.  C.  comme  on  a  toujours  enten- 
du du  Baptême  donné  au  nom  des 
trois  Perfonnes  de  la  Sainte  Trini- 
té ,  ces  paroles  de  J.  C.  les  baptifant 
au  nom  du  Père  ,  du  Fils  &  du  faine 
Efprit.  Le  fens  que  donnent  plu- 
fieurs Théologiens  à  ces  paroles 
des  Acïes  du  Baptême  inftituépar 
J.  C.  &  qui  tire  de  J.  C.  toute  ton 
efficace ,  ne  paroit  au  P.  Orfi  ap- 
puyé d'aucun  partage  de  l'Ecriture 
Sainte 


A  O  U  S 

Sainte  ,  dans  lequel  on  donne  ce 
fens  à  de  pareilles  expreffions. 

Notre  Auteur  foûtienten  fécond 
lieu  que  l'opinion  de  S.  Thomas 
cil  celle  des  plus  anciens  Pères  de 
l'Eglife.  Il  cire  d'abord  S.  Cyprien 
qui  en  parlant  dans  fon  Epître  à 
Jubaicn  du  Baptême  adminiftré 
par  les  Hérétiques  ,  femble  faire 
entendre  que  les  Apôtres  bapti- 
foient  les  juifs  au  nom  de  J.  C.  & 
les  Gentils  au  nom  des  trois  Per- 
fonnes  de  la  Sainte  Trinité.  Il  eft 
vrai  que  S.  Cyprien  ayant  parlé  du 
Baptême  donné  aux  Juifs  convertis 
au  nom  de  J.  C.  ajoure  :  non  cjiiafl 
Pater  vmitteretur  tfed  ut  Patri  Films 
adjungeretur.  Exprefïion  ,  dont  plu- 
sieurs Théologiens  tirent  avantage 
contre  l'opinion  de  S.  Thomas. 
Mais  notre  Auteur  prétend  que  ces 
termes  de  S.  Cyprien  ne  lignifient 
point  que  le  nom  du  Père  étoit 
joint  dans  l'adminiftration  du  Bap- 
tême au  nom  du  Fils ,  mais  qu'il  y 
étoit  joint  par  la  foi  dont  le  Néo- 
phite  faifoit  profeftion  avant  que 
le  Baptême  lui  fût  adminiftré. 

S.  Hilaire  paroît  à  notre  Auteur 
s'être  expliqué  fur  ce  fujet  de  la 
manière  la  plus  précife  ,  lorfqu'il  . 
a  dit  :  Ne  poftrcmo  sJpofîoli  reperian- 
tur  in  crimine  ,  qui  bapûfare  in  nomi- 
ne  Patris  &  FUii  &  Spiritâs  SanSli 
jujfi ,  tantum  in  nomine  Jefu  baptifa- 
iieruitt.  Il  joint  à  S.  Kilaire  l'Auteur 
du  quatrième  &  du  cinquième  Li- 
vre contre  Eunomius  qui  ont  été 
mis  au  nombre  des  Ouvrages  de 
S.  Bafile.  D'où  le  Père  Orfi  vient 
au  fameux  paffage  de  S.  Ambroife, 
tiré  du  premier  Livre  du  S.  Efprit , 
Atuft. 


T,  175*;  477 

Ch3p.  3.  que  ceux  qui  ont  foûtenu 
l'opinion  pour  laquelle  fe  déclare 
le  Père  Orfi  ont  tous  cité  comme 
décilîf.  Ce  qui  nous  a  fui  pris ,  c'eft 
que  l'Auteur  qui  vouloit  traiter 
cette  matière  à  fond  ,  n'ait  point 
difeuté  ce  qu'ont  dit  fur  ce  pailàge 
les  Bénédictins  qui  ont  donné  la 
dernière  Edition  de  S.  Ambroife, 
fonContrere  le  Père  Alexandre  5c 
plufieurs  autres  Théologiens.  Il  ré- 
pond néanmoins  à  quelques  -  unes 
des  diificultez  qu'ont  coutume  de 
propofer  ceux  qui  donnent  à  ce 
paiîage  de  S.  Ambroife  un  fens  dif- 
férent de  celui  du  Père  Orfi  ;  en 
particulier  à  celle  qui  eft  tirée  de 
ce  que  Saint  Ambroife  ne  marque 
point  que  ce  fût  en  vertu  d'une 
difpenfe  particulière  que  les  Apô- 
tres conférèrent  le  Baptême  au 
nom  feul  de  J.  C.  Il  obferve  fur 
cette  dernière  difficulté  ,  qu'on  ne 
trouve  point  dans  les  Ouvrages 
des  anciens  Pères ,  fur  -  tout  dans 
ceux  de  S.  Ambroife,  cette  atten- 
tion exacte  &t  fcrupuleufc  pour  les 
expreffions  en  matières  Théologi- 
ques  ,  qu'on  remarque  dans  les 
Scolaftiques  févéres.  Il  veut  qu'on 
fupplée  quelquefois  dans  leurs 
Ecrits  des  chofes  dont  ils  n'ont 
point  parlé  :  comme  il  faut ,  dit-il, 
fuppléer  dans  les  Eloges  que  Saint 
Ambroife  fait  de  Sainte  Pélagie  ; 
Que  c'eft  par  une  infpiration  parti- 
culière du  Saint  Efprit  qu'elle  s'eft 
donné  la  mort  à  elle-même  ,  pour 
conferver  fa  virginité  ,  quoique 
S.  Ambroife  n'en  ait  pas  dit  un  feul 
mot. 

Le  Père  Orfi  entre  enfuite  dans 

CLqq 


47§         JOURNAL    D 

un  grand  détail  de  partages  de  faint 
Auguftin  ,  du  Diacre  Ferrand  s  de 
Vigile  de  Tapfe  ,  de  S.  Fulgence  , 
aufquels  il  joint  ce  que  dit  S.  Pau- 
lin Evêque  d'Aquilée  ,  &  il  conclut 
de  ces  palTages  que  les  anciens 
Pères  ont  crû  que  les  Apôtres 
avoient  conféré  le  Baptême  au 
nom  feul  de  Jefus  -  Chrift.  A 
l'égard  des  Auteurs  Ecclefiaftiques 
plus  modernes  qui  ont  crû  voir 
dans  S.  Ambroife  le  fentiment  que 
le  P.  Orfi  croit  être  celui  de  ce  faint 
Docteur,  il  n'a  pas  jugé  à  propos  de 
les  citer.  Il  fe  contente  d'indiquer 
Nicolas  I.  dans  fa  réponfe  aux  Bul- 
gares ,  le  vénérable  Bede ,  Alger , 
Hugues  de  S.  Victor  &  le  Maître 
des  Sentences  ;  cependant  il  ne  dif- 
fimule  point  que  prefque  tous  ces 
derniers  Auteurs  ont  penfé  que  le 
Baptême  donné  au  nom  de  J.  C. 
étoit  valable  ;  fans  diftinction  de 
tems  &  fans  difpenfe.  Il  met  de  ce 
nombre  le  Pape  Nicolas  I.  qui  n'a , 
dit-il ,  auflî  parlé  qu'en  qualité  de 
Docteur  particulier. 

Pour  S.  Thomas  il  croyoit  que 
les  Apôtres  avoient  baptifé  au  nom 
feul  de  J.  C.  en  vertu  d'une  révéla- 
tion particulière  ,  &  pour  honorer 
davantage  le  nom  de  J.  G.  qui 
étoit  odieux  aux  Juifs  &  aux  Gen- 
tils. 

Le  P.  Orfi  répond  enfuite  aux 
autoritez  d'Origêne  ,  de  S.  Bafile  , 
de  S.  Jean-Chryfoftome  ,  de  Saint 
Jean  Damacene  ,  du  49e  Ca- 
non Apoltolique  ,  &  de  Théo- 
phila&e ,  qu'ont  coutume  d'oppo- 
fer  ceux  des  Théologiens  qui  foû- 
îiennent  qu'il  n'y  a  point  eu  de 


ES    SÇAVANS, 

tems  dans  lequel  on  ait  regardé 
comme  valable  le  Baptême  dontié 
au  nom  feul  de  J.  C.  A  l'égard  de 
Facundusd'Hermione  ,  notre  Au- 
teur avoiie  qu'il  s'eft  déclaré  bien 
expreflement  contre  le  fentiment 
qu'a  depuis  foûteuuS. Thomas. Mars 
il  ditque  cetAuteur  zélé  pour  la  dé- 
fenfe  de  Théodore  de  Mopfueftc, 
l'un  desPrécurfeurs  de  Neftorius)& 
Schifmatique  ,  a  cru  en  prenant  ce 
parti  prévenir  une  objection  qu'on 
pouvoit  tirer  contre  Théodore  de 
Mopfuefte  ,  du  Baptême  conféré 
au  nom  feul  de  J.  C. 

Dans  le  dernier  article  de  cette 
DilTertation  notre  Auteur  examine 
l'argument  que  le  P.  Hardouin  a 
tiré  du  Chapitre  29  des  Actes  des 
Apôtres  ,  où  l'on  voit  que  S.  Paul, 
étant  à  Ephefc  ,  quelques  Difci- 
ples  lui  dirent  qu'ils  n'avoient  pas 
même  entendu  parler  du  S.  Efprit. 
Sur  quoi  S.  Paul  leur  dit  :  en  qui 
avez-vous  donc  été  baptifés  ;  &  ayant 
répondu  qu'ils  n'avoient  reçu  que 
le  Baptême  de  S.  Jean  ,  ils  turent 
baptifés  au  nom  de  J.  C.  Le  Pcre 
Hardouin  conclut  de  ce  palTagc 
que  lesApôtres  baptifoientau  nom 
des  trois  Perfonnes  de  la  Sainte 
Trinité.  Mais  cette  conclusion  ne 
paroît  pas  julte  au  PereOrfi,  qui  dit 
que  comme  on  faifoit  faire  une  pro- 
feflïon  de  foi  aux  Cathécuménes- 
avant  que  de  les  baptifer  ,  S.  PauL 
pouvoit  conclure  de  ce  que  ces 
Difciples  ne  connoilfoient  pas  le' 
S.  Efprit  ,  qu'ils  n'avoient  pas  reçu 
le  Baptême  ,  quoique  les  Apôtres1 
ne  conferaflent  aux  Juits  le  Baptê-- 
mc  qu'au  nom  de  J,  C. 


A  O  U  S 

La  féconde  Partie  de  la  Diflerta- 
tion  du  P.  Orfi  qui  n'a  qu'un  rap- 
port affez  éloigné  avec  la  première 
Partie  ,  regarde  ceux  d'entre  les 
Hérétiques  dont  le  Baptême  n'eft 
pas  valable ,  parce  qu'ils  ont  altéré 
la  forme  de  ce  Sacrement.  Il  y  foû- 
tient  contre  le  P.  Hardoiiin  qu'il  y 
a  pluiîeurs  des  anciens  Hérétiques 
coupables  de  cette  altération  ,  &:  il 
fe  propofe  de  prouver  ce  point  de 
fait  par  rapport  aux  Eunomiens  , 
aux  Bonofiaques  ,  aux  Cataphri- 
ges ,  aux  Paulianiftes  ,  &  aux  Pho- 
tiniens.  Il  eft  perfuadé  qu'on  re- 
baptifoit  par  le  même  motif  dans 
l'Eglife  Grecque  un  grand  nombre 
d'Hérétiques  ,  comme  les  Secta- 
teurs de  Simon  ,  deMenandre.,  de 
Bafilide  ,  les  Gnotiftcs  ,  les  Nico- 
laïtes ,  lesCérinthiens ,  les  Ebioni- 
tes ,  &c.  Il  fait  voir  enfuite  que  de- 
puis que  la  queftion  entre  S.Etien- 
ne &  faint  Cyprien  au  fujet  du 
Baptême  des  Hérétiques  a  été  dé- 
cidée par  l'Eglife  Univerfelle,  on 
n'a  rebaptifé  enOrient  que  ceux  qui 
avoient  été  baptiféspar  des  Héréti- 
ques qui  n'obfervoient  point  dans  le 
Baptême  la  forme  preferipte  par 
J.  C.  dans  l'Evangile. 

Dans  la  féconde  Diflertation  le 
Père  Oril  fe  propofe  de  prouver 
qu'on  a  de  tout  tems  employé 
dans  l'Eglife  le  S.  Chrême  pour  la 
Confirmation  de«  Néophytes. 
Saint  Paul  paroît  faire  allufion  à 
cette  cérémonie  dans  le  Chapitre 
premier  de  la  féconde  Epître  aux 
Corinthiens  par  ces  paroles  :  qui 
unxit  nosDeus  &  fignavit  nos.  Il  cite 
enfuite  des  paflages  de  S.  Cyprien , 


T  ;     i  7  j  4;  475> 

de  S.  Paulin,&  du  Pape  Innocent  I. 
dans  fa  Lettre  à  Décentius ,  qui 
parlent  de  l'ufage  d'employer  le 
S.  Chrême  pour  la  Confirmation 
des  Néophites  ,  comme  d'une  in- 
ftitution  Apoftolique.  On  trou- 
ve des  veftiges  de  cet  ufage  dans 
Tertulien  ,  dans  Théophile  d'An- 
tioche  ,  éV  dans  Clément  d'Ale- 
xandrie. D'où  notre  Auteur  con- 
clut contre  Bafnage  ,  que  ce  n'eft 
point  des  Hérétiques  que  l'Eglife 
a  tiré  l'ufage  d'employer  le  Saint 
Chrême  pour  la  Confirmation  , 
mais  que  les  Hérétiques  l'ont  em- 
prunté de  l'Eglife. 

Il  eft  vrai  que  comme  la  Chrif- 
mation  ou  l'Ondion  des  Néophi- 
tes fe  taifoit  immédiatement  après 
le  Baptême,  &  avant  l'impofition 
des  mains  ,  plufieurs  Théologiens 
ont  cru  qu'elle  pouvoit  être  au- 
tant regardée  ,  du  moins  pour  les 
premiers  fiécles,  comme  une  par- 
tie des  cérémonies  du  Baptême  , 
que  comme  eflentielle  pour  la 
Confirmation.  Mais  Tertulien  , 
S.  Corneille  dans  l'Epîtrc  à  Rufin, 
S.  Cyprien  ,  S.  Paulin  ,  Optât  de 
Mileve ,  Rufin,  le  Pape  Innocent 
premier  &  S.  Auguftin3diftinguent 
l'ondion  d'avec  le  Baptême  ,  &  ils 
la  reconnoiflent  pour  un  des  Sacrc- 
mcnsdela  nouvelle  Loi.  A  l'égard 
du  fecondCanon  du  premierConci- 
le  d'Orange  qui  a  fourni  une  ma»- 
tiere  de  DilTertation  à  plufieurs 
Sçavans  du  dernier  fiécle  ,  notre 
Auteur  embralTe  le  fentiment  de 
Petrus-Aurelius ,  &  il  foûtient  avec 
le  dernier  Auteur  ,  que  ce  Canon 
étant  bien  entendu  fert  à  prouver 

Qqqîj 


48o  JOURNAL  D 

la  neceflîté  de  l'oniftion  du  Saint 
Chrême  diftinguée  du  Baptême.  Il 
foûtient  autfî  contre  Dom  Claude 
de  Vert  Se  contre  la  Note  du  der- 
nier Editeur  des  Ouvrages  de  faint 
Grégoire  que    ce    faint   Pape  n'a 
point  permis  à  de  (impies  Prêtres 
de  l'Eglife    Latine  de    donner  la 
Confirmation  comme  on  le  permet 
aux    iïmples    Prêtres   de  l'Eglife 
Grecque.    Il  fe  tonde  fur  ce  que 
l'oneftion  que  S.  Grégoire  perme-  à 
de  fimples  Prêtres  ,    ne    fe  faifoit 
point  au  front ,  mais  à  la  poitrine, 
&c  que  cette  efpcce  d'on&ion  fai- 
foit partie  ,  fuivant  les  anciens  Sa- 
cramentaires ,  des  cérémonies  qui 
précedoient  le  Baptême. 

Pour  ce  qui  eft  de  l'Eglife  Grec- 
que, quoiqu'on  y  donne  en  même 
tems  le  Baptême,  la  Confirmation, 
&  l'Euchariftie  ;  on  y  diftingue 
dans  cette  cérémonie  trois  Sacre- 


£  S  SÇAVANS, 

mens  de  la  Loi  nouvelle.  Le  fécond 
de  ces  Sacremens  qui  eft  celui  de  la 
Confirmation  eft  plus  fouvent  dé- 
figné  par  les  anciens  Pères  Grecs  t 
fuivant  les  autoritez  que  rapporte 
notre   Auteur  ,    par  l'oniftion  ou 
Chrifmation  que  par  l'impolïtion 
des  mains.  Le  Père  Oriî  conclut  de 
ces   partages  &  de  ceux  qu'il  tire 
des  Euchologcs  &:  des  autres  Livres 
d'Eglife  d'Orient ,  que  l'Oncftion 
du  Saint  Chrême  y  eft  regardée 
comme  l'unique  ou  du  moins  com- 
me la  principale  matière  du  Sacre- 
ment de  Confirmation.    Il  eft  de 
même  ,   fuivant  notre  Auteur,  de 
l'Eglife  Latine,  dont  il  cite  plu- 
fieurs  Rituels  &  d'autres  Livres,qui 
fuppolent  que  fi  le  Saint  Chrême 
n'eft  pas  la  feule  matière  du  Sacre- 
ment de  Confirmation  ,   il  en  eft. 
du  moins  la  principale. 


HISTOIRE  DES  DECOVVERTES   ET  CONQV  ESTES    DES 

Portugais  dans  le  nouveau  Amende  ,  avec  des  figures  en  taille-douce.  Par 
le  7{.  P.Jofeph-Franfois  Lafitau ,  de  la  Compagnie  de  Jefus.  A  Paris,  chez 
Saugrain  père,  Quai  des  Auguftins ,  au  coin  de  la  rue  Pavée ,  à  la  Fleur 
de  Lys;  Jean-Baptiftc  Coignard  fils ,  Imprimeur  du  Roi ,  rue  S.  Jac- 
ques, à  la  Bible  d'or,  iji^.in-^0.  deux  Vol.  Tom.  I.  pag.  616.  Tom.  IL 
pag.  888. 


RI E  N  ne  rend  les  Portugais 
plusrecommandab'es  que  les 
découvertes  &  les  conquêtes  qu'ils 
ont  faites  dans  trois  Parties  du 
monde  ,  l'Afie  ,  l'Afrique  &  l'A- 
mérique fur  la  fin  du  quinzième 
fiécle,  &  au  commencement  du 
feiziéme.  On  eft  furpris ,  comme 
le  témoigne  le  Père  Lafitau  ,  qu'un 
Royaume  renfermé  dans  des  bor- 


nes étroites  ait  pu  former  de  Ci  va- 
ftes  entreprifes,  embralîer  une  aullî 
grande  étendue  de  Pays  ,  fournir  à 
tant  de  dépenfes,  fubjuguer  tant 
de  Peuples  divers ,  &  fournir  un 
aflez  grand  nombre  de  fujets  qui 
enflent  les  talens  neceflaires  pour 
faire  réuflîr  ces  projets  avec  tant  de 
gloire.  Ces  conquêtes  &  ces  décou- 
vertes ont  donné  lieu  aux  Million- 


A  O  U  S  T 

naires  d'annoncer  l'Evangile  jus- 
qu'aux extrémitez  de  la  terre  ,  &c 
elles  ont  procuré  à  tous  les  Peuples 
de  l'Europe  le  commerce  avec 
les  Nations  les  plus  éloignées. 
Ce  font  les  idées  qu'ont  de  ces  dé- 
couvertes &  de  ces  conquêtes  les 
François  qui  ont  lu  quelques  Hi- 
ftoires  Générales ,  ou  quelques  Hi- 
ftoiies  particulières  de  Portugal 
pour  ces  tems  là  ;  ce  qui  a  dû  natu- 
rellement leur  faire  fouhaiter  une 
Hiftoire  fuivie  év  détaillée  de  ces 
grands  évenemens ,  écrite  en  Fran- 
çois. Le  plaihr  que  leur  a  procuré 
la  lecture  des  Traductions  del'Hi- 
/toire  des  Conquêtes  du  Mexique 
&  de  celles  du  Pérou ,  devoit  faire 
naturellement  efpcrer  un  heureux 
fuccès  à  l'Auteur  qui  entrêpren- 
droit  celle  des  Conquêtes  des  Por- 
tugais dans  trois  Parties  du  monde. 
S'il  y  a  une  efpece  d'unité  d'aclions 
dans  l'Hiftoire  de  la  Conquête  du 
Mexique  8c  de  celle  du  Pérou  qui 
fait  plaiiïr  ,  celle  des  Conquêtes 
des  Portugais  en  difTerens  tems ,  & 
lous  difTerens  Gouvernemens,  ont, 
fuivant  notre  Auteur  ,  quelque 
chofe  de  plus  éclatant.  >»  Les  Me- 
»  xicains  &:  les  Péruviens ,  quoique 
ncompofans  des  Etats  policés ,  ri- 
»  ches  &  florilTans  étoient  cepen- 
»  dant  des  efpeces  de  Barbares,  qui 
»  n'étoient  pas  mieux  en  défenfe 
»  que  les  autres  Peuples  fauvages 
»  de  l'Amérique,  ni  moins  faciles  i  ; 
»  vaincre  que  les  Nègres  Africains. 
Les  Peuples  des  Indes  Orientales 
au  contraire  ,  quoiqu'aifez  mauvais 
Soldats  par  eux  -  mêmes ,  avoient 
cependant  de  plus  grands  fecours , 


»    1  7  3  4-  48 1 

en  ce  que  les  armes  à  feu  étoient 
chez  eux  en  ufage  ,  &c  qu'ils 
avoient  un  nombre  confiderable 
de  troupes  auxiliaires  compofées  de 
Chrétiens  renégats,  &  de  quantité 
de  diverfes  Nations  Mufulmannes 
qui  avoient  auparavant  tenu  tête 
aux  troupes  des  Potentats  de  l'Eu- 
rope ,  qu'elles  avoient  fait  échoiier 
plusieurs  fois  en  Aile  dans  le  tems 
des  Croifades.  Les  Caliphes  d'E- 
gvpre  &  deux  Empereurs  des 
Turcs  trèspuiflans ,  Selim  &  Soli- 
man tentèrent  inutilement  de  trou- 
bler les  Portugais  dans  leur  con- 
quête. Le  Sophi  Ifmaé'l  Conqué- 
rant de  la  Perfe  ,  Se  les  Rois  Mo- 
gols,  aimèrent  mieux  rechercha 
l'alliance  des  Portugais  que  de  leur 
déclarer  la  guerre. 

Ces  éloges  que  notre  Auteur 
fait  de  ia  Nation  Portugaife  en  dif- 
ferens  endroits  de  fa  Préface 
n'empêchentpas  qu'ilnereconnoiife 
que  les  Portugais  auroient  travail- 
lé plus  folidement  ,  s'ils  avaient 
embrafle  moins  de  Pays.  S'ils  s'é- 
toient  ,  par  exemple  ,  borné  à  rif- 
le de  Ceylan ,  qu'ils  l'eulfent  bien 
peuplée  &c  bien  fortifiée  ,  s'ils 
avoient  eu  moins  de  hauteur  & 
traité  les  peuples  avec  plus  d'huma- 
nité ;  fe  trouvant  placés  dans  le 
centre  de  l'Orient  ,  &  à  portée 
d'en  faire  tout  le  commerce  ,  ils  en 
feroient  aujourd'hui  feuls  les  maî- 
tres, &  les  Indes  ne  leur  auroient 
pas  coûté  tant  de  milliers  d'hom- 
mes &  d'argent.  Notre  Auteur 
avoiie  qu'il  a  eu  lui  -  même  de  la 
peine  à  lire  ,  &  à  écrire  les  exce: 
aufquels  les  Portugais  fe  font  por- 


4S2       JOURNAL     DE 

tés  en  differens  endroits ,  fur  -  tout 
dans  les  Moluques. 

Le  P.  Lafiteau  a  tiré  ce  qu'il  rap- 
porte des  Auteurs  Portugais  qui 
ont  écrit  fur  les  découvertes  &c  fur 
les  conquêtes  des  Portugais  dans 
les  Indes.  Il  fait  connoître  ces  Au- 
teurs dans  fa  Préface.  Voici  le  pré- 
cis de  ce  qu'il  en  dit.  Fernand-Lo- 
pes  de  Caftaneda  ,  qui  avoit  été 
dans  les  Indes  à  la  fuite  de  fon  père, 
&  qui  a  donné  l'Hiftoire  des  dé- 
couvertes &  des  conquêtes  en  huit 
Livres  qui  vont  jufques  vers  la  fin 
du  gouvernement  de  Nugno  d'A- 
cugna  eft  un  Auteur  médiocre,  ex- 
trêmement diffus  &  minutieux  , 
(  c'eft  le  terme  de  l'Auteur  )  qui 
écrit  néanmoins  en  homme  enten- 
du Se  inftruit  des  faits  qu'il  rap- 
porte. Jean  de  Barros  qui  a  été  trois 
ans  Gouverneur  de  Saint  George 
de  la  Mine  ,  a  écrit  la  même  Hiftoi- 
re  avec  tant  de  fuccès  qu'il  a  mérité 
le  nom  de  Tite-Live  Portugais.  Il 
en  a  lui  même  publié  trois  Déca- 
des. L'Editeur  a  fait  des  Addi- 
tions &  des  changemens  à  la  qua- 
trième. Diego  -  Do  -  Couro  ,  qui 
après  avoir  étudié  fous  le  Bienheu- 
reux Baithelemi  des  Martirs  a  fait 
deux  voyages  aux  Indes ,  &  qui  a 
été  Garde-Archives  à  Goa  ,  a  con- 
tinué les  Décades  de  Barros ,  par 
l'ordre  de  Philippe  II.  Diego-Do- 
Couto  commence  à  la  quatrième 
Décade  [  parce  que  cette  Partie  de 
l'Ouvrage  de  Barros  n'avoit  point 
encore  paru  lorfquc  Diego  travail- 
loit  à  fon  Hiftoire  ]  &  il  alla  juf- 
qu'à  la  douzième  Décade  inclufi- 
vement.  Il  n'y  a  que  les  quatre  pre- 


5  S  Ç  A  V  A  N  S  ; 

mieres  Décades 3  &c  une  partie  de 
la  douzième  qui  ayent  été  impri- 
mées. Les  autres  font  confervées  en 
Manufcrits.  Cet  Auteur  ,  dit  le 
Père  Lafitau ,  eft  exact  &  détaillé. 
Son  Ouvrage  lui  a  fait  honneur  & 
à  fa  Nation.  MafFée  fi  eftimé  par 
l'élégance  de  fa  belle  Latinité  ,  paf- 
fa  exprès  en  Portugal  pour  y  com- 
poferfon  Hiftoire  des  Indes.  Il  eft 
fidèle  ,  mais  il  a  glifte  légèrement 
fur  certains  points  odieux  ,  qu'il  a 
cru  devoir  prudemment  diiîlmu- 
ler  :  le  P.  Antoine  de  faint  Romain 
qui  a  traduit  Maffée  en  Portugais 
eft  bien  au  deflous  de  fon  original. 
Emanuel  de  Faria  &:  Soufa  Cheva- 
lier de  l'Ordre  de  Chrift ,  n'a  fait 
dans  fon  Afie  Portugaife  qu'un 
abrégé  des  Décades  de  Barros  &  de 
celles  de  Diego  Do-Couto  ,  &  de 
quelques  autres  Livres.  Il  a  préfé- 
ré à  fa  Langue  naturelle  la  Caftilla- 
ne  qu'il  a  trouvé  plus  conforme  à 
fon  génie.  Son  ftile  eft  noble,  ferré 

6  quelquefois  obfcur.  Le  caractère 
de  vérité  qu'il  affecte  le  rend  hardi 
&:  libre  ,  fes  reflexions  trop  fré- 
quentes le  jettent  dans  des  digref- 
fions.  Par- tout  il  parle  en  homme 
avantageux  qui  applaudit  à  Jès  peu- 
fées. 

Le  Père  Lafitau  joint  à  ces  Au- 
teurs ceux  qui  ont  écrit  les  Chro- 
niques des  Rois  fous  lefquels  fe 
font  faites  les  découvertes  &  les 
conquêtes.  Oforius  Evêque  de  Syl- 
ve  dans  les  Algavres ,  furnommé 
le  Ciceron  Portugais ,  &  Damien 
de  Goës  ont  bien  cc.it  l'Hiftoire 
du  règne  de  Dom  Emanuel,  le  pre- 
mier en  Latin }  le  fécond  en  Portu- 


A  O  U  S 

gais.  François  d'Ardradc  a  donné 
l'Hiftoire  du  Roi  Dom  Jean  III. 

Les  Hiftoires  particulières  que 
notre  Auteur  indique  font  les 
Commentaires  du  fameux  Alphon- 
fe  d'Albulquerque  qui  ont  été  ré- 
digés par  fon  fils  avec  une  (Implici- 
te Se  une  modération  qui  lui  font 
beaucoup  d'honneur.  La  Vie  de 
Dom  Jean  de  Cafto  par  Hiacyn- 
the  -  Freyre  d'Andrade  ,  Ouvrage 
qu'on  regarde  en  Portugal  comme 
un  chef-d'œuvre  ,  Se  dont  le  Père 
del  Roflo  Jefuite  a  fait  imprimer 
une  traduction  Latine  à  Rome  en 
1727.  l'Hiftoire  du  premier  Gou- 
vernement du  Vice  -  Roi  Dom 
Louis  d'Ataide  Comte  d'Atougnia 
par  Antoine  Pinto  Peieira  qui  en- 
tre dans  un  détail  très  -  curieux  Se 
très-inftructif. 

Les  morceaux  détachés  dont  no- 
tre Auteur  parle  dans  fa  Préface 
font  1»  la  Defcription  Latine  de 
»  Damien  de  Goé's  du  premier  Sié- 
»  ge  de  Diu  ,  les  trois  Commentai- 
»  resdumême  Auteur  fur  la  fecon- 
m  de  guerre  de  Cambaie  ;  l'Hiftoire 
»  du  fécond  Siège  de  Diu  par  Die- 
»  go  de  Téive  ,  Ouvrage  qui  n'eft 
»  point  inférieur  à  celui  de  Goës , 
»  quelques  Voyages  faits  en  ce 
»  tems-là  Se  quelques  autres  Pièces 
»  fugitives ,  qu'on  trouve  dans  le 
»  Recueil  de  Ramufius  ;  l'expedi- 
3->  tion  de  Chriftophe  de  Gama, 
j>  écrite  par  Megucl  de  Caftanhofo, 
m  le  Voyage  de  François  Alvares  à 
y>  la  Cour  du  Prêtre-Jean  ,  les  Hi- 
»  ftoires  d'Ethiopie  de  divers  Au- 
«  teurs  i  celles  du  Brcfil  par  Pierre 
s?  Magalahaens ,  Se  par  le  P.  Jean- 


T,    i73  4«  4*î 

»Jofeph  de  Sainte  Théréfe  ;  celle 
»  de  Barthelemi  d'Argentola  des 
»  Ifles  Moluques  ;  l'Hiftoire  du 
»  Père  Louis  de  Gufman  des  pre- 
»  mieres  Millions  de  la  Compagnie 
»  de  Jefus ,  les  Lettres  de  differen- 
»  tes  Millions  ,  &c.  A  l'égard  des 
Relations  des  Voyageurs  ,  foit  an- 
ciennes ,  foit  modernes  ,  que  notre 
Auteur  allure  qu'il  a  eu  foin  de  lire, 
il  n'a  point  jugé  à  propos  de  s'en 
fervir.  Ces  Relations,  dit-il,  dé- 
guifent  beaucoup  de  chofes  ,  & 
nous  les  reprefentent  quelquefois 
bien  différentes  de  ce  que  nous  les 
VoyonsdanslesHiftoires  anciennes. 
La  démangeaifon  de  dire  des  cho- 
fes nouvelles ,  Se  l\  nvie  de  parler 
des  Pays  éloignés  où  l'on  a  été , 
fans  les  avoir  bien  connus ,  font  ha- 
zarder  aux  Voyageurs  bien  des  par- 
ticularitez  ,  dont  la  faulfeté  évi- 
dente ou  le  peu  de  vraifemblance 
fe  manifeftent  malgré  eux.  Les  Mif- 
iîonnaires  même  tout  occupés  des 
fonctions  de  leur  Miniftere,  font 
ordinairement  mal  informés  des 
affaires  de  politique  Sx.  de  gouver- 
nement. 

Pour  ce  qui  eft  de  l'Hiftoire  de 
Portugal  contenant  les  entrepri- 
fes  ,  navigations  Se  geftes  mémo- 
rables des  Portugais ,  tant  à  la  con- 
quête des  Indes  Orientales  par  eux 
découvertes ,  qu'es  guerres  d'Afri- 
que &  autres  exploits  ,  &c.  impri- 
mée depuis  150  ans ,  ce  n'eft  qu'u- 
ne traduction  de  la  Vie  de  Dom 
Emanuel  par  Oforius  Se  des  Livres 
de  Lopes  de  Caftaneda. 

Nous  avons  cru  qu'il  étoit  nc- 
celTairc  pour  faire  connoître  le  me- 


484        JOURNAL    DE 

rite  de  cet  Ouvrage  de  faire  voir 
les  fources  d'où  le  Père  Lafitau  a 
tiré  ce  qu'il  rapporte.  Nous  ajoûte- 
terons  feulement  qu'il  auroit  été  à 
fouhaiter  pour  ceux  qui  veulent 
confulter  les  Originaux  fur  certains 
faits  plus  importans ,  que  l'Auteur 
eût  du  moins  indiqué  A  la  marge  , 
quel  eft  celui  de  tant  d'Auteurs 
dont  il  a  tiré  ces  faits  finguliers. 

Tout  l'Ouvrage  eft  divifé  en  14 
Livres  ,  dont  les  fept  premiers  font 
compris  dans  le  premier  Volume  , 
&  les  fept  derniers  Livres  dans  le 
fécond.  Ils  font  écrits  en  forme 
d'Annales  j  ce  qui  fait  que  l'Au- 
teur eft  fouvent  obligé  de  pafler 
d'un  Pays  à  d'autres  Pays  qui  en 
font  tort  éloignés  ,  Se  d'interrom- 
pre quelquefois  le  récit  de  certains 
évenemens  dont  on  fouhaiteroitde 
voir  la  fuite ,  fans  être  détourné 
par  d'autres  faits.  C'eft  l'inconvé- 
nient des  Hiftoires  écrites  en  for- 
me d'Annales  ,  qui  eft  recompen- 
fé  ,  fuivant  notre  Auteur ,  par  la 
variété  Sf  par  le  mélange  des  éve- 
nemens heureux  ou  malheureux  , 
qui  a  ,  dit  -  il  ,  fon  agrément,  & 
qui  ôte  l'ennui  qu'auroit  caufé  une 
trop  grande  uniformité. 

Le  premier  projet  de  faire  des 
découvertes  dans  les  Indes  fut  for- 
mé par  l'Infant  Dom  Henri  Duc 
de  Vizeii  ,  Grand  -  Maître  de 
l'Ordre  deChrift  &  cinquième  fils 
du  Roi  Jean  I.  Ce  Prince  s' étant 
diftingué  dans  l'expédition  d'Afri- 
que où  il  avoit  fuivi  le  Roi  fon 
père  ,  s'alla  établir  dans  les  Algau- 
res  3  où  il  s'appliqua  à  l'étude,  fur- 
tout  à  celle  des  Mathématiques  & 


S    SÇAVANS, 

de  la  Géographie.  Cette  étude  ,  & 
ce  qu'il  avoit  appris  des  Maures  & 
de  quelques  François  de  la  bafle 
Bretagne  qui  avoient  été  jettes  par 
des  tempêtes  bien  au  loin  à  l'Occi- 
dent de  la  Mer  Atlantique  ,  lui  fit 
croire  qu'on  pourroitréuffir  à  faire 
quelques  découvertes  avantageufes 
en  fuivant  la  cote  d'Afrique.  Ces 
tentatives  qu'il  fit  faire  n'abouti- 
rent pendant  les  dix  premières  an- 
nées qu'à  doubler  le  Cap  Non  &  à 
pénétrer  trente  lieues  plus  avant 
jufqu'au  Cap  Boyador.  Mais  deux 
Gentilshommes  de  faMaifon  nom- 
més Jean  Gonzales  Zarco  &  Tri- 
ftan  -  Vatz  ayant  entrepris  de 
doubler  le  Cap  Bojador  fur  un  pe- 
tit bâtiment  qu'il  leur  fit  équiper  , 
furent  furpris  d'une  violente  tem- 
pête ,  &  trouvèrent  pour  azile 
une  Ilîe  jufqu'alors  inconnue  qu'ils 
appellerent  Porto- Sancto.  Un  fé- 
cond voyage  que  firent  en  141 8. ces 
deux  Gentilshommes  avec  Barthe- 
lemi  Pircnnell:  leur  fit  découvrir 
ride  de  Made/e  ,  qu'Us  avoient 
apperçûëdePorto-Sanifto ,  comme 
une  petite  noirçure  fixe.  Gilles 
Anes  doubla  enfuite  le  Cap  Bojador 
qu'on  avoit  regardé  jufqu'alors 
comme  l'extrémité  du  monde.  Ce- 
pendant il  y  avoit  plufieurs  per- 
fonnes  en  Portugal  qui  ne  man- 
quoient  point  de  raifons  fpécieufes 
pour  s'oppofer  à  l'exécution  des 
defteins  que  l'Infant  avoit  formés. 
Le  Roi  Dom  Henri  n'eut  point 
d'égard  à  ce  que  purent  lui  dire  ce* 
perfonnes  trop  prudentes.  Il  céda  à 
fon  frère  fa  vie  durant  le  domai- 
ne de  Porto  -  Santfto  cv  de  Madè- 
re 


A   O  U  S 

*e  ,  &  des  autres  terres  qu'il  pou- 
roit  découvrir  fur  les  Côtes  occi- 
dentales d'Arrique.  Le  Pape  Mar- 
tin V.  accorda  de  grands  privilèges 
aux  Navigateurs,  3i  aux  Eglifes  que 
l'Infant  avoit  fondées  dans  les  ter- 
res de  fes  découvertes. 

Ces  premiers  fuccès  engagè- 
rent des  Villes  &  des  particu- 
liers à  former  des  focietez  &c  à 
fournir  aux  dépenfes  necciTaires 
pour  les  arméniens.  On  fit  plu- 
îîeurs  Voyages  fur  les  Côtes  d'A- 
frique ,  depuis  le  Cap  blanc ,  la  ri- 
vière d'or  &  les  Ifles  d'argent  , 
jufqu'au  Cap  verd.  L'Infant  Dom 
Henri  acquit  ce  qu'avoit  dans  les 
Canaries  Malïieu  de  Betancourt  , 
dont  l'oncle  Jean  de  Betancourt 
s'étoit  rendu  maître  de  la  plupart 
de  ces  Ifles  ,  par  le  moyen  de  l'ar» 
mcment  &  des  troupes  que  lui 
avoit  fourni  le  Roi  de  Caftille  ,  ce 
qui  donna  lieu  au  Roi  de  Caftille 
de  revendiquer  ces  Ifles  qui  lui  fu- 
rent cédées  par  un  traité  particulier. 
Cependant  l'Infant  Dom  Henri 
continua  à  prendre  des  mefures 
pour  l'établiflement  des  Colonies 
dans  les  terres  qu'il  avoit  décou- 
vertes ,  &  pour  en  découvrir  de 
nouvelles  ,  malgré  les  malheurs 
qu'efluya  le  Portugal  fous  le  Roi 
Alphonfe  V.  Dom  Henri  mourut 
l'an  1463-  la  foixantiéme  année  de 
fon  âge  &  la  trentième  année  du  rè- 
gne de  Dom  Jean  II.  fon  petit  ne- 
veu.Le  P.Lafitau  tait  un  portrait  de 
ce  Prince ,  où  il  le  reprefente  com- 
me vraiment  digne  de  l'immorta- 
lité par  l'aflemblage  de  toutes  les 
qualitez  naturelles  &  de  toutes  les 


T  ,     1754.  487 

vertus  acquifes  ,  qui  font  les 
grands  Hommes  &c  les  bons  Prin- 
ces. 

Le  Roi  Jean  II.  n'eut  pas  moins 
de  zélé  pour  les  découvertes  que  le 
Prince  Henri  fon  oncle.  Il  ajouta  à 
fes  titres  celui  de  Roi  de  Guinée  & 
de  la  Côte  d'Afrique  ;  il  fit  con- 
struire les  Forts  d'Arguin  &  de 
faim  George  de  la  Mine ,  il  envoya 
une  flotte  &  d-.s  Miflionnnaires  à 
Congo  ,  dont  le  Roi  &  les  Sujets 
embraflerent  depuis  le  Chriftianif- 
mc.  Il  prit  des  mefures  pour  dé- 
couvrir les  terres  du  Prêtre  -Jean. 
Mais  le  Roi  Jean  IL  traita  comme 
unVifionnaire  Chriftophe  Colomb 
qui  lui  promettoit  de  le  mettre  en 
pofleiîîon  d'un  nouveau  monde ,  à 
l'Orient  aux  extrémitez  de  l'Océan. 
Colomb  étant  repafle  en  Europe 
après  avoir  découvert  les  Ifles  An- 
tilles ,  &  ayant  mouillé  au  port  de 
Lilbonne  ,  fit  des  reproches  au 
Roi  de  Portugal  du  peu  de  con- 
fiance qu'il  avoit  en  lui  ,  &il  parh 
avec  tant  de  hauteur  ,  que  des  gens 
de  la  Cour  en  étant  indignés ,  pro- 
poferent  au  Roi  de  l'auafllner.  Le 
Roi  rejetta  cette  propofition  avec 
horreur  ,  il  affecta  même  de  faire 
beaucoup  d'amitié  à  Colomb  ,  Se 
aux  Infulaires  qu'il  avoit  amenés 
avec  lui.  Mais  il  crut  que  ces  Infu- 
laires qui  étoient  tous  gens  bien- 
faits ,  &  qui  avoient  tous  une  autre 
grâce  que  les  Infulaires  d'Afrique  , 
étoient  des  Indiens  des  grandes  In- 
des ,  &  il  fe  mit  en  devoir  fur  le 
champ  de  faire  un  puiflant  arme- 
ment pour  fc  rendre  maître  de  ce 
Pays-là.  Le  Roi  de  Caftille  Dom 
Rrr 


4S<>       JOURNAL     DE 

Ferdinand  ayant  appris  cet  arme- 
ment du  Roi  de  Portugal ,  lui  en 
fît  (aire  des  plaintes  par  les  Ambaf- 
fadeurs ,  comme  d'une  contraven- 
tion aux  Traitez  entre  les  deux 
Cowonnesjes  deux  Rois  s'en  étant 
remis  à  la  décifîon  du  Pape  Ale- 
xandre VI.  ce  Pape  partagea  le 
nouveau  Monde  entre  ces  deux 
Puiflances ,  qui  n'y  avoient  encore 
rien  ou  prefquerien  par  une  ligne 
imaginaire  tirée  du  Nord  Se  Sud  à 
cent  lieues ,  à  POueft  des  Ifles  du 
Cap  Verd  &  des  Açores. 

Le  Roi  Dom  Jean  II.  avoit  lieu 
de  s'eftimer  Souverain  ,  comme  le 
remarque  notre  Auteur  ,  il  avoic 
effacé  la  gloire  que  les  Phéniciens } 
ksCarthaginoisJesGrecs  &  les  Ro- 
mains s'étoient  aquife  dans  l'art  de 


S     SCAVANS, 

naviger  :  toute  la  Côte  Occidenta- 
le de  l'Afrique  avoit  ouvert  fes 
ports  à  fes  V  ai  (Te  aux  ;  il  avoit  allu- 
re leur  commerce  par  les  Forts 
qu'il  y  avoit  bâtis ,  &  par  les  al- 
liances qu'il  y  avoit  faites.  Les  Rois 
de  Bénin  ,  deTambut,  deMaden- 
gue  avoient  recherché  fon  amitié 
par  leurs  AmbalTadcurs  :  mais  les 
Indes  avoient  toujours  été  fon 
grand  objet ,  il  n'eut  pas  la  fatisfac- 
tion  qu'il  s'étoit  promife  ,  la  mort 
l'enleva  à  la  veille  de  cette  décou- 
verte. 

Notre  Auteur  explique  dans  le 
fécond  Livre  comment  fe  fit  cette 
découverte  ;  c'eft  parla  que  nous 
commencerons  dans  le  Journal 
prochain  la  continuation  de  l'Ex- 
trait de  cet  Ouvrage. 


PARTHENOLOGIA  HISTORICO-  MEDICA  ,  HOC  EST 
Virginitatis  conlîderatio  ,  quâ  ad  eam  pertinentes  pubertas  &  men- 
ftruatio  ,  cum  ipfarum  maturitate,  item  varia  de  infoliris  menfium 
viis  atque  dubiis  virginitatis  fignis 3  nec  non  de  paitium  genitalium 
inulicbnum  pro  virginitatis  euftodia  ,  olim  inftitutâ  confutione  &  infi- 
bulatione  vanis  atque  fclectis  obfervationibus,  cum  Indice  locuple- 
tiffima  traduntur.  D.  Martino  Schurigio  ,  Phyfico  Drefdenfi.  Diefdî 
cv  Lipfîx  ,  apud  Chriftophori  Hekelu  B.  filium.  1730. 

C'eft- à -dire  :  Traité  de  Médecine  fur  plu/leurs  quefiions  concernant  U 
Virginité,  &  fur  plufi.urs  autres  à  cette  occafion.  Par  Al  art  in  Schuri- 
gius  ,  Dobleur  en  Médecine.  A  Drefde  ,  chez  Chriftophe  H\kehus  fils. 
1750.  vol.  /w-40.  pages  384,  &  fe  vend- à  Paris,  chez  Gérard  Jollain s 
Quai  de  la  Tournelle. 


TROIS  Parties  divifent  ce 
Traité:  la  première  concerne 
l'âgd  de  puberté  en  général,  la  fé- 
conde l'évacuation  périodique  pro- 
pre à  cet  âge  dans  le  fexe  ,  la  troi- 
flémc  les  fignes  de  la  virginité. 
Qj-ant  au  premier  point ,  notre 


Auteur  explique  au  long  1".  ce  que 
c'eft  que  la  puberté  :  z".  Pourquoi 
elle  eft  plus  hâtive  dans  le  fexe  : 
30.  Quels  font ,  par  rapport  à  la 
fanté  ,  les  inconvéniens  des  maria- 
ges prématurés. 
Au  regard  du  fécond  article ,  il 


A  O  U  S 

recherche  avec  foin  les  caufes  de 
l'évacuation  dont  il  s'y  agit.  Quel- 
ques-uns l'attribuent  à  la  lur  abon- 
dance du  fang  ,  &  cette  fur-abon- 
dance à  la  vie  fédentaire  des  fem- 
mes ;  mais  M.  Schurigius  oppofe  à 
cela  l'exemple  des  Amazones  ,  Ôc 
des  femmes  de  Sparte  ,  lefquelles , 
dit-il,n'étoientpasplus  privilégiées 
fur  ce  point  que  les  autres  femmes, 
quoiqu'elles  menaiTcnt  une  vie  des 
plus  laborieufes  ;  il  joint  à  cet 
exemple  celui  des  femmes  de  la 
Campagne  ,  qui  nonobftant  leurs 
travaux  journaliers  ,  ne  font  pas 
exemptes  du  fort  commun  à  leur 
fexe.  Il  prétend  même  que  fans 
avoir  une  grande  abondance  de 
fang ,  Se  qu'au  contraire  n'en  ayant 
qu'à  peine  ce  qui  fuffit  ,  il  y  a  des 
femmes  qui  ne  laiiTent  pas  de  fubir 
la  loi  générale  des  autres.  Il  va  plus 
loin  ,  il  foûtient  que  la  plénitude 
du  fang  cft  fouvent  un  obftacle  à 
l'évacuation  dont  il  s'agit ,  ce  qu'il 
juftifie  par  le  belbin  où  font  plu- 
fieurs  femmes  de  fe  faire  faigner 
pour  fêla  procurer. 

Bien  des  Médecins  attribuent  à 
îaLune  l'effet  dont  il  cft  queltion,& 
le  comparent  au  flux  &  reflux  de  la 
mer  ;  ce  qui  a  donné  lieu  à  ce  vers 
fi  connu  : 

Luna  vêtus  veteres  ,  juvenes  nova 
Luna  repurgat. 

M.  Schurigius  examine  la  que- 
stion ,  &  rapporte  là-deiTus  les  di- 
vers fentimens  des  Auteurs.  Après 
quoi  il  pafle  en  revue  toutes  les  au- 
tres opinions  qui  ont  été  foûtenuës 


T  ,    i  7  ?  4. 

fur  ce  fujet.  Il  vient  enfuite  à  un 
grand  nombre  d'autres  articles, 
concernant  la  même  évacuation. 
Nous  les  palTons  ,  étant  difficile  de 
les  expofer  en  François  d'une  ma- 
nière qui  en  puiffe  rendre  la  leiSture 
convenable  à  tout  le  monde.  Nous 
remarquerons  feulement  qu'entre 
ces  articles  il  y  en  a  qui  renferment 
des  cas  très-curieux  ,  &  dontl'ob- 
fervation  eft  d'une  grande  impor- 
tance pour  la  pratique  de  la  Méde- 
cine dans  ce  qui  concerne  la  faute 
des  femmes. 

Pour  ce  qui  eft  du  troifiéme 
point,  notre  Auteur  examine  d'a- 
bord ce  qu'il  faut  entendre  à  la  ri- 
gueur ,  par  le  mot  de  virginité ,  il 
en  recherche  l'éthymologie ,  &  fe 
donne  là-deffus  bien  du  foin.  Puis 
il  diftingue  deux  fortes  de  virgini- 
tez  ,  l'une  matérielle  &  l'autre  fpi- 
rituelle  ;  fur  quoi  il  cite  les  Méde- 
cins ,  &  enfuite  S.  Paul  &  S.  Au^u- 
ftin. 

Les  fignes  de  la  virginité  font  le 
fujet  d'un  autre  article  :  la  virginité 
eft  un  miftere  fi  impénétrable  ,  dit 
M.  Schurigius  ,  que  les  Romains 
ne  croyoient  pas  qu'on  pût  s'é- 
claircir  fur  ce  point  que  par  des 
moyens  furnaturels.  Ils  bâtirent  un 
Temple  à  la  Virginité  ,  dans  le- 
quel ils  élevèrent  une  Statue  qu'ils 
nommèrent /*  Bouche  de  vérité.  Les 
filles,  qui ,  en  certains  cas  denecef- 
fité  ,  vouloient  faire  preuve  de  leur 
fige  (Te  ,  mettoient  un  doigt  dans  la 
bouche  de  cette  Statue  ;  fi  elles 
étoient  juftement  aceufées ,  la  Sta- 
tue" leur  rnordoit  le  doigt,  mais  fi 
elles  étoient  innocentes  elles  le  re- 
R  r  r  ij 


488         JOURNAL   D 

Riroient  fans  aucun  mal. 
.  Les  épreuves  qui  fe  faifoient  par 
le  feu  pour  décider  de  la  fageffe  des 
femmes  &c  des  filles ,  &  celles  qui 
fe  faifoient  par  le  duel,ne  font  pas 
oubliées  par  notre  Auteur. 

Il  s'eiT  débité  bien  des  fables  fur 
les  preuves  de  la  virginité  des  filles, 
notre  Auteur  en  rapporte  un  grand 
nombre.  On  les  peut  voix  dans  l'on 
Livre. 

L'abfence  de  la  membrane  nom- 
mée Hymen  ,  parte  chez  plufieurs 
Médecins ,  pour  un  figne  certain 
de  la  perte  de  cette  virginité  :  mais 
notre  Auteur  prétend  que  ce  figne 
eft  fort  infidèle.  Il  en  allègue  di- 
verfes  raifons,  dont  les  principales 
font  i°.  que  les  Anatomiftes  ne 
conviennent  pas  tous  delà  réalité 
de  cette  membrane  ;  i°.  Que  parmi 
ceux  qui  l'admettent  ,  plufieurs 
foûtiennent  qu'un  grand  nombre 
de  filles  nailTent  fans  l'avoir  ;  30. 
Que  celles  en  qui  ellefe  rencontre, 
la  peuvent  perdre  fans  qn'il  leur  en 
coûte  leur  virginité  ;  40.  Qu'elle  ne 
lai(Te  pas  de  fe  trouver  quelquefois 
en  l'ablence  même  de  la  virginité. 
Les  exemples  &  les  autoritez  ne 
manquent  point  ici  à  notre  Auteur. 

Le  figne  de  virginité  dont  il  eft 
parlé  dans  le  11e  Chapitre  du  Deu- 
teronome  ,  fait  un  article  des  plus 
conlîderables  du  Livre  dont  nous 
rendons  compte  :  M.  Schurigius 
examine  au  long  cet  endroit  de 
L'Ecriture  ,  cV  comme  il  croit  qu'un 
tel  figne  ne  fçauroit  être  que  très- 
équivoque  ,  il  ne  fçait  comment 
explicuer  le  paiTage  dont  il  s'agit. 
1:  parti  qu'il  prend  dans  cet  eni- 


ES    SÇAVANS; 

barras ,  eft  de  rapporter  indifférem- 
ment ce  qu'ont  penfé  là  de  (Tus  di- 
vers Auteurs.  Les  uns  veulent  que 
le  partage  foit  entendu  à  la  lettre  , 
&  ils  s'appuyent  pour  cela  fur  l'u- 
fage  où  Ton  étoit  alors  de  marier 
les  filles  dès  l'âge  de  douze  ans  t$t 
les  garçons  dans  un  âge  beaucoup 
plus  avancé.  D'autres  prétendent 
que  le  partage  doit  être  pris  dans 
un  fens  métaphorique,  n'y  ayant 
pas  d'apparence  ,  félon  eux ,  qu'on 
eût  voulu  produire  ainfi  en  public,' 
des  témoignages,  non  feulement  Ci 
peu  certains,  mais  fi  contraires  à  la 
pudeur.  Valde  turpe  videtur  quod 
talis  fdtmm  expanderetur  coramjudi- 
cibus.  Ils  prétendent  que  expandere 
veftimenta  fignifie  la  même  chofe 
que  per  verba  teftium  expandere  ve- 
ritatem  y  &  que  comme  exfeinderc 
vcftimemiim  3  fe  dit  dans  l'Ecriture 
pour  marquer  l'indignation  ,  de 
même  expandere  veftimentum  peuîr 
fignificr  ici  rem  claram  0"  perfpi- 
caam  facere.  D'autres  oppofent  à 
cette  explication ,  que  l'ufage  de 
fccoûer  &c  de  déchirer  fes  vêtement 
en  figne  d'indignation  &  de  colère 
eftunufage  familier  dans  l'Ecritu- 
re ,  mais  qu'on  n'y  voit  nulle  parc 
celui  de  les  étendre  &  de  les  déve- 
lopper en  figne  de  vérité. 

Notre  Auteur ,  après  avoir  exa- 
miné ces  deux  fentimens,  ne  diî 
rien  qui  puifie  taire  connoître  pour 
lequel  il  incline.  Il  laide  tout  indé- 
cis. La  feule  chofe  pour  laquelle  il 
fe  déclare  eft  que  la  virginité  ne 
peut  fe  connoître  par  aucun  figne  , 
&  que  rinfpection  même  faite  par- 
les Médecins  &  les  Chirurgiens  les* 


A  O  U  S 

plus  experts  j  ne  peut  donner  là- 
deffus  aucun  éclairciffement ,  il  le 
prouve  par  un  grand  nombre  d'e- 
xemples. 

Nous  aurions  pu  donner  de  ce 
Traité  un  Extrait  plus  étendu.  Mais 
il  s'y  agit  de  matières  dont  la  con- 
noiffance  ne  convient  qu'à  «peu  de 
perfonnes  -,  c'eft  pourquoi  nous 
avons  cru  devoir  nous  renfermer 
dans  les  bornes  où  nous  nous  fom- 
mes  tenus ,  le  peu  que  nous  avons 


T,    T7}  4.  480 

dit  fuffit  pour  les  Médecins ,  il  fuf- 
fit même  pour  ceux  d'entre  les 
Chirurgiens  qui  ont  quelques  con- 
noiffances  de  la  Langue  Latine  ,  3c 
qui  peuvent  pat  ce  moyen  conful- 
ter  l'Ouvrage  même  ,  le  refte  eût 
été  de  trop  pour  les  autres.  Nom- 
bre d'Auteurs  ont  écrit  fur  les  mê- 
mes fujets  qui  font  traités  ici  par 
M.  Schurigius.  Il  les  cite  tous  ,  & 
il  enchérit  fur  eux. 


LETTERE  DISCORSIVE  INTORNO   AD   ALCUNI    POETICI 

abufî  prejudicievoli  fi  al  Decoro  délia  Religion  Cattolica  , 
comme  alla  buona  morale  Chriftiana. 
C'eft  à-dire  :  Lettres  au  fttjet  de  quelques  abus  de  laPoéJïe  ^préjudiciables  à 
l'honneur  de  la  Religion  Catholique  &  de  la  b»nne  Morale  Chrétienne. 
Oeuvre  Poflhume  du  Dotleur  Pierre  François  Bottazoni  de  Boulogne ,  dédié 
à  S.  A.  S.  le  Prince  Héréditaire  de  Modéne.  A  Naples ,  chez  Mofchenï, 
&  Compagnie.  173  3. /«40. pp.  264. 


ON  voit  par  la  Préface  de  cet 
Ouvrage, qui  eft  de  l'Auteur, 
qu'il  étoit  prêt  depuis  long-tems  à 
être  mis  fous  la  Prefte  ,  lorfque  la 
mort  enleva  leDo<fteur  de  Bottazo- 
ni. Il  y  tait  paroître  un  grand  zélé 
contre  les  abus  qu'il  reproche  aux 
Poètes.  Il  parle  comme  fi  S.  Paul 
lui  avoit  dit  fur  ce  fujet  ces  paro- 
les "•  infla  opportune  ,  importuné , 
argue  ,  obfecra.  Il  dit  que  S.  Paul  a 
eu  en  vue  ces  Poètes  ,  quand  il  a 
dit  qu'il  y  a  des  perfonnes  qui  cher- 
chent des  Maîrres  qui  leur  flattent 
les  oreilles  ,  qu'elles  détournent 
les  oreilles  de  la  vérité  ,  pour  fe 
tourner  du  coté  des  fables.  Un  des' 
amis  de  l'Auteur  a  eu  foin  de  faire 
imprimer  ces  Lettres  que  le  Doc- 
K*jr  crovoit  non  feulement  utiles  ? 


mais  même  nedcflaiixs  pour  l'hon- 
neur de  la  Religion.  Les  abus  des 
Poètes ,  contre  lefquels  il  s'élève  , 
font  d'employer  des  noms  qui  ne 
conviennent  qu'aux  Divinitcz  du 
Paganifme  en  parlant  de  Dieu  ,  de 
la  Sainte  Vierge,  des  Anges  ou  des 
Myfteres  de  la  Religion  ,  de  mêler 
des  choies  faintes  avec  les  propha- 
nes ,  de  faire  des  Pièces  de  Poêfies 
où  l'on  parle  des  faux  Dieux  du 
Paganifme  comme  en  parlent  les 
Poètes  Payens  ;  ce  qui  eft  ,  félon 
notre  Auteur  ,  une  efpece  d'impie- 
té  Se  d'idolâtrie  ;  enfin  d'avancer 
en  vers  des  principes  contraires  à 
la-Morale  Chrétienne.  C'eft  ce  qui 
eft  répandu  dans  différentes  Lettres 
dans  lcfquelles  l'Auteur  ne  s'eft 
propofé  aucun  ordre  ,    revenant 


4Po  JOURNALD 

fouvent  fur  la  même  matière ,  en 
différentes  Lettres  ,  &  cela  à  l'oc- 
cafion  de  quelques  Ouvrages  de 
Poètes  Italiens  anciens  ou  moder- 
nes ,  qui  ont  donné  lieu  à  fes  diffé- 
rentes réflexions. 

11  fuffira  de  rapporter  ici  quel- 
ques exemples.  L'Auteur  remarque 
après  Erafme  que  rien  n'eft  plus 
indécent  que  ce  qu'a  fait  le  Poète 
Sannazar  qui  dans  fon  Poème  de 
Partu  Virginis  a  invoqué  les  Mufes 
Se  Apollon.  Il  ne  peut  fourbir 
qu'on  appelle  le  Diable  le  Dieu  de 
l' A  verne3qu'on  fade  palTer  lesSaints 
dans  la  Barque  de  Caron  ,  qu'on 
appelle  J.  C.  un  Héros,  qu'on  loue 
avec  excès  les  Héros  du  Paganifme, 
qu'on  dife  que  c'eft  par  l'afliftance 
de  Mars  que  les  Chrétiens  ont 
vaincu  les  Turcs ,  qu'on  parle  du 
S.  Sacrement  de  l'Euchariftie  fous 
le  nom  de  Bacchus  &  de  Cérès , 
que  pour  décrire  Pluton  &  l'Enfer 
on  imite  l'Hymne  Vexilla  Régis 
frodeunt  ,  même  qu'on  fe  ferve 
dans  une  Pièce  prophanede  la  for- 
mule du  ferment  hercle.  Notre  Au- 
teur ne  veut  pas  non  plus  qu'on 
falTe  prédire  l'avenir  aux  Nécro- 
mantiens,  comme  s'ils  étoient  des 
Prophètes ,  ni  que  l'on  nous  repre- 
fente  les  véritables  Prophètes  avec 
cet  entoufiafme  &  cette  fureur 
avec  lefquels  les  Devins  font  re- 
prefentés  dans  les  Auteurs  Propha- 
ncs.  Il  fait  voir ,  d'après  S.  Baffle, 


E  S  SÇAVANS, 

que  l'on  doit  chanter  des  Canti- 
ques Spirituels  aux  noces  desCbré- 
riens  ,  &  que  ceux'  qui  font  profef- 
iion  de  la  Religion  Chrétienne  ne 
doivent  point  compofer  d'épitala- 
mes  où  il  foit  parlé  del'Hymenée 
&c  des  autres  tauifes  Divinitez  du 
Paganjfme. 

On  ne  doit  point  altérer  dans  les 
vers  les  Hiftoires  Sacrées ,  ni  don- 
ner aux  Anges  le  nom  de  Génies 
qualifier  David  la  divine  Sirène  , 
appeller  la  Vierge  Gran-Donnx  ,  & 
Dieu  Somma  -  Giove  ,  reprefenter 
les  Anges  avec  des  aîles  aux  pieds 
comme  le  Dieu  Mercure  ;  ni  faire 
des  allufions  dans  les  matières  pro- 
phanes  aux  chofes  faintes. 

Comme  ces  reflexions  de  notre 
Auteur  tombent  fur  les  anciens 
Poètes  Latins  ou  Grecs ,  dont  l'E- 
glife  ne  condamne  point  la  lectu- 
re ,  notre  Auteur  dit  qu'il  cft  per- 
mis de  les  lire  pour  fervirde  modè- 
les de  la  pureté  du  ftyle  ,  non  pour 
copier  leurs  Fables  impies.  Em- 
prunter leurs  fictions,  leurs  expref- 
fions ,  leurs  penfées  ,  ce  n'eft  point 
les  imiter,  c'eft  les  copier  fer  vile- 
ment. Il  faut  y  apprendre  à  s'expli- 
quer avec  juftefle  ,  &  en  même 
tems  avec  nobleffe  ,  mais  il  ne  faut 
employer  que  des  penfées  &  des 
expreflïons  qui  n'ayent  rien  de  con- 
traire à  la  Religion  Chrétienne  & 
Catholique  dont  on  hit  profeffion. 


•£§§& 


AOUST,    I734- 


491 


RECUEIL  DES  LETTRES  DE  MADAME  LA  MARQVISE 
de  Sévigné  k  Madame  la  Comtcjfe  de  Grignan  fa  fille,  1734.  A  Paris,  chez 
Nicolas  Smart ,  rue  S.  Jacques,  au  Dauphin.  in-\  2.  4.  Vol.  Tome  I. 
pp.  452.  Tome  II.  pp.  483.  Tome  III.  pp.  479. Tome  IV.  pp.  441. 
Non  compris  la  Table  des  Matières. 


L  avoit  déjà  paru  en  if  16.  deux 
Editions  des  Lettres  de  Mada- 
me de  Sévigné  ,  l'une  faite  à  la 
Haye,  &  l'autre  à  Roiien.  Quel- 
que imparfaites  qu'elles  tulTent , 
parce  qu'elles  avoient  été  impri- 
mées fur  des  copies  dérobées  à  la 
hâte  ,  &  données  au  public  avec 
autant  de  précipitation  que  de  né- 
gligence ,  elles  furent  lues  avec 
aviditéjS: reçues  avec  un  applaudil- 
fement  général  ;  mais  plus  on  en 
étoit  charmé  ,  plusauflion  fouhai- 
toit  de  les  avoir  plus  correctes,  en 
plus  grand  nombre  ,  &  dans  l'or- 
dre naturel  où  elles  ont  été  écrites. 
C'eft  ce  qui  vient  d'être  exécuté 
dans  cette  nouvelle  Edition  ,  qui 
eft  augmentée  de  plus  de  la  moitié; 
mais  comme  elle  a  été  faite  avec 
un  foin  extrême  ,  par  une  perlonne 
qui  refpcfte  le  Public  ,  cV  qui  lçait 
fe  refpeéter  elle  même  ,  il  a  fallu 
du  tems  pour  déchifrer  les  origi- 
naux, pour  éclaircir  par  des  Notes 
placées  au  bas  de  la  page  plufieurs 
endroits  de  ces  Lettres  qui  dans  les 
Editions  précédentes  paroilfent  in- 
intelligibles faute  de  ce  fecours,  lk 
encore  beaucoup  plus  pour  décou- 
vrir par  l'enchaînement  des  faits  & 
par  les  evenemens  dont  il  y  eft 
parlé ,  la  fuite  de  ces  Lettres  ,  où 
l'année  n'eft  jamais  marquée. 
Pendant  cet  intervalle  quelques- 


uns  de  ces  Libraires  qui  nvililïcnt 
la  noblefîe  de  leur  profefHon  ,  &T 
qui  ne  vivent  que  de  la  furprife 
qu'ils  font  au  Public  ,  fe  font  avi- 
fés  de  lui  en  impofer ,  en  lui  don- 
nant fur  la  fin  de  Tannée  1733.  une 
nouvelle  Edition  des  Lettres  de 
Madame  de  Sévigné  en  trois  Volu- 
mes, &  non  contens  d'y  avoir  copié 
aveuglément  toutes  les  fautes  des 
Editions  de  la  Haye  &  de  Roiien  3 
ils  y  en  ont  encore  ajouté  de  nou- 
velles ,  qui  jettent  quelquefois  au- 
tant d'oblcurité  que  de  ridicule 
fur  les  plus  jolies  penféesde  Mada- 
me de  Sévigné.  On  en  verra  quel- 
ques exemples  dans"  la  Préface  de 
l'Edition  que  nous  annonçons  au- 
jourd'hui ;  fi  l'Editeur  n'avoit 
craint  par  -  là  de  fe  rendre  en- 
nuyeux ,  il  lui  eût  été  facile  d'en 
donner  un  bien  plus  grand  nom- 
bre. 

Cette  Préface  mérite  d'être  lue 
&  d'être  à  la  tête  d'un  Ouvrage 
auffi  agréable  que  les  Lettres  de 
Madame  de  Sévigné.  C'eft  d'elle- 
même  que  l'Auteur  emprunte  le 
jugement  qu'on  doit  porter  de  la 
manière  d'écrire  de  cette  Dame. 
»  Eft  il  poffible  ,  dit-elle  k  fa  fille  , 
»que  mes  Lettres  vous  foient 
«agréables  au  point  que  vous  me 
»  le  dites  ?  Je  ne  les  fens  point  tel. 
»  les  en  fortant  de  mes  mains  :  je 


492        JOURNAL    D 

»  crois  qu'elles  le  deviennent  en 

»  paffant  par  les  vôtres M.  de 

»>  Coulanges  eft  bien  en  peine  de 
»  feaveir  laquelle  de  vos  Madames 
»  y  prend  goût  ;  nous  trouvons 
»  que  c'eft  un  bon  ligne  pour  elle, 
»  car  mon  ftyle  cil  fi  néglige  qu'il 
»  faut  avoir  l'efprit  naturel  Se  du 
»•  monde  pour  pouvoir  s'en  accom- 
n  moder. 

On  y  voit  en  effet  une  facilite 
charmante  ,  un  tour  qui  furprend 
d'autant  plus  qu'il  ne  paroît  point 
fait  pour  furprendre  ,  une  imagina- 
tion féconde  Se  riante  qui  peint 
tout  avec  des  couleurs  auffi  vives 
que  naturelles  ,  des  applications 
heureufes  ,  des  reflexions  juftes  Se 
fines  fur  les  évenemens  ou  fur  les 
perfonnes  dont  elle  parle  ,  Se  des 
jugemens  fur  les  Ouvrages  de  fon 
tems,que  la  pofterité  a  pour  la  plu- 
part tous  confirmés. 

On  peut  donc  regarder  ces  Let- 
tres comme  le  modèle  du  genre 
épiftolaire  ,  Si.  c'eft  peut-être  par 
cet  Ouvrage  fcul  qu'on  pourra  fe 
mettre  à  portée  de  juger  des  véri- 
tables bcautezd'un  ftyle  ,  qu'il  eft 
bien  plus  aifé  de  fentir,  que  de  dé- 
crire. 

Comme  l'Editeur  s'eft  propofé 
de  ne  perdre  jamais  de  vue  tous  les 
égards  dûs  à  Madamede  Sévigné  & 
au  Public  ,  il  a  cru  devoir  fuppri- 
mer  quelques  dérails  purement  do- 
meftiques ,  Se  peu  intereftans  pour 
le  Lecteur  ,  mais  il  n'a  pas  cfé  fç 
permettre  de  rien  retrancher  des 
fentimens  de  l'amour  naturel  qui 
reparoiflent  Ci  fouvent ,  parce  que 
»  c'eft  là,  dit-il,  ce  qui  détermi- 


ES    SÇAVANS, 

»ne  le  tond  du  caractère  de  Ma- 
»  dame  de  Sévigné  ,  Se  qu'enfin 
»  les  tours  nobles ,  délicats  f  & 
»  variés  qu'elle  employé  pour  cx- 
»  primer  fa  tendreffe ,  ne  lui  font 
»  pas  moins  propres  que  fa  ten- 
»  drelîe  même.  Il  eft  vrai ,  ajoûte-t- 
»  il ,  qu'on  ne  revient  qu'avec  pei- 
»  ne  de  la  furprife  que  caufe  cette 
»  efpcce  de  fingularité.  Mais  des 
»  fentimens  fi  peu  ordinaires  en 
»  font  ils  pour  cela  moins  pris  dans 
»  la  nature  ;  Ne  peut  on  concevoir 
»  fans  de  trop  grands  efforts  les 
»  traits  d'une  pareille  fimpathie  ? 
»  ou  plutôt  n'eft-ce  point  un  des 
»  effets  de  la  corruption  du  cœur 
»  humain ,  de  n'aimer  l'excès  de  la 
»  feniîbilité  que  dans  la  plus  folle 
»  de  toutes  les  paffions  ? 

Il  n'appartient  peut  être  qu'aux 
grandes  âmes  de  pouffer  jufqu'à  la 
paffion  ce  qui  n'eft  qu'un  fenti- 
ment  tendre  Se  modéré  dans  les 
âmes  d'une  trempe  commune.  Ma- 
dame de  Sévigné  la  peignoitfi  vi- 
vement cette  paffion  qu'il  eft  fou- 
vent  difficile  de  lire  certains  en- 
droits de  ces  Lettres  à  fa  fille  fans 
émotion  ,  nous  nous  contenterons 
d'en  donner  ici  un  fcul  échantil- 
lon. 

»  Vous  dites  ,  lui  écrit  -  elle  ■ 
n  (  pag.  106.  du  premier  Volume) 
»  que  vous  voudiiez  bien  me  voir 
«entrer  dans  votre  chambre  ,  Se 
»  m'entendre  difeourir.  Hélas!  c'eft 
y  ma  folie  que  de  vous  voir^  de 
»  vous  parler  ,  de  vous  entendre  ; 
»  je  me  dévore  de  cette  envie  .  Se 
»  du  déplaihr  de  ne  vous  avoir  pas 
»  affez  écoutée  }  pas  allez  regardée. 


A  O  U  S 

»  Il  me  femblc  pourtant  que  je 
»  n'en  perdois  guéres  les  momensi 
»»  mais  enfin  je  n'en  fuis  pas  con- 
»  tente.  Je  fuis  folle  ,  il  n'y  a  rien 
»  de  plus  vrai  ;  mais  vous  êtes 
*>  obligée  d'aimer  ma  folie.  Je  ne 
»  comprends  pas  comment  on  peut 
»>  tant  penfer  à  une  perfonne  ;  n'au- 
»  rai  -  je  jamais  tout  penfé  !  non 
m  que  quand  je  ne  penferaiplus. 

Cette  tendreife  remplit  condam- 
nent toute  la  capacité  du  cœur  de 
Madame  de  Sévigné  ,  quoiqu'elle 
fûtreftée  veuve  fort  jeune ,  Se  avec 
tous  les  agrémens  de  l'efprit  &  du 
corps ,  qui  pouvoient  la  faire  re- 
chercher. Auffi  Madame  la  Com- 
teffe  de  Grignan  difoit  fort  agréa- 
blement ,  qu'elle  étoitle  préferva- 
tif  de  fa  mère  contre  les  furprifes 
de  l'amour.  Si  cela  efl  ,  lui  répon- 
doit  Madame  de  Sévigné  (  Let.  du 


T  ,    17?  4»  S9$ 

1 3  Novembre  1 1^7  y .  )  je  vous  fuis 
trop  obligée ,  &  je  ne  puis  trop  aimer 
l'amitié  que  j'ai  pour  vous. 

L'Editeur  auroit  fouhaité  pou- 
voir ralfembler  des  Mémoires  affez 
détaillés  pour  former  un  Eloge  Hi- 
ilorique  de  cette  Illuitrc  Dame. 
Mais  quelque  foin  qu'il  ait  pris ,  il 
n'a  pu  ,  dit  -  il ,  recueillir  qu'un 
très-petit  nombre  de  faits  dont  il 
croit  devoir  faire  part  au  Public  ; 
on  les  lira  avec  plaifir  dans  fa  Pré- 
face ,  aulîï-bien  qu'un  portrait  de 
Madame  de  Sévigné  fait  par  Mada- 
me de  la  Fayette  fous  le  nom  d'un 
inconnu. 

On  affure  que  l'Editeur  a  entre 
fes  mains  de  quoi  donner  une  fuite 
confiderable  de  ces  mêmes  Lettres. 
Nous  nous  flattons  qu'il  ne  la  refu- 
fera  pas  aux  defirs  du  Public  qui 
l'attend  avec  impatience. 


NOVVELLES     LITTERAIRES. 


ALLEMAGNE. 


De  Leipsik. 

IL  fe  débite  ici  un  Ouvrage  qui 
doit  faire  plaifir  à  ceux  qui  ai- 
ment à  connoître  en  détail  les  Pro- 
vinces &  les  Villes  particulières: 
c'eft  une  Hiftoire  delà  Principauté 
de  Rugen  dans  la  Pomeranie  Sue- 
doife  ,  par  M.  Schivartz. ,  Profef- 
feur  à  Gryphfwalde  :  elle  eft  intitu- 
lée :  Alberti  Georgii  Schiuartzii ,  in 
jicademiâ  Gryphicà  Profijjbris  , 
Hifioria  finium  Principatm  Rugia  ; 
jionft. 


accejjît  fpecimen  Diplomatum  Riigia- 
norum.  Grypfwaldix  &  Lipfix. 
1734.  /«-40.  L'Auteur  ne  fe  doit 
pas  contenter  du  fimple  échantil- 
lon qu'il  donne  à  prefent  des  Char- 
tes de  la  Principauté  de  Rugen  ;  il 
promet  de  publier  tout  ce  qu'il  en 
a  pu  recueillir ,  fous  le  titre  de  Rh- 
gia  Diplomatica. 

On  trouve  en  cette  Ville  depuis 
l'année  dernière  un  Supplément  ou 
la  Continuation  du  grand  Recueil 
dont  le  Public  eft  redevable  à  M. 
Lunig  j  8c  que  ce  fçavant  Compila- 
teur a  publié  en  24  Volumes  inti- 
Sff 


m  JOURNAL    D 

tulés  en  Allemand  :  ReichsArchiv  y 
ou  les  A.sbivcs  de  V Empire.  Ce 
Supplément  qui  a  pour  titre  :  Co- 
dex Germanie  Dipl«maticus  :  Fran- 
cofurti  &  Lipfia ,  eit  en  deux  Volu- 
mes in-folio  ,  dont  le  premier  fut 
imprimé  en  173  z.  Se  le  fécond  en 

5733- 

Attgufti  Beyeri  Aleworiœ  Hiftori- 
to-Criticà  Libromm  ranornm  :  accé- 
dant Evangeli  Cnfmopolitani  Nota 
adj.  "B.  Mene\enu  de  Charlatane- 
riiï  Eritàitontm  declamationes  ,  in 
'duibus  exemple  non  nu/la  ,  précipite 
Hifpanomm  adferuntur,  Drefdx  & 
Lipfîx  ;  1734.  ;»-8°. 

De  Francfort  sur  l'Oder. 

M.  Hoffmann  ,  ProfefTeur  en 
Droit  dans  cette  Univerfîté  ,  a  fait 
imprimer  une  Bibliothèque  inte- 
reflante  pour  les  Jurifconfultes 
qui  s'attachent  à  l'étude  du  Droit 
Public  de  l'Empire  :  Cbriflopbor. 
Godofrid.  Hoffmanni  ,  Prof  effort  s 
Jitris  in  Ac.tdem.  lrtadr.  Bibliotheca 
Juris  Publici  ,  ^«<e  exatlam  con- 
fignationem  Scriptorum  s  in  quibus 
S.  Romana  -  Germanici  lmpeni  Jus 
Publicum  traditur.  Francofurti  ad 
Viadrum.  1734.  in-40. 

Cet  Auteur  eft  connu  dans  la 
Republique  des  Lettres.  Il  a  fait 
part  au  Public  en  1731.  &  173 3. 
d'un  Recueil  en  deux  Volumes 
jw-40.  dont  nous  n'avons  pas  encore 
parlé  -,  mais  dont  on  fera  fans  doute 
bien  aife  de  voir  ici  le  titre  : 

Nova  Scriptorum  ac  Menumento- 
•mm  partim  rariffimorum  ,  partim  ine- 
ditomm  CollefttQ  ;  opits  ad  illnflranz 


ES   SÇAVANS. 

dam  Hijloriam  Civilem  ,  Ecclefîafli- 
cam  ,  Litterariam  ,  nec  non  Jurifprt±. 
dentiam  publtcam  &  privatam  çum 
maxime  comparatum.  Tom.  I.  pr&ter 
alla  pic.  xvi.  Monumenia  ,  Samue- 
lis  Guichcnonii  Bibliotbecam  Sebu- 
fi.w.vm  &  Paridis  de  Crallîs  Dia- 
rinm  CV-".  Rom.  complexes.  Recenfuit 
Cbnft.  Godofredus  Hoffmannus  Je™ 
Rcg.  Bor.  M.-j,  Confit,  intimus ,  & 
Ord.  Juridici  m  Academ.  Francof. 
O-iin.  Lipfîx.  Apud  H&redes  Lanc- 
kianos.  173 1.  Tom.  II.  prttter  varia 
ad  Ceremoniamm  Difciplinam  perti- 
nentia ,  Librum  diurnum  Roma- 
norum  Pontificum  ,  &  Auguftini 
Patricti  Picolominei ,  Epifcopi  'Bien- 
tini  Librum  Sacrarum  Ceremonia- 
rum  qui  bus  Romani  Pont  if  ce  s  uti 
confiieverunt  t  exhibent.  Ibïd.  173 3. 
in  -  40. 

De  H  am  bourg. 

Jo.  Alberti  Fabricii  Bibliotbeca 
Latina  média  &  infime  dtatis  :  accé- 
dant IVipponis  Prefbyt.  proverbia  ad 
Henricum  Conradi  Imperat.  filinm* 
1734. /'«- 8°. 

De  Nuremberg. 

M.  Koeler  s  ProfefTeur  à  Altorf  ^ 
vient  de  donner  une  nouvelle  Edi- 
tion ,  mais  plus  ample ,  de  l'Ou- 
vrage de  Freherus ,  qui  a  pour  ti- 
tre :  Aiarquardi  Freheri  Diretlorium 
in  omnes  fer'e  ,  quos  fuperftites  habe- 
mus ,  Chronologos ,  Annalium  Scrip- 
tores  &  Hijîoricos  ;  potiffimum  Roma- 
ni Germanicique  Imperii.  Iterum  rc- 
cognovit  j  auxit ,   &  inftauravit  Jo> 


A  O  U  S 

David  Ko  dents  ,  PP.  Altorfinus  ; 
addito  Dircclorio  Chronologico-Di- 
plomatico  annorum  Regni  &  Imperti 
omnium  Regnm  Germant*.  &  Impp. 
Romanorum  à  Pippino  Rege  Francta, 
nfqtte  ad  Carolum  VI.  C&farem ,  ad 
ttfum  Compati  Diplomatici  Criticum. 
Nurimbcrgx  &  Altorfii.  1734. 
in  -  40. 

SUISSE. 


T,  1734.  S9S 

troilîéme.  On  recevra  les  Soufcrip- 
rions  jufqu'au  mois  d'Octobre  pro- 
chain ,  Se  l'Editeur  promet  de  taire 
commencer  l'imprefiion  dès  qu'il 
y  aura  350  Soufcripteurs.  On  peut 
fouferire  à  Paris  chez  Mariette  3 
rue'  S.  Jacques y  &  chez  les  Librai- 
res des  principales  Villes  de  l'Eu- 
rope. 

FRANCE. 


De  Zurich. 

Voici  le  titre  d'une  nouvelle  &c 
très-ample  Colle&ion  de  Médail- 
les ,  que  M.  Gefner  vient  de  pro- 
pofer  de  donner  par  Soufcription  : 
Thefaurus  univerfalis  omnium  Nu- 
mifmatum  veterum  ,  Grœcorum  & 
Romanorum  ,  ht  de  a  temporibus  cufi 
Numifmatis  ufque  ad  Imperii  Gr&ci 
per  Turcas  dejlrhiïionem  euforum  ; 
e/uotquot  ex  Numifinatophilacits  lm- 
peratorum  ,  Regum  ,  Ducum  ,  & 
illujlrium  Virorum ,  ac  veterum  & 
recemiorwn  de  re  Numaria  lucubra- 
tionibus  comparare  licuit ,  intégra  fé- 
rié TabulisiAlneis  reprefentata ,  def- 
cripfît  ,  edtdtt  &  tllnflravit  Jo.  Ja- 
cobus  Gefnerus  ,  Tigurinus.  Ex 
Officina  Heideggeriana.  1734. 

Cet  Ouvrage  fera  divifé  en  qua- 
tre Parties  ,  qui  comprendront  en 
tout  350  feuilles  d'impreflîon 
in- fol.  &c  1 10  planches  gravées  pour 
les  Médailles.  La  Soufcription 
n'eft  que  de  10  florins  ,  dont  on 
payera  5  florins  d'avance  en  fouf- 
crivant  ,  5  en  recevant  la  première 
Partie  ,  5  autres  en  recevant  la  fé- 
conde ,  &  le  reûe  en  recevant  la 


Di     Paris: 

Fîifloire  Ecclefiaftique  \  pour  fer- 
vir  de  Continuation  à  celle  de  M. 
l'Abbé  Fleury.  Tome  XXXIII.  de- 
puis l'an  \<j6i.  jufqu'en  1  5  6  3. 
Tome  XXXIV.  depuis  l'an  15^3. 
jufqu'à  l'an  1569.  Chez  Pierre- 
Jean  Mariette.  Rue  S.  Jacques ,  aux 
Colonnes  d'Hercule.  1734  /'«  -  40. 
&  in  -  1 1. 

De  la  meilleure  manière  de  mefu- 
rerfur  Mer  le  chemin  d'un  Vaijfeau, 
indépendemment  des  Obfervaiions 
Agronomiques.  Pièce  qui  a  rempor- 
té le  prix  de  l'Académie  Royale 
des  Sciences,  propofé  pour  l'année 
1733.  félon  la  fondation  faite  par 
feu  M.  Rouillé  de  Aieflay  ,  ancieu 
Confeiller  au  Parlement.  Par  M.  le 
Marquis  Poleni.  De  l'Imprimerie 
Royale.  1734.  '»-4°-  Cet  Ouvrage 
eft  en  Latin. 

Abrégé  de  la  Carte  générale  du 
Militaire  de  France  depuis  l'éiablif- 
fement  de  la  Monarchie  jufqu'au  20 
Février  1734.ehr.Par  M.  le  Mau  de 
lafaiJJe.Chez  Gijfart  &  Briaffon ^ruë 
S.Jacques;  Dtdot,  Quai  des  Au- 
guftins ,  &  Nully  ,  Grand'Salle  du 
Sffij 


S9S  JOURNAL   D 

Palais.  1734-  Volume  in-  8°. 

Catalogue  des  Archevêchés.  ,  E- 
•uêchez. ,  Abbayes  &  Prieures,  de  no- 
mination Royale  :  »  leur  revenu  , 
»  Chare.es  dt  duires  ,  la  taxe  de  Ro- 
y>  me  :  les  Evêchez  fitués  en  Pays 
»  d'obédience  ,  ceux  qui  font  du 
wRcffort  de  la  Légation  d' A vi- 
a>  gnon  -,  le  nom  des  Tuulaires  ,  &C 
»  la  date  de  leur  nomination,  en 
.'l'état  quMs  fe  trouvent  au  15 
»Mai  1734-  Cnez  L,mgL0l$  >  ruë 
Saint  Etieune  d'Egrès.  1734.  /»-S°. 

Conjîituttones  Cotigregutionts  Cle- 
ricorum  facidarium  DuclrinœCbr.jiia- 
n<z.  Anna  1733.  m  Commis  Genera- 
libus  ,  Luteiid.  Panjïorum  habilis  , 
recognitét  approbatA  ,  &  recepu. 
Ex  Typis  Pétri  Prault.  1734.  in  11. 

L'origine  Ancienne  delà  Phyftyue 
Nouvelle  ,  »  où  l'on  voir  dans  des 
m  Entretiens  par  Lettres  ce  que  la 
»  Phvfique  Nouvelle  a  de  commun 
=.  avec  l'Ancienne.  Le  degré  de  per- 
»  fedion  de  la  Phyfique  Nouvelle 


ES  SÇAVANS, 

»  fur  l'Ancienne.  Les  movens  qui 
»  ont  amené  la  Phvfique  à  ce  point 
»  de  perfection.  Par  le  P.  Regnault 
de  la  Compagnie  de  Jefus.  Chez 
Jacques  Clmjîer ,  rue  S.  Jacques , 
au  coin  de  la  rue  de  la  Parchcmine- 
rie.  1734.  in-11.  3.  vol. 

Style  umverfel  de  toutes  les  Cours 
&  JurïfdtUions  du  Royaume ■-,  pour 
1'inftrnclton  des  matières  criminelles 
privant  l'Ordonnance  de  Louis  XIV.. 
dumoisd'Aouft  ujo.  Par  M.  Gm- 
ret ,  Secrétaire  de  M.  le  Camus  ^ 
Lieutenant  Civil.  Nouvelle  Edi- 
tion. Chez  David  l'aîné  ,  &c  autres 
afiociés  choifis  par  ordre  de  Sa 
Majefté  pour  l'impreffion  des  Sty- 
les Si  Formules ,  fuivant  les  nou- 
velles Ordonnances.  1734.  in-11. 
deux  Volumes. 

Confédérations  fur  les  caufes  de  la 
grandeur  &  de  la  décadence  de  l'Em- 
pire Romain,  chez  Huart  &  Cl'oufîer^ 
rue  S.  Jacques,  vol.  in-11. 


Fautes  À  corriger  dans  le  Journal  de  Juillet  1734. 

PAge  3  9  2.  colomne  première  ,  ligne  7.  pédant ,  /{/^pendant  :  Ibid. 
col.  2.  lig.  33.  Wxéejif.  luxée  :  pag.  397.  col.  2.  lig.  18.de  la  fonde; 
lif.  de  la  féconde  :  pag.428.  col.  2.  lig.  23.  polium  ,  lif.  Polium  :  Ibid. 
lig.  i9.Germandrie  ,  lif.  Germandrée  :  pag.  429.  col.  2.  lig.  33.  Gnafa- 
1mm,  lif.  Gnaphalium  :  lbid.lig.  35.  Savage,  ///.  Sauvage  :  pag.  430. 
col.  2.  lig.  3.  tutens  ,  ///Tluteus. 

Avis  qui  nous  a  été  donné  par  l'Auteur  de  la  Defcription  des  Plantesywr  une 
erreur  qui  s'eft  gliffèe  dans  l'impreffion  defon  Livre. 


Messieurs,  je  viens  de 
m'appercevoir  d'une  faute  condde- 
lable  qui  s'eft  griffée  dans  l'impref- 


fion de  mon  premier  Tome  de  la 
Defcription  des  Plantes  ,  &c  qui  & 
dû  palier  neceffairement  comme 


elle  a  fait  dans  l'Extrait  que  vous 
avez  donné  de  mon  Livre. 

On  lit,  pag.  430.  de  votre  Ex- 
trait les  mots  fuivans  :  Quant  à  la 
Méthode  que  M.  de  Tournerort  a 
établie  fur  la  ftructure  des  fleurs  &c 
des  fruits ,  notre  Auteur  convient 
qu'à  cet  égard  elle  eft  incontefta- 
blemcnt  la  meilleure,  Si  même  la 
feule  dont  on  puifle  taire  un  bon 
ufage.  Ce  qu'il  y  a  de  fâcheux  dans 
cette  Méthode  ,  c'eft  qu'il  laut  at- 
tendre la  faifon  des  fleurs  Se  des 
fruits  pour  s'aflurer  du  caractère  de 
chaque  genre  ,  mais  M.  Fabregou 
dit  qu'il  ne  voit  point  de  remède  à 
cela  ,  Sz  que  rien  ne  lui  femble 
plus  raifonnable  que  d'examiner 
toutes  les  parties  d'une  plante  avant 
que  d'entreprendre  de  la  réduire  à 


591 

Ion  genre. 

Voilà  ,  Meflîeurs  \  ce  que  vous 
avez  mis  dans  votre  Extrait ,  Se 
cela  eft  conforme  à  ce  qui  fe  lie 
dans  mon  Livre  ;  mais  voici  ce  que 
l'Imprimeur ,  en  fuivant  mon  ma- 
nufent }  qui  à  la  vérité  étoit  un  peu 
raturé  en  cet  endroit  ,  auroit  dû 
imprimer  :  cette  Méthode  étoit  la 
meilleure  &  même  la  feule  dont 
on  pût  faiie  ufage  alors  ,  mais  rien 
n'eft  plus  fur  que  d'examiner  toutes 
les  parties  d'une  plante  avant  que 
de  la  réduire  à  aucun  genre;  &  il 
faut  fur -tout  confiderer  la  graine 
qui  eft  le  véritable  caractère  qui 
diftingue  les  plantes  les  unes  d'avec 
les  autres ,  à  quoi  M.  de  Tourne- 
fort  ni  ceux  qui  l'ont  fuivi  n'ont 
pas  fait  attention. 


TABLE 

Des  Articles  contenus  dans  le  Journal  d'Aouft  1734. 

LEs  Dons  des  Enfiws  de  Latone ,  &c.  page  439 

Hijloire  de  l'Empire  des  Cherifs  en  Afrique  ,  &c.  448 

Leçons  de  Phyftque  ,  contenant  les  tlémens  de  cette  Science ,  Sec.  455 

Abrégé  de  ÏHiftoire  de  24  Pères  d;  l'Eglife  ,  &c.  461 

Description  d'un  petit  Paquet  de  vatjfcaux  pétrifié  ,  &c.  463 

Continuation  de  ÏHiftoire  du  Parlement  de  Bourgogne  ,  Sic.  $66 

Livre  de  l'IJlande  par  Aras ,  fils  de  Torgils ,  furnommê  le  Sçavant  ,  467 
Hijloire  des  Empires  &  des  Républiques ,  Sec.  469 

Deux  Dtffertations  fur  le  Baptême  &  fur  le  faim  Chrême,  &c.  476 

Hifloire  des  Découvertes  &  Conquêtes  des  Portugais  dans  le  nouveau  Monde, 
Sec.  480 

Traité  de  Médecine  fur  plufieur s  queflions  concernant  la  Virginité ,  Sec.  486 
Lettres  au  fujet  de  quelques  abus  de  la  Pn'efie  touchant  la  Religion ,  Sec.  4 S 9 
Recueil  des  Lettres  de  Madame  de  Sévignê    &c.  49 1 

Nouvelles  Littéraires  s  j  9  3 

Avis  de  M,  Fabregou ,  Sec.  596 

Fia  de  la  Table. 


L  E 

JOURNAL 

SC  A  VANS, 

POUR 
VANNEE     M.    DCC.     X  X  X  I  T. 
SEPTEMBRE. 


A      PARIS, 

:hez     CHAUBERT,    à  l'entrée   du  Quay  des 

Auguftins,  du  côté  du  Pont  Saint  Michel,  à  la 

Renommée  &  à  la  Prudence. 

"  M.   DCC.  XXXIV. 

<VEC  APPROBATION  ET  PRIVILEGE  DU  KQY; 


L  E 


JOURN A  L 


DES 


SCAVA 


SEPTEMBRE    M.  D  C  C.  X  X  X  I  V. 

HISTOIRE  DE  L'EMPIRE  DES  CHERIES  EN  AFRIQVE  , 
fa  Defcription  Géographique  &  Hifloricjue  ;  la  Relation  de  la  prife  d'O- 
ran  ,  par  Philippe  V.  Roi  d'Efpagne ,  avec  l'abrégé  de  la  Vie  de  M.  de 
Sainte-Croix  ,  ci- devant  Ambaffadeur  en  France  &  Gouverneur  d'Oran 
depuis  la  prife  de  cette  FiUe  ;  Ornée  d'un  plan  très-exaff  de  la  Fille  d'O- 
ran ,  &  d'une  Carte  de  l'Empire  des  Cherifs.  Seconde  Partie.  Par  Aï.*** 
A  Paris,  chez  Prault  petc }  Quai  de  Gêvres,  au  Paradis.  1733.  vol. 
in- 11.  pages  116. 

NOUS  avons  donné  dans  le  Partie ,   &  nous  en  fommes  de- 
dernier  Journal,  l'Extrait  du  meures  à  ce  que  l'Hiftorien  rappor- 
commencement  de  cette  féconde  te  de  la  mort  de  Mulei-Mahamet , 
Stpttmb,  Ttti; 


502  JOURNAL    D 

fils  de  Mulei-lfmaèl.  Nous  avons 
vu  le  cruel  fuppllce  qite  ce  père  ht 
lbuffrir  à  fon  fils ,  &  la  trifte  mort 
de  ce  fils-,  il  nous  refte  à  parler  de  ce 
qui  fe  paflfa  enfuite  dans  l'Empire 
des  Cherifs. 

Mulei-Zidan  fils  de  la  Sultane  , 
dont  nous  avons  foie  mention  à  la 
fin  de  notre  dernier  Extrait  ,  & 
l'aîné  des  enfans  du  Roi  Mulei-If- 
maél  ,  donna  occafion  a  de  grands 
troubles  dans  Maroc  peu  après  la 
mort  de  Mulei-Mahamet.  CeMu- 
lei-Zidan  étoit  un  Nègre  féroce  & 
cruel.  Dès  l'âge  de  cinq  à  fix  ans,  il 
donna  des  marques  de  fa  cruauté 
&  de  fon  penchant  pour  toutes 
fortes  de  vices.  Un  jour  qu'un 
Nègre  le  portoit  entre  fes  bras , 
ce  jeune  enfant  voyant  paiTer  un 
Alarbe  ou  Payfan  ,  le  fit  arrêter 
pour  le  tuer  à  coups  de  Sabre  ,  le 
Nègre  voulant  le  détourner  de 
cette  penfée,  lui  dit  qu'une  telle 
action  étoit  indigne  d'un  Chérit  ; 
mais  le  jeune  Zidan  infifta  tou- 
jours par  fes  cris  &  par  fes  lai  mes  , 
&  menaça  le  Nègre  de  fe  plaindre 
à  la  Sultane  :  enfin  quelques  re- 
montrances &c  quelques  promefles 
qu'on  pût  lui  faire  pour  l'appaifer, 
on  fut  contraint  de  lui  donner  un 
Sabre;  en  mêmetemson  dit  tout 
bas  au  Payfan  ,  de  fe  laifTer  tomber 
parterre  au  premier  coup  qu'il  re- 
cevrait, &  d'y  demeurer  fans  re- 
muer :  l'enfant  prit  auflï-tôr  le  Sa- 
bre ,  le  fouleva  comme  il  put ,  &C 
en  donna  Hn  coup  au  Payfan  qui 
ne  manqua  pas  de  faire  ce  qu'on  lui 
avoitdit,  le  jeune  Zidan  voyant  le 
2aj fan  étendu  parterre,  éi  ren- 


ES  SÇAVANS, 

dant  du  fang  ,  le  ctui  véritable- 
ment mort.  Dans  cette  penfée  ii 
continua  fa  promenade  en  témoi- 
gnant beaucoup  de  gayeté  d'avoir  ^ 
comme  il  le  crovoit ,  tué  un  hom- 
me. 

Lorfqu'il  fut  parvenu  à  un  âge  plus 
avancé  ,  on  n'entendoit  parler  dans 
Méquinez.  que  de  les  fanglantes 
exécutions ,  &c  de  fes  débauches. 
L'Hiftoiien  entre  là-delïïis  dans  un 
détail  qu'on  ne  peur  lire  fans  hor- 
reur -,  nous  le  palTons.  Zidan,  après 
la  mort  de  fon  frère  Mulei-Maha- 
met ,  fongea  d'abord  à  s'emparer 
des  tréfors  de  ce  frère.  Il  remporta, 
diverfes  victoires ,  &  fe  rendit  fi 
puiffant  que  Mulei  Ifmaë'l  fon  perc 
en  prit  ombrage.  Ce  Monarque 
apprenant  tous  les  jours  que  Zidan, 
à  qui  il  avoit  donné  le  gouverne- 
ment de  Maroc  ,  fubornoit  toutes 
les  troupes  de  l'Empire,  refolut 
de  le  faire  revenir  de  Maroc  à  Mé- 
quinez. Mais  le  fils  trouva  toujours 
moyen  d'éluder  là-dciïus  les  ordres 
qu'il  recevoit  de  fon  père.  Le  Roi 
fe  voyant  hors  d'efperance  d'en- 
gager Zidan  à  lui  obéir ,  s'enferma 
dans  Ion  AlcalTave  ,  où  il  relia  cin- 
quante deux  jours  fans  fe  montrer 
à  perfonne  qu'à  hada-Ataca. ,  c'eit 
le  nom  de  la  Sultane  mère  de  Zi- 
dan ;  cette  Sultane  étoit  maîtrefTe 
abfoluc  de  l'efprit  du  Roi  ,  ck  tout 
l'Empire  plioit  fous  elle.  Quelques 
jours  après  que  le  Roi  fe  fut  enfer- 
mé dans  l'Alcaffave  ,  on  publia 
qu'il  étoit  attaqué  d'une  rétention 
d'urine,  &  que  les  fuites  en  étoienc 
à  craindre;  la  Sultane  manda  auifi- 
tôt  à  Zidan  fon  fils  de  s'approcher. 


SEPTEMBRE,    173  4-       6oj 

fans  bruit  de  Méquinez  pour  pou-      dans  cet  équipage   ne    doutèrent 


voir ,  en  cas  que  le  P.oi  mourût  , 
s'aifurer  de  l'Empire  ,  &  s'emparer 
des  tréfors  de  fon  père  :  Zidan  tout 
ambitieux  &  tout  cruel  qu'il  étoit , 
répondit  à  fa  mère  :  Que  mon  père 
fait  mort  ou  vivant  je  ne  quitterai 
point  mon  pojle  :  s'il  recouvre  la  famé 
je  m'en  rejokirai  ;  s'il  meurt  je  monte- 
rai alors  fur  le  trône.  La  Sultane 
voyant  que  fon  fils  ne  vouloit 
point  fuivre  l'avis  qu'elle  lui  avoit 
donné ,  de  venir  à  Méquinez  avant 
la  mort  du  Roi  ,  fit  publier  par- 
tout que  le  Roi  étoit  mort  dans 
fon  AlcalTave  ,  elle  fe  perfuadoit 
qu'alors  Zidan  viendroit  en  dili- 
gence. 

Pour  donner  plus  de  couleur 
à  cette  fautte  nouvelle  ,  elle  ordon- 
na à  un  Eunuque  du  Serrail ,  de  fe 
tenir  à  l'entrée  de  l'Alcalfave  ,  re- 
vêtu des  armes  du  Roi  ,  Si  le  bas 
du  vifage  couvert  d'un  mouchoir. 
Ce  ftratagêmc  ne  lui  réufiît  pas  ,  & 
l'on  douta  toujours  que  le  Roi  fût 
mort ,  la  Sultane  chagrine  de  ne 
pouvoir  venir  à  bout  de  fon  def- 
iein  ,  tenta  une  autre  voye  pour 
perfuader  à  tout  le  monde  que  le 
Roi  étoit  mort ,  &  engagea  enfin 
Zidan  à  venir  fans  délai  à  Méqui- 
nez. Elle  fortit  du  Serrail  en  Calè- 
che ,  la  lance  à  la  main  ,  &  faifant 
porter  un  Sabre  devant  elle.  Plu- 
iîeurs  femmes  l'accompagnoient 
avec  des  Eunuques,  &  pour  em- 
pêcher qu'il  n'arrivât  quelque  fé- 
dition  ,  elle  crut  devoir  intimider 
le  peuple  en  faifant  maiTacrer  un 
Nègre  qui  fe  trouva  dans  fon  che- 
min.  Ceux  qui  virent  la  Sultane 


plus  dclamo.t  du  Roi.  L'.biolu 
pouvoir  dont  elle  ufoitdéja3r.ij-pel- 
la  le  fouvenir  d'une  parole  qu'elle 
avoit  lailïé  échapper  quelque  tems 
auparavant ,  fçavoir,  qu'on  verroit 
dans  l'Afrique  une  Reine  com- 
mander avec  autant  d'autorité  que 
la  Reine  de  la  Grande  Bretagne.  Il 
fe  répandit  à  ce  fujet ,  un  bruit  qui 
aigrit  les  efprits  ôc  fouleva  le  peu- 
ple. La  Sultane  fut  obligée  de  ren- 
trer au  plus  vîte  dans  l'Alcalfave  , 
jufqu'où  les  Maures  la  pourfuivi- 
rent. 

Le  Roi  informé  de  ce  qui  fc 
pafioit ,  crut  devoir  fe  montrer  au 
peuple  ;  il  parut  dès  l'inttant.  La 
furprife  fut  grande  ,  &  bien  -  tôt, 
après  on  n'entendit  dans  la  Ville 
que  cris  de  joye  ,  qui  touchèrent 
fenfiblement  ce  Piince.  L'Hifto- 
iien  raconte  à  ce  fujet  ,  Que  le 
bruit  de  la  convalefcence  du  Roi 
s'étant  répandu  de  toutes  parts  ,  les 
Alcaids  &  lcsGouverneuis  de  cha- 
que Place,  fe  rendirent  à  Méqui- 
nez pour  féliciter  le  Roi ,  6i  lui 
rendre  hommage;  Que  les  Efclaves 
Chrétiens  mirent  tout  en  ufage 
pour  fe  diftinguer  dans  cette  occa- 
fion  :  Qu'ils  firent  des  feux  d'arti- 
fice ,  où  étoient  reprefentés  un 
VaiiTeau,  une  Galère,  &  un  arbre 
fur  lequel  on  voyoït  un  oifeau,  qui 
en  voltigeant,  de  côté  &  d'autre  , 
embrafoit  tous  ces  artifices  avec  un 
feu  qu'il  lançoit  de  fon  bec  ;  Que 
le  Roi  fut  fi  fatisfait  de  ce  fpeiftacle 
qu'il  ne  put  s'empêcher  de  dire 
que  les  Chrétiens  l'aimoient  plus 
que  les  Maures, 


tfo*         JOURNAL   D 

Cependant  le  Cherif  Zidan  re- 
gnoit  toujours  fous  prétexte  de 
maintenir  les  peuples  dans  l'obéil- 
fance  due  à  fon  père  ,  mais  fon  rè- 
gne ne  fut  pas  long.  La  pallion 
qu'il  avoir  pour  le  vin  en  fut  caufe. 
11  ne  buvoit  jamais  fans  s'enyvrer  , 
&  le  vin  le  portoit  à  des  excès  de 
fureur  ,  dont  on  n'avoit  point  en- 
core eu  d'exemple  :  Il  malTacroit 
tous  ceux  qu'il  trouvoit  fur  fon 
chemin  ,  &  n'épargnoit  pas  même 
fes  femmes.  Le  Roi  voulant  fe  dé- 
faire de  ce  fils  à  quelque  piix  que 
ce  fût ,  ménagea  de  fecrettes  intel- 
ligences avec  les  femmes  de  Zidan. 
Celles-ci  fe  prêtèrent  d'autant  plus 
volontiers  audeffein  du  Roi,  qu'el- 
les vivoient  dans  une  crainte  conti- 
nuelle de  fe  voir  immoler  l'une 
après  l'autre  à  la  fureur  de  Zidan. 
Les  plus  mécontentes  s'étant  donc 
chargées  de  l'exécution  ,  faifirent 
le  moment  qu'il  étoit  plongé  dans 
l'y vrtiTe  ,  &c  l'étoufferent.  Le  Roi 
ayant  appris  la  mort  de  fon  fils, 
fit  emmener  à  Méquinez  fept  des 
femmes  deZidan  avec  le  Marchand 
qui  lui  fourniffbit  le  vin  &  les 
liqueurs  dont  il  s'enyvroit.  On 
livra  ,  dit  notre  Hiftorien,  les  fem- 
mes de  Zidan  entre  les  mains  de  la 
Sultane  fa  mère  ,  qui  affligée  de  la 
mort  de  ce  Prince ,  en  fit  étrangler 
trois  d'entr'ellcs  ,  après  leur  avoir 
fait  couper  les  mammelles ,  &  les 
leur  avoir  données  à  manger. 

Ce  que  notre  Hiftorien  rapporte 
de  la  conduite  que  garda  enfuite  le 
Roi  à  l'égard  de  ce  fils  rebelle  dont 
il  avoit  ordonné  qu'on  le  délivrât, 
eft  digne  de  remarque  :  noa  feule-. 


ES  SÇAVANS, 

ment  il  voulut  que  le  corps  de 
Zidan  fût  embaumé  ,  puis  mené 
fous  l'efcorte  de  fix  mille  Ca- 
valiers ,  à  Méquinez ,  pour  y  être 
inhumé  &c  mis  dans  le  tombeau 
des  Cherifs  avec  les  cérémonies  or- 
dinaires ,  mais  il  fit  bâtir  fur  le 
tombeau  de  ce  fils ,  une  Mofquée 
pour  fervir  d'azile  à  ceux  qui 
auroient  commis  quelques  crimes , 
&  voulut  que  chacun  y  allât  invo- 
quer comme  un  Saint ,  ce  Cherif 
mort  yvre  dans  une  Religion  qui 
détend  l'ufage  du  vin ,  ce  Cherif 
que  les  Maures  mêmes  n'avoient 
pu  fouffrir  pendant  fa  vie,  à  caufe 
de  fes  débauches  ,  &c  des  cruautez 
horribles  qu'il  exerçoit  fur  ceux  de 
fa  Nation  ,  comme  fur  les  Efcla- 
ves. 

Le  Roi  fe  flattoit  de  voir  régner 
la  paix  dans  fes  Etats  après  la  mort 
de  Mahamet  &c  de  Zidan  fes  deux 
fils  ;  mais  bien-tôt  il  fut  plongé 
dans  de  nouveaux  embarras  ,  par 
Mulei- Abdelmeleck,  un  de  fes  au- 
tres fils.  Ce  Cherif  qui  étoit  depuis 
long-tems  ,  Gouverneur  de  Suz, 
prenoit  dans  fon  Gouvernement , 
des  airs  de  Souverain,  il  pouffa  l'in- 
dépendance jufqu'à  refufer  de 
payer  le  tribut  au  Roi  fon  père  ,  Se 
ïecoua  le  joug.  Le  Roi  à  qui  fon 
grand  âge  ne  permettoit  pas  de 
s'engager  dans  une  guerre  civile  , 
employa  divers  moyens  pour  en- 
gager Abdelmeleck  à  revenir  à  la 
Cour  ,  &  lui  écrivit  même  plu- 
fieurs  Lettres  de  tendreffe  pour  le 
ramener  à  fon  devoir ,  mais  Ab- 
delmeleck continua  dans  fa  rébel- 
lion i  mettant  tout  en  œuvre  ce-j 


SEPTEMBRE,  1754.  tfoy 

pendant,  pour  amufcr  fon  père  par     ble  ,  ordonna  à  fes  gens  de  cacher 


de  belles  paroles  •,  le  Roi  qui  con- 
noifToit  le  mauvais  cœur  de  fon 
fils,  fe  Tentant  près  de  mourir  chan- 
gea l'ordre  de  fa  fucceffion  en  fa- 
iVeur  de  Mulei-Hamet  fon  autre  fils 
qu'il  nomma  pour  fon  fuccefleur  , 
quoique  ce  fils  fût  moins  âgé  de 
deux  ans  qu'Abdelmeleck. 

Mulei-Ifmacl  mourut  peu  après 
d'un  abcès  au  bas-ventre.  Ce  qui 
arriva  en  1727.  Peut-être  ne  fera-t- 
on pas  fâché  de  voir  ici  ce  que  no- 
tre Auteur  raconte  de  la  vie  &  de 
la  mort  de  ce  Prince. 

Mulei-Ifmaél  aimoit  à  monter  à 
cheval.  Cet  exercice  joint  à  la  vie 
frugale  qu'il  menoit  ,  contribua 
beaucoup  à  l'entretenir  dans  une 
fanté  parfaite.  .Sa  fobrieté  fut  fi 
grande  que  perfonne  dans  fes  Etats 
ne  porta  cette  vertu  fi  loin  que  lui. 
Il  obfervoit  fcrupuleufement  juf- 
qu'aux  plus  fuperflitieufes  cérémo- 
nies de  fa  Religion.  Son  attache- 


fa  mort  ,  jufqu'à  ce  que  fon  fils 
Hamet  eût  pris  toutes  les  mefures 
neceflaires  pour  s'affurer  de  la  Cou- 
ronne. Plufieurs  mois  fe  palTcrent 
après  cette  mort  fans  que  perfonne 
en  fût  informé.  On  expedioit 
les  affaires  à  l'ordinaire  ,  &  les  Al- 
caïds  avoient  reçu  chaque  mois  le 
tribut  comme  auparavant,  lorfquc 
le  peuple  furpris  de  n'avoir  vu  de- 
puis long  -  tems  fon  Souverain  ' 
commença  à  fe  plaindre:  il  en  vint 
bien  -  tôt  après  aux  murmures  & 
s'afiembla  en  foule  autour  du  Pa- 
lais ,  en  demandant  à  voir  le  Roi. 

Pour  appaifer  le  tumulte  on  ré- 
pondit que  le  Roi  étoit  entière- 
ment rétabli  ,  &  que  dans  peu  de 
jours  il  iroit  en  pèlerinage  à  une 
Mofquéc  éloignée  d'une  lieue"  de 
Méquinez  ,  pour  rendre  à  Dieu 
des  actions  de  grâces .  Au  jour  mar- 
qué on  vit  fortir  de  l'AlcafTave  le 
Carotte  du  Roi  bien  fermé  :    ce 


ment  pour  la  Loi  de  Mahomet  lui  Caroflc  fut  conduit  à  la  Mofquée  , 

attira  le  refpect  de  tous  les  peupies,  où  il  ne  fut  pas  plutôt  arrivé  ,  que 

&  ce  refpect  monta  à  un  fi  haut  !e  peuple  demanda  à  grands  cris  de 

point,que  ces  mêmes  peuples  fouf-  voir  le  Roi  qu'on  lui  cachoit.Alors 

froient  fans  fe  plaindre  ,  qu'il  exer-  le  Chef  des  Eunuques  fit  ouvrir  le 

çât  fur  eux'  les  cruautez  les    plus  CarofTe  &  montra  aux  affiftans  le 


inouïes. 

Sur  la  fin  de  fa  maladie  ,  une  fi 
àffreufe  puanteur  exhala  de  fon 
corps  ,  que  tout  le  monde  fut  obli- 
gé de  fortir  de  l'appartement , 
malgré  la  grande  quantité  de  par- 
fums qu'on  y  brûloit  fans  celle. 
Enfin  il  ne  refta  pas  une  feule  per- 


Roi  mort ,  qu'on  ramena  enfuitc  à 
Méquinez  où  il  fut  inhumé  dans 
fon  propre  Palais  avec  les  cérémo- 
nies ordinaires. 

L'Hiftorien  parle  icidePAmbaf- 
fade  que  Mulei-Ifmaél  envoya  ai* 
Roi  de  France  Louis  XIV  en  itfy?. 
Il  raconte  tout  ce  qui  y  donna  lieu, 


fonne  pour  recevoir  le  dernier  fou-  &  tout  ce  qui  s'y  paffa  ;  nous  fup- 
pir  de  ce  Prince.  Mulei  -  Ifmaël  primons  l'article  pour  abréger  3 
{voyant  que  fon  mal  étoit  incuia-,    nous  en  rapporterons  feulement 


6ot  JOURNAL    DES    SÇAVANS, 

un  endroit.  L'Ambaffadeur ,  quife  A  peine  eut  on  appris  dans  les 
nommoit  Abdala ,  fut  fi  épris  en  Provinces  de  l'Empire,  cette  pro- 
voyant l'air  majeftueux  de  Louis  clamation  ,  que  tout  le  monde  cou- 
XIV,  qu'il  ne  put  s'empêcher  de  rut  aux  armes  ,  furpris  Si.  indigne 


dire  tout  tranfporté  ,  qu'//  fallait 
marcher  fur  la  tète  comme  fur  les 
pieds ,  fi  cela  pouvait  procurer  plus 
promptement  le  bonheur  de  voir  un  tel 
Prince  :  cette  expreflïon  toute  ex- 
traordinaire qu'elle  paroît  ,  l'eft 
encore  moins  que  celle  dont  ce 
même  Ambafladeur  fe  fervit  en 
répondant  à  Madame  qui  lui  de- 
mandoit  s'il  aimoit  naturellement 
le  beau  fexe ,  le  feu  de  mon  amour 
pour  les  femmes ,  dit  il ,  efl  fi  violent 
que  s'il  était  allumé  fur  les  rochers  les 
plus  durs  ,  il  les  ferait  tous  fondre 
comme  de  l'eau  :  Un  jeune  Seigneur 
prefent  à  ce  difeours  ,  prit  la  paro- 
le ,  Se  fit  entendre  à  l' Ambafladeur, 
que  s'il  avoit  tant  de  palïion  pour 
les  Dames ,  il  trouverait  à  Paris  de 
quoi  fe  fatisfaire  ;  l'Ambafladeur 
répliqua  avec  fagefle,  que  la  place 
étoit  prife  par  fon  époufe ,  qu'il  en 
avoit  eu  dix  enfans ,  Se  que  jamais 
il  ne  lui  avoit  manqué  de  toi. 

Notre  Hiftoricn  ,  après  avoir 
parlé  de  l'Ambaflade  dont  il  s'agit, 
reprend  le  fil  de  fon  Hiftoire  ,  ce 
que  nous  allons  faire  avec  lui,  mais 
de  la  manière  la  plus  concife  qu'il 
nous  fera  poilîble. 

Mulei-Ifmaél  étant  donc  mort , 
comme  nous  l'avons  remarqué ,  le 
Bâcha  -  Empfaêl  Chef  des  Nègres 


de  ce  que  Mulei-Ifmacl  avoit  choi- 
(i  pour  fon  SucceiTeur ,  le  plus  jeu- 
ne de  fes  enfans  &  le  plus  débau- 
ché -,  notre  Auteur,  à  cette  occa-î 
fîon,  fait  le  portrait  de  ce  Prince  , 
&  voici  avec  quelles  couleurs  ; 
»  Mulei-Hamet  avoit  un  penchant 
»  extraordinaire  pour  l'yvrogneric 
»  &  pour  les  femmes  ,  il  étoit 
»  grand  ,  d'une  phylîonomie  fa- 
»  rouche&  cruelle  ,  il  avoit  le  vi- 
»  fage  bouffi  &  fort  gravé  de  pe- 
»  tite-vérole  ,  le  devant  de  la  bou- 
»  che  dégarni  de  dents ,  Se  h  cou- 
»  leur  d'un  mulâtre.  Son  habille- 
»  ment  ordinaire  étoit  une  Alha- 
»  que  blanche,  fur  laquelle,  quand 
»  il  faifoit  froid  ,  il  porroit  un  long 
»  manteau  noir  ;  fon  Turban  étoit 
»»  une  ceinture  de  foye  verte  ,  ac- 
30  commodee  avec  la  néslisiencc 
»  d  un  yvrogne. 

Ce  nouveau  Roi  voulant  s'atti- 
rer la  bien  -  veillance  du  peuple, 
employa  pour  cela  divers  moyens 
que  notre  Hiftorien  rapporte  ,  Se 
dont  quelques  uns  loin  de  lui  réuf- 
fir  ,  ne  fervirent  qu'à  foulever 
contre  lui  les  habitans  de  Fez 
ceux  de  Tetuan  ,  Se  les  Monta- 
gnars  des  environs.  Nous  fup- 
primons  le  détail  où  entre  notre 
Auteur  fur  cet  article  Se  fur  plu- 


executa  les  ordres  qu'il  en  avoit  fîcurs  autres  qu'il  ne  nous  eft  pas 

reçus.  Tl  plaça  Mulei-Hamet  fur  le  poffible  d'extraire  ici  :  nous  remar- 

Trône  de  fon  père  ,  Se  après  les  querons  feulement  une  circonftan- 

adorations  Se  les  cérémonies  accoû-  ce  qu'il  rapporte  au  fujet  de  la  Vii- 

tuméesje  proclama  Roi  de  Maroc,  le  de  Tetuan ,  Se  qui  eft  allez  fîn- 

de  Fez ,  &c.  gulierc  ; 


S  E  P  T  E  M 

guliere  ,  c'eft  qu'une  haute  &c  grof- 
îe  Tour  qui  fervoit  de  défenfe  à 
cette  Ville  ,  étant  tombée  ,  &  les 
Juifs  renégats  ayant  été  choifis 
pour  la  relever  promptement  [  ce 
qui  demandoit  de  grandes  peines.] 
On  ne  crut  pas  qu'il  y  eût  de  meil- 
leur moyen  pour  animer  les  Ou- 
vriers à  ce  travail  ,  que  de  fai- 
re chanter  des  Muficiens  auprès 
d'eux  :  la  chofe  fut  exécutée  ,  Se 
on  leur  envoya  tout  le  corps  des 
Muficiens  Maures.  La  Mulîque  eut 
fon  effet ,  la  Tour  fut  bâtie  en  très- 
peu  detems. 

L'Hiftorien  ,  après  avoir  expofé 
au  long, un  grand  nombre  d'évene- 
mens  concernant  les  Gouverneurs 
de  diverfes  Places ,  revient  au  Roi 
Mulei-Hamct  ,  dont  il  raconte  di- 
verfes cruautez.  Ce  Roi  fit  un  jour 
jetter  du  haut  d'une  Tcrraflc  très- 
élevée  ,  un  Nègre  qui  avoit  foin 
de  fes  pipes  6c  de  fon  tabac  t  parce 
que  ce  malheureux  avoit  un  peu 
tropprefle  le  tabac  dans  la  pipe.  Il 
en  condamna  un  autre  à  la  berne 
pour  ne  lui  avoir  pas  amené  Ces 
chiens  allez  promptement. 

La  berne  eft  unfupplice  des  plus 
cruels  que  les  Maures  ayent  inven- 
tes. La  plupart  de  ceux  à  qui  on  le 
fait  fouffrir ,  perdent  la  vie  au  mi- 
lieu de  l'exécution  ,  ou  relient 
cftropiès  toute  leur  vie  :  trois  ou 
quatre  Nègres  des  plus  forts,  pren- 
nent le  patient  par  les  pieds,  tk 
après  l'avoir  adroitement  tourné 
du  côté  qu'ils  veulent,  ils  le  lan- 
cent en  l'air  de  toutes  leurs  forces, 
Se  le  laiflent  tomber  fur  terre ,  ce 
qu'ils  réitèrent  plufieurs  fois.  Le 
Spnemb, 


B  R  E  ,    1754.  r>07 

Roi  ne  bornoit  pas  à  ces  fupplices 
fon  inhumanité.  Il  fit  un  jour  arra- 
cher toutes  les  dents  à  une  de  fes 
Favorites  pour  quelque  léger  mé- 
contentement qu'il  avoit  reçu 
d'elle  :  peu  de  jours  après  ne  fe  ref- 
fouvenant  plus  d'une  action  fi  bar- 
bare ,  il  ordonna  qu'on  lui  amenât 
cette  infortunée.  On  lui  dit  que  la 
douleur  qu'elle  fouffroitne  lui  per- 
mettoit  pas  de  paroître  devant  lui  , 
ayant  demandé  la  caufe  de  cette 
maladie  ,  il  fit  venir  celui  qui  avoit 
fait  l'exécution  &  lui  fit  arracher  à 
fon  tour  ,  toutes  les  dents  ,  puis  les 
envoya  dans  une  boè'tc  à  fa  Favori- 
te ,  pour  la  confolcr  de  celles  qu'el- 
le avoit  perdues.  Il  fit  mourir  un 
jour  deux  de  fes  Cuifiniers  pour  ne 
lui  avoir  pas  apreté  un  diné  félon 
l'on  goût.  Il  s'enyvroit  très-  foa- 
vent,  &  ce  qu'il  y  a  de  furprenant , 
c'cft  que  dans  fon  y  vrefTe  il  caref- 
foit  tous  ceux  qui  fc  prefentoient 
devant  lui  ,  Si  les  combloit  de 
bienfaits  ,  au  lieu  que  dans  le  fang 
froid  ,  c'étoit  le  plus  inhumain  de 
tous  les  hommes.  De  forte  que 
ceux  qui  approchoient  de  fa  per- 
fonne,  ne  s'étudioient  qu'à  l'en y- 
vrer  &:  à  le  maintenir  le  plus  long- 
tems  qu'il  leur  étoit  pofllble  dans 
cet  état.  Nous  panons  fous  filcnee 
des  cruautez  de  ce  Roi,  encore  plus 
grandes  que  celles  que  nous  ve- 
nons de  rapporter. 

Nous  ne  fçaurions  fuivre  notre 
Hiuoricn  dans  tout  ce  qu'il  racon- 
té des  différentes  révolutions  arri- 
vées depuis  dans  l'Empire  des 
Cherifs.  Nous  finirons  par  ce  qui 
concerne  Mulei-Abdala  ,  qui,  ea 

Y   Y  Y 


6o8  JOURNALD 

173 1.  après  la  mort  de  Mulei-d'A- 
hebifon  i.erc,fut  proclamé  Roi  de 
Maroc' Ce  Prince  eit  mulâtre  & 
îgé  d'environ  trente  ans.  Il  en  ufe 
fort  humainement  envers  les  Chré- 
tiens ,  &  ce  qui  elt  bien  elïentiel 
dans  un  Roi  ,  il  garde  religieufe- 
ment  fa  parole.  Mais  aulli  il  punit 
très  -  févérement  ceux  qui  man- 
quent à  leurs  engagemens.  En  voi- 
ci un  exemple  bien  terrible. 

Un  Alcaïd  ayant  retufé  de  payer 
îc  tribut  ordinaire  ,  le  Roi  fit  venir 
devant  lui  le  coupable  ,  puis  en 
prefence  de  toute  fa  Cour  ,  il  don- 
na ordre  qu'on  amenât  au  milieu 
de  la  Place  un  bœuf.  Le  bœuf  arri- 
vé ,  on  lui  coupa  ,  par  ordre  du 
Roi  ,  la  tête  ck  le  col  ;  enfuite  on 
lui  ouvrit  le  ventre  depuis  le  haut 
jufqu'en  bas.  Cela  fait ,  arrivent  lîx 
hommes  qui  fe  faiiirent  du  crimi- 
nel ,  &  après  l'avoir  dépouillé  , 
l'enfermeient  dans  le  ventre  du 
bœuf ,  mais  de  manière  que  la  tête 
du  patient  fortoit  par  le  haut  du 
corps  de  l'animal  ,  ce  qui  donnoit 
à  l'Alcaïd  la  facilité  de  refpirer. 
On  lia  enfuite  le  bœuf  avec  fix 
grands  cercles  de  fer ,  pour  empê- 
cher le  patient  de  fe  dégager,  &C 
on  laifla  périr  ainfi  ce  malheureux. 
Mais  pour  prolonger  fon  fupplice, 
on  luijettoit  de  tems  entems  dans 
la  bouche,  des  poignées  de  ris  &:  de 
eufeucu.  Le  malheureux  mourut 
enfin  ,  fon  corp6  tombant  en  pour- 
riture. 

L'Hiftorien  prétend  que  c'eft 
par  de  femblablcs  cruautez,  que  fe 
îbûtiennent  encore  aujourd'hui  fur 
le  Trône  les  defeendans  des  Che- 


ES   SÇAVANS, 

rils  :  comme  les  "peuples  qu'ils 
gouvernent  font  rebelles  &  grof- 
fiers ,  il  faut ,  dit-il ,  pour  les  con- 
tenir dans  l'obéilTance,employer  les 
plus  rigoureux  fupplices ,  &  avoir 
toujours  le  Sabre  à  la  main. 

Dans  l'Extrait  que  nous  avons 
donné  de  l'Eloge  du  Czar  Pierre  le 
Grand  ,  le  mois  de  Février  dernier^ 
nous  avons  remarqué  ,  après  l'Au- 
teur de  cet  Eloge  3  que  les  Mofco- 
vites.avant  que  le  Czar  les  eût  po- 
licés étoient  d'un  caraétere  à  peu- 
près  femblable  à  celui  -  ci.  Ils  ne 
connoiiToient  la  grandeur  &  la  fu- 
periorité  de  leurs  Souverains ,  que 
par  le  pouvoir  que  ces  Souverains 
avoient  de  leur  faire  du  mal ,  &  un 
maître  indulgent  &  facile  ,  bien 
loin  de  leur  paroître  un  grand 
Prince  ,  leur  eût  à  peine  paru  un 
Maître. 

La  première  Partie  de  cette  Hi- 
ftoire  de  l'Empire  des  Cherifs  s 
comme  on  l'a  pu  voir  dans  l'Ex- 
trait que  nous  en  avons  donné,  elt 
terminée  par  la  Relation  de  la  prife 
d'Orah  en  1509.  fous  Ferdinand. 
Cette  féconde  Partie  fe  termine  par 
la  Relation  de  la  prife  de  la  même 
Ville  en  1731.  fous  Philippe  V.  Se 
l'Auteur  rapporte  avec  beaucoup 
d'exadtitude  tout  ce  qui  s'eft  pane 
à  ce  Siège  depuis  l'année  1732.  juf- 
qu'au  mois  de  Mai  1733.  après 
quoi  il  fait  le  portrait  du  Marquis 
de  Sainte  -  Croix  qu'on  a  vu  en 
France  Ambafladcur  duRoid'Ef- 
pagne  Philippe  V.  Se  quia  facrifié 
fa  vie  pour  conferver  à  ce  Prince 
une  partie  de  fes  conquêtes.  Le 
portrait  cft  foivi  d'un  Catalogue 


S  E  P  T  E  M 

des  Ouvrages  de  ce  Marquis.  Le 
premier  coniîitc  en  des  Reflexions 
Politiques  &c  Militaires ,  dont  dix 
Volumes  /H-40.  ont  paru  à  Tuiin  , 
&  un  onzième  à  Paris.  Le  Marquis 
de  Sainte -Croix  en  finifloit  un 
douzième  ,  quand  il  eut  ordre  de 
fe  rendre  à  Alicante.  Il  y  en  a  un 
treizième  Volume  qui  concerne 
les  vivres  ,  c'eft  une  traduction  du 
Parfait  Munitionnaire  des  Armées , 
donné  dans  le  commencement  de 
ce  ilécle  par  M.  Nodot.  Cette  Tra- 
duction qui  eft  d'un  des  Pages  du 
Marquis  de  Sainte  -  Croix  ,  a  été 
corrigée  par  ce  Marquis ,  &  adop- 
tée par  lui  pour  treizième  Volume 
des  Reflexions  Politiques  &  Mili- 
taires ,  lcfquclles  dévoient  monter 
à  une  vingtaine  de  Volumes ,  où 
toutes  les  parties  de  la  guerre  au- 
roient  été  traitées  avec  les  mêmes 
lumières  qu'il  a  répandues  dans  les 
Volumes  précedens.  11  avoit  com- 
mencé un  plus  grand  travail  qui 
étoit  l'Hiftoire  des  Traitez  de  Paix 


B  R.  E ,     1754:  6a$ 

de  la  Couronne  d'Efpagne  ,  avec 
les  autres  PuifTances  ■■,  comme  c'eft 
au  tems  deFcidinand  lcCatholique 
que  le  Droit  Public  de  l'Europe  a 
commencé  à  fe  former  fur  le  pied 
où  il  eft  aujourd'hui ,  c'eft  auflî  au 
mariage  de  ce  Prince  avec  l'Infante 
Ifabelle  de  Caftille ,  qu'il  commen- 
çoit  fon  Ouvrage  ,  où  il  avoit  aflo- 
cié  M.  l'Abbé  Langlet  -Dufrenoy. 
Sa  Majefté  Catholique  lui  avoit 
fait  envoyer  des  copies  certifiées 
des  Archives  de  Simancas ,  où  fe 
trouve  le  dépôt  des  Droits  &c  des 
Traitez  de  la  Couronne  d'Efpagne. 
Ces  Actes  ,  accompagnés  de  leur 
Hiftoire  &  d'Obfervations  necef- 
faires ,  dévoient  faire  la  partie  la 
plus  eflentielle  de  l'Ouvrage. 

Voilà  ,  avec  les  deux  Extraits 
que  nous  avons  déjà  donnés  de  cet- 
te Hiftoirc  de  l'Empire  des  Che- 
rifs  ,  tout  ce  que  nous  en  avons  pu 
rapporter  pour  mettre  les  Lecteurs 
eu  état  d'en  juger. 


V  v  vi) 


6io       JOURNAL     DES     SÇAVANS, 


GYN1COLOGIA  HISTORICO  -  MEDICA  ,  HOC  EST 
congrelTus  muliebiis.  Conhdcratio  Phyfico  -Médico -  Forcnfis  ;  qui 
utriufque  fexùs  falacitas  &  caftitas  ,  deindè  varia  circa  hune  actum  , 
nec  non  congrellus  ob  atrciiam^fcu  vagina:  uterinx  imperforationem  Si. 
alias  caufas  impeditus  &:  denegatus,  raris  Obfervationibus  Si  aliquot 
cafibus  Medico  Forenhbus  exhibentur.  D.  Martino  Schurigio  ,  Phyiî- 
co  -  Drefdenfî.  Drefdx  ,  &Lipïîx,  in  Oflîcinà-Librariâ-Hekelianâ  , 
1731. 

€'eft-à-dire  :  La  Gynécologie  ,  ou  Traite  Hifloricjue  ,  Phyfî-.jue  &  Civil } 
de  l'habitation  de  la  femme  avec  l'homme  ,  par  rapport  aux  fins  du  mariage; 
ok  l'on  agite  fur  ce  fujet  diverfes  cjuejlions  curieufes  &  importantes  _,  tant  de 
Médecine  cjue  d.e  Jurifpmdence.  Par  Martin  Schurigius  ,  Médecin  de 
Drefd-:.  A  Drefde  Si  à  Leipfic.  i7J.r.  Se  vend  à  Paris  ,  chez  Jollain  i 
Quai  de  la  Tournclle. 


Scurigius ,  Auteur  du  Trai- 
.  ré  de  la  Parthénologie  , 
dont  nous  avons  parlé  dans  le  Jour- 
nal d'Aouft  dernier  ,  examine  d'a- 
bord ici  ce  que  c'eft  dans  les  fem- 
mes, que  la  paillon  appelléc  par  les 
Latins  falacitas ,  quel  en  efr  le  fié- 
ge  ,  quelle  en  eft  la  caufe  ,  Si  plu- 
fieurs  autres  queftions  femblables , 
que  nous  croyons  devoir  palier  , 
aullîbien  que  diverles  remarques 
qu'on  fait  enfuite  fur  l'origine  du 
nom  de  Cornuti  donné  aux  maris 
dont  les  femmes  font  infidelles  , 
&  fur  les  maris  qui  dans  l'Hiftoirc 
font  les  plus  fameux  par  cet  en- 
droit. Viennent  enfuite  un  nombre 
confiderable  d'Hiftoires  qui  font 
voir  à  quelles  extravagances  la  paf- 
iion  de  l'amour  eft  capable  de  por- 
ter les  hommes  ,  Si  principalement 
les  femmes.  A  ces  exemples  en  fuc- 
cedent  un  nombre  infini  d'autres 
qui  montrent  au  contraire  quel 
eft  fur  les  perfonnes  vertueufes 
l'empire  de  h  chafteté  ;  on  entafle 


fur  l'un  Si  l'autre  point ,  citations 
fur  citations ,  Se  on  fait  voir  qu'où 
a  beaucoup  lu.  De  ces  articles  M. 
Schurigius  paffe  à  l'examen  d'un 
grand  nombre  de  queftions  con- 
cernant le  mariage ,  les  principales 
font: 

i°.  S'il  peut  arriver  qu'une  fem- 
me conçoive  d'elle-même. 

2".  Si  en  concevant  en  la  ma- 
nière ordinaire  qui  palTe  avecraifon 
pour  être  l'unique,  il  fe  peut  faire 
qu'une  femme  demeure  alors  infen- 
fifele. 

f.  Si  quand  une  femme  eft  en 
âge  de  devenir  naere  ,  il  y  a  de9 
tems  plus  convenables  que  d'autres 
pour  la  fécondation. 

40.  Si  l'ufage  immodéré  du  ma-j 
riage  eftnuifible  à  la  fanté. 

50.  Quels  font  les  cas  où  une 
femme  ,  par  rapport  à  certains 
vices  corporels  de  fon  mari ,  peut 
demander  à  être  féparée  d'avec  lui; 
quels  font  tout  de  même  ceux  où 
un  homme  ,  pour  raifons  fembla- 


S  E  P  T  E  M 

blés  de  la  part  de  fa  femme  ,  peut 
demander  à  être  féparé  d'avec  elle. 
6°.  Si  une  femme  peut  devenir  en- 
ceinte nonobftint  certains  débuts 
de  conformation  qui  femblent  la 
devoir  rendre  abfolument  incapa- 
ble de  concevoir, 

7°.  Par  quels  moyens  on  peut 
remédier  à  ces  fortes  de  défauts. 

S0.  Si  pour  certaines  raifons  de 
fanté  ,  une  temme  peut  fe  retufer  à 
l'on  mari  Se  un  mari  fe  refufer  à  fa 
femme. 

9°.  Si  une  haine  invincible  de  la 
femme  pour  fon  mari,  ou  une  fem- 
blable  haine  du  mari  pour  fa  tem- 
me ,  peuvent  autorifer  réciproque- 
ment l'un  &  l'autre  à  la  demande 
de  féparation. 

io°.  Si  une  femme  ou  fille  qui  a 
pafTé  un  certain  âge  &  qui  jouit 
d'une  parfaite  fanté  ,  peut  ,  lors- 
qu'elle fe  trouve  grolTe  ,  être  bien 
reçue  à  dire  qu'on  l'a  prife  de 
force. 

1 1°.  S'il  y  a  des  cas  où  une  fem- 
me ou  fille  puifTe  devenir  enceinte 
à  fon  infçn. 

1 1°.  Si  la  feience  des  Médecins  , 
des  Chirurgiens,  des  Sages -Fem- 
mes ,  peut  être  allez  grande  pour 
connoître  qu'il  a  été  fait  violence 
à  une  femme  ou  fille. 


BRE,     175  4-  611 

1 3°.  Lequel  des  deux  fexes  a  le 
plus  de  penchant  pour  l'autre. 

140.  A  quel  âge  une  femme  ou 
fille  peut  avoir  des  enfans. 

Au  regard  de  ce  dernier  article  , 
voici  ce  que  rapporte  notre  Au- 
teur -,  il  cite  là  -  deflus  fes  garands 
comme  fur  tous  les  autres  points 
de  fon  Livre.  Dans  la  Colchide  on 
voit  plulîeurs  mères  qui  n'ont  que 
dix  ans  ;  leurs  enfans  nouveaux 
nés  ne  font  guéres  plus  grands  que 
des  grenouilles;  mais  quand  ils  ont 
atteint  un  certain  âge,ils  font  d'une 
taille  très  avantageufe. 

Dans  la  Souabe  on  a  vu  des  fil- 
les acoucher  à  neuf  ans  ,  d'autres  à 
huit;  la  même  chofe  s'eft  vûë  en 
plusieurs  autres  Pays  :  l'ufage  eft 
chez  les  Brachmancs  de  marier  les 
filles  à  cinq  ou  fix  ans. 

Ceux  qui  feront  curieux  de  ces 
fortes  de  matières ,  peuvent  coir- 
fulter  notre  Auteur.  Au  refte  il  fuit 
ici  ,  à  l'égard  des  citations  ,  la 
même  méthode  qu'il  a  fuivie  dans 
fa  Parthénologie  ,  qui  eft  d'accu- 
muler fur  tous  les  articles  dont  il 
parle,le  plus  de  partages  d'Auteurs 
qu'il  lui  eft  poflible. 

Son  Livre  fe  vend  à  Paris  chez 
Gérard  Jollain  t  Libraire  t  Quai 
delaTournelle. 


6i2  JOURNAL  DES  SÇAVANS. 


THESAURUS  MORELLIANUS,  SIVE  FAMILIARUM 
Romanarum  Nnmifmata  omnia  ,  diligentiflîme  undiqueconquifita, 
ad  ipforum  Nummorum  fidem  accuratiliîme  delineata  ,  Se  juxta  ordi- 
nem  FulviiZJrfim  SeCaroli  Patini  difpofita  à  ccleberrimo  Antiquario 
Andréa  Morellio.  Accedunt  Nu  m  mi  mifcellanei  ,  Urbis  Romx  , 
Hifpanici ,  £c  Goltzjani  dubix  fidci  omnes.  Nunc  primum  cdidit ,  Se 
Commentario  perpetuo  illuftravit  Sigebertus  Havercampus.  Ara- 
ftelxdami ,  apud  J.  "Wetftenium  Se  Gui.  Smith.  1734. 

C'eft  -  à  -  dire  :  Irifor  de  toutes  les  Médailles  des  Familles  Romaines  t  re- 
cueillies de  tous  cotez,  avec  gr.md  foin  }  dejfînées  trèsexatlement  d'après  les 
Types  originaux  ,  &  rangées  fuivant  l'ordre  de  Fulvius  Urhnus  Se  de 
Charles  Patin  ,  par  le  c  libre  Antiquaire  André  Morel.  On  y  a  joint  des 
Médailles  mêlées  ■  celles  de  la  Ville  de  Rome  f  celles  d'Efpagne  t  &  toutes 
celles  de  Goltzius  qui  paroijfent  douteufes  :  le  tout  mis  au  jour  par  Sige- 
bert  Havercam"  ,  &  accompagné  des  Notes  de  cet  Editeur.  A  Amfter- 
dam,chezj.  JVetflein  Se  Guillaume  Smith  ,  Se  fe  trouve  à  Paris  , 
chez  Guillaume  Cavelier  ,  Libraire  ,  rue  S.  Jacques  au  Lys  d'or. 
1734.  in  folio  ,  2.  Vol.  Tom.  I.  Planches  clxxxiv.  Sans  compter  l'E- 
pître  Dédicatoire ,  la  Préface  &  la  Table  des  Médailles.  Tom  II. 
pag.  664.  Sans  y  comprendre  les  autres  Tables. 


ENTRE  les  Sçavans  qui,  dans 
le  dernier  fîccle  ,  ont  raideur 
capital  de  la  recherche  Se  de  l'étu- 
de des  anciennes  Médailles  ,  nuls 
ne  s'y  font  autant  diftingués  que 
les  deux  célèbres  Antiquaires  Jean 
Foy-Vaillant ,  &  André  Morel.  Il 
eit  vrai ,  que  pour  enrichir  Se  per- 
fectionner ce  genre  de  Littérature , 
ils  ont  fuivi  des  routes  différentes. 
Le  premier  foûtenu  par  les  largcffes 
de  fon  Prince  ,  parcourut  plus 
d'une  fois  l'Italie  ,  la  Grèce  ,  Si  di- 
vers autres  Pays  ,  où  il  fit  une  am- 
ple moiffon  de  Médailles  rares, 
dont  la  plupart  entrèrent  dans  le 
Cabinet  du  Roi ,  cV  le  relie  fut  di- 
uribué  à  plulieurs  curieux  ,  qui  en 
ornèrent  leurs  Médailliers.  Le  fé- 
cond ,    qui  voyageoie  à  fes  frais 


dans  les  principaux  Etats  de  l'Eu- 
rope ,  Si  dont  les  Facilitez  ne  pou- 
voient  fournir  à  de  fréquens 
achapts ,  mit  en  œuvre  le  talent  du 
delfein  ,  dans  lequel  il  excelloit, 
&  par  ce  moyen  il  vint  à  bout  de 
s'approprier  en  quelque  façon  les 
Types  de  toutes  les  Médailles  fin- 
gulieres  que  lui  offraient  en  grand 
nombre  les  plus  riches  Cabinets  : 
en  quoi  ,  il  fe  rendit  comparable 
pour  ne  pas  dire  préférable  ,  au  fa- 
meux Goltzius.  Ce  fur  donc  à  l'i- 
miration  de  celui-ci  que  Morel  for- 
ma le  projet  de  raflembler  dans 
ptuficurs  Volumes  routes  les  Mé- 
dailles antiques  connues  jufques 
alors  ,  ejeft-à-dire  ,  non  feulement 
toutes  celles  qu'on  avoit  déjà  pu- 
bliées ,  Se  qu'il  prétendoit  vérifier 


S  E   P   T  E  M 

en  les  comparant  avec  les  Types 
originaux  qu'il  avoir  vus  £c  dont  il 
avoir  eu  foin  de  tirer  d'exactes  co- 
pies \  mais  de  plus  toutes  celles  qui 
n'avoient  point  encore  paru,  ex  que 
dans  les  voyages  il  avoit  eu  occa- 
sion de  voir  Si.  de  ddîîner.  Les  ri- 
chefies  de  ce  genre  cachées  dans  les 
Médailliers  de  plusieurs  Antiquai- 
res ,  &  "fur-tout ,  celles  que  renfer- 
moit  le  Cabinet  du  Roi  ,  qu'il  def- 
fina  toutes  ,  dévoient  lui  être  d'un 
très  grand  fecours  pour  l'exécution 
d'un  tel  deflein. 

Il  en  communiqua  au  public  un 
premier  EfTai  qui  fut  imprimé  à 
Paris  en  1683.  /'»-8°.  fous  le  titre  de 
Spximen  univerft  rei  Nummariœ 
yintiquit  ,  quoi  Litteratorum  7{eipu- 
blict  proponit  Andréas  Adorellius* 
J-JelvetHs.  Mais  la  difgrace  qu'il  eut 
à  efluyer  enFrance,où  pendant  trois 
ans  on  le  retint  pnfonnicr  après  lui 
avoir  enlevé  tous  fes  deffeins  Se 
tous  fes  papiers,  retarda  beaucoup 
le  progrès  du  grand  Ouvrage,  dont 
il  venoit  de  donner  comme  l'ébau- 
che. Après  fon  élargiifement  ,  il 
partit  pour  l'Allemagne ,  où  il  pu- 
blia une  féconde  Edition  de  fon 
Elîai  considérablement  augmenté  , 
mife  au  jour  à  Leipfic,  en  1695. 
i»-8°.  &  dans  laquelle  il  annonçoit 
un  Recueil  de  plus  de  15  mille 
Médailles  delîinécs  de  fa  propre 
main  &  en  état  d'être  gravées. 
Mais  la  perte  qu'il  fit  d'un  puilfant 
Patron ,  dont  les  liberalitez  croient 
pour  lui  une  grande  refïource  ,  le 
chagrin  qu'il  en  conçut  Se  une  pa- 
r-alyfie  furvenuë  en  confequence  , 
qui  luiôtoit  abfolument  i'ufage  de 


B  R  E  ,    1734-  6 1 3 

la  main  droite  ,  le  mirent  prcfque 
dans  l'impollibilité  de  continuer 
fon  travail. 

Ces  fâcheux  contretems  ne  fu- 
rent pas  capables  néanmoins  de  lui 
faire  abandonner  pour  toujours  fon 
entreprife.  Il  recouvra  un  généreux 
protecteur  en  la  perfonne  du  Com- 
te de  Schwartzbourg  ,  qui  lui  don- 
na Chrétien  Schlegel  pour  Secrétai- 
re :  ce  qui  réchauffa  un  peu  fon  ar- 
deur pour  la  Littérature  métalli- 
que ,  &  le  fit  penfer  tort  férieufe- 
ment  à  remplir,  du  moins  en  par- 
tie, les  engagernens  qu'il  avoit  pris 
fur  cet  article  avec  le  public.  Il  re- 
folut  donc  de  donner  en  premier 
lieu  les  Médailles  Confulairts  qu'il 
avoit  déjà  par  devers  lui  ,  toutes 
gravées  de  la  main  de  J.  G.  Ment- 
zei  ,  ainfi  que  celles  des  douze 
premiers  Empereurs  ,  qu'il  fe  pro- 
pofoit  de  publier  à  la  fuite  des  Con- 
sulaires -,  &  c'eft  de  quoi  il  rend 
compte  lui  même  dans  une  Lettre 
écrite  à  Périzonius.  Une  mort  im- 
prévue rompit  toutes  ces  mefures  ;■, 
Se  les  planches  de  Morel  étant 
tombées  entre  les  mains  de  Fritlch 
Libraire  ,  fes  héritiers  dans  la  fuite 
les  vendirent  aux  Sieurs  Wetftein  ; 
chez  qui  M.  Havercamp  les  vit 
pour  la  première  fois  ,  il  y  a  envi- 
ron cinq  ans ,  dans  un  voyage  qu'il 
fit  à  Amfterdam. 

Celui-ci y  charmé  d'avoir  fait  la 
découverte  d'un  Tréfor  de  cette 
importance  ,  Se  qu'il  croyoit  per- 
du,forma  dès  lors  le  defiein  de  s'en 
rendre  l'Editeur.  Quelque  occupé 
qu'il  fût  en  ce  tems  là  d'un  Ouvra- 
ge de  fa  façon  déjà  fort  avancé  ,  qui' 


6 14         JOURNAL    D 

comprenoit  les  Médailles  gravées 
de  tous  les  anciens  Rois  Grecs^avec 
leurs  explications  ;  Médailles  dont 
à  peine  il  reftoit  à  graver  une  hui- 
tième partie  :  cet  Ouvrage  fut  to- 
talement interrompu  en  faveur  du 
Tréfor  de  Morel,  à  l'édition  du- 
quel M.  Havercamp  fe  livra  tout 
entier.  L'intention  du  défunt 
en  publiant  ce  Tréfor  ,  étoit  d'ac- 
compagner chaque  Médaille  Con- 
fulaire  ,  des  Notes  deFulvius-Ur- 
finus  Si  de  celles  de  Patin  ,  lorf- 
qu'il  s'en  trouvoit  pour  cette  Mé- 
daille i  £v  d'y  joindre  les  hennés  , 
tant  pour  les  Médailles  de  ce  genre 
déjà  expliquées  ,  que  pour  celles 
qui  n'avoient  point  encore  paru. 
C'eft  ce  que  notre  Editeur  comprit 
aifémenc  à  la  feule  infpeétion  de 
l'exemplaire  que  Morel  avoit  pré- 
paré pour  fon  ufage ,  &  qui  étoit 
compofé  de  deux  exemplaires  de 
Patin  collés  enfemble  &c  avec  une 
feuille  de  papier  blanc  entre  deux 
feuillets  imprimés  ,  laquelle  étoit 
deftinée  à  recevoir  les  nouvelles  no- 
tes de  Morel.  Mais  ces  feuilles  blan- 
ches étoient  demeurées  jufqu'alors 
entièrement  inutiles;cet  Antiquaire 
étant  mort  avant  que  d'avoir  pu  jet- 
ter  fur  le  papier  aucunes  de  fes  ob- 
fervations,  &  laifTant  ainfî  à  M.  Ha- 
vercamp un  champ  d'autant  plus  li- 
bre pour  y  étaler  les  fïennes.  C'eft  à 
quoi  il  travailla  donc  fans  relâchecx 
avec  autant  de  ferveur  que  de  facili- 
té ,  puifque  fuivant  l'aveu  qu'il  en 
fait  lui  -  même  dans  fa  Préface  ,  il 
compofoit  la  plupart  du  tems  fes  re- 
marques à  mefure  qu'on  lesimpri- 
moit;  auiîî  peu  inquiet  (  ajoùte-t-il) 


es  sçavans, 

fur  l'accueil  que  les  Sçavans  pour- 
roient  faire  à  fon  Ouvrage  ,  qu'il 
éroit  terme  dans  la  refolution  de 
confacrer  fa  perfonne,  fes  biens  &c 
fes  travaux  à  l'utilité  publique. 

Il  nous  entretient  enfuite  plus 
particulièrement  de  ce  qui  concer- 
ne les  Médailles  Confulaires  ou  des 
Familles  Romaines ,  ainfi  que  des 
Antiquaires  qui  ont  cultivé  cette 
partie  de  l'Hiftoire  Métallique  avec 
le  plus  de  fuccès.  Hubert  Goltzius, 
natif  de  Wirtfbourg  elt  le  premier 
qui  fe  foit  fîgnalé  en  ce  genre  ,  par 
fes  Fafles  de  Rome  ,  ornés  des  Mé- 
dailles qui  portent  les  noms  des 
Magiftrats  Se  des  autres  grands 
Hommes  de  cette  Republique  i  fur 
quoi  il  faut  obferver,  i°.  Que  ces 
Médailles  y  font  rangées ,  non  fui- 
vant l'ordre  des  années  où  elies 
ont  été  frappées  ,  mais  fuivant  la 
date  des  Magiftratures  exercées  par 
ceux  qui  y  font  nommés  -,  ce  qui  a 
quelquefois  induit  en  erreur  :  t". 
Que  Goltzius ,  pour  la  décoration 
de  fes  faites ,  a  eu  plus  d'égard  au 
grand  nombre  des  Médailles  qu'il 
y  faifoit  entrer ,  qu'à  la  vérité  de 
ces  mêmes  Médailles  ,  dont  on 
l'accufe  d'avoir  forgé  la  plupart  : 
Se  Patin  eft  un  de  ces  aceufateurs. 
Mais  Goltzius  a  trouvé  d'illuftres 
défenfeurs ,  fur-tout  en  la  perfon- 
ne de  Vaillant ,  qui  décide  contre 
Patin  en  faveur  des  Médailles  pro- 
duites par  Goltzius  ,  Se  qui  les  mê- 
le comme  nullement  fufpectes 
avec  les  autres ,  dans  fon  Livre  des 
Familles  Romaines.  C'étoit  aulîi  l'a- 
vis de  Pigbius  dans  fes  Annales  ; 
mais  ce  n'étoit  point  celui  de  Mo- 
rel 


S  E  P  T  E  M 

rcl  ,  qui  regardoit  comme  apocry- 
phes coûtes  les  Médailles  de  Golt- 
zius  ,  que  lui  [  More!  ]  ou  les  au- 
tres Antiquaires  n'avoienc  vues 
dans  aucuns  Cabinets  -,  &  pour  cet- 
te raifon  ,  il  renvovoit  ces  Mé- 
dailles à  la  fin  defon  Recueil.  Se- 
bastien E^^o  Vénitien  ,  a  publié 
aufh  pîuheurs  Médailles  Confulai- 
res  avec  fes  Notes  ,  mais  fans  les  fi- 
gures ,  gravées,  déjà  dans  l'Ouvra- 
ge de  Goltzius  ;  &  toutes  celles 
qu'Erizzo  emprunte  de  celui  -  ci 
partent  pour  vrayes  chez  cet  Anti- 
quaire Italien. 

M.  Havercamp  tombe  d'accord, 
qu'il  eft  très  pollible  que  plufieuis 
Médailles  citées  par  Goltzius  ,  Se 
que  celui  -  ci  avoit  vues  effeclive- 
ment  fc  foient  perdues  dans  la  fui- 
te, 5i  ne  fe  trouvent  plus  aujour- 
d'hui que  dans  fon  Recueil.  Il  con- 
vient auflî  que  l'on  déterre  fouvent 
des  Médailles  nouvelles ,  qui  n'exi- 
ftoient  dans  aucuns  Médailliers  ; 
&  que  le  hnzard  peut  en  faire  dé- 
couvrir un  grand  nombre  de  celles 
qui  ,  pour  n'avoir  été  vues  que 
dans  Goltzius ,  font  regardées  com- 
me très  douteufes.  Malgré  routes 
ces  confédérations ,  le  nombre  des 
Médailles  alléguées  par  Goltzius  5c 
qu'on  ne  trouve  nulle  part  ,  eil  lî 
giand ,  que  notre  Editeur  croit  de- 
voir s'en  tenir  fur  ce  point  au  fen- 
timent  de  Morel  ?  jufqu'à  ce  que 
d'heureufes  découvertes  de  ces  Mé- 
dailles en  juftifient  pleinement 
J'exiftence. 

Après  Goltzius ,  M.  Havercamp 
palTe  en  revue  Fulvius-Urlmus  &c 
Charles  Patin.  Les  Médailles  des 
Stpttmb, 


B   RE,    1754.  rTrj' 

Familles  Romaines  données  par 
le  premier  ,  font  rangées  par  ordre 
alphabétique  ,  &  éclaircies  par  un 
fçavant  Commentaire.  Il  n'en  rap- 
porte aucune  ,  qu'il  ne  pofledac 
parmi  celles  de  fon  Cabinet  ,  ou 
qu'il  n'eût  vue  ailleurs  de  fes  pro- 
pres yeux.  Patin  publia  une  fécon- 
de Edition  de  l'Ouvrage  d'Urfmus 
devenu  rare  ,  &  l'enrichit  de  nou- 
velles Médailles ,  ainfi  que  de  fes 
Obfervations.  Notre  Editeur  ne 
fçait  pourquoi ,  dans  l'Edition  de 
Patin,  le  Texte  d'Urfinus  a  fouffert 
quelques  omiflîons. 

Il  vient  enfuite  à  Vaillant ,  dont 
l'Ouvrage  furies  familles  Romai- 
nes fut  compofé  [dit  il  ]  &  impri- 
mé un  peu  trop  à  la  hâte  -,  ce  qui 
n'a  pas  manqué  de  lui  attirer  quel- 
ques jugemens  peu  avantageux  de 
la  part  de  Périzonius  &  de  Span- 
heim.  Vaillant ,  dans  l'arrangement 
de  fes  Médailles  ,  a  fuivi  l'ordre 
d'Urfinus  &  de  Patin  à  quelque 
différence  près  ,  qui  n'eût  fait  que 
trop  fentir  ladifette  de  ces  Monu- 
mens  dans  certaines  Familles ,  s'il 
n'eût  trouvé  de  quoi  y  fuppléer 
dans  l'abondance  de  Goltzius 
dont  il  admit  fans  difficulté  toutes 
les  Médailles ,  comme  non  fufpec- 
tes.  Et  pour  juftifier  cette  conduite 
auprès  des  Antiquaires  plus  ferupu- 
leux  ,  il  s'efforça  de  montrer  dans 
une  longue  Diffcrtation  ,  que  le 
droit  de  battre  monnoye  chez  les 
Romains ,  appartenoit ,  non  feule- 
ment aux  Confuls ,  aux  Préteurs , 
aux  Eddes  &  aux  Tribuns  du  Peu- 
ple, mais  encore  à  plufieurs  Ma- 
giftrats  Subalternes  ,  dont  ii  fait  Je 
Xxx 


6i6         JOURNAL    DE 

dénombrement  :  quoiqu'il  foit 
certain  (  dit  M.  Havercamp  )  que 
ce  droit  dans  Rome ,  n'étoit  com- 
muniqué qu'aux  ieuls  Queiteurs 
de  la  Ville  ■&  aux  Triumvirs  mo- 
nétaires. 

De -là  notre  Editeur  revient  à 
Morel ,  qui  marchant  fur  les  traces 
d'Uriînus  &:  de  Patin  pour  l'arran- 
gement de  fes  Médailles,  n'en  a 
reçu  aucune  dans  fa   Collection  , 
qu'il  n'eût  examinée  lui-même,  ou 
dont  h  vérité  ne  fût  atteftée  par  le 
confentement  général   des  Anti- 
quaires. Parmi  celles  qu'il  a  infé- 
rées dans  ce  Recueil ,  on  en  trouve 
plufieurs  déjà  publiées  par  GorUus , 
que  Jofeph  Scaliger  appelloit  ordi- 
nairement un  Répertoire  de  Médail- 
les. Celles  que  contient  cette  Col- 
lection de  GorUus  ,  laquelle  n'eft 
pas   commune   3    prefentent  une 
grande    variété  dans  les  Marques 
des  Monétaires,  ce  quirépondoit 
;i  la  multiplicité  des  matrices.  Mo- 
rel a  de  plus  raffemblé  quantité  de 
Médailles   non    encore  décrites  , 
qu'il  a  tirées  de  dirîerens  Cabinets, 
Si  qui  dans  fes  planches  font  distin- 
guées par  les  lettres  ABC,  &c. 
d'avec  les  Médailles  qu'Urfinus  & 
Patin  avoientdéjamifes  en  lumière. 
Il  y  a  joint  encore  un  grand  nom- 
bre de  Médailles  des  Colonies,  qui 
portent    des    noms    Romains    ; 
ce  que  n'a  point  fait  Vaillant ,  qui 
regardoit  ces  noms ,  donnés  la  plu- 
part  à   des   Affranchis  ,    comme 
étrangers  en  quelque  forte  aux  Fa- 
milles Romaines.  Cela  n'empêche 
pas  qu'on  ne  doive  fçavoir  gré  à 
Morel  d'avoir  fait  connoîtxe  le  pre- 


5  SÇAVANS, 

mier  ces  Médailles  ,  qui  fournif- 
fent  un  Supplément  coniideuble 
aux  Colonies  de  Vaillant. 

Uriînus  avoit  t'ait  graver  les  Mé- 
dailles de  fon  Recueil  beaucoup- 
plus  grande's  qu'elles  ne  font  véri- 
tablement ;  Si  c'eft  un  défaut,  que 
Patin  avoit  eu  foin  de  corriger  ,  en 
les  reduifant  à  une  forme  plus  peti- 
te ,  mais  tombant  d'ailleurs  dans 
l'inconvénient  de  les  faire  graver 
toutes  de  la  même  grandeur  ,  dont 
les  feules  notes  numériques  fai- 
foient  appercevoir  les  différences. 
Les  Médailles  de  Morel  l'empor- 
tent fur  toutes  les  autres  pour  l'e- 
xactitude Si  la  régularité  du  def- 
fein  ,  de  même  que  pour  la  juite 
proportion  des  différentes  formes  î 
mais  on  doit  être  averti  qu'elles  ont 
toutes  été  deiiînées  d'un  tiers  plus 
grandes  qu'elles  ne  le  font  en  effet; 

6  cela  ,  fans  doute  ,  pour  rendre 
plus  diftindtes  Si  plus  vifibks  les 
figures  dont  elles  font  chargées. 

Apres  ce  détail  circonltancié  des 
travaux  entrepris  par  les  divers  An- 
tiquaires pour  mettre  au  jour  Se 
pour  expliquer  les  Médailles  des 
Familles  Romaines  ;  M.  Haver- 
camp parcourt  légèrement  ceux 
qui  n'ont  traité  cette  matière  que 
par  occafion  ,  tels  que  Spanbeim  , 
rérilotiius  ,  Beger  dans  fon  Trifor 
de  Brandebourg  Si  dans  fon  Florus  ; 
M.  Liébe  dans  fon  Trifor  de  Saxe- 
Gotha  ;  &  il  porte  fon  jugement 
fur  le  mérite  de  chacun  de  ces  An- 
tiquaires en  ce  genre. 

Il  nous  rendenfuite  un  compte 
exact  de  ce  que  l'Edition  de  cet 
Ouvrage  doit  à  fes  foins  &  à  fon 


S  E  P  T  E  M 

travail.  Il  n'a  tiré  ,  pour  l'ample 
Commentaire  qu'il  y  a  joint,  pref- 
que  aucun  fecours  de  Morel,,  dont 
quelques  Lettres  écrites  à  Périzo- 
nius  ,  Se  les  réponfes  de  celui-ci 
ont  fourni  feulement  quelques  re- 
marques à  l'Editeur  touchant  cette 
matière  ,  lefquelles  il  a  inférées 
parmi  les  îîenncs  chacune  en  fon 
lieu.  Il  y  a  fait  entrer  aum"  confor- 
mément à  l'intention  de  l'Auteur , 
les  notes  à'Eriz.z.o  concernant  les 
Médailles  deGoltzius,  &:  qui  con- 
tribuent à  l'éclairciiTement  de  l'Hi- 
floire  Romaine.  Mais  il  a  donné  fa 
principale  attention  à  expliquer 
les  Médailles  Confulaires  dues  aux 
recheiches  d'Urlinus ,  de  Parin  Se 
de  Morel ,  Se  qui  font  les  Monu- 
mens  les  plus  authentiques  de  la 
Republique  Romaine. 

Il  s'eft  donc  preferit  l'examen  de 
trois  chofes  dans  fes  explications  : 
feavoir  ,  i°.  pour  qui  chacune 
de  ces  Médailles  a  été  frappée  , 
2°.  en  quel  tems ,  30.  ce  que  leurs 
Types  reprefentent.  A  l'égard  de 
ceux  qui  ont  fait  frapper  ces  Mé- 
dailles, il  recherche  quel  droit  ils 
en  avoient,  ce  qui  l'a  très-fouvent 
conduit  à  découvrir  l'année  de  cet- 
te fabrication ,  foit  pour  les  As  &c 
les  demi-As  ,  tant  anciens  que  plus 
recens  ;  foit  pour  les  Deniers  Se  les 
Quinaires. 

Quant  aux  Types  de  ces  Médail- 
les, la  plupart  fervent  à  illuftrer 
les  Familles  Romaines  ,  dont  elles 
indiquent  l'ancienneté  &  la  noblcf- 
fe,  à  conferver  la  mémoire  des 
grandes  actions  des  Héros  qui  fe 
font  fignalés  dans  cette  Republi- 


B  R  E,     1754.  617 

que  ,  Se  à  faire  connoître  les  mar- 
ques d'honneur ,  dont  ces  grands 
Hommes  ont  été  décorés  ,  ainli 
que  les  Monumens  publics  qui  ont 
embelli  la  Ville  de  Rome.  L'Edi- 
teur s'étend  plus  au  long  fur  ces 
trois  chefs. 

Il  obferve ,  en  premier  lieu  ,  que 
les  Romains  palTerent  près  de  cinq 
fiécles  dans  l'ufage  de  la  feule 
monnoye  d'airain  ou  de  bronze, 
partagée  -en  As  Se  en  Demi- As  t 
dont  les  premiers  pcfoient  une  li- 
vre de  douze  onces ,  6c  les  féconds 
une  demi  livre.  Mais  enfuite  ,  fans 
rabailïer  le  prix  de  ces  monnoyes  '' 
on  en  diminua  le  poids ,  fuivant 
lesbefoins  de  la  Republique  :  en. 
forte  que  pendant  la  première 
guerre  Punique  les  As  ne  pcfoient 
plus  que  deux  onces  ,  Se  que  pen- 
dant la  féconde ,  ils  furent  réduits  à 
unecfnce,  puis  à  une  demi  once. 
Sur  ces  As  on  voit  fouvent  à  côté 
d'un  Navire,  une  efpece  de  cplon- 
ne  qui  reprefente  un  I  majufcule  , 
&  qui  indique  le  poids  &  la  valeur 
de  cette  pièce  de  monnove  ;  Se  cet 
I  fur  d'autres  As,ç(ï  placé  entre  les 
deux  temples  (  tempora  )  de  Janus. 
Au  lieu  de  cette  Lettre  ,  on  voit  fur 
les  demi  -  As  un  S  aux  côteî  d'une 
tête,  qui  eft  ordinairement  celle  de 
Jupiter,accompagnée  d'un  Navire: 
&  fur  les  autres  parties  de  M  As 
paroilTent  des  globules  ou  petites 
boules  ,  dont  le  nombre  annonce 
le  prix  de  cette  monnoye.Qiielque- 
fois  la  double  tête  de  Janus  elt  or- 
née d'une  couronne  de  laurier  , 
d'une  rame  ou  d'un  pieu  ,  d'un 
croiflanc  ,  parce  qu'on  attribuait  à 
Xïxij 


tfiS  JOURNAL   D 

ce  Dieu  l'invention  d_-  couronnes, 
île  la  navigation  ,  des  paliftades  & 
du  Calendrier. 

L'an. de  Rome  4S4.  la  monnoye 
d'argent  commença  d'y  avoir 
cours  ;  Se  celle  d'or ,  dont  une  pie- 
ce  en  valoit  25  d'argent  ,  v  fut  in- 
troduite en  546.  On  appelloit/X*- 
nier  (  Denarins )  la  monnoye  d'ar- 
gent,  parce  qu'elle  valloit  dix  As 
d'airain  :  &  les  parties  d'un  denier 
conftituoient  le  Quinaire  ,  qui  en 
faifoit  la  moitié  ,  Se  \efefterce  }  qui 
en  faifoit  le  quart.  Cette  dernière 
monnoye  qui  eft  très-petite  Se  af- 
fez  rare^  porte  cette  marque  [  H  S  ] 
&  pour  l'ordinaire  le  Type  de  Ca- 
ftor  &dePollux  :  la  marque  du 
Quinaire  eft  le  Qou  l'V  5  &  celle 
du  denier  eft  l'X.  La  monnoye 
d'argent  ,  comme  celle  d'airain  , 
lut  fujette  à  des  variations  ;  en  for- 
te qu'au  tems  de  la  féconde  guerre 
Punique  le  Denier  valoit  feize  As  ; 
&  en  portoit  la  marque  [XVI.] 
Mais  il  reprit  bien  tôt  fa  marque 
précédente  [  X  3  quoiqu'il  confer- 
vât  fa  nouvelle  valeur.  L'augmen- 
tation du  prix  des  Deniers  fit  hauf- 
fer  à  proportion  celui  des  Quinai- 
res Se  des  Scfterces  ,  Se  changer 
pour  Quelque  tems  leurs  marques 
en  celles  ci  [  VIII  &  IIII  ].  Golt- 
zius&  fes  partifans  [  remarque  no- 
tre Editeur  ]  font  remonter  à  l'an 
de  Rome  4S4.  un  Denier  de  C. 
Fabius  Pictor ,  pièce  de  monnoye 
connue  dans  la  famille  Fabia  ,  Se 
frappée  ou  de  l'argent  du  Tréfor 
public,  ou  par  l'autorité  publique-ycat 
ces  lettres  EX  ,  A.  PV.  font  fuf- 
ceptibles  de  ces  deux  interpréta-; 


ES   SÇAVANS, 

tions  :  &  fur  ce  pied  là  ,  ce  Dénier 
Romain  feroitde  la  plus  haute  An- 
tiquité. Mais  il  s'en  faut  beaucoup 
que  M.  Havercamp  lui  en  attribue 
une  G  vénérable  ,  Se  c'eft  à  regret 
qu'il  le  ramené  à  des  tems  fort  po-, 
fterieurs. 

Au  regard  des  Magiftrats  prépo- 
fés  à  la  fabrique  de  ces  monnoyes  , 
il  n'en  reconnaît  d'autres  (  comme 
on  l'a  déjà  vu  ,  à  propos  de  l'opi- 
nion particulière  de  Vaillant  fur  ce 
point  )  que  le  Quefteur  de  la  Ville, 
Se  les  Triumvirs  Monétaires ,  qui 
furent  créés  l'an  de  Rome  465.  Se 
dont  la  Magiftrature  ne  duroit 
qu'un  an.  C'étoit  [  obferve  l'Edi- 
teur] le  premier  degré  pour  mon- 
ter aux  dignitez.  Ils  étoient  au 
nombre  de  trois  ,  comme  le  dit 
leur  nom.  Jules  -  Céfar  en  fit  un 
quatrième  ,  qu'Augufte  fupprima  , 
dans  la  fuite.  Les  monnoyes  por- 
tent quelquefois  les  noms  de  ces 
trois  Magiftrats  ,  quelquefois  on 
n'en  lit  que  deux  ,  Se  le  plus  fou- 
vent  il  n'en  paroît  qu'un  feul.  M. 
Havercamp  allègue  des  exemples 
des  deux  premiers  cas.  Le  dernier 
en  fournit  une  infinité.  Ces  Magi* 
ftratstaifoient  reprefenter  fur  leurs 
monnoyes  les  évenemens  mémora- 
bles de  chaque  année  ,  les  portraits 
de  leurs  ancêtres  ,  les  fymboles  de 
leur  Patrie  ,  la  marque  de  leur  Ma- 
giftrature ,  comme  Junon  Afoneta, 
les  têtes  de  Vulcain  ,  de  Pluton, 
de  Saturne  ,  &c.  Plus  les  Types  de 
ces  monnoyes  font  voir  de  fimpli- 
cité  ,  plus  on  doit  les  reputer  an- 
ciennes. 

Sylla  ,  pendant  fa-  Dictature  , 


S  E  P  T  E  M 

créa  jufqu'à  vingt  Quefleurs  de  la 
Ville;  &C  il  n'eft  pas  furprenant 
que  les  monnoyes  de  ce  rems-là 
offrent:  des  Types  magnifiques.  Les 
Tvpes  de  celles  qui  turent  frappées 
durant  la  Dictature  de  Céfar  ne 
font  mention  que  de  la  noblcffe 
de  fa  race  defcendue  de  la  DéefTe 
Vénus  ,  de  fes  victoires ,  de  fa  mo- 
dération Se  de  fa  clémence  ,  de  la 
correction  des  Fartes  défignéc  par 
le  croilTant  ou  par  quelque  autre 
aftre.  Le  pouvoir  fans  bornes  donc 
joiiilîoit  ce  Dictateur  lui  fit  confé- 
rer par  extraordinaire  le  droit  de 
fabriquer  les  monnoyes  pendant 
fon  abfence  pour  la  guerre  d'Eipa- 
gne,  à  lis  ou  huit  Préfets  chargés 
du  gouvernement  de  Rome  fous 
la  direction  de  Lépidus  ;  pouvoir 
qu'ils  conservèrent  encore  l'année 
fuivante  ,  après  le  retour  de  Céfar. 
On  ne  connoiffoit  jufques  ici  que 
deux  ou  trois  de  ces  monnoyes  : 
mais  ce  Tréfor  de  Morel  nous  en 
offre  jufqu'à  huit,  deux  d'or,  qua- 
tre d'argent ,  &  deux  de  bronze. 
Cette  Magiftrature  ,  avant  Céfar  , 
croit  peu  ufitée  ,  puifqu'on  ne 
créoit  des  Préfets  de  Rome  que 
pour  un  tems  fort  court ,  &  feule- 
ment lorfque  les  Confuls  s'abfen- 
toient  de  la  Ville  pour  la  célébra- 
tion des  Fériés  Latines, 

Après  la  mort  de  Céfar,  les  Qua- 
tttorvirs  Monétaires  fubfifterent 
pendant  le  fécond  Triumvirat  ;  & 
les  noms  de  plufieurs  fe  lifent  fur 
les  monnoyes  de  ce  tems-là.  Sous 
Augufte  ,  on  créa  deux  fortes  de 
Triumvirs  Monétaires  ,  les  uns 
pour  le  Sénat  ,    les  autres   pour 


B  R  E  ,    1754.  61$ 

l'Empereur.  On  en  compte  dans 
ce  Tréfor  jufqu'à  feize  des  pre- 
miers {  fans  parler  de  ceux  de  Golt- 
ziusoui  fonr  au  nombre  de  23  )  5c 
19  des  féconds,  non  compris  les 
onze  de  Golrzius.  Ces  Triumvirs 
ont  eu  foin  de  célébrer  fur  leurs 
monnoyes  les  grandes  actions 
d'Augufte  -,  fans  oublier  d'y  renou- 
vellerau'h  la  mémoire  de  leu;  s  an- 
cêtres ,  &  celle  des  évenemens 
mémorables  des  fiécles  paffés  : 
ufage  qui  fut  aboli  après  la  mort; 
d'Augufte. 

Ces  Migiftrats ,  principalement 
fous  la  Republique  ,  tenoienr  une 
infinité  d'Officines  ou  d'Atteliers  , 
d'où  fortoir  une  prodigieufe  quan- 
tité de  monnoyes.  Chaque  Officine 
avoit  fa  marque  particulière  appel- 
lée  matrice ,  qui  s'imprimoit  ordi- 
nairement des  deux  cotez  de  la  pie- 
ce:mais  il  arrivoit  fouvent  par  la  né- 
gligence des  Ouvriers ,  que  ces  ma- 
trices éroient  confondué's  les  unes 
avec  les  aurres.  On  employoir  pour 
les  différencier  les  lettres  numérales 
&  toutes  celles  de  l'alphabet.  On 
trouve  fur  quelques  pièces  de  mon- 
noyc  l'empreinte  affez  profonde 
d'un  aigle;&notre  Editeur  nous  ap- 
prend qu'on  avoit  imprimé  cette 
marque  fur  les  Médailles  les  plu3 
rares  confervées  dans  le  Cabines 
des  Ducs  de  Mantoùe.  Il  nous  fait 
auiiî  obferver  que  fur  ces  mon- 
noyes ainli  que  fur  d'autres  Mé- 
dailles antiques  ,  la  légende  des 
noms  propres  fe  trouve  quelque- 
fois interrompue ,  &  même  parta- 
gée entre  les  deux  cotez  de  la  pièce. 
Il  nous  parle  aufli  des  Quefteurs, 


620  JOURNAL   D 

Provinciaux  établis  pour  la  fabrica- 
tion de  la  monnoyc  ,  en  Sicile  ,  en 
Afrique,  en  Grèce,  en  A!ic  ,  en 
El  pagne  &  dans  les  autres  Provin- 
ces de  l'Empire  :  fur  quoi  il  par- 
court quelques  fïngulantez  qui  mé- 
ricent  d'être  obfervées  fur  ces  mon- 
noyes  Provinciales. 

Il  vient  enfuite  à  l'utilité  que 
l'on  peut  tirer  de  toutes  ces  fortes 
de  Médailles  Confulaires  pour  une 
exacte  connoiflance  de  l'antiquité  ; 
ce  qui  pourroit  [  dit  il  ]  fournir  la 
matière  d'un  très-gros  Volume.  En 
effet,  elles  mettent  fous  nos  yeux 
tout  ce  qui  peut  nous  donner  une 
julte  idée  de  la  grandeur  Romaine 
confiderée  dans  toutes  fes  parties  ; 
Si  elles  nous  informent  de  quanti- 
té de  faits ,  que  les  anciens  Auteurs 
qui  nous  îeftent  ne  nous  ont  point 
tranfmjs.  M-  Havercamp  fe  con- 
tente d'indiquer  fommairement 
dans  fa  Préface  les  plus  remarqua- 
bles de  ces  circonftances  hiftort- 
ques ,  renvoyant  à  fes  Notes  pour 
un  plus  ample  éclairciiTemenr.  Il 
obferve  donc  ,  Que  ces  Médailles 
nous  offrent  quantité  d'exemples 
de  l'ancienne  orthographe  ,  Si  il 
en  cite  quelques  -  uns  -,  Que  leurs 
Types  rappellent  le  fouvenir  des 
évenemens  les  plus  mémorables  , 
tant  publics  que  particuliers^ Qu'au 
défaut  d'actions  éclatantes ,  ils  con- 
tiennent quelquefois  des  allulîons 
à  l'étyraologie  du  nom  des  Trium- 
virs :.  Qu'ils  prefentent  quelque- 
fois les  têtes  de  plufieurs  Divinitez: 
Qu'ils  vantent  le  plus  fouvent  la 
nobleifc  des  ancêtres  du  Magi- 
ftrac ,  Si  la  gloire  qu'ils  ont  acqui- 


ES  SÇ  A  VAN  S, 

fe  en  fervant  leur  Patrie  ;  foit  par  la 
promulgation  de  quelque  Loi  uti- 
le ,  foit  par  la  célébration  de  quel- 
ques Jeux  publics ,  ou  de  quelque 
autre  cérémonie  religieufe  ,  foit 
par  la  conitruction  de  quelques 
Edifices,  par  des  ambaiTades  ,  pur 
des  victoires,  &c  Notre  Editeur 
allègue,  fur  chacun  de  ces  articles, 
plufieurs  exemples  qu'il  faut  voir 
chez  lui. 

Il  fait  ces  mêmes  obfervations 
furies  Médailles  Confulaires  frap- 
pées parles  Qucfteurs Provinciaux 
qui  étoient  à  la  fuite  des  armées  Se 
des  Proconfuls ,  Si  qui  dans  les  co- 
lonies 6c  les  Villes  Municipales  ne 
faifoient  fabriquer  d'autre  mon- 
noye  que  celle  de  bronze.  A  propos 
de  quoi  il  fait  une  légère  excurlîon 
fur  quelques  Médailles  de  ce  genre 
frappées  fous  les  premiers  Empe- 
reurs ;  de  dont  il  doit  parler  pkis 
au  long  dans  la  fuite  de  cet  Ouvra- 
ge ,  où  il  fera  queftion  des  Médail- 
les des  douze  premiers  Céfars.  Il 
fait  après  cela  une  revue  des  Mé- 
dailles Confulaires  frappées  du 
tems  de  Sylla  ,  de  Pompée  ,  de  Ju- 
les-Céfar  -,  Si  après  la  mort  de  celui- 
ci  ,  fabriquées  en  faveur  de  fes 
meurtriers  Brutus  Si  Cafîïus ,  puis 
fous  le  fécond  Triumvirat,  enfin 
fous  Augufte  ;  après  la  mort  du- 
quel ,  on  ne  voit  plus  fur  les  mon- 
noyes  d'aucun  métail  les  noms  des 
Magiitrats  qui  ont  préfidé  à  leur  fa- 
brication ;  Si  c'eft  où  finirent  les 
Médailles  des  Familles  Romaines. 

On  trouve  cependant  quelques 
monnoves  de  bronze  ,  aflez  rares  Si 
frappées  dans  les  Provinces  fous  ks 


S  E  P  T  E 

premiers  Empereurs  ,  furlefquel- 
ïcs  paroi  (Tent  les  noms  de  quelques 
Romains  illuftres  ,  qui  ont  eu 
quelque  commandement  dans  ces 
Provinces  ;  ce  que  notre  Editeur 
luit  jufqu'à  l'Empire  de  Trajan  , 
fous  lequel  il  y  eut  quantité  de 
Médailles  reltituées  ,  foit  des  Fa- 
milles Romaines ,  foit  des  Empe- 
reurs ,  que  Morel  a  eu  foin  de  re- 
cueillir éc  de  faire  graver  très  exac- 
tement,  ainfi  que  toutes  les  autres 
qui  compofent  le  riche  Tréfor  dont 
il  s'agit. 

On  peut  aflurer  au  furplus  que 
la  beamé  du  papier  ,  la  netteté  des 
caractères ,  l'exaditude  de  la  cor- 
rection ,  Télégance  des  gravures , 
en  augmentent  confiderablement 
le  prix  ,  &  font  grand  honneur 
aux  Sieurs  Wetftein  &  Smith  , 
qui  en  ont  conduit  l'impreflion. 

Les  Médailles  de  ce  Recueil  , 
renfermées  toutes  dans  le  premier 
Volume ,  font  difpofées  de  maniè- 
re ,  qu'on  trouve  d'abord  celles  des 
Familles  Romaines  ou  les  Confu- 
laires  rangées  par  ordre  alphabéti- 
que ;  après  quoi  viennent  les  Mé- 
dailles incertaines,  les  Médailles 
mêlées  ,  celles  de  la  Ville  de  Ro- 
me ,  celles  des  Peuples  Barbares , 
celles  d'Efpagne ,  enfin  toutes  cel- 


M   B  R.  E  ,    1754.       62  r 

les   de  Goltzius  qui  font  regardées 
comme  douteufes. 

A  l'égard  des  Notes ,  qui  rem- 
plirent le  fécond  Volume  ,  elles 
luivcnt  le  même  arrangement ,  ex- 
cepté qu'il  n'y  en  a  aucune  pour 
les  Médailles  Efpagnoles  ,  dont 
l'explication  eft  renvoyée  à  un  au- 
tre tems. 

Ce  que  nous  avons  dit  ici  de  ces 
Notes  en  général  d'après  la  Préface 
de  l'Editeur,  doit  fuftîre  pour  en 
faire  concevoir  l'idée  la  plus  avan- 
tageufe  ;  un  Ouvrage  de  cette 
nature  n'étant  guéres  fufceptible 
d'Extrait.  Pour  bien  fentir  toute  la 
julteiTe  de  ces  remarques  ,  &  pour 
tenir  compte  à  M.  Havercamp  de 
toute  l'érudition  qu'il  y  étale  il 
faut,  en  les lifant  avec  beaucoup 
d'attention  ,  avoir  fous  les  yeux  les 
gravures  des  Médailles  mêmes  qui 
en  font  le  fujet. 

Nous  ne  devons  pas  oublier  d'a- 
vertir qu'on  trouve  à  la  fin  du  fé- 
cond Volume  j  trois  Tables ,  dont 
la  dernière ,  fur-tout ,  qui  eft  celle 
des  matières  &  des  noms  propres  , 
compofée  avec  l'exactitude  la  plus 
fcrupuleufe  par  M,  Havercamp 
lui-même ,  fera  d'une  merveilleufc 
commodité  pour  les  Lecteurs. 


6n  JOURNAL    DES    SÇAVANS, 

HISTOIRE    DES    DE'COVVERTES   ET  CONQV ESTES  DES 

Portugais  dans  le  nouveau  Monde  ,  avec  des  figures  en  taille-douce.  Par 
le  '2^.  P.  Jofcph -François  Lafitau,  de  la  Compagnie  de  Jcfus.  A  Paris, 
chez  Scmgrain  père  ,  Quai  des  Auguftins ,  au  coin  de  la  rue  Pavée,  à 
la  Fleur  de  Lys;  Jcan-Baptifte  Coignard  fils ,  Imprimeur  du  Roi  ,  rue 
Saint  Jacques ,  à  la  Bible  d'or.  17  J  3.  «'«-4°.  deux  Volumes,  Tom.I.  pag. 
616.  Tom.  II.  pag.  S  88. 


LE  compte  que  nous  avons 
rendu  dans  le  Journal  précè- 
dent du  plan  que  l'Auteur  a  fuivi 
dans  cette  Hiltoire  ,  des  motifs  qui 
l'ont  engagé  à  l'entreprendre  ,  Se 
de  ce  qu'il  rapporte  dans  fon  pre- 
mier Livre  des  Découvertes  faites 
par  les  Portugais  fur  la  Côte  occi- 
dentale de  l'Afrique -,  parles  foins 
de  l'Infant  Dom  Henri  ,  par  les 
Rois  Jean  I.  Alphonfe  V.  &Jean  II. 
nous  a  fourni  la  matière  d'un  pre- 
mier Extrait  de  cet  Ouvrage.  Nous 
commencerons  celui  ci  par  le  rè- 
gne de  Dom  Emanuel ,  pendant 
lequel  les  Portugais  firent  la  décou- 
verte &c  h  conquête  des  Indes. 

Dès  que  Dom  Emanuel  fut 
monté  fur  le  Trône,  il  penfa  à 
prendre  des  mefures  pour  faire  de 
nouvelles  découvertes  ,  il  fit  dans 
cette  vue  Vafco  de  Gama  Général 
d'une  petite  Flotte  ,  avec  laquelle 
Vafco  parvint,  après  beaucoup  de 
peine ,  à  doubler  le  fameux  Cap 
de  Bonne-Efperance.  S'étant  avan- 
cé plus  loin  ,  il  ne  trouva  fur  la 
route  que  des  peuples  miferables , 
dont  il  n'entendoit  point  le 
langage  ,  Se  avec  lefquels  il  falloit 
toujours  être  fur  le  qiu-vive.  Mais 
étant  entré  dans  le  Fleirff  qui  fut 
nommé  par  les  Portugais,  le  Fleuve 


des  bons  Signaux  ,  il  conçut  plus 
d'efperance  fur  ce  que  les  habitans 
du  Pays  qui  paroiiîoient  plus  poli- 
cés que  les  autres  Nègres,  &dont 
quelques-uns  entendoient  un  peu 
d'Arabe  ,    dirent    aux    Portugais 
qu'en  remontant   plus  haut  ,    ils 
trouveroient    des   Blancs  comme 
eux  &c  des  Vailleaux  à  peu  -  près 
fcmblables  aux  leurs  ,    qui    cou- 
roier.t  ces  Mers   pour  y   faire  le 
commerce.  Il  toucha  à  Mozambi- 
que ,  à  Monbaze  ,  à  Melindc.  Ex- 
pofé  à  de  grands  dangers  dans  les 
deux  premiers  endroits ,  il  fut  fort 
bien  reçu  dans  le  troifiéme.  Il  trou- 
va dans  le  Port  de  Mclinde  quatre 
Vailleaux  des  Indes   fur   leiquels 
il  y  avoit ,  dit-on  ,  des  Chrétiens 
de  ces  Contrées,  quelques  Banianes 
Se   un   Maure  Guzaratc.  Vafqués 
en  tira  des  inftructions  fur  plu- 
fleurs  points  dont  il  lui  importoit 
d'être  inftruir.  On  prétend  même 
que  ce  fut   dans  ces  entretiens  , 
qu'il  apprit  une  nouvelle  manière 
de  prendre  hauteur  Se  de  faire  ufa- 
ge  de  la  bouifolc.  Mais  le  Père  La- 
fitau  perfuadé  que  la  connoiflance 
de  la  bouffole  ,  ainfi  que  celle  de 
la  poudre  à  canon  ,    a  palTé  des  In- 
des en  Europe  parles  Arabes ,  ne 
croit   point  qu'elle    nous  ait  été 
communiquée 


S  E  P  T  E  M 

communiquée  partes  Portugais.  Il 
aime  mieux  en  faire  honneur  à  Fla- 
vius de  Melphe  dans  le  Royaume 
de  Naples  ,  deux  fiécles  avant  les 
premières  navigations  des  Portu- 
gais. 

Vafqués  partant  de  Melinde  avec 
un  Pilote  très-habile  ,  Indien  de 
nation  fit  près  de  700  lieues  en 
droiture,  &  après  11  jours  de  na- 
vigation il  arriva  aux  Côtes  de  Ma- 
labar ,  &  mouilla  à  deux  milles  de 
la  Ville  de  Calicut  qui  eft  la  capita- 
le des  Etats  duZamarin  ,  qui  étoit 
comme  l'Empereur  de  ces  Côtes. 
Le  Père  Lafiteau  donne  en  cet  en- 
droit une  defeription  abrégée  des 
Indes  ,  des  mœurs ,  des  coutumes 
&c  de  la  Religion  du  Pays.  La  ma- 
nière dont  Vafqués  fut  d'abord  re- 
çu à  Calicut ,  lui  avoit  fait  conce- 
voir de  grandes  efperances  ,  mais 
n'ayant  point  de  prefens  aiTez  con- 
sidérables à  faire  au  Zamorin  ,  & 
les  Mufulmans  établis  dans  le  Pays 
qui  appréhendoient  que  les  Portu- 
gais ne  les  troublaffent  dans  leur 
commerce  ,  ayant  indifpofé  ce 
Prince  contre  ces  étrangers ,  tout 
ce  que  Vafqués  put  faire  fut  de  s'é- 
chapper de  ce  Pays  là  ,  après  néan- 
moins avoir  obtenu  une  Lettre  du 
Zamorin  ,  dans  laquelle  il  allu- 
roit  le  Roi  de  Portugal  qu'il  fe 
faifoit  honneur  de  l'alliance 
que  ce  Prince  vouloit  contrac- 
ter avec  lui ,  &  qu'il  permettoit  la 
liberté  du  commerce ,  pourvu  qu'il 
fe  fît  fans  violence  &  fans  préjudi- 
ce des  autres  Nations  qui  étoient 
en  poueffion  de  faire  le  commerce 
dans  fes  Etats.  Vafqués  reprit  enfui- 
Spttemb. 


B   R  E,   1734.  625 

te  la  route  de  Portugal  ,  &  il  fut 
reçu  à  Lifbonne  avec  beaucoup 
d'honneur  par  le  Roi  Emanuel, 
qui  le  fit  Amiral  des  Mers  des  In- 
des ,  qui  lui  permit  d'ajouter  le 
Dom  à  fon  nom  ,  de  mettre  dans 
l'écuiTon  de  fes  armes  une  partie  de 
celui  de  la  Couronne ,  de  charger 
toutes  les  années  pour  deux  cens 
cruzades  d'or  de  marchandifes 
pour  les  Indes  fans  payer  aucua 
droit.  Dans  la  fuite  du  tems  il  le  fit 
Comte  de  Vidigueira. 

Le  Roi  Dom  Emanuel  fit  en- 
fuite  partir  pour  les  Indes  une 
Flotte  de  treize  VaiflTeaux  ,  qui 
étoit  cor|jrnar,dée  par  PierreAlvarès 
Cabrai  -,  une  tempête  violente 
l'ayant  fait  écarter  de  fa  route  ,  il 
découvrit  une  terre  inconnue  dont 
il  prit  polTefiion  ,  &  qui  fut  depuis 
nommée  Bréfil.  Le  nom  de  ce 
Pays  lui  vient  d'une  efpece  par- 
ticulière de  bois  qui  s'y  trouve  en 
grande  quantité.  Reprenant  enfui- 
te  fa  route ,  il  arriva  à  Mozambi- 
que ,  puis  aux  Indes  ,  il  obtint  du 
Zamorin  la  permiiîîon  d'établir 
une  Faclorie  à  Calicut.  Mais  les 
affaires  que  les  Maures  lui  flilcitc- 
rent  par  jaloufie  l'obligèrent  de  le 
retirer  ,  comme  Vafqués  avoit  été 
obligé  de  le- faire.  Cependant  avant 
fa  retraite  ,  il  brûla  ou  prit  treize 
gros  Vaiffcaux  des  Maures  ,  &  il 
canona  pendant  deux  jours  la  Ville 
de  Calicut ,  de  manière  que  le  Za- 
morin fut  obligé  d'en  fortir.  Le 
Général  Portugais  fit  enftiite  des 
Traitez  avec  les  Rois  ,  de  Cana- 
nor  ,  de  Coulan  ,  &  de  Cochin 
qui  avant  entendu  parler  de  l'ex- 
Yyy 


62$  JOURNAL   D 

pedition  de  Cabrai ,  crurent  qu'ils 
ne  pouvoient  mieux  faire  que  de 
fe  mettre  fous  la  protection  des 
Portugais  pour  fe  détendre  contre 
1rs  entreprifes  du  Zamorin  ,  &  il 
retourna  en  Portugal. 

Pendant  le  voyage  de  Cabrai ,  le 
Ys.o\  Dom  Emanuel  avoit  envoyé 
au  Bréfil  Gonfalve-Ccello  ,  &aux 
Indes  Jean  de  la  Nove.  Ce  dernier 
ne  put  joindre  Cabrai  ,  mais  il  dé- 
couvrit quelques  Iflesfurfa  route. 
Ce  fut  après  le  retour  de  Cabrai 
que  le  Roi  de  Portugal  donna  le 
commandement  d'une  Flotte  à 
Vafqués  de  Gama  qui  fit  un  fécond 
voyage  aux  Indes.  Dans  ^it  fécond 
voyage  il  fit  tributaire  du  Roi  de 
Portugal  Ibrahim  Roi  de  Quiloa , 
il  prit  la  Meris  Vaiffeau  de  Cali- 
phe  ,  &c  il  traita  avec  beaucoup  de 
cruauté  les  Indiens  de  Calicut  }  il 
courut  un  grand  danger  de  la  part 
du  Zamorin  qui  voulut  le  furpren- 
dre.  Mais  étant  échappé  de  ce  dan- 
ger ,  il  fe  vengea  du  Zamorin  en 
coulant  à  fond  plufieurs  des  Bâti- 
mens  dont  on  avoit  voulu  fe  fervir 
pour  mettre  le  feu  à  fes  VaifFeaux; 
Vafqués  reçut  dans  les  Indes  les 
Envoyés  des  Chrétiens  qu'on  y  ap- 
pelle de  Saint  Thomas  ,  &  après 
avoir  renouvelle  les  Traitez  avec 
les  Rois  de  Cochin  &c  de  Cananor, 
il  retourna  en  Portugal. 

La  Flotte  que  le  Roi  fit  partir 
pour  les  Indes  après  celle  de  Vaf- 
qués ,  étoit  commandée  par  Lope- 
Soarrés  -  Alvarcnga  ,  qui  ayant  fait 
des  propoiîtions  trop  fortes  au  Za- 
morin ,  fe  vit  obi;:;.:  de  canoner  la 
Ville  de  Calicut,  Il  remporta  deux 


ES  SÇAVANS, 

grandes  victoires ,  l'une  à  Ranga- 
nor  contre  les  Malabares ,  cv  l'au- 
tre au  travers  de  Pandarane  ,  où  il 
brûla  dix  -  fept  gros  Badmens  de 
Maures  qui  dévoient  faire  voile 
vers  la  Mer  Rouge.  Edouard  Pa- 
checo  revint  des  Indes  avec  Alva- 
ranga.  Tout  le  monde  regardoit 
Pacheco  avec  admiration  ,  à  caufe 
des  grandes  actions  qu'il  avoit  fai- 
tes dans  les  Indes  -,  mais  ce  grand 
Homme  qui  avoit  travaillé  pour 
le  bien  du  Roi  fonMaîtic,nc  reçut 
que  de  l'honneur  pour  recompen- 
fe  de  fes  travaux.  Ce  ne  fut  que 
quelques  années  après  que  des  Sei- 
gneurs parlant  de  lui  au  Roi  com- 
me par  hazard, lui  obtinrent  le  gou- 
vernement de  S.  George  delà  Mi- 
ne ;  mais  Pacheco  qui  éroit  d'un 
temperamment  vif  &  brufque  ,  & 
peu  propre  à  faire  fa  cour  à  ceux 
qui  approchoient  du  Roi  fut  accu- 
fé  de  malverfations ,  &  ramené  en 
Portugal  chargé  de  chaînes.  Après 
qu'il  eutétélong-tems  retenu  dans 
une  prifon  obfcure  ,  on  reconnut 
fon  innocence  ,  il  fut  mis  en  liber- 
té ;  mais  il  relia  toujours  dans  la 
mifere  qui  alloit  jufqu'à  la  mendi- 
cité. Bel  exemple  ,  dit  l'Auteur, du 
peu  de  fond  qu'il  y  a  à  faire  fur  les 
fervices  qu'on  rend  aux  hommes,& 
de  la  reconnoiflance  qu'on  en  deit 
attendre  t  fi  on  n'a  pas  l'efprit  de  fe 
conduire. 

Avant  l'arrivée  d'Alvarenga 
dans  le  Tagc  ,  Dom  Emanuel  avoit' 
fait  mettre  en  mer  une  puiffanre 
Flotte  pour  les  Indes  ,  qu'il  fît 
commander  par  Dom  François 
d'Almeida  Comte  d'Abrante.  Al- 


S  E  P  T  E  M 

tncida  devoitrcfider  dans  les  Indes 
en  qualité  de  Gouverneur  îk  de 
Capitaine  Général ,  avec  la  faculté 
de  prendre  la  qualité  de  Vice  Roi 
des  Indes  ,  quand  il  auroit  bâti 
quelques  Fortereffes  dans  les  lieux 
défignés  parla  Cour.  Il  feroit  trop 
long  d'entrer  dans  le  détail  de  ce  que 
ce  Gouverneur  &  ceux  qui  lui  ont 
fuccedé  ont  fait  pendant  leur  gou- 
vernement ;  il  fuffira  de  rapporter 
quelques  traits  de  l'Hiftoire  qu'en 
donne  le  P.  Lafiteau ,  &  de  remar- 
quer en  général  que  ceux  qui  ver- 
ront ce  détail  dans  le  Livre  feront 
furpris  de  la  valeur  que  les  Portu- 
gais ont  fait  paroître  en  un  nombre 
prodigieux  d'occafions  depuis  leur 
établiilement  dans  les  Indes  vers 
l'année  1500.  jufqu'au  tems auquel 
Philippe  II.  s'eft  rendu  maître  du 
Portugal. 

Almeida  s'étoit  fait  une  grande 
réputation  dans  les  Indes ,  par  fa 
bravoure  &  par  fa  conduite  dans 
différentes  expéditions  tant  fur 
terre  que  fur  mer ,  mais  fa  gloire 
fe  trouvoit  flétrie  par  la  manière 
cruelle  dont  il  traita  les  Indiens;  & 
encore  plus  en  faifant  arrêter  Si  re- 
tenant pendant  plufieurs  mois  dans 
laprifonAlphonfed'Alburquerque 
que  le  Roi  Emanuel  avoit  envoyé 
pour  lui  fucceder.  En  retournant 
des  Indes  en  Portugal ,  il  fut  tué 
par  les  Cafïres  de  l'Aygade  de  Sal- 
daone  près  du  Cap  de  Bonne-Efpe- 
rance  ,  lorfqu'il  vouloit  tirer  ven- 
geance des  infultes  que  quelques- 
uns  de  ces  Barbares  avoient  faite 
aux  gens  de  l'équipage. 

On  verra  avec  plaifir  dans  le 


B  R  E   v     r  7  ?  4.  62? 

Livre  même  le  récit  des  adions  du 
fameux  Alfonfe  d'Albuquerque  , 
qui  a  mérité  le  furnom  de  Grand  , 
nous  nous  bornerons  ici  au  mor- 
ceau qui  contient  le  portrait  que  le 
P.  Laficeau  nous  donne  de  ce  Hé- 
ros Portugais. 

»  Sa  Maifon  tiroit  fon  origine 
»desenfans  naturels  des  Rois  de 
»  Portugal,  dont  le  fang  fut  autant 
»  honoré  en  lui  que  dans  fes  Prin- 
»  ces  naturels ....  Il  étoit  d'une 
»  taille  médiocre  ,  mais  bien  pro- 
«portionnée.  Il  avoit  le  tour  .du 
»  vifage  agréable  ,  le  nez  aquiiain 
=°  &i  un  peu  long  ,  l'air  noble  de 
»  majeftuêux.  La  vieilleife  le  rendit 
»  encore  plus  vénérable  pour  l'ex- 
»  trême  blancheur  de  fes  cheveux, 
»  &  d'une  barbe  fi  longue  qu'il 
»  pouvoit  la  noiier  à  fa  ceinture. 
»  Dans  le  commandement  il  pa- 
*  roiiToit  grave  &  féneux  ,  &  dans 
»  la  colère  terrible  >  hors  de  -  la  il 
»  étoit  gracieux,  plaifant  &  nima- 
»  ble.  Il  avoit  cultivé  fon  efprit 
»par  les  Belles  Lettres.  Il  parloic 
»  fur  le  champ  avec  grâce  ,  &  il 
»  écrivoit  encore  mieux.  Il  affài- 
»  fonnoit  toujours  fon  difeours  de 
»  quelques  bons  mots ,  &  il  aftec- 
»  toit  cela  en  particulier  ,  quand  il 
»  parloit  en  maître,  afin  de  corri- 
»  ger  par-là  ce  que  fon  air  tropfe- 
»  vere  avoit  de  rebutant. 

»  La  droiture  ,  la  juftice  &  l'a- 
»mour  du  bien  public  faifoit  pro- 
»  prement  fon  caractère.  Il  étoic 
»  fouvent  févére  jufqu'i  la  cruauté, 
»  avare  pour  les  intérêts  du  Roi , 
"inflexible  dans  ce  qui  étoit  du 
»  fervice  &:  de  la  difeipline  militai- 
Yyyij 


616       JOURNAL     DE 

»  re  ,  mais  fi  affc&ionoé  en  même 
»  tems  à  procurer  le  bien  d'un  cha- 
»  cun  ,  que  de  ce  mélange  de  qua- 
«  litez  aufteres  &  Officieuies  ,  il 
31  refultoit  une  idée  générale  qui  le 
»  faifoit  aimer  de  ceux  même  qui 
»  haifloient  fa  févériré  outrée.  No- 
tre Auteur  rapporte  que  les  Gen- 
tils Indiens  &  les  Maures  étoient 
fi  perfuadés  de  l'équité  de  ce  grand 
Homme ,  qu'après  fa  mort  ils  al- 
loient  faire  des  vœux  à  fon  Tom- 
beau   pour   lui  demander    juftice 
contre  la  tiranie  de  quelques-uns  de 
ceux  qui  fuccederent  à  fa  place  , 
fans  fucceder  à  fes  vertus.     Sa  ri- 
gueur lui  fit  de  grands  ennemis , 
mais  il  ne  chercha  iamaisà  s'en  ven- 
ger ,  au  contraire  il  les  exeufoit  vo- 
lontiers ,  ce  qui  fervit  à  relever  fa 
gloire. 

Dans  la  guerre  il  fut  véritablement 
orand  par  la  noblefle  de  fes  projets, 
par  la  prudence  avec  laquelle  il  les 
conduifoit ,  5c  par  la  vigueur  avec 
laquelle  il  les  exécutoit.  Dans  le 
Confeil  &c  dans  l'aftion  ,  il  paroif- 
foiten  lui  deux  hommes  tous  diffe- 
rens.  Un  jour  de  bataille  ,  il  étoit 
tellement  Capitaine  qu'il  fe  mon- 
troit  tout  Soldat ,  allant  aux  coups 
&  s'expofant  comme  un  enfant 
perdu  ....  Avec  cela  il  étoit  heu- 
reux ,  ce  qui  fit  dire  à  Ferdinand 
le  Catholique  ,  parlant  à  l'Ambaf- 
fadeur  d'Emanuel ,  qu'il  s'étonnoit 
que  le  Roi  fon  gendre  eût  penfé  à 
le  retirer  des  Indes  ;  mais  Emanuel 
le  fit  par  la  même  politique  qui 
avoit  obligé  Ferdinand  à  retirer  le 


S     SÇAVANS, 

grand  Capitaine  Gonfalve  de  Cor- 
doiie  du  Royaume  de  Naples.  Al- 
buquerque  avoit  demandé  Goa  à 
titre  de  Duché  ,  &  ce  tut  fur  cette 
demande  que  fes  envieux  achevè- 
rent de  le  rendre  fufpect. 

Voici  comme  le  P.  Lafiteau  ex- 
pofe  en  peu  de  lignes  toutes  les  ac- 
tions de  ce  grand  Homme  dans  les 
Indes  :  »  Trois  Royaumes  con- 
»  quis  ,  pluficurs  Fortereftes  bâties, 
n  la  paix  établie  fur  toutes  les  Cô- 
»  tes  de  l'Inde  ,  plufieurs  Rois 
n  fournis ,  faits  tributaires ,  ou  al- 
»  liés  furent  fon  Ouvrage  ,  dont  il 
»  n'eut  d'autre  recompenfe  que  le 
»  chagrin  d'une  difgrace  qui  le  fit 
»  mourir  ,-  la  même  où  il  avoit 
»  commencé  de  naître  en  Héros. 

Les  idées  avantageufes  que  le  P. 
Lafiteau  nous  donné  d'Alburqueï- 
que  n'empêchent  point  qu'il  ne 
rende  à  quclqu'autres  des  Gouver- 
neurs des  Indes  la  juftice  qui  leur 
,eft  due.  On  peut  voir  les  éloges 
qu'il  donne  à  Dom  Jean  de  Caftro, 
à  Dom  Conftantin  de  Bragance  , 
Prince  du  Sang  de  Portugal,  &à 
Dom  Louis  d'Ateydc  qui  fut  Gou- 
verneur des  Indes  fous  le  règne  du 
Roi  Dom  Sebaftien.  Les  éloges  des 
Portugais  à  caufe  de  leur  bravoure 
&  de  leur  confiance  ,  font  répan- 
dus en  differens  endroits  de  cette 
Hiftoire.  On  en  voit  fur-tout  des 
preuves  éclatantes  dans  la  Relation 
des  deux  fameux  Sièges  de  Diu  qui 
les  ont  fait  admirer  en  Europe y 
comme  en  Afie  &  en  Afrique. 


SEPTEMBRE,    1754. 


627 


VSEAV  MES    DE    DAVID    SELON    L'ESPRIT  ,    OU  LES 

Pfeaumes  en  forme  de  Prières  Chrétiennes.  Seconde  Edition'.   A   Paris 
chez  Jacques  Colombat }  rue  Saint  Jacques  ,  au  Pélican.  1733.  vol. 
in- 12.  pp.  566. 


CE    n'eft  point  la  lettre  de$ 
Pfeaumes  que   l'on  prefenre 
ici  aux  Lecïeur y ,  c'en  eft  i'eiprit , 
dît-on  dans  un  AvertiiTement  ex- 
près ,  c'en  font  les  fentimens  ;  vous  en 
ivez.  affez, ,  continue-t-on,  en  s'ad- 
reftant    toujours  aux  Lecteurs  , 
")HS  en  avez,  affez.   de  TraduElions 
f délie  s  &  exactes  fclon  la  Vugate  & 
félon  V Hébreu.  La  plupart  des  fidel- 
hs  ,  &  vous  peut  -  être  le  premier  y 
•iffuz^voHS  fait  un  meilleur  &  plus 
icjuent  ufige  d'un  fifaint  Livre ,  fi 
nus  en  aviez,  trouvé  la  lettre  plus 
'tivie  .  moins  obfcure  &  plus  interef- 
inte.  C'efl  l'avantage  que  j'ai  pri- 
'.ndu  vous  procurer  ,  en  vous  don- 
ant  une  Traduction  des  Pfeaumes  en 
orme  de  Prières. 

Tel  eft  l'AvertifTement  de  no- 
tre Auteur  fur  le  deiïein  de  fon 
Ouvrage.  Ce  n'eft  pas  qu'entre  les 
Pfeaumes  de  David  ,  il  n'y  en  ait 
plusieurs  qui  font  de  véritables 
Prières ,  mais  comme  il  y  en  a  auflî 
un  grand  nombre  d'autres  qui  font 
hiftoriques ,  dogmatiques  &t  mo- 
raux ,  notre  Auteur  dit  qu'il  a  ap- 
pliqué l'Hifloirey  le  Dogme  &  la  Mo- 
rale aux  Lecteurs  qui  les  prononcent , 
qu'//  a  fait  trouver  le  défaut  ou  la 
rectitude  de  leur  conduite  dans  l'Hi- 
floïre  y  leur  foi  dans  le  Dogme  y  leurs 
vices  ou  leurs  vertus  dans  la  morale 
en  leur  rendant  propre  &  particulier 
te  que  David  dit  de  lui-même  ,  ou  des 
«utres  en  général. 


Une  obfervation  importante  que 
nous  ne  devons  pas  oublier  ici. 
C'eft  qu'y  ayant  certains  Pfeaumes, 
dans  lefquels  David  fait  des  impré- 
cations contre  fes  ennemis ,  &  de- 
mande à  Dieu  leur  punition  ,  notre 
Auteur  a  cru  qu'il  ne  convenoic 
pas  de  mettre  dételles  Prières  en- 
tre les  mains  des  Fidèles.  La  raifon 
qu'il  en  donne  ,  c'eft  que  les  per- 
fonnes  peu  inftruites  en  conclut- 
roient  peut  -  être  que  la  vengeance 
n'eft  point  défendue  ,  ou  que  du 
moins  le  defir  en  eft  permis.  Pour 
prévenir  cette  pernicieufe  confe- 
quenec  ,  il  a  changé  non  le  fens , 
mais  le  tour  &  l'expreffiori  de  ces 
fortes  de  Prières,  conformément  à 
la  penfée  de  tous  les  Interprètes  , 
qui  obfervcnt  que  David  étant  un 
faint  Prophète  ,  les  imprécations 
qu'il  fait  contre  les  méchans  ,  font 
des  prédictions  des  maux  qui  doi- 
vent leur  arriver  ,  &  que  la  puni- 
tion qu'il  leurfouhaife3eft  une  pu- 
nition ,  qui  puifle  opérer  leur  con- 
version. 

Il  y  a  d'autres  Pfeaumes  que 
l'Auteur  applique  en  tout  ou  en 
partie  ,  à  Jefus  Chrift  ,  à  fon  Egli- 
fe  &  à  fes  Myftcres.  Il  a  fuivi  en  ce- 
la les  idées  des  Pères  de  l'Eglife ,  Se 
des  plus  fçavans  Interprètes ,  qui 
en  ont  ufé  de  la  même  manière. 

Il  ne  nous  refte  plus  qu'à  rappor- 
ter quelques  exemples  qui  faflent- 


628         JOURNAt    DE 

voir  comment  l'Auteur  a  exécuté 
ion  deffein.  Nous  nous  contente- 
rons de  citer  les  5  premiers  verfets 
du  Pfeaume  LXXV.  que  l'Auteur 
intitule  :  De  la  frotetlion  de  Die»  fur 
fin  Eglife  ,  &  tout  de  même  les  5 
premiers  du  Pfeaume  CIX.  qu'il 
intitule  :  Aile  de  foi  fur  le  Myftere 
de  l'Incarnation  du  Ferbe. 

Nous  copierons  après  chaque 
verfet  de  la  Vulgate  la  tradu&ion 
Françoife  du  verfet ,  afin  que  l'on 
puiiTe  mieux  juger  des  applications 
que  l'Auteur  fait  des  differens  en- 
droits du  Pfeaume.  Celui  d'où 
nous  allons  tirer  le  premier  exem- 
ple s  a  été  compofé  par  David  en 
actions  de  grâces  des  victoires  qu'il 
avoit  remportées  fur  fes  ennemis. 
Notre  Auteur  en  fait  l'application 
à  l'Eglifc  en  cette  manière. 

PSEAUME  LXXV. 

1.  Notusin y»d&aDem ,  in  Ifra'él 
magnum  nomen  ejus. 

»  Seigneur,  vous  vous  êtes  fait 
j>  connoître  à  votre  Eglife.  Vous 
»  lui  avez  fait  fentir  la  force  &  l'é- 
•j  tendue'  de  votre  puiffance. 

2.  Et  fiiEîus  efl  in  pdce  locus  ejus 
&  inbabuatio  ejus  in  S  ion. 

»  Vous  avez  établi  votre  demeu- 
»re  au  milieu  d'elle ,  &  vous  en 
»  avez  fait  votre  tabernacle. 

3 .  Ibi  confrcgit  fotemias  arcmim  } 
fcittum  ,  gladuim  ,  &  bellum. 

»  Vous  avez  toujours  brifé  les 
«armes  ,  &  ruiné  les  efforts  de  fes 
«  perfécutcuiv -,  vous  avez  déclare 
»  la  guerre  à  ceux  qui  ont  ofé  l'at- 
»  taquet  &  vous  l'avez  toujours 


5  SÇAVANS; 

»  protégée  contre  fes  ennemis. 

5 .  Dormierunt  fomnum  fitum  ,  & 
nibd  invenentnt  omnes  viri  divitia- 
rum  in  manibusfuis. 

»  Lorfqu'ils  ont  compté  fa  perte 
»  comme  affurée  ,  vous  les  avez 
»  rendus  femblables  à  ces  hommes 
*>  qui  fe  voyent  au  milieu  des  tré- 
»  fors  Se  des  richeffe*  pendant  leur 
"fommeil,  &  qui  fe  retrouvent 
»  dans  leur  première  indigence  ea 
*  ouvrant  les  yeux. 

PSEAUME  CIX. 

Ce  Pfeanme  que  notre  Auteur 
applique  avec  raifôn  à  J.  C  paroît 
avoir  été  compofé  pour  célébrer 
l'avènement  d'un  Roi  à  la  Couron- 
ne •,  mais  les  idées  en  font  fi  nobles 

6  h  hautes ,  qu'on  ne  trouve  dans 
l'Hiftoire  aucun  Prince  auquel  il 
puiile  convenir  littéralement ,  pas 
même  à  Salomon. 

1 .  Dixit  Dominm  Domino  meo  : 
fede  à  dextris  Vieis. 

»  J'adore  ,  ô  mon  Dieu ,  le  my- 
»  ftere  ineffable  de  l'Incarnation  de 
»  votre  Verbe.  Eternel  comme 
»  vous  ,  il  s'eft  fait  dans  le  tems  , 
«mon  F.cà;mpteur  &  mon  Sau- 
»  veur  ,  &  c'eft  pour  relever  fes  ab- 
»baiiTenuns  nicompréhenfibles  , 
»  que  vous  lui  avez  dit  au  jour  de 
»  fa  glorification  :  affeyez  -  vous  à 
n  ma  droite. 

2.  Dontc  ponam  inimicos  tuosfea- 
bellum  pediim  tuorum. 

»  Jufqu'à  ce  que  j'aye  mis  à  vos 
»  pieds  ,  tous  ceux  qui  auront  rc- 
3'  tufé  de  croire  en  vous. 

3 .  Virgam  virtmis  tua  emittet  Do- 


S   E  P  T  E  M 

minus  ex  Sion  ;  dominare  in  rnedio 
inimicorum  tuonim. 

»  Les  ficelés  éloignés  ont  été 
»  avertis  de  bonne  heure,  que  le 
»  Sceptre  de  fa  puiffanec  lbrtiroit 
*  de  Sion  ,  &  que  de  là  il  étendroit 
»  Ton  empire  fur  tous  fes  ennemis  , 
»  ik.k  feroit  connoîtie de  tous  les 
j>  peuples. 

4.  "Tecum  principium  in  dis  zrrtu- 
tis  tua  in  fplendorivus  fantloruni ,  ex 
litero  ante  lue i fer  ion  genui  te. 

»  Il  eft  dès  le  commencement 
i>  avec  vous ,  parce  qu'il  eft  engen» 
»dré  de  votre  fubftance  éternelle, 
,»&  qu'il  étoit  avec  vous  avant 
j>  tous  les  tems ,  dans  la  fplendeur 
»  de  votre  éternité. 

y  Juravit  Dominas  &  non  pœnite- 

HtSTOIRE  GENERALE   DE  LANGVEDOC,    AVEC  DES 

Notes  &  les  Pièces  juflificatives  ,  compofée  fur  Us  Auteurs  &  les  titres  ori- 
ginaux ,  &  enrichie  de  divers  Monumens.  Par  deux  Religieux  Benediblins 
de  la  Congrégation  de  faim  Maur.  Tome  II.  A  Paris ,  chez  Jacques 
Vincent  ,  Imprimeur  des  Etats  Généraux  de  la  Province  de  Lan- 
guedoc, rue  &  vis-à-vis  de  l'Eglife  S.  Severin  ,  à  l'Ange.  1732.  in-folio. 
pp.  648.  pour  l'Hiftoire  &  pour  les  Notes,  col.  703.  pour  les  preuves 
8c  pour  la  Table  des  noms  &  des  matières. 


HE;     1734.  fop 

bit  eum  :  Tu  es  Sacerdos  in  aternum 
fecundum  ordinsm  Melchifedech. 

»  Par  un  décret  au  m"  immuable 
»que  vous-même,  vous  l'avez  fair 
»>  le  Pontife  éternel  de  votre  Eqlife. 

Nous  ne  croyons  pas  neceflaire 
de  citer  un  plus  grand  nombre  d'e- 
xemples ,  ceux  -  là  peuvent  fuihre 
pour  donner  une  idée  de  ce  pieux 
&  édifiant  Ouvrage. 

Nous  difons  pieux  &  édifiant, 
car  on  n'y  trouvera  ni  DifTertations 
curieufes ,  ni  recherches  fçavantcs , 
ni  Hébreu  ,  ni  Grec  ,  ce  qui  ne 
plaira  peut-être  pas  aux  Critiques , 
mais  le  deiTein  de  notre  Auteur 
étant  uniquement  de  réveiller  b 
pieté  ,  il  lui  convenoit  de  fc  tenir 
dans  les  bornes  où  il  s 'eft  renfermé. 


E  S  dix  premiers  Livres  de  ce 
grand  Ouvrage  compris  dans 
le  premier  Volume  ,  contiennent 
l'Hiftoire  du  Pays ,  connu  aujour- 
d'hui fous  le  nom  de  Languedoc, 
jufqu'à  la  mort  de  Charles  le  Chau- 
ve. L'onzième  Livre  &  les  fept  Li- 
vres fuivans  qui  avec  les  Notes  & 
îes  preuves  forment  le  fécond  Vo- 
lume ,  comprennent  l'Hiftoire 
■ïc aviron  trois  fiécles  ,  depuis  le 
commencement  du  règne  de  Louis 
k  Bègue  en  877.  jufqu'au  commen- 


cement des  troubles  que  l'Héréfie 
des  Albigeois  caufa  dans  la  Provin- 
ce ,  c'eft-à-dire ,  jufqu'au  tems  du 
Concile  tenu  à  Lombers  dans  le 
Diocéfe  d'Albi  en  i-itfj.  où  ces 
Hérétiques  furent  condamnés. 

Comme  c'eft  fur  la  fin  du  neu- 
vième fiécle  &  au  commencement 
du  dixième  que  les  grands  Vaflaux 
de  la  Couronne  ont  rendu  les  Fiefs 
de  dignité  héréditaires  dans  leurs 
familles ,  &c  qu'ils  fe  font  attribué 
les  droits  régaliens,  nos  Auteurs 


630  JOURNAL  D 

nous  donnent  dans  ces  trois  fiécles 
non  feulement  l'Hiftoire  des  Com- 
tes de  Touloufe  ,  mais  ils  entrent 
encore  dans  un  détail  très-curieux 
de  l'origine,  de  la  fucceflîon ,  de  la 
généalogie  8c  des  actions  des  Com- 
tes ,  des  Vicomtes  8c  des  autres 
•grands  Vaffaux  de  la  Province  , 
fur- tout  de  ceux  qui  ont  joui  des 
droits  régaliens.  Ce  qui  fert  à  faire 
connoître  l'oi  igine  des  grandes  ter- 
res ,  8c  celle  des  grandes  Maifons 
du  Languedoc.  Les  guerres  que  ces 
grands  Seigneurs  fe  faifoient  les 
uns  aux  autres ,  font  un  des  objets 
principaux  des  expéditions  militai- 
res dont  il  eft  parlé  dans  ces  huit 
Livres.  La  part  que  Raymond  de 
S.  Gilles  Comte  de  Touloufe ,  eut 
à  la  première  Croifade  ,  dont  il 
croit  un  des  principaux  Chefs  ,  & 
où  il  tut  fuivi  par  la  Nobleffe  du 
Pays ,  a  engagé  nos  Auteurs  à  re- 
cueillir ce  qu'ils  ont  trouvé  dans  les 
anciens  Hiftoriens  &  dans  les  an- 
ciens titres  fur  cette  fameufe  expé- 
dition ,  par  rapport  au  Comte  de 
Touloufe  &  aux  Seigneurs  qui 
étoient  à  fa  fuite.  Ils  difent  qu'ils 
fe  font  porté  d'autant  plus  volon- 
tiers à  s'étendre  fur  cette  matière  , 
que  ceux  qui  ont  écrit  dans  ces 
derniers  tems  l'Hiftoire  des  Croifa- 
<les  ,  ont  parlé  très  fuccinctement 
du  Comte  de  Touloufe  8c  des  Sei- 
gneurs du  Pays  qui  l'ont  fuivi  à  la 
première  de  ces  expéditions. 

On  voit  encore  dans  les  huit 
Livres  qui  font  le  corps  de  ce  fé- 
cond Volume  ,  l'origine  &  l'éra- 
bliflement  de  pluiieurs  Villes ,  la 
fondation  d'un  grand  nombre  de 


ES  SÇAVANS, 

Monafteres  célèbres,  entre  lefquels 
il  y  en  a  quelques-uns  qui  ont  été 
depuis  érigés  en  Sièges  Epifcopaux. 
L'Hiftoire  des  Archevêques  deNar- 
bonne  8c  celle  des  Evêques  de  la 
Province  qui  ont  été  très-puiftans , 
même  par  rapport  au  temporel,  a 
fourni  plufieurs  traits  à  ces  Au- 
teurs ,  de  même  que  l'Hiftoire  des 
Conciles. 

Après  cette  idée  générale  des 
principaux  objets  de  l'Hiftoire  de 
Languedoc  pour  ces  trois  fiécles , 
nous  nous  bornerons  à  en  rapporter 
quelques  traits. 

Le  Comté  de  Touloufe  refta  hé- 
réditaire dans  la  famille  de  Frede- 
lon  qui  fut  invefti  de  ce  Comté 
par  le  Roi  Charles  le  Chauve.  On 
voit  en  effet  par  divers  Monumens 
que  Raymond  I.  fucceda  à  fon  frè- 
re Fredclon  ,  que  Bernard  fils  de 
Raymond  étant  mort  fans  enfans , 
Eudes  fon  frère  lui  fucceda.  Il  laiffa 
deux  enfans  mâles ,  Raymond  II. 
Comte  de  Touloufe  ,  8c  Ermen- 
gaud  ,  Comte  de  Rouergue  ;  ces 
deux  frères  poffederent  par  indivis 
le  Marquifat  de  Gothie  ,  lesCom- 
tez  de  Quercy  8c  d'Albigeois  8c 
quelques  autres  terres.  Les  Actes 
qui  nous  apprennent  que  ces  deux, 
frères  pofledoient  le  Marquifat  de 
Gothie  qui  comprenoitle  Diocéfc 
de  Narbonne  ,  ne  nous  marquent 
au  jufte  ,  ni  en  quel  tems  ,  ni 
de  quelle  manière  ce  Marquifat 
étoit  tombé  dans  la  Maifon  des 
Comtes  de  Touloufe.  Ce  qu'il  y  a 
de  certain  ,  fuivant  nos  Auteurs  , 
c'eft  qu'après  la  mort  de  Guillaume 
le  Pieux ,  Marquis  de  Gothie ,  Duc 
d'Aquitaine, 


SEPTEMBRE,  1734.  6  3  r 

d'Aquitaine  ,  Comte  d'Auvergne,     Branche  de    Raymond    II.  ayant 


Se  Seigneur  de  plufieurs  autres  ter- 
res ,  qui  mourut  fans  polterité  , 
Guillaume  &  Acfred  les  neveux 
partagèrent  entre  eux  fes  Seigneu- 
ries ,  à  l'exception  du  Marquifat  de 
Gothie.  Mais  nos  Auteurs  avouent 
de  bonne  foi  qu'ils  ne  peuvent 
décider  fi  ce  fut  par  le  droit 
du  fang  que  ce  Marquifat  ap- 
partint aux  Seigneurs  de  la 
Maifon  de  Touloufe  ,  ou  fi  ce 
fut ,  Charles  le  Simple  ,  au  parti 
duquel  ces  Seigneurs  furent  tou- 
jours attachés  ,  qui  leur  en  fit  un 
don.  Nos  Auteurs  paroiffent  néan- 
moins pancher  à  croire  que  c'eft  à 
titre  de  fucceflïon  que  ce  Marquifat 
tomba  aux  Comtes  de  Touloufe  , 
parce  qu'ils  font  perfuadès  qu'en 
ce  tems-là  tous  les  fiefs  de  dignité 
étoient  héréditaires. 

Quoiqu'il  en  foit ,  le  Marquifat 
de  Gothie  fut  poifedé  par  indivis 
par  les  Comtes  de  Touloufe  &  de 
Roiiergue  ,  jufqu'en  l'année  975. 
que  Guillaume  Taillefer  ,  Comte 
de  Touloufe  ,  partagea  avec  Ray- 
mond 11.  Comte  de  Roiiergue  ,  ce 
Marquifat ,  &  les  autres  Seigneu- 
ries qui  leur  appartenoient  en  com- 
mun. L'Albigeois  &  le  Quercy 
échurent  à  Guillaume  ,  &  le  Mar- 
quifat de  Gothie  à  Raymond.  Il 
paroît  qu'ils  partagèrent  en  même 
tems  le  Comtéou  Diocéfe  de  Nif- 
me.  La  partie  inférieure  tomba  à 
Guillaume  avec  la  Ville  de  S.  Gil- 
les ,  fous  le  titre  de  Comté  de  faint 
Gilles  ■,  ce  qui  a  fait  prendre  à 
Guillaume  &  à  fes  SuccefTeurs  le 
titre  de  Comtes  de  Saint  Gilles.  La 
Septemb. 


manqué  en  la  perfonne  de  Berthe 
Comtefie  de  Roiiergue  ,  Marquife 
de  Gothie  qui  mourut  fans  enfans , 
Raymond  de  Saint  Gilles,  frère  de 
Guillaume  IV.  Comte  de  Toulou- 
fe ,  hérita  prefque  de  toutes  les 
Seigneuries  de  Berthe  ,  qui  lui 
avoient  été  d'abord  conteltées  pat 
le  Comte  d'Auvergne  époux  de 
cette  PrinceiTe.  Guillaume  IV.  fe 
voyant  fans  enfans  céda  le  Comté 
de  Touloufe  &  toutes  fes  autres 
terres  à  Raymond  fon  frère.  Ainfî 
Raymond  réunit  en  fa  perfonne  les 
Seigneuries  qui  avoient  été  divi- 
fées  entre  les  deux  branches  de  la 
Maifon  des  Comtes  de  Touloufe  , 
&  il  pofféda  le  Marquifat  de  Go- 
thie ou  de  Scptimanie  fous  le  titre 
de  Duché  de  Narbonne. 

A  la  fin  du  onzième  fiéele  les 
Comtes  de  Touloufe  prenoient  la 
qualité  de  Marquis  de  Provence  , 
&  étoient  Seigneurs  d'une  partie 
de  cette  Province.  Les  Auteurs  ont 
été  fort  partagés  au  fujet  de  l'origi- 
ne des  droits  des  Comtes  de  Tou- 
loufe fur  la  Provence.  Nos  Auteurs 
adoptant  en  partie  le  Syfteme  de 
Ruffi  fur  cette  queftion  ,  difent 
que  la  Maifon  des  Comtes  de  Tou- 
loufe a  tiré  fon  droit  du  mariage 
de  Guillaume  Taillefer  avec  Em- 
me  fille  du  Comte  Ratbod,  lequel 
pofTedoit  la  Provence  par  indivis 
avec  le  Comte  Guillaume  premier 
fon  frère.  Les  defeendans  de  Rat- 
bod  de  la  Maifon  des  Comtes  de 
Touloufe  ,  ont  joiii  pendant  long- 
tems  de  la  Province  par  indivis 
avec  les  defeendans  du  Comte 
Z  z  z 


632  JOURNAL  D 

Guaiaume  I.  mais  en  11 25.  Al- 
phonfe  Comte  de  Touloufe  ,  & 
Ikrenger  III.  Comte  de  Barcelon- 
ne  reconnoiflant  que  cette  polîef- 
fion  indivife  croit  une  fource  de 
cpntëftation  &  de  guerre  firent  un 
partage  entre  eux.  La  haute  Pro- 
vence qui  échut  par  ce  partage  à 
Alphonfe  &:  à  fes  Succeiîeurs ,  eut 
le  titre  de  Marquifat ,  parce  que 
les  prédecefTeurs  d'Alphonfe  ne 
s'étoient  qualifiés  que  Marquis  de 
Provence ,  à  caufe  de  la  partie  de 
la  Provence  dont  ils  avoient  joiii 
par  indivis  avec  Jes  defeendans  du 
Comte  Guillaume  I. 

Puifque  nous  avons  parlé  des 
principaux  titres  des  Comtes  de 
Touloufe,  8c  des  raifons  fur  lef- 
quelles  ils  étoient  fondés  ,  nous 
croyons  devoir  obfcrver  ici  d'après  _ 
nos  Auteurs  que  les  Comtes  de 
Touloufe  prenoient  la  qualité  de 
Comtes  Palatins.  Voici  ce  que  nos 
Auteurs  croyent  fur  l'origine  de 
cette  qualité.  La  Charge  de  Comte 
du  Palais  étoit  une  des  plus  consi- 
dérables de  la  Couronne  fous  la  fé- 
conde Race  de  nos  Rois.  Iljugeoit 
fouverainement  les  affaires  dont  la 
connoiffance  lui  appartenoit.  Quel- 
quefois les  Rois  l'envoyoient  dans 
les  Provinces  pour  y  adminiftrer 
iajuftice,  Se  il  y  eut  quelques-uns 


ES  SÇAVANS; 

des  principaux  Comtes  Provin- 
ciaux aufquels  nos  Rois  accordè- 
rent le  droit  d'adminiflrer  la  jufti- 
ce  avec  les  mêmes  prérogatives 
dont  joûilToient  les  Comtes  du  Pa- 
lais. Tel  étoit ,  félon  eux,  le  Comte 
de  Champagne  qui  prit  pour  cette 
raifon  le  titre  de  Comte  Palatin. 
Quand  l'Aquitaine  fit  unRoyaume 
féparé,  elle  eut  un  Comte  du  Palais. 
Les  Comtes  de  Touloufe  qui 
étoient  les  plus  puitîans  Seigneurs 
de  ce  Royaume  ,  furent  aufli  Com- 
tes du  Palais  pour  le  Royaume 
d'Aquitaine,  On  voit  dans  la  Vie 
de  S.  Guillaume  Comte  de  Tou- 
loufe ,  &  dans  un  ancien  Martyro- 
loge qu'il  étoit  Comte  du  Palais. 
Les  Comtes  de  Touloufe ,  difent 
nos  Auteurs ,  lui  auront  fuccedé 
dans  cette  qualité  ,  &  elle  fera  de- 
meurée attachée  à  leur  Maifon,  mê- 
me après  l'extinftion  du  Royaume 
d'Aquitaine. 

Comme  cet  Ouvrage  cil  trop 
important  pour  nous  borner  à  un 
feul  exemple  ,  nous  renvoyons  au 
Journal  fuivant  ,  où  nous  parle- 
rons de  quelques  autres  traits  du 
corps  de  l'Hiftoire  ,  de  quelques- 
unes  des  Notes ,  Se  de  quelques- 
unes  des  Pièces  qui  fervent  de 
preuve  à  l'Hiitoire. 


SEPTEMBRE,    1754. 


tfjj 


HISTOIRE  NATVRELLE  DE  L'VNIFERS ,  DANS 
laquelle  on  rapporte  des  raiforts  phy figues  fur  les  effets  les  plus  curieux  & 
les  plus  extraordinaires  de  la  Nature,  Enrichie  défigures  en  taille-douce. 
Par  M.  Colonne  ,  Gentilhomme  Romain.  A  Paris,  chez  André  Cailleauy 
Quai  des  Auguftins ,  au  coin  de  la  rue  Gift-le  Cœur,  à  S.  André.  1734. 
inii.  deux  Vol.  Tom.  I.  pp.  404.  Tom.  II.  pp.  ju. 


CETTE  Hiftoire  Naturelle 
de  l'Univers  ,  eft  un  Ouvrage 
pofthume  de  M.  François  -  Marie 
Pompée-Colonne ,  fils  naturel  de 
Pompée-Colonne  ,  Prince  de  Gal- 
licano  ,  Comte  de  Sarno  ,  qui 
mourut  en  \66\.  fans  lailïer  d'au- 
tre pofterité.  Ce  fils  vint  à  Paris  à 
l'âge  de  20  ans ,  &  s'y  acquit  bien- 
tôt l'eftime  &  l'amitié  d'un  grand 
,nombre  de  gens  de  Lettres. 

Perfonne  [  à  ce  que  l'on  dit  dans 
l'abrégé  de  fa  Vie  ,  qui  parut  peu 
de  tems  après  fa  mort ,  &  qui  eft 
à  l'entrée  de  ce  Livre  ]  n'a  fçû , 
comme  M.  Colonne,  joindre  l'é- 
tude des  Sciences  les  plus  abftrai- 
tes  comme  la  Phyllque,  l'Aftro- 
uotpie  ,  l'Algèbre  ,  &  prefque  tou- 
tes les  parties  des  Mathématiques, 
à  toutes  les  autres  Sciences  qui 
tiennent  leur  place  dans  la  Société 
Civile. 

Plufieurs  perfonnes  distinguées 
&  par  leur  Nai  fiance  6c  par  leur 
Génie,  voulurent  apprendre  de  M. 
Colonne,  les  principes  de  la  Philo- 
fophie,  3c  il  les  leur  enfeignaavec 
une  méthode  fi  facile  qne  ces  per- 
fonnes y  firent  en  peu  de  tems  un 
progrès  très  -  conliderable. 

Depuis  foixante  ans  qu'il  étoit 
en  France  ,  il  avoit  été  connu  de 
prefque  tous  les  Miniftres  &  avoit 


eu  un  libre  accès  chez  les  plus 
grands  du  Royaume  ;  mais  comme 
il  ne  fongeoit  qu'à  mériter  leurs 
bienfaits ,  &  qu'il  ne  les  brigua  ja- 
mais ,  fes  talens  &  fon  fçavoir  fu- 
rent peu  recompenfés.  Il  mourut 
le  6  Mars  172^.  âgé  de  28  ans  , 
après  avoir  vécu  dans  une  honnête 
médiocrité  &  feulement  hors  de 
l'indigence.  Si  la  fortune  lui  fut 
ingrate  ,  la  nature  plus  libérale  ,  le 
pourvût  d'une  complexion  fi  forte 
&  pour  le  corps  &  pour  l'efprit, 
qu'il  vécut  jufqu'à  cet  âge-là  fans 
avoir  jamais  éprouvé  la  moindre 
altération  ni  dans  l'un  ni  dans  l'au- 
tre ,  ce  qui  faifoit  l'admiration  de 
tous  ceux  qui  leconnoifloient. 

Le  genre  de  mortqui  termina  fes 
jours ,  eft  aufîî  tunefte  que  (Singu- 
lier. Le  feu  prit  à  fa  maifon  ,  la 
nuit  du  6  Mars  1726.  &■  il  y  fut 
confumé  avec  un  ami  qui  demeu- 
roit  avec  lui  :  M.  Colonne  avoit 
coutume  de  faire  tous  les  foirs  quel- 
que lecture  djns  fon  lit,  avant  que 
de  s'endormir  ,  &:  l'on  ne  doute 
point  que  ce  ne  foit  à  cela  qu'il 
taille  attribuer  cet  incendie  ,  vu 
qu'il  lui  étoit  déjà  arrivé  plufieurs 
lois  ,  de  mettre  le  teu  dans  fa 
chambre  en  lifant ,  ce  qui  auroit  dû 
le  corriger  ;  mais  ,  comme  le  re- 
marque l'Editeur  ,  l'habitude  &C 

Z  Z  Z  ij 


6^       JOURNAL     DE 

l'envie  d'apprendre  avoient  tou- 
jours prévalu  en  lui ,  fur  la  pru- 
dence. 

M.  de  Gofmond  à  qui  on  doit  la 
publication  de  cet  Ouvrage  ;o- 
ithume  ,  L'a  rcvû  après  la  mou  de 
l'Auteur  ,  dont  il  étoit  intime 
ami ,  &v  a  fait  quelques  additions 
5c  quelques  changemens ,  mais  il 
avertir  qu'il  s'en:  borné  aux  feuls 
changemens-  &  aux  feules  addi- 
tion: que  l'Auteur  y  vouloit  faire; 
les  leiïx  Volumes  qu'on  donne 
renferme!  t  rrois  Parties  ,  Se  ces 
trois  Par  les  doivent  être  fuivies 
inceffamment  d<  trois  aunes. 

Le  dtlîi  in  de  M.  Colonne  ,  en 
compoi.mt  cet  Ouvrage  ,  a  été  ,  à 
ce  qu'il  déclare  dais  fa  Préface  ,  de 
former,  à  l'imitation  de  Pline, 
une  Hiftoire  Naturelle  de  l'Uni- 
vers ,  Se  d'y  rapporter  ce  qu'il  y  a 
de  plus  curieux  Se  de  plus  extraor- 
dinaire dans  la  Nature  ,  depuis  le 
Ciel ,  julqu'au  centre  de  la  Terre  : 
il  tâche  de  joindre  la  Phyfique  à 
l'Hiftoire  en  eflayant  de  donner 
des  raifons ,  au  moins  probables , 
des  effets  les  plus  admirables  que 
le  monde  offre  aux  yeux. 

11  dit  qu'il  confirme  dans  cette 
Hiftoire,  un  grand  nombre  de  faits 
rapportés  par  Pline  ,  &  qu'il  en 
rectifie  auili  un  grand  nombre 
d'autres. 

Pour  ce  qui  eft  des  explications 
phylîques  qu'il  prétend  donner  ,  il 
ne  s'àiîujettit  en  cela  à  aucun  Phi- 
lofophe,  &.  fans'méprifer  ni  les  an- 
ciens ni  les  modernes ,  il  prend  de 
tous,  ce  qu'il  trouve  de  plus  con- 
forme à  fon  goût.   Platon  cepen- 


5     S  ÇA  VAN  S; 

dant ,  Ariftote  5c  Démocrire  ,  font' 
ceux  aufquels  il  dit  s'être  attaché 
davantage. 

L'Ouvrage  dont  il  s'agit reafer- 
me  l'Hiftoire  de  la  plupart  des 
choies  qui  ont  étéobfeivées  dans 
les  Cieux  &  dans  la  moyenne  ré- 
gion  de  l'air  ;  la  féconde  ,  les  ob- 
fervatiorrs  ordinaires  concernant  la 
Terre  Se  les  eaux  ;  la  troifiéme ,  les 
découvertes  ^u'on  a  faites  tou- 
chant Jes  fels ,  les  pierres  ,  cV  ce 
qu'on  appelle  communément  les 
métaux  &  les  minéraux. 

Quant  à  la  première  ,  elle  com- 
mence par  l'expofition  des  diffé- 
rens  Syftêmes  qui  ont  été  imaginés 
pour  expliquer  les  mouvemens  des 
Affres,  on  vient  enfuite  au  diamè- 
tre des  Corps  Céleftes  ,  Se  à  leur 
gravité ,  puis  à  ce  qui  a  été  dit  des 
Comètes  Se  des  efpaces  lumineux 
fans  étoiles;  enfin  à  l'Hiftoire  des 
Phénomènes  qui  arrivent  dans  la 
région  des  vapeurs  ,  entre  lefquels 
les  feux  Boréaux ,  ou  Septentrio- 
naux ,  font  un  article  conlîdera- 
ble. 

Dans  la  féconde  Partie  on  conft- 
dere  d'abord  le  Globe  de  la  terre 
en  général  :  on  remarque  que  ce 
Globe  eft  fort  petit  comparé  avec 
l'Univers  ,  puisqu'il  n'a  que  trois 
nulle  lieues  de  diamètre  ,  Se  envi- 
ron neuf  mille  lieues  de  circonfé- 
rence ;  qu'à  la  vérité  il  eft  plus 
grand  que  celui  de  la  Lune  ,  de 
Mercure  ,  de  Mars ,  Se  peut  -  être 
que  celui  de  Vénus  ,  mais  qu'il  çft 
bien  inférieur  aux  Globes  de  Jupi- 
ter, de  Saturne  Se  du  Soleil;  qu'en- 
fin comparé  aux  vaftes  efpaces  de 


S  E  P  T  E  M 

l'Univers  il  n'cft  regaidé  par  les 
Autonomes  ,  que  comme  un  poinr 
Mathématique  ,  c'eft-à  dire  pref- 
que  comme  s'il  n'exiftoit  pas  -,  fur 
quoi  notre  Auteur  rappelle  cette 
reflexion  que  l'on  fait  communé- 
ment ,  fçavoir  ,  que  l'homme  qui 
n'eft  qu'un  point  de  ce  point ,  fe 
croit  cependant  quelque  chofe  de 
confidcr.ible  &  d'important.  Ce 
que  lesGéographes  ont  découvert  à 
l'égard"  de  la  terre  ,  eft  rapporté  par 
notre  Auteur  ;  nous  ne  nous  y  ar- 
rêterons pas.  Il  rapporte  auiîîplu- 
fieurs  traits  de  la  Fable  :  il  remar- 
que ,  par  exemple,  après  divers 
Auteurs,  n  que  les  Egyptiens  pré- 
r>  tendoient  que  l'Europe  ,  l'A  fie 
»  &C  l'Afrique  avoient  dans  l'an- 
»  cien  tems  été  foûmifes  à  leur  Ern- 
»  pire  par  leur  Hercule  ,  lequel 
•«cherchant  la  gloire  par-tout,  & 
>»  ayant  entendu  parler  d'un  grand 
»  Pays  qui  étoit  la  Mer  Atlantique, 
»  y  porta  fes  armes  6Vc  le  fubjugua , 
»  Que  l'ayant  trouvé  plein  de  ri- 
»  chefles  ,  il  y  fonda  des  Colonies, 
»  &  laifla  dans  ces  lieux  fon  frère 
.o  Pluron  pour  y  Tegner  à  fa  place  , 
»  lequel  ,  parce  qu'ii  demeuroit 
«aux  Antipodes,  fut  appelle  Sei- 
»gneur  &  Dieu  des  Enfers-;  &à 
»  caufe  aufli  des  richefles  immen- 
»  fes  qu'il  envoyoit  en  Egypte  ,  il 
»  fut  dit  que  Pluton  étoit  le  Dieu 
»  des  richefles.  L'humeur  des  Egyp- 
*>  tiens  etoit  d'honorer  du  nom  de 
»  Divinitcz  ,  les  perfonnes  qui  s'é- 
j>  toient  diftinguées  par  quelque 
«•talent  extraordinaire  &c  utile  , 
»  croyant ,  ou  voulant  faire  croire 
;>  qu'un  des  Dieux  qu'ils  adoroient 


B  R  E  ,     'i  7  j  4.  6  3  f 

»  s'étoit  revêtu  de  la  figure  humai- 
»  ne  ,  pour  r.  ndre  la  Nation  heu- 
»  reufe  ,  c'efl:  pour  cela  qu  ils  don- 
»  ncrent  le  nom  de  Mercure  à  leur 
»  Roi  Tôt ,  qui  étoit  très  f.  avant» 
»  Une  Reine  leur  enfeigna  la  nu- 
»  niere  de  cultiver  la  terre  &  de  fe- 
»  mer  le  bled  ,  ils  l'appellerent  Kîs, 
»  &  les  Grecs  la  nommèrent  enfui- 
»  te  Céres.  Ils  honorèrent  auflî  du 
»>  nom  d'Hercule  ,  qui  fignifie  pro- 
»  prement  Force  E3ivine,  ou  de 
»  celui  d'Ofiris  qui  eft  la  même 
»  chofe  que  Jupiter ,  ceux  d'entre 
»  leurs  Rois  qui  avoient  été  ou 
»  grands  guerriers ,  ou  bienfaifans 
»  envers  leurs  fujets.  Car  les  Egyp- 
»  tiens  n'étoient  pas  moins  fabu- 
»  leux  ,  ni  moins  flatteurs  que  les 
»  Grecs ,  &  il  n'y  a  point  de  doute 
»  que  ces  derniers  n'ayent  pris 
»  d'eux  l'art  de  forger  des  Fables 
»  &  de  donner  le  nom  de  Dieux  à 
»  leurs  Princes  ,  &  autres  grands 
»  Hommes ,  comme  il  paroît  par 
»  leur  Philofophie  &  leurThéolo- 
»gie  myftique  ,  qui  renferme 
»>  fous  le  voile  de  la  Fable ,  à  l'imi- 
»  tation  des  Egyptiens,  &  les  Scien- 
»  ces  &  les  Myfteres  de  leur  Na- 
»  tion.  Quant  à  la  flatterie  ,  les 
m  Grecs  ne  font  pas  les  premiers 
»  qui  ayent  donné  le  nom  de  Jupi- 
j»  ter  ,  ou  d'Ofiris  à  quelques  uns 
»  de  leurs  Rois ,  par  exemple  à  ce- 
»  lui  de  Crète  ,  d'autant  que  les 
»  Egyptiens  ,  dans  l'Obélifquc 
»  qu'ils  élevèrent  en  l'honneur  de 
»  Rameflls  en  donnent  une  preuve, 
»  On  peut  voir  par  l'infeription  de 
»  cet  Obélifque  que  le  moindre  ti- 
»  tre  qu'ils  donnèrent,  au  Roi ,  eft 


6>>6  JOURNAL    D 

»  celui  de  fils  dit  Soleil ,  qui  eft  la 
»  même  chofe  qu'Ofiris,  ou  Sei- 
71  gneur  de  l'Univers. 

M.  Colonne  ,  après  un  grand 
nombre  d'autres  articles  concer- 
nant l'Hiftoire  de  differens  Peu- 
ples ,  examine  s'il  y  a  eu  autrefois 
un  Royaume  des  Amazones.  La 
Rivière  qu'on  appelle  des  Amazo- 
nes ,  lui  donne  lieu  de  dilcuter  ce 
point. 

Il  s'agit  de  fçavoir  fur  quel  fon- 
dement les  Poètes  &  les  Hiftoritns 
ont  tant  parlé  de  ces  femmes  guer- 
rières. Homère  les  fait  venir  au 
Siège  de  Troyes  ,  accompagnées 
de  leur  Reine  Pantafilce  ;  Qyinte- 
Curce  dit  qu'une  de  leurs  Reines, 
nommée  TalePcris  ,  vint  trouver 
Alexandre  pour  en  avoir  lignée, 
que  ces  femmes  alloient  en  certains 
tems  chez  leurs  voiiins  faire  allian- 
ce avec  eux,  qu'elles  tuoient  tous 
les  en  fans  mâles  qui  venoient  de 
cette  alliance  ,  S:  qu'elles  ne  con- 
fervoient  que  les  filles.  Notre  Au- 
teur remarque  à  ce  fujet ,  qu'il  n'y 
a  nulle  impoflibilité ,  que  des  fem- 
mes ,  particulièrement  celles  des 
montagnes  de  Caucafe  ,  où  l'on 
place  leur  Royaume  ,  étant  élevées 
durement  comme  nos  Payfannes , 
ayent  eu  la  force  de  manier  les  ar- 
mes ,  &  le  courage  de  combattre. 
Que  l'éducation  eft  une  grande 
maître  (Te  ,  &  que  fi  parmi  nous 
quelques  femmes  ont  eu  l'inclina- 
tion guerrière  ,  plufieurs  autres 
peuvent  l'avoir  eue.  Il  raconte  fur 
cela  avoir  vu  à  Paris  du  tems  de 
Louis  XIV.  une  femme  ,  qui  ayant 
fervi  long-tcms  à  l'armée  ,  fans  que 


ES  SÇAVANS, 

jamais  perfonne  eut  foupçonné  fon 
fexe ,  fut  euhn  trahie  par  une  blef- 
fure  ,  que  dans  un  combat  elle  re- 
çut à  la  poitrine  ,  &  qui  l'obligea 
d'appelier  les  Chirurgiens  ;  l'Hi- 
ftoire eft  connue,  &c  Louis  XIV. 
ayant  appris  le  fait ,  fit  fortir  des 
troupes  cette  temme  ,  &  luialîigna 
une  penfion. 

On  a  vu  dans  le  fiecle  précèdent 
Anne  Ginga  Reine  d'Angole  , 
combattre  &  vaincre  en  plufieurs 
batailles  ,  les  Portugais  &  ceux  de 
Congo.  Elle  nourrilïbit  dans  fa 
Cour  plus  de  60  jeunes  garçons 
très-robuftes  ,  habilles  en  femmes. 
Elle  au  contraire  s'habilioit  tou- 
jours en  homme  ,  &  fe  faifoit  ap- 
pellcr  Roi  d'Angole.  L'on  raconte 
de  grandes  actions  de  cette  femme, 
que  les  Millionnaires  convertirent 
à  la  Foi  Catholique.  11  eft  proba- 
ble que  d'autres  femmes  de  fa  Cour 
imitoient  leur  Reine  ,  &  ne  la  laif- 
foient  pas  aller  feule  dans  les  dan- 
gers. 

Notre  Auteur  joint  à  cet  exem- 
ple cùui  que  rapporte  le  P.  Lam- 
berti  dans  û  Relation  de  la  Cokhi- 
de  &  de  la  Mingrelie  ,  Provinces 
auprès  defquelles  les  anciens  Au- 
teurs placent  les  Amazones ,  fça- 
voir ,  Que  dans  une  irruption  que 
les  habitans  des  environs  du  Cau- 
cafe firent  contre  les  Mofcovites  , 
eu  les  agreffeurs  furent  défaits , 
l'on  trouva  parmi  les  .morts  pref- 
que  autant  de  femmes  que  d'hom- 
mes ;  ce  qui  ne  ravorife  pas  peu  ce 
qu'on  raconte  des  Amazones  , 
puifque  les  Cofmographes  mettent 
ces  femmes  dans  ces  Pays  là  Si  dans 


S  E  P  T  E  M 

retendue  qui  eft  entre  le  Pont  Eu- 
xin  &c  h  Mer  Cafpienne,  un  peu 
plus  vers  cette  dernière  Mer.  M. 
Colonne  ajoute  quelques  autres 
faits  à  ceux-là,  après  quoi  il  vient 
aux  inégalitez  du  Globe  de  la  Ter- 
re ,  aux  feux  fouterains ,  aux  eaux 
minérales  &  chaudes ,  à  la  circula- 
tion des  eaux  dans  le  fein  de  la  ter- 
re,  à  la  mer  &  aux  divers  change- 
mens  arrivés  au  Globe  terreftre, 
ce  qui  termine  la  féconde  Partie. 

Quant  à  la  troifiéme,  il  y  traite 
de  la  génération  du  Sel ,  de  celle 
du  Sable  ,  de  la  génération  de  tou- 
tes les  fortes  de  pierres  ,  foit  mol- 
les ou  dures  ,  foit  opaques  ou 
tranfparentes.  Il  y  traite  de  l'Ai- 
man  en  particulier  ,  du  magnetif- 
me  en  général  ,  enfin  des  métaux 
&  des  minéraux. 

Les  pierres  opaques  dont  il  par- 
le font  le  Jafpe  ,  la  Cornalline  , 
la  pierre  Néphrétique  ,  l'Ematite , 
la  pierre  étoilée,  la  Turquoife,  la 
pierre  d'Aigle ,  &  les  pierres  qu'on 
appelle  figurées. Il  croit  avec  le  Phi- 
losophe Boile ,  que  le  Jafpe  rouge 
a  une  vertu  finguliere  pour  arrêter 
le  fane; ,  que  la  Cornaline  eft  fpéci- 
fique  contre  les  palpitations  de 
cœur  ,  les  pierres  Néphrétiques 
contre  lagravelle.  Les  bonnes  pier- 
res Néphrétiques,  félon  lui ,  vien- 
nent de  l'Amérique.  Les  Sauvages 
les  tirent  d'un  limon  particulier , 
auquel  ils  donnent  diverfes  figures 
tandis  qu'il  eft  mol ,  mais  qui  dans 
la  fuite  fe  durcit  à  l'air.  Il  attribue 
à  la  Turquoife  ,  après  divers  Au- 
teurs ,  une  propriété  que  bien  des 
gens  auront  faus  doute  peine  à  croi- 


B  R  E  ,    17?  4.  tf57 

re  :  C'cft  que  cette  pierre  annonce 
à  celui  qui  la  porte ,  les  malheurs 
dont  il  eft  menacé.  Notre  Auteur 
trouve  ici  une  Hiftoire  au  befoin. 
Boëtiusde  Boot ,  celui  qui  a  don- 
né un  Traité  des  Pierres ,  &  qui 
étoit  Médecin  de  l'Empereur  Ro- 
dolphe II.  avoit  au  doigt  une  belb 
Turquoife  enchaiTce  dans  de  l'or  : 
il  s'apperçut  un  jour  que  fa  Tur- 
quoife étoit  fendue  ,  &c  fi  fendue 
qu'un  morceau  s'en  feroit  détaché, 
fi  l'or  dans  lequel  elle  étoit  engagée 
ne  l'a  voit  retenu:  ce  qui  fut,  fuivant 
ce  que  M.  Colonne  fait  dire  à  Boë- 
tius  de  Boot ,  le  préfage  du  mal- 
heur qui  arriva  le  lendemain  àBoé- 
tius ,  car  ce  Médecin  étant  monté 
à  cheval  ce  jour  là  ,  tomba  de  che- 
val &c  fe  caifa  la  jambe  ;  accident, 
dit  ici  M.  Colonne  ,  qu'on  auroit 
pu  attribuer  au  hazard  ,  fi  une  fem- 
blable  fracture  n'étoit  arrivée  une 
autre  fois  à  la  pierre  ,  la  veille  d'un 
jour  où  Boetius  fe  démit  une  côte. 
M-  Colonne  n'en  demeure  pas  là  : 
»  Je  puis  alTiirer ,  dit -il  ,  que  ma 
=»  mère  portoit  au  doigt  une  très- 
»  belle  Turquoife  ,  dans  laquelle 
j>  on  lifoit ,  pour  ainfi  dire  ,  l'état 
»  de  fa  fanté  ,  fuivant  les  change- 
as mens  de  couleur  qui  arrivoient 
*>  à  cette  pierre.  Je  puis  affurer  cn- 
»  core  ,  avec  vérité  ,  que  fuivant 
»  certains  points  noirs ,  &  autres 
»  marques  extraordinaires  ,  on 
»  pouvoit  prédire  avec  fureté  les 
»  malheurs  externes  qui  dévoient 
»  lui  arriver t  de  quoi  on  ne  peut 
»  pas  rendre  facilement  raifon  ,  à 
»  moins  de  dire  avec  les  Aftrolo- 
?  gues  ,  que  quoique  les  malheurs 


658         JOURNAt   D 

»  exterieursn'alterent  pis  le  tempe- 
»  rr.mment  d'une  manière  qui  pro- 
»>  duife  des  maladies  fenfibles , 
>»  néanmoins  l'Ailre  malin  qui  les 
»  caufe  ne  laiffe  pas  d'agir  fur  le 
»  temperamment. 
Nous  laiffons  aux  Lecteurs  à  juger 
de  ces  fentimens  de  M.  Colonne. 

Il  vient  enfuice  à  la  pierre  qu'on 
nomme  étoilée  :  il  dit  que  cette 
pierre  étant  coupée  mince  Se  mife 
dans  un  plat  avec  du  vinaigre  ,  fe 
meut  &  court  d'un  bout  à  l'autre. 
Mais  nous  ne  fçaurions  nous  dif- 
penfer  de  remarquer  à  cette  occa- 
fion,quc  le  vinaigre  produit  le  mê- 
me effet  fur  toutes  les  petites  pier- 
res ,  comme  font  les  petits  gra- 
viers qui  fe  trouvent  le  long  des 
rivières;  c'eftde  quoi  chacun  peut 
fe  convaincre  par  l'expérience. 
Nous  biffons  plulîeurs  autres  arti- 
cles pour  venir  à  celui  de  .l'Aiman 
&  à  celui  du  M agnétifme. 

Quant  à  i'Aiman  ,  notre  Auteur 
avoiie  que  Defcartes  a  donné  un 
beau  jour  à  ce  qu'Epicure  a  enfei- 
gné  touchant  les  effets  de  cette 
pierre ,  fçavoir  que  tels  effets  pro- 
viennent d'une  quantité  d'atomes 
piroiietans  qui  s'exhalent  de  la  pier- 
re d'Aiman  -,  mais  il  déclare  en  mê- 
me tems  qu'il  ne  fçauroit  approu- 
ver la  figure  de  vis  que  Defcartes 
donne  ici  aux  atomes  d'Epicure , 
non  plus  que  celle  d'écroiie  qu'il 
donne  aux  fibres  de  l'Aiman  ,  par 
lelquelles  la  matière  magnétique 
paffe ,  ni  la  figure  d'épi  ,  ou  de 
pointe  de  dard  que  d'autres  Au- 
teurs prêtent  à  cette  matière  mag- 
nétique. La  raifon  qui  empêcke  M. 


ES    SÇAVANS; 

Colonne  d'être  de  cette  opinion,' 
c'eft,    dit-il,  que  la  nature  opère 

fimplement  0"  fans  tant  de  machines. 
Mais  quel  elt  donc  le  fentiment  de 
notre  Auteur  lur  l'effet  de  l'Ai- 
man î  Le  voici  :  il  croit  que  fans 
ces  fuppofitions  de  vis  &  d'écto/ies, 
fuppolîtions  qu'il  appelle  artificieu- 

fes  t  l'on  peut  rendre  raifon  de  tous 
les  effets  merveilleux  de  la  pierre 
dont  il  s'agit ,  en  difant  que  la  même 
matière  éthérêe  qui  ,  jointe  avec  les 
atomes  de  l'air  fait  toirner  la  terre  , 
&  qui  fe  meut  avec  une  rapidité  ex- 
trême ,  fort  par  un  coté  des  fibres  de 
l'aiman  ,  &  rentre  par  le  coté  oppofé> 

formant  ainfl  un  petit  tourbillon  qui 

fait  faire  à  l'aima»  tous  les  mouve- 
mens  qu'on  y  remarque.  M.  Colonne 
prétend  que  le  feul  mouvement 
rapide  de  cette  matière  ,  que  l'on 
appellera  ,  fi  l'on  veut ,  matière 
magnétique  ,  fuffit  pour  expliquer 
tous  les  phénomènes  de  l'aiman. 
Il  entre  à  ce  fujet  dans  iwi  détail 
qu'il  feroit  trop  long  d'expofer  ici, 
on  le  peut  voir  dans  le  Livre. 

Quelques  Auteurs  ont  écrit  que 
l'Aiman  réduit  en  poudre  confer- 
voit  toujours  la  vertu  de  tirer  le 
fer. 

M.  Colonne  ne  donne  pas  dans 
cette  penlée ,  il  déclare  qu'une 
pierre  d'Aiman  quelque  efficace 
qu'elle  foit,  n'a  plus  de  force  étant 
réduite  en  poudre  ,  &  il  foûtient 
qu'elle  ne  peut  pas  même  tirer 
alois  la  plus  petite  parcelle  de  fer. 
Il  ne  nie  pas  qu'un  bon  Aiman 
puL'erifé  ne  puiffe  faire  forrir  le 
ter  d'une  playe  v  étant  appliqué 
en  cataplâmc  ,  mais  il  prétend  que 
l'Aiman 


S  E  P  T  E  M 

l'Aimât!  nagit  point  alors  pur  attrac- 
tion,  &  <jn"  connu  cette  pierre  con- 
tient beaucoup  de  fer  &  defùHptire 
jn>  /.'  compofent }  il  arrive  eftfen  ref- 
•  les  chairs  ,  elle  faitfèrtir  te  fer 
qui  eft  ians  la  plays. 

Pour  ce  qui  elt  du  magnétifme 
de  plufieurs  autres  corps  ,  M.  Co- 
lonne prétend  que  ce  magnétifme 
vient  comme  celui  de  l'Aiman  de 
l'cmilfion  de  quelque  matière  fpi- 
iitueufe  qui  fort  d'un  corps  &c  qui 
rencontre  les  fibres  ou  les  efprirs 
d'un  autre  corps  avec  lefquels  elle 
s'alTocie. 

Ce  principe  pofé  ,  il  ne  croit  pas 
qu'il  en  taille  davantage  pour  ex- 
pliquer ce  qu'on  rapporte  de  la  Be- 
lette à  l'égard  du  Crapau  ,  fçavoir 
qu'elle  va  fe  jetter  d'elle  -  même 
dans  la  gueule  de  cet  animal , 
quand  il  fe  prefente  à  elle.  Car  il 
ne  doute  point  du  fait  ,  &  il  affine 
qu'en  1723.  un  piqueur  fit  voir  au 
Roi  ,  &:  à  toute  la  Cour  qui  chaf- 
foit  dans  la  forêtde  Fontainebleau, 
cet  effet  du  Crapau  fur  la  Belette. 
Le  Piqueur  prit  une  Belette  &  la 
mit  auprès  d'un  Crapau  ;  à  cette 
vue  elle  fit  plufieurs  cris ,  &  après 
s'être  agitée  longtems  ,  elle  alla 
enfin,  dit  notre  Auteur,  mettre 
fa  tête, en  prefence  de  tout  le  mon- 
de,dans  la  gueule  de  cet  animal. 

Voilà  le  fait  comme  M.  Colonne 
le  raconte.  Voici  l'explication  qu'il 
en  donne  ,  nous  la  rapporterons 
mot  à  mot. 

»  Quand  nous  verrons  que  la  Be- 

»  lette  va  fe  jetter  elle  même  dans 

»  la    gueule    du    Crapau    qu'elle 

»  abhorre  ,  il  faut  dire  que  cetef- 

Septemb. 


BRU,     !7H<  6"?$ 

»  fer  provient  des  vapeurs  véni- 
>»  meufes  qui  s'exhalent  des  yeux. 
»  &  de  la  gueule  de  cette  vilaine 
»  bête  ,  k-fquelles  troublent  de 
»  manière  les  efprits  de  la  Belette, 
»  l'enyvre  à  un  point ,  qu'elle  ne 
»>  fçait  plus  ce  qu'elle  fait  ,  &  en 
»  quelque  manieie  elle  fefenren- 
»  veloppée  &c  attirée  dans  le  ventre 
»  du  Craj  au  ,  commele  fuccin  en- 
»  veloppe  la  paille  &  autres  corps 
»  légers  qu'il  attire  à  lui.  Il  en  faut 
»  dire  de  même  de  la  Belette  qui 
»  attire  le  Roffignol. 

Notre  Auteur  pour  appuyer  cet- 
te explication  allègue  ce  que  peu- 
vent fur  l'efprit  de  l'homme,  les 
charmes  d'une  femme  :  nous  rap- 
porterons encore  fes  propres  paro-, 
les. 

»  Quoique  cet  effet  (  du  Crapau 
»  fur  la  Belette  )  paroi  fie  furpre- 
»  nant  ,  cependant  celui  qu'une 
»  femme  fait  tous  les  jours  fur  un 
*>  animal  auffi  raifonnable  ,  que 
»  l'homme  fe  dit  être  ,  me  paroît 
m  encore  plus  merveilleux.  Car 
»  fouvent  elle  l'attire  à  elle  malgré 
»  lui ,  comme  le  Crapau  fait  la  Be- 
»  te,  cv  le  force  contre  les  lumières 
»  de  fa  raifon  ,  à  faire  tant  de  fotti- 
»  fes  ,  fouvent  même  de  courir  à 
y  la  mort  ,  foit  par  jaloufie ,  ou 
»  par  vengeance  ,  ou  pour  parvenir 
»  à  une  fatale  union  qui  fait  tant  de 
»  honte  ,  étant  bien  confîderée  ,  à 
»  la  nature  humaine.  N'étant  que 
»  trop  vrai  qu'un  homme  lur  qui 
»  les  vapeurs  d'une  femme ,  ont 
»  beaucoup  d'attraits  eft  capable 
»  de  tout  faire  ,  &  de  tout  entre- 
»  prendre  à  quelque  prix  que  ce 
A  aa  a 


540  JOURNAL   D 

»  foit  ,  &  en  connoiftant  même 
3>  ibuvent  que  fa  perte  eft  intailli- 
•a  ble  -,  on  doit  entendre  la  même 
»  chofe  de  la  femme  dominée  par 
*>  les  vapeurs  de  l'homme  ,  laquel- 
»  le  ,  quoique  timide ,  ofe  tout  en- 
»  treprendre  en  ta  faveur. 

Notre  Auteur  explique  par  le 
même  moyen  ,  c'eft  -à-dire  par  l'é- 
milïioii  de  vapeurs  qui  exhalent 
d'un  corps  6V  qui  entrent  dans  un 
autre  ce  qu'on  ditde  la  Torpille, 
laquelle  engourdit  le  buas  de  ceux 
qui  la  touchent  avec  un  bâton  ,  & 
il  explique  de  la  même  manière 
comment  le  Bafilic  peut  tuer  par 
fon  regard  ,  comment  des  hommes 
peuvent  endommager  par  leurs 
yeux  ,  des  troupeaux  entiers  ,  ainfi 
que  le  témoigne  Virgile  par  ces 
mots  ,  oculis  mihi  fafemat  agnos  t 
comment  un  homme  qui  fut  brû- 
lé à  Naples  en  16C0.  pouvoit  cm- 
poifonner  à  fon  gré ,  toutes  fortes 
de  perfonnes  félon  la  manière  dont 
il  s'y  pïenoit  pour  les  regarder  ;  ce 
qui  eft  fi  vrai ,  dit  notre  Auteur  , 
que  cet  homme  avoiia  dans  les 
tourmens  de  laqueftion ,  avoir  fait 
mourir  ainfi  un  Evêque  qui  le  me- 
naçoit  de  quelque  châtiment.  On 
lit  dans  le  Voyage  Hiftoriqued'A- 
billinie  imprimé  à  Paris  en  1729. 
chez  la  veuve  Coutelier,  que  ie 
Pcre  Lobo  s'étant  couché  à  terre  en 
traverfant  un  defert  ,  s'en  trouva 
très  incommodé  ,  qu'il  fur  obligé 
de  fe  relever  fur  le  champ  ,  &  qu'é- 
tant de  bout ,  il  apperçut  à  quatre 
pas  de  lui  ,  un  de  ces  Serpents  qui 
lancent  leur  venin  d'allez  loin  -, 
Que  fi  ce  Père  eut  attendu  plus 


ES  SÇ  A  VAN  S, 

long-tems  &  n'eût  pas  pris  la  fuite, 
ce  Serpent  l'eût  tué  lans  l'appro- 
cher de  plus  près.  Ces  Serpens  ne. 
font  pas  fort  longs  ,  ils  ont  le 
ventre  gros ,  roui  tacheté  de  noir  „ 
de  brun  &  de  laune.  Ils  ont  la  gueu- 
le très  -  grande  &  refpirent  beau- 
coup d'air  qu'ils  retiennent  Se 
qu'ils  repouffent  er.luite  avec  tant 
de  torce  de  d'abondance  ,  qu'ils 
enpoiionnent  cV  tuent  de  plu- 
ficurs  pas. 

M.  Colonne  n'oublie  pas  cette 
Hiftoire  qui  eft  bien  plus  vraifem- 
blable  que  celle  qu'il  rappoite  en- 
fuite  fur  la  foi  de  Léona.d  Varis  ; 
fçavoir ,  qu'un  homme  étant  entré 
chez  un  Lapidaire  qui  avoit  entre 
les  mains ,  une  pierre  de  prix  ,  ne 
fit  que  la  regarder  ,  &  la  rompit 
tout  d'un  coup  en  deux  ,  par  foa 
feul  regard-,  il  rapporte  encore  ce 
qu'on  lit  dans  le  Père  Nieremberg 
d'un  autre  homme  qui  en  regar- 
dant d'une  certaine  façon,  un  che- 
val ,  le  faifoit  tomber  tout  d'un 
coup  par  terre. 

La  pierre  nommée  Selenite  dont 
parle  le  Docteur  Mizaldus  ,  com- 
me d'une  merveille  qu'il  a  vue  dé 
fes  propres  yeux,  n'eft  pas  non  plus 
lailtée  en  arrière  par  M.  Colonne  , 
Se  il  en  fait  un  long  article  :  c'eft 
une  pierre  fur  laquelle  eft  une  ta- 
che blanche  qui  croit ,  dit-on ,  & 
décroit  avec  la  Lune. 

La  pierre  nommée  fJélites  ,  c'eft- 
à-dire  Snlairc  ,  laquelle  par  une  ta- 
che d'or  qu'on  y  voit ,  marque  le 
lever  &  le  coucher  du  Soleil ,  eft 
une  autre  merveille  que  notre  Au- 
teur ne  cioit  pas  moins  véritable: 


S  E  P  T  E 

il  dit  que  le  Pape  Clément  VII. 
aveit  ,  à  ce  qu'on  prétend  ,  une 
fembiable  pierre  ,  &  que  le  Pape 
Léon  X.  avoit  une  Sélénite,  qui 
eft  celle  qui  marque  par  une  tache 
blanche,quand  la  Lune  croit  ou  dé- 
croit. 

Nous  redirons  rien  ici  de  l'her- 
be nommée  Aglaophoris ,  qui,  pen- 
dant la  nuit  ,  dit  notre  Auteur, 
brille  comme  la  Lune  ;  ni  de  l'her- 
be appellée  NiBgreto  ,  laquelle  ac- 
quiert la  même  vertu  ,  quand  on  la 
fait  fecher  trente  nuits  au  clair  de 
la  Lune,  c'eft  Démocrite  qui  racon- 
te la  chofe  ,  &:  il  n'y  a  pas  d'appa- 
rence ,  dit  M.  Colonne,  qu'un  aui'fi 
grand  homme  que  Démocrite,  eût 
ofé  avancer  une  telle  chofe  fans  un 
fondement  folide. 

L'Hirondelle  marine  qui  étant 
fufpenduë  morte,  ne  manque  point 
à  ce  qu'on  dit ,  de  tourner  toujours 
le  bec  vers  l'endroit  d'où  le  vent 
fouftle  ,  arrête  particulièrement 
l'attention  de  notre  Auteur  ,  qui 
n'omet  pas  de  rapporter  là-deflus  le 
témoignage  de  Kirkeri  il  avoue 
qu'il  eft  difficile  de  découvrir  la 
caufe  de  ce  Magnétifme  ;  mais 
on  peut  dire  ,  à  ce  qu'il  croit,  »que 
»  la  même  propriété  que  ce  poif- 
»  fon  polïede  étant  vivant,  de  fe 
»  tourner  vers  le  vent  qui  foufïle  , 
»  il  la  conferve  encore  après  fa 
»  mort ,  en  forte  que  de  la  même 
»  manière  que  le  courant  de  la  ma- 
=•  tiere  magnétique  dirige  l'aiman 
»  vers  les  pôles  ,  femblablement  la 
«»  matière  du  vent  dirige  les  fibres 
»  de  ce  poiflon  mort  ,  comme  il 
»  les  dirigeoit  pendant  qu'il  étoit 
u  en  vie. 


M   B  R  E  ;    i  7  5  4.        ^r 

La  différence  que  M.  Colonne 
trouve  ici  ,  c'eft  que  l'aiman  pa- 
roît  fe  diriger  toujours  vers  un 
point  fixe ,  au  lien  que  le  poiflon 
volant  dont  il  s'agit,  tourne  tou- 
jours plus  aifément  &£  plusfûre- 
ment  qu'une  girouette  ,  à  toutes 
fortes  de  vents.  Tout  ce  qu'il  croit 
qu'on  peut  dire  là-deflus ,  après 
Kirker  ,  c'eft  qu'il  eft  probable  que  le 
vent  eft  abfolument  l'agent  de  cette 
merveille  ,  comme  le  courant  de  lit 
matière  magnétique  eft  l'agent  qui  fait 
tourner  l'aiman,  lequel  ne  donne  de  fa 
■part ,  que  la  direïïton  defes  fibres  ,  ce 
qu'on  ne  peut  pas  dire  de  l'HyronM- 
le  Marine. 

En  voila  fuffifamment  pour 
donner  une  idée  de  cette  Hiftoire 
Naturelle  de  l'Vnivers.  Nous  ne 
croyons  pas  même  ,  après  ce  que 
nous  venons  d'en  rapporter  ,  qu'il 
foit  neceflaire  de  faire  dans  la  fuite 
aucun  Extrait  des  trois  autres  Par- 
ties que  le  Libraire  promet  de  pu- 
blier inceflamment. 

Nous  nous  contenterons  feule- 
ment d'avertir  ici  que  M.  Colonne 
y  parlera  i°.  du  flux  &  du  reflux  de 
la  mer  en  général  &c  de  celui  de 
l'Euripe  en  particulier  ;  20.  des 
Tempêtes  ,  des  Météores  ,  &  des 
courans  de  la  mer ,  des  pluyes  or- 
dinaires 6V  extraordinaires  ;  30.  des 
Lacs  ,  des  Fontaines ,  des  Rivières 
Se  des  Plantes;  40.  des  Animaux 
Quadrupèdes  ,  des  Oifeaux  &c  des 
Poiflons ,  des  Infc&es  5c  des  petits 
Animaux  qui  ne  font  vihbles  que 
par  le  Microfcope  ,  &  enfin  de 
l'homme  ;  50.  des  Vents ,  tels  que 
les  Vents  Alifées  ,  Mouflons  &  au- 
A  a  a  a  ij 


6kz         JOURNAL    DES    «ÇAVÂNS, 

ries  qui   foufflcnt  communément      tems  de  l'année.    C'eft  l'avis  que 
rers  certains  endroits  6c  en  certains      donne  le  Libraire. 

t  ES    JNTF,  RESTS   PRES  ENS  DES  PVISS4NCES  DE 
L'Europe  fondis" fut  les.  Traitez,  conclus  depuis  la  Paix  âVrrccht  incluji- 
U  C  preuves  des  prétentions  particulières.  Par  M.  J.  RoulTet, 

Membre  de  la  Société  Royale  des  Sciences  de  Berlin  ,  &c.  A  la  Haye  , 
chez  Adrien  Moetytni ■',  Libraire.  17;, 3-  '«-4°.  2..  Vol.  Tom.  I.  pp.  608. 
Tom.  II.  pp.  760. 


UNE  des  principales  pirties 
de  la  Politique  eft  de  connoî- 
tre  les  intérêts  des  Princes ,  &  d'ê- 
tre inftruit  de  leurs  prétentions  res- 
pectives. C'eft  pourquoi  la  plupart 
des  Auteurs  qui  ont  travaillé  fur  la 
Politique  ou  furie  Droit  Public, 
ont  traité  cette  matière  importan- 
te. Mais  Henri  Duc  de  Rohan  eft 
•le  premier  qui  ait  donné  au  Public 
un  Traité  des  Intérêts  des  Princes. 
Ce  Traité  a  été  réimprimé  plu- 
sieurs rois ,  même  avec  des  addi- 
tions é\:  des  remarques  que  d'autres 
Auteurs  v  ont  faites.  Catien  Cour- 
tils de  Sandras  ,  connu  en  Hollan- 
de fous  le  nom  de  Montfort ,  a 
publié  en  1685.  un  Volume  fous  le 
même  titre  t  qui  a  été  réimprimé 
trois  fois  en  peu  de  tems.  M.  Rouf- 
fet  dit  que  le  Duc  de  Rohan  écri- 
vant en  grand  Capitaine  étoittrop 
conhis  ,  &  que  l'autre  écrivant  en 
Auteur  étoit  trop  prolixe  ,  &  qu'il 
fe  jettoit  fouvent  dans  des  di^ref- 
fions  ennuieufes.  Il  reproche  à 
Courtils  trop  de  partialité.  Mais  il 
n'ajoute  pas  ce  que  difent  M.  Lan- 
glet  Si  le  Père  le  Long  en  compa- 
rant ces  deux  Ouvrages,  que  le 
Traité  de  Courtils  n'eft  qu'une 
ojauvaife  copie  d'un  excellent  ori- 


ginal ;  que  le  Duc  de  Rohan  eft  un 
Politique  confommé3quipaile  avec 
connoiflance  ,  Se  Cou.tils  un 
Avanturier  qui  hazarde  quelques 
reflexions  fur  le  peu  qu'il  fçait  du 
fujet  qu'il  traite. 

Quoiqu'il  en  foit  de  ces  deux. 
Ouvrages ,  il  eft  arrivé  de  fi  gran- 
des révolutions  en  Europe ,  non 
feulement  depuis  le  tems  auquel, 
le  Duc  de  Rohan  écii voit ,  mais 
encore  depuis  1  rtS  j.  que  Courtds  a^ 
écrit  fur  ce  fujet ,  que  la  plupart 
des  observations  de  ces  deux  Au- 
teurs ne  peuvent  guéresêtre  d'ufa* 
ge  aujourd'hui. 

A  l'égard  des  prétentions  refpeo 
tives  des  Princes,  c'eft  une  matiè- 
re qui  a  été  traitée  avec  beaucoup 
d'étendue  dans  un  Volume  in  fol. 
en  Allemand  de  M.  Schweder  Ré- 
férendaire du  Tribunal  de  la  Po- 
meranie  Brandebourgeoife  qui  a 
pour  titre  Tliêâtre  Hijforijue  des 
Prétentions  &  des  Controverfes  illu- 
fires  de  l' Europe.  Cet  Ouvrage  im- 
primé au  commencement  du  fié- 
cle  ,  a  fervide  Canevas  [  c'eft  l'ex- 
preflîon  de  notre  Auteur  ]  à  celui 
de  M.  GlarTey  Confeiller  de  la 
Cour  de  Saxe  &  Archivaire  de  l'E- 
k&eui  pour  faire  fur  cette  matière 


S  E  P  T  E  M 

importante  deux  Volumes  in-folio 
qu "il  a  publiés  en  172.7. 

Les  Intérêts  des  Princes  &  leurs 
prétentions  refpedives  font  deux 
objets  qui  font  tellement  lies  l'un 
avec  l'autre  qu'il  ne  ferait  guéres 
polîîble  dek'sdivifer.  C'en:  pour- 
quoi notre  Auteur  les  a  réunis  dans 
fon  Ouvrage  fous  chaque  Chapitre. 
Ses  obfervations  fur  les  Intérêts  des 
Princes  font  prefque  toutes  relati- 
ves à  l'état  où  fe  trouve  l'Europe 
depuis  la  Paix  d'Utrecht ,  de  forte 
qu'on  peut  le  regarder  comme  le 
précis  des  réflexions  qu'il  a  euoe- 
cafîou  de  taire  en  travaillant  à  fon 
Recueil  H-florique  d' AEles  }  Négo- 
ciations ,  Mémoires  &  Traitez  depuis 
la  Paix  d'Vtrecht  ,  dont  il  a  déjà 
donné  plufieurs  Volumes ,  &  qu'il 
s'engage  de  continuer. 

A  l'égard  des  prétentions  des 
Princes  fur  leurs  voilins ,  dont  M. 
Rouilet  a  traité ,  après  avoir  parlé 
de  leurs  intérêts ,  il  fait  connoîtie 
en  quoi  ces  prétentions  conliftent  , 
&  il  rapporte  un  précis  des  raifons 
pour  ou  contre  ces  prétentions. 
Notre  Auteur  avoiieavec  une  fran- 
chife  qui  ne  peut  que  lui  faire  hon- 
neur ,  qu'il  a  tiré  la  plus  grande 
partie  de  ce  qu'il  a  dit  fur  ce  fujet 
de  l'Ouvrage  de  M.  Glaffey  ,  dont 
ceux  qui  n'entendent  pas  la  langue 
Allemande  ont  tant  fouhaité  de 
voir  une  Traduction  Latine  ou 
Françoife  ,  &  qu'il  a  été  aidé  dans 
ce  travail  par  M.  Kauderbach  qui 
a  travaillé  avec  M.  Déciles  aux  no- 
tes fur  le  premier  Volume  de  la 
traduction  Françoife  du  de  Thou, 
imprimée  en  Hollande, 


B  R  E  ;    1734.  645, 

Cependant  M.  RoufTet  n'a  point 
cru  devoir  faire  une  traduction  fui- 
vie  de  l'Ouvrage  de  M.  Glafley 
parce  qu'il  lui  a  paru  qu'il  y  avoit 
trop  de  prolixité  dans  l'expoiîtion 
des  faits  qui  précèdent  chaque  pré- 
tention ,  S>c  parce  qu'il  a  cru  qu'il 
feroit  inutile  d'entrer  dans  Je  détail 
de  prétentions  anciennes  aufquelles 
lesPrinces  ont  renoncé  par  desTrai- 
tcz  folemnels.  Il  met  au  nombre 
de  ces  prétentions  celle  qu'avoit 
l'Empereur  ,  en  qualité  de  Chef 
de  la  Maifon  d'Autriche  ,  &  de 
pofleireur  dcsPays  Bas,  d'ériger  une 
Compagnie  des  Indes  en  Flandres., 
Les  Princes  dont  l'Auteur  expo- 
fe  dans  ce  premier  Volume  les  in- 
térêts &  les  prétentions  ,  font  le 
Pape  ,  l'Empereur  comme  Chef  de 
l'Empire  ,  èc  comme  Chef  de- la 
Maifon  d'Autriche,  les  Cantons 
Suillcs ,  la  Republique  de  Venife^ 
le  P\.oi  &  la  République  de  Polo- 
gne  ,  le  Czar  de  Ruille  ,  les  Rois, 
dc  Prude  ,  de  Suéde  ,  de  Dan- 
nemarc  ,  d'Angleterre  ,  de  Fran- 
ce ,  de  Sardaigne  ,  d'Efpagne  & 
de  Portugal.  Ce  qui  lui  fournit 
la  matière  de  dix-fept  Chapitres.  Il 
en  a  ajouté  un  dix  huitième  au  fu- 
jet de  la  Pragmatique  Sanction  pat 
laquelle  l'Empereur  régnant  a 
voulu  régler  la  fucceflion  à  fes- 
Erats  héréditaires,  fuivanr  l'ordre 
de  primogéniture  avec  indivifibili- 
té  ,  non  feulement  en  laveur  des- 
mâies  ,  mais  encore  au  défaut  de 
mâles  en  faveur  des  filles  &  de 
leurs  defeendans.  L'Auteur  n'a 
point  fait  dans  ceChapitrc,  comme 
dans  les  precedens,  où  il  parle  de- 


6m  JOURNAL D 

lui-même  ou  d'après  MM.  Schwe- 
der  Se  Glaffey.  À  pris  avoir  donné 
d.uisce  dernier  Chapitre  le  rextede 
la  Pragmatique  en  entier  avec 
quelques  Notes  c\:  quelques  Pièces 
qui  peuvent  y  avoir  rapport ,  il  a 
choiû"  entre  les  écrits  qui  ont  paru 
pour  ou  contre  cette  fameufe 
Pragmatique  ,  ceux  qui  lui  ont  pa- 
ru les  meilleurs ,  biffant  à  ceux  qui 
liront  ce  Recueil  à  prendre  leur 
parti,fuivant  que  leurs  lumières  les 
détermineront.  Ce  qui  ne  l'empê- 
che pas  de  parler  de  cette  Pragma- 
tique comme  d'une  conftitution 
ou  pacte  de  famille  qui  lui  paroît 
jufte  ,  &  convenable  aux  pactes  &c 
aux  conventions  qui  ont  été  laites 
long-tems  auparavant  fur  la  fuc- 
celîïon  aux  Etats  héréditaires  de  la 
Maifon  d'Autriche. 

Les  Pièces  inférées  dans  ce  hui- 
tième Chapitre  font,  i°.  les  prote- 
ftations  du  Miniftre  de  l'Electeur 
de  Bavière  à  la  diète  de  l'Empire, 
appuyées  de  celles  des  Miniftres  de 
Saxe  Sz  du  Palatin ,  qui  foûtint , 
fans  entrer  dans  le  mérite  du  tond 
de  la  Pragmatique  Caroline  ,  que 
l'Empire  ne  pouvoit  ,  ni  ne  devoit 
s'engager  à  la  garantie  de  cet  ordre 
de  lucccllîon  établi  pour  les  Etats 
héréditai  es  de  la  Maifon  d'Autri- 
che. 2°.  Des  Diflertations  pour  5c 
contre  fur  la  queftion  ,  fi  la  plurali- 
té des  voix  a  été  dans  la  diète 
de  l'Empire  d'accorder  à  l'Empe- 
reur la  garantie  qu'il  demandoit 
pour  fa  Pragmatique  ,  l'oppofition 
de  quelques  Princes  peut  empê- 
cher que  la  délibération  de  la  Dicte 
ne  foit  regardée  comme  uae  Loi 


ES  SÇAVANS; 

qui  oblige  tous  les  Membres  de 
l'Empire.  30.  Des  remarques  des 
Anglois  où  l'on  forment  que  l'ob- 
fervation  de  la  Pragmatique  eft 
neceffaire  pour  conferver  l'équili- 
bre dans  l'Europe.  40.  Les  réfle- 
xion*, d'un  Cofmopol i te  qui  prétend 
que  la  difpofition  de  IaPragm3tique 
de  Charles  VI.  donne  atteinte  aux 
Loix  &:  à  l'ordre  de  fucceder  dans 
la  plupart  des  Etats  héréditaires  de 
la  Maifon  d'Autriche  ,  &  que  cet- 
te Pragmatique  n'eft  point  revêtue 
des  forrmlitez  necelfaires  pour  en 
faire  une  Loi  irrévocable.  L'exa- 
men de  ces  reflexions  par  un  Pa- 
triote Alhmani impartial 3une  Lettte 
qui  fert  de  réponfes  à  l'examen  des 
reflexions  du  Patriote  Allemand  ; 
&  des  obfcrvatiom  où  l'on  défend 
la  Pragmatique  ,  foit  par  rapport  à 
la  forme  ,  foit  par  rapport  au  fond. 
Cette  dernière  Pièce  elt  Latine ,  de 
même  que  la  Diflertation  où  l'on 
prétend  prouver  que  la  pluralité 
des  voix  dans  les  Dictes  de  l'Empi- 
re forme  une  conclulion  qui  obli- 
ge tout  le  corps  Germanique.  Les 
autres  font  des  Pièces  Allemandes 
que  M.  Roulfet  a  mifes  en  Fran- 
çois 

A  l'égard  des  autres  Souverains 
de  l'Europe  dont  l'Auteur  n'a 
point  parlé  dans  c-  s  deu\Volumes, 
il  fera  de  leurs  intérêts  &C  de  leurs 
prétentions  le  fujet  d'un  Volume 
que  l'Auteurs'engage  de  donner  au 
Public  dans  peu  de  tems. 

Les  Recueils  des  Traitez  &  des 
Actes  qui  rcmnliflent  le  fécond 
Volume  ,  que  l'Auteur  a  publié  en 
même  tems  que  fon  premier  Tome  j 


S  E  P  T  E  M 

ce  font  pour  la  plupart  des  Traitez 
faits  depuis  17 11.  qui  fervent  de 
preuve  à  un  grand  nombre  de  faits 
fur  lefquels  roulent  fes  réflexions 
par  rapport  aux  intérêts  prefens  des 
Princes.  De  tous  les  Traitez  plus 
anciens  ,  il  ne  rapporte  que  ceux 
qui  d'un  commun  confentement 
font  regardés  comme  perpétuels. 
Tels  font  la  Bulle  d'or,  les  Traitez 
de  \7eftphalie,  celui  d'Oliva  ,  & 
quelques  Traitez  de  Commerce , 
qui  font  toujours  en  vigueur  &c 
qu'on  renouvelle  dans  tous  les 
Traitez.  M.  RoulTet  regarde  ce 
Recueil  comme  un  corps  univerfel 
de  droit  politique  pour  l'état  pre- 
fent  de  l'Europe. 

Après  cette  ample  expofition  du 
plan  de  M.  Rouflet  ,  il  ne  nous 
refle  qu'à  rapporter  le  précis  d'un 
article  pour  donner  une  idée  de  la 
manière  dont  l'Auteur  la  remplit. 
Il  ne  nous  eft  pas  poflîble  de  parler 
de  chaque  article  ni  même  de  cha- 
que Chapitre  qui  eft  compofe  de 
plufieurs  articles  fur  des  matières 
toutes  différentes. 

Dans  le  Chapitre  quatrième 
l'Auteur  traite  des  intérêts  &  des 
droits  de  l'Empereur  ,  comme 
Chef  de  la  Maifon  d'Autriche  -,  le 
premier  objet  qui  fe  prefente  à  fon 
cfprit  eft  la  Pragmatique  qui  tient 
aujourd'hui  toute  l'Europe  attenti- 
ve.Il  croit  que  cet  ordre  de  fuccef- 
fîon  individuelle  ,  dans  l'ordre  de 
primogéniture ,  même  par  rapport 
aux  filles  &  aux  defeenaans  des  fil- 
les eft  neceffaire  pour  conferver 
l'équilibre  en  Europe  ,  afin  qu'il  y 
ait  toujours  une  Maifon  qui  pmjjs 


B  H,   17  ?  4.  6+f 

faire  tête  à  la  puilfance  de  la  Maifon 
de  Bourbon  ;  cet  ordre  dans  la  fuc- 
ceflïon  lui  paroît  même  une  1:  ite 
de  la  maxime  politique  qui  a  krvi 
de  fondement  à  la  grande  alliance 
formée  par  le  Roi  Guillaume  con- 
tre les  Royaumes  de  France  & 
d'Efpagne.  Mais  il  avoue  que  ces 
raifons  politiques  ne  fuffiknr  pas 
pour  autorifer  la  Pragmatique , 
même  pour  engager  les  autres  Na- 
tions à  la  garantir  ,  fi  elle  fait  pré- 
judice à  un  tiers  ;  s'il  y  a  ,  par 
exemple  ,  des  pactes  de  famille  en- 
tre la  Maifon  d'Autriche  &  celles 
de  quelques  autres  Princes  d  Alle- 
magne ,  pour  une  fuccellîon  réci- 
proque au  défaut  d  hoirs  mâles. 
M.  Roulfet  foûtient  que  dans  ce- 
cas  l'Empereur  n'a  pu  dépouiller 
ces  Princes  d'un  dioit  qui  leur 
étoit  acquis.  Notre  Auteur  vient 
enfuite  aux  précautions  que  prend 
l'Empereur,  pour  faire  ftipuler  la 
garantie  de  la  Pragmatique  Sanc- 
tion par  tous  les  Traitez  qu'il  fait 
avec  d'autres  Souverains.  Mais  il 
obferve  qu'on  a  mis  la  claufe  dans 
ces  Traitez  de  garantie  ,  autant  que 
cette  Loi  aura  été  reçue  par  les 
Etats  des  Pays  appartenans  à  la 
Maifon  d'Autriche  ,  6c  que  les  dé- 
fenfeurs  de  la  Pragmatique  ont 
lieu  de  craindre  que  les  Etats  de 
Bohême  6c  de  Hongrie  ne  préten- 
dent fe  prévaloir  d'anciennes  pro- 
teftations ,  pour  rétablir  l'ék(5tion3 
en  appellant  comme  d'abus  ,  dit 
l'Auteur,  au  Tribunal  de  tout  l'U- 
nivers de  la  fourmilion  qu'ils  ont 
témoigné ,  lorfqu'on  leur  a  lu  la 
Pragmatique  Sancfion5  parce  qu'ils 


6*6  JOURNAL    DES    SÇAVANS; 

n'etoient  point  en  état  de  faire  au-      ment  que  quelques  politiques  rc- 


tre  chofe  ,  que  ce  que  l'autorité 
fouveraine  appuyée  de  la  rorce  éxi- 
geoit  d'eux. 

Quelques  perfonnes  font  frap- 
pées d'une  autre  vue.  C'eft:  que 
l'Empire  a  ,  dilent-ils  ,  intérêt 
d'empêcher  l'effet  de  la  Pragmati- 
que ,  afin  qu'il  ne  fe  trouve  pas  en 
Allemagne  un  Prince  allez  puilTant 
pour  obliger  les  Electeurs  à  perpé- 
tuer l'Empire  dans  fa  tamille  , 
comme  il  a  été  continué  dans  la 
Maifon  d'Autriche.  M.RoulTet  ne 
dit  rien  qui  détruife  ce  raifonne- 


gardent  comme  un  moyen  qui  au- 
roit  dû  au  moins  empêcher  les  Im- 
périaux de  s'engager  à  la  garantie 
de  la  Pragmatique.  Il  fe  contente 
de  foûtenir  que  l'Empereur  s'efl; 
conduit  jufqu'à  prefent  de  manière 
à  diflîper  entièrement  cette  crainte 
qu'on  auroit  pu  avoir  des  prédecef- 
feurs  de  Léopold. 

Ceux  qui  font  curieux  de  politi- 
que auront  recours  au  Livre  même, 
s'ils  veulent  voir  un  plus  grand 
nombre  d'exemples. 


JOANN1S-JACOBI  MANGFTI  MFDICïNyE  DOCTORIS  ET 
Sereniflîmi  Régis  Prullîa:  Archiatri  Bibliotheca  Scriptorum  Medico- 
rum  ,  veterum  &-  recentiorum ,  in  qua  fub  eorum  omnium  ,  qui  à 
Mundi  primordiis  ad  hune  ufqueannum  vixerunt,  nominibusordinc 
alphabetico  adfcriptis  ,  viter  compendio  enarrantur;  opiniones  &  lciip- 
ta  ,  modefta  fubinde  adjcéta  Iv^fUn  recenfentur  ;  ac  Sectx  prarcipuce  , 
fub  quarumque  propria  appellations  cxplicmtur  :  lîcque  Hiitoru  Me- 
dica  verè  univerialis  exhibetur ,  &c.  Genevx ,  fumptibus  Perachon  !c 
Cramer.  1731. 

C'eft  à  dire  :  Bibliothèque  des  Ecrivains  de  Médecine  5  tant  anciens  que  mo- 
dernes 5  oit  l'on  trouve  leurs  noms  rannés  par  ordre  alphabétique  }  leurs  fies 
en  abrégé ,  leurs  opinions  y  leurs  Ecrits  accompagnés  d'une  Critique  ou  d'un 
Jugement  modefle  &  leurs  différentes  Seules  ;  ce  qui  forme  une  Hifloirc 
vraiment  univerfelle  de  la  Médecine  :  par  Jean-Jacques  Manget,  Douleur 
en  M.decine  t  &  premier  Médecin  du  Roi  de  Prujfe.  A  Genève  ,  aux  dé- 
pens de  Perachon  Se  de  Cramer.  1731.  in-fol.  4.  vol.  Totn.  I.  pp.  58''.' 
Tom.  II.  pp.  790.  Tom.  III.  pp.  88- 570.  Tom.  IV.  pp.  €•■)•).  fans  com- 
pter la  Table.  Planch.  détachées  xvi. 


ENTRE  les  divers  Auteurs  , 
qui  fe  font  propofé  de  raftem- 
bler  en  un  corps  les  titres  de  tous 
les  Livres  de  Médecine  ,  &  de  les 
ranger  dans  l'ordre  le  plus  conve- 
nable pour  en  former  une  Biblio- 
thèque ,  on  peut  dire  que   Jean 


Vanderlinden s  Médecin  d'Amfter- 
dam  s'eft  acquis  le  plus  de  réputa- 
tion en  ce  genre.  Son  Ouvrage  inti- 
tulé de  Scnptis  Medicis  parut  pour 
la  première  fois  à  AmfUrdam  criez 
Blaeu  en  1637.1/7-8°.  puis  en  1651. 
Si  en  1661.  au  même  endroit  &  de 

la 


S  E  P  T  E  M 

la  même  forme,  avec  des  additions 
considérables.  En  ié%6.  George- 
Abraham  Merckltn  en  donna  une 
quatrième  Edition  ,  beaucoup  plus 
riche  &:  plus  commode  que  les 
précédentes  ;  Si.  elle  fut  publiée  à 
Nuremberg  chez  Endter  ,  fous  le 
titre  de  Lindenius  renovatus  ,  in-40. 
Mais  comme  depuis  l'année  i68tf. 
on  a  mis  au  jour  un  grand  nombre 
de  Livres  de  Médecine  en  toute 
Langue  ,  lefquels  dévoient  fournir 
un  ample  Supplément  aux  pre- 
miers Recueils  ,  fans  compter  les 
omitlîons  des  Ouvrages  compofés 
dans  le  cours  des  années  antérieu- 
res à  cette  époque  ,  Se  qui  dévoient 
entrer  aullî  dans  ce  même  Supplé- 
ment :  M.  Manget  a  eu  le  courage 
de  fe  charger  de  cette  tâche  Se  de 
la  remplir  jufqu'à  un  certain  point, 
malgré  les  difticultcz  Se  les  défa- 
grémens  inféparables  d'un  travail  fi 
fec&  (i  épineux. 

Il  eft  vrai  que  ce  travail  devoit 
l'être  pour  lui  beaucoup  moins  que 
pour  quantité  d'autres ,  par  la  lon- 
gue habitude  qu'il  s'eft  faite  de  ces 
fortes  de  compilations ,  ayant  pafTé 
toute  fa  vie  à  ramaffer  les  maté- 
riaux neceiTaires  à  la  construction 
de  toutes  les  Bibliothèques  dont  l'af- 
femblage  doit  meubler  en  partie  le 
Cabinet  d'un  Médecin  qui  com- 
mence à  prendre  connoiflance  des 
Livres  de  fa  Profeffion.  En  eflet 
nous  avons  déjà  de  M.  Manget  une 
Bibliothèque  d'Anatomte  en  deux 
Volumes  in-folio  \  une  de  Médecin 
ne  Pratique  en  quatre  Volumes 
in-folio  ;  une  de  Chirurgie  ,  aulîi  en 
quatre  Volumes  in- folio;  une  de 
Septemb, 


B  RE,  1734.  6*47 

Pharmacie  Se  une  de  Chimie  ■  cha- 
cune en  deux  Volumes  m-folto.  Les 
fouhaits  ardens  que  fait  le  célèbre 
Jean  Albert  Fabricius  dans  le  dou- 
zième Volume  de  fa  Bibliothèque 
Grèquey  pour  une  nouvelle  Edition 
d'une  Bibliothèque  des  Ecrivains 
de  Médecine  ,  plus  complette  Se 
plus  achevée  ,  que  celles  qu'on  a 
vues  jufqu'ici  ;  ont  beaucoup  en- 
couragé notre  Auteur  à  l'exécution 
d'une  pareille  entreprife,  ainfi  qu'il 
l'avoue  lui-même ,  dans  fa  Préface. 
Comme  il  a  pris  pour  canevas  de 
cette  nouvelle  Bibliothèque  celle 
de  Merckfin  ;  un  de  fes  premiers 
foins  a  été  de  fe  preferire  pour  l'ar- 
rangement alphabétique  des  noms 
d'Auteurs ,  un  ordre  tout  différent 
de  celui  qu'a  fuivi  fon  guide  ,  qui 
les  range  par  leurs  prénoms  ou 
noms  de  Baptême  ;  ce  qui  met 
fouvent  dans  la  necedité  de  cher- 
cher en  deux  endroits  l'Auteur 
dont  on  a  befoin  ;  au  lieu  que  M. 
Manget  les  rangeant  tous  par  leurs 
noms  de  famille  il  épargne  bien  du. 
tems  au  Lecteur.  De  plus ,  il  arrive 
quelquefois  que  lorfqu'un  feul  Se 
même  Auteur  eft  connu  fous  deux 
noms  differens ,  Aferckjin  en  parle 
d'abord  fous  le  nom  le  plus  ordi- 
naire ,  puis  en  reparle  tout  de  nou- 
veau fous  le  nom  moins  commun  , 
répétant  ce  qu'il  en  a  déjà  dit  ail- 
leurs. M.  Manget  n'eft  point  tombé 
dans  ces  fortes  de  redites.  Mais 
malgré  toute  fon  attention  à  corri- 
ger les  fautes  d'impreffion  fans 
nombre  qui  défigurent  l'Edition 
de  Mercklin  ;  il  ne  fe  flatte  pas  d'y 
avoir  aulîi  -  bien  réuffi  qu'il  l'eût 
Bbbb 


éu8         JOURNAL    D 

fôuhaitê  ;  &  cela  par  la  négligence 
des  Copiftes ,  des  Imprimeurs  & 
des  Correcteurs.  Cette  négligence 
elt  allée  jufqu'au  point  d'omettre 
non  feulement  des  fyllabes  &c  des 
mots  ,  mais  encore  des  lignes  en- 
tières ,  fur  -  tout  dans  les  extraies 
qui  ont  été  tranferitsdes  Journaux 
de  Liplîc. 

Quant  aux  fecours  qu'il  s'efi: 
voulu  procurer  pour  l'accroiffe- 
ment  &  la  perfection  de  cette  Bi- 
bliothèque ,  par  le  projet  qu'il  en 
a  publié  il  y  a  quelques  années  ;  & 
dans  lequel  il  inviroit  les  amateurs 
de  la  Médecine  à  lui  indiquer  de 
quoi  enrichir  fa  Collection  :  il 
nous  déclare  qu'il  n'a  rien  tiré  pour 
cela  ni  des  Médecins  François ,  ni 
des  Espagnols  ,  ni  des  Anglois  ,  ni 
des  Hollandois  -,  &  qu'il  n'a  même 
reçu  que  très-peu  de  chofe  de  fes 
Compatriotes  les  Allemands-,  mais 
qu'en  recompenfe  ,  il  n'a  pas  trou- 
vé la  même  ftérilité  chez  les  Mé- 
decins Italiens;  &  que  MM.  Val- 
lifiiieri ,  Nigrifoli  ,  Lanz.oni  ~  Fan- 
toni ,  Bianchi  3  foit  par  leurs  pro- 
pres richeffes  }  foit  par  celles  de 
leurs  amis  répandus  dans  toute 
l'Italie  ,  ont  été  pour  lui  une  très- 
grande  rellource.  Il  efpcre  que  les 
Médecins  qui  dans  les  autres  Pays 
n'ont  point  répondu  fur  cet  article 
à  fes  prenantes  follicitations,  n'au- 
ront point  de  reproches  légitimes  à 
lui  faire,  s'ils  ne  trouvent  dans  cette 
Bibliothèque  nulle  mention  d'eux 
ni  de  leurs  Ouvrages  :  puifqu'il 
s'eft  vu  réduit  fur  leur  chapitre  ,  à 
ee  que  les  Boutiques  des  Libraires 
*-   '  »-  'o'uuiaux  publics  auroien: 


ES    SÇAVANS, 

pû  lui  en  apprendre. 

A  l'égard  des  autres  fources  où  il 
a  puifé  ,  outre  celles  qui  font  indi- 
quées dans  le  titre  du  Livre  ,  &C 
qui  font  les  anciens  Médecins  dont 
les  Ouvrages  font  venus  jufqu'à. 
nous ,  les  Ecrivains  leurs  contem- 
porains ou  autres  qui  ont  parlé 
d'euxJesCompilateurs  de  Diction- 
naires ,  les  Catalogues  de  Livres 
de  Médecine  ,  les  mélanges  de  l'A- 
cadémie des  Curieux  de  la  nature  ' 
les  Atlcs  de  Copenhague  recueillis 
par  Thomas  Barthohn  t  ceux  de 
Lipfic  :  il  a  eu  recours  encore  à  la 
Bibliothèque  Efpagnole  de  Nicolas 
Antoine ,  en  quatre  Volumes  in-fol. 
pour  les  Médecins  de  cette  Nation; 
à  la  "Bibliothèque  Sicilienne  de  M. 
Antoine  Mongitore  s  en  deux  Vo- 
lumes in-folio  ;  à  l'Hiftoirede  l'ZJ- 
niverfité  de  Padoïte  ,  par  Nicolas 
Comnine  ,  en  deux  Volumes  m  fol, 
aux  Notices  des  Ecrivains  de  Bou- 
logne données  par  François  Pérégrini 
&  Antoine  Orlandi  ,  /w-40.  au  dé- 
nombrement des  Médecins  Mtla- 
nois  ,  par  Barthelemi  Corté ,  in-^°. 
à  ['Italie  Lettrée  de  Hyacinthe  Gim- 
ma  ,  en  deux  Volumesl»-4°.  pour 
ne  rien  dire  des  différentes  Hifloire; 
de  la  Aîidecine ,  publiées  par  MM. 
Daniel  le  Clerc  ,  Godefroi  Goelicke^ 
Jean  Freind ;  &cc. 

Notre  Auteur  s'explique  ici  fur 
la  conduite  qu'il  a  tenue  en  em- 
ployant ,  dans  cette  Bibliothèque, 
les  obfcrvations  extraites  des  Mé- 
langes de  l'Académie  des  Curieux.  Il 
avoit  refolu  ,  en  premier  lieu ,  de 
ne  pas  fe  contenter  d'en  donner  les 
lîmples  titres  t    à    l'exemple  de 


SEPTEM 

■liderckjitt;  mais  d'en  rranfcnre  en 
entier  les  plus  remarquables  ,  pour 
faire  mieux  connoître  par-là  le  gé- 
nie &  la  fagacité  de  chaque  Obfcr- 
vateur».  Mais  comme  ces  nombreu- 
ses additions  auroient  grolli  l'Ou- 
vrage outre  mefure  ;  M.  Manget  a 
cru  devoir  en  retrancher  la  plus 
grande  partie  ,  &  l'on  n'en  trouve- 
ra aucune  dans  les  deux  derniers 
Volumes.  Il  n'en  a  pas  ufé  de  mê- 
me, par  rapport  à  celles  qu'il  a  ti- 
rées des  Ailes  de  Copenhague.  Com- 
me elles  font  également  fçavantes 
ôc  curieufes ,  &  que  ces  Actes  font 
devenus  très-rares;  il  s'en:  perfuadé 
que  bien  loin  d'être  à  charge  aux 
Lecteurs ,  elles  enrichiraient  infi- 
niment cette  Bibliothèque.  Au  re- 
gard des  Ailes  de  Lipfîc  5  non  con- 
tent d'y  prendre  tous  les  titres  des 
Livres  de  Médecine  ,  dont  il  y  eft 
parlé  ,  M.  Manget  en  a  emprunté 
les  extraits-mêmes  ,  qu'il  a  inférés 
en  entier  dans  cette  Bibliothèque  ; 
en  forte  que  non  feulement  on  y 
trouve  les  titres  de  ces  Livres,  mais 
on  peut  encore  s'en  former  une  ju- 
fte  idée  par  la  lecture  de  leurs  ex- 
traits. Il  en  a  fait  autant ,  foit  par 
lui-même,  foit  par  fes  amis,  pour 
plu  (leurs  Livres  de  Médecine  omis 
dans  les  Actes  de  Lipfic ,  &  qui 
méritoient  d'être  connus  plus  par- 
ticulièrement. 

Notre  Auteur  prévient  ici  une 
objection  qu'on  pourrait  lui  faire  , 
feavoir  qu'il  a  pa(fé  trop  légère- 
ment fur  le  détail  des  Vies  des  Mé- 
decins ,  nommément  de  celles  qui 
font  rapportées  fort  au  long  dans 
les  Mélanges  de  l'Académie  des  Ch- 


BR.E;     i754«  ^49 

vieux.  A  quoi  il  répond  ,  qu'il  a 
beaucoup  mieux  aimé  le  borner  fur 
ce  point  à  ne  faire  qu'effleurer  les 
matières ,  que  d'infpirer  aux  Lec- 
teurs pareiïeux ,  en  leur  offrant  des 
extraits  plus  circonftanciés  de  ces 
Vies  ,  la  tentation  de  s'en  tenir  à 
ces  (Impies  extraits ,  fans  recourir 
aux  originaux  ,  très -dignes  d'ail- 
leurs d'être  confiâtes  ,  &  qui  ne 
peuvent  l'être  qu'avec  fruit.  Telle 
eft ,  entre  autres ,  la  Vie  de  Galien) 
écrite  par  Chanter  •.  celle  de  Mal- 
pighi ,  compofee  par  lui  même  ,  Se 
où  l'on  trouve  une  Hiftoire  fuivic  ' 
détaillée  ,  &  raifonnée  de  toutes 
les  expériences  &  de  toutes  les  dé- 
couvertes de  ce  fameux  Anato mi- 
lle. 

Du  refte ,  malgré  tous  les  foins,, 
toutes  les  attentions  ,  toutes  les 
recherches  de  M.  Manget  pour 
mettre  cette  Bibliothèque  en  état 
de  fervir  utilement  les  Médecins 
dans  leurs  études  ;  il  la  regarde 
encore  comme  infiniment  éloignée 
de  toute  la  perfection  ,  dont*"  elle 
ferait  fufceptible.  Il  y  manque ,  en 
effet ,  l'Hifloire  de  la  plupart  des 
Facultez  ou  Ecoles  de  Médecine 
compofee  avec  la  même  exactitu- 
de que  celle  de  la  Faculté  de  Pa- 
doiie  écrite  par  Comnéne  (  donc 
nous  venons  de  parler  ).  Il  y  man- 
que un  dénombrement  aufli  com- 
plet &£  auflî  détaillé  des  Ecrivains 
de  Médecine  des  divers  Pays  ;  que 
Nicolas  Antoine  nous  l'a  fourni 
pour  les  Auteurs  Efpagnols  ,  &  M. 
Mongitore  pour  les  Siciliens.  Il  y 
manque  les  Vies  des  premiers  Mé- 
decins des  Souverains  de  l'Europe 
B  b  b  b  ij 


€yo       JOURNAL     DE 

écrites  avec  la  même  diligence  que 
Mendofe  a  publié  celles  des  pre- 
miers Médecins  des  Papes.  Mais  il 
y  manque  de  plus  un  fecours  très- 
eifentiel  pour  les  Etudians ,  lequel 
fe  rrouve  dans  le  Lindemm  rénova- 
nts de  Mercklin  ,  &  dont  M.  Man- 
get  ne  parle  pas. 

C'eft  une  Table  alphabétique  , 
non  des  Auteurs  ,  laquelle  reluire 
nectflairement  ici  de  l'ordre  qu'on 
y  donne  à  ces  Auteurs  ,  mais  une 
Table  alphabétique  des  matières 
difpofées  en  forte  que  chacune  ren- 
voyé jufte  à  tous  les  Auteurs  qui 
en  ont  traité  ,  rangés  alphabétique- 
ment ,  &  qui  font  renfermés  dans 
cette  Bibliothèque.  On  dira  peut- 
etre  que  M.  Manget  y  a  pourvu 
dans  les  14  Volumes  in-folio  de  Bi- 
bliothèques concernant  la  Médeci- 
ne ,  qu'il  a  publiées  jufqu'ici.  Mais 
on  fe  tromperait  fort  h  l'on  fuppo- 
Ibit  que  toutes  ces  Bibliothèques 
pulTent  tenir  lieu  de  la  Table  dont 
nous  parlons.  Ces  Bibliothèques 
en  effet  n'offrent  par  exemple  fur 
chaque  maladie  ,  fur  chaque  ope- 
ration  de  Chirurgie ,  fur  chaque 
médicament  ,  &c.  qu'un  certain 
choix  de  Traitez  ou  d'Auteurs  , 
fans  indiquer  tous  les  autres  qui 
ont  écrit  fur  la  même  matière.  C'eft 
ce  qu'avoient  ébauché  en  quelque 
forte  Mathias  Moroni  ,  dans  fon 
DireBorium  Medico-Prallicum ,  im- 
primé à  Francfort  en  1663. /«-4e. 
&  Jean-George  Wdtbers  ,  dans  fa 


5  SÇAVANS, 

Sylva  Medica  opulenriffima  ,  pu- 
bliée à  Budiflen  ,  en  1679.  auffi 
«24°.  &  ce  qu'avoit  exécuté  plus 
au  long  Martin  Lipenius  ,  dans  fa 
Bibliotbeca  realis  Medica }  impri- 
mée en  1679.  in-folio  ;  ce  qu'a  fait 
aufli  Mercklin  ,  quoique  beaucoup 
plus  fuccinclemcnt  en  \6%6.  dans 
fon  Lindenius  renovatus.  Il  ferait  à 
fouhaiter  que  quelqu'un  voulût 
procurer  la  même  commodité  à 
cette  Bibliothèque  ,  en  y  ajoutant 
un  cinquième  Volume  ,  qui  com- 
prendrait cette  féconde  Table  al- 
phabétique. 

Il  n'y  a  guéres  d'apparence  de 
l'attendre  de  M. Manget  lui  même, 
que  fon  âge  de  plus  de  80  ans ,  fes 
longs  travaux  ,  &  fes  infirmitez 
(  s'il  vit  encore  )  ne  difpenfent 
que  trop  légitimement  d'une  pa- 
reille entreprtfe  ,  ainfi  que  de  tou- 
te autre.  Auûrlailïe  t  il  aux  jeunes 
Médecins  ,  en  finiftant  fa  Préface, 
le  foin  de  préparer  pour  ce  dernier 
Ouvrage  tous  les  Supplémens  dont 
il  aura  befoin. 

Aufurplus  ,  il  l'a  orné  de  xv 
portraits  de  célèbres  Médecins,  la 
plupart  affez  mal  gravés,  &  qui 
font  i°.  le  lien,  placé  à  la  tête  de 
l'Ouvrage,  puis  celui  d'Hippocrate, 

6  ceux  de  MM.  Bonet ,  Dionis  ,  le 
Fort ,  Gmlielmims  Frideric  Hoffmans 
Lancifï ,  Mayerns-Tnnjuet ,  Aiorga- 
gni ,  Morton  ,  Mufitano  ,  Ramaz.- 
zJm  ,  Vallifmeri  ,  Verbeyen  ,  ôc 
Z%>inger, 


4$f§& 


SEPTEMBRE,    1754: 


«ï* 


X ESP  RIT   DE    L'EGLISE    DANS  LA  RECITATION  DE 

cette  partie  de  l'Office  qu'on  appelle  Complies.  En  forme  de  Dialogue  entre 
le  Maître  &  le  Difciple.  A  Paris  ,  chez  André  Catllean  ,  Quai  des 
Auguftins ,  au  coin  de  la  rue  Gift-le-Cœur  ,  à  S.  André.  1734.  vol. 
is-11.pp.439. 


L'  A  U  T  E  U  R  de  cet  Ouvra- 
ge avertir  qu'il  l'a  principale- 
ment compofé  pour  certaines  per- 
fonnes  de  pieté  ,  qui  vont  fouvent 
dans  une  célèbre  Eglife  de  Paris , 
où  l'on  chante  tous  les  foirs  folem- 
nellement  Compiles.  L'Ouvrage 
coniîfte  en  une  explication  de  tou- 
tes les  Prières  qui  compofent  cet 
Office.  L'explication  eft  en  forme 
de  Dialogue  ;  méthode  qu'on  a 
jugée  plus  propre  Se  plus  commo- 
de pour  inftruire  les  plus  (Impies. 
On  a  eu  foin  de  donner  des  Para- 
pheafes  des  quatre  Pfeaumes  de 
Compiles ,  tirées  de  S.  Jean  Chry- 
foftome  ,  de  S.  Auguftin  Se  de  faine 
Bernard.  Voici  quelques  exemples 
de  la  méthode  de  notre  Auteur. 

Le  Difciple.  ■»  Pourquoi donne- 
«  t-on  le  nom  de  Compiles  à  cette 
»  partie  de  l'Office  >. 

Le  Aduitre.  »  Le  nom  de  C001- 
tt  plies  étant  dérivé  du  mot  Latin 
u  qui  fignifie  accompli  ,  cet  Office 
»  eft  ainfi  appelle  parce  qu'on  le 
«chante  lorfque  le  jour  eft  ac- 
»  compli  Se  terminé  ,  ou  parce 
»  qu'il  eft  le  complément  Se  le  ter- 
«  me  des  Prières  de  l'Eglife. 

Le  Difciple.  »  Les  Com  plies  ont- 
»  elles  toujours  fait  une  partie  de 
•  l'Office  Divin  5 

Le  Maître.  »  Non ,  ce  n'étoit 
»  proprement    que   la  prière  que 


•>  l'on  faifoit  avant  que  de  fe  cou- 
»cher.  Auffi  on  ne  les  chantoit 
»  point  folemnellement  ;  on  ne  les 
n  difoit  point  en  commun  ,  Se  cha- 
»  cun  les  recitoit  dans  fon  particu- 
»  lier. 

»  Nous  en  avons  une  preuve 
»  convainquante  dans  les  régle- 
»  mens  du  Chapitre  de  l'illuftre 
»  Eglife  de  Notre-Dame  de  Paris ,. 
j>  qui  font  imprimés  à  la  fin  du  pe- 
»  tit  Ouvrage  que  Denis  le  Char- 
»  treux  a  fait  de  Vitk  Canonicoritm. 
»  il  y  eft  dit  que  les  Chanoines  , 
w  avant  que  de  fe  coucher  ,  fe  reti- 
»  reront  dans  leur  Oratoire  ou  dans 
»  l'Eglife  ,  Se  qu'ils  reciteront  les 
*  Prières  de  Complies.  Antecjuam 
»  letto  decumbant  quifaue  recédât  in 
»  fuo  Oratorio  vel  in  Eccleflà  \  CJ* 
»  recitet  preces  yus,  diantur  Com- 
i>  pletorittm.Encoïc  aujourd'hui  les 
»  Chartreux  ne  difent  point  Com- 
v  plies  à  l'Eglife  ,  mais  dans  leur 
»  Oratoire  en  particulier. 

Le  Difciple.  »  Comment  nous 
»  prouverez  -  vous  que  les  Com- 
»  plies  n'ont  pas  toujours  fait  par- 
as tie  de  l'Office  divin  î 

Le  Maître.  »  C'eft  que  S.  Bafilc  ., 
»  S.  Jérôme  ,  S.  Auguftin  ,  S.  Am- 
»  broife  ,  Se  plufieurs  Auteurs  Ec- 
»  elefiaftiques  qui  nous  fontlenu- 
»  mération  des  Heures  Canoniales, 
»  nous  parlent  de  l'Office  de  h 


6$%  JOURNAL   D 

»  nuit ,  de  la  Prière  du  point  du 
»  jour  [  qui  font  nos  Liudcs  ]  de 
»  Tierce ,  de  Sexte  ,  de  None , 
»  de  Vêpres  ,  &  rie  font  jamais 
»  mention  de  Complies. 

Le  Difciple.  »  Qui  a  été  le  pre- 
»  micr  Inftituteur  de  Complies  ? 

Le  Mdiire.  »  Le  Cardinal  Bona, 
>•  dans  fon  Traité  de  la  divine  Pfal- 
»  modie  ,  nous  apprend  que  S.  Be- 
»  noît  a  été  le  premier  qui  a  intro- 
»  duitcet  ufage  dans  fes  Monafte- 
»  res  •,  ce  qu'il  prouve  dans  le  qua- 
»  rante-  deuxième  Chapitre  de  fa 
»  Régie  ,  où  ce  S.  Patriarche  or- 
»  donne  que  d'abord  après  Vêpres, 
j>  les  jours  de  jeûne  ,  &c  les  autres 
»  jours  après  le  fouper  ,  tous  les 
»  Moines  s'aftemblent  dans  un  mê- 
t,  me  lieu  ,  &  que  l'un  d'entr'eux  , 
11  lifc  les  Conférences  de  CaiTien  , 
»  ou  h  Vie  des  Pères  du  defert , 
»ou  quelqu'autre  Livre  propre  à 
»  les  Edifier  ,  après  quoi  ils  reci- 
»  teront  Complies ,  Se  achèveront 
»  ainfi  l'Office  divin..... 

Le  Difciple  fait  ici  à  fon  Maître, 
une  Queftion  qui  n'eft  pas  facile  à 
refoudre.  Il  demande  ,  quand  eft  ce 
que  les  Complies  ont  terminé  l'Of- 
fice divin  ?  &  le  Maître  répond 
qu'on  ne  peut  aifément  fixer  le 
tems  où  chaque  Eglife  à  fuivi  cet 
ufage,  il  prétend  que  tout  ce  qu'on 
peut  dire  de  certain  là-dellus  ,  c'eft 
que  la  Pratique  dont  il  s'agit ,  a 
pa(Té  infenfiblemcnt  d'une  Eglife  à 
l'autre  ,  &  que  peu  à  peu  elle  eft 
devenue  générale.  Il  obfervc  que 
l'on  voit  cet  ufage  établi  dans  l'E- 
glife  de  Paris ,  au  milieu  du  qua- 
torzième fiécle  ;  fur  quoi  il  cite  le 


ES  SÇAVANS, 

Continuateur  de  Nangis  qui  die 
qu'en  1358.  le  Royaume  étant 
tombé  dans  une  horrible  confufiort 
par  la  perte  de  la  bataille  de  Poi- 
tiers, Se  parla  prifon  du  Roi  Jean, 
le  Régent  du  Royaume  fit  faire  des 
déienfes  dans  tout  Paris ,  de  fonner 
les  Cloches  depuis  Vêpres  jufqu'au 
lendemain  ,  pour  ne  pas  troubler 
ceux  qui  faifoient  la  garde  ;  ce  qui 
donna  occafion  aux  Chanoines  de 
reciter  leurs  Matines  après  Com- 
plies ,  la  feule  Cathédrale  conti- 
nuant à  les  Chanter  à  minuit  félon 
la  coutume.  Tnnc  Canomct  poji 
Completorium,  fuas  cantabant  celeri- 
ter  Afatutinas  ,  quas  antea  confuc- 
verartt  horâ  nolhs  mediâjignis  folem- 
niterpitlfatis ,  dévot lus  perorare. 

Mais  qu'eft-cc  qui  a  donné  occa- 
fion de  chanter  ainfi  Complies  & 
d'en  faire  une  partie  de  l'Office  ? 

Notre  Auteur  croit  que  c'eft  la 
négligence  des  Fidelles  tant  Clercs 
que  Laïques  ,  qui  croyant  avoir  fa- 
tisfait  à  leur  devoir  en  ailiftant  à 
l'heure  de  Vêpres  ,  &  fe  trouvant 
fatigues  pour  s'être  trop  livrés  à 
des  occupations  feculieres ,  alloient 
fe  plonger  dans  le  fommeil  fans  le 
prévenir  par  la  Prière  du  foir.  Voi- 
là ,  félon  notre  Auteur  ,  la  raifon 
pourquoi  l'Eglife  a  fait  des  Com- 
plies une  Prière  publique  ;  c'eft 
qu'elle  a  voulu  engager  par- là  les 
Fidelles  à  fanctifier  le  repos  de  la 
nuit. 

Une  difficulté  fe  prefente  ici  ; 
c'eft  que  dans  plusieurs  Monaftercs 
&c  dans  plufieurs  Chapitres  ,  l'on 
chante  Complies  immédiatement 
après  Vêpres  ,   &  par  confequent 


S  E  P  T  E  M 

îông  rems  avant  l'heure  du  fom- 
nieil.  Notre  Auteur  dit  d'abord  là- 
dclTus  ,  que  cette  pratique  eft  un 
abus  dueètement  oppofe  à  l'efprit 
de  l'Eglife  ,  qui  fouhaite  que  cha- 
que Office  foit  recité  à  l'heure  qui 
lui  convient-,  mais  enfuite^  comme 
s'il  craignoit  de  s'être  trop  avancé  , 
il  tâche  d'adoucir  fa  décidon  en 
difant ,  i".  que  ce  qui  peutexeufer 
ceux  qui  chantent  ainfï  Complies 
immédiatement  après  Vêpres  ,  c'eft 
que  n'étant  plus  renfermés  dans  des 
Cloîtres  ,  &c  ne  vivant  plus  en 
communauté  ,  ils  ne  pourroient 
s'affiembier  commodément  pour 
chanter  Complies  à  l'heure  conve- 
nable ,  2°.  Qu'on  doit  préfumer  de 
leur  dévotion  ,  qu'ils  ne  manquent 
pas  de  prier  ,  ou  de  faire  des  lectu- 
res de  pieté  avant  que  de  fe  cou- 
cher ,  &c  qu'ainli  ils  fe  raprochent 
de  l'efprit  de  l'Eglife  ,  dont  ils 
fcmblent  s'être  un  peu  éloignés. 

Après  ces  reflexions  ,  l'Auteur 
entre  dans  le  détail  de  l'Office  dont 
il  s'agit ,  &  il  en  explique  toutes 
les  parties.  11  explique,  par  exem- 
ple ,  ce  que  c'eft  que  la  demande 
que  le  Chantre  fait  à  l'Officiant  , 
en  lui  adreilant  ces  paroles  qui 
commencent  l'Office ,  Jubé  Damne 
benedicere ,  ce  que  c'eft  que  cette 
Bénédiction  même  ,  qui  confille  à 
fouhaiter  à  tous  ceux  qui  font  pre- 
fens,  que  le  Dieu  tout  puiffant  leur 
accorde  une  nuit  tranquille  &  une 
fin  parfaite  ,  ce  que  lignifient  ces 
paroles  quifuivent  la  Bénédiction 
&  qui  font  tirées  du  premier  Cha- 
pitre de  la  première  Epître  de  faint 
Pierre  :  Fratres ,  fobrti  eftotc  3  Sec 


B  R  E  ,    i  7  ?  4.  6*5-3 

Chers  frères ,  foyez.  fibres  &  veillez 
car  le  démon  votre  ennemi  tourne  au- 
tour de  vous  comme  un  lyon  ruqiffant, 
Sec.  Viennent  enfuite  toutes  les  au- 
tres parties  de  l'Office  de  Cem- 
plies ,  &  l'Auteur  n'en  laiife  aucu- 
ne fans  effayer  d'en  marquer  le 
fens  &  l'efprit. 

Pour  donner  un  exemple  de  la 
manière  édifiante  &  inftructive 
dont  il  s'en  acquite ,  nous  rappor- 
terons l'explication  qu'il  donne  des 
paroles  précédentes  :  Sobrti  eflote  & 
vigilate  ,  quia  adverfarius  vefler 
diabolus  s  tanqmm  leo  rumens  circuit 
cjtisxens  qttem  devoret  ,  eut  rejiflite 
fortes  in  fide.  Première  Epître  de 
S.  Pierre  ,  Chapitre  5. 

Le  Dilciple  demande  d'où  vient 
qu'on  fait  cette  lecture  dès  le  com- 
mencement de  Complies  ,  vu  que 
cela  paroît  contraire  à  l'ordre  gardé 
dans  les  autres  parties  de  l'Office 
Divin.  Le  Maître  répond  que  cette 
lecture  confirme  ce  qui  a  été  remar- 
qué plus  haut  ,  fçavoir  que  S.  Be- 
noît eft  le  premier  Instituteur  de 
Complies  ;  en  forte  que  lorfqu'on 
lit  cec  endroit  de  l'Epure  de  Saine 
Pierre ,  fi  propre  au  tems  de  la 
nuit ,  c'eft  fur  le  modèle  de  la  lec- 
ture que  les  Religieux  de  S.  Benoîc 
faifoient  avant  que  de  reciter  les 
Pfeaumes  de  Complies  ;  mais  fi  ce 
que  dit  notre  Auteur  eft  véritable  , 
il  femblc  qu'on  devroit  donc  lire 
tout  le  Chapitre  de  cette  Epîrre 
pour  fe  conformer  à  l'efprit  de  ce 
Légiflateur  ,  qui  vouloit  que  la 
lecture  fut  au  moins  de  quatre  ou 
cinq  pages.  Notre  Auteur  fe  fait 
l'objection  lui-même  3  5c  il  répond 


6y*  JOURNAL  D 

que  pour  s'accommoder  à  la  roi- 
blelîe  du  grand  nombre  ,  qui  fc 
plaint  de  la  longueur  de  l'Office  , 
on  s'eft  contenté  de  ces  deux  ver- 
fets ,  où  S.  Pierre  recommande  de 
fe  tenir  en  garde  contre  les  embû- 
ches du  Démon. 

Le  Difciple  fatisfait  de  la  répon- 
fe  n'infîfte  pas  davantage  ;  mais 
il  veut  fçavoir  ce  que  c'eft  que  cet- 
te fobrieté  recommandée  ici  par 
S.  Pierre  ,  fobru  eftote ,  foyez.  fibres. 
Le  Maître  lui  ri-pondquela  fobrie- 
té dont  il  i'jgit,  n'eftpas  fimple- 
ment  celle  qui  retient  l'homme 
dans  les  bornes  qu'il  doit  garder 
fur  le  boire  &  furie  manger,  qu'il 
fuffit  pour  être  fobre  de  la  forte  , 
de  confulter  fa  fanté  ,  &c  de  fuivre 
les  lumières  de  la  raifon  ;  mais  que 
la  fobrieté  dont  parle  S.  Pierre  dans 
cette  occafion  ,  conlifte  principale- 
ment à  s'abftenir ,  non  feulement 
de  tous  les  plaiiîrs  criminels  ou 
dangereux  ,  mais  à  ne  goûter  de 
ceux  qui  ne  font  pas  détendus , 
qu'autant  que  la  neceffité  ,  &  l'cf- 
prit  de  pénitence  le  peuvent  per- 
mettre ,  &  à  imiter  fur  ce  point ,  la 
fage  conduite  de  ces  généreux  Sol- 
dats ,  qui  ,  marchant  contre  les 
Madianites  fous  la  conduite  de  Gé- 
déon,  fe  contentèrent  de  boire  un 
peu  d'eau  dans  le  creux  de  la  main, 
fans  fe  pancher  à  terre  pour  fe  dé- 
fclterer  entièrement. 

Outre  la  fobrieté  ,  S.  Pierre  re- 
commande la  vigilance  ;  le  Difci- 
ple ,  à  l'occafion  de  ce  fécond 
point,  demande  comment  on  peut 
garder  la  vigilance  pendant  le  fom- 
meil ;   &  fi  c'eft  que  l'on  puifle 


ES  SÇAVANS, 

tout  à  la  lois  veiller  &c  dormir?  ic 
Maître  répond  que  l'époufc  du 
Cantique  montre  à  accorder  cette 
contradiction  apparence  lorfqu'ellc 
die  :  Je  dors  &  mon  cœur  veille. 
Puifqu'en  effet  »  il  eft  une  vigilan- 
»  ce  intérieure  que  le  fommeil  ne 
»  doit  jamais  interrompre  ;  en  for- 
n  te  que  lorfque  nos  iens  font  allou- 
»  pis ,  &  que  nous  fommes  forcés 
»  par  la  nature  ,  de  fatisfaire  à  cette 
»  fâcheufe  neceffité ,  nos  penféts  Se 
»  nos  délits  ne  doivent  point  céder 
»  de  s'élever  vers  Dieu* 

Le  Maître  cite  là  defïus  S.  Am- 
broife  &dit  que,felon  ce  Père,»  no- 
»  tre  fommeil  doit  être  femblable  à 
»  celui  de  la  Sainte  Vierge:  Que  la 
»  Sainte  Vierge  ,  pendant  qu'elle 
»  dormoit  (  car  c'eit  ainiî  qu'il  en- 
»  tend  le  mot  infomnis  dont  fe  firc 
»  S.  Ambroife  )  repalToit  les  lectu- 
»res  qu'elle  avoir  faites  dans  les 
»  Livres  faints  ;  Qu'elle  reprenoit 
a  alors  les  méditations  dont  elle 
»  s'étoit  occupée  ;  Qu'elle  fe  pre- 
n  paroit  à  exécuter  les  entreprifes 
»  qu'elle  avoit  formées  pour  le  fa- 
»  lut  des  pécheurs  ;  Qu'elle  regloit 
»  par  avance  ,  toutes  les  actions  de 
»  la  journée.  Fréquenter  infomnis 
y>  aitt  lefla  re  petit ,  AUt  gerenda  pr£- 
»  nuntiat. 

Ces  remarques  font  fuivies  de 
quelques  autres  furl'ufage  qui  s'ob- 
ferve  dans  toutes  les  Eglifes  ,  de 
reciter  au  commencement  de 
Compiles ,  l'Oraifon  Dominicale  , 
Si  le  Confiteor  ;  après  quoi  notre 
Auteur  vient  aux  quatre  Pfeaumes 
qui  compofent  proprement  le 
corps  de  cet  Office  :  fçavoir  ,  au 
Pfcaume 


S  E  P  T  E  M  B 

Pfeaume  quatrième  ,  aux  fîx  pre- 
miers verfets  du  trentième  ,  au 
Pfeaume  quatre-vingt  dixième ,  & 
au  cent  trente  -  troifiéme.  Il  indi- 
que d'abord  en  général ,  les  raifons 
pour  lefquelles  l'on  a  fait  choix  de 
ces  quatre  Pfeaumes  entre  un  11 
grand  nombre  d'autres ,  &  il  ob- 


R  E,     17  ?4.  6*;j- 

ferve  que  c'eft  que  ces  Pfeaumes 
ont  du  rapport  au  repos  de  la  nuit. 
Raifons  qu'il  explique  enfuitc  au 
long  à  mefure  qu'il  explique  cha- 
cun de  ces  Pfeaumes  &  fur  lefquel- 
les nous  renvoyons  les  Lecteurs  au 
Livre-même. 


NOVVELLES     LITTERAIRES. 


ITALIE. 
De  Venise. 

SEBASTIEN  COLETI  débite 
l'Edition  corn  plette  qu'il  a  im- 
primée en  trois  Volumes  in  -  folio 
des  Oeuvres  de  M.  Antoine  Valif~ 
nieri  y  fous  ce  titre  :  Opère  Fifico- 
Medichc  Stampate  e  Adanufcritte  del 
Cavalier  Antonio  Valifnieri ,  ra- 
colte  da  Antonio  ,fuo  Figliolo,  car- 
re date  d'una  Prefa^ione  in  génère  fo- 
pra  tutte  3  &  di  ma  particolare  fopra, 
il  Vocabulario  délia  Hiftoria  Natu- 
rale. 

ANGLETERRE. 

De   Londres. 

M.  Thomas  Moore  a  fait  impri- 
mer chez  George  James  en  deux 
Volumes  /*-8°.  un  Recueil  de  Ser- 
mons du  feu  Docteur  François  At- 
terbury  ,  Evêque  de  Rochefter  fur 
divers  Sujets. 

W.  Innys  &  plufîeurs  autres  Li- 
braires ,  de  cette  Ville  reçoivent 
des  Soufcriptions  pour  l'impref- 
Septemb. 


fion  d'un  Traité  de  M.  Caleb  Smith 
fur  la  Théorie  &  la  Pratique  de  la 
Navigation  ,  dans  lequel  on  expli- 
que &c  on  démontre  les  principes 
de  cet  art ,  &c  tout  ce  qui  y  a  rap- 
port. L'Ouvrage  fera  en  un  Volu- 
me in-40.  enrichi  de  figures  en  tail- 
le-douce ,  &c  la  Soufcription  eft 
de  cinq  Schellins  ,  dont  on  paye 
moitié  en  fouferivanr. 

Le  Do&eur  Berkeley ,  à  prefent 
Evêque  de  Cloyne  en  Irlande ,  a 
publié  en  Anglois  une  Brochure 
intitulée  :  The  Analyft  ,  &c.  c'eft:  - 
à-dire  ,  V Analyse  ou  Difcours  ad- 
drejjé  à  un  Mathématicien  incrédule , 
ou  l'on  examine  fi  l'objet,  les  principes 
<$"  les  confequences  de  V  Analyfe  mo- 
derne font  conçus  plus  diflintlement  ' 
ou  déduits  plus  évidemment  que  les 
Myfleres  de  la  Religion  &  les  Matiè- 
res de  Foi.  Par  l'Auteur  du  petit 
Philofophe.  in-8°.  M.  Berkeley  foû- 
tient  la  négative  ,  &  attaque  M. 
Neivton  avec  peu  de  ménagement. 
Mais  on  a  vivement  répondu  à  cet 
Ecrit  par  une  autre  brochure  auffi 
in-%".  &  qui  a  pour  titre  :  Geometry 
no  friend  to  infidelity  ,  &.'c.  La  Géo- 
métrie ne  favorife  pas  l'incrédulité; 
Cccc 


cr>         JOURNAL    DE 

ou  Défenfe  de  M.  le  Chevalier 
Newton  &  des  Mathématiciens 
d' Anoleterre  dans  une  Lettre  écrite  à 
l' Auteur  de  /'Analyfe  ;  ou  l'on  exa- 
mine combien  la  conduite  de  ces  Théo- 
logiens qui  mêlant  les  intérêts  de  la 
Religion  avec  leurs  difputes  &  leurs 
ftijji-int  pariculieres  ,  ne  reconmijfent 
ni  fç.ivotr  ni  raifon  dans  et  ux  mi 
penfent  autrement  qu'eux  ,  efi  pu 
honorable  ou  utile  au  Chrifiiarnfme  , 
ou  conforme  à  l'exemple  de  J.  C.  & 
de  fes  si  pâtres. 

HOLLANDE. 

D'A  M  S  T  E  R  D  A  M. 

W'-flein  &:  Smith  comptent  de 
faire  paroître  bien-tôt  la  belle  Edi- 
tion des  Oeuvres  d'Horace  qu'ils 
ont  entrepris  de  donner  en  Latin 
&  en  François ,  &  qui  fera  d'envi- 
ron dix  Volumes  m\  z.  On  y  im- 
prime après  le  Texte  d'Horace  les 
Traductions  de  M.  Dacier  Si  du 
Perc  Sanadon  ,  vis  à-vis  Tune  de 
l'autre,  avec  les  notes  entières  de 
ces  deux  fçavans  Commentateurs. 

Mémoires  de  Montécuculi  >  Géné- 
ral iffime  des  Troupes  de  l' Empereur  ; 
ou  Principes  de  l'Art  Militaire  en 
général  ,  divifés  en  trois  Livres.  Tra- 
duits d'Italien  en  François  par  ***  , 
&  dédits  à  S.  A.  S  Monfeigneur  le 
Prince  de  Conty.  Nouvelle  Edition, 
avec  des  figures  en  taille-douce.  Aux 
dépens  de  la  Compagnie.  1734. 
in  -  1  z. 

Voyage  de  Rabbi  Benjamin  ,  fils 
de  Jona  de  Tudele ,  en  Europe  ,  en 
Afie  &  en  Afrique  i  depuis  ÏEfpa- 


5  SÇAVANS, 

gne  jufqu'i  la  Chine.  Où  l'on  trou- 
ve pluheurs  chofes  remarquables 
conccrnmt  l'Hi'toire  &  la  Géogra- 
phie ,  &'  particulièrement  l'état  des 
Juifs  ;u  douzième  fiécie.  Traduit 
de"  YHébre»  ,   Se  en-ichi  de  Noces 

6  de  Dilfertations  H-.ftoriques  & 
Critiques  fur  ces  Voyages  :  par 
J.  V.E.tr.t'.ier  y  Etudiant  en  Théo- 
logie. Aux  dépens  de  LCompagnie. 
»»-8   .  1.  vol. 

Mémoires  &  Réflexions  fur  les 
principaux  événemens  du  régne  de 
Louis  XIV.  &  fur  le  caraïlêre  de 
ceux  qui  v  ont  eu  la  principale  part. 
Par  M  le  Marquis  de  la  Fore. Nou- 
velle Edition, où  l'on  a  ajouté  quel- 
ques Remarques.  Chez  J.  F.  Ber- 
nard. 1734.  in-S°. 

D  I     L  A    H  A  Y  E. 

Henry  Scheurleer  a  en  vente 
Legs  d'un  ancien  Médecin  a.  fa  Pa- 
trie ,  contenant  ce  qu'il  a  recueilli  lui- 
même  pendant  49  ans  de  pratique;  ou 
Expofé  de  diverfes  maladies  qui  fur, 
viennent  au  genre  humain  ,  fat  avec 
tant  de  clarté  que  chacun  y  peut  recon- 
naître la  natitre  de  fon  mal ,  avec  les 
divers  remèdes  pour  chaque  maladie 
fi  {élément  indiqués  :  le  tout  à  l'uftge 
des  Familles.  Compofé  en  Anglais  par 
A1.  Rover,  Bachelier  en  Médecine , 
&  traduit  en  François  par  un  de  fes 
Amis.  1734.  in- it. 

FRANCE. 

De     Paris. 

On  trouve  ici  chez  differens  Li- 
braires Abrégé  Chronologique  &  Hi~ 


S  E  P  T  E  M 

flonqiie  ie  l'origine  f  du  propres  & 
de  iet-.it  acluel  de  la  A  taifm  du  Roi  ~ 
&  de  toutes  Us  Troupes  de  France  s 
tant  d'in faut. ne  que  de  Cavalerie  & 
Dragons  i  avec  des  injtrutlions  pour 
fervirà  leur  Hiftoire  5  &  un  journal 
Hijloriqus  des  Sièges  ,  Batailles  3 
Combats  &  attaques  }  ou  ces  Corps 
fe/ont  trouvés  depuis  leur  inftitution. 
Le  tout  tiré  des  Livras  des  gages  de  la 
Chambre  desComptes,  Extraordinai- 
re des  Guerres ,  Mamtfcrits  tant  de  la 
Bibliothèque  du  Roi  que  des  p  irticu- 
liers.  Par  M.  Simon  Làmôral  le  Pi- 
pre  de  Ncutville  ,  Chanoine  de  la 
Collégiale  de  Nôtre-Dame  à  Huy  , 
Aumônier  de  t 'Ordre  de  faim  Afi- 
chel  de  S.  A.  S.  E.  de  Cologne  ,  & 
ci-devant  Confcdler  Ecciefiajliqite 
&  Aumônier  de  feu  S.  A.  S.  E.  de 
Cologne  tfofevh  Clément.  Tome  I. 
contenant  les  Gardes  du  Corps  ôc 
Gendarmes  de  la  Garde.  A  Liège  } 
chez  Everard  Kintz.  1734.  w-4?. 

Nous  avons  annoncé  ci-devant 
cet  Ouvrage  qu'on  propofoit  d'im- 
primer par  Soufcription  ;  il  eft  or- 
né de  vignettes  &  d'un  grand  nom- 
bre d'Armoiries  en  taille  douce. 

Les  Vies  des  Hommes  Illitflres  de 
Plutarque,  traduites  en  François, avec 
des  Remarques  Hifloriques  &  Criti- 
ques. Nouvelle  Edition  ,  revûë  , 
corrigée  &  augmentée  de  plufieurs 
Notes  y  &  d'un  Tome  neuvième. 
Par  M.  Dacier  de  i  Académie  Roya- 
le des  In  fer  ipt  ions  &  Belles-Lettres  , 
Secrétaire  perpétuel  de  V Académie 
Françoife  ,  Garde  des  Livres  du  Ca- 
binet du  Louvre.  Chez  Pierre  Eme- 
ry  ,  Quai  des  Auguftins3  à  S.  Ber 
noît.  1734. /»-4°.  9.  vol. 


B  R  E  ,    173  4;  5/7 

Ce  neuvième  Tome  dont  on 
marque  dans  le  titre  que  cette  Edi- 
tion eft  augmentée  contient  les 
Vies  des  Hommes  Illuftres  omifes 
par  Plutarque  ,  fçavoir  ,  Annibal 
par  M.  Dacier ,  Enée,  Tullus-Hojli- 
lius  t  Ariftomenes  y  Tarquin  i  An- 
cien ,  L.  Junius-Brurus  ,  Gélon  ,  Cy- 
rus,  Jafon  ,  publiées  en  Anglois  il 
y  a  quelques  années ,  par  M.  Tho- 
mas Ronjje ,  &  traduites  en  François 
par  M.  l'Abbé  Bellenger  3  déjà  con- 
nu dans  la  Republique  des  Lettres 
par  quelques  Ouvrages  qui  lui 
font  honneur. 

Supplément  à  la  première  Edition 
de  /'Hiftoire  du  Peuple  de  Dieu, 
tiré  de  la  nouvelle  Edition  de  1734. 
contenant  la  fuite  des  Prophéties  de 
l'Ancien  Teftament  ,  ï Hiftoire  de 
Job  t  les  Cartes  neceffaires  pour  l'in- 
telligence de  P  Hiftoire  fainte  des 
Sommaires  Chronologiques  fort  exatls 
&  une  Table  générale  des  Matières 
qui  font  renfermées  dans  tout  l'Ou- 
vrage. Par  le  P.  Ifaac  -  Jofrph  Ber- 
ruyer  ,  de  la  Compagnie  de  Jefus, 
Chez  Pierre  Prault  Quai  de  Gê- 
vres.1734.m-4'.  L'exemple  du  Père 
Berruyer  devroit  bien  être  imité 
par  les  Auteurs  à  qui  il  arrive  de 
donner  plus  d'une  fois  leurs  Ou- 
vrages au  Public  :  ces  fortes  de 
Supplémens  qu'on  peut  avoir  à 
peu  de  frais  _,  font  toujours  grand 
plaifir  à  ceux  qui  ont  les  premières 
Editions  ,  fur- tout  quand  les  Edi- 
tions pofterieures  y  font  confor- 
mes. 

Entretiens  fur  la  caufe  de  l'incli- 
nai fin  des  orbites  des  Planètes ,  ou 
Y  on  répond  h  la  queftiçn  propefée  par 


6;8  JOURNAL    DES    SÇAVANS, 


l'Académie  Royale  des  Sciences  pour 
le  fujet  du  prix  des  Années  1731.  & 
1734.  Par  M.  Bouguer  de  la  même 
Académie  ,  &  Hydrographe  du 
Roi  au  Havre  de  Grâce.  Chez 
Claude  Jombert ,  rue'  S.  Jacques, 
au  coin  de  la  rue  des  Mathurins. 

1754-  "*-4°- 

De  l'état  des  Sciences  dans  l'éten- 
due  de  la  Monarchie  Françoife  fous 
Charlemagne  :  Difïertation  qui  a 
remporté  le  prix  fondé  dans  l'Aca- 
démie Royale  des  Infcri prions  & 
Belles-Lettres  :  par  M.  le  Préfidcnt 
Durey  de  Noinville  ,  &  propofé 
par  la  même  Académie  pour  l'an- 
née 1734.  Par  M.  l'Abbé  le  Bœuf } 
Chanoine  d'Auxerre.  Chez  Jac- 
ques Guerin  ,  Quai  des  Auguftins. 
1734.  in  12. 

La  Veuve  Etienne  t  rue  S.  Jac- 


ques ,  débite  le  Tome  VH.  de  l'Hi- 
ftohe  ancienne  par  M.  Ro.lin.ij^ 
in  -  1 2. 

Charles  Ofmont  diftribue  aux 
Soufcripteurs  le  cinquième  Volume 
de  la  nouvelle  Ed:tion  du  Glojfaire 
de  Ducange.  1734.  in  folio. 

Abrégé  de  l'Anaiomie  du  Corps  hu- 
main ,  où  l'on  donne  une  defcrip- 
tion  courte  &  exacte  tics  parties  qui 
le  compofent  ,  avec  leurs  ufages. 
Par  M.  Verdier ,  Chi  urgien  Juré 
de  Paris.  De  l'Imprimerie  de  P.  G. 
le  Mercier  fils  ,  Tue  Saint  Jacques. 
1734.  in\i.  1.  vol. 

Nouvelle  T^aduBion  Françoife  de 
l'Amime  du  Taffe  y  avec  le  Texte  à 
coté.  Chez  Nyon  fils ,  Quai  des  Au- 
guftins ,  près  le  Pont  Saint  Michel. 
1734.  in- 12. 


TABLE 

Des  Articles  contenus  dans  le  Journal  de  Sept.  1734. 

Hlfloire  de  l'Empire  des  Cherifs  en  Afrique  ,  &C.  Pagc  ^01 

La  Gynécologie  >  ou  Traité  H 'ijlorique  ,  Phyfique  &  Civil  de  l  habita- 
tion de  la  femme  avec  l'homme  5  icc.  6 10 
Tréfor  de  toutes  les  Médailles  des  Familles  Romaines ,  &c.  61 1 
Hifloire  des  Découvertes  &  Conquêtes  des  Portugais  dans  le  nouveau  Mon- 

611 
617 
6z9 

64Z 
«55 


de  ,  &c 
Pfeaumes  de  David  félon  l'Efprit  i  &c. 
Hifloire  générale  de  Languedoc ,  &C. 
Hifloire  Naturelle  de  l'Univers  ,  &c 
Les  Intérêts  prefens  des  PuiJJ.inces  de  l'Europe  t  Sec 
Bibliothèque  des  Ecrivains  de  Médecine    Sec. 
L'Efprit  de  l'Eglife  dans  la  récitation  de  l'Office  des  Compiles  3  ôcc. 
Nouvelles  Littéraires  t 

Fin  de  la  Table, 


L  E 


JOURNAL 


DES 


SCAVANS, 

POUR 
VANNEE    M.    DCC.    XXXIF. 
OCTOBRE. 


A      PARIS, 

Chez     CHAUBERT,    à  l'entrée   du  Quay  des 

Auguftins,  du  côté  du  Pont  Saint  Michel,  à  la 

Renommée  &  à  la  Prudence. 


M.   DCC.  XXXIV. 
AVEC  APPROBATION  ET  PRIVILEGE  DU  ROY, 


LE 


JOURN A  L 

DES 

SCAVANS 

b 

OCTOBRE    M.  DCC.  XXXIV. 

HISTOIRE    DE    VACADEM1E    ROYALE    DES    SCIENCES. 

Année  173 1.  avec  les  Mémoires  de  Mathématique  &  de  Thyfîque 3  pour 
la  même  année  ;  tirés  des  Regijîres  de  cette  Académie.  A  Paris ,  de  l'Im- 
primerie Royale.  1733.  tn-4°-  PP-  II1-  pour  l'Hiftoire.  pp.  524.  pour 
les  Mémoires.  Planches  détachées  33.  v 


CE  Volume  ,  qui  cft  le  trente- 
quatrième     depuis     l'année 
1699.  renferme  60.  articles,  dont 
24.  appartiennent  à  la  partie  hifto- 
lique  &  36  aux  Mémoires.   Mais 
Oilobre. 


comme  des  24  premiers  il  y  en  a 
1 3  qui  ne  font  que  des  Extraits 
d'autant  de  Mémoires  imprimés 
en  entier  dans  la  fuite  du  Volumes 
on  voit  par  -  là  que  les  60  articles 
D  d  d  d  ij 


662  JOURNAL  D 

doivent  fe  réduire  à  47  pièces  diffé- 
rentes. 

Celles  qui  concernent  la  Phyfl- 
que  vénérais  font  au  nombre  de  fîx  , 
fans  comprer  les  diverfes  obferva- 
tions,  La  première  fur  1 'adhérence 
des  parties  de  l'air  entre  elles  Cy  aux 
autres  corps  ,  cil  de  M.  Petit  le  Mé- 
decin :  la  féconde  ,  fur  1e  non  c.  tt 
Thermomètre  ,  eft  de  M.  de  Rèau- 
tnur  :  h  troiiiémc  ,  fur  quelques  ex- 
périences de  l'attisant  ,  eft  de  M.  du 
Fay.  Ces  trois  articles  fe  trouvent 
dans  l'Hifloire  &  parmi  les  Mé- 
moires. Les  trois  fuivans  ,  entière- 
ment renvoyés  aux  Mémoires  , 
font  40.  les  Olfervations  Météorolo- 
giques de  M.  Cajpni  en  175-0.  com- 
parses à  quelques  autres  ,  fanes  en 
differens  lieux  :  50.  celles  de  M. 
Maraldi  pour  l'année  1731.  &  6°. 
les  Ohfervations  de  quelques  Aurores 
boréales ,  par  M.  de  Alairan.  Nous 
rendrons  compte  des  trois  pre- 
miers articles. 

I.  M.  Petit  le  Médecin  fe  propo- 
fe  de  montier,  dans  fon  Mémoire, 
que  l'ait  eft  non  feulement  ut)  flui- 
de ,  que  l'extrême  fineffe  de  fes 
parties  rend  d'une  très-grande  mo- 
bilité ,  comme  le  croyent  les  Phy- 
Cciens  ;  mais  qu'il  doit  paffer  auill 
pour  un  liquide  ,  dont  les  parties 
ont  une  forte  de  liaifon  ou  d'adhé- 
rence les  unes  avec  les  autres  ,  & 
de  plus  s'attachent  aux  corps 
qu'elles  touchent ,  &  les  mouillent 
en  quelque  manière.  C'eft  ce  que 
l'Académicien  s'efforce  de  prouver 
ici  par  quantité  d'expériences  cu- 
ileufes  &  approfondies  ,  dont  nous 
mous,  contenterons  d'alléguer,  les 


ES  SÇAVANS; 

plus  remarquables  &  les  plus  con- 
cluantes. 

Lorfqu'bn  fait  diffoudre  dans 
l'eau  ou  dans  quei  ]uc  autre  mtn- 
ftrue  ,  difterer.s  lelsou  d'autres  mi- 
néraux ,  il  fe  iorme  iur  la  fuper- 
ficie  de  ceux  -  ci  des  bulles  d'air  , 
qui  s'elevant  jufqu'à  la  fuitace  de 
la  liqueur  ,  entraînent  avec  elles 
des  molécules  de  fel ,  que  ces  bul- 
les ,  après  s'être  diiTipées,  laitîtnt 
retomber  au  fond  du  vaiffeau.  Ces 
bulles  d'air  lont  toujours  plus 
grolTcs  que  les  molécules  falincs 
qu'elles  enlèvent.  11  y  a  de  ces  bul- 
les qui  ont  jufqu'à  une  ligne  &C 
demie  de  diamètre  ,  &  qui  empor- 
tent des  molécules  falines  d'une 
demi  ligne  d'épaiffenr.  Les  bulles 
d'air  qui  fe  font  chargées  d'un  far- 
deau trop  pefant ,  ne  l'élévent  que 
jufqu'à  une  certaine  hauteur  ,  après. 
quoi  elles  le  lailTent  fe  précipiter  , 
6c  pourluivent  leur  chemin.  Il  y 
en  a  quelques  unes  qui  s'étant  atta- 
chées à  des  molécules  d'un  trop 
gros  volume  ,  ne  peuvent  l'enle- 
ver, 6c  reftent  au  fond  de  la  diffo- 
lution.  Les  greffes  bulles ,  qui  en- 
lèvent des  molécules  pefantes  ,  pa- 
roiffent  un  peu  allongées  de  haut 
en  bas ,  par  l'effort  que  font  les 
molécules  pour  s'en  féparer. 

Il  réfulte  de  tous  ces  faits  ,  que 
d'une  part,  quoique  les  bulles  d'air 
ne  s'attachent  aux  molécules  des 
corps  difTous  ,  que  par  quelques- 
unes  de  leurs  parties,  puifqu'clles 
ont  plus  de  volume  que  ces  molé- 
cules ,  cette  adhérence  eft  affez  for- 
te pour  les  enlever  jufqu'à  la  fuper- 
ficie  de  la  liqueur  ;  ôc  que  d'autre 


O  C  T  O  B 

part  ces  molécules  adhérentes  feu- 
lement à  quelques  -  unes  des  par-, 
ties  des  bulles,  ne  pouvant  s'en  fé- 
parer  par  leur  pefanteur  fpécifique 
en  entraînant  vers  le  fond  duvaif- 
feau  quelques  unes  de  ces  parties 
des  bulles ,  il  s'enfuit  que  ces  mê- 
mes parties  ont  affez  d'adhérence 
les  unes  aux  autres  ,  pour  s'oppo- 
fer  à  cette  féparation. 

M.  Petit  obferve  ,  que  les  bulles 
d'air  qui  fe  tonnent  fur  les  métaux 
ou  minéraux  plongés  dans  un  li- 
quide ,  occupent  par  préférence  fur 
ces  corps  les  endroits  les  plus  ra- 
boteux ,  comme  donnant  à  cet  air 
plus  de  prife  ,  en  lui  offrant  de  pe- 
tites cavitez  où  ilfe  cantonne  aifé- 
ment,  fur-tout  lorfque  peu  adhé- 
rent aux  furfaces  plus  polies  de  ces 
mêmes  corps  ,  il  en  eft  chaflé  par 
le  mouvement  du  liquide. 

Une  autre  preuve  de  l'adhérence 
de  l'air  aux  fubftances  métalliques, 
eft  fournie  par  l'aiguille  de  1er  ou 
d'airain  ,  qui  bien  que  près  de  huit 
fois  plus  pefante  qu'un  pareil  vo- 
lume d'eau  ,  ne  laiffe  pas  de  fe  foû- 
tenir  fur  la  furface  de  ce  liquide  : 
effet,  qui  eftcaufé,  en  partie  par 
l'adhérence  des  molécules  de  l'eau 
entr'elles ,  qui  s'oppofe  à  leurdi- 
vifion  ,  en  partie  par  l'adhérence 
de  quelques  molécules  d'air  à  la 
furface  de  l'aiguille  qui  ne  touche 
à  l'eau  que  par  le  milieu  de  cette 
furface  ,  étant  portée  du  refte 
comme  dans  une  petite  gondole 
d'air.  Pour  s'en  convaincre,  il  n'y 
a  qu'à  retrancher  l'une  ou  l'autre  de 
ces  deux  caufes ,  c'eft-à  dire ,  qu'il 
n'y  a  qu'à  diminuer  l'adhérence  des 


R  E  ,    1 7  j  4:  66  $ 

parties  de  l'eau,  en  la  faifant  chauf- 
fer ,  ou  à  chaffer  l'air  d'autour  de 
l'aiguille  ,  en  la  mouillant  ;  &C  auf- 
fï-tôt  l'aiguille  celfera  d'être  foutc- 
nue  &:  tombera  au  fond  de  l'eau. 

Il  y  a  plus.  Des  feuilles  très-min- 
ces de  divers  métaux  &  d'une  affez 
grande  furface  ,  fe  foûtiennent  fur 
l'eau  ,  &  ne  s'y  enfoncent  qu'à  l'ai- 
de de  quelques  poids  dont  on  les 
charge.  Or  cen'eft  point  la  refiftan- 
ce  que  fait  à  la  divilion  une  trop 
grande  quantité  de  molécules 
aqueufes  qui  s'y  oppofent  tout  à  la 
fois  ,  qu'on  doit  regarder  comme 
la  caufe  de  ce  Phénomène  :  puif- 
que  ces  feuilles  de  métal  poulfées 
julqu'au  fond  du  liquide  par  une 
force  étrangère  ,  remontent  fi  tôt 
que  cette  force  ceffe  d'agir.  Il  faut 
donc  leur  donner  un  autre  principe 
de  légèreté  ,  &  ce  principe  ne  fçau- 
roit  être  que  l'adhérence  de  l'air 
qui  agit  d'autant  plus  efficacement 
dans  cette  occafion  qu'il  couvre 
une  plus  grande  fuperficie.  Cela 
eft  fi  vrai  ,  qu'en  chiffonnant  ces 
feuilles  entre  fes  doigts  pour  en  di- 
minuer la  furface  ,  l'eau  ceffe  de  les 
foûtenir.  Une  circonftance  encore 
très-digne  de  remarque  touchant 
ces  feuilles,  c'eft  qu'étant  poulfées 
au  fond  de  l'eau  par  un  poids  ap- 
pliqué au  milieu  de  leurfuperficiej 
on  voit  fes  coins  fc  relever  ,  com- 
me étant  moins  affujettis  que  ce 
milieu  par  la  force  étrangère  :  &c 
c'eft  une  obfervation  due  originai- 
rement à  M.  de  Réaumur ,  qui  l'a- 
indiquée  à  M.  Petit. 

L'adhérence  de  l'air  aux  corps 
folides  paroît  fufnfammcnt  prou- 


6$\ 


JOURNAL   D 


vee  par  toutes  ces  expériences. 
Mais  fon  adhérence  intime  aux 
molécules  des  liquides  n'eu:  pas 
moins  confiante  ,  ainlî  que  la  diffi- 
culté qui  fe  trouve  à  l'en  féparer 
totalement.  On  en  vient  à  bout  en 
partie  au  moyen  de  la  machine 
pneumatique  ,  dans  laquelle  on 
expofe  l'eau  d'abord  froide  ,  enfui- 
te ,  après  l'avoir  fait  chauffer  à  di- 
verfes  reprifes  à  mefure  qu'elle  fe 
refroidit ,  &  en  y  augmentant  fuc- 
cefiîvement  le  degré  de  chaleur 
jufqu'à  l'extrême ,  palTé  lequel  on 
n'en  tire  plus  d'air  par  la  machine. 
De-là  on  peut  conclure  que  l'air  a 
differens  degrez  d'adhérence  avec 
l'eau  qui  le  renferme  ,  &  que  plus 
cette  eau  e(t  raréfiée  par  la  chaleur, 
plus  il  s'en  échappe  de  particules 
aériennes. 

II.  Nous  aurions  fort  fouhaité 
donner  ici  l'Analyfe  du  fécond 
Mémoire  de  M.  de  Rèaumur  tou- 
chant le  nouveau  Thermomètre.  Mais 
comme  nous  n'avons  point  encore 
parlé  de  fon  premier  Mémoire  fur 
ce  fujet  ,  &  qu'il  en  promet  un 
troihéme  où  il  achèvera  d'épuifer 
cette  matière  ;  nous  rendrons 
compte  alors  de  ces  trois  curieux 
morceaux  dans  un  feul  &  même 
Extrait. 

III.  Les  expériences  de  M.  du 
Fay  fur  Y  Aimant  font  une  fuite  de 
fes  recherches  fur  ce  fujet ,  com- 
muniquées au  public  en  1718.  5c 
en  1730.  Il  s'agit  ici  de  décider  ces 
deux  queftions,  fçavoir  i°.  fi ,  dans 
un  même  Aimant ,  un  pôle  a  tou- 
jours plus  de  vertu  attractive  que 
l'autre  ;  z°.  Si  une  plus  forte  vertu 


ES  SÇ  A  VAN  S, 

attractive  n'eil  pas  toujours  unie  i* 
celle  de  foûtenir  un  plus  grand 
poids  ? 

1.  Il  faut  fc  fouvenir  d'abord  , 
que  M.  du  Fay  ne  fuppofe  qu'un 
feul  courant  de  la  matière  magné- 
tique ,  lequel  entre  dans  la  terre  , 
comme  dans  tout  autre  aimant, 
par  le  nord  ,  &  en  fort  par  le  fud  , 
pour  y  rentrer  par  le  nord  :  d'où  il 
fuit ,  que  le  pôle  boréal  eft  tou- 
jours le  pôle  d'entrée  s  &  l'audral , 
toujours  le  pôle  de  finie  ;  ce  qui 
ôte  toute  équivoque  dans  ces  deux 
dénominations.  On  attribuoit  i 
après  Defcartes ,  plus  de  force  at- 
tractive au  pôle  boréal  d'un  aimant 
qu'à  l'auftral ,  &  cela  par  cette  rai- 
fon  allez  foible ,  que  ce  pôle  bo- 
réal étoit  plus  voifin  du  pôle  bo- 
réal du  monde  ;  raifon  combattue 
déjà  fur  la  foi  d'une  expérience  par 
l'Académicien  ,  qui  2  cru  devoir 
s'afTurcr  de  la  vérité  du  fait  par 
d'autres  moyens.  Ce  ne  fut  pas  fans 
beaucoup  de  peine  que  M.  du  Fay 
put  imaginer  des  expériences  capa- 
bles de  le  conduire  à  quelque  déci-: 
lion  certaine  fur  ce  point. 

Après  les  précautions  les  plus 
exactement  prifes  pour  la  fureté 
de  fes  expériences ,  il  trouva  qu'en 
prefentant  à  une  même  diftance  un 
même  aimant  à  deux  aiguilles  ai- 
mantées toutes  pareilles ,  à  la  lon- 
gueur près  ,  qui  étoit  de  d'à  pouces 
dans  l'une  &  de  quatre  dans  l'au- 
tre ;  cet  aimant  par  fon  pôle  d'en- 
trée attirait  plus  fortement  le  bout 
de  la  plus  longue  aiguille  ,  que  par 
fon  pôle  de  fortie  ,  5c  qu'il  agifioic 
d'une  façon  toute  contraire  ,  fur 


O  C  T  O  B 

l'aiguille  la  plus  courte.  Cette  rè- 
gle n'étoit  dérangée  ,  ni  par  la  dif- 
férence des  diftances ,  ni  même  par 
celle  desaimans.  On  fçait  pourtant 
que  dans  la  fuppofition  d'un  feul 
courant  de  la  matière  magnétique, 
le  pôle  de  fortie  d'un  aimant  doit 
être  le  plus  fort,  &  on  en  a  dit  la 
raifon  en  1730.  d'où  venoit  donc 
l'irrégularité  de  l'expérience  dont 
il  eft  queftion  ;  Ce  ne  pouvoit  être 
de  quelque  vice  de  conformation 
dans  la  pierre  ,  puifqu'elle  agilToit 
fur  la  petite  aiguille  conformément 
à  la  régie.  Le  vice  étoit  donc  dans 
la  grande  aiguille  ,  ce  qui  femble 
d'autant  plus  certain  ,  que  la  mê- 
me bizarrerie  arrivoit  avec  des  ai- 
mans  differens.  Delà  on  doit  con- 
clure ,  que  les  deux  bouts  d'une 
aiguille  aimantée ,  de  même  que 
les  deux  pôles  d'un  aimant ,  pou- 
vant être  plus  forts  ou  plus  foibles 
en  vertu  de  leur  conformation  par- 
ticulière &  fans  aucun  rapport  à 
leur  direction  vers  le  nord  ou  vers 
le  fud  ;  il  eft  impoflible  de  rien 
établir  de  général  &  de  certain  fur 
cet  article. 

M.  du  Fay  explique  encore  avec 
beaucoup  de  vraifcmbbnce  l'irré- 
gularité apparente  du  mouvement 
d'une  aiguille  aimantée,  pofée  fur 
un  pivot ,  &c  de  laquelle  on  appro- 
che à  diverfes  reprifes  &  à  des  di- 
ftances proportionnées  une  pierre 
d'aimant.  Il  lait  voir  que  ce  mouve- 
ment inégal  de  l'aiguille  n'a  rien 
que  de  régulier,  eu  égard  aux  dif- 
férentes portions  de  cette  aiguille 
fur  lefquelles  la  pierre  agit  fucceflî- 
vcincnt.   L'Auteur   obferve  ,   de 


RE,     1754.  6"o*J 

plus  ,  qu'il  a  eu  beau  changer  &  re- 
changer les  pôles  d'une  lame  d'acier 
en  la  paffant  &i  repartant  en  fens 
contraire  fur  une  pierre  d'aimant  ; 
le  même  bout  de  cette  lame  ,  dans 
lequel  s'étoit  une  fois  rencontrée 
une  vertu  attractive  plus  forte  ,  la 
confervoit  toujours  ,  &  prefque  en 
même  proportion  ,  foit  qu'il  fût 
pôle  boréal ,  ou  pôle  auftral  :  d'où 
il  fuit ,  que  c'étoit  feulement  quel- 
que  difpolition  intérieure  de  cette 
lame  ,  qui  augmentoit  la  force  at- 
tractive dans  l'un  de  fes  bouts. 

2.  On  fe  perfuade  fort  naturelle- 
ment qu'une  plus  grande  vertu, 
attra&ive  emporte  celle  de  foûte- 
nir  un  poids  plus  considérable.  Ce- 
pendant M.  du  Fay  a  trouvé,  par 
fes  expériences  ,  que  le  pôle  qui 
attire  de  plus  loin  n'eft  pas  toujours 
celui  qui  fouléve  le  plus  grand 
poids.  La  raifon  en  eft  [  félon  lui  J 
qu'un  tourbillon  magnétique  étant 
compofé  de  petits  torrensou  filets, 
qui  agifient  fuivant  qu'ils  font  plus 
ou  moins  nombreux  ,  &  fuivant 
qu'ils  font  plus  oi' moins  ferrés  les 
uns  contre  les  autres  ;  ils  peuvent 
dans  le  premier  cas  ,  foûtenir  un 
poids  plus  pefant  ;  &  dans  le  fé- 
cond ,  attirer  de  plus  loin. 

Les  diverfes  observations  con- 
cernant la  Vhyfique générale  font  au 
nombre  de  quatre.  Dans  la  premiè- 
re due  à  M.  de  Mairan  %  il  s'agit 
des  tonnerres  effroyables  entendus 
à  Leflai  proche  de  Coutances  le 
troisième  Juin  fur  le  foir  &  le  jour 
fuivant.  Les  Edifices  en  furent 
ébranlés  ,  quelques  uns  réduits  en 
cendres ,  &  des  beiliaux  tués.   Or, 


656  JOURNAL  D 

vovoit  dans  un  ciel  tout  en  feu  de- 
puis l'horizon  jufqu'au  zénit ,  une 
infinité  de  fufécs  volantes  ,  Se  il 
tomboit  de  rous  cotez  comme  des 
gouttes  de  métal  fondu  Se  embrafé. 
La  pluye  fut  peu  abondante  ,  Se  la 
fecherefte ,  dont  on  fe  plaignoit , 
Se  qui  avoit  fans  doute  beaucoup 
contribué  à  ce  terrible  météore  , 
continua  toujours.  Dans  la  féconde 
obfervation  ,  il  eft  parlé  d'un  vio- 
lent tremblement  de  terre  arrivé  à 
Cavaillon  ,  le  quinzième  Juin  en- 
tre 10  Se  n  heures  dufoir  ,  Se  qui 
abbatit  le  dôme  de  la  porte  de  la 
couronne.  La  troifiéme  communi- 
quée par  M.  du  Fay  ,  roule  fur  la 
découverte  d'un  aimant  qui  s'eft 
formé  à  Marfeille  dans  une  efpece 
de  clocher, aux  extrémitezde  deux 
barres  de  fer  enfoncées  dans  deux 
pilliers  de  pierre  de  taille  ,  depuis 
environ  410  ans  :  ce  qui  rcftcmblc 
fort ,  comme  l'on  voit,  aux  aimins 
des  clochers  de  Chartres  Se  d'Aix. 
La  quatrième  Obfervation  ,  en- 
voyée à  l'Académie  par  M.  Sei- 
gne  de  Nantes  ,  contient  un  fait 
touc  femblable  à  celui  qui  eft  rap- 
porté dans  l'Hiftoire  de  1719.  (  Se 
que  M.  Seigne  ne  paraît  nullement 
avoir  connu  :  )  touchant  un  cra- 
paud trouvé  vivant  Se  fain  au  mi- 
lieu du  tronc  d'un  a(Tez  gros  orme, 
fans  que  l'animal  en  pût  jamais  for- 
tir,  Se  fans  aucune  apparence  qu'il 
y  fût  jamais  entré.  C'eft  ici  un  cra- 
peau  trouve  dans  le  tronc  d'un 
chêne  plus  gros  que  l'orme  ,  Se  où 
cet  animal  devoir  s'être  confervé 
depuis  80  ou  100  ans,  fans  air  Se 
fans  aliment  étranger. 


ES  SÇAVANS, 

Des  cinq  articles  appartenansà 
\! An.it omie  ,  le  premier  fur  l'opéra- 
tion latérale  de  la  Taille ,  eft  de  M. 
Morani ,  Se  fe  lit  dans  l'Hiftoire 
Se  dans  les  Mémoires  :  le  fécond  de. 
M.  Hitnaui  ,  fur  le  changement  de 
figure  du  cœur  dans  la  fyflole ,  ne  fc 
trouve  que  dans  l'Hiftoire  :  les 
trois  derniers  ,  entièrement  ren- 
voyés aux  Mémoires ,  font  j°.  l'é- 
crit de  M.  Petit  le  Chirurgien  ,  fut 
la  manière  d'arrêter  les  hémorragies  ; 
4*.  Les  expériences  de  M.  de  Aiau- 
pertuis  fur  les  Scorpions  :  50.  Le  Mé- 
moire de  M.  de  la  Peyronniet  qu'on 
a  oublié  d'annoncer  dans  l'Hiftoi- 
re ,  êc  qui  contient  la  defeription 
anatomique  d'un  animal  connu  fous 
le  nom  de  Aiufc.  Nous  parlerons 
ici  du  premier  article  Se  des  trois 
derniers. 

I.  M.  Morand  continue  ici  l'Hi- 
ftoire des  opérations  pratiquées 
jufqu'à  prefent  fous  le  nom  de 
Taille  pour  l'extraction  de  la  pier- 
re ,  Hiftoire  ,  dont  il  avoit  déjà  pu- 
blié une  partie  confiderable  dans 
un  Livre  imprimé  à  Paris  ,  chez 
Cavelier  en  1728.  11  nous  entre- 
tient ici  de  l'appareil  latéral ,  Se  de 
fon  voyage  à  Londres  fait  exprès 
en  1719.  pour  y  voir  opérer  fuivant 
cette  méthode  M.  Chefelden  célè- 
bre Chirurgien  Anglois.  Il  nous 
donne  un  extrait  fidèle  de  la  Dif- 
fertation  mife  au  jour  en  1750. 
dans  laquelle  cet  Operateur  détail- 
le plus  particulièrement  fa  métho- 
de ,  fuivant  laquelle  il  a  taillé  dans 
l'Hôpital  S.  Thomas  à  Londres  $6 
malades  ,  dont  il  n'y  a  eu  que  deux 
qui  foient  morts.  M.  Moi  and  gui- 
de 


O  C  T  O  B 

<Jé  par  les  lumières  que  lui  four- 
niltoit  la  Dilatation  de  M.  Ché- 
felden  &  par  les  opérations  qu'il 
lui  avoir  vu  faire  à  Londres  ,  fît 
grand  nombre  d'expériences  fur  les 
cadavres  ;  après  quoi ,  de  l'aveu  de 
fes  Supérieurs  ■  &  fous  leurs  yeux. 
Lui&M.  Perchet  fon  confrère, taillè- 
rent, dans  l'Hôpital  de  la  Charité  , 
chacun  huit  malades  par  l'appareil 
latéral  ;  &  de  ces  \6  taillés ,  parmi 
lefquels  fe  trouvoient  quatre  fujets 
en  alTez  mauvais  état ,  ii  n'en  mou- 
rut que  deux  ,  pendant  que  de  12 
autres ,  taillés  en  même  tems  dans 
cet  Hôpital ,  par  le  grand  appareil, 
il  en  mourut  cinq. 

L'Académicien  n'oublie  pas  de 
fpécifier  ici  tous  les  avantages  qui 
refultent  de  cette  méthode  ,  tant 
pour  les  Chirurgiens  que  pour  les 
malades  ;  &  il  nous  promet  fur  la 
Taille  latérale  ,  un  Traité  complet, 
qui  nous  manque  (dit  il)  ;  ce  qu'en 
ont  publié  jufqu'ici  divcrsEcrivains 
tels  que  MM-  Miry  ,  Albinus  , 
Douglas  ,  &  Garengeot ,  ne  pouvant 
palier  que  pour  des  Eflais  ,  qui 
hilTcnt  encore  beaucoup  de  chofes 
àdefirer.  En  attendant,  notre  Aca- 
démicien nous  fait  part  de  trois 
Obfervations  détachées  concer- 
nant la  partie  hiftorique  de  cette 
opération ,  &  qui  la  reftituent  à  les 
véritables  Auteurs. 

Dans  fa  première  obfervation  , 
il  examine  en  quoiconfiftoit  la  mé- 
thode de  tailler  pratiquée  par  le 
Frère  Jacques  Beaulieu.  Ce  Moine, 
après  avoir  très-mal  débuté  à  Paris, 
où  il  eiTuya  une  rude  cenfure  de 
feu  M.  Méry ,  corrigea  fon  opera- 
Oftobrt. 


RE,    i  7  j  4.  667 

tion  ,  foit  par  Ces  propres  refle- 
xions ,  foit  par  les  bons  avis  dont 
il  fçur  profiter  ,  &  il  la  perfection- 
na au  point  qu'elle  eût  en  Hol- 
lande un  très -grand  fuccès  ,  lui 
procura  des  honneurs  publics,  & 
fut  adoptée  quant  au  fond  par  M. 
Rau.  M.  Morand  fuit  exactement 
le  Frerc  Jacques  dans  toutes  fes 
couifcs ,  &  nous  le  fait  voir  toû-» 
jours  également  heuieux  dans  fon 
opération Jufqu'à  l'année  1711. que 
de  retour  à  Befançon  fa  patrie,  il 
y  mourut  en  171 4.  âgé  d'environ 
60  ans.  Feu  M.  Hunaui  Médecin 
d'Angers ,  où  il  avoit  vu  &  connu 
le  Frère  ^?c^MW,entreprit  de  le  )u- 
ftifier  contre  M.  Mé>y  par  une  Dif- 
fertation  ,  qui  n'a  jamais  été  im- 
primée -,  &  ce  Moine  avoit  donné 
lui  -  même  fa  Méthode  dans  un 
Ecrit  de  7  à  S  pages  publié  en  1702. 
La  féconde  obfervation  de  M. 
Morand  roule  fur  la  méthode  de 
tailler  pratiquée  en  Hollande  par 
M.  Rau.  Ce  Lithotomifte  [  remar- 
quer on  ]  ne  tailloir  d'abord  qu'au 
grand  appareil  ;  &  il  paroît  claire- 
ment que  ce  ne  tut  qu'après  avoir 
vu  tailler  le  Moine  que  lui  même 
voulut  elTayer  l'appareil  latéral  , 
dont  il  fe  trouva  fi  bien  ,  qu'il  n'en 
pratiqua  plus  d'autre,  ayant  guéri 
par  cette  opération  1547  perfonnes 
malades  de  la  pierre.  M.  Rau  eft 
mort  fans  avoir  rendu  fon  opéra- 
tion publique  :  &  celle  que  M. 
Albinus  nous  décrit  comme  étant 
celle  de  ce  fameux  Lithotomifte  , 
fouffre  plufieurs  difficultez  dont 
l'Académicien  fait  mention. 

Enfin  il  montre ,  dans  fa  troific* 
E  c  e  c 


66$  JOURNAL    DES    SÇAVANS, 

me  Obfervation  ,  que  M.  Rau  tail-     furvienc  très-fouvent  une  nouvelle 


loit  comme  le  frcre  Jacques  ,  & 
que  celui-ci  tailloit  comme  Celfe  , 
ce  qu'il  appuyé  de  plusieurs  refle- 
:.i  mis  félidés  qu'il  tant  voir  chez- 
lui  v  &:  d'où  il  conclut  que  fi  fes 
conjectures  étoient  jufies  ,  h  taille 
knérale  ,  regardée  comme  une 
nouvelle  méthode  ,  fe  trouveroit 
1a  première  &  la  plus  ancienne  de 
celles  qui  font  connues  aujour- 
d'hui. 

11  faut  lire  aulli ,  à  la  fin  de  l'Ex- 


hémorrhagie.  La  ligature  cftfujette 
au  même  accident  lotfqu'elle  vient 
à  le  leparer.  La  feule  compreilion 
du  vailleau  ,  taite  avec  toutes  les 
précautions  qu'exige  M.  Petit  Se 
que  facilite  meiveillculement  fon 
nouveau  bandage  j  paroît  exempte 
de  tout  inconvénient. 

L'Auteur  ,  pour  en  faire  mieux 
appercevoir  tous  les  avantages  ,  ex- 
plique la  manière  dont  le  fang  s'ar- 
rête ,  par  les  divers  moyens  mis  en 


trait  que  l'Hiftorien  donne  de  ce      oeuvre  jutqu'à  pvefent.  Dans  l'appli- 
Mémoire,le  petit  détail  hiftorique,      cation  des  eicarotiques  Se  de  la  li- 


qu'il  a  cru  devoir  y  joindre  ,  Si  où 
là  conduite  qu'a  tenue  M.  Morand 
dans  le  public ,  par  rapport  à  la 
Taille  latérale  ,  fe  trouve  pleine- 
ment juftihée. 

III.  La  DilTertation  de  M.  Petit 
le  Chirurgien  ,  fur  la  manière  d'ar- 
rêter le  fang  dans  les  bémorrhagies  , 


gature  ,  il  prétend  que  c'eit  tou- 
jours par  un  caillot  de  fang  formé  1 
l'orifice  du  vailleau  coupé  ,  &  fou- 
tenu  d'une  compreffion  fuffifante  , 
que  l'hémorrhagie  eft  arrêtée.  La 
figure  &  la  longueur  de  ce  caillot 
font  différentes  dans  les  deux  cas 
fpécifiés.    Dans  le  premier  ou  celui 


contient  la  defeription  d'une  machine  des  efearotiques,  le  caillot  de  figure 

ou  d'un  bandage  propre  à  procurer  cylindrique,  ainh  qu'un  bouchon, 

par  la  feule  compreffion ,  la  confoli-  occuppe   l'intérieur  du  vailTcau  , 

dation  des  vaiffeaux  ,  après  l'amptt-  formant  à  l'extérieur  avec  les  pou- 

tation  des  membres.  Les  moyens  cm-  dres  du  panfement ,  une  efpece  de 

ployés  )ufqu'ici  par  les  Chirurgiens  couvercle  qui  ferme  l'orifice  de  ce 

en  pareil  cas ,   fe  reduifent  t°.  aux  même  vaiffeau.  Dans  le  fécond  cas 

abforbans  ou  aftringens  (impies  ;  ou  celui  de  la  ligature ,  qui  plilTe 

2°.  aux  ftvptiques  ou  efearoriques  ;  Se  ferre  cet  orifice  ,   le  caillot  ou 

3°.  aux  cauiliques ,  tels  que  l'huille  bouchon  eit  de  figure  pyramidale 

boiiillante  ,    le  plomb  fondu  ,   le  &  par-là ,  d'autant  plus  propre  à 

fer  ardent;  40.  à  la  ligature  ,  5°.  &c  retenir  le  fang  ,   après  la  chute  de 

à    la    comprefîîon.     Les    fimples  la  ligature,  pourvu  qu'elle  fe  féparc 

aftringens  [  dit  l'Auteur  ]  ne  peu-  fans  effort,   par  la  feule  fuppura- 

yent  être  utiles  que  pour  de  foibles  tion  &  l'accroilfement  des  chairs  : 

hémorrhagies.  Les  Itvptiques  Se  les  &  non  par  desconvulfions  ou  d'au- 

eauftiques  font  infuffifans  ,  puif-  très  mouvemensviolens  delà  part 

qu'à  la  chute  des  efeares  qu'ils  ont  du  malade  ,  d'où  s'enfuit  une  nou- 

Éormées  &  qui  arrétoient  k  fang ,  velle  hémorrhagie. 


O  C  T  O  B 

La  feule  compreffion  agir  un 
peu  différemment  pour  refermer  le 
vailTeau  coupé  :  fur  tout,  fi  elle  fe 
fait ,  comme  il  eu:  abfolument  ne- 
ceffaire ,  fur  le  côté  de  ce  vaiffeau  -, 
dont  l'embouchure  alors  n'eft  plus 
ronde,  mais  eft  applatie,  comme 
l'anche  d'un  haubois.  D'où  il  arri- 
ve ,  que  les  parois  &  les  bords  ap- 
pliqués l'un  contre  l'autre  ,  s'unif- 
ient &c  fe  confolident  ,  comme 
deux  parties  fraîchement  coupées  : 
&  le  caillot  intérieur  prend  une  fi- 
gure conforme  à  celle  de  fon  mou- 
le. Mais  [dira-t-on  ]  elt-il  croya- 
ble ,  que  ce  caillot  devienne  partie 
folide,  &  empêche  pour  toujours 
le  fang  de  palier  par  le  vaiffeau? 
C'eft  ce  que  M.  Petit  s'engage  à 
démontrer  dans  un  autre  Mémoire. 
Il  fe  contente  dans  celui-ci  d'expo- 
fer  les  motifs  qui  lui  ont  fait  don- 
ner la  préférence  à  la  feule  com- 
preffion ,  de  dont  nous  avons  déjà 
indiqué  la  plupart  ,  qui  font  les  in- 
conveniens  inféparables  des  autres 
méthodes. 

On  peut  objecter  contre  la  fîen- 
ne  (  dit-il  )  que  fi  la  compreffion 
eft  forte  ,  la  partie  comprimée  par 
excès  pourra  tomber  en  gangrène  , 
&  que  fi  elle  eft  foible  ,  elle  n'ar- 
rêtera point  le  fang  d'un  gros  vaif- 
feau. L'Académicien  répond ,  que 
la  compreffion  qu'il  propofe  a  des 
forces  fuffifantes,  &  que  l'on  peut 
Graduer  d'une  manière  à  prévenir 
de  tels  accidens.  Pour  nous  en  con- 
vaincre ,  il  nous  donne  une  deferi- 
ption  exacte  de  la  Machine  qu'il  a 
imaginée  dans  cette  vue  ,  &C  qu'il  a 
foin  de  mettre  fous  nos  yeux  par 


RE,    1754.  (>(,$ 

une  planche  gravée  ,  qu'il  faut  voir 
pour  bien  comprendre  cette  def- 
cription  ,  fur  laquelle  ,  par  confé- 
quent ,  nous  renvoyons  au  Livre- 
même.  Nous  remarquerons  feule- 
ment en  général  ,  par  rapport  à 
l'amputation  de  la  cuiffe ,  que  cette 
Machine  agit  à  même  tems  en 
deux  endroits  au  moyen  de  deux 
pelotes ,  dont  la  plus  haute  eft  ap- 
puyée précifément  fur  le  partage 
de  l'artère  crurale  à  fa  fortie  du 
ventre ,  &c  la  plus  baffe  comprime 
latéralement  l'orifice  du»  vaiffeau 
coupé  ,  en  forte  qu'elle  le  pouffe 
vers  l'os  de  la  cuiffe  qui  lui  fertde 
point  d'appui.  Cette  double  com- 
preffion du  corps  de  l'artère  &  de 
fon  orifice  ,  eft  augmentée  ou  di- 
minuée par  le  fecoursde  deux  vis , 
que  l'on  peut  lâcher  ou  relîerrer 
fuivantle  befoin. 

Nous  renvoyons  au  Mémoire  de 
M.  Petit  fur  toutes  les  militez  & 
lescommoditez  que  l'on  peut  tirer 
de  la  feule  compreffion  à  l'aide  de 
fa  Machine,  &  dont  une  des  prin- 
cipales eft  le  peu  de  tems  neceffaire 
à  la  réunion  du  vaiffeau  ,  laquelle 
s'accomplit  parfaitement  en  quatre 
ou  cinq  jours ,  de  façon  que  fi  l'on 
continue  la  comprelfion  au-delà  de 
ce  terme  ,  ce  n'eft  que  pour  une 
plus  grande  fureté. 

Du  refte  ,  tout  ce  qu'il  avance 
ici  au  fujet  de  cette  Machine  &  de 
fes  ufages  ,  n'eft  point  fondé  fur  de 
fimplcscoiucètures.  Il  ne  la  propo- 
fe ,  cette  Machine,  qu'après  l'heu- 
reufe  expérience  qu'il  en  a  faite 
dans  l'amputation  de  la  cuiffe  d'u- 
ne perfonne  très-diftinguée  ,  &  à 
E  c  e  e  ij 


6jo  JOURNAL  D 

la  gttérifon  de  laquelle  toute  la 
France  a  pris  beaucoup  de  part.  Ce 
fut  la  grandeur  de  la  maladie  & 
les  circonstances  Singulières  qui 
l'accompagnoient  ,  5i  qu'il  nous 
raconte  ici ,  qui  lui  firent  imaginer 
cette  machine  employée  dans  une 
occafion  (i  férieufe  avec  tant  de  fuc- 
cès.  On  lira  ce  détail  avec  plailîr 
dans  le  Mémoire-même  de  l'ingé- 
nieux Académicien. 

IV.  La  fublime  Géométrie  que 
M.  de  AÎJupertitis  cultive  avec  tant 
de  diftin$ion  ,  ne  l'empêche  pas 
de  fe  rabattre  de  tems  en  tems  fut 
ies  curiofitez  de  l'Hiftoire  naturel- 
le ,  &  d'y  faire  des  recherches  inte- 
reiTantes.  Le  Scorpion ,  cet  infeète 
venimeux ,  eft  devenu  l'objet  de 
fes  expériences  ;  ëc  des  deux  efpe- 
ces  qu'il  en  a  vues  à  Montpellier  , 
l'une  dans  les  maifons ,  l'autre  à  la 
campagne  ,  celle  ci  qui  eft  la  plus 
grande  ,  a  eu  la  préférence  ;  cV  c'eft 
fur  elle  feule  que  roulent  toutes  les 
Obfervations  dont  l'Académicien 
nous  fait  part  dans  fon  Mémoire. 

Sa  première  expérience  fut  de 
faire  piquer  un  chien  par  un  Scor- 
pion irrité  ,  qui  lui  donna  trois  ou 
quatre  coups  d'aiguillon  à  la  partie 
du  ventre  dénuée  de  poil.  Ce 
chien ,  après  plusieurs  alternatives 
d'enfiure  &  de  vomilTcment  qui 
durèrent  environ  trois  heures  ; 
mourut  enfin  dans  les  convulsions 
cinq  heures  après  avoir  été  piqué  , 
fans  qu'il  parût  aucune  tumeur  aux 
endroits  des  piqueures  ,  où  l'on 
voyoit  feulement  de  petits  points 
louges.  Un  autre  chien  piqué  d'a- 
bord cinq  ou  Six  fois  au  mêmeen- 


E  S  SÇAVANS, 

droit  que  le  premier  ,  puis  dix  ou 
douze  Sois  par  plufieurs  Scorpions 
qiîi  y  laiSToient  leurs  aiguillons  , 
jetta  feulement  quelques  cris,  après 
quoi  il  mangea  &  but  à  l'ordinaire 
fans  donner  aucun  Signe  de  mort 
ni  de  venin.  M.  de  Maupertuis  fit 
piquer  fept  autres  chiens  &  trois 
poulets  par  de  nouveaux  Scor- 
pions ,  qui  s'en  acquiterent  avec 
toute  la  Sureur  pollible  ;  &  tous 
ces  animaux  blellés  n'en  devinrent 
pas  plus  malades.  Il  conclut  de  ces 
expériences,  que  la  piqueure  du 
Scorpion  ,  qui  eft  quelquefois  mor- 
telle ,  ne  l'eft  néanmoins  que  rare- 
ment ;  &c  cela  par  la  rencontre  de 
pluheurs  circonstances  afTez  diffici- 
les à  deviner ,  mais  dont  M.  de 
Maupertuis  ne  laiffe  pas  d'indiquer 
quelques  unes. 

Il  obferve  que  les  Scorpions  tant 
mâles  que  femelles  qu'il  a  mis  en 
œuvre,  n'étoient  point  épuifés  de 
venin,  comme  l'ctoient  les  Vipè- 
res de  Redi ',  dont  les  dernières  pi- 
queures n'étoient  plus  dangereu- 
fes.  Il  foupçonne  ,  que  le  peu  de 
malignité  de  ces  Scorpions  pour- 
roit  bien  avoir  mis  en  vogue  cer- 
tains contrepoifons  employés  en 
Languedoc  ,  tels  que  l'huile  où 
l'on  a  noyé  de  ces  infectes  appli- 
quée fur  la  piqueure  ,  6v  le  Scor- 
pion écrafé  fur  ce  même  endroit.  11 
fe  perfuade  donc  que  ceux  qui 
après  avoir  été  piqués  ont  eu  re- 
cours à  ces  antidotes  ,  n'ont  paru 
guéris  que  parce  qu'ils  n'étoient 
point  empoifonnés. 

Sur  le  récit  d'un  fait  Singulier,  ra- 
conté à  M.  de  Maupertuis,  de  deux 


OCTOB 
Souris  enfermées  dans  une  bouteille 
avec  un  Scorpion  ,  £c  dont  la  pre- 
mière mourut  des  piqueures  de 
celui  -  ci  ,  au  lieu  que  la  féconde 
guérit  de  fes  bleflures  après  avoir 
dévoré  fon  ennemi  :  notre  Acadé- 
micien mit  dans  une  bouteille  une 
Souris  avec  trois  Scorpions  ,  la- 
quelle ,  quoique  violemment  pi- 
quée par  ces  infe&es,  qu'elle  tua 
enfin  a  coups  de  dents  ,  mais  fans 
les  manger ,  ne  donna  cependant 
aucun  indice  de  maladie. 

La  piqueure  du  Scorpion  n'efr. 
vénimeufe  qu'en  vertu  de  quelque 
liqueur  que  l'aiguillon  verfe  dans 
la  playe  ,  non  par  un  petit  trou 
qu'il  ait  à  fon  extrémité  ,  comme 
le  difent  tous  les  Naturalises,  mais 
par  deux  petits  trous  beaucoup 
plus  longs  que  larges ,  fitués  aux 
deux  cotez  de  l'aiguillon  ,  comme 
l'a  découvert  le  premier  Leewwen- 
hoek, ,  &  qui  avoient  échappé  au 
Microfcope  de  Redi.  Notre  Auteur 
nous  donne  ici  une  defeription 
exacte  de  cet  aiguillon  &  de  fes 
trous  ,  dont  il  a  fait  graver  la  figu- 
re. 

A  ces  expériences  utiles  fur  les 
Scorpions  en  fuccedent  plulieurs 
autres  qui  ne  font  que  curieufes. 
M.  de  Maupcituis  a  reconnu  par 
celles-ci  qu'il  eft  faux  que  le  Scor- 
pion renfermé  dans  un  cercle  de 
charbons  ardens ,  fe  pique  lui  mê- 
me &  fe  tue  ;  &  il  propofe  une 
conjecture  fort  vraifemblable  fur 
ce  qui  pourroit  avoir  donné  lieu  à 
cette  Hiftoire.  11  ajoute  quelques 
Obfervations  ù'Ariftote  ,  de  Pline 
£c  d'Elien  >  lefqueiles  ne  s'accor- 


R  E  ,    i  7;  4.  gji 

dent  point  avec  celles  de  Redi  le 
plus  exact  de  tous  ceux  qui  ont 
obfcrvé  les  Scorpions  [  au  fenti- 
ment  de  notre  Auteur.  ]  Ces  trois 
anciens  Naturalistes  ne  donnent 
aux  femelles  des  Scorpions  que 
onze  petits.  Redi leur  en  donne  de- 
puis 16  jufqu'à  40  ;  &  M.  de  Mau- 
pertuis ,  depuis  27  jufqu'à  65. 

Au  furplus  les  Scorpions  ne  font 
pas  moins  cruels  à  leurs  petits  que 
le  font  les  Araignées  :  &  une  mère 
enfermée  dans  une  bouteille  les  dc- 
voroit  à  mefure  qu'ils  naiiToient. 
Pline  ajoute  que  de  ces  petits  il 
n'en  rechape  qu'un  ,  lequel  a  l'a- 
drciTe  d'éviter  la  mort  en  fe  met- 
tant fur  le  dos  de  fa  mère ,  &  qui 
devient  le  vengeur  de  fes  frères  , 
en  la  tuant. 

»  Ils  n'obfervent  pas  mieux 
»  (  dit  l'Auteur  )  les  loix  de  la  fo- 
»  cieté  entr'eux  que  les  fentimens 
»  de  la  nature  pour  leurs  petits. 
»  J'en  avois  mis  [  continue  - 1  -  il  ] 
»  environ  cent  cnfemblc  3  qui  fe 
»  mangèrent  prefque  tous  :  c'é- 
»  toit  un  malîacrc  continuel  , 
*»  fans  aucun  égard  ni  pour  l'âge  ni 
»  pour  le  fexe.  En  peu  de  jours  il 
»  ne  m'en  refta  de  ce  grand  nom- 
as  bre  que  14  ,  qui  avoient  dévoré 
»  tous  les  autres.  On  pourroit  di- 
»  re  ,  pour  les  exeufer ,  qu'ils  man- 
»  quoient  d'autre  nourriture.  En 
»  effet  je  fus  quelque  tems  fanscon- 
»  noître  les  alimens  de  leur  goût. 
»  Mais  leur  ayant  prefenté  des 
»  mouches  ,  ils  en  mangèrent } 
>»  fans  cependant  oublier  tout-à- 
»  fait  leur  première  férocité  ;  car 
»  de  tems  en  tems  on  recommen- 


672         JOURNAL    D 

»  çoit  à  fe  dévorer.  Ils  mangèrent 
»  auffi.  des  cloportes  ;  mais  )e  leur 
»  donnai  un  jour  une  grolTe  arai- 
»  gnée  ,  £c  ce  fut  de  tous  les  mets 
»  que  je  leur  fervis  ,  celui  qu'ils 
»  mangèrent  de  meilleur  appétit. 
»  Trois  ou  quatre  Scorpions  l'atta- 
»  querent  à  la  fois ,  &c  chacun  y  de- 
»>  meura  long-tems  attaché. 

L'Académicien  termine  fon  Mé- 
moire en  décrivant  le  combat  d'un 
petit  Scoi  pion  contre  une  Araignée 
beaucoup  plus  groffe  que  lui,  &la 
manière  dont  il  la  tua  ,  &  dont  il 
ia  mangea  ,  après  l'avoir  mâchée 
par  le  moyen  de  deux  petites  ler- 
res  voilînes  de  fa  bouche  ,  qui  eft 
garnie  de  petits  poils  ,  de  même 
que  fes  ferres,  fes  jambes  ,  &£  le 
dernier  nœud  de  fa  queue. 

V.  Entre  les  parfums  que  nous 
tourniffent  divers  animaux  ,  le 
Mufc  eft  un  des  plus  conhderables, 
&  a  mérité  l'attention  des  Natura- 
liftes  &  des  Médecins.  Nous  en 
avons  une  Hiftoirc  particulière  af- 
fez  étendue, compofée  en  Latin  par 
Luc  Schrock^,  Médecin  Allemand, 
de  l'Académie  des  Curieux  de  la 
Nature  ,  imprimée  à  Aulbourg  en 
16S1.  &  qui  remplit  Z24  pages 
/K-40.  Le  plus  ancien  Auteur  ,  qui 
ait  tait  mention  de  ce  parfum  ,  eft 
le  Médecin  Grec  Aétius ,  qui  flo- 
rilToit  vers  la  fin  du  cinquième  fié- 
cle  &au  commencement  du  fixié- 
me.  Mais  il  ne  décrit  point  l'animal 
qui  le  produit.  La  plus  ancienne 
defeription  qu'en  ayent  donnée  les 
Grecs  ,  eft  celle  de  Siméon  Sethi  y 
Médecin  du  onzième  hécle,  &C  qui 
vivoit  fous  l'Empire  de  Michel 
Dticas. 


ES    SÇAVANS, 

On  n'a  vu  jufqu'ici  en  France 
que  deux  animaux  dédgnés  par  la 
dénomination  de  ce  partum  ,  & 
'  qui  ont  été  nourris  l'un  &  l'autre 
pendant  plufieurs  années  à  la  Mé- 
nagerie. Le  premier  ,  donné  au  feu 
Roi ,  il  v  a  environ  30  ans ,  ne  tut 
point  dilîéqué  ;  &  cette  négligence 
empêcha  qu'on  ne  pût  y  découvrir 
la  conformation  de  l'organe  où  fe 
torme  le  Mufc.  Le  fécond  tout 
femblable  au  premier  pour  la  figu- 
re extérieure  ,  &  qu'on  foupeonne 
être  venu  du  Sénégal ,  tut  prefenté 
au  Roi  il  y  a  près  de  fix  ans  ;  &:  on 
l'a  nourri  de  viande  crue  ,  qu'il  de- 
voroit  avec  avidité.  C'eft  fur  le  ca- 
davre de  celui-ci,  qui  étoit  femelle, 
que  M.  de  la  Peyronnie  a  mis  fon 
Scalpel  en  œuvre  ;  év  l'exaète  Ana- 
tomie  qu'il  en  a  faite  ,  &  dont  il 
nous  rend  compte  dans  fon  Mé- 
moire ,  met  fous  nos  yeux  ,  à  l'aide 
de  plufieurs  figures  ,  la  ftructure 
intime  de  la  partie  ,  où  le  partum 
dont  il  eft  queftion  fe  raflemble. 

L'Auteur  ,  avant  que  d'entrer 
jen  matière  ,  déclare  i°.  Qu'il 
ne  fera  point  ici  l'Hiftoire  de  ce 
partum  ,  &  qu'il  ne  parlera  ni  de 
fes  mauvais  effets  ,  ni  de  l'ufagc 
qu'on  en  peut  faire  dans  la  compo- 
fition  des  médicamens  :  i°.  Qu'il 
n'entreprendra  point  de  concilier 
les  différentes  opinions  fur  l'origi- 
ne du  nom  donné  tant  au  parfum 
qu'à  l'animal  d'où  il  vient ,  non 
plus  que  de  déterminer  quel  de 
tous  les  animaux  odorans  mérite  le 
nom  de  Mufc  par  préférence. 

Il  obferve  ,  de  plus ,  que  l'ani- 
mal dont  il  s'agit ,  n'a  aucun  «p- 


OCTOB 

port  avec  les  Gazelles  ou  chèvres 
iauvages  des  Arabes,  décrites  par 
divers  Auteurs;  5c  encore  moins 
avec  les  rats  mufqués  de  Canada  , 
dont  on  trouve  une  très  exacte  def- 
cription  dans  les  Mémoires  de  l'A- 
cadémie [  année  171c.  ]  &  dont 
nous  parlâmes  alors  dans  le  Jour- 
nal. Mais  cet  animal  approche  da- 
vantage d'une  efpecede  Fouine  ap- 
pellée  Gènette  ,  Se  produite  par  Be- 
lon  ;  ainfî  que  d'une  Civette  Amé- 
îiquaine  deilïnée  par  Hrrni'.niès  ; 
quoique  celles-ci  en  différent  à 
pluiîeurs  égards ,  aulTi  bien  que  les 
deux  Civettes  de  M.  Perrault ,  tel- 
les que  fes  Alémoires  far  l'Hijhire 
dis  Animaux  ,  les  reprefentent. 

Le  curieux  Académicien  nous 
indique  toutes  ces  différences  dans 
la  defeription  détaillée  qu'il  nous 
donne  de  l'animal  quant  à  fon  exté- 
rieur ,  Se  fur  laquelle  nous  paffons, 
pour  venir  à  celle  de  l'organe  odo- 
rant ,  qui  tait  l'objet  capital  des 
recherches  anatomiques  expofées 
tort  au  long  dans  ce  Mémoire. 
Nous  nous  contenterons  de  les 
parcourir  fommairement  ,  5e  de 
renvoyer  pour  plus  grand  éclaircif- 
fement  aux  figures. 

L'organe  du  partum  offre  d'a- 
bord une  fente  longitudinale  fi- 
tuce  entre  la  vulve  5e  l'anus,  Se  ac- 
compagnée latéralement  de  deux 
corps  glanduleux  fort  femblables  à 
deux  tefticulesen  groffèur  ,  en  fi- 
gure Se  en  lîtuation.  Cette  tente 
conduit  dans  une  cavité  où  fe  trou- 
ve une  pâte  vifcjueufe  de  couleur 
ambrée,  qui  en  enduit  toute  la  fu- 
perÉde  ;  Se  c'eft-là  le  vrai  mufe  ou 


R  E,     17  3  4.  fj7î 

la  pommade  odorante.  Cette  cavi- 
té elt  tapiflée  d'une  membrane  ten- 
dincufe  ,  qui  a  du  reffort ,  qui  eft 
tort  plillée ,  5c  par  là  capable  d'une 
grande  cxtenlion.  Si  l'on  étend 
cette  membrane  ,  en  tirant  de  côté 
&  d'autre,  les  deux  lèvres  delà 
fente  ,  on  voit  cette  membrane 
percée  de  quantité  de  trous ,  com- 
me un  crible,  Se  c'eft  par  ces  trous, 
plus  ou  moins  grands ,  Se  dans  lef- 
quels  on  introduit  à  peine  des 
foyes  de  cochon  ,  que  le  parfum 
pafTc  des  deux  glandes  comprimées 
dans  la  poche  commune.  Les  inter- 
valles qui  font  entre  les  trous  pa- 
roilîent  garnis  de  poils  ,  les  uns 
neirs  ,  les  autres  blonds ,  Se  dont 
la  figure  5c  h  longueur  font  diffé- 
rentes. Les  noirs  s'arrachent  moins 
facilement  que  les  blonds  ,  qui 
après  avoir  été  arrachés ,  fe  repro- 
duifent  même  dans  l'animal  mort, 
5c  ne  font  vraiment  que  la  portion 
du  parfum  la  plus  difpofée  à  fe 
durcir  ,  laquelle  fe  moule  dans  le 
réticule  poreux  qui  remplit  les  in- 
tervalles que  les  trous  laiiTent  entre 
eux  ,  Si  y  prend  la  confiftance  de 
poil. 

L'habile  Anatomifte  vient  en- 
fuite  aux  fources  du  parfum  ,  qui 
font  les  deux  glandes  ou  teflicules 
recouvertes  chacune  de  la  peau ,  5c 
d'un  mufcle  unique  dans  fon  ori- 
gine Se  dans  fon  corps  ,  quoique 
double  dans  fes  extrémitez  ,  dont 
l'une  enveloppe  la  glande  droite  , 
Se  l'autre  la  gauche.  M.  de  la  Pey- 
ronnie  décrit  avec  grande  exacti- 
tude ce  mufcle, fort  différent  de  ce- 
lui des  Civettes  de  M.  Perrault , 


6i\  JOURNAL   D 

d'où  il  palTe  au  corps  de  la  glande, 
compofée  de  pluficurs  follicules 
étroitement  liés  par  des  filets  ten- 
dineux ,  &  de  plulîeurs  vélîcules 
plus  petites  &  plus  plattes  que  les 
follicules ,  mais  deftinées  au  mê- 
me ufage  qui  eft  de  verfer  le  par- 
fum dans  la  poche  commune  par 
les  petits  trous  dont  cette  poche  eft 
percée.  Si  on  foufrle  avec  un  tuyau 
dans  un  des  follicules ,  toute  la 
glande  fe  gonfle  &  fe  durcit  ;  d'où 
il  rcfulte  que  ces  follicules  ont 
communication  les  uns  avec  les 
autres.  Si  on  ouvre  un  de  ceux  ci 
fuivant  fa  longueur  ,  on  y  voit 
fept  ou  huit  cellules  irrégulieres  , 
partagées  chacune  en  plulîeurs  au- 
tres petites  ,  au  fond  defquelles 
on  découvre  des  grains  glanduleux 
rougeàtres,  femblables  en  petit  à 
ces  mammélons  des  reins  qui  s'ou- 
vrent dans  leurs  entonnoirs  ,  com- 
me ces  grains  glanduleux  s'ouvrent 
dans  leurs  petites  cellules.  Ce  ft  ap- 
paremment où  s'accomplit  la  fil- 
tration  du  parfum  ,  qui  pafle  de 
cellule  en  cellule  jufqu'au  follicu- 
le,  qu'il  remplit ,  6c  d'où  ,  par 
la  contraction  du  mufcle  &  par 
quelques  autres  caufes ,  il  eft  expri- 
mé dans  la  poche  commune  ,  pour 
en  fortit  fuivant  le  befoin. 

Mais  f  demande  l'Auteur  )  quel 
peut-être  le  méchanifme  de  cette 
filtrarion  ?  C'eft  f  répond  il  ]  ce 
que  les  plus  grands  Anatomiftes 
n'ont  pu  mettre  jufqu'ici  dans  une 
entière  évidence  ,  Si  fur  quoi  la 
nouvelle  organifation  décrite  ici 
avec  tant  d'exactitude  &  de  détail, 
ne  jette  aucune  nouvelle  lumière  : 


ES  SÇ  AVANS, 

tout  cela  fe  reduifant  à  nous  four- 
nir des  différences  de  confoima- 
tion  extérieure  dans  les  glandes , 
différences ,  au  furplus ,  qui  méri- 
tent d'être  obfervées  <Sc  comparées 
avec  ce  que  nous  offrent  en  ce 
genre  l'homme  «Se  les  autres  ani- 
maux. 

L'Académicien  termine  fon 
Mémoire  par  quelques  obferva- 
tions  fur  le  parfum  du  mufe.  C'eft 
une  erreur  de  croire  que  le  mufe  , 
forti  recemmen»  de  l'animal  ,  foit 
fort  puant ,  &  ne  prenne  la  qualité 
de  parfum  qu'en  vieillilïant  dans 
les  bourfes  où  on  l'enferme.  Cette 
erreur  doit  Ion  origine  à  la  maniè- 
re dont  les  ChalTcurs  ou  Mar- 
chands ,  en  détachant  les  bourfes 
du  parfum  les  enveloppent  dans  le 
gros  boyau  &  les  deux  poches  qui 
l'accompagnent  ,  &  qu'ils  ont  cou- 
pées fans  les  connoître.  Ces  parties 
jettent  une  liqueur  des  plus  fétides, 
dont  l'extérieur  de  la  bourfe  fe 
trouve  enduit  ,  &  dont  la  puan- 
teur ne  fe  diflîpe  qu'après  un  cer- 
tain tems.  Il  n'eft  point  vrai  que 
toutes  les  parties  de  l'animal  ré- 
pandent une  odeur  de  la  même  na- 
ture i  cv  c'eft  de  quoi  M.  de  la  Pey- 
ronnie  s'eft  affuré  par  des  expé- 
riences qui  mettent  la  chofe  hors 
de  doute.-  Il  n'eft  pas  tout-à-fait  Ci 
certain  ,  que  la  qualité  des  alimens 
n'influé  en  quelque  façon  &C  fur  l'a- 
bondance plus  ou  moins  grande 
du  parfum  &  lur  fon  odeur  plus 
ou  moins  forte.  L'Académicien 
connoît  un  homme  de  condition  , 
dont  l'aiflelle  gauche  ,  fur  -  tout 
pendant  les  chaleurs  de  l'été ,  four- 
nit 


OCTOB 
nit  une  odeur  deMufc  furprenante, 
Candis  que  l'ailfelle  droite  efl  pref* 
que  fans  odeur.  Il  a  trouvé  ,  par 
le  calcul  ,  que  l'animal  dùTéquc 
pouvoir,  contenir  environ  une  de- 
mi once  de  vrai  parfum,  fans  mé- 
lange d'aucune  autre  fubftance. 

M-  Hclvétius  a  communiqué  à 
l'Académie  un  fait  arrivé  dans  le 
Canton  de  Fribourg ,  &  attefté  , 
non  feulement  par  une  Lettre  de 
M.  Michel  Docteur  en  Médecine 
de  ce  Pays  là  ,  mais  de  plus  par  un 
témoignage  authentique  &  juridi- 
que de  gens  qui  ont  vu  la  chofe.  Il 
s'a<nt  d'une  femme  ,  grolTe  de  fon 
premier  enfant ,  à  l'âge  de  48  ans , 
laquelle  ,  après  un  travail  de  fept 
jours ,  où  l'on  mit  en  œuvre  tous 
les  expediens  employés  en  pareils 
cas,  &  que  le  palïage  trop  étroit 


R  E  ,  1751,  67  j 

pour  l'extraction  de  l'enfant  ,  ren- 
dit inutiles  ;  fut  enfin  délivrée  fans 
aucun  accident  par  l'opération  C  é- 
farienne  que  fit  la  Sage  femme  , 
avec  tout  le  courage  &  toute  la 
dextérité  poftlble.  Cette  Sage- 
femme  nommée  MadamcFAWwr, 
&c  fille  de  M.  Savary  ,  très-habile 
Chirurgien  de  Fribourg  ,  avoir  dé- 
jà fait  l'opération  Céfarienne  à  trois 
femmes  un  moment  après  leur 
mort ,  ce  qui  avoit  procuré  le  bap- 
tême aux  enfans  ;  &  elle  avoit  pour 
la  Chirurgie  un  talent  héréditaire  , 
dont  elle  avoit  fait  ufage  avec  fuc- 
cès  dès  fa  première  jeunefle. 

Nous  renvoyons  à  un  autre 
Journal  les  articles  de  Chimie  &de 
Botanique,  ainfi  que  tous  ceux  qui 
appartiennent  aux  Mathématiques. 


CODE    CRIMINEL    DE    L'EMPEREUR  CHARLES  V. 

vulgairement  appelle  la  Caroline  ,  contenant  les  Loix  qui  font  fuivies  dans 
les  Jurifditlions  Criminelles  de  V  Empire  &  a  V ufage  des  Confeils  de  guer- 
re des  Troupes  Suiffes.  A  Paris  ,  de  l'Imprimerie  de  Claude  Simon  ,  rue 
des  Mafions,  du  côté  de  la  rue  des  Alathurins.  1734.  w-4°.pag.  3 6*5. 


CO  M  M  E  il  s'étoit  gliiTc  plu- 
(leurs  abus  en  différentes  Ju- 
rifdiclions  d'Allemagne  dans  l'ad- 
miniltration  de  la  Juftice  pour  les 
affaires  criminelles  ,  les  Diètes 
d'Aufbourg  en  1550.  &  de  Ratif- 
bonne  en  \  53  3.  en  portèrent  leurs 
plaintes  à  l'Empereur  Charles  V. 
Ce  Prince,  à  l'inltance  &  à  la  prière 
des  Etats  de  l'Empire  ,  fit  rédiger 
une  Ordonnance  qui  renouvelloit 
les  anciennes  Loix  pour  l'inftruc- 
tion  &  la  décifion  des  matières 
criminelles  ,  qui  eft  fuivie  dans 
Otlobre, 


tous  les  Tribunaux  de  l'Empire*, 
les  Electeurs  ,  les  Princes  8c  les 
Etats  s'y  étant  fournis,  fans  préju- 
dice de  leurs  droits  de  Souveraine- 
té en  autres  chofes.  Elle  efteompo- 
fée  de  21  y  articles.  Ils  regardent 
les  qualitez  que  doivent  avoir  les 
Juges  ,  le  ferment  qu'ils  doivent 
prêter  ,  la  manière  dont  ils  doi- 
vent être  punis  en  cas  de  négligen- 
ce ou  d'ignorance  de  leur  parc  , 
l'interrogatoire  de  l'aceufé  ,  les 
dépohtions  des  témoins ,  les  indi- 
ces fur  lefquels  on  peut  ordonner 
Ffff 


6i6  JOURNAL    DES    SÇAVAKS, 

la  queftion  ,  la  manière  dont  elle      res  &  ces  Notes ,  M.  Vogel  grand 


doit  être  donnée  ,  les  différentes 
efpeces  de  preuves  pour  la  convic- 
tion des  criminels  ,  les  peines  auf- 
quelles  on  doit  condamner  ceux 
oui  font  coupables  de  difterens  cri- 
mes. 

Cette  Ordonnance  ne  faifantque 
ïcnouveller  les  anciennes  Loix  qui 
ctoicnt  fuivies  dans  les  Cantons 
Suiiîes ,  dans  le  tems  qu'ils  croient 


Juge  des  Gardes  Suiffes  du  Roi ,  a 
cru  devoir  leur  épargner  cette  pei- 
ne. Il  déclare  lui  même  dans  fa  Pré- 
face ,  qu'il  a  recueilli ,  &  qu'il 
s'eft  appliqué  à  raffembler  dans  fon 
Commentaire  ,  ce  qu'il  ai  trouvé 
de  meilleur  &  de  plus  conforme  à 
l'uhge  dans  les  Auteurs  Allemands 
qui  fe  font  propoié  d'interpréter 
cette  Ordonnance.  Il  rend  raifon 


Membres  de   l'Empire  Germani-      fur  chaque  article  des  principaux 
que  ,  &  les  premières  Troupes  de      motits  de  la  difpolition  ,  il  en  dé- 


cette Nation  qui  font  entrées  au 
fervice  de  la  France  ,  avec  l'auto- 
rité de  juger  conformément  aux 
Loix  de  leur  Pays  ceux  qui  ccm- 
mettroient  quelques  cimes  ;  les 
Suilles  qui  étoicnt  au  fervice  delà 
France  ont  adopté  la  Caroline  ,  & 
s'y  font  conformés  dans  les  procé- 
dures criminelles.  Mais  cette  Or- 
donnance contient  plufieurs  dif- 
pofitions  qui  ne  font  pas  allez  clai- 
res t  &£  ceux  qui  ne  font  pas  verfés 
dans  ces  matières  ,  font  fouvent 
embarrafTés  fur  la  manière  dont 
quelques  articles  doivent  être  exé- 
cutés. C'eft  ce  qui  a  donné  lieu  à 
un  grand  nombre  de  Commentai- 
res j  de  Notes  Si  d'Obfervations 
qui  ont  paru  fur  cette  Ordonnance 
en  Allemand  &:  en  Latin.  Com- 
me   il   feroit    très  -  difficile    aux 


veloppe  le  fens  ,  il  tait  connoître 
la  manière  dont  il  doit  être  exécu- 
té ,  il  décide  quelques  queftions 
aufquelles  la  difpohtion  même  de 
l'Ordonnance  peut  donner  lieu  , 
il  il  cite  à  la  marge  les  autoritez 
des  Jurifconfultes  qui  autorifent  ce 
qu'il  avance.  Comme  ces  Obferva- 
tions  font  toutes  détachées  ,  & 
d'un  ftile  affez  précis  ,  nous  ne 
pouvons  en  abréger  aucun  mor- 
ceau fans  nous  expofer  au  danger 
de  n'en  point  donner  une  idée  fuf- 
fifante.  C'eft  pourquoi  nous  fem- 
mes obligés  de  renvoyer  au  Livre- 
même  ,  ceux  qui  voudront  s'affu- 
rer  par  eux-mêmes  de  ce  que  nous 
venons  de  dire  de  cet  Ouvrage. 

L'Auteur  a  joint  à  la  Caroline 
quelques  Reglemens  Militaires 
qui  ont  été  faits  autrefois  pour  les 


Officiers  des  Troupes  Suiffes  qui  Suiffes  qui  entroient  au  fervice  de 

font  au  fervice  de  la  France  ,  &  la  France  ,  des  inftructions  fur  la 

qui  par  cette  qualité  font  fouvent  manière  de  tenir  le  Confeil ,  &  des 

juges  en  matière  criminelle^de  con-  modèles  de  procédures  en  François 

fulter  Si  d'étudier  ces  Commentai-  &  en  Allemand. 


OCTOBRE,   1754. 


<*77 


HISTOIRE   CRITIQV  E  DE    MANICHEE   ET  D  U 

Manichéifmc.    Par  M.  de  Beausobre.  A  Amfterdam,  chez 

Frédéric  Bernard.  1734.  in  40.  pag.  594. 


VOICI,  fuivant  que  M.  de 
Beaufobre  l'explique  dans  fa 
Préface  ,  ce  qui  a  donné  lieu  aux 
recherches  qu'il  a  faites  fur  l'Hi- 
ftoire  de  Manichée, fur  fes  dogmes, 
fa  morale  ,  fon  culte  ,  Se  fur  le 
Gouvernement  Ecclefiaftique  qu'il 
a  établi  parmi  fes  Se&ateurs.  L'Au- 
teur voulant  rechercher  l'origine 
de  la  prétendué'Reformation,il  crut 
la  trouver  en  partie  dans  les  Vau- 
dois  Se  dans  les  Albigeois.  Ces  der- 
niers ont  été  aceufés  de  Manichéif- 
me  ;  pour  bien  juger  du  fait  il  crut 
qu'il  falloit  qu'il  connût  à  fond 
d'un  côté  les  Héréfies  de  Manichée 
Se  de  l'autre  les  erreurs  des  Albi- 
geois. Les  recherches  qu'il  a  faites 
fur  ce  fujet  l'ont  mis  en  état  de 
donner  au  public  l'Hiftoire  Criti- 
que dont  nous  allons  rendre  com- 
pte. 

L'Auteur  la  divife  en  deux  Par- 
ties ,  dont  la  première  eft  encore 
divifée  en  deux  Livres.  Dans  le 
premier  M.  de  Beaufobre  rapporte 
ce  que  les  Grecs  Se  les  Latins  ont 
dit  de  Manichée  ,  de  fa  vie  Se  de  fa 
mort ,  Se  comme  il  y  a  une  grande 
différence  fur  ce  fujet  entre  les  Hi- 
ftoires  des  Grecs  &  des  Latins  & 
celle  des  Perfans  Se  des  Arabes, 
notre  Auteur  donne  dans  le  fé- 
cond Livre  une  Hiftoire  de  Mani- 
chée Se  de  l'originedu  Manichéif- 
me,  fuivant  les  Ecrivains  Orien- 
taux. La  féconde  Partie  furies  dog- 


mes de  Manichée  &  des  Mani- 
chéens contiendra  quatre  Livres, 
dont  les  deux  premiers  font  com- 
pris dans  ce  Volume.  Les  deux  fui- 
vans  formeront  un  fécond  Volume 
qui  étoit  fous  la  prefie  lorfque  le 
premier  a  paru.  Nous  donnerons 
dans  ce  Journal  une  idée  des  deux 
Livres  fur  l'Hiftoire,  Se  nous  ren- 
voyerons  au  Journal  fuivant  l'Ex- 
trait des  deux  Livres  fur  le  Dog- 
me. 

Plufieurs  Auteurs  fe  font  donné 
la  peine  de  recueillir  ce  que  les  an- 
ciens ont  dit  de  Manichée  &  de  fes 
fentimens  ;  perfonne  n'a  exécuté  ce 
delTein,au  jugement  de  M.  de  Beau- 
fobre ,  avec  plus  d'étendue'  Se  d'e- 
xadtitude  que  M.  de  Tillemont. 
Mais  il  croit  que  M.  deTillemont, 
qui  a  mis  dans  cette  partie  beau- 
coup d'ordre  &  d'exactitude  t  n'y 
a  point  fait  affez  d'ufage  de  fon  dis- 
cernement. Il  lui  paroît  avoir  été 
trop  prévenu  en  faveur  des  Hifto- 
riens  Ecclefiaftiques  Se  des  Pères  & 
avoir  fuppofé  avec  trop  de  confian- 
ce ,  qu'ils  ont  été  fidèles  8e  exaéts. 
Notre  Auteur  eft  perfuadé  que  ces 
Recueils  de  ce  que  les  Pères  &  les 
anciens  Hiftoriens  Ecclefiaftiques 
ont  dit  des  Hérétiques  Se  des  Hé- 
réfies,  ne  peuvent  fervir  à  bi  rt 
connoître  ici  la  perfonne  des  Héré- 
tiques ,  nileursfentimens.il  fonde 
ce  Syftcme  fur  ce  qu'il  lui  paroît 
que  »  i'efprit  général  de  l'antiquité 
Ffffiy 


6j$         JOURNAL     DE 

»  a   été  d'admettre  fans  examen  , 
»  tout  ce  que  la  renommée  publioit 
„  au  défavantage   des  Hérétiques 
»  quelque  fabukux   qu'il  fût  ,  de 
»  crroiïïr ,  d'exagérer  les  abfurditez 
»  de  leurs  opinions  ,  de  leur  en  im- 
■o  puter  qu'ils  n'ont  jamais  eues , 
»  de  mettre  au  rang  des  articles  de 
»leur  toi ,  toutes  les  conféquences 
»  qui  pouvoient  refulter  de  leurs 
»  principes  ;  en  un  mot ,  de  char- 
»  cer  d'une  infinité  de  traits  étran- 
»  oers  &  monltrucux  les  tableaux 
»  qu'Us  nous  tracent  de  la  perfon- 
3>  ne  des  Hétériques ,  de  leur  doc- 
»  trinc  Si  de  leurs  mœurs.  «  Mais 
quelle  route  faut-il  donc  fuivre  , 
fuivant    notre  Auteur,  pour  s'in- 
ftruire  de  l'Hiftoire  des  Hérétiques 
&  des  Héréiîes  ï  II  faut  prendre 
t'Hiftoire    de   ces    Héréfiarques  , 
leurs  fentimens  ,  les  cérémonies  de 
leur  Secte,  dans  les  premiers  Au- 
teurs qui  en  ont  parlé  ,  &c  fe  fervir 
de  toute  fa  fagacité  pour  y  démêler 
le  faux- d'avec  le  vrai.  C'eit  ce  qu'il 
croit  que  M.  Bayle  auroit  dû  taire 
dans  fon  Dictionnaire  Critique  à 
l'article  de  Manichée  de  des  Mani- 
chéens ,  plutôt  que  de  s'amulcr  à 
pouffer  6c  à  orner  comme  il  a  fait  les 
argumens  de  Manichée  &  des  Ma- 
nichéens,&  ce  qu'il  entreprend  d'e- 
xécuter dans  cet  Ouvrage.  »  Trou- 
»  vant,  dit-il  3  beaucoup  d'éxagera- 
»  dons, de  contradictions,de  rauiîcs 
■>  imputations ,dans ce  qu'on  racon- 
»  te  de  Manichée  ,  de  les  Dogmes 
»  &  de  fa  Morale  ,    j'ai  eu    pitié 
»  d'une  Secte  dé;a  trop  malheureu- 
-"  fe ,  pour  avoir  étrangement  cor- 
»  rompu  la  Foi  Chrétienne  ,  & 


S  SÇAVANS, 
»  pour  avoir  été  dès  fi  naiffance 
»  l'objet  de  la  tureur  d'un  zele'm- 
»  humain  ;  je  la  juitihe,  quand  il 
»  me  paroît  qu'on  l'a  calomniée  , 
»jcl'excufe  quand  elle  me  paroît 
y>  excufable  ;  Se  je  ne  crois  point , 
»  ajoûte-t-il ,  qu'on  doive  m'en  fça- 
»  voir  mauvais  gré. 

Pour  fuivre  ce  plan  6\:  «tanner 
une  Hiftoire  de  Manichée  ,  fuivant 
ks  Grecs  èv  les  Latins ,  l'A  tireur  a 
pris  pour  texte  une  pièce  très  -  an- 
cienne &  qui  a  pour  titre  :  AEies  de 
la  difpate  entre  ArchcLiits  Evêejue  de 
Aléfopotamte  y&  t'Héréfîaraue  Afa- 
nés.  Ce  n'eit  pas  que  M.  de  Beaufo- 
bre  regarde  cette  Pièce  comme  au- 
thentique-, il  elt  perfuadé  que  cetîe 
conférence  eft  une  fiction  ,  &  que 
l'Ouvrage  a  été  compofé  par  un 
Grec  vers  l'an  330.  ou  un  peu  plus 
tard.  Ses  obfervations  critiques  fur 
cette  Pièce  méritent  que  nous  en 
donnions  ici  le  précis. 

S.  Jérôme  elt ,  fuivant  notre  Au- 
teur ,  le  premier  des  latins,  & 
S.  Cyrile  de  Jcrufalc-m  le  premier 
des  Grecs  qui  ait  connu  cette  Pièce 
S.  Jérôme  croyoit  que  cette  Pièce 
avoit  été  compolée  en  Syriaque 
par  Archelaiis ,  &  qu'elle  avoit  été 
traduite  en  Grec  par  Hégcmonius , 
S.  Epiphane  confirme  cette  opi- 
nion :  mais  Photius  dit  d'après 
•  Héraclien  Evcque  de  Calcédoine  , 
qu'Hégémonius-  elt  l'Auteur  de 
cette  Pièce  ,  &  non  le  Traducteur.  . 
M.  de  Beaufobre  adopte  ce  dernier 
fentiment  ,  -parce  qu'Héraclicn 
paroît  avoir  fait  une  étude  particu- 
lière de  ce  quiregardoit  le  Mani- 
chcifme.    Il  ne   croit   pas    même 


O  C  T  O  B 

qu'Hégémonius  ait  eu  des  Mémoi- 
res Syriaques  pour  compofer  cet 
Ouvrage, parce  qu'il  n'a  point  trou- 
vé d'Auteurs  Syriaques  qui  aient 
fait  mention  d'Archélaiis  ni  de  fes 
difputcs  avec  Manichée.  S'il  y  avoit 
eu  une  difpute  entre  Manichée  Se 
tin  Evcquede  Méfopotamie,  telle 
que  celle  dont  il  s'agit  ici ,  il  n'y  a 
point  d'apparence  que  perfonne 
n'en  eût  parlé  dans  l'Orient  pen- 
dant 70  ans  ,  qu'elle  eût  été  incon- 
nue à  Eufebe  de  Céfarée  qui  ne  fait 
mention  ni  d'Archélaiis  ni  de  l'ir- 
ruption de  Manichée  dans  la  Perfe, 
que  dans  les  Ouvrages  de  Saint 
Ephrcm  Evêque  de  Nifabe  en  Mé- 
fopotamie ,  qui  mourut  vers  l'an 
373.  il  ne  paroifle  pas  la  moindre 
trace  des  difputes  d'Archélaiis  avec 
Manichée  ,  que  Grégoire  Abulphi- 
rage  Primat  des  Jacobitcs  d'O- 
rient ,  n'ait  pas  dit  un  mot  de  cette 
difpute  en  parlant  des  Hérétiques 
Se  en  particulier  des  Manichéens. 
Cette  difpute  fe  ht  ,  fuivant  les 
Aâxs  ,  dans  une  Ville  de  Méfopo- 
tamie nommée  Cafcar  ou  Carcar , 
qui  étoit  foûmife  aux  Romains,  & 
l'on  ne  trouve  ,  félon  M.  de  Beau- 
fobre  ,  aucune  Ville  à  laquelle  ces 
caractères  puilfent  convenir. L1V1I- 
le  dont  on  fuppofe  qu' Archélaiis 
étoit  Evêque  ,  étoit  ,  fuivant  les 
A  clés*  proche  d'un  Fleuve  nommé 
Stranga  qui  féparoit  l'Empire  Ro- 
main d'avec  celui  des  Perfes  ;  ce- 
pendant aucun  Hiftorien  ne  tait 
mention  du  Fleuve  Stranga  qui  au- 
roit  dû  être  fort  connu  ,  s'il  étoit 
vrai  qu'il  eût  fait  la  féparation  des 
deux  Empires. 


RE,     1754.  679 

Pourquoi  donc  M.  de  Beaufobre 
à-t-il  pris  pour  texte  de  fon  Hiltoi- 
rede  Manichée,  félon  les  Grecs  & 
les  Latin:;  ,  une  Pièce  qu'il  croit 
foppbfée  ;  c'eft  que  c'eft  le  plus  an- 
cien Monument  confiderable  qui 
nous  ait  été  confervé  ,  du  moins 
par  la  traduction  Latine  (  car  le 
Grec  eft  perdu)  fur  Manichée  Se 
les  Manichéens  ,  Se  que  c'eft  de-là 
que  les  Grecs  Se  les  Latins  ont  pour 
la  plupart  tiré,  ce  qu'ils  en  ont  dit, 
nous  ne  donnerons  point  ici  d'a- 
brégé de  cette  conférence  ,  Se  de 
ce  qu'on  y  fait  dire  à  Archélaiis  fut 
la  Vie  &  fur  les  Dogmes  de  Mani- 
chée ,  parce  que  ce  font  des  chofes 
trop  communes ,  &  qu'on  trouve 
dans  tous  les  Hiftoriens  qui  ont 
parlé  de  cet  Hérétique.  Il  n'en  eft 
pis  de  même  des  Qbfervarions  Se 
des  Notes  de  M.  de  Beaufobre  , 
ceux  qui  prendront  la  peine  de  li- 
re cet  Ouvrage  ,  y  trouveront  plu- 
sieurs Remarques  curieufes  ;  nous 
nous  trouvons  obligés  de  nous  îe- 
duire  à  quelques  exemples. 

L'Auteur  de  la  Conférence  fait 
dire  à  Archélaiis  qu'un  certain  Scy- 
thien  qui  étoit  originaire  de  Scy- 
thie  ,  Se  qui  vivoit  au  tems  des 
Apôtres  ,  fut  l'Auteur  Se  le  Chef 
de  l'Héréfie  Manichéenne.  Mais 
Scythien  n'étoit  point  Scythien  , 
mais  de  cette  Contrée  d'Arabie 
qui  eft  nommée  Saracene  ,  Se  il 
defeendoit  de  perfonnes  qui  habi- 
toient  cette  Contrée  ,  fuivant  faint 
Cyrile  de  Jerufalem  ,  S.  Epiphane, 
Phoiius  Se  Archélaiis  lui-même» 
Scythien  vivoit  dans  Je  troiliéme 
fiéclc  Se  il  étoit  contemporain  et- 


6So  JOURNAt   D 

Manichée  ,  comme  on  le  prouve 
par  un  fragment  d'une  Lettre  écrite 
par  Manichée  à  Scythien,que  Pho- 
tius a  inféré  dans  fa  Bibliothèque. 
Il  eft  vrai  que  M.  de  Tillemont 
place  Scythien  vers  le  milieu  du  fé- 
cond fiécle  ,  tk  qu'il  fuppofe  un 
autre  Scythien  pofterieur  au  pre- 
mier de  cent  ans ,  &c  qui  étoit  com- 
me lui  Manichéen.  Mais  comme 
on  ne  trouve  pas  ce  fécond  Scy- 
thien dans  l'Hiftoire  ,  notre  Au- 
teur veut  qu'on  regarde  cette  ré- 
ponfe  de  M.  de  Tillemont  comme 
la  derniers  reffource  de  la  préven- 
tion &:  de  l'opiniâtreté.  On  dit 
dans  la  Conférence  que  Scythien 
tiroir  fon  erreur  des  deux  principes 
de  Pytagore  ,  S.  Cyrille  de  Jerufa- 
lem  dit  d' Ariftote  ,  mais  notre  Au- 
teur eft  perfu.idé  que  c'eft  des  Per- 
fes  &  non  des  Philofophes  Grecs 
que  Scythien  a  tiré  fon  erreur  des 
deux  principes.  Il  trouve  mauvais 
que  M.  de  Tiilemont  ait  avancé 
que  la  corruption  des  moeurs  de 
Scythien  ,  l'ait  engagé  à  chercher 
quelque  chofe  de  nouveau  pour  fe 
faire  Chef  de  Parti  :  pour  lui  il  ai- 
me mieux  qu'on  cherche  l'origine 
des  erreurs  dans  l'obfcurité  où  il  a 
plu  à  Dieu  de  laiffer  certaines  véri- 
tez ,  &  dans  la  foibleffe  de  l'efprit 
humain,  que  dans  le  dérèglement 
du  cœur. 

La  Relation  de  la  Conférence 
porte  que  le  Roi  de  Perfe  ordonna 
que  Manichée  fut  écorché.  M.  de 
Beaufobre  croit  qu'on  ne  peut 
conclure  de  ces  termes  que  Mani- 
chée fût  écorché  vif.  Abulfarage 
dit   même  que  cet  Hérétique  ne 


ES  «ÇA  VAN  S, 

fut  écorché  qu'après  fz  mort  ;  ce- 
pendant S.  Epiphane  qui  aime  fé- 
lon notre  Aureur  ,  à  orner  de  quel- 
ques circonftances  nouvelles  ce 
qu'il  emprunte  d'Auteurs  plus  an- 
ciens que  lui ,  dit  que  Manichéc 
fut  écorché  avec  la  pointe  d'un 
roféau.  Il  ajoute  que  fa  peau  fut 
remplie  de  paille.  Photius  qui  avoit 
vu  le  Grec  de  la  Relation  d'Arché- 
laiis,  affure  que  la  peau  de  l'Hiré- 
iiarque  fut  remplie  d'air  ou  de  vent 
comme  un  fourrier.  Ce  que  dit 
Photius  paroît  à  M.  de  Beaufobre 
plus  conforme  à  l'ufage  des  Perfes. 
Après  la  mort  de  l'Empereur  Valé- 
rien  ,  Sapor  commanda  qu'on  l'é- 
corchât  ,  qu'on  apprêtât  fa  peau 
pour  la  conferver  ,  &  qu'on  la 
remplît  d'air.  S.  Epiphane  crovoit 
que  c'étoit  à  caufe  du  Supplice  de 
Manichée  ,  que  les  Manichéens 
couchoient  fur  la  paille  ou  fur  des 
rofeaux.  Notre  Auteur  eif.  perfua- 
dé  que  les  Manichéens  avoient  em- 
prunté cet  ufage  des  Mages.  Il 
ajoute  que  ce  n'eil  pas  pour  aug- 
menter l'ignominie  que  la  chair  de 
Manichée  ,  fut  donnée  aux 
oifeaux  ,  mais  parce  que  les  an- 
ciens Perfans  n'enterroient  point 
les  morts  de  peur  de  fouiller  la 
terre.  M.  de  Tillemont  convient 
que  la  Relation  d'Archélaiis  ne 
peut  s'accorder  avec  l'Hiftoire,  en 
ce  qu'elle  fuppofe  que  c'eif  le  mê- 
me Roi  de  Perfe  qui  tait  emprifon- 
ncr  l'Héréfiarque  ,  qui  le  retient 
en  prifon  plulicurs  années  ,  qui  le 
tait  prendre  après  fon  évafion  ,  & 
qui  enfin  le  tait  mourir  ;  mais  M. 
de  Tillemont  impute  toute  la  tau- 


O  C  T  O   B 

te  au  Traducteur.  M.  de  Beaufobre 
ne  peut  goîiter  cette  conjecture,  &c 
il  elt  étonné  que  M.  de  Tillemont 
l'aie  adopté  pour  foûtenir  l'authen- 
ticité d'une  Pièce  ,  où  l'on  trouve  à 
chaque  pas  du  faux  &  de  la  contra- 
diction. 

Par  rapport  au  fécond  Livre  qui 
contient  l'Hiftoire  de  Manichée  & 
du  Manichéifme ,  félon  les  Syriens, 
les  Perfans ,  &  les  Arabes ,  notre 
Auteur  cbferve  d'abord  que  ces 
Auteurs  rapportent  l'Hiftoire  de 
Manichée  d'une  manière  fi  différen- 
te de  celle  dont  la  rapportent  les 
Grecs  cV  les  Latins ,  qu'on  pourroit 
croire  que  Manichée  &  Maués 
lont  deux  Héiéliarques ,  l'un  d'O- 
rient &c  l'autre  d'Occident ,  dans 
les  opinions  defquels  on  trouve 
de  la  conformité  ,  fans  en  trouver 
dans  leur  Hiftoire.  M.  de  Beaufo- 
bre  ne  croit  pas  cependant  qu'on 
doive  recevoir  fans  examen  tout  ce 
que  difent  les  Orientaux.  Us  font 
tous  parties  contre  Manichée.  Les 
Se&ateurs  de  Zoroaftre  haiffoient 
cet  Héréfiarque  &c  ceux  qui  fui- 
voier.t  fa  doctrine  ,  &  les  Maho- 
métans  placent  les  Manichéens  en 
enfer  au-deflousdes  Athées.  Néan- 
moins M.  de  Beaufobre  croit  qu'on 
doit  préférer  ce  que  difent  les 
Orientaux  ,  à  ce  que  rapportent  les 
Grecs ,  parce  qu'il  s'agit  de  faits 
qui  fe  font  palTés  dans  leur  Pays,  & 
que  leur  Relation  paroîtbien  plus 
naturelle  que  celle  des  Grecs. 

Après  ce  préambule  ,  l'Auteur 
donne  l'Hiftoire  de  Manichée  fui- 
vant  les  Ecrivains  Orientaux  ,  &  il 
en  fait  enfuite  un  parallèle  avec  ce 


R  E  ,    i  75  4.  £8ï 

qu'en  difent  les  Grecs  &  les  Latins 
que  nous  allons  tranferire. 

»  Le  Lecteur  fera  furpris  de  voir 
»  fi  peu  d'harmonie  entre  la  Rela- 
tion d'Archélaiis  ou  d'Hégémo- 
*  nius  &  celle  des  Orientaux. Iillcs 
»  nes'accordent  en  rien.  Là  M.més 
»  ne  connoît  le  Chriftianifme  que 
»  fur  la  fin  de  fa  vie  :  ici  il  le  con- 
»  noît  dès  fa  jeunefie,  &  le  connoît 
»  fi  bien  qu'il  devient  Prêtre  ,  il 
»  l'enfeigne  &  le  défend  contre  les 
»  Infidèles.  Là  il  a  pris  fes  deux 
»  principes  dans  les  Livres  de  Scy- 
»  thien  ,  &  Scythien  danslaPhilo- 
»  fophie  de  Pythagore.  Ici  il  les  a 
»  trouvés  dans  l'ancienne  Philofo- 
»  phie  de  fon  Pays,  d'où  Pythagore 
»  lui  même  a  voit  tiré  tout  ce  qu'il 
*>  a  penfé  fur  ce  fujet.  Là  Manés  en- 
>»  court  la  difgracede  Sapor  ,  pour 
»  n'avoir  pu  guérir  fon  fils.  Ici  l'on 
y>  attribue  fa  chute  à  une  caufe  tou- 
»te  différente.  Sapor  ne  s'irrite 
»  contre  lui  ,  que  parce  qu'il  veut 
i>  fonder  une  nouvelle  Secte  fous 
»  le  nom  de  Jefus  ,  &  qu'il  défa- 
is prouve  le  Culte  &  la  Foi  des 
»  Perfans.  Là  ce  Roi  le  retient  long- 
»  tems  en  prifon  ,  ici  il  prévient 
»  par  fa  mite  le  deiîein  que  ce  Prin- 
»  ce  avoit  formé  de  l'arrêter.  Là 
»  enfin  il  fe  réfugie  furies  frontie- 
n  res  de  la  Méfopotamie  Romaine. 
»  Ici  c'eft  à  l'extrémité  toute  oppo- 
»  fée  de  l'Empire  des  Perfcs,  c'eft 
»  dans  le  Turqueftan. 

La  méthode  que  l'Auteur  a  fui- 
vie  lui  a  permis  de  faire  entrer  dans 
fon  Ouvrage  plufieurs  Epifodes 
qui  varient  la  narration  ,  &  qui 
fervironc  à  délafler  ceux  des  LcC' 


632  JOURNAL    DES  SÇA  VAN  S, 

teursqui  feroient  fatigues  d'obfer-      Perfes  ,  des  Chrétiens  du  Turque 


vations  critiques.  Tels  font  les 
morceaux  où  l'Auteur  parle  de  la 
Religion  de  Zoroaftre,  des  Révo- 
lutions de  cette  Religion  chez  les 


ftan  ,  &c. 

Nous  rendions  compte  dans  un 
autre  Journal  des  deux  premiers 
Livres  de  la  féconde  Partie. 


LETTRES  EDIFIANTES  ET  CV RI EV SES  ,  ECRITES  DES 

Ali  (fions  étrangères  par  quelques  Mijfionnaires  de  la  Compagnie  de  Je  fus. 
XXV-  Recueil.  A  Paris ,  chez  Nicolas  le  Clerc ,  rue  de  la  vieille  Boude- 
rie -,  &:  U  Mercier }  rué'S.  Jacques.  1734. in-11.  pp.  48e. 


LE  Perc  du  Halde  ,  dans  l'Epî- 
tre  Dédicatoire  qui  eft  adref- 
fée  aux  Jcfuitcs  de  France ,  nous 
donne  une  idée  générale  des  Pièces 
contenues  dans  ce  Recueil  ,  !k  plu- 
fieurs  particularitez  interelTantes 
fur  Tctat  preient  des  Millions  de  la 
Chine  ,  avec  l'Eloge  des  Pères  Bou- 
vet ,  &  Contancin.  Le  premier  qui 
avoit  pafié  près  de  50  ans  dans  les 
travaux  de  la  vie  Apoftolique,  eft 
mort  à  la  Chine  âgé  de  74  ans ,  & 
étoit  un  des  fix  Jeluites  que  Louis 
le  Grand  envoya  en  l'année  KSgf. 
en  qualité  de  fes  Mathématiciens.!! 
mérita  la  confiance  du  feu  Empe- 
reur Cang-hi ,  qui  lui  accorda  un 
vafte  emplacement  dans  l'enceinte 
defon  Palais  pour  y  bâtir  une  Egli- 
ié.  Le  fécond  eft  le  PereContencin 
qu'une  maladie  violente  enleva  à 
l'âge  de  6  5  ans  à  bord  d'un  vaifieau 
où  il  s'étoit  embarqué  ,  pour  re- 
tourner aux  Indes  avec  la  qualité  de 
Supérieur  Général  de  la  Million  de 
France.  Ce  Père  y  étoit  venu  pour 
les  affaires  de  cette  même  Million  , 
£■:  pendant  l'année  qu'il  féjourna  à 
Paris  ,  il  s'attira  l'admiration  des 
Curieux  par  la  parfaite  connoiflan- 
ct  qu'il  avoit  acquife  de  la  Langue, 


&  des  ufages  de  la  Chine ,  &  méri- 
ta par  lbn  zélé  &  par  fa  pieté  l'a- 
mour de  tous  ceux  qui  s'intereflent 
à  ia  converfion  des  Peuples  qui  ha- 
bitent ce  vafte  Empire. 

La  féconde  Pièce  de  ce  Recueil 
eft  une  Lettre  du  Père  Calmettc 
Jefuite  ,  écrite  à  Ballaburam  dans 
le  Royaume  de  Carnate  le  18  Sep- 
tembre 1730.  Ces  Millions  font 
voilînes  de  celles  de  Maduré  Se 
tonnées  fur-le  même  plan.  Le  Père 
Calmettc  nous  y  apprend  que  le 
plus  grand  obftacle  que  les  Mif- 
fionnaires  trouvent  dans  laconver- 
iîon  de  ces  Peuples  ,  vient  du  pro- 
fond mépris  qu'ils  font  des  autres 
Nations  ,  cv  de  la  haute  opinion 
qu'ils  ont  d'eux-mêmes.  Cet  or- 
gueil eft  la  principale  caufe  des  fré- 
quentes perfécunons  aufquclles  les 
Millionnaires  &  leurs  Néophytes, 
font  continuellement  expofés  , 
mais  heureufemnt  elles  ne  font  pas 
générales,  parce  que  cet  Etat  eft 
partagé  en  différentes  Domina- 
tions. Cette  Lettre  finit  par  un 
morceau  tiré  d'un  Livre  ,  ou  Poè- 
me très-ancien  ,  puifquc  ,  félonies 
conjectures  de  l'Auteur  ,  il  a  1800 
ans  d'antiquité  ,  dont  le  troidéme 
Livre 


O  C  T  O 

Liv  rc  nommé  Arannia  Paruam  ou 
jlvantures  de  la  Forêt .  »  contient 
»  une  prédiction  fi  précife  ,  &C  où 
»  les  caractères  du  Rédempteur 
»  font  fi  bien  marqués  ,  qu'on  ne 
»  peut  douter  de  la  liaifon  qu'elle 
»  a  avec  les  Saintes  Ecritures  ,  ni 
«méconnoître  la  fource  où  elle  a  été 
»  puifée.  On  en  trouve  ici  une  tra- 
duction littérale  ,  faite  fur  le  texte 
original  qu'on  a  fait  mettre  au  bas 
de  la  page  -,  on  y  a  joint  une  expli- 
cation de  cette  Prophétie  ,  où  l'on 
verra  des  recherches  très  inftructi- 
ves  fur  la  Chronologie  ,  &  fur  la 
Religion  des  Indiens. 

La  troiliéme  Lettre  eft  adreftée 
à  M.  de  Mairan  &  écrite  par  le  Pè- 
re Parennin  à  Pékin  le  1 1  Aouft 
ï73o.Les  liaifons  qu'il  a  avec  Mef- 
fieurs  de  l'Académie  des  Sciences, 
&  le  commerce  régulier  qu'il  en- 
tretient avec  cette  illuftre  Compa- 
gnie doivent  donner  beaucoup  de 
confiance  au  Lecteur  fur  tout  ce 
que  le  Pcre  Parennin  répond  par 
rapport  aux  doutes  &  aux  que- 
stions que  M.  de  Mairan  lui  avoit 
propofés  fur  la  certitude  des  obfer- 
vations  iftronomiques  desChinois, 
fur  l'authenticité  de  leurs  ancien- 
nes Hiftoires ,  fur  l'idée  qu'ils  ont 
de  la  Divinité  ,  fur  la  perfection  de 
leurs  arts  &  de  leurs  Sciences ,  & 
fur  plufieurs  autres  points  qui  ne 
lui  paroifToicnt  pas  fufhTamment 
éclaircis.  Le  P.  Parennin  fatisfaic 
l'Académicien  fur  tous  ces  articles , 
&  pour  y  réufiir  ,  il  fe  croit  obligé 
d'approfondir  les  mœurs  &  le  gé- 
nie de  cette  Nation  ,  &  en  confé- 
quence  du  portrait  qu'il  en  fait , 
Oftobre. 


B  R  E,     i  7?  4.  tfSj 

il  avoi.ie  que  les  Chinois  n'ont 
pas  porté  les  Sciences  de  pure  fpé- 
culation  auifi  loin  qu'on  les  a  por- 
tées en  Europe  ;  il  n'y  a  pas  même 
àefpercr,  dit  il ,  =  qu'ils  prennent 
^  jamais  leur  vol  plus  haut ,  non 
»  feulement  parce  qu'ils  n'ont  pas 
*»  cette  fagacité  ,  cette  inquiétude 
»  qui  fert  à  avancer  dans  les  Scien- 
»  ces  ,  mais  encore  parce  qu'ils  fe 
*>  bornent  à  ce  qui  eft  purement 
»  neceflaire  ,  &  que  félon  l'idée 
»  qu'ils  fe  font  formée  du  bonheur 
»  perfonnel,  &  de  la  tranquillité  de 
»  l'Etat  ,  ils  ne  croyent  pas  qu'il 
»  taille  fe  morfondre  ,  ni  gêner  fon 
»  efprit  pour  des  chofes  de  pure 
»  fpéculation  ,  qui  ne  peuvent 
»  nous  rendre  ni  plus  heureux  ,  ni 
»  plus  tranquilles. 

Il  obferve  cependant  que  cette 
difpofition  aflez  générale  a  eu  feu 
exceptions  ;  que  la  Chine  a  pro- 
duit des  hommes  rares  qui  ont  fait 
de  profondes  découvertes  dans  les 
Sciences  fpéculatives  ;  mais  que 
pour  ces  riifons  &  plufieurs  autres 
qu'on  verra  dans  cette  Lettre ,  ils 
n'ont  été  ni  foûtenus  ,  ni  fuivis. 
Cette  difculîîon  le  met  dans  la  ne- 
cellité  de  montrer  que  fi  Voffius  a 
dit  trop  de  bien  des  Chinois  ,  M. 
l'Abbé  Renaudot  a  donné  dans 
l'excès  contraire^  que  fur  la  foi  de 
deux  Manufcrits  Arabes  qui  en  mé- 
ritent peu  ,  il  eft  tombé  dans  des 
erreurs  &  des  contradictions  ma- 
nifeftes.  Le  Père  Parennin  finit  en 
montrant  que  les  Phénomènes  ob- 
fervés  dans  le  Ciel  à  la  Chine, 
n'ont ,  comme  M.  de  Mairan  l'a- 
voit  fbupçonné  ,  point  de  rapport 
w  &  &  S 


68*         JOURNAL    DE 

ivec  l'aurore  boiéale. 

On  voit  dans  la  quatrième  Let- 
tre l'Hifloire  d'un  grand  Seigneur 
Tarrare  fort  aimé  du  feu  Empereur 
Cang-hi ,  qui  à  l'âge  de  75  ans  fut 
difqracié  &  baptifé  en  prifon  ,  par 
un  trait  fingulier  de  la  Divine  Pro- 
vidence. Cette  Lettre  eft  du  Père 
de  Mailla  ,  &  datée  de  Péking  le 
10.  Octobre  173 1. 

La  cinquième  Lettre  qui  eu  du 
Père  Porquet  &c  adrefTée  au  Perc 
de  Goville,  eft  écrite  à  Macao  le 
11  Décembre  1732.  elle  roule  fur 
la  trille  fituation  où  fe  trouve  à 
prefent  la  Million  de  la  Chine.  Les 
Millionnaires  qui  lurent  bannis  des 
Provinces  ,  il  y  a  environ  dix  ans , 
&  relégués  à  Canton  ,  viennent 
d'être  chatTés  de  Canton-même  ,  & 
renvoyés  à  Macao  ,  petite  Ville 
qui  appartient  aux  Portugais,  mais 
où  pourtant  les  Chinois  font  les 
maîrres.  C'eft  le  2.0  d'Avril  de 
l'année  173?.  qu'on  les  obligea  de 
s'embarquer  au  nombre  de  plus  de 
30  avec  défenfe  de  retourner  à  la 
Chine  fous  peine  d'être  punis  fui- 
vant  toute  la  rigueur  des  Loix.  Cet 
ordre  fut  exécuté  très-rigoureufe- 
ment  ,  leurs  Domcftiques  &c  les 
Chrétiens  qui  relièrent  furent 
charges  de  chaînes  ,  &  quelques- 
uns  condamnés  à  de  cruelles  ba- 
ftonades  qu'ils  fbûtinrent  avec 
beaucoup  de  confiance  &  de  pic- 
té. 

Ainfi  il  ne  reflc  plus  dans  ce 
grand  Empire  ,  félon  le  détail  que 
le  Père  du  Halde  nous  en  donne 
dans  fa  Préface ,  que  23  Million- 
naires qu'on  tolère  encore  à  Pé- 


5  SCAVANS, 

king  ,  fçavûir  deux  Eccleflaftiques 
de  la  Propagande  ,  huit  Jcfuites 
François,  lix  Jefuites  Portugais  y 

6  trois  autres  Jefuites  Allemands, 
avec  quatre  Frères  Coadjuteurs  , 
fans  compter  quelques  uns  en  pe- 
tit nombre  qui  lont  répandus  dans 
les  Provinces.  11  ajoute  qu'on  a  fçû 
par  des  Lettres  pofterieures  à  celles 
du  Père  Porquet  8c  venues  de  Pé- 
king-même  ,  que  lorfque  les  Je- 
fuites de  cette  Ville  eurent  reçu 
les  Lettres  que  les  Millionnaires 
exilés  à  Macao  leur  avoient  écrites, 
ils  allèrent  fe  jetter  aux  pieds  de 
l'Empereur  pour  le  fupplier  de 
leur  permettre  de  retourner  à  Can- 
ton. Ils  en  furent  reçus  avec  bonté, 
mais  il  leur  refufa  abfolument  cette 
grâce  ,  en  leur  difant  ,  que  Macao 
n'étoit  éloigné  que  de  trois  jour- 
nées de  Canton,  que  les  Vaifleaux 
François  y  pouvoient  faire  leur 
commerce  ,  8c  que  la  correfpon- 
dance  avec  l'Europe  ,  ferait  aulîl 
aifée  que  s'ils  abordoient  à  la  Chi- 
ne i  le  Père  Parennin  qui  étoit  de 
cette  députation  ,  reprefenta  que 
la  chofe  étoit  impofîîble  ;  fur  quoi 
l'Empereur  répondit  que  fi  effecti- 
vement les  Européans  ne  pou- 
voient pas  faire  leur  commerce  à 
Macao  ,  il  permettrait  aux  Pères 
de  Péking  d'avoir  des  Procureurs  à 
Canton  ;  mais  qu'ils  ne  pourroient 
s'y  mêler  d'autre  chofe  que  de  re- 
cevoir ce  qui  viendrait  d'Europe 
pour  eux  ,  &  de  faire  tenir  en  Eu- 
rope les  Lettres  qu'ils  y  voudraient 
envoyer. 

On  apprendra  par  les  premiers 
Vaiffeaux  qui  arriveront  de  la  Chi- 


O  C  T  O  B 

ne  la  fuite  de  ectre  négociation.  Si 
elle  réuiïit  ,  il  y  a  lieu  d'efpercr  que 
la  porte  de  cet  Empire  ne  fera  pas 
entièrement  fermée  à  la  Religion. 

Après  ces  Lettres  fuivent  diffé- 
rentes Pièces  qui  nous  donnent  l'é- 
tat prefent  des  célèbres  Millions  du 
Paraguay.  On  le  trouvera  d'autant 
plus  jufte  qu'il  eft  tort  différent 
de  ce  qu'on  en  lit  dans  un  Libelle 
Anonvme  imprimé  en  Latin  &c  en 
François ,  &  répandu  depuis  plu- 
lleurs  années  dans  toute  l'Europe. 
»  L'Auteur  de  ce  Libelle  reprefen- 
»  te  le  Pays  où  font  fituées  ces 
»  Millions  ,  comme  un  vafte 
»  Royaume  dont  les  Jefuites  font 
»  les  Souverains  ;  les  Indiens  raf- 
»  femblés  en  grand  nombre  par 
»  leurs  foins  dans  diverfes  Peupla- 
»  des  ,  comme  autant  de  fujets  fur 
»  lefquels  ils  exercent  une  autorité 
»  defpotique  :  on  les  fait  les  maî- 
»  très  de  Mines  très-abondantes  en 
»  or  &en  argent  ,  &  on  leur  attri- 
»  bue  des  richelTes  immenfes  capa- 
»  blés  de  contenter  l'ambition  d'un 
»  grand  Monarque. 

Ceux  qui  ont  leurs  vûè's  pour 
croire  ,  ou  du  moins  pour  lailTer 
croire  ces  chimères ,  ne  doivent 
pas  confeiller  la  lecture  des  Pièces 
dont  nous  allons  rendre  compte  ; 
elles  viennent  de  perfonnes  fi  ref- 
peftables  ,  fi  à  portée  d'être  in- 
ftruites  ,  &  en  même  tems  fi  inre- 
telTées  à  tout  ce  qui  fe  parte  dans 
le  Paraguay  ,  foit  pour  le  tempo- 
rel ,  foit  pour  le  fpirituel ,  qu'il 
faudroit  renoncer  à  tous  les  princi- 
pes de  l'équité  naturelle  pour  con- 
tinuer d'ajouter  foi  à  de  pareilles 
calomnies. 


R  E  ,    i  7  3  4.  6$; 

La  première  de  ces  Pièces  eft  une 
Lettre  adreiTée  au  Marquis  de  Ca- 
flel-Fuerte  ,  Viceroi  du  Pérou  parle 
P.  Herran ,  Provincial  des  Millions 
dans  la  Province  de  Paraguay.  On 
y  trouve  une  Relation  exacte  de  la 
révolte  des  Peuples  de  la  Province 
du  Paraguay  ,  l'occafion  de  cette 
révolte  ,  les  fuites  qu'elle  eut ,  les 
mefures  qu'on  prit  alors  pour  en 
arrêter  le  progrès, &  divers  moyens 
qui  paroifloient  propres  à  l'étouf- 
fer entièrement. 

On  y  a  joint  la  réponfe  du  Vice- 
roi  dattée  du  14  Juin  1731.  dans 
laquelle  ce  Seigneur  fait  part  au  Pè- 
re Herran  des  refolutions  qu'il  a 
prifes  pour  arrêter  ce  foulevementi 
il  lui  écrit  que  connoiffant  fon  atta- 
chement pour  la  perfonne  du  Roi 
&  le  zélé  avec  lequel  ce  Père  fe 
porte  à  tout  ce  qui  eft  du  fervice 
de  Sa  Majefté ,  il  ne  doute  point 
qu'il  ne  continue  d'apporter  tous 
fes  foins ,  pour  tirer  des  Peuplades 
de  fes  Millions  les  fecours  necef- 
faires  au  nouveau  Gouverneur 
qu'il  envoyé.  Vient  enfuite  l'arrêté 
du  Confeil  Royal  de  Lima,  par 
lequel  »  il  a  été  refolu  qu'on  prie- 
ra roit  Son  Excellence  le  Viceroi  du 
»  Pérou  d'enjoindre  au  Père  Pro- 
»  vincial  de  la  Province  du  Para- 
wguay  ou  en  fon  abfence  à  celui 
»  qui  gouverne  les  Millions  voifi- 
»  nés  de  ladite  Province  ,  de  four- 
»  nir  promptement  au  Gouverneur 
«du  Paraguay  le  nombre  d'In- 
n  diens  Tapes  t  &  des  autres  Peu- 
»  plades  bien  armés  qu'ils  deman- 
nderoient  pour  forcer  les  rebelles 
»  à  rentrer  dans  l'obéiflance  qu'il? 
Ggg'gij 


6$6  JOURNAL   D 

i>  doivent  à  Sa  Majefté  ,  &c  execu- 
n  ter  les  refolutions  que  fon  Excel- 
»  lence  a  prifes  dans  ionConfeil. 

Cet  Acte  eft  fuivi  d'un  Mémoire 
apologétique  des  Ahffions  établies 
par  les  Pères  Jefuites  dans  la  Pro- 
vince de  Paraguay  ,  pre fente  an  Con- 
feil  Royal  &  Suprême  des  Indes  par 
le  Père  Gafpard  'B^odero  Procureur 
Général  de  ces  Miffions  contre  un 
Libelle  diffamatoire  rempli  de  faits 
calomnieux  qu'un  Anonyme  étranger 
a  répandu  dans  toutes  les  parties  de 
l'Europe  ,  traduit  de  l'Efpagnol. 

On  apprend  par  ce  Mémoire 
qu'un  Ecclefiaftique  étranger  s'in- 
troduifiten  171 5.  à  la  Cour  d'Ef- 
pagne ,  qu'il  y  prefenta  un  Mé- 
moire ,  où  il  renouvellent  les  an- 
ciennes calomnies  dont  on  a 
tâché  de  noircir  les  Millionnaires 
du  Paraguay  ;  il  y  fupplioit  Sa  Ma- 
jefte  de  lui  donner  les  pouvoirs  ne- 
ceflaires  pour  remédier  au  préten- 
du defordre  de  ces  Millions  ,  & 
pour  travailler  à  la  converhon  des 
Nations  inhdclles  répandues  dans 
ces  vaftes  Provinces.  Le  Roi  non 
content  de  rejetter  un  Libelle  où 
la  malignité  &  la  calomnie  ne  gar- 
doient  pas  feulement  la  vrailem- 
blance  ,  porta  un  nouveau  Décret 
l'année  iiuvante  17 16.  par  lequel 
il  ordonnoir  de  conferver  aux  In- 
diens de  ces  Millions  toutes  les  grâ- 
ces tk  les  privilèges  que  les  Rois  Les 
prédecedeurs  leurs  avoient  accor- 
dés. On  trouvera  ce  Décret  à  la  hn 
de  ce  Mémoire. 

Dix-huit  ans  après  le  mauvais 
fuccès  que'  ce  Libelle  avoir  eu  en 
Efpagne  ,    l'Auteur  qui  s'en  é toit 


ES   SÇAVANS, 

confolé  par  l'applaudillcment  qu'il 
avoit  trouvé  auprès  de  certaines 
perlonncs  qui  reçoivent  avide- 
ment toutes  les  tables  qu'on  imagi- 
ne ,  &  qu'on  débite  contre  les  Je- 
fuites ,  a  cru  devoir  le  faire  reparaî- 
tre. Il  a  profité  des  troubles  arrivés 
en  1731.  dans  la  Province  du  Pa- 
guay  ;  Se  il  a  tait  paffer  ce  Mémoi- 
re traduit  en  Efpagnol  jufqu'aux 
mains  d'un  Seigneur  de  grand  mé- 
rite qui  approche  le  plus  près  du 
Prince  des  Afturies  -,  cet  étranger 
efperoit  qu'à  la  vue  de  ces  pùvilé- 
ges  accordés  aux  Indiens  8c  qu'on 
difoit  être  contraires  aux  droits  hé- 
réditaires de  la  Couronne  ,  Son 
Altefle  Royale  interpoferoit  fon 
autorité  pour  les  taire  révoquer  ,  8c 
prendrait  en  même  tems  des  im- 
prcilions  défavantageufes  aux  Je- 
fuites. 

Cependant  quoiqu'on  ignorât 
que  ce  Libelle  avoit  déjà  été  rejette, 
il  eut  encore  le  fort  que  mérite  la 
faufTeté  &  la  calomnie.  Néanmoins 
l'acharnement  de  l'Anonyme  & 
l'audace  avec  laquelle  il  veut  en 
impofer  à  toute  l'Europe  obligent 
à  le  convaincre  d'impofture  par 
des  preuves  fans  réplique.  Mais 
avant  que  de  répondre  en  détail  à 
chaque  article  de  fon  Livre  ,  on 
commence  par  taire  remarquer  en 
général  ,  combien  il  connoît  peu 
la  fituation  de  ces  Provinces  ,  la 
nature  de  leur  climat,  les  fruits 
qu'elles  produifent  ,  6v  la  dillance 
des  Peuplades.  On  examine  enfuite 
ce  que  l'Anonyme  dit  du  prétendu 
commerce  que  les  Jefuites  font  de 
ce  qu'on  appelle  l'Heibe  du  Para- 


OCTOBRE,  1734-  tf87 

guay.  Cette  Herbe  ,  dit-il  ,  &  le  re-     loix  ou  les  privilèges  accordés  par 


venu  qu'ils  tirent  de  leurs  mines  pro- 
duit aux  Je/unes  un  revenu  de  Sou- 
verain. A  l'égard  du  premier  article 
dont  il,  fait  monter  le  produit  à 
500  mille  piaftres  par  année  ,  on 
prouve  qu'il  ne  va  pas  à  plus  de 
Z4  mille  livres.  Pour  le  fécond  on 
apporte  des  preuves  ck  des  enquê- 
tes faites  fur  les  lieux  qui  monnent 
qu'il  n'y  a  ni  ne  peut  y  avoir  de 
mines  dans  le  Paraguay.  La  Ville 
de  l'Affomption  ,  ou  plutôt  (es 
Magiftrats  avoient  intenté  deux 
fois  cette  aceufarion  contre  les 
Millionnaires;  mais  ils  furent  con- 
vaincus d'avoir  avancé  une  fauffeté 
manitefte  ,  &  déclarés  calomnia- 
teurs par  deux  Sentences  juridi- 
ques rendues  par  le  Confeil  Sou- 
verain des  Indes. 

L'Anonyme  évalue  le  nombre 
des  Indiens  qui  compofent  les  30 
Peuplades  de  la  Million  du  Para- 
guay à  300  mille  familles,  dont  il 
prétend  que  les  Jcfuites  tirent  pius 
de  cinq  millions  de  piaftres  par  an. 
On  répond  à  cela  que  les  Jcfuites 
fouhaiteroient  d'avoir  gagné  à 
J.  C.  un  fi  grand  nombre  d'ames , 
mais  que  la  vérité  eft  comme  il  le 
paroît  par  le  rôle  qu'en  a  fait  le 
Gouverneur  de  Bttenos-ayres ,  que 
le  nombre  de  ces  Indiens  ne  fe 
monte  qu'à  150  mille  âmes,  fur 
lequel  après  avoir  retranché  les 
femmes ,  les  Caciquçs ,  les  Corré- 
gidors ,  les  Alcades ,  ceux  qui  fer- 
vent l'Eglife  ,  les  jeunes  gens  qui 
n'ont  pas  encore  atteint  l'âge  de 
18  ans,  les  hommes  qui  font  au- 
delTus  de  50 ,  £c  ks  autres  que  les 


les  Rois  exemptent  de  payer  le  tri- 
but ,  on  trouvera  qu'il  n'y  a  gué- 
res  que  le  tiers  des  habitans  de  cha- 
que Peuplade  qui  payent  le  tribut 
d'une  piaftre  par  tête.  Ainfi  par 
une  fupputation  appuyée  de  preu- 
ves qu'on  verra  dans  le  Mémoire- 
même  ,  s'évanouiiTent  ces  milliers 
de  piaftres  dont  le  Libelle  avoit 
enrichi  les  Jcfuites. 

»  Qu'il  dife  d'ailleurs^  continue 
»  l'Apotogijle  ,  ce  que  les  Jefuites 
»»  font  de  ces  richeffes.  Les  voit-on 
»  fortir  des  bornes  de  la  modeftie 
»  de  leur  état  ?  leur  vêtement,  leur 
»  nourriture  n'eft  elle  pas  la  même, 
»  &  quelquefois  pire  que  celle  de 
»  ces  Indiens  ?  le  peu  de  Collèges 
»  qu'ils  ont  dans  cette  Province  en 
»  font-Us  plus  riches  ,  &  en  ont- 
»  ils  augmenté  le  nombre  î  ils  font 
»  tous  Européans ,  peut  on  en  citer 
n  un  1  cul  qui  ait  enrichi  fa  famille? 
L'Anonyme  ,  p®ur  appuyer  fes 
exagérations  ,  fait  une  deferip- 
tion  pompeufe  de  la  magnificence 
&  de  la  richelTe  des  Eglifes  des 
Millions.  Tout  y  eft  ,  félon  lui ,  ou 
d'argent  ou  d'or  maftif  ;  &  c'eft, 
dit  on  ,  la  première  fois  qu'il  ap- 
porte une  forte  de  preuve,  car  il 
cite  deux  Soldats  François  de  mê- 
me Pays  que  lui,  qui  ont  vu  toutes 
ces  richelles  de  leurs  propres  yeux. 
»  Il  faut,  répond  l'Auteur  du  Me- 
»  moire  ,  que  les  yeux  de  ces  Sol- 
»  dits  euftent  les  mêmes  privilèges 
»  que  la  Fable  attribue  aux  nv.ins 
»  de  Midas ,  &  que  convertiftant 
»  tout  ce  qu'ils  voyoient  en  or ,  ils 
»  ayent  pris  du  bois  ou  du  cuivre 


688       JOURNAL    DE 

»  doré  pour  de  l'or  &  de  l'argent 
»  mafllt  ;  les  yeux  des  Efpagnols  , 
»  ajoute  ton  ,  ne  font  pas  à  beau- 
»  coup  près  li  perçans. 

Mais  pour  quelle  raifon  ,  re- 
prend l'Anonyme,  a  ton  accordé 
aux  Indiens  de  ces  Peuplades  le 
privilège  de  ne  payer  qu'une  pia- 
ftre  de  tribut ,  tandis  que  tous  les 
autres  Indiens  en  payent  cinq  ? 
Pourquoi  leur  permet  onde  porter 
des  armes  à  feu  ?  Pourquoi  eft  -  il 
détendu  aux  étrangers  &  même  aux 
Efpagnols  deféjourner  plus  de  trois 
jours  dans  ces  Peuplades  des  Mif- 
iions,  où  à  la  vérité  on  fournit  à 
tous  leurs  befoins,  mais  fans  qu'Us 
puiflent  parler  à  aucun  Indien  ?  On 
répond  à  la  première  queftion  que 
ces  Indiens  ont  mérité  routes  ces 
diftinètions  par  le  zélé  avec  lequel 
étant  parfaitement  libres  ,  ils  ont 
reconnu  la  domination  du  Roi 
d'Efpagnc  ,  embrafTé  la  foi ,  &  fer- 
vi  cette  Couronne  envers  &  contre 
tous.  On  en  rapporte  en  eflet  des 
preuves  appuyées  d'autorités. 

A  l'égard  de  la  défenfe  faite  aux 
Efpagnols  d'entrer  dans  les  Peupla- 
des du  Paraguay  ,  on  répond  que 
c'eft  uniquement  dans  la  crainte 
qu'ils  ne  viennent  à  pervertir  les 
moeurs  decesNéophites.  Elles  font 
fi  pures  qu'ils  ne  boivent  d'aucune 
liqueur  qui  puifte  eny  vrer  -,  tout 
cfprit  d'intérêt  en  eft  banni  ;  on 
n'y  connoît  que  les  jeux  de  purdé- 
lalfement.  L'avarice  ,  la  fraude  ,  le 
larcin  ,  la  médifance  ,  les  jure- 
mens  n'y  font  pas  connus.  Tandis 
qu'on  en  voit  des  exemples  trop 
marqués   parmis  les   Indiens   qui 


S     SÇAVANS, 

bornent  les  quatre  Peuplades  qui 
font  aux  habitans  du  Paraguay. 
Peut-on  blâmer  les  Millionnaires 
de  rermer  la  porte  à  tous  les  vices  lî 
communs  parmi  les  Indiens  en  la 
fermant  à  tous  les  étrangers. 

Nous  ne  pouvons  fuivre  l'Au- 
teur dans  toutes  les  raifons  &  les 
preuves  par  lefquelles  il  accable 
l'Anonyme.  Nous  remarquerons 
feulement  qu'a  la  fuite  de  ce  Mé- 
moire ,  on  trouve  deux  Lettres 
très-dignes  de  l'attention  du  Lec- 
teur. L'une  de  Dom  Pierre  Faxardo 
Evêque  de  Buenos  -  ayres  au  Roi 
d'Efpagne  ,  &  l'autre  de  Dom  Bru- 
no de  Zabata  ,  Capitaine  &  Gou- 
verneur général  de  ladite  Provin- 
ce, adreifee  aulfi  au  Roi.  Ces  deux 
témoignages  encheriffent  encore 
fur  tout  ce  qu'on  verra  dans  ce 
Mémoire  en  faveur  des  Millions  du 
Paraguay  ,  du  zèle  de  ceux  qui  la 
gouvernent  ,  &c  de  l'attachement 
des  Indiens  au  Roi  d'Efpagne. 

Tout  ce  qui  regarde  le  Paraguay 
finit  par  des  Obfervations  Géogra- 
phiques fur  la  Carte  du  Paraguay 
faites  par  M.  Danvilie  Auteur  de 
cette  Carte. 

Deux  Lettres  terminent  ce  Vo- 
lume. La  première  eft  du  Père  Cal- 
mette  &  datée  de  Ventacjuity  dans 
le  Royaume  de  Carnate  le  x\.  Jan- 
vier 1733.  elle  nous  apprend  que 
depuis  30  ans  que  les  Jefuites  ont 
formé  une  Million  dans  ce  Royau- 
me ,  elle  s'étend  déjà  jufqu'à  200 
lieues  ,  à  la  prendre  depuis  Ponti- 
chery  qui  en  eft  la  pierre  fonda- 
mentale jufqu'à  Bouccapoiirarn  à  la 
hauteur  de  Majptltpattin,    On  fc 


O  C  T  O  B 

flatte  même  d'en  pouvoir  établir 
une  dans  le  Royaume  de  Bengale  : 
un  Prince  trés-puillant  dans  l'In- 
douftan  tv  fçavant  dans  l'Aftrono- 
mie  a  déjà  propofé  plusieurs  que- 
ftions  fur  cette  Science  au  P.  Bou- 
dier ,  Jefuite  ,  6c  on  pourra  à  la 
faveur  de  cette  liaifon  &  de  la  pro- 
tection qu'd  accorderoit  aux  Mif- 
fionnaircs  ,  porter  dans  fes  Etats  le 
flambeau  de  la  foi.  On  y  voit  auffi 
que  le  Roi  ayant  pris  le  deflein  de 
foimer  une  Bibliothèque  Orienta- 
le ,  M.  l'Abbé  Bignon  a  fait  l'hon- 
neur aux  Jtfuitcs  de  fe  repoler  fur 
eux  de  la  recherche  des  Livres  In- 
diens. Le  P.  Calmette  expofe  les 
avantages  que  fes  Confrères  en  ti- 
rent pour  combattre  les  Docteurs 
de  l'Idolâtrie.    Il  nous  donne  en 


RE,    1754.  689 

même  tems  quelques  éclaircifte- 
mens  curieux  fur  les  quatreFV^?», 
qui  font  les  Livres  Sacrés  des  Bra- 
mes ,  ik  pour  lefquels  ils  ont  un  fi 
grand  refpect  ,  qu'ils  ne  les  com- 
muniquent pas  au  refte  du  Peuple. 
La  féconde  &  dernière  Lettre  ell 
du  P.  Lombard  Supérieur  des  Mif- 
fions  Indiennes  dans  la  Guyane  , 
elle  eft  datée  du  1 1  Avril  173  3.  à 
Kourou.  Ce  Père  fait  la  peinture 
de  la  Peuplade  d'Indien?  établis  à 
Kourou  dans  la  Guyane,  de  l'or- 
dre qui  y  règne  &  de  la  pieté  de 
ces  Sauvages,  il  y  joint  l'Hiftoire 
de  quelques  autres  établiflemens 
qui  fe  forment ,  &  le  projet  de  plu- 
fieurs Millions  nouvelles  qui  tour- 
neront également  à  l'avantage  de 
la  Religion  &:  à  celui  de  la  Colonie. 


RERUM    ITALICARUM    SCRIPTORES,    &c. 
C'eft  -  à  -  dire  :  Recueil  des  Ecrivains  de  l'Hiftoire  d'Italie  ,  depuis  Varf~ 
^oo.jufifH'àl'an  1500.  par  Al.  Muratori,  Tome  XV11L  A  Milan,parla 
Société  Palatine.  173 1. /«-/»/.  col.  1162. 


TOUTES  les  Pièces  dont  ce 
dix  huitième  Volume  eft  corn- 
pofé  ,  forte nt  pour  la  première 
fois  de  l'obfcunté  des  Bibliothè- 
ques pour  paroître  au  grand  jour 
de  l'impreliion.  Elles  font  feule- 
ment au  nombre  de  huit  ,  &  rou- 
lent en  général  fur  l'Hiftoire  de 
Boulogne  &  des  Villes  qui  font  ou 
qui  ont  été  de  fa  dépendance. 

On  y  trouve  i°.  une  Chronique 
de  Régio  depuis  l'an  117 2  jufqu'à 
l'an  1 3  88.  Le  Manufcrit  fur  lequel 
M.  Muratori  a  fait  cette  Edition 
eft  fort  mutilé  ;  les  premières  pages 
du  commencement  font  perdues  , 


le  milieu  5c  la  fin  de  l'Hiftoire  ont 
eu  le  même  fort.  Cependant ,  fé- 
lon lui  ,  il  méritoit  d'être  mieux 
confervé  -,  le  ftile  en  eft  très- fimple 
pour  ne  pas  dire  très  -  mauvais  -, 
mais  en  même  tems  on  y  remarque 
tant  d'exactitude  &  de  vérité  que 
ce  qui  nous  en  refte,  fait  infiniment 
regretter  ce  qui  en  eft  perdu.  Les 
Auteurs  de  cette  Chronique  font 
Sagacius  ou  Sagacinus ,  Se  Pierre  , 
tous  deux  de  la  Ville  de  Régio  , 
d'une  famille  noble  appellée  Gazata 
ou  de  la  Gazata ,  autrefois  flonftan- 
te ,  mais  aujourd'hui  éteinte. 
On  en  tire  la  preuve  de  cette 


690         JOURNAL    DE 

Chronique  même  dans  laquelle  on 
lit  ces  mots  fous  l'année  i$$$.an 
mois  d'avril  Dam  Sachacino  mon 
bifayeul  cjul  a  écrit  tout  ce  tjui  précè- 
de ,  a  perdu  la  vue  a  l'âge  de  9  1  ans; 
&  moi  Frère  P terre  ,  fis  de  Dom 
Francefchini  de  Gazât  a  ,  j'ai  com- 
mencé k  écrire  ce  qui  fuit.  A  l'égard 
de  Pierre  on  fçait  qu'au  fortir  de 
l'enfance  ,  il  entra  dans  le  Monafte- 
re  de  S.  Profper  de  Régio  ,  Ordre 
de  S.  Benoît ,  Si  que  dans  la  fuite  il 
fut  Abbé  de  ce  Monaftoe  ,  où  il 
mourut  âgé  environ  de  80  ans  en 
1414. 

Il  paraît  que  fon  bifayeul,  félon 
la  coutume  ordinaire  des  Ecrivains 
de  ce  tems-li  ,  avoit  commencé 
fon  Hiftoire  depuis  la  fondation  de 
Rome  ,  jufqu'a  l'on  tems.  Pierre  le 
donne  du  moins  à  entendre  fous 
l'année  1553.  où  il  parle  ainfi  -, 
3»  J'ai  perdu  cette  Chronique  lorf- 
»  que  la  Ville  de  Régio  fut  pillée 
»  par  Feltrino  de  Gonzague  en 
»  1371.  &  je  l'ai  recouvrée  en  1 381. 
»  à  l'exception  de  ce  qui  regarde 
»>  l'Hiftoire  d'Attila  ,  d'Eccelinde 
»  Romano  ,  du  Roi  Conradin  ,  & 
»  de  plufîeurs  autres  traits  d'Hi- 
»  (foires. 

Gui  Pancirole  homme  d'une 
grande  érudition  s'étoit  fervi  de 
cette  Cronique  pour  compofer 
l'Hiftoire  de  Régio  fa  Patrie.  Il  en 
parle  avec  éloge  dans  la  Préface  de 
cet  Ouvrage  ,  qu'on  conferve  en 
Manufcrit  dans  plufieurs  Bibliothè- 
ques, &  fous  l'année  13 18.  après 
avoir  rapporté  en  abrégé  plufieurs 
faits  qu'il  avoit  empruntés  de  la 
Chronique  des  Gazata ,  il  s'étend 


S     SÇAVANS, 

fur  l'Hiftoire  du  grand  Cane-Scali- 
ger  ,  Tyran  de  Vérone  ,  qui  par  fa 
valeur  ,  fa  magnificence  &  fa  gran- 
deur d'ame  avoit  furpaffé  prefquc 
tous  les  Princes  d'Italie  qui  re- 
gnoient  en  fon  tems  ;  fon  Palais 
étoit  l'azile  de  tous  les  gens  diftin- 
gius  par  leurs  talens  ;  ou  par  leur 
naiflance  qui  avoient  été  bannis  de 
leur  Pays,  a  Entre  autres,  dit-il  , 
»  ce  Prince  reçut  chez  lui  avec 
»  beaucoup  d'humanité  Sagacius- 
»  Mutus  de  Gazata  ,  Citoyen  de 
»  Régio  ,  homme  d'une  littérature 
»  allez  polie  pour  le  fiécle  où  il  vi- 
»  voit.  Par  reconnoilTance  il  écri- 
j)  vit  la  manière  noble  &  géné- 
»reufe  avec  laquelle  le  grand  Ca- 
»  ne  exerçoit  cette  efpece  d'hofpi- 
»  talité  ,  l'ordre  avec  lequel  les  ta- 
»  blés  de  fes  hôtes  étoient  fervies 
»  5c  leurs  appartemens  meublés.  Il 
»  remarque,  ajoute  Pancirole,  qu'il 
n  y  avoit  chez  ce  Prince  différentes 
»  demeures  aflîgnées  félon  la  diver- 
»  fité  des  perfonnes  ,  du  rang  ou 
»  du  mérite  pour  lefquelles  elles 
n  étoient  deftinées.  Qu'on  leur  y 
«rourniiToit  abondamment  des  vi- 
n  vres ,  mais  avec  plus  ou  moins 
»  de  délicatelïe ,  fuivant  leur  con- 
»  dition  ;  chaque  claffe  avoit  pour 
»  fon  fervice  des  Valets  diflerem- 
»  ment  habillés  -,  fur  la  porte  de 
»  chacune  de  ces  claftes  on  avoit 
»  placé  des  figures  &  des  inf- 
»  criptions  qui  convenoient  à  la  iî- 
»  tuation  &:  au  génie  des  perfonnes 
»>  qui  les  habitoient.  On  voyoit, 
•»  par  exemple  ,  fur  celles  des  gens 
»  de  guerre  des  trophées  ,  fur  cel- 
»  les  des  exilés  la  figure  de  l'efpe- 
»  rance  , 


O  CfOB 

»  rance  >  fur  celle  des  Poètes  un 
»  ParnalTe  avec  les  Mufes ,  Mercu- 
»  re  fur  la  demeure  des  Négocians 
»  &des  Artiftcs,  le  Paradis  fur  cel- 
«  les  des  Religieux  &  des  Prédica- 
»  teurs ,  &  plufieurs  autres  figures 
*>  dans  le  même  goût  toutes  pro- 
»  près  à  caraclerifer  ces  differens 
»  hofpices.  Des  Muficiens,  des  Far- 
»  ccurs ,  &  des  Bouffons  qui  fe  fuc- 
»  cedoient  les  uns  aux  autres  , 
»  parcouroient  alternativement 
»  toutes  les  tables ,  où  ces  illuftres 
«malheureux  mangeoientul  y  avoit 
»  auffi  plufieurs  appartemens  déco- 
»  rés  de  peintures  exquifes  ou  ten- 
»dues  de  magnifiques  tapilTeries  , 
»  qui  reprefentoient  divers  fujets 
»  propres  à  montrer  l'inftabilité  de 
»  la  fortune.  Le  grand  Cane  admet- 
»  toit  de  tems  en  tems  à  fa  table 
»  quelques-uns  de  ces  hôtes ,  &c. 

Nous  avons  rapporté  ce  partage 
tour  entier  d'après  M.  Muratoii, 
parce  qu'il  eft  agréable  par  lui-mê- 
me îkqu'on  y  peut  voir  que  les  tems 
les  plus  décriés  ,  &  où  le  vice  a  le 
plus  régné,  ne  laiffent  pas  de  nous 
fournir  quelquefois  de  grands 
exemples  de  vertu.  On  prouve  en- 
core par  cet  endroit  de  Pancirole , 
&  par  plufieurs  autres  du  même 
Auteur  que  nous  avons  perdu  beau- 
coup de  chofes  qui  fe  lifoientpour 
lors  dans  la  Chronique  de  Gazata. 
Fulvius-Azarrius,  Citoyen  de  Ré- 
gio,  s'en  eft  auffi  fervi  pour  com- 
pofer  la  Chronique  Ecclefiaftique 
&  Civile  de  fa  patrie  qu'on  confer- 
veen  Manufcrit  dans  la  Bibliothè- 
que d'Eft  ,  &  qui  mériteroit  d'être 
imprimée.  La  Chronique  des  Gaza- 
Oïlabre. 


R  E,      I7J4-  6>r 

ta  n'avoit  pas  non  plus  échappé 
aux  recherches  de  Bernardin  Co- 
rio  ,  qui  nous  a  donné  il  y  a  deux 
fiécles,  l'Hiftoire  de  Milan  ,  il  en 
parle  avec  éloge  ,  &  femble  dire 
qu'on  en  avoit  pour  lors  un  exem- 
plaire complet  à  Milan. 

Nous  remarquerons  en  paiTanc 
que  fous  l'an  1347.  il  y  eft  fait 
mention  de  la  cérémonie  bizarre 
avec  laquelle  le  fameux  Nicolas- 
Laurent  de  Rienzi  fe  fit  inftitucr 
Chevalier  Romain  ,  que  l'Auteur 
y  rapporte  quelquefois  en  abrégé  , 
les  coups  d'autorité  que  fit  cet  en- 
thoufiafte  ,  &  qu'en  général  on 
trouve  dans  tous  les  Auteurs  de  ce 
tems  que  M.  Muratori  a  fait  entrer 
dans  fon  Recueil  une  infinité  d'Ac- 
tes &  de  Pièces  qui  juftifient  ce 
qu'il  y  a  de  plus  extraordinaire 
dans  l'agréable  Hiftoire  de  ce  Ty- 
ran qui  a  paru  au  commencement 
de  cette  année. 

20.  Un  Mémoire  Hiftorique  de 
ce  qui  s'eft  palTé  dans  l'Etat  de  Bo- 
logne depuis  l'an  1109.  jufqu'en 
1428.  par  Mathieu  de  Griffombus. 
Cet  Auteur  dans  le  cours  de  fon 
Hiftoire  nous  y  apprend  lui-même 
en  differens  endroits  les  particula- 
ritez  qui  le  regardent.  Il  étoit  d'une 
famille  noble  de  Boulogne  ,  il  y 
exerça  plufieurs  emplois  confide- 
rables,  &  fur- tout  celui  de  Gonfa- 
lonier-,  il  fut  envoyé  en  différen- 
tes Ambaffades  &  entr'autres  au 
Pape  Bonrface  IX.  qui  étoit  pour 
lors  à  Pérou  fe. 

Un  Anonyme  qui  a  fait  quel- 
ques additions  à  cette  Chronique  , 
place  la  mort  de  Mathieu  en  l'an- 
Hhhh 


6ç2         JOURNAL    DE 

née  1426.  Il  paroît  par  toute  fa 
conduite  ,  &  par  fon  Hiftoire-mê- 
nie  que  la  prudence  &  la  modéra- 
tion faifoient  Ion  cara&ere.  Auflî 
malgré  les  troubles  qui  agitèrent  fa 
Ville  &  fa  Patrie  ,  il  fait  fe  confer- 
ver  l'amitié  de  tout  le  monde  ,  fa 
fortune  ne  fut  troublée  que  par  un 
exil  de  quelques  mois  ,  Se  il  reprit 
dans  le  gouvernement  de  fa  Ville  , 
toute  l'autorité  qu'il  y  avoit  acqui- 
fc. 

M.  Muratori  doute  que  Chéru- 
bin Ghirardaccio  qui  le  nomme  & 
qui  en  parle  louvent  dans  fon  Hi- 
ftoire  de  Boulogne  ,  ait  connu 
l'Ouvrage  dont  il  cft  ici  queftion. 
Car  en  racontant  une  Hiftoire 
merveilieufe  que  Mathieu  dit  lui 
être  arrivée  à  lui  même  ,  comme 
on  peut  le  voir  dans  la  Chronique 
fous  l'année  1 374.  Gérardaccio  la 
donne  comme  la  tenant  de  l'Hi- 
ftoire  de  Jean  Sabbatini  de  Ariert- 
tis. 

Du  refte  M.  Muratori  avertit 
qu'on  ne  doit  point  être  furpris  de 
voir  que  certaines  familles  qui  font 
aujourd'hui  delà  première  Noblef- 
fe  y  exerçalTent  autrefois  la  profef- 
fîon  de  Marchand  ,  de  Boucher,  de 
Changeur  ,  &  femblables  autres 
Arts  méchaniques.  11  taut  fe  ref- 
fouvenir  que  dans  la  plupart  des 
Villes  d'Italie  le  gouvernement 
étant  entre  les  mains  du  Peuple  & 
des  Artifans  ,  les  nobles  pour  y 
avoir  part ,  étoient  obligés  d'exer- 
cer ,  ou  du  moins  de  prendre  le  ti- 
tre de  quelques-uns  de  ces  métiers. 
Ccft  ce  quife  pratiquoit  fur-tout  à 
€êaes  y  fans  que  cela  fît  aucun  toiî 


S    SÇAVANS, 
à  la  Noble  lie   :   &   M.   Muratori 
promet  de  le  montrer  quelque  jour 
plus  au  long. 

30.  Une  Hiitoire  de  Boulogne  , 
depuis  l'an  1104.  jufqu'à  l'an  1394 
écrite  pour  la  plus  grande  partie 
par  Frère  Barthelmi  délia  Pugnola  \ 
de  l'Ordre  des  Mineurs ,  n^ec  la 
Continuation  du  même  Ouvrage 
par  divers  Auteurs  contemporains 
jufqu'en  1471. 

M.  Muratori  s'étoit  flatté  de  ti- 
rer de  Boulogne  une  infinité  de 
Pièces  propres  àéclaircir  l'Hiftoire 
de  cette  Ville  &c  même  celle  de  l'I- 
talie en  général.  Comme  on  n'y 
connoît  point  de  Ville  qui  ait  été 
plus  agitée  par  les  raclions  que 
Boulogne  ,  il  n'y  en  a  point  eu  auliî 
qui  de  tous  les  tems  ait  porté  plus 
de  gens  de  Lettres  &  capables  de 
tranfmettre  ces  évenemens  à  la  po- 
fterité.  Mais  foi  t  que  le  tems  où 
les  malheurs  des  guerres  Civiles 
ayent  fait  périr  kuis  Mémoires,  ou 
qu'ils  reftent  encore  cachés  dans 
les  Bibliothèques  ,  à  l'exception 
de  l'Ouvrage  de  Mathieu  de  Grif- 
fonibus  dont  naus  venons  de  par- 
ler ,  M.  Muratori  n'y  a  rien  dé- 
couvert qui  ait  pu  fervir  au  deflein 
où  il  étoit  de  taire  honneur  à  cette 
illuitre  &c  fçavante  Ville.  Heureu- 
fement  la  Bibliothèque  d'tft  lui  & 
fourni  de  quoi  fuppléer  en  partie 
à  ce  qu'il  defiroit.  Il  y  a  trouvé 
trois  Chroniques  écrites  en  Italie^ 
où  tout  ce  qui  regarde  l'Hiitoire  de 
Boulogne  elt  traité  aflez  au  long. 
Mais  fans  faire  aucun  ufage  de  îa 
première,  parce  qu'elle  étoit  recen- 
se &  peu  curieufe,  il  a  jugé  à  pro- 


O  C  T  O  B 

pos  de  fondre  enfemble  les  deux 
autres ,  Se  de  les  donner  fous  le 
nom  d'Hiftoirc  mêlée  Hijîoria 
Mifcella ,  non  feulement  par  la 
raifon  que  nous  venons  d'apporter, 
mais  encore  parce  que  chacune  de 
ces  deux  Chroniques  paroît  avoir 
été  continuée  par  plufieurs  Au- 
teurs tous  difterens ,  comme  il  eft 
aifé  de  le  remarquer  par  les  di- 
verfes  circonstances  qu'ils  rappor- 
tent fur  des  faits  &des  évenemens 
dont  ils  aiîurent  qu'ils  ont  été  té- 
moins oculaires  ;  avantage  qui  aug- 
mente le  prix  de  cet  Ouvrage. 

Quoique  les  Boulonnois  outre 
plufieurs  Ecrivains  qui  ont  travail- 
lé fur  leur  Hiftoire  ,  piaffent  enco- 
re nous  montrer  Chérubino  -  Ghi- 
rardaccio ,  de  l'Ordre  des  Ermites  , 
qui  a  recueilli  fort  au  long  tout 
ce  qui  regarde  leur  Patrie  ;  on  pré- 
tend néanmoins  que  les  Sçavans 
trouveront  dans  cette  Chronique 
une  infinité  de  chofes  qu'ils  cher- 
cheraient en  vain  dans  l'Ouvrage 
de  Chérubin  ;  à  quoi  on  ajoute  que 
tout  le  monde  fçait  qu'il  eft  plus 
fur  de  chercher  la  vérité  dans  la 
fource  que  dans  les  ruifteaux  qui  en 
font  fortis.  D'ailleurs  on  ne  craint 
pas  de  dire  que  ce  Ghirardaccio  ne 
mérite  pas  infiniment  de  louan- 
ges ,  car  s'il  n'a  pas  pillé  toutes  les 
Chroniques  qu'on  garde  à  prefent 
dans  la  Bibliothèque  d'Eft,  il  eft 
certain  qu'il  en  a  eu  quelques- 
unes  fous  les  mains  dont  il  a  fait 
un  grand  ufage  ,  fans  avoir  jamais 
eu  la  générofité  de  les  citer. 

4e.  Une  Chronique  de  Lucques, 
par  Jean  Ser-Cambio ,  Auteur  con- 
temporain. 


R.    E  ,    i  7  ?  i.  £oj 

Le  Cardinal  Borromée  ayant 
formé  la  Bibliothèque  Ambroiiîen- 
nc  avec  une  dépenfe  vraiment 
Royale  ,  s'attacha  fur  tout  à  y  raf- 
fembler  toutes  les  Hiftoires  Ma- 
nuferites  qui  regardoient  celle  d'I- 
talie. J'ai  vu ,  die  M.  Muratori ,  le 
Catalogue  des  Manufcrits  qu'on 
y  avoit  recueilli ,  ou  qu'on  fe  pro- 
pofoit  d'y  placer.  Parmi  ces  der- 
niers, Se  entre  les  Hiftoires  de  la 
Ville  de  Lucques  qui  n'avoient 
point  encore  été  imprimées  ,  on 
nommoit  celle  de  Jean  Ser-Cam- 
bio.  Je  ne  fçai  ,  continuet-il ,  fi 
on  réullit  à  la  trouver  toute  entiè- 
re ;  mais  il  n'en  refte  du  moins  au- 
jourd'hui que  le  Livre  fécond. 

Dans  le  premier  qui  eft  perdu  ; 
l'Auteur  avoit  ramafle  tout  ce  qui 
regarde  l'Hiftoire  des  Lucquois  de- 
puis l'an  ii  64  jufqu'au  huitième 
jour  des  Ides  d'Avril  de  l'an  1400. 
le  Livre  fécond  qu'on  donne  au- 
jourd'hui ,  continue  l'Hiftoire  de 
Lucques  depuis  l'an  1 400  jufqu'au 
commencement  de  l'année  ,  140^. 
tems  où  Paul  Guinigi  s'empara 
du  Gouvernement  de  Lucques. 
Les  Luquois  le  traitent  de  Ty- 
ran ,  Se  avec  quelque  raifon. 
Ser  -  Cambio  ,  non  feulement 
l'exeufe  ,  mais  il  lui  donne  les  plus 
grandes  loiianges.  On  n'en  doit  pas 
être  furpris  ,  puifque  ce  fut  lui  mê- 
me qui  força  pour  ainfi  dire  Guini- 
gi à  fe  rendre  maître  de  la  Ville  de 
Lucques  ,  Se  il  eft  d'autant  moins 
blâmable  de  l'attachement  qu'il 
confetva  toujours  pour  lui ,  que  le 
gouvernement  de  Guinigi  fut  doux 
&  modéré  ,  quoique  la  fin  n'en  fût 
H  h  h  h  ij 


6o\  JOURNAL    D 

pas  heureufe.  A  l'égard  de  notre 
Hiftorien  ,  il  fut  nommé  en  1400. 
Gonfalonier  de  Juftice  à  Lucques. 
Ce  qui  étoit  la  première  Magiftra- 
ture  de  cette  Ville  ,  Se  ce  qui  mar- 
que  le  rang  qu'il  y  tenoit.   Car 
quoique  cette  dignité  fût  quelque- 
fois donnée  à  des  gens  du  Peuple 
dans  les  Villes  Libres ,  on  n'en  rc- 
vêtoit  du  moins  que  ceux  qui  y 
avoient  acquis  de  l'autorité  ,  &  de 
la  conhderation.  Il  n'étoit  pas  ce- 
pendant homme  de  Lettres.  Rien 
n'eft  plus  bas  ni  plus  confus  que 
fon  ftile  -,  les  règles  de  la  Syntaxe 
cv  de  la  Grammaire  y  font  conti- 
nuellement violées  ,    il  s'en:  aulïï 
toujours  fervi  de  la  dialecte  ordi- 
naire des  Lucquois  ,  mais  toute  ir- 
réguliere  qu'elle  eft  ,  M.  Muratori 
n'y  a  fait  que  quelques  changemens 
peu  confiderables.  Cette  Chroni- 
que eft  divifée  en  Chapitres;  il  y 
en  a  plufieurs  intitulés  Notafatta 
al  Signor  Paol»  Gmnigi  al  Signor  t 
&c.  Nota  fana  alla  Memorïa  t  Sec. 
Ce  font  des  Chapitres  où  l'Auteur 
interrompt  fa  narration  ,  foit  pour 
donner  des  avis  à  fon  Protecteur 
Paolo  Guinigi ,   ou  même  aux  dif- 
ferens  Princes  de  fon  tems  ,  foie 
pour  faire  des  reflexions   fur   les 
évenemens  ,  ou  fur  le  caractère  des 
perfonnes  dont  il  parle  ;  de  il    a 
coutume  d'appuyer  fes  instructions 
5c  fes  raifonnemens  d'Hifloricttes 
5c  de  petits  Contes  qui  font  écrits 
avec   une  naïveté  aflez  amufante. 
Outre  ce  qui  regarde  l'Hiftoire  de 
Lucques  5c  de  Florence  ,    on   y 
trouvera  beaucoup  de  chofes  qui 
ont  rapport  au  grand  Schifrrj.e  qui 


ES   SÇAVANS, 
troubloit  alors  l'Eglife. 

50.  Annale  d'Eft  par  Jacques  de 
Delà'. to  ,  Chmcelier  du  Seigneur 
Nicolas  d'Eft  j  Marquis  de  Fen  are, 
contenant  les  actions  de  ce  Mar- 
quis. 

M.  Muratori  avoit  déjà  publié 
dans  le  1 5e  Tome  de  ce  Recueil 
une  Chronique  d'Eft  dans  laquelle 
on  voit  l'Hiftoire  des  Princes  de 
cette  Maifon  ,  jufqu'à  l'an  1393. 
Jacques  de  Délayto  dont  on  donne 
ici  les  Annales  ,  a  continué  cette 
même  Hiftoire  depuis  ce  tems  juf- 
qu'à l'an  1409.  il  l'entreprit  pat 
l'ordre  de  Nicolas  Marquis  d'Eft, 
Seigneur  de  Ferrare  ,  de  Modéne , 
&c.  Prince  qui  joignit  ou  fit  reve- 
nir au  Domaine  de  fes  ancêtres  Ré- 
gio  ,  Parme  5c  plufieurs  autres  Sei- 
gneuries. Cet  Ouvrage  eft  d'autant 
plus  précieux  ,  que  l'Auteur  fans 
iè  renfermer  abfolument  dans 
fon  fujet  ,  rapporte  ce  qui  s'eft, 
palTé  de  plus  confiderable  dans 
les  Etats  roifins.  On  y  trouvera  par 
exemple  tout  ce  qui  regarde  la 
ruine  des  Scaligers  de  Véronne  5c 
des  Princes  Carrara.  A  la  fin  d'un 
des  deux  Manufcrits  de  ces  Anna- 
les qu'on  garde  dans  la  Bibliothè- 
que d'Eft  ,  on  voit  dans  le  plus  an- 
cien ,  mais  d'une  main  plus  récen- 
te ,  quelques  additions  concernant 
la  manière  dont  le  Seigneur  Bofius 
d'Eft  fut  élevé  en  145 1.  à  la  dignité 
de  Duc  de  Modéne  &  de  Régio 
par  l'Empereur  Frédéric  III.  Se  on 
a  jugé  convenable  d'en  faire  ici 
part  au  public. 

6°.  Monumens  Hiftoriques  con- 
cernant l'Etat  de  Florence,  parGi- 


O  C  T  O  B 

no  Capponi  depuis  l'an  1378.  juf- 
qu'à l'an  1466.  continués  par  Néri 
fils  de  l'Auteur  jufqu'à  l'an  1456". 

Gino  Capponi  Florentin  &  l'un 
des  plus  grands  hommes  de  cette 
illuftre  famille  fut  Gonfalonierde 
fa  Ville  Se  un  de  ceux  qui  eurent  le 
plus  de  part  à  la  réduction  de  Pife 
fous  la  puiffance  des  Florentins  ;  il 
en  eut  même  le  gouvernement ,  &C 
par  cette  raifon  on  doit  en  général 
le  croire  bien  informé  de  tout  ce 
qui  regarde  la  Guerre  de  Pife,  qui 
eft  le  fécond  Ouvrage  de  Gino  que 
M.  Muratori  nous  donne  ici.  Le 
premier  eft  intitulé  Tumidto  ou  fé- 
ditiondes  Ciompi.  Cet  événement 
arrivacn  1378.  5c  mit  le  Gouverne- 
ment de  Florence  entre  les  mains 
du  plus  bas  peuple.  On  appelloit 
de  ce  nom  de  Ciompi  les  Cardeurs 
de  laine  ;  &  on  croit  que  c'étoit  un 
mot  corrompu  du  terme  François 
Compère  ,  &  qu'il  avoit  été  apporté 
à  Florence  par  les  François  qui 
étoient  au  fervice  du  Duc  d'Athè- 
nes ',  lorfqu'en  1342.  cette  Ville  le 
reconnut  pour  Souverain.  Ces  deux 
morceaux  font  écrits  fans  agré- 
ment Se  fans  art  ,  mais  cependant 
dans  cette  (Implicite  on  reconnoît 
par-tout  un  homme  de  grand  fens, 
rompu  dans  les  affaires  &  confom- 
mé  dans  la  politique.  Il  a  pouffé 
l'amour  de  la  Patrie ,  lelon  quel- 
ques -  uns  ,  jufqu'à  l'impiété  ,  en 
difant  dans  les  avis  qu'il  donne  à 
fon  fils  dans  ces  Mémoires  qu'il 
faut  aimer  fa  Patrie  plus  que  fon 
propre  bien  ,  &  même  plus  que 
ion  ame,  più  che  il  loro  proprio  bene} 
c  che  l'anima.  Mais  par  ce  mot  ani- 


R  E  ,    1754.  695- 

ma  il  entendoit  peut-être  comme 
les  Hébreux  ,  la  vie  ,  ce  qui  n'au- 
roit  alors  rien  de  repréhenfible  ,  8c 
ce  qui  juftifie  encore  fes  fentimens, 
c'eft  que  dans  le  même  endroit,  il 
dit  que  le  bien  de  la  commune  ou  de 
la  République  ,  demande  qu'il  y  ait 
de  la  divi/iofi  dans  l Eglije  ,  mais 
ajoûte-t  il,  cela  eft  contraire  à  l'ame, 
par  confecjitent ,  il  ne  faut  point  met- 
tre cette  maxime  en  pratique  mais 
laijfer  faire  à  la  nMure. 

Gino-Capponi  mourut  en  1420. 
honoré  des  larmes  de  fes  Citoyens. 
Néri  fon  Continuateur  &  l'un  de 
fes  fils  hérita  des  vertus  &  de  la 
fortune  de  fon  père  ,  on  affure 
même  qu'il  le  furpaffa  ,  il  fut  l'a- 
me de  fa  Republique  ,  qui  le  char- 
gea toujours  des  affaires  &  des  né- 
gociations les  plus  importantes.  Il 
fe  peint  lui-même  admirablement 
bien  dans  fes  Commentaires  ,  & 
pour  l'ordinaire  il  n'y  décrit  que 
les  évenemens  où  il  avoit  eu  part. 
Il  mourut  en  1457.  l'iiluftre  Mar- 
quis Capponi  qui  a  préféré  le  doux 
&  fçavant  loifir  de  Rome  aux  hon- 
neurs &  aux  emplois  qu'il  pouvoit 
exercer  à  Florence  fa  Patrie  ,  def- 
cend  de  ces  deux  fameux  Ecri- 
vains. Et  c'eft  lui  qui  a  fourni  à  M. 
Muratori  les  moyens  de  recouvrer 
les  Manufcrits  neceffaires  pour 
mettre  ces  Monumens  en  lumière. 

11  ne  faut  pas  oublier  que  Néri- 
Capponi  écrit  avec  beaucoup  d'é- 
légance ,  &  qu'on  reconnoît  dans 
lbn  ftile  un  homme  de  goût  &  d'é- 
rudition. Il  fera  aifé  de  le  voir  dans 
les  deux  Ouvrages  qui  viennent  à 
la  fuite  de  ceux  de  fon  père.  Le 


6o6"  JOURNAL  DES  SÇAVANS, 

premier  roule  fur  ce  qui  s'eft  paffé  dont  le  Comte  dt  Poppio  fut  chafle 

de  fou  tems  en  Italie  depuis  l'an  de  Cafentino  ,  &   fes  Etats  réunis 

1419.  jufqu'à  l'an  145t.  ôc  le  fe-  au  Domaine  de  Florence, 
coud  elt  l'Hiftoire  de  la  manière 

SAPPHUS  ,  POETRI1  LESBIiE,  FRAGMENTA 
ôc  Elogia  ,  quotquot  in  Auctoribus  antiquis  ,  Gr.Tcis  &  Latinis,  re- 
periuntur  -,  cum  Virorum  Doctorum  Notis  integris  :  cura  &  ftudio 
Jo.  ChrifiianiWolhi ,  in  Gvmnafio  Hamburgenfi  Profefloris  publici; 
qui  vitam  Sapphonis  tic  Indices  adjecit.  Londini ,  apud  Abrahamum 
Vandenhoeck. 1733. 

C'efl  -  à  -  dire  :  Recueil  de  tous  les  Fragment  &  de  tous  les  Eloges  de  Sapht 
de  Lcfbos ,  lefcjwAs  fe  trouvent  dans  les  anciens  ^Auteurs  ,  tant  Çrecs  que 
Latins  :  avec  les  Notes  entières  des  Scavans  :  le  tout  rajfemblê  par  les  foins 
de  Jean-Chrétien  Wolf,  Profe/pitr  dans  Wniverfité  de  Hambourg,  lequel 
y  a  joint  la  Vie  de  Sapho  t  &  des  Tables.  A  Londres ,  chez  Abraham 
Vandenhoeck^  1733.  ià-40.  pp.  253.  fans  la  Vie  de  Sapho,  qui  en 
remplit  32.  &  fans  les  Tables.  Planch.  1.  &  fe  vend  à  Paris  ,  chez 
Rollin  fils  ,  Libraire  ,  Quai  des  Auguftins ,  au  coin  de  la  rue  Gift- 
le  -  Cœur. 


LE  feul  titre  de  ce  Livre  doit 
picquer  très  -  vivement  la  cu- 
riofité  des  Le&eurs.  A  peine  [  dira- 
ton]  ce  qui  nous  refte  de  Sapho 
remplit  il  une  vingraine  de  pages  , 
dans  les  Recueils  ordinaires  :  6i 
voici  un  jufte  Volume  in-^°.  qu'on 
nous  prefente  fous  le  nom  de  cette 
illuftre  Gréque.  Auroit  -  on  tait 
l'heureufe  découverte  de  quelque 
Hymne  ,  de  quelque  Ode  ,  de 
quelques  Epigrammes  de  fa  façon, 
échappées  à  l'injure  des  tems  ,  8c 
tirées  de  l'obfcurité  de  quelque 
Bibliothèque  ?  Auroit-  on  déterré 
quelques  Fragmens  de  fes  Epitha- 
lamcs  ou  de  fes  Elégies  ?  Rien  de 
tout  cela  ,  ou  peu  s'en  faut  :  mais 
voici  de  quoi  il  cil  quelrion. 

L'Editeur  a  conçu  le  defTein  de 
remettre  fous  la  Prefle  les  Pocfies 


des  neuf  Femmes  Gréques  qui  fe 
font  fignalées  en  ce  genre  de  Lit- 
térature ,  &  les  Fragmens  des  au- 
tres Poètes  Lyriques.  En  1 56S.  Fui- 
vius  -  Vrfinus  les  avoit  déjà  raflem- 
blés  avec  foin  dans  un  Volume 
in-%°.  imprimé  chez  Plantin  d'An- 
vers,  &  les  avoit  accompagnés  de 
fçavantes  Notes.  Mais  cette  Col- 
lection dei/cnué  très -rare  &  d'un 
prix  excellit  ,  méritoit  fort  d'être 
renouvellée  ;  &  c'eft  ce  que  M. 
Wolf  commence  à  exécuter  ici  par 
l'Edition  des  Pocfies  de  Sapho 
qu'il  nous  donne  comme  une  pre- 
mière partie  du  Recueil  à'Vrfînus 
qu'il  prétend  publier  de  nouveau 
dans  toute  fon  étendue,  pourl'u- 
fage  &  la  commodité  des  jeunes 
Etudians.  Une  pareille  annonce  ne 
doit  nullement  allarmer  ceux  -  ci  > 


O  C  T  O  B 

en  leur  faifant  imaginer  un  fembla- 
ble  Volume  pour  chacune  des  huit 
Gréqucs  donc  les  Poeïies  doivent 
encore  palTcr  en  revue  ,  ce  qui  tor- 
meroit  une  Edition  infiniment 
plus  chère  que  celle  d'VrJînus. 
Mais  comme  la  réputation  de  ces 
huit  Mufes  eit  tort  intérieure  à  cel- 
le de  Sapho  ,  les  tragmens  de  leurs 
Ouvrages  Se  les  Eloges  fur  leur 
compte  réunis  enfemble  ,  feront  à 
peine  un  fécond  Volume  égal  à  ce- 
lui ci  ;  Se  nos  Etudians  en  feront 
quittes  à  meilleur  marché  qu'ils  ne 
l'auroient  cru  d'abord. 

Notre  Editeur  s'eft  trouvé  [  dit- 
il  ]  follicité  à  cette  entreprife,  non 
feulement  par  le  Sr  V '  andenhoeck^ 
Libraire  très  -  curieux  d'imprimer 
nettement  &  correctement  les  an- 
ciens Auteurs  \  (  de  quoi  nous 
avons  ici  fous  les  yeux  une  preuve 
convainquante  :  )  mais  encore  par 
MMJiràiw  ,  [  ican  Albert  Se 
fon  frère  ~\  qui  lui  ont  offert  géné- 
reufement  tous  les  fecours  littérai- 
res qu'ils  pouvoient  lui  fournir. 
Conduit  par  d'auiiî  fûrs  guides  que 
ces  deux  derniers ,  il  a  cru  rendre 
un  fervice  utile  aux  jeunes  gens 
qui  ont  du  goût  pour  la  lecture 
des  Poètes ,  foit  Crées,  foit  Latins, 
en  leur  produifant,  d'une  part,  des 
pafTages  choifis  des  uns  Se  des  au- 
tres ,  qui  leur  fiffent  connoître  la 
merveilleufe  fécondité,  &  l'agréa- 
ble variété  des  deux  Langues ,  Se 
en  leur  étalant ,  d'un  autre  côté  , 
les  Notes  des  plus  habiles  Com- 
mentateurs ,  pour  les  initier  dans 
les  myfteres  de  la  bonne  &  faine 
critique. 


R  E  ,    i  7  3  4.  6*97 

Il  a  de  plus  envoyé  à  M.  Jean- 
Fridéric  àVffenbach ,  l'un  des  pre- 
miers Magiltrats  de  Francfort  ,  un 
Catalogue  des  Auteurs  anciens  , 
qui  nous  ont  confervé  quelques 
fragmens  de  Sapho,  ou  qui  lui  ont 
donné  quelque  éloge  ;  le  priant 
d'engager  M.  Steinheil  ,  Rendent 
de  l'Ele&eur  de  Saxe  dans  la  mê- 
me Ville,  de  joindre  à  ce  Catalo- 
gue un  Supplément  tiré  du  riche 
tréfor  de  Littérature  Gréque  que 
polTede  ce  fçavant  homme.  Celui- 
ci  ,  malgré  fes  grandes  occupa- 
tions Se  fesinfirmitez  ,  a  rempli  il 
pleinement  les  fouhaits  de  M. 
Wolt,  que  cet  Editeur  s'eft  vu  en 
état  d'écïarircir  les  termes  les  plus 
obfcurs  de  Sapho  par  divers  pafTa- 
ges d'Auteurs  Grecs,  &  même  par 
des  Epigrammes  non  encore  impri- 
mées i  Se  de  corriger  en  même  tems 
par  d'heureufes  conjectures  les 
mots  corrompus  qui  alteroient  le 
Texte  des  tragmens  poétiques  dont 
il  s'agit  :  Se  c'eft  ce  qui  compofe 
la  plus  grande  partie  des  notes  im- 
primées à  deux  colonnes  à  la  fuite 
de  ces  mêmes  fragmens. 

M.  Wolf  n'a  pas  moins  d'obli- 
gation à  M.  Veyffiere  de  la  Crozji 
qui  lui  a  communiqué  un  exem- 
plaire de  l'Edition  à'Vrfînus  dont 
les  marges  font  chargées  des  notes 
Se  des  additions  d'André  Schott  Se 
de  Paul  Colomiés  -r  fans  compter 
qu'il  s'y  trouve  aufll  des  extraits  de 
la  Grammaire  manuferite  à'Apol- 
lonim-Dyfcolus  y  Se  plufieurs  Epi- 
grammes  Gréques  compofées  par 
des  femmes  ,  &  qui  manquoient  à 
la  Collection  à'Vrftnus.  Outre  ce* 


698        JOURNAL     DE 

la  ,  M.  d'Orville,  Profefleur  d' Am- 
sterdam ,  lui  a  fait  part  de  fes  cor- 
rections fur  deux  Epigrammes  de 
Sapho  ,  &  d'une  autre  Epigramme 
Gréque  non  encore  publiée  ,  &  qui 
la  concerne. 

Muni  de  tous  ces  fecours  ,  M. 
Wôlf  a  donc  mis  la  main  à  l'œuvre 
avec  d'autant  plus  de  confiance  , 
que  ces  nouvelles  acquittions  lui 
ont  paru  mériter  l'attention  des 
amateurs  de  la  belle  Littérature.  Il 
a  donné  fes  premiers  foins  à  faire 
imprimer  plus  correctement  les 
fragmens  de  Sapho  recueillis  par 
Vrfînus  y  à  indiquer  avec  exactitu- 
de les  endroits  d'où  font  tirés  les 
paffages  des  anciens  Auteurs  allé- 
gués par  Vrfinus  cV:  par  les  autres 
Commentateurs  ,  dans  leurs  notes; 
&  à  groilir  cette  Collection  à'VrJt- 
nus  ,  en  y  ajoutant  plus  de  cent  ar- 
ticles nouveaux,  ce  qui  fait  en  tout 
25$  articles.  En  fécond  lieu  ,  il  a 
traduit  en  Latin,  &  même  quel- 
quefois en  vers  Latias,  les  partages 
Grecs  ,  pour  la  commodité  des 
Etudians  ,  n'oubliant  pas  d'éclair- 
cir  ces  mêmes  partages  par  les  re- 
marques des  Critiques ,  imprimées 
en  entier. 

De  plus  ,  il  acompofé  une  Vie 
de  Sapho,  aurti  détaillée  qu'il  éroit 
portable  ,  &  qui  refultede  l'aflem- 
blage  de  toutes  les  circonstances 
que  fournirtent  fur  ce  point  tous 
les  partages  de  cette  Collection , 
lefquels  font  indiques  exactement 
dans  le  Texte  même  de  cette  Vie 
par  des  chiffres  romains  renfermés 
entre  deux  crochets.  On  auroit 
peut-être  tout  aufli-bien  faitderen- 


S     SÇAVANS, 

voyer  a  la  marge  ces  chiffres,  qui  ne 
font  qu'embarrarter  le  Lecteur,  par 
leur  multitude.  Enfin  il  termine  ce 
Volume  par  trois  Tables  des  plus 
exactes  ;  la  iie  des  Auteurs  anciens, 
où  il  elt  fait  quelque  mention  de 
Sapho  ;  la  féconde  ,  de  tous  les 
motsGrecs  employés  dans  ces  frag- 
mens ,  &  de  quelques  autres  qui 
fans  être  de  Sapho  paroilfent 
dignes  de  remarque  &  font  diftin- 
gués  par  un  afterifque  ;  la  troifié- 
me  eft  une  Table  des  principales 
matières  traitées  dans  cet  Ouvra- 
ge. Du  refte  l'Editeur  en  a  rangé 
les  divers  articles  dans  le  même  or- 
dre qu'a  fui  vi  VrfînHs ,  &  tous  ceux 
qui  ne  fe  rencontrent  que  dans  la 
Collection  de  celui  -  ci  font  mar- 
qués d'une  étoile. 

A  l'égard  des  Notes ,  qui  font 
une  partie  confiderable  de  ce  Vo- 
lume ,  &  qui  font  imprimées  à 
deux  colonnes  au  bas  des  pages , 
elles  tendent  toutes  ou  à  corriger  , 
ou  à  éclaircir  le  Texte ,  foit  des 
fragmens  de  Sapho  ,  foit  des  parta- 
ges où  il  eit  parlé  d'elle.  Ces  Notes 
font  empruntées  d'un  grand  nom- 
bre de  Commentateurs  ,  parmi 
lefquels  Vrjtnus  en  a  fourni  la  plu- 
part. Les  autres  font  de  M.de  Paiw} 
de  Portus  ,  de  Sylburge  ,  de  Tane- 
gui  le  Févre  ,  de  Madame  D  acier  3 
de  Voffuis ,  de  Baxter  ,  de  Hitdfon, 
de  Ca.fc.ubon  ,  de  Tollius  ,  de 
Scburtzfleifch  ,  de  Pearce  ,  de  Bot- 
vin  ,  de  Longepierre,  de  Donfa  ,  de 
Statuts ,  de  Muret  ,  de  Vidpius  ,  de 
Scaliger  ,  de  Langbaine  ,  de  C 'an- 
thère ,  de  Barthius ,  de  du  S  oui ,  de 
Xylander ,  de  Schott ,  de  Rutgersy  de 
Viftoritts 


O  C  T  O  B 

ViBorius  t  de  Gale ,  de  Pontanm,  de 
sllbert  ,  de  Hein  fins  ,  de  Davis  ,  de 
Dalechamp,  de  Seberus,  &'Op(opœusy 
de  Brodeau  ,  de  d'Orville  ,  de  £fVw- 
jlerhnys  ,  de  Jmigerrnan ,  de  Leder- 
lin  ,  de  Hoeltziin ,  d'Olearius  ,  de 
Kuhnius  ,  de  te«  ,  de  Periz.oniusy 
de  Scheffer  ,  de  A'«/??r ,  de  Grono- 
t>ius ,  de  Grav'ms  de  Cognatus ,  de 
Saumaife ,  de  Potter ,  de  Nunnefmsy 
de  Mercier  ,  de  Gaitlmin  ,  de  "S^r- 
»«  ,  de  L&mbin  ,  de  Torremius ,  de 
Cruquius ,  de  Defprez. ,  de  Bentley, 
de  Burma»  ,  de  rï»f/ ,  de  F/fwry  f 
du  P.  Hardouin ,  de  Draudius ,  de 
Hottman ,  A'Egnatius y  de  Ciofanusy 
de  Naugerius  t  de  Micyllus  ,  de 
Scriverius ,  de  M.  l'Abbé  Souchay  , 
de  L/p/è  ,  &c.  Cette  toule  de  Com- 
mentateurs ,  prefque  aulîi  nom- 
breux que  ces  fragmens  ,  &  que 
nous  rangeons  ici  fuivant  l'ordre 
où  ilsfe  prefentent ,  fait  foi  de  l'ex- 
trême empreflement  des  gens  de 
Lettres  pour  rendre  plus  intelligi- 
bles les  plus  petits  relies  des  Poc- 
fîes  de  Sapho. 

A  la  tète  de  ce  Volume ,  paroît 
fa  Vie  ,  cotnpofée  ,  comme  nous 
l'avons  déjà  dit  ,  par  M.  Wolf. 
C'eft  une  matière  fur  laquelle  fe 
font  exercés  à  l'envi  plufieurs  Ecri- 
vains en  diverfes  Langues  -,  tels 
que  le  Gyraldi  ,  Nonnius  ,  dans  fon 
Commentaire  [urGoltzius ,  MM. 
Jean -Albert  Fabricius  &C  Olearius, 
en  Latin  -,  /<?  Cray/o  en  Italien  ;  en 
François ,  Tanegui  /f  FeW  ,  Ma- 
dame Dacier  ,  le  Baron  de  Longe- 
pierre  ,  Larrey  ,  dans  fon  Hifloire 
des  fept  Sages ,  Se  Bayle  ,  dans  fon 
Diàionnaire  Critique.  Nous  donne- 


RE,    r  7  5  f  eTpp 

rons  ici  quelque  détail  de  ce  que 
nous  apprend  fur  ce  fujet  notre 
Editeur. 

Il  obferve  d'abord  les  varierez 
d'orthographe  qui  fe  trouvent  dans 
le  nom  de  Sapho  ,  écrit  tantôt 
Pfappho  &  Srf$i ,  tantôt  Sapho  & 
Sappho  ,  qui  eft  l'orthographe  la 
plus  ordinaire  -,  &  il  recherche  l'é- 
tymologie  de  ce  nom  propre:  après 
quoi  il  relevé  une  mépnfe  de  Leuf- 
den  ,  qui  dans  fon  Onomafticjue  fa- 
cré;  allure  que  la  Ville  de  Syrie  ap- 
pellée  autrefois  Jappe ,  fe  nomme 
aujourd'hui  Sappho  par  les  Barba- 
res; ce  qui  eft  faux  [  dit  notre  Edi- 
teur] puifqu'ils  la  nomment  J<î- 
pho  ,  Jafa  ou  Jaffa  ,  &  que  les  Vé- 
nitiens l'appellent  Zapho  ou  Zaf- 
fo.  Il  examine  enfuite  un  fait  plus 
important,  fçavoir  s'il  y  a  eu  deux 
Sapho  Lelbiennes ,  l'une  delà  Vil- 
le d'Erefe  ,  l'autre  de  celle  de  Mi- 
tylene  ,  ou  fi  ces  deux  n'en  font 
qu'une,  qui  ait  habité  fucceffive- 
ment  ces  deux  Villes  ;  &  tout  bien 
confideré  ,  il  décide  en  faveur  de 
ce  dernier  fentiment.  Les  avis  ne 
font  pas  moins  partagés  fur  l'épo- 
que de  la  naiflance  de  Sapho  ;  & 
M.  Wolf,  après  les  avoir  difeutez  , 
trouve  beaucoup  de  probabilité  à 
la  faire  naître  vers  la  XXXVI  ou 
XXXVIIe  Olympiade  ,  &  à  la  fai- 
re palfer  de  Lefbos  en  Sicile  ,  pour 
y  fuivre  Phaon  ,  entre  la  25e  &  la 
3  5e  année  de  fon  âge. 

Elle  naquit  à  Mityléne  Ville  Ca- 
pitale de  l'Ifle  de  Lefbos-,  &c  les 
Mitylcniens  dans  la  fuite  fe  firent 
un  fi  grand  honneur  de  fa  naiflance 
qu'ils  gravèrent  fon  portrait  fui 
1  111 


7oo       jouh>;al  d 

leurs  monnoyes  ,  dont  l'Editeur 
nous  offre  ici  diverfes  empreintes. 
Les  anciens  Auteurs  donneur,  au 
père  de  Sapho  tant  de  noms  diffe- 
Tens  ,  que  cette  variation  la  feroit 
iilue  d'un  père  très  -  incertain,  ce 
qui  ne  leroit  pas  fort  honorable 
pour  fa  mère  appellée  conftam- 
men:  Cléis.  Sapho  époufa  un  hom- 
me très  riche  ,  originaire  de  l'Ifle 
d'Andros  ,.&  qui  avoit  nom  Cerco- 
la  ou  Cercylla ,  Se  nullement  Cer- 
çaltt  ,  comme  le  difent  Madame 
Dacier  Se  Bayle ,  [  remarque  notre 
Editeur.  ]  De  ce  mariage  vint  une 
fille  ,  nommée  Cle'is  comme  foa 
ayeule.  Sapho  avoit  trois  frères  , 
dont  le  fécond  nomméCharaxe  tra- 
fiquoit  des  vins  deLefbos  en  Egyp- 
te.  Il  v  devint  éperdument  amou- 
reux de  la  Courrifane  Dorique  , 
confondue  mal-à-propos  par  quel- 
ques uns  avec  Rhodope  ,  &  il  le 
ruina  totalement  avec  cette  femme, 
d'où  il  encourut  la  haine  de  fa 
feeur  ,  qui  les  déchira  l'un  Se  l'au- 
tre dans  fes  Poches. 

Sapho  étoit  d'une  raille  au-def- 
fous  de  la  médiocre  :  elle  étoit  bru- 
ne ,  avoit  les  yeux  brillans  _,  & 
pouvoit  ,  fans  être  belle  ,  paffer 
pour  agréable  &  pour  aimable;  & 
c'eft  en  ce  fens  qu'il  faut  entendre 
la  qualification  de  xaA»  que  lui 
donnent  pludeurs  Ecrivains  de 
l'antiquité.  Quant  à  fes  mœurs  ,  el- 
le fe  glorifie  dans  Ovide  Se  dans 
Athénée ,  de  reparer  ce  qui  man- 
quoit  à  fa  beauté  ,  par  la  probité  Se 
les  autres  vertus  ',  elle  déclare ,  dans 
Galien  ,  qu'on  eft  toujours  affez 
belle ,  quand  on  cil  bonne  :  elle 


ES  SÇAVANS, 
fait  ailleurs  profeffion  d'être  enne- 
mie des  pallions  violentes ,  d'avoir 
de  la  douceur,  Se  d'être  peu  fujette 
à  la  colère  :  elle  dit, -chez  P 
cjiti ,  qu'il  taut  tellement  renfermer 
celle-ci  dans  fon  cœur  ;  qu'elle 
n'éclatte  jamais  au  dehors  par  des 
difeours  peu  mefurés  &  pleins 
d'emportement.  Dans  Anfiote^  elle 
bit  une  grave  réprimande  au  Poète 
Alcêe  ,  qui  étoit  devenu  amoureux 
d'elle  -,  eV:  dans  Hépbejiioti  ainiî  que 
dans  Maxime  de  Tyr  ,  elle  déclame 
vivement  contre  l'amour.  Elle 
marque  ailleurs  fa  pieté  envers  les 
Dieux  5:  fon  refpect  en  général 
pour  tous  les  actes  de  Religion. 

Mais  à  cette  prerrnere  peinture 
qui  lui  eft  lî  avantageufe  ,  &  que 
notre  Editeur  appuyé,  comme  l'on 
voit ,  des  autontezles  plus  refpec- 
tables ,  en  fuccede  une  autre ,  dont 
les  preuves  ne  femblent  guéres 
moins  authentiques ,  &:  qui  dimi- 
nuent fort  la  bonne  opinion  qu'on 
avoit  conçue  d'elle.  Cette  féconde 
peinture  nous  la  reprefente  adon- 
née au  vin  ,  Si  d'une  galanterie  des 
plus  effrénées  ;  aimant  l'argent 
outre  mefure  ,  Se  livrée  à  la  haine 
la  plus  violente  contre  fon  propre 
frère  ,  qu'elle  diffame  impitoyable- 
ment, ainfi  que  quelques-unes  de 
fes  meilleures  amies ,  qui  avoient 
rompu  avec  elle.  C'eft  de  quoi  l'on 
apperçoit  des  traces  affez  fenfibles 
dans  le  peu  de  fragmens  qui  nous 
reltentde  fes  Poefies  -,  ce  qui  n'em- 
pêche pas  ,  néanmoins ,  qu'elle 
n'ait  trouvé  des  Apologiftes  zélés 
parmi  les  anciens  Se  les  modernes. 
De  ce  nombre  font  i°.  Maxime  de 


O  C  T  O 

Tyr,  qui  alTure  que  les  amours  de 
cette  femme  n'étoient  ni  moins 
honnêtes  ni  moins  chartes  que  ceux 
de  Socrate  ;  i°.Zacharie  Pearce  }c[ui 
fait  de  l'Ode  de  Sapho  à  fon  amie 
une  application  fort  Singulière  ;  j°. 
Lambin  ,  Scaliger  }  Turnebe  Se  Ear- 
thius  qui  expliquent  dans  un  fens 
favorable  l'épithéte  de  Mafcula  , 
par  laquelle  on  la  caraèterife ,  Se 
qui  ,  félon  eux  ,  ne  déligne  que 
fon  merveilleux  talent  pour  la  Poë- 
fie ,  cV  fon  grand  courage  qui  lui 
fit  prendre  l'étrange  refolution  de 
fe  précipiter  du  rocher  de  Leucjde 
dans  la  mer ,  en  vue  de  fe  guérir  de 
fon  amour  pour  le  cruel  Phaon  ; 
4°.  Thévet  Se  Madame  D  acier ,  qui 
traitent  d'aceufations  calomnieufes 
tout  ce  que  l'on  a  publié  contre 
l'honneur  de  Sapho,  également  en 
butte  [nous  dit -on  ]  à  la  jaloufie 
des  femmes  de  fon  Pays,  que  les 
honneurs  qu'elle  y  recevoit  ne 
pou  voient  manquer  d'irrirer  con- 
rr'elle  ,  Se  aux  traits  malins  des 
Poètes  de  fon  tems  qui  fourTroient 
impatiemment  une  rivale,  de  fon 
mérite.  Quoiqu'il  en  foit  ,  nous 
lailîbns  au  public  à  décider  cette 
queftion  ,  fur  les  pièces  du  procès 
produites  pour  &  contre  par  M. 
Wolf. 

Il  revient  au  talent  de  Sapho 
pour  la  Poëfie  ,  Se  aux  liaifons 
qu'elle  eut  avec  les  Illuftres  de  fon 
tems  en  ce  genre  *,  tels  que  le  fa- 
meux Poète  Alcée ,  Damophyle  ,  Se 
Erinne  ,  deux  femmes  distinguées 
dans  la  même  profeffion ,  où  elle 
fe  fit  aulîi  quelques  élèves ,  dont 
les  noms  font  venus  jufqu'à  nous  ; 


B  R  E,     i  754.  70 r 

une  Anagore&z  Milet ,  une  Gongy- 
le  de  Colophon  ,  &:  une  Eitniqtte  de 
Salaniirie.  Les  grâces  répandues 
dans  fes  Poèmes  ont  mérité  les  élo- 
ges Se  les  reflexions  des  Rhéteurs 
les  plus  célèbres,  de Démetrius de 
Phalere,  de  Dsnys  d'Halicarnafle  , 
de  Longin.  Les  anciens  Grammai- 
riens nous  informent  aufli  des  dif- 
férentes fortes  de  vers  qu'elle  em- 
ployoit  dans  fes  Poëlies ,  8c  entre 
lefquelles  tenoit  un  rang  confidera- 
ble  le  vers  d'onze  fyllabes  appelle 
S.tphiefue  ,  dont  on  lui  attribue 
communément  l'invention  ,  que 
quelques  -  uns  cependant  donnent 
au  Poète  Alcée. 

De-  là  notre  Editeur  pafle  au  dé- 
nombrement des  Ouvrages  Poéti- 
ques de  Sapho  ,  allégués  par  les 
anciens  Auteurs.  Les  plusrenur- 
quables  étoient  neuf  Livres  d'O- 
des, dont  une  feule  nous  a  étécon- 
fervée  ,  encore  la  fin  y  manque-t- 
elle ;  des  Epithalames ,  qui  peut- 
être  faifoient  partie  de  fes  Odes  ; 
des  Hymnes,  qui  probablement 
(  félon  M.  \Volf  )  y  écoient  aulîi 
comprifes,  &c  dont  l'Hymne  à  Vé- 
nus eft  la  feule  qui  nous  refte  :  des 
Epigrammes  en  grand  nombre  ,  Se 
qui  pour  nous  fe  reduifentmalheu- 
reufement  à  deux  ,  toutes  les  autres 
étant  perdues  :  des  Elégies ,  dont 
on  foupçonne  qu'Ovide  pourroit 
avoir  emprunté  l'Epître  de  Sapho 
à  Phaon  qui  fe  lit  parmi  les  Hiroi- 
des  de  ce  Poète  Latin  :  des  ïambes  ; 
des  Adonodies ,  &c. 

M.  Wolf  s'étend  aflez  au  long 
fur  le  genre  de  mort  dont  périt  Sa- 
pho ,  à  la  fleur  de  fon  âgé  ,  3c  non 
I  i  i  i  ij 


703         JOURNAL    DE 

pas  dans  fa  vieilleiTe  ,  comme  il 
femible  qu'on  pourroit  le  recueillir 
de  deux  de  fes  vers  cités  par  Stohée , 
mais  qui  étant  lûsfuivant  la  cor- 
rection à'Vrfwus  ,  ne  difent  rien 
de  pareil.  Nous  avons  indique  plus 
haut  ce  genre  de  mort. 

Les  honneurs  rendus  à  cette 
femme  célèbre  par  fes  compatrio- 
tes ,  &i  les  loiianges  que  lui  ont 
prodiguées  les  Gens  de  Lettres 
dans  tous  les  tems  terminent  ce  que 
l'Editeur  avoit  à  nous  apprendre 
d'elle.  On  lui  érigea  des  ftatue's  ;  on 
la  reprefenta  fur  les  monnoyes  de 


S  SÇAVANS, 
Mityléne  ;  on  la  nomma  la  dixiè- 
me des  Mufcs  ,  d'autres  pouffèrent 
la  flatterie  jufqu'à  1a  mettre  à  la  tête 
decesfçavantes  filles;  on  la  quali- 
fia de  temme  incomparable  ,  de 
femme  divine;  cV:  un  Eciivain  Grec 
en  paroît  û  enthouliafmé  ,  qu'il  cft 
en  doute  h  l'on  ne  doit  point  la  ti- 
rer de  l'ordre  des  Poètes  pour  l'é- 
lever jufqu'à  celui  des  Sibylles-.  M. 
Wolt  a  tait  graver  ici  les  monu- 
mens  antiques  qui  concernent  Sa- 
pho  ,  ck  qui  font  au  nombre  de 
vin.  dont  on  trouvera  les  explica- 
tions à  la  fin  de  ce  Livre. 


TRAITE'  DE  CHIMIE,  CONTENANT  LA  MANIERE 
de  préparer  les  remèdes  qui  font  les  plus  en  ufage  d.ms  la  Pratique  de  !-: 
Médecine .  Par  M.  Malouin  ,  Docteur-  Régent  de  la  Faculté  de  Médecine 
de  Paris.  A  Paris  ,  chez  Guillaume  Cavelier  y  rue  Saint  Jacques ,  près 
la  Fontaine  S.  Severin  ,  au  Lys  d'or.  1734.  vol.  in-11.  pages  ji^.  en 
comptant  la  Table  qui  eftde  26  pages. 


QUEL  QU  E  S  Reflexions 
générales  fur  la  Chymie  ,  fur 
l'étymologie  de  ce  mot  ,  fur  les 
piincipes  des  mixtes  ,  furladifhl- 
lation  ,  &  fur  les  métaux  ,  font  le 
début  de  ce  Traité  ;  après  quoi  M. 
Malouin  ,  Auteur  de  l'Ouvrage  , 
vient  à  la  préparation  des  remèdes 
les  plus  uiïtés  en  Médecine.  Quant 
au  début  ,  notre  Auteur  remonte 
d'abord  à  l'antiquité  la  plus  recu- 
lée pour  découvrir  en  quel  tems  , 
en  quels  Pays,  a  commencé  la  Chy- 
mie ,  &  il  recueille  ce  que  divers 
Auteurs  ont  écrit  touchant  l'origi- 
ne de  cet  Art.  Il  obferve  ,  par 
exemple  ,  »  qu'Etienne  de  By- 
»  fance  nomme  l'Egypte  la  Ter- 
»  re  de  Vulcain  i   Que  Vulcain  fc 


»  rendit  fameux  dans  ce  Pays-là 
»  par  fon  art  de  travailler  les  Mé- 
»  taux  ,  Qu'on  lui  éleva  un  Temple 
»  dans  Memphis  ,  aujourd'hui  le 
»  grand  Caire  ,  Que  des  Prêtres  il- 
»  luftres  par  leur  prorond  fçavoir 
»en  Phylique  ,  deflervoient  ce 
=  Temple  ,  &  que  Vulcain  eut 
»  dans  cette  même  Ville ,  des  la- 
»  boratoires.  Il  obferve  en  même 
tems,  qu'on  ne  doit  pas  pour  ce- 
la ,  regarder  Vulcain  ,  ou  Tubal- 
Cain  ,  comme  un  Philofophc 
Chymifte.  Il  dit  qu'il  eft  plus 
vraifemblable  que  c'étoit  feule- 
ment un  grand  Forgeron.  Il  prend 
occafion  delà  de  parler  de  Movfe, 
qui  pour  avoir  réduit  le  Veau  d'or 
en  poudre  ,  &  l'avoir  fait  boire  aux 


O  C  T  O  B 

lfraé'lites ,  a  paflc  dans  l'efprit  de 
quelques  Auteurs  ,  pour  un  Chy- 
niifte  ;  fur  quoi  il  a  foin  d'avertir 
que  le  moindre  Orfèvre  ,  fans  fça- 
voir  la  Chymic  ,  fçait  réduire  l'or 
en  chaux.        » 

Nous  partons  plusieurs  articles 
(emblablcsqui  n'ont  rien  de  parti- 
culier ;  mais  nous  ne  fçairrions 
guéies  nous  difpenfer  de  rapporter 
ce  que  le  même  M.  Malouin  ajou- 
te touchant  la  caballe  par  rapport  à 
la  Chymie  :  voici  fes  propres  paro- 
les. »  La  Chymie  ,  dit-il  3  étoit  une 
»  Science  Caballiftique  des  Juifs  , 
»  laquelle  fut  perdue  avec  les  au- 
»  très  Antiquitcz  Juives,  dans  la 
»>  deftrudion  de  Jerufalem  pat 
»  Titus  ;  &C  ce  qui  échappa  de  ces 
»  Antiquitez  fut  ramafle  par  un 
»  Juif  nommé  Rabbi ,  &  fon  Livre 
»  a  été  nommé  le  Talmud. 

Notre  Auteur  n'explique  point 
ce  qu'il  entend  ici  quand  il  dit  que 
le  Juif  qui  rama  (Ta  ces  Antiquitez, 
fe  nommoit  Rabbi.  Un  éclaircilïe- 
ment  là  -  deiïiis ,  n'auroit  pas  été 
inutile  ;  vu  qu'on  a  toujours  penfé 
que  ce  Juif  s'appcïioïtjocbantm  & 
que  le  mot  Rabbi ,  chez  les  Juifs  , 
n'étoit  qu'un  titre  honorifique  , 
comme  pourroit  être  celui  de  Doc- 
uur. 

Une  autre  Obfervation  à  faire  , 
c'eft  qu'il  n'eft  nullement  parlé  de 
Chymie  dans  le  Talmud  ,  &  qu'au 
lieu  de  cela  ,  il  y  eft  feulement  fait 
mention  de  quelques  opérations 
groflîeres  ,  comme  font  celles  de 
nos  Forgerons.  On  auroit  une  véri- 
table obligation  à  M.  Malouin  , 
s'il  s'éteit  appliqué  à  recueillir,  ce 


R  E  ,  1734.  70| 

que  renferment  fur  la  Chymie  3 
tant  de  Manufcrits  Grecs  répandus 
dans  les  fameufes  Bibliothèques  ; 
&  où  l'on  trouve  certainement  , 
i°.  Prefque  toutes  les  opérations 
chymiques  qui  fe  font  aujourd'hui; 
z°.  Les  tems  où  ont  été  publiés  les 
Ouvrages  qui  en  traitent  ;  }°.  Le 
caractère  de  leurs  Auteurs ,  &  les 
matières  dont  ils  ont  parlé.  Mais 
M.  Malouin  s'eft  contenté  de  co- 
pier ce  qui  fe  lit  touchant  l'origine 
de  la  Chymie  ,  dans  deux  pages 
d'un  petit  Ecrit  faulTement  attri- 
bué à  M.  Boerhave.  Il  ajoute  feule- 
rnent  »  que  ,  félon  quelques-uns  s 
»Cham  étant  avec  ks  frères  dans 
»  l'Arche  de  fon  père  ,  s'amufoit  à 
»  taire  des  Talifmans ,  que  les  Ta- 
>5  lifmans  font  certaines  figures  ou 
«certaines  lettres,  qui  ctoient  re- 
»  gardées  chez  les  Hébreux  &  chez 
»  les  Chaldéens ,  comme  propres 
»  à  garantir  de  divers  maux ,  &  à 
»  faire  acquérir  toutes  fortes  de 
=  biens  ,  qu'on  les  nomme  en  Per- 
»  fan  Tfilmenaia  ,  &  en  Arabe  Tfa- 
nliman  :  Que  ces  mots  viennent 
»  de  la  même  racine  que  l'Hébreu 
»  Tfelem}  qui  lignifie  une  image.... 
»  Que  les  premiers  hommes  ont 
»  tranfmis  d'abord  leurs  penfées 
»  fur  des  feuilles  d'arbres,  comme 
»  de  palmier  ;  Qu'ils  gravoient  fur 
»  l'écorce  des  arbres  ,  le  nombre 
»  de  leurs  troupeaux  ,  les  noms  de 
»  leurs  maîtreiîes ,  leurs  chanfons 
»  leurs  combats ,  &  qu'ils  fe  1er- 
»  voient  de  la  taille  dans  leur 
"commerce. 

Après  ces  remarques  &  quel- 
ques autres  de  même  nature ,  M,- 


7C4  JOURNAL   D 

Malouin  parie  de  la  pierre  philofo- 
phale.  Ii  allure  qu'il  eft  auili  diffici- 
le delà  trouver  que  la  Quadrature 
du  cercle  ;  il  obferve  que  Ad.  de 
Fontenelle  croit  l'une  impoffible  ,  & 
qu'il  ferait  à  fouhaiter  pour  bien  des 
gens  ,  qu'on  put  démontrer ■Pimpojfibi- 
litéde  l'autre.  Que  cela  leur  épargne- 
rait bien  des  peines  &  des  dépenfes. 

Il  fe  tourne  enfuite  du  côté  de 
l'Algèbre  Se  de  la  Géométrie  :  il 
trouve  moyen  de  parler  de  Trian- 
gle ,  de  Solide  ,  Sec.  Il  dit  ,  pat 
exemple  ,  au  fujet  des  ciraéteres 
chymiquesqui  font  faits  en  cercle, 
&  de  ceux  qui  font  faits  en  trian- 
gle ,  que  de  toutes  les  figures  ,  la 
triangulaire  efl  ,  après  la  circulaire  , 
la  plus  parfaite  ,  qu'elle  efl  même 
comme  la  tige ,  d'où  naiffènt  toutes  les 
figures  courbes.  Il  dit ,  à  l'occalion 
des  figures  chimiques  en  général , 
que  la  raifon  qui  a  introduit  les 
figures  en  Chymie  efl  la  même  qui 
les  a  introduites  en  Géométrie  &  en 
Algèbre  ,  ou  elles  fe  font  trouvées 
multipliées  pour  le  fonlagement  delà 
mémoire  :  Que  par  le  moyen  des  figu- 
res ,  on  fait  entrer  dans  l'algèbre  des 
quatuitez.  inconnues  :  Que  la  nature- 
même  des  grandeurs  eft  reprefentée  par 
les  figures  algébriques  ,  &  que  c'eft 
pour  cela  que  les  opérations  qui  fe  font 
dans  l' 'Algèbre  par  les  lettres  ,  ne  fa- 
tiguent point  la  mémoire.  Il  dit ,  pour 
rendre  raifon  de  l'obfcurité  de  la 
Chymie ,  que  dans  la  plupart  des 
Sciences  ,  comme  dans  la  Géométrie  , 
il  n'y  a  ,  pour  ainfi  parler }  que  ce  que 
l'efprit  humainy  a  mis  3  au  lieu  que 
la  nature  a.  employé  dans  laflrullure 
dis  corps  ,  une  mécbamque  qui  nous 


ES   SÇAVANS, 

échappe  abfolument.  Il  dit ,  par  rap- 
port à  h  folidiiê  qu'il  prétend 
qu'acquierrent  les  parties  de  1  air 
dans  un  récipient  3  à  niefure  que  le 
volume  d'eau  y  augmente  ,  que 
parle  mot  d;  folidité les  Géomètres  en- 
tendent ordinairement  le  diamètre  des 
corps  ;  &  que  dans  ce  Traité  de 
Chimie,  ce  n'ejl  pas  ce  qu'il  entend 
en  parlant  de  la  folidité  de  l'air 
parce  qu'il  n'y  entend  par  ce  mot ,  que 
la  quantité  de  la  matière. 

Les  Lecteurs  éclairés  jugeront  de 
ces  articles ,  &  entre  autres,  s'il  eft 
vrai,  comme  le  dit  M.  Malouin  , 
que  par  le  mot  de  folidité ,  les  Géo- 
mètres entendent  ordinairement  le 
diamètre  des  corps.  Cette  défini- 
tion ,  pour  le  fur  ,  n'eft  pas  dans 
Euclides. 

A  l'Algèbre  &  à  la  Géométrie, 
notre  Auteur  joint  la  Phyiîquc.  Il 
examine  les  principes  des  corps, 
fçavoir ,  l'efprit  ,  l'huile  ,  le  fel , 
l'eau  Se  la  terre.  Nous  nous  borne- 
rons ,  pour  abréger ,  à  l'article  du 
fel  Se  à  celui  de  l'eau.  Quant  au 
fel ,  M.  Malouin  ,  à  l'imitation  de 
Bocrhave  Se  de  quelquesautres  Au- 
teurs ,  prétend  qu'il  n'v  a  point  de 
fel  alkali  dans  l'animal  fainj  qu'à 
la  vérité  ,  ce  qu'on  en  tiie  par  la 
Chymie  efl  prefque  tout  alkali ,  mais 
que  cet  alkali  n'eft  point  naturel  dans 
les  animaux ,  qu'il  eft  l'ouvrage  du 
feu  ,  ou  de  la  fermentation  des  li- 
queurs ,  hors  du  corps  ;  Qu'il  efl  vrai 
que  toutes  les  humeurs  dans  l'annnal, 
tendent  naturellement  k  devenir  uri- 
tteufes  -  alcalines  par  le  mouvement 
CT  la  chaleur  ,  mais  qu'avant  qu'elles 
foyent  a\ms  cet  état -,  -tlks  fartent  par 


O  C  T  O  B 

ta  tratifbifdtion  3  ou  par  les  autres 
couloirs  du  corps  a  &  que  lorsqu'elles 
y  font  retenues  ,  elles  caufem  quelque 
maladie.  Les  preuves  qu'il  apporte 
pour  faire  voir  qu'il  n'y  a  point  de 
fel  alkali  dans  l'animal  fain  ,  fe  re- 
duifent  à  quatre  ,  que  voici  ;  elles 
nous  ont  paru  dignes  d'attention. 

Première  preuve.  »  Les  humeurs 
«font  fimplement  falées ,  Si  non 
»  pas  alkalines  ,  tant  qu'elles  font 
»  naturellement  contenues  dans  le 
*  corps  de  l'animal  fain.  L'urine  &c 
»  le  fang  ,  encore  chauds  ,  ne  don- 
»  nent  aucune  marque  dMkalici- 
»  té,  &  fi  on  les  meta  ladiftilktion 
»  auffi  tôt  qu'ils  font  hors  du  corps 
»  de  l'animal ,  on  en  tire  peu  d'ai- 
se kalis  volatils ,  &  ce  peu  d'alkalis 
»  n'étoit  point  enfermé  dans  l'uri- 
»  ne  ou  dans  le  fang  -,  ce  n'eft  que 
«l'ouvrage  du  feu. 

Telle  eft  la  première  preuve  que 
donne  notre  Auteur  pour  montrer 
que  dans  l'animal  fain  ,  il  n'y  a 
point  de  fel  alkali  c'eft ,  dit  -  il , 
que  l'urine  &C  le  fang  mis  à  la  di- 
ftillation  dès  qu'ils  font  hors  du 
corps  rendent  peu  d'alkalis  s  que 
ces  alkalis  qu'ils  rendent  n'étoient 
point  renfermés  auparavant  dans 
l'urine  ou  dans  le  fang  ,  &  qu'ils 
font  le  pur  ouvrage  du  feu.  Quel- 
ques Logiciens  regarderont  peut- 
être  ,  cette  preuve  ,  comme  une 
pétition  de  principe.  Nous  n'exa- 
minerons point  leurs  raifons. 

Seconde  preuve.  »  Si  on  fait  di- 
»  fliller  lentement  cette  urine  &  ce 
»  fang ,  on  en  tire  une  plus  grande 
»  quantité  d'alicalis  ,  que  fi  en  ope- 
»  tant  promptement }  on  ne  laifle 


RE,    17  ?  4.  70; 

»  pas  le  teins  au  feu  de  combiner 
»  les  principes  pour  en  former  des 
ȈlKalis  volatils. 

Il  feroit  à  fouhaiter  que  M.  Ma- 
louin  eût  prévenu  ici  unie  difficulté 
qui  pourra  e'mbarralTer  quelques- 
uns  de  fes  Lecteurs ,  fçavoir,  que 
lorfqu'on  opère  lentement,  l'ac- 
tion du  feu  ,  étant  moins  forte  eft 
auffi  moins  capable  de  caufer  du 
dérangement,  en  forte  que  fi  l'on 
conclut  que  les  akalis  qu'on  tire 
alois  en  plus  grande  quantité 
viennent  de  ce  que  le  feu  a  eu  le 
tems  de  les  former,  il  femble  qu'on 
peut  également  conclure  que  cette 
quantité  d'alKalis  étoit  véritable- 
ment dans  l'urine  &dans  le  fang, 
avant  qu'on  les  en  tirât. 

Troijîéme preuve.  »  Si  on  laiffeau 
«conrraire,  le  fang  ou  l'urine  pen- 
»  dant  quelque  tems,  à  l'air ,  avant 
»  que  d'en  taire  la  diftillat ion  ,  les 
»  principes  de  ces  liqueurs  fe  défu- 
»  niront ,  il  fe  fera  un  mouvement 
»  entf'eux  &  les  fels  digérés  dans 
»les  huiles,  deviendront  volatils-, 
»  c'efl  pourquoi  on  en  retire  alors 
»  une  plus  grande  quantité  ,  que  Ci 
»  on  les  avoit  fait  diflillerfans  leur 
»  donner  le  tems  de  fermenter  ou 
»  de  pourrir.  Ces  akalis  font  donc 
»  uniquement  l'ouvrage  de  la  fer- 
»  mentation  ou  du  feu,  Il  n'y  a 
»  donc  point  d'animal  fain  qui  con- 
»  tienne  en  lui  un  alicali. 

M.  Malouin  trouve  cette  confé- 
quence  ,  de  la  dernière  juftefTe; 
mais  s'il  eût  prouvé  que  lorfque 
après  la  fermentation  ,  l'on  tire 
une  plus  grande  quantité  d'alcalis, 
ce  n'eft  point  que  la  fermentation»: 


1o$  JOURNAL   D 

les  ait  fimplement  développés  , 
mais  que  c'eft  qu'effe&ivement  el- 
le les  a  produits  ,  il  femble  que  la 
confequence  n'y  eût  rien  perdu. 

Quatrième  preuve.  »  Il  y  a  des 
»  animaux  qui  contiennent  en  eux 
»  un  acide  naturel ,  comme  ont  la 
i>  plupart  des  infectes  qui  portent 
»  un  aiguillon.  Cet  acide  eft  mani- 
»  fefte  dans  Ja  fourmi  :  Ci  on  prend 
»  des  fourmis  bien  vivantes  ,  Se 
»  qu'on  les  agite  dans  de  l'eau  , 
»  jufqu'à  ce  qu'elles  foient  mortes, 
»>  l'eau  deviendra  très  aigre.  On 
»  peut  aullî  tirer  cet  acide  animal 
»  par  la  distillation  :  il  but  mettre 
«des  fourmis  dans  une  cucuibite  i 
»  &  après  les  avoir  bien  irritées 
»avec  un  petit  bâton  ,  verfez-y  de 
»>  l'efprit  de  vin  ,  6c  en  faites  la  di- 
wftillation  aubain-marie;  vous  au- 
»  rez  un  efprit  de  vin  très  aigre  ;  Ci 
»  on  porte  au  nez ,  le  petit  bâton 
»  avec  lequel  on  a  irrité  les  four- 
*>  mis ,  il  a  une  odeur  acide  fi  pé- 
»  nétrante  que  les  larmes  en  vien- 
»  nent  aux  yeux. 

Telle  eft  la  dernière  preuve  que 
notre  Auteurapporte  pour  démon- 
trer que  le  fel  contenu  dans  les 
animaux  eft  acide  &c  non  alicali.  Il 
vient  d'avancer  que  l'alicali  qui  fe 
tire  des  animaux  n'eft  point  natu- 
rel ,  mais  qu'il  eft  produit  par  la 
fermentation  que  l'on  met  en  œu- 
vre pour  le  tirer  ,  ou  par  le  feu  , 
dont  on  fe  fert  pour  ce  deflein ,  ne 
pourroic-on  point  oppofer  que  l'a- 
cide qu'on  tire  de  la  tourmi  eft 
produit  tout  de  même  par  l'opéra- 
tion qu'on  employé  pour  cela  ?  M. 
Maleuin  ne  dit  rien  qui  prévienne 


ES  SÇAVANS, 

cette  difficulté. 

L'eau  dans  laquelle  on  agite  des 
fourmis  jufqu'à  ce  qu'elles  y  meu- 
rent ,  devientaigre  ,  dit  notre  Au- 
teur -,  mais  il  s'abftient  de  prouver 
que  cet  aigre  n'eft  pas  l'ouvrage  de 
la  putréfaction  qui  fe  fait  alors 
dans  l'eau.  Si  on  les  met  dans  une 
cucurbite  ,  continue-t-il ,  qu'après 
les  avoir  bien  irritées  avec  une  ba- 
guette ,  on  y  verfe  de  l'efprit  de 
vin ,  &  qu'enfuite  on  en  fafle  la  di- 
ftillation  au  bain  marie  ,  on  aura  un 
efprit  de  vin  très  -  aigre  ,  &  lorf- 
qu'on  porte  au  nez  la  baguette  avec 
laquelle  on  les  a  irritées ,  cette  ba- 
guette exhale  une  odeur  acide  Ci 
pénétrante,  que  les  larmes  en  vien- 
nent aux  yeux.  M.  Malouin  s'ab- 
ftient tout  de  même  ,  de  prouver 
que  cet  aigre  n'eft  pas  une  choie 
formée  après  coup  ,  &C  que  la  di- 
ftillation  qu'on  a  faite  des  fourmis 
n'a  pas  altéré  les  fucs  de  ces  infec- 
tes ,  au  point  de  les  faire  dégénérer 
de  ce  qu'ils  étoient.  Nous  en  difons 
autant  de  l'irritation  excitée  avec 
la  baguette.  On  fçait  que  d'irriter 
quelque  animal  que  ce  foit,  en 
change  conlîderableuicnt  les  fucs. 
Mais  fans  s'cmbarralfer  à'agitationy 
à' irritation  ,  de  dijltllation  ,  on  peut 
prouver  par  une  voye  très-hmplc , 
que  dans  les  fourmis ,  il  y  a  un  aci- 
de ;  c'eft  de  taire  remarquer  que 
les  fourmis  par  elles  mêmes  fentent 
l'aigre  ;  Que  quand  on  s'approche 
de  l'endroit  où  elles  font  leur  re- 
traite ,  on  eft  tout  d'un  coup  frappé 
d'une  odeur  aigre  ,  6c  que  fi  on 
étend  fur  la  fourmilière  un  mou- 
choir ou  quelque  autre  linge  ,  ce 
linge 


O  C  T  O  B 

linge  eu;  au  Vi  tôt  pénétre  de  la  mê- 
me odeur.  Mus  outre  que  l'odeur 
d'un  anirrul  ne  prouve  rien  pour 
les  autres  animaux  ,  nous  obferve- 
rons  que  ii  quelques  uns  d'entreux 
exhalent  une  odeur  acide  ,  quel- 
ques autres  en  exhalent  une  toute 
alKaline  ,  témoin  celle  du  rat  ,  de 
lafouris  ,  &  de  l'infecte  appelle  en 
latin  Cimex  ,  fans  rien  dire  de  plu- 
fieurs  aurres  animaux  dont  le  dé- 
tail eft  inutile  ici. 

Après  avoir  tant  parlé  de  fels  aci- 
des fii  de  fcls  alicalis,  il  eft  jufte  que 
nous  dilions  un  mot  de  ce  que  M. 
Malouin  veut  qu'on  entende  par 
ces  fortes  de  fels  :  »  Les  fels ,  dit-il  t 
>•  font  ou  acides  ,  ou  alicalis ,  ou 
»  neutres.  Ces  fels  acides  impri- 
»  ment  un  goût  aigre  fur  la  langue  , 
»  bouillonnent  avec  les  alicalis  8c 
»  donnent  aux  teintures  bleues  , 
»  comme  de  violet  ou  de  mauve  , 
»  une  couleur  rouge  ,  les  fels  alica- 
a» Ils  au  contraire,  donnent  à  ces 
»  infufions  une  couleur  verte. 

Tels  font  les  lignes  par  lefquels , 
félon  M.  Malouin  ,  on  peut  con- 
noître  les  acides  &  les  alsalis  -,  c'eft 
que  les  acides  ,  non  feulement  im- 
priment un  goût  aigre  fur  la  lan- 
gue &  bouillonnent  avec  les  alica- 
lis ,  mais  donnent  une  couleur  rou- 
ge aux  teintures  bIeuës,comme  à  la 
teinture  de  violette  ou  de  mauve , 
au  lieu  que  les  alicalis  donnent  à  ces 
teintures  une  couleur  verte.  Voilà 
ce  qui  fc  lit  communément  dans 
les  Livres-  M.  Malouin  auroit  pu 
remarquer  que  cette  règle  n'eft  pas 
généralement  reçue  en  Chymie,  & 
que  plufieurs  la  regardent  comme 
Oûobt. 


R.  E ,    i  7  ?  4.  707 

faillie.  L'Auteur,  entr'autres ,  du 
N  niveau  Cours  de  Chyme  J  fuivant 
les  principes  de  Nsw.m  &  deSlball, 
s'explique  là-dcflus  en  ces  termes  , 
pag.  18.  Les  couleurs  que  le  fel  acide 
donne  À  certaines  liqueurs  s  ne  fine 
pas  des  effets  qui  lut  joysnt  particu- 
liers :  il  y  a  des  alk.<*lis  qui  donnent  au 
fyrop  violât  ,  la  couleur  rouge  ,  ds 
même  que  l'acide. 

C'en  eft  allez  fur  ce  qui  concer- 
ne l'article  du  fel  ,  venons  à  celui 
de  l'eau.  Notre  Auteur  recherche 
les  caufes  qui  la  peuvent  rendre 
fluide.  Il  prérend  ,  pag.  27.  que  fi 
l'eau  eft  telle ,  ce  n'eft  point  que  fes 
parties  fe  meuvent  en  tout  fens  , 
&  il  en  prend  les  preuves  dans  le 
cours  de  Chymie,  que  nous  venons 
de  citer  ,  où  il  eft  dit ,  pag.  2.3. 
»  Que  le  mouvement  en  tout  fens, 
»  par  lequel  ou  explique  ordinai- 
»•  rcment  la  fluidité  ,  ne  paroît  pas 
»  poffible ,  parce  que  fuppofant  ce 
»  mouvement  ,  il  faut  fuppofer 
»  que  lorfque  une  partie  va  d'un 
»  côté,  il  y  en  a  une  autre  qui  vient 
»  à  elle  avec  autant  de  force  ;  en 
»  forte  que  ces  parties  ne  pourront 
»  revenir  fur  leurs  pas  ,  ni  aller 
»  vers  les  cotez  ,  puifqu'elles  trou* 
»  veront  toujours  des  parties  qui 
»  viendront  à  elles  avec  une  force 
»  égale  ;  ce  qui  les  obligera  à  de- 
>»  meurer  immobiles.  M.  Malouin 
»  dit  tout  de  même  ,  pag.  17.  que 
»  deux  parties  d'eau  venant  à  fe 
»  rencontrer,  refteroient  en  repos  ; 
»  ou  que  fi  ,  par  leur  élafticité  , 
»  elles  retournoient  fur  leurs  pas  , 
m  elles  en  rencontreroient  d'autres 
»  qui  viendraient  à  elles  avec  une 

Kkkk 


7o8  JOURN  A  L    D 

«force  égale,  qu'elles  en  trouve- 
»  roient  de  même  fur  les  cotez  ,  ce 
»  c|ui  les  obligèrent  de  toutes  parts, 
jj  à  refter  en  repos. 

Notre  Auteur  ajoute  à  cela  une 
luifon  qui  ne  fc  trouve  point  dans 
je  cours  de  Chymie  que  nous  ve- 
nons de  citer  ,  la  voici  :  Quand  mi- 
me, dit- il ,  lespartiei  de  l' 'au  feraient 
li.rm  un  continuel  mouvement  ,  ce 
mouvement  ne  fe  ferait  pas  en  tout 
f.zns  ;  il  ne  fe  ferait  en  tomfsns  qu'au 
deffous  de  la  ligne  honfontale ,  autre- 
ment le  niveau  n'y  ferait  plus.  M  Ma- 
louin ne  prend  pas  garde  ,  dira-t- 
on peut-être  ,  que  la  raii'on  qu'il 
allègue  pour  faire  voir  que  le  mou- 
vement en  toutfens  eft  împollîble 
au  deflbus  de  la  li^ne  horilontale , 
fait  voir  également  que  le  mouve- 
ment dont  il  s'agit  efl:  impoflible 
dans  cette  ligne  horifontale  ,  puif- 
qu'alors  les  parties  de  l'eau  venmt 
à  fe  rencontrer  ,  feroient  tout  de 
même  obliges  de  demeurer  en  re- 
pos ,  ce  qui  ne  derangeroit  nullc<- 
ment  le  niveau. 

Quoiqu'il  en  foit ,  M.  Malouin 
dit ,  après  d'autres  Ecrivains  ,  que 
l'eau  elt  fluide  à  caufe  de  la  petitef- 
fe  de  fes  parties  ,  &  de  leur  peu  de 
liaifon.  11  ajoute  que  les  parties 
dont  il  s'agit  le  touchent  par  des 
furfaces  d'autant  plus  petites ,  que 
ces  parties  font  plus  petites  elles- 
mêmes.  C'clt ,  page  vingt  -  huit , 
puis  il  avance  ,  page  trente-cinq  , 
que  les  corps  ont  d'autant  pins  de  fur- 
face  ,  qu'ils  font  plus  divifes  y  &  cela 
aprèsavoir  dit ,  pag.  24.  que  plus 
les  tuyaux  capillaires  font  petits  ,  plus 
iafwface  de  leurs  cotez,  efl  grande  en 


ES    SÇAVANS, 

comparaifm  de  l'eau  qu'ils  Peuvent 
contenir.  Entîn  pour  prouver  qu'un 
corps  ,  par  la  diviiïon  ,  acquiert 
plus  de  furtace  ,  il  dit  que  la  dimi- 
nution de  la  pefinnur  y  efl  en  raifort 
triplée  ,  &  que  la  diminution  des  fur  - 
faces  efl  en  raifon  doublée  des  diamè- 
tres :  c'eft  pag.  15. 

Nous  ne  croyons  pas  que-  per- 
fonne  conteite  que  les  corps  fon- 
des ,  femblablcs ,  foicnt  en  railbn 
triplée  ,  &  leurs  furfaces  en  raifon 
doublée  ,  des  diamètres  ;  mais 
nous  doutons  que  qui  que  ce  foit , 
accorde  que  la  pefanteur  des  corps 
quelconques  ,  fuive  ,  dans  fa  di- 
minution ,  h  même  proportion  , 
que  la  folidité  des  corps  fembla- 
blcs. 

Tandis  que  nous  en  fommes  fur 
le  début  de  l'Ouvrage  ,  nous  ne 
devons  pas  omettre  de  rapporter 
quelque  exemple  de  ce  que  l'on  y 
dit  en  parlant  des  métaux  en  géné-- 
ral.  Nouschoihions  l'article  du  ter 
préterablcmcnt  à  celui  de  l'or  •,  le 
fer  ,  félon  notre  Auteur  ,  étant 
beaucoup  plus  eftimable  par  rap*- 
port  aux  remèdes  qu'en  tire  la  Me* 
decinc.  M.  Malouin  remarque  d'a- 
bord que  de  tons  les  métaux  ,  ce- 
lui-ci efl;  le  plus  utile  ,  &  qu'il  fe- 
roit  le  plus  précieux  s'il  n'éroit  pas 
le  plus  commun  ;  Que  quelques 
louanges  que  les  Chvmilrcs  avent 
données  à  l'or  ,  pour  fes  vertus  mé- 
dicinales ,  l'expérience  a  prévalu 
en  faveur  du  fer ,  &  qu'elle  dé- 
montre qu'il  eft  auflî  efficace  en 
Médecine  qu'il  efl  utile  d^ns  le 
commerce  de  la  vie.  Notre  Auteur 
joint  a  cela  d'autres  obfer valions 


O  C  T  O 

qui  n'ont  rien  de  plus  particulier, 
fçavoir  i°.  Que  les  phénomènes  de 
l'aiman  rendent  le  ter  auili  curieux 
en  Phyfique ,  qu'il  eft  utile  en  Mé- 
decine ,  Si  qu'on  doit  regarder  la 
•pierre  d'aiman  comme  une  mine 
de  fer,  parce  qu'on  peut  tirer  de 
cette  pierre  un  véritable  ter.  2°. 
Que  toute  mine  de  fer  eft  une  efpe- 
ce  d'aiman  ,  &  que  le  ter-même  te- 
nu long  tems  dans  une  certaine  (I- 
tuation  ,  produit  fouvent  les  mê- 
mes effets  que  l'aiman. 

Après  ce  préambule ,  notre  Au- 
teur décrit  comment  on  tire  le  fer 
de  la  mine,  &:  les  opérations  qu'on 
employé  dans  les  torges  pour  le 
rendre  propre  aux  ufages  ordinai- 
res. Nous  remarquerons  en  paffant, 
puifque  l'occafion  s'en  prefente  , 
qu'il  y  a  fur  cette  matière  ,  un  ex- 
cellent Poème  Latin  intitulé  Fer- 
rutn  ,  dont  il  s'eft  fait  plulîcurs 
Editions ,  6k  une  entr'autres ,  toute 
nouvelle  ,  inférée  dans  le  Recueil 
qui  a  pour  titre  ,  Mujs.  RLetorices  , 
éVc  imprimé  à  Paris  en  173  2.  chez 
Barbou  ,  rue  S.  Jacques. 

M.  Malouin ,  après  la  deferip- 
tion  dont  il  s'agir  ,  remarque  que 
les  mines  de  fer  font  très  abondan- 
tes en  Europe  ,  •>  Qu'on  en  trouve 
»  plulieurs  en  France  dans  les  Pro- 
»  vinces  de  Bourgogne  ,  de  Nor- 
'  »  mandie,  de  Dauphiné  ,  &c.  qu'il 
y>  y  en  a  dans  bien  des  cndioits  où 
»  on  ne  les  apperçoit  pas  ;  Que  plu- 
>.  (leurs  Nataraliftes  croyent  qu'il 
»  s'en  trouve  fur  toute  la  furtace 
»  de  la  terre  ',  Que  d'autres  vont 
m  plus  loin  ,  &  penfent  qu'il  y 
u  a  du  fer  jufques   dans  les  aî- 


B   R   E,      I  7  ?  4.  700 

»  les  des  papillons  cV  des  mouché- 
»rons  ,  parce  qu'ils  regardent 
»  comme  un  principe  reçu  que 
»  tout  ce  que  l'aiman  attire  eft  du 
»  fer.  Cependant ,  commue  M.  Ma- 
»  louiny  le  ferdoitêtre  rouillé  dans 
»  les  matières  où  on  croit  l'apper- 
»  cevoir  comme  dans  l'urine  ;  & 
»  par  confequent ,  il  ne  peut  plus 
»  être  attiré  par  l'aiman;  parce  que 
»  l'aiman  n'attire  point  le  fer  en 
n  rouille. 

On  voit  par  ces  paroles ,  1*.  Que 
félon  M.  Malouin  ,  s'il  y  a  du  fer 
dans  les  aîles  des  papillons  &  des 
moucherons,  ce  fer  doit  être,  com- 
me celui  de  l'urine  ,  un  fer  rouillé, 
î°.  Que  félon  le  même  Doèfeur , 
l'aiman  n'attire  point  le  fer  rouillé. 
Quant  au  premier  article  ,  on  de- 
mandera fans  doute  ,  comment  on 
peut  s'affurer  ,  qu'au  cas  qu'il  y  ait 
du  fer  dans  les  aîles  des  papillons  , 
&  des  moucherons  ,  il  n'y  fçauroit 
être  que  rouillé  ;  &  quand  au  fé- 
cond ,  s'il  eft  vrai  que  l'aiman 
n'attire  point  le  fer  rouillé  ;  Pour 
ce  qui  eft  du  premier  article  ,  la 
chofe  paroît  difficile  à  décider  ; 
mais  pour  le  fécond  il  n'y  a  qu'à  in- 
terroger l'expérience.  Or  elle  dé- 
pofe  en  faveur  du  contraire  ;  c'eft 
ce  que  nous  pouvons  certifier 
comme  témoins  ,  &  quiconque 
voudra  s'en  éclaircir,  n'a  qu'à  pre- 
fenrer  à  de  l'aiman  ,  un  doux 
rouillé  ,  une  aiguille  rouillée  ,  &c, 
&  il  verra  ,  nonobftant  ce  que  dit 
M.  Malouin  ,  que  le  doux  rouillé, 
l'aiguille  rouillée  s'attacheront  à 
l'aiman.  Thomas  Brown  ,  dansfon 
EJfufur  les  Erreurs  populaires  dé- 
K  k  k  k  ij 


7io  JOURNAL   D 

couvre  pluficurs  erreurs  au  fujet  de 
l'aiman  jon  n'y  voit  point  celle-ci, 
elle  mérite  d'y  avoir  r.  lace. 

Notre  Auteur  demande  fi  on 
peut  faire  du  fer  5  il  dit  que  Van- 
helmont  le  fils  eft  le  premier  qui 
ait  cru  en  faire  ,  &  que  Bêcher  a  le 
premier  foûtenu  ce  fentiment. 
Vanhelmont  ,  pourfuit-il,  »  faifott 
»  grand  myllere  de  la  manière  de 
»  faire  le  fer.  On  fçait  feulement 
«qu'il  employoit  la  boue  Si  le 
»  ioufre.  Pour  Bêcher  il  taifoit  le 
»  fer  en  prenant  de  l'argile  ,  qu'il 
»  reduifoit  en  poudre  après  l'avoir 
»  fait  fecher  ,  &  il  la  pafToit  par 
»  un  tamis ,  enfuite  il  la  pétrillott 
j>  avec  de  l'huile  de  lin  ,  &t  il  en 
>3  formoit  de  petites  boules  dont  il 
»  chargeoit  une  cornue.  Après  la 
»  diitillation  il  rctiroit  ces  boules 
=»  qui  avoient  noirci  ,  Si  après  les 
»  avoir  broyées  Si  lavées ,  il  lui  re- 
»  doit  une  poudre  noire  Si  pefart- 
»  te  ,  qui  contenoit ,  dit-il ,  beau- 
»  coup  d'or.Morhofius  écrivit  con- 
»  tre  ce  fentiment  ,  pour  prouver 
m  qu'on  ne  produifoit  point  de  fer  'r 
3»  Bêcher  y  répliqua  vivement  dans 
»  un  petit  Livre  qu'il  intitula  , 
»  Morofophia  ;  &  depuis ,  M.  Sthal 
3»  fe  déclara  pour  le  fentiment  dï 
3>  Bêcher.  M.  Geoffroy  fe  rangea 
»  aulïi  de  ce  côté  là,  &  il  fortifia  ce 
a  parti  par  pluficurs  belles  obfciva- 
»  tions  •,  mais  M.  Leinery  s'éleva 
»  avec  force  ,  contre  lui ,  Si  foû- 
»  tint  que  les  expériences  qu'on 
3i  rapportoit  en  faveur  du  Syftêmc 
a»  de  la  production  du  ter  ,  rie  fai- 
*>  foient  que  découvrir  le  fer  dans 
j»  ki  matières  où  il  étoit  caché. 


ES   SÇAVANS, 

»  M.  de  Fontenelle,  dans  l'Kiftm- 
»re  de  l'Académie  des  Sciences  , 
«1708.  pag.  65.  dit  qu'il  n'eft 
»  point  encore  tems  de  concevoir 
»  l'agréable  efperanee  de  la  pro- 
n  duction  artificielle  des  métaux. 
y  Le  pouce  cube  de  fer  pefe  ordi- 
»  nairement  cinq  onces,  un  gros 
»  &  27  grains. 

Voilà  ce  que  notre  Auteur  re- 
niai que  en  général,  au  fujet  du  fer, 
avant  que  de  venir  aux  ufages 
qu'on  en  lait  en  Médecine.  11  au- 
roie  pu  ,  à  l'cccafion  de  ce  qu'il 
rapporte  fur  la  production  de  ce 
métal ,  dire  un  mot  de  ce  qui  fe  lit 
là  deflus  ,  dans  un  Livre  intitulé , 
Les  Secrets- les  plus  cachés  de  la  Pbi- 
lofophte  des  anciens ,  découverts  0"  ex- 
pliqués par  M.  CroJJet  de  la-  Han- 
W2/'ere,fçavoir,  i°.Que  »c'eft  un  tait 
»  très  -  connu  non  feulement  aux 
n  Minéralijles ,  mais  à  tous  les  Ou- 
m  vriers  qui  font  employés  aux 
»  Mines,  que  la  plupart  des  Mi- 
»  nieres  des  métaux  reffemblent  à 
»  un  arbre  qui  feroit  couvert  de 
»  terre  ;  Qu'on  y  voit  de  grottes 
«racines,  un  tronc  proportionné 
Ȉ  ces  racines ,  Si  que  ce  tronc  eft 
»  environné  de  branches  de  tous 
»  cotez  ,  comme  un  véritable  ar- 
yy  bre  :  Que  le  bonheur  où  l'habile- 
»  té  des  Minéraliftcs  conhiie  à  pou- 
»  voir  trouver  le  tronc  de  cet  ar- 
»  bre ,  qui  eft  beaucoup  plus  abon- 
»  dant  &  plus  riche  ,  que  les  bran- 
arches  qui  en  fartent  ;  z°.  Que 
»  comme  entre  une  branche  £>:  1  au- 
»  tre  il  y  a  quelquefois  un  grand 
»  efpace  fans  métal ,  il  faut  que  les 
»  habiles  Minéraliftes   fuivent  h 


OCTOBRE,  1734.  7n 

branche  amant  qu'ils  peuvent;  ce      s'en  fert  ordinairement  pour  faire 


»  que  la  rencontie  des  rochers  & 
»  des  eaux  ,  rend  trt's  difficile  :  j°. 
«Qu'on  a  reconnu  la  vérité  deçà 
»  que  dit  Pline  &£  après  lui ,  Stra- 
»  bon  ,  fçavoir  que  dans  l'Iile  de 
»  l'Elbe  ,  fur  les  Côtes  de  la  Tof- 
»  cane  ,  la  terre  minérale  d'où  on 
*>  tire  le  fer  ,  étant  remife  dans  la 
»  mine ,  ou  expefée  en  monceaux  à 
»  l'air ,  reproduit  de  nouveau  fer 
»  en  abondance  ,  &  du  fer  aulîi 
»bon  que  le  premier. 

Ccfalpin  afïtirele  même  fait ,  & 
Agricola  ,  à  ce  qu'obferve  M. 
CiolTct,  rapporte  que  près  du  Châ- 
teau de  J>tg~i  ,  on  tire  du  fer  de 
certaines  prairies  ,  en  faifant  des 
rofics  dans  la  terre  à  la  profondeur 
de  fix  pieds  ,  &  que  de  ces  mêmes 
foiTes  qu'on  remplit  de  la  même 
terre ,  on  tire  dix  ans  après  ,  de 
nouveau  fer.  M.  Crofletaffure  que 
fa  même  chofe  arrive  en  plusieurs 
lieux  de  Normandie  ,  comme  à 
Evrcux  ,  entr'autres  ,  ck  à  Laval. 

11  rapporte  là-deflus  un  fait  bien 
digne  de  remarque  ,  &  qui  eftatte- 
fté  par  le  fçavant  Gérardus  :  Aux 
Mines  de  fer  près  d'Amberg  en  Al- 
lemagne ,  on  répand  dans  la  terre  , 
d'où  on  a  auparavant  tiré  le  fer , 
une  certaine  quantité  de  ca(Tures& 
de  limuresde  ce  métal  ;  on  ramaf- 
fe  cette  terre  en   çrros  morceaux 


des  plaques  de  cheminées  ,  des 
fourneaux  ,  des  canons  ,  &  des 
boulets.  M.Malouin  apparemment 
n'a  pas  eu  connoiilance  de  cela. 

11  eft  tems  de  venir  aux  opéra- 
tions chymiques  contenues  dans 
le  Traité. 

Ces  opérations  font  tirées  de 
Srhal ,  de  Boerhave  ,  de  Lemeri, 
de  Geoffroy ,  ou  du  Code  Médica- 
mentairc  de  la  Faculté  de  Médeci- 
ne de  Paris ,  fans  parler  de  plufieurs 
autres  fources  qui  ne  font  pas  moins 
rccommandablcs.  Un  exemple  fuf- 
fîra  d'abord  pour  faire  voir  en  cela 
l'exactitude  &  la  fidélité  de  M. 
Malouin.  Nous  prendrons  l'opéra- 
tion que  l'ouverture  du  Livre  nous 
offre  la  première.  Elle  fe  trouve  dé- 
crite en  ces  termes,dans  le  Code  de 
la  Faculté  ,  pag.  241.  nous  rappor- 
terons enfuite  le  François  de  notte 
Auteur  ;  il  s'agit  du  Régule  d'An- 
rimoine. 

B.  Antimonii  crudi  libram  unam  , 
Tartan  crudi  uncias  duodecim  ,  nitri 
puri  uncias  [ex.  Senfm  &  tenwjfi- 
me  trita  mixtaque  in  crucibulum  can- 
dens  cochleatim  injice  ;  [ingulis  vici- 
bits  détonent  cooperto  crucibulo.  Omni' 
detonatione  peraclâ  angeatur  ignis 
doneefluida  fiât  materia.  Uancfluen. 
tem  in  conum  ferreum  calefatlum  illi- 
tumque  febo  ejjunde.  Concute  conum  M 


qu'on  laifTcexpofés  au  Soleil  &  à  la  folidefeet  materia.  Regulum  exime  k 
pluye  l'efpace  de  1 2  ou  1 5  années ,  fcholiis  i[eparandum  itlu  malle:. 
lins  y  toucher ,  &  à  la  fin  de  ce  Voici  le  François  de  M.  Ma- 
tems-là  ,  on  en  tire  une  grande  louin  :  »  Prenez  une  livre  d'Anti- 
quantité  de  fer;  ce  qu'on  réitère  »  moine  ,  douze  onces  de  tartre  , 
plufieurs  fois.  Le  fer  ainfi  repro-  »  &  fix  onces  de  nître  ;  le  tout  ré- 
duit eft  extrêmement  dugr  3  &  on  »  duit  en  poudre  &  mêlé  enfemblc. 


7i2         JOURNAL    DE 

•>  Mettez-en  une  cuillerée  dans  un 
i>  creufet  rougi  entre  les  charbons 
»  ardens.  Couvrez  auffi  -  tôt  le 
»  creufet  :  il  fêtait  une  détonation, 
*»  laquelle  étant  paffée  vous  y  re- 
»  mettrez  une  cuillerée  du  mélan- 
»  ge  ,  &c  vous  continuerez  ainfila 
»>  projection  jufqu'à  ce  que  le  mé- 
»  lange  foit  employé  ;  après  quoi 
»  augmentez  le  feu  ,  Si  lorfque  la 
»  matière  fera  bien  fondue  ,  verfez- 
»  là  dans  un  mortier  dont  vous 
m  frappez  les  cotez  avec  des  pinces, 
»  pendant  que  la  matière  refroidit. 
L'Auteur  ajoute  à  cexte  opération , 
la  méthode  de  purifier  le  Régule  , 
telle  qu'elle  fe  trouve  dans  Jumcer, 
dans  Lemeri  ,  &  ailleurs. 

Les  opérations  contenué's  dans 
ce  Traité  ,  font  fuivies  de  remar- 
ques ,  Si  l'Auteur  pratique  à  l'é- 
gard des  remarques  ,  ce  qu'il 
pratique  à  l'égard  des  opérations.  Il 
les  puife  en  différentes  fources  ,qui 
font  les  mêmes  que  nous  venons 
d'indiquer.  On  ne  peut  que  le 
loue;  defe  propofer  ainii  ,  des  mo- 
dèles pour  fe  conduire  avec  plus 
de  fureté.  Mais  il  eft  à  craindre, 
d'un  autre  côté ,  qu'on  ne  lui  re- 
proche d'en  fuivre  quelques-uns 
de  trop  près ,  Se  de  pouffer  trop 
loin  la  déférence;  témoin  ,  entre 
autres  articles,  dira-ton  peut  être, 
celui  où  il  s'agit  de  la  manière  de 
préparer  la  crème  de  tartre.  Cette 
opération  eft  une  des  plus  difficiles 
de  la  Chymic  ,  Se  à  examiner  la 
manière  dont  l'Auteur  la  décrit  fur 
la  foi  de  quelques  Livtcs  ,  bien  des 
Lecteurs  ne  manqueront  peut-être 
pas  de  croire  qu'il  ne  l'a  jamais  laite. 


S     SCAVANS, 

Nous  ne  déciderons  rien  là-deflus,1 
nous  nous  contenterons  d'expofer 
la  méthode  qu'il  preferit  pour  faire 
cette  crème  de  tartre,  la  voici  mot 
à  mot. 

»  Prenez  une  livre  de  tartre  en 
»  poudre  ,  mettez-la  dans  un  pot 
»  de  terre  ,  verfez  delfus  cinq  ou 
»  (îx  pots  d'eau  bouillante  ;  ayant 
»  placé  le  pot  fur  un  trépied  fur  le 
»  feu  ,  vous  ferez  bouillir  pendant 
*>  un  quart  d'heure  ,  en  écumant  de 
»  tems  en  tems.  Enfuite  paffez  la 
»  liqueur  dans  un  morceau  de  fla- 
»  nelle  ,  Si  la  mettez  à  criftalifec 
>>  dans  un  lieu  frais  ',  il  fe  formera 
»  delTus  une  crème  faline  que  vous 
»  ramafferez.  &  vous  verferez  l'eau 
»  par  inclination  ,  pour  avoir  les 
=  cryftaux  qui  fe  feront  formés  aux 
»  cotez  Se  au  fond  de  la  terrine. 

Cette  méthode  fe  trouve  dans 
quelques  Livres.  Cependant  nul 
Àrtifte  n'a  pu  faire  ,  par  une  telle 
méthode  ,  la  crème  de  tartte  ;  Se  la 
raifon  ,  c'eft  que  pour  faire  cette 
crème  ,  il  faut  feparer  d'avec  le 
tartre  ,  une  portion  confiderablc 
de  l'on  huile  ,  ce  qui  ne  peut  s'ob- 
tenir que  par  le  moyen  de  quelque 
terre  favonneufe  ,  Se  très  -  graife  , 
propre  à  fe  charger  de  cette  huile. 
Or  dans  la  préparation  que  M. 
MaJouin  donne ,  il  ne  joint  au  tar- 
tre que  l'eau  feule  ,  qui  n'eft  nulle- 
ment capable  par  elle-même,  d'ab- 
forber  cette  huile  ,  &  d'en  féparer 
une  portion  fuffiiante. 

La  crème  de  tartre  fe  fait  avec 
une  terre  très  -  abforbante  qui  le 
trouve  en  grande  quantité  dans  le 
Languedoc ,  Se  dont  il  y  a  de  trois 


OCT  O  B 

efpeces  :  la  première  cil:  commune 
dans  toute  la  Province  de  Langue- 
doc -,  la  féconde  fe  trouve  dans  le 
terroir  d'Aniane  ,  ce  qui  l'a  lait 
nommer  Terre  d'Aniane  ,  8c  la 
troifiéme  dans  le  Village  de  Mer- 
viel ,  ce  qui  l'a  fait  nommer  Terre 
de  Merviel.  Toutes  trois  font  bon- 
nes pour  l'opération  dont  il  s'agir, 
nuis  la  dernière  eft  la  meilleure  y 
&c  c'eft  celle  dontonfefert  depuis 
quelques  années.  M.  Fizes  enfeigne 
de  quelle  manière  on  doit  s'y  pren- 
dre pour  faire  la  crème  détartre  , 
&  cette  méthode  eft  inférée  dans 
les  Mémoires  de  l'Académie  des 
Sciences ,  année  1715.  C'efl:  M.  Fi- 
Zes  qui  la  rapporte.  Il  nous  apprend 
que  cette  terre  de  Languedoc  ,  dé- 
pure le  tartre  ,  en  fépare  une  gran- 
de quantité  d'huile  d'avec  le  fcl,  &i 
facilite  la  ciyftallifation.  L'opéra- 
tion eft  longue  ;  il  eft  inutile  de  la 
décrire  ici  ,  puifqu'on  la  peut  voir 
dans  les  Mémoires  que  nous  ve- 
nons d'indiquer.  La  méthode  que 
preferit  M.  Malouin  ,  n'eft  donc 
pas  ,  concluront  quelques  Criti- 
ques ,  la  véritable  méthode  ,  &C  il 
faut  pour  1a  preferire ,  ne  l'avoir  ja- 
mais elfayée. 

La  crème  de  tartre  nous  conduit 
au  tartre  émerique,  c'eft  la  même 
matière  diverfement  préparée.  L'o- 
pération que  donne  M.  Malouin 
pour  faire  ce  taitrc  cménque  ou 
tartre  ftybié,  eft  exactement  copiée 
du  Code  de  la  Faculté. 

Recipe  ,  dit  le  Code  ,  vitri  Jlnti- 
momi ,  croci  metatlorum  ,  ana  livrant 
femijfcm  ,  cremorh  tartari  t  libcam 
mam ,  fiât  pulvis. 


R  E  ,     1  7  }  4.  7r?. 

»  Prenez. ,  dit  M.  Malouin  }  du 
»  Safram  des  métaux,  ôc  du  ver- 
»  re  d'Antimoine  ,  de  chacun  une 
*>  demi  livre  ;  de  la  crème  de  tartre 
»  une  livre  ,  le  tout  en  poudre. 

lnie  in  ollam  fitldm  vitratam 
cumjiifficienti  quaniitate  acju&  3  bul- 
liant  per  hor&s  duodecim  3  addendo 
idemidem  ayuam  ferventem  ,  calens 
licjiior  filtretur  vAporet  adjiccitatem 
continue  le  Code. 

»  Mettez  dans  une  marmite  de 
»  fer ,  ou  dans  un  pot  de  terre  ver- 
»  nilé,  continue  A4  Malouin ,  verfez 
»  deffus  ,  cinq  pintes  d'eau  ;  faites 
«bouillir  ,  ayant  foin  de  remettre 
»  de  l'eau  bouillante  à  proportion 
»  qu'elle  fc  diflîpe  ,  &  lorfque  le 
»  tout  aura  ainfî  bouilli  dix  à  dou- 
»  ze  heures ,  vous  retirerez  de  déf- 
ia fus  le  feu  ,  &:  vous  filtrerez  lali- 
»queur  toute  bouillante,  enfuite 
»  vous  la  ferez  toute  évaporer. 

Il  n'eft  pas  polïible  ,  comme  on 
voit ,  de  traduire  plus  exactement 
ce  paflage  ,  que  le  fait  notre  Au- 
teur. Il  l'accompagne  de  quelques 
remarques  dont  nous  citerons  un 
exemple  dans  un  moment ,  mais  à 
la  place  defquelles  il  auroit  pu  in- 
férer d'importans  préceptes  pour  la 
préparation  d'un  remède  aullï  utile 
que  le  tartre  émétique.  Il  auroit  pu 
marquer  entre  autres  chofes ,  com- 
ment il  faut  s'y  prendre  pour  don- 
ner à  l'antimoine  divers  degrez 
d'éméticité.  La  variété  des  corps  & 
leur  fenfibilité  demandent  fouvent 
divers  genres  d'émétiques  -,  celui 
dont  nous  venons  de  voir  la  pré- 
paration ,  eft  fans  doute  le  plus  vif. 
Nous  obferveions  à  ce  fujet ,  qu'en 


<ji4  JOURNAL   D 

prenant  deux  parties  de  nître  & 
une  partie  d'antimoine ,  on  a  en 
les  faifant  détonner  ,  une  matière 
blanchâtre  qui  fait  un  émétique 
extrêmement  doux  ;  &  qu'en  pre- 
nant égales  parties  de  nître  &  d'an- 
timoine ,  en  les  faifant  détonner  , 
&  joignant  enfuite  à  la  matière  dé- 
tonnée ,  partie  égale  de  crème  de 
tartre  ,  on  fait  un  tartre  cinétique 
foluble  qui  agit  fans  violence  ;  ces 
obfervations  ,  &  quelques  autres 
femblables  n'auroient  pas  été  hors 
de  prooos  dans  un  article  comme 
celui  de  l'émetique. 

L'Auteur  au  refte  preferit  feru- 
puleufement  (  &  c'eft  ici  une  de 
ces  remarques  dont  nous  venons 
de  dire  que  nous  citerions  un 
exemple  )  il  prr ferit  fcrupuleufe- 
ment  de  ne  point  faire  cryftallifer 
le  tartre  ftyné.  Parce  que,  dit-il, 
la  crème  de  tartre  cryftallifée  feroit 
moins  émérique.  Quelques  Lec- 
teurs oppoferont  peut  être  à  cela  , 
l'expérience  en  foûtenant  qu'ils  ont 
fouvent  trouvé  les  cryftaux  extiê- 
mement  émétiques.  Peut  -  être 
iront  -  ils  jufqu'à  prétendre  que  la 
cryftalifation  eft  préférable  ,  &  ce- 
la pour  les  raifons  fuivantes  :  Sça- 
voir ,  que  lorfqu'on  prend  le  Sa- 
phran  des  métaux  &  le  verre  d'an- 
timoine ,  Que  l'on  pulverifc  ces 
matières  en  les  joignant  avec  la  crè- 
me de  tartre,  qu'on  les  fait  bouil- 
lir, &  qu'on  filtre  la  liqueur  bouil- 
lante ,  il  pa(Te  du  Saphran  des  mé- 
taux ,  &  même  du  verre  d'anti- 
moine -,  cela  pofé  ils  demanderont 
quel  refidu  l'on  a  donc  lorfqu'on 
fait  évaporer  cette  liqueur  jufqu'à 


ES  SÇ  A  VAN  S, 

ficciré  ?  On  a  ,  fans  doute  ,  de  U 
crème  de  tartre  ,  répondront  -  ils  , 
on  a  du  fel  foluble  ,  on  a  le  Sa- 
phran des  métaux  en  fubftance  ,  on 
a  même  de  la  poudre  de  verre  d'an- 
timoine ,  on  a  la  matière  émétique 
qui  s'attache  à  l'acide  de  la  crème. 
de  tartre  }  ce  qui ,  tout  enfcmble , 
forme  un  émétique  violent  ,  en 
forte  ,  concluront  -  ils ,  qu'il  vaut 
beaucoup  mieux  donner  un  tartre 
émétique  foluble  cryftallifé,tel  que 
M.  Duclos  le  donnoit  ;  l'expérien- 
ce journalière  ,  ajoûteront-ils  ,  fait 
foi  qu'il  rcuiïir ,  puifqu'il  procure 
le  vomiftement  &:  qu'il  purge. 

Nous  remarquerons  en  partant , 
que  la  cryftalhfation  dont  il  s'agit, 
a  quelque  chofe  de  parriculier. 
C'eft  qu'on  y  voit  beaucoup  de 
houpes  autour  des  molécules  du 
fel  ,  &c  que  ces  houpes  viennent 
fans  doute  de  l'antimoine. 

Notre  Auteur  dit  que  Je  Safran 
des  métaux  Se  le  verre  d'antimoine 
ne  fe  diffolvent  pas  parfaitement ,  & 
qu'il  en  refte  toujours  fur  le  filtre  , 
mais  fi  M.  Malouin  étoit  entré 
dans  les  recherches  que  nous  ve- 
nons de  faire ,  peut-être  fe  feroit  il 
difpenfé  de  mettre  en  avant  une 
propofition  comme  celle  -  là  ,  qui 
fuppofe  que  le  Safran  des  méraux 
&  le  verre  d'antimoine  fe  dirtol- 
vent  ;  puifquc  c'eft  comme  fi  l'on 
difoit  que  l'antimoine  fe  difiout 
quand  on  fait  du  kermès. 

L'antimoine  en  verre  &  en  foi> 
me  de  fafran  ,  donne  quelque 
chofe  au  fel  ,  comme  les  corps 
odorans  donnent  quelque  chofe 
aux  corps  qui  les  environnent , 
mais 


'     Ô  C  T  O  B 

mais  eft- ce  là  une  diffolution  >  de- 
manderont quelques  Lecteurs.  Ils 
foûtiendront  fans  doute  ,  que  ce 
n'eft  pas  le  défaut  de  cette  préten- 
due folution  qui  fait  qu'il  refte  de 
l'antimoine  fur  le  filtre  ,  n'y 
ayant  rien  d'étonnant  qu'après  la 
filtration  ,  il  en  puiffe  refter.  Mais 
ce  qui  leur  paroîtra  peut-être  fur- 
prenant,  c'eft  de  voir  qu'on  ajoute 
comme  une  remarque  finguliere, 
que  ce  qui  refte  furie  filtre,peut  fe 
réduire  en  régule  par  le  moyen 
d'une  matière  graffe. 

M.  Malouin  vient  enfuite  à  l'u- 
fage  médicinal  du  tartre  émétique; 
nous  lailïbns  aux  Praticiens  qui 
fçauront  manier  ce  remède ,  &  qui 
connoiffent  les  différentes  façons 
de  l'employer  félon  les  occurren- 
ces, à  juger  de  ce  que  notre  Auteur 
écrit  fur  ce  fujet  :  Il  dit  »  qu'on 
»  fait  prendre  le  tartre  émétique 
»  jufqu'à  quatre  grains ,  quelque- 
»  fois  jufqu'à  cinq  ,  rarement  juf- 
»  qu'à  fix  ,  &  qu'on  le  diffout  or- 
»  dinairement  dans  une  pinte 
»  d'eau  ,  pour  quatre  prifes ,  met- 
a>  tant  une  heure  &  demie  d'inter- 
»  valle  entre  chaque  prife ,  &  ob- 
»  fervant  que  fi  les  deux  ou  trois 
3j  premières  ont  fait  vomir ,  &  ont 
»  purgé  fuffifamment ,  il  ne  faut 
»  pas  donner  la  troifiéme  ou  qua- 
si triéme. 

Voilà  tout  ce  que  notre  Auteur 
remarque  fur  la  manière  d'em- 
ployer le  tartre  émétique. 

Nous  finirons  notre  expofé  par 

l'article  de  l'extrait  de  Genièvre  , 

&  par  celui  de  la  quinteffence  d'ab- 

fynthe.  L'extrait  de  Genièvre  eft 

OUobre. 


RE,     175  4:  7ij 

un  des  meilleurs  remèdes  qu'on 
puiffe  mettre  en  ufage  contre  le 
mauvais  air  ,  contre  les  foibleffes 
d'eftomac,  &C  contre  la  gravellc. 
Mais  tout  le  monde  n'en  connoît 
pas  la  préparation.  Voici  celle  que 
M.  Malouin  preferif,  nous  laiffons 
à  la  Faculté  de  Médecine  de  Paris  , 
qui,dans  fon  Code  Médicamentai- 
re  ,  vient  de  marquer  la  manière  de 
faire  cet  extrait ,  à  porter  là-deffus 
fon  jugement.  M.  Malouin  veut 
qu'on  pile  les  bayes  de  Genièvre  , 
qu'on  les  me'tte  dans  une  cucurbi-1 
te  ,  qu'on  y  ajoute  la  dixième  par-i 
tie  de  miel ,  qu'on  verfe  fur  le  tout 
de  l'eau  chaude  ,  jufqu'à  ce  que  les 
bayes  commencent  à  être  couver- 
tes d'eau  ,  qu'après  avoir  laiffé  le 
tout  en  cet  état ,  pendant  cinq  ou 
fix  jours  dans  un  lieu  modérément 
chaud ,  on  mette  la  cucurbite  au 
bain-marie  ,  qu'enfuite  ayant  ajufte 
à  la  cucurbite  un  chapiteau ,  &  au 
bec  du  chapiteau,  un  récipient ,  on 
faffe  un  feu  doux  ,  que  l'on  con- 
tinue ce  feu  jufqu'à  ce  qu'il  ne  di- 
ftille  plus  qu'une  eau  iniîpide  ; 
Qu'après  cela  on  délute  les  jointu- 
res ,  &  qu'ayant  mis  à  part  la  li- 
queur qui  fera  dans  le  récipient, 
laquelle  eft  l'efprit  ardent  de  Ge- 
nièvre ,  &  en  ayant  féparé  l'huile 
qui  en  eft  la  quinteffence ,  on  pren- 
ne le  marc  qui  reftera  dans  la  cu- 
curbite ,  qu'on  le  mette  à  la  preffe 
&  qu'on  en  faffe  évaporer  jufqu'à 
conliftance  de  miel  épais,  la  liqueur 
qui  en  découlera.  Cette  liqueur 
épailiîe  ,  dit  notre  Auteur ,  eft  ce 
qu'on  nomme  extrait  de  Genièvre. 
Telle  eft  la  méthode  que  preferit 

lui 


7i6"         JOURNAL    DE 

M.  Malouin  ,  fuivj^t  quelques  Li- 
vres ,  pour  l'extrait  dont  ils'agit. 
Voici  à  prefsnr  celle  que-  preferit , 
pour  le  même  fujet ,  la  Faculté  de 
Médecine  de  Puis  ,  dans  fon  Co- 
de MédicamentaKe. 

R.  Baccartim  j::niperi  Vibras  diutr} 
biim  Tel  tridui  rnacereniH*-  in  aqv.s, 
ferventis  libris  oElo.  Bulliam  per  duas 
horas  ,  exprime  ,  Uqnor  rsfidendo  de- 
fœcatits  ,  coletur  per  manicam  ,  & 
vaporet  Balneo-maris  adextracli  con- 
fiflentiam. 

C'eft-à-dire  :  »  Prenez  deux  li- 
»  vres  de  graines  de  genièvre.  Met- 
»tez-les  dans  huit  livres  d'eau 
»  bien  chaude  ,  &  les  y  laiflez  pen- 
sa dant  deux  ou  trois  jours.  Faites- 
»  les  enfuite  bouillir  dans  la  même 
a>  eau  ,  l'efpace  de  deux  heures-, 
»  puis  exprimez  ,  Si  la  liqueur  qui 
»  fortira  laiflez  la  repofer  quelque 
»  tems  ,  pour  la  palier  après  par  un 
»  couloir  ;  Quand  elle  fera  palïée , 
»  faites-la  évaporer  au  bain-marie  , 
»  en  confiftance  d'extrait.  Voilà  le 
procédé  que  preferit  la  Faculté  de 
Médecine  de  Paris ,  pour  faire  l'ex- 
trait de  genièvre.  Procédé  d'autant 
plus  digne  d'attention  que  cette 
fçavante  Faculté  le  preferit  dans  un 
Code  drefle  exprès  par  elle,  pour 
fervir  de  règle  aux  Apotiquaires  5c 
auquel  elle  veut  qu'ils  s'aflujettif- 
fent  abfolument ,  jufques  là  même 
qu'elle  a  obtenu  un  Arreft  du  Par- 
lement pour  les  y  obliger. 

Selon  cette  méthode,on  ne  pile 
point  les  grains;  &  par  confequent 
on  ne  communique  point  à  l'ex- 
arait  ,  la  qualité  des  pépins  ou 
noyaux  qu'ils  contienne nr,  laquel- 


S     SÇAVANS'j 

le  n'eu  pas  ballamique  comme 
celle  du  grain;  de  plus  on  n'em- 
ployé pas  le  miel  ,'  dont  l'addition 
empêche  que  l'extrait  ne  foit  auflî 
put  Se  aufli  naturel  qu'il  doit  l'être. 

L'extrait  de  genièvre  dont  il  s'a- 
git ,  eft  le  fimple  ;  mais  il  y  en  a 
un  double  ,  extrcMum  Juniperi  dtt- 
plicdium  ,  dont  notre  Auteur  ne 
parle  point ,  lequel  fe  fait  en  mê- 
lant dans  la  liqueur  cpaiflîe  ,  l'ef- 
prit  ardent  ,  &  la  quinteflence 
qu'on  a  tirée  du  genièvre  parla  di- 
ftillation.  Cet  extrait  eft  beaucoup 
plus  adtif  que  le  premier  ;  il  y  a  des 
cas  où  il  convient  moins  ,  &  d'au- 
tres où  il  convient  mieux. 

Quant  à  la  quinteflence  d'abfyn- 
the  ,  M.  Malouin  ,  après  en  avoir 
rapporté  la  préparation  ,  fait  en- 
tendre que  fouvent  les  Apotiquai-i 
re3  n'appréhendent  pas  de  fubfti- 
tuer  une  faufle  quinteflence  d'ab- 
finthe, à  la  véritable.  Voici  fes  paro- 
les. 

»  LesApotiquaires  ne  font  point 
»  dans  l'ufage  de  faire  la  quintef- 
»  fence  d'abfinthe  ,  ce  qui  prive 
»  la  Médecine  d'un  grand  remède  ,' 
»  ôc  ils  donnent  fouvent  ,  poui 
»  quinteflence  d'abfinthe  ,  une 
»  compofition  faite  avec  la  canelle, 
»le  girofle,  l'écorce  de  citron  & 
»  les  fommitez  d'abfinthe.  Us  ver- 
»  fent  fur  le  tout ,  de  l'efprit  de 
»  vin  ,  &  après  l'avoir  laifle  quel- 
=»  que  tems  en  digeftion,  ils  en  font 
»  la  diftillation.  Ce  qui  a  engagé  , 
=»  les  Apotiquaires  à  donner  cette 
»  liqueur  au  lieu  de  la  quinteflence 
»  d'abfinthe  ,  c'eft  le  grand  débit 
»  qui  fe  fait  de  la  quintelTence  ,  & 


OCTOB 

»  la  petite  quantité  qu'en  fournit 
»  l'abfinthe. 

Nous  ne  fçavons  fi  les  Apoti- 
quaires  font  capables  de  l'infidélité 
dont  les  accufe  ici  M.  Malouin  ; 
mais  en  cas  qu'ils  le  foient ,  ce  que 
nous  avons  bien  de  h  peine  à  croi- 
re ,  on  aura  obligation  à  M.  Ma- 
louin d'en  avoir  averti  le  Public  ; 
car  il  y  a  lieu  d'efperer  que  laFaculté 
de  Médecine  de  Paris^zclée  comme 
elle  eft  pour  le  maintien  du  bon  or- 
dre dans  la  Pharmacie  ,  ne  man- 
quera de  remédier  à  un  tel  abus. 

En  voilà  funifamment  pour 
donner  une  notion  de  ce  Traité  , 
qui ,  au  refte  ,  fi  l'on  en  excepte 
certains  articles  ,  eft  peu  différent 
du  cours  de  Chymie  que  l'Auteur , 
étant  encore  Bachelier  en  Médeci- 
ne, fit,  il  y  a  quelques  années  dans 
le  Jardin  du  Roi ,  à  la  place  de  feu 
M.Geoffroy,  &  dont  deux  Appro- 
bateurs de  fon  Livre  ,  rappellent  le 
fouvenir.  Mais  ,  comme  nous  le 
difons ,  il  en  faut  excepter  certains 
articles:  ces  articles  font ,  i°.  Le 
reproche  que  fait  M.  Malouin  aux 
Apotiquaires  ,  de  débiter  pour 
quinteiîence  d'abfinthe,  une  com- 
pofition  qui  n'eft  point  cette  quin- 
teffence  •,  i".  Ce  que  nous  avons 
obfervé  qu'il  a  extrait  du  nouveau 
Code  de  la  Faculté  ;  30.  Ce  qui  fe 
lit  dans  les  neuf  dernières  lignes  de 
îa  dernière  page  du  Volume ,  fça- 


R  E;    Ï7Î4-'      f       717 

voir  j  Qu'on  a  apporté  d'Angle- 
terre ,  dans  ces  derniers  tems ,  une 
liqueur  nommée  Stotum,qu'on  van- 
te pour  l'cftomac  &  contre  le  fcor- 
but ,  laquelle  n'eft  point  la  même 
chofe  que  les  goûtes  d'Angleterre, 
&  qui  eft  faite  avec  des  écorces 
d'oranges  ameres  ,  de  la  cartine, 
&  un  peu  de  Safran  Oriental. 

C'eft  par  cet  avis  quefe  termine 
le  Traité  ;  mais  qu'il  nous  foit  per- 
mis de  remarquer  que  la  liqueur 
dont  il  s'agit  ,  que  notre  Auteur 
nomme  Stotum ,  s'apelle  VElixir  de 
Stoughton ,  ou  à' Angleterre  (  en  An- 
glois  Stoughton' s  Eltxir  )  Se  que  fe-j 
Ion  le  Dictionnaire  Médicinal  im- 
primé à  Bruxelles  en  1733.  in-xzl 
cet  élixir  de  Stoughton  ,  fe  prepa-' 
re  avec  une  poignée  d'abfinthe,' 
autant  de  Gentiane  ,  autant  de 
Chamxdris,  autant  dTcorces  d'o- 
ranges ameres ,  quatre  drachmes 
de  rhubarbe  &  deux  drachmes  d'a- 
loës  ,  qu'on  fait  infufer  enfemble 
dans  quatre  livres  d'efprit  de  vin,' 
l'efpace  de  1 5  jours ,  après  quoi  on 
filtre  la  liqueur  ,  &  on  la  conferve 
dans  des  bouteilles ,  pour  s'en  fer- 
viraubefoin  ,  qui  eft  d'en  prendre 
environ  25  goûtes  plus  ou  moins 
félon  l'âge  ,  foit  dans  du  vin ,  foit 
dans  du  Thé  ,  foit  dans  l'eau ,  lorf-; 
qu'on  eft  attaqué  de  quelque  mala; 
die  où  les.  amers  conviennent. 


Lilîij 


718         JOURNAL    DES    SÇAVANS, 


NOVVELLES     LITTERAIRES. 


SUISSE. 
De  Genève. 

PErachon  de  Cramer  ont  mis  en 
vente  le  premier  Volume  d'u- 
ne Bibliothèque  de  tous  les  Au- 
teurs Eccteiïaftiques  ,  depuis  la 
Création  du  Monde  jufqu'à  pre- 
fent  a  rangée  félon  l'ordre  alphabé- 
tique ,  dont  voici  le  titre  : 

Alagna  B.b'iotheca  Ecclefîaf}ica3 
Jîve  Notifia  Scriptorum  Ecclejiaftico- 
ritm  Veterwn  ac  recentiomm  ,  in  qua 
ordine  alphabetico  continetnr  Auto- 
rum  Sacrorum  Veteris  &  Novi  Te- 
(tamemi ,  Autorum  Apoflolicorum  & 
SantlorumPatrum  Vit &  Compendiumy 
&  eomm  Script  a  enumerantur.  S  S. 
Script  ura  Interprètes  ,  Paraphraftœ  s 
Comment •autres,  Critici  ,  nec  non  SS. 
Evangelii  Concionatores  :  Hiftoria 
jEcclefîaftic* ,  S.  TheologU  Dogmati- 
ct ,  Scolajiic*  &  Moralis  ,  Cafttum 
confeientiét ,  Jttris  Canonici ,  Polemi- 
ci ,  Aiifiici ,  c\rc.  Cujufcumque  "Rj- 
ligionis  ac  Seélx  Scriptores  ,  Jtmttl  & 
Conciliomm  omnium  ,  tam  genera- 
iium  quam  Partie -al arinm  Hijîoria  & 
"Décréta  exhibent  ur.  P  artifice  s  Roma- 
ni ,  eorumque  Vit  a ,  Scripta  &  BhIU 
indicantur  ,  tum  qua  in  Bidlario  } 
tkm  ctut,  extra  Bullarium  habentitr. 
Eonlatores  Ordinum  Religiofomm 
refentntur. Scriptontm  O.tus,  isEtas, 
Dotlrina  }  prxcipH*  res  gefa  ,  &c, 


Eorum  Opéra  genuina ,  Spuria  ,  du~ 
biajîtppvjîtitia  ,  illommcjue  Editiones 
accusât:  recenfenlur  \  depcrditapr£. 
tereà  }  attpit  me  Uta  ,  notantttr.  Ad- 
diti; ,  ut  phtrimhm  ,  de  fïngnlorurn 
DnUrina  ac  fidoy  eruditorum  jndiciis. 
Cttm  Indice  Auiornm  &  Concilio- 
rttm.  Qmnia  ab  orbe  condito  5  ad  no~ 
flra  uftjue  tempera.  Opéra  &  fludio 
*  *  *  Jur.  Canon. DoEloris  & aliorum. 
Tomus  primas.  Lin.  A.  ColonU  , 
Allobrogum.  Sumptibus  Perachon  & 
Cramer.  1734. 

Ce  premier  Volume  fe  vend  à 
Paris ,  chez  F.  Montalant ,  Impri- 
meur-Libraire ,  fur  le  Quai  des  Au- 
guftins ,  à  la  Ville  de  Montpellier. 

FRANCE. 

D  E    S  TRA  SBOURG. 

DulJ/ècker  débite  une  quatrième 
Edition  de  l'Ouvrage  de  Mon- 
fîeur  Heineccius  ,  célèbre  Jurif-' 
con fuite  ,  &  Profelfeur  dans 
l'Univerfité  de  Francfort  fur  l'O  - 
der  ,  lequel  eft  intitulé  :  Joan. 
G  oui.  Heineccii  Jfli ,  Sec.  Antitjui- 
tatum  Romanarum  <Jurifprudemiam 
iUifflrantium  Syntagma  fecundîtm  or- 
dinem  injîitutioniim  Jujiimani  dige- 
flum  ,  in  que  multa  Juris  Romani  at-, 
que  Aittlorum  veterwn  loca  explican- 
tur  au/ne  illitftrantur.  Editio  quarte. 
auc7ior&  emendatior.  1734.  /*-8°. 


o  c  t  o  : 

De  Bordeaux. 

Programe  de  l'^4cadémie  Royale  des 
Belles- Lettres ,  Sciences  &  Arts. 

»  L'Académie  ayant  été  obligée 
»  de  referver  les  deux  Prix  qu'elle 
»  devoit  diftribuer  cette  année  , 
»s'elt  déterminée  à  propofer  les  mê- 
»  mes  fujets  pour  l'année  prochai- 
»nei  fçavoir,  pour  l'un  des  deux 
»  Prix  ,  la  Formation  des  Pierres  ;  8c 
»pour  l'autre  t  la  caufe  de  la  dureté } 
»  molejje  &  fluidité  des  corps.  Chaque 
»  prix  elt  une  Médaille  d'or,  tonde 
»  à  perpétuité  par  feu  M. le  Duc  de 
m  la  Force  ,  de  la  valeur  de  trois 
»  cens  livres. 

»  On  pourra  renvoyer  les  mê- 
»  mes  Dilîertations  avec  les  cor- 
»>  re&ions  &  les  additions  qu'on 
»  jugera  utiles.  Elles  ne  feront 
»  reçues  que  jufques  au  premier 
w  Mai  prochain  inclufivement ,  & 
»  elles  pourront  être  en  Latin  ou 
»  en  François.  On  recommande 
»  qu'elles  foient  écrites  en  caradte- 
»>resbien  lifibles. 

3>  Pour  donner  aux  Auteurs  le 
»  tems  necefTaire  à  la  perfection  de 
»  leurs  Ouvrages ,  l'Académie  leur 
a>  propofe  à  prefent  les  deux  Sujets 
a»  des  deux  Prix  qu'elle  diiîribuera 
»  le  25  d'Aouft  17  5 6".  Le  premier  , 
»  fur  ï'atlion  &  l'utilité  des  Bains. 
3»  Le  fécond  ,  fui  la  caufe  desTrem- 
vtblemensde  Terre.  Les  Diflertations 
»  feront  reçues  jufqu'au  premier 
s»  de  Mai  de  la  même  année  1736. 

»  Au  bas  des  Diflertations ,  il  y 
?»  aura  une  Sentence  ,  &  l'Auteur 


î  R  E,  1734.  7ip 

«mettra  dans  un  billet  féparé  &c 
»  cacheté  ,  la  même  Sentence,  avec 
t  fon  nom  ,  fon  adrefle  &  fes  qua- 
»  lirez  ,  d'une  façon  qui  ne  puilîc 
»  pas  former  d'équivoque. 

Les  Paquets  feront  affranchis  de 
fort  ,  &  adreffés  à  M.  Sarrau  , 
Secrétaire  de  l'Académie  ,  rué  de 
Goitrgues ,  ou  ait  Sieur  Brun  ,  Im- 
primeur Agrégé  de  l'Académie  rué 
S.  Jâme. 

»  On  trouve  chez  ledit  Sieur 
»  Brun  ,  le  Recueil  complet  en  4. 
3>  vol.  in- il.  de  toutes  les  Diflerta- 
»  tions  qui  ont  remporté  le  Prix  ,' 
»  par  le  Jugement  de  l'Académie 
»  de  Bourdeaux. 

De     Paris; 

La  Veuve  Manières  &  J.  B.' 
Garnier ,  rue  S.  Jacques ,  à  la  Pro- 
vidence ,  ont  mis  en  vente  le  fé- 
cond Tome  de  la  fuite  des  Traitez 
de  Théologie  de  M.  Toitrnely  ,  fous 
ce  titre  :  Cominuatio  Praletlionum 
Theologicarum  Honorait  Tournely  , 
five  Traclatus  de  ZJniverfà  Theologià 
Morali.  Tomus  fecundus  continens 
Traclatus  I.  de  virtute  Religionis.  IL 
de  Beneficiis  &  Simonia.  III.  de  Ac- 
tibus  humams.  Opus  ad  Juris  Roma- 
ni &  Gallici  normam  exaUum.  1734, 
in  -  8°. 

Traitez,  de  Pénitence ,  »  qui  con-; 
«tiennent  les  Maximes  de  la  Péni- 
»>  tence  ,  tirées  des  fept  Pfeaumes 
»  de  David  ,  qu'on  appelle  Péni- 
»  tentiaux.  La  Pénitence  des  Pfeau- 
»  mes  ,  ou  les  Maximes  de  la  Péni- 
»  tence  tirées  des  autres  Pfeaumes. 
»  La  Pénitence  desfoibles.  LaPé- 


<\*o         JOURNAE   DES    SÇAVANS, 

»  nitence  des  forts.  La  Pénitence  a  raifonné  de  leurs  Pièces ,  accom- 

»  des  Pafteurs.  La  Pénitence  abre-  »>  pagnes  de  Notes  Hiftoriques  & 

»  gée.  Les  fentimens  de  Pénitence.  »  Critiques.  Tome  premier.    Chez 

»  La    Pénitence    toute    comprife  André  Monn  ,  rue  S.  Jacques  ,  a 

»  dans  le  fixiéme  verfet  du  Pfeau-  l'Image  S.  André  \  &  Flahault ,  au 

m  me  fix.  Par  M.  H  *  *  *.  Chez  Palais ,    Gallerie  des  Prifonniers. 

J.  B.  &c  Jean  -  Thomas  Hêrijfant  ,  1734.  '«- 1 2. 

rue  Neuve  Notre-Dame,  aux  trois  II  paroîtra  au  commencement 

Vertus.  1734.  in- 12.  du  mois  de  Novembre   prochain 

Hiftoire  du  Théâtre  François  de-  une  féconde  Edition  du  Traité  de 

puis   fin    origine   jufiju'a    prefent.  l'Opinion  3  à  laquelle  l'Auteur  (  M.' 

«Avec  la  Vie  des  plus  célèbres  Le  Gendre  de  S.  Aubin  )  a  fait  des 

»  Poètes  Dramatiques  ,  des  Ex-  changemens  coniîderables. 
«traits  exacts  ,  &  un  Catalogue 


Fautes  à  corriger  dans  le  Journal  de  Septembre  1734. 

PAge  633.  col.  1.  ligne  18.  comme,  lifiz. telles  que  :  Ibid.  col.  zl 
lig.  7.  28  ans,  Uf.  88  ans  :  Pag.  £34.  col.  2.  lig.  4.  &  5. l'Ouvrage 
dont  il  s'agit  ,  renferme  l'Hiftoire  ,  Ufil^,  l'Ouvrage  dont  il  s'agit  eft 
divifé  en  trois  Parties,  la  première  renferme  l'Hiftoire  :  Pag.  £37.  col.i. 
lig.  20.  &  11.  des  métaux  &  des  minéraux  ,  Uf.  des  métaux  &  des  autres 
minéraux. 


TABLE 

Des  Articles  contenus  dans  le  Journal  d'Odob.  1734.' 

Hlftoire  de  l'Académie  Royale  des  Sciences ,  &c.  page    661 

Code  Criminel  des  Suiffes  ,  &c.  6j$ 

Hiftoire  Critique  de  Mamchée  &  du  Manichèifme  ,  677 

Lettres  édifiantes  &  curieufes  ,  écrites  par  des  Miffionnaires  de  la  Compagnie 
de  Je fus  ,  682 

Recueil  des  Ecrivains  de  l'Hiftoire  d'Italie  '  .  689 

Recueil  de  tous  les  Fragmens  &  de  tous  les  Eloges  de  Siipho  de  Lefbos,  &C  6j6, 
Traité  de  Chymie  ,  par  M.  Malouin  ,  &c.  702 

Nouvelles  Littéraires ,  718 

Fin  de  la  Table. 


I  E 


JOURNAL 

SCAVANS 

b 

POUR 

L'ANNEE     M.    DCC.     XXXIV- 

NOVEMBRE. 


A      PARIS, 

Chez     CHAUBERT,     à  l'entrée    du  Quay   des 

Auguftins,  du  côté  du  Pont  Saint  Michel,  à  la 

Renommée  &  à  la  Prudence. 


M.    DCC.   XXXIV. 
AVEC  APPROBATION  ET  PRIVILEGE  DU  ROY. 


■mm  mmmmm  u^^g— ^ — — 


L  E 

JOURN 


DES 


SCAVA 


NOVEMBRE    M.   D  C  C.  X  X  X  I  V. 

HISTOIRE    DE    L'ACADEMIE    ROYALE    DES    SCIENCES. 

Année  173 1.  <rcw  /«  Mémoires  de  Adatkématie/ue  &  de  Phy/îjue  3  pour 
iamême  année  ;  tirés  des  Regifires  de  celte  Académie.  A  Paris  de  l'Im- 
primerie Royale.  1733.  in -40.  pp.  \  1 1.  pour  l'Hiftoire.  pp.  514.  pour 
les  Mémoires.  Planches  détachées  33. 

APRES  avoir  parlé  ,    dans  fentement  à  rendre  compte  de  ceux 
notreJournald'Oclrobreder-  qui  concernent  la  Chimie  ]  la  Bota- 
nier  ,   des  articles  de  Phyjique  gé-  nitjnc  ,  Scies  Mathématiques. 
nérale    &   àAnatomie  3  contenus  On  ne  trouve  ici  que  trois  arti- 
sans ce  Volume  ,  il  nous  refte  pre-  clés  de  Chimie.  Le  premier  fur  uni 
Novembre.  M  m  m  m  i.j 


724        JOURNAL    DE 

nouvelle  efpece  de  végétation  métalli- 
que y  eft  de  M.  de  la  Condamine  -,  le 
fécond,  fur  le  fel  de  Seignette  \  &c  le 
troifiéme  fur  celui  d' Ebfom  ,  font 
dûs  ,  l'un  &  l'autre  ,  à  M.  Boulduc. 
Ces  trois  articles  paroifîent  dans 
l'Hiftoire  ,  &  parmi  les  Mémoires. 
Nous  en  donnerons  l'Extrait. 

I.  Les  végétations  chimiques  ont 
déjà  fait  l'objet  de  quelques  Mé- 
moires imprimés  dans  les  Recueils 
de  l'Académie.  Feu  M.  Homberg  y 
en  1710.  donna  une  théorie  généra- 
le de  ces  végétations  ,  qu'il  diftri- 
buoit  en  trois  clafTes.  M.  Petit  le 
Médecin  ,  en  17x2.  examina  cette 
matière  feulement  dans  le  genre 
des  fels  ,  £  qul  forment  la  troifié- 
me clafTe  de  M.  Homberg  ]  &  en 
compofa  deux  Mémoires,  dont  le 
précis  parut  dans  le  dernier  Jour- 
nal de  1725.  La  nouvelle  efpece  de 
végétation  que  M.  de  la  Condamine 
fe  propofe  de  décrire  &  d'expli- 
quer ici ,  &  qui  eft  produite  par 
des  métaux  diftbus ,  fembleroit  ap- 
partenir à  la  féconde  clalfe  de  M. 
Homberg.  Mais  notre  Académicien 
en  feroit  volontiers  une  quatrième 
clalTe,  à  caufe  d'une  fingularité  qui 
la  caraderife  ,  &  la  diftingue  de 
toute  autre  végétation.  Cela  confi- 
fte  à  s'étendre  à  plat  fur  une  furfa- 
ce  ,  fans  aucun  relief  ni  aucune 
épailfeur  fenfible  :  &  fur  ce  pied- 
là  ,  le  nom  de  végétation -plane  ,  lui 
conviendrait  parfaitement.  Voici 
donc  comme  on  doit  s'y  prendre 
pour  faire  paroître  ces  fortes  de 
végétations  métalliques. 

On  verfe  fur  une  Agathe  polie 
ou  fui  un  morceau  de  verre  plat 


S    SÇAVANS, 

quelques  goûtes  de  folution  d'ar- 
gent faite  par  l'efprit  de  nître  ,  & 
après  les  avoir  étendues  fur  le  ver- 
re fitué  horizontalement  ,  ou 
place  au  milieu  de  la  liqueur  épan- 
chée la  tête  d'un  clou  de  fer  ;  ce 
qui  d'abord ,  excite  une  petite  fer- 
mentation tus  -  vifible  autour  de 
celui  ci  ,  d'où  partent  en  tous  fens 
de  petits  filets  ai  gentés  èV  très-fins^ 
qui  croiffant  à  vue  d'oeil ,  forment 
quelque  tems  après  diverfes  figu- 
res d'arbrifteaux  avec  des  brancha- 
ges très-diilincT:s,  fubdivifés  en  pe- 
tits rameaux  qui  rempliffent  tout 
l'efpace  que  couvre  la  liqueur  ,  juf- 
qu'a  plufieurs  pouces  de  diftance. 
D'ordinaire  ,  toutes  ces  ramifica- 
tions, même  les  plus  déliées ,  ne 
pourraient  être  plus  parfaites  ,  fi 
on  les  avoit  deftinéesavec  foin  ;  & 
cette  exactitude  fe  remarque  égale- 
ment dans  celles  qui  ne  peuvent  fe 
découvrir  qu  à  la  faveur  d'une  lou- 
pe. 

M.  de  la  Condamine ,  encoura- 
gé par  le  grand  fuccès  de  cette  pre- 
mière expérience  ,  en  a  tenté  plu- 
fieurs autres  fur  divers  métaux  &c 
nous  en  donne  ici  le  détail  en  com- 
mençant par  l'or.  Sa  dilTolution 
étendue  fur  une  glace,  &  au  mi- 
lieu de  laquelle  on  met  un  petit 
morceau  de  cuivre ,  de  léton  ,  d  e- 
tain  ,  de  plomb  ,  de  zinK  ou  de 
bifmuth  ,  végète  comme  celle  de 
l'argent,  mais  feulement  jufqu'à  la 
la  diftance  de  3  ou  4  lignes  à  la  ron- 
de,Si  avec  plus  ou  moins  dediftinc- 
ction,de  régularité  &  de  vîcelïe,fui- 
vant  les  fubftances  métalliques  em- 
ployées dans  cette  opération.  Nous 


N  O  V  E  M 

renvoyons  au  Mémoire  de  l'Aca- 
démicien ,  quant  à  fes  expériences 
fur  la  végétation  des  autres  métaux; 
&c  nous  venons  à  la  manière  dont  il 
explique  le  méchanifme  général  de 
toutes  ces  végétations. 

Il  en  fuppofe  d'abord  pour  prin- 
cipe la  caufe  de  toutes  les  précipi- 
tations chimiques , opérées,  com- 
me l'on  fçait ,  par  la  plus  grande 
facilité  que  trouve  un  dilfolvant 
chargé  d'un  métal  diffous  ,  à  s'unir 
avec  un  autre  corps  qu'il  rencontre 
&  qui  lui  fait  abandonner  le  pre- 
mier dont  il  avoit  faitdiffolution  , 
lequel  fe  précipite  au  fond  du  vaif- 
feau  ,  après  une  fermentation  plus 
ou  moins  vive.  La  même  chofe  ar- 
rive dans  le  cas  dont  il  s'agit.  La 
folution  d'argent  répandue  fur  le 
verre  ,  &  qui  environne  la  tête  du 
clou  de  fer  t  plus  facile  à  diffoudre 
que  l'argent,  s'infinue  dans  celle- 
là  ,  &  abandonne  celui  ci ,  dont  les 
particules  fe  précipitent  fucceflîve- 
ment  fur  l'endroit  même  du  verre 
où  elles  fe  rencontrent ,  lorfque  le 
JilTolvant  les  laiffe  en  liberté.  Or  il 
faut  concevoir  en  même  tems  que 
les  particules  de  la  liqueuren  vertu 
■de  leur  adhéfion  mutuelle  ,  font 
entraînées  vers  le  clou  de  fer  où  el- 
les trouvent  moins  de  refiftance  & 
où  la  fermentation  eft  plus  vive  ; 
&  qu'elles  forment  en  confequen- 
ce  plufieurs  petits  courans ,  qui  les 
portent  de  la  circonférence  au  cen- 
tre. 

Mais  [  dira-t  on  ]  pourquoi  ces 
petits  courans  ou  rayons  ,  qui  doi- 
vent être  droits ,  donnent-ils  à  l'ar- 
gent précipité    la  figure   de  ra- 


B  R  E  ,    ï7*4-  72;* 

meaux  ?  C'eft  à  quoi  contribue  une 
infinité  de  petites  caufes  ou  d'acci- 
dens  ,  qui  peuvent  altérer  la  recti- 
tude de  ces  rayons ,  &  qu'il  eft  faci- 
le d'imaginer.  Un  rayon  ou  cou- 
rant de  la  folution  détourné  de  fon 
droit  chemin  par  quelque  obftacle 
qu'il  rencontre  (  foit  inégalité  fur 
le  plan  ,  foit  particules  métalliques 
châtiées  d'ailleurs  )  va  fe  jetter 
dans  un  autre  courant ,  qu'il  forti- 
fie -,  d'où  refulte  l'apparence  de  ra- 
mification ,  comme  dans  une  Car- 
te Géographique  ,  une  pente  riviè- 
re paroît  une  branche  d'une  plus 
grande,  où  elle  tombe.  Les  parties 
de  la  liqueur  les  plus  éloignées  du 
centre  ,  ou  échappées  à  la  rapidité 
des  courans  ,  fe  cryftalliferont  à 
l'ordinaire  ,  fans  participer  à  la. 
précipitation  du  refte  de  la  li- 
queur, ôc  fans  reprefenter  aucuns 
rameaux. 

Que  le  verre  employé  à  cette  ex- 
périence ,  foit  incliné  ou  vertical, 
au  lieu  d'être  pofé  horizontale- 
ment ,  la  végétation  ne  laiflera  pas 
d'y  réuiTîr,  avec  cette  feule  différen- 
ce ,  que  l'arbrifleau  fera  plus  touffu 
au-delfus  du  centre  où  étoitlatcte 
du  clou  ,  qu'audeffous,  les  courans 
intérieurs  ayant  eu  plus  de  peine  à 
remonter  vers  ce  centre  ,  contre 
leur  propre  poids. 

L'expérience  faite  fur  une  goûte 
de  folution  expofée  au  foyer  d'un 
Microfcope  par  l'Académicien  , 
lui  a  fait  voir  distinctement  tout  le 
méchanifmede  ces  végétations  mé- 
talliques ,  tel  que  nous  venons  de 
le  rapporter  d'après  lui. 

Ces  végétations  fe  faifant  suffi 


72£  JOURNALD 

parfaitement  fur  les  verres  pu  gla- 
ces de  toutes  couleurs;  M.  de  la 
Condamine  ,  en  couvrant  d'une 
glace  tranfparente  la  glace  colorée 
&C  chargée  de  quelque  végétation  , 
ce  qui  peut  s'exécuter  par  un 
moyen  facile  ,  qu'il  mdiqne  ,  offre 
aux  yeux  un  feul  corps  ou  une  feu- 
le pierre,  vers  le  milieu  de  laquelle 
on  apperçoit  une  végétation  d'au- 
tant plus  agréable  qu'on  aura  eu 
foin  de  bien  alTortir  la  couleur 
avec  le  métal  di  flous. 

II.  La  grande  réputation  d'un  fel 
purgatif ,  connu  fous  le  nom  de  Sel 
Polycbrcfte  de  Seignette  ,  Médecin 
de  la  Rochelle,  a  piqué  la  cutiofité 
de  plulieurs  Chimiftes  ,  qui  ont  ei- 
fayé,  quoique  tort  inutilement  )uf- 
qu'ici  ,  de  découvrir  la  composi- 
tion de  ce  remede,dont  l'Inventeur 
s'étoit  refervé  le  fecret ,  qui  a  paffé 
à  fes  enfans.  M.  Boni  duc  a  été  plus 
heureux  que  les  Confrères,  dans 
cette  recherche  ,  &  après  plusieurs 
tentatives ,  dont  il  nous  donne  ici 
un  détail ,  &c  qui  tantôt  l'encoura- 
geoient ,  tantôt  lui  faifoient  pref- 
que  perdre  l'efperance  ,  il  efl  enfin 
parvenu  à  dévoiler  ce  myftere.  Ses 
premières  expériences  fur  le  fel  de 
Seignette ,  où  il  appercevoit  une 
odeur  de  tartre  brûlé  &  un  goût  li- 
xiviel ,  lui  rirent  foupçonner  d'a- 
bord que  ce  fel  pourrait  bien  être 
une  efpece  de  tartre  foluble.  Mais 
l'examen  des  rendus  des  diftilla- 
rions  de  l'un  &  de  l'autre  le  lailfoit 
dans  l'incertitude  fur  la  nature  du 
fel  lixiviel  combiné  avec  la  crème 
de  tartre  pour  la  rendre  foluble 
dans  le  fel  de  Seignette. 


E  S  SÇAVANS, 

Quelques  entretiens  avec  M. 
Groffe  fçavant  Chimifte,  fon  ami, 
lui  ouvrirent  les  yeux  ,  Se  h  firent 
penfer  au  fel  de  foude  ,  dont  il 
trouva  qu'une  forte  leiTîve  verfée 
toute  chaude  fur  de  la  crême  de 
tartre  en  poudre,  puis  filtrée,  éva- 
porée jufqu'au  tiers ,  £c  laiilee  en 
repos  dans  des  terrines ,  produifoic 
au  bout  de  quelques  jours  des  cry- 
ftaux  tout  femblablesà  ceux  du  fel 
de  Seignette  ,  pour  la  figure  ,  pour 
la  tranfparence ,  pour  la  faveur  , 
pour  l'odeur  ,  pour  la  facilité  à  fe 
tondre  dans  l'eau  froide,  lorfqu'ils 
font  pulvérifés.  L'exact  Se  curieux 
Artifte  nous  donne  dans  fon  Mé- 
moire ,  les  plus  jufles  dofes  des 
deux  fels  qui  doivent  entrer  dans 
cette  compolîtion  fi  accréditée  juf- 
qu'à  prefent,  mais  qui  n'étant  plus 
un  Ccctct ,  pourra  bien  perdre  une 
partie  de  fa  vogue. 

M.  Geoffroy  ,  qui,  à  l'infçu  de 
M.  Boulduc  ,  'travailloit  en  même 
tems  fur  la  même  matière  ,  y  fit  la 
même  découverte ,  Se  ils  en  firent 
part  à  l'Académie  l'un  Se  l'autre  , 
dans  h  même  affemblée.  On  fçait 
donc  aujourd'hui  3  que  le  fel  poly- 
chrefte  de  Seignette  n'eft  autre  chofe 
qu'une  crême  de  tartre  rendue  fo- 
luble par  l'alcali  de  la  foude. 

111.  La  fagacité  de  M.  Boulduc 
Se  fon  aflîduité  aux  opérations  chi- 
miques non  moins  utiles  que  cu- 
rieufes ,  l'ont  conduit  à  une  autre 
découverte  fur  la  nature  du  Sel 
d'Ebfom  ,  ainfi  nommé  d'un  Villa- 
ge voifin  de  Londies  ,  &  où  fc 
trouve  une  fource  d'eau  minérale  , 
qui  contient  ce  fel  amer.  Grew  ? 


NOVEM 

célèbre  Médecin  Anglois ,  le  fit 
connoître  au  Public  vers  la  fin  du 
dernier  fiécle.  Ce  fel,  d'abord  allez 
rare  ,  par  la  petite  quantité  qu'on 
en  pouvoit  tirer  de  la  lourçe  ,  de- 
vint au  bout  de  quelques  années  fi 
commun ,  Se  à  fi  bon  marché,  que 
la  fource  entière  d'Ebfom  ,  eût-elle 
été  convertie  en  pur  fcl  n'auroit 
pu  y  fournir;  ce  qui  fit  juger  que 
loin  d'être  produit  par  la  nature, 
ce  fel  fi  abondant  n'étoit  qu'un 
ouvrage  de  l'art.  Mais  il  s'agiiïoic 
de  découvrir  en  quoi  conliitoir 
l'artifice  ,  &  le  moyen  d'y  réuiîir  à 
peu  de  frais.  C'eft  fur  quoi  l'on  a- 
vû  paraître  plus  de  20  Mémoires 
publiés  par  divers  Auteurs  ,  mais 
fans  toucher  au  but ,  &  dont  l'Aca- 
démicien déduit  ici  les  differens 
procédez  chimiques ,  Se  les  réfute 
fondement  fans  épargner  même  ce- 
lui de  feu  M.  Bouiduc  fon  père,  qui 
n'eût  pas  manqué  de  reconnoître 
fon  erreur,  s'il  eût  vécu. 

Il  étoit  donc  refervé  au  fils  de 
trouver  ce  fel  dans  l'eau  de  la  mer, 
dans  celle  qui  refte  après  la  cuite  du 
felà  Ifigny  &  à  Toucques  en  Nor- 
mandie ,  Si  que  les  Ouvriers  ap- 
pellent Boitrons  ou  Egontes  ;  dans 
l'eau  des  Salines  de  Moyenvik 
Se  de  Salins ,  &c.  Se  M.  Bouiduc 
nous  rend  compte  ici  des  opéra- 
tions necelTaires  pour  tirer  un  fel 
amer  de  toutes  ces  eaux  ,  Se  qui  fé 
reduifent  à  une  manœuvre  fort 
fîmple.  Il  fuit  de  là  ,  que  nos  eaux 
falées  donnent  un  fel  amer ,  fem- 
blable  à  celui  d'Ebfom  vrai  ou 
faux  ,  par  la  faveur  ,  Se  par  la  ma- 
nière de  fe  cryitallifejr;.  Maisl'Aca- 


B  R  E  ,  1  7  3  1.  727 

démicién  a  reconnu  par  différentes 
épreuves  dont  il  nous  communi- 
que ici  le  dérail ,  &  fur  quoi  nous 
renvoyons  à  fon  Mémoire  ,  que 
ces  deux  fels  fereffemblent  parfai- 
tement à  toutes  fortes  d'égards. 

Il  s'explique  enfuite  plus. parti- 
culièrement fur  la  nature  de  ce  fel 
amer,  qu'il  ne  croit  pas  fimple, 
mais  qu'il  regarde  comme  un  mé- 
lange du  fel  de  Glauber  qui  y  do- 
mine, Se  d'une  portion  de  fel  ma- 
rin qui  n'en  a  pas  étéféparée  ;  l'une 
Se  l'autre  portion  faline  participant 
de  cette  eau  incoagulable ,  dont  elles 
ont  été  tirées  ,  Se  qui  ne  fe  diflipe 
même  pasaifément  par  le  feu;  d'où 
vient  que  nos  fels  amers  confervent 
toujours  une  forte  d'humidité. 

A  la  fin  de  fon  Mémoire ,  M. 
Bouiduc  ,  pour  faire  voir  qu'on 
pourrait  fabriquer  en  France  le  fel 
amer  en  grande  quantité  &  à  un 
prix  très-modique,  s'engage  dans  un 
calcul ,  d'où  il  paraît  clairement 
qu'une  feule  chaudière  de  Moyen- 
vik ,  par  la  quantité  d'eau  falée 
qui  y  paffe  chaque  année,fourniroit 
au  moins  de  quoi  produire  4800 
livres  de  (el  amer. 

La  Botanique  n'offre  ici  que  deux 
articles  ,  l'un  8c  l'autre  de  M.  du 
Hamel ,  Se  qui  fe  lifent  dans  l'Hi- 
ftoire  Se  parmi  les  Mémoires.  Le 
premier  roule  fur  V  Anatomie  de  la- 
Poire  ,  Se  le  fedond  fur  les  Greffes. 
Nous  parlerons  feulement  du  pre-' 
mier. 

M.  du  Hamel  continue  ici  MÂna- 
tomie  de  la  Poire  ,   qu'il  avoit  com-  ■ 
mencée  en  1730. par  unedeferip- 
ûon  exacte  de  Li  peau  qui  couvre 


72§  JOURNAL   D 

ce  fruit,  Se  donc  nous  fîmes  alors 
mention  dans  notre  Journal.  Il 
vient  prefentement  aux  vaifleaux 
qu'on  découvre  fous  cette  peau,  Se 
qui  appartiennent  au  corps  même 
de  la  poire. 

Mais  il  fe  prefente  d'abord  un 
doute  à  éclaiicir,  fçavoir  fi  ce  qu'on 
prend  ici  pour  vaifleau  eft  vérita- 
blement un  canal ,  ou  fi  ce  n'eft 
qu'une  fibre  folide  ,  comme  l'ont 
crû  quelques-uns  des  Obfervateurs 
les  plus  attentifs  ,  pendant  que 
d'autres  ont  mieux  aimé  fufpendre 
leur  jugement  fur  ce  point.  M.  du 
Hamef  lui-même  n'a  pu  apperce- 
voir  aucune  cavité  dans  ces  préten- 
dus vaifleaux  ,  ni  en  expofant  au 
grand  jour  des  tranches  très-minces 
des  plus  gros ,  ni  par  le  fecours  des 
meilleurs  Microfcopes ,  qui  n'ont 
offert  à  fes  yeux  qu'une  forte  de 
duvet  ou  de  coton  qui  occupe  l'in- 
térieur du  filet.  L'Académicien  ce- 
pendant trouve  tant  d'analogie  en- 
tre l'idée  de  vaifleau  Se  tout  ce  qui 
eft  connu  d'ailleurs  fur  la  matiè- 
re dont  il  s'agit ,  qu'il  ne  peut  re- 
noncer encore  à  cette  idée  ,  qu'il 
appuyé  des  preuves  fuivantes. 

1  °.  Tout  vaifleau  qui  doit  por- 
ter ,  Se  distribuer  une  liqueur 
dans  toutes  les  parties  d'un  corps 
organique  ,  doit  fe  ramifier  à  l'infi- 
ni. Or  c'eft  ainfi  que  fc  ramifient 
ce  qu'on  nomme  vaijpaax  dans  la 
poire  ,  de  même  que  dans  les  au- 
tres fruits  Se  dans  toutes  les  plan- 
tes. Ils  portent  donc  une  liqueur  Se 
font  de  véritables  vaifleaux. 

'  i°.  Il  eft  manifefte  que  les  vaif- 
feaux  de  la  poire  ne  font  qu'un  al- 


ES  SÇ  A  VAN  S, 

longement  de  ceux  de  la  queue  ,' 
que  ceux-ci  partent  également  de 
ceux  de  la  branche  ,  Se  que  ces  der- 
niers font  continus  à  ceux  du 
tronc.  Or  il  eft  certain  que  ceux-ci 
apportent  &  diftribuent  dans  le 
tronc  un  fuc  nourricier  qu'ils  tirent 
de  la  terre.  Ils  ont  donc  la  même 
fonction  dans  la  poire  ,  Se  par  con- 
fequent  ils  font  toujours  vaifleaux. 

3°.  L'incifïon  faite  aux  plantes 
remplies  d'un  fuc  coloré ,  le  fait 
fortir  ,  non  de  tout  le  parenchyme 
de  la  plante  ,  mais  de  quantité  de 
petits  points  diftinifts  ,  qui  ne  peu- 
vent être  que  des  orifices  de  vaif- 
feaux  coupés.  Or  pourquoi  ne  pas 
admettre  de  pareils  vaifleaux  dans 
le  Parenchyme  de  la  poire  ? 

4*.  Si  le  parenchyme  d'un  fruit 
n'étoit  qu'une  fubftance  cotoneufe, 
où  les  fucs  ne  fuflent  portés  que 
par  imbibition\\&  peau  n'en  feroit  pas 
plutôt  féparée  qu'on  en  verroit  ex- 
uder  ces  lues  de  tous  cotez  -,  ce  qui 
n'arrive  pas,  à  moins  qu'on  ne  ra- 
tifle  le  fruit ,  parce  qu'alors  on  dé- 
truit grand  nombre  de  vaifleaux. 

5°.  Rien  ne  prouvant  mieux 
1  exiftence  des  vaifleaux  queles  in- 
jections ,  l'Académicien  en  a  fait 
avec  fuccès  dans  quelques  plantes 
du  genre  des  rofeaux. 

De  ces  preuves ,  M.  du  Hamel 
pafle  à  l'examen  des  vaifleaux  re- 
connus pour  tels;  Se  il  en  fait  trois 
efpeces  ;  les  vagues t  \esfpermatiqnes 
Se  les  nourriciers  -,  tous  originaires 
des  vaifleaux  de  la  queue" ,  où  ils 
forment  un  faifleau  étroit  &long, 
couvert  de  fes  tégumens  t  Se  dont 
l'intérieur  contient  une  fubftance 
plus 


NOVEMB 

plus  molle  &  plus  fine.  Parvenu 
jufqu'à  la  fubftance  pierreufe  ,  il  fe 
défunit  Se  fe  partage  en  pluiîeurs 
faifleaux  moindres ,  dont  les  uns  fe 
jettant  fans  ordre  dans  le  parenchy- 
me de  la  poire ,  s'y  épanouiffent  en 
une  infinité  de  petits  rameaux  ;  & 
ce  font  là  les  vaifleaux  f«gtt«  de  M. 
du  Hamel.  D'autres  failTeaux  fe 
courbant  en  arc  vers  le  milieu  de  la 
poire  ,  fe  rapprochent  enfuitc  pour 
fe  rendre  tous  à  l'ombilic  ou  au  ro- 
cher ,  d'où  partent  les  étamines  Se 
les  pétales  eflentiellement  neccflai- 
res  à  la  génération  des  plantes;  d'où 
ces  vaifleaux  reçoivent  chez  1  Aca- 
démicien le  nom  de  fpermœticjua. 
Enfin  le  refte  de  ces  failTeaux  en  fe 
prolongeant  fans  fe  détourner  fe 
terminent  aux  pépins  &  à  leurs  en- 
veloppes ,  où  ils  nourriflent  la  fe- 
mence  ;  ce  qui  leur  a  fait  donner  le 
nom  de  nourriciers  par  excellence. 

C'eft  donc  de  tous  ces  faifleaux 
wafculeux  fubdivifés  en  vaifleaux 
capillaires  Se  entrelaffés  enfemble  , 
que  naiflent ,  non  feulement  le  pa- 
renchyme Se  la  peau  de  la  poire  , 
mais  auffi  en  partie  les  glandes  de- 
ftinées  aux  feerctions  des  fucs.  Or 
ces  glandes ,  comme  on  l'a  dit  en 
1730.  font  les  pierres  du  fruit  :  &: 
elles  doivent  fe  pétrifier  d'autant 
plus  qu'elles  perdent  leur  fonc- 
tion de  glandes.  C'eft:  ce  qui  arrive 
au  rocher  de  la  poire  ,  lorfqu'après 
la  chute  des  étamines  Se  des  péta- 
les ,  dont  en  qualité  de  glande  il 
filtroit  Se  preparoit  le  fuc  nourri- 
cier ,  il  s'endurcit  de  plus  en  plus  ; 
Se  le  fuc  qu'il  cette  de  tranfmettre  , 
refluant  dans  les  vaifleaux  fpermati- 
Novembre, 


RE,    1734.  729 

cjues ,  ceux  ci  ne  font  plus  qu  L  of- 
fice de  vaifleaux  vagues  dul.nés  à 
nourrir  &  a  groflîr  !e  parenchyme 
de  la  poire. 

M.  du  Hamel  vient  enfin  à  la 
partie  la  plus  importante  de  tout  le 
fruit ,  &  ce  font  les  pépins  ou  fe- 
mences  logés  deux  à  deux  en  cinq 
capfulcs  vers  le  milieu  de  la  poire  , 
Se  enveloppés  de  dix  branches  des 
vaifleaux  fpermatiques  plus  groffe s 
que  les  autres  ,  dont  cinq  répon- 
dent alTez  jufte  aux  capfules,  Se  les 
cinq  autres  aux  intervalles  de  cel- 
les-ci :  fans  compter  les  vaifleaux 
nourriciers  ,  qui  appartiennent  le 
plus  vifiblement  aux  pépins. 

La  méchanique  de  ces  pépins 
auffi  compliquée  qu'importante  ,  a 
été  obfcrvée  ici  dans  tous  les  chan 
gemens  avec  la  même  attention 
que  l'on  apporte  à  fuivre  ceux  qui 
de  jour  en  jour  arrivent  au  poul.t 
dans  l'ceut  :  fur  quoi  nous  ne  pou- 
vons que  renvoyer  à  l'Auteur.  Tou- 
tes ces  obfervations  font  aoperce- 
voirfucceilivement  la  naiffance  des 
parties  mafeuhnes ,  qui  font  les  éta- 
mines Se  les  pétales;  celle  du  piftilc, 
qui  eft  la  féminine  ,  leurs  envelop- 
pes, leurs  appendices ,  une  efpcce 
de  pLicenta  :  mais  on  ne  voit  point 
comment  la  poufliere  des  étamines 
va  féconder  dans  le  piftille  les  pé- 
pins naiflans  ;  ce  qui  eft  pourtant 
le  plus  fin  Se  le  plus  curieux  du  mi- 
ftere. 

M.  du  Hamel  eft  perfuadé  que 
toute  la  fubftance  du  pépin  ,  ex- 
cepté fon  germe,  qui  eft  un  poi- 
rier en  petit ,  n'eft  employée  qu'à 
la  nourriture  du  germe  pendant 
Nnnn 


7jo  JOURNAL    D 

l'accroiflemeut  du  pépin  ,  pour  de- 
venir enfuite  le  premier  aliment 
de  l'arbre  naiffant  iorfque  le  pé- 
pin fera  mis  en  terre.  C'eft  de  quoi 
l'Académicien  s'eft  allure  par  une 
expérience  qu'il  rapporte  d'un  cer- 
neau de  noix  encore  tout  glaireux, 
mis  a  la  cave  ,  &  après  un  certain 
tems  trouvé  prcfque  auflî  dur  & 
aufli  bien  formé  que  s'il  fût  refté 
fur  l'arbre.  C'eft  de  quoi  l'on  verra 
un  dérail  plus  étendu  dans  le  Me- 
moire-meme. 

Parmi  les  articles  concernant  les 
/Mathématiques  j    il  y  en  a  de  67» 
métrie ,    d' Agronomie  y   de  Géogra- 
phie 3  de  Chronologie  &  de  Mécha- 
vique. 

Les  articles  de  Géométrie  font  au 
nombre  de  huit.  Le  premier  ,  fur 
les  lianes  du  quatrième  ordre  ,  eft  de 
M.  l'Abbé  de  Bragelagne.  Le  fé- 
cond ,  fur  la  féparation  des'lndéter- 
mif.ées  ,  eft  de  M.  de  Ma.upcrtuis. 
Letroifiéme  ,  fur  les  Sellions  coni- 
ques ,  eft  de  M.  Nicole.  Le  quatriè- 
me ,  fur  Us  Centres  de  gravité •  eft 
de  M.  Clairaut.  Le  cinquième  ,  qui 
eft  de  M.  de  la  Çondamme ,  roule 
fur  une  nouvelle  manière  de  conpierer 
les  Sellions  coniques ,  &  le  fixiéme  , 
encore  de  M.  de  Mdupenuis ,  fur 
un  Problème  Afl>onomtque  de  M. 
Mayer.  Dans  le  feptiéme ,  dû  en- 
core à"  M.  Clàiràut ,  il  eft  queftion 
des  Courbes  que  l'on  forme  en  coupant 
une  furface  courbe  quelconque  par  un 
plan  donné  a p option  :  &  dans  le  der- 
nier ,  qui  eft  encore  de  M.  Nicole , 
il  s'agit  de  la  manière  d'engendrer 
dans  un  corps  folide  s  toutes  les  lignes 
d'i  troip.me  ordre.  De  tous  ces  arti- 


E  S  SÇAVANS, 

clés  ,  il  n'y  a  que  le  premier  qui  pa- 
roilTe  dans  l'Hiftoire  &  parmi  les 
Mémoires.  Tous  les  autres  font  en- 
tièrement renvoyés  aux  Mémoires. 
Nous  parlerons  du  premier  ,  du 
quatrième  ,  du  hxicme  -}  Se  du  hui- 
tième. 

I.  Le  Mémoire  de  M.  l'Abbé  de 
Bragelonne  imprimé  dans  ce  Volu- 
me ,  fait  la  troihéme  Se  dernière 
partie  de  la  première  Section  de 
"fon  Traité  fur  les  lignes  du  quatriè- 
me ordre  qui  font  les  Courbes  du 
troisième  genre  ;  Se  les  deux  pre- 
mières parties  de  cette  même  Sec- 
tion remplirent  deux  Mémoires 
très  étendus  publiés  dans  le  Volu- 
me de  1750.  Il  lcmblc  que  l'Au- 
teur auroir  dû  naturellement  ren- 
fermer la  Théorie  des  ofadations  Se 
des  Lemnifcates  infiniment  petites 
dans  fon  fécond  Mémoire  ,  Si.  y 
comprendre  en  même  tems  l'appli- 
cation de  cetreThéorie  aux  lignes  du 
quatrième  ordre.  En  effet ,  ces  ofeu- 
Unions  Se  ces  Lemnifcates  infiniment 
petites  étant  des  elpeces  de  points 
multiples  ,  avoient  beaucoup  plus 
de  rapport  avec  les  points  doubles 
qu'avec  les  points  triples ,  aufquels 
feuls  étoit  deftinée  cette  féconde 
partie.  Mais  comme  route  cette 
dilcuiïion  n'auroit  pu  être  conte- 
nue dans  les  bornes  prefentes  au 
fécond  Mémoire  ,  à  moins  que  d'y 
faire  quelques  retranchemens  d'ail- 
leurs ,  au  rifque  d'y  répandre  de 
l'obfcurité  ;  l'Auteur  a  jugé  plus  à 
propos  de  renvoyer  à  la  tête  de  cet- 
te troiliéme  partie  tout  ce  qui  con- 
cerne ces  deux  fortes  de  points 
multiples. 


N  O  V  E  M 

ïls  ont  beaucoup  de  proprietez 
qui  leur  font  communes  avec  les 
points  doubles  ,  Si  fur-tout  avec 
ceux  de  rebrouflement  ;  mais  fans 
rien  avoir  de  commun  avec  les 
points  triples ,  excepté  que  les  li- 
gnes algébriques  ne  commencent 
d'en  devenir  fufcepcibles  que  dans 
le  quatrième  ordre.  L'Académi- 
cien montre  enfuite  la  manière 
d'appliquer  aux  lignes  du  quatriè- 
me ordre  la  Théorie  déduite  dans 
les  articles  5  3  &  54  de  fon  premier 
Mémoire  ,  où  il  a  établi  des  règles 
pour  connoître  fi  un  point  donné 
fur  une  ligne  donnée  eft  triple  ,  & 
de  quelle  efpece.  Enfin  il  traite 
d'une  nouvelle  forte  de  point  mul- 
tiple qu'il  nomme  Lemnifcéros 
infiniment  petit ,  &c  qui  eft  un  point 
triple,  invifible  fur  le  plan  &  adhé- 
rant à  li  courbe,  mais  très-différent 
néanmoins  de  celui  dont  on  a  parlé 
dans  les  articles  59  &c  60  du  pre- 
mier Mémoire.  La  dénomination 
de  ce  point  lui  vient  de  ce  qu'il  eft 
produit  dans  un  efpace  infiniment 
petit  par  un  entrelacement  de  la 
courbe  pareil  à  ces  entrelacemens  ap- 
pelles w.ûgaiïementLaqs-d'amotii'. 

La  raifon  pourquoi  l'Auteur  , 
dans  fon  premier  Mémoire,  n'a 
pas  annoncé  ce  Lemmfceros  3  c'eft 
(dit- il)  que  celui-ci  fuppofant 
trois  interférions  de  la  même 
courbe  à  certaines  diftances  les  unes 
des  autres  ,  on  a  jugé  qu'il  étoit 
necelTaire  de  démontrer  qu'une  li- 
gne du  quatrième  ordre  pouvoit 
avoir  trois  interférions ,  avant  que 
l'on  pût  taire  voir  que  ces  interfec- 
tions  en  s'appiochant  infiniment 


B  R  E;     I7J4.  7$r 

les  unes  des  autres  ,  pouvoient  en 
certains  cas  former  ce  qu'on  nom- 
me ici  un  Lemmfceros  infiniment  pe- 
tit. Or  comme  ce  n'eft  que  par  les 
articles  83  &c  84  du  fécond  Mémoi- 
re que  M.  l'Abbé  de  Brar?elo<:ne  a 
emonrrc  qu  11  pouvoit  y  avoir 
trois  points  d'interfeétion  fur  une 
même  ligne  du  quatrième  ordre 
il  s'eft  vu  obligé  en  quelque  maniè- 
re de  rejetter  la  Théorie  des  Lem- 
mfceros infiniment  petits  dans  ce  troi- 
fiéme  Mémoire  ,  pour  les  articles 
duquel  il  a  fuivi  le  même  arrange- 
ment que  pour  ceux  des  deux  pre- 
miers Mémoires.  Nous  renvoyons 
pour  le  détail  de  celui-ci  à  l'extrait 
circonftancié  qu'en  a  donné  M.  de 
Fontenelle. 

IV.  Ce  que  M.  Clairaut  nous 
communique  dans  fonMemoirefur 
les  centres  de  gravité  t  n'eft  point 
une  nouvelle  méthode  de  les  trou- 
ver. Ce  n'eft  qu'une  manière  d'a- 
voir les  formules  déjà  trouvées,  la- 
quelle lui  paroît  plus  fimple  que 
celle  qu'on  a  coutume  d'employer. 
En  effet  ;  la  lîenne  ne  fuppofe  que 
le  principe  le  plus  fimple  de  la  mé- 
chanique,  fçavoir;  Que  pour  trou- 
ver le  centre  de  gravité  de  deux 
corps,  il  n'y  a  qu'à  divifer  en  rai- 
fon réciproque  des  poids  de  ces 
deux  corps  la  ligne  qui  joint  leurs 
centres  de  gravité. 

En  vertu  de  ce  principe  3  l'Aca- 
démicien confidere  la  figure  qu'on 
lui  propofe  comme  variant  d'une 
différence  infiniment  petite  ,  & 
prenant  le  centre  de  gravité  de  cet-, 
te  différence  ou  de  cet  accroiffe- 
ment  de  la  figure ,  lequel  centre  eft 
N  n  n  n  ij 


7J2  JOURNAL  DE 
toûJQHtS  très  -  facile  à  trouver  -,  il 
fuppofj  une  ligne  tirée  au  centre 
de  gravité  cherché  de  la  figure  pro- 
pofée.  Après  quoi  ,  divifam:  cette 
ligne  dans  la  raifon  du  petit  poids 
d'accroiffement  au  poids  de  la  figu- 
re donnée  ,  c'eft-à-dire  ,  -dans  la 
laifon  de  la  différence  de  la  figure 
donnée  ,  à  la  figure-même  ,  il  for- 
me une  équation  ,  qui  lui  détermi- 
ik  le  centre  de  gravité  des  deux  fi- 
gures -,  ainfi  qu'on  peut  le  voir 
dans  les  trois  exemples  qu'il  propo- 
ic  ,  &  aufquels  nous  renvoyons  le 
Lccleur. 

VI.  M.  de  Maupertuis  ,  d.ins  fon 
Mémoire  fur  un  Problème  Ajlrono- 
rnicjue  ,  nous  informe  que  Mi 
Mayer  placé  dans  un  des  Pays  du 
monde  les  plus  propres  r.  obferver 
l'aurore  boréale  ,  a  publié  fur  ce 
fujet  une  Differtation  imprimée 
dans  les  Mémoires  de  l Académie 
Impériale  de  T^njfr  ,  pour  l'année 
\-]i6.  Il  y  prouve  par  des  raifons 
tirées  de  l'Optique  ,  que  les  auro- 
res boréales  font  formées  d'une 
matière  lumineufe ,  difpofée  au- 
tour de  la  terre  ,  félon  quelque 
cercle  parallèle  à  l'équateur.  Cela 
pofé  ,  M.  Mayer  donne  une  règle  , 
fans  figure  ni  démonltration  ,  pour 
découvrir  par  une  feule  obferva- 
tionladiftance  de  ces  aurores  ;  & 
il  fe  referve  à  démontrer  cette  règle 
dans  un  autre  tems. 

Mais  comme  cette  démonfrra- 
tion  n'a  point  encore  paru  dans  les 
Mémoires  de  Péterfbourg  de  1717. 
les  derniers  qu'on  ait  vus  enFrance; 
M.  de  Maupertuis ,  qui  la  regarde 
comme  pouvant  être  fort  utile  ,  l'a 


S     SÇAVANS , 

cherchée  ,  6c  nous  l'expofe  ici  en 
très- peu  de  mots  ;  obfervant  au 
furplus  j  qu'il  fe  trouve  une  taute 
d'impreflîon  dans  les  dénomina- 
tions de  M.  Mayer  ,  où  il  dit  : 
cj  —fin.  élevât.  Poli  t  au  lieu  de 
cj  —  cofin.  élevât.  Poli. 

VIII-  Le  Mémoire  de  M.  Nico- 
le ,  fur  la  manière  d 'engendrer  dans 
un  corps  fonde  toutes  les  lignes  du 
troifiéme  ordre  ,  eft  dû  à  ce  qu'avan- 
ce M.  Newton  en  terminant  fon 
dénombrement  des  lignes  de  ce 
troifiéme  ordre.  Il  y  dit  que  toutes 
ces  lignes  peuvent  fe  former  par  un 
point  lumineux  ,  qui  répandant 
une  infinité  de  rayons  fur  un  plan  , 
où  feroit  tracé  l'une  des  paraboles 
divergentes  du  troifiéme  ordre  , 
l'ombre  de  ce  plan  reçu  fur  un  au- 
tre plan  quelconque  formera  toutes 
les  lignes  du  troifiéme  ordre.  C'eit 
de  quoi  perfonne  jufqu'ici  n'a  don- 
né la  demonftration  ;  du  moins 
nVif.  -  i-i  point  venu  à  la  connoif- 
fanec  de  M.  Nicole }  que  la  chofe 
ai  tété  exécutée. 

C'eft  donc  cette  démon fhation 
qui  fait  le  fujet  de  ce  Mémoire, 
dans  lequel  l'Auteur  fuit  la  même 
méthode  qu'il  s'eft  preferite  il  y  a 
quelque  tems  dans  un  Mémoire  , 
où  il  conlideroit  la  fuite  de  l'infini- 
té de  fections  coniques  engendrées 
par  la  double  révolution  entière 
d'un  plan  fur  un  pivot  attaché  à 
un  point  de  la  furface  convexe  du 
cône.  Ce  premier  Mémoire  doit 
erre  fu-ivi  d'un  fecend  ,  où  l'Aca- 
démicien achèvera  d'approfondir 
cette  matière. 
M.  de  Fontenelle  ,  à  la  fin  des 


N  O  V  E  M 

articles  concernant  la  Géométrie  , 
nous  rend  compte  de  deux  Ouvra- 
ges prefentés  à  l'Académie  ,  & 
où  l'on  met  en  œuvre  les  idées 
employées  dans  les  Elément  de  la 
Géométrie  de  l'Infini.  L'un  de  ces 
Ouvrages  eft  un  Ecrit  fur  les  voû- 
tes ,  par  M.  Chardon  :  l'autre  eft 
une  Théorie  de  la  Courbure  des 
Courbes  compofée  par  M.  Fontai- 
?ies. 

Des  fix  articles  A'Aflronomie  con- 
tenus dans  ce  Volume  ,  le  premier 
fur  le  mouvement  réel  des  Comètes , 
eft  de  M.  Caffini  ,  &  fe  lit  dans 
l'Hiftoire  &c  parmi  les  Mémoires. 
Le  fécond  eft  l'extrait  des  Objerva- 
tions  faites  à  la  Louifiane  ,  compo- 
fé  par  le  même  Académicien  :  le 
troifiéme  eft  un  Ecrit  de  M.  Godin 
fur  le  quart  de  cercle  agronomique 
fixe  :  le  quatrième  comprend  les 
Obfervations  de  l'Eclipfe  Lunaire  du 
vingtième  Juin ,  par  MM.  Cajjlni , 
Godin  &c  Grandjean  ,  lefquelles 
rempliffent  deux  Mémoires  :  le 
cinquième  article  eft  la  Méthode  de 
M.  Pi  tôt ,  pour  tracer  les  lignes  cor- 
refvondantes  ou  des  minutes  aux 
grandes  méridiennes  :  &  le  dernier 
eft  l'Ecrit  de  M.  Grandjean  ,  fur  la 
forme  la  plus  avantageufe  qu'on  fuijji 
donner  aux  Tables  slftronomiques. 
Ces  cinq  derniers  articles  font  ab- 
folument  renvoyés  aux  Mémoires. 
Nous  dirons  quelque  chofe  du  pre- 
mier cV  du  cinquième. 

I.  M.  CaJJîni  a  démontré  que  le 
mouvement  delà  Comète  obfer- 
vée  en  1729.  &  1730.  quoique 
contraire  en  apparence  à  celui  de 
tout  le  S)  ftême  Solaire,  ne  pou- 


B  R  E,    1754.  7jj 

voit  cependant  être  que  direct. 
Mais  il  ne  fulfîroit  pas  que  le  mou- 
vement rétrograde  de  cette  Comè- 
te ne  fût  qu'apparent  ;  il  faudroit 
pour  le  maintien  des  tourbillons 
Cartéfiens  &  pour  l'uniformité 
qu'il  en  fût  de  même  de  tous  les 
mouvemens  rétrogrades  apperçûs 
à  d'autres  Comètes  ;  &  c'eft  en 
vue  d'établir  autant  qu'il  feroit 
polîible  une  telle  uniformité  que 
le  fçavant  Aftronome  examine  tou- 
tes les  Comètes  dont  on  a  des  Ob- 
fervations  affez  certaines  Se  alTcz 
détaillées.  Il  pafle  donc  en  revue 
l6  Comètes  qui  fans  compter  celle 
de  1472.  d'où  part  M.  Callïni ,  ont 
paru  dans  l'efpace  de  200  ans  , 
c'eft-à  dire  depuis  15  31.  jufqu'à 
prefent ,  dans  20  defquelles  on  a 
obfervé  le  mouvement  direct ,  &: 
dans  les  16  autres,  le  mouvement 
rétrograde,  comme  on  peut  le  voir 
par  le  détail  qu'en  donne  M.  Caffi- 
ni ,  de  dans  lequel  nous  ne  pou- 
vons le  fuivre.  Nous  nous  renfer- 
merons dans  l'expofition  de  ce 
qu'il  prétend  ,  &  des  moyens  géné- 
raux qu'il  employé  pour  l'établir. 

Il  prétend  que  parmi  toutes  ces 
Comètes  palfées  en  revue,  il  n'y 
en  a  aucune  des  rétrogrades  dont 
le  mouvement  ne  puifte  être  repre- 
fente  comme  toujours  réellement 
direct ,  de  même  que  le  mouve- 
ment toujours  direct  de  toutes  les 
Planètes  Solaiies  paroît  quelque- 
fois rétrograde  :  ce  qui  arrive  aux 
Planètes  fuperieures  ,  lorfque  la 
Terre  paffe  entre  elles  &  le  Soleil  ,, 
&  aux  inférieures  lorfqu'clles  paf- 
ftnt  entre  le  Soleil  5c  la  Terre.  Cetv 


:J4         JOURNAL   D 

te  rétrogradation  apparente  a  quel- 
que latitude,  étant  de  quatre  mois 
&c  demi  pour  Saturne ,  &  feule- 
ment de  18  jours  pour  Mercure. 
Une  Comète  qui  fe  meut  au-delTus 
de  l'orbe  annuel  de  la  Terre  ,  peut 
être  regardée  comme  une  Planète 
fuperieure  ;  &  comme  une  Planète 
inférieure  ,  fi  elle  fe  meut  au-def- 
fous  ou  au-dedans  de  cet  orbe.  Elle 
aura  donc  les  apparences  de  l'une 
ou  de  l'autre  Planète  ,  pourvu 
qu'elle  fe  trouve  dans  les  circon- 
ftances  neceftaires  à  celle-ci.  Mais 
la  durée  de  rétrogradation  ,  dans 
une  Comète  ne  fçauroit  être  déter- 
minée. 

Puifqu'on  n'apperçoit  les  Co- 
mètes que  lorfqu'elles  font  le  plus 
voifines  de  la  terre  ;  rien  n'eft  plus 
convenable  que  de  les  rapportera 
l'orbe  annuel  de  celle  -  ci  ;  d'où  , 
après  un  certain  rems  elles  fe  déro- 
bent à  nos  yeux  ,  foit  en  s'éloi- 
gnant  de  la  Terre  &C  du  Soleil ,  Ci 
elles  étoienthors  de  l'orbe  annuel, 
foit  en  s'éloignant  de  la  Terre  & 
s'approchant  du  Soleil  ,  il  elles 
étoient  au-dedans  de  cet  orbe.  De 
ces  deux  cas  en  naît  un  troihéme  , 
lorfque  la  Comète  traveifc  l'orbe 
annuel ,  foit  pour  y  entrer  ,  foit 
pour  en  fortir  ;  &  il  n'eft  pas  diffi- 
cile d'en  imaginer  les  fuites,  par 
rapport  à  la  rétrogradation  appa- 
rente. 

11  eft  fort  vraifemblable  ,  com- 
me le  fuppofe  M.  Caffini ,  que  la 
vîtelTe  réelle  des  Comètes  confide- 
rées  comme  Planètes  Solaires ,  eft 
d'autant  plus  grande  qu'elles  font 
plus  voifines  du  Soleil,  quoique  ce 


ES    SÇAVANS, 

ne  foit  pas  tout-à-fait  en  même  rai- 
fon  ;  i°.  Parce  qu'une  Planète  dont 
la  diftance  au  Soled  varie  peu  , 
prend  une  vîcelfe  à  peu- près  con-« 
fiante  èv  que  rien  n'altère, ce  qui  ne 
fe  rencontre  pas  dans  une  Comète  : 
i°.  Parce  qu'une  Planète  eft  tou- 
jours à  peu  -  près  dans  un  cercle , 
dont  le  Soleil  eft  le  centre  ;  au  lieu 
qu'une  Comète  décrit  un  cercle 
très-excenrrique  au  Soleil. 

Il  fuffit  donc  que  dans  le  cas  où 
la  Comète  eft  fuppofée  traverfer. 
l'orbe  de  la  terre  ,  on  puilte  lui  at- 
tribuer une  vîteife  réelle  appro- 
chante de  celle  de  la  terre  ;  &  c'eft 
à  quoi  M.  Caffini  ne  manque  pas 
de  s'aflujettir  dans  toutes  les  autres 
déterminations.  lia  foin  deles  ren- 
dre capables  de  reprefenter  les  va- 
riations qu'on  obferve  dans  la 
grandeur  du  corps  ou  de  la  tête  de 
la  Comète  :  variations  regardées 
comme  réelles  par  Hevelins  ,  ce 
qui  feroit  plus  commode  ,  mais  ce 
qui  n'eft  guéres  croyable. 

Une  forte  d'avantage  pour  le 
.  me  de  M.  Caffini ,  c'eft  qu'on 
peut  fouventen  plus  d'une  maniè- 
re fappofer  direct  un  mouvement 
de  Comète  lequel  aura  paru  rétro- 
grade. Ce  qui  vient  de  l'ignorance 
où  l'on  eft  fur  la  diftance  réelle  de 
la  Comète  à  la  terre  ou  au  Soleil  : 
6v  c;*  qui  ,  par  confequent,  laine 
toute  la  liberté  de  regarder  la  Co- 
mète ou  comme  Planète  fapérieu- 
re  ,  ou  comme  Planète  inférieure  , 
&  cela,  dans  les  trois difpoiîtions 
qui  appartiennent  à  ces  Planètes. 
Mais  cette  indétermination  ne  ftib- 
fifte  que  rarement }  eu  égard  à  ton- 


N  O  V  E  M 

tes  les  circonftances  de  la  Comète, 
lefquellcs  font  quelquefois  n*  favo- 
rables à  un  certain  mouvement 
dired  déterminé  de  certaine  façon, 
qu'il  ne  refte  plus  d'incertitude.  Il 
en  relie  encore  moins  entre  la  fup- 
pofition  du  mouvement  direct. ,  & 
celle  du  rétrograde  confédérés  l'un 
ou  l'autre  comme  abfolument 
réels  :  ces  fuppofitions  -  même 
ayant  lieu,  dans  le  cas  où  le  mou- 
vement apparent  ou  obfervc  n'a 
été  que  direct  ;  tant  il  refte  encore 
d'indétermination  dans  la  Théorie 
des  Comètes.  Mais  s'il  eft  vrai  , 
comme  ill'eft  en  effet  ,  que  pour 
fatisfaire  à  tous  les  Phénomènes  , 
le  mouvement  direct  l'emporte  de 
beaucoup  furie  rétrograde  ,  pour- 
ra-t-on  fe  refufer  à  la  conclulîon 
générale  qui  en  refulte  ? 

A  l'égard  des  retours  des  Comè- 
tes, l'hypothéfe  en  paroît  encore 
trop  peu  certaine  à  M.  Caflîni,  qui 
n'oublie  pas  d'indiquer  celles 
qu'on  pourroit  prendre  pour  les 
mêmes  qui  reviennent.  Les  retours 
douteux  [  dit  fur  cela  M.  de  Fonte- 
nelle.]  &  qui  auront  befoin  qu'on  Les 
ajnfle  à  l'hypothéfe  ,  prouveront  peu  ; 
les  inconteflables  ,  ou  qui  approebe- 
-rom  beaucoup,  fe  feront  apparemment 
attendre  long-tems. 

V.  Pour  connoître  non  feule- 
ment le  tems  vrai  du  mouvement 
du  Soleil  j  mais  encore  toutes  fes 
varietez  ,  on  n'a  point  de  plus 
grand  inftrument  aftronomique 
qu'une  grande  méridienne  tracée 
avec  toute  l'exactitude  pofnble. 
Mais  pour  donner  àl'ufagedeces 
lignes  plus  d'étendue  &  de  com- 


B  R  E  ;    1754.  755- 

modité  ,  on  trace  aux  cotez  de  la 
Méridienne  plufieurs  lignes  appel- 
lées  correfpondantcs  ,  &  fur  lef- 
quellcs l'image  du  Soleil  indique 
exactement  les  minutes  avant  & 
après  midi  ;  en  forte  que  ces  lignes 
tracées  avec  toute  la  précifïon  re- 
quife  donnent  l'heure  en  tems  vrai 
avec  autant  de  jufteffe  que  la  Mé- 
ridienne -  même.  Elles  font  d'une 
commodité  d'autant  plus  grande, 
qu'il  arrive  fouvent  que  quelques 
nuages  ou  quelque  retardement 
font  manquer  le  moment  du  paffa- 
ge  de  l'image  folaire  par  la  Méri- 
dienne. 

C'efl  donc  pour  tracer  ces  lignes 
des  minutes  indépendamment  des 
règles  ordinaires  fournies  par  la 
Gnomonique  ,  que  M.  Pitot  donne 
ici  une  Méthode  nouvelle  &  analy- 
tique pour  les  déterminations  de 
ces  lignes  ;  &  il  nous  fait  efperer 
une  application  de  cette  Méthode 
à  la  refolution  de  prefque  toutes 
les  queftions  de  la  Gnomonique; 
étant  perfuadé  que  les  voyes  les 
plus  fimples  font  les  plus  avanta- 
geufes ,  fur  -  tout  pour  les  opéra- 
tions délicates  &  qui  exigent  une 
grande  exa&itude.  S'il  s'engage  fur 
ce  point  dans  des  détails  très-parti- 
culiers ,  c'eft  uniquement  en  vue 
de  montrer  que  les  formules  algé- 
briques renferment  tous  les  cas 
poflîbles ,  &  qu'on  peut  mettre 
utilement  en  œuvre  fa  Méthode 
pour  avoir  des  folutions  générales 
d'un  grand  nombre  de  Problêmes 
Aftronomiques. 

La  Géographie  n'offre  dans  ce 
Volume  qu'un  fcul  article  entière- 


-H<5  JOURNAL  DE 
ment  renvoyé  aux  Mémoires.  Il 
contient  les  recherches  de  M.  Bua- 
che  fur  l'étendue  de  l'Empire  d'Ale- 
xandre. L'Académicien  a  eu  pour 
guides  dans  ces  recherches  ,  les 
Recueils  de  feu  M.  Delifle  fon 
beau-pere  qui  avoit  raffcmblé  fur 
ce  point  plulîeurs  matériaux  ,  auf- 
quels  M.  Buache  ajoute  fes  propres 
conjectures. 

La  partie  occidentale  de  l'Em- 
pire d'Alexandre  fe  reduifoit  aux 
Pays  contenus  entre  1  Epire  ,  la 
Béotie  Si  la  Thrace.  L'Orientale 
comprenoit  tous  les  Pays  fournis 
aux  Perfes ,  à  l'exception  de  la  Bi- 
thynie,  du  Royaume  de  Pont ,  de 
la  grande  Arménie  ,  de  l'Atropa- 
téne ,  comme  on  peut  le  voir  fur  la 
Carte  dveflèe  félon  le  Syftême  de 
M.  Delifle  ,  Si  félon  celui  des  au- 
tres Géographes  ,  afin  que  l'on 
puifle  d'un  coup  d'oeil  en  apperco 
voir  les  différences  :  &  dans  cette 
vue,  on  y  répète  le  nom  &  la  pofi- 
tion  des  mêmes  Villes,  placées  à 
difTerens  degrez  de  latitude  Si  de 
longitude. 

L'Auteur  confidere  comme  un 
premier  Méridien  celui  de  Byzan- 
ce ,  qui  eft.  ici  le  même  dans  l'un  & 
l'autre  plan.  A  mefure  qu'on  s'é- 
loigne de  ce  Méridien  vers  l'O- 
rient la  différence  des  deux  plans 
devient  plus  fenHble  ,  Si  l'eft 
fur  -  tout  à  l'extrémité  où  fe  trou- 
ve la  fomme  des  différences  ac- 
cumulées. Suivant  l'ancien  Syftê- 
me ,  l'Empire  d'Alexandre  s'éten- 
doit  de  Byzance  au  Gange  ,  terme 
des  conquêtes  de  cePrmce,parl'ef- 
pace  de  58  degrez  ;  au  lieu  que  fui- 


S     S  Ç  A  V  A  N  S  , 

vant  M.  Dehjls  la  diftance  entre 
ces  deux  lieux  n'eft  que  de  47  de- 
grez 50  minures  30  fécondes  :  ce 
qui  fait  une  différence  d'environ 
10  degrez. 

La  reformation  faite  par  M.  De- 
lifle à  la  longitude  des  divers  Pays 
de  cette  partie  Orientale  eft:  ap- 
puyée fur  les  Obfervations  Aftro- 
nomiques  de  M.  de  Chattlles  à 
Alexandrie  Si  à  Alcxandrette  ,  & 
du  V.Feuillée  à  Smyrne:  Si  au  défaut 
d'Obfervations  d'Aftronomes  Eu- 
ropéens ,  il  a  eu  recours  à  celles  des 
Orientaux  ,  lefqut  lies  font  rappor- 
tées dans  lesTables  de  Najftr  Eddin 
Se  à'Oidoiigeg,  La  conformité  de 
quelques  longitudes  données  par 
ces  Orientaux  avec  celles  qu'ont 
déterminées  nos  Aftronomes  pour 
les  mêmes  endroits  forme  une  pré- 
emption très  -  favorable  aux  Ob- 
fervations des  premiers.  A  toutes 
ces  Obfervations  on  a  joint  pour 
la  jufte  pofîtion  des  Villes  de  l'O- 
rient le  fecours  des  Itinéraires  Si. 
des  routes  des  Voyageurs  les  plus 
exacts  :  Si  comme  parmi  ces  Villes 
il  y  en  a  plusieurs  dont  les  noms 
anciens  font  connus  avec  certitude, 
elles  ont  fourni  comme  autant  de 
points  fixes  pour  trouver  les  au- 
tres. 

D'ailleurs  ,  les  Ecrivains  de 
l'Hiftoire  d'Alexandre  marquent 
la  mefure  de  toutes  les  marches  de 
fon  armée  -,  Si  les  plus  importantes 
de  ces  mefurcs  prifes  exactement 
par  les  Géomètres  ou  Arpenteurs 
qui  accompagnoient  ce  Prince  3 
font  venues  jufqu'à  nous.  Ces  me- 
fures  par  rapport  aux  différentes 
Villes 


NOVEM 

Villes  qu'Alexandre  a  parcourues 
s'accordent  avec  celles  qui  reful- 
tent  des  Obfcrvations.  Mais  il  faut 
pour  trouver  cette  conformité  , 
fuppofer  que  les  ftades  employées 
par  les  Arpenteurs  d'Alexandre 
étoient  beaucoup  plus  petites  que 
celles  des  Géographes  pofterieurs  : 
&  c'eft  ce  .que  juftihe  M.  Buache 
par  divers  exemples  ;  d'où  il  fuit 
que  félon  M.  Delifle,  ces  Arpen- 
teurs s'étoient  fervis  des  mêmes 
ftades  que  les  Aftronomes  dont 
Ariftote  rapporte  l'opinion  tou- 
chant la  mefure  de  la  terre. 

Or  ces  Aftronomes  comptoient 
environ  un  ftades  au  degré  :  & 
cette  fuppolîtion  de  M.  Dehjlefat 
difparoître  toutes  les  difficultez 
qui  naiffent  des  autres  hypothéfes. 
Les  marches  d'Alexandre  &  de  fon 
armée  n'auront  plus  rien  d'incroya- 
ble. Un  corps  de  fa  Cavalerie  (  fé- 
lon l'Auteur  )  aura  pu  faire  en  1 1 
jours  par  une  marche  forcée  ,  en- 
viron 168  lieues  de  25  au  degré  , 
pour  paffer  de  la  Capitale  des 
Dranges  à  Ecbatane  :  [  &  ce  n'eft 
que  24  de  ces  lieues  pour  chaque 
journée  ,  de  non  45  ou  54  félon 
les  mefures  à'Eratojlhéne  &  de  Pto- 
lomêe.  ]  Alexandre, avec  une  partie 
de  fa  Cavalerie  &c  de  fon  Infanterie 
péfamment  armée  ,  aura  pu  faire 
en  trois  jours  36  lieues  ou  500  fta- 
des en  allant  du  Jaxarte  à  Maracan- 
de  :  ce  n'eft  que  12  lieues  par  jour 
&c  non  25 ,  fuivant  l'opinion  com- 
mune. M.  Buache  trouve  des  mar- 
ches pour  le  moins  aufli  fortes 
dans  l'Hiftoire  moderne.  Déplus, 
la  diftance  de  10290  ftades  mar- 
Novtmbre. 


B  R  E,   1754;  737 

quées  par  les  Arpenteurs  d'Alexan- 
dre entre  les  Villes  d'Ecbatane  &c 
d'Aria  réduite  en  degrez  fuivanc 
l'opinion  des  Aftronomes  d' Arifto- 
te donne  9  degrez  16  minutes 
d'un  grand  cercle  ;  &  celle  qui  re- 
faite des  Obfcrvations  Aftronomi- 
ques  eft  de  8  degrez  57  minutes  ; 
ce  qui  ne  fait  qu'une  différence  de 
19  minutes  ou  350  ftades,  à  défal- 
quer pour  la  courbure  des  che- 
mins ;  ce  qui  eft  peu  confîderablc 
fur  10290  ftades. 

M.  Buache ,  en  terminant  fon 
Mémoire  ,  nous  rend  un  compte 
exact  des  changemens  faits  par  M. 
Delijle  aux  latitudes  de  tous  les 
Pays  compris  dans  la  Carte  ;  fur 
quoi  nous  pafTons  légèrement  ,  &C 
nous  renvoyons  pour  plus  grand 
éclaircifTement  à  i' Académicien- 
même. 

L'article  de  Chronologie  concerne 
l'Ouvrage  manuferit  de  M.  Fillioly 
Profeffeur  en  Hydrographie  à  Ag- 
de.  Cet  Ouvrage,  communique  à 
l'Académie  ,  eft  intitulé:  Nouvelle 
diftribution  politique  d,t  tems.  L'Au- 
teur s'y  eft  propofé  de  déterminer 
le  jour  delà  Pâque  par  des  calculs 
tires  des  Tables  Aftronomiques,  & 
en  abandonnant  les  déterminations 
établies  par  le  Calendrier  Grégo- 
rien. Quelque  juftes  qu'ayent  paru 
fes  calculs ,  &  quelque  fçavantes 
que  foyent  fes  recherches  fur  les 
principes  de  la  Chronologie  &  fut 
les  Calendriers  des  differens  peu- 
ples ;  comme  fa  nouvelle  diflribution 
ne  remedieroit  pas  à  tous  les  in- 
conveniens  ,  M.  de  Fontenelle 
trouve  que  ,  tout  confideré ,  l'Egli- 
O  o  00 


738  JOURNAL    D 

fe  a  fort  prudemment  fait  de  s'en 
tenir  au  Calendrier  Giégorien , 
faut*  à  y  faire  dans  la  fuite  du  Ccms 
quelque  reforme  ,  fi  on  le  juge  ne- 
ceiîaire. 

La  Méchanicjitc  nous  prefente 
ici  cinq  articles.  Le  premier  fur  les 
toits  ou  combles  de  charpente  }  eu  de 
M.  Couplet  :  le  fécond  fur  la  refï- 
flance  de  l'Ether  au  mouvement  des 
corps,  eft  de  M.  l'Abbé  de  Molieres: 
Le  troiiiéme  fur  le  jet  des  bombes  y 
eft  de  M.  de  Maupertuis  :  le  qua*- 
triéme  fur  les  mouvemens  faits  dans 
des  milieux  qui  fe  meuvent  ,  eft  de 
M-  Bouquer.  Ces  4  articles  fe  lifent 
dans  l'Hiftoire  &c  dans  les  Mémoi- 
res. Le  cinquième  entièrement  ren- 
voyé à  ceux-ci,  eft  la  Defcription 
d'une  Machine  de  M.  d'Onz.embrayy 
pour  mef tirer  fur  mer  l'angle  de  la  li- 
gne du  vent  &  de  la  quille  du  Vd'if- 
feau  ;  comme  auffi  l'angle  du  méridien 
de  la  Boujjôle  avec  la  quille,  &  l'an- 
gle du  méridien  de  la  bouffole  avec  la 
ligne  du  vent.  Nous  donnerons  une 
idée  du  premier  &  du  troifiéme. 

I.  On  remarque  dans  les  toîts  de 
prefque  tous  les  bâtimens  ordinai- 
res un  défaut  qui  confifte  en  ce  que 
la  charge  fait  toujours  plier  la  panne 
ou  pièce  de  bois  ,  placée  ,  lorf- 
qu'elle  eft  feule  ,  à  peu-près  fous  le 
milieu  de  la  longueur  des  che- 
vrons ,  pour  les  foùtcnir  -,  &  que  le 
fléchiiîement  de  cette  panne  occa- 
fionne  neceflairement  celui  du  faî- 
te. On  remedieroit  en  quelque  for- 
te au  flechiftement  de  ces  pannes , 
en  les  faifant  d'un  plus  grand 
iquarriffage  ,  ou  en  diminuant  la 
grandeur  des  travia,  Mais  outre 


ES  SÇAVANS, 

que  les  pannes  d'un  fi  grand  équar- 
riiTage  deviendroient  tres-cheres  ; 
quelque  g-.olTcs  qu'elles  foient  , 
elles  céderont  enfin  à  leur  propre 
poids  &  à  la  charge  quelles  por- 
tent ,  fur-tout  fi  elles  font  vertes  , 
comme  on  les  employé  d'ordinaire 
dans  les  campagnes. 

C'eft  pour  corriger  ce  défaut 
des  toits,  que  M.  Couplet  en  a  ima- 
giné une  nouvelle  conftruclion,  au 
moyen  de  laquelle  ,  lans  diminuer 
les  travées  Ce  fansgrolhr  les  pan- 
nes ,  aufquelles  on  pourroit  fubfti- 
tuer  les  moindres  brins  de  bois , 
qui  font  à  bon  marché  ;  ceux  -  ci 
fervii oient  uniquement  à  mainte- 
nir la  forme  du  toit  fans  en  fouffrir 
aucune  charge  ,  dont  ils  foulage- 
roient  en  même  tems  les  murail- 
les. Cette  nouvelle  conltruclion  fe 
réduit  à  faire  les  combles  en  man- 
farde ,  où  la  panne  de  brifis  ne  foit 
point  chargée  par  fon  comble, 
ainfi  qu'elle  l'a  été  jufqu'à  prefent. 

Pour  cela  M.  Couplet  propofe 
de  faire  aiTembler  les  chevrons  par 
leurs  bouts  ,  deux  à  deux,  à  te- 
nons &  mortoiles  en  forme  de 
charnière  ,  ou  bien  à  mi  -  bois,  8c 
de  les  cheviller  à  l'endroit  où  la 
panne  de  brifis  devroit  être  natu- 
rellement ;  &  d'arrêter  à  l'ordinai- 
re chacun  des  autres  bouts  de  ces 
chevrons ,  l'un  brandi  fur  le  taîte  , 
&  l'autre  attaché  dans  fon  pas  fur  la 
fabliereou  platte-formc  qui  lui  eft 
deftinée.  En  quoi  il  n'y  a  d'autre 
difficulté  ,  que  celle  de  trouver 
pour  la  panne  de  brifis  la  pince  où 
l'équilibre  du  toit  entier  fe  puifte 
rencontrer  }  fans  aucune  détermi- 


N  O  V  E  M 

nation  à  charger  cette  panne  ,  la- 
quelle ,  en  ce  cas  ,  pourra  être  auflî 
foible  que  l'on  fouhaitera  ,  puif- 
qu'à  la  rigueur  on  pourroit  totale- 
ment la  fupprimer. 

C'cft  à  cette  recherche  ,  que  M. 
Couplet  employé  prefque  tout  fon 
Mémoire  ,  où  il  met  en  œuvre 
toutes  les  opérations  ,  toutes  les 
conftruclions  géométriques  necef- 
faires  pour  une  pareille  découverte. 
Nous  y  renvoyons  le  Lecteur  ainh 
qu'à  l'extrait  détaillé  qu'on  en 
trouve  dans  la  partie  hiitorique  de 
ce  Volume. 

III.  Si  M.  Couplet  vient  d'em- 
ployer ingénieufement  la  Géomé- 
trie Méchanique  pour  perfection- 
ner l'art  de  conftruire  les  toits  ou 
combles  des  bâtimens  &  pour  les 
rendre  plus  durables  :  M.  de  Mau- 
pertuis,  d'un  autre  côté  ,  ne  fe  rend 
pas  moins  ingénieux  dans  le  même 
genre  ,  pour  faciliter  l'art  de  les 
détruire  Si  de  les  abîmer  à  coups  de 
bombes.  C'eftce  qu'il  appelle  Bal- 
lijîique  Arithmétique  ;  fur  laquelle 
on  a  déjà  un  grand  nombre  de 
Traitez.  Le  fien  a  cela  de  fingulier, 
qu'il  contient  en  deux  petites  pages 
tout  ce  que  renferment  les  plus  gros 
volumes  fur  cette  matière ,  &  le 
contient  d'une  manière  plus  direc- 
te &  plus  commode  pour  l'exécu- 
tion ,  que  ne  l'offrent  les  conftruc- 
tions  géométriques  fondées  fur  les 
proprietez  du  cercle  &  de  la  para- 
bole. Pour  bien  comprendre  la  mé- 
thode de  l'Académicien  déduite  en 
fi  peu  de  mots  dans  fon  Mémoire  , 
il  faut  lire  l'article  qu'en  a  fait  M. 
de  Fontenclle  dans  la  partie  hiftori- 


B  R.  E  ;   ï  7  j  4.  7îp 

que.  Il  fe  plaint  d'être  obligé  [  dit- 
il  ]  de  retrancher  k  ce  Mémoire  une 
partie  de  fon  mérite,  c'eft- à  -  dire, 
l'extrême  brièveté  pour  le  mettre  à  1a 
portée  de  toutes  fortes  de  Géomè- 
tres. Ce  que  donne  là-deffus  l'Hi- 
florien  remplit  quatre  bonnes  pa- 
ges ;  aufquelles  nous  renvoyons. 

Il  termine  les  articles  de  Mécha- 
nique par  l'Extrait  d'un  Livre  de 
M.  Pitot  t  intitulé  :  la  Théorie  de  la 
manœuvre  des  Vaiffeaux  réduite  en 
pratique  ,  ou  les  principes  &  les  rè- 
gles pour  naviguer  le  plus  avantageu- 
fetnent  qu'il  cfl  pejfible. 

Les  Machines  ou  Inventions  ap- 
prouvées par  l'Académie  en  175 1. 
font  i°.  Un  projet  de  M.  Gallon  t 
pour  lancer  les  Vaiffeaux  à  la  mer 
avec  moins  d'inconveniens  Se  plus 
de  facilité,  que  par  la  pratique  or- 
dinaire. 20.  Une  Machine  de  M.  du 
Buijfon,  Ingénieur,  pour  empêcher 
que  les  monnoyeurs,  en  mettant 
les  pièces  fur  les  quarrez  du  balan- 
cier pour  y  être  marquées  ,  ne  cou- 
rent le  rifque  d'avoir  les  doigts 
écrafés.  30.  Une  Machine  de  M. 
Jean-Baptifte  le  Brun  ,  exécutée  à 
Sève,  &  au  moyen  de  laquelle  l'eau 
fournie  par  une  chute  foit  naturel- 
le ,  foit  artificielle  ,  s'élève  d'elle- 
même  Se  fans  aucun  moteur,  à  une 
hauteur  confiderable.  40.  Un  In- 
itrument  prefenté  par  M.  Mèan  t 
où  il  a  réuni  les  ufages  de  plusieurs 
Inftrumens  déjà  connus ,  du  quar- 
tier de  réduction  ,  du  Cadran  So- 
laire horizontal ,  du  vertical  méri- 
dional ,  Se  qui  fert  pour  trouver  la 
méridienne  Se  la  déclinaifon  de  l'ai- 
guille. 50.  Deux  Chaifes  roulantes 
O  o  o  0  jj 


ES    SÇAVANS, 

d'hui  premier  Médecin  du  Roi  ] 
touchant  un  abfcés  intérieur  de  la  poi- 
trine accompagné  des  fymptomes  de 
la  phthifie  s  &  d'un  déplacement  no- 
table de  l'épine  du  dos  &  des  épaules; 
le  tout  terminé  heurettfemcnt  par  l'é- 
vacuation naturelle  de  i 'abfcés  par  le 
fondement.  Cette  obfcrvation  a  été 
envoyée  à  l'Académie  par  la  Socié- 
té Royale  des  Sciences  de  Mont- 
pellier,pour  entretenir  l'union  inti- 
me qui  doit  être  entr'elles,  comme 
ne  faifant  qu'un  feul  corps. 


740         JOURNAL   D 

du  fieur  Maillard ,  Maître  Menui- 
fîer  pour  les  CarofTes  du  Roi ,  un 
peu  différentes  de  conftruiftion  ,  8c 
lefquelles  un  homme  allîs  dedans 
ou  derrière  lait  mouvoir  en  tour- 
nant deux  manivelles, qui  lont  joiier 
le  rouage, avancer  &  reculer  avec  la 
même  facilité,  ôc  tourner  tort  vite. 
La  partie  hiltorique  de  ce  Volu- 
me eft  terminée  par  les  éloges  de 
MM.  Geoffroy  ,  Ruyfch  ,  &  le  Préfi- 
dent  de  Maifons  \  $£  l'on  trouve  à 
la  fin  des  Mémoires  ÏObfervation 
de  M.  Chicoyneau  le  père  [  aujou- 

JHESAURUS  NUMMORUM  SUEO-GOTHICORUM  STUDIO 
indefcflb  Elix  Brenneri  quinquaginta  annorum  fpatio  collectus  ,  fe- 
cundùm  feriem  temporum  difpofitus  ,  atque  è  tenebris  cum  Com- 
mentario  inapricum  prolatus. 

C'eft  -  à  -  dire  :  Tréfor  des  Afêdailles  Suedoifes-  Gotiques,  recueillies  par  Henri 
Brenner  yavec  des  explications.  A  Stockolm ,  chez  Jean  Laurent  Horrn; 
&  fe  trouve  à  Paris  ,  chez  le  "Breton  }  Quai  des  Auguftins  ,  à  la  Fortu- 
ne. 173 1.  /»-4°.  pp.  t-jo. 


Monsieur  Brenner  allure 
qu'il  eft  le  premier  qui  fe 
foit  attaché  à  former  une  fuite  , 
tant  des  Monnoyes  que  des  Mé- 
dailles Suedoifes.  Ayant  lui  même 
gravé  celles  qu'il  avoit  dans  fon 
Cabinet ,  &  celles  qu'il  avoit  vues 
dans  les  Cabinets  de  quelques  Cu- 
rieux ,  &  y  ayant  joint  quelques  ex- 
plications ,  il  en  compofa  un  Ou- 
vrage divifé  en  deux  Livres.  Mais 
ayant  enfuite  recouvré  plufieurs 
Monnoyes  &  plufieurs  Médailles  } 
tant  anciennes  que  modernes  ;  il 
augmenta  confiderablement  fon 
Ouvrage  ,  foit  par  rapport  au 
nombre  des  Médailles  ,  foit  par 
xapport  aux  explications.  Mais  la 


mort  l'empêcha  d'exécuter  entière- 
ment fon  deffein  ,  il  pria  en  m»u- 
rant  M.  Keder  fon  ami  de  mettre 
la  dernière  main  à  fon  Livre  &  de 
le  donner  au  public.  Les  mon- 
noyes &  les  Médailles  y  font  ran- 
gées fuivant  l'ordre  Chronoloei- 
que.  La  plupart  ont  ete  gravées 
par  M.  Brenner  lui  même  ,  &  M. 
Keder  a  pris  foin  de  faire  graver  les 
autres  :  les  explications  qui  accom- 
pagnent les  Monnoyes  &  les  Mé- 
dailles font  ordinairement  très- 
courtes;  le  tout  eft  difpofé  fuivant 
l'ordre  Chronologique. 

Il  n'y  a  dans  ce  Recueil  que 
trois  pièces  de  monnoye  qui  ayent 
précédé  l'établiflement  du  Chri- 


N  O  V  E  M 

ftianifme  dans  la  Suéde.  Elles  font 
très-minces  Se  marquées  feulement 
d'un  côté.  Au  milieu  de  la  premiè- 
re il  y  a  un  f^en  caractère  Runi- 
que.  Cette  Lettre  eft  fuivant  no- 
tre Auteur  ,  la  première  du  nom 
d'Olaus  que  les  anciens  pronon- 
coient  Vif  ou  Vlaf.  aux  deux  côrez 
&  au-deiîous  de  ce  caractère  Runi- 
que  ,  il  y  a  des  portions  de  cou- 
ronne furmontées  de  perles,  d'où 
notre  Auteur  conclut,  que  les  trois 
couronnes  raifoient  les  armes  &  le 
fymbole  de  la  Suéde  ,  avant  l'éta- 
bliflementduChriftianifme.  La  fé- 
conde reprefente  un  vifage  ou  plu- 
tôt quelques  traits  d'un  vifage 
groflîerement  formé ,  la  tête  eft  or- 
née d'une  couronne  furmontée  de 
perles.  La  lettre  Vît  trouve  encore 
marquée  en  caractère  Runique 
dans  la'troilîéme  Médaille ,  où  il  y 
a  un  vifage  qui  n'eft  pas  mieux 
marqué  que  dans  la  leconde. 

Toutes  les  monnoyes  fuivantes 
portent  des  marques  du  Chriftia 
nifme  ,  les  premières  font  de  Bior- 
ne  qui  regnoit  au  commencement 
du  neuvième  fiécle.  Il  y  en  a  de 
cette  claffe  qui  ne  font  rrappées 
que  d'un  côté  ,  d'autres  qui  ont  un 
revers.  Sur  l'une  on  voit  un  B  Ru- 
nique ,  fur  d'autres  on  voit  plu- 
fieurs  B  en  caractères  ordinaires  , 
Se  fur  une  autre  le  mot  borno  en 
forme  de  monogramme.  Notre 
'Auteur  ne  dit  point  ce  que  fîgni- 
fîcnt  les  triangles  qu'on  voit  fur 
quelques  monnoyes  de  Biorne.  On 
voit  fur  une  de  ces  monnoyes  le 
portail  d'une  Eglife.  Une  feule 
monnoye  de  Sivard  eu  marquée 


B  R  E;     1734.  74r 

de  la  lettre  Runique  S  entre  une 
croix  mal  formée  &  une  étoile.  On 
voit  encore  des   caractères  R  uni- 
ques fur  les  monnoyes  d'Olaus 
fumommé  SicotKonung;  Ce  Prince 
porte    une     couronne     avec    des 
rayons    à    l'extrémité  de    chacun 
defquels  il  y  a  une  perle  ;  à  l'extré- 
mité de  fon  Sceptre  il  y  a  trois  per- 
les. Anund ,  au  lieu  de  couronne, 
porte  un  bonnet  orné  de  perles  & 
un  Sceptre  comme  celui  d'Olaus. 
Dans  une  des  monnoyes    de    ce 
Prince ,  la  première  lettre  de  fon 
nom  eft  au  milieu  de  trois  couron- 
nes ornées  de  fleurons ,    au  revers 
eft  un  Lion  couronné  -,  ce  font  les 
armes  de  Gothie.  Le  nom  du  Roi 
Eric   qui  commença  à  régner  en 
1 1 50.  eft  écrit  en  caractère  gotique, 
Hericus.    M.  Brenner  obferve   là- 
deflus  que  c'a  été  long-tems  l'ufage 
non  feulement   dans   le   fond  du 
Nord  ,  mais  encore  en  différentes 
autres  parties  de  l'Europe  de  met- 
tre un  H  afpirée  au  commence- 
ment des  noms  propres  ;  le  nom  de 
Louis  le  Débonaire  ,  eft  ainfi  écrit 
avec  un  H  au  commencement  fur 
plusieurs  de  fes  monnoyes. 

Le  nom  de  Cnut  ou  Canut  écrit 
par  un  K  dans  les  monnoyes  de 
Canut  qui  regnoit  en  1 168.  donne 
lieu  à  M.  Brenner  de  faire  une  autre 
Obfervation  Philologique.  Il  pré- 
tend que  les  Peuples  du  Nord  qui 
avoient  des  caractères  particuliers 
avant  l'introduction  du  Chriftia- 
nifmc  ,  n'ayant  point  trouvé  dans 
les  caractères  majufcules  Runiques 
de  lettres  qui  répondît  au  C  des 
Latins ,  fc  font  fer  vi  dans  les  mon- 


742        JOURNAL    DE 

noyés  &  dans  les  Diplômes  de  la 
lettre  K  ,  fur-tout  pour  écrire  les 
noms  propres  qui  étoient  gotiques 
dans  leur  origine  ;  &  qu'ils  ont 
écrit  par  cette  raifon  Kanums  &c 
Karolus  ,  même  après  qu'ils  eurent 
quitté  leurs  caractères  Runiques  , 
pour  prendre  ceux  des  Romainst 
Au  lieu  que  les  Anglois  qui  ont 
pris  leurs  caractères  des  Romains  , 
de  qui  ils  tiennent  l'ufage  des  let- 
tres ,  ont  toujours  écrit  le  nom  de 
Kanut  par  un  C.  Nous  laiiTons  à 
nos  Antiquaires  François  à  exami- 
ner cette  conjecture  ,  &c  à  voir  ,  en 
cas  qu'elle  leur  parût  bien  fon- 
dée quelle  confequence  ils  en 
pourroient  tirer  par  rapport  à  la 
France  ,  où  l'on  a  écrit  le  nom  de 
Charles  par  un^  ,  même  fous  la 
féconde  Race  de  nos  Rois. 

On  a  fouvent  parlé  ,  tant  en 
Suéde  que  dans  les  autres  Pays,  du 
revers  d'une  monnoye  de  la  Reine 
Marguerite  qui  regnoit  en  1 39  j.Un 
ancien  Hiftorien  de  Suéde  dit  de 
cette  monnoye  :  inperpetuimludi- 
brium  CT  opprobrium  regni  monetam 
tj/uamdam  injtituh  (  Margareta  )  tur- 
pitudinis  fexus  fui  infignia  referen- 
tem.  Mais  notre  Auteur  foûtient 
que  ce  qu'on  a  voulu  faire  regar- 
der comme  une  figure  indécente  , 
n'eft  que  la  lettre  O ,  formée  de  la 
manière  dont  on  formoit  en  ce 
tems-là  cette  lettre  majufcule  en 
Dannemarc  &  en  Norvège  ,  Se  que 
c'étoit  la  première  lettre  du  nom 
de  la  Ville  où  cette  monnoye  a  été 
frappée.  Toutes  les  railleries  qu'on 
a  faites  fur  cette  monnoye  pa- 
toilTent  à  M.  Brcnner  d'autant  plus 


S     SÇAVANS, 

mal  placées ,  que  Marguerite  Rei- 
ne de  Suéde  avoit  de  grandes  qua- 
litez  ,  &  qu'il  n'y  a  point  d'appa- 
rence qu'elle  eût  voulu  taire  une 
infulte  à  toute  la  nation  Suedoife 
qui  lui  avoit  déféré  la  Couronne  , 
au  préjudice  d'autres  Princes  qui  y 
prétendoient. 

Les  pièces  de  monnoye  de  Suéde 
avoient  toutes  été  toit  petites  juf- 
qu'au  commencement  du  feiziéme 
fiécle.  On  commença  à  en  frapper 
d'une  grandeur  beaucoup  plus 
confiderable  fous  Stenon  le  jeune. 
Notre  Auteur  en  rapporte  une  de 
l'année  1511.  fur  laquelle  Stenon 
n'eft  pas  reprefenté  ,  mais  S.  Eric 
armé  ,  avec  un  manteau  par  deflus 
fes  armes ,  tenant  d'une  main  une 
épée  nue  }  de  l'autre  un  globe  fur- 
monté  d'une  croix  ,  avec  la  Cou- 
ronne en  tête  ,  &  le  nimbe  dont 
on  ornoit  ordinairement  la  tête 
des  Saints  ;  fous  Guftave  I.  il  y  eut 
des  monnoyes  quarrées  &  en  lofan- 
ge.  Suivant  notre  Auteur  les  pre- 
mières médailles  qui  n'étoient 
point  deftinées  à  fervir  de  mon- 
noye,ont  été  frappées  fous  Guftave 
premier;  cependant  dans  l'infcrip- 
tion  de  la  première  qu'il  prefen- 
te  il  eft  marqué  que  c'eft  une  mon- 
noye de  Stokolm.  Mais  il  en  rap- 
porte d'Eric  XI.  qui  ont  été  frap- 
pées pour  un  événement  particu- 
lier. Au  revers  d'une  de  ces  médail- 
les qui  eft  de  l'année  15^8.  on  voit 
le  nom  de  Dieu  Jehova  écrit  en  ca- 
ractères hébraïques  au  deffus  d'urtc 
nue  ;  de  cette  nue  fort  un  Scep- 
tre qui  defeend  fur  la  terre  ,  & 
qu'une    femme    regarde   comme 


N  O  V  E  M 

s'il  lui  devoit  être  remis.  Dans  l'en- 
foncement on  voit  la  mer  &c  un 
vailfeau  ,  avec  la  légende  dut  cui 
<vult.  Cette  Médaille  fut  frappée  , 
fuivant  notreAuceur,àrocca(ion  du 
mariage  d'Eric  avec  Catherine  fille 
deba(TeextracT:ion,dontilavoitdéja 
eu  un  enfant  mâle  qu'il  vouloit 
faire  reconnoître  pour  fon  fuccef- 
feur ,  afin  d'éviter  par  là  les  trou- 
bles que  fes  frères  caufoient  dans 
la  Suéde. 

Ceux  qui  aiment  à  s'inftruire  de 
l'Hiftoire  par  les  Médailles,  verront 
avec  plaifir  dans  le  Livre -même. 
LesMédailles  frappées  en  Suéde  au 
fujet  des  principaux  évenemens  du 
règne  du  grand  Guftave.  Celles  de 
la  Reine  Chriftine  font  auilî  en 
grand  nombre ,  il  y  en  a  de  Suéde 
&  de  Rome.  Au  revers  d'une  de 
ces  Médailles  de  Chriftine  on  a  re- 
prefenté  trois  Mufes  avec  ces  paro- 
les dulces  ante  omnia3  pour  marquer 
l'cftime  que  cette  PrinceiTe  faifoit 
des  Sciences  &:  des  Sçavans.  On  en 
voit  une  fur  la  paix  conclue  à  Of- 
nabrug  entre  l'Empire  &  la  Suéde , 
ou  la  paix  &  la  juftice  qui  foulent 
aux  pieds  la  guerre  &  la  difeorde  , 
foûtiennent  un  globe  qui  repre- 
fente  le  monde  ;  au  -  deiTus  deux 
génies  tournent  un  rouleau  de  pa- 
pier où  font  écrits  ces  mots  candide 
&  confianter ,  &  au-defTus  le  nom 
de  Dieu  en  caractères  hébraïques  : 
la  devife  contient  un  vœu  pour 
que  la  paix  foit  durable ,  &  pour 
que  Thémis  gouverne  l'Univers. 
Plufieurs  de  ces  Médailles  frappées 
en  Suéde  paroîtront  être  un  peu 
chargées  &  les  devifes  trop  lon- 


B  R  E,     Ï7*4-,  ,         745 

gués.  Celles  qui  ont  été  frappées  à 
Rome  depuis  que  la  Reine  Chri- 
ftine s'y  fut  retirée,  font  beaucoup 
plus  fimples. 

Notre  Auteur  n'a  rapporté  que 
fix  Médailles  du  règne  de  Charles 
XII.  Au  revers  d'une  de  ces  Mé- 
dailles on  voit  Hercule  avec  la  peau 
de  lion  &  la  malTuë  entre  deux  co- 
lonnes ,  non  hsc  ultima  meta  labo- 
rum  ,  &  dans  l'éxergne  XII.  labores 
Herculei.  Douze  expéditions  de 
Charles  XII.  marquées  fur  ce  re- 
vers font  les  douze  travaux  de 
l'Hercule  Suédois.  Les  Médailles 
des  Rois  de  Suéde  des  deux  der- 
niers fiéclcs  que  M.  Brenner  a  fait 
entrer  dans  fon  Recueil  ne  l'ont  pas 
empêché  de  fuivre  la  méthode  à 
laquelle  il  s'étoit  attaché  par  rap- 
port aux  règnes  précedens ,  c'eft-à- 
dire  de  faire  connoître  les  mon- 
noyés  qui  ont  eu  cours  fous  cha- 
que règne  ,  &  d'en  marquer  la  va- 
leur. 

Dans  le  petit  Traité  qui  termine 
ce  Volume,  l'Auteur  parle  des  Ca- 
binets des  Médailles  de  Suéde.  Le 
premier  eft  celui  du  Roi.  Il  avoit 
été  confidérablement  augmenté 
fous  le  règne  du  grand  Guftave. 
Mais  les  liberalitez  qu'en  fit  la  Rei- 
ne Chriftine  de  plufieurs  morceaux 
rares  &  curieux  ,  diminuèrent  con- 
fidérablement ce  Tréfor.  Quand 
elle  abdiqua  la  Couronne,  ce  Ca- 
binet fut  dépouillé  de  ce  qu'il 
avoit  de  plus  précieux.  Les  guerres 
qui  fuivirent  le  règne  de  Chriftine, 
ne  furent  point  un  tems  propre  à 
reparer  cette  perte.  Ce  ne  fut  que 
fur  la  fin  du  règne  de  Charles  XL 


744       JOURNAL1     DE 

que  ce  Cabinet  des  Médailles  de 
la  Couronne  de  Suéde  fe  rétablit. 
Ce  Prince  qui  aimoit  les  Lettres  Se 
fur-tout  les  Médailles  ,  forma  une 
efpece  d'Académie  en  1696.  de 
perfonnes  qui  s'appliquoicntàcette 
Science  ;  il  leur  conna  le  foin  de 
fon  Cabinet  de  Médailles  ,  &  il  af- 
filia fouventà  leurs  Conférences. 

M.  Brenner  étoit  du  nombre  de 
ces  Académiciens.  Plufieurs  Sei- 
gneurs Suédois  &c  des  Particuliers 
ont  auiïi  formé  des  Cabinets  de 
Médailles  de  la  Grèce  ,  de  Ro- 
me ,  de  la  Suéde  ,  &  des  autres 
Etats  de  l'Europe.  M.  Brenner 
avait  aulîî  un  Cabinet  de  Médailles 
dont  il  a  foin  de  taire  une  mention 
honorable.  Il  a  foin  aulfi  d'avertir 
qu'il  confervoit  dans  ce  Cabinet  ou- 
tré lesMédailles  plufieurs  curiofitez 
de  la  nature  Se  de  l'art  ,  &  qu'il  a 
des  Médailles  de  1^99.  &  de  1700. 
fur  lefquelles  il  cft  reprefenté  d'un 
côté  avec  la  Dame  fon  Epoufe.  Le 
revers  cft  un  laurier  avec  cette  de- 
vife  ,  crefeit  cultura.  Il  fait  aulll 
mention  du  Cabinet  de  M.  Kcder 
qui  a  pris  le  foin  de  l'Edition  de 
cet  Ouvrage  ,  l'un  des  Membres 
de  l'Académie  établie  en  Suéde  J 


5  SÇAVANS; 

pour  la  recherche  des  Antiquitez 
du  Pays.  M.  Keder  eft  Auteur  de 
plufieurs  Differrations  fur  d'an- 
ciennes Médailles  inférées  dans  les 
Journaux  Se  dans  les  Nouvelles 
Littéraires  du  Nord  ,  Se  de  trois 
Volumes  /»-4°.imprimés  à  Lcipfic, 
dont  deux  regardent  les  Médailles 
en  Langue  Runique  ,  l'autre  des 
Médailles  de  trois  Rois  de  Suéde  , 

6  de  Suenon  Roi  de  Dannemarc  , 
qui  furent  trouvées  en  Suéde  au 
commencement  de  ce  fiécle. 

Les  Suédois  qui  ont  écrit  fur  les 
Médailles  ,  dont  l'Auteur  parle 
dans  un  article  de  cet  Appendice  , 
ne  font  pas  en  grand  nombre  , 
quoiqu'on  ait  fort  aimé  les  Médail- 
les en  ce  Pays-là.  MM.  Keder  &C 
Brenner  font  ceux  qui  ont  le  plus 
travaillé  fur  cette  matière. 

Dans  le  dernier  article  l'Auteur 
parle  des  Médailles  qui  étoient  ca- 
chées depuis  long-tems ,  Se  qu'on 
a  découvert  en  Suéde  depuis  1599. 
Entre  cesMédailles  découvertes  en 
differens  endroits  t  il  y  en  a  d'Em- 
pereurs Romains  ,  de  Rois  d'An- 
gleterre Se  de  Dannemarc,  fur  tout 
de  Rois  de  Suéde  ,  &  des  Médail- 
les Runiques. 


HISTOIRE 


NOVEMBRE,    1734. 


741 


HISTOIRE  DEC  REVOLUTIONS  D'ESPAGNE  ,  DEPV/S  LA 

deftrutlion  de  L'Empire  des  Çoths  jufcju'a  l'entière  &  parfaite  réunion  des 
Royaumes  de  Caflille  &  d' Arragon  en  une  feule  Monarchie.  Par  le  Père 
Jofeph  d'Orléans  de  la  Compagnie  de  Jefus  ,  &  publié  par  les  Pères  Rouillé 
&  Brumoy.  1734.  A  Paris,  chez  Rollin  fils,  Quay  des  Auguftins  à 
S.  Athanafe.  Trois  Vol.  /K-40.  Tom.  I.  pp.  579.  Tom.  II.  pp.  644. 
Tom.  III.  pp.  655. 


LE  Libraire  ,  dans  un  Avertif- 
fement  qu'il  a  mis  à  la  tête  de 
cec  Ouvrage  ,  s'eft  cru  obligé  de 
prévenir  le  Lecleur  fur  le  préjugé 
ordinaire  qui  tend  à  faire  regarder 
comme  fuljxcts  les  Ouvrages  Po- 
fthumes.  Il  avoue  que  la  défiance 
du  Lecteur  n'eft  pour  l'ordinaire 
que  trop  bien  fondée.  »  Souvent  ce 
»  ne  font ,  dit-il  ^  que  des  avortons 
»  informes  de  la  vieilleffe  avancée 
»ou  de  l'extrême  jeunede  d'un 
»  Auteur  de  réputation ....  Tan- 
»  tôt  ce  ne  font  que  des  Effais  que 
»  la  chaleur  de  la  compolkion  lui 
)3  fait  d'abord  aimer  ,  &  que  la  re- 
»  flexion  lui  fait  enfuire  défa vouer 
»  pour  toû:ours;  tantôt  ce  font  des 
»  Ecrits  ébauchés  ,  qui  doivent 
»  leur  naillanceà  des  liaifons  d'a- 
»  mitié  ou  d'intérêt  fuivant  le  chan- 
»  gement  des  Conjonctures  ;  & 
j>  qu'un  changement  plus  raifon- 
»nable  renferme  dans  l'obfcurité 
»  du  Cabinet.  Quelquefois  ce  font 
»  des  folies  fçavantes  ,  enfantées 
»  par  l'imagination  ,  foûtenuês  par 
î>  l'entêtement ,  propres  à  exciter 
»  la  curiofité  avant  que  d'être  con- 
»  nues  ,  &  capables  de  faire  tort  à 
»  la  réputation  des  Auteurs  morts , 
»  quand  on  vient  à  les  dévoiler. 
•  Enjîn  ce  font  fouveut  des  Ofu-. 
Novembre. 


»  vres  incertaines  dont  les  vérita- 
»  blcs  Auteurs  ne  veulent  pas  être 
»  connus ,  procédé  lâche  &  tout-à- 
»  fait  contraire  à  la  bonne  foi ,  qui 
»  n'eft  pas  moins  due  au  Public  , 
»  qu'aux  particuliers. 

On  peut  affurer  que  l'Hiftoire 
des  Révolutions  d'Efpagne  n'eft 
pas  de  ce  caraclere;pluficurs  perfon- 
nés  fçavent  que  le  Père  d'Orléans 
avoit  entrepris  &  réellement  fort 
avancé  cet  Ouvrage  ;  d'ailleurs  il 
eft  aifé  d'y  reconnoître  l'Hiflorien 
des  Révolutions  d'Angleterre  ,  il 
vouloit  le  pouller  jufqu'à  la  mort 
de  Ferdinand  le  Catholique  incluli- 
vement.  La  mort  l'ayant  prévenu 
avant  qu'il  eût  rempli  fou  dclTein 
le  Père  Roiiillé  a  cru  devoir  répon- 
dre aux  defirs  de  ceux  qui  ne  vou- 
loient  pas  perdre  le  fruit  des  veilles 
d'un  Hiftoiien  fi  folide  &  fi  bril- 
lant ,  en  y  corrigeant  cependant  les 
négligences  d' Hifloire  &  de  flde  qui 
échappent  aux  meilleurs  Ecrivains 
dans  un  premier  pas.  Il  y  a  même 
ajouté  fut  la  toi  des  plus  célèbres 
Auteurs  Efpagnols  grand  nombre 
de  faits,  £c  de  circonftances  Hi- 
ftoriques ,  dont  l'omillion  auroit 
été  reparée  par  l'Auteur-même  , 
s'il  eût  vécu  plus  long  tems. 

Le  Libraire  nous  apprend  encore 
PPPP 


745  JOURNAL    D 

que  tout  ce  qui  eft  renfermé  dans  le 
premier  Volume  &  dans  le  fécond, 
jufe  n'a  la  page  449  eft  incontefta- 
blément  du  Père  d'Orléans  ,  que 
la  fuite  du  fécond  Volume  jufqu'à 
la  page  1Z5  du  troihéme ,  eft  du 
feu  Perc  Arthuys  dont  la  plume 
commençoit  à  le  faire  oonhoîrre 
dans  la  République  des  Lettres , 
lorfqu'il  tut  arrêté  au  commence- 
ment de  fa  carrière.  Enfin  que  le 
refte  du  troifiéme  Tome  eft  du  aux 
foins  du  Père  Brumoy. 

On  s'eft  ,  dir-on  ,  contenté  de 
fuivre  le  Père  d'Orléans  avec  tout 
le  foin  polîîble  fans  prétendre  être 
ion  imitateur  ,  Se  fuppoié  qu'on 
ne  foit  point  mécontent  de  fes 
Continuateurs  on  nous  promet 
qu'ils  lé  rendront  aux  infiances  de 
plufieurspeifonnes  coniiderablcs  , 
qui  aptes  avoir  lii  cet  Ouvrage  en 
ManufcritjOnt  fouhaité  qu'ils  don- 
naient l'Hiftoire  des  règnes  pofte- 
ricurs  à  la  réunion  des  Couronnes 
d'Efpagne  jufqu'à  nos  jours.  Dès 
que  l'exécution  de  ce  dellein  ne  dé- 
pendra que  du  fuftrage  du  Public 
en  faveur  de  ce  qu'on  lui  prefente 
aujourd'hui,  il  y  a  lieu  de  croire 
qu'on  ne  fera  pas  long-tems  fans 
voir  paroître  le  refte  de  cet  Ouvra- 
ge 

Les  deux  Continuations  com- 
prennent celle  de  toutes  les  Révo- 
lutions ,  qui  eft  ians  contredit  la 
plus  intere(Tantc,c'eft-à-dire,la  réu- 
nion de  la  Caftillc  &  de  l'Arragon; 
èc  on  nous  affure  qu'on  en  a  re- 
cherché avec  la  dernière  exactitude 
les  principes  les  plus  reculés  &  les 
intrigues  les  plus  cachées.  Et  on  a 


ES  SÇAVANS,. 

fini  par  la  conquête    de  Grenade 

qui  tut  l'événement  le  plus  brillant 

du  règne  de  Ferdinand  &  d'Ifabcl- 

le. 

Le  premier  Volume  eft  partagé 
en  trois  Livres.  Après  avoir  don- 
né une  idée  générale  de  la  Monar- 
chie d'Efpagrre  ,  l'Auteur  com- 
mence le  premier  Livre  à  la  ruine 
de  l'Empire  Goth  ,  fous  le  règne 
de  Rodenc -,  il  décrit  l'irruption 
des  Maures  en  Efpagne  que  le 
Comte  Julien  y  avot  attirés  ,  pour 
venger  l'outrage  fait  a  fa  fille  par 
Rodéiic.  Ce  Roi  périt  malheureu- 
fement  dans  cette  guerre  avec  pref- 
que  toute  la  tamilie  Rovale  ;  Pela- 
ge qui  en  étoit  iflii  eut  le  bonheur 
d'échapper  à  la  fureur  des  Maho- 
métans ,  &  de  le  faire  un  petit  Etat 
dans  les  montagnes  d  Ailuric. 

Le  refte  de  l'Efpagne  le  fournit 
avec  d'autant  moins  de  peine  aux 
Maures  ,  que  ces  Infidèles  ne 
forcèrent  perfonne  à  changer  de 
Religion.  Dès  lors,  c'eft-a  dire  , 
environ  l'an  71 5.  les  Chrétiens  Ef- 
pagnols  forcés  d'obéir  à  la  domina- 
tion Sarazine  furent  appelles  Mn~ 
farabes  ,  dii  nom  de  Mttz.a  leur 
vainqueur,  &  Az  celui  d'Arabes 
qu'on  donnoit  alors  aux  Mahomé- 
tans  Atricains  pour  marquer  leur 
origine. 

Ils  elfayerent  cependant  de  for- 
cer Pelage  dans  fa  retraite  -,  mais 
ayant  été  repoudes  avec  perte ,  ils 
lui  donnèrent  la  paix  à  des  condi- 
tions tolérables  ,  &  qui  peu  à  peu 
le  mirent  en  état  d'être  le  reftaura- 
teur  de  la  Monarchie  Efpaguole. 

Les  diiiercns  Gouverneurs  qjii 


N  O  V  E  M 

•commandèrent  en  Efpagne  au  nom 
du  Miramolin  qui  faifoit  fa  refi- 
dence  à  Damas  &  qui  étoit  le  Chef 
de  la  Nation  Sarazine  ,  parurent 
d'abord  gouverner  l'Efpagne  avec 
beaucoup  d'équité;  mais  ils  ne  fu- 
rent pas  long  tems  fans  abufer  de 
leur  puiffincej  Pelage  lui-même  en 
rcirenrit  de  runeftes  effets  ;  il  refo- 
lut  donc  de  profiter  de  la  difpofî- 
tion  des  Efpagnols  qui  gémilTbicnt 
fous  le  joug  des  Infidèles,  pour  les 
engager  à  le  fecouer.  Il  raffembla 
un  nombre-  conlîderable  de  gens 
qui  penfoient  comme  lui ,  &  re- 
çut d'eux  le  titre  de  Roi  des  Aftu- 
ries.  Avec  leur  fecou.s ,  il  gagna 
une  bataille  conlîderable  contre  les 
Sarazins  qui  au  premier  bruit  de  fa 
révolte  étoient  venus  pour  le  for- 
cer dans  fes  montagnes. 

Il  fut  d'autant  plus  facile  à  Pelage 
de  profiter  de  cette  victoire  que  les 
Sarazins  s'étoient  attachés  à  la  con- 
quête de  la  Gaule  Gothique. 

Mais  ils  échouèrent  dans  un  projet 
fi  hardi.  Pelage  mourut  tranquille 
au  milieu  de  fon  petit  Royaume  , 
il  le  lailTa  à  Fafila  fon  fils.  Celui-ci 
ayant  été  tué  à  la  charte  par  un 
Ours ,  Ermifinde  fa  fœur  deviDt 
héritière  de  fes  Etats ,  &  Alphonfe 
furnommé  depuis  le  Catholique, 
qu'elle  avoit  époufé  les  polfeda  du 
chef  de  fa  femme.  Ce  Prince  éten- 
dit de  tous  cotez  les  limites  de  fon 
Etat ,  &.  conquit  un  grand  nombre 
de  bonnes  places  fur  les  Infidèles 
dans  la  Galice ,  dans  le  Portugal , 
dans  la  Bifcaye ,  dans  la  Navarre  , 
dans  le  Royaume  de  Léon  ,  &  en 

divers  endroits  de  la  Caftille. 


B  R  E  ,    i  7  3  4.  747 

Les  divifions  cjui  regnoient  tou- 
jours entre  les  Sarazins  dont  les 
principaux  Capitaines  avoient  éri- 
gé chacun  leur  gouvernement  par- 
ticulier en  auunt  de  Principautez 
féparées  ,  donnèrent  le  mo'  en  à 
Alphonfe  le  Charte,  petit  fils  d'Al- 
phonfe  le  Catholique  ,  d'étendre 
les  conquêtes  fur  les  Infidèles ,  qui 
fc  trouvoient  d'ailleurs  affoiblis  par 
les  victoires  de  Chàrlemagne  S:  de 
Louis  le  Débonnaire  qui  leur 
avoient  enlevé  la  Navarre ,  la  Ca- 
tilogne,  Se  une  partie  de  l'Arra- 
gon. 

»  Alphonfe  termina  fon  règne  & 
»  fa  vie  l'an  S45  ,  âgé  de  plus  de 
»  80  ans  ,  avec  la  confolation  de 
»  laiffer  à  fes  Sujets  un  bon  Roi 
»  qui  étoit  Ramire ,  qu'il  avoit  fait 
»  défigner  de  fon  vivant  pour  être 
«  fon  SuccelTcur  ,  &  à  toute  l'Ef 
»  pagne  Chrétienne  le  fecours  d'un 
»  grand  Apôtre  ,  qui  s'éroit  décla- 
»  ré  fous  fon  règne  par  beaucoup 
»  de  lignes  fcnfibles  ,  Protecteur 
»  de  ce  Pays.  Je  n'examine  point 
»  ici,  continue  l'Auteur,  fi  Saint 
»  Jacques  vint  jamais  en  Efpagne  ; 
h  &  fi  le  Sépulchre  de  marbre  trou- 
»  vé  à  Compoftclle  dans  ce  tems- 
»  là  par  l'indice  de  certains  rlam- 
«beaux,  dont  ce  lieu  parut  aux 
y>  Saints  Evêques  être  éclairé  durant 
»  la  nuit,  eft  en  effet  celui  de  cet 
»  Apôtre.  Je  fçai  ce  qu'on  en  dit 
y  de  part  &  d'autre  ;  &  je  ne  crois 
»  pas  même  qu'il  faille  être  trop 
»*  profond  Critique  pour  en  déci- 
»  der;  mais  ce  qu'on  ne  peut  ré- 
»  voqueren  doute  fans  une  téméri- 
»  té  qui  blelTe  en  même  tems  la  foi 
Ppppij 


74-8  JOURNAL  D 

»  de  l'Hiftoire  Se  1'cfprit  de  la  Re- 
»  ligion  ,  c'eft  que  Dieu  a  voulu 
»  que  ce  Saint  tût  particuliere- 
»  ment  honoré  en  ce  lieu  ,  &  qu'il 
n  protégeât  cies  Peuples  qui  ontli- 
»  vrérant  de  combats  pour  y  con- 
»  ferver  la  viaye  toi.  L'Hiftoire  de 
ce  même  Ramire  qui  monta  fur 
îc  Trône  après.  Alphonfe,  en  eCc 
une  preuve  authentique-,  fie  enre- 
connoillance  de  la  protection  dont 
ce  Saint  l'honora  dans  une  fanglan- 
te  bataille  qu'il  gagna  contre  le 
Roi  de  Cordoiie  ,  bataille  dans  la- 
quelle les  Efpagnols  crurent  voir 
leur  Patron  portant  devant  eux  un 
érendart  blanc  avec  une  croix  rou- 
ge au  milieu ,  Ramire  obligea  l'Ef- 
pagne  par  un  vœu  public  autorifé 
depuis  par  les  Papes ,  à  payer  tous 
les  ans  à  l'Eglife  de  Compoftelle 
certain  tribut  de  bled  fie  de  vin  ,  à 
proportion  de  ce  que  chacun  pofie- 
doit  de  terre  ;  fie  l'on  allure  qu'en 
certaines  Provinces  ce  tribut  fe 
paye  encore  aujourd'hui.  11  ordon- 
na de  plus  ,  mais  le  tems  a  entière- 
ment aboli  cet  ufage  ,  que  dans  le 
partage  des  dépouilles  qu'on  rem- 
porteroic  déformais  fur  les  enne- 
mis de  la  Nation  ,  l'Apôtre  ,  c'eft- 
à-dire  ,,  cette  célèbre  Eglife  de 
Galice  qui  porte  fon  nom  ,  auroit 
toujours  la  paye  d'un  Soldat. 

Depuis  ce  tems-là  le  Royaume 
de  Navarre  fondé  environ  l'an  840. 
par  Inigo  -  Arifta  ,  &  les  autres 
Etats  qui  s'établirent  en  Efpagne 
parmi  les  Chrétiens ,  comme  celui 
dès  Comtes  de  Caftille  qui  devin- 
rent Souverains  Se  indépendans  du 
Rbyaume  d'Afturie  confondu  pour 


ES  SÇAVANS, 

lors  dans  la  Principauté  de  Léon-  ~ 
celui  des  Comtes  de  Barcelone  qui 
parurent  quelques  tems  après  ,  les 
Révolutions  caufées  par  la  jaloufie 
de  ces  Souv&rains-mëmes  3  les  di- 
visons &  les  troubles  domeftiqucS' 
qui  s'élevoient  dans  chacun  de  ks 
Etats  ,  le  peu  de  détail  que  l'Hi- 
ftoire nous  a  confervé  de  tous  ces 
évenemenSjtant  de  taitsdont  quel- 
ques -  uns  -  même  ont  une  liaifen 
n?cellaire  avec  l'Hiftoire  de  Fran- 
ce ,  rendent  la  narration  fi  coupée 
Si  fi  preffée  ,  qu'il  n'eft  pas  poffibfe 
d'en  donner  un  extrait ,  ni  en  mê- 
me tems  de  s'empêcher  de  rendre 
juftice  à  la  netteté  ,  à  l'ordre  ,  & 
même  à  l'agrément  avec  lequel 
l'Hiftorien  développe  toutes  les 
rmtieres. 

Cependant  il  ne  tint  qu'à  Sanchc 
le  Grand  de  réunir  tous  ces  petits 
Erats  dans  une  feule  Monarchie  ;  la 
Caftille  lui  vint  par  droit  de  fuc- 
ceflîon  ;  le  Roi  de  Léon  n'avek 
qu'une  fille  qu'il  auroit  pu  faire 
époufer  à  fon  fils,  on  crovoit  mê- 
me qu'il  auroit  pris  d'autant  plus 
volontiers  ce  parti  ,  que  fier  de 
fes  conquêtes  ,  il  s'étoit  donné  le 
titre  d'Empereur;  mais  la  tendre  (Te 
pour  fon  f  cond  fils  Ferdinand 
l'emporta  ;  il  le  maria  avec  cette 
Princelle  ,  &  parce  mariage  Ferdi- 
nand devint  Roi  de  Léon  ,  Se  S.in- 
che  y  joignit  encore  le  Royaume 
de  Caftille.  Il  donna  l'Arragon  à 
Ramire  fon  fils  naturel  ,  par  des 
confiderations  qu'on  verra  avec 
plaifir  dans  l'Ouvrage  -  même  ;  tl 
difpofa  encore  du  petit  Pavsdc  So- 
brarbe,  fie  de  Ripargoce  en  faveur 


N  O  V  E  M  B  R  E  ,  i  7  î  4- 


de  Don  Gonzalvc  Cor.  troifîéme 
fils  ,  &  Don  Garcie  l'aîné  n'eut 
pour  lui  que  la  Navarre.  Tel  fut  le 
commencement  des  Royaumes  de 
Caftille  &  d'Arragon. 

C'eft  par  cet  événement  &  par 
la  mort  de  Sanche  que  finit  le  pre- 
mier Livie.  On  voit  dans  le  fécond 

quelétoit  l'état  de  l'Efpagne  Cbré-  Cette  importante  conquête  donna 
tienne  après  la  mort  de  ce  Prince  occafion  à  Alphonfe  de  prendre  le 
arrivée  en  1035.  elle  fe  trouva  di-     titre    d'Empereur     des    Efpa»ncs 


74P 
che  lui  confia  le  commandement 
de  l'armée  qui  devoit  faire  le  Siéoe 
de  Tolède;  on  voit  ici  l'Hiftoire  de 
ce  Siège  auquel  route  l'Efpagrie 
Chrétienne  ,  &  même  quelques 
Seigneurs  François  ,  dont  l'un  fut 
même  le  Fondateur  de  la  Monar- 
chie   Portuaaife  ,     prirent    part. 


vifée  en  fix  Etats  très  bornés ,  8c 
qui  tous  enfemble  comprenoient  à 
peine  la  cinquième  partie  des  Pro- 
vinces Efpagnoles  ;  fçavoir  les 
Royaumes  de  Léon  ,  de  Navarre , 
de  Caftille  ,  d'Arragon  ,  de  Sobrar- 
be  &:  le  Comté  de  Barcelonne  \  le 


comme  avoit  fait  fon  père.  Al- 
phonfe  VII.  Roi  de  Caftille  le  prit 
enfuite;  mais  il  a  été  le  dernier  Roi 
d'Efpagne  qui  fe  foie  attribué  ce 
nom. 

Comme  ce  fut  dans  ce  tems  -  là 
que  le  fameux  Godefroy  de  Bouil- 


refte  de  l'Efpagne  appartenoit  aux     Ion  partit  pour  la  conquête  de  la 
Maures  ;•  mais    (1  l'ambition   des      Terre  Sainte  }  pluiîeurs  Seigneurs- 


mais 
Princes  Chrétiens  ne  leur  eût  pas 
fait  prendre  le  change  ,  il  leur  au- 
roit  été  facile  d'anéantir  les  Infidè- 
les ,  6c  de  les  dépouiller  de  toutes 
leurs  conquêtes,  fur-tout  depuis 
la  réunion  du  Rovaume  de  Léon  & 


&  même  quelques  Evêques  Fran- 
çois qui  n'avoient  pu  le  fuivre 
dans  cette  Croifade  ,  vinrent  of- 
frir leurs  fervices  à  Alphorife  qui 
fe  pieparoit  à  enlever  Saragoce 
aux  Infidèles.  Cette  Ville  fut  en 


de  Caftille  en  la  perfonne  de  Ferdi-  effet  prife  après  huit  mois  de  Sié^e. 

nand  ;  mais  ce  Prince  par  une  déli-  On  prétend  que  le  Roi  y  établit 

cateffe  de  confeience  ,   conforme  dès  lors  ce  Magiftrat  célèbre  aopel- 

aux  principes  reçus  dans  ce  tems-  le  le  Jnflicc  d'Arragon ,  dont  l'in- 

là  j  ayant  partagé  fa  Couronne  en-  ftitution  aufîi  bien  que  les  fonc- 


tre  trois  fils  ,  &  deux  filles 
qu'il  avoit  ,  fes  héritiers  furent 
continuellement  cm  guerre  les  uns 
contre  les  autres.  Ce  fut  dans  ces 
guerres  qu'éclata  la  valeur  du  fa- 
meux Dom  Rodrigue-Dias  de  Bi- 
ver.  Il  faut  voir  avec  quelle  fagaci- 
té  l'Auteur  démêle  ce  qu'il  y  a  de 
vrai  dans  les  traits  Romanefques 
dont  on  a  rempli  la  Vie  de  ce  Hé- 


tions  ont  exercé  la  plume  des  Criti- 
ques. Ce  Prince  fut  tué  dans  une 
célèbre  bataille  qu'il  perdit  contre 
les  Maures  ,  fur  lefquels  il  venoit 
d'enlever  Lerida.  N'ayant  point 
d'en  fans  il  inftitua  par  un  Tefta- 
ment  folemncl  les  Templiers  &  les 
Chevaliers  de  Saint  Jean  de  Jerufa- 
1cm  héritiers  de  tous  fes  Etats, 
Mais  ce  Tcftament  bizarre  n'eut 


ros.  Alphonfc  SuccefTeur  de  San-     point  de  lieu.  Les  Etats  de  Navarre  - 


7;o  JOURNAL   D 

aflemblés  à  Pampclune  ,  déclarè- 
rent Roi  de  Navarre  Dom  Garcie 
fils  du  Prince  Ramire  &:  d'une  des 
filles  du  Cid  ,  petit -fils  du  Roi 
Dom  Sanche.  Et  les  Etats  d'Arra- 
gon  qui  fe  tinrent  à  Monçonélu- 
rentRamiretreredes  deux  derniers 
Rois  d'Arragon  ,  qui  depuis  la 
mort  de  fon  dernier  trere  fe  don- 
noit  le  titre  de  Prêtre.  Roi  ;  il  a  voit 
été  Religieux  à  S.  Pons ,  Se  long- 
tems  Abbé  de  Sahagun  ,  enfuite 
Evêque  de  Burgos  ,  &  quelque 
tems  apès  de  Pampclune  ,  enfin  de 
Roda  &  de  Balboftro.On  l'obligea, 
après  quarante  ans  de  profelfion 
religieufe,  à  fe  marier.  Ce  fut  le 
Pape  Innocent  II.  qui  lui  en  donna 
la  difpenfe.  Ce  que  Ramire  fit  de 
mieux  dans  fon  règne  ,  ce  fut  de 
s'être  laffé  de  régner.  Se  voyant 
méprifable  à  fes  Sujets,  il  voulut 
leur  devenir  redoutable,  Se  fit  cou- 
per la  tête  à  quinze  des  plus  grands 
Seigneurs  du  Pays.  Mais  comme 
cette  cruauté  n'éroit  que  foiblefle, 
il  n'en  fut  que  plus  odieux  ,  Se 
n'en  fut  pas  moins  méprifé.  C'eft 
ce  qui  l'obligea  de  marier  la  feule 
fille  qu'il  eut  à  Raimond  Bérenc;er 
Comte  de  Barcelonne ,  &  le  fils 
qu'il  eut  de  cette  Princefle  porta 
le  titre  de  Roi  d'Arragon.  Après 
cette  difpofition  Ramire  fe  retira 
au  Monaftcre  d'Huefca  ,  où  il  finit 
fes  jours. 

C'eft  en  cette  même  année  que 
le  Comte  Alphcnfe  fe  fit  déclarer 
Roi  de  Portugal  ,  titre  qu'U  méri- 
ta par  fes  vertus  Se  qu'il  foûtintpar 
fon  courage ,  il  fe  fignala •fur-tout  à 
îa  bataille  d'Obrique  qu'il  rempor- 


ES  SÇAVANS, 
ta  fur  les  Marnes. «Les  Ecrivains  du 
»  Pais  en  racontent  des  circonltan- 
»  ces  euraordinaircSj&eucheriiTent 
»  fur  les  Caftillans  pour  le  lurnatu- 
*  rel  &  pour  le  merveilleux.  Ils  rf- 
»  furent  que  J.  C.  même  apparut  à 
»  Alphonle,  l'anima  au  combat,  Se 
»  lui  prédit  la  grandeur  future  de 
«  la  Race  &  de  fa  Nation  ;  qu'il  le 
»  déclara  Roi,  Se  lui  dit  qu'il  avoit 
»  choifi  le  Royaume  de  Portugal 
»  pour  étendre  le  lien  dans  le  nou- 
»  veau  monde  ,  lui  donnant  pour 
»  armes  la  figure  de  fes  cinq  playes. 
»  C'eft  ce  que  d'autres  ont  pris 
»  pour  les  cinqEcuifons  qu'on  voit 
»  dans  l'Ecu  de  Portugal  ,  Se  qui 
»  félon  eux  reprefentent  les  cinq 
»  Etendarts  gagnés  fur  tes  Maures 
»  à  la  bataille  d'Obrique. 

Toute  l'Hiftoire  d'Efpagne  eft 
pleine  de  fcmblablcs  apparitions.  Il 
ne  s'y  eft  guéres  donné  de  bataille 
où  S.  Jacques  ,  S.  Ilîdore  ,  Saint 
George  ,  &c.  ne  foient  venus  en 
perfonne  au  fecours  de  quelque 
Roi  d'Efpagne  ,  ce  qui  donne  lieu 
à  notre  Hitlorien  de  taire  la  remar- 
que fuivante.  =  Je  rapporte  ,  ditilt 
•>ces  Vifions ,  fans  les  garantir  ,  &c 
y»  quand  je  les  garantirais  ,  je  vis 
d  d.ins  un  fiécle  où  la  pieuiccrédu- 
»  lité  qui  regnoit  alors ,  Se  qui  por- 
»  toit  la  Religion  de  nos  pères 
»  quelquefois  au  delà  de  fon  objet, 
»  ne  trouve  pas  dans  les  efprits  la 
»  même  docilité. 

Le  Roi  de  Cattille  voulut  d'a- 
bord difputer  le  titre  de  Roi  à  Al- 
phonfe  ;  mais  Alexandre  I  1 1. 
l'ayant  confirmé  dans  cette  qualité 
en  confideracion     des    conquêtes 


N  O  V  E  M 

que  ce  Prince  continuoic  à  taire  fut 
les  ennemis  du  nom  Chrétien  ,  s'il 
refta  aux  Caltillans  quelque  pré- 
tention fur  le  Royaume  de  Portu- 
gal ,  comme  le  témoignent  quel- 
ques uns  de  leurs  Hiftoriens,  elles 
n'eurent  aucun  effet. 

Nous  renvoyons  à  l'Ouvrage- 
rneme  pour  tout  ce  qui  regarde  le 
Voyage  de  Louis  le  Jeune  Roi  de 
France  en  Efpagne ,  &  les  motits 
qui  en  turent  le  piincipc  i  la  naif- 
fance  de  l'Ordre  des  Chevaliers  de 
Calatrava  ,  l'avanture  &  la  puni- 
tion d'un  Impofteur  qui  ofi  difpu- 
ter  le  Trône  à  Alphonfe  II.  Roi 
d'Arragon,&  les  négotiations  &  les 
Traitez  faits  à  l'occalion  du  maria- 
ge de  Blanche  de  Caftille  avec 
Louis  fils  de  Philippe-Augufce. 

La  célèbre  bataille  de  Murandal 
gagnée  contre  les  Maures  par  Al- 
phonfe le  Noble,  Roi  de  Caftille  , 
avec  le  fecours  d'un  grand  nombre 
de  Croifez  François ,  termine  le  fé- 
cond Livre  ;  on  y  trouve  encore  le 
récit  de  la  Journée  de  Muret,  où 
périt  Pierre  II.  Roi  d'Arragon  ;  les 
Efpagnols  lui  donnent  le  fur  nom 
de  Catholique,  quoiqu'il  foit  more 
portant  actuellement  les  armes  en 
faveur  de  Raymond  Comte  de 
Touloufe  ,  Protecteur  des  Albi- 
geois qui  avoit  embraffé  ouverte- 
ment ,  dit  l'Auteur ,  linon  le  parti 
de  l'Hérélie,  au  moins  celui  des 
Hérétiques. 

Le  troihéme  &c  dernier  Livre  de 
ce  Volume  comprend  l'Hiftoirc 
de  Ferdinand  troifïéme  Roi  de  Ca- 
ftille, qui  porta  le  furnom  de  Saint, 
&  celle  de  Jacques  I.  Roi  d' Arra- 


B   RE,  1734.  7^r 

gon  ,  qui  mourut  en  1271.  deux 
Royaumes  conquis ,  trente  batail- 
les où  il  fe  trouva  en  perfonne  ,  & 
dont  il  fortit  toujours  victorieux  , 
lui  firent  mériter  le  furnom  de 
Conquérant.  Les  bornes  dans  Ici- 
quelles  nous  fommes  obligés  de 
nous  renfermer  ne  nous  permettant 
pas  d'étendre  davantage  cet  Ex- 
trait. Il  ne  nous  refte  plus  que  de 
donner  ici  le  portrait  d'Alphonfc  le 
Sage  ,  (  pag.  491.  )  afin  que  le 
Lecteur  puilîe  juger  par  lui-même 
du  ftile  de  notre  Hiftorien. 

»  Alphonfe  tut  furnomme  le  Sa- 
»  ge  au  fens  qu'on  appelloit  de  ce 
»  nom  les  Sçavans  dans  l'ancienne 
»  Grèce  ;  &  perfonne  ne  l'a  mieux 
»  mérité  que  lui  ;  mais  il  ne  fut  rien 
»  moins  que  fage  de  cette  fagelTe 
«qui  convient  aux  Rois.  Non  que 
»  ion  application  à  l'étude  l'empê- 
»  chat  d'en  avoir  aux  affaires;  ceux 
»  qui  l'ont  dit  ,  l'ont  mal  connu  ; 
»  il  avoit  l'efprit  aiTez  étendu  pour 
»  être  grand  Philofophe  ,  grand 
"Aftronome,  tk  grand  Roi  ,  s'il 
»  eut  eu  autant  de  cette  prudence 
»  politique  qui  fait  un  Monarque 
»  accompli  ,  qu'il  avoit  de  cette 
y  pénétration  fpéculative  qui  fait 
x>  un  grand  Philofophe  &  un  Ma- 
»  thématicien  profond.  On  a  dit  de 
«lui  qu'en  étudiant  le  Ciel  ,  il 
»  avoit  perdu  la  terre.  L'un  ne  fut 
»  pas  la  caufe  de  l'autre.  Il  penfoit 
»  aux  affaires  de  la  terre  autane 
»  qu'aux  mouvemens  du  Ciel  ; 
*>  mais  il  avoit  un  talent  pour  pen- 
»  fer  jufte  quand  il  étudioit  le 
»  Ciel  ,  qu'il  n'avoit  pas  pour 
»  prendre  des  mefiucs  dans  les  af- 


7J-2         JOURNAL    D 

»  faires  de  la  terre.  Efprit  léger  3 
»  cipricieux  y  changeant,  fin  fans 
x>  prudence  ,  entreprenant  fans  fui- 
u  te  ,  penfant  beaucoup  ,  &  n'ap- 
»  profondiflant  rien  ,  fe  laiflant 
»  éblouir  par  les  apparences  ;  & 
»  quoiqu'il  agît  avec  lenteur,  tom- 
»  bant  par  fon  inconftance  dans 
»  tous  les  inconvéniens  de  la  préci- 
»  pitation.  Brave  au  relte  ,  Se  ne 
»  faifant  pas  mal  la  guerre  ,  quand 


ES    SÇAVANS, 

»  il  l'entreprenoir  à  propos  ,  ayant 
»  allez  les  fentimens  d'une  perfon- 
»  ne  de  fon  rang ,  de  la  douceur 
»  dans  le  fonds  du  naturel  ,  mais 
»  aigre  &  fier  par  impolitefle  ,  dé- 
»  faut  ordinaire  aux  efpritsfpécu- 
»latifs,  &c. 

Nous  donnerons  la  fuite  de  cet- 
te Hiftoire  dans  les  Journaux  fui- 
vans. 


DE  UR1NIS  TRACT ATUS  DUO.  PRIOR  ,  QILESTIO  QUODLI- 
BETARIA  :  an  ullâ  Scientix  Medicx  inveftigatione,  autexpenmento 
quifpiam  poffit  ex  fola  urinarum  infpeétione ,  morborum  naturam  ad 
medelamdignoicere?  Alterde  urinis  ut  lîgnOjin  quo  ordinarius  &  natu- 
ralishominis  fani  urinx  afpedtus,ejufdemque  abeo  mutatxconititutio, 
morbi  tempore  proponitur,  in  caufas  inquirkur ,  &  quid  ilngulx 
variationes  indicent ,  tàm  ex  veterum,  potilTimùm  Hippocratis  ,  quàm 
recentiorum  obfcrvatione  exponitur.  Àuthore  H.  J.  Rega  ,  in  cele- 
berrimâ  LovanunhumUniverhtate  Med.  D.  PP.  Lovami,  Typis  Mar- 
tini Van  -  Overbeke.  1733. 

■C'eft  -  à  -  dire  :  Deux  Traitez,  des  Urines  ,  dans  le  premier  defquels  on 
examine  en  général  fi  par  la  feule  infpetlion  des  urines  on  peut  parvenir  À 
connaître  la  nature  des  maladies,  &  le  traitement  qui  leur  convient;  &  dans 
le  fécond  ,  attelles  confequences  on  peut  tirer  en  particulier  des  divers  chan- 
aemens  qui  arrivent  aux  urines  }foit  enfanté  ,  fut  en  maladie.  Par  H.  J. 
Reça  ,  Docleur  &  Profeffeur  en  Médecine  dans  l'Vniverfîié  de  Louvain. 
A  Louvain,  de  l'Imprimerie  de  Martin  fan  Overbeke.  1733.  vo^ 
in  12.  premier  Traité,  pp.  46.  fécond  Traité  ,  pp.  1 3Z. 


MRéga  ,  Auteur  de  cet  Ou- 
.  vrage  ,  commence  d'abord 
par  déclamer  contre  la  ciédulité  de 
ceux  qui  ront  porter  de  leur  urine 
ou  de  celle  de  quelque  autre  à  des 
Charlatans  ,  cV:  qui  s'imaginent  que 
tout  ce  que  ces  Charlatans  difent 
alors  en  regardant  cette  urine,  doit 
palTcr  pour  oracle. 

Il  vient  enfuite  à  la  queftion  , 
fçav-oir  li  nar  la  feule  infpedion  des 


urines  on  peut  connoître  la  nature 
des  maladies  ,  &  les  remèdes  qu'il 
y  tmt  apporter. 

L'ufage  d'examiner  les  urines, 
dans  les  maladies  ,  efl:  très-ancien 
en  Médecine  :  notre  Auteur  le  lait 
voir  par  le  témoignage  d'Arifto- 
phane  ,  par  celui  d'Hippocrate  Se 
de  Gallien  ;  &:  il  prétend  que  cet 
ufage  eft  bien  fondé.  Voici  hs  rai- 
fons  : 

L'urine 


O  C  T  O  B 

L'urine  cft  la  feroiité  du  fang 
dépouillée  rie  toutes  les  particules 
nourricières  qu'elle  contenoit  dans 
le  fang ,  &  chargée  de  molécules 
faillies,  fulphureufes  &  terreftres. 
Cette  férolué  avant  que  de  fe  fépa- 
rer  du  fang  ,  y  eft  intimement  mê- 
lée ,  elle  y  circule  avec  le  chyle  , 
&  parcourt  les  differens  vaifTeaux 
que  parcourent  le  fang  &  le  chyle, 
en  forte  que  lorfqu'elle  vient  à  s'en 
féparer,  il  n'eft  pas  poffible  qu'elle 
ne  retienne  quelque  chofe  de  l'un 
&  de  l'autre  ,  &:  que  par  confe- 
quent  elle  ne  doive  paroître  diffé- 
rente félon  la  différente  conftitu- 
tion  du  fing  &  du  chyle  aveclef- 
quels  elle  étoit  auparavant.  11  s'en- 
fuit auliî  qu'elle  doit  varier  par  rap- 
port à  la  différente  difpofition  des 
vaiffeaux  qui  fervent  à  la  filtrer  & 
à  la  féparer.  Notre  Auteur  infère 
de  là  ,  avec  beaucoup  de  raifon  , 
qu'un  Médecin  intelligent  peut  , 
en  examinant  l'urine  ,  en  tirer  de 
grandes  lumières  pour  connoître 
l'état  du  fang  ,  &  celui  où  fe  trou- 
vent les  organes  par  lcfquelles 
elle  a  paffé  ,  mais  que  les  lignes 
qu'on  apperçoit  à  ce  fujet  dans  " 
l'urine  foient  fi  certains  qu'on 
ne  s'y  puiffe  jamais  tromper ,  c'eû 
ce  qu'il  n'ofe  avancer.  11  prétend 
qu'ils  font  quelquefois  très  -  équi- 
voques 6c  très-fautifs  ,  parce  qu'il 
ne  faut  qu'une  très  -  légère  circon- 
flance  pour  les  changer.  En  eflet , 
comme  il  le  remarque  ,  l'urine  eft 
fiqerte  à  mille  varietez  par  rapport 
•aux  perfonnes ,  aux  âges ,  aux  tem- 
peramens  ,  aux  faifons  ,  à  l'air, 
iu  fommeil  ou  à  la  veille  ,  à  l'exer- 
Novembre. 


R  E  ,     i  7  j  4:  7j-? 

cice  ou  au  repos  ,  aux  palîîons  de 
l'ame  ,   à  la  manière  de  vivre  ,  aux 
médicamer.s  que  l'on  prend ,  &  à 
pluheurs    autres     circonflances 
dont  le  détail  feroit  trop  long. 

Pour  porter  un  jugement  certain 
des  urines  ,  il  faudrait  connoître 
premièrement  ce  que  l'urine  de 
chaque  perfonne  peut  avoir  de  par- 
ticulier ,  en  fécond  lieu  les  chany 
gemens  qu'elle  peut  recevoir  par 
les  cii  confiances  que  nous  venons 
de  détailler.  Mais  une  chofe  qui 
tait  bien  voir  le  peu  de  certitude 
qu'il  y  a  dans  les  lignes  des  urines  , 
c'eft  qu'il  arrive  fouvent  que  ces 
lignes  fe  trouvent  les  mêmes  dans 
des  maladies  elfentieilcment  diffé- 
rentes. Notre  Auteur  cite  fur  ce 
fujet ,  le  feorbut  &  la  fièvre  arden- 
te qui  font  alfurément  bien  oppo- 
sées ,  &  dans  lcfquelles  cependant 
l'urine  paroît  abfolumcnt  de  la  mê- 
me rougeur.  11  cite  les  graveleux  , 
les  hypochondriaques  ,  ceux  qui 
font  attaqués  de  vers  ,  les  phréné- 
tiques  ,  8c  il  remarque  que  leurs 
urines  font  également  crues  & 
aqueufes.  Il  obferve  outre  cela, que 
dans  des  maladies  mortelles  on 
voit  fouvent  des  urines  femblables 
à  celles  de  ceux  qui  fe  portent 
bien  ,  cv  que  dans  des  maladies  qui 
ne  font  nullement  dangereufes,  on 
en  voit  au  contraire  où  fe  mon- 
trent les  lignes  les  plus  effrayans. 

Enfin  les  hydropiques  &  les 
pulmoniques  rendent  fouvent  des 
urines  accompagnées  des  lignes  les 
plus  falutaires  en  apparence  ,  & 
ne  lailTent  pas  de  périr  avec  tous 
ces  lignes  flateurs.Comment  donc, 


7f4          JOURNAL    D 

après  cela,  demande  notre  Auteur, 
pourra-t  il  arriver  que  fans  avoir  vu 
le  malade  ,  dont  on  examine  l'uri- 
ne ,  on  décide  au  vrai  par  la  feule 
infpeclion  de  cette  urina  ,  de  quel- 
le maladie  il  eft  atteint ,  quels  font 
les  circonllanccs  de'  fpn  mal  ,  & 
quels  remèdes  il  y  iaut  oppofer  ? 

Une  autre  remarque  bien  im- 
portante à  taire  fur  ce  fujet,  c'eft 
que  les  urines  que  l'on  rend  peu 
après  avoir  bû  ou  mangé,  font  tort 
différentes  de  celles  que  l'en  rend 
long-rems  après.  Celles  qui  fuivent 
une  abondante  boilîon  font  auflî 
fort  différentes  de  celles  qui  fc  ren- 
dent lorfqu'on  n'a  bû  que  médio- 
crement. Les  urines  que  l'on  rend 
auflî-tôt  après  avoir  bû  ,  &  fur-tout 
après  avoir  bû  beaucoup  d'eau  , 
font  crues,  abondantes,  légcRS, 
aqueufes.  Celles  qui  viennent  après 
la  digeftion  laite  ,  font  cuites  , 
acres ,  picquantes  ,  &  d'une  odeur 
forte.  Celles  qui  fuccedent  aune 
longue  abftinence  ,  font  rouges  , 
mordantes  &.  fétides.  Cela  pofé  ,  il 
eft  facile  de  voir  que  fi  l'on  n'eft 
nullement  informé  de  l'état  du 
malade  ,  ni  du  teins  auquel  fon 
urine  eft  fortie  ,  il  eft  impolliblc  de 
porter  aucun  jugement  de  cette 
urine.  Car  comment  deviner ,  par 
exemple  ,  fi  la  rougeur  qu'on  y 
voit  vient  de  la  nature- même 
de  la  maladie  ,  ou  feulement  du 
féjour  que  l'urine  a  fait  dans  le 
corps.  De  plus  ,  l'urine  eft  aiir 
tre  au  commencement  d'une  fiè- 
vre ,  autre  dans  le  progrès  du 
mal ,  autre  dans  l'état ,  autre  enfin 
dans  le  déclin  de  la  maladie.  Com- 


ES    SÇAVANS; 

ment  donc  iï  l'on  ne  fçait  dans 
quel  tems  clic  aura  été  rendue  , 
ponrta-t-on  porter  jugement  fur  ces 
différences  ;  Nous  partons  plulîeurs 
autres  reflexions  de  notre  Auteur 
fur  ce  fujet  ,  après  lefquelles  ,  il 
fait  voir  les  adrclks  &  les  rufes 
dont  fc  fervent  tant  d'impoftturs 
pour  faire  accroire  qu'ils  connoif- 
fent  aux  urines  tout  ce  qui  le  pafle 
dans  le  corps  ;  c'eft  par-là  que  fi- 
nir le  premier  Traité. 

Le  fécond  conlîfte  en  foixante- 
deux  Aphorifmes  fur  les  urines  ,  à 
chacun  defqucls  eft  joint  un  dif- 
cours  qui  les  explique  :  en  voici 
quelques  exemples. 

Aphorifme  IL  *>  Comme  il  eft 
»  confiant  que  l'urine  des  perfonnes 
»  Lines,  doit  être  la  règle  furla- 
»  quelle  il  faut  examiner  l'urine 
»  des  malades ,  il  s'enfuit  que  pour 
»  bien  juger  de  l'urine  de  ces  der- 
»  niers  ,  il  faut  fçavoir  à  fond  quel 
>3  eft  le  véritable  état  de  celle  des 
»  premiers. 

L'Auteur  ,  en  expliquant  cet 
Aphorifme  ,  dit  que  le  Médecin 
doit  employer  un  œil  à  regarder 
l'urine  qu'on  lui  prefente  ,  &:  l'au- 
tre à  regarder  le  malade.  11  étend 
cette  reflexion  ,  &  lait  voir  la  ne- 
ccilîté  qu'il  y  a  de  bien  obferver  le 
précepte  qu'il  donne. 

Aphorifme  IV.  »  Il  y  a  deux  for- 
î>tes  d'urines  ,  l'une  qui  procède 
»  de  la  boilîon  ,  &  l'autre  qui  pro- 
»  cède  du  fang.  La  première  eft 
>•  celle  qui  fort  prefque  auflî- rot 
»  qu'on  a  pris  quelque  grand  brû* 
»  vage  ,  une  grande  quantité  d'eau 
»  par  exemple,  Se  qui   répond  À 


KOVEM 

»  peu- près,  à  la  mefure  de  la  boif- 
-*>  Ion  qu'on  a  avalée. 

Notre  Auteur ,  -dans  l'explica- 
tion de  cet  Aphorifme  ,  remarque 
que  fclon  les  Médecins  modernes 
ces  fortes  d'urines  s'échappent  par 
des  voyes  particulières  fans  palier 
dans  la  malle  du  fang  ,  que  ces 
voyes  particulières  font  les  pores 
de  l'eftomac  ,  ceux  des  inteftinSj  & 
ceux  de  la  veflîe.  Mais  il  remarque 
en  même  tems ,  que  cette  opinion 
qu'on  attribue  aux  modernes ,  a 
aullî  été  celle  d'Hippocratc,  com- 
me on  le  voit  dans  le  Livre  de  ce 
Médecin  fur  la  nature  des  os  ;  que 
c'a  aufTi  été  le  fentiment  du  fameux 
Afclepiade  qui  exerçoit  la  Mé- 
decine à  Rome  du  tems  du  grand 
Pompée,  ce  que  M.  Réga  appuyé 
•du  témoignage  de  Gallien  ,  dans  le 
Livre  premier  des  facultez  naturel- 
les ,  Chapitre  3.  Ce  qui  a  donné 
lieu  à  cette  opinion,  tant  chez  les 
anciens  que  chez  les  modernes  , 
c'eft  qu'il  paroît  difficile  que  l'uri- 
ne dont  il  s'agit  puifle  tomber  fi 
promptement  clans  la  veille  en  paf- 
fant  par  les  voyes  ordinaires  ;  M. 
Réga  n'y  trouve  pas  la  même  diffi- 
culté. Il  prétend  que  fi  l'on  confi- 
dere  bien  ce  phénomène  ,  on  verra 
qu'il  n'y  a  rien  de  furprenant  que 
3'urine  en  queftion  puifle  fortir  avec 
tant  de  promptitude.  Et  pour  le 
prouver  il  a  recours  au  calcul  fui- 
vant  :  fuppofons,  dit-il,  que  le 
cœur,à  chaque  lois  qu'il  fe  contrac- 
te ou  ferefierre,  pouffe  dans  l'ai  te- 
re  aorte  ,  deux  onces  de  fang  ,  il 
s'enfuit  que  les  artères  émulgentes 
recevront  alors  4  fcrupules  de  ce 


B  R  E  ,    1 7  5  4;  7j7 

fang.  Suppofons  outre  cela  i°.  que 
ces  quatre  onces  de  fang  foumilTene 
en  même  tems  à  chaque  rein  un 
feru pule  &  demi  d'urine  ;  i°.  Que 
dans  l'efpace  d'une  demi  heure,  le 
pouls  batte  mille  cinq  cens  fois  ,'& 
que  le  cœur  par  confequent,  faffe 
dans  le  même  tems,  autant  de  Sy- 
floles ,  c'eft  à-dire  fe  refferre  ou  fe 
referme  aurant  de  fois ,  il  s'enfuie 
qu'en  une  demi-heure  il  fe  féparera. 
du  fmg,  mille  cinq  cens  fcrupules, 
ou  ce  qui  eft  la  même  chofe  ,  cinq 
cens  dragmes  ,  ce  qui  monte  à  fot- 
xante  &  deux  onces  ;  or  foixante 
&  deux  onces  font  environ  cinq  li- 
vres ,  ce  qui  fufrit  pour  taire  com- 
prendre que  l'urine  qui  paroît  fui- 
vre  fi  promptement  l'abondante 
boiffon  ,  peut  fe  paffer  de  voyes 
particulières  pour  fortir  avec  cette 
promptitude. 

M.  Réga  joint  à  cela  une  obfer- 
vation  qui  ne  fortifie  pas  peu  fa 
penféc  -,  c'eft  que  le  pouls  de  ceux 
qui  viennent  de  boire  largement, 
foit  du  vin,  foit  de  la  bierre  ,  foit 
-des  eaux  minérales  ,  cft  pour  l'or- 
dinaire beaucoup  plus  fréquent. 

Quant  à  l'autre  forte  d'urine 
que  notre  Auteur  appelle  i'urinfe 
du  fang  ,  voici  ce  qu'il  ai  dit  : 
Aphorifme  V.  »  L'urine  du  fang  , 
t>  proprement  dite  ,  eft  celle  que 
«l'on  rend  plufieurs  heures  aprîs 
»  avoir  bû  &:  mangé.  C'clt  une  fc- 
y>  rofîté  qui  ayant  long-tems  circu- 
*>  lé  avec  le  fang,  s'eft  filtrée  par  les 
»  petits  tuyaux  des  reins ,  comme 
a  par  autant  de  couloirs ,  d'où  elle 
»  eft  enfuite  tombée  dans  la  veille  „ 
»  puis  dans  l'urètre  ,  &  s'eft  enfin 
Qqqqij 


75 6  JOURNAL    D 

x  échappée  dehors  par  ce  conduit , 
a»  en  le  picotant  ou  en  Je  lurchar- 
»  géant. 

Aphorifme  VI.  »  Cette  urine  du 
a>  fangcft  la  portion  la  plus  aqucu- 
•>  fe  de  ce  qu'il  y  a  de  fereux  dans 
»  le  fang  >  cette  portion  après  avoir 
»  fervi  de  véhicule  à  toute  la  maf- 
»  fe  &  s'être  dépouillée  de  ce 
«qu'elle  y  contemoit  de  particules 
a  gélatincufes  &  nourricières ,  à  J.i 
m  place  defquelles  elle  fe  charge  de 
»  ce  qu'il  y  a  de  plus  lahn  ,  de  plus 
»  acre  &c  de  plus  terreftre  dans  le 
jjfang  ,  n'eft  plus  qu'un  fut  excrê- 
»mcnteux  ,  &  une  lexive  inutile. 

M.  Régf,  après  ces  deux  Apho- 
rifmes ,  t'ait  diverfes  remarques  fur 
l'urine  du  fang  ,  la  première  :  que 
lorfqu'on  la  dillille  ,  on  voit  que  la 
plus  grande  portion  de  cette  urine  , 
c'eft  l'eau.  ;  en  forte  que  fut  une 
portion.de  fubftancc  folide ,  il  y  en 
a  trente  d'aqueufe  ;  la  féconde  , 
que  fi  l'on  fait  exhaler  par  l'alembic 
cette  quantiré  de  parties  aqueufes  , 
jufqu'a  la  diflîpation  d'un  tiers ,  & 
que  l'on  raimffe  ce  tiers  diftillé, 
on  aura  une  eau  limpide  &  tranf- 
parente  qui  ne  différera  de  l'eau  or- 
dinaire que  par  l'odeur  défagréable 
qu'elle  rendra. 

La  troilîéme  3  que  cette  eau  ce- 
pendant ne  fera  ni  alcaline  ,  ni 
acide  ,  ni  faline  ,  nifpiritueufe. 

La  quatrième,  Que  l'urine  dont 
il  s'agit  ,  prend  différentes  cou- 
leurs ,  à  mefurc  qu'on  la  tait  exha- 
ler. Sçavoir  i°.  qu'elle  devient  d'a- 
bord iouge,de  paillée  qu'elle  étoif, 
puis  d'un  rouge  plus  foncée  enfuite 
noire ,  ferrugmeufe ,  épailTc ,  trou. 


ES   S  Ç  A  V  A  N  S, 

ble  ,  opaque  3  pleine  d'écume. 

La  cinquième  ,  Que  fi  l'on  jette 
uns  certaine  quantité  d'eau  com- 
mune fur  cette  urine  devenue  ainfi 
femigineufe  ,  épaiffe  ,  C7c.  On  la 
-  rendra  toute  fembkble  a  ce  qu'elle 
étoit  auparavant ,  loit  pour  la  cou- 
leur j  loit  peur  l'odeur  ,  foit  pour 
lacontiftance  -,  en  forte  qu'elle  ne 
paroîtra  nullement  différente  d'u- 
ne urine  qu'on  viendra  de  rendre. 

M.  Réga conclut  de-là  que  puif- 
que  l'on  reltitue  amli  cette  urine 
dans  fon  premier  état;,  il  s'enfuit 
que  ce  qui  fait  le  liquide  de  l'urine 
n'elt  que  de  l'eau  pure. 

Il  y  a  des  fcls  dans  l'urine  ;  cela 
paroîc  par  la  faveur  de  l'urine  ,  Se 
principalement  par  le  fédiment 
qu'elle  laiile  après  l'évaporation. 
Ces  lels  tiennent  engagés  entre 
leurs  pointes  ,  plufieurs  particules 
de  fouphre  ,  ou  ce  qui  eft  la  mê- 
me chofe  ,  plufieurs  particules 
d'huile;  l'odeur  tetide  de  l'urine  en 
eft  une  marque  lcnhble;mais  ce  qui 
le  montre  encore  mieux  ,  c'eft  que 
la  maffe  que  l'urine  laiile  après  l'é- 
vaporation ,  ne  lçauroit  le  durcir 
parfaitement ,  &  que  quelque  fe- 
che  qu'on  la  fuppofe  elle  contracte 
toujours  de  l'humidité  à  l'air,  com- 
me font  les  fels  neutres,  dans  lef- 
quels  font  mêlés  des  particules  ful- 
phureufes  -,  pour  ce  qui  eft  des  par* 
ticules  terreftres  contenues  dans 
l'urine  ,  elles  fe  montrent  d'elles- 
mêmes  lorfque  l'on  fait  la  lexive 
du  fédiment  de  l'urine. 

Cette  Analyfe,  comme  on  voir^ 
ne  change  rien  dans  les  principes 
de  l'urine ,  elle  ne  fait  que  les  de- 


N  O  V  E  M 

voiler  &  rien  plus.  L'urine  n'eft 
donc  qu'une  féroliré  dans  laquelle 
nagent  des  fels ,  des  iouffres ,  &  de 
la  terre.  Voilà,  félon  notre  Auteur, 
quels  en  font  les  vrais  élémens ,  car 
pour  les  fubfhnces  qu'on  en  tire 
parle  moyen  du  feu  ,  M.  Réga  n'y 
ajoute  pas  grande  roi  :  il  prétend 
ciue  ce  font  les  moduits  du  feu ,  & 
que  tout  ce  qu'on  en  peut  conclu- 
re ,  c'eft  qu'il  y  a  dans  l'urine  une 
matière  qui,  à  force  d'être  divifée  , 
tournée  Ôc  retournée  par  l'action 
violente  du  feu,  donne  ici,  par 
exemple  ,  un  alcali  -,  là  un  acide  & 
ainfi  du  refte  ;  en  forte  que  ces  al- 
calis ,  ces  acides ,  &c.  font  des  en- 
fans  de  l'art  qui  n'ont  nulle  réalité 
dans  l'urine  -,  d'où  s'enfuit  que  c'clt 
une  erreur  grollicre  de  fe  fonder 
fur  ces  principes  imaginaires  ,  pour 
découvrir  les  proprietez  de  l'urine, 
puifque  par  la  frmplc  Analyfe  ,  qui 
cft  celle  où  l'on  n'employé  point 
la  violence  du  feu  ,  on  voit  que 
l'urine ,  foit  dans  l'eau  qui  la  com- 
pofe  ,  foit  dans  fon  fédimenr,  n'eft 
ni  un  acide  ,  ni  un  alcali. 
M.  Réga  cite  fur  ce  fujec,  Boë- 


B  R.  E  ,    173  4.  757 

rhave  qui  après  avoir  examiné  avec 
tout  le  foin  poflible  ,  les  principes 
de  l'urine  ,  allure  n'y  avoir  jamais 
trouvé  aucun  alcali  ,  ni  aucun  aci- 
de ,  &:  conclut  de-là  qu'il  n'y  en  a 
par  conléquent  aucun  dans  les  hu- 
meurs du  corps  ,  parce  que  s'il  y  en 
avoir,  l'urine  en  conticndroitne- 
cefTairement. 

Nous  pafTons  plufieurs  autres 
obfervations  qui  nous  meneroienc 
trop  loin. 

M.  Réga,  dans  les  autres  apho- 
rifmes  ,  explique  les  differens  li- 
gnes des  urines.  Ces  figues  fe  tuent 
de  la  quantité,  de  la  qualité  ,  &  du 
contenu  des  urines  ;  ils  fe  tirent  de 
la  couleur  ,  de  la  confiftence  ,  de 
la  pefanteur  &  de  plufieurs  autres 
circonftances. 

Nous  renvoyons  fur  tout  cela  au 
Livre  même;  c'eft  un  Ouvrage  qui 
contient  en  racourci  ,  ce  que  l'on 
peut  dire  de  plus  fenfé  &  de  plus 
fblide  touchant  cette  matière  -,  les 
jeunes  Médecins  en  lelifant,  pour- 
ront s'épargner  bien  du  chemin 
dans  une  Science  qui  cft  par  elle-: 
même  très-longue  à  acquérir» 


7;8       JOURNAL     DES     SÇAVANS, 


SVITE  DE  L'HISTOIRE  DES  EMPIRES  ET  DES  REPVBLI- 
QVES  ,  depuis  le  Déluge  jufqii 'à  J.  C.  ou  l'on  voit  dans  celle  d'Egypte  & 
d '  Afïe  la  liaifon  de  l'Hifloire  Saint;  avec  la  Profane  t  &  dans  celle  de  Ia 
Grèce  le  rapport  de  la  Fable  avec  l'Hifloire.  AJjy riens }  Babylonien* }  Aie - 
des  ,  Tome  II.  in- 1 1.  pp.  5 10.  y  compris  une  DiiTertation  fur  les  Pro- 
phètes qui  contient  215  pag.  1733.  A  Paris ,  chez  Simart ,  rue  Saint 
Jacques ,  au  Dauphin  ;  Jean  Rouan  ;  Bullot ,  rue  de  la  Parcheminerie,, 
&  Jean  Nully  ,  Grand'Salle  du  Palais. 


PRE'S  avoir  rendu  compte 
du  troifiéme  Volume  de  cet 
Ouvrage  dans  notre  Journal  du 
moisd'Aouft  précèdent,  il  ne  nous 
refte  plus  qu'à  parler  du  dernier 
Volume  qui  n'en  eft  pas  la  partie  ni 
la  moins  confiderablc  ,  ni  la  moins 
variée. 

L'Auteur  fait  voir  d'abord  qu'il 
n'y  a  que  les  Livres  Saints  qui  puif- 
fent  jetter  quelques  lumières  far 
l'Hiftoire  des  anciens  Empires  , 
nous  faire  connoître  les  premières 
Peuplades,  &  la  tige  des  différentes 
Nations  qui  fe  font  répandues  dans 
toutes  les  parties  de  l'Univers.  Fau- 
te de  ce  fecours  lesHiftoriens  Pro- 
phanes  ont  laiffé  derrière  eux  un 
vrai  cahos  de  tems  &  de  matières  qui 
met  un  Lctleur  curieux  de  s'hijlrutre 
à  fonds  dans  un  abîme  de  doutes  &  de 
perplexitez. ,  qui  fe  prefentent  fans 
ceffe  àfon  efprit  s  même  dans  le  tems 
où  tout  efl  clair.  C'eft  ce  qui  a  fait 
que  quelques-uns  ont  commencé 
l'Hiftoire  d'Alîe  par  les  conquêtes 
de  Ninus  qu'ils  placent  près  de  iix 
fiécles  depuis  le  Déluge. 

On  avoue  néanmoins  que  les 
Hiftoriens  font  encore  partagés  fur 
l'origine  de  l'Empire  des  Atlyriens 
&:  des  Babyloniens.  Les  uns  pré- 


tendent que  Nembrod  eft  le  Fon- 
dateur de  l'un  &  de  l'autre  ;  les 
autres  donnent  celui  d'Aftyrie  à 
AlTur  fils  de  Scm  -,  Se  tous  fe  fon- 
dent fur  le  même  Texte  de  1  Ecri- 
ture. Après  avoir  parlé  de  l'établif- 
fement  de  Nembrod  à  Babylone  > 
elle  ajoute  incontinent  ces  paroles  : 
de  terra  ilia  egreffus  efl  Affur  ,  &  didi- 
ficavit  Nimven  ,  ce  qui  lignifie  , 
félon  les  premiers  ,  que  Nembrod 
au  foïtir  de  la  Chaldée  vint  dans 
l'Alfyrie,  qui  eft  quelquefois  nom- 
mée Alïur.  Les  autres  au  contraire 
croyent  que  ce  mot  d'Alfur  défi— 
ç;ne  le  Sis  de  Sem  qui  mécontent 
de  Nembrod  remonta  plus  haut 
vers  la  fourpe  du  Tigre  ,  &  donna 
fon  nom  à  toute  la  Contrée  :  c'eft  à 
cette  dernière  explication  que  l'Au- 
teur s'attache  ,  comme  étant ,  dit- 
il  ,  la  plus  fimple  &  la  plus  natu- 
relle. Il  ajoute  dans  une  petite  No- 
te n  que  M.  l'Abbé  de  Villefroy  , 
»  l'un  des  plus  habiles  hommes 
»  que  nous  ayons  pour  lesLangues, 
»  comme  on  le  verra  par  la  Poly- 
»  glotte  du  Cantique  des  Canti- 
»  ques  en  huit  colonnes,  qu'il  va 
»  donner  au  Public  ,  lui  a  fait  voit 
»  dans  toutes  les  verfions  Orienta- 
»  les ,  qu'AlTur  y  étoit  toujours  au 


N  O  V  E  M 

s»  nominatif  &  non  à  l'accufatif, 
w  comme  l'ont  'dit  M. -Rollin  & 
»  pluficurs  autres. 

Cependant  ,  l'Auteur  croit 
qu'Alfur  qui  ne  s'étoit  éloigné  de 
Nembrod  que  parce  qu'il  ne  pou- 
voit  s'accoutumer  à  vivre  fous  un 
Monarque  abfolu  ,  ne  fe  fit  pas 
lui-même  Chef  d'une  Monarchie  ; 
on  ne  trouve,  dit-il,  dans  l'Hi- 
ftoire  aucune  fuite  des  Rois  Succtfi 
feurs  d'Aflur,  ainfi  il  lui  paroîteon- 
itant  que  depuis  fa  mort  le  gouver- 
nement des  Aflvricnsfut  Démocra- 
tique ,  ou  Ariftocratique  ,  il  tou- 
tefois il  eut  une  forme  réglée. 

Ce  ne  fut ,  félon  lui  ,  que  quel- 
ques fiécles  après  que  l'efprit  de  do- 
mination ht  cclTer  ce  gouverne- 
ment ,  &  qu'à  l'exemple  des  Rois 
de  Babylone  ,  pluficurs  particu- 
liers fe  rendirent  les  maîtres  des 
Viiks  qu'ils  habitoient.  Tels 
étoient  ces  Rois  contre  lefquels 
Abraham  fignala  fou  courage.  Mais 
on  ne  voit  point  qu'il  y  en  eût  dès 
lorsàNinive  ;  ce  ne  fut  qu'envi- 
ron fept  ans  après  la  guerre  que  ce 
Patriarche  entreprit  pour  la  défenfe 
de  fon  frère  ,  Se  545  ans  depuis  le 
Déluge,  qu'un  nouveau  Nembrod 
furnommé  comme  lui  Bélus ,  c'eft- 
à-dire  ,  Seigneur  ouPuilTant ,  s'ar- 
rogea l'autorité  fouveraine  dans 
Ninive  ,  &  fur  les  autres  Villes 
voifincs.  Son  fils  Ninus  encore  plus 
ambitieux  que  lui ,  marcha  contre 
Babylonne  ,  triompha  de  fon  Roi 
nommé  Nabonaddus  ;  de  c'eft  à 
cette  époque  ,  où  commence  le 
grand  Empire  des  Aflyriens  l'année 
6i8.  depuis  le  Déluge  ^  U  116e  de 


B  R  E;     1754-  75P 

l'âge  de  Jacob,  la  219e  avant  la  fon- 
de dePEgypte  ,  &:  1720  avant  l'E- 
re Chrétienne. 

Comme  ce  fentiment  cft  con- 
traire à  la  Chronologie  communé- 
ment reçue  ,  notre  Auteur  appor- 
te les  raifons  qui  l'ont  porté  à  s'en 
écarter  ,  il  reprend  enfuirc  le  recit 
des  conquêtes  de  Ninus  ,  nous 
donne  l'Hiftoire  de  Sémiramis ,  & 
choifitee  qu'il  y  a  devrai  parmi  les 
fables  qu'on  a  débitées  au.fujct  de 
cette  Héroïne.  Quelques-uns  mê- 
me foiitien tient  que  les  grandes 
conquêtes  qu'on  lui  attribue,  auilî- 
bien  que  le  déguifement  de  fon 
fexe  ,  ne  conviennent  qu'à  Atolfa 
fille  de  Bélochus  Succefleur  deNi- 
nius ,  qui  quelquefois  elt  appelléc 
Sémiramis, comme  pluficurs  autres 
Princefles  de  cet  Empire  ,  à  qui  la 
flatterie  prodiguoit  ce  nom ,  dès 
qu'elles  avoient  des  talens  rares  h 
leur  fexe. 

Quoiqu'il  en  foit ,  les  Rois  qui 
fuccederent  à  la  première  Sémira- 
mis époufe  de  Ninus ,  étant  tom- 
bés dans  la  molefle  &  dans  la  non- 
chalance ,  l'Empire  des  Aflyriens 
fut  infenfiblement  démembré  par 
les  Princes  voifins.  Séfoftris  le  plus 
grand  conquérant  qu'ait  eu  l'Egyp- 
te ,  fe  rendit  maître  de  l'Alfyrie 
fous  le  règne  de  Ninus.  Il  eft  mê- 
me compté  parmi  leurs  Rois  fous 
le  nom  de  Séthos.  L'AiTyrie  ne  fut 
cependant  pas  long-tems  afiervie  à 
l'Egypte.  Mais  cette  invafion  en- 
hardit plufieurs  Nations  voifincs  à 
fecouer  le  joug  des  Aflyriens  ;  en 
forte  qu'au  tems  de  Salomon  l'Em. 
pire  de  Ninivc  étoit  borné-  à  l'Cu 


76*0         JOURNAL    DE 

rient  par  la  Perfc  ,  &c  par  l'Euphra- 
teà  l'Occident. 

On  voit  dans  le  Livre  fécond 
que  la  puiftance  des  AfTyriens  fut 
encore  confiderablement  diminuée 
par  la  grande  révolution  qui  arriva 
fous  Sardanapale.  Arbace  Gouver- 
neur de  Médie  ,  Se  Béléfis  qui  l'é- 
toit  de  Babvlone  ,  fe  révoltèrent 
contre  ce  Prince.  Le  fécond  érigea 
fon  gouvernement  en  Rovaume  , 
à  condition  cependant ,  dit  l'Au- 
teur ,  qu'il  feroit  feudatatre  pour 
certaines  ebofes  de  l'Empire  d'Afly- 
rie.  Mais  à  l'égard  du  premier,  plu- 
iîeurs  Auteurs  ,  fur  la  foi  de  Cté- 
fias  extrait  par  Diodore  de  Sicile  , 
8c  de  Juftin  ,  croyent  qu'il  prit  le 
titre  de  Roi  des  Médes  ,  ils  fuppo- 
fent  que  l'Empire  des  Alfyriens  tût 
pour  lors  entièrement  abforbé  par 
Jes  Médes  Se  par  les  Babyloniens , 
&  ils  prétendent  que  dès  lors  ils 
formèrent  deux  Monarchies  parfai- 
tes. Cependant  Hérodote  dit  pofi- 
tivement  le  contraire ,  Si  il  mérite 
d'autant  plus  d'être  cru  qu'il  s'ac- 
corde mieux  avec  l'Ecriture  S.;inre. 
Elle  fait  mention  de  plufieurs  Rois 
d' A  (T'y  rie  ,  tels  que  Phul,  Théglat- 
phalalfar  ,  SalmanatTar  ,  Scnnache- 
rib,  Alfarahdon  ,  qui  vivoitnt  de- 
vant ,  pendant ,  ou  après  le  règne 
du  nouveau  Roi  des  Médes ,  nous 
fommes  donc  fûrs,  dit  notre  Au- 
teur ,  que  l'Empire  des  AfTyriens 
n'a  été  détruit  que  long-tems  après 
Sardanapale.  11  faut  voir  dans  l'Ou- 
vrage -  même  les  autres  preuves 
dont  ce  dernier  fentiment  eft  ap- 
puyé ,  autîibien  que  la  pénitence 
des  Ninivites  à  la  prédication  de 


S     SÇAVANS , 

Jonas  ,  la  Captivité  des  Ifraé'lires 
fous  ThcglatphâlaiTar.  Comme 
l'Hiftoirc  des  Juifs  a  depuis  ce 
tem's-là  une  liaifou  cflcntielle  avec 
celle  des  Rois  d'Aftyric  }  deBaby- 
lone  Si  des  Médes  ,  que  l'une  fera 
■pour  ainfidire  enclavée  dans  l'autre  t 
Si  que  toutes  fe  prêteront  récipro- 
quement de  la  lumière  ;  c'eft  par 
les  Hiftoriens  Sacrés ,  Si  fur-tout 
par  les  Prophètes  qu'on  éclaircit  ici 
tout  ce  qu'il  y  a  d'oblcur  ,  &c  fou- 
vent-même  de  contradictoire  dans 
les  Hiftoriens  Prophanes.  L'Hiftoi- 
re  des  Ailynens  finit  par  la  de- 
ftruclion  de  Ninive  qui  arriva  fous 
Chinaladan  furnommé  Sarac  3  qui 
veut  dire  le  Brigand  -,  cette  Ville 
fur  prife  parles  Babyloniens  Si  par 
les  Médes  ;  la  defoiation  en  fut 
terrible,  Si  ne  fut  cependant  que 
l'exécution  littérale  des  menaces 
faites  à  cette  Ville  pendant  plus 
d'un  fucle  par  les  Prophètes  Eze- 
chiel  &  Nahum.  On  trouve  ici 
leurs  Prophéties  rapportées  tout 
au  long. 

33  Leur  accomplifïcment  mit  fin 
*>  à  l'Empire  d'Alfvrie  qui  avoit 
»  duré  1094  depuis  les  conquêtes 
»jde  Ninus  s  &  1179  depuis  le 
»  commencement  de  Bélus.  Le  ti- 
=  tre  -  même  en  fut  éteint  Si  le 
»  Royaume  partagé  entre  les  Baby- 
»  Ioniens  Se  les  Médes.  Cette  révo- 
"lution  arriva  l'an  du  monde  3378. 
=  144  ans  depuis  le  changement 
»  qui  fe  fit  fous  Sardanapale,  la  21e. 
»  année  du  règne  de  Chinaladan  , 
»  la  1  24e  depuis  la  fondation  de 
»  Rome ,  Si  6x6  avant  l'Ere  Chré- 
v  tienne. 

Notre 


N  O  V  E  M  B 

Notre  Auteur  paffe  enfuite  à 
l'Hiftoire  des  Babyloniens.  Nem- 
brod  eft  le  Fondateur  de  leur  Em- 
pire. Les  Hiftoriens  Profanes  ne  le 
connoiiîoient  que  fous  le  nom  de 
Bélus,mais  Jofephe  qui  avoit  exac- 
tement comparé  l'Hiftoire  Sainte  , 
avec  les  plus  fûrs  monumens  de 
l'Hiftoire  Profane,  nous  allure  que 
ce  Bélus  eft  le  même  que  Nembrod 
qui  avoit  ces  deux  noms.  Il  eft  re- 
gardé comme  le  premier  des  Rois, 
fur  quoi  on  remarque  ,  que  cette 
autorité  dominante  qu'un  homme  s' ar- 
roge fur  les  autres  ,  eft  une  ufurpation 
manifefte  &  la  fuite  de  l'humeur  vio- 
lente qui  caratterifoit  Nembrod.  Il  fe 
déclara  Souverain  environ  cent  ans 
après  le  Déluge  ,  c'eft  à-dire  2248 
avant  J.  C.  On  ne  donne  pas  ici 
cette  date  comme  abfolument  cer- 
taine ,  mais  feulement  comme  très- 
probable. 

Jules  Africain  nous  a  confervé 
les  noms  5c  le  tems  de  la  durée  du 
règne  des  Succeifeurs  deNembrod, 
qui  partages  en  deux  différentes 
Dynaftiesont  régné  528  ans;  mais 
on  ne  fçait  rien  de  leurs  adtions. 
Mais  comme  il  eft  certain  par  la 
fuite  de  l'Hiftoire  que  les  Royau- 
mes d'Affyrie  &  de  Babylone  fu- 
rent fournis  aux  mêmes  Souve- 
rains ,  il  y  a  lieu  de  croire  que  Ni- 
nus  s'empara  de  Babylone  après  la 
défaite  ou  la  mort  du  dernier  Roi 
de  cette  Ville,  628  ans  depuis  le 
Déluge. 

Si  l'on  en  croit  Ctéfias  ,  cette 
Ville  feroit  devenue  comme  la  Ca- 
pitale de  l'Empire  des  Afîyriens 
dis  le  tems  qu'ils  en  eurent  taie  la 
Nivembrs.  ' 


RE,     1754.  76"  r 

conquête  ,  maison  prouve  par  Hé- 
rodote dont  le  témoignage  eft 
d'autant  plus  recevable  qu'il  avoit 
vu  cette  Ville  dans  fa  fplendeur  , 
&  confulté  les  anciennes  Annales 
du  Pays ,  que  les  grands  Ouvrages 
dont  Babylone  étoit  embellie  ,  n'é- 
toient  pas  de  la  première  Sémira- 
mis  femme  de  Ninus  ,  mais  de 
quelque  autre  Reine  d'ÂHyriequi 
lui  étoit  pofterieure  Se  qui  avoit 
porté  le  même  nom.  Les  prodiges 
d'archite&ure  qu'on  admiroit  à 
Babylone  &  dont  on  trouve  ici 
une  longue  &  curieufedefeription, 
peuvent  fe  réduire,  félon  l'Auteur, 
à  cinq  principaux,  i'.Les  murailles 
de  la  Ville,  20.  Le  Temple  de  Bé- 
lus, 30.  Le  Palais  du  Roi  aveefes 
Jardins  fufpendus,  40.  Les  Digues 
&  les  Quais  de  l'Euphrate  qui  la 
traverfoit,  50.  Le  Lac  &  les  Canaux 
faits  de  main  d'homme  pour  la  dé- 
charge des  eaux  du  fleuve  :  &  il  eft 
à  remarquer  qu'Hérodote  attribue 
prefque  tous  ces  ouvrages  à  Nabu- 
chodonofor  le  Grand  &  àNitocris 
Sabra. 

Par  la  fameufe  révolution  qui 
arriva  fous  Sardanapale  dont  on  3. 
parlé  dans  l'Hiftoire  des  AiTyriens, 
Babylone  fecoua  leur  joug;  Béléfis 
qui  tut  leur  libérateur  ,  fe  rendit 
bien-tôt  leur  maître  ;  notre  Auteur 
différent  en  cela  de  M.  Prideaux  , 
le  diftingue  de  Nabonallar  fon  Suc- 
Ceffeur  ,  q.ii  eft  l'Auteur  de  l'Ere 
qui  porte  fon  nom  ;  elle  répond  à 
l'an  747.  avant  J.C. 

On  a  dans  le  Canon  de  Ptolémée 
une  fuite  exacle  de  fes  Sticcelïeurs, 
mais  on  ne  fçait  que  peu  de  chofes 
Rtrr 


7<Î2  JOURNAL   D 

de  leurs  actions.  Babylone  retomba 
depuis  fous  la  domination  de  l'Af- 
fyrie  ,  mais  Nabopalalïar  qui  en 
étoit  Gouverneur  pour  Chirula- 
dan  Roid'Alfyrie  ,  fe  révolta  con- 
tre lui  6c  foûtenu  de  Cvaxarre  Roi 
des  Médcs  ,  il  détruiutJa  Ville  de 
Ninive  6c  l'Empire  des  Aériens. 
Ce  fut  alors  que  Babylone  parvint 
au  comble  de  la  grandeur  &:  de  la 
puiilance  ,  &  le  tems  où  furent 
conlhuits  les  fameux  Ouvrages 
dont  on  a  fait  mention. 

NabocolalTar  plus  connu  fous  le 
nom  deNabuchodonolor  le  Grand, 
poulTa  encore  plus  loin  fes  conquê- 
tes que  fbn  père  Nabopalafiar.  Il 
rendit  tributaire  Joakim  Roi  de 
Juda  ,  prit  une  partie  des  Vafes  du 
Temple  &  tranfporta  une  grande 
quantité  de  Juifs  à  Babylone.  Cette 
fatale  époque  tombe  la  quatrième 
année  de  Joakim  &  la  606e  avant 
J.  C.  £c  c'eft  où  commencent  les 
70  ans  de  la  Captivité  de  Babylo- 
ne prédite  par  Jérémic.  Mais  Joa- 
kim ayant  refufé  de  payer  le  tribut 
6c  ayant  été  tué  dans  la  guerre  que 
les  Babyloniens  lui  firent  à  cette 
occafion  ,  Jéchonias  fon  fils  &  fon 
Succelîeur,  fuccomba  encore  fous 
les  efforts  de  Nabuchodonofor.  Ce 
Prince  prit  Jerufalem  ,  pilla  le 
Temple  ,  5c  ne  laiffa  dans  la  Judée 
que  le  menu  peuple  &  les  pauvres, 
éc  tout  le  relie  fut  tranfporté  dans 
la  Chaldée  ,  Se  le  Prophète  Eze- 
chiel  fut  du  nombre  des  Captifs. 
Nabuchodonofor  donna  pour  Roi 
à  ceux  qui  étoient  reftés  dans  le 
Pays,  Sédécias  oncle  de  Jéchonias.. 
Ce  Prince  fut  encore  la  victime  des 


ES  SÇ  A  VA  NS, 

efforts  qu'il  fit  pour  rendre  la  liber- 
té à  fa  Patrie  ,  il  tomba  entre  les 
mains  du  Roi  de  Babylone  ,  qui  le 
fit  conduire  dans  fa  Capitale  après 
lui  avoir  fait  crever  les  yeux.  C'eft 
l'accompli ifement  littéral  de  ce 
qu'avoir  prédit  Ezechiei  que  ce  Roi 
feroit  mené  captif  à  Babylone,  où 
il  mourrait  fans  voir  la  Ville. 

Nous  ferons  relfouvenir  à  cette 
occaiïon  que  l'Auteur  s'attache 
toûiours  à  faire  voir  l'accord  de 
l'Hiltoire  Proprune  avecl'Hiftoire 
Sainte  ,  mais  ordinairement  fans 
entrer  dans  les  diffkultez  de  Chro- 
nologie !k  d'Hilloire  qui  partagent 
les  Sçavans  &  les  plus  habiles  In- 
terprètes de  l'Ecriture.Peude  tems 
après  Nabuiardan  ,  un  des  Géné- 
raux de  Nabuchodonofor  fit  met- 
tre le  feu  à  la  Ville ,  rafer  le  Tem- 
ple &c  paner  au  fil  de  l'épée  un 
grand  nombre  de  fes  habitans  ;  & 
à  l'égard  de  ceux  qui  avoient  été 
lailfés  dans  la  lecondc  guerre  ,  ils 
furent  conduits  à  Babylone,  à  l'ex- 
ception de  quelques  Laboureurs  & 
Vignerons  qui  y  relièrent  pour 
cultiver  les  terres  ,  dont  la  récolte 
étoit  cependant  portée  à  Babylone. 
Telle  fut  l'ilnae  de  cette  funelte 
guerre  qui  mit  fin  au  Rovaume  de 
Jutla.  Cet  événement  arriva  l'an 
du  monde  341 6.  133  ans  depuis  la 
deftruètion  de  Samarie  ,  6c  5  88  ans 
avant  J.  C. 

Nabuchodonofor  étendit  fes 
conquêtes  dans  l'Egypte  ,  6c  après 
la  mort  de  fon  fils  Evilmérodac, 
Nerigliflorqui  gouvernoit  l'Alîy- 
rie  en  qualité  de  Régent  pendant 
la  minorité  de  Laboroforcod ,  si- 


N  O  V  E  M 

fujettît  la  Syrie  toute  entière  ,  l'A- 
rabie ,  l'Hircanie  &  la  Ba&riane  ., 
&  fembloit  afpirer  à  la  conquête 
de  toute  l'Afie.  Cette  ambition  re- 
veilla la  jaloufie  des  Médes  ,  & 
Cyaxarre  leur  Roi  lui  ayant  oppofe 
fon  neveu  Cyrus ,  Nérigliffor  per- 
dit la  vie  dans  un  combat  fanglant 
où  fes  Troupes  furent  défaites  -,  & 
par  fa  mort  le  Sceptre  étant  pafie 
dans  les  mains  de  Laborofbrcod 
jeune  furieux  qui  n'avoit  avec  une 
infinité  de  vices  aucunes  des  vertus 
de  fon  prédeceiïeur  ,  les  Babylo- 
niens firent  des  pertes  qui  les  arîoi- 
blirent  fi  fort  que  fous  le  règne  de 
Nabonadius  le  même  que  Bérofe 
appelle  Nabonide, Hérodote- Labi- 
net,  Jofeph  Naboandel,  Se  Daniel- 
BaltafTar  ,  Cyrus  s'empara  de  Baby- 
lone  après  un  an  de  hége.  La  de- 
ftru&ion  de  l'Empire  des  Babylo- 
niens arriva  l'an  du  monde  3466'. 
50  ans  depuis  la  prife  de  Jerufalem, 
fous  le  règne  du  dernier  Tarquin  à 
Rome,  &c  538  ans  avant  J.  C.  & 
leur  puiiTance  paiTa  aux  Médes. 

Quelques  Auteurs  ont  prétendu 
que  ces  peuples  tivoient  leur  nom 
de  la  fameufe  Médée  ;  mais  il  eft 
plus  viaifemblablejCommeJofephe 
nous  l'apprend ,  qu'ils  le  tiennent 
de  Madaïtroifiémc  fils  de  Japhet. 
On  ne  fçait  quel  étoit  la  forme  de 
leur  Gouvernement  au  temsoù  Ni- 
nus  vint  les  affujettir  ;  mais  il  pa- 
loît  qu'il  y  avoit  plus  de  mille  an» 
qu'ils  étoienttiibutaires  du  Royau- 
me d'AlTyrie  ,  lorfqu'Arbace  leur 
Gouverneur  indigné  d'obéir  à  un 
Prince  tel  que  Sardanapale  ,  trouva 
le  moyen  de  fouftraire  fa  Nation 


B  R  E  ,  1 7  3  4.  76"j 

au  joug  de  ce  Prince  efféminé. 

Notre  Auteur  croit  qu'ils  fe 
tournèrent  en  Republique,  »  quoi- 
»  qu'ils  foient  demeurés  encore 
»  feudataires  ou  dépendans  pour 
«quelque  chofe  des  Rois  deNini- 
»  ve  ,  puifque  Salmanazar  qui  vi- 
»  voit  avant  Déjoce  après  avoir  cn- 
n  levé  les  peuples  du  Royaume 
»>  d'Ifraël ,  les  difpcrfa  dans  les  Vil- 
j>les  de  laMédie. 

Ce  gouvernement  ayant  jette  les 
peuples  dans  une  efpece  d'Anar- 
chie qui  ouvroit  la  porte  à  une  in- 
finité de  defordres ,  on  crut  qu'il 
n'y  avoit  que  l'autorité  d'un  Roi 
capable  de  les  reprimer.  Les  plus 
conlïderablcs  de  l'Etat  élurent 
donc  en  cette  qualité  Dé]oce  fils  de 
Phraortes  originaire  du  Pays.  Di- 
gne du  choix  qu'on  avoit  fait  de  fa 
perfonne  ,  il  établit  le  Siège  de  fon 
Empire  à  Ecbatane  qu'il  bâtit  avec 
une  grande  magnificence.  Ce  Prin- 
ce ayant  péri  dans  une  guerre  qu'il 
entreprit  contre  Saofcduchin  ou 
Nabuchodonofor  Roi  de  Ninive  , 
eut  pour  Succclleur  Phraortes ,  ce 
Prince  qui  hérita  des  vertus  &  du 
courage  de  fon  pere  penfa  d'abord 
à  le  venger,  mais  il  fut  tué  au  mi- 
lieu de  ces  grands  projets ,  &  lailîa 
le  Royaume  à  Cyaczarre  fon  fils 
qui  dans  une  grande  jeuneiTe  avoit 
toutes  les  vertus  &  les  talens  qui 
donnent  les  plus  flattcufes  efperan- 
ccs.  Ses  premiers  exploits  turent  la 
défaite  des  Scythes  qui  fonis  des 
environs  des  Palus-Méotidcs  fous 
la  conduite  de  leur  RoiMadigés  , 
avoient  défolé  tout  ce  qui  s'étoit 
trouvé  fur  leur  paffage  ,  6i  fait  une 
Rr  rr  ij 


7^4  JOURNAL   D 

irruption  dans  la  Médie.  Parlade- 
ftrudion  &  la  prife  de  Ninive ,  il 
fe  vie  enfuite  maître  de  la  plus 
grande  partie  de  l'Empire  d'Aify- 
lie ,  car  à  la  referve  de  la  Babvlo- 
nie,  &  de  la  Chaldée  qu'il  aban- 
donna à  Nabopolaffar  Gouverneur 
de  Babvlone  qui  s'étoit  joint  à  lui 
contre  Chinaladan  dernier  Roi 
d'Aflyrie  ,  tout  le  relie  de  ce  Pays 
fut  affujetti  à  la  domination  de 
Cvaxarre. 

Ce  Conquérant  lai  lia  fa  Couron- 
ne à  fon  fils  Alliages  que  Daniel  ôc 
Tobie  nomment  Affuerus  ,  &  fur 
lequel  nos  meilleurs  Hiftoriens  va- 
rient infiniment.  Notre  Auteur 
s'arrête  fur  ces  différences ,  comme 
on  ie  vc  rra  dans  une  Note  allez 
■étendue  qu'il  tait  à  cette  occalîon. 
Il  prétend  ,  contre  le  fçavant  Père 
Tournemine  ,  que  le  feul  moyen 
de  les  accorder  eft  de  diftinguer  cet 
Alliages  de  Cyaxarre  II.  ion  fils 
qui  lui  fucceda  ,  &:  qui  eft  nommé 
par  Daniel  Darius  le  Méde.  Il  rap- 
porte enfuite  une  partie  des  Fables 
qu'Hérodote  débite  fur  la  naiffan- 
ce  Se  l'éducation  de  Cyrus.  Mais 
il  veut  qu'on  s'en  tienne  à  Xéno- 
phon  Hiftorien  fenfé  qui  ramené  à 
la  vérité  de  l'Hiftoire  le  peu  que 
l'on  fçait  de  la  vie  d'Alliages. 
C'eft  d'après  cet  Hiftorien  qu'il 
nous  donne  le  caractère  &  le  por- 
trait de  Cyrus  ,  la  manière  dont  il 
fut  élevé  fuivant  la  difeipline  des 
Perfes  ,  fon  féjour  à  la  Cour  de  fon 
grand-pere,  la  defeription  de  cette 
Cour ,  &  les  conquêtes  de  Cyrus  , 
l'Hiftoire  &  la  défaite  de  Crarfus 
Roi  de  Lydie,  &c.  quoiqu'on  ait 


ES  SÇAVANS; 

vu  une  partie  de  toutes  ces  chofes 
dans  l'Hiftoire  de  M.  Rollin  ,  avec 
lequel  il  fe  rencontre  fouvent,  mê- 
me jufques  dans  les  expreflions, 
parce  qu'ils  ont  puifé  l'un  &  l'au- 
tre dans  les  mêmes  fources,  on  les 
relira  cependant  ici  avec  un  nou- 
veau plaidr,  &  nous  y  renvoyons 
le  Lecteur. 

L'Hiftoire  des  Médes  finit  avec 
le  règne  de  Darius  le  Méde  qui 
■mourut  l'an  53^.  avant  J.  C.  après 
avoir  aftocié  Cyrus  à  l'Empire  6c 
l'avoir  déclaré  fon  héritiet.  Sa  mort 
mit  fin  à  l'Empire  des  Médes  qui 
avoit  duré  174  ans  depuis  que  Dé- 
joce  fut  mis  furie  Trône. 

L'Auteur  termine  l'Hiftoire  de 
ces  trois  Empires  par  une  Diflerta- 
tion  fur  les  Prophètes  ,  quoique 
le  titre  porte  qu'il  la  donne  pour 
fervir  d'éclatrcijjement  aux  Empires 
des  Affyriens  ,  des  Babyloniens  &  des 
Médes  t  car  dit- il  ,  les  Prophètes  ne 
fe  bornaient  pas  aux  feuls  fjuifs  }  ils 
embrajfoient  fouvent  les  peuples  étran- 
gers &  même  les  plus  propbanes.  Ce- 
pendant dans  le  cours  de  fa  Dilfer- 
tation  ,  il  fe  reftraint  à  ce  qui  re- 
garde les  Captivitez  deSamarie& 
de  Jerufalem  ;  il  examine  quelles 
en  ont  été  les  caufes  ,  les  prédic- 
tions qui  les  ont  annoncées ,  i'ac- 
compliffement  de  ces  prédictions, 
leurs  particularitez  ôc  leur  fuite. 
Mais  il  le  fait  ordinairement  plutôt 
en  Orateur  qu'en  Hiftorien  ,  5c 
moins  en  homme  qui  cherche  à 
contenter  la  curiohté  des  Sçavans, 
en  démêlant  ce  qu'il  y  a  d'obfcur 
fur  tous  ces  points ,  qu'à  nourrit 
la  pieté  &  la  foi  d'un  Lecteur  ordi- 


N  O  V  E  M 

naire  en  fe  fixant  à  ce  qu'il  y  a  de 
certain  &  d'inconteft.ible  dans  l'ac- 
compliiremcnt  des  Prophéties  qui 
regardent  les  Juifs.  C'eft  ce  qu'il 
exécute  en  copiant  tort  au  long  les 
plus  beaux  endroits  des  Prophètes 
<juiont  rapporta  fon  fujet.  En  for- 
te que  ce  Difcours  eft  moins com- 
pofé  des  paroles  de  l'Auteur  que 
des  expreffions  nobles  &  magnifi- 
ques ,  &c  de  ces  peintures  vives  &c 
fortes  par  lefqueis  ces  hommes 
înfpirés  faifoient  entendre  aux 
Juifs  les  menaces  Se  les  volontcz 
du  Très-Haut. 

Dans  le  dernier  Paragraphe  de 
fa  Differtation  qui  a  pour  titre  de 
l'efpriî  des  Prophètes^  &  dans  lequel 
il  montre  que  leurs  prédictions 
s'étendoient  généralement  à  toute 
l'économie  de  la  Religion  ,  après 


B  R  E  ,    175  4-  16$ 

avoir  rapporté  les  differens  objets 
qu'ils  paroilîbient  avoir  eu  en  vue , 
le  dernier ,  félon  lui  ,  eft  le  retout 
final  des  Juifs ,  »  qu'ils  joignoiene 
»  prefque  toujours  à  celui  qui  ter- 
»mina  la  Captivité  de  Babylone  , 
»  paiïant  rapidement  Se  fans  en 
»  avertir  de  l'un  à  l'autre  ;  mais 
»  néanmoins  avec  cette  différence, 
«  qu'ils  marquaient  au  jufte  le  tems 
»  du  premier ,  Se  qu'ils  ne  nous 
»  donnent  aucune  lumière  précife 
»  pourconnoîtrele  fécond.  D'où  il 
conclut  très  -  judicieufement ,  que 
c'eft  un  fecret  que  Dieu  s'efl  refervé  s 
&  fur  lequel  il  nous  eft  par  confe- 
quent  défendu  de  porter  notre  juge- 
ment ,  comme  fur  tous  les  autres  Mj- 
fteres  qu'il  n'a  pas  jugé  à  propos  de 
nous  révéler. 


RERUM  ITAL1CARUM  SC1UPTORES,  &g. 
C'eft -à -dire  :  Recueil  des  Ecrivains  de  l'Hiftotre  d'Italie  ,  depuis  l'an 
^oo.jufqu'àl'an  1  joo.  par  M.  Muratori ,  Tome  XIX.  A  Milan  ,  par  la 
Société  Palatine,  ij^z.in-fol.  col.  11 10. 


CE  Volume  eft  encore  compo- 
fé  pour  la  plupart  de  différen- 
tes Pièces  qui  n'avoient  point  juf- 
qu'à  préfent  été  imprimées  ,  Se 
•qui  méritoient  cependant  de  l'être. 
Comme  on  le  verra  par  le  détail 
que  nous  allons  en  donner. 

Il  renferme  ,  i°.  une  Hiftoire 
écrite  par  Frère  André  Biglia  de 
l'Ordre  des  Ermites  de  S.  Auguftm. 
Elle  commence  en  1402.  &  finit  en 
1431.  Cet  Auteur  qui  étoit  de  Mi- 
lan d'une  famille  illuftre ,  Se  qui  y 
tient  encore  aujourd'hui  un  rang 
confiderable  ,  a  été  un  des  princi- 


paux ornemens  de  fon  fiécle  Se  de 
fa  Patrie.  Voflîus  en  parle  avec 
éloge  ,  Liv.  3.  chap.  j.  des  Hifto- 
riens  Latins.  11  a  laiffé  differens 
Ouvrages  qui  font  écrits  d'un  ft vit 
meilleur  que  fon  fiécle  ne  fembloit: 
devoir  le  permettre  i  il  içavoit 
l'Hébreu  Se  le  Grec  ,  &  joignent  a 
une  Science  profonde  une  fi  grande 
fainteré  de  mœurs  qu'il  a  mérité 
après  fa  mort  d'être  béatifié.  Il 
mourut  à  Sienne  en  1435. 

On  trouve  cependant  parmi  les 
differens  écrits  qui  nous  relient  de 
lui  en  Manulcrit  dans  la  Bibliothé- 


n66  JOURNAL  D 

que  Ambroifienne  ,  Se  dont  M. 
Muratori  fart  ici  le  détail ,  deux 
Ouvrages  dont  l'un  partagé  en 
deux  Livres  ,  eft  intitulé  ,  Avis  a» 
Frère  Mainfroy  de  Verceil  de  l'Ordre 
des  Frères  Prêcheurs  3  &C  dédié  à 
Jourdain  Cardinal  des  Urfîns  ;  Bi- 
glia y  blâme  la  conduite  de  Main- 
froy  qui  fous  un  prétexte  de  Reli- 
gion fe  faifoitfuivre  par  des  trou- 
pes de  femmes  qu'il  menoit  en  pè- 
lerinage. L'autre  porte  pour  titre  : 
des  ufaaes  ,  des  Difciples  &  de  la 
DoRrine  de  Frère  Bernardin  de  l'Or- 
dre des  Mineurs.  C'eft  celui  qui  a 
été  depuis  canonifé  fous  le  nom  de 
S.  Bernardin  de  Sienne,  &quife 
rendit  célèbre  par  fon  zélé  Se  par 
fes  prédications  dans  l'Italie  ,  & 
dans  la  Lombardie.  Cependant 
notre  Auteur  prétend  que  ce  zélé 
n'étoit  pas  toujours  réglé  par  la 
Science  -,  &il  s'en  explique  en  ter- 
mes très-vifs  &  très-peu  mefurés , 
mais  c'eft  une  aceufation  ordinaire 
contre  ceux  qui  fe  confacrent  à  ce 
qu'on  appelle  Mi  (lions.  On  peut 
même  croire  que  notre  Hiltorien 
étoit  animé  d'une  fecrete  jaloufie 
contre  l'Ordre  des  Frères  Mineurs. 
Mais  pour  revenir  à  l'Ouvrage 
dont  il  eft  ici  queftion,  Voffiusdit 
que  Biglia  avoit  compofé  une  Hi- 
ftoire de  Lombardie  ,  Se  une  Hi- 
ftoire  de  Milan  ;  mais  M.  Muratori 
croit  qu'il  fe  trompe  ,  &  que  cette 
prétendue  Hiftoire  de  Lombardie 
eft  la  même  que  celle  qu'on  donne 
ici.  C'eft  dommage  qu'elle  foit  iî 
abrégée ,  car  on  y  voit  par-tout  un 
Auteur  grave  ,  éloquent  &:  judi- 
cieux.  Il  faut  cependant  convenir 


ES  SÇAVANS, 

que  dans  ce  qui  regarde  les  êvene- 
mens  arrivés  hors  de  fon  Pays,  il 
n'eft  pas  fortexacl,  il  dit  par  exem- 
ple ,  Liv.  2.  que  le  Roi  Jean  étoit 
tombé  en  démence  lorfqu'il  mou- 
rut prifonnier  à  Londres ,  que  le 
Roi  d'Angleterre  périt  avec  un 
grand  nombre  des  fiens  par  la  main 
des  Ecollois  ,  Scotiorum  ,  ou  com- 
me porte  une  Variante  par  celle  de 
fes  alliés,  Soctortim ,  Se  que  ce  Prin- 
ce laiiïa  un  fils  en  bas  -  âge  qu'il 
avoit  eu  d'une  fille  du  Roi  de  Fran- 
ce fon  prifonnier.  Récit  où  tout  eft 
plein  de  raufteté  ou  de  confulîon. 
On  a  dit  de  Biglia  qu'il  étoit  uni- 
verfel,  que  dans  l'éloquence  c'étoit 
un  Ciceron,  dans  la  Philofophic 
un  Ariftote  ,  dans  la  Théologie  un 
imitateur  de  S.  Auguftin.  Perfeilus 
fedijfecjuus. 

2°.  Hiftoire  de  la  guerre  des  Flo- 
rentins contre  les  Pifans  en  l'an 
1406.  écrite  pat  Mathieu  Palmé- 
rius. 

On  a  déjà  parlé  de  Palmerius 
dans  le  treizième  Tome  de  cet  Ou- 
vrage, à  l'occahon  de  la  Vie  de 
Nicolas  Acciaioli  qu'il  a  écrire. 
L'Ouvrage  qu'on  donne  aujour- 
d'hui eft  intitulé  :  de  la  Captivité  de 
l'ife  ;  lorfque  M.  Muratori  l'inféra 
dans  ce  Recueil,  il  ignoroit  qu'il 
eut  déjà  été  imprimé  en  165 6.  à 
ZuricK  par  Nicolas  Lévinus  parmi 
differens  autres Opufcules  ,  cepen- 
dant quoique  cette  Hiftoire  n'ait 
pas  pour  tout  le  monde  les  grâces 
de  la  nouveauté,  on  efpcre  qu'étant 
du  moins  peu  connue  des  Italiens  , 
elle  leur  fera  agréable. 

3°,  La  Vie  de  Charles  Zéno ,  no- 


N  O  V  E  M  B  R.  E  ;  i  7  5  4-  7cT7 

ble  Vénitien,  dédiée  au  Pape  Pie  H.      corriger     plufieurs    endroits    qui 


par  Jacques  Zéno  fon  neveu,  Eve 
que  de  Feltri ,  &  de  BeJIuno. 

Charles  Zéno  ,  l'un  des  plus  il- 
ïuftresde  la  noble  famille  qui  por- 
te ce  nom  remporta  une  vicloire 
confiderable  fur  le  Maréchal  de 
Boucicaut ,  pour  lors  Gouverneur 
de  Gènes  ,  Se  fe  fignala  pendant  fa 
vie  par  différentes  expéditions  de 
mer  &  de  terre  qui  augmentèrent 
l'éclat  &  la  grandeur  de  la  Repu- 
blique de  Venife  ,  il  mourut  com- 
blé d'honneurs  en  141 8.  fon  neveu 
qui  eft  l'Auteur  de  la  Vie  de  ce  cé- 
lèbre Vénitien ,  fe  confiera  à  l'état 
Ecclefiaftique,  &  mourut  Evêque 
de  Padoiie  en  1481.  ila  compofé 
les  Vies  des  Papes  depuis  S.  Pierre 
jufqu'à  Clément  V.  Cet  Ouvrage 
'  eft  encore  caché  dans  les  Bibliothè- 
ques de  Rome  ;  cependant  les 
Continuateurs  de   Bollandus   té 


étoient  défectueux  &  mutilés  dm 
le  feul  Manufcrit  Latin  que  M. 
Muratori  en  a  recouvré ,  outre  cet 
avantage  on  aura  encore  celui  de 
retrouver  dans  l'original  l'éloquen- 
ce naturelle  de  l'Auteur,  fi  on  peut 
appeller  cependant  éloquence  une 
abondance  de  paroles ,  &  desdif- 
cours  fans  fin  qui  fuppofent  dans 
les  Lecteurs  plus  de  patience  qu'ils 
n'en  ont  ordinairement.  On  a  joint 
à  cette  Vie  l'Oraifon  Funèbre  de 
Charles  Zéno  par  Léonard  Jufti- 
nien  qui  pafloit  pour  le  plus  habile 
Orateur  de  fon  tems. 

4Q.  Des  Annales  de  Sienne  de- 
puis l'an  1385.  jufqu'en  l'an  1422. 
par  un  Auteur  Anonime  ,  mais 
contemporain. 

Ces  Annales  de  Sienne  viennent 
précifément  à  la  fuite  de  celles 
d'Andréa-Dei,d'AngelodeTura  Se 


moignent  qu'ils  en  ont  fait  fouvent     deNério-Donati  qui  vient  jufqu'en 


ufage.  Il  a  écrit  aufTi  la  Vie  de  Ni- 
colas Albergati ,  Cardinal  de  Sain- 
te Croix  ,  qui  a  été  imprimée  dans 
le  fécond  Tome  du  mois  de  May 
par  les  Bollandiftes. 

A  l'égard  de  l'Hiftoire  de  Charles 
Zéno  ,  on  doit  moins  la  regarder 
comme  l'Hiftoire  d'un  particulier 
que  comme  celle  de  la  République 
de  Venife ,  dont  il  fut  l'honneur  5c 
le  foûtien  pendant  fa  vie,  depuis 
1334.  jufqu'en  1418.  Cet  Ouvrage 
avoir  déjà  été  traduit  en  Italien  3  & 
imprimé  à  Venife  d'abord  en 
1544.  6c  enfuite  en  1606.  quelque 
imparfaite  que  paroifle  avoir  été  la 
copie  fur  laquelle  cette  Traduction 
a  été  faite ,  elle  a  néanmoins  fervi  à 


1 384.  &  qu'on  a  vues  dans  le  quin- 
zième Tome  de  cette  Collection. 
On  ignore  le  nom  ,  &  la  condi- 
tion de  celui  qui  les  a  rédigées.  El- 
les font  écrites  en  Italien  ,  &  fui- 
vant  la  Dialecte  qu'on  parloitpour 
lors  à  Sienne  ;  M.  Muratori  n'y  a 
rien  changé  pour  laifler  au  Lecieur 
lepîaifirdefentir  la  différence  du 
Siennois  au  Florentin.  Tous  les  ré- 
cits y  font  fort  abrégés  5  à  l'excep- 
tion d'une  Hiftoire  arrivée  ,  ou 
qu'on  fuppofe  être  arrivée  à  Sienne 
•en  1395-  L'Editeur  croit  qu'elle  a 
été  faite  à  l'imitation  des  Nouvel- 
les de  Bocace.  Le  fonds  en  eft  fage 
&  intereflant  ,  plein  de  bonnes 
mœurs  «,  &  de  fentimens  nobles  & 


7é8        JOURNAL    D 

héroïques  -,  mais  le  ftile  en  eft  fi 
diffus  que  quoiqu'elle  foit  écrite 
avec  politeffe  ,  il  eft  impolîible  de 
la  lire  fans  ennui. 

50.  La  Vie  &  les  actions  de  Brac- 
cio  de  Peroufe  depuis  l'an  1 3 <S8. 
jufqu'à  l'an  1414.  par  Jean-Antoi- 
ne Campanus ,  Evêque  de  Teramo 
dans  la  Bruzze  ultérieure. 

Depuis  la  chute  de  l'Empire  Ro- 
main, quoique  l'Italie  fût  en  proye 
aux  guerres  ,  &  aux  factions  les 
plus  violentes  ,  on  y  voit  peu  de 
grands  Capitaines  ,  ou  fi  Ton  y 
en  voit  quelques  -  uns  s  c'étoient 
pour  la  plupart  des  étrangers  ,  tels 
que  ces  fameux  Normans  qui  firent 
avec  tant  de  courage  &  de  pruden- 
ce la  conquête  de  la  Pouille  ,  5c  de 
la  Sicile.  Mais  depuis  le  quatorziè- 
me fiécle,  c'tft  à-dire,  depuis  1300. 
jufqu'en  1500.  l'Italie  a  porté  un 
nombre  de  guerriers  fi  vaillans  Se  fi 
habiles ,  qu'il  femble  ,  dit  M.  Mu- 
ratori  que  la  valeur  des  anciens  Ro- 
mains paroît  s'être  renouvellée  par- 
mi fes  Compatriotes.  Paul-Jovea 
publié  les  Eloges  de  ces  Héros.  La 
feule  Ville  de  Péroufe  en  a  porté 
deux  ,  l'un  nommé  Braccio  de 
Montone,  &  furnommé  Fortebrac- 
cio ,  qui  fe  rendit  très-illuftre  par  la 
puiffance  fouveraine  qu'il  exerça 
dans  fa  Patrie  5c  dans  pîufieurs  Vil- 
les voiiines  ;  l'autre  s'appelloit  Ni- 
colas Picininique  ,  élevé  fous  la 
difcipHne  de  Braccio  ,  laiffa  fur- 
tout  dans  la  Ligurie  une  infinité  de 
preuves  de  fa  valeur  ik  de  fa  con- 
duite ,  fans  parler  de  fes  enfans  qui 
devinrent  prefqu'aulfi  célèbres  que 
Lur  père.  Mais  comme  ce  fut  fous 


ES    SÇAVANS, 

le  premier  que  Péroufe  s'éleva  au 
plus  grand  degré  de  puiffance  5c 
de  réputation  ou  elle  foit  jamais 
parvenue  ,  ce  morceau  ne  contri- 
buera pas  peu  à  la  gloire  de  cette 
Ville. 

Jean  Campanus  ,  qui  en  eft 
l'Auteur  ,  doit  tenir  un  rang  d'au- 
tant plus  connderable  parmi  les 
Sçavans  que  fon  mérite  feul  le  con- 
duisit de  la  plus  balle  condition  à 
une  plus  grande  fortune.  Pie  II. 
quiaimoit  les  Lettres,  le  fit  paffer 
fucceffi vement  de  l'E vêché  de  Cro- 
tone  à  celui  de  Teramo  -,  5c  fous 
Paul  IL  fon  Succcffeur  ,  il  fut  ho- 
noré de  différentes  Ambaffades,  &c 
de  plufieurs  Polies  importans  ;  mais 
fa  fortune  changea  fous  Sixte  IV. 
&  il  mourut  accablé  de  trifteffe  à 
Sienne  en  1477.  Michel  Ferno  de 
Milan  a  écrit  fa  Vie  ,  l'a  fait  im- 
primer à  Rome  en  1495.  avec  les 
Ouvrages  deCampanus.De  tous  fes 
Ecrits JaVie  de  Braccio  eft  celui  qui 
lui  a  lait  le  plus  d'honneur.  Paul- 
Jove  en  parle  à  peu  près  de  même, 
quoiqu'il  aceufe  l'Auteur  d'avoir 
altéré  la  vérité  des  faits  par  une 
adulation  Poétique.  Il  faut  cepen- 
dant remarquer  que  Campanus , 
dans  fa  Préface ,  dit  qu'il  ne  peut 
être  foupçonné  de  flatterie  ,  puif- 
qu'il  y  avoit  cinq  ans  que  fon  Hé- 
ros étoit  mort,  lorfque  lui-même 
vint  au  monde.  Il  eft  vrai  que  dans 
les  Annales  deNaples  que  M.  Mu. 
ratorife  propofe  de  donner,  Brac- 
cio y  eft  dépeint  comme  un  Tyran 
plein  d'irréligion  &  de  cruauté 
mais  à  cela  l'Editeur  répond  que 
Campanus  n'eft  pas  le  feul  qui  ait 
célébré 


NOVEMB 

célébré  les  vertus  des  grands  Hom- 
mes ,  fans  marquer  les  vices  auf- 
quels  ils  étoient  adonnés.  Il  avertie 
encore  que  cette  Vie  a  été  traduite 
en  Italien  par  Poropée-Bellufino , 
&  imprimée  en  1571-3  Venife. 

6°.LaVie  &  lesAciions  de  Sforce, 
avec  les  commencemens  de  Fran- 
çois Sforce  Viicomti  fon  fils,  Duc 
de  Milan  ,  depuis  l'an  1369.  juf- 
ciu'à  l'an  1414.  par  Léodridus-Cri- 
bellus  ,  noble  Milanois. 

Ce  guerrier  dont  il  eft  fouvent 
fait  mention  dans  l'Ouvrage  précé- 
dent ,  naquit  à  Cotignola  petite 
Ville  de  la  Romagne.  Sorti  d'une 
famille  obfcure  ,  il  parvint  par  fa 
vertu  à  une  grande  puiffance  ,  &C 
laiiïa  un  fils  qu'on  peut  comparer 
avec  les  anciens  Héros,  &  qui  ac- 
quit à  lui-même  &  à  fes  defeendans 
la  Souveraineté  de  Milan  &c  de  Gê- 
nes. Il  n'eft  pas  étonnant  que  notre 
Auteur,  fuivi  en  cela  de  plufieurs 
autres ,  ait  cherché  à  lui  donner 
une  illuftre origine  ,  mais  la  com- 
mune opinion  cfl:  que  Sforce  étoit 
fils  d'un  ample  Laboureur  ,  &£  que 
comme  cet  ancicnDictateur,  il  paf- 
fa  de  la  charrue  au  commandement 
des  armées. 

Paul- Jove  rapporte  que  Sforce , 
encore  tout  jeune  ,  travaillant  à  la 
terre,  &c  fatigué  de  la  vie  dure  qu'il 
jmenoit ,  fe  mit  tout  d'un  coup  à 
faire  des  vœux  au  Ciel  pour  parve- 
nir à  un  état  qui  répondît  mieux  à 
l'élévation  de  fon  efprit  ,  que  là- 
deffus  il  avoit  lancé  avec  violence 
fa  bêche  contre  un  chêne  en  fe  pro- 
mettant à  lui-même  que  fi  elle  re- 
toroboit  à  terre  ,  il  continueroit  fa 
Novembre. 


RE;    1  7  h-  1&9 

première  profeffion  ,  &  que  fi  au 
contraire  elle  reftoit  enfoncée  dans 
l'arbre  ,  il  fuivroit  les  armes  ,  6c 
que  l'augure  ayant  réuffi  comme  il 
le  fouhaitoit  ,  il  avoit  aufli  -  tôt 
changé  fa  bêche  contre  une  épéc. 
Paul  -  Jove  ajoute  que  François 
Sforce  Ion  petit  neveu  fe  faifoit 
honneur  de  cette  Tradition  ,  &c 
que  lui  faifant  un  jour  voir  la  cita- 
delle qu'il  avoit  bâtie  ,  &  les  armes 
qu'il  y  confervoit ,  il  lui  dit  ces  pa- 
roles en  lui  montrant  une  bêche 
qu'il  prétendoit  être  celle  dont  fon 
byfayeul  s'étoit  fervi  pour  décider 
de  fon  fort  ;  c'efl  à  cet  infiniment  que 
je  dois  ma  puiffance  &  tout  ce  que 
vous  voyez..  Léander-Albertus,  dans 
fa  Defcription  d'Italie  ,  parle  de 
même  de  l'origine  des  Sforces  ,  & 
dans  les  Ephémérides  de  Rome 
d'Antoine- Pierre,  que  M.  Mura- 
tori  doit  donner  dans  la  fuite ,  on  y 
lit  fous  l'an  141 2.  que  le  7  d'Aouil 
on  mil  par  l'ordre  du  Pape  dans  tous 
les  endroits  publics  de  Rome  un  ta- 
bleau ,  ou  Sforce  était  repre fente  atta- 
ché par  le  pied  droit  a  une  potence  , 
comme  trame  de  la  Sainte  Egltfe  , 
tenant  dans  la  main  droite  un  hoiau 
&  dans  la  main  gauche  un  écriteau 
avec  ces  mots  :  je  suis  Sforce  , 
Paysan  de  Cotignola  ,  qui  ai 
fait  bg.u2e  trahisons  a  l'eglise 
contre  mon  honneur,  mes  pro- 
MESSES ,  et  mes  Traitez. 

L'Auteur  de  cette  Vie  avoit  eu 
dtfîein  de  donner  aufli  celle  de 
François  Sforce  -,  mais  on  ne  fçait 
par  quelle  raifon  il  ne  l'a  pas  ache- 
vée. Ce  qui  nous  en  refte  ne  con- 
tient que  les  actions  du  père  ,  Si  à 
Sfff 


77o  JOURNAL    D 

l'égard  du  fils  ,  à  peine  y  trouve- 
ton  ù  première  expédition  qui  rut 
le  combat  dans  lequel  Br.iccio  per- 
dit la  vie.  Cet  Hiftorien  ,  fi  l'on  en 
croit  M.  Murarori  ,  étoit  d'une 
noble  famille  de  Milan  ,  &  diftin- 
gué  parmi  les  illuitres  Grammai- 
riens de  fon  tems.  Mais  comme  il 
paroît  par  une  Lettre  de  M.  S..ifi  , 
qu'il  v  avoir  eu  dans  le  même  teins 
à  Milan  plusieurs  perfonnes  qui 
portoient  le  nom  de  Lniovicusoa 
de  Leodrijtiis  -  Cribellus ,  &  qui  s'é- 
toient  fait  un  nom  parmi  les  gens 
de  Lettres  ,  nous  ne  croyons  pas 
qu'on  puilTc  rien  dire  de  bien  cer- 
tain fur  le  véritable  Auteur  de  cet- 
te Vie. 

Elle  a  été  imprimée  fur  un  Ma- 
nufcritdela  Bibliothèque  du  Roi, 
qui  y  a  été  apporté  de  Pavie  par 
Louis  XII.  comme  on  le  voit  par 
ces  mots  écrits  à  la  fin  du  Manuf- 
crit  de  Pavye  au  R»y  Louis  Xll.  M. 
Dominique  Vandelli  ,  aujourd'hui 
Profelïeur  de  Mathématique  à  Mo- 
déne  ,  en  fit ,  dit  M.  Muratori ,  la 
découverte.  »  Dans  la  très  ample 
*>  Bibliothèque  du  Roi  très  Chré- 
»  tien  ;  &  comme  la  Nation  Fran- 
»>  çoife  eft  d'une  libéralité  &  d'une 
»  polirefTe  admirable,  fur-tout  lorf- 
»  qu'il  s'agit  de  tout  ce  qui  peut 
n  contribuer  à  l'avancement  des 
«Lettres,  il  ne  lui  hit  pas  difficile 
»  d'obtenir  cette  Pièce. 

7°.  Une  Chronique  de  Trevife 
depuisl'an  1368.  jufqu'àPan  1418. 
par  Jean  de  Redufiis  de  Quero. 
Cet  Auteur  fe  fait  allez  connoîtie 
dans  plufieurs  endroits  de  fon  Ou- 
vrage -,  on  y  voit  qu'il  avoit  été 


ES  SÇAVANS, 
Chancelier  de  la  Commune  de  Tre- 
vife ,  quoiqu'il  fût  homme  de 
guerre  ,  &  qu'il  fe  fut  fignalc  plu- 
fieurs fois  en  cette  dernière  qualité. 
Il  eft  d'autant  plus  croyable  qu'il 
parle  prcfque  toujours  en  témoin 
oculaire  ,  &  en  homme  fage  eV  ju- 
dicieux ,  il  paroît  cependant  enne- 
mi déclaré  des  Princes  de  Carrara  ; 
mais  il  faut  pardonner  cette  partia- 
lité à  un  homme  qui  étoitau  fervi- 
ce  des  Vénitiens. 

fc°.  Une  Chronique  de  Forli  de- 
puis 1 397.  juiqu'en  143  3.  par  Frerc 
Jérôme  de  Forli  de  l'Ordre  des 
Prêcheurs,  Sixte  de  Sienne  ik  quel- 
ques autres  en  font  mer.tion  avec 
éloge,  il  a  compofé  plufieurs  Ser- 
mons ik  quelques  Ouvrages  de 
Pieté.  Tous  ceux  qui  en  ont  parlé 
difent  qu'il  florilToit en  1479. quel- 
ques-uns même  en  1484.  mais  il  eft 
manifefte  par  deux  endroits  de 
cette  Chronique  qu'il  ne  peut 
avoir  vécu  que  très  -  peu  de  tems 
après  l'année  1433.  &  fi  le  labo- 
rieux Editeur  avoit  lu  fon  Hifto- 
rien avec  plus  d'attention  ,  il  y  au- 
roit  trouvé  la  queflion  décidée. 
Car  Frère  Jérôme  dit  clairement 
fous  l'année  1424.  qu'il  avoit  pour 
lors  -jf>  ans ,  &  qu'il  étoit  né  le  23 
d'Aouft. 

Il  rapporte  qu'en  1400.  le  peu- 

file  dans  toute  l'Italie  animé  par 
es  diicours  de  plufieurs  Million- 
naires vifs  cV  ardens ,  fut  faifi  tout 
d'un  coup  d'un  efpritdepénitence 
&  de  componction  ,  qu'hommes 
iv  femmes  couroient  par  les  rués  , 
vêtus  de  facs ,  fe  donnant  la  difei- 
pline ,  &  criant  mifericordia ,  mife- 


N  O  V  E  M 

ricôrdia ,  qu'ils  étoient  partagés  en 
différentes  bandes  qui  avoient  leur 
chant ,  &  h  l'on  peut  ainfi  parler  , 
leur  cri  de  dévotion  particulier  j 
ils  jeunoient  pendant  neuf  jours  , 
&marchoient  pieds  nuds.  Quelques 
Religieufes  fortirent  de  leurs  Cou- 
vens  pour  fuivre  ces  troupes  de  pé- 
nitens  ;  des  Evêques  mêmes  &  des 
Religieux  fe  joignirent  à  eux,  mar- 
chèrent en  proceffion  prêchant  la 
pénitence.  Ce  zélé  toutinconfidé- 
ré  qu'il  étoit  ,  opéra  beaucoup  de 
réconciliations  Se  s'éteignit  par  une 
grande  mortalité  qui  emporta  un 
grand  nombre  de  ces  zélés ,  notre 
Auteur  ajoute  qu'on  en  compta  un 
jour  fur  la  place  de  Forli  plus  de 
20000,  tant  de  ceux  de  la  Ville  que 
des  environs.  La  même  chofe  fe  vit 
dans  les  autres  lieux  ;  excepté  ,  dit- 
il  ,  parmi  les  fages  Vénitiens  ,p<«- 
terejuam  Vemtis  fapientibus. 

On  y  trouve  aullî  deschefes  fort 
curieufes  fur  le  grand  Schifme  qui 
défoloit  pour  lors  l'Eglife  ,  mais  il 
faut  avouer  que  tout  cet  Ouvrage 
eft  écrit  dans  le  ftile  Se  dans  le  goût 
d'un  Moine  qui  a  parte  fa  vie  loin 
des  affaires  Se  du  commerce  des 
hommes. 

9°.  Un  Commentaire  de  Léonard 
Aretin  fur  les  évenemens  arrivés  de 
fon  tems  depuis  1 378.  jufqu'en 
1440.  Cet  Ouvrage  avoit  déjà  vu 
le  jour  à  Lyon  en  153?'  mais  il 
avoit  été  imprimé  fur  une  copie  Ci 
imparfaite,  de  l'aveu-même  du  pre- 
mier Editeur,  que  M.  Muratori, 


B  R  E  ;   î7?4«  77» 

qui  en  a  retrouvé  une  autre  ,  quoi- 
qu'un peu  mutilée  „  fe  flatte  que  le 
public  trouvera  cette  Edition  plus 
parfaite.  Cette  Pièce  eft  fort  cour- 
te ,  mais  on  ne  laiffe  pas  d'y  retrou- 
ver par-tout  le  bon  goût  de  Léo- 
nard Aretin. 

io°.  Une  Hiftoire  de  Florence,' 
écrite  en  Italien  par  un  Anonyme  , 
depuis  l'an  1406.  jufqu'à  l'an  1438. 

M.  Muratori  croit  pouvoir  don- 
ner cet  Ouvrage  à  la  fuite  des  au- 
tres qu'il  a  publiés  fur  l'Hiftoire  de 
Florence.  Il  avoue  que  l'Auteur 
paroît  s'y  être  plutôt  attaché  à  dé- 
crire les  Rites  de  l'EglifeRomainc 
que  l'Hiftoire  de  fon  tems.  Peut- 
être-même  que  ce  ne  font  que  des 
morceaux  tirés  d'un  plus  grand 
Ouvrage  qui  eft  perdu  ;  mais  tel 
qu'il  eft  ,  on  y  verra  peut-être  avec 
plaifir  la  relation  de  la  manière 
dont  le  Pape  Martin  V.  Se  enfuite 
Eugène  IV.furent  reçus  à  Florence. 
Notre  Auteur  y  décrit  cependant 
les  Cérémonies  de  la  Mefle  Pontifi- 
cale ,  Se  parle  des  affaires  Eccleiîa- 
ftiques  dans  un  ftile  ,  Se  dans  un 
langage  qui  marque  plus  de  curio- 
fité  que  de  connoiiîance  dans  ces 
fortes  de  matières. 

Ce  Volume  finit  par  une  Chroni- 
que de  Piftoye  écrite  depuis  la  fon- 
dation de  cette  Ville  jufqu'à  l'an 
144X.  par  Jannoti-Manetto  Floren- 
tin. C'eft  tout  ce  que  nous  en  di- 
rons ,  &  parce  qu'elle  eft  fort  abré- 
gée-, Se  qu'il  eft  tems  de  finir  cet 
Extrait. 


Sfffi; 


77*         JOURNAL    DES     SÇAVANS 


TRAITE'  GENERAL  DES  HORLOGES  ,  PAR  LE  PERE 
Dom  Jacques- Alexandre ,  Religieux  Beneeticiin  ,  de  la  Congrégation  de 
S.Aiaur:  Ouvrage  enrichi  de  figures.  A  Paris  ,  chez  Hippolyte  -  Louis 
Guerin  ,  rue  S.  Jacques,  vis  -  à  -  vis  Si  Yves ,  à  S.  Thomas  d'Aquin  ; 
&  Jacques  Guerin  ,  Quai  des  Augultins.  1734.  vol.  /'»-8°.  pp.  387. 


LE  deffein  de  l'Auteur  eft  de 
donner  une  Hiftoire  générale 
de  l'Horlogerie  ;  Ouvrage  d'autant 
plus  curieux  ,  que  ceux  qui  ont 
été  publiés  jufqu'ici  fur  ce  fujet 
font  très  -  bornés  ,  6c  ne  peuvent 
pafTer ,  tout  au  plus  ,  que  pour  des 
ébauches.  Le  Père  Alexandre  com- 
mence d'abord  par  un  court  expo- 
fé  des  différentes  méthodes  que  les 
anciens  ont  employées  pour  com- 
pter les  années^  les  mois ,  les  jours 
&  les  heures. 

Après  quoi  il  vient  à  l'Hiftoirc 
qu'il  s'eft:  propofée  :  il  débute  par 
les  Horloges  Solaires ,  il  reconnoît 
Anaximandre  pour  le  premier  qui 
en  ait  fait  dans  la  Grèce  ;  ce  Philo- 
fophe  vivoit  environ  540  ans  avant 
J.  C.  cv  notre  Auteur  remarque 
que  le  Cadran  d'Achas  étoit  plus 
de  20  ans  auparavant. 

Notre  Auteur  paffe  de  -  là 
aux  Horloges  d'eau  ,  ou  Clepfy- 
dres,  &  aux  Horloges  de  fable.  Il 
obferve  que  ,  félon  Pline  le  Natu- 
ralilte,  Scipion  Nalica  fut  le  pre- 
mier qui  trouva  à  Rome  l'art  de 
marquer  les  heures  du  jour  &  de  la 
nuit ,  par  le  moyen  de  l'eau ,  mais 
que  Vitruve  cependant  dans  le  Li- 
vre 9.  de  fon  Architecture  ,  donne 
l!honneur  de  cette  invention  à  Cte- 
fibius ,  qui  y  ajouta  des  roues  den- 
telées ,  lefquelles  produiraient  di- 


vers effets  agréables ,  &  celui  entre 
autres ,  de  faire  mouvoir  de  petites 
figures.  On  lit  dans  les  Annales  de 
Bourgogne  par  Guillaume  Paradin 
de  Cuifeaux  ,  imprimées  à  Lyon  en 
1^66.  qu'environ  l'an  490.  le  Roi 
Théodoric  envoya  à  Gondcbaulc 
Roi  de  Bourgogne,  des  Horloges 
avec  des  perfonnes  qui  les  L;a- 
voient  gouverner;que  dans  l'une  de 
ces  Horloges ,  toutes  deux  de  l'in- 
vention de  Gafïiodore,  on  voyoit 
jufqu'où  peut  aller  la  fubtiliré  de 
l'efprit  humain  pour  bien  reprefen- 
ter  la  difpofition  &  l'arrangement 
des  Cieux  5  que  fans  avoir  befein 
du  Soleil ,  on  y  voyoit  les  heures 
bien  diflindtement  marquées  par 
le  moyen  d'une  ceitaine  quantité 
d'eau  qui  s'écouloit  goûte  à  goûte. 
Le  Père  Alexandre  rapporte  un 
autre  fait  bien  remarquable  ,  c'eft 
que  vers  l'an  de  J.  C.  809.  Jes 
Ambalfadeurs  d'Aaron  Roi  de 
Perfe  ,  firent  prefent  à  Charlema- 
gne  ,  d'une  Ciepfydre  de  bronze  , 
dont  le  Cadran  étoit  divifé  en 
douze  parties  ,  &  contenoit  autant 
de  boules  qui  venant  à  tomber 
dans  un  balïin  ,  faifoient  entendre 
par  ordre  les  douze  heures.  Cette 
Horloge  étoit  ornée  de  certaines 
figures ,  que  des  roues  cachées  fai- 
foient mouvoir ,  en  cela  peu  diffé- 
rente de  l'Horloge  de  Ctéfibius  . 


N  O  V  E  M  B 

de  laquelle  nous  venons  de  parler. 
Notre  Auteur  quitte  ces  tems  recu- 
lés ,  Se  vient  à  la  Clepfydre  qUe 
Dam  Charles  Vailly  Bénédictin  de 
la  Congrégation  de  S.  Maur,  in- 
venta en  1690.  laquelle  marque  de 
fuite  les  heures  par  le  moyen  d'une 
liqueur  enclofe  dans  un  tambour 
divifé  en  plufieurs  petites  cellules  , 
oùelle  parte  fucceflivement  de  l'une 
dans  l'autre.  Le  Père  Alexandre  en 
enfeigne  au  long  ,  par  des  figures 
très-exactes, la  conftrucTrion  <k  l'ufa- 
ge.  Vailly  au  relie,  n'eit  pas  le  feul 
qui  ait  découvert  ces  forres  d'Hor- 
loges. Le  Père  Martinelli  a  fait  im- 
primer à  Venife  un  Traité  des  Hor- 
loges d'eau  j  par  lequel  on  voit 
qu'il  s'efc  parfaitement  rencontré 
avec  le  Père  Vailly.  Notre  Auteur 
dit  là-defTus  que  rien  n'empêche 
que  deux  perfonnes  d'un  génie  pé- 
nétrant ,  n'ayent  fait  la  même  dé- 
couverte. 

Des  Horloges  d'eau  le  Père  Ale- 
xandre pafle  aux  Horloges  automa- 
tes &  fonantes,  telles  qu'on  les  a 
aujourd'hui ,  il  remarque  que  Po- 
lydore- Virgile  dans  fon  Traité  des 
Inventions  des  choies, avoue  qu'on 
n'a  pu  encore  fçavoir  au  vrai  qui 
eft  l'Auteur  d'une  invention  iî  ex- 
cellente ;  il  oblerve  encore  que 
Guy-Pânciroledans  fon  Livre  inti- 
tulé :  veiera  deperdita  &  nova  re- 
perça ,  fait  mention  des  Horloges' , 
mais  qu'il  ne  dit  rien  ni  de  l'Inven- 
teur ni  du  tems  où  elles  ont  été  in- 
ventées. Le  Père  Alexandre,  après 
diverfes  recherches  curieufes ,  dit 
qu'il  n'y  a  point  d'Auteur  auquel 
on  puifle  attribuer  plus  légitimer 


RE,    1734-  775 

ment  l'invention  des  Horloges  à 
roué's,qu  a  Gerbert, &:  voici  en  abré- 
gé ce  qu'il  rapporte  fur  cet  article  : 
Gerbert  natif  d'Auvergne  fut  Moi- 
ne de  l'Abbaye  de  S.  Gerand  d'O- 
rillac  ,  Ordre  de  S.  Benoît.  La  ré- 
putation de  fon  fçavoir  9  ik  fon  ra- 
re génie  engagèrent  Adalberon 
Archevêque  de  Reims,  àlechoilîr 
en  970.  pour  l'établir  Recteur  de 
l'Univerfité  de  Reims.  Sur  la  fin 
du  dixième  ficelé  vers  l'an  yy6.  il 
fit  à  Magdbourg  une  Horloge  (i 
furprenantc,par  le  moyen  des  poids 
&  des  roiies  ,  que  Guillaume 
Marlot,  en  parlant  de  cet  Ouvrage, 
dit ,  pour  en  faire  fentir  le  prodi- 
ge ,  que  c'étoit  un  ouvrage  fait  pat 
Art  diabolique  :  admlrabde  Horo- 
logitim  fabricavit  per  inflrumemuin 
diabolicâ  arte  inventum.  Gerbert  fut 
Archevêque  de  Reims  en  992.  puis 
Archevêque  de  Ravenne  en  997. 
&  enfin  Souverain  Pontife  fous  le 
nom  de  Silveftre  II.  en  999. 

Notre  Auteur  parle  ici  de  plu- 
fieurs autres  Horloges  :  Richard- 
Walingfort  Abbé  de  S.  Alban  en 
Angleterre  ,  qui  vivoit  en  1 3  xc.  fit 
une  Horloge  qui  ,  au  rapport  de 
Gefner,  n'avoir  pas  fa  pareille  dans 
toute  l'Europe.  Charles  V.  Roi  de 
France  ,  furnommé  le  Sage  ,  fit 
conftrufre  dans  Pàris,par  Henri  de 
Vie,  venu  tout  exprès  d'Allema- 
gne pour  ce  deffein  ,  la  première 
greffe  Horloge  ,  &  la  mit  fur  là 
Tour  de  fon  Palais  ,  environ  l'an 
1370. 

En  13 82.  le  Duc  de  Bourgogne 
fît  ôter  de  la  Ville  de  Courtray 
une  Horlog*-.  qnifonnoit  les  heu- 


774       JOURNAL'     DE 

res  ,  &  qui  étoit  un  des  plus  beaux 
ouvrages  que  l'on  connût  alors  en 
ce  genre  ,  tant  en  deçà  qu'au-delà 
de. la  mer  ,  &c  il  la  fit  tranfporter  à 
Dijon,  fur  la  Tour  de  Nôtre-Dame 
où  elle  eft  encore  à  prefent.  Ce 
font  là  ,  félon  notre  Auteur ,  les 
trois  plus  anciennes  Horloges  que 
l'on  trouve  après  la  fameufe  Hor- 
loge de  Gerbert  ,  de  laquelle  nous 
avons  parlé.  On  remarque  ici  que 
le  premier  mouvement  des  Horlo- 
ges à  roues  ,  a  été  fait  avec  un  ba- 
lancier fufpendu  par  un  cordon  , 
comme  on  le  voit  encore  dans  plu- 
fieurs  anciennes  Horloges  ,  qui 
n'ont  pas  été  reformées.  Cette  in- 
vention pour  mefurer  la  durée  du 
tems  par  le  mouvement  alternatif 
d'un  balancier  conduit  par  des 
roues  qui  avoient  leur  mouvement 
au  moyen  d'un  poids  attaché  fur 
l'axe  de  la  grande  roue,  fut  eftimée 
autant  qu'elle  le  méritoit  dans  un 
tems  où  on  n'avoit  rien  de  meil- 
leur ,  ni  même  qui  en  approchât. 

Le  mouvement  du  balancier 
étoit  alors  fort  inégal ,  tant  àcaufe 
de  l'inégalité  des  dentelures ,  que 
du  changement  des  tems  ;  mais 
comme  on  n'avoit  rien  de  plus  par- 
fait ,  on  s'en  eft  fervi  jufques  envi- 
ron l'an  i6<>o. 

Le  Père  Alexandre  avertit  que 
c'eftau  fameux  Galilée  Mathémati- 
cien du  grand  Duc  de  Tofcane,  que 
l'on  eft  redevable  d'une  invention 
plus  excellente  qui  eft  le  Pendule. 
Ce  Mathématicien  s'en  fervit  utile- 
ment pour  les  Obfervations  Aftro- 
nomiques,  &  en  compofa  un  Li- 
vre en  fa  langue  /lequel  fut  bien-. 


S     S  Ç  A  V  A  N  S  ; 

tôt  traduit  de  l'Italien  en  François , 
cv  imprimé  à  Paris  en  1^39.  il  avoit 
formé  le  deffein  d'appliquer  cette 
invention  à  l'Horloge  ,  mais  il  en 
laiffa  l'exécution  à  fon  fils  Vincent 
Galilée  ,  qui  s'en  acquitta  parfaite- 
ment; ce  qui  mit  le  Pendule  autant 
au- défais  du  balancier  ,  que  les 
Horloges  à  balancier  croient  au-def- 
fus des  meilleurs  Clcpfydres.  Il  en 
fit  PeflTai  à  Venife  en  1649.  ainfi 
qu'il  eft  rapporté  dans  le  Recueil 
des  Expériences  laites  dans  l'Aca- 
démie del  Cimenta  ,  fous  la  protec- 
tion du  Duc  de  Florence. 

Notre  Auteur  rapporte  que 
Chrétien  Huygens  voulut  fe  faire 
honneur  de  cette  invention  t  &£ 
publia  pour  cela  en  1658.  un  Ou- 
vrage intitulé  Horologium  ,  dans  le- 
quel il  explique  la  fabrique  de  cet- 
te nouvelle  Machine  ,  &c  montre 
qu'elle  eft  fort  différente  de  la  Pen- 
dule des  Aftronomes  inventée  pat 
Galilée. La  régularité  des  vibrations 
du  Pendule  étant  beaucoup  plus 
jufte  que  celle  du  balancier  & 
moins  fujette  aux  changemens  des 
tems,  fit  recevoir  très-favorable- 
menc  cette  nouvelle  découverte. 
Mais  tout  charmé  que  l'on  en  étoit, 
on  ne  laifta  pas  d'y  appercevoir, 
dit  notre  Auteur  ,  une  petite  irré- 
gularité ,  fçavoir  ,  que  dans  les 
tems  humides,  &  lorsqu'on  avoit 
mis  nouvellement  de  l'huile  aux 
roues  &  aux  pivots ,  les  vibrations 
étant  alors  plus  grandes  ,  leur  du- 
rée étoit  aufll  plus  grande  ,  parce- 
que  le  centre  d'ofcillation  du  Pen- 
dule décrivoit  une  plus  grande  por- 
tion de  cercle.  M.  Huygens,  dit 


N  O  V  E  M 

le  Père  Alexandre  ,  ne  tarda  pas  à 
y  apporter  le  remède  convenable  , 
en  y  appliquant  deux  parties  de 
roulettes  au  point  de  fufpenfion  du 
Pendule  ;  5c  par  ce  moyen  il  fit  en 
forte  que  le  centre  d'ofcillation  du 
Pendule  ,  décrivant  une  partie  de 
roulette  ,  les  vibrations  étoient 
d'une  parfaite  égalité  de  durée,  foit 
qu'elles  fuffent  grandes,  foit  qu'el- 
les fuffent  petites ,  &  il  en  compo- 
fa  un  Livre  fçavant ,  intitulé  Horo- 
logium  ofcdlator'mm  ,  lequel  fut  im- 
primé à  Paris  en  1673.  chez  Mu- 
guet ,  Si  fe  trouve  dans  fes  Oeuvres 
diverfes  imprimées  en  1682.  wj-40. 
à  Leyde. 

Notre  Auteur  reflechiffant  fur  la 
perfection  à  laquelle  M.  Huygens 
a  conduit  le  mouvement  des  Pen- 
dules en  rendant  toutes  les  vibra- 
tions tant  grandes  que  petites  d'u- 
ne égale  durée  ,  dit  que  cette  per- 
fection a  donné  une  fi  grande  ju- 
fteffe  aux  Pendules  qu'elles  nous 
ont  par  ce  moyen  entièrement  affu- 
réde  l'inégalité  apparente  du  mou- 
vement du  Soleil;  parce  qu'en  effet 
ce  mouvement  fi  égal  &  fi  unifor- 
me en  durée  ,  a  fourni  le  moyen  de 
faire  des  Horloges  qui  fuivent  exac- 
tement le  moyen  mouvement  du 
Soleil ,  &  lefquelles  par  confequent 
étant  mifes  fur  l'heure  du  Soleil,  à 
tel  jour  qu'on  voudra  ,  fe  trouvent 
encore  marquer  l'heure  qu'il  eft  au 
Soleil  un  an  après,  à  pareil  jour, 
quoique  pendant  le  cours  de  l'an- 
née en  certain  tems,  l'Horloge  eût 
précédé  l'heure  du  Soleil ,  &  en 
d'autres  tems  l'heure  du  Soleil  eût 
précédé  l'heure  de  l'Horloge  d'en- 


B  R  E,     1734.  77 j 

viron  un  quart  d'heure  ,  plus  ou 
moins. 

C'eft-là  ,  dit  le  Père  Alexandre, 
la  plus  grande  perfection  qui  ait 
été  donnée  ci-devant  aux  Horlo- 
ges ,  Se  de  laquelle  on  ne  s'accom- 
mode guéres  dans  1  ufage  ordinai- 
re. Parce  qu'en  effet  il  n'eft  pas 
agréable  de  voir  une  Horloge  avan- 
cer ou  retarder  quelquefois  de  plus 
d'un  quart  d'heure  ,  quoiqu'on 
puiffe  cependant  fçavoir  la  vérita- 
ble heure  du  Soleil  en  recourant  à 
la  table  de  l'équation  des  Pendules. 
On  aime  mieux  mettre  la  main  à 
une  Horloge  pour  h  faire  accorder 
avec  le  Soleil  qui  efl:  notre  règle 
que  delà  voir  fe  trop  écarter  de  la 
véritable  heure  que  marque  le  So- 
leil fur  les  cadrans. 

Le  P.  Alexandre  enfeigne  une 
méthode  fûre  pour  conltruirc  des 
Horloges  qui  fuivront  l'inégalité 
apparente  du  mouvement  Soleil  , 
&c  qui  par  confequent  marqueront 
toujours  la  véritable  heure  du  So- 
leil. C'eft  une  perfection  de  l'Hor- 
logerie ,  à  laquelle  l'art  n'avoit 
point  encore  tinté  d'arriver  ,  & 
que  bien  des  gens  ne  croyoient  pas 
même  pollible.  Il  avertit  qu'il  avoit 
ci-devant  compofé  là  deffusun  pe- 
tit Ecrit  qu'il  fit  prefenter  à  l'Aca- 
démie Royale  des  Sciences  eu 
169  8.  &  il  dit  que  cette  découverte 
pourroit  bien  trouver  fa  place  dans 
le  Livre  de  M.  Huygens. 

Notre  Auteur  donne  auffi  la 
méthode  de  reprefenter  j  par  le 
moyen  des  roiies  d'une  Horloge , 
le  mouvement  apparent  des  planet- 
tes,  en  forte  que  l'on  voyefurle 


776"         JOURNAt   D 

cadran  ,  le  lieu  où  les  planettes  pa- 
roiffent  être  dans  le  Zodiaque  , 
leurs  dations  ,  leurs  directions , 
leurs  rétrogradations ,  &  tout  cela 
fondé  fur  le  Syftême  de  Copernic. 
Il  donne  aux  roiies  un  nombre  de 
dents  qui  leur  font  faire  des  révo- 
lutions plus  parfaites  que  celles 
qu'on  a  employées  jufqu'à  prefent. 

Par  exemple  ,  dans  toutes  les 
Horloges  qui  ont  un  mouvement 
annuel ,  la  révolution  s'en  fait  en 
365  jours,  c'en:  près  de  fix  heures 
d'erreur,  &  lui  il  donne  un  mou- 
vement qui  fournit  trois  cens  foi- 
xante-cinq  jours  ,  cinq  heures  48.' 
58"  —  de  fécondes  :  ainfi  il  n'y  a 
qu'une  féconde  &  ^  de  féconde 
d'erreur  par  an. 

Tout  ceci  concerne  les  grandes 
Horloges.  Notre  Auteur  vient  en- 
fuite  aux  Pendules  qui  fe  mettent 
dans  les  chambres. 

Il  parle  premièrement  des  poids 
&  contrepoids  propres  à  ces  Hor- 
loges ,  fecondement  du  reffort  fpi- 
ral  qu'on  emploveaulieu  de  poids, 
troifiémement  de  la  fuféc  qui  fert 
à  compenfer  les  différentes  forces 
du  reflort  fpiral  ,  quatrièmement 
des  longueurs  du  Pendule  ,  cin- 
quièmement des  rouages ,  fixiéme- 
ment  du  mouvement  journalier  , 
feptiémement  delà  Pendule  ordi- 
naire en  particulier,  huitièmement 
de  la  Pendule  à  fécondes ,  neuviè- 
mement de  la  fonnerie  ,  &  enfin 
du  réveil. 

A  l'article  des  Pendules  de 
chambre,  fuccede  celui  des  Mon- 
Trcs  de  poche-  Le  Père  Alexandre 
remarque   qu'au   commencement 


ES    SÇAVANS, 

du  dernier  fiécle  ,  on  mettoit  1» 
perfection  des  Montres  à  être  ex- 
trêmement petites  ,  jufques  -  là 
qu'on  en  faifoit  que  les  Dames  por- 
toient  en  pendans  d'oreilles  ,  ce 
qui  n'a  pas  eu  de  fucces  ,  ces  petits 
ouvrages  étant  trop  délicats  pour 
pouvoir  fub(îfterlong-tems. 

Il  leinble  qu'aujourd'hui  on  veuil- 
le revenir  aux  petites  Montres  , 
mais  il  y  a  bien  de  l'apparence 
qu'elles  ne  réulîïront  pas  mieux.  Le 
Père  Alexandre  veut  qu'on  préfère 
pour  la  julteffe  &c  pour  la  durée,les 
Montres  dJune  juite  grolfeur  ,  de 
figure  ronde  ,  un  peu  applatie  , 
d'environ  deux  pouces  de  diamè- 
tre ,  &  un  peu  plus  d'un  pouce  d'é- 
paiffeur.  Il  avertit  que  M.  de  Sulli 
a  fait  imprimer  à  Paris  en  1717. 
chez  Grégoire  Dupuis  un  Livre 
in-iz.  fur  les  Horloges  &:  Montres 
de  différentes  conftructions  ,  où  il 
enfeigne  la  manière  de  les  bien 
choilir  Se  de  les  régler.  Ce  Livre  a. 
pour  titre  Règle  artificielle  du  tems. 
Le  P.  Alexandre  en  parle  comme 
d'un  ouvrage  excellent,  il  dit  en 
avoir  tiré  la  plus  grande  partie  des 
enfeignemens  qu'il  donne  ici  fur  la 
conltruclion  des  Montres  ;  ces  en- 
feignemens font  compris  en  huit 
articles  ,  dans  le  premier  ,  il  eft 
traité  de  la  platte-forme  pour  divi- 
fer  les  dents  des  roiies  ;  dans  la  fé- 
conde ,  du  balancier  &c  du  relfort 
fpiral  qui  règle  le  mouvement  des 
Montres  ;  le  rroifiéme  contient  une 
Table  des  roiiages  ;  le  quatrième 
concerne  la  cadrature  de  la  Mon- 
tre; le  cinquième,  le  cadran  ;  le 
ûxiéme ,  les  pivots  }  le  feptiéme  f 

u 


N  O  V  E  M 

la  fonnerie  &  le  réveil  ;  le  huitiè- 
me ,  le  choix  qu'on  doit  faire  des 
Montres.  Tout  cela  elt  fuivi  d'un 
neuvième  atticle  concernant  la 
cadratme  de  la  répétition.  Le 
Père  Alexandre  a  déjà  parlé  des 
répétitions  ;  mais  il  ne  croit  pas  in- 
utile d'en  donner  ici  une  cadrature. 
Il  commence  par  une  répétition  de 
Pendule  ,  parce  qu'elle  fert  à  faire 
entendre  celle  des  Montres.  Il 
donne  d'abord  une  idée  des  pièces 
qui  compofent  la  répétition  ;  puis 
il  les  place  où  elles  doivent  être,  &c 
tâche  d'en  faire  entendre  le  mécha- 
riifme.  Les  pièces  qui  compofent 
les  répétitions  des  Montres  de  po- 
che ,  différent  peu  de  celles  qui 
compofent  les  répétitions  des  Pen- 
-dules  ;  le  Père  Alexandre  le  fait 
voir  par  divers  exemples.  C'eft  un 
nommé  Barlow  qui  a  été  le  pre- 
înier  Inventeur  de  la  répétition  ,  il 
fit  cette  découverte  en  1676.  vers 
Ja  fin  du  règne  de  Charles  II.  Roi 
d'Angleterre.  Cette  invention  in- 
génieufe  ,  à  laquelle  on  n'avoit 
point  encore  penfé  ,  excita  le  zélé 
de  plufîeurs  Horlogers  de  Londres 
qui  fe  mirent  à  faire  des  répétitions 
par  des  voyes  différentes ,  &c  M. 
Quarre  fut  celui  qui  y  réufïit  le 
mieux,  parce  que  fon  ouvrage  étoit 
ie  plus  (impie. 

Notre  Auteur  n'a  pu  découvrir 
«n  quel  tems  a  commencé  l'ufage 
des  Montres,  il  dit  que  quelques- 
uns  le  veulent  mettre  à  la  fin  du 
huitième  fiécle  ,  mais  il  ne  trouve 
pas  ce  fentiment  probable ,  vu  que 
l'invention  des  Horloges  à  roiie$ 
cil  poftérieur  de  trois  cens  ans. 
Ntvtmbrt. 


B  R  E,   1754.  777 

On  a  obligation  à  M.  l'Abbé  de 
Hautefeuilie  de  la  perfedlion  des 
Montres,  ces  petites  Machines  n'é- 
toient  réglées  autrefois  que  par  le 
balancier  &  par  la  force  du  grand 
reffort ,  qui  en  fc  développant  lui 
donne  fon  mouvement  plus  ou 
moins  précipité,  mais  M.  l'Abbé 
de  Hautefeuilie  d'Orléans  a  pré- 
fenté  à  Meilleurs  de  l'Académie 
Royale  des  Sciences ,  le  7  Juillet 

1674.  un  Ecrit  où  il  donne  l'art  de 
régler  le  mouvement  du  balancier 
des  Montres  ,  par  le  moyen  d'un 
petit  reffort  droit ,  attaché  d'une 
part  fur  l'extrémité  de  la  platine , 
&  inféré  de  l'autre  dans  l'extrémité 
du  balancier  ,  en  forte  qu'il  fait 
l'office  d'un  Pendule.  Notre  Au- 
teur raconte  à  ce  fujet  ,  que  M. 
Huygens  ayant  donné  dans  le 
Journal  des  Sçavansdu  15.  Février 

1675.  une  Lettre  touchant  me  nou- 
velle invention  d'Horloges  tres-jufîes 
&  très-portatives  ,  dans  laquelle  il 
s'expliquoit  comme  s'il  étoit  l'Au- 
teur de  cette  invention  ,  &  obtint 
en  conféquence  un  privilège  duRoi 
pour  la  faire  valoir ,  mais  que  M. 
l'Abbé  de  Hautefeuilie  s'étant  op- 
pofé  àTenregiftrement  du  privilè- 
ge ,  &  ayant  prouvé  que  c'étoit  lui, 
&c  non  M.  Huygens  qui  étoit  le 
premier  inventeur  M.  Huygens 
fut  débouté  de  fon  privilège. 

Le  Père  Allexandre  termine  fotï 
Traité  par  un  Catalogue  des  Au- 
teurs qui  ont  écrit  fur  les  Horlo- 
ges. Il  commence  par  les  Auteurs 
qui  or.c  traité  des  Horloges  Solaires, 
il  vient  enfuite  à  ceux  qui  ont  écrit 
des  Horloges  d'eau  &  des  Horloges 
T  1 1 1 


77S        JOURNAL    DE 

de  fable  ,  &  enfin  à  ceux  qui  ont 
parlé  des  Horloges  à  roues  ,  à 
poids  &  refïbrts  -,  il  fait  une  Analy- 
fe  exacte  des  Ouvrages  de  ces  der- 
niers ,  à  laquelle  il  joint  diverfes 
obfcrvations  très-utiles. 

On  a  imprimé  en  1719.  /»-4*.  à 
Lvon,un  Recueil  des  Ouvrages  cu- 
rieux qui  ont  été  trouvés  dans  le 
fameux  Cabinet  de  feu  M.  de  Ser- 
viere.  Parmi  ces  Ouvrages  font 
dix-fept  Horloges  Singulières  dont 
notre  Auteur  donne  la  defeription. 

Ce  Traité  du  Père  Allexandte 


5  SÇAVANS, 

cft  approuvé  par  M.  Godin  qui  dit 
1°.  Que  c'efl  un  Ouvrage  qui  mérite' 
et  être  imprimé  &  qui  fera  bien  reçu 
du  public,  2°.  Que  le  public  fouhaite 
depuis  long-tenu  un  Traité  complet 
fur  l'Horlogerie  ,  auquel,  en  atten- 
dant j  on  pourra  fitbjlifacr  celui-ci. 

Le  Père  Allexandrc  de  fon  côté 
dit  que  le  plan  qu'il  donne  ici  pourra 
recevoir  la perfetlion  d'une  main  plus 
habile  qu'il  fiffit  pour  un  commen- 
cement d'avoir  fourni  ï 'idée générale  ,' 

6  qu'il  foubaite  voir  perfectionner 
fon  Ouvrage  ,  dans  la  fuite  du  tems. 


ABREGE  DE  L'ANATOMIE  DV  CORPS  HUMAIN  ,  OU 
l'on  donne  une  defeription  courte  &  exatle  des  parties  qui  le  compofent,  avec 
leurs  ufages.  Par  M.  *  *  *  ,  Chirurgien  Juré.  A  Paris ,  de  l'Imprimerie 
de  P.  G.  le  Mercierhïs ,  rué'faint  Jacques ,  au  Livre  d'or.  1734. m-\i, 
deux  Volumes,  Tome  I.  pp.  271.  Tome  II.  pp.  380. 


IL  en  eft  d'un  abrégé  ,  comme 
d'un  tableau  réduit  en  petit ,  où 
U  faut  que  le  Peintre  ,  fans  rien 
omettre  ,  &  en  obfervant  toutes  les 
proportions,  fifle  entrer  les  mê- 
mes nièces  qui  font  dans  le  grand. 

C'eft  ce  que  M.  Verdier ,  Auteur 
de  cet  excellent  Ouvrage  ,  a  imité 
avec  une  exactitude  &  une  habileté 
dont  on  trouve  ailleurs  ,  pfu  d'e- 
xemples ,  &  ce  qui  fait  dire  ,  avec 
juftice  ,  au  fçavant  Approbateur 
du  Livre ,  que  de  tous  les  Abrégez 
d'Anatomie  qui  ont  paru  en  Fran- 
çois ,  depuis  un  demi  fiécle  ,  juf- 
qu'à  préfent ,  il  ne  s'en  eft  point  vu 
de  plus  conforme  à  la  vraye  Ana- 
tomie  ,  que  celui-ci. 

M.Verdier  commence  par  un  pé- 
rit diicours  fur  l'Anatomie  en  gé- 
néral, dans  lequel  il  explique  i°. 


ce  que  fignifie  le  terme  d'Anato- 
mie ,  20.  Quelle  eft  la  diviiîon  des 
parties  du  Corps  humain,  30.  Ce 
que  c'eft  que  fibre,  membrane  ,  os , 
cartilage  ,  ligament ,  mufcle,  glan- 
de ,  artère,  veine  ,  nerf, fang,0"c. 
Cela  fait ,  il  vient  à  l'Oftéologie  , 
où  il  parle  d'abord  des  os  en  géné- 
ral ,  puis  en  particulier.  Il  palTe  de- 
là aux  mufcles  qu'il  confidere 
suffi  en  général  &  en  particulier, 
après  quoi  ,  fuivant  la  même  mé- 
thode ,  il  traite  de  la  oeau  ,  &  des 
vifeeres  -,  puis  des  artères,  des  nerfs 
&des  glandes. 

11  s'agit  de  donner  un  exemple 
par  lequel  on  punie  juger  de  la  ma- 
nière claire  &  concife  avec  laquelle 
l'Auteur  s'explique  :  nous  choilî- 
rons  pour  cela  ce  qu'il  dit  de  ia. 
peau. 


N  O  V  E  M 

■»  La  peau  eft  une  cfpece  de 
«membrane  tort  épaifle  .  qui  re- 
»  couvre  routes  les  parties  des 
"■corps.  Son  épaiffeur  varie  néan- 
»  moins  ,  étant  plus  coniîderable  à 
i>  la  tête  Si  au  dos  qu'à  la  face.  Elle 
»  ne  fe  trouve  pas  d'un  ti'Ju  égale- 
»  ment  ferré  ,  car  il  eft  plus  lâche  à 
»  la  partie  chevelue  de  la  tète  ,  &C 
-»  plus  ferré  au  dos. 

»  Les  modernes  ont  découvert 
«  que  la  peau  étoit  compofée  prin- 
»  cipalement  de  quatre  parties  :  la 
»  première  ou  la  plus  intérieure, 
»  eft  nommée  le  cuir  ,  elle  eft  faite 
»  d'un  tiffu  merveilleux  de  fibres 
»  tendineufes,  &  nerveufes,  par- 
»  femées  d'un  très-grand  nombre 
»  de  vaiffeaux,  la  plupart  lympha- 
»  tiques.  Ce  tiffu  peut  prêter  en 
»  tout  fens  ,  comme  cela  fe  remar- 
»  que  dans  lagroffelîe  ,  &  fe  re- 
s>  mettre  enfuite  dans  fon  premier 
»  état. 

»  La  féconde  partie  de  la  peau 
*>  eft  appellée  corps  papillaire  ,  elle 
»  eft  compofée  de  plufieurs  émi- 
»  nences  de  diférente  figure  ,  for- 
.»mées  principalement  par  l'extré- 
»  mité  des  nerfs  qui  fe  distribuent  à 
<i  la  peau  ;  on  nomme  communé- 
a>  ment  cas  éminences  ,  les  mam- 
»  melons  de  la  peau  ,  Si  elles  fe  dé- 
»  couvrent  allez  facilement  autour 


B  R  E  ,    i  7  5  4.  77.9 

»  de  la  pointe  des  doigts ,  à  la  pau- 
»  me  de  la  main ,  Si  à  la  plante  des 
»  pieds ,  après  en  avoir  enlevé  l'é- 
»  piderme. 

»  La  troifiéme  partie  de  la  peau 
»  a  été  nommée  par  Malpighi 
»  corps  muqueux  ,  &  reticulaire  , 
»  elle  fe  trouve  tellement  adhéren- 
»  te  àl'épiderme  ,  qu'on  pourroic 
»  regarder  ces  deux  parties  comme 
»  n'en  faifant  qu'une  ,  le  corps  mu- 
»  queux  ne  femblant  être  que  la 
»  partie  intérieure  de  l'épiderme  ; 
a  Se  celle  ci  que  la  furface  de  ce 
»  corps,  endurcie  Si  devenue  com- 
»  me  calleufe. 

M.  Verdier  décrit  enfuite  h 
quatrième  partie  de  la  peau  qui  eft 
l'épiderme  ;  puis  il  parle  des  lignes 
&  des  plis  ,  des  pores  Si  des  ufages 
de  la  peau  ;  ce  qui  le  conduit  à  dire 
un  mot  de  la  tranfpiration.  Il  s'ac- 
quite  de  tout  cela  avec  une  préci- 
fion  qui  n'ôte  rien  à  la  clarté ,  Si  il 
fuit  la  même  méthode  dans  tout 
fon  Livre,  ce  qui  le  rend  très-utile 
pour  les  jeunes  Chirurgiens. 

Il  faut  lire  l'Ouvrage  pour  en 
connoître  le  mérite.  On  ne  peut , 
fans  fçavoir  l'Anatomie  à  fond  ,  la 
traiter  avec  étendue,  mais  ileftné- 
ceffaire  de  la  fçavoir  encore  plus  à 
fond  pour  en  donner  un  abrégé 
comme  celui  ci. 


1 1 1 1  i; 


-jîo 


JOURNAL  DES   SÇAVANS'; 


NOVVELLES     LITTERAIRES. 


HOLLANDE. 

D'A  M  5  T  E  R  D  A  M. 

FRa'nçois  Changuion  a  en 
vente  Ejfais  de  Théodicée  fur  la 
borné  de  Dita  ,  la  liberté  de  l'homme 
&  l'origine  du  mal ,  par  M.  Leib- 
nitz.  Nouvei.le  Edition  ,  aug- 
mentée de  l'Hiftoire ,  de  la  Vie  & 
des  Ouvrages  de  PAtireur,  avec 
des  reflexions  fur  l'Ouvrage  de  M. 
Hobbe  de  la  liberté ,  de  la  neceilîté 
&  du  hazard,  &  un  Difcours  Latin 
qui  a  pour  titre  :  Caitfa  Dei  afferta 
fier juftitiam  ejtts.  1734.  inii.  deux 
Volumes». 

Jacques  Dejbordes  a  imprimé 
Confier -attons  Jur  les  caufes  de  la 
grandeur  des  Romains  &  de  leur  dé- 
cadence. 1734.  in-%°.  Cet  Ouvrage 
qu'on  attribue  à  M  Auteur  des  Lettres 
Terfannes  }  fe  trouve  auiïi  à  Paris  , 
chez  Huart  &  Cloufter ,  rue  Saint 
Jacques. 

La  Fie  de  Philippe  IL  Roi  d'Ef- 
pagne.  Traduite  de  l'Italien  de 
Gregorio  Leti.  Chez  Pierre  Mortier. 
3734.  in-i  1.  fix  vol. 

LORRAINE. 

De  Nancy. 

Il  paroît  ici  un  Ouvrage  consi- 
dérable &  dont  nous  ne  manque- 
sons  pas  de  rendre  compte  incef- 


famment  :  c'eft  la  première  partie 
des  Annales  de  l'Ordre  de  Prémon— 
tré ,  imprimée  chez  la  Veuve  de 
J.  B.  Cujfon,  &  Abcl-Danicl  Gnfon; 
en  voici  le  titre  :  Sacri  <*r  Cmor.ici 
Ordtms  Pre.r/ionftratenfs  A  maies  in 
duos  partes  iivifi.  Par  s  prima  5  Ado- 
ttafteriologiam  ^fv'efngulorum  Ordi- 
ni  s  Aionajleriorum  foigidarem  Hiflo- 
riam  compleclcns.  Tome  I.  1734* 
in  -folio. 

FRANCE. 

De    Lyon. 

Voici  encore  le  titre  d'une  Dif- 
fertation  dont  nous  donnerons  au 
plutôt  l'Extrait  :  Alexandn  Xave- 
rii  Panelti  e  Societate  Jefu  Prcjbvieri 
de  Ciflophorts.  Sumptibus  Fratrum  de 
Ville  &  Ludov.  Chalmette.  1734.- 
/»-4°. 

De   Roosn, 

Traité  de  la  Noblejfe  &  de  tomes 
les  différentes  efpeces.  Nouvelle  Edi- 
tion ,  augmentée  des  Traitez,  du  Bla- 
fon  des  Armoiries  de  France ,  de  l'ori- 
gine des  noms  ifumoms ,  &  du  Ban 
&  Arriereban.  Par  M.  de  la  Roque. 
Chez  Pierre  le  Boucher  &  Jore}  père 
Se  fils.  1734.;'»- 40. 

Pour  ne  point  charger  ceux  qui 
font  déjà  fournis  du  Traité  de  la- 
Noblejfe  t  les  Libraires  s'engagenc 


NOVE  U 

à  vendre  féparém  nt  les  Traitez  du 
Blafon ,  des  nomsfurnoms  &c  du 
ban  5c  arnereban.  Ce  Livre  Te  u  u- 
veà  Paris,  chez  Bauehe  ,  Quai  des 
AuguftinSj  à  S.  Jean  dans  le  Dc- 
ferr. 

De     Paris. 

Par  Arrefi:  du  Confeil d'Etat  pri- 
vé du  Roi  datré  du  6  Sempt.  de 
cette  année  ,  il  eft  ordonné  aux 
Porteurs  des  Soufcriptions  du  Li- 
.vre  intitulé  :  Les  Oeuvres  de  Suint 
Bafile  ,  &  dont  l'Edition  a  été  en- 
trepife  en  trois  Volumes  in-folio  , 
171  9.  par  J.  B.  Coignard,  de  retirer 
leurs  exemplaires  dans  le  terme  de 
fîx  mois  pour  tout  délai. 

François  Babnty^  rue  S.  Jacques, 
à  S.  Chrifoftomc  ,  débite  Explica- 
tion de  la  Prophétie  d'ïfaïe  ;  oh  félon 
la  Méthode  des  Saints  Pères  on  s'at- 
tache à  découvrir  les  Myfleres^  de 
Jésus  -  Christ  ,  &  les  Règles  des 
mœurs  ,  renfermées  dans  la  lettre  mê- 
me de  l'Ecriture.  1734.  in- 11.  5.  vol. 
aufquels  on  en  a  joint  un  iixiéme  , 
contenant  i°.  l'explication  de  cinq 
Chapitres  du  Dcuteronome,  de- 
puis le  19  jufqu'au  33'.  20.  La  Tra- 
duction de  l'explication  fuivie  de 
la  Prophétie  d'Abacuc.  30.  L'expli- 
cation de  la  Prophétie  de  Jonas. 
40.  La-traducîion  de  quelques  ver- 
fetsdu  Chapitre  12  de  l'Ecclefiafte 
fur  la  vieillefTe. 


B  R  E,     Ï7?4.  78r 

Hiflaire  Naturelle  de  l'Univers 
dans  laquelle  on  rapporte  des  raifons 
fiyfjuesfurles  effets  les  plus  curieux 
&  les  plus  extraordinaires  de  ta  natu- 
re. Par  M.  Colonne ,  Gentilhomme 
Romain.  Tomes  III.  &  IV.  Chez 
André  C  aille  au ,  Quai  des  Au<ni_ 
(lins  ,  au  coin  de  la  rue  Gilt-le- 
Cccur.  1734. /»-iz.  2.-  vol. 

Recueil  de  divers  Traiter  de  Pieté 
Tome  premier  ,  de  l'amour  de  Dieu. 
De  l'amour  de  nous  mêmes  &  de  l'a. 
mour  du  Prochain.  Autre  difeours  de 
l'amour  du  Prochain.  De  l'amour  des 
ennemis.  De  l'obligation  d'annoncer 
l'amour  de  J.  C.  pour  édifier  nos 
frères.  De  l'amour  des  fouffrances 
pourfervirl'Eglife.  De  l'obligation  de 
foiiffrir  pour  achever  ce  que  Je sus- 
Christ  a  commencé.  De  l'amour  de 
la  Croix  de^  Jesus-Christ.  Tome 
fécond  ,  ou  l'on  verra  les  principales 
maximes  de  la  Morale  Chrétienne 
excellemment  établies.  NouvelleEdi- 
tion.  Chez  J.  B.  Delefpme  y  rue 
S.  Jacques  ,  à  S.  Paul  ;  &  Charles 
J.  B.  Delefpine  fils ,  auffi  rue  Saint 
Jacques  vis  -  à  -  vis  la  rue  des 
Noyers ,  à  la  Victoire.  1734,  '«-12. 
2.  vol. 

Réflexions  fur  les  deffauts  £  autrui, 
Par  M.  l'Abbé  de  Milliers.  Quatriè- 
me Edition  ,  revue  &  corrigée. 
Chez  Jacques  Collombat ,  rué'  Saint 
Jacques.  1734. /»- 12.  2.  vol. 


Fautes  à  corriger  dans  le  Mois  d'OUobre  1734. 

PAge  702.  col.  première ,  lig.  pénultième  ,  nomme  l'Egypte  ,  la  terre 
de  Vulcain  ,  lifez.  nomme  l'Egypte  y»  H<p*i<rU ,  la  Terre  de  Vulcaim 
Pag.703.coL1.lig.  i^.laChymie,  dit-il,  life^h  Chymie3  dit-il  dans 


7S2 

une  note  exprès  :  Ibid.  col.  2. Iig.  19.  à  fiiire  des  Talifmans,  lif.  à  faire  de> 
Talifmans ....  Pag.  704.  col.  i.lig.  28.  que  les  Talifmans  font,  lift^S 
dans  une  note  exprès  ,  que  les  Talifmans  font  :  Ibid.  iig.  30.  que  parle 
moven  des  figures  ,  lifez  dans  une  note  exprès ,  que  parle  moyen  der 
figures:  Ibid.  Iig.  32.  Quantkez  inconnues,  ///?^quanutez  inconnues.... 
ibid.  col.  2.  Iig.  6.  par  les  figures  algébriques  ,  ///.  par  les  lettres  :  P.  70 y, 
col.  1.  Iig.  6.  il  dit  que  par  le  mot  de  folidité ,  les  Géomètres  entendent 
ordinairement  le  diamètre  des  corps  ,  lif  il  dit  dans  une  note  exprès, qu'on 
exprime  ordinairement  en  Géométrie  ,  par  le  mot  folidité  le  diamètre  des 
corps  :  Ibid.  col.  2.  Iig.  37.  fe  reduifenr ,  lif  peuvent  fe  réduire  :  Pag.  707. 
col.  1.  Iig.  19.  trouve  ,  lif.  trouve  ,  à  ce  qu'il  paroît  :  Ibid.  Iig.  23.  ces 
fels  ,  lif.  les  fels  :  Pag.  708.  col.  1.  Iig.  1 6.  violet ,  lif.  violette  :  Ibid.  col, 
1.  Iig.  4.  que  la  raifon  qu'il  allègue ,  Sec.  lif.  que  la  raifon  tirée  de  la  ren- 
contre des  parties  de  l'eau  pour  faire  voir  l'impoffibilité  de  leur  mouve- 
ment en  tout  fens ,  ne  fouffre  pas  d'exception  à  l'égard  de  la  ligne  hori- 
zontale ,  puifque  iî  dans  cette  ligne  les  parties  de  l'eau  venoient  à  fe  ren- 
contrer elles  feroient  tout  de  même  obligées  de  demeurer  en  repos  ,  ce 
qui  ne  dérangerait  nullement  le  niveau  :  Ibid.  col.  2.  Iig.  4.  il  dit,  ajoîi~ 
tez  ,  &c  cela  dans  une  note  exprès  :  Ibid.  Iig.  8.  c'eft  page  2  y  , 
lif.  c'eft  page  3  5  :  Pag.  709.  col.  2.  Iig.  36.  &  39.  doux  ,  lif.  clou  :  P.  71 1. 
col.  2.  Iig.  37.  Scholhs ,  lif.Sconis  :  Pag.  71 3.  col.  1.  Iig.  3 7-|ftybié  ,  lif 
ftibié  :  Ibid.  col.  2.  Iig.  2.  fafram  ,  lif.  fafran  :  Pag.  714.  col.  1.  Iig.  22. 
ftifié,  lif.  ftibié  :  Ibid.  Iig.  32.  lorfqu'on  prend  Te  fafran  des  métaux  ,  ôc 
le  verre  d'antimoine  ,  que  l'on  pulverile  ces  matières  en  les ,  lif.  lorfqu'on 
pulverife  le  fafran  des  métaux  &  le  verre  d'antimoine  en  les  :  Pag.  715.' 
col.  1.  Iig.  i8.fçauront,  ///Tfçavenr  :  Pag.  713.  col.  2.  Iig.  1.  faphram  , 
///«.fafran  :  P.  715.  col.  i.lig.dern.  Se  pag.  71^.  col.  2. 1. 18.  abfynthe,  lif. 
abfinte  :  Pag.  716.  col.  2.  Iig.  13.  Apotiquaires  ,  lifez  Apothicaires  ,  cor- 
rigez la  même  faute  par-tout  où  vous  la  trouverez,  excepté  dans  les  en- 
droits où  l'on  cite  les  propres  paroles  du  Livre  :  Ibid.  1.  antép.  tirée  ,  lifez. 
tirés  :  Pag.  717.  col.  1.  Iig.  13.  quinteflence ,  lif  elTence  :  Ibid.  col.  2. 
1. 8.  ne  manquera  de ,  ///.  ne  manquera  pas  de  :  Ibid.  col. 2  1.  8.  cartine  , 
lif  carline  :  Ibid.  Iig.  14.  wommk  ftotum  ,  lif.  nomme  ftotum  par-tout  où 
il  en  parle  ;  fçavoir  ,  deux  fois  à  la  page  300  ,  une  fois  à  la  marge  de  la 
même  page  ,  Se  une  autre  fois  à  la  Table  :  Ibid.  col.  2.  Iig.  antép.  dans 
l'eau ,  lif  dans  de  l'eau. 

Na  L'âge  auquel  eft  mort  Monfieur  Colonne  ,  de  l'Ouvrage  duquel 
nous  avons  donné  l'Extrait  dans  le  Mois  de  Septembre  dernier  eft  mal  in- 
diqué &:  dans  notre  Extrait  &  dans  l'Errata  qui  fe  trouve  pour  ce  Mois  à 
Sa  fin  d'Octobre ,  au  lieu  de  S 8  ans  il  faut  lire  82  ans. 


78; 


TABLE 

Des  Articles  contenus  dans  le  Journal  de  Nov.  1734.' 

HIftoire  de  l'Académie  Royale  des  Sciences  ,  èVc.  page  722 

Tri  for  des  Médailles  Suedoifes- Gotiques  }  &c  740 

Hiftoire  des  Révolutions  d'Efpagne  ,  &c.  y^ç 

JDf «.v  Traitez,  des  "Urines  y  &c.  -, j  r 

5"«//<r  <&  l' Htftoire  des  Empires  &  des  Républiques }  &C.  -jco 

Recueil  des  Ecrivains  de  l' 'Htftoire  d'Italie }  ~g. 

Traité  général  des  Horloges ,  &c.  yjr 

Abrégé  de  l'Anatomie  du  Corps  humain  ,  &c.  -j-j% 

Nouvelles  Littéraires ,  7g0 


Fin  de  la  Table. 


L  E 


JOURNAL 

CAVANS. 

POUR 

L'ANNEE     M.    DCC.    X  X  X  I  F. 

DECEMBRE. 


A      PARIS, 

Chez     CHAUBERT,    à  l'entrée    du  Qiiay   des 

Auguilins ,  du  côté  du  Pont  Saint  Michel,  à  la 

Renommée  &  à  la  Prudence. 

M.  ~DcTc.  XXXIV. 
AVEC  APPROBATION  ET  PRIVILEGE  DU  ROY. 


L  E 

JOUR 


DES 


DECEMBRE    M.   D  C  C.  XXXIV. 

HISTOIRE  GENERALE  DE  LANGVEDOC ,  AVEC  DES 
Notes  &  les  Pièces  juflificatives  ,  compofés  fur  les  Auteurs  &  Jkr  les  titres 
originaux' ,  &  enrichie  de  divers  Aïonumens.  Par  deux  Religieux  Bene- 
diftins  de  la  Congrégation  de  fa  in t  Maur.  Tome  11.  A  Paris ,  chez  Jac- 
ques Vincent ,  Imprimeur  des  Etats  Généraux  de  la  Province  de  Lan- 
guedoc ,  rue  &  vis  à-vis  de  l'Eglife  S.  Severin  ,  à  l'Ange.  1733.  in-fit, 
pp.  648.  pour  l'Hiftoire  &  pour  les  Notes,  col.  703.  pour  les  preuves 
&pour  les  Tables. 

NOus  avons  rendu  compte  dans      dans  cette  féconde  Partie  de  l'Hi- 
un  de  nos  derniers  Journaux      ftoire  de  Languedoc.  Nous  avons 
des  principales  matières  contenues     en  même  tems  rapporté  quelques 
Décembre.  V  v  v  v  ij 


78«         JOURNAL    DE 

traits  particuliers.  Nous  allons  con- 
tinuer à  rapporter  quelques  mor- 
ceaux. Le  premier  qui  fe  prefente 
eft  ce  que  difcnt  nos  Auteurs  de  la 
Reine  Confiance  qui  épouia  le  Roi 
Robert  ,  après  que  le  mariage  de 
ce  Prince  avec  Berthe  veuve  d'Eu- 
des Comte  de  Blois  eut  été  déclaré 
nul.  La  plupart  des  Ecrivains  mo- 
dernes prétendent  que  Confiance 
croit  fille  de  Guillaume  I.  Comte 
de  Provence  &  d'Adelaide  d'An- 
jou fa  femme.  Mais  nos  Auteurs 
s'en  rapportant  aux  anciens  Hifio- 
liens ,  difent  que  Confiance  étoit 
fille  de  GuillaumeTaillefcr,Comte 
de  Touioufe  ,  &  Dnrfînde  fa  pre- 
mière femme  ,  qui  félon  nos  Au- 
teurs ctoit  fille  de  Geofroy  Grife- 
gonelle  Comte  d'Anjou.  Ils  remar- 
quent pour  confirmer  ce  qu'ils  ont 
avancé  fur  ce  point  de  fait ,  que  le 
Roi  Robert  avoit  époufé  Confian- 
ce avant  l'année  99S.  Se  Confiance 
fille  de  Guillaume  premier,  Com- 
te de  Provence  &  d'Adelaide  fa 
féconde  femme  n'étoit  point  enco- 
re mariée  trois  ans  après.  Ils  ajou- 
tent que  Confiance  femme  du  Roi 
étoit  nièce  de  Foulques-Néra  Com- 
te d'Anjou,  qu' Adelaide  femme  de 
Guillaume  premier  Comte  de  Pro- 
vence ,  étoit  tante  du  même  Foul- 
ques Néra  8i  fœur  de  Géofroy- 
Grifcgonelle  ,  père  de  ce  Comte  , 
qu'ainfî  elle  ne  peut  avoir  été  mère 
de  la  Reine  Confiance. 

L'Hiflorien  Gilbert  parle  très- 
avantageufement  de  la  Reine  Con- 
fiance ,  il  l'accufe  néanmoins  en 
un  endroit  d'avoir  été  avare  &  d'a- 
yoix  maîtrifé  le  Roi  fon  époux. 


S     SÇAVANS , 

D'autres  anciens  qui  lui  donnent  le 
furnom  de  Blanche  ,  louent  fen  ha- 
bileté ,  fa  fermeté  Se  fon  courage. 
Il  y  eut  d'abord  quelques  méfintcl- 
ligcnces  entr'elle  &  le  Roi ,  caufées 
par  les  intrigues  d'un  Seigneur 
nommé  Hugues  ,  qui  fit  tout  fon 
polbble  pour  la  mettre  mal  dans 
ï'efprit  de  ce  Prince.  Foulques 
Comte  d'Anjou,  oncle  de  la  Reine, 
refolut  de  la  venger,  il  envoya  dou- 
ze Soldats  déterminés  ,  qui  ayant 
rencontré  Hugues  dans  le  tems 
qu'il  étoit  à  lachalTe  avec  le  Roi  , 
l'afTallinerent  à  fes  pieds.  Robert 
témoigna  d'abord  beaucoup  de 
chagrin  de  cet  attentat  ;  mais  il  fe 
reconcilia  enfin  avec  la  Reine,  il 
vécut  avec  elle  de  bonne  intelligen- 
ce ,  &  il  en  eut  quatre  fils  &  deux 
filles.  C'cll  ce  que  nos  Auteurs 
ont  tiré  d'un  Hiflorien  contempo- 
rain -,  ils  ne  fçavent  fur  quel  fon- 
dement le  P.  Daniel  qui  traite  la 
Reine  Confiance  d'imperieufe  juf- 
qu'à  l'infolence  ,  a  pu  avancer  que 
ce  fut  elle  même  qui  fit  aiTafîiner 
Hugues  fous  les  yeux  du  Roi. 

Comme  nos  Auteurs  fe  font 
beaucoup  étendu  fur  la  première 
Croifade  dont  Raymond  de  Saint 
Gilles  Comte  de  Touioufe  fut  un 
des  principaux  Chsfs ,  ils  réunif- 
fent  les  portraits  qu'ont  fait  de  ce 
Prince  les  Auteurs  anciens  &  les 
modernes.  Guillaume  de  Tyr 
ayant  parlé  de  la  mort  du  Comte 
Raymond  ,  dit  que  c'étoit  un 
homme  religieux  ,  craignant  Dieu 
&recommandable  en  tout.  Ce  qui 
lui  paroîc  de  plus  héroïque  dans  la 
conduite  de  ce  Prince  ,    c'eft  qu'il 


D  E  C  E  M  B 

n'ait  pas  fuivi  les  autres  Princes  qui 
fe  retirèrent  chez  eux  après  la  prife 
de  Jerufalem  ,  &  qu'il  ait  poulie  la 
confiance  jufqu'à  porter  la  croix 
pendant  le  reitc  de  fa  vie. 

Guillaume  de  Malmefbury  Hi- 
ftorien  Anglois  ,  qui  penche  plus 
vers  la  médifance  que  vers  la  flatte- 
rie ,  loiie  le  Comte  Raymond  fur 
fa  valeur  ,  fa  pieté  ,  fon  activité  , 
fa  vigilance  ,  fon  courage  Se  fa  fer- 
meté à  refufer  à  l'Empereur  Alexis 
l'hommage  que  ce  Prince  exigeoit 
de  lui.  Il  exalte  fa  patience  &  fes 
travaux  pendant  la  Guerre  Sainte  , 
fon  défintereflement  &c  fa  bonne 
foi.  Cependant  ill'accufe d'inconti- 
nence ,  &  il  lui  reproche  de  n'a- 
voir point  eu  alTezde  définterefle- 
ment dans  l'affaire  d'Afcalon.  Nos 
Auteurs  s'attachent  à  iuflificr  le 
Comte  R.aymond  fur  l'un  6c  fur 
l'autre  de  ces  articles.  Par  rapport 
au  premier  ils  oppofent  au  témoi- 
gnage de  Guillaume  de  Malmefbu- 
ry ,  celui  de  la  Princcffe  Anne 
Comnéne  ,  qui  avqit  eu  occafion 
de  connoître  à  fond  le  Comte 
Raymond  durant  le  fejour  qu'il 
avoit  fait  à  la  Cour  de  l'Empereur 
Alexis.  La  Prince'lîe  le  loiie  fur  la 
pureté  de  fes  moeurs ,  fur  l'amour 
qu'il  avoit  pour  la  chafleté ,  fur  fa 
candeur,  fa  (încérité  t  fa  prudence 
&  fur  fes  autres  vertus,  tant  civiles 
que  militaires  ,  dont  elle  fait  un 
grand  éloge. 

Le  Père  Maymbourg  reprefente 
le  Comte  Raymond  comme  un 
Prince  d'une  grande  Majefté  ,  & 
dans  qui  l'âge  déjà  fort  avancé  , 
qui  le  rendoit  plus  vénérable  par 


R  E  ,    i  7  j  4;  78p 

fes  cheveux  blancs ,  8c  plus  éclairé 
par  l'expérience  que  la  vieiilefTe 
apporte  ,  avoic  augmenté  les  for- 
ces del'efprit,  fans  rien  diminuer 
de  celles  du  corps  qu'il  avoit  très- 
robufte  ,  Se  très- capable  des  fati- 
gues de  la  guerre.  Mais  nos  Au- 
teurs font  voir  que  quoique  le 
Comte  Raymond  tût  le  plus  âgé  de 
tous  les  Princes  qui  s'engagèrent 
dans  la  Croifadc  ,  il  n'étoit  alors 
rien  moins  qu'un  vieillard.  Il  avoit 
au  plus  cinquante-cinq  ans ,  lors- 
qu'il partit  pour  la  Terre  Sainte,  & 
environ  64  ans  lorfqu'il  mourut. 
Le  Père  Maymbourg  dit  que  le 
Comte  Raymond  s'étoit  acquis  une 
très-grande  réputation  ,  principale- 
ment en  Efpagne  ,  en  combattant 
contre  les  Maures,  pour  Alphonfc 
le  Grand  Roi  de  Caftille  ,  qui  lui 
donna  fa  fille  Elvire  en  mariage 
pour  recompenfer  fa  valeur ,  dont 
il  porta  de  glorieufes  marques  fur 
fon  vifage  ,  ayant  perdu  un  oeil 
d'un  coup  de  flèche  ,  ce  qui  rehauf- 
foit  encore  l'éclat  de  fa  bonne  mi- 
ne devant  les  Soldats ,  qui  l'avoient 
en  finguliere  vénération.  Sur  quoi 
nos  Auteurs  remarquent  qu'il  n'y 
a  aucune  preuve  que  Raymond  de 
S.  Gilles  ait  perdu  un  œil  en  com- 
battant contre  les  Maures  d'Efpa- 
gne  ;  ils  citent  même  Guillaume 
de  Malmefbury,  qui  prétend  que 
ce  fut  dans  un  combat  fingulier  que 
le  Comte  Raymond  perdit  un  oeil, 
&  que  ce  Prince  fc  faifoit  gloire  de 
cette  bleffure.  Nos  Auteurs  n'ont 
cru  devoir  faire  aucune  obferva- 
tion  fur  le  refle  du  portrait  fait  par 
le  Père  Maymbourg  du  Raymond 


ypo         JOURNAL    D 

Comte.  »  Il  polfedoit  dans  le  fond 
de  l'ame  toutes  les  bonnes  qualitez 
qu'on  pouvoit  fouhaiter  pour  en 
faire  un  grand  Prince  &  un  honnê- 
te homme  ,  aimant  fur  toute  cho- 
fe  l'honneur  ,  lajulticc  &  la  bonne 
foi,gaidant  inviolablemcntfa  paro- 
le .    vigilant  ,  face ,  prévoyant  à 

•  r  11 

tout ,  magnifique  ,  prudent  dans 
les  confeils ,  ferme  cV  inébranlable 
dans  fes  refolutions.  «  Mais  il  taut 
avouer  ,  continue  le  Père  Maym- 
bourg  ,  que  malgré  fon  âge  &:  tou- 
te fa  prudence  ,  il  retenoit  encore 
beaucoup  du  génie  &c  du  feu  de 
fon  climat ,  qu'il  étoit  fort  opiniâ- 
tre, &  n'aimoit  point  du  tout  qu'on 
l'offensât  impunément  ,  ni  qu'on 
s'opposât  à  fes  fentimens  &  à  fes 
volontez.  Un  ancien  Hiftorien  ob- 
ferve  que  le  Comte  Raymond  fut 
en  état  de  fe  maintenir  plus  long- 
tems  que  les  autres  Princes  ,  parce 
que  fes  Sujets  menant  une  vie  fru- 
gale ,  pendant  que  les  autres  Na- 
tions prodiguoient  leur  bien  ,  ils 
eurent  des  tonds  pour  foûtenir  le 
Prince  qu'ils  avoient  fuivi. 

Nos  Auteurs ,  en  parlant  des 
mœurs  &  ducaraderedeshibitans 
du  Languedoc  pendant  le  onzième 
fiécle  ,  font  mention  des  Trouba- 
dours. Ils  obfervent  que  ce  nom 
n'étoit  point  borné  aux  Poètes  du 
Pays  qu'on  appelle  à  prefent  la 
Provence.  Le  Langage  qu'on  ap- 
pelloit  Provençal  en  ce  tems-lâ, 
étoit  celui  des  Provinces  méridio- 
nales du  Royaume  ,  particulière- 
ment du  Languedoc  ,  de  l'Auver- 
gne ,  de  la  Guyenne  &  de  la  Gaf- 
cogne.  Notre  Auteur  croit  qu'on  a 


ES  SÇAVANS, 
donné  en  ce  temslà  le  nom  de  Pro- 
vence à  ces  Provinces  méridiona- 
les ,  &:  que  la  Langue  qu'on  v  par- 
loit  a  été  appelléc  langue  Proven- 
çale ,  parce  que  le  fameux  Ray- 
mond ,  Comte  de  S.  Gilles  polfe- 
doir  outre  le  Languedoc  une  partie 
confiderable  de  la  Provence  ik  de 
l'Aquitaine. 

La  Poche  Provençale  a  été  beau- 
coup plus  cultivée  ,  fuivant  nos 
Auteurs ,  dans  le  Languedoc  ,  ÔC 
dans  l'Aquitaine  que  dans  la  Pro- 
vence ,  telle  que  nous  la  connoif- 
fons ,  fuivant  la  diviiion  prefente 
de  la  France.  Nos  Auteurs ,  pour 
juftiher  cette  propofîtion, renvoient 
leurs  Lecteurs  à  deux  Manufcrits 
de  la  Bibliothèque  du  Roi  qui 
contiennent  la  Vie  &  les  Ouvrages 
de  ces  Poètes  Provençaux.  De 
cent  dix  d'entre  eux  ou  environ  , 
dont  il  eft  parlé  dans  ce  Recueil , 
à  peine  en  trouve-t  on  huit  à  dix 
natifs  de  la  Provence  proprement 
dite,  tandis  qu'on  en  compte  deux 
ou  trois  fois  autant  du  Languedoc. 
Le  plus  ancien  des  Poètes  Pro- 
vençaux ,  dont  il  foit  fait  mention 
dans  ces  Recueils  eft  Guillaume  X. 
Comte  de  Poitiers  &:  Duc  d'Aqui- 
taine ,  mort  en  n 25.  il  y  eft  qua- 
lifié bon  Troubadour,  8c  il  refte 
encore  de  lui  des  Chanfons  en  Lan» 
gage  Provençal  ,  tant  dans  le  Re- 
cueil de  la  Bibliothèque  dn  Roi 
que  dans  d'autres  Ouvrages.  Un. 
autre  fameux  Troubadour  duquel 
parlent  nos  Auteurs  eft  Pierre  Ro- 
gier  natif  d'Auvergne,  dont  No- 
ftradamus  a  fait  un  article  plein  de 
fables  &  d'anachronifmes.Ce  qu'eu 


DECEMB 

difcntlesHiftoviens  de  Languedoc 
eft  tiré  d'un  des  Manufcrits  de  la 
Bibliothèque  du  Rot  dont  on  a  dé- 
jà parle.  On  y  voit  que  Pierre  Ro- 
gier  ctoic  natif  d'Auvergne  ,  Cha- 
noine de  Clermont  &.  Gentilhom- 
me ,  qu'il  quitta  fa  Prébende  pour 
fe  faire  Jongleur.  Depuis  il  parcou- 
rut différentes  Cours  &  s'arrêta  à 
celle  d'Ermengarde  Vicomteffe  de 
Narbonne  ,  qui  fut  le  fujet  de  Ces 
Chanfons  &  de  fes  vers  ;  il  y  par- 
tait de  fon  amour  pour  la  Vicom- 
teffe qui  de  fon  côté  ne  fut  point 
infenfible.  Ces  liaifons  avoient 
donné  lieu  à  des  bruits  défavanta- 
geux  à  la  réputation  de  cette  Dame. 
Pierre  Rogier  fut  congédié  ,  il  alla 


R  E  ,    r  7  5  4.  19 1 

enfuite  dans  les  Cours  des  Rois  de 
Caftille  &  d'Arragon  &  à  celle  du 
Comte  de  Toulouze  ,  il  mourut 
dans  l'Ordre  de  Grammont  ;  il 
compofa  fes  Pocfies  dans  le  cours 
du  douzième  fiécle. 

Ces  exemples  &  ceux  que  nous 
avons  rapportés  dans  le  Journal 
précèdent  fuffifent  pour  faire  con- 
noître  que  ce  Volume  de  l'Hiftoi- 
re  de  Languedoc  ne  mérite  pas 
moinsTattentiondesLecleursquele 
premier  Volume  &  pour  faire  fou- 
haiter  la  continuation  de  ce  grand 
Ouvrage,  que  les  Auteurs  ont  ren- 
du auflî  intereffant  que  peuvent 
l'être  les  Hiftoires  particulières  des 
Provinces. 


SEXTI   AURELI1  VICTORIS    HISTORIA    ROMANA  ;    CUM 
notis  integris  Dominici  Machanei ,  Elix  Vincti ,   Andrex  Schotti 
Jani-Gmteri ,  nec-non  excerptis  Frid.  Sylburgii  &  Annx  Fabri  filix. 
Curante  Joanne  Arntzenio ,  JCto.  Amftelodami  de  Trajecfi   Batav. 
Apud  Jantfonio-Waefbergios  &  Jacobum  à  Poolfum.  1733. 

C'eft  -  à  -  dire  :  L'Hifloire  T^omaine  de  Sextus  -  Aurelius  -  Vitïor  avec  les 
notes  entières  de  Dominique  Machanêe  ,  d'Elie  Vinet ,  d'André  Schott  de 
Jean  Gruter ,  &  des  notes  chotfîes  extraites  de  celles  de  Sylburge  &  d'Anne 
leFévre[  Madame  Dacier  ].  Le  tout  imprimé  par  les  foins  de  Jean  Amt- 
Zjen  Jurifc  on  fuite.  A  Amfterdam  ,  &  à  Utrecht  ,  chez  les  Jalfon- 
"Vaefbergcs  &  Jacques  de  Poolfum.  1733.  /«-40.  pp.  é"68.  fans  la  Pré- 
face &  la  Table. 


CE  que  l'on  nous  donne  ici 
fous  le  titre  d'Hiftoire  Ro- 
maine d'Aurelius-  Viclor  ,  com- 
prend quatre  Ouvrages  :  i°.  celui 
de  l'origine  de  Rome  :  20.  l'Hi- 
ftoire  des  Illuftres  Romains  fous  la 
République  :  3  '.  celle  des  Céfars  : 
&  40.  un  abrégé  de  l'Hiftoire  de 
ces  derniers  depuis  Augufte  jufqu'à 
Théodofe  le  Grand.  Mais  à  qui  ap- 


partiennent véritablement  ces  di- 
vers morceaux  hiftoriques  ;  C'eft 
fur  quoi  les  Critiques  font  fi  peu.' 
d'accord  entr'eux  ,  qu'il  eft  très- 
difficile  de  feavoir  précifement  à 
quoi  s'en  tenir.  Tel  eft  (  dit  notre 
Editeur  dans  fa  Préface  )  le  fort  de 
la  plupart  de  ces  Abréviareurs ,  que 
leurs  noms  demeurent  ignorés  de  Ja 
pofterité;   &  cette   punition  leur 


7P2  JOURNAL    D 

étoit  duc  à  d'autant  plus  jufte  titre , 
que  leurs  abrégez  reçus  trop  avi- 
dement des  Lecteurs  parelleux  , 
ont  fait  négliger  les  cxcdlens  ori- 
ginaux qu'ils  reprefentoient  en  ra- 
courci  ,  &  en  ont  ainfi  malheureu- 
ment  caufé  la  perte  irréparable. 
Quoiqu'il  en  foit ,  examinons  d'a- 
près M.  Arntzen  ,  ce  que  les  Sça- 
vans  ont  penfé  fur  les  Auteuts  à 
qui  doivent  être  attribuées  les  dif- 
férentes pièces  qui  remplirent  ce 
Volume;  &c  voyons  ce  qu'il  en  pen- 
fe  lui-même. 

i.  Le  petit  Livre  de  l'origine  du 
peuple  Romain  ,  où  l'on  trouve  de 
quoi  éclaircir  divers  points  obfcurs 
de  l'ancienne  Hiftoire  d'Italie  & 
des  tems  qui  ont  précédé  la  fonda- 
tion de  Rome  ;  paffe,  au  jugement 
de  quelques  uns  ,  pour  être  l'Ou- 
vrage d'Afconius-Pédianus  -,  fur  ce 
fondement ,  que  l'Auteur  y  parle 
de  Virgile  &  de  Tite-Live  comme 
de  fes contemporains  &  defesamis 
particuliers,  ce  que  fait  auffi  Afco- 
nius.  Mais  le  partage  où  il  eft  ici 
fait  mention  de  Tite-Live,  ne  dit 
point  du  tout ,  en  bonne  Latinité, 
que  cet  Hiltorien  fût  contemporain 
du  nôtre  :  Si  quant  à  Virgile  ,  qu'il 
appelle  en  quelque  endroit  (  fon 
M.iron  )  nojtriim  Maronem,  on  n'en 
peut  conclure  autre  choie  ,  linon 
que  la  lecture  de  ce  Poète  lui  étoit 
des  plus  familières  ,  &  qu'il  l'avoit 
même  commenté  ,  comme  il  le  dit 
ailleurs.  Auiîî  trouve-t-on  des  preu- 
ves de-cette  leclure  àlfidue  dans  le 
ftile  de  notre  Auteur  ,  où  l'on  ap- 
perçoit  une  imitation  fréquente  de 
celui  du  Poète  Latin  \  comme  l'E- 


ES   SÇAVANS, 

diteur  le  tait  obferver  dans  fes  No- 
tes. Mais  (  dit-on  )  notre  Auteur 
allure  avoir  compofé  un  Livre  fur 
Vortgine  de  Padnue  ,  &  l'on  fçait 
d'ailleurs  qu'Afconius  -  Pédianus 
étoit  de  cette  même  Ville.  Si  une 
pareille  raifon  étoit  concluante 
[  répond  l'Editeur  ]  il  s'enfuivroit 
que  notre  Auteur  avant  écrit  un  Li- 
vre fur  l'origine  de  Rome  ,  il  de  voit 
être  Romain  ,  &  en  confequence 
fort  différent  d'Afconius.  On  allè- 
gue en  troiliémelieu  ,  pour  mettre 
celui-ci  en  poiîeffion  de  cet  Ouvra- 
ge ,  la  conformité  du  ftile  des 
deux  Ecrivains.  Mais  c'eft  de  quoi 
ne  convient  nullement  notre  Edi- 
teur ,  qui  trouve  entre  les  deux 
ftiles  autîî  peu  de  reffemblance  , 
qu'entre  celui  de  Ciceron  &c  celui 
d'Apulée  :  outre  que  dans  celui 
d'Afconius  on  ne  remarque  nulle 
de  ces  imitations  de  Virgile  ,  qui 
dans  l'autre  fe  font  fentir  à  chaque 
page.  D'où  il  eft  arrivé  que  peu  de 
Critiques  ont  adopté  cette  opi- 
nion ,  cv  que  la  plupart ,  à  l'exem- 
ple de  Schott  ,  ont  cru  cet  Ouvrage 
d'Aureiius-Victor ,  &  l'ont  perfua- 
dé  aux  autres. 

M.  Arnrzen  eft  d'un  avis  con- 
traire ,  qu'il  établit  fur  ces  deux 
conliderations  \  i°.  la  différence  du 
ftile  entre  l'Auteur  de  ['origine  de 
Rome  &  celui  du  Livre  des  Illitflres 
Romains  &  des  Céftrs  :  i°.  l'Hiftoi- 
re  de  Procas  .  d'Amulius ,  de  Nu- 
mitor  6c  de  Romulus  racontée  af- 
fez  au  lon^  dans  le  premier  Ou- 
vrage ,  puis  répétée  en  abrégé  dans 
le  fécond  ;  ce  qui  montre  que  les 
deux  pièces  ne  font  pas  d'un  feul 


D  E   C  E  M 

ic  même  Ecrivain.  Notre  Editeur 
conjecture  donc  que  la  première 
eft  l'Ouvrage  de  quelque  Gram- 
mairien ,  qui  voulant  mettre  com- 
me une  tète  à  celui  des  Hommes  11- 
lujtres  cV  des  Céfiars  ,  dont  l'origine 
méritoit  bien  d'être  approfondie  , 
aura  dans  cette  vue  compofé  le 
morceau  de  origine  Romana ,  mar- 
quant ,  contre  l'ordre  des  Hifto- 
riens  de  ces  tems-là  ,  lesfources  où 
il  avoit  puifé  les  faits  qu'il  rapporte, 
&  faifant  çà  de  là  quelques  Obfer- 
vations  Grammaticales. 

2.  Il  n'y  a  pas  moins  d'incertitu- 
de touchant  l'Auteur  du  Livre  des 
Illuftres  Romains.  On  l'a  cité  fous 
les  noms  de  Pline  le  jeune  ,  de  Cor- 
nelius-Népos  ,  d'es£milius-Probus  , 
&c.  Mais  la  différence  des  ftiles  eft 
trop  marquée  ,  pour  donner  le 
change  aux  Connoiffeurs.  Il  eft 
vrai  que  Népos  a  laiffé  un  petit  Ou- 
vrage fur  les  Hommes  Illufîres;  mais 
les  citations  que  les  anciens  Gram- 
mairiens nous  en  ont  tranfmifes,  ne 
fe  rencontrent  nullement  dans  le 
Texte  de  notre  Auteur,  où  fouvent 
l'on  trouve  tout  le  contraire.  D'ail- 
leurs celui-ci  laiflant  échapper  de 
fréquentes  méprifes  dans  les  faits 
hiftoriques  dont  il  nous  entretient; 
quelle  apparence  qu'un  Auteur 
aufTi  inftruit  en  ce  genre  que  devoit 
être  Cornelius-Ncpos,  ait  pu  tomber 
dans  de  pareilles  erreurs  ?  Sur  quoi 
l'on  peut  confultcr  Pighius  ,  qui  a 
foin  de  les  relever  dans  fes  Anna- 
les. A  l'égard  du  fentiment  de 
Schott  ,  qui  donne  l'Ouvrage  en 
queftion  à  Aurelius-Vi&or  ,  fur  la 
foi  du  Manufcrit  de  Pulman  3  qui 
Décembre. 


B  R  E,     1754.  7pî 

a  pour  titre  oursin  VtEloris  HiftorU 
abbreviataab  AugiiftoOilaviano  ,  id 
eft ,  à  fine  Titi-Livii  uficjuc  ad  Confit- 
latum  decimum  Conftamii  Angiifli  & 
Juliani  Cafaris  tertium  :  notre  Edi- 
teur loin  d'en  croire  le  titre  de  ce 
Manufcrit  fur  le  fait  dont  on  eft  en 
peine  ,  s'eftimeroit  bien  fondé  à 
tirer  de-là  une  confequence  toute 
oppofée  à  celle  que  Schott  en  a  ti- 
rée. 

En  effet  l'Auteur  des  Hommes 
lUuftrcs  commence  dès  Janus  &C 
Procas  fon  narré  hiftorique  ,  &  le 
continue  jufqu'à  Augufte  ;  fans 
compter  ,  -qu'un  même  Auteur 
n'auroit  point  compofé  deux  fois 
la  Vie  de  cet  Empereur,  telle  qu'on 
la  trouve  à  la  fin  des  Hommes  Illu- 
ftres &z  au  commencement  des  Cé- 
fars  ,  écrite  d'un  ftile  fort  diffé- 
rent. Celui  de  l'Auteur  des  Hom- 
mes Illuflres  eft  allez  coulant  &  af- 
fez  pur  ;  celui  de  l'Auteur  des  Cé- 
fiars ,  au  contraire,  eft  dur  ,  plein 
d'affeclation  ,  &  fentant  fon  Afri- 
cain. Le  premier  Ecrivain  eft  con- 
cis ,  &  n'offre  au  Lccleur  aucune 
reflexion  ni  morale  ni  politique  ;  au 
lieu  que  le  fécond  ,  plus  diffus 
entremêle  dans  fa  narration  plu- 
fieurs  avis  très-utiles  à  ceux  qui  doi- 
vent manier  les  affaires  du  Gouver- 
nement. Ajoutez  que  tous  les  Ma- 
nuferitt  dont  on  ait  connoiflance 
(  8c  notre  Editeur  en  a  vu  jufqu'à 
fept  )  portent  à  leur  tête  le  nom  de 
Pline ,  &  nullement  celui  à'Aure- 
lius-FiBor  ,  à  l'exception  du  feui 
Manufcrit  de  Ptdman. 

M.  Amtzen  hazarde  encore  ici 
une  conje&ure  ,  fur  le  fait  dont  il 
X  x.  xx 


7P4       JOUJINAL     DE 

s'agit.  Il  fuppofe  donc  que  l'Abré- 
viateur  du  Livre  des  Céfars  ,  ou 
quclqu'autre  ,  en  a  fait  autant  du 
Livre  de  Corn.  Népos  fur  les  hom- 
mes 11'tnfîres,  &  l'a  réduit  en  Tables 
abrégées  ;  en  forte  qu'il  a  coniervé 
le  plus  qu'il  lui  a  été  pcfuble  ,  les 
propres  termes  de  l' Auteur  (  com- 
me il  en  a  ufé  par  rapport  aux  Ce- 
fars  &  A  ureltits  -  Vittor  )  mais  fans 
s'affujettir  à  la  même  exactitude 
pour  l'ordre  des  évenemens  ,  par- 
mi lefquels  il  en  a  fourré  quelques- 
uns  empruntés  d'ailleurs  &  qui 
l'ont  induit  en  erreur  quant  à  la 
fuite  &  à  la  vérité  de  l'Hiftoire. 

3.  A  l'égard  du  Livre  des  Céfars 
l'Editeur  confent  que  la  pofleiiîon 
en  foit  confervée  à  Sextus  Aurelm- 
ViBor  s  ainlî  que  l'ont  décidé  tous 
les  Doctes  ,  dont ,  pour  abréger  , 
il  ne  répète  point  ici  les  raifons  , 
aufquelles  il  renvoyé,  fans  vouloir 
£  dit  il]  les  appuyer  de  nouvelles 
conjectures. 

4.  Mais  l'incertitude  &  les  dou- 
tes renaifïent  au  fujet  de  l'Auteur 
des  Extraits  qui  nous  relient  du 
Livre  d'Aurelius-Victor  fur  les  Cé- 
fars. Sont-ils*dûs  à  un  ViBor  ou  à 
un  VtBorin  ;  L'Editeur  ne  croit  ni 
l'un  ni  l'autre  ,  &:  prend  le  nom 
ViBor  ou  VtBorin ,  dans  tous  les 
Manufcrits  où  l'on  voit  à  la  tête 
Epitome  ViBons  ou  ViBorini  ,  pour 
le  nom  de  l'Auteur  du  Livre  ,  &c 
«on  pour  celui  de  l'Abbréviateur. 
Il  prétend  même  que  le  nom  ViBo- 
rini n'eft  que  celui  de  ViBoris  allon- 
gé par  les  Copiit.es ,  qui  ont  trouvé 
au  titre  de  leurs  Manufcrits  Vitl. 
ou  ViBor.  en  abrégé  ,  dont  ils  ont 


S     SÇAVANS, 

fait  ViUonni.  Du  relie  les  Extraits 
dont  nous  parlons  ,  ne  font  pas  ri- 
res du  feul  Aur .•hus-Victo.:.  i.'A- 
bréviateur  y  raconte  des  Lits  plus 
au  long  qu'iis  ne  font  rapportés 
par  celui-là  ,  ou  qui  r,e  s'y  trou- 
vent nulle  part  i  comme  on  peut 
le  voir  dans  les  suiclcsde  Nerva  , 
d'Hadrien  .  d'Antonin  ,  &c.  Il  pa- 
roît  mêrrje  qu  en  pluheurs  c- 
droiïsl'Abi  .vineur  s'eft  aidé  do  ce 
qu'il  avoir  lu  lur  cette  matière  dans 
Suctone,  drms  Sp.rrtun  ,  ex  dans  Eu- 
trope.  D'où  M.  A.rntz.en  conclut 
que  le  nom  de  cet  Abréviateur  eft 
abfolumei.t  ignoré  ,  6V  qu'il  vivoit 
probablement  fous  l'Empire  de 
Théodofe  &  de  fes  premiers  Suc- 
celîeurs. 

Ces  quatre  Ouvrages  ont  été 
d'abord  publiés  féparément ,  puis 
conjointement  dans  pluheurs  Edi- 
tions, dont  la  Bibliothèque  Latine 
de  M.  Fabricius  nous  donne  un  dé- 
nombrement exact.  Nulle  de  ces 
Editions  n'a  plus  mérite  l'approba- 
tion des  gens  de  Lettre  que  celle 
des  Gacfbieck.* ,  qui  parut  à  Am- 
fterdam  ck  à  Leyde  en  1^70.  in-  8°. 
&qui  futrenouvellée  à  Utrechten 
1696.  &  m'fe  dans  un  ordre  diffé- 
rent par  Samuel  Pitifius ,  lequel  y 
joignit  les  Notes  de  Madame  Da- 
cier.  Il  auroit  [pieux  fair  [  dit  notre 
Editeur  ]  de  fupprimer  la  plupart 
de  ces  dernières  &  de  celles  de  Mâ- 
chante ,  &  d'inférer  en  leur  place 
celles  que  Scbott  avoir  rafTemblées  , 
dans  fes  addition:, ,  &  qui  ont  été 
omifes  dans  1'Ediuon  de  Puifctts. 
De  plus  ,  la  conduite  qu'a  tenue 
celui-ci  en  Enfant  réimprimer  les 


D  E  C  E  M 

Notes  de  Madame  Dacier  ,  eft 
d'un  tort  mauvais  exemple.  Il  re- 
jette le  plus  fouvent  celles  de 
Schott  ,  pour  leur  fubftituer  celles 
de  cette  îlluftreSçavante  ,  qui  n'en 
font  que  des  copies  ,  &c  que  le  Lec- 
teur peu  en  garde  contre  une  fuper- 
cherie  pareille  ,  prend  pour  autant 
d'originaux.  Si  Pitijcus  (  ajoute  no- 
treEditeur)  en  a  ufé  de  la  forte  par 
galanterie  pour  cette  Dame  ,  il 
foûtient  mal  ce  caractère  ,  en  plu- 
fieurs  endroits  .  où  il  a  fait  impri- 
mer les  Notes  de  ce  même  Com- 
mentateur avec  celles  de  Madame 
Dacier  placées  au-deiTous ,  &t  qui 
en  paroirïent  très-fidélcment  co- 
piées. C'efl:  unedifgrace  [  continue 
M.  Arntzen]  qu'a  depuis  éprouvée 
M.  Dacier  [on  époux  dans  l'Edition 
Dauphine  du  Feflus  renouvellée  en 
Hollande  ,  où  l'on  voit  imprimées 
au-deiïus  de  fes  Notes  celles  de  Jo- 
feph  Scaliger  t  lefquelles  ne  met- 
tent que  trop  fouvent  en  évidence 
les  larcins  du  nouveau  Commenta- 
teur. 

L'Editeur  n'a  point  chargé  des 
Notes  de  Sylburge  en  entier  cette 
nouvelle  Edition  ,  quoique  celle 
où  elles  fe  trouvent  foit  devenue 
très-rare.  Il  s'eft  contenté  d'en  faire 
un  choix  ,  fupprimant  tout  ce 
qu'elles  ont  de  commun  avec  celles 
de  Schott.  Il  eût  fort  fouhaité  en 
faire  autant  de  celles  de  Machanèe 
&  de  Madame  Dacier.  Mais  il  a 
fallu  (  dit-il  )  s'accommoder  aux 
intentions  des  Libraires ,  toujours 
ennemis  des  retranchemens  qui 
vont  à  blefTer  leurs  intérêts ,  en  di- 
minuant la  grofleur  &  par  confe- 


B  R  E  ,  i  7  ?  4-  7PT 

quent  le  prix  des  Volumes.  Quant 
à  M.  Arntzen  ,  il  conçoit  fort  que 
dans  une  Edition  comme  celle-ci  , 
un  Lecteur  judicieux  ne  doit  nulle- 
ment s'attendre  à  rencontrer  de  ces 
Notes  Grammaticales  faites  dans 
lé  goût  de  celles  d'un  Tarnabe  ou 
d'un.Min-EHius.  Il  fe  plaint  même 
que  celles  de  Vinet  &  de  Gruter  t 
quoique  inférées  ici  ,  ayent  été 
compofées  fi  négligemment ,  que 
louvent  elles  paroiffent  peu  dignes 
des  noms  qu'elles  portent.  Lemo- 
defte  Editeur  ne  dit  rien  des  fien- 
nes  ,  quoiqu'elles  foient  en  allez 
grand  nombre  &  marquées  au  bon 
coin. 

Il  nous  rend  compte  après  cela 
des  fecours  qui  lui  ont  été  fournis 
pour  la  correction  du  Texte  de  fon 
Auteur.  Le  Livre  de  l'origine  de 
Rome  ne  nous  a  été  confervé  que 
dans  un  feul  Manufcrit  fur  lequel 
on  en  a  donné  la  première  Edition. 
Celui  des  Hommes  llluftres  a  été 
conféré  fur  fix  Manufcrits.  Les  va- 
riantes des  deux  premiers  ,  dont 
l'un  cft  de  la  Bibliothèque  de  M. 
Boendermaker  &  l'autre  de  celle  de 
Francc/uer  ,  lui  ont  été  communi- 
quées par  M.  Duker.  M.  Barman 
lui  a  rendu  le  même  office  ,  par 
rapport  à  deux  Manufcrits  de  la 
Bibliothèque  de  Leydc ,  en  procu- 
rant au  frère  de  notre  Editeur  la 
facilité  de  les  confronter  avec  les 
imprimez  ;  Se  M.  Oudendorp  Prin- 
cipal du  Collège  de  Harlem  lui  a 
fait  part  des  diverfes  leçons  ,  que 
prefenrent  ces  deux  Manufcrits,  &c 
par  lefquelles  ils  durèrent  entre 
eux.  Enfin  M.  Gramme  Profefietir 
X  x  x  x  ij 


79<f  JOURNAL   D 

en  Grec  à  Copenhague  lui  a  envoyé 
les  collations  ou  confrontations  de 
d:ux  autres  Manufcrits  dont  on 
trouve  ici  la  ddcnption  dé- 
taillée que  l'on  peut  voir  dans  la 
Prérace  de  ce  Volume.  M.  Arntzen 
a  de  plus  confulté  quelques  ancien- 
nes Editions  ,  fça^'oir  celle  de  Co- 
logne de  1 50S.  celle  de  Strafbnurg, 
de  1 500.  tx  une  troifiéme  encore  de 
plus  vieille  date,  que  lui  a  fait  voir 
M.  Cannegiter.  Malheureiifement 
les  variantes  recueillies  par  M. 
d'OsvjUe  font  venues  trop  tard,  &C 
n'ayant  pu  être  inférées  chacune  en 
fon  heu  ,  ont  été  renvoyées  parmi 
les  additions.  Au  regard  de  X Abré- 
gé ai  Victor  ,  le  Texte  en  a  été  revu 
fur  trois  Manufcrits ,  l'un  de  la  Bi- 
bliothèque de  Wolfenbutd  ;  les 
deux  autres  de  celle  de  Leide  .  & 
l'on  a  confulté  aufÏÏ  l'Edition  d'Ai- 
de ,  de  15 16.  celles  de  Gryphe,  de 
1538.  &  1551-^c. 

M.  Arntzen  ,  pour  l'Edition  du 
Texte  de  ces  quatre  Ouvrages  Hi- 
storiques ,  a  fuivi  celle  de  Schott , 
mais  avec  cette  reltriction  ,  qu'il 
n'a  pas  cru  devoir  admettre  dans 
ce  Texte  toutes  les  corrections  de 
cet  habile  Editeur ,  quoique  vrai- 
femblables  Se  conformes  à  la  vérité 
de  THiitoire.  La  raifon  qu'il  en  al- 
lègue fe  réduit  à  cette  considéra- 
tion ,  Que  il  les  Critiques  fe  per- 
mettoient  d'inférer  dans  le  Texte 
des  anciens  Auteurs  qu'ils  veulent 
éclaircir  par  des  Commentaires , 
toutes  les  corrections  que  leurs 
conjectures  leur  font  imaginer  ,  il 
arriverait  par  fucccilion  de  tems 
des  changement    fi  confiderables 


ES  SÇ  A  VAN  S, 

dans  ccsTextes  prétendus  corrigés, 
qu'ils  ne  feroicnc  prefque  plus  re- 
connoillables  ,  6V:  que  l'Auteur  an- 
cien ,  loin  d'y  parler  Ion  propre 
langage  Se  d'y  expofer  fes  propres 
femimens ,  ne  s'y  expliqueroit  plus 
que  par  l'organe  Se  félon  les  idées 
ou  les  rantaides  des  Editeurs.  D'où 
il  s'enfuit ,  que  félon  M.  Arntzen, 
les  Textes  anciens  ne  fçauroient 
trop  être  refpectés  ,  Se  qu'on  ne 
peut  ufer  trop  fobrement  du  droit 
que  la  Critique  fembleroit  donner 
d'y  faire  des  corrections. 

Du  relie  ,  il  a  fuivi  la  diltinc- 
t;on  des  Chapitres  ,  telle  que 
Schott  l'a  introduite  le  premier , 
quoique  peut-être  en  quelques  en- 
droits avec  un  peu  moins  de  juftef 
fe  qu'il  n'eût  été  à  fouhaiter  ;  Se  l'E- 
diteur juge  tort  fainement  que  cet- 
te exactitude  fcrupulcufe  à  con- 
ferver  les  anciennes  divifions  des 
Textes  ,  e(t  d'une  merveilleufe 
commpdité  ,  par  rapport  aux  ren- 
vois Se  aux  citations.  Il  n'a  pasrté- 
gligé  non  plus  de  joindre  à  cette 
Edition  l'Ecrit  de  Nunnius  fur  les 
Hommes  Illuftres  de  la  famille  Cor- 
nelia  Se  celui  de  Sigonius  fur  la  Vie 
de  Scipion.  Il  n'a  fait  aucun  chan- 
gement dans  le  Monument  d'An- 
cyre  quife  trouve  ici  à  la  page  458, 
cv  nous  avons  une  nouvelle  Edi- 
tion de  ce  Monument  à  la  fin  de 
l'Ecrit  de  Gronovius  intitulé  Aicmo- 
ria  Cojfiniana.  On  trouve  encore 
au  commencement  &  à  la  fin  de  ce 
Volume  les  jugeraens  des  divers 
Auteurs  fur  Aurclius-Victor ,  ainiî 
que  les  Epîtres  Dédicatoires  &  les 
Préfaces  de  toutes  les  Editions  pré: 


D  E  C  E  M 

cedentes.  Quant  à  la  Table  très- 
ample  Se  très -détaillée  de  ce  Volu- 
me ,  c'en  l'Ouvrage  de  M.  Lotich  , 
Précepteur  dans  l'Ecole  de  Nimc- 
guc.  Pour  ce  qui  eft  des  Médailles 
qui  ornent  cette  Edition,  M.  Arnt- 
zen  avoiie  qu'elles  auroïent  pu  être 
beaucoup  mieux  defiinées  Se  plus 
élégamment  gravées  ;  &  c'eft  fur 
quoi  fans  douce  perfonne  ne  le  dé- 
dira. 

Il  ne  nous  refteroit  plus  qu'à  fai- 
re connoître  plus  particulièrement 
les  Notes  du  nouvel  Editeur  par 
quelques  échantillons  que  nous  en 
produirions  ici  Se  fur  lefquels  on 
pourroit  fe  former  une  idée  de  tou- 
tes les  autres.  Mais  comme  elles  ne 


B  R  E,  1734.  7p7 

font  prefque  toutes  que  purement 
Grammaticales  ,  Se  qu'elles  ne 
roulent  ordinairement  que  fur  le 
choix  entre  plufieurs  variantes 
pour  la  correction  du  Texte  ,  Se 
fur  une  toule  de  palfages  parallèles 
d'anciens  Auteurs  Latins  allégués 
pour  juftiner  quelque  terme  ou 
quelque  locution  qu'employé  Au- 
relius-Viclor  ,  Se  qu'on  pourroit 
d'abord  foupçonner  d'être  peu 
conforme  à  la  pure  Latinité  ;  tout 
cela  nous  paroît  il  peu  fulceptible 
d'extrait  ,  qu'il  vaut  mieux  ren- 
voyer tout  d  un  coup  les  curieux 
en  ce  genre  à  la  fource-même  ,  où 
ils  pourront  puifer  en  abondance 
de  quoife  fatisfaire. 


ARCHEUS  FEBRIUM  FABER  ET  MEDICUS,  SIVE 
exercitatio  Medico-Praclica  de  ufu  &  Metodo  rationali,  folidâ ,  certâ 
Se  fecurâ  tam  in  febribus  intermittentibus ,  quàm  periodicis  continuis 
adminiftrandi  febrifugorum  omnium  maximum  Corhiem  peruvia- 
num  ,  feu  Chinamchinam.  Autore  Joanne  Henrico  Cohaufen ,  Hilde- 
fîoSaxone.  M.  D.  Archiatro  -  Horftmario-  Abnfano  ,  &  Diœcefeos 
Monafterienûs  pra&ico  Seniore.  Amûelodami  ,  apud  Salomonem 
Schouten.  173 1. 

C'eft  à-dire  :  VArchèe  3  auteur  des  fièvres  &  de  leur  guéri/on  ;  ou  Traité 
de  Médecine-Pratique  fur  la  meilleure  méthode  de  donner  le  Quinquina, 
tant  dans  les  fièvres  intermittentes  ,  que  dans  les  continues  périodiques.  Par 
H.J.  Cohaufen  t  Douleur  en  Aied.  Sic.  A  Amfterdam  ,  chez  Salomon 
Schouten.  1731.  vol./H-ia.  pp.  120.  &fevendk  Paris ,  chez  Jollain  , 
Quai  de  la  Tournelle. 


LE  premier  foin  de  M.  Cohau- 
fen dans  ce  Traité  ,  eft  d'en 
juftiner  le  titre  :  »  On  s'étonnera 
=  d'abord ,  dit-il ,  de  voir  à  la  tête 
»>  de  mon  Livre ,  le  mot  &Archèei 
»  Se  tous  les  Profeffeurs  en  Mede- 
»cine  ,  s'en  lormaliferont  fans 
v  doute.  Quoi ,  s'écrieront-ils  avec 


i>  indignation,  vouloir  faire revi- 
»  vre  VArchèe  s  ce  monftre  qui  de- 
»  puis  fi  long  -  tems  eft  enfeveli 
»  avec  l'Auteur  qui  lui  avoit  don- 
»  né  l'être  !  l'entreprife  eft  téme- 
wraire.  Mais  que  ces  MefCeurs 
«fe  donnent  un  moment  de  pa- 
»  tience ,  ils  verront  que  je  n'ai  pas 


7oS  JOURNAL   D 

»  autant  de  tort  qu'ils  s'imaginent. 

Après  ces  paroles  M.  Cohaufcn 
entre  en  juftification  ,  &c  voici  un 
précis  de  fon  Apologie. 

Peu  m'importe  ,  dit  -  il  ,  quel 
fens  on  donne  an  mot  à'Archée  • 
dont  je  me  fers  :  je  déclare  pour 
moi ,  que  VÀrcbée  n'eft  point  un 
être  de  raifon ,  mais  que  c'eft  une 
chofe  réellement  exiftente  ,  un 
agent  vital  &c  plein  d'activité  qui 
fait  tout  ce  qui  eft  necc  flaire  pour 
la  confervation  du  corps  humain. 
C'eft  une  force  &  une  puiflance  de 
l'ame  fur  les  parties  fluides ,  Se  fur 
les  parties  fohdes  du  corps  ,  la- 
quelle puilTance  agit  félon  les  loix 
de  la  méchanique  établie  dans  les 
organes,  foit  par  rapportai!  mou- 
vement des  humeurs  dans  ce  qui 
regarde  leurs  circulations ,  leurs  fe- 
cretions  ,  leurs  excrétions  ,  &c. 
foit  par  rapport  au  mouvement  des 
folides  dans  ce  qui  concerne  leur 
reflbrt ,  leur  fyftole  &  leur  diafto- 
le  ,  &c  le  tout  pour  empêcher  le 
corps  de  fe  corrompre  ,  &  le  pré- 
ferver  d'une  deftru&ion  prématu- 
rée. Ce  n'eft  pas  alfez  du  mécha- 
nifme  merveilleux  qui  fe  remarque 
entre  les  parties  folides  &  les 
parties  fluides  du  corps  hu- 
main -,  il  faut  de  plus  un  principe 
viral  qui  préfide  à  ce  méchanifme 
pour  le  faire  agir  ;  fans  quoi  l'hom- 
me neferoit  qu'une  machine  lour- 
de ;  or  ce  principe  vital ,  qu'on  le 
nomme  ,  fi  l'on  veut  ,  efpnt  de  vie, 
nature  ,  ou  Arche:  ,  le  nom  n'_y 
fait  rien  -,  il  fuflàt  que  ce  foi:  quel- 
que chofe  de  réel.  Cela  pofé  ,  je 
dis  que  ce  quelque  chofe  de  réel , 


ES   SÇAVANS, 

ce  principe  vital  que  je  trouve  à 
propos  d'appeller  Archèe  5  du  mot 
grec  A-jX"  ,  qui  lignifie  principe  , 
eft  ce  qui  donne  l'aclion  à  tout  ce 
quife  pafle,  foit  de  régulier,  foit 
d'irrégulier  dans  le  corps  humain  -, 
en  forte  qu'étant  tout  enfemble 
Auteur  de  la  fanré  &  delà  maladie, 
c'eft  lui  qui  fait  la  fièvre  &  qui  la 
guérit.  Archcus  febrium  Faber  & 
Aîedicus.  Vanhelmon  a  placé  l' Ar- 
chèe dans  l'dtomac  ,  c'eft-là  ,  fé- 
lon lui ,  que  cet  agent  qui  préfide 
atout,  apperçoit  ,  comme  dans  le 
lieu  le  plus  propre  pour  cet  effet, 
le  bien  ou  le  mal  que  peuvent  eau- 
fer  les  alimens  ,  les  médicamens  , 
ou  les  poifons  ,  &  c'eft-  là  que  lors- 
qu'il apperçoit  quelque  chofe  qui 
doit  être  nuifible  au  corps ,  il  entre 
en  indignation  à  cet  égard  ,  &  par 
le  moyen  du  méchanifme  établi 
entre  les  folides  Se  les  fluides  ,  il 
change  les  mouvemens  réguliers 
en  irréguliers ,  ce  qui  caufe  diver- 
fes  maladies ,  Se  entre  autres  les 
fièvres. 

Quant  à  celles  -ci ,  le  premier 
agent  qu'il  y  faut  reconnoîrre  ,  fé- 
lon notre  Auteur  ,  c'eft  l'Archée 
qui  étant  irrité  par  quelque  caufe 
que  ce  foit ,  détermine  les  fucs  du 
cerveau  à  fe  jetter  impétueufement 
par  les  net fs  fur  le  mufcle  du  cœur, 
ce  qui  augmente  Se  accélère  outre 
mefure  le  mouvement  de  ce  muf- 
cle ,  S:  par  confequent  celui  des 
artères ,  év  des  liquides  qui  y  font 
contenus. 

M.  Cohaufen  ,  après  plufieurs 
autres  reflexions  que  nous  palTons , 
définit  la  fièvre  ,  un  mouvement  & 


D  E   C  E  M 

un  effort  de  l'Archée  qui  étant  irrité  , 
V"  indigné  ,  tâche,  de  chajfer  la  caufe 
cvcifiranelle  de  la.  maladie.  C'eft  la 
ition  de  Van-helmont ,  de  ce 
Philofophe  que  notre  Auteur  re- 
garde comme  un  homme  fufeité 
de  Dieu  pour  la  reformation  &C 
pour  l'ornement  de  la  Médecine. 
Viri  ad  reformanda  &  exornanda 
artis  documenta. ,  à  Deo  eleEli  :  ce 
font  fes  termes.  Sydeham  définit  la 
lièvre  ,  une  tentative  que  fait  la  na- 
ture pour  expulfer  de  toutes  fes  forces 
la  matière  fébrile ,  &  i 'expulfer  d'une 
manière  qui  tourne  à  la  guérifon  du 
malade.  Ettmuller  la  définit  ,  un 
mouvement  ou  combat  de  la  nature  , 
far  lequel  ,  au  moyen  des  efprits 
animaux  plus  ou  moins  altérés  ,  & 
par  le  fecours  de  la  fermentation 
excitée  dans  le  fang  ,  elle  fe  met 
en  devoir  de  chajfer  au  loin  y  ce  qui 
s'oppofe  de  contraire  a  l'économie  ani- 
male. M. Cohaufen  admet  ces  défi- 
nitions pour  ce  qui  en  concerne  le 
fond  ;  mais  il  veut  qu'en  y  ajoute 
que  cette  tentative  ou  ce  combat 
eft  un  mouvement  violent  &  forcé, 
fouvent  inutile  ,  quelquefois  per- 
nicieux &  quelquefois  falutaire  , 
lequel  excite  dans  les  fluides  & 
dans  les  folides ,  des  agitations  irré- 
gulieres  Se  extraordinaires  ,  qui 
tournent  le  plus  fouvent  au  dom- 
mage du  malade  ,  &  quelquefois 
par  accident  à  fa  guérifon  ;  fui- 
vant  la  définition  de  Sydcnham  & 
d'Ettmuller  ,  il  n'eft  pas  à  propos 
de  s'oppofer  à  la  fièvre,  puifque 
ce  feroit  s'oppofer  à  un  mouve- 
ment falutaire  ;  mais  fuivant  la  dé- 
finition de  notre  Auteur  .  on  ne 


BUE;    r  75  4.  799 

fçauroit  trop  tôt  combattre  cette 
maladie  ,  puifqu'elle  ne  tend  par 
elle-même  ,  qu'à  la  deftruclion  du 
corps  ,  &  c'eft  ce  qu'il  entreprend 
de  montrer  dans  un  Chapitre  ex- 
près qui  fuit  immédiatement  celui- 
ci  ,  nous  y  renvoyons  les  Lecleurs. 
11  faut  donc  ,  félon  notre  Au- 
teur ,  lorfqu'on  voit  de  la  fièvre  , 
recourir  promptement  aux  remè- 
des qui  peuvent  la  détruire  ,  mais 
la  détruire  en  ôrant  la  caufe  ;  car 
pour  les  remèdes  qui  ne  fervent 
qu'à  pallier  le  mal ,  ce  n'eft  pas  de 
ceux-là  que  notre  Auteur  prétend 
parler. Or  les  remèdes  qui  vont  ici  à 
la  caufe  quand  il  s'agit  de  fU-vies 
intermittentes  ,  font  ceux  que 
fournit  le  Quinquina.  M.  Cohau- 
fen ,  à  cette  occalion  ,  examine  par 
quel  moyen  le  Quinquina  guérit 
les  fièvres  intermittentes  j  fi  c'eft 
par  un  acide  qu'il  contienne  ,  ou 
par  un  alcali  ,  ce  qu'il  importe  peu 
cependant  de  fçavoir  ,  pourvu 
qu'on  fçache  dans  quelles  circon- 
ftances ,  &  avec  quelle  méthode  û 
le  faut  donner  pour  l'employer  uti- 
lement. 

Certaines  règles  font  à  obferver 
avant  l'ufage  du  Quinquina  ,  d'au- 
tres pendant  cet  ufage,  &  d'autres 
après.  Bien  des  Médecins  préten- 
dent qu'avant  que  de  donner  ce 
fébrifuge  ,  il  cft  necefTaire  de  pur- 
ger. Notre  Auteur  foûtient  le  con- 
traire ,  &  il  fait  voir  par  le  raifon- 
nement  &  par  l'expérience  que  rien, 
n'eft  plus  d.inecreux  que  cette  pra- 
tique. Il  obferve  premièrement 
que  dans  les  fièvres  intermittentes, 
la  quantité  du  levain  fiévreux ,  le 


800         JOURNAL    D 

plus  loin  qu'elle  puiïTe  aller, n'excè- 
de jamais  une  drachme  ,  Se  que 
fouvent  même ,  elle  monte  à  peine 
à  la  valeur  d'un  grain  ,  piufqu'en 
certaines  rencontres  il  ne  faut  qu'u- 
ne légère  odeur  ,  pour  exciter  la 
fièvre  tierce  ou  la  fièvre  quarte  ,  Se 
qu'en  plulîeurs  autres  ,  la  feule 
imagination  fuffit  pour  cela  , 
comme  on  le  voit  dans  bien  des 
frayeurs  &  des  faifillemens.  Or 
en  ces  fortes  de  cas ,  qu'y  a  - 1  -  il  à 
évacuer  ,  demande  notre  Aureur  , 
quelle  humeur  furabondante  y  a-t- 
ilà  purger  ? 

De  plus,l'experience  journalière 
fait  voir  que  de  toutes  les  fièvres 
intermittentes  qu'on  s'avife  d'atta- 
quer par  les  purgatifs^,  il  n'y  en  a 
prefque  pas  une  qui  n'en  devienne 
plus  opiniâtre  Se  plus  rebelle  ,  juf- 
ques  là  même  qu'elles  tournent  la 
plupart  en  maladies  incurables.  M. 
Cohaufen  cite  là- de  (Tus  plufieurs 
exemples  qui  méritent  attention. 
Il  joint  à  ces  exemples,  le  témoi- 
gnage de  divers  Auteurs  célèbres , 
Se  entr'autresd'Ettmuller,  de  Sy- 
denham  ,  de  Morton  ,  lefquels 
s'accordent  tous  à  dire  que  ni  la 
faignée,  ni  lapurgation  ne  peuvent 
enlever  la  caufede  ces  fièvres. 

Pernicicufe  donc  ,  félon  notre 
Auteur,  Se  très  pernicieufe  ,  eft  la 
pratique  de  ceux  qui  s'imaginent 
que  pour  préparer  les  malades  au 
Quinquina  ,  il  faut  les  purger. 
Mais  M.  Cohaufen  ne  prérend  pas 
pour  cela,  faire  ici  une  règle  géné- 
rale :  il  reconnoît  qu'il  y  a  des  fiè- 
vres mèfenteriques ,  où  les  premiè- 
res voyes  font  tellement  engorgées 


ES    SÇAVANS, 

qu'il  fautabfolumtm  pour  prépa- 
rer au  Quinquina  ,  recourir  à  la 
purgation  ;  mais  à  quelle  purga- 
tion  ?  A  celle  qui  s'opère  par  i'é- 
metique.  C'elt  le  feul  évacuant  que 
notre  Auteur  conlcille  ici  ,  éva- 
cuant Ci  efficace  qu'il  fuffit  quel- 
quefois tout  feul  pour  enlever  ra- 
dicalement la  plus  forte  fièvre  in- 
termittente ,  pourvu  qu'il  foit  ad- 
miniftré  avec  méthode  ,  Se  félon 
les  règles' de  l'art. 

En  quel  tems  &  de  quelle  ma- 
nière  convient-il   de    donner    le 
Quinquina  ;    Voici  d'abord  pour 
ce  qui  regarde  le  tems  ,  ce  que  M. 
Cohaufen   décide  ;   il  veut  qu'on 
donne  le    Quinquina  immédiate- 
ment après  l'accès  ,  qui  eft  le  tems 
où  tous  les  fymptomes  font  finis  t 
tels  que  la  chaleur  ,  la  fueur ,   &c. 
&  que  fi  la  fièvre  eft  continue   pé- 
riodique, on  le  donne  dans  le  tems 
de  la  remilfion.  La  raifon  qu'il  al- 
lègue de  cette  conduite  ,  c'eft  qu'a- 
près l'accès  dans  les  fièvres  inter- 
mittentes ;    Se  après  la  remillîon 
dans  les  continues  périodiques,  le 
ferment  fiévreux  qui  fubfiftoit  au- 
paravant ,  a  été  châtie  par  la  voye 
des  lueurs  Se  par  les  autres  ilTues  ; 
en  forte  que    les  obftruètions   des 
glandes  miliaires  font  levées  ,   Se 
que  le  froncement  des  parties  foli- 
des  eft  relâché  -,  ce  qui  rend  aux 
fluides  épailfis  ,    leur  fluidité  ,    au 
fang  fougueux    Se   emporté  ,    la 
tranquillité  de  fon  cours  ,   Se  met 
par  conféquent   le  Quinquina  en 
état  d'agir  plus  efficacement ,  les 
obftacles  qui  pourroient  s'oppofer  à 
fon  action  ,  ne  lubiiftant  plus  dans 
ce 


D  E  C  E  M 

ce  moment  •,  d'où  il  fuit  que  ce 
remède  peut  alors  prévenir  plus  fû- 
rement  la  régénération  du  ferment 
fiévreux  ,  &  par  conféquent  le  re- 
tour d'un  autre  accès. 

Voilà  pour  ce  qui  regarde  le 
tems  ;  voici  à  prefent  pour  ce  qui 
concerne  la  manière. 

Il  faut  donner  la  première  prife 
de  Quinquina  dès  que  l'accès  eft 
pleinement  terminé  ;  il  faut  don- 
ner la  féconde  quatre  heures  après, 
donner  la  troifiéme  quatre  autres 
heures  après ,  &  la  quatrième  après 
le  même  moment ,  à  moins  qu'on 
ne  juge  plus  à  propos  de  réduire 
cesquatre  prifes  à  trois ,  auquel  cas 
il  faut  augmenter  à  proportion ,  la 
dofede  chacune. 

Si  la  fièvre  eft  continue  périodi- 
que &:  que  le  mal  preiTe ,  on  pour- 
ra faire  la  dofe  encore  plus  giande. 
Bien  des  Médecins  ordonnent  le 
Quinquina  en  pilules ,  &  beaucoup 
d'autres  dans  du  vin  -,  les  premiers 
prétendent  qu'il  a  beaucoup  plus 
d'effet  en  pilules ,  8c  qu'une  demi 
dofe  donnée  ainfî  ,  vaut  mieux 
qu'une  dofe  entière  dans  le  vin. 
Notre  Auteur  n'eft  pas  de  ce  fenti- 
ment  ,  il  prétend  que  le  vin  aide 
à  la  dilïblution  du  Quinquina  dans 
l'eftomac  ,  ôc  il  dit  qu'il  n'en  a  ja- 
mais vu  de  mauvais  effets  •,  il  re- 
commande d'y  mêler  quelques  fto- 
machiques  amers  ,  &  de  boire  ce 
vin  au  repas ,  ou  immédiatement 
après  ,  comme  on  boiroit  du  vin 
d'Efpagne. 

Mais  une  méthode  qu'il  préfère 
à  celle-là  ,  c'eft  de  prendre  le  Quin- 
quina dans  une  infufîon  de  Thé 
Décembre. 


B  R    E  ,   i  7  î  4-  goi 

verd  ;  il  foûtient  que  ce  Thé  aug- 
mente la  vertu  duFébrituge  dont  il 
s'agit,  &C  qu'il  le  rend  beaucoup 
plus  propre  à  refoudre  &  à  corriger 
les  felsj  acres  des  différentes  li- 
queurs du  corps.  Les  bouillons  qui 
fe  font  avec  l'avoine  ou  avec  l'orge, 
lui  paroifîent  encore  d'excelkns 
véhicules  pour  le  Quinquina  , 
parce  que  ces  bouillons  font  très- 
adoucilfans  ,  &  par  conféquent 
très -capables  d'émoulfer  l'acrcté 
des  humeurs. 

A  mefurc  qu'on  prend  le  Quin- 
quina, il  faut  faire  de  l'exercice  ;  & 
notre  Auteur  obfcrve  que  comme 
dans  le  tems  de  la  fièvre  il  eft  bon 
de  garder  le  lit ,  on  doit  au  cen- 
traire  ,  lorfquc  l'accès  eft  palTe,  fur- 
tout  dans  les  jours  où  la  fièvre  eft 
abfente  ,  fc  donner  le  plus  de  mou- 
vement que  l'on  peut ,  foit  parla 
promenade  ou  autrement.  Il  rap- 
porte là-dcflus  l'exemple  des  gens 
de  la  campagne  en  qui  le  Quinqui- 
na ne  manque  prelque  jamais  de 
produire  fon  effet ,  parce  qu'auilî- 
tôt  qu'ils  fe  voyent  libres  de  leur 
accès ,  ils  reprennent  ieurs  travaux 
ordinaires. 

Pour  ce  qui  eft  du  régime  de  vi- 
vre pendant  l'ulage  du  Quinquina, 
M.  Cohaufen  recommande  de  fuir 
la  viande  ,  fur-tout  celle  de  bœuf 
&  de  cochon  ,  &c  les  bouillons  à  la 
viande,  d'éviter,  de  même,  le  lait, 
les  œufs ,  &  le  poiiTon  ;  il  co-f  i 
le  à  la  place  ,  les  crèmes  ci  • 
d'avoine  ,  de  ris  ,  &c.  m  li  .  .  1 
regarde  ici  comme  !?  r'  .  plus 
capable  de  hâter  la  gnci  d     la 

fièvre  ,  c'eft  le  jeûne  d  n&  les  jour? 
Yy  yy 


802  JOURNAL   D 

des  accès  ,  à  moins  que  la  foibleffc 
du  malade  ne  s'y  oppole. 

Quant  à  la  conduite  qu'il  faut 
garder  après  l'ufage  du  Quinquina 
iorfquc  la  fièvre  cft  entièrement 
oucrie ,  notre  Auteur  hit  voir  Se 
par  raifon  &  par  expérience,  que 
ceux  qui  croyait  qu'il  faut  purger 
alors ,  font  dans  une  erreur  grof- 
fiere.  Il  leur  montre  que  la  purga- 
tion  dans  ce  tcms-là  ,  cft  rarement 
neceffaire  ,  qu'elle  eft  fouvent  inu- 
tile 5c  prefque  toujours  dangereu- 
fe. 

Il  arrive  ordinairement  que  le 
Quinquina  adminiftré  mal  à  pro- 
pos ,  Si  fans  qu'on  air  pris  foin  de 
débarrafler  auparavant  par  quel- 
ques apéritifs  convenables ,  les  vif- 
céres  engorgés ,  produit  de  perni- 
cieux effets  lors  même  qu'il  ne  laif- 
fe  pas  de  chalTer  la  fièvre.  Ces  effets 
font  ordinairement  i°.  des  enflures 
&  des  hydropifies.  Quand  ces  ac- 
cidens  arrivent ,  il  faut  recomman- 
der aux  malades  de  faire  beaucoup 
d'exercice  ,  &C  leur  donner  des  con- 
fortatifs  qui  puiflcnt  rétablir  dans 
leurs  fondions  ,l'eftomac,&  le  foye; 
tels  font  les  fels  digeftifs,  les  pilu- 
les balfamiques  -  polyereftes  ,  les 
vins  apéritifs  préparés  avec  le  mars 
èc  le  nître ,  &c.  Ces  effets,  en  fé- 
cond lieu  ,  font  fouvent  des  dou- 
leurs violentes  dans  le  bas- ventre 
Se  dans  les  membres  ,  des  inquiétu- 
des continuelles  pendant  les  nuits, 
&c.  en  forte  qu'il  vaudroit  encore 
mieux  que  le  Quinquina  n'eût  pas 
fupprimé  la  fièvre.  Qu'cft  il  à  pro- 
pos de  faire  alors ,  demande  notre 
Auteur  5  Le  plus  court,  répond-il3 


ES  SC  A  VAN  S, 

c'eft derappeller  la  fièvre.  Il  s'au-" 
torife  en  cela  du  précepte  d'Ett- 
muller  dans  fa  Diifcrtation  fur 
l'ufage  5c  fur  l'abus  des  précipi- 
tans.  Mais  comment  rappeller 
cette  fièvre  ?  La  chofe  eft  facile,  dit 
Ettmuller  ,  te  malade  »a  qu'a  pren- 
dre de  l'efprit  volatil  de [d  armoniac. 

Il  eft  rare  qu'on  cherche  à  avoir 
la  fièvre  ,  mais  lorfqu'onla  fouhai- 
tera  ,  voilà-donc  de  quoi  fatisfaire 
fon  envie.  M.  Cohàufen  cependant 
n'eft  pas  rout-à  lait  en  cela  de  l'avis 
d'Ettmuiier  ;  il  aime  mieux  qu'au 
lieu  de  l'efprit  volatil  de  felarmo-. 
niac ,  on  fe  ferve  d'un  certain  vin 
qu'il  confeillc  ;  l'efprit  volatil  de 
fel  armoniac  lui  paroîc  fufpect , 
mais  pour  le  vin  dont  il  s'agit ,  il 
le  regarde  comme  un  moyen  doux 
&  innocent  pour  exciter  la  fièvre. 
Quel  eft  ce  vin?  Il  s'en  explique 
en  ces  termes  :  Tutin.  eflvinorefoU 
•ventibus ,  diureticis  ,  abjîerge»tibus 
laxantibus  infufo  fcbr'trn  reflituere. 

M.  Cohàufen  n'en  demeure  pas 
à  cette  recette  pour  exciter  la  fiè- 
vre. Il  en  enfeigne  une  autre  pour 
le  même  delTein  ;  laquelle  ,  à  ce 
qu'il  prétend,  ne  trompe  prefque 
jamais  ;  l'ufage  en  eft  commun  en 
Wertphalie  ,  &  les  habitans  du 
Pays  ,dit-il  ,s'en  fervent  routes  les 
fois  que  s'étant  fait  pafler  la  fiè- 
vre par  le  Quinquina  ,  &  venant  à 
s'en  repentir,  ils  trouvent  à  propos 
de  la  rappeller.  Voici  là  dciîus  ce 
qu'ils  pratiquent.  Ils  choilîlTent 
une  tête  de  cochon  ,  la  plus  enfu- 
mée qu'ils  peuvent  trouver  ;  ils  en 
coupent  pluheurs  morceaux,  &  les 
mangent  ;  puis  ils  attendent  avec 


D  E   C  E  M 

confia  nce  la  fié  vie  ,  qui,  s'il  en  faut 
croire  notre  Auteur  ,  ne  manque 
point ,  peu  après  ,  de  les  venir  ac- 
cueillir ,  fans  Ce  le  faire  dire  davan- 
tage. Si  de  capite  porcino  çomedant  t 
per  chinarn  -  cbinam  à  febre  liber  ati , 
certo  certihs  récidivas  patii-intur. 

Quand  la  fièvre  eft  ainfi  reve- 
nue, ils  fongent  à  la  faire  pafter  fans 
danger,  en  prenant  le  Quinquina 
avec  plus  de  méthode  ,  Se  en  évi- 
tant les  fuites  qu'ils  foupçonnent 
avoir  fiitcs  la  première  fois. 

Il  n'eft  pas  rare  de  voirie  Quin- 
quina ,  lorfqu'il  cft  mal  administré, 
caufer  des  tentions  de  ventre  ,  des 
tumeurs  dans  les  hypochondres,  Se 
autres  accidens  fcmblablcs  ;  ce  qui 
ne  vient  point  tant  alors, d'obftruc- 
tions  de  foye  ou  de  rare  ,  que  de  la 
bourfouflure  de  l'inteftin  colon  , 
lequel  ,  comme  on  fçait  ,  occupe 
l'un  &  l'autre  hypochondre. 

Notre  Auteur  prétend  que  ces 
accidens  demandent  les  mêmes  re- 
mèdes qu'il  a  rapportes  plus  haut, 
feavoir  i°.  les  àigeftifs ,  les  abftcr- 
gens  ,  les  pilules  vifçerales-balfa- 
miques  -  laxatives  ,  &  une  boiilen 
un  peu  abondante. 

Si  la  fièvre  qu'on  fe  propofe  de 
<?uérir ,  eft  accompagnée  de  diar- 
rée  ,  gardez  -  vous  bien  ,  dit  M. 
Cohaufen  ,  de  donner  le  Quinqui- 
na -,  ce  remède ,  en  fuppiïmant  la 
fièvre  ,  fupprimeroit  le  cours  de 
ventre  qui  eft  fouvent  alors  une 
évacuation  critique  ,  &  vous  feriez 
tomber  votre  malade  en  apoplexie 
ou  en  fyncope.  » 

Notre  Auteur  rapporte  ici  un  cas 
qu'il  affurc  avoir  vu  arriver  plu- 


B  R  E,     17  5  4-  Soj 

ficurs  fois ,  &  auquel  il  eft  impor- 
tant de  faire  attention  ;  »  )'ai  obfer- 
»  vé  ,  ces  dernières  années  ,  dit-il  , 
»  &  je  l'ai  obfervé  plus  d'une  fois , 
»que  le  Quinquina  ,  après  avoir 
«guéri  radicalement  Se  fans  retour, 
*  certaines  fièvres  quartes ,  laifloit 
»  des  démangeaifons  conlidérablcs 
»  par  toute  la  peau  ;  que  ces  dé- 
»  mangeaifons  étoient  quelquefois 
»  accompagnées  de  boutons  rouges 
»  Se  quelquefois  d'une  galle  humi- 
»  de.  Horftius  dans  fes  obfcrva- 
»  tions  rapporte  des  exemples  tout 
»  fcmblablcs  à  ceux  là.  Pour  moi 
»  je  n'ai  pas  cru  que  dans  ces  fortes 
»  d'occafions  je  dufle  rien  faire 
«mettre  fur  la  peau.  J'ai  regardé 
»ces  démangeaifons  ,  ces  boutons, 
»  cette  galle  ,  comme  unecrife,  Se 
»  je  me  fuis  abftenu  de  tout  remède 
•  »  externe  ,  me  contentant  de  pref- 
»  crire  un  régime  de  vivre  exact  , 
»  &  de  faire  prendre  en  petite 
»  quantité»,  certaines  chofes  capa- 
»  blés  de  purifier  le  fang.  Ce  qui 
»  m'a  fi  bien  réufîi ,  qu'en  peu  de 
»  Semaines  les  malades  ont  été  cn- 
»  fièrement  rétablis. 

M.  Cohaufen  fait  ici  un  article 
à  part ,  de  la  manière  de  traiter  par 
le  Quinquina,  les  fièvres  continues 
périodiques  :  il  obferve  d'abord  , 
que  la  fièvre  continue  périodique, 
Se  la  fièvre  fimplcment  intermit- 
tente ,  font  la  même  choie  pour  le 
fond  ,  &  qu'elles  ne  différent  l'une 
de  l'autre  que  par  le  degré  :  con'i- 
mu  periodica  à  fimplicncr  intermit- 
tent ions  non  genio ,  fedgmdu  tantthn 
dijferunt. 

En  effet ,  quoique  dans  la  fièvre 
Y  y  y  y  ij 


804         JOURNAL    De 

continue-  périodique  ,  la  chaleur 
fébrile  ne  celle  jamais  abfolument  , 
cette  chale  ur  cependant  ne  laiffe  pas 
de  diminuer  à  certains  tcms  réglés, 
en  forte  que  les  redoublemcns  &C 
les  remilîîons  ont  des  retours  pé- 
riodiques. C'eft  en  quoi  cette  fiè- 
vre a  beaucoup  d'afiinité  avec  l'in- 
termittente ;    la  caufe  qui  produit 
dans   l'une   les  re'miffions  ou  di- 
minutions ,  étant  de  la  même  natu- 
re que  celle  qui  produit  dans  l'au- 
tre une  ceffation  entière  :  cela  po- 
fé  ,  M.  Cohaufen  veut  qu'on  traite 
les  fièvres  continues-périodiques  , 
comme  les  fièvres  intermittentes  , 
&  que  comme  celles  là,  c'eft-à  dire 
les  continues  périodiques, font  très- 
dangereufes  fi  on  les  laiffe  durer  un 
certain  tems,  il  faut  tout  d'un  coup 
Se  dès  le  commencement   les  atta- 
quer  par  le   Quinquina  dûëment 
préparé  ,  fans  quoi   fi  l'on  attend 
que  la  fièvre  parvienne  à  l'on  Etat, 
elle   pourra    prendre  un  caractère 
plus  mauvais  &  devenir  incurable: 
mais    en  quel  tems  donner   ici  le 
Quinquina  ?    ChoihlTez  ,  répond 
notre  Auteur,  celui  de   la  remif- 
fion  ,  prenant  garde  toutefois   de 
vous  tromper  ,  car  en  cette  rencon- 
tre l'erreur  eft  facile. 

Il  y  a  des  fièvres  continues  qui 
fans  être  périodiques  ,  ne  lailTent 
pas  d'avoir  certains  mouvemens  , 
certains  fiiffonnemens  allez  fem- 
blables  ,  en  apparence  ,  à  ceux  des 
continues-périodiques.  D'ailleurs  , 
toutes  les  fièvres  un  pcuconfidera- 
bles  ont  des  exacerbations  le  foir. 
Il  faut  donc  apporter  ici  une  gran- 
de attention  pour  éviter  de  femé- 


S    SÇAVANS, 

prendre  ,  6k  cette  attention  ,  re- 
marque notre  Auteur.,  demande 
que  le  Médecin  foit  très-aflidu  au- 
près de  fes  malades  ,  car  s'il  vient  à 
prendre  pour  fièvre  continue  pério- 
dique ,  ce  qui  ne  l'eft  nullement  , 
&C  qu'en  confequence  il  aille  don- 
ner le  Quinquina, il  tue  fon  malade. 
Que  dire  après  cela  ,  de  ces  Méde- 
cins, qui, dans  des  occalions  de  cet- 
te importance,  ne  voyent  leurs  ma- 
lades qu'en  courant  ?  Ce  font  ou 
des  mercenaires  qui  ne  cherchent 
que  l'argent, ou  des  ignorans  qui  fe 
rendent  jullice  à  eux-mêmes  ,  8c 
qui  fenrent  bien  qu'en  reliant  plus 
long  tems  auprès  des  malades,  ils 
ne  leur  feront  pas  pour  cela  ,  plus 
utiles. 

Il  y  a  des  fièvres  continues-pé- 
riodiques ,  mais  malignes ,  qui  de- 
puis le  commencement  jufqu'à  la 
fin,  font  accompagnées  de  froid  ; 
notre  Auteur  prétend  que  dans 
celles-là, le  Quinquina  ne  convient 
nullement ,  mais  qu'il  y  faut  em- 
ployer les  remèdes  diaphoniques, 
c'eft  -  à  •  dire  qui  pouffent  par  la 
tranfpiration  ,  &  qui  empêchent 
par  ce  moyen  ,  les  humeurs  rete- 
nues au. dedans  ,  de  fe  porter 
au  cerveau, où  elles  cauferoient  des 
inflammations.  Dans  ces  fortes  de 
fièvres  ,  les  cfprits  animaux  font 
tellement  engourdis  qu'ils  ne  peu- 
vent mettre  en  action  les  principes 
du  Quinquina.  Cet  engourdifle- 
ment  fe  manitelte  par  la  débilité 
du  pouls  qui  quoique  fréquent  ell 
petit  év  languilTant,  il  fe  reconnoît 
par  le  troid  des  parties  extérieures 
du  corps  s   tandis  que  celles  du  de- 


D  Ë  C  E  M 

dans  font  en  feu.  Si  vous  voulez 
alors  recourir  au  Quinquina  ,  at- 
tendez,  dit  notre  Auteur,  que  la 
chaleur  naturelle  foit  revenue  au 
dehors  ,  &  que  les  efpnts  fe  foienc 
répandus  ;  fans  cela  votre  Quinqui- 
na ne  fervira  qu'à  fixer  davantage 
ce  qui  n'eft  déjà  que  trop  fixé  ,  &C 
vous  fufpcndrez  p*r-là  tous  les 
mouvemens  qui  entretiennent  la 
vie. 

Si  dans  le  cours  d'une  fièvre  con- 
tinue -  périodique  ,  les  urines  font 
reuges  cViépailîes,  qu'enfuite  elles 
deviennent  pâles  &  très  liquides  ; 
s'il  furvient  des  irritations  de  nerfs. 
Des  fonges  effrayans ,  des  veilles 
extraordinaires,  des  délires,  toutes 
marques  que  la  fièvre  fe  tourne  en 
maligne  ,  gardez-vous  alors  d'em- 
ployer le  Quinquina  ,  il  feroit  per- 
nicieux. Si  l'on  foupçonne  de  l'in- 
flammation dans  les  vifeeres ,  ou 
quelque  abcès  ,  il  le  feroit  encore 
plus.  Dans  tous  ces  cas  le  Quinqui- 
na loin  d'ôter  la  fièvre  ,  l'augmen- 
te ,  il  fixe  l'humeur  fiévreufe ,  la 
concentre  ,  &  par  cette  concentra- 
tion ,  il  produit  des  mortifications 
&  des  gangrenés  dans  les  parties  où 
elle  eft  renvoyée.  ■ 

Lorfqu'un  jeune  homme,  d'un 
tempérament  bilieux  ,  fera  atta- 
qué d'une  fièvre  continue  périodi- 
que accompagnée  d'une  grande 
chaleur  &  fur-rout  que  cette  fièvre 
le  tiendra  dans  le  fort  de  l'été. Gar- 
dez-vous encore  de  lui  donner  le 
Quinquina  ,  à  moins  que  la  dimi- 
nution de  la  fièvre  ne  foit  bien 
confiderablc  ,  fans  quoi  ce  remède 
lui  fera  tuncile.   Mais  fi  la  fièvre 


B  R  E  ,  1734.  Soj 

continue  n'a  aucun  intervalle  de 
rémillion  ,  fi  outre  cela  elle  eft 
maligne  ,  &  accompagnée  de  ftu- 
peurs,  de  fpafme  ,  dehocquets, 
&c.  alors  dans  quelques  tems  de 
l'année  qu'elle  prenne  ,  fi  Ion  s'a- 
vife  de  donner  le  Quinquina  ,  on 
commet  la  plus  grande  de  toutes 
les  fautes  :  c'clt  de  quoi  Morton  , 
ce  fçavant  Praticien  ,  a  cru  avec 
raifon  ,  ne  pouvoir  trop  de  fois 
avertir  les  jeunes  Médecins.  Mais 
quand  la  fièvre  eft  exempte  de  tous 
ces  fymptomes  ,  &  qu'à  raifon  de 
cela  on  donne  le  Quinquina  ,  il  ne 
faut  pas  laifler  cependant  de  trem- 
bler, dit  notre  Auteur,  car  fou- 
vent  il  arrive  que  dans  cette  fièvre 
f\  (impie  en  apparence,  le  Quin- 
quina opprime  les  forces,  que  le 
pouls  devient  débile  ,  &  que  le 
malade  tombe  dans  l'inadion.  Dès 
qu'on  s'apperçoit  d'un  tel  accident, 
Que  la  fièvre  foit  intermittente  , 
ou  qu'elle  foit  continue  -  périodi- 
que ,  il  faut  dès  le  moment,  renon- 
cer au  Quinquina. 

On  croit  ordinairement  que  la 
vertu  fébrifuge  du  Quinquina  eft 
la  feule  qu'il  faille  reconnoître 
dans  ce  remède  ,  mais  il  en  pofte- 
de  bien  d'autres  ,  comme  notre 
Auteur  le  fait  voir  au  long. 

H  y  a  dans  le  Quinquina  i°.  un 
fel  volatil-aromatique  qui  pénétre 
les  humeurs  trop  épaiftes  ,  &  qui 
les  fubtilife.  i".  Une  fubftance 
amere  &  ftyptique  qui  rétablit  le 
relTort  des  parties  folides  ,  trop 
relâché  ,  &  qui  fortifie  par  ce 
moyen,  tous  les  vifeerts  :  ce  qui 
le  rend  très  propre  dans  les  mala- 


So6  JOURNAL  D 

dies  hypochondriaques  &  dans  les 
cachexies  :  auilï  Charles  Mufitan 
8c  plufieurs  autres  Auteurs  ,  le 
confeillent  dans  ces  occalions ,  au 
poids  d'une  dragme  ,  pris  dans  du 
vin,  quatre  heures  avant  le  dincr  & 
l'expérience  dépofe  en  faveur  de 
leur  avis.  Mais  ce  qui  eft  bien  plus 
digne  d'attention  ,  c'eft  qu'on 
l'employé  avec  fuccès  en  Angleter- 
re contre  l'épilepfie  ,  comme  le  re- 
marque Ettmuiler  en  pariant  du 
bon  tk  du  mauvais  ufage  des  préci- 
pitans. 

Qui  croiroit  que  le  Quinquina 
fût  propre  contre  la  phthifie;  Mor- 
ton  cependant ,  cet  Auteur  fi  verfé 
dans  la  pratique  de  Médecine,  ne 
fait  pas  difficulté  d'avancer  qu'il 
n'y  a  point  de  remède  plus  fur  que 
celui  là  ,  contre  la  maladie  dont  il 
s'agit ,  &  qu'il  paiîe  même  en  cela 
tous  les  remèdes  qu'on  emprunte 
du  lait  d'ânelTe  ,  &  des  autres  laits. 

Peu  de  perfonnes  ignorent  ce 
que  c'eft  que  la  phthifie  Angloife  , 
le  célèbre  Blahmore  a  publié  en  An- 
glois ,  un  Traité  fur  cette  maladie, 
intitulé  del.i  Confomption  ,  dans  le  • 
quel  il  enfeigne  un  remède  finçu- 
lier  pour  la  guérir  ,  Se  qui  n'eft 
prefque  que  le  Quinquina.  Com- 
me le  Traité  n'a  point  été  traduit  , 
nous  croyons  qu'on  ne  fera  pas  fâ- 
ché de  trouver  ici  le  remède  qui  y 
eft  rapporté  contre  la  phthifie,  no- 
tre Auteur  le  traduit  en  Latin  ,  le 
voici  en  François  fur  ce  Latin. 

Remède  contre  la  maladie  de  Con- 
fomption familière  en  Angleterre. 

Prenez  demi  gros  ou  deux  feru- 


ES   SÇAVANS, 

pules  de  Quinquina  en  poudre, fai- 
tes en  un  bol  avec  une  fumfantc 
quantité  de  fyrop  de  framboife^M^ 
lez  ce  bol  à  jeun  ,  puis  beuvez  trois 
verras  d'eau  de  Spa  ,  Liftant  entre 
chaque  verre,  environ  une  demi- 
heure  :  cela  fait  ,  reprenez  un  fem- 
blable  bol  à  cinq  heures  du  foir  , 
beuvant  enfuite  ,  félonies  mêmes 
intervalles  ,  la  même  quantité 
d'eau  de  Spa. 

Continuez  plufieurs  jours  de 
fuite  ,  &  les  nuits  prenez  une  autre 
dofe  de  Quinquina  que  vous  mê- 
lerez avec  une  once  de  fyrop  de 
diacode  ,  s'il  y  a  de  la  toux.  Tel 
eft  le  remède  de  M.  Blahmore  con- 
tre la  pthifie  ,  ou  maladie  de  con- 
fomption. Cet  Auteur  allure  avoir 
guéri  par -là,  des  phthtfiques  qui 
avoient  tous  les  fymptomes  des 
phtliifiques  confommés,  fçavoir  ul- 
cères ,  toux  continuelles  ,  crachats 
purukns ,  fueurs  colliquatives,  fiè- 
vre hectique. 

Au  refte,  comme  le  Quinquina., 
lorfqu'on  a  commencé  de  s'en  fer- 
viren  Europe,  y  rénilîflûit  mieux 
qu'il  ne  tait  aujourd'hui ,  M.  Co- 
haufen  cherche  la  caufe  de  ce  chan- 
gement. La  quantité  ordinaire  de 
Quinquina  qu'on  employoit  alors 
pour  guérir  la  fièvre  tierce  ,  ou 
la  fièvre  quarte  la  plus  rebelle  , 
n'alloit  guéres  au-delà  de  deux 
gros  ,  &c  aujourd'hui  il  en  faut 
plufieurs  onces  ,  d'où  vient  ce- 
la ,  demande  notre  Auteur ,  il 
répond  avec  Baglivi  ,  que  c'eft 
qu'autrefois  on  avoit  loin  de 
ne  recueillir  cette  écorce  i°.  que 
lorfque  le  Soleil  étoit  au  Signe  du 


D  E   C  E   M 

Lion  ,  2°.  Qu'à  des  arbres  lïtuésdu 
côté  du  raidi  ;  au  lieu  qu'aujour- 
d'hui on  ne  fe  donne  plus  tant  de 
peine..  Il  ajoute  que  la  plupart  des 
arbres  où  l'on  prend  cette  écorce , 
en  font  aujourd'hui  prefque  tout 
dépouillés,  en  forte  qu'elle  eft  plus 
iarc  que  jamais  ,  ce  qui  fait  qu'on 
en  fubftituc  fouvent  d'autre  à  la  pla- 
ce. M.  Cohaufen  prétend  qu'à  for- 
ce d'avoir  dépouillé  ces  arbres,  il 
en  refle  un  fi  petit  nombre  qui 
ayent  encore  leur  écorce  ,  qu'il 
eft  à  craindre  que  bientôt  il  n'y  en 
ait  plus  aucun  qui  en  foit  revêtu, 
Le  Quinquina  doit  donc  être  extrê- 
mement rare  -,  mais  notre  Auteur 
rapporte  ici  une  cure  qu'il  a  faite 
depuis  peu  ,  laquelle  montre  qu'il 
n'a  pas  lailîé  nonobftant  cette  ra- 
reté ,  de  trouver  encore  d'excellent 
Quinquina  ;  peut  -  être  d'autres 
pourront-ils  être  auili  heureux  là- 
dcllus  que  lui.  Il  traitoit,  il  y  a  deux 
ans,  un  |eune  François  attaqué  d'u- 
ne fièvre  intermittente  ,  &c  qui 
avoit  en  même  tems  au  bras  droit 
un  mouvement  involontaire  qui 
lui  faifoit  aller  le  bras  comme  le 
balancier  d'une  Horloge  ,  ce  qui 
ne  ceiïoit  ni  jour  ni  nuit.  Il  lui 
donna  du  Quinquina  mêlé  avec  de 
]a  valériane  fauvage  ;  le  malade 
fut  entièrement  délivré  par  là  de  fa 
fièvre ,  &  de  la  maladie  de  fon 
bras. 

Si  ce  Quinquina  fut  excellent, 
il  faut  au  contraire  que' celui  dont 
fe  fêrvit  un  Chirurgien  dans  le  cas 
que  nous  allons  rapporter  d'après 
notre  Auteur ,  fut  bien  mauvais  s 
ou  qu'il  fut  donc  bien  mal  adminiV 


B  R  E  ;    i  7  j  4.  807 

ltré.  Une  compagnie  de  cent  Sol- 
dats fe  trouva  attaquée  de  fièvre 
tierce  i  le  Chirurgien  de  la  Com- 
pagnie leur  fit  prendre  à  chacun  , 
du  Quinquina  pendant  quelques 
jours ,  mais  peu  après  ils  devinrent 
tous  hydropiques  ,  &  tombèrent 
dans  une  langueur  extrême.  A  quoi 
attribuer  un  tel  événement  ?  No- 
tre Auteur  prétend  qu'il  ne  faut 
point  ici  acculer  le  Quinquina.,  &c 
que  tout  le  mal  vint  de  ce  que  ce 
remède  ne  fut  pas  bien  adminiitréj. 
mais  quelle  faute  fut  donc  commi- 
fe  dans  cette  adminiftration  ?  C'eft 
ce  que  M.  Cohaufen  s'abfticnt  de 
dire  ,  &  ce  qu'il  feroit  à  fouhaiter , 
qu'il  eût  dit.  Il  fe  borne  à  recher- 
cher en  général,comment  le  Quin- 
quina peut  donner  occafion  à  l'hy- 
dropifie.  Les  uns,  d't-il,  attribuent 
cet  effet  à  une  vertu  aftringente 
qu'ils  fuppofent  dans  le  Quin- 
quina ,  par  le  moyen  de  laquelle  les 
particules  de  ce  remède  prelTent  & 
reiterrent  celles  du  fang  ,  ce  qui 
oblige  le  fang  à  laiflTcr  échapper- 
une  quantité  confiderablede  lafé- 
rofité  qu'il  contient  ,  &z  ce  qui 
donne  par  confequent ,  occafion  à 
l'hydropifie  ;  d'autres  au  contraire 
veulent  que  lorfque  cette  maladie 
furvient  après  l'ufage  du  Quinqui- 
na ,  il  n'en  faut  point  reconnoître 
d'autre  caufe  qu'un  fel  volatil 
qu'ils  prétendent  dominer  dans  la 
fubitance  de  ce  fébrifuge,  &  qui  , 
félon  eux  ,  divifant  trop  les  molé- 
cules du  fang,  donnent  à  route  la 
maffe  de  ce  liquide,  une  fluidité 
excciïîve  qui  oblige  la  lymphe  ,, 
autrement  dite   la  férofité  ,    à.  le 


8o8         JOURNAL    D 

répandre  dans  la  capacité  du  bas 
ventre. 

Ces  derniers  ,  pour  confirmer 
leur  fentiment  ..rapportent  i°.  que 
dans  l'Analyfe  chymique ,  le  fang 
rend  une  quantité  considérable  de 
fel  volatil  -,  z°.  Que  fi  peu  après 
avoir  fait  faigner  un  malade,  on  jet- 
te dans  fon  fang ,  un  peu  de  Quin- 
quina ,  ce  fang  ,  s'il  n'eft  pas  enco- 
re figé  ,  ne  fe  figera  point ,  &  que 
s'il  l'eft  ,  il  reviendra  à  fa  première 
fluidité.  C'eftune  expérience  facile 
à  faire. 

Il  y  a  des  perfonnes  à  qui  le 
Quinquina  reiTerre  le  ventre  ,  & 
d'autres  qu'il  purge.  M.  Cohaufen 
examine  ce  qu'il  eft  à  propos  de 
faire  dans  ces  occafions  pour  le 
donner  avec  fuccès ,  &  ce  qu'il  dit 
là-deflus ,  mérite  ,  comme  tout  le 
Livre  ,  une  grande  attention. 

Quelquefois  on  le  donne  mêlé 
avec  du  Thé  ,  quelquefois  avec  des 
purgatifs  ,  quelquefois  avec  de 
l'opium ,  &c.  tout  cela  demande 
un  grand  difeernement  de  la  part 
des  Médecins.   Nous  paffons  avec 


ES    SÇAVANS, 

chagrin  ce  que  notre  Auteur  obfer- 
ve  là-delfus.  Mais  l'étendue  de  cet 
Extrait  ne  nous  permet  pas  d'aller 
plus  loin.  M.  Cohaufen  ,  dans  tout 
le  cours  de  fon  Livre,  fait  mention 
de  YArchée  ,  il  le  rappelle  prefque 
par  tout  ;  cela  convient  à  fon  titrei 
mais  nous  avons  cru  pouvoir  nous 
paffer  de  ce  mot  dans  notreExtrait, 
d'autant  plus  que  par  le  terme 
d'Arcbée,  M.  Cohaufen  n'entend 
autre  chofe ,  comme  il  le  déclare  , 
que  ce  qu'on  a  coutume  d'entendre 
par  le  mot  de  nature.  Au  refte  , 
quoiqu'on  foit  pourvu  d'une  gran- 
de quantité  de  Livres  fur  le  fujet 
du  Quinquina  ,  &  que  dans  cette 
grande  quantité  on  ne  puifle  dif- 
convenir  qu'il  n'y  en  ait  beaucoup 
dont  on  pourroit  fe  palTer  ,  nous 
croyons  cependant  que  celui  -  ci 
n'eft  point  de  trop  ,  &  qu'il  ne  dé- 
plaira pas  aux  connoiiïèurs.  Mais  il 
le  but  lire  avec  reflexion  &  de  fui- 
te. Un  Ample  Extrait  ne  fuftît  pas 
pour  en  donner  une  idée  complet- 
te. 


HISTOIRE   CRITIQJJ  £  DE    MANICHEE   ET  D  V 

Manichéifme.    Par  M.  de  Beausobre.  A  Amfterdam,  chez, 

Frédéric  Bernard.  1734.  /'«  40.  pag.  594. 


NOUS  avons  rendu  compte 
dans  le  Journal  d'Octobre 
précèdent  de  la  première  partie  de 
cet  Ouvrage  qui  contient  l'Hiftoi- 
re  de  Manichée  &  du  commence- 
ment du  Manichéifme ,  tant  fui- 
vant  ce  qu'en  rapportent  les  an- 
ciens Auteurs  Grecs  ou  Latins,  que 
fuivant  ce  qu'en  difent  les  Auteurs 


Syriens ,  Perfans  ou  Arabes.  Les 
Dogmes  de  Manichée  ,  fa  Morale  , 
fon  Culte  ,  &  le  Gouvernement 
Ecclefiaftique  font  le  fujet  de  la  fé- 
conde Partie  dont  les  trois  pre- 
miers Livres  font  compris  dans  ce 
Volume.  Voici  l'abrégé  de  ces  trois 
Livres. 

Il  eft  difficile  ,  fuivant  M.  de 
Beaufobre 


D  E  C  E  M 

Beaufobre  dans  fon  Difcours  Préli- 
minaire, de  donner  une  jufte  idée 
de  la  Doctrine  de  Manichéc  ;  parcs 
que  les  Livres  de  Manichéc  &:  ceux 
de  fes  Difciples  ont  été  brûles  par 
ordre  des  Empereurs  ,  qui  ont  mê- 
me défendu  d'en  garder  chez  foi 
fous  des  peines  três-févéres.  Les 
fragmens  de  ces  Ecrits  qui  ont  été 
confervés  ,  ne  font  que  des  mor- 
ceaux détachés  dont  on  ne  pourroit 
guéres  fe  flatter  de  découvrir  le  vé- 
ritable fens  ,  qu'en  voyant  ce  qui 
précedeit  ou  ce  qui  fuivoit.L'expo- 
iîtion  des  Dogmes  de  Manichée 
qu'on  Ht  dans  les  Actes  attribués  à 
Archelaùs  paroît  à  notre  Auteur 
plein  de  contuhon  éx  d'inexactitu- 
de. Notre  Auteur  ne  croit  point 
devoir  faire  beaucoup  de  tond  fur 
ce  que  dit  S.  Epiphane  du  Livre 
des  Miltercs  de  Manichée  ,  parce 
qu'il  eft  perfuadé  que  ce  Père  n'en- 
tendant point  le  Syriaque  j  n'a  par- 
lé de  ce  Livre  que  fur  ce  qu'il  en  a 
entendu  dire.  Tite  de  Boftre  qui  a 
réfuté  le  Livre  des  Myftcres  de 
Manichée,parou  à  M.  de  Beaufobre 
avoir  été  beaucoup  plus  exact  , 
plus  judicieux  &  modéré  que  Saint 
Epiphane.  Les  Ecrits  de  Diodore 
de  Tarfe  contre  Manichée  ,  de 
George  de  Laodicée  ,  d'Eufebe 
d'EmeiTe  font  perdus  depuis  long- 
tems.  Didimc  d'Alexandrie  &  Se- 
rapion  n'ont  parlé  que  des  deux 
principes.  S.  Cyrille  &  S.Epiphane 
ont  fuivi  les  Actes  d' Archelaùs., 
ils  y  ont  même  ajouté, cv  notre  Au- 
teur croit  qu'ils  combattent  fou- 
vent  des  phantomes  plutôt  que  des 
erreurs.  M.  de  Beaufobre  ne  fait 
Décembre. 


BRE,     i  7  ?  4.  Soo 

pas  grand  fond  fur  le  témoignage 
de  Philaltre  de  Brefle  contempo- 
rain de  S.  Ambroifc.  Il  ne  peut  fc 
perfuader  que  les  Manichéens  fuf- 
fent  coupables  de  tous  les  crimes 
que  le  Pape  S.  Léon  leur  impute  , 
les  Lettres  Si  les  Sermons  de  Saint 
Léon  contre  ces  Hérétiques  i  ne 
font  ,  félon  lui,  que  des  invectives. 
Notre  Auteur  fait  un  grand  éloge 
de  Théodoret  ;  mais  il  craint  fort 
que  fon  zélé  contre  les  Hérétiques 
ne  l'ait  fait  donner  trop  aifément 
dans  ce  qu'on  difoit  de  fon  tems 
contre  les  Manichéens.  S.  Auguftin 
qui  a  voit  fait  long-tems  Profclhon 
du  Manichéifme  devoir  bien  co:i- 
noître  cette  Secte  ;  cependant  M. 
de  Beaufobre  allure  que  ce  Pe.e 
n'a  pas  connu  les  fentimens  de 
Manichéc ,  ou  qu'il  les  a  mal  fepre- 
fentés.  C'eit  ce  que  les  Manichéens 
lui  ont  même  reproché  pendant  fa 
vie.  L'Ouvrage  de  Faufte  dont 
Saint  Auguftin  a  rapporté  le  Texte 
avant  que  de  le  réfuter  ,  pouroit 
donner  une  idée  plus  jufte  du  Sy- 
llême  des  Manichéens  ,  que  tous 
les  autres  Ecrits  des  anciens  qui 
ont  été  confervés  ,  fi  l'Auteur 
avoit  traité  d'un  plus  grand  nom- 
bre de  matières.  11  n'a  parlé  ni  des 
deux  principes,  ni  du  mélange  de 
la  lumière  &.  de  la  matière  ,  ni  de 
la  création  du  monde.  Les  formu- 
les d'abjuration  qu'on  exigeoit  des 
Manichéens  paroiflent  fufpectcs  à 
notre  Auteur  qui  prétend  que 
quand  des  Manichéens  rentroient 
dans  le  fein  de  l'Eglife  Catholique, 
on  leur  taifoit  abjurer  toutes  les  er- 
reurs qu'on  imputoit  à  ces  Héréti- 
Z  z  z  z 


8io  JOURNAL   D 

ques.  M.  de  Beaufobre  finit  ce  qu'il 
dit  des  anciens  Auteurs  Eccleinfti- 
ques  au  fujct  du  Manichéifme  par 
le  Dialogue  de  S.  Jean  Damafccne 
quiafuivi  Archélaiis  dans  ce  qu'il 
a  dit  du  Syftême  de  Manichée. 

Il  y  a  eu  auflî  des  Plulofophes 
Payens  qui  ont  écrit  contre  le  Sy- 
ftême de  Manichée  ,  Simphcius 
qui  le  combat  dans  fon  Commen- 
taire fur  l'Enchiridion  d'Epiétete  , 
ne  piroît  pas  à  notre  Auteur  avoir 
eu  allez  de  modération  cV  d'équi- 
té. Alexandre  de  Lvcople  ,  dont 
Photius  a  fait  un  Evêque  ,  &  que  le 
Père  Combehs  croit  être  un  Mani- 
chéen devenu  Catholique  ,  étoit , 
félon  notre  Auteur ,  un  Philofo- 
phe  Paven  ,  a  écrit  contre  les  Ma- 
nichéens avec  alîez  de  modération. 
Mais  outre  qu'il  ne  s'arrête  qu'aux 
principaux  dogmes  ,  il  ne  les  a  pas 
fumfamment  développés.  Abul- 
pharage  parle  avec  éloge  d'un  Livre 
d'Avicennes  contre  les  erreurs  de 
Manichée  ,  Se  Hottinger  donne  le 
plan  d'un  Ouvrage  Arabe  fur  le 
même  fu]et  de  Muhammed-Ben- 
Ifaac  ,  dont  notre  Auteur  auroit 
bien  fouhaité  d'avoir  un  extrait  fi- 
dèle. Pour  ce  qui  eft  des  Ecrivains 
modernes,  M.  de  Beaufobre  n'a  pas 
jugé  à  propos  de  les  citer ,  parce 
qu'ils  ont  copiés  les  anciens  ,  &; 
qu'ils  lui  paroilTent  les  avoir  fuivis 
fans  examen. 

Après  le  Difcours  Préliminaire  , 
notre  Auteur  commence  le  pre- 
mier Livre  de  la  féconde  Partie  , 
par  la  traduction  du  morceau  des 
Actes  d'Archélaiis  ouTyrbon,  par- 
le du  Syftême  de  Manichée.  M.  de 


ES  SÇ  A  VAN  S, 

Beaufobre  obferve  enfuite  qu'il  y  a 
dans  cette  relation  un  mélange  de 
vrai  &  de  faux  ,  &  il  regarde  com- 
me une  infigne  calomnie  ce  qu'on 
y  fait  dire  à  Tyrbon  dès  le  com- 
mencement ,  que  les  Manichéens 
fervent  &  honorent  deux  Dieux, 
l'un  bon  &c  l'autre  méchant. 

Ce  que  notre  Auteur  femblc 
avoir  conclu  de  ces  obfervations 
fur  les  Actes  d'Archélaiis  &  dans 
fon  Difcours  Préliminaire  ,  c'eft 
que  pour  fe  former  une  idée  jufte 
du  Manichéifmc  ,  il  faut  difeurer 
fuivant  les  règles  de  la  Critique  la 
plus  exacte,  ce  que  les  anciens  en 
ont  dit.  Il  commence  cet  examen 
par  les  principes  ,  c'eft-à-dire  ,  par 
certaines  propofitions  qu'on  peut 
regarder  comme  le  fondement  du 
Manichéifmc.  La  première  regarde 
l'autorité  que  Manichée  s'eft  attri- 
bué. 

M.  de  Beaufobre  avoue  que  cet 
Hérétique  a  été  ou  un  grand  impo- 
fteurouun  grand  Fanatique,  qu'il 
s'eft  dit  Apôtre  de  J.  C.  mais  fupé- 
rieur  par  fes  lumières  aux  premiers 
Apôtres  ,  &c  inftruit  extraordinai- 
rement  par  le  S.  Efprit ,  afin  de 
révéler  au  monde  des  véritez  ,  qui 
avoient  été  inconnues  avant  fon 
miniftere  ,  &  de  reformer  toutes 
les  Religions  établies.  Mais  notre 
Auteur  ne  peut  le  perfuader  que 
Manichée  fe  foit  dit  le  Chrift  ,  ou 
le  S.  Efprit,  comme  l'en  ont  accu- 
fé  la  plupart  des  Auteurs  Ecclefia- 
ftiques  qui  ont  écrit  contre  les  Ma- 
nichéens. Ces  Auteurs  lui  paroif- 
fent  fe  contredire  les  uns  les  autres, 
&  fe  contredire  eux-mêmes  fur  ce 


D  E   C  E   M 

fujet  en  plufieurs  endroits  de  leurs 
Ouvrages.  Les  prétextes  (ur  lef- 
quels  ils  forment  cette  accufation 
contre  Manichée ,  font ,  félon  lui , 
des  plus  frivols.  Il  ajoure  qu'il  j  a 
un  grand  nombre  d'Héréfiarques 
qu'on  a  ainfi  aceufé  Ions  preuve 
d'avoir  voulu  s'attribuer  la  Divi- 
nité. 

Second  principe  des  Mani- 
chéens ,  ils  rejettoienr  l'Ancien 
Teftament  ,  fous  les  prétextes 
qu'on  n'v  trouvoit  pas  une  idée 
jufte  de  la  Divinité  ,  que  la  morale 
n'en  étoir  point  alTez  parfaite  ,  que 
ces  Livres  ne  contenoienr  que  des 
promeiTes  temporelles.que  le  Culte 
Mofavque  n'étoit  point  digne  de 
la  Divinité  ,  que  les  Hiftoircs  de 
la  Création  &  de  la  tentation  de 
l'homme  ne  leur  paroifioient  pas 
vraifemblablcs,6\:  que  lesProphetcs 
n'avoicntpas  prédit  l'avcnementdu 
Sauveur.  Notre  Auteur  répond  à 
fa  manière  à  ces  objections  des  Ma- 
nichéens. Enfuite  il  rapporte  les  ré- 
ponfes  que  les  anciens  Pères  ont 
fait  à  ces  objections ,  &  il  foûtient 
qu'ils  ont  mal  défendu  l'Ancien 
Teftament. 

De  tous  les  Livres  du  Nouveau 
Teftament  qui  avoient  été  reçus 
fans  conteftation  par  l'Eglifc  Uni- 
verfelle  du  feras  de  Manichée  ,  il 
ne  rejettoit  abfolument  que  les  Ac- 
tes des  Apôtres.  Mais  comme  ils 
prétendoient  que  les  Evangiles  n'a- 
voient  powit  été  écrits  par  ceux 
dont  ils  portent  le  nom  ,  mais  par 
des  inconnus  &  des  demi  Juifs,  ils 
s'érigeoient  en  Cenfeurs  des  Livres 
Sacrés,  &  ils  en  rejettoient  tout  ce 


B    RE,    1754.  S  1  1 

qui  ne  s'accommodoit  point  à  leur 
Syftcme.  A  l'égard  des  Epîtres  de 
S.  Paul  ,  ils  foûtenoient  qu'elles 
avoient  été  talcihécs.  Ils  faiioient 
beaucoup  de  cas  des  Livres  des  Phi- 
lofophes  ,  en  particulier  de  ceux 
de  Zoroaftrc,  dont  ils  préteroient 
la  dodrine  à  celle  des  Hébreux.  Ils 
crovoient  trouver  dans  ces  Livres 
des  Prophéties  pour  établir  la  véri- 
té de  la  Religion  Chrétienne,  com- 
me plufieurs  Pères  de  l'Eglifc  ont 
cru  pouvoir  tirer  des  preuves  delà 
Religion  des  Livres  attribués  aux 
Sibylles.  Notre  Auteur  croit  que 
les  Manichéens  fe  fervoient  aulli 
de  ces  Livres  attribués  aux  anciens 
Patriarches  qui  ont  eu  beaucoup 
de  cours  parmi  les  Syriens.  Ils  fe 
fervoient  au(h  de  quelques  Evangi- 
les Apocriphes.  Ce  qui  donne  lieu 
à  notre  Auteur  d'examiner  dans  le 
fécond  Livre  de  cette  féconde  Par- 
tie ,  fi  ces  Livres  ont  été  fuppofés 
ou  talcihcs  parles  Manichéens. 

S.  Auguftin  ftmble  infinuerque 
Manichée  avoit  publié  une  Lettre, 
comme  étant  de  J.  C.  comme  les 
anciens  n'ont  point  aceufé  Mani- 
chée de  cette  fuppofition  ,  notre 
Auteur  croit  qu'on  ne  doit  pas  la 
lui  imputer.  Mais  fon  pencha:. c 
pour  relever  tout  ce  qu'il  penfe  ne 
devoir  pas  faire  honneur  aux  Ca- 
tholiques ,  l'engage  à  s'écarter  en 
cet  endroit  de  fon  fujet  pour  re- 
procher à  Jérôme-Xavier  Jcfuitc  , 
coufin  de  S.  François  Xavier  ,  qu'il 
a  inféré  dans  une  Vie  de  J.  C  éc ri- 
te en  Perfan ,  deux  prétendues  Let- 
tres au  fujet  de  J.  C.  écrite  à  Tibè- 
re ,  l'une  par  Lentulus ,  l'autre  pat 
Z  z  z  z  îj 


Su  JOURNAL  D 

Pilate.  Le  Père  Petau  avoir  deman- 
dé quelle  preuve  on  avoir  que  ect- 
te  Lerrrc  fur  effectivement  de  Xa- 
vier. Mais  M.  Simon  reconnoît, 
dit  norre  Aureur  ,  que  ces  deux 
Pièces  lont  de  Xavier ,  Se  la  Socié- 
té ne  le  nie  plus.  Ce  n'eft  pas  le  (cul 
endroit  de  l'Ouvrage  où  l'Auteur, 
qui  porte  li  loin  l'exactitude  pour 
ne  rien  imputer  fans  preuve  aux 
i  térétiques  ,  hit  ainfi. retomber  fur 
mis  les  Catholiques  des  chofes  qui 
ne  regardant  que  quelques  particu- 
liers. 

L'Evangile  publié  fous  le  nom 
de  S.  Thomas  eft  plus  ancien  que 
Manichée.  Origêne  en  parle  dans  h 
Préface  defon  Commentaire  fur  S. 
LuCjà  l'égard  de  l'Evangile  qui  por- 
te le  nom  de  S.  Philippe.  S.  Epiphâ- 
ne  dit  que  cette  faufle  Pièce  venoit 
desGnoftiques. 

Ceux  qui  attribuent  aux  Mani- 
chéens ces  Evangiles  £c  pluficurs 
autresLivres  apocriphes  prétendent 
qu'ils  ont  été  compofés  par  Luce  , 
qu'ils  difent  avoir  été  Manichéen. 
Mais  comme  ce  Luce  pafie  pour 
avoir  été  un  des  Difciples  des  Apô- 
tres ,  il  ne  peut  être  regardé  comme 
un  des  Sectateurs  de  Manichée  , 
quoiqu'il  ait  foûtenu  quelques- 
unes  des  erreurs  de  cet  Hérétique. 
Notre  Auteur  croit  que  Luce ,  qui 
nioit  que  J.  C.  fût  véritablement 
homme  6c  qui  condamnoit  le  ma- 
riage ,  pourroit  être  l'Auteur  de 
l'Evangile  de  la  Nativité  de  Marie, 
du  Prot- Evangile  publié  fous  le 
nom  de  S.  Jacques  &  de  celui  de 
Nicodême,  des  voyages  des  Apô- 
tres ,  des  Ades  de  Saint  Pierre  ,  de 


ES   SÇAVANS, 

S.  André  ,  de  S.  Thomas.  A  l'occa- 
fion  de  Luce  qui  f.ii'foir  profellion 
de  l'Héréiie  des  Doccs  ,  norre  Au- 
teur explique  en  quoi  il  fait  conlî- 
fier  cette  Hérèfic  -,  Si  il  dit  à  l'oc- 
ca-fion  des  Ouvrages  apocriphes 
qui  font  attribués  à  Luce  ,  que  les 
Catholiques  rapportent  pluheurs 
faits  concernant  la  Sainte  Vierge , 
dont  ces  Ouvrages  de  Luce  paroif- 
lentavoir  été  la  fource;  mais  ceux 
d."S  Catholiques  qui  adoptent  ces 
faits  prétendent  que  Luce  pouvoir 
les  avoir  appris  par  la  tradinon. 

A  régïiJ  de  l'Hfftoire  Apcfto- 
hque  d'Abdias  ,  M.  de  Beaufobre 
croit  que  cet  Ouvrage  n'a  étécorn- 
pofé  que  vers  le  fixiéme  fiécle  ,  & 
qu'on  a  cru  mal  -  à  -  propos  qu'ii 
croit  d'un  Manichée  ,  &  que  ces 
Hérétiques  fe  fervoient  d'huile  au 
lieu  d'eau  pour  le  b?.rtêrne.  Il  ne 
refte  plus  de  Livres  de  Manichée  ' 
non  plus  que  des  Commentaires  i 
que  fes  Sectateurs  avoient  faits  fur 
fes  Ouvrages  i  ou  d'autres  Livres- 
des  Manichéens. 

L'Auteur  ayant  parlé  dans  ce 
fécond  Livre  des  Evangiles  apocri- 
phes t  a  jugé  à  propos  de  mettre  à- 
la  fin  de  ce  Livre  un  difeours  où  il 
répond  aux  objections  de  ceux  qui 
tirent  de  ce  nombre  de  Livres  apo- 
criphes publiés  dans  les  premiers 
fiéclcs  ,  un  argument  pour  faire 
douter  de  la  vérité  des  Evangiles , 
6c  des  autres  Livres  du  Nouveau- 
Teltament ,  fous  prétextes  de  la 
difficulté  qu'il  y  avoit  de  diftinguer 
ces  Ouvrages  apocriphes  des  véri- 
tables. Norre  Auteur  répond  à  cet- 
argument  par  cinq  proportions -x 


D  E   C  E  M 

dont  il  faut  voir  les  preuves  dans  le 
Livre  même.  Les  Pères  ont  eu  ,  dit 
M.  de  Beaufobrc  ,  des  marques 
certaines  pour  juger  de  l'autentici- 
té  ou  de  la  fuppoittion  des  Livres  , 
qui  portoient  les  noms  des  Apôtres 
ou  des  hommes  Apoftoliques.  i°. 
Parce  qu'ils  éroient  en  état  de  juger  : 
fi  la  doctrine  écrite  étoit  conforme 
à  celle  qui  avoitété  prêchée  par  les' 
Apôtres.  2°.  Parce  qu'aucun  de  ces 
Livres  n'etoit  reconnu  pour  au- 
thentique qu'il  n'eût  le  témoigna- 
ge Confiant  6v  perpétuel  de  toutes 
les  Eglifes  ,  parce  qu'on  jugeoit 
d-cs  Livres  douteux  ou  luppofes  en 
les  comparant  avec  les  Livres  au- 
thentiques. 4".  Parce  que  les  Pères 
ont  procédé  à  l'examen  de  ces  Li- 
vres avec  la  circonfpection  la  plus 
fcrupuleufe.  Ces  Livres  apocriphes 
ne  lont  pas  en  fi  grand  nombre  que 
quelques  perfonnes  s'imaginent, & 
l'on  a  fouvent  parlé  du  même  Ou- 
vrage apocriphe  ,  comme  de  deux 
Ecrits  différents. 

Dans  le  troifiérae  Livre  ,  l'Au- 
teur explique  le  Syftême  de  Mani- 
chée  fur  la  nature  &:  les  attributs 
de  Dieu,  &  furies  Perfonnes  Di- 
vines. 

Manichée  a  cru  que  la  Divinité 
étoit  une  lumière  très  pure  ,  com- 
me l'ont  cru  les  Mages  ,  les  Philo- 
sophes des  Indes  ,  &  félon  notre 
Auteur  ,  quelques  Ecrivains  Eccle- 
fiaftiques  des  premiers  fiécles.  M. 
de  Beaufobrc  penfe  que  les  Mani- 
chéens ne  regardoient  cette  lumiè- 
re comme  une  fubftance  matériel- 
le ,  palpable  &C  divifible  ,  mais 
comme  une  fubftance  étendue  ,  in- 


B  R.  E,     1754.  $1$ 

divifible  que  le  hommes  ne  pou-: 
voient  voir  naturellement  ,  mais' 
qui  leurdevenoit  vilible  par  un  ef- 
fet de  la  volonté  de  l'Etre  Souve- 
rain. 

Le  mauvais  principe  n'a  jamais 
été  regardé  comme  un  Dieu  par 
les  Manichéens  ,  ils  ne  l'ont  ni  in- 
voqué ni  adoré  ,  ainii  on  ne  peur- 
les  aceufer  d'avoir  adoré  deux 
Dieux  fous  prétexte  qu'ils  ont  ad- 
mis deux  principes.  Ces  Hérétiques 
rc-connoilknt  en  Dieu  upc  im- 
mcniité  de  connoifiance  &  de  pou- 
voir ,  non  une  immcnlité  fub- 
ftantielle,  car  il  croyoit  qu'v  ayant 
une  fubftance  mauvaife  ,  il  ne  pou- 
voit  y  avoir  une  autre  fubftance  qui 
fut  infinie.  Ces  Hérétiques  confef^'i 
foient  la  Trinité  &  la  confubftan- 
tialité  des  Perfonnes  Divines  3 
comme  notre  Auteur  le  prouve  par 
un  palîage  de  Faufte  ,  &  par  d'au- 
tres endroits  ;  mais  c'eft  un  problê- 
me ,  dit  notre  Auteur,  aftez  diffi- 
cile à  décider  ,  fi  les  Manichéens 
ont  cru  que  le  Verbe  ait  une  hypo- 
ftafe  éternelle,  ou  s'il  n'a  commen- 
cé d'exifter  hors  du  Père  que  lorf- 
que  Dieu  voulut  créer  le  monde. 
Le  Manichéen  -  Fortunat  fcmblc 
infinuer  que  ce  dernier  fentiment 
étoit  le  leur ,  parce  qu'il  dit  que  le 
Verbe  cft  né  dès  la  fondation  du 
monde  :  a  conflhutione  mundi.  M. 
de  Beaufobrc  penche  d'autant  plus 
à  croire  que  c'étoit  là  le  fentiment 
des  Manichéens ,  qu'il  eft  perfuadé 
que  c'étoit  l'avis  commun  des  Pè- 
res Orthodoxes  au  fiéele  de  Mani- 
chée. Il  renvoyé  là  -  deffus  à  ce 
qu'ont  dit  le  P.  Petau  ,  M.  Huet  Se 


814         JOURNAL    D 

M.  Dupin  fur  les  fentimens  desAu- 
teurs  Ecclelialtiques  des  premiers 
fiécles  par  rapport  à  ceMiftere.  No- 
tre Auteur  cite  auili  leP.Pctau&M. 
Huet  pour  foûtenir  le  fentiment 
que  lesPeres  des  premiers  fiécles  ne 
croyoient  pas  l'égalité  des  trois 
Perfonnes  Divines.  En  fuppofant 
ce  point  de  fait ,  dont  les  Catholi- 
ques cV  plusieurs  Théologiens  Pro- 
teftans  ne  conviendront  pas,  il  n'cft 
pas  étonnant  que  les  Manichéens 
n'ayent  pas  cru  l'égalité  des  Perfon- 
nes de  la  fainteTrinité.  Ils  faifoient 
rehder  le  Père  dans  le  Cielfuprc- 
me,  le  Fils  dans  le  Soleil  [  ce  qu'ils 
paroilfent  avoir  emprunté  de  Zo- 
r-oaitre  ]  &:  le  S.  Efprit  dans  l'ait 
qui  nous  environne. 
.  On  voit  que  les  Manichéens  ad- 
mettoient  des  Eons  comme  les 
Valentiniens  :  &  plufieurs  autres 
Hérétiques  des  premiers  fiécles. 
Les  Eons  de  Mamchée  n'étoient 
point  des  perfections  divines,  mais 
des  perfonnes  réelles  ,  des  efprits 
parfaitement  purs  qui  alTiftent  de- 


ES    SÇAVANS, 

vant  le  Trône  de  Dieu,  &  qui  le 
fervent.  De  ceux  qui  ont  admis  des 
corps  ,  les  uns  les  ont  dit  éternels  , 
d'autres  les  ont  cru  formés  de  la 
fubllance  célcfte  ,  d'autres  ont  pré- 
tendu que  c'étoient  des  émanations 
divines.  Notre  Auteur  allure  qu'on 
n'eft  point alTez  initruir  du  Syltème 
des  Manichéens  pour  qu'on  lçache 
quelle  eft  celle  de  ces  trois  origines 
des  Eons  qu'ils  ont  adopté.  11  ajou- 
te que  quand  ils  les  auroient  cru 
des  corps  exiftans  de  toute  éterni- 
té, il  ne  s'en  fui  vroit  point  qu'ils 
en  eufîent  fait  des  Dieux  ,  parce 
qu'il  y  a  pluiieurs  Philofophes  an- 
ciens qui  ont  cru  qu'un  être  pou- 
voit  exifter  par  lui  -  même  ,  fans 
être  fouverainement  parfait. 
•  Il  refte  à  l'Auteur  à  expliquer  les 
deux  principes  des  Manichéens  , 
'leur  morale  &  leur  difeipline  ,  dès 
que  ces  derniers  Livres  de  la  fécon- 
de Partie  de  fon  Ouvrage  tombe- 
ront entre  nos  mains ,  nous  aurons 
foin  d'en  rendre  compte. 


DECEMBRE,i73  4- 


SiT 


PLUTARCHI  CHiERONENSIS  VITjE  PARALLELE  ,  CUM 
fingulis  aliquot.  Gr.xcè  &  Latine.  Adduntur  Variantes  lectiones  ex 
Manufcriptis  Codd.  vetercs  &  novx,  Dodtorum  Virorum  Notifie 
Emendationes,  fie  Indices  accuratiffimi.  Recenfuit  AuguftinusBrya- 
nus.  Londini ,  ex  Offitina  Jacobi  Tonfon  &.'  Johannis  Watts.  1729. 

C'cft-à-dire  :  Les  Vies  des  Hommes  Illuflres  de  Plutarque  ,  en  Grec  &  en 
Latin  ;  avec  les  diverfes  Leçons  tant  anciennes  que  nouvelles,  tirées  des 
Manufcrits  ,  les  Notes  &  les  corrections  des  Sçavans  ,  &  des  Tables  très- 
exatles  :  le  tout  revu  par  Auguftin  "Brian.  A  Londres  ,  chez  Jacques 
Tonfon  &  Jean  Watts.  1719.  '«4°.  5.  vol.  Tom.  I.  pp.  41 5-105.  fans 
Prolégomènes  Si  les  Variantes.  Tom.  IL  pp.  594.  Tom.  III.  pp.  550. 
Tom.  IV.  pp.  61 1.  Tom.  V.  pp.  468.  fans  les  Tables. 


NOUS  n'avons  eu  jufqu'ici 
d'un  ufage  bien  commode 
aucune  Edition  Gréque  des  Hom- 
mes Illuflres  de  Plutarque  ,  à  l'ex- 
ception de  celle  de  Henri  Eftienne, 
publiée  l'an  1572.  en  3  Volumes 
in  8°.  La  beauté  du  papier  ,  la  net- 
teté des  cara&eres  lk  la  correction 
du  Texte  la  rendront  toujours  pré- 
cieufe  :  mais  elle  cft  devenue  affez 
rare.  Toutes  les  autres  Editions 
foit  purement  Gréques ,  foitGré- 
ques  fie  Latines  ,  forment  de  très- 
oros  in-folio  ,  d'un  prix  confîdera- 
ble  ,  difficiles  à  manier  ,  fatiguans 
pour  les  vues  courtes  ,  fi:  par  con- 
séquent peu  propres  à  faire  naître 
aux  jeunes  gens  l'envie  de  connoî- 
tre  plus  particulièrement  un  Ecri- 
vain tel  que  Plutarque ,  en  le  lifant 
dans  fon  Texte  original.  Feu  M. 
Bryan  '  de  concert  avec  les  Sieurs 
Tonfon  Si  Watts  Libraires  de 
Londres,  conçut,  il  y  a  quelques 
années ,  le  delTein  de  rendre  cette 
le&urc  plus  familière  fii  plus  aifée, 
en  imprimant  à  part  les  Vies  des 
Hommes  llluftres ,  [  l'Ouvrage  le 


plus  intereffant  de  ce  grave  Auteur] 
&:  le  partageant  en  plusieurs  Volu- 
mes /'»-4°.  celle  de  toutes  les  formes 
la  plus  favorable  aux  intentions  des 
nouveaux  Editeurs.  L'exécution 
d'un  tel  projet  tant  pour  la  revifion, 
du  Texte  Grec  fii  de  la  verfion  La- 
tine, que  pour  les  Notes ,  n'a  pu 
être  conduite  par  M.  Bryan  que 
jufqu'au  commencement  du  troisiè- 
me Volume.  La  mort  l'ayant  enle- 
vé au  milieu  de  cette  carrière  ,  les 
Libraires  ont  eu  recours  à  M.  Moy- 
fe  du  Soûl,  comme  très-capable 
de  la  fournir  conformément  aux 
vues  du  défunt  :  &c  ce  fécond  Edi- 
teur a  foin  de  nous  les  expofer  ici 
dans  une  Préface  ,  où  il  nous  rend 
un  fidèle  compte  de  toute  l'écono- 
mie de  cet  Ouvrage. 

On  y  trouve  d'abord  le  Texte 
Grec  ,  prefque  mot 'pour  mût  tel 
qu'il  paroît  dans  l'Edition  de  Paris 
de  1624.  à  la  referve  de  quelques 
endroits,  mais  en  petit  nombre,  où 
•  M.  Bryan  s'en  cft  écarté.  Notre  fé- 
cond Editeur  eût  fort  fouhaité 
que  cela  lui  fût  arrivé  plus  fouvent, 


Si6        JOURNAL    D 

fur-tout  dans  quantité  de  partages 
où  la  neceifité  de  la  correction  eft: 
atteftée  par  l'autorité  des  autres 
Editions  foùtenue  du  témoignage 
des  Manufcrits  joint  à  la  critique  la 
plus  fage  &  la  moins  douteufe  :  ce 
qui  auroit  une  bonne  fois  purgé  ce 
Texte  d'une  infinité  de  fautes  nu- 
niteftement  dues  à  l'ignorance  ou  à 
la  négligence  des  Copiftes  ,  &:  qui 
fe  font  perpétuées  d'Edition  en 
Edition.  Du  refte  les  endroits  cor- 
rompus ou  mutilés  font  rétablis 
pour  la  plupart  dans  les  Notes ,  &z 
l'Imprimeur  a  eu  grand  foin  de 
ne  point  multiplier  les  fautes,  dans 
cette  Edition. 

L'on  y  donne  la  verrton  Latine 
telle  que  l'offre  l'Edition  de  Paris , 
avec  cette  différence  néanmoins , 
que  le  défunt  Editeur  l'avoit  fou- 
vent  retouchée  pour  la  rendre  plus 
fidèle  8c  plus  conforme  à  l'origi- 
nal, dans  les  deux  premiers  Volu- 
mes ,  imprimés  de  fon  vivant. 
Ç'eft  de  quoi  ne  s'clt  appereu 
qu'allez  tard  M.  Du-Soul.,  unique- 
ment attentif  au  Texte  Grec  ,  & 
naturellement  peu  inquiet  fur  ce 
qui  pourroit  perfectionner  les  ver- 
rions Latines  qu'il  banniroit  volon- 
tiers du  voifinage  des  originaux. 
Auflï  approuve-t-il  fort  la  conduite 
des  Anglois  ,  qui  depuis  quelque 
tems,  au  lieu  de  placer  ces  verfions 
à  côté  du  Qrec  les  relèguent  au  bas 
des  pages  ,  s'imaginant  par-là  ren- 
dre un  fervice  fort  utile  aux  Etu- 
dians ,  en  leur  retranchant  la  trop 
grande  facilité  qu'ils  trouvent  à 
confulter  ces  verfions  pour  l'intel- 
ligence du  Texte  ,  qu'elles  repre- 


ES     SÇAVANS, 

fentent  d'ordinaire  allez  imparfai- 
tement. 

On  a  fait  imprimer  à  la  fin  de 
chaque  Volume  ,  tout  ce  qui  pou- 
voit  contribuer  à  l'explication  ou 
à  la  correction  du  Texte.  Celucon- 
fifte  en  premier  lieu  dans  les  re- 
marques de  Ruauld  t  deftinées  à  re- 
lever chez  Plutarque  toutes  les  fau- 
tes contre  la  vérité  hiftorique  des 
faits  racontés  par  cet  Auteur  ,  & 
que  ce  Critique  rectifie  par  le  fe- 
cours  des  autres  Hiftoriens  mieux 
inftruits.  A  ces  remarques  fucce- 
dent  les  Variantes  ,  recueillies  de 
fept  Manufcrits  differens  &  difpo- 
féesde  manière  qu'elles  renvoyent 
jufte  aux  lignes  de  cette  nouvelle 
Edition.  De  ces  Manufcrits  les 
deux  premiers  font  ceux  d'où  les 
variantes  de  l'Edition  de  Paris  ont 
été  tirées.  Les  cinq  autres  confervés 
à  Oxford  en  ont  fourni  une  abon- 
dante moirton.  Notre  fécond  Edi- 
teur nous  les  tait  connoître  ici  cha- 
.  cun  en  particulier  ,  d'après  M. 
Bryan  ,  &z  nous  renvoyons  pour  ce 
détail  à  la  Préface-même.  A  l'égard 
des  variantes  fournies  par  un  Ma- 
nuferit  en  parchemin  de  la  Biblio- 
thèque de  Saint  Germain  des  Prez, 
&c  qui  eft  du  dixième  fiécle  ,  elles 
ont  toutes  été  imprimées  à  la  tête 
du  premier  Volume.  Ce  Manufciit 
ne  contient  que  quinze  Vies. 

A  la  fuite  des  variantes  viennent 
les  Notes  des  divers  Commenta- 
teurs, fçavoir  celles  de  Xylander  t 
de  Cmfer,  Se  d'Henri  Eflicnne,  déjà 
publiées  dans  les  Editions  précé- 
dentes ,  &  de  plus  celles  de  Paul- 
micr  de  GrentmefaU  ,  celles  de  M. 
Dacier. 


D  E  C  E  M 

D acier ,  celles  de  Munt ,  tranferi- 
tes  par  M.  à'Orville  ,  d'après  un 
Manufcrit  de  la  Bibliothèque  de 
Levde  ,  Se  celles  de  M.  Bryan ,  fur 
les  deux  premiers  Volumes  ex  le 
commencement  du  troifiéme.  Cet 
Editeur  y  corrige  une  infinité  d'en- 
droits ,  foit  à  l'aide  des  Manufcrits 
ou  de  pillages  parallèles  de  Plutar- 
que  ck  d'autres  Ecrivains ,  foit  par 
un  fonds  peu  commun  de  critique 
Se  de  fagacité.  Notre  fécond  Edi- 
teur y  a  joint  les  tiennes ,  lcfquel- 
les ,  quoique  inférieures  aux  précé- 
dentes [dit-il  modeftement]  ne  fe- 
ront peut  être  pas  indignes  de  tenir 
lieu  d'un  Supplément  à  celles  que 
M.  Bryan  n'a  pu  nous  donner. 

Telle  eft  dans  cet  Ouvrage  la 
difpofition  commune  à  tous  les 
Volumes  en  général.  On  trouve  de 
pins  ,  à  la  fin  du  cinquième  deux 
Tables,  l'une  des  principales  ma- 
tières ,  accommodée  à  cette  Edi- 
tion ,  l'autre  des  Auteurs  cites  par 
Plutarque  :  cVà  la  tête  du  premier 
Volume  paroiffent  i°.  la  Chrono- 
logie des  Hommes  Uluftresdreflce 
par  M.  D.icier ,  Se  mife  en  Latin 
par  notre  Editeur  ;  i°.  des  Extraits 
de  ce  que  M.  F.ibricius  dans  fa  Bi- 
bliothèque Grenue  t  Se  d'autres  nous 
apprennent  de  plus  remarquable  fur 
laVie  5c  les  Ouvrages  de  notre  Au- 
teur ,  avec  un  Catalogue  de  toutes 
les  Vies  qu'il  avoir  écrites,  lequel 
eft  du  à  fon  fils  Lamprias  ;  30.  les 
éloges  donnés  à  Plutarque  par  les 
anciens  ,  cV  qui  manquent  à  l'Edi- 
tion de  Paris. 

Celle  de  Londres  ,  fur  l'idée 
que  nous  venons  d'en  tracer  ,  mé- 
Décembre. 


B  RE,  1734.  817 

rite  certainement  toute  l'attention 
des  gens  de  Lettres ,  Se  pourroit 
être  d'un  merveilleux  fecours  aux 
jeunes  Etudians  ,  qui  voudroient 
fe  familiarifer  avec  un  Ecrivain  (1 
propre  ,  fur- tout  dans  cet  Ouvra- 
ge Hiftorique,  à  former  les  mœurs, 
en  infpirant  l'amour  de  la  vertu  & 
la  haine  du  vice  par  les  exemples 
éclatans  de  l'une  &:  de  l'autre  , 
qu'il  met  pour  ainft  dire  fous  nos 
yeux.  Une  feule  circonftance  nous 
paroîtroit  devoir  beaucoup  nuire 
aux  avantages  qu'on  devroit  atten- 
dre d'une  pareille  Edition  -,  Si  c'efl: 
le  prix  exccllifoù  l'on  a  fait  monter 
chaque  Exemplaire,  £c  qui  ne  pa- 
role guéres  à  la  portée  de  ceux  aux- 
quels cette  Edition  femblcroit 
principalement  deftinée.  llfcroità 
craindre  qu'un  tel  inconvénient 
n'entretînt  dans  la  plupart  des  fu- 
jets  peu  opulcns  le  dégoût  pour  la 
leclure  du  Texte  Grec  ,  &  le  pen- 
chant à  recourir  feulement  aux  tra- 
ductions ,  foit  Latines  ,  foit  en 
Langue  vulgaire  ,  pour  y  puifer 
les  préceptes  utiles  à  la  conduite 
de  la  vie  répandus  dans  tous  les 
Ecrits  de  Plutarque.  Or  c'efl:  un 
abus  ,  contre  lequel  notre  fecond 
Editeur  fe  déclare  hautement  à  la 
fin  de  fa  Préface,  &il  la  termine  en 
recherchant  les  caufes  qui  dans  ce 
ficelé  ont  fait  négliger  l'étude  du 
Grec  ,  au  point  que  ceux  -  même 
qui  fe  piquent  d'érudition  ,  à  pei- 
ne font  capables  de  confultcr  les 
Auteurs  originaux  dans  cette  Lan- 
gue. M.  du  Soûl  en  aiîîgfte  trois 
caufes  principales,  qu'il  fe  contente 
d'indiquer  ici  en  peu  de  mots. 
A  a  a  a  a 


818         JOURNAL   D 

La  première  [  fclon  lui  ]  eft  la 
rmuvaife  méthode  de  conftruire 
les  Dictionnaires  ,  en  y  rangeant 
tous  les  mots  fuivant  l'ordre  al- 
phabétique de  leurs  racines ,  qui 
ont  fous  elles  chacune  tous  leurs 
dérives  Cv  tous  leurs  compefés  •,  ce 
qui  rend  ces  Dictionnaires  preique 
de  nul  ufage  pour  les  commen- 
çans  y  5c  d'un  ufage  très-difficile  & 
très  -  incommode  pour  ceux  qui 
déjà  font  avancés  dans  la  connoif- 
fance  du  Grec.  Notre  Editeur  vou- 
drait qu'on  fubftituât  à  cet  arran- 
gement bizarre  introduit  par  Henri 
Ejliemie,  celui  qu'ont  fui v\Conftan- 
tin  &  quelques  autres  dans  leurs 
Lexiques  ,  où  tous  les  mots  ,  foit 
racines ,  foit  autres ,  font  difpofés 
pêle-mêle  félon  l'ordre  de  l'alpha- 
bet. 

La  féconde  des  caufes  alléguées 
fur  la  décadence  des  études  Gré- 
ques  ,  eft  la  difette  où  l'on  fe  trou- 
ve de  Dièlionnaires  qui  prefentent 
les  termes  Grecs  interprétés  ,  non 
en  Latin  ,  fuivant  la  coutume 
prefque  univerfellement  reçue , 
mais  en  Langue  vulgaire.  La  force 
des  termes  Grecs  s'y  feroit  fentir 
Beaucoup  plus  vivement  &  plus 
promptement  que  dans  une  Lan- 
gue étrangère  telle  que  la  Latine  , 
où  la,  vraye  lignification  de  la 
plupart  des  mots  n'eft  le  plus  fou- 
vent  guéres  moins  ignorée  des  etu- 
dians, que  celle  «les  mots  Grecs. 
M.  du  Soûl  voudroit  donc  que 
chaque  Nation  eût  fon  Dictionnai- 
re Grec  interprété  en  Langue  vul- 
gaire :  &  c'eft:  fur  quoi  il  s'eft  ex- 
pliqué plus  au  long  dans  une  Lettre 


ES    SÇAVANS, 

Françoife  imprimée  parmi  les  Pie- 
ces  qui  compofent  le  onzième  To- 
me des  Nouvelles  Littéraires. 

Une  troifïéme  caufe  ,  qui  (  à 
fon  avis)  fait  grand  tort  au  progrès 
de  la  Littérature  Gréque  ,  c'eft  la 
coutume  qu'on  a  prife  depuis  envi- 
ron deux  fiécles  d'imprimer  les 
Textes  Grecs  toujours  accompa- 
gnés d'une  verfion  Latine  qui  rem- 
plit une  féconde  colonne.  Rien 
(dit-il)  ne  favorife  davantage  la 
parefïe  d'un  Novice  ,  qui  fur  la 
foi  d'une  traduction  Latine  fouvent 
peu  exacte ,  mais  qu'il  trouve  fous 
les  yeux  ,  fe  difpenfc  de  recourir 
aux  fources  &  de  confulter  les 
Dictionnaires,  où  il  apprendroit 
les  difTercntei  acceptions  des  ter- 
mes qui  l'arrêtent  dans  fa  lecture. 
Nous  avons  déjà  parlé  de  la  maniè- 
re dont  les  Anglois  ont  cru  pou- 
voir en  partie  remédier  à  cet  incon- 
vénient. Mais  en  attendant  l'exé- 
cution du  projet  de  notre  Editeur 
concernant  les  DictionnairesGrecs, 
il  confeille  aux  Etudians  de  faire 
d'abord  provifion  d'un  Lexique  de 
Confiant  in  &  d'éditions  toutes  Gré- 
ques  de  differens  Auteurs  ;  d'en  li- 
re les  Textes,  éV'  de  tâcher  d'en  pé- 
nétrer le  fens  à  l'aide  du  feul  Dic- 
tionnaire ;  de  noter  en  marge  tous 
les  palTagcs  difficiles,  qu'ils  n'ont 
pas  fuffifammeHt  compris;  de  relire 
ces  mêmes  Auteurs  une  féconde  & 
une  troifïéme  fois  ;  en  un  mot  juf- 
qu'à  ce  qu'ils  leur  foient  devenus 
parfaitement  intelligibles.  Moyen- 
nant quoi  il  prétend  qu'au  bout  de 
quelques  années  ces  Etudians  fe- 
ront en  état  d'entendre  couram- 


D  E  C   E  M  B 

ment  quelque  Ecrivain  Grec  que  ce 
puille  erre. 

Pour  donner  maintenant  une 
idée  plus  complette  du  travail  de 
nos  deux  nouveaux  Editeurs  fur 
Plutarque  ,  il  ne  nous  refte  plus 
tjua  tranfcrire  ici  quelques  -  unes 
des  remarques  du  premier  ou  de 
M.  Bryan  ,  fur  la  Vie  de  Thcfée , 
&c  quelques  unes  du  fécond  ou  de 
M.  du  Soûl  fur  la  Vie  de  Lyfandrc, 
par  lefquelles  on  pourra  juger  des 
autres. 

Tbm.  ï.  pag.  I.  lig.  5.  Zy.vQixor 
«tpJcç  ,  le  froid  glacial  de  la  Scy- 
thie.  ]  M.  Bryan  conferve  ici  la  le- 
çon IkuQkcv  ogffç  ,  les  montagnes  de 
Scythie  ,  fondé  non  feulement  fur 
l'autorité  de  la  première  Edition 
de  Florence  ,  de  celle  d'Aide  & 
des  Traducteurs  Philelphe ,  Xylan- 
der  &c  Crufer ,  mais  principalement 
encore  fur  cette  exprefhon  toute 
pareille  qui  fe  lit  dans  la  Vie  de 
Pyrrhus  [  Tom.  1.  p.  446'.  ]  &îç  yà.%  s 
•n'iKctyoc, ,  «a  oçoç  ,  xz  aoiKtirci;  (çn/xia. 
■Trèjzç  Èç-<  tiiç  vrXtcvt^iccç  ,  OU  l'on 
voit  les  deux  mots  Trihayes  ck  %« 
joints  cnfemble. 

Pag .  3 .  lig.  2o.  Pié^nXov  iv  0  ,  ri 
vctitrctt;  h  nn-SfJç ,  &c.  on  ne  {eau  ce 
que  Piltbéefe  promit  de  cet  Oracle.  ] 
Le  Commentateur  lit  dans  ce  paf- 
fage  a  JWWûti  ,  avec  Philelphe  Se 
Amyot,  malgré  le  reproche  fait  à  ce 
dernier  par  A-féziriac  d'avoir  mal 
pris  le  fens  de  ces  paroles.  En  effet 
(  continue  M.  Bryan  )  peut  on  dire 
qu'il  fût  incertain  par  quel  motif 
Pytthée  engagea  fa  fille  à  n'être 
point  cruelle  pour  Théfée  ,  puif- 
<iu'il  eft  certain  qu'il  le  fit  en  vertu 


R  E  ,    1  7  3  4.  8 19 

d'un  Oracle  quii'ordonnoit  ainfi  ' 
ôc  dont  il  pénétioit  la  lignification 
mieux  qu'un  autre  par  les  grande! 
lumières  qu'il  avoit  acquifes  en  ce 
genre  de  divination  ;  ce  qui  eft 
confirmé  par  un  partage  de  la  Mc- 
dée  d'Euripide ,  Se  par  un  autre  du 
Scholiafte  fur  la  Tragédie  d'Hippo 
lyte  du  même  Poète.  Sur  quoi  nous 
remarquerons  que  le  nom  Latin 
de  Alédée  (  Medea  )  écrit  ici  &C 
dans  la  remarque  précédente  pat 
un  &  [  A4edaa  J  marque  peu  d'at- 
tention de  la  part  des  Correcteurs 
qui  ont  revu  i'impreffion  de  ces 
Notes. 

Pag.  9.  lig.  21.  ActfAciç-m  \v  Lçpïovi: 
il  vainquit  Damafiès  dans  Hcrmio- 
ne.  ]  Il  n'eft  point  ici  queftion  (dit 
M.  Bryan  )  de  l'Hermione  firuée 
dans  l'Iithme  de  Corinthe  comme 
le  prétend  Xylander.  Théfée  avoit 
pallé  l'Iithme,  lorfqu'il  tua  P10- 
crufte  futnommé  Damafiès ,  &:  fc 
trouvoit  alors  dans  la  Mégaride , 
entre  Eleufine  &  le  fleuve  Céphife; 
comme  il  paroît  par  fa  route  que 
Plutarque  décrit  ici  exactement. 
C'eft  ce  qu'a  bien  apperçû  Alrzi- 
riac ,  qui  lit  tv  EiweS  dans  Erinée  , 
fur  la  foi  d'un  partage  de  Paufanias, 
dans  fes  jimjitcs.  Mais  [  continue 
notre  Commentateur  ]  comme  il 
paroît  que  dans  ce  paffage  de  Pau- 
fanias Erinée  eft  plutôt  le  nom 
d'une  rivière  que  celui  d'un  bourg, 
il  lemble  que  Plutarque  auroit  dû 
écrire  ,  non  h  Egn>««  ,  dans  Erinée 
mais  «.xï  ou wap  i.g»nLVi  auprès,  fur 
le  bord  de  l' Erinée  t  en  parlant  d& 
l'endroit  où  Théfée  rencontra  Pro- 
cruite.Pour  moi  (  ajoute  M.  Bryan) 
Aaaaaij 


Sio  JOURNAL    D 

je  lirois  volontiers  h  Lçimw,  lieu  de 
cette  même  contrée  mentionné  par 
Plutarque  clans  la  Vie  de  Phocion, 
&  où  fe  vovoir  le  tombeau  de  Py- 
thonique  Maîtrefle  d'Arp^le.  Les 
Manufcrïts  de  Bodley  lifentencet 
endroic  tv  içfjuôvy  ,  Se  PbiUlphe  a 
traduit  in  Ermione  t  qui  eft  vihblc- 
fnent  le  même  nom  que  Ègfw'sH  , 
décliné  différemment.  M.  D  acier  a 
lu  va  Erione  ,  fur  quoi  il  cire  le  paf- 
fage  de  Paufanïas  dans  fes  uniques; 
mais  c'eft,  apparemment  chez  M. 
Dacier  une  faute  d'impreilîon  pour 
'  in  Erineo  ;  le  mot  Erione  ne  fe  trou- 
vant nulle  paît  liai. s  le  Livre  ciré. 
Pag.  10.  lig.  4-   Zj  Ttfutçw  a-uppw- 

^aflet  T»»  X.eQetKw  iimtTHW  :  &  il  tua 

Termerus  le  caffeur  de  tête.  ]  M.  Da- 
cier lit  «"Ufg»Ç*«  fur  la  toi  d'un  Mj- 
nuferit ,  au  lieu  de  roppâforfa  ,  qui 
f  félon  lui  )  ne  peut  fubfifter  en  cet 
endroit.  Mais  (  dbferve  M.  Rrvan  ) 
l'un  &  l'autre  peuvent  avoir  lieu  , 
&  font  un  fens  raifonnable.  Car 
[  poiiifuit-il  ]  on  peut  dire  égale- 
ment que  Théfée  tua  Termerus  en  lui 
Calpint  la  tête  ,  sw>«ç«ç  tw  Ks^iaXirv  , 
ou  que  Théfée  tua  Termerus  qui 
calfoit  la  tête  à  fes  hôtes  «"uppâ^avl* 
rm  Ktfeûùf.  Sur  quoi  nous  remar- 
querons en  partant  la  méprife  du 
nouveau  Commentateur  ,  qui 
prend  ici  Théfée  pour  Hercule; 
car  ce  fut  Hercule  qui  brifa  la  tête 
à  Termerus ,  &  non  pas  Théfée  ; 
comme  le  Texte  de  Plutarque  le 
dit  clairement. 

Pa°.  iC.  lig.  y.  rgràxiv  nkwyw  :  il 
vainquit  de  nouveau.  }  Qui  ne  feroit 
tenté  (  dit  M.  Bryan  )  de  lire  ici 
TTcthm  w*ww  ,  il  vainquit  à  la  lutte  ; 


ES  SÇAVANS, 

En  effet  Taurus  Si  Théfée  combat- 
tirent à  la  lutte  ,  comme  on  le  voit 
plus  bas  TaJgK  keîlmreiTuu&iri®  . 
Taurus  ayant  été  vaincu  à  la  lutte. 
D'ailleurs  (  pourfuit  -  il  )  Théfée 
excelloit  dans  cet  exercice  8c 
comme  le  dit  Plutarque  [  fa  g.  10. 

l'g-  3 .  ]    KaTeTTCtTlMB?  TGV   MTCUO)   ,    il 

vainquit  Antée  à  la  lutte.  (  C'eft  en- 
core ici  une  méprife  de  M.  Bryan 
qui  attribue  à  Thélée  ce  que  Plu- 
tarque raconte  d'Hercule.)  Théfée 
tut  même  l'Inventeur  de  cet  exer- 
cice ,  félon  Paufanias.  Quoiqu'il 
en  foit  ,  notre  Editeur  n'oie  (  dit- 
il  )  faire  dans  ce  partage  .aucun 
changement ,  perftiadé  que  vuKiv 
de  nouveau,  a  rapport  à  la  page  i  3 
où  il  eft  dit  que  Taurus  avoit  vain- 
cu dans  de  premiers  combats  aqonifli- 
qnes  ,  SV1X.&  Tisç  Trgalegat  dywo.ç  é 
TaJ^  ,  ce  qui  prépare  l'expreflion 
dont  il  s'agit  «w«v7«î7r«A/i'vwtw-eif 
il  vainquit  de  nouveau  dans  tous  ces 
combats. 

Ibid.  lig.  i-j.  \aiTova.  fxlvw  ^s-i^t" 
vtSiv  :  il  ni  fut  permis  qu'un  fetd  Ja- 
fon  de  faire  des  courfes  fur  mer  3  pour 
donner  la  chaffe  aux  Pirates.  ]  Il  n'é- 
toit  pas  détendu  aux  autres  (  obfer- 
ve  M.  Bryan  J  de  faire  de  pareilles 
courfes  ,  pourvu  que  leurs  barques 
ne  furtent  chargées  que  de  cinq 
hommes  chacune  :  ainfi  Jafon 
n'auroiteti  en  cela  aucun  privilège 
par  dellus  les  autres  Navigateurs, 
contre  ce  que  Plutarque  icmble 
vouloir  établir  en  cet  endroit.  No- 
tre Editeur  a  trouvé  dans  un  Ma- 
nuferit  de  Bodley  3  une  glofe  qui 
explique  ce  partage  par  ces  mots 

Tf JI'£5J  TrXÎ'fil  «l'jTp»?  UXVUAI   Ê.    driflS  MIC 


D  E  C  E  M  B 

barque  ou  un  i  lijfeau  rempli  d'un 
nombre  d'hommes  fufffun  ;  ce  qui 
lui  tait  naître  l'idée  de  mettre  dans 
le  Texte  de  fou  Aureur  7r\fyet  au 
lieu  de  77-sj/ 1  &  d'y  lire  IaVora  /xcvov 
ir\ipir<&X.tiv[  en  fous-entendant  m  ] 
ai?  il  ne  fut  permis  qu'à  ^afonfeul  de 
monter  un  vaiffeau  rempli  dun  nom- 
bre d  homme  s  fuffifant  pour  donner  la 
chajje  }&zc. 

Torn.  j.  pag.  20.  lig.  10. 0  Ku/jukcç 
tioTrouTTct;  :  le  Poète  Comique  Théo- 
pompe. ]  M.  du  Soûl  renvove  fur  ce 
pallage  à  Muret  (Var.Lccl.F/I.ij.) 
qui  d'après  le  Livre  de  Théodore- 
Metochite  ,  rapporte  le  difeours 
de  l'Hiftorien  Théopompe  ,  à  ce 
fujet  :  &  c'eft  à  ce  pacage  de  Théo- 
pompe que  Plutarque  lait  ici  allu- 
iion  ,  comme  fe  le  perfuade  notre 
Editeur.  Il  croit  donc  être  bien 
fondé  à  lire  dans  le  Texte  de  notre 
Auteur  0  iç-opmc;  au  lieu  de  0  Ku>/ju- 

Pag.  XI.  lig.  18.  omuov  Tt  UXTHVI 
J^oKioi  :  ce  qui  femblera  convenable  a 
chacun.  ]  On  lit  dans  le  Manufcrit 
de  Florence  ckmbvti.  Henri  Eftienne 
a  trouvé  dans  quelque  autre  mt«- 
î'cv.  Feu  M.  Bryan  conjecniroit 
qu'il  falloit  lire  okoIw  ti  kx-two  , 
pour  KctUituro ,  c'eft  •  à  -  dire  tout  ce 


R  E  ,    ï  7  5  4:  821 

qui  fera  réglé  fur  cette  affaire.  M.  du 
Soûl  eft  d'avis  qu'il  faut  •corriger 
ainfi  ce  partage  ,  ox.mv  t/  ^  rmtî'  ou 
plutôt,  par  contraction  ,  Kanra, 
Ttrîi,  en  Dorique,  lignifiant  illic 
la. 

Pag.  30.  lig.  12.  <$uxî!ç.  ]  Notre 
fécond  Editeur  ne  lçait  à  quoi  pen. 
foit  Xylander  lorfque  dans  fa  ver- 
fion  latine  ,  il  a  traduit  ici  Fyla 
pour  Phyla.  H  eft  certain  [  dit  M. 
du  Soûl  ]  que  Xénophon  [  dans 
fon  Hiftoire  Gréque  L.  II.  ]  que  ce 
Traducteur  cite  pour  fon  ga.rant  , 
parle  toujours  du  Fort  de  Phyla, 
&:  jamais  de  celui  de  Pyla. 

Pag.  35.  lig.  1  r.  Iuùutkôvti<Pou.  ] 
On  trouve  dans  Plutarque  ce  nom 
écrit  diverfement  :  lupuT<&)i'/ef«ç 
dans  fon  Lycurgue  (  /.  87. 3.  )  Se 
dans  fon  Agis  [  IV.  2.96.  5.  ]  d'une 
manière  encore  plus  corrompue 
dans  fon  Agefîlas  (III.  515.  n.  ) 
Lambin  (  fur  l'autorité  de  Paufa- 
nias  )  foûtient  dans  fes  notes  fur 
l'Agcfilas  de  CorneliusNépos^qu'il 
faut  lire  ici  lupt/Trefn'cPai  :  Se  c'eft  à 
quoi  paroît  s'en  tenir  M.  du  Soûl. 

En  voila  plus  qu'il  n'en  faut 
pour  mettre  les  Lecteurs  en  état 
d'apprétier  le  mérite  des  notes  de 
nos  deux  nouveaux  Editeurs. 


822         JOURNAL    DES     SÇAVANS 


AN  ANATOMICAL  EXPOSITION  OF  THE  STRUCTURE  OF 
the  Human  Body ,  ci  james  Bcnignus  Winflow  ,  Profeflor  oif  Phy- 
fick ,  Anatomy  And  Surgeri  in  the  Univerfiti  of  Paris ,  Mcmber  of  the 
Royal  Academy  of  Scinies ,  An  of  The  Royal  Society  at  Berlin  ,  &c. 
Tranflated  From  the  Frenc  horignal,  By  G.Douglas,  M.  D.  London 
Printed  For  N.  Prévoit,  at  the  Ship  ,  in  theStrand.  1733. 

C'eft-à-dire  :  Expofmon  Anatomi^ue  de  la  ftruclnrs  du  coyps  humain  :  par 
Jaccfttes-Benigne  M  "mjlo'w  ,  Profejfeur  en  Médecine  ,  en  Anatomie  }&  en 
Chirurgie  t  dtns  l'Vniverfîtéde  Paris ,  Membre  de  V Académie  Roy.de  des 
Sciences  ,  &  de  la  Société  Royale  de  Berlin  ,  Sec.  Traduit  fur  ïoàoinal 
François ,  par  G.  Donglas  ,  DoEleur  en  Médecine.  A  Londres  ,  imprimé 
par  N.  Prévoit,  &c.  173  3.  vol.  /«-40.  pp.  703. 


M  G.  Douglas  ,  Auteur  de 
.  cette  Traduction  ,  y  a 
mis  une  Préface,  où  il  rend  com- 
pte des  règles  qu'il  a  fuivies  en 
traduifant  ,  &c  de  ce  qu'il  penfe  de 
l'Ouvrage  qu'il  a  traduit.  C'elt  ce 
qui  fera  la  matière  de  l'Extrait  que 
nous  allons  donner.  A  l'égard  de 
l'Ouvrage  de  M.  Winflow,  M. 
Douglas  le  trouve  (î  bien  écrit, 
qu'il  ne  fait  pas  difficulté  de  dire  , 
que  fi  Vefale  (  le  plus  habile  Ecri- 
vain en  Anatomie  depuis  Celfe  )  a 
tâché  d'imiter  Ciceron  ,  Ciceron 
de  fon  côté  ,  s'il  revenoit  au  mon- 
de ,  &  qu'il  eût  à  écrire  fur  l'Ana- 
tomic  ,  imiteroit  Celfe  ou  M. 
Winflow  ,  &:  non  Véfale.  M. 
Douglas  ajoute  que  M.  Winflow 
n'aflure  rien  fans  l'avoir  auparavant 
bien  vérifié  par  lui-même  ,  &  que 
ce  qu'il  déclare  dans  l'introduction 
à  l'Hiftoire  de  l'abdomen  ,  fçavoir 
qu'il  fe  propofe  de  donner  une  def- 
cription  fimple  &  exacte  des  par- 
ties du  corps  humain  ,  fins  s'écar- 
ter à  ce  qui  concerne  l'économie 
animale  ou  l'ufage  des  parties ,  fe 


trouve  ponctuellement  obfervé 
dans  tout  fon  Livre. 

Il  remarque  ,  outré  cela,  que 
l'idée  générale  par  laquelle  M. 
Winflow  commence  la  deferip- 
tion  de  chaque  partie  ,  con  fille 
d'abord  en  une  bonne  définition  , 
&  que  cette  définition  appuyée  de 
diverfes  remarques  de  l'Auteur  fur 
la  fubflance  ,  la  figure  &  la  divi- 
fion  des  mêmes  parties  ,  ne  laide 
rien  à  délirer  pour  les  faire  connoî- 
tre  entièrement  ,  fur  tout  par  rap- 
port à  leur  véritable  htuation  dans 
le  corps  ;  ce  qui  eft  ,  dit-il ,  de  la 
dernière  importance  ,  en  fait  d'A- 
natomie  ,  &  un  point  dans  lequel 
M.  Winflow  furpafle  infiniment 
tous  ceux  qui  ont  écrit  avant  lui 
fur  le  même  fujet. 

Ce  que  M.  Winflow  appelle  la 
conformation  extérieure  des  par- 
ties ,  paroîrà  M.  Douglas ,  divine- 
ment bien  décrit  ,  &l  ce  qui  concer- 
ne l'intérieure  lui  paiok  ,  tout  de 
même ,  fi  jufte  &  fi  exact,  qu'il  n'y 
a  eu  jufqu'ici ,  dit  il ,  aucun  Ana- 
tomilte   qui  ait  porté  la  véritable 


D  E  C  E  M 

connoiffance  de  la  ftrudure  inté- 
rieure des  parties  du  .corps  humain 
à  un  (i  haut  degré  que  M.  Winf- 
low. 

M.  Douglas,  après  plufieurs  au- 
tres reflexions  fur  l'excellence  du 
Livre  qu'il  a  traduit ,  vient  à  quel- 
ques petits  défauts  qu'il  dit  y  avoir 
apperçûs.  L'un  de  ces  défauts  ,  à 
ce  qu'il  prétend,  eft  que  M.  Winf- 
low ,  dms  l'explication  qu'il  donne 
de  certaines  parties  du  corps  hu- 
main ,  a  recours  à  des  termes  &  à 
des  comparaifons  qu'il  tire  de  plu- 
fleurs  arts  étrangers ,  tels  que  l'Ar- 
chitecture ,  les  Mathématiques  ,  la 
Menuiferie  ,  la  Charpenterie,  la 
Chymie,  &c.  comme  fi  ,  dit  M. 
Douglas  ,  ces  Arts  dévoient  être 
connus  de  tous  ceux  qui  étudient 
I'Anatomie. 

A  l'égard  des  termes  de  Mathé- 
matique, M.  Douglas  prétend  que 
les  Commençans  doivent  être 
épouvantés  en  lifant  dans  le  Livre 
de  M.  Winflow,  les  termes  fui- 
vans  :  Un  cercle  ou  ejHarrè  irrégulier; 
une  fibre  on  ligne  transversalement 
oblique  ,  &:c.  Il  faut  fins  doute 
qu'en  Angleterre  ,  ces  termes  & 
autres  femblables  dont  fe  fert  M. 
W infloW  ,  &  que  défaprouve  M. 
Douglas ,  foient  moins  connus  aux 
Commençans  ,  qu'ils  ne  le  font  en 
France.  M.  Douglas  reproche  ou- 
tre cela,  à  M.  Winflow ,  d'avoir 
introduit  des  termes  nouveaux  qui 
ne  peuvent  qu'embarraller  les  Etu- 
dians.  Les  mufcles  ,  par  exemple  , 
dit-il  ,  jufqu'ici  connus  fous  les 
noms  de  Aiembranufus  ,  Palmans  , 
Longus  3  PUnuiris  3    &  que  M. 


B  R  E,   1734;  823 

Winflow  a  mieux  décrits  qu'aucun 
autre  Anatomifte,  ne  font  point 
plus  connus  ,  fans  les  nouveaux 
termes  de  mufcle  du  Fafcia  lata  , 
Vlnaris  gracilis ,  Tibialts  gracilis. 

Comme  M.  Winflow  ,  ainiî 
qu'il  a  été  remarqué  plus  haut, 
s'eft  renfermé  dans  la  defeription 
des  parties  folides  du  corps ,  fans 
entrer  dans  celle  des  parties  flui- 
des, ni  dans  l'explication  de  loe- 
conomie  animale ,  quelques  Criti- 
ques ont  prétendu  que  fon  Anato- 
mie  étoit  trop  bornée.  Mais  M. 
Douglas  juftifie  pleinement  là-def- 
fus,  M.  Winflow  ;  en  obfervant 
que  fi  cet  Anatomifte  avoit  voulu 
contenter  ceux  qui  lui  font  ce  re- 
proche ,  il  feroit  forti  de  fon  fujet 
puifqu'au  lieu  d'une  fimple  def- 
eription des  parties  folides  du 
corps ,  il  auroit  fait  un  Traité  en- 
tier de  Théorie  &  de  Pratique  Mé- 
dicinale. Ce  qui  ne  convenoit  pas. 

M.  Douglas  finit  fes  reflexions 
fur  YExpofïtion  Anatomicjue  de  M. 
Winflow,  en  difant  que  cette  Ex- 
pofuion  eft  le  meilleur  Ouvrage 
cjid  ait  jamais  paru  dans  le  monde  en 
fait  d'Anatomie.  Il  rend  enfuite 
compte  de  la  manière  dont  il  s'y  eft 
pris  pour  traduire  exactement  le 
Livre  de  M.  Winflow.  Nous  n'en 
rapporterons  que  trois  exemples. 
i°.  Il  dit  que  la  Langue  Françoife 
eft  fort  difTufe  ,  que  l'Angloife  au 
contraire  eft  fort  concife  ,  &  que  fi 
M.  Winflow,  qui  aflure  avoir  écrit 
d'un  ftyle  très-ferré ,  avoit  demeu- 
ré auiîï  long-tcms  en  Angleterre 
qu'il  a  demeuré  en  France ,  fon  Li- 
vre feroit  encore  plus  concis  qu'il 


8t4       JOURNAL     DE 

ne  l'eft.  Cela  pofé  ,  M.  Douglas 
avertit,  i°.  qu'en  traduifant  cet  Ou- 
vrage, il  s'eft  cependant  cru  obligé 
d'avoir  plus  d'égard  au  génie  Fran- 
çois qu'au  génie  Anglois  ,  de  peur 
de  donner  plutôt  un  abrégé  qu'une 
traduction. 

2°.  Il  avertit  que  comme  les 
Amtomiftes  Anglois  connoillent 
mieux  les  termes  d'Arts  fous  les 
noms  latins  qu'ils  ne  les  cor.noif- 
fent  fous  les  noms  Anglais-même, 
il  a  jugé,  pour  cette  raifon  ,  devoir 
rendre  en  latin  ,  plutôt  qu'en  An- 
glois ,  les  termes  de  ce  genre  qu'il 
a  trouvés  dans  le  Livre  de  M. 
Winflow. 

3°.  Quelque  concife  que  foir, 
félon  M.  Douglas ,  la  Langue  An- 
gloife  ,  il  déclare  qu'il  y  a  dans 
l'Ouvrage  de  M.  Winflow,  cer- 
tains termes  qui  ne  peuvent  être 
rendus  en  Anglois  fins  circonlocu- 
tion :  il  cite  là-deifus ,  entr'autres 
exemples  ,  le  trou  memonnier  ,  qui 
fignifie  en  François  l'orifice  exter- 
ne de  ce  canal  dans  la  mâchoire  in- 
férieure ,  lequel  orifice  externe 
laifTc  patTer  le  nerf  maxillaire  infé- 
rieur ou  la  troifiéme  branche  de  la 
cinquième  paire;  il  n'y  a,  dit  M. 
Douglas,  aucun  adjectif  ni  en  La- 
tin ni  en  François ,  qui  réponde  à 
celui  de  mentonnier ,  &air.h  ce  ter- 
me n'a  pu  être  traduit  que  par  une 
périphrafe.  A  Foccaiion  de  cette 
traduction  Amtoife  ,  nous  remar- 
querons que  1  Ouvrage  de  M. 
"WinfloW  vient  d'être  imprimé  à 
Amltjvd.im,  en  4 Voulûmes itt-n. 
par  la  Compagnie  des  Libraires , 
&c  que  ces  Libraires ,  pour  donner 


S     SÇAVANS, 

plus  de  cours  à  leur  Edition  ,  y  ont 
mis  à  la  tête  un  AvertilTemcnt  en 
ces  termes. 

»  L'Anatomie  de  M.  Winflow 
»  a  été  imprimée  à  Paris  ,  avec  tant 
»  de  négligence  ,  qu'on  ne  peut 
»  guéres  s'en  fervir  dans  l'état  où 
»  ce  Livre  a  paru.  Nous  avons  cru 
»  rendre  fervice  au  public  en  lui 
»  donnant  une  nouvelle  Edition 
»  de  cet  important  Ouvrage  ,  plus 
»  correcte  &  en  même  tems  plus 
y  utile  que  celle  de  Paris.  Outre 
»  les  corrections  marquées  dans 
»1' Errata  ,  on  en  a  fait  un  grand 
»  nombre  d'autres  ,  &  ona  mis  à 
»  leurs  places,  les  omiffions  qu'on 
»  a  trouvées  à  la  fin  du  !  ivre.  On  a 
»  eu  une  attention  particulière  à 
»  corriger  les  numéros  des  divers 
«  Traitez  qu'on  avoir  tort  négii- 
»  gés  dans  l'Edition  de  Paris ,  où 
m  l'on  a  fouvent  oublié  un  grand 
»  nombre  de  chiffres  -,  &c  on  les  a 
»  marqués  exactement  dans  la  Ta- 
»ble  des  titres.  On  y  a  ajouré  les 
»  pages  des  Volumes  pour  la  com- 
»  modité  de  ceux  qui  auront  be- 
»  foin  d'v  avoir  recours. 

Voilà  de  quoi  avcrtifTentles  Li- 
braires d'Amiterdam  ;  mais  nous 
avertirons  à  notre  tour  ,  que  quel- 
que exempte  de  tantes ,  que  ces 
Libraires  prérendent  que  foit  leur 
Edition  ,  nous  y  en  avons  trouvé 
une  très-confiderable  ,  dCs  l'ouver- 
ture du  Livre  ,  cequi  donne  grand 
lieu  de  foupçonner  que  fi  on  exa 
minoit  l'Ouvrage,  on  y  en  trouve- 
roit  bien  d'autres.  Cette  faute  eft 
dans  le  Traité  du  bas- ventre ,  n°  1  j 
où  il  s'agit  du  tiiîu  de  la  peau  :  au 
lieu 


DECEM 

lieu  d'v  mertre  ,  conformément  à 
l'Edition  de  Paris ,  que  ce  tiJJJt  pair 
naturellement  Augmenter  beaucoup  en 
i  a  R g f. o  r  . . .  .  fans  diminuer  d'épaïf- 
feur  j  &c.  Us  ont  mis  que  ce  tijjïi 
peur  n  :  augmenter  beau- 

coup en  longueur..  . .  fans  dimi- 
nuer d'ipaijfeur  ,  £cc.  Ce  qui  fait , 
comme  on  voit,  un  fens  abfurde. 
Ils  difetit  qu'outre  les  corrections 
marquées  à  la  fin  de  l'Edition  de 
Paris  ,  ils  en  ont  tait  d'eux-mêmes, 
un  grand  nombre  d'autres.  Celle- 
ci  ,  qu'ils  n'auront  fans  doute  pas 
trouvée  datas  l'Edition  de  Paris  , 
d«it  faire  douter  de  leur  exactitude, 
ck  craindre  qu'au  lieu  d'avoir  ajou- 
té de  nouvelles  corrections  ,  ils 
n'ayent ,  au  contraire  ,  ajouté  de 
nouvelles  fautes  ,  &  des  fautes  ca- 
pables d'altérer  le  fens  du  difeours 
bu  point  de  faire  prendre  le  chan- 
ge aux  Lecteurs.  On  en  a  un  exem- 
ple tout  récent  dans  l'Edition  qui  a 
été  faite  en  Hollande  ,  des  Mémoi- 
res de  l'Académie  des  Sciences  de 
l'année  17.10.  dans  laquelle  Edition 
le  mot  à'abdutlion  mis  par  l'Impri- 
meur pour  celui  aadduclion ,  n'a 
pas  peu  embarrafle  un  célèbre 
Anatomifte  ,  au  fujet d'une  obfer- 
vation  de  M.  Winfiow,  c'eft  ce 
qu'on  voit  dans  le  partage  fuivant, 


B    R    E  ,    I  7  J  4.  $;y 

tiré  de  l'Expofiion  Anatomi 
Traité  des  Mufcles  ,  n°  1064.  où  M. 
Winflow  s'explique  aiml  li- 
me, y  M.  Heifter  dans  fon  Com 
»  pendium  de  l'an  172-.  pag.  3  i£, 
»  me  fait  dire  que  les  tnterol 
»>  internes  ,  par  leurs  attaches  au 
»  doigt  annullaire  &  au  petit 
»  doigt  ,  tont  l'abdu&ion  de  ce* 
»  deux  doigts  -,  &;  il  ajoute  qu'il  ne 
»  voit  pas  allez  comment  un  inte- 
n  rofieux  interne,  vu  fa  firuation  , 
»  peut  faire  l'abduction  du  petit 
»  doigt  ;  puifque  par  l'abduction  , 
"  les  Anatomiltes  entendent  ici  le 
»  mouvement  qui  éloigne  du  pou- 
»  ce.  Il  cite  à  cette  occafion  les  Me- 
»  moires  de  l'Académie  Royale  des 
»  Sciences  de  1720.  mais  il  paroît 
»  qu'il  n'a  pas  vu  l'Edition  de  Pa- 
»  ris  ,  où  il  y  a  addutlion  ,  6c  non 
n  ab  ludion  ,  au  lieu  que  dans  celle 
y  qu'il  a  vue  ,  on  a  mis  par  erreut 
»  un  b  au  lieu  d'un  d. 

M.  Xv'inflow  avertit  à  la  fin  de 
l'Etrata  de  fon  Expofition  Anato- 
mique  ,  qu'il  pourra  donner  dans 
un  autre  Ouvrage,  une  efpece  de 
Supplément  ,  pour  remédier  au 
refte  des  fautes  cV  des  manquemens 
dont  on  voudra  bien  l'avertir  dans 
la  fuite. 


REFLEXIONS  CRITIQVES  SVR  L'ELEGIE  :  PAR  M.  M***. 
ÀDijon  ,  chez  A.  J.  B.  Auge  ,  Imprimeur  &  Libraire  de  M.l  Evêque 
&  du  Collège.  1734.  in-11.  pp.  190.  &  fe  vend  à  Paris ,  Quai  des 
jiuguftins ,  chez,  Mufier. 


L'AUTEUR  des  Elégies  qui  ont 
paru  en  un  Volume  in  -  8°. 
chez  Chaubert  en  173 1  a  mis  à  la 
Décembre. 


tête  de  fon  Ouvnge  un  Difeours 
lur  cette  eipece  de  Pocme  M.  Mi- 
chaud  prétend  que  ce  Difeours  cfl: 
Bbbbb 


82<?  JOURNAL   D 

de  ceux    qu'on   lit   d'abord  avec 
quelque  plaifir,  mais  dont  la  fécon- 
de   lecture  détruit  infailliblement 
les  préjugez  avantageux  qu'on  en 
pourroit  avoir  conçus. Il  ajoute  que 
les  maximes  que  l'Auteur  y  établit 
font  oppofées  les  unes  aux  autres  5 
qu'il  y  a  dans  ce  difeours  peu  de 
principes  certains  ,    beaucoup  de 
penfées    hardies    ,    que  l'Auteur 
s'eft  plus  appliqué  à  taire  briller 
ion  eiprit  qu'à  apprendre  ce  que 
c'eft  que  l'Elégie.  M.  Michaud  foû- 
tïent  que  cet  Auteur  n'a  point  fçu 
cTiftinguer  l'Elégie  d'avec  la  Tragé- 
die, &:  qu'il  a  méprifé  mal  à  pro- 
pos nos  Poètes  Elégiaques.  Malgré 
cela  il  cft  contraint  d'avoiier  qu'il  y 
a  tant  de  bonnes    chofes  dans  ce 
Difeours  ,  qu'il  a  fouvent  fouhaitc 
de  l'avoir  fait; 

Quoiqu'il  en  foit  de  l'idée  que 
M.  Michaud  s'eft  faite  de  ce  Dif- 
eours, il  a  cru  qu'ilétoità  propos 
de  retoucher  Citte  matière  ,  d'en- 
trer dans  un  détail  plus  exact  des 
règles  de  cette  efpece  de  Poëfie  , 
qu'il  croit  devoir  être  plus  utile 
aux  Poètes  Elégiaques  que  le  Dif- 
eours qu'il  entreprend  de  criti- 
quer. 

L'Elégie  ,  fuivant  M.  Michaud  , 
eft  une  efpece  de  Poème  qui  eft 
propre  aux  chofes  lugubres ,  6v  par 
là  il  ne  la  borne  pas  comme  avoir 
fait  l'Auteur  du  Difeours  à  l'amour 
mécontent.  Il  veut  que  le  Poème 
Elégiaque  réveille  un  peu  lafenfibi- 
lité  ,  &  qu'il  donne  beaucoup  de 
plaifir.  Comme  il  cft  3  dit-il ,  en- 
nemi du  flegme,  il  ne  doit  point 
ofpirer  un  noir  chagrin.  L'améni- 


ES  SÇ  A  VAN  S, 

té  ,  les  agrémens,  les  tours  galans, 
les  expreliïons  fines ,  enfin  tout  ce 
que  nous  appelions  grâces  doit  y 
régner  fur  tout.  Notre  Auteur  ai- 
meroit  même  mieux  y  trouver  un. 
peu  de  négligence  &  de  defordre 
que  trop  de  foin.  Il  exclut  de  ce 
genre  de  Poëhe  tout  Ce  qui  relient 
l'héroïque  &  le  Poème  Dramati- 
que. La  Tragédie  doit  remuer  jufii 
qu'au  trouble  ,  l'Elégie  ne  doit: 
qu'effleurer  le  cœur  fans  le  déran- 
ger :  il  en  raut  donc  fur-tout  ban- 
nir les  fureurs  tragiques  dont  notre  ■ 
dernier  Poète  Elégiaque  femble 
avoir  fait  le  principal  objet  de  fes- 
Poëfies. 

Pour  interefler  il  faut  faire  par- 
ler dans  l'Elégie  des  perfonnes 
malheureufes  ,  mais  qui  dans  leur 
malheur  attirent  notre  compaihon. . 
L'Auteur  en  exclut  par  cette  rai- 
fon  les  Héros  dont  les  malheurs 
éclatans  exigent  de  trop  grandes, 
douleurs ,  ou  les  Lais  5c  les  Sarda- 
napales ,  ou  les  Religicufes }  telles 
que  celles  qui  paroiflent  dans  les 
nouvelles  Elégies. . 

Dans  le  choix  des  perfonnages 
elégiaques ,  notre  Auteur  donne  la 
préférence  aux  hommes  ,  parce 
qu'il  leur  eft  permis  en  amour  de 
s'exprimer  avec  plus  de  liberté  que 
les  femmes.  Mais  quelque  perfon- 
nage  qu'on  introduife  dans  l'Elé- 
gie, il  faut  toujours  qu'on  le  fafle 
parler  fans  affectation.  Plus  la 
plainte  fera  naturelle  &  plus  elle 
touchera.  Celui  qui  cft  dans  l'ar- 
fliction  eft  tout  occupé  de  fes  pei- 
nes, il  les  raconte  Amplement:  il. 
faut  donc  pour  peindre  une  per* 


D  E  C  E  M 

fonne  affligée  éviter  la  fublimité 
des  penfécs ,  le  pompeux  éclat  des 
termes,  &  le  bel  ordre  dans  le  dif- 
cours. 

Après  ces  préceptes  &  beaucoup 
d'autres  qui  en  font  des  confequen- 
ces ,  l'Auteur  parle  de  l'Elégie 
chez  les  Grecs  ,  chez  les  Latins,  & 
de  l'ancienne  Elégie  Françoife. 
Marot  ne  lui  paroît  pas  un  bon 
modèle  de  cette  efpecede  Poème  , 
fes  plaintes  ont  un  air  de  galante- 
rie  trop  vit  que  la  douleur  ne  per- 
met point ,  &  fon  ftilc  n'eft  pas  tait 
pour  cette  efpece  de  Pocme.  Ron- 
fard  traite  indifféremment  toute 
forte  de  fujets  qui  ne  conviennent 
point  à  ce  genre  de  Poeiïe.  Dépor- 
tes eft ,  félon  notre  Auteur  ,  celui 
de  nos  anciens  Poètes  qui  y  a  le 
mieux  réuffi.  Entre  les  modernes , 


B  R  E  ,    i  7j  4.  827 

Voiture,  Sarazin  ,  Bcnfcrade  ,  le 
Chevalier  de  Meré  fie  M.  Pavillon 
font  ceux  à  qui  notre  Auteur  don- 
ne la  préférence.  L'ufage  le  plus  , 
commun  eft  d'employer  dans  l'E- 
légie les  vers  Alexandrins  ;  M.  Mi- 
chaud  fouhaiteroit  qu'une  Elégie 
ne  pafsât  pas  deux  cens  vers.  Il 
fouhaiteroit  que  ceux  qui  ont  du 
génie  pour  ces  Ouvrages  tcr.tailcnt 
d'en  compofer  en  profe  ,  il  lui 
paroît  que  la  profe  eft  plus  propre 
que  les  vers  à  peindre  la  douleur  &C 
à  exciter  la  compalîion.  Il  fouhaite 
dans  un  autre  endroit  que  ceux  qui 
ont  du  goût  pour  l'Elégie  choifif- 
fent  des  fujets  facrés  pour  matière 
de  leurs  Poèmes  ,  pourvu  que  ces 
fujets  foient  propres  à  exciter  le 
degré  de  compailion  qui  convient 
à  l'Elégie. 


DE    L'ETAT   DES  SCIENCES  DANS  L'ETENDVE  DE  LA 

Monarchie  Françoife  fous  Charlemagne.  Differtation  qui  a  remporté  le  prix 
fondé  d. m  !  l'Académie  Royale  des  Infcriptions  &  Belles  Lettres  ,  &C.  Par 
M.  l'Abbé  le  Bœuf  ,  Chanoine  d'Auxerre.  A  Paris  ,  chez  Jacques 
Guinn  ,  Libraire,  Quai  des  Auguftins.  1734.  Brochure  in- 11.  pp.  100. 


CHARLEMAGNE,  après 
avoir  étendu  fon  Empire  plus 
qu'aucun  des  Rois  fes  prédecef- 
feurs,  effaya  de  donnera  fes  Etats, 
ôc  principalement  aux  Gaules ,  le 
même  éclat  qu'elles  avoient  eu. 
fous  la  domination  des  Romains. 

La  barbarie  &  le  defordre  des 
/iécles  précedens  avoit  banni  les 
Sciences  &  les  Arts.  Pour  aller  à  la 
fource  du  mal  qui  étoit  le  mépris 
des  Langues  fçavantes,  &  fur-tout 
de  la  Langue  Latine  ,  ce  grand 
Prince  fit  établir  tant  dans  les  Egli- 
fes  Cathédrales  que  dans  les  Ab- 


bayes ,  des  Ecoles  pour  y  enfeigner 
les  Belles  Lettres  Se  y  expliquer  les 
Saintes  Ecritures.  Il  fut  fécondé 
dans  ce  delTein  par  trois  Sçavana 
étrangers  qu'il  attira  en  France;  le. 
grandes  recompenfes  qu'il  répandi1 
fur  eux  &  fur  leurs  élevés  ,  turent 
fuivis  d'un  fuccès  fi  heureux,  qu'er 
moins  de  vingt  ans  le  goût  de  la 
Science  s'empara  des  efprits  ,  &'. 
que  dans  les  Monaftercs  ,  dans  li 
monde  ,  à  la  Cour- même  ,  tou 
jusqu'aux  femmes ,  prirent  du  goût 
pour  l'étude. 

Bbbbbij 


828        JOURNAL    DE 

Alcuin  ,  qui  étoit  à  Ja  tête  de  ce 
grand  Ouvrage  ,  compofa  les  Li- 
vres de  Grammaire  ,  de  Rhétori- 
que ,  &  de  Dialectique  qui  croient 
ncccllaiTcs  pour  apprendre  par  mé- 
thodes les  principes  des  Langues  , 
de  la  composition  ,  de  l'orthogra- 
phe ,  &  même  de  la  ponctuation  , 
&  pour  accréditer  davantage  ces 
Ecrits ,  le  Prince  y  voulut  bien  pa- 
roître  en  qualité  d'Interlocuteur, 
avec  Alcuin. 

Les  premiers  foins  de  ce  Sçavant 
furent  de  remettre  en  vigueur  l'étu- 
de de  la  Théologie  ,  pour  en  facili- 
ter  l'étude  il  donna  fous  l'autorité 
de  Charlcmagne  de  nouvelles  Edi- 
tions des  Saints  Li.vres  ck  des  Ho- 
mélies des  pères  qui  turent  corri- 
gées autant  qu'on  le  pouvoir  alors 
fur  les  Manufcrits  &  pondues  avec 
exactitude  ,  on  prit  des  précau- 
tions pour  que  les  CopiAes  qui 
tranferivoienr  L  s  Ouvrages  des 
Saints  Docteurs  ,  le  Pfeautier  ,  & 
fur  tout  les  Evangiles  ,  le  fiflent 
avec  autant  d'exactitude  que  de 
netteté.  Par  -  là  les  Livres  Saints 
étant  devenus  d'un  ufage  plus 
commun  &  plus  facile  ,  en  furent 
lus  avec  plus  de  fruit  5c  d'avidité. 

j>  Alors  on  vit  dans  le  Royaume 
»  plufieurs  femmes  variées  dans 
»  l'étude  de  1  Ecriture  Sainte  ,  ou 
w  du  moins  très  -  curieufes  de  s'y 
»  faire  inftruire  3  fur-tout  dans  les 
•  conditions  les  plus  élevées.  Je 
»>  donnerai,  continue  l'Auteur  t  le 
>i  premier  rang  à  cette  Prince  (Te  qui 
»  propofa  à  Alcuin  la  peine  que 
»  lui  failoit  la  propofirion  générale 
»  du  Pfalmille  omnis  hmo  mendax  } 


S    SÇAVANS, 

»&  Fembarras  où  elle  étoit  de 
»  trouver  de  la  chaleur  dans  \i  Lu- 
»  ne;  le  même  Prophète  avant  dit, 
*>  per  dicmjol  non  uret  te  ,  ncquelu- 
y>  na  fer  nuEiem.  Le  Traité  qu'il 
«adreda  à  la  Vierge  Eulalie  fur  la 
30  nature  de  l'ame,  prouve  vilibie- 
"  ment  ,  que  les  Religieufes  agi- 
»  toient  entr'eilesdcs-queûionsaf- 
Lubtiles  ;  ce  qui  montre  feu- 
it  que  dans  tous  les  tems 
elles  ont  toujours  été 'les  ml 

L'Auteur  qui  re  nous  donne 
qu'un  fe.ul  exemple  d'un  Laïque 
homme  dv  guerre  ,  qui  avoit  pro- 
poL  fes  difficultez  à  Alcuin  fur  ua 
end  oit  de  l'Evangile  ,  nomme  en- 
cor,  le-  Princeflès  Gifelle  &  Ric- 
trude  Religieufes  de  Chelles,  & 
trois  autres  femmes  qui  éroient  en 
relation  avec  Alcuin  qui  leur  e\- 
pliquoit  les  endroits  qu'elles  tr,  u- 
voient  obfcurs  dans  l'Ecriture 
Sainte  Se  dans  les  Percs. 

Il  avoiie  cependant  que  fi  la  lec- 
ture excita  la  curiolîté ,  le  delir 
d'avoir  des  tel  nrcillemc  ns  fur  tou- 
tes lortes  de  matière  de  fpirituaK- 
té  ,  fit  quelquefois  propoièr  des 
queflions  frivoles  ,  &  que  les  fo- 
lutions  qu'on  y  donnoit  étoient  à 
peu  près  de  même  nature.  Les  Ou- 
vrages d' Alcuin  le  prouvent  affez  ; 
on  y  voit  aulîi  certains  calculs  my- 
fterieux  fondés  lur  des  combinai- 
fons  de  nombre  aulîi  bizarres 
qu'inutiles.  A  fon  exemple  les. 
Théologiens  de  ces  tems  crurent 
trouver  dans  l'Ecriture  Sainte  ce 
qui  devoir  arriver  dans  l'Eglife  &c 
dans  l'Etat.  Les  deux  plus  habiles. 
Maîtres  qui  fulîent  alors ,   demis.- 


DECEMBRE,      1754.  Sap 

ïent  dans  cette  faulîe  Science  ,  ils      remarque  même  que  tandis  qu'Al- 


fixoient  le  tems  où  devoit  paroître 
l'Antéchrift  ,  défignoient  par  leur 
nom  les  Princes  qui  regneroient 
pour  lorSjCvdc bitoient  à  cette  occa- 
sion des  prédictions  dont  ils  annon- 
çoient  le  tems  avec  autant  de  tauf- 
îeté  que  de  haidielFe.  Il  eft  éton- 
nant que  le  mauvais  fuccès  de  tou- 
tes ces  productions  d'une  imagina- 
tion vive  j  mais  peu  réglée  ,  n'ait 
pas  encore  de  notre  tems  défabufé 
plufîeurs  Théologiens  qui  à  la  hon- 
te de  la  Religion  Se  du  bon  fens 
donnent  encore  dans  ces  témérai- 
res Se  dangereufes  puénlitcz. 

Alcuin  Se  les  autres  Sçavans  fes 
contemporains  réuiîîrent  mieux 
dans  les  Livres  de  Controverfes 
qu'ils  écrivirent  contre  les  Héréti- 
ques de  ce  tems,  Se  à  l'occafîon  des 
diiputes  qui  s'éleverenr  fur  l'addi- 
tion Filioque,  Se  fur  le  fécond  Con- 
cile de  Nicée. 

Charlemagne  fe  faifoit  un  plaifir 
d'exercer  les  Evêques  en  leur  pro- 
pofant  des  queftions  fur  l'Ecriture 
Sainte ,  e\:  fur  les  Dogmes  Catholi- 
ques ,  Se  nous  avons  encore  les 
Ecrits  de  plufîeurs  des  Piélats  de 
ce  tems  ,  dans  lefquels  ils  répon- 
doient  à  ces  queftions.  Mais  h  ce 
grand  Prince  n'oublioit  rien  pour 
échauffer  l'amour  de  la  Science 
parmi  Les  gens  d'Eglife  ,  il  ne  laif- 
■ioit  pas  en  même  tems  d'exciter  les 
Philofophes  à  étudier  la  nature. 
Alcuin  lui  expliqua  plufîeurs  Li- 
vres d'Ariftote  ,  Se  après  l'étude  de 
la  Dialectique  ,  l'Aftronomie  fut 
la  Science  que  Charlemagne  étudia 


cuin  en  répàndoit  les  principes 
dans  le  public,  il  gardoit  cepen- 
dant pour  l'Empereur  les  véritez 
les  plus  profondes  de  cet  Ait.  On 
convient  néanmoins  qu'il  ne  fit  pas 
de  grands  progrès  dans  ce  fiécle  3 
quoique  la  connoiffancc  en  fût  de- 
venue néceflaire  dans  l'Egîife ,  de- 
puis que  le  Concile  de  Nicée  avoit 
fixé  la  Fête  de  Pâques  à  un  jour 
qui  dépend  du  cours  de  ta  Lune. 

Mais  de  toutes  les  Sciences  celle 
qui  dans  ce  tems  avoit  le  moins  de 
perfection  i  ce  fut ,  félon  M.  le 
Bœut,  la  Géographie  ,  comme  on 
le  peut  voir  par  deux  Ecrits  de  ce 
fiécle-là  qui  nous  reftent  encore. 
A  l'égard  des  humanitez  ,  il  paroît 
par  les  Ouvrages  d'Alcuin  que- 
tout  ce  qu'on  pût  faire  alors  tut 
d'ôter  une  partie  des  ronces  &  des 
épines  dont  le  ParnalTe  étoit  hérif- 
fé.  Mais  qu'on  ne  parvint  pas  à  les 
ôter  toutes ,  &  moins  encore  à  l'or- 
ner de  fleurs  brillantes  &  naturel- 
les. Alcuin  fe  faifoit  un  fcrupule  de 
lire  les  Auteurs  Prophanes,  Se  nc- 
gligeoit  même  quelquefois  les  rè- 
gles de  la  Grammaire  par  la  préci- 
pitation ,  dit -il ,  avec  laquelle  il 
compofoit  ,  du  refte  il  lailfoit  à 
Charlemagne  le  foin  de  corriger 
les  fautes  qui  lui  étoient  échappées; 
mais  fi  ce  Prince  dicloit  toutes  les 
lettres  qui  portent  fon  nom  ,  il  n'é- 
toir  pas  lui-même  trop  bon  Gram- 
mairien comme  on  en  jugera  par 
un  exemple  que  l'Auteur  en  rap- 
porte. 
Théodulphc,  Evêque  d'Orléans1, 


ivec  le  plus  d'ardeur.  M.  le  Bœuf     qui  étoit  après  Alcuin  l'homme  le- 


ti0  JOURNAL   D 

plus  fçavanc ,  n'avoit  pas  le  même 
ierupule  fur  la  lecfure  des  bons 
Auteurs  qui  avoient  brillé  dans  le 
Paganifme  ,  auflî  ion  ftile  eft  -  il 
beaucoup  meilleur ,  &  fcs  vers  plus 
fupportables  ,  quoiqu'ils  foient 
comme  tous  ceux  de  ce  tems  pleins 
d'une  infinité  de  licences  ,  6c  de 
fautes  contre  la  quantité.  Les  beaux- 
efprits  qui  regnoient  alors  feme- 
tent  outre  cela  leurs  Ouvra  jes 
d'énigmes,5c  de  ce  que  nous  appel- 
ions logogryphes  ,  avec  d'autres 
jeux  d'efprit. 

Il  y  avoit  auflî  une  efpece  de 
Po'éfie  vulgaire  écrite  en  langage 
Frifon.  Un  Courtifan  nommé  En- 
gilbert  compofa  même  quelques 
Comédies  en  cette  Langue  ;  ce  gen- 
re d'Ouvrage  lui  attira  les  repro- 
ches d'Alcuin  qui  lui  fit  voir  par 
l'autorité  des  Pères  ,  que  les  Spec- 
tacles étoient  condamnables. 

La  Mufique  devint  une  des  prin- 
cipales occupations  de  plufieurs 
hommes  célèbres  dans  l'Eglife  ;  le 
goût  que  Charlemagne  &  les  Prin- 
ces de  ce  tems  là  avoient  pour  que 
le  Service  Divin  fût  célébré  avec 
décence ,  engagea  Charlemagne  à 
établir  deux  célèbres  Ecoles  de 
Chant ,  l'une  à  Metz  &  l'autre  à 
Soitîons  ;  &  il  mit  à  leur  tête  deux 
fameux  Chantres  Romains  que  le 
Pape  Adrien  lui  envoya.  Ils  s'é- 
toient  munis  d'Antiphoniers  pour 
rétablir  le  Chant  dans  fa  première 
pureté.  M.  le  Bœuf  avoiie  que  de  la 
manière  dont  le  Chant  étoit  noté 
pour  lors ,  manière  dont  il  donne 
quelque  idée,  »  il  eft  inconcevable 
»  qu'on    pût  apprendre  aifément 


ES  SÇAVANS, 

»lcs  règles  de  cet  Art  &  les  mettre 
»  en  pratique ,  parce  qu'on  ne  pou- 
»  voit  difeerner  où  étoient  iîtués  le» 
»  fémi-tons  qui  font  l'ame  du 
»  Chant,  ni  par  confequent  en  quel 
»  endroit  il  fiiloit  faire  les  tierces 
»  mineures  ou  majeures. 

De  l'amour  que  Charlemagne 
avoit  pour  tout  ce  qui  regardoit  le 
Culte  Divin  ,  naquit  encore  l'étu- 
de des  Rites  Eccleliaftiques  ,  6c  dès 
lors  les  habiles  gens  de  ce  fiécle 
commencèrent  à  travailler  fur  ces 
fortes  de  matières.  Ce  Prince  non 
content  d'avoir  introduit  le  Chant 
de  l'Eglife  Romaine  en  France , 
voulut  encore  qu'on  y  fuivît  les 
cérémonies  de  la  Liturgie  Romai- 
ne-, M.  le  Bœuf  remarque  que  la 
déférence  qu'on  eut  pour  le  Prince  em- 
pêcha les  Scavans  de  ce  tems  -  là  de 
faire  connohre  l'importance  dont  il 
était  de  retenir  les  plus  beaux  mor- 
ceaux de  la  Liturgie  Gallicane.  Mais 
il  ne  nous  fait  point  fentir  en  quoi 
conûftoit  cette  importance. 

Il  palTe  enfuiteaux  Hiftoriens  qui 
ont  fleuri  du  tems  de  Charlema- 
gne ,  &  il  en  fait  l'énumeration  ; 
il  dit  qu'ils  ont  communément  1* 
réputation  d'avoir  été  alTez  fidèles. 
Nous  renvoïons  à  la  DilTertation- 
même  pour  ce  qui  regarde  les  fauf- 
fes  Décretales  ,  qui  parurent  dans 
ce  tems  là.  Il  y  combat  le  fenti- 
ment  d'un  Auteur  qui  prétend  que 
les  fixiéme  &c  feptiéme  Livres  des 
Capitulaires  de  nos  Rois  ont  été  ti- 
rés pour  la  plupart  d'une  Collec- 
tion de  Canons  qu'on  fuppofe  don- 
née par  le  Pape  Hadrien  à  Engel- 
nmrae  Evêque  de  Metz  3    ou  ces 


DECEM 

fauffes  Décretalcs  font  citées. 

Charlemagne  étendit  auffi  fes 
foins  fur  le  Droit  Civil  ;  non  feu- 
lement il  fit  rédiger  les  Loix  que 
l'on  ne  tenoit  que  par  tradition  , 
mais  encore  après  avoir  fait  diffé- 
rentes additions  tant  à  la  Loi  Sa- 
lique  qu'à  celle  des  Ripuaires  , 
ces  Loix  furent  par  fes  foins  mi- 
les en  un  meilleur  ordre  &  dans 
un  meilleur  langage  ;  mais  on 
ignoroit  encore  de  fon  tems  juf- 
qu'aunomde  Droit  Canonique,  & 
tout  ce  qui  concerne  cette  Science, 
confiftoit  alors  dans  la  connoiflance 
desrcglemens  des  anciens  Conciles 
d'Orient  ,  d'Afrique  ,  &  des  plus 
célèbres  tenus  en  Occident.  Ce  fut 
de-là  que  fortirent  ce  qu'on  appelle 
Gapitulaires. 

Dom  Manillon  a  remarqué  qu'- 
Alcain  qui  a  biffé  des  Ouvrages 
prefque  fur  toutes  fortes  de  fu  ets  , 
n'a  point  écrit  fur  le  Droit  non 
plus  que  fur  ia  Médecine.  Il  nous 
relie  peu  de  chofe  qui  puiffe  nous 
faire  connoître  quel  étoit  l'état  de 
la  Médecine  en  France  du  tems  de 
Charlemagne.  L'averfion  naturelle 
que  ce  Prince  avoit  pour  les  Méde- 
cins ,  n'étoit  pas  propre  à  nouiir 
l'émulation  parmi  eux. 

On  ne  doit  point  être  furprisnon 
plus  de  ne  trouver  aucun  Ouvrage 
de  ce  tems-li  fur  les  Antiquitez  du 
Paganifme.  On  étoit  encore  trop 
voifin  des  fiécles  où  l'Idolâtrie 
ivoit  régné  ,  pour  ne  pas  marquer 
le  l'horreur  contre  les  Statues ,  les 
Médailles,  &  autres  Antiques  qui 


reprefentoient  les  Divinitez  ou  les 
cérémonies  du  Paganifme  ,  6v  on 
fefaifoit  alors  un  devoir  de  fondre 
tous  les  métaux  &  de  détruire  tous 
lesmonumens  qui  en  rappelloient 
le  fouvenir. 

Il  eu  allez  difficile  de  trouver 
dans  les  Auteurs  du  neuvième  fié- 
cle  quel  étoit  le  goût  de  l'Archi- 
tecture du  tems  de  Charlemagne  , 
les  preuves  en  font  prefque  auflî  ra- 
res ,  dit  le  laborieux  &  fçavant  Au- 
teur ,  que  les  édifices  de  ce  tems  là 
le  font  devenus  de  nos  jours.  On  ne 
lailTe  pas  cependant  de  dire  à  ce  fu- 
jet  des  chofes  fort  curieufes  ,  auf- 
quclles  nous  renvoyons. 

Par  la  peinture  que  M.  l'Abbé  le 
Bœuf  fait  dans  cette  Différtation  de 
l'état  des  Sciences  fous  Charlema- 
gne -,  »  il  eft  facile  de  voir  que 
»  quoiqu'Alcuin  eût  flatté  ce  Prin- 
»  ce  que  peut-être  on  verroit  la 
»  France  devenir  fous  fon  reene 
»  une  nouvelle  Athènes ,  ks  Scicn- 
»  ces  cependant  n'y  étoient  qu'e- 
»  bauchées  ,  mais  que  cette  ébau- 
»  che  eût  conduit  loin  ,  s'il  y  avoit 
»  eu  en  même  tems  ou  fucceffive- 
»  ment ,  un  plus  grand  nombre  de 
»  perfonnages  femblables  à  Alcum 
»  &  à  Théodulfc. 

Le  fuffrage  de  l'illuftre  Acadé- 
mie qui  a  couronné  M.  l'Abbé  le 
Boeuf  montre  allez,  fans  que  nous 
le  dihons  ici ,  ce  qu'on  doit  penfer 
de  la  beauté  des  recherches  ,  &  de 
la  folidité  des  remarques  dont  cet* 
te  Diffettation  eft  remplie. 


«§§*•• 


8j2        JOURNAL    DES    SÇAVANS, 

ELOGE  DE  MADEMOISELLE  L'HERITIER. 


MArie-  Jeanne  l'Héri- 
tier de  Villandon  naquit  à 
Paris  au  mois  de  Novembre  1^64. 
Elle  eut  pour  père  Nicolas  l'Héri- 
tier ,  Ecuver  ,  Seigneur  de  Ncuvc- 
lon  ,  Confeiller  dn  Roi  ,  Hiflorio  ■ 
graphe  ordinaire  de  France  ,  iflu 
d'une  noble  &  ancienne  famille  de 
Normandie  -,  Françoife  le  Clerc  fa 
merc  étoit  nièce  de  M.  Duvair  , 
l'un  des  plus  célèbres  Gardes  des 
Sceaux  qu'il  y  ait  eu  en  France , 
qui  joignit  au  prorond  fçavoir  des 
Loix  l'amour  des  Belles  Lettres,  !k 
qui  étoit  aulll  recommandable  par 
fa  probité  que  parfon  éloquence. 

Mademoifelle  l'Héritier  reçut 
d'un  père  ,  amateur  des  Sciences  , 
une  éducation  qui  fit  paroître  fes 
talens  dans  l'âge  le  plus  tendre. 
L'étude  de  f  Hiftoire  ancienne  Se 
moderne  &  celle  de  la  Fable  turent 
les  jeux  de  fon  enfance.  Son  pere  la 
forma  aufïi  à  la  Poche  ,  dans  la- 
quelle il  reuiiitfoit  bien.  La  Tragé- 
die de  la  mort  d'Héracle  6v  plu- 
Heurs  Pièces  fugitives  qu'il  compo- 
fa  ont  été  imprimées  ,  ainfi  que 
divers  autres  Ouvrages  dont  le  plus 
considérable  cil  la  traduction  des 
Annales  de  Groous.  Il  réuniffoit 
les  vertus  militaires  ,  *  &  les  ver- 
tus littéraires;  :  .1  faveui  de  ce  dou- 
ble mérite  le  Cardinal  Mazarin  lui 
ht  donner  une  peu don  de  cinq 
cens  écus. 

Si  Les  rapides  progrès  que  Made- 

*   Il  fut  Officier  dans  les  Moufiiue- 


moifelle  l'Héijtiçr  fit  dans  la  con- 
Doiflarice  de  II  Iiltoire  la  rendirent 
Supérieure  aux  aimes  perfonnes  de 
fon  âge  ,  elle  ne  fe  diftiûgua  pas 
moins  av.  ntageufem.ent  par  ceux 
qu'elle  ht  dans  la  Poehe.  A  Page 
de  143ns  elle  avoit  déjà  compolé 
avec  fuccès  divers  petits  Ouvrages. 

Son  goût  pou  les  vers  avant  une 
liaifon  naturelle  avec  celui  de  la 
Mulîque  ,  elle  s'appliqua  aullî  à  cet 
art ,  dans  lequel  elle  excella.  Sa 
voix  étoit  belle  ,  &  par  ce  talent 
elle  remplir  en  entier  toute  l'idée 
que  les  Italiens  nous  donnent  pat 
leur  terme  de  virtuofe. 

Elle  n'étoit  pas  encore  fortie  de 
l'enfance  lorfqu'ellecut  le  malheur 
de  perdre  un  pere  Ci  capable  de  la 
guider  dans  le  chemin  du  fçavoir. 
Cependant  fa  ferveur  pour  l'étude 
ne  fe  ralentit  point. 

Les  deux  premiers  Ouvrages 
qu'elle  publia ,  &  qui  parurent 
dans  le  Mercure  du  mois'de  Juillet 
1689.  *  furent  une  Idylle  &  un 
Rondeau  ,  intitulée  le  Frimcms gla- 
cé. L'Idylle  étoit  une  Pièce  à  la- 
quelle le  dérangement  de  Saifoa 
qu'on  éprouva  cette  même  année  , 
avoit  donné  lieu.  L'autre  Pièce 
étoit  un  Rondeau**  où  elle  excite 
toutes  les  belles  à  fe  fervir  de  leur 
raifon  ,  li  elles  veulent  éviter  les 
pièges  de  l'amour.  Madcmoifelle 
des  Houlieres  fille  d'une  merc,  que 
l'on   peut  appeller  l'honneur  des 


*  Page  i<î<.  &  fuivantes. 

**  Même  Mercure,  page  17 ?• 


Mufes 


D  E  C  E  M 

Mufcs  Françoifes  ,  avoit  aufli  du 
génie  pour  la  PocTie  •,  elle  adreffa 
un  Rondeau  à  Mademoifelle  l'Hé- 
riticr  ,  dans  lequel  elle  s'efforce  de 
prouver  ,  que  la  raifon  cft  fouvent 
un  foible  fecours  contre  les  traits 
de  l'amour.  Ces  deux  Pièces  con- 
tradictoires font  l'une  fc  l'autre  ex- 
trêmement ingénieufes. 

La  gloire  des  fuccès  fuivit  de 
près  les  premiers  travaux  de  Made- 
moifelle l'Héritier ,  fes  Poëfies  lu- 
rent couronnées  plus  d'une  fois  par 
les  Académies.  En  1691.  elle  em- 
porta le  prix  des  veisau  Palinot  de 
Cacn.  En  1695.  c%  en  1696.  elle 
eut  les  prix  de  l'Académie  des 
Lantemifles  de  Touloufe  ,  ce  tut  en 
lui  adjugeant  le  fécond  que  cette 
célèbre  Académie  l'admit  dans  fon 
Corps  ;  honneur  ,  qu'elle  n'avoit 
encore  accorde  à  aucune  Dame. 

La  renommée  ayant  auiiî  fait 
connoîtreles  lumières  &'  le  içavoir 
de  Mademoifelle  l'Héritier  dans 
les  Pays  étrangers ,  l'Académie  de 
Ricovrati  de  Padoiie  lui  envoya 
des    Lettres   d'Académicienne  en 

1697. 

L'Ouvrage  intitulé  le  Triomphe 
de  Madame  des  Houlieres  fut  la 
Pièce  la  plus  étendue  ,  qui  fût  en- 
core forti  de  la  plume  de  Made- 
moifelle l'Héritier.  L'épithéte  de 
prêcieufe  ,  que  M.  Defpreaux  avoit 
ofé  donner  à  Madame  des  Houlie- 
res dans  fa  Satyre  contre  les  fem- 
mes indigna  Mademoifelle  l'Héri- 
tier ,  &:  l'engagea  à  prendre  la  dé- 
fenfc  de  ectte  femme  illuftre.  Son 
zéle  oénéreux  fut  applaudi  de  tous 
Jes  amateurs  du  mérite.  Pluficurs 
Décembre. 


B  R  E ,    ï  7 14  S  ?  3 

lui  envoyèrent  à  cette  occaiïon  des 
couronnes  de  lauriers,  cV  diveriqs 
galanteries.  Cette  Pièce  fut  d'abord 
imprimée  feule  ,  enfuitc  on  l'a  in- 
férée dans  les  Ouvrages  divers 
qu'elle  a  fait  paroître  en  1695. 

Mademoifelle  l'Héritier  étoit  en 
liaifon  avec  toutes  les  perfonnes 
illuftres  de  fon  lîécle  ,  les  nœuds  de 
la  plus  tendre  amitié  l'uniffoicnt  à 
Mademoifelle  de  Scudcry  ,  &  Ici 
derniers  vers  que  cette  célèbre  fille 
a  faits ,  furent  adreffés  à  Mademoi- 
felle l'Héritier.  La  mort  lui  ayant 
enlevé  une  amie  d'un  fi  grand  prix, 
elle  chercha  à  adoucir  fa  douleur  , 
en  érigeant  à  Mademoifelle  de  Scu- 
dery  un  monument  ingénieux  ,  * 
que  l'efprit  de  le  cœur  ont  égale- 
>  ment  concouru  à  former  ;  &  qui 
fera  à  jamais  glorieux  pour  ces  deux 
illuftres  filles. 

Une  Dame  de  la  connoiffance  de 
Mademoifelle  l'Héritier  étant  par- 
tie pour  Madrid  ,  la  pria  de  lui 
mander  exactement  les  Nouvelles 
Littéraires.  Elle  y  joignit  quelques 
avantures  galantes  ,  X  ce  commer- 
ce de  Lettres  qui  fut  foûtenu  pen- 
dant tout  le  tems  que  la  Dame  refti 
en  Efpagne  a  produit  trois  petits 
Volumes  imprimés  fous  le  titre 
d'Erudition  enjouée.  *  * 

La  Cour  fut  bien-tôt  informée 
qu'il  paroifToit  à  Paris  une  fille 
vertueufe  qui  unifToit  la  fcience& 
l'efprit  aux  talens. 

Mademoifelle  l'Héritier  fut  pré 

*  L'Apothéofe  de  Mademoifelle  de 
Scudery.  Pièce  mêlée  de  profe  &  de 
vers.   A  Paris  i7°ï> 

!  1  170}. 

Cccec 


834  JOURNAL  D 

fentéc  à  S.  A.  Royale  Mademoifel- 
le d'Orléans  par  M.  l'Abbé  de 
Mauroy  \  l'honneur  qu'elle  eut 
d'être  connue  de  cette  PrincefTe 
donna  lieu  à  TEpithalame  qu'elle 
compofa  dans  le  tems  de  fon  ma- 
riage avec  le  Duc  de  Lorraine;  les 
fêtes  de  cette  illuftre  noce  occafion- 
nerent  encore  quelques  morceaux 
de  vers  dont  elle  forma  un  Volume 
qui  parut  en  1688. 

Madame  la  Ducheffe  de  Ne- 
mours ,  *  qui  par  fon  efprit  &  par 
fon  fçavoir  méritoit  encore  plus 
que  par  fa  naiffance  l'attachement 
àcs  perfonnes  de  Lettres  ,  fut  ex- 
trêmement fenfible  aux  talens  & 
aux  qualitez  eftimables  de  Made- 
moifelle l'Héritier  ,  des  qu'elle  la 
connut ,  elle  ne  voulut  plus  s'en 
féparer  ,  6V  l'engagea  à  demeurer 
prefquc  toujours  3  la  Cour  pendant 
les  douze  ans  qu'elle  vécut,  depuis 
cette  connoiffance  la  PrincefTe 
avoir  commencé  à  fonger  à  la  for- 
tune de  Mademoifelle  l'Héritier , 
elle  ctoit  même  dans  le  deffein  de 
l'affurer  folidement ,  lorfqu'elle  fut 
furprife  par  h  mort  ,  au  moment 
qu'elle  alloit  faire  fon  Teftament. 
Mademoifelle  l'Héritier  n'en  re- 
cueillit qu'une  preuve  de  confiance 
qui  lui  parut  d'un  prix  fupericur 
aux  plus  riches  prefens.  Madame  la 
Ducheffe  de  Nemours  lui  laiffa  fes 
Mémoires  qu'elle  avoit  cachés  tou- 
te fa  vie  avec  un  grand  myfrere  j 
parce  qu'elle  craignoit  qu'on  ne  les 
donnât  au  public  de  fon  vivant. 
Ce  dépôt  n'étant  plus  que  pour  être 
mis  au  jour  ,  c'eft  à  Mademoifelle 
"Marie  d'Orléans  de  Longueville. 


ES  SÇAVANS, 

l'Héritier  que  l'on  en  cil  redeva- 
ble ,  ainfi  que  de  l'Avcrrillcment 
de  la  compofition  ,  où  l'on  trouve 
un  éloge  de  cette  PrincefTe.  Made- 
moifelle l'Héritier  a  ^uiffi  embelli 
l'Edition  de  quelques  notes  hifto- 
riques.  L'Ouvrage  a  paru  en  1709. 
fous  le  titre  de  Mémoires  de  M.  la 
D.  de  N. 

Quelques  années  auparavant 
Mademoifelle  l'Héritier  avoit  tra- 
duit les  Contes  du  Roi  Richard  , 
contenant  la  Tour  ténébreufe  fc  la 
Robbe  de  fincerité3  qui  furent  im- 
primés en  1705.  &  dédiés  à  Mada- 
me la  Ducheffe  de  Nemours. 

Cette  fille  ftudieufe  travailloit 
avec  une  extrême  facilité,  en  1711. 
elle  fit  la  Pompe  Dauph'tnt  mêlée  de 
profes  &  de  vers  ,  à  la  mort  du 
premier  Dauphin  ,  fils  de  Louis 
XIV. 

Cette  Pièce  fut  fuivie  du  Tant' 
beau  de  Ad.  le  Dauphin  ,  *  qui  a  été 
le  premier  Ouvrage  qu'on  ait  vu 
fur  la  perte  d'un  Prince  fi  digne  de* 
regrets  de  la  France. 

On  a  encore  divers  autres  mor- 
ceaux de  Mademoifelle  l'Héritier 
qui  n'ont  pas  été  raffemblés ,  & 
qu'on  trouve  difperfés  dans  diffe- 
rens  Mcrcures. 

Elle  portoit  fur  le  ParnafTe  Fran- 
çois le  nom  de  Téléfille  ,  par  les 
mêmes  motifs  qui  avoient  fait 
donner  à  Mademoifelle  de  Scudery 
celui  de  Sapho. 

La  nouvelle  Téléfille  fut  l'objet 
des  louanges  de  pluficurs  Ecrivains 
illuftres ,   elle  eft  citée  avec  éloge 

*  M.  de  Bourgogne» 


D  E  C   E  M  B 

parBayle.  *  M.  de  Sacy  **  Ci  cltimé 
par  les  qualitez  du  cœur ,  &  célè- 
bre par  i'élégartee  de  fa  profe ,  de- 
vint Poète  pour  elle,  les  feuls  vers 
qu'il  ait  jamais  compofés  four  quel- 
ques billets  qu'il  lui  écrivit. 

Mademoiselle  l'Héritier  n'avoit 
pas  négligé  la  Langue  Françoifc 
pour  apprendre  celles  des  Sçavans, 
elle  la  fçavoit  fi  correctement,  que 
plufieurs  exemples  cités  dans  le 
Dictionnaire  de  Trévoux  font  tirés 
de  fes*  Ouvrages  s  &:  donnés  pour 
modèles  de  la  vraye  propriété  des 
termes. 

Il  s'étoit  formé  chez  Mademoi- 
fèllc  l'Héritier  en  l'année  1710. 
une  Société  dont  la  Littérature  ôc 
l'amitié  faifoient  également  les 
liens ,  cette  illuftre  jugeoit  mieux 
qu'une  autre  des  Ouvrages  d'ef- 
prit,  il  s'en  lifoit  fou  vent  chez  elle, 
fa  critique  étoitaufli  judicieufe  que 
fine  ,  elle  eut  toujours  une  délica- 
teiTe  infinie  non  feulement  fur  le 
choix  de  fes  amis,  mais  aufiî  à  l'é- 
gard même  des  fimpks  connoilfan- 
ces.  L'éclat  des  talens,le  brillant 
de  la  nailTance  ,  ne  réparoient 
point  à  fes  yeux  les  défauts  eiTen- 
ticls.  Exaéte  fur  les  bienféances  3 
elle  ne  fe  lioit  qu'avec  ceux  qui  les 
refpeétoienr  en  tous  genres ,  non 
feulement  elle  déteftoit  les  Auteurs 
Licentieux  ,  mais  les  Satyriques  de 
profelTion  lui  paroilToient  le  fléau 
de  la  Société.  Les  femmes  dont  les 
mœurs  n'étoient  pas  de  la  plus 
exacie   innocence  ,    faifoient   des 

*  Bayle  Diftionnaire ,  pag.  . .  . 

*  *  L'un  des  40  de  l'Académie  Fran- 
coife  ,  Traducteur  de  Pline. 


R  E  ;    1  7  3  4.  83  y 

vains  efforts  pour  fe  l'attacher,  fon 
cœur  fe  refufoit  à  tout  ce  qui  n'é- 
toit  pas  frappé  au  coin  de  la  vertu; 
mais  dès  qu'elle  découvroit  une 
belle  ame,  elle  felivroitfansrcfer- 
ve  ,  &  bien-rôt  l'amitié  étoit  par- 
faite. Il  ne  fut  jamais  de  caractère 
plus  fcnlîble  ,  la  mort  de  fes  pro- 
ches ou  celle  de  fes  amies  faifoit 
couler  fes  larmes  après  vingt  ans  : 
avec  le  même  attendriffement  que 
les  autres  ont  dans  les  premiers 
momens  de  leur  douleur.  Exafte  &C 
attentive  fur  les  plus  légers  devoirs 
de  l'amitié  ,  elle  les  "rempliffoit 
avec  emprdTemcnt  ,  par  fenti- 
ment ,  fans  que  l'oftentation  y  eût 
aucune  part. 

Elle  n'eut  pas  befoin  du  fecours 
de  la  fortune  pour  faire  connoître 
qu'elle  étoit  née  avec  des  fentimens 
de  délintereflenient  &  de  généro- 
lité  qui  étoient  héroïques  ;  les  pei- 
nes de  fa  fituation  auraient  tou- 
jours été  ignorées  Ci  on  ne  les  eût 
fçûés  que  par  elle  ,  loin  de  parler 
jamais  de  fes  affaires  ,  la  joye  de 
voir  fes  amis  l'occupoit  fi  entière- 
ment ,  qu'on  fentoit  qu'elle  n'eût 
defiréde  fortune  que  pour  l'inftanc 
où  elle  les  recevoir ,  que  pout  leur 
rendre  famaifon  plus  agréable  ,  fo; 
talens  joints  à  fa  nailTance  dévoient 
lui  mériter  une  fortune  plus  açréa . 
ble,  elle  n'obtint  de  la  Cour  qu'u- 
ne penfion  de  400  liv.  payée  fur  le 
Sceau. 

Il  s'affembloit  deux  fois  li  Se- 
maine chez  Madcmoifelle  l'Héri- 
tier des  perfonnes  connues  par 
leurs  Ecrits ,  ou  par  leur  condi- 
tion. La  Marquifc  de  Béthunc  , 
C  ecc  cij 


?36         JOURNAL    DE 

fœur  de  la  Reine  de  Pologne ,  la 
Vrinccffe  de  Neufchatel  ,  la  Du- 
cheffe  de  Brifac  Béèfaamèil ,  Ma- 
dame de  Bellegarde  Vertamont  & 
plufieurs  autres  Dames  plusdiftin- 
guées  encore  par  leur  efprit  que  par 
leur  rantf  venovent  à  ces  affemblées. 
La  converfation  y  étoit  extrême- 
menr  agréable  ,  non  leulemenr  par 
le  choix  de  la  compagnie  ,  mais  en- 
core plus  par  les  Anecdoces ,  &:  le 
nombre  infini  des  traits  curieux  , 
que  Mademoifelle  l'Héritier  y 
fourniffoit  -,  c'étoit  une  des  plus 
heureufes  mémoires  de  fon  fiécle 
&  des  mieux  ornées  ;  fon  entretien 
avoit  auilî  le  charme  de  l'enjoùe- 
'  ment.  Elle  étoit  née  vive  &  gaye  : 
qualitez  ,  que  la  médiocrité  de  fa 
fortune,  Si  la  maladie-même  ont 
eu  peine  à  détruire  ,  les  dix  der- 
nières années  de  fa  vie  fe  font  paf- 
fées  dans  d'extrêmes  fourTrances, 
fans  que  fon  courage  en  ait  été  aba- 
tu. 

Elle  fit  imprimer  en  1718» /« 
Caprices  du  Dtfiin  ,  Recueil  d'Hi- 
ftoires  Galantes  qui  turent  réimpri- 
mées quelque  teras  après  en  Hol- 
lande. 

Elle  mit  au  jour  en  1719.  la 
Nouvelle  en  vers  intitulée  :  l'Ava- 
re puni.  La  maladie  qui  lui  ôtoit  le 
repos  ne  l'empêcha  point  de  conti- 
nuer la  traduction  en  vers  des  E pi- 
tres Héroïques  d'Ovide  ,  la  verlitï- 


S     SÇAVANS, 

cation  en  cft  coulante  &  aifée  ,elle 
y  a  joint  le  mérite  de  la  fidélité 
dans  tout  ce  qui  n'a  paseubefoin 
d'être  adouci  pour  le  rendre  con- 
forme aux  bienléances.  C'eftle  feul 
de  fes  Ouvrages  où  fon  nom  ait  été 
mis  en  entier ,  les  autres  n'ayant 
paru  qu'avec  les  Lettres  Initiales. 

Les  douleurs  que  les  remedes  ne 
purent  vaincre  la  firent  enfin  fuc- 
eomber.  Elle  mourut  regrettée 
d'un  grand  nombre  d'amis  le  24 
Février  1754.  âgée  de  69  ans  Si  3 
mois. 

Mademoifelle  l'Héritier  a  laiflé 
des  Oeuvres  Pofthumcs  en  profe  Si 
en  vers ,  dont  la  quantité  peut  éga- 
ler ce  qu'on  a  déjà  imprimé  d'elle  , 
lorfqu'clks  feront  mifes  en  ordre  , 
on  pourra  en  enrichir  la  Républi- 
que des  Lettres ,  Si  alors  on  donne- 
ra avec  plus  d'étendue  le  détail  de 
fa  Vie  &  de  fes  Ouvrages. 

Il  y  a  un  portrait  gravé  de  Ma- 
demoifelle l'Héritier  par  M.  des 
Rochers  d'après  l'original  de  M. 
Tournicre,  qui  cft  très-reiTemblantj 
on  lit  ces  vers  au  bas. 

C'eft  l'Hiftoire  des  neuf  Soeurs  r 

Par  fa  profe  &  Ces  vers ,   elle  charme 
les  cœurs , 

Et  Minerve  avec  foin  grave  dans  fa  mé- 
moire 

Tous  les  traits  de  la  Fable ,  &  tous  ceax 
de  l'Hiftoire. 


DECEMBRE,    1754; 


«37 


NOVVELLES     LITTERAIRES. 


FRANCE. 
De  Tulle. 

JEan-Leonard  Dalvy  3. 
achevé  d'imprimer  Explication 
des  fept  Sacrcmens  de  l'Eglife ,  infli- 
tués  par  Noire- Seigneur  J.  C.  Cette 
Instruction  eitcompofée  par  Mes- 
sire  Charles  Evêque  de  Tulle  ,' 
pour  l'utilité  du  Clergé  &  des  Fi- 
dèles de  fon  Diocéfe.  1734.  in- iz. 
3.  vol.  dont  le  premier  contient  le 
Traité  des  Sacremens  en  général , 
èc  les  Traitez  du  Baptême  ,  de  la 
Confirmation  &  de  l'Euchariftie. 
Le  fécond  comprend  les  Traitez  de 
la  Pénitence  ,  de  l'Extrême-Onc- 
tion  ôc  de  l'Ordre  ,  &:  le  troifiéme 
eft  rempli  par  IeTraité  du  Mariage. 

De  Rennes. 

Guillaume  Vatar  débite  ConfuU 
rations  &  Obferv allons  fur  la  Coutu- 
me de  Bretagne  }  par  teu  M.  Pierre 
Àfevin ,  ancien  Avocat  au  Parle- 
ment de  la  même  Province.  1734. 
m  -  40. 

De     Paris, 

M.  à!Anville t  Géographe  ordi- 
naire du  Roi  ,  vient  de  publier 
chez  Chauben  ,  Libraire  du  Jour- 
nal ,  Propojîtion  d'une  mefure  de  la 
Terre  r  dont  il  refaite  une  diminution 


confiderable  dans  fa  circonférence  fur 
les  parallèles.  Dédiée  à  Monsei- 
gneur le  Duc  de  Chartres. 
1734.  in-i  1.  Cet  Ecrit  paraîtra  l'an; 
doute  aux  ConnoilTeurs  aufli  inte- 
reliant  par  la  nouveauté  du  Syftê- 
me  qu'on  y  expofe  ,  que  par  la  ma- 
nière dont  l'Auteur  a  traité  fon  fu- 
jet.  C'cit  fur  quoi  nous  nous  éten- 
drons inceflamment  plus  au  long; 

Didon,  Tragédie  de  M.  le  Franc  ; 
chez  le  même  Libraire.  Nous  pen- 
fons  avec  M.  Dancbet ,  Approba- 
teur de  cet  Ouvrage  ,  que  l'im- 
preffion  lui  aiTurera  le  fuccès  qu'il 
a  eu  dans  les  reprefentations  ,  la 
Tragédie  eft  précédée  d'une  Lettre 
à  Moniieur  le  Marquis  de  NéeU 
le ,  Chevalier  des  ordres  du  Roi  : 
cette  Lettre  qui  fertde  Piéface  à  la 
Tragédie  ,  nous  a  paru  mériter  l'at- 
tention des  Lecteurs. 

C'eft  auffi  chez  le  même  Librai- 
re qu'ont  été  imprimées /rf  Puptle 
8c  le  RendeT^vous  }  Comédies  de 
M.  Fagan. 

Htjhire  générale  de  Portugal }  par 
M.  de  la  Clede  ,  chez  Pierre-Fran- 
çois Gijfart,  rue  S.  Jacques,  à  Sain- 
te Théréfe.  1734.  /«-4e.  1.  vol.  Le 
premier ,  contenant  l'origine,  les 
mœurs  &  les  guerres  des  aifciens 
Luiîtaniens  ,  leur  état  fous  la  do- 
mination des  Romains  ,  l'invafion 
desGots  &c  celle  des  Maures,  l'é- 
rection du  Portugal  en  Royaume, 
&  le?  règnes  de  Henri  &  d'Al> 


838         JOURNAL    DE 

phonfc  ,  jufqu'à  celui  de  Dom 
Juan  III.  indufiverocnt.-  Le  fécond 
Volume  contenant  les  règnes  de  Se- 
ballien  ,  de  Philippe  II.  Ce.  jufqu'à 
celui  du  Roi  Jean  à  prefent  ré- 
gnant. Cet  Ouvrage  eft  aulli  impri- 
mé in- 12.  en  8  vol. 

Traité  des  Bénéfices  Ecckfî.fli- 
cjues ,  dans  lequel  on  concilie  la 
difeipline  de  l'Eglife  avec  les  ufa- 
ges  du  Royaume  de  France.  Et  le 
Recueil  des  Edits ,  Ordonnances  , 
Déclarations  &  Arrêts  de  Règle- 
ment ,  concernant  les  Matières  Bé- 
néficiales  &C  autres  qui  y  ont  rap- 
port. Par  M.  P G Chez 

Langlois}  rue  S.  Etienne  des  Grecs, 
fa  Veuve  Manières  &  J.  B.  G  armer  y 
rue  S.  Jacques  ,  à  la  Providence. 
1734.  in-jf.  3  vol. 

Mémoires  du  Chevalier  d'Ar- 
vieùx  ,  Envoyé  Extraordinaire  du 
Roi  a  la  Porte  ,  Confia  d 'Alep  , 
et  Alger  j  de  Tripoli  &  autres  Echeles 
du  Levant.  Contenant  fes  Voya- 
ges à  Conftantinople,  dansl'Afie, 
la  Syrie  \  la  Paleftine  ,  l'Egypte  & 
la  Barbarie  ;  la  defeription  de  ces 
Pays ,  les  Religions,   les  moeurs , 


S  SÇAVANS  ; 
les  coutumes  ,  le  négoce  de  ces 
Peuples  &  leurs  gouvernemens  , 
l'Hiftoire  Naturelle  &  les  évene- 
mens  les  plus  coniîderables  ,  re- 
cueillis de  fes  Mémoires  originaux, 
&c  mis  en  ordre  ,  avec  des  réfle- 
xions. Par  le  R.  P.  Jean  -Baptifte 
Labat ,  de  l'Ordre  des  Frères  Prê- 
cheurs. Chez  Dslefpine  rîls  ,  rue 
S.  Jacques,  vis-à-vis  la  rue  des 
Noyers,  à  la  Victoire.  1735.;»-! 2. 
fix  vol. 

Année  Ecclejîaflitjue  ou  Instruc- 
tions fur  le  Propre  du  Tems,  &  fur 
le  Propre  &  le  Commun  des  Saints* 
avec  une  Explication  des  Epîtres  Se 
des  Evangiles  qui  fe  lifent  dans  le. 
cours  de  l'Année  Ecclefiaftique , 
dans  les  Eglifes  de  Rome  &  de 
Paris.  Chez  Philippe-Nicolas  Lot- 
tin  ,  rue  S.Jacques,  proche  Saint 
Yves,  à  la  Vérité.  1734.  in- 11, 
deux  vol. 

EJJais  du  Chevalier  Bacon  ,  Chan- 
celier d' Angleterre  ,  fur  divers  Su- 
jets de  Politique  ik  de  Morale. 
Chez  Emery ,  Quai  des  Auguftins, 
à  S.  Benoît.  1734. /w-n.. 


$3* 

TABLE 

Des  Articles  contenus  dans  le  Journal  de  Dec.  1734. 

H  1  (loin  générale  de  Languedoc ,  dcc.  Tome  II.  page  787 
L'Hijtoire  Romaine  de  Scxtus-Aurelins-  Vtâ,or ,  &c.  ,-  -  791 
VArchêe ,  Auteur  des  fièvres  &  de  leur  guéri fon ,  ouTraùéde  Médecine- 
Pratique  _,  &c.  797 
'Hifloire  de  Manichée  ,  &c.  *°S 
Z,«  f /'«  des  Hommes  iHuflres  de  fimAtqtt ,  &ft I  8  *  5 
Expofîtion  Anatomicjue  de  la  flrutlure  du  corps  humain  }  &c.  822 
Réflexions  Critiques  fur  i1  Elégie  \  [q  .  -'  ;  825 
iDf  /'«<«  <&*  Sciences  dans  l'étendue  de  la  Monarchie  ïrancoife ,  fous  Chàr- 
lemagne  ,  &c.  .  .  s  Jfl 
Eloge  de  Mademoifelle  l'Héritier  t  8  î  * 
Nouvelles  Littéraires ,  837 

- 
Fin  de  la  Table, 


' 


84° 


«ô  ^  ^  ^  ifo  «e^uTD  ^uïa  ^a  ^a  sta  <jfo  ^  ^'<^  *  ^^ 

BIBLIOGRAPHIE, 

0  u 

CATALOGUE 

DES  LIVRES  DONT  IL    EST   PARLE*    DANS    LES 
Journaux  de  l'Année  17J4. 

BIBLIA  SACRA, INTERPRETES, CONCILIA. 

RP.JacobiTirini  Commtntarius  Concilia Magn*  Bntanni&& Hiber- 

.inSacram  Scriptnram  ,  page  ni* ,                                        306 

iSr  Courte  Paraphrafc  fur  PAncien  Se 

Projet  d'un  Supplément  à  la  Col-  le  Nouveau  Teftament,  &c.  368 

iection  des  Conciles  du   Père.'  Explication   de  la  Prophétie  d'I- 

Labbe ,                                   245  faïe,                                        781 

PA  TRES, THE  OLOGI,ASCETlCl,LITURG  ICI, 

SCRIPTORES    EcCLESIASTICI  ,    &C    HetERODOXI. 


Penfées  Morales  Se  Chrétiennes 
fur  le  Texte  de  la  Genéfe.  Par 
M.  l'Abbé  le  Mère  ,  27 

De  la  connoilîance  Se  l'amour  de 
N.  S.  Jcfus  -  Chrift  ,  <fi 

Diflertations  Critiques  fur  les  fa- 
meufes  Lettres  de  Firmilien 
Se  de  S.  Cypricn  contre  le  Dé- 
cret du  Pape  Etienne  fur  le  Bap- 
tême des  Hérétiques ,  123 

Traduction  Latine  du  Traité  Hi- 
ftonque  de  M.  Grancolas  furie 
Bréviaire  Romain ,  Ibid. 

Recueil  des  Oflices  Publics  del'E- 
glife  Gréque,  124 

Remarques  fur  les  Prophéties  de 


Daniel  Se  fur  l'Apocalipfe  de 
S.  Jean  ,  124 

Inftructions  Chrétiennes  Se  Mora- 
les fur  les  Sacremens ,  125 

Syftême  tiré  de  l'Ecriture  Sainte 
fur  la  durée  du  Monde  ,       1 29 

Deux  Lettres  de  S.  Auguftin  trou- 
vées depuis  peu  en  Allemagne  , 
182 

De  retlâ  Teflivitate  J'afch*  anno 
1734.  celebraniâ ,  242 

Lettre  de  M.  Betazzi  fur  le  même 
fujet ,  Ibid. 

Le  Koran  ,  communément  appel- 
lé  ï'Alcoran  de  Mahomet ,  tra- 
duit de  l'Original  Arabe  en  An- 
glois, 


B  I  B  L  I  O 
glois ,  &c.  24). 

Epiftcl.i  pluriitm  DoElorum  e  Societ ci- 
te Sorbonicà  ,  &c.  ubi  de  Eptflolis 
SanEli  siuguflim  nuperrimi  inven- 
tis  &  editis,  247 

Le  grand  Commandement  de  la 
Loi ,  ou  le  devoir  principal  de 
l'homme  envers  Dieu  &  envers 
le  Prochain ,  Ibid. 

Inftruclion  furie  Jubilé  de  l'Egli- 
fe  Primatiale  de  Lyon  ,  à  l'occa- 
fion  du  concours  de  la  Fête  Dieu 
avec  celle  de  la  Nativité  de  Saint 
Jean  -  Baptifte  en  cette  année 
1734.  3  5<T 

Nouvelle  Edition  des  Lettres  , 
Diilertations  &  autres  Ouvrages 
du  Père  Fronton,  Chanoine  Ré- 
gulier ,  166 

Penfées  du  Père  Bourdaloiie  ,  fur 
divers  Sujets  de  Religion  5c  de 
Morale  ,  435 

Prières  au  Saint  Sacrement  de  l'Au- 
tel ,  &c  Par  M.  Peliflbn  ,   Ibid. 

Deux  DiiTertations  ,    l'une  fur  le 

Baptême  donné  au  nom  de  J.  C. 

l'autre  fur  le  S.  Chrême  dont  on 

fe  fert  pour  la  Confirmation j 

47* 


GRAPHIE.  841 

Conflitutiones  Congregationis  Cleri- 
corum  facularium  DoUrin*.  Chri- 
flianœ  ,  j?5 

L'Efprit  de  l'Eglife  dans  la  recita- 
tion de  cette  Partie  de  l'Office 
qu'on  appelle  Compiles  ,       g^t 

Recueil  de  Sermons  du  Dr.  Fran- 
çois Atterbury ,  6$  j 

Magna  Bibliotheca  Ecclcfî.iftica  , 
fïve  notitia  Scriptornm  Ecclefiafli- 
corum  vetermn   tic   recentiomm , 

.        .  7i8 

Continuât™  Pr&leBionum  Theoloai- 
cantm  Honorati  Tournely  t  Jive 
TraUatm  de  nniverfà  Theologià 
Atorali ,  71 3 

Traité  de  Pénitence,  Ibid. 

ElTais  de  Théodicée  fur  la  bonté  de 
Dieu  ,  la  liberté  de  l'homme  8c 
l'origine  du  mal ,  780 

Les  Oeuvres  de  S.  Bafile  ,  781 

Recueil  de  divers  Traitez  de  Pieté, 
&c  Ibid. 

Reflexions  fut  les  défauts  d'aurrui, 
Ibid. 

Explication  des  fept  Sacremcns  de 
l'Eglife,  833 

Année  Ecclcfiaftiquc  ,  ou  Inftruc- 
tion  fur  le  Propre  du  Tems  ,838 


HISTORICI   SACRI   ETPROPHANl. 


Hiftoire  générale  des  Auteurs  Sa- 
crés &  Ecclefiaftiques ,  &c  Par 
le  R.  P.  Dom  Ceillier,  Tom.1V. 

*î 
Deux  anciens  Hiftoriens  d'Angle- 
terre ,  Thomas  Otterbourne  8c 
Jean    de  Whethamftede  ,    &c. 

Hiftoire  Littéraire  de  la  France,^. 
Par  des  Religieux  Bénédi&ins 
Decembri, 


de  la  Congrégation  de  S.  Maur . 

Tomel.  40 108 

Palignejïi  monita  Genealogtca        o 
Defcription  Géographique ,  Politi- 
que &  Hiftorique  de  la  Provin- 
ce de  Dithmarfe  ,  jj 
Eloge  de  M.  l'Abbé  le  Grand,    58 
Hiftoire  d'Ofman  premier  du  nom 
19e  Empereur  des  Turcs ,       et 
Hiftoire    Univerfelle    depuis    le 
Ddddd 


841  BIBLIOG 

commencement  du  Monde  juf- 
qu'à  prefent  ,  traduire  de  l'An- 
glois  d'une  Société  de  Gens  de 
Lettres,  85 

Suite  des  Eloges  des  Académiciens 
morts  depuis  l'année  1712.  par 
M.  de  Fonteneile,  90- 147 

Recueil  des  Ecrivains  de  PHiftoi- 
rc  d'Italie  Tome  XV.  117 

Tome  XVI.  161 

■ Tome  XVII.  297 

Tome  XVIII.  689 

Tome  XIX.  765 

Le  fécond  Volume  de  l'Hiftoire  de 
fou  tems  ,  par  Burnet ,  124 

Traduction  en  Anglois  du  Diction- 
naire de  Bayle  ,  Ibid. 
La  Géographie  de  Varonius ,  Ibid. 
Mémoires  très-fidélcs  &  tres-exaifts 
des  expéditions  militaires  qui  fe 
font  faites  en   Allemagne  ,  en 
Hollande  &  ailleurs,  depuis  le 
Traité  d'Aix  la  Chapelle  ,  juf- 
qu'à  celui  de  Nimegue  ,        125 
Hiftoire  de  Rochefort ,  134 
Remarques  Hiftoriques  &  Criti- 
ques fur  PHiftoire  d'Angleterre 
de  M.  Rapinde  Thoyras  ,  par 
M.Tyndal,                            16? 
Nouvelle     Hiftoire   de    l'Abbaye 
Royale  &  Collégiale  de  S.  Phili- 
bert &  de  laVille  deTournus,i75 
Abrégé  de  la  Vie  de  S.  Gaud  Evê- 
que  d'Evreux,  de  S.  PairEvêque 
d'Avranches ,  &c.  1S3 
Defcription  Géographique,  Hifto- 
rique ,  Chronologique,  Politi- 
que Se  Phyfique de  l'Empire  de 
la  Chine,  &c.  Par  le  Père  Du- 
halde ,                                 Ibid. 
La  Chronique   de  GottWcic ,  ou 
Annales  du  Monaftere  de  Gou- 


R  A  P  H  I   E. 

W'eic ,  &c.  201-269 

Recueil   de    quelques  Anriquitez 
choifies  qui  fe  trouvent  en  Fran- 
ce, &c.  208 
Hiftoire  des  Empires  &  des  Répu- 
bliques ,            223-251-469-758 
Hiftoire   des  Rois  de  Pologne  & 
du  Gouvernement  de  ce  Royau- 
me ,  230 
Nouvelle  Edition  de  l'Hiftoire  ,  ou 
Chronique  d'iilande ,  242  -  467 
Chronologie    de  l'Hiftoire  Sainte 
&des  Hiftoires  étrangères  qui  la 
concernent,  depuis  la  fortie  d'E- 
gypte jufqu'à  la  captivité  de  Ba- 
bylone ,  243 
Hiftoire   de  l'Empire  des  Chérifs 
en  Afrique  ,  fa  Defcription  Géo- 
graphique &  Hiftorique ,  &c. 
260-3  1 1-448-60 1 
Hiftoire   Critique    de  l'établilTe- 
ment  de  la  Monarchie  Françoife 
dans  les  Gaules  ,  par  M.  l'Àbbé 
du  Bos,              272-  338-  398 
Nouvelle    Edition    des  Vies  des 
Saints  Pères  des  deferts ,  tradui- 
tes en  François  par  M.  Arnauld 
d'Andilly ,  307 
Les  Souverains  duMonde  ,     Ibid. 
Le  23e  Volume  de  l'Hiftoire  By- 
fantine,  365 
Le  3  e  Tome  des  Oeuvres  de  Sigo- 
nius,  366 
Obfcrvations    Géographiques    de 
M.Tho.  Shaw.                      367 
Voyages  de  Karmpfcr  en  Mofco- 
vie  ,  en  Pcrfe  &  aux  Indes  Orien- 
tales,                                   Ibid. 
Supplément  aux  Marbres  d'Arun- 
dcl  ou  d'Oxford  ,  &c.  368 
Les  Vies  des  Hommes  Illuftres  de 
Plutarque  ,          $70-  657-815 


BIBLIOG 

Tractation  Françoife  de  I'Hiftoire 
de  M.  deThou  ,  371 

Hiftcirc  ancienne  des  Egvptiens , 
des  Carthaginois,  des  Aftyricns, 
des  Babyloniens,  desMedès& 
des  Perfes,  des  Macédoniens, des 
Grecs,  &c.  Par  M.  Rollin  ,  375 

Gemma  antiquA  ex  Tbefauro  Medi- 
ceo ,  &c.  3S3 

Hijïoria  Sacri  Morutflem  Cajfnienfis 
ab  ereclione  ad  anmtm  ufque  1715. 

45* 
Catalogi  très  Epifcopontm,  Refarma- 
torum,  &  Virorum  Sanflttate  illu- 
ftrium  è  CongregMione  C*Jfint  nfi , 
Ibid. 
Hiftoire   de  Jacques    Duc  d'Or- 
mond  ,  434 

Le  18e  Tome  de  I'Hiftoire  Romai- 
ne des  Pères  Catrou  &  Rouillé  , 

ibid. 

Abrégé  de  I'Hiftoire  de  24.  Pères 
de  l'Eglife,  Hiftoire  abrégée  des 
Empereurs  Romains ,  &c.    461 

Continuation  de  I'Hiftoire  du  Par- 
lement de  Bourgogne  ,  depuis 
l'année    1^49.  jufqu'en    1733. 

Hiftoire  des  découvertes  &  con- 
quêtes des  Portugais  dans  le 
nouveau  Monde  ,        480- é^z 

Hiftoire  de  la  Principauté  de  Ru- 
gen  dans  la  Pomcranie  Suedoife, 

JMarquardi  -  Freheri  Diretlorinm  in 
omnesfcrè  cjuos  fuperflites  habemus 
Cbronologos  Arinaliwn  Scriptores 
&  Hifîoricos  ,  Sic.  594 

Thefaitms  umverfalis  omnium  Nu- 
mifrnatum  veterttm  Çr&cerum  & 
RomAnorum  ,  &c.  59$ 

Hiftoire  Ecclcfiaftique,  pour  fervir 


R  A  P  H  I  E.  S43 

de  Continuation  à  celle  de  M. 
l'Abbé  Fleury,  To.  3  3  &  34  Ibid. 

Abrégé  de  la  Carte  générale  du 
militaire  de  France  ,  Ibid. 

Catalogue  des  Archevêchez,  Evê- 
chez  ,  Abbaves  &  Prieurez  de 
nomination  Royale  ,  596 

Tréfor  de  routes  les  Médailles  des 
Familles  Romaines  ,  recueillies 
par  le  célèbre  Antiquaire  André 
Morel ,  £iz 

Mémoires  de  Montécuculli ,     6^6 

Voyage  de  Rabbi-Benjamin  en  Eu- 
rope ,  en  Italie ,  en  Afrique,  &c. 
Ibid. 

Mémoires  &  Reflexions  fur  les 
principaux  évcneniens  du  règne 
de  Louis  XIV.  Ibid; 

Abrégé  Chronologique  &  Histori- 
que de  l'origine ,  du  progrès  & 
de  l'état  actuel  de  la  Maifon  da 
Roi ,  &c.  Ibid. 

Supplément  à  la  première  Edition 
de  I'Hiftoire  du  Peuple  de  Dieu, 

.'■■■\  ,  .  *  SI 

Diflertation  fur  l'état  des  Sciences 

dans  l'étendue  de  la  Monarchie 

Françoife  fous  Charlemagne  , 

658  -  827 

Le  Tome  -f  de  I'Hiftoire  Ancien- 
ne, par  M.  Rollin  ,  658 

Hiftoire  de  l'Académie  Royale  des 
Scicnces,année  1731.    6^1 -725 

Hiftoire  Critique  de  Manichéc  6c 
du  Manichéïfme  ,         677  -  S08 

Hiftoire  du  Théâtre  François,  de- 
puis fon  origine  jufqu'à  prefent , 
710 

Tréfor  des  Médailles  Suedoifcs- 
Gothiques ,  740 

Hiftoire  des  Révolutions  d'Efpa- 

gne  >  745 

Dddddij 


$44  B  r'B'Ll  I  O  G  RpA  P  H  T  E. 

La  Vie  de  Philippe  II.  Roi  d'Efpa-      L'Hiftoire  Romaine  de  Sfextns-Aa- 


gne  ,  780 

Annales  de  l'Ordre  de  Prémontré, 

Ibid. 

Panelii  e  Societate  Jefu  de  Ciflophoris. 

Dijfert-atio  ,  lbid. 

Kiftoire  générale  de  Languedoc , 

787 


relius-Victor ,  79 1 

EJoge  de  Madernoiiellc  l'Héritier  , 

832 

Hiftoire  générale  de  Portugal,  par 

M.  delaCléde,  837 

Mémoires  du  Chevalier  d'Arvieux, 

838 


ORATORES,   POET1,    FACETIARUM    ET 

j'ocorum  ,  narrationum  et  novellarum  ,  necnon  hlsto- 
riarum  Eroticarum  Scriptores  ,  Grammatici. 


La  nouvelle  Mer  des  Hiftoircs,  34 
Hiftoire  d'Eftevanille  -  Gonzales  , 
61 
Les  petits  Soupers  d'Eté,  Ibid. 
La  Bibliothèque  des  Enfans  ,  Ibid. 
Poé'fies  Italiennes  de   M.  Rolli  , 

Le  Traire  du  Sublime  de  Longin  , 
Ibid. 

Nouvelle  Edition  des  Avantures 
de  Télémaque  ,  X25 

Les  Dons  des  Enfans  de  Latone  , 
182-439 

La  Retraite  de  la  Marquife  de  Go- 
ranne ,  183 

Seconde  Partie  de  la  Vie  de  Ma- 
rianne ,  Ibid. 

Réflexions  fur  la  Poe'fie  en  géaéral, 
fur  l'Eclogue  ,  fur  la  Fable,  fur 
l'Elégie,  &c.  233 

Les  Mémoires  du  Chevalier  de  *** 

M7 
Sapphus ,  Poetria-LefbU  Fragmenta 

&  Elogia  ,  &c.  306  -  696 

Les  Amours  de  Clitophon  Si  de 

Lcucippe ,  307 

Le  Payfan  parvenu  ,  lbid. 


Pièces  de  Théâtre  de  Shakefpear  ~ 

Recueil  des  Lettres  de  Madame  de 
Sévigné ,.  371-491 

Réflexions  Critiques  fur  l'Elégie  ^ 
434-825 

Lettres  au  fujet  d'un  Livre  intitu- 
lé Reflexions  fur  la  Po'efïe  en  géné- 
ral ,  &c.  435 

Lettres  au  fujet  de  quelques  abus 
de  la  Poe'fie  préjudiciables  à 
l'honneur  de  11  Religion  Catho- 
lique Si  de  la  bonne  Morale 
Chrétienne ,.  48^ 

Bïblioiheca  Latina  meàif,  &  infinut 

AtAÙS  ,  J.94 

Oeuvres  d'Horace  ,'  6^6 

Le  cinquième  Volume  du  Gloflaire 

dcduCangc,  £58 

Nouvelle  Traduction  Françoife  de 

PAminte  du  Taflc,  avec  le  Texte 

à  côté,  Ibid. 

Didon  ,  Tragédie,  837 

La  Pupile  ,  Comédie,  par  M.  Fa- 

gan ,  lbid. 

Le  Rendez -vous,  Comédie,  par 

M.  Fagan^  lbid. 


BIBLIOGRAPHIE:  j4; 

JURIDICI    ET    PO  LIT  ICI, 


Obfervations  fur  les  Arrefts  re- 
marquables du  Parlement  de 
Toulouze ,  &c.  49 

Différentes  réfolutions  de  Droit 
Civil,  de  Droit  Commun,  de 
Droit  Efpagnol ,  &c.  j  3 

Projet  d'une  nouvelle  Edition  du 
Code  Théodofien  ,        55  &  5^ 

Reglemens  fur  les  Scellez  &  In- 
ventaires en  matière  Criminelle,. 
éi 

Nouvelle  Introduction  à  la  Prati- 
que ,  Ibid. 

Tratlatus  de  VrAventione  judicidi , 

feu  de  contentione  furifdiftionitm  , 

181 

TraElatus  de  Venfionïbus  Eccleftafli- 

cis ,  adflylitm  caria  Romans.  ,  Sec. 

Ibid. 

D,  Jy.  Jofephi  de  Rofa  Confultatio- 
77ei^KrisfeleUijfimi£)Ss.c.     Ibid. 

De  Ratwciriiis  Adminiflratorum  & 
compntationibus  variis  aliis  Trac- 
tatus  prajlantijfimus  ,  &c.     Ibid. 

TraBus  bipartitus    de  Puritate   & 

Nobilitate  probanda  ,  fecundum 

flatma  S.  Officii  inquijitionh  i  &c. 

Ibid. 

Nouvelle  Edition  des  Oeuvres  de 
M.  Jean-Marie  Ricard,  Avocat 
au  Parlement,  182 

Traité  de  la  Communauté  entre 

mari  6c  femme,  &c.  par  le  Brun, 

205 

Plaidoyez  de  M.  Erard  ,  Avocat 
au  Parlement  ,  avec  les  Arrefts 
du  Parlement  donnés  en  inter- 
prétation des  Articles  282  & 
z$  3  de  la  Coutume  de  Paris,  &c. 
*47 


Caufes  célèbres  &  intereflantes  , 
307 

Dcfcription  de  l'entrée  des  Evê- 
ques  d'Orléans  &  des  Cérémo- 
nies qui  l'accompagnent  --  Dif- 
cours  fur  l'origine  du  privilège 
qu'ont  les  Evêques  d'Orléans  de 
donner  la  grâce  aux  Criminels 
qui  leur  font  prefentés  le  jour  de 

leur  entrée. DiïTertation  fur 

l'Offrande  de  Cire  appellée  les 
goutieres  ,  que  Ion  prefente 
tous  les  ans  le  fécond  jour  de 
Mai  à  l'Eglife  d'Orléans,  &e. 

Code  Criminel  de  l'Empereur 
Charles  -  Quint ,  vulgairement 
appelle  la  Caroline ,     371  -  67  c 

Tarif  dej  Marchands ,  Fripiers 
Tailleurs,  Couturiers  te  Tapif- 
fiers  r  i7z 

Codex  Germanie  Diplomaticus  '  5.94 

Bibliotheca  Juris  publia ,  Ibid. 

Style  univerfel  de  toutes  les  Cours 
&  Jurifdictions  du  Royaume 
pour  l'inftruction  des  matières 
criminelles,  ^g 

Confidcrations  fur  les  caufes  de  la 
grandeur  &  de  la  décadence  de 
l'Empire  Romain  ,       596  -  j%0 

Les  Interefts  prefens  des  Puiffances 
de  l'Europe,  g^ 

Amiquitatum  Romanarum  Jurifpru- 
dentiam  illttftrantiura  Syntagrna 
718 

Traité  de  la  Noble  fie  &  de  toutes 
fes  différentes  cfpeces ,         7Î0 

Confultations  &  Obfervations  fur 
la  Coutume  de  Bretagne  ,     837 


%Ag  BIBLIOGRAPHIE: 

Traité   des   Bénéfices    Ecclcfiafti-  vers  Sujets  de  Politique  &  de 

ques,  838  Morale,  ibid. 

Efiais  du  Chevalier  Bacon  fur  di- 

PHILOSOPHI. 


La  Bibliothèque  des  Philofophes  , 
&c  desSçavans  anciens  &:  moder- 
nes, H 

Eflais  Philofophiques  fur  divers 
Sujets ,  >  24 

DiiTerration  Hiftorique  &  Philofo- 
phique  fur  la  Philofophie  de 
Lactancc  j  137 

Traité  Phyfique  Se  Hiftorique  de 
l'Aurore  Boréale,  par  M.  de 
Mairan  ,  189-287 

L'art  d'apprendre  la  Mufique  ,  ex- 
pofé  d'une  manière  nouvelle  Se 
intelligible  ,&c  219 

Locupletijfimi  rerum  natitralinm  Tbe- 
fauri  accurata  deferiptio  ,         244 

Traité  du  vrai  mérite  de  l'homme , 
confideré  dans  tous  les  âges  & 
dans  toutes  les  conditions,  avec 
des  principes  d'éducation  pro- 


pres à  former  les  jeunes  gens  à 
la  vertu  ,  327 

Hortus  Eltbamenfis  ,  3^8 

Defcription  des  Plantes  qui  naif- 
fent  ou  fe  renouvellent  aux  en  vi- 
rons de  Paris,      371 -424- 59^ 

Cours  d'Expériences  Philofophi- 
ques, 434 

Expériences  de  Phyfique  ,  par  M. 
Polinicre ,  Ibid. 

Les  Hommes  ,  Tome  II.        Ibid; 

Penfces  choifies  fur  divers  Sujets 
de  Morale ,  43  j 

Leçons  de  Phyfique,  &c.  par  M. 
Privât  de  Molieres  ,  455 

L'Origine  ancienne  de  la  Phyfique 
Nouvelle,  parle  Père  Renault, 

Hiftoire  Naturelle  de  l'Univers  , 
par  M.  Colonne,  £33-781 


M  A  T  H  E  M  A  T  I  C  I. 


Enclides  ab  omnl  navo  -vindicatus  , 

Tenfées  Critiques  fur  les  Mathéma- 
tiques, 183 

JExercttatio  Geometrica  de  deferiptio- 
ne  Une  arum  curvarum,  244 

Ephémérides  des  mouvemens  cé- 
leftcs  pour  les  années  1735.  juf- 
qu'en  1-45.  371 

Dernonitr-tto  vera  menfurA  virium 
Mumcium  vivarum,  Sic.         4  5  3 

De  la  meilleure  manière  de  mefu- 
rer  fur  mer  le  chemin  d'un  Vaif- 


feau,  indépendamment  des  Ob- 

fervations  Aftronomiques,  595 
Traité  fur  la  Théorie  &  la  Pratique 

de  la  Navigation  ,  65  j 

L'Analy  fte,o«  Difcours  adrefle  à  un 

Mathématicien  incrédule  ,  &c. 

Ibid. 

LaRéponfe  à  l'écrit  précèdent, Ibid. 

Entretien  fur  la  caufe  de  l'inclinai- 

fondesorbitesdesPlanéteSj  Sic. 

Traité    général   des   Horloges    , 
77* 


BIBLIOGRAPHIE.  847 

Proposition    d'une  Mefure  de  la  circonférence  fur  les  parallèles 

Terre,  dont  il  réfulte  une  di-  gj7 

minution  confidcrable  dans  fa 

M  E  D  I  C  I. 


Novum     lumen    obftetricantium    1 

R.  D.  Caroli  Mufitani  Opéra  om- 
nia ,  57 

DiiTertation  fur  la  friction ,        103 

Apologie  des  anciens  Médecins 
Grecs  qui  ont  fleuri  &  qui  ont 
écrit  fur  la  Médecine  après  Gai- 
lien  ,  244 

Nouvelles  Clafles  des  Maladies 
dans  un  ordre  femblable  à  celui 
des  Botaniftes  ,  301 

Traduction  Italienne  de  PHiftoire 
de  la  Médecine  ,  publiée  en 
François  par  M.  le  Clerc }  &  en 
Anglois  parM.  Freind  ,        30^ 

Eflais  &:  Obfervations  de  Médeci- 
ne ,  revus  Se  publiés  par  une  So- 
ciété d'Edimbourg ,  $66 

Traité  en  Anglois  fur  la  Goutte  , 
368 

La  Maladie  Arjgloife  ,  ou  Traité  des 
Maladies  des  nerfs  de  toute  efpe- 
ce  ,  &c.  Ibid. 

Obfervations  importantes  fur  le 
Manuel  des  Accouchemcns^&c. 

3?i 
Anatomie  Chirurgicale ,  434 

Defcription    d'un    petit    pacquet 


de  vaifîeaux  pétrifiés  ;  trouve 
dans  le  ventricule  droit  du 
coeur  d'une  jeune  Demoifelle  , 
&c.  4^j 

Traité  de  Médecine  fur  plufieurs 
Queftions  concernant  la  Virgi- 
nité ,:  48tf 

La  Gynécologie ,  ou  Traité  Hifto- 
rique  ,  Phyfique  &c  civile  de 
l'habitation  de  la  femme  avec 
l'homme ,  ^10 

Bibliothèque  des  Ecrivains  de  Mé- 
decine j  tant  anciens  que  mo- 
dernes ,  &cc.  646 

Oeuvres  de  M.  Antoine  Valifnie- 
ri,  6s$ 

Legs  d'un  ancien  Médecin  à  fa  Pa- 
trie ,  é^S 

Traité  de  Chimie  ,  par  M.  Ma- 
louin,  yOZ 

Deux  Traitez  des  Urines,  &c.  752 

Abrégé  de  l'Anatomie  du  corps 
humain  ,  7-78 

L'Archée  ,  Auteur  des  fièvres  &  de 
leur  guerifon  ,  -jy-j 

Traduction  Angloife  de  l'Expoiï- 
tion  Anatomique  de  M.  Winf- 
low,  822 


MISCELLANEI    ET    POLI  GRAPHE 


Mémoires  de  Littérature ,  tirés  des  Mémoires  de  l'Académie  Royale 

Regiftres  de  l'Académie  Royale  des  Sciences ,                           éo 

des  Infcriptions  &  Belles  -  Let-  Très-ample  Collection  des  anciens 

très ,  &c.  Tome  VIII.      3  Se  67  Ecrivains  ,  6c  de  Pièces  concer- 


BIBLIOGRAPHIE. 


nantl'Hiftoire  ,  le  Dogme  &  la 
Morale,  143-237-323-387 

Traité  de  l'Opinion  ,  par  le  Mar- 
quis de  S.  Aubin,        184-720 

Lettres    Edifiantes   &   curieufes  , 

écrites  des  Millions  étrangères  , 

par  quelques  Millionnaires    de 

la  Compagnie  de  Jefus  ,    306"- 

6ii 

'Sibliotheca  Bencdiflino-Cajfinenfîs  , 
five  Scriplomm  Caffmenjîs  Con- 
grégations alias  S.  Juftina  Tata- 
vint ,  qui  in  eâ  ad  hac  ufjue  tem- 
porajlorttemnt ,  opemm  ac  gefto- 

P  R  I  X    P  R 

Par  l'Académie  Royale  des  Belles- 
Lettres  ,  Sciences  &  Arts  de 
Bordeaux ,  57 

Par  l'Académie  de  Chirurgie,  éta- 
blie à  Paris  fous  la  protection  du 
Roi,  125 


rum  notitu  ,  433 

Leibnitii  EpijloU  ad  diverfos ^Tlyeolo- 
gitfuridici,  Medici,  Pbilofopbici, 
Aiathematici ,  CT  Hiflorici  argii- 
menti ,  &c.  Tbid. 

Abrégé  des  Mémoires  ou  Com- 
mentaires de  Lambecius  fur  la 
Bibliothèque  de  Vienne  ,  par 
Neffelius,  Ibid. 

Memoria  Hiftorico-CriticA  Lihrcmm 
rariomm ,  J94. 

Nov a  Scriptorum  ac  Monumentorum 
pariim  rarijfimorum  partir»  itiedi- 
torum  Collcftio  ,  Ibid. 

OPOSEZ 

Par  l'Académie  de  SoifTon<: ,     3 £9 
Par  l'Académie   R^    ';    <3es  Inf- 
criptions  &  Bel 'es-Lettres,  370 
Par  l'Académie  Royale  de,  uellcs- 
Lettres ,  ScieniW  _\.  Ans  de  Bor- 
deaux, 7 19 


Fin  de  la  Bibliographie. 


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