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L E
JOURNAL
SCAVANS,
FOUR
VANNEE M. DCC. XXXIV.
JANVIER.
A PARIS,
Chez CHAUBERT, à l'entrée du Qiiay des
Auguftins , du côté du Pont Saint Michel, à la
Renommée & à la Prudence.
M. DCC. XXXIV.
AVEC APPROBATION ET PRIVILEGE DU ROY:
I
LE
JOURNAL
DES
SCAVANS
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JANVIER M. DCC. XXXIV.
MEMOIRES DE LITTERATURE , TIRE'S DES REGISTRES
de f Académie Royale des Infcripiions & Belles - Lettres: depuis l'année
ï-ji6.jttfi]ues & compris l'année 1730. Tome Vlll. A Paris , de l'Impri-
merie Royale. 1733. /w-40. pages 740. planch. détach. vi.
LE S Mémoires de Littérature
compris dans ce Volume ap-
partiennent principalement à la
Critique Scàl'Hiftoire du moyen
âge. Il font au nombre de 41 donc
Janvier.
voici les titres. 1 °. Difcours dans le-
quel on rend compte de divers Ouvra-
ges modernes touchant l'ancienne Àiu-
fique ; par M. Burette. 1. Exanen
du Traité de Plut arque fur la Mufî-
Aij
4 JOURNAL D
que; par le même. 3. Obfervations
touchant V Hiftoire Littéraire du Dia-
logue de Plutarque fur la Mufique ;
par le même. 4. Nouvelles réflexions
fur la Symphonie de l'ancienne Mufi-
■ due pour fer vir de confirmation à ce
qu'on a taché d'établir la-dejfus dans
le quatrième Volume des Alsmoires
de Littérature , page 116 ; par le
même. 5. Analyfe du 'Dialogue de
Plutarque fur la Mufique ; par le
même, 6. Difcours fur la Perfpetli-
ve de l'Ancienne- Peinture ouSculptu-
re ; par M. l'Abbé Sallier. 7. Re-
cherches fur la Vie & les Ouvrages
d'Evhémere ; par M. l'Abbé Sevin.
8. Recherches fur la Fie & les Ou-
vrages de Phylarque ; par le même.
9. Recherches fur la Vie & les Ou-
vrages de CaU'iflhène ; par le même.
30. Recherches fur la Vie & les Ou-
vrages de Tyrtée ; par le même. 1 r .
Vie de D'ernetrius de Phalére ; par M.
Bonamy. 1 2. Dijfertation oit F on exa-
mine s'il y a eu deux Zoiles Cenfeurs
d'Homère ; par M. Hardion. 13.
Dijfertation oit l'on examine s'il eflne-
cejfaire qu'une Tragédie foit en cinq
Ailes; par M. l'Abbé Vatry. 14.
Dijfertation où l'on traite des avanta-
ges que la Tragédie ancienne retiroit
de fes chœurs ; par le même. i$-Dif-
fertation fur la recitation des Tragé-
dies anciennes ; par le même. i<f.
Bclaircijfemens fur la Tragédie d'A-
gamemnon par Efchyle ; par M. l'Ab-
bé Sallier. 17 . Difcours fur la Mé-
dée d'Euripide ; par M. Hardion.
ï8. Dijfertation fur V Andromaqut
d'Euripide; parle même. 19. Ob-
fervations Critiques & Hiftoriques
fur le chœur de l' Andromaqut d'EH~
ES SÇAVANS;
ripide; par le même. 20. Comparai-
fon de l'Iphigénie d'Euripide avec
l'Jphigéniede Racine; par M. Raci-
ne. 21. Comparai fon de V Htppolyte
d'Euripide avec la Tragédie de Raci-
ne fur le même fujet ; par le même.'
2 2. Recherches fur les comfes de che-
vaux & les courfes de chars qui
étaient en ufiige dans les Jeux Olym-
pique ; par M. l'Abbé Gédoyrr 23.
Recherches fur les courfes de chars ,
qui étaient en ufage aux Jeux Olym-
piques ; par J^ même. 24. Remarques
fur la route de Sardes a Sufes décrite
par Hérodote , & fur le cours de
l'Halys , de l'Euphrate , de l'Ar.ixesy
& du Phafe; par M. de la Barre.
25. Obfervations fur quelques chapi-
tres du fécond Livre de la première
Décade de Tite-Live ; par M. de la
Curne. 16. Dijfertation fur la Livre
Romaine , avec des remarques fur
quelques mefures; par M. de la Barre,
27. Aiémoircs fur les. divifions que les
empereurs Romains ont faites de. Gaules
en plufieurs Provinces; par le même.
28. Des limites de la France & de la
Gothie ; par M. deManda'ors. 29.
Dijfertation fur Genr.bum ancienne
Ville du Pays des Carnutes ou Char-
trains ; par M. Lancelot. 50. <&-
cond Mémoire pour établir que le
Royaume de France a étéfucceffifhè-
rêditaire dans la première Race ; par
M. de Foncemagne. 31. Mémoire
Hifiorique fur le partage du Royaume
de France dans la première Race; pat
le même. 32. Mémoire Hiflonque
dans lequel on examine } fi les filles
ont été exclufes de la fucceffion an-
Royaume s en vertu d'une difpofition.
de la Loi Salique ; par le même. 33.
J A N VI
Mémoire fur l'étendue du Royaume
de France , dans la première Race ;
par le même. 34. Mémoire concer-
nant la Vie & les Ouvrages de Rigord
& de Guillaume le Breton ; par M.
de la Cume. 35. Mémoire concer-
nant la Vie & les Ouvrages de Gla-
ber , Hiflorien du tems de Hugues-
Capet; par le même. 1$. Aiemoire
fur la Vie & les Ouvrages de Guil-
laume de Nangis & de [es Continua-
teurs ; par le même. 37. Poème fait à
la louange de la Dame de Beaujeu ,
fœur de Charles VIII. avec des notes;
par M. Lancelot. 38. Suite de l'ex-
plication d'un Monument de Guil-
laume le Conquérant ; par le même.
39. Jttjtification de la conduite de Phi-
lippe de Valois , dans le procès de
Robert d'Artois ; par le même. 40.
Recherches fur Guy Dauphin , frère
de Jean Dauphin de Viennois ; par
le même. 41. Eclairciffernent fur les
premières années du règne de Charles
VIII. par le même. Dansl'impofîî-
biliré où nous fommes de nous
étendre ici fur chacun de ces Mor-
ceaux , quoique très-dignes de tou-
te la curiohté du public ; nous
nous contenterons d'en prendre
quelques uns dans chaque clafïe &
d'en donner l'extrait.
IX. Les cinq Mémoires de M.
Burette imprimés à la tête de ce
Volume , roulent fur la Muficjue
des anciens , 6i font une fuite de
fix autres Pièces de lui fur cette ma-
tière qui ont paru dans le III. le
IV. & le Ve Volume de YHtfloire
& des Mémoires de cette Acadé-
mie.
i. Dans le premier des cinq mor-
e r ; 173 r- 4
ceaux dont il cft ici queftion , l'A-
cadémicien donne un détail hiftori-
que de l'occafion qui l'a engagé à
examiner & à développer plufieurs
points de l'ancienne Mufique, fur-
tout par rapport au contrepoint ou
au concert à plufieurs parties^dont
il s'efforça de prouver contre le
fentiment de feu M. l'Abbé Fra-°
guier fon confrère , que leg anciens
n'avoient eu nulle connoifTance 5c
n'avoient fait nul ufage.
Sa Dillertation fur la Sympho-
nie t dans laquelle il adoptoit le Sy-
ftême de feu Claude Perrault tou-
chant le concert à la tierce connu
des anciens , lui fufeita un adver-
faire en la perfonne du R. P. Bou-
geant de la C. de J. qui eflaya de
détruire cette fuppofition par une
Dillertation publiée dans les Mé-
moires deTrevoux. M. Burette re-
poufie ici cette attaque , en fe plai-
gnant d'abord de quelques faufTes
imputations de la part de fon ad-
verfaire ; du peu d'exactitude de
celui-ci, en cirant quelques palTa-
ges de la DilTertation de lAcadé-
micien , &' de la manière tout à-faiî
infoûtenable dont ce Père traduis
le pafïage de Platon qui originaire-
ment a fait naître cette difpute,
Après quoi l'Auteur répond pied à
pied aux objections du P. Bougeant
contre l'hypothéfe du concert à la
tierce admis dans l'ancienne Mufi-
que -, & ces objections qui font au
nombre de cinq , paroifïent fonde-
ment refutées.
M. Burette vient enfui te au Dia-
logue de l'Abbé de Château-Neuf
fur la Mufique des anciens, & il
6 JOURNAL D
fait fur cet Ouvrage , d'ailleurs fi
plein d'efprit & d'agrément , di-
verfes obfervations importantes.La
principale tombe fur la preuve en
faveur du contrepoint ufité dans l'an-
cienne Mufique ; preuve que cet
Abbé tire du Monocorde de Ptolo-
mée décrit par ce Mathématicien ,
dont l'Abbé rend très- imparfaite-
ment les termes en François. C'eft
ce que prouve l'Académicien , en
donnant une explication plus ap-
profondie de ces termes grecs peu
exa&ement interprétés par Waïïis
lui-même.
M. Burette expofe à la fin de ce
premier Mémoire les motifs qui
l'ont porté à traduire en François
le Dialogue de Plutarque fur la
Mufique , & à l'éclaircir par des
notes ; &i le plus puiffant de ces
motifs a été l'efperance de tirer de
ce Dialogue bien entendu une preu-
ve convaincante &c fans réplique de
l'ignorance où étoient les anciens
fur ce que nous appelions contre-
point en Mufique.
i. Le premier foin de l'Acadé-
micien pour parvenir à fon but , eft
de confirmer Plutarque dans la
poffeffion où il eft de paffer pour le
véritable Auteur de ce Dialogue ,
contre le fentiment à'Amyot & de
quelques autres fur cet article : Se
M. Burette , dans un fécond Mé-
moire , s'applique à prouver cette
propofition , i°. par le confente-
ment unanime de tous les autres
Interprètes ou Commentateurs -,
2°. par la reffemblance du ftyle de
ce Dialogue avec celui des autres
Ouvrages reconnus pour être in-.
ES SÇAVANS,
conteftablement de Plutarque , ref-
femblance obfervée quant au Dia-
lecte &c au choix des termes , au
tour de li phrafe , aux ornemens ,
aux citations poétiques , & à la
manière de débuter ou de tourner
un Exorde ; 30. par l'uniformité
pour la do&rine en fait de Mufi-
que entre ce Dialogue Se les autres
Traitez de l'Auteur Grec ; unifor-
mité qui règne conftamment quant
à l'hiftoricme & quant au dogmati-
que , des parties duquel l'Académi-
cien fait une exacte énumeration, à.
laquelle nous renvoyons.
Le 3e Mémoire de M. Burette
contient des obfervations touchant
l'Hiftoire Littéraire du Dialogue de
Plutarque ; c'eft-à dire , qu'il y eft
parlé de fes différentes éditions gré-
ques & de fes verfions latines y qui
font celles deXylanderSc de l'Italien
Valgulio , defquelles on fait la cri-
tique ou l'examen, ainfi que delà
verfion Françoife èîArnyot. A l'é-
gard des Commentateurs , qui ont
travaillé à l'éclairciffement du Dia-
logue dont il s'agit, ils fe reduifent
à quatre , fçavoir Xylander } Mei-
bom } Valgidio , & Mêzjriac \ mais
on ne peut tirer d'eux que de très-
foiblesfecours. Les notes de Xylan-
der ne font qu'au nombre de trois.
Celles de Meibom ont été feule-
ment annoncées , fans avoir été ja-
mais imprimées. Celles de Aièz.i-
riac manuferites & communiquées
généreufement à l'Académicien par
MM- les Abbez Sevm &c Sallitr
fes confrères qui en font poffefîeurs,
feront pour lui de quelque reflour-
cc } quelques - uns des panages
J A N V
difficiles s'y trouvant corrigés &
expliques ; mais en fort petit nom-
bre. Quant à Valgulio il ne fournit
qu'une Differtation en forme de
Préface fur la Mufiquedes anciens,
& l'Académicien donne ici un pré-
cis de cette Pièce fur laquelle il
porte fon jugement.
4. Dans le Mémoire fuivant , il
fait de nouvelles réflexions fur la
Symphonie de l'ancienne Muftque, 8c
cela pour confirmer ce qu'il a tâché
d'établir là-deiTus dans le quatriè-
me Volume des Mémoires de Litté-
rature [ page 116] & pour répon-
dre aux objections du feu Père du
Cerceau de la C. de J. contre le
concert à la tierce , imprimées dans
les Journaux de Trévoux. M. Bu-
rette fe récrie centre l'inutilité de la
première des deux parties de la Dif-
fertation de ce Père contre l'Acadé-
micien, dans laquelle partie le Ie'
prouve très-bien que la tierce a tou-
jours patTé pour diffonnance dans
l'ancienne Mudque ( ce que le fé-
cond n'a jamais nié : ) après quoi ce-
lui ci entreprend de prouver contre
le P. du Cerceau , i°. Que les an-
ciens ont connu très-diftinctement
toutes les diflonances : 20. Qu'ils
les ont défignées par leurs propres
dénominations , &c qu'en cela les
confonances n'ont eu fur les diflo-
nances aucun avantage : 30. Qu'ils
ont partagé celles-ci en deux gen-
res , qui n'ont été ni l'un ni l'autre
abfolument exclus de l'ancienne
Mélopée , non plus que le premier
des deux ne l'a point été de l'an-
cienne Symphonie.
A l'égard du paiTage d'Horace
I E R ; 175 4; 7
employé par l'Académicien pour
prouver l'exiftence du concert à la
tierce chez les anciens ; celui ci for-
tifie cet argument par de nouvelles
preuves qui combattent l'hypothé-
fe du P. du Cerceau fur ce point
comme étant hors de toute vrai-
femblance , & qui vont le forcer '
pour ainfi dire , jufques dans fes
derniers rctranchemens. Nous ren-
voyons fur tout cela au Mémoire
même de M. Burette.
5. Enfin il nous expofe dans fon
dernier morceau une Analyfe exac-
te du Dialogue de Plut arque fur la
Mufîque , pour nous donner com-
me un avant goût du grand Ou-
vrage auquel il travaille actuelle-
ment fur cette matière , & qui pa-
roîtra en fon tems dans les Mémoi-
res de l'Académie.
X. M. l'Abbé S 'allier , dans fois
Difcours fur la Perfpeflive de l'an-
cienne Peinture ou Sculpture , exami-
ne, à l'occafion de quelques pafla-
ges d'Auteurs , s'il eft vrai que les
anciens hiflent deftitués de toute
connoiffance de Perfpeètive , com-
me l'aiîure feu Charles Perrault
dans fon Parallèle des anciens &
des modernes. Il prétend , r°. Que
les Peintres ou les Sculpteurs de
l'Antiquité n'avoient aucune idée
de la Perfpective , qu'ils en igno-
roient les principes & les règles ;
20. Qu'en confequence , ils étoient
privés du fecret de dégrader les fi-
gures , foit pour la forme , foit
pour les couleurs , & qu'ils n'z.-
voient jamais fait fentir cette dégra-
dation dans aucun de leurs tableaux
eu de leurs bas-reliefs.
g JOURNAL D
L'Académicien , fans vouloir
égaler fur ce point les anciens aux
modernes, croit pouvoir préfumer
qu'à fe renfermer dans les fculs ter-
mes de la probabilité , il n'y a nulle
apparence , que les exccllens Maî-
tres en l'un & en l'autre genre qui
ont brillé avec tant d'éclat fous le
reçme d'Alexandre leGrand,n'ayent
eu aucune idée de la Perfpe&ive :
fans compter que fur les titres qui
nous font reftés de plufieurs Ou-
vrages anciens, écrits fur l'art de la
Peinture on pourroit conjecturer
qu'il y en avoit quelques uns dont
la Perfpe&ive faifoit le fujet. Mais
l'Académicien fonde fon fentiment
fur des preuves plus convaincantes
que de tels préjugez.
La première refulte d'un double
paffage de Platon , que nous ne
tranferirons point ici ( pour abré-
ger ) & qui revient aux propofi-
tions fuivantes : i°. Que les Statuai-
tes dans leurs figures de ronde bof-
fe , fe conformoient quelquefois
exactement , pour les dimenfions ,
aux modèles qu'Us s'étoient propo-
fés : 2°. Qu'ils s'éloignoient auffi
quelquefois de ces proportions :
3°. Que les Peintres en faifoient
autant dans la pratique de leur art :
4°. Qu'ils confultoient les appa-
rences , le vraifcmblable , le fpe-
cieux , réglant leurs traits fui-
vant les points de fituation &c de
diftance où dévoient être les figu-
res. Ces deux dernières propor-
tions fe trouvent confirmées par la
fuite du paffage dont il s'agit , où
l'on appelle la figure faite par l'Ou-
vrier tô çaivoVttw , Tt <jttïTK^« , c'eft-
ES SÇAVANS.
à- dire , qui ne rejfemble point à ce
qu'on du quelle reprefente ; Se où
l'on ajoute que cetre forte d'imita-
tion eft du reffort de la Peinture,
& de tout autre ait dont le but eft
d'imiter.
De cette double imitation ,
naiffent deux véritez ( dit l'Au-
teur ) l'une hiftorique ou natu-
relle, qui n'eft qu'une fimple imi-
tation de la nature; l'autre, artifi-
cielle, qui met en oeuvre le relief &
l'entoncement ; la lumière & l'ob-
feurité ; la force , Padouciffement,
le contour , pour en impofer à nos
yeux en leur prefentant les objets
tels qu'ils font , non dans leur réa-
lité , mais dans la feule apparence :
& c'eft auffi cette vérité artificielle
qui exige le plus de génie, d'étude,
& defi;avoir, quoiqu'elle ne foie
qu'une illulîon que la Peinture fait
à nos fens. Cette erreur ( ajoute
Socratc dans l'un de ces partages )
fe communique jufqu'à notre ame,
& la Peinture n'oublie rien pour
nous enchanter & nous fafcinerles
yeux. Or [ dit M. l'Abbé Sallier ]
cette illufion que tait un tableau ne
roule ni fur l'invention du fujet , ni
fur fa délinéation , ni fur l'expref-
lïon que le Peintre donne à fes fi-
gures. Elle ne pouvoit donc confi-
fter alors ( comme elle ne confifte
aujourd'hui ) que dans l'ufage que
les anciens faifoient de la Perfpedi-
ve , pour la modification des gran-
deurs &c des couleurs i d'où il fuit
qu'Us connoiffoient la dégradation
en fait de Peinture , & que Socratc
dans les deux paffages de Platon J
ne dit autre chofe de l'art des Ou-
vriers
J A N V I
Vriers de fon tems en ce genre , que
ce qu'on trouve fur cet article dans
le Traité de la Peinture compofé
par Léonard de Vinci.
Cet autre preftige de la Peinture
( dit l'Académicien ) qui éloigne
les objets dans un tableau , qui hit
fuir les uns & rapproche les au-
tres, n'étoit pas inconnu aux an-
ciens. La preuve en eft dans Vitru-
ve , qui parlant du Peintre Afatu-
rius , dit qu'il peignit dans la Ville
de Tralles une Scène de Théâtre,
dont l'afpccl étoit d'autant plus
beau , que le Peintre y avoit fi bien
mélangé les différentes teintes ,
qu'il fembloit que cette architectu-
re eût en effet toutes fes faillies. Le
même Vitruvc dit ailleurs: «Qu'on
» ne lailfe pas de reprefenter fort
» bien les Edifices dans les Perf-
» pedtives que l'on fait aux décora-
» tions des Théâtres ; & on fait que
» ce qui eft peint feulement fur une
>» furface platte paroît avancer en
?> des endroits &c fe reculer en d'au-
m très.
Rien de plus décifif ( comme
l'on voit) que ce partage pour éta-
blir l'ufage de la pcrfpecîive chez
les anciens. L'Auteur en allègue
plufieurs autres qui prouvent le
même fait , mais en des termes
moins précis , & qui demandent
quelques reflexions pour être ame-
nés à leur fens véritable. Rien de
plus jufte , au refte , que le parallèle
que l'Académien fait ici de la Poe-
fie avec la Peinture , qui eft une
Poëfîc muette , Se dont on peut
mefurer les progrès par ceux de
l'autre , &c appercevoir dans les
Janvier.
E R , 1 7 5 4: P
Tableaux que nous offrent ces deux
arts une forte de dégradation -, fur
quoi il compare l'Iphigénie en Au-
lide d'Euripide avec le merveil-
leux tableau du Peintre Timanthc
fur le même fujet.
A tous ces témoignages fi précis
rapportés par l'Académicien en fa-
veur du fentiment qu'il tâche d'é-
tablir ; il joint les obfervations fai-
tes fur plufieurs'pierres gravées da
Cabinet du Roi ( telles , par exem-
ple , que le fameux Cachet de Mi-
chel - Ange t pierre antique s'il en
fut jamais ) dans les figures def-
quelles on voit manifeftementune
dégradation , fuivant l'endroit du
plan où elles font fituées.
Mais ( obferve charles Perrault )
comment exeufer le défaut de dé-
gradation & de perfpeclive qui rè-
gne dans les bas-reliefs de la colom-
ne Trajane ? M. l'Abbé Sallier ré-
pond d'après de Piles , qu'un tel dé-
faut, dans ce célèbre Monument ,
venoit , non de l'ignorance de la
la Perfpeclive , mais du deflein
que l'Ouvrier, fupérieur aux règles
de fon art , avoit de foulager la
vûë , & de rendre les objets plus
fenfibles & plus palpables. Or c'eft
à la pratique de ce précepte capital,
que les autres doivent quelquefois
être facrifiés.
XI. Les recherches de M. l'Abbé
Sevin fur la Vie & les Ouvrages de
Callifihêne , nous font connoître
plus particulièrement un Philofo-
phe qui avoit plus de fçavoir Se
d'éloquence que de jugement, qui
étoit naturellement chagrin , peu
traitable , toujours prêt à contredi-
B
io JOURNAL DE
rc Se àcenfurer avec aigreur les dé-
fauts d'autrui , par confequent
peu propre à la Cour , où il s'enga-
oea mal-à-propos , Se où les enne-
mis qu'il s'étoit faits en grand nom-
bre travaillèrent efficacement à fa -
perte.
Il naquit à Olynthe , Ville de
Thrace , environ 365 ans avant
J. C. Son père, félon quelques-uns,
portoit le même nom -, félon d'au-
tres.il s'appelloitDiotime,& famere
Héro étoit coufine d'Ariftote. Ce-
lui-ci prit également foin des étu-
des Se de la fortune de Callifthêne»
puifque appelle dans la fuite à la
Cour de Macédoine pour être Pré-
cepteur d'Alexandre , il fe fit ac-
compagner par ce parent , qu'il
mit même en fa place quelques an-
nées après , lorsqu'il obtint la per-
miffion de fe retirer. Callifthênc
profita mal du confeil que lui avoit
donné Ariftote, de parler rarement
devant les Princes , ou du moins
de ne leur dire que des chofes
agréables. Il fuivit Alexandre en
qualité d'Hiftoriographe , dans
l'expédition de ce Prince en Afie ,
efperant que fes fervices le met-
troient en droit de lui demander
le retabliiTement d'Olynthe fa Pa-
trie , ruinée par la guerre.
Alexandre le confidera fort juf-
qu'à la mort de Clitus : mais de-
puis cette funefte cataftrophe , les
Sophiftes Se les flatteurs, à la tête
delquels étoit le Philofophe Ana»
xarque , prévalurent à la Cour , Si
Callifthcne y fut beaucoup moins
écouté : d'où l'Académicien prend
occafion de nous peindre le eaiacte-
S SÇAVANS;
re de ces faux PhilofophcS^ qui
faifoient profelïîon de parler fans
être préparés fur quelque fujet que
ce pût être , de Religion , de Mo-
rale , Pde olitique , Se de foûtenir
indifféremment le pour Se le con-
tre. Callifthêne ne cefloit de dé-
crier ces Sophiftes •> 6v pour prou-
ver que leur talent n'avoit rien de
fi merveilleux , il compofoit quel-
quefois avec fuccès dans ce genre
d'écrire , fans en avoir fait aucune
étude particulière.
Ce fut juftement ce qui précipita
fa difgrace, Alexandre d'intelli-
gence avec les Sophiftes qui étoient
en faveu», l'cngagea^pour le rendre
odieux- aux Macédoniens , à faire,
dans un repas , un difeours à la
louange de ceux-ci , à quoi il réuf-
fit au gré de tous les auditeurs |
mais immédiatement après , le Roi
lui ayant ordonné de prononcer
contre eux une inventive où il cen-
fureroit fans quartier leurs vices ,
Se feroit voir par là toute la fupe-
riorité de fon éloquence -, Calli-
fthêne s'en acquita encore mieux
qu'il n'avoit fait du panégvrique ~,
ce qui aigrit infiniment contre lui
tous les conviés ; Se fon impruden-
ce le fit ainfi donner dans le piège
que fes ennemis lui avoient tendu.
Il étoit d'ailleurs d'une vanité in-
fupportable , fouffrant très- impa-
tiemment tous ceux qui en matiè-
re de feience vouloient fe mefurcr
avec lui ; Se faifant dépendre de fa
plume le bruit que dévoient faire
dans le mon.de les exploits d'Alc--
xandre.
Ce Ponce gardok encore ccpcn-
JANVIÉ R; i7j4
■âant quelques mei'ures avec ce Phi- murmures parmi les Grec
ufqu'au tems où celui
lofophe , juiqu'au tems où
ci refufa de le ialuer à la Perfane.Ce
refus , malheureufement pour Cal-
lifthêne , fut bien-tôt fuivi de la
découverte d'une confpiration fai-
te contre le Roi par Hermolaiis ;
$c l'on ne manqua pas d'y impli-
quer le Philofophe , & de l'arrêter
comme complice. Les témoignages
desHiftoriens varient fur ce point-
Les uns difent qu'il ne fut chargé
à la queftion par aucun des conju-
ïés , & allèguent en preuve deux
fragmens des Lettres d'Alexandre.
Les autres alîurent que les conju-
rez aceuferent Callifthêne : mais il
paroît que M. l'Abbé Sevin pen-
cheroit allez à juftifier le Philofo-
phe aux dépens du Héros.
Quoiqu'il en foit , les fentimens
ne font pas moins partagés au fujet
du fuppliee de Callifthêne. Selon
Ariftobule , Strabon , Plutarque
Se Diogéne-Laërce, il fut chargé de
chaînes , enfermé dans une cage ,
conduit à la fuite de l'armée , &
mourut de maladie , mangé de la
vermine.Suivant Ptolomée &Quin-
te-Curce , après avoir fubi la que-
ftion, il fut mis en croix. Au rap-
port de.luftin, on lui coupa le nez,
les oreilles & les lèvres ; après quoi
on l'enferma dans une cage , où Ly-
fimaque fon ami , touché de com-
pagnon lui apporta le poifon qui
mit fin à fa vie &C à fes malheurs.
Ariftote dit feulement que Calli-
fthêne fut condamné dans une af-
femblée de Macédoniens.
Ce qu'il y a de plus certain , c'eft
^u'un tel jugement excita bien des
rr
& fur-
tout parmi les Difciples d'Ariftote;
& l'on a cru même , fans beaucoup
de fondement , ( dit l'Académi-
cien ) que ce Philofophe , pour
venger la mort de fon parent -
avoit préparé & fourni le poifon
dont on fuppofe que mourut Ale-
xandre. Mais il eft plus vraifembla-
ble ( ajoute t-on ) qu'Ariftote ne
fit point éclater fa douleur , quoi^
que fon Difciple Théophrafte aie
rendu la ilenne publique par u*
Livre intitulé Callifthêne ou de l'af-
fiittion , dans lequel Alexandre n'é-
toit point épargné.
Quant aux Ouvrages de Calli-
fthêne , M. l'Abbé Sevin nous e»
donne une notice des plus exacies.
Ce Philofophe , en premier lieu ,
eut grande part à la revifion de l'I-
liade & de l'Odyflee, entreprife
parles ordres & fous les yeux d'A-
lexandre même ; d'où refulta cette
fameufe Edition d'Homère , con-
nue fous le nom de l'Edition de la
Ctffette. i°. Il avoit compofé une
Hiftoire fuivie de la Guerre de Troye^
Ouvrage qui devoit être fort utile
pour l'intelligence d'Homère, Se
qu'il avoit détaché d'un autre Ou-
vrage de plus longue haleine , qui
étoit une cfpece à'Hifloire univer-
felle, comme le prouve folidement
l'Académicien par un partage de
Ciceron & par quelques autres au-
toritez. 30. Dans les Hellêniijttts de
Callifthêne partagées en dix Livres,
on trouvoit le récit de ce qui s'é-
toit parte de plus mémorable dan»
la Grèce depuis la féconde année de
la 98e Olympiade jufqu'à la fin ds
Bij|
13 JOURNAL DE
la i°5ej c'eft-à -dire pendant l'ef-
pace de 30 ans que fignalcrent fur-
tout les fameufes batailles de Leuc-
tres Se de Mantinée. 40. Il avoit
écrit auiïi V Hiftoire de la Guerre Sa-
crée , dans laquelle toute la Grèce
prit les armes contre les Phocéens ,
pour venger l'outrage fait par ceux-
ci à l'Oracle de Delphes. 50. Suidas
nous parle d'un autre Ouvrage
Hiftorique de Callifthêne fous le
titre des Perjîqucs , lequel notre
Auteur prétend n'être que V Hiftoi-
re même à' Alexandre ; fur quoi il
faut voir fes preuves.
On attribue encore à notre Phi-
lofophe 6°. un Traité de la nature
de l'œil. 70. Un autre concernant la
Botanique. 8°. Un Recueil à'Apoph-
thegmes. 90. Un Traité de la Cbajfe.
io°. Un Périple ou la defeription
des Côtes & des Iiles parcourues
dans une navigation. Quelques-uns
de ces cinq derniers Ouvrages
pourroient bien être de quelque
autre Callifthêne ; Se c'eft une dif-
culhon pour laquelle nous ren-
voyons à l'Académicien , ainli que
pour les divers jugemens portés
par les anciens fur le ftyle de ce
Philofophe.
XII. M. Bon.imy a raifemblé avec
beaucoup de foin & d'exactitude
dans une narration fuivie tout ce
que l'Antiquité nous apprend de
Démetrius de Phalére , grand Ora-
teur Se grand Homme d'Etat. Il
étoit du Bourg de Phalére dans
l'Attique & fils de Phanoflrate qui
avoit été efclave. On ne fçait pas
précifément en quelle année il na-
quit y niais l'Académicien préfume
S SÇAVANS,
de quelques fynchronifmes & de
quelques paffages d'Auteurs que
Démetrius pouvoit avoir environ
trente ans la troilîéme année de la.
1 1 5e Olympiade , c'eit-à dire lors
de la mort de l'Orateur Démadcs ,
arrivée cinq ans après celle de Dé-
moithéne & d'Hypéride. Il fut le
Difciple Se l'ami intime de Théo-
phrafte , fous lequel il perfectionna.
fes talens naturels pour l'éloquen-
ce , Se cultiva la Philofophie , la
Politique Se l'Hiftoire : car il écri-
vit dans tous ces genres , iSc le
fit avec fuccès 3 quoique fes Ou-
vrages Oratoires eulfent plus de
douceur , que de véhémence , au
jugement de Ciceron. Cette dou-
ceur faifoit le caractère de fon ef-
prit, auquel répondoit un extérieur
aimable.
Quoiqu'il fût déjà célèbre à
Achénes dans l'art de parler , avant
la domination d'Antipater ; ce ne
fut proprement que depuis cette
époque , qu'il y joiia un rôle confl-
derable : & c'eit pour mieux lier
les évenemens de fa vie , que l'Au-
teur donne un détail de ceux qui
fuivirent la mort d'Alexandre, pat
rapport aux Athéniens , & fur lef-
quels nous renvoyons à l'Académi-
cien. Antipater , après la bataille de
Cranon , s'étant rendu maître d'A-
thènes , Démetrius fe retira vers
Nicanor grand ami de Caifander
fils du vainqueur -, Se fut condam-
né , quoiqu'abfent , par les Athé-
niens pour crime d'irréligion. Mais
peu de tems après ayant fait fon
accommodement avec Antipater }
il revint à Athènes , où il eut beau-
JAN VIE
coup de part aux affaires de la Ré-
publique. Il y vefta jufqu'à l'arri-
vée du fils de Polyfperchon avec
une armée , qui l'obligea d'en for-
tir pour fe mettre en ïu; été , pen-
dant que Phocion lut lacrifié à la
fureur du peuple , qui condamna
aufiî plufieurs des abfcns , & entre
autres Démetrius. Mais Calfander
devenu le plus fort dans Athènes ,
choifit du confentement du peuple
Démetrius de Phalére pour gouver-
ner la république ; & celui ci rem-
plit cette dignité pendant dix ans
ou jufqu'à la prife d'Athènes par
Démetrius - Poliorcète -, fur quoi
l'Académicien relevé une lourde
méprife de Jof. Scaiiger.
Ce fut donc pendant ces dix an-
nées de gouvernement que Déme-
trius de Phalére mérita cette haute
réputation qui l'a égalé en quelque
forte aux plus grands hommes d'A-
thènes. 111a gouverna avec toute la
douceur , la paix & l'équité qui
pouvoient ie rendre cher à fes con-
citoyens > èc quoique chef de la
Republique, bien loin d'abolir la
Démocratie , il la rétablit. Il aug-
menta les revenus de l'Etat •, il dé-
cora la Ville par de nouveaux Edi-
fices ; il s'appliqua fur-tout à refor-
mer le luxe & à retrancher toutes
les dépenfes qui n'avoient que le
farte pour objet , ne permettant
celles-ci que dans les céf émonies re-
ligieufes, au nombre defquelles il
ne comprenoit nullement les funé-
railles , d'où il bannit toute fomp-
tuolîté. Il fit encore de fages Loix
pour le règlement des mœurs &
pour le foulagement des pauvres \
R , i 7 ? 4: i£
& les Athéniens fe trouvèrent fi
heureux fous fon gouvernement
qu'ils crurent ne pouvoir mieux
lui en marquer leur recunnoifianec
qu'en lui faifant ériger fucceflive-
ment $6o itatuè's ; honneur [dit
l'Académicien ] qui n'a été fait à
nul homme.
Mais comment accorder avec
une conduite fi réglée &c fi digne de
refpeèt ce qu'Athenéc nous racon-
te de la vie privée de Démetrius ,
d'après les deux Hiftoriens Cary-
ftius & Duris î S'il faut les en croi-
re, Démetrius menoit une vie très-
diflolue & toute contraire à fes
Loix. La profufion de fa table alloit
au point , que fon Cuifinicr , qui
difpofoit de la deflerte , acquit
dans l'efpacc de deux ans trois ter-
res confiderables. Le Maître avoit
de revenu annuel douze cens ta-
lens , qui fuivant l'évaluation de
M. Bonamy taifoient cinq millions
4Z milles Z50 livres de notre
monnoye , dont il faifoit ( dit oa )
auffi peu de largefles aux gens de
guerre , que pour les frais de l'ad-
miniitration publique. » Tous les
» jours ( continue l'Académicien )
» c'étoient nouveaux feltins les
» uns plus magnifiques que les au-
» très •, ils l'emportoient , pour la
» profufion , fur ceux des Macédo-
» niens , & ne le cédoient en rien
» pour le bon goût, la délicate/Te &
»>la propreté à ceux des Phéni-
» ciens & des Cypriots ; il n'y avoic
» pas jufqu'au parquet qui ne fût
»îemé de fleurs, & fur lequel on
»> ne répandît des parfums. Le re-
» fte de la conduite de Démetrius
i4 JOURNAt DE
«répondoit à cette volupté de fa
» table. La pudeur ne permet pas
» d'entrer dans le détail de fc$ dé-
jà bauches; elles font dignes d'un
» homme efféminé.
Sur de pareils témoignages , M.
Bonamy ne diffimule point l'em-
barras où il fc trouvoit pour difcul-
per Démctrius de Phalérc , dont
il avoit conçu d'abord Ci bonne
opinion. Heureufemcnt pour lui
étant tombé fur un chapitre d'E-
lien , où cet Auteur traite de l'in-
continence & du luxe de Déme-
trius Poliorcète ou le Preneftr de Pil-
les -, il y lut précifément les mêmes
circonftances mifes par Athénée fur
le compte du Phaléréen ; d'où il
conclut qu'Athénée s'étoit groffie-
rement trompé en appliquant à ce
dernier Démetrius ce qu'avoit dit
du premier l'HiftorienDuris, dont
le témoignage n'étoit que trop con-
firmé par Plutarque dans la Vie de
ce Prince. Ainfi en fuppofant
que perfonne n'ait apperçû jufques
ici la bévue d'Athénée , l'on peut
dire que la juitiheation de Déme-
trius de Phalére efl: une découverte
due à l'Académicien , qui le réta-
blit par - là dans toute fa réputa-
tion.
Démetrius , malgré les com-
plots contre l'Oligarchie , fe main-
tint dans le gouvernement d'Athè-
nes jufqu'à h prife de cette Ville
par Dcmetrius-Policrcéte , du con-
fentement duquel il fe retira à
Thébes , d'où il palTa en Egvpte :
fur quoi l'Auteur difeute & éclair-
cit une difficulté de chronologie ,
qu'on peut voir cher. lui. Démc-
S SÇAVANS ;
trius trouva une retraite agréable
aupçès de Ptolomée-Soter Roi d'E-
gypte. Ce Prince le chargea du foi»
de veiller à l'obfervation des Lois
de l'Etat , lui donna le premier
rang entre fes amis , & le fit vivre
dans l'abondance de toutes chofer.
On lui tait honneur du premier
ctablifïement de la Bibliothèque
d'Alexandrie , & d'avoir eu la di-
rection de la verfion Gréque deî
Septante. Mais Ci l'on place l'un &£
l'autre événement fous Philadel-
phe ; il n'y a nulle apparence que
Démetrius y ait eu aucune part ,
ayant encouru l'indignation de ce
Prince : & c'efl: un point dont l'A-
cadémicien renvoyé la difcullion à
l'Hiftoire qu'il promet de la Bi-
bliothèque d'Alexandrie. Du refte,
Démetrius qui avoit confeillé à So-
ter d'écarter de la fucceffion Phila-
dclphe , fut relégué par celui - ci
dans une Province d'Egypte , où il
mena une vie malheureufe , qu'il
termina en fe faifant picquer d'um
afpic , la troifiémeoula quatrième
année de la 124e Olympiade.
XIII. La Difïertation dans la-
quelle M. Hardton examine s'il y *
en deux Zoiles Cenfeurs d'Homère
combat le fentiment commun où
l'on eft fur l'unité de cet injufte &
bizarre Critique , dont le nom
étoit autrefois un terme injurieux '
&c qui'' poufToit la folie jufqu'à
toiietter les ftatue's de ce grand
Poète, 8c à prendre de-là le titre
faftueux de Fléau d'Homère (Ho~
mtromtiftix ). L'Académicien pré-
tend que cette cenfurc téméraire Se
extravagante appartient toute e«-
j A N V ï
Siere a un fécond Zoïlc , qu'elle
rendit l'objet de la haine Se de la
rifée de toute la Grèce : mais qu'il
y en a eu un autre plus ancien
qu'on doit regarder comme un
Critique judicieux & circonfpecT: ;
ainfi que s'en eft apperçû feu Tané-
guy le Vivre y qui avertit dans
une de fes notes fur Longin , de ne
confondre pas l'un avec l'aune ;
ajoutant que l'HomêromaJtix n 'étoit
point aufli fot Se aulîî ridicule ,
qu'on fe le figuroit ordinairement,
( minime fatum ) ce qu'il promet
de prouver un jour ( Ht alias yroba-
bitur. ) Mais il ne s'engage à rien
fur l'article de l'ancien Zoïle , qu'il
dit feulement avoir été Rhéteur
& contemporain de Platon contre
lequel il écrivit; alléguant pourga-
r-ansDenys d'Halicarnaffe Se Quin-
tilien. M. Hardion n'a donc rien à
regretter de ce côté-là , & conduit
fes recherches beaucoup plus loin.
Le premier Zoïle étoit d'Amphi-
polis , Ville de Thrace , fut Difci-
pie de l'Orateur Polycrate Se maî-
tre d'Anaximéne , l'un des Précep-
teurs d'Alexandre ; Se il devoir par
confequent être fort vieux fur la
fin du règne de Philippe , qui mou-
rut dans la ii oc Olympiade. Le fé-
cond Zoïle étoit d'Ephéfc , & vi-
voit fous Ptolomée - Philadelphe ,
qui commença de régner environ
60 ans après la mort de Philippe;
Se il vint à Alexandrie , au rapport
de Vitruve , reciter à Ptolomée fes
Ouvrages contre l'Iliade Se l'Odyf-
fée , ce Prince étant au moins alors
dans la quinzième année de fon rè-
gne , o'eft-à-dire plus de jo ans
E R, 1734. tx
après la mort du premier Zoïle ,
que Vofllus , contre toute vraifem-
blance, a fait vivre jufques - là,
pour remplir ce vuide : fur quoi il
a été abandonné de tous les Criti-
ques , lefquels ont mieux aimé
renvoyer parmi les fables le récif
de Vitruve.
Mais c'eft ce qu'on ne fe perfua-
dera jamais , fi l'on péfe mûrement
diverfes circonftances détaillées pas
l'Académicien qui fcmblent mettre
ce récit hors de doute. Telles font
i°. Celle du fupphcede Zoïle mis
en croix par l'ordre de Ptolomée ;
i°. Celle de la première Apologie
d'Homère contre fon Ccnfeur
écrite par Athénodore contempo-
rain de Philadelphe ; 3 °. Celle de 1 1
revifion des Poèmes d'Homère
propofée aux p!us célèbres Gram-
mairiens de la Grèce par les deux:
premiers Ptolomées. Ajoutez à
tout cela l'incompatibilité R mar-
quée entre le caractère du premier
Zoïle Se celui du fécond , laquelle
M. Hardion s'applique à mettre
ici dans un plein jour.
Le premier s'étoit fait m» nom
dans Athènes par fes plaidoyers &c
fes harangues fur les affaires publi-
ques , ce qui lui donnoit un ran<?
dans la féconde claffe des Orateurs,,
Ses Ouvrages furent recherchés
avec empreffement Se étudiés avec
foin par Démofthéne. Zoïle , dans
fon ftyle , s'étoit rendu imitateur
de Lyfias , au rapport de Denys-
d'Halicainafle : & c'eft tout ce que
ce Rhéteur nous en apprend. Mais
pour nous en donner une idée plus
complette., M. Hardion npus peine
s4' JOURNAL' D
ici le genre d'éloquence dans lequel
cxcelloit l'Orateur Lylîas , Se qui
étoit le genre gracieux Se fleuri ,
où regnoient la noble (Implicite, le
beau naturel , la douceur & les
grâces de l'élocution , la peinture
des mœurs Se des caractères 6c les
autres qualitez dont il faut lire ré-
munération dans la DiiTertation
même. De là l'Auteur conclut que
le ftyle de chaque Ecrivain étant
une fidcle peinture de fon ame ,
Lynas , Se fes imitateurs , tels que
Zoïle , dévoient être caraiîterifés
pat beaucoup de douceur dans l'ef-
prit Se dans les mœurs , & que par
confequent le premier Zoïle loin
d'être envifagé comme un Cenfeur
farouche Se intraitable , ne pou-
voit pafler que pour un Ecrivain
mefuré , fage Se incapable d'ai-
greur. Il avoit , à la vérité, fait la
Critique de Platon , mais par le
feul deilr de chercher le vrai ; au-
quel cependant on peut croire que
i'étoit joint le motif fi légitime de
défendre fon maître Lvfias contre
la vive Cenfure du Philofophe. S'il
eft vrai , comme l'aflure Denys ,
( ajoute M. Hardion ) que ce Zoï-
le ait écrit contre Homère , il l'a
fait fans doute , avec toute la mo-
dération qu'on devoit attendre
d'un Cenfeur exempt de toute ani-
mofité.
Il n'en étoit pas de même du fé-
cond Zoïle. Par la manière infolen-
te dont il critiquoit Homère , il
devint odieux à tous les honnêtes
gens. » On l'avoit ( dit l'Aureur )
» furiiommé le Chien de la Rhéto-
» rique ; on comparoit fa folie à
ES SÇAVANS,
u celle de Salmonée qui avoit votc-
» lu s'égaler à Jupiter : on le trai-
» toit de vil efclave , decalomnia-
» teur , de facrilege. Il portoit
» ( dit-on ) une longue barbe , &
»> fa tête étoit 'rafée jufqu'au cuir.
» Son manteau n'alloit pas jufqu'à
» fes genoux. Il aimoit à mal par-
» 1er de tout fans règle Se fans me-
n fure , Si fembloic avoir pris à
n tâche de fe taire haïr. Enfin il n'y
» avoit rien de fl hargneux que ce
» miferable. Ses Ecrits étoientauiîl
» méprifables que fa perfonne , Se
» fes remarques contre Homère
» n'étoient qu'un tilTu d'imperti-
>» nences. « On en peut juger par
quelques échantillons que nous en
ont confervés les anciens , Se que
M. Hardion nous communique ici.
Les zélés partifans d'Homère dans
leurs Ecrits ont tous fait périr Zoï-
le miferablement •, on l'a mis en
croix , félon les uns ; lapidé , félon
les autres ; brûlé vif, au rapport de
ceux-ci -, précipité du haut d'une
roche , au rapport de ceux - là.
Quelle relTemblance d'un homme
de ce caractère (dit l'Académicien)
avec leRhéteur Zoïle., diftingué pat
fon éloquence douce , polie , gra-
cieufe , Se qui avoit excité l'émuli-
tion de Démofthéne!
M. Hardion termine fon Mé-
moire par une difcuflâon des divers
Ouvrages indiqués chez les anciens
fous le nom de Zoïle , fur quoi on
peut le confulter -, & par une refle-
xion très-fenfée » fur l'abus qu'on
» a fait d'un tel nom , en l'appli-
» quant trop légèrement à quelques
* Ecrivains modernes aullî eftima-
» blés
j A N V I
i> blés par leur politefTe &c par leur
» modération , que le fécond Zoïle
» avoit mérité de haine & de mé-
» pris par fa rufticité Se par fon im-
» pudence.
XIV. M. l'Abbé Vatry , en trai-
tant des avantage! que la Tragédie
ancienne retiroit de [es Chœurs , la
propofe à nos Poètes comme un
modèle pour perfectionner la nô-
tre ; mais fans prérendre leur pref-
crire ce qu'ils devroient en imiter ,
fur quoi ils ne fçauroient mieux
faire ( félon lui ) que de confulter
le goût de notre fieele & celui de
notre nation. Après avoir dit un
mot de l'origine de la Tragédie ,
dont les Chœurs , c'eft - à - dire des
Cantiques & des danfes , compo-
foient d'abord tout l'cffenticl ; juf-
qu'à ce que dans la fuite , on y en-
tremêla des Epifodes ou des Actes ,
qui formèrent enfin le corps de la
Pièce , dont les Chœurs ne furent
plus que des accompagnemens :
l'Auteur obferve que lî ces Chœurs
furent confervés , ce fut beaucoup
moins par égard pour une coutume
établie , qu'en vue' des grandes uti-
litez qui en refultoient , i°. Pour
rendre la Tragédie plus régulière
Se plus variée : z°. Pour lui donner
plus d'éclat & de majefté : 30. Pour
en augmenter la pathétique -, & ces
trois articles font le partage duDif-
cours de M. l'Abbé Vatry.
1. Les chœurs rendoient la Tra-
gédie plus régulière , en devenant
une fuite naturelle du choix de l'ac-
tion reprefentée ainfi que du lieu
de la Scène , & en fervant de ronde-
Jxnvier,
ment à la plupart des règles du
Théâtre.
Le lieu de la Scène , chez les an-
ciens étoit toujours le devant d'un
Temple , d'un Palais , ou quel-
que autre lieu public , & par
confequent expofé à un grand
nombre de Spectateurs qui étoient
prefens à l'action , &c qui compo-
foient le chœur : & comme cette
action qui devoit être éclatante,
intereffoittout un peuple, il falloir
que ceux qui en étoient fpect.i-
teurs «$ témoins y priifent aifez de
part pour s'entretenir enfemble ou
avec les autresActcurs, de ce qui fe
palfoit actuellement fous leurs
yeux , de ce qu'ils avoient à crain-
dre ou à cfperer pour la fuite; &
tout cela fourniffoit la matière aux
chants du chœur ; ce que l'Acadé-
micien met dans pleine évidence
par l'exemple de l'Oedipe de So-
phocle.
De plus , on regardoit comme
une dépendance naturelle de
ces Chœurs la plupart des règles
fondamentales du Théâtre , telles
que i". l'unité de lieu, lequel ne
pou voit changer, puifque les mê-
mes perfonnages ou le chœur re-
Itoit perpétuellement fur la Scène ;
1°. La durée de la Tragédie affez
justement proportionnée à celle de
l'action même qu'on reprefentoit -,
durée , que les chants du chœur
qui ( 30. ) lioient outre cela un Ac-
te avec un autre , & par-là taifoient
mieux fentir l'unité de l'action j
fervoient à mefurer plus exacte-
ment & plus vraifemblablement
C
,8 JOURNAL D
que ne fait la fymphonie qui rem-
plit les Intermèdes de nos cinq
Actes ifolés , Se regardés par l'Aca-
démicien comme cinq Pièces diffé-
rentes que l'on jolie les unes après
les autres.
Les chœurs , en fécond lieu ,
jettoient beaucoup de variété dans
la Tragédie , par le moyen des
chants Se des danfes ; les chants
étant differens pour ces chœurs Se
pour les Scènes ; car l'Auteur pa-
roît allez du fentiment de ceux
^ui prétendent que lesTragédies fe
chantoient d'un bout à l'autre ,
comme nos Opéra. Sur ce princi-
pe en mettant à la place de la dé-
clamation une forte de Mufique
aufli différente de celle des chœurs
que l'étoit la poè'fie de ceux-ci
comparée avec celle des Scènes tant
pour la cadence & l'harmonie que
pour les exprefiions ; M. l'Abbé
Vatri prétend que » l'ancienne
» Tragédie varioit fans ceffe les ob-
» jets , offrait continuellement de
*> nouveaux plaiflrsaux Spectateurs,
» & fçavoit , fans les fatiguer , les
«•retenir &: les occuper jufqu'àce
» qu'elle les renvoyât pleins des
j> paillons qu'elle fe propofoitd'ex-
» citer en eux.
L'Auteur va au-devant de l'ob-
jection faite ordinairement contre
nos Opéra, Se qui pourrait égale-
ment valoir contre les anciennes
Tragédies fuppofées chantantes ,
fçavoir, Qu'il eft ridicule d'ordon-
ner , de menacer , de fe plaindre ,
de mourir en chantant -, d'expri-
mer la crainte , l'horreur & d'au-
tres pallions femblables en danfant.
ES SÇAVANS,
L'Académicien répond en fubftan-
ce , que la Tragédie eft à la vérité,
une imitation ; mais une imitation
en vers ou un Poème deftiné à de-
venir fpectacle -, qu'elle imite , non
feulement par fes difeours, mais
encore par fes tons &: par fes ge-
ftes , aufquels doivent préfider la
Mufique Se la danfc , Se qui doi-
vent être differens du ton naturel Se
de converfation , après lequel on
court aujourd'hui ; en un mot qu'il
n'eft pas plus ridicule de chanter ,
que de parler en vers , dans le fort
d'une grande paillon.
2. Rien ne contribuoit davanta-r
ge que les chœurs ( dit l'Académi-
cien ) à la pompe Se à l'éclat du
Spectacle dans les Tragédies -, Se
c'eft le fécond article qu'il doit
prouver. Il trouve de quoi relever
infiniment cet éclat dans ce grand
nombre d'Acteurs de differens fe-
xes Se de differens âges dont les
Chœurs étoient compofés ; dans
leurs danfes -, dans leurs chants -,
dans la magnificence de leurs ha-
bits -, dans l'intérêt que tant de gens
prennent à l'action , Se dont le
Spectateur eft frappé bien plus vi-
vement lorfqu'il en eft témoin lui-
même , que lorfqu'il ne l'apprend
que par le récit d'un Acteur ; dans
les refpects rendus Se les louanges
données par les Chœurs aux princi-
paux perfonnages de la Pièce ; ce
qui les illuftre d'autant plus aux
yeux des Spectateurs ; dans les in-
ftructions morales , que le Poète
n'ofe toujours hazarder à chaque
Scène , & qu'il prodigue plus li-
brement par l'organe des Chœurs ï
J A N V
enfin dans la commodité qu'ils of-
frent d'inftruireleSpectateur de tout
ce qu'il doit fçavoir , &c de donner
occafion aux principaux Acteurs
de s'expliquer devant lui fur leurs
divers fentimens ; ce qui a bien
plus de vraifemblance que nos Mo-
nologues -, où un Acteur s'entre-
tient long-rems avec foi-même ; ou
que les confidens que nous donnons
à nos principaux perfonnages , ce
qui fait tomber ( dit l'Auteur ) no-
tre Tragédie dans un air de familia-
rité peu convenable à la dignité
d'un tel Spectacle.
Il répond enfuite à l'objection,
tirée du fecret où doivent fe dire &
fe paiTer plufieurs chofes qui for-
ment les Scènes les plus intereffan-
tes , & dont on fe prive en rendant
public le lieu de la Scène , par la
prefence continuelle des Chœurs :
ôc la reponfe de l'Académicien
conlifte à faire obferver , que ces
fortes de Scènes étoient beaucoup
plus rares chez les anciens qu'elles
ne le font parmi nous -, que leurs
Tragédies rouloient moins fur des
projets cachés ou fur des intrigues
myfterieufes , que fur de grandes
actions expofées aux yeux de tout
le monde : que les Chœurs ne re-
ltoient jamais dans l'indifférence ,
prenant toujours le parti de quel-
qu'un des principaux Perfonnages ;
& l'Auteur montre la juftefTe & la
vérité de ces obfervations par plu-
fieurs exemples , d'où il palTe aux
preuves de fon troifiéme article ,
concernant le jeu des pallions con-
sidérablement accru dans l'ancien-
ne Tragédie par le fecours des
Chœurs.
I E R , i 7 5 4. 1$
30. L'ancienne Tragédie fe pro-
pofant pour but principal d'infpi-
rer aux peuples l'horreur du vice ,
& d'être pour eux une école de
toutes les vertus , ne pouvoit y
mieux réufîïr qu'en excitant à pro-
pos & en foûtenant les pallions les
plus capables de concourir à une
fin fi louable. Or c'eft à quoi
fervoient merveilleufement les
Chœurs , 1 °. par la Mufique Se par
la Danfe , qui venant à l'appui de*
l'exprefiîon vive de la Poé'fie , ne
pouvoient qu'en augmenter infini-
ment le pathétique ; fur-tout dans
les Intermèdes, où il eft important
de ne point laiffer refroidir le Spec-
tateur , en l'abandonnant à lui-
même.
Un fécond moyen par lequel ces
mêmes Chœurs contribuoient à
émouvoir & à fortifier les pallions ,
étoit de prefenter aux Spectateurs
étrangers pour ainfi dire à la Pièce ,
d'autres Spectateurs qui en fai-
foient partie , & qui paroiffoient
fortement agités de toutes les paf-
fions dont les principaux Acteurs
étoient remués;car ( obferve l'Aca-
démicien ) il fuffit fouvent pour
reffentir les pallions de voir quel-
qu'un qui en foit vivement touchéi
&c c'eft un artifice que les habiles
Peintres fçavent mettre en œuvre
avec grand fuccès. » Un bon Poète
» ( continue l'Auteur) doit faire la
» même chofe ; &c Iphigénie fur le
» Théâtre doit être environnée de
«perfonnes qui foient fcnfibles à
>» fes malheurs.
Rien ( ajoute M. l'Abbé Vatry
en finiffant ) n'eft plus propre à
Ci]
ao JOURNAL D
nous perfuader des grands effets
produits par les Chœurs de l'an-
cienne Tragédie , que la grande
réulTîte de nos Opéra. » On a traité
» ce Spe&acle de ridicule Si de
»monftrueux:on avoit raifon à bien
» des égards ; mais ce n'eft point
» en ce que les Opéra fe chantent
» & qu'ils font accompagnés de
» danfes , qu'ils font vicieux -, c'eft
» parce que trèsfouvent , on n'y
» trouve ni bon fens, ni intelligen-
» ce du Théâtre ; c'eft parce que
7> des lieux communs d'amour &
»> des bagatelles joliment dites y
» tiennent la place des grandes paf-
» fions propres à la Tragédie. Il
» faut que le pouvoir de la Mufique
J5 Se de la danfe foit bien grand
» pour avoir pu faire goûter un
» Poème aufti défectueux.
XV. Dans la Comparai/on del'I-
fhigêiiie d'Euripide avec celle de
Racine, l'Académicien très -digne
fils de ce dernier avertie qu'un Juge
tel que lui pourroit être juftement
teeufé par le Poète Grec. » Si Plu-
» tarque dans fes comparaisons des
» Héros de la Grèce avec ceux de
»Romc [dit-il] a été foupçonné
m de favorifer les premiers , par
t» amour pour fa Patrie -, ce même
» amour fe trouvant en moi réuni
» à un autre intérêt plus particu-
» lier , doit me porter à favorifer
» le Poète François. Je fuis un Ju-
» ge fufpecT: -, mais après tout , je
»> puis ne me pas laiiTer corrompre,
» & l'on ne doit m'en aceufer ,
» qu'après avoir examiné les rai-
» fons , fur lefquelles fera établi le
» jugement que j'en vais porter.
ES SÇAVANS;
M. Racine obferve d'abord que
le facrifice d'Iphigénie eft un des
plus heureux fujets que les Poètes
Tragiques ayent pu mettre fur le
Théâtre ; que la principale gloire ,
qui eft celle de l'invention , en eft
due à Euripide ; mais que le Poète
François fon imitateur peut avoir
accompagné de nouvelles circon-
ftances le même fujet pour l'embel-
lir , &c avoir imaginé de nouveaux
reflorts pour émouvoir. C'eft fur
quoi l'Auteur entre dans un paral-
lèle très - détaillé dont nous nous
contenterons d'indiquer les princi-
paux traits.
L'ouverture de la Scène a dans
Euripide , peint plus vivement
l'irrciolution Se le trouble d'Aga-
memnon, qui écrit, puis efface; qui
plie 5c déplie la Lettre par laquelle
il contremande fa femme 6c fa fille;
mais d'un autre côté l'expofition du
fujet faite par Agamemnon eft
beaucoup moins languiflante dans
Racine que dans le Poète Grec. Si
ce Roi veut obéir à l'Oracle de
Calchas , ce n'eft point, comme
dans Euripide, le miniftere odieux
de fon propre frère Ménélas qui l'y
oblige ; c'eft la cruelle induftric
d'Ulyfte qui le féduit, c'eft l'amour
du rang fuprême , & les fonges
dont il eft agité , qui le détermi-
nent : ce qui le rend plus excufablc
& plus digne de compaifion cher
le Poète François.
Dans Euripide , Ménélas arrache
avec violence la Lettre d'Agamem-
non à l'efclave qui eft chargé delà
rendre à Clytemneftre ; fur quoï
les deux frères s'accablent mutuel-
J A N VI
lcment d'injures & de reproches,
qui les déshonorent tous deux •, au
lieu que chez Racine c'eft Ulyf-
fe qui encourage Agamemnon au
meurtre de fa fille , en lui reprefen-
tant la gloire de fa Patrie.
Quelle doit être la douleur de ce
Prince en apprenant l'arrivée de fa
fille, qu'il vient de contremander?
La peinture qu'en fait Euripide efl'
lî merveilleufe, que M. Racine en
efl ( dit-il ) beaucoup plus touché
que de celle de l'imitateur; & pour
juftifier cette préférence , il tranf-
crit ce partage entier du Tragique
Grec. Celui ci dépeint fi vivement
la première entrevue du père & de
la fille , que Racine ( dit-on ) n'a
prefque d'autre gloire que celle
d'une parfaite conformité avec fon
modèle.
A l'égard d'Eriphile , perfonna-
gc de l'invention du Poète Fran-
çois introduit dans cette Pièce
pour ne point y fouiller la Scène
par le meurtre de la vertueufè Iphi-
génie , l'Académicienne difîimule
point le jugement peu favorable
qu'en ont porté plufieurs Critiques
1cVl.cs ; jugement qu'il ne prétend
ni approuver ni réfuter , & dont il
abandonne la décifion au public. Il
revient donc à Euripide.
Ce Poète introduit Achiile fur le
Théâtre fans aucune raifon apparen-
te, puifque ce Prince ignore tout
ce qui fe paffe au fujet d'Iphigénie ,
qu'il n'a jamais eu deffein de la de-
mander pour époufe, & que c'efl
par hazard qu'il vient chercher
Agamemnon. Cependant comme
il apprend qu'on a abufé de fon
E R ; 1734; ar
nom pour faire venir au camp Cly-
temneftre&Iphigéniefous prétexte
de marier avec lui cette Princeffe, if*
jure à la merc qu'il prendra la défen-
fe d'Iphigénie lk qu'il fera fon Dieu
Tutélaire. Mais il n'eft excité,com-
me l'on voit , à la défendre que pat
un pur effet de fa générofité ; au
lieu que dans la Tragédie Françoi-
fe un motif bien plus intereflane
l'anime , puifqu'il eft non feule-
ment Héros généreux , mais enco-
re Amant paffionné; & cela fans
deshonorer la majefté de la Tragé-
die , ne s'amufant point à foupiret
aux pieds de fa maîtrefTe , &c con-
fervant toujours le propre caractère
d'Achille.
Le tendre Difcours que chez le
Poète François, Iphigénie adreffe
à fon père , non pour lui demander
la vie qu'elle a reçue de lui , 8c
qu'elle ell: prête à lui rendre , mais
pour lui reprefenter l'intérêt qu'u-
ne mère & un Amant y prennent ,
efl fi fort au-deffus de celui que lui
faic tenir Euripide , que l'Auteur
n'ofe infiller liir une comparaifon
fi défavantageufe à ce Poète Grec.
En effet que penfer de ces paroles
qu'il met à la bouche de cette jeu-
ne PrinceiTe ; Ne me faites point
mourir a la fleur de mon âge , parce
t/u'd efl doux de voir la lumière
La lumière du jour a droit de charmer
tout le monde , mais les ténèbres de la,
mort ne prefmtent qu'effroi : qui fou-
haite de mourir a perdu la raifon \
une vie fans honneur efl préférable k
une mort glorieufe .
Il efl vrai que dans la fuite cIIq
reprend des fentimens plus élevés ;
a* JOURNAL D
ce n'cft plus une jeune fille que la
crainte de la mort fait pleurer^ c'eft
une PrinceiTe courageufe qui veut
répandre fon fang pour le falut de
fa Patrie i & c'eft véritablement à
ce dernier caractère que Racine eft
redevable de celui qu'il donne à
Iphigénie , & qu'il foûtient depuis
le commencement jufqu'à la fin.
La féparation de la mère & de la
fille eft également touchante dans
les deux Pièces ; avec cette diffé-
rence qu'Euripide a oublié cette
peinture d'une mère défolée , que
Racine a jugé neceffaire d'expofcr
à nos yeux. De plus il a eu l'art de
rendre Agamemnon moins odieux
Se par confequent plus digne de
compaffion , qu'il ne l'eft dans
la Pièce Gréque , en l'accablant
de malheurs coup fur coup ,
puifque ce Prince infortuné fe voit
attendri comme père par les ref-
peclueux fentimens de fa fille ; dé-
chiré comme époux par les repro-
ches fanglans de Clytemneftre ;
outragé commeGénéral d'armée par
les injures & les menaces d'Achil-
le. Mais au milieu de toutes ces dif-
graces , il conferve toujours un
cœur de père , il ordonne à fa
ES SÇ AVANS.
femme & à fa fille de tuir loin du
camp , & l'on ne pourra lui repro-
cher d'avoir confenti à ce cruel fa-
crifice.
Quant au dénouement de la Pie-
ce dans les deux Poètes , il eft dû à
un miracle chez Euripide, fuivant
l'opinion commune à laquelle il
devoit fe conformer; mais on doit
être fort furpris de voir à l'Autel
Achille , qui loin de s'oppofer à la
mort d'Iphigénie , comme il l'a-
voit promis , la demande lui-mê-
me à haute voix au nom de tous
les Grecs : au lieu que chez Racine
le dénouement également heureux
a toute la vraifemblance que l'on
peut fouhaiter. » Iphigéni* arrive à
»> l'autel ; elle y voit toute l'armée
» contre elle ; le feul Achille pour
» elle qui épouvante l'armée & par-
» tage les Dieux : le combat com-
»mence, & dans ce moment de
«trouble on découvre une autre
»» Iphigénie, dont la mort appaife
» lesDieux, contente tous lesGrecs,
» Se épargne au Spectateur la dou-
>» leur de voir périr la vertueufe
» Princeffe , qui pendant tout le
» cours de la Pièce a été l'objet de
y» fa pitié & de fon admiration.
JANVIER; 1754. 2j
HISTOIRE GENERALE DES AVTEVRS SACRE'S ET
Ecclefiaflinues , qui contient leur Vie , le Catalogue i la Critique , le Juge-
ment , /^ Chronologie , V Analyfe , ^ /<■ dénombrement des différentes Edi-
tions de leurs Ouvrages , c? ^«'//j renferment de plus intereffant Jur le Doqme
fur la Morale , & fur la Difcipline de l'Eglife ; l'Hiftoire des Conciles tant
Généraux que Particuliers , Cr /f/ y#7« C&0//& <&j Martyrs. Par le R. P.
Dom Remy Ceillier , Bènéditlin de la Congrégation de S. Hydulphe y Coa-
djuteurde Flavigni. Tome IF. A Paris , au Palais , chez Paulus-duMefnil}
i73 3./»-4°.pp.772.
CE Volume comprend les Au-
teurs Ecclefiaftiques qui ont
fleuri pendant les 6b premières an-
nées du quatrième fiecle , les Saints
qui ont fouffert le martyre , & les
Conciles qui ont été tenus pendant
le même tems. Il eft divifé en 27.
Chapitres. Dans le premier l'Au-
teur continue à donner FAnalyfe
des Actes des Saints qui ont fouf-
fert le martyre fous l'Empire de Ga-
lère , de Maximin & de Licinius.
Entre les Martyrs de cette perfecu-
tion commencée par Diocletien
dont les Actes finceres ont été con-
fervés , il y en a quelques-uns qui
font au rang des Auteurs Ecclefia-
ftiques. Tel eft S. Méthode fur-
nommé Cubule , premièrement
Evêque d'Olympe en Licie , puis
de Tyr en Phénicie.
Il avoit compofé divers Ouvra-
ges fur la Religion. 11 ne nous refte
que celui qui a pour titre le Ban-
quet des Vierges , connu de S. Gré-
goire , de S. Jérôme , d'André ,
d'Aretas tous deux Evêqucs de
Céfarée en Cappadocc, de Photius,
de S. Jean de Damas & de plufieurs
autres qui le lui attribuent d'un
confentement unanime.Rivet eft le
feul , fuivant notre Auteur, qui ait
prétendu que cet Ouvrage n'étoit
point de S. Méthode j fon prétexte
eft que le Théologien s c'eft-i dire ,
S. Grégoire de Nazianze plus ré-
cent que S. Méthode , fe trouve
cité dans un morceau de ce Banquet
rapporté par Photius ; mais le P.
Ceillier obferve que ce partage ne
fe trouve point dans les différentes
Editions du Banquet de S. Métho-
de ; & que dans l'endroit de Pho-
tius dont il s'agit , c'eft Photius
lui-même qui infère dans fon Ex-
trait le partage où S. Grégoire de
Nazianze explique en quel fens
l'homme a été créé à l'image de
Dieu.
Ce Banquet des Vierges eft un
Dialogue où Dix Vierges font cha-
cune un difeours fur la Chafteté
pour en relever les avantages ou
pour en expliquer les devoirs. Le
P. Ceillier donne une Analyfe du
Difeours de chacune de ces Vier-
ges. Enfuite il parle des autres Ou-
vrages de S. Méthode dont il ne
nous refte que des fragmens , puis
il vient à la doctrine de S.Méthode.
Il s'explique aflez clairement fur le
diftinction des «ois Perfonnes de
a4 JOURNAL D
la Sainte Trinité , & fur la divinité
du Fils & du S. Efprit. Ce qui peut
faire de la peine , c'eft ce que dit
cet Auteur que deux puiirances ,
fçavoir le Père Se le Fils onr con-
couru à la création de l'Univers ,
que la première donne l'être aux
chofes par la feule volonté , & que
la féconde les polit &: les achevé.
Mais le P. Ceillier dit qu'on doit
attribuer au tems dans lequel Saint
Méthode écrivoit l'exprelïion peu
exacte qui fe trouve au commence-
ment de ce partage , & que Photius
qui eft fi fevere d'ailleurs fur les
Ecrits des premiers Auteurs Eccle-
fiaftiques n'a point cru que ce paf-
fage eût befoin de juftification.
Pour ce qui eft de l'endroit où Saint
Méthode avance que le Fils polit &
achevé les Ouvrages aufquels le
le Père a donné l'être , notre Au-
teur dit qu'il ne contient rien que
de conforme à ce qu'on lit dans
S. Jean , le Fils ne peut agir par lui-
même , il ne fait cjue ce qu'il voit faire
mi F ère , car tout ce que le Père fait
le Fils le fait. Ce qui fait dire à Saint
Grégoire de Nazianze , que les
mêmes formes des chofes, qui font
comme ébauchées par le Perc , font
achevées par le Fils. La ieule pré-
caution que S. Grégoire prenne en
cet endroit eft d'obfeiver , que le
Fils n'agit point fervilement & d'u-
ne manière qui fente l'ignorance ,
mais en maître & pour mieux dire
en Dieu. S. Méthode a auflî pris la
même précaution , puifqu'en par-
lant ainlî du Fils , il l'appelle la
main forte &c toute - puiflante du
Père. Il n'çft pas plus difficile , fui-
ES SÇAVANS,
vant le Père Ceillier , de donner
un bon fens à un autre endroit de
S. Méthode , où il dit que le Fils
qui eft au-defius des créatures s'eft
fervi du témoignage du Père qui
feul eft plus grand que lui ; mais il
entend , comme le dit S. Chrifofto-
me , que le Père eft plus grand en
tant qu'il eft le Principe du Fils.
D'ailleurs S. Méthode s'explique
clairement fur la divinité de J. C.
& fur fon éternité , Se fur le My-
ftere de l'Incarnation , d'où vient
qu'on s'en eft fervi pour combattre
les Héréfies de Ncftorius 5c d'Euti-
chés. 11 y a plufieurs autres dogmes
de l'Eglifc Catholique folidement
expliqués dans ce qui nous refte des
Ecrits de S. Méthode , auquel on
ne peut guéres reprocher que l'er-
reur des Millénaires , d'où vient
qu'on l'a compté parmi les Percs
de l'Eglifc les plus illuftres par
leur doctrine. Néanmoins Socrate
parle de S. Méthode avec mépris ,
parce qu'après avoir détendu Ori-
géne , il s'eft déclaré hautement
contre lui. On croit que c'eft quel-
que motif à peu près fcmblablc qui
a engagé Eufebe de Céfarée à ne
rien dire de S. Méthode dans fon
Hiftoirc de l'Eglifc Ce faint Evê-
que fouffrit le martyre à Calcide
dans la Grèce vers l'année 311. ou
312.
Entre les Actes de plufieurs
Martyrs qui ont fouffert pendant
la perfecution de Dioclétien , de
Galère e\: de Licinius , il y en a
quelques-uns que notre Auteur ne
peut regarder comme finecres. Tels
font les Actes de S. Sebaftien. » Ils
» font
JANVIER, 17J4: 2r
m font beaux j pleins d'efprit, bien dre fon Hiftoire merveilleufe que
croyable.
Le fécond Chapitre de ce Volu-
me & les fept fuivans , le onzième
& les quatre qui les fuivent ont cha-
cun pour fujet un des Auteurs Ec-
cleiiaftiques de ce tems-là , faint
Alexandre Archevêque d'Alexan-
drie , faint Rctice Evêque d'Au-
tun , &c Juvencus Prêtre Efpagnol
& Poète Chrétien , l'Empereur
Conftantinien-Commodia &Maus-
Magaés , S. Euftate Evêque d'An-
tioche , Eufcbe de Céfarée , S. Pa-
come, S. Jacques Evêque de Nih-
be , S. Jules Pape , S. Antoine
& Olîus Evêque de Cordoiie. De
ces Chapitres le plus étendu eft ce-
lui d'Eufebe de Céfarée. Notre Au-
teur y donne un abrégé de la Vie
de cet Evêque , & une Analyfe dé-
taillée de fes Ouvrages, enfuite il
parle de fa doctrine fur la divinité
du Fils , nous allons dire quelque
chofe de ce dernier article. Le Perc
Ceillier croit que lerefpeèt dû aux
grands Hommes & le penchant
qu'on a naturellement à diminuer
leurs fautes , devoieot porter à ex-
eufer Eufebe fur ce point en expli-
quant des expreilions trop dures de
cet Auteur par d'autres plus ortho-
doxes. Mais ce qui la fait traiter
d'une manière rigoureufe , ce font
fes liaifons avec les chefs de la ca-
bale Arienne , & la part qu'il a eu
aux violences exercées contre faint
Athanafe &C contre quelques autres
faints Evêques défenfeurs de la foi
orthodoxe. La caufe de S. Athanafe
avant été confiderce comme celle
D
» circonftanciés 3 & 'paroiftent
w avoir été écrits avant la fin du
» quatrième fiecle ; parce qu'il y
» eil parlé des Spectacles des Gla-
» diatcurs , comme de chofes qui
» fubfiftoient encore. « Mais il faut,
dit le P. Ceillier , que l'Auteur ait
eu de mauvais Mémoires , ou qu'il
ait lui-même ajouté aux Originaux:
car on trouve dans ces Ades un
qrand nombre de faits qui fonrin-
foûtcnables. Tels font le manteau
dont ce Saint fut revêtu par fept
Anges ; le confeil qu'il donna à
Chroman de teindre d'être malade,
pour avoir un prétexte de deman-
der à être déchargé de la Préfectu-
re , l'affranchilTement de quatorze
cens efclaves de Chromaée, le titre
d'Evêque des Evêques que Saint
Tiburce donTie au Pape , le grand
nombre d'évenemens furprenans
dont ces Actes font remplis , la
longueur cxceilive des difeours , &c
d'autres circonftances femblables
qui ne font pas dans les Actes fin-
ceres. Les Actes du Martyre de
S. Quentin paroi lient auili au Père
Ceillier très bien écrits , &c fur une
Hiftoire compofée un demi fiecle
après la mort de Saint Quentin.
Mais il eft perfuadé que l'Ecrivain a
ajouté beaucoup de chofes à fon
Original , Se qu'en plufieurs en-
droits il ne s'appuye que fur le
bruit public. Il eft vifible par la
longueur & l'afleètion des difeours
que l'Ecrivain tait taire au Saint, &c
par le nombre des miracles qu'il lui
attribue , qu'il a plus penfé à ren-
Janvicr.
26 JOURNAL D
de l'Eglife,on a cru devoir condam-
ner comme ennemi de la doctrine
de l'Eglife celui qui l'avoit été de
lado&rine de S Athanafe.
Cependant le Pcre Ccillicr croit
qu'on peut féparer la toi d'Eufebe
de fa conduite ; que iî Eufebe prit
d'abord le parti d'Arius , c'eft qu'il
fut trompé par les artifices de cet
Hcréiiarque.Sc que s'il en entreprit
la défenfe,ce fut fans un deiTcin ror-
mé d'appuyer fes erreurs. 11 ne pa-
roît pas qu'il ait contribué aux in-
juftes accufations contre S. Euftate
& contre S. Athanafe , il a pu avoir
part à leur dépofition , pour avoir
été trompé par leurs ennemis , qui
n'avoient que trop d'artifice pour
cacher la calomnie. Les Saints mê-
mes ne font pas exempts de ces for-
tes de foiblelîes. Ce qui paroît à
rrotrc Auteur devoir déterminer à
interpréter de cette manière la con-
duite d'Eufebe , c'eft qu'il a fouf-
crit au Symbole de Nicée , même
fans exception du terme de confîth-
ftantiel : dire qu'il a pris ce parti
contre faconfeience & par des vues
temporelles , c'eft vouloir fonder
les cœurs & ufurper un droit qui
n'appartient qu'à Dieu. S. Athana-
fe qui avoit aceufé Eufebe d'avoir
été Arien avant le Concile de Ni-
cée , difoit depuis à Acace , qu'en
s'eloignant de la foi du Concile de
Nicée il s'éloignoit en même tems
de celle d'Eufebe fon maître. No-
tre Auteur fe propofe enfuite de
ES SÇAV ANS,
prouver par plufieurs pafTages d'Eu-
febe, qu'il condamne formellement'
les principales erreurs d'Arius, qu'il
donne au Fils les mêmes attributs
qu'au Père , qu'il dit qu'il cft la
fubftance même du Père. Après ces
obfervations notre Auteur eft per-
fuadé qu'il eft très-facile de prou-
ver qu'on doit expliquer dans un
fens Catholique quelques expref-
fions qu'on reproche à Eufebe de
Céfarée , & en particulier celle qui
avoit donné lieu à S. Athanafe de
l'accufer d'Arianifme.
Le Chapitre neuvième contient
l'Hiftoire du Martyre de S. Simeon
Archevêque de Seleucie , &c de
beaucoup d'autres Saints fous Sa-
por Roi de Perfe; &z le i f lcsActes'
de plufieurs Martyrs dans la perfé-
cution de Julien l'Apoftat : à cette
occafion l'Auteur parle de cet Em-
pereur Si de fes Ecrits.
Les Conciles qui font le fujec
des derniers Chapitres de ce Volu-
me t font outre le Concile de Nicée
les Conciles particuliers qui ont
été tenus contre les Ariens , & les
Conciliabules contre S. Athanafe ,
les Conciles de Laodicée , de Gran-
gres , de Milan , &c. Notre Auteur
explique à quelle occafion ces Con-
ciles ont été tenus , il donne un
précis des Acres , & il en rapporte
les décifions , pour le Dogme , la
Morale , la Difcipline 8c les juge-
mens des perfonnes Ecclefiaftiques.
ÀSî&SLÈn
J A N V I E R , i 7 5 4. 2?
PENSEES MORALES ET CHRETIENNES SVR LE
Texte de la Genéfe , dédiées à Aîonfeigneur le Duc d'Orléans. Par M.
/'^Wf ie Mere. A Rouen , chez Charles Ferrand j rue & vis-à-viî
S. Lo, à S. Charles. 1733. /»-i 2. 2. vol. Tom. I. pp. J05. Tom. II.
pp. 513.
AVANT que rl'en venir à
aucun expofé de ces P en fées
Morales , nous rapporterons le té-
moignage qu'en rend l'Auteur mê-
me. Il dit , Que » dans le defir de
m donner au public quelque choie
» d'utile , il a penfé que l'agréable
*>qui devoit précéder ce quelque
a cbofe d'utile , l'envelopper & le
a faire recevoir , confiftoit dans
»> une certaine précilîon 3 dans un
» choix de termes courts & un
» tour vif. .... . Qu'un long dif-
» cours fatigue & ennuyé ; qu'on
n en perd ie rîl , qu'on n'y eft plus ;
» Que le feu au contraire s'iniïnue
» & pénétre ; Qu'on a donc tâché
»dans ce petit Ouvrage , d'inftrui-
» re par des paroles courtes & vi-
s> ves ; Que le titre qu'on a pris de
*> Penfées , le fait affèz entendre ;
» Que l'épithéte de Morales &
j> Chrétiennes en déterminent feide-
ï> ment l'objet ; Que qui dit penfées
■» annonce quelque cbofe d'aifé t de
n facile & d'aimable , qui n'a pas le
» rebutant d'une inftriiÙion féche &
iifouvent hèrtjfée.
Cela pofé , il fait diverles réfle-
xions fur ce qui concerne hpenfée.
11 remarque à ce fujer, que «chacun
» veut penfer , & cherche à penfer,
» Que l'efprit fe nourrit de la pen-
» fée } qu'elle lui eft fi unie & h in-
» time que fans elle il ne ferait mê-
» me pas ; Que propofer Se donner
>•> à l'efprit des penfées , c'elt lui
» prefenter fon aliment ; Que le
«cœur fe conforme enfuite à l'ef-
» prit ,6c reçoit volontiers les mê-
lâmes impreilïons.
Mais l'Auteur avertit que >« dans
« la manière de prefenter à l'hom-
» me des penfées , il y a desména-
» gemens à garder ; Qu'à la vérité
" l'homme veut penfer , mais qu'il
» ne peut pas toujours penfer
» qu'ainfi lui faciliter feulement
» certaines penfées & ne les lui pas
«donner dans leur entier , c'efi
» ménager fa délicatefle , & ne pas
» perdre la confideration qu'on lui
» doit ; on aime , pourjuit il à fe
» devoir quelque chofe à foi -mê-
» me, & on n'aime pas à tout devoir
»aux autres ; un travail modère
» plaît , on le goûte , mais s'il eft
» exceffif onfe rebute.
Notre Auteur affure qu'il eft en.
tré autant qu'à a pu t dans ce "énis
de l'homme } & qu'il a pris ce milieu
fouhaitabJe qui s'inftmant dans l'ef-
prit gagne facilement le cœur. Que
pour cette raifon il s'efl attaché à un
flyle court & concis , & s'efl plus ap-
pliqué kjetter des femences de penfées
qu'à donner des penfées -, Que fouvent
même il s'efl abflenu de les finir y afin
de laifler à fes LeUeurs la liberté &
le plaijtr de les étendre.
i
m
a8 JOURNAL DE
Telle eft l'idée que l'Auteur don-
ne de fon Ouvrage ; il ne s'agit plus
pour mettre les Lecteurs en état
d'en juger , que d'en citer quelques
exemples , nous prendrons ceux
qui fe prefentent dès l'entrée du
Livre.
i . An commencement Dieu créa le
Ciel & la Terre.
Notre Auteur fait fur ce premier
vcrfet,les reflexions fuivantes: dans
lefquelles au refte , l'on ne trouve-
ra peut-être pas toute la précifion
que femble annoncer la Préface.
Mais , félon toutes les apparences ,
en promettant comme il fait ,
d'être extrêmement concis & de
ne parler prefque qu'à demi mot ,
pour lailTer à fes Lecteurs le plaifir
de fupplcer le refte , il ne pré-
tend pas s'en faire une loi indifpen-
fable. Quoiqu'il en foit , voici ce
qu'il dit fur ce premier verfet de la
Gcnéfe : au commencement Dieu créa
le Ciel & la Terre.
Pense'es Morales. » L'Efprit
»de Dieu parle , & nous apprend
» que ce Ciel que nous voyons ,
» que cette terre fur laquelle nous
» marchons , que tout enfin a été
» créé , & qu'il en eftlefeul princi-
» pe. Je fuis , je penfe & je raifon-
*> ne -, je n'en puis douter : j'ai vu
» naître , je vois mourrir : je con-
» nois qu'il en eft & qu'il en fera
» autant de moi : je fuis né & je
» mourrai : je fuis , mais il ne dé-
» pend pas de moi d'être ou de n'ê-
» tre pas : je fuis par une caufe fu-
» périeure : ce bel ordre , cet arran-
» gement fi bien établi dans tout ce
jî qu'on voit , nous aiTurent , &. ils
S SÇAVANS,
» doivent nous convaincre qu'il ne
» dépend pas du hazard de produi-
» re , ni d'un corps de fe donner le
» mouvement , Se un mouvement
» fi régulier. Il faut qu'il y ait donc
» un être fuprême , un Dieu qui
» par fa fouveraine puiflance , crée
» & gouverne toutes chofes ; qui
» de rien a compofé ce qu'on ne
» peut allez admirer , & que toute
>» la raifon humaine ne peut conce-
voir , qui appelle ce qui n'oit
» point comme ce qui eft.
«L'homme ne peut douter qu'u-
» ne caufe fupérieurc ne lui ait don-
» né l'être ; pourquoi douteroit-
a il que la même caufe n'ait créé
» tout ce qu'il voit ; Il peut dire :
» rien n'eft plus parfait que 'moi
» dans tout ce vafte Univers : je re-
» trouve en moi feul toutes les per-
» fections que j'admire ailleurs. Il
» y a pourtant eu un jour auquel
» j'ai pu dire : hier je n'étois pas : je
» dois de même dire du monde ,
» qu'il n'a pas toujours été. Le mon-
» de a donc eu un commencement:
» une autorité fi puiflante , une vé-
» rite fi claire j doivent enfin nous
» fixer. Mon imagination l'empor-
» teroit-elle fur la raifon ? Oppofer
» fon efprit à celui de Dieu eft rdû-
» tôt une foiblelTe de l'ame , qu'u-
» ne force de l'efprit. Que celui
» qui entend ces chofes vous loiic
» ô mon Dieu ! Se que celui qui ne
» les entend pas , vous loiie enco-
» re ; qu'il aime mieux une igno-
» rance' humble qui éclaire fa vo-
» lonté , &qui l'approche de vous,.
» qu'une feience préfomptueufe
» qui obfcurciroit fon efprit % Se
J A N V I
jjcndurciroit fon cœur.
Voilà les Penfées Morales de no-
tre Auteur fur ces paroles : au com-
mencement Dieu créa le Ciel & la
Terre. Il vient enfuitc au fécond
verfet.
2. La terre étoit informe & toute
nue , les ténèbres couvraient la face de
l'abîme i & l'Efprit de Dieu étoit por-
té fur les eaux.
Pense'es Morales. » Tout eft
j> d'abord informe. Ce grand cahos
» ne fe développe cjue peu à peu ;
» ce bel ordre n'eft pas tout à coup
» établi : ainfi , 6 mon Dieu ! vous
» vous accommodez à la foibleffe
«humaine. Elle ne pourroit foûte-
» nir l'éclat de vos grandeurs ;
» l'excellence de vos ouvrages l'ac-
» cableroit ; vous vous montrez
»peu à peu, Se comme pardegrez
» vous l'élevcz à votre Trône.
» Tout cft nud , tout n'eft qu'un
» vuide & qu'un defert affreux fans
» l'admirable fécondité de l'elprit
» faint : il fe répand fur la terre :
» les ténèbres font féparées de la lu-
j»miere ; la ftérilité devient técon-
» de. Envoyez cet efprit dans mon
» ame , ô mon Dieu ! & elle fera
» créée de nouveau, & elle fe trou-
» vera entièrement renouvellée.
Nous pourrions nous en tenir à
ces deux citations , où l'on voit
fuftîfaminent le goût de l'Auteur ,
mais afin qu'on ne nous aceufe pas
de trop ménager les exemples, nous
rapporterons le troifieme Se le qua-
trième , c'eft-à-dire les deux dont
les précedens font immédiatement
fuivis.
Notre Auteur , après les refle-
E R. , ï 7 3 4; 29
xions qu'il vient de faire fur le pre-
mier & fur le fécond verfet de la'
Genéfe , paffe aux fix verfets qui fe
lifentenfuite, fçavoir :
3 . Or Dieu dit : Que la lumière
foit faite, & la lumière fut faite.
4. Dieu vit que la lumière étoit
bonne , & il fèpara la lumière d'avec
les ténèbres.
j. Il donna k la lumière le nom de
jour & aux ténèbres le nom de nuit
& dufoir & du matin fe fit le premier
jour.
Pense'es Morales. » Dansl'or-
» dre de la nature , vouloir & faire
»ne doivent pas être diftingués en
» Dieu. Sa puiffance n'eft bornée
» que par fa volonté : il dit & il
» fait. Ici tout ce que Dieu veut
» s'accomplit ; craignons dans l'or-
» dre de la grâce , de nous rendre
«rebelles à fa volonté. La lumière
» eft pour nous éclairer , & non
» pour fervirà des ouvrages de té-
» nébres. Dieu change les ténèbres
* en lumière ; & nous , nous chan-
» geons fouvent la lumière en té-
» nébres. Quel defbrdre î vous qui
» avez commandé que la lumière
» fortît des ténèbres , faites luire ,
m ô mon Dieu , dans mon cœur 4 la
» lumière de vorre grâce.
6. Dieu dit auffi : Que le firma-
ment foit fait au milieu des eaux \ &
qu'il fipare les eaux d'avec les eaux.
7. Et Dieu fit le firmament , & di-
vifa les eaux qui étoient fous le firma-
ment , de celles qui étaient au-dejfus
du firmament , & cela fe fit ainft.
8. Et Dieu donna au firmament le
nom de Ciel : & dufoir & du matin
fefit le fécond jour,
3o JOURNAL DE
Pense'es Morales. » Une ver-
î» tu folide tient toujours le milieu -,
» elle fuit les deux extrémitez :
» femblable au firmament , elle eft
» inébranlable ; rien ne peut nuire à
» la vertu. Etre uniquement atta-
» ché à fon Créateur , être toujours
» <a»aj , ne fe point élever par la
x> profperité , ni fe laitier abattre
» par i'adverfité , c'eft tenir de la
» foliditédu firmament.
Nous ne croyons pas qu'après ces
exemples , Se fur-tout après ce der-
nier où l'on propofe la folidité Se la
Situation du firmament , comme le
modèle de la véritable vertu , qui
doit être inébranlable & tenir le
S SÇAVANS;
milieu , il foit neceffaire d'en citof
un plus grand nombre.
Nous remarquerons , au refte^
que ces Penfées Morales & Chrétien-
nes fur le Texte de la Genéfe , dont
on trouve des exemplaires à Paris ,
rue de la Vieille Bouderie , chez
Gtffij : chez Chaubert , David le
jeune , Se Hourdel , Quai des Au-
guftins , Se rue S. Jacques , chez
Ofmont , Huart t Se Cloufîer } font
afTez dans le goût des Réflexions in-
ftrutlives & morales fur le Texte de
l'yjpocalypfe, defquelles nous avons
donné l'Extrait le mois de Septem-
bre de l'année 1732.
DUO RERUM IANGLICARUM VETERES SCRIPTORES VIZ.
Thomas Otterbourne & Joannes Whethamftedc ab origine gentis
Britannica: ufque ad Edwardum IV. è Codicibus Manufcriptis anti-
quis nunc primus eruit Thomas Hearnius. Accedunt inter alia Liber
de Vitâ & Miraculis Henrici Sexti. Per Joannem Blakjnannum , &c.
C'cft-à-dire : Deux anciens Hiftoriens d'Angleterre , Thomas Otterbourne
& Jean de Whetbamftede 5 qui contiennent ce qui s'eflpaffi dans la grande
Bretagne jufqu 'au règne d' Edouard IV. avec quelques autres Ecrits s com-
me le Livre de la Vie & des Miracles d' Henri VI. Par Jean Blacmann
&c. A Oxfort. 173 i.in-%°. 2. vol. pp. 8®o.
VO I C I le quarante Se uniè-
me Ouvrage que l'infatigable
M. Héarn donne au public depuis
l'année 1701. l'Auteur commence
dans la Préface de celui-ci pardon-
ner une idée des compilations d'an-
ciens Hiftoriens d'Angleterre , qui
avoient été entreprifes avant qu'il
eût travaillé dans le même goût.
Le premier de ces Recueils eft ce-
lui qui a pour titre 3 Hiftoriœ Angli-
can£ Scriptores decein i imprimé à
Londres en 1 6^52. des peifonnes
très-habiles, comme Uiïerius, Ro-
ger Twyfden , JeanSelden, Guil-
laume Somner Se GerardLsngbain
qui avoient engagé Corneille Ben
à taire imprimer ce Recueil , ont
contribué à fa perfection. Quoi-
qu'il y eût beaucoup de tables dans
les Ecrivains dont cette Compila-
tion étoit compofée , elle fut fort
recherchée. Ce qui engagea T^yf-
den qui avoit le plus contribué à
l'Edition de ce Volume , à faire
copier plusieurs de ces anciens Hj-
J A N V I
itoriens Anglois, pour donner un
fécond Volume , mais la mort de
Twyfden & celle de fon Copifte
empêchèrent le public de profiter
de ion travail. Il ne pamtrien dans
ce goût en Angleterre , jufqu'à ce
que Guillaume Fahnan excité par
Jean Fell Evêque d'Oxfort eût pu-
blié à Oxforten 1684. un Volume
in-folio qui comprenoit pluficurs
Ouvrages pour l'ancienne Hiftoirc
d'Angleterre. La mort de Jean Fell
& les occupations de Fuïman l'em-
pêchèrent de continuer cette Com •
pilation. Thomas Gai mort en 170Z.
entreprit cette Continuation, & il
en fit imprimer deux Volumes à
Oxfort, l'un en 1687. l'autre en
1691. ces deux Volumes de Tho-
mas Gai & celui de Fulman , qui
n'a pas mis fon nom à la tête j font
ceux qu'on appelle communément
les Hiitoriens d'Oxfort. M. Hearne
qui i. fuccedé à ces Hommes Ulu-
Jlres dans la Republique des Let-
tres , l'a encore plus enrichi dans
ce genre , que ceux qui l'avoient
précédé. Il croit que les Chroni-
ques des Rois d'Angleterre de
Thomas Otterbourne qu'il donne
dans ceVolumc feraient entrées dans
la Compilation dcThomas Gai, s'il
l'avoit continué , parce queTWyf-
den, Seldcn cv Jean Fell avoient ju-
gé que cet Hiitoricn méritoit d'être
imprimé j & que Baleus , Pitfeus ,
Gerard-Jean Voulus , & Antoine
de Vood en ont fait l'éloge. C'eft à
M. Mead , célèbre Médecin , que
M. Héarn reconnoît avoir l'obli-
gation de la copie fur laquelle il a
fait imprimer les Chroniques de
E R ; 1 7 3 4«" 5 r
Thomas Otterbourne , elle avoic
été tranferite fur le Manufctit de la
Bibliothèque Cotoniene.
Cet Hiftorien étoit de l'Ordre
de S. François, fa Chronique finit
en l'année 1429. ce qui fait croire à
M. Hearn qu'il cft mort vers l'an
142.1. l'Editeur remarque que Tho-
mas Otterbourne a tiré fes Chroni-
ques des meilleurs Ecrivains , qu'il
a fait paraître beaucoup de juge-
ment dans le choix qu'il a fait des
traits qui font entres dans fon Ou-
vrage , que fa narration eft (impie
& concife ; mais ce qui rend l'Ou-
vrage plus intereflant , c'eft qu'en
donnant l'Hiltoire de fon tems , il
a rapporté plu/leurs chofes qu'il
avoitapprifes de perfonnes dignes
de foi y ou qu'il avoit vues lui mê-
me pendant qu'il étoit à Oxfort où
il enfeignoit la Théologie. On y
trouve auffi quelques Pièces consi-
dérables tranferites toutes entières.,
telles que font la Lettre du Pape
Boniface VIII. au Roi Edouard, où
le Pape fe plaint de l'entreprife du
Roi d'Angleterre fur l'Ecolfe . &c
lui ordonne d'envoyer des Procu-
reurs à Rome pour y foûtenir fes
prétentions , la réponfe des Grands
d'Angleterre au Pape , où ilsdifent
qu'après avoir fait lire les Lettres
du Pape dans une aflemblée géné-
rale, ils ont déclaré unanimement
que le Roi Edouard ne pou voit ni
ne devoit envoyer des Procureurs à
Rome comme le Pape le fouhaitoit
& qu'il étoit de leur devoir y file
Roi vouloit en envoyer de s'y op-
pofer de toute leur force, parce que
ce feroit détruire les droits de la
32 JOURNALDE
Couronne d'Angleterre , anéantir
la dignité Royale & renvcrfer l'E-
tat , de foûmettre au jugement du
Pape , même de mettre en queftion
à Rome , les droits du Roi d'An-
gleterre par rapport au temporel.
La Lettre d'Edouard I. à Bonifa-
ce VIII. fur le même fujet eft
moins vive que celle des Grands
d'Angleterre , le Roi fe borne à y
établir par un grand nombre de
faits Se de pièces qu'il cite , que de
tout temsles Rois d'Ecoffe ont été
les vafTaux dcsRois d'Angleterre,&
il le prie de ne point ajouter de foi
à tout ce que fes ennemis pourront
lui dire fur ce fujet.
La Lettre que le Roi Edouard
III. écrivit au Pape Se aux Cardi-
naux , avant que d'entrer en Fran-
ce eft encore du nombre des pièces
qui exciteront l'attention des Lec-
teurs ; on y voit un raifonnement
qui paraîtra fingulier au fujet du
droit qu'Edouard prétendoit avoir
fur la Couronne de France ; s'il
étoit vrai , difoit ce Prince , que
le fils d'une fille qui fe trouve le
plus proche de la Couronne fût ex-
clu par la Loi qui exclut fa mère
d* droit de fucceder à la Couron-
ne , il faudroit en conclure contre
ce que la foi nous enfeigne , que
J. C. n'aurait pas été véritable-
ment Roi des Juifs , puifque J. C.
ne tirait fon droit que de la Sainte
Viergcqui étoitde laRacedeDavid,
laquelle n'avoit ni fuccedé , ni pu
fucceder à ce Royaume des Juifs.
Nous ne pouvons entrer dans le
détail des faits que contient cette
Chronique de Thomas Otterbour-
5 SÇ A VANS ;
ne , il fuffit de remarquer en géné-
ral que l'Auteur explique les diffé-
rentes révolutions d'Angleterre ,
6 qu'il s'étend davantage fur les
faits à mefure qu'il approche du
tems auquel il écrivoit. Selon lui
la première révolution eft arrivée
dans la grande Bretagne 43 ans
après la ruine de Troyc , tems au-
quel Brutus qui defeendoit de
Troius premier Roi de Troycs , &z
par Troyus de Belus fils de Nem-
brod , entra dans la Bretagne , y
vainquit les Tyrans , fe rendit maî-
tre du Pays, le nomma Bretagne ,
&: y introduifît la Langue qu'on
parloit à Troyes. Ce ne font pas ces
traits & quelques autres femblables
qui ont fait donnera Thomas d'Ot-
terburne la qualité d'Hiftoricn ju-
dicieux. Il a fuivi en cela les autres
Ecrivains d'Angleterre qui n'ayant
rien à dire de certain fur ces tems
éloignés , y ontfubftitué des faits
imaginés à plaifir.
Jean de Whethamftede dont la
Chronique occupe la plus grande
partie du fécond Volume s'appel-
loit de fon nom de famille Boftoc ,
s'étant fait Religieux Bénédictin
dans l'Abbaye de S. Albain , il prit
le nom de Whethamftede du lieu
de fa naiffance qui eft peu éloigné
de S. Albain. Il fut ordonné Prêtre
en 1382. quelque tems après il tut
fait Prieur d'un Monafterc dépen-
dant de l'Abbaye de S. Albain, 5c
enfuite du Collège que les Bénédic-
tins avoicit à Oxfort , pour y faire
étudier les jeunes Religieux. En
1410. il fut élu Abbé de S. Albain ,,
puis le Clergé d'Angleterre le choi-
fit
JANVIER; 17*4: u
fit pour être fon Orateur au Con- lui attribue. L'Auteur de cet éloge
cile de Pife,où il fe diftingua par la
manicre dont il s'y conduifit. Il eut
tant de fujets de chagrin de la part
de fes Religieux qui prétendoient
que fon application à l'étude lui
faifoit négliger le temporel , qu'il
refigna fon Abbaye en 1440. pour
fe retirer à Whethamftede. Mais il
fut élu une féconde fois Abbé de
S. Albain en 145 1. il gouverna cet-
te Abbaye jufqu'à fa mort arrivée
en 1464. il étoit âgé de plus de 100
ans. Il a compofé outre fa Chroni-
que des Commentaires fur diffe-
rens Livres de l'Ecriture Sainte , un
Traité des Hommes Illuftres , 8c
d'autres Ouvrages dont quelques
Ecrivains d'Angleterre ont parlé
avec éloge.
M. Héarne n'a point fait impri-
mer la Chronique entière de Jean
de Whethamftede , dont le princi-
pal objet eft l'Hiftoire de l'Abbaye
de S. Albain. Il en a feulement tiré
des morceaux où l'Hiftoire de cette
Abbaye fe trouve liée avec l'Hiftoi-
re générale d'Angleterre , 8c des
morceaux concernant Henri VI. 8c
eft Jean Blakman Bachelier en
Théologie , & depuis Moine de la,
Chartreufe de Londres. Blakman
ne doutoit point qu'Henri VI. ne
dût être mis au nombre des Saints.
M. Héarne avoiic que c'étoit us
Prince très-pieux , mais il ajoute
que ce Prince n'avoit ni pénétration
d'efprit , ni jugement , ni aucune
des qualitez neceiTaires pour gou-
verner un grand Royaume , qu'il
avoit été Roi de fait 8c non de
droit , 8c qu'il s'étoit attiré par
fon peu de conduite tous les mal-
heurs qui lui font arrivés. Cepen-
dant Henri VIL follicita vivement
le Pape Jules IL pour qu'il canoni-
fàt Henri VI. ce qui donna lieu à
une Bulle par laquelle Jules IL or-
donna de faire des informations en
Angleterre fur la vie d'Henri VI.
&fur les miracles qu'on difoitqui
s'étoient faits par fon interceiîïon.
Mais foit que l'information ne pa-
rût pas établir les faits qu'on avoit
avancés, foit que le Pape ne voulût
pas mettre au rang des Saints un
Prince qu'il croyoit n'avoir été Roi
Edouard IV. dans lefquels il y a que de fait , foit par quelque autre
quelques traits que M. Héarne àf- motif, Jules IL ne procéda point à
fure qu'on ne trouve point ail- la canonifation. Henri VIII. qu*
leurs.
L'Ouvrage intitulé , Collciïarium
manfuetudinum & bonomm rnorum
Régis Hennci VI. n'eft qu'un éloge
des vertus Chrétiennes du Roi
d'Angleterre Henri VI. avec une
cnumeration des révélations qu'on
prétend qu'il a eues avant fa prifon,
& depuis qu'il a été enfermé à Lon-
dres, 8c une Prière dévote qu'on
Janvier,
afFe&oit un extérieur de dévotion
dans le tems de fes Amours avec
Anne de Boulen, renouvella fesin-
ftances en Cour de Rome pour la
Canonifation d'Henri VI. mais fes
follicitations furent aufïi inutiles
que celles qu'avoit faites Henri VIL
cependant on invoquoit publique-
ment Henri VI. en Angleterre au
commencement du règne d'Henri
34 JOURNAL D
VIII. M. Héarnc prouve ce fait par
des Livres d'Offices publics , dans
kfquels il y avoit des Antiennes ,
des Verfets & des Oraifons en
l'honneur d'Henri. Notre Auteur
les rapporte en entier, & on y ap-
pelle ks vertus de ce Roi mérita
Ji4.tr ac ni i s fulgemia. L'Ouvrage de
Blakman que l'on croit avoir été
compofé fous le règne & par les
ordres d'Henri VIII. avoit été im-
primé à Londres en ijio. mais il
ctoit devenu fi rare que M. Héarne
a cru rendre un fervice au public
en lui en procurant une nouvelle
Edition.
ES' SÇAVANS;
Les Lettres Angloifes que M,
Hcarne a inférées dans le fécond
Volume ont été écrites en 15:3. &
en 1514. elles contiennent quel-
ques traits pour l'Hiftoire d'Angle-
terre de ce temslà. Il y en a quel-
ques - unes de Marguerite Reine
d'Ecoffe & fille aînée d'Henri VIL
Le Catalogue des Evêques de
Bath &: de Wele contient un abré-
gé de la Vie de chaque Evêquc.
Cet Ouvrage finit en 1 594. il eft de
François Godwin , fils de Thomas
Godwin Evêque de Bath & de
Wele.
LA NOVFELLE MER DES HISTOIRES. A Paris, ckéû CÊarleS
Guillaume , Quai des Auguftins , à S. Charles ; &c P- Gandoura k
jeune , rue du Hurepoix , aux trois Fleurs de Lys. 1753. '«-J 1> 2. vol.
Tom. I. pp. 239.T0m.lI. pp. 232.
L'AUTEUR veut qu'on fça-
che que les Hiftoires qu'il
donne ici , font de la nature de
ces Ouvrages qui ne coûtent pas
beaucoup de peine & qui fe jet-
tent en moule. » J'ai pris , dit-il ,
»tant de plaifir à écrire, que je
» me crois plus que payé de mon
m travail ,.'&■ fi ks curieux rendent
» fouvent vilîte au Libraire , je
» leur donnerai de pareilles Hi-
» ftoires tant qu'ils voudront , le
»> moule eft chez moi.
Après une telle déclaration , il
eft facile de juger que le Livre dont
il s'agit , n'eft pas le fruit de beau-
coup de veilles , Se qu'il n'en fau-
dra pas non plus beaucoup pour
l'augmenter.
Cette facilité cependant se fuffit
pas à notre Auteur pour l'engager'
à groffir fa Nouvelle Aier : il veut
quelles curieux encouragent l'Ou-
» vrier par quelques louanges , &C
» que ces louanges foient foûrenuës
» de quelques louis. « Moyennant
cela la matière »e manquera jamais
& il fournira toujours de l'ouvrage.
Le point effentiel pour notre Au-
teur dans cette occafion , eft donc
d'être encouragé par des éloges &
fur-tout par des louis ; fans cette
condition il ne promet rien. Cela
pofé , il fera facile de voir par les
échantillons que nous rapporte-
rons, files deux Volumes qu'il don-
ne feront fuivis de quelques autres.
Avant que d'en venir aux exem-
ples , nous dirons un mot de ce ti-
tre , la Neuvette Mer des H'Jisiresï
J A N VI
titre que notre Auteur n'explique
•peint , & qui a befoin que nous
avcrtitlions i°. Qu'en 1536. c'eft-à-
dire il y a deux cens moins trois ans,
si fut imprimé à Paris , chez Galliot
Dupré Libraire Juré de l'Univerfi-
té , au Palais , un in-folio en carac-
tères gothiques , intitulé : La Mer
des Hiftoires , auquel eft contenu tant
du vieux Teftament que du Nouveau,
toutes les hiftoires, ailes, & faits dignes
de mémoire, fuis la création du monde
jufe/ues en l'an mil cinq cens xxxvi.
2°. Que cette ancienne Mer des
Hiftoires , avoit déjà paru en 1480.
fous Louis XI. mais en latin , Se
avec un titre différent , fçavoir ,
Rudimentum Noviciorum ; c'eft-à-di-
re , le Rudiment des Novices en.
Hiftoire, & avoit pour Auteur un
Docteur en Théologie nommé
Brochait.
3°. Que ce Rudimentum Novicio-
rum alloit jufques à l'an 1516. &C
futenfuite traduit en François fous
■le règne de Charles VIII. par un
Ecrivain natif du Pays de Beauvoi-
fin , lequel y ajouta divers articles ,
ëc plufieurs entre autres, concer-
nant l'Hiftoire de France.
40. Que l'Ouvrage fut depuis
revu , corrigé & confiderablement
augmenté par les foins de quelques
Sçavansquele Sieur Galliot Librai-
re employa à ce travail , lefquels
pouffèrent le cours de l'Hiftoire
jufqu'à l'année 153^. & donnèrent
le Livre fous le titre de Mer des
Hiftoires.
Voilà ce que ne remarque point
notre Auteur, & ce qu'on peut
voir tant dans une Requête, du Li>
E R ; 1754. ^ 5;
braire , laquelle cft à la tète du Li-
vre en queftion , que dans deux
Difcours Préliminaires qui s'y
trouvent , l'un intitulé , aux hum-
bles Letleurs en V Emrndation de
l'Oeuvre, & l'autre , le Prologue de
V AHeur, Comme l'Ouvrage cft
très-rare aujourd'hui , peut-être ne
fera-t-on pas tâché de voir ici en
quels termes ce que nous venons
de rapporter y eft énoncé. En voici'
la copie fans autre différence que
celle de l'imprcflion qui eft gothi-
que dans l'original , car nous en
fuivrons jufqu'à l'orthographe &à
la ponctuation. Nous commence-
rons par la Requête.
A Monfieur le BaiHy de Paris ou fort
Lieutenant.
» Supplie humblement Galliot
» Dupré Libraire Iuré de Luni-
jjuerfite comme ledit Suppliant
» puis ung an enca ait recouucrt
j> ung Liure long-temps a imprime
*> intitule la Mer des Hiftoires
» eftant en deux Volumes 8c du-
»quel Ion ne pouuoit plus
» recouurer contenant les Hi-
» ftoires | Cronicques 8c Fai&s di-
»> gnes de mémoire aduenuspuisk
» création du monde iufques en
» lan mil cinq cens feize. Lequel a
» grant diligence aurait par gens
n Scavans faiét ueoir & corriger 8c
«coder au marge les paffages fin-
» guliers eftans en iceluy | auflî
» faicl: mettre la dacte des temps
* Tant puis lan du monde que
y> lan de Iefu Chrift iufquc-s a pre-
» fçnr | en la fin duquel aurait faict
Eij
?6 JOURNAL D
« mettre Se adioufter ce qui auroit
3> efte faid digne de mémoire puis
» ledit an cinq cens feize iufques a
» ce lourdhuy Extraid de pluiîeurs
» Audeurs tant Latins q François a
»quoy faire luy auroit conuenu
y> fraper grotte fomme de deniers
» tant pour limpreflîon q correc-
» tion dudit Liure | requérant
» humblemét quil vous plaife lui
» permettre icelluy vendre 5c di-
» ftribuer & ordôner inhibition &
j. deffenfes eftre faides a tous Li-
a> braires-Imprimeurs 5c autres ql
;» appartiendra quilz nayent àim-
3. primer faire imprimer ne vendre
x ledit Liure de la Mer des Hiftoi-
» res félon la coppie Se correction
» dudit Suppliant iufques a fixans
y> après en fuyuans sil neft impri-
» mé pour luy ôc ce fur peine de
» cofifeation des Liures quilz au-
«roient vendus Se imprimez Se
adamende arbitraire a ce que le
a> dit Suppliant fe puiile rembour-
» fer des fraiz l miles Se impenfes
» quil luy a conuenu faire pour
» limpreflîon dicelluy Se vous fe-
» rez bien.
» Il eft permis avec les deffenfes
» iufques a cinq ans faid le dernier
»iouï dauril cinq cens xxxvi.
Morin.
Cette Requefte eft immédiate-
ment fuivie de l'Avis ci-deffous.
jiux humbles LeBeurs en LemendA-
ùon de Lœnvre.
» Jay faid de nouueau reimprï-
»mei cette dide Hyftoire qui fut
ES SÇAVANS;
» en lan mil cccclxxx. faide pre-
» mierement latine foubz lempir-e
» de Frédéric troihefme du nom /
» Se régnant fur les François Loys
» unziefme par ung Docteur en
» Saincte Théologie nômeBrochart
» homme de grande expérience Se
y> feauoir / Se qui auoit circuy &
» enuironne la terre Sainte / Se in-
» titula la dide Hyftoire en latin
» Rudimentum Nouiciorum / la-
» quelle depuis pour fa magnificen-
» ce 6c fingularite fut traduite de
» latin en François régnant en
» France Charles huytiefme/ paru»
» natif du pays de Beauuoifm. Se
» pour décorer une chofe h riche
» ay taid rafrefehir Se amplifier les
» chapitres daucuncs fubltances qv
» y eftoient deftaillanr.es. Noter les
» chofes dignes de mémoire au
» marge / accorder les aages 8e
y> temps coder les dades félon les
» urayes ^amputations / uerifier Se
» reueoir la table Se indice a la ueri-
» te/ 6c enfin additionner & aug-
» menter ouftre les précédentes
» imprefîïons les euenemens mer-
» ueilleux Se grandes fortunes du
» règne du très ehreftien roy de
» France François premier de ce
» nom iufque* a prefent mil cinq
»censxxxvi. le rout en beaux ca-
»raderes Se impreflïon correde ;
» reueue 6c corrigée diligemment
» par gens de grans lettres 6c con-
«noifîance Au moyen que en fuf-
»dide Hyftoire ( qui pour le grât
v fruid qui y eft cache a efte plu-
» fieurs fois imprimée ) y avoit
*» beaucoup de chofes deprauees Se
g fuppofees & a efte loidre dicelie
j A N V
» obferuc en grande curioflte &
» félon le cours des fix aages 7
» temps 7 royaulmes; Seigneuries
» & mutation dicelies de temps en
» temps Commençant félon le pre-
» mier livre de Genefe a la création
» du monde 7 & nniflant le hui-
» tiefme iour de May cinq cens
» xxxvi.
Pour ce qui eft du Prologue de
VAlleur on y lit entre autres chofes
ecqui fuit : » Moy de rechiefcon-
» fiderant que ce prefent liure eft
» appelle la Mer des Hyftoires iay
» penfe en mon petit entendement
» quil feroit bon y mettre de re-
» chiet quelque chofe digne de
» mémoire pour laugmenter ÔC
» quant iay tout penfe ic ne fcau-
» roye faire chofe plus digne ne
» plus triomphante que de adiou-
» fter les faiits 7 geftes & grans
» uicloires des roys Charles VIII &
» Loys XIIe auec une partie & plus
» euidente du roy François premier
»de ce nom a prefent régnant au-
>» quel dieu doint grâce de gouuer-
» ner fon peuple en paix au prouffit
» & falut de fon ame.
Il y a donc, comme on voit,
un ancien Livre intitulé LaMcr des
Hiftoires , & c'eft fans doute par
rapport à ce titre que notre Auteur
intitule aujourd'hui fon Ouvrage ,
La nouvelle Mer des Hiftoires. La
première concernoit ce qui s'eft
pafle de plus remarquable depuis
la création du monde jufqu'à l'an
1536. & celle-ci eft un Recueil
d'Hiftoriettes dont l'Auteur dit
avoir un moule tout fait. Il affure
au relie dans un Aveitiflèment ex-
I E R , 1754; 37
près , que les Hiftoires qu'il rap forte
font tris-véritables , qu'elles font ar-
rivées depuis quelque terris , que les
principaux perfonnages en font vi-
vans , qu'il a feulement changé leurs
noms & leurs pays , & que ce font
des gens de condition qui ne feraient
pas bien aifes d'être donnés en fpetl.i-
cle.
Il eft tems. de rapporter quelques
temples de ces Hiftoires, après
toutefois que nous aurons dit un
mot de l'eftampe qui fe voit à k
tête du Recueil.
Elle reprefènte une femme aflife
au pied d'un rocher &C couronnée
de fleurs , laquelle tient de la main
gauche une plume à écrire , avec
un grand Livre fermé , & reçoit de
la main droite un papier que lui
prefente un enfant. Deux petits gé-
nies paroiflent dans les airs , 5c
volent à elle avec chacun un papier ''■> j
à la main. Au bas du rocher & fous à
les pieds de cette femme , eft un *
homme à demi couché qui la mon-
tre de la main droite , & qui tient
la gauche appuyée fur une Urne
renverfée , d'où fort une grande
abondance d'eau.
Selon toutes les apparences cet-
te femme eft la Mufc qui préfide à
l'Hiftoire, les papiers que lui ap-
portent les trois enfansfontde pe-
tites Hiftoriettes pour mettre dans
la nouvelle Mer , & l'homme ap-
puyé fur l'Urne renverfée T d'où
fort une grande quantité d'eau eft
notre Auteur même qui répand
avec profufion fès Hiftoriettes.
Cette eau , au refte , paroît tomber
dans une efpece de mer } c'eft la
58 JOURNAL D
nouvelle Merdes Hiftoires.
Venons à prefent à ce qui con-
cerne le Livre: c'eft donc une Mer,
félon notre Auteur. Or cette Mer
cft divifée en deux bras -, le pre-
mier contient dix-fept Hiftoires ou
Hiftoriettes , & le fécond douze.
Voilà ce que c'eft que la nouvelle
2ldir des Hiftoires. Ce nombre à la
vérité paroît peu de chofe pour une
Mer , mais comme l'Auteur ne
compte pas en demeurer là , il n'a
fans doute choifi ce titre que par
rapport aux grandes augmentations
qu'il efpere faire à fon Livre , &
qui ne lui coûteront pas beaucoup,
puifqu'il en a le moule tout fait.
Lesdix-fcpt premières Hiftoriet-
tes , font le Miroir Magique , l'E-
change , le Voleur innocent , le
Certificat des Bergers , les Serin-
gues , le faux Poifon , l'Amant dé-
guifé , l'Amant infortuné , les Va-
peurs , la Dupe , les faux Rivaux ,
les étranges effets de la Jaloufîe j le
Myftere dévoilé , l'Amant garde
malade , la Folie , la faufte Sorciè-
re , & la Sœur retrouvée.
Les douzes autres qui compofent
la féconde Partie du Livre, font,La
vertu d'Elips recompenfée,l'Exem-
ple de la plus cruelle Jaloufîe , Les
Avantures d'Aleran de Saxonne &
d1 Adélafic, Nouveau genre de pu-
nition que le Comte de Meden in-
vente pour punir fa femme qu'il
avoit furprife en adultère , Mort
Tragique de deux Amans , Trait
de cruauté , Zélinde Hiftoire
Orientale , Le faux Mort , Les Pois
verds , Le Mariage d'Avanture ,
L'Avanturc d'un bel£fprit,&:Dom
ES SÇAVANS.
Alvar del Sol , Hiftoire Napolitai-
ne.
On juge bien d'abord à ces titres
quel peut être le caractère de ce?
Hiftoires, & il femble que nous
pourrions nous difpenler d'en rap-
porter aucun exemple -, mais com-
me tout le monde n'eft pas de mê-
me goût , & qu'il pourroit fe trou-
ver des Lecteurs qui nous blame-
roient de notre fîlence , voici deux
échantillons des Hiftoires dont il
s'agit , nous choifirons les plus
courtes , &c nous tâcherons enco-
re de les abréger.
Lef'Mx Poifon : » Si l'on n'ïst
» pas perfuadé que la force de l'i-
» magination produife tous les ef-
y> fets qu'on en raconte , ce qui cft
» arrivé depuis peu , en peut con-
j> vaincre tout le monde. Un hom-
» me de qualité proteftoit à une
» jeune perfonne , dont il étoic
» épris , une foûmiflîon aveugle à
» fes volonrez. Les proteftations
» allèrent fi loin , qu'il lui jura d'a-
» valler du poifon , fi elle le lui
» ordonnoit. Elle fit femblant de le
>s prendre au mot, & lui dit qu'el-
» le avoit de l'arfenic dans fon Ca-
•* binet, &z y étant entrée elle lui
«apporta dans un petit papier urne
» poudreblanche qu'elle afTura être
» l'arfenic en queftion, quoique ce
»nc fût que de la poudre àpou-
» drer. Le Cavalier reçut la pri-
» fe & l'avala. « Peut-être , obferve
notre Auteur , crut-il que la jeune
perfonne lui retiendroit la main
ou que ce qu'elle lui avoit prefenté
n'étoit pas du véritable poifon. Ce
qui donne lieu d'en juger ainfij
J A N V I
continue l'Auteur , c'cft , que le
Cavalier ayant gardé d'abord un
v.ifage gay , changea enfuite de
couleur , lorfquc la perfonne qui
lui aveit apporté le papier , lui dit-
on , affectant un air de trouble,
qu'il a voit eu tort d'avaler fi ptom-
ptement cette poudre , & fè mit
en devoir d'aller chercher du con-
tre-poifon. Une lueur froide & de
grands vomiffemens faifirent en
même tems le Cavalier. La jeune
perfonne connoiffant alors qu'elle
avoit poulTé la chofe trop loin , &c
que l'imagination du Cavalier fai-
foit les mêmes effets qu'aur >it pu
faire l'arfenic , crut que le remè-
de fur à ce mal, étoit de détrom-
per le Cavalier ; mais elle eut beau
lui protefter que ce qu'il venoit
d'avaller n'étoit que de la fimple
farine , elle eut beau en avaller elle-
même , les vomiffemens continuè-
rent trois jouis de fuite , & il fal-
loit tout ce tems-là au Cavalier
pour revenir de fon erreur.
Avmture d'un bel Efprit : Un
bel Esprit s'étant un jour trouvé
en débauche chez un de fes amis ,
but fi bien qu'il s'en reffentit -, la
nuit étant déjà avancée le maître du
logis fit mettre les chevaux au
carroffe pour renvoyer fon ami ; le
bel Efprit monte dedans , &c le Co-
cher l'ayant arrêté devant fa porte,
demeura quelque tems fur le fiége
pour donnera l'ami de fon maître
le tems de fortir du carroffe ; mais
n'en ayant entendu fortir perfon-
E S. ï ï 7 34" 39
ne , il defeendit de fon fiége pour
voir s'il y avoit encore quelqu'un
dans le carroffe , & n'y ayant vu
perfonne , il s'en retourna chez
fon maître , où il remit à l'ordinai-
re le carroffe fous la remife &z les
chevaux dans l'écurie. Il fut enfuite
ôter les glaces du carroffe , & met-
tre des grilles d'ozier à la place ,
comme il avoit coutume de faire
tous les foirs -, après quoi il fut fe
coucher, & le lendemain matin
on entendit grand bruit au dedans
du carroffe , contre les grilles d'o-
zier : le Cocher qui crut que c'elt
qu'il v avoit enfermé quelque chat
par rnégarde , courut auffi-tôt ou-
vrir h portière pour le chaffer,
mais il tut bien furpris de trouver
dans le carroffe le bel Efprit que la
nuit d'auparavant il avoit ramené
chez lui. Tout le monde de la mai-
fon accourut , on demande au bel
Efprit à quelle heure il eft entré, Se
par où , il demeure plus étonné que
les autres , Se ne comprend rien
à ce qu'on lui dit ; mais enfin à
force de le queftionner , lemyftere
s'éclaircit , & on développa que le
bel Efprit s'étant endormi pendant
qu'on le conduifoit chez lui , étoit
tombé au fond du carroffe , &
avoit continué d'y dormir jufqu'au
matin.
Nous nous contenterons de ces
deux exemples ; fi quelques Lec-
teurs croyent que ce foit trop peu,
nous les renvoyons , pour notre
juftification , au Livre même,
4© JOURNAL DES SÇAVANS;
HISTOIRE LITTERAIRE DE LA FRANCE , OV VON
traite de l'origine & du progrès , de la décadence & dit retablijfement des
Sciences parmi les Gaulois & parmi les François ; du goût & du génie des
jtns & des autres pour les Lettres en chaque fiecle \ de leurs anciennes
Ecoles ; de retablijfement des Vniverjitez en France ; des principaux Col-
lèges ; des Académies des Sciences & des Belles Lettres; des meilleures Bi-
bliothèques anciennes & modernes ; des plus célèbres Imprimeries ; & de
tout ce qui a un rapport particulier a la Littérature : avec les Eloges Hlflo-
riques des Gaulois & des François , qui s'y font fait quelque réputation ; le.
Catalogue & la Chronologie de leurs Ecrits , des Remarqua Hijioriques &
Critiques fur les principaux Ouvrages ; le dénombrement des différentes
Editions : le tout juflifié par les citations des Auteurs originaux. Par des
Religieux Beneditlins de Lt Congrégation de S. Maur. Tome I. qui comprend
les tems qui ont précédé la Naiffance de Jefus-Chrijl y & les quatre premiers
fiecles del'Eglife. A Paris , chez C haubert 3 Libraire du Journal, Quai
des Auguftins , à la Renommée & à la Prudence -, Gijfey , rue de la
vieille Bouderie , à l'Arbre de Jeffé; Ofmont } à l'Olivier-, Huart l'aî-
né , àla Juftice; Cloujier , à l'Ecu de France , rue S. Jacques ; Hour-
del ; & David \e jeune , à l'Efperance , Quai des Auguftins. 1733. '«-4°.
première Partie , pages 414. fans la Préface & la Table des citations
qui en rempliffent 64. féconde Partie , pages 450. fans la Table des
Auteurs & des Matières. Planches détachées 1.
DANS un premier Extrait,
public au mois d'Octo-
bre de l'année précédente , nous
avons rendu compte du deffein
général de cet Ouvrage , & de l'é-
tat des Lettres dans les Gaules ,
avant J. C. Il nous refte maintenant
àfuivre les progrès de la Littératu-
re dans ce même Pays pendant les
trois premiers fiecles de l'Eglife ;
&c c'eft de quoi nous allons entre-
nu le public , d'après ce que nous
en apprennent nos fçavans Béné-
dictins , dans le refte de leur pre-
mière Partie.
I. Le premier fiecle depuis l'Ere
Chrétienne ne nous offre dans
i'Hiftoire Littéraire des Gaules , ni
Auteur Ecclefiaftique^ni rien qui ait-
rapport à l'établi ffement du Chri-
ftianifme ; quoiqu'ayent avancé au
contraire , fans aucunes preuves
pofitives , divers Ecrivains dont
les témoignages font démentis par
des autoritez refpedlables. Les ré-
volutions arrivées dans les Lettres
ne furent pas à beaucoup près fi
fenfibles , que celles qui ébranlè-
rent l'Etat ; & quoique les Sciences
y fouffriffent quelque altération
elles ne biffèrent pas de fe mainte-
nir prefquc fur le même pied vers
la fin du règne d'Augufte & fous
le règne entier de Tibère.
Les Ecoles fc multiplièrent donc
dans les Gaules f Se y fleurirent à
l'envi.
J A N V I
l'envi. Jamais il n'y parut tant d'O-
rateurs , qui fournirent même à
Rome des Maîtres d'Eloquence ,
des Magiftrats , des Capitaines.
C'eft de quoi ce ficelé produit cent
exemples , &c ce que l'Empereur
Claude reconnoilïoit lui - même
dans fa harangue au Sénat , dont il
poftuloit l'entrée pour les Gaulois.
Cet Empereur nous y fait l'éloge
d'un Veftinus & d'un Perficus ,
tous deux originaires de laViennoi-
fe & fes favoris. Nos Auteurs paf-
fent en revue plusieurs grands
Hommes de la Gaule, qui pendant
ce fiecle , remplirent avec diftinc-
tion les premières charges de la ro-
te & del'épée, tels qu'un Valerius-
Afiaticus , un .Tulius - Vindex , un
Poppxus-Vopifcus , un Valerius-
Paulinus , un ,(4ibutius-Liberalis ,
un Antonius - Primus , furnommé
Bec-de-coq; ces trois derniers , fur-
tout , fçavoient auiTi-bien manier
la plume que l'cpée , & ne firent
guéres moins d'honneur auxLettres
qu'aux armes. On n'oublie pas ici,
dans ce dénombrement, TitusAu-
relius-Fulvius , natif de Nifmes, &
ayeul paternel de Tite-Antonin, le
meilleur & le plus équitable de
cous les Empereurs Payens.
A tous ces grands fujets qui illu-
strèrent la Magiftrature ou brillè-
rent à la tête des armées , on joint
quelques Orateurs fameux , tels
que Julius-Aufpex &Valcntin qui
fignalerent leur éloquence dans
l'afTemblée des Gaulois tenue l'an
70. au fujet de la concurrence de
Vitellius & de Vefpafien ; & nos
Hiftoriens nous en nomment en-
Janvicr.
E R , 1 7 5 4. 41
cor-e un troifiéme plus célèbre en la
ptrfonne de Claudius-CofTus , fa-
meux Orateur chez les Helvériens ,
ou les SuifTes. Ils y ajoutent Vibiuî-
Gallus, les deux Montanus , Jul.
Grxcinus , l'Empereur Claude Se
Pétrone, Domitius Afer, Agrotas,
Quirinal , Jul. Florus 6v Jul. Sc-
cundus l'oncle év le neveu , Gabi-
nien , Marcus-Aper , RufTus & Ar-
tanus, tous Rhéteurs ou Orateurs
très-diftingués en ce fiécle. Ils trou-
vent auffi dans les Gaules plufieurs
Médecins d'une grande réputa-
tion , un Charnus , un Crinas , un
Démofthéne.
Les Ecoles Gauloifes , encore
floriflantes alors , difent-ils , n'a-
voient rien perdu de leur première
fplcndeur ; & ils en produifent
pour preuves l'Ecole de Marfeillc
& celle d'Autun , fans oublier les
Villes de Vienne & de Lyon, dans
la première defquelles le latin étoit
la langue vulgaire, comme on peut
le recueillir d'un pafTage de Martial
èc dont la féconde vit en ce fieele
établir dans fon enceinte des Jeux
& des Exercices Littéraires , qui fc
faifoient en grec &c en latin , & où
il s'agifToit de remporter le prix de
l'éloquence.
Le refie des beaux arts n'étoic
pas moins heureufement cultivé
dans les Gaules ; & Zénodore y
paffa pour l'un des plus excellens
Graveurs Se Sculpteurs qui eufient
jamais paru dans cette Profeflïon.
Ce fut lui , au rapport de Pline,qui
fit dans la Capitale de l'Auvergne
une Statue d'une grandeur énorme,
reprefentant Mercure , 8c qu'on
42 JOURNAL DE
cftimoit quatre millions de 'notre
monnoye. Il fut appelle à Rome
par Néron pour y faire le tameux
ColoiTe de ne pieds de haut , qui
après li mort de ce Prince , fut
eonfacré au Soleil.
Mais( obfcrvcnt nos Hiftoriens )
quelque émulation qui régnât en-
core alors dans l'étude £c la prati-
que de l'éloquence, elle ne lailTa
pas de dégénérer & de fe corrom-
pre au point , qu'à peine fous Né-
ron & Vetpafien trouvoit on quel-
que fujet qui méritât le nom de vé-
ritable Orateur ; & c'eft de quoi
divers Sçavans fe plaignirent alors
amèrement. Cette décadence ve-
noit de différentes caufes qu'ils ont
eu foin d'allîgner , & que nos Au-
teurs allèguent Ici d'après eux , fur-
tout d'après la Satire de Pétrone &
le Dialogue furies Orateurs attribué
à Tacite ou à Quintilien : pièces
dont ils nous fourniffent ici plu-
fieurs extraits , aufqucls nous ren-
voyons furlaqucftion prefente.
A ce Difcours Préliminaire fur
l'état des Lettres dans les Gaules au
premier fiécle , fuccede un dénom-
brement exact des Ecrivains de
tout genre qui s'y font fait connoî-
tre , & dont nos Hiftoriens nous
donnent toujours , autant qu'il eft
poffible , un détail de la vie S: une
notice des Ecrits tant confervés ,
que perdus ou fuppofés. On y trou-
ve 14 , tant Rhéteurs qu'Orateurs,
dont nous avons déjà indiqué la
plupart -, deux Poètes , Pétrone 5c
Antonius -Primus ; deux Philofo-
phes, Gncir.us & Libcralis -, trois
Médecins ; fans compter Germani-
S SÇAVANS,
cus-Céfar , l'Empereur Claude , 8t
Agiicola Gouverneur de la grande
Bretagne, qui décorent cette Lifte
de Sçavans. Les articles les plus
étendus &c les plus intereffans font
ceux deGermanicus , de Claude &
de Pétrone.
II. » Jufqu'ici ( difent nos Au-
• teurs ) nous n'avons encore vu
«dans nos Gaules, qu'une Pbilo-
» fophie purement humaine & des
3) Sciences toutes profanes. Mais le
n ficelé où nous entrons , nous y va
» découvrir l'établiilement de la
» SagelTc & de la Science qui tait
» les Saints. « Telle cft en effet la
véritable époque de l'établi iTement
du Chriftianifme au deçà des Al-
pes , où l'on ne vit les premiers
Martyrs que fous Marc-Auréle. Il
s'y forma certainement dès ce fié-
de ci des Eglifes qui eurent leurs
Evêques ; mais il n'y parut encore
que très-peu de Monumens de la
Science dont les Chrétiens tai-
•foient profeiîîon. Comme les Gau-
les ( obfervent nos Hiftoriens )
avoient emprunté des anciens
Grecs en la perfonne des Marfeil-
lois les premières notions des Let-
tres humaines , ils reçurent de
cette même nation les premières
leçons de l'Evangile, parle Minifte*
re de S» Pothin venu d'Allé & pre-
mier Evêque de Lyon , de S. Ire-
née fon fucceffeur , & de quelques
autres Difciples de S. Polycarpc.
De Lyon , la prédication du Chri-
ftianifme fe répandit bientôt dans
'plufieurs autres Villes des Gaules ,
à Vienne , à Châlons , à Tournus ,
à Autun , à Langres , à Dijon &c
ailleurs.
j A N V I
On Ce tromperait tort ( conti-
nuent nos Auteurs ) fi l'on fe per-
fuadoit que l'établilTcment de i.i
Religion Chrétienne dans les Gau-
les en eût banni la politeffe Se les
ScienCes profanes que les étrangers
y venoient puifer auparavant. Bien
loin d'être contraire aux bonnes
Lettres , elle les perfectionne où
elle les trouve établies , & les éta-
blit où elles font encore incon-
nues. Nos Auteurs prétendent que
les premiers qui annoncèrent l'E-
vangile àLyon ne s'y trouvèrent pas
tout- à -fait étrangers , quoique
Grecs , parce qu'on parloit la Lan-
gue Gréque dans cette Ville-là &c
dans les lieux circonvoifins -, ce
qu'ils s'efforcent de prouver i°. par
la proximité de la Provence & le
commerce perpétuel de Lyon avec
Marfeille : z°. Parce que ces pre-
miers Ouvriers Evangeliques, loin
d'apprendre la Langue Latine ou la
Gauloife, n'employèrent dans tous
leurs travaux , foit de vive voix ,
foit par écrit , que la Langue Gré-
que : 30. Parce que S. Irenée qui
écrivoit pour i'inltruction des fidè-
les de fon Eglife , ne l'eût pas fait
en Grec , fi cette Langue n'eût été
connue à Lyon que des Sçavans.
Ajoutez à cela , qu'à Arles au IVe
& même au VIeiïécle, cette Lan-
gue étoit encore entendue commu-
nément , "puifqu'on y fit en Grec
l'Oraifon Funèbre de Conftantin le
Jeune mort en .340. & que fous
S. Cefaire on faifoit l'Office de l'E-
glife en cette même Langue. Nos
Hiftoriens avouent qu'elle devoit
être fort corrompue parmi le peu-
ple.
E R , 1 7 ? 4. 4J
A l'égard de la Langue Latine ,
elle n'y étoit pas moins vulgaïr*
quelaGauloiie, comme en font toi
les Actes des premiers Martyrs de
Lyon , les Poéfies de Martial qui fe
trouvoient àVienne entre les mains
de tout le monde , ainfi que les
Ecrits d". Pline le jeune & de divers
autres , qu'on débitoit à Lyon
comme s'ils euffent été ceux du
Pays même.
On préfume qu'autant qu'il fe
formoit d'Eglifes particulières dans
les Gaules , c'étoit autant d'Ecoles
Chrétiennes qui s'y étabii/Toient; &
l'on fuppofe qu'elles étoient ani-
mées du même efprit qui regnoit
dès le ie fiécle dans l'Ecole d'Ale-
xandrie , où les Maîtres n'inftrui-
foient pas moins leurs Difciples
dans la connoiiîance des Lettres
que dans la pratique de la vertu. Là
les Evêques , Se quelquefois les
fimplcs Prêtres expliquoient aux
fidèles les Saintes Ecritures d'une
manière proportionnée à leurs be-
foins , Scies précautionnoient con-
tre les héréfies en leur expofanth
vraye doctrine delEglife ; ne tou-
chant au refte les queftions de Re-
ligion qu'avec beaucoup de rete-
nue , & toute leur Théologie con-
fiftant dans l'étude & l'intelligen-
ce des Livres Saints.
Dans ces premiers tems , il n'y
avoit prefque point d'autres Maî-
tres pourles Chrétiens que les Evê-
ques ; &c il ne paroît pas qu'avant
le quatrième fiécle , les fidèles étu-
diaient , au moins dans les Ecoles
publiques , les Sciences profanes.
Mais ( ajoute - 1 - on ) quoique les
Fij
JOURNAL DESSÇAVANS,
44
Pères de ces premiers fiécles ne les
culïent point étudiées , ils n'étoient
pour cela dépourvus ni de fçavoir
ni d'éloquence , comme il cft aifé
de s'en convaincre par cette fubli-
mité de penfées , par cette force de
raifonnemens qui fe trouvent dans
leurs Ouvrages -, Se s'ils ne parlent
pas le Grec & le Latin aulli pure-
ment que les anciens Orateurs , ce
défaut d'élocution ne tait aucun
tort à ce qui conftitue foncièrement
leur éloquence.
A la voye d'initru&ion fe joignit
dès ce fiécle un moyen très-propre
à étendre la faine doctrine Se à l'af-
fermir -, Se ce fut la convocation
des Conciles. Celui de Lyon fut
aiTemblé alors au fujet de la difpu-
te fur le tems de la célébration de
la Pâque , Se l'Hérétique Valentin
trouva dans les Gaules un puiiTant
adverfaire , en la perfonne de faint
Irenée. Telle étoit donc la premiè-
re conftitution des Lettres chez les
Chrétiens de la Gaule dans ce fé-
cond fiécle.
Quant à la Littérature Payenne
du même Pays , l'éloquence Ro-
maine quoique déchue à Rome
même, depuis Pline le jeune, fe foû-
tint encore glorieufement ainhque
îaGréque dans les principalesVilles-,
desGaules Se le Poé'tejuvenal y ren-
voyoit ceux qui vouloient fe perfec-
tionner dans l'art de bien dire. Il y a
tout lieu de croire que les Ecoles
"Gauloifes renommées déjà dans les
fiécles précedens fubfifterent encore
avec honneur pendant celui-ci, Se
l'on n'en feauroit douter du moins
grand pere de l'Orateur Eumène^
Athénien de nation , vint enfeigner
laRhétorique après l'avoir proieiTée
à Rome avec applaudiiîemenr, A
l'égard d'une certaine Académie
ou Univerfité érigée ( dit on ) à
Orle.ms par l'Empereur Marc-Au-
rele , nos Auteurs la traitent de pu-
rement imaginaire , & ne la trou-
vent appuyée fur aucune preuvs
folide.
Malgré cet état rlorifîant des
Ecoles de la Gaule , l'Hiltoire de ce
fiécle ne nous y offre cependant
qu'un très-petit nombre d'élevés ,
dont le mérite à la vérité peut com-
penfer cette forte de difette. Tels
font un Sentius-Augurinus , dont
les Poé'fies faifoient les délices de
Pline le jeune -, un Favorin, le plus
fameux Sophitte de fon tems ; un
Marc. Cornel. Fronto _, le fécond
Maître de l'éloquence après Cice-
ron , &c. Nous renvoyons fur ces
principaux articles au Livre même,
atnfi que fur celui de l'Empereur
Tite-Antonin , qui figure ici entre
les gens de Lettres. Mais pour l'arti-
cle de Florus l'Hiftoricn , que nos
Auteurs s'efforcent de revendiquer
ici à la Gaule^ nous en donnerons k
précis.
Les Efpagnols , fur la créance
que Florus étoit de leur nation ,
l'ont rangé parmi leurs Ecrivains.
Nos Auteurs à leur tour , perfuadés
qu'il éteit Gaulois plutôt qu'Efpa-
gnol prétendent le difputerà ceux-
là , Se regardent cette prife de pof-
fetlion comme un titre frivole qui
ne peut jamais preferire. Pour met-
par rapport à celle d'Autun , où le tre le Ledeur à portée de juger la-:
J A N V I E
quelle de ces deux prétentions eft
Ix mieux fondée , nos Hiftoriens
expofent les «lions de part &
d'autre.
Les contendans avouent d'abord
que d'un 8c d'autre côté ils n'ont
pour eux aucune preuve décifive ,
ni Texte de l'Auteur même , ni té-
moignages d'Auteurs contempo-
rains. Ils font donc obligés de fe
rabattre fur deux autres moyens ,
ï°. La tradition des fiécles pofte-
rieurs à Florus , & 2°. les divers
noms qu'il a portés-
La première ( dit on ) n'eft pas
lavorable aux Efpagnols -, car de-
puis le règne de la critique , pref-
que tous ceux qui ont parlé de
l'Hiftorien Romain , l'ont pris ou
pour Julius Florus l'Orateur, ou
pour Julius-Secundus , & en con-
séquence l'ont fuppofé Gaulois; od
bien ils l'ont regardé comme iiTu
de l'un de ces deux Orateurs , ce
qui revient au même. Chriftophle
de Longueil n'a pas fait difficulté de
le mettre aunombre de nos fçavans
Gaulois. Il y a plus ( ajoûte-t-on )
cette tradition remonte bien plus
haut que le quinzième fiéde où vi-
voient quelques uns de ces garants
allégués : en effet ou Florus por-
toit originairement le prénom de
Julius que lui donnent les Manuf-
crits ; ou il ne l'a reçu qu'en des
tems pofterieurs. Le premier cas eft
favorable à nos Auteurs , puifque
florus aura eu les deux noms de
cette famille: & dans le fécond cas,
il n'aura reçu ce prénom , que par-
ce qu'on le croyoit originaire de
cette même famille. OrlcsManuf-
R , \ 7 5 4? 4;
crits dont il s'agit étant anciens •
la tradition qui le fait Gaulois ne*
fçauroit qu'être ancienne.
La prétention des Efpagnols n'a
d'autre fondement que le fcul nom
A'Annms donné à l'Hiftorien , &c
qui eft le nom de la famille Efpa-
gnole des Sénequcs ; mais d'autre
part le nom de Florus qu'il portoit
également , l< même plus commu-
nément , eft celui d'une famille
Gauloife. Ainfi la balance eft enco-
re égale de ce côté-là. Etoit il donc
tout enfcmble Gaulois & Efpa-
gnol ? Non , répondent les conten-
dans de ce dernier parti ; le nom
de Florus, difent- ils ingénieufe-
ment , ne lui fera venu que d'une
adoption dans la famille de ce nom
qui étoit Gauloife : & c'eft ( conti-
nuent ils ) l'opinion de Vojfiits; la-
quelle véritablement n'eft appuyée
d'aucune preuve.
Nos Auteurs fe croyent plus en
droit que lui d'afTurer que le pré-
nom & Ann&us n'avoit été donné à
Florus qu'en vertu de fon adoption
dans ta famille Atmaa qui étoit
Efpagnole: & ce qui les rend plus
hardis dans cette décifion, c'eft le
témoignage de Pline le jeune quî
certifie , que depuis la fin de l'Em-
pire d'Augufte la plupart de ceux
quiétoient adoptés prenoient pour
prénom le nom de la famille qui
les adoptoit ; il en fournit divers
exemples. Or Florus ayant Annms
pour prénom paroît avoir été plu-
tôt adopré par les Ann&us que par
les Fhrus.
Nous renvoyons "à nos Hifto-
riens fur le refte du détail cancer-
\
46 JOURNÀÊ DE
nantla Vie, lesOuvrages, & les dif-
férentes Editions de cet Abrévu-
teur de l'Hiftoire Romaine.
III. Nos Auteurs, pour donner
une idée plus Julie & plus com-
plexe de l'état des Lettres dans les
Gaules au troifiéme fiécle , y diftin-
guent deux genres de Littérature ,
la Sacrée &c la Profane.
La première s'y répandit à pro-
portion des progrès qu'y fit le Chri-
itianifme -, & ce fut à quoi contri-
buèrent infiniment les travaux de
S. Irenée , dès le commencement
de ce fiécle. Non content dans fes
Ecrits de combattre la licence des
Hérétiques, il s'appliquoit à con-
firmer la foi qu'il avoit prêchée &
à former les mœurs des Fidèles.
Après fa mort la même ferveur
éclata dans le miniltere de fes Dif-
ciples ; & nuls d'entr'eux ne mon-
trèrent plus de zélé que Caïus &
S. Hippolyte , qui imitèrent par-
faitement un fi excellent Maître.
Le premier attaqua par fes Ecrits
diverfes erreurs , entr'autres celle
des Millénaires : &: le fécond fut
un fçavant Interprète de l'Ecriture.
Les Gaules ayant perdu ces deux
Elevés de S. Irenée , qui allèrent
éclairer d'autres Eglifes ; elles en
furent dédommagées par la venue
de fept autres Millionnaires , en-
voyés de Rome, comme l'on croit,
& qui furent les SS. Gatien , Tro-
phime , Paul , Saturnin , Denys ,
Auftremoine , & Martial , qui fi-
xèrent leur féjour dans autant de
Villes Gauloifes , qu'on a foin ici
d'indiquer.
Ces nouveaux Ouvriers Evangeli-
S SÇAVANS ,
ques introduifirent dans les Gaules
le Rit Latin , en la place du Rit
Grec qu'on y avoic apparemment
fuivi jufqu'alors ; c\: l'on préfume
auflî qu'ils y apportèrent en même
tems l'ancienne Verhoii Italique ,
ou l'ancienne Veriiou Latine de
l'Ancien &c du Nouveau Tefta-
ment. Mais ( obferven: nos Hi-
ftoriens ) il ne faut pas s'imaginer
que les Millions de ces fept Evê-
ques ayent été précifément de mê-
me date , comme fembleroit le di-
re S. Grégoire de Tours. Ces pre-
miers Prélats , à l'aide de leurs Dif-
ciples qui fécondés de nouveaux
Millionnaires , fe répandirent de
tous cotez dans les Gaules , y fon-
dèrent grand nombre d'Eglifcs
dont on trouve ici quelque détail.
Quant à la doctrine de ces Egli-
fes durant ce fiécle , l'Héréfie de
Novatien qui refufoit la paix aux
pénitens , y fut embrailée parMar-
cien Evêque d'Arles , que fon ob-
ftuaation dans l'erreur fit dépofer
félon toute apparence. Nos Histo-
riens fpecifient ici quantité d'Ou-
vrages Eccleilaftiques de ce tems-là,
defquels il ne nous refte que les ti-
tres, &qui font de S. Retice d'Au-
tun , de S. Irenée , de Caïns &ç de
S. Hippolyte. De plus de 30 Trai-
tez de ce dernier , à peine nous en
refte-t-il deux en leur entier , &c
quelques fragmens du refte. Nous
n'avons que les cinq Livres de faint
Irenée contre les Héréfus : encore
ne les avons - nous que dans une
Verfion Latine.
A l'égard des Sciences Profanes ,'
leurs progrès dans ce fiécle furent
J A N V I
fort inférieurs à ceux que fit dans
Ii Gaule la Littérature Sacrée. Les
Guerres Civiles qui s'allumèrent
alors dans l'Etat , jointes aux ir-
ruptions des Barbares dans ce mê-
me Pays où l'on vit fondre les Al-
lemans , les Lyges , les François ,
les Bourguignons , les Vandales , y
cauferent aux Lettres Humaines
une fâcheufe éclipfe. Dans la fuite
la Cour Impériale établie à Trêves
pour reprimer ces incurfions , y re-
veilla l'amour Se la culture des
Sciences & des beaux Arts. Claude
Mamcrtin y prononça en prelcnce
de Maximien-He'icule , deux Pané-
gyriques à la louange de cet Empe-
reur.
Sous Confiance-Chlore la Gaule
jouit d'une paix profonde, & d'une
pleine liberté , tant pour la prpfèf-
lion du Chriftianifme que pour
celle des Lettres. Il- y avoit des E-
coles floriflantes, non feulement à
Trêves , mais à Autun , où Eu-
méne ( dit -on ) tout Secrétaire
d'Etat qu'il étoit , ne laiiToit pas
de profeiTer l'Eloquence Se de s'en
faire honneur. Jule-Titien , fameux
Rhéteur , Poète & Géographe ,
gouvernoit alternativement l'Ecole
de Befançon & celle de Lyon.
Au furplus , de tous les Ouvra-
ges de ces gens de Lettres , il ne
nous refte aujourd'hui que quatre
Panégyriques , deux de l'Orateur
Mamertin , & deux de l'Orateur
Euméne à la louange de Confiance-
Chlore. Parmi les xiii. articles de
i'Hifloire Littéraire de ce 3e fiécle,
où paroifTent les noms de trois
Empereurs , Caracalle , Carus &
E R , 1 7 3 4; 47
Numericn , ceux qui fournifîent le
plus de matière à nos Hiftoriens
font l'article de S. Irenéc ,, ceux de
S. Hippolyte j de Titien & de Ma-
mertin.
Nous n'oublierons pas d'avertir
que nos Hiftoriens , en nous don-
nant ici ce qu'ils ont pu recueillir
de plus certain fur la Vie de Saint
Hippolyte , ce qui fe rcduit'à peu
de chofe , le regardent avec juflice
comme Elève de l'Eglife de Lyon;
fur quui tout le monde cft d'accord
avec eux ; puifque ce Saint fut Dif-
ciple de S. Irenée , Evêque de cet-
te Ville-làj&qu'il paifa auprès de lui
un tems confidcrable. Mais ils
avancent de plus qu'il naquit en
quelque lieu des Gaules & que ce
fut où iî commença de fe faire con-
noître. Ni fon nom Grec , ni fa
qualité de Sénateur Romain, ni
fes Ouvrages écrits en Grec , n'é-
branlcroient nullement cette opi-
nion , puifque l'on portoit afTez
vulgairement en Gaule des noms
propresgrecs ; que les Gaulois dès
devant l'Empire de Claude
avoient entrée dans le Sénat de Ro-
me -, & qu'ils écri voient affez com-
munément en grec. Au regard du
fentiment de ceux ( M. Bafnage )
qui le font naître en Orient & le
fuppofent Prêtre établi en Arabie ;
comme ils n'en produifent aucu-
nes preuves , on ne doit pas les en
croire fur leur parole.
On fçait qu'il fut élevé à l'Epif-
copat , mais l'on ignore quelle
Eglife il a gouvernée ; &c de - là
tant de conjectures hazardées fur
ce point dans h$ fiécles fuivans £
48 JOURNAL DE
les uns l'ayant faic Métropolitain
d'Arabie, fur un témoignage d'Eu-
fébe mal traduit par Rufin ; les au-
tres le fuppofant Evêque de Porto ,
en le confondant avec un autre de
même nom \ ceux-ci le difant Evo-
que du Port que les Romains
avoient anciennement en Arabie ,
& qui eft un Siège Epifcopal pu-
rement imaginaire alors -, ceux - là
le croyant Evêque de Tivoli , à
caufe de fa ftatue trouvée près
de cette même Ville , mais qui
peut palTer aufïi - bien pour la
marque d'une Chapelle érigée en
l'honneur de ce Saint que pour
la marque de fa fépulture ; quel-
ques-uns enfin le faifant Evêque de
Rome , fentiment aujourd'hui re-
jette de tous les Sçavans.
Nos Hiftoriens feroient fort por-
5 SÇAVANS,
tés à croire que S. Hippolyte , fans
avoir eu de Siège fixe , auroit été
Evêque des Nations comme Caïus
fon Condifciple , dont on a parle
plus haut ; & en ce cas , l'on ren-
droit aifément raifon , pourquoi il
paroît tantôt en Orient , tantôt en
Occident , comme cela refulte du
peu que nous fçavons de fon Hi-
ftoire. Il eft vrai cependant que le
partage d'Eufebe qui fait S. Hippo-
lyte Evêque d'un certain lieu fans
le nommer , embarralTe un peu nos
Auteurs, aufquels nousrenvovons
fur toute cette difcufiîon.
Nous rendrons compte ailleurs
de ce que renferme la féconde Parr-
tie de ce Volume.
On va incelfamment mettre en
vente le IIe Volume de ce même
Ouvrage. Le IIIe eft fous Prefle.
OBSERVATIONS
JANVIER, i7j4:
*f
OBSERVATIONS SVR LES ARRESTS REMARQUABLES
du Parlement dg Touloufc , recueillis parMeJfîre Jean de Catellan , Con-
feillcr an même Parlement , enrichies des Arre fis nouveaux rendus fur Us
mimes matières. Par Gabriel de Vedel , Ecuyer , Dotleur & Avocat au
Parlement de Touloufc. A Touloufe, de l'Imprimerie de N. Caranove,
à la Bible d'or , & fe vendent chez Etienne Manavit , & Jean-François
Foreft , à la Couronne d'or, 1733. in-tf. 2. Volume , Tome I. pp. 371.
Tome II. pp. 291.
M Vedel ayant pris pour fon
. partage l'étude des Loix s
qui n'eft , dit-il , ni moins noble ,
ni moins utile à l'Etat , que celle
des armes &c de la guerre , crut que
ïe principal fruit qu'il pourroit ti-
rer de cette étude , étoit de con-
noître l'ufage que les differens Par-
jemens du Royaume & en parti-
culier celui de Touloufe font de
ces Loix. C'cft dans cette vûë qu'il
s'attacha particulièrement au Re-
cueil d'Arrefts Notables de M. de
Catellan •, ce qui lui donna lieu de
faire des Obfervations fur les ma-
tières qui ont été traitées par M. de
Catellan, &c d'ajouter de nouveaux
Arrefts à ceux qui avoient été infe-
tés dans ce Recueil. Ainfi la Com-
pilation de M. de Catellan a eu le
même fort qu'a eu au Parlement
de Paris la Compilation des Arrefts
de M. Louet d'être expliquée Se
commentée par un Avocat.
Notre Auteur a fuivi dans fes
Obfervations le même ordre que
M. de Catellan dans fes Arrefts
Notables \ c'eft-à-dire que le pre-
mier Volume contient les Matières
Ecclefiaftiques , que le fécond con-
cerne les Succédions , qu'il s'agit
dans le troifiéme des Droits Sei-
Jmvier,
gneuriaux , dans le quatrième des
Mariages & des Dots , dans le cin-
quième des Contrats , dans le fixié-
me des Saifies & des Décrets des
immeubles. Les Prefcriptions , les
Tutelles , & la Procédure Judiciai-
re font le fujet des deux derniers
Livres. Nous nous bornerons à rap-
porter quelques exemples pris en
differens endroits de ce Recueil.
C'eft une maxime au Parlement
de Touloufe , différente de celle
du Parlement de Paris , que le
Curé ou le Vicaire perpétuel ne
jouit pas pour toujours de la dixmc
des terres nouvellement défrichées,
mais qu'il en a la jouiffance pour un
certain tems qui eft ordinairement
fixé à dix ans , après lequel les gros
Décimateurs jouiffent des dixmes
novales.,comme des anciennes dix-
mes.
On demande fi cette maxime a
lieu dans le reffort du Pailementdc
Touloufe , à l'égard des dixmes
qui appartiennent à des Laïcs , Se fi
les novales leur retournent , après
que les Curez ou les Vicaires per-
pétuels en ont joui dix ans ? M. de
Catellan , liv. 1. chap. 71. dit qu'il
fut jugé au Parlement de Touloufc
en favçur du Curé de Pigean , coti-
G
je JOURNALD
trele Seigneur de Monlezun Deci-
mateur Laïc , le 1 5 Mars i^tf 3. que
le Decimateur Laïc ne pouvoit ja-
mais avoir la dixme des terres dont
le Curé a joui comme de novales
ou de dixmes perçues fur les terres
nouvellement détrichées. La raifon
qu'en rend M. de Catcllan eft qu'il
n'eu: pas jufte , que le Laïc qui
jouit des dixmes par grâce & par
tolérance , ait autant de privilège à
l'égard du Curé que les Décima-
îeurs Eccleflafliques. Il ajoute que
îe Concile de Latran qui défend
aux Laïcs de poffeder des dixmes t
fembie les exclure des dixmes des
terres qui font défrichées de nou-
veau , comme de la dixme des
fruits qui n'étoient point fujets à la
dixme du tems du Concile.
M. Vedel foûtient qu'il y a eu de
la méprife dans la Compilation de
M. de Catellan par rapport à cet
Arreft. Pour juftifier le fait il pro-
duit un extrait de cet Arreft qu'il a
fait lever au Greffe. Cet Extrait
prouve qu'on a jugé par cet Ar-
reft contre le Decimateur Laïc que
le Curé de Prejean avoit droit de
jouir de la totalité de la dixrae des
terres nouvellement défrichées ,
quoiqu'il n'eût qu'un quart dans
les groffes dixmes. Mais cet Arreft
n'avoit point décidé , que la dix-
me navale fût due au Curé fans au-
cune limitation de tems de jouif-
fance. On a jugé au contraire au
Parlement de Touloufe , fuivant
notre Auteur , qu'après que le Cu-
ré a joui pendant dix ans de la dix-
me de la terre nouvellement défri-
chée , la réunion fc fait de plein
t S SÇAVANS;
droit à la dixme rrrféodée. Il en ci-
te un Arreft définitif rendu au rap-
port de M. Prejean le 28 Juillet
1694. entre le Curé de Negrepelif-
fe & le Sieur de Tieys Seigneur
d'Ariac Decimateur inféodé. Un
autre Arreft provifoire du 18 Mars
1717. fuppofe îa même Jurifpru-
dence. M. Vcdel dit pour appuyet
ces dédiions qu'en quelque tems
qu'on fixe l'établiiTement des dix-
mes inféodées , le Decimateur Laïc
fc trouvera fubrogé au Decimateur
Ecclefiaftique à titre onéreux , par
confequent qu'il doit jouir des
mêmes droits à l'égard des dixmes
novales , dont jouiffent les gros
Décimateurs Ecclefîaftiques; Il
ajoute que la dixme n'étant point
attachée de droit divin à la perfon-
ne des Miniftres de i'Eglife3 elle
peut tomber entre les mains des
Laïcs , même par la conceffioTvdc
l'Eglife., pour être perçue de la mê-
me manière qu'elle l'auroit été en-
tre les mains des Ecclefiaftiques,
M. Vedel fe fondant fur ces prin-
cipes décide encore contre ce que
paroît avoir jugé un Arreft du Par-
lement de Touloufe ; de l'année
166$. que de droit commun le De-
cimateur inféodé doit avoir les me-'
nues dixmes de la Paroiffe comme
les grofTes. En effet les menues dix
mes étant aulîî anciennes que Us
greffes dixmes , pourquoi n'au-
roient- elles pas été inféodées ea
même tems?
On juge au Parlement de Tou-
loufe en matière de fubftitution
que les enfans de l'inftitué qui fc
trouvent dans la condition £oa£
J A N V I
compris danslafubftitu<:ion,quand
Je Teftateur a borné la condition
aux enfims mâles. On y préfume
que quand un Teftateur n'appelle à
une fubftitution un étranger de
l'inftitué qu'en cas que cet inftitué
décède fans enfans mâles , l'inten-
tion du Teftateur qui a eu une af-
fection particulière pour les mâles,
a été que les enfans mâles mis dans
la condition , fulTent auifi compris
dansladifpofîtion.
Notre Auteur décide dans le
chapitre ji du Livre z. que les mâ-
les qui font dans la condition
doivent être auffi compris dans la
fubftitution, quand le Teftateur a
inftitué une de fes filles, & qu'il
l'a grevée de fubftitution en faveur
d'un étranger en cas qu'elle décé-
dât fans enfans mâles. Il eft vrai
que le Teftateur n'a pu alors avoir .
en vue l'agnation , ni la conferva-
,tion du bien dans fa famille j.mais
il a marqué'une prédilection pour
les mâles qui doit faire préfumer ,
fuivant la Jurifprudence du Parle-
ment de Touloufe , que fon inten-
tion a été de comprendre les mâles
dans la fubftitution. Ce que l'Au-
teur confirme par l'autorité de
Ranchin fur la queftion i 3 3 de
Guy Pape & fur celle de Mantica
dans le Livre 1 1. de fes conjectures
fur les derniers Volumes. Il conclue
des mêmes principes après Mantica
que quand c'eft une femme qui con-
ftitue , à la charge d'une fubftitu-
tion fi l'inftitué décède fans enfans
mâles , les enfans mâles de l'infti-
tué font appelles tacitement à la
fubftitution ; parce qu'il fuftît que
E El ; 1734; .fi
la Tcftatrice ait marqué une prédi-
lection particulière en faveur des
mâles , pour qu'on préfume que
fon intention a été de les compren-
dre dans la fubftitution , quoi-
qu'elle n'en ait fait mention que
dans la condition.
On pratique au Parlement de
Touloufe la loi AJfiduis au Code
qui potiores in f ignore } fuivant la-
quelle la femme eft préférée pour
la reftitution de fa dot } aux créan-
ciers de fon mari antérieurs au ma
riage. Le moyen qu'on admet au
Parlement de Touloufe pour faire
celTer ce privilège de la femme , eft
que les créanciers dénoncent leurs
créances à la future époufe par un
Acte authentiqne. La Jurifpruden-
ce établie par les derniers Arrefts
du Parlement de Touloufe cités
1 par M. de Catellan 3 eft que cette
■dénonciation des créanciers fe fatTc
à. la future, époiffe, en parlant à fa
perfonxie , Se qu'il ne fuffit pas
qu'elle foit faite au domicile. Cette
Jurifprudence a paru extraordinai-
re à Graverol , notre Auteur la re-
garde de même , & il allègue plu-
fîeursraifons pour autonfer les no-
tifications faites au domicile de la
future époufe. La première eft
que fuivant les Ordonnances , les
fignifications faites au domicile ,
n'ont pas moins de force que celles
qui font faites à la perfonne , la fé-
conde qu'il n'eft pas toujours facile
de faire cette dénonciation à la per-
fonne , la troifiéme que la loi AJfi-
duis contenant un privilège fingu-
lier , il faut autant qu'il eft pollible
en diminuer la rigueur , en recc-
Gij
S* JOURNAL D
vant la Signification du créancier
faite au domicile de la future épou-
fe, & en lui donnant les mêmes
avantages qu'a la fignification qui
feroit raite à la peifonnc.
M- Vedel remarque fur la fin de
ce chapitre qui regarde le privilège
de la loi Ajftdnis , qu'il feroit à foiï-
haiter que le Parlement de Toulou-
fe fe conformât fur ce point à la
Jurifprudence des autres Parle-
mens de Droit-écrit où cette loi
n'eft point fuivie. Ce privilège ac-
cordé aux femmes lui paroît inju-
fte , & contraire à la proteelion que
la loi doit au commerce. Il donne
lieu aux fraudes que pratiquent les
maris , en donnant des reconnoif-
ES SÇAVANS,
fances de dots qu'ils n'ont pas re-
çues, &en ôtant aux Créanciers le
moyen de faire la dénonciation à
la future époufe,attendu que le peu
d'interval qu'il y a entre les fian-
çailles Se la célébration du mariage
à caufe de ladifpenfe de la publica-
tion des bans ; enfin ce privilège
eft une fource de procès.
Nous nous bornerons à ces trois
exemples qui fuffifent pour faire
connoître la méthode de l'Auteur
&c pour donner une idée de l'Ou-
vrage ; il ne pourra être qu'utile à
ceux qui voudront faire une étude
particulière de la Jurifprudence du
Parlement de Touloufe.
j A N VIE R. ; 1734:
*3
W. ANTONTI GOMEZII IN ACADEMIA SALMANTICENSI
Juris Civilis primarii Profefloris , varia: refolurioncs Juris Civilis,
Communis & Repii. Tomis tribus diftinfti ad leges Tauri
Commentarium abfolutillïmum.
C'eft-à-dire : Différentes refolufions de Droit Civile , de Droit Commun & du
Droit Efpagnol , & le Commentaire fur les Loix d'Efpagne publiées en
i}$6-par le Roi sHphonfe. Nouvelle édition. A Lyon , chez Antoine Ser-
vant. 1733. in- fol. i. vol. Tome I. pp. 550. Tome II. pp. 504.
ANTOINE Gomés, Pro-
fefl'eur de Droit dansl'Uni-
verfité de Salamanque , fleuriffoit
vers le milieu du feiziéme fiécle.
Plusieurs Auteurs ont fait l'éloge
de fa pieté & de fon érudition. Ce-
lai de fes Ouvrages qui a le plus
contribué à établir fa réputation eft
fon Recueil de différentes Refolu-
tions divifé en trois Tomes. Le
premier regarde les Succeffions &
les Teftamens , le fécond concerne
les Contrats , le troifiéme les diffé-
rentes efpeces de crimes & de dé-
lits , Si la procédure criminelle.
L'Auteur a cru que les principales
queftions de Droit fe trouvoient
décidées dans fes trois Livres. Ema-
nuel Soarés de Ribeira a fait des
Notes fuj ces trois Livres des Re-
folutions. On a eu foin d'inférer ces
Notes dans la nouvelle édition ;
mais ce qui la doit faire préférer
aux autres éditions d'Anvers & de
Lyon , &: même aux éditions d'Ef-
pagne , c'eft qu'elle a été faite fur
l'édition de Salamanque de 1579. à
laquelle on a travaillé fous les yeux
de l'Auteur , qui a embelli cette
édition de plufieurs augmentations
qui ne font point dans les éditions
d'Anvers ou de Lyon , lefquelles
ont été faites fur la première édi-
tion des Refolutions d' A ntoine Go-
més. C'eft M. Antoine Docteur en
Droit , Avocat au Parlement &
aux cours de Lyon , qui a eu foin
de cette dernière édition. Les Ta-
bles des matières en font très-am-
ples.
$4
JOURNAL DES SÇAVANS,
NOVVELLES LITTERAIRES.
ALLEMAGNE.
De Vienne,
L'A B B E' de Giïïwe'm , célèbre
Abbaye de Bénédictins dans la
b.ille Autriche , a fait imprimer
magnifiquement le premier Tome
de l'Hiftoire de cette Abbaye. Le
titre fera connoître quel eftledef-
fein de l'Auteur dans cette premiè-
re Partie , & quelle en eft l'impor-
tance par rapport à l'Hiftoire gé-
nérale de l'Allemagne , & à la con-
noiftance des Manufcrits & des an-
ciennes Chartres de ce Pays-là.
Chronicon GotWicense , feft
Annales liberi & exempt Aionafle-
rii Gofwicenfis , Ordinis fanfti Be-
mdiEli Inferioris Aufmx, , faciem
Auftriae Antiquae & Medix ufyue
ad noftra tempora , deinde ejufdem
Monaflerii fundatïontm , progrejfum,
Sttttumque hodiernum exhibent ", ex
Codicibns Antiquis , Aiembranis &
Inflrumentis tum domefticis , tum ex-
traneis depromptum : pro quorum faci-
liori intelleclit Tomus Prodromus
De Codicibns AntiqutsAianufcriptis;
De Imperawum ac Regitm Germania
Diplomattbus; De eorumdem Palatiis3
fil lis & C urubus Régi i s atque de
German'uAlediitALvi Vagis premitti-
tur , & ea qm Gtfareorum , Regio-
rumque Germania Dtplomatum An-
ticjuttatem , Aiateriam f flylum ,
Scripturam , Aionogramata , SigilU
Subfcriptiones , Notafque Chronolo-
gidïs , atque ai Palathmm & Villu-
rwm Regiarum , P agorumque Germa-
nia Aie dis. fit nrn pertinent exflican-
tur } & a ijetlis fpecimin'ibus , tabu-
lifque *y£ri incifîs illufirantnr. To-
mus I. Typis Mm.iflerii léger efnen-
fis. B. J. Beneditli. 1732. in folio. Ce
Volume fe débite chez Briffant , Li-
braire de cette Ville , ainfi que
l'Ouvrage fuivant.
Palignesii Aionïta Généalogie*.
Anton Vindieiariim Arboris Généa-
logie a Augufttt G 'entisC 'arohno-Bsictt 9
quas videliest Vindicias fcnpft con-
tra Syfiema , quod Sercnïjfimwn Boio-
rum Principitm Fundatorem ponit
Luitpoldum , denegat ejfe Carolum
Magnum ; ediditque Aionachii t
in-folio 1750. Hts autem monitis
Prlncipum Genealogias probanii ra-
tio explicatur ; in Vindictes allata do-
cumenta recenfemur expendunttirque;
de prebo itificïalis Argument': ufu ex
optimornm Philofophornm LeElionibtu
pracepta repetuntur ; opinio Vtndicis
cum aliis reiieulis traditionibus corn-
mittitur; Magnus Luitpoldus in prifli-
na , ut pote genuinus Serenijfima Gen-
tis Botca, Fundator t jurafua reftitui-
tur; fecus ffatuentes Vtndicis. univer-
fim placide emtndantur. Alejiadii t ex
OJfieina Aghekni. 1732. in-jf.
De H a m bourg.
ïl piroît ici in - 40. & en Aile-
} A N V I
mand une Defcription Géographi-
que , Politique 6c Hifrorique de la
Province de Dithmarse dans le
Duché d'Holftein , pai M. Ant.
Vietbenins } Confeillcr du Duc
d'Holftein. Cet Ouvrage eft ac-
compagné de planches gravées. M.
Jean - Albert Fabricius , Profeffeur
de Hambourg y a ajouté une Préfa-
ce Critique fur les Hiftoriens qui
ont parlé de cette Contrée.
SUISSE.
De B a s l e.
Le? Frères Thumeifen viennent
3e publier un Projet de Soufcrip-
tion pour la nouvelle édition qu'ils
veulent donner du Code Théodo-
fien , fous ce titre : Codex Theodo-
fiarnts cum perpetuis Commentants
Jacobi Gothofredi Vin Sénat orii &
Jurifconfulti Superiorisftculi eximii.
Prswittitur Chronologia acettratior 3
cum Chronicp-Hiftorict & Prolego-
ttiena : fuyjiciunturr Notitia dignita-
tum , Profopographia , Topograpbia ,
Index Rerum & Gloffar'mm Nomi-
cum. Opus Pofthumum , dm in foro
& in Schola defideratum , & ordina-
îttm ad ufum Codicis Jufîinianxi >
opéra & fludio Antonii Marvillii,
jintccejforis Primtcerii in Vniverfita-
te Valentina. Editio nova in vi To-
mcs Digefta , appendice Codicis
Theodofiani t novis Confiitittionibus ,
ctmtdat!or3 cum Epiftolis aliqmt Ve-
terum Conciliorum & Pontifcum Ro-
manorwrn adaulla } & fubfcriptionis
Lege recudenda. Âpud E. & }. R*
Thurnijîos fr aires. 1734. in -folio,-
E R ; ï 7 3 4. $ f
Cette édition doit être entièrement
conforme à l'édition du même Ou-
vrage donné par Antoine de Mar-
ville , à Lyon , chez Jean-Antoine
Huguetan & Marc-Antoine Ravaud
en 1665. Les Libraires fe propofent
de commencer l'imprefTion au
mois de Mars prochain , Se de dé-
livrer les exemplaires de deux Vo-
lumes de fix mois en fix mois à cha-
que foire de Franfort ; à commencer
depuis celle d'Automne de cette
année jufqu'à celle d'Automne de
l'année prochaine 173 5. Le prix de
la Soufeription pour le papier com-
mun eft de iç florins d'Empire ;
dont on payera 5 en fouferivant , 5
en recevant les deux premiers To-
mes j & les 5 autres en recevant le
troifiéme & le quatrième , ceux qui
voudront avoir de plus grand 5c de
plus beau papier , l'achèteront 2. 1
florins } qui feront payés de même.
On pourra foufurire k Paris t chez
Jidontalant , Mariette & Cavelier.
On nous mande de Strafbourg
que Maurice -George JVeidmann s
Libraire à Leipzig , vient auflî de
propofer des Soufcriptions pour
l'édition du même Ouvrage , qu'il
a entrepris de donner en fix Volu-
mes in-folio , & qu'il promet de li-
vrer complets à la fin de l'année
prochaine. Le prix du total de la
Soufeription doit être de douze
écus argent d'Empire. Voila de
quoi ne pas manquer fi-tôt d'un
Ouvrage dont l'édition de Lyon
étoit devenue très-rare. Il ne s°agic
que de fçavoir lequel des deux LJ~
braires réuiïîra le mieux.
SC JOURNAL D
HOLLANDE.
De Le y de.
Les Verbeek^ viennent de donner
une nouvelle édition du Novum
Lumen Obfletricantium de M. de
Ditenter. Les augmentations
qu'annonce le Frontifpice confl-
uent en trois Obfervations déta-
chées , & une Lettre à M. Winck^t
Docteur en Médecine , & Profef-
feur d' Anatomie & de Chirurgie à
Rotterdam.
Voici le précis de ces Obferva-
tions qu'on nous a prié d'inférer
ici. La première Obfervaûon eft
fur un acouchement où l'enfant
mort, dont le bras étoit forti juf-
qu'à l'épaule , a été tiré entier par
les pieds, après un travail de qua-
tre jours, malgré l'inclinaifon de la,
matrice en arrière. La mère s'eft
parfaitement guérie.
La féconde rapporte l'Hiftoire
d'une femme , qui envoya chercher
l'Auteur , après un travail de fix
jours ; &c qui mourut fans être dé-
livrée , tant par rapport à l'obliqui-
té de fa matrice , qui étoit renver-
fée en avant , 5c où l'enfant couché
fur le dos , étoit tombé la tête la
première dans la courbure infé-
rieure de l'os facrum , ce qu'on
trouva par l'ouverture qui fut faite
de la femme , que par rapport à
l'extrême enflure de fes parties gé-
nitales,qui faifoit qu'on avoit beau-
coup de peine à palier le doigt en-
tre l'orifice de la matrice Se la tête
de l'enfant.
ES SÇAVANS;
La troifiéme eft d'un enfant cou-
ché fur le dos dans le ballîn , où il
étoit fi reflerré , par rapport à l'en-
tière fecherelfe de la matrice , & fa
parfaite contraction autour de lui ,
qu'il étoit impoilîble à l'Auteur ,
je ne dis pas de le retourner , mais
de tenir pendant quelque terns la
main dans h matrice , fans qu'elle
tombât en ftupeur. L'Auteur le tira
en double , après lui avoir vuidé le
bas-ventre.
La reflexion que fait l'Auteur fur
ces Obfervations , c'eft que ces en-
fans ne font morts , & le travail
des mères n'a été fi long a que faute
d'avoir retourné , & tiré par les
pieds ces enfans aufli-tôt après l'é-
coulement des eaux.
La Lettre écrite au Docteur
Winck. n'a prefque d'autre but.
L'Auteur après y avoir rapporté
une Hiftoire d'obliquité de matrice
toute femblable à celle qu'on trou-
vera au Chapitre z de la féconde
Partie , page 383 , avec cette feule
différence que dans cette dernière
le fond de la matrice étoit tombé
plus directement en devant, & que
dans la première il étoit tombé di-
rectement dans le coté, parle d'une
fituation femblable de l'enfant
dans une matrice droite. L'événe-
ment de ces deux Hiftoires eft fort
différent. La femme qui fait le fujet
de la première mourut fans qu'on
pût lui donner de fecours , & la
féconde fut délivrée en un quart
d'heure. Ces deux Hiftoires don-
nent occaiïon à l'Auteur de répéter
les raifonnemens qu'il a faits dans
tout le cours de fon Ouvrage, pour
prouves
JANVI
prouver la necelïité d'une prompte
délivrance dans le cas des mauvai-
fes foliations de l'enfant , fur-tout
quand la matrice eft inclinée , ou
oblique.
FRANCE.
De Lyon,
PerachonSi Crameront imprimé
depuis peu R. D. Caroti Mufitani,
latries ProfeJJiris celeberrimi s Opé-
ra omnia , fin trutina Medica Chi-
rurgien Pharmaceutico-Chymica, Sec.
Omnia juxta recentiorum Philofopho-
rum Principia , & Medicorum expé-
rimenta , excogitata , & adornata.
Denuo accedunt Trailatus de morbis
infantum , de luxationibus & de frac-
turis, Editio omnium Operum fe-
cunda , ab omnibus mendis Typogra-
phicis accuratiffimè expurgata. Cura
Jndicibus capitum , rertim & mate-
riarum. 1733. in -folio , deux Vo-
lumes.
De Bordeaux.
Extrait des Regijfres de V Académie
Royale des Belles - Lettres s
Sciences & Arts.
L'Académie afTemblée le 8. Sep-
tembre 1733. prefens Messieurs ,
&c. Après qu'il a été vérifié, que
le véritable Auteur de la DùTerta-
tion , fur la circulation de la fève
dam les plantes , couronnée & im-
primée , fous le nom de M. de la
Baïsse , a déjà remporté trois prix
en différentes années. Vu la délibe-
Janvier.
E R i 1 7 î 4» si
ration du 29 Avril 1717. par la-
quelle il eft ftarué , qu'un même Au-
teur ne pourra obtenir que trois prix •
& cjue M. le Secrétaire fera charte
de prier ceux qui fe trouveront dans le
cas , de ne plus travailler pour le
concours. M. le Secrétaire ayant dit
qu'il avoit averti l'Aureur ci-deffus,
lorfqu'il eut remporté le troifiéme
prix , dans la même forme que le
tut M. DEMAiRANen ^^.L'A-
cadémie a délibéré que la Médaille
d'or décernée à l'Auteur delà Dif-
fertion fur la circulation de la feve
dans les plantes, demeurera refervec
pour un deuxième prix à diftribucr
le 25. Aouft 1734.
Ce nouveau prix refervé eft defti-
né à celui qui expliquera avec le
plus de probabilité , la dureté , la
moleffe & la fluidité des corps.
Les Dilfertations pourront être
en François ou en Latin , elles ne
feront reçues pour le concours
que jufqu'au premier Mai pro-
chain inclufivement.
Au bas des Diflertations , il y
aura une Sentence , & l'Auteur
mettra dans un billet féparé & ca-
cheté , la même Sentence , avec
fon nom , fes qualités & fa demeu-
re 5 d'une façon qui ne puilfe pas
former d'équivoque.
Les paquets feront affranchis de
port t & adreffis à. M. Sarrau , Se-
crétaire de V Académie } rué de Gour-
gues , ou aufieur Brun , Imprimeur
de l Académie , rué faim James.
De Paris.
Nous croyons ne pouvoir mieHs
H
5S JOURNAL DE
commencer cet article qu'en ren-
dant compte d'un petit Ecrit de
pages in 1 1. intitulé : Eloge de M.
V Abbé le Grand , mort l'année demis.
re. Si les bornes de nos Nouvelles
ne nous permettent pas de fuivre
l'Auteur de cet Eloge dans tous les
détails où il entre fur les Ecrits de
fon ami , nous tâcherons du moins
de ne rien omettre de ce qui l'a
rendu célèbre dans la Republique
des Lettres.
Joachim le Grand naquit à S. Lo
au Diocéfe de Coutance le fix de
Février 1553. après avoir étudié la
Philofophie à Caé'n fous Pierre
Cailly , il entra dans l'Oratoire en
léji. ilenfortiten 1676. &z vintà
Paris où les étroites liaifons qu'il
eut avec le fçavant Père le Cointe
lui donnèrent pour l'étude de i'hi-
ftoire } cette inclination qu'il a
confervée toute fa vie. Perfonne
n'étoitplus propre pour y réunir.
A une mémoire fûre M. FAbbé le
Grand joignoit un jugement ex-
quis , une fagaCité mcrveilleufe
pour la difeuffion des faits & un
grand amour de la vérité & du tra-
vail.
Au mois de Janvier 168 1. M.
l'Abbé le Grand perdit le Père le
Cointe. Il en fit l'éloge ainfi que ce-
lui de Michel de Marottes Abbè de
Villeloin. Ces deux Pièces furent
inférées l'une dans le Journal des
Sçavans du mois de Février , &
l'autre dans le Journal du mois
d'Avril delà même année.
En 1688. il publia l'Hifloire du
Divorce d'Henri VU I. Roi et Angle-
terre & de Catherine d'Arragon. La
S SÇAVANS,
Définfe de Sanderus & la Réfu-
tation des dtttx premiers Livres de
l'Hifloire de la Reformation de M.
Eurnet & les preuves. A Paris , chez
Martin 8c Boudot. Trois Volumes
10-12. Une Conférence que M.
l'Abbé le Grand eut avec le Doc-
teur Burnet pendant !e féjour que
ce Do&eur fit à Paris en 16S5. &
dont on parle au long dans l'Eloge^
donna occafion à cet Ouvrage que
l'Auteur dédia à M. Thevenot} Gar-*
de de la Bibliothèque du Roi.
Le Docleur Burnet écrivit au
même M.71):venot une Lettre où il
fait une courte critique de l'Hifloi-
re du Divorce d'Henri VIII. & où
il ne parle pas de M. l'Abbé le
Grand d'une manière convenable.
Celui-ci fe contenta de faire im-
primer de nouveau la même année
1688. cette Lettre avec un Avertiffe-
ment qu'il mit à la tête Se quelques
Remarques au bas des pages.
L'année fuivante le So&eur Bur-
net mie au jour une Critique de l'Hi-
floire des Variations. L'Abbé le
Grand lui écrivit trois Lettres. L*
première fur les Variations. La fé-
conde fur la Reformation. La troi-
fîéme fur l'Hifloire du Divorce, Il
mit à la têce une longue Préface
contenant des Obfervations feavantes
& judicieufes/«r l'Hifloire des Egli-
fes Reformées de Bafnage. Le tout
parut à Paris \n- 11. en 1691.
En 171 1. l'Abbé le Grand em-
ployé depuis 1705. dans les affaires
étrangères fous les ordres de M. le
Marquis de Torcy , fit paroître les
Ecrits fuivans.
Mémoire touchant la fuccejfitn #
J A N V I
la Couronne d'Ej 'pagne ( prétendue
traduction de l'Efpagnol. )
Reflexions fur la Lettre à un Ali-
lard fur- la neccffuè & la juflice de
rentière refiitutton de la Monarchie
d'Efpagne s avec les Extraits de di-
vers Auteurs fervant de preuves au
Mémoire. 171 1. in-%°.
Difcours fur ce qui s,efl paffe dans
V Empire au fujet de la fuccejfwn
d'Efpagne.
L'Allemagne menacée d'être bien-
tôt réduite en Monarchie abfolue
in-40.
Lettre de M. D. à M. le DoBeur
M. touchant le Royaume de Bohême
in-40.
M. l'Abbé le Grand mit au jour
en 1728. deux Ouvrages également
folides , quoique dans un genre
différent. Le premier in-40. intitulé:
Relation Hiflorique d'Abiffinie du
Révérend Père Jérôme Lobo de la
Compagnie de Jefus ' &£• dont nous
avons donné deux Extraits dans
nos Journaux des mois de Septem-
bre &c d'Octobre de cette même
année. Le fécond Ouvrage a pour
titre : de la fucceffton a la Couronne
de France pour les Agnats ( c'eft-à-
dire pour la fuccelîion masculine
directe) avec un Mémoire touchant
la fucceflion à la Couronne d'Efpa-
gne. A Paris, chçzMartin}&Guerw.
Ï718. in-xz. Ce dernier Mémoire
eft le même que celui qui avoit pa-
ru en 171 1.
Après avoir ainfi donné la fimple
note des Ecrits dont feu M. l'Abbé
le Grand a enrichi le public , il ne
nous refte qu'à dire un mot d'un
autre Ouvrage important qui par
E R , 1 7 3 4. yp
malheur n'a pas encore vu le jour.
C'eft ï'Hiftoire & la Vie de Louis
XI. Roi de France t à laquelle l'Au-
teur avoit travaillé depuis 1697.
avec tout le foin , & toute l'exacti-
tude dont il étoit capable. Il y
avoit mis la dernière main dès l'an-
née 1717. & il s'étoit déterminé
alors à la faire paroître , mais des
raifons particulières l'avoicnt fait
changer de refolution , & l'Ouvra-
ge eft refté Manufcrit. Les gens de
Lettres en attendent l'impreilion
avec impatience.
Nous renvoyons nos Lecteurs à
l'Eloge même pour s'inftruire de
diverfes particularitez qui regar-
dent les Voyages de M. l'Abbé le
Grand en Portugal &c en Efpagne ,
fes emplois , fes Ecrits , fa Vie & fa
famille.
Il mourut le premier Mai de
l'année dernière d'une féconde atta-
que d'apoplexie à l'âge de 80 ans 5
mois & 7 jours. >» C'étoit ; dit l'Au-
» teur de l'Eloge , un homme plein
» d'honneur , de probité &c de Re-
» ligion , &c des plus habiles du
» Royaume furie Droit Public,
» d'une vafte érudition , d'une fa-
» gacité admirable. Quelque cm-
» brouillée que fût une affaire , il
» en faififfoit les difficultez , & fon
» efprit pénétrant &c fécond lui
»fuggeroit des expediens pour les
» franchir. Rien de plus judicieux
» que fa conduite , rien de plus in-
» ftructif que fa converfation.
» Comme il fçavoit beaucoup , &
» qu'il avoit beaucoup voyagé , fa
» mémoire lui fourniffbit à propos
a fur toutes fortes de fujets , des
Hij
€o JOURNAL D
» faits curieux Se interefTans. Aulli
» la droiture de fou cœur , la foli-
■jjdité de fon jugement , &: la fagef-
»fe de fa conduite lui avoieat elles
3> .-.cquis l'eftirne, l'amitié & même
» la confiance d'un grand nombre
» de perfonnes les plus diftinguées,
» foit par leur naillance , foit par
» leurs emplois , foit par leur méri-
»tc.
On débite à l'Imprimerie Royale
le Volume de ï'Hiftoire & des Mé-
moires de l'ts4cadcmie Royale des
Sciences pour l'année 1731- »»-4°.
& le Traité Pbyjiqtte & Hiftontjite
de l'Aurore Boréale, Par M. de Mai-
ran. "One fuite des Mémoires de cette
Académie , pour la même année
173 1. Ce Livre qui n'a pas de liai-
fon neceffaire avec les Mémoires ,
fe vend féparément chez Lambert ,
rue S. Jacques.
Les Libraires aflociés pour l'im-
preffion des Mémoires de la même
Académie des Sciences avant 1699.
viennent de propofer une nouvelle
Soufcription pour neuf nouveaux
Volumes /'w-40. qu'ils vont donner
au public , & que nous n'avons fait
qu'indiquer dans nos Nouvelles du
mois de Novembre dernier.
De ces neuf Volumes trois con-
tiendront i°. Une troifiéme Partie
des Mémoires vourfervir hl' Hiftoire
des Animaux y qui n'a jamais paru.
a°. La Table des Matières conte-
nues dans tous les Tomes de l'an-
cien Recueil depuis 1666. jufqu'en
1699. Cette Table , à la place de
laquelle on a fubftiué X Analyfc de
M. de Lagny , devoit faire l'onzié-
ane Tome de l'ancien Recueil fui-
ES SÇAVANS,
vant le Profpcclus de 1718. 3*. Là
Table des Matières des Mémoires
de l'Académie depuis & com-
pris T 7 2 1. jufques Se compris
1730.
Les fix autres Volumes com-
prendront la reprefenration & la
defeription de toutes les Machines
ou Inventions préfentées à l'Acadé-
mie Se honorées de fon approba-
tion depuis fon établifTement juf-
qu'à prefent.
Les Libraires promettent de
fournir ces neuf Volumes dans le
courant de la prefente année 1734.
Le prix de la Soufcription en entier
cft de 90 livres , dont on payera 30
livres en fouferivant, 30 livres en
recevant les trois Volumes des Mé-
moires , Se 50 livres en recevant les
iîx Volumes des Machines.
On pourra foulcrire pour les ma-
chines féparément, en payant 36 .
livres en fouferivant Se $6 livres er/
recevant les fix Volumes, mais il
ne paroît pas par le ProfpcRus qu'il
foit également libre de fouferire
auflï féparément pour les trois Vo-
lumes des Mémoires.
Les Soufcriptions feront reçues
jufqu'au premier jour du mois pro-
chain chez Gabriel Martin , Coi-
gnard fils , Se Gucrtn l'aîné , rue
S. Jacques.
Jacques Pincent , rue S. Scverin,
à l'Ange , a en vente Hifloire Gêné-
raie de Languedoc , avec des Notes
Se les Pièces justificatives : compo-
fée fur les Auteurs Se les titres ori-
ginaux , Se enrichie de divers Mo-
numens. Par deux Religieux Béné-
dictins de la Congrégation de Saint
JANVI
Maur. Tome fécond, 1730. in folio..
Hiftoire des Découvertes & Con-
quêtes des Portugais dans le nouveau
Amende , avec des figures en taille-
douce. Par le Révérend Père Jo-
feph François Lafitau , de la Com-
pagnie de Jcfus. Chez Saitgrain
père , Quai des Auguftins , & J. B.
Coignard fils, rue S. Jacques. 1711.
in-t,*. 1. vol.
. Reglcmens fur les Scellez. & In-
ventaires en Adatiere Criminelle ^ avec
les principes qui ont donné lieu à
ces Reglemens , & qui en expli-
quent la pratique , &c. Chez De-
nis Alouchet, Grand'Salle du Palais^
& Pierre Prauit } Quai de Gêvres.
1734./K-40.
Nouvelle introduBion à la Prati-
que y ou Dictionnaire des termes
de Pratique , de Droit , d'Ordon-
nances <k de Coutumes , avec les
Jurifdidhons de France. Par M.
Claude- Jofeph Deferriere , Doyen
des Docteurs-Régens de la Faculté
des Droits de Paris , & ancien
Avocat au Parlement. Chez Mi-
chel Brunet , Grand'Salle du Palais.
1734. /»-4°. i. vol.
La Bibliothèque des Philofopbes &
des Sçavans anciens & modernes.
Avec les Merveilles de la Nature ,
où l'on voit leurs opinions fur tou-
tes fortes de matieres,C7V.Par M. H.
Gantier , Architecte, Ingénieur &
ancien Infpecteur des grands Che-
mins,Ponts ôcChauiTécs du Royau-
me. Tome III. Chez André Cail-
leauy au coin de la rué Gift-le-cœur,
à l'Image Saint André. i734./«-8°.
On trouve chez le même Libraire
£fprit de l'Eglife dans la recitation de
E Ki 1734: $x
cette partie de l'Office qu'en appelle
Compiles. En forme de Dialogue
entre le Maître & le Difciple.1734.
in- 11.
De la connoiffance & l'amour de
N. S. Jésus-Christ. Par le Perc
J. B. de Belingan , de la Compa-
gnie de Jefus. Chez Rollin fils ;
Quai des Auguftins. 1734. in-i 2.
Traité du vrai mérite de l'Homme
coniîderé dans tous les âges &c dans
toutes les conditions : avec des
principes d'éducation , propres à
former les jeunes gens à la vertu.
Chez Saugrain , Grand'Salle du
Palais. 1734. /«-la.
Hiftoire des Empires & des Répu-
bliques depuis le Déluge jttfciïk Jg_
eus-Christ. Où l'on voit dans cel-
le d'Egypte & d'Afiela liaifon de
l'Hiftoire Sainte avec la Profane ,
& dans celle de la Grâce le rapport
de la Fable avec l'Hiftoire. Chez
Simart, rue S. Jacques; Jean Rouan^
Quai des Auguftins -, Jofeph Bullott
rué de la Parcheminerie , tk. Jeaa
Nully1 Grand'Salle du Palais. 1733,
in-n. 4. vol.
Prault pere , Quai de Gêvres J
débite les quatre Livres fuivans.
Hiftoire de l'Empire des Cberifs en
Afrique , fa Defeription Géogra-
phique & Hiftorique : la Relation
de la prife d'Oran par Philippe V»
Roi d'Efpagne , avec l'abrégé de la
Vie de M. de Santa-Crux , ci-de-
vant Ambaftadeur en France , &
Gouverneur d'Oran depuis la prife
de cette Ville. Ornée d'un plan
très-exact de la Ville d'Oran , &
d'une Carte de l'Empire des Che^
rifs.ParM.*!?. J73}. in-iz,
<Sa JOURNAL DE
Hijïoire d'Ofman, premier du nom,
XIXe Empereur des Turcs Se de
l'Impératrice Aphendina - Aftada.
Par Madame^ Gomés. 1734. in-n.
deux Volumes.
Hifloire d'Efievanille Gonzales ,
furnommé le Garçon de Bonne-
Humeur , tirée de l'Efpagnol. Pat
M. Lefage. 1734. in-11. 2. Parties.
Les petits Soupers de l'Eté ou
Àvantures Galantes , avec l'origine
des Fées. Par Madame Durand.
173 3. in 12. 2. Parties.
Le Livre intitulé la Bibliothèque
des Enfans , &c. fe vend chez Pier-
re Simon , Imprimeur du Parle-
ment , rue de la Harpe , à l'Her-
cule , & chez Pierre Witte , rue
S. Jacques , proche S. Yves , à
l'Ange Gardien. Cet Ouvrage
j»-4°. comprend qmrre Parties. La
première de 28 feuilles, contient
le Syflème du Bureau Typographique.
La féconde en quinze feuilles con-
tient les leçons du nouvel Abc la-
tin pour les Maîtres & pour les
Enfans. Le troilîéme en 3 1 feuilles,
contient les cens fix leçons du nou-
vel Abc François , & du Supplé-
ment fur l'Arithmétique , fur le
Calendrier & fur l'Ecriture. Ces
trois Volumes fe vendront enfem-
ble, comme faifant un feul Ouvra-
ge de Littérature.
On vendra féparément le qua-
trième Volume qui en 10 feuilles
S SÇAVANS.
/«-40. contient le Rudiment pratiqué
de la Langue Latine pour les Gar-
çons , & une Introduction à la Lan-
gîte Françoife pour les filles. Ou
vendra aulïï féparément & en petit
pour l'exemplaire de chaque enfant
le nouvel Ave Latin, le nouvelle
François , & le Rudiment pratique
de la Langue Latine.
Pierre Gandonin , Quai des Au-
guftins , à la Belle - Image , vend
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les du grand Couvent des R. Pères
Auguftins , une Bibliothèque com-
pofée de dix-huit mille Volumes,
dont le Catalogue imprimé fe vend
chez le même Libraire.
Chaubert , Libraire du Journal ~
GiJfey,Hourdelfifmont,Huart,David
le jeune , & Cloufter , mettront en
vente à la fin de ce mois Y Hifloire
Critique de V établi jfement de la A1o-
narchie Françoife dans les Gaules , 3
vol. /«-40. M. l'Abbé Dubos , l'un
des Quarante, & Secrétaire Perpé-
tuel de l'Académie Françoife , con-
nu par plulieurs autres Ouvrages
qui ont mérité l'eftime du public
eft Auteur de celui-ci; nous en
rendrons compte dans un de nos
plus prochains Journaux.
Almanach Militaire , ou le Ca-
lendrier des Officiers & Gens de
Guerre. Pourl'Année m.dccxxxiv.
Chez Giffey , rue de la Vieille Bou-
derie , à l'Arbre de JclTé.
6j
Fautes à corriger dans le Journal de Novembre 1733.
PAg. 6t$. col. première , lig. 1 2. de douleur : indépendamment , /;/.
de douleur, indépendamment : pag. 632. col. 1. lig. 14. ils doivent
s'en abftcnir , lif. ils doivent d'abord s'en abftenir : pag. 637. col. 1. 1. 20;
voulut enfin terminer cette guerre,///, voulut enfin la terminer : p. 655.
col. 1. lig. 30. foûtenir l'effet , lif. foûtenir l'effort : pag. 6j-j. col. z. 1. il,
expérimente , lifez. n'expérimente.
Dans le Journal de Décembre 1733.
Pag. 6%o. col. I. lig. 6. atteflé , lif. atteftée : pag. £82. col. 1. lig. 3.
différend , lif. différent ; pag. 699. col. 2. lig. 31. introduite, ///introduit:
pag. 700. col. 1. lig. 4. la quatrième , lif. h quarantième : pag. 716. col. 2.
lig. 15. mais on paroît en peine defçavoir pourquoi, lif. mais on deman-
de pourquoi : Ibid. lig. 18. qui ait peine , Hft^ oui aura de la peine :
pag. 717. lig. dernière de l'Extrait , après ces mots : a former le goût ,ouà le
réveiller , ajoutez : nous avons donné dans le Journal précèdent l'Extrait
du Difcours Latin qui eft critiqué dans cette Lettre: pag. 729. dans la
Bibliographie , au titre du dernier article; Poligrafhi , lif. Polygraphi.
TABLE
Des Articles contenus dans le Journal de Jav. 1734.
MEmoires de Littérature , tirés des Regiflres de l'Académie Royale
des fnferiptions , &c. Tome Vlll. page 3
Hifloire générale des Auteurs Sacrés & Ecclefiafticjues , &c. Tome IV. 2 3
Y en fée s Morales & Chrétiennes fur le Texte de la Genéfe &c. 27
Deux anciens Hifloriens d'Angleterre , &c. 30
La nouvelle Mer des Hifloires , ,.
Hifloire Littéraire de la France, &c. Tome premier , *0
Obfervat ions fur les Arrefls remarquables du Parlement de Touloufe &c. 49
Différentes Refolutions de Droit Civile , de Droit Commun , &c. 5 1
Nouvelles Littéraires , *.
Fin de la Table.
L E
JOURNAL
SCAVANS
POUR
VANNEE M. DCC. XXXIF.
FEVRIER.
A PARIS,
Chez CHAUBERT, à l'encrée du Quay des
Auguftins, du côté du Pont Saint Michel, à la
Renommée & à la Prudence.
M. DCC. XXXIV.
AVEC APPROBATION ET PRIVILEGE DU ROY,
LE
JOURNAL
DES
SCAVANS
FEVRIER M. DCC. XXXIV.
MEMOIRES DE LITTERATURE , TIRE'S DES REGISTRES
de /' Académie Royale des Infcriptions & Belles - Lettres : depuis l'année
i-jt6.jufcjues & compris Vannée 1730. Tome VIII. A Paris , de l'Impri-
merie Royale. 1733. /«-40. pages 740. planch. décach. vi.
L'ABONDANCE & la va- en avons donné dans notre
rieté des fujets interefïans qui Journal de Janvier de la prefente
font trairésdans ce VIIIe Volume, année. Nous rendrons compte en-
ne nous permettent pas de nous en core, dans celui ci, de divers mor-
tenir au premier Extrait que nous ceaux très-dignes de la curiofué du
Février. I ij
6% JOURNAL DE
Public , par rapport à l'Hiftoire an-
cienne Se à celle du moyen âge -, Se
nous terminerons par-là le détail
dans lequel nous nous crions pro-
pofés d'entrer , touchant ce pré-
cieux Recueil de Littérature.
XVI. Les Jeux publics de la
Grèce, célébrés avec tant de folem-
nité , & où les Athlètes fe don-
noient en fpectacîe avec tant d'é-
mulation , étoient principalement
compofés de ces exercices du corps,
que l'art appelle Gymnafiiefue faifoit
profeffion d'enfeigner. Parmi ces
exercices , il y en avoit d'abfolu-
ment indépendans de tout agent
ou mobile étranger ; & tels étoient
la Danfe , la Lutte , la Courfe à
pied, &c. Il y en avoit d'autres ,
où cet agent étranger entroit effen-
tiellement; Se de ce nombre étoient
la Courfe à cheval , &celle des Chars.
Comme M. Burette s'eft contenté ,
dans les Volumes précedens , d'é-
crire amplement des premiers exer-
cices fans toucher aux féconds ; M.
l'Abbé Giâoyn entreprend de nous
communiquer ici fur ces derniers
fes fçavantes recherches, lefquelles
jointes à celles de fon Confrère,
formeront comme un corps com-
plet d'ancienne Gymnaftique.
Mais pour jetter quelque ordre
& quelque clarté dans une matière
affez vaftecv que rendent aflez obf-
cure, les deferiptions peu déraillées
que nous ont laiffées de ces Cour-
fts les Auteurs contemporains ,
qu'on entendoit alors très diftinète-
ment àdemi mot : l'Académicien
a cru devoir divifer fon fujet en
deux Parties , l'une toute hiftori-
S SÇAVANS,
que, l'autre mêlée de critique. Il
s'efforce donc , dans la première, de
découvrir l'origine de ces fortes de
Courfes Agoniftiques , d'en fuivre
les divers progrès , d'en affigner
les différentes efpeces , de marquer
l'époque de leur introduction dans
les Jeux publics , de faire connoî-
tre les périls qui en étoient infépa-
rables pour les combattans , ainfi
que les honneurs & les prix qu'elles
procuraient aux vainqueurs. Il raf-
femblera dans la féconde Partie de
fon Traité plusieurs partages qui
font naître de très-grandes dtfhcul-
tez , Se fur l'éclairciffement def-
quels fon deffein eft de confulter
l'Académie. Des deux Differta-
tions rentermées dans ce Volume ,
touchant cette matière, &quifem-
blent appartenir l'une Se l'autre a la
première Partie du Traité dont il
s'agit , la première ne regarde que
la Courfe à cheval , & la féconde
eft deltinée à ce qui concerne la
Courfe des Chars ; l'une Se l'autre
Courfe conflderées telles qu'on les
pratiquoit dans les Jeux Olympi-
ques.
i. M. l'Abbé Gédoyn eft perfua-
dé , que dans la première institu-
tion de ces Jeux célèbres , il n'étoit
queftion que de la Courfe à pied j-
le cheval étant alors un animal fau-
vage , qu'on n'avoit point encore
trouvé l'art de dompter , dans la
Grèce. Elle en fur redevable à Bel-
lérophon qui ( fuivant le calcul
chronologique du P. Pe tau ) vivoit
13314 cens ans avant J. C. Se quoi -
que les Athéniens fiffent honneur à
Neptune de la création du cheval
F E V R I
te de fon ufage pour le fervice de
l'homme , l'Académicien laifle ce
conte aux Poètes Se aux Mytholo-
gues , & s'en tient au feul témoi-
gnage des Hiftoriens. Selon eux ,
les Theflaliens acquirent deflors la
réputation d'excellens Cavaliers ,
combattant à cheval contre des
Taureaux fauvages , d'où ils eurent
le furnom de Centaures : & les La-
pithes, peuple du même Pays, fe
diftinguerent dans l'art de fabri-
quer des mords 3 des caparaçons ,
éc de bien manier un cheval.
Prefque dans ce même rems Pé-
îops fit célébrer les Jeux Olympi-
ques en l'honneur de Jupiter avec
plus de pompe qu'on n'avoit fait
jufqu'alors , Se l'Auteur ne doute
pas s qu'outre la Courfe à pied ,
qui étoit ordinaire dans ces Jeux ,
ce Prince , en cette occafion , n'y
ait introduit des Courfes de che-
vaux & de Chars -, fur-tout après la
victoire ûgnalée qu'il venoit de
remporter lur Qcnomaiis à cette
dernière forte de Courfe ; Se qui
lui avoit valu le Royaume de Pife
& la plus belle PrinceiTe qui fût
alors. Cela n'empêcha pas que les
chevaux ne fuftent encore long-
tems rares Se précieux ; ce qui don-
ne lieu à l'Auteur de pafler ici en
revue pluheurs chevaux merveil-
leux accordés en prefent par les
Dieux mêmes aux anciens Héros ,
s'il en faut croire les Mythologi-
ftes.
Il obferve de plus , que l'ufage
des Chars le répandit en Grèce
prefque en même tems que celui
des Chevaux ; Se que , fuivant l'o-
E R , i 7 3 4. £p
pinion la plus commune , Erich-
thonius ou Erechthée Roi d'Athè-
nes en fut l'inventeur. Sur quoi il
n'eft point d'accord avec le Père
Hardomn qui d'un partage de Pline
prétend inférer que cet Erichtho-
nius étoit le Prince Troycn fils de
Dardanus ; d'où il s'enfuivroit
(dit l'Académicien ) que les Chars
auroient été trouvés avant l'ufage
des chevaux , ce qui feroit abfur-
de.
Il va au-devant d'une difficulté
qu'on pourroit faire fur ce que
Pline afligne deux découvertes dif-
férentes pour deux ufages qui fem-
bleroient n'en demander qu'une -,
c'eft à-dire pour l'attelage de deux
chevaux ou de quatre à un feul
Char ; l'un ne paroilTant pas plus
difficile que l'autre. Cela eft vrai
chez nous ( répond l'Académicien)
où l'ufage eft de les atteller à la
queue les uns des autres ; au lieu
que les anciens les attelant tous
de front , l'invention d'en atteller
quatre exigeoit plus d'induftrie que
celle de n'en atteler que deux.
M. l'Abbé Gédoyn après cette
difcuffion touchant l'origine des
Courfes de chevaux Se de Chars ,
reprend le fil de fa narration pat
rapport à l'ufage que l'on fit des
unes & des aiîtres dans les Jeux
Olympiques. Elles en firent partie
fous tous les Princes qui régnèrent
en Ehdc , c'eft-à-dire fous Amy-
thaon , Pelias & Nélée , Augée ,
Hercule fils d'Amphitryon ; jus-
qu'au règne d'Oxylus , après lequel
les Jeux Olympiques furent inter-
rompus pendant plus de 350 ans j.
7o JOURNAL DE
& ces divers combats ne furent ad-
mis tout au plus qu'aux funérailles
des Princes Se des Héros de la Gré-
ce.
Enfin 408 ans après la prife de
Troye cv 25 ans depuis la fondation
de Rome ( félon le Père Petau )
Iphitus rétablit les Jeux Olympi-
ques , lefquels prirent alors une
forme plus régulière , & donnèrent
commencement à l'époque tameu-
fe des Olympiades. On ht entrer
fucceflîvement dans ces Jeux tous
les exercices agoniitiques , à mefu-
re qu'il fe formoit d'habiles Ath-
lètes en chaque genre ; Se les Cour-
fes de Chars Se de Chevaux ( dit
notre Auteur fur h foi de Paufa-
nias ) furent les dernières à y re-
prendre leur place , fans doute
(continue t-on ) à caufe de la rareté
des chevaux dont l'acquifition n'é-
toit point encore à la portée de
tout le monde. Quoiqu'il en foit ,
l'une Se l'autre Courfe ne furent
renouvellées dans ces Jeux qu'en-
viron cent ans après leur rctablif-
fement.
Les Courfes de chevaux étoient
de trois fortes. La première fefai-
foit fur des chevaux de felle ; Se
cette cfpece de cheval s'appelloit
ks'ahî. On couroit en fécond lieu ,
avec des. poulains montés comme
des chevaux de felle. La troifiéme
forte de Courfe à cheval nommée
Calpé confiltoit , dit l'Auteur , à
courre avec deux jumens , dont
on montoic l'une Se l'on menoit
l'autre en main jufquesfurla fin de
la Courfe , que le Cavalier fe jet-
toit à terre , &: prenant les deux Ju-
S SÇAVANS.
mens par leurs mords , il achevoit
ainfi fa carrière. Sur quoi M. l'Abbé
Gédoyn n'oublie pas de redrefTer
l'Interprète de Pindare Se celui de
Paufanias , qui ont très-mal expli-
qué ce que fignifient les mots Kéles
Se Calpé , du dernier dciquels,pour
le dire en paffant avec l'Auteur ,
dérivent nos deux mots François
galop &c galoper.
Du refte , ces deux différentes
Courfes à cheval avoient cela de
commun , i°. qu'elles fe faifoient
fans étriers , 20. que les enfans y
étoient admis [ du moins dans les
deux premières ] à difputer les prix
de même que les hommes , 30.
qu'avant que d'achever la carrière,
il falloit tourner autour d'une bor-
ne plantée fi défavantageufement
pour lescoureurs qu'elle les mettoit
fouvent en danger de tomber de
cheval Se de perdre la victoire. Car
ce péril ( obferve l'Académicien
d'après Paufanias ) étoit pour la
Courfe à cheval comme pour celle
des Chars ; d'où l'Auteur croie de-
voir inférer que le ftade ou le lieu
deltiné à la première de ces deux
fortes de Courfes étoit différent de
celui où s'exécutoit la féconde. Il
vient enfuite à la Courfe des
Chars.
2. Il a puifé prefque tout ce
qu'il nous en apprend dans trois
Auteurs , Homère , Pindare 8c
Paufanias -, Se ce qu'il a recueilli
d'eux fur cette matière il le partage
en quatre points principaux ; c'eft-
à-dire , qu'il examine i°. la diffé-
rence des Chars ; i°. la barrière où
ils s'afTembloient -, 30. la lice où ils
F E V R I
couroient ; Se 40. les dangers qui
accompagnoienc ces fortes de
Courfes , Se dont le plus à craindre
étoit celui de heurter la borne , au-
tour de laquelle il falloit tourner.
Les Chars ne differoient entr'eux
que par le nombre des chevaux
qu'on y atteloit ; fur quoi M. l'Ab-
bé Gédoyn relevé les méprifes de
deux Interprètes de Pindare Se de
Paufanias : car pour le plus ou le
moins de magnificence dans la dé-
coration extérieure , cela ne met-
toit entre ces Chars nulle diftinc-
tion effentielle. Elle ne fe tiroit
donc uniquement que de la variété
des attelages , fuivant qu'ils é-
toient de deux chevaux ou de qua-
tre ; de jeunes chevaux ou de che-
vaux faits ; de poulains ou de mu-
les : Se fur toutes ces circonftances,
l'Académicien entre dans un détail
très-particulier, nous apprenant en
quel tems chaque efpece d'attela-
ge commença d'avoir cours dans les
Jeux , quel fut le premier Athlète
qui y remporta le prix de la Courfe,
à quelle occafion Se en quel tems
quelques - uns de ces attelages fu-
rent exclus de ces fpeclacles pu-
blics , &c.
Tous ces Chars attelés Se defti-
nés pour la Courfe , fe rendoient
dans une grande place appellée en
Latin Carceres , & que l'Auteur
nomme la Barrière ; Se cette Bar-
rière d'Olympie étoit regardée
comme le chef-d'œuvre d'un grand
Architecte nommé Cléétas. Paufa-
nias nous la décrit amplement ,
mais faute d'un plan figuré , il eft
difficile de fe former une jufte idée
E R , 1734; 7*
de cet Edifice fur la defeription
qu'il nous en a laiffée , & aue l'Au-
teur a eu foin de tranferire ici Se
d'éclaircir par fes reflexions , auf-
quelles nous croyons devoir ren-
voyer les Le&curs. Nous nous con-
tenterons d'obfervcr en général
Que cette place , par les bâtimens
qui l'environnoient , reprefenroit
une proue de Vaiffeau ; que ces bâ-
timens fournifioiçnt aux Chars Se
aux chevaux des loges ou remifes
inégalement éloignées de la Lice
& qui fe tiroient au fort entre les
Combattans ; qu'au devant des
chevaux Se des Chars regnoit d'un
bout à l'autre un gros cable qui fer -
voit de barre , Se qui les contenoit
dans leurs loges , jufqu'à un certain
fignal , auquel on lâchoit le cable
ce qui permettoit aux chevaux de
s'avancer vers la Lice , à l'entrée de
laquelle ils fe rangeoient tous fur la
même ligne; comme l'Auteur croit
pouvoir le recueillir d'un paffage
d'Homère , fur l'explication du-
quel il adopte le fentiment de Ma-
dame Dacïer.
On ne connoît la Lice ou l'Hip-
podrome d'Olympie guéres plus
diftinctement que fa barrière. Cette
Lice ne pouvoit avoir moins de 500
pas de longueur(dit l'Académicien)
mais elle pouvoit en avoir plus ;
Se c'eft ce plus qu'il foûtient qu'on
ne peut déterminer au jufte, préten-
dant que le paffage de Paufanias
allégué par M. Burette fur ce point
n'eft rien moins que concluant.
Il avoiie qu'on n'eft guéres mieux
inftruit fur le fait des bornes pla-
cées à l'extrémité de la Lice : mais
72 JOURNAL DE
il eft perfuadé qu'il y en avoit au
moins trois , l'une pour les Courfes
de chevaux , l'autre pour celles des
Chars à deux chevaux , & la troi-
fiéme pour celles des Quadriges.
A l'égard du Taraxippus ou de
cet autel fitué à l'extrémité de la
Lice d'Olympie, & qui devenoit
peur les chevaux qui pafloient par
devant une efpece d'épouvantail
très dangereux aux coureurs -, c'eft
un fait très-peu éclairci chez les an-
ciens quant à fa caufe , & fur lequel
on ne peut que hazarder quelques
conjectures. Il faut recourir à celles
de l'Auteur.
XVII. Les Remarques de M. de la
Barre fur la route de Sardes a Sufes
décrite par Hérodote , Crjur le cours
de rH.ilys , de l'Euphrate , de VA-
raxes , & du Phafe , tendent toutes
à perfectionner la connoilTance de
l'ancienne Géographie , & font
eonnoître combien l'Auteur eft
clair-voyant fur cette matière.
i. La difficulté fur la route de
Sardes à Sufes , telle que la décrit
Hérodote , confifte en ce que la
diftance totale qu'il met entre ces
deuxVilles ne fe trouve point égale
à celle qui refulte des mefures que
fournitîent en détail les journées
de chemin qu'il compte de l'une à
l'autre. En effet ce détail ne va qu'à
81 gîtes marqués par autant de
Maifons Royales ou d'Hôtelleries,
qui tenoient alors lieu de ce qu'on
nomme aujourd'hui Carvanferas
dans l'Orient. Cependant il aflure
enfuite qu'il y avoit en tout cent
onze de ces Hôtelleries fur le che-
min dont il s'agit. On trouve un
S SÇAVANS ;
femblable mécompte en comparant
le nombre des parafanges qu'il
met entre ces deux Villes & qui eft
de 450 avec celui que donne l'addi-
tion des parafanges comprifes dans
les diftances particulières , laquelle
ne fe monte qu'à 313. D'où pour-
rait naître une telle erreur de cal-
cul?
La recherche exacte qu'en a faite
l'Académicien , l'a convaincu que
l'erreur n'étoit point dans la diftan-
ce générale exprimée par l'Hifto-
rien , non feulement en parafanges
ou mefures perfanes, mais en ftades
ou mefures gréques , dont il com-
pte 13500 de Sardes à Sufes. Le
mécompte viendroit - il de la cor-
ruption de tous les nombres fpeci-
fiés dans chacune des parties de la
defeription , ou feulement de l'o-
miflîon de ces nombres en un feu!
endroit ? C'eft à cette dernière cau-
fe que fe détermine l'Auteur, en
examinant de plus près la manière
dont s'énonce l'Hiitoricn Grec
dans chaque article de fa deferip-
tion , où il marque toujours deux
circonftances , le nombre des Hô-
telleries que l'on rencontrait dans
chaque Province , & celui des pa-
rafanges qu'on parcourait en la tra-
verfanr.
Cette exactitude d'Hérodote ne
fe dément qu'à un feul article , &
c'eft celui où il eft queftion de la
Province appcllée Matiéne } fur la-
quelle il s'explique en ces termes :
au fortir de l'Arménie on fait quatre
journées dans la Matiéne ; raS^s'i tin
-riraifiç, : d'où M. de la Barre con-
clut que dans cet endroit lesCopi-
ftes
F E V R I
fies ont omis les nombres que la
defeription générale engagea fup-
pléer , enforte qu'il taut lire ç-afye'i
l vi TïWffîS [ i) Tfi»Kov1a , va.fatra.yta.1 <fé
f »1à k) Tpiitxoyl* i) llcolo'*. ] C'eft-à-
dire : on fait trente - quatre journées
dans U Mattène & cent trente - fept
parafanges.
M. de la Barre avoue que fa cor-
rection doit paroître hardie. Mais
U la croit d'autant mieux fondée ,
qu'elle garde une proportion affez
jufte entre le nombre des parafan-
ges cv celui des maifons publiques
ou Hôtelleries, dont les diftances
excedoient rarement quatre para-
fanges ou i io ftades : enforte que
d'une telle proportion prefque
toûjouis confiante il prend droit
de conclure que le Texte d'Héro-
dote n'a fouffert d'altération que
dans le feul article où manque l'une
des deux circonftances fpecifiées
exa&cment dans tous les autres : &
cet article eft celui de la Matiéne.
L'Auteur convient qu'il ne trou-
ve nulle part un pays de ce nom
qui ait autant d'étendue , que fa
correction en fuppofe dans la Ma-
tiéne d Hérodote. Mais il prétend
que cette dénomination dans i'Hi-
ftorien Grec eft beaucoup moins le
vrai nom du Pays dont il s'agit ,
qu'un nom appellatif qui défignoit
feulement la fituation &c les quali-
tez des Pays aufquels on le don-
noit , cV qui étoient tous ceux que
formoient de vaftes plaines renfer-
mées entre de hautes montagnes &
une grande rivière -, or l'Auteur
compte jufqu'à trois Matiénes de
ce genre.
Février,
ER, 17? 4- 7ï
Il ne diffimule pas , qu'on n'eût
lieu d'être furpris , que dans fon
hypothéfc il ait fallu faire du Nord
au Midi , après avoir pafté le Ty-
gre , jufqu'à 137 parafanges , ce
qui revient à 110 de nos lieues ,
pendant que la route entière n'en
avoit qu'environ 360. Mais il ré-
pond que cette route étoit bien
différente de celle qu'on fuivoic
pour aller à Babylone , & que dans
celle-là on paffoit le Tigre & l'Eu-
phrate beaucoup plus haut : qu'en
un mot la route décrite par Héro-
dote &: celle du jeune Cyius dans
fon expédition n'ont de commun
que le paffage à travers la Lydie 8c
la Phrygie ; aue ce Prince ne trou-
va point l'Halys en fon chemin, au
lieu que dans celui d'Hérodote il
falloit palier ce fleuve.
n. Cette difeuffion conduit l'Au-
teur à nous faire part de fes Obfer-
vations touchant la fource Se le
cours de l'Halys ; fur quoi il trou-
ve peu de difficulté à concilier
quelques anciens avec Strabon, qui
a parlé le plus exactement de ce
point de Géographie. Pour cela il
fuffità l'Auteur de corriger un feul
mot dans leTexte de ce Géographe,
& d'y lire ; l'Halys a fa fource dans
la grande Cappadoce , près de la Pan-
tique , vers la Cammancne , au lieu
qu'on y lit vers la Cambyfène , ce
qui eft faux ( dit l'Académicien ) la
Cambyfène n'ayant jamais fait par-
tie ni de la Cappadoce 3 ni de la
Pontique.
U lui en coûte encore moins pour
accorder Pline avec Strabon fur ce
point : mais il ne lui eft pas tout-à-
K
74 JOURNAL D
fait auffi aifé de mectre celui - ci
d'accord avec Hérodote fur le mê-
me fuiet. Après avoir tranfcrit ici
le partage de ce dernier dans toute
fon étendue : il fait voir que ce paf-
fage femble offrir dès les premiers
mots une grande difficulté , en fai-
fant couler d'abord l'Halys à tra-
vers le Pays des Ciliciens , dont on
fait qu'il eft très éloigné. Mais pour
montrer qu'en cet endroit l'Hiito-
rien n'eft pas contraire au Géogra-
phe , M. de la Barre fait reffou ve-
nir qu'anciennement la Cilicie
étoit un grand Royaume , dont les
Souverains prenoient part aux plus
grandes affaires de l'Aile , 8c qui
pouvoit s'étendre jufqu'au fleuve
Halys ; ce qu'il tâche de juftificr ,
ainlî que les autres articles du pafla-
ge concernant le cours du même
fleuve , par diverfes obfcrvations
curieufes &c recherchées , aufquel-
les pour abréger nous fommes obli-
gés de renvoyer le Lecteur.
M* de la Barre n'a garde de com-
prendre dans cette jufHhcation
d'Hérodote l'abfurdité manifefte
où tombe cet Hiflorien , dans le
partage en queftion 5c dans un au-
tre , en affurant que la largeur de
la baffe Aiie prife où ce fleuve l'ar-
rofe, peut être traverféc à pied en
cinq jours -, fur quoi notre Auteur
s'efforce d'affigner la caufe la plus
vraifemblable qui ait pu donner
lieu à une fuppofîtion fi peu fen-
fée.
5. Delà il pafle au cours de l'Eu-
phrate , de l'Araxes & du Phafe ,
qui ont leur fource dans l'Armé-
nie ; ôc il s'applique à mieux faire
ES SÇAVANS,
connoître cette Province ; après eh
avoir fait autant pour la Cilicie.
L'Euphrate, félon Strabon &c Pli-
ne , prend fa fource au Mont Abos3
l'une des chaînes du Taurus; tra-
verfe l'Arménie d'Orient en Occi-
dent , jufqu'aux frontières de la
Cappadoce , d'où il prend fon
cours vers le midi ; 6c l'on apprend
d'ailleurs que fa fource cfl plus
orientale que celle du Tigre : fur
quoi Ptolomée s'accorde parfaite-
ment avec Strabon. A ce propos,
notre Académicien obferve que feu
M. Delifles'eft trompé en ne pou-
vant fe perfuader que la rivière
qu'il appelle Aîourat-chai dans fa
Carte de Pcrfe , & qu'il nomme
Exphratc dans celle de la Retraite
des dix mille , fût véritablement
l'Euphrate connu de tous les An-
ciens ; comme en font foi Strabon 3
Pline & Ptolomée.
M. de la Barre eft perfuadé que
les méprifes fur la fource de l'Eu-
phrate ont donné une faufîe idée
du cours de l'Araxe , & que l'une
& l'autre erreur ont été caufe que
nos Géographes modernes ont défi-
guré toute l'Arménie Se les envi-
rons.
Quant à la difeuffion dans la-
quelle notre Auteur s'engage tou-
chant le cours du Phafe Se fes 120
ponts , touchant le Rione cv le
Boas confondus avec ce premier
Fleuve , nous ne pourrions l'y fui-
vre iàns nous jetter dans une lon-
gueur excertîve ; outre que faute
d'une Carte Chorographique du
Pays nous ne ferions enrendusque
très-difficilement. Nous nous con=
FEVRI
tenterons d'avertir que fur cet arti-
cle il relevé encore une méprife de
feu M. 'Dciifle , 5c qu'il s'appuye
pour cela fur l'autorité de Procope
dans ce que celui-ci nous apprend
des Laz.es , Peuple de la Colchide,
& fur celle de Chardin dans fon
Voyage àcMmgreliey d' bnirette, 5cc.
XVIII. Les Obfervations de M.
de la Curne fur quelques Chapitres
de Tite-Live ont pour objet de
montrer que l'Hiftoire que cet Au-
teur nous a lai (fée du neuvième
Confulat de Rome & des cinq
Confulats fuivans 3 quoique nulle-
ment d'accord en apparence avec
celle de ces mêmes Confulats telle
que l'a écrite Denys d'Halicarnaffe,
peut cependant ; lorfqu'on y re-
garde de plus près , fe concilier
aifément avec celle de ce dernier
Ecrivain , à la faveur d'une fimple
tranfpofition ; comme s'en eft ap-
perçû l'ingénieux Académicien ,
qui ne marque avoir eu pour ce dé-
nouement aucun guide.
Pour faire mieux fentir d'abord
la différence de ces deux récits , il
met fous les yeux du Lecteur les
Textes de ces deux Hiftoriens im-
primés vis - à - vis l'un de l'autre à
deux colonnes ; &c l'on n'y apper-
coit nulle conformité , fi ce n'eft
peut-être dans le feul article de la
guerre contre les Latins dont ils
tont mention l'un & l'autre fous le
premier de ces Confulats ; encore
cette conformité fe dément - elle
bien - tôt , puifque , félon Tite-
Live , la guerre étoit ouvertement
déclarée ; au lieu que fuivant De-
nys d'Halicarnaffe , il n'y avoit
E R. ; i 7 } 4; 7S
qu'un commencement de ru pture
&c l'on ceftoit feulement d'être
amis.
La conciliation de ces deux Hi-
ftoriens imaginée par M. de la Cur-
ne , confifte en premier lieu à met-
tre en parallèle les neuvième , di-
xième , &c onzième Confulats ra-
contés par Tite Live avec les dou-
zième , treizième & quatorzième ,
tels que les rapporte l'Hiftorien
Grec: en fécond lieu, à comparer
les douzième , treizième & quator-
zième Confulats de l'Hiftoire de
Tite-Live avec les neuvième , dixiè-
me & onzième de Denys d'Hali-
carnafTe. En effet, fous le neuvième
Confulat chez le premier , 6v fous
le douzième , chez le fécond , il eft
parlé de la ligue de 30 Villes des
Latins contre les Romains -, de Lar-
tius créé Dictateur & de Cailïus
Général de la Cavalerie ; des Lic-
teurs qui précédèrent le Dictateur
pour le rendre plus refpectable.
Sous le dixième Confulat , chez
Tite-Live , 5c fous le neuvième ,
chez Denys , on lut fort tranquille,
àcaufe delà trêve faite avec les La-
tins. Sous le onzième , chez l'Hi-
ftorien Latin , & le quatorzième ,
chez l'Hiftorien Grec, on trouve la
guerre plus vivement allumée que
jamais entre les Latins Se les Ro-
mains ; Pofthumius Dictateur &
yEbutius Général de la Cavalerie ,
5c le fanglant combat de Résille ;
le Triomphe décerné aux deux
Chefs des Romains ; la mort de
Tarquin.
De ce parallèle M. de la Curtie
conclut allez vraifemblablement
Kij
7<? JOURNALD
que ce que dit Tite-Live , fous les
douzième , treizième Se quatorziè-
me Confulats , doit répondre à ce
que Dcnys d'Halicarnalfe raconte
fous les neuvième , dixième Se on-
zième. Or fous ces trois derniers ,
chez Denys, les Latins après avoir
annullè tous les traitez faits avec les
Romains , délibérèrent long-tcms
i'ils leur déclareroient la guerre ,
Se ne s'y déterminèrent que la qua-
trième année , après deux Sièges
entrepris fans fucecs durant cet in-
tervalle , fçavoir eclur de Fidenes
par les Romains , Si celui de Signie
par lesTarquins. D'un autre côté,
ious les douzième , treizième &
quatorzième Confulats chez Tite-
Live , on ne trouve que ces mots :
Triennio deinde nec certa pax 3 nec
bellurn fuit , c'eft-à-dire , dans les
trois années fiiivantes s il ny eut ni
guerre ni paix bien ajfurèe : fur quoi
l'Académicien n'oublie rien pour
exténuer la difeonvenance qui pa-
roît entre ces paroles de Tite-
Live, Se ce que Dcnys ajoute au
fujet des Sièges de Fidenes Se de
Signie.
Il refulte de cette comparaifon
entre les Textes de ces deux Hilto-
riens , qu'ils ne différent que par
l'ordre des évenemens qu'ils racon-
tent. Mais comme il pourroit fem-
bler indiffèrent auquel des deux
Hiftoriens on devroit attribuer
l'erreur chronologique 3 M. de la
Curne qui fur ce point fait céder
l'autorité de Tite-Live à celle de
Denys d'Halicarnaffe , croit devoir
expofer au public les raifons de
cette préférence. Elles fe reduifent
ES SÇAVANS,
à celles-ci : i°. Tout le monde con-
vient ( dit-il ) que Denys l'empor-
te infiniment fur Tite-Live du côté
de l'exactitude Se de la critique :
i°. L'ordre fuivi par le premier eft
confirmé parles Faites Capitolins,
eu égard à la création des deux
Dictateurs , Se des deux Généraux
de la Cavalerie : 30. Plufieurs con-
tradictions dans la narration de
Tite - Live femblent achever de ie
mettre dans fon tort. L'Académi-
cien en allègue trois bien marqués ,
que l'on peut voir chez lui , Se
d'où il conclut que l'Hiftoricn La-
tin a mieux aimé avoiier tout d'un
coup la confuhon qui regnoit dar.s
l'Hiftoire de ces tems-là , que de
prendre la peine de débrouiller un
tel cahos -, au lieu que l'Hiftoricn
Grec s'eft chargé de la difcuflïon des
faits les plus embarraffés , dans la
vue de répandre fur fon Hiftoirc
toute la clarté Se toute la certitude
qui peuvent inftruirefolidemcntla
pofterité.
XIX. Les Recherches de M. de
Alandajors fur les Limites de la
France & de la Gothie font voir
avec quelle exactitude il fçait
fouiller dans les Auteurs con-
temporains des faits hiftoriques
qu'il veut établir , Se avec quel-
le vraifcmblance il fçait tirer par-
ti de leurs témoignages en fa-
veur de fes hypothéfes. Il s'agit
d'abord de la premiercNarbonnoi-
fe, qui après avoir été environ 500
ans fous la domination des Ro-
mains , éprouva les ravages des
Alains Se des Vandales qui la traver-
ferent pour pafTer en Efpagne. Ils.
. FEVRI
furent bien-tôt fuivis des Vifigots ,
qui marchèrent vers Narbonne ,
d'où ils furent chaffés par le Patri-
ce Confiance , cjui dans la fuite
leur céda une partie des Gaules de
laquelle on ignore quelle étoit pré-
cifément l'étendue. Mais on peut
recueillir de Prolper , d'Ifidorcde
Seville & d'idace , Que la féconde
Aquitaine ex quelques Citez voifi-
nes y étoient comprifes ; que
leur Royaume s'étendoit depuis
Touloufe jufqu'à l'Océan ; d'ori il
fuit que le Querci , qui fépare Tou-
loufe de la féconde Aquitaine , de-
voit entrer dans la conceifion taire
aux Vifigots , faute de quoi elle
n'eût pas été contigue.
Ceux-ci ,- fous l'Empire de Va-
lentinien , mirent le Siège devant
Arles , qu'Aëtius véritablement les
contraignit de lever ; ce qui n'em-
pêche point qu'on n'intere d'une pa-
reille entreprife , que cette guerre
leur avoir acquis toute la partie de
la Narbonnoilc , qui s'étendoit de-
puis Touloufe leur Capitale juf-
qu'au Rhône , & qu'ils ne rendi-
rent pas tout ce qu'ils avoient pu
conquérir pendant cette conjonctu-
re au-delà de cette conceifion faite
à leur Roi Vallia : ce que l'Acadé-
micien s'applique à prouver par di-
vers faits tirés des Ouvrages de Si-
doine Apollinaire , de Profper &
d'idace -, d'où il refulte que depuis
la première incurfion des Alains &
des Vandales dans la première Nar-
bonnoife , les Gots étoient les maî-
tres de Nifmes toutes les fois qu'ils
faifoient des tentatives fur Arles; ôc
que c'eft à cet intervalle de tems
E R. ," 1 7 j 4; 77
qu'il eft fort vraifemblable de rap-
porter l'érection de la Ville d'Ufez
en Siège Fpifcopal.
Mais quel motif ( dit notre Au-
teur ) d'ériger en Evêché une Ville
fi voifine de Nifmes , qui l'était
déjà , & dont Ufez n'étoit éloignée
que de trois lieues ? Au défaut d'e-
claircifiemens fournis fur ce point
par les Ecrivains contemporains,
M. de Mandajors propofe fes con-
jectures qui ne font pas fans beau-
coup de probabilité , & que l'on
peut lire chez lui.
Il revient enfuite à ce qui con-
cerne la première Narbonnoife. Il
palfe en revue les Princes Vifigots
qui la pofiederent fucceflîvemenr ,
ÔV* qui pour y faire de nouvelles
conquêtes , fçurent profiter de la
circonftance favorable que leur of-
froit la foibleife des derniers Empe-
reurs Romains. Les Vifigots fe ren-
dirent donc enfin maîtres de Nar-
bonne , &c d'une partie de la pre-
mière Aquitaine , qu'ils nommè-
rent Septimanic , avant que d'y
avoir joint l'Auvergne; & ce fut
par ce nom que les François dési-
gnèrent la Gothic.
En 507. ceux-ci , fous la condui-
te de Clovis , en conquirent une
partie , après la défaite d'Alaric
Roi des Vifigots à la bataille de
Vouillé. Clovis & fon fils Thierry,
après cette victoire fournirent tous
ces Pays jufqu'aux frontières des
Bourguignons , maîtres du Vivarez
limitrophe de l'Ufége , dont l'Au-
teur ne doute pas que les François
ne fe foient alors emparés ; & c'eft
un fait dont il produit quelques
preuves.
78 JOURNAL D
Apres la mort de Clo vis, les Vi-
figots reprirent fur les François le
Rouergue & quinze ParroilTcs de
l'Ufége limitrophes du Diocéfe de
Rhodez , & l'Evêque de cette
dernière Ville jouit de ces Parroif-
fes jufqu'au tems des conquêtes de
Théodebert, qui en 533- chalîalcs
Vifigots du Rouergue & des quin-
ze Parroi (Tes , qu'il unitàl'Evêché
d' ' Ariptum formé d'une partie de
celui d'Ufez en laveur du frère de
l'Evêque de ce Diocéfe. C'eft ce
que l'on peut recueillir de plus
probable d'une difeuffion critique
alTez étendue où l'Auteur s'engage
&c à laquelle , pour abréger , nous
renvoyons le Lecteur.
Les limites de la France &c de la
Gothie marqués ici exactement par
l'Académicien tels qu'ils étoient
depuis les conquêtes de Théode-
bert,rcfterent fans changement juf-
qu'en 585. que Gontran Roi de
Bourgogne & Childebert fils de
Sigebert Roi d'Auftrafie , firent
marcher des troupes vers la Septi-
manic 5 à l'extrémité de laquelle fe
trouvoit encore la Ville de Nifmes
en 675. du temsde VambaRoides
Vifigots , qui vint y alfieger un re-
belle qu'il fit prifonnier ; &c alors
( félon l'Hiftorien de cette expédi-
tion ) les frontières de la France
étoient encore très-voifïnes de cette
Ville-là.
Vamba de retour en Efpagne
pour terminer les contellations en-
tre les Evêques , fit une Ordonnan-
ce , par laquelle il fixa les limites ,
donnant à chaque Diocéfe quatre
termes , dont les noms très-defigu-
ES SÇAVANS,
rés dans le Manufcrit original im-
primé par Duchefne font rapportés
ici par M. de Mandajors , qui pour
la correction de cette Pièce , hazar-
de quelques conjectures , & y joint
quelques réflexions qui terminent
{on Mémoire.
XX. M. de Foncemagne , dans
le Mémoire Hiftorique où il exa-
m'mçjl les filles ont été exclu/es de la
fuccejjïon au Royaume en vertu d'une
difpofîtion de la Loi Stlicjue , entre-
prend deux chofes : i°. De prouver
que dans le Royaume de- France
purement fucccllïf-héréditaire fous
la première Race , [ comme il croit
l'avoir folidement établi ailleurs ]
la fuccellîon étoit agnatique dans la
même Race , Se que les filles en
ont toujours été exclues par la cou-
tume , quoique leur exclufion ne
foit formellement énoncée dans
aucune Loi : 20. De faire quelques
Obfervations fur l'état que l'on af-
furoit aux PrincelTes filles , afin
qu'elles puflent foûtenir la dignité
de leur naiifance.
i°. Il prouve d'abord fa principa-
le propofition par une fuite Chro-
nologique des Princefles qui n'ont
été admifes , ni à partager avec
leurs frères, ni à fucceder au défaut
des mâles. De ce nombre furent
Clotilde & Théodechilde fille de
Clovis ; une autre Théodechilde
fille de Thierry I. Théodebalde
fucceda feul à fon père Théodebert
au préjudice de fes deux fœurs. Les
deux filles de Childebert Roi de
Paris , n'eurent aucune part au
Royaume de leur père , dont Clo-
taire leur oncle fut feul héritier.
F E V R I
Alboin Roi des Lombards , mari
de Clcfinde fille de Clotaire 1. ne
réclama point la part de fa femme
après la mort de fon beau-pere.
Ethclbert Roi de Kent en ufa de
même par rapport à fa femme fille
aînée de Caribert, duquel la fuccef-
fion } faute d'enfans mâles , échut
aux Collatéraux. Gontran , quoi-
que père de deux filles 3 déiîgna
fon neveu Childebert pour fon
fuccclTeur -, & Chilperic auquel ,
après la mort de tous fes fils il ne
reftoit que deux filles } en fit autant
par rapport à fon neveu fils de fon
trcre. La réunion de tous ces exem-
ples ( dit l'Auteur ) forme une dé-
monltration invincible de la pro-
pofition qu'il veut prouver tou-
chant la fucceflîon toujours agnati.
que en France : au lieu que dans le
même tems , chez quelques Na-
tions voifines , les filles tranfmet-
toient du moins leur droit à leurs
fils ou à leurs époux , fi elles ne
fuccedoient pas immédiatement à
leur père mort fans enfans mâles;
flt c'eft de quoi M. de Foncemagne
allègue quelques exemples.
Delà il paffe à l'examen du pré-
jugé commun , qui attribue l'origi-
ne de cette exclufion des filles en
France à la Loi Salique , regardée
comme une Loi écrite formelle-
ment pour les exclure du Thrône,
Rien ( félon lui) de plus mal fonde
que cette opinion qui n'a com-
mencé à avoir cours qu'à la fin du
quinzième fiécle , fur le fimple té-
moignage de Robert Gaguin & de
Claude de Seyjfcl. Le Recueil ou le
Code desLoix , appellées Saliqnts3
E R; I7?f 19
des Saliens , l'un des peuples de la
Ligue Franque : ( Recueil dont la
date ne fçauroit être poftericure à
Clovis I. ) n'eft que la compilation
des Reglemcns que dévoient ob-
ferver les François établis entre la
Forêt Charbonnière & la Loire , &c
ne renferment aucune difpofition
exprelTe concernant la fucceiïîon au
Royaume. Car ce qu'on s'eft ima-
giné y avoir quelque rapport dans
le fixiéme paragraphe du titre 6ii
qui porte que les mâles feuls pourront
jouir de la terre Salique , & que les
femmes n'auront aucune part k l'héri-
tage , ne regarde que les fuccef-
fions entre les particuliers & même
en ligne collatérale. Rien ne fonde
l'application qu'on en fait à la Cou-
ronne -, & il n'eft pas vraifemblable
que les Auteurs de la Loi ayent ré-
glé par un même décret l'état des
Rois 8c l'état des Sujets; renvoyant
à la fin du Décret } comme un Sup-
plément ou un acceffbire , l'article
concernant les Rois } & s'expli-
quant en deux lignes fur une ma-
tière de cette importance. Le Texte
du Code Salique doit donc s'enten-
dre uniquement ( continue l'Aca-
démicien ) des terres de conquête
diftribuées aux François , en re-
compenfe S: à condition du fervice
militaire , à mefure qu'ils s'établif-
foient dans les Gaules ; & les fem-
mes qui fe trouvoient dans l'im-
puiffance de remplir une telle con-
dition , dévoient être exclues de la
recompenfc par la Loi , dont te!
étoitle fens & l'efprir.
M. de Foncemagne non content
de ce raifonnement contre fe6 ad-
8o JOURNAL D
verl'aires , en employé un autre en-
core plus décifif fondé fur cette ob-
servation , Que malgré cette Loi
des Saliens , l'ufage de ne plus di-
ftinguer les fexes dans le partage
des terres Saliques s'étoit introduit
chez les François , dès le règne de
Dagobert I. fous lequel écrivoit
Marculphs . qui nous a confervé la
formule , fous laquelle un père
étoit maître de rappeller fes filles
à fa fucccffion. Or en vertu de cet
ufage ( dit l'Académicien ) rien
n'empcchoit que les Rois ne puf-
fent rappeller leurs filles à la fuc-
celTion du Royaume , puifque dans
le Syftême de fes adverfaires , ce
Royaume étant une terre Salique ,
devoit neceflairement fuivre la
condition de ces fortes de terres ;
d'où il s'enfuivroit que les filles en
certains cas pouvoient fucceder au
Royaumejenforte [ajoute l'Auteur]
que la confequence qui refultoit du
principe qu'ils pofoicnt dctrui-
foit l'opinion qu'ils prétendoient
établir. D'ailleurs, fuivant l'obfer-
vation de Chanterean-le Févre , les
Loix Saliques n'obligeant que les
Saliens , n'auroient pu renfermer
un Décret obligatoire pour les au-
tres peuples de la domination Fran-
çoife , tels que les Ripuaires les
Thuringiens , les Saxons , qui
avoient leurs Loix à part.
M. de Foncemagne ne nie pour-
tant pas que le chapitre 61 du Code
Salique dont il s'agit , ne puilTe
s'appliquer indirectement à la fuc-
cclïîon au Royaume. Mais cette
application indirecte n'étant point
développée par la Loi même , on
ES SÇAVANS,
peut foûtenir que l'exclufion des
femmes par rapport à la fucceiîion
au Royaume de France n'eft fondée
que fur une Coutume immémoria-
le , qui a pu me nommée Loi Sœli-
(jne , parce qu'elle en a voit la force
chez les premiers François , qui
l'avoient empruntée des Germains,
parmi lefquels des le tems de Taci-
te elle étoit obfervce. Ce droit fon-
damental du gouvernement Fran-
çois dont l'écriture ne fçauroit fixer
l'époque devient plus refpêctable
par l'autorité de fon origine. » Tel
» que ces maifons illuftres ( conti-
» nue l'Auteur ) de qui la haute no-
» bielle s'eft perpétuée par une
» pofleflîon dont le principe le
n perd dans les ténèbres du paiTé ;
» & qui font d'autant plus grandes
» à nos yeux , qu'aucun titre pri-
j> mordial ne décelé lés commen-
» cemens de leur grandeur.
A cette reflexion l'Académicien
en joint une autre qui en eft une
fuite , & qui ne paroît pas moins
folide. Elle nous tait fentir l'avan-
tage de la Coutume fur la Loi , le-
quel confiite en ce que la première
tire toute fa force d'une pratique
volontaire ; au lieu que la féconde,
en restreignant la liberté publique ,
a toujours quelque chofe d'odieux,
qui la fait plus ou moins refpe&er,
félon le degré de puiiTance qui
l'accompagne , & quelquefois mê-
me abroger par le non- ufage.
a. M. de Foncemagne , dans la
féconde partie de fon Mémoire,
recherche quel dédommagement les
PrincelTes filles , dans la première
Race , avoient à cfperer du tort
que
F E V R I
que leur faifoit la Coutume : & il
en trouve trois ; i°. Le nom de
Reines qu'on leur donnoit , & qui
leur étoit un préfige de l'alliance
qu'elles dévoient un jour contracter
ûvec quelque Roi étranger ; autre-
ment elles gardoient le célibat ;
2°. en parlant d'elles , après leur
mort , on joignoit à leur nom la
qualification de glorieufe ou à'heu-
reitfe mémoire , comme aux têtes
couronnées ; 3". enfin on leur afiî-
gnoit des terres Se desVilles mêmes
d'un revenu fuftîfant pour leur fub-
fiftance , foit du vivant de leur pè-
re , foit après fa mort. Elles joiïif-
foient apparemment de quelques
droits Régaliens dans l'étendue des
lieux qu'on leur abandonnoit: mais
elles n'avoient que l'ufufruit des
terres & des Villes qu'elles pofle-
doient , &c dont après leur mort la
propriété étoit réunie au fife : en
quoi elles n'étoient pas traitées plus
favorablement que les Reines veu-
ves des Rois. Elles ne dévoient tou-
cher les revenus qui leur étoient ac-
cordés , que tant qu'elles feroient
leur féjour en France.
La coutume généralement obfer-
vée chez, les François de ne point
doter les filles en les mariant , fon-
doit la maxime politique , quidé-
fendoit que les terres ou l'argent
du fife devinrent la dot des filles
des Rois. Il en étoit de même chez
les Bourguignons , & félon Tacite,
chez les Germains. C'étoient les
peres de ceux qui les époufoient
qui leur conftituoient une dot , la-
quelle ne doit pas être confondue
avec le douaire , que l'époufc ne
février.
E R , 1 7 5 4. g r
recevoit que le lendemain de fes
noces , à fon premier réveil , &: que
les Loix Ripuaires appellent Mor-
gangeba. Cette Coutume avoit éga-
lement lieu dans les mariages des
Souverains & dans ceux des parti-
culiers. Les Rois cependant déro-
geoient quelquefois à cette Coutu-
me , & donnoient à leurs filles des
fommes confiderables à titre de
prefent -, mais fans les prendre fur
le tbréfor public.
C'eftainfi qu'en ufa Chilperic L
en mariant fa fille auRoid'F.fpa-
gne ; & la Reine Frédégonde mère
de la Princeffe exeufoit les dons
immenfes qu'elle lui faifoit en di-
fant que c'étoit le fruit de fon travail
& de ïœconomie avec {agnelle etls
avoit adminiflré les biens dont elle
joiujfoit ; exeufe qui devenoit d'au-
tant plus necefiaire , que cinquante
chariots pouvoient à peine conte-
nir l'or, l'argent, les meubles &
les habits que fa fille emportoit
avec elle. Oeil à quoi répondoit la
magnificence de fon cortège , dé-
crit par M. de Foncemagne , qui a
foin d'appuyer fes Obfervations
hiitoriques par plufieurs exemples
ou preuves , dont le choix & l'ar-
rangement font honneur à fon dif-
cernement , à fon exa&itude & à fa
précifion.
XXI. L'explication du Ai on li-
ment fingulier de Guillaume le Con-
quérant , donné il y a fix ans par M.
Lancelot n'en éclairciffoit qu'une
très-petite portion. Il doit aux re-
cherches de Dom Bernard de
Montfaucon la découverte entière
d'une Pièce fi curieufe , qui eit une
L
82 JOURNAL D
tapiflerie très-ancienne de l'Eglife
de Bayeux , que ce dernier a fait
copier très- fidèlement far le lieu
même par fon Deflinateur envoyé
exprès. Pour avoir une copie encore
plus exacte des Infcriptions qu'on
y lit, M. Lancelot a eu recours à
M. l'Evêque de Bayeux^quia char-
gé de cette revifion une perfonne
intelligente : enforte qu'il n'y a
plus rien à fouhaiter pour l'entier
éclairciflement de cette tapifTerie.
C'cft une Pièce de toile de lin
de 19 pouces de haut 6c de 110
pieds 1 1 pouces de long , fur la-
quelle on a tracé des figures avec de
la Lune couchée & crotfée, a peu près
comme on hache une première penfèe
an crayon : ce font les termes de la
lettre écrite de Bayeux à M. Lance-
lot. Cette tapiflerie qui ne fait
qu'une feule pièce , &c que l'on ex-
pofe dans la Nef de la Cathédrale
de Bayeux pendant ce qu'on y ap-
pelle l'Oflave des Reliques ; paroît
n'avoir jamais été achevée ; & com-
me l'extrémité commence à fe gâ-
ter , le Chapitre , pour en prévenir
un déperiflement plus confidera-
ble , l'a fait doubler , &c a dépofé
dans les Archives une copie des
Infcriptions qu'elle porte. On l'ap-
pelle d'ordinaire dans le Pays la
Toilette du Duc Guillaume , fur la
foi de la feule tradition , qui veut
aulliquece foit Mathilde ou Ma-
hault de Flandres , époufe de ce
Prince , qui l'ait tifTuë elle-même
avec fes femmes.
Cette tradition paroît d'autant
mieux fondée à M. Lancelot , que
Hé goût du travail, les armes, les
ES SÇAVANS,
habillemens , les inftrumens de
Guerre & de Marine que prefente
cet Ouvrage , concourent à le faire
placer dans un fiécle qui ne foit
point pofterieur à celui de Guillau-
me le Bâtard ; outre que certaines
particularitez de la conquête d'An-
gleterre qui y font rapportées , &
qui ont échappé à tous les Hifto*
riens, prouvent qu'il n'a pu être tra-
vaillé que par des témoins oculaires
des évenemens qui y font reprefen-
tés , & aufquels perfonne ne pou-
voit s'interelTer davantage que cet-
te Princefle. Sans compter qu'Eu-
des frère utérin de Guillaume étant
alors Evêque de Bayeux", aura pu
facilement obtenir de Mathilde un
pareil prefent pour cette Eglife.
Or cette Princelfe ( obferve l'Aca-
démicien ) étant morte en 1083-
elle ne put continuer cet Ouvrage,
qui finit à la bataille de Senlac, fans
aller jufqu'au couronnement de
Guillaume , qui fans doute n'eût
pas été oublié. D'où il paroît qu'u-
ne antiquité de plus de 600 ans
rend ce Monument d'autant plus
digne d'être tiré de l'obfcurité oùv
on l'avoitlaifTé depuis lî long-tems.
M. Lancelot reprend donc ici
l'explication détaillée du premier
morceau qu'il en donna dès l'année
1724. Se il le continue avec la mê-
me exactitude & la même fagacité ,
citant allez fouvent le Roman de
Rou écrit par Robert Waice , & le
faifant d'autant plus volontiers ,
que cet Auteur ne vivoit que 59
ans après la conquête de l'Angleter-
re , qu'il étoit Chanoine de Bayeux,,
& qu'il aura pu v«ir fouvent cette.
FEVRI
tapiflerie , d'où il aura vraifembla-
blemcnt tire pluficurs faits qu'il
n'a pu emprunter d'ailleurs , puif-
que nul autre Hillorien n'en fait
mention: d'où il arrive ( dit l'Au-
teur ) que la tapifferie & le Ro-
mancier le fervent réciproquement
de garans d'autant moins reprocha-
bles , qu'ils font contemporains.
Nous n'entreprenons pas ici de
fuivre l'Académicien dans tout le
détail où il entre , ce cjui nous mè-
nerait trop loin , & ce qui ne fçau-
roit être entendu bien clairement
qu'en lifant en entier & les figures
fous les yeux , fon explication.
Nous nous arrêterons feulement
fur quelques endroits qui nous pa-
roîtront mériter par leur fingulari-
té une attention plus particulière ;
par exemple fur les circonstances
niitoriques qui ne fe trouvent men-
tionnées que dans cette tapiflerie ,
de même que fur les moeurs & cou-
tumes de ce tems-là qui font atte-
flées par ce Monument.
L'emprifonnement de Harold à
Beaurain fur la Canchc par l'ordre
de Guy Comte de Ponthieu, eft un
fait ignoré des autres Hifloriens.
L'expédition queGuillaume accom-
pagné deHaroldfitenBretagnecon-
trele Comte Conan, n'eft racontée
que par Guillaume de Poitiers^ mais
fon récit nous en apprend beaucoup
moins que la tapillerie. Elle repre-
fente en effet la prife de Dinant en
Bretagne par le Duc Guillaume ;
exploit dont aucun Hiftorien na
parlé. Cette guerre de Bretagne
donne occaiîon à M. Lancelot de
décrire une fois pour toutes les ha-
E R , i 7 5 4; 81
billemens de guerre , les armes tant
défenfives qu'offenfives , les har-
nois de chevanx , les étendarts, &c.
tels que les offre à nos yeux la ta-
pifferie.
Après l'expédition de Bretagne ,
Guillaume & Haiold vinrent à
Baveux, où (félon la TapifTerie )
Harold jura fur les Reliques des
Saints qu'il tiendrait inviolable-
ment la parole qu'il avoit donnée à
Guillaume pour la fucceffion d'An-
gleterre. Prcfque tous les Hifto-
riens varient fur le lieu où fe fit ce
ferment. Cette variation ( dit l'Au-
teur ) paraît décidée par la Tapif-
ferie 6c le Roman de Rou , qui dé-
pofent l'un & l'autre pour Baveux:
ce qui eft d'autant plus probable
qu'Eudes frère utérin de Guillaume
étant alors Evêque de cette Ville-
là , détermina fans doute le Duc à
choifir cette Eglife pour une telle
cérémonie ; fur-tout , s'il eft vrai
comme l'affurent quelques Hiflo-
riens , que Guillaume ait employé
dans la preftation de ce ferment
une petite fupercherie dont l'Evê-
que fon frère étoit à portée de lui
faciliter l'exécution. Cette fuper-
cherie conflftoit à rendre le ferment
de Harold plus folcmnel, en le
fiifant jurer fur un plus grand
nombre de Reliques choifîes qu'il
ne croyoit. Guillaume fit emplir
de Reliques une cuve , un coffre
ou une huche , & mit par deffus un
Reliquaire ordinaire fur lequel
Harold fit fon ferment félon la for-
mule ufitée : après quoi Guillaume
pour lui infpirer plus de refpccl: Se
de religion lui montra le tréfordes
Lij
84 JOURNAL DE
Reliques , fur lequel il avoit juré
fans le fçavoir. Mais c'efl: un fait
pour la vérité duquel la Tapilferie
ne fournit aucune induction.
Ici M. Lancelot difeute les droits
de Guillaume & de Hivold à la fuc-
ceflion du Royaume d'Angleterre;
& après avoir balancé fur ce point
les fentimens 6i les témoignages
des divers Hiftoriens , il décide en
faveur de Guillaume. A Foccafion
de la mort d'Edouard &c de fa
pompe funèbre reprefenrée fur la
TapifTerie, M. Lancelot fait plu-
fîeurs obfervationscurieufes furies
ufiges pratiqués alors dans les fu-
nérailles.
La mort d'Edouard fur la Tapif- .
ferie , eft fuivie du couronnement
de Harold , de l'apparition d'une
Comète, des préparatifs de Guil-
laume pour palTer en Angleterre ,
de l'équipement de fa flotte , de
fon embarquement , de fon heu-
reufe navigation , de fon débarque-
ment à Pemfey dans le Comté de
Suflex. On voit le grand -feftin que
donna Guillaume à fes Officiers
pour les diftraire de la vue du dan-
ger qu'ils couroient ; le Confeil te-
nu furie parti qu'il y avoit à pren-
dre , & dans lequel il fut refolu
qu'on fe retrancheroit à Haftings ;
les travaux que l'on y fait , & aux-
quels le Duc préfide , la nouvelle
S SÇAVANS ,
qu'il reçoit qu'Harold s'avance avec
fes troupes > la fortie de Guillaume
hors de fes retranchemens ; la mar-
che de fon armée , dans laquelle
on diftingue le Duc , l'Evéque de
Bayeux ou le Comte de Mortain }
autre frère utérin de Guillaume , le
Sénéchal , le Gonfanonicr ; le re-
tour d'un Cavalier que le Duc avoit
envoyé à la découverte ; un efpion
de Harold , qui obferve l'armée de
Guillaume ; celui ci haranguant (es
troupes ; la difpofition de fon ar-
mée , enfin la bataille de Senlac ,
ou font tués les deux frères de Ha-
rold : le danger que court une par-
tie de l'armée de Guillaume pour
s'être engagée mal-à-propos dansdes
herbages , & Guillaume levant fon
cafque pour fe faire voir à fes Sol-
dats , parmi lefquels le bruit de fa
mort s'étoit répandu , quoiqu'il ne-
fût que bleifé ; enfin la déroute en-
tière des Anglois Si la mort de Ha-
rold.
M. Lancelot en fuivant pied à-
pied les differens morceaux de cet-
te Tapiiïerie , vient à bout de nous
donner une Hiftoire complette &
critique de cette fameufe conquête,
fur laquelle il raflemble les témoi-
gnages de prefque tous les Auteurs
qui en ont fait mention ,. &c nous-
met en état d'apprétier au jufte ce
qu'ils nous en apprennent.
F E V R I E R, 1734.
8s
HISTOIRE VN1VER RSELLEDETVIS LE COMMENCEMENT
du monde jufquaprefent , traduite de l'slnglois , d'une Société de gens de
Lettres. Tome I. contenant l' Hiftoire ZJniverfelle jufe/n'à Abraham l' Hi-
ftoire d'Egypte , & F Hiftoire des anciens peuples de Canaam. Imprimée
à la Haye , & fe vend à Paris , chez Chaubert , Libraire du Journal des
Sçavans -, Gijfey , Ofmont , Hourdel , Httart, David le jeune , & Cloufier.
I73I./W-49. pp. £31.
CEUX qui donnent au public
des Ouvrages qui doivent
compofer un grand nombre de Vo-
lumes , expliquent ordinairement
dans une Préface , l'ordre de la mé-
thode qu'ils fe propolent de fuivre,
&leur plan général. Nos Auteurs
n'ont pas cru devoir fe conformer
à cet ufage. Us ont mieux aimé
qu'on jugeât de leur deilein par
l'Ouvrage même que par une expo-
fition générale où les Auteurs pro-
mettent fouvent beaucoup plus
qu'ils ne tiennent & qu'ils ne peu-
vent tenir. Us avertirent feule-
ment, après quelques réflexions fur
la Chronologie des premiers tems ,
qu'ils ont travaillé à cette Hiftoire
du mieux qu'il leur a été polTible ,
«Se ils fe flattent de n'y avoir fait
que des fautes excufables ; car pour
une Hiftoire Univerfelle fans dé-
fauts , ils croyent qu'on ne la verra
que la même année qu'on trouvera
le mouvement perpétuel , Se la
Pierre Philofophaie. Us ajoutent
qu'ils ont pris la liberté de traduire
& même de copier quelques en-
droits des Auteurs dont les Ouvra-
ges les ont aidé à former leur Hi-
ftoire , quand ils ont cru pouvoir
contribuer par-là à l'utilité ou à'
fombeliflement de l'Ouvrage. Ne
trouvant , difent-ils , après M. Le-
wis , ni mérite ni génie , à changer
le ftile d'un Auteur, dans h feule
vue de cacher l'ignorance du Copi-
fte, ou de fe diipenfer du devoir
d'une jufte reconnoiflance.
Us entrent en matière par une in-
troduction qu'ils intitulent Cof-
mogonie ou Création du monde. Us
y font voir que Dieu eft créateur de
l'Univers , tant à l'égard de la ma-
tière que de la forme , & que les
difhcultez qu'on oppofe contre la
Création , & contre l'exiftence de
la matière, viennent plutôt de la
foibleffe de notre entendement
qui n'a point d'idées diftinéles de
l'éternité & de l'efpace que de la
chofe même. Ce qui fuit dans cette
expofition eft plus hiftorique , les
Auteurs y rapportent les fentimens
des Philofophes anciens, des Héré-
tiques & de quelques Philofophes
modernes , & des differens peuples
de l'Aile , comme des Chinois, des
Japonnois & des Siamois au fujet
de la création du monde. Us n'ou-
blient pas dans le détail de ces faits
ceux qui admettent deux principes,
non plus que ceux qui croyent que
Dieu eft l'ame du monde , & que.
l'Univers entier eft Dieu même .,
ou ceux qui admettent des Natures
8<? JOURNAL D
Plaftiques. Ils paffent à la création
de la manière dont Moyfe l'expofc
dans le premier chapitre de la Ge-
néfe , cv ils expliquent à cette occa-
fion les Syftêmes fur la formation
de l'Univers de trois Philofophes
modernes, Defcartes , le Docteur
Burnet & M.Wifton. Us préten-
dent qu'on a fait des objections
contre l'Hypothéfe de Defcartes
qui la détruifent de fond en com-
ble. Le Syftême de M. Burnet leur
paroît contraire en plusieurs points
aux loix de la Phyfique , & à la
lettre de l'Ecriture , à l'égard de la-
quelle M. Burnet s'eft donné une
grande liberté. Car il a fuppofé que
les Ecrivains Sacrés fidèles dans
leur récit à l'égard des véritez géné-
rales &c fondamentales , fe font
énoncé du refte d'une manière my-
ftique & Mythologique, plus con-
venable aux idées qu'ils vouloient
exciter dans l'efprit de leurs Lec-
teurs qu'à la réalité des chofes. Le
Syftême de M. "Wifton que nos
Auteurs croyent plus conforme
aux principes de la Philofophie & à
la lettre de l'Ecriture que les deux
précedens leur femble encore fujet
à de grandes difficultez. Ils fe re-
duifent par cette raifon à dire
qu'on ne doit point rechercher
d'autre explication de la création
du monde que celle que prefente le
fens littéral du premier chapitre de
la Cenéfe. Ils rapportent fur la for-
mation de l'homme les idées de
quelques Rabinsquiont cru qu'A-
dam avoit été créé maie & femelle,
& lcsTraditions des Mahometans
furie même fujet. Us font perfuadés
ES SÇAVANS,
que l'ame de l'homme étant fpiri-
tuelle ne peut être propagés par la
génération , &c que toutes les âmes
n'ont point été créées en même
tems. Us rejettent aulfi l'opinion
des Préadamites ; mais ils croyent
que les Anges ont été créés , & que
la chiite des mauvais Anges eft ar-
rivée avant la création du monde
ÀfofaijHe.
Après cette introduction vient le
commencement de l'Hiftoire Uni-
verfelle , dont les quatre premiers
chapitres remplirent le refte du
Volume.
Dans le premier Chapitre nos
Auteurs parlent de la création de
l'homme , de fon fejour dans le Pa-
radis Terreftre , de fa chiite , & de
ce qui eft arrivé dans l'Univers de-
puis Adam jufqu'au Déluge. S'ils
s'étoient bornés à ce que l'Ecriture
Sainte nous apprend par rapport à
cette première époque ; ce Chapi-
tre auroit été très-court , mais ils
traitent à cette occahon plusieurs
queftions fur lefquelles ils rappor-
tent les fentimens des Auteurs , &
ils font plufieurs Obfervarions Cri-
tiques , fans oublier des idées fin-
gulieres des Rabins & des Maho-
metans. Nous ne fuivrons point nos
Auteurs dans ce détail , il nous
fufTira d'en rapporter quelques
traits. Nous tirerons le premier
exemple de la fituation du Paradis
Terreftre.
Quelques Auteurs des premiers
fiécles de l'Eglife ont cru qu'il n'y
avoit point eu de Paradis Terreftre
proprement dit , de que tout ce
qu'en rapporte l'Ecriture Sainte
FEVRI
doit être regardé comme une allé-
gorie. D'autres l'ont placé dans le
troifiéme Ciel , d'autres dans la
Lune , d'autres dans la moyenne
région de l'air. Il y a encore un
grand partage d'opinions entre
ceux qui ont été convaincus par
l'Ecriture Sainte , que le Paradis
Terreftre étoit fur notre terre. Il
n'y a point de partie du monde
dans laquelle ils ne l'ayent mis. Il
y a même des Ecrivains qui ont
avancé qu'il étoit en Suéde. Des
trois Syftêmes qui font à prefent
adoptes le plus communément par
les Sçavans , le premier qui place
le Paradis Terreftre près de Damas
en Syrie , vers les fourecs du Jour-
dain , paroît à nos Auteurs le plus
mal tonde , n'ayant , félon eux ,
aucun des caractères marqués dans
la deferiptionde Moyfe : ils rejet-
tent aulli le fentiment de ceux qui
placent le Paradis Terreftre en
Arménie , entre les fources du Ti-
gre , de l'Euphrate , de l'Araxe &c
du Phafe , parce que le Phafe ne ti-
re pas fa fource des montagnes
d'Arménie , mais du MontCauca-
fe, félon les Cartes les plus exactes,
& que cette rivière ne coule pas du
Midi au Septentrion , mais du Sep-
tentrion au Midi. Le troifiéme Sy-
ftême eft celui qui place le Pa-
radis Terreftre fur le confluent du
Dilat & du Phrat, qui commence à
deux journées au-deiïusde Bafrah ,
èi qui environ cinq lieues au-def-
fous fc partage en deux ou trois ca-
naux qui fe jettent dans le Golphe
de Perfc. Mais ces deux branches
du Phrat ne paroiflent point à nos
E R ; i 7 3 4. §7
Auteurs allez confiderables ] pour
reprefenter le Phiforr & le Ghion.
Mais en faifant quelques change-
mens à ce Syftême, on pourrait
félon nos Auteurs , placer le Para-
dis Terreftre au deflus de l'endroit
où l'Euphrate & le Tigre fe joi-
gnent , & où ils trouvent deux
grands bras qui environnent le Pais
où ces fleuves fe joignent. Bras qui
reprefenteroient le Phifon & le
Ghion. Après tout ils font perfua-
dés qu'il n'eft pas neceflaire de s'in-
quiéter C\ fort fur cette matière,
parce qu'ils font convaincus •> que
nia description de Moïfe ne s'ac-
» corde pas avec l'état des chofes
» telles qu'elles font à prefent , ou
» telles qu'elles ont jamais été, au
» moins fuivant les apparences.
» Puifqu'il n'y a point de fleuve
3) commun , dont les quatre rivie-
» res puiflent proprement être ap-
» pellées des branches mais
» nous devons confiderer la deferi-
»ption de Moïfe conformément
» aux notions imparfaites , qu'on
» avoir des chofes dans les premiers
» fiécles du monde. « Ce qui re-
vient en quelque façon au fenti-
ment de ceux qui font perfuadés
de l'exiftence du Paradis Terreftre ,
mais qui croyent qu'on cherche
inutilement à en fixer la fituation.
Nos Auteurs parlant du Serpent
dont le Démon avoit emprunté le
corps pour tenter Eve, prétendent
que ce n'étoit pas un Serpent de
l'efpece ordinaire , mais de ces for-
tes de Serpens brillans & aîlés qui
naiftenten Arabie &c en Egypte. Ils
font d'une couleur jaune &: brillan~
88 JOURNAL DE
te , & lorfque les rayons du Soleil
donnent fur leurs aîles , leur réfle-
xion fait un effet magnifique. Un
pareil animal écoit très-propre au
defteindu Démon , & nos Auteurs
croyent qu'Eve le prit pour le
corps de quelqu'un des Anges
qu'elle étoit accoutumée de voir.
Après ce que nos Auteurs ont
tiré de l'Ecriture Sainte pour l'Hi-
ftoire Univerfelle pendant le pre-
mier âge , ils rapportent ce que
quelques Hiftoriens Prophanes ont
publié pour l'Hiftoire jufqu'au
tems du Déluge , ils tirent ce qu'ils
en difent des Antiquitez Phénicien-
nes de Sanchoniaton , des Anti-
quitez Babyloniennes de Berofe ou
plutôt des Fragmens qui reftent de
cet Auteur , & de Manethon , par
rapport à l'Egypte. Ils laiflent à
leurs Lecteurs à juger de ce qu'on
doit penfer de ce que racontent les
Ecii vains des Antiquitez de ces
trois Pays differens.
Le Chapitre fécond de ce Volu-
me contient l'Hiftoire générale de-
puis le Déluge jufqu'à la naiflance
d'Abraham; ce qui leur fournit le
plus de matière dans cette féconde
époque ..eft la difperhon du genre
humain , après la contulîon des
Langues , £c la fondation des diffé-
rentes Nations , fur laquelle nous
obfcrveronsque nos Auteurs n'ont
pas cru devoir autant s'arrêter aux
conjectures tirées de quelque ref-
femblance de nom, que l'ont fait
quelques Sçavans du dernier liecle.
Il n'y a d'Hiftoriens Prophanes que
Sanchoniaton , dont ils ayent tiré
quelques traits pour le tems qui
S SÇAVANS;
s'eft écoulé depuis le Déluge juf-
qu'à la naiflance d'Abraham , tou-
jours avec la précaution de s'en re-
mettre aux Lecteurs fur la foi
qu'ils doivent ajouter à Sanchonia-
ton.
Par rapport à la Chronologie
pour ces deux premiers âges , nos
Auteurs l'ont fixé fur le Texte Sa-
maritain du Pentateuque, qui tient
le milieu entre le nombre de l'Hé-
breu , qui leur paroît trop
borné , & le nombre des Septantes
qui leurfembleexceffif. Ilscroyenc
que le Texte Hébreu a été corrom-
pu , & que les véritables nombres
fe font confervés dans le Texte Sa-
maritain -, ils prétendent que ce
dernier calcul convient le mieux
avec la nature &■: les circonftances
de l'Hiftoire des anciens tems con-
tenue dans le Pentateuque , cv qu'il
fe trouve confirmé d'ailleurs parle
témoignage de l'Hiftoire Prophane
qui ne doit point être négligée.
Dans le troifiéme Chapitre eft:
contenue l'Hiftoire d'Egvpte juf-
qu'au tems d'Alexandre le grand.
Elle eft divifée en fix fections ,
dont la première contient une def-
cription de l'Egypte , par rapport
à la Géographie , à l'Hiftoire Natu-
relle du Pais , fur- tout pour le dé-
bordement du Nil , &£ aux Ouvra-
ges de l'art comme font les Pyrami-
des, le Labyrinthe, les Palais , le
Lac Mxris , &.c le Gouvernement,
les Loix , la Religion , les Coutu-
mes , les Arts , les Sciences & le
Commerce des Egyptiens font le
fujet de la féconde Section. No,*
Auteurs ont recueilli ce que Diodo
F E V R I
ïe de Sicile , Hérodote Se d'autres
•Ecrivains tant anciens que moder-
nes ont dit fur ce fujet, qui paffe
pour un des morceaux des plus in-
tereflans de l'ancienne Hiftoire
Prophanc ; parce qu'on a cru que
.c'étoit dans l'Egypte qu'il falloit
chercher l'origine du bon gouver-
nement , des Sciences Se des Arts.
On explique dans la troifiéme
Se&ion les différentes Dinafties des
Rois d'Egypte Se la fuite de ces
Rois , fuivant Africanus , Eufcbe ,
Hérodote , Diodore de Sicile , Se
d'autres Hiftoriens. Nos Auteurs
font des reflexions fur les différen-
tes Tables Chronologiques qu'ils
prefentent aux Lecteurs , Se ils a-
vouent enfuite que ce feroit fe don-
ner une peine très-inutile de vou-
loir dreffer une Table générale qui
les accordât entr'elles , auffi- bien
qu'avec l'Ecriture Sainte Se avec
les Obfervations Chronologiques
des autres Hiftoriens.
Nos Auteurs tâchent dans la
troifiéme Section de tirer quelques
traits hiftoriques de ce qu'on rap-
porte d'Ofiris , d'Ifis , de Typhon,
& d'Orus , puis ils reviennent dans
la Section furvante au tems auquel
on dit ordinairement que unifient
les règnes fabuleux , quoique
l'Hiftoire en foit encore bien obf-
cure Se bien confufe. Quand Héro-
dote Se Diodore de Sicile font dif-
ferens entr'eux , ce qui arrive très-
fouvent , nos Auteurs rapportent
les faits , fuivant que les racontent
E R ; 1734; 89
l'un Se l'autre de ces Hiftoriens ; ils
y joignent quelques traits tirés de
l'Ecriture Sainte ou de .lofeph.
Ils finiffent ce Chapitre par la
fuccefiion des Rois d'Egypte , fui-
vant les Hiftoriens Orientaux qui
font tous differens des Hiftoriens
Grecs , foit par rapport aux noms
des Rois s foit par rapport à leurs
actions.
Le quatrième Chapitre , qui eft.
le dernier de ce Volume,compiend
l'Hiftoire des peuples avec lcfquels
les Ifraclitcs eurent à faire avant
que de pofteder le Pays de Canaam.
C'eft a-dire , des Mohabitcs , des
Ammonites , des Madianitcs , des
Edomites , que la Vulgate appelle
ordinairement Iduméens, des A-
malécites , des Cananéens , Se des
Philiftins. Ce qui fournit la matiè-
re de fept Sections , dans chacune
defquelles nos Auteurs s'attachent
à déterminer autant qu'ils le peu-
vent , la fituation du Pays que cha-
cun de ces peuples occupoit , Se
celle de leurs Villes principales la
forme de leur gouvernement , Se
leur Hiftoire dont les faits font
bien conftans, puifquenos Auteurs
fe bornent à ce qu'en rapporte
l'Ecriture Sainte , les Hiftoriens
Prophanes n'ayant point parlé de
ces différentes Nations. Nous
croyons que les Lecteurs verront
avec plaifir réuni en un même arti-
cle ce que les Hiftoriens Sacrés
nous ont tranfmis fur chacun de
ces peuples.
Février.
M
9o JOUHNÂI DES SÇAVANS;
SVÎTE DES ELOGES DES ACADEMICIENS DE
l'Académie Royale des Sciences , morts depuis l'an 1712. Par Ai. de
Fontenelle Secrétaire de l'Académie Royale des Sciences. A Paris, chez
Chaubert , Libraire du Journal ; Ofmont , rue S. Jacques ; Hourdel s
Quai des Auguftins -, Huart l'aîné , rue S. Jacques ; Gijfey , rue de la
Vieille Bouderie ; David le jeune , Quai des Auguftins ; Cloufier , rue
S. Jacques. 1733. vol. in-11. pp. 332.
DANS un Avertiffement qui
eft à la tête de ce Recueil ,
on informe les Lecteurs que dans
la dernière Edition des Oeuvres de
M. de Fontenelle, imprimée à Pa-
ris en trois Volumes in-li. chez
Michel Brunet en 1724. le troifiéme
Volume eft compofe des Eloges des
Académiciens de l'AcadémieRoya-
le des Sciences , morts depuis i<f 99.
jufqu'en 1722. & que comme de-
puis ce tems-là , il s'eft trouvé du
même Auteur , un allez grand
nombre de pareils Eloges pour en
former un Volume nouveau , on a
cru devoir donner celui-ci qui fera
la fuite des trois précedens.
Après cet avis , viennent les Elo-
ges dont il s'agit,qui font au nom-
bre de quatorze. Sçavoir , l'Eloge
du Czar Pierre I. &c ceux de Mef-
fieurs Littre , Artfoéker , Deliile 3
de Malezieu , Neuton , du Père
Reyneau , de M. le Maréchal de
Tallard, du Père SebaftienTruchet,
de Mefïïeurs Bianchini , Maraldi ,
de Valincourc , de Marfigli , du
Verney.
L'Eloge du Czar Pierre 1. eft im-
primé dans l'Hiftoire de l'Acadé-
mie Royale des Sciences année
1725. Nous marquerons de même 3
en parlant des. autres Eloges 3 les
Volumes de l'Hiftoire de l'Acadé-
mie , dans lefquels ils font impri-
més ; ce que l'Editeur a omis de
faire , s'étant contenté de marquer
que le premier Eloge a été lu dans
l'AlTemblée publique de l'Acadé-
mie le 14. Novembre 1725. &
n'ayant rien dit des années où les
autres ont été lus ou imprimés.
L'Eloge dit Czar Pierre 1. fumommê
le Grand.
Comme il eft fans exemple que
l'Académie ait fait l'Eloge d'un
Souverain en taifant celui d'un de
fes Membres , M. de Fontenelle fe
croit d'abord obligé d'avertir, i".
Qu'il ne regardera le feu Czar qu'en
qualité d'Académicien , mais d'A-
cadémicien Roi & Empereur , qui
a établi les Sciences & les Arts dans
les vaftes Etats de fa domination ;
20. Que quand il le confiderera
comme Guerrier & comme Con-
quérant , ce ne fera que parce que
l'art de la Guerre eft un de ceux
dont ce Prince a donné l'intelligen-
ce à fes Sujets.
M. de Fontenelle commence fon
Difcours par la naiflance du Czar.
Ce Prince naquit le 1 1 Juin 1672,
du Czar AlcxisMicluélo-Wits, Se
FEVRIER,
de Natalie - Kirilouni-Nariskin fa comme
féconde femme. Michaëlo - Wits
étant moit en 1676. Fédor ou
Théodore fon fils aîné lui fucceda,
& mourut en 1 & 8 1. après fix ans de
règne. Le Prince Pierre , âgé feule-
ment de 10 ans , fut proclamé Czar
en fa place , au préjudice de Jean ,
quoiqu'aîné a dont la fanté étoit
fortfoible & l'efprit imbécile.
Pierre, déjà Czar dans un âge fi
tendre , étoit très-mal élevé , non
feulement par le Vice-Générai de
l'éducation Mofcovite , & par celui
de l'éducation ordinaire des Princes
que la flatterie fe hâte de corrom-
pre dans le tems même deftiné aux
préceptes & à la vérité , mais enco-
re plus par les adreffes de l'ambi-
tieufe Sophie , qui avoit foin que le
jeune Czar ne fût environné que de
perfonnes capables d'étouffer fes
lumières naturelles , de lui gâter le
cœur , & d'avilir fon efprit par les
plaifirs ; fur quoi notre Auteur fait
cette réflexion , Que ni la bonne
éducation ne forme les grands caracle-
res , ni la mauvaife ne les détruit ;
Que les Héros en quelque genre que
ce fou t fortent des mains de la natu-
re déjà tout formés & avec des quali-
tés mfmmontables.
Il remarque que l'inclination du
Czar Pierre pour les exercices mili-
taires , fe déclara dès fa première
jeuneffe , qu'il fe plaifoit à battre le
tambour , qu'ilcherchoità s'y ren-
dre habile , de qu'il le devint au
point d'en donner quelquefois des
leçons à des Soldats. Ce qui fait
voir , obferve notre Auteur , que
le Prince ne vouloit pas s'amufer
17 3 4- pr
un entant ~ par un vain
bruit,mais apprendre une fonction
de Soldat.
Un point bien important à re-
marquer ici dans la conduite du
jeune Czar , c'eft qu'ayant formé
une Compagnie de cinquante hom-
mes commandés par des Officiers
étrangers , il voulut s'enrôler dans
cette troupe , il y prit le moindre
de tous les grades qui fut celui de
Tambour , & détendit qu'on fe
fouvînt qu'il étoit Czar. li lervoie
avec toute l'exactitude & toute la
foûmiffion d'un fimpie Soldat : il
ne vivoit que de fa paye & ne cou-
choit que dans ime tente de Tam-
bour à la fuite de fa Compagnie. Il
devint Sergent après l'avoir mérité
au jugement des Officiers 3 qu'il au»
roit puni d'un jugement trop favo-
rable , & il ne fut jamais avancé
que comme un Soldat de fortune ,
dont fes Camarades même au-
roient approuvé l'élévation. M. de
Fontenelle dit fur cela que le Czar
vouloit apprendre aux Nobles que
la Naiflance feule n'eft point un ti-
tre fuffifant pour obtenir les digrù-
tez militaires , &: à. tous fes Sujets
que le mérite feul en ett un. Les bas
emplois par où il pafloit , la vie
dure qu'il y effuyoit , lui don-
noient droit d'en exiger autant , Se
plus de droit que ne lui en donnoit
fon autorité defpotique.
Notre Auteur pafle ici à un pro*-
jet de Marine que forma le |euue
Czar qui fit d'abord conitruire à
Mofcou , de petits bâtime is [ai-
des Hollandois , puis quar c ! é-
gates de quatre pièces de canon fur
Mij
$2 JOURNAL D
le Lac de Pareflave. Déjà il leur
avoit appris à fe battre les unes con-
tre les autres. Deux Campagnes en-
fuite , il partit d'Arkangel fur des
VaiiTeaux Hollandois ou Anglois
pour s'inftruire par lui-même de
toutes les opérations de la mer.
Au commencement de 1^96". le
Czar Jean mourut , & Pierre , feul
maître de l'Empire , fe vit en état
d'exécuter ce qu'il n'auroit pu
avec une autorité partagée.
M. de Fontenelle fait ici le dé-
tail de diverfes entreprifes du nou-
veau Czar , entreprifes nouvelles &
hardies , mais heureufes & vérita-
blement dignes d'un fi grand Prin-
ce , qui n avoit pour but que 1 in-
struction de fes peuples dans ce qui
regarde l'art de la guerre & tous
les arts propres à rendre un Etat
recommandable. Il s'agiffoit , com-
me le remarque M. de Fontenelle ,
de créer une nouvelle Nation , car
tout étoit à faire en Mofcovie ,
&c rien à perfectionner. 11 falloit de
plus agir feul, fans fecours, fans
inflrumens -, quelle étrange fitua-
tion pour le Czar ! Notre Auteur
à ce fujet fait de l'état où étoit alors
la Mofcovie,une defcription qu'on
ne fera peut-être pas fâché de voir
ici :
L'aveugle politique des prédé-
ceiTcurs de Pierre , avoit prefque
entièrement détaché la Mofcovie
d'avec le refte du monde. Le com-
merce y étoit ou ignoré ou abfolu-
ment négligé ; quoique cependant
toutes les richefles , fans excepter
même celles de l'efprit , dépendent
du commerce. Le Czar ouvrit fes
ES SÇAVANS,
grands Etats jufques - là fermés.
Après avoir envoyé fes principaux
Sujets chercher des connoifTances
& des lumières chez les étrangers ,
il attira chez lui tout ce qu'il put
d'étrangers capables d'en apporter
à fes Sujets : Officiers de terre &C
de mer , Matelots , Ingénieurs ,
Mathématiciens, Architectes, gens
habiles dans la découverte des Mi-
nes , & dans le travail des Métaux ,
Médecins , Chirurgiens } Artifans
de toutes les efpeces.
Toutes ces nouveautez, qui,dans
un Pays comme la Mofcovie ,
étoient aifées à décrier par le feul
nom de nouveauté , taifoient beau-
coup de mécontens , & l'autorité
defpotique alors fi légitimement
employée , étoit à peine affez puif-
fante pour obliger les mécontens à
fouffrir le bien qu'on leur vouloir
procurer.
Le Czar avoit à faire à un peu-
ple dur , inflexible , devenu paref-
îeux par le peu de fruit de fes tra-
vaux , accoutumé à des châtiment
cruels , & fouvent injuftes , déta-
ché de l'amour de la vie par une af-
freufe mifere , perfuadé par une
longue expérience qu'on ne pou-
voit travailler à fon bonheur,infen-
fible à ce bonheur inconnu. Les
changemens les plus indifferens &
les plus légers , tels que celui de
l'ancienne manière de s'habiller ,
ou le retranchement des longues
barbes, trouvoient uneoppoiîtion
opiniâtre, & fi opiniâtre quelque-
fois , qu'il n'en falloit pas davanta-
ge pour exciter des féditions. Auffi
pour plier la nation à des nouveau*
F E V R I
fez utiles , fallut-il porter la vi-
gueur au-delà de celle qui eût fuffi
avec un peuple plus traitable ; Se le
Czar y étoit d'autant plus forcé ,
que lesMofcovites ne connoiiïoienr
la grandeur Se la fuperiorité , que
par le pouvoir qu'on avoit de leur
faire du mal ; enforte qu'un maître
indulgent Se facile , bien loin de
leurparoître un grand Prince , leur
eût à peine paru un maître.
La guerre que le Czar eut contre
les Suédois , les revers qu'il y effuya
d'abord, Se les vi&oires étonnantes
qu'il remporta enfuite lur ces peu-
ples , font le fujet d'un article dont
toutes les circonftances méritent
d'être confédérées. Nous le paiîons
à regret , mais il faut abréger.
La défaite des Suédois à Pultava
procura au Czar Pierre , par rap-
port à l'établiflement des arts , un
avantage conlîderable. Près de
trois mille Officiers Suédois faits
prifonniers furent difperfés dans
tous les Etats de ce Prince, & prin-
cipalement en Sibérie : ces prifon-
niers qui manquoient de fubhftan-
cc , Si. qui voyoient leur retour
éloigné Se incertain , fe mirent
prefque tous à exercer differens
métiers , & la neceflïtéles y rendit
en peu de rems , afîez habiles. Il y
eut parmi eux jufqua des maîtres
de Langues Se de Mathématiques.
Ils devinrent une efpece de colonie
qui civilifa les anciens habitans , Se
tel art, qui quoiqu'établi en Mof-
covie , eut pu être long-tems à pé-
nétrer en Sibérie , s'y trouva porté
tout d'un coup.
Nous paflbns quelques autres
E R . ; iyj 4; 5)5
particularitez pour venir à ce que
fit le Czar en portant la guerre dans
le Duché de Holitcin ; ce Prince y
porta en même tems , fes obfcrva-
tions continuelles , S: fes études
politiques. Ilfaifoit prendre par des
Ingénieurs le plan de chaque Ville,
avec les deffeins des differens mou-
lins Se des machines qu'il n'avoit
pas encore ; il s'informoit de toutes
les particularitez du labourage , de
celles de tous les métiers , & par-
tout il engageoit d'habiles Artifans
qu'il envoyoit chez lui.
A Gottorp dont le RoideDan-
ncmark étoit alors maître , il vit
un grand Se énorme Globe , qui
étoit célefte en dedans Se terreftre
en dehors , fait fur un dcfllin de
Ticho - Brahée. Douze perfonnes
peuvent s'alleoir dedans autour
d'une table , Se y faire des obferva-
tions céleftes en faifant tourner ce
prodigieux Globe. La curiofité du
Czar en fut frappée , il le demanda
au Roi de Dannemark i Se fit venir
exprès de Peterfbourg une Frégate
qui l'y porta. Des Aftronomes le
placèrent dans une grande maifon
qui fut bâtie pour cet ufage.
M. de Fontenelle , après cet ar-
ticle , vient à celui d'une victoire
navale remportée fur les Suédois à
Gango par le Czar,vers les côtes de
Finlande , Se décrit une cérémonie
de triomphe qui fut faite à ce fujet
par la Flotte Mofcovite , qui entra
dans le Port dePeterfbourg avec les
VaifTcaux ennemis qu'elle am&noitj
puis il fupprime de l'Hiitoir&du.
Czar , tout ce qui appartient à la
guerre 3 Se rapporte les differeDS
5>4 JOURNAL D
voyages que fit le Prince pour s'in-
ftruire de ce que chaque Pays offroit
de plus important dans les Arts &
dans les Sciences. Son voyage de
France , comme on juge bien , n'eft
pas oublié dans cette occafion , &
une des circonftances qu'on y rele-
vé le plus, eft celle qui concerne fa
réception dans l'Académie des
Sciences.
Le 19. Juin 1717. il fit l'hon-
neur à cette Académie d'y venir.
Elle fe para de ce qu'elle avoit de
plus nouveau & de plus curieux en
fait d'expériences 8c de Machines.
Dès qu'il fut retourné dans fesEtats
il fit écrire à M. l'Abbé Bignon par
M. AreskinsEcoffois , l'on premier
Médecin , qu'il vouloit bien être
Membre de cette Compagnie , &
quand elle lui en eut rendu grâces
avec tout le refpedt &c toute la re-
connoiflance qu'elle devoit , il lui
écrivit lui-même une Lettre que M.
de Fontenelle n'ofe appeller une
Lettre de remerciment,quoiqu'elle
vînt , dit - il , d'un Souverain qui
s'étoit depuis long-tems accoutu-
mé à être homme. Tout cela eft
imprimé dans l'Hiftoire de l'Acadé-
mie , année 1710. La Compagnie
étoit tort régulière à lui envoyer
chaque année le Volume qui lui
ctoit dû en qualité d'Académicien,
&: il le recevoit avec plaihrdela
part de fes Confrères.
Poux porter la puiflance d'un
Etat aufti loin qu'elle puifle aller ,
il faudrait que le Maître étudiât
fon Pavs , prefque en Géographe
&c en Phyficien , qu'il en connût
parfaitement tous les avantages na-
ES SÇAVANS,
turels , Se qu'il eût l'art de les faire
valoir. Or c'eft , dit M. de Fonte-
nelle , à quoi le Czar travailla fans
aucun relâche ; il ne s'en fioitpasà
des Miniftres peu accoutumés à re-
chercher fi foigneufement le bien
public, il n'en croyoit que fes yeux,
&c des voyages de 3 ou 400 lieues
ne lui coûtoient rien pour s'inftrui-
re par lui-même ; auiiî polfedoit-il
fi exactement la Carte de fon vafte
Empire , qu'il conçut , fans crainte
de fe tromper , les grands projets
qu'il pouvoit fonder , tant fur la
fituation en général , que fur les
détails particuliers des Pays. L'Au-
teur rapporte fur cela des chofes
étonnantes dont le Czar eft venu à
bout , & qu'il faut lire dans le Dif-
cours même-, nous nous reftrein-
drons à un (impie expofé des prin-
cipaux établiiîemens que lui doit la
Mofcovie par rapport aux Sciences
& aux Arts, ces établilfemens font:
Une Académie de Marine & de
Navigation , où toutes les Familles
Nobles font obligées d'envoyer
quelques-uns de leurs enfans.
Des Collèges à Mofcou , à Pé-
terfbourg , &C à Kiof , pour les
Langues , les Belles-Lettres & les
Mathématiques.
De petites Ecoles dans les Villa-
ges, pour apprendre aux enfans des
Payfans à lire & à écrire.
Un Collège de Médecine &
une Apotiquaircrie à Mofcou , qui
fournit de remèdes les grandes Vil-
les & les armées. Jufques - là il n'y
avoit eu dans tout l'Empire aucun
Médecin que pour le Czar ; nul
Apotiquaire.
F E V R I
Des Leçons publiques d'Anato-
inie , dont le nom n'étoit pas mê-
me connu ; & ce qu'on peut regar-
der comme une Anatomie toujours
fubfiftante , le Cabinet du fameux
Ruifch acheté par le Czar , où font
raflemblées tant de diffe&ions fi fi-
nes , iî inftructives Se fi rares.
Un Obfervatoire , où des Agro-
nomes font continuellement occu-
pés à étudier le Ciel , Se où font
renfermées les principales curiofi-
tez del'Hiftoire Naturelle.
Un Jardin des Plantes où des
Botaniftes qu'il a appelles , rafiem-
bleront toutes les Plantes qu'ils
pourront découvrir dans l'Univers.
Des Imprimeries dont il a changé
tes anciens caractères trop barbares
& prefquc indéchiffrables , par les
fréquentes abréviations.
Des Interprètes pour toutes les
Langues , Se entr'autres pour la La-
tine , pour la Gréque , pour la
Turque, pour la Calmouque, pour
la Mongule 5: pour la Chinoife.
Une Bibliothèque Royale formée
de trois grandes Bibliothèques
qu'il avoit achetées en Angleterre,
en Hollande Se en Allemagne.
Nous finirons par l'expofé de
certains abus que le Czar a refor-
més dans fes Etats au fujet de la
Religion.
Les Mofcovites , remarque M. de
îontenelle , obfervoient plufieurs
Carêmes , comme tous les Grecs ;
Se ces jeûnes , pourvu qu'ils fuflen?
très - rigoureufement gardés , leur
tenoient lieu de tout. Le Culte des
Saints avoit dégénéré en une fuper-
ftition honteuîe : chacun avoit le
E R ; 1754; $s
fien dans fa maifon pour eh avoir
la protection particulière , Se on
prêtoit à Ion ami le Saint Domefti-
que dont on croyoit s'être bien
trouvé. Les miracles ne dépen-
doient que de la volonté & de l'a-
varice des Prêtres. Les Pafteurs ne
fçavoient rien , Se par confequent
n'enfeignoient rien à leurs peuples.
La corruption des mœurs , qui
peut fe maintenir jufqu'à un certain
point , nonobfiant l'inltruclion ■
étoit infiniment acruë par l'igno-
rance.
Le Czar entreprit la reforme de
tant d'abus. Les jeûnes, par exem-
ple , fi rréquens Se fi rigoureux ih-
commodoient trop les Troupes Se
les rendorent fouvenr incapables
d'agir , il trouva moyen de corri-
ger cet excès. Il ofa encore plus : il
retrancha aux Monafteres trop ri-
ches, l'excès de leurs biens, Se l'ap-
pliqua àfon Domaine. Notre Au-
teur dit fur cela qu'on ne fçauroit
louer que la politique du Czar , Se
non pasfon zélé de Religion , mah
il ajoute en même tems , que la
Religion bien épurée peut Je confoler
de ce retranchement.
Le Czaraauflî établi une pleine
liberté de confeience dans fesEtacs}
fur quoi l'Auteur dit que le pour
Se le contre peut être foûtenu en
général Se par la politique Se par la
Religion. Il termine l'Eloge du
Prince par des firigularitez remar-
quables Se du nombre defquclles
font les fuivantes : i°. Le Czar
ayant créé des Officiers pour portes
du fecours dans les incendies , prit
lui-même une de ces Charges ; &
5* JOURNAL D
■afin de donner l'exemple, montoit
au haut des maifons en feu , quel
que fût le péril , enforte que ce
qu'on admireroit ici dans un lîm-
ple Officier , étoit pratiqué par
l'Empereur. i°. Il fçavoit honorer
fi parfaitement le mérite , qu'il ne
fe contentoit pas de le taire par des
bienfaits Se des pendons , mais
qu'il marquoit fouvent par des
voyes encore plus flateufes , fa con-
fideration pour les perfonnes , non
feulement pendant leur vie, mais
après leur mort. Jufques- là qu'il
fit faire des funérailles magnifiques
à M. Areskins fon premier Méde-
cin , & y affifta portant à la main
une torche allumée , honneur qu'il
a fait à deux Anglois , l'un Contre-
Amiral de fa Flotte , &; l'autre In-
terprète de Langues : 30. Le Czar a
compofé lui-même des Traitez de
Marine , enforte que l'on augmen-
tera de fon nom la Lifte peu nom-
breufe des Souverains qui ont écrit.
40. Il fe divertiffoit à travailler au
Tour. Il a envoyé de fes Ouvragés
à l'Empereur de la Chine , & a eu
la bonté d'en donner un à M.d'On-
zembrai , dont il jugea le Cabinet
digne d'un fi grand ornement.
Le Czar n'avoitque 53 ans lorf-
qu'il mourut le 28 Janvier 1725.
d'une rétention d'urine caufée par
un abfcès dans le col de la veille. Il
quitta la vie avec tout le courage
d'un Héros , & toute la pieté d'un
Chrétien.
A l'Eloge du Czar , fuccede celui
de la Czarine. Nous n'en rapporte-
rons que deux mots , fçavoir i°.
Que cette Princeffe pleinement
ES SÇAVANS,
inftruite de toutes les vues de Pier-
re furnommé le Grand, en a pris le
fil , qu'elle le fuit , tk que c'eft
toujours Pierre le Grand qui agit
par elle : 20. Que Ci le Dannetnark
a eu une Reine qu'on a nommée la
Sémiramis du Nord , il faudra que
la Mofcovie trouve quelque nom
aullî glorieux pour fon Impéra-
trice.
Eloge de M. Alexis Littre , Dotlmr
en Médecine de la Faculté
de Paris.
La qualité d'Académicien égale
tous les Membres de l'Académie ,
enforte qu'il ne faut pas s'étonner
de voir ici immédiatement après
l'Eloge d'un Empereur , celui d'un
fimpie Anatomifte. Ce font deux
Confrères qui n'ont en cette ren-
contre,d'autre diftinétion que celle
que leur donne leur titre d'Acadé-
micien; lereftceft purement étran-
ger , & voilà l'avantage des Scien-
ces , d'unir enfemble tous les Sca-
vans , fans aucune différence de
rang ni de fortune. Le Czar Pierre
mourut le 28 Janvier 1725. & M.
Littre lui furvécut de fix jours ,
étant mort le trois Février de Ja
même année. M. de Fontenelle
commence PHiftoire de cet Acadé-
micien par rapporter fa nailTance
qui fut le 21 Juillet 1^58. à Cordes
en Albigeois. Son père Marchand
de cette petite Ville eut douze en-
fans qui vécurent tous , & dont
aucun, dit l'Hiftorien , nelefou-
lagea par l'Eglifc.
On juge bien à ce Difcours., que
M.
F E V R I
M. Littre ne fut pas beaucoup aidé
de la tortune ; mais il ne faut pas
conclure que fon éducation en tût
pour cela moins bonne. Rien , dit
M. de Fontcnelle, ne donne une
meilleure éducation , qu'une peti-
te tortune, pourvu qu'elle foit ai-
dée de quelque talent. La force de
l'inclination, le befoin de parvenir,
le peu de fecours même , aiguifent
le delîr &C l'induflrie , &.' mettent
en œuvre tout ce qui eft en nous.
M. Littre , remarque l'Hiftorien ,
joignit à ces avantages un caractère
très-férieux , très-appliqué, £v qui
n'avoir rien de jeune que le pou-
voir de foûtenir beaucoup de tra-
vail. Il fit fes études à Ville-Franche
en Roucrgue chez les Percs de la
Doctrine. La promenade eut été
une débauche pour lui , &c dans les
teins où il étoit libre il fuivoit un
Médecin chez fes malades -, puis
au retour , il s'enfermoit pour écri-
re les raifonnemens qu'il avoit en-
tendus taire au Médecin.
Ses études de Ville -Franche fi-
nies, il fut étudier en Médecine à
Montpellier , d'où peu d'années
après il vint à Paris ; fa plus forte
inclination étoit pourl'Anatomie ,
& il y devint fi habile qu'il s'attira
beaucoup d'envieux , jufques-là
qu'on ne lui laifToit pas la liberté de
diffequer tranquillement des Cada-
vres : on les lui enlevoit avec une
pompe infultaute , ÔC fes ennemis
faifoient gloire d'arrêter les progrès
d'un jeune homme,qui,à les enten-
dre , n'avoit pas droit de devenir fi
habile.
Il eduya un jour là-deflus,en ver-
fevricr.
E R , i 7 3 4. p7
tu d'une fentence de M. delà Rey-
nie Lieutenant de Police , obtenue
par les Chirurgiens , un nouvel af-
tront , qui l'obligea à lâcher un
Cadavre qu'il diflequoit , & à fe
rabbatre fur les animaux , 8c prin-
cipalement fur les chiens.
Malgré fes traverfes , & peut-
être par fes traverfes mêmes , fa
réputation croifToit , &: les Ecoliers
qui fe rendoient chez lui fe multi-
plioicnt. Il affiftoit à toutes les
Conférences qu'on tenoit fur les
matières qui l'intercfloient ; il fe
trouvoit aux panfemens des Hôpi-
taux , il fuivoit les Médecins dans
leurs vifites , enfin il fut reçu Doc-
teur-Régent de la Faculté de Mé-
decine de Paris.
M. Littre n'étoit pas éloquent ,
&c l'Hiftorien fait là-deiTus des re-
flexions qui méritent bien d'être
rapportées. » L'éloquence , dit-il t
» lui manquoit abfolumcnt. Un
» fimple Anatomifte peut s'en paf-
» fer ; mais un Médecin ne le peut
» guéres : l'Anatomifte n'a que des
» faits à découvrir & à expofer
» mais le Médecin éternellement
» obligé de conjecturer fur des
«matières très-douteufes, l'eftauilî
j» d'appuyer fes conjectures pardes:
» raifonnemens afiez folides , ou
« qui du moins raflurent & flattent
» l'imagination des malades ef-
» frayés. Il doit quelquefois parler
» fans avoir prefque d'autre but
» que de parler ; car il a le malheur
» de ne traiter avec les hommes
»que lors précisément qu'ils (ont
» plus foibles & plus enfans que
» jamais. Cette puérilité de la mak-
N
9S JOURNAL DES SÇAVANS;
» die règne principalement dans le cure qui coûta à M. Littre , quatre
a> grand monde , & fur tout dans
» une certaine moicié de ce grand
» monde , qui occupe plus les Me-
» decins, qui fçait mieux les mettre
» à la mode , & qui a fouvent plus
» de befoin d'être amufee que gué-
» rie. Un Médecin peut agir plus
» raifonnablemcnt avec le peuple.
»> Mais en général , s'il n'a pas le
» don de la parole , il faut en re-
» compenfe , qu'il ait prefque celui
» des miracles. Audi ne fut-ce qu'a
» force d'habileté que M. Littre
s> rendit dans cette Profelïion -, en-
» core n:v réulîît-il que parmi ceux
» qui fe contentoient de l'Art de la
j> Médecine , dénué de celui du
» Médecin. Sa vogue ne s'étendit
» point jufqu'à la Cour , ni juf-
sî qu'aux femmes du monde. Son
»» laconifme peu confolant n'etoit
» d'ailleurs reparé ni par fa figure ,
» ni par fes manières.
A cet article fuccede celui delà
réception de M. Littre dans l'Aca-
démie , où on le connut bien-tôt ,
non par fon emprelTement à fe tai-
re connoître, à dire fon fentiment,
à combattre celui des autres , à éta-
ler un fçavoir impofant, quoiqu'in-
unle , mais par fa circcnfpecLion à
propofer fes penfées , par fon ref-
pecl pour celles d'autrui , par la
luitelte & la precifion des Ouvrages
qu'il donnoit , par fon lîlence mê-
me.
La cure merveilleufe& fi connue
qu'il fit de cette femme enceinte
dans la trompe ou dans l'evaire de
laquelle s'étoit formé le fœtus , fait
ici le fujet d'un article important ,
mois de foins tes plus aïfidus 6i les
plus fatiguans , d'une attention la
plus pénible , & d'une p.uience la
plus opiniâtre, fans qu'il y fûtani-
irté par l'efpoir d'aucune recom-
penfe.
Il fut frappé d'apoplexie le pre-
mier Février 1725. & mourut le
trois , fans avoir eu aucune con-
noifTance dans tout cet efpece de
tems. Mais cette mort fubite ne le
furprit point : il avoit quinze jours
auparavant fait , de fon propre
mouvement , fes dévotions à fa
ParoifTe.
Voilà le précis de l'Hiftoire de
M. Littre.
Elleeft imprimée , comme celle
du Czar , dans l'Hiftoire de l'Aca-
démie des Sciences , année 1725.
Eloge de M. Nicolas Hartfoeker.
M. Hartfoeker mourut onze
mois après M. Littre , le dix Dé-
cembre 1725. 5c fon Eloge dont
nous allons donner le précis , fe
trouve imprimé avec celui du Czar
& deM. Littre, dans le mcmeVolu-
me de l'Hiftoire de l'Académie,
année 1725.
Nicolas Hartfoeker naquit à
Goudc en Hollande le 16 Mars,
16 $6. de Chriftian Hartfoeker Mi-
ni (ire Remontrant cV: d'Anne Van-
cermy. Cette fimille étoit ancien-
ne dans le Pays de Drente , qui eft
des Provinces-Unies.
Le jeune homme fe fentit des
fes premières années , une forte
inclination pour les Mathcmati-
FEVRI
ques, &: comme c'étoic contre le
gré de- fesparens , il cnchoitle plus
qu'il lut étoit polliblc l'étude qu'il
en faifoit pendant les snuits , &c
pour cela ii étendoit devant la fe-
nêtre de fa chambre , les couvertu-
res de lbn lit , qui ne lui fervoit
plus qu'à empêcher qu'on ne s'ap-
perçût qu'il ne dormoit pas.
Il s'attacha fur tout à faire de
bons Microfcopes pour voir les ob-
jets les plus imperceptibles , & il
fut le premier a qui fe dévoila le
fpe&acle du monde le plus impré-
vu pour les Phviiciens même les
plus hardis en conjectures ; ces pe-
tits animaux juiques-li invilîbies,
qui doivent fe transformer en hom-
mes , qui nagent en une quantité
prodigieufe dans la liqueur deitinéc.
à les porter, qui ne font que dans
celle des mâles , qui ont la figure
de grenouilles nailTantes , de grof-
fes têtes , de longues queues &c des
mouvemens très-vifs , fe manife-
stèrent à lui par le moyen de fes
Microfcopes. Ub- (I étrange nou-
veauté étonna J'Obfervateur , & il
n'en ofa rien dire, croyant que ce
qu'il voyait pouvoit être l'effet de
quelque maladie. Mais deux années
sprèî ayant voulu examiner lacho-
fe de nouveau, il revit ces animaux
qui lui avoient été fufpects. 11
communiqua fon obfervation à un
Maître de Mathématique qu'il
avoit , & à un autre ami. Ils s'en
affinèrent tous trois enfemble. Us
virent de plus ces mêmes animaux
fortis d'un chien , & de la même
figure à peu près que les animaux
humains. Us virent ceux du coq &:
E R , 1734. 99
du pigeon, mais comme des vers ou
des anguilles L'obfervation s'arfer-
miffoit &c s'étendoit , & les trois
confidens de ce fecret de la narure
nedoutoient prefque plus , dit M.
de Fonteneile , que tous les ani-
maux ne naquilTènt par des méta-
morphofes invihbles & cachées 1
comme toutes les efpects de mou-
ches & de papillons viennent de
métamorphofes fenilbles & con-
nues.
Nous panons , fur ce fujet, plu-
sieurs circonftances qu'on peut
voir dans le Difcours même.
En 1678. M. Hartfoeker vint à
Paris, où il demeura jufqu'à la fin
de 1679. & où il revint en 1684.
après s'être marié , il y demeura 1 4
années. Les verres de Thélcfcopes
avoient été fa première occupation,
ces verres lui donnèrent beaucoup
d'accès à l'Obfervatoire , où il n'y
en avoit que de Campani , excel-
lens à la vérité , mais pas allez
grands. Après pluheurs eifais qui
ne lui réullirent pas il vint enfin à
bout de faire unTélefcope de éoo
pieds de foyer , dont il n'a jamais
voulu fe détaire à caule de fa rareté.
En 1694. il fit imprimer à Paris
où il étoit , fon premier Ouvrage,,
ï'Ejfai de Diopmqiu ;. Ouvrage qui
a eu un grand fucces , & dont M.
de Fonteneile fait une ample &
exacte defeription.
M. Hartfoeker animé par le fuc-
ces de fa Dioptrique , publia deux
ans après , fes Principes de Pbyfîqne
à Paris , Ouvrage dont M. de Fon-
teneile fait tout de même la def-
eription dans fon Difcours.
N ij
îoo JOURNAL DE
Au renouvellement de l'Acadé-
mie en i£o9. tems où il étoit re-
tourné en Holhnde avec fa ramil-
îe , il fut nommé aiïocié étranger.
Quelque tems après il fut aufliag-
grégé à la Société Royale de Berlin,
&c l'Hiftorien remarque que dans
tous les Ouvrages que cet Acadé-
micien a publié depuis , il ne s'en;
paré ni de ces titres d'honneur , ni
d'aucun autre , & qu'il a toujours
mis (ïmplemcnt & à l'antique par
"Nicolas Hartfoeker -, bien différent
de ceux qui ramaflent le plus de
titres qu'ils peuvent 8: qui croyent
augmenter leur mérite , à force d 'enfler
leur nom.
Les Conjeïiures Phyfyues de M.
Hartfoeker publiées en 1707. 6c
ï~o'ï. ne font pas oubliées ici par
l'Hiftorien, non plus que les éclair-
eiffemens du même Auteur fur ce
Livre.
M. de Fontenelle en rapporte
avec foin le contenu & en tait le
caractère.
En 172.*. M. Hartfoeker fit im-
primer à Dtrech un Recueil de Pie-
ces de Phyfisjtte. L'Hiftorien fait de
ces Pièces un inventaire curieux.
M. Hartfoeker étoit vif, enjoué,
officieux, d'une bonté & d'une fa-
cilité dont de faux amis, dit M. de
Fontenelle , ont fouvent abufé.
Eloge de M. Delifle.
Guillaume Delifle né à Paris le
dernier Février 1675- ^e Claude
Delifle , homme très-célébre par fa
grande connoiffance de l'Hiftoire
& de 1a Géographie , eut dès fon
S SÇAVANS ;
enfance une grande inclination
pour les mêmes études qu'avoir
cultivées avec tant de fuccès Claude
Delifle fon père. Cette inclination
réulîit au point qu'à l'âge de huit
à neuf ans il avoit déjà drerte Si
defliné lui - même des Cartes fur
l'Hiftoire Ancienne.
Nicolas Samfon a été dans le
fiécle parte , le plus fameux des
Géographes', cependant fes Cartes
étoient fort imparfaites, foit , com-
me le remarque M. de Fontenelle ,
par la faute de fon hécle , foit par la
iienne, év lorfque le tems amena de
nouvelles connoillances fur cet arti-
cle,Samfon aima mieux les négliger
que d'en profiter. La fource de ion
Nil fut toujours fous le tropique du
Capricorne à 3 5 degrez de diftance
de fa véritable pofition , parce que
cet Auteur en avoit cru Ptolomée
qui en avoit ainfî jugé. Sa Chine ,
fi Tartane , fa Terre d'Yeço s'ob-
ftinerenr à demeurer mal placées &
mal dilpofécs , noncbflant le té-
moignage de Relations indubita-
bles'.
M. Delifle vint dans le tems où
tout fembloit annoncer que la Géo-
graphie alloit changer de face : le
nombre des découvertes fur ce fu-
jet augmentait tous les (ours dans
les climats lointains , &c à la fin de
1699. le nouveau Géographe donna
une Mappemonde, quatre Cartes
des quatre Parties de la Terre , &
deux Globes , l'un Célefle , l'autre
Terreftre.
L'ouverture du iîécle prefent te
fit , à l'égard de la Géographie, par
une terre prefquc nouvelle que M'
FEVRI
Delifle prefenta : il fit voir que la
Méditerranée n'avoir que 860
lieues d'Occident en Orient , au
lieu de 1 160 qu'on lui donnoit au-
paravant. L'Afie fe trouva pareille-
ment racourcie de çoo lieues , & la
poiition de la terre d'Ycço changée
de 1700.
M. Deliflea embrafle laGéogra-
phie dans toute fon étendue , & l'a
iuivie dans toutes fes branches. Il
en a donné des preuves au public
par des Cartes de toutes les efpeces,
qui font au nombre de 90. M. de
Fontenelle en indique plufîeurs de
chaque forte.
En 1702. cet habile Géographe
entra dans l'Académie. Il avoit
promis une Carte à M. l'Abbé de
Vertot pour fon Hifioire de Mal-
the } il la finit le 25 Janvier 1726.
au matin & le même jour étant for-
ti l'apres-dînee , il fut frappé dans
la rue , d'une apoplexie, dont il
mourut peu d'heures après , fans
avoir repris connoiflance.
Cet Eloge eit. imprimé dans
l'Hiitoire de l'Académie , année
I72éT.
Eloge de Al. de Malezieu.
M. Nicolas de Malezieu naquit
à Paris en 1 6 50. de Nicolas de Ma-
lezieu , Ecuyer Seigneur de Bray ,
Se de Marie des Forges originaire
de Champagne.
Les progrès étonnans que M. de
Malezieu fit dans les Sciences dès
fes premières années , fon talent
univerfel pour la Philofphie , pour
î'Hiftoire , pour le Grec , pour
E R , 1 7 3 4: 101
l'Hébreu s pour les Mathémati-
ques , pour l'Aftronomie ., de mê-
me pour la Poefîe , fi incompati-
ble avec ces deux dernières Scien-
ces-, l'eftime fînguliere que firent de
lui , M. le Prince , M. le Duc. M.
le Prince de Conti. M. Bolîuet Evê-
que de Meaux , M. Vialart Evêque
de Châlons , & M. l'Abbé de Féné-
lon , depuis Archevêque de Cam-
bray ; le choix qu'en fit Louis XIV.
pour le mettre auprès de M. le Duc
du Maine , le fuccès avec lequel il
remplit cette place , & remplit en-
luite crlie que Madame la Duchef-
fe du Maine lui donna dans faCour,
l'honneur qu'il eut d'enfeigner les
Mathématiques à M. le Duc de
Bourgogne , fa réception dans l'A-
cadémie Royale des Sciences en
1699. &c dans l'Académie Francoi-
fe en 1701. Sa qualité de Chance-
lier de M. le Duc du Maine, tout
cela entre dans l'Eloge de M. de
Malezieu.
L'Auteur mêle detemsentems
dans cet Eloge , comme dans tous
les autres de ce Recueil , certaines
reflexions qui reveillent le Leètcur,
èVqui plaifent d'autant puisqu'elles
ne font point amenées de loin ,mais
qu'elles naiflent du fujet même :
par exemple en parlant du mariage
de M. de Malezieu à 23 ans , avec
Damoifclle Françoife Faudelle de
FaverelTe , on dit que quoiqu'a-
moureux , il fit un bon mariage.
Sur ce qu'après s'être marié il pafla
dix ans en Champagne dans une
douce folitude , uniquement occu-
pé de deux paillons heureufes , fea-
voir celle qu'il avoit pour fon
toi JOURNAL DE
époufe , & celle qu'il avoit pour
les Livres ; l'Auteur de l'Eloge dit,
que >» c'efl: un bonheur pour les
» Sçavans qui doivent venir à Paris,
» d'avoir eu le loifir de fe taire un
» bon fonds dans le repos d'une
» Province , parce que le tumulte
n de Paris ne permet pas allez de
» faire de nouvelles acquittions en
» fait de fçavoir , Ci ce n'eft celle
i> de la manière de fçavoir.
Comme M. de Malezieu d'un
tempérament fort vif , & M. de
Court . d'un tempérament fort
tranquille , furent choifis pour être
enfemble auprès de M. le Duc du
Maine: M. de Fontenelle remarque
à cette occafion , qu'il fe trouvoit
entre leurs caratleres , toute la rejfem-
blance ■ & de plus toute la différence
qui peuvent fervir à former une gran-
de liaifon ; car } dit-il , en fe con-
vient aujjî par ne fe pas rejfembler.
L'un vif& l'autre ardent , continue-
t-il , l'autre plus tranquille & toujours
égal , fe réitnifoient dans le même
goût pour les Sciences , & dans les
mêmes principes d'honneur. Enforte
5 SÇAVANS,
que leur amitié n'en faifoit qtfun feui
homme } en qui tout fe trouvait dans
iinjufie degré.
Une autre reflexion que l'Auteur
prend ici oecalion de faire , c'eft
que ces deux grands hommes ren-
contrèrent dans M. le Duc du Mai-
ne,des difpofitions il heureufes & fi
fingulieres , foit pour l'efprit , foie
pour le cœur , qu'on ne ff aurait afh-
rer qu'ils lui ayent été fort utiles
principalement à l'égard des qualité*?
de l'ame^ puifquds n'eurent gttéres
que l'avantage de les voir de plus pris
6 avec plus d'admiration.
M. de Malezieu mourut d'apo-
plexie le 14 Mars 1 717. dans fa foi-
xante & dix -feptiéme année. Sur
quoi nous remarquerons que voilà
trois Académiciens prefque de fuite
qui meurent d'apoplexie: M.Litrrc,
M. Delille & M. de Malezieu. L'E-
loge dont nous venons de donner
le précis,eft imprimé dans l'Hiftoi-
re de l'Académie, année 1727.
Nous rendrons compte des au-
tres Eloges dans le Journal pro-
chain.
FEVRIE K , 1734:
103
DISSERTATIO MED1CA DE FRICTIONE, QUAM ANNUENTE
Deo teroptimo maximo, ex automate magnifia Rcctons, D. Taconis
Haionis Van Den Honert , SS. Thcologiff Doètcris , cjufdtmque Fa-
cultatif , ut & antiquitatum Judaïcarum Piofcfforis ordinarii , nec non
ampliflîrni Scnatus Âcadcmici confenfu , & nobiliffmx Facultatis Me-
dica- Decrcto,pro gradu Docloratûs , publico acfolcmni cruditorum
difquifitioni fubjicit Hcnricus Loclhoeffel Memeha-Boruffus , Philo-
fophix Magiftcr : ad dicm Junii 1732. horâ lecoque folitis. Lugduni
Batavorum , apud Conradum "Weshorf.
C'eft - à - dire : Dijfertation fur la Friblion , par Henri Loclhoeffcl , pour
obtenir le degré de Dotleur en Médecine , dans Wniverfitè de Leide.
A Leide, chez Conrad iVeshorf. 1732. Brochure in-tf. pag. 4c.
CETTE Differt'ation eft prin-
cipalement une Hiftoire de
ce qui s'eft pratiqué dans l'Anti-
quité & de ce qui fe piatiquc enco-
re en quelques Pays au fujet de la
Friclion , pour la confervation de
la fauté c\* pour la guérifon de di-
verfes maladies , mais une Hiftoire
où i'on ne fc piopofc pas de com-
prendre tout ce qui fe peut rappor-
ter fut cette matière.
L'Auteur commence d'abord
par expliquer ce qu'il faut entendre
par le mot de Friétion en général ,
puis il defeend dans le détail des ef-
fets que la friction produit , fur les
différentes chofes que l'on frotte ,
tels que font le fer , le bois , la
pierre , la chair , &c. Après quoi il
paffe aux différentes Fri&ions de la
peau du corps , dont les unes
ont été en ufage chez les anciens cV
les autres fe pratiquent encore au-
jourd'hui dans quelques Pays.
i\7ous pafferons le premier article ,
& le commencement du fécond
pour venir à ce qui concerne la
Friction de la peau du corps, qui cft
celle proprement dont il s'agit dans
cette Differtation.
Hippocrate établit différentes
Frictions de la peau , l'une forte .
cV l'autre douce , l'une continue s
& l'autre qui fe fait à diverfes re-
prifes. La première, félon lui , dur-
cit le corps , la féconde l'amollit „
la troifiéme l'exténue , & la qua-
trième rétablit ce qui s'en cft diffi-
pé de trop. La première ne con-
vient pas aux gens fecs ék d'un tem-
péramment chaud , mais eft très-
propre aux perfonnes d'une confti-
tution humide & froide ; la fécon-
de eft nuifible à ceux qui onr la
chair lâche , & convient à ceux qui
l'ont remplie d'obftruclions & de
durctez. La troifiéme fait du bien
aux perfonnes replcttes, & la qua-
trième beaucoup de tort à celles
qui n'ont ni trop ni trop peu d'hu-
meurs.
Les Médecins qui font venus
après Hippocrate , ont établi d'au-
tres différences dans la Friction par
rapport aux lieux & à d'autreycir-
conftances. Les unes fe font cm
io* JOURNAL D
plein air , les autres dans la cham-
bre , les unes à l'ombre , les autres
au foleil , les unes dans un lieu
chaud , les autres dans un lieu
froid; les unes au vent, les autres
à un air tranquille ; les unes dans
le bain , les autres devant ou après
le bain ; les unes avec de l'huile ,
les autres fans huile ; les unes avec
les mains Amplement , les autres
avec des linges , Se celles ci avec
des linges rudes ou avec des linges
doux.
Ils ont encore diftingué les Fric-
tions , par rapport aux differens
fens dans lefqucls elles fe prati-
quoient. Les unes fe faifoient de
bas en haut , Se les autres de haut
en bas ; les unes en ligne directe,
Se les autres en ligne oblique ; les
unes abfolument en travers , & les
autres un peu moins horizontale-
ment. Toutes différences qui leur
ont paru fî elTcntiellcs à obferver ,
que de peur qu'on ne vînt à les
oublier, ils ont cru les devoir ex-
pofer fous les yeux dans une figure
exprès qui eft celle qui fc trouve-ci
jointe , Se quife voit dansGalien.
Ce dernier prétend qu'en tai-
fant les Frictions en ces dirTerens
fens , Se les faifant exactement ,
toutes les fibres des mufcles s'en
reltentent. Quelques Médecins de
fon tems croyoient que la Friction
qui fe faifoit tranfverfdement ref-
ferroit les parties 6v leur procuroit
de la fermeté , que celle au con-
traire qui fe faifoit en ligne directe,
les raréfiait Se les relâchoit , mais
Galicn les aceufe en cela d'ignoran-
ce.
E S SÇAVANS,
Plulleurs ont voulu déterminer
le nombre de Frictions qu'il fal-
loit faire dans chaque maladie ,
mais Celfe rejette cette penfée
comme abfnrde , Se remarque que
c'elt fur les forces , fur le fexe , &
lur l'âge des malades , que ce
nombre doit fe régler; en forte ,
premièrement, Que fi le malade eft
bien toible , c'elt aiTez de cinquan-
te Frictions , Se que s'il a beaucoup
de force on en fait faire jufqu'à
deux cens; fecondement , Que il
c'eft une femme , il en faut moins
que (1 c'eft un homme ; troifiéme-
ment , Qie les entans Se les vieil-
lards n'en peuvent pas fouffrir un
aufti grand nombre que les perfon-
nes d'un âge médiocre.
Notre Auteur palfe ici aux Fric-
tions qui font en ufage chez les
Egyptiens. Ils font les unes avec les
mains enduites d'huile de Sefamc ,
les autres avec des linges cruds , Se
les autres avec des lambeaux d'é-
torles de poil de chèvre. Quant à
celles qu'ils pratiquent avec des
linges , voici ce qu'ils obfervent.
Ils font affeoir le malade dans un
fiégehaut, & lui frottent tiois à
quatre rois tout le devant du corps,
commençant parles pieds , les jam-
bes , les cuilTes , continuant par le
ventre Se les cotez, Se finiifantpar
le haut du tronc & par les bras, fans
excepter les doigts , qu'ils frottent
avec un foin extrême les uns après
les autres. Après avoir ainfi pafle
en revue tout le devant du corps ,
ils font étendre le malade tout de
fon long le ventre contre terre , &
procèdent de la même manière à la
Friction
Fei/r itr- 4
*.p.to4
m. 12 .p 30$ ' ,<s->
§
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1^ S0^\\
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fi^s?-2^^ versum j
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# :
FEVRI
Friction de cette partie du corps.
La Friction faite , ils en recom-
mencent d'autres avec l'étoffe de
poil de chèvre.
Les Indiens Orientaux em-
plovent les Frictions contre plu-
fieurs maladies , & principalement
contre une efpece de paralyfie à la-
quelle ils font fujets , Se qui leur
caufe un tremblement général de
tout le corps. Ce font des Frictions
fortes Se douloureufes. Ils fe fer-
vent du même remède contre une
forte de convullîon qui leur efî fa-
milière , laquelle leur refferre telle-
ment le gofier qu'ils ne peuvent ni
boire ni manger , & les empor-
te en peu de jours après leur avoir
faitfouffrir des tourmens inexpli-
cables.
Les Indiens Occidentaux, Se fur-
tout les Brafiliens , ne connoiflent
prcfque d'autres remèdes que la
Friction , contre les maladies chro-
niques. Ils commencent par frotter
tout le bas- ventre , fi la maladie elt
caufée par des embarras dans cette
partie, mais fi elle vient d'obûruc-
tions qui foient dans la tète , ou
dans la poitrine , ils pratiquent la
Fri&ion fur tout le corps générale-
ment, en y employant l'huile de
tabac , ou de camomille , dans la-
quelle ils ont fait macérer un peu
d'encens.
Notre Auteur, après cesremar-
ques , examine les divers effets que
les différentes Frictions doivent
produire fur le fang , foit pour en
faciliter le cours , du cœur aux ex-
trémitez , ou des extrémitez au
cœur , foit pour modérer Se retar-
fevrier.
E R , 1734: ioj
der ce cours s'il elt trop impétueux
Se qu'il empêche les parties de
prendre la nourriture qui leur eft
neceffaire. Car lorfque le fang cir-
cule avec trop de rapidité , les fucs
nourriciers n'ont pas le tems de
s'arrêter aux parties , & le corps
tombe dans le deffechement. L'Au-
teur , à cette occafion , rapporte la
coutume des Dames d'Egypte., qui,
comme l'écrit Profper - Alpinus
dans fon Livre de Med. n^£gypt.
chapitre 8. ont recours à certaines
Frictions douces , pour s'empê-
cher de maigrir ; il rapporte fur
le même fujet , l'ufage qui s'ob-
ferve en certains endroits d'Alle-
magne,pourengraiffer les cochons;
on les lave d'abord avec de l'eau
pour en attendrir la peau , puis on
leur fait plufieurs Fiidions.
Les précautions qu'il faut obfer-
ver pour rendre les Frictions utiles,
foit pour la confervation de la fan-
té , foit pour la guérifon des mala-
dies,font exactement rapportées par
notre Auteur. Il faut d'abord com-
mencer par les Frictions douces ,
lors même qu'on en a de fortes à
faire. Un frottement trop rude tout
d'un coup, ne peut que caufer du
defordre dans les humeurs , Se
dans les vai fléaux qui les renfer-
ment , il pouffe des fucs gioflîers
dans des routes étroites , Se fait
par -là desengagemensdangereuxi
au lieu que ïorfqu'on commence
par une Friction légère, on amollit,
on affine par ce moyen les humeurs,
Se on les rend capables d'être pouf-
fées enfuite fans danger par desFric-.
tions plus fortes. Une Friction rude
O
106 JOURNAL DE
tout d'un coup , mettant en mou-
vement des humeurs grofiieres , &
les faifant aller dans des vaiiTeaux
étroits , dilate ces vaifleaux outre
mefure , & leur fait perdie leur
relïort, ce qui donne occafion à des
dépôts & à des engorgemens mor-
tels.
Une autre précaution importan-
te , c'eft de ne recourir jamais à la
Friction que les premières voyes ne
foient dégagées : il faut attendre
que l'eftomac foit vuide & que les
inteftins fe foient débarraifés , & fi
l'eftomac eft rempli de mucofitez
que la nature ne puilTechafTer , il
faut recourir à l'émetique -, il en eft
de même des inteftins ; s'ils font
trop pleins &c qu'ils ne puiffent fe
débarrafler d'eux - mêmes , il faut
recourir à la purgation.Lesfaignées
même ne doivent pas être omifes ,
fi les vaifîeaux font trop pleins.
Les maladies aufquelles les Fric-
tions conviennent , font ici le fujet
d'un article exprès ; l'Auteur met
de ce rang , la leucophlegmatie ,
l'ydropifie , l'anafarque , le rachi-
tis & toutes les maladies qui dépen-
dent d'une difpofition cacochyme.
Il veut en premier lieu , que dans
ces occafions,on tafTe la Friction de
tout le corps trois à quatre fois par
jour , & qu'on frotte principale-
ment l'épine & le bas-ventre ; en
fécond lieu , que le malade après
avoir été frotté , porte une chemife
de grofle toile , afin que le frotte-
ment de cette chemife contre la
chair , foit une efpece de Friction
continuée ; en 3e lieu , que cette
chemife ait été pauee à la fumée de
S SÇAVANS ;
quelques herbes ou de quelques
gommes aromatiques : en quatriè-
me lieu , que les habits de ce mala-
de lui foient un peu juftes , & qu'ils
le ferrent ; parce que le corps étant
médiocrement ferré , les vaifleaux
qui portent le fang en ont deux
fois plus de force & dereffort , ce
qui favorife confiderablement la.
circulation.
Notre Auteur veut en cinquième
lieu, qu'après la Friction, le malade
s'excite un peu à toufter ou à rire 3
parce que l'action dutouiîer & du
rire aide beaucoup au mouvement
du fang dans les vaiiîeaux du pou-
mon.
L'apoplexie , la léthargie , laca-
talepfie & la phthifie font encore
du nombre des maladies aufquelles
notre Auteur prétend que les Fric-
tions conviennent ; mais à l'égard
des trois premières., iltaut, félon
lui , que ces Frictions foient très-
fortes dans l'accès du mal , &
qu'elles foient au contraire très-
douces après l'accès. Quant à la
phthifie, elles doivent toujours être
molles &c légères , il faut fonger
auparavant à enlever le foyer du
mal ; mais fi l'on ne peut en venir à
bout , il ne faut pas croire que les
Frictions foient inutiles pour guérir
cette maladie , elles contribuent
toujours , en favorifant la circula-
tion du fang , à enlever les matières
purulentes qui font attachées à la
furface intérieure des vaifleaux.
La vieillelTe eft une grande ma-
ladie ; mais notre Auteur ne defef-
pere pas que par le moyen de la
Friction , on ne puifle en éloignes
F E V R I
les incommoditez , & prolonger la
vie au delà du terme ordinaire : la
vieillerie conliite dans l'épuifement
de l'humide radical , dans l'épaif-
feur des fucs , & dans la rigidité des
vaifleaux qui n'ont plus la fouplef-
fe qu'ils avoient dans la force de
l'âge. Or , demande notre Au-
teur , qu'y a-t-il de plus propre à
reparer la perte qui fe fait tous les
jours de cette prétieufe liqueur
qu'on appelle l'humide radical , à
rendre aux fucs leur fluidité natu-
relle, & aux vailTeaux leur fouplef-
fe Se leur reflort , que ce qui s'opè-
re par le moyen de la Friction ?
puifque le mouvement qu'elle
procure contribue d'une manière
extraordinaire & à la digeftion des
alimens,qui eft ce qui repareJa dif-
fipation de l'humide dont il s'agit ,
& à la fluidité des fucs , en empê-
chant qu'ils ne croupiflent, & au
reflort des parties folides , en le
réveillant par de légères fecoufles.
Il eft fi vrai que la Fridion rend les
fucs fluides , & donne du reflort
aux vaifleaux , que de légères Fric -
tions fuffîfeHt quelquefois pour
diflîperlesfchirres , les loupes, &
autres maladies femblables qui ne
viennent que de l'épaifleur des fucs
& de l'inadion des vaifleaux.
Nous ne rapporterons point ici
tous les cas où , félon les principes
de notre Auteur , la Friction eft
E R, 1754. 107
convenable ; ceux dont nous ve-
nons de faire mention , fuitifent
pour les donner à entendre. Une
remarque par laquelle nous finirons
notre Extrait, & qui paroît impor-
tante, c'eft que la Fridion peut
fupplcer quelquefois à la faignée ,
pour donner certaines détermina-
tions au fang.On veut,par exemple,
faire des revulfions, & l'on faigne
pour cela ou du pied ou du bras
fans que cependant , comme il ar-
rive très fouvent , le malade n'aie
point trop de fang ; or on trouve
dans la Fridion de quoi faire ces
revulfions fans qu'il en coûte une
goûte du fang , & cela en faifant la
Friction ou de la tête aux pieds, ou
des pieds à la tête,foit directement
foit obliquement ; les Fridions
tranfverfales peuvent encore fervir
à rappeller le fang d'un endroit à
un autre , félon la partie où on les
commence & où on les finit. Il eft
étonnant que les Fridions étant
d'une fi grande vertu contre diver-
fes maladies , elles foient fi néoli-
gées aujourd'hui ; c'eft la reflexion
que fait notre Auteur à la fin de fa
Diflertation. Il répond à cela que
telle eft l'inconftance de l'efprit hu-
main , de fe dégoûter des meilleu-
res choies , & de ne fçavoir fe fixer
à rien , quelque utilité qu'il en
puifle cfperer.
Oij
,o8 JOURNAL DES SÇAVANS;
HISTOIRE LITTERAIRE DE LA FRANCE , OV L'ON
traite de l origine & du progrès , de la décadence & du retabUJfemem des •
Sciences -parmi les Gaulois & parmi les François ; du goût & du génie
des uns & des autres pour les Lettres en chaque fie de ; de leurs anciennes
Ecoles ; de Pétablijfement des Vniverfuez. en France ; des principaux Collè-
ges ; des Académies des Sciences 6" des Belles ■ Lettres; des meilleures Bi-
bliothèques anciennes & modernes ; des plus célèbres Imprimeries ; & de
tout ce qui a un rapport particulier à la Littérature : avec les Eloges Histo-
riques des Gaulois & des François , qui s'y font fait quelque réputation ; le
Catalogue & la Chronologie de leurs Ecrits ; des Remarques Hifloriques &
Critiques fur les principaux Ouvrages ; le dénombrement des différentes
Editions : le tout jttjlifé par les citations des Auteurs originaux. Par des
Religieux Bénédictins de la Congrégation de Saint Ma.ur. Tome premier ,.
Partie féconde t qui comprend le quatrième fiicle de l'Eglife. À Paris v
chez C haubert , Libraire du Journal, Quai des Augultins , à la Re-
nommée & à la Prudence -, Gijfey , rue de la vieille Bouderie , à l'Ar-
bre de Je (Té ; Ofmont y à l'Olivier ■■> Hitart l'aîné , à la Jultice ; Cloujîer,
à l'Ecu de France , rue S. Jacques ; Hourdel ; & David le jeune , à
TEfperance , Quai des Augultins. 173 3. in-^a. première Partie^ pp. 414.
fans la Préface & la Table des citations qui en remplirent 64. féconde
Partie , pages 450. fans la Table des Auteurs & des Matières. Plan-
ches détachées z.
NOUS acquittons ici la pro- riens , 25 tant Rhéteurs qu'Ora-
meffe que nous fîmes au Pu- teurs , 10 Poètes : feulement trois
blic dans notre Journal de Janvier Hiftoriens , deux Philofophes 8c
dernier , de lui rendre un compte un Médecin. En recompenfe les
exad de ce que contient la féconde Théologiens y paroifTent en grand
Partie de ce Volume. Quoiqu'elle nombre , parmi les Chrétiens. Tels
ne parcoure qu'un fiécle , elle four- font 1 3 Evêques , entre lefquels
nit une moifïon beaucoup plus ri- brillent fur-tout un S. Hilaire , un
che que les trois iîéclcs précedens Saint Ambroife , un Saint Martin,
n'ont pu l'offrir à la première Par- & dont l'Hiftoire fe trouve liée à
rie. On voit dans celle-ci parmi les celle d'onze Conciles tenus dans les
gens de Lettres qui ont illuftré les Gaules , & dont il eft fait ici men-
Gaules , trois Empereurs , Con- tlon.
ftantin le jeune , Gratien & Valen- Avant que d'entrer en matière
tinien II. quatre Préfets du Prétoi- fur chacun de ces articles en para-
fe , Tiberien , Salufte , Sibure & culier , nos Auteurs ont grand foin
Grégoire : deux Miniftres d'Etat , de nous expofer dans un Difcours
Théodore ôc Rufin ; zi Giamraai- Préliminaire quel ctoit l'état des
FEVRIE
Lettres dans les Gaules , pendant ce
quatrième fiécle. Ils le regardent
comme plus iécond en Sçavans de
tout genre que ne l'ont été les trois
fiécles précedens. Jamais les études
ne fleurirent avec plus d'éclat dans
ces Provinces par l'établiffement
de quantité de Collèges , où grand
nombre d'excellens Profeffeurs
travailloient de concert à culti-
ver les Sciences & les Arts , & à les
répandre dans toutes les Villes con-
fiderables, par le moyen des Elevés
qu'ils y envoyoient. Mais cette ar-
deur des Gaulois à procurer la cul-
ture des Lettres fe vit merveilleufe-
nient favorifée (difent nos Auteurs)
par la Providence , qui écarta les
deux obftacles les plus capables de
retarder les effets d'une fi loiiable
difpofir'ion ; 6c dont l'un étoit l'in-
curfion des Barbares , l'autre la ty-
rannie du Paganifme contre les
Chrétiens. Larefidence des Empe-
reurs dans les Gaules remédia à la
première ; Se la converfion de
Conftantin au Chriftianifme arrêta
la féconde.
Cet Empereur appella le célèbre
Laitance à fa Cour , pour y con-
duire les études de Crifpe fon fils
aîné. Il publia plufieurs Loix très-
favorables aux Sçavans, fur -tout
aux Médecins & aux Profeffeurs de
Belles- Lettres : par d'autres il re-
prima les Superftitions Aftrologi-
ques , Magiques & Auguralcs.
Après avoir quitté les Gaules , il y
envoya Confiance fon fils pour les
gouverner en la place , Si après la
mort du père, Conftantin le jeune,
à qui les Gaules étoient échues,
vint y faire fon féjour. Son frère
Confiant qui lui fucceda , choifit la
Ville de Trêves pour y tenir fa
Cour -, & ce fut dans la fuite le
lieu le plus ordinaire où refidoient
les Empereurs &: ceux à qui étoit
confié le gouvernement des Gaules.
Julien cependant lui préfera Paris,
qui n'étoit alors qu'une Ville peu
confiderablc -, & fon Médecin Ori-
bafe l'un des plus fameux de ce
tems là, s'y fit (difent nos Auteurs)
particulièrement connoître par l'a-
brégé des Ouvrages de Galieil qu'il
y publia , & qui fervit à y per-
fectionner la Médecine. De-là ils
paffent à Valentinien I. puis à Gra-
tien Difciple du célèbre Aufone de
Bourdeaux , & à qui fucceda Va-
lentinien II. après la défaite de l'u-
furpateur Maxime.
A l'occafion de la refidence que
firent à Trêves la plupart de ces
Empereurs , nos Auteurs nous font
obferver quelle étoit alors la répu-
tation Se le luftre de cette grande1
Ville , qui paffoit non feulement
pour la fixiéme entre les plus célè-
bres de l'Univers , & pour l'un de?
Boulevards de l'Empire ; mais qui
l'emportoit fur Rome même pour
la culture delà Jurifprudence , de
l'Eloquence , & étoit comme une
pépinière de gens habiles à remplir
les premières Places de la Robe &
de l'Epée. Ils nous parlent encore
de plufieurs Villes Gauloifes , dont
les Ecoles fe diftinguoient par l'ha-
bileté des Profeffeurs , & par le
grand concours des Etudians; four-
niffant même aux Pays étrangers ,
à Rome, pat exemple, à Conftaftïi-
no JOURNAL D
nople & ailleurs d'illuftres Profef-
feurs de Belles - Lettres. Telles é-
toient , entre plufieurs autres, cel-
les de Bourdeaux , d'Autun , de
Touloufe , de Narbone , de Poi-
tiers , &c.
Ils font enfuite une revue généra-
le des principaux Sçavans en cha-
que genre , qui dans ce fiécle ont
rendu les Gaules floviffantes. Ils
commencent par les Orateurs , tels
qu'Eumene , Panégvrifte du Grand
Conftantin , Minervius qui excel-
loit dans le même genre d'Elo-
quence , Agrœtus l'Orateur le plus
accompli de fon tems , Alcime Pa-
négyrifte de Julien l'Apoftat, Ma-
mertin ; Drépane , &c. Ils vien-
nent après cela aux Poètes , dont
le plus connu aujourd'hui eft Aufo-
ne j qui nous peint le caractère de
tous les autres que nous ignorerions
prefque totalement fans fes Ecrits.
Nos Auteurs ne rencontrent en leur
chemin que très-peu d'Hiftoriens ,
dont les plus remarquables font
Eutrope & Sévère- Sulpice. Les
Philofophes & les Mathématiciens
ne les occupent guéres davanta-
ge , fe reduifant chez eux à un Né-
potien, un Hellefponce, un Arbo-
rius. De tant d'Auteurs differens, il
ne nous refte que très-peu d'Ecrits,
fçavoir l'Hiftoire d'Eutrope , celle
de Sévère - Sulpice , les Oeuvres
d'Aufone , & quelques Panégyri-
ques , faifant partie du Recueil qui
eft entre les mains de tout le mon-
de. Mais [ difent nos Auteurs ] ce
n'eft là que la moindre partie des
productions de nos fçavans Gaulois
de ce fiécle ; Se ils travaillent à
ES SÇAVANS,
nous en convaincre par le dénom-
brement de celles de la perte des-
quelles on eft certain , fans comp-
ter celles qui nous font abfolument
inconnues.
Il s'enfuit des Obfervatiohs de
nos Auteurs fur la Littérature des
Gaulois en ce quatrième fiécle, que
leur génie dominant les portoit à
l'Eloquence & à la Poëfie. Mais
l'une & l'autre fe trouvoient fort
déchues de l'état floriHant où elles
avoient paru dans les bons fiécîes.
Le genre d'écrire qui fe foûtint le
mieux ( nous dit-on) futl'hiftori-
que : encore avoit-il perdu quel-
que chofe de fon ancienne majefté ;
& c'eft de quoi on allègue pour
preuves Eutrope & Sévére-Sulpice.
L'on porte un jugement tout pareil
fur le ftyle épiftolaire. Du refte , la
Langue Latine étoit encore [ difent
nos Auteurs ] la Langue Vulgaire
dans toutes les Gaules ; les femmes
l'entendoient & la parloient com-
me les hommes ; & il y avoit mê-
me des Profelîeurs publics pour la
Langue Gréque dans la plupart des
grandes Villes.
Après cette expofition de l'état
où fe trouvoit dans les Gaules la.
Littérature profane pendant le qua-
trième fiécle -, nos Auteurs nous
entretiennent des avantages qui en
rcfulterent par rapport à l'Eglife. La
Religion & l'amour des Lettres
[ difent - ils ] fe prêtant un fecours
mutuel ; comme les Lettres turent
alors plus noriftantes que jamais
dans les Gaules , aufli l'Eglife y
fut-elle dans fa plus grande fplen-
deur. Les Villes coniiderables qui
FEVRI
étoienf encore fans Evêques , en
eurent alors ; & le Chriftianifme
renfermé jufques-là dans l'enceinte
des Villes , fe répandit dans la cam-
pagne au long & au large ; ce qu'ils
juftifient par divers exemples. L'E-
glife Gallicane étoit alors en fi gran-
de réputation , &pour la fcience &
pour l'intégrité de la toi , que les
Donatiftes d'Afrique du parti de
Majorin voulurent avoir de nos
Evêques pour Juges de leur diffé-
rend avec Cecilien de Carthage.
Dans les deux Conciles tenus pour
la décifion de cette affaire , l'un à
Rome , l'autre à Arles , les Prélats
Gaulois firent le plus grand nom-
bre. Sur ce pied-là , il paroît fort
étrange à nos Auteurs que de tant
d'Evêques célèbres qui gouver-
noient les Gaules , il ne s'en foit
trouvé qu'un feul au Concile de
Nicée convoqué onze ans après ce-
lui d'Arles.
» L'Héréfie d'Arius ( difent nos
» Auteurs ) s'effarça de répandre
* fon venin dans les Gaules. Mais
» elle y trouva nos Evêques munis
» contre fes traits empoifonnés , &
» eut en eux de puiffans adverfaires.
» A quelques uns près , foibles ou
» intereffés , qui fouferivirent à
» l'erreur, les autres fermes dans la
» foi , & généreux dans fadéfenfe,
"n'abandonnèrent jamais les inte-
» rets de la vérité. « Il faut pour-
tant ( ajoutent - ils) en excepter la
chiite fatale qu'ils firent au Conci-
le de Rimini , mais dont ils fe rele-
vèrent promptement. C'eft fur
quoi ils entrent dans un détail , où
nous ne les fuivrons pas.
E R ; 1734. m
Les Evêques des Gaules à peine
délivrés des troubles de l'Arianif-
me , eurent à foûtenir de nouveaux
combats pour le maintien de la
vérité, à l'occafion de l'Héréiîe des
Prifcillianiltes , qui prit naiflance
en Efpagne fur la fin de ce fiécle.
Ces Hérétiques étoient à la fois
Gnoftiques , Manichéens , Marcio-
nites , Sabelliens , Photiniens -, &
fous un extérieur mode/te & févére
joignoient à l'erreur dans le dogme,
la plus grande corruption dans les
mœurs. De l'Efpagne cette Héréfie
fe glifia dans les Gaules & y fit
quelques ravages. Mais ayant été
condamnée au Tribunal de l'Em-
pereur Maxime qui étoit alors à
Trêves , Prifcillien Se fes princi-
paux Sectateurs furent punis avec
la rigueur que tout le monde lait 3
Se que procurèrent Ithace Se quel-'
ques autres Evêques leurs aceufa-
teurs. Cette févérité exceflîve con-
damnée hautement par leurs Con-
frères , inftruits que l'Eglife a tou-
jours eu en horreur l'cffufion du
fang , fit naître le parti des Itha-
ciens , qui pour défendre la con-
duite rigoureufe tenue contre les
Prifcillianiltes, excita d'étranges di-
vifions dans l'Eglife des Gaules ,
pendant plus de 15 ans. Ithace Se
fes Partifans poufToient l'injuitice
& la licence jufqu'à taxer d'héréfie
les gens à la feule vue , Se à don-
ner le nom odieux de Prifcilliani-
ltes à ceux qui s'appliquoient à l'é-
tude, ou qui menoientune vie au-
ftere & pénitente.
L'Eglife des Gaules , qui jufqu'ici
( «difent nos Auteurs ) s'étoit tenue
lt2 JOURNAL DE
en garde contre les erreurs étrangè-
res , eut la douleur de voir naître
l'héréfie dans fon propre fein vers
la fin de ce quatrième fiécle. Vigi-
lance, le premier monftre , ditfaint
Jérôme , que les Gaules ayent pro-
duit , ferna plufieurs erreurs contre
la Religion ôc les pieufes pratiques
de l'Eglife -, blâmant la profeilion
de la continence , le refpect rendu
aux Reliques des Martyrs , l'ufage
d'allumer pour eux des cierges en
plein jour -, foûtenant de plus qu'a-
près la mort on ne pouvoit plus
prier les uns pour les autres , <Sc que
les miracles opérés aux fépulcres
des Martyrs , n'étoient que pour
les Infidèles ; condamnant enfin les
veilles publiques dans les Eglifes ,
excepté la nuit de Pâques , & ceux
qui vendoient leur bien pour le
diftribuer aux pauvres , ou qui em-
braffoient la vie Monaftique. Mais
cette Hérélîc tut prefqu'aufli tôt
étouffée que mife au jour , & cela
non feulement par les Ecrits de
S. Jérôme &c parles foins des Pré-
lats , mais fur-tout par les ravages
affreux que firent les Barbares dans
les Gaules , au commencement du
cinquième fiécle.
Nos Hiûoriens terminent leur
Difcours Préliminaire par quel-
ques obfervations fur l'Inftitut de
l'Ordre Monaftique dans ce même
Pays. Il y doit fon origine à S. Mar-
tin , depuis Evêque de Tours , qui
bâtit un Monaftere à Ligugé auprès
de cette Ville-là. Il y fit un miracle
éclatant, en y reffufcitantun moit;
&C la célébrité de ce Monaftere
continua dans les fiécies fuivans ,
S SÇAVANS;
qui en virent fortir quelques gens
de Lettres. S. Martin devenu Evê-
que , bâtit à une demi -lieue de
Tours un fécond Monaftere , qui
eft aujourd'hui la célèbre Abbaye
de Marmoutier , & qui devint une
pépinière d'Evêques , & une Ecole
pour la Littérature. Tout le travail
desSolitaires o'ybornoit à copier des
Livres. Delà , comme d'une ruche
féconde ( difent nos Auteurs ) for-
tirent pluiieurs Moines , qui fe ré-
pandirent de tous cotez.
Pour venir maintenant au corps
hiftorique de cette féconde Partie ,
nous en uferons comme nous avons
fait par rapport à l'Hiftoire Litté-
raire des trois premiers fiécies dé-
duite dans la première Partie. C'cft-
à-dire que nous prendrons çà & là
quelques articles intereffans pour
le Public & pour les Auteurs, par
quelques nouvelles découvertes; Se
en les lui faifant connoître plus
particulièrement, nous le mettrons
à portée de fe former une idée plus
jufte du refte de l'Ouvrage.
i. Parmi les monumens qui com-
pofent le Supplément à la Biblio-
thèque des Pères ( de Lyon ) fe
trouve un petit Poème d'un Auteur
Anonyme fous ce titre de Laudibus
Domini. Nos Auteurs font perfua-
dés que cet Ouvrage appartient à
un Ecrivain Gaulois ; Se que félon
toutes les apparences , ce Poëtc
étoic d'Autun ou du voihnage.
Deux raifons leur paroiffent mettre
la chofe hors de doute : i°. La def-
cription qu'il fait de ce Pays-là :
z°. Le trait d'hiftoire qui femble
lui avoir fourni i'occafion de com-
pofes
F E V R I
pofer fon Poëme. Ce trait d'Hiftoi-
tc rapporté prefque avec les mêmes
circonstances par Grégoire de
Tours plus de 200 ans -après, con-
cerne le mariage de S. Rétice Evê-
que d'Autun avant fon Epifcopat ,
éc la merveille arrivée à làfépultu-
re , lorfqu'étant inhumé dans le
même tombeau avec l'on époufe
morte long-tems avant lui , celle-ci
étendit la main vers le corps de fon
époux & donna des lignes de vie ,
félon l'Anonyme , au lieu que fé-
lon Grégoire de Tours, ce fut faint
Rétice qui reprit fes efprits pour
annoncer à fon époufe leur réu-
nion. Sur quoi nos Auteurs obfer-
vent que l'Anonyme cft plus croya-
ble que l'Evêque de Tours , puif-
que le premier étoit contemporain
ou prefque contemporain de S. Ré-
tice ; comme en tont foi deux traits
de fon Poëme ■-, l'un qu'en racon-
tant cette hiftoire miraculcufe, il
en parle comme la fçachant par lui-
même ou de témoins oculaires -,
Conjugiurn memini fumma pietaie
fideque : l'autre qu'il y hit mention
de Conftantin le Grand comme
nouvellement victorieux, fans dou-
te de Licinius. Du récit merveil-
leux de la fépulture de S. Rétice ,
l'Anonyme prend occafion de
loiier les autres merveilles que
Dieu a fait éclater dans la création
du monde , dans l'Incarnation du
Verbe , dans la Refurrcction des
morts , &c. d'où ce petit Poëme
d'environ 160 vers hexamètres a
reçu fon titre des Louanges du Sei-
gneur. Cette Pièce de Poëfie , mal-
gré les rautes des Copiftes } ne laif-
Fevrier.
E R, 1734. 115
fe pas ( s'il en faut croire nos Au-
teurs ) d'offrir des beautez qui ne
font pas indignes des bons fiécles.
Le Lecteur en jugera par les fix vers
de l'Exorde tranfciits dans ce Vo-
lume. Voilà donc un Ecrivain re-
vendiqué à nosGauiois par les foins
de nos Auteurs.
2. Il ne tient pas à eux que l'Evê-
que nommé Paul allégué par Gen-
nade comme Auteur d'un Traité
fur la Pénitence dont le but étoit
de ne pas jetter par trop de rigueur
les pénitens dans le dcfefpoir -, ne
foit Paul Evêque de Paris. Outre la
convenance du nom ci de la digni-
té , celle des tems s'y trouve toute
entière. On le compte pour le fep-
tiéme Evêque de Paris depuis Saint
Denys. Il aîhfta au Concile de Paris
tenu en 361. Le fujet traité dans
l'Ouvrage dont il s'agit, convenait
merveilleufementauxcirconftanccs
de ce tcms-là , où les maximes ou-
trées de Lucifer Evêque de Cagliari
tendoient à taire autant de defefpe-
résqu'ily avoit de pénitens. De ce
principe, étendu &, développé par
diverfes reflexions , nos Hiitoricns
concluent que de tous les Evêqucs
du quatrième fiécle nommés Paul
on n'en connoît point à qui l'on
puiife attribuer plus légitimement
ce Traité de la Pénitence , qu'à
Paul Evêque de Paris. Or que ce
Paul cité par Gennade foit du fié-
cle où le placent nos Auteurs , la
preuve s'en tire de ce que , malgré
quelques négligences de cet Ecri-
vain quant à l'ordre chronologique;
les 38 premiers Chapitres de fon
Catalogue ne renferment que des
P
ïï4 JOURNAL D
Auteurs qui ont fleuri dans le qua-
trième fiécle , &c que l'Ecrivain
donc il eft queftion fait le fujet du
31e Chapitre. Aloûtez à cela que
Gennade a drefTé fon Catalogue
principalement pour v faire entrer
les Ecrivains Ecclefiaftiques des
Gaules , comme iui étant plus con-
nus.
3. Nos Hiftoriens s'appliquent
encore à prouver que le Sabbatins
dont parle Gennade, eft le même
queS.Servais Evêque deTongres,&
par-là ils enrichirent le Catalogue
de nos Ecrivains de l'Eglife Gallica-
ne. Voici leurs preuves. i°. Gennade
le qualifie Evêque de cette même
Eglife. 20. Le nom de Sabbat tus
qu'il lui donne , eft à une lettre
près vifiblement le même que Sar-
ïattus j que chacun fçait n'être pas
différent de Servatius. 30. Gennade
le place parmi les Ecrivains du
quatrième fiécle ', parlant de lui
dans fon 15e Chapitre. 40. La ma-
tière traitée dans l'Ouvrage de Sab-
batius , où il s'agit de réfuter les
erreurs de Valentin , de Marcion ,
d'Aetius 8c d'Eunomius , étoit des
p us convenables au quatrième fic-
elé 5c nommément à Saint Servais
comme défenfeur de la Confub-
ftantialité du Verbe , dont l'Ouvra-
ge traitoit.
4. S. Phébade Evêque d'Agen ,
l'un des plus illuftres Prélats de
l'Eglife Gallicane , dans ce quatriè-
me fiécle , & des plus zélés défen-
feurs de la foi Catholique contre
les Ariens , ne fe borna pas à ia
foûtenirde vive voix -, il le fit en-
core par fes Ecrits. Des divers Ou-
ES SÇAVANS,
vrages qu'il com-pofa J & dontfaint
Jérôme cependant n'avoit lu qu'un
feulcn 392. il ne nous refte , fui-
vant l'opinion commune , que ce-
lui-là , qui eft un Traité contre les
Ariens , où il réfute la féconde for-
mule de Sirmich , établit le Myfte-
Te de la Trinité , relevé l'autorité
des Pères de Nicée 5 foiitient qu'il
n'y a en Dieu qu'une Subfiance , &
qu'il faut conferver ce terme &
celui de Confttbftamiel , retranché de
la ieconde formule qu'il combat.
A cet unique Ouvrage univerfelle-
ment reconnu pour être de S. Phé-
bade , nos Hiftoriens entrepren-
nent d'en joindre un fécond , & de
le reftiruer à cet Evêque , comme
à fon véritable Auteur , malgré les
fentimens oppofés de ceux qui onc
cru devoir l'attribuer à divers au-
tres Ecrivains.
Cet Ecrit , quoique latin , eft le
49e Difcours entre ceux de S. Gré-
goire de Nazianze. On l'a regardé
comme une traduction faire par
Pvutfin fur l'Original Grec. D'au-
tres l'ont pris pour un Ouvrage de
S. Ambroife. Des Critiques plus
rahnés , dans le dernier fiécle, l'ont
ôté à ces deux Pères de l'Eglife
pour le donner ; les uns , comme
le P. Chifflet , à Vigile de Tapfe ;
les autres , comme le P. J^uepid
à Grégoire d'Elvire. Les railons qui
paroifient appuyer ces différentes
opinions , ne font au jugement de
nos Auteurs, que de iimples con-
jectures , dont la plus forte , en
apparence , ne tient pas contre les
argumens de nos Hiftoriens.
Ceux-ci , après l'avoir refutée ,
F E V R I
vienne nt aux preuves , qui a (Turent
à S. Phébade la pofleflîon de l'Ou-
Vrage dont il s'agit. Elles font au
nombre de cinq. i°. L'Anonyme
dit qu'il y avoir déjà long-tems ,
qu'il avoit publié un autre Ecrit
contre les Ariens ; ce qui , pris à la
lettre , ne peut s'appliquer à Gré-
goire d'Elvire , & convient parfai-
tement à S. Phébade. i°. Le ftyle de
l'Ecrit contefté cil précifément le
même que celui du Traité de Saint
Phébade, quant aux termes, quant
au tour & à la force du raifonne-
ment , &i quant à la manière de ci-
ter 1 Ecriture. 30. A cette unifor-
mité du ftyle répond celle de la
doctrine. Il fuffit , pour en être
convaincu , de confronter la fécon-
de colonne de la 303t page du pre-
mier Traité avec 1a 3 5 5e du fécond.
40. L'Ecrit contefté fuppofe vi(l-
blementle premier de S. Phébade,
& ne tend uniquement qu'à l'é-
claircir , comme l'Anonyme le
déclare lui - même : caraclérifant
ce premier Ecrit par des traits , qui
ne permettent pas de le méconnoî-
tre. 50. Enfin , dans l'un & dans
l'autre Ecrit, c'eft le même Auteur
qui combat les mêmes adverfaires ,
qu'il a foin de peindre avec les mê-
mes couleurs , c'eft-à-dire comme
des Hérétiques aheurtés à proferire
le terme àefubflunce , plutôt parce
que fa lignification les incommode
que parce qu'il n'exifte point dans
l'Ecriture^ de habiles à féduire les
fimples par l'emploi artificieux
qu'ils font de quelques cxpreflîons
orthodoxes.
Nos Hiftoriens par PAnalyfc
E R ; r 7 5 4. 1 1 y
exade qu'ils nous offrent de ces
deux Ecrits S: par la compara: ljn
qu'ils font de l'un & de l'autre
achèvent de donner à leur fenri-
ment toute la vraifemblance dont
il eft fufceptible. Nous y renvoyons
les Le&eurs.
ç. Nos Auteurs non contens de
reftituer à la Gaule divers Ecrivains
Ecclefiaftiques , lui revendiquent
de plus l'Hiftorien Eutrope. Deux
opinions ont jufqu'ici ( dit on ) par-
tagé les Sçavans fur la Patrie de cet
Auteur. Les uns ont cru qu'il étoit
de Conftantinople ou Grec de na-
tion : les autres en ont fait un So-
phifte Italien. On prétend ici qu'il
étoit de même Pays que Jule-Au-
fone père du Poète de ce nom
c'eft-à-dire ou de Bourdeaux, ou
de quelque autre endroit de l'A-
quitaine du côté dû Bafas : ce qu'on
appuyé du témoignage du Méde-
cin Marcel l'Empirique. Symma-
que , ami particulier d'Eutrope
( pourfuit on ) confirme ce fenti-
ment , en difant que celui ci avoit
des terres contigué's à celles du
Conful Aufone fils de Jule. Il eft
vrai que le Texte de Symmaque eft
conçu en ces termes : Aufomus vir
Confularis , admirator tuus , feriptg
ex Afia nuper alUto , mutilari ngros
fuos , qui tuis eonjunguntur , accevit.
Mais , outre qu'Aufone dont tou-
tes les terres étoient (îtuées en Sain-
tonge Se près de Bafas , n'auroit pu
apprendre d'Afie qu'on cnvahilfoit
une partie de fes terres ; il paroît
par la fuite , qu'Eutrope , à qui
Symmaque mande cette particula-
rité , étoit lui-même alors en Allé ;
Pij
iï<J JOU RN AL D
d'oùileft vifible qu'il faut lire dans
ce Texte ex Aitfci* , d'Auch Mé-
tropole de Bafas , &C non pas ex
Aji.i.
Les fept Lettres de Symmaque
écrites à Eutrope fournilTent à nos
Auteurs diverlcs reflexions qui
vont à confirmer la propofition
qu'ils viennent d'établir touchant
la vraye patrie de cet Ecrivain , de
même qu'à faire connoître fon fça-
voir éniinent , fes divers emplois
<k fes Ouvrages ; fur quoi nous
ES SÇAVANS,
paflons d'autant plus légèrement ~
que nous en avons parlé avec alTcs
d'étendue dans notre Journal
d'Aouft ( 1731.) à l'occafionde la
nouvelle édition de cet Auteur
procurée à Lcyde par les foins de
M. Havercamp : en forte qu'en joi-
gnant ce que nous en avons dit alors
à ce que nous en apprennent ici
nos fçavans Hiftoriens Littéraires ,
il reliera peu de chofe à fouhaiter
pour l'entier éclairciflement de ceï
article.
FEVRIER, 1734;
117
ERUM ITALICARUM SCR1PTORES, &c.
C'eft- A - dire : Recueil des Ecrivains de ÏHiftoire d' 'Italie , depuis l'an
^00. jhfeju' a l'an 1500. par M. Muratori ', Tome X F. A Milan , parla
Société Palatine. 1729. in-fol. col. 1136'.
CE VOLUME fera d'autant
mieux reçu qu'aucunes des
Pièces qui le compofent n'avoient
point encore paru. Elles font au
nombre de neuf : la première eft
une Chronique de Sienne écrite en
Italien par André Dei & continuée
par Agnolo-Tura. On en eft rede-
vable aux recherches de M. Hubert
Benvoglienti Patrice Sicnnois.
Comme il eft très-veifé dans l'Hi-
ftoire de fon Pays , il a bien voulu
accompagner fon Manulcrit de
notes curieufes. qui font prefques
aufîî étendues que l'Ouvrage même
fur lequel elles font faites.
" On les trouvera ici avec uneef-
pece de Préface qu'il a compofée
fur les Hiftoriens de fa Patrie qu'il
a recueillis , & qui paroîtront avec
fon agrément èc félon leur rang
dans les Tomes fuivans de ce Re-
cueil. M. Benvoglienti obferve que
depuis la farr mfe perte qui ravagea
l'Italie en 1348. la plupart de ceux
qui en ont écrit l'Hiftoire, fontob-
feurs 6v embarrafTés dans leur ftile.
Avant ce tems , dit-il } nos Hifto-
riens étudioient les Livres Proven-
çaux , mais dans la fuite ils s'atta-
chèrent au tour de laLangue Latine;
& le goût que ceux mêmes qui ai-
moient leur Langue naturelle pri-
rent pour la Scolaftique acheva de
les gâter & de leur faire perdre cet
«ir aifé & naturel qui regnoit au;
paravant dans leurs Ecrits. Les
ignorans furent alors pour ainfi di-
re lesfeulsqui fçuftent écrire agréa-
blement en Italien. Ce qu'il prou-
ve par l'exemple du Dante & de
plufieurs autres Sçavans qui ont
elTayé avec peu de fuccés d'écrire
en leur langue fur des matières
fublimes & élevées. Mais la plupart
de ceux qui fe picquoient d'érudi-
tion voulurent aufli que leurs Ou-
vrages fuiïent lus par les gens d'ef-
prit & de fçavoir, c'eft ce qui les
détermina à compofe* plutôt en
Latin qu'en Italien.
Or comme la Chronique d'An-
dré Dei commence en l'an 1187.&
finit à l'an 1352. & qu'ainfi elle a
été écrite au jugement des bons
connoiiïeurs dans un tems où l'Ita-
lien étoit dans fa pureté , on efpc-
re qu'elle fera autant recherchée
pour la beauté du langage que pouï
la vérité de l'Hiftoire.
La féconde Pièce de ce Volume
qui eft aufli une Chronique de
Sienne vient encore de M. Benvo-
glienti. Elle va depuis l'an 1352.
jufqu'à l'an 1381. l'Auteur s'y qua-
lifie de Neri fils de Donat Ligrittie-
re ou Rigattiere 3 félon la dialecte
desFlorentins,mot qui revient à ce-
lui de Rcgratier ou de Fripier en
François. Cependant on voit dans1
cette Chronique -là même que le
père de Néri avoit été du ConfeU'
n8 JOURNAL D
des douze qui étoient pour lors les
premiers Magiftrats de Sienne. Il
faut donc fe reffouvenir que dans
ces tems là le Peuple & les Arufans
étoient admis au gouvernement de
Sienne. C'eft pourquoi ceux qui
vouloient y avoir part fe trou voient
pour lors dans l'obligation d'exer-
cer quelque profeffion mécanique
ou du moins d'en prendre le titre.
On voit en effet dans les Monu-
mens de l'Hiftoire de Sienne des
Fripiers parvenus au premier degré
de la Magistrature , & encore au-
jourd'hui dans les Procédions fo-
lemnelles ils y marchent les pre-
miers après les Parfumeurs.
Ce qu'il y a du moins de certain,
c'eft que Néri n'étoit pas homme
de Lettres , & qu'il avoir encore
moins de goût , outre que fon ftile
eft fimple Se grolîîer , il a tard fa
Chronique d'une infinité de faits h
bas &c Ci ridicules que M. Muratori
a été contraint d'en retrancher une
grande partie , Se que malgré cela
il appréhende qu'on ne lui reproche
d'avoir eu trop d'indulgence pour
fon Auteur.
3°. Une Chronique d'Eft conte-
nant les actions des Marquis d'Eft.
Elle vient de differcnsAuteursAno-
nymes , mais contemporains. On
ne doit point être furpris de voir
M. Muratori revenir Ci fouvent à
tout ce qui peut contribuer à la
gloire des Princes de ce nom. 11 eft
Ré leur fujet , Se depuis le tems
qu'il eft attaché au Duc de Modene
en qualité de Bibliothécaire , il a
reçu tant de marques de fa libérali-
té Se de fa protection , fur - tout
E S SÇAVANS,
pour achever ce grand Ouvrage J
qu'il fe croit obligé de chercher
toutes les occafions de faire éclater
fa reconnoiffince. Ainii quoiqu'il
eût déjà montré dans fes Antiqui-
tez de la Maifon d'Eft qu'il publia
en 1717. que cette illuftre &: an-
cienne famille étoit inconteftable-
ment la tige de la Branche Royale
des anciens Ducs de Saxe Se de Ba-
vière , aujourd'hui Ducs de Brunf-
Wic , Electeurs de l'Empire , &
régnante en Angleterre dans laper •
fonne de George II. Se que dans les
Tomes précedens il eut encore
donné quelques morceaux où l'on
trouve beaucoup de chofes qui ont
rapport à l'Hiftoire des Princes de
cette Maifon , cependant fon zélé
n'étoit point encore fatisfait , mais
jl a eu enfin le bonheur de trouver
une ancienne Chronique qui rem-
plit prefque tous fes delîrs.
Elle renferme à la vérité l'Hi-
ftoire de Ferrare Se des Villes voiiî-
ncs ; mais comme elle contient
au (11 les actions des anciens Princes
de la Maifon d'Eft, il a cru pouvoir
lui donner le nom de Chronique
d'Eft. Elle s'étend depuis l'an
1101. jufqu'à l'an 1393. il nous
promet encore deux differens Hi-
ftonens de cette même Maifon , en
forte qu'on en trouvera dans ce
Recueil une Hiftoire complette de-
puis l'an 1 zoo. jufqu à nos jours.
11 avertit au refte que lorfquc
fous l'année 1 09 c. l'Auteur de cet-
te Chronique parle de la divilion
de la famille d'Eft en différentes
branches, il mêle quelquefois le
faux avec le vrai , mais on y verra
H VRIE
du moins , ajoute - 1 - il , que dans
tous les rems on n'a jamais oublié
qu'une branche de la Maifon d'Eft
avoir pris racine dans l'Allemagne.
Ce qui arriva en effet fous le Ne-
veu de Guelphon IV. Duc de Ba-
vière. Or ce Guelphon qui avoit
pour père Azon II. grand Marquis
d'Italie , tut la Souche de la Royale
Maifon des Ducs de Brunfwic ,
comme Fulcon fou frère & fils du
même Azon & Hugues Princes du
Mans furent la Souche des Marquis
d'Eft environ vers l'an r o 7 o.
les anciens Ferrarois fçavoient à la
vérité qu'un Prince de la Maifon
d'Eft- s'étoit établi en Allemagne ,
mais ils ne connoiiToient pas ce
Guelphon, & ils ignoroient même
la divifîon de la Maifon d'Eft en
Italie dans les defccndans de Ful-
con & de Hugues. M. Muratori
renvoyé ceux qui voudraient de
plus grands éclairciffemens fur cet-
te matière au Chapitre 1. Se 3e de
fes Antiquitez de la Maifon d'Eft.
40. Une Chronique de Modene
depuis l'an 1002. jufqu'à l'an 1363.
paT Jean de Bazano de Modene ,
Auteur contemporain. L'Editeur
prévoit qu'il y aura fans doute des
gens qui ne confultant que leur
propre goût, fouffriront impatiem-
ment qu'on publie tant d'Hifto-
riens de Villes particulières , dans
lefquels on trouve ordinairement
les mêmes faits répétés , &r où l'on
ne voit que des chofes qui ayent
rapport au 13 , 14 & 15e fiécle ,
tandis qu'il vaudroit mieux éclair-
cir l'Hiftoire des tems plus reculés,,
& principalement de ceux qui ont
précédé le dixième fiécle , mais il
efpere en même tems que les bons
Juges ne penferont pas de même.
Il montre d'un côté qu'il n'rft pas
coupable de n'avoir donné qu'un Ci
petit nombre d'Auteurs anciens ,
puifqu'il n'eft pas en fon pouvoir
de les tirer des ténèbres dans lef-
quelles ils font enfevélis ; Se de
l'autre que le public ne peut que
gagner au foin qu'il prend d'arra-
cher ceux qui reftent encore aux in-
jures du tems. Ainfî quoiqu'on foit
expofé par là à relire plufieurs fois
les mêmes faits , comme ils font
comptés avec différentes circon-
ftances , Se avec plus ou moins d'é-
tendue , on eft beaucoup plus en
état de former un jugement fain
fur la vérité de ces mêmes faits ,
Si. fur l'ordre des tems où ils font
arrivés.
Au refte , continue -t- il , fila
plupart des Hiftoires qui paraî-
tront dans la fuite , ou qui ont déjà
paru dans les Tomes précedens ne
roulent que fur des évenemens ar-
rivés pendant les 3 & 4e fiécles qui
ont précédé l'an 1500. on doit fe
refTouvenir que depuis l'entrée des
Lombards dans l'Italie , il n'y a
point eu de tems plus fécond en
évenemens , Se par confequent où
le grand nombre d'Hiftoriens foit
plus utile , la plupart des Villes
d'Italie furent obligés de paroître
de tems en tems fur la Scène dans
les cruelles Tragédies qu'enfante-
rent les fadions des Guelphes & des
Gibellins. Au lieu que fi quelqu'un
aujourd'hui entreprenoit en parti-
culier l'Hiftoire de ces mêmes Vil-
lao JOURNAL D
les depuis ioo ans , il manqueroit
bien-tôt de matière , puifqu'au mi-
lieu de la tranquillité qui a régné
depuis ce tems-là , à peine les Ca-
pitales , &c à plus forte raifon les
Villes moins confiderables , peu-
vent-elles fournir aucun événement
qui foit remarquable & digne de
l'Hiftoire.
Ainfi quoique M. Muratori ait
donné dans l'onzième Tome de ce
Recueil les anciennes Annales de
Modéne , avec encore une autre
Pièce qui a rapport au même fujct ,
il préfume cependant que cette
Chronique de Jean de Bazano auftî-
bien que les Pièces de même genre
qu'il fe propofe de publier, ne dé-
plairont point aux Amateurs de
l'Antiquité. Ce qui rend cette
Chronique plus précieufe , félon
l'Editeur , c'eft qu'on y trouve non
feulement l'Hiftoire de Modéne ,
mais encore celles des Villes voifi-
nes écrite par un homme qui vivoit
dans le quatorzième iîéclc , Se qui
parle fouvent comme témoin ocu-
laire : du refte on ne fçait rien de
particulier de cet Hiftorien , mais
on nous allure qu'il ne manque ni
d'exa&itude ni de jugement , &c
qu'il s'explique avec liberté. Nous
n'en apporterons cependant pas
pour preuve la manière dont fous
l'année 1347. il raconte l'expédi-
tion de Louis Roi de Hongrie dans
le Royaume de Naple.
50. Des Epheméndes d'Orviette
en Italie depuis l'an 1341- jufqu'à
l'an 1563. par un Auteur Anony-
me. Ces Ephémérides font très dif-
férentes des Annales d'Orviette
ES SÇAVANS;
cm'on a \ucs dans le douzième To-
me de ce Recueil. Les unes & les
autres contiennent à la vérité l'Hi-
ftoire des Monaldefchi qui ont été
long-tems Souverains d'Orvietrei
mais dans les premières on fort de
l'enceinte de cette Ville , &c on y
trouve beaucoup de chofes fur l'Hi-
ftoire générale d'Italie , au lieu que
ces Epheméndes font uniquement
renfermées dans ce qui regarde les
Monaldefchi , Se dans lesdivihons
que l'ambition des Seigneurs de cet-
te famille ht naître parmi leshabi-
tans d'Orviette.
L'Editeur reconnaît encore
qu'on y trouvera des détails frivo-
les , & peu de faits capables d'at-
tacher le Lecteur , à l'exception
peut-être de ceux qui concernent la
légation du Cardinal Albornos , &C
l'arrivée d'Urbain VIII. mais mal-
gré la fecherefte qui règne dans cet
Ouvrage , foit pour le fonds des
chofes , foit pouv la manière de les
dire; il ne doute point que l'Hi-
ftoire particulière des Villes , &
même les Fragmens de ces Hiftoi»
rcs ne doivent neceiïairement en-
trer dans un Ouvrage où l'on fe
propofe de raftembler tous les
Hiftorier.s d'Italie qui ont paru
dans les liécks barbares , ce font
des pierres grolTieres & mal polies
qui font une partie eflentielle de ce
grand Edifice, cV fans lesquelles il
ne pourroit avoir ni la folidité ni la
grandeur qui lui conviennent. Ce-
pendant tout intérieur qu'eft cet
Anonyme aux Villani , pour la pu-
reté du langage, on ne le juge point
indigne de tenir fon rang par-
mi
FEVRIE
mi les Hiftoriens qui dans le qua-
torzième fiécle ont écrit en langue
vulgaire.
6°. L'Hiftoire de la Guerre de
Chiozza entre les Vénitiens & les
Génois depuis l'an 1 378. Se les fui-
vans , compofée en Italien par Da-
niel de Chinazzo de Trevife.
Sur la fin du quatorzième fiécle
la R. P. de Gêne , François Carra-
ra l'ancien, Prince de Padoiie , &
plufieurs autres s'étant ligués en-
semble contre la Republique de
Venife , il s'éleva alors une guerre
dont les principaux évenemens fe
palTerent auprès de Chiozza. Elle
fut fanglinte & opiniatre,mais plus
le péril des Vénitiens y fut grand,
plus auflî on admira la fagefte avec
laquelle ilsavoient fçû conjurer une
tempête fi terrible.
Barthelmi Facio de l'Etat de
Gênes avoit déjà compofé l'Hiftoi-
jre de cette guerre environ l'an
I450. & fon Ouvrage fut imprimé
à Lyon en 1568. mais comme il
parle de chofes qui n'étoient pas de
Ion tems , & qu'il n'avoit point eu
lesfecours neceffaires pour en être
bien inftruit , c'eft avec juftice que
Laurent Valle l'acaife d'avoir man-
qué d'exactitude & de jufteffedans
fes récits. Chinazzo par la raifon
contraire eft fi exa£t & C\ détaillé
dans tout ce qu'il rapporte, qu'il en
devient quelquefois puérile & mê-
me ennuyeux : mais il faut , dit M.
Muratori , pardonner ce défaut à
un Auteur qui fe croit obligé de
nous mettre la Scène entière fous
les yeux , & lui tenir compte d'une
candeur aimable &c d'un goût fincé-
Fevrier.
R- » 17 34" 121
re pour la vérité qui le rend inaccef-
fible aux illufions de l'efprit de
parti.
Deux chofes pourroient cepen-
dant rendre cet Ouvrage fulpecT:
aux Critiques délicats , c'eft qu'on
y trouve Bernabo - Vifonty , Sei-
gneur de Milan t & Amedée Com-
te de Savoye qualifiés de Ducs , ti-
tre que le premier n'a jamais porté,
&qui a été donné beaucoup plus
tard aux Comtes de Savoye. Mais
l'Editeur conjecture que ce mot de
Duc fe fera gliffé dans l'Hiftoire de
Chinazzo par l'ignorance ou par k
hardieffe des Copiftes. Peut-être
auffi , comme il eit arrivé plufieurs
fois , que la flatterie aura prodigue
à Bernabo & au Comte Amedée le
titre de Duc , quoiqu'ils n'eulfent
point pour lors le droit de le por-
ter.
70. Un Poé'me de Gorelli Notai-
re d'Arezzo , contenant ce qui s'eft
pafle de remarquable dans cette
Ville depuis 13 10. jufqu'en 1384.
M. Muratori eft vivement affli-
gé de n'avoir pu trouver jufqu'à
prefent aucun Ouvrage confidera-
ble fur l'Hiftoire d'une Ville auffi
illuftre qu'Arezzo. Le Poème qu'il
publie aujourd'hui pour la premiè-
re lois, tout imparfait qu'il eft,
peut apprendre du moins quelle
étoit la iituation de cette Ville au
quatorzième fiécle , & les maux
qu'elle fonffrit des divifions qui
s'élevèrent parmi fes Citoyens 3
divifions qui finirent par la perte
de leur liberté , & qui les ahujet-
tirent au joug des Horentions ,
l'Auteur en parle comme témok
CL
iaa JOURNAL D
cculaire , mais il nous apprend peu
de chofes de lui-même. Le titre de
Ser qu'on lui donne , qui étoit af-
fecté aux Notaires , fait conjecturer
qu'il en avoit fait la fonction dans
fa Patrie. Ce qui n'empêche pas
qu'il ne fut d'une famille noble ,
car alors cetrs profeffion étoit très-
compatible avec la NoblefTe. La
réputation que le Dante acquit par
l'on Poème , qui eft rempli de mo-
numens hiftoriques , fit naître à
Gorclli le deiir de l'imiter ; ce fut
par cette raifon qu'il écrivit en ce
que les Italiens appellent terza rima
ou tercets. Mais c'eft le feul point
par lequel il refîemble au Dante.
Ses vers font durs , fes penfées obf-
cures & fes expreffions n'ont rien de
poétique. Cependant comme il eft
l'unique Hiltorien d'Aiezzo qui
nous refte , on eft encore fort heu-
reux de l'avoir.
8°. Une Chronique de Rimini ,
par un Anonyme , depuis l'an 1188.
jufqu'à l'an 1385. Se continuée de-
puis ce tems par un autre Anony-
me jufqu'à l'an 1452. C'eft du
moins la conjecture de M. Murato-
ri , qui croit y voir , à la différence
du ftile , au moins deux Auteurs.
La famille des Malatefti qui 2
pofledé la Souveraineté dans plu-
lieurs Villes méridionales delà met
Adriatique , <k en particulier à Ri-
mini , où elle a régné jufqu'à la fin
du quinzième fiécle , eft fi illuftre
&c fi connue dans l'Italie , qu'on
verra avec plaifir fon Hiftoire dans
selle de Rimim & des Villes voiû-
ES SÇAVANS,
nés, car tel eft le but de cet Ouvra-
ge , le ftile en eft bas &c l'Italien
allez corrompu. Cependant l'E-
diteur a jugé à propos de nous
le donner avec tous fes défauts,
à la referve feulement de quel-
ques changemens qu'il a cru de-
voir faire dans l'ortographe qu'il
a rectifiée.
9°. Des Monumens de la Ville
de Pife depuis l'an 1089. jufqu'à
l'an 1 3 g^. par un Anonyme. M.
Muratori prouve par plufieurs en-
droits de cet Ouvrage même qu'il
a été compofé dans le quatorzième
fiécle , ou du moins avant que les
Aragonois fulîent maîtres du
Royaume de Naples»
L'Auteur étoit de la Faction Gi-
belline cV très-attaché aux Gamba-
corta qui dominoient pour lors à
Pife. C'eft tout ce qu'on fçait de
cet Ecrivain. A l'égard de fon Ou-
vrage , on nous affure à l'ordinaire
que la lecture n'en fera ni défagréa-
ble ni inutile à ceux qui fouhaitent
s'inftruire de l'ancienne Hifloire
des Pifans : on avertit néanmoins
qu'on doit le lire avec précaution
dans tout ce qui regarde la Chro-
nologie , & que d'ailleurs il faudra
continuellement fe reflouvenir
qu'un Auteur fent toujours l'an-
cienne Ere des Pifans qui anticipe
de neuf mois fur l'Ere vulgaire 3
enforte que le 15 de Mars de l'an-
née 1729. dans laquelle l'Editeur
écrivoit ceci , on comptoit déjà à.
Pife l'an 113e.
FEVRIER, i7J +.
12$
NOVVELLES . LITTERAIRES,
ITALIE.
De Venise.
LE P. Mijfori a fait imprimer ici
le Traité où il prétend prou-
ver que les deux fameufes Lettres
de S. Firmilien & de S. Cyprien
contre le Décret du Pape Etienne
fur le Baptême des Hérétiques ,
font faufTement attribuées à ces
deux Saints , & qu'elles ont été
fuppofées par les Donatiftes. Cet
Ouvrage Latin eft intitulé : In duas
celeberrimas Epiftolas SS. Firmiliani
& Cypriani adverfus Decretum S.
Stephani Papa I. de non herando
Haretworum Bapttfme Difputationes
Criticx , quitus unam & alteram a
Donatiftisfuijfe confiBam , nunc pri-
mo demonjlrat F. Raymundus Mif-
forius , Francifcanus Conventualis ,
Sec. Venetiis s apud Francifcum
Pitterium , 173 3. /«-40.
Sebaftien Coleti vient de mettre
en vente la Traduction Latine du
Traité Hiftorique publié en Fran-
çois par feu M. Grancolas Dodeur
de la Faculté deThéologie de Paris,
fur le Bréviaire Romain. Commen-
tarius Hiftoricus in Romanum Brevia-
num , qHïJîmià aliarum fîngularium
Ecclefiarurn , précipite vero Breviarii
Panfîcnfîs Rims expltcantur. Auclore
3. Grancolas nunc vero è G /illico La.
tine redditus . 1 7 3 4. in- 40,
De Vérone.
J. Albert Tumerviani t Libraire
de cette Ville , a donné'une jolie
édition /».«•. des Poëfies Italiennes
de M. Rolli , fous ce titre : Rime di
Paolo Rolli Compagno délia Reale So-
cieta in Londra , V Acclamato neW A-
cademia de gl' Internat i in Siena
Academico Quirino e Paftor Arca-
de in Rama. 1733. Cette édition
contient plufieurs Pièces qui ne fc
trouvent pas dans l'édition de Lon-
dres, publiée par l'Auteur en ijzj.
Le même Libraire a achevé d'im-
primer & débite aux Soufcripteurs
le Traité du Sublime de Longin avec
le Texte Grec & la Traduction en
Latin , en Italien & en François fur
quatre colomnes. /«-4e'. 1733.
De Milan.
Euclides ab omni ntvo vindicatus:
Jive conatus Geometrkm cjuo ftabi-
liuntur prima if fa unherfe Geome-
trU principia. Auclore Hieronymo
Saccherio Societatis ]efu in Tici-
nenfVniverfitate Mathefeos Prof effa-
re. Opufculum Ex"" Senatui Medio-
lanenfi ab Atttlore dicatum. 1 73 3 . ex
TypograpbiaPauli-Antonu Montani,
ANGLETERRE.
De Londres.
On propofe ici d'imprimer par
a*
i24 JOURNAL DE
Soufcription les Ouvrages fuivans :
i°. Une nouvelle Traduction en
A nglois du Dictionnaire de M.
B ayle, entreprife par une Société de
ge nsde Lettres ; on y doit.faire des
au "mentirions confiderables , Se
to u t l'Ouvrage fera en fix vol. infol.
on en publie tous les mois 20 feuil-
les qui coûtent trois fchelings Se
demi.
2°. Le fécond Volume du Livre
du feu Dodeur Burnet , Evêquede
Salifiury , qu'il a intitulé Hijloire de
fort tems. C'eftaux foins de M. Tho-
mas Burnet , Avocat au Temple , Se
fils de l'Auteur , que le public eft
redevable de cette édition. Ce nou-
veau Volume fera de la même fer-
me que le précèdent , Se imprimé
de même. La foufeription eft de
deux liv. 'fterlings dix fchelings
pour le grand papier , Se de 25
fchelings pour lepapicr ordinaire.
30. Un Recueil des Offices publics
de l'Eglife Grecque , en Grec Se en
Anglois , fur deux colomnes , par
M. B. Caffa.no , Prêtre Grec Se Cha-
pelain de l'Ambaffadeur de la Cza-
jrine à Londres.
L'Ouvrage fera /»-4°. Se le prix
de 1a Soufcription eft de 20 fche-
lings , dont on en paye dix en fouf-
crivant Se les dix autres en recevant
l'exemplaire.
M. Sbaiv, Docteur en Médecine,
a donné une nouvelle édition en 2
Vol. i»-8°. de la Géographie de Va-
renhis , avec les additions Se les
changemens de M. Neivton Si de
Meilleurs Jurin Se Dugdale.
"W. Innys , R. Manby , J. Clarke
débitent The Lives ofthe Roman
S SÇAVANS;
Poets , Sec. Les Vies des Poètes La-
tins, contenant une Hiftoire Criti-
que de leuis Ouvrages : par M,
Crufius , ci - devant Membre du
Collège de S. Jean , à Cambridge.
;»-4°. 2. Vol.
Philofophical Effays on varions
fubjets , Sec C'eft - à - dire, Effays
Philofophiques fur divers Sujets -,
fçavoir , l'Efpace , la Subftance , le
Corps , l'Efprit , les Opérations de
l'Ame durant fon union avec le
corps , les Idées innées , le Senti-
ment perpétuel de ce qui fc paffb
en nous, le lien Se le mouvement
des Efprits , le départ de l'Ame , la
refurrection du Corps, la produc-
tion Se les opérations des Plantes Se
des Animaux. Avec quelques re-
marques fur l'Effay de M. Locke
touchant l'entendement humain, à
quoi l'on a joint un Syftême abrégé
à Ontologie 5 ou de la Science de
l'Etre eu général Se de fes proprie-
tez. Par/. \V. chez E. Ford Se R.
Hett. in 8°.
Obfervations ttpon the Prophecies
of Daniel : Remarques fur les Pro-
phéties de Daniel Se furl'Apoca-
lypfe de S. Jean. Par M. lfaac
Newton. Chez J. Darby Se Th.,
Brown. 1733. ««-4".
HOLLANDE.
D'A MSTÏRBAM.
J. Wetflein Se G. Smith ont ache-
vé d'imprimer les deux premiers
Tomes du Recueil intitulé : Thé-
saurus Morellianus ,Jive Familiarum
Romanamm Numifmata omma , ds-
' F E V R I
îigentifflme undique cenquifita , ad
ip forum mtmmorum fdtm accuratiffi-
mè delmeata & juxta ordincm F.Vr-
fim & C. Fatint difpofita h celeber.
Antiquario And. Mortllio : accedunt
Nummi MifceUanci , XJrbis Roma ,
Hifpanici & Goltziani dubia fidei
onmes , mwc primiim edid.it & Com-
memario perpetuo illuftravit Sigcb.
Avercarnpus 3 in-fol.
Les deux derniers Volumes de
cet Ouvrage qui rcftent à impri-
mer, ne tarderont pas à paroîrre.
Les mêmes Libraires débitent ac-
tuellement la nouvelle & magnifi-
que Edition des Avantttres de Thé-
lémaqite. in-fol. & in-40. à laquelle
on avoit travaillé depuis pluheurs
années. Elle a été faite avec tcut le
foin poliîble furie manuferit origi-
nal qui a été communiqué par M.
Je Marquise Fcnelon , Amballa-
deur du Roi à la Haye 3 petit neveu
de l'illuftre Auteur. Ce Volume tft
embelli de 24 grandes tailles- dou-
ces gravées par les plus habiles
Maîtres, outre un portrait de l'Au-
teur, &.' un frontifpice du deflein
de feu B. Ficart , avec des vignettes
Se des culs-de-lampes à la tête & à
la fin de chaque Livre.
FRANCE.
De Paris.
Rollin fols } Quai des Auguftins ,
a S. Athanafe , a achevé d'impri-
mer & a mis en vente l'Hifloire des
Révolutions d'Efpagne , depuis la de-
rtrudtion de l'Empire desGothss
jufqu'à l'entière & parfaite réunion
des Royaumes de Caftille & d'Ar-
ragon en une feule Monarchie , par
le P. Jofeph A'Orleans , de la Com-
pagnie de Jefus , revue &.' publiée
par les Pères Rouillé 6c Brnmoy 3 de
la même Compagnie. 1734. in-40.
trois vol.
Adùnoires tresfidéles & trés-exaUs
des expéditions militaires qui je font
faites en Allemagne , en Hol/anae &
ailleurs depuis le Traité d'Aix-la-
Chapelle , jufqu'à celui de Nimegue
aufquelson a joint la Relation de la
Bataille de Senefpar M. Leprince 3
& quelques autres Mémoires fur les
principales actions qui fe font paf-
fées durant cette guerre. Par un Offi-
cier diftingué. Chez Briaffon , rue
S. Jacques , à la Science. 1734.
«9-12. deux vol.
Inftrutlwns Chrétiennes & Mora-
les fur les Sacremens. Avec quelques
Inftruclicns Jurles Indulgences & ]u-
bile'^> & les bons ufages des maladies.
Chez Ch. J, B. "Delefpine fils, rue
S. Jacques , vis - à - vis la rue des
Noyers , à la Vicloire. 1734. in- 1 2.
Prix propofé par l'Académie de
Chirurgie pour l'année 1 "? 3 4.
» L'Académie de Chirurgie éta-
» blie à Paris fous la protection du
» Roi, délirant contribuer aux pro-
m grès de cet Art & à l'utilité publi-
» que , propofe pour le Prix de
» l'année 1734. le fujet fuivant.
Déterminer , dans chaque genre de
Maladies Chirurgicales , les cas oit il
convient de pan fer fréquemment &
ceux oit il convient de fanfer rare-
ment.
» Ceux qui travailleront pour le
» Prix , font invités à fonder leurs
ii6 JOURNAL DE
» raifonncmens fur la pratique : on
» les prie d'écrire en François ou
» en Latin , autant qu'il fe pourra,
»& d'avoir attention que leurs
» écrits foient forts liflbj.es.
» Us mettront à leur Mémoire
» une marque diftiniftive , comme
h Sentence , Dcvife , Paraphe ou
» Signature ; &c cette marque fera
» couverte d'un papier blanc collé
» ou cacheté , qui ne fera levé
m qu'en cas que la Pièce ait rempor-
3* té le Prix.
» Ils adrelTeront leurs ouvrages
» francs de port , à M. Morand ,
» Secrétaire de l'Académie de Chi-
»» rurgie à Paris -, ou les lui feront
» remettre entre les mains.
» Les Chirurgiens de tout Pays
»i feront admis à concourir pour le
» Prix ; on n'en excepte que les
" Membres de l'Académie.
5 SÇAVANS.
»Le Prix eft une Médaille d'or
» de la valeur de deux cens Livres ,
»> qui fera donnée à celui qui au ju-
wgementde l'Académie, aura fait
» le meilleur Mémoire fur le fujer
wpropofé.
» La Médaille fera délivrée -
» l'Auteur même , qui fe fera coa-
>♦ coître , ou au Porteur d'une Pxo-
a curation de fa part ; l'un ou l'au.-
» tre reprefentant la marque diftin-
» clive , avec une copie nette du
» Mémoire.
n Les ouvrages ne feront reçus
h que jufques au dernier jour de
j> l'année 1734. inclufivement.
» L'Académie à fon aflembléc
» publique de 173 5. qui fe tiendra
» le Mardi d'après la Trinité, pro-
» clamera la Pièce qui aura mérite
» le Prix.
TABLE
Des Articles contenus dans le Journal de Fev. 1774.
MEmoires de Littérature , tirés des Regiftres de l'Académie Royale des
Infcriptiens , &c Tome Vlll. page 6j
Hiftoire Vmverfelle , depuis le commencement du monde jufqu'à pre[ent) &c.
Tome I. 85
Suite des Eloges des Académiciens de l'Académie Royale des Sciences } &c.
90
Dijfertation fur laFriSlion , &c. ioj
Hiftoire Littéraire de la France , &c. Tome I. Partie II. 108
Recueil des Ecrivains de l' Hiftoire d Italie , &c. Tome XV. 117
Niuvelles Littéraires , 123
Fin de la Table.
L E
JOURNAL
SCAVANS,
FOUR
VANNEE M. DCC. XXXIT»
MARS.
A PARIS,
Chez CHAUBERT, à l'entrée du Quay des
Auguftins, du côté du Pont Saint Michel, à la
Renommée & à la Prudence.
M. DCC. XXXIV~
AVEC APPROBATION ET PRIVILEGE DU ROY.
LE
JOURNAL
DES
SCAVANS
MARS M. DCC. XXXIV.
SYSTEME TIRE' DE V ECRITURE SAINTE SVR LA DVRE'E
du Monde } depuis le premier Av;n;ment de J. C. jufejn"à la fin desfiècles.
1733. A Paris, chez Huart} rué' S. Jacques , à la Juftice. in-n. pp.367.
fans la Table des matières.
ON avoiie dans une courte
Préface qu'on a mife à la tête
de cet Ouvrage,que l'idée en paroi-
tra neuve & finguliere ; mais on ef-
perc que cette ûngularité-là même
Mars.
picquera davantage l'attention du
Lecteur. Avant que d'entrer en
matière on examine (<.". 1. ) s'il eft
permis de rechercher dans l'Ecritu-
re Sainte le tems de la durée du
Rij
ijo JOURNAL DE
Monde , & on prouve que les Percs
en ont donné les premiers l'exem-
ple : à l'égard des Textes de l'Evan-
gile où J . C. dit que le jour & l'heu-
re de fin dernier avènement n'efi con-
nu que de Dieu feul , & celui de3
A6tes des Apôtres , où il dit à fes
Difciples fur le point de monter
au Ciel , qu'il ne leur appartient
point de connoître les momens que
Dieu a mis en fa puijfance ; on fait
voir qu'ils n'emportent pas une
défenfc abfolue de rechercher dans
les Livres Saints la circonftance du
tems de ce grand Avènement.
On convient cependant » qu'il
» n'y adans l'Ecriture aucunes révé-
» lations affez formelles ni allez im-
» médiates pour obliger de croire
s» que la fin du monde arrivera
» après un certain nombre d'années
» fixe 6\: déterminé; que l'Eglife n'y
»» en reconnoît pas même de média-
» tes & de virtuelles , telles que la
» Théologie demande pour en ti-
» rer une conclufion Théologique.
j> Maison ne craint point d'avancer
» qu'il n'ell pas moins certain que
» l'Eglife a toujours reconnu dans
» les Livres Saints quelques révéla-
» tions implicites , &: obfcures , de
wla circonftance du tems où doit ar-
*» river ce dernier Avènement, c'eft-
»à-dire desTextcs oùce dernier ave-
n nement fe trouve défigné par des
«indices qui le doivent préceder,ex-
s» primé fous des emblèmes & des
=• allégories , enveloppé dans des
» nombres fymboliques de jours &
j» d'années qui ayent été ou la me-
» fure de la durée de quelque ope-
» ration de Dieu extérieure & fen-
S S Ç A V A N S ;
» fible , ou que le S. Efpric aitem-
» ployé , foit dans les Prophètes ,
»pour défigner le tems de ce grand
"événement en défi^nant celui de
» quelque événement qui en ait été
«la figure, foit dans la Loi pour
*> fixer le tems de la célébration de
» certaines fetes établies par l'ordre
» de Dieu pour le fignifier.
Mais comme des figures obfcu-
res , des allégories cachées , des
fymboles enveloppes & des combi-
naifons arbitraires de jours & d'an-
nées ne peuvent jamais former une
preuve bien complette , nous n'a-
vons garde d'oublier que l'Auteur
avoiie que tout homme de bon*
fens n'aura jamais la vaine préfom-
ption quelque découverte qu'il aie
faite,de croire avec certitude avoir
trouvé précifément le tems de la
durée du monde , moins encore le
jour & l'heure de fa fin.
Il avertit encore qu'il met une
grande différence entre dire com-
me il le fait dans fon Syftême , que
le monde durera 2401 depuis le
premier Avènement de J. C. juf-
qu'au fécond , & dire que l'année
où on comptera 2401 an depuis ce
premier Avènement ( à quelque
époque qu'on veuille le fixer) fera
celle du fécond. Cette première
durée pourroit être connue avec
certitude , 5c le tems précis où les
2401 an feront révolus , être igno-
ré.
ïl faudroit pour le connoître
qu'on pût fçavoir fùremcnt que les
années qui précéderont i'avene-
ment de J.C font des années folai-
res ou lunaires ; calculer jufte le
M A R
tems écoulé depuis & avant J. C.
pour entreprendre de fixer le jour
8c l'heure aufquels la hra du monde
arrivera , il feroitnccetfiire de Ra-
voir précisément , fi c'efl du pre-
mier jour de la création , ou du
huitième qu'on doit commencer
à fupputer la durée du monde ; fi
ce jour a commencé au matin , à
midi , ou au foir. Il y auroit , ajoû-
te-t-il , de l'extravagance à croire
qu'on pût avoir une connoiflanec
parfaite de toutes ces chofes dont
la plupart ne peuvent être connues
que de Dieu fcul.
Ainfi l'Auteur penfe précifément
comme le faint Prêtre Ezechius
qui croyoit à la vérité avoir trouvé
dans l'Ecriture le tems de i'avene-
ment de J. C. mais qui étoit en
même tems trop modefte pour
ofer déterminer l'année & le mois
précis où la fin du monde devoit
arriver. S. Auguftin , àquiilavoit
fait part d; cette découverte , bien
loin de le condamner , lui marque
qu'il lui fera un fenfible plaifir de
lui communiquer fes penfées fur
cette matière , & les raifons fur lef-
quelles il fe fonde. Hoc Jijamcom-
prehendijii , id rogo benigms imper-
tias , adhibens idonea dscumenta qui-
bm id potueris indagare.
L'Auteur ayant montré par toutes
ces raifons & par plufieurs autres
qu'on verra dans l'Ouvrage même,
que fonentreprife n'a rien de té-
méraire , qu'elle eft digne d'un
Théologien itudieux & très - con-
forme à i'efprit de pieté & de Reli-
gion , protefte d'ailleurs qu'il ne
s'eft déterminé à donner fon Syftê-
S; 175 4- " **i
me que dans les mêmes vues que
l'Apôtre S. Paul avoit en écrivant
fa féconde Epître aux ThciTaloni-
ciens , c'eftà-dirc pour empêcher
ou diflïper les imprefllons de crain-
te &c de frayeur que tant d'Ecrits
qui ont paru depuis quelque tems
pourroient faire ou avoir déjà fait
fur les cfprits trop crédules aux foi-
bles idées , que les Auteurs y don-
nent de la proximité de ce grand
jour. S'il a ie malheur de fe trom-
per 3 en le reculant encore de 705
ans , il a du moins , dit il , la con-
fblation de feavoir de S. Auguftin
que fon erreur n'a rien que d'heu-
reux 3 èc qu'elle eft à l'abii des in-
conveniens de ceux qui le fixent à
un tems moins éloigné ; il fe flatte
même qu'après la lecture de fon
Ouvrage , on conviendra qu'il y a
du moins beaucoup de probabilité
dans ce qu'il avance , & que nous
ne touchons point encore à la fin
des fiécles.
Après avoir , dans le premiei
Chapitre , préparé les efprits à re-
cevoir fon Syftême , l'Auteur com-
mence à l'expofcr dans le fécond , il
pofe pour principe que la fin du
monde doit être le commence-
ment du grand & éternel repos
dans lequel J. C. entrera alors , &
fera entrer fes Elus. Que tous les
repos fanétifiés , commandés aux
Juifs dans leur Loi étoient des figu-
res du moins imparfaites des deux
Avenemens de J. C. Il remarque
quelesreposdontl'obfervanceétoic
le plus rigoureufemenï preferite
aux Juifs , étoient fixés au nombre
de feptiéme , foit de jouis t foit de
i$2 JOURNAL D
femaines, foit de mois , foit d'an-
nées ; & de la différence qui fe
trouve entre les autres repos des
Juifs , Se ceux de la Pentecôte Se
du Jubilé , il en conclut qu'ils
étoient des figures plus exprefles ,
Se plus formelles des deux Avene-
mens de J. C. » 11 montre enluite
t> que les fept femaines d'années
» qui fe comptoient d'un Jubilé à
» l'autre , n'étoient pas moins la
»» figure du tems écoulé depuis une
» certaine époque , jufqu'au pre-
»mier Avènement du Meifie , &
>j de l'intervalle qui doit fe trouver
m depuis ce premier Avènement
» jufqu'au fécond , que le Jubilé
n étoit la figure de l'un & de l'au-
»tre.
Or par le premier Avènement
de J. C. on ne prétend point enten-
dre ici le tems de faNaiffance,
mais conformément à la prophétie
de Daniel qui fert de baze à tout le
Syftême , on entend celui de l'épo-
que de l'établiffement de fon règne
dans l'Eglife en qualité de Chef du
Peuple de Dieu ; établilfement
que l'on doit fixer fuivant les ter-
mes de cette prophétie à l'année 38
de fon Incarnation qui eft l'année
qui fuivit immédiatement l'expira-
tion des 70 femaines de Daniel .
dont la dernière au milieu de la-
quelle J. C. eft mort , finifloit à la
57e. Si on lui objeéte que les Pères
qui conviennent tous comme il le
fait voir ( chapitre 9 ) que la Pen-
tecôte Se le Jubilé des Juifs étoient
de parfaites figures du premier Se
du fécond Avènement de J. C. fi
on lui objecle , disje , que ces mê-
ES SÇ A VAN S,
mesPdes » fe contentent de don-
» ner de gr.mds éloges au nombre
» de fept comme avant de mifte-
» rieufes lignifications, fans en faire
» l'application à une durée de tems
» fixe & déterminée qui dût pré-
» céder les évenemens que le nom-
» bre de 50 figuroit : » l'Auteur
répond i°. qu'il fe peut faire qu'il
ne leur foit pas venu en penfée de
rechercher la durée du tems que
ces fept femaines qui précedoient
le nombre de 50 , pouvoient ligni-
fier , Se en fécond lieu qu'on peut
attribuer leur filence fur une matiè-
re fi digne de leurs recherches , à
l'incertitude de la Chronologie de
l'Hiftoire Sainte qui n'étoit point
perfectionnée de leur tems comme
elle l'a été depuis Se particulière-
ment dans les deux derniers fiécles.
Dans une auili grande incertitude ,
il leur étoit autant difficile de don-
ner une jufte durée au tems dont
ces fept femaines étoient la figure ,
qu'il l'étoit d'en fixer le commen-
cement à quelque époque confian-
te & certaine.
Mais quelle eft donc cette fa meu-
fe époque ? aidé de l'exaâ:itude Se
des lumières de nos Chronologi-
ftes , notre Auteur a quelque con-
fiance de l'avoir trouvée , Se cette
époque, félon fon calcul, eft le
Déluge , ou plutôt la féconde an-
née après le Déluge , dans laquelle
Noé offrit un Sacrifice qui fut fuivi
de l'alliance mémorable que Dieu
reconcilié fit avec le Patriarche Se
en fa perfonne avec toute fa pofte-
rité. Depuis cette féconde année
jufqu'à la 37e année de J. C. on
M A R
trouve une révolution juftede fept
femaines , dont les fept qui s'ccou-
loient d'un Jubilé à l'autre étoient
la figure , lefquelbs faifoient 49
fois 49 ans ou 2401 an.
Il fuit delà » que les fupputa-
aitions de ceux des Chronologiftes
^> qui fe trouvent approcher le plus
» de fon Svftême , doivent être
» cenfées celles qui approchent le
» plus de la vérité. « De ce nombre
font celles de Natalis Alexandcr ,
& Anton. Capellus , Tirims , Gor-
don 3 Vjferius, qui ne s'en éloignent
que de quelques années , mais il a
la fatisfa&ion d'avoir entièrement
pour lui Pérérius , Conradus Se Pœ-
vellus. On trouvera dans le chapitre
10 une Table Chronologique rela-
tive au Syftême de l'Auteur.
Dans le Chapitre fuivant en re-
fumant toutes fes preuves , il en
conclut que c'eft une confequence
neceffaire qu'il doit s'écouler au-
tant de tems depuis le premier
Avènement du Meflîe jufqu'à fon
fécond, qu'il s'en eft écoulé depuis
le Déluge jufqu'à fon premier Ave-
ncment,& que fi on a compté 2401
an depuis le Déluge jufqu'à ce pre-
mier Avènement , on doit auffi
trouver un pareil nombre d'années
depuis ce premier Avènement juf-
qu'à la fin du monde qui fera le
tems du fécond Avènement. C'eft-
à dire , ,que ce fécond intervalle ,
"comme le premier , contiendra
» fept femaines , qui feront com-
S, 1734. ,jj
» pofées chacunes de 343 ans ou
» de 49 fois 49 ans , à l'inftar des
» fept femaines qui précedoient
"l'année Jubilaire , lesquelles fai-
» foient ce nombre de 49 ans.
Cela paraîtra , dit - il _, encore
plus probable quand on conlîdere-
ra la connexité qui fe trouve entre
le Déluge , le premier & le fécond
Avènement de J. C. Comme cette
connexité eft uniquement fondée
fur des explications allégoriques
dont on ne peut fentir la juftcfTe
qu'en les voyant dans toute leur
étendue s nous nous contenterons
de les indiquer ; il en eft de même
des autres preuves qu'il tire des
quatre animaux &des 24 Vieillards
dont il eft parlé chap. 4 de l'Apo-
calypfe. A l'égard de celles que lui
fournit le Prophète Daniel , elles
font d'autant moins fufceptibles
d'extrait qu'elles font appuyées fur
des difculfions hiftoriques & fur
des fupputations Chronologiques ,
qu'il eft impoflîble d'expofer en
peu de mots , & qui montrent que
l'Auteur n'eft pas moins rempli de
l'Ecriture que de fon Syftême.
En fuppofant donc qu'il ait cal-
culé avec juftefle les années écou-
lées depuis la Naiffance de J. C.
jufqu'à l'année 1733. où il écrit,
cette année fe trouve la 5755e de-
puis la création du monde , ainfi ,
félon notre Auteur , nous avons
encore 705 ans jufqu'au fécond
Avènement de J. C.
554 JOURNAL DES SÇAVANS,
HISTO IRE D E ROCH EFORT , CONTENANT
Vétablijfement de cette Ville , de fort Port & Arfenal de Marine , & des
Antiquité*, de [on Château. A Blois , & fe vend à Paris , chez BriaJfon>
Libraire , rue' Saint Jacques , à la Science. 1733. /K-40. pages 241.
L'A U T E U R a trouvé l'art de
rendre cet Ouvrage plus cou-
fîderable par les chofes étrangères
qu'il y fait entrer que par le fujet
même qui en fait l'objet. Il n'a rien
oublié pour l'orner : à la tête de
chaque chapitre au lieu de vignet-
tes qui auroient caufé trop de dé-
pendes , il a mis , dit-il , à l'exem-
ple de M. Addifondans le Specta-
teur , des vers tirés de difîerens
Poètes qui fervent à donner une
idée de la matière qu'il y traite.
Tels font , pour en donner un
exemple , les vers qu'il a placés
avant la Préface.
Nota leges quidam , fed lima rafa
recenti
Pars nova major erityLeElor uirique
fave.
Il nous afTure dans cette Préface
qu'il a compofé fon Hiltoire fur les
anciens Monumens , fur toutes les
Archives qui ont été à fa difpolî-
tion j & même fur le témoignage
de plulieurs perfonnes encore vi-
vantes , mais toujours avec une at-
tention fi fcrupuleufe pour la véri-
té, » qu'il a mieux aimé perdre
» quelque chofe d'agréable que de
»> fe mettre en danger de dire quel-
■>que chofe de faux. « Cependant
pour tirer fon Ouvrage de la fe-
cherelîe de l' Hiltoire & pour le
rendre plus varié , plus égayé &
plus nourri , il l'a enrichi de tout
ce qu'il a pu trouver de Médailles ,
d'Infcriptions & de Monumens $
mais comme la plupart de ces Pic-
ces font en latin , il les a traduites
en François , & quelquefois même
en vers , lorfque le ûijet lui a paru
fufceptiblc de Poefie.
Au refte il fe flatte qu'on ne lui
fera pas un crime d'avoir , à l'exem-
ple de plufieurs célèbres Auteurs ,
eflayé de remédier à la ftérilitédc
fon fujet en y faifant entrer des di-
grelîïons remplies d'une littéra-
ture agréable & de reflexions
fines & fenfées. » Cependant lî
» quelqu'un , dit il , défaprouvoit
■o ma conduire ,je ne lui déplairois
» que pour avoir trop voulu lui
» plaire. « Les mêmes Critiques qui
jugeront peut-être qu'il a cherché
trop loin , & fouvent trop multi-
plie les ornemens dont il embellit
ion Hiltoire , ne pourront néan-
moins s'empêcher d'applaudir à
l'art avec lequel il a fçû la rendre
intereffante , & lier avec fon objet
principal une infinité de chofes qui
ïembloient n'y avoir aucun rap-
port.
Cette Hiltoire eft divifée en
trois Parties-, toutes trois précédées
d'une Epître Dédicatoire. La pre-
mière Partie dans laquelle l'Auteur
décrit
MARS
déarit ce qui a précédé l'établifle-
ment de Rochefort eit dédiée à M.
l'Evêque de Toul ; la féconde à
Meilleurs delà Marine de Roche-
fort , l'Auteur y traite de tout ce
qui a contribué à rétablillèment de
cette Ville -, latroifiéme Partie qui
paroît fous les Aufpices de Mef-
fieurs de l'Hôtel de Ville renferme
ce qui a fuivi cet établiflemcnt.
Rochefort qui eit aujourd'hui ,
félon l'Auteur , une des plus belles
Villes du Royaume , n'étoit avant
Louis XIV. qu'un aflemblage de
Marais remplis par les inondations
de la Charante , qui formoient un
lieu mal fain , défagrcable & (teri-
le. Ce grand Roi ayant conçu le
projet de fe rendre auflî redoutable
fur mer que fur terre , fentit la ne-
ceflïté d'avoir fur l'Océan un port
d'un plus facile accès , &c dont la
rade fût plus fûre que celle de
Breft. On rit fonder en plulîcurs
endroits des mers du Ponent , afin
d'y trouver un lieu propre à faire
un port. L'embouchure de la Seu-
dre parut d'abord convenable à ce
-deiTein, & c'eft - là où le Duc de
Bcaufort armoit ordinairement les
Vaifleaux dont il fe fervoit pour
fes expéditions d'AfTrique.
Mais comme la Seudre n'avoit
pas aiTez de profondeur pour porter
les Vaifleaux du premier rang , on
refolut d'abandonner ce port , &
M. Colbert tourna fes vues fur le
Havre de Brouage. Il confia l'exé-
cution de fon deflein à M. Colbert
de Terron Intendant d' Aunis & des
Iflcs adjacentes ; mais le Comman-
dant de la place lui ayant fait quel-
Mars.
. I7MÏ tjy
ques infultes, l'envie de le morti-
fier à fon tour , lui fit prendre la
refolution de retirer la Marine de
Brouage. Sur dirferens prétextes
qu'il fit valoir en Cour , le Roi
jetta les yeux fur Soubife. Ce lieu
fitué fur la Charante paroiffoit
avantageux à la Marine , on y con-
îtruiiir même quelques Vailfeaux ,
mais M. de Rohan à qui apparte-
noit Soubife , ayant refufé d'aban-
donner une terre qui avoir été éri-
gée en Principauté ; cette opposi-
tion fit prendre le parti de fe fixer à
Tonnay-Charente. On y tranfporta
donc la Marine ; elle commençoit
déjà d'y être floriflante, lorfque les
ditfkultcz que M. de Mortemar de
qui Tonnay-Charente dépendoit ,
fit de le vendre , l'éloignement de
la rade . & pluûeurs autres incon-
veniens qu'on remarque dans ce
Port , obligèrent M. Colbert à
abandonner cet établiflement qui
avoit duré près de trois ans , & il
s'attacha enfin à Rochefort.
A cette occafion l'Auteur nous
rapporte ce qu'on fçait de l'origine
du Château de Rochefort , l'Hi-
ftoire des principaux Seigneurs qui
l'ont poiiedé , & même .celle des
évenemens aufquels ils ont eu part.
Il remarque que dès l'onzième fié-
cle ce Château tenoit un rang con-
fiderable dans la Province de Sain-
tonge. On verra dans l'Ouvrage
même les différentes révolutions
par lefquelles il pafla enfin entre
les mains de Louis XIV. ce Prince
l'ayant acheté dans l'efperance d'y
bâtir un Port , M. Colbert de
Terron fut encore chargé de l'exé-
S
t36 JOURNAL D
cution de ce projet. L'Auteur dans
le Chapitre quatrième nous donne
une idée du cara&ere & des talens
de cet Intendant , qui , félon lui ,
après avoir fondé la Ville de Ro-
chefort en Romulus , la poliça en
Numa : &c comme c'eft par le zélé
& l'attention de ceux qui lui ont
fuccedé dans cette Place que la
Ville & le Port de Rochefort font
parvenus à leur perfection , il em-
ployé les quatre Chapitres fuivans
à nous faire connoître Meilleurs
Demuin , Arnou , Bégon , Se de
Beauharnois , tous Intendans de
Rochefort , Se il entre dans un dé-
tail exacl: fur tout ce qui s'eft fait
fous leur miniftere de glorieux ou
d'avantageux pour la Ville de Ro-
chefort.
On place ordinairement l'épo-
que de fa fondation dans l'année
16C6. mais ce ne fut qu'en 16^9.
année où le Roi l'érigea en Bourg
fermé que cet établillement com-
mença à prendre une forme régu-
lière , Se qui l'a rendue depuis di-
gne de porter le nom de Ville.
Cependant les ennemis de la
gloire de M. de Terron , Se de cel-
le de M. Colbert répandirent le
bruit que l'eau de la Charente en-
gendreroit neceffairement des vers
dans le bois des Vaiffeaux. L'Au-
teur avoiie que ce bruit fe foûtient
encore aujourd'hui , mais il affure
que rien n'eft plus faux 3 Se que
c'eft contre toute vérité que Robbe
a écrit dans fa Géographie qu'on
avoit vu à Rochefort un Vaiffeau
tout picqué de vers. Il dit au con-
traire que plufieurs expériences fai-
ES SÇAVANS;
tes juridiquement prouvent que
les eaux de Rochefort , bien loin
d'engendrer des vers , dans les
Vaiffeaux qui y féjournent , les
font mourir dans ceux qui en ap-
portent.
Dans la féconde Partie l'Auteur
traite d'abord de la Navigation , &
de la Marine en général , enfuite
de la Marine , par rapport à la
France ; il montre quel en a été
l'état depuis l'origine de la Monar-
chie jufqu'au tems prêtent. Après
avoir ramalTc làdeffus une partie
de ce qu'on lit dans tous les Au-
teurs qui ont traité ces matières ,
il vient enfin à ce qui regarde l'état
de la Marine de Rochefort , & à
l'Hiftoire des differens armemens
qu'on y a faits , Se des évenemens
qui y ont donné lieu. Comme fon
fujet par lui - même lui fournit peu
de choies , il ne lauTe rien à defirer
de tout ce qui lui appartient. On
en jugera par le détail où il entre
fur les differens Officiers de Marine
qui font établis à Rochefort , fut
leurs fonctions Se fur leurs appoin-
terons. Cette féconde partie finir
par la defeription de l'Arfenal , &
du Port de Rochefort.
Dans la troifiéme l'Auteur conti-
nue à nous donner encore la def-
eription de tout ce que Rochefort
a de plus curieux pour ce qui regard
de l'ornement , l'utilité Se la com=
modité du Port Se de la Ville 3'
comme la Fonderie , la Corderie ,
le Magazin des Vivres , l'Hôpital
de la Marine, celui des Orphelines^,
&c. Nous renvoyons à l'Ouvrage
même pour ce qui concerne les dif-
MARS
lercntes Charges de Judicature &
de Police établies à Rochefort auffi
bien que pour l'état des privilèges
qui ont été accordés à cette Ville.
Comme ces matières ne font pas
fort interelTantes pour le grand
nombre des Lecteurs ; l'Auteur
n'oublie pas , félon fa promette ,
d'en diminuer la fecherefle par
différentes digreflîons fur l'origine
» » 7Î4; 157
de ce qu'on appelloit autrefois les
Communes , fur l'établiflement
des Maifons de Ville , de la
Maîtrife des Eaux & Forêts , &c.
Voilà tout ce que nous avons re-
cueilli d'un Ouvrage qui fera fans
doute autant d'honneur à la Ville
en faveur de laquelle il eit écrit
qu'à l'Auteur même qui l'a com-
pofé.
M. JOACHIM-JUSTI RAU DIATRIBE HISTORICO- PHILO-
SOPHICA dePhilofophiaLucii-Ladantii-Firmiani, &c. C'eft-à due ;
Differtation Hiflonque & Philofophiejue Jkr la Philofopbie de Lailance.
Par M. Rau de Berlin : avec une autre Dijfertation Critique & Théologi-
enne , oit l'on trouve l'Hifloire ancienne & moderne du mot Omooufios ?
par le même Auteur. A Jcne , chez Chriftophle - François Buch. J73 3.
in-11. pp. iC\.
AVANT que d'entrer en
matière , M. Rau fe croit
obligé de donner le portrait de
La&ance , & de nous faire connoî-
trefon efprit , fes mœurs & fes in-
clinations. Il n'entre point cepen-
dant dans l'Hiftoire de fa Vie , il
renvoyé là-delïusà Meilleurs Cave,
Scultet & Dupin. Il s'attache uni-
quement à nous peindre Ladtance ,
parce que le cara&ere d'un Auteur
influe toujours fur les fentimens
qu'il prend, &: fur la manière dont
il les foûtient.
La candeur avec laquelle il fe
propofe de faire cet examen lui
fait appréhender d'un côté de dé-
plaire à ceux qui par un refpect ou-
tré pour l'Antiquité , & fur - tout
pour les Pères de l'Eglife , ne peu-
vent fouffrir qu'on rabatte rien à
leurs louanges , & de l'autre de
s'attirer l'indignation de ces Criti-
ques 3 qui tombant dans un excès
contraire, fe plaifent àrabaiflerla
réputation &c l'autorité des Pères ''
uniquement parce qu'ils jouiffent
de l'une & de l'autre. Pour lui il
promet de prendre un jufte milieu.
Il ne taira point ce qu'il y a de re-
prchenfîble dans Laitance , mais il
ne s'écartera jamais du refpcd
qu'on doit aux grands Hommes ,
lors même qu'on eft obligé de rele-
ver leurs défauts.
Il convient donc que Laitance
avoit le cœur excellent , & qu'il
n'avoit rien oublié pour corriger Ja
volonté. C'eft une exprcflîon fa-
milière à M. Rau , par laquelle il
entend le foin avec lequel tous les
hommes doivent veiller fur ce
fonds de corruption qui leur eft
naturel. Mais en même tems 1 foû-
tient que Lactance a pou '•<: nop
loin h haine contre les anciens Phi-
Si}
ij8 JOURNAL DE
lofophes. Il ne les cite jamais que
pour les combattre , »» S-: quand ils
«ont penfé juite fur quelque fujet,
» il fe garde bien de leur en faire
«honneur, de peur, dit-il , d'em-
» prunter quelque chofe de gens
3> dont il a refolu de découvrir Se
» de réfuter les erreurs. « Il lui cft
encore échappé, en elTayant de dé-
mafquer leur orgueil cV leur vani-
• té , de tomber dans le défaut qu'il
leur reprochoit , Se d^ montrer
qu'il s'eltimoit autant lui - même
qu'il les méprifoit ; il fe glorifie L. J
de fes In dilutions , Chap. 4. de dé-
truire d'un fe ni coup tous les Philofo-
phes ; défaire entièrement fur ce point
ce que ni Aiinutins-Tdix } ni Tertul-
lien , ni Cyprien n avaient pu exécu-
ter \ & de fervir d'exemple à tons
ceux qui voudraient entrer dans la
même carrière.
M. Rau prétend néanmoins que
non feulement on doit lui pardon-
ner ces défauts , mais qu'on peut
même en quelque forte les regarder
comme des Vertus , fur tout fi on
les compare avec les mœurs des
Philofophes qu'il avoit à combat-
tre , tels qu'étoient , par exemple ,
un Hieroclés Se un Porphyre.
Notie Auteur trouve qu'il efl:
plus difficile de le juftifier fur l'in-
conftance de fes fentimens , fur la
précipitation avec laquelle il ju-
geoit de ceux de fes adverfaires , Se
fur le peu d'attention Se de difeer-
nement qu'il apportoit pour choi-
fîr les raifons Se les preuves qu'il al-
leguoit contr'eux , fur fa négligen-
ce à citer les anciens Ecrivains, &
fiir-toutles Auteurs Sacrés. 11 trai-
S SÇAVANS.
te , dit-il , en général tous les Phi-
îofophes d'aveugles Se d'infenfés ,
Se il avoiie qu'Hermès Trifmegiite,
Se Sénéque ont écrit divinement en
certaines rencontres.
On voit par fes Ecrits que fes
moeurs étoient pures , & qu'il étoit
plein de Religion. A l'égard des
qualitez de fon efprir, M. Rau Jes
croit fupérieures à celles de fon ju-
gement, ou plutôt il penfè que s'é-
tant confacré à l'art Oratoire , i
avoit plus travaillé à perfectionner
fon itile qu'à cultiveria raifort , Se
à acquérir de la fécondité dans l-'cx-
preffion que de la juftefîe dans le
raifonnement. De-là vient , ajoûte-
t'il , qu'il y a peu d'ordre & de Lo-
gique dans fes Ecrits, & qu'on peut
douter avecraifon que LacTance en
compofant fe foit jamais formé un
plan tel que Servatius-GalLvus , Se
Abraham Scultet lui en attribuent
dans les Analyfes qu'ils ont don-
nées de fes Ouvrages.
D'où ileonclut que fi Lactanci
n'a pas été fort inférieur à Ciccron ,
ni pour la beauté de l'efprit ni pour
celle du ftile , le dernier l'emporte
infiniment fur le premier par la
force , le choix , l'arrangement de
fes preuves Se de fes raifons. Il
s'autorife même du témoignage
de Bellarmin qui ne dilîîmule pas
que La&ancene fùtplus'verfé dans
la lecture des Livres Profanes que
dans celle des Livres Sacrés.
M. Rau , pour établir le juge-
ment peu favorable qu'il porte de
Ladance , apporte en preuve ce
que cet Auteur dit contre Platon ,
la foiblelTe des argument qu'il cm-
M A R
ployé pour foùtenir les vers Sybil-
lins , pour montrer que l'ame qu'il
place dans le fommet de la tête ,
voit comme par une fenêtre les ob-
jets extérieurs , d'où il arrive , fé-
lon lui , qu'on découvre le caractè-
re d'un homme par l'inlpeCtion de
fes yeux : pour réfuter les raifons de
ceux qui foûtenoient l'exiftence
des Antipodes , & ce qu'il dit en-
core fur la nature de l'ame , ou par
un défaut de mémoire ou par légè-
reté , il combat formellement en
certains endroits ce qu'il avoit
avancé dans d'autres.
Sur ce caractère de Lactance M.
Rau décide qu'il n'étoit pas infini-
ment propre à difeuter des points
de Philofophie , & qu'il auroit
beaucoup mieux réuni , s'il s'étoit
borné à l'éloquence , comme fon
génie l'y portoit; mais il croit que
lanecefllté où il étoit de travailler
pour vivre , ce l'efperance de fe
procurer quelque établiflement
avantageux , l'avoit contraint de
tourner fes études du côté de la
Philofophie Si de la Théologie.
Notre Auteur a comme pour
exeufer la févérité de fa critique
contre Laclance , fe croit obligé
d'examiner jufqu'où alloit le fça-
voir des Pères fur les matières Phi-
lofophiques , & il déclare nette
ment qu'on ne doit pas s'en for-
mer une grande idée ; mais"il ac-
compagne cette déclaration de
toute la politeiîe qu'employent
ordinairement ceux qui fe permet-
tent de manquer de refpect aux
perfonnes qui ont droit d'en exi-
ger » & il avertit qu'on ne doit
S , I7 3 4-' 139
point méprifer les Pères , encore
moins Laitance , lorfqu'on remar-
que quelques erreurs , ou de faux
raifonnemens dans leurs Ecrits.
Paice qu'ils ont paru dans un tems
où ils avoient beaucoup moins de
fecours que nous n'en avons au-
jourd'hui -, d'ailleurs quelque eft i-
me que nous fallions à prel'ent de
notre Philofophie , il s'élèvera
peut-être après nous des gens qui
nous montreront la fauffeté de nos
prétendues découvertes , Si qui
nous feront rougir de notre iliu-
fion.
Et comment , ajoûte-t-il , les
Pères auroient-ils pu réuffir dans
l'étude de la Philofophie , puifque
leur unique but étoit de la détrui-
re. H ne dillimule pas cependant
que S. Juftin Martyr , Si S. Clé-
ment d'Alexandrie montrent au-
tant d'eftime pour la Philofophie ,
que Laclance témoigne de mépris
pour elle. Il eft donc naturel de
penfer que les éloges des deux pre-
miers tombent fur la vraye Philo-
fophie qui mené à la vérité , & que
les reproches de ceux qui avec Lac-
tance blâment la Philofophie , s'a-
drclTent à cette faufle Philofophie
qui ne confiftoit qu'en difputes fri-
voles Si qu'en queftions inutiles c'e
mal fondées. M. Rau avoiie que
c'eft ainfi qu'on concilie ordinaire-
ment ce que les Percs paroiftent
avoir de contradictoire entr'eux ,
lorfqu'ils parlent de la Philofophie;
pour lui il eft d'un avis contraire, Se
foûcient qu'en général les Pères ont
condamné tout ce qui s'appelle
Philofophie. Il fe fonde fui ce que
i4o JOURNAL D
La&ance en particulier ne recon-
noît d'autre principe de vérité que
larévélation, d'où il luit qu'il re-
gardent comme impoilible de rien
découvrir de vrai p3r les feules for-
ces naturelles de l'Elprit.
M. Rau tâche de prouver cette
aflertion par plufieurs endroits de
fon Auteur , dans lefquels il fem-
ble dire qu'il n'y a d'autre règle de
vérité que les Oracles divins ; c'eft
donc à tort que Pamélius a voulu
juftifier Lacî:ance du reproche
qu'on lui taifoit de condamner la
Philofophie en général.
Mais la haine qu'il avoit pour
elleeft d'autant plus pardonnable ,
qu'il vivoit dans un tems où la Re-
ligion Chrétienne n'avoit point de
plus grands ennemis que les Philo-
sophes , Se où la Philofophie mê-
me fourmilloit d'erreurs grolîleres;
il ignoroit , dit M. Rau , qu'il y
en avoit une plus pure qui avoit
fes principes dans une raifon fage
Se éclairée.
Mais dès qu'on reprefente Lac-
tance comme l'ennemi de toute
Philofophie que prétend donc
l'Auteur en donnant à fon Ouvra-
ge le titre de Diflcrtation fur la
Philofophie de La&ance. 11 répond
qu'on appelle Philofophes fur-tout
quand il s'agit des anciens, ceux
qui guidés par les feules lumières
de k raifon , ont à quelque deflein
que ce foit mêlé dans leurs Ecrits
desvéritez , ou même des opinions
particulières , Se comme Laclance
eft du nombre de ces Auteurs, c'eft
à ce titre qu'on l'appelle Philofo-
phe , Se il en uie ainlî , continue-.
ES SÇAVANS,
t-il, à l'imitation de ceux qui ont
traité de la Philofophie d'Homère ,
d'Horace , &c.
Dans le Chapitre fécond qui eft
partagé en deux Sections , l'Auteur
traite de la Philofophie intellec-
tuelle Se morale de Laclance. Com-
me cet Ecrivain parle ordinaire-
ment plutôt en Orateur qu'en Phi-
lofophe : M. Rau avertit fes Lec-
teurs qu'il ne peut pas lui-même
mettre beaucoup d'ordre dans ce
qu'il va recueillir de Lacrance fur
cette matière , & il leur tient paro-
le. Il expofe donc d'une manière
très abrégée ce qu'il a trouvé épars
çà Se là dans les Oeuvres de Lac-
tance fur les facultez Se les opéra-
tions de l'entendement , fur leur
perfection , fur les \ ices , fur leurs
remèdes , év fur la vérité.
Après l'avoir loiié de s'être fort
attaché aux véritez - pratiques de
morale , il recherche fi comme
quelques-uns l'ont prétendu , il eft
le premier qui ait connu la diffé-
rence des Vertus Théologiques
d'avec celles qui font purement
Philofophiques , c'eft - à - dire de
celles qui ont leur principe dans la
grâce d'avec celles qui viennent de
la nature ; Se il fe déclare pour la
négative. Il expofe enfuite ce que
LnCtance a penfé fur la nature de la
volonté , Se en particulier fur la
liberté, fur les pallions , &c. en
général il loue plutôt la pureté de
fes intentions que la pureté de fa
doctrine , Se il le compare aux
grands fleuves qui entraînent fou-
vent avec eux beaucoup de limon.
Mais il remarque en même tems
M A R
que toute la Logique des Auteurs
de ce tems-là fe reduifoit à la Dia-
lectique , c'eft-à-dire à l'art de par-
ler , celui de raifonner étant pref-
que ignoré. Ainfî les défauts de
Laitance lui font communs avec
Seneque, Plutarque, Dion, Ma-
xime de Tyr, Libanius-Thémiftius3
&c.
M. Rau, dans la féconde Section,
palTe à ce que Ladance à enfeigné
fur la Philofophie & far la Théo-
logie naturelle. Pour -ce qui con-
cerne en général la nature des corps,
& en particulier des corps céleftes,
tels que le Ciel , le Soleil , la Lune
& les Etoiles , la Mer , la Terre &
les Eiémens , les efprits , le corps
& l'ame de l'homme, les bêtes, &c.
Notre Auteur montre que fur tous
ces points , Lactance ne s'accordoit
pas avec lui même , ni avec ce que
la bonne Philofophie nous en a de-
puis appris. Le Ciceron Chrétien
ne craint pas d'attribuer à Dieu
certaines paiïions. Il n'avoit pas
même des notions bien claires fur
la nature des efprits , puifqu'à l'e-
xemple de plufieurs Pères , ilfon-
tient que les bons & les mauvais
Anges étoient capables d'avoir
commerce avec les femmes. Et par-
mi les preuves de l'immortalité de
l'ame , il compte le pouvoir qu'il
attribue aux Magiciens d'évoquer
les âmes des enfers.
Cependant comme le but de
Laitance eft de montrer qu'il n'y a
ïien dans la nature qui ne foit ad-
mirable , rien qui n'ait été fait
avec deflein , & que tout ce qu'el-
le renferme a quelque utilité ,. on
S ; 17*4- 141
avoiie ici que les Oeuvres de Lac-
tance font femés de deferiptions
vives Se même dedigrciïions agréa-
bles qui font parfaitement fentir la
bonté & la fagefTe de la Providence
dans la conftruction de cet Uni-
vers.
La troifiéme Section roule fur le
droit des gens , notre Auteur s'at-
tache à montrer que Laitance en a
entièrement ignoré les principes.
Parce qu'il étoit perfuadé qu'on ne
peut connoître les principes du
droit naturel par les feules forces
de la raifort. Parmi les erreurs qui
lui font échappées fur cettelnatie-
re , M. Rau compte non feulement
ce que Lactance dit contre les guer-
res , la navigation , l'inégalité des
Etats & des conditions , les fuppli-
ces & la mort des criminels , tous
ufages qu'il regarde comme inju-
ftes , mais encore ce qu'il avance
contre l'ufure. Lactance la con-
damne fans reftriction. On allègue
ici pour le réfuter fur ce dernier
article ce que M- de Barbeyrac a
écrit de l'ufure dans fa Préface du
droit des gens par PufFendorf &c fes
réponfes à Dom Rémi Ceilier dans
fon Apologie de la Morale des
Pères.
M. Rau place dans le dernier
Chapitre tout ce que Lactance a
dit par rapport à l'Hifloire de la
Philofophie , comme il s'étoit
propofé de combattre tous les Phi-
lofophes , il n'a pu s'empêcher de
s'étendre quelquefois fur leur doc-
trine, & fur les principaux évene-
mens de leur Vie. Mais , félon no»
tre Auteur , l'envie de les rendre
1*2 JOURNAL D
odieux , & la chaleur de fon imagi-
nation l'emportoit fouvent au-delà
de la vérité. Et c'eft à fesdirîcrens
préjugez qu'il faut attribuer les
contradictions où LacTrance tombe
quelquefois fur les Philofophcs. Il
convient dans un endroit qif Epi-
cure a placé le fouverain bien dans
la volupté de l'efprit ; & dans un
autre il l'appelle le patron de la vo-
lupté la plus honte ufe.
Au refte , M. Rau fe contente
poui -l'ordinaire d'expofer lîniple-
ment ce que Laitance rapporte des
Philofophes félon l'ordre du tcm's
auquel leurs principales Sectes ont
paru. Il lui étoit facile , ainii qu'il
l'allure , d'étendre davantage cette
dernière Partie , & de l'enrichir
d'un plus grand nombre d'Obfer-
vations ; mais outre qu'il fe feroit
par-là éloigné de fon deffein , il a
cru , dit-il , devoir refervertoutee
qu'il a recueilli fur cette matière
pour des Ouvrages où elle entrera
plus naturellement. Ce fera appa-
remment dans deux Differtations
qu'il nous promet , dont l'une trai-
tera de la Philofopliie de S. Juftin
Martyr , & de celle d'Athénagore ,
& l'autre fera fur ce mot de
Socrate , tout ce cjuejefçai , c'eft que
je neftai rien.
ES SÇAVANS,
La Differtation fur l'Hiftoire an-
cienne 6c moderne du mot Omoou-
fios , Confubftantiel , cft divifée en
quatre Parties, la première com-
prend les fens dirîerens qu'on a
donnés à ce mot avant le Concile
de Nicée , la féconde le fens précis
auquel il a été fixé dans ce Sy-
node-là même , la troifiéme les di-
verfes lignifications qu'il a eues de-
puis cette époque , & la quatrième
enfin roule fur ce qu'on a penfé
dans ces damiers tems au fujet de
cette expreflîon.
Plufieurs Auteurs avoient déjà
travaillé fur la même matière
comme le P. Petau , Jean - Gafpar
Suicerus , George Bullus , Etienne
Courcelle , Chriftophle Sandius t\C
M. le Clerc ; mais outre que ces
trois derniers l'ont fait avec peu
d'équité , M. Rau prétend que les
uns ni les autres n'ont pas touché
la vingtième partie des Obferva-
tions que ce point de critique de-
mandoit. Il effaye donc de fuppléer
à leurs omiflions } & il le fait en
zélé détenfeur de la foi de Nicée ,
Se en homme qui a tort approfondi
cette matière , c 'eft tout ce que
les bornes qu'on nous preferit nous
permettent de dire fur cette Difïcjs-
tation.
VETERUM
M A R 3 ," 1734.
J4?
^VETERUM SCRIPTORUM ET MONUMENTORUM
Hiftoricorum , Dogmaticorum , Moralium ampliiïima Collecrio.
Tomus VII. C'eft-à-dire : Très-ample Colleilion des anciens Ecrivains .
& de Pièces concernant l'Hifioire , le Dogme , & la Morale. Tome VII.
Pttr Dom Edme Martene & Boni "Jrfm Durand , Prêtres & Religieux
Beneditlins de la Congrégation de faim Maux. A Paris , chez Montalant,
fur le -Quai des Auguftins, proche le Pont S. Michel. 173 5. in -fol.
pp. 71 z, fans la Préface qui eft de 109 pages.
LE S laborieux Auteurs de cet-
te grande Compilation s'é-
toient engagés de la compofer de
neuf Volumes /«-/oZ/Voilà leur en-
gagement rempli par les trois Vo.
lûmes qu'ils ont donnes en 1733.
Nous allons rendre compte dans ce
Journal du feptiémeVolume. Nous
parlerons du huitième & du neu-
vième dans deux autres Journaux.
Ce Volume eft compofé de Con-
ciles , d'Acres & de Pièces qui y
ont rapport , cV de Statuts Syno-
daux de differens Diocéfes. Il fem-
ble qu'après les recherches qu'ont
faites depuis long-tems de fçavans
Hommes pour donner desRecuiels
complets des Conciles & des Actes
qui v ont rapport , il ne refteroit
plus lien à découvrir en ce genre.
Cependant les Pères Martene &Du-
rand ont découvert en différentes
Bibliothèques plufieurs Conciles
dont on n'a rien dit dans les Com-
pilations qui font regardées comme
les plus parfaites , il y en a d'autres
dont les Editeurs des Conciles n'a-
voient rapportés que quelques Ca-
nons , Se dont on trouve dans ce
Volume toutes les décidons en
leur entier. Mais ce qui contribue
le plus à enrichir ceVolume,ce font
Mars.
des Pièces & des Actes qui regar-
dent les Conciles & qui n'avoient
point encore été imprimés.
Entre les Conciles dont les Ac-
tes font compris dans ce feptiéme
Tome , celui qui nous a paru de-
voir le plus réveiller l'attention des
Lecteurs , eft celui qui fut tenu en
Arménie en 1341. les Editeurs
l'ont tiré d'un Manufcrit de la Bi-
bliothèque du Roi. Voici quelle a
été l'occahon de ce Concile. Léon
Roi d'Arménie avoit envoyé des
AmbalTâdeurs au Pape Benoît XII.
pour demander du fecours contre
lesSarazins; ce Papefitréponfeau
Roi d'Arménie qu'il ne pouvoit
efperer aucun fecours , à moins que
les Arméniens n'euffent abjuré
toutes les erreurs qu'on les aceufoit
de foûtenir , lk qu'ils ne fillent
une profeflion exprefle de croire
tout ce que croit l'Eglife Romaine.
C'eft pourquoi Benoit XII. fit faire
un Recueil de toutes les erreurs
qu'on imputoit aux Arméniens, &
qui comprenoit cent dix-fept arti-
cles. C'eft pour répondre à ces ar-
ticles differens que LeonRoi d'Ar-
ménie fit aflembler un Concile gé-
néral de fes Etats , auquel préfida
Mekquitar Catholique ou Patriat^
X44 JOUR.NALD
chc desArmeniens, & où fe trouvè-
rent les Archevêques & les Evêques
Arméniens, des Abbez & un grand
nombre de Prêtres. On répondit
dans ce Concile article par article
au Mémoire de Benoît XII»
On aceufoit les Arméniens de
foûtenir que lors de l'Incarnation
il s'étoit fait en J. C. une contuiîon
des deux natures , enforte qu'il n'y
avoit plus en lui qu'un feul enten-
dement, une feule volonté , une
feule opération , divine &non hu-
maine -, on prétendoit qu'en con-
fequence de ces erreurs les Armé-
niens rejettoient le Concile de Cal-
cédoine , &c qu'ils célébroient avec
beaucoup de folemnité la fête de
Diofcore. Les Arméniens répon-
dent qu'ils ont toujours cru &
qu'ils ont toujours confeffé un feul
J. C qui eft en même taras Dieu
parfait & homme parfait,qu'en tant
qu'il eft Dieu parfait , il a tous les
attributs de la Divinité , & qu'en
tant qu'il elt homme parfait il a
toutes les qualitez des autres hom-
mes , fans être néanmoins fujet au
péché , par confequent qu'il a en
tant qu'homme un corps, un en-
tendement humain , une volonté
humaine. Appliquant ce principe à
la Paillon de J. C. ils difent que le
Verbe a fouffeit en la chair à la-
quelle il s'eft uni par l'Incarnation;
c'eft une erreur , ajoutent-ils , de
dire que c'eft un qui a fouffert & un
autre qui n'a point fouffert , car
c'eft le Verbe qui a fouffert la mort
pour nous fauver. Ainfî le Verbe
impaffible par fa nature fouffroit ,
parce que fon corps fouffroit.
ES SÇAVANS;
Mais en s'ëXpliqUaot ainfî furla
foi , ils avouent que plufieurs d'en-
tre eux ne peuvent fe déterminera
fe fervir de ces expreftions qu'il y a
en J. C. deux volontez , deux ope-
rations , deux natures, ce qui ne
donne aucune atteinte à leur foi , à
ce qu'ils prétendent , parce qu'ils
n'évitent de fe fervir de ces expref-
lîons qu'à caufe des differens fens
qu'a chez eux le mot de nature -, les.
Arméniens reconnoiffent enfuite
qu'il y en a eu plufieurs d'entr'eux
qui ont rejette le Concile de Calcé-
doine , qui ont condamné S. Léon,
& qui ont folemnifé la fête de
Diofcore. Mais tout ceci n'étoit
qu'une erreur de fait , fuivant le
Concile de 1341. &£ cette erreur
provenoitde ce qu'on avoit publié
que le Pape S. Léon & le Concile
de Calcédoine autorifoient les er-
reurs de Neftorius,& que Diofcore
avoit détendu h vérité contre faint
Léon &£ contre le Concde de Cal-
cédoine. Ils ajourent qu'au tems
auquel fetenoit le Concile de 1 342.
il y avoit déjà plus de cinquante
ans que les Arméniens étoient dé-
trompes fur ce point de fait , Se
qu'ils ne faifoient plus la fête de
Diofcore.
Les Arméniens répondant aux
articles du Mémoire qui regardent
l'Euchariftie , y traitent de calom-
niateurs ceux qui les aceufent de ne
pas croire la préfence réelle de J.C.
dans l'Euchariftie, ils reconnoiffent
même expreffément que ce Myfte-
re s'opère par la tranfubftantiation.
Au fujet du Paradis les Arméniens
affurent qu'on n'avoit jamais foî^-
MARS
tenu parmi eux , qu'après la mort
des Juftes leurs âmes ayant été pre-
fentées à Dieu parles Anges , fuf-
fent conduites enfuite par les An-
ges fur la terre ou dans l'air pour y
attendre le jour du Jugement.
Plufieurs articles des réponfes
faites par le Concile des Arméniens
ne parurent pas allez exacts. C'eft
ce qui donna lieu au Pape Clément
VII. qui reçut leur réponfe , de
leur adrefler un fécond Mémoire ,
fur lequel il fouhaita qu'ils s'expli-
quaflent exprefiement.
Les Pièces au fujet de la réu-
nion des Grecs à l'Eglife Latine
faite dans le Concile de Lyon en
ï 174. qui ont été tirées de la
Bibliothèque de M. ChauveJin ,
Garde des Seaux , font au nombre
de 45. Les principales font des
Lettres des Papes Clément IV.
Grégoire X. Innocent V. & Nico-
las III. à Michel Paléologue Em-
pereur de Conftantinoplc 3 au
Prince fils aîné de cet Empereur ,
au Patriarche & à plufieurs Evê-
ques de l'Eglife Gréque & au Roi
de Sicile. Elles contiennent des cir-
conftances fur cette affaire dont les
anciens Hiftoriens n'ont point
parlé.
Plus de la moitié de ce Volume
eft rempli par des Pièces qui regar-
dent le Concile de Pife. C'eft.
pourquoi les Editeurs ont employé
leur Préface à une Hiftoire abrégée
du Schifme d'Avignon qui fert à
faire entendre les Pièces de ce Re-
cueil ; lefquelles fournirent à leur
tour , plufieurs traits à ceux qui
voudront eclaircir l'Hiftoirc du
» î7 5 4- 14J
Schifme d'Avignoû & celle du
Concile de Pife. Ces Pièces font
en Ci grand nombre qu'il ne nous
eft pas pofïïble même d'en rappor-
ter les titres : nous donnerons le
précis d'une de ces Pièces des plus
importantes.
C'eft l'inftru&ion donnée aux
Ducs de Berry , de Bourgogne 5c
d'Orléans , lorfquc le Roi les en-
voya en Ambailade auprès du Pape
féant à Avignon fous le nom de
Benoît XIII. elle eft de l'année
I39J. on l'a tiré d'un Manufcrit de
la Bibliothèque du Roi. Les Ara-
balîadeurs font chargés de repre-
fenter à ce Pape combien le Roi
fouhaitoit de voir finir le Schifme
qui divifoit l'Eglife depuis fi long-
tems , & que c'étoit dans la vue de
trouver un moyen de rendre la
paix à l'Eglife , que le Roi avoit
afiemblé les Prélats de fon Royau-
me , plufieurs Abbez , Prieurs ,
Maîtres en Théologie , Docteurs ,
Députez des Etudes de Paris ,
d'Orléans , d'Angers & de Tou-
loufe , & plufieurs Religieux des
Ordres , des Chartreux , des Ccle-
ftins & des Mandians , &C qu'il a
voulu avoir en particulier l'avis de
l'Univerfité de Paris. On avoit pro-
pofédans ces aflemblées différentes
voyes dont on avoit fait le rapport
au Roi , avec les raifons de partSc
d'autre , pour que le Roi étant in-
ftruit par lui-même, pût propofer
au Pape celle de ces voyes qui lui
paroifîoit la plus convenable.
Celle qu'on appelloit la voye de
fait confiftoit , comme on le voit,
par les inftrucïions à aller à Rome
i4tf JOURNAL D
à main armée , en charter celui qui
occupoitleSiégedeS.Pierre&ypla-
cer Benoît. Mais cette voye ne pa-
roifloit pas convenable , attendu
qu'elle auroit engagé leRoi dans la
guerre contre plufieurs Souverains
avec lefquels il étoit en paix , &
que quand Benoît auroit été ainfi
placé fur le Siège de Rome , les
Nations qui ne vouloient pas le
reconnoître pour Pape ne manque-
roientpas de dire, que ce n'eft que
par force qu'il a été mis fur le Siège
de Rome. Ce raifonnement paroif-
foit aux François mériter d'autant
plus d'attention , que fi le parti de
Benoît XIII. leur fembloit le
meilleur , celui de fon adverfaire
ne latjfoit pas d'être coloré & fondé fur
plufieurs caraiïeres & raifons , mê-
me qu'il étoit foûtenu par un plus
orand nombre de Clercs notables ,que
!c parti de Benoît.
Les mêmes raifons faifoienteon-
noitre l'impoflibilité qu'il y aveit
de réuffir par la féconde vaye qui
avoitété propofée,c<: qui conllftoit
à engager les Princes oppofés à Be-
noît XIII- à fe déclarer en fa faveur,
en les convaincant , foit par écrit ,
foit verbalement de la juftice de fa
caufe. De la part de l'Univerfité on
avoit propofé d'autres voyes pour
faire celTer le Schifmc , la première
étoit celle du Concile général qui
paroiffbit la plus jufte , car es faits
concernant la foi ou l'état de l'Egli-
fe Univerfelle , comme eft le Schif-
me , difent les inftrudions , le Pa-
pe eft fujet au Concile & en peut le
Concile juger & déterminer, mais
.ette voye paroiffoit finette à bien
ES SÇAVANS,
des inconveniens, par la difficulté-
d'aflemblcr le Concile , & par la
peine qu'on auroit d'obliger à fe
foûmertre à cette décifion , ceux
qui fc verraient condamnés ; en-
fin parce qu'il eft à fouhaiter pou*
parvenir à une réunion fincere ,
qu'aucune des obédiences ne foie
condamnée pour l'Eglife Univer-
felle comme ayant foûtenu un Pape
Schifmatique. La voye du compro-
mis que d'autres ont propofée efr
fujette à d'auffi grands inconve-
niens , parce qu'on doutera h l'on-
peut difpofer de la Papauté par
cette voye , qu'elle engage dans de
grandes difcuflîons , & qu'on n'eft
point afluré que tous les Etats
Chrétiens veuillent fe foûmettre au
jugement des Arbitres. Refte la
voye de lacçflion par les deux Papes
qui avoit été propofée dans l'Uni-
verfité & dans les Affemblées , &
pour laquelle plus de deux tiers
des opinans s'étoient déclarés.
C'eft aullî celle que le Roi fait pro-
pofer à Benoît XIII. parce que c'eft
ïx feule qui puifle conduire feu-
rement à la paix , que c'eft celle
qui paroît la plus aifée aux per-
fonnes les plus habiles évlcs plus
zélées pour l'extinétion du Schifmc
de l'une ou de l'autre Obédience ,
celle que Clément prédeceffeur de-
Benoît avoit lui-même adoptée ,
qu'elle avoit été approuvée par les
Cardinaux affembléspour l'éleétion
de Benoît, & par Benoît lui-même.
Les Amballadeurs étoient enfuite
chargés d'expliquer à Benoît les
mefures que le Roi devoit pren-
dre pour obliger le Pape qui tenait
M A R
fon Siège à Rome à faire une
pareille renonciation , & pour qu'il
y eût un Pape reconnu par l'Eglifc
Univerfclle. La plupart des autres
Pièces qui concernent le Schifme
d'Avignon & ce qui s'eft palTé
ivant ou depuis le Concile de Pife
ne font ni moins cuneufes,ni moins
mtereiTantes que celles dont on
vient de voir le précis. Les Actes
du Concile de Pife inférés dans ce
Volume , tort differens de deux cf-
peces d'Actes de ce Concile , in-
SVITE DES ELOGES DES ACADEMICIENS DE
l'Académie Royale des Sciences , morts depuis l'an 1722. Par M. D2
Fontenelie , Secrétaire de l'Académie Royale des Sciences. A Paris ,
chez Chaubert , Libraire du Journal ; Ofmont , rue S. Jacques ;
Hourdel , Quai des Auguftins -, Hitart l'aîné , rue S. Jacques; GiJ[ey3
rue de la Vieille Bouderie ; David le jeune , Quai des Auguftins ;
Cloi/fer } rue S. Jacques. 1733. vol. itï-Jz. pp. 332.
s , 1734; 147
ferés dans la grande Collection des
Pères Labbe & ColTart , & des dif-
ferens Actes du même Concile pu-
bliés par Vonder - Ardt dans la
grande Collection fur le Concile
de Confiance.
Les dernières Pièces de ce Volu>-
me font d'anciens Statuts Syno-
daux pour les Diocéfes d'Amiens y
d'Orléans, de Cambray , du Mans.
Ce font des morceaux que ceux qui
font curieux des matières qui y font
traitées doivent lire tous entiers.
NOUS avons , le mois der-
nier , rendu compte des cinq
premiers Eloges contenus dans ce
Recueil , il nous refle à parler des
neut autres , qui font ceux de M.
Neuton , du Pcre Reynaud , de M.
le Maréchal de Talard , du Pcre
Sebaftien Truchet Carme, &c de
Meilleurs Bianchini , Maraldi , de
Vafincourt , Marfigli , du Verney.
Eloge de M. Neuton.
Ifaac Neuton naquit le jour de
Noël V. S. de l'an 1642. à Volfbro-
pe dans la Province de Lincoln. Il
iortoit de la Branche aînée de Jean
Neuton , Chevalier - Baronnet ,
Seigneur de Volftrope.
L'Auteur, commence cet Eloge
par faire mention de l'étonnante
profondeur d'efprit de M.Neuton,
i°. pour les Mathématiques en gé-
néral , 20. pour tout ce qui les
concerne en particulier , comme
l'Aftronomie , la Géométrie , l'Op-
tique , 30. pour la Phy/ique. Il en-
tre dans un détail exact des Ouvra-
ges de ce grandHomme, il en déve-
loppe les differens fujets,& il n'ou-
blie rien de tout ce qui peut , de c;
côté-là, faire véritablement connoî-
tre M. Neuton ; l'on pafTe enfuite à
fon alïociation dans l'Académie des
Sciences , de au choix que le Roi
Guillaume fit de lui, pour la Char-
ge de Garde des Monnoyes , Se peu
après pour celle de Maître de la
Monnaye, emploi d'un revenu con-
fiderable. L'honneur qu'il reçut en
148 JOURNAL D
1^87. d'être nommé par l'Univer-
fîté de Cambridge pour un des Dé-
légués de cette Univerfité parde-
vant la Cour de la Haute Commif-
fion , le privilège qu'il eut en 1688.
de tenir Séance dans le Parlement
de convention , cV: en 170 1. d'être
choifi une féconde fois Membre de
cette Aiîemblée pour h même
Univerfité de Cambridge ; fon
élection en 1705. à la dignité de
Président de la Société Rovale , di-
gnité qu'il a polTedée fans interrup-
tion jufqu'à fa moit pendant 23
ans, exemple unique dont on ne
crut pis , dit M. de Fontenclle ,
devoir craindre lesconfequences.
La qualité de Chevalier dont il
fut décoré en 1705. par la Reine
Anne , fon zélé pour lefervicede
fa Patrie , rien de tout cela n'eit
oublié dans l'Eloge de M.Neuton.
L'on remarque que fa fanté fut
toujours ferme & égale jufqu'à lâ-
ge de quatre- vingt ans , où il com-
mença à être incommodé d'une in-
continence d'urine. Il ne fouft'rit
beaucoup que dans les derniers 20
jours de fa vie. On jugea fûrement
qu'il avoit la pierre , & qu'il ne
pouvoit revenir de cette maladie.
Il mourut le vingt Mars V. S. au
matin , âgé de quatre - vingt - cinq
ans.
Les cérémonies de fes funérailles
font un article digne de remarque :
fon corps tut mis fur un lit de pa-
rade dans la Chambre de Jerufa-
lem , endroit d'où l'on porte au
lieu de leur fépulture , les perfon-
nes du plus haut rang , & quel-
quefois les Têtes couronnées. On
ES SÇAVANS,
le transfera dans l'Abbaye deWeft-
miniter, le poile étant foûtenu par
Mdord grand Chancelier , par les
Ducs de Montrofe Se Roxburg ,
8c par les Comtes de Pembrocke ,
de Suflex & de Maclesfield. Ces
fîx Pairs d'Angleterre qui firent
cette fonction folemnelle , laiffent
allez juger quel nombre de perfon-
nes de diftinction groilnent la
pompe funèbre. L'Evêque de Ro-
chefter , accompagné de tout le
Clergé de l'Eglife , ht le Service.
Le corps fut enterré près de l'en-
trée du coeur.
M. de Fontenellc reflechiflfant
fur cette pompe funèbre , dit qu'il
faudroit prefque remonter chez les
anciens Grecs , ii l'on vouloit trou-
ver des exemples d'une au(ÏÏ gran-
de vénération pour le fçavoir. Il
ajoute que la famille de M. Neu-
ton imite encore la Grèce de plus
près , par un Monument qu'elle lui
fait élever , &z auquel elle employé
une fomme considérable. Le Doyen
cv le Chapitre de Weftminiteront
permis que l'on conitruisît ce Mo-
nument dans un endroit de l'Ab-
baye , qui a fouvent été refufé à la
plus haute NoblelTe.
M. Neuton a vécu jufqu'à 85
ans , fans fe fervir jamais de lu-
nettes, ni avoir perdu qu'une feule
dent ; le nom d'un fi grand Hom-
me , dit M. de Fontenellc , permet
ces petits détails.
Il étoit d'un caractère fort doux,
il ne parloit jamais de foi , ni
jamais n'agilToit d'une manière à
taire foupçonner aux plus malins
le moindre fentiment de vanité. Il
M A R
:ft vrai , comme il eft facile de le
conjecturer , qu'on lui épargnoit
affez le foin de fe faire valoir -, mais
combien d'autres , demande M. de
Fontenelle , n'auroicnt-ils pas laiffé
de prendre encore un foin dont on
fe charge fi volontiers , 6v dont il
cft lî difficile de fe repofer fur per-
fonne î Combien de grands Hom-
mes généralement applaudis n'ont-
ils pas gâté le concert de leurs
louanges , en y mêlant leur voix ?
m M. Neuton ctoit fimple , affa-
» ble , toujours de niveau avec
« tout le "inonde. Il ne fe croyoit
»difpenfé, ni par fon mérite, ni
»> par fa réputation , d'aucun des
«devoirs du commerce ordinaire
» de la vie. Nulle fîngularité ni na-
turelle , ni affectée , il feavoit
»: n'être , des qu'il le talioit , qu'un
55 homme du commun.
L'Auteur de l'Eloge remarque
fur cela, Que les génies du premier
ordre ne méprifent point ce qui eft
au-deiïous d'eux , tandis au con-
traire que les autres méprifent ceux
mêmes au-deffous defquels ils fe
trouvent.
L'abondance dont joiiiffoit M.
Neuton & par un grand patrimoi-
ne , & pour fon emploi de Maître
de la Monnoye , cette abondance
augmentée par la fage fimplicité
avec laquelle il vivoit , ne lui of-
froit pas inutilement de quoi faire
du bien. Il ne croyoit pas que don-
ner par un teftament , ce fût don-
ner ; aufiî , remarque M. de Fonte-
nelle , n'a-t-jl point laifle de tefta-
ment , & il s'eft dépouillé toutes
les fois qu'il a fait des liberalitez ou
$ » T 7 ? 4* 149
à fes parens, ou à ceux qu'il feavoit
être dans le befoin. Cela n'a pas
empêché qu'il n'ait laifle en biens-
mcublcs , environ trente-deux mil-
le livres fterlin , fomme qui reviens
à celle de fept cens mille livres ,
monnoye de France. LefçavantM.
Leibnits fon Concurrent mourut
riche auffi , quoique beaucoup
moins , & 'avec une fomme de re-.
ferve affez confiderable ; ces exem-
ples rares , & tous deux étrangers ,
fcmblcnt mériter , ditM.de Fon-
tenelle , qu'on ne les oublie pas,
c'eft par cette reflexion que finit
l'Eloge -, mais qu'il nous foit permis
d'y ajouter que voilà de quoi faire
revenir de leur erreur, ceux qui
s'imaginent que la culture des
Sciences & les richçffes font in-
compatibles.
Eloge du Père Reyveau.
Après avoir débuté par dire avec
l'Auteur de cet Eloge , que le Perc
Charles Reyncaude l'Oratoire, &
grand Mathématicien , naquit à
Briffac , Diocéfe d'Angers , & qu'il
étoit fils d'un fimple Maître Chi-
rurgien nommé Charles Reyneau ,,
& de Jeanne Chauveau: nous com-
mencerons notre Extrait par où l'E-
loge finit, & nous remarquerons
d'abord , que la Vie dont il s'agit
aététrès-iîmple & très-uniforme ;
que l'étude , la prière , & deux
Ouvrages de Mathématique, l'un
intitulé l'Analyfe démontré , &
l'autre la Science du Calcul , en font
tous les évenemens -, que le Perc
Reyneau fe tenoit à l'écart de toute
iyo JOURNAL DES SÇAVANS;
affaire , encore plus de toute intri-
gue , qu'il comptoit pour beau-
coup , l'avantage fipeu recherché ,
de n'être de rien , qu'il avoit peu
de liaifons , peu de commerces &
pour principaux amis , le Père Mal-
branche ( dont il adoptoit tous les
principes ) Se M. le Chancelier ;
deux noms que M. de Fontcnelle
ne craint pas de mettre ici en même
rang, la première dignité duRoyau-
me étant , comme il le remarque ,
fi peu neceffaire à M. le Chancelier
pour l'illuftrer , qu'on peut ne le
traiter que de grand Homme.
On voit dans le corps de l'Eloge,
que le Père Reyneau entra dans
l'Oratoire à Paris , âgé de vingt
ans ; Que fes Supérieurs l'envoyè-
rent profeiTer la Philofophie àTou-
loufe , puis àPezenas ; Qu'il enfei-
gna dans ces deux Villes la Philofo-
phie nouvelle ; Qu'enfuite on lui
donna les Mathématiques àprofef-
fer à Angers en 1633. Que dans
cette fonction il fe rendit familier
tout ce que la Géométrie moderne
a produit de découvertes ingénieu-
fes & de hautes fpéculations ; Que
rempli de ces connoillances , il en-
treprit pour l'ufage de ceux qui
venoient l'entendre , de mettre en
un même corps , les principales
Théories répandues dansDefcartes,
dans Leibnits , dans Neuton , dans
les Bernouilli 3 dans ies Mémoires
de l'Académie , ce qui produiik le
Livre de ï'Analyfe démontrée p qu'il
publia en 1708. ayant profefie 22
ans à Angers , & le Livre de la
Science du Calcul , qui vint cinq
ans après ; Ouvrage d'une utilité
finguliere , & dont M. de Fcnte-
nellc fait voir l'excellence.
Le P. Reyneau fut reçu dans l'A-
cadémie des Sciences en 171e. au
nombre des Aftociés libres , &
mourut en 1728.1e 24 Février -, on
ne rapporte aucune particularité de
la fin de fa vie , finon qu'il fut
obligé dans fes dernières années de
fe ménager fur le travail. Qu'après
s'être toûjouts arToibli pendant
quelque tems , il mourut , & Que
près de mourir , il refufoit juf-
qu'aux foins d'un périt Domcfti-
que ; parce qu'il craignolt de gêner
ce Domeftique. Si M. de Fonteiiel-
le ne dit rien de particulier fur la
mort du Pcre Reyneau , il n'en eft
pas de même, en un fens , des pre-
mières années de fa vie ; car il allu-
re qu'on ne fçait rien de tout le
tems qui s'eft écoulé depuis la naif-
fance de ce fçavant Homme , juf-
qu'à fon entrée dans l'Oratoire ; ce
qui eft une chofe bien finguliere }
l'Eloge du P. Charles Reyneau fe
trouve imprimé dans l'Hiftoirede
l'Académie des Sciences , année
1718. avec celui de Camille d'Ho-
îtun , Maréchal de Tallard , dont
nous allons rendre compte.
Eloge de M. le Maréchal de Tallard,
Camille d'Hoftun naquit le 14
Février 1652. de Roger d'Hoftun 3
Marquis de la Baune , Scde Cathe-
rine de Bonne , fille Punique hé-
ritière d'Alexandre de Bonne d'Au-
riac, Vicomte de Tallard. Sanaif-
fance , comme le remarque M. de
Fonteneile, le deftinant à la guerre,
&
MARS, 1734. i/ï
Se encore plus fon inclination, il l'année Françoifc à Hochftet mais
.entra dans le Service auffi-tôt qu'il victoires qui , indépendamment de
y put entrer ; & à l'âge de 1 6 ans il
fut Mettre de Camp du Régiment
des Cravates. Trois ans après il fui-
vit le Roi à la Campagne de Hol-
lande. L'Auteur de l'Eloge fuppri-
me le détail militaire des différen-
tes actions où fe trouva M. de Tal-
lard pendant le cours de cette guér-
ie , & desblefîuresqu'ily reçut. Il
ne rapporte qu'un trait qui fuffit
pour prouver combien la valeur de
ce Guerrier , & même fa capacité
furent connues de bonne heure &
cftimées par le meilleur Juge cjuon
fuijje nommer. M. de Turenne le
choifît en 1674. pour commander
le corps de bataille de fon armée
aux combats de Mulhaufen & de
Turkeim,
On entre ici dans des récits que
nous fupprimerons pour éviter la
longueur , & qui font voir avec
quel fuccès M. de Tallard paffa en-
fuite par toutes les occafions qui
pouvoient prouver fes talens dans
le métier de la guerre , & par tous
les grades qui dévoient les recom-
penfer , fans excepter le grade de
Maréchal de France , qu'il obtint
de la Juftice du Roi au commen-
cement de 1703. & après l'obten-
tion duquel il courut au fecours de
Traerbach puilfammenr alfiégé, &
conferva à la France , cette conquê-
te qu'elle lui devoit depuis peu.
La prife de Brifac, celle de Lan-
dau & la foûmilfion de tout le Pa-
latinatne font pas oubliés ici , vic-
toires de peu de durée, à la vérité ,
par le trifte fort qu'éprouva enfuite
Mars.
ce revers de fortune , ne laiiferenc
pas d'attirer fur le Maréchal,les fa-
veurs du Roi ; puifque peu de
mois après la bataille d'Hochftet,
il fut fait Gouverneur de Franche-
Comté , puis Duc en 171 2. & en-
fuite Pair de France en 171 5. com-
blé de ces honneurs & de pluiieurs
autres que nous partons, tous capa-
bles de remplir la plus vafte ambi-
tion , il defira d'être de l'Académie
des Sciences. Il y entra honoraire
en 1723. & l'année fuivante il en
fut Préiîdent. Après avoir com-
mandé des armées, il ne négligea
aucune des fonctions d'un com-
mandement h peu éclatant en
comparaifon du premier.
Il mourut le 29 Mars 1728. âgé
de foixante &c feize ans.
Son Eloge , comme nous venons
de le remarquer à la fin de l'article
qui concerne le P. Reyneau , eft
imprimé dans l'Hiftoire de l'Aca-
démie année 1728.
Eloge du Père Truchet Carme.
Voici un Eloge bien différent , il
ne s'y agit que de Machines & de
Méchaniques.
Jean Truchet naquit à Lyon en
1^57. d'un Marchand fort homme
de bien , qui , en mourant, le laiffa
encore très-jeune , entre les mains
d'une mère pieufe aufïi , qui ne né-
gligea rien pour l'éducation de ce
fils.
A l'âge de 17 ans il entra dans
l'Ordre des Carmes à Lyon & y
V
IJT2 JOURNAL DE
prit le nom de Sebaftien -, fur quoi
M. de Fontenelle fait cette refle-
xion , que l'Ordre des Carmes eft
du nombre de ceux oit fon porte le re-
noncement au monde Jufauà changer
fou nom de Bapthne. Le Père Tru-
chet n'a été connu que fous celui
de Frère , ou de Père Sebaftien , Se
il le choifit par affection pour fa
mère qui fe nommoit Sebaftiane.
Il avoit un goût naturel pour la
Méchanique : le célèbre Cabinet
de M. de Serviere , Gentilhomme
d'une ancienne Noblefle,qui, après
avoir long-tems fervi , mais peu
utilement pour fa fortune , parce
qu'il n'avoit fongé , dit M. de Fon-
tenelle , qu'à bien fervir , s'éroit
retiré à Lyon couvert rie bleffures ,
Se avoit employé fon loifir à inven-
ter Se à faire plulîeurs Ouvrages de
tour, différentes Horloges & divers
modèles d'inventions propres pour
la guerre ou pour les arts;ce fameux
Cabinet , Se fi hmeux qu'il n'y
avoit rien qui le fût davantage en
France , rien que les voyageurs &:
les étrangers eu lient été plus hon-
teux de n'avoir pas vu , attira la
curiofité du Père Sebaftien qui en
fit fon école. Il y voyoit toutes
fortes de machines curieufes Se
fouvent en devinoit les reffortsfe-
crets , ce qui augmenta en lui l'in-
clination qu'il avoit pour les Ma-
chines, & qu'il cultiva enfuite avec
un fuccès furprenant.
Les Supérieurs du Père Sebaftien
l'envoyèrent à Paris au Collège
Royal des Carmes de la Placc-
Maubeit ,' pour y étudier la Phi-
lofophie Se h Théologie, mais il
S SÇAVANS.
n'y eut guéres que la Phylîcjuc
qui flattât fon goût , parce qu'en-
core qu'elle fût en ce tems - là ,
prefque toute Scholaftique , il né
laifloit pas d'y entrevoir quelque
rapport aux Machines. Il lui don-
noit tout le tems que fes devoirs
laifloient en fa difpolîtion, 6c peut
être, fans s'en appercevoir, leur en
abandonnoit-il quelque petite par-
tic que les autres études euffent pu-
reclamer. Le moyen , demande fur
cela M. de Fontenelle , que le devoir
& le plai/ir fajfent entre eux des par-
tages Jijuftes ?
Le génie du P. Sebaftien pour
les Méchaniques, ne tarda pas à fe
faire connoître. En voici un exem-
ple qui mérite bien d'être rapporté.
Charles II. Roi d'Angleterre
avoit envoyé au reu Roi deux
montres à répétitions , les premiè-
res qu'on ait vues en France. Elles
ne pouvoient s'ouvrir que par un
fecret -, précaution des Ouvriers
Anglois pour cacher , dit M. de
Fontenelle, la nouvelle conftruc-
tion , Se s'en affurer d'autant plus
la gloire Se le profit. Les montres ,
continue l'Auteur , fe dérangèrent
Se furent mifes entre les mains de
M. Martineau , Horloger du Roi ;
ce fameux Horloger n'y put tra-
vailler faute de les fçavoir ouvrir ,
Se il dit à M. Colbert , qu'il ne
connoiffoit qu'un jeune Carme ca-
pable d'ouvrir les montres en que-
ftion , & que fi ce Carme n'y réuf-
fiffoit pas, il falloit prendre le parti
de les renvoyer en Angleterre. M.
Colbert confentit qu'on les donnât
au P. Sebaftien , qui les ouvrit allez
M A R
promptement , & de plus les ra-
commoda fans feavoir qu'elles ap-
partenoient au Roi. Il étoit déjà
habile en Horlogerie , ôc ne de-
mandoit que des occafions de s'y
exercer.
M. de Fontenelle ne termine pas
ici l'Hiftoire , en voici la fuite qui
vaut bien le commencement.
M.Colbert , quelque tems après,
envoya ordre au P. Sebaftien de le
Tenir trouver à fept heures du ma-
tin d'un jour marqué. Nulle expli-
cation fur le motif de cet ordre. Le
P. Sebaftien ne manqua pas à l'heu-
re ; il fe prefenta interdit & trem-
blant. Le Miniftre accompagné de
deux Académiciens dont M. Ma-
riote étoit l'un, le loua fur les mon-
tres , & lui apprit pour qui il avoit
travaillé , l'exhorta à fuivre fon
grand talent pour les Méchaniques ,
Se fur-tout à étudier les Hydrauli-
ques , qui devenoient neceflaires à
la magnificence du Roi; il lui re-
commanda de travailler fous les
yeux de ces deux Académiciens ,
qui le dirigeraient, & pour l'ani-
mer davantage , &: parler plus di-
gnement en Miniftre , il donna au
jeune Carme qui n'a voit encore que
dix- neuf ans, fix cens livres de
penfion , dont la première année ,
félon la coutume de ce tems - là ,
lui fut payée le même jour. Notre
Hiftoricn qui ne manque jamais de
relever fes récits par quelques réfle-
xions , dit ici , que lorfque les
Princes ou les Minières ne trouvent
■bas des hommes en tout genre , c'eft
qu'ils ne fçavent pas qu'il faut des
hommes , ou qu'ils n'ont pas l'art d'en
irtuver.
S, 17 34- 1/5
Selon l'ordre que le P. Sebaftien
reçut de M. Colbert, de s'attacher
aux Hydrauliques , il pofleda à
fond,la conftt uiition des pompes &:
la conduite des eaux. Il a eu part à
divers Aqueducs de Verfaiiles , &
pendant fa vie , il ne s'eft guéres
fait ou projette en France de grands
canaux de communication de rivie-
res,pour lefquels on n'ait du moins
pris fes confeils.
Il a fçû joindre à cela une gran-
de connoiftance des arts , & il a
travaillé à un grand nombre de
modèles pour différentes Manufac-
tures ; par exemple, pour les pro-
portion des filières des Tireurs d'or
de Lyon , pour le blanchilTage des
toiles à Senlis , pour les Machines
des monnoyesde Fiance.
Il a imaginé pour M. le Duc de
Noailles , lorfque ce Duc faifoit
la guerre en Catalogne , de nou-
veaux Canons , qui fe portoient
plus aifément fur les montagnes, &:
fe chargeoient avec moins de pou-
dre , & il a fait des Mémoires pour
M. le Duc de Chaune fur un Ca-
nal de Picardie. C'eftlui qui a in
venté la machine à tranfportcr de
gros arbres tout entiers , fans les
endommager, de forte que du jour
au lendemain Marly changcoit de
face , & étoit orné de longues al-
lées arrivées de la veille.
Les Tableaux mouvans ne font
pas oubliés par M. de Fontenelle ,
& ils font un des articles des plus
curieux de l'Eloge. Le Roi en don-
nant à l'Académie le Règlement
de 1699. nomma le P. Vbrftien
Honoraire de cette Académie ,
V.j
i54 JOURNAL D
place qui n'obligeoit l'Académi-
cien à aucun travail réglé i & dans
laquelle cependant il n'a pas laifle
de donner fon élégante Machine du
Syftème de Galilée pour les corps
pefans, &: fes combinaifons des car-
reaux mi partis qui ont excité d'au-
tres Scavansà cette recherche.
Les dernières années de fa vie
ont été un tilïu d'infirmitez , Si en-
fin il mourut le 5 Février 1729.
Après avoir fait mention des ta-
lens du P. Sebaftien pour les Ma-
chines, nous ne devons pas oublier
l'eiTentiel , qui eft le foin qu'il eut
d'être aulli bon Chrétien que bon
Méchanicien. Il a toujours été très-
fidéle à fes devoirs , extrêmement
deiîntcrefte, doux, modefte ,&c fé-
lon i'expreflion dont fe fervit M.le
Prince , en parlant de ce Religieux
au Roi , aujfifimple que [a Machi-
nes. Les derniers traits de fon Eloge
tournent trop à fa gloire pour ne
devoir pas trouver ici place.
L'Auteur remarque que le Pcre
Sebaftien conferva toujours dans la
dernière rigueur , tout l'extérieur
convenable à fon état de Reli-
gieux, Que fort répandu au dehors,
& prefque inceiTamment diflipé ,
il ne contracta rien de cet air que
donne le grand commerce du
monde , & que le monde ne man-
que pas de défaprouver & de railler
dans ceux mêmes à qui il l'adonné,
quand ils ne font pas faits pour l'a-
voir.
M. de Fontenelle demande ici
comment le P. Sebaftien eût pu
manquer aux bienféances d'un habit
qu'il n'a jamais voulu quitter ,
ES SÇAV ANS,
quoique des perfonnes puiffàntes-
lui offriircnt de l'en défaire par leur
crédit ; en fe fervent de ces moyens
que l'on -ifçu rendre légitimes. » 11 ne
» prêta point l'oreille à des propo-
» lirions qui en auroient peut-être
» tenté beaucoup d'autres, ex il pré-
paiera la contrainte & la pauvreté où
» il vivoit , à une liberté & à des
ncommoditez qui euftenî inquietté
» fa délicatefle de confeience.
L'Eloge du Père Sebaftien elt
imprimé dans l'Hiftoire de l'Aca-
démie des Sciences, année 1719..
avec celui de M. Bianchini dont
nous devons parler , & celui de M.
Maraldi qui viendra enfuite.
Nous avons palTé dans le
cours de cet Extrait deux Hiftoires
curieufes , que les Lecteurs ne fe-
ront peut-être pas tâchés que nous
rappellions ici , tant pour la ma-
nière dont elles font contées par
l'Auteur de l'Eloge , & que nous
fuivrons exactement , que pour
leur fingularité propre.
La première concerne un Gen-
tilhomme Suédois , qui attiré
par la réputation du Père Se-
baftien , vint à Paris lui redeman-
der , pour ainfi dire , fes deux
mains qu'un coup de canon lui
avoit emportées -, il ne lui reftoit
que deux moignons au-deftus du
coude. Il s'agifloit de faire deux
mains artificielles qui n'auroient
pour principe de leur mouvement
que celui de ces moignons , diftri-
bué par des fils à des doigts qui fe-
roient flexibles. On aflurc que
l'Officier Suédois fut renvoyé au
Père Sebaftien par les plus habiles
M A R
Anelois , peu accoutumés cepen-
dant à reconnecte aucune fuperio-
tité dans la nation Françoife. Une
entrepnfe fi difficile , & dont le
fuccès ne pouvoit être qu une ei-
pece de miracle, n'effraya pas tout-
à fait le P. Sebaftien. Il alla même
fi loin qu'il ofa expofer aux yeux
de l'Académie & du Public , fes
cflais, fes tentatives, & diflerens
morceaux déjà exécutes qui dé-
voient entrer dans le deffein géné-
ral Mais Monfieur eut alors beloin
de lui pour le Canal d'Orléans, &
interrompit le P. Sebaftien dans un
travail qu'il abandonna peut -être
fans beaucoup de regret. En partant
il mit le tout entre les mains d un
Méchanicien , dont il eftimoit le
génie & qu'il connoiffoit propre a
fuivre ou à rectifier fes vues. C elt
M du Quet dont l'Académicien a
approuvé différentes inventions.
Celui-ci mit la main artificielle en
état de fe porter au chapeau de
l'Officier Suédois , de l'oter de dei-
fus fa tête, & de l'y remettre : mais
cet étranger ne put faire un allez
lona ftjour à Paris , de fc relolut a
une" privation , dont il avoit pris
peu à peu l'habitude.
M deFontenelle dit fur cela ,
Qu'on avoit cependant trouvé de
nouveaux artifices , & paffe les
bornes dans lefquelles on fe eroyoït
renfermé , & que peut" être fe
trompera-ton plutôt en fe défiant
trop de l'induftrie humaine qu en
s'y fiant trop.
La seconde Histoire concerne
la vifite dont le feu Czar Pierre c
Grand, honora le P. Sebaftien. Elle
S ; ï7?4- "" **?
dura trois heures. Ce Monarque ne
avec tant de génie , quoique dans
une barbarie fi épailïc ; ce Monarr
que , Créateur d'un peuple nou-
veau , ne pouvoit fe raffafier de
voir dans le Cabinet de cet habile
Homme , tant de modèles de Ma-
chines , ou inventées ou perfec-
tionnées par lui , tant d'Ouvrages
dont ceux qui n'étoient pas recom-
mandables par une grande utilité ,
l'étoient au moins par une extrême
induftrie. Après la longue applica-
tion que le Prince donna a cette
efpece d'étude , il voulut boire, &
ordonna au P. Sebaftien , qui s'en
défendit le plus qu'il put , de boire
après lui dans le même verre , ou
Sa Mafefté verfa elle-même le vin ,
elle à qui le defpotifme le plus ab-
folu auroit pu perfuader que le
commun des hommes n'étoit pas
de la même nature qu'un Empe-
reur de Ruffie.
Les Sçavans doivent d'autant
plus s'intereffer à ces fortes d'hon-
neurs rendus à leurs pareils , qu'ils
n'y font guéres accoutumés.
Eloge de M. Bianchini.
François Bianchini né à Vérone
le 13 Décembre 1661. de Gafpat
Bianchini , & de Cornelie Vailetti,
embraffa l'état Ecclefiaftiquc , & a
eu , remarque M. de Fontenelle ,
fur'la fin de l'Eloge, deuxCanoni-
cats dans deux des principales
Eglifes de Rome. Il a été Camener
d'honneur de Clément XI. & Pré-
lat Domeftique de Benoît XIIL
outre le Secrétariat de la Congter
i;6* JOURNAL D
gation du Calendrier,Clément XI.
lui donna par une Bulle , une In-
tendance générale fur toutes les
Antiquitez de Rome. Il auroit pu
afpirer plus haut dans un Pays où
l'on fçait qu'il faut quelquefois dé-
corer la pourpre elle - même par
des talens & par le fçavoir. L'exem-
ple récent du Cardinal Noris l'au-
torifoit à prendre des vues il éle-
vées , mais ceux qui l'ont connu
alTurent que fa modération natu-
relle , tk fa Religion l'en preferve-
rent toujours.
C'étoit un homme d'une feien-
ce immenfe , grand Hiftorien ,
grand Mathématicien ., grand
Aftronome ; fes Ouvrages en font
foi. M. de Fonte nelle en donne le
détail.Il étoit même très-éloquent,
& on a de lui des productions qui
font des Pièces d'éloquence , il cm-
bralîbit , dit-on , jufqu'à la Poe'fie.
Auffi lailîe t-il voir aiTez fouvent
dans fon ityle une force &C une
beauté d'exprefïîon , des figures ,
des comparaifons , qui fentent le
Poète.
L'Académie le mit dès l'an 1705.
dans le petic nombre de fes aflo-
ciez étrangers. Il mourut d'une hy-
diopiiîe le deux Mars 1719. on lui
trouva uncilice qui ne fut décou-
vert que par fa mort , & ce qui
vaut mieux que tous les cilices
c'ellque toute fa vie , par rapporta
la Religion , avoit été conforme à
cette pratique fecrette. » La facili-
»> té , la candeur de fes mœurs étoit
» extrême , & encore plus , s'il fe
» peut, Ion ardeur à taire plaifir."
Il la portoit à un point dont on ne
ES SÇAVANS»
trouve guéres d'exemples parmi 1er
perfonne > de Cabinet , c'elt » qu'il
» n'étoit jamais engagé dans aucune
» étude fi interelfante pour lui ,
>» dans aucun travail dont la conti-
»j nuation fwivie fût fi neceiTaire , &
» l'interruption (1 dommageable ,
» qu'il n'abandonnât tout dan» le
j> moment pour rendre un fervice.
Les Ouvrages qu'il a lailTés font :
La Hiftoria Univerfale provata
con momimenti , &figurata conjîmbo-
li de gli Antichi.
De Calendario & Cyclo Cxfaris
ac de Canone Pafchali Santli Hippo-
lyti Martyris , Dijfertaiiones dut.
De Nnmmo & Gnomone Elemen-
iino.
Caméra ed lnfcriptiom Sepnlerali
de llberti , fervi , ed "Vfficiali délia
Cafa di Augitjlo , Sec.
Hefperi & Phofphiri nova Pha-
nomeiia, Jive obfervationes arcà Pla-
mtam Veneris.
M.deFontenelle donne l'expli-
cation de tous ces Ouvrages. On
n'auroit pas été fâché de trouver
dans cet Eloge quelque détail tou-
chant la famille de M. Bianchini ;
mais on n'y trouvé autre chofe fur
cet article , que ce que nous en
avons rapporté au commencement,
fçavoir que le Pcre de M- Bianchi-
ni , s'appelloit Gafpar Bianchini, &
fa mere Cornelie Vailetti.
Eloge de M. Marald'u
Jacques - Philippe Maraldi né le
2iAouft 1^6 5. à Périnaldo dans le
Comté de Nice , lieu déjà honoré
par la nailTancc du grand Cafllni ;
M A R
tut fils de François Maraldi , &c
d'Angela-Catherine Caflîni , feeur
de ce fameux Aftronome.
Ayant fini avec dilhnétion , le
cours des études ordinaires , il cul-
tiva les Mathématiques , & à l'âge
de iz ans appelle en France, par M.
Caflîni fon oncle , il fe mit à obfer-
ver le Ciel , & conçut le deflein
de faire un Catalogue des étoiles
fixes'', Catalogue qui eft la pièce
fondamentale de tout l'Edifice de
"Aitronomie. ■
De cet Ouvrage qui n'eft encore
que manuferit , il a détaché des po-
rtions d'étoile dont quelques Au-
teurs avoient befoin ; par exemple,
M. Dclifle pour fon Globe Célefte ,
M. Manfrcdi pour fes Ephéméri-
des , M. Ifaac Broukner pour le
Globe dont il eft parlé dans l'Hi-
ftoire de l'Académie année 1725.
M. de Fontenelle dit en parlant de
ce Catalogue que l'Auteur l'avoit
tellement dans fa tête , qu'on ne
lui pouvoit déligner aucune étoile,
quoique prefque imperceptible ,
qu'il ne dît fur le champ la place
qu'elle occupoit dans fa conftella-
tion ; de forte que les étoiles étant
appellées dans les Livres faints ,
l'armée du Ciel 3 on pourroit dire
que M. Adaraldi connoijfeit toute
cette Armée t comme Cirus connoijfoit
la jienr.e.
On peut réduire toute la vie de
ce grand Aftronome à la conftruc-
tion du Catalogue dont il s'agit , à
des Obfervations, foit journalières,
foit rares , comme celles des Pha-
fes de l'Anneau de Saturne ; à des
déterminations de retours d'étoiles
fixes,qui difparoilTent quelquefois;
à des applications adroites des mé-
thodes données par M. Caflîni \ hc
à des vérifications de Théories qui
peuvent recevoir plus d'exactitu-
de. Voilà un précis des évenemens
delà Vie de M. Maraldi ; les diffe-
rens Volumes de l'Hiftoire de l'A-;
cadémie des Sciences en font rem-
plis.
A quelques voyages prés que fie
cet Aftronome , foit pour travaille!
fous M. Callini fon oncle à la pro-
longation de la fameufeMéridiennc
jufqu'à l'extrémité du Royaume ,
foit pour s'unir avec ceux que l'im-
portante affaire du Calendrier , oc-
cupoit ; foit pour terminer , avec
trois autres Académiciens , la gran-
de Méridienne du côté du Septen-
trion ; à ces voyages près , on peut
dire que M. Maraldi a pafle fa vie,
depuis fon arrivée à Paris, renferme
dans l'Obfervatoire, ou plutôt , fé-
lon la reflexion de M. de Fontenel-
le, qu'il l'a paflee toute entière
dans le Ciel , d'où fes regards &
fes recherches ne fortoient point.
Il ne lui refloit plus , pour ache-
ver fon Catalogue des étoiles fixes,
que d'en déterminer quelques-unes
vers le Zénit & vers le Nord : dans
ce deflein il venoit de placer un
quart de cercle mural , fur le haut
de l'Obfervatoire , lorfqu'il fut at-
taqué de la maladie dont il eft
mort , maladie contre laquelle il
employa inutilement le feul remè-
de auquel il avoit confiance & dont
il s'étoit toujours bien trouvé, c'eft
la dicte aultere. Il mourut le pre-
mier Décembre 172.9.
ij-8 JOURNAL D
Son caractère , félon la remar-
que de M. de Fontenelle , écoit ce-
lui que les Sciences donnent ordi-
nairement à ceux qui en font leur
unique occupation : du ferieux , de
la iimplicité , de la droiture.
Eloge de M. de Valincourt.
Jean-Baptifte-Henri du Trouf-
fet de Valincourt naquit le pre-
mier Mars 1653. de Henri du
TroufTet & de Maiie du Pré. Sa fa-
mille étoit noble Si honorable, ori-
ginaire de S. Quentin en Picardie.
Il n'avoit que fix ou fept ans, qu'il
perdit fon père , & demeura entre
les mains d'une mère propre à
remplir feule tous les devoirs de
l'éducation de fes en fans.
Il n'elt guéres d'Eloges où ceux
qui en font le fu|et,ne foient repre-
fentés comme s'étant diftingués dès
leurs plus tendres années par des
qualitez au-deffus de leur âge. M.
deFontenelle qui n'aime quelevrai,
& qui fçait d'ailleurs que le mérite
de l'enfance eff un préfage fort équi-
voque dumérite futur, & que ceux
qui brillent le plus alors n'ont fou-
vent que le feu de l'éclairjM. deFon-
tenelle perfuadé de cette maxime
confirmée tous les jours par l'expé-
rience, ne craint point d'avoiier
que celui dont il va parler ne brilla
point dans fes clafles , & que ce
Latin &c ce Grec qu'on y apprend ,
n'étoient pour lui , que des fons
étrangers dont il chargeoit fa mé-
moire , parce qu'il le falloit ; mais
en même tems il obferve que M.
de Valincourt répara dans la fuite
ES SÇAVANS,
avec ardeur , la nonchalance du
tems paire, & fe nourrit avidement
de la lecture des bons Auteurs tant
anciens que mordernes.
Les petits Ouvrages où il lui
échappoit quelquefois de parler la
langue des Poètes , Ouvrages qu'il
ne regardoit pas aiTez férieufement
pour en faire parade , ni même
pour les djfavoùer ; l'habitude que
jufqu'à la fin il a confervée de cette
langue qu'il ne parloit qu'à l'oreille
de quelques amis, &c en badinant;fa
Critique de la PrinceiTe deCléves,
fa modération de n'oppofer que le
fllence à la réponfe qui lui fut laite
fur ce fujet , avec autant d'amertu-
me & d'emportement , dit M. de
Fontenelle , que fi on avoit eu à
défendre une mauvaife caufe ; fon
averlîon pour ces fortes de difpu-
tes , toujours onéreufes à ceux qui
ont les mains liées par de bonnes
mœurs , Si par les bienféances ; la
perfuafion oùilétoit que le public
lui même , malgré fa malignité , fe
laffe bien tôt de ces fortes de fpec-
tacles , cv qu'après avoir vu une ou
deux joutes , il lailTe d'ordinaire ,
les deux Champions fe battre fur
l'Arénc fans témoins , fon prompt
renoncement à la critique pourfe
tourner d'un autre côté plus conve-
nable à fes talens & à fon caraclere.
Sa V te de François de Lorraine Due
de Guife. Sa dignité de Secrétaire
Général de la Marine , fon atta-
chement à M. le Comte de Tou-
louze fon Maître & ion Bienfai-
teur ; fon goût pour les Mathéma-
tiques , qui le mit en état de rem-
plir dignement une place d'Hono-
raire
M A R
(faire à laquelle l'Académie des
Sciences le nomma en 1721-La
tranquillité avec laquelle il regarda
de les propres yeux l'incendie de fa
Bibliothèque , ne difant autre cho-
fe, en voyant périr ce tréfor, linon
qu'/7 n'aurait guère s profilé de fes Li-
vres y s'il nefçavoit pas les perdre^
L'égalité d'ame que lui donnoitfa
Philofophie , cV encore plus fa Re-
ligion qui ne fe démentit jamais ;
tout cela , ainfî que tout ce qui
fait la matière des autres Eloges de
ce Recueil , tant de ceux dont nous
avons parlé jufqu'ici , que de ceux
dont il nous refte à parler , eft tou-
ché de manière par M. de Fonte-
nelle , qu'en ne fçait auquel des
deux on doit le plus applaudir^ou à
celui qui lotie , ou à celui qui eft
loiié.
M. de Valincourt fut attaqué de
diverfes maladies fur la fin de fes
louis , & mourut le 4 Janvier 1730.
Eloge de M. le Comte Marfigli.
Louis-Ferdinand Marfigli naquit
à Boulogne le 10 Juillet 1658. du
Comte Charles-François Marfigli ,
iflu d'une ancienne Maifon Patri-
cienne de Boulogne , & de la Com-
teffé Marguerite Cicolani.
L'éducation que fes parens lui
donnèrent d'une manière convena-
ble à fa naiftance , celle qu'il fe
donna à lui - même , par rapport
aux Lettres-, le foin qu'il eut d'aller
dès fa première jeuneffe , chercher
les plus illuftres Sçavans d'Italie,
<i'apprendre de Seminiano - Mon-
tanar & d'Alphonfe - Boreili , les
Mars,
S ; 175 4; 1 j9
Mathématiques ; de Marcel Malpi-
guil'Anatomie ; 8c des Obferva-
tions que fon génie lui fourniftbit
dans fes voyages, furl'HiftoireNa-
tureile ; [\c voyage qu'il fit à Con-
ftantinopie en 1679. où il examina
en Philofophe , le Bofphore de
Thrace & fes fameux Courans , le
Traité qu'il en donna en 168 1. ce-
lui qu'enfuitc il a publié rDel inerc-
mentoe decremento dell' Imperio Otto.
mano , & qui paroît depuis quel-
ques années imprimé à Amfterdam
avec une Traduction Françoife -,
l'offre qu'à fon retour de Conftan-
tinople , il fit de fes fervices à
l'EmpereurLéopoldquilesacceptai
fes lignes & fes travaux fur le Rab
pour arrêter les Turcs ; fa captivité
chez les Tartaresen 1683.1e 2 Juil-
let jour de la Vifitation , fon ra-
chapt l'année fuivantele 25 Mars
jour de l'Annonciation ; la Corn-
million que lui donna l'Empereur
de fortifier Strigonie , & d'ordon-
ner les travaux neceffàires pour le
Siège de Bude que méditoient les
Impériaux ; la part qu'il eut à lj
conftruètion du Pont fur le Danu-
be , fon élévation à la Charge de
Colonel en 1689. fes deux Ambaf-
fides à Rome en cette même année
pour faire part aux Papes Inno-
cent XI. & Alexandre VIII. des
grands fucecs des Armées Chrétien-
nes , l'honneur qu'il eut d'être em-
ployé par l'Empereur pour le rè-
glement des limites entre l'Empe-
reur Si la Republique de Venife ,
d'une part , & la Porte d'autre part,
le fuccès avec lequel il s'en :cqii t-
ta , la générofité qu'il exerça en-
X
i6o JOURNAL D
vers deux pauvres Turcs dont il
avoir, été cfclave pendant fa capti-
vité chez les Tartares , & envers
un troifiéme , qui pendant cet-
te même captivité , & par l'or-
dre des deux autres Turcs , l'en-
chaînoit toutes les nuits à un pieu,
les triftes lbupçons qu'il efluya par
rapport au Siège de BriiTac , & fa
conduite pleinement juftifiée fut
ce fujet , l'Ouvrage qu'il a donné
en 171 3. fous le titre d' Hiftoire
Phyficjtie de la Msr 3 la donation
qu'il fit en 17 La. au Sénat de Bolo-
gne , d'un très-riche fonds de tou-
res les Pièces qui peuvent fervir à
.'Hiftoire Naturelle , fonds acquis
1 grands frais , 5i tranfporté encore
a plus grands frais , de difFercns
lieux éloignés , jufqu'à Bologne -,
l'Académie, qu'en 1714. il a érigée
ii cette occafion fous le titre d'Infti-
lui des Sciences & des Arts de Bolo-
gne , fa réception dans l'Académie
des Sciences de Paris l'année fui-
vante , en qualité d'Aiîocié étran-
ger , l'Imprimerie qu'il a fondée à
Bologne fous le nom d'Imprime-
rie de S. Thomas d'Aquin , l'Ou-
vrage qu'il a publié du Cours du
Danube 3 dont il a paru à la Haye
en iyi6- une magnifique édition
en 6 Volumes; enfin l'union qu'à
l'exemple des anciens Romains ,
M. Marfigli a faite des Lettres &
des Armes , & la moi t de ce grand
Homme le premier Novemb. 1750.
dans la Ville de Bologne fa Pa-
trie qui n'a rien oublié de tout ce
qu'elle devoit à la mémoire d'un
Citoyen fi chéri & fi digne de l'ê-
ïre 5 tout cela ne fait qu'une partie
ES SÇAVANS,
des matériaux que M. de Fonteneî-
le , avec fa délicate(fe ordinaire 3 a
mis en œuvre dans cet Eloge.
Eloge de M. du Verney.
Guichard-Jofeph du Verney né
à Feurs en Forcit 3 le 5 Aouft 1^48.
de Jacques du Verney Médecin de
la même Ville , 6c d'Antoinette
Pittre 3 vint à Paris en 1667. après
avoir étudié cinq ans en Médecine
à Avignon. Arrivé à Paris , ilfefit
bien - tôt un grand nom , par fa
feience dans l'Anatômie , & par
l'éloquence avec laquelle il s'expli-
quoit fur cette matière , éloquence
pleine de feu qui réveillokfes Au-
diteurs & ne leur permettoient pas
de languir un moment. Il entra en.
167e. dans l'Académie des Scien-
ces qui ne comptoit encore que
dix années depuis ■ fon établille-
ment. Etant Académicien , il fut
choifi pour enleigner l'Anatômie à
M. le Dauphin qui prit tant dé-
goût aux leçons de M. du Verney,
que ce Prince offrit quelquefois de
ne point aller à la chafTe , (i on
pouvoit les lui continuer après fon
dîner. En 1679. il fut nommé Pro-
felîeur d'Anatomie au Jardin
Roval, où il s'attira un nombre ex-
traordinaire d'Auditeurs ; il publia
en 1683. un Traité de C organe de
l'oùte , qui fut traduit en Latin l'an-
née fuivante, & imprimé à Nurem-
berg , feul Livre qu'ait donné ce
grand Anatomifte , retenu fans
doute par un trop grand amour
de la perfection , ou par une trop
grande délicatelfe de gloire.
M A R
M. du Verney fut pendant quel
que tems le feul Anatomifte de l'A-
cadémie , &c ce ne tut qu'en 1684.
qu'on lui joignit M. Méry. M. de
Fontenelle remarque que ces deux
Anatomiftes n'avoient rien de com-
mun qu'une grande paflîon pour
la même feience , &c beaucoup de
capacité ; que du refte , ils étoient
prefque entièrement oppofés , fur-
tout à l'égard des talens extérieurs.
La difpute qu'ils ont eue fur la fa-
meufe queftien de la circulation du
fang du fœtus , eft ici touchée en
partant ; on en a parlé tant de fois ,
qu'il feroit inutile de rebattre cette
matière.
L'admiration que caufoient à M.
du Verney , Jes merveilles que fon
attachement à l'Anatomie lui dé-
couvrait tous les jours dans la ftruc-
turefurprenante du corps humain ,
élevoit tellement fon efprit à la
contemplation du fouverain Ou-
vrier 3 qu'il craignoit que la Reli-
gion , dont il avoit un fentiment
très- vif , ne lui permît pas un fi
violent attachement, qui s'empa-
roit de toutes fi?s penfées , & de
tout fon tems. La main divine qu'il
réveroit fans celle dans les Ouvra-
ges qu'il étudioit , & qu'il con-
noiflbit fi bien , ne lui paroifloit
pas furfifamment honorée par ce
culte fçavant , toujours cependant
accompagné du culte ordinaire le
plus régulier. Il ne s'attachoit pas
feulement à l'Anatomie du corps
humain , celle des animaux l'occu-
poit encore. Il avoit entrepris fur
les infectes un ouvrage qui l'obli-
S; '7? 4- ïô-r
geoit à des foins très-pénibles : on
l'a vu, en fon plus grand âge, pafler
des nuits entières dans les endroits
les plus humides du Jardin Royal
& les y pafler comme immobile
couché fur le ventre , pour décou-
vrir, dit M. de Fontenelle , les al-
lures , & la conduite des limaçons
qui femblctn en vouloir faire unfecret
iMpênétrable. Sa famé en foufroh ,
mais il aurait encore plus fouffèrt de
rien négliger. Il mourut le 10 Sep-
tembre 1730. âgé de 81 ans. Ilalc-
gué,par teftamentjtoutes (es prépa-
rations Anatomiqucs à l'Académie
des Sciences. Son Eloge eft im-
primé dans l'Hiftoire de cette Aca-
démie année 1730. avec ceux de
Meflîeurs de Valincour & Marfi-
gH-
On trouve à la fin de ce Recueil,
le Difcours que M. de Fontenelle
fit le fix Mars de l'année 1732.
a l'Académie Françoife , en y rece-
vant M. l'Evêque de Luçon , Suc-
celfeur de feu M. de la Motte.
Comme ce Difcours , qui roule
principalement fur le mérite de M.
de la Motte , eft à peu-près du mê •
me genre que les Eloges faits pour
l'Académie des Sciences , l'Editeur
a cru pouvoir le joindre dans le
même Volume.
Ceux qui veulent de l'exaclitu-
de , de la fimplicité & de l'élégan-
ce dans des Eloges Hilloriques ,
doivent lire ce Recueil; ceux qui
y veulent de l'efprit , des images ,
des métaphores , des tours & de»
traits qui réveillent l'attention , le
doivent lire aufîî.
Xij
ifa JOURNAL DES SÇAVANS,
RERUM ITAL1CARUM SCRIPTORES, &i.
C'eft-à -dire : Recueil des Ecrivains de l'H'ftoire d'Italie , depuis l'/tn
500. jufju'a, l'an 1 500. par M. Muratori , Tome XV. A Milan , par la.
Société Palatine. 1729. in-foî. col. n 56.
CE feiziéme Volume nous of-
fre i°. lesVies des Patriarches
d'Aquilée depuis le premier fiécle
de l'Ere Chrétienne jufqu'en 1358.
par un Anonyme.
Cet Ouvrage contient pluficurs
faits alTez confidcrablesqui avoient
échappes à la connoiilanced'Ughel-
li , èc des autres qui ont déjà tra-
vaillé fur la même matière. C'eft
ce qui engagea M. Muratori à le
oublier en 171 3» dans le troifiéme
Tome de fes Anecdotes , & ce qui
lui fait encore efperer aujourd'hui
qu'on le recevra avec plaiiîr dans
le Recueil.
Il n'a pu rien découvrir de ce
qui regarde en paiticulier l'Auteur
de ces Vies. Il conjecture feule-
ment qu'il vivoit environ vers l'an
1358. Il eft certain du moins qu'il
a compofécetOuvrage avant 1320.
car en parlant de S. Marc , il dit
qu'il écrivit de fa propre main un
Evangile qu'on montre s.ajoûte-t-
il t dans l'Eglife d'Aquilée , à tous
ceux qui demandent à le voir. Or
nous apprenons par une Lettre de
M. Fontanini au Père de Montfau-
con que cet ancien exemplaire fut
apporté à Venife en 1420.
Ce même Evangile fert d'épo-
que au tems où vivoit Antoine
Bellon qui nous a donné aufli les
Vies des Patriarches d'Aquilée , &C
qu'on trouve ici à la fuite de cet
Anonvme. Jean Bellon y dit ex*
preffément que l'Evangile de Saint
Marc eft gardé prefentement à Ve-
nife dans le Temple qui porte le
nom de ce Saint , avec plus de foin
& de décence qu'il ne l'etoit lorf-
que l'Eglife d'Aquilée pofîedoit ce
précieux manuferit : il paroîrquc
l'Auteur était d'Udine , où il exer-
coit la Profeifion de Notaire , Si
félon toutes les apparences , il avoit
été Chancelier de l'Eglife d'Aqui-
lée ; il mérite d'autant plus do
croyance , qu'il aflure avoir eu en
fa difpolition les anciennes Archi-
ves de cette Eglife. Son Hiftoire
eft très - abrégée , &. finit par les
Vies des Patriarches Nicolas , Ma-
rin & Marc, rous trois de l'illultre
famille Grimani , comme il avoit
été pendant fept ans Secrétaire du
premier , &i que les deux autres
étoient encore vivans , parce que
Marin s'étoit démis de fa dignité'
en faveur de fon frerc Marc •, il
n'en rapporte que peu de chofes
dans la crainte , dit il, de palTer
pour flatteur,
L'Editeur a cru devoir joindre à
ces deux Pièces un Cayer qui lui a
été envoyé de la Bibliothèque du
Vatican , dans lequel on trouve la
fuite des Patriarches d'Aquilée de-
puis Otthon qui tut nommé Pa-!
triarghe par le Pape Boniface VIIL
jufqu'à l'an 1445. & un état foin-
maire des droits & des biens atta-
chés au Patriarchat d'Aquilée. En-
fin pour donner une fuite corn plet-
te de ce qui regarde cette Eglife ,
il a jugé à propos de faire imprimer
ici plulîeurs Diplômes Se Privilè-
ges donnés en faveur des Patriar-
ches d'Aquilée qui ne fe voyent
pas dans l'Italie Sacrée d'Ughelli.
On y remarque entre autres un
A<fte d'Otthon datte de l'an noS,
par lequel cet Empereur donne au
Patriarchat d'Aquilée le Duché de
Frioul , avec tous ces droits & dé-
pendances , St ce qu'il appelle de-
narutm fanguinolentum , c'ell- à-dire
(Suivant la manière dont cette ex-
prelîion eft expliquée dans la Pa-
tente , le droit de juger en dernier
refTort & de punir ceux qui feraient '
coupables de mutilation, d'homi-
cides , de vols j & en général de
tous crimes , à condition cepen-
dant que le Patriarche exercera cet-
te .lurifdicf ion par lui , ou par fes
Officiers, (ans qu'il lui foit per-
mis d'en invertir aucun de fes Feu-
dataires.
2°. Les Vies des Princes de Car-
rera par Pierre Paul Vergerius de
Capo d'Iftria jufqu'environ l'an
On connoît deux Auteurs de ce
nom de la même Ville & célèbres
parmi les Sçavans. Le plus récent
fut en grande confîderation à la
Cour de Rome , & envoyé plu-
fieurs fois en Ambaffade par Clé-
ment VII. pour éteindre les divi-
sions que caufoit l'Héréfie de Lu-
ther. Son mérite l 'éleva fur le Siège
Epifcopal de fa propre Ville , mais
M A R S, 1734; î£j
après y avoir combattu les Héréti-
ques avec fuccès , il eut le malheur
d'être aceufé lui - même d'entrer
dans leurs fentimens , & foit qu'il
y fût en effet engagé , ou foit qu'il
fût piqué d'en être injuftement
foupçonné , dans le tesns qu'on
croyoit qu'il alloit être nommé
Cardinal , il fut aflez aveugle ou
affez foible pour abjurer la Reli-
gion Catholique & pour fe faire
Prote fiant.
L'autre Pierre-Paul Vergerius eft
plus ancien & n'eft pas moins di-
ïtingué par fon fçavoir. Il vivoit
fur la fin du quatorzième fîçcle , &
au commencement du quinzième ;
on le met au rang des Jurifconful-
tes, des Orateurs & des Philofo-
phes les plus eftimés de fon tems.
Il poffedoit la Langue Grecque
qu'il avoit apprife à Venife du fa-
meux Emmanuel Chryfoloras. Il
fut en grande faveur auprès des
Princes de Carrara , pour lors maî-
tres de Padoiie. On croit même
qu'il y demeura jufqu'àla deftruc-
tion de cette îlluftre Maifon ; il
prit le Bonnet de Docteur dan3
cette Ville en 1400. & nous appre-
nons d'^Enéas-Silvius qu'il mourut
en Hongrie pendant la tenue du-
Concile de Bafle.
A l'égard de l'Hiftoire des Prin-
ces de Carrara qu'on donne aujour-
d'hui pour la première fois , Verge-
rius l'a commencée par l'origine de
cette Maifon , & il l'a continuée
jufqu'à la mort de Jacobini ; elle
eft écrite avec élégance. Il eft trifte
qu'il ne l'ait pas achevée , comme
il auroit pu le faire. Car il a long-
i<?4 JOURNAL D
tems furvécu à fes Maîtres , peut-
être qu'il n'aura pu gagner fur lui-
même de raconter leurs malheurs ,
ou qu'il aura craint en les racon-
tant d'encourir la haine des Véni-
tiens dont il étoit né fujet. Cet Au-
teur avoit encore tait quelques au-
tres Ouvrages , dont les uns ont
été imprimés , &c dont les autres
qu'on conferve en manuferit fe-
roient très-dignes , au jugement de
M.Muratori, de voir le jour.
j°. Difcours & Epîtres du même
Pierre-Paul Vergérius , imprimés
fur un manuferit de la Bibliothèque
d'Eft , malheureufemer.t ce ma-
nuferit eft unique , & rempli de
fautes & de lacunes qui y laiflent
de grandes obfcuritez. M. Murato-
ri avoue qu'il a été fouvent obligé
de s'abandonner à fes conjectures
pour deviner les intentions de
l'Auteur, mais en général il a mieux
aimé que le Le&eur y trouvât
quelques difficultez que de s'expo-
fer au danger de le tromper en fub-
ftituant fes idées à celles de fon
Auteur. Il y a feulement fupprimé
un Difcours à la louange de S. Jérô-
me , parce qu'il eft rempli de cho-
fes communes , ôc quelquefois mê-
me fabuleufes. Mais pour ce qui
regarde les autres Difcours & les
Lettres de Vergérius , il ne doute
pas qu'on ne les life avec d'autant
plus de plaifir , qu'outre les traits
hiftoriques dont ces Pièces font
remplies & par lefquels elles ap-
partiennent à ce Recueil , on y
verra avec quel fucecs les Italiens
ont été les premiers à fecoiier la
bivbirie Scia groifiereté des ficelés
ES SÇAVANS,
4". Un abrégé de l'Hiftoire d'Iti-
lic depuis le tems de Frédéric II.
jufqu'à l'an 13 54. par un Auteur
Anonyme, mais contemporain.
On eft redevable de ce manuferit,
tour imparfait qu'il eft, àlalibera-
lité de M. Jean Burchavd Menke-
nius. Ce Sçavant qui nous a déjà
donné deux Tomes d'une nouvelle
Collection d'Ecrivains d'Allema-
gne , trouva cette Hiftoire dans
la Bibliothèque Pauline de Leip-
fic , & voyant qu'elle concernoit
uniquement l'Italie , il la remit
généreufement à Moniteur Mura-
tori.
Cet Ouvrage remonte jufqu'à la
création du monde , & le com-
mencement en eft tiré mot à mot
du Pomanum de Ricobalde qu'on
trouve dans le neuvième Tome de
ce Recueil. Le Plagiat étoit d'au-
tant plus commun dans ces tems-
là , que la rareté des manuferits
empêchait qu'on ne découvrît aifé-
ment de pareils larcins. Mais com-
me M. Muratori s'étoit trouve
dans la necellité de mutiler l'Ou-
vrage même de Ricobalde , il n'a
pas eu plus d'indulgence pour fon
Abréviateur. Ainfî il en a retran-
ché , comme abfolument inutile ,
tout ce qui précède le règne de
Frédéric II. & depuis ce tems - là
même, il avertit qu'il faut le lire
avec d'autant plus de précaution
qu'il étoit zélé Gibellin , & qu'il
déclame avec beaucoup d'amertu-
me contre ceux de la Faction con-
traire. Cet Anonyme écrivit fon
Ouvrage dans le tems que l'Empe-
reur Charles IV. auquel il eft dé-
M A R
die , vint en Italie pour prendre la
Couronne Impériale.
5°. Une Chronique des actions
des Princes de la Maifon Vifconti
par Pierre Azario Notaire de
Novarre depuis l'an 1250. jufqu'à
l'an 1562. avec un petit Ouvrage
du même Auteur fur la Guerre du
Canavéfe.
Azario étoit de Novarre , & fut
employé par Mathieu fécond Vif-
conti en qualité de CommifTaire
des vivres à Bergamc ck à Bologne.
Il exerça aulfi la Charge de Juge &
de Chancelier à Tortone , il eut
dans ces differens emplois beau-
coup de part aux évenemens qu'il
raconte. On le trouvera vil , fen-
tenticux , plein de difeernement &
de probité , aufiî M. Muratori foû-
tient il que malgré la balTelTe &c la
grolfiereté de fon ftile, il fe tait
lire avec plaihr , & il allure qu'on
doit le regarder comme un des
meilleurs Auteurs de ces fiécles
barbares.
C'eft par cette même raifon que
l'Editeur nous donne ici le petit
Ouvrage fur la guerre du Comté
de Canavéfe dans le Piémond, tel
qu' Azario l'avoit compofé. Lazare-
Àuguftin Cotta Jurifconfulte de
Novarre l'avoit déjà fait imprimer
dans fa Galleria di Adinerva ou
Galltrie de Minerve , mais avec
differens changemens dans le ftile
qu'il fuppofoit y avoir été faits par
Ambroife de Roccacontrata. M.
Muratori croit cependant que Cot-
ta lui-même cft l'Auteur de cette
correction. Ce foupçon eft d'autant
mieux fondé que ce dernier avoit
S, 17 5 4- a iە
déjà entrepris le même travail fui
la Chronique de Pierre Azario,
mais à la prière de M. Muratori,
à qui le Jurifconfulte de Novarre
avoit confié le manuferit ainfi
corrigé , M. Argélati l'a dépouillé
de ce lard étranger, &c a rétabli le
Texte tel qu'il étoit avec le fecours
d'un manuferit original de la'Ei-
bliothéque Ambroiiîenne. En effet
comme on le remarque ici , fi on
fe donnait la liberté de toucher aux
Ecrits des anciens Auteurs 6v de les'
rendre plus ingénieux ou plus élo-
quens qu'ils n'ont été , ce feroit
donner fes propres Ouvrages , &
non ceux des autres , & nous ôter
le moyen de connoître le génie &
le caractère du fiécle dans lequel ils
ont été écrits.
6°. Une Chronique de Plaifance,
depuis l'an 222. jufqu'à l'an 1402.
par Jean de Mufiis de la même Vil-
le.
Cette Chronique commence dans
le manuferit à la création du mon-
de; mais comme depuis ce tems là
jufqu'à l'an mille de J. C. elle ne
contient que des chofes générales ,
& tirées pour la plupart de l'Ou-
vrage de Ricobalde intitulé de l'o-
rigine des failles , M. Muratori &
cru devoir épargner à fes Lecteurs
cette longue & inutile Compila-
tion, & ilfe contente de nous don-
ner ici ce qui regarde Plaifance, en
nous afTurant qu'il eft rare de trou-
ver rien de plus exact que cette
Chronique dans ce qui concerne les
évenemens qui approchent du tems
auquel elle a été cbmpofée ; elle
paroît avoir été faite fux les Régi-
166 JOURNAL DE
ftres publics , & l'habile Editeur
foupçonne même que c'eft l'Ou-
vrage de plufieurs Ecrivains. Celui
qui l'a rédigé vivoit en 1389. Car
en parlant d'une Eclipfe terrible ,
il dit qu'il l'a vu lui-même , & hoc
vidi.
Du refte tout ce qu'on peut re-
cueillir de cette Hiftoire par rap-
port à l'Auteur , c'eft qu'il étoit
Gibellin outré. Car fous l'année
137^. il éclate en déclamations
auffi vaines que violentes contre
les Pafteurs de i'Eglife , il rejette
fur eux tous les maux qui défolé-
rent l'Italie pendant ce liccle.
Mais il faut, dit M. Muratori ,
donner quelque chofe aux préju-
gez de cet Ecrivain & au malheur
des tems. Ces mêmes plaintes fe
trouvent répandues dans plulieurs
autres Hiftoriens , dont quelques-
uns font écrits en langue vulgaire ,
&c les vrais Chrétiens les li.fent fans
qu'elles fafTent aucune impreiîion
fâcheufe fur leur efprit. Il feroit à
fouhaiter , continue -t -il , que les
perfonnes qui par état dévoient
être les meilleures de toutes , le
fuiïent toujours en effet , &C que
ceux qu'ils employent pour les fé-
conder dans le miniftere , l'empor-
taffent fur tous les feculiers par
leurs vertus. Mais fous le règne de
cette nature corrompue , on ne
doit point cfperer de trouver des
hommes ii parfaits. Il huit en mê-
me tems avoiier que (1 pendant ces
fiécles de corruption 6c de ténè-
bres , les Chefs de I'Eglife font
tombés dans quelques excès qu'on
ne peut exeufer. C'eft avec beau-
S SÇAVANS.
coup plus d'avidité que les puif-
fances temporelles &les Républi-
ques Laisjites ont tenté d'ufurper
des biens èz des droits qui ne leur
appartenoient point. Enfin on peut
dire, ajoùtc-t-il , que tout ce qu'on
remarque de débuts &c d'imper-
feclions dans les perfonnes Eccle-
fiaftiques de ces tems là tourne à la
gloire de celles qui gouvernent
aujourd'hui , &z que les reproches ,
foit vrais , foit faux qu'on leur a
faits ne fervent qu'à donner plus
d'éclat à leur mérite & à leurs ver-
tus ; éclat qui rejaillit encore fur
les Minifties qui travaillent fous
leurs ordres.
Après cette Chronique , on
trouve une Defcription de la Ville
de Plaifince , & l'origine de quel-
ques familles nobles non feulement
de cette même Ville , mais encore
de plulieurs autres Villes d'Italie.
Ce Traité eft à la fin du même ma-
nuferit, &: félon toutes les appa-
rences il eft du même Auteur.
Vient enfuite une Chronique
des Podeftats de Plaifancc qui fe rc-
nouvelloient tous les ans, & le Ca-
talogue des Evêques de la même
Ville par Fabricius de Marciano
d'abord Evêque de Tortonne , &
transféré depuis à Plaifince en
1476.
70. Des Annales de Milan de-
puis 1230. jufqu'cn 1402. par un
Anonyme qui floriftbit environ
l'an 1480.
Ces Annales ne font qu'une
Compilation de difTerens Ouvra-
ges, tels que celui de Gualvaneus
de la rlamma , intitulé Maniptilus
Florum
M A R
Tlorttm , la Chronique de Pierre
Azario, celle de Plaifance, dont
nous venons de parler, & plusieurs
autres Ecrits de ce liécle. L'Auteur
Jcs a copié d fcrvilcment que tan-
tôt vous le croiriez de Milan , tan-
rôt deNovarre & quelquefois de
Plaifjncc. 11 employé leurs pro-
pres expreffions fans fe donner la
peine de s'approprier leurs penfées,
A: qui plus eft fans les citer. Ces vols
fi manifeftes ont obligé M. Mura-
tori à retrancher une grande partie
de ce qu'on voit dans ces Annales
jufqu'à l'an 1130. & même depuis
ce tems là il n'a fait grâce qu'aux
faits qui ne fc trouvent point dans
Gualvaneus. Il n'a pas cru non plus
devoir remettre fous les yeux du
Lecteur , ce qu'il vient de voir
dans Pierre Azario , dont notre
Anonyme tranferit fouvent des pa-
ges entières. Cependant malgré
tout cela , M. Muratori juge ces
Annales d'autant plus eftimables
qu'elles contiennent des faits qui
ne fe trouvent point ailleurs , Se
que placées entre la Chronique de
Pierre Azario qu'il vient de don-
ner, Si celle d'André Billius qu'il
publiera en fon tems , on aura une
fuite entière de l'Hiftoire de Milan
jufqu'à l'an 1 500.
8°. Un Ouvrage intitulé : Liber
Mirabilium , Livre des Merveilles,
ou Chronique de Bergame Guel-
pho - Gibelline , par Caftello de
Caftello, depuis l'an 1378. jufqu'à
l'an 1407.
Cet Ouvrage eft unique dans
fon efpéce ; car au lieu de grands
çvenemens , ou de faits généraux
Mars.
S ," I 754; l6f
concernant les Princes Se les Villes,
on n'y trouve qu'un {impie détail
de vols , de pillages , d'incendies,
de meurtres , d'afTailînats caufés
par des querelles & des haines en-
tre difTercns particuliers de Berga-
me ou des environs. Des chofes fl
peu intereflantes par elles-mêmes
le deviennent encore moins par la
dureté & la barbarie du fille dans
lequel elles font écrites. Au pre-
mier afpect M. Muratori vouloit
condamner ces Annales au feu , ou
même à quelque chofe de pis; mais
les ayant examinées plus mûre-
ment, il s'eft flatté que les Sçavans
pourroient les honorer de leurs
luffragcs. Il n'y a , dit-il, que ceux
qui n'ont aucune teinture de l'Hi-
ftoire qui ignorent l'excès des
maux dans lefquels les diflenfîons
des Guelphcs& des Gibellins plon-
gèrent l'Italie ; mais il refte à ceux
même qui en font initruits , de Ra-
voir jufqu'à quel point les deux
partis portèrent la folie & la fu-
reur. Or ilfoûtient que .comme il
n'y a point de peuple , fi on en
excepte les Breflkns , qui foit entré
dans ces factions avec plus d'ani-
moiité que les Bergamafqucs , il
n'y a perfonne aufli qui les ait dé-
crites avec tant de force Se d'exac-
titude que l'Auteur de ces Anna-
les.
Il étoit de Bergame même , où il
avoit exercé la profeffion de No-
taire Se pluiieurs emplois confide-
rables dans la Magiftrature , &il
parle comme témoin de la plupart
des Scènes Tragiques qu'il raconte.
90. L'ordre des Funérailles de
Y
i6S JOURNAL DE
Jean Galcas Vifconti , premier
Duc de Milan , célébrées dans cet-
te Ville en 1401. & recueilli par
Frère Pierre de Caftelleto de l'Or-
dre des Hermitcs de S. Auguftin.
Ce qui nous a paru de remarqua-
ble dans cette Pompe Funèbre ,
c'eft que les chevaux de parade du
Duc qui éroient au nombre defix
& qui portoknt l'on étendard , l'es
armes, fon calque, fes éperons , Se
autres pièces d'honneur furent con-
duits en cérémonie au pied de l'Au-
tel où étoit l'Archevêque Officiant,
& préfentés l'un après l'autre en of-
frande par deux Chevaliers.
Après la deferiprion de cette cé-
ïémoniejuit i'Oraifon Funèbre qui
y fut prononcée par le même Au-
teur. Il y règne un efprit de Scho-
laftique qui rend cette Pièce très-
fînguliere , & qui peut en même
tems fervir à nous faire connoître
quel étoit le goût de l'éloquence en
ces tems là.
La dixième & dernière Pièce eft
un plan de l'Hiftoire Univerfelle
de Sozoméne , Prêtre de Piftoïe ,
depuis l'an 1 372. jufqu'à l'an 1410.
Quoique cet Auteur n'ait jamais
été imprimé & qu'il y ait peu de
copies manuferites de fes Ouvra-
ges , il ne laiffe pas d'être en quel-
que réputation. Plufieurs Ecrivains
tels que Raphaël de Volterre , Pof-
fevin , Onuphrius-Panvinus , Vof-
&us , Cave , & en dernier lieu Ca-
S S ÇA VANS;
fimir Oudin en ont parlé comme
d'un Ecrivain qui vivoit en 1232,
mais M. Muratori prouve évidem-
ment qu'il n'eft pas fi ancien , &
fans parler de plufieursAuteurs qui
appu\ ent fon fentiment , Sozomé-
ne nous fournit lui-même dans fon
Hiftoirc différentes époques de fa
Vie , par lefquclleson voit qu'il efb
né en 1387. & qu'il mourut en
1455. mais l'Editeur non contenc
de lui avoir beaucoup ôté de fon
ancienneté , lui enlevé encore une
partie de fa réputation ; rien n'eft
plus bas , félon lui , ni plus dur
que fon flile -, d'ailleurs il n'eft que
le Copifte &c l'Abréviateurde tous
ceux qui l'ont précédé , & dans les
chofes mêmes qui approchent de
fon tems , il s'eft contenté de tra-
duire 8c d'abréger en fort mauvais
Latin ce que Jean & Mathieu Vil-
lani nous avoient donné en Italien.
Ces motifs font qu'on nous donne
feulement ici pour échantillon de
la manière d écrire de cet Auteur
ce qu'il raconte depuis l'an 1362.
jufqu'à l'an 1410. Il paroît qu'il
avoit continué cette Hiftoire juf-
qu'en 1455. ma's cequi en auroit
dû être le morceau le plus interef-
fant , ne fe trouve malheureufe-
ment plus aujourd'hui , il n'en reft*
dans les manuferits que les titres
des Chapitres que M. Muratori A '
cru devoir faire imprimer ici.
*S3I»
MARS, 1754:
itfj?
REMARQVES HISTORIQVES ET CRITIQUES SVR
ÏHijloirc d'Angleterre de M. Rapin de Tboyras , par AI. Tyndal Maître
es Arts & Picaire du grand Walthan dans le Comté d'EJfex : & Abrégé
Hijloriaue du Recueil des Acles publics d'Angleterre de Thomas Rhymer.
Par Ai. Rapin de Thoyras , avec les Notes de M. Etienne Whatley.
A Ja Haye , chez Gojfe Si Nèaulrne. 1733. ««-4°. deux Vol. Tom. I.
pp. 380 pour les Remarques fur l'Hiftoire d'Angleterre , & 315 pag.
pour l'abrégé des cinq premiers Tomes des Actes de Rhymer. Tom. II.
LPart.pp.3S3 Se 348 pour la II. contenant la fuite de ces mêmes Acles.
ON trouve dans la première
Partie du Tome premier les
Remarques dont M. Tyndal a en-
richi la Traduction Angloife qu'il
a donnée de l'Hiftoire de M. Ra-
bin de Thoyras. Comme ces Re-
marques font au jugement des Li-
praires de Hollande remplies de
particularitcz curieufes , d'éclaircif-
femens néceftaires Se d'une f^a vante
critique , ils ont jugé à propos de
les faire traduire en François pour
la commodité du public ; ils ont
eu foin d'ajouter en marge les pa-
ges de l'Hiftoire de M. de Thoyras
tant de l'édition de France que des
deux qu'on en a laites en Hollan-
de , auxquelles fe rapportent les
remarques qu'ils nous donnent au-
jourd'hui. Sans cela il eût été fort
difficile d'en faire ufage ; il faut
même avouer que cette précaution
n'empêche pas , que la lecture n'en
(bit un peu fatigante , parce qu'il
faut neceffaircment avoir l'Hifto-
iien d'Angleterre fous les yeux 3 Si,
fouventy parcourir plulicurs pages,
pour y trouver le fcul mot qui a
donné occafion aux remarques de
M. Tyndal.
La féconde partie contient l'ex-
trait ou l'abrégé hiftorique des Ac-
tes publics d'Angleterre par Rhy-
mer. Ces Extraits font répandus
dans divers Tomes de la Bibliothè-
que choijie , & de la Bibliothèque
ancienne Se moderne de M. le
Clerc. M. Fagel, Greffier des Etats
Généraux , les a fait réimprimer
tous enfemble à laHaye.chezSchel-
tus ; on n'en a tiré qu'un très-pe-
tit nombre d'exemplaires pour
faire des prefens.Cet Ouvrage ayant
depuis été traduit en Anglois avec
des notes par M. Whatley , les Li-
braires ont cru qu'on leur fçauroit
gré de ralfembler tout à la fois dans
un feul corps Se les remarques de
M. Tyndal , Se l'abrégé hiftorique
des Actes de Rhymer , par M.
de Thoyras. Par ce moyen on pour-
ra les joindre à fon Hiftoire d'An-
gleterre dont ce recueil eft une dé-
pendance , & fur laquelle il fournit
des éclairciftemens qu'on ne peut
trouver ailleurs. Quand ils parlent
de la forte , il taut croire qu'ils ont
oublié qu'en 1718. ces mêmes Ex-
traits a voient été imprimés en entier
à la fin de l'Hiftoire de M.de Thoy-
ras chez Rogiffartà la Haye.
Des remarques pour la plupart
Yij
i7o JOURNAL D
li courtes , qu'elles ne contiennent
ordinairement que 4. ou 5. lignes ,
6c d'ailleurs détachées du texte fur
lequel elles font faites , ne font pas
fufceptibles d'un Extrait fuivi ,
nous nous contenterons donc d'en
indiquer quelques-unes pour don-
ner aux le£teurs une idée générale
du goût qui règne dans cet Ouvra-
De ces notes les unes font tort
fuperficielies ; en voici un exem-
ple à l'occafion d'un endroit où
Mon fleur de Thoyras cite le mot
de Chorevcque. » Les Archevêques
» dit Tyndal , avoient autrefois un
■■> Chorevêque , ou affiliant; mais
0 cet office lut fupprimé par Lanc-
ia franc. « Sur quoi il renvoyé à l'Hï-
itoire Ecclefiaiiiquc de M. Collier ,
pag. 213. D'autres, & c'eft le grand
nombre , paroilfent n'être faites que
pour conferver les mémoires des
traditions populaires , des Fables
Romanefques- , Se des traits mer-
veilleux <k incroyables dont les
Auteurs des ficelés d'ignorance ont
rempli leurs* Chroniques dans la
vaine idée de les embellir. Quel-
ques-unes font plus fçavantes ,
comme celles qui regardent le gou-
vernement des anciens Saxons ,
leurs loix , l'établi (fement du pou-
voir législatif , celui des Fiefs ,l'o-
rigne des comtes , des Barons, cVrc.
mais l'Auteur n'a fait que copier &c
abréger ce que S. Amand en dit
dans fon elTay fur l'autorité légif-
lative.
En général dans fes notes , il pa-
roît que M. Tyndal ne dit jamais
rien de lui même , & qu'il ne fait
ES S ÇA VANS,
que profiter des recherches des Au-
teurs modernes qui ont travaillé fur*
les matières qui ont quelque rap-
port à l'Hiftoire de M. de Thoyras.
Il eft affez fîngulier que les Ifles
Hébrides qui font des Ifles fituées à
l'Occident de l'Ecofle , ne foient
pas plus connues à cet Auteur An-
glois que lî elles étoient dans le
tond de l'Amérique Septentrionale ;
voici comme il en parle : » Les
» hebrides font un amas d'ifles nom-
w mées par les naturels du pays Ihch
» Gall. Elles confervent les mœurs,
w coutumes, & habits des anciens'
30 Ecoflbis , & l'on y parle Irlan-
» dois. On croit communément'
» qu'elles font au nombre de 40.-
» Mais ceux qui les ont parcourues:
» en comptent plus de 300. les An-
» glois les nomment Weftern Ifles
33 c'elf. à-dire ,les Ifles Occidental
» les. « A la page 127. notre Au-
teur fait encore mention de ces1
ifles , & comme s'il avoit oublié
ce qu'il en avoit déjà dit, il ajoute'
qu'elles font nommées par un Ecri-
vain du dernier fiéclc Hébrides , 8c
par les anciens Beteorica , Iwbades ,'
Leucades , Habndes : » On croie
3» dit il, qu'elles font au nombre
3» de 44. mais il y en a réellement
3» davantage. Il y a entr'autres , cel-
3» le de Jona que Bédé appelle Hy ,
30 ou Hu , donnée aux moines d'E-
3» cofle par les Pietés pour y prê-
»'cher l'Evangile. Il y a dans la
3» même Ifle un monaftere fameux
» par la fepulture des Rois d'Ecof-
» fe. Elles font pofledées à préfent
» par les Alac Conells. Ils fe difent
» defeendus de ce même Donald-
MARS
« qui prenoit le titre de Roi des
*> Kles , cV qui ravagea iî cruelle-
» ment l'Ecolle.
Au fujct de la mort du Duc de
Eîarencè qui fùivant l'opinion vul-
gaire fut noyé dans un tonneau de
Malvoifie , on obfcrve que c'eft
une erreur de croire , que le Duc
demanda ce genre de mort.Vitlock
s'exprime plusjufte en ces termes,
il fut noyé dans un tonneau de vin com-
me on croit, mais non à l'infçn dit Roi.
On y trouve certaines remarques,
qui aui oient befoin d'un Commen-
taire pour être entendues, du moins
par ceux qui ne font point au
Fait des Loix Angloifes telle eft la
note fur cette expreiïion bénéfice
du Clergé , que M. Rapin de Thoy •
ras employé dansfon Hiftoire. C'é-
coit,ditle traducteur de M. Tyndal,
un ancien privilège de l'Eglife con-
firmé par plulieurs Adtcs du Par-
lement.» Lorfqu'un Prêtre , ou au-
» tre homme dans les ordres étoit
* aceufé d'un crime capital, à la ré-
M-ferVc des crimes d'Etat , devant
y> un juge laïque, il pouvoit lui
» demander fon renvov devant
y l'ordinaire , pour fejudifier du
» crime dont on l'accufoit. Mais
» l'efprit de cette loi à l'égard du
»Clcrgé,eft fort changé en ce point.
» Les hommes dans les Ordres ne
»j font plus renvoyés à leur ordi-
» naire , pour s'v purger des accu-
» fations ; m.:is à prefent un aceufé
>rquelqu'il foit , quoiqu'il ne foit
» point dans les Ordres , eft reçu
» à lire à la Barre , lorfqu'il eft con-
s» vaincu du crime pour lequel le
» bénéfice du Clergé eft accordé ,
«17 5 4- 'J^\ 17»
» & eft enfuite brûlé à la main pour
» la première fois , fi le député de
» l'ordinaire qui fe tient debout
» près de l'aceufé dit legit ut clericus.
Peut-être que l'obfcurité qui rè-
gne dans cet endroit, aulli-bicn que
dans pluficurs autres , doit être re-
jettée fur le traducteur , qui d'ail-
leurs ne paroît pas poflederà fond
la Langue Françoife.
La plupart des remarques qui
accompagnent le huitième Livre ,
font tirées des Mémoires de \\7hit-
lock fous ce titre Alcmoire des affai-
res d'Angleterre , on Rtlatio» Hiflo-
ritfue de ce <jui s'eji pajfé depuis le com-
mencement du règne de Charles l.jitf-
qu'à l'heureux rétabliffement de Char-
les II. contenant les évenemens tant ci-
vils que militaires avec les délibérations
& les fecrets dit cabinet. M. Tyndal
croit que M. Rapin de Thoyras ne
les avoit jamais vus. le Lecteur en
fait un grand éloge. » Comme
» Whitlock, dit il , les avoit com-
» pofé pour fa fatisfacLion particu-
» liere , fans deftein de les donner
» au public ,on ne fcau^oitle foup-
» çonner d'autre chofe , que d'avoir
<> voulu fe reprefenter les chofes
» à lui-même telles qu'elles étoient.
»Tout y eft nud , & un parti ,'
» quel qu'il foit , a plus à fouffrir
» de la vérité , que la vérité n'eft
» violentée en faveur d'aucun par-
» ty.
Dans les endroits où M. Tyndal
releveM. Rapin, ce qui lui arrive ra-
rement^ ce qu'il.ne fait même que
pour de légères omifllons ou pour
quelques fautes d'inadvertance s
il en parle toujours avec beaucoup
i72 JOURNAL D
d'eltime& de rcfpcd , il n'a pu ce-
pendant s'empêcher de le repren-
dre un peu durement de ce qu'il
fait intervenir trop fouvcnt les ju-
gemens de Dieu dans fon Hiftoire.
» Le moins, ajoute-t il , qu'on puif-
» fe dire de ces fortes de réflexions,
» c'eft qu'elles partent d'une peti-
x tefle d'efprit. Mais quand elles
jj ont leurs fondemens fur de faux
» faits, elles font entièrement inex-
» cufables.Nous en avons,continue-
?> t-il , un exemple dans M. Rapin
» lui-même. Il remarque à la fin
» du rggne d'Henri VI. un Juge-
* ment particulier qui cft tombé
?» fur tous les Rois d'Angleterre qui
m ont époufé des Princefles de Fran-
» ce, &. dit qu'Edouard II. Richard
» II. Henri VI. & Charles I. furent
» les feuls princes qui le rirent & pé-
rirent malheureufement , fans fe
» fouvenir , que Henri V. époufa
» Catherine de France , & ne fut
» point malheureux à moins qu'on
» ne nomme infortune une mort
»> couverte de gloire.
M. Tyndal ajoute cette note aux
événemens que M. de Thoyras rap-
porte fur l'année 1669. Henri Jen-
kins mérite qu'on en rafle mention
à caufe de fon âge très- avancé. C'é-
toit un pauvre pêcheur du Comte
d'YorcK né en 1501. & qui avoit
vécu fous le règne de huit Rois ou
Reines d'Angleterre , il mourut
âgé de 169 ans plus vieux de 17.
ans que le fameux Thomas Parr.
L'Hiftoire de M. Burnct qui ne
fut publiée que peu de tems après la
mort de M. Rapin , fournit en-
core à M. Tyndal pluûeurs Anec-
ES SÇ AVANS,
dotes qui lui paroiflent très propres
à éclaircir ce qui regarde la derniè-
re révolution. Par ce que nous ve-
nons de dire il paraît qu'on n'a rien
négligé ici de tout ce qui peut
donner une parfaite connoiffance
de l'Hiltoire d'Angleterre. Ainfi
quoiqu'on ne trouve rien dans cet
Ouvrage , qui ne foit répandu dans
des Livres, connus de tout le mon-
de ; cependant en ne peut -douter
qu'il ne rafle plaifir à une infinité
de perfonnes qui aiment à feavoir
tout ce qui s'eftdit fur une matière,
fans être obligés de feuilleter plu-
lîeurs Volumes.
La féconde partie contient l'abré-
gé Hiitorique des Acles publics
d'Angleterre par Rhymer. Le pre-
mier volume parut en 1704. par la
libéralité de la Reine Anne cv de
fes miniftres qui dans le milieu
d'une guerre qui demandoit une
dépenfe prodigieufe , ne Jaiflcrent
pas de foutenir une entreprife qu'ils
regardoient comme utile èv glo-
rieufe à la Nation. M. le Clerc
donna l'Extrait du premier Tome
dans le dix-feptiéme Volume de fa
Bibliothèque choifie , & on a trou-
vé à propos de le remettre ici. Dans
la fuite fes occupations ne lui ayant
pas permis de pourfuivre ce travail,
il s'en déchargea fur M . de Thoy-
ras, qui l'a continué jufqu'à la fin,
év fes Extraits ont paru fucccilîvc-
ment fous fon nom dans les diffé-
rents volumes de la Bibliothèque
choiiîe, &c de la Bibliothèque an-
cienne &£ moderne de M. le Clerc.
Quelque complette que foit cet-
te colledion , il ne faut pas croire ,
M A R
JitM. le Clerc , qu'il n'y manque
aucune pièce importante du règne
des Rois dont on y retrouve les
Actes. Il s'en eft perdu un grand
nombre , 6c fouvent même les plus
coniîderables ; foit qu'ils ayent été
fupprimés par des intérêts particu-
liers , comme ceux qui fembloient
diminuer la puiffance des Rois &c
trop augmenter celle des peuples ,
foit même que ce malheur fait ar-
rivé par l'injure des tems , ou par la
négligence de ceux qui gardoient
les Archives,
Par exemple on ne trouve dans
Rymcr aucuns des Ades qui font
le fondement de la liberté du peu-
ple , & en particulier ce qu'on ap-
pelle la grande Chaitre : * magn.i
Charta, que Henri fit la quinzième
année de Ion règne , comme les
Hiftoriens le témoignent.
Il eût été à fouhaiter , félon la
remaïquc de M- Thoyras , que ce
Recueil eut commencé à Guillau-
me le Conquérant. Outre que c'eft
l'époque la plus confiderable de
l'HiIloire d'Angleterre , il ëft cer-
tain qu'il feroit neceflaire d'avoir
quelque connoiffance de ce qui
s'en palTé dans ce Rovaume depuis
la conquête , c'eft- à dire depuis
l'an 1066. jufqu'en l'an 1101. où
commence ce grand Ouvrage ,
pour entendre parfaitement la plu-
part des Pièces qui s'y trouvent. On
en auroit tiré de grands éclaircifle-
mens fur ce qui regarde la fuccef-
lîon à la Couronne. Mais pour fup-
pléer en quelque forte à cette
omiflion ,M.deThoyrasa cru de-
yoir rechercher quel étoit l'état où
* i6.v.dtlnB.(h»iJie.
5 J 1 7 3 4« 175
fe trouvoit le droit à la fucceflîon
de la Couronne pendant les deux
premiers fiécles qui ont fuivi la
conquête. Ce point lui paroît très-
important par rapport aux diffé-
rentes révolutions arrivées dans la
fuite , & même à ce qui s'eft piule
de nos jours, '
Il donne donc une Hiftoire abré-
gée de la fucceflîon à h Couronné
d'Angleterre depuis Guillaume le
Conquérant jufcju'à Henri III. H
montre , i°. Que la Couronne a été
confervée dans la pofterité de Guil-
laume I. Quoiqu'Eîiehne & Hen-
ri II. ne dcfcendiilent de ce Prince
que par les femmes. 20. Que tous
les Rois d'Angleterre depuis Hen-
ri II. tirent leur origine de Mathil-
de fille de Henri I. qui épôuia
en fécondes noces Geoffroy Plan-
tagenct , Comte d'Anjou. 30. Que
des 8 premiers Rois qui ont régné
depuis la Conquête , il n'y en a eu
que deux , fçavoir , Richard , &
Henri III. qui ayent fuccedé félon
l'ordre naturel , c'eft à-dire de père
en fils } en fuivant la priorité des
Branches.
Ceux qui admettent cet Ordre
comme une maxime fondamenta-
le de la fucceflîon ne peuvent s'em-
pêcher de reconnoître que Guillau-
me I. Guillaume II. Etienne ,'
Henri II. & Jean 3 ont été des
ufurpateurs, du moins s'ils veulent
s'en tenir à leur principe. Mais
comme dans cetefpace de temson
ne trouve aucune loi , ni auCun rè-
glement qui ait établi cet Oidrc,
6 qu'au contraire on voit dans ces
huit premiers règnes fix préjugez
i74 JOURNAL DES SÇAVANS,
oppofés à cette maxime , il lui fern- Mahomct.ms n'ont jamais datte de
ble qu'on en peut inférer qu'il n'y a
rien de fixe à cet égard , ni aucun
principe alîuré pour régler la fuc-
ceflîon.
Après ce Préliminaire M. de
Thoyras expofe en peu de mots les
principaux évenemens qui font ar-
rivés fous chaque règne. Comme
il compofoit ces Extraits dans le
tems qu'il travailloit à fon Hifloire
d'Angleterre , l'abrégé qu'on en
trouve ici eft fur le même plan &
dans les mêmes principes. Il mar-
que en généra^ le rapport .que les
Actes recueillis par Rhymer ont
avec les faits les plus coniiderables
de fon Hiftoire. Mais il le fait fans
fui vre Tordre des dattes. Sa métho-
de eft de ranger ces Actes , fuivant
les différentes matières fous lef-
quelles il a cru pouvoir les rafTem-
bler _, comme ceux qui regardent
l'Angleterre en particulier , fes
guerres domeftiques avec les étran-
gers . fes démêlez avec les Papes ,
$ rr ■
£c tout ce qui a rapport aux affaires
Ecclcfiaftiques , & il fait un article
féparé des Actes qui ne peuvent fe
rapporter aifément à aucun de ces
Chefs.
Parmi une fi grande multitude
de Pièces , il y en a quelques-unes
qu'on foupçonne d'être fuppofées ■
telle eft une Lettre du Vieil de Ja
Montagne au Duc d'Autriche pour
juftifier Richard premier du meur-
tre du Marquis de Monferrat. Cet-
te Lettre eft dattée de la cinquième
année du Pape Alexandre ; or les
la forte. Tels font encore deux Bil-
lets qu'on prétend écrits l'un par
Charles d'Anjou , Se l'autre par
Pierre d'Arrâgori , le premier pour
propofer de le fécond pour accep-
ter un duel au fujet du Royaume
de Sicile; mais quoique ces deux
Pièces foient écrites en Italien , el-
les font, dit l'Auteur, des notes
qui accompagnent cet Extrait ,
d'un ftile qui approche beaucoup
des défis que fe font les Gladiateurs
de Londres.
Cependant M. de Thoyras ne
s'eft pas flatté de donner une par-
faite connoiffance des différentes
Pièces qui entrent dans ce Recueil,
il auroit fallu pour cela en faire un
abrégé plutôt qu'un Extrait. Les
deux premiers font fort étendus ,
mais il a été contraint de fe ferrer
davantage dans les autres, ils ne
laiffent pas cependant de faire bien
fentir l'avantage que non feule-
ment les Anglois , mais même la
plupart des autres Nations , peu-
vent tirer des Pièces que M. Rhy-
mer a recueillies ici. Outre les 17
Tomes dont on vient de parler, de-
puis Henri I. jufqu'à la fin d'Elifa-
beth , ce laborieux Auteur a raf-
femblé en 59 Volumes in-folie , un
grand nombre d'autres Actes qui '
félon M. de Thoyras, mériteroient
d'être imprimés , & qui donne-
roient un grand jour à plulîeurs
points de l'Hiftoirc d'Angleterre,
qui font encore enfévelis dans
l'obfcurité.
NOVVELLE
MARS, 1734;
*1S
NOUVELLE HISTOIRE DE L'ABBAYE ROYALE ET
Collégiale de S. Philibert & de la Fille deTournus ; enrichie défigures ,
avec une Table Chronologique , & quelques Remarques Chritiques fur le
quatrième Tome de la nouvelle Gaule Chrétienne , les preuves de ÏHtfloire
Sec. ParunChanoine de la même Abbaye. 173 3. A Dijon , chez Antoine
du Fay , & fe vend à Paris , chez Briaffon. vol. /'«-40. pp. 383 pour l'Hi-
ftoire; Se pour les Preuves, PP- 3 3 5, fans y comprendre la Table
Chronologique , l'Epure Dédicatoire à M. le Cardinal deFleury , la
Préface , &c.
TROIS differens Ecrivains
nbusavoient déjà donné l'Hi-
ftoire de la célèbre Abbaye de
Tournus. Mais le premier , félon
M. Juenin , eft trop abrégé ,&ne
va d'ailleurs que jufqu'à l'an 1087.
le fécond a peu d'exactitude 3 cv le
troifiéme , qui eft le fçavant Père
Chrfflet , tombe quelquefois dans
ce même défaut. Quelque habile
qu'il fût , comme il ne demeura
qu'un mois fur les lieux , il n'eft
pas étonnant qu'il lui foit échappé
fur les Antiquités de Tournus
beaucoup de chofes qu'un féjour
de trente -fept ans dans cette Ab-
baye , aura mis M. Juenin en état
de recueillir.
Il divife fon Hiftoire en quatre
Parties. La première comprend
tout ce qui a quelque rapport à
l'Hiftoire de Tournus jufqu'à l'an
8 57. que les Moines de S. Philibert
s'y établirent. La féconde contient
l'Hiftoire de Tournus fous les Ab-
bcz Réguliers de la Congrégation
de S. Philibert , la troifiéme ce qui
s'eft pafféfous les Abbez Commen-
dataircs -, la quatrième, l'Hiftoire
■de la fécularifation de l'Abbaye , Se
tout ce qui concerne l'Hiftoire de
Mars,
Tournus depuis cette époque juf-
qu'à prefent.
L'Auteur commence la première
Partie de fon Hiftoire par la def-
cription de la Ville de Tournus an-
cienne Se moderne. Il avoiie que
fon origine eft tres-cachée , Se qu'il
n'en eft point parlé dans l'Hiftoire
jufqu'à l'arrivée de S. Valérien qui
en fut l'Apôtre , & qui y fouffrit le
martyre fous l'Empire de Marc-
Aurele l'an de J. C. 177. Les Ades
de ce Saint nous apprennent que
Tournus étoit un Grenier, ou uu
Magafin pour les Troupes Romai-
nes , Horreum Caftrenfe. La Vie &
la mort de S. Valérien font auftî
remplies de grandes obfcuritez qui
fournilTent un beau champ à l'ériN
dition & à la critique de M. Jue-
nin. Sans prétendre fixer letemsoù
l'on bâtir une Eglife à l'honneur de
ce Saint, il montre du moins que
cette Eglife portoitle nom d'Ab-
baye , Se qu'il y avoit des Moines
lorfque le Roi Charles le Chauve
en fit donation aux Religieux de
S. Philibert. Il en prend occafiou
de faire l'Hiftoire de ce dernier
Saint , des Abbez , Se des Moines ,
de Narmoutier jufqu'à kurétablif-
i76 JOURNAL D
fement à Tournus , des diverfes
Translations des Reliques de Saint
Philibert , & de celles de plufiears
autres Saints qui ont été particuliè-
rement révérés à Tournus.
Parmi les chofes précieufes que
les Moines de S. Philibert faiive-
rent des ravages des Normands , Si
qu'ils apportèrent à Tournus , on
croit pouvoir compter un Even-
tail qui fe voit encore aujourd'hui
dans le Tréfor de l'Abbaye , & qui
étoit deftiné au fervice de l'Eglife.
Durand dans fon Livre des Offices
Divins prétend que l'ufage de ces
fortes d'Eventails vient du Pape
S. Clément ; il nous apprend que
» deux Diacres le tenoient de cha-
» que coin de l'Autel pour empê-
» cher les petits animaux volans de
»> tomber dans le Calice. « On lit
fur celui dont nous parlons i S vers
latins qui en montrent les divers
ufages , comme de challcr les mou-
ches , de rafraîchir l'air , &c. Se qui
inarquent en termes exprès qu'il
eft confacré à Dieu , & fait et»
l'honneur delà Sainte Vierge. L'é-
criture en paroît du dixième fiécle.
Il eft de vélin , peint de plufieurs
figures qui reprefentent les Saints
qui étoient honorés dans l'Abbaye
de Tournus , & il s'ouvre en rond ,
comme on peut le voir dans la
planche que l'Auteur en a fait gra-
ver.
On décrit dans le fécond Livre
l'arrivée de Gcilon à Tournus. Cet
Abbé y fixa fa Congrégation qui
ctoit errante depuis 3 y ans que les
Courfes des Normands avoient
obligé les Religieux de S. Philibert
E S SÇAVANS;
à quitter Narmontier. Il s'y établit,
dit l'ancien B.eviaire de l'Abbaye
de Tournus , parce que quoique
pauvre , & peu confiderable pour
lors , elle n'étoit point foûmifc à la
puiffance d'aucun Seigneur parti-
culier , ni même à la Jurifdiction
Epïfcppale. Charles le Chauve lui
donna le Château de Tournus, des
terres confiderables , lui accorda
l'exemption de tous impôts , avec
grand nombre de privilèges. C'eft
par ce Geilon que M.Juenin com-
mence la fuite des Abbez Régu-
liers de Tournus , év l'Hhïoirc de
ce qui s'y eft paffé de plus confide-
rable fous leur gouvernement. Ils
devinrent en peu de tems des ef-
peces de Souverains , Se on voit en
effet qu'ils en exerçoient prefquc
tous les Aclxs. Eude Comte de Pa-
ris donna à l'Abbé Blitgaire la per
million de battre monnoye.
Vingt - fix ans après Charles le
Simple confirma l'Abbé Guicheran
dans ce droit à condition cepen-
dant que la monnoye porteroit le
nom du Prince. En vertu de cette
conceflïon qui a été exprefTément
confirmée par les Rois Raoul ,
Louis d'Outremer , Lothaire , Hu-
gues-Capet , Henri I. Philippe le
Bel, &c. L'Abbaye de Tournus a
fait battre de la monnoye , qu'on
retrouve encore dans les Cabinets
des Curieux , Se dont l'Auteur
donne ici deux types.
Il compte quarante-neuf Abbez,
parmi lefquels Ardain, ou Ardaing
eft le feul qui foit honoré comme
Saint. On ne fçait que peu de cho-
fe de fa Vie , & par confequent de
MARS
fes vertus , mais la Légende qu'on
recite au jour de fa Fête , nous ap-
prend que fon Hiftoirc, aufli-bien
que fes Reliques t a éré brûlée par
les Huguenots. Il mourut en 1056".
Entre ces Abbez , il y en a fix
ou fept qui avoient échappé à la
connoilTance du Père Chifflet , &
que M. Juenin a eu le bonheur de
découvrir en feuilletant les Archi-
ves de l'Abbaye. Mais comme di-
vers accidens en ont fait périr une
grande partie a ileft fouvent obligé
de s'abandonner à fes conjectures
fans ofer fe flatter de donner une
Hiftoire complette de ces Abbez.
Ce qu'il en rapporte même ,
roule en général plutôt fur les ac-
quifitions ou les pertes que l'Ab-
baye de Tournus a faites fous leur
règne , que fur ce qui regarde ces
Abbez en particulier. Les grands
biens qu'ils pofledoient pour lors
les rendirent d'un côté l'objet de la
jaloulie des Seigneurs voifins ; &
de l'autre la pu i (Tance prefque fans
bornes qu'ils exerçoient fur les ha -
fcitans de Tournus , excitèrent fou-
vent de grandes plaintes , & même
des révoltes de la part de ces der-
niers.
On expofe avec beaucoup d'ordre
& de netteté tous ces démêlez , &c
comme les Rois de France & les
Ducs de Bourgogne entrèrent
tour à tour dans ces querelles ,
prenant tantôt le parti des Abbez,
Se tantôt celui des habitans , on
s'eft trouvé dans la neceffité de
toucher quelques points d'hiftoire
alTez curieux -, à l'égard des faits
qui demandent de longues difeuf-
,1734. 1 77
fions , on les renvoyé à des Notes
Critiques qui font entièrement fé-
parées du Texte.
Après avoir parlé des Abbez
Réguliers dans les deux Livres pré-
cédens , M. Juenin nous donne
dans le troifiéme la fuite des Abbez
Commcndataircs. Jean I V. qui
étoit de laMaifondeToulonjonJ&
dernier Abbé Régulier étant mort,
les Moines deTournus élurent pour
lui fucceder Robert de Lenoncour
qui étoit déjà Abbé Commandatai-
re de S. Rhémy de Rheims , Se
Archevêque de cette Ville. »On ne
= fçait, dit l'Auteur , s'ils furent
» portés à cela par quelques foi-
» bielles fcandaleufcs qu'on avoit
» remarquées dans ce dernier Ab-
» bé -, & de celles que fon préde-
» cefleur n'a voit pas allez défaprou-
» vées dans fes plus proches pirens,
» ou bien fi ces Moines efperoient
» de vivre dans une plus grande
» liberté fous un Abbé Comman-
» dataire , qui ne refidei oit pas par-
» mi eux : * quoiqu'il en foit ,
l'élection de l'Abbé fut confirmée
par le Pape , malgré la répugnance
de quelques Religieux qui s'y op-
poferent inutilement.
Au refte , on remarque que Ro-
bert de Lenoncour , quoiqu'Abbé
Commandatairc, ne laifla pas de
faire du bien à fon Abbaye. Il la
refigna dans la fuite à fon neveu &
fon filleul qui portoit le même
nom que lui ; ce dernier devint
Cardiml , 6c poffeda tout à la
fois l'Evêché de Metz-, les Ar-
chevêchez d'Ambrun , d'Arles ,
& de Toulouze. Il permuta enfuite
Zij
178 JOURNAL DE
l'Abbaye de Tournus avec celle de
Beaulieu, au Diocéfe de Verdun ,
qui appartenoi: au Cardinal de
Tournon.
Kocre Auteur qui ne le confidc-
re ici que comme Abbé de Tour-
nus , fans entrer dans le détail de
la Vie de ce Prélat qui fut un des
plus grands hommes de fon fïécle ,
fe contente d'en donner une Chro-
nologie fuccinte.
Le Cardinal de Tournon eut
pour fuccefleur dans l'Abbaye de
Tournus , Louis de Lorraine , Car-
dinal de Guife , qui s'en démit peu
de teins après en faveur de François
fécond. Cardinal de laRochefou-
caut , qui fut le cinquième Se
dernier Abbé Commandataire. Sous
fon règne l'Abbaye fut fécularifée -,
mais avant que de raconter cet
événement , on nous donne une
Narration circonftanciée de ce qui
s'eitpafTé de plus remaquabledans
l'Abbaye de Tournus pendant la
guerre des Huguenots , Se pendant
les troubles de la Ligue.
Dc-là on paiTe à l'Hiftoire de la
fécularifation de l'Abbaye ; les
Moines de Tournus de concert
avec le Cardinal de la Rochefou-
caut reprefenterent au Pape , que
les guerres dont leur Pays avoit été
affligé , les avoient contraint de
changer leur Couvent en une efpe-
ce de place d'armes , que les gar-
nifons qu'ils étoient obligés d'y en-
tretenir , tant pour leur propre fu-
reté que pour celle des habitans ,
avoient rendu leur Monaftere peu
propre aux exercices de la Vie Mo-
naftique , que ces exercices étoient
S SÇAVANS,
même pour la plupart abolis parmr
eux depuis long-tems , enfin que-
les Moines étant tombés dans un
fi grand defordre , qu'il ne pa-
roilloit pas poflible de les re-
former , le parti le plus convena-
ble dans cette (îtuation étoit de fé>-
cularifer l'Abbaye.
Après que cet expofé eut été
vérifié fur les lieux , & principa-
lement l'article du defordre des.
Moines qui fut , dit M. Jucnin en-
rapportant l'enquête qui fe fit à
cette occahon , exagéré par les ha-
bitans , le Pape confentit à leur,,
demande, Se par une Bulle dattéo
du 6 Acuft 1^23. l'Abbaye de
Tournus fut changée en Collégiale-
Séculière qui fut aflujettie à la Ju-
rifdiction de LEvcque de Ghalon.- .
mais à l'égard de l'Abbé il relia,
toujours uniquement fous la dé-
pendance du S. Siège. Tous les*
Moines qui étoient pour lors ré-
duits au nombre de 7 furent dé-
chargés de l'obfervance de la Régie
deS.Benok^&même dé leurs vecuxy
à l'exception de celui de chafteté ,
les revenus furent féparés en deux-
Menfes , l'Abbatiale Se la Capitu-
laire. On y fonda douze Canoni-
cats, autant de demi Prébendes ,
Se on accorda au nouveau Chapitre
tous les privilèges , honneurs , &
prérogatives dont jo'U'iJfoient les plus
injignes Collégiales de ces Contrées.
On verra dans l'Auteur les Sta-
tuts que M. de Neufchefe Evêquc
de Châlons donna aux Chanoines
de Tournus y Se pluficurs particu-
laritez de ce genre très-interelTan-
tes fans doute poux ceux qui com^
M A R
pofent ce Chapitre. Charles Ro-
chechouart de Chandcnier , devint
en ib'a-ç. Abbé Titulaire par la
mort du Cardinal de Roche-
chouart fon oncle qui l'avoit fait
nommer fon Coadjutcur. Il ne gar-
da cette Abbaye que deux ans , &
il la remit avec l'agrément du Roi,
à Louis de Rochechouart fon frère,
moyennant une pcnfion de ioooo
liv. quoique cet Abbé vécut en
grande réputation de pieté, & qu'il
mourut aggrégé à la Congrégation
de la Million , il eut defréqucns
démêlez avec fes Chanoines , & il
les poulla vivement. Son Succef-
feur tut M. le Cardinal de Bouillon
qu'on nommoit alors le Duc d'Al-
bret. Comme toute Communauté
ne manque jamais de raifons pour
fe croire difpenfée dé la reconnoif-
fanec , les grandes fommes qu'il
employa généreufementà la déco-
ration de l'Eglife , & à la conftruc-
tion de plulîeurs bâtimens pour le
Chapitre n'empêchèrent pas fes
Chanoines de lui demander un
nouveau partage de biens , atten-
du , dit l'Auteur , que ceux de la
Menfe Canoniale étoient fort di-
minués. Après plufieurs procédu-
res le Cardinal , par accommode-
ment , leur accorda iooo livres
d'augmentation par an.
M. le Cardinal de Fleury qui fut
nommé en 171 J. à l'Abbaye de
Tournus , y a fait en petit ce qu'il
a fait depuis en grand dans tout le
Royaume , ainfi au lieu d'un long
détail de procès Se de conteftations
qui remplit la Vie de la plupart
des autres Abbez Réguliers Se Se-
S. 17 34- 17s
culiers , on voit ici que toujours
attentif à concilier les intérêts du
public avec ceux des particuliers
il a considérablement embelli fon
Eglife Abbatiale , augmenté les re-
venus des Chanoines , fait diverfes
fondations en faveur des Hôpitaux
& des Couvens, établi des Ecoles
de Charité , & procuré des grâces
fingulieres au Chapitre Seaux ha-
bitans de Tournus. Chaque année.,
dit M. Juénin , depuis qu'ils ont le
bonheur de l'avoir pour Abbé a
été marquée par quelque nouveau
bienfait.
On ajoute » qu'il n'y a que M»
» l'Abbé Briflart , cet Agent habile
» fur lequel S. E. fe repofe de la di-
» ltribution de fes grâces Se de fes
» fiveurs , qui pounoit rendre un
»» compte exact de tout ce qu'elle a
«fait & continué de faire a non
» feulement à Tournus , mais auflï
» dans les ParoiiTes de Iadépendan-
» ce de l'Abbaye.
Ce premier Volume finit par la
defeription de l'Eglife & de l'Ab-
baye de Tournus telle qu'elle etoic
lofque les Huguenots la pillèrent
en 156e. par une Table Chronolo-
gique pour fervir à l'Hiftoire de
Tournus , & par quelques Remar-
ques Critiques fur une partie du
quatrième Tome de la nouvelle
Gaule Chrétienne, M. Juénin y
relevé avec beaucoup de modeftie
quelques endroits où les Auteurs
de cet Ouvrage parodient s'être
trompés. Le fécond Tome contient
les titres , les actes , Si les autoritez
qui fervent de preuve àfonHiftoi-
re ; la plupart de ces Pièces avoienp
,80 JOURNAL D
déjà été données par le Père Chir-
flet , mais on les retrouvera ici avec
d'autant plus de pbilîr qu'elles y
paroitTent avec des additions &: des
corrections importantes. On y a
joint auiïiun Recueil des Epitaphes
les plus remarquables qu'on voit
encore ou qu'on voyoit autrefois
dansi'Egliïe de l'Abbaye deTour-
ES SÇAVANS,
nus , le Pouillé des Bénéfices qui
en dépendent , avec un EfTai fut
l'origine &: la Généalogie des Com-
tes de Châlons , de Mâcon , & des
Sires de Baugé , en un mot tout
ce qu'on peut attendre fur une pa-
reille matière d'un Auteur exact Se
laborieux.
MARS; 1754:
i8r
FRANCE.
De Lyon.
NOVVELLES LITTERAIRES.
Secunda Editio. 1734. in folio.
D. D. Jofephiàe Rofa J. C.Nea-
f alitant celebemmi .... Confultatio-
nes Jurisfeleclijfima } cum decifîoni-
busfuper eis prolatis afupremis Nea-
politani regni Tribunalibus &c.
Editio tcrtia Gallica, accurate re-
cognita & emendata 3 neceffariifque
lndicibus meliufquam batlenus con-
cinnatis locupletata. 173$. in-folio.
De Ratiociniis Adminiflratorum, &
Compittutionibus variis aliis TraÉla-
tus pruflantijfimus i omnibus Juri ope-
ram dantibus tam in theoria ejuam
praxi utdis 3 judictbus & advocatis
pernecejfarius. sîuBore D. Franfcijco
Munos de Efcobar J. C. in Regia
Pinciana Cancellaria caufarum Pa-
trono. 1733. in-folio.
TratlatHS bipartitus de Puritate &
NobUitate probanda, fecttndumftatu-
ta S. Officii Ine/uifitionis 3 Regii Ordi
num Senattis , faniïœ Ecclefïœ Toleia-
nœ , Collegiorum , aliarum^ue Corn-
munitatum Hifpanit , adexplicatie-
nem Regia pragmatica fanBionis
§. 2.0. incipiente Yporque el odio ,
à Domino noflro Rege Philippo IV.
lata Aîatriti 10 Februani t anno Do-
mini 16 2.3. Autlore D. D. Joannt
Efcobar k Corro J. V. D. &e, Edi-
tio ultima ab ipfomet Autlore auUa)
& à rnendis expurgata. 1 7 j 3 . in-fol,
VOICI les titres de quelques
Ouvrages que les Frères de
Ville &; Louis Chalemette ont réim-
primés depuis quelque tems : R. P.
JacobiTinni Antuerpianie Societa-
te Jefit Comment arius in facram
Scripturam , duobus Tomis compre-
henfns .... Editio novijfima prioribus
longe emendatior , cum IndicibhS
quine/ue ficundo Tomofubntxis. 1734.
in -folio.
Traclatiis de Praventione jiidiciali
feu de comentione JurifliflionumAuc-
tore D. Petro Francisco de Tonduti.,
Domino & Toparcha Loci S. Legicr
in Comitatu Venaijftno s Comité Pa-
latir.o , & fdnEli Officii Inqitifitionis
Avcnionenfis Confultorum Decano.
Opus olirn in duas partes divifum
lame tertia auElum : ex extjui/îtijjimis
ïpfmfmet AuBoris ad fingula prope
capita additionibus locupUtatum^cz.
*7J4» in-folio.
Ejufdem TraElatus de Penfioni-
bus Ecclefiaflicis } ad flylum Curii.
Roman & } & ad praxim Trtbunalium
Gallia accommodatus. Adjicitur in
fine operis felellarum ac recemijfima-
rum Rot£ Romand Decifionum Cetitu-
ria j pro confirmatione eorum , (jus,
ab Autlore refoluta funt in materia
Penfionum & Beneficiorum : cum no-
fis quibufd&m ad pracedentia opéra.
De Paris.
La Veuve Matières & J. B. Gar-
ig2 JOURNAL D
nier ont imprimé &c débitent : Sanc-
ti Aurelii Augufttni Hipponenfls
Epifcopi EpifloU dus. recens in Ger-
mania repenti , nous criticis , hiftori-
cis , Cbrcnobtricifjue illuftraU , ac
juxta noviffimam editionem omnium
cjufdem S. DoBoris openim à Bene-
ditlinis e Congregaûone S. Mauri
concinn.ttam terfk attjue adornata.
Opéra & fiadio D*** ejufdcm Con-
grégations Prefbyteri : 1734. in-folio.
Ces deux Lettres dont la Veuve
Manières a auffi imprimé une tra-
duction Françoife , turent trouvées
il y a deux ans par le P. Dom Ber-
nard Pez, , célèbre Bénédi&in d'Al-
lemagne , dans un manuferit de
l'Abbaye de Gotfwein ou Gottivtig
dans la balte Autriche , à quelques
lieues de Vienne. M. Godefoy Bef-
fell Abbé de ce Monaftere , & Au-
teur du Chremcon Gottnvicenfe ,
que nous avons annoncé dans les
Nouvelles du mois de Janvier der-
nier , avoit publié prelque furie
champ une Edition de ces Lettres
à Vienne , avec une Préface : mais
comme cette Edition étoit rare en
France _, on a cru avec raifon faire
plaifir aux Sçavans en leur faifant
part de cette importante découver-
te , & en faifant imprimer ces deux
Pièces dans une forme propre à les
joindre à l'Edition fi connue les
Oeuvres de S. Auguftin parJesRR.
PP. Bénédictins de la Congrégation
de S. Maur.
Claude Robuftel , rué' S. Jacques,
près S. Yves , à l'Image S. Jean , a
en vente dernière Edition augmen-
tée de nouvelles Remarques des
Oeuvres de M. Jean-Marie Rtcart ,
ES SÇAVANS,
Avocat an Parlement. Tome I. con-
tenant le Traité des Donations tntre
vifs & Teftamentaires , avec la Cou-
tume ^'Amiens commentée. Tome il,
contenant les Traitez, du Don Mu-
tuel t des Dtfpofîtions conditionnelles,
Sec. des Subjiitutiens , de la Repre-
fentation & du Rapport en matière de
Succeffions. Enfemble la Coutume de
Senlis commentée. 1754. in folio.
On trouve chez Ch aubert , Li-
braire du Journal , Quai des Au-
guftins , Ofmont , Huart l'aîné _,
Cloufîer , rué' S. Jacques , Hourdel y
David le jeune , Quai des Augu-
ftins , & Giffey , rue de la Vieille
Bouderie : Hijtoire Critique de Péta-
bliffement de la Monarchie Fratiçvife
dans les Gaules. Par M. T Abbé Du-
bas t l'un des Quarante , Jk. Secré-
taire perpétuel de l'Académie Fran-
çoife. 1734. /»-4°. 3. vol.
Les Dons des Enfans de Latone ;
La MufîcjU! & la Chaffe du Cerf '
Poèmes dédiés au Roy. Chez
P rouit , Quai de Gêvres , Jean Dé-
funt , rue S. Jean de Beauvais , Se
Jacques Guerin t Quai des Augu-
ftins. 1734. in-%°. fort bien imprimé
& orné de figures en tailles douces
& d'autres gravures. Le Poème de
la Muficjue eft fuivi d'un Catalogue
Chronologique des Opéra repre-
fentés en France depuis l'année
1^45. où ils ont commencé de pa-
roître jufqu'à prefent •, 8c on trouve
après le Poème de la Chajjc du Cerf
un Dièlionnaire des termes ufités
dans cette forte de Chafle ; ainfi
qu'un Divcitilfement eft Mufique
intitulé Nouvelle Chaffe du Cerf .
compofé de plufieurs Airs paro
diéc
MARS
diés fur les Opéra d'Angleterre ,
avec différentes Symphonies étran-
gères.
Traité général des Horloges. Par le
R. P. Dom Jacques Alexandre ,
Religieux Bénédictin de la Con-
grégation de S. Maur. Ouvrage en-
richi de figures. Chez Hippolyte-
Louis Guerin , rue S. Jacques , &
Jacques Guerin , Quai des Augu-
ftins. 1734. /w-8°.
Leçons de Phyjîque , contenant
IcsElémens de la Phyfique , déter-
minés par les feules Loix desMé-
chaniques , expliquées au Collège
Royal , par M. Jofeph - Privât <&
JMolieres , Profefieur Royal en Phi-
lofophie , de l'Académie Royale
des Sciences , & Membre de la So-
ciété Royale de Londres. Chez la
Veuve Brocas a rue S. Jacques , au
ChefS. Jean, & Jofeph Bultot ,rùe
de la Parcheminerie. 1733. in-11.
Ces Leçons dont nous n'annonçons
ici que la première , feront diftri-
buées au Collège Royal , à mefure
qu'elles feront imprimées.
Penfées Critiques fur les Mathé-
matiques s où l'on propofe divers
préjugez contre ces Sciences , àdef-
îein d'en ébranler la certitude, &de
prouver qu'elles ont peu contribué
à la perfection des beaux Arts.Chez
Ofmont & Cloujîer , rue S. Jacques.
1733. in-ii.
Hifloire Naturelle de l'Univers }
dans laquelle on rapporte des rai-
fons Phyfiques , fur les effets les
pluscurieux&les plus extraordinai-
res de la Nature. Enrichie de figu-
res en taille-douce. Par feu M. Co-
lonne , Gentilhomme Romain.
Mars.
1 17 3 4', i§5
Chez André Cailleau , Quai des
Auguftins , au coin de la me Gift-
le-Cœur. 1734. in-i 2. 2. vol.
Abrégé de la Vie de Saint Gaud ,
Evêque d'Evreux de S. Pair Evê-
que d'Avranches t de S. Scabilion ,
Abbé de Saint Senier , aujfi Evcque
d'Avranches, & de S. Aroafte, Prê-
tre t tous Anachorètes du defert de
Scycy , inhumés dans l'Eglife de
S. Pair fur mer, Diocéfc deCou-
tances , &c. Le tout conforme aux
Martyrologes , aux meilleurs Hi-
ftoriens , & particulièrement à un
Manufcrit très-ancien , qui fe trou-
ve dans les Archives de la Parroitfc
de S. Pair , dont il y a copie dans
celles de la Cathédrale d'Evreux.
Psr M. le Roitault , Curé de S. Pair
fur mer. De l'Imprimerie de Mon-
talant. 1734. in-\z.
La Retraite de la Marquife de Go-
aanne , contenant diverfes Hiftoi-
res Galantes & véritables. Chez
Etienne Ganeau , rue S. Jacques.
1734. /»-ii. 2. vol.
Seconde Partie de la Vie de Ma-
rianne , ou Avanmres de Madame
la Comtefe de***. Par M. de Ma- '
rivaux. Chez Prault père , Quai
de Gêvres. 1734. brochure/» 12.
Après avoir annoncé dans nos
Nouvelles Littéraires du mois d'A-
vril de l'année dernière , le grand
Ouvrage du R. P. du Halde fur
l'Hiftoire de la Chine, il nous refte
encore à inférer ici en entier l'Avis
fuivant qui fe diftribue imprimé
fur une feuille volante.
» On imprime maintenant chez
» P. G. le Mercier fils le Livre inti-
n tulé : De/cription Géographique ,
An
i8* JOURNAL D
» Hiflorique y Chronologique , Poli-
3) tique , & Phyfique de l'Empire de
» la Chine , & de la "Tartane Chinoi-
»fe , enriibie d; Cartes générales &
n particulières de ces Pays i de la
»> Carte générale &' des Cartes parti-
» entières dit Tlubet & de la Corée ,
n & ornée d'un grand nombre de
» Plans de Villes } de Figures & de
» Vignettes en taille-douce en quatre
» Volumes in-folio , fur grand rai-
» fin , dont on a donné le Projet il
» y a cinq ou fis mois.
» On n'épargne rien pour la
» beauté de l'Edition & des Gravû-
=»res} on a fait fondre exprès des
» cara&eres pour cet Ouvrage. La
» gravure des Cartes & des figures
» eft des meilleurs Maîtres , ce qui
w eit connu d'un grand nombre de
» perfonnes qui ont eu la curiofité
» de les venir voir chez l'Auteur :
»> Et afin qu'il ne manque rien à la
)> perfection de l'Ouvrage , ou fera
» enluminer les Cartes générales ,
>» ce qu'on n'avoit pas promis. On
» a jugé à propos de mettre dans
»le premier Tome l'Hiftoire abré-
y> gée de l'Empire de la Chine , qui
«dans le Projet n'a été annoncée
»> que pour le quatrième Volume ;
•> & l'on a cru que la connoiflance
» générale qu'on prendra d'abord
»> de ce vafte Empire , faciliteroit
»> l'intelligence des autres matières
» qui y font traitées , lorfqu'on ckc
»>des Empereurs ou des Hommes
» Illuftres de cette Nation -y on y a
» fait même des Additions depuis
m la distribution du Projet ; & en-
*> tr'autres on fait connoître quel
ç. cft le goût des Chinois poui le
ES SÇAVANS;
» Théâtre , en donnant la traduc-
» tion d'une de leurs Tragédies.
» Ceux qui ont retenu des exem-
» plaires, ou qui en veulent retc-
» nir , & qui fc font offerts à payer
n la moitié d'avance , font avertis
» de le faire préfentement. Le prix
» pour ceux-là eft de cent quarante-
« quatre livres. Le premier paye-
» ment fera de foixante-douze livres,
» dont on donnera un billet de rc-
» connouTance. Le fécond paye-
» ment fera de pareille fomme de
nfiixame-douz.e livres en recevant
» l'Ouvrage , & rapportant le bil-
» let de reconnoiffanec. Ceux qui
» n'en auront point retenus , le
» payeront deux cens livres. On li-
ts vrera l'Ouvrage vers le milieu de
» l'année 1735.
o Pour avoir des billets de re-
» connoilTance , il faut s'adreiTer
» au Père du Halde 3 demeurant à -
» la Maifon ProfeiTe des Jefuites ,
» rue S. Antoine, ou au Perc Pt-
» chon , Procureur des Penfionnai-
»res du Collège de Louis leGrand, ,
>» ou à P. G. le Mercier fils , Impa-
rt meur-Libraire , rue S. Jacques ,\
» au Livre d'or.
M. le Gt ndre , Marquis de Saint -
Aubin-fur- Loire, Auteur àuTrai-
té de l'Opinion , avertit qu'il s'eft-
gliflé dans cet Ouvrage trois er-
reurs confiderables.
» Liv. 1. ch. 6. p. 140. Du Hail-
» lan , le Seigneur de Langey , &c
» le P. Vignier font cités pour avoir
» foûtenu que la Pucelle d'Orléans-
» n'a point été brûlée. Il faut diftin-
» guer deux opinions problcmati-
» ques au fujet de cette iillc guer»
M A R
«riere ; l'une , que tout ce qui en
» a été publié d'extraordinaire 5 a
» été l'effet de la politique-, l'autre ,
» qu'elle n'a point été brûlée. Il
» n'y a que la première de ces opi-
» nions qui doive être attribuée au
» Seigneur de Langey & à du Hail-
w lan -, la féconde , qui ne peutba-
:» lancer le témoignage unanime
«des Hiftoriens, a été celle du P.
» Vignier.
» Liv. 5. ch. i. p. £5. La décifion
» de la prefféance adjugée aux Am-
» baffadeurs du Duc de Bourgogne
» fur ceux des Electeurs , eft rap-
» portée comme du Concile de
«Confiance , quoiqu'elle fou du
*• Concile de Balle J en l'aiTemblée
» générale tenue le Mardi 16. Juin
» 1433.
» Liv. 1. ch. 3. p. 77. & Liv.tf.
»ch. 1. p. 99. L'Alexiade eft regar-
» dée comme un Poème , au lieu
»» que c'eft une Hiftoire de l'Empc-
» reur Alexis premier , écrite en
» profe par Anne Comméne fa
» fille.
Il feroit à fouhaiter que tous les
Auteurs tuffent aulîî exacts à faire
la revifion de leurs Ouvrages que
l'eft M. de S. Aubin à faire la revi-
fion du fien , & qu'ils euffent la
même candeur.
Fautes à corriger dans le Journal de Février 1734.
PAge 73. col. 1. lig. 3. s-efyi'' , Hf- fù/Ji : pag. y(. col. z. lig. 13. mar-
qués , lif. marquées: pag. 80. col. 1. lig. 19. fuivre , lif. fubir :•
pag. 83. col. z. lig. 3. .chevanx , lif. chevaux.
TABLE
Dès Articles contenus dans le Journal de Mars 1734*
SYflème tiré de l'Ecriture faintefur la durée du Monde , page 1 1 j
Hiftoire de Roche fort , &c. 134
Differtation Hiftoriejue & Philofophique fur la Philofophie deLaftanee,!kc. 1 3 7
Très-ample Colletlion des anciens Ecrivains , & de Pièces concernant ï Hiftoi-
re , le Dogme y & la Morale % &c. Tome VU. 145
Suite des Eloges des académiciens de V Académie Royale des Sciences , &c.
H?
Recueil des Ecrivains de l' Hiftoire d'Italie , &c. Tome Xfl. i6z
Remarques Hiftoriyucs & Critiques fur l' Hiftoire d'Angleterre de M. Rapin
Toyras}&cc. 169
Nouvelle Hiftoire de l'Abbaye Royale & Collégiale de S. Philibert de la Fille
de Tournus f Sic. 175
Ntuv elles Littéraires , x8 s*
Fin de la Taljk;
L E
JOURNAL
SCAVANS,
6
FOUR
VANNEE M. DCC. XXXÏF.
AVRIL.
A PARIS,
Chez CHAUBERT, à l'entrée du Quay des
Auguftins, du côté du Pont Saint Michel, à la
Renommée & à la Prudence.
M. DCC. XXXIV.
AVECAFFROBATION EX PRIVILEGE DU ROY.
L E
JOURNAL
DES
SCAVANS
AVRIL M. DCC. XXXIV.
TRAITE' PHYSIQUE ET HISTORIQUE DE VAVRQRE
Boréale : Par M. de M air an. Suite des Mémoire de l'Académie Royale
des Sciences , année 173 i. A Paris , de l'Imprimerie Royale. 1733.
iw-40. pp. 281. Planch. xv. Se vend chez Jacques Lambert t rue S. Jac-
ques , à la Sageffe ; féparément, pour ceux qui ne voudront pas acheter
les Mémoires, ioliv. en blanc , & loliv. 10 f. relié.
L'AURORE Boréale , phé- jufqu'ici que pour les feuls Aftro-
noméne , qui par fa grande nomes , l'cft devenu pour tous les
rareté , n'étoit guéres intereflant Sçavans depuis quelques années 3
Avril. B b ij
I
1^)0 JOURNAÊ DE
at fes fréquentes apparitions.' El-
es ont donne lieu de l'obferver
avec plus de foin & d'exactitude ,
d'en rechercher les véritables eau-
fes , &: d'imaginer fur ce fait af-
fez obfcur & alfez compliqué par
lui-même , pluheurs dénouemens
plus ou moins fpecieux. Il y a cinq
ans que M. de Mairan voulut s'en-
gager dans cette carrière -, mais il
s'en tint uniquement alors aux ob-
fervations qui pouvoient le mettre
à portée de donner à l'Académie
une jufte description du Phénomè-
ne , dégagée de toute difculîion
phvfique. C'eft de quoi il fe difpen-
ù. d'autant plus volontiers , que
peu content jufque là des explica-
tions d'autrui fur ce point , il avoit
même prefque oublié celle qu'en
1717. il avoit prefentée à l'Acadé-
mie de Bordeaux dans fa Differta-
tion fur les Pbofpbores. Il ne fe l'eft
tappellée , cette explication , avec
tout ce qui en dépend , qu'à l'occa-
fîon des retours fi réitérés du phé-
nomène dont il s'agit , &c fur les
fingularitez duquel il a eu le loiiir
de méditer profondément. Ses
nouvelles reflexions ont perfection-
né là-deffus fes premières idées ; &
il en a refulté une hypothéfe , qui
tient au moins à tout le Syftêmc
Solaire,& qui ne peut être fuffîfam-
ment développée , qu'à l'aide de
plufieurs obfervations générales ,
curieufes par elles mêmes &c fans
rapport au fait dont il eft ici que -
ftion. C'eft donc en viiç de foûmefc
îre cette nouvelle hypothéfe au ju-
gement des Sçavans , que l'ingé-
ïiieux Auteur la communiqua il y
S SÇAVANS,
a deux ans à l'Académie ; & qu'il
la remet aujourd'hui fous les yeux
de cette Compagnie avec plus de
précifion & de détail , en livrant ce
Volume au public.
M. de Mairan y donne d'abord
une explication fommaire de l'Au-
rore Boréale , fuivie du plan de cet
Ouvrage. L'aurore boréale , ainfi
appellée parce qu'elle paroît ordi-
nairement vers le Nord , & que
proche de l'horizon elle reffemble à
l'Aurore , n'a pour fa vraye caufe ,
félon l'Auteur , que la lumière Zo-
diacale. Celle ci , découverte , dé-
crite & nommée par feu M. CaJJiniy
eft une blancheur lumineufe , qui
fèuvent imite celle de la voye lac-
tée, 8c qui en certains tems de l'an-
née , après le coucher du Soleil ou
avant fon lever, paroît au Ciel en
forme de lance , ou de pyramide ,
renfermée toujours par fa pointe 8c
fon axe le long du Zodiaque, 8c ap-
puyée obliquement fur l'horizon
par fa bafe. L'Auteur la confond
avec l'atmofphére folaire , lumineufe
par elle - même , ou feulement
éclairée des rayons du Soleil , &
qui environne le globe de cet aftre,
fur 1 equateur duquel elle eft plus
abondante 8c plus étendue que par-
tout ailleurs. Elle eft vifîble plus
ou moins , 8c quelquefois dif-
paroît totalement , félon que cer-
taines circonstances favorifent plus
ou moins fon apparition. D'où il
fuit que cette lumière ne manifefte
pas toujours l'atmofphére folaire,'
quoique celle - ci fe fafle toujours
appercevoir autour du Soleil dan*
fes éclipfes totales. La longueur.
A V R
fumTantc de la lumière zodiacale
fur le Zodiaque eft une des condi-
tions les plus effentielles à l'appari-
tion de l'atmofphere folaire. Mais
les varierez de longueur dans cette
lumière font quelquefois réelles, &
quelquefois feulement apparentes ,
celle-ci pouvant être fort étendue
&c paroître peu ; au lieu qu'elle ne
fçauroit paroître fort étendue, fans
l'être effectivement. Au moins cft-
il certain par quantité d'obferva-
tions non équivoques , que l'at-
mofphere du foleil regardée com-
me lumière zodiacale atteint quel-
quefois jufqu'à l'orbite terreftre.
Alors la matière de cette atmof-
pherc trouvant en fon chemin les
parties fuperieures de notre air ,
précilement où l'adion delà pefan-
Jeur univerlelle commence à tendre
avec plus d'effort vers le centre de
la terre que versleSolcilielle tombe
dans l'atmofphere de celle-là, plus
ou moins profondément , félon les
divers degrez de fapefanteur fpéci-
fique, fuivant lefquels elle y forme
plusieurs couches de différente
hauteur. Les plus baffes , comme
étant les plus épaiffes &c les moins
inflammables ,. produiront ces
brouillards épais , quoique tranf-
parens &c cette forte de fumée, qui
d'ordinaire accompagnent l'aurore
boréale. Ils nous l'annoncent , en
nous la cachant en partie , tantôt
fous l'apparence d'un fegment de
cercle bornant l'horizon au Nord ;
tantôt fous celle de {impies nuages,
femés çà & là & dans tont le Ciel ,
(ombres &c fumeux Supérieure-
ment , inférieuiement blancs &
I L, 1754; spt
lumineux : d'où il fuit, qu'au-def-
fus de la matière obfcure en eft une
plus légère , plus inflammable &c
actuellement enflammée, par quel-
que caufe que ce puiffe être , & qui
de fujet qu'elle étoit auparavant de
la lumière zodiacale, deviendra ce-
lui de l'aurore boréale.
Elle doit être plus vifible du cô-
té du pôle (obferve M. de Mairan)
que vers féquateur ( ainfi que l'at-
tefte l'expérience ) & cela pour
trois raifons : i". parce que toutes
chofes d'ailleurs égales , le rayon
vifuel du Spectateur fait un plus
long trajet dans l'air qui l'environ-
ne vers l'horizon , que vers le ze-
nit : i>'. parce que, félon toute
apparence , l'atinofphere terreftre
eft plus groffiere vers le pôle que
vers l'équateur : 30. parce que la
matière de l'aurore oréale a réel-
lement une tendance , qui la porte
de la zone torride vers les pôles , &
qui a fon principe dans le double
mouvement de la terre, l'annuel Se
celui de rotation , comme l'Au-
teur le fait voir en fon lieu. Delà
(continue- 1- il) i°. les Aurores
Boréales plus fréquentes & plus re-
marquables dans les Pays Septen-
trionaux , que dans les Méridio-
naux : 2°. le liège confiant du Phé-
nomène vers ce côté du monde s
30. fa forme ordinaire en arc ou en
plusieurs arcs concentriques , ap-
puyés fur un fegment de cercle ob-
feur joint à l'horizon , & dont le
pôle terreftre boréal fait à peu près
le centre.
L'Auteur explique plus particu-
lièrement les caufes de ces Phéno
i92 JOURNAL DE
mènes ainfi que des colonnes & des
jets lumineux perpendiculaires à
l'horizon ou concentriques à l'arc
Se au fegment obfcur , d'où ils
femblent s'élancer. Il recherche en-
core la caufe qui rend vilibles de la
zone tempérée & des endroits fort
éloignés du pôle , tous ces Phéno-
mènes -, & il l'attribue à la grande
hauteur de la région qu'ils occu-
pent dans l'air. Il en conclut , que
l'Aurore Boréale confifte ou dans
une matière plus rare & plus légère
que les parties fuperieures de notre
air (ce qui eft l'opinion commune) -
ou dans une élévation beaucoup
plus grande de notre atmofphérc
qu'on ne l'a fuppofée jufqu'à pre-
fent ; & c'eft à quoi s'en tient M.
de Mairan; & ce qu'il fe propofe
de prouver dans la fuite. A l'égard
de l'extrême rareté de la matière
du Phénomène , on doit l'inférer
de ce qu'à travers fes parties , foit
éclairées , foit obfcures , les corps
lumineux font ordinairement via-
bles; ce qui lui eft commun avec
la lumière zodiacale , qui en eft la
fource.
Telle eft en fubftance l'idée de
M. de Mairan, fur la caufe phyfi-
que de l'Aurore Boréale , confide-
rée dans ce qu'elle a de plus ordi-
naire. Quant à fes autres Phénomè-
nes, tels que l'efpece de couronne
quiparoît vers le zénit , les petits
nuages ou rloccons lumineux ré-
pandus quelquefois dans tout l'hé-
mifphére vifible , les éclairs plus
ou moins fréquens , les vibrations
réglées de lumière , & les diverfes
couleurs ; il n'oubliera pas d'en
S SÇAVANS,
parler , & d'en chercher l'explica-
tion particulière dans le Syftême
général dont il vient d'expofer le
précis. Il aura la même attention
pour certaines circonftances } qui
bien qu'extérieures au Phénomène,
feront d'un grand fecours pour en
déterminer la véritable origine.
Tels font , par exemple , l'heure de
la nuit où il paroît, 6c les faifons de
l'année où il eft plus fréquent : &
e'eft de quoi l'Auteur nous a dreffe
une Table des plus exactes : perfua-
dé au furplus que fon explication
empruntera une nouvelle évidence
de la liaifon 5c du rapport qu'il fe-
ra voir entre l'aurore boréale ou fa
caufe & divers autres effets de la
nature.
Tout cela fait ici le fujet des
cinq Sections qui partagent ce
Volume , & qui font fubdivifées
chacune en plufieurs Chapitres. La
première eft uniquement deftinéeà
ï'Hiftoire & à la defeription de la
lumière zodiacale ou de l'atmof-
phére folaire. Dans la féconde il
s'agit de l'atmofphére ternftre, de
fa hauteur , de la région qu'y occu-
pe la matière des aurores boréales,
Ôc de l'exclufion que cette circon-
ftance donne à d'autres caufes qu'on
en a voit alîïgnées jufqu'à prefent.
La troifiéme regarde la formation
du Phénomène Se de fes différentes
parties, ainfi que l'explication dé-
taillée de tout ce que l'Auteur n'a
fait qu'indiquer dans fon Préliminai-
re. Il a ralfemblé dans la quatrième
Section les preuves hiftoriques de
fon hypothéfe , les Mémoires qui
nous reftent touchant l'aurore bo-
A V R I
féale , les traits aufquels on peut la
reconnoîtie chez les anciens , des
obfervations fur la correfpondance
de fes reprifes avec les divers états
de la lumière zodiacale , & fur l'a-
nalogie qui règne entre fes appari-
tions & les pofitions ou les mouve-
meDS de la terre en divers points
de fon orbite. Il renvoyé à la cin-
quième & dernière Sedion quel-
ques queftions ou quelques doutes
propofés fur des Phénomènes qui
n'ont qu'un rapport éloigné avec
l'aurore boréale s de même que
quelques articles furlefquels il n'a
pu ou ofé s'expliquer plus décifive-
ment dans le cours du Traité ,
quoiqu'ils tinlîent plus immédiate-
ment au principal fujet.
I. Pour venir maintenant an
corps de l'Ouvrage t nous dirons
d'abord que M. de Mairan donne
fes premiers foins à mettre hors de
doute l'exiftence de la lumière zo-
diacale , dont il fait le fondement
de toute fa théorie fur l'aurore
boréale.
i. La découverte de la lumière
zodiacale eft dûë à feu M. Caflini
qui l'obferva le premier au Prin-
tems de 1683. Elle fut confirmée
par les obfervations de M. Fatio de
Duillier faites en 1^84. 85. & %6.
& par celles de MM. Kirch & Eim-
mart t en i£88. 89. 91.9}. & 94.
C'efl dans ces fources que notre
Auteur puife tout ce qu'il nous ap-
prend ici fur cette matière. Cha-
cun peut fe convaincre par lui-
même, de l'exiftence de ce Phéno-
mène en l'obfervant quelque tems
après le coucher du Soleil vers la
L» '7 34- 1$$
fin de l'Hiver & dans le Printems
ou avant le lever en Automne &
au commencement de l'Hiver : car
il eit rare qu'on puifTe le voir com-
modément en d'autres tems : enco-
re ne le voit-on que par quelques
parties qui font les fuperieures, &
qu'il faut bien prendre garde de
confondre avec la voye la<5tée. On
ne peut jamais voir la lumière zo-
diacale par fon milieu Se pour ainlî
parler jufqu'à fa racine , que dans
les éclipfes totales du Soleil.
2. Mais ( dira-t-on ) ce Phéno-
mène a-r- il été connu des anciens?
M. Caffini conjecture qu'il eft du
nombre de ceux qu'ils ont appelles
Trabes , Contres s &c M. de Mairan»
qu'ils l'ont défigné quelquefois par
le Cône de lumière & par la Pyrami-
de. Mais pour venir à quelques
faits plus modernes, Defcartes don-
ne à croire qu'au moins il avoitoui
parler de quelque Phénomène pa-
reil à la lumière zodiacale; & l'An-
glois Childrey fait part aux Mathé-
maticiens d'une de fes obfervations
qui relTemble fort à celle de nos
Aftronomes fur cette même lumiè-
re. D'où l'on peut inférer ( dit no-
tre Auteur ). qu'il eft très-probable
qu'il y a eu dans tous les fiécles des
lumières zodiacales , comme il y a
eu des aurores boréales.
3. Il recherche enfuite quelle eft
la nature de cette lumière , qu'il
diftingue fort de l'éther > lequel ne
réfléchit point la lumière ; & fans
examiner les divers fentimens fur
ce point, ilfe contente de recon-
noitre que la lumière zodiacale ne
confifte qu'en des parties beaucoup
iP4 JOURNAL D
plus groffieres que celles de la lu-
mière , puifqu'elle les réfléchit ,
peut être inflammables ou actuelle-
ment enflammées , &C qui forment
l'atmofphére du Soleil. Rien ne
paroît mieux juitifier cette opinion
de M. de Mairan , que la comparai-
fon que font perpétuellement
MM. Cajfmi 5c Fm'io de la lumière
zodiacale avec la queue des Comè-
tes , qui n'efl: que l'effet des rayons
du Soleil réfléchis , & à travers la-
quelle on apperçoitles plus petites
étoiles. L'Auteur , qui, à fon tour,
en juge par fes propres yeux , la
trouve plus forte & plus denfe que
la lumière de la voye-de-lait , plus
uniforme , quelquefois moins
blanche , & fujette à quelques va-
riations dans la confiftance & la
couleur • comme le fpecifie l'Aca-
démicien ; qui n'omet point aufïî
certains petillemens qu'il croit y
avoir apperçûs , foit à l'aide des lu-
nettes , foit à la (impie vue , mais
dont à l'exemple de M. Cajfmi qui
croyoit avoir vu quelque chofe de
femblable , il n'ofe certifier la réa-
lité.
4. La nature de la lumière zodia-
cale une fois établie , M. de Mairan
s'applique à en décrire la figure.
La lumière zodiacale eft toujours
vûë de la terre fous la figure d'un/?<-
feau. Or il n'y a qu'un fpheroïde ap-
plati ou de forme lenticulaire,qui é-
tant vu de côté ou par fon tranchant,
puifle toujours paroître fous la figu-
re d'un fitfeau : donc ta forme de la
lumière zodiacale ne s'éloigne pas
beaucoup de celle d'une lentille.
Auflî la voit on étendue comme une
ES SÇAVANS,
lance ou comme une pyramide plus
ou moins pointue , toujours diri-
gée par fa bafe vers le corps du So-
leil , & par fa pointe vers quelque
étoile , qui ne fort jamais du zo-
diaque : .&c l'on peut même s'aflu-
rer de fes deux pointes en un mê-
me jour,vrrs les Solftices. L'atmof-
phére du Soleil eft donc difpofée
autour de cet aftre en forme de
lentille ou à peu-près ; & l'Auteur
met ici fous nos yeux la proje&ion
de cette lentille fur une partie de la
concavité de l'hémifphére boréal
du Ciel , & fur le plan de l'équa-
teur folaire , qui fe confond avec le
difque même de la lentille. L'Au-
teur parle de quelques variations
obfervées dans cette figure de la
lumière zodiacale ; mais comme
ces obfervations font très-rares , il
juge à propos de s'en tenir à la fi-
gure de ce Phénomène la plus ordi-
naire.
5. C eft encore la forme de lance
ou de pyramide , gardée conftam-
ment par la lumière zodiacale, qui
doit nons en indiquer la pofition ,
comme elle nous en a fait décider la
figure. Elle eft donc fituée de ma-
nière , comme il réfulte des obfer-
vations de M. Cajfmi , que le plan ,
qui partage en deux portions égales
l'atmofphére folaire , eft le plan
même de la révolution du Soleil
fur fon axe , ou de fon équateur.
Or c'efl: encore à cette fituation que
fe fixe M. de Mairan pour toute la
fuite de ce Traité ; ce qu'il fait d'au-
tant plus volontiers que les obfer-
vations de ce grand Aftronome s'ac-
cordent parfaitement fur ce point
avec
A V R I
iycc celles de l'Auteur , en indi-
quant une inclinaifon fenlible entre
l'écliptique &C le plan de l'atmof-
p'nére folaire : inclinaifon que l'Au-
teur fait ici la même que celle de
l'équateur du Soleil , fçavoir de 7
degrés -f.
g. Pour afllgner maintenant re-
tendue de la lumière zodiacale ,M.
de Mairan , par la comparaifon de
toutes les obfervations & de leurs
circonftanccs , trouve qu'elle n'a
jamais occupé guéres moins de 50
ou 60 degrez de longueur depuis
fa pointe jufqu'au Soleil , & de 8 à
9 degrez de largeur à fa partie la
plus claire ou la plus voiline de
l'horizon. De même , fa plus gran-
de étendue apparente a été de 90 ,
9$ &jufqu'à iooou 103 degrez de
longueur , & de plus de 20 degrez
de largeur. Sur quoi l'Auteur fait
obfervcr i°. Que la plus grande
largeur ne fe rencontre pas tou-
jours avec la plus grande longueur.
ï°. Que la terre fe trouvant vis-à-
vis des plus grandes diltances du
tranchant de la lentille, par rap-
port au plan de l'écliptique , le
profil du fphéroïde , ou la lance
formée par la lumière zodiacale ,
nous doit paraître plus large , que
quand elle eft à fes nœuds : 30.
Qu'on juge fûrement du nombre
de degrez qu'occupe la lumière zo-
diacale vifiblc , en remarquant à
quelles étoiles fe termine fa pointe,
ïc fçachant à quel degré de l'éclip-
tique fe trouve a&uellement le
Soleil.
Mais il n'en eft pas de même de
fa largeur vue fur l'horizon , la-
Avril.
quelle ne décide pas abfolumenf.
de l'cpaifTeur de l'atmofphére au-
près du globe du Soleil : ce qui im-
porte peu au fujet prefent, où il
n'ell queftion que de la longueur
de la lumière zodiacale qui peut
aller jufqu'.i l'orbite de la terre ,
en forte que celle-ci peut en être
inondée pour ainfi dire : & c'eft ce
que notre Auteur s'applique à met-
tre dans une entière évidence par
le moyen de quelques figures.
7. Quant au mouvement propre
de la lumière zodiacale autour du
Soleil , quoique M. de Mairan ne
trouve dans les obfervations rien qui
paille le convaincre d'un' tel mou-
vement, il ne s'éloigneroit pas d'en
admettre l'hypothéfe adoptée déjà
par M. Fatio , s'il n'aimeit mieux
ne recevoir dans fes recherches
que des obfervations &c des faits
qui puillent fe foûtenir dans tous
les Syftêmes.
8. L'Auteur termine fa première
SecTrion par diverles remarqut ; im-
portantes fur les changemr ns réels
ou apparens de l'a lumière zodiaca-
le,& fur quelques inductions qu'on
en peut tirer par rapporta l'aurore
boréale. Ces changemens regar-
dent l'étendue , la clarté , la figure
&c la lîtuation de cette lumière.
C'eft fans doute le défaut d'éten-
due , de force Se de durée , qui en
a retardé la découverte jufqu'à M.
Cajjîni , malgré le renouvellement
de l'Aftronomic arrivé 40 ou 5® ans
plutôt. Elle a depuis été apperçûë
par les PP. Noël & Rickiud , par
î'Evcque de Aletellopolis , par M.
de la Lonbere , &c. MM. Caffini ôc
Ce
i$>« JOURNAL D
Fatio y ont obfervé une augmenta-
tion de lumière tk. de denfité -, fa
longueur alla jufqu'à cent degrez
en 16S7. après quoi il femble
qu'elle n'ait fait que diminuer juf-
qu'en iéSS. d'où il réfultc [ dit
l'Auteur ] que l'atmofphére folaire
s'étendit enfin jufqu'à l'orbe an-
nuel de la terre & au-delà, qu'elle
parvint jufqu'à la terre même , &
qu'elle fe mêla tout au moins avec
la région fupérieure de notre air.
Mais elle peut fort bien atteindre
jufqucs là,fans que lesObfervateurs
lapperçoivent , s'il arrive ( comme
il eft très polîible ) que fa clarté &
fi denfîté , loin d'augmenter avec
fou étendue , diminuent au con-
traire , ou que la denfité ou la clar-
té de fon milieu augmente trop
avec cette étendue ■■> car cette clarté
pour lors effacera tout le refte. Les
remarques laites plus haut fur les
variations de l'atmofphére folaire
quant à fa figure & à fa fituation ,
fuffifent dans la fuppolition qu'elle
eft un fphéroïde plat, parfaitement
circulaire par fes bords 6\; concen-
trique au Soleil. Mais il eft très-
potfible ( dit notre Auteur ) que
cette atmofphére foit elliptique par
fon tranchant , & que le Soleil en
occupe un des foyers plutôt que le
centre -, ce qui, avec le mouvement
propre autour du Soleil , feroit une
îburce d'erreur par rapport à la fi-
gure de cette atmofphére , dont il
n'y a que les fréquentes & nom-
breufes obfervations qui puiftent
conftater fûrement l'efpece.
II. De l'atmofphére folaire M.
de Mairan palfe à l'atmofphére ter-.
ES SÇAVANS,
relire. 11 recherche quelle en peu?
être la hauteur , & quelle région y
occupe l'aurore boréale.
1. Il trouve que les moyens em-
ployés jufqu'ici pour déterminer
cette hauteur font peu fùrs. Us peu-
vent fe réduire à deux. La première
&c la plus ancienne de ces deux Mé-
thodes eft prife de la durée des cré-
pufcules , fixant la hauteur de l'at-
mofphére à celle des dernières
couches d'air qui nous reflechiiTenc
les rayons du Soleil. La fccunde,la
plus moderne &; la plus fuivie au-
jourd'hui, eft fondée fur les diffé-
rentes hauteurs du Mercure dans le
Baromètre , félon qu'elles répon-
dent à des hauteurs terreftres accef-
fibles 5c actuellement mefurées au-
deffus du niveau de la mer ou de la
furface de la terre. Mais ( obferve-
t-on ) l'une Se l'autre Méthode
renferment, entre 15 ou 20 lieues,
la hauteur de l'atmofphére prife
pour cet amas d'air, capable de pro-
duire des effets fcnlîbles , & l'ont
ici de nulle conlideration ; ni l'une
ni l'autre ne nous indiquant le vé-
ritable poids de l'atmofphére. Ce
qui ne fouffre aucune difficulté ,
pour les crépufcules , & ce que
l'Auteur s'efforce d'éclaircir Si de
juftifier par rapport au Baromè-
tre.
2. Celui-ci ne nous indique uni-
quement que le poids de la colon-
ne de l'air greffier & nullement ce-
lui de l'atmofphére , ni par confé-
quent fa hauteur. Mais pourquoi
borner la matière de l'atmofphére
& l'air même à cet air groffier qui
ne peut pénétrer les pores du verre?
A V R ï
Plufieurs expériences font foi de
l'inégale grofleur de fes particules ,
& de la facilité plus ou moins gran-
de que les plus fines trouvent à paf-
fer par des porcs fi étroits. Les Ba-
romètres faits de differens verres en
fournirent une première preuve :
car le Mercure s'y foûtient à des
hauteurs qui différent de z , 3,4,
& jufqu'à 6 ou 7 lignes -, ce qui ne
peut venir que de la différente po-
rofité des verres , dont les uns laif-
fent paffer des particules d'air plus
groffes que les autres. L'Auteur ne
dilîîmule point les difficultez qui
tendent à rendre cette caufe dou-
teufe ; 8c il a foin de les lever. Une
féconde preuve de i'infuffifance du
Baromètre fe tire de ce que de l'eau
bien purgée d'air demeure fufpen-
duc dans un tuyau long de 3 ou 4
pieds , furmonté d'une boule de
verre aufïî remplie d'eau , quoique
le tout foit renfermé dans le vuide;
& de ce que du Mercure bien pur-
gé , renfermé dans un tuyau de
verre dont le bout ouvert trempe
dans d'autre Mercure également
purgé , s'y tient jufqu'à la hauteur
de 75 pouces, le tuyau reftant tou-
jours plein , fans qu'on feache en-
core jufqu'où pourroit s'étendre la
plus grande hauteur de ce Mercure.
En troifiéme lieu , on fait venir à
l'appui des expériences précéden-
tes celle de Guéricke faite à Magde-
bourg , 5i celle de Leyde , ou deux
plans polis de 1 pouces 3 quarts de
diamètre s'uniftoient fi bien en-
femble par la fimçle juxta-pofîtion ,
& frottés feulement d'un peu de
graille , qu'ils foûtenoient fans fe
L ; 17* 4« iP7
feparer un poids de 5 80 livres atta-
ché au plan inférieur. Or , dit M.
de Mairan , ni la petitefTe des
tuyaux, ni la ténacité ou l'adhéfion
des parties , ni même leur attrac-
tion mutuelle ne fuffîfent pour l'ex-
plication phyfique de tous ccsfaitSi
Se il en montre I'infuffifance , fans
oublier de répondre à une objec-
tion fur ce point. D'où il conclut ,
que ni le Baromètre , ni rien de
connu jufqu'ici , ne peut indiquer
la vraye hauteur de l'atmofphérc
terreftre ; laquelle , en général ,
doit être plus étendue & plus éle-
vée vers l'Equateur &: au-defïiis de
la zone torride , que hors des tro-
piques &c fous les pôles.
3. Il s'agit, après cela , d'aflîgner
la région que l'aurore boréale oc-
cupe dans notre atmofphérc , ce
qui engage M. de Mairan dans une
difeuffion curieufe & dans un calcul
Aftronomique , dont nous nous
contenterons de donner lesreful-
tats. Dès 1726. il avoit attribué à
ce Phénomène , dans une Differta-
tion publique, la hauteur de plus
de 70 lieues au-deflus de la furfacc
de la terre : & il avoit cru faire
beaucoup , eu égard au préjugé
commun. Mais , des obfervations
plus récentes l'ont rendu bien plus
hardi. Celles qui ont été faites par
des Aftronomes correfpondans en
des lieux confidcrablement éloi-
gnés l'un de l'autre , au fujet de
l'aurore boréale &c d'où refulte fa
parallaxe , ont été rafTemblées en
affez grand nombre , pour donner
lieu de conclure que la matière de
ce Phénomène eft dans une régioa
Ccij
»p8 JOURNAL D
de l'atmofphére bien fupérieure à
celle des météores ordinaires &C à
celle des derniers rayons du cré-
pufcule : & l'Auteur en allègue
pour preuve quelques unes de ces
obfervations. En conféquence des
deux de Lifbonne &C de Pctcrf-
bourg , par exemple, en mettant
les chofes fur le plus bas pied , &
fuppofaxit le Phénomène vu en
même tems des deux endroits , à £a
plus petite hauteur apparente , ou
tout auprès de l'horizon , l'on aura
malgré cette fuppofition forcée ,
près de 58 lieues de hauteur per-
pendiculaire pour le lieu où 1a ma-
tière du Phénomène a été vûë.
Mais comme l'on fçait qu'à Peterf-
bourg le Phénomène a été vu tort
haut , le calcul lui donuera plus de
200 lieues de hauteur. A l'égard de
l'objection faite contre la méthode
employée par l'Auteur pour déter-
miner la hauteur du Phénomène ,
il avoiie que cette méthode n'eu:
pas la meilleure , mais par un en-
droit tout contraire au but de l'ob-
jection , ou parce qu'elle forme la
hauteur du Phénomène trop petite.
Ce calcul donc rectifié fuivant cette
dernière vûë, donnera plus de hau-
teur que le précèdent , comme le
démontre l'Auteur.
Il propofe enfuite un choix
d'obfervations en général pour l'ap-
plication du calcul aux parallaxes
des parties de l'aurore boréale , fur-
tout de fon arc lumineux ; & il
choifit pour fondement d'un tel
calcul deux obfervations faites à de
grandes diftances , à Paris & à Ro-
me : avertiffant , eomrr|| d'un
ES SÇAVANS,
point trèselTentiel, que ce n'efl pas
fur la diltance abfolue des lieux
qu'il faut faire le calcul en que-
ftion , mais que c'eft feulement fur
la diftance en latitude , comme s'il
ne s'agilfoit que d'un même Méri-
dien. Il trouve donc par ce calcul
plus de 2 6 6 lieues de hauteur à
la matière de l'aurore boréale , en
réduifant tout au plus bas pied.
Cette hauteur va jufqu'à 250
lieues , lî l'on s'en tient à une ob-
fervarion faite à Ccppenhaguc
comparée avec une autre faite pat
M. de Mairan lui-même à Breuille-
font. 11 conclut , de l'aflemblagc
de toutes les obfervations qu'il a
examinées, que la plupart donnent
au Phénomène 200 lieues de hau-
teur j quelques-unes loo y & quel-
ques autres plus de 300. Il nous
parle entin d une méthode très-in-
génieufe de M. Aïeyer pour cette
détermination , & fur laquelle il
renvoie à l'explication qu'en a don-
née M. de MauyertMi ; mais il
croit en général qu'on doit préférer
à cette méthode celle des paralla-
xes, principalement fur de gran-
des diftances.
4. Après avoir déterminé la pla-
ce qu'occupe dans notre atmofphé-
re l'aurore boréale , l'Auteur
s'applique à découvrir quelle en
peut être la matière ; & il examine
d'abord fi ce pourroient être les
vapeurs Se les exhalaifons terreftres,
fuivant l'opinion commune , qui
range l'aurore boréale parmi les
météores les plus élevés y tels que
certains feux volans que l'onaju-'
gés à 13 ou 14 lieues au-defluî
AVRIL
fa furface de la terre. M. de Mairan
combat cette hypothéfe par les re-
flexions fuivantes. i°. Il faut pour
notre Phénomène une matière ca-
pable de réfléchir vers nous, mal-
gré fcn extrême ténuité cV cette
grande hauteur où elle doit être,
une lumière auflî vive ou plus que
celle des météores. Or les vapeurs
Se les exhalations mêlées dans l'air
peuvent à peine nous réfléchir les
derniers 6c les plus foibles rayons
du crépufcule à 15 ou 20 lieues au
plus de hauteur perpendiculaire.
A l'égard des ftux volans , outre
que la hauteur n'en eft pas bien
certaine , ilsferviroient peut-être à
prouver l'hypothcfe de l'Auteur ,
plutôt qu'à la détruire. Quoiqu'il
en foit , ils refteRt encore à plus de
ioo lieues au-deflous de l'aurore
boréale , ils font toujours en mou-
vement , très-rares , Si inftantanées.
z°. A en juger parles obfervations
météorologiques , les changemens
qui arrivent au rotai de notre at-
mofphére l'ont infenfibles : au lieu
que l'aurore boréale , pour le tems
de fes apparitions, eft fuiette à des
variations très - confiderables. ZJn
même principe , demande l'Auteur,
prsduiroit-U tant d'uniformité d'une
fart , & tant de variété de Vautre ?
30. Il feroit encore plus difficile
[ continue-t-il ] d'accorder l'hypo-
théfe des exhalaifons terreftres avec
la plupart des Phénomènes qui ac-
compagnent Si qui caracterifent
l'aurore boréale , tel que la place
confiante qu'elle affeéte vers le
Nord , dont les terres ( dit l'Au-
teur ) renferment certainement
, 1754* *99
moins de matières grades , bitumi-
neufes Se inflammables. 40. Tous
les météores produits par des exha-
laifons de cette nature , font plus
fréquens en été qu'en hiver -, au
lieu qu'il arrive tout le contraire
aux aurores boréales. 50. 11 exifte
hors du globe terrelbre la matière
de l'atmofphére du Soleil , capable
de réfléchir vers nous une lumière
fenfible , qui peut arriver jufqu'à
notre atmofphére , comme on l'a
vu plus haut, & qui peutêtre une
caufe fuflîfante de notre Phénomè-
ne.
5. L'Auteur vient enfuite à l'hy-
pothéfe des glaces Se des neiges de
la zone polaire, pour la formation
de l'aurore boréale , Se à l'opinion
qui rapporte ce Phénomène à la
matière magnétique. 11 réfute l'une
Se l'autre par plufieurs raifons qui
paroiflent très - convaincantes , Se
aufquelles , pour abréger , nous
renvoyons le Lecteur.
6. A propos de ces glaces Se de
ces neiges , l'Auteur nous parle de
quelques Phénomènes dépendans
de celles qui couvrent les Pays voi-
fins du pôle. Telles font les gran-
des montagnes du Spitzberg qui
paroilîent d'un beau bleu , ainh
que la neige , qui eft fortlumineufe
au delïus des nuages , où les vérita-
bles rochers paroiflent tout en feu,
& le Soleil n'y donne qu'une lueur
pâle , &c. au rapport de Frederit
Martens.
M. de Mairan feroit fortdifpofc
à croire que ces Phénomènes joints
aux grands crépufcules du Nord
ont quelquefois été confondus avec
aoo JOURNAL DE
l'aurore boréale, lorfqu'elle a com-
mencé à reparoître dans nos cli-
mats ; &c les curieufes recherches
qu'il a faites fur ce fujet , &c dont
il nous fait part ici , l'ont confirmé
dans cette penfée. Il ne difconvient
pas que l'aurore boréale ne foit
plus fréquente dans les terres arcti-
ques , qu'en Allemagne & en
France ; mais il faut fe relTouvenir
aulïî des Phénomènes a(Tez com-
muns dans le Nord ,& affez reiîem-
blans à l'aurore boréale pour en
impofer à des Obfervatcuis peu
exacts ou peu inltruits , qui les au-
ront prispour elle, fans qu'elle y fût
mêlée.Tel cft,parexemple,ce grand
crépufcule qui éclaire un air grof-
ficr. Tel pourroit être encore ce
grand cercle blanc horizontal dé-
crit par Olaus-Magnus , ( dans fon
Hiftoire des Pays Septentrionaux )
lequel cercle en contient un autre
qui eft noirâtre, & eftfurmonté de
trois ou quatre autres petits qui
femblent imiter le Soleil Si font
diverfement colorés.
Il paroît vraifemblable à M. de
Mairan que notre Phénomène ait
eu fes intervalles & fes reprifes
dans les Pays Septentrionaux com-
me dans les autres, toutes propor-
tions gardées ; & c'eft de quoi il fe
perfuade d'autant plus,qu'il appro-
fondit davantage cette queftion.
S SÇAVANS,
En effet , il n'y a pas 30 ans que les
aurores boréales font fréquentes en
Dannemark ( dit notre Auteur
d'après une Lettre écrite de ce
Pays-là par M. le Comte de Plélo; )
maintenant elles y font fi fréquen-
tes qu'on n'y fait plus d'attention.
L'Auteur pour conftater la vérité
de ces ceflations & de ces reprifes
de l'aurore boréale même dans le
Nord , produit une preuve affez
convaincante, qu'il tire d'une com-
paraifon du tems où vivoient les
Hiftoriens qui ont parlé du Phéno-
mène ou qui n'en ont rien dit ,
avec le tems de fes celTations ou de
{es reprifes. C'eft ce qu'il exécute
par rapport à ce qu'en ont écrit la
Peyrère, l'Auteur d'une Chronique
Iflandoife , Thormode Torf ', Peder-
Clauftn , Jean Wood & Linfchot f
dont il difeute les récits avec gran-
de exactitude, comparant l'âge des
Ecrivains avec les différentes épo-
ques de l'apparition du Phénomè-
ne : & il conclut de tous ces faits
bien examinés, qu'il n'y a rien dans
tout cela qui puiffe le moins du
monde favorifer la prétendue per-
pétuité de l'aurore boréale dans les
Pays Septentrionaux.
Nous renvoyons au prochain
Journal les trois dernières Sections
de cet Ouvrage.
avril; 1754:
soi
CRONICON GOTWICENSE , SEU ANNALES LIBERI ET
cxempti Monafterii Gotwicenfis Ordinis S. Bencdicti inferioris Au-
ftrix< C'eft - à - dire : La Chronique de Gotiueic i ou Annules du Mona-
ftere de Gofweic , de l'Ordre de S. Benoît } dans la baffe Autriche. Tome
Préliminaire. De l'Imprimerie du Monaftere de Tegernéetis , Ordre
de S. Benoît. 1731. in- fol. Tome I. pag. 800. fans les planches gravées
& les Cartes Géographiques qui font en grand nombre.
LE S Chroniques de Gotweic ,
dont l'Ouvrage duquel nous
allons rendre compte , n'eft qu'un
Préliminaire , feront compofées de
deux Volumes in-folio. Le premier
Volume contiendra les Annnales
de l'Abbaye. Elles feront précé-
dées d'une Hiftoire abrégée de la
balle Autriche : M. l'Abbé de Got-
Weic traitera enfuite de la fondation
de ce Monaftere , du bienheureux
Ateman qui en eft le Fondateur , il
palTera à l'Hilloire de chaque Ab-
bé , dont il s'engage de faire con-
noître les bonnes Se les mauvaifes
qualitez fans aucune partialité. Ce
qui rendra , ajoute t-il , cette Hi-
ftoire plus intcrciTantc pour ceux
qui ne fontpas%curieux d'approfon-
dir l'Hiftoire d'un Monaftere par-
ticulier , c'eft que l'Auteur y join-
dra un grand nombre de traits pour
l'Hiftoire de l'Autriche. Il ne s'ar-
rêtera point aux faits généraux qui
font d'ailleurs allez connus , mais
il s'attachera à certains faits particu-
liers qu'il tirera des Diplômes , des
Chartres , des Lettres , & d'autres
Monumens qui ont été jufqu'à pre-
fent renfermés dans les Chartriers
ou dans les Bibliothèques.
Le fécond Volume de cette
Chronique contiendra les preuves
des fiits rapportés dans le premier
Volume. Ces preuves feront, à ce
qu'on aflure , au nombre de plus de
mille trois cens Pièces , qui font
desBulks de Papes , des Diplômes
d'Empereurs, de Rois , d'Arche-
vêques , d'Evêques , de Ducs ] de
Marquis , de Comtes , & de Char-
tres entre des particuliers comme
font des Tcftamens, des Donations
entre-vifs Si à caufe de mort , des
Jugemens, des Enquêtes , &c. M.
l'Abbé deGotWeic annonce auxju-
rifconfultes que ces Pièces leur fe-
ront très - utiles pour remonter à
l'origine du Droit Germanique ,
tant pour le Droit Public,que pour
celui des particuliers , &c qu'ils y
pourront découvrir la caufe de
cette diveriîté d'ufages qui fe font
introduits dans les différentes par-
ties de l'Allemagne. Il eft auflî per-
fuadé que les fceaux qu'on trouvera
gravés dans ce fécond Volume , fe-
ront beaucoup de plaifir à ceux qui
fouhaiteront de fe rendre habiles
dans l'art héraldique par rapport à
l'Allemagne , fur-tout par rapport
à l'Autriche.
Mais comme ces anciens Monu-
mens font le fondement de tout
l'Ouvrage , & qu'il pourroit y
avoir des perfonnes qui ne feroient
soî JOURNALD
point en état de juger par elles-mê-
mes de ces Pièces , parce qu'elles ne
font pas inftruites de la manière
dont on peut diftinguer les Char-
tres fauffes d'avec les véritables , &c
qu'il y a même des perfonnes à qui
ces anciens Monumens paroi lient
des Pièces fufpectes , l'Auteur a cru
devoir faire précéder fa Chronique
de GotWcic de ceVolume Prélimi-
naire 3 qu'il a divifé en deux Paities
pour n'en point taire un Volume
trop épais. C'eft un Traité de la Di-
plomatique dans le goût de celui
du Pcrc Mabillon.
L'Auteur fait un grand éloge de
cet Ouvrage du Père Mabillon ,
&c il fe le propofe pour modèle.
Mais le premier n'ayant parlé que
des Diplômes des Rois Méro
vingiens & Carlovingicns , &
feulement de ceux des Diplô-
mes de ces Princes qui regar-
doient la France ; on ne peut «n
tirer des règles par rapport aux Di-
plômes qui concernent l'Allema-
gne depuis le règne de Conrad I.
Roi de Germanie. M. Hert Jurif-
confulte de Heffe avoit donné en
1700. une Differtation fur cette
matière imprimée au fécond Volu-
me de fes Opufcules : elle a pour
titre de fi.de Diplornamm Germants.
lmycra,iornm & Regum. Quoiqu'il y
ait dans cette Differtation des re-
marques utiles au jugemcntde no-
tre Auteur , il croit que M. Hert
n'avoit point vu allez de Diplômes
ou d'anciennes Chartres pour pou-
voir fatisfaire le public fur ce fujet.
M. l'Abbé de Gotweic porte à peu-
près le même jugement de la Thé-
ES SÇAVANS,
fe que M. Engelbrecht a foùrenue
fur le même fujet en 1703. à l'égard
des Mémoires particuliers qui ont
été faits pour foûtenir quelques
Diplômes , dont on avoit attaqué
l'authenticité dans des affaires parti-
culières pendantes dans les Tribu-
naux de l'Empire , on en peut tirer
des règles pour la connoiffance de
la Diplomatique. Mais ces règles ne
font pas fuffifantes pour former un
Syftême complet. Ce qui a fait fou-
haiter à M. Ludewig , que quelque
Sçavant entreprit un Traité de l'Art
Diplomatique pour l'Allemagne ,
qui fut même plus étendu que ce-
lui que le Père Mabillon a donné
pour les Diplômes des Rois Méro-
vingiens & Carlovingiens.
Notre Auteur eft perfuadé que
l'érude des règles pour difeerner
les faux Diplômes des véritables,
cil: d'autant plus necelTaire que
depuis qu'on a fait une étude en
Allemagne de ces anciens Monu-
mens , on a imprimé en differens
Recueils un grand nombre de Pie-
ces fauffes. Il cite pour exemple le
Recueil des Conftitutions Impé-
riales de Goldaft. Cet Auteur trop
crédule & peu verfé dans la Criti-
que , a inféré dans fa Compilation
tant de Pièces dont les unes font
très-lufpecles & les autres abfolu-
raent fauffes , que fon peu d'exac-
titude tait naître des foupeons mê-
mes par rapport à celles qui font les
plus authentiques.
Cette nouvelle Diplomatique
Germanique cft divifée en quatre
Parties. Dans la première l'Auteur
parle des anciens Manufcrirs en gé-
néral.
A V R
néral. Il donne dans la féconde
Partie des Diplômes des Empe-
reurs & des Rois de Germanie de-
puis Conrad I. jufqu'à Frédéric , &
il fait des Obfervations fur chacun
de (es Diplômes. Il parle dans la
troifiéme Partie des Palais d'où
font datés les Diplômes de ces
Princes 8c des lieux où ils tenoient
leurs Cours : on voit dans la qua-
trième Partie les differens Pays ou
Cantons dans laquelle l'Allemagne
êtoit divifée dans le tems que re-
gnoient les Princes dont les Diplô-
mes font rapportés dans la féconde
Partie.
Comme la première Partie eft
fort courte , & qu'elle ne contient
point de chofes auflî fingulieres
que les trois fuivantes ; nous allons
joindre au plan général de l'Ouvra-
ge un précis delà première Partie ,
nous réfervant à parler des trois au-
tres dans le Journal fuivant.
M. l'Abbé de Gotweic commence
par faire voir qu'il eft très-utile aux
Sçavans , fur-tout à ceux qui s'ap-
pliquent à l'étude de l'Hiftoire, de
laThéologie & de lajurifprudence,
de s'inftruire de ce qui concerne
les Manufcrits,d'en connoître l'âge,
& de fe mettre en état de juger
quelle foi on doit ajouter à chacun
de ces Monumens qui font enfer-
més dans les Bibliothèques. Il eft
vrai qu'il y a des Auteurs qui pré-
tendent que ces recherches font in-
utiles , & que les caractères ne
peuvent faire juger ni de l'âge du
Mf.ni de l'authenticité de l'Ouvra-
ge. Mais ce font là , dit notre Au-
teur , des artifices employés pat
Avril,
I L ; i 7 j 4: 20$
des Ecrivains jaloux "y qui pour
ôter aux plus fameux Monafteres
l'honneur d'avoir confervés d'an-
ciens Manufcrits , veulent les faire
regarder comme des papiers inuti-
les. Il ajoute qu'on ne peut donner
fur cette matière de démonftra-
tions Mathématiques , & qu'il faut
quelquefois s'abandonner à des
conjectures , fur- tout pour les plus
anciens Manufcrits , mais que du
moins chaque fiécle a fon caractère
particulier qui fait qu'on peut fixer
à peu près le tems de chaque Ma-
nuferit. Pour ce qui eft du Syftême
que le Père Hardouin a publié dans
plufieurs de fes Ouvrages , en fai-
fant parler un Septique , qui pré-
tend qu'à l'exception deCiceron ,
de Pline , des Georgiques de Vir-
gile , des Difcours & des Epîtres
d Horace, & de quelques Infcrip-
tions , tout ce qu'on nous donne
pour des Ecrits anciens , font des
productions du 1 je fiécle , qu'on a
imaginés dans ce tems-là des carac-
tères qu'on a voulu faire pafler pour
anciens , Se qu'on a inventé des
Langues qu'on n'a jamais parlé,
l'Auteur n'a pas cru devoir le réfu-
ter. Il fe contente de renvoyer ià-
deffus fes Lecteurs à M. de la Croze
& à la Préface que M. Hikes a mis
à la tête de fon Tréfor des Langues
Septentrionales.
Après cette Diflertation l'Au-
teur vient à ce qu'il appelle l'exté-
rieur des Manufcrits, c'eft-à-dire,
aux différentes matières fur lefquel-
les on a écrits en differens tems ou
en differens Pays, à ce que l'on em-
ployoit pour écrire , le ftile 3 le ro-
Dd
â04 JOURNAL D
feau&la plumc,à la liqueur dont on
fefervoit, à la diverfité des caractè-
res , foit en differens tems , foit en
differens Pays, à la manière d'écrire
les Chartres toujours plusirrégu-
lieres que celle de copier desLivres
qui fe faifoit avec beaucoup plus
de foin Se de travail , l'ufage de
mettre les Livres en rouleau ou de
les relier. Notre Auteur fait aufll
mention des diftinctions des Cha-
pitres & des articles, des différentes
notes qu'on voit dans les Manuf-
crits, de la date qu'on trouve dans
quelques Manufcrits & plufieurs
autres remarques qui feront plaifir
à ceux qui n'ont pas lu différentes
Differtations faites fur cette matiè-
re } ou qui les ayant lus , voudront
s'en rappeller les points principaux.
Pour apprendre à connoître l'â-
ge des Manufcrits , l'Auteur a fait
graver quelques lignes des Manuf-
crits de differens fiécles , &C de ceux
de chaque fiecles dans lefquels il
lui a paru quelque chofe de fingu-
lier. Tous ces exemples font tirés
de Manufcrits confervés dans les
Bibliothèques d'Allemagne. Les
premières planches font pour les
Manufcrits que l'Auteur croit plus
anciens que le neuvième fîécle. Il y
a enfuite des planches particulières
pour les fiécles fuivans , jufqu'au
douzième , pour lequel l'Auteur
fe contente de faire quelques Ob-
fervations, de même que pour le
treizième fiécle.
Il faut voir ces planches, même
plufieurs fois dans le Livre & y
joindre les Obfervations de l'Au-
teur , fi l'on veut profiter de cet
ES SÇAVANS,
Ouvrage pour connoître par foi-
même l'âge des Manufcrits , fui-
vant le Syftême de M. TAbbé de
Gotweic.il en eft de même des dif-
ferens caractères gothiques dont
lAuteur donne l'alphabet avec
l'explication. Les premiers font les
caractères appelles Runiques , les
féconds les caractères appelles
d'Ulphilas , & les troifiémes & les
plus recens font ceux aufquels on
adonné le nom de caractères Go-
thiques Monachaux.
Notre Auteur a pouffé l'exacti-
tude jufqu'à rapporter des modèles
de Lettres initiales ornées de chif-
fres , de fleurs d'animaux à quatre
pieds, d'oifeaux., de poiffons. Il y en-
a aufli des Mfs. où une figure hu-
maine fait la lettre initiale. Par ex.
dans un article d'un Manufcrit du
onzième fiécle , où il y a plufieurs
figures qui font les lettres initiales
à un des articles qui commence in
diebus Mis. C'eft la figure du Sau-
veur du monde qui tient un rou-
leau où font écrits ces mots relegas
in dieb9 Mis , qui forme la lettre /.
Dans un autre Manufcrit du mê-
me fiécle qui a un article qui com-
mence par ces mots Johanms ChrU-
flo. Il y a une figure humaine de-
puis les pieds jufqu'au col , fur le-
quel il y a une tête d'aigle qui for-
me la lettre J , & qui reprefente
S. Jean l'Evangelifte , dont il eft
parlé dans cet article. Les Manuf-
crits d'Allemagne de ces fiécles
font auffi ornés d'autres mignatu-
res qui font au commencement ou
à la fin des Livres. Si le deffein
n'en eft pas foit régulier les cou-
A V R I
leurs en font encore vives. Plu-
sieurs de ces figures de même que
les lettres initiales font ornées de
lames très-fines d'or ou d'argent.
On avoit foin dans le onzième
fiécle de marquer les notes pour
les Livres d'Eglife. L'Auteur a fait
graver quelques lignes d'un Livre
d'Eglife ainfi noté. Ces notes font
toutes fur la même ligne au-deflus
des mots , mais chaque ton eft mar-
£ i I 7 3 4; 20J
que par un cara&efô particulier. Il
y en avoit qui employoient des let-
tres pour marquer ces differens
tons. A l'occafion des Manufcrits
qui font ainfi notés l'Auteur fait
une Differtation fur les chants d'E-
glife depuis S. Grégoire jufqu'au
tems du Moine Aretin, qu'on re-
garde comme le Rcftaurateur du
plein- chant.
TRAITE' DE LA COMMUNAUTE' ENTRE MARI ET
femme } avec un Traité des Communautés, oh Societez. tacites ; par Maî-
tre Denis le Brun , Avocat au Parlement , Ouvrage pojlhume donné d'a-
bord au public par les Joins de Louis Hideux , Avocat au Parlement*
Nouvelle édition , augmentée conjidcrablement de nouvelles "Dicifïons & de
Notes Critiques , par Mc *** & Me *** , Avocats au Parlement. A
Paris, chez Claude Robuftel } rue' S.Jacques. 1735. in -fol. pp. 648.
pour le Traité de la Communauté entre mari & femme , pp. 58. pour
le Traité des Communautez ou Societez tacites.
QU O I Q.U E ce Traité n'ait
point été auffi eftimé que ce-
lui des Succédions du même Au-
teur , il n'a pas biffé que d'être re-
cherché , parce que c 'eft l'Ouvrage
le plus complet qui ait paru jufqu'à
prefentfur cette matière importan-
te du Droit François. Les additions
qui ont été faites à cette nouvelle
Edition font de trois efpeces diffé-
rentes , les unes ne font que des re-
flexions pour fortifier les moyens
dont s'étoit fervi M. le Brun pour
foûtenir fes Décifions , ou pour les
rendre plus claires , les autres con-
tiennent les décifions des Au-
teurs des additions fur quelques
queftions qui pouvoient naturelle-
ment entrer dans le plan de M. le
Brun a dans quelques autres les
Auteurs des additions ont pris un
avis contraire à celui que M. le
Brun avoit embrafle. La plupart de
ces nouvelles obfervations font ap-
puyées d'Arrêts du Parlement de
Paris rendus dans les derniers tems,
particulièrement de ceux qui font
rapportés dans le Recueil des Ar-
refts notables de M. Augeard.
Ces augmentations n'ont point
été faites de concert entre les deux
Auteurs qui y ont travaillé -, ce ne
font pas non plus des notes qui
ayent été répandues par chacun
d'eux en differens endroits des qua-
tre Livres dont ce Traité eft com-
pofé. Les notes fur le premier Livre
font de la même main. L'Auteur
qui eft connu par d'autres Ouvra-
ges, ayant été chargé d'affaires qui
Ddi)
âo6 JOURNAL DE
l'ont empêché de fuivre le Barreau
& de continuel les obfervations ;
celles qui ont été faites au fécond ,
au troifiéme &c au quatrième Livre
viennent d'un autre Avocat, qui a
donné au public d'autres Ouvrages
de Jurifprudence , mais fur une
matière toute différente. Pour que
les Lecteurs distinguent plus aifé-
ment le fond de l'Ouvrage d'avec
les additions , on a eu foin démet-
tre des marques particulières à
l'endroit où commencent & à ce-
lui où finiffent les augmentations &c
les Notes Critiques. Parla on rend
à l'Auteur du Traité & à ceux qui
ont compofé les additions toute la
juStice qui leur eft dûë. Mais on a
peut - être point eu aSîez d'égard
dans la distribution de cette nouvel-
le Edition à la commodité des Lec-
teurs. Chaque Chapitre , & même
chaque Section & chaque distinc-
tion du Traité de la Communauté
eft divifé en articles marqués par
dès nombres particuliers. La plu-
part des nouvelles additions for-
ment des articles avec des chiffres ,
de manière qu'il ne fera pas tou-
jours aifé de trouver dans la nou-
velle Edition , les citations faites
fur la première Edition de cet Ou-
vrage. On avoit évité cet inconvé-
nient dans les nouvelles Editions
des Oeuvres de Ricard où les addi-
tions ne changent point le numéro
ancien des articles.
Voici quelques exemples des ad-
ditions. Nous en rapporterons du
premier &c du fécond Livre , afin
qu'on en voye ici des deux Auteurs
des augmentations.
S SÇAVANS,
Dans le Chapitre fécond du pre-
mier Livre où M. le Brun examine
fur quelle Coutume on fe règle
pour le Droit de Communauté , il
n'avoit point parlé de la queftion ,
s'il y a Communauté entre deux
Conjoints étrangers qui fe marient
fans avoir Stipulé de Communauté
dans une Coutume où elle a lieu.
L'Auteur des additions traite cette
queftion avec étendue. Renufîbn ,
dans fon Traité de la Commu-
nauté , Si la Lande , croyent que
la Communauté ne doit point
avoir de lieu en ce cas , parce que
l'étranger étant privé de tous les
avantages des Regnicoles , ne doit
pas participer aux bénéfices des
Coutumes dont les difpofitions ne
font pas fondées fur le Droit des
Gens , mais fur un ufàge qui eft
purement du Droit François dans
l'on origine.On cite pour confirmer
cet avis deux Arrefts , l'un du S
Janvier 1631. l'autre du 29 Mars
1640. l'Auteur de l'addition foû-
tientau contraire que dans ce cas il
y a Communauté entre les deux
Conjoints étrangers. La raifon qu'il
en rend eft que la focieté des biens
entre les Conjoints eft une fuite
naturelle de celle qui fe contracte
par le mariage entre les parties-, que
les profits de la Communauté vien-
nent de leur travail ou de leurœco-
nomie mutuelle , qu'ainfi cette
Communauté eft fondée fur un
principe de Droit Commun,& non
fur unDroit particulierauxFrançois",
qu'elle a même lieu en plufieurs
Pays hors de la France. 11 ajoute^
que la capacit» qu'ont les étranger*
A V R I
dé contracte* mariage en France ,
emporte avec elle celle de contrac-
ter fuivant h Coutume du lieu,
qui n'en cil qu'un accefloire. Com-
me lacapacité de poffeder des Fiefs
emporte , par rapport à l'étranger,
le droit de joiiir de tous les droits
féodaux,entre lefquels il y en a qui
font purement de Droit Coûtu-
mier , & qu'il n'y a point de diffé-
rence entre une convention expref-
fe pour établir la Communauté en-
tre Conjoints étrangers que tout le
monde reconnoît valable , & la
ftipulation tacite , qui refulte de
la difpofition de la Coutume. Il y
en a une difpofition dans l'article
31 2. de la Coutume d'Orléans , &
c'eft l'avis qui a été embrafTé par
Baquet , par Auzanet& par l'Au-
teur des Notes fur Dupleifis. On
joint à ces raifons & àcesautoritez
un Arreft du 23 Février 163 3. rap-
porté par Bardet.
Sur le Chapitre fécond du Livre
premier , diftinction 4 , où il s'agit
des rentes par rapport à la Com-
munauté d'entre les Conjoints ,
l'Auteur fe propofe la queftion à
quelle Coutume il faut avoir égard
pour fçavoir fi une rente échue à
l'un des Conjoints par fucceffion
cft réputée meuble ou immeuble à
l'effet d'entrer ou de ne point en-
trer dans la Communauté , quand
on n'a point ftipulé que tout ce qui
échoiroit à l'un des Conjoints lui
tiendroit nature de propre. Il déci-
de qu'en ce cas , ce n'eft pas la
Coutume du Domicile de celui par
la fuccelfion duquel la rente eft
échue, qui doit fervir de règle,
£ ; 1754* 207
parce que quand la renîë eft défe-?
rée à l'héritier par la fucceffion ,
c'eft la Coutume à laquelle l'héri-
tier eft fujet qui détermine la na-
ture de ce bien quirefide en la per-
fonne du Créancier 3 Se qui doit
par confequent être régi , comme
un droit perfonnel , par la Coutu-
me du Domicile des Conjoints.
L'Auteur exclut le Domicile qu'a-
voient les Conjoints lors de leur
Contrat de mariage -, parce que dès
que le domicile actuel du Créan-
cier détermine la nature de la ren-
te , il doit auffi déterminer fi elle
entrera , ou fi elle n'entrera pas
dans la Communauté. S'il falloir
s'en rapporter à la Coutume du
Domicile au tems de la célébration
du mariage, il faudroit feindre que
le Conjoint auroit pofledé la rente
avant qu'elle lui fut échûë.
Voici le précis d'une des Notes
fur le Chapitre premier du fécond
Livre. C'eft une maxime certaine
qu'une fille ou une veuve fiancée
peut s'ebliger valablement fans au-
torifation de fon fiancé. On n'ex-
cepte de cette règle que les Coutu-
mes qui ont une difpofition con-
traire. Mais à quelle Coutume
faut- il avoir égard en ce cas î C'eft'
une queftion que le Brun n'a point
décidée. L'Auteur des additions en
fait dépendre la décifion de la ma-
nière dont eft conçue la difpofition
de la Coutume. Si la difpofition
qui défend à la fiancée de s'enga-
ger , comme lui paroît être celle
delà Coutume d'Artois , eft pure-
ment perfonnelle , la fille fiancée
qui eft foûmifc à cette Coutume ne
iôS JOURNAL D
peut obliger fans autorifation non
feulement les biens qu'elle a dans
cette Coutume , mais encore ceux
qui lui appartiennent dans d'autres
Coutumes qui n'ont pas de difpofi-
tion femblable. Si la difpofition de
la Coutume eft conçue d'une ma-
nière qui la rende plus réelle que
perfonnelle ( telle eft félon l'Au-
teur celle de Sedan ) elle ne s'étend
point fur les biens fitués dans les
Coutumes qui n'exigent point que
îa fiancée foit autorifée pour con-
tracter valablement. L'article 447
de la Coutume de Bretagne paroif-
fant à l'Auteur être relatif à la
Communauté , il en conclut que
la fiancée n'a befoin d'autorifation
en Bretagne pour la validité de l'o-
bligation fans autorifation du fian-
cé , que quand la Communauté eft
régie par cette Coutume.
Ricard décide dans fon Traité
ES SÇAVANS;
des Donations qu'une femme dont
le mari eft mort civilement n'a pas
befoin d'autorifation même en ju-
ftice pour s'obliger valablement ,
parce que l'autorifation en jufticc
n'étant que l'image de celle qui fe
feroit faite par le mari , elle eft inu-
tile quand le mari n'eft plus en état
d'autorifer lui-même. Le Brun eft
d'avis contraire , & il cite pour fon
fentiment un Arreft rapporté par
Brodeau fur M. Louet. L'Auteur
des additions embraiTe le fentiment
de Ricard contre le Brun. Il fe
fonde fur ce que la mort civile ne
donne point d'atteinte aux liens du
mariage quant aux effets du Sacre-
ment , mais qu'elle les détruit tous
quant aux effets civiles. Il montre
enfuite que l'Arreft rapporté par
Brodeau n'a point jugé cette que*»
ftion-
GALUJE ANTIQUITATES QUIDAM SELECTE IN PLURES
Epiftolasdiftnbutx. Pariliis, fub Oliva Caroli Ofmont , via San Jaco-
bxL 1733. C'eft-àdirc : Recueil de quelques AntiquiteT^chtifies , qui fe
trauvent en France , & dont on rend compte dans pl/tfîeurs Lettres. A Paris,
chez Charles Ofmont , rue S. Jacqucs> à l'Olivier. 1733. //7-40. pp. 175.
planch. détach. 2.
L'AUTEUR de ce Recueil
eft M. le Marquis Scipion
MafTei , fi connu déjà dans la Re-
publique des Lettres par fon com-
merce littéraire avec la plupart des
Sçavans de l'Europe , & par divers
Ouvrages qui ont fait grand hon-
neur à fon goût 5c à fon érudition ,
fur-tout en matière d'Antiquitez.
C'eft de quoi principalement il
s'agit encore dans ce Volume. Il
contient 25 Lettres de l'Auteur
prefquc toutes Latines , adreifées à
autant de perfonnes de divers Pays,
diftinguées par leur Littérature,
Cette Collcâion d'Antiquitez eft
dédiée au Roi par une Epître écrite
en vers Latins , où l'on s'apperçoit
que l'Auteur prend à tâche d'imiter
le tour poétique de Virgile &la
variété de la cadence employée par
ce Poë'te incomparable. On pourra
A V R I
jUger de cette conformité de véri-
fication par ces 4 vers, où M. le
Marquis MafTei décrit ces Infcrip-
tions anciennes écrites gvrpo<p*rôv ,
c'eft- à-dire dont une premiercligne
va de la droite à la gauche , puis
une féconde de la gauche à la droi-
îe Se ainfi alternativement.
Mulu etiam , ( tabula: ) curfum ta
quibus ambiguum, atque recurfum
dllterni verfns incunt ' revolutaque
rnrfus
OccHrritfpatio adverfoftbi littera , nt
olim
Converti exercent xerram tonfuevit
arator.
On pourra mieux décider enco-
re cette reffemblance de ftile entre
le Poète de Mantoiie Se celui de
Vérone ( c'eft M. le Marquis Maf-
fei ) par cette fuite de vers , où ce-
lui-ci compare les recherches in-
fructueufes d'un Antiquaire , qui
parcourt les régions les plus recu-
lées fans y rien découvrir , avec les
courfes inutiles d'un Chafleur , qui
rectu Se haraffé , revient chez lui
les mains vuides. Cette comparai-
fon commence au fécond vers de
h quatrième page par ces mots, Ut
venator , inaltis, Sec. Du refte nous
pouvons aiTurer en général que la
Latinité de l'Auteur fait fentir dans
fa profe le même tour Se la même
élégance qu'on vient de remarquer
dans fa Po'éfie.
Les 25 Lettres de ce Recueil
nous offrent 1 50 Infcriptions anti-
ques , prefque toutes choifies , &
£» '75 4' aô$
trouvées en France } parmi îefquel«
les on peut en compter près de
cent qui doivent avoir toute la
grâce de la nouveauté , n'ayant ja-
mais paru jufques ici. Rien n'eft
plus ordinaire , que de voir des
étrangers qui voyageant unique-
ment en vue de faire des découver-
tes de ce genre , y réuffiffent au
point de retourner chargés de ces
fortes de richeffes , échappées juf-
qu'alors aux gens du Pays , à qui
elles étoient abfolument inaon-
nue's. Ces Infcriptions parmi lef-
quelies il y en a quelques - unes
d'Afrique Se d'Italie , mais en fort
petit nombre ; font prefque toutes
rangées fous les diverfes clafTes qui
leur conviennent , fuivant qu'elles
font Géographiques , Militaires,
Poétiques , Chrétiennes , &c.
Comme nous ne pourrions les faire
ici connoître toutes en détail, nous
nous arrêterons feulement à celles
qui nous paroîtront les plus re-
marquables par quelque fingulari-
té. L'Auteur ne s'eft point amufé à
expliquer toutes les Infcriptions
qu'il nous communique. Mais il
s'eft propofé fur-tout d'y développer
certaines difficultez qui n'avoient
point été encore éclaircies.
Dans la première Lettre addrefféc
de Vérone au Baron de Bimard} M.
le Marquis Maffei à propos de
quelques Infcriptions , examine
une queftion curieufe Se difficile
qui confifte à fçavoir pourquoi
dans ce qu'on appelle chez les Ro-
mains congé honorable d'un Soldat
(honefta inijfio ) , on y faifoit tou-
jours le Soldat Citoyen Romain ,
flrô JOURNAL D
quoiqu'il eût déjà fervi 25 ans dans
quelque Légion , où il n'avoit pu
certainement avoir entrée fans être
déclaré tel auparavant. L'Auteur
eft perfuadé que cette première dé-
claration n'étoit accompagnée
d'aucun acte expédié au Soldat }
qui ne le recevoit que lorfqu'après
2 5 ans de fervice on lui accordoit
fon congé. Il en allègue une autre
raifon tirée des mariages de ces mê-
mes Soldats , Se qu'il explique
avec beaucoup d'étendue Se d'éru-
dition , comme on peut le voir
dans la Lettre même.
Il y rapporte encore une belle
ïnfeription Gréque , de la Ville de
Bérénice , & qui eft confervée à
Aix dans le Cabinet de M. le Bret
premier Préfident de cette Ville-
ià. L'Auteur l'avoit déjà publiée un
an auparavant dans une feuille vo-
lante avec la Traduction -, mais il
en parle ici plus au long , ainfi que
dans fa huitième Lettre , à laquelle
nous renvoyons , pour un détail
plus particulier. A la fuite de cette
Ïnfeription en vient une autre écri-
te en Dialecte Dorique , Se qui eft
un Décret par lequel le peuple de
Gèle en Sicile décerne une couron-
ne d'olivier au Gymnafiarque Hé-
raclide , en recompenfe de fon at-
tention à maintenir le bon ordre
dans le Gymnafe ou le lieu d'exer-
cice commis à fes foins. M. le Mar-
quis Maffei a fait graver à la fin de
cette Lettre deux Médailles , dont
on n'avoit eu jufques ici nulle con-
noiflance , Se dont il nous donne
l'explication dans la Lettre qui
fuit.
ES SÇAVANS,
Elle eft écrite de Turin au célè-
bre M. J. Alberr Fabricius , & M.
le Marquis Maffei nous y expofe
fes reflexions , fur ces deux Mé-
dailles (î rares , dont l'une eft de
Tarcondimotiis Roi de Cilicie, dont
piufieurs anciens Auteurs font men-
tion : Se l'autre eft de Mufa Reine
de Bithynie. Il employé cette der-
nière à la correction d'un paffage
de Salufte , qui eft corrompu dans
toutes les Editions} où on lit Nyftt
au lieu de Mufa, Se Regem au lieu
de Regina. Pour juftiher les deux
noms Romains Lucius Antomu%
donnés fur la Médaille au Roi Tar-
condtmotus , l'Auteur fait part en-
core à M. Fabricius d'une autre
ïnfeription , qui fe voit fur l'Arc
de Sufe, laquelle perfonne n'avoit
pu copier, & dont il a déjà donné
l'explication ailleurs. Il y eftque-
ftion d'un Ai. Julius Cottius fils du
Roi Donnas , Se Préfet de quatorze
Citez, nommées dans l'Infcription,
Se de fept defquelles notre Auteur
croit avoir découvert les noms mo-
dernes ainfi que les lieux où habi-
toient ces fept Peuples , incon-
nus jufqu'à prefent aux Géogra-
phes.
Dans la troifiéme Lettre adreffée
de Genève à M. Ba/krini y paroif-
fent deux Infcriptions trouvées
dans le voifinage de cette même
V ille , Se où fe lifent les noms La-
tins des deux Bourgs Aiitinodunum
( Meudon ) Se Albmnnm \ ( Alby )
fur quoi l'Auteur hit quelques ob-
fervations : Se dans fa quatrième
Lettre écrite de Lyon à M. Fréret
il lui communique deux ïnferip-
tion*
A V R I
tions Latines trouvées dans cette
Ville-là & qu'il lui explique ; après
quoi il Jui parle de l'Infcription de
Téméflihée qui fe voit auili dans la
même Ville , que Spon ( félon lui )
a peu heureufement expliquée, &
fur laquelle M. le Marquis propofe
quelques conjectures. Sur la fin de
fa Lettre , il fait mention de fon
nouvel Ouvrage écrit en Italien ,
qui a pour titre Verona illuftrata ,
Se dont il allègue quelques articles
ïînguliers , l'un concernant l'an-
cienne écriture Gothique , Lom-
barde , Saxone , Françoife , qu'il
prétend n'avoir été que l'écriture
courante Romaine ; l'autre tou-
chant les anciennes Métropoles.
Dans la Lettre fuivante écrite de
Nifmes , l'Auteur fait part à M. le
Nonce PaJJîonet d'une Infcription
finguliere de cette même Ville, où
font nommées à la fois trois Divi-
nitezTopiques Némanfus, Vrnia Se
Avicanms ; ce qui eftrare ( dit M.
le Marquis MafTei ). Quant aux
deux dernières , il les abandonne
aux conjectures des Antiquaires.
Pour le Dieu Némaufus , que quel-
ques-uns font fils d'Hercule , & re-
gardent comme le Fondateur de la
Ville de Nifmes , à laquelle ils
croyent qu'il a donné fon nom ;
notre Auteur n'eft pasde leurfen-
timent , & il fe perfuade que cette
Ville ne doit l'on nom qu'à Né-
manfus fontaine voiline , dont parle
Aufone dans fon petit Poème des
Villes célèbres.
La Lettre fixiéme écrite de Nar-
bonne au P. Montauz.an , ne lui
préfente que des Infcriptions Sé-
Avril.
L » i 7 3 4. 2ir
pulcrales au nombre de quinze
parmi lefquelles la dixième mérite
une attention particulière par la
prodigieufe étendue de terrain
qu'elle donne au Monument dont
elle faifoit partie , &c qui ( félon
M. MafTei ) avoit 3 25 pieds de face,
fur 195 pieds de profondeur vers
la campagne.
Dans la Lettre fuivante , adref-
fée de Toulon à M. le Chevalier
Garelli , Bibliothécaire de l'Empe-
reur, M. le Marquis MarTei , enre-
connoiflàncc du prefent de plu-
fieurs Infcriptions de pierres mil-
liaircs qu'il avoit reçu de celui-ci
le paye en mêmemonnoye, & lui
en envoyé fept, toutes choifies; à
l'occafion defquelles il débite fur
cette matière une érudition recher-
chée , ayant trouvé en parcourant
le Languedoc jufqu'à 25 de ces
pierres très-belles , dans l'efpace
de 20 lieues : ce qui l'a mis en état
de déterminer au jufte la mefure du
mille Romain : fur quoi nous ren-
voyons à la Lettre même.
La huitième , écrite de Marfeille
à M.Chisbull , contient un long &
fçavant Commentaire fur l'Infcrip-
tion Gréque de la Ville de Béréni-
ce , que nous avons déjà indiquée
plus haut. L'auteur y rapporte de
plus une autre Infcription fembla-
ble , qu'il a vue dans le même Ca-
binet j mais dont la plus grande
partie eft effacée. La première de
ces deux Infcriptions commence
par ces mots : Atino LV. menfis
Phaophi die XXV. Tabernaculorum
conventus tempore. Sur quoi M.
M affei fait voir qu'il eft tort poffiblc
Ee
a, a JOURNAL DES SÇAVANS,
que U fête des Tabernacles des
Juifs tombât au vingt -cinquième
du mois Phaoph : mais que pour
cela , il faut renoncer à la préven-
tion commune où l'on eft , que les
Egyptiens ayent abandonné leur
année mobile & rétrograde , pour
y fubftituer l'année fixe des Ro-
mains : & les quatre raifons qu'en
allègue l'Auteur , & auxquelles
nous renvoyons paroiflent éviden-
tes. Les deux marbres chargés de
ces Infcriptions ont été apportés
de Tripoli de Barbarie , &c trouvés
dans le lieu où étoit fituée l'ancien-
ne Bérénice de Cyrénc3ce qui a dé-
terminé l'Auteur à les attribuer à
cette Ville-là.
Quelques Sçavans prétendent
au contraire qu'elles appartiennent
plutôt à la Bérénice qui étoit aux
confins de l'Ethiopie à l'extrémité
de la haute Egypte -, & ils fondent
cette prétention fur ce qu'on y lit
le nom d'un mois Egyptien. Mais
M. Maffei montre que cette raifon
ne conclut rien en faveur d'une tel-
voir fur la côte d'Afrique , où étoit
la Bérénice Cyrénéenne. Les mê-
mes Sçavans ont cru que l'Infcnp-
tion ne devoir point être attribuée
à la Ville dont il s'agit ; mais qu'el-
le appartenoit à la Synagogue des
Juifs établie dans cette Ville-là.
L'Auteur foûtient que le décret
tut promulgué par la Ville-même
pour faire honneur au Préhder.t de
la Province; & les différentes preu-
ves qu'il en produit paroiflent fi
fortes , qu'elles femblcnt mettre
la chofe hors de doute.
M. le Marquis Maffei , dans fa
neuvième Lettre . écrite d'Avi-
gnon , envoyé à M. l'Abbé Orfatta
onze Infcriptions recueillies dans
plufieursVillesdcs Provinces voifi-
nes , Se fur lefquelles il lui com-
munique quelques obfervations. Il
y trouve , par exemple , que le
culte d'Hippolyte déifié fous le
nom de Virbms étoit paflé dans les
Gaules ; que le mot penula ( man-
teau , cafaque ) fe prenoit pour le
comble, ou la voûte, ou lalanterne
le hypothéfc , puifque la Cyrénaï- d'un Edifice [tholus ] : que les fa-
que étoit contiguë à l'Egypte , & milles Carentia , Venujia Se Divia,
que ces deux Etats avoient long-
tems été aux mêmes Rois. A quoi
il faut ajouter le peu d'apparence
qu'il y a qu'on eût tranfporté ces
deux marbres du fond de l'Egypte
dans la Cyrénaïque , comme le
fuppofent ces Sçavans : outre que
ces Infcriptions faifant mention
d'un Amphithéâtre, il n'eft pas
vraifemblable qu'il fe trouvât de
ces Edifices au-delà de Syené , fur
les confins de l'Ethiopie ; au lieu
qu'il n'étoit pas merveilleux d'en
qui y font nommées , n'étoient
point encore venues à fa connoiflan-
ce. Il tait aufli quelques remarques
fur deux Bourgs du Dauphiné qui
portent le nom d'Aofte J & dans
l'un defquels , fçavoir celui qui
avoifine la Savoye , l'on rencontre
plufieurs Infcriptions anciennes , ce
qui lui paroît lingulier ; Se c'eft de
quoi il s'efforce de découvrir la
caufe.
Dans fa dixième Lettre , adreflfée
de Lyon à M. Abamjt , Bibliothc-
A V R I
Caire de Genève , il l'entretient de
la neceflîté mdifpenfable où font
les Antiquaires de procurer un nou-
veau Recueil d'Infcriptions ancien-
nes où elles foient rapportées plus
fîdellement &c imprimées ou gra-
vées plus correctement. Entre au-
tres preuves de ces infidélitez de
Copiftes , lefquelles régnent dans
nos Recueils de ce genre , & fur-
tout dans celui de Gruter , M. Maf-
fei en produit une que lui fournit
une Infcription d'Arles donnée par
ce Colle&eur , chez qui elle paroît
défigurée au point , qu'on y lit tout
le contraire de ce qu'elle porte. De
COMES RIP^E AN. I. Gruter en
a fait AMICO MES. P. L. de
PR.ESIDIA CONIUX , il en a
fait PRESIDE COS. L'Auteur
fait encore çà & là plufieurs correc-
tions femblables dans d'autres Inf-
criptions publiées avec auflî peu
d'exactitude.
Dans la Lettre fuivante , écrite
encore de Lyon à M. Afuratori } il
traite la queftion tant agitée entre
les Sçavans, fur ce que fignifie dans
les Infcriptions Sépulcrales de
France , la formule fub afeia dedica-
vit. Il allure qu'on a mis au jour fur
ce point douze opinions différen-
tes , fans compter celles qui n'ont
point encore été rendues publi-
ques. Après avoir difeuté les plus
fpécieufes de ces opinions , dont il
ne tombe point d'accord , il pro-
pofe la fienne , où fur la parole de
plufieurs Sçavans , il fe flatte de
donner la vraye folution de la diffi-
culté. 11 prétend donc que Sepul-
smm ou Monumcntum fub afeia de-
L; 175 4* **5
dicatum ne fignifie autre chofe
qu'un Sépulcre tout neuf, oit perfen-
ne n'a encore été mis ; & il fonde
pricipalement cette hypothéfc , fm
ce que l'on employoit l'inftrumenc
appelle afeia ( hache ) pour broyer
la chaux qui fervoit au dernier en-
duit de ces fortes de monumens ,
aufquels on mettoit par-là comme
la dernière main ; à quoi fe rappor-
te cette fin d'Infcription qui fe lit
dans Guichenon , dans Reinefius &
ailleurs confummatum hoc opus fub
tifcia efl : ce que les Grecs dans
leurs Infcriptions Sépulcrales ex-
primoientpar le mot nèf/ttr^ , nou-
vellement conflruit , comme on le
voit ici par une Infcription de ce
genre écrite envers grecs , qu'allè-
gue Se que traduit en vers latins
notre Auteur , auquel nous ren-
voyons pour plus ample éclaircifle-
ment fur cette curieufe matière.
Parmi les 15 Infcriptions qui
remplifTent la 1 ie Lettre adreflee
d'Autun à M. Bonarroti , il y en a
plufieurs qui ont été déjà publiées,
&c que M. le Marquis Maffei corri-
ge. Il explique auflî ce qu'on doic
entendre dans quelques-unes de ces
Infcriptions par le mot abrégé
ORNAM. qui pourroit caufer de
l'ambiguité , & dont une Infcrip-
tion où la phrafe eft exprimée dans
toute fon étendue , développe le
vrai fens ; ernamentis Dccarien. ho-
norât*).
Les huit Infcriptions raflemblées
dans la treizième Lettre écrite de
Paris [ ainfi que toutes celles qui
fuivent ] & adreflee à M. le Mar-
quis de Caumont , font toutes rniiâ-
Ee ij
_4 JOURNAl DE
taires : & des fix envoyées dans la
Lettre fuivanre à M. le Préfident
Boithier , les cinq premières font
Latines & d'un tour fingulier , fur
quoi l'Auteur propofe fes conjec-
res au Préfident , dont il fouhaite-
roit fort la décifion. La dernière de
ces Infcriptions venue de Smyrne ,
& qui ne prefente rien que de tri-
vial, n'eft recommandableque par-
ce qu'elle eft gréque.
Dans fa quinzième Lettre , écrite
à M. le Préfident de MazAUgues ,
qui l'avoit prié de lui envoyer les
anciennes Infcriptions en vers ,
dont fes Voyages Littéraires pour-
roient le mettre en poflefllon; il
s'exeufe auprès de cet illuftreami ,
fur le petit nombre qu'il lui en
communique , n'ayant pu en raf-
fembler jufqu'alors que quatre La-
tines , dont les deux dernières font
très-mutilées ; Se une Gréque , de
ï 8 vers tant hexamètres que penta-
mètres , que notre Auteur a rendus
en autant de vers Latins de pareille
mefure. Cette Infcription compo-
fée en forme de Dialogue , ainfi
que quelques-unes de l'Antholo-
gie & qui eft l'Epitaphe d'une
femme morte en couche , étoit ori-
ginairement inferite fur une pier-
re , qui dans la fuite fut fciée en
deux du haut en bas. L'Auteur
trouva dans le Cabinet de MM.
Grimant à Venife l'une des deux
Pièces où fe lifoient tous les pre-
miers hémiftiches de l'épitaphe.
Environ trois ans après , vifitantla
Bibliothèque de S. Marc, & en
examinant lescuriofitez , il apper-
cût un fragment de pierre fur le-
S SÇAVANS,
quel on lifoit les derniers hémifti-'
ches d'une Infcription compofée
de 18 vers Grecs , & qu'il recon-
nut d'abord être le complément de
ceux dont ci-devant il avoit tranf-
crit les commencemens.
Des douze Infcriptions com-
muniquées à M. BrencMmann Jurif-
confulte, dans la feiziéme Lettre, il
n'y en a aucune où il ne s'agifle de
quelque profelîion particulière ,
fur quoi l'Auteur donne fes con-
jectures & fes réflexions. La der-
nière de ces Infcriptions fe lit fut
une petite pierre quarrée , qui fer-
voit ( dit-on ) de couvercle à une
boete d'onguensoude collyres de-
ftinés à guérir les maladies des
yeux. Il paroît par le nombre des
petites Infcriptions écrites fur les
quatre cotez de cette pierre, qu'el-
le contenoit quatre fortes de médi-
camens , foit collyres ou autres.
La Lettre dix-feptiéme écrite à
M. Gagliardi ( à qui l'on doit la
belle Edition de S. Gaudence ) rou-
le prefquc toute fur la belle Inf-
cription qui fe voit dans le Châ-
teau de Thorigni en Normandie.
Elle remplit la face antérieure Se
les deux cotez d'une bafe de mar-
bre , haute d'environ quatre pieds
fur deux de large !k fur un pied &C
demi d'épaifleur. Spon avoit déjà
publié une partie de cette Infcrip-
tion , mais très-peu correctement.
Monlicur Marlei nous la donne ici
copiée avec toute l'exactitude pof-
fible. Quant aux lumières que les
Antiquaires pourroient en tirer , il
fe referve à en raifonner quelque
jour plus à rond avec fon ami.
A V R I
La Lettre fuivante adreffée au
P. ToHrnemine contient d'abord un
remerciment de l'Auteur au fujet
d'une Infcription iînguliere , dont
ce Père lui avoit tait part , Se en
échange de quoi M. Maffei lui en
envoyé huit , quatre Latines Se
quatre Gréques : il a tiré ces der-
nières du Cabinet de l'Académie
Royale des Infcriptions Se Belles-
Lettres.
La même Académie lui fournit
encore la précieufe Infcription
dont il s'agit dans fa dix-neuviéme
tri
Lettre adreflee a M. Ma\oc!)io qui
a écrit fur l'Amphithéâtre de Ca-
poue. Dom Bernard de Aiontfancon
en avoit publié le titre Se la pre-
mière ligne dans fa Paléographie ;
Se Spon dans fes Mélanges en avoit
donné la dernière partie , mais
tronquée &: fort corrompue. Cette
Infcription remplit aujourd'hui
deux tables de marbre. Il y en avoit
une troifiéme , que Spon affure
avoir vue à Athènes , mais qui ne
s'y trouve plus à prelent. Sur ces
tables font gravés les noms des
Athéniens de la Tribu Erechihéide ,
Se de plusieurs autres qui font
morts pour le fervice de leur Patrie
dans différentes expéditions entre-
prifes en Chypre , en Egypte , en
Phémcte 3 chez les Haliens Se chez
les Eginétes : ce qui défigne préci-
fément les tems de Cimon,deThé-
miftocles Se de la guerre du Pélo-
ponnéfe ( dit l'Auteur ) d'où il
conclut que cette Infcription eft
des plus anciennes que l'on con-
noiffe, puifqu'elle précède Alexan-
dre d'environ ioo ans , & l'Ere
L , ï 734: 215
Chrétienne de 450. Sur ce pied - là
elle eft donc plus ancienne que la fa-
meufe Chronique de Paros qui n'a
été écrire que fous le règne d'Ale-
xandre où de fes premiers Succef-
feurs. M. Maffei fait diverfes obfer-
vations curieufes fur les fingulari-
tez de l'orthographe Se fur la for-
me des caractères de cette Infcrip-
tion : fur quoi il faut confulter la
Lettre même.
Dans la vingtième adreftée à M.
Riviera , fait Cardinal peu de jours
après cette Lettre écrite, l'Auteur
a raffemblé x6 Infcriptions Chré-
tiennes trouvées en France , Se
dont la pl«^&rt indiquent des Con-
fulats , fur lefqucls M. Maffei fait
diverfes remarques intereflantes
pour les Antiquaires.
On trouve dans la vin»t-deuxié-
me Lettre écrite à M.^pojloloZeno,
la defeription d'environ 50 Médail-
les très-importantes pour la Litté-
rature , Se qui n'avoient point en-
core été publiées. L'Auteur les a
tirées de plufieurs Cabinets de
Paris , ou de celui de M. le Bret à
Aix : ce qui lui donne occahon de
faire au commencement de faLettre
une revue des principaux Cabinets
de ce genre qu'il a eu foin de vifi-
ter , Se dont chacun y eft caracteri-
fé par les traits les plus convena-
bles. Nous voudrions pouvoir
nous étendre fur cet article & en
donner un détail plus circonftartcié:
mais il nous refte encore à rendre
compte de deux Lettres Italiennes.,
Se de deux autres écrites en Fran-
çois.
Dans la première Lettre Italien-
aie JOURNAL D
ne, adreflee à M. le Marquis Paient }
( c'eft un Profefleur de Mathémati-
que à Padoue ) notre Auteur trai-
te des Amphithéâtres qui fc trou-
vent en France : Se il l'a écrite en
Italien , pour faire de cette Pièce
un Supplément à fon Traité des
amphithéâtres { de gli Anfiteatri )
compofé dans la même Langue , Se
dont nous avons parlé amplement
dans deux de nos Journaux. M.
Martel décrit d'abord celui de Nif-
mes , & il en examine 1a ftruâiure
en fuivant la même méthode qu'il
a mife en œuvre pour nous faire
connoître diftinctement celui de
Vérone. Il fait voir q>ae l'Amphi-
théâtre de Nifmes eft d'ordre Tof-
can -, r. propos de quoi il corrige
l'endroit de Pline où on lit dans
toutes les Editions que la grofleur
des colonnes doriques eft Izjtxiéme
partie de leur hauteur , au lieu qu'il
faut lire la hutiéme partie , puif-
qu'au même endroit Pline en met
nnc feptiéme pour la grofleur des
colonnes Tofcanes , & une neu-
vième pour celle des Ioniques.
L'Auteur confirme auflî fa décou-
verte de l'entablement Tofcan ,
dont les Architectes fe font tou-
jours plaints, qu'il ne nous reftoit
rien dans les anciens Edifices ; & il
le fait voir tout entier dans ces
Amphithéâtres. Il développe la
ftruclure intérieure de ce bâtiment
à laquelle ni Jufîe-Lipfe , ni le Ca-
valier Fontana 3 ni les autres qui
ont voulu décrire ces Amphithéâ-
tres n'ont rien compris. Il donne
aulïi des figures en taille-douce de
h façade extérieure de ces Edifices,
ES SÇAVANS;
ainll que de leurs parties arehitefta-
niques , Se de leur coupe inté-
rieure.
De l'Amphithéâtre de Nifmes il
pafle à celui d'Arles , qu'il prouve
n'avoir jamais été achevé. Il en don-
ne la façade, Se la coupe de l'entrée
qui étoit magnifique; Se il en dé-
crit fort au long les merveilleux
fouterrains. Il termine cette matiè-
re par l'Amphithéâtre de Trêves
qui jufques ici étoit abfolument
ignoré ■> Se il en met fous nos yeux
le plan Se la coupe. Il compare tou-
jours les Amphithéâtres entre eux
Se avec ceux d'Italie : Se par-là il
trouve de quoi appuyer la décou-
verte qu'il a faire dans celui de Vé-
rone de la ftruchire intérieure de
ces Edifices , en farfant voir qu'il
n'y avoit point de porte d'entrée
fur le Podium , Si de quelle maniè-
re on pouvoity arriver.
La féconde Lettre Italienne écri-
te à M. Zendrini Mathématicien
deVenife, nous offre la defeription
du Théâtre d'Orange , qu'on a
toujours appelle jufqu'à prefent le
Cirque d'Orange , Se qui en ce gen-
re n'eft point inférieur aux plus
beaux reftes d'Italie. On en voit en-
core fur pied un mur de 3 28 pieds
de long fur près de 110 de haut,
qui eft parfaitement confervé.
L'Auteur en donne le deflein de
l'un & de l'autre côté. Il montre
que la face intérieure de ce mur
étoit le fond même du Théâtre ,
dont il a fait graver le plan fur un
deflein qu'il en a tracé , non d'a-
près ce que lui en auroit pu fournir
fon imagination, s'il n'eût fait que
A V R
la confulter , ainfi qu'on a coutu-
me d'en ufer en pareil cas ; mais
feulement en fe taillant guider par
les parties mêmes de ce bâtiment
quifubfiltent encore , ou dont on
découvre des vertiges certains. Il
fait donc voir que ce Monument
d'Orange nous prefente l'extrémi-
té de la Scène ou L\ vûë la plus
éloignée desSpedatcu:s3de laquelle
on n'avoit pu rien découvrir dans
les débns des anciens Edifices ; &
c'eft une partie du plan de cette
Scène que nous reprefente la di-
xième figure.
M. Maffei , chemin faifant, cor-
rige un paffage de Vitruve , où les
Editeurs & les Traducteurs , en
déplaçant une virgule , & lifant
Tragicam pour Tragœdiam , lui ont
fait dire qaeleVoïte Efchyle avoit
enfeigné à peindre la Scène , à
quoi cet Architecte n'a jamais pen-
fé : & ce qui a contribué à autori-
fer cette méprife n'eft que l'igno-
rance des Interprètes fur la vérita-
ble lignification de l'expreffion
Gréque Tpa>»Aiav MAÔ-mn , & de la
Latine Tragadiam docere.
L'Auteur nous apprend enfuitc
que la façade extérieure du grand
murfervoit à un Cirque -, & par là
il rend raifon de plufieurs fîngula-
ritez qu'on obferve à ce mur , &
dont perfonne n'a découvert les
ufages. Telles font ces pierres en
faillie qui paroiffent dans toute fa
longueur en haut & en bas : telles
font encore les 21 arcades fermées
qui fe voyent à la moitié de fa hau-
teur : tels font enfin les chapiteaux
d'enbas fans aucune faillie , l'arc
du milieu qui n'eft point fini , &:
les traces d'un efcalier aux deux
extrémitez du mur.
A la fin de fa Lettre l'Auteur
rend compte de quelques circon-
ftances extraordinaires , qu'il a re-
marquées en fait d'architecture
dans les Antiquitcz de France : par
exemple, dans le peu qui refte d'un
Théâtre de la Ville d'Arles , on
voit l'architrave entièrement tra-
vaillée comme une frife dorique ,
au-deffus de laquelle eft une frife
corinthienne : au Temple de Nif-
mes , les modillons font placés à
rebours , &c.
Dans la Lettre Françoife adreffée
à Madame la Marquife de Caumonts
notre Auteur fait pafferen revue la
plupart des anciens Edifices & au-
tres Antiquitez remarquables qui
reftent en France. Tels font l'exté-
rieur d'un Temple confervé à Nif-
mes,d'ordre corinthien, tout ifolés
&c de la figure d'un quarré long ,
décrit ici avec foin par M. Maffei :
les reftes d'un autre Temple hors
la Ville , les reftes de l'enceinte des
murailles qui l'environnoient du
tems des Romains : le Monument
appelle aujourd'hui la Tour Magne }
& qui ( félon l'Auteur ) avoit ori -
ginairement été érigé pour fervir
de Sépulcre ou de Maufolée. Tel
eit encore le fameux Aqueduc
nommé le Pont du Gard. Tels
font le beau Maufolée de la Ville
de Saint Rcmi , le Temple d'ordre
Corinthien à Vienne, les reftes de
la vieille muraille & des anciennes
portes de Fréjus , un refte de Palais
nommé Panthéon dans la même
2i8 JOURNAL D
Ville , & celui d'un Aqueduc :
deux ou trois milles fragmens de
pierres antiques , ou figurées , ou
écrites , enchaffées dans l'enceinte
des murailles de Narbonne con-
ftruites du rems de François I. le
grand Arc d'Orange , d'ordre co-
rinthien : des Ponts antiques bâtis
horizontalement, c'eft-à dire, qu'on
traverfe fans être obligé de monter
ni de defeendre, comme le Pont
de Sommiéres, celui de S. Charrias,
celui de Saintes : deux anciennes
Portes d'Autun , & une partie de
fes anciens murs , &c. Il n'oublie
pas d'entretenir Madame de Cau-
niont des richeffes en tout genre
d'Antiquitez qu'il a vues à Fontai-
nebleau , à Verfailles , 6c fur tout à
Paris dans l'immenfe Bibliothèque
du Roi, à laquelle nulle autre n'eft
comparable pour le prodigieux
amas de Livres imprimés , de Ma-
nufcrits6c d'Eftampes.
A la fuite de toutes ces Lettres ,
en vient une Francoife de M. le
Préfident Bouhier , écrite à M.
Maffei , 6c qui contient les conjec-
tures les plus ingénieufes pour l'ex-
plication d'une Infcription Gréque
en vers , & rapportée dans le Li-
vre des Hiftoires mervedleitfes ,qu'on
met fur le compte à'driftote -, mais
d'ailleurs tellement défigurée ,
qu'elle en eft prefque inexplicable,
èc qu'elle a exercé la fagacité des
deux feavans Critiques , Saitmaifc
& Ifaac Voffuts , qui ont travaillé
avec affez peu de fuccès à la réta-
blir. M. Bonhier fait d'abord l'Hi-
ftoire de la découverte de ce Mo-
nument , où il s'agit de Geryon 6c
ES SÇAVANS,
d'Hercule. Il montre enfuite le peu
de vraifembl.ince qu'il y a dans les
corrections qu'y ont faites 8c les
explications qu'en ont données les
deux Sçavans que nous venons de
nommer. Enfin il propofe la fienne
dans laquelle il femble ne lailTer
rien à fouhaiter pour l'entier dé-
nouement d'une Pièce aulïi oblcu-
re & aullî corrompue que l'étoic
cette Infcription. C'eft à regret que
pour abréger nous fommes con-
traints de paffer fi légèrement fur
un morceau aullî curieux. Il mérite
d'être lu d'un bout à l'autre par
tous ceux qui ont le goût d'une cri-
tique fine Se judicieufe affaifonnée
de tous les agrémens que fçait y ré-
pandre l'érudition la plus exquife.
On trouve , après cette Lettre ,
cinq nouvelles Infcriptions produi-
tes en forme de Supplément par
M. le Marquis Maffei. La première
eft celle de l'Arc de Tripoli , en
quatre lignes : la féconde le lit au-
près de la 5 ie Arcade d'un Aque-
duc d'Ephéfc : la troifiéme fur un
coflre de marbre placé dans le Ve-
ftibule d'une Mofquée peu diftante
de la même Ville : la quatrième eft
tirée d'un Cimetière Grec , à 24
lieues de Conitantinople ; 6c la der-
nière eft écrite en lettres d'argent
fur un poids d'airain trouvé dans le
Danube , proche de Rnfcbitz.a , &
dont on voit ici le volume 6c la fi-
gure. Cela eft fuivi de quelques
additions renvovées pai des chiffres
chacune en fon lieu.
Oh a jointà la fin de ce Volume
le Plan ou le ProfpeElus en François
de la nouvelle Edition de S. Jérôme ,
jmmencée
A V R I
commencée à Vérone, & à laquel-
le M. Maffei a quelque part. On
peut dire ( félon lui ) que nous n'a-
vons point jufques ici de corps
complet des Oeuvres de ce faint
Docteur , puifqu'on n'a inféré dans
aucune de fes Editions ni la Chro-
nique , ni la verfion des 76 Home-
lies d'Origéne , ni plufieurs autres
Pièces. Dans la nouvelle Edition
de Vérone, dont le premier Tome
peut-être a déjà paru , feront raf-
femblés non feulement tous les
Ouvrages qui n'ont été publiés que
féparément , mais encore plufieurs
Pièces qui n'avoient jamais paru ;
par exemple , la verfion de la fa-
meufe Synodique de Théophile
d'Alexandrie , qui eft un chef-
d'œuvre par elle-même , Se parles
L , 1734: 2I£
rares particularités qu'elle nous
apprend touchant la caufe Origé-
nienne. Le Texte Grec en eft per-
du , & l'on croyoit que la verfion
avoit eu le même fort. Mais M.
l'Abbé Vallarfi , qui eft l'Editeur,
l'a trouvée parmi les Manufcrits de
la Bibliothèque Vaticane , ainfi que
plufieurs autres précieux Monu-
mens dans d'autres Bibliothèques
à Rome , à Milan , à Vérone &: ail-
leurs. On s'eft appliqué, fur-tout
à purger le Texte dans une infinité
d'endroits, qui n'ont à prefent au-
cun fens , ou qui font entièrement
falfifiés. On peut en juger par le
peu de corrections alléguées ici
dans la Lettre vingt unième écrite
à M. de Rubeis , & qu'on a prifes au
hazard & fans affecter aucun choix.
l'A RT D'APPRENDRE LA MVSIQVE, EXPOSE'
d'une manière nouvelle & intelligible , par une fuite de Leçons qui Ce fer-
vent fuccejfivement de préparation : par Ai. V. gravé par L. Hué. A Pa-
ris, chez la Veuve Ribott & Pierre Ribou , vis-à-vis la Comédie Fran-
çoife , à l'Image S. Louis : le Sieur Boivin , rue S. Honoré , à la Règle
-d'or : le Sieur le Clair , rue du Roule , à la Croix d'or. 1733. in -foL
pp. 82. fans la Prétace.
CE n'eft point ici un nouveau
Syftême de Mufique , où par
des routes arbitraires &c le plus fou-
vent ou fauffes ou très - embarraf-
fées on fe propofe de conduire les
Etudians à la connoiffance de cet
Art. Ce n'en eft uniquement que
le Syftême commun le le plus en
ufage aujourd'hui , c'eft-à dire le
Syftême du Si que l'on a fçû ré-
duire à une méthode beaucoup
plus nette & plus facile , & dont
tous les principes fe trouvent liés
Avril,
6c enchaînés fi naturellement, que
les premiers une fois bien conçus
mènent à l'intelligence de ceux qui
fuivent , & ainfi fuccefîîvement
jufqu'à la fin. C'eft ce que M. Va-
gue , Auteur de cet Ouvrage , a eu
particulièrement en vue , comme
il s'en explique lui même dans fa
Préface.
Il commence donc par donner
une idée claire & précife du fujet
qu'il entreprend de traiter ; enfuite
il définit exactement les termes
Pf
î2o JOURNAL D
qu'il doit employer ; après quoi il
di vile fon fujet en toutes les par-
tics dont il cil compofé , Se qu'il
range dans l'ordre le plus propre à
faire fentir la liaifon intime de ces
:ntes parties. Enfin il prétend
guider (i (virement fon Difciplc
que celui-ci connoilTe toujours di-
ftinctementew .//*»<?/?, combien il a
gagné de terrain 3 & combien il lui
en refle encore à parcourir. L'Au-
teur compare cette Méthode qu'il
s'engage a fuivre fcrupuleufement ,
avec les Méthodes ordinaires ; de
l'on peut dire que ce parallèle tour-
ne fort au défavantage de celles-ci ,
par les défauts effentiels qu'on y
apperçoit. L'Auteur déclare qu'en
traçant le plan qu'il nous prefente ,
il s'eft fait cette loi inviolable3de fc
mettre toujours à la place des Eco-
liers 3 bien loin de les mettre à la
lîenne. Avec de pareilles difpofi-
tions on ne peut que fe rendre très-
intelligible. Voici donc le plan
qu'il s'eft formé.
Il pofe d'abord pour principe
capital , Que toute la Mufique
confifte à nommer les Notes Mufî-
cales , à les entonner Sx à les mefu-
rer. Cette nomination des Notes eft
plus aifée que l'intonation , & celle-
ci l'eft beaucoup plus que la mefu-
re. Il faut donc que le Maître qui
enfeigne ces trois opérations, com-
mence par la plus facile pour delà
palTer à celles qui offrent de plus
grandes difficultez. Mais [ dira t-
on ] n'eft-ce pas aind qu'en ufent
tous les Maîtres ? Pourquoi donc
( répond M. Vague ) les Ecoliers ,
. même avec de la pénétration , re-
ES SÇAVANS,
lient - ils il long-tems à s'inftruirc
pleinement de la nomination des
Notes qui au tond n'a rien de diffi-
cileîCela ne peut venir que du vice
de la Méthode qu'on leur tait fui-
vre pour cette nomination,
L'Auteur fait obferver que cha-
cune de ces trois opérations nom-
mer j entonner Se mefurer, a diverfes
nuances , c'eft à-dire plufieurs for-
tes de difficultez, qui ne doivent
point être expofées tout de fuite ,
pour éviter l'embarras ; mais qu'on
doit palTer , par exemple , des pre-
mières & plus faciles leçons de la
nomination à celles de même genre
qui appartiennent à l'intonation , 5c
de celles-ci aux premières concer-
nant la mefure : moyennant quoi
s'évanouiront plufieurs difficultez
capables de troubler & de rebuter
des Commençans : &c ceux-ci fen-
dront plus promptement le rap-
port de toutes ces parties fonda-
mentales de l'exécution.
C'eit donc conformément à des
vues fi fenfées que M. Vague parta-
ge d'abord ce qu'il veut nous ap-
prendre fur les trois Opérations
Muiîcales , en autant de Chapitres
qu'il y découvre de fortes de diffi-
cultez. C'ell à-dire , qu'il y en a
trois pour la nomination ; 4 pour
l'intonation -, & 3 pour la mefure.
Mais à ce premier partage en fuecc-
de un autre , qui forme trois Sec-
tions , dont la première comprend
trois Chapitres , qui font les pre-
miers de la nomination de l'intona-
tion Se de la mefure, comme les plus
aifés à mettre en pratique : la fé-
conde Section' contient les féconds
AVRI
Chapitres de l'intonation & de la
mefure , comme plus épineux que
les pvécedens : enfin la troifiéme
renferme le fécond Chapitre Si le
troifiéme de la nomination t les
deux derniers de l'intonation , & le
dernier de la mefure , comme les
plus compliqués & en confequence
les plus difficiles. Chacun des dix
Chapitres qui compofent ces trois
Sections , font fubdivifés en plu-
fieurs articles , où les difficultez fc
trouvent rangées par degrez. En
un mot , » depuis le commence-
» ment jufqu'à la fin (dit l'Auteur)
» tout eft lié , tout eft nuancé d'une
«manière fi infenfible , que l'on
» pafTe d'une difficulté à l'autre,
n fans prefque s'appercevoir d'au-
a> cune refiftance.
C'eft ainfi qu'il s'efforce , dans
cette Méthode , à remplir fon ob-
jet , qui eft de frayer un chemin à
ceux qui fouhaiteront d'apprendre
la Mufique fans aucun fecours des
Maîtres , ou du moins de fournir à
ceux-ci des moyens plus fûrs &c plus
faciles d'enfeigner cet art , que
ceux qu'ils ont coutume de mettre
en œuvre. Il prie les Lecteurs de
ne prononcer fur la jufteffe de ce
qu'il avance dans cet Ouvrage &
fur le fruit qui peut refultcr de ce
Syftème, qu'après l'avoir mis à l'é-
preuve fur divers fujets ; & ils con-
noîtront quel jugement ils en doi-
vent porter , par les progrès plus
ou moins rapides que feront ces
Etudians à l'aide de ces nouveaux
fecours.
La nature de ce Traité , comme
l'on voit , ne le rend guéres fufeep-
L , 17 5 4; 221
tible d'un Extrait plus détaillé.
Cependant nous y prendrons quel-
que morceau que nous expofe-
rons plus au long.
Comme l'article de la tranfpo/itio»
eft d'ordinaire un des plus embar-
rafTans pour ceux qui étudient la
Mufique : l'Auteur a eu foin fur-
tout d'en applanir les difficultez.
Selon lui , la tranfpofïtion dont on
fe fait un monftre , ne l'eft que par
imagination ; c'eft ( dit-il ) de tou-
tes les connoiffànces de la Mufi-
que celle dont l'acquifïtion eft la
plus facile : un peu de mémoire &
d'ufage fuffit. Cela doit raflurer
des Commençons trop difpofés à
s'effrayer fur les feules apparences.
M. Vague expofe les trois maniè-
res de chanter par tranfpofïtion
ufitées jufqu'à prefent.
La première confifte à entonner
les intervalles qu'elle indique , fins
changer les noms que la clef donne
aux Notes. M. Vague , loin d'a-
dopter cette manière, la regarde
comme impraticable pour un
Commençant , ou comme très-
capable de déranger & de boulever-
fer toutes les idées acquifes juf-
qu'alors fur ï intonation.
Le fécond moyen de chanter pan
tranfpofïtion , ainfï que le troifié-
me , ont cela de commun , qu'il
s'agit dans l'un & dans l'autre de
trouver des nominations convena-
bles pour marquer les intervalles
que demande la tranfpofïtion.
Dans le premier de ces deux der-
niers moyens , on propofe d'ap-
pelier ut la Note fondamentale ,
quand le ton eit majeur -, &c quand
Ffij
3.22. JOURNAt DE
il eft mineur, de nommer re cette
Note fondamentale , dans la tranf-
pofîtion des bémols , Se la dans celle
des diéfes. Mais [ félon notre Au-
teur ] ce moyen , loin de conduire
fûrement au terme , peut en écar-
ter , Se n'y fçauroit mener que
ceux qui y font déjà parvenus :
c'eft-làun de ces moyens , ( ajoûte-
t-il) qui exigent , pour en faire
ufage , des connoiffances qu'on n'a
pas , Se qui deviennent inutiles
dès qu'on les a.
Enfin la troifiéme manière fc
réduit à nommer/? la Note qui ré-
pond au diéfe ou à l'un des diéfes
placés immédiatement après la clef,
& à nommer fa la Note qui ré-
pond au bémol ou à l'un des bémols
mis après cette clef : & c'eft à ce
dernier moyen^comme au plus faci-
le , que s'en tient M. Vague. Il n'eft
plus queftion que de fçavoir pré-
cifément auquel de tous ces diéfes
Se de tous ces bémols différemment
fitués après la clef à la tête de la
portée eu de l'échelle des fons , on
doit donner le nom dey? & le nom
de fa. Voici fa règle. Quand l'un
ou l'autre de ces lignes eft unique ,
il n'y a nul embarras pour le choix:
au lieu que lorfqu'il y en a deux ,
trois , quatre , cinq , &c. auquel
donnera-t-on la préférence , pour
en faire un/?ou un fa ? Ce fera ( ré-
pond l'Auteur ) toujours au der-
nier diéfe Se au dernier bémol ,
quand ils font plufieurs , fur quoi
nous renvoyons à l'Auteur.
On verra chez lai traitez à fond
& avec la même exactitude plu-
sieurs autres articles concernant la
S SÇAVANS;
tranfpofitiotv, tels que ceux où l'on
examine la raifon Se la neceffité de
cette tranfpoiîtion , Se les fruits
qu'on en peut recueillir -, l'article
où l'Auteur expofe un Syftêmc
qu'il a imaginé pour rendre aifée la
nomination des leçons en tranfpofî-
tion ; Syftême qui piroît ingé-
nieux , &c. Nous ne fçaurions
nous étendre fur ces divers articles,
ce que nous en dirions ici ne pou-
vant devenir intelligible qu'à l'aide
des Notes Muficales , qu'il fau-
droit mettre fous les yeux du Lec-
teur.
11 doit donc recourir au Livre
même pour en mieux apprétier le
mérite ; Se nous ne fçaurions trop
inviter les amateurs de laMufique,
lefquels voudront s'en inftruirc
foncièrement Se fans beaucoup de
peine , à faire ufage de la nouvelle
Méthode que leur prefente M. Va-
gue. Mais nous les avertirons en
mêmetems que les leçons actuelles
d'un tel Maître leur feront très-uti-
les pour faire difparoître par des
explications de vive voix certaines
diflîcultez, que la feule lecture foû-
tenue même de quelques reflexions
ne feroit pas toujours capable d'é-
claicir
Au furplus , nous aurions fort
fouhaité pouvoir ici rendre compte
de plufieurs DifTertations de l'Au-
teur fur divers points difficiles de
la Mufiquc , Se deft inces d'abord à
être inférées chacune en fon rang
dans le corps de l'Ouvrage , puis
renvovées toutes pour plus grande
commodité à la fin de ce Volume
Mais comme l'exemplaire qui eft
AVRIL1; 1754- 31$
tombé entre nos mains ne renfer- plus particulièrement dans ce
moit aucune de ces DifTertations , Journal,
nous n'avons pu les faire connoître
HISTOIRE DES EMPIRES ET DES REPVBLIQVES,
depuis J. C. oit l'on voit dans celle d'Egypte & d'Afie la. liaifon de l'Hiftoi-
re Sainte avec la Profane , & dans celle de la Grèce le rapport de la Table
Avec l'Hifîoire. 1733. A Paris , chez Simart , rue S. Jacques , au Dau-
phin ; Jean Nully , Grand'Salle du Palais, &c. in-it. quatre Volumes |
Tom. I. pp. 439. fans le Difcours Préliminaire & laTable des matières
Tom. II. pp. 512. Tom. III. pp. 502. Tom. IV. pp. 520.
NO U S ne dillîmulerons point
que le grand fuccès qu'a eu
l'Hiuoire Ancienne de M. Rollin ,
ne forme un préjugé fâcheux con-
tre l'Ouvrage que nous annonçons
aujourd'hui. Il femble que le Pu-
blic ait épuifé toute fon admiration
en faveur de cet illuftre Ecrivain,
& qu'il ne fe foit reiervé qu'un
fonds de mépris ou d'indifférence
pour tout ce qui paroîtroit après
lui dans le même genre.
Cependant l'Auteur fe flatte que
!e refpecl: qu'on a pour l'autorité
même par laquelle on prétend le
condamner , lui fervira de justifi-
cation. Il n'entreprend que ce que
M. Rollin lui-même auroit fouhai-
té qu'un autre que lui eût eu le
courage & la patience d'exécuter ,
& ce qui n'a même jamais été fait ,
c'eft à dire , de développer par des
Hiftoires fuivies & particulières
toutes les Monarchies & les Repu-
bliques qui fe font rendu célèbres
dans le monde depuis le Déluge
jufqu'à J. C. Travail trop obfcur &
trop épineux , dit M. Rollin, To. 2.
p. 488. très-utile néanmoins pour ceux
fui veulent approfondir /' Hiftoire,
Ainfi prononcer qu'on ne peut
écrire fur l'Hiftoirc Ancienne après
M. Rollin , c'eft aller en quelque
forte contre Ces intentions , c'eft
n'avoir pas pris l'efprit & l'idée de
fon Ouvrage , Se ne pas connoître
l'objet qu'il s'y propofe. Son uni-
que vue , comme il ne celle de le
repeter , eft de former l'efprit & le
coeur de la jeunefîc par la ledure
des Anciens, d'infpirer à ce qu'il
appelle fes jeunes gens des mœurs &
des fentimens en leur propofant
les plus beaux endroits de l'Hiftoi-
rc , & en les rendant auffi interef-
fans qu'inftru&ifs fur les fré-
quentes & judicieufes reflexions
qu'il y fait entrer.
Ce plan n'exigeoit donc de lut
que des exemples, de grands traits
fufccptibles d'inftrudion , qu'il
falloit néanmoins lier & enchaîner
les uns aux autres pour les faire li-
re avec plaifir. Mais par la même
raifon il s'eft crû difpenfé de re-
monter jufqu'à ces ficelés obfcurs
qui préfentent peu d'occafions de
donner des préceptes de morale
Se où il eft très-difficile de placer
les faits , fans fe jetter dans uu tî?.-
224 JOURNAL D
vail rebutant par les difcuflîons.,les
recherches , Se les combinaifons
infinies , qu'il demande neceflaire-
ment. C'eft néanmoins ce que doit
trouver dans un Ouvrage tout Lec-
teur qui veut fçayoir (î nous ofons
ainh nous exprimer \! Hiftoire An-
cienne a Se non Amplement des
Hiftoircs Anciennes.
Il faut donc regarder ['Hiftoire
Ancienne & l'Hftoire de* Empires
comme deux Ouvrages d'un carac-
tère entièrement différent , Se qui
par confequent peuvent avoir des
avantages qui leur font particuliers.
M. Rollin a celui de la morale Se
des reflexions. Le nouvel Ecrivain
aurait peut être celui de l'ordre &
de l'exaditude. Il prend l'Hiftoirc
dans fon origine , ou au Déluge , Se
la continue depuis ce tems-là fans
interruption, au lieu que M. Rollin,
àl'exemple deM.Prideaux3dans Ion
Hiftoire des Juifs , ne commence
l'Hiltoire d'Aite qu'environ 700
ans avant J. C. Se pour ce qui re-
garde l'Hiftoire Grecque , il ne re-
monte guéres plus loin que n'a fait
Plutarque dans fes Vies des Hom-
mes Illuitres.
Que deviennent donc les mille
ans Se au-delà de ce qu'on appelle
les tems fabuleux , héroïques } ou in-
connus ? Ils font cependant très-in-
tereffans , puifqu'ils renferment
tout le corps de la Fable , Se même
une Hiftoire réelle qui en eft le
fondement. C'eft ce que notre Au-
teur a traité dans un ordre fuivi de-
puis l'origine de la Mythologie juf-
qu'aux tems Hiftoriques. Il fuit
voir par-tout le rapport de la Fable
ES SÇAVANS,
avec l'Hiftoirc , avouant que fur
ce point il a profité du travail Se
des conjectures de M. l'Abbé Ban-
nier qu'il cite fouvent , Se il mon-
tre que les fictions des Poètes font
conformes au recit des Hiftoriens.
Toute Hiftoire qui ne commence
donc que vers ces derniers liécles ,
laifle un vuide réel , Se très-cm-
barraffant, parce qu'elle prefente
fans ce (Te des traits dont l'intelli-
gence dépend de ce qu'on a laifle
derrière foi. Chez notre Auteur la
Fable fait d'autant plus de plaifir
qu'on peut dire qu'elle y a du
corps , Se qu'elle y paroît pour la
première fois dans fon ordre Chro-
nologique.
M. Rollin , pour fuivre fa Mé-
thode qui eft de rapporter feule-
ment les faits dont il peut tirer
quelque inftructionpourla jeunef-
fe , ne s'embarrafle point de fuivre
exactement la Chronologie , Se
par-là s'eft vu contraint de laifler
l'Hiltoire Si les Rois d'Egypte dans
une obfcurité entière pendant près
de izoo ans. Sans y mettre aucune
datte , fans parler feulement de
Dvnaftie, il ne donne qu'environ
la quatrième partie de la fuite de
ces Princes , telle qu'il l'a trouvée
dans Hérodote Se dans Diodore.
L'Auteur de i'Hiftoire des Empires
s'eft appliqué particulièrement à
cet objet. Il range tous les Rois de
cette Monarchie fuivant leurs Dy-
naftics ou Principautez , fournit les
preuves de tout ce qu'il avance par
la convenance Se le rapport de cette
Hiftoire avec celle du Peuple de
Dieu , Se porte la Chronologie de
A Y R I
«et Empire jufqu'au tcms d'Abra-
ham & même au-delà , ce qui n'a-
voitpas encore paru d'une manière
qui pûtfe concilier avec la fuppu-
tation du Texte Hébreu que l'Au-
teur fuit ici préfcrablemcnr à celui
des Septante. On peut voir les rai-
lons de cette préférence dans le
Difcours Préliminaire , auffi bien
que celles qui l'engagent à aban-
donner la Chronologie d'Uiîerius
fur ce qui regarde le commence-
ment d'Inachus premier Roi d'Ar
gos , & à fe frayer fur ce point une
route particulière dans les Hiftoires
d'Egypte , d'Aiie & d'Argos.
Quelque important qu'il foit
d'appercevoir la liaifon de l'Hiitoi-
re Sainte avec l'Hiftoire Profane ,
c'eft encore un point auquel M.
Rollin n'a point touché , & que
notre Auteur s'eft propofé d'éclair-
cir. Comme il n'eft perfonne qui
en lifant les Livres Saints, n'y trou-
ve de l'obfcurité par le mélange
des évenemens arrivés dans les Mo-
aarchies étrangères dont il eft parlé
à chaque page dans les Ecris desPro-
phétes , notre Auteur n'a rien ou-
blié pour trouver cette liaifon , &
le fécond Volume eft employé tout
entier pour en lever les difficiiltez.
Par-là il embralTe également le Sa-
cré & le Profane, conduifant l'Hi-
ftoire des Juifs depuis la création
du monde jufqu'a 1 etablilTement
de l'Eglife , Se celle des Payens de-
puis l'origine de l'Idolâtrie jufqu'à
la deftruction par la promulgation
de l'Evangile.
On peut donc regarder l'Hiftoire
des Empires comme une Introduc-
L» *73 4' 225
tion à la lecture des Livres Saints
à celle de l'Hiftoire Ecclefialtique \
à l'étude des premiers Pères de l'E-
glife, & fur-tout des Apologiftes de
la Religion Chrétienne qui ayant
entrepris de faire voir le faux &lc ri-
dicule du Paganifme ont rempli
leurs Ouvrages des dogmes & des
fables qui avoient cours parmi les
Idolatres.Cet Ouvrage répand auffi
beaucoup de lumière fur l'Hiftoire
Romaine. Car depuis que les Con-
quêtes des Romains leur eurent
ouvert l'entrée de l'Egypte , de la
Grèce , & de l'Afie , ils en adoptè-
rent le Politheifme : la plupart des
Divinitez de l'Orient eurent leurs
Autels dans Rome un fiécle avant
la Naiflance de J. C. Or c'eft à
l'Hiftoire de la Grèce qu'il faut
avoir recours pour connoître cette
nouvelle Mythologie. Tous avan-
tages qu'on doit d'autant moins
chercher dans l'Hiftoire ancienne
que le delTein de l'Auteur ne lui
permettoit pas de les y raffembler.
Enfin la Méthode de ces deux
Ouvrages eft toute différente. M.
Rollm fait un Paragraphe fur l'Hi-
ftoire d'Egypte, un autre fur l'Afie,
un autre fur Athènes , un autre fur
Lacédémone , un autre fur ia Thra-
ce \ puis il revient d'où il eft parti
d'abord ; en forte que le Lecteur ,
après quatre-vingt ou cent pages,eft
obligé de revenir fur fes pas , Se de
fe rappeller en quel état il a laifte
le fujet dont il va reprendre la lec-
ture. Notre Auteur nous donne
chaque Hiftoire en particulier, il
la fuit par le fil d'un même dif-
cours jufqu'à la fin , Se en montre
256 JOURNAL DES SÇAVANS,
ainfi fous un même point de vue II avertit aullî que dans quelques
l'origine , le progrès , les affoiblif-
femens & la décadence , & pour les
rapprocher toutes l'une de l'autre ,
il a fait imprimer en même tems
deux grandes Cartes Chronologi-
ques , & relatives à fon Ouvrage ,
où l'on voit la naiftance , l'étendue
&c la deftm<5tion des Empires fiécle
par fiécle , & leur concours réci-
proque, en forte que de quelqu'an-
née que vous parliez, iln'eft per-
fonne qui ne puilfe vous dire dans
l'inftant quel Prince regnoit , ou ce
qui fe pafloit dans chaque Etat du
monde.
Nous pourrions encore pouffer
plus loin le parallèle , mais nous
nous contenterons fimplement de
dire que ces deux Ouvrages fe ref-
femblent fi peu tk pour le plan &
pour l'exécution , qu'en général
il nous paroît impoiîîblc qu'on
puifle jamais les louer ou les criti-
quer tous deux par les mêmes en-
droits.
Mais nous n'oublierons pas que
notre Auteur témoigne par-tout
une très - grande vénération pour
M. Rollin. » Il eft peu d'hommes,
» dit-il , dans notre fiécle , dont la
» réputation foit auffi univerfelle ,
u & mieux établie. Son rare méri-
»te , &c les titres dont il eft reve-
» tu , me fourniroient une abon-
» dante matière pour fon éloge ,
» mais fa Religion qui le rend en-
»core plus grand , n'aimeroit point
» à l'entendre , je le ferois néan-
» moins d'autant plus volontiers ,
» ajoûte-t-il, que j'ai reçu plufieurs
» fois des marques de fa bienveil-
v lance.
endroits on le trouvera femblable
pour les expreffions à M. Rollin ,
mais uniquement parce qu'ils ont
l'un 8c l'autre puifé dans les mê-
mes fources. Avec cette différence
cependant que » lorfqu'il fait ufa-
» ge de la traduction des Vies de
= Plutarque par M. d'Acier , &
*» quelquefois de celles de M. d'A-
» blancourt , c'eft avec plus de pré-
caution , ayant toujours le Grec,'
» le Latin devant les yeux , car il
»les altère, dit-il , à tout inftant.
» Il fe donne la licence d'avancer ,
» ou de retarder les circonftances
»> de fa narration comme il le juge à
■b propos , en forte qu'on pourrois
» les nommer Thucydide , Xéno-
» phon , &c. retouchés par dA-
» blancourt.
L'Auteur ne donne à prefent que
quatre Volumes pour fe conformer t
dit-il , au goût du public , mais il en
promet de fix mois en fix mois
deux autres jufqu'à la concurrence
de dix. Nous allons donner au-
jourd'hui une idée du premier Vo-
lume qui conrient l'Hiftoire des
Egyptiens , & nous parlerons des
trois aurres dans les Journaux fui-
vans.
» La plus belle partie de l'Hi*
» ftoire Ancienne eft celle de l'E-
" gypte> Tout y eft curieux ou in-
»tereflant; le plaifir& l'inftruction
»y occupent alternativement l'ef-
» prit du Lecteur. Les Rois, les
»> Prêtres , les Particuliers , les
» Loix , les Coutumes , les Villes ,
»la Terre , les Fruits , les Animaux
» & les Fleuves font autant de
»merveiljc$
AVR
» merveilles qui demandent pour
» ainft dire d'être tenues & confi-
wderées avec attention , il faut
» donc les examiner les unes après
» les autres , avant que d'entrer
» dans l'Hiltoirc de la Monarchie.
>» Je renferme le tout fous deux ar-
ticles, la Géographie du Pays Se
» la connoi (Tance des mœurs.
L'Auteur rapporte ce qu'il a
trouvé de plus curieux fur cette
matière dans les Auteurs tant an-
ciens que modernes , Se fans pré-
fumer qu'on doive l'en croire lur
fa parole , il indique fcrupulcu-
fement toutes les fources dans ltf-
quclles il a puifé. Il a pris cet en-
gagement dans fon Difcours Préli-
minaire , Se il le tient hdelement
dans le cours de fon Hiftoire.
En parlant du Culte fuperfti-
ticux Se extravagant que les Egyp-
tiens rendoient à certains Ani-
maux , Se en particulier du Bouc
qui étoit adoré à Mendez Se des
horreurs qui étoient une fuite de
cette Idolâtrie , l'Auteur fait une
reflexion que nous tranferirons ici
pour donner encore un échantil-
lon de fon ftile , Se pour faire con-
noître l'efprit Se le caractère qui
règne dans cette Hiftoire.
» On dira peut être que je terois
» beaucoup mieux de laiffer ces
"abominations dans le honteux fi-
» lence qu'elles méritent que d'en
» rcnouveller le fouvenir; mais je
» ne le fais pas fans raifon , Se j'ef-
» père que la droiture de mes vues
» me fera trouver grâce. Mon def-
» fein eft de prévenir le Lecteur
v contre le feutiment pernicieux
Avril.
IL, I754; 22J
»dc quelques Ecrivains, qui ont
» ofé dire , que le culte des Idoles
» étoit relatif aux perfections du
» Créateur ; que l'on adoroit (bus
» differensfymboles, fa puiffance
» dans Jupiter , fa juftice dans
» Thémis , fa fageffe dans Minerve
*> &: autres femblables , Se par ce
» moyen ils difculpent les Idolâtres
» Se l'Idolâtrie. Qu'on me dife
» donc par quel effort d'efprit , 011
"d'une charité mal entendue , on
« pourrait exeufer Héliopolis
» Memphis , Mendés , Cyfthére &:
» tant d'autres î ou comment un
» Auteur moderne qu'il ne nomme
» point , refpectahle d'ailleurs ,
» ajoute. t- il , par fa vafle érudirion,
>> peut s'écrier : ch ! que ne puis-je
» exeufer tous mes frères ?
L'autre motif qu'il fe propofe
en racontant ces horreurs du Pa-
ganifme. » C'eft de rappeller le
» Lecteur à fon propre cœur , Se de
» reveiller en lui les fentimens de
» la plus jufte reconnoiffance ■ ou-
» vrant fous fes yeux le précipice
»dont il a été tiré. Car malheur,
» continue-t-il , à ceux qui n'écri-
» vent , ou ne lifent que pour con-
» tenter leur efprit. La Religion elt
>> le terme où il faut tout rappel-
ât 1er , Se elle nous enfeigne , &c.
Le dernier article de cette intro-
duction roule fur l'ordre Se la fuc-
cefïion des Dynafties ou familles
Royales. Quelque difficile qu'il pa-
roiffe d'abord de rien dire qui fatis-
faffe fur cette matière par différen-
tes raifons que l'Auteur allègue , &
qui font connues des Sçavans , il
montre néanmoins qu'au travers de
sa8 JOURNAL DES SÇAVANS,
tes obfcuritez on ne laifle pas d'ap- C'eft à cette Epoqu
d
percevoir certains rayons de lumiè-
re qui font connoître aux efptits
attentifs U tems & la place de quel-
ques Rois d'Egy}He , & par un: con-
séquence necejpure la place de plu-
sieurs autres. Ce fujet le met dans la
r.eceflîté d'entrer dans des difeuf-
iions Hiftoriques & Chronologi
cette tpoque , félon
l'Auteur , qu'on voit difparoître
ces épaifles ténèbres qui ont enve-
loppé jufqu'ici les commencemens-
de cette Monarchie. Les dirncultez
qui pourroient refter lui paroiffent
de peu d'importance , & il promet
de les lever pot la liailon que cette
Hiftoire aura déformais avec celle
eues qu'il faut lire dans l'Ouvrage du Peuple de Dieu,
même ce qu'il y dit de RamelTés- Le fécond Livre contient la fui-
Miamum ayeul de Sefoftris eft un te de la première Dynaftie , &
point de Chronologie qui n'a pas commence au règne d'Àménophis
été développé , à ce qu'il prétend, fils de Thmofis II. ce Prince doit
par nos meilleurs Ecrivains , & être regardé comme un des plus
qu'il fe flatte d'avoir d'autant plus grands Conqucrans de l'Antiquité,
heureufement éclairci , qu'il expli- pourvu toutefois que les anciens ne
que naturellement le paflage de la Payent pas confondu avec quel-
Genéfe , où il eft dit que quand] a- qu'autre Prince de ce nom que nous
ne connoiflons pas, » il mourut
» dans le fein de la gloire , & alla
» éprouver jufque fur le Thrônp
» de fon orgueil , je veux dire
» ( c'eft l'Auteur qui parle ) h ri-
» che merveille de fon Maufôlêé ,
y> combien font vaines Se fragiles
» les louanges qui ne viennent que
>»des hommes.
On ne connoit que les noms &
la durée des règnes des fix ou fept
Princes qui le fuivirent immédia-
te, on n'en fait même ici aucune
mention. Ce vuide renferme près-
d'un fiécle jufqu'à Ramefl~és-Mia-
mum , qu'on compte pour le hui-
tième qui occupa lcThrône après
Aménophis. RamelTés régna é^ans
deux mois , & féroit auffi peu con-
nu que fes prédecelïeurs , fi l'Ecri-
ture ne fuppléoit au filence des
Monumens Profanes fur ce qu'il
y a de remarquable dans la Vie de
ceb arriva en Egypte avec tous fes
enfans , Jefeph leur donna la terre de
Gejfenfurr.ommée RameJJés. Explica-
iion qui lui fert d'une puiflante
preuve pourautorifer l'ordre qu'il
garde entre les Dynafties.
Après ce Préliminaire il entre dans
Je détail & dans la fuite de l'Hiftoi-
re d'Egypte il la divifeen 8 Livres.
Le premier comprend les dix-huit
premières Dynafties des Egyp-
tiens, depuis Mefraim ou Menés ,
jufqu'à Thmofis fils de Mifphrag-
mutofis. C'eft fous ce règne qu'arri-
va , félon notre Auteur, l'expul-
fion des Rois Pafteurs , car s'il fal-
loit placer cet événement fous le
règne de Thmofis premier -, il faa-
droit encore , dit-il , faire remonter
i'entrée des Pafteurs en Egypte de
129 ans, éc qui conduiroitau rems
4'Athotis le premier des quatre fils
ée' Menés & le Chef de h Dynaftie
des ThébainS-
AVRI
ce Prince ; c'eft , félon notre Au-
teur , l'entrée de Jacob avec fa fa-
mille en Egypte qui arriva l'an du
monde 3008. 1701?. avant J. C. ôc
la 29e du règne de Ramelfcs. Il trai-
ta favorablement les enfans de Ja-
cob, Se ils ne furent perfécutés
que fous le règne de Sefoftris nom-
mé aufll Sefoofis , Sethos , Sezon-
cholîs , Chef de la dix-neuvième
Dynaltic, que quelques Sçavans ,
dit-il , ont confondu mal à-propos
avec le Sezac de Salomon. Il pré-
tend auiîi , contre le fentiment
d'Ufferius , du P. Petau , de Dom
Pezron , de Mefîîeurs Boffuet ,
Dupin , Bannicr , Rollin & autres,
qu'Armais frère de Sefoftiis qui fe
révolta contre lui , n'eft pas le mê-
me que Danaiis qui fut obligé l'an
r5.i1. avant l'Ere Chrétienne j de
quitter l'Egypte &c de fe retirer au
Péloponnéfe : » les Hiftoriens va-
■o rient extrêmement fur le nom de
» fon Succedeur Hérodote le nom-
» me Phéron. Par où , félon la con-
=j jec~ture de notre Auteur , il a fans
*> doute voulu dire Pharaon ; Dio-
» dore l'appelle Sefoftris II. Mané-
» thon dans le Syncelle , dit Amé-
» némes ; & dans Jofcphe Rham-
» pfés ; Jules AfTricain , dont on
» fuit ici l'ordre pour cette Dyna-
» ftie, le nomme de même.
On verra dans l'Auteur de quelle
manière il arrange les principaux
evenemens qui arrivèrent aux Ifraë-
lites jufqu'à leur délivrance mira-
culeufe qu'il place fous le règne
d'Amenophis II. l'an du monde
2513. 1491. avant la Naiffance de
jf. C. c'eft par cette célèbre Epoque
qu'il termine le fécond Livre.
Dans le troifiéme & dernier LU
vre l'Auteur continue la fuite de I4
dix neuvième Dynaftie des Egyp-
tiens. Il attribue l'aviliffement où
elle tomba au trifte état où la ven-
geance divine avoit réduit cette
Monarchie. Il eft vrai que les Hi-
ftoriens Profanes ne difent rien des
raifons qui jetterent l'Egypte &fes
Princes dans l'indolence & dans la
langueur , » mais comme ils n'ont
» puifé , dit - il , leurs Mémoires
» que dans les Annales des Prêtres ,
» il n'eft pas étonnant qu'ils n'y en
» ayent trouvé aucun veftige ; ces
«traits étant trop odieux pour
» qu'on en eut voulu tranfmettre le
» fouvenir à la pofterité.
Cet Etat reprit cependant
une partie de fon luftre fous la
Dynaftie fuivante dont on ne nous
apprend point l'origine. On ne
fçait non plus ni pour quel fujet, nj
à quelle occalîon le Thrône de
l'Egypte fut transteré dans la
vingt-unième Dynaftie à Tanis Vil-
le de la petite Diofpole. . Dans les
Dynafties fuivantes on le voit
pafter fuccellivcment à différentes
Villes comme à Bubafte , à Sais &:
même fous la domination des
Ethiopiens. Ce fut fous leur Dyna-
ftie, qui eft la vingt-cinquième, &
dont notre Auteur fixe l'ordre tout
différemment d'UlTerius & de Pri-
deaux , que commencèrent à s'ac-
complir les malheurs prédits à l'E-
gypte par Ifaye. Ces paroles , dit
l'Auteur , qui pourroiem peut - être
avoir quelque chofe d'obfcur t vont de-
venir claires & faciles a entendre fat
*jo JOURNAL D
la lumière de l'Hiftoire. Il rapporte
donc les Prophéties d'Ifaïe , auftî-
bien que celles de Jeremie , & mê-
me fort au long , toutes les lois
qu'elles lui paroiiTent avoir quelque
liaifon avec l'Hiftoire de l'Egypte.
11 dit dans fon Difcours Préliminai-
re » que le récit de ces endroits d'I-
x faïe &dejeremic a été jugé bon Se
» neceflaire par quelques uns Se que
» les autres l'ont regardé comme
:» fuperflu , & hors d'oeuvre.
On pourra voir en particulier
fous le règne d'Amafis la manière
dont l'Auteur les accommode à fon
fujet , quoiqu'il obferve en même
tems qu'on ne trouve dans les an-
ciens aucune trace ni aucun veftige
des calamitez prédites à l'Egypte
ES SÇAVANS,
par les Prophètes [ p. 385]. Si ce
n'en: fous la trentième & dernière
Dynaftie , où l'an du monde 3644.
3 50 ans avant J. C. comme il avoit
été annoncé plus de 100 ans aupa-
ravant par le Prophète Ezechiel , le
grand Empire des Egyptiens fut
entièrement détruit par la défaite
de Nectanélc qui en fut le dernier
Roi. Depuis ce tems l'Egypte fut
réduite au nombre des Provinces
de Perfcs pendant les 19 ans que
dura encore cette Monarchie.
Comme cet Ouvrage nous a pa-
ru digne de l'attention des Sçavans,
nous ne manquerons pas de rendre
compte du fécond Volume dans le
prochain Journal.
HISTOIRE DES ROIS DE POLOGNE ET DV
Gouvernement de ce Royaume , oit l'on trouve un détail très - circonftancit
de tout ce qui s'eft pajjè de plus remarquable fous le règne de Frédéric-
jiugufte , & pendant les deux- derniers Interrègnes : par M. A4* * *.
A Amiterdam , chez François MHonorè. 1753. tn-n. 4. vol. & fe trou-
ve à Paris , chez Gijfey , rue de la vieille Bouderie , & Ofmont , rue
S. Jacques.
LE principal objet de cet Ou-
vrage eft l'Hiftoire de Frédé-
ric-Augufte dernier Roi de Pologne
Se Electeur de Saxe , qui compo-
fe le fécond & le troihéme Volu-
me qui font chacun beaucoup plus
gros que le premier. Mais comme
pour bien entendre cette Hiftoiie ,
il faut avoir une idée de la forme
du Gouvernement de la Pologne ,
Se de l'Hiftoire générale de ce
Koyaume : l'Auteur a cru qu'il fe-
roit à propos de faire précéder
l'Hiftoire de Frédéric d'un Traité
fur le Gouvernement de la Polo-
gne Se du grand Duché de Litua-
nie , Se d'un abrégé de l'Hiftoire
de Pologne , jufqu'à la mort de
Jean Sobieski. Quoiqu'on femble
annoncer dans le titre , l'Ouvrage
entier comme nouveau , ce premier
Volume avoit été imprimé pour la
première fois à Amfterdam en
1698.
A l'égard de l'Hiftoire de Frédé-
ric - Augufte , les difterens évene-
mens des guerres que ce Prince a
eu à foûtenir contre Chaiks XII.
A V R I
Roi de Suéde , contre les Litua-
niens , & même contre ceux d'en-
tre les Polonois qui fe fontfouvent
déclarés contre lui, la rendent très-
inierelTante,les dietestenues au fujet
des troubles & des divifions dont
la Pologne a été agitée pendant fon
règne , les differens Manifeftes qui
ont été publiés en faveur de ce
Prince, ou contre lui ôc les diffe-
rens Traitez aufquels ces guerres S:
ces troubles intérieurs ont donné
(ieu , méritent aulîl une attention
particulière de la part des Lecteurs
qui font curieux de l'Hiftoire de
leur tems. L'Auteur s'eft attaché à
lui vre l'ordre chronologique, même
à marquer le mois Se le jour auquel
chaque fait doit être rapporté. Il ne
s'eft écarté de cette règle que quand
il n'auroit pu s'y attacher ferupu-
lcufement fans rompre le récit de
quelque événement particulier. Il
allure encore dans fa Préface , qu'il
a puifé fes matériaux dans les Ecri-
vains qui lui ont paru les plus di-
gnes de foi , & que quand il a trou-
vé du vuide dans ces Ecrivains il a
eu recours aux fources publiques,
c*cft-à dire aux Gazettes & autres
Ouvrages de cette nature , où l'on
trouve les principaux faits mar-
qués , quoique ce ne foit pas tou-
jours de la manière la plus convena-
ble à une Hiftoire.
Notre Auteur peufie la fincerité
)ufqu'à reconnoître contre la prati-
que ordinaire des Hiltoriens , que
quelque peine qu'il ait prife pour
ne rien dire que d'aiTuré ; il
n'entreprend point de garantir ,
tout ce qu'il a avancé. On cft quel-
le , 175 4. *ji
quefois obligé dans ces fortes
d'Hiftoires de fuivredes Relations
faites ou par des perfonnes mal in-
ftruites , ou par des perfonnes in-
tereflees , fans qu'on puiiîe apper-
cevoir ces défauts. Les Hiftoriens
qui fe piquent d'avoir le plus d'e-
xactitude & de fidélité font expo-
fés à cet inconvénient. L'Auteur
cite pour exemple l'Hiftoire de
Charles XII. par M. de Voltaire qui
n'a pas laifle d'être critiquée fur
des poiïits trèsimportans , tels que
font ceux qui regardent l'incendie
d'Althena & l'action de Bender
quoique M. de Voltaire allure qu'il
n'a avancé aucun fait fur lequel il
n'ait confulté des témoins oculai-
res & irréprochables.
Nous ne nous arrêterons pas à
donner ici un précis de la Vie de
Fréderic-Augufte , parce que nous
ne pourrions parler que des princi-
paux évenemens qui font connus
de tout le monde , & que le détail
des faits doit être lu dans l'Auteur
même. Nous rapporterons fimple-
nient quelques traits de l'Eloge
qu'il a fait de ce Prince, après avoir
rapporté les circonftances de la
maladie dont il mourut.
» Il a été, dit l'Auteur, un de*
» plus grands Princes de fon tems,
» élevé dès fa plus tendre jeunefle ,
» dans le métier de la guerre &
»>fous la conduite de fon père le
« vaillant Jean-George III. il don-
» na de bonne heure fur les bords
» du Rhin des marques fi éclatan-
» tes de fon courage qu'elles lui at-
a> tirèrent de grands éloges de
» l'Empereur Léopold , & qu'elles
%l% JOURNAL DE
» lui méritèrent peu après le com-
» mandement de l'armée Impéria-
■ le dans la Hongrie. Frédéric-Au-
» gufte avoit parcouru dans fa jcu-
x nèfle toutes les Cours & prefque
m toutes les Provinces de l'Europe.
» C etoit dans ces voyages qu'il
» avoit acquis ces belles manières,
» qui l'ont toujours fait confiderer
» depuis comme le Prince le plus
» poli , le plus gracieux , le plus
» affable Se le plus généreux qui ait
• jamais régné. Qualitez qui le
w mettoient au - deffus de tous ces
>» Courtifans , du moins autant
» que la Royauté. Il aimoit les
» Sciences Se ks Arts. Il les prote-
» geoit particulièrement , Se la Sa-
» xe lui doit l'utile établiffement de
» plusieurs Societezde Sçavans , Se
» de plufieurs Manufactures , qui
» tous pleurent amèrement la perte
» de ce Royal Fondateur , dont la
» libéralité ne connoiiïbit pas de
» bornes à leur égard.
Ce fut dans le cours de la guerre
contre le Roi de Suéde , dit un peu
plus bas notre Auteur , que Fré-
déric-Augufte fit éclater cette gran-
deur d'ame & cette force d'efprit
qui le mirent toujours au-delîus
des évenemens les plus fâcheux.
Quand il fut rc.nonté fur le Thrô-
»c fes ennemis éprouvèrent juf-
S SÇAVANS;
qu'où il portoit la clémence l &ç
combien il fçavoit fe vaincre lui-
même. Depuis la fin de la guerre
du Nord il fe livra tout entier aux
befoins de fes fujets héréditaires Se
de fes fujets adoptifs , mais avec
des fuccès biens dirTerens. Adoré
en Saxe , il y répandit l'abon-
dance , te les richefies , que
la guerre avoit fait difparoître.
Il y ht de nouvelles Loix , il y bâ-
tit des Villes & des FortcrelTes , &
il employa toutes fortes de moyens
pour y rendre fes fujets heureux ,
& il y réulfit. Mais il n'a pu quel-
que chofe qu'il ait faite , s'acquérir
la confiance des Polonois. Ce qui
en tut la caufe , c'eft la fucceffion
du Prince Royal au Thrône, à la-
quelle néanmoins notre Auteur af-
fure , que Fréderic-Augufte n'a ja-
mais penfé.
Voici les dernière traits de l'éloge.
» Augufte étoiteftimé Se révéré de
» tous les Princes de l'Europe. On
» admiroit fa torce prefque furna-
» turclle , fon agilité , fon adrelTe ,
»fa bonne mine. Mais beaucoup
' » plus l'étendue de fes lumières , la
* fagacité de fon jugement Se la
» grande préfence d'efprit qu'il a
» fait paroître dans toutes les ac-
b tions de fa vie.
AVRIL
7 3 4-
253
REFLEXIONS SVR LA POESIE EN G £' N F RA L,
fur FEglogue a fur la Fable , fur l'Elégie , fur la Satyre , fur l'Ode , &
fur les autres petits Poèmes , comme Sonnet t Rondeau , Madrigal ' &ç.
fitivie de trois lettres Jur la décadence du goût en France : par M. R. D. S.
M. A la Haye , chez C. de Rogiffart ôv Sœurs. 1734. m 12. pages 349.
LE S Réflexions fur la Poëfle en
général qui font à la tête de
ce Volume ont déjà paru , l'Au-
teur s'eft: contenté de faire quel-
ques additions qui rendent l'Ou-
vrage plus complet. Comme nous
en avons rendu un compte allez
déraille , à l'occahon de h premiè-
re Edition , nous nous contente-
rons d'obferver que l'Auteur fe
propofe de faire voir dans fes réfle-
xions, que le plaifir que nous cau-
fe laPoen"e,vicnt i°.dc ce qu'en pei-
gnant les objets d'une manière vive
& fenfible , elle nous fait envifager
avec plus de facilité ce qu'on nous
prefente : 20. de ce que la Poëfie re-
veille & qu'elle entretient nos paf -
lions : 3 °.de ce qu'elle flatte lroreille
par une harmonie méchanique,que
l'habitude nous rend aimable,&que
nous admirons d'autant plus qu'il
eft plus difficile d'allier le fens avec
la rime : 40. de ce que le ftile coupé
qui forme une autre efpece d'har-
monie,&qui convient fort à iaPoë-
fie eft très-propre à peindre lesfen-
dmer.s vifs & les paillons.
Dans les reflexions fur chacune
des différentes Pièces de Poctic an-
noncées dans le titre , l'Auteur ap-
plique à ces différentes efpeces de
Poèmes , ce qu'il a dit de la Poëfle
en général.
Quoiqu'on foit perfuadé que les
Bergers qu'on fait parler dans l'E-
glogue ne foyent qu'imaginaires
on a du plaiilr à les entendre parler
de leurs amours. Au fond les Ber-
gers n'ont-ils pas du loiflr ? n'ont-ils
pas un cœur ? n'en voilà-t-il pas af-
fez pour qu'ils puilîent aimer avec
dclicnrelfe. Je ne demande point
d'autre fondement à mon plaiilr,
mon avidité à le goûter fait le refte
& je n'ai garde de me chicaner fur
mon bonheur. Mais pour que ces
plailirs continuent, notre Auteur
voudroit des Bergers qui fuilent
prefque comme feroient des gens
du monde que le monde n'auroit
pas corrompus, qui auroient de l'ef-
prit , mais qui n'en feroient jamais
ufage,parce qu'ils en feroient conti-
nuellement de leur cœur. A l'égard
des Bergères il voudroit qu'elles
fuiîent tendrcs,délicates,ilncéres. Il
n'aime point qu'elles fçachent ga-
gner un cœur par un manège dé-
tourné , qu'elles ayent appris à ca-
cher de l'amour pour en faire naî-
tre , cela le tire de la bergerie , ce-
la le renvoyé à la Ville d'où il étoif
forti avec plaiilr , enfin cela le dé-
goûte de l'amour, & le lui montre
par un vilain côté.
Notre Auteur trouve cette ai-
mable /implicite dans quelques en-
droits des Eglogucs de M. de Fon-
tenelle , mais il prétend qucleS
2j4 JOURNAL D
Bergers n'y foûtiennent pointées
caractères. Qu'ils difenc de jolies
chofes , qu'ils fe plaignent avec élé-
gance. Qu'au lieu d'un Berger on
entend un doucereux , une façon
de bel efprit , un homme de Cour,
ou un Galand de Ruelle. On peut
voir dans le Livre même les exem-
ples qu'il rapporte & les reflexions
qu'il fait fur ces exemples.
Le parallèle que fait notre Au-
teur dans fes réflexions fur la Fa-
ble, entre les Fables de la Fontaine
& celles de M. de la Motte n'eft
point fort avantageux pour ce der-
nier. Il prétend qu'il y a de grands
défauts , dans la difpofition de fes
Fables , dans le choix des fujets ,
dans la narration , il voit avec pei-
ne que M. de la Motte ait fi fou-
vent perfonifîè des êtres moreaux ,
Dom Jugement, Dame Mémoire,
ic Demoifelle Imagination l'étour-
diflent , il ne fçait de quelle cou-
leur eft tout ce monde-là.
On fçait bon gré à la Fontaine
des Préambules dont il a quelque-
fois décoré fes Fables -, car la Fable
étant amenée , en a l'air plus
naturel. L'Auteur cite pour mo-
dèle le Prologue d'une Fable de
la Fontaine adreflée à Monfieur le
Duc de Bourgogne. Il y admire le
ftile lîmple & naturel , l'art de
mettre du vif à côté du fimple , &
la douceur qui doit être jointe à la
vivacité , pour attraper la nuance
fans laquelle on ne peut allier le
fimple avec le vif. Il n'en eft pas de
même du Prologue d'une des Fa-
bles de M. de la Morthe adreflée à
M. le Duc. Quoiqu'il y ait de l'ef-
-
ES SÇAVANS,
prit dans ce Prologue , notre Au-
teur n'en eft pas content , & après
l'avoir copié , il femble qu'il ne
puifle s'empêcher de s'écrier , quel
ton , Monfieur ? qu'il eft guindé ,
qu'il eft l'ec , qu'il eft peu convena-
ble au ftile de la Fable.
L'Elégie eft le genre de notre
PoëfieFrançoife qui paraît à notre
Auteur le plus infipide , on n'y
voit que des Amans malheureux.
Ces Amans fe plaignent toujours ,
fe defelperent , ils veulent abfolu-
ment brifer leurs chaînes , ils veu-
lent même mourir , & comme tout
cela fuppofe du courage au lieu de
parler dans ces petits Poèmes le
langage qui eft fait pour la tendref-
fe &c pour la plainte , le langage
fimple , délicat , naturel, on s'y
guindé , on s'y force , & l'on fe
livre fins ménagement à la pompe
& à l'enflure. Comme les exemples
rendent ces obfervations plus fenfi-
bles l'Auteur fait remarquer ces dé-
fauts dans une des Elégies de
Madame de la Suze, femme célè-
bre en ce genre d'écrire , à qui l'on
ne peut contefter une partie des
qualitez neceflaires pour y excel-
ler.
Quelque indifpofé que notre
Auteur paroiffe contre l'Elégie, il
ne fçauroit s'empêcher d'en admi-
rer une à laquelle Madame Def-
houliere a donné le nom d'Eglo-
gue , il paraît fur tout charme de
ces vers de la Bergère.
Ici j'ai vh V ingrat qui me tient fous
fis loix
Ici j'ai foitfpiri pour la première fois :
Mats
A V R I
J^iuis tendis que pour lui je craignois
mes foiblejfes ,
Il rappelloit fin chien , l'accabloit de
carejjcs.
Dit defordre ou yétois , loin de fe
prévaloir ,
Le cruel ne vit rien oh ne voulut rien
voir !
Il loua mes moutons , mon habit , ma,
houlette ,
Il m'offrait de chanter un air fur fa
mufette t
Il voulut nienfeigner quelle herbe va
paiffant ,
Pour reprendre fa force , un troupeau
languiffant ,
Ce que fait le foleil des brouillards
qu'il attire.
N'avoit-il rien hélas de plus tendre à
me dire ?
A l'occafion de l'Ode , notre
Auteur parle de deux efpeces de
Sublimes , celui des images , dont
Homère fournit de fi beaux exem-
ples , & le Sublime dans le tour qui
eft , félon notre Auteur , un grand
fentiment que nous fommes fûrs
avoir été approuvé par un grand
Homme , à la place duquel nous
nous mettons. 11 faut que ce grand
fentiment foit peint d'une manière
très-vive. Notre Auteur remarque
encore que l'admiration de cette
cfpcce de Sublime vient ordinaire-
ment d'un fond d'orgueil. 11 traite
enfuite la queftion , fi l'entoufiaf-
Âvril.
L ; i 7 ? 4« 2 ? 5
me eft necelîaire dans l'Ode. Il fe
déclare pour l'affirmative , après
avoir rapporté les raifons de part Se
d'autre, & il veut de l'entoufiafme,
même dans les Odes morales.
L'Auteur compare enfuite l'Ode
fur la louange par M. de la Motthe,
avec une imitation d'un desPfeau-
rnes de David par M. RoufTeau &
avec l'Ode du même Auteur à M.
le Marquis de la Fare. Il n'eft pas
difficile de deviner auquel de ces
deux Poètes il donne le prix , s'é-
tant d'abord déclaré pour la necef-
fité de l'entoufiafme dans l'Ode.
Il y a un entoufiafme doux , qui
doit , félon notre Auteur , fe trou-
ver dans les Odes Anacréontiques
& dans nos Chanfons.
Notre Auteur fc propofe de
prouver dans fes reflexions furies
petits Poèmes , qu'ils ont un mé-
rite auquel on ne fait point aflez
d'attention : puis il fait quelque
remarque fur chacun de ces Poè-
mes en particulier. Il obferve fur
quelques - uns de ces Poèmes , en
particulier fur les Sonnets , que ce
qui les fait le plus admirer , c'eft
quand ces morceaux de Poèiie 3
malgré les difhcultez & l'aufterité
de leurs règles ne fentent point le
travaiLUne des chofes qui nous tou-
che le plus, c'eft de voir quelqu'un
de gêné taire une chofe avec la mê-
me liberté & lamêmeaifancequc
s'il ctoit a fon aife. L'Auteur remet
à parler dans un autre Volume de
la Tragédie & du Poème Epique.
Ses trois Lettres fur la décaden-
ce du goût en France regardent
particulièrement les Poètes. Ainfi
H h
2j5 JOURNAL DE
ces Lettres fe trouvent allez natu-
rellement jointes avec les reflexions
fur la Poëiîe.
Le goût des Romains fut dans fa
perfection fous l'Empire d'Augu-
ftc , mais Ovide commença à taire
perdre ce bon goût aux Romains ,
& Seneque acheva ce qu'Ovide
avoit commencé. Après avoir ad-
miré ce qu'il y avoit de bon dans
ces Auteurs , on fe porta jufqu'à
admirer leurs débuts a même à
vouloir les imiter. Comme les imi-
tateurs n'avoient point autant d'ef-
pi it que ces deux Ecrivains , ils co-
pièrent tous les défuits de leur
Maître , fans en avoir les qualitez.
Il en eit arrivé de même en France,
fuivant notre Auteur, le goût fut
porté à fa perfection fous le règne
de Louis XIV. Mais un Ecrivain
îllultre a commencé , à ce que pré-
tend notre Auteur, à corrompre le
goût des François, cet Ecrivain eft
M. de Fontenelle. On en fait ici
un éloge , dont il y a lieu de croire
que les plus grands Admirateurs de
M. de Fontenelle feront contens.
Mais on foûtient d'un autre côté
que fes Ouvrages font dénués de
cet air de vie , de cette belle cha-
leur & de cette fimplicité qu'on
admire chez les anciens , qu'il
S SÇAVANS,
prend plaiiîrày raifembler tout ce
qui peut éblouir , à accabler de
penfées mifes les unes fur les autres,
à habdler en paradoxe des idées
communes , à faire prendre fon ton
aux matières qu'il traite , au lieu
de prendre le leur. Ces défauts
qu'on attribue à M. de Fontenelle
ne lui viennent , dit-on , que de ce
que vovant que les grands Ecri-
vains du règne de Louis XIV*
avoient atteint la perfection en fui-
vant les anciens , au lieu de foûte-
nir ce goût comme il l'auroit pu
faire , il a voulu donner du nou-
veau. Ceux qui l'ont fuivi n'ayant
point le génie de M. de Fontenel-
le ont copié les défauts de fes Ou-
vrages , fans en imiter les beautez,
M. de laMotthecft , à ce que l'Au-
teur prétend , le fécond qui a cor-
rompu le goût de notre fiécle en
voulant auiïï fe mêler d'être nou-
veau. On avoue qu'il avoit quelque
efprit, mais on foûtient qu'il n'y a
point de beauté réelle dans fes E-
crits, foit en vers , foit en profe , &
que fes Ouvrages font remplis d'un
grand nombre de défauts. Pans la
dernière Lettre l'Auteur attribue
encore la décadence du goût au ca-
ractère & aux mœurs de notre
fiécle.
A V R I t, 1734» 2J7
VETERUM SCRIPTORUM ET MONUMENTORUM
Hiftoricorum , Dogmaticorum , Moralium ampliffima
Colle&io. Tomus VIII.
C'cft - à - dire : Tris - ample Collellion d'anciens Ecrivains , & de Pièces
anciennes Par rapport à ÏHtftoire} au Dogme }& à la Morale. Tome huit.
Par Dom £^Mahtene & Dom Vrfin Durand , Prêtres & Reli-
gieux Benediclins , de la Congrégation de S. Maur. A Paris , chez Mon-
talant , fur le Quai des Auguftins, proche le Pont S.Michel. 173 5.
in -folio. pag. 7 S t.
COMME la plus grande
partie des Pièces contenues
dans le feptiéme Volume de cette
Collection concernoient le Schif-
me d'Avignon , les PP. Martene
& Durand ont cru devoir donner
un abrégé de l'Hifloire de ce Schif-
me au commencement de ce feptié-
me Volume. La même raifonles a
engagé de mettre un abrégé de
l'Hiftoire du Concile de Bafleàla
tête de ce huitième Volume. En ef-
fet fi l'on ne fe rappelloit les princi-
pales circonftances de cette Hiftoi-
re , il feroit difficile de bien enten-
dre une partie des Pièces au fujet
du Concile de Balle qui font com-
ptifes dans ce Volume. Elles font
en fi grand nombre , que quand
nous n'en rapporterions que les ti-
tres il faudrait pafler de beaucoup
les bornes ordinaires de nos Ex-
traits. Il nous fuffira donc de don-
ner le précis de quelques - unes de
ces Pièces.
Il y eut une conteftation dans le
Concile de Balle entre les Ambafla-
deuts des Electeurs & ceux du Duc
deBourgogne pour la préféance. On
voit à la page 112 de ce Volume un
Difcour: de l'Evêque de Nevers fur
ce fujet,ii y expofe que les Ambafta-
deurs duDuc de Bourgogne avoient
été furpris d'entendre un Docteur
qui étoit du nombre des Ambafla-
deursdesElecT:curs,foûtenir en plein*
Concile , que les Ambalfadeurs des
Electeurs dévoient précéder ceux
du Duc de Bourgogne , il déclare
enfuite qu'ils n'ont pu garder plus
long-tcms lefilence fur un fujet fi
important , qu'ils n'ont point ce-
pendant reçu d'ordre de leur Maî-
tre, & qu'ils ne parleront que pour
ne point abandonner un rang qui
leur eft dû , & pour convaincre les
Ambalfadeurs des Electeurs du peu
de folidicé de leurs prétentions.
Après ce préambule l'Evêque de
Nevers propofe trois moyens pour
foûtenir le droit des Ambalfadeurs
du Duc de Bourgogne. Le premier
de ces moyens eft tiré de la naif-
fance de ce Prince. Il eft par fon
père de la Maifon de France; donc,
conclut l'Evêque de Nevers , il
defeend de Francus Prince Troyen
& par confequent de Dardanus. Il
defeend encore par fon père des
Rois de Bourgogne , d'où il s'en-
fuit qu'il tire fon origine des Rois
établis en Italie long tems avant la
Hh ij
2Î8 JOURNAL D
fondation de Ro.mc , d'Evandre
Roi des fept Montagnes , & de ja-
nus fils dejaphet , lequel koit fils
de Noé , après quoi il cil facile de
remonter jul'cm'a Adam. Il tire en-
core fon origine du côté paternel
de l'ancienne Maifon de Lorraine,
depuis appellée de Brabant, & par-
là il détend de Charles Martel ,
de Pépin , de Charlemagnc , de
Louis le Débonnaire Se de Charles
le Chauve. Du côté de fa mère , il
cft de l'illuftre Maifon de Bavière ,
où il n'y a que des Empereurs , des
Rois & des Ducs. Il eft parent &
allié des Rois de France , d'Angle-
terre , de Caftille , de Portugal ,
d'Arragon , de Navarre , de Chy-
pre, de Sicile, d'Albert Duc d'Au-
triche. L'étendue & le nombre des
Seigneuries qui appartenoient au
Duc de Bourgogne fournilloient
un fécond moyen à l'Evêque de
Nevers. Le Pays qui a été occupé
par les Bourguignons , difoit l'E-
vêque de Nevers , étoit du tems
des Romains des plus confidera-
bles des Gaules, depuis les Bour-
guignons s'y étant établis en firent
un Royaume. Les deux Royaumes
de Bourgogne .Se de France furent
réunis en la perfonne de Clovis par
fon mariage avec Clotilde fille
d'un Roi de Bourgogne. CeRovau-
me fut enfuite divifé de celui de
France , jufqu'à ce que Charlema-
gne l'ayant réuni au Royaume de
France en fit la première Pairie.
Ses Ducs furent toujours honorés
d'une Couronne.
La Bourgogne a eu pour pre-
mier Apôtre de la Foi S. Lin qui
ES SÇAVANS,
avoit été envoyé par S. Pierre , St
on voit encore des Eglifes bâties
dans ce Pays par S. Lin en l'hon-
neur de S. Pierre même pendant la
vie de ce faint Apôtre. Farix, Ec-
clefîarum JlruElura in honorent Sanc-
ti Pétri viventis ufqm in diem pra-
Jentem concemuntur. Il y a eu depuis
plufieurs Saints en Bourgogne mê-
me du nombre de fes Rois , la
Reine Clotilde a contribué à la
converfion de Clovis , à celle des
François , & à celle d'une partie
des Peuples de l'Allemagne. Il y a
dans le Pays plufieurs Eglifes très-
confiderables , tant feculieres que
Régulières , 6c des Abbayes Chefs
d'Ordre, Clugny , Cîteaux & le
Val des Choux.
Les Bourguignons ont accom-
pagné Charles-Martel dans fes ex-
péditions contre les Infidèles. De-
là vient, dit l'Evêque de Nevers,
que Charles - Martel a donné pat
l'ordre du Pape les dixmes des
Eglifes aux Seigneurs du Pays qui
en font encore en pollelTion. Les
Seigneurs Bourguignons fuivirent
aulh Charlemagnc à la Conquête
de Lombardie , le même Prince les
employa à réduire les Saxons , &
fous Louis le Débonnaire , ils con-
tribuèrent à la converfion des Bo-
hémiens. Les Ducs de Bourgogne
fe lonr distingués dans les "uerres
d'Outremer. L'Orateur vient en-
fuite aux trois derniers Ducs de
Bourgogne. Le premier des trois
avoit beaucoup travaillé pour l'ex-
tinction du Schifme. Le fécond,
étoit palié en Hongrie avec un
corps de troupe confiderable poux
A V R I
combattre les Turcs , & le dernier
eft un des plus zélés dérenfeurs de
ifEglife.
Ce font ces fervices rendus à
l'Eglife parles Ducs de Bourgogne
qui tournilïèntun troifiéme moyen
à l'Evêque de Nevers. Ce difeours
qui eft une des preuves des plus
confiantes du peu de goût Se de
critique de ceux qui palloient pour
les plus habiles vers le milieu du
15e îiécle, n'eft point refté fans ré-
ponfes de la part des Electeurs. Les
répliques de l'Evêque de Nevers
font rapportées à la page 610.Il pa-
roît par cet Ecrit que les AmbaiTa-
deurs des Electeurs ne s'arrêtèrent
pas à contefter les laits avancés par
l'Evêque de Nevers ; ils fc bor-
noient à dire que les Electeurs
avoient fuccedé au Sénat qui fui-
vant l'impreflion des Loix efl pars
ttrporis imperatoris. Que comme
l'Empereur piécede tous les Rois ,
les Electeurs doivent précéder tous
les Princes , que les Cardinaux qui
élifent le Pape fuivent immédia-
tement , que le Duc de Bourgogne
étant lui-même Vallal de l'Empi-
re n'a pu preferire la préféance con-
tre les Electeurs qui font Membres
de l'Empire , que des que les Ducs
de l'Empire font élevés à la digni-
té d'Electeurs , ils précèdent tous
les autres Ducs , que la dignité
des Electeurs était plus ancienne
que celle de Duc de Bourgogne ;
enfin que les AmbaiTadeurs des
Electeurs avoient eu la préféance
fur ceux du Duc de Bourgogne
dans les Conciles de Pife ck Con-
fiance , à la Cour de l'Empereur 6c
t , 1 7 ? 4. 23^
dans la Chapelle du Pape.
L'Evêque de Nevers repliquoit
que l'Elcctorat n'étoit qu'un Offi-
ce , ôc que ce n'étoit pas cet Office
mais la qualité 6% l'étendue des Sei-
gneuries , par lequel le rang doit
être réglé entre les Ducs. Que Cc
n'étoit que dans les Fonctions de
l'Office d'Electeurs que ceux qui
font revêtus de cette dignité font
cenfés ne faire en quelque manière
qu'un fcul corps avec l'Empereur,
que ce qui Ce paiTe dans l'Empire à
l'égard du rang des Ducs avec les
Electeurs ne doit point s'étendre
aux Ducs qui ne font pas partie du
Corps Germanique. Il eft vrai que
le Duc de Bourgogne pofTede des
Fiefs qui relèvent de l'Empire ,
mais ce n'eft pas à caufe de ces Fiefs5
mais à caufe du Duché de Bourgo-
gne qu'il doit avoir la préféance
fur les Electeurs ; les Electeurs , fé-
lon l'Evêque de Nevers , n'ont été
établis que vers l'an 999. par lePape
Grégoire V. du tems d'Othon III.
le Royaume & le Duché de Bour-
gogne font beaucoup plus anciens
que les Electorals. A l'égard de la
poftefîîon l'Evêque de Nevers foû-
tient qu'il eft prouvé par une en-
quête que les AmbaiTadeurs du
Duc de Bourgogne ont précédé
ceux des Electeurs au Concile de
Confiance. Pour les autres faits de
pofTefiîon articulés par les Ambaf-
fadeurs des Electeurs , l'Evêque de
Nevers leur demandoit qu'ils en
rapportaient la preuve.
Sur ce différend le Concile or-
donna le \{-> Juin 1435. que le pre-
mier dis Ambaffadeurs du Duc de
240 JOURNAL D
Bourgogne feroit immédiatement
après les Ambalîadeurs des Rois ,
après lui un des Ambaffadeurs des
Electeurs , Si après cet Ambaffa-
deur des Electeurs , le fécond Am-
baffadeur du Duc de Bourgogne &
ainfi alternativement , le tout fans
préjudice du droit des parties, foit
pour le polTeffoire , foit pour le
pétitoire. Le décret du Concile eft
rapporté en entier dans ce Volu-
me : il eft à propos d'obferver
avant que de paffer à un autre ar-
ticle , que félon ce que dit l'Eve-
que de Nevcrs dans fa réplique le
Duc de Bourgogne cedoit le rang
aux Cardinaux Prêtres , Si qu'il s'é-
toit confervé la préféanec fur les
Cardinaux Diacres.
Jufqu'à prefent nous n'avons
point eu de relation détaillée de ce
qui s'eû paffé à l'aiTemblée tenue à
Bourges en 1456. pour l'accepta-
tion des Décrets du Concile de Baf-
le , Si par rapport à la dépofition
du Pape Eugène ; en attendant
qu'on puiffe recouvrer le procès
verbal de cette célèbre AlTemblée ,
nos Auteurs nous en donnent dans
ce Volume une relation fort fuc-
cinte faite par un témoin oculaire.
On y voit que les Archevêques de
Reims, de Tours, de Bourges Si de
Touloufe alîilterent à cette affem-
blée , qu'il y avoit 15 Evêques ,
grand nombre d'Abbez,de Prieurs^
de Députez des Chapitres Si des
Univerfitez , en particulier de l'U-
niverfité de Paris,trois Docteurs en
Théologie, deux Canoniftes Si un
Député de la Faculté des Arts , que
le Dauphin, les Ducs de Bourbon,
ES SÇAVANS,
d'Anjou 6v de Bretagne , le Comte
de Vendôme £c plufieurs autres
Seigneurs du Royaume y affiliè-
rent. L'aiTemblée avoit commen-
cé au premier jour de Mai. Le
Roi prélîda à celle du cinq Juin j
les AmbalTadeurs du Pape Eugène
du nombre defquels étoit l'Arche-
vêque de Crète, demandèrent que
le Concile de Ferrare fût tenu en
France pour Oecuménique , qu'il
plût au Roi d'y envoyer fes Am-
baffadeurs , qu'il permît aux Evê-
ques de fon Royaume de s'y ren-
dre , qu'il rappellât ceux de ces fu-
jets qui étoient à Balle , & qu'on,
ne s'arrêtât point au Décret de fuf-
penfion prononcée à Balle contre
le Pape Eugène. Les Ambaffadeurs
du Concile qui étoieist l'Evêquede
Sipons, l'Abbé de Véfelay , Maî-
tre Thomas de Courcelles , l'Ar-
chidiacre de Metz , Si un Licentié,
neveu de l'Archevêque de Lyon ,
demandèrent au Roi qu'il lui plue
de faire garder dans fes Etats les
Décrets du Concile de Balle pour
la reformation , de détendre à fes
Sujets d'aller au Concile de Floren-
ce , d'envoyer de nouveaux Am-
baffadeurs au Concile de Balle, afin
qu'on y continuât ce qui reftoit à
faire pour le bien de l'Eglife &c
pour la reformation , Si de faire
mettre à exécution en France le
Décret de fufpenfion fait par le
Concile de Balle contre le Pape.
Le Chancelier fit enfuite un
Difcours , où il reprit fommaire-
ment ce qui avoit été dit de
part Si d'autre , Si il expofa de
quelle manière les Rcis de France
AVRIL, i 7 J 4- 241
avoient toujours travaillé a procu- privilèges des Ecclefiaftiques , Se
ter l'union dans l'Eglife , enfuite de vouloir bien prendre des me-
on nomma deux Commiffaires fures pour pourvoir au bien defon
pour examiner l'affaire, Prendre Royaume qui étoitdéfolé. Robert
enfuite un compte plus particulier Erboule Doclreur en Théologie fit
à Patfemblée. Ces deux Commif- un difeours au Roi fur ces trois
faires furent l'Archevêque deTours points , il fut d'autant plus admi-
se l'Evêque de Caltre , qui difeu- ré qu'il n'avoit eu qu'un jour pour
terent à la féance fuivante les rai- fe préparer à cela , remarque l'Au-
fons de parc Se d'autre. Enfuite le teurde la Relation , le Roi promit
Chancelier ayant été aux opinions ,
il fut arrêté à la pluralité des voix
que le Roi écriroit au Pape Se au
Concile , Se qu'il leur envoyeroit
des Ambafladeurs pour prendre
des voyes de conciliation , Se ce-
pendant que toutes chofes refte-
roient en fufpens. Enfuite on nom-
ma dix Députez , Prélats Se Doc-
fur le dernier chef d'y faire travail-
ler dans fon Confeil , & il accorda
tout ce qu'on lui demandoit par
les deux premiers.
Sur la fin du Volume il y a un
grand nombre de Pièces concer-
nant le Concile de Trente , une des
plus confiderables contient les Ac-
tes de ce Concile par Ange Maffa-
teurs pour examiner les Décrets du relli &: par Jean de Curtembroche
Concile de Bafle fur la réforma- Le premier étoit Secrétaire du
tion , Se il fut arrêté qu'on les re- Concile , le fécond étoit né à
Gand , homme des plus habiles
de fon fiécle , & qui avoit afïïfté
au Concile. De ces deux relations ,
nos Auteurs ont cru n'en devoir
compofer qu'une feule , mar-
quant ce qu'il y a dans l'une de
ces Pièces , différent de l'autre. Le
Journal de ce qui s'eft paffé au
Concile de Trente fous le Pontifi-
cat de Pie IV. par le Chanoine To-
rello Phala de Puggio , n'efl: pas
moins curieux que la Relation pré-
cédente. Ces Relations originales
Se laites par des témoins oculaires
ne fçauroient être recueillies avec
trop de foin. Le Volume finit par
quelques Statuts Synodaux.
Nous parlerons dans le Journal
fuivant du je & dernier Volume.
cevroit avec des modifications. Ces
Députez s'étantaiTemblés plufieurs
fois Se ayant eu fouvent des conte -
ftations firent enluite leur rapport,
& les Décrets furent reçus avec des
modifications ; il y eut fur - tout
des conteftations au fujet des An-
nates , on convenoit que le Pape
ayant du patrimoine de l'Eglife
Romaine de quoi s'entretenir lui
Se fa Cour ne devroit pas jouir des
Annates,néanmoins on voulut bien
lui accorder une provifion pen-
dant la vie du Pape Eugène. Enfui-
te l'affemblée fupplia le Roi de
vouloir confirmer par des Let-
tres - Patentes tout ce qui a été
fait, de maintenir dans fon Royau-
me les libertez de l'Eglife & les
a*2 JOURNAL DES S ÇAVANS:
NOVVELLES LITTERAIRES.
ITALIE.
De Rome.
IL paroît ici une DhTertation
Latine , intitulée : De rettâ fefti-
vitate Pafchx anno 1734. celébran-
dâ. L'Auteur , qui cil M. Pietro-
Marcellmo de Luccia , Avocat de
cette Ville, réfute dans ce Traité
•diverfes raifons qu'on pourroit al-
pour montrer que la Fête de
Pâques devroit tomber cette année
au 18 cV non au : 5 d'Avril.
M. B:t.!Z.z.i , Cui é de Prato , Au-
teur d'un Ouvrage fort étendu fur
le Cicle Pafchal , dont nous avons
parlé dans nos Nouvelles du mois
de May de l'année dernière ,
vient de faire imprimer à Florence
une Lettre en Italien , dans laquel-
le en donriant de grands éloges à la
Dilîeitation de M. de Luccia, il
expofe ce qu'il penfe lui-même
fur cette matière.
DANNEMARC.
De Coppenhague.
M. Buftf&us , homme tres-verfé
dans la connoiflanec de l'Hiftoire
Se des anciennes Langues du Nord
a donné au public une nouvelle
Edition du Texte Iilandoisdcl'Hi-
ftoireou Chronique à'iflande com-
pofée dans le douzième ficelé par
Ara-Proda } ou le Sçavant , qu'on
qualifie de premier Hiftoricn du
Nord : ce Texte avoir déjà été im-
primé en i<î SS. mais comme la
Langue dans laquelle il cil: écrit,
eft aujourd'hui três-difficije à en-
tendre , même parmi les Danois.
M. BuJ[mis l'a fait paraître de nou-
veau en y joignant à côté une tra-
duction Latine dont.il eft l'Auteur,
& dont les Gens de Lettres , fur-
tout les étrangeis, ne fçauroient
que lui être très redevables. Cette
Traduction eft intitulée:^"//' T/jor-
gilfis filii , cognomen Froda , id eft
Multifcii , vel Polyhiftoris, in If-
landia quonds.m Prejbyteri , primi in
Septentrione H<(lorici , Schedx , feu
Libellus de Iflandia , Iflendinga-
Bok. diRus ; c veteri Jftandicâ vel t
Jîmavis , Damcâ anticjuà , Septen-
tnonalibus olim communi Ltngua , in
Launam ver fus j ac pr&ter necejpirios
indices , quorum unus eft Lexici /»-
flar , brevibus nous & Chronologia ,
prœtntfta quoejue Aulloris vitâ illu-
ftratus ab Andréa Bullxo. Havnia.
1733. in - 40. Cet Ouvrage qui eft
dédié à M. le Comte de Plelo Am-
baftadeur du Roi en Danncmarc ,
eft fuivi de deux autres dont le
premier eft une Dillertation en-
voyée dans le cours de l'impreffion
d'Ara-Froda à M. BuJJkus , par M.
Gam , Recteur du Collège de Ncft-
ved en Klande ', Jona Gam Scbe-
diafma de Ratione anni Solaris , fe-
CHîtdhm
AVRI
cundum rudem obfervationem veterum
Paganontm in ljlandia , ex Solis mo-
tu reflituti , re fi rente Ara - F roda ,
cap. 4. Schcdarnm , &c. L'autre
Ouvrage dont M. Bujf&us a cru fai-
re plaiik de donner une nouvelle
Edition avec quelques Notes , cft
une courte Relation d'un Voyage
fait dans le neuvième fiéclc aux
extremitez du Nord & dans la mer
Baltique , par Ohther Norvégien ,
& Wulfftan Anglois , de l'Ordre
d'Elfred leGrand,Roi des Anglois,
écrite par le même Roi en Langue
Anglo-Saxone , £c publiée ci devant
à Oxford avec une Traduction La-
tine , d'après un ancien manuferit
de la Bibliothèque Cottonienne j
Periplus Ohtheri Halgolando - Nor-
vegt , ut & Walfftani Angli , fiecim-
dur» narrât iones eorumdem de fuis
umus in ultimam plagam Septentrio-
nalem ; Htriufque autem in Mari
Baltiço navigationibus ,JitJfu y£lfrc-
di Magni , Anglorum Régis , fitcti-
lo à Nativitate Chrifli nono fiaflis ;
ab ipfo Rege Anglo-Saxonica Linguâ
dtficriptus , &c.
PRUSSE.
D £ Berlin.
Ambroife Haude , Libraire de
cette Ville 3 diftribue le Profipeflus
d'un Ouvrage qu'il va imprimer
par Soufcription : il cft intitulé :
Chronologie de PHiftoire Sainte &
des Hiftoires étrangères qui la concer-
nent , depuis la /ortie d'Egypte juf-
qu'k la captivité de Bitbylone. Par Ad,
Alphonfc des Vignoies. AJfociê de
Avril.
l' Académie Royale des Sciences de
Berlin t depuis fin et ablijjement , &
Dire fleur de la ClaJJc de Mathéma-
tiques. M. Heinius , Dodeur &
Profcfleur en Théologie , a joint à
ce Profpe&us un Ecrit Latin où
nous apprenons que M. des Vigno-
ies à prefent âgé de plus de S4 ans ,
avoit travaillé dès fajeunefle à cet
Ouvrage , qu'il l'avoir interrompu
pendant long-tems , & qu'enfin
l'ayant repris, il en avoit fait fa
principale occupation pendant
près de douze années. M. Heinius
rend compte enfuite de la métho-
de que l'Auteur y a fuivie , & fait
voir quel avantage le Syftême de
M. des Vignoies peut avoir au def-
fus des autres Syftêmes de même
genre qui ont paru jufqu'ici ; il fi-
nit en rapportant les témoignages
honorables que quelques Sçavans
& entr'autres feu M. Lenfiant , ont
rendu de cet Ouvrage après l'avoue
lu.
Il fera imprimé avec foin en
deux Volumes «r-40. avec des Ta-
bles Chronologiques &c des Cartes-
Géographiques , le portrait de
l'Auteur. La Soufcription en entier
cft de quatre écus d'Empire , ou de
huit florins de Hollande , ce qui
fait lé livres de France. On payera
onze florins pour le grand papier.
Les Soufcriptions feront reçues
jufqu'à Pâques prochain , & tout
l'Ouvrage paroîtra vers l'Autom-
ne de cette année.
On peut fouferire à Paris y cher.
Briajfon , rue S. Jacques , à la Sciere.-
ce.
«44 JOURNAL DE
ANGLETERRE.
De Londres.
M. Milliard, Docleur en Mé-
decine , a fait imprimer chez A.
Blacktwd un Ouvrage en Anglois
in- 8°. en forme de Lettre adreffée à
l'illuftre M. Hans-Sloam , dans le-
quel il fe propofe de juftifier les
anciens Médecins Grecs qui onc
fleuri & qui ont écrit fur la Méde-
cine après Gallien , fut ce qu'on
leur reproche de n'avoir fait que
copier ceux qui les ont précédés.
Alexandre Trallien , des Oeuvres
duquel M. Adilivard eft dans le
deffein de donner une Edition ,
fait le principal objet de fes recher-
ches , dans la vue , fans doute , de
prévenir le public en faveur de cet
Auteur.
Exercitatio Geometrica de deferip-
ùone Lineamm Curvarum : Autlore
Gulielmo Braikenridge , Ecclefid
Anglican* Prejbytero. Apud Rie.
Hett & Job. Nourfe. Broch. Jfc-4-.
J. Wdcox a achevé d'imprimer
& délivre aux Soufcripteurs : The
Koran , common.y Call'the Alcoran
e/Mohammed , tranjlated tnto En-
glish immediately from the original
Arabie, &c. C'eft-à-dire : le Koran,
communément appelle /'Alcoran de
Mahomet ,. traduit de l'Original
Arabe en Anglois , avec des Notes
tirées des meilleurs Commentateurs ,
pour faciliter l'intelligence de cet Ou-
vrage. Par M. George Sale. in-^°.
*7Î4. Ccue TwdutSion eft préce-
S SÇAVANS;
dee d'un Difcours Préliminaire quï
contient un grand nombre d'Ob-
fervations curieufes & intereffan-
tes. Il eft partagé en huit Se&ions ,
dans lefquellcs M. Sale traite i°. de
l'Hiftoirc , de la Religion , des
Sciences & des Coutumes des Ara-
bes avant Mahomet. i°. De l'état
du Chriitianifme & du Judaïfmc
en Orient lorfque Mahomet parut,
& de quelle manière ce dernier s'y
prit pour établir fa Religion. 3°.De
ce qui regarde l'Alcoran , foit par
rapporta la lignification de ce mot,
& au nombre des Chapitres que ce
Livre contient , foit par rapport
aux différentes Editionsou anciens
Manufcrits qu'on en a , à la maniè-
re dont il a été compofé & rédigé ,
aux Langues dans lefquelles il a été
traduit,©"c. 40. & 5*. Des Préceptes
pofitifs & négatifs de l'Alcoran ,
des Principes fondamentaux Si des
Cérémonies de la Religion Maho-
métane. 6°.Des Loix & des Confti-
tutions fondées fur l'Alcoran., par
rapport aux affaires civiles. j°. Des
Fêtes ou Solemnitez dés Mahomc-
tans. 8°. Enfin de leurs principales
Sectes , des points fur lefquels ils
font divifés entr'eux , de leur
Théologie, &c.
HOLLANDE.
D'A MSTERDAM.
Voici le titre d'un nouvel Ou-
vrage confiderable que lV:t(lein Se
Smith vont imprimer par Soufcrip-
tion : Locupletijfimi Rerum Natura--
Hum ThsÇmri aççumn Defcnptio v
A V R
t? Iconibus artificiofjfimis expreffio t
fer univerfam Phyfices Hifloriam.
£x toto Terrarum Orbe collegit , di-
geffit j defcripfit & depingendum *«-
ravit Albertus Seba , Etzela Oift-
friftus , Académie, Ctftirea Leopoldi-
no Carolins. Nature CuriofommColle-
ga Xenocrates diElus ', Societatis Ré-
git Anglicane , & Inflituti Eononien-
fis Sodalis,
Cette ample Collection qui con-
fifte, comme on le voit par le ti-
tre , dans la gravure & l'expli-
cation d'une infinité de chofes
curieufes qui regardent l'Hiftoi-
re Naturelle &laPhyfique, doit
être en quatre Volumes in -folio.
Chaque Volume contiendra plus
de ioo planches qui reprefenteront
.dans un certain ordre les plantes ,
les rieurs , les animaux , les infec-
tes , les coquillages & les végétaux
les plus rares , &c. Les explications
que M. Seba a joint à tout cela
rempliront encore plus de 50 feuil-
les par Volume : comme le pre-
mier Tome eft achevé d'imprimer,
il a été facile aux Libraires de voir
à quelle fomme tout l'Ouvrage
pourra revenir. Ce premier Tome,
fuivant un calcul exact qu'ils don-
nent dans leur Profpetlus 3 devroit
coûter $$ florins 16 fols , ce qui
feroit en total pour les quatre Vo-
lumes.i3 5 florins 4 fols , ou argent
de France 470 livres huit fols. Ce-
pendant ceux qui voudront fouf-
crire ne payeront pour le tout que
160 florins , ou 3 zo livres , dont
on donnerra 50 florins en fouferi-
vant , ou plutôt en recevant le pre-
sr.icr Tome qui cft achevé ; 4s flo-
I L , 173 4: 24J.
rins en recevant le Tome fécond
40 florins en recevant le troifiérrre
& feulement 30 florins en recevant
le quatrième. On pourra fouferire
jufqu'au premier Septembre de
cette année , & le fécond Volume
fera délivré au premier Février
1735. les Libraires promettent
de donner un nouveau Tome cha-
que année fuivante au même mois.
FRANCE.
De Paris.
Projet d'un Supplément k la Col-
leclion des Conciles du P. Labbe, qui
don s'imprimer inceffamment k Paris,
che"^ Briaflbn t rue faim Jacques , k
la Science , & à Cenêve , chez
Fabri & Barillot.
Ceux qui voyent avec peine
qu'on multiplie quelquefois fans
beaucoup de nece/fité les Editions
de certains Livres utiles, parce que
la dépenfe qu'il faut faire pour les
acquérir devient à la fin exceflîve
ne manqueront pas d'applaudir au
Projet que nous annonçons.
De toutes les Colle&ions de
Conciles qui ont paru jufqu'i p»e-
fent , celle que M. Coleti a publiée
depuis peu à Venife doit certaine-
ment paiîer pour la plus ample.
Non feulement cet Editeur y a fait
entrer tout ce qui compofoit la
grande Collection du P. Hardouin,
qui lui même avoit eu foin de pro-
fiter des recherches de tous ceux qui
l'avoient précédé dans cette cfpece
de travail ; mais il y a encore ajou-
té _, autant qu'il lui a été pofîibie
Iiij
246 JOURNAL D
tout ce qui fe trouve de Conciles
ou de Statuts Synodaux répandus
dans les differens Recueils donnés
au public depuis l'Edition des Con-
ciles donnée par ce fçavant Jcfnite.
Mais quelque ample qu'on iup-
pofe la Collection des Conciles
imprimée à Vernie , la qualité de
ces fortes d'Ouvrages fuffit pour
perfuader qu'il n'eft pas difficile
d'y taire des additions nouvelles.
En effet l'Auteur de ce Projet allu-
re qu'il a ramaffé un nombre conlî-
derable de Conciles & de Synodes,
ou inconnus jufqu'à prefent ou qui
n'ont pas encore été imprimés , ou
qui jufqu ici n'ont été inférés dans
aucune Collection des Conciles.
C'eftcequil'a déterminé à publier le
Supplément dont il eft ici queftion^
& afin que cette entreprife puiffe
être de quelque utilité au public;
voici en abrégé la manière dont on
fe propofe de l'exécuter.
Comme l'Edition des Conciles
du P. Labbe eft la plus répandue ,
le nouvel éditeur doit recueillir
tous les Conciles publiés parle Père
Hardoitin 5c M. Coleti , 5c les join-
dre à ceux qu'il a lui-même décou-
verts , pour être imprimés de la
même forme , grandeur , 5c carac-
tères que cette Edition.
Tous ces Acles feront accompa-
gnés de notes pour l'intelligence
du Texte , ôc de variantes tirées
des manulcrits 5c des imprimez.
Ces divers morceaux compofcronr
la première Partie de ce Supplé-
ment , laquelle fera accompagnée
d'une Table exacte des matières.
L'Editeur ne s'eft pas borne à ce
ES SÇ'AVANS,
fimple Recueil ', il a encore entre-
pris de rectifier 5c reformer la Col-
lection entière des Conciles du
Père Labbe y quelque pénible que
puiffe être un pareil travail. Il
s'eft attaché à épurer le Texte , à-
revoir 5c à corriger plusieurs en-
droits des verlîons , à fuppléer à
ceux qui étoient omis Se qui fe
trouvent dans les manuferits ou
dans les premières Editions , à réta-
blir certains termes aufquels on en
a fubftitué d'étrangers , dTc 5c ce
qui n'eft pas de moindre importan-
ce, il a compofé des notes fur les
endroits les plus difficiles ; celles
que le Père Labbe devoit donner a'
n'ayant pas vu le jour , quoiqu'il y
renvoyé fes Lecteurs.
On donnera de plus une Lifte
Alphabétique de certains mots in-
connus , barbares 5c obfcurs qui
font dans les Actes 5c les Pièces
originales des Conciles, en indi-
quant les pages des différentes Edi-
tions où ils fe trouvent.
Enfin on ajoutera à tout l'Ou-
vrage une Lifte de tous les Conci-
les inférés dans les diverfes Collec-
tions , à laquelle on a joint le nom
des Archives ou des Bibliothèques,
d'où ils ont été tirés , ce qui a été
affez fouvent négligé par les Edi-
teurs modernes.
Cet amas de corrections , de
variantes , de notes 5c de Catalo-
gues doit tormer la féconde Partie
de ce Supplément. Quoiqu'on y
-ir principalement en vue la Col-
lection du Père Labbe , on aura
pourtant foin pour la commo-
dité de ceux qui ont toute autre-
A V R I
Collection j d'indiquer les pages
de ces divers Recueils , où le trou-
ve chaque Concile , auquel par
confequent doivent fe rapporter
les notes , les corrections & les
variantes.
On ne dit dans ce Projet ni
quand on commencera l'impref-
ilon de ce Supplément , ni en com-
bien de Volumes il fera imprimé :
on afïiire feulement qu'on n'en
imprimera qu'un petit nombre
d'exemplaires , fur le prix defquels
on accordera un bénéfice à ceux
qui en retiendront par avance : on
n'en imprimera , ajoûte-ton , en
grand papier que pour ceux qui en
demanderont.
On trouve chez le même Briaf-
fon : Epiftola plurium Doilorum è
Societate Sorbomca ad illuftriffimum
JMarchionem Scipionem Maffeium
de ratio fie Induis Sorbonici ,feu Bi-
bliothec*. Alphabetica quant, ador-
nant , ubi de Eptftolis fantli Augufli-
ni nuperrtmi inventis & editis. Bro-
chure /»-4°. C'eft à regret que nous
fommes obligés de différer jufquau
mois prochain de rendre un compte
exact de ce que contient cette Let-
tre ; l'article précèdent n'eft déjà
que trop étendu pour une Nouvel-
le Littéraire.
E î * 7 5 4-- *47
Plaidoyer de M. Erard Avocat
au Parlement , » avec les Arrelts du
» Parlement , donnés en interpre-
«tationsdes Articles 282 & 283
» de la Coutume de Paris \ tou-
» chant les avantages indirects faits
» par l'un des Conjoints à l'autre 5
» & un Extrait du Teftament de la.
» Dame Marquife de Torcy , con-
» tenant un Legs univerfel au pro-
» fit de la Dame de la Tour , merc
a de fon mari : & les Fa&ums de
» M. Erard pour les héritiers de
y> ladite Dame de Torcy , qui ont
» obtenu cet Arreft. « Seconde édi-
tion. Chez Mefnier y rue- S. Severin
& au Palais, au Soleil d'or. 1734.
in -S".
Le grand Commandement de la.
Loi , ou le Devoir principal de
V Homme envers Dieu & envers le
Prochain , expofé félon les princi-
pes de S. Thomas. Par le Père Ber-
nard d'Arras , Capucin , Lecteur
en Théologie. De l'Imprimerie de
J. B. Coignard fils , Imprimeur de
l'Ordre de Saint François. 17.33.
in - 1 2.
Les Mémoires du Chevalier de'
* * *. Par Madame Meheuft. Chez
Dupais , Grand'Salle du Palais, .au'
S. Efprit. 1754. in-vu
*îs
TABLE
Des Articles contenus dans le Journal d'Avril 1734.'
TRaité Phyfîque & Hijforique de V Aurore Boréale t page 1 8)
La Chronique ou Annales de Gofweic , &c. 2d
Traité de la Communauté entre mari & femme } &c. i©J
Recueil de quelques Antiquitez. de France , &c. 208
L'An d'apprendre la Mufique , &c. 1 19
Hiftoire des Empires & des Républiques , &c 223
Hiftoire des Rois de Pologne & du Gouvernement de ce Royaume, tcç. 230
"Réflexions fur la Poe fie en général y &c. 2 3 J
Tris - ample Colletlion d'anciens Ecrivains y &c. par Us PP. Martenc &
Durand. Tome huit , 237
Nouvelles Littéraires , M*
Fin de 1» Table.
L E
JOURNAL
SCAVANS,
5
FOUR
L'ANNEE M. DCC XXXlF.
MAY.
A PARIS,
Chez CHAUBERT, à l'entrée du Quay des
Auguftins, du côté du Pont Saint Michel, à la
Renommée & à la Prudence.
M. DCC. XX~XIV:
AVEC APPROBATION ET PRIVILEGE DU ROY,
LE
JOURNAL
DES
SCAVANS
MAY M. DCC. XXXIV.
HISTOIRE DES EMPIRES ET DES REPVBLIQVES,
depuis le Déluge jiifqtt'à J. C. ou l'on voit dans celle d'Egypte & d'Ajte la.
liaifon de VHifloire Sainte avec la Profane , & dans celle de la Grèce le
rapport de la Fable avec l'Hifloire. Origine de la Mythologie. Araos , My-
cenes & Lacèdimone. 1735. A Paris , chez Simart , rue S. Jacques , au
Dauphin -, Jean Rouan ; Bullot , rue de la Parchemincrie , & Jean Nul-
ly , Grand'Salle du Palais , ««-12. quatre Volumes , Tom. I. ou plû-
eôt féconde Partie du premier Tom. pp. ç 1 1. fans le Difcours Préli-
minaire Se la Table des matières } Tom. III. pp. 502. Tom. IV.pp.5z0.
May,
Kkij
*/« JOURNAL DES SÇAVANS;
CE fécond Volume commen-
ce par l'origine de la Mytho-
logie. Pour la découvrir , l'Auteur
remonte jufqu'au principe de l'Ido-
lâtrie & c'eft ainfi qu'il le rapporte.
» Les eaux que le Seigneur avoit
»> envoyées fur là terre , l'avoient
a» bien purifiée de fes criminels ;
-> niais elles lui lai lièrent avec leur
:> farïge empoifonnée le principe de
» fa corruption , funefte effet de
s»l'anathême qui avoit été pronon-
» ce contre elle dès le commence-
» ment. L'Univers ne fe repeupla
y que pour enfanter des pécheurs.
Noé même eut la douleur de voir
fes enfans paffer des plus grands
crimes jufqu'à l'oubli du vraiDieu,
» en forte que fi la Religion ne
s* nous obligeoit de croire que le
» Monde ne fût jamais fans quel-
»queAdorateur en qui fe confervât
» le précieux germe de la foi & du
s> vrai culte , on feroit tenté de dire
» qu'Abraham lui-même étoit cn-
» veloppé dans les ténèbres du Pa-
»ganifme quand le Seigneur l'ap-
=»pella du milieu des Chaldéens 4Z7
00 ans depuis le Déluge.
Mais parmi les defeendans de
Japhet , qui peuplèrent la Grèce ,
l'Italie , les Gaules 5c l'Efpagne ,
une famille entr'aiures fe diftingua
par fes injuftices , fa cruauté , fon
ambition & fes autres crimes :
étendue depuis l'Orient jufqu'au
couchant, fa puiflance la rendit
formidable ; les Chefs en furent re-
gardés comme des hommes ex-
traordinaires ; bien-tôt même on
parut oublier qu'ils avoient été
hommes , & tout au plus un fiécîe
après leur mort , la fu perdition
n'héfita pas d'en faire des Dieux.
On montre enfuite qu'il eft im-
poffible de rien dire de certain &
de fuivi fur ces Héros divinifés.
C'eft par cette raifon que l'Auteur
appelle tems inconnus ceux pendant
lefquels il paroît qu'ils ont vécu.
On ne peut tirer aucunes lumières
certaines des Poètes fur cette ma-
dère , les Philofophes ou autres Sa-
ges de Rome S: d'Athènes, quoique
récitant le même Jîmbole , ne faifoient
pas difficulté de fe déclarer leurs
contradicteurs.
Cependant la plupart des Fables
que les Poètes nous racontent de
leurs Dieux avoient quelque fon-
dement dans l'Hiftoire , quoiqu'il
foit très difficile de le découvrir ,
l'Auteur ne perd jamais l'occafion
de le taire toutes les fois qu'elle fe
prefente.
C'eft fur ce plan qu'il recherche
ce qu'étoit Jupiter , quels furent
£ts ancêtres , fes frères &c fes def-
eendans , parce que ce point une
fois éclairci , portera la lumière
dans toute l'Hiftoire Grecque.
C'eft principalement des premiers
Apologiftes de la Religion Chré-
tienne qui avoient puifé dans les
Hiftoriens Prophanes , dont les
Ecrits fubfiftoicnt encore dans les
premiers fiécles de l'Eglife qu'il
emprunte ce qu'il dit de Jupiter &
des aunes Dieux.
Il établir donc que des Gomc-
riens , furnommés depuis Cim-
briens ou Suques , fortit environ
MAY,
ioo ans avant la naiflance d'Abra-
ham , un homme illuftre nommé
Acmon qui vint à la tête d'une
puiffante Colonie s'établir vers le
Pont-Euxin. Comme l'Auteur fc
fert de l'autorité de Sanchoniathon
pour appuyer ce fait , il montre
dans une cfpece de Diflertation
qu'on trouvera à la fin de ce Traité
que le fragment de cet Auteur Phé-
nicien n'eft pas fuppofé comme
l'ont penfé M. Simon , les Pères de
Montfaucon & Calmet , mais que
le faux s'y trouve mêlé avec le vrai
& qu'en particulier le Sanchonia-
thon eft d'autant plus croyable fur
ce qu'il dit d'Acmon 3Urane, Sa-
turne Se Jupiter , que fon récit eft
confirmé par d'autres Hiftoriens.
Cet Acmon fe rendit célèbre
par fes conquêtes Se par fes rava-
ges , ce qui fit donner à fes peuples
le nom de Saques comme qui di-
roit voleurs ou brigans , Se l'Au-
teur prétend que c'eft-là même l'o-
rigine des mots de fac Se defacca-
ger s Se que c'eft delà encore qu'eft
venu le jeu des Echecs qu'on nom-
me en Latin Scacorum , ou Latinn-
culomm Ludus , le jeu des brigans ,
parce que les fujets d'Acmon le
jouoient , Se le regardoienr comme
une image de la guerre. M.Fréret,
dit-il , dans la DifTertation fur les
Saques ne les fait pas tout à fait
lî anciens, mais il en donne cepen-
dant à peu-près la même origine.
Acmon laiffa un fils nommé Ura-
nc , qui ne fe rendit pas moins fa-
meux que fon père. 11 étendit fa do-
mination jufque dans la Lybie Oc-
cidentale, Se les' peuples de ces
*7 34* aj-j
Contrées le reconnurent pour un
Dieu , mais Saturne le plus jeune
de fes enfans lui déclara la guerre ,
l'obligea de lui céder la Royauté;
Se triompha de fes autres frères ,
dont il envahit les Etats.
Ce fut fous fon règne , parmi
une infinité d'autres fictions que
l'Auteur rapporte , que les Poètes
placèrent l'âge d'or , ce qui ne con-
vient guéres ni à la peinture qu'ils
en font , ni à la conduite auliï
cruelle qu'injufte, que Saturne tint
avec fon père Se avec fes frères ,
mais il foûtient avec plufieurs Sça-
vans que les premiers Poètes ont
orné leurs fictions de tout ce qu'ils
avoient trouvé de beau & de tou-
chant dans les Livres de Moyfe, &
dans la tradition des Juifs , Se on
nous fait voir aflez au long le rap-
port que ce qu'ils racontent de Sa-
turne peut avoir avec ce que l'Ecri-
ture nous apprend de Noc.
Mais avant que de finir l'Hiftoi-
re de Saturne il nous donne l'Hi-
ftoire de deux de fes frères qui font
auffi fort connus. L'un eft Japet &
l'autre Promethée , Se c'eft-là que
l'Auteur montre bien que Pyrrha
Se Deucalion n'étoient pas regar-
dés comme les premiers des hom-
mes , quoiqu'il lui fût échappé de
les appeller ainfi dans le premier
Volume de fon Hiftoire.
Enfuite il paife à celle des trois
enfans de Saturne , Jupiter , Nep-
tune Se Pluton. Il fait voir que
toutes les intrigues d'amour qu'on
a attribué au premier , ne peuvent
être mifes fur le compte du fils de
Saturne.Dès qu'unRoi s' étoit acquis
ay4 JOURNAL DE
«quelque réputation dans le mon-
de , il fe faifoit appeller Jupiter,
Se Varron en comptoit plus de 300
qui avoient porté ce nom. D'ail-
leurs les anciens accoutumés à con-
fondre les tems , croyoient honorer
ïeurs Héros en leur donnant ce
nom célèbre , quoiqu'ils fuffent
fort antérieurs au Jupiter Olym-
pien. C'eft ainfi que les Babylo-
niens nommèrent Jupiter leur Bé-
lus qui eft Nembrod , &: que les
Egyptiens en ufoient à l'égard de
Cham connu fous le nom de Jupi-
ter Annnon.
Le rils de Saturne eut en partage
l'Afie Mineure , la Grèce , les Gau-
les , &: l' ï fie de Crète qu'il fe reler-
va comme le lieu dé Fa naiffance &C
de fon éducation ; Neptune eut la
Mer, les lflcs & les Pays Maritimes,
&c Pluton les Pays Occidentaux ,
comme l'Efpagne & l'Afrique Oc-
cidentale. Les Mines dont ce Pays
abonde & fa (uuation baffe par rap-
port à la Grèce , engagèrent les
Poètes à placer le Royaume de Plu-
ton dans le centre de la terre , & à
le regarder comme le Dieu de l'En-
fer. A cette occafion en nous don-
ne une defeription allez étendue
de l'Enfer des Poètes , mais fans
rien ajouter à ce qu'Homère &
Virgile nous en ont appris.
Il eft impolliblc de fuivre notre
Auteur dans ce qu'il raconte des
autres Dtvinitez de la Fable , fur
chacunes defquelles il donne un ar-
ticle féparé. Il ne fe propofe pas ce-
pendant d'approfondir cette ma-
tière ; fon but eft de n'en dire que
se qui eft neceflaire pour l'intelli-
S SÇAVANS,
gence des anciens Auteurs tant Sa-
crés que Prophanes , & pour faire
fentir la liaifon de la Fable avec
l'Hiftoire. C'eft ainfi qu'il s'enex-
plique lui-même. » Quand je com-
» mence à parler des enfans de Ju-
»piter, ma penfée n'eft pas d'en-
» trer ici dans un long détail. L'in-
» continence exceffive de ce Prin-
»ce, celle de tant d'autres , & de
»fes Prêtres, quiabuferent tous de
*> fon nom , pour cacher , comme il
m le dit ailleurs , leurs crimes fous
» un voile refpecls.ble au peuple , me
»jetteroient dans cet immenfe la-
nbirinthe qui compofe tout le
» merveilleux delà Mythologie. Il
fe contente donc de propofer fes
doutes fur Apollon , fes incertitudes
fur Vénus & fur Mars , & fur quel-
ques autres Divinitez Subalternes
qui font les plus connues.
Ainfi des tems inconnus qui finif-
fent vers les commencemens de la
vie de Jacob , il palTe à ceux qu'on
appelle/࣫/f«.v , j> parce que juf-
» qu'au lïécle où la fameufe Troyc
» périt par la Ligue des Grecs , la
» Fable a extrêmement enchéri , ou
» défiguré la vérité de l'Hiftoire
» pour y mêler le merveilleux &
» les fictions. « Il efpere néanmoins
de ramener tout à la (Implicite des
faits , & de rendre à ces grands Hé-
ros l'honneur qui leur eft dû en fau-
vant la vérité du menfonge. Il faut
donc , ajoute - 1 - il , appeller les 4
ou 5 fiéclcs fuivans , tems héroïques ,
comme l'a remarqué Scaliger.
Apres la mort de Jupiter & de
Mercure , la famille de Saturne
manquant d'héritiers en ligue die
MAY,
fecte , l'Univers fut long - tems
dans une efpecc d'Anarchie. Parmi
ceux qui afpirerent enfuite à la Sou-
veraineté , Inachus eft regardé
comme le premier & comme le
Fondateur du Royaume d'Argos,
dont notre Auteur commence ici
l'Hiftoire. Ce Prince établit fon
Empire fur les côtes du Péloponnè-
se qui font au-deflous de Corinthe.
Il eut deux enfans de Mélifla fa
fceur. Le premier lui fucceda clans
le Royaume d'Argos , qui fut ainfi
appelle du nom d'Argus petit fils
de Phoronée , car auparavant ce
Pays fe nommoit Elide ou Inachie.
Le fécond fils d'Inachus fut Roi de
Sicyone dans l'Achaïe. De leurs
tems arriva le fameux Déluge d'O-
gygés , le premier de ceux dont
les Traditions Grecques falfent
mention. Ce ne fut , à ce qu'on
prétend , qu'une inondation de la
Boëtie , Se de l'Attique , caufée
par le débordement du Lac Copaïs
dont les écoulemens fe trouvèrent
bouchés.
On trouve ici la fuite des Rois
d'Argos d'après Eufébe & le Sin-
celle , comme étant defeendus
d'Inachus, ils furent nommés Ina-
chides , jufqu'à Danaiis qui l'an du
monde 1 5 10. ufurpa la Souveraine-
té fur Gélanor. Danaiis étoit Egyp-
tien , mais notre Auteur prétend
que c'eft fauflemeiit que plufieurs
Auteurs difent qu'il étoit frère du
fameux Séfoftris. Il rapporte enfui-
te l'Hiftoire des Danaïdes , celle
de Bellerophon & de la Chimère ,
de Danaé , de Perfée , de Médufe ,
4es Gorgones , &c .
17 5 4- ISS
Il remarque que depuis Mé^a-
pente Roi de Tyrinthe qui devint
Roi d'Argos par l'échange qu'il fit
de fon Royaume contre Perfée, on
n'entend plus rien à la fuite des
Rois d'Argos , les Etats qui le
compofoient ayant été partagés en
trois par Anaxagore fils de Méga-
pente -, ce Royaume fut réduit à fi
peu de chofes qu'il ne mérita plus
l'attention des Ecrivains pofte-
rieurs. Orefte fils d'Agamemnon
s'en empara Se le mit fous la puif-
fance des Rois de Mycénes , dont
il ne fe releva jamais , il avoit duré
690 ans,
L'Auteur entre dans l'Hiftoire du
Royaume de Mycénes , par celle
de fon origine. Perfée par l'échange
qu'il avoit fait avec Mégapente
devoit naturellement s'établir à
Tyrinthe , mais cette Ville ne lui
ayant pas plû , il en bâtit une au-
tre à qui il donna le nom de Mycé-
nes pour une raifon qu'on verra
dans l'Ouvrage même ; nous y ren-
voyons encore pour tout ce qui re-
garde les expéditions de Perfée, les
merveilles dont la Fable les a em-
bellies , les Travaux d'Hercule , le
voyage des Argonautes qu'il place
l'an du monde 1277. la guerre de
Troyc , &c. H avertit en même
tems que comme fon defiein eft de
ramener tout à l'Hiftoire , il omet
dans celle des Argonautes plufieurs
circonftances qui ne peuvent s'ac-
corder avec la Chronologie. Le
Royaume de Mycénes finit fous le
règne deTitaméne fils d'Orefte : ce
dernier mourut , feJon l'Auteur
cnArménie de la piqueure d'un Ser-
a$6 JOURNALD
pent à l'âge de 70 ans Se la neuviè-
me année de fon regne.Ce qu'il n'en;
pas aifé de concilier avec ce qu'il
dit plus bas dans l'Hiftoire de La-
cédémone , que ce Prince mourut
dans la 90e année de fon âge après
en avoir régné 70.
Quoiqu'il en foit , les Héracli-
des , ou defeendans d'Héracle , qui
avoient de légitimes prétentions
fur le Péloponnéfe y entrèrent à
main armée , s'en rendirent entiè-
rement les maîtres , & y changè-
rent le gouvernement. Ils s'établi-
rent les uns à Argos , les autres à
Mycénes Se à Corinthe i leur fa-
mille s'y foûtint pendant quelques
fiécles ; quoiqu'on n'ait aucune
fuite exacte des Princes qui y ré-
gnèrent. Ariltodéme fut le feul
dont la pofrerité fe foit conftam-
ment foûtenue à Sparte , qui lui
échût en partage.
Après avoir parlé en peu de mots
du Royaume de Sicyone qui n'eft
diftingué que par fon antiquité, Se
dont les Rois font peu connus , &
n'ont d'ailleurs rien fait d'interef-
fant; il vient à l'Hiftoire de Lacé-
démone qu'il divife en trois Livres,
Se qui lui ouvre un vafte champ.
Ce Royaume dura plus de 900 ans,
c'eft-à-dire jufqu'à l'an 119. avant
J. C. qu'il tomba en la puiiTance
des Romains.
Le mépris que les Lacédémo-
niens faifoient des Sciences eft cau-
fc qu'ayant peu d'Hiftoriens , les
commencemens de leur Etat font
suffi fort obfcurs ; il nous feroit
même entièrement inconnu , fi
Paufanias , dans un voyage qu'il
ES SÇAVANS;
fit exprès en Laconie pour s'en in-
ftruire , ne nous en avoit tranfmis
quelques particularitez qu'il y ap-
prit , Se dont l'Auteur nous fait
part.
On compte neuf Rois depuis
Lelex qui en fut le premier jufqu'à
Orcfte, maison ne voit nulle part
ni la durée totale de leurs règnes
ni combien ils renferment d'années
chacun en leur particulier. Cepen-
dant par différentes circonftances
qu'on lira dans l'Auteur , on fçait
que Lelex commença à régner à La-
cédémone environ l'an 1 500. avant
J. C. ce qui fait voir , dit-il , com-
bien fe font trompés tous les Chro-
nologiftes qui pour s'être copiés les
uns les autres , fans autre examen ,
ont placé l'Ere de Lelex en 141 6.
un fiécle plus tard qu'elle n'eft dans
la vérité.
Mylés fils de Lélex n'ayant qu'u-
ne fille nommée Sparte , la maria à
Lacédémon , ce Prince ayant fuc-
cede à Lelex donna fon nom à la
Province , Se par tendreffe pour fa
femme , il fit bâtir une Ville qu'il
nomma Sparte i du nom de Lacé-
démon fe forma celui de Lacédé-
moniens pourfignifier leshabitans
de la Province, comme celui de
Spartiates qui ne fe donnoit pro-
prement qu'aux Citoyens de la
Ville Capitale vint de Sparte. C'eft
de leur famille Se à peu-près dans le
même tems que font fortis Hya-
cinthe , dont les Jeux Funèbres de-
vinrent par la fuite une des plus
grandes Fêtes des Lacédémoniens ,
Se le célèbre Efculape dont les Poè-
tes firent un Dieu. A cette occa-
fion
MAY
fîon l'Auteur , apparemment pour
délaffer l'efprit de fon Le&eur ,
rapporte aller au long l'impofture
d'un certain Alexandre de Paph-
iyonio , qui après avoir apprivoifé
un Serpe&t , trouva moyen de faire
croire au peuple que c'étoit Efcula-
pe même qui venoit le vifiter. Il a
tiré ce récit de Lucien.
Il revient après cela à l'Hiftoire
de ce qu'il y a , foit de vrai , foit de
fabuleux dans la fuite des Rois de
Lacédémone jufqu'à Ariftodéme
dont nous avons parlé ci-deiïïis , &
il place la fameufe révolution qui
enleva le Péloponnéfe à la famille
de Pélops pour le mettre entre les
mains des Héraclides 80 ans après
la prife de Troye , 1 ï 19 ans avant
J. C. 1875 depuis la création du
monde. Le Peuple de Dieu étoit
pour lors fous le gouvernement du
grand Prêtre Héli, environ 15 ans
j.vant l'élection de Samuel.
Cependant quoiqu'on fçache fi
politivement l'époque du règne
d'Ariftodéme , rien n'eu: plus obf-
cur que la fuite des Rois qui lui
ont fuccedé , pendant plus de trois
fiécles. Thucidide , dit l'Auteur ,
femble exeufer le filencedesHifto-
riens furie peud'évenemens que la
vie de ces Princes a dû fournir.
Concentrant leur ambition dans
leurs propres Etats , ils n'ont rien
fait de remarquable au dehors , &
l'on fçait , ajoûte-t il , que l'Hiftoi-
re ancienne ne fe charge commu-
nément que des guerres &c des ré-
volutions.
Ariftodéme eut deux enfansju-
maux , l'un nommé Eujryfthéncs _;
May.
; i 7 î 4« 257
& l'autre Proclez. Ils régnèrent
conjointement fur les Etats de leur
père. Les peuples furent fi contens
de leur gouvernement qs'ils vou-
lurent que le Sceptre fe perpétuât
dans leurs familles. Ainfi ils eurent
toujours deux Rois , l'un de la fa-
mille des Agides , ainfi nommés à
caufe d'Agis fils d'Euryfthéne , Se
l'autre de la famille des E uryponti-
des , du nom d'Eurypont petit fils
de Proclez. Pour mettre le Lec-
teur en état de diftinguer plus aife-
ment les Rois fortis de ces deux
différentes branches , on obferve
de mettre les noms de ceux de la.
première au commencement de la
ligne , lk ceux de la féconde au
milieu.
L'événement le plus conûdera-
ble du règne d'Agis, comme on le
voit dans le Livre fécond , fut la
réduction des Ilotes. Ces peuples
qui habitoient la Ville d'Hélos ,
ayant refufé de payer le tribut
qu'Agis avoir impofé fur les Tribus
qui lui étoient échues en partage ,
ce Prince força leur Ville , les fit
tranfporter pour la plus grande
partie à Sparte , où ils furent diftri-
buésà titre d'efclaves qui ne pour-
roient jamais fe racheter, & qu'il
feroit défendu de vendre hors du
Royaume ; depuis ce tems - là les
Lacédémoniens fe firent un princi-
pe de politique de les traiter tou-
jours avec la dernière inhumanité.
Les SucceiTeurs d'Agis jufqu'à Ly-
curgue font peu célèbres dans l'Hi-
ftoire i lorfque ce dernier parvint
à la Couronne l'an 928. avant J. C.
il trouva l'Etat dans le trouble Se
LI
&s% JOURNALD
dans la confufion. Mais » lapru-
»dence & la fageffe de cet habile
» Législateur firent totalement
» changer de face au Royaume de
» Lacédémone , il fçut relever les
»Rois de cet état d'aviliffemenr
«dans lequel ils s'étoient jettes
«d'eux-mêmes ; tempérer néan-
»> moins leur puifTance par l'autori-
a> té d'un Sénat Souverain & re-
sodoutable , rendre les peuples
s> heureux par des voyes qui fem-
m bloient devoir le ruiner ; former
»unc puiflante Republique qui
» fut la terreur de toutes les autres,
s> & du formidable Royaume des
s* Perfes , enfin dont les Loix & la
» Police devinrent après fa de-
» ffruction même , l'étonnement 6c
al'admiracion de tous les peuples.
» Néanmoins ce ne fut point du-
rant fon règne qu'il exécuta ce
»> grand Ouvrage. Le terme en fut
»trop court , & le projet n'en étoit
»> peut-être pas encore formé.
L'Auteur expofe ces Loix , & il
obferve en même tems que l'expé-
rience & les circonstances des tems
obligèrent les premiers Officiers de
la Republique d'y faire quelques
changemens , l'honneur dont on
étoit en poiTeflion d'avoir des Rois
qui dcfcendilTent d'Hercule , fit
établir pour maxime inviolable
qu'on n'en reconnoîtroit jamais
d'une autre famille , & de peur
qu'on n'y fût trompé par l'infidé-
lité des Reines, elles furent établies
fam lagarde & vigilance des Epho-
rts. Quoique l'Auteur raconte cet
ïtfage de manière à faire croire que:
Lycurguc ca fûti' Auteur , il dit
ES SÇAVANS;
plus bas que les anciens ne font
point d'accord entr'eux fur l'origi-
ne des Ephores , qm étoïent fembla-
bles à des Infpelleurs ou Controlleurs
Généraux , ou même aux Tribuns du
peuple parmi les Romains. Hérodote
& Xénophon les attribuent à Ly-
curgue ; mais ils font , dit -il, les
feuls de leur fentiment. Le com-
mun des Auteurs en rapporte l'éta-
bliflement au Roi Théopompe 130
ans après. Le tems auquel Lycur-
gue donna fes Loix eft encore , fé-
lon lui, une énigme plus embarraf-
fante. On pourroit fur ce point
compter facilement 20 opinions
toutes évidemment famTes , ou
contradictoires à certains faits , 8c
peut être feroit-il plusfage d'imiter
le P. Petau qui dans une fi grande
diverfité de fentimens a cru devoir
ne prendre aucun parti. Cependant
il croit qu'on peut fixer à peu-près
ce tems , & par plufieurs raifons
qu'il apporte , il lui paroîtque les-
Loix de Lycurgue furent portées
en 854.
Depuis ce tems les Lacédémo-
niens devinrent fi paffionnés pour
la gloire de leur Patrie que le cou-
rage & la confiance que cet amour
leur infpiroit , les rendit Supérieurs
à tous leurs ennemis , on en verra
fur-tout des exemples dans la guer-
re qu'Us eurent à fôûtenir contre
lesMeffénieus. L'Auteur en racon-
tant les trois batailles qui rendi-
rent cette guerre célèbre , décrit
fort au long le fécond combat qui
fe donm entre Tluopompe Roi
des Lacédemoniens -, & Luphaès
Roi des Mefléniens ; comme cette
MAY,
action cft regardée , félon le témoi-
gnage de M. le Chevalier Follard
dans fa Diflertation fur. cette guer-
re , &C pafle pour une des plus cé-
lèbres de l'Antiquité ., on a cru
qu'on en verroit avec plaiiir les
principales circonstances.
Le troisième Livre offre encore
des évenemens plus confiderables.
On y voit les Lacédémoniens
triompher non feulement des ef-
forts de leurs voidns , mais encore
de route la pui (Tance des Rois de
Perfe. La guerre du Péloponnéfe
termine ce dernier Livre. L'Auteur
en développe les caufes , le progrès
& les fuites , mais feulement au-
tant qu'elles ont quelque rapport à
ce qui regarde l'Hiftoire de Lacé-
démone ; il fe referve d'en détail-
ler plus exactement les circonfhn-
ces lorfqu'il traitera de la Republi-
que d'Athènes en particulier. Cette
guerre dura 27 ans & finit par la
ruine des Athéniens. Leur flotte
ayant été furprife par l'habileté de
LyfaFtdre à la bataille d'Egofpota-
mos , fut entièrement détruite , &c
cette perte les jetta dans un épuife-
ment dont ils ne fe relevèrent ja-
mais. Nous allons rapporter la def-
cription de ce combat , afin de
1 7 î 4- 25*
donner un échantillon du ftile
de l'Auteur. » Conçu fut le
» premier qui apperçut i'enne»
» mi. Aufli-tôt il lait fonner l'allar-
» me pour rappelier fes troupes. Il
» fe donne un mouvement infini '
» appelle, crie de toute fa force;
» anime les uns& contraint lesau-
» très de remonter dans leurs vaif-
» féaux. Mais toutes fes peines dc-
» vinrent prefque inutiles. PIu-
» ficurs étoient trop éloignés pour
» l'entendre , quelques - uns dor-
» moient déjà , ou foupoient tran-
joquillement dans leurs tentes "
m d'autres étoient allés chercher des
» vivres ; en forte qu'il ne put
"trouver que huit ou neuf Galères
» pour oppofer à l'ennemi. Lyfan-
» dre n'eut pas de peine à les forcer,
» & Conon fut le feul qui ne fe
jslaiffa pas invertir. Alors les Lacé-
» démoniens s'emparèrent de tous
« les vaifTeaux qui étoient dans le
» Port ; puis ils vinrent fondre fur
» les Soldats difperfés en firent un
j» carnage horrible & en emmène-
ra rent 3000 prifonniers
Nous donnerons dans le Journal
fuivant l'Extrait du troifiéme Vo-
lume qui contient l'Hiftoire de
Thébes Se d'Athènes.
«*o JOURNAL DES "SÇAVANS;
HISTOIRE DE L'EMPIRE DES CHERIFS EN AFRIQVE ,
fa Defcription Géographique & Hiftoriejue ; la Relation de la prife d'O-
'ran , par Philippe V. Roi d'Efpagm , avec l'abrégé de la Vie de M. de
Sainte-Croix , ci- devant Ambaffideur en France , & Gouverneur d'Oran
depuis la prife de cette 'riUe ; Ornée d'un plan très-exatl de la Ville d'O-
ran & d'une Carte de l' Empire des Cherifs. Par M. ***. A Paris , chez
Prault père , Quai de Gcvres , au Paradis- 173 3. vol. in- 1 1. pages 346.
pour l'Hiftoire de l'Empire des Cherifs , & p. 161. pour la Defcription
Géographique.
AVANT que de donner
l'Extrait de cette Hifloire de
l'Empire des CheriisJ nous croyons
à propos de donner celui de la
Defcription Géographique 5c Hi-
ftoriquc annoncée dans le fécond
article du titre.
Il eft naturel quand on veut fça-
voir l'Hiftoire d'un Etat, de com-
mencer par en connoître les diffe-
ïens Pays.
L'Empire des Cherifs comprend
trois Royaumes , fçavoir, celui de
Maroc , celui de Fez , & celui de
Tremecen. Le Royaume de Fez
étoit anciennement le plus puilTant
de l'Afrique, mais ayant été fou-
rnis aux Cherifs , le Royaume de
Maroc qui dépendoit en quelque
forte de celui-là , devint bientôt
fon égal, & enfuite le furpafla tant
par le nombre de fes habitans,que
par l'étendue de l'on commerce.
Ce Royaume de Maroc compo-
fe la première partie de la Maurita-
nie Tingitane & confifte en fept
Provinces , qui font Hea , Suz ,
Géfula, Maroc, Duquéla, Efcura
®u Efcure & Tedla.
Le Royaume de Fez forme la fé-
conde parue de la Mauiitanie Tin-
gitane qui regarde l'Orient , & iî
eft féparé de la première par la fa-
meufe rivière d'Ommirabi. Il a au
Levant , la rivière de Melvia , &
au Septentrion , le détroit de Gi-
braltar i il eft borné au Midi par
les Montagnes du Mont Atlas. Ce
Royaume , comme celui de Ma-
roc , contient fept Provinces dont
la première eft celle de Témécen -,
la féconde , celle de Fez; la troifié-
me , celle d'Afgar-, la quatrième „
celle d'Habat >-la cinquième, celle
d'Errif -, la fixiéme , celle deGua-
ret ; & la feptiéme , celle de Cuzi.
Le Royaume de Tremecen eft
dans la Mauritanie Céfarienne. Les
rivières de Ziz & de Muluye , le
féparent au Couchant , d'avec le
Royaume de Fez ; la Province
d'Afrique la borne au Levant } &
les deferts de la Numidie, au Midi.
Il eft divifé en quatre Provinces ;
la première eft celle de Tremecen j
la féconde , de Tenez ; la troifiéme,,
d'Alger ; & la dernière de Bugie ,
que les Rois de Tunis ont difputée
long-tems à ceux de Fez , & que
quelques Géographes mettent en-
core au nombre des Provinces du
Royaume de Tunis.
MAY
Toutes ces Provinces renferment
tin nombre coniîdcrable de Villes ,
dont notre Hiftorien fait un détail
cxacT: Se curieux , tant pour la Géo-
graphie que pour l'Hiltoire. Nous
nous attacherons feulement à quel-
ques particularités que nous rap-
procherons les unes des autres ,
•comme (î elles étoient ainfi rangées
dans le Livre , Se nous aurons foin
outre cela , d'en abréger le récit ,
pour ne pas donner trop d'étendue
à notre Extrait , qui nonobftant
cette précaution , ne laiflera peut-
être pas d'en avoir encore allez.
Mais nous efperons que la variété
des matières pourra empêcher
qu'on ne s'apperçoive de cette lon-
gueur.
Les habitans de h Province
-d'Hea , qui , comme nous l'avons
lemarqué , eft une des fept Provin-
ces du Royaume de Maroc , font
gens greffiers & fauvages qui ne
connoiftent ni politelfe ni juftice.
On les voit errer comme des bêtes
féroces fur les rochers Se dans les
plaines. Aucun d'eux ne fçait lire ,
Se quoiqu'ils fe difent Mahomé-
tans, ils ne font nullement inftruits
de cette Religion. Ilscroyent aveu-
glement tout ce que leur difent les
Alfaquis , efpecc de Prêtres fort
ignorans & d'autant plus refpectés
qu'il n'y a dans la Province aucune
perfonne en état de connoître leur
ignorance. Les femmes du Pays
font belles Se fort portées au plai-
iîr. Elles ont pour habillemens des
Hatcjues t cfpeces de Mantes fem-
blables aux veftes des Turcs Si des
Maures- Leurs bras font toujours
i 175 4* fitfr
garnis de gros anneaux d'argent
ou de fer, elles en mètrent même
lur la cheville du pied , Se on ne
diftingue les femmes de condition
d'avec les autres que par le nombre
de ces anneaux. La manière de vi-
vre des hommes les rend forts Se
robuftes. Ils couchent fur des nat-
tes ; Se les plus riches fur des mate-
lats très-minces. Ils fe nourriiTent
d'une mauvaife pâte d'orge mal
cuite , Se qu'ils humeelent de beur-
re Se de miel.
Les jours deftinés à quelques ré-
joiïiflances , ils tuent des poules
qu'ils font cuire avec une grande
quantité d'œufs Se qu'ils fervent
dans des terrines. C'eft alors un re-
pas de cérémonie. Les hommes 3c
les femmes qui y affilient s'alTéyent
par terre Se mettent au milieu
d'eux la terrine où eft le mets , cha-
cun en tire un morceau de la main
droite Se le porte à la bouche avec
la même main , car c'eft un crime
pour un Mahométan , de prendre
aucune nourriture avec la main
gauche. Us ne fe fervent ni de
fourchettes ni d'affiettes , Si ils s'ef-
fuyent les mains en les frottant l'u-
ne contre l'autre , de peur de falir
leur linge. Au refte , quand ce lin-
ge eft fale ils le blanchiiïent avec
une herbe nommée Gazul qui leur
fert de favon.
La Ville de Tedneft eft la Capi-
tale de la Province d'Héa -, on ne
voit dans cette Ville aucune Hôtel-
lerie. Mais un étranger qui n'y eon-
noît perfonne , va d'abord trouver
celui qui y rient la place de Maire,
& ceMagiftratle loge chez unikbe
nés JOURNAL D
Bourgeois qui eft obligé de le
nourrir , & qui s'en fait même un
plaifir : l'hofpitalité eft tellement
regardée dans cette Ville, comme
une vertu, que l'habitant qui reçoit
chez lui l'étranger , fe tiendrait of-
fenfé G cet étranger reconnoiflant
lui offroit quelque recompenfe : ce
trait met une grande exception à ce
que l'Hiftorien vient d'avancer
plus haut , en difant que dans la
Province d'Hea on ne connoît nul-
le politefle.
Hadequis autre Ville de cette
Province fe diftingue par la beauté
des Dames qu'on y voit. Elles y at-
tirent par cette beauté un fi grand
nombre d'étrangers , que la Ville
n'eftprefque peuplée que d'Amans
qui y font de grandes dépenfes , &
qui la rendent par là une des plus
riches de la Provinae.
La Ville de l'Eufugaguen n'eft
pas éloignée de là , mais fes habi-
tans ne rciTemblent en rien à ceux
d'Hadeguis -, ils font traitres &
cruels : leur point d'honneur eft
de fe vanger .d'un ennemi. Ils
.racontent hardiment & impuné-
ment leurs afTafllnats : un habitant
d'Eufugagucn qui n'a pas afl~a(Tîné
dix ou douze de fes Compatriotes,
eft regardé comme un lâche.
Les Citoyens de la Ville d'Eitde-
vet , qui eft encore de la Province
d'Héa , fe difent defeendans de la
Tribu de Juda. Cette Ville eft
remplie d'Avocats , de Procureurs,
de Notaires , & de Juges -, tous les
Peuples y acourent pour terminer
leurs differens ; les gens de lettres y
font fort refpc&és , & ils neparoif-
E S SÇAVANS,
fent en public que fur de beaux
chevaux qu'ils font venir des lieux
voifins.
La Province de Sus , qui eft 1»
féconde du Royaume de Maroc ,
renferme au nombre de fes Villes ,
celle de Mefta , partagée en trois
grands quartiers qui forment com-
me trois Villes féparées l'une de
l'autre par une diftance d'un quart
de li^uéi les anciens habitans du
Pays ont élevé fur le bord de la
mer , un grand Temple dont la
charpente eft compoféc de côtes
de baleines. Le Peuple croit que ce
fut en cet endroit que le Monftre
Marin rejetta Jonas , & il prétend
que depuis ce tems-là toutes les
baleines que le vent jette vis à vis
le Temple , meurent fur le champ.
La première Ville de la Province
de Maroc eft celle de Maroc. Elle
a donné fon nom à la Province ,
laquelle s'appelloit autrefois Boca-
no-Emero. Cette Ville eft la plus
belle & la plus célèbre de toute
l'Afrique , tant pour fa fituation
avantageufe que pour le grand
nombre, & pour la magnificence
de fes bâtimens. On croit qu'elle
fut bâtie par Abu-Tcchificn , pre-
mier Roi de la race des Almoravi-
des , 6c que fon fils Jofeph victo-
rieux de toutes les forces d'Efpa-
gne , employa à la perfection de la
Ville commencée par fon père ,
trente mille prifonniers qu'il avoic
gagnés fur les ennemis. On voit
hors de la Ville de Maroc fur un
ancien Sépulchre , une grande pier-
re d'albâtre , de la hauteur d'un
homme , fur laquelle eft écrite en
MAY
caractères Arabes, l'Epitaphc fui-
vante :
Ci gît Aly fils d'Atia , q ni com-
mandai cent mille hommes , eus dix
mille chevaux , & fis creufer cent &
un puits en un jour four les abreuver.
J'époufai trois cens filles , fusfidelle ,
viÙorieux , & l'un des vingt-quatre
Généraux de Jacob -Almanfor. Je
finis mes jours à quarante ans. Qui
lira cette épitaphe , prie Dieu qu'il
me pardonne,
Notre Hiftorien parle ici des Edi-
fices fomptueux qui diftinguent
!a Ville de Maroc des autres Villes
de l'Afrique , & il commence par
le Palais du Roi. Ce Palais eft d'u-
ne grandeur immenfe , parce que
ie Roi y a joint le Palais du Gêné -
raliffime de fes armées, ôdeCollége
des fils de Rois & des grands Sei-
gneurs ; les portes en font de cèdre
marquetées d'y voire, & enrichies
d'or & de couleurs fi bien mêlées,
qu'elles ont confervé tout leur
éclat. Dans l'enceinte eft le loge-
ment des Gardes, en forte que le
Palais du Roi de Maroc eft le plus
beau cv le plus fpacieux bâtiment
de l'Afrique. Il eftentourré de fu-
perbes Edifices , & on ne voit dans
fon intérieur que bains magnifi-
ques , qu'appartemens richement
meublés , & des Jardins qui ne
cèdent en rien aux plus beaux Jar-
dins de l'Europe.
Les hahitans de Maroc font en-
nemis jurés des Chrétiens, ils font
fiers cV fe piquent d'une grande
bravoure.
Les habitans de li Province
de Jefuh ont confervé l'ancien
; » 7 3 4« ; z€%
nom de Gétules , & notre Hi-
ftorien dit qu'ils fe vantent avec
raifon d'être les premiers peuples
de l'Afrique. On ne connoît dans
ce Pays-là ni potence ni roiie : oft y
fait mourir les coupables à coups
de lances , & on jette leurs corps
aux chiens. Tous les Marchands
qui viennent aux foires , quoiqu'ils
y foient quelquefois au nombre
de dix mille , font nourris aux dé-
pens du public pendant tout le
tems qu'elles durent. La plus gran-
de de ces foires eft celle qui com-
mence au jour qu'on célèbre la
naiffance de Mahomet,
Les peuples dont il s'agit font
les premiers de l'Afrique qui ayent
trouvé le fecret de fondre le fer, &
d'en faire des boulets de canon.
La Ville de Fez, comme nous
l'avons remarqué , eft compoféede
trois Villes : on voit dans ces trois
Villes , les plus beaux Edifices de
toute l'Afrique : elles fontl'azile
des Sciences 5c des Arts , & pour
peu qu'on y féjourne , on y perd ,
dit notre Auteur' , la mauvaife
opinion qu'on a des Mahométans
au fujet de la Science.
Il y a dans Fez plufieurs Magi-
ftrats , le Prévôt des Marchands
tient le premier rang parmi eux. Il
y a aulîi un Gouverneur fous le-
quel un Cadis rend la juftice. Si un
Criminel condamné à mort , eft n> ■
turier , il eft conduit dans les prin-
cipales rués de la Ville les mains
liées derrière le dos ; arrivé au lieu
où il doit être exécuté , il fait à"
haute voix, une défciiption du fu*
p.lice qu'il va fou rTrir, fis crie et»--
&6i JOURNAL D
fuite : voilà ce qu'a mérité celui qui
a commis tel crime.
Après qu'il aainfi crié , l'Exccu-
Êeur le pend par les pieds , Se lui
coupe la gorge. A l'égard d'un
homme de Condition , on l'égorgé
avant que de le faire paroître en
public , S: l'Exécuteur public lui-
même le crime du coupable. Quand
un homme en a aflaffiné un autre f
on le conduit au plus proebe pa-
rent du mort , & ce parent en ufe
comme il lui plaît envers le cou-
pable. Il le condamne à mort s'il
veut , ou lui rend la vie moyen-
nant une grofle fomme d'argent.
Mais fi l'accufé nie le crime , on
lui fait donner des coups de fouet
par tout le corps , excepté fur les
flancs & fur Teftomac , parce que
les Bourreaux appliquent ces coups
avec tant de force que d'ordinaire
le patient tombe mort du fécond
coup. S'il refifte à cette épreuve , il
cft déclaré innocent ; mais s'il n'eft
pas artez riche pour payer alors une
certaine fomme au Cadis , le Cadis
lui fait donner d'autres coups pour
fon droit & pour celui de fon
Greffier. A l'égard de la Juftice
Spirituelle , on ne prend aucune
rétribution.
La garde du Roi de Fez. eft cotn-
pofée d'environ deux mille quatre
cens chevaux , & de deux mille
hommes. Il a outre ces Troupes ,
un Efcadron tout compofé de Gen-
tilshommes -, les chevaux de ces
Gentilshommes font toujours ri-
chement enharnachés : les mords ,
les étriers & les éperons font dorési
la tétiere eft d'or pur , leurs Telles
ES SÇAVANS,
font la plupart enrichies d'or & de
perles. Prefque tous les hommes de
Fez font habillés de velours , de
damas , de fatin , ou de taffetas , de
différentes couleurs. Ils portent
deux baudriers garnis d'or & d'ar-
gent. A l'un de ces baudriers pend
une riche épée , & à l'autre une
boëte pleine de Livres d'Oraifons ,
ils prétendent que ces Livres d'O-
raifons contribuent à les préferyeï
de dangers.
Le Roi eft héritier de tous les
Gouverneurs Se de tous les gens
de guerre de fes Etats , &c lorfqu'il
voit un Marchand qui s'eft enrichi
dans le commerce , il ne manque
point de lui donner quelque em-
ploi de Gouverneur , ou autre fem-
blable , pour pouvoir hériter de
fes grands biens. Après la mort des
Officiers dont il hérite , les Dome-
ftiques de ces Officiers empioyent
ordinairement toute leur adreffe
pour cacher les richeftes de leurs
maîtres ; mais un grand nombre
d'efpions que le Roi entretient
rendent la plupart de ces précau-
tions inutiles ; ces mêmes eipions
fervent aufll à découvrir les Caba-
leurs & les rebelles,&quand ils ont
dénoncé quelqu'un comme tel ,
le Roi lui fait couper la tête fur la
moindre aceufation } mais ces Dé-
nonciateurs rifquent beaucoup de
leur côté , car s'ils viennent a être
convaincus de Calomnie , ils font
punis de mort.
Les Couronnes d'Afrique ne
partent point de la tête du père fur
celle de fon fils aîné. Les Grands
du Royaume choifiiîcnt, après la
more
M A
mort du Roi , celui des Princes du
Sang qu'ils croyent leur convenir
davantage , & les enfans du Roi
vivent fouvent en perfonnes pri-
vées , à moins que le Roi leur perc
n'ait eu la précaution pendant fa
vie , de les revêtir des grandes
Charges de l'Etat. La première de
toutes eft celle de Vizir ; mais le
Vizir ne commande que la troifié-
me partie de la Cavalerie , ce qui
borne beaucoup l'autorité de cette
Charge , qui indépendamment de
cela ne laide pas d'être très-vafte.La
féconde eft celle de Secrétaire d'E-
tat, qui exerce à la fois les fondions
dcSurintendant Se deGrandMaître;
la troifiéme eft celle de Lieutenant
du grand Vizir. Après ces premiers
Officiers , font les Intendans de
Province , qui vont rendre la ju-
ftice aux Arabes & aux Bérebéres.Il
yaauffi un Chancelier dépofitaire
des Sceaux , Se pluficurs autres Ma-
giftrats pour la Police. Quand l'ar-
mée marche , elle eft précédée d'un
grand nombre de Timbaliers bien
montés ; ils ne portent qu'une
Timbale chacun -, le fon de cette
Timbale eft fi horrible qu'il glace
les fens de ceux qui n'y font pas
accoutumés. Les Maures préten-
dent par-là faire trembler leurs en-
nemis. Ils ont aulïi des Trompettes
Si des Clairons, mais dont le bruit,
quoiqu'effrayant , l'eft beaucoup
moins que celui des Timbales.
Il y a dans la Province de Fez ,
plufieurs montagnes que notre Au-
teur décrit , celle de Zathon ou
Zarahanun en eft une des plus con-
sidérables , par la beauté de fon
Avril.
Y , 1754. 207
climat , &c par l'excellence des
fruits qu'elle rapporte. Les Oliviers
qui la couvrent reiTem.blent de loin
à une épaifTe forêt. *Les habitans
forts & laborieux , cultivent avec
foin cette terre fi féconde , Se leur
travail les rend les plus riches ha-
bitans du Pays. Les femmes y font
belles ; Se ce qui eft rare en Afri-
que, dit notre Auteur, elles peu-
vent fe piquer de fagefle.
Auprès de la montagne eft une
place nommée Tiulit , laquelle
doit fon origine aux Romains. Ses
murs de pierre de taille fe font
confervés ; mais elle a perdu tout
l'éclat que lui avoir donné un Roi
de Fez. Ses habitans chaftés par le
Roijofeph, errent dans les cam-
pagnes, fans vouloir rentrer dans
leur ancien azile. Il refte feulement
dans cette place abandonnée , une
vingtaine de maifons occupées par
lesAlfaquis, qui rendent un culte
actuel au tombeau du premier
Idris , qui , difent-ils , fait des mi-
racles. Tous les peuples des envi-
rons viennent rendre hommage à
ceTombeau, &z les Alfaquis qui ne
vivent que de la dévotion de ces
peuples , les attirent dans cet en-
droit en publiant chaque jour de
nouveaux prodiges. On voit fur la
même montagne où eft cette pi -ce,
le Château de Faraon ou de Pha-
raon , dont les habitans du Pays
attribuer.-: l'origine à Pharaon Roi
d'Egypte , qui pourfuivit Moïle.
C'eft du moins le fentiment de
Calbi Hiftorien Arabe ; mais notre
Auteur prétend que le Château
dont il s'agit , doit être plutôt rc-
M m
%66 JOURNAL DE
gardé comme un ouvrage desGots
autrefois maîtres de l'Afrique. Les
environs de ce Château font dan-
gereux par la quantité de lions qui
s'y rencontrent.
Autour de la Ville de Dar-Ec-
Harmara,autre Ville de la Province
de Fez , il y a aulîi un grand nom-
bre délions , mais les habitans font
fi accoutumes aies voir , qu'ils ne
s'en effrayent point ; les enfans mê-
me ne craignent pas de les pourfui -
vre à coups de bâtons. Un de ces
lions , après avoir rodé long-tems
autour d'un enclos dont prefque
toutes les maifons font défendues ,
vit paroître une petite fille , il fe
jetta fur elle & l'emporta. Cette
petite fille avoit une fixur âgée tout
au plus de douze ans , laquelle à
cet afpect s'arma d'un bâton , atta-
qua le lion , èc l'obligea enfin , à
force de cris & de coups , de lâcher
fa proye , qu'il n'avoit pas encore
eu le tems d'étrangler.
A deux lieues de la Ville de Fez ,
qui , comme nous l'avons déjà re-
marqué , eft la Capitale du Royau-
me de ce nom , eft une montagne
nommée Tagat dont les habitans
vivent entr'eux comme des Sauva-
ges , & ne font vifités que par
quelques Citoyens de Fez qui vien-
nent creufer la montagne pour y
trouver des tréfors qu'ils préten-
dent que les Romains y ont cachés.
Sur quoi lHiftorien remarque
qu'une expérience de cinq cens ans
.m moins , ne les défabufe point de
cette idée ridicule ; Sx. ne les em-
pêche pas de perdre inutilement
Jeur tems & leurs richelTes à fouil-
ler dans la terre.
S SÇAVANS;
Nous voici arrivés à la Province
d'Afgar. Dans cette Province eft
une Ville nommée Alcaçaquivir
dont Jacob Alaianzoreft le Fonda-
teur. Un jour que ce Prince étoit à
la chafTe , il s'écarta de fà fuite , &
ayant été furpris la nuit au milieu
de plufîeurs Lacs Se de plufieurs
Marécages , d'où il ne pouvoit
s'expofer à fortir fans danger, il
apperçut à quelque diftance de là ,
un peu de lumière , il s'avança Se
trouva un Pécheur à qui il dit : Je
fuis Ecuyer du Prince CT je vous
prie de vouloir me conduire au gros de
la chajfe. Je ne le puis , répondit le
Pêcheur , & fut-ce le Roi mon maître
que j'aime inf.nimeM , je lui refitferois
ce que vous me demandez. , parce
qu'il ri eft pas poffible de fortir impu-
nément de ce lieu pendant la nuit. Le
Roi fut donc obligé de fuivre le
Payfan dans fa cabanne ; il y palfa
la nuit , & mangea avec lui d'un
chevreau. Le lendemain il partit
au point du jour avec le Pêcheur
& rejoignit les gens , qui le cher-
choient de tous cotez. Mais il eut
grand foin de remarquer les diffe-
rens détours qu'il avoit été obligé
de prendre pour fortir d'entre ces
lacs & ces marécages , & il connue
l'obligation qu'il avoit au Pêcheur,
de n'avoir pas voulu l'expofcr pen-
dant la nuit dans des chemins fi
dangereux. Il lui demanda alors
pourquoi il avoit témoigné tant
d'amitié pour fon Roi. C'eft , lui
répondit le Pêcheur qui ne le con-
noifloit pas , &c qui le prenoit pour
un Officier , que bien loin de ré-
gner en Tyran , il ménage fes fu^-
MAY
jets, Se les traite comme fes cn-
fans. Le Roi charmé d'une réponfe
qu'il ne pouvoit foupçonner de
flatterie , fe fit connaître à lui Se
lui demanda ce qu'il vouloit : une
maifon où je pui(fe palier le refte
de ma vie , repartit le Pécheur. Le
Prince lui en fit bâtir une , mais ce
fut un Palais plutôt qu'une maifon
particulière. Il n'en demeura pas là,
il fit fortifier cette maifon, & pour
en peupler les environs , il accorda
de grands privilèges à tous ceux
qui viendroient s'y établir ; en forte
que la maifon de ce Pécheur fe
trouva bien - tôt dans une Ville •,
mais dans une Ville fi belle que les
Rois ne l'ont pas jugée indigne de
leur féjour en certains tems de
l'année. Elle a été témoin de plu-
fieurs combats qui fe font pafTcs
fous fes murailles , entre les Portu-
gais Se les Maures qui la défen-
doient-
La Province d'Habat renferme
entr'autres Villes celle d'Aguila bâ-
tie fur les rives de l'Erguile , au-
tour de laquelle rodent de grandes
troupes de lions fi privés qu'ils n'at-
taquent perfonne , pas même les
enfans.
Tanger Ville confiderable de la
même Province , fut bâtie , à ce
qu'affurent fes habitans , par Ced-
ded , fils de Had ; Prince , qui ,
feloneux , pofiedoit avec l'Europe
entière, toute l'Afrique, & une
grande partie de l'Afie. Il fit faire ,
difent-ils , une Ville dont les murs
étoient d'airain , Se les maifons
couvertes d'or Se d'argent -, mais
aotic Hiftorien remarque que cet
; 173 4- . 2^7
excès de magnificence eft démenti
par tous les Auteurs. Quoiqu'il en
ibit , la Ville de Tanger , dit - il t
eft à prefent fermée de fortes mu-
railles de pierre , & défendue par
desbaftions. Les Rois de Fez ont
foin d'y entrenir une bonne garni-
fon , avec des Magafins toujours
pleins de vivres & de munitions.
Cette Ville qui incommodoit
extrêmement la Chrétienté par les
courfes fréquentes de fes habitans
fur les vaifleaux étrangers , fut af-
fiégée par les Portugais ; le Roi de
Fez vint fecourir la place , Se con-
traignit l'Infant Dom Ferdinand
fil du Roi de Portugal , quicom-
n .Mdoit les Troupes de fon père ,
de fe rendre prifonnier. On pro-
pofa de donner la Ville de Ceutî
pour la rançon du jeune Prince ,
mais il n'y voulut jamais confentir
Se il aima mieux refter dans les fers
que d'acheter fa liberté à ce prix.
Le Roi de Fez , au lieu d'être char-
mé de la grandeur d'ame de Dom
Ferdinand , en fut irrité , il le mal-
traita , Se pour l'humilier davanta -
ge , il lui donna le foin de panfer
fes chevaux. L'Infant mourut dans
ce vil emploi , Se les Maures firent
enfermer fon tombeau dans les
murailles de Fez. Le Roi de Portu-
gal s'étant depuis rendu maître de
Tanger , fe difpofoit à venger fur
cette Place la mort de fon fils ,
lorfque les habitans , qui crai-
gnoient le reflentiment du Mon?r-
que juftement irrité , abandonnè-
rent leurs remparts Se fortirent de
la Ville chargés de tout ce qu'il*
purent emporter ; en forte que ic
M mi;
%6% JOURNAL D
Roi de Portugal n'eut d'autre pei-
ne que de faire abacre la porte par
où il votiloit entrer.
La première des Villes de la
Province de Guaret , eft celle de
Mélila , ou Milila que Ptolomée
appelle Rulîadire.Lcs Efpagnols en
furent long-terris les Souverains,
malgré les différentes tentatives des
Maures conduits par un Morabite;
ce Religieux Africain raifoit ac-
croire aux Maures qu'il avoit le
pouvoir d'enchanter les Efpagnols
& qu'il enchanteroit ceux qui gar-
doient Milila. Sur cette promette
plulleurs Maures étant venus lui
offrir leurs fervices , il les condui-
fit vers les Efpagnols; mais ceux-ci
avertis de fa marche & de la pré-
vention ridicule des troupes qui le
fuivoient , biffèrent les portes de
la Ville ouvertes , &c ne parurent
point fur les murailles. Les Maures
ne doutèrent point alors que les
Efpagnols ne fuffent effectivement
enchantés , & ils entrèrent dans la
Ville avec confiance. Mais les pré-
tendus enchantés vinrent fondre
fur les Maures qui ne s'attendant
pas à une telle cataftrophe , éprou-
vèrent une cruelle défaite.
Dans la Province de Cuzt eft la
Ville d'Umégiunaibe 3 fameufe par
une côte voilîne, que,fui vant la tra-
dition des gens duPays,l'on eft obli-
gé de monter en danfant, fi l'on veut
s'épargner une violente fièvre, dont
l'on ne manque point d'être faifî
en defeendant , lofqu'on n'a pas eu
foin de prendre cette précaution. Il
y a des Voyageurs qui refufent de
croire ce qu'on leur conte là-deflus-,
ES SÇAVANS,
mais cependant , remarque notre
Auteur , ils n'ofent fe fier à leur
incrédulité , & en montant la col-
line , ils aiment mieux danftr com-
me les autres, que de s'expofer à fai-
re i'épreuve de ce qu'ils ne croyent
pas.
Cette Province eft remplie de
montagnes , où l'on voit une
quantité extraordinaire de couleu-
vres qui viennent chercher à man-
ger dans les maifons , Se s'en re-
tournent enfuite fans faire aucun
mal , à moins qu'on ne les attaque;
en cela moins féroces que les habi-
tans , qui égorgent lans pitié , dit
notre Hiftorien , tout Voyageur
que l'indigence met hors d'état de
payer un tribut qu'ils exigent de
quiconque paiTe dans" leur Pays.
Les Caravanes feules font à l'abri
de ce brigandage ; encore faut - il
qu'elles payent une fomme pour
Içs Chameaux chargés de marchan-
difes.
La montagne de Miathir, appel-
lée de cent puits , eft une de ces
montagnes. Elle eft nommée de
cent puits , parce qu'il y en a un
grand nombre. On prétend qu'ils-
font pleins de tréfors , & les habi-
tans de Fez qui le croyent ferme-
ment, vont la lanterne à la main
dans le fond de ces puits , qui font
toujours fecs , chercher des richef-
fes qu'ils ne trouvent jamais. Ces
amateurs de tréfors courent de
puits en puits , & il arrive fouvent
que plufieurs d'entr'eux en cou-
rant ainfi , s'engagent dans des dé-
tours fouterrains , d'où ils ne peu-
vent fortir , & où ils périffent mi-;
MAY
fcrablement. Mais la perte de ceux-
là n'effraye point les autres ; ceux-
ci efpcrcnt au contraite qu'ils fe-
ront plus heureux ,5c la confiance
qu'ils ont en certains efprits qu'ils
fuppofent être les gardiens de ces
prétendus tréfors , fe ranime en
eux déplus en plus. Ils comptent
fur la protection de ces génies téné-
breux , & pleins de cette idée , ils
s'abandonnent dans des creux où
ils font environnés de chauve-fou-
ris qui éteignent les flambeaux
qu'ils portent. Un de ces chercheurs
de tréfors , ayant été ainfi plongé
dans les ténèbres , &c ayant erré
long-tems dans les précipices qui
font dans ces fouterrains , rencon-
tra heureufement un animal que les
Africains nomment Dabu ; il le
fuivit& fortitavec lui par une fen-
; 173 4' 269
te de rochers '," qu'une grande
quantité d'arbres épais avoit cachée
jufqu'alors. Il courut aulli tôt an-
noncer cette nouvelle à fes voifins,
& quelques jours enfuite une mul-
titude de gens vinrent creufer au-
tour de cette fente de rochers, pour
en faire un paffage libre. Mais une
grande abondance d'eau combla
aufli-tôt les trous qu'ils avoient
faits & empêcha l'ouvrage.
Nous palTons un grand nombre
d'articles concernant les Provinces
de Tremccen , de F^, à' Alger t &
de Bugie. C'eft par la defeription
de cette dernière qq^finit le Volu-
me.
Nous commencerons dans le
Journal prochain , l'Extrait de
l'Hiftoire de l'Empire des Cherifs.
CRONICON GOTWICENSE , SEU ANNALES LIBERI ET
Exempti Monafterii Got^icenfis Ordinis S. Benedidti inferioris Au-
ftrix. C'eft - à - dire : La Chronique de Gotiueich, ou Annales du Monn-
fiere de Gotiveicb J de l'Ordre de S. Benoît , dans la baffe Autriche.
Tome Préliminaire. De l'Imprimerie du Monaftere de Tegernéens
Ordre de S. Benoît. 1732. in fol. Tome I. pag. 800. fans les planches
gravées & les Cartes Géographiques qui font en grand nombre.
CE Tome Préliminaire qui
contient une Diplomatique
Germanique, comme nous l'avons
obfcrvé dans le premier Extrait de
cet Ouvrage , eft divifé en quatre
Livres. L'Auteur traite dans le pre-
mier des anciens Manutcrits.
Nous en avons rendu compte dans
le Journal précèdent.
Dans le fécond Livre M. l'Abbé
de Gotteveich parle des Diplômes
des Empereurs & des Rois de Ger-
manie. Pour former des règles par
le moyen defquelles on puiffedi-
ftinguer ces véritables Diplômes de
ceux qui font abfolument faux ou
de ceux qui ont été altérés , il en a
fait graver un grand nombre. Il a
eu foin de ne donner pour exem-
ple dans cette fuite de ces ancien-
nes Chartres que des pièces qui lui
ont paru être au-deffus de tout
foupeon. Elles commencent à Con-
rad 1. & elles finiflent au règne de
27o JOURNAL D
Frédéric II. l'Auteur fait des Ob-
fervations fur chacun de ces Di-
plômes. Ses premières Obferva-
tions roulent fur ce qu'il appelle
l'extérieur du Diplôme, c'eft à dire
fur la forme des lettres , foit ma-
jufculcs, foit courantes, fur la diffé-
rence des traits Se des inflexions des
lettres , fur les abréviations , fur
l'orthographe , fur lesfouferiptions
des Rois , fur les monogrames,
dont il a foin de diftinguer diffé-
rentes efpcces , fur les féaux , dont
il marque la matière Se la gran-
deur , fur la manière dont les Rois
Se les Empcfitirs font reprefentés
fur ces féaux , enfin fur les fouf-
criptions des Chanceliers Se fur la
date des Diplômes.
De ces obfervations fur l'exté-
rieur des Diplômes , notre Auteur
paffe à ce qu'il appelle l'intérieur
des Diplômes dont il parcourt les
différentes parties. La première eft
l'invocation du nom de Dieu, ou de
la fainte Trinité dont il donne les
formules. Enfuite viennent les ti-
tres Se lesqualitez , foit ordinaires,
foit extraordinaires que les Princes
ont pris dans ces Chartres , les dif-
férentes formules de l'adrefle de ces
Chartres à leurs Vaffaux ou àlcuis
Sujets pour les faire exécuter. Les
qualitez qui font données aux diffé-
rentes perfonnes dont il y eft
parlé.
Les fujets ordinaires de ces Di-
plômes , font des donations de
fonds de terre , ou de droits Sei-
gneuriaux , des concédions , ou
des confirmations de privilèges ac-
cordées par les Princes prédecef-
ES SÇAVANS,
feursde ceux dont les noms paroif-
fent à la tête des Diplômes. Une
claufe qui a fourni beaucoup d'ob-
fervations , eft celle qui contient la
condamnation à une amende pécu-
niaire Se des imprécations contre
ceux qui voudroient donner at-
teinte aux droits Se aux privilèges;
accordés par ces Diplômes à des
communautez ou à des particu-
liers. Il en eft de même des diffé-
rentes fouferiptions des Empereurs
Se des Rois , des ArchichancelicrSj
des Archichapclains Se des Chan-
celiers. Les remarques qu'a faites
M. l'Abbé de Gotteweich fur ce
dernier article , ferviront à fixer lt
tems dans lequel ont vécu ceux qui
ont poffedé ces grandes Charges ,
à faire connoître pluiîeurs d'entr.
eux dont les Ecrivains qui ont tra
vaille fur cette matière n'ont faii
aucune mention , ou à éviter de;
fautes dans lefquellcs ces Ecrivains
font tombes.
C'eft particulièrement aux datel
que notre Auteur s'eft appliqué. Il
s'attache à lever de la manière qui
lui paroîtia plus folide les difhcul-
tez aufquelles peuvent donner lieu
les différentes manières de compter
les années du règne d'un Prince.
Quand il ne peut concilier la date
d'un Diplôme avec THiftoire ou
avec d'autres Chartres qu'il croit
inconteftables , il ne veut pas qu'on
conclue de cette feule raifon que
cette Chame foit abfolument
fauffe , il foûtient qu'il y a des
Diplômes très-véritables où la date
eft peu cxa&e , & il donne des rè-
gles par le fecours dcfquelles il eft
MAY]
perfuadé , qu'on apprendra à di-
ftinguer , quand la tauiTeté dans la
date , emporte la preuve de la
faufteté de l'ade , ou quand c'eft
une fimple erreur dans une pièce
véritable qu'il faut reformer.
Sur ces Obfervations notre Au-
teur a cru devoir fuivre une autre
route que celle du Pcre Mabillon
dans fa Diplomatique -, car le Père
Mabillon n'a point jugé à propos
de donner fes règles fur ies Diplô-
mes de chaque Roi, il lésa réunies
fous un peint de vûë •, au lieu que
notre Auteur explique fes règles en
rapportant les Diplômes de chaque
Empereur ou Roi de Germanie.
Notre Auteur a bien fenti qu'il
fe pourrok bien trouver en Alle-
magne des Papebrocs -, des Ger-
mons, & peut-être même des Har-
douins , qui ne ménageroient pas
plus fa Diplomatique , qu'ils n'ont
ména-gé celle du Pcre Mabillon.
Mais il n'a pas cru devoir répondre
aux objections qu'on peut faire
fur les Diplômes d'Allemagne ,
comme fur ceux des Rois de Fran-
ce de la première & de la féconde
Race. Il fe contente fur ce point de
renvoyer fes Lecteurs aux Ecrits du
Père Mabillon &: aux autres Ouvra-
ges qui ont été faits , tant en France
qu'en Italie, pour la défenfe de la
Diplomatique de ce feavant Béné-
dictin.
Par rapport à l'ufage de ces Di-
plômes pour le droit public d'Al-
lemagne , nous avons remarqué
que M.l' Abbé deGottcweich s'atta
che à en tirer des inductions pour
foûtenir les prétentions de l'Empe-
i 7 5 4. 27t
reur contre celles des differens
Etats de l'Empire , & pour com-
battre ce qu'avoient avancé en plu-
fieurs endroits de leurs Ouvrages
Puffendort & plufîcurs Ecrivains
qui ont traité ces queftions délica-
tes, au fujet des droits des differens
Etats d'Allemagne.
Cette partie de l'Ouvrage roule
fur un fi grand nombre de Pièces ,
& il y a tant d'Obfervations fur
chaque Pièce en particulier , qu'il
ne nous feroit pas polTible d'entrer
dans le détail d'aucun article du
Livre , fans paiTer les bornes ordi-
naires de nos Extraits'. D'ailleurs il
y a des remarques qu'on ne pour-
roit bien faire entendre fans avoir
fous les yeux les Diplômes que
l'Auteur a fait graver. C'eft pour-
quoi nous fommes obligés de ren-
voyer au Livre même les Lecteurs
qui font curieux de s'inftruire 2
fond de l'Ouvrage le plus étendu
& le plus curieux qui ait paru juf-
qu'à prefent fur la Diplomatique
d'Allemagne.
Les Palais des Empereurs d'où
les Diplômes font datés , font une
partie de ces Pièces , dost la con-
noilTance eft neceiTaire à ceux qui
veulent les entendre parfaitement.
C'eft pourquoi Dom Michel Ger-
main avoit compofé un Ouvrage
fur les Palais de nos anciens Rois
qui fait le quatrième Livre de la
Diplomatique du Père Mabillon.
Quelques Auteurs Allemans , com-
me Leuber , Fritch , Okel , Hert ,
Freher , &c. avoient auilî parlé des
Palais des Empereurs : mais aucun
d'eux n'éîoit entré fur ce fujet dans
272 JOURNAL DES SÇAVANS,
un fi grand détail que M. l'Abbé territoire dans lequel il y avoit
de Gotteweich fait des articles
féparés des Palais , dont fe trou-
vent datés un grand nombre de
Diplômes, ou qui lui ont paru les
plus remarquables , foit par rap-
port à ce qui fe rencontre dans les
Chartres , foit par rapport à ce
qu'en difent les anciens Chrono-
graphes ou- d'autres Auteurs. Ces
Palais , defquels il y en a plusieurs
dont fe font formées de grandes
Villes, font tous difpofésfuivant
l'ordre alphabétique. M. l'Abbé de
Gotteweich en marque la iïtuation,
il indique quelques-uns des princi-
paux Diplômes qui y ont été don-
nés , & il marque ce qu'il a trouvé
fur chacun d'eux dans les anciens
Ecrivains.
Le Traité des differens Cantons
dans lefquels l'Allemagne étoitdi-
viféc dans le moyen âge qui com-
pofe le quatrième Livre eft fait
dans le même goût que le troifiéme
Livre. Ces Cantons étoient nom-
més Pagi dans les anciennes Char-
tres. Ils comprennent un certain
HISTOIRE CRITIQVE DE L'ETABLISSEMENT DE LA
Monarchie Franceife dans les Gaules : par AL l'Abbé du B o s , l'un
des Quarante , & Secrétaire perpétuel de l'Académie Erançoife. A Paris,
chez Ch aubert , Quai des Auguftins , à la Rénommée & à la Pru-
dence ; Gijpy , rue delà vieille Bouderie, à l'Arbre de JeiTé ; rue
S. Jacques , chez Ofmont , à l'Olivier ; Huart l'aîné , à la Jufticc ; Clou-
fier , à l'Ecu de France : Quai des Auguftins , chez Hourdel; David
le jeune, àl'Efperance. 1734. «2-40. trois Vol. Tom. I. pp. 53^. Sans
le Difcours Préliminaire. Tom. II. pp. 611. Tom. III. pp. 552. fans la
Table. Planch. 1.
plufieurs Bourgs &: plufieurs Châ-
teaux ; même des Villes confidera-
bles. On remarque aulli qu'il j
avoit fouvent plufieurs Comtes
dans le même Canton. Les grands
Cantons étoient divifés en plu-
fieurs parties dont chacune avoit
un nom particulier , & dont le
nom général étoit celui de petits
Cantons Notre Auteur a mis dans
un ordre alphabétique ceux de ces
grands & de ces petits Cantons
qu'il a remarqués , foit dans les
Chartres, foit dans les anciens Au-
teurs. Les Cartes Géographiques
qui accompagnent ces deux Livres
fervent à fixer la fituation & des
Palais des Empereurs du moyen
âge Se des differens Cantons dont
on n'a plus fait de mention dans les
Acles depuis le treizième fiécle. On
eft furpris , quand on voit les gran-
des recherches que M. l'Abbé de
Gotteweich a été obligé de faire
pour ces deux derniers Livres de fa
Diplomatique.
C'EST une opinion reçue
communément des Auteurs
modernes , qui ont écrit l'Hiftoire
de France , que le premier établif-
fement de cette Monarchie dans les
Gaules n'a été qu'une fuite de la
conquête
MAY,
conquête qu'en firent les Francs ,
Peuples barbares , qui fous la con-
duite de leurs premiers Rois , Se
fur-tout de Clovis , en chafferent
de vive force les Romains & y re-
duifirent les anciens habitans à une
condition fi dure , qu'elle étoit peu
différente de l'efclavage. Quelques-
uns même de nos derniers Hifto-
riensont pouffé cette idée jufqu'au
point de mettre cette prétendue
invafion des Gaules par les Francs ,
prefque en parallèle avec celles de
la Grèce par les Turcs Se de l'Amé-
rique par les Efpagnols. C'eft un
préjugé h général & fi peu révoqué
en doute jufques ici , qu'entre-
prend de détruire , dans cet Ou-
vrage , M. l'Abbé du Bos , dont la
plume a déjà mérité plus d'une fois
en divers genres d'écrire , toute
l'attention des Sçavans , & qui
feait paffer avec fucecs des améni-
tez les plus intereffantes de la belle
Littérature aux recherches hiftori-
ques Se critiques les plus épineufes
£e les plus profondes , concernant
le Droit Public de notre Nation. Il
fe propofe de prouver folidement
ici plufieurs faits , de l'affemblage
defquels doit refulter la vérité d'un
Syftêmehiitoricjue tout contraire à
celui, qui jufqu'à prefent a eu cours
fur la matière dont il s'agit.
Il prétend montrer , en premier
lieu , ainfi qu'il l'annonce lui-mê-
me , dans fon Difcours Préliminai-
re , que lorfqu'àk fin du cinquiè-
me fiécle de l'Ere Chrétienne Se au
commencement du fixiéme , les
Provinces de la Gaule pafferent
fucceffivement fous la domination
May.
Î754- ; 275
de nos Rois ] il y avoit déjà 200
ans que les Francs , de quelque
Contrée qu'ils fuffent originaires ,
étoient établis fur la rive droite du
Rhin , Se partagés en différentes
Tribus confédérées : Que l'Empi-
re Romain les regardoit comme
s'ils euffent été fes fujets naturels ,
ayant toujours des traitez d'allian-
ce avec ceux qui les tenoient dans
une forte de dépendance , prenant
chez eux à fa folde des corps de
Troupes, dont les Officiers étoient
avancés aux grades les plus émi-
nens , Se leur donnant des terres en
plufieurs Provinces des Gaules , à
condition d'y vivre conformément
aux Loix de l'Empire , Se fournis à
fes Officiers tant civils que mili-
taires.
Il fera voir, en fécond lieu, que
cette Nation en général fidelleob-
fervatrice de fes traitez avec les
Romains, fervoit ceux - ci contre
les Francs mêmes qui de tems en
tems enfreignoient ces traitez :
qu'en 407. qu'arriva dans les Gau-
les la fameufe invafion des Barba-
res , c'elt-à-dirc celle des Vandales
Se de leurs alliez, les Francs tou-
jours attachés aux intérêts de l'Em-
pire , fe firent tailler en pièces en
difputant à ces Barbares l'approche
du Rhin : qu'en l'année 413. quel-
ques Tribus de Francs s'étant can-
tonnées au deçà de ce fleuve , Aé-
tius qui commandoit alors dans les
Gaules , les contraignit en 428. à le
repaffer , ou à reconnoître l'autori-
té de l'Empire.
M. l'Abbé du Bos doit prouver
en troifiéme lieu , Que Clodion &
Nr
274 JOURNAL D
Mérovér, Princes Francs qui ré-
gnèrent l'un après l'autre fur \&
Tribu des Saliens , & qui s'étoienï
emparés de Cambrai & du Pays
compris entre cette Ville & ia Ri-
vière de Somme , quoique terri-
toire de l'Empire , acquirent le
droit d'y demeurer en qualité de
fes Hâtes par la capitulation que les
Romains , lors de l'irruption d'At-
tila, firent contre ce Prince avec les
Nations barbares établies déjà dans
les Gaules ; capitulation , dont les
conditions étoient , qu'à l'avenir
elles fe contiendroient dans les
bornes des quartiers qu'elles a-
voient pris par force , & qu'en
bonnes & fidèles alliées de l'Empi-
re , elles le. ferviroient dans les oc-
cahons comme troupes auxiliaires :
Que Mcrovée en vertu de ces en-
gagemens fe joignit aux Romains
contre les Huns , qu'ils défirent de
concert en 451. Que fon fils Chii-
deric fe fignala aufÏÏ en faveur de
l'Empire ( dont il paroît même
qu'iLétoit l'un des Généraux) dans
les guerres qu'il foûtint contre les
Vifigots & les Saxons , qui vou-
loient envahir toutes les Gaules :
Qu'après la prife de Rome Se la
deftruètion totale de l'Empire
d'Occident par Odoacre , quelques
Officiers Romains s'étant canton-
nés dans cette Province, il ne pa-
roît nullement que Childeric ait
profité de la conjoncture pour ac-
croître fes Quartiers ou fes Etats ,
puifqu'à fa mort arrivée en 481. il
ne biffa au Roi Clovis fon fils &
fon fucceffeur qu'un très -petit
Royaume , compofe duToumaifis
ES SÇAVANS,
Si de quelques Contrées voifines.
Enfin notre Auteur montrera,
clairement , Que Clovis> en 30 ans-
de règne, fe rendit maître des deux
tiers de la Gaule , mais fans fe dé-
clarer ennemi de l'Empire ; Qu'a
la vérité , il fit la conquête du-
Soiflonnois fur un Officier Romaiiv
qui s'en étoit fait Seigneur; mais
que ni les Gaulois ni les Romains
ne regardèrent cette guerre que
comme une querelle particulière :•
Qu'il rie conquit le territoire de
Tongres que fur des Barbares , qui1
l'bccupoient depuis pluhcurs an-
nées ; & qu'il ne tut reconnu Sou-
verain dans cette partie des Gaules
fituée entre la Somme & la Seine ,
& foûmife encore à l'Empire , que
par voye de négociation : Que ce
Prince , en 496. après fon baptê-
me , reçut fous û domination les
cinq Provinces Gauloifcs confédé-
rées en forme de Republique dès
le commencement de ce lîécle , Se
ce qui reftoit encore de Troupes
Romaines entre la Seine & la Loi-
re, lefqucllcs Troupes lui prêtèrent
ferment de fidélité : Qu'à l'égard
de l'expédition , qui le rendit maî-
tre des Pays fitués entre la Loire &
les Pyrénées , il ne l'entreprit qu'à
la follicitation des Romains de ces
mêmes Pays , non pas contre l'Em-
pire,qui même approuva cette con-
quête après l'événement , mais
contre les Vifigots qui s:étoient
emparés de ces provinces depuis
pies d'un fiéele : Qu'en vertu de k
dignité de Conful conférée par
Anaftafe Empereur d'Orient à
CIoyis, & qui lui donnoit l'atlmi-
MAY,
■niftration du pouvoir civil par-tout
où il auroit celle du pouvoir mili-
taire , ce Prince vint à bout de foù-
mettre à fon autorité toutes les
Tribus des Francs qui jufqu'alors
avoient eu chacune leur Roi parti-
culier : Que fcs quatre fils qui lui
fuccederent chacun pour un quart
de fon Royaume , marchèrent fur
les traces de leur père pour s'ag-
grandir ; c'eft à-dire , qu'ils con-
quirent cette partie des Gaules
comprifc entre la Durance , le
Rhône, la Saône, le Rhin & les
Alpes, non fur l'Empire, mais fur
les Bourguignons qui y regnoient
depuis près d'un fiécle ; qu'ils ne
fe mirent en poffefllon du P-ays ren-
fermé entre les limites des Bour-
guignons & la Mer Méditerranée ,
qu'en conféqucnce de la ccffion
que leur en firent les Oftrogots ,
ainfi que de toutes les prétentions
qu'ils pouvoient avoir fur la Gaule
en général,par le Traité fait dès l'an
474. entre leur Nation & Julius-
Népos , Empereur d'Occident :
Qu'en un mot, Juftinien Empe-
reur d'Orient confentit à cette
ceftîon faite aux Francs par les
Oftrogots & la confirma par un
Diplôme authentique ,où il tranf-
porte à la Monarchie Françoife
tous les droits que la Monarchie
Romaine pouvoit reclamer encore
fur les Gaules.
Le fimple expofé que nous don-
nons ici de tous ces faits , quoi-
que dénués de leurs preuves , fuffit
pour mettre le Lcdteur dans un
point de vue tout différent de celui
{Toi il avait coutume d'envifager
17 5 4. 475
le premier établirtetnent de notre
Monarchie. On n'y voit plus un
peuple que l'oppreftîon a mis fous
le joug d'un Conquérant : on y
apperçoit au contraire , une Na-
tion 3 qui foûmife volontairement
a fes nouveaux Souverains, joiiit en
pleine propriété de tous fes biens ,
a permiffion de vivre fuivant le
Droit Romain , Se eft admife à
toutes les dignitez , même aux mi-
litaires. Comment donc a-t-il pu
arriver (dit notre Auteur ) que la
vérité foit difparaé , & cjtte l'erreur fe
foit , pour ainfi dire , emparée de nos
Annales ? Voici comme il conçoit
que la chofe a pu fe faire. Nos Hi-
ftoriens modernes ont pris cette
fautfe idée dans ceux de nos Anna-
liftes qui ont écrit fous les premiers
Rois de la troifiéme Race , & qui
reprefencent l'établiffement de no-
tre Monarchie fous la forme d'une
conquête faite par une Nation fur
une autre. Ces Annaliftes, tels que
Aimoin, Sigebert de Gcmblouis &
d'autres ont trouvé cette erreur
dans Frédégaire l'abréviateur de
Grégoire de Tours , Se dans l'Au-
teur Anonyme des GeflesdtsFrancs,
8c l'ont adoptée. Elle venoit origi-
nairement dans Frédégaire d'un
paffage de Grégoire de Tours mal
entendu par cet abréviaceur igno-
rant &; privé du fecours de la tra-
dition , ainfi que l'étoient les Ecri-
vains du feptiéme fiécle. 11 eft dit
dans ce partage mal expliqué par
Frédégaire , que Childeric fit une
expédition contre l'Empire ; au
lieu que Grégoire de Tours n'jr
veut dire autre chofe iïnon que
Nnjj
z76 JOURNAL DE
Childeric avoic fait cette expédi-
tion , en portant les armes pour le
fervice de l'Empire , Se de concert
avec le Général de l'armée Romai-
ne. Le faux préjugé de Frédégaire
au fujet de Childeric s'eft étendu
jnfques fur Clovis fils & fuccelTeur
de ce Prince , -Si dont l'Annalifte a
toujours parlé comme d'un enne-
mi déclaré de l'Empire. Cette er-
reur née , comme l'on voit dès le
feptiéme ficelé , Se embraflee dans
le huitième par l'Auteur des Gefies,
a fubfilté dans le neuvième , 6c s'eft
fortifiée dans le dixième , où l'i-
gnorance 6c la barbarie Liftèrent
perdre plufieurs Ouvrages du cin-
quième fiécle Se du fixiéme ., dont
la lecture feule auroit pu décou-
vrir la méprife de Frédégaire : ce
qui a rendu cette découverte com-
me impoifible , du moins jufqu'au
milieu du dix-feptiéme fiécle.
Mais ( dira-t on ) comment tous
les Hift oriens pofterieui s à Aimoin
n'ont ils vu dans Grégoire de Tours
Se dans fes contemporains , que ce
ce qu'Aimoin y avoit vu , d'après
Frédégaire ? M. l'Abbé du Bos re-
fout cette difficulté par ces deux ob-
fervations : i*. Qu'il eft très-diffici-
le de compofer une bonne Hiftoi-
re de France , à l'aide de tous les
Monumcns Littéraires qui nous
reftent du cinquième & du fixiéme
fiécle : i". Que ce qui n'eft plus
aujourd'hui que difficile , n'étoit
prefque pas poffible avant l'inven-
tion de l'Imprimerie , Se avant que
ces Monumenseuffentétéfuffifam-
ment expliqués & commentés , ce
qui ne s'eft achevé que vers l'année
5 SÇAVANS,
L'Auteur s'applique à prouver
ces deux propofitions fur lcfquelles
il entre dans une difeuffion très-
dc caillée , nous donnant une Noti-
ce exacte 6c critique de tous les
Ecrivains du cinquième Se du fi-
xiéme fiécle , foit hiftoriques ou
non , qui peuvent fournir quel-
ques fecours pour rétablir le com-
mencement de nos Annales. Tels
font en premier lieu , pour l'Ht-
ftoire Ecciefiaffique , Paul Orofe Se
Grégoire de Tour, : Frê iég.zire , i'Au-
reur des Gefles dis Francs ; les Vies-
de S. Germain d'Auxerrc , de Saint
Cefaire d'Arles , de S. Lupicin , de
S. Hilairede Poitiers , de S. Rémi;
6 les'Opufcules de Grégoire de
Tours : en fécond lieu , les fragj-
mens hiftoriques à'Olympiodorc, de
Prifcjue le Rhéteur , de Candide l'I-
faurien , de Sulpice Alexandre , &
de Frigérids , lefquels fragment
nous ont étéconfervés par Gonfla»-
tin-Porphyrogénéte , par Pholius &
par Grégoire de Tours : en rroilîé-
me lieu, les Chroniques de Profper3
â'Idace 3 de Ciijfwdore , de Marias
d'Avanches , 6c quelques autres :
en quatrième lieu , les Hiftoriens
contemporains , tant Grecs que
Latins , fçavoir Zozime , Proca-
pe } Agathias , Cajfiodore } dans
fon Hiftoire tripanite , lornandes
Ifîdore de Seville -, en cinquième
lieu , les Monumens non hiftori-
ques relatifs à deux clalles , dont la
première contient la Notice de
l'Empire } Se celle des Provinces Se
des Citez de h Gaule , rédigées
l'une Se l'autre fous Honorius -,
plufieurs Loix des Empereurs ii>
MAY
cinquième fiécle ; les Loix nationa-
les des peuples barbares établis dans
les Gaules , fçavoir celles des Vifi-
gots , des Bourguignons , des
francs Saliens , des Francs Ripuai-
res, Se quelques autres; les Let-
tres écrites à nos premiers Rois ou
par eux , & leurs Edits ; des Tefta-
mens cV d'autres Aires judiciaires ;
on range fous la féconde clafife de
ces Monumens non hiftoriquesles
Ouvrages fçavans , tels que le
Traité de Salvicn fur la Providen-
ce , les Lettres & les Poëfies de Si-
doitie-Apoâmairo , les œuvres d' A-
vitus , Evêque de Vienne , les Let-
tres de CajfioAore \ les Poëfies de
Tortunat Evêque de Poitiers y &C
quelques autres Ouvrages.
Telles font les fources où l'on
peut puifer aujourd'hui lesfecours
neceifaires pour débrouiller l'origi-
ne ôi les premiers progrès de la
MonarchieFrançoife : ce font elles
qui ont fourni à notre Auteur tous
les matériaux , dont il a fçu tirer
un parti fi avantageux pour la dé-
couverte d'une vérité hiftorique ,
ignorée jufqu'à prefent , & que
même avec toutes ces rclTources ,
il ne laiiîoit pas d'être fort difficile
de découvrir , comme il cft aifé de
fe le perfuader après l'examen qu'en
fait ici M. l'Abbé du Bos. Mais il
fbûtient , de plus , que la chofe
étoit prefque impoffible , avant
l'invention de l'Imprimerie , &
l'éclairciffement des Monumens
Littéraires que nous venons d'indi-
quer fommairement. Cette impof-
fibilitc étoit fondée i°. fur l'igno-
rance eu Ton étoit al«rs de l'cxi-
. '7 34» *77
ftence de la plupart de ces Monu-
mens , à caufe de leur extrême ra-
reté : i°. Sur la difficulté de s'en
aider en l'état où ils étoient encore,
c'eft - à - dire en Manufcrits fou-
vent très-alterés & dépourvus de
tous les fecours d'une faine cri-
tique.
Il n'eu: donc pas merveilleux
( continue l'Auteur ) qu'avant
l'impreffion inventée , perfonne
n'ait rétabli le commencement de
nos Annales: que Robert Gagum y
Nicole Gilles , & Paul JoveJ trente
ans après cette invention , n'ayenc
point apperçu la neceiïité d'un pa-
reil retabliuement : que 50 ou <s"®
ans après , lorfque fufage des Li-
vres étoit devenu beaucoup plus
commun &: plus commode, on n'y
ait pas même penfé , parce qu'on
étoit alors trop épris & trop occu-
pé de l'étude des humanitez foit
Gréquesfoit Latines pour s'amufer
à déchiffrer des Ecrits aufli peuin-
tereffans , fur-tout pour le ftyle
que la plupart de ceux qui concer-
noient l'origine de nctre Monar-
chie. On lifoitj on ctudioit Thu-
cydide &Tite Livepréférablement
à Grégoire de Tours & à Frédéçai-
re. Si vers la fin du feiziéme fiécle,
du Haillon , Vignier & les autres
n'ont rien fait de plus que leurs de-
vanciers pour le commencement
de nos Annales , c'eft que la ma-
tière n'étoit pas encore défrichée»
Le fçavant Adrien de Valois en
i & a,6. u'avoit point encore tes pro -
vifions neceffaires pour s'écarter >
dans fon Hiftoire de France , de îa
route frayée fur cet article y quoi-
a78 JOURNAL DES SÇAVANS,
qu'il fente que pour y voir bien pouvoit prefquerien : en forte que
clair , il lui manquoit encore quel
ques lumières , qu'il n'avqit pu juf-
ques là fe procurer.
Il eft vrai que depuis environ 50
ans , grâce aux travaux «k MM.
Ptthoii , de Valais , Jérôme Bignon ,
du Cange & Baluze ; des PP. S'tr-
monà Petau , Labbe , Luc à'Ache-
ry , Jean Mabillon , Thierry Rui-
ncin, des Bollandifles &c de plusieurs
autres , tous les fecours pofiïbles
pour l'éclaircifTement des premiers
tems de notre Hiftoire , font entre
les mains de tout le monde. Ce-
pendant perfonne n'en a fait enco-
re l'ufage que prétend ici en faire
M. l'Abbé du Bos. On a mieux ai-
mé adopter une opinion accréditée
depuis long-tems, que d'eiTuyer la
fatigue d'une difeuffion critique
auliî rebutante que celle qui fait
l'objet de cet Ouvrage , fur-tout
pour ces Ecrivains qui entrepren-
nent de donner une Hiftoire de
France complette.
C'eft ainfi [ ajoute notre Auteur]
que s'eft perpétuée jufqu'à prefent
l'erreur de Frédégaîre , laquelle ,
tant qu'elle fubfiftera } fera la four-
ce de quantité d'autres. C'eft elle
qui a fait imaginer fauflement à
quelques modernes ; Qu'après la
conquête des Gaules , les Francs
repartirent entr'eux le Pays fubju-
gué , où chacun exerçoit arbitraire-
ment fur les Romains de fon di-
ftricl: la Jurifdidion Se les droits de
hauts Jufticiers : Que les Francs ne
payoient rien au Prince , & n'é-
eoient jufticiables que de la Nation
alfemblée , fans laquelle le Roi ne
le Royaume des Francs étoit origi-
xiairement ( félon eux ) plutôt Ari-
ftocratique que Monarchique. Cet-
te fau(Te idée furie gouvernement
de la première Race de nos Rois ,
s'eft étendue fur la féconde & mê-
me fur la troifiéme , faifant envifa-
ger tout ce que les fucccftcuis de
Hugues Capet ont fait en faveur de
l'autorité Royale , comme un at-
tentat contre la première constitu-
tion de la Monarchie, quoiqu'ils
n'ayent fait que revendiquer les
droits imprefcriptibles de la Cou-
ronne & les droits du peuple fur
ceux qui avoient ufurpé les uns &
les autres dans le neuvième & le
dixième lâécle. L'erreur dont nons
parlons a donné cours aux faulTes
idées touchant l'origine ix la natu-
re des Fiefs , & aux illufions , qui
ious François I. introduifirent la
maxime , Qu'il n'efi point de terre
fans Seigneur.
Pour détruire plus efficacement
ces faux préjugez , M. l'Abbé du
Bos employé le premier des fix Li-
vres qui partagent fon Hiftoire
Critique , à expofer quel étoit l'é-
tat de l'Empire d'Occident au
commencement du cinquième lîé-
cle : il deftinc le fécond Livre à ra-
conter tout ce qui s'eft pafTé dan*
les Gaules depuis la grande inv.a-
fion des Barbares en 407. jufqu'à
l'année 456. le troifiéme Livre
comprend le règne de Childcric &
celui de Clovis jufqu'à fon baptê-
me. Le refle de ce règne remplit le
quatrième Livre , & le cinquième ,
où il eft aufli parlé des évenemens
M A
«rivés depuis la mort de Clovis
jufqu'en 536. Enfin l'Auteur expo-
fe dans le dernier Livre , l'état des
Gaules fous le règne de Clovis Si
fous celui de fes premiers Succef-
feurs. Du refte , dans tout cet Ou-
vrage , il n'avance, comme certain,
aucun fait , fans l'appuyer du
témoignage d'un Auteur contem-
porain ou prefque contemporain :
Se il a eu foin de faire imprimer
exactement toutes ces autoritez au
bas des pages , après en avoir inféré
dans fon Texte une verfion plus ou
moins littérale , quant au ftyle ,
iuivant que l'exige le genre d'élo-
cution propre à chaque Auteur
cité.
Après l'Extrait que nous venons
de donner du Dtfcours Préliminaire
de M. l'Abbé du Bos , où il rend
compte de fon deffein Se de la ma-
nière dont il l'a exécuté : on ne
s'attend pas , fans doute , que par
rapport au corps même de l'Ou-
vrage , nous entrions dans un aulîî
grand détail. Nous ne finirions
point , fi nous voulions indiquer
en particulier toutes les recherches
curieufes , toutes les difcufîions
critiques , toutes les conje&ures
ingénieufes , toutes les idées neu-
ves; en un mot , toutes les décou-
vertes intereiTantes pour notre Hi-
iloire,dont l'affemblage remplir ces
rroisVolumes: &chaqueLivre pour
roit fournir & mériteroit certaine-
ment un Extrait fort étendu. Nous
nous bornerons donc ici à une fim-
ple Analyfe, qui prefente au public
les principaux faits établis par le
%avamAcadémicien,5c les preuves
Y, 1754. %19
dont il les appuyé : ce qui fuffin
pour exciter la curiofité du Lecteur,
Se pour l'engager à la fatisfaire
pleinement , en confultant & en
étudiant l'Ouvrage même.
L'Auteur ouvre fon premier Li-
vre par une expofition de l'état des
Gaules , au commencement du
5* fiécle. Partagées alors en 17
Provinces, dont chacune avoir fa
Métropole ou Capitale , Se fefub-
divifoit en plufieurs Citez, ou di-
fhicts (civitates) au nombre de 1 1 j
compofées auflî d'uneVilleCapitalc
Se de plufieurs cantons(/'<*ig/)qui en
dépendoient , elles faifoient cnco«
re une partie de l'Empire Romain.
Dès la fin du quatrième fiécle, les
Gaulois , qui depuis près de 500
ans vivoient fous la domination de
Rome, étoient devenus des Ro-
mains. Ils avoient gagné l'amitié Se
la confiance de Jules Céfar ; l'Em-
pereur Claude les avoit admis aux
grandes dignitez de l'Empire -, fous
Vefpafien , ils avoient tous les
droits Se toutes les prérogatives des
Citoyens Romains -, & fous Cara-
calle , toutes les Citez des Gaules
jouilîoicnt également du droit de
Bourgeoific Romaine. Le Droic
Romain devint par-là celui de tous
les Gaulois , qui avoient pris aulli
les mœurs , les coutumes Se les
goûts de leurs maîtres , aulfi - bien
que la langue , fans avoir perdu
pour cela l'ufage de celles qu'ils
partaient originairement : car les
Gaules étoient alors habitées par
cinq Nations différentes iffucs des
Romains, des Belges, des Celtes,
des Aquitains Se des Germains :
280 JOURNAL DE
d'où il atiivoit que ces peuples par-
taient Latin plus ou moins pure-
ment , ainfi que le prouve notre
Auteur. Les habitans des Gaules
étoicnt d'abord divifés en hommes
libres & en efclaves de deux efpe-
ces , les uns domiciliés chez leurs
maîtres , les autres dans une habi-
tation à eux. Les Gaulois libres
étoicnt ou Ecclefiaftiques ou Laï-
ques. L'Auteur paffe légèrement
fur les premiers. Les féconds , eu
égard à la Religion , étoient ou
Chrétiens ( foit Catholiques foit
Ariens ) Juifs ou Payens ; par rap-
port au Droit Public ils étoient
Patriciens ou Sénateurs -, bons Bour-
geois partagés en plufieurs Curies
ou clarfes ; & Artifans. L'Auteur
s'étend fort au long fur la féconde
chffe de ces Citoyens. Il parle ,
après cela , du revenu particulier
de chaque Cité , qui avoit auili fon
Sénat 8c fes Milices ; & de la ma-
nière dont elle étoit gouvernée. Il
vient enfuite aux alîemblées géné-
rales tenues par les Citez Gauloifes,
& réduites alors à la fimplc voix
eonfultative dans les affaires d'Etat ;
il examine quelle étoit l'étendue
de l'autorité Impériale , & fait
voir qu'elle étoit entièrement def-
potique Si revêtue de tout le pou-
voir Législatif , qu'elle ne parta-
geoit plus avec perfonne.
Pour mieux faire connoître les
fondions des Officiers civils ou
militaires envoyés dans les Gaules
au commencement du cinquième
llécle , fous l'Empire d'Honorius ;
M. l'Abbé du Bos nous trace une
idée de l'adminiftration Impériale
S SÇAVANS,
dans cette grande Province , avant
Conftannn. Le pouvoir civil 5c le
militaire étoient alors entre les
mains d'un même Officier , à qui
le Préfet du Prétoire envoyoit les
ordres du Prince. Des 17 Provin-
ces de la Gaule , il n'y en avoit que
deux , la première & la féconde
Germanique , qui fuffent armées 5
c'eft-àdirc , où il y eut garnifon
Romaine. Les troupes qui la com-
pofoient étoient divifées en Lé-
gions chacune de cinq à fix mille
Soldats, prefque tous Fantaffins &c
en Cohortes auxiliaires. Un Soldat
Légionaire touchoit une paye trois
fois auffi forte , que celle des Fan-
taffins entretenus fur le meilleur
pied aujourd'hui dans la Chrétien-
té. Non feulement une Légion fer-
voit ordinairement toute entière
daiïs la même armée , ne fe fépa-
rant pas même à la fin de la campa-
gne ; mais les mêmes Légions fer-
voient prefque toujours enfemble.
D'où il efl aife de concevoir les fa-
cilitez qu'un Gouverneur de Pro-
vince , audacieux & perfide , &
déjà maître des troupes5de la Juiti-
ce & des Finances , avoit pour fe
faire proclamer Empereur. Auffi
( dit l'Auteur ) depuis Augufte juf-
qu'à Conftantin , voit-on plus de
cent Gouverneurs de Provinces ar-
mées , avoir pris la pourpre , &
plus d'une vingtaine de ces Ufur-
pateurs y avoir réuffi.
Pour obvier à de pareils incon-
venicus , Conftantin crut devoir
changer la forme de l'ancienne ad-
minillrarion , S: la manière dont
lee troupes railbient le fervice. Il
multiplia
MAY, 1734. 281
multiplia les grandes Charges ( dit principaux du Tréforier général de
Zozime) Se les dépouilla de la plû- l'Empire d'Occident : trois Direc-
part de leurs fonctions. Au lieu de reurs des Monnoyes , Se ceux de
deux Préfets du Prétoire , à qui diflerens Arteliers , où divers Ou-
toutes les troupes étoient foûmifes, vriers travailloient pour le compte
il en créa quatre : avec pareil nom- du Prince.
bre de Généralijjimes , foit de la Ca-
valerie , foit de l'Infanterie , auf-
quels il fubordonna les Centu-
rions , les Tribuns , Se même tous
les Généraux appelles Dites ; leur
attribuant de plus la fonction de
veiller au maintien de ladifeipline
militaire , Se chargeant un autre
Officier du foin de faire toucher la
folde aux troupes Se de pourvoir à
leur fubfiftance. Voilà ( dit notre
Auteur ) l'origine de l'ufage de
partager les fonctions de Lieute-
nant du Prince , dans un même
diftricl , entre deux reprefentans ,
dont l'un a l'adminiflration de la
Guerre, Se l'autre, celle delà Ju-
stice Se des Finances.
Il nous entretient après cela des
Officiers Civils envoyés dans les
A l'égard des Officiers Militaires
qui commandoient dans les Gaules,
fous les fuccefTeurs de Conftantin ;
il y avoit i°. le Générahffime de la
Cavalerie , Se celui de l'Infanterie ,
dont les emplois fe trouvoient
quelquefois réunis fur une même
tête : 1". Sous eux étoient les Ducs,
Se fous les Ducs , 30. les Comtes
Militaires ou Tribuns. La Notice
de l'Empire fpécifie fix de ces Of-
ficiers , fçavoir les Ducs du DiftricT;
Armorique Se du Ncrvien , de la
Province Séquanoife, de la féconde
Germanique , de Mayence , de la
féconde Belgique , & le Comte
Militaire de Strafbourg ; fur quoi
il paroît que l'Auteur cft très-bien
fondé à corriger le Texte de la No-
tice qui lui fournit ce dénombre-
Gaules pour les gouverner , fous ment, &C où il lit Dttx fecunda Ger-
Conftantin le Grand Se fes Succef- mania , au lieu de Dux prima Ger-
fcurs.Ccs Officiers étoient 1 "le Pré- maniez, qu'y lifent tous les Edi-
fet du Prétoire des Gaules , qui teurs. Mais il fait une remarque
icfidoit à Trêves ,& qui avoit trois beaucoup plus importante fur ce
Vicaires généraux , l'un pour les que la même Notice appelle Trac-
Gaules , l'autre pour l'Efpagne , &:
le troifiéme pour la Grande-Breta-
gne : 2°. Les Gouverneurs ou ?{ic-
tus Armoricanus & Ncrvieanus. 11
fait voir que ce mot Traftn-s , en cet
endroit & ailleurs défigne un aïîem-
teurs des 17 Provinces de la Gaule, blage de Provinces duquel l'éten-
defquels fix portoient le titre de due qui formoit un Commande-
Préfident, Se onze , celui de Pro-
conful : 3". Les Comtes chargés
dans chaque Cité particulière , du
foin de la Juftice , de la Police Se
des Finances : 40. Quatre Commis
May.
ment ou Gouvernement Militaire
particulier , ne répondoit nulle-
ment à celle d'une des 17 Provin-
ces de la Gaule. Il paroît par le té-
moignage de la Notice même, que
Oo
2S2 JOURNAL D
le Diftric't ou Commandement Ar-
morique ou Maritime renfermoit
cinq Provinces entières , fçavoir ,
les deux Aquitaines , la Sénonoife
( ou quatrième Lyonnoife ) la troi-
iiémeLyonnoife,la féconde, & qu'il
s'étendoit encore jufqu'au Pays des
Nerviens , c'eft - à - dire jufques à
l'embouchure du Rhin dans l'O-
céan. D'où il arrivoit ( obferve
l'Auteur ) qu'Orléans , Chartres ,
Paris, fe trouvoient dans le Gou-
vernement Maritime , Se qu'un
Hiftorien du cinquième fiécle aflii-
roit qu'une bataille , qu'on fçait
d'ailleurs avoir été donnée aux por-
tes d'Orléans , l'avoit été dans la
Province Armorique.
M. l'Abbé du Bos nous offre un
exemple fenfible & qui en: prefquc
fous nos yeux de ces dénomina-
tions abufives , & qui femblent
impliquer contradiction. C'eft le
nom de Pays-bas donné à l'afTem-
blage de plusieurs Provinces , par-
ce que la plupart de celles dont il
fut d'abord compofé , étoient un
Pays plat & prefque de niveau avec
la mer Se les fleuves dont il eft ar-
rofé. Dans la fuite les Souverains
de cet Etat y ayant joint des Pro-
vinces Méditerranées & Montueu-
fes, comme le Duché de Luxem-
bourg , le Comté de Namur , &c.
l'on s'eft accoutumé à dire que
Luxembourg, que Namur étoient
dans les Pays-bas. De même (con-
tinue l'Auteur ) après l'établiflc-
ment du Gouvernement Armori-
que ou Maritimc3on aura pris l'ha-
bitude de dire que Sens , qu'Or-
léans étoient dans la Province Ma-
ritime..
ES SÇAVANS,
L'Auteur nous découvre ici les
raifons qui avoient engagé les Ro-
mains à réduire fous un feul & mê-
me Chef cette grande Province
Maritime Se à étendre ce Diftrift
jufques aux Citez Méditerranées
de la quatrième Lyonnoife. C'étoit
pour mettre tous ces Pays en fure-
té contre les defeentes imprévues
que faifoient les Pirates Saxons Se
autres , non feulement le long de
cette Côte , qui s'étendoit depuis
l'embouchure du Rhin jufqu'à
Bayonnc , mais en remontant les
rivières jufques à 50 lieues de la-
Mer , fur des barques plattes , Se
ravageant tout à droite Se à gauche.
L'Auteur , à cette occafion , re-
cherche encore l'origine du nom de
Rivage Saxomqne donné à la Côte
de la Cité de Bayeux comme à une
partie de celle de la grande Breta-
gne , dès le troilîéme fiécle ', Se il
conjecture que cette dénomination
qui par rapport au rivage Breton
venoit du grand nombre de Ger-
mains que l'Empereur Probus y
avoit tranfplantés vers l'an Z78.
pourroit bien avoit été donnée à la
Côte de Bayeux pour quelque
événement femblable.
De-là l'Auteur parte au détail des
Troupes Romaines Se des Flottes
entretenues dans les Gaules par les
Empereurs. Les flottes étoient
compofées de Vaifleaux ronds Se
de Galères , pour la garde des Cô-
tes, Se de petits bâtimens , pour
celle de l'embouchure des fleuves.
Suivant la Notice , la flotte defti-
née à garder la Meufe avoit fon^
bailîn Se les arfenaux dans le lit de
MAY
ïa Sambrc -, celle qui gardoit le
Rhône défarmoit à Arles , & celle
qui gardoit la Seine avoit Ion badin
à Paris. Quant aux troupes de terre,
elles étoient de deux eipeces. Il y
avoit les troupes de campagne defti-
nées principalement à la garde du
Prince , & prêtes à marcher fans
délai où il le jugeoit à propos : il
y avoit les troupes de la frontière
{ Milites limitanei ) employées à la
garde d'une certaine Contrée , où
la plupart des Soldats avoient mê-
me leurs domiciles. Les troupes de
campagne appellées Soldats prefens
( Milites pr&fentanei ) avoient un
Chef particulier nommé le Maître
des Soldats prefens , qui faifoit au-
près de l'Empereur toutes les fonc-
tions militaires des anciens Préfets
du Prétoire. M. l'Abbé du Bos
compare auxjanifïàires de l'Empire
Turc ces Soldats prefens , dont il y
avoit dans les Gaules un corps con-
sidérable , qui étoit le nerf des ar-
mées Romaines. Pour les troupes
attachées à la garde de quelque
frontière , & qui dévoient leur ori-
gine à l'Empereur Alexandre- Sévè-
re ( félon notre Auteur ) elles
avoient des bénéfices militaires
dans leurs quartiers , en fonds de
terres ; bénéfices , qui certainement
les empêchoient de deferter ; mais
qui, peut-être, les rendoient plus
parefleufes à prévenir quelque ir-
ruption de Barbares , de Germains ,
par exemple , en les allant attaquer
dans leur propre Pays.
Quant aux troupes étrangères
que l'Empire prenoit à fa folde ,
fous le nom à' Alliez, ou de Confè-
* '7? 4- 28}
devez, , & qui toutes n'étoient com-
pofées que de Barbares enrôlés &
toujours entretenus; elles fervoient
comme d'un frein propre à retenir
les Troupes Romaines dans le de-
voir , ôc fuppléoient à la difette de
celles ci , qui devenoient alors aflez
difficiles à recruter. Les capitula-
tions de ces Barbares avec l'Empire
étoient ( félon 1 A uteur) Que l'Em-
pire pourvoiroir à leur folde , qu'il
leur donneroitune recompenfe, &c
qu'ils ne feroient point obligés à le
fervirdans des Provinces fort éloi-
gnées de leur patrie. Cette folde
( comme le préfume l'Auteur , d'a-
près un paflage de Caffiodore) étoit
pour chaque Barbare , tant qu'il
étoit en route , à peu - près de 45
livres de notre monnoyc par Se-
maine ; mais elle étoit moindre ,
lorfqu'ils campoient ou qu'ils
étoient dans leurs quartiers.
Parmi les troupes auxiliaires qui
fervoient dans lesGaules, 8c étoient
des Francs & d'autres Nations Ger-
maniques , ou voifines du Danube
tk. du Pont Euxin , la Notice fait
mention des Lit es [ Leti ] dont
patient aulîî ZozimecV Jornandès.
M. l'Abbé du Bos eft perfuadé que
ce mot Lètes n'eft le nom propre
d'aucune Nation particulière ,
comme l'ont cru du Cange & quel-
ques autres : mais que ce nom
marquoit l'état & la condition de
ceux des Barbares de toute Nation,
enrôlés au fervice de l'Empire , &
aulquelson avoit conféré des béné-
fices militaires ; c'efl à dire , qu'on
regardoit ces Barbares comme de-
vant être fatisfaits de leur fort&
Ooij
a84 JOURNAL D
de leur établillemcnt , & qu'on les
nommoit en confequence les Con-
tens ( Ltti ) : comme par une rai-
fon contraire , on appeîloit à la fin
du dernier fiécle les Hongrois ré-
voltés contre l'Empereur , pour
n'être plus opprimés par fes Offi-
ciers les Àiécontens. Nous ren-
voyons fur ce point aux preuves
de l'Auteur. On verra de plus chez
lui comment ces troupes auxiliaires
dans le defordre des affaires de
l'Empire , fe cantonnèrent en cer-
tains Pays , comment les Empe-
reurs furent contraints d'en pren-
dre à leur fervice des Tribus entiè-
res conduites par leurs Rois , &
aufquclles ils affignoient des quar-
tiers fiables pour y vivre félon
leurs loix., S: dans l'indépendance
des Officiers Civils de l'Empire ;
en un mot , comment plufieurs
effains de Barbares fe firent, mal-
gré l'Empire, fes troupes auxiliai-
res ; s'arrogeantle titre fpécieux de
fes Hôtes.
L'Auteur recherche enfuite quels
étoient les revenus que les Ro-
mains avaient dans les Gaules ; &
il le fait avec d'autant plus de foin,
que le patrimoine de la Couronne
Impériale devint précifément celui
de la Couronne Royale des Francs,
après l'établiffement de leur Mo-
narchie. Ces revenus provenoient
i°. des fonds de terre : z°. du fub-
iîde ordinaire qui comprenoit la
taxe par arpent , la capitation &
d'autres impofitions , qui faifoient
partie du tribut public -, 30. des
gabelles , péages & douannes ; 40.
des dons gratuits & autres revenus
ES SÇAVANS,
cafuels. Les fonds de terre apparte-
nant à l'Empire confiftoient en par-
tie dans la portion des terres que
les Romains approprioient à la Ré-
publique en Pays de Conquête ; en
partie des terres réunies au Domai-
ne de l'Etat pour quelque autre
raifon que ce fût : Se ces terres
étoient mifes en valeur au profit de
l'Empire. L'Auteur fe perfuade ,
quoiqu'il n'en ait pas d'autorité
pofitive , que les Romains s'appro-
prioient aulfi une partie des forêts
& des bois taillis dans les Provinces
qu'ils avoient affujetties ; ce qui lui
donne occalîon de faire une di-
greffion curieufe & approfondie
touchant le Droit appelle Tien &
danger, qui fe levé en Normandie
au profit du Roi fur les deniers
provenans de la coupe de plufieurs
forêts. L'Etat tiroit encore divers
profits de fes fonds de terre par la
taxe impofée fur le gros & le me-
nu bétail , par les mines d'or ou
d'autres métaux qui s'y rencoa-
troient ; par les carrières de pierre
ou de marbre , &c.
Sur la taxe réelle ou par arpent
& fur la perfonnelle ou la capita-
tion , l'Auteur examine trois cho-
fes ; commentées impofitions s'a-f-
feoient , en quoi elles confîftoicnt,
& comment elles fe levoient : fur
quoi nous renvoyons au Livre mê-
me. Nous remarquerons feulement
après l'Auteur , que pour rendre la
capitation fupportable , les Ro-
mains avoient imaginé un expé-
dient , qui paroît d'abord afTcz bi-
zarre , parce que l'on en ignore les
motifs } & qui ctoit d'alfocier plu-
MAY,
fieurs perfonncs pour payer en-
tr'elles une feule tête ou cotte
part de capitation : & fur cela il
faut recourir aux conjectures de
notre Auteur. Il faut le confulter
encore fur quelques autres Charges
publiques telles que les corvées
preferites pour le ttanfporc des
denrées , pour l'entretien des
grands chemins , pour prêter fes
chevaux en certains cas , & pour
recruter les troupes.
Au regard de la manière dont fe
faifoit le recouvrement de toutes
ces impofitions -, il paroît par le
détail où il entre fur ce point , que
quelque légères qu'elles euflent
été , cette manière de les lever les
eût rendues très onéreufes. A pro-
pos d'un Edit de l'Empereur Ma-
jorien contre les exadteurs des im-
pôts publics , au fujet des mon-
noyes frappées avec l'effigie des
Faufiines , M. l'Abbé du Bos fait
qaelques réflexions tfès-ferifées fur
la diftinclion prétendue mife entre
les monnoyes & les Médailles an-
ciennes. Il obferve encore que les
Empereurs pratiquoient de leur
tems ce que François I. a depuis
introduit en France , lorfque non
content des droits que fes préde-
ceffeurs levoient fur le fel , il s'en
eft refervé comme à fes fuccefleurs
la vente exclusive. L'Auteur , en fi-
niflant cette difeuffion des revenus
que l'Empire tiroit des Gaules, fou-
haiteroit fort pouvoir en détermi-
ner Là fomme totale. Elle ne fc
montoit guéres fous Jules-Céfar 5c
fous Augufte qu'à dix millions de
livres. Mais il conjecture fur des rai-
17 5 4- di-
rons plaulîbles , que fous Conftan-
tin cette fomme devoit être dix
fois plus grande que fous Augufte.
M. l'Abbé du Bos , dans les cinq
derniers Chapitres de fon premier
Livre , pafle en revue, & nous fait
connoître plus particulièrement les
Nations barbares , qui habitoient
fur la frontière de l'Empire du cô-
té du Septentrion ; & qui étoient
les Bourguignons & lesAllemands.,
les Saxons , les Francs, la Nation
Gothique , les Alains , les Huns ,
& les autres Peuples de la Nation
Scythique. Contens de donner un
précis de ce qui concerne les
Francs , comme étant celui de tous
ces Peuples qui doit le plus inte-
relfer par rapport à cette Hiftoire ;
nous renvoyons au Livre même
fur tous les autres.
Les Francs ( dit notre Auteur )
étoient de toutes les Nations Ger-
maniques voifînes de la Gaule ,
celle qui étoit la moins barbare &c
le plus en liaifon avec les Romains.
Suivant les Tables de Peutinger leur
Pays , dans le cinquième fiécle 3
s'étendoit depuis l'embouchure du
Mein dans le Rhinjufqu'à celle du
Rhin dans l'Océan ; c'eft-à-dire ,
depuis l'Iile des Bataves jufqu'aux
environs de Francfort. Les Francs
étoient divifés en plufieurs Tribus
dont chacune avoit fon Roi ou fon
Chef indépendant, qui rempliltoit
en perfonne deux fondions ; l'une
décommander fes fujets dans les
expéditions militaires , l'autre de
leur rendre la juftice. L'Auteur n'a
pu découvrir jufqu'à prefent quel
étoit le nombre de ces Tribus , &
*26 JOURNAL DE
quel étoit le nom propre de chacu-
ne ; il defefpere même de pouvoir
y réuiïir , & il en allègue la raifon
qu'on peut voir. Toutes ces Tribus
étoient confédérées par une alliance
défenfive , qui les obligeoit d'ac-
courir au fecours de celle qui feroit
attaquée dans fes foyers. Mais cette
alliance n'étoit point ofTenfive ,
comme en font foi pluheurs faits
rapportés ici ; & elle n'empêchoit
pas que chaque Tribu ne fût fou-
veraine dans fon territoire. Les
Francs paffoient pour la Nation la
plus brave fur terre &: fur mer qui
tût parmi les Barbares de l'Euro-
pe, comme le prouvent leurs ex-
ploits ptefque incroyables fur l'un
& fur l'autre élément.
La politique des Romains leur
fit rechercher l'amitié des Francs
dès que ceux - ci fe furent une fois
établis fur la rive droite du Rhin ,
vers le milieu du troificme ûécle.
Ils employèrent auprès d'eux les
moyens reconnus les plus efficaces
pour engager des Nations barbares
à laiffer en paix le territoire de
l'Empire.Le premier de ces moyens
étoit de les obliger à cultiver leurs
propres terres, &c à élever du bé-
tail : le fécond , de leur payer des
fubfides : le troifiéme , de tenir
à la folde de l'Empire des corps de
troupes de cette Nation , & d'a-
vancer aux premières dignitezeeux
qui fervoient dans ces corps. No-
tre Auteur rapporte ici des exem-
ples nombreux de Généraux Francs
employés dans les armées de Con-
ftantin, dans celles de Gratien &c
de Valentinien II. d'un Mellobau-
5 SÇAVANS;
des , d'un Baudon , d'un Arboga-
fte. Un quatrième moyen mis en
œuvre par les Romains pour fc
garentir des incurfions des Francs ,
étoit d'en tranfplanter de tems en
tems des peuplades dans le terri-
toire de l'Empire , où ils leur don-
noient des habitations. C'eit de
quoi l'Auteur allègue plus d'une
preuve , expliquant auflî par occa-
îîon un paffage du Poète Claudien,
qui a fait croire fauffement à plu-
fieurs Ecrivains , que les Francs
envoyoient leurs troupeaux paître
au - delà de Y Elbe , fleuve d'Alle-
magne -3 au lieu qu'il n'eft queftion
dans le paffage que de YAlve a ri-
vière des Ardennes.
De toute cette difeuffion il doit
refulter que plus de zoo ans avant
le règne de Clovis les Romains &
les Francs étoient extrêmement fa-
miliarifés les uns avec les autres ,
en forte que pour le perfuader au
Lecfeur, M. l'Abbé duBosnefc
croit pas obligé de faire valoir l'E-
dit de Conftantin le Grand cité
dans une Loi publiée par Conftan-
tin-Porphyrogenéte. Il eft même
perfuadé que la Nation entière des
Francs , depuis fon établiffement
fur la rive droite du Rhin , n'a
point eu de guerre générale con-
tre l'Empire , c'eft - à - dire , de
guerre de peuple à peuple , comme
s'exprime l'Auteur. S'il y a eu
quelques hoftilitez de leur part
contre les Romains, ceux-ci loin
de s'en prendre à la Nation entière
6 de rompre avec elle , employoit
pour repouffer ces heitilitez. les
Francs mêmes qui fervoienc dans
M A Y ; 17J4. 287
leurs troupes. très Livres de cet Ouvrage dans un
Nous rendrons compte des au- autre Journal.
TRAITE' PHYSIQVE ET HISTORIQVE DE VAVRORE
Boréale. Par M. de Mairan. Suite des Mémoires de l'Académie Royale
des Sciences , année 173 1. A Paris, de l'Imprimerie Royale. 1735.
/fl-40. pp. 281. Planch. xv. Se vend chez Jacques Lambert , rue Saint
Jacques , à la Sageffe ; féparément , pour ceux qui ne voudront pas
acheter les Mémoires ,10 liv. en blanc , Se 10 liv. 10 f. relié.
DANS notre Journal d'Avril
dernier nous avons rendu
compte des deux premières Sec-
tions de ce Traité , dont l'une indi-
que la matière , qui ( félon l'Au-
teur ) forme l'aurore boréale, Se
qui eft l'atmofphére folaire ; l'au-
tre nous fait connoître plus à fond
le lieu Se le fluide , où l'aurore bo-
réale prend naiffance & fe manife-
fte ■■, Se c'eft l'atmofphére terreftre.
Il nous refte prefentement à fuivre
M. de Mairan dans fes trois der-
nières Sections , où il fe propofe de
confirmer la Théorie qu'il a fuppo-
fée jufqu'ici , Se d'en montrer
l'accord avec les exemples Se les
faits aufquels il l'applique.
III. C'eft ce qu'il exécute d'a-
bord par l'explication des divers
phénomènes , qui compofent ou
qui accompagnent l'aurore boréale.
1. Il détermine, en premier lieu,
la diftance d'où la matière de l'at-
mofphére folaire peut tomber dans
l'atmofphére terreftre, ou les limi-
tes de la force centrale qui agit vers
la terre , relativement à celle qui
agit vers le foleil. Il lui paroît évi-
dent , par le calcul , que cette ma-
tière de l'atmofphére du foleil
pounoit tomber dans l'atmofphére
de la terre , non feulement du lieu
où cette matière s'étend lorfqu'elle
parvient jufqu'au point qu'occupe
actuellement la terre dans fon or-
bite, mais encore de plus de 6000»
lieues au-delà. Pour déterminer
plus généralement les limites de
cette diftance Se juftifier ce calcul ,
il en fait un autre , par lequel il
trouve que ces limites ne peuvent
être que la furface d'un Conoide qui
s'étendroit à l'infini , Se dont toute
la matière pourroit fe précipiter fur
la terre Se s'entaffer dans l'atmof-
phére de celle-ci , non feulement
de 60 mille lieues , mais encore de
100 mille ,de 200 mille, d'un milion
de lieues , &c. Ce qu'il ne faut pas
cependant regarder [ dit l'Auteur]
comme rigoureufement conforme
à la nature , mais comme une /im-
pie approximation propre à fixer
l'imagination des Lecteurs : Se il
n'oublie pas de lever une difficulté,
que le calcul précèdent pourroit
faire naître au fujet de la Lune, qui
couroit grand rifque de tomber
fans retour dans le foleil ou d'aller
circuler immédiatement autour de
lui.
2. M. de Mairan explique enfui -
te pourquoi l'aurore boréale paroît
288 JOURNAL D
ordinairement du côté du Nord :
au lieu qu'étant produite [ félon
lui ] par î'atmofphére du Soleil où
le globe terreftre eft fouvent entiè-
rement plongé, cette aurore de-
vroit fe montrer indifleremment
dans toutes les parties de l'horizon.
L'Auteur en allègue plufieurs cau-
fes , fçavoir , 1°. la groflîereté de
l'air qui couvre les régions polai-
res , par rapport à notre climat ,
& qui doit y favorifer l'amas de la
matière zodiacale , plutôt que par-
tout ailleurs , l'y retenir , Se la ren-
dre plus vifible pour nous : 2°. Le
mouvement diurne delà terre , le-
quel doit faire aller vers le pôle Se
y fixer la matière de l'aurore boréa-
le qui tombe en deçà , & qui pour-
roit s'attacher à des portions plus
méridionales de notre atmofphére:
Se cette expuhîon doit s'exécuter
d'autant plus facilement que cette
matière de l'aurore boréale n'a au-
cune force centrifuge , du moins
par rapport à l'axe de la terre : fur
quoi l'Auteur prévient une objec-
tion fpécieufe , Se y répond : 30. le
mouvement qu'a la terre vers cette
matière par le pôle boréal, qui fc
trouve le premier à la rencontrer ,
pendant une moitié de l'année , où
d'autres circonstances favorifent
d'ailleurs l'apparition de l'aurore
boréale. L'Auteur explique ici
comment il imagine la chofe , Se le
met fous nos yeux par une figure.
De tout cela ilrefulte, i°. Que
toutes chofes égales _, le phénomè-
ne doit être plus fréquent pour
l'hémifphére feptcntrional depuis
le folftice d'été jufqu'à celui d'hi-
ES SÇAVANS,
ver , que depuis celui ci jufqu a
l'autre ; Se tout au contraire pour
l'hémifphére méridional , fuppofé
que ce phénomène y paroi (Te : i°.
Que les aurores boréales , vues de-
puis la fin de Juin jufqu'à celle de
Décembre , doivent être générale-
ment plus vilibles vers le pôle bo-
réal , & moins fur le refte de l'ho-
rizon , que celles qui fe montrent
depuis Décembre jufqu'en Juin :
j*. Que les confequences précé-
dentes doivent avoir d'autant plus
lieu, que le mouvement d'appro-
che ou de fuite du pôle feptentrio-
nal ou méridional de la terre par
rapport à la matière du phénomène
eft plus rapide : ce qui arrive ,
comme l'on fçait dans les équino-
xes : Se toutes ces remarques (ajou-
te l'Auteur ) ont été jufqu'ici par-
faitement confirmées par l'expé-
rience.
3. Delà il pafle à une deferip-
tion très-détaillée de l'aurore bo-
réale , dont il fpécifie la déclinai-
fon orientale } l'heure de l'appari-
tion , l'ordre fucceifit des phéno-
mènes qui l'accompagnent , Se le
tems qu'elle employé à fe former.
Elle paroît ordinairement deux ,
trois , ou quatre heures tout au
plus après le coucher du Soleil ; Se
elle commence par une efpece de
brouillard allez obfcur qu'on ap-
perçoit vers le Septentrion décli-
nant un peu vers l'Oiïeft. Ce
brouillard prend peu à peu la forme
d'un fegment de cercle , dont l'ho-
rizon fait la corde , Se dont la cir-
conférence eft bien-tôt bordée de
deux ou trois arcs concentriques ,
alternativement
MAY,
alternativement lumineux Se obf-
curs , d'où partent par différentes
brèches éclairées plusieurs jets Se
piuficurs rayons de lumière diver-
sement colorés. Tout cela produit
une foi te d'incendie, dontl'exten-
llon offre aux yeux comme une
couronne au zénith où femblent fc
réunir tous les mouvemens d'alen-
tour, Se qui fait comme la clef de
la voûte , la lanterne d'une coupo-
le , le fommet d'un pavillon. C'eft-
là ( dit l'Auteur ) le moment de la
plus grande magnificence du phé-
nomène , tant par la variété des
objets que par la beauté des cou-
leurs ; après quoi il diminue , fe
calme , non fans quelques reprifes ,
qui renouvellent quelquefois pref-
que tout le fpe&ade ; Se s'éteint
tout-à-fait.
L'Auteur entreprend d'expli-
quer en détail toutes ces circon-
ftances , par la caufe générale qui
les produit , fuivant fon hypothé-
fe : Se il fait de cette explication fîx
Chapitres , dans lefquels il s'agit ,
i°. du fegment obfcur qui borde
l'horizon, des arcs lumineux, Se
des créneaux , qui en interrompent
quelquefois le limbe : z°. Des co-
lonnes , des rayons ou jets de lu-
mière , des brèches du fegment
obfcur , Se des brifures de l'arc lu-
mineux : 3°. Des éclairs &e des vi-
brations de lumière , des ondula-
tions , de la fumée , du mouve-
ment réel ou apparent qui les ac-
compagne , & du filence qui rc-
one dans tous ces phénomènes :
4°. Du concours des rayons Se de
la matière du phénomène au zénit,
May.
i 7 j 4. 28p
ou près du zénît , Si. de la couron-
ne : 50. De la denfîté Se de la tranf-
parence de l'aurore b»réale : 6a. De
fes couleurs. Nous ne prétendons
point ici particularifcr routes ces
explications ; ce qui nous jetterait
dans uneexcelîlve longueur. Con-
tens de les avoir indiquées en géné-
ral Se dans le même ordre où elles
font déduites } nous nous borne-
rons à prendre çà Se là quelques
obfervations des plus interelfantes,
& qui pourront faire fentir jufqu'à
quel point l'Auteur s'cJî rendu in-
génieux à tirer de fon nouveau Sy-
flême tout le meilleur parti qu'il
étoit pofîîble.
4. En parlant des dimenfions de
l'aurore boréale , par rapport à fon
arc lumineux , on obierve que la
largeur de fon limbe va depuis
deux jufqu'à dix degrez : que fa
longueur ordinaire s'arrête à 100
Se quelques degrez d'étendue , Se
que fa hauteur prife à fon fommet
va de 20 , 30 à 40 degrez, rare-
ment au delà ou au deffous ; en gé-
néral , la grandeur de cet arc vient
toujours de la grandeur réelle du
cercle , dont cet arc fait partie. Du
refle , entre les aurores boréales les
plus régulières ie les mieux termi-
nées quant à cet arc , on peut
compter celle du dix- neuvième
Octobre iji6. Se les deux obfer-
vées à Gieffen en Allemagne le 17
Février Se le premier Mars 1711.
5. La matière boréale ( dit l'Au-
teur ) répandue par des floccons
qui rendent tout le Ciel pommelé,
comme feroient de vrais nuages ,
montre que cette matière ne fe me-
Pp
290 JOURNAL DES SÇAVANS,
le pas toujours & pat tout unifor- boréale , où le concours des rayons
mement avec notre air , &c qu'elle vers le zénit en forme de couronne
y eft peut-être fouvent comme une eft bien marqué : Nous vîmes pen-
liqueur huileufe ép.irfe dans l'eau dant deux nuits de fuite [dit-il]^/
en gouttes féparées les unes des au- fign*s dans le Ciel , c'ejl-à-dire des
très. Il obiervt encore au même rayons de lumière ejui s'élevaient du
endroit, que les jets de lumière coté de l'aquilon , ainfî qu'il arrive
dans ces aurores ne confident ordi- fouvent. 'Un: granie clarté s'empara,
nairement qu'en de Amples rayons d'une partie du Ciel t & fembloit le
échappés des brèches enflammées
du fegment , & dardés contre la
matière fumeufe ambiante •, effet
tout femblable à celui que font
voir les rayons du Soleil couchant ,
entre des nuages.
6. Il fembleroit [remarque M. de
Mairan ] que tant d'agitations ,
d'inflammations tk d'éruptions fu-
bites , qui dans l'aurore boréale
produifent les'éclairs , devroient
être fuivies du tonnerre ou du
moins de quelque bruit fenfible
C'eft ce qui ne manquoit point fans
doute aux aurores boréales des
parcourir. . . . ,& il y avoit au mi-
lieu du Ciel un nuage fort lumineux
auquel tous ces rayons allaient fe réu-
nir fous la forme d'une tente 3 dont les
bandes beaucoup plus larges vers le
pied , montaient en fe'retrectjjatn juf-
qtt'a fon fommet , eu elles fe termi-
naient comme une efpece de capuchon.
Au furplus on ne doit regarder cet-
te couronne que comme une fim-
ple apparence optique ; de c'eft fur
ce pied là que l'explique notre Au-
teur, auquel nous renvoyons fur
ce point.
8. Il faut le confulter encore fur
la manière dont il conçoit que la
matiete zodiacale puifle s'affemblct
fiécles paffés , où des gens ( dit no
tre Auteur ) qui voyoient pref-
aue toujours dans ce phénomène tk s'accumuler dans notre atmof
le combat fanglant de deux armées phere au point d'y acquérir une
en l'air , ne pouvoient guéres fe deniîté capable de produire dans le
phénomène en queftion le fegment
obfcur. Il trouve dans fon hypo-
théfelamême facilité à expliquer
la rranfparence des parties diapha-
nes de l'aurore boréale.
9. Des différentes couleurs de
celle-ci , qui font l'effet d'une lu-
mière ou rompue ou réfléchie ; Si
difpenfer d'y entendre le fracas des
armes , l'artillerie , & apparem-
ment auffi le bruit des tambours &
le fon des trompettes. Mais ces au-
rores font devenues fi tranquilles à
cet égard , que l'Auteur n'y a ja-
mais oui ni fifflement ni le moin-
dre murmure , & il en allègue
pour une raifon la trop grande éle- de la région que le phénomène oc-
vation & le trop grand éloigne- cupe , l'Auteur tire cette confe-
ment du phénomène. quence , Que la matière refrailive
j. On trouve dans Grégoire de dans notre atmofphére a une bien
Toim la defeription d'une aurore plus grande hauteur qu'on ne l's-
MAY
voit penfé , ou que la matière mê-
me du phénomène a la propriété de
rompre les rayons de lumière.
io. Au fujet de la constitution
de l'air & des autres ci rcon (lances
favorables ou contraires à la forma-
tion Se à l'apparition de l'aurore bo-
réale, l'Auteur ne peut déterminer
autre chofe fînon que la première
elt tout à-fait indépendante de ce
qui fe paffe dans la région des mé-
téores , & que la féconde trouve un
égal obftacle dans un Ciel trop
couvert ou trop éclairé.
ii. Le dernier Chapitre de cette
troifléme Section roule fur les di-
vers genres d'aurores boréales. Il y
en a de tranquilles qui ne donnent
aucuns jets de lumière: d'horizonta-
les} qui n'ont qu'une très -petite
hauteur : d'Occidentales , d'Orienta-
les Se de Méridionales , qu'on peut
appeller irrégulieres : enfin il y en a
d'informes , Se de tout- à- fait indéci-
jcs.
IV. M. de Mairan , dans fa
quatrième Section , traite des ap-
paritions de l'aurore boréale , en
rant qu'elles dépendent de l'éten-
due , de la poiîtion Se de la figure
de l'atmofphére folaire. C'eft-à-di-
re qu'il nous donne d'abord une
Hiftoire de ce phénomène , fui vant
les Mémoires qui nous en reftent ,
& qui nous en indiquent les repri-
fes &: les interruptions.
i. Il regarde Ariftote comme le
plus ancien de nos Auteurs qui ait
fait mention de l'aurore boréale ;
car il eft perfuadé que c'eft ce phé-
nomène que ce Philofophe nous
déligne en le comparant à unefiam-
> T7 34" *oi
me mêlée d; famée ,à celle d'une lampe
qui s'éteint a Se à Yembrafement d'une
campagne dont on brûle le chaume.
Elle a principalement cette apparen-
ce ( dit Ariltote ) lorfqu'elle s-' étend,
beaucoup en longueur & en largeur.
Ce font ( ajoûte-t il ) de ces phéno-
mènes , qui ne paroijfsnt que pendant
la nuit , & dans un tems ferein , &
qu'on appelle gaufres , ffffes , tifont
allumés t chèvres. Le goufre Se 11
foffe marquent ( félon notre Au-
teur ) le fegmentobfcur de l'auro-
re boréale : les tifons allumés font
fans doute les colonnes ou les jets de
lumière ; les chèvres font les pelo-
tons blanchâtres , qui rendent le
Ciel pommelé. Les Auteurs Latins
(dit M. de Mairan ) ont eu de ce
phénomène la même idée que les
Grecs, & l'ont exprimée en ter-
mes équivalens. Ciceron ( félon
lui) en parle , lorfqu'il dit, on a
vu des torches ardentes vers l'Occi-
dent & le Ciel tout en feu. Pline le
Naturalifte nous la reprefente fous
divers noms Se fous divers afpects.
Séneque s'en explique encore plus
clairement. Parmi les prodiges raf-
femblés par Jidius-Obfequens Se par
fon Continuateur Conrad Lycoflhe-
ne on trouve quelquefois notre phé-
nomène. Ainfi ( pourfuit M. de
Mairan) on peut pouffer l'Hiftoirc
de l'aurore boréale jufqu'au com-
mencement du cinquième fiécle ,
Se y fixer l'époque des apparitions
de ce phénomène , defquelles on
peut tirer ici quelque induction. Er
parcourant ( continue- 1- il ) les
Monumens qui nous reftent depuis
2000 ans, on en peut conclure en
Ppij
a$2 JOURNAL D
général , que l'aurore boréale n'a
guéres été au delà de 60 ou 80 ans
fans paroître , excepté peut-être le
treizième ôi le quatorzième hccle.
Mais on peut aiïurer qu'avant Gaf-
fendi , nul Auteur ne paroît avoir
parlé de fang froid de ce phé-
nomène , & que la plupart n'en
ont fait mention que dans le def-
fein formé de l'ajufter aux évene-
mens & aux avantures tragiques
de leur tems.
2. A ce récit hiftorique touchant
l'aurore boréale en général , fucce-
de un ordre chronologique des re-
prifes de ce phénomène que Ton
peut compter depuis le commen-
cement du cinquième fïécle juf-
qu'aujourd'hui : &C ces reprifes
«ont au nombre de 2 1 , où l'on a
foin d'avertir des fingularitcz ob-
fervéesdans chacune.
3. Vient enfuite un recueil ou
dénombrement des aurores boréa-
les , dont on fçait le jour ou le
mois , rangées par ordre chronolo-
gique depuis le commencement du
fixiéme fiécle jufqu'à la fin de l'an-
née 173 1. avec quelques remar-
ques & des deferiptions : le tout
fuivi d'une Table abrégée ,ou d'une
redadion du dénombrement pré-
cèdent , de laquelle il refulte que
dans ce long intervalle de tems il a
paru en tout 129 aurores boréales.
C'eft une difcuflîon hiftorique dans
laquelle nous ne pouvons fuivre
l'Auteur, mais qui a dû lui coûter
beaucoup de travail & de recher-
ches , & dont les Agronomes doi-
vent lui fçavoir gré.
\. Ils ne doivent pas lui tenir
ES SÇAVANS,
moins de compte du calcul où il
entre par rapport à !a détermina-
tion des nœuds , des pôles , des li-
mites, & de ladéclinaifon de l'at-
mofphére ou de l'équateur folairt.
Il fuppofe avec feu M. C'iJfi>uYi\c
du Soleil incliné de 7 degrez -£ à
celui derécliprique.Mais de ce que
l'équat. folaire décline de 7 degrez
\ par rapport à l'écliptique, & de
ce que l'écliptique décline d'envi-
ron 23 degrez -^ par rapport à l'é-
quateur terreftre , il s'enfuit feule-
ment ( fclon l'Auteur ) que la dé-
clinaifon totale de l'équateur folai-
re , eu égard à l'équateur terreftre ,
tient un milieu entre la fomme des
deux inclinaifons qui eft 3 1 , &
l'inclinaifon de l'écliptique , qui
eft 23-^- : & c'eft fur ce pied là que
M. de Mairan règle l'on calcul.
Nous y renvoyons , ainfi qu'aux
figures qui l'accompagnent, & qui
fervent à éclaircir une Théorie que
l'Auteur ne fçait avoir été expli-
quée nulle part , quoiqu'indépen-
damment du fujet qu'il traite, elle
puifle être quelquefois d'une gran-
de utilité.
5. 11 en tire pluficurs confequen-
ces par rapport à la lumière zodia-
cale ou à l'atmofphére du Soleil
vue dé la terre ; &: il hit au Aï men-
tion des irrégularitez ou variations
feulement apparentes, qui peuvent
naître de fes divers afpe&s. Il infère
donc de cette Théorie, i°.Quetoui
tes chofes d'ailleurs égales , les ob1
fervations de cette lumière doivent
être plus faciles & plus fréquente?
vers l'équinoxe du Printems. que
M A Y , i 7 5 4- 2$$
vers celui de l'Automne ; ce que des reprifes de l'aurore beréale avec
l'expérience a juftifié : 2°. Que la les apparitions de la lumière zodia-
lumicre zodiacale fera beaucoup cale , ou avec les accroiffemens de
plus élevée fur l'horizon le foir au l'atmofphére folairc. Mais il avoiie
folftice d'été , que le marin ; Si au que c'en1 ce qu'il ne fçauroit execu-
contraire , au folltice d'hiver ; ce
que confirme encore l'expérience :
3°. Que Jes plus grandes largeurs
de la lumière en général , fe doi-
vent rencontrer , Si fc rencontrent
en effet ordinairement aux points
ter qu'imparfaitement par le défaut
d'obfervations de la lumière zodia-
cale , qui eft prefque la feule voye
de fe mànifeftèr qu'air l'atmofphére
folaire , Si dont on n'a des obfer-
vations exa&es que depuis 1683.
Si aux tems où la terre eft vis-à-vii Or ces obfervations qui pourroient
des plus grandes latitudes de l'é- attelkr cette correfpondance fe re
quateur folairc cv autour de fes li- duifent malheureufement à quatr
nlrtes , Si que le contraire doit arri- ou cinq , malgré toutes les recher
& arrive le plus fouvent ,
lorfqu'clle efi autour de fei uccuds.
6. L'Auteur applique enfuite la
même Théorie aux aurores boréa-
les , cV il fait voir comment il fe-
chesdu curieux Académicien.
8. Dans le dernier Chapitre de
cette quatrième Section , il appli-
que aux apparitions effectives de
l'aurore boréale , rangées dans la'
roit poiîîble qu'il n'y en eût jamais Table dont on a parlé plus haut
fur la terre, ou comment il fe peut une partie de ce qu'il vient de re-
qu'elles foient très long tems fans marquer en général fur leur pofîlbi-
paroître : ôc au contraire, comment lité ou leur impoffibiliré , leur isé-
elles pourroient paroître toujours quence ou leur rareté', & il compa-
fuppofélescirconftancesacceffoires re les divers points de l'écliptique
& phyfiques favorables ; ou enfin où fc trouve la terre par fa révolu-
Comment elles peuvent paroître en tion périodique avec les faifons ou
certains tems , en certains fiécles , mois de l'année , où le phénomène
Si non pas en d'autres , tantôt plus a paru le plus fouvent ; ccquiiou-
& tantôt moins fréquemment : Si
c'eft de quoi les viciffitudes de la
différente extenfion de l'atmofphé-
re folaire combinées avec toutes1
le principalement fur trois Chefs;
r°. fur la diftance etélongrtion dit'
Globe terreftre , dans les divers
tems de l'année , quant ail foleil
les autres circonftances qu'on a eu ou à fon atmofphere , Si indépen-
foin d'indiquer doivent Fournir la damment de fa lituation à l'égard'
raifon , &en donneroient le détail, des nœuds ou des limites de l'équa-
fi les caufes primitives de ces vicif- tcur folaire : 1". Sur la diflznce de'
fitudes pouvoient un jour nous latitude ou de déclinaifon , par rap-
ètre connues. port aux nœuds Si aux limites de
7. M. de Mairan nous parle , cetéquateur: 50. Surla diredion de
après cela , de la correfpondance fen mouvement annuel et, afeen--
2P4 JOURNAL DES SÇAVANS,
dance ou en defcendance , par rap-
port à fon pôle boréal , lieu ordi-
naire des aurores qui nous font
connues. L'Auteur donne le calcul
& des exemples figurés de tous ces
cas, aufquels nous croyons devoir
renvoyer le Lecteur.
V. Les queftions &: les doutes
fur divers fuiets relatifs à quelques
articles de cet Ouvrage t & que
rafîemble M. de Mairan dans fa
cinquième & dernière Section ,
font au nombre de xxviii. Nous
nous contenterons , pour abréger ,
de les indiquer fommairement ,
ainfi que leurs folutions , lorfqu'il
s'en prefentera quelqu'une.
Il s'agit donc de feavoir , i°. fi
quelques étoiles fixes appellées né-
buleufes n'ont cette apparence qu'en
vertu deratmofphére qui les envi-
ronne , & fi l'efpace lumineux ,
moins bleu & moins toncé que le
refte du Ciel , &c qu'on appercoit
autour delà nébuleufe d'Orion , ne
feroit pas l'effet d'une femblable
caufe i Sur quoi l'Auteur panche
vers l'affirmative : 2°. Si la lumière
zodiacale n'eft point fujette à di-
vers accidens , tels que des fer-
mentations Se quelques précipita-
tions de fes parties les plus groifie-
res vers le globe du Soleil -, &
l'Auteur paroît alTez difpofé à le
croire : 30. Si les taches vues (i
fréquemment fur ce globe , ne fe-
roient point dues à quelque fem-
blable précipitation ; &c la chofe lui
paroît alTez probable : 4*. Si la ma-
tière de l'atmofphére folairc ; en fe
mêlant avec l'atmofphére terreftre
ne reçoit pas diveries modifica-
tions , d'où refulteroient les trois
régions de notre air , celle des au-
rores boréales , celle des crépufeu-
les, & celle des météores ? 50. Quel
eft le lieu Se la formation des feux
volans ? 6°.- Si de fréquentes auro-
res boréales ne laiflerotent point
dans l'air quelque levain capable
d'en changer plus ou moins la tem-
pérature ? 70. Si la longueur irré-
guliere de certains crépufcuks ne
feroit point due aux vertiges de la
lumière zodiacale & de l'aurore
boréale , qui n'ont pu fe former ou
fe rendre vifibles par l'extrême ra-
réfaction de leurs parties 3
8°. S'il n'y auroit point des au-
rores boréales qu'on pourroit ap-
peller nébuleufes , & qui ne confi-
fteroient que dans le prodigieux
amas de la matière zodiacale tom-
bée dans l'atmofphére en forme de
brouillard & fans pouvoir s'en-
flammer î 9°. Quelle eft l'apparen-
ce des aurores boréales pour les ha-
bitans des terres arctiques ? ic
l'Auteur conjecture que nous fem-
mes en France , en Angleterre ' en
Allemagne , &c. fitués le plus fa-
vorablement pour démêler toutes
les fingularitez de ce phénomène :
io°. S'il y a des aurores polaires
antarctiques , & quelles elles
pourroient être ? 1 1°. Si la trop
grande fréquence des aurores bo-
réales ne nuiroit point enfin à la re-
cherche des caufes de ce phénomè-
ne , ou fi elle ne lui deviendrait
pas moins favorable , qu'une fré-
quence médiocre; rz°. Si l'idée du
point d'équilibre entre toute pla-
nète principale &lcfoleil, & l'i-
M A
déc du conflict des forces centrifu-
ges & centripètes à divers égards ne-
ceftaire pour retenir dans Ton orbi-
te & autour de fa planète principa-
le tout Satellite placé au delà de ce
point vers le Soleil., ne fourniroient
point un éclairciftement utile pour
l'intelligence d'un endroit de M.
Newton dans fes principes î 130.
Quels font les tems de chute de
la matière zodiacale ? 140. Si la
matière zodiacale tombe fut la Lu-
ne , & fi cette planète a fon atmof-
phére ; fur quoi l'Auteur conclud
pour l'affirmative , & répond à
deux objections.
150. Quels phénomènes produi-
sit la matière zodiacale fur la Lu-
ne ? & il conçoit que cette matiè-
re s'y répandroit avec bien plus
d'uniformité que dans l'atmofpké-
re terreftre : i£°.Si les phénomènes
produits par la matière zodiacale
fur la Lune feroient vifibles pour
nous -, Se c'eft ce que ne croit nul-
lement l'Auteur , fondé fur de bon-
nes raifons : 170. Si la Lune eft fa-
vorable ou contraire à nos aurores
boréales î Sur quoi l'on peut aiTu-
rer que la pleine Lune nuit beau-
coup plus à l'apparition de ces
phénomènes par la clarté , qu'elle
n'aide à leur formation par l'union
de fa force centrale à celle de la
terre : 1 8°. Si , dans les planètes
inférieures , Vénus & Mercure ,
toujours enveloppées de la matière
zodiacale pendant fes grandes ex-
ténuons , leur atmofphére , fup-
pofé qu'elles en ayent une , n'en
fera pas prefque toujours plus char-
gée que la nôtre , dans les plus
Y , 1 7 j 4. apy
grandes aurores boréales ? & c'eft
ce qui ne paroît point douteux à
l'Auteur : 19'. Si la difficulté d'ap-
percevoir les taches de ces planè-
tes , ne d^it pas être attribuée en
partie à la matière zodiacale qui les
enveloppe , &c fi l'on ne pourroit
pas foupçonner que quelque cir-
conitance de cette nature ait em-
pêché tout récemment qu'on n'ait
diftingué à Paris 3 fur le difque de
Venus , les taches que feu M. Bian-
chwi y avoir vues àRome quelques
années auparavant ? 200. Si l'accu-
mulation de la matière zodiacale
fur la terre & fur les planètes infé-
rieures j ne doit pas enfin produire,
entre plufieurs autres effets , quel-
que altération fenfible dans leur*
mouvemens périodiques ou de ro-
tation , par l'augmentation def
maffics de leurs globes î 210. Si la
matière zodiacale que les Comètes
font obligées de traverfer à l'en-
droit le plus denfe , & dont elles
fe font chargées , ne doit pas faire
la partie extérieure &la plus éten-
due de cette vafte atmofphére ,
qu'on apperçoit autour de la tête
de la plupart des Comètes ; &
l'Auteur tient pout l'affimative ,
dont il allègue quatre raifons que
l'on peut voir.
22°. Si l'atmofphére des Comè-
tes telle qu'il vient de l'expliquer
n'eft point pour elles 3 pendant une
partie de leur cours , une efpece
d'aurore boréale continue, fembla-
ble , toutes proportions gardées, a
quelques-unes des nôtres ? 23°. Si
c'eft par voye de diffipation ou de
précipitation , que quelques Co-
apé JOURNAL D
métes perdent enfin cette grande
atmofphére extérieure qui les envi-
ronnoit? 24°. Si la matière del'at-
mofphére folaire ne doit pas être
indifpenfablement employée À l'ex-
plication des phénomènes de leurs
queues 1 & c'eft ce qui paroîttrès-
vraifemblable à l' Auteur : 250.
Quelle fcroit l'apparence de ces
queues vues de deffus les Comètes
mêmes : Se fi elle ne ferviroit point
à expliquer le phénomène de la
couronne des aurores boréales ?
260. Si l'étincellement apperçu
quelquefois avec de grandes lunet
tes dans la lumière zodiacale , ainfi
que dans l'atmofphére & la queue
des Comètes , n'auroit point fait
croire aux deux Philofophes , Dé-
mocrite Se Anaxagore } que toute la
lumière des Comètes Se de leurs
queues f ne refultoit que d'un amas
prodigieux de petites étoiles ? 270.
Ce que ce pou voit être que le phé-
nomène fingulier d'une étoile ou
Comète , rapporté par Nicéphorc ,
ES SÇAVANS,
dans fon tiifluir; Ecclefîs.ftitjHt , &
que nous ne tranferirons point ici ;
280. Si le pa liage du globe terre lire
à travers la partie ïuperieure de
l'atmofphére d'une Comète & à
travers fa queue , produiroit furli
terre autre choie que quelques au-
rores boréales , telles à peu près ,
que nous les voyons -, & h les prin-
cipes employés dans laThéorie pré-
cédente , ne mettent pas du moins
la terre à couvert de ces inonda-
tions , ou plutôt de ces déluges j
aufquels un célèbre Anglois veut
qu'elle foit expofée par la rencon-
tre des Comètes? Se M.deMairan
ne croit pas notre globe moins
exempt de déluge que d'embrafe-
ment en pareil cas , quoique ce
dernier accident dût fembler plus
à craindre , fi nous n'étions con-
vaincus par expérience , que le
globe terreftre peut être plongé
dans la matière zodiacale , fans en
éprouver aucune chaleur fenfible.
RERUM
MAY, 1734:
297
RERUM ITALICARUM SCRIPTORES, &e.
C'eft - à - dire : Recueil des Ecrivains de l'Hifloire d'Italie , depuis l'am
500. juftju 'à l'an 1 500. par M. Muratori, Tome X^H. A Milan , par la
Société Palatine. 1730. in-fol. col. 1^66.
DEUX Ouvrages , qui )uf-
qu'alors avoient été enfevelis
dans les Bibliothèques , remplirent
prefque tout ce Volume. Le pre-
mier eft une Chronique de Padoiie
compofée par Galeas-Gatari , &
continuée par André fon fils. Le
Père florifloit en 1380. Scardonius,
dans fes Antiquitez de Padoiie ,
Liv. 1. Claf. xi. nous apprend qu'il
vivoitfousla domination des deux
Princes François Carrara , l'ancien
& le jeune , il en parle comme
d'un homme plein de zélé pour fa
Patrie , diftingué par fon éloquen-
ce , & qui avoit été chargé de plu-
fieurs AmbalTades.
Mais il ignoroit apparemment
que fon Ouvrage avoit été aug-
menté par André fon fils , celui-ci
dit en termes formels dans cette
Chronique même que fon pere fut
emporté en 1405. par une cruelle
pefte qui ravagea la Ville de Pa-
doiie. Il nous y allure encore que
prefque tous les faits qui y font ra-
contés jufqu'à l'an 1405. ont été
recueillis par Galeas - Gatari : que
lui André les avoit mis en or-
dre , & qu'il avoit continué le re-
lie de l'Ouvrage jufqu'à la fin de la
guerre de Padoiie , & à la trille
ruine des Princes de la famille Car-
rara.
M. Muratori prétend que le
nom de Gatari , qui eft celui d'une
May.
illuftre & ancienne Maifon , vient,
du mot Cathari } nom que portè-
rent certains Hérétiques allez con-
nus 3 qui au douzième fiécle renou-
vellerentune partie des erreurs des
Manichéens , & dont les impietez
donnèrent lieu à l'établi iTement de
l'Inquifition ; il croit vraifembla-
ble que quelqu'un des Ancêtres de
nos deux Auteurs , s'étant diftin-
gué parmi ces Fanatiques , le
nom de Cathare lui fera demeuré ,
& que ce nom tout odieux , &C
tout infâme qu'il étoit pour lors ,
fera pafle à fes defeendans •, comme
il eft arrivé plufieurs fois que des
noms de raillerie ou de mépris
dans leur origine , font devenus
enfuite très beaux & très-honora-
bles par le mérite & les vertus de
ceux à qui ils ont été tranfmis.
Au refte , l'Editeur fe plaint ici
contre fon ordinaire que le grand
nombre de Manufcrits de cette
Chronique qu'il a trouvés , a-tendu
fon travail très - difficile. La feule
Bibliothèque d'Eft en contient
trois fcmblables à la vérité pour le
fonds des chofes , mais très-diffe-
rens parla manière de les raconter.
Le premier renferme cette Hilloirc
écrite fort au long &c avec des addi-
tions , le fécond eft à peu près de la
même étendue : mais le ftile en pa»
roît plus travaillé, 6c les deferip-
tions plus ornées , & le troiûémc
Q-q
ap8 JOURNAL D
beaucoup plus abrégé prefente
partout un certain air de ftmplicité
qui plaît fouvent , dit M. Murato-
ii, plus que les récits Afinûques des
deux autres Manufcrits : il conjec-
ture que le premier eft l'Ouvrage
même de Galeas , que le fécond
aura été retouché & embelli par
André fon fils. A l'égard du troifié-
ine , M. Muratori ne fçait à qui
l'attribuer , car les Manufcrits le
donnent également à André Gatta-
ïi.
Cependant comme il voudroit
ne pas priver fes Lecteurs de tout
ce qui peut exciter leur curiofité ,
Se que d'un autre côté , trois Ou-
vrages qui ne differeroient entr'eux
que par la forme pourroient les
ennuyer , il fe contente de publier
feulement deux de ces Chroni-
ques •, la plus étendue qui eft , dit-
il , fort eftimée par les Padoiïans ,
Se enfuite celle dont le ftile eft plus
fimple & plus concis. Il ne manque
pas de raifons pour s'autorifer dans
un panique le refpect qu'il a pour
Galeas , Se pour André Gatari , lui
font prendre ; le fond même de
l'Ouvrage lui donne la confiance
de croire qu'il ne faut rien perdre
d'une Hiftoire où il s'agit d'une
famille confiderable , Se d'actions
célèbres arrivées dans une Ville ii-
luftre Se diftinguée. Il prétend que
la lecture en eft fi agréable qu'on
ne peut la quitter dès qu'une fois
en l'a commencée ; qu'à la vérité
le Lecteur en fort trifte 8c chagrin,
non pas cependant par la faute de
l'Auteur , mais par la cruelle Se
tragique fin des Princes de Carrara,
ES SÇAVANS,
qui furent immolés , à la politique
des Vénitiens. Il ajoute d'ailleurs
qu'elle ne fatigue point par fon élé-
vation , mais qu'elle plaît infini-
ment par fa naïveté ; qu'il eft aife
de voir qu'André s'étoit formé fur
la lecture des bons Romans , Se
que quoiqu'il ne foit pas compara-
ble aux fameux Ecrivains de Grèce
Se de Rome , ni même à ceux que
l'Italie a produits , il a néanmoins
des agrémens Se des beautezqui le
feront aimer Se loiier de tous ceux
qui le liront.
On s'étonnera fins doute , die
l'Editeur , de ce que les deux Gata-
ri fe font déterminés à compofer
en Italien, car quoique la Tofcane
nous eût déjà donné les trois Villa-
ni , Se quelques aucres Hiftoriens
femblables , cependant l'ufage d'é-
crire en langue vulgaire étoit alors
fi rare , que le refte de l'Italie ne les
connoifloit pas feulement de nom ,
Se fur-tout en deçà de l'Apennin
prefque tous les Ecrivains pu-
blioient conftamment leurs Hiftoi-
res en latin ; on demandera encore
comment des Padoiians , laiflant là
leur Dialecte , ont pu employer .
non pas à la vérité un langage fort
élégant , mais cependant tolera-
ble pour ce fiécle grolfier. On ré-
pond à cela qu'en 1559. on com-
ptoit Galeas - Gatari parmi les
Hiftoriens Italiens ; ainiî on ne
peut douter que cette Chronique
n'ait été originairement compofée
dans cette langue. A quoi il faut
ajouter que cet Ouvrage n'a pas
réellement été donné d'abord par
les Gatari , tel qu'on le trouve ici 5
MAY,
ce que M. Muratori prouve par un
ancien Manufcrit , ou le jargon Pa-
doiian fe fait allez fentir. Mais An-
dré aura poli le langage de Ga-
leas , les Copiftes auront tait la mê-
me caofe fur l'Ouvrage du fils juf-
qu'à l'an 1 500. qui eft le tems où la
langue &: l'orthographe Italienne
commencèrent à fe fixer.
Cette Chronique commence en
1 3 1 1 . & finit en 1 406. année où la
Ville de Padoiie eut àfoûtenir une
violente guerre caufée par l'ambi-
tion du grand Cane Scaliger Sei"
gneur de Vérone. Depuis ce tems
Padoiie fut agitée par des troubles
continuels. Jean Galcas Vifconti ,
Conte de Vertus , Duc de Milan ,
Seigneur de toute la Lombardie ,
de la Romagne , d'une partie de la
Marche Trévifane , & regardé
comme le plus grand Prince de fon
tems , fut aulîi un des principaux
inftrumens du malheur des Carra-
ra. André Gatari dans la Continua-
tion de l'Hiftoire de fon pere , re-
marque en parlant de ce Prince
qu'en l'année 1401. il parut une
fameufe Comète : » Phénomène ,
» dit-il , qui félon l'opinion des
» Philofophes , annonce une gran-
» de pefte ou la mort de quelque
9 Grand. Le Ciel , continue-t-il ,
» ayant montré par ce ligne qu'il
» vouloit exécuter fa volonté fur
» le Comte de Vertus , ce Prince
» tomba en effet dans une dange-
» reufe maladie , & fe voyant près
9 de la mort , il fit appeller tous
» fes Barons & fes premiers Capi-
» taincs , & leur parla ainfi : Mag-
» nifiques Seigneurs , la mort qui
1734; 2<J£
» fait à prefent l'objet de mes dc-
» firs , m'eft plus chère que ne me
» le feroit la conquête de toute la
» terre , je ne puis douter que Dieu
» ne fe reflbuvienne de moi , puif-
» qu'il veut bien faire paroître
» dans le Ciel le préfage de ma
» mort avec une étoile fi noble. Je
» puis donc vous afTurer que je
» meurs avec joye. Cognofcendo cloe
l'altijfmo Li'dio , Signore noflro firi-
corda di noi , amenda vojlrato in
Cielo t ilfegno cm cofi nobile ftella.
Comme tout eft fujet à l'Empire
de la Coutume jufqu'à la manière
d'exprimer même les fentimens
les plus naturels de l'ame, on voit
dans les Hiftoriens de ce tems que
l'ufage étoit d'honorer les obfeques
des perfonnes puilTantes par les
plus vives démonftrations de dou-
leur & de defefpoir. André n'ou-
blie pas qu'aux funérailles de Fran-
çois Carrara l'ancien , qui mourut
en prifon à Monza,où le Comte de
Vertus le retenoit depuis lon<*-
tems , les Daines fur-tout jetterent
de 11 grands cris pendant la céré-
monie , & qu'il y avoir une telle
confufion de gémifTemens , d'ex-
clamations & de fanglots,, qu'on
auroiteru que la fin du monde al-
loit venir. Mais ce fut encore bien
davantage à celles du Comte de
Vertus , les Dames Milanéfes y
jouèrent fi bien leur rôle , que je ne
fçais , dit l'Auteur , fi depuis la
mort d'Hector , on avoit jamais vu
dans le monde des femmes mener
un deuil ni plus grand ni plus gé-
néral.
La Chronique des Gatari eft fui-
3oo JOURNAL D
vie des Annales de Gênes depuis
l'an 1198. jufqu'à Tan 1409. par
George Stella , continuées , &
conduites par Jean Stella fon trere
jufqu'à l'an 1435.
Cet Ouvrage , quoique confer-
vé en Manufcrit dans pluiicurs Bi-
bliothèques , n'avoir point encore
vu le jour. L'Editeut fe flatte qu'on
Je verra avec d'autant plus de plai-
fu dans ce Recueil , que joint aux.
autres Pièces qu'on a déjà données,
& qu'on donnera encore fur l'Hi-
ftoire de la Republique de Gênes ,
on en trouvera ici une fuite com-
plette jufqu'à nos jours. L'Auteur
de ces Annales dans la plupart des
Manufcrits eft qualifié de George.
Stella fils du Notaire Facino } Ci-
toyen de Gênes. Dans le Manufcrit
de Vérone , dont l'Editeur eft re-
devable au fçavant Marquis Sci-
pionMaffei, il eft appelle George
Stella fils de Facino Chancelier de
la Commune de Gênes. Quoiqu'il
en foit , il eft du moins certain
par les Annales mêmes que George
Stella y exerçoit cette Charge qui.
ne fe donnoit dans ces tems-là, du
moins en Italie , qu'à des gens ha-
biles dans la Langue Latine ; il eft
aifé de voir qu'il avoit en effet
beaucoup d'efprit & de feience :
mais ce qui brille le plus en lui r
c'eft l'équité Si la modération. Car
au milieu des factions qui parta-
oeoientde fon tems la Ville de Gê-
nes, ou tantôt les Guelphes , tan-
tôt les Gibelins étoient les maîtres,
en ne s'apperçoit point que l'efprit
de parti & de flatterie conduife ja-
mais fa plume. Il les loue & les biâ-
ES SÇAVANS;
me tour à tour avec une fîneerité
au llî courageufe que prudente
quoiqu'il avoiie qu'il fut né de pa-
rens attachés à la faction Gibeline.
On voit par pluiicurs endroits
de ces Annales que Jean Stella fon
frère & Ion Continuateur étoit No-
taire àGênes; il nous y apprend auftl
que ce frère y mourut de la pefte
en 1310. Cependant ce fut long-
tems avant fa mort que Jean Stella
lui fucceda dans la compofition de
ces Annales -, ce qu'il a exécuté"
avec plus de foin & plus de délica-
tefle , du moins pour le ftile.
M. Muratori avertit en mime
tems que Follieta , Juftinien év lcs>
autres Hiftoriens pofterieurs de la
Republique de Gênes , ont pillé
les Ecrits de Caffaro 8c de fes Con-
tinuateurs , aulii-bicn que ceux de
George &c de Jean Stella, & que
c'eft principalement fur ce fonds
qu'ils ont bâti leur Hiftoire fans
cependant en taire aucune men-
tion.
On fera bien aife de retrouver-
ici les fources où ils ont puifé ;
fources d'autant plus précieufes
qu'elles font plus pures , & moins
altérées par le tems.
La dernière Pièce de ce Volume
eft intitulée : petite Chronique de
Ripalta. Elle eft en effet très-cour-
te, & contient à. peine quatre co-
lonnes d'impreflîon ; M. Muratori
avoiie que le fil de la Chronique y
eft continuellement interrompu ; il
s'exeufe fur ce que la diferte où
l'on eft d'Ecrivains qui traitent de
ce qui regarde l'Hiftoire Piémon-
toife l'oblige de mettre tout à pre-*
M A Y
fit. îl nous apprend en même tems
que Ripalta eft un Village fitué à
quatre lieues de Turin. Il y avoit
«in ancien Monaftere dont il eft
queftion dans cetteChroniqueton y
voit encore aujourd'hui des Moi-
nes de Cîteaux qui dans la fuite
des tems ont été fubftitués aux Bé-
nédictins : il eft probable que cette
efpece de Chronique aura été écrite
par quelque Moine de cette Ab-
baye ; elle commence en 1195. &
finit en 1 40 j .
NOWELLES CLASSE DES MALADIES y DANS VN
ordre fanblable à celui des Botanifles , comprenant les genres & les efpeces
de toutes les maladies y avec leurs fignes & leurs indications. Par Sauvages
de la Croix , Dolleiiren Médecine de la Faculté de Montpellier 3 dr cor-
refpondant de la Société Royale des Sciences. A Avignon , chez B. d'A-
vanville t Imprimeur , près la Place Saint Didier. 1733. vol. ih-i%,
pp. 450.
IL en eft des maladies comme
des plantes , le nombre des unes
& des autres eft prodigieux : mais
on peut dire avec notre Auteur,que
celui des maladies paroît encore
plus grand , & quand il ne s'agi-
roit que de celles qu'on nomme
épiuémiques , combien , remar-
quer il, n'en voit-on pas chaque
année , dont les caractères , quoi-
que femblablcs en apparence , font
11 difterens que telle méthode qui
l'année d'auparavant aura réuftl
dans certaines maladies du même
nom , y fera mortelle l'année d'a-
près , ce qui fait dire au grand Sy-
denham : malheur aux malades qui y
en tels cas ' tombent les premiers entre
nos mains , ils courent rifque d'ejfuyer
dé funefles expériences , & nos rai-
fonnemens ne fçauroient les mettre à
l'abri. Ces maladies cependant ,
ajoute M. de la Croix , quelque
nombreufes qu'elles foient , ne
vont pas à l'infini ; le nombre en
eft fixe ainfi que celui des plantes ;
Se s'il ne l'étoit pas , pourroit - on
reconnoître comme on fait au-
jourd'hui , tant de fortes de mala-
dies décrites par les anciens Méde-
cins foit Grecs ou Arabes ? On voit
la pleurefie , la petite - vérole , la
fièvre-quarte arriver chacune dans
les faifons qu'ils ont marquées.
Leurs durées , leurs révolutions
font les mêmes que celles qu'ils ont
décrites, à moins , comme s'expli-
que notre Auteur , que les joins tur-
bulens du Aiedecin ne dérangent la
nature. Car M. de la Croix recon-
noît que la méthode qu'on fuit or-
dinairement dans le traitement de
ces maladies , leur fait fouvent
changer de lace ; mais il en eft
de cela , félon lui , comme des
Sdantes , que le tranfport , la culture y
a diverfï é des climats ' & les varia-
tions de l 'air font un peu dégénérer ,
mais jamais au point de leur faire
changer de genre , & de les rendre
mêconnoijf.ibles. Les plus fameuxpra-
îiciens , ajoute M. de la Croix , font
3o2 JOURNAL D
garons de ce que je dis}& il refte prou-
vé que le nombre des maladies & des
fiantes efl infini , que l'on en peut
marquer les caratleres invariables ,
& faire même la defcription de cha-
cune de leurs efpeces , quand la natu-
re n'a point été troublée dans leur for-
mat ion.
Noue Auteur conclut de - là
qu'on peut réduire à certains gen-
res . à certaines efpeces , Se à cer-
taines clafles , toutes les maladies
fans exception , comme on réduit
toutes les plantes. On obje&era
peut-être que la plupart des mala-
dies ne font que des efforts de la
nature qui tend à fe rétablir, Se que
fi on les examine bien on verra
qu'elles peuvent toutes fe rappor-
ter à une feule , qui eft la fièvre. M.
de la Croix fe fait l'objeclion , &c il
répond que toutes les plantes peu-
vent pareillement être comprifes
fous un feul genre , qui eft celui de
végétal compofé de racines , de
fleurs de feuilles } Sec.
Philippe Nenter a tenté de rer
duirc les maladies fous diverfes
clafles ; mais fa méthode , à ce que
remarque notre Auteur , a un
grand nombre de défauts , dont le
plus confiderable eft de mettre en-
femblc des maladies qui n'ont au-
cun rapport, comme l'Apoplexie,
la paralyfie j avec la chute du fon-
dement Se l'ongle des yeux s le tin-
touin des oreilles avec la mélan-
cholie ; de plus fes genres Se fes
clafles entrent les uns dans les au-
tres. Nenter fuit l'ordre des caufes
qui , à ce que prétend M. de la
Croix , eft un ordre défectueux }
ES SÇAVANS,
enfin il ne fait nulle mention des
efpeces -, les efpeces cependant
étant ce qu'il y a de plus eflentiel à
connoître dans les maladies.
M. de la Croix aceufe ici tous les
Médecins d'avoir négligé cette
connoiflance , Se cela fuppofé , il
les compare à ces Payfans qui con-
fondent fous un nom général 30
fortes de'plantes differentes,fe con-
tentant d'appeller les unes faunes ,
les autres bâtardes , comme fi elles
n'étoient pastouteslégitimt;. Pour
confirmer fa comparaifon , il cite
l'exemple de la pleurefie , que les
Médecins fe contentent de diftin-
guer en vraye Se en faufle , fans fai-
re attention qu'entre les pleurcfies
il y en a de pulmor.iquts , àefioma-
chiques , de catharrales , de gouteu-
fes de médiaflines , de diaphragma-
tiques , de dorfales de péricardiai-
res , de rheumatiques , à'idiopatiques ■
de fympatiques , à'erjtpétaeitfes , de
malignes , de pejlilentielles j toutes
efpeces qui ne fçauroient être com-
prifes fous la fimple diftindion de
pleurefies vrayes Se de pleurefies
faunes , Se qui demandent toutes
des traitemens differens. Voila
pour ce qui regarde les pleurefies.
Mais à l'égard des fièvres , de com-
bien de fortes ne font-elles pas ? Se
fi un Médecin remarque notre
Auteur ayant à traiter une fièvre
produite par un coup de Soleil , la
traitoit de la même manière qu'une
fièvre produite par le vin , par le
jeûne, par quelque excès de colère,
ou par le froid , à quels dangers
n'expoferoit -il pas un malade ? Si
tout de même , pourfuit - il , les
Maîtres de l'Art ; chargés d'in-
ltruire les jeunes Médecins , leur
donnoient des méthodes ou routi-
nes générales , pour traiter indiffé-
remment toutes les maladies de
même nom , comme Ci elles n'a-
voient qu'une ou deux efpcces ,
dans quelles erreurs dangereufes ne
les jetteroient-ils pas ? on les voit
cependant, dit-il , ces Maîtres de
l'Art , conclure généralement
dans des Théfes & fans beaucoup
de diftinction : ergo vomitui vomi-
tus > ergo chlorofî martialia j Sic.
Comme fi de vingt cfpeces de ces
maladies , il ne s'en trouvoit pas
plus de quinze où ces remèdes peu-
vent être dangereux ? tout cela lait
voir qu'il manque à la Médecine
une Hiftoire générale &: exacte des
maladies , laquelle comprenne
routes leurs différentes efpeces.
On a , il eft vrai , d'excellens
Ouvrages fur quelques genres
de maladie , comme ceux de L.
Aloifius fur les vénériennes , de
Morton fur les phthifiques,de Muf-
grave fur la goûte , de Sydcnham
fur les vapeurs , d'Albert fur les
hémorrhoïdes , &c. Mais M. delà
Croix remarque que ces Traitez ne
fumfent pas , & qu'il faut à la Mé-
decine une Hiftoire générale y dont
la méthode puifie faire apperce-
voir d'un coup d'ceil Se diftinguer
d'avec leur femblables, toutes les
■ maladies du corps humain , celle
des animaux même & des plantes ;
.car enfin , dit notre Auteur, U Mé-
decine eft l'jirt de cennoitre & de
guérir tous les maux des corps vivons
dent Us hvmmes ne^ont quune efpece.
M A Y ; 175 4- 30*
Mais une telle méthode eft très-dif-
ficile à trouver. On en connoît trois
générales , fçavoir la Méthode Al-
phabétique , la Méthode /tthiolo-
gique, & la Méthode Anatomique.
La première , fçavoir l'Alphabéti-
que qui eft celle de M. Manget, Se
de quelques autres , range les ma-
ladies , félon les Lettres initiales de
leurs noms, foit Grecs', Latins, ou
autres-, mais ces noms étant des
lignes arbitraires Se variables , ne
fçauroient donner aucune lumière
fur la nature , fur le prognoftic, ni
furies indications des maladies. La
féconde Méthode , fçavoir 1V£-
thiologicjue , qui eft celle de Junc-
ker , de Nenter , & de Boërhaave ,
dans laquelle on fuit l'ordre des
caufes ou prochaines, ou éloignées.,
eft fujette à des grands inconve-
niens , vu qu'elle eft fondée fur
des caufes fouvent chyrneriques s
telles que font , fuivant notre Au-
teur 5 les caufes chymiques ou
phyfiques. La troifiéme Méthode ,
qui eft l'Anatomique , où l'on fuit
l'ordre des parties malades , & qui
eft la Méthode de Sonnert, de Ri-
vière Se de plufieurs autresAuteurs,
divife les maladies en externes Se
en internes; les unes & les autres
en celles de la tète , du col, de ta
poitrine , du bas- ventre , 8c desek-
trémitez ; après quoi viennent les
maladies univerfelles , comme la
fiewe , la jauniffe , &c. Mais cette
Méthode a aulli de grands inconve-
niens,uHe même partie étant fujette
à des maladies toutes différentes.
Quelle «ft donc, félon notre Au-
teur } la Méthode la plus fuie & la
$04. JOURNAL DE
plus facile pour découvrir la mala-
die qu'on cherche à connoître ? La
voici ; c'eft de fuivre l'ordre fymp-
tomatique, c'eft - à - dire de ranger
les maladies fuivant leurs fymptomes
ou phénomènes évidens ^confiant & ef-
fentiels-., mettant dans chaque clajfe
toutes les maladies dont les figues oh
fymptomes évidens & pathognomoni-
tjues font les mêmes.
Dans cet ordre notre Auteur di-
vife les maladies en internes , ou mé-
dicales •■, & en externes , ou Chirur-
gicales, n Les Médicales font ou
» aiguës ou chroniques -, les aiguës
*>font ou univerfelks comme les
» fièvres & les maladies inflamma-
*■ toires , ou particulières comme
«les évactiatoires & les paralytiques.
Quatre autres dalles comprennent
les maladies chroniques , fçavoir
les maladies convulhves , les mala-
dies d'efprit , les maladies doulou •
reufes, & les maladies cachectiques.
Les affections chirurgicales font
comprifes dans la clalîe des mala-
dies fuperficiaires , <:'eft-à dire qui
tttaquentla peau ; &des maladies
dialytiques , c'eft-à-direoù il y a fo-
lution de continuité.
Pour montrer laquelle de ces
quatre Méthodes eft la plus propre
à faire connoître tout d'un coup &
fans embarras, chaque maladie , fes
efpeces , fes fignes diagnoftics &:
prognoftics, fes indications géné-
rales, M. de la Croix fuppofe deux
malades , dont l'un cft jaune par
tout le corps , nefent point de fiè-
vre , & n'allègue d'autre caufe de fa
maladie qu'un mouvement de co-
lère , & l'autre cft couché comme
S SÇAVANS,
à demi mort , fans mouvement ni
fentiment , a le .poiilx élevé oc la
refpiration gênée.
A l'égard du premier, un jeune
Médecin qui fera appelle pour le
traiter , & qui voudra connoître
ce que c'eft que cette maladie dont
on fuppofe qu'il ignore jufqu'au
nom, feuillettera avec foin fes Au-
teurs : Ceux qui rangent les mala-
dies fuivant l'ordre alphabétique ,
lui feront inutiles , puifque le nom
même de ce mal lui eft inconnu ,
ceux qui les rangent félon l'ordre
des caufes , ne lui feront pas d'un
plus grand lecours ; ils lui appren-
dront qu'il y a trente ou quarante
maladies que la colère peut produi-
re , &c cela ne le rendra pas plus
fçavant pour traiter celle-ci. L'or-
dre Anatomique lui fera juger que
cette maladie eft univerfelle,maisil
ne la trouvera pas dans cette clafie,
au lieu que fi ce jeune Médecin a
quelque idée de la Méthode que
notre Auteur propofe dans fon Li-
vre , il découvrira tout d'un coup
que c'eft une maladie de la huitiè-
me clafle, de la Section cachetliques
à couleurs dépravées , en forte qu'il
n'aura qu'à examiner fi c'eft une
chlorofe , un iclerenoir , une cache-
xie , ou i'aurigo , ce qui fe fera d'un
coup d'œil , & en même tems il
verra que c'eft aurigo , ab animi pa-
themate. Il n'aura , dirat-on , qu'à
recourir aux maladies du loye Se e*
cela l'ordre Anatomique lui fera
utile ; mais le roy€ , à ce que re-
marque ici notre Auteur , eft fou-
vent innocent de ce mal ; & l'on
n'eft nullement fur que la bile en
foit
M A
(bit la caufe : au lieu que dans h
Méthode de M.de la Croix le jeune
Médecin verra tout de fuite la na-
ture du mal , & comparant toutes
lesefpecesenfcmble , Si les confé-
rant avec ce que les Auteurs cités
en italique à ce fujet ont dit de
chacune , il verra tout d'un coup
le prognoftic , les indications & les
remèdes fpécifiques , tant com-
muns à toute la dafTe , & à la kc-
tion,que propres au genre & à l'ef-
pece. Mais enfin quand on pour-
roit découvrir aifément que c'eft
une maladie du foye , cette con-
noilTance générale n'apprendroit
rien. Le vifcere dont il s'agit eft en
ce cas , fans tumeur ni dureté. Les
faignées , les ratraîchiflans font
ici indiqués ; plutôt que les hépati-
ques , de plus le foye eft fujet à
vingt maux de différente nature.
Quant au fécond malade, qui
eft étendu comme demi - mort ,
dont le pouls eft élevé , & la refpi-
ration gênée, M. de la Croix de-
mande comment un Novice en
Médecine pourra découvrir ce que
c'eft que ce mal, en fuivant ou l'or-
dre alphabétique ou l'ordre bizarre
des caufes , ou l'ordre Anatomi-
que. Quant à l'ordre Anatomique ,
cet ordre lui apprendra que c'eft
«ne maladie de la tête , ce qui fup-
pofe cependant bien des raifonne-
mens &c des connoiffances ; mais
que lui fervira cette connoiflanec ,
puifque les convulfions, la phre-
nefîe , la manie en font aufîî , quoi-
que de nature toute différente.
Mais l'ordre fymptomatique ne de-
mande que la vue ou un léger exa-
men du malade , lequel fe plaint
fouvent lui - même du principal
fymptome que l'on cherche , &
qui caraderife la maladie.
Cette Méthode de M. de la
Croix eft divifée en dix clalTes ; la
première eft des fièvres (impies , la
féconde des maladies inflammatoi-
res ou fièvres avec inflammation t
la quatrième des paralyfies, Se des
maladies foporeufes , la cinquième
des maladies convullives , la fixié-
mc de celles de l'efprit , la feptié-
mc des maladies douloureufes , la
huitième des cachectiques , la neu-
vième des fuperficiaires , Se la di-
xième des affections où il y a folu-
tion de continuité , chaque claffe
eft fubdivifée en plusieurs fections,
& à mefure que l'Auteur cite une
maladie , il rapporte en abrégé ce
que les Auteurs en ont dit, leurs
indications , leurs fignes & leurs
remèdes ; ce qui ne peut manquer
d'être d'une grande utilité aux jeu-
nes Médecins.
Maj.
Ht
1o6 JOURNAL DES SÇAVANS,
NOVVELLES LITTERAIRES.
ITALIE.
Di Trevise.
G A S P A R Pianta , Libraire
de cette Ville , imprime par
Soufcription une Traduction Ita-
lienne de l'Hiftoire de la Médecine ,
publiée en François par M. le Clerc
& en Anglois par M. Freind. Cette
Traduction fera en deux Volumes
in folio , dont le premier contien-
dra l'Hiftoire de la Médecine par
M. le Clerc , avec la Lettre du mê-
me M. le Clerc à M. Freind, impri-
mée en 17*7. dans la féconde Par-
tie de la Bibliothèque ancienne &
moderne. Le fécond Volume eft de-
ftiné pour l'Hiftoire de M. Freind.
La Soufcription de tout l'Ouvrage
dont on promet de donner le pre-
mier Volume dans le courant de
cette année ci , eft de 37 livres de
Venife : ceux qui n'auront pas
fcufcric en payeront 50 livres.
ALLEMAGNE.
De Ham bourg»
Abraham Vandenhoeck. débite
fous le nom de Londres une Edi-
tion m»-4°. des Poëfies de Sapho pu-
bliée par le célèbre M. Wolfim pro-
fefleur de l'Univerfité de cette Vil-
le , fous ce titre : Safphns , Poetria
JLefbi* 3 fragmenta & tlogia quoi
qnot in Autloribus Antiquis Grach
& Latinis reperiuntur, cum Viromm
Dottor;im noin integris , cura &flu-
dio Jo. Chriftiani Wolfii qui
vitam Sapphonis & indices adjecit.
Londini , apud Abrahamum Van-
denhoeck. 1733.
ANGLETERRE.
De Londres.
M. le Docteur fVilkJns , Archi-
diacre de Sujfolk^ a entrepris depuis
plufieurs années de donner au pu-
blic une Collection complette des
Conciles de la grande Bretagne , &
de l'Irlande , & des Conftitutions
ou autres Monuniens qui peuvent
regarder l'Hiftoire de l'Eglife An-
glicanne. Or. vient de propofer
l'imprcffion de cet Ouvrage par
Soufcription fous ce titre : Concilia
Magna Britannis. & Hibernin i
Synodo Verulamenfi A. D. 44a". ad
Lendinenfem A '. D. 17 17. Accédant
Conjiitutiones & alla ad Htjîoriam
£cclefi& AnglicamfpeUantia.
Il y aura quatre Volumes in-felio^
dont le prix eft de fix guinées pour
hs Soufcriptcurs , qui en payeront
la moitié en fouferivant & l'autre
moitié en recevant l'exemplaire en.
feuilles.
MAY
HOLLANDE.
D'A MSTBRDAM.
J. Frédéric Bernard a mis en
vente YHiftoire Critique de Mani-
chie & du Manicbéifme , par M.
de Beaufobre. 1734. '#-4°.
FRANCE.
De Paris.
M. Gayot de Pitaval , toujours
occupé du foin d'inftruire le pu-
blic en l'amufant , vient de donner
deux nouveaux Volumes des Cau-
fes célèbres & interejptntes , avec les
Jugemens qui les ont décidées. Chez
Théodore le Cras} au Palais. 1734.
m 1 2. le débit rapide des deux pre-
miers Trimes de cet Ouvrage n'eft
pas un médiocre préjugé en raveur
de ces deux ci , qui pourront bien
n'être pas les derniers.
On trouve chez Nicolas le Clerc,
rue de la vieille Bouderie , & chez
Mercier , rue S. Jacques , au Livre
d'or , Lettres Edifiantes & curieufes
écrites des Mi fions étrangères , far
quelques Mijjionnaires de la Compa-
gnie de Jefus. xxie Recueil. 1734.
in - iz.
Les Vies des Saints F ères des De-
ferts y & de quelques Saintes , écri-
tes par des Pères de FEglife , &
autres anciens Auteurs Ecclefiafti-
ques Grecs & Latins. Traduites en
François par M. Arnauld eHAndiUy.
» *7 34- J07
Nouvelle Edition. Chez Louis
JoJ/ê % rue S. Jacques , à la Cou-
ronne d'Epine. 1733. in-%°. trois
Volumes.
Les Souverains du Monde. » Ou-
ïs vrage qui fait connoître la Gé-
«néalogie de leurs Maifons, Fé-
» tendue & le gouvernement de
» leurs Etats , leur Religion , lcms
» revenus , leurs forces , leurs ti-
» très , les lieux de leurs refidences,
» leurs prétentions , leurs Aimoi-
» ries , & l'origine hiftorique des
» Pièces ou des Quartiers qui les
» compofent. Avec un Catalogue
» des Auteurs qui en ont le mieux
t> écrit. Nouvelle Edition , corrigée,
augmentée &conduite jufqu'àla fin
de l'année 1733. Chez G.Cavelier
rue S. Jacques , au Lys d'or. 1754,
ift-11. cinq Volumes.
Le même Libraire a imprimé
Traité de Chimie , contenant la ma-
nière de préparer les remèdes qui
font les plus en ufage dans la pra-
tique de la Médecine. Par M. Ma-
louin, Do&eurRégent de la Faculté
de Médecine de Paris. 1734. in-i 2.
Les Amours de Clitophon & de
Leucippe , Traduction libre du
Grec d'Achilles - Tatius. Avec des*
Notes , par le Sieur D * * * D * **.
Chez André François le Breton 3 rue
de la Harpe, au S. Efprit. 1734.
in- 11.
Le Payfan parvenu , ou les Mé-
moires de M * * *. par M. de Ma-
rivaux. Chez Prault perc, Quai
de Gêvres. 1734. init,
;o8
TABLE
Des Articles contenus dans le Journal de May 1734.
Hifloire des Empires & des Républiques , &c. page 2$*
Hifloire de l'Empire dis Cherifs en Afrique , &». z6o
La Chronique ou Annales de Gofweich , &c 169
Hifloire Critique de l'établijfcment de U Monarchie Frattfcife dans les
G Aid; s , 8cc. 27 2
Traité Phyjîque & Hiflorique de l'Aurere Boréale ■ 287
Recueil des Ecrivains de l 'Hifloire d'Italie t &c. Tome XVII. 297
Nouvelle Claffe des Maladies , &c. 301
Ne us die s Littéraires , %*>(
Fin de U Table.
L E
JOURNAL
CAVANS
0
POUR
L'ANNEE M. DCC. XXXIV-
JUIN.
A PARIS,
Chez CHAUBERT, à l'entrée du Quay des
Auguftins, du côté du Pont Saint Michel, à la
Renommée & à la Prudence.
M. DCC. XXXIV.
AVEC APPROBATION ET PRIVILEGE DU ROY.
LE
JOURNAL
DES
SCAVANS
3
JUIN M. DCC. XXXIV.
HISTOIRE DE L'EMPIRE DES CHERIFS EN AERIQVE ,
fa Defcription Géographique & Hijlortque ; la Relation de la prije d'O-
ran , par Philippe V. Roi d'Efpagne , avec l'abrégé de la Vie de M. de
Sainte - Croix , ci-devant Ambaffadeur en France , & Gouverneur d'O-
ran depuis la prife de cette ViUe ; Ornée d'un plan très-exatl de la Ville
d'Or an , & d'une Carte de l'Empire des Cherifs. Par M. * * *. A Paris,
chez Prault père , Quai de Gêvres , au Paradis. 1733. vol. in - 12.
divifé en deux Parties , pages 354.
Juin.
Sfij
jia JOURNAL DE S SÇAVANS,
ON a vu dans le Journal pré-
cèdent l'Extrait de la Des-
cription Géographique & Hiflori-
que de l'Empire des Cherirs ; il
nous refte à prefent à donner celui
de 1 Fliftoirc de ce même Empire.
Elle eft divifée en deux Parties.
Nous parlerons de chacune dans
un Journal à part.
Un Prince de la famille des Mé-
rinis , nommé Abdulach , s'étant
rendu maître des Royaumes de
Tremézen & de Fez , ( l'Hiftorien
ne dit point en quel tems ) mit la
Royauté dans fa famille. Ses Succef-
feurs choifirent Fez pour Capitale
de leur Empire, & mirent à Maroc
des Gouverneurs qui dépeuplèrent
cette grande Ville par leur avarice
& par leur cruauté. Les Oatazes
régnèrent après les Mérinis , &
leur mauvaife adminiftration ruina
la Partie de l'Afrique dont ils
étoient Souverains. Les Cherits les
chalTerent du Trône , & y montè-
rent. Le premier des Cherifs, dit
notre Auteur , fut Hafcen , natif
de la Ville deTigumedcs en Nu-
midie , homme ambitieux , qui
pour gagner les Peuples affecta des
dehors de pieté qui le mirent en
grande considération. L'éclat du
Trône le frappa ; Se il refolut d'en
illuftrer fa Maifon. Il commença
d*abord par fc parer d'une haute
naiflance , en fe faifant defeendre
des premiers Cherifs & de Maho-
met même : Sur quoi nous remar-
querons que l'Hiftorien qui dit ici
qu'Afcen fe faifoit defeendre des
premiers Cherifs , vient cependant
de dire que ce même Afcen fut le
premier des Cherifs ; c'eft toute la
refiexion que nous ferons là-de(Tus,
Afcen avoit trois fils qu'il fouhai-
toit faire monter aux plus grands
honneurs , Abdelquivir , Hamet ,
& Mahamet. Il leur rit faire le
voyage de la Mecque , pour les
rendre plus refpeetables aux yeux
du peuple. De ces trois fils, Ab-
delquivir étoit lemoins ambitieux,
mais les deux autres profitant
mieux que leur aîné , des inftruc-
tions de leur perc , ne fondèrent
qu'à s'aggrandir à quelque prix,
que ce fût. C'eft fur eux principa-
lement que roule la première Par-
tie de cette Hiftoire , & c'eft à ce
qui les concerne que nous nous
bornerons ici.
Au bout de quelque tems les
trois frères arrivèrent de la Mec-
que , & le peuple qui s'étoit déjà
déclaré en laveur du pe*e , courut
au devant d'eux baifer le bas de
leur vefte. Ceux-ci defirant aug-
menter , s'il étoit poiîîble , leur
grande réputation , feignirent d'a-
voir des raviflemens & des entou-
fiafmes, ce qui leur réunit à gré.
Afcen crut qu'il étoit tems de faire
éclorre fes dedans. Hamet cV Ma-
hamet aufquels il avoit enfeigné
la Magie, reçurent ordre de lui d'al-
ler à la Cour de Mahamet Oatas
qui regnoit alors à Fez : à peine
les deux frères y furent-ils arrivés
que Mahamet fut choiiî pour Pré-
cepteur des enfans du Roi , & Ha-
met pour remplir une Chaire de
Profefleur dans le Collège de Mo-
radafç:.
JUIN
Quoiqu'ils flirtent tous deux
très-capables de fuivre par eux mê-
mes les intentions ambitieufes de
leur père , Hafcen était , fans le
paroîtrc , Panie quidirigcoit tous
leurs mouvemens. Ils écoutoient
docilement fes Confcils , & fui-
voient la route qu'il leur traçoit.
Mahamct chargé de l'éducation
des entans du Roi , s'attacha parti-
culièrement à celui qui devoit ré-
gner un jour, 6c par fes manières
insinuantes il fe fit beaucoup aimer
de ce jeune Prince.
La Tingitane ctoit dans ce tems-
là divifée par la difeorde de fes
Princes ; & de plus , défolée par
les ravages que Ls Portugais y fai-
foient. Hafcen toujours attentif à
faifir l'occafion de faire la fortune
de fes enfans , confeilla à fes deux
fils de demander au Roi de fortes
troupes pour encourager le peuple
à fe défendre vaillamment contre
les Portugais , & à combattre avec
zélé pour la Loi de Mahomet.
Mahamet Se Amet , félon le con-
feildeleur père, reprefenterent au
Roi qu'étant Cherifs , & defeen-
dans de Mahomet , ce Prophète
trouveroit en eux de zélés défen-
feurs de fa Loi ; qu'il étoit de l'in-
térêt du Roi d'exciter les Arabes à
prendre les armes , & que les peu-
ples voyant la veix du Souve-
rain unie à celle des Cherifs , tra-
vailleroient avec ardeur à la con-
fervation de leur Pays & de leur
Religion. Ils lui firent entendre en
même tems , que chargé de l'ad-
miniftration d'un grand Etat, il ne
pouvoit furfircà le régir au dedans
> » 7 3 4- ?i?
& à le défendre au dehors ; qu'il
devoit confier le foin de quelques
Provinces à des perfonnes éclairées
& capables de les gouverner. Que
s'il vouioit leur accorder à tous
deux les Provinces de Sufa , d'Héa,
de Ducala , de Maroc & de Tre-
mezen , ils fe chargeroient d'y
maintenir le bon ordre , & de faire
échouer les entreprifes des Chré-
tiens.
Le Roi Oatas qui ne pénétroit
point dans la profonde politique
des artificieux Cherifs , entra im-
prudemment dans leurs vues »
nonobstant les fages remontrances
que lui fit là deflus Mulei - Naccr
fon Irere, qui lui reprefenta tout le
danger qu'il y avoit de fe fier à eux.
Oatas accorda donc des troupes aux
deux frères , & écrivit aux Gouver-
neurs des Provinces où Mahamet
de Hamet dévoient aller , de fuivre
exactement leurs avis.
Les deux frères fe rendirent d'a-
bord dans la Province de Ducala 5
au Royaume de Maroa , où ils
avoient beaucoup d'amis.
Les Portugais étoient alors Mai-
res d'Azafi, Ville de cette Pro-
vince. Mahamet & Hamet s'avan-
cèrent comme pour en taire le liè-
ge , mais trouvant la Place bien
fortifiée , & bien gardée , ils parte -
rent jufqu'auCap d'Aguer.
Quoiqu'ils n'eulTent fait encore
aucun exploit de guerre,, la régula-
rité affectée de leurs mœurs , l'e-
xacte difeipline qu'ils taifoientob-
iérver à leur armée , & les fages
précautions qu'ils prirent pour ar-
rêter les progrès rapides des Portu-
3i4 JOURNAL D
gais , les firent eftimer de ceux mê-
me qui avoient d'abord défaprouvé
la prévention d'Oatas en leur fa-
veur.
Le feul Mtdei-Nacer dont nous
avons parlé , déploroit les mal-
heurs qu'il prévoyoit devoir acca-
bler bien tôt un Etat dont tous les
fu|ecsfembloient favonler les am-
bitieux deffeins des deux hypo-
crites.
Cependant après avoir parcouru
plufieurs Provinces , les Cherifs ,
qui ne recevoient point d'argent
de la Cour , craignoient d'être
obligés de congédier leurs troupes ,
mais les peuples qui mettoient
tout leur efpoir dans ces deux frè-
res , offrirent volontairement de
payer le dixième de leurs revenus
pour l'entretien de l'aimée. Les ha-
bitans des Villes de Tarudante , de
Tedfi , & des lieux voifins, fe fi-
gnalerent en choifitfant pour leur
Chef Afcen père des Cherifs , & ils
lui donnèrent une troupe de cinq
cens chevaux. Mahamet le plus
aftif & le plus vaillant des deux fils
d'Afcen , s'établit dans Tarudante ,
& fit bâtir allez près de l'enceinte
de cette Ville , la ForterelTe de Fa-
raixa. Ayant enfuite obtenu le com-
mandement des armes & l'admini-
ftration civile , que les Maures qui
lui étoient affldés , avoient deman-
dés avec empreiîement pour lui , il
fit marcher fon armée vers la Pro-
vince de Sufa, fournit les habitans
de Mezuar qui favorifoient les
Chrétiens, & fe rendit maître delà
Province de Dara que ces mêmes
habitans poffedoient.
ES SÇAVANS,
Mahamet- Llché , renégat Gé-
nois lui ayant donné partage par la
Province de Tigujut , il entra dans
la Province de Sufa , «S: prit celles
d'Héa , de Ducala , ôcdeTreme-
zen , fous prétexte de fecourir les
peuples.
La Ville de Tcndeftc Capita-
le de la Province d'Héa , entre-
prit de lui refifter , mais il s'en ren-
dit maître , & ayant choifi cette
Ville pour y établir fa refidence, il
y fit bâtir un Palais.
La fortune qui avoit favorifé
jufques-là Mahamet , l'abandonna
pour un tems , mais ce tems ne fut
pas long, & le Chérit trouva bien-
tôt moyen de fe la réconcilier. Ce
que notre Auteur raconte fur ce
fujet,n'eftpas moins digne d'atten-
tion que ce que nous avons déjà
rapporté , nous l'abrégerons le
plus qu'il nous fera pofiiblc.
Yahui-Ben-Tafuf , Tributaire
des Portugais, homme que fes in-
térêts particuliers rendoient le plus
grand ennemi des Cherifs , aftem-
bla des troupes pour s'oppofer à
Mahamet ; mais n'ofant combattre
fuul contre un homme accoutumé
à vaincre, & dont les forces étoient
fupericures , il fe joignit à Nugno
Fernandés de Ataïde Portugais ,
Gouverneur d'Afafi , Se avec une
armée qu'ils formèrent enfem-
ble , ils marchèrent vers Tendcfte,
où étoit Mahamet. Quoique ces
deux Capitaines n'eurtent rien ou-
blié pour rendre leur marche fe-
crette , le Cherif, qui avoit des
cfpions par tout , en fut averti , &
comme fa réputation étoit le pria-
JUIN
cipal appui fur lequel il comptoit ,
il crut qu'il n'avoit qu'a fe prefen-
ter pour déconcerter ceux qui ve-
noient à lui ; mais il fut trompé
dans fon attente : Yahui & Nugno
l'attaquèrent avec intrépidité, &
le défirent. Mahamet vaincu fut
obligé d'abandonner Tendcfte ,
mais il conferva après fa défaite, k
prefence d'efprit qui lui avoit ac-
quis tant de Provinces , 5c il ne
longea qu'à reparer cette perte.
Tafuf de les Portugais entrèrent
dans Tendefte , &c après avoir ré-
duit fous leur obéiiîance tout le
Pays d'alentour , ils fe retirèrent.
Mahamet qui avoit apellé à fon fe-
cours Hamet fon frère, fe mit alors
à la tête d'une groffe armée , fe ren-
dit maîtrede la campagne nouvel-
lement conquife par les Portugais ,
& rentra dans Tendefte.
Afcen père des Cherifs , mourut
peu de tems après , &: lailTa fes
trois fils , dont l'aîné Abdelquivir,
le moins fameux des trois , fut tué
dans un combat que les deux Che-
rifs fes frères livrèrent aux Portu-
gais qui affiégeoient la Ville d'A-
nega. Mahamet & Hamet après
avoir combattu avec beaucoup de
valeur , remportèrent la victoire ,
firent prifonnier le Commandant
des Portugais , Se voulant profiter
de la confternation des ennemis ,
tefolurent de fe rendre maîtres de
Maroc. Us en vinrent à bout par
une noire trahifon: ils s'infinuerent
adroitement dans l'efprit de Nacer-
Buxentuf qui en étoit le Souverain,
& ayant fait une partie de chalTe
avec lui, ils lui présentèrent d'un
gâteau empoifonné qui le fit mou-
rir peu de tems après , fans que
perfonne foupçonnit la caufe de
cette mort précipitée. Hamet fe fit
auflî tôt déclarer Roi de Maroc par
les habitans de cette grande Ville ,
qui privèrent par-là les enfans de
Nacer-lluxentuf delà fucceffion de
leur père. Ce perfide nuroit bien
voulu en même tems fe rendre in-
dépendant du Roi de Fez à qui lui
8c fon frère Mahamet , comme
nous l'avons vu , avoient de fi
grandes obligations , mais ne fe
trouvant point encore allez fort
pour cela , il envoya à ce Prince
des Ambalîadeurs pour lui offrir
des prefens , lui payer un tribut ,
&c l'alTurer d'une foumiflion parfai-
te.
Une nouvelle occafion de s'ag-
grandir, par la voye de la fourberie
ôc de la trahifon , fe prefenta alors
aux Cherifs ; ils nelalaifferent pas
échaper ; voici en peu de mots ce
que î'Hiftorien rapporte fur ce fu-
jet. Les Arabes de Zarquia &: de
Garlia dans la Province de Du-
cala , étoient en guerre : cha-
que parti cherchoit des alliez , &
tous deux briguoient la protection
des Cherifs : ceux-ci la promet-
toient également à l'un & à l'autre
parti : les Arabes trompés par les
Cherifs , vinrent camper à quel-
que diftance de Maroc , d'où Ma-
hamet & Hamet étoient fortis avec
une armée. Chaque parti croyant
que les Cherifs ailoient fe déclarer
pour lui, fe hâta de livrer bataille.
Les deux frères furent quelque
tems , tranquilles Spectateurs du
3i5 JOURNAL DE
combat , jufqu'à ce que les deux
armées également épuifées donnaf-
fent lieu à ces fourbes , de faire fû-
rement le coup qu'ils méditoient;
ils fe jetterent donc fur elles dès
qu'ils les virent affoiblies au point
de ne pouvoir refifter , & les ayant
pour lors taillées en pièces , ils s'en
retournèrent aufïl glorieux à Ma-
roc , que s'ils venoient de faire
la plus belle aclion de bravoure.
Enflez d'une telle victoire ou plu-
tôt d'une telle trahifon , qui non
feulement leur donnoit des che-
vaux , des armes , & un grand atti-
rail de guerre , mais qui les faifoit
encore redouter de plus en plus,
ils crurent pouvoir impunément
refufer au Roi de Fez, la foi qu'ils
lui avoient voliée , & le tribut
qu'ils lui dévoient. Notre Hiftorien
ajoute même qu'ils joignirent ici
l'infulte au refus , & que pour bra-
ver ce Prince à qui ils dévoient
toute leur élévation , ils firent
choix des plus méchans chevaux
qu'ils avoient pris fur les Arabes ,
& les lui envoyèrent par déiilîon.
Le Roi de Fez , comme on peut
juger , fentit vivement alors la
faute qu'il avoit faite de ne pas
écouter les fages confeils que fon
frère lui avoit donnés au fujet de
ces deux Cherifs. Mais cette faute
ne pouvoit plusfe réparer. Cepen-
dant Oatas crut pouvoir s'en rele-
ver. Pour en venir à bout", il mena-
ça les Cherifs de leur déclarer la
guerre , &c leur fit cette menace
dans un tems où fes forces n'étoient
pas comparables aux leurs. Le def-
lein étoit téméraire , mais il fut
S SÇAVANS,
fans exécution. Le Roi mourut fur
ces entrefaites & laifla le Trône à
Hamet- Oatas fon fils : ce fils qui
étoit celui dont le Chérit Mahamet
avoit été précepteur , voulut pour
cette raifon , ufer de douceur avec
Mahamet, & avec Hamet. Il fe
contenta d'exiger d'eux un modi-
que tribut. Cette bonté dont les
Cherifs n'auroient pu être trop re-
connoiflans , les encouragea au
contraire à refufer le tnbut tout lé-
ger qu'il étoit. Ils pouffèrent plus
loin leur ambition ; & après avoit
remporté fur le jeune Roi , qui fut
enfin contraint de leur déclarer la
guerre , plufieurs victoires consi-
dérables , dont on peut voir le dé-
tail dans notre Hiftorien , ils pri-
rent tous deux le nom de Rot.
Une telle ufurpation força le Roi
de Fez à les attaquer de nouveau ,
mais il ne fut pas plus heureux dans
cette guerre que dans les autres.
Nous nous difpenferons de fuivre
notre Auteur dans tout ce qu'il ra-
conte à ce fujet. Il faut recourir au
Livre même. Les deux Cherifs ne
firent enfuite que voler de conquê-
tes en conquêtes , & ils étoient au
comble de leurs fouhaits , lorfquc
la méfmtelligence fe mit entr'euxj
cet article n'eft pas un des moin-
dres del'Hiftoire , mais nous fom-
mes obligés de le pafTer pour abré-
ger. Nous remarquerons feulement
que cette méfînteliigence fut entre-
mêlée de plufieurs raccommode-
mens , & qu'enfin les deux frères
réunis , ne cefTerent de pourfuivre
le Roi de Fez , qui après bien des
efforts inutiles pour défendre con-
tre
JUIN
tre eux fes Etats , devint la trille
victime de Mahamet , qui ofr faire
étrangler fon propre Difciple.
C'eft ce qu'il nous faut raconter
avec quelque détail. Nous fuivrons
exactement notre Hiftorien , nous
l'abrégerons feulement.
OatasRoi de Fez déterminé à
combattre encore Mahamet , leva
une forte armée , qu'il divifa en
cinq bataillons; le commandement
du premier qui étoit à Paîle droite
fut donné à Mulei , & à Buhaçon
fon Lieutenant général & fon pa-
tent , la conduite du fécond qui
ét-oit à l'aîle gauche fut donnée à
Buzqueri , frère du Roi -, les deux
autres bataillons qui étoient placés
derrière les deux premiers, avoient
à leur tête Mulei - Cacer &c Mulei-
Xeque , tous deux fils du Roi ,
lequel avec Mulci-Budquer un au-
tre de fes fils , conduifoit le cin-
quième bataillon, compoféde tout
ce qu'il y avoit de plus brave dans
l'armée. Il fit enfuite placer le Ca-
non fur une petite éminence , que
le Perfan Marian fut chargé de gar-
der.
Mahamet voyant tout cet appa-
reil, afTembla fes enfans avec les
Chefs de fon armée & les autres
Seigneurs , pour les exhorter à foû-
tenir la haute réputation qu'ils s'e-
toient acquife par tant de victoires
qui les rendoient maîtres d'une
grande partie de l'Afrique , & en
leur reprefentant que s'ils ga-
gnoient la bataille qui alloit fe
donner , une telle victoire leur foû-
mettroit prefque toute cette partie
du monde. Comme il eomptoic
Juin.
> i7 î 4- 317
beaucoup moins fur le grand nom-
bre de fes Soldats que fur leur
courage , il permit de fe retirer à
tous ceux qui le voulurent, & pour
animer ceux qui reftoient , il leur
fit entendre qu'il avoit découvert
par les fecrets de la Magie , que de
toute fon armée il ne périroit
qu'un feul Nègre , & que le Roi
de Fez feroit pris. Les troupes du
Cherif encouragées par ce dif-
cours , fe préparèrent pour le len-
demain ; &c dès que le jour parut
on en vint au combat. Notre Au-
teur en décrit les circonftances.
Nous les panons pour abréger. Le
Roi de Fez fut obligé de fuir , &
dans fa fuite étant tombé de che-
val au palTage d'une rivière, il fut
pris, &c aufiï tôt conduit à Maha-
met qui d'un ton de maître & con-
tretaifant l'homme religieux , fe
mit à donner au Roi les leçons fui-
vantes.
» La fortune , lui dit - il , qui
»vous rend aujourd'hui mon Cap-
»> tif , me donne fur vous , unefu-
» periorité dont je ne veux profiter
»que pour vous faire fouvenir
» qu'ayant été autrefois fotre Pré-
» cepteur , je fuis en droit de vous
» donner des leçons , mais des le-
» çons utiles & fans aigreur. On ne
» peut vous aceufer d'un autre cri-
» me que de n'avoir point puni
j> ceux que commettent tous les
y jours , vos fujers Votre Capitale,
» cette Ville fameufe où notre Re-
» ligion a pris une féconde nailTan-
» ce , &c qui devroit être aujour-
*> d'hui le féjour de la pieté , voit
» régner dans fes murs t l'envie ,
Tt
3i8 JOURNAL D
» l'ambition , l'irréligion , & tous
=> les vices , nés de l'impunité où
»»vos ancêtres & vous même avez
3> laiffé vivre fcs habitans corrom-
a> pus ; mais lorfque la crainte d'ir-
M riter vos peuples , vous fait fer-
» mer les yeux fur leurs forfaits ,
»fongez que Dieu examine votre
» conduite , & que vous tombez
«dans le précipice que par une
3) prudence criminelle vous vouliez
» éviter. Oui , vous avez toujours
a> craint d'être détrôné par vos fu-
» jets fi vous ofîez vous fervir de ce
» pouvoir que Dieu vous a donné
j> fur eux. Eh bien , vous voilà dé-
*> trôné aujourd'hui , pour n'avoir
» pas employé ce pouvoir. Car ne
»> croyez pas que ce foit moi qui
» vous ai vaincu , Dieu a combattu
» pour moi contre vous ; & votre
■n défaite eft fon Ouvrage. Un Roi
» puiflant ne voit jamais la vérité ,
»> qu'à travers d'épais nuages , ôc il
j> reçoit rarement les confeils que
» la fagefle lui donne. Dieu a vou-
» lu vous abaiiTer pour vous faire
»connoître que votre chute dé-
» pendoit de lui , & pour vous
m rendre plus docile à fa voix. C'eft
3» donc lui-même qui vous dit pat
» ma bouche , de rendre à la Reli-
s> cnon fon premier éclat , de reme-
» dier aux defordres qui ont pris
» naiiîance fous votre règne , d'ai-
» mer, mais de châtier vospeu-
» pies , de cultiver les Arts & les
>» Sciences, enfin d'avoir les vertus
m d'un bon Roi.
L'Hipocrite Cherif , non con-
tent de fe contrefaire par un dif-
çouis fi pieux en apparence , pouf-
ES SÇAVANS,
fa plus loin le déguifement : » Au
» refte , ajoûta-t-d , ne croyez pas
3> que je veuille profiter de votre
33 malheur -, il eft vrai que j'ai fujec
» de me plaindre de vous , parce
» que vous avez fecouru mon fre-
3t> re contre moi ; mais je fçaiaufli-
» bien oublier les injures , que je
33 fçai m'en venger quand on m'y
>3 force. Prenez donc courage , &
» comptez que je vous rétablirai
» bien-tôt dans votre Royaume.
Oatas , que la chute qu'il venoit
de faire , avoit confiderablemenc
bleiTé , ne put nonobftant l'état où
il étoit , s'empêcher de répondre à
la Harangue de Mahamet.
ï> On n'a guéres vu de vain-
» queur , lui dit-il , ufer de fa vic-
» toire avec autant de modération
3o que vous -, & je ne croyois pas
3» que vous euffiez pris les armes
» contre moi , pour me donner
j> des leçons. Il eft vrai que vous
33 me les donnez en qualité de Pré-
» cepteur , c'eft ce qui m'engage à
m vous répondre en Difciple plutôt
» qu'en prifonnier. Permettez-moi
» donc d'ufer envers vous de cette
» même liberté dont vous ufez en-
» vers moi -, &c fi vos confeils peu-
» vent un jour m'être utiles, peut-
»> être que ma réponfe ne vous le
» fera pas moins.
» Les Princes ne peuvent pas
» toujours veiller fi févérement fur
30 la conduite de leurs fujets , qu'il
» ne s'y gliiTe quelquefois des abus,
» mais quand même tous mes peu-
» pies s'abandonneroient à une li-
3» cence déréglée , & que moi qui
*> fuis leur Souverain , fermciois-
JUI
» criminellement les yeux fur leurs
» defordres , eft-ce à vous , qui du
» fervile emploi de Précepteur ,
» vous êtes à force de crimes , élevé
»fur le Trône où l'on vous voit au-
» jourd'hui, eft-ce à vous à me pu-
» nir de ma conduite 2 vous à qui
» mon père , par mes propres con-
j> feils , a donné lieu de vous agran-
» dir , &c d'accabler fa trifte famil-
» le ; vous que j'ai moi - même ,
i> comblé de bienfaits , & qui me
» payez de la plus noire ingratitu-
» de ; vous enfin qui vous parant
m d'une fauffe vertu , cherchez un
» prétexte fpécieux pour juftifier
n auprès de moi vos horribles ac-
» tions ; mais ne parlons point de
» chofes qui vous rendent U odieux
» &C qui peuvent faire connoître à
» tous ceux qui viennent de vous
» entendre & qui m'écoutent , juf-
» qu'à quel point vous pouffez la
x> diffimulation. Croyez feulement
» que Dieu qui m'a livré entre vos
» mainsaeudeffein de vouséprou-
» ver ; qu'il en a ufé ainfi pour taire
»> voir à tous comment vous uferiez
j> de la victoire, &c fi ayant violé ,
» comme vous avez fait , la foi des
» Traitez , &c rompu les liens fa-
aï crés de l'obéiflance que vous me
» deviez , votre coeur feroit enfin
» touché.
m Après que vous m'avez fi bien
» remontré mon devoir , voyons fi
» vous ferez le vôtre , & fi vous re-
»connoîtrez que l'inconftance de
» la fortune nous rend neceffaires
» les uns aux autres. Vous me re-
» prochez d'avoir accordé du fe-
o cours à votre frète , je ne daigne
N , 175 4- 3*9
» pas me juftifier d'une action loua-
» ble par elle - même , & qui doit
» vous faire fentir que vous auriez
» pu attendre de moi le même fe-
» cours , fi vous vous étiez trouvé
» dans le même cas.
Mahamet reçut avec un vifage
riant , cette réponfe d'Oatas , & fe
mit en devoir de marcher vers Fez,
mais il n'avoit pas prévu ce qui ar-
riva. Buhaçon Lieutenant du Roi
de Fez &fon parent entra dans Fez,
avec Mulei-Cacet, fils de ce Mo-
narque : les habitans qui crai-
gnoient les fuites de la captivité de
leur Roi donnèrent la Couronne à
Mulei-Cacer , à condition qu'il la
rendroit àfon père auffi tôt que ce
Prince feroit forti de captivité.
C'eft ainfi que le décida le Confeil
privé, à la tête duquel étoit Buha-
çon ; ce Général fe profternale pre-
mier aux pieds du Roi , qui fur le
champ le fit Vilîr & fon premier
Miniftre.
Notre Hiftorien remarque ici
que les Maures fuperftitieux attri-
buèrent tous ces malheurs de l'Etat
à une permiffion que le Roi de Fez
avoit accordée aux Chrétiens , d'a-
voir du vin chez eux ; & au grand
nombre de Lions que ce Prince
nournfloit. Mulei-Cacer fon fils
voulant d'abord s'attacher cette na-
tion , fit répandre tout le vin qui
fe trouva dans les caves de laVille-,
& ordonna que tous les Lions fuf-
fent tuez à coups de traits.
Mahamet qui ignoroit ce chan-
gement , s'avança jufqu'à deux
lieues de la Ville de Fez , & de-là
il envoya à la mère & au fils d'Oa-
Ttij
?2o JOURNAL DES SÇAVANS,
tas , des Lettres de ce Prince , par
lefquelles il leur demandent que
pour fa rançon , le Pays de Me-
quinez fût livré au Cherif j Buha-
cen à qui le Roi avoir écrit la mê-
me chofe entretint l'efperancc du
Cherif ,& prit en mêmetems tou-
tes les mefures requifes pour fur-
prendre ce traître , qui de fon côté
tichoit de tromper le Roi & les
Miniftres de Fez. Mais les mefures
que prit Buhaçon, & que rapporte
notre Hiftorien , furent inutiles.
Mahamet qui en eut avis , courut
promptement jufqu'aux portes de
Fez , où il prit deux cens Bour-
geois qui croyant n'avoir rien à
craindre , fe promenoient le long
de leurs murailles & les fit étrangler
devant lui. Il fe rendit enfuite au
détroit d'Honegui , d'où il em-
mena à Maroc le Roi de Fez les
fers aux pieds.
Buhaçon voyant qu'il n'y avoit
plus moyen de refufer au Cherif ce
qu'il exigeoit pour la rançon du
Roi , traita avec les fils du Cherif,
&c les mit en poiTeflîon du Pays de
Mequinez. Mahamet outre cela exi-
gea du Roi de Fez que ce Prince lui
livrerait Fez toutes les fois que lui
Mahamet le fouhaiteroit. Maha-
met obtint tout ce qu'il demanda,
& rendit enfin la liberté à Oatas
qui retourna fur le champ à Fez ,
où fon fils Mulei-Cacer lui remit
toute l'autorité dont ce fils avoit
joui pendant la captivité du Roi
fon père.
Oatas rendu à fes Etats , n'y
fut pas long - tems tranquille :
Mahamet l'envoya fommer quel-
ques mois après , de lui livrer
Fez , fuivant la convention qui
avoit été faite. Oatas, qui d'un
côté , craignoit d'irriter le Cherif
en luirefufanr l'entrée de la Ville ,
& de l'autre appréhendoit que cet
homme fans foi , ne fe rendît
maître de Fez quand les portes lui
en feraient ouvertes , crut pouvoir
fe tirer d'embarras par l'expédient
fuivant. Il envoya dire au Cherif
que la mort des deux cens Bour-
geois de Fez qu'il avoit fait étran-
gler depuis peu, avoit tellement ir-
rité contre lui toute la Ville, que
les habitans ne confentiroient ja-
mais à le recevoir. Cet expédient
n'eut pas le fuccès qu'en attendoit
Oatas. Mahamet furieux s'avança
jufqu'aux portes de Fez , & paiîa
au fil de l'épée tout ce qu'il ren-
contra. Il altiegea Fez , &c au bout
de deux ans de fiége entra dans le
vieux Fez, puis mit une forte gar-
nifon dans la Ville neuve où étoit
le Roi , & envoya enfuite ce
Prince à Maroc.
Quelques Barbares s'étant fou-
levés contre Mahamet dans h Pro-
vince de Derenderea , ce Cherif
qui ne cherchoit qu'un prétexte
pour fe défaire du Roi de Fez ,
quoique ce Roi eût été fon Difci-
ple , crut devoir l'accufcr d'avoir
excité les Barbares à la révolte dont
il s'agit , & fur cette fimple impu-
tation , il le fit étrangler , avec fon
fils. Te] fut le trifte fort du Roi de
Fez.
Voyons quelle fut la fin du per-
fide Mahamet. Nous palTerOns
pour cela plufieurs articles concer-
JUIN
liant divcrfes victoires du Cherif
& divers troubles arrivés après la
mort du Roi.
La Seigneurie d'Alger étant de-
venue vacante, fut donnée par le
Grand Seigneur à Hafcen fils
d'Haradin-Barberouflc qui y avoit
régné. Le Cherif qui étoit alors
plus puiffant que jamais fe rendit
îufpeâ: à Hafcen , Se comme Haf-
cen n'avoit pas alTez de troupes
pour combattre Mahamet , il refo-
lut de s'en défaire par un affalîïnat.
Il employa pour cette action un
fcélérat nommé Hafcen comme
lui, auquel il promit une grande
recompenfe. Ce fcélérat teignit
d'avoir reçu quelque injure de fon
Souverain , & quittant Alger avec
vingt hommes, il fe rendit d'abord
à Fez , d'où il fut trouver le Cherif
à Maroc : Mahamet le reçut favo-
rablement , Se ayant conçu beau-
coup d'amitié pour ce traitre , il le
fit Capitaine de fes Gardes. Ce
bienfait retarda la mort du Cherif,
Hafcen ne pouvant confentir à
priver de la vie un Prince qui lui
faifoit tant de bien : mais il fur-
monta enfin fes fcrupules ; & le
Chérit étant allé à Sus , il le fuivit ,
Se fongea a exécuter fon deflein. 11
fçavoit que la Garde de Mahamet
avoit lieu de fe plaindre de lui à
caufe de la paye qu'elle nerecevoit
plus depuis un an. Comme Hafcen
pofledoit l'art de manier les efprits,
il n'eut pas de peine à engager les
Turcs de la Garde à tremper dans
fon complot fur-tout en leur pro-
mettant les tréfors du Cherif, &
une retraite affujceàTremezcn ; il
> 17 34- $ar
ne fut plus queftion que de trouver
l'occafion de tuer Mahamet , elle
ne tarda pas à fe prefenter ; le Che-
rif étant allé en un endroit du
Mont Atlas , appelle Alquel , Af-
cen fuivi de pluiieurs Gardes , fut
dans le même endroit fe prefenter
devant la tente du Cherif , &
voyant que ce Prince ne fe défiant
de rien en fortoit, il mit l'épée à
la main ; le Cherif épouvanté prit
la fuite ; comme il couroit avec
précipitation , il tomba ; Afcen
profita de l'occafion , & coupa les
jarrets au Cherif. Alors tous les
Conjurez étant furvenus , fe jette-
rentfurlui, & le percèrent de mil-
le coups ; un Portugais qui avoit
défendu Mahamet jufqu'à l'extré-
mité , fut tué avec lui. Ainfi mou-
rut Mahamet , qui n'ayant aucunes
mœurs , & ne devant la plupart de
fes vi&oires qu'à la rufe Se à la
fourberie , fut bien plus digne de
mépris que d'eftime. Notre Hifto-
rien en penfe autrement : il dit
que ce Cherif eût paffi pour un des
plus grands Hommes de fon/îécle , Jit
né dans un Pays ou regnoit alors &
ou règne encore la barbarie & l'i-
gnorance , fes plus belles allions
n'eujfent été enfevelies avec lui.
Cette première partie dont le
Cherif Mahamet fait la principale
matière, finit par la relation de la
prife d'Oran fous le miniftere du
Cardinal Ximenés , & par une Hi-
ftoire fuccinte de la Ville d'Alger ,
& des révolutions qui y font arri-
vées en differens tems. L'Auteur
reprend enfuite I'Hiitoire des Che-
rifs qu'il avoit interrompue } Se
322 JOURNAL D
cette continuation fait la matière
de la féconde Partie , dont nous
parlerons dans un autre Journal.
Mais nous nefçaurions guéres nous
difpenfer de dire ici un mot de cet-
te fameufe expédition des Efpa-
gnols , qui fous le miniftere du
Cardinal Ximenés , enlevèrent aux
Africains la Ville d'Oran , Place
très-importante & un des meilleurs
Ports de l'Empire des Cherifs. Ce
Cardinal entreprit de l'afficger en
1 509. & pour y entrer il ne fit pas
difficulté d'employer des feelerats
qui lui promirent de lui livrer la
Ville moyennant une certaine rc-
compenfe dont ils convinrent avec
lui. Voici en abrégé ce que notre
Hiftorien rapporte fur ce fujet.
Ximenés ménagea deux ans au-
paravant , une intelligence fecrette
avec deux Maures mécontens du
gouvernement, & un Juif que le
Roi de Tremezen avoit envoyé à
Oran pour y lever des tribus qui
luiétoient dûs. Ces traîtres gagnés
par les grandes promefles du Car-
dinal , s'engagèrent à lui ouvrir la
porte de la Ville qui conduifoit à
Tremezen , &c qui en portoit le
nom. Cette intrigue ayant été bien
concertée , le Cardinal en fit part à
Ferdinand Roi d'Efpagne , qui lui
mit en main un plein pouvoir & le
revêtit de fon autorité.
Ximenés pafla tout l'hiver à faire
les préparatifs neceflaires pour ce
Siège. Sur la fin de Février il fe ren-
dit avec toutes fes Troupes à Car-
thagéne , où l'on avoit donné le
rendez-vous à la flotte qui devoit
débarquer toute l'armée en Afri-
que.
ES SÇAVANS,
Pierre de Navarre Vianelli , &:
tous les Officiers généraux vinrent
y trouver le Cardinal. Les Trou-
pes campèrent dans la plaine , où
elles attendirent la flotte pour
s'embarquer.
La flotte arrivée à Carthagéne ,
Ximenés s'embarqua avec toute
fon armée , & le lendemain fur le
midi on découvrit les Côtes d'Afri-
que. La flotte entra de nuit dans le
Port de Marfalquivir , avec tout le
fucecs qu'on auroit pu attendre en
plein jour,puis au lever dufoleil elle
s'empara du terrain qui lui étoie
neceflaire. Le Cardinal fit alors
un dilcours pieux & touchant pour
animer les Soldats au combat. En-
fuite il fe retira dans la Forterefle
de Marfalquivir, à la follicitation
de toute l'armée.
Les Maures quii'étoient aflem-
blés pendant la nuit , fe préparaient
à marcher contre l'Armée Chré-
tienne , lorfqu'ils apperçurent
qu'elle s'avançoit vers Oran. Leur
furprife fut d'autant plus grande ,
qu'ils n'avoient pu s'imaginer ,
qu'au milieu d'une nuit obfcure
l'armée eut ofé hazarder l'entrée du
Port.
Les deux Armées refterent quel-
que tems en prefence fans rien en-
treprendre ; mais enfin la Cavale-
rie des Maures plusnombreufe que
celle des Chrétiens , livra le Com-
bat ; les batteries du Fort &c des
Vaiflcaux Aient un fi grand ravage
dans le camp des Maures, qu'ils fu-
rent obligés de fe retirer. Les Vaif-
feaux qui portoient le refte de la
Cavalerie vinrent promptemene
JUIN, i 7 5 4-
de Marfalquivir devant Oran «Si fi- trouver de réfiftance.
ïent une décharge de toute leur ar-
32J
tillerie contre les murailles de cet-
te Ville. Enfuite on divifa cette
mêmeCavalerie en deux corps,cha-
cun de mille chevaux. La conduite
du premier fut donnée à Soura
Mettre de Camp du Régiment
de Ximenés , avec ordre de fe ren-
dre à la porte d'Oran , appellée la
porte de Tremezen , que les trois
fcélérats , dont nous avons parlé ,
s'étoient engagés de livrer au Car-
dinal , l'autre corps fut mis fous la
conduite du Comte d'Altamira ,
qui demeura derrière une Colline ,
d'où il ne pouvoit être vu ni de la
Ville , ni de l'Armée des Maures.
Alors Ls deux Maures & le Juif
avec lefquels le Cardinal avoit eu
une fecrecte intelligence^lui ouvri-
rent la porte de la Ville qui con-
duit à Tremezen , Se comme la
Garnifon d'Oran étoit fortie pour
aller joindre l'Armée des Maures ,
la Cavalerie Efpagnole y entra fans
Les habitans fe voyant trahis
prirent la fuite & fe fauverent dans
les Mofquées , la Cavalerie Efpa-
gnole s'étant emparée d'Oran , fe
rendit maîtreflTe des principaux po-
rtes de cette Ville & pointa le Ca-
non contre les maifons pour les
réduire en cendre en cas de réfiftan-
ce. On mit alors fur les murs de la
Ville , les étendarts d'Efpagne avec
la Croix. Ainiî fut prife fans beau-
coup de peine la Ville d'Oran s au
moyen de trois traitres avec lef-
quels le Cardinal Ximenés étoit
d'intelligence i &c qu'il anima à
cette trahifon par une grande re-
compenfe., qu'il leur promit. Nous
ne fuivons pas plus loin notre Hi-
florien 3 la longueur de cet Extrait
nous en difpenfe fuffifamment.
Ceux qui voudront voir plus au
long ce qui concerne cette prife
d'Oran , peuvent confulter là-def-
fus l'Hiitoire de la Vie du Cardi-
nal Ximenés.
VETERUM SCRIPTORUM ET MONUMENTORUM
Hi'Wicorum, Dogmaticorum , Moralium ampliiîîma
Colleâio. Tomus IX.
C'eft-à inç : Très-ample Colleclion d'anciens Ecrivains _, & de Pièces an-
cienne, y-vr rapport a l'Hi/loire , ait Dogme }& à la Morale. Tome neuf.
Par Dom Edme Marjene & Dom Vrfm Durand , Prêtres & Reli-
gieux Beneditlins } de la Congrégation de S. Maitr. A Paris , chez
Aiontalant , fur le Quai des Auguftins , proche le Pont S. Michel.
i7ii.in-fol. pp. 735.
CE dernier Volume de la gran-
de Collection des PP. Mar-
ten & Durand comprend differens
Opufcules des Saints Pères Se d'au-
tres Auteurs Eccklisrtiques.
Le premier eft un Poème fur la
Refurreciion des Morts tiré d'un
Manufcrit de l'Abbaye de Corbie
qui a plus de 900 ans. Ce Poème y
paxoît fous ie ncjm de S. Ciprien 3
j24 JOURNAL DE
le ftile barbare & le peu d'exactitu-
de par rapport à la mefure , font
bien connoître que ce Poé'me n'eft
point de S. Ciprien Evêque de Car-
thagc. Nos Auteurs ne fçavent
point qui étoit le S.Cipricn Auteur
de ce Poème. Ce qu'ils alîurent
c'eft qu'il écrivoit dans le tems
des plus vives perfccutions contre
l'Eglife , qu'il foûtient le fenti-
ment des Millénaires , qu'il s'atta-
che à combattre les Payens & fur-
tout leurs Philofophes , Se qu'il
s'explique d'une manière aflez
exacte fur le Myftere de la Trinité ,
fur le péché originel , fur la nécef-
fité du Baptême Si fur la Réfurrec-
tion des Morts , qui fait le princi-
pal objet de fon Ouvrage. Nos Au-
teurs remarquent que ce Poe'me
avoit été déjà imprimé à la fuite des
Ouvrages de Tertullien , mais que
l'Editeur y avoit fait de grands
changemens en plufieurs endroits
qui fentoient la barbarie , Si en
d'autres endroits où les régies de la
Poéfie avoient été négligées.
Un autre ancien Manufcrit de
Corbie a fourni à nos Auteurs un
abrégé de la Genefe en vers que ce
Manufcrit attribue à Juvencus Prê-
tre Efpagnol qui eft regardé comme
le premier des anciens Poètes Chré-
tien? dont S. Jérôme & le Pape
Gélafe ont parlé avec éloge , fur-
tout à caufe de fes quatre Livres
en vers fur les Evangiles ; l'Ouvra-
ge de Juvencus fur les quatre Evan-
giles a été écrit du tems du grand
Conftantin, nos Auteurs ne voyent
rien qui les détermine fur le tems
auquel celui-ci a été compofé. On a
S SÇAVANS,
imprimé les quatre prcmiersChapi-
tres de cet Ouvrage à la fin des
Oeuvres de Tertullien Se de S. Cy-
prien , Pamélius foûtient qu'il eft
de S. Cyprien. Il dit qu'il y are-
marqué plufieurs expreiïions &C
plufieurs tours du Saint Evêque de
Carthage , & qu'il y en a un Ma-
nufcrit en la Bibliothèque de Saint
Victor de Paris qui porte le nom
de S. Cyprien. M. Du Pin croyoit
que cet Ouvrage étoit de Salvien
de Marfeillc , & il cite Gennade ,
qui dit que Salvien avoit fait un
Livre en vers de l'Ouvrage des fix
Jours depuis le commencement de
la Genéfe jufqu'à la création de
l'Homme. Ce qui ne peut convenir
à ce Poème qui va jufqu'à la fin de
la Genéfe.
Les Morceaux d'un Père dont les
Ecrits ont été auffi utiles à l'Eglife
que l'ont été ceux de S. Hilaire
Evêque de Poitiers , font toujours
beaucoup de plaifir au public , c'eft
pourquoi nos Auteurs ont cru de-
voir publier des Traitez de S. Hi-
laire fur les Pfeaumes 15, 21 & 40.
Nos Auteurs y ont joint un Ser-
mon adrefle aux Néophites pour Je
jour de Pâques. Ce Sermon con-
tient une explication du Pfcaume
149. Les PP. Martene 6c Durand
croyent que s'il n'eft point de Saint
Hilaire, il eft du moins d'un très-
ancicnAuteur. Ils n'en ont pas jugé
de même de l'explication de quel-
ques autres Pfeaumes qu'ils ont
trouvés joints dans le Manufcrit à
celles de S. Hilaire , parce que
l'Auteur de ces explications écri-
voit dans le cinquième fiécle , ôc
que
JUIN
que fes difcours étoient adreffés à
des Moines d'Orient.
Le Traité de la Philofophie Chré-
tienne du Moine S. Nil qui fuit im-
médiatement les ex pointions des
Pfeaumes dont nous venons de
parler , n'eft point un Ouvrage
nouveau. C'cft le même Traité
qui a été publié dans l'Edition des
Ouvrages de S. Nil fous ce titre :
Trailatus de.Monjflicâ exercitatiotie.
Mais c'eft une verfion différente :
celle qui a été inférée dans l'Edi-
tion de Rome eft de M. Suarez
Evêque de Vaifon , celle dont il
s'agit eft d'Ifidore Moine du Mont
Caffin. Nos Auteurs croyent que
ce Traducteur eft Ifidore deClario,
l'un des ornemens de la Conereçza-
tion du Mont Caffin , très-fçavant
dans les Langues Hébraïque &
Gréque , quife fit admirera Rome
fous Paul III. & dans le Concile de
Trente , il mourut Evéque 6c
eftimé , le 2.8 Mai 1555. étant âgé
d'environ 60 ans. Le P. Mabillon
avoit pris une copie de cette tra-
duction du Traité de la Philofo-
pbie Chrétienne /& il avoit delîein
delà faire imprimer, parce qu'elle
eft, difent nos Auteurs , plus élé-
gante Se plus fidèle que la verfion
de M. Suarez.
Le Poëme fur l'Incarnation que
nos Auteurs attribuent au Poète
Sedulius, parce qu'ils l'ont trouvé
dans un Manufcrit de Corbie im-
médiatement après l'Ouvrage Paf-
cal du même Auteur , eft prefque
tout cornpofé de differens vers de
Virgile que l'Auteur applique au
Myftere de l'Incarnation.
Juin.
; i7î4- 32*
Après ce petit Poème viennent
fix Homélies de S. Maxime de Tu-
rin qui font du nombre de celles
que le P. Mabillon avoit tirées d'un
Manufcrit de S. Gai , &: dont il en
avoit fait imprimer douze dans le
Aiuf&nm Itrtlkum. Ces Homélies
n'avoient point encore été fendues
publiques , quoiqu'on en eût pu-
blié plufieurs de ce Saint Evêque
fous lenomde Sain: Amhrotfcou
fous celui de S. A'ùguftin , ou fous
d'autres noms. Ces Sermons de
S. Maxime font fuivis de fix Ser-
mons de Faufte Evoque de Riez ,
de différentes formules des obia-
tions que les parens laifoient de
lcins enfansaux Monafteres, d'une
Règle Monaftique par un Anonyme
tirée d'un Manufcrit de la Biblio-
thèque de M. Colbert, à prefent
de la Bibliothèque du Roi , qui a
plus de 700 ans.LeTi aité fui vant de
la Concorde de l'jincien & du Nou-
veau Teflamem , qui eft auffi d'un
Auteur Anonyme , eft tiré d'un
Manufcrit du Collège de Navarre,
qui a plus de 800 ans. L'Auteur y ré-
pond aux blafphêmes d'un Satàfin
contre J. C. Se contre la Sainte
Vierge.
Les quatorze premiers Sermons
de Saint Boniface Archevêque de
Mayence, Martyr & Apôtre d'Al-
lemagne , ont été tirés d'un Ma-
nufcrit de M. d'Agueffeau Chan-
celier de France , le P. Bernard Pès
a fourni le 15e à nos Auteurs. Ces
Sermons font écrits d'un ftile très-
fimple , & S. Boniface ne s'eft pas
beaucoup attaché à fuivre les règles
de la Grammaire. Mais on y voit
Vr
3a5 JOURNAL D
par-tqutun Homme Apoftoliquc ,
qui travaille à former fcsNéophi-
tes d'une manière proportionnée à
la portée de leur ■cfprit. Nos Au-
teurs ont fait aulu remarquer dans
ces Sermons quelques traits fur la
difcipline Ecclefiaftique. On voit
par exemple dans le douzième Ser-
mon que du tems de S. Boniface
le Jeûne du Carême ne commen-
çoit pas au jour des Cendres, mais
le lendemain du premier Diman-
che de la Quadragéfime. U exige
des Fidèles dans le douzième qu'ils
s'abfticnnent àc l'ufage du mariage
pendaùt tout le tems du Carême.
Les fujets des trois Sermons con-
tre Ambroife Autpert font la Cu-
pidité , la Purification de la Sainte
Vierge , & la Transfiguration de
J. C. L'Auteur de ces Sermons
n'étoit pas , comme quelques-uns
le prétendent , Maître & Archi-
chanctlier de Charlemagnc , mais
c'étoit un François qui s'étoit fait
Moine en Italie , qui s'y diftingua
par fa pieté &c par fa feience, & qui
mourut Abbé de fon Monaftere en
779. Paul "Warnefirid lui donne la
qualité d'homme trcs-fçavant. On
dit qu'Aubert étant jeune avoit
beaucoup de peine à parler , & que
fa langue fut déliée par l'intercef-
fion de la Sainte Vierge. Sigebert
& Triteme font mention de plu-
fieurs Ouvrages d'Autport & en
particulier du Sermon qu'ils appel-
ES SÇAVANS,
lent le Livre de la Cupidité , que le
P. Labbe regardoit comme un Ou-
vrage perdu i Se que nos Auteurs
ont retrouvé dans un Manufcrit de
plus de 800 aus confervé dans la
Bibliothèque de M. Chauvclin ,
Garde des Sceaux de France.
Les queftions fur le Prophète
Daniel refoluës par l'Archidiacre
Pierre font tirées d'unManufcrit du
Monaftere de -Stavelo qui porte
que le Roi Charles ( c'eft Charle-
magne ) a tait tranferire ces que-
ftions fur une copie authentique
de cet Ouvrage de Pisrre Archidia-
cre. Nos Auteurs avouent qu'ils
ne connoiffent pas ce Pierre Archi-
diacre , à moins que ce ne foit , di-
fent ils , le Diacre Piene qui eft un
des Intcrlocutcurr dans les Dialo-
gues de S. Grégoire. Charlemagnc
fit aufu tranferire les queftions de
Wicbo.d fur plufieurs Livres de
l'ancien Teftament. Le* réponfes
à ces queftions font tirées des Pères
de l'Eglife Latine , dont il y a
fouvent de grands morceaux tranf-
crits de fuite , & d'autres qui font
abrégés : nos Auteurs n'ont pas
cru devoir tranferire ces queftions
en entier, ils fe font contentés de
celles qui regardent les premiers
Chapitres de la Genéfe.
Nous fommes obligés de ren-
voyer à un autre Journal ce que
nous avons à dire fur les autres Piè-
ces coutenues dans ce Volume.
J U I N , 173 4; 327
TRAITE' DV VRAI MERITE DE L'HOMME CONSIDERE'
dans tous les âges & dans toutes les conditions } avec des principes d'iduca-
tion propres à former les jeunes gens à la vertu. A Paris , chez Saugrain ,
Grand'Salie du Palais , à la Providence. 1734. vol. in- m. pages 514.
HUIT Chapitres partagent ce
Traité : dans le premier , qui
fert d'exorde à l'Ouvrage , l'Au-
teur débute par fe demander à lui-
même, (1 c'eft un Livre qu'il en-
treprend de donner au Public 3 II
répond qu'il n'en fçait rien , mais
que ce qu'il y a de certain , c'eft
qu'il s'eft propofé d'écrire & qu'il
écrit. Après cette queftion & cette
réponfe,il dit que tout eft fmgulier
dans fon Projet, que peut-être l'e-
xécution le paroîtra-t-elle encore
davantage ; que c'eft ici un pot-
pourri de proie & de vers , de traits
d'hiftoire Se de bons mots , de
Morale & de plaifir , que ces frag-
mens au refte ne font pas de lui ;
qu'il invente des conventions
pour placer des confeils , que tan-
tôt il fait badiner le Philofophc &:
tantôt moralifer l'horrrine de plai-
fir ; qu'il rajeunit de viedles chan-
fons , qu'il parle latin , qu'il mêle
enfemble Vaudevilles, Axiomes,
règles d'ufage ou de droit , qu'il
confond tout : qu'en certains en-
droits il eft diffus au point de faire
bailler fes Le&eurs , Si qu'en d'au-
tres , à force d'être ferré il fe rend
inintelligible , qu'au refte il desho-
nore quelquefois Horace en l'ha-
billant à la Françoife -, Qu'il cite
pêle-mêle Molière &c Bourdaloue ;
Qu'il tire fouvent d'un Opéra , 1a
preuve d'une vérité morale ; Que
rien n'eft à lui de tout ce qu'il pre-
fente à fes Lecteurs ; Que s'il avoit
eu la mémoire plus firlelle il auroit
cité à chaque ligne le Livre 6: la
page où il a pris ce qu'il dit ; Qu'il
ne fçauroit tirer vanité de ce qu'il
écrit , n'écrivant rien qu'il n'ait
volé. Qu'ainfi n'ayant nul fujet
d'efpcrer ni de craindre , peu lui
importe que ce qu'il barbouille ( c'eft
fon terme ) devienne un Livre ou
non.
Il n'en demeure pas là , il ajou-
te que ce qu'il donne font des frag-
mens ramaffés , qu'il imite ceux
qui ne fçavent ni broder ni pein-
dre , & qui veulent travailler en
s'amufant. Ils ont , dit-il , inventé
une forte de découpure nouvelle s dont
on remplit le vuide d'un refte de d^ap
d'argent ou d'un bout de ruban d'or.
Mille & une pièce , & toutes les cou-
leurs entrent dans l'ouvrage : &
quand le morceau eft fini , on vait
une figure , des fruits étrangers un
pot de fleurs t qui m font pourtant
que des coupons de toute efvece colés
fur le papier ; voilà '■ continue t-il ,
à peu-près mon Ouvrage x j'ai dérobé
mes matières . j'en ai rempli une dé-
coupure ajfez. bizarre , j'ai coufu des
coupons & j'ai fourni ce liferé.
Notre Auteur vient d'avertir
qu'il forge quelquefois des conver-
fations pour placer des confdls, en
voici un exemple ; il raconte qu'un
V v ij
328 JOURN AL D
jeune homme vint lin jour l'em-
braser , Sz le pria Je lui épargner
'la Philufophie de Collège. Notre
Auteur craignit d'abord qu'il n'en-
trât dans cette demande ou de la
pareîle , ou du libertinage , ou du
moins un goût émancipé pour imc
vie plus libre , mais apres y avoir
un peu penfé , il fit réflexion que
la Icience du monde vaut bien la
Philofophie de Collège, que d'ail-
leurs on étudie encore plus utile-
ment dans le Cabinet qu'au Colié-
oe s qu'on choifit ks matières , &
qu'on effc moins en danger de pren-
dre un elprit de Sophifme. Il enga-
gea donc le jeune homme à étudier
& - > . i •
avec attention , ce qu on lui pro-
poferoit à apprendre ; on fit avec
lui des conventions , & le jeune
homme promit toute la docilité
qu'on pouvoit fouhaiter. Notre
Auteur trouvant ce jeune homme
fi bien difpofé , commença par lui
mettre par écrit les articles fuivans,
pour être obfervés de point en
point :
i°. Vous ne ferez jamais de liai-
fons avec menteurs ou libertins,
encore moins avec des impies , ou
des femmes folles.
2°. Vous cultiverez avec tout le
foin pofliblc , le commerce des
plus honnêtes gens, d'habiles gens
Se de gens polis.
3". Vous vous tiendrez propre-
ment^ vous vous mettrez de bon
coût , mais modeltement , & fans
vous trop attacher à la vaine paru-
re comme font les petits Maîtres.
4°. Vous écouterez avec atten-
tion , vous paxlciez peu , Si vous
ES SCAVANS,
vous attacherez à parler jufre.
5°. Vous fuivrez ks plus grands
Maîtres en tout genre d'éloquence,
vous choifirez les plus beaux Ser-
mons , vous ne manquerez ni plai-
doyer d'appareil , ni difeours Aca-
démique.
é°. Vous lirez quatre heures par
jour d.ms votre chambre , pendant
ks deux ans que vous auriez mis à
étudier la Philofophie dans le Col-
lège.
-]". Vous employerez une heure
chaque jour à écrire les remarques
que vous aurez faites fur Ce que
vous aurez lu ou entendu de bon ,
Sz fur les Ouviagesd'efprit qu'on
appelle pièces fugitives , que vous
croirez d'alkz bon goût pour méri-
ter votre attention.
8°. Vous ferez trcs-regulier aux
exercices que M. votre père vous
preferira, vous lui en rendiez com-
pte tous ks foirs , aufîi - bien que
de l'emploi de votre journée.
9°. Moyennant ces conditions
vous pourrez donner trois heures
par jour à ^os plaiiîrs.
Après ces articles dreiîés , on
parla d'exercices ; comme notre
Auteur remarqua dans le jeune
homme un peu trop de goût pour
le deflein , il lui fit comprendre
que dès qu'on peut attraper un
point de vue , Si ébaucher un plan
U en faut demeurer là , à moins
qu'on ne foit deftiné au génie Si
aux fortifications ; fans quoi fi l'on
va jufqu'à la Peinture , on contrac-
te aifément un goût dangereux , on
fe ruine en originaux , (F l'on refle
un original. Tel qui devroitfçavoir
JUIN
camper, juger , parler, ne fçait
que peindre.
Pour ! Danfe , c'eft, pourfuivit
notre Auteur , en parlant toujours
au jeune homme , un ornement
qu'il eft bon de fe procurer , mais
il ne huit s'y addonner , pour ainfl
dire , que pendant quatre jours. A
trente ans on ne darfe plus, Se alors
c'eft le plus petit mérite du monde,
que d'être bon danfeurvJufqu'à fei-
ze ans nous n'apprenons qu'à ap-
prendre , à quarante nous n'appre-
nons plus. IL raut donc mettre à
profit l'intervalle de ces deux âges,
pour apprendre ce qui doit durer
toujours.
Notre Auteur penfe mieux de
la Mufique , c'eft , félon lui , une
ïeflource pour toute la vie -, mais il
prétend que dès qu'on peut déchif-
frer un air, Se faire fa partie , c'en
eft allez; il remarque que rien n'eft
plus méprifé qu'un homme de qua-
lité qui ne fçait faire que le Muti-
cien , Se il dit qu'on doit craindre
qu'un tel homme ne s'avife de joiier
du Tuorbe quand il faut monter à
l'affaut , ou qu'il ne fredonne à
l'audience. Quant à l'exercice de
l'épée il dit que fix mois d'armes
bien employés fuftîfent , Se qu'il
eft auiîi dangereux <Sc méprifable
de taire le Gladiateur , qu'il eft uti-
le & glorieux de fçavoirfe défen-
dre. Pour ce qui regarde le cheval ,
un an de cet exercice eft sbfolu-
ment neceffaire , mais c'eft allez ,
félon lui ; on ne monte plus long-
temsqueparamufement , & pour
remplir le vuide d'un tems qu'on
ne fçait à quoi employer.
> » 7 3 4- 3*9
Notre Auteur confeille à fon éle-
vé de prendre tous ces exercices ,
comme en volant, fans qu'aucun
puifle lui ravir up feul des mo-
mens deftinés à la lecture. Si l'on
vous fait voyager , lui dit-il , ne
reflemblez pas à ces évaporés qui
ont couru tout le monde Se qui
n'ont rien vu. Rendez-vous tel que
ceux qui tiendront le gouvernail
fe croyent intereiîés à vous mettre
en œuvre tôt ou tard. Les talens
ont leur part à la diftribution des
grâces, l'honnête homme ne veut
devoir fa fortune qu'au mérite ,
commencez donc par amafter des
matériaux.
Ici le jeune homme interrompt
fon Maître , pour lui demander
quelles lectures il faut faire Se quel
ordre on y doit fuivre. Vous devez,
lui répond notre Auteur , vous at-
tacher tout à la fois à ce qui peut
enrichir & orner l'efprit. Il faut fur-
tout fçavoir l'Hiftoire , c'eft de
toutes les Sciences celle dont l'i-
gnorance eft la moins permife ;
l'Hiftoire eft le témoin des tems ,
l'amede la mémoire , la lumière Se
l'oracle de la vérité ; elle nous ap-
prend la morale en nous mettant
devant les yeux des exemples de vi-
ce Se de vertu , pour fuivre les uns,
Se fuir les autres ; tout le monde
devroit fçavoir l'Hiftoire , puis-
qu'elle eft faite pour tout le mon-
de , & que fon principal objet eft
l'inltrudion générale , mais il raut
fe fou venir que la Carte Se la Chro-
nologie funt des parties elTenticlles
de l'Hiftoire , puifque fans ces
deux Sciences on ignoreies épo>;
330 JOURNAL DE
qucs importantes ; & on ne fçait
quel eft le Théâtre des grands éve-
nemens.
L'Auteur entre, à cette occafion,
dans un détail qui n'eft pas un des
moindres articles du Difcours
qu'il tient au jeune homme. Vous
fçavcz déjà , lui dit-il , que les
Jçifsj leslfraciitcs, les Hébreux j
Se le Peuple de Dieu , ne font
qu'un même Peuple ; & comme il
n'eft pas permis d'ignorer ce qui
concerne un Peuple que nous re-
prefentons par adoption , il faut
paffer en revue tout ce qui lui eft
arrivé d'important depuis que Moï-
fe l'ayant tiré miraculeufcment de
l'Egypte , ce Peuple fût mêlé avec
les Grecs -, il faut fçavolr com-
bien d'Etats fe font trouvés con-
fondus dans tout ce qui s'elt appel-
lé la Grèce ; on ne doit rien perdre
de tout ce qui regarde une Monar-
chie fi renommée par la valeur,
par la fagetîc £c par l'érudition. Il
faut coniîderer la petite (Te des
Romains dans leur fondation , en
comparaifon de la fplendeur des
Grecs. Après le règne des fept
Rois de Rome , qui fut environ de
deux cens cinquante ans, Se après
la durée de la Republique , qui fut
de cinq cens , on entre dans les
Céfars &: on touche à cette époque
vénérable qui fit le falut de l'hom-
me. Notre Auteur promet à fon
Difciple de lui expofer foigneufe-
ment tous ces points d'hiftoire ,
puis de le conduire au règne de 40
Empereurs qui dura cent ans, mais
de l'y faire palTer légèrement pour
venir à Conftantin le Grand, & ad-
S S Ç A V A N S ,
mirer le zèle de ce Prince contre
Arius , & comment Dieu avoitre-
fervé à cet Empereur , la gloire
d'arborer le premier letendart de
la Croix , in hoc Signa vinces. Cette
réflexion jointe au fouvenir de tous
les fecours que les Romains a voient
prêtés aux Juifs de Grèce , eft em-
ployée par notre Auteur pour faine
fentir d'avance à fon Difciple , que
Dieu avoit refolu de tous les tems,
de faire de Rome le Siège principal
de la Religion Chrétienne. Il par-
tage enfuite fon attention entre le
progrès de l'Eglile , & les évene-
mens des deux Empires. II. tombe
enfin fur l'Hiftoire des Muful-
maus } il promet d'examiner ce
qu'ils étoient avant le quinzième
fiéele, qu'ils prirent Conftantino-
ple , de parcourir enfuite tous les
évenemens de l'Europe, fur l'Hi-
ftoire de chaque Etat , dont cette
partie du monde eft compofée , Se
enfin d'achever fa courfe hiftorique
par ce qui concerne la Nation Eran-
çoife.
Voilà tout ce que notre Auteur
s'engage de montrer à fon Difciple
pour ce qui regarde l'Hiftoire ; il
cxhoTte enluite le jeune homme à
palTer de l'Hiftoire aux difterens
Syftêmes de Philofophic , à quel-
que connoilîance des beaux Arts ,
Si. à la Fable , puis à l'étude du
Droit Romain , à celle des Coutu-
mes particulières, & des differens
ufages , enfin à examiner ce qui
concerne les intérêts des Princes, Se
les négotiations , afin que muni des
principes généraux Se eflentiels ,
il puiffe quand il entrera dans le
JUIN
monde , n'être neut fur rien. Mais
comme un il grand nombre de lec-
tures ferieules pounoit rebuter le
jeune homme , notre Auteur a foin
de le prévenir là-deiTus par le dil-
cours fuivant.
» Afin , lui dit-il , de vous dé-
» laiTer de lectures qui pourroient
m vous paraître un travail i je vous
» ferai lire dans tous les genres de
« littérature , quelques Volumes
» choifis qui rafinent le goût en or-
« nant l'efprit. A l'égard de la plu-
» ralité des Langues , convenez
n avec moi , que fur ce: article nos
:> voifins font plus habiles que
» nous. Il n'en eft point parmi eux
» qui ne regarde notre Langue
» Françoife , comme un furcroit
» d'agrément &c de politefle ; &
» nous, nous négligeons tous leurs
» idiomes à un point qiw nous
» fait aceufer d'orgueil , ou foup-
» conner d'incapacité Nous
» avons mille bonnes chofes en
y Efpagnol , en Anglois 5c en Ita-
» lien. On ne peut difputer à l'Al-
» lemagne une profonde érudition.
» Si la Langue en eft un peu diftî-
» cile, aufll eft-elle plus nccefîaire,
« non feulement par le refpeâ dû
» à la première Cour du monde
» Chrétien s mais encore parrap-
» port à ce nombre de Princes très-
» puiftans , auprès defquels on
» peut être chargé de quelque
* commifiîon, & dont il eft aulîi
» honorable qu'utile de mériter la
» bienveillance ....
Après ce Difcours que nous
avons un peu abrégé, notre Auteur
mena fon Difcipleà l'Opéra. Voi-
. I7Î4- . 231
ci les raifons qui l'y engagèrent : on
en jugera :
» Je crus, dit-il , que pour dé-
j- lafler mon jeune homme , d'un
» entretien un peu ferieux , je dc-
» vois le mènera l'Opéra , attendu
» que ce pouvoir être une leçon af-
» fez utile pour lui , que de lui fai-
» re connoître les plaifirs : en effet
» c'eft un des points les plus impor-
» tans de la vie , que de connoître
» la reflource & le danger des plai-
» firs , puifque c'eft le moyen le
» plus fur de fe garantir Se du
» chagrin & delà débauche ; je fuis
» tellement convaincu de cette vé-
» rite , que j'en donnerai un Chapi-
» tre , mais j'établirai que les plai-
» firs de l'efprit & de l'ame font
» infiniment au - déifias des plaiiïrs
» des fens. Pour corriger le danger
»des plaifirs par un peu d'étude ,
» j'ordonnai au jeune homme de
n venir le lendemain me faire l'a-
» nalyfe de la dixième Ode du fe-
» cond Livre d'Horace. On y trou-
» ve la matière des confeils les
» plus ferieux. Le ReUilts vives
»"nous mené à la paix intérieure ,
» qui ne peut être que le rruit d'un
"attachement inviolable à l'efprit
» de juftice & aux bonnes mœurs.
» Lauream mediocritatan nous ap-
*> prend la modération des defirs ,
» le littus inisjitum défigne bien une
*> fortune faite à la hâte , &c il me
» femble que le benè préparation
» petlus eft une leçon bien falutaire
» dans les difgraces. Quelques jours
après j'allai voir le père & la mère
du jeune homme ....
Nous ne fuivrons point notre
33* JOURNAL DE
Auteur dans le récit qu'il fait de
cette vifite ; il y fut dit de part &
d'autre quantité de chofes impor-
tantes touchant l'éducation desen-
fans,on les peut voir dans le Livre.
Après le récit de la vifite "} & de
tout ce qui s'y pafla , l'Auteur fc
répand en reflexions générales fur
la manière dont il faut fe conduire
à l'égard des jeunes gens pour leur
former l'efprit "& le cœur.
Viennent enfuite divers Chapi-
tres particuliers , où l'Auteur s'ex-
plique premièrement lur la naiffan-
cc & fur le mérite petfonnel , fur le
but de la Philofophie \ fur ce que
c'eft que le galant homme , l'hon-
nête homme , l'homme de mérite ,
l'homme de bien -, fur la différence
qu'il y a entre galant homme &
homme galant , fur les effets de la
vraye vertu , fur fes rapports avec
l'homme, la raifon & la Religion*
fur la neceflité de bien diftinguer
le vrai d'avec le faux dans ce qui
regarde la vertu , fur le méchant
exemple, fur la douceur de l'efprit,
fur l'égalité d'humeur ; fur lacom-
plaifance & fur la politefle.
L'Auteur palîc delà à la neceflité
& à l'utilité de la lecture a au choix
des Livres , au jugement qu'il faut
porter des Ouvrages d'efprit , il
fait diverfes réflexions fur l'élo-
quence , fur la manière de parler
& d'écrire , fur la raillerie , fur les
Livres dangereux , fur le foin
qu'on doit prendre , de ne parler
jamais de foi- même , fur la médi-
fance , la calomnie , tv les fots rap-
ports , fur le bon efprit , fur la dif-
limulation • fur l'indulgence qu'on
S 5ÇAVANS,
doit avoir pour les défauts d'au-
trui.
L'utilité , le choix & l'ufage des
plailîrs , tels que le jeu , la chatte ,
le bal , les fpectaclcs , la mufique ,
la table , la promenade , la fré-
quentation des Dames , font la ma-
tière d'un Chapitieexprès,où l'Au-
teur enfeigne de quelle manière ,
fans manquer à ce qu'exige la vertu,
on peut, félon lui,ufer de toutes ces
chofes. Il s'étend fort au long fui
ce qui concerne la Comédie , &
l'Opéra. Il prétend que ces Specta-
cles , de la manière qu'ils font au-
jourd'hui , ne fçauroient être in-
terdits avec raifon. A la vérité
dit- il ,gtns qui connoiffent peu le mon-
de , & qui [ont entêtés dans leurs Pré-
ventions , croyent que la dèfenfe des
Speclacles efl un devoir de leur m'ini-
flere , ou du moins l'effet d'une fage
prévoyance & d'un J crapule délicat :
mais je crois au contraire que fi l'on
apprenait aux jeunes gens , la vraye
valeur des Speïlacles , il ferait plus
fur de prévenir l'air de corruption
qu'on leur attribue , & l'on ne man-
querait pas une reffource mcrvedlcufc
de polir l'efprit , d'épurer le goût &
déformeriez mœurs .... Le "Théâtre
François efl plus pur que jamais , &
je doute qu'aucun Sermon fur l'hypo-
crifie foit plus efficace pour convertir
un faux dévot que la Comédie du Tar-
tuffe .... Quoi de plus propre , pour-
fuit notre Auteur , à former un ex-
cellent carailcre dans une jeune per-
fonne , que de lui faire éviter par de
bons cenfeils , & par des représenta-
tions naturelles & perfuafives , les
impertmens caratleres que Molière a
ridiculifé..,.
JUIN
ridiculifés... . Le jeune homme qui veut
fe former au bien , tire de chaque cho-
fe tout le bon qu'il en peut tirer ;
s'il va h la Comédie , /'/ lit la Pièce
Avant que de l'entendre , & par -là il
fent tout le mérite que l'allion ajoute
à la compofiiion. Il ne fort point de
l'Avare fans en detefter l'infâme ca-
ratlere,ni du Grondeur fans être plus
raifonnable & plus doux. Il voit dans
Ctnna , combien un repentir fincere
peut laver de fautes , & combien la
clémence Jçait gagner les cœurs.
Au reftc , notre Auteur avertit
qu'il ne blâme pas qu'on aille par
curiohté a une Pièce nouvelle ,
mais qu'il blâme feulement qu'on
ne cherche qu'à y fatisfaire fa cu-
riofité. Quant au choix des Pièces ,
il croit que fi l'on fe trouve atta-
qué de quelque humeur mélancho-
lique qu'on ait peine à furmonter ,
une Pièce plus plaifante que belle
furfit ; on commence alors , dit-il ,
par fe remettre , & on finit par fe
réjouir : mais fi l'on eft dans une
alfiette ordinaire il demande
quelque chofe de plus , il veut
qu'on choififTe ou une Tragédie
dont la di&ion foit pure, lesfenti-
mens grands , l'intrigue bien ma-
niée , le dénouement naturel & ju-
dicieux , ou une Comédie dans la-
quelle on puifle apprendre en riant,
à fe garantir de toutes les efpeces
de ridicule.
Pour ce qui eft de l'Opéra , il
eftime qu'il faut bien des connoif-
fances différentes pour en fentir
toutes les beautez. 11 ne craint pas
cependant de dire que celui qui
connoît également la Comédie, Se
Juin.
» 17 34- v }J5
qui la préfère à l'Opéra , fait preu-
ve tout à la fois & de beaucoup
d'efprit , & d'un difeernement dé-
licat.
L'Opéra eft moins un Spectacle
qu'un aflemblagc de plufieurs
Spectacles. Muliques , paroles
Ballets , Machines , décorations,
quelle dépenfe ! que d'Ouvriers !
Le Spectacle eft brillant, il éblouit,
il étonne ; mais fi l'on en fait l'a-
natomic on trouvera , dit notre
Auteur , ou qu'il y a de grands dé-
fauts dans chaque partie de ce
Spectacle , ou qu'avec des parties
bonnes en foi , ce n'eft qu'un tout
médiocre. Les Opéra les plus par-
faits ont des endroits qui ennuyent,
& l'Auteur cite fur ce fujet l'Opéra
d'Atys.
On voit dans les autres Chapi-
tres , combien les plaifirs de l'ef-
prit & de l'ame font préférables
aux plaifirs des fens, combien la
reconnoiflance & la générofité font
juftes , quel malheur c'eft de s'atta-
cher trop aux riclielfes , comment
il faut s'y prendre pour faire choix
d'un état de vie. On y trouve un
parallèle de l'éloquence avec la
valeur , un contrafte de la pro-
digalité & de l'avarice , diverfes
règles concernant le bon ufage
du crédit , de l'autorité & du
bien , plufieurs confeils pour être
heureux dans le mariage , &c.
un grand nombre de reflexions im-
portantes fur l'ufage du tems , fur
ce qu'on doit à Dieu & au pro-
chain , fur l'excellence de la Reli-
gion Catholique , fur le refpect hu-
main , fur la grâce , fur la colère &
Xx
524 JOURNAL D
fur la vengeance , fur l'envie & fur
la gourmandife , fur l'hypocrifie ,
fur la lecture des Livres Saints , fur
les bonnes œuvres , telles que l'au-
mône & la Prière -, fur la Parole de
Dieu , fur le Sacrifice de la Mette ,
fur le l'efpect dû aux Eglifes , fur la
mifere & fur la dignité de l'hom-
me , fur l'orgueil & fur l'impiété ,
fur le peu de crainte qu'on doit
avoir de la mort.
Le toutfe termine par une Priè-
re que l'Auteur fait à Dieu & dont
voici les derniers mots : »> Daignez,
x grand Dieu 3 répandre vos béné-
3> dictions fur cet amufement que
j> je vous offre en réparation de»
» vains amufemens de ma jeunelle:
» quoique j'aye pris plaifîr à ren-
n dre hommage à la vérité , vous
» n'en payerez pas moins mes foi-
» blés foins au centuple -, vous me
» l'avez promis , oui , mon Dieu ,
»> vous nous aimerez affez , les
» miens & moi , pour nous infpirer
n à tous de vous aimer infiniment,
» de vous louer , de vous rcmer-
» cier , de vous adorer toujours, &
» de nous faire mourir de la mort
«des Juites.
Une des principales raifons que
ceux qui déclament contre les
Spectacles, ont coutume d'alléguer
pour établir hrur fentiment , c'eft
que, d'aller a la Comédie ou à l'O-
péra , n'eft pas une action qui fe
puilîe offrir à Dieu. Notre Auteur
penfe autrement , puifqu'il offre à
Dieu cet Ouvrage même dans le-
quel, comme nous venons de voir,
il fait un article exprès pour jufti-
fiat k Comédie &. l'Opéra ; il prie
ES SÇAVANS,
le Seigneur de répandre fes béné-
dictions fur un tel Ecrit. Il appelle
cet Ecrit un amufement , & c'eû à
ce qu'il dit , en réparation des
vains amufemens de fa jeuneffe ,
qu'il offre à Dieu celui - ci. Que
peut-on dire de plus ? Ce que nous
venons d'extraire de ce Traité , cft
infuffifant pour en donner une
idée ; il nous faut rappeller quel-
ques exemples de ce qu'on y lit fur
la Grâce , fur la vengeance , fur la
médifance , &c la calomnie , fur la
gourmandife , fur l'hypocrifie ; ar-
ticles que nous choifiifons non par
préférence à un grand nombre
d'autres qui ne méritent pas moins
d'être cités, mais parce qu'ils nous
ont paru plus fufceptibles d'Ex-
traits.
Sur la Grâce,
» Quoique le joug du Seigneur
» foit confolant , il eft pourtant
» vrai qu'il a fes amertumes ; car
» enfin il faut mortifier fa chair, &
n la chair n'aime pas qu'on la mor-
» tifie. Il faut donc refufer quelque
» chofe à fes fens -y mais auflî dans
» quel Pays & dans quel commer-
» ce a-t-on rien pour rien ? Le com-
» bat de la chair & de l'efprit eft
>» l'affaire de toute la vie ... . Mais
n ici je dois vous aguerrir contre le
*> prétexte le moins raifonnable, &
» pourtant le plus commun , fur le-
» quel la plupart croyent juftifier
»»le retardement de leur conver-
j> fion. Je me convertirai , dit-on,
» dès que Dieu m'en aura donné
» la grâce.
JUI
» Cette façon de raifonner fi-
» gnific préciféraent, que l'impiété
»> veut rendre la grâce de Dieu ref-
» po niable de la corruption de
» liiommc. C'eft ainli que l'incré-
» dule & l'endurci corrompent en
h toute manière , le beau mot de
» S. Auguftin : Da c/md jubés , &
vjube e/uod vis. Fatales imagina-
it tions de la Scholaftique , pour-
»quoi fourrùflez- vous à l'homme ,
» des Sophifmcs ingénieux pour fe
» tromper ? Que nous fommes dé-
» raifonnables de nous fervir ii mal
» de notre efprit ! Tout borné
» qu'il eft , il veut fouiller dans les
•» fecretsde Dieu , &c pénétrer des
» myfteres fur lcfquels on ne lui
» demande que confiance & foû-
» million. On voit des perfonnes
« d'érudition , de vertu , &c de mé-
» rite , vouloir épuifer la matière
» fur le Chapitre de la Grâce & de
» la Providence ; & qu'y compren-
» nent-ils ? Qu'y peut-on compren-
»dre ? N'ai-je pas lieu de me plain-
» dre de leur fçavoirtroprafiné ;
» & de leur fubtilitc à diftinguer
» & divifer , puifque ce jargon de
» l'Ecole ne fert qu'à m'embarraf-
» fer l'efprit ? Ai - je befoin d'une
»fcience profonde pour me perfua-
y der qu'il y a un Dieu î puis-jc
n croire Dieu injufteî Dieu jufte me
a» commande-t-il l'impolfiblc , &
» confondra-t il dans fes jugemens
» l'homme de bien & le fcélérat ?
Notre Auteur , après ces refle-
xions importantes , vient à des ex-
plications qui ne font pas moins
cflentielleSjÛ reconnoît que la grâ-
ce eft un don gratuit, que Dieu eft
N , I7Î4* m
lefeul arbitre de fes grâces, qu'il
les donne quand & de quelle ma-
nière il lui plaît y qu'il trouve en
nous la matière de fes vengeances,
& ne trouve qu'en lui - même les
raifons de fa mifericorde ; mais
qu'il eft vrai auffi que la grâce ne
nous manque jamais, & que nous
manquons prefque toujours à la
grâce. Que les bonnes œuvres nous
attirent des grâces , & que la re-
connoiflance des grâces reçues
nous en attire de nouvelles; mais
que s'il eft de la grandeur de Dieu
de ne trouver dans les hommes
d'autres fondemens de fa miferi-
corde que la foiblelîc humaine , il
eftaulfidela prudence du Chrétien
de travailler à s'attirer cette miferi-
corde par les bonnes œuvres ; que
cependant au lieu d'y chercher le
fecours & la force qui y font atta-
chés , on fe jette dans des raifonne-
mensqui tiennent plus de l'impié-
té que de la feience.
"Nous voudrions que la grâce
«efficace nous enlevât tout d'un
» coup , Se que Dieu fît feul les
» frais de notre falut ; c'eft-à-dire,
» que nous prétendons que Dieu
» nous prévienne toujours , qu'il
» fafte les premières démarches ,
»&qu'il nous donne les grâces donc
» nous avons befoin , fans que de
«notre côté nous ayions la peine de
» les lui demander , c'eft une im-
» pieté que de cenfurer l'ordre
» de la Providence , & un attentat
» que d'en vouloir pénétrer le my-
» fterc ; fions nous -y , & faifons
» de notre part , tout ce que nous
» pouvons. Voilà les grandes ré-
« gles. Xxij
33$ JOURNAL D
Notre Auteur remarque ici que
les plaintes qu'on t'ait de la Provi-
dence, &la déteftable excufe qu'en
tire du prétendu manque de grâce,
n'échappent qu'aux libertins du
premier ordre, parce qu'ils ne crai-
gnent rien tant que de fe corriger
8c qu'ils aiment mieux fe taire une
idée monftrueufe de la divinité que
de rectifier leurs raifonnemens 8c
leur conduite ; corruption de cœur
qui produit à la fin celle de l'el-
prit , & qui conduit à l'impénitep-
ce finale.
Chacun fçait cette parole de l'E-
vanoile , que l'on n'entrera point
dans le Royaume Célefte fi l'on ne
relTemble à des enfans.Notre Auteur
fait là - deiTus d'excellentes refle-
xions. » Que de morales dans cette
» parole , dit - il , peut-on lire un
» plus beau Sermon fur la pureté
» des mœurs & fur la fimplicité
» Evangelique. Tel vife au Doclo-
» rat , qui ne fçait pas fon Caté-
»chifme ; on n'aime que les ma-
n tieres incompréhenfibles ; 8c à
» quelque prix que ce puilîe être ,
» on veut faire le bel efprit. AL-
» mons les Sciences , mais ne per-
» dons jamais de vue les f ondemens
» de notre Religion. Reparlons
» fouvent le Décalogue , faifons-en
• notre pain ordinaire. Ce confeil
» eft uni , mais il eft falutaire , &c
» puifque nous devons reflembler
» aux enfans , ne faifons pas fotte-
» ment les Docteurs. . . .
Sur la Vengeance.
La Vengeance -t dit notre Au-
ES SÇAVANS,
teur t eft le vice des dévots; mais
ce n'eft point celui d'un grand
homme , ni d'un homme de bien.
Un Courtifan du jeune Théodofe
lui reprochoit refpe&ueufement
d'être trop doux : En vérité , lui ré-
pondit ce Prince } bien loin de vou-
loir faire mourir lesvivans, je vou-
drais pouvoir rejfufciter les morts.
Pour faire voir combien on doit
fuir la vengeance , notre Auteur
remet fous les yeux, la gloire qu'on
acquiert à pardonner , 8c les maux
qu'on s'épargne en même tems à
foi-même.
» Quelle vengeance plus illu-
» ftre , dit-il 3 que de voir ceux qui
» nous ont orTenfés réduits à nous
» demander grâce. Il y a donc de la
» grandeur à pardonner. Mais
» comptera-ton pour rien les pei-
» nés qu'on s'épargne en pardon-
n nant ? Quelle foule de mouve-
» mens furieux dans l'ame d'un
«vindicatif ; c'eft un aiîemblage
» d'inquiétudes affreufes , de foins
» devorans , de dangers de toute
» efpece , de funeftes confidences ,
» 8c d'homicides penfees. Je crois
» voir toutes les Eumenides la tor-
»che à la main 8c la tête chargée de
» ferpens , acharnées fur le cœur du
» vindicatif : fentons bien le mé-
»rite de ce repos précieux qu'Ho-
rs race eftimoit tant ; 8c raifonnons:
» Dieu me fait une loi de ce qui
*» faifoit les plus doux plaifîrs d'un
» Payen honnête homme. Oh ! que
» la loi qui 'me preferit de confer-
» ver toujours de la tranquillité &
» de la douceur , que cette Loi qui
» m'apprend à réprimer mes fuil-
JUIN, i7î 4- 337
«lies, & à vaincre mes paillons , «l'éternité devant les yeux , pour
» eft une aimable & une admirable »ne pas trop manger ou trop boire.
» Loi ! Serois-je aullî- bien conduit » Eft- ce donc que ma fanté ne me
» fi je meconduifois moi-même » le défend pas allez ? La feule po-
De cet article l'Auteur paffe à
celui de la médifance & de la ca-
lomnie. Il remarque que félon le
monde -même , il n'eft rien de
plus indigne que de parler mal
d'autrui. Il demande s'il n'y a pas
une petiteiTe infinie à n'avoir de
l'efprit qu'aux dépens de fon pro-
chain. » Vous menagera-t-on , con-
» timie -t - il 5 quand on verra que
» vous ne ménagez perfonne ? Si
wvous révélez le fecret confié , ou
» fi vous calomniez, vous êtes fou-
an verainement malhonnête hom-
»me. Si vous m'apprenez le début
» caché de votre voifin , je n'écoute
» pas l'hiftoire , je ne penfe qu'à
» votre malignité. Il eft donc vrai
» que la Religion qui m'oblige à
» mefurer mes paroles , eft une ex-
» cellente Religion. Nonje ne puis
» trop le répeter , la Religion
» Chrétienne n'exige rien de
n l'homme, qui ne convienne à fon
» vrai bonheur pour le tems , à fa
» probité, à fa fanté, à fon repos3&
» à fon amour propre , fi l'on fça-
» voit fe bien aimer foi-même.
Ce que l'Auteur remarque fur
la gourmandife, fera encore mieux
fentir la vérité de cette maximej
Sur la Gourmandife.
»Puifque la gourmandife eft fpé-
n cialement défendue , je vous de-
* mande : me faut-il une Loi écrite,
» ai-je befoin d'avoir fans cefte
» litefie fait regarder avec horreur
» un gourmand de profelfion ; aulfi
» ne voit-on guéres que des ftupides
» qui foient fufceptibles d'un dé-
» faut aufli méprifable j parce que
» c'eft celui qui raproche le plus
» l'homme de la bête
Notre Auteur au refte avertit
qu'il ne prétend pas démontrer
l'excellence de la Religion Chré-
tienne , uniquement par le foin
qu'elle prend de reprouver des vi-
ces que les honnêtes gens déte-
llent.
» En cela , dit-il , l'Evangile me
» femble ne faire que l'office d'un
» fage Gouverneur : c'eft me pref-
» crire des règles de conduite qui
» puifient m'attirer de la part des
«hommes, plus de confiance &
n d'amitié , c'eft m'apprendre le
«moyen de vivre plus heureux &
*> plus long-tems ; mais de me ren-
» dre méritoire pour l'Eternité le
» plaifir que j'aurai pris à vivre en
» homme réglé , en homme fage ,
» en homme vrai; me tenir compte
» du foin que j'aurai eu de ma re-
» putation , de ma fortune , de
» ma fanté , de l'heureufe occafion
n que j'aurai faifie d'obliger un
» honnête homme , ou de fecourir
» un malheiiïeux ; me f ça voir gré
»de mon attention à payer mes
y> dettes , à remplir les devoirs de
x> mon état , à ne me point livrer à
n des parlions brutales, me recom-
» penfer d'un peu de force d'efpnt
3iS JOURNAL DES SÇAVANS.
• qui me fait fupporter patiem- » mieux tromper les hommes , un
» ment une difgrace ou une injure,
» accidens aufquels j'ai donné lieu,
» ou que je pouvois éviter : en vé-
» rite , c'eft le comble des miferi-
» cordes du Très-Haut. Non , on
» ne fçauroit allez publier l'excel-
» lence d'une Religion auffi fainte
» & auffi confolante. . . .
Sur l'Hypocrifie.
» Que l'Evangile fait bien l'é-
» loge de la probité , en décla-
» mant auffi vivement contre
a» l'hypocrifie ! On a bien de la
» peine à trouver un homme de
» bien , & il pleut des dévots. Il
» eft vrai que le titre de dévot eft
» un vernis admirable pour un fri-
»pon & pour une femme déré-
» glée Je ne crois point d'a-
» thées , mais je crois que rien n'en
j> approche tant que l'hypocrite.
«C'eft un fcéiérat qui n'affecte de
» paroître craindre Dieu, que poux
HISTOIRE CRITIQVE DE L'ETABLISSEMENT DE LA
Monarchie Françoife dans les Gaules : par M. L'Abbé du B o s , l'un
des Quarante , & Secrétaire perpétuel de l'Académie Françoife. A Paris,
chez Chaubert, Quai des Auguftins , à la Renommée & à la Pru-
dence ; Cijfey , rue de la vieille Bouderie , à l'Arbre de JefTé ; rue
S. Jacques , chez Ofmont , à l'Olivier -, Huart l'aîné , à la Juftice ;
Cloufier , à l'Ecu de France : Quai des Auguftins , chez Hourdel \ Da-
vid le jeune , à l'Efperance. 1734. /«-40. trois Vol. Tom. I. pp. 53^.
Sans le Difcours Préliminaire. Tom. II. pp. 611. Tom. III. pp. 552.
fans la Table. Planch. 1.
fcélerat qui trafique ce que nous
» avons de plus augufte , & qui le
» fait dans la feule vue de pouvoir
» refter toujours impunément vi-
» cieux , à la faveur d'un peu de
» réputation dérobée.
» Au fujet de ce vice qui eft dia-
»> métralement oppolé à toute Re-
»•> ligion , & à l'honneur , je bazar-
da de une proposition bien fimple ,
» & je l'addrefle aux Déifies. Je
» leur dis : vous croyez un Dieu ,
» & vous croyez qu'il y a tout au
» moins dans le monde un homme
» de bien , & un hypocrite. La
» confequence eft abfolument né-
y ceflaire : il y a donc un Paradis
» & un Enfer.
A conliderer la nature de ces re-
flexions , & d'un grand nombre
d'autres auffi graves &: auffi impor-
tantes qui compofent ce Traité , il
eft difficile de les concilier avec
le badinage de l'Exorde.
LA Préface & le premier Livre
de cet Ouvrage ont fait la ma-
tière d'un Extrait imprimé dans
notre dernier Journal. Nous ren-
drons compte dans celui - ci , des
deux Livres fuivans.
II. Le fécond Livre contient un
détail des événemens axiivés dans
JUI
les Gaules depuis la grande inva-
fion qu'y firent les Barbares en 407
jufqu'à l'année 456' ; ôc quoique les
Francs n'y joiiaiîent point encore
de rôle considérable , leur Hiftoirc
ne laifle pas de fe trouver elTentiel-
lement liée à cette révolution qui
difpofa les Romains des Gaules à
implorer le fecours de cette belli-
queufe Nation, Sc'à fe jetter, pour
ainfi dire , entre fes bras.
L'Auteur expofe d'abord quel
étoit alors l'état de l'Empire Ro-
main en Occident. Devenu fouve-
rainement defpotique , il étoit en-
tre les mains d'Honorius, Prince
foible , dépourvu du talent de fc
faire craindre , & livré totalement
à Srilicou Vandale d'origine , fon
premier Miniftre , fon Favori , fon
beau-pere , & Généraliiïime de fes
Armées. Celui-ci non content de
régner fous le nom d'aurrui , &
voulant mettre fur le Trône fon
propre fils , que pour ce dclTein il
avoit fait élever dans l'Idolâtrie :
follicita fous main lcsBarbares.dont
jufqu'alors il avoit été le fléau , &
principalement les Vandales , de
tenter une irruption dans les Gau-
les ; efperant que la confufion où
feroit alors tout l'Empire , jointe
au prenant befoin qu'on auroit de
fesfervices, lui fourniroit l'occa-
fion la plus favorable pour exécuter
fon grand projet. Ses follicitations
eurent d'autant plus de crédit fur
ces Barbares , qu'il s'y joignit le mê-
me motif, qui dans les ûécles pré-
cedens avoit puiftamment détermi-
né les Nations encore demi-fauva-
ges à envahir l'Italie & les Proviu-.
N, 1754- 33P
ces de la Gaule les plus fertiles ; 01
ce motif, félon l'Auteur qui cite
fes garans , étoit le défirde s'y gor-
ger de vin & de s'y raflafier des
fruits qu'on y cultivoit, & qui ne
croilîoient pas chez ces peuples.
Le Dernier Décembre de l'année
de J. C. 407. ( dit notre Auteur) fut
la journée fatale , où ces Babares en-
trèrent dans les Gaules pour n'en
plusfortir. Le peu de circon (lances
que l'on fçait de cette invafion fe lit
dans Orofe , dans Procope & dans
un Fragment de Frigeride rapporté
par Grégoire de Tours : & il réful-
te de ces témoignages , que les
Francs établis alors fur la rive droi-
te du Rhin , défendirent le partage
de ce fleuve contre ces Barbares ,
qu'ils battirent même en plus d'u-
ne rencontre , mais fousl'effort def-
quels ils fuccomberent à la fin.
Ces Barbares , après avoir paiTé le
Rhin , traverferent toute la Gaule
& la ravagèrent jufqu'au pied des
Pyrénées. Malgré le filence des Hi-
ftoriens , il n'eft pas vraifcmblahle
qu'une telle invafion n'ait été tra.-
verfée par aucun obftacle , &
qu'il n'y ait eu depuis le Rhin juf-
qu'à cesMontagnes plufieurs com-
bats donnés & quelques Villes af-
fiégées; mais c'eft de quoi il ne nous
refte aucun détail.
L'indignation contre la perfidie
de Stilicon &c contre l'imbécillité
du Prince qui employoit un tel
Miniftre , caufa la révolte des
Troupes Romaines dans la Grande-
Bretagne. Elles proclamèrent Em-
pereur un de leurs Généraux nom-
mé Conftantin,qui fut reconnu, pat
340 JOURNAL DE
la meilleure partie des Gaules &c
par les Troupes Romaines qui s'y
trouvoient éparfes ; exempl: que
fuivirent plufieurs Citez d'Efpagnc.
Conftantin défit les Barbares dans
les Gaules en plufieurs occalions ,
en châtia une partie hors du Pavs ,
contraignit l'autre à fe cantonner
aux extrémitez de cette grande
Province , ou à s'y habituer en
qualité de bons 6V: véritables Con-
fédérés : en un mot il y rétablit
dans l'efpace d'une année les affai-
res des Romains. Honorias trop
foible pour détruire cet ufurpateur,
prit le partide l'afTocier à l'Empire,
après la mort de Stilicon malîacré
par les Soldats ; & d'un autre côté ,
les Vandales , les Alains & les Sue-
ves cantonnés dans les Provinces
Méridionales de la Gaule , Se inti-
midés par ce Traité de l'Empereur,
fe jetterent en Efpagne.
Conftantin y envoya fon fils
Conftans , qui fournit toute cette
Province i ildefcendit lui même en
Italie pour en chaffer les Vifigots ,
& peut-être pour fe rendre maître
de la perfonne d'Honorius, ce qu'il
n'exécuta pas cependant. Mais en-
fuite la confufion devint telle dans
l'Empire , qu'avant l'année 410 ré-
volue' , il fe forma un nouveau par-
ti en Efpagne , la Grande Bretagne
fe révolta , plufieurs Provinces des
Gaules s'érigèrent en Républi-
que , & Rome fut prife par les Vi-
figots. M. l'Abbé du Bos difeute en
particulier tous ces évenemens d'a-
près les Hiftoricns qui en font
mention. Il explique par occafion
ce qu'on entendoit par le mot de
S SÇAVANS,
Bagaudes , qui figtiihoit propre-
ment des révoltés , & qui venoit
du mot Celtique B.tgad , pris pour
{'Attroupement, l'alTemblée féditieu-
fe des habitans d'un Pays : nom
que les Gaulois révoltés fous Dio-
cleticn s'étoient donné , <Sc que
dans la fuite on appliqua indiffé-
remment à toy,s ceux qui vou-
loient fecoùer le joug des Ro-
mains. NotreAuteur trouve aulîïlc
moyen de concilier deux dates d'un
même événement alléguées dif-
féremment par Idace & par Ifidore
de Seville ; ce qui conlîire à fuppo-
fer que l'un comptoit par années
courantes , & l'autre par années
révolues.
Les Provinces de la Gaule , qui
fe mirent en République après
l'invafion des Barbares furent celles
qui compofoient le gouvernement
Àrmorique ou Maritime , dont
nous avons parlé dans notre pre-
mier Extrait. M. l'Abbé du Bos
compare l'état de cette Républi-
que avec celui où les Provinces-
Onies des Pays Bas après leur fou-
levement contre le Roi d'Efpagne,
demeurèrent durant les premières
années de leur révolte ; c'eft-à dire,
le reconnoillant toujours de bou-
che pour leur Prince légitime ,
priant Dieu pour fa profperité ,
faifint en fon nom le procès à fes
fujets fidèles , frappant à fon coin
la monnoye deftinée à payer les
Troupes qui agiffoient contre lui ;
en un mot lui faifint prêter fer-
ment par des Officiers qui ne pou-
voient cependant lui obéir fans être
punis comme traitres. De même
les
JUIN
les Armoriques auront déclaré
qu'ils ne fe foulevoient pas contre
l'Empire , qu'ils regardoient tou-
jours comme leur Souverain légi-
time; mais qu'ils ne vouloient plus
reconnoîtrefes Officiers 8c fes Ma-
giltrats, que leurs exactions Se leurs
dillipations rendoient -indignes de
la confiance du Prince. Auffi ( fé-
lon Salvien ) n'ont-ils jamais ref ufé
leurs fecours à l'Empire , jufqu'à
leur entière foiïmifïion à Clovis,
en 497. 8c notre Auteur préfume
qu'ils continuèrent à frapper leur
monnoye au coin de l'Empereur
régnant , de quoi il allègue plu-
fleurs preuves , qu'on peut voir
chez lui , 8c parmi lefquelles il cite
un pafTage de la Loi Gombette, au
fujet des fols d'or , dans le Texte
de laquelle il lit avec beaucoup de
vraifemblancc Solidos Armoricanos ,
au lieu A'Ardaricar.os , qui ne fait
aucun fens raifbnnable. Nous ren-
voyons aufll .à fes conjectures fur
la forme de gouvernement que fe
preferivit cette nouvelle Republi-
que des Armoriques.
Notre Hiftorien raconte enfuite
ce qui fe paffa dans l'Empire d'Oc-
cident depuis 410. jufqu'à 416. Les
plus remarquables de ces évene-
mens furent la révolte de Géronce
contre le Tyran Conftantin qu'il
affiegea dans Arles, après avoir fait
proclamer Empereur un Officier
nommé Maxime ; la levée de ce
fiége , à. l'approche de l'armée ,
commandée par le Patrice Con-
fiance ; fur quoi l'Auteur obferve
que le Patriciat étoit la troiûéme
dignité de l'Empire , Si fuperieu-
Juin,
, *7 34« r 34*
re à celle des Préfets du Prétoire ;
le fécond Siège d'Arles fait par
Confiance , qui prit cette Ville &c
le Tyran Conftantin, qu'Honorius
fit mourir ; Jovin , l'un des plus
puiflans Seigneurs des Gaules, pro-
clamé Empereur dans les deux
Provinces Germaniques; l'entrée
des Vifigots conduits par Ataul-
phe dans les Gaules , pour y pren-
dre des quartiers, à condition de
fervir l'Empire , comme Troupes
Auxiliaires, vivant au furplus fé-
lon leur Loi Nationale , 8c n'ayant
d'autre Supérieur que leur Roi ;
( 8c c'eft , remarque l'Auteur , la
première Colonie de Barbares éta-
blie dans le territoire de l'Empire ,
comme indépendante des Officiers
Civils par la conce (lion du Prince )
la fin tragique du Tyran Govin , de
fon frère Sebaftien , qu'il avoir af-
focié à l'Empire , 8c de plufîeurs
de leurs partifans , dont Àtnulphe
débarrafTa Honorius : le pafTage
des Bourguignons dans les Gaules
où ils s'emparèrent de pluficurs
Contrées fur la rive sauche du
Rhin , qui font aujourd'hui l'Alfa-
ce & la Franche Comté; la révolte
d'Héraclien Proconful d'Afrique ,
lequel y prit la pourpre , & y pé-
rit peu de tems après : le mariage
d'Ataulphe avec Placidie fœur
d'Honorius, laquelle par fon habi-
leté fçut ramener l'efpnr de fon
époux & le mettre dans les intérêts
de fon frère ; la mort d'Ataulphe ,
8c la retraite des Vifigots qui re-
prirent la route d'Efpagne , après
avoir rendu Placidie à l'Empereur.
Au commencement de l'année
Yy
i42 JOURNAL DE
417. Honorius entra en négocia-
tion avec les Armoriques , par le
rainiftere d'Exuperance , Citoyen
du Diocéfe de Poiriers , lequel re-
duifit une partie de ces Républi-
cains fous l'obéiffance de ce Prin-
ce. Celui-ci en même tems envoya
Cafiinus Chet de la Garde Impéria-
le faire h guerre à ceux des Francs
qui avoient pillé Trêves , & qui
peut-être s'étoient cantonnés fur le
territoire de l'Empire. On ignore
quel en fut le fuccès. Mais l'année
fuivante, Honorais donna un Edit
pour rétablir l'ordre dans celles
des Provinces des Gaules , qui re-
connu iiToient pleinement fon auto-
rité , & pour ordonner qu'à l'ave-
nir , l'affemblée générale de ces
Provinces fe tiendroit dans Arles.
L'Auteur nous communique cet
Edit dans toute fon étendue , & y
lait fes obfervations , entre autres
celle qui roule fur ks fept Provin-
ces de la Gaule mentionnées dans
cet Edit , &c que l'Auteur croit
différentes de celles , qui aupara-
vant recevoient cette dénomination
dans l'ufage vulgaire. Ses preuves
fur cet article méritent d'être con-
fultées , & l'on y trouvera la cor-
rection importante d'une faute qui
s'eft gliiTée dans la Notice de l'Em-
pire , où on lit J^izariusfeptem Pro-
vinciarum j au lieu de Vic*rius de-
cem &Jeptem Provincïarum.
En 4 19. les Vifigots qui avoient
évacué les Gaules , y rentrèrent de
l'aveu du Patrice Confiance pour y
occuper les mêmes quartiers qu'au-
paravant, à condition de remettre
à l'Empire Romain plufieuis Con-
S SÇAVANS,
trées de i'Efpagne qu'ils avoient
reconquifes iur les autres Barbares.
Ce retour des Vifigots fut fuivi de
nouveaux troubles dans l'Empire
par la mort de Confiance , à qui
Honorius avoit donné la pourpre ,
après lui avoir fait époufer Placidie
Veuve d'Ataulphe ■■, par la défaite
des Troupes Romaines; par la ré-
volte de Bonifiée qui fitlbulevei
l'Afrique ; par la difgrace de Placi-
die , que fon frère Honorius accu-
foit de vouloir le trahir , difgrace
qui fut fuivie de la mort de cet Em-
pereur après un règne de 30 ans.
Les Troupes d'Italie lui donnèrent
pour SuccelTeur un des principaux
Officiers de la Garde Impériale
nommé Jean , lequel fit Grand-
Maître de fa MaifonActius, que fes
exploits rendirent depuis fi célèbre.
Ce nouvel Empereur ne jouit pas^
long-tems de cette dignité. Placi-
die qui s'étoit réfugiée à Conftanti-
noplc près de fon neveu l'Empe-
reur Théodofe le Jeune , revint en
Italie par l'ordre de ce Prince , ac-
compagnée de fon fils Valentinien
qu'elle avoit eu de l'Empereur
Confiance , 5c fuivie d'une armée ,
deftinée à chafier du Trône l'Ufur-
pateur. Cette Princeffe négotia fi
heureufement avec Aëtius , que le
Tvran fut abandonné , défait Se
tué -, ce qui reduifit tout l'Empire
d'Occident fous l'obéiffance de
Théodofe , lequel dès la même an-
née le donna au fils de Placidie,
fi>us le nom duquel cette habile
Princeffe gouverna l'Empire juf-
qu'à fa mort. M. l'Abbé du Bos
nous raconte enfuite les évenernens
JUIN, I7?f 545
arrivés pendant les trois premières d'où l'on infère que c'eft dans la
années du nouvel Empereur , fi
gnalées par les victoires d'Aétius
fur les Vilîgots , qui affiegeoient
A' les , fur les Juthunges , Peuple
Allemand , qui s'étoit emparé de la
Norique , & fur les Bourguignons
de même que fur les Francs ; mais
où fe trouve auflî l'époque funefte
de la tranfmigration des Vandales^
qui pallerent d'Efpagne en Afri-
que fous la conduite de Genferic
leur Roi.
A propos de l'expédition d'Aé'-
tius contre les Francs ; l'Auteur
obferve i°. queClodion commen-
ça de régner fur ce Peuple vers
l'année 4*6. z° Qu'il refidoit alors
dans l'ancienne France ou au-delà
du Rhin; ce qui n'empêchoit point
qu'il n'occupât dans les Gaules
quelque Canton fitué vis-à-vis du
petit Etat qu'il avoit dans la Ger-
manie ; 8c que lorfqu'Aëtius ayant
défait les Francs eut recouvré ce
Canton des Gaules ufurpé fur les
Romains , il eft probable que ce
Général aura permis à ces Barbares
d'habiter fur quelque partie du>
territoire de l'Empire , à condition
de s'avouer fes fujets & de le fer
Taringe f région de la Germanie ,
qu'il faut chercher Difpargum , &
non pas dans le Pays de Tongrcs ,
l'une des Citez de la Gaule. M.
l'Abbé du Bos foûtient qu'il ne s'a-
git point de la Turinge , dans Gré-
goire de Tours , & qu'il n'y a mê-
me aucune corre&ion à faire dans
fes Manufcrits, parce qu'on em-
ployoit alors indifféremment les
mots Toringia & Tongria, Toringi &
Tongri pour défigner le Pays de
Tongns &c les Peuples qui l'habi-
toient ; que les Turinginu de Ger-
manie & les Tongnens des Gaules
étoient originairement le même
Pc uple ; dont le nom recevoit dif-
férentes prononciations -, ce qu'il
appuyé de preuves très -folides,
auxquelles nous renvoyons } pou*
abréger.
Les intrigues d'Ae'tius mécon-
tent de Placidie , fa promotion ait
Confulat , fa difgrace , fa retraite
chez les Huns , fon raccommode-
ment avec la Cour \ qui lui confère
la dignité de Patrice, font les prin-
cipaux évenemens qui fe panèrent
depuis 429.jufquesà 434. & l'Au
teur obferve en cet endroit que les
vir dans fes guerres. L'endroit de Confédérés Armoriques font ap-
la Gaule , où Clodion faifoit fa re- pelles Bagaudes j dans ta' Chroni-
fidence, ( félon Grégoire de Tours) que de Profper & que c'eft d'eux
étoit Difpargnm ( à prefent Duyf-
borch ) fur la lifiere de la Cité de
Tongres. 11 fe prefertte ici une
difficulté fur ce quedans la plupart
des Manufcrits de cet Hiftorien ,
on lit dans le paftage dont il eft
queftion , Toringia , & non pas
Tongria , Toringi & non pas Tongri;
que veut parler celui-ci , lorfqu'il
dit que les Provinces Septentriona-
les de la Gaule fe fou levèrent en fa-
veur des Bagaudes ( in Bagaudianj')
car c'eft en ce fens que notre Au-
teur explique la prépofition ( in )
du pafTage de Profper , & c'eft de
quoi il donne des raifons pîaufibles
Yyij
344 JOURNAL D
ainfi que de cette expreffion ( les
Provinces Septentrionales de la Gau-
le ) par lefquelles il rend le GaUia
nlterioràu Chroniqueur.
Aëtius de retour dans les Gaules
dès l'année 435. y fit divers ex-
ploits.Il y fournit le Roi Gundicai-
re £< les Bourguignons , qui l'an-
née fuivante , peut-être fur les or-
dres mêmes du Général Romain ,
furent exterminés par les Huns 3
qu'il avoit fait venir comme trou-
pes auxiliaires contre les Vifigots
& les autres ennemis de l'Empire.
Il battit pluiîeurs fois les Vifigots ,
en 43 & : allîgna des quartiers (tables
dans le voifinage d'Orléans aux Scy-
thes ou Alains qui fervoient dans
ion Armée; puis fe rendit à la Cour
de rEmpercur.M.PAbbé duBos fait
une correction importante au Tex-
te de Profper , où il lit Vrbis Au-
reliana deferta rura, s au lieu à'Vrbis
Jfalentina , &c. Se il en allègue de
folides raifons.
En l'abfence d'Aetius , Litorius
fon Lieutenant après quelque avan-
tage remporté fur les Armoriques ,
attaqua les Vifigots , qui ne s'y at-
tendoient pas , mais fon armée fut
défaite , Se lui fait prifonnier : ce
qui n'empêcha pas que la même
année l'on ne fit la paix avec les
Vifigots. Cette paix jointe à celle
que Valentinien fit avec les Vanda-
les- d'Afrique , mit Aëtius en étar
de penferaux affaires de la Gaule ,
fur- tout à réduire les Armoriques.
II. chargea de cette expédition les
Alains établis fur la Loire : mais
S. Germain d'Auxerre ayant inter-
jpofé: fa médiation _, en faveur des
ES SÇAVANS,
Armoriques , mit ces Provinces- à
couvert du ravage , & leur obtint
une fufpenfion d'armes.
Elle ne fut pas de longue durées
ces peuples rompirent bien-tôt la
négotiation qui fe faifoit pour eux
à la Cour de Valentinien , & l'Au-
teur attribue cette rupture à 4 mo-
tifs difterens fur lefquels il s'étend'
fort au long. Le premier étoit
l'embarras que donnoit au Patrice
Aëtius finvafion faire vers l'an 445.
dans le Nord des Gaules par les-
Francs , qui s'y étoient rendu maî-
tres de Cambrai &c de Tournai. Le
fécond étoit l'état déplorable où>
les Provinces obéilTantes des Gau-
les fe trouvoient réduites parla
faute des Officiers du Prince. Le
troiiiémc aura pu être l'opinion-
prefqueuniverfelle alors ; quoique
faulle Se ridicule , Que le terme
marqué par les Dieux pour la du-
rée de l'Empire Romain , alloit
expirer. Enfin le quatrième motif
aura été l'abus que les Officiers du
Prince faifoient de la fufpenfioiv
d'armes , pour former chez les Ar-
moriques un parti à l'aide duquel-
ils pulfent les remettre fous le
joug.
M. l'Abbé du Bos prouve forr
bien , contre le P. Daniel , que le
tems , où Clodion fut battu en Ar-
tois par Aëtius efl fort pofterieur à'
l'année 428. ainfi que le tems où il-
conquit le Cambrefis & les Con-
trées adjacentes jufqu'à la rivière
de Somme : après quoi il nous fait
connohre fort diftinètementqucls'
étoient les Francs furnommés Ri--
puaires.
L'Auteur nous décru
l'état malheureux des Provinces
Gauloifes encore foîumfes à l'Em-
pire , Se où la mifere reduifoit plu-
fieurs Citoyens à fe bannir eux-
mêmes de leur Patrie , pour fe
fouftraire aux vexations des Bar-
bares cantonnés en divers endroits
en qualité de troupes auxiliaires ,
aux taxes Se aux impofitions exor-
bitantes, à la dureté, à la cruauté
des Exaclreurs publics, aux injufti-
ces criantes des gens riches. C'eft
de quoi rendent témoignage les
Auteurs contemporains , entre-
autres Salvien , dont on tranferit
iciplufieurs paffages.
Aétius créé Confiai pour la troi-
fiéme fois en 446. étant paffé en
Italie pour y prendre poffelfion de
cette dignité ; les Armoriques re-
prirent les armes , & firent une en-
treprife fur la Ville de Tours .
JUIN, 1754- 34J-
nfuite Gaules fe trouvoient alors , qu'il
n'y en avoit plus que le tiers , où
les Officiers de l'Empereur fulTent
obéis , Se où ils pullent exiger de,
fubiîdes & lever des troupes. En-
core ce tiers étoit-il compofé , non
de Citez contigues, mais de Citez
difperfées çà Se là.
Tel étoit l'état de l'Empire dans
les Gaules , lorfqu'en 449. le bruit
de l'invafioii que devoit y faire At-
tila Roi des Huns , s'v répandit, Se
obligea les Romains à faire la paix
avec les Francs & les Armoriques.
Merovée regnoit alors chez les
Francs , Se l'année fuivante mourut
Théodofe le jeune , Empereur d'O-
rient ; ce qui détermina le Roi des
Huns à ne pas différer plus long-
tems l'exécution de fon entreprife.
Notre Auteur la détaille ici dans
toutes fes circonftances , fur les-
quelles nous ne pourrions le fuivre
qu'Aé'tius avoit remife fous l'obéif- fans trop nous étendre. Les princi-
fanee de l'Empire, ainfi que tout pales furent l'entrée d'Attila dans
le Pays le long de la Loire , depuis les Gaules à la tête d'une armée des
cette Ville |ufqu'à Orléans. Mais
Majorien depuis Empereur , fit
avorter cette entreprife. Vers ce
même tems y£gidius-Afranius con-
nu fous le nom du Comte Gilles ou
Gellon , Se depuis Généralifllmc
des Romains dans les Gaules , mit
le Siège devant la Fortereffe de
Chinon , que tenoient encore les
Armoriques , quoiqu'en dife M.
Adrien de Valois , qui par une fup-
poiîtion infoûtenable ( ajoute l'Au-
teur ) prétend que cette Place
éteit alors occupée par les Vifigots,
Il refulte de ce que nous expofe ici
plus nombreufes; le Siège de Metz
Se fa prife , fuivie du Sicge d'Or-
léans ; la marche de l'armée Ro-
maine fortifiée de tous fes alliés ,
Vifigots, Francs, Alains , Armo-
riques , Létes , Saxons de la Cité
de Bayeux , Bourguignons , Ri-
puaires Se Bréons , laquelle vint au
fecours de la Place , dont Attila
leva le Siège , pour regagner prom-
ptement le Rhin; fa défaite aux en-
virons de Châlons fur Marne ; la
mort deThéodoric Roi des Vifi-
gots , lequel périt dans le combat.
L'Auteur nous raconte enfuite
M. l'Abbé du Bo* fur l'état où les l'irruption d'Attila en Italie , & fa-
346 JOURNAL DES SÇAVANS,
retraite; fur quoi il examine s'il eft ( dit l'Auteur) étoient ïegardés
vrai que ce Prince ait fait une fé-
conde invafion dans les Gaules ; Se
il décide pour la négative.
M. l'Abbé du Bos dans les deux
derniers Chapitres de fon premier
Volume nous entretient du meur-
tre de Thorifmond Roi des Vifi-
gots , à qui fucceda fon frereThéo-
doric H. Se de diverfes particulari-
tez concernant la manière de vivre
& la Cour de celui-ci , ce qui peut
fervir (dit-il) à nous donner quel-
que idée de la Cour de nos pre-
miers Rois. 11 nous parle enfin du
meurtre d'Aé'tius , fuivi de celui
de l'Empereur Vaientinien III. au-
quel fucceda Maxime, qui au bout
de quelques femaines tut dépofé
par. les Vifîgots , lefquels mirent en
la place Avwus.
III. Le trorûéme Livre de cette
Hiftoire , qui comprend le règne
deChildcric Si celui de Clovis juf-
qu'à fon baptême ; devient , com-
me l'on voit, plus întererTant pour
nous pat rapport aux Francs qui
commencent à y joiier un grand
rôle.
M. l'Abbé du Bos examine d'a-
bord les droits que l'Empire d'O-
rient avoit fur l'Empire d'Occi-
dent, en confequence du partage
qui s'étoit fait du peuple Romain
en deux peuples : Se il croit cet
examen d'autant plus utile pour
l'intelligence de notre Hiftoire ,
que ces droits ont été reconnus par
les Francs & les autres Barbares ,
établis dans les Gaules en qualité
de Confédérés. Dès que lTmpe-
reur d'Orient Se celui d'Occident
comme deux Collègues , Se que
d'autre part , la Monarchie Ro-
maine étoit réputée par fes Maîtres,
pour un Etat patrimonial dont ils
pouvoient difpofer ; il fcmbleroit
que dans la vacance de l'un des
deux Trônes , faute de Succeiîeu*
dcfïgné , ce fût au Prince qui rem-
plilîoit l'autre- à pourvoir au
Trône vacant ; Se que ce droit dût
être réciproque entre les deux Em-
pires. Cependant cette réciprocité
n'eut point de lieu ; puifque le
peuple de l'Empire d'Orient dif-
pofoit du Trône qui vaquoit , &
cela , fans attendre l'aveu de l'Em-
pereur d'Occident ; au lieu que les
Romains d'Occident , en pareil
cas , attendoient la décifion , ou du
moins la confirmation de l'Empe-
reur d'Orient : ce que notre Hi-
îîorien juftifie parplufieurs exem-
ples. Il attribue à diverfes caufes
cette prérogative del'Empire d'O-
rient. La première étoit la préémi-
nence attachée à la primogénituite ,
Théodofe le Grand ayant choifi
Arcadius fon fils aîné pour rem-
plir le Trône de Conftantinople, Se
Honorius fon cadet pour occuper
celui de Rome -, prééminence , qui
devint enfuite une véritable fupé-
riorité. En fécond lieu-, laqueftion
touchant cette prérogative avoit
été décidée en faveur del'Empire
d'Orient , dans la première vacan-
ce de l'un des deux partages , arri-
vée paria mort d'Hononus. A cet-
te décilion fe font jointes pluiîeurs
conjonctures très-propres à 1a fa-
voriferjtelles que les malheurs pref-
J U I
que continuels de l'Empire d'Oc
cident , fes plus riches Provinces
envahies , Rome fa Capitale prife
jufqu'à trois fois , les fecours de
Conffantinople fouvent mandiés
contre les Barbares par des Empe-
reurs , qui n'en avoient prefque
plus que le nom ', toutes ces circon-
fiances contribuèrent extrêmement
à fortifier le préjugé qui établi/Toit
comme légitime la fuperiorité que
l'Empire d'Orient s'étoit arrogée,
Tel cil le fentiment de M. l'Abbé
du Bos , qui fur ce point penfe dif-
féremment du célèbre Grotius} con-
tre l'avis duquel il produit plu-
lieurs raifons plaufibles , qu'on
peut voir chez lui. Après cette di-
grelîlon afTez étendue", il reprend
le fil de fa narration.
L'Empereur Avitus , quoique re-
connu par l'Empereur d'Orient ,
fut contraint d'abdiquer en 45e".
par les menées du Suéve Ricimer ,
un des Officiers barbares qui fer-
voient l'Empire ; Se l'Auteur rap-
porte quelques circonftances de
cette abdication , dont il conjec-
ture que l'accroifTement de la do-
mination des Bourguignons dans
les Gaules pourroit bien avoir été
une fuite. Majorien , SuccefTeur
d'Avitus , & proclamé Empereur
en 457. du confentement de Léon,
Empereur d'Orient , fit fon Géné-
raliifime dans les départemens des
Gaules , ^Egidius , dont nous
avons parlé plus haut. L'Auteur
nous fait connoître ici plus parti-
culièrement cet Officier. Il étoit
de la famille Syagria , l'une des
plus iUufties du Diocéfe de Lyon ,
N, 173 4- 547
& qui en 381. avoit donné à Ro-
me un Conful. Paulin de Péri-
gueux fait un grand éloge d'/£gi-
dius , ainfi que Sidoine-Apollinai-
re, qui fans le nommer fe conten-
te de le défîgner par le titre de
Maître de la Milice , ce qui a fait
croire au P. Sirmond que le Poé'tc
avoit en vue Ricimer ou Népotien;
fentiment que combat ici notre
Auteur par des raifons très-proba-
bles. Le premier exploit de l'Em-
pereur Majorien fut de battre un
corps nombreux de Vandales d'A-
frique , qui avoient fait une def-
cente dans la Campanie : après
quoi il donna fes principaux foins
à faire un armement par mer & par
terre , pour foûmettre le parti for-
mé contre lui dans les Gaules , en
faveur d'un Marcellien ou Marcel-
lin, !k pour reconquérir enfuire
l'Afrique fur les Vandales. C'en: à
ces préparatifs qu'il employa la fin
de l'année 457. &c une partie de
458. fur quoi l'Auteur relevé un
faux raifonnement du P. Daniel
au fujet du Comte Gilles.
Ici M. l'Abbé du Bos interrompt
le récit des expéditions de Majo-
rien , pour parler de l'avènement
de Childeric fils de Merovée à la
Couronne des Francs Saliens , &
de fes avantures pendant les pre-
mières années de fon règne. Il rap-
porte l'Hiftoire de la dépofition de
ce Roi d'après ce que nous en ap-
prend Grégoire de Tours, dont Li
narration n'a rien ( dit on ) que de
très - vraifemblable , eu égard aux
ufages de ces tems-là , & à in fitua-
îion des Saliens établis fur le terri-
348 JOURNAL D
foire de l'Empire. On a foin de ju-
ftifier les principales circonftances
de cette narration , fans oublier
celle de la pièce d'or partagée en
deux ; Se il paroît qu'on réfute fo-
nderaient toutes les objections du
P. Daniel contre le récit de Gré-
goire de Tours : fur-tout i°. par
rapport à ./Egidius , que les Francs
prirent pour leur Roi d'autant
plus volontiers qu'ils lui obéif-
foient déjà comme au Généraliffi-
me des Romains : i°. par rapport
à la Langue dans laquelle ^Egidius
fe faifoit entendre à fes nouveaux
fujets , laquelle étoit la Langue La-
tine , très - commune alors parmi
les Francs : 30. par rapport au titre
de Roi , qui bien loin d'être en ces
tems-là incompatible avec les di-
gnitez Romaines , étoit regarde
comme fort inférieur à ces digni-
tcz , en forte que ces petits Rois
barbares tenoient à grand honneur
les titres de Mettre de la Milice, de
Patrice } &c.
L'Auteur après cela revient à Ma-
jorien , dont l'expédition contre
les Vandales d'Afrique tut malheu-
reufe., la flotte qu'il avoit équipée
dans les Ports d'Efpagne , y ayant
été brûlée par ces Barbares avant
qu'elle eût misa la voile. Majorien
de retour en Italie , informé des
hoftilitez que commettoient les
Alains habitués fur les bords de la
Loire f fe difpofoit à marcher con-
tre eux , lorfque par les intrigues
du Patrice Ricimer., l'armée fe fou-
leva contre ce Prince , & le malTa-
cra en 461. après quoi Ricimer ,
fans attendre l'agrément de Léon
ES SÇAVANS,
Empereur de Conftantinople , qui
tardoit trop à s'expliquer , fit pro-
clamer Sevére Empereur d'Occi-
dent ; 5c l'Auteur nous expofe quel
étoit alors l'état de cet Empire ,
menacé en Italie de trois ora-
ges à la fois , l'un du côté des Van-
dales, l'autre de celui de l'Empe-
reur d'Orient mécontent du choix
qu'on avoit fait de Sévère , & le
troifiéme de la partd'^Egidius, qui
à la tête de l'armée des Gaules ,
vouloit vanger le meurtre de Ma-
jorien. Ricimer vint à bout de
conjurer les deux derniers , & il n'y
eut que le premier dont il ne put
garantir alors l'Italie : il donna de
l'occupation ailleurs à ^Egidius ,
en allumant la guerre entre ce Gé-
néral & les Vifigots.
En 4<f 3. fe fitleretablilfement de
Childenc dans fes Etats ; & notre
Auteur conjecture qu'yEgidius
pourroit bien y avoir donné les
mains ou même l'avoir procuré
pour s'attacher ce jeune Prince cou-
rageux & généralement eftimé de
toute fa Nation } dans les conjectu-
res racheufes ou lui ( iEgidius ) fe
trouvoit par les ennemis que le
parti de Sévère lui avoir fufcités.M.
l'Abbé du Bos en citant le paflage
de Grégoire de Tours où eft ra-
conté ce retablifïemcnt de Childe-
ric , tombe d'accord que cet Hifto-
rien s'eft trompé en comptant huit
années pour la retraite de ce Roi ;
au lieu qu'il eft hors de doute
qu'elle n'a pu être que de 4 ans j
mais il rejette cette erreur fur la né-
gligence du Copifte , qui aura pris
un chiffre pour un autre t remar-
quant
JUIN
quant de plus que le Texte de
Grégoire n'eft pas exempt de pareil-
les méprifes en diveis endroits, Se
c'eft de quoi il produit quelques
exemples. La guerre entre le Com-
te Gilles Se les Vifigots commença
en 461. Quelque féconde en éve-
nemens mémorables qu'elle ait dû
être entre deux Nations belliqueu-
fes , nous n'en fçavons que le Siège
d'Arles, Si la prife de Narbonne
par les Vifigots. yEgidîus qui en
402. s'étoit enfermé dans la pre-
mière de ces deux places , la défen-
dit avec tant de bravoure } que les
ennemis furent contrains de lever
le Siège , à quoi contribua auflî un
miracle , félon Grégoire de Tours.
Quant à la prife de Narbonne arri-
vée la même année , ce fut Agrip-
pin qui en étoit Comte , lequel la
livra aux Vifigots } pour en obte-
nir du fecours contre ^Egidius.
Notre Hiftorien place fous cette
même année la prife de Cologne &
le fac de Trêves par les Francs Ri-
f unir es -, Si il fait fur ces évenemens
diverfes reflexions aufquelles nous
renvoyons.
En 463. l'armée des Vifigots
commandée par Frédéric frère de
leur Roi Théodoric II. s'avança
jufques fous Orléans , laiiïant der-
rière elle la première Aquitaine 3
& elle fe joignit à la peuplade d'A-
lains établie en ces quartiers. Au-
doacre Roi des Saxons , tandis que
les Vifigots attaqueroient Orléans,
devoit remonter la Loire fur fa
flotte, Si débarquer au-defTous du
Pont de Ce pour prendre la Ville
d'Angers. Ce projet fut déconcerté
Juin.
par la bataille qu'^Egidius & Chil-
deric gagnèrent contre ces peuples,
laquelle fe donna entre la Loire &
le Loiret , Si où le Prince Frédéric
fut tué. Que Childeric ait partagé
la gloire de cette déroute avec
vEgidius , le témoignage de Gré-
goire de Tours ne permet pas d'en
douter, Si ne peut s'entendre d'au-
cune autre action , comme le prou-
ve très bien M. l'Abbé du Bos. Il
préfume qu'après cette défaite , les
vainqueurs auront tranfplantc dans
les Provinces obéiliantcs Se fur-
tout dans lesconféderées,les Alains
dont on vient de parler ; ce qui eft
d'autant plus probable, que depuis
cette époque , il n'eft fait aucune
mention d'eux dans les Hiftoriens ;
& que d'autre part le nom propre
à' Alain eft devenu , 8c eft encore
aujourd'hui Ci commun en Breta-
gne. La mort d'^Egidius arrivée
vers la fin de 464. rompit les pro-
jets de ce Général qui fe mettoiten
devoir de prendre des liaifons avec
les Vandales d'Afrique, contre fes
ennemis.
Environ un an après la mort du
Comte Gilles , Ricimer las de gou-
verner l'Empereur Sévère , s'en dé-
fit en l'cmpoifonnant ; Se après urt
interrègne de deux ans , il convint
avec Léon Empereur d'Orient de
faire Empereur d'Occident le Pa-
trice Anthémius Grec de nation ,
dont il époufala fille , 5c qui au(Ii-
tôt pafta en Italie , Si prit poftef-
fion de fa nouvelle dignité à Rome
en 467. Le motif qui détermina
Léon à un tel choix fut le deflein
d'avoir à Rome un Collègue avec
Zz
jr© JOURNAL DE
lequel il pût prendre de juftes me-
fures pour porter inceffamment la
guerre en Afrique contre Genferic
Roi des Vandales ,. avec qui l'Em-
pereur d'Orient s'étoit brouillé de
nouveau , en lui refufant d'agréer
Olybrius pour Empereur d'Occi-
dent. Ce Roi barbare ne s'interef-
foit fi vivement pour Olybrius ,
que parce que celui-ci avoit épou-
fé l'une des deux PrinceïFes filles
de Valentinien 111. emmenées à
Carthaçe après le Sac de Rome par
Genferic, qui avoit donné l'autre
en mariage à fon fils Hunncrtc.
L'année même qu'Anthémius fut
proclamé Empereur , mourut
Théodoric II. Roi des Vifigots, af-
(affiné par fon frère Euric , de mê-
me qu'il avoit fait tuer fon trere &
fon prédecefleur Thorifmond ,
pour monter fur le Thrône. Euric
ne rompit avec les Romains que
la troilléme année de fon règne ,
s' étant faifi de l'Efpagne fuperieure
dont ceux-ci étoient encore en pof-
feiîîon» D'un autre côté l'entrepri-
fe des deux Empereurs fur l'Afri-
que , où le Général Marcellien
conduifoit une puilïante armée ,
échoua par les intrigues de Genfe-
ric Se d'Olybrius, qui vinrent à
bout de faire poignarder ce Géné-
ral par (es propres Officiers.
De cette entreprife des Romains
contre les Vandales , notre Auteur
revient à celles d'Euric contre les
Romains , qui fe virent par-là dans
la neceflïté d'employer les armes
des Francs , & en confequence, de
payer leurs fervices par de grandes
conceffism. 11 paroît par Sidoine-
S SÇAVANS,
Apollinaire qu'Euric en vouloir:
fur tout a l'Auvergne en échange
de laquelle il auroit volontiers ce-
dé toute la Septtmanis. Notre Au-
teur explique ici ce qu'on doit en-
tendre par ce terme. Anthémius ,
pour déconcerter les projets d'Eu-
ric , ht venir un corps de troupes
levées dans la Grande-Bretagne
& qu'il polb dans le Bern fur la
Loire en 46 S. Prefque en même
tems , on découvrit la trahifon
dArvandus , Préfet du Prétoire
des Gaules, qui confeilloirpar une
Lettre à Euric de ne point vivre en
amitié avec ce Grec , qu'on avoit
mis fur le Trône d'Occident, &
l'Auteur lait ici une obfervation
critique fur le véritable nom de
ce traître. Après la rupture ouverte
entre les Romains & les Viiîgots,
le premier exploit de ceux-ci fut
l'enlèvement des quartiers qu'a-
voient les Bretons fur la Loire,
iefquels furent défats, avant que
les troupes Romaines euffent pu
les joindre. Celles ci apparemment
fauverent Bourges , & une partie
de la Province Sénonoife : maisce
tut vraifemblablement dans le
cours de cette guerre que les Vifi-
gots occupèrent l'Efpagne Terra-
gonoife , Marfeille , Arles , quel-
ques Cite2 de Ja féconde Aquitai-
ne , prefque toutes celles de la
première , & celle de Tours. Les
Armoriques dans cette guerre fer-
virent les Romains comme alliés;
Si le Comte Paul qui commandoit
l'armée Romaine ayant été joint
par Childeric &z les Francs battit
les Vifigotsen plufieurs rencontres.
JUIN
Mais Audoacre Roi nés Saxons
étant revenu au fecours des Vifi-
gots , prit Angers après avoir dé-
fais & tué le Comte Paul , en l'ab-
fcncc de Childeric , qui ne put ar-
river que le lendemain de l'action •,
fuivant le témoignage de Grégoire
de Tours , pris dans le fens qu'y dé-
rouvre ici M. l'Abbé du Bos.
Il employé tout le Chapitre fui-
vant [ XI. ] à jufti fier cette inter-
prétation , qui certainement don-
ne un jour merveilleux au com-
mencement de nos Annales. Le
partage de cet Hiftorien , qui eft
au 18e Chapitre du fécond Livre ,
eft. conçu en ces termes : Veniente
vero Adouacrio Andegavis , Childe-
ricus Rex fequenti die advenif , inte-
remptoque Paulo Comité , Civitatem
obtinmt. Tous les Interprètes l'ont
entendu dans le fens qui fe prefen-
te d'abord , içavoir , Que ce fut
Childeric qui prit Angers fur les Ro-
mains après avoir tué le Comte Paul.
Mais ce fens eft abfolument dé-
menti par lesévenemens antérieurs
& pofterieurs à l'action racontée
par Grégoire ; comme le démontre
notre Auteur : qui vient à bout d'y
trouver une lignification toute
contraire , & par confequent très-
conforme a la vérité des faits , par
le moyen d'une parenthéfe , & en
fous - entendant un nominatif fup-
primé par une vicieufe conftruction
tres-ordinaire à Grégoire de Tours:
voici donc comment l'Auteur lit
le paflage : Veniente vero Adouacrio
ulndegavis , ( Childericus Rex fe-
quenti die advenif ) Adouacrius, in-
terempta Paulo Comité , Civitatem
17 *4-' 25 r
obtinuit. Que cette conftruction vi-
cieufe foit très-familiere à Grégoire
de Tours , c'eft ce que prouve in-
vinciblement M. l'Abbé du Bos,
par une foule de partages tirés de
ce même Auteur , & dans lef-
quels on voit l'ablatif abfolu d'une
première phrafe fer'vir tantôt de
nominatif &c tantôt d'aceufatif à
une féconde. Nous renvoyons fur
ce point important , au Chapitre
même où il eft fçavamment difcu-
té , & qui mérite d'être lu d'un
bout à l'autre. On y trouvera
aulll plufieurs preuves du peu d'e-
xactitude & de jugement de Frede-
gaire Abrcviateur de Grégoire de
Tours , & qui le premier ayant
ma! pris le palfage enqueftion a in-
duit en erreur tous les Ecrivans qui
l'ont fuivi.
Dans le Chapitre XII. il eft par-
lé de la mort d'Anthémius, tué par
l'ordre de Ricimer , &c à qui fuc-
ceda Olybrius , dont le règne ne
fut que de fept mois ; de la mort
de Ricimer lui-même, 6c de celle
de Gunderic Roi des Bourgui-
gnons -, de la proclamation de Gly-
cerius , qui ne régna que 14 mois.
Notre Auteur y montre par divers
exemples que les grandes dignitez
de l'Empire n'étoient pas incompa-
tibles avec la Couronne des Rois
Barbares ; & il nous raconte aufli
les nouvelles entreprifes d'Euric ,
qui continue à s'agrandir. Tous ces
articles , il eft vrai , ne concernent
pas directement les Francs ; mais ,
dit l'Auteur, ils ne lai (Tent pas d'y
être en quelque forte relatifs , par
rapport aux reflbrts que Ciovis fit
Yyij
?ya JOURNAL D
agir pour foûmettre les Gaules ,
relTbrts alîez femblables à ceux que
fit jouer Euric pour s'emparer des
Provinces qu'il pofledoit dans ce
même Pays.
Julius Népos élevé fur le Trône
en 474. après la dépofition de Gly-
cerius , fit négocier à Touloufc le
Traité , par lequel il cédoit aux Vi-
figots non feulement l'Auvergne ,
mais encore toutes les Gaules ,
dont il prérendoit cependant dé-
membrer les Contrées qui le ren-
voient maître des gorges des Alpes_,
ifc qu'il vouloit taire palier dans
fon Traité pour être des annexes de
l'Italie. M. l'Abbé du Bos elt per-
fuadé que cette cetîion des Gaules
faite par Népos à Euiic mettoit ce-
lui-ci en droit de les tenir déformais
en toute fouveraineté',ce qu'il prou-
ve par le pouvoir légiflatif que ce
Prince y a exercé , & par les mon-
noyes d'or frappées à fon coin. Il
fait enfuite plusieurs obfervations
fur l'exécution de ce Traité , lef-
quelles il faut lire chez lui.
Dès que le Traité négocié feerc-
tement par Népos avec les Vifi-
gots fut rendu public , il excita
l'indignation de tous les Romains.
Orefte , qui devoit commander
dans les Gaules fit dépofer Népos p
en 475. Se lui fubftitua Romulus
ou Momylle fon propre fils plus
connu fous le nom à'Auguflule.
Népos fc réfugia en Dalmatie , où
il vécut jufques en 480. fe portant
toujours pour Empereur légitime
d'Occident , & reconnu pour tel
par celui d'Orient. Quanta Augu-
ftuie , tout le monde fçait que ce
ES SÇAVANS,
fut fous fon règne que finit l'Empi-
re d'Occident , Odoacre quicem-
mandoit les troupes auxiliaires en
Italie, s'étant rendu maître de Ro-
me , Se ayant obligé le Sénat à ren-
voyer les ornemens Impériaux à
Zenon Empereur d'Orient , lui
déclarant qu'il ne vouloit plus
reconnoître d'autres. Empereurs ,.
&z le conjurant de créer Patrice
Odoacre , qui en vertu de cette
dignité commanderoit en Occi-
dent au nom de l'Empereur. Mal-
gré le refus que lui en fit Zenon t
il ne laifia pas de traiter avec Euric,
auquel ,' fans doute , il accorda la
confirmation du Traité fait avec
Népos. Euric de fon côté fit la
paix avec les PuifTances des Gau-
les, aufqtielies l'Empereur d'Orient
avoitretufé des fecours.
L'Auteur nous informe , après
cela , de ce qu'il eft poffible de (la-
voir touchant la fuipenfion d'ar-
mes conclue dans les Gaules, vers
l'an 478. &c il obferve que Sidoine-
Apollinaire , dans fes Lettres , où
il nous en apprend quelque chofe ,
s'explique là-delfus avec une ex-
trême diferetion. Il remarque de
plus , que les Francs furent com-
pris dans ce Traité -, mais que la
destruction de l'Empire en Occi-
dent lai (Ta les Provinces de la Gau-
le encore obéifiantes dans une ef-
pece d'Anarchie , &c il nous com-
munique fes conjectures fur la ma-
nière dont elles pouvoient alors fe
gouverner. Il nous donne auiïi un
état général des Gaules , où il mon-
tre comment elles étoient parta-
gées entre les Romains & les Bar-
JUIN
bares , qui s'y étoient cantonnés.
Il place après la paix faite vers
l'année 477. ( Se dont nous venons
de parler ) l'expédition de Childe-"
rie contre une Tribu d'Allemands}
Se lien allègue les raifons. Ce Prin-
ce mourut 4 ans après , en 4<s"i. Se
fut enterré à Tournai , où fon
Tombeau hit découvert en I655.
& notre Auteur en fait ici mention.
Selon lui , Childeric ne lailïa à fon
fils Clovis qu'un très petit Royau-
me , qui avoir la Somme pour li-
mites -, Se l'Auteur explique un
palTage de la Vie de Sainte Gene-
viève, duquel il femble d'abord
qu'on pourroit intérêt que le
Royaume de Childeric s'étendoit
iufqu'à Paris : mais d'où il refulte
feulement que ce Prince en qualité
de Maître de l.i Milice Romaine
pouvoit donner des ordres dans
Paris , fans en être Roi , cette Vil-
le étant encore alors du nombre
des Villes Armoriques.
L'Auteur avant que d'entamer
l'Hiftoire du Roi Clovis , nous ra-
conte quelques évenemens tragi-
ques arrivés avant la mort de Chil-
deric dans le Royaume des Bour-
guignons. Telles (tirent les guerres
entre les fils du Roi Gundéiic,dont
l'aîné Gondebaud fe défit de deux
de fes frères , Chilperic Se Gonde-
mar , Se s'empara de leurs partages.
M. l'Abbé du Dos rapporte encore
ce qui lui reftoit à dire touchant
Euric Roi des Vifigots , qui pen-
dant les dix dernières années de fa
vie , perfecuta cruellement les
Catholiques , pour leur faire em-
braser l'Arianifme. Ce Prince ,
après avoir régné environ 17 ans
mourut en 483. la quatrième année
du règne de Clovis.
Celui ci feulement âgé de 15 ou
ïd ans , parvint en 48 1. à la Coifc-
ronne de la Tribu des Francs éta-
blie dans le Tournaifis. 11 y fut re-
vêtu peu de tems après de celle des
dignitez de la Milice Romaine
qu'avoit eue Childeric , Se qui fé-
lon toute apparence , étoit celle de
Maître de cette Milice. C'eft ce
que M. l'Abbé du Bos s'efforce de
prouvrr par une Lettre de S. Rémi
écrite a ce Prince , par plufîems re-
flexions f.ir cette Lettre , Se par la
folution très-plaufible qu'il donne
à quelques objections qu'on pour-
roit lui faire fur ce point , d'où il
paraît,. que les Provinces de la
Gaule encore obéiflantes , qui
avoient accepté pour Maître de la
Milice Chilperic Roi des Bourgui-
gnons , auront admis Clovis en
cette qualité beaucoup plus volon-
tiers , ayant plus d'affection pour
les Francs que pour les Bourgui-
gnons , Se pour les Vifigots , que
l'Arianifme leur rendoit alors
beaucoup plus à craindre que les
Payens mêmes. C'eft ce que l'Au-
teur confirme par l'Hiftoire d'A-
prunculus Evêque de Langres ,
chaftè de fon Siège comme Partifan
de Clovis i fur quoi notre Auteur
juftifie ce Prélat.
Il examine enfuite quelle pou-
voit être la conftitution du Royau-
me de Clovis Se fon étendue. Il
prétend , fur des raifons probables,
que bien que ce Royaume fût en-
core , félon le droit des gens , une
5;4 JOURNAL DE
portion du territoire de l'Empire ,
Clovis y jouifToit également du
pouvoir civil Se du militaire. Il
Foûtient en fécond lieu , que ce
Royaume devoit être fort petit,
Comprenant uniquement le Tour-
nait & quelques autres Pays fitués
entre celui-ci &c le Vahal : & c'eft
ce qu'il appuyé de deux raifons
très-fortes ■-, la première , Que les
Contrées limitrophes du Tournai-
fis , lors de l'avenemcnt de Clovis
à la Couronne, étoient pofledées
par d'autres Rois , entièrement in-
dépendans les uns des autres , ainfi
que de Clovis •, ce que i'Auteur
s'applique à prouver par quantité
de faits hiftoriques inconteftables ,
aufquels nous renvoyons : la fé-
conde raifon eft fondée fur ce que
Clovis , au commencement de fon
règne , & même 16 ans après , n'a-
voit fous fes ordres que 4 ou 5 mil-
le combattans qui ruffent Francs
de nation ; ce qu'il établit fur ces
deux faits, r°. Que lors du baptê-
me de Clovis , le plus grand nom-
bre des Francs fes fujets le reçut
avec lui : 20. Qu'il n'y eut cepen-
dant que 3 ou 4 mille hommes en
âge de porter les armes , qui fuf-
fent baptifés avec lui ; & l'Auteur
employé plufieurs pages à la difeuf-
fion de ces deux faits , qu'il faut
voir chez lui, auflî bien que celle
où il s'engage à cette occalion , au
fujet de l'autorité qu'on doit attri-
buer à la Vie de S. Rémi écrite par
Hincmar.
Delà il palTe au récit de la guer-
re qui s'alluma entre les Bourgui-
gnons & les Vifigots , après la
S SÇAVANS,
mort d'Euric , & pendant laquelle
les premiers conquirent fur les au-
tres la Province Marfeilloife : en
fuite de quoi il s'étend fur l'expédi-
tion par laquelle Clovis, la cin-
quième année de fon règne , fc
rendit maître de la portion des
Gaules que tenoit Syagrius fils du
Comte Gilles , Se qui après fa défai-
te à la bataille de SoilTons , fut
contraint de fe réfugier à Touloufe,
chez les Vifigots. M. l'Abbé du
Bos recherche ici en quel lens Sya-
grius pouvoit prendre le titre de
Roi de SoilTons , quelle étoit l'é-
tendue des Contrées dont il étoit
maître , quels furent les motifs
qui déterminèrent Clovis à l'atta-
quer ; & il prouve par plufieurs
circonftances que nous omettons,
pour abréger , que cette guerre ne
fut point une guerre de Nation à
Nation , mais qu'elle fut feule-
ment une querelle particulière où il
n'y eut que Clovis Se Syagrius , ou
tout au plus , leurs amis les plus
intimes qui prirent les armes.
A la fuite de ce grand événe-
ment, notre Hiftorien raconte d'a-
près Grégoire de Tours & d'autres
Ecrivains , l'avanture célèbre du
Franc, qui dans le partage du bu-
tin , voulut , feul de fon avis , em-
pêcher qu'un vafe d'argent reclamé
par S. Rémi , ne fût rendu à ce Pré-
lat ; év à qui , l'année fuivante ,
dans une revue , Clovis pour le
punir d'une pareille infolence ,
fendit la tête d'un coup de hache ,
fous prétexte que les armes de ce
Franc étoient en mauvais état. Sur
quoi l'Auteur obferve la prévari-
J U ï N
Cation hardie d'un Ecrivain moder-
ne , qui expofe ce fait hiftorique
d'une manière route oppofée à cel-
le qu'on vient de lire , Se qui n'a
pour lui d'autre garant que fa pro-
pre imagination. Clovis , quoi-
que maître des Etats de Syagrius ,
Se tenant déformais le Siège de fa
Monarchie à Soiffons , garda tou-
jours de grands ménagemens avec
l'Empire Romain , s'abftenant de
faire mettre fon nom & fa tête fur
les monnoyes d'or frappées par fes
ordres , comme l'Auteur le remar-
que ici d'après Procope : préten-
dant au furplus que la tête qu'on
voit fur quelques monnoyes d'or
frappées à Soi [Tons du tems de Clo-
vis , eft celle de l'Empereur de
Conftantinople . & nullement cel-
le du Roi des Francs. Clovis , la
dixième année de fon règne, fit la
conquête du Pays de Tongres, qui
étoit tout à-fait à fa bienféance , &c
que Grégoire de Tours appelle le
Pays des Turingiens , comme nous
l'avons déjà remarqué plus haut
d'après notre Auteur.
Il interrompt ici l'Hiftoire de
Clovis 3 pour retourner en Italie ,
èv pour nous apprendre ce qui s'y
pafla depuis 489. jufques en 493.
L'Italie , depuis 13 ans , gémiffoit
fous le joug d'Odoacre & des trou-
pes révoltées qu'il commandoir.
L'Empereur Zenon donna en 4^9.
à Théodoric , Roi des Oftrogots ,
l'importante commiffion d'aller
mettre à la raifon les troupes auxi-
liaires cantonnées en Italie , & qui
compofoient l'armée d'Odoacre ,
lui tranfportanî au furplus les
i * 71 4- 5T$
droits que l'Empire pouvoir con-
ferver fur des Provinces déjà per-
dues. » Théodoric ( dit M. l'Abbé
»duBos) é-toic de 1a Maifon des
» Amalcs , la plus illuftre qui fût
n dans la Nation Gothique. S'il
» avoit beaucoup de valeur &c d'ex-
il perienec , il avoit encore plus
» d'ambition. Elevé parmi les Ro-
» mains , il avoir cultivé fon efprit
» de bonne heure , 6V avec tant de
» fruit , qu'il étoit le moins barba-
» re de tous les barbares , dont p.ir-
» le l'Hiftoire de fon tems. S'il
» n'eût point été Arien , on l'auroit
» pris pour un Romain travefti en
» Got.«Revêtu de la dignité de Pa-
trice, il vint donc en Italie, où dans
l'efpace de 4 ans , il gagna 4 batail-
les contre Odoacre , le prit & le fie
mourir : après quoi ayant quitté le
vêtement de Patrice , il reprit l'ha-
bit de fa nation & les marques de
la Royauté , pour faire entendre
qu'il vouloit régner fur les Ro-
mains, comme il regnoit furies
Oftrogots. L'Empereur Zenon
étoit mort alors , & Anaftafe lui
avoit fuccedé. L'Auteur termine ce
Chapitre par quelques reflexions
fur l'effet que la nouvelle de la cel-
fion faite par Zenon à Théodoric,
& celle des heureux fucecs de celui-
ci,durcnt produire dans les Gaules.
Le Chapitre fuivant contient
l'Hiftoire du mariage de Clovis
avec la Princeffe Clotilde , fille de
Chilperic , cet infortuné Roi des
Bourguignons , qui fut maffacré
avec prcfque route fa famille par
les ordres cruels de fon frère Gon-
debaud. Cette Hiftoire racontée ici
3;<ï JOURNAL D
dans toutes fes circonstances , d'a-
près les divers Ecrivains qui en ont
tait mention , mérite d'être lûë en
entier. Aulïî n'en donnerons-nous
point d'Extrait , qui ne rempliroit
qu'imparfaitement la curiofité du
Le&eur.
L'Auteur nous apprend , dans
le dernier Chapitre de fon troilîé-
me Livre , comment les Provinces
obéiffantes de la Gaule comprifes
dans le Pays qui s'étendoit jufqu'à
la Seine, fe fournirent au pouvoir
de Clovis , & comment les Pro-
vinces confédérées ou les Armori-
ques , qui s'étendoient jufqu'à la
Loire , ayant refufé de s'y foûmet-
tre , ce Prince leur fit la guerre.
Pour fixer la vraye date de ces éve-
nemens fur laquelle les Hiftoriens
varient tmr'eux ; notre Auteur en-
tre dans une difcuiïion très recher-
chée fur la caufe de cette variété
qui vient de ce que ces Hiftoriens
comptent les années du règne d'un
Prince depuis différentes époques
de fa Vie ; d'où l'Auteur conclut
E S SÇAVANS,
que le mariage de Clovis avec Clo«
tilde , & la foûmifîîon volontaire
des Citez d'entre la Somme de la
Seine font deux évenemensarrivés
dans le même tems , &c dont le
premier doit être envifagé com-
me l'une des caufes du der-
nier , par lVfperance qu'il fît naî-
tre chez ces Peuples , de la pro-
chaine converfion de Clovis au
Chriftianifme. L'Auteur croit auiïï
que ce fut immédiatement après la
redu&ion de ces Provinces , c'eft-
à-dire en 493. que ce Prince entre-
prit la guerre contre les Armori-
ques , laquelle dura jufqu'à l'année
497. M. l'Abbé du Bos y place deux
évenemens mémorables , fçavoir
le blocus de Paris qui reduifit cette
Ville à une extrême famine , & le
Siège de Nantes par l'armée de
Clovis , laquelle y étoit venue par
mer , félon lui : fur quoi il faut
voir fesraifons.
Nous renvoyons à un autre
Journal les trois derniers Livres de
cet Ouvrage.
1NSTRVCTION SVR LE fVBILt' DE V EGLISE
Primatiale de S. Jean de Lyon , h Voccajion du concours de la Fête-Dieu
avec celle de la Nativité de S. Jean-B^ptifie en cette année 1734. imprimée
par l'ordre de Monfeigneur /' Archevêque de Lyon. A Lyon, chez Pierre
Valfray , Imprimeur ordinaire du Roi & du Clergé. Et le vend à Pa-
ris , chez Antoine Chippier , Libraire , rue du Foin , à S. Antoine, vol.
in-iz. pp. 161. fans compter la Préface.
CET Ouvrage eft divifé en
trois Parties. Dans la premiè-
re on rapporte l'origine du Jubilé
dont il s'agit , Jubilé bien fingulier
qui fe célèbre à Lyon dans l'Eglife
Primatiale de S. Jean - Baptifte ,
lorfque la Fête-Dieu Se celle de ce
Saint fe rencontrent le même jour.
Dans la féconde Partie on répond
aux dîfficultcz qui fe peuvent for-
mer au fujet de ce Jubilé en parti-
culier , & au fujet même des In-
dulgences ,
JUIN
diligences , &C de tous les Jubilez
en général. La troifîéme Partie eft
une Inftruction familere , où l'on
marque Amplement ce qu'il fauc
pratiquer pour gagner ce Jubilé
extraordinaire qui ne revient qu'u-
ne fois chaque fiécle & fe célébre-
ra cette année 1734. dans la Ville
de Lyon -, pour ne revenir que dans
cent cinquante deux ans d'ici. En-
forte qu'aucune des perfonnes qui
vivent aujourd'hui n'en verra un
femblable.
L'Auteur , pour donner tous les
éclairciftemens necefiaires fur un
fujet fi intereftant , a fuivi les traces
d'une tradition confiante & non
interrompue : il a remonté jufqu'à
la fource de ce Jubilé , il en a re-
cherché les caufes 3 & en a démon-
tré la vérité par les preuves les plus
inconteftables , qui font les Man-
demens des Archevêques de Lyon,
les A&es Capitulaires de l'Eglife
de S. Jean de Lyon , les publica-
tions faites de ce Jubile par l'ordre
des Comtes de Lyon , les Médail-
lons frappés à ce fujet dans les
deux fiécles précedens , les anciens
Directoires ou Brefs de l'Office
Divin , les Calendriers , & les vers
Techniques qui s'y voyent , le
témoignage unanime des Hifto-
-ïiens de la Ville de Lyon , divers
Monumens qui fubfiftent encore ,
mais fur-tout , une pofteffion im-
mémoriale , qui eft le plus fort de
tous les titres. L'Auteur paroît
avoir porté la chofe au plus haut
degré d'évidence , & on peut dire
avec lui , que dans le genre des
faits Hiftoriques purement bu-
Juin.
» *734- ' 3Ï7
mains , il n'y en a guéres de mieux
conftaté que celui-là.
Les recherches qu'il a. faites
n'auroient pas été neceffaires , fi le«
anciens l'avoient prévenu en cela ,
mais tout ce qui a été écrit Jà-defTus
eft un petit Traité qui parut trois
ans avant l'ouverture du dernier
Jubilé de Lyon célébré en \666.
&c qui fut le troifîéme ; on expli-
que dans cet Ecrit les privilèges de
l'Eglife de Lyon , & ce qui s'eft
pafle en 1451. fous le Cardinal de
Bourbon , & en 1 546. fous le Car-
dinal de Ferrare. Ce ne fera qu'en
i8 8£. c'eft - à - dire dans cent cin-
quante deux ans , qu'arrivera de
nouveau le concours de la Fête-
Dieu avec celle de S. Jean-Baptifte,
Sx. qu'en conféquence de ce con-
cours , l'Eglife de Lyon célébrera
pour la cinquième fois le Jubilé
dont il s'agit.
Ce Jubilé privilégié eft eflentiel-
lement relatif à celui de l'année
Sainte de Rome ; car notre Auteur
fait voir qu'il en eft une participa-
tion & une extenfion ; en forte
que tout ce que l'héréfie ou le li-
bertinage peuvent dire contre le
Jubilé de l'Année Sainte en parti-
culier , Si contre les Indulgences
en général , retombe directement
fur le Jubilé de Lyon. Il refulte de
là que pour démontrer folidement
la vérité du Jubilé de Lyon , il faut
faire fentir la vérité du Jubilé de
Rome , fur lequel il eft fondé ; &
c'eft ce que notre Auteur n'oublie
pas.
L'abus qu'on a pu faire des In-
dulgences en certains tems , paroît
Aaa
5;8 JOURNAL D
à quelques-uns , un titre fuffifant
pour les condamner. Ils donnent
là-deiïus dans le fens de Viclef &c
de Luther j fans faire réflexion
qu'en raifonnant fur les Indulgen-
ces comme ces deux Héréfiarques ,
ils fe montrent comme eux , auflî
mauvais Dialecticiens que mauvais
Catholiques , puifque ainfi que le
remarque Tertulicn , &c que la rai-
fon le montre , l'abus qu'on peut
faire des chofes faintes en elles-mê-
mes , en prouve la bonté , étant
vrai de dire qu'on n'abufe que de
ce qui eft bon , & qu'on ne profa-
ne que ce qui eft; fainr.
C'eft en faveur de ces fortes de
perfonnes que l'Auteur de ïlnflnic-
tion a cherché dans les fources
de l'Antiquité ; les plus fortes
preuves de fait & de droit, par
lefquelles il confie que l'Eglife de-
puis fon établiflement a été dans
une paifïble pofleffion d'accorder
des Indulgences aux Fidèles. Il le
prouve, i°. par le témoignage des
faints Pères , & fur-tout par celui
defaint Cyprien , z°. par l'autorité
de S. Thomas , 30. par les paroles
de S. Paul , 40. par les paroles mê-
mes de J. C.
Il cite encore fur le même fujet
les principaux Auteurs qui depuis
les deux derniers ficelés en ont
écrit , tels que font entre autres ,
S. Charles Borromée , Gerfon , les
Cardinaux Bellarmin 5c Tolet , feu
M. Bofluet Evêque de Meaux , &
Joli Evêque d'Agen, Maldonat,
Navarre , le Cardinal de Lugo ,
Suarez , Sylvius , Réginaldus &
Grégoire de Valentia, Notre Au-
ES SÇAVANS,
tcur a mis auffi à profit plufieurs
autres Ecrivains qui étant plus re-
cens , font encore plus au fait de
tout ce qui concerne la pratique
qu'obferve aujourd'hui l'Eglife à
l'égard des Indulgences & des Ju-
bilez.
Il avertit qu'il a trouvé bien des
recherches utiles & curieufes dans
un Livre in- 12. intitulé : Spicile-
gimn Theologicum de JubiUo anni
THAgnl pacnlaris , c\:c. imprimé à
Lyon , il y a 109 ans fur le Jubilé
de l'Année Sainte. Il avertit encore
pour ce qui regarde le concours des
1 Fêtes auquel le Jubilé de Lyon
eft: attaché , que dans un grand
nombre de Bréviaires , deMiflels,
d'Heures ou Livres de Prières , im-
primés à Anvers , à Paris , à Lyon
ôc ailleurs , vers le commencement
de ce fiécle , on trouve à la Table
des Fêtes Mobiles , celle de Pâques
fixée au dix-huitiéme d'Avril pour
la prefente année 1734. & les au-
tres Fêtes qui en dépendent , mar-
quées à proportion ; en forte que
fuivant ce Syftême erroné , la Fête
de Pâques ne tombant pas au 25
d'Avril, celle de la Fête-Dieu qui
eft relative à celle-là , ne pourra
pas non plus tomber au 24 Juin
jour de S. Jean-Baptifte.
Mais notre Auteur remarque
que cette difficulté difparoîtra , jj;
que l'on conviendra de l'erreur au
premier coup d'œil , fi l'on fait at-
tention que le dix-huitiéme jour
d'Avril de cette année 1734. fe
trouve précifément le jour de la
pleine Lune auquel les Juifs font
leur Pàque , c\' que par lesLoix in-
JUIN, 17? 4- m 3Ï9
Yariables de l'Eglife , Loix autori- 1734. le cinquième, en 18 8^. Le
fées dans le Concile de Nicée ; les
Chrétiens , pour éviter de judaïfer,
ne peuvent point faire leurs Pâques
ce jour-là , Se qu'ainfi félon ces
mêmes Loix , la Pâque des Chré-
tiens eft neceflairement renvoyée
au Dimanche fuivant, fçavoir au 25
Avril , comme le Pape Clément
XII- vient de le déclarer dans un
Bref qu'il a écrit à M. l'Archevê-
que de Lyon , Se qui eft rapporté
dans ce Livre.
Tout quadre donc parfaitement
à ce jour , puifque la Pâque des
Chétiens qui règle toutes les autres
Fêtes Mobiles , fe célèbre toujours
le Dimanche après le 14 de la Lu-
ne , qui a été précédé par l'équino-
xe , lequel , félon le calcul Éccle-
fiaftique , a été fixé au 25 de Mars.
Telle eft l'exacte fupputation des
Ephémérides imprimées par les
Sçavans Aftronomes de l'Académie
des Sciences. Telle eft aufïl, comme
le remarque notre Auteur , la fup-
putation de Clavius, qui, par l'or-
dre de Grégoire XIII. travailla
avec tant de fuccès à la reformation
du Calendrier.
Ce Calendrier reformé, Se qu'on
nomme le Calendrier Grégorien ,
contient l'exa&e fupputation des
Jubilez qui fe font célébrés jufqu'à
prefent dans l'Eglife de Lyon , Se
de tous ceux qui s'y célébreront à
l'occaûon de l'occurrence de la
Fête - Dieu avec celle de S. Jean-
Baptifte , jufqu'à l'année 3000. le
premier tut en 145 1. le fécond , en
1546. le troifiéme , en 1666. Le
quatrième fe célébrera cette année Jubilé a été folemnifé régulière
A a ai;
fixiéme , en 1943. 5c ainlî des au-
tres.
Quant à celui dont il s'agit au-
jourd'hui , Se qui va être inceflam-
ment célébré , Meilleurs les Com-
tes de Lyon ont fait frapper une
Médaille , où on voit d'une part Ja
fainte Hoftie dans un Soleil pofé
fur un Jubé. Autour du Soleil on
lit ces paroles Ecclefa Lugdun.Ju-
bd&umfeculare quarinm.
L'époque Se la date font mar-
quées dans l'Exergue par ces paro-
les en lettres initiales :
Decanm & Capitulum Ecclefiœ J
Comités Lugduni dant , dicant , con~
fecrant , An. m. dcc. xxxiiii.
Au revers du Médaillon , on
voit un S. Jean-Bapti(te , reprefen-
.té à l'antique , avec cette légende;
Prima Sedes Galliarum.
Notre Auteur obferve que ces
paroles font les mêmes qu'on voit
encore aujourd'hui fur les mon-
noyes de Lyon que l'Archevêque
Se le Chapitre faifoient frapper
dès le neuvième ficelé , Se qui ont
eu cours pendant 500 ans. On trou-
ve encore de ces monnoyes dans les
Cabinets des Curieux.
On ne doit point chercher dans
les douze premiers fiécles de l'Egli-
fe , l'origine du Jubilé de Lyon ;
puifque la Fête du S. Sacrement à
l'occafion de laquelle il a été accor-
dé par le S. Siège , n'a été établie
que plufieurs années après le mi-
lieu du xnie fiécle. Notre Auteur
remarque que c'eft feulement de-
puis quatre ou cinq fiécles que ce
3<fo JOURNAL D
ment , lorfquc la Fête - Dieu s'eft
rencontrée le 24 Juin , le concours
dont il s'agit n'ayant pu fe faire
jufques ici trois fois.
Voici le Mandement que fit pu-
blier à ce fujet le Cardinal de Ferra-
re , peut-être fera-ton bien aife de
voir ici cette Pièce.
» De l'autorité de Monfeigneur
» Reverendillîme Se Illuftrilîime
» Cardinal de Ferrare , Archevê-
» que Se Comte de Lyon , Primat
» de France , Se de Mefleigneurs
=» les Doyen Se Chapitre } Comtes
» de la grande Eglife Monfieur
nS. Jean de Lyon , eft publié &
=» dénoncé à tous bons Fidèles j le
» grand Se général pardon de ple-
» niere indulgence , Se remifllon
>»d'icelle Eglife , reçucv approuvé
»& confirmé d'ancienneté en no-
»tre mère fainte Eglife Catholique^
■» par 11 long-tems qu'il n'en: me-
* moire du contraire , toutes &
» quantes fois qu'il advient concur-
» rence de la tres-facrée Fête du
» précieux Corps de N. S. Sauveur
» & Rédempteur J. C. avec la fo-
» lemnelle Fête de la Nativité de
» fon glorieux Précurfeur Mon-
» fieur S. Jean-Baptifte , comme
» adviendra cette prefente année
» 1 54^. le 24 de Juin.
» Ledit pardon arrivera à midi
a> de la Vigile de la Fête , Se durera
» par toute ladite Fête Se jufques à
» Samedi à midi du lendemain iC
a> dudit mois , Se à l'aide de Dieu
=» par lefdits Seigneurs fera donné
» ii bon ordre que chacun aifé-
» ment en tranquille dévotion
3» fans tumulte Se opprefllon pour-
ES SÇAVANS,
» ra gagner ledit pardon. Il eft aufîî
3» enjoint à tous gensd'Eglife ayarit
» peuple , que ce que deffus ils pu-
blient Se taftent fçavoir en leurs
» Prônes.
Notre Auteur fait diverfes re-
marques fur ce Mandement : la
première eft: que quatre fortes d'ar-
moiries accompagnoient le Mande-
ment , fçavoir les armoiries du Pa>
pe PaulllI. celles du Roi François
premier , qui étoient enfemble à la
tête , Se celles de Meilleurs les
Comtes de Lyon qui étoient au
bas : la féconde remarque eft que
ces armoiries font voir que le Ju-
bilé dont il s'agit eft émané du faint
Siège , qu'il eft autorifé par le Ror,
Se accordé à l'Eglife de Lyon en
faveur de fon Archevêque & de fon
Chapitre Métropolitain.
La quatrième , que le Cardinal
de Ferrare par le nom duquel com-
mence le Mandement, eft Hyppo-
lyte d'Efte quife rendit très-celébre
dans l'Eglife, dans la Cour de Fran-
ce , Se dans la Littérature : Qu'il
fut furnommé de Ferrare , parce
qu'il étoit fils d'Alphonfc, premier
Duc de Ferrare , allié des Rois
François I. Se Henri II. Que ce
Cardinal eft regardé comme un des
plus grands Prélats qu'ait eu le Siè-
ge Primatial de Lyon ; Qu'il étoit
çsirckevêque "%Jlé ' , Prince Magnifi-
que y Mimflre éclairé , Légat du faint
Siège en France 3 Cardinal Protec-
teur de cette Couronne à Rome; Génie
dit premier ordre , Mécène des gens
de Lettres , & célébré dans les Ecrits
de Paul Mannce s & de Marc- An-
toine Muret , qui prononça à Roms
j
UIN
laquelle fie
fin Oraifion Funèbre
voit dans les Ouvrages de ce grand
Orateur.
La cinquième remarque que fait
notre Auteur fur le Mandement,
regarde ces mots : & de MeJJèi-
gneurs les Doyen & Chapitre Comtes
de la grande Eglifi de Aionfieur
S.Jean de Lyon. Il dit que ce titre
fpécial de grande Eglife, par lequel
le Cardinal de Ferrare cara&erife
celle de S. Jean de Lyon , eft un
langage établi depuis un tems im-
mémorial pour marquer la noblelTe
Se la prééminence de cette Eglife
fur toutes les autres Eglifes de
Lyon 2c fur toutes celles du
Royaume.
La fixiéme remarque eft que iî
le mot de Jubilé ne fe trouve point
dans le Mandement du Cardinal
de Ferrare , mais feulement celui
de grand & général pardon de ple-
niere indulgence & remijfion , il ne
faut pas croire pour cela que ce ne
foit un véritable Jubilé -, & il ob-
ferre là-deifus que Boniface VIII.
fe contenta de publier fous le nom
de grand & général pardon de plenie-
r; indulgence & remijfion , le Jubilé
de l'Anne Sainte es 1300. que Clé-
ment VI. fut le premier qui rame-
nant ces indulgences de l'année
feculaire , à la cinquantième , les
nt annoncer fous le nom de Jubilé,
pour faire allufion à celui de l'an-
cienne Loi : Que de plus , fi le ter-
me de Jubilé ne fe trouve point
dans le corps du Mandement du
Cardinal de Ferrare , il étoit au ti-
tre de ce Mandement , ôi y étoit
en ces termes. Le grand jubilé reçu,
y *73 4' $5i
approuvé & confirmé d'ancienneté
par fi long tems qu'il n'efi mémoire du
tontraire.
La feptiéme remarque de notre
Auteur eft qu'en l'année de ce Ju-
bilé , publié par le Cardinal de
Ferrare , le jour de la Paflîon s'é-
tant rencontré avec la Fête de faint
Georges , & celui de la Refurrec-
tion étant tombé le jour de Saint
Marc, il arriva par une fuite necef-
faire , que la Fête-Dieu fe trouva le
jour même de S. Jean-Baptifte, car
ces lîx Fêtes font relatives, comme
notre Auteur l'explique enfuite.
La huitième remarque concerne
ces mots du Mandement : ledit par-
don entrera a midi de U vigile de U
Fête , & durera par toute ladite Fête
jufqiCait Samedi à midi z6 dttdit
mois. L'Auteur oblerve qu'on fe rè-
gle ici comme à l'ordinaire , non
par le jour civil , mais par le jonc
Ecclefiaftique qui commence dès
la veille de la Fête après midi, &
là-deiTus il avertit que de Rubis
s'eft trompé quand il a dit dans fon
Hiftoire de Lyon , que le pardon
avoit commencé le Mercredi à mi-
di , év qu'il avoit duré jufqu'au
Jeudi au foir.
La neuvième remarque eft au fu-
jet des foins que Meilleurs les
Comtes promettent d'apporter
pour maintenir le bon ordre dans
la folemnité de ce fécond Jubilé ,
arrivé en 1546. Notre Auteur dira
cette occallon que dans le premier
Jubilé de Lyon le concours dts
peuples venus de diverfes Provin-
ces lut fi prodigieux , qu'il y ent
un giand nombre de perfonnes
5éz JOURNAL D
étouffées par la foule. Meilleurs les
Comtes de Lyon , pour prévenir
de femblables accidens , prirent,
dit notre Auteur , les quatre pré-
cautions fuivantes , qui ont enfuite
fervi d'exemple pour le troifiéme
Jubilé , publié en 1666. par Meffi-
re Camille de Neuville Archevê-
que de Lyon , en forte que les me-
fures qui furent prifes à ce fujet ,
pour le Jubilé de 1666. étant les
mêmes qui avoient été prifes pour
le Jubilé de 1546'. il fuffira ici de
rappeller ce qui fut obfervé dans le
dernier Jubilé pour maintenir le
bon ordre , Se c'eft ce qu'on va
voir par l'Ordonnance fuivante ,
dont le Chapitre de Saint Jean de
Lyon accompagna le Mandement
de l'Archevêque.
» Les Doyen , Chanoines , Se
x> Chapitre del'Eglife, Comtes de
» Lyon , font fçavoir que pour ga-
>»gner le grand Jubilé dans leur
3» Églife à caufe de la concurrence
» de la Fête-Dieu avec celle de la
» Nativité de S. Jean-Baptifte , il
» fuffira de vifiter une fois ladite
» Eglife , depuis le Mercredi z} de
»Juin prochain à midi jufqu'au
» Samedi fuivant 16 du même mois
n à midi , Se d'y faire les prières
a» accoutumées pour l'exaltation de
» notre Mcre Sainte Eglife, l'union
») des Princes Chrétiens , év l'extir-
» pation de l'Héréfie , après s'être
» dûement confeffé, Se communié,
i>fans qu'il foit neceffaire de le fai-
»re le même jour ni dans ladite
» Eglife , en laquelle , pour éviter
» la confufion l'on ne confeffera
» point Se l'on ne communiera
ES SÇAVANS,
» point , pendant ledit tems. Et
» pour empêcher la foule Se le de-
» fordre l'on n'y entrera que par
» trois grandes portes , dont les
= avenues feront pour cet effet
a» duëment difpofées , l'on fortira
» par la porte de l'Archevêché &
» celle de Sainte Croix , après y
» avoir demeuré pendant le tems
» feulement de cinq P.iter Se cinq
» Ave > ou de quelque autre courte
» Prière , à fa volonté , fans qu'on
>j y puiffe entrer qu'après que tous
» ceux qui les premiers y feront ca-
sa très , en foient fortis, Se ainfi
» fucceffivement , afin que chacun
» puiffe profiter d'une occafion fî
» rare Se fi falutaire.
Ce que nous avons extrait juf-
qu'ici ne regarde que la première
partie du Livre , il nous refte enco-
re pour achever l'expofé de cette
première Partie , à remarquer
qu'aux preuves que nous venons
d'indiquer du fait dont il s'agit ,
( fçavoir que toutes les fois que la
Fête-Dieu Se celle de S. Jean-Bap-
tifte fc font rencontrées , le Jubilé
en queftion a été folemnifé dans
l'Eglife de S. Jean de Lyon ) l'Au-
teur en ajoute deux autres , dont
l'une pour être triviale n'en efr pas
moins forte , c'eft un vieux Qua-
train tiré d'anciens Calendriers Se
Almanachs faits pour la Ville de
Lyon , dans lequel on annonce en
vers Techniques , que lorfque le
Vendredi Saint fe trouve le 23
Avril , jour de S. Georges , Pâques
le 15 du même mois jour de Saint
Marc , Se la Fête-Dieu le 24 Juin
jour de S. Jean - Baptiftc , il y a
alors grand Jubilé à Lyon.
JUIN
Quand Georges Dieu crucifira t
Quand Marc le rejfufcitera }
Et lorfcjue fjeun le porter*
"jubilé dans Lyon fera.
L'autre preuve eft tirée de Clau-
de de Rubis , dont nous avons
parle plus haut , Auteur d'une Hi-
ftoire de Lyon , en quatre Livres ,
celui de tous les Ecrivains qui eft
entré dans un plus grand détail
touchant le Jubilé dont il s'agit.
Rubis étoit de Lyon, il en tut deux
fois Echevin , il exerça pendant
trente ans la Charge d'Avocat Gé-
néral, & deProcureur Général de la
Maifon de Ville. Il raconte ce qui
s'eft pafle fous fes yeux , & voici
comme il parle dans le troifiéme
Livre de fon Hiftoire , Chap. 33.
l'endroit eft curieux ; peut-être ne
fera-ton pas fâché que nous le rap-
portions dans fon entier.
«L'année 1546. la Fête-Dieu
» s'étant rencontrée le jour de la
x) S. Jean , le Z4 jour de Juin , fut
» le grand Jubilé de S. Jean de
» Lyon , où fe gagnoient les mê-
» mes Indulgences plenieres que
» l'on gagne allant à Rome ( An-
» no Santlo ) pour gagner ce grand
» Jubilé. On vit à Lyon une telle
« aftluence de peuple de tous les
» quartiers de la France , du Pays
» de Lorraine , Savoye , Brefle , &
» autres divers endroits , que l'on
x ne fc pouvoit tourner par les
» rues , éc parce que les Hôtelle-
•j ncs 5 Tavernes 5c Cabarets de la
î 173 4- 3<?3
» Ville ne furent pas capables pour
» héberner une telle multitude, on
» fut contraint de drefler des feuil-
»lécs par les rues , comme on
» fait aux vogues des Villages , ou
» des Tentes de la façon des Caba-
» rets de la Cour , où on donnoit à
» manger aux gens , & outre ce n'y
» avoit bonne maifon en la Ville ,
»> qui n'eût des Seigneurs & Da-
»mes, ou de fes amis de dehors
'> logés ; comme auflî parce que
» les ConfelTeurs difperfés par les
» Eglifes & Couvens , ne pou-
» voient fuffire à ouir en confeflîon
» un fi grand peuple , il y en avoit
» bon nombre qui confelfoient par
» les rues & fous les tentes Se feuil-
n lages. Davantage , quoique pour
» éviter la confufion qui eût été , fi
» ceux qui alloient &: venoient du
» pardon , fe fuffent rencontrés par
» même chemin pour aller gagner
» le Pont de Saône, on fit un Pont
» de bois dernier S. Jean fur des
» bateaux, qui alloit droit répon-
» dre aux degrez qui font devant
» l'Eglife des Céleftins , &c ne laif-
» fa la foule du Peuple d'être li
i> grande depuis ledit Pont jufqu'à
» l'Eglife de S. Jean , qu'il y de-
» meura pluficurs perfonnes ctout-
» fées , tk. y en eût eu davantage
» fans le fecours que firent plu-
» fieurs gens de bien à ceux qui
Ȏtoient dans cette foule , leur
» jettant du pain trempé , & du
» vin en abondance par les fenêtres,
» que les pauvres gens recevoient,
» ouvrant la bouche & haletant
n comme poulnns. La tontaine qui
* eft en la place de S. Jean, jetta
364 JOURNAL D
» du vin par fes tuyaux tant que le
»• pardon dura.
Notre Auteur auroit pu joindre
à ces témoignages ce qu'ont dit fur
le même fujet , le Père Meneftrier
dans fon Hiftoire Confulaire , £c
dans fon Sanctuaire de l'Eglife de
Lyon , le Père Colombi dans fon
Hiftoire Manufcrite des Archevê-
ques de Lyon , le Père Pierre Bail-
lard , dans fes Indices Manufcrits
ou Mémoires fur l'Hiftoire Sacrée
& Profane de la Ville de Lyon, M.
Broffette , dans fon nouvel Eloge
Hiftorique de la même Ville, &
l'Auteur de l'Hiftoire Littéraire de
la même Ville encore , auffi-bien
que quantité d'autres Ecrivains ,
foit Lyonnois , foit étrangers •, mais
les témoignages qu'il a rapportés
fuftîfent au-delà pour conftater le
fait dont il s'agit.
La féconde Partie contient les
ïéponfes à diverfes queftions qui fe
peuvent former au fujet du Jubilé
de Lyon : l'une de ces queftions
entre autres, eft fi l'Eglife de Lyon
efl la feule a laquelle le S. Siège ait
accordé un fi rare privilège.
L'on répond , qu'il y a en Fran-
ce 8c en Efpagne deux autres Egli-
fes distinguées , qui joùiffcnt d'une
femblable prérogative , fçavoir
l'Eglife du Puy dans le Velay , èc
l'Eglife de S. Jacques de Compo-
ftelle dans la Galice. Cette préroga-
tive à l'égard de l'Eglife du Puy cft
que toutes les fois que la Fête de
l'Annonciation de la Sainte Vierge
fe trouve le même jour que le Ven-
dredi-Saint, il y a tout ce jour- là
dans la Cathédrale du Puy , un
ES SÇAVANS,
grand Jubilé , avec un concours
prodigieux d'étrangers qui s'y ren-
dent de toutes les Provinces du
Royaume, & même des Pays les
plus éloignés.
Cluant au Jubilé de S. Jacques
de Compoftelle , il revient toutes
les fois que la Fête de S. Jacques le
Majeur fe trouve un Dimanche , &
il dure toute l'année courante.
La plupart des autres queftions
regardent les Indulgences & les Ju-
bilez en général ; on y répond fça-
vamment& d'une manière à rame-
ner les incrédules les plus opiniâ-
tres. On demande quelquefois dans
le monde , fi ce n'eft pas une erreur
de croire que pour une courte
prière rapidement recitée , l'Eglife
puiffe accorder à un pécheur invé-
téré la remiffion delà peine due à
fes péchez 5 Notre Auteur répond
que ce feroit effectivement une er-
reur groffiere. Mais il fait voir que
l'Eglife en accordant la grâce du
Jubilé , prefent bien d'autres con-
ditions. Il remarque que ces condi-
tions font exprimées dans ces qua-
tre mots, verè pœnitentibus, confeffis;
& centrais corde : il explique au long
ce que ces paroles fignihent , ce
qu'il obferve là-deffus eft capable
de fermer la bouche à tous ceux
qui pour décrier les Indulgences ,
n'ont pas honte de dire que ce font
des privilèges accordes a ceux qui
veulent fe difpenfer de faire péni-
tence , l'endroit mérite d'être lu ,
c'eft page 105.
La troihéme Partie renferme
plufieurs Inftruc'tions familières
fur les moyens de gagner le Jubilé
de
J U I N, 1734; 3$S
de S. Jean de Lyon 5c fur les privi- Tout ce Livre au refte eft écrit d'u-
lcgcs qui font attachés à ce Jubilé, ne manière très-exacte , & pour ie
Nous y renvoyons les Lecteurs, fond , &c pour la forme.
NOVVELLES LITTERAIRES.
ITALIE.
De Venise.
IL y a déjà quelque tems que
J. B. Pafqitaliz achevé d'impri-
mer la nouvelle Edition de Y Hi-
ftoire Bizjintine en iz Volumes
in-folio. Il a commencé depuis peu
à débiter le 13' Volume de cet am-
ple Recueil : ce qui doit taire le
plus de plaifir aux gens de Lettres,
c'eft que ce Volume fert de Sup-
plément non feulement à la nou-
velle Edition , mais encore à l'an-
cienne Edition de Paris , & que
pour cette raifon il fe vend féparé-
ment.
Des différentes Pièces que l'E-
diteur a raffemblées dans ce Volu-
me , la première eft une Hiftoire
de Conftantinople depuis Léon
l'Arménien jufqu'à Baille le Macé-
donien par Jofeph Geneftm , Au-
teur qui floriffoit fous l'Empire
de Léon le Sage , & qui paroît
avoir écrit par ordre de Conftantin
Porphyrogenete. Cet Ouvrage
n'avoit pas encore été imprimé. Feu
M. Bourkard - Mencken de Leipfig
en avoit le Manufcrit dont il avoit
permis à l'Editeur de faire tirer une
copie ; 8c c'eft d'après cette copie
qu'il paroît pour la première fois
Juin.
avec une Traduction Latine & des
Notes.
Les autres Pièces ont déjà été
imprimées ailleurs : peut-être fera-
t-on bien aile d'en voir ici la Lifte,
quoiqu'elle doive donner un peu
trop d'étendue à cet article.
Georgii Phranz.A Protoveftiarii
Chronicon cum nous ]acobi Pontani
Societatis ejefu.
Epifiola Georgii TrapeXuntii ad
£Jo. Paleologum Imp.
$oannis Antiocheni Cognominto
Malal& Chronogmphia y Edmundo
Chilmeado Interprète.
Richardi Bentleii Epifiola ad Cl.
Vir.Joannem Millium S. T. P. mm
Indice rerum memorabilium, &Scrip-
toritm qui in ea emendantur.
OpufcMla Gr&ca '& Latina vetu-
fiiora , ac recentiora édita à Leone
Allatio , & ejnfdern Allatii in ea
prafatiuncula.
fjohannes Phocas de Locis Antio-
chiam inter & Hierofolymam , nec-
non Syr'iA , Phanicit. & Palefiin&.
Epiphanii HagiopolitA Syria &
Vrbsfanlla.
PerdiccA Ephejii Hierofolyma.
Anonymus de Loch Hierofolymita-
nis.
Eugefippm de difiantiis Locorum
Terr&fanEÎA.
Vdlebrandi ab Oldenborg ltinera-
rinm, B b b
}66 JOURNAL DE
Léo Allatius de foie a veterls Eccle-
Jîa.
Idem de Liturgia fanili Jacobi.
Idem pro Gr&corum communiove
fib fpecie unica.
Idem de L'ignls fantl& Cruels.
Rituale vêtus Cophtltarum , latine
redditur ab Athanafîo Kircherio.
Conradi Marpurgici S. Elifabeth,
vldua Thurlngia Landgravia.
Gabriel Sionita de r.on nidlls nu-
bus Maronltarum.
Joannes^ Anagnojîa de extremo
Thtffilonicenfi excidio , Leone Alla-
tio interprète.
Joannis Anagnofla Monodia de
excidio Urbls Theffato&ic* eodem
Allatio interprète.
Tbodorus Gaz.a de origine Turca-
rttm , Léon: Allatio interprète.
Melchior Inchoferus deEunucbif-
îfio.
Léo Allatius de Commentltla Pa-
0b.
Lucas Holflenius de Abajfnorum
summunionefub unie à fpecie.
Idem de Sabbathiofiumine.
Anonymus de Flumine eodem.
De Vérone.
Jacques Vallarfi a imprimé une
nouvelle Edition des Lettres , des
Differtations & de quelques autres
Ouvrages du P. Fronton 3 Chanoine
Régulier de Sainte Geneviève &
Chancelier de l'Univerfité de Paris;
fous ce titre : Jo. Frontonts Acade-
m'u Parifienjîs Cancellarii & Cano-
nici Regularis S. Gtnovefd EplfioU
& Dijfertationes Eccle/iaftica. Calen-
dttrium Romanum nongentis annis
S SÇAVANS,
antiquius , nous & indicibus illujfra-
tum. S. Ivo/ils Epifcopi Camotenjts
Vita , &C. Accedunt in hac editione
variantes leiliones atcjue emendatio-
nes Calendarii "R^omani ex aliovetu-
ftiori Mf. Caruotenfiper venerabilem
Cardlnalem Thomafium excerpt*. ar-
que ex ejus autographo mine primitm
édita. 1733. in - 8".
De Milan.
M. Argelati a déjà publié le troi-
fiêrne Tome des Oeuvres de Sigonlus
dont il a entrepris de donner une
Edition complette. Ces trois Volu-
mes fe trouvent à Paris chez de Bu-
re , Quai des Auguftins.
ECOSSE.
D'Edimbourg,
Il paroît ici un Volume /«-g0, in-
titulé : Médical tffays and Obfer-
vatlons revifed and publisbed by a
Society in Edimburgh. C'eft à-dire ,
Effals & Obfervattons de Médecine 3
revus & publiés par une Société
d'Edimbourg. Premier Vol. 1733.
La Société des Sçavans Médecins
à qui le public eft redevable de ce
premier Recueil , fe propofe d'en
donner un femblable tous les ans ;
il contiendra , x°. une Table des
hauteurs du Baromètre, des degrez
du Thermomètre &c de l'Hygrof-
cope. La quantité de pluye qui fe-
ra tombée , les directions & la roi-
ce des vents, & enfin la comparai-
fon de ces obfervations faites à
Edimbourg pendant l'année , avec
JUIN
celles du même genre faites ail-
leurs, Se qui feront communiquées
à la Société.
z°. La Relation des maladies
épidémiques qui auront régné à
Edimbourg pendant l'année en
chaque faifon , Se la Lifte des
morts.
3°. Un Recueil d'Efîais Se d'Ob-
fervations fur les médicamens am-
ples ou compofés , galéniques ou
chymiques , l'anatomie , l'œcono-
mie animale , la théorie Se la pra-
tique de la Médecine Se de la Chi-
rurgie.
4°. Les figures neceffaires pour
l'intelligence des Inftrumens , des
opérations Se des deferiptions dont
il fera parlé dans les Traités de ce
Recueil.
5°. Les découvertes qui auront
été faites en quelque endroit que
ce foit fur chaque branche de la
Médecine , Se le Catalogue des Li-
vres publiés fur la même matière
pendant l'année.
6°. Une Table alphabétique des
matières de chaque Volume. Il fuf-
fit d'avoir expofé la méthode que
doivent fuivre dans chaque Volu-
me les Auteurs de ce Recueil, pour
faire fentir toute l'importance Se
toute l'utilité de leur projet.
ANGLETERRE.
D' O X F O R D.
M. Tho. Shaw , Membre du
Collège de la Reine , Se ci- devant
Chapellain de la Factorerie d'Al-
ger , va faire imprimer par Soufcri-
; 175 4- 367
ption fes Obfervalions Geographtcal,
Phyfîcal and Mijcellaneous in the
Kingdoms of Algiers and Tunis , in
Egypt and Arabia Petrxa, in Syria,
Phxnice and the Holy. Land.
Le deiTein principal de l'Auteur
eft de rétablir dans fes Obferva-
tions l'ancienne Géographie autant
qu'il fera polîîble Se de mettre dans
un jour convenable l'Hiftoire Na-
turelle des Pays dont il a entrepris
de parler.
Cet Ouvrage qui doit être enri-
chi d'un grand nombre de Cartes
Géographiques Se de planches gra-
vées fera un Volume in-folio d'en-
viron cent trente feuilles.
La Soufcription eft d'une guinéc
pour le petit papier & d'une guinée
6c demie pour le grand papier. On
en payera la moitié en fouferivant
Se le refte en recevant l'exemplaire.
On fouferit à Oxford chez l'Au-
teur , Se chez plufieurs Libraires
de cette Ville , Se à Londres chez
Guill. Innys , Mamby Ojbormfiec
De LoNDRat.
L'Hiftoire du Japon par le Doc-
teur Engelbert Kampfer , a été fî
bien reçue du public qu'on s'eft
déterminé à traduire en Anglois les
Voyages du même Auteur en Mof-
covit3 en Perfe t Se aux Indes Orien-
tales fur les Manufcrits originaux
en Allemand , qui aulîî-bien que
ceux de l'Hiftoire du Japon appar-
tiennent à M. le Chevalier Hans-
Sloane. M. Cromiuel - Mortimer t
Do&eur en Médecine , Secrétaire
de la Société Royale Se Membre d»
Bbbij
JOURNAL DES SÇAVANS,
Collège des Médecins , fait actuel-
lement imprimer cette traduction
par Soufcription. Ce fera un Vo-
lume in-folio orné de tailles - dou-
ces , & dont le papier 6c les carac-
tères feront.les mêmes que ceux de
Y.Hiftoire du Japon, Le prix île la
Soufcription eft de deux guiuées ,
pour le petit papier , & de quatre
guinées pour le grand , à payer
moitié en fouferivant 5c moitié en
recevant l'exemplaire. On affine
que l'Ouvrage ne tardera pas à pir
roître.
Basket a aufiï propofé d'imprimer
par Soufcription en deux Volumes
in-tf. A Short Paraphafi on the old
and neiv Teflament , Sic. c'eft à-di-
re : courte Paraphrafe fur l'Ancien
& le Nouveau Teftament ; dans la-
quelle en confervant le Texte en
entier, on en explique le fens d'une
manière concife en parenthefe Si
en caractères difterens. Par M. Sa-
muel Mody Miniftre de Dndm-
ghurft dans le Comté d'Effex.
Cette Soufcription eft d!une gui-
née.
Ilparoît chez J. Robert un Traité
en Anglois fur la Goûte , par le
Docteur Guillaume Stukeley^Açm-
bre du Collège des Médecins de
Londres , Si de la Société Royale.
1734. in-î". Cet Ouvrage eft divifé
en deux Parties. La première eft
une Lettre adreffée à M. Hans-floa-
ne fur la manière de guérir la goûte
par des huiles appliquées exterieu-
ïement • la féconde Partie eft un
Traité descaufes & de la cure de la
goûte.
Strœban & J, Leake ont en Yente
un Traité intitulé : The English,
Mdady : or a treatife of Nervous*
difidfss of ail Kindi , . &c. C'eft-à-
dire : la Maladie Angloife , ou
Traité des Maladies d:s nerts de.
toute efpecc , comme le mal de
rate , les vapeurs , l'abattement ,.
les maladies hypocondriaques "Se
hyfteriques , &c. par M. Georges
Cheyne , Docteur en Médecine,.
Membre du Collège des Médecins
d'Edimbourg , Se de la Société
Royale. 1733. in-§°.
Guillaume Boivyer a imprimé lé
Supplément aux Marbres d'A'run-
del ou d'Oxford que M. M.'.htairt.
a publié depuis peu fous ce titre :
Appeniix ai AlanmrjL Académie
Oxomenfis , fîve greca trium A4ar~
morum recens repertortm Infcriptio-
nes : cum Latina verfione & nous»
1733. On fçait que M. Maataire a
donné il y a quelque tems unc
nouvelle Edition des précieux Mo-
numens de l'Antiquité confervés à
Oxford , dont Selden a le premier
fait part au public.
Il fe trouve encore chez P. dit.
Noyer , à la tête d'Erafme , dans
le Strand , quelques exemplaires
d'un Ouvrage conhderable impri-
mé en 1731. Si dont nous n'avons
pas encore parlé : il eft intitule ;
Hortiis JLlthamenfis , feu Plant arum
\ariornm quas in Horto fuo Elthami
in Cantio coluit Vir ornatifjimus &
pra/ïantifjfmns Jacobus Sherard M..
D. Soc. Reg. & Coll. Med. Lond.
Soc. Guillelmi P. A4, frater , deli-
neationes & deferiptiones , qitarum
Htfloria vel plane non , vel imperfec-
tè à rei herbari* S<riptorWHs tradit*--
JUIN
full.j4v.Bore Joanne-Jacovo Dillenio
M. D. in folio.
Il s'eft fait tout nouvellement
une Edition complctre des Pièces
de Théâtre de Shake/pear s avec les
notes lie M. TheobaXd , en 7 Volu-
mes in 8°. La Soufcription étoit de
deux guinées.
FRANCE.
D' O R L E A N S.
A l'occafion de l'entrée du nou-
vel Evêque de cette Ville M. Ni-
colas - Jofeph de Paris , François
Rouzeau a imprimé trois Brochures
curieufes qui ont rapport à cette
cérémonie , &£ qui font de la com-
position de M. Polluche.
La première eft une Defeription
de Ventrée des Evoques d'Orléans ,
Û" des cérémonies qui l'accompagnent.
La féconde eft un Difcours fur l'ori-
gine du Privilège qu'ont les Evêques
^'Orléans de donner la grâce a tous
les Criminels qui leur font pre fentes le
jour de leur entrée folemnelle dans
cette Ville } & la troifiéme contient
une Dijfertation fur l'offrande de ci-
re , afrpellée les Gantières , que l'on
pre fente tous les ans , le fécond jour de
May, a l'Eglife d'Orléans ; & fur
l'ufage oit font les Evêques de cette
Ville , d'être portés le jour de leur en-
trée : avec des Remarques Hiftori-
ques.
Ces trois Brochures qui regar-
dent à peu-près le même fujet font
un petit Volume /»-8'°. lequel ne
fçaufoit manquer d'être recherché
par ceux' qui s'appliquent'àraiTem-
. 17 5 4- 36*p
bler tout ce qui peut fervir à l'Hi-
ftoire particulière des Provinces &
des Villes du Royaume.
De Soîssons.
M. de Laubriercs JLvççpiz de cette
Ville , commence à établir , pour
l'Académie de SoilTons , un ufa-
ge qui fait tant d'honneur à la plu-
part des Académies de France , &
qui n'eft pas d'une moindre utilité
pour la Republique des Lettres.
En confequence l'Académie par un
Programme imprimé vient d'aver-
tir » le Public que l'année prochai-
ne 1735. Ie Lundi d'après le Di-
» manche de Quafimodo t elle ad-
» jugera un prix propofé par ce
» Prélat, lequel fera une Médaille
» d'or de la valeur de trois cens
» livres , à une Diflertation Hifto-
» rique d'une demie-heure de lec~
n ture , ou de trois quarts d'heure
» au plus , fur ['Etat des anciens ha-
bit ans duSoiffonnois avant la conquête
des Gaules par les Francs , lafitua-
tion & l'étendue du Pays qu'ils habi±
toient j le nom & l'antiquité de leurs
Villes & Châteaux , leurs forces &
les armes dont ils fe fervoient leurs
mœurs t leur gouvernement & leur
Religion.
» Dans l'examen , ajoute le Pro-
» gramme , qu'on fera des Ouvra-
» ges , on aura égard taiat au nom-
» bre & à l'étendue des recherches
» qu'à la beauté du ftile & à la pu-
» reté du langage. DeplusJesAu-
» teurs font avertis de mettre à la
«marge ou à la fuite de leur Ou-
* vrage les preuves des faits qu'ils
570 JOURNAL DE
» auront avancés , Se les fources où
» ils les auront prifes.
Le Programme ne dit pas fi les
Membres de l'Académie feront ex-
clus du concours, mais pour le re-
fte il fpecifie les précautions tou-
jours ufitées ailleurs en pareil cas.
Les Ouvrages feront adrefles
francs de port à M- le Préfident de
Beyne , Secrétaire perpétuel de l'A-
cadémie de Solfions , &: ils ne fe-
ront reçus que jufqu'au premier
Février de l'année prochaine.
De Paris.
*Le fujet que l'Académie Royale
» des Infcriptions & Belles - Lettres
» donne à traiter, pour le concours
» au prix qu'elle diftnbuera l'année
» prochaine 1735. eft de fçavoir
xjufquok les Anciens avaient porté
» leurs connoiffances Géographiques ,
» au tems de la mon à' Alexandre le
» Grand.
» Le prix fera toujours d'une
»» Médaille d'or de la valeur de 400
m livres.
Les Pièces affranchies de tous
ports feront remifes entre les
mains du Secrétaire de l'Académie
avant le premier Décembre 1734.
Dans la dernière afiemblée pu-
blique d'après Pâques , l'Académie
déclara que M. l'Abbé le Beuf t
Chanoine d'Auxerre , avoit rem-
porté le prix de cette année.
L'Académie Royale des Sciences a
pour fujet du prix qui regarde le
Syftême général du monde & l'A-
ftronomie Phyfique , &c qui tombe
dans l'année i736.propofecow2W<w
S SÇAVANS,
fe fait la propagation de la lumière.
Les Ouvrages ne feront reçus
que jufqu'au premier Septembre
I735.exclulïvement , & l'Acadé-
mie à fon afiemblée publique d'a-
près Pâques 1736- proclamera la
Pièce qui aura ce prix.
M. Jean Bernoulli , Profcjfeuren
Mathématique arBafle, & M. Daniel
Bernoulli/<wy*/.f , qui Va été a Peterfi.
bourg J ont remporté le prix de cette
année 1724. qui étoit double , & qui
a été partagé en deux , parce que les
deux Pièces ont paru d'un mérite égal.
Ce font les termes de l'imprimé ,
par lequel l'Académie annonce le
fujet du prix de 1736.
Le 29 Mars dernier il a été rendu
un Arreft du Confeil d'Etat privé
du Roi qui *> ordonne que les Por-
» teurs de Soufcriptions du Livre
» intitulé les Vies des Hommes Iliu-
y> flres de Plutarque , par M. Dacier
» en huit Volumes in-40. & achevé
» d'imprimer dès V année 1721. fe-
» ront tenus de rapporterez Souf-
» cripttons } & d'en faire le fécond
» payement dansy£v mois pour tou-
»te préfixion & délai , à compter
» de ce jour z? Mars : finon & Je-
» dit tems pafie , que les exem-
» plaires de ce Livre qui n'auront
» pas été retirés feront & demeu-
w reront acquis aux Libraires afio-
» ciés à l'impreflion d'icclui par
» forme d'indemnité , fans que le-
*> dit tems pafie dejîx mois il puiffe
»>être formé aucune demande con-
» tre lefdits afibeiés au fujet dcfdi-
» tes Soufcriptions , &c.
Voici la copie d'un petit Pro-
gramme imprimé qui fe diftribus
JUIN
ici depuis quelques jours.
* Suivant l'avis reçu de Londres,
» touchant la traduction Françoife
» de YFJtfloire ds M. de Thon , le
» public peut s'adrelTer aux princi-
» paux Libraires de Paris , qui don-
» neront une rcconnoiiTance du
» Sieur Alexandre Libraire de
» Londres , moyennant le paye-
ra ment de 144 livres argent de
» France pour un exemplaire petit
«papier, qui fera fourni en feuil-
» les , franc de port en cette Ville
» de Paris au mois de Juillet pro-
x> chain , ou de 116 livres pour un
» exemplahe grand papier. Ces re-
» connoiftances fe délivrent actuel-
« lement.
Cette nouvelle Traduction Fran-
çoife de VHiflotre de Ai. de Thou ,
doit être en feize Volumes in-^°.
"Nicolas Simart , rue S. Jacques ,
au Dauphin , a imprimé & débite :
Recueil des Lettres de Madame la
Marquife de Sévigné à Madame la
Comteffe de Grignan fa fille. 1734.
in-iz. 4. vol. L'empreflement du
public à rechercher les Editions
turtives qu'on a faites ci devant de
ces Lettres , eft un fur garant du
mérite de ce nouveau Recueil qui
eft bien plus complet &: pour l'E-
dition duquel on a apporté beau-
coup plus de foin.
M. Vbgel } Grand Juge des Gar-
des SuilTes du Roi , vient de pu-
blier chez Claude Simon , rue des
Maçons , un nouvel Ouvrage inti-
tulé : Code Criminel de i Empereur
Charles-Quint , vulgairement appelle
la Caroline : contenant les Leix qui
fontfuivies dans Us Jurifdicliws Cri-
y » 7 5 4- m
minettes de l'Empire , & à l'iifave
des Confeils de guerre des Troupes
Suijfes. 1734. in- 40. Ce qu'on ap-
pelle la Caroline , dit M. Vogel au
commencement de fa Préface , eft
un Editqui renferme plulîeurs Dé-
crets faits par l'Empereur Charles-
Quint dans la Diète d'Auibourg en
1530. Se dans celle de Ratiibonne
en 1532. fur les inftances & avec
l'approbation des Etats de l'Empi-
re , pour reformer plufieurs abus
qui s'étoient glilTés dans l'admini-
ftration de la Juftice Criminelle.
Cet Edit qui contient 219 articles
eft encore obfervé dans les Jurif-
didions de la SuiiTe par rapport aux
procédures criminelles : c'eft de
quoi nous rendrons compte plus
particulièrement quand nous don-
nerons l'Extrait de l'Ouvrage de
M. Vogel.
Ephemerides des mouvemens cele-
fles pour les années 1735. jufqu'cn
1745. ok l'on trouve les mouvemens
diurnes des Planètes en longitudes ;
leurs latitudes , afpetls , & média-
tions i celles des Etoiles , leur lever ,
coucher , apparitions & occultations \
les immerfwns & émerjions du premier
Satellite de Jupiter pour tes mêmes
années. Avec lafituation de plufieurs
lieux , dont la longitude & la latitu-
de ont été obfervées par plufîeurs ha-
biles Aftronomes ; & plusieurs pro-
blèmes Géographiques. Pour le Méri-
dien de la Ville de Paris. Parle fieur
des Places. Tome II l. Chez Jacques
Collomb.it , rue S. Jacques. 1734.
in - 40.
Defcription des Plantes qui naif-
fent eu fe renouvellent aux environs
372 JOURNAL DE
de Paris , avec leurs ufages dans la
Médecine Se dans les Arts , le
commencement Se le progrès de
cette Science , Se l'Hiftoire des
perfonnes dont on parlera dans
l'Ouvrage. Par M. Fabregoa , Bota-
nifte Se Démonltrateur. Tome I.
Chez Jacques Lambert J rue' S. Jac-
ques , àlaSagelte. 1734. in-ïi.
Antoine de Heuqueville , rue
Gift-lc-Cœur , Quai des Augultins,
débite Tarif des Marchands , Fri-
piers 3 Tailleurs } Couturiers & Ta-
S SÇAVANS,
pijfitrs , » dans lequel on trouve
» plulieurs Tarifs propres à fçavoir
y> combien il taut d'une étoffe de
» telle largeur qu'elle foit , pour
«faire tel ouvrage ou vêtement
» que l'on fouhaite. On y trouve la
«différence des Aunes de chaque
» Pays , les noms des Manufactures
» Se la largeur des étoffes qui s'y
» font , &c par M. %oflm y Expert
Ecrivain Se Arithméticien Juré, à
Paris, rue Saint Martin, Brochure
in - S0.
Fautes à corriger dans le Journal de May 1734.
PAge 273. col. 2. lig. 10. ceux , tif.cux : pag. 302. col. 1. lig. 3. infi-
ni , lif. fini : pag. 305. col. 2. lig. 30. & 31. leurs indications, leurs
lignes , Se leurs remèdes , lif. les indications , les fignes êe les remèdes.
TABLE
Des Articles contenus dans le Journal de Juin 1734.
HIftoire de l'Empire des Cherifs en Afrique , Sec. page 311
Très-ample Colleflion d'anciens Ecrivains } Sec. parles PP. Martene
& Durand. Tome neuf , 323
Traité du vrai mérite de l'Homme a Sec. 3 27
Hiftoire Critique de V ètabîiffement de la Monarchie Franfoife dans les Gau-
les a &c. 338
Inflrutlion fur le Jubilé de l'Eglife Primatiale de faim Jean de Lyon> Sec. 3 56
Nouvelles Littéraires , 3^5
Fin de la Table.
L E
JOURNAL
SCAVANS
b
P 0 U R
L'ANNEE M. DCC. XXXIV.
JUILLET.
A PARIS,
Chez CHAUBERT, à l'entrée du Quay des
Auguftins , du côté du Pont Saint Michel, à la
Renommée & à la Prudence.
M. DCC. XXXIV.
AVEC APPROBATION ET PRIVILEGE DU ROY.
:
\» iJi
LE
JOURNAL
DES
SCAVANS
JUILLET M. DCC. XXXIV.
HISTOIRE ANCIENNE DES EGYPTI ENS , DES
Carthaginois , </« A Syriens , ^« Babyloniens , <^« Médes & des Perfes ,
/&f Macédoniens , des Grecs. Par M. RolJin , ancien ReEleur de l'Vniver-
ftê de Paris t Profejfenr d'Eloquence , <?« Collège Royal t & AJfocii a
V Académie Royale des Infcriptions & Belles-Lettres. Tome VI. A Paris ,
chez la Veuve Etienne , Libraire , rue S. Jacques , vis-à-vis la rue du
Plâtre, à la Vertu» 1733./W-12. pp. 735.
CE fixiéme Volume ne con-
tient que 36 années de l'Hi-
ftoirc Gréque -, c'eft-à-dire 24 pour
Juillet.
le règne de Philippe Roi de Macé-
doine j & 1 2 pour celui de fon fils
& fon Succeffeur Alexandre le
Cccij
316 JOURNAL D
Grand : ce qui s'étend depuis la
première année de la 105e Olym-
piade jufqu'à là première année de
la 1 1 4e fous les Rois de Perfe Arta-
xcrxe-Ochus , Arsès 5i Darius Co-
doman ; fous les Grands Prêtres
Juifs Jean ou Johanan & Jaddusi
depuis l'an de Rome 393. jufqu'à
l'an 419. pendant lequel intervalle
plufieurs grands Hommes illuftre-
rent cette Republique , ainfi que
l'obfervc notre Auteur dans l'A-
vant propos. Au défaut d'une Hi-
ftoire Méthodique de Philippe ,
que l'Antiquité ne nous fournit
pas ; il a eu recours [ dit-il ] pour
écrire la Vie de ce Prince , à ce qui
s'en trouve épars dans Démofthéne
& fes Interprètes 5 fur-tout dans les
Notes de M. de Tourreil } &£ dans
celles de M. Lucchefmi , noble Pa-
tricien de Ltrcques. M. Rollin a
trouvé beaucoup plus de fecours
pour l'Hiftoire d'Alexandre , qu'il
a tirée de Diodore de Sicile & de
Juftin , de Plutarque ,d'Arrien &
de Quinte-Curce : & fur le ftile
hiftorique de ces deux derniers ,
notre Auteur fait quelques obfer-
vations que l'on peut voir. Nous
nous étendrons ici par préférence
fur l'Hiftoire de Philippe , comme
beaucoup moins connue que celle
de fon fils , laquelle n'eft ignorée
de perfonne. Qui cft en effet l'hom-
me de guerre ou l'homme de Let-
tres , qui n'ait pas oui parler d'A-
lexandre J
Avant que d'entrer en matière ,
l'Auteur fait une brieve deferip-
tion de la Macédoine,petit Royau-
me héréditaire , fitué dans la Thra.
ES SÇAVANS,
ce , & qui , depuis fon Fondateur
Caranus fils d'Hercule , avoit eu
1 5 Rois, en comptant Amyntas II.
Celui-ci mourut, après 24 ans de
règne , Se laiffa de fa femme Eury-
dice trois fils légitimes ; Alexan-
dre , Perdiccas & Philippe , qui
régnèrent l'un après l'autre. Philip-
pe , après avoir demeuré à Thébes,
en qualité d'otage , pendant 9 o«
10 ans, parvint enfin au Thrône ,
a l'âge de 24. Ses premiers foins
turent de rétablir la difcipline mi-
litaire , fur - tout celle de la pha-
lange. Macédonienne, qu'il rendit
invincible, ( & dont l'Auteur nous
donne ici une defciiption détail-
lée; ) de négocier une paix captieu-
fe ayee les Athéniens -, de fe dé-
faire de tous fes concurrens à la
Couronne , & de repouffer les at-
taques des ennemis du dehors.
M. Rollin , après nous l'avoir
montré fous ce premier caractère ,
nous le fait voir fous uh autre ,
c'eft-à-dire fous celui d'un Prince
qui en qualité de politique &r de
Conquérant affeètoit l'Empire de
la Grèce , affoiblie alors dans fes
trois principaux Etats , Sparte y
Athènes , & Thébes. Philippe
s'empara donc une féconde fois
d'Amphipoliî , Ville frontière de
fon Royaume , laquelle , après l'a-
voir prife dès le commencement
de fon règne , il avoit déclarée li-
bre , pour endormir les Athéniens,
&c leur ôter tout fujet de jaloufie.
Mais, dans cette féconde occahon,
loin de remettre cette Place aux
Athéniens , fuivantfa promeffe, il
fe rendit maître encore de Pydne ,
J U I L L
Si de Potidée , puis de Crénides ,
qu'il nomma Philippes de fon
nom , & qui devint célèbre par la
défaite de Brutus & de Calîlus. Le
Roi de Macédoine fit ouvrir près
de cette Ville des Mines d'or 3 qui
chaque année,lui rapportoient plus
de trois millions , fomme alors
très - confiderable. Ce fut pour ce
Prince une grande reflource , tant
pour lever des troupes étrangères ,
que pour entretenir des Penfion-
naircs dans toutes les Républiques
de la Grèce ; ce qui lui donnoit
lieu de fe vanter qu'il avoitempor-
té plus de Places par les largefles
que par les armes; ajoutant, qu'il
n'enfonçait jamais une porte qu'il n'eût
tâché de l'ouvrir } & qu'il ne regar-
doit point comme imprenable une
ForrerefTe où pouvait monter un
Mulet chargé d'argent. Audi s'ap-
plaudifloit il moins du fuccès d'u-
ne bataille ( dit M. Rollin ) que de
celui d'une négociation , où il fça-
voit bien que fes Généraux ni les
Soldats n'avoient rien à prétendre.
11 avoit époufé Olympias fille de
Néoptoleme fils d'Alcétas , Roi
des Molofles ou d'Epire. De ce
mariage naquit Alexandre , la pre-
mière année de la \o6. Olympiade:
fe Philippe , alors abfcnt, reçut
cette agréable nouvelle avec deux
autres qui n'étoient guéres moins
intereflantes , fçavoir fon couron-
nement aux Jeux Olympiques 3 &c
la défaite des Illyriens par l'un de
fes Généraux. Un fi rare bonheur
lui paroilTant excefîif & lui faifant
craindre quelque revers , Grand
Jupiter ( s'écria- 1 - il ) pour tant de
ET, 1754. 377
biens envoye-moi au pliitot quelque
légère difgrace.
Vers ce même tems , Ja difeorde
fe ralluma vivement parmi les
Grecs au fujet des Phocéens , qui
avoient labouré les terres des Del-
phiens confacrées à Apollon" •, ce
qui ctoit une profanation des plus
criminelles. Les Phocéens refufant
de reconnoître & de reparer un tel
forfait , tous les Grecs armèrent
contr'eux , & leur rirent pendant
dix ans une guerre , qu'on appella
Sacrée , comme entreprife par un
motif de Religion. L'Auteur nous
en raconte ici fommairement les
principales circcnftances , fur lef-
quelks nous ne croyons pasdevoir
nous arrêter.
Philippe prit d'abord peu de part
à cette guerre , & garda la neutra-
lité. Mais fongeant de fon côté à
s'afïujcttir la Thrace , il fit le Siège
de Méthone , petite Ville qui l'in-
commodoit pour ce defTein , la prit
& la rafa. Il y perdit un œil par une
avanture lînguliere. After d'Am-
phipolis lui ayant offert fes fervices
en qualité d'excellent tireur en vo-
lant, & qui ne manquoit jamais
fon coup ; Eh bien je vous prendrai
( lui répondit le Prince ) lorfque je
ferai la guerre, aux étourneaux. After
picqué de cette raillerie , fe jette
dans la place . d'où il tira contre le
Roi une flèche , qui portoit pour
écriteau a l'œil droit de Philippe , &c
qui le lui ayant crevé en effet ,
prouva que l'Archer croit bon ti-
reur. Philippe lui renvoya la même
flèche , avec cette infeription : Phi-
lippe fera pendre A fier s'il prend U
378 JOURNAL DES SÇAVANS,
VMe ; & il lui tint parole. reveiller de ce dangereux artbupirte-
Après cette conquête , il mar- ment, Se les animer contre Philip-
eha en TheiTalie , dont les peuples pe , que Démofthéne prononça ces
a voient imploré ton fecours contre
les Tyrans. Philippe les en délivra,
malgré la protedion des Phocéens,
dont il défit les troupes -, êc par ce
bon fuccès , il s'acquit pour tou-
jours l'affection des Theffaliens ,
dont l'excellente Cavalerie eut de-
puis tant de part aux vidoires de
ce Prince & à celles de fon fils.De-
là Philippe fe mit en devoir de paf-
fer dans la Phocide , fous le fpé-
cieux prétexte de châtier les Pho-
céens facriléges ; mais en effet pour
commencer à mettre le pied dans la
Grèce , & à fe mêler dans les affai-
res générales des Grecs , d'où les
Macédoniens avoient toujours eu
l'exclufion , en qualité d'étrangers.
Dans cette vue , il marche vers les
Thermopyles , ce partage h impor-
tant pour pénétrer dans la Grèce
Se fur-tout dans l'Attique. Mais les
Athéniens y étant accourus , fe fai-
firent fort à propos du partage ; en
forte que Philippe defefperant de
pouvoir le forcer , fut contraint de
retourner en Macédoine.
Cette entreprife fur les Thermo-
pyles allarma fort les Athéniens.
Ils fe trouvoient alors très-déchus
de cette ancienne vertu , qui leur
avoit acquis tant de gloire fur terre
Se fur mer -, ils étoient amollis par
l'averfion des travaux militaires f
dont ils fe déchargeoient fur des
troupes auxiliaires , par les flatte-
ries de leurs Orateurs , Se par le
goût dominant pour les Jeux Se
pour les Spedacles. Ce fut pour les
Harangues li fameufes , connues
fous le nom de Philippines , Se qui
font encore aujourd'hui l'admira-
tion de ceux qui les lifent , mais
qui firent alors aflez peu d'impref-
fion furies Athéniens.
Philippe ayant manqué le parta-
ge des Thermopyles , tourna vers
la Thrace , fuivant fon projet de
s'étendre de ce côté-là , Se mit le
Siège devant Olynthe, Ville de ce
même Pays , Se qui étoit une Colo-
nie des Athéniens. Les Olyntkiens
eurent recours à ceux-ci , qui mi-
rent l'affaire en délibération , & la
firent difeuter par leurs Orateurs.
Mais malgré toute l'éloquence de
Démofthéne , Se tout l'art avec le-
quel il fçavoit dansfes Harangues
épouvanter Se raffurer alternative-
ment fon Auditeur, ks Athéniens
n'envoyèrent que de foibles fe-
cours , & Philippe enfin fe rendit
maître d'Olvnthe. M. Rollin n'ou-
blie pas d'inférer ici dans fa narra-
tion un précis exad de chacune
des Harangues de l'Orateur Grec
lefquelles concernent les érene-
mens dont il s'agit ; Se par-là il
intereffe d'autant plus les Lecteurs
Se reveille leur attention. Il faut
lire , entre autres endroits , le dou-
ble portrait de Philippe , rapporté
ici par l'Auteur , d'après feu M.
de Tourreil , Se tracé parla réunion
de tous les traits répandus dans la
féconde Olynthienm de Démofthé-
ne.
Philippe devenu maître d'Olyn-
J U I L L
the , fe déclara contre les Phocéens
en faveur des Thébains , qui fati-
gués d'une longue guerre , avoicnt
imploré fon fecours ; & ce tut ainiî
que ce Prince commença pour lors
à joiier un rôle conllderable dans
la Guerre Sacrée- Il fçut amufer les
Athéniens & leur donner le change
par une fauiTe paix & de fauflcs
promeffes , malgré toutes les re-
montrances de Démoflhéne. Phi-
lippe différa toujours la ratification
de fon traité de paix avec Athènes,
jufqu'à fon arrivée dans la Thelfa-
lie , & ce fut là qu'en le ratifiant ,
ilrerufa d'y comprendre les Pho-
céens, quoiqu'alliés des Athéniens.
A l'occafion de cette paix , l'Ora-
teur Ifocrate publia un beau dif-
cours , qui avoitpour but d'exhor-
ter Philippe à profiter d'une lï fa-
▼erablc conjoncture pour concilier
entr'eux tous les Grecs , & à porter
enfuitc la guerre contre le Roi de
Perfe. M. Rollin donne ici l'Ana-
lyfc de ce Difcours. Philippe ter-
mina cette affaire en fe faifilTant des
Thermopyles , & en reduifant les
Phocéens , qui fe livrèrent à fa
merci ; en forte que fans beaucoup
de peine , il eut tout l'honneur
d'une longue & fanglante guerre ,
qui avoitépuifé les forces des deux
partis j & qu'il fur même admis
dans le Confeil des Amphi&yons t
qui étoit comme l'affemblée des
Etats généraux de toute la Grèce.
De retour en Macédoine , Phi-
lippe porta fes armes contre l'Illy-
ric & contre la Thrace , pour éten-
dre fes frontières de ce côté-là , Se
pour tenir toujours par quelque
E T, 1734. 37P
nouvelle expédition fes troupes en
haleine. Avant la prife d'Olvnthe
il s'étoit rendu maître de 3Z Villes
dans la Chalcide , qui faifoit partie
de la Thrace. Il prit aufïï fous fa
prote&ion contre les Athéniens
Cardie , Ville de la Qucrfonnéfe ,
qui étoit un Pavs fort à la bienféan-
ce de ce Prince : & ce fut le fujet
d'une des Harangues de Démo-
fthéne. Philippe fit enfuite le pro-
jet d'une ligue avec les Thébains ,
les Mefféniens & les Argiens, pour
attaquer enfemble le Péloponné-
fe : mais Lacédémone juftement al-
larmée 5 ayant réclamé le fecours
des Athéniens , c\: Démofthéne ap-
puyant fortement cette négocia-
tion ; le Roi de Macédoine fufpen-
dit fon entreprife contre le Pélo-
ponnéfe , pour n'avoir pas à la fois
tant d'ennemis fur les bras.
En attendant une conjoncture
plus favorable , il fit de nouvelles
tentatives fur Mlle d'Eubée , très-
propre par fa fituation , à féconder
les deffeins de Philippe contre la
Grèce, Si qu'il appelloit les entraves
de ce Pays-là. Il s'y empara de plu-
fîeHrs Places, où il mit des Gouver-
neurs. Les Athéniens follicités par
les Eubéens leur envoyèrent quel-
qaes troupes fous la conduite du cé-
lèbre Phocion, dont l'Auteur peint
ici le caractère ; & ce Général chaf-
fa de l'Eubée tous ceux qui y tc-
noient le parti de Philippe.
Celui-ci dreffa une autre batte-
rie contre Athènes , & pour être en
état de l'affamer quand il voudrait,
il marcha vers la Thrace d'où elle
tiroit la meilleure partie de fes yi-
38o JOURNAL DE
vres , &il ouvrit la campagne par
le Siège de Périnthe , qu'il invertit
ivec une armée de 30 mille hom-
mes. Quelque tems après , pour
ôrer aux aflîégés les fecours qu'ils
tiroientde Byzance, il alla former
lui-même le Siège de cette Place
avec la moitié de fon armée , bif-
fant l'autre pour continuer celui
de Périnthe. Ce fut alors qu'il
écrivit aux Athéniens une grande
Lettre, qui valoitunbon manife-
fte , & où leur reprochant leurs in-
fractions aux Traitez s dont il pré-
tend avoir été religieux obferva-
teur , il fçait mettre en œuvre les
plaintes & les menaces les plus ca-
pables de faire agir fur les hommes
la honte ou la crainte. » Cette Let-
» tre ( dit M. Rollin ) paroît un
» chef-d'œuvre dans l'original. 11 y
» règne une vivacité majeftueufe
» &c perfuafive ; une force Se une
3» juftefle de raifonnement foûte-
y nues jufqu'au bout ; une expofi-
wtion de faits fimple , Se chacun
» fuivi de fa confequence naturelle ;
» une ironie délicate -, enfin ce ftile
» noble Se concis qui convient lî
» bien aux Têtes couronnées. «
Démofthéne n'oublia rien pour ef-
facer au plutôt les premières im-
preÛîons de cette Lettre fur l'efprit
des Athéniens -, Se il les détermina
puiffamment au fecours des deux
Places aliiégécs , où ils envoyèrent
Phocion , qui les remit l'une Se
l'autre en liberté , après avoir chaf-
fé Philippe de l'Hellefpont.
Ce Prince , après la levée de ces
deux Sièges, marcha contre Atheas
Roi des Scythes , qui l'avoit mé-
S SÇAVANS;
contenté. Il le battit , & fît fur lui
un riche butin , puis au retour de
cette expédition , il vainquit les
Triballes , qui vouloientlui difpu-
ter le partage , mais il fut blefté à
la cuiffe dans l'action , & fecouru
fort à propos par le jeune Alexan-'
dre fon hls, qui l'avoit accompagné
dans cette guerre.
Philippe , qui redoutoit fort la
puirtançe des Athéniens , dont il
avoit gratuitement encouru la hai-
ne par le Siège de Byzance, leur fît
parler d'accommodement Se de
paix : Se Phocion étoit d'avis qu'on
acceptât les offres de ce Prince.
Mais Démofthéne , qui le connoif-
foit beaucoup mieux Se qui s'en
déiîoit , empêcha les Athéniens de
prêter l'oreille à ces propofitions.
Le Macédonien vint à bout par fes
intrigues & par fesfouterrains * de
fe taire nommer dans le Confeil
des Amphictyons , Généraliflîmc
des Grecs , pour une nouvelle
Guerre Sacrée contre les Locriens
d'Ozoles ou d'Amphiffe : mais fei-
gnant de marcher contre ces Lo-
criens pour venqer l'injure faite au
Temple de Delphes , il fe rabattit
tout à coup fur Elatéc , la plus im-
portante Ville de la Phocide , & la
mieux placée pour tenir en ref-
pec~t les Thébains , lefquels com-
mencèrent à ouvrir les yeux , tan-
dis que l'allarme fe répandit dans,
Athènes.
Il y tut refolu , par le confeil de
Démofthéne , qu'on mettroit en
mer 200 voiles, qu'on raftemble-
roit un bon corps d'Infanterie Se
de Cavalerie } Se qu'on envoyeroit
des
J U I L L
des Ambaffadcurs aux autres
Grecs, fur-tout aux Thébains, pour
les folliciter contre Philippei&l'O-
rateur tut nommé Chef de l'Am-
baffade vers ces derniers. Le Roi de
Macédoine ne manqua pas d'y en-
voyer auflfi fes Députez. Mais l'élo-
quence vive & perfuafive de Dé-
mofthéne leur ferma la bouche -, &C
la Ligue fut conclue avec les Athé-
niens, malgré une nouvelle dépu-
tation de Philippe vers ceux-ci,
laquelle n'eut aucun effet. Ce Prin-
ce réunit donc toutes fes troupes
au nombre de 30 mille hommes de
pied Se de 2000 chevaux &c entra
dans la Béotie. L'armée ennemie
étoit peu inférieure en Soldats ,
mais elle l'étoit infiniment en Offi-
ciers -, le feul Phocion , qui auroit
pu faire tête à Philippe , ayant été
exclus du commandement par la
cabale. Les armées s'étant donc
rencontrées près de Chéronée ,
Ville de Béotie , ce fut là que fe
donna cette fameufe bataille , par
laquelle Philippe mit pour ainfi di-
re toute la Grèce fous le joug. Alc-
xandrcâgé pour lors de 16 à 17 ans,
y commandoit l'aîle gauche , affi-
lié des Généraux les plus braves 8c
les plus expérimentés , & fon père
commandoit l'aîle droite. Démo-
fthéne fi intrépide lorfqu'il s'agif-
foit de parler dans la Tribune aux
Harangues , & qui combattoit
alors dans l'armée Athénienne ,
prit la fuite avec les autres , & jet-
ta bas fes armes. On prétend mê-
me ( ajoute M. Rollin ) que pen-
dant qu'il fuyoit , fa robe s'étant
accrochée à un chardon , il crut que
Juillet.
ET, 1754- ?8i
c'étoit quelque ennemi qui l'arrê-
toit , &c cria : donnez.-moi la vie.
Le principal fruit que Philippe
tira de cette grande vicfoire , fut
d'exécuter enfin le projet qu'il
avoit conçu depuis long - tems de
fe taire nommer par l'affembiée des
Etats de la Grèce leur Général con-
tre les Perfes. En cette qualité, il
fe preparoit donc àl'invafion de ce
puiffant Royaume. Mais les trou-
bles inteflins qui agitèrent fa Mai-,
fon , lui rendoient la vie défagréa-
ble , malgré tant de profperitez La
mauvaife humeur d'Olympias la
lui fit répudier , pour en époufer
une autre. Alexandre mécontent
mena fa mère en Epire , & paffa
chez les Illy riens, d'où fon perc le
rappella peu de tems après , pat
l'entremife du Corinthien Démara-
te. Pour fe mettre en état de ne
plus penfer qu'à la conquête de
l'Afie , il fe hâta de finir toutes fes
affaires domeftiques, & il célébra
avec une magnificence incroyable
les noces de fa fille Cléopatre ,
qu'il donnoit en mariage au Roi
d'Epire , Alexandre frère d'Olym-
pias. Mais au milieu de toutes ces
tejoiiilfances , il fut tué à l'âge de
47 ans par Paufaniasjeune Seigneur
de fa Cour , auquel il avoit refufé
de rendre juftice.
M. Rollin , en vue de nous faire
connoître plus intimement Philip-
pe & de nous le peindre plus au
naturel , a recueilli , d'après M. de
Tourreil , la plupart des faits &c dits
mémorables de ce Prince ; & nous
en tranferirons ici quelques-uns.
Il difoit qu'il avoit l'obligation
Ddd
382 JOURNAL D
aux Orateurs d'Athènes de l'avoir
corrigé de fes défauts , à force de
les lui reprocher.
Il gageoit un homme pour lui
dire tons les jours , avant qu'il
donnât audience : Philippe ffoa-
viens-toi que tu es mortel.
A la fin d'une audience donnée
aux Ambalïadeurs d'Athènes, il
leur demanda s'il pouvoit leur ren-
dre quelque fervice : le plus grand
fervice que tu nous pitijfes rendre, ré-
pondit l'un des Députez, c'eft de
(aller pendre. A ces mots , fans s'é-
mouvoir , malgré l'indignation de
tout le monde :. dites k vos Maîtres,
( repli qua-r il ) que ceux qui ofent
dire de pareilles infolences , font plus
hautains & moins pacifiques , que
teux quiffavent les pardonner.
Toute fa Cour le follicitant de
punir l'ingratitude des Péloponné-
iîens , qui l'avoient publiquement
fifflé dans les Jeux Olympiques :
Que ne feront- ils point ( répondit-il)
R je leur fais du mal , puifq/t'tlsfe
mocquent de met , après en avoir reçu
tant de bien ?
Ses Courtifans lui confeillantde
chatTer quelqu'un quidifoitdumal
de lui : bon , bon [ dit-il J afin qu'il
en aille médire par-tout.
IL difoit qu'il était an pouvoir des
Rois de fe faire aimer ou haïr.
Prefïe d'aider de fon crédit , au-
près des Juges, un homme 3 que
leur fenrence alloit décrier infailli-
blement : J'aime mieux [ dit - il ]
■mi il foit décrié que moi.
Une femme l'ayant pris pour
Juge i, à la fin d'un long repas , elle
lui dit fes raifons , après quoi il la
ES SÇAVANS,
jugea & la condamna. Elle répond
de fang froid : J'en appelle. Com-
ment ( dit Philippe ) de votre Roi >
& k qui ? A Philippe k jeun , repli-
qua-t-elle. Il examine l'affaire de
nouveau , reconnoît l'injufticc de
fon jugement , & fc condamne à la
réparer.
Il aimoit les bons mots, & en.
difoit; ayant reçu uneblefTure près
du gofier , & fon Chirurgien l'im-
portunant tous les jours de quelque
nouvelle demande : Frens tout ce
que tu voudras ( dit - il ) car tu me
tiens k la gorge.
Le Médecin Ménécrate , extra-
vagant au point de fe croire Jupi-
ter , écrivit à Philippe en ces ter-
mes : Ménécrme-hipiter k Philippe
falut. Philippe lui répondit ; Phi-
lippe k Adénécrate , famé & bon fins.
Ce Prince, pour le guéiir , le pria
d'un grand repas, où il lui donna
une table à part , & ne lui fit fervir
pour tous mets que de l'encens 3c
des parfums.
Voici un mot bien flatteur pouï
lcMiniftrede Philippe. Comme on
reprochoit à ce Prince qu'il s'aban-
donnoit trop long-tems au fomeil t
Je dors ( dit-il ) mais Antipater veil-
le.
Parménion voyant un jour les
AmbaiTadeurs de toute la Grèce,
murmurer de ce que Philippe tar-
dait trop à fe lever cV à leur donner
audience : Ne vous étonnez. pas [leur
dit il ] s'il dort tandis que vous veill-
iez. , car tandis que vous dormiez. U
veilloit : leur reprochant ainfi avec
fineiïe qu'ils s'endormoient fur
leurs propres intérêts , pendant
JUILLE
que ce Prince étoit fort éveillé fur
les fiens.
Philippe plaifantoit fur la multi-
plicité des Généraux Athéniens ,
élus chaque année jufqu'au nombre
de dix , 8c qui rouloient entr'eux
pour le commandement de dix en
dix jours. Je n'ai pky en tonte ma vie,
( difoit - il ) parvenir qu'à trouver
unfeul Général ( c'étoit Parmenion)
maie les Athéniens ne manquent pas
d'en trouver à point nommé dix tous
les ans. Ceux qui voudront s'in-
ftruire plus à fond du caractère de
ce Prince , n'ont qu'à lire le por-
trait qu'en a tracé ici notre Auteur
d'après M. de Tburreil.
Quant à l'Hiftoire d'Alexandre
GEMNL£ ANTIQUE EX THESAURO-MED1CEO,
8c privatorum dactyliothecis Florentine exhibentes Tabulis C.
Imagines Virorum Illuitrium 8c Dcorum , &c.
C'eft-à-dire ; Cent Planches grav: es d'après les Pierres antiques qu'on garde
à Florence dans le Cabinet du Grand-Duc , & dans celui de quelques
particuliers , ou l'on voit reprefemées les Images des Hommes Illujtres &
des Dieux , avec les Objervations d'Antoine Gori j Profejfeur d'Hiftoirt.
A Florence, de l'Imprimerie de François A<fovcl?e. 1732. papier impé-
rial , pp. 100. pour les Planches, 158. pour les Observations, fans
compter la Table des matières.
T , » 7 3 4- 385
le Grand , qui remplit au moins
les trois-quarts de ce Volume -, elle
eft Ci connue de tout le monde ,
qu'il feroit aflez inutile d'en don-
ner ici l'extrait. Nous avertirons
feulement en général , que ceux
qui voudront s'en rafraîchir la mé-
moire, la reliront chez M. Rollin
avec d'autant plus de plaifîr 8c de
profit, qu'ils en trouveront les éve-
nemens raflemblés avec beaucoup
d'exactitude , rangés dans l'ordre
le plus convenable , & accompa-
gnés de folides reflexions , qui, eu
apprétiant au jufte PhéroiTme de ce
Conquérant , prémuniront les
Lecteurs contre une admiration
fans referve.
NOUS avons rendu compte
du premier Volume de ce
grand Ouvrage dans notre Journal
du mois de Juillet de l'année der-
nière , le fécond qui paroît aujour-
d'hui eft exécuté far le même plan
8c dans le même goût.
Il eft compolé comme le pre-
mier de cent planches gravées avec
beaucoup de vérité Se de correc-
tion , 8c divifé de même en quatre
clafles. C'eft toujours M. Bian-
chi Garde du Cabinet du Grand-
Duc qui préfide à cet Ouvrage , 8c
qui s'eft chargé du foin de difpofer
les Pierres , félon l'ordre qui lui a
paru le plus convenable. Il a ren-
fermé dans la première clalTe les
Pierres , foit en relief ou en creux ,
qui portent le nom de l'Ouvrier
qui les a faites , ou qui font remar-
quables par quelque Infcription
particulière : M. Gori les appelle
Gemma Litterata , qui eft le terme
Dddy
384 JOURNAL D
dont Plautc fe fcrt pour les défi-
gner. C'étoit la coutume des excel-
lens Artiftes tels que les Graveurs ,
les Peintres , les Statuaires & les
Architectes de mettre leur nom à
leurs Ouvrages , lorsqu'ils les ju-
geoient dignes de l'admiration des
ConnoifTeurs, & qu'ils fc flattoient
de les voir paffer à la pofterité.
Voici les noms des Graveurs qu'on
trouve lut les pierres de cette claiTe,
Agathapm , All'ion , Ampbotems ,
Afpajiits , Au us , Carpits , Cns.etis,
Epitynchanus , Hyllus , OnefiS ,
Tigrnon , Plotarcbus , Qtùntus-Ale-
xa , Scylax , Seleucns , Solon , Teu-
crits.
Quelques habiles qu'ils paroiflent
avoir été par les morceaux qu'on
en voit ici , cependant Pline ni les
anciens Auteurs ne font aucune
mention de ces Graveurs , Se M.
Gori n'a pu rien découvrir qui
nous falTe connoître ni le Pays ni
le tems où ils ont vécu.
Après les pierres qui font les
plus rares dans ce genre , fui vent
celles fur lefquelles , outre les
figures particulières dont elles font
ornées, on voit quelques Lettres ,
foit G.ccques , foit Latines, foit
même Phéniciennes , Etrufques ,
&c. Ces Lettres font l'abrégé ou
du nom de celui qui portoit la pier-
re dans un Anneau , ou de quelque
mot de bon augure , ou même de
certaines paroles fuperftitieufesqui
fervoient comme d'Amulete con-
tre les fafeinations. Parmi celles là
on en prefente plufieurs qui ont été
confacrées aux Dieux ou faites en
l'honneur de quelques Hommes
ES SÇAVANS,
lllultres, des Athlètes Vainqueurs,
& des Cochers qui avoient rem-
porté le prix dans les Jeux du Cir-
que , ou même envoyées à des amis
dans les Saturnales , le jour de leur
noce , ou de leur nai (Tance.
M. Gori avoiie de bonne foi
qu'il n'y a qu'un Oedipe qui puif-
fe deviner ce que les lettres Se
les caractères que la plupart de
ces pierres portent , fignifient , 8C
il ajoute que dans des chofes Ci ob-
feures , il n'eft pis feulement per-
mis de faire des conjectures ; cepen-
dant il ne peut fe refufer au plaiiïr
de s'y livrer quelquefois ; Se ce
plaifir femble lui faire oublier alTcz
fouvent ces premières refolutions.
On rejette de cette clalTe les
pierres nommées communément
Abraxas , qu'on prétend avoir été
inventées par les Bafilidiens & au-
tres Hérétiques fembiables. Quoi-
qu'il y en ait beaucoup dans le Ca-
binet de Médicis , on n'en fait ici
aucune mention i parce que cette
matière a été épuifée par Jean Ma-
carius , & par le P. Chiflet , fans
parler des pierres de même nature
qu'on a données au public d'après
le Recueil d'Antoine Cappello ,
noble Vénitien.
Le morceau le plus précieux de
cette clalîe , foit par la rareté , foit
par la beauté du travail , ou par les
connoiffances qu'on en peut tirer ,
elt , félon M. Gori, un anneau d'or
dans lequel font enchalîés trois gre-
nats dont celui du milieu repreien-
te une femme , & les deux autres
deux têtes de cheval ; fur chaque
côté de l'anneau, à droite on lit le
J U I L L
mot amor , & fur le gauche , celui
d'Ofpis , avec cette lnfcription au
milieu, Pomphimca. Les lettresqui
la forment font percées à jour, Se
évidées avec tant d'art qu'on ne
peut s'empêcher d'en être ravi
d'admiration.
M. Gori prétend que fans être
Oedipe , il eft. aifé d'expliquer le
fujet de cet Anneau. Il le regarde
comme un pvefent fait à quelque
Cocher qui avoit été Vainqueur
dans les Jeux du Cirque , & telle
eft fon explication. Le cheval qui
eft à la droite porte le nom à'amor}
amour , parce qu'il étoit agile ou
qu'il étoit beau ; l'autre s'appelle
Ofpis ; comme ce mot fouffre quel-
que difficulté , il conjecture qu'on
doit lire Hnfpes t la lettre H afpi-
rée comme les anciens le prati-
quoient , aura été omife éV IV aura
été changé en i , ainli comme dans
l'Antiquité on ne donnoit point
de nom fans quelque raifon parti-
culière , on aura vraifemblable-
ment donné le nom d' Hofpes ,
Hôte à un de ces chevaux , à caufe
qu'il étoit très cher à fon maître ,
& qu'il faifoit autant d'honneurs à
ce cheval qu'on en faifoit pour lors
aux Hôtes.
A L'égard de l'Infcription Pom-
phimca , c'eft un compofé de Pom-
pei au vocatif, Se du mot grec
ïixa , vince -, on aura mis , continue-
t-il , un h au lieu d'un e , ce qui
étoit alTez ordinaire parmi les an-
ciens , pour le mot de nient , on
fçait que c'étoit l'acclamation
commune de ceux qui s'interef-
foient en faveur des Cochers du
Cirque.
E T , 173 4. 387
La tête de femme qu'on voit gra-
vée fur la principale pierre de cet
Anneau , ne l'embarraiTe pas non
plus. Il croit probable qu'elle rc-
prefente là remme même du vain-
queur , c'eft-à dire de Pomphins^ou.
de Pompeius , félon fa manière de
lire.
Ou bien cette figure reprefente
peut - être quelque femme de la
famille d'Augufte qui auroit don-
né les Jeux du Cirque au peu-
ple , car on apprend par les ancien-
nes Infcriptions que non feulement
les femmes de ce rang , mais encore
celles des (impies particuliers don-
noient ces fortes de Spectacles.
Mais quoique M. Gori foit encore
l'Auteur de cette explication , il l'a-
bandonne en faveur de la première.
Cependant , continue - 1 - il , lî
quelqu'un vouloit que cet Anneau
eût été donné à quelque fille com-
me le prix d'une gageure qu'elle
auroit gagnée contre fon amant en
pariant contre lui que ce Pompée
fortiroit vainqueur : je ne m'oppo-
ferai pas , dit il , à ce fentiment. Il
montre même que du tems d'Ho-
mère ces fortes de gageures étoient
fort ordinaires , & en général il ap-
puyé fes conjectures de toute l'eru
dition que les Sçavans emploient
ordinairement en pareilles occa-
ilons.
La féconde clarté comprend en
28 planches les pierres gravées
qu'on appelle Homériques , parce
qu'elles fervent à éclaircir pluheurs
endroits d'Homère , & que réci-
proquement ce Poème lcit aulli à
e\pl:quer quelques - unes de ces
}S6 JOURNAL D
pierres. L'Editeur avoue que fi on
n'avoit pas été aftraint à prendre
la commodité du Peintre , on au-
roit pu les ranger, de manière qu'el-
les eufient fuivi l'ordre des évene-
mens de la guerre de Troye , aux-
quelles elles ont rapport. On a
joint à ces pierres celles qui repre-
fentent les Images des Dieux & des
DéefTes dont lePoe'teGrec a embelli
fon Poème, & qui félon toute ap-
parence ont été gravées d'après fes
fixions , Se on affure qu'on ne
trouvera nulle part une Collec-
tion fi complette en ce genre. M.
Gori juftifie à fon ordinaire les ex-
plications qu'il donne de ces pier-
res par differens endroits des an-
ciens & fur-tout d'Homère , on les
trouvera prefque toujours fort in-
génieufes , c'eft communément la
feule louange qu'on puiffe donner
à de pareilles recherches. Le grand
nombre de cespierres eft fufcepti-
ble de différentes explications tou-
tes foûtcnables , & dont aucune
cependant ne contentera absolu-
ment que celui - là feul qui l'aura
inventée.
On a placé dans la troifiéme
claffe les pierres qui ont rapport à
l'Hiftoire Romaine ; elles peuvent
fervir à faire connoître certains
traits qui concernent l'origine de la
Ville de Rome , quelques actions
des grands Hommes qu'elle a por-
tés, les habillemcns de fes Soldats,
fes Sacrifices, fes Jeux du Cirque,
d'Athlètes , de Théâtre , &c
Enfin la quatrième claffe eft af-
fignée aux pierres fur lefquelles on
trouve des conftellations , & à ces
ES SÇ A VAN S,
autres pierres qu'on nomme fimbo-
liques. Pour mettre quelque ordre
dans une matière affezeonrufe par
elle-même , car celui qui a fait la
difpofitiondes planches n'a pas eu
cette attention , M. Gori réduit
toutes ces pierres à certains chefs
particuliers. Elles reprefentent i°.
des animaux confacrés aux Dieux ,
2°. des monftres fabuleux , 30. les
animaux qui imitent le caractère t
les inventions & les inclinations
de l'homme , 4'. ceux qu'on avoit
apprivoifés pour l'utilité ou pour
le plaifir , 50. ceux qui fervoient
aux aufpices, 6°. ceux qu'on offroit
enfacrifice, 70. les animaux que
la fuperftition avoit enfantes , 8°.
les vafes, les autels , les plantes , les
herbes , & les chofes qui étoient
dédiées aux Divinitez , j9. les in-
ftrumens propres aux Prêtres , aux
Miniftres Sacrés , aux Magiftrats ,
avec les armes &~ les enfeignes mi-
litaires , i&°. les pierres qu'il ap^
pelle /ymplegmata , qui font pour
la plupart un compofé bizarre &
monltrucux de la plupart des figu-
res dont on vient de parler.
Cette claffe , comme on le voit,
offre un beau champ à l'imagina-
tion , mais l'Editeur eft trop fage
pour s'y donner l'effor , & content
d'indiquer feulement celles d'en-
tre ces pierres iîmbohqucs qui lui
ont paru les plus curieulcs, ou mê-
me fur lefquelles il s'eft flatté d'a-
voir à dire quelque chofe de vrai-
femblable , il cherche ordinaire-
ment moins à les expliquer qu'à
mettre fes Lecteurs en état & dans
le goût de donner eux mêmes les
explications convenables.
JUILLET," 1734.
387
VETERUM SCRIPTORUM ET MONUMENTORUM
Hiftoricorum , Dogmaticorum , Moraliiim ampliflima
Collectio. Tomus IX.
C'eft-à dire : Très - ample Colleclion d'anciens Ecrivains y & de Pièces an-
ciennes par rapport à l'Hifloire , an Dogme } & à la Morale. Tome neuf.
Par Dom Edme Martene & Dom Vrfin Durand , Prêtres & Reli-
gieux Benedillins y de la Congrégation de S.Maur. A Paris , chez Monta-
lant y fur le Quai des Auguftins, proche le Pont Saint Michel. J733.
in-fol. pp. 735.
CE dernier Volume de la gran-
de Collection des Pères Mar-
tene & Durand comprend diife-
rens Opufcules des Saints Pères &
d'autres Auteurs Eccleliaftiques ,
dont nous avons indiqué une par-
tic dans le .Journal p écedent, nous
allons continuer dans cet article
l'indication de ceuv de ces Opuf-
cules dont nous n'avions point en-
core parlé.
Le Livre de Pafcafe Ratbert Ab-
bé de Corbie , du Corps & du $ang
du S;ign?ur , cft un des plus pré-
tieux monumens du neuvième fic-
elé. L'Auceur y établit fi folide-
ment la prefence réelle de J. C.
dansl'Euchariftie , & il s'y expli-
que avec tant de précifion fur ce
Miftere , que Poflevin l'appelle un
Ecrivain prophétique qui a combat-
tu l'Héréfic de Berenger près de
deux cens ans avant la nai(Tance de
cet Héréfiarque. Mais les Editions
qui avoient parues jufqu'à prtfent
de cet excellent Ouvrage avoient
été très imparfaites ; le Luthérien
Hiobe - Gaft qui en donna la pre-
mière Edition en 1528. en avoit
retranché des Chapitres entiers , Se
iL avoit changé dans d'autres Cha-
pitres non feulement des expref-
îîons 3 mais encore des phrafes en-
tières , pour faire croire que Rat-
bert avoit favorifé le fentiment de
Luther. Guillaume Rat Docteur en
Théologie & Chanoine de Rouen ,
faifant imprimer en 1540. le Dialo-
gue de Lanfranc contre Berenger,
y joignit le Livre de Pafcafe - Rat-
bert , mais il le donna fur l'Edi-
tion de Gaft , n'étant point inftruie
de la fraude du premier Editeur.
Mais Nicolas Mameran ayant dé-
couvert la mauvaife foi de Gaft
donna une nouvelle Edition en
1 5 50. du même Ouvrage fur deux
Manufcrits qu'il trouva à Cologne.
Il en parut une autre Edition en
fjtfi. à fçavoir fur des Manufcrits
d'Angleterre , & le Père Sirmond
joignit en 161 8. ce Traité aux au-
tres Ouvrages de Ratbert. Mais ces
différentes Editions & celles qui
en ont été faites dans la Bibliothè-
que des Percs , font encore bien
défeâueufes ; le Perc Sabbatier
avoit revu cet Ouvrage fur vingt
Manufcrits anciens entre lefquels il
y en a qui font du tems même do
Ratbert , il a communiqué- fon
travail au Père Martene, qui a en
388 JOURNAL D
foin de mettre au bas des pages de
fon Edition , les différentes leçons
de ces Manufcrits & des imprimez;
ainfi cette Edition l'emportera de
beaucoup fur les précédentes pour
l'exactitude. Ratbert qui avoit
corn pofé ce Livre pendant la prifon
de l'Abbé Vala , fuivant le Père
Martene , le revit étant Abbé de
l'ancienne Corbie , 6c le dédia au
Roi Charles le Chauve.
Un autre Livre de Ratbert fur la
Foi , l'Efperance , & la Charité , a
été donné au public par le P. Pez ,
mais fur une copie peu exacte que
lui avoit fournie M. Eccard. On le
donne ici fur une copie collation-
née exactement avec un Manufcrit
de l'Abbaye de la nouvelle Corbie
en Saxe. Ces deux Livres avoient
été compofés par Ratbert à la priè-
re de Warin Abbé de la nouvelle
Corbie.
L'Ouvrage de Florus Diacre de
PEglife de Lyon, de Exportions
Mijfa , n'aveit été infère qu'en
abrégé dans la Bibliothèque des
Pères. Nos Editeurs le donnent
tout entier fur la copie que le Père
Mabillon a fait faired'un Manufcrit
du dixième fiécle qui a appartenu à
la Reine Chriftine de Suéde. L'O-
pufcule de Florus contre les er-
reurs d'Amalarius avoit été auiïî
copié par les foins du Pcre Mabil-
lon fur deux Manufcrits du neuviè-
me fiécle.
Les trois Livres fur Jofué de
Raban-Maur , l'un des plus célè-
bres Ecrivains Ecclefiaiîiques de
fon tems n'avoient point encore été
imprimés. Dom Lannois Religieux
ES SÇAVANS,
de Citeaux & le Père Chiflet Jefui-
te en avoient envoyé des copies au
Père Dachery. Cette explication du
Livre de Jofué eft: prefque toute al-
légorique.
Dom Duc d'Achery avoit donné
dans fon Spicilégc pluficurs Opuf-
cules de Ratherius , qui ayant été
Evêque de Véronne & de Liège,
fut obligé de quitter ces deux Siè-
ges , parce qu'il déclamoit , à ce
que dit un Auteur ancien , avec
beaucoup de vivacité contre les
vices de fon tems, ce qui lui at-
tira l'inimitié des Grands. Mais le
Père Dachery ayant reçu trop tard
une copie des fix Livres de Rathe-
rius intitulé Praloçniorum ne put
l'ajouter aux autres Ouvrages de
Ratherius , qu'il avoit fait impri-
mer. C eft de cette copie dont nos
Editeurs fe font fervi pour donner
cet Ouvrage au public. Ce font des
Méditations, comme le dit lui-
même Ratherius , dans lefquelles
l'Auteur explique les devoirs des
perfonnes de tous les états Se de
toutes les conditions, il y infifte
particulièrement fur le refpect dû
aux Evoques , &: il donne quelques
préceptes fur la manière dont on
doit foufTrirl'adverfité. Il y fait en
quelques endroits fon Apologie.
Les cinq Livres de Dialogues
fur la vie vrayement Apoftolique ,
qui fuivent l'Ouvrage de Rathe-
rius , tirés d'un Manufcrit d'envi-
ron fix cens ans , font d'un Auteur
inconnu. Nos Auteurs foupçon-
nent néanmoins qu'ils font d'un
Abbé Bénédictin proche de Colo-
gne nommé Rupert. Ces Dialogues
ont
JUILLE
ont été compofés à l'occafion des
difputes entre les Moines & les
Chanoines Réguliers. L'Auteur y
foûtient que ce font les Moines
qui mènent une vie véritablement
Apoftolique , Se qu'ils ont rendu
de grands fervices à l'Eglife.
Le Livre des ditferens ordres qui
font dans l'Eglife regarde la même
matière que le Traité précèdent,
l'Auteur y parle des Reclus , des
Hermites, des Moines, des Cha-
noines Réguliers , Se des différen-
tes efpeces de Religieufes. Il fe
propofe d'y prouver que ces diffe-
rens états dont il explique les rè-
gles & les exercices plaifent tous au
Seigneur. Quoiqu'il ne décide
point expreffement lequel de ces
états lui paroît mériter la préféren-
ce , il y foûtient que l'ordre des
Chanoines Réguliers dans lequel il
a fait profeifion , a été établi avant
celui des Moines , Se que les Cha-
noines Réguliers ont été appel-
lés les premiers pour travailler à
l'établiiTement de la Religion
Chrétienne & à la propagation de
l'Evangile.
L'Harmonie ©u le Traité du Li-
bre Arbitre Se de la Grâce , tiré
d'un Manufcritde la Bibliothèque
du Collège de Navarre , eft de Vi-
vien un des premiers Religieux de
Prémontré, comme le fait croire ce
que l'Auteur dit de lui même : Pau-
pernm Prxmonftrata Ecclefa Mini-
mus. Vivien fait profeifion de fui-
vre dans ce Traité les fentimens de
S. Bernard , dont le Traité fur la
Grâce & le Libre-Arbitre avoit pa-
ru quelque tems auparavant. Le
Juillet.
T , 173 4. 5Sp
Perc Pagi Se Cafimir Oudin qui
ont fait tant de recherches fur les
Auteurs de l'Ordre de Prémontré
n'ont pas parlé de Vivien.
Après ce Traité viennent des
vers ou Rithmes d'Abailard fur la
Sainte Trinité , Se des Proverbes
ou Maximes de Wipon adreffées à
Henri fils de l'Empereur Conrad.
La courte expofition du Simbolc
&del'Oraifon Dominicale qui fuit
ces Rithmes, e(t de Joflain Evo-
que de SoilTons qui étoit avec l'Ab-
bé Suger , un. des principaux Mi-
nières de Louis VII. que le Pape
Eugène III. employa avec S. Ber-
nard pour l'extinction du Schifme,
Se qui fonda plufieurs Monaftcres
dans fon Diocéfe.
Pi I e le Vénérable , Abbé de
Clugny , ayant fait traduire l'Alco-
ran en Latin , avoit voulu engager
S. Bernard à écrire contre les Ma-
homérans , mais le faint Abbé de
Clairveaux n'ayant point jugé à pro-
pos d'écrire fur une matière qui
meritoit fi bien d'exercer fon zélé
Se fa plume , Pierre le Vénérable
qui avoit déjà écrit contre les Juifs
Se contre les Hérétiques de fon
tems , compofa quatre Livres con-
tre la SeSle détejiable des Surajîns.
De ces quatre Livres nos Auteurs
n'ont pu en recouvrer que deux.
Differens Ouvrages Théologi-
que de Hugues Archevêque de
Rouen qui fleuriiTok dans le dou-
zième fiécle , ont été déjà publiés ,
nos Auteurs oat même inféré ces
fept Livres des Dialogues ou des
Queftions Théologiques dans le
cinquième Volume des Anecdotes.
Eec
jpo JOURNAL DE
On nous donne dans ce Volume
un éloge de la mémoire en trois
Livres compofé par le même Au-
teur , & une explication du Sim-
bole & de l'Oraifon Dominicale.
Le Livre d'Hildebrand de la
Contemplation ne paraît être qu'u-
ne Homélie fur l'Evangile de la
Fête de l'Epiphanie.
On voit par le Traité fuivanc
dont l'Auteur n'eft point connu ,
contre Alberon Prêtre de Mecke ,
dans le Diocéfc de Cologne , que
ce Prêtre foûtenoit les erreurs
d'Arnaud de Breffe , & en particu-
lier celle qu'un mauvais Prêtre ne
confacroit point. Alberon préten-
doit foûtenir fes erreurs par des
révélations , il offroit auflî de paf-
fer dans un bûcher allumé. Com-
me s'il falloit abandonner la foi ,
dit l'Auteur , parce que le feu per-
drait fa force par l'effet de quel-
que maléfice.
On a publié jufqu'à prefent peu
d'Ouvrages de Nicolas Orefme
Précepteur du Roi Charles V. de-
puis Evcque de Lifieu , l'un des
plusfçavansde fon fiécle , & qui a
le plus contribué à faire fleurir les
Sciences dans le Collège de Navar-
te. On conferve cependant plusieurs
Ouvrages de cet Auteur en Ma-
nuferit dans ce Collegc.De ce nom-
bre eft le Livre de ï 'Antechrifl , de [es
Minières , & des fignes prochains &
éloignés de fon événement tiré de diffè-
rens pajfages de l'Ecriture. On pou-
voit ajouter au titre , & de ce que
plufieurs Pères de l'Eglife ont dit de
î'Ante-Chrift Les Editeurs remar-
quent que dans le Manufciit de
S SÇAVANS,
Saint Vi&or , on lit Liber Bonaven-
tur* fecundum alignas , Jecnndur»
allas Magijîri Nicolai Orefme.
Sur la fin du Volume on trouve
quelques Pièces concernant l'Hi-
ftoire de l'Eglife & celle de France,
à ajouter au Tome premier de cette
grande Collection. La dernière de
ces Pièces eft un Traité pour une
trêve de cent ans entre les Rois de
France & d'Angleterre du 1 8 Juin
1462. fi on donne un Supplément
au corps diplomatique, ou Recueil
desTraitez de paix de M. du Mont,
cette Pièce pourra faire partie du
Supplément.
Avant la Table des matières, nos
Auteurs ont mis un Gloffaire pat
ordre alphabétique des termes bar-
bares qu'ils ont trouvés dans les
différentes pièces, qu'ils ont fait en-
trer dans cette Collection.
Nous ne fçaurions nous empê-
cher , en finiflant cet article , de
témoigner au Père Martene & au
Compagnon de fes travaux com-
bien le public leur a d'obligation
d'avoir tiré des différentes Biblio-
thèques de l'Europe tant d'Ouvra-
ge qui n'y étoient confervés qu'en
Minufcrit , la plupart uniques , &
d'avoir procuré de nouvelles Edi-
tions exactes de plufieurs Ouvra-
ges qui avoient été imprimés d'une
manière très peu exacte. Le P. Mar-
tene déclare avec beaucoup de mo-
deftie que (i fes travaux font utiles
au public , il en eft redevable au
Père de l'Hotalcrie Supérieur Gé-
néral de la Congrégation de Saint
Maur , dont il donne un éloge hi-
ftorique dans la Préface de ce Vo-
lume.
JUILLET. i7j*.
3Pi
OBSERVATIONS IMPORTANTES SUR LE MANUEL DES
Accouchemens , oit l'on trouve tout ce qui efi necejfaire pour les opérations
qui les concernent , & l'on fait voir de quelle manière , dans les cas d'une
necejfitè prejfante , on peut , fans avoir recours aux Inflrumens , remettre
dans une fituation convenable , ou tirer par les pieds , dune matrice obli-
que j ou diretle , les enfans malfttuis , vivans , ou morts ,/ans les endom-
mager ni la mère. Traduites du Latin de Henri de Deventer , DoElteur en
Médecine , & augmentée de reflexions fur les points les plus inierejfans ,
par Jacques-Jean "Brubier d'Ablaincour , Dobleur en la même Faculté. A
Paris, chez Guillaume Cavelier , rue S. Jacques , au Lys d'or. 1733.
vol. /»-4°. pages 431.
ON ne manque point d'Ou-
vrages fur l'art des Accouche-
mens : Paré , Guillcmeau, Liébaut,
Bienaflîs , Portai , Peu, Mauriceau,
Viardel , Amand , Dionis , La-
motte , ont en cette matière fuccef-
fivement enchéri les uns fur les au-
tres , & on ne peut nier que la Chi-
rurgie des Accouchemens ne leur
ait de grandes obligations. Mais le
Traducteur des Obfervations dont
il s'agit , remarque qu'après avoir
étudié les Traitez qu'ils ont donnés
au public , on fent un vuide dont
i'efprit ne peut s'accommoder , &
qui laifle voir qu'il s'en faut de
beaucoup qu'ils ayent atteint la
perfection. M. de Deventer , par fes
Obfervations , fupplée , félon le
Traducteur , à tout ce qui manque
aux Ouvrages des autres touchant
les préceptes d'un art fi important.
Ce fçavant Médecin , animé par
l'exemple de plufieurs de fes Con-
frères , n'a pas cru deshonorer la
Médecine en s'appliquant à donner
lui-même des fecours qu'une fierté
mal entendue femblc avoir aban-
donné aux feuls Chirurgiens. Il y a
fi bien réufiî , que la Hollande fa
patrie n'oubliera jamais , dit le Tra-
ducteur, les obligations qu'elle a
dans cette partie de la Chirurgie ,
à un Médecin fi expert Se fi éclairé.
Mais M. de Deventer ne s'eft pas
contenté de fervir fa patrie , en y
fecourant avec un zélé fans exem-
ple , toutes les perfonnes qui
avoient befoin de fon miniftere.
Inftruit que les diflîcultez qui
l'avoient arrêté dans les commen-
cemens de fa pratique , étoient
tous les jours funeftes à quantité
de femmes & d'enfans , tant dans
la Hollande que dans les Pays
étrangers , il fe fit un devoir de
rendre publiques fes découvertes -,
cequ'ilexécutaen 1701. SonTraité
intitulé : Operationes Chirurgie* }no-
vum lumen exhibentes objletricanti-
bus , fut imprimé cette année-là à
Leyde , chez André Dyckhuyfen ,
& il l'avoit été peu de mois aupa-
ravant en Hollandois.
Cette Edition fut fuivie d'une
autre cinq ans après , dans la même
Ville , chez Jean & Herman-Ver-
beck. Il eft étonnant , comme le
E eeij
3p2 JOURNAL DE
témoigne M.d'Ablaincourt, qu'un
Livre dévoré , pour ainfi dire , par
les Sçavans du Pays , traduit en Al-
lemand & en Anglois „ répandu
dans tous les Etats limitrophes, ait
eu tant de peine à être connu en
France , puifque pédant près de
douze ans M. "Winflow fut le feul
qui eût cet Ouvrage à Paris, &c que
le même Ouvrage n'y eft devenu
un peu moins rare que depuis que
M. Hequet ancien Doyen de la Fa-
culté de Médecine de Paris , le ht
venir il y a quelques années de
Hollande pour lui & pour plu-
sieurs de fes amis.
M. d'Ablaincourt qui en donne
la tradu&ion , avertit que c'eft
pour les perfonnes qui ne font
point Lettrées t qu'il a principale-
ment travaillé , parce qu'en effet le
plus grand nombre de celles a l'u-
fage de qui eft ce Traité, font dans
le cas. Mais ce qui l'a le plus encou-
ragé dans ce travail, eft la refle-
xion qu'il a faite que l'Ouvrage de
M. de Deventer étant traduit en
François peut fauver la vie à un
nombre infini de femmes & d'en-
fans. Car il eft perfuadé que fans les
nouvelles lumières qui fe trouvent
danscetOuvrage, l'imperfection de
l'art d'accoucher , & les faufles dé-
marches de ceux qui l'exercent ne
peuvent produire dans les cas diffi-
ciles que des effets funeftes. Il dé-
clare cependant qu'il ne prétend
pas taxer d'ignorance tous ceux qui
exercent cette profeflîon , mais il
croit que les plus habiles même
d'entr'eux , ne le font point affez
pour ne pouvoir le devenir encore
S SÇAVANS,
davantage par la ledurc de ce
Livre.
On pourra demander àM. d'A-
blaincourt quel eft donc l'avantage
du Traité de M. de Deventer fur
ceux qu'ont laiifés d'habiles Ac-
coucheurs François , tels que Mcf-
fieurs Peu , Portai & les autres que
nous venons de nommer. 11 pré-
vient la demande , en expofant le
fort & le foible des Ouvrages de
ces Auteurs : il remarque ig. Que
les Hiftoires qu'on trouve dans le
Livre de M. Peu, font à h vérité
bien détaillées , que le ftyle en eft
clair cC aflez exaét , mais que ce qui
fait lamitiere de ces Fliftoires rou-
le fur un trop petit nombre de cas,
Que le dehr d'étaler de l'érudition
fait fouvent écarter cet Auteur &
l'engage à traiter des fujets plus
curieux qu'utiles ; Que les fitua-
tions qu'il donne aux enfans dans
fes figures , font de pures imagina-
tions i Qu'il fait prefque fon uni-
que objet , des circonvolutions du
cordon ombilical ; Qu'il fe déter-
mine d'ailleurs fans beaucoup d'e-
xamen , à caffer bras & jambes
aux enfans , quand il croit fe pro-
curer par-là plus de facilité pour
l'opération de l'Accouchement ;
Qu'une mâchoire lixée l'embarraf-
fe aulfi fort peu, pour la même rai-
fon i au lieu que M. de Deventer
eft très- circonfpect dans tous ces
cas , nonobftant la maxime de M.
Peu , ijtid eft a'tfè de réparer le mal
dans les enfans nouveaux nés; Qu'au
refte M. Peu par une prudence fort
louable,veut qu'on appelle un Mé-
decin dans les Accouchemens dirfi-
J U I L L
ciles, fi toutefois ce n'eft pas plutôt
pour partager avec le Médecin le
défagrément des mauvais fuccès.
M. d'Ablaincourt remarque en
fécond lieu que les Traitez qu'ont
donnés Meffieurs Portai &Amand,
Jt on les regarde comme des Traitez
Dogmatiques, font tris - dèfeclueux ;
Qu'ils fuppofent une partie des prin-
cipes , Se que les autres principes qui
font répandus dans les différentes ob-
fervations des mêmes Traitez, font
beaucoup moins d'imprtffion que s'ils
compofoicnt un Traité Dogmatique.
Qu'au furplusy/o» regarde en parti-
culier les obfervations dont il s'agit ,
ce font des Colletlions qui ont leur
mérite non feulement pour les perfon-
nes de la profeffion , mais pour les
Médecins mêmes qui y trouvent ^àitiï,
/mondes remèdes fmgulicrs 5 du moins
l'effet de ceux qu'ils ont vu. employer.
Ces remèdes } au refte , pourfuit le
Traducteur , ont un grand avantage,
qui efl lajîmplieité. On trouve d'ail-
leurs dans les Traitez de M. Portai ,
Se de M. Amand , de curieufes obfer-
vations & des hifloires fîngulieres qui
doivent apprendre combien on doit
être refervé en certains cas , à porter
fon jugement fur ce qui concerne
l'honneur des perfonnes dufexe.
Une troifiéme remarque du Tra-
ducteur regarde Meilleurs Mauri-
ceau , Dionis & Lamotte. Il pré-
tend que ces trois Auteurs paroî-
tront à beaucoup de perfonnes
avoir embraifé plus qu'ils ne dé-
voient : les Traitez , dit - il , qu'ils
ont donnés ne font pas de fimples
Traitez de l'opération des Accou-
cbemens , ils y ont parlé outre ce-
E T, 1734. 393
la de toutes les maladies qui peu-
vent attaquer les femmes gro fies &
les enfàns nouveaux nés , ou du
moins des plus fréquentes & des
plus confiderables; Mauriceau mê-
me & Dionis n'en font pas demeu-
rés là, ils le font jettes dans la Phy-
siologie •, à cela près on peut dire
que les Traitez de ces trois Auteurs
font les meilleurs qui ayent paru
de leur tems fur l'opération de
l'Accouchement. Un défaut qu'on
peut reprocher à Mauriceau , c'eft,
félon la reflexion de M. d'Ablain-
court 5 de n'avoir donné d'autre or-
dre à fes Obfervations, que l'ordre
Chronologique ; des obfervations
ainfi rangées ne pouvant être d'un
grand fecours. On peut même dire
en général , avec notre Traducteur,
que ces fortes d'Obfervations ne
font pas d'un ufage bien utile dans
les Arts fondés fur des princi-
pes certains , puifqu'un Lecteur
qui aura bien conçu les principes
peut fe pafïer d'elles. Pour ren-
dre la chofe fenfible , M. d'Ablain-
court fait le raifonnement que voi-
ci : » De ce qu'un Auteur dira qu'en
«multipliant le côté d'un quarré
» par l'autre , il lui eft arrivé plu-
n fleurs fois d'en trouver au jufte la
» furface , le Lecteur n'apperçoit
n pas pour cela dans le principe fur
» lequel eft fondée la méthode
» de trouver l'aire d'un quarré ,
» plus de certitude ni plus de clar-
»té. De même quand on a établi
» le principe fuivant : fçavoir, que
» quelque partie que prefente l'en-
» fant dans un utérus droit, excep-
» té la tête , le plus fur eft de le ti-
5P4 JOURNAL DES SÇAVANS,
» rcr par les pieds , ou cet autre corps ; z°. aux deux dernières, qui,
» principe : que quand l'utérus eft
»» oblique , il n'y a pas d'accouché -
» ment plus difficile , que celui où
» l'enfant prefente la tête, & qu'au
■ contraire il n'y en a point qui
m réuffiffe alors plus heureufement
» que celui où l'enfant prefente les
» pieds , on amaffera des Obferva-
»» lions à l'infini , que le principe
» n'en fera ni plus clair ni plus cer-
s> tain.
M. Lamotte paroît avoir fenti le
premier défaut , ayant rangé cha-
que obfervation au bas du Chapi-
tre auquel elle a rapport , il y a de
plus ajouté des reflexions fort uti-
les ; mais M. d'Ablaincourt lui re-
proche comme à M. Dionis , de
n'avoir aidé le Lecteur par aucune
figure. Les figures foulagent beau-
coup l'imagination quand elles
font travaillées avec foin. Celles
que Mauriceau a employées ont un
défaut effentiel qui eft de ne la pas
fixer fuffifamment : on n'y voit
que le rapport de l'enfant aux diffé-
rentes parties de l'utérus ; au lieu ,
dit le Traducteur, que dans celles
de Deventer , on voit le rapport
que l'enfant Se l'utérus ont avec le
baffio , ce qui aide infiniment à
comprendre les difficultez que
caufent les différentes fituations
des enfans.
M. d'Ablaincourt avertit qu'il
n'a rien changé aux figures de l'o-
riginal , excepte i°. à la vingt-fep-
tiéme, qui, par la faute fans doute
du Deflmateur , étoit très - défec-
tueufe , l'enfant y étant reprefenté
avec un bras auffi long que tout le
par la négligence du même Defllna-
teur , ne laifloient pas afféz voir
la penfée de Deventer. Il a de plus
fait tracer fur la première & fur la
féconde figure, quelques lignes qui
peuvent être d'un grand ufage
pour l'intelligence de l'inclinaifon
de l'utérus.
La préférence que mérite l'Ou-
vrage de M. de Deventer , ne vient
pas feulement de la perfe&ion des
figures: Le grand principe qu'éta-
blit ce Médecin , touchant l'obli-
quité de l'utérus , la méthode qu'il
enfeigne de reculer le coccix lorf-
que l'utérus étant droit , l'enfant
prefente une grofTe tête qui ne peut
fortir , différentes indications tirées
de la nature de l'Accouchement ,
8c de la figure des eaux , la mobili-
té de l'enfant; le caractère diftinctif
des fauffes douleurs & des vérita-
bles , tout cela donne lieu à des
obfervations importantes qui font
propres à M. de Deventer. Il n'y a
de plus aucune iîtuation de l'enfant
fur laquelle ce fçavant Médecin ne
fournifle quelque remarque de fa
façon.
Comme fon ftyle n'eft pas auflî
exempt de défaut que le rond de
fon Ouvrage , M. d'Ablaincourt
n'a pas cru devoir s'attacher feru-
puleufement à fuivre la lettre ,
&c il avertit , que pour s'ac-
commoder au génie de la Na-
tion Françoife , 8c fe faciliter des
tranfitions , il n'a pas même fait
difficulté de changer certaines pen-
fées , de retrancher des phrafes en-
tières , de mettre à la fin ce qui
J U I L L
ctoit au commencement , en un
mot, de fe donner toutes les liber -
tez qu'il a cru permifes à un Tra-
ducteur.
Quelque grandes que foient ces
libertcz , il dit qu'il s'en feroit don-
né encore de plus grandes s'il avoit
voulu fuivre là-deflus , les avis de
certaines perfonnes qui lui confèil-
loient , entre autres chofes , de re-
trancher entièrement de l'original ,
la préparation de l'opium par le
pain de feigle , le mémoire fur les
pilules fudorifiques , & celui où
font détaillées les opérations Chi-
xurgiques que faifoitM. de Deven-
«cr.
A l'égard de l'opium, on repre-
fentoit à M. d'Ablaincourt , i°.
que ce n'eft point faute d'être pre-
paré,que ce remède eft quelquefois
funefte , puifqu'indépendamment
de toute preparation,il produit des
effets merveilleux entre les mains
d'un Médecin prudent , 2°. Que
cette préparation par le pain de fei-
gle , eft une opération chymique ,
ennuyeufe & pénible , M. d'A-
blaincourt n'a pas cru devoir fe
rendre à ces avis ; il prétend que
fans regarder l'opium comme un
poifon, qui , pour être employé en
médecine ait befoin d'être corrigé ,
on ne fçauroir afTûrer que cette
longue digeftion procurée par le
pain de feigle , ne puiffe pas fervir
à développer davantage les princi-
pes de l'opium , & à les mettre en
état de produire un meilleur effet ,
quelques unes des parties effentiel-
les du feigle , incorporées avec ce
fuc, pouvant fans miracle, y caufer
E T, 1734. m
des changemens avantageux.
Il étoit d'ailleurs difficile de re-
trancher cette opération fans faire
tort à la gloire de l'Auteur , qui
n'eft pas feulement bon Médecin
& bon Chirurgien , mais encore
bon Chymifte , perfection que les
Lecteurs ne lui auroient pas con-
nue fionavoitfupprimé cette pré-
paration.
Pour ce qui eft du Mémoire con-
cernant les opérations Chirurgi-
ques de M. de Déventer, on ne
doit que fçavoir gré au Traducteur
de l'avoir confervé : Un des princi-
paux obftacles au progrès de la
Chirurgie , eft la faufîe perfuafion
où l'on eft que cet art ne peut être
porté à une plus grande perfection*
or on verra dans le Mémoire dont
il s'agit , que M. de Déventer a
penfé autrement , & fon exemple
enhardira fans doute plufîeurs Lec-
teurs à faire des tentatives qui leur
feront glorieufes , & feront en mê-
me tems utiles au public.
De plus , l'intérêt qu'un Tra •
duefeur doit prendre à la gloire de
fon Auteur , s'oppofoit à ce re-
tranchement ; c'eft par le même
motif qu'on n'a pas jugé à propos
de fupprimer le Mémoire concer-
nant les pilules fudorifiques.
Il ne nous refte plus qu'un mot
à dire fur quelques reflexions que
le Traducteur a jointes au Texte.
Ces reflexions fervent ou à confir-
mer certaines véritez fondamenta-
les, telles par exemple, que celle de
l'épaifieur de l'utérus pendant la
groflefle , contre ce qu'en ont écrit
Mauriceau & quelques autres , ou
396 JOURNAL D
à faire voir les faunes routes que
des Accoucheurs ont fuivies en
différentes conjonctures.
On trouve au commencement
du Volume , diverfes Lettres qui
ont été écrites à M. de Déventer ,
par lefquelles on voit l'eftime fîn-
guliere que font de fon Livre, plu-
fîeurs Sçavans des Pays étrangers.
Mais pour en juger tout d'un coup
parfaitement, il fautfçavoir ce que
M. de Dcventer dit lui même des
peines qu'il s'efl: données pour fe
mettre bien au fait des Accouche-
mens , ce qu'il dit de la méthode
qu'il a fuivie pour compofer fen
Ouvrage , & des erreurs qu'il y a
évitées.
Quand la douleur de voir tant
de victimes de l'ignorance des
Accoucheurs & des Sages-Femmes,
eut fait prendre à M. de Déventer,
le parti d'exercer lui - même cette
profeffion , il y avoit déjà long-
tems qu'il étoit mal fatisfait de
tous les Ouvrages qu'il avoit lus
fur le fujet dont il s'agit. Il crut
d'abord que s'il ne les entendoit
pas, c'étoit fa faute ; mais il foup-
çonna bien-tôt que le défaut de vé-
rité dans les principes , étoit la
caufe de l'obfcurité qu'il trouvoit
dans ces fortes d'Ouvrages -, c'eft ce
qui lui fit fouhaiter que quelqu'un
voulût donner du jour à cette ma-
tière , expliquer folidement les
caufes des Accouchemens difficiles,
& en confequence,trouver une mé-
thode fûre pour remédier au dan-
ger , ou pour le prévenir. Mais fes
fouhaits n'étant point fécondés , il
s'appliqua à faire des obfervations
ES SÇAVANS,
exactes fur les Accouchemens , lef-
quclies jointes aux lumières qu'il
empruntoit de l'Anatomie des
femmes mortes en travail, com-
mencèrent à lui découvrir la véri-
table caufe de l'obfcurité & des
contradictions qu'il trouvoit dans
les Traitez en queftion. Il reconnut
que les plus habiles Accoucheurs
alloient à tâton ; qu'ils prenoient
l'un pour l'autre , &c qu'enfin les
Hiftoires qu'ils ont laiffées des
Accouchemens laborieux , n'a-
voient pour fondement que des
conjectures , ou des foupçons. Il fe
trouva trop bien de fa métode pour
l'abandonner. Il laiiTa donc les Ou-
vrages de ces Auteurs , refolu de
s'en tenir à l'Anatomie, Se àl'ob-
fervation , & il continua pendant
tout le tems qu'il lui refta des dou-
tes fur cette matière. Il réuffit en-
fin à s'éclaircir entièrement ; mais
ce ne fut point alfez pour lui : il fe
crut obligé de faire part au public
des lumières qu'il avoit acquifes,
& de tracer un chemin que l'on pût
fuivre fans craindre de s'égarer.
N'ayant pour but que de traiter
de l'opération , il n'a point rempli
fon Livre , d'une Théorie recher-
chée , ni d'un vain amas de formu-
les & de recettes. Il ne s'efl: pas
non plus arrêté à imaginer ou à re-
chercher entre les caufes des Ac-
couchemens difficiles, celles qu'on
nomme caufes éloignées. Tl a de
plus évité avec foin a de tomber
dans le ridicule de ceux qui vou-
lant donner un Traité des Accou-
chemens , y parlent d'une infinité
de maladies & d'accidens qui peu-
vent
J U I L L E
vent futvenit devant ou après les
Couches , &c lorfqu'il faut venir au
fait trouvent à peine de quoi rem-
plir quelques Chapitres , dont en-
core fe débarrafl~ent - ils le plutôt
qu'ils peuvent , laiflant le Le&eur
tout étonné de trouver uneThéorie
Médicinale où il ne cherchoit que
l'opération. On ne verra rien de tel
dans ce Traité , l'Auteur s'y réduit
précifément à expliquer ce qu'il eft
neceflaire de fçavoir fur les Accou-
chemens , de quelque nature qu'ils
foient ; il donne de grands éclair-
cifïemens pour faire voir le parti
qu'il faut prendre dans les cas diffi-
ciles , foit pour éviter le danger ,
foit pour en fortir , & il ne fait pas
difficulté d'avancer fur cela, qu'il a
pouffé les chofes à un point de cer-
titude qui met l'art dont il s'agit,
au-deffus de toutes les Sciences , Se
le fait aller de pair avec les Mathé-
matiques. Il admet avec les Au-
teurs qui l'ont précédé , ce princi-
pe commun qu'ils reconnoiffent
tous pour confiant , fr avoir , Que
les Accouchement difficiles viennent
de la mauv~ife filiation de l'enfant
dans l'utérus. Mais il eft bien éloi-
gné de prétendre comme eux , que
V enfant efi toujours bienjttué lorf qu'il
p irefente la tête à l'orifice de l'utérus.
Il remarque au contraire , qu'il y a
des cas où nonobstant cette fitua-
ùon de l'enfant , l'Accouchement
T, 17*4; 397
doit être très - difficile ; tel eft en-
tre autres le cas où l'utérus eft obli-
que. Il va même plus loin , & il
fait voir avec évidence , que dans
cette fituation de l'utérus , l'enfant
n'en peut prendre une qui lui foit
moins convenable que celle de pre-
fenter la tête à l'orifice.
Si les Auteurs fe font trompés
jufques ici fur-un article de cette
confequence , on ne s'étonnera pas
fans doute , qu'ils fe foient trom-
pés fur beaucoup d'autres moins
importans. Ainfi ceux qui veulent
s'inftruire de la Méchanique des
Accouchemens , doivent fuivrepas
à pas notre Auteur 3 & pofer avec
lui les fondemens d'une nouvelle
doctrine , fur les débris de celle
qui a régné jufqu'à prefenr.
En annonçant cette tradiiftion
dans les Nouvelles Littéraires du
mois de Janvier dernier , nous
avons dit que l'Auteur de la Le.! - -e
écrite au Doclreur Winch, rappor-
te une Hiftoire d'obliquité de ma-
trice , toute femblable à celle
qu'on trouve au chap. 2. de h fon-
de Partie , pag. 383.
Comme l'on pourroit croire que
cette page 383 eft citée du Livr*
de M. de Déventer , nous avertif-
fons qu'elle n'eft citée que de la
Traduction du Livre , & qu'ainiî
c'eft dans cette Traduction qu'il la
faut chci'chcr.
Juillet,
Fff
&S JOURNAL DES SÇAVANS,
Ht S TO IRE CRITIQVE DE LETAB LISSE MENT DE LA
Monarchie Françeife dans les Gaules : par M.l'Abbi du Bos, l'un
des Quarante , & Secrétaire -perpétuel de l'Académie Françoife. A Paris;
chez Chaubert , Quai des Auguftins , à la Rénommée & à la Pru-
dence ; Gijfey , rue de la vieille Bouderie , à l'Arbre de Jefle ; rue
Saint Jacques , chez Ojmont , à l'Olivier ; Huart l'aîné, à la Juftice j
Cloujier , à l'Ecu de France : Quai des Auguftins , chez Hourdel ;
David le jeune, à l'Efperance. 1734. /«-4e. trois Vol. Tom. I. pp. 53É.
Sans le Difcours Préliminaire. Tom.II. pp. £12. Tom.IlI. pp. 552.fans
la Table. Planch. 1.
LES trois premiers Livres de
cet Ouvrage ont fait le fujec
de deux Extraits qui ont paru dans
deux de nos précedens Journaux.
11 nous relie à rendre compte dans
celui-ci , des trois derniers Livres ,
qui contiennent l'Hiftoire du rè-
gne de Clovis depuis Ion baptême
jufqu'à fa mort , &: ce qui eft arrivé
depuis fa mort jufqu'à l'an 53^.
avecl'expofition de l'état des Gau-
les fous le règne de ce Prince Se
fous celui de fes premiers Succef-
feurs.
IV. M. l'Abbé du Bos ouvre fon
quatrième Livre par l'événement
qu'on doit regarder comme le plus
mémorable du règne de Clovis ,
puifque la converfion de ce Prince
en a été la fuite. C'eft la guerre
qu'il fit aux Allemands, peuple des
5 lus nombreux de la Germanie ,
ont plufieurs e (Tains s'étoicnt éta-
blis entre le Lac de Genève & le
Mont Jura , dans l'Alface , Se dans
quelques autres Contrées , d'où ils
faifoient fou vent des incui fions en
Italie. Ces Allemands en 49e. forti-
fiés du fecours des Suéves leurs voi-
&is 3. entierent hoûilemcnt dans h
féconde Germanique , occupée
alors par les Francs Ripitairss} dont
Sigebert étoit Roi. Celui-ci affifte
de Clovis, qu'il avoit appelle pour
repoulTer cet ennemi commun ,lui
donna bataille auprès de Tolbiac ,
aujourd'hui Zulpick, lieu fitucau-
deçà du Rhin , à 4 ou 5 lieues de
Cologne. L'action fut des plus vi-
ves ; Sigebert y fut blefle au gc-
nouil , & l'armée des Francs cour-
toit rifque d'être battue , lorf-
qu'Aurelien fidèle Serviteur de
Clovis Se de Clotilde , exhorta ce
Prince à croire au Dieu que fon
Epoufe lui avoit annoncé ; moyen-
nant quoi il vaincroit fes ennemis.
Clovis n'eut pas plutôt prononcé
le vceu par lequel il s'engageoit fo-
lennellement à fe faire baprifer 3
s'il remportoit la victoire , que fes
troupes battirent les Suéves & les
Allemands , dont le Roi péril dans
le combat.
Ceux de ces Allemands , qui
voulurent demeurer dans le Pays
dont ils s'étoient emparés ( Se non>
pas leur Nation entière , comme
femble le dire Grégoire de Tours )
fe fournirent à Clovis, à propos de
JUILL
quoi notre Auteur tait diverfes re-
cherches fur les différentes habita-
tions de ce peuple ; fur fes liaifons
avccThéodoric Roi des Oftrogots,
qui devint fon intercefTeur auprès
de Clovis ; fur les Suéves alliés de
ces Allemands , & fur les Boiens
ou Bavarois leurs voifins , que no-
tre Auteur , d'après le témoignage
d'.^w#'/wleurAnnalifte , conjectu-
re avoir reconnu Clovis pour leur
Souverain. Il conjecture , de plus ,
que ce Prince , après la défaite des
Allemands , fe fera rendu maître
de ce qu'ils avoient ufurpé dans les
Gaules depuis 80 ans ; qu'il aura
fubjugué cette partie de la Germa-
nie placée entre la rive droite du
Rhin & la montagne noire ; qu'il
aura pu , avant l'année 49 6. foû-
mettre la Cité de Toul , qui étoit
d'une grande étendue' ; de pendant
le cours de cette guerre-ci , réduire
fous fon obéiflance l'Alface , &
très-certainement la Cite de Bafle :
&c c'eft de ce dernier fait , que l'Au-
teur allègue une preuve qui paroît
convaincante.
Il nous décrit enfuite avec éten-
due , d'après Grégoire de Tours &
Hincmar , le baptême de Clovis
par S. Rémi , & celui de fa fœur
Albofléde ; l'abjuration de l'Aria-
nifme que fit Lantilde fon autre
fœur , & le miracle de la Sainte
Ampoule : Se il prétend que cette
grande cérémonie îe fit à Reims ,
non le Samedi Saint , félon Hinc-
mar ScFlodoardj mais aux Fêtes
de Noël, comme l'allure l'Evêque
Avitus contemporain.
La converfion de Clovis répan-
E T, 1754- . 39J>
dit parmi les Catholiques d'autant
plus de joye , que dans le monde
Romain [ dit notre Auteur ] il n'y
avoit alors d'autre Souverain que
ce Prince , qui fût orthodoxe , &
qui put les protéger contre la per-
fecution des Princes Ariens. Il nous
refte encore divers Monumens de
cette joye univerfclle ; & M. l'Ab-
bé du Bos les a raffemblés ici avec
foin , en les accompagnant de plu-
fieurs reflexions , qui tendent à
éclaircir quelques faits hiftoriques
déjà indiqués ailleurs , ou qui en
établifTent d'autres , fur lefquels
il n'avoit poinc eu jufqu'ici occa-
fion de s'expliquer. Du nombre de
ces Monumens font i°. la Lettre
du Pape Anaftafe II. écrite à Clo-
vis , où ce Pontite le traite d'Illu-,
ftre & glorieux fils , le regardant
deflors comme le fils unique de
l'Eglife , ce qui a valu dans la fuite
à fes fuccefTeurs le titre de fils aine
de l'Eglife ; z°. la Lettre de l'Evê-
que Avitus fujet de Gondebaud ,
Roi des Bourguignons , adreffée à
Clovis , laquelle ( ainfi que plu-
fieurs autres du même Prélat rap-
portées ici ) fait foi que les Rois
Barbares qui regnoient dans les
Gaules , & nommément les Bour-
guignons , entretenoient des rela-
tions fuivies avec l'Empereur d'O-
rient , & témoignoient beaucoup
de déférence pour la Cour de Con-
ftantinople. L'Auteur , au fujet de
cette Lettre , propofe fes conjectu-
res ( qu'il faut voir ) touchant la
véritable lignification du titre de
vefter miles , -votre fiddat , qu' Avitus
donne au Roi Gondebaud , en par-
Fffij
±qo JOURNAL D
lant à Clovis. Notic Anteltf, à la
fin de ce Chapitre , s'applique à
pïouver , contre le ientimeiit de
nos Hiftoriens , qu'avant l'année
500. les Bourguignons avoient déjà,
été en guerre avec les Oftrogots.
Après cette petite digreiîion ,
M. l'Abbé du Bos reprend le fil de
l'Hiftoire de Clovis , racontant
tout ce qu'il eft poffible de décou-
vrir touchant fes progrès dans les
Gaules , depuis fon baptême. Dcum
des plus confiderables furent la ré-
duction des Armoriques à fon
obéiffance , 5c fa capitulation avec
les troupes réglées quireftoient en-
core aux Romains dans les Gaules,
5c qui pafîerent au fervice de ce
Piince , en lui prêtant ferment de
fidélité , 5c en lui remetcant les
Pays, que jufqu'alors elles avoient
gardés au nom de Rome, c'eft-à-di-
re le Pays fitué entre le Loir 5c la
Loire , le Berri, &c quelques Con-
trées adjacentes. Il tire le détail de
ces deux évenemens , du Texte de
Procopc , qu'il allègue dans route
fon étendue. Il n'y trouve point la
date de ces deux faits : mais elle lui
cft fournie par une Chartre de Clo-
vis même , laquelle lui apprend ,
que lafeiziéme année du règne de ce
Prince était lit première d'après fan
baptême ; 6c que la première année
d'après fin baptême étoit aujjl la pre-
mière d'après lafiHmijJion des Gau-
lois. Or il cft confiant que la feizié-
Bie année du règne de Clovis eft la
4.97. de J. C. Nous renvoyons ,
pour abréger , fur toute cette dif-
cufilon Critique 5c Chronologique
à l'Auteur même , qui travaille à
ES SÇAVANS,
lever quelques difncultez qu'on
pourroit lui faire fur ce fujet , 5c à
montrer la vraifemblance des deux
évenemens dont il s'agit. Il fait
voir auffi la necefllté indifpenfable
de corriger le Texte de Procope en
y lifant les Armoriques au lieu des
Arboriques , peuple inconnu à tous
les Géographes , comme à tous lés
Hiftoriens, 5c que le Père Daniel
a eu tort de prendre fous fa pro-
tection , comme s'efforce de le
prouver notre Auteur. Il ne lui pa-
roît pas plus étrange que le mot
Arborici pour Armorici fe foit glif-
fé plus d'une fois par-la négligence
des Copiftes , dans le Texte de
Procope , que d'y rencontrer auilî
plus d'une fois le mot Eridani
pour Rbodani , c'eft - à - dire le P»
pour/e Rhône.
La puiftance de Clovis accrue
par deux acquittions de cette im-
portance qui le rendoient maître
de tous les Pays fitués entre la Sei-
ne 5c la Loire , le mit en état de ré-
pandre des grâces fur tous ceux
qui s'attacheroient à lui. Mais elle
reveilla en même tems la jaloufie
des Vifigots devenus fes proches
voifins , 5c à qui l'Arianifme qu'ils
profefloient devoit infpirer une
nouvelle défiance contre un Prince
Catholique , dont ils regardoient
tous les Orthodoxes , 5c principa-
lement les Eccleuaftiqucs comme
de fecrets parnfans. Notre Auteur
en donne pour exemple Volufien
Evêque de Tours , perfecuré 5c re-
légué , comme fufped d'intelli-
gence avec les Francs. A propos de
quoi M. l'Abbé du Bos fait quel-
JU I L L
ques remarques fur l'époque tirée
de l'année que mourut S. Martin.
Les Vifigots ne furent pas cepen-
dant les premiers à qui Clcvis fit la
guerre après la réduction des Ar-
moriques Se des Troupes Romai-
nes : ce furent les Bourguignons ,
contre lefquels il fit alliance avec
Théodoric Roi des Oitrogots , Se
qui avoit époufé Audefiéde feeur
de Clovis.Théodoric étoit parvenu
à /egner enfin paifiblement fur tou-
te l'Italie Se fur quelques Pays voi-
fins, en vertu d'un Traité par le-
quel l'Empereur Anaftafe lui ce-
doit ces différentes Provinces , à
condition de ne point nommer le
Conful d'Occident , qu'il prefen-
teroit feulement à l'Empereur , Se
de ne pourvoir des Magirtratures
Se des autres Emplois civils, que
les feuls Citoyens Romains. C'efl:
de quoi l'Auteur nous fournit un
détail r.hifforique , ainfi que du
Traité de ligue entre Clovis Se
Théodoric contre Gondebaud Roi
des Bourguignons , Se des divers
evenemens de cette guerre que
l'Auteur nous raconte en premier
lieu d'après Grégoire deTours, puis
d'après Procope. Les principaux
de ces evenemens furent i°. la dé-
faite de Gondebaud trahi par fon
frère Godegifile , & mis en dérou-
te par les Francs , à la bataille de
Dijon : z°. Gondebaud dépouillé
de fes Etats , Se réduit à fe renfer-
mer dans Avignon , où fes ennemis
i'affiegent : 30. Ce Siège levé par la
dexserité d'un Miniftre du Bour-
guignon , qui conclut la paix avec
l'ennemi à des conditions fuppor-
E T, 1734. 46r
tables : 40. Gondebaud délivré de
Clovis , rafiemblant une nauvclie
armée avec laquelle il afliége fon
frère dans Vienne , l'y prend , l'y
tue , Se par-là fe remet en poiTeffion
de tous fes Etats ; à la referve de
Marfeille Se de quelques autres
Citez voifines , dont Théodoric
s'étoit emparé durant cette ^lierre
& qui lui réitèrent.
Au fujet de cette expédition
contre les Bourguignons commen-
cée Se finie certainement dans le
cours de l'année 500. l'Auteur ob-
ferve , que de quelques variations
qui fe trouvent dans le récit que
nous en font les deux Hiftoriens
qu'on vient de cirer; il n'en faut pas
conclure avec quelques Ecrivains
que Clovis ait fait deux guerres
différentes contre Gondebaud : Se
c'eft ce que diverfes preuves re-
cueillies ici par l'Auteur fcmblent
mettre hors de doute. Il obferve
en fécond heu , que les intérêts de
la Religion eurent grande part aux
difgraces Se aux profperitez égale-
ment fubites de Gondebaud dans
la guerre dont il eft ici queftion , Se
dont les révolutions arrivées en fi
peu de tems ont de quoi furpren-
dre. Si Gondebaud fe vit détrôné
auffi brufquement qu'on vient de
l'expofer; il n'eut principalement
à s'en prendre qu'à fes fujets Ro-
mains & Catholiques , à qui quel-
ques mois avant la bataille de Di-
jon , il avoit ôté l'efperance de lui
voir abjurer 1 Arianifme. S'il fut ré-
tabli fur le Trône avant l'année ré-
volue, il en eut l'obligation à ces
mêmes fujets , douî il regagna les
4oâ JOURNAL DES SÇAVANS,
cœurs en leur faifant cfpcrer de fa Elle ne fat pas de longue duré?.
part une converfion très-prochaine,
& la publication d'un nouveau Co-
de , qui mit les Romains fes fujets
à couvert de la vexation des Bour-
guignons. Il ne lenr tint parole que
fur ce dernier article , en faifant
publier ce que les Jurifconfultes
La conduite que tint Alaric en
altérant la monnoye d'or , & en
maltraitant les Prélats Catholiques
foupçonnés de s'interefler pour les
Francs , indifpofa contre lui les
Romains fes fujets. Clovis profita
de cette favorable conjoncture ; &
ont appelle la Loi Gombetu. Les les Vifigots n'eurent pas plutôt
preuves dont l'Auteur a foin d'ap- obligé Quintien Evêque de Rho-
puyer ces conjectures leur donnent
toute la probabilité que l'on peut
fouhaiter en fait d'Hiftoire.
Clovis defefperant de pouvoir
faire des conquêtes fur Gondebaud
nouvellement reconcilié avec fes
peuples , forma le projet de faire la
dez , & très-attaché aux Princes
Francs , à fefauver de fbn Diocéfc,
que Clovis déclara la guerre à AU-
ric , après avoir fait alliance avec
les Bourguignons , & avec les KJ-
puaires. Alaric , d'autre part , après
avoir imploré le fecours de Théo-
guerre aux Vifigots, dont il croyoit doric , ralTembla fes Troupes , &
avoir lieu d'être mécontent. Théo- marqua leur rendez-vous général
doric , d'un autre coté , qui com-
me poflefleur d'une efpece d'état
dans les Gaules , avoit intérêt de
maintenir la paix dans cette grande
Province , pour y rendre plus
refpe&able l'autorité qu'il préten-
doit y avoir en qualité de Maître
de Rome Capitale de l'Empire
d'Occident , employoit la voye des
négotiations , pour empêcher une
rupture entre les Francs & les Vifi-
gots. On trouve ici les Lettres
qu'il écrivit dans cette vûë à fon
gendre Alaric II. Roi de ces der-
niers ; à Clovis , à Gondebaud , &
aux Rois des Turingiens : Lettres,
que nous a confervées Cafliodore.
Elles procurèrent une entrevue de
Clovis & d' Alaric , fous les murs
d'Amboife vers l'année 502. d'où
ils fe féparerent , en fe promettant
d'entretenir la paix & de vivre en
bonne intelligence.
dans le Poitou. Clovis fe hâta de
marcher vers cette Province pour
y combattre fon ennemi. Comme
fon armée palîoit à une petite di-
ftance de Tours , il eut la curiofité
de faire confulter le Dieu des Ar-
mées dans l'Eglifc de S. Martin
pour apprendre , s'il étoit poffible,
quel feroit le fuccès de fon expé-
dition -, &c on lui en rapporta l'au-
gure le plus heureux.
Il fe remit en marche auffi tôt ,
dans le defiein de palTer la Vienne
derrière laquelle étoit le Camp en-
nemi : mais par malheur cette ri-
vière groflie outre mefure n'étoit
plus gayablc; ce qui faifoit perdre
un tems précieux pour Clovis , Se
dont les Vifigots ne manqueroient
pas de profiter. Cependant, le len-
demain , l'armée des Francs ayant
vu une biche traverfer la Vienne
fans perdre pied , apprit ainfi l'en-
J U I L L
droit où cette rivière étoit gayable
malgré la crue de fes eaux , &
après l'avoir paffée fans obftacle ,
elle vint camper à la vue de Poi-
tiers. Les Vifigots qui avoient
grand intérêt d'éviter le combat
jufqu'à leur jonction avec l'armée
de Théodoric, laquelle marchoit
à leur fecours , décampèrent pour
fe retirer , à l'approche de l'armée
de Clovis. Mais ce Prince ks ayant
atteins à deux milles de Poitiers ,
dans la plaine de Vouglé , les con-
traignit d'en venir à une bataille ,
où ils furent défaits a pîatte coutu-
re , Se où leur Roi fut tué , à ce
qu'on prétend , par Clovis même,
qui y courut rifque de la vie. Notre
Auteur raconte ici foit au long ce
grand événement d'aprcsGregoiie
de Tours , Procopc & Fortunat ,
qui lui en fournifient les principa-
les circonfhnces. Mais il fait une
correction importante dans ieTexte
de Procopc , où il lit , guidé par
un Manufcritde Jof. Scalige*-, Au-
gOH^oriiona. ( Poitiers) au lieu de
( Ou Carcaflbna ) mot corrompu ,
dont on a fait mal à propos Carcaf-
fiatte ( Carcajfonne ) & il montre la
necelïiré de cette correction.
Après la bataille de Vouglé ,
Clovis envoya fon fils Thierri avec
un corps de troupes , s'emparer de
l'Albigeois , du Roiiergue & de
l'Auvergne : ce que le jeune Prince
exécuta pendant le refte de la cam-
pagne de 507. Clovis , de fon côté,
mit le Siège devant Carcaiïonne,&;
fut obhgé de le lever , par la mar-
che de Théodoric à la tête de fes
CjQts ; ee qui n'empêcha pas le Roi
E T, 1734. 4oj
des Francs de fe rendre maître de
celles des Citez qu'il avoit biffées
derrière lui , pour s'avancer jufqu'à
Carcaflonne , c'eft à-dire des deux
Aquitaines , de la Novempopula-
nie , & de quelque partie de la
première Narbonnoife. Quant aux
Vifigots , ils proclamèrent à Nar-
bonne pour leur Souverain Géfalic
fils naturel du Roi Alaric IL &
après quatre ans de règne , ce Prin-
ce indigne de porter le Sceptre fut
dépofé par l'autorité de Théodoric.
L'année fuivante ( 508. ) Clovis
prit la Ville d'Engoulême , qui lui
afluroit la poflellion de la première
Aquitaine , que déjà il tenoit en
entier. Notre Auteur , en cela d'ac-
cord avec le Père Daniel , place
après la prife d'Engoulême le fa-
meux Siège d'Arles entrepris par
les Francs & les Bourguignons , &
que par h vigour iife refïftance des
a:lîcc;és& le fecours de Théodoric,
ces deux Nations confédérées fu-
rent obligées de lever avec beau-
coup de perte. On trouvera ici
rafemblées plufieurs particularitez
de ce Siège , & de la Vie de S. Ce-
faire Evêquc de cette Métropole.
M. l'Abbé du Bos , au dernier
Chapitre de fon quatrième Livre,,
nous parle de ce qui fe pa(Ta dans
les Gaules pendant l'année 509. &
il conjecture que c'eft à cette cam-
pagne qu'on doit rapporter la ba-
taille mémorable qu'un des Géné-
raux de Théodoric gagna contre
les Francs , fuivant le témoignage
de Jornandès. L'Auteur enfuitc
nous raconte ladépofition de Gelà-
lic , l'élévation d Amaiaric 3 fils
404 JOURNAL HE
i'Alaric II. & d'une fille de Thco-
doric au trône desVifigots en 5 1 o.la
paix faite par Théodoric tant pour
lui que pour Amalaric fon petit-
fils Û fon pupille , avec Clovis qui
demeure maître de la plus grande
partie du Pays tenu par les Vifigots
dans les Gaules. L'Auteur nous
fait part de la Lettre circulaire écri-
te par Clovis aux Evêques de fes
Etats , & par laquelle non feule-
ment il exempte de toute contri-
bution & de tout pillage les biens
appartenais aux Eglifes , voulant
qu'on mette en liberté tous les Ec-
clefiaftiques , & tous ceux qui
étoient en quelque dépendance
temporelle de ces mêmes Eglifes;
mais il rend encore les Evêques
maîtres de juger en quelque forte
quels prifonniers de guerre dé-
voient demeurer captifs , &c quels
dévoient être jugés de mauvaife
prife. Enfin l'Auteur recherche en
quel tems Clovis vint à Tours 3 &c
quelles furent les offrandes qu'il J
fit à S. Martin.
V. Une des circonftances de la
Vie de Clovis , laquelle après fon
baptême , contribua le plus f dit
notre Auteur ) à l'établifiement de
la Monarchie Françoife , fut la di-
gnité de Confiai qui lui fut conférée
par l'Empereur Anaftafe en 5 10. &
dont il prit folemnellement poiTef-
fion , au rapport de Grégoire de
Tours , qui décrit cette cérémonie.
Cette dignité rendoit le Roi des
Francs le Supérieur de tous les Offi-
ciers Civils des Gaules , comme il
l'y étoit déjà des Officiers Militai-
cakes : en un mot ( dit l'Auteur )
S SÇAVANS;
elle lui dor.noit le droit de com-
mander en vertu desLoix à tous les
Romains des Gaules qui fe difoienc
encore fujets de l'Empire : & ce
Prince avoit en main la force necef-
fairepourfe faire obéir. D'ailleurs,
[ continue -t - il ] le Prince dont
Clovis en qualité de Confiai fe re-
connoiffoit de nouveau l'Officier ,
relîdoit à une telle diitance des
Gaules , qu'il ne pouvoit y avoir
d'autre autorité , que celle dont il
plairoit à Clovis de l'y faire jouir.
Il fe prefente ici une difficulté
contre le Confulat de Clovis , fon-
dée fur ce qu'il n'eft point inferit
dans les Fades Confulaires fous
l'année 510. où l'on ne trouve pour
Confiai que le feul Boëce. Mais
( répond l'Auteur ) cette omiffion
ne doit point tirer à confequence
par rapport à la vérité du fait dont
il s'agit , parce que les Faites qui
nous reftent aujourd'hui n'ont été
rédigés que par des particuliers , ou
tout au plus dans Rome ou dans
Arles , où Théodoric, lequel y rc-
gnoit , n'aura pas permis , par ja-
loufie,qu'on inferivît dans ces Mo-
numens publics, le nom de Clovis.
A l'égard de l'opinion de ceux qui
ont prétendu qu'Anaftafe avoit
conféré à Clovis , non le Confulat,
inais feulement le Patriciat , M.
l'Abbé du Bos n'a pas de peine à la
réfuter. Clovis, non content du
titre de Confiai , en portoit encore
ordinairement les marques , aînfî
que le prefume notre Auteur , d'a-
près un des plus précieux reftes des
Antiquitez Françoifes , qui cft la
lUtuc de ce Prince telle qu'on la
voit
JUILL
toit avec fcpt autres au grand por-
tail de S. Germain des Prez à Pâ-
tis : car cette ftatue, au fentiment
des Percs Ruynart , Mabillon , &
RonïlUrt , reprefente certainement
Clovis en habit Confulaire ; ce que
l'Auteur confirme par une nouvel-
le preuve.
Il expofe enfuite les motifs qui
engagèrent Clovis à l'acceptation
du Confulat , & l'Empereur Ana-
ftafe à le lui conférer. Par-là Clovis
foûmettoit à fon autorité grand
nombre de Citez , qui n'avoient
donné des quartiers aux Francs
qu'à condition qu'ils ne fe mêle-
roient en rien du gouvernement
civil : par-là il devenoit le Vicaire
d'Anaftafe dans tout le partage
d'Occident où il n'y avoit plus
d'Empereur. D'un autre côté l'Em-
pereur qui voyoit tout ce partage
■occupé par différentes Nations Bar-
bares qu'il n'étoit guéres poffiblc
d'en charter^ne pouvoit mieux faire
que de traiter avec l'une de ces Na-
tions la moins barbare & la feule
Catholique , & de l'armer contre
les autres en lui faifant efperer
qu'elle deviendrait elle-même une
portion des Citoyens Romains }
avec qui elle fe confondrait : fans
compter qu'Anaftafe par - là don-
noit à Théodoric fufpect à la Cour
de Conftantmople , un rival très-
capable de le contenir. Car ( obfer-
ve notre Auteur) Clovis fans dou-
te promit à l'Empereur tout ce
que voulut ce Prince. Mais il ne
tint pas toutes fes promefles, com-
me on peut le recueillir d'une Let-
tre du Roi Théodebert petit-fils de
Juillet.
E T, ijîf ■ v 4°5
Clovis , écrite en réponfe à celle
que l'Empereur Juftinien lui avoit
adreifée pour le féliciter fur fon
avènement à la Couronne , & dans-
laquelle il aceufoit Clovis d'avoir
manqué à fes engagemens envers
les Empereurs. On peut voir l'ex-
plication donnée à cette Lettre de
Théodebert par M. du Bos , fur la-
quelle il n'eit point d'accord avec
Adrien de Valois , qu'il réfute.
Notre Auteur eft donc perfuadé
qu'il y eut un Traité dans les for-
mes entre Clovis & Anaftafe , qui
confommoit l'ouvrage de l'établif-
fement des Francs dans les Gaules,
& que c'eft de ce Traité qu'il eft
fait mention dans le préambule
de la Loi Salique fous le nom de
Traité de paix t par excellence.
Clovis , au fortir de Tours ( conti-
nue l'Auteur) vint à Paris, en 51c
où il fixa le Siège de fa Royauté.
Comme il ne regnoit encore
que fur la feule Tribu des Francs
furnommés Saliens , & que les au-
tres Tribus étoient gouvernées cha-
cune par fon Roi indépendant de
tous les autres , quoique tous ces
Princes fuilent pris dans la même
Famille , & fufTentpar confequent
parens de Clovis ; celui - ci les fît
tous périr les uns après les autres,&
engagea chacune de ces Tribus à le
prendre pour Roi ; ce qui le rendit
Souverain de toute la Nation des
Francs. On eft d'abord furpris Se
indigné tout à la fois de la manière
dont Grégoire de Tours raconte
les circonftances affreufes d'un pa-
reil événement, en les accompa-
gnant des plus grands éloges pour
Ggg
405 JOURNAL DE
la conduite que tint Clovis en cet-
te occafion. Mais M. l'Abbé du
Bcs s'efforce d'exeufer le Saint
Evêque, en fuppofant que Clovis
n'ôta la vie à tous ces Princes que
pour les punir d'avoir attenté les
premiers à la iienne. Il e(l vrai
que l'Hiftorien ne dit pas un mot
de ces attentats iï propres à difcul-
per Clovis ; mais ( remarque notre
Auteur ) c'eft que des confidera-
îions qu'il e(t impoiiîble de devi-
ner aujourd'hui , l'auront obligé à
paiTer ces laits fous filence. Ces
Rois infortunés que Clovis facrilîa
à fon ambition, furent i°. Sigcbert
Si fon fils Clodéric Rois des Francs
Ripuaires établis à Cologne, z°.Ca-'
raric & fon fils , qu'il fit tondre en
premier lieu,& les engagea dans les
Ordres Sacrés , puis les fit égorger
pour s'être évaporés en menaces;
3°. Ragnacaire ScRiquier fon frère
Rois de Cambrai, aufquels il fen-
dit la tête à coups de hache , après
les avoir faits prifonniers , Si Ré-
gnomer frère de ces deux derniers,
&c Roi du Mans , qu'il fit aflaifi-
iner.
Les autres évenemens de la Vie
de Clovis furent le Siège de Ver-
dun, qui avoit refufé de fe foû-
mettre , & qui par l'interceilion
du Saint Prêtre Eufpice , fut reçue
à compofition : Si le Concile Na-
tional alTemblé à Orléans , en 511.
par les ordres de Clovis & dont
l'Auteur allègue ici quelques Ca-
lions comme très-propres à mon-
trer quel étoit alors l'état politique
des Gaules , Si à faire connoître
que k Roi des Francs lailîoit aux
S S Ç A V A N S ,
Romains de fes Etats la liberté d'y
vivre fuivant le Droit Romain ; Se
aux Prélats , toutes les prérogati-
ves dont ils joùilToient fous le rè-
gne des derniers Empereurs. Cette
même année ( 511. ) mourut Clo-
vis à l'âge de 4 5 ans, après 30 ans de
règne , & fut enterré dans l'Eglife
de S. Pierre Si S. Paul [aujourd'hui
Sainte Geneviève ] dont la Reine
Clotilde Si lui avoient commencé
la conltruction , qui fut achevée
par cette Princefle. L'Auteur fait
diverfes réflexions, aufquclîes nous
renvoyons fur cette fépulture de
Clovis Si de fa Famille , ainfi que
fur la rapidité des progrès de ce
Prince.
Après la mort de Clovis , (es 4
filsThierri, Clodomire , Childe-
bert & Clotaire lui fuccederenr, &
partagèrent fon Royaume entr'eux
par égales portions. C'-efl à dire ,
que chacun des 4 frères eut dans
fon lot autant de territoire Si au-
tant de Francs , que les comparta-
geans : ce qui dut produire ( obfer-
ve l'Auteur ) un partage des plus
bizarres , qui attribuoit à chacun
certain nombre de Citez féparées
l'une de l'autre , Si pour ainfi dire,,
éparpillées dans toutes les Provin-
ces des Gaules , à caufe de l'inégale
distribution des Francs , qui fe
trouvoient très - nombreux dans
quelques Citez, Si en très - petit
nombre dans quelques autres. M,
l'Abbé du Bos difeute ici fort au
long les avantages & les inconve-
niensd'un partage de cette nature :
fur quoi il faut le confulter. Il ob-
ferve encore , que bien que ces 4
JUILLE
Royaumes fuflenr plutôt les Mem-
bres d'une même Monarchie , que
4 Monarchies différentes & étran-
gères l'une à l'égard de l'autrrc , il
n'y avoit cependant aucune fubor-
dination entre les 4 fils de Clovis ,
chacun d'eux régnant à fon gré fur
les Citez comprifes dans fon par-
tage. 11 préfume auffi que Clotilde,
pendant la minorité des trois Prin-
ces fes fils j aura gouverné leurs
Etats : & il rapporte quelques éve-
nemens arrivés dans les Gaules les
premières années du règne de ces
Princes ; tels que quelques Citez
que recouvrèrent alors les Vifigots
iur les Francs , & la defeente que
firent les Danois fur la Cote d'un
Canton appartenant au Roi Thier-
ry , qu'ils ravagèrent & pillèrent ,
mais fur lefquels l'armée de ce Roi
Se fa flotte venues promptement au
fecours du Pays , reprirent tout ,
après avoir taillé en pièces ces Bar-
bares tant fur terre que fur mer.
Delà notre Auteur paffe au récit
de trois évenemens arrivés fous le
règne des Succeffeurs de Clovis
fufqu'à l'année 540. £: qui font la
conquête de la Turinge , celle du
Royaume des Bourguignons , &
l'acquifition de toutes les Contrées
que les Oftrogots tenoient dans la
Germanie & dans les Gaules , faite .
en vertu de la cefllon de ces Bar-
bares. Il fait de chacune de cesac-
quifitions une Hiftoirc particulière,
dont il promet de ne point inter-
rompre la narration en y mêlant
celle de quelques-uns des faits ap-
partenans aux deux autres ; & cela
«*ns la vûë d'en donner une idée
T , r 7 j 4; 4q7
plus diftinde , & à caufe de l'incer-
titude des dates.
Les Francs firent deux expédi-
tions contre les Turingiens. Dans
la première , Thierry s'étant ligué
vers l'année $ré\ avec Hcrman-
froi l'un des Rois de Turinge con-
tre Baderic frère de celui-ci ; ces
deux Princes après avoir défait &
tué Baderic , dévoient , en vertu
de leur Traité , partager également
entr'eux les Etats du défunt. Mais
Hcrmanfroi ne tint point fa parole.
Pour fc yanger de l'inexécution de
ce Traité & des cruautez inouié's
exercées par les Turingiens fur les
Francs d'au delà du Rhin , fous le
règne de Clovis, Thierry plufieurs
années après, c'efl:-à-dire en 529.
ayant engagé Clotaire fon frère
dans fa querelle , ils marchèrent
contre Hermanfroi , le défirent en
deux batailles , & le tuèrent en
trahifon; après quoi tout le Royau-
me des Turingiens fe fournit à
eux.
Tandis que Thierri achevoit/a
conquête de la Turinge , le bruit
de fa mort s'étant répandu en Au-
vergne , Chiidebert fon frère y ac-
courut auflî-tôtpour s'emparer de
cette Cité. Mais ayant appris que
Thierri revenoit violoneux , il éva- '
cua l'Auvergne, & paffa en Efpa-
gne pour délivrer leur feeur Clo.
tilde femme d'Amalaric Roi des
Vifigots , de la tyrannie de ce
Prince Arien , qui en haine de la
Religion Catholique, qu'elle pro-
feflbit , lui faifoit les plus mauvais
traitemens. Dans cette guerre A-
malaric fut tué par fes propres SoJ-
Gggy
4o3 JOURNAL DE
dats foule vés contre lui, &c Chil-
debert fit un riche butin : mais au
retour de cette expédition il perdit
fa feeur qui mourut dans le voya-
ge. M. l'Abbé du Bos , après cette
digreflion au fujet des Vifigots , re-
vient au fécond article de fon prin-
cipal fujet , qui efl: la guerre àes
Francs contre les Bourguignons.
Sigifmond , bon Catholique ,
avoit fuccedé à fon père Gonde-
baud Roi des Bourguignons , mort
Arien. L'Auteur rapporte ici quel-
ques Lettres de Sigifmond écrites à
l'Empereur Anaftafe , & qui font
foi que les Rois Barbares qui re-
gnoient dans les Gaules , recon-
noifloient que les Provinces qu'ils
avoient occupées, ne laifToient pas
d'être toujours une portion du ter-
ritoire de la Monarchie Romaine.
Sigifmond ayant fait périr injuste-
ment en 512. fon fils Sigeric , qu'il
avoit eu de fon premier mariage
avec la fille deThéodoric Roi des
Oftrogots , avoit fort indifpofé
contre -lui fon beau père. Ainfi la
«onjon<5ture étoit des plus favora-
bles pour attaquer le Roi des Bour-
'guignons. Clotilde en profita pour
exécuter par le moyen actes fils la
vengeance qu'elle méditoit depuis
près de 40 ans contre le Roi Gon-
debaud Se contre la pofteritédece
Prince , lequel avoit fait mourir
cruellement le père, la mère & les
frères de cette Princefle. Ses trois
fils 2 à fa follicitation , prirent
donc les armes , marchèrent con-
tre Sigifmond , le défirent dans
une bataille , le prirent prifonnier
5c s'emparèrent de Ces Etats , après
S SÇAVANS,
quoi ils le jetterent dans un puits
ainfi que fa femme & fes enfans.
Mais les Bourguignons en 524. fe-
couerent le joug des Francs aufli-
tôt après la retraite de ceux-ci , pro-
clamèrent Roi Godemar frere de
Sigifmond , & pour obtenir du fe-
cours de Théodoric , ils lui cédè-
rent 4 Citez dans les Gaules ; com-
me le prouve ici notre Auteur. Les
Rois des Francs revinrent à la
charge fur les Bourguignons , 8C
les battirent à la journée de Véfe-
ronce , proche de la Ville de Bel-
lai -, m*is Clodomire y fut tué , en
pourfuivant trop chaudement les
fuyards. Godemar profitant du dé-
couragement où la mort de Clo-
domire avoit jette les Francs, fit la
paix avec eux & recouvra fes Etats.
Clodomire avoit lailTé trois fiîs
en minorité qui étoient élevés fous
la tutelle de Clotilde leur ayeule ,
en attendant qu'ils fulTent en âge
de partager entr'eux le Royaume
de leur père. Childcbert & Clotaire
leurs oncles ( en 550. ) tentés de
s'approprier cet héritage , s'étant
rendus maîtres de la deftinée de ces
petits Princes en les tirant des
mains de Clotilde, fous prétexte
de les faire proclamer Rois , en-
voyereat à cette Princefle une paire
de cifeaux & une épée nue , lui
faifant demander Ci elle fouhaitoit
qu'on les laiflat vivre , après leur
avoir fait couper les cheveux , ou
fi elle aimoit mieux qu'on les fît
mourir ? Clotilde qu'une pareille
alternative mettoit hors d'elle-
même , répondit brufquemcnt &
hns aucune réflexion , j'aime mieux
JUILL
voir mes petits fils poignardés , que de
les voir tondus & déchus de la Cou-
ronne : qu'ils meurent oit qu'ils ré-
gnent. Les deux oncles la prirent au
mot , tuèrent les deux aînés & fi-
rent égorger leurs Gouverneurs,
On trouva moyen de tirer le plus
jeune nommé Clodoalde du Palais
de Childebert , où s'étoit pafle cet-
te fanglantecataftrophe.
Vers l'année 552. & 8 ans après
la dernière paix , les Rois Francs
«commencèrent la guerre contre
les Bourguignons , firent le Siège
d'Autun, reduiûrcnt Godemaràfc
iàuver , & fe rendirent maîtres de
fon Royaume vers l'an 534. L'Au-
teur , dans ce même Chapitre , fait
l'Hiftoire de Mundéric , qui pré-
tendoit être de la Maifon Royale
des Francs , & celle d'un Romain
devenu efclave du Roi Thierri^qui
mourut cette même année , avant
l'entière conquête duRoyaume des
Bourguignons. Son fils Théodc-
bert lui fucceda.
Dans le Chapitre fuivant ( ix. )
M. l'Abbé du Bos raconte la der-
nière des trois grandes acquisitions
faites par les enfans de Clovis , $c
qui eft celle des Pays que les Oftro-
gots tenoient dans les Gaules Se
dans la Germanie ; & que les trou-
bles qui fuivirent la mort d'Atha-
laric Roi de ces derniers & Succef-
feur deThéodoiic , livrèrent aux
Francs. L'Auteur , pour nous met-
tre mieux au fait de cette révolu-
tion , . nous donne un récit abrégé
delà conquête que l'Empereur Ju>-
ftinien fit de la Province d'Afri-
que en fubjuguant lesYandales^qul
E T, 1754: 40$
l'avoient envahie. Il met enfuitc
fous nos yeux la décadence du
Royaume des Oftrogots en Italie ,
fous les SucceiTeurs du Grand-
Thcodoric ; décadence qui déter-
mina Juftinien à recouvrer auiîî
cette grande Province , comme il
avoit recouvré l'Afrique. Ce fut
alors qu'il négotia un premier
Traité avec les Rois Francs , par
lequel il obligeoit ces Princes à ne
le point traverfer dans la conquête
de l'Italie fur les Oftrogots ; à l'y
fervir , au contraire , moyennant
un prefent qu'il leur faifoit en ar-
gent comptant , & un fubfide con-
fiderable qu'il leur promettoit
dès qu'ils auroient commencé la
guerre.
Les premiers fuccès de3élifairc
Général de Juftinien en Italie fu-
rent fi heureux , qu'ils mirent Viti-
gès Roi des Oftrogots dans la ne-
celîîté de mandier contre les Ro-
mains le fecours des Francs & de
faire avec eux un Traité , en 537.
par lequel il leur cedoit tout ce
que les Oftrogots polTedoient en-
core dans les Gaules ou dans la Ger-
manie , avec tous leurs droits fur
ces deux Provinces en qualité de
Seigneurs de Rome , y ajoutant de
plus 20 mille fols d'or en argent
comptant , à condition qu'ils com-
battaient pour les Oftrogots.
Ceux-ci exécutèrent de bonne foi
les articles du Traité 5 mais les
Francs à caufe de leurs engagement
antérieurs avec Juftinien , s'excu-
ferent de marcher en perfonne,&
fe contentèrent d envoyer à Vitt-
gès des troupos levées parmi les
*ïo JOURNAL DES SÇAVANS,
Nations qu'ils avoient fubjuguces. pour abréger d'indiquer ici pîu
En 533. les Oftrogots à l'aide de
10 mille Bourguignons fournis
fecrettement,&: en même tems dé-
favoiiés par Théodebcrt Roi des
Francs , reprirent Milan fur. les
Romains. Mais Théodebert l'année
fuivante ( 539. ) defeendit lui-
même en Italie , s'y empara de la
Ligurie , & pénétra même dans le
Plaifantin , où ton armée eut beau-
coup à fouffrir.
L'Auteur prétend que ce fut en-
tre cette première expédition des
Francs en Italie,& celle de 547.que
Juftinien perfuadé qu'il ne foûmet-
troit jamais les Oftrogots tant
qu'il auroit la guerre contre les
Francs , fit un fécond Traité avec
ceux-ci,par lequel non feulement il
leur confirmoit h ceilion que leur
avoient déjà faite les Oftrogots ,
mais il leur aecordoit par un Di-
plôme expédié en bonne forme la
poftelïion fouveraine & permanen-
te de toutes les Gaules (ditProco-
pe ) en forte que deflors ils devin-
rent Souverains de Marfeille , des
Citez adjacentes, 6i maîtres delà
mer qui baigne cette côte ; ils don-
nèrent dans Arles des Jeux à la
Troyenne , comme faifoient les
Romains , & firent frapper des
monnoyes d'or marquées de leur
effigie. Cette cefiion ou confirma-
tion de Juftinien ( obferve l'Au-
teur ) autorifoit les Francs à exiger
des Romains de cette grande Pro-
vince un ferment de fidélité abfolu
& fans aucune referve , ce qu'ils
n'avoient pu leur demander , juf-
qu'alors. Nous nous contenterons
fleurs Obfervations de M. l'Abbé
du Bos fur divers articles du pafta-
ge de Procope concernant ce fé-
cond Traite de l'Empereur avec les
Francs ; feavoir , i°. fur les Jeux à
la Troyenne donnés dans Arles;
i°. Sur les efpeccs d'or fabriquées
par les Rois Francs -, 30. Sur ce que
l'Hiftorien Grec entend dans cet
endroit par le Roi de Perfes ; 40.
Sur les 14 monnoyes d'or des Rois
Vifigots. Nous renvoyons fur tous
cçs points à l'Auteur même.
Il termine fon cinquième Livre
par quelque détail fur l'exécution
du fécond Traité dont il s'agit.
Quoique prefquc tous les Ro-
mains des Gaules remifes par les
Oftrogots aux Francs duftent paf-
fer volontiers fous la domination
de ces derniers qui étoient Catho-
liques ; il y en eut cependant qui
par des motifs particuliers ne vi-
rent point avec joye les Francs maî-
tres de ces Pays cédés par les Oftro-
gots , Se qui le témoignèrent dans
l'occafion. En confequence duTrai-
té dont il eft queftion , Juftinien
s'abftint de nommer des Préfets du
Prétoire des Gaules , quoiqu'il fe
portât en Italie y comme étant aux
droits des Empereurs d'Occident :
fur quoi notre Auteur réfute le P.
Laearry , qui eft d'avis contraire.
Le fécond Traité des Francs avec
Juftinien ne fut pis plus durable
que le précèdent , fans qu'on puif-
fe fçavoir qui le viola le premier.
Peu d'années après le fécond Trai-
té , Théodebert envoya en Italie
contre l'Empereur une armée corn-
J U I L L
mandée par Buccellin ; & après la
mort de ce Prince,fon fils Théode-
bald y fit encore la guerre contre
les Romains d'Orient.
M. L'Abbé du Bos finit la par-
tie hillorique de cet Ouvrage par
ces deux Obfer varions : i°. Que
les Traitez faits entre nos Rois &
les Empereurs d'Orient , pofterieu-
rement aux 2 expéditions deThéo-
debert &: de Théodebald en Italie ,
ayant rétabli la paix entre les deux
PuilTances & remis en vigueur les
articles eiTenticls du fécond Traité,
les Romains de ConPcantinople ne
fe portèrent plus pour Seigneurs
Suzerains des Gaules, Se ceflerent
d'y exercer ouvertement tous actes
de Souveraineté ; i°. Que la Mo-
narchie , dont le Fondateur a pla-
cé le trône dans Paris , a non feu-
lement comme les autres Monar-
chies , fur les Contrées de fa dé-
pendance , le droit acquis par la
foûmiflîon des anciens habitans, &c
par la prefeription ; mais encore
un droit particulier à elle feule ,
qui eft la ceflîon authentique à elle
faite de ces Contrées par l'Empire
Romain, [qui depuis près de iîx fic-
elés , les pofTedoit à titre de con-
quête, ] & par un des SuccefTeurs
de Jules - Céfar & d'Augulte ; en
forte que la Monarchie Françoife
eft le feul de tous les Etats fubG-
ftans qui puifie fe vanter de teniï
fes droits immédiatement de l'an-
cien Empire Romain; prétention
que ne peut avoir l'Empire moder-
ne ou d'Allemagne , ainfi que le
montre notre Hiftorien, par les té-
moignages des Auteurs les plus
E T, 1734. 4II
graves qui ont écrit furie droit pu-
blic de cette Nation.
VI. Nous voici enfin arrivés au
fixiéme ëc dernier Livre de cet
Ouvrage , où l'Auteur difeonti-
nuant l'Hiftoire de la Monarchie
Françoife, expofe , autant qu'il eft
polîïble , quelle en fut la forme &C
h conftitution fous le règne de
Clovis & fous celui de fes premiers
SuccefTeurs.
Il nous donne d'abord une idée
générale de l'état des Gaules , du-
rant le fixiéme fiécle & les trois fic-
elés fuivans : & cette idée doit rc-
fulter de l'aiTemblage & de l'arran-
gement le plus méthodique de
tous les partages concernant cette
matière fournis par les Auteurs
contemporains , ou éclaircis par
les MoRumens Littéraires des
tems pofterieurs. Delà il paroît ,
en premier lieu , que la divifion
des Gaules en 17 Provinces , ceffa
d'être en ufage dans l'ordre politi-
que , & ne fe conferva que dans
l'Ecclefiaftique ; où les 17 Arche-
vêques exercèrent toujours fur
leurs Suffragans le même pouvoir
qui leur appartenoit au tems des
Empereurs. Cette confufion des
anciennes Provinces , quant au po-
litique , fut , fans doute , l'effet du
partage des Gaules entre les enfans
de Clovis ; partage , qui divifoit
la même Province entre plusieurs
Rois. D'ailleurs ces Princes ayant
choifi pourCapitales de leurs Erats,
non des Villes Métropoles, mais
de fimples Citez , telles que Metz,
Orléans, Paris, SoifTons ; ces der-
nières Villes eurent bien-tôt acquis
4i2 JOURNAL D
une efpece de fupériorité & d'Em-
pire fur les autres de ces mêmes
Etats , ce qui aura beaucoup con-
tribué , dit l'Auteur , à intervertir
l'ordre ancien. Mais la fubdivifion
des Gaules en plufieurs Citez con-
tinua d'avoir lieu , tant pour le
gouvernement civil que pour l'Ec-
elefiaflique.
Les habitans des Gaules étoient
alors compofés de Nations diffé-
rentes , mêlées enfemble , fans être
confondues , diftincles les unes des
autres par les mœurs , par les ha-
bits , par la langue , & fur-tout par
les Loix : d'où il airivoit, Que ces
habitans étoient Compatriotes ,
fans être pour cela concitoyens ; 8c
regnicoles , fans être de la même
Nation : Que c'étoitla filiation &
non pas le lieu de la naiiTance , qui
décidoit de quelle Nation l'on de-
voit être : que le mot de Nation &c
celui de Peuple fignifioient alors
deux chofes différentes ; le premier
une Société compofee d'un certain
nombre de Citoyens , & cjui avoit
fes mœurs , fes ufages & même fa
loi particulière ; le fécond , l'af-
femblage de toutes les diverfes
Nations qui habitoient fur le terri -
toire d'une même Monarchie. Cha-
cune de cesNations étoit divifée en
hommes libres & en efclaves ; de
telle forte qu'un homme libre de-
venu efclave , l'étoit de la Nation
ou de fon créancier , ou de celui
qui l'avoit fait fon prifonnier de
guerre-, tandis que d'un autre côté,
fuivant le droit commun , l'efclave
affranchi étoit réputé de la Nation
du maître qui l'avoit mis en liber-
ES SÇAVANS,
té. Ce que l'Auteur juftifie par di-
vers partages de la Loi Ripuaire ,
lefquels , ainfi que ceux de diffe-
rens autres Codes Nationaux , qui
nous retient encore aujourd'hui 4
font foi , que les fix ou fept Na-
tions , qui fous les deux premières
Races de nos Rois , habitoient les
Gaules, avoient chacune leur Loi
nationale , fuivant laquelle tous
les particuliers de cette Nation-là
dévoient être jugés. C'eft ce que
fenible confirmer encore un article
du ferment prêté par le Roi Char-
les le Chauve , avant fon inaugu-
ration.
L'Auteur obferve ici que le
corps de droit civil , félon lequel
tout le peuple des Gaules étoit
gouverné , & qui comprenoit avec
le Code Théodofien les Codes na-
tionaux des Barbares , s'appelloit
collectivement Lex Mundana , ou
la Loi du Monde t par oppofition,
au Droit Canonique confacré aux
affaires Ecclefiaftiques. Du refte ,
pour nous faire paroître moins ex-
traordinaire cette divifion du peu-
ple d'une Monarchie en plufieurs
Nations diftinctes , l'Auteur en al-
lègue des exemples qui font actuel-
lement fous nos yeux ; tels que ce-
lui des Anglois établis en Irlande ,
des Turcs maîtres de la Grèce , des
Arméniens , des Juifs , des Egyp-
tiens , des Syriens , habitués en
Turquie , &c. dont la diftinction
fe perpétue peur le moins autant
par la différence de leurs loix na-
tionales , que par celle de leurs
Religions.
L'Auteur fait voir enfuite, que la
Royius*
J U I L L
Royauté ou le pouvoir de Clovis Se
celui de fes SuccefTems confifloicnt
çn ce que ces Princes étoient non
feulement Rois des Francs , mais
de plus Rois ou Chers fuprêmes de
chacune des Nations qui compo-
foient le peuple de leur Monarchie:
ainfï Théodebert étoit Roi des
Francs , Roi des Bourguignons ,
Roi des Allemands _, Roi des Ro-
mains , en un mot , Roi de chacu-
ne des Nations établies dans fon
partage. Nous avons aujourd'hui
quelques exemples femblables de
plusieurs Etats indépendans les uns
des autres, quoique réunis fous lin
feul & même Chef politique. Or
comme une telle réunion d'Etats
indépendans ne les incorpore
point , il en étoit de même fous
nos Rois delà première Race.
Comme la Monarchie Françoife
étoit héréditaire dès fon origine ,
l'Auteur s'efforce d'expliquer com-
ment cetteLoi s'y eitétablie,c\:quels
en pouvoient être les articles. Cet
établiffement paroît être auflî an-
cien que la divihon des Francs de la
Germanie en leurs différentes Tri-
bus , dont les diverfes Couron-
nes étoient héréditaires , du moins
en ligne directe ; &c les preuves
ou'en apporte M. l'Abbé du Bos
femblent d'autant plus décifîves,
qu'elles empruntent une nouvelle
force de l'ufage obfervé dans la
Monarchie depuis la mort de Clo-
vis , & qu'elles ne fe trouvent
contredites par aucuns monumens
de notre HiÈoirc. La Couronne de
Clovis formée de celles de toutes
les Tribus des Francs , lefquelles
Juillet.
E T, 1734; 415
étoient héréditaires avant cette réu-
nion , étoit donc aulîî héréditaire.
11 eit vrai qu'à toutes .ces Couron-
nes fe joignoit encore le pouvoir
Confulaire , qui rendoit Clovis
Chef des Romains des Gaules -, &
que cette Magiftrature n'étoit
qu'annuelle. Mais ( ajoute notre
Auteur ) il eft fort vraifemblable
que l'Empereur Analtafe avoit
conféré à Clovis la puiffance Con-
fulaire pour un tems indéfini ; con-
jecture qu'on appuyé ici de quel-
ques exemples de même efpece , &
fuivant laquelle les enfansde Clo-
vis auroient eu droit de fucceder
au pouvoir Confulaire, ainfi qu'à
la Couronne de leur père. Mais
quoiqu'il en foit de cette fuppofi-
tion hazardée , la ceffion des Gau-;
les faite aux Rois Francs par l'Em-
pereur Juftinien termina pleine-
ment la queftion ; & le droit dç
fouveraineté fur les Romains des
Gaules fut abfolument réuni à la
Couronne des Francs. Elle fut cer-
tainement héréditaire du moins
pour les fuccefleurs de Clovis , 8C
nullement élective , comme le
prouve évidemment l'Auteur par
une foule de témoignages hiftori-
ques , lefquels on peut voir chex
lui.
Delà il paffe à l'exhérédation
des filles -, autre article de la Loi de
fucceffion en ufage dès l'origine de
la Monarchie. A ia vérité cette Loi
ne fe trouve nulle part & n'a peut-
être jamais été rédigée par écrit.
Mais en pareil cas , un ufage con-
fiant & auquel on n'a jamais déro-
ge fufEt pour prouver l'exiftencc
Hhh
4i4 JOURNAL D
delà Loi qu'il fuppofc. Or les filles
de nos Rois morts dans le fixiéme
fiécle, loin de partager avec leurs
frères la Monarchie , quoiqu'alors
divifible , ont été toujours exclues
du trône , quoiqu'elles fuftent la
feule pofterité de leurs pères. C'eft
un fait fuffifamment conftaté pat
toute notre Hiftoire , &c fur lequel
il ne doit refter aucun doute. Ce
qui n'empêche pas que l'Auteur ,
par le feul motif de curiofité , n'e-
xamine s'il eft vrai j que fuivant
l'opinion commune , le Texte des
Loix Saliques contienne véritable-
ment l'article de notre Loi de fuc-
ceffion , en vertu duquel les femel-
les jufqu'à prefent ont été toujours
exclues de la Couronne. Il rapporte
ici cet article , & y fait un fçavant
Commentaire , qu'il faut lire chez
lui. On y verra l'Hiftoire du diffe-
rent pour la fucceffion au Royau-
me de France entre Philippe de Va-
lois &c le Roi d'Angleterre E-
douard III. dans lequel on ne man-
qua pas d'alléguer de part & d'au-
tre l'article de la Loi Salique diffé-
remment expliqué par les conten-
dans : &c notre Auteur obferve
qu'on n'a jamais révoqué en doute,
avant les tems de la ligue , que cet
article fût applicable à la Couron-
ne.
A l'égard de l'article de notre
Loi de fucceffion qui rend la Cou-
ronne indivifïble , il n'a été mis en
vigueur que fous les Rois de la
troifiéme Race. C'eft le tems [ dit
M. l'Abbé du Bos ] c'eft l'expé-
rience 't c'eft le Chriftianifmc fur-
îouc , qui ont porté les lois de
ES SÇAVANS,
fucceffion jufqu'au point de perfec-
tion qu'elles ont atteint dans les
Monarchies héréditaires de la Chré-
tienté , au moyen de quoi elles
préviennent tant de maux : & il
n'eft point furprennant que ces
loix dans le fixiéme fiécle fufTent
encore imparfaites , puifque l'Em-
pire Romain, la mieux réglée pour
lors de toutes les Monarchies , n'a-
voit point lui-même une loi de fuc-
ceffion bien établie , lorfqu'il finit
en Occident ; ce que l'Auteur
montre par quantité d'exemples.
Il nous parle , après cela , de la
diyifion la plus ordinaire des fujets
regnicoles de la Monarchie Fran-
çoife , fous les deux premières Ra-
ces de nos Rois. Cette divifion fc
faifoit en Romains & en Barbares
ou Chevelus. Les Romains étoient
les anciens habitans établis dans
les Gaules avant l'invafiondes Peu-
ple du Nord. Les Barbares étoient
ces derniers que leur longue che-
velure diftinguoit des premiers.
Dans le fixiéme fiécle & dans
le feptiéme le nom de Barbare n'a-
voit rien d'odieux puifque ces
étrangers eux-mêmes fe le don-
noient comme un nom devenu il-
luftre. L'Auteur trouve encore une
autre divifion des fujets de notre
Monarchie en Francs ev en Neuftra-
fîens ou Nations Occidentales , qui
comprenoient les Romains , les
Bourguignons , les Vifigots , &c.
L'Auteur vient enfuite à ce qui
concerne la conftitution du gou-
vernement des Nations différentes
comprifes dans la Monarchie des
Francs , & il commence par ces
J U î L L
derniers. Ils fe gouvemoient fclon
deux Loix , la Salique &c la Ripuai-
re. La plus ancienne rédaction que
nous ayons de la première eft due à
Clovis. On croit que la féconde a
été rédigée par Thierry fon fils. La
première divifion de la Nation
parmi les Francs comme parmi
toutes les Nations contempo-
raines étoit celle qui la parta-
geoir en hommes libres c>: en efcla-
ves. La fervitude de ceux-ci croit
de divers genres; &C notre Auteur
en fpecifie jufqu'à cinq. En général
[ dit - il ] le nombre des efclaves ,
lors de l'établilTement des Francs
dans les Gaules , étoit beaucoup
plus grand parmi toutes les Na-
tions que le nombre des Citoyens :
& fous nos premiersRois de la troi-
fiéme Race , les deux tiers des ha-
bitans de la France étoient efclaves
ou Serfs-, ce qui procedoit unique-
ment £ obferve l'Auteur ] de la
conftitution générale de toutes les
focietés politiques d'alors; & nulle-
ment de la dureté des Francs , qui
eufTent réduit les anciens habitans
des Gaules dans une forte d'efcla-
vage. Il nous parle du traitement
que les Peuples Germaniques fai-
foient à leurs Serfs ; & il regarde
l'introduction de cet efclavage
germanique dans les Gaules com-
me l'origine de ce grand nombre
de chefs de famille . ou de perfon-
nes domiciliées dans un manoir
particulier , &c qu'on voit néan-
moins avoir été Serves de corps &
de biens dans le feptiéme fîécle &
dans les ficelés fuivans. La condi-
tion de Serfs n'interdifoit point le
E T , î 7J4» 415-
maniment des armes à ceux qui l'é-
toient , chez les Nations Germani-
ques : l'ufage de les conduire à la
guerre avoit encore lieu fous nos
Rois de la troifiéme Race , & ces
Serfs étoient admis juridiquement
dans les combats en champ clos ,
pour la décifion des procès.
Quant aux Francs de condition
libre, ils étoient tous Laïques;
car l'état Fccleinltique les faifoit
pafler dans la Nation Romaine ,
fuivant le droit de laquelle ils é-
toient obligés de vivre. Les Francs
ne compofoient tous qu'un feul 8c
même ordre de Citoyens , dont les
Princes de la Maifon Royale é-
toient feuls diftingués. L'Auteur
prouve cette unité d'ordre chez les
Francs par divers exemples tirés des
Loix Salique Se Ripuaire , par l'au-
torité d'Adrien de Valois & celle
de M. Hertius fondées l'une &C
l'autre fur des palTages décififs. Ii
obferve , que bien que les vo-
leurs & les meurtriers ne fuitent
condamnés par ces Loix qu'à une
amende pécuniaire , ils ne laif-
foient pas d'être punis de mort. Il
conclut que dans la Nation des
Francs , il n'y avoit aucunes famil-
les de Citoyens , qui, en qualité
de Nobles & en vertu de leur naif-
fanec formalTent un ordre public t
Se que la conftitution de la Société
chez les Francs étoit à cet égard la
même , qu'elle eft encore aujour-
d'hui en Angleterre.
M. l'Abbé du Bos , après nous
avoir parlé de la Loi des Francs,
nous entretient de ceux qui étoient
prépofés pour la faire obfcrver.
Hhhij
4i6 JOURNAL D
Les Rois exerçoient fouvent les
fonctions de premier Magittrat.
immédiatement fous eux étoient
les Semeurs [feniorcs ] ou les vieil-
lards , qui étoient en même tems
ies principaux Officiers du Roi ,
tant pour le civil que pour le mili-
taire , &c dont les Supérieurs ou
Préfidens s'appelioient Archi-Sé-
nienrs} nommés dans la Loi Salique
Sagbarones [ Hommes d'affaires. ]
Une partie de ces Sénieurs reftoit
auprès du Roi , pour lui lervir de
confeil , & l'autre envoyée dans
les Provinces y gouvernoit les
Francs à la tête d'une efpece de Sé-
nat compofé de ioo perfonnes
choifics par les Citoyens de chaque
département , &£ nommées Cente-
naires.
' Les Francs avoient dtux aflem-
blées ; l'une appellée Champ de
Mars , parce qu'elle fe tenoit au
mois de ce nom , & dans laquelle
ils prenoient , fous la direction de
leur Prince , toutes les refolutions
convenables au bien général de la
Tribu i l'autre nommée Mallus ou
Maïlmn , qui fe tenoit par des
Officiers prépofés à cet effet , Se
qui alloient de Contrée en Con-
trée , rendant la juftice dans tout
un Canton. L'ancien champ de
Mars fut aboli fous les SuccefTeurs
de Clovis , parce que les Etats dif-
perfés ne comportoient plus de pa-
reilles affemblées tous les ans : &c
l'on ne les convoqua plus que
pour des expéditions militaires
importantes. Les Tribunaux infé-
rieurs à celui-là étoient convoqués
par le Comte ou Gouverneur parti-
ES SÇAVÀNS,
culier d'une Cité, pour termines
les procès de petite confequence ,
Si juger les autres en premier ref-
fort.
Bien loin que les Francs ne fif-
fent d'autre profeffion que celle des
armes , comme fe le font figuré
chimeriquement certains Auteurs \
M. l'Abbé du Bos montre qu'il en
étoit d'eux comme des Romains de
des autres Nations habituées dans
les Gaules -, c'eft-à-dire , qu'il y
avoit des Francs dans tous les états
& dans toutes les conditions de la
Société', dans l'état Ecckfîaftique
&c même dans l'Epifcppat , comme
un Le at on , un Genotigerne &c d'au-
tres; dans les dignité* de Duc & de
Comte , où ils exerçoient en même
tems le pouvoir civil & le militai-
re , qui turent réunis fous Clovis
& fes SuccefTeurs ; dans les Sénats'
des Villes , où ils exerçoient les
fonctions des emplois municipaux j,
en un mot , dans toutes les profef-
iîons lucratives. Que Léman & Ge-
notigerne fuffent des Evêques
Francs , ( obferve l'Auteur ) kurs
noms feuls en font foi , 8c e'eft
( félon lui ) une marque fûre pour
distinguer les Romains d'avec les
Barbares. Il prévient encore une
objection qu'on pourroit lui feire
fur le peu d'aptitude des Francs à,
exercer les emplois qu'il leur fait
remplir , Se dont l'ignorance du
Latin les rendoit peu capables. Il
montre qu'ils dévoient tous enten-
dre fe Latin & le parler , & il ea
allègue des raifons très-fortes.
Du gouvernement des Francs
dans les Gaules , notre Auteur paf-
JUILLET, 1754: 4I7
fe à celui des Bourguignons qui à détruire le faux préjugé où l'on
eft que ces Princes reduifirent les
anciens habitans des Gaules à une
condition peu différente de la fer-
vitude. Il obfervc donc, i°.Que
Clovis , à l'exception du petit Etat
de Syagrius, n'a rien conquis par
étoit dirigé, comme on l'a déjà dit,
par la Loi Gambette. Cette Loi avoir
introduit l'ufage des duels pour dé-
couvrir par l'événement du combat
la vérité des faits déniés par un ac-
eufé. Quelque pernicieufe que foit
la morale d'une telle Loi [ remar- force dans les Gaules ; qu'il n'y a
que l'Auteur ] elle a fait plus de fait toutes fes acquittions que par
Sectateurs que les meilleures Loix : voye de négociation , & de l'aveu
&leRoiGontran petit -fils deClovis
eft le premier de nos Monarques
qui ait ordonné un combat fingu-
lier , comme une procédure juridi-
que. Mais l'Auteur conjecture que
ces combats iniques ne s'accrédi-
tèrent parmi les Francs que fous
les derniers Rois Carliens. Au fur-
plus , les Bourguignons , ainfi que
les Francs, avoient part' aux prin-
cipaux emplois de la Monarchie.
M. l'Abbé du Bos examine ,
dans fon feptiéme Chapitre , quel-
des Romains du Pays : 20. Qu'il
n'eft pas vraifembhble qu'Anaftafc
en faifant Conful Clovis déjà maî-
tre d'une grande partie des Gaules,
eût conféré cette dignité à un Prin-
ce qui auroit perfecuté les Rcr-
mains : 30. Que comme les Gau-
lois , pour plaire aux Romains ,
avoient fuppofé que l'un & l'autre
peuple defeendoient également des
anciens Tfoyens ., de même les
Francs dés leur premier établiffe-
ment dans les Gaules , voulu-
les étoient les Loix fuivant lefquel- lent aufîï defeendre des habi-
les fe gouvernoient les autres Bar- tans d'Ilion. L'Auteur efl: donc
bares , qui compofoienc la Monar- perfuadé que dans les rems dont il
chic des Francs , tels que les Aile- eft ici queftion , l'état des Gaules
mands domptés à la bataille de étoit à peu près le même qu'il avoit
Tolbiac , les Vifîgots, les Bavarois, été fous Honorius & fous Valenti-
les Téifales , Nation Scythique , nien III. c'eft à-dire , quelesEvê-
établie dans le Poitou , les Saxons ques gouvernoient leurs Diocéfes
qui avoient leurs quartiers dans la avec la même autorité ; que les Ro-
Cité de Bayeux ; les Bretons Infu
laires : &c il fait fur toutes ces Na-
tions des recherches curieufes , auf-
quclles nous renvoyons , pour
abréger.
Il vient enfuite«au gouverne-
ment général des Gaules fous Clo-
vis & fes premiers Succefleurs ,
mains continuoient à vivre fuivant
le Droit Romain ; qu'on y voyoit
les mêmes Officiers dans chaque
Cité -, qu'on y levoit les mêmes
impofitions ; qu'on y donnoit les
mêmes Spectacles ; en un mot ^
que les mœurs &c les ufages y
étoient les mêmes que fous les Em~
fur quoi il fait d'abord trois obfer- percurs.
.varions préliminaires, qui tendent L'Auteur entre dans un détail
*i8 JOURNAL D
plus particulier , fur chacun de ces
Chefs , en commençant par les
Ecclefiaftiques. Il montre que les
Rois Mérovingiens , guidés par les
maximes de Clovis , témoignoient
beaucoup de zélé pour la propaga-
tion de la Foi Se pour les intérêts
de l'Eglife. Ils lailïoient aux Con-
ciles le droit de juger les Evêques ,
même ceux qui étoient coupables
du crime de Leze-Majellé , Se mar-
quaient beaucoup de refpect pour
les Canons. L'Auteur s'applique à
prouver , contre le fentiment de
quelques modernes, que jamais les
Evêques n'ont été plus puiflans Se
plus accrédités dans les Gaules, que
fous les Rois Mérovingiens ; Se fes
preuves font appuyées fur l'énu-
meration de toutes leurs prérogati-
ves. Nos Rois ( ajoûte-t il) avoient
tant de confiance dans la vertu Se
Se dans la capacité de ces Prélats ,
qu'ils les appelloient même pour la
difeuffion des affaires les plus éloi-
gnées de leur profeiïion. En un mot
( continue l'Auteur ) les Evêques
faifoient une fi grande figure fous
les petits-fils de Clovis , que ces
Rois eux-mêmes leur portoient en-
vie.
Outre les preuves générales par
lefquclles notre Hiftorien a fait
voir que chaque Nation établie
dans les Gaules , Se par confequent
la Romaine qui y faifoit le plus
grand nombre , y étoit gouvernée
fuivant fes Loix ; il en produit ici
de plus particulières par rapport
aux Romains. Elles confident en
un Edit du Roi Clotaire I. en quel-
ques Formules de MavcuI\>\k pour
ES SÇAVANS,
les Actes Juridiques , en quelques
autres Formules ufitées fous les
Rois Mérovingiens , Se en plu-
fieurs faits hiftoriques recueillis
par l'Auteur, Se qui attellent que
fous h première Race les Romains
des Gaules vivoient fuivant la Ju-
rifprudence Romaine. Il eit per-
fuadé qu'ils fuivoicnt alors le Code
Théododen Se celui d'Anian rédi-
gé par les ordres d'Alaric II. Roi
des Viligots en J05. Se qu'ils ont
continué d'être divifés en trois or-
dres , ainfi qu'ils l'étoient aupara-
vant.
Du refte , la diverfité de tous
ces Codes Nationaux , fuivant
lefqucls on devoit rendre la juftice,
en cmbarraiToit Se en retardoit
beaucoup l'adminiftration ; d'où
l'on doit juger combien la premiè-
re conformation de notre Monar-
chie étoit vicieufe à cet égard ainfi
qu'en plufieurs autres ; en forte que
notre Auteur s'étonne moins que
1 jo ans après fa fondation elle foit
devenue fujette à des troubles pref-
que continuels , qu'il n'en; furpris
qu'elle ait pu refifter à tous fes
maux , fans y fuccomber à la fin.
C'eft fur quoi M. l'Abbé du Bos
fait diverfes reflexions également
juftes Se intereiîantes , qu'il faut
lire chez lui , Se que nous palTons
pour en venir au Chapitre Xe , où
il eit prouvé que la divifion des
Romains en trois Ordres a fubfifté,
fous nos Rois , que les Romains
avoient part à tous les emplois de
la Monarchie , Se qu'ils s'allioient
par mariage avec les Francs.
Que la diviilon des Romains en
J U I L L E
trois Ordres , le Sénatorial 3 le Cu-
rïal , &c celui des affranchis , ait
fubfifté fous nos Rois , l'Auteuc en
trouve la preuve , non feulement
dans Grégoire de Tours, mais dans
la Loi Salique , dont il cite ici plu-
sieurs titres. Que ces mêmes Rois
ayent fouvent conféré aux Ro-
mains des Gaules les emplois les
plus importans de la Monarchie ,
c'eft de quoi les Monumens du fi-
xiéme Se du feptiéme ficelé ne per-
mettent pas de douter. On y voit
de cette Nation des Ducs ou des
Généraux d'Armées , un Lupus ,
un Crammelenus ; on y voit des
Tribuns Militaires , des Maîtres
de la Milice ; on y voit des Patri-
ces , un Celfe , un Amatus , un
Mummole ; on y voit des Ambaf-
fadeurs , un Bodegefile , un Evan-
îhius. Notre Auteur n'entre fur ce
point dans un détail fi particulier ,
que pour fermer la bouche à cer-
tains modernes, qui penfent diffé-
remment , & cela , fans être fon-
dés fur aucune Loi pofitive , fur
aucun fait , fur aucun exemple , Se
fans avoir jamais eu la réputation
( dit notre Auteur ) d'être fçavans
dans nos Antiquitez. Une nouvelle
preuve que les Francs ne traitoient
point leurs Sujets Romains comme
des Serfs , c'eft qu'ils leur don-
noient tous les jours leurs filles en
mariage ; comme l'Auteur s'efforce
de le montrer par une foule d'auto-
ïitez , fur lefquelles on peut le
eonfulter.
Chaque Cité , fous nos premiers
Rois , étoit gouvernée par un
Comte , à qui dévoient s'adieffer
T , 1734. 4i£
les Magiftrats Municipaux & les
Officiers Militaires des Romains ;
ainfi que les Senteurs dvs Francs &
les autres Chefs des Effains de Bar-
bares établis dans les Gaules. C'é-
toit ce Comte , qui , dans les occa-
fîons commandoit les troupes de
ion diftrid & qui avoit foin que la
juftice fût rendue & que les reve-
nus du Prince fuffent payés. Mais
lorfque nos Rois enclavoient plu-
fieurs Citez dans un feul & même
gouvernement , ce qui arrivoit
quelquefois , fans former néan-
moins un département ftable, alors
celui auquel on confioit un pareil
gouvernement prenoit le titre de
Duc. Quoique les Rois conferaf-
fent ces Emplois de Comte fuivant
leur bon plaifir , ils avoient cepen-
dant quelquefois la complaifance
de laiffer le choix de ces Officiers
au Peuple de la Cité même qu'il
devoit gouverner : ce qui ne fent
en nulle façon l'efclavage [obfervc
l'Auteur. ]
Chaque Cité avoit confervé fon
Sénat , qui avoit la même autorité
dans fon diftricl: , que le Sénat de
Rome dans le fien , fous le bas Em-
pire : & c'eft de quoi Grégoire de
Tours rend témoignage. Il paroîc
[ dit l'Auteur] que pluficurs de ces
Sénats avoient été maintenus dans
leurs principaux droits , même
fous la troifiéme Race , quoique
leurs citez fe trouvaient enfermées
dans les Domaines des grands Feu-
datairesde laCouronne.C'eft ce qui
mettoit alors ces Villes en poffef-
fîon du Droit de Commune , qu'el-
les prétendoient tenir de tems im-
4-20 JOURNAL DE
mémorial ; & c'eft ce que notre
Auteur expofe ici plus au long , an-
ticipant même, pour l'expliquer
mieux , fur l'Hiltoire des fiécles
pofterieurs au fixiéme 6v au frptié-
me, comme on peut le voir dans
le Livre même , par rapport aux
Villes ou citez de Tournai , d'Ar-
ras , de Teroucnne , de S. Malo ,
de Rheims , de Boulogne , d'An-
goulêmc , de Touloufe & de Lyon.
C'eft à regret que pour ne point
trop étendre cet Extrait , nous
fommes contrains de nous renfer-
mer dans la fimple indication de
tous ces articles.
Non feulement chaque Cité
avoit confervé fon Sénat fous nos
premiers Rois -, mais on ne lui
avoit pas même retranché fa Mili-
ce particulière , & ces Citez pre-
noient quelquefois les armes l'une
contre l'autre , dans le cas du déni
de Juftice, comme elles le faifoient
fous les Empereurs , à titre d'al-
liées , & non de fujettes du Peuple
Romain. Ainfi [ obferve M. l'Abbé
du Bos ] lorfque nos premiers Rois
de la troifiémc Race , ont accordé
parleurs Chartres aux Communes
qu'ils retablilToient ou qu'ils éri-
geoicntde nouveau, ledroit de ti-
rer raifon de fes Concitoyens par
la voye des armes ; ces Princes
n'ont fait en cela que rendre aux
premières un droit dont des ufur-
pateurs les avoient dépouillées , &
qu'elles reclamoient : cv en accor-
der un pareil aux fécondes , dans
un tems où la France étoit couverte
de brigands nichés dans des forte-
refles j & refpe&ant peu les juge-
5 SÇAVANS;
mens des Souverains. Ce furent
[ continue notre Auteur ] ces guer-
res civiles , qui changèrent dans
les Gaules les bâtimens en mafures,
les champs labourés en forêts , les
prairies en marécages , &c qui re-
duifirent enfin cette Contrée fiflo-
rilTante encore fous Clovis , dans
l'état de mifere &c de dévaluation
où elle étoit au huitième héclc. Au
furplus les milices des Citez étoient
tenues de marcher au premier com-
mandement fur peine d'être punies
comme défobéillantes. Tous les
faits avancés dans ce Chapitre font
appuyés du témoignage de Grégoi-
re de Tours ; fur quoi l'Auteur
obferve que quand cet Hiftorien
déligne ceux dont il fait mention
par le nom propre de leur Pays , il
entend parler des Romains de ce
Pays-là , & nullement des Barbares
qui s'y étoient établis.
M. l'Abbé du Bos employé fon
XIIIe Chapitre à prouver que les
Francs n'en ont pas ufé avec les Ro-
mains des Gaules , comme la plu-
part des autres Nations Barbares en
avoient ufé avec les anciens habi-
tans des Provinces Romaines où
ils s'étoient cantonnés , & qu'ils
ne leur ôterent point une portion
de leurs terres. Il avoiie bien,
que fous les Rois de la première
6 de la féconde Race , & même
fous les premiers de h rroifiéme ,
il y a eu dans le Rovaume desef-
peces de Fiefs appelles Terres Sali-
nités & aftcétés particulièrement à
la Nation des Francs : mais il nie
que ces terres euftent été ufurpées
par nos Rois fur les particuliers
des
J U ï L L E
•«Ses Provinces qui s'étoient foûmi-
fes à la domination de ces Princes ;
& il le ronde pour cela fur deux
raifons. La première eft que Clovis
a pu donner des terres Saliques à
fes Francs fans dépouiller les Ro-
mains des Gaules d'une partie de
leurs fonds. La féconde eft tirée du
filence profond de tous les Monu-
mens Littéraires de nos Antiquitez
fur un fait de cette nature.
Que Clovis ôc fes Succe fleurs
ayent pu distribuer à leurs Francs
des terres Saliques fans dépouiller
en partie les Romains ; M. l'Abbé
du Bos s'efforce de le prouver par
ces deux considérations ; i°. Que
la Nation entière des Francs fe re-
duifoit au petit nombre de 24 ou
15 mille combattans : 2.°.Que dans
les deux Provinces Germaniques ,
& les deux Belgiques foûmifes à
l'obéiffance de Clovis avant fa
mort , il devoir y avoir des Bénéfi-
ces militaires en plus grand nom-
bre , que dans aucun autre canton
de l'Empire , parce que dans tous
les tems 3 les Romains y avoient
tenu plus de troupes à proportion
que par-tout ailleurs ■> d'où l'Au-
teur infère , que Clovis aura fait
de ces bénéfices militaires autant
de terres Saliques en les conférant à
des Francs aux mêmes conditions
que les Romains en avoient joui
auparavant , c'eft-à-dire, à la char-
ge de porter les armes pour le fer-
vice du Prince à fa requifition ;
moyennant quoi ces bénéfices paf-
feroient à pareilles conditions aux
enfans du gratifié. Clovis £ ajoute
l'Auteur] aura de plus converti en
T , 1734; 4aï
terres Saliques d'autres fonds diffe-
rens des bénéfices militaires , &
dont il aura pu difpofer , comme
ayant été du Domaine des Empe-
reurs , ou étant dévolus au Prince
à titre de déshérence , de confifea-
tion ou autre : fans compter , qu'on
ne lit dans aucun Auteur ancien ,
que Clovis air donné une portion
de terre Salique à chacun des
Francs qui l'avoient fuivi.
A l'égard du filence qui règne
dans tous les anciens Monumcns
Hiltoriques au fujet de cette ufur-
pation prétendue des Francs fut
les terres appartenantes aux Ro-;
mains des Gaules -, il forme une
preuve du contraire d'autant plus
forte , que ces Monumens } tels
que les Loix Salique &Ripuaire,
les Capitulaires t ainfi que l'Hi-
fto're de Grégoire de Tours Se
celle de Procope , ne laiiTent point
ignorer la conduite des autres Bar-
bares , tels que les Vandales , les
Oftrogots , les Vifigots & les Bour-
guignons , qui après s'être établis
fur le territoire de l'Empire Ro-
main , s'y approprièrent une pârrie
des terres des anciens habitans : ce
que l'Auteur juftifie par un grand
nombre de paffagesid'où il conclud
quel'Hiftoire&les Loix des Francs
ne nous apprenant rien de pareil
touchant ces Peuples , il s'enfuit
qu'ils n'ont point ôté aux Romains
une partie de leurs terres pour en
former des terres Saliques.
L'Auteur fait voir , dans les
Chapitres XIV &c XV que les reve-
nus de Clovis & des autres Rois
Mérovingiens étoient les mêmes
Iii
412 JOURNAL DE
que ceux qu'avoientles Empereurs
dans les Gaules , lorfqu'ils en
étoient les Souverains. Il le prouve
en premier lieu par rapport au re-
venu des terres qui étoient du Do-
maine de l'Etat ou du Prince. Ce
revenu devoit être d'ancienne date,
[ dit l'Auteur ] puifque fous le
Roi Charibert petit-fils de Clovis,
on doutoit [ au rapport de Grégoi-
re de Tours ] fi la Métairie de Na-
zelles appartenante à l'Eglife de
S. Martin , étoit ou non du Domai-
ne Royal ; au lieu que le fait eût
été notoire , fi pour le vérifier il
n'eût rallu remonter que jufqu'à
Clovis. Les revenus provenans du
droit qui fe levoit fur les beftiaux
qu'on menoir paître dans les terres
domaniales , & de celui qu'on ti-
roit des Mines ou carrières, appar-
tenoient aux Rois Mérovingiens ,
coinme ils avoient appartenu aux
Empereurs , Se l'on en donne ici
des preuves.
La féconde branche du revenu
de ces derniers confiftoit dans le
tribut public , c'eft-à-dire , la taxe
par arpent &c la capitation. Les Rois
Francs ( dit notre Auteur) laiffe-
"rent ce fubfide fur le même pied ,
où il étoit fous les Romains; & c'eft
ainfi qu'en uferentles Vifigots, les
Bourguignons & les Oftrogots ,
qui levèrent les revenus publics
dans les Gaules conformément aux
anciens cadaftres ou Canons. C'eft
de quoi ne permettent pas de dou-
ter les divers témoignages qu'en
allègue M. l'Abbé du Bos. C'étoit
îc Comte de chaque Cité qui Eai-
Soïi le recouvrement de ces de-
S SÇAVANS,
niers , fous nos Rois , ainfi que
fous Ls Empereurs. Perfonne, non
pas même les Ecclefiaftiques , n'é-
toit exempt de payer le tribut pu-
blic , à l'exception de ceux à qui le
Prince en avoit accordé une exem-
ption fpeciale ; & rien [ félon les
Jufifconfultes ] ne prouve mieux
l'cxiitcnce d'une Loi 3 que ces for-
tes d'exemptions , dont on produit
ici pluiîeurs exemples,
L'Auteur examine enfui te une
queftion curieufe §£ importante
pour la matière dont il s'agit , fça-
voir , fi les Francs , fous le règne
des enfans de Clovis , payoient ou
non le fubfide ordinaire. L'opinion
commune eft pour la négative :
mais notre Auteur eft d'avis con-
traire , & en apporte de folides
raifons , fondées fur la conduite
tenue en pareil cas par tous les au-
tres Barbares contemporains , éta-
blis dans les Gaules, & fur l'auto-
rité des Capitulaires de nos Rois
de la féconde Race,aufquels on n'a
jamais reproché d'avoir dégradé les
Francs, &c fur un Edit de Charles
le Chauve : après quoi , il îépond
à deux objections tirées par fes ad-
verfiures de deux paffages de Gré-
goire de Tours , qu'il montre n'in-
firmer en rien fen fcntiment fur ce
point.
Les droits de douane & de péage
fubfifterenrfous nos Rois des deux
premières Races, & ce produit fai-
foit une troifiéme branche du reve-
nu de ces Princes. L'Auteur prouve
contre quelques Ecrivains moder-
nes , ennemis déclarés de l'érae
prefent de notre Monarchie 3 que-
JUILLE
les Francs n'étoient pas même
exempts de payer ces droits •> & il
le prouve par quelques articles des
Capitulaires, appuyés de quelques-
unes de fes reflexions qu'on peut
voir. Quant à la quatrième branche
du revenu des Empereurs , laquel-
le confiftoit en confifcations & au-
tres droits cafuels , tels que des
prefens volontaires offerts par les
iujets en certaines occafions ; ces
droits avoient aufïî lieu fous nos
Rois Mérovingiens , comme le
fait voir iM. l'Abbé du Bos.
Il nous parle t après cela , de
quelques ufages établis dans les
Gaules fous les Romains , & qui
continuèrent fous la première Race
de nos Rois. Tels étoient celui des
maifons & des chevaux de porte
placés de diftance en diftance fur
les grandes routes ; les Manufactu-
res &c les Gynécées ou Edifices pu-
blics dans lefquels on faifoit tra-
vailler un grand nombre de fem-
mes au profit du Prince ; les Spec-
tacles publics ou Tournois ; les
bajns -, la fabrique des monnoyes
d'or frappées au même titre & du
même poids que fous les Empe-
reurs ; l'ufage vulgaire de la Lan-
gue Latine dans tous les Actes pu-
blics , &c
Le pénultième Chapitre de cet
Ouvrage roule fur l'autorité avec
laquelleClovis & Jes Rois fes fils &
fes petits- fils ont gouverné; &l'on
y voit qu'elle n'étoit guéres moins
•defpotique fur les Francs que fur
les Romains accoutumés depuis
iong-tems à ce defpotifme. Les
Francs épars dans les Gaules, &
n'étant plus rafTemblés dans un pe-
tit Canton , comme en Germanie l
étoient obligés d'obéir au Souve-
rain avec autant de foûrniflion que
les Romains , au milieu defquels
ils vivoient. C'eft à quoi contri-
buoit encore beaucoup l'ufage éta-
bli , qui donnoit au Roi des Francs
le pouvoir de juger feul en matière
civile ou criminelle., &ccluid'aug-
menter les impôts , fans en obtenir
îe confentement de perfonne.
L'Auteur prouve l'un & l'autre
par divers exemples & par plufieurs
raifonnemens que nous fupprimons
pour abréger. Mais ( obfcrvet-on
ici ) il ne paroît pas que les Rois
Mérovingiens ayent abufé de leur
autorité , quant à l'impofition de
nouveaux fubiîdes. Ils étoient fi œ,
conomes s & leurs revenus étoient
fi grands à proportion du peu de dé-
penfe qu'ils faifoient pour l'entre-
tien de leurs troupes , à qui les
terres dont elles joUiifoicnt te-
noient lieu de paye ; que ces Prin-
ces étoient toujours riches en ar-
gent comptant. D'ailleurs ils a-?
voient des reflourecs toujours pre-
fentes dans les avances des Juifs ,
ou dans la confifeation de quelque
riche coupable , qu'ils condam-
noient.
M. l'Abbé du Bos termine cet
important Ouvrage par la recher-
che du tems où a celîéla diitinction
entre les différentes Nations qui
compofoient le peuple de la Mo-
narchie. Il trouve que cette diitinc-
tion s'eft maintenue jufqu'à la fin
de la féconde Race de nos Rois ;
bien qu'il lût permis , dès le terne
ïiiijj
424 JOURNAL DES SÇAVANS,
de la première, au Franc de fe faire plus fenfiblement , en forte que les
Romain , & au Romain de fe faire
Franc, ou de telle autre Nation
qu'il lui plaifoit ; & que les autres
Barbares euflent la même liberté ,
Ecclefiaftiques auront été les feuh
reconnus à leur habit pour être de
la Nation Romaine. Quand les
Provinces du Royaume, fous les
quelque bizarre qu'elle paroifTe. derniers Rois de la féconde Race
Comment s'eft - il donc pu faire devinrent la proye des ufurpateurs,
( demande l'Auteur ) que toutes
les Nations , dont l'aflemblage
formoit le Peuple de la Monarchie
Françoife , ayent été confondues
en une feule & même Nation ;
Voici quelle eft fon opinion fur ce
ces Tyrans qui n'avoient d'autre
Loi que leur volonté , auront im-
pofé îîlenceà tous les Codes Natio-
naux. D'où il fera vraifemblable-
ment arrivé , que ces Nation*
n'ayant plus pour fe diftinguer , ni
point. 11 prétend que ces diverfes marques extérieures , ni Loi parti
Nations qui au bout de quelques
«énérations parloient communé-
ment la même langue dans la mêr
me contrée , auront commencé ,
par un habillement uniforme , à
faire difparoître les marques exté-
rieures , qui les diftinguoient le
culiere , elles fe feront enfin con-
fondues. C'en- ce que M. l'Abbé du
Bos s'efforce de mettre dans ua
plein jour par une difculïion appn>
fondie , fur laquelle nous ren^-
voyons au Livre même.
DESCRIPTION DES PLANTES QVI NAISSENT , OU SE
renouvellent aux environs de Paris , avec leurs ufages dans la Médecine
& dans les Ans , le commencement & le progrès de cette Science , &
l'Hifloire des perfonnes dont il ejl parlé dans l'Ouvrage. Par M^ Fabre-
gou , Botanifie & Démonflrateur. Tome I. A Paris , chez Jacques Lam-
bert , rue S. Jacques, à la Sagefle. 1754. Volume /»-iz. pages 354.
LE Volume qu'on donne ici au
Public , cft une Introduction à
fept autres qui le doivent fuivre.
L'Auteur , pour cette raifon , fe
propofe uniquement, dans celui-
ci , de parler des Plantes en com-
mun j après quoi , conformément
au. titre général de l'Ouvrage , il
traitera en particulier de celles qui
viennent aux environs de Paris ,
foit qu'elles y croilTent d'elles-mêV
mes , c'efbàdire^ fans y avoir été
Kanfgottées d'ailleurs , foit qu'elr
les s'y renouvellent, c'eft-à-dire ^
qu'elles y croilTent après y avoir
été tranfplantées , & s'y être natu-
ralifées ; car c'eft ce qu'il faut en-
tendre par ces mots du titre : qui
naijfent ou fe renouvellent.
La defeription dont il s'agit
dans ce premier Volume, &qui,
comme nous venons de le remar-
quer, n'eft qu'une Introduction
au Livi , ne regarde donc pas plus
les Plantes des environs de Paris,
que celles de tous les auties enr
J U I L L
droits du monde. Elle confifte en
une Analyfe univerfelle des parties
intérieures des végétaux , depuis la
graine d'où ils fortent , jufqu'à cel-
le qu'ils produifent enfuite eux-
mêmes.
M. Fabregou commence par la
Plante en général. Il vient enfuite à
ïa graine confiderée comme l'origi-
ne du végétal , puis à la racine , à
îa moelle , aux infertions &c à la ti-
ge. Il palTe delà aux bourgeons ,
aux branches , aux feuilles , à la
fleur , au fruit , & enfin à la graine
eonfiderée , non comme l'origine
du végétal, ainfi qu'il l'a confiderée
d'abord , mais comme la dernière
production du végétal même.
Pour rendre cette Introduction
plus complette , il traite enfuite
de l'établilTemenr, des genres Se
des efpeces où chaque Plante
doit être rangée. La lignification
des termes de Botanique , la durée
des Plantes , & la manière de les
cultiver , fontlefujet de la fin du
Volume , conjointement avec la
méthode de multiplier les arbres
& les arbriu^eaux , foit par graines ,
foit par boutures , foit par greffes,
fbit par provins, foit par croflettes.
Les fécond , troifiéme , quatriè-
me , & cinquième Volumes con-
tiendront la defeription des plan-
tes qui croifient aux environs de
Paris ; le fixiéme renfermera la di-
vifion de ces mêmes Plantes félon
leurs genres & leurs claffes , avec
des notes qui ferviront à faire di-
ftinguer les Plantes ufuelle3 d'avec
les autres. Le feptiéme & le huitiè-
me feront employés à l'Hiftoiffc
ET, 1754Î 42J
des Auteurs célèbres dont il aura
été parlé dans le cours de l'Ouvra-
ge
M. de Tournefort s'elt fignalé
par divers Ecrits fur la Botanique ,
& entr'autres , par celui qui a pour
titre : Hiftoïre des Plantes qui naif-
fent aux environ* de Paris , avec
leurs ufages dans la Médecine.
M. Chicoineau premier Méde-
cin du Roi, & ci-devant Intendant
du Jardin Royal des Plantes à
Montpellier, die dans une appro-
bation authentique, dont le Livre
de M. Fabregou fe trouve décoré
qu'après cette fçavante Hiltoire de
M. de Tournefort , ilfembloit qu'il
n'y eût plus rien à defirer fur une
telle matière , mais que depuis les
deux dernières Editions qui en ont
paru , M. Fabregou a travaillé fi
utilement fur le memefujet , qu'il fera
aifé de juger par la leïlure de fou
Ouvrage , que ce fujet n'était pas
êpuifé , & qu'il pouvait être notable-
ment enrichi non feulement par la def-
eription exatle d'un grand nombre
de nouvelles plantes , mais encore par"
plufieurs obfervations importantes &
réflexions tris-judicieufes fur les par-
ties intérieures de ces plantes , & fur
leurs vertus.
M. Winflov qui a examiné par
l'ordre de Monfeigneur le Garde
des Sceaux , les deux premiers To-
mes du même Livre, attefte dans
fon certificat, que c'eftunmanuf-
crit qui peut être imprimé comme'
un Ouvrage utile & curieux.
Apres de tels témoignages , M.
Fabregou paroît excufable d'avoir
ofé travailler fur la même matière:
4*6 JOURNAL DE
que M. de Tournefort ; d'autant
plus qu'il ne prétend point fe met-
tre en parallèle avec un fi illultre
Botanitte , & qu'il déclare au con-
traire que fans la lecture des Ou-
vrages de cegrand Homme , il au-
roit été bien éloigné de pouvoir ja-
mais faire aucun progrès dans la
Botanique. Mais fi l'on veut juger
ici du Livre par le Livre même , en
voici un expolé ridelle.
L'Auteur combat d'abord la dé-
finition que M. de" Tournefort a
donnée de la Plante , fçavoir , que
c'eft un corps orginifè qui a effentiel-
Ument une racine , peut être nnefe-
mence , &c.
i". M. Fabregou foûtient que
toutes les Plantes ont des graines ,
qu'à la vérité on n'a pas encore dé-
couvert celles de plulieurs fortes de
moufles , ni de plulieurs cfpeces de
champignons , non plus que de la
plupart des Plantes qui nailfentau
fond de la mer , mais que cela
n'empêche pas que toutes les Plan-
tes n'ayent leurs graines. Il avance
contre ce qu'en ont penfé Mrs Mal-
pighi & de Tournefort , qu'il n'y
a point de trachées ni de vcficules
dans les Plantes , & que les tuyaux
qu'elles renferment fe reduifent
tous à une feule efpece de tuyau
fait en forme de Vrille. Il prétend
dans ce Sy (teme, que la fève , l'air,
& la matière fubtile fe communi-
quent à la Plante par cette efpece
de tuyau, & que toutes les plantes
font compofées de parties fiftuleu-
fes.
2°. Il eft de fentiment que ce
que l'on appelle la partie farineufe
S SÇAVANS,
de la Plante , n'eu: qu'une fev?
épaiflie , & que la fève en elle mê-
me , n'eft qu'un mélange de divers
fucs de la terre ; que c'eft cette fè-
ve épaiflie & préparée qui fait gon-
fler toutes les parties des graines ,
que par ce gonflement , la Plante
eft déterminée à pouffer de nouvel-
les feuilles , de nouvelles fleurs &C
de nouveaux truits. Il développe
ici toutes les parties qui compofent
la iemence de la Plante , & il en
fait l'anatomie. Il explique de quel-
le manière lafévefert à la nourri-
ture de la graine , & les differens
contours qu'elle prend pour cela.
3°. Il expofe comment certaines
Plantes vivent delà vie des autres,
6c il remarque que les pointes de
leurs racines entrant dans les petits
pores de l'écorce qu'elles embraf-
îent , s'imbibent du fiic qui y eft
contenu, & s'en nourriflfent , fans
empêcher le cours de ce fuc ; de
même qu'un chien boit fur le bord
d'une rivière , fans empêcher la ri-
vière de couler. Il cite là - deflus ,
pour exemple , la Cufcute & le
Lierre commun. Il effaye enfuite
d'expliquer tout ce qui concerne
la racine &c la moelle. Il parle des
différentes efpeces de fève ; &c la
comparaifon qu'il fait de ce qui
palfe de cette fève dans le corps de
laPlinte pour la nourrir, la com-
paraifon qu'il en tait avec le fang
artériel qui eft porté dans le pou-
mon par l'artère pulmonaire , eft:
un article qu'il faut voir dans le
Livre même , auflî-bien qu'une
autre comparaifon de l'élévation
du fuc dans la moelle , avec l'élé-
j U I L L
vation du fang dms l'aorte pour
être diftrihué à toutes Jes parties
du corps.
4°. Il rend raifon pourquoi les par-
ties les plus volatiles de la fève s'é-
levcnt en droite ligne vers la tige
de la Plante : il prétend qu'elles y
montent comme le fang le plus
pur étant rapporté dans le coeur,
monte au cerveau , &: que les par-
ties de cette fève qui ne font pas
encore fubtilifées prennent un au-
tre cours ; qu'enfin celles qui par
elles - mêmes , ne font nullement
propres à monter , & ne peuvent
non-plus defeendre , prennent un
mouvement moyen , & vont fe
rendre dans l'écorce , qui eft com-
me la veine-cave qui rapporte le
fang de toutes les parties du corps ;
mais il faut voir cette explication
dans l'Auteur.
5°. M. Fabregou , en parlant
de la tige des Plantes , fait voir
que le corps ligneux de cette
tige , eft de la même nature dans
tous les végétaux ; qu'il tire fon
origine immédiatement de la grai-
ne "> que les infertions & la moelle
de la tige , fc forment du paren-
chyme de la plume , de même que
celles de la racine tirent leur origi-
ne du parenchyme de la radicule.
Il combat encore ici le fentiment
de Mrs Malpighi & de Tour-
nefort au fujet des valvules &
des trachées, qui félon eux, retien-
nent le fuc , Se l'empêchent de for-
tir lorfqu'il eft une fois entré dans
la Plante,
Quant à la moelle il montre
qu'elle fert suffi-bien que le bois,, à
E T , i 7 5 4. 427
élever le fuc ; que ce fuc dans la
mobile, n'a pas feulement un mou-
vement perpendiculaire qui le por-
te en haut , mais qu'il a encore un
mouvement latéral qui Je porte
vers le corps ligneux.
6°. Notre Auteur eft de fenti-
ment que les parties qui compofent
les branches , les bourgeons , &
les feuilles , font de même nature
que celles qui compofent la tige ,
Ht que les parties qui conftituent la
fève, ont differens ufages : que les
plus groflîeres fervent à la nourritu-
re & à l'accroilfement de, la ti^e
6 les plus légères , à produire les
bourgeons ; il en apporte diverfes
preuves-
Nous pafions plufieurs autres
articles pour venir à ce qui regarde
l'établiiîement des genres & des
efpeces par rapport à la ftrudture
de la graine , des racines , & des
7 utres parties des Plantes.
Le deffein de M. deTournefort
dans fes Elémens de Botanique , a
été de faciliter la connoiflance des
Plantes , en établiftant des princi-
pes par lefquelson pût réduire cha-
que eipecefous fon véritable genre,
La méthode qu'il a fuivie pour y
réunir, eft fondée fur la ftruclure
des rieurs & des fruits , & il a cru
qu'on ne pouvoit s'en écarter fans
fe jetter dans des embarras infur-
montables ; mais ayant fenti que
cette méthode n'étoit pas univer-
fclîe , il a recouru en bien des oc-
canons, aux autres parties des Plan-
tes. M. Fabregou , après avoir exa-
miné la méthode de M. de Tour-
neiorc , croit qu'on peut y ajoû=-
428 JOURNAL D
ter quelque chofe pour mieux
diftinguer les genres des Plantes :
c'eft de confiderer non feulement la
fleur & le fruit , mais encore tou-
tes les autres parties de chaque
Plante : il veut pour cela,qu'outre
la ftrufture des fleurs &des fruits à
laquelle M. de Teurnefbrt fem-
ble s'être borné , on ait égard à la
ftruifture de la graine , à celle des
racines , à la couleur même , à
l'odeur , &c à la fïtuation des
parties. H eft très-utile de cher-
cher l'établiflement du genre
d'une Plante dans toutes les
parties qui la compofent , &
même dans le port de quelques-
unes de ces parties. Il ne feroit pas
poflîble , par exemple , comme le
remarque notre Auteur , de diffé-
rencier IcBlataria d'avec le Verbaf-
cum , fi on n'avoit pas égard au
port extérieur de leurs graines , ces
Plantes ayant d'ailleurs , leurs
fleurs, leurs tiges , leurs feuilles,
& leurs racines, tout-à-fait fembla-
bles. Il avertit qu'on ne doit pas
craindre de venir ici à un trop
grand détail. Il établit dans les
Plantes deux fortes de genres ; l'un
du premier ordre & l'autre du fé-
cond. Il appelle genre du premier
ordre , celui pour l'établiffement
duquel il fuffit d'avoir égard à la
feule convenance qui fe trouve en-
tre plufieurs Plantes par rapport à
la ftru£ture de leurs fleurs &c de
leurs fruits , comme on le voit dans
l'Aconit, & dans le Renoncule. Il
appelle genre du fécond ordre , ce-
lui dans l'établiffement duquel on
fait entrer , outre la fleur & le fruit
ES SÇAVANS,
quelque autre chofe de particulier ,
de quelque nature qu'il puiffe
être.
La Germandrée fait aflez bien
connoîtrela différence de ces deux
fortes de genres. Ses marques effen-
tielles font d'avoir les fleurs fiftu-
leufes, évafées en devant, avec une
lévre recourbée en bas , & des éta-
mines ordinairement crochues qui
occupent la place de la lévre fupé-
rieure. On trouve quatre femences
dans les fonds des cornets qui ont
fcrvidecapfuleaux fleurs. Voilà le
modèle que notre Auteur donne
d'un genre du premier ordre.
Mais comme en confiderant les
fleurs & les fruits de la German-
drie , il faut encore avoir égard à ïa
difpofition de Ces parties qui font dif-
pofées le long des tiges & des branches
dans les aijfelles des feuilles , il en fait
un genre du fécond ordre. Le po-
lium eft aulïï félon lui , un genre
du fécond ordre , parce que fes
fleurs & fes fruits,qui reffemblent à
ceux de la Germandrie , font effen-
tiellement ramaffès en manière de
tête. Le Teucrium tout de même
eft un genre du fécond ordre , par-
ce que fi différence eft tirée du ca-
lice de fes fleurs , lequel reffemble
à une campane ; au lieu que le ca-
lice des fleurs de la Germandrie,
& du Polium , reffemble à un cor-
net.
La difpofition Si le nombre des
feuilles font encore à obferver
pour établir les genres de certaines
Plantes ; notre Auteur citelà-def-
fus le Pcntaphvllum , leFraifîer,'
& le Penîaphylloidesices trois gen-
J U I L L
ïcs ont les fleurs Se les fruits à peu-
près femblables , Se s'il y a quel-
ques efpeces de Fraifiers dont les
fruits font bons à manger , il y en
a aufTi plufieurs dont les fruits ne
le font pas : il vaut donc mieux par-
tager ces trois fortes de Plantes en
autant de genres du fécond ordre ,
par rapport à leurs feuillages. Le
Pentaphyllum a cinq feuilles ou
davantage , difpofées en éventail
fur la même queue; leFraifiern'en
a que trois rangées de la même
manière. Le Pentaphylloïdes en a
plus ou moins , mais dans un ar-
rangement différent. Le Pin , le Sa-
pin Se la Meliffe , font trois genres
du fécond ordre , qui ont les fruits
écailleux Se des chatons de même
ftru&ure : leur différence fe doit
tirer de la difpofition de leurs feuil-
les; le Sapin les porte feules rangées
tout le long des branches, Se le Pin
les porte deux à deux engagées par
enbasdansdestuyauxmembraneux,
femblables à ceux d'où fortent les
jeunes plumes des oifeaux ; les
feuilles de la Melifle forment com-
me autant de petits bouquets pla-
cés dans la longueur des branches.
Il eft donc important , conclud
notre Auteur , de diftinguer cer-
tains genres par les feuilles, puif-
que c'eft par le moyen des feuilles
que l'on connoît la plupart des
Plantes qui pendant une bonne
partie de l'année font fans fleur Se
fans graine , tels que les Genêts ,
les Cytifes Se quelques autres.
M. Fabregou veut qu'on ait auflî
égard à la différence des tiges , Se
même à celle de leurs écorces : U
Juillet,
ET, 175 4; 420
cite fur ce fujet , le Piffenlit , Se le
Liège : le premier ne différant de
l'Hieracium , que par fa tige fiftu-
leufe Se fimple , Se le fécond ne
différant du Chêne-verd , que par
fon écorec épaiffe Se légère.
Le calice de la fleur , le fuc de
la Plante , la couleur de certaines
parties qui la compofent , le goût
même de la Plante , le port qu'elle
a , tout cela confideré féparémeut,
met de la différence entre quelques
genres du fécond ordre. Notre Au-
teur rapporte là-delïus , les exem-
ples fuivans.
La Scorfonaire a le calice écail-
leux Se celui de la "Barbe de bouc
eft tout fimple. Le faux Di&ame
a le calice évafé en entonnoir , au
lieu que celui de la plupart des au-
tres Plantes verticillées , eft un cor-
net dentelé dans fon ouverture.
Une des principales différences
qui fe trouvent entre l'Apocinum
Se le Vincéroxicum , eft que le pre-
mier rend du lait , Se que l'autre
n'en rend point.
Quant à la couleur de certaines
parties des plantes , le Chryfanthe-
mum Se le Lcucanthemum ne dif-
férent que par la couleur de leurs
fleurs; l'éclat du calice des efpeces
d'Elycrifum , les diftingue de cel-
les du Gnafaiium. Pour ce qui eft
de la faveur , la Julienne-favage ,
la Roquette , la Moutarde , l'Iris ,
différent par leur faveur particuliè-
re , non feulement entre elles /
mais d'avec beaucoup d'autres
dont les fleurs Se les fruits font de
même forme.
Au regard du port de certaines
Kkk
4JO JOURNAL D
Plantes , lequel oblige quelque-
fois d'en faire des genres au fécond
ordre , l'Abfynrhc , l'Auronne mâ-
le 5 & l'Armoife , ne différent que
par cet endroit.
Enfin M. Fnbregou croit que
pour ce qui regarde les fleurs dans
l'établiflement des genres , il vaut
mieux s'en tenir aux fleurs (impies
qu'aux doubles , non feulement
parce que les fleurs Amples font les
plus ordinaires , mais parce que
leur ftruclure eft plus diftindle.
Quant à la méthode que M. de
Tournefort a établie fur la itrudtu-
re des fleurs &c des fruits : notre
Auteur convient qu'à cet égard
elle eft incontestablement la meil-
leure , Si même la feule dont on
puilîe faire un bon ufage : ce qu'il
y a de fâcheux dans cette méthode,
c'eft qu'il faut attendre la faifon
des fleurs &c des fruits pour s'aflurer
du caracTrere de chaque genre, mais
M. Fabregou dit qu'il ne voit point
de remède à cela , & que rien ne
lui femble plus raifonnable que
d'examiner toutes les parties d'une
Plante , avant que d'entreprendre
de la réduire à fon genre.
Pour ce qui eft de la diftribution
des efpeces du même genre , il
prétend qu'elle fe doit tirer de ce
qu'il y a de plus particulier dans la
ftru&urede quelques-unes de leurs
parties , ou dans leurs modifica-
tions , comme font h figure , la
faveur , l'odeur , ou la reflemblan-
ce que les parties ou les modifica-
tions peuvent avoir avec celles de
quelques autres Plantes connues ,
ou de quelques autres corps , quels
qu'ils foyent.
ES SÇAVANS,
Notre Auteur remarque ici que
les noms dont on fe fert pour défi-
gner chaque efpece de Plante, font
comme autant de définitions qui
annoncent d'abord le genre,puis la
différence ; il prétend que cette
méthode eft préférable à celle de
quelques Auteurs qui ont voulu
établir la diftin&ion des efpeces pat
les nombres de première efpece ,
de féconde efpece , &c. la raifon
qui lui paroîtautorifer cette préfé-
rence , eft que l'idée d'une diftinc-
tion purement méchanique com-
me celle des nombres , n'étant ac-
compagnée d'aucune image , il eft
malaifé de ne pas confondre une
efpece avec une autre , la quatriè-
me , par exemple , avec la cinquiè-
me , au lieu que l'idée de la ftruc-
ture des parties , ou de leurs modi-
fications , eft une image qui re-
vient à l'efprit , auftî-tôt qu'on a la
Plante devant les yeux. M. Fabre-
gou cite là-deffus Gafpard Bauhir.
8c Jean Bauhin qui ont appelle
certaines Renoncules , Ranunculus
nemorofus vel Sylvaticas folio rotun-
do pin ; 178. %anunailus pratenfis
ereSlus acris pin : ibid, 'Ranunculus
phr.tgmites tutens nemorofus , Tom. 3 ,
4 17. où l'on voit que le mot de
Ranunculus tient lieu de genre , &c
que le refte exprime la différence.
Il remarque ici qu'en fait de
noms de Plantes , il n'y a rien de
mieux pour éviter les noms corn-
pofés de plufieurs mots , que de
multiplier les genres autant qu'il
fe peut , parce qu'alors on a moins
d'efpeces à renfermer fous un mê-
me genre , & qu'on exprime leurs-
jUILLE
differencesenmoinsdcparoles.c'eft
à ce qu'il déclare , ce qui lui a per-
fuadé qu'il failoit avoir égard à cha-
que partie des Plantes pour en tor-
mer des genres & des efpeces. En
effet il eft beaucoup plus commo-
de d'étendre à un certain nombre
de genres , la plupart des Plantes
connues , que de les réduire fous
un plus petit nombre , parce que
ce petit nombre fe trouveroit char-
gé de tant d'efpeccs que pour ex-
primer leurs différences , on feroit
obligé de recourir à des noms fort
compofés , au lieu qu'en multi-
pliant les genres , on n'introduit
qu'un nom dans chaque genre; ce
qui eft bien plus court , &c épargne
bien de l'embarras. Notre Auteur
confeille pour ce fujet , de ne pas
beaucoup s'attacher à la méthod*
de quelques Botanilfes & Démon-
ftrateurs d'aujourd'hui, qui croyent
devoir multiplier les efpeces tant à
caufe de la différence deslieux^u'à
caufe de quelques changemens ac-
cidentels, Se qui pour cette raifon
font de la même Plante plufieurs
Plantes différentes 8c grolïilfent
ainfi certains genres par des Plan-
tes de divers caractères , qu'ils font
obliges d'appellerPlantes hétérogè-
nes , Plantes bâtardes , Plantes dé-
générées , parce qu'elles n'ont pas
les marques elfentielles des genres
aufquelles il leur a plû de les rap-
porter. M. Fabregou demande fur
cela , de quelle neceffité il eft , par
exemple, d'appelleravec Morifon,
le Houblon , Convolvulus hetero-
clitus perennis floribus foliaceis flmbi-
iiinfiar , plutôt que d'en faire un
T , t 7 5 4: 4?i
genre particulier , & de lui lailfer
le nom de Lupulns vulgaris ■ qui
eft connu de tout le monde. On
objectera peut-être qu'en multi-
pliant ainfi les genres , il s'en trou-
vera qui n'auront fous eux qu'une
feule efpece , mais qu'importe ,
répond M. Fabregou ; d'ailleurs ,
ajoute t- il , il eft à croire qu'à force
d'herborifer , on enrichira non
feulement les genres qui renfer-
ment le moins d'efprces , mais
qu'on fera peut-être oliligé un )our
d'en établir plufieurs nouveaux ,
parce qu'il ne faut pas douter que
l'on ne découvre à l'avenir plu-
fieurs Plantes qui feront de même
genre que celles qu'on aura appel-
ïées hétéroclites ou bâtardes.
M. Fabregou vient à prefent
aux claffes dans lefquelles il faut
ranger les Plantes. On peut établir
ces clalfes en déterminant précifé-
ment ce que plufieurs genres de
Plantes ont de commun qui lesdi-
ftingue effentiellement d'avec tous
les autres genres , & en renfermant
ces mêmes genres dans certains or-
dres. Notre Auteur donne là delfus
divers préceptes que la crainte de
nous trop étendre nous oblige de
paffer.
Il parle enfuite de la durée des
Arbres , des Arbriffeaux, des Sous-
ArbrifTeaux & des Herbes : puis
il explique au long , tous les ter-
mes de Botanique, tant ceux qui
font propres à cette Science , que
ceux qu'elle emprunte de plufieurs
Arts. Il finit par diverfes remar-
ques fur la manière de cultiver les
Plantes , & de les perpétuer. A l'é-
Kkki^
412 JOURNAL D
gard de ce dernier poinc , il obfer-
ve entre autres choies , que l'ufage
des Jardiniers , de choifir l'Au-
tomne pour arracher les Arbres
fruitiers afin de les tranfplanrcr ,
n'eft pas le plus convenable , &
qu'il faut renvoyer cette opération
à la fin de Février ou au mois de
Mars, pourvu que les gelées ne
foient pas alors trop fortes , & cela
pour deux raifons principales , la
première , parce que l'Arbre &. les
autres Plantes n'ayant que deux
fortes de racines , fçavoir i°. la
maîtrefTc racine qui eft leur foû-
tien , & où fe conferve une grande
partie de la fève ; 20. le Chevelu
qui fournit à cette maîtrefte racine
le fuc de la terre , il arrive qu'es
arrachant l'Arbre , & lui retran-
chant par confequent ce Chevelu,
on lui ôte une partie de la vie fans
qu'elle puifle être reparée pendant
ES SÇAVANS;
l'Automne , puifque dans cette fai-
fon la fève cefie de fe diftribuer
dans les Végétaux. La féconde rai-
fon , c'eft que l'Arbre étant tranf-
planté en Automne , le peu de ra-
cine qui lui refte eft expofé à la ri-
gueur de cette Saifon & de l'Hiver,
ce qui ordinairement le fait périr
par les gelées. Au lieu qu'à la fin de
l'hiver la nature lui tournit un fuc
nouveau , qui s'infinue dans fes
pores & repare celui que la Plante
a perdu. C'eft une expérience apu-
rée , &i que l'Auteur dit avoir faite
plusieurs fois , que les Arbres ainfi
tranfplantés réulîiffent beaucoup
mieux que les autres.
En voilà fuffîfamment pour
donner une notion de ce premier
Volume ; nous rendrons compte
des autres à mefure qu'Us paroî-
tront.
NOVVELLES LITTERAIRES.
ITALIE.
De Venise.
mort l'a enlevé à fon Ordre , dont
il n'étoit pas un des moindres or-
nemens.
LE R. P. Gattola , fçavant Bé-
nédictin de la Congrégation
du Mont Cafïin , publia ici l'année
dernière , Hiftoria Sacri Monafterii
Cajfwenfîs , ab ereftione ad annum
»fyne 17 it,. Cet Ouvrage eft en
deux Volumes in-folio aufquels
on a joint un Volume de preuves ;
l'Auteur fe difpofoit à en donner
un fécond cette année , lorfque la
D' A s s 1 s e.
André Sgariglia achevé d'impri<-
mer in-folio : Catalogi très Eptfcopo~
ritm , Reformatorum , & Virorum
SanElitate illujlriitm è Congrégations
Cajfmenfi , alias S.Jujiint Patavina.
C'eft au R. P. Dom Mariano Ar-
melltni , Abbé de S. Pierre de cette
Ville que Je Public eft xedeYabk
J U ï L I
àe ces Catalogues. Le même Au-
teur avoitdéja mis au jour en 1732-
la Bibliothèque des Ecrivains de fa
Congrégation en deux Volumes
ui folio fous ce titre : Bibliotheca
Betiediilino-Caffinenfîs ,/ive Script 0-
rum Cafftnenfis Congregationis t aliàs
S. Jufttn& Patavins , qm in eâ ad
httc ufcjue tempora floruerunt , ope-
rum , ac geflorum notait ; Authore
ReverendiJJimo Pâtre D. Mariano
Armel Uni, ejufdem Congregationis
fantlt Pétri de Affifio Abbate. Affifii.
1731. On ne fçauroit douter que
tes trois Ouvrages que nous venons
d'indiquer ne donnent la plus am-
ple connoilTance qu'il eft poflible
de tout ce qui regarde non feule-
ment le fameux Monaftere du
Mont Caifin , mais encore la célè-
bre Congrégation qui porte ce
nom.
ALLEMAGNE.
De Leipsik.
Frider. Vilelmi Stubner. A. M.
Ord. Philof. Ltpf. Adfeff. Regia So-
eietati Scientiarum Boruffic* , qui.
Berolini floret adfcripti , demonftra-
ïio verx menfurz virium Motri-
ciumvivarum , è legitimis principiis
Dynamices luculentius expofîtts peti-
ta. Breirkopfius Typis expreffit.
1734. /»-4°. Brochure de 22 pages.
L'Auteur promet de donner enco-
re d'autres Démonftrations du mê-
me genre ; ce qui ne peut que faire
plaifir à ceux qui s'intereflent au
progrès de cette partie des Mathé-
matiques.
E T ï I 7 J 4; ^ £jjj
M. Kortholt a fait imprimer avec
quelques notes , chez le même Li-
brùrc Breitkppf , le premier Volu-
me du Recueil des Lettres de M. de
Leibnitz. , fous ce titre : Vin Illu-
ftris Godefridi Guil. Leibnitii Eptflo-
la ad diverfos; Theologi Juridici Me-
dia y Phdofophici , Mathematici ,
Hiflorici & Philofophici argument i è
Manufc. AuEloris , cum annotationi-
bus fuis primim divulgavit Cbriflian.
Kortholtus , A. M. Ord. Philojopbi-
ci in Academia Lipfienfi Affeffor &
Collegii Minoris pnncipum Collé-
gial us. 1734. /'«-8°. Ce Volume
contient 245 Lettres , dont 209
font Latines & adreflees à divers
Sçavans d'Allemagne & d'Angle-
terre ; les autres font en François ,
& écrites à M. k'eyffiere U Croze
Antiquaire & premier Bibliothé-
caire du Roi de Prune.
De Nuremberg.
Conrad Monath vient de faire
réimprimer cinquante feuilles &
graver trente-cinq figures qui man-
quoient à plufieurs exemplaires in-
complets qu'il avoit de l'abrégé
des Mémoires ou Commentaires
de Lambecius fur la Bibliothèque
de Vienne , par Neffelius ; il a
averti qu'il ne vendrait cet Ouvra-
ge que "12 florins d'Allemagne de-
puis le premier Juin jufqu'au der-
nier jour du prefent mois de Juil-
let ; & que paffé ce tems il ne le
donnera pas à moins de ï 8 florins.
ANGLETERRE,
De Londres»
W. Innys , R. Manby} J. 0|C
43* JOURNAL D
born , Sic. débitent le premier Vo-
lume d'un Cours d'Expériences
Philofophiques. Par M. le Do&eur
Defagitliers. 1734. ««-4°. en An-
Slols- f ... .
On propote d imprimer par
Soufcription l'Hifloire de Jacques
Duc d'Ormond , depuis fa naiflance
en \ù 10. jufqu'à fa mort arrivée en
n>SS. Cet Ouvrage compofé en
Anglois par M. Thomas Carte , doit
contenir plufieurs recherches fur
ies affaires &c le gouvernement de
l'Irlande , avec un ample Recueil
de Lettres Originales foit du Duc
d'Ormond , foit du Roi , des Se-
crétaires d'Etat, &c. Cette Hiftoi-
re fera en trois Volumes in-folio.
On demande trois guinées pour la
Soufcription. On ne donnera qu'u-
ne guinée en fouferivant , 6i les
deux autres feront payées en rece-
vant l'exemplaire.
FRANCE.
De Dijon.
A. J. B. Auge a imprimé Réfle-
xions Critiques fur l'Elégie. Par M.
Michault. 1734. in-n. Cet Ouvra-
ge eft la Critique d'un Livre im-
primé à Paris , chez Chaubert t en
17 31. intitulé : Elégies de Ai. L.
avec un Difcoursfur ce genre de Poë-
fte. in -8°.
De Paris.
Expériences de Phyfîque , par M.
Pierre Poliniere , DocTreur en Mé-
decine , & de la Société des Arts.
ES SÇAVANS,
Quatrième Edition . revûë, corri-
gée & augmentée confiderable-
menr par l'Auteur. Chez Gijfey,
rue de la Vieille Bouderie , à l'Ar-
bre de Jeffé. 1734. in-11. 1. vol.
Hfloire Romaine : Odlavien-Cé-
far , Marc- Antoine & Lépide, Em-
pereurs fous le nom de Triumvirs.
Avec des Notes Hijîoriques , Géogra-
phiques & Critiques , des gravures
en taille-douce : des Cartes Géogra-
phiques j & plufieurs Médailles au-
thentiques. Parles RR. PP. Catrou
& Rouillé, .ak la Compagnie dejejus.
Tome 18. depuis l'art de Rome 7 10.
jufqu'k l'anju. Chez Jacques Roi-
lin , Quai des Auguftins -, J. B.
Delefpine , Coignard fils , & Charles
J. B. Delefpine fils , rue S. Jacques.
1734. i»-4».
Anatomie Chirurgicale , ou Def-
cription exade des parties du
Corps Humain , avec des remar-
ques utiles aux Chirurgiens dans
la Pratique de leur Art. Publiée ci-
devant par M.Jean Palfin , Chi-
rurgien Juré, Anatomifte & Lec-
teur en Chirurgie ïGand. Nouvel-
le Edition , revûë, corrigée & aug-
mentée , accompagnée de notes
dans le premier Volume , & refon-
due dans le fécond. Par M. B. Bon-
don , Doiteur en Médecine. On y
a joint les Obfervations Anatomi-
ques & Chirurgicales de bi.Rityfch,
traduites du Latin & celles de M.
BriJJèau. Avec plufieurs figures en
taille-douce. Chez Guillaume Cave-
lier, rué S. Jacques. 1734. in- 8°.
2. vol.
Les Hommes. Tome 1. Chez Hen-
ry , rué S. Jacques , vis-à-vis Saint
Yves. 1734. in-11.
J U I L L E
Penfèes choifîes fur divers fujets de
Morale } tirées des plus excellens Au-
teurs. Chez le même Libraire , Se
Guillaume-Denis David , à ladef-
cente du Pont S. Michel , à l'Efpc-
rance.
Penfées du Père Bourdaloue de la
Compagnie dejefus,fur divers fujets
de Tijïigion & de Morale. Chez
Caille au , Se RollinÇAs, Quai des
Auguftins j Prault , Quai de Gê-
vres , Se Bordelet , rue S.Jacques ,
vis-à-vis les Jefuites. 1734. in-11.
3-. vol.
Prières au faim Sacrement de
T; 1734; 4?T
V Autel j pour chaque Semaine de
l'année , avec des Méditations fur
divers Pfeaumes de David. Par feu
M. Pelijfon de l'Académie Françoi-
fe. Chez François Mathey , rue
S. Jacques , au coin de la rue des
Noyers, à S. Auguftin. 1734. /»-i8.
Lettres au fujet d'un Livre inti-
tulé : Reflexions fur ta Poe fie en géné-
ral s fur l'Eglogue , fur la Fable, fur
l'Elégie, fur la Satyre , fur l'Ode &
fur les autres petits Poèmes. Chez.
Jacques Guerin y Quai des Augu-
ftins. 1734. in-iz.
Faute à corriger dans le Journal de Juin 1734.
A Age 341. colonne 2. ligne 21. Govin , Ufez Jovin.
TABLE
Des Articles contenus dans le Journal de Juillet 1734.
HIfloire Ancienne des Egyptiens , des Carthaginois , des AJfjriens ,
&c. Tome VI. page 375
Cent Planches gravées d'après des Pierres antiques reprefentans des Hom-
mes Illuftres & des Dieux , &c. 38?
Très-ample Colleclion d'anciens Ecrivains s Sec. par les PP. Martcne &
Durand. Tome neuf , 387
Obfervations importantes fur le Manuel des Accouchemens , Sec. 391
Hifloire Critique de l'êtablijfement de la Monarchie Franfoife dans les Gau-
les , &c. 398
Defcription des Plantes qui naiffent ou fe renouvellent aux environs de
Paris , Sec. . 4*4
Nouvelles Littéraires } 43,2
Fin de 1» Table.
L E
JOURNAL
CAVANS,
POUR
VANNEE M. DCC. XXXIF-
AOUST.
A PARIS,
Chez CHAUBERT, à l'entrée du Qiiay des
Auguftins, du côté du Pont Saint Michel, à la
Renommée & à la Prudence.
" M. DCC. XXXIV.
AVEC APPROBATION ET PRIVILEGE DU ROY:
ù
JOURNAL
DES
SCAVAN
.-5
A OUST M. D CC. XXXIV.
LES DONS DES ENFANS DE LATONE , LA MVS1QVE
& la Chajfe du Cerf, Poèmes dédiés au Roi. A Paris , chez Pierre Traulty
Quai de Gêvres ; Jean Defaint , rue S. Jean de Beauvais , Se Jacques
Cuerin , Quai des Auguftir.s. 1754. in%°. pp. 330. fans y comprendre
les fons de ChafTc qui font 3 1. pages.
CE T Ouvrage eft divifé en
deux Parties , dont le fujet
cft tropintereiîant , & traité d'une
manière trop neuve pour que nous
AohJI.
n'en rendions pas un compte exad.
La première partie regarde laMu-
fîque. On y voit d'abord un Poème
fur l'origine des Spectacles. Et il
Llifj
Eft inferilîble aux tons , qu'elle-même
clic enfante.
44o JOURNAL DES SÇAVANS;
eft divifé en quatre Chants. L'Au-
teur a trouvé l'art d'y faire entrer
d'une manière auffi ingénieufe que
naturelle tout ce que la Mufique
a de plus profond & de plus ab-
Pour mieux taire lentir les prin-
cipes du Chant on commence par
expofer la manière dont la voix fe
forme.
L'air dans un fein fécond eft à peine
reçu,
Que le fon aufli-tôt repouffé, que conçu,
D'un flexible gofier s'ouvrant la trace
humide,
Se fait entendre au gré du foufflequile
guide.
Des mufcles , des tendons , au paflhge
attachés ,
En bordent les contours , plus ou moins
relâchés ;
S'ils fe ferrent , le fon avec éclat fe lance;
S'ils s'ouvrent , il groflît : de cette diffé-
rence ,
Du erave & de l'aigu naît le genre oppo-
fé;
Entre eux fe forme encore un ordre
compofé,
Dont les accens fuîvis , s'élèvent , ou
defeendent ,
Se détachent par bords , voltigent, ou
s étendent.
Mais ce n'étoit pas afTcz que
l'homme fût capable de former des
fons.
Ainfî qu'aux champs de. Mais la timballe
bruyante
Il falloit qu'il pût encore s'en-
tendre foi-mêsie Se les autres. Cet-
te reflexion donne lieu d'expliqués
la ftruéture de l'oreille , & cette
admirable Méch.inique avec la-
quelle elle reçoit le fon , &: le tranf-
met enfuite jufqu'au principe des
fenfations. Ce morceau mérite
également l'attention des Physi-
ciens & des Poètes.
Cependant , malgré tous la
avantages qui rendoient les hom-
mes fi capables de goûter les beau-
tez du Chant , ils les ignoroient.
Apollon defeend fur les bords de
l'Àmphvfe év prenant la forme de
Berger , il fe mêle parmi eux , & il
leur apprend qu'ils ont tort d'en-
vier le Criant que la nature a donné
aux oifeaux , & qu'elle leur a fait!
part d'une voix propre à des modu-
lations plus variées & plus tou-
chantes que celles qu'ils admirent
dans les hôtes des bois.
Le tendre Roflignol en fon brillant déli-
lire
Entre tous les oifeaux mérite qu'on l'ad-
mire:
De fa légère voix il feait en cent façons
Enfler , diminuer , & déguifer les fons ;
ïl l'élevé , l'abaiffe , ou la tient en ba-
lance ,
La brife par les coups d'une égale caden-
ce,
Semble exprimer les feux dont fon cœur
eft épris.
Mais fur lui doutez-vous de remportes
Je pris .'
A O U S
Ah ! celTcz d'ignorer la douceur infinie ,
Qu'a la voix cultivée ajoute l'harmonie;
Ecoutez-moi, je vais découvrir à vos
yeux
î.qs mifteres d'un art inventé par les
Dieux.
Là - dedus il leur explique dans
une cinquantaine de vers tous les
principes de la Mufique , il y joint
même quelques règles de la com-
pofiticn. Mais pour les rendre plus
fenfibles , l'Auteur a fait graver à
la fin du premier & du fécond
Chant différentes planches où l'on
voit en détail les principes de la
Modulation & de l'Harmonie avec
la nouvelle règle de l'Octave.
Il faut cependant remarquer
qu'Apollon fe borne à montrer
aux Bergers les feuls Modes natu-
rels , il leur cache ce qu'on appelle
les tranfpofitions &c les faufies dif-
fonances , dans l'idée que la con-
noilfance de ces miiteres de l'art
pourrait leur être dangereufe, c'eft
ainfi qu'il s'explique.
Ne portez pa3 plus loin vos foins ni votre
v»e;
Par des ions diiïonans votre aine trop
émue ,
Contre Ton innocence & contre (à rai-
fon
Y trouveroït peut - être un dangereux
poifon.
Les Dieux feuls à leur gré vertueux , in-
vincibles,
Se refervent peur eux ces délices fenfî-
bles.
Cette refcive fait , pour ainfi
T, 1754. 441
dire , le nœud du Poème , comme
on le verra dans les Chants fui-
Vans.
Dans le fécond Minerve jaloufe
de voir les Bergers (i épris des char-
mes de l'harmonie qu'ils en négli-
geoient fon culte pour celui d'A-
pollon qui s'etoit fait connoître
à eux , cette Dcefle fe fert de la
paillon même qu'ils avoient pour.
la Mufique , afin de les ramener à
fes Autels. Dans ce defiein elle in-
vente la flutte à bec", mais bien- tôt
elle s'en dégoûte , piquée de ce
qu'elle n'en pouvoit jouir fans dé-
ranger les traits & les agrémens de
fon vifage , elle jette cet infini-
ment. Pan qui en avoit entendu
lesfons, s'en empare.
Au milieu des débris de cent rofeaux
épars ,
Sur le nouvel ouvrage il jette fes regards:
Le canal qui le perce également con-
cave,
Sous l'empire des mains y tieut le fon
efclave;
Sa tête s'exténue en courbe finiflant ;
L'autre bout évafé s'ouvre en s'arondif-
fant,
Sept trous dans un long ordre arrangés
par mefure ,
Dîvifent de ce corps l'harmonique figu-
re.
Le premier plus ouvert des autres déta-
ché,
Rend tout l'air qu'il reçoit & n'eft jamais
bouché.
A ce tendre rofeau le Dieu de l'Arcadie
Applique tout à coup une lèvre hardie.
4*2 JOURNAL D
Il en découvre toutes les posi-
tions & en tire des accens qui le
font admirer des Bergers. Apollon
lui-même en devient jaloux } Se
pour l'emporter fur Pan, il inven-
te le Violon. La defcription de cet
infiniment fera lue avec d'autant
plus d'avidité que nous avons peu
de morceaux en ce genre qu'on
puilfe lui comparer , év que nos
Poètes tout hardis qu'ils font , ont
rarement le courage d'effarer de
vairrre les dirricultcz que ces for-
tes de détails prefentent.
Le Violon Se la Lyre qu'Apol-
lon imagine en même tems font
fur les cœurs beaucoup plus d'im-
preiïion que la flûte.
'A l'éclat de fes fons les timides Bergères,
Les Faunes , les Sylvains, & les Nym-
phes légères
Volent autour de lui , le fuivent en tous
lieux ,
Et forment en danfant un cercle gra-
cieux.
Les Dieux même defeendent de
l'Olympe. L'Amour prévoit que
cet Inftrument pourra devenir fa
reffource , Se fes dernières armes
contre les cœurs échappés à fes
chaînes , mais ne pouvant obtenir
d'Apollon qu'il lui apprenne les
fecretsde l'harmonie , &le moyen
de les faire pafTer fur la Lyre , il l'é-
coute avec tanc d'attention , qu'il
' comprend Se retient tout ce qui
regarde les Modes tranfpofés Se
les diffenances , Se fans avertir
Apollon du larcin qu'il lui a fait ,
il ne perd pas de tems à le mettre à
ES SÇAVANS,
profit , Se pour y mieux réuffit
[ troiftème Chant ] il fait part au
Dieu Pan des nouvelles connoif-
fances qu'il vient d'acquérir : Se lui
apprend que,
Le rentier rebattu de l'échelle ordinaire
Ne fçauroit infpirer qu'un ftile plagiaire,
Où s'épuifent le goût , le fentimenr &
l'art.
Le diéze ou B mol y brillent par hazard.
Il ajoute qu'il a vîi Apollon.
— Parcourant des routes trjnfpofées,
Répandre fur les tons des grâces dégui-
fees.
A l'aide du diéze offrir des ions perçans%
Sous les tendres B mois emprifonner les
fons i
Etparl'expreffion languiffante ou vive,
Expofer fçavamment une image naïve.
Profitons à loifir d'un vol fi précieux ,
Que du touchant B mol l'effort victo-
rieux
Porte dans tous les cœurs de fenfibles
atteintes ;
Qu'il charme les ennuis , qu'il diffipelcs
craintes,
Et d'une Amante fiere étouffant les ri-
gueurs ,
Lui fade en fa défaite éprouver des dou-
ceurs.
Que du diéze vif le mode plus rapide
Allume des defirsdans une ame timide ,
Excite la vengeance & les foupçons Ja-
loux, &c.
Pan devenu ainfi le Difciple de
A O U S
l'Amour , fc joint à lui , ils parcou-
rent cnfcjnble la Grèce, 6c répan-
dent une Mufique molle & effémi-
née qui porte dans tous les cœurs
le goût de lJamour & de la volu-
pté.
Minerve indignée de voiries arts
abandonnés , fe plaint à Apollon
des mauvais effets de l'harmonie :
ce Dieu , pour en arrêter le cours ,
de concert avec elle , invente la
trompette guerrière. Bellone l'em-
bouche aufii-tôr , !a fierté & l'éclat
de ces fons raniment le courage
parmi les Grecs , ils rougiffent de
leur molefle, les feuls accens guer-
riers charment leurs oreilles , &
tous renoncent aux chanfons ten-
dres & paffionnées , à l'exception
des trois filles d'Acheloùs,connué's
depuis fous le nom de Syrénes. Ces.
Nymphes s'obftinent à chanter les
douceurs & les plailîrs de l'amour.
Minerve les en punit, ( £ chant )
elles deviennent moitié femme &£
moitié poiffon ; auflï-tôt elles per-
dent la voix & fe plongent dans le
fein des mers. Après plufieurs fié-
cles Apollon a pitié d'elles &fans
leur rendre leur piemiere figure, il
leur rend leur première voix, mais
à condition qu'elles n'en abuferont
pas pour amollir la vertu & le cou-
rage des hommes. Il fait plus ; il
forme la refolution de s'en fervir
pour Pétabliflement d'un Théâtre
Lyrique , dont il a formé le projet,
Se qu'il leur expofe dans- ces vers.
Je prétens dans ce jour fur la lyrique
Scène
Aux harmoniques loix fç-wnettre MeJp»-
mène 5
T , 173 4,
445
Je Veux qu'avec éclat elle expofe en ces
lieux
D'un tragique deflein le nœud judicieux.
Gircé qui de mon fang a reçu la naiffan-
ce.
Va du magique effet /îgnaler la puiiTan-
ce :
Au fouffle de la voix on verra fur les
eaux
Eclore tout à coup des fpectacles nou-
veaux.
Apprenez l'art du chant aux Tritons,
aux Naïades ;
Que Pan , que les Sylvains , les Nym<-
phes, les Dryades,
Répondent du rivage, & par un fécond
chœur
Joignent des chalumeaux l'éclatante dou-
ceur.
Mais ce n'eft point aiTez ; qu'une troupa
légère
Vienne encore dans chaque aéte offrir
fon miniftere ,
Les Ballets au fujet prêtant mille agré-
mens ,
En fuivant le progrès & les évenemens ,
&c.
Et cet heureux effort du talent harmoni-
que,
Soumis aux fages loix de la Mufe Tragi-
que;
Dans les fiécles futurs un jour éclatera
Sous le faite pompeux Si le nom d'Opsi-
jet.
L'exécution fuit de près ce pro»
JOURNAL DES SÇAVANS,
444:
Le* Sy rênes aux jeux courent fe préparer
Et le miroir en main elles vont fe parer.
On voit s'élever tout à coup fur
la mer un fpe&acle magnifique ,
l'enlèvement" de Proferpine en eft
le fujet s la defcription de cette
brillante fête qui a fervi de modèle
à celles qui ont paru depuis fous le
nom d'Opéra , termine le Poème.
Il eft fuivi d'une Epître en vers
partagée aufïi en quatre Chants.
Elle a°voit d'abord été imprimée en
1714. en Hollande, &: enfuite à
Lyon. On la reverra ici avec d'au-
tant plus de plaifir que l'Auteur l'a
ïetouchée en plufieurs endroits.
Elle eft adrelîée à un ami qui
partifan de l'ancien goût ne pou-
voit fouffrir les Auteurs modernes.
Le Poète le fait parler ainfi :
Loin de nous ces Auteurs dent la fiere
Italie.
Etale vainement la fçavante folie.
Chez eux tout elt extrême , & jamais le
bon fens ,
Ne régla leurs defleins ou trop vifs ou
trop lens.
Leur fonate à Lully n'eût paru qu'un ca-
price ,
Propre à former la main par un vif exer-
cice;
Defons impétueux un bizarre cahos,
Qui fans toucher le coeur en trouble le
repos.
Que n'eût point dans ce genre enfanté
fon génie ,
S'il n'en eût dédaigné la frivole manie ?
Son goût nous doit fervii de modèle & de
loi;
Lully feul en un mot a des charmes pouç
moi.
L'Auteur rend juftice au mérite
de Lully ; mais répond-il ,
Le refpect pour une beauté qu'on aime
A-t-il droit d'attirer d'injurieux mépris
A toute autre beauté qui peut avoir loo
prix?
ïl veut donc qu'on péfe fans par-
tialité les avantages de la nouvelle
Se de l'ancienne Mufique, Se pour
mettre le Lefteur en état de déci-
der , il lui apprend les progrès de la
Muïîque foit en France , foit en
Italie depuis un iîécle ou environ.
Il parle des Compofiteurs qui ont
eu de la réputation ]ufqu'au tems
où parut Lully , fait l'éloge des
principaux Ouvrages de ce dernier,
donne une idée de ce qui forme un
Opéra , & des difficultez qui s'y
rencontrent, foit pour le Mufi-
cien , foit pour le Poète , Se foû-
tient que jamais Lully ne fût parve-
nu à la gloire qu'il s'eft acquife5s'il
n'eût trouvé Quinaut pour lui don-
ner occafion de déployer toutes les
richelTesdefon génie.
Il continue la même matière
dans le fécond Chant , & preferit
aux Poctes les règles neceffaires
pour le choix , Se l'exécution des
fujets propres aux Opéra. Il vient
enfuite aux differens Compofi-
teurs qui ont fuccedé à Lully , fait
la critique de leurs Ouvrages.
Colafle de Lully craignit de s'écarter,
11
Il le pilla, dit-on, cherchant à l'imiter
Marais fuit une route & diverfe & fça-
vante ;
Son audace déplaît , fon icavoir épou-
vante.
Ainii dans fon génie un moderne enchaî-
né ,
Ne produit plus qu'un chant ou vulgaire
ou gêné , &c.
A O U S T, 1734; 445-
obligent les Entrepreneurs à re-
mettre au Théâtre les anciens Ope-
ras de Lullv.
Elevé tout à coup par FEurope Galan-
te ,
Du public empreflé Campra remplit
l'attente.
De peuples ditïêrens l'alîemblage nou-
Y brilla des couleurs d'un fidelle pin-
ceau.
Venus dans Hesione étala mille char-
mes;
Dans Tancrede l'amour fit répandre
des larmes ;
Le travail éclatant d'un Chœur harmo-
nieux #
Fut dans fon Carnaval un œuvre pré-
cieux.
D'un Poète enjoué fécondant l'entrepri-
fc,
Ilhazardades jeux empruntés de Venile;
Les célèbres plaifirs qui régnent fiir fes
bords
Yfurent exprimés par_d'éelatans accords,
&c.
Cependant quoiqu'il donne de
juftes loiianges à 1a plupart des
Compofiteurs qui vivent aujour-
d'hui , il avoiie que les nouveaux
Opéras ne font pas de longue durée,
& que le peu de fuccès qu'ils ont ,
Aon(l.
Nous verrons-nous bornés dans la foif
qui nous prefle î
A quelques Opéras qu'on épuife fan$
cc-Ué ;
Ainfi que Jupiter du creux de fon cer-
veau ,
Phœbus enfante donc un Amphion nou-
veau ,
Qui moins fournis aux Ioix d'un flyle pla-
giaire ,
Ouvre à notre Mufique un chemin moins
vulgaire;
Et qui de l'Italie empruntant quelques
feux ,
De nos chants & des liens fafle un mélan-
ge heureux !
Comme ce fouhait choque le
goût de fon ami , le Poète pour le
reconcilier avec la Muhque Italien-
ne fe croit obligé de la lui faire con-
noître ; &c c'eft ce qu'il exécute
dans le troifiéme Chant. Il y expo-
fe le goût & le caractère de la Mu-
fique Italienne , ce qui la distingue
des autres. Les beautez & les dé-
fauts des Opéras Italiens , il fait
l'éloge des grands Maîtres en cet
art, tels que Scarlati , Bononcini ,
Hendel qui tout Allemand qu'il
eft, mérite d'être compté parmi les
Italiens. Il avoiie en même terris
que l'Italie abonde en Muficiens
dont les compositions bizarres &
extravagantes choquent le goût &
la raifon , mais il prétend qu'elles
font méprifées en Italie même.
Les François rebutés de tant de vain»
Ouvrages ,
M m m
4±6 JOURNAL DES SÇAVANS,
avoit déjà parlé dans le troifiémé
Chant , on foûtient ici ,
A ces fougueux tranfports refiifent leurs
furîrages.
Mais eft-ce par des airs que dans Rome
on abhorre.
Qu'on doit Te prévenir fur un goût qu'on
On cxpofe dans le quatrième
Chant la manière dont le goût Ita-
lien s'eft répandu en France , & les
avantages que nous en avons tirés.
Charpentier , la Lande , Bernier ,
Campra, firent paffer dans leurs
Chants d'Eglife une partie des grâ-
ces &C des heureufes hardielles
qu'on admiroit dans ceux des habi-
les Maîtres de Chapelle d'Italie.
Morin fe diftingua auiïi par cet en-
droit , &: fut le premier des Fran-
çois qui ofa compofer des Canta-
tes. Batiftin fuivit fon exemple.
Et fe formant un ftile harmonieux & ten-
dre
Dans notre goût François avec art fçut
defeendre.
Que peu d'Auteurs fortant du Hyle pla-
giaire ,
De ce genre nouveau prirent le carac-
tère.
Le Clair eft le premier qui (ans imiter
rien
Créa du beau , du neuf, qu'il peut dire le
lien.
Le Poé'te , après avoir montre
combien la Mufique Italienne avoit
contribué à l'embellitTement de la
Mufique Françoife , finit en faifant
des vœux par la réunion des deux
Sœurs , la Mule Italienne & la Mu-
le Françoife.
La Mufique n'eft qu'une,& fes mêmes ac-
cords »
Par-tout doivent former de iemblables
tranfports.
A la fuite de ce Poe'me on trou-
ve une Table Chronologique de
tous les Opéras reprefentés enFran-
ce depuis l'année 1^45. jufqu'à
prefent.
La féconde Partie de cet Ouvra-
ge regarde la Chaffe , on y trouve
i°. un Poe'me qui a pour titre:D/rf-
m oh la Chaffe du Cerf: i". Un Dic-
tionnaire des termes ufités dans
cette ChafTe : 3®. Un nouveau
DivertifJTement enMufique intitulé
la Chajfe du Cerf , & compofé de
plufieurs airs Parodiés fur les Opéra
d'Hendel avec différentes Sympho-
nies tirées de quelques célèbres
À l'égard des Sonates dont: on Compofiteurs Italiens. Enfin des
Mais à l'exception de Bernier &
de Clairambaut à qui il donne de
grands éloges , l'Auteur parle ainfi
de la plupart des autres qui entre-
prirent de travailler dans le même
genre.
En vain quelques Auteurs à l'envi s'ani-
mèrent ,
Sur la Cantate en vain leurs plumes s'ef-
crimerent .-
Elles ne firent voir dans leurs bizarres
traits
Qu'un mélange forcé de deux goûts im-
parfaits.
ÀOUST
Parodies faites par diffcrens Au-
teurs fur les Fanfares de M. de
Dampierre , fur quelques autres
tant anciennes que modernes
dont on trouvera ici les airs exac-
tement notés.
A l'égard du Poëme de la ChafTe
qui fait le principal fujet de cette
Partie , 5c dont la longueur de cet
Extrait ne nous permet pas de parler
aullî Icng-tems que nous le fouhai-
terions, nous nous contenterons de
dire ici quec'eft un Ouvrage pure-
ment didactique dans lequel l'Au-
teur s'eft propofé de donner aux
perfonnes curieufes une idée de la
ChalTe du Cerf , & de retracer aux
Chaffeurs une image réduite en prin-
cipes des opérations qu'ils reconnoiffent
tous les jours dans la pratique de cet
exercice. Ce Poème eft compofé de
fix Chants , & n'emprunte de la
Fable que le feul nom de Diane ,
«dont on a cru devoir fe fervir pour
parler un langage plus convenable
à la Poëfie.
L'Auteur ne nous donne cet
Ouvrage que comme une traduc-
tion libre d'un Poème Latin que
Jacques Savary fit imprimer à Caè'n
en 165 J« il eut un très grand fuc-
cès. La nouveauté de la matière;
La difficulté de la mettre en vers
firent beaucoup d'honneur à l'Au-
teur. Il faut avouer cependant qu'il
lui étoit d'autant plus facile de fe
faire admirer , que peu de perfon-
nes entendent parfaitement le La-
tin , & que ceux même qui ont le
plus étudié cette Langue , ignorent
la propriété de la plupart des
» * 7 î 4- 447
mots qui la compofene -, ce qui
met un Ecrivain bien au large.
Notre Auteur , bien loin d'avoir
cet avantage , écrit dans une Lan-
gue connue de tous fes Lecteurs ,
& loin d'éviter les termes fouvent
bizarres qui font ufités dans la
ChalTe du Cerf, il affecte au con-
traire de s'en fervir continuelle-
ment, & il le fait pour l'oidinairc
avec tant de délicateffe, qu'on peut
dire qu'il a fçû y allier très-heureu.-
fement le langage du Poète à celui
du ChalTeur : il dit cependant dans
fa Préface que c'eft fouvent aux
dépens de la Poëfie que ces termes
barbares ont été mis en œuvre.
Du refle , comme félon la re-
marque de l'Auteur , la Chaffe & U
Aiufyue font deux Arts qui font
particulièrement deflinès à faire les
délices des gens de condition , que ce
font prefque les feuls dont ils fajfent
gloire d'approfondir les détails , &
dans lefquels ils ne dédaignent pas
même d'être les Ouvriers , nous
croyons d'un côté que cet Ou-
vrage trouvera auprès d'eux un
favorable accueil , & que de l'autre
il animera les Poètes à ofer décrire
les Arts en notre Langue , en leur
étant le prétexte de rejetter fur fa
fterilité & fur fa contrainte , ce qui
ne vient fouvent que d'un défaut
de génie ou de courage.
Il ne faut pas oublier que cefi
Ouvrage eft orné de plufieurs tail-
les - douces , dont les fujets font
défîmes par M. Oudry cV gravés
par le Sieur le Bas.
M m mi/
448 JOURNAL DES SÇAVANS,
HISTOIRE DE L'EMPIRE DES CHERIT S EN AFRIQVE;
fa Defcription Géographique & Hiftoriaue -., la Relation de laprijt d'O-
ran , par Philippe V. Roi d'Efpagne } avec l'abrégé de la Vie de M. de
Saitue-Çroix , ci-devant Ambaffadeur en France , & Gouverneur d'Oratt
depuis la prife de cette ViUe ; Ornée d'un plan très ex.icl de la Ville d'O-
ran & d'une Cane de l'Empire des Chéri fs. Seconde Partie. Par M.
* * *. A Paris, chez Prault père , Quai de Gèvres : au Paradis. 1735.
vol. in iz. pages 1x6,
O U S avons donné dans !e
Journal de Juin dernier
l'Extrait de la première Partie de
cette Hiftoirc , il nous refte à par-
ler de la féconde.
Le dernier Cherif dont l'Auteur
a décrit la Vie dans la première
Partie dont nous avons parlé , fe
nommoit Abdala. Il eut pour Suc-
cefleur Milei-Mahamet , quj mon-
ta fur le Trône en 1 574. Ce Cherif
qui avoit deux frères , ne tut pas
plutôt déclaré Roi, qu'il ht arrêter
les deux frères , trancher la tête à
l'aîné , Se enfermer le cadet dans
une prifon. Il ne fe paffa rien de
cor.fiderable fous fon règne. Il
mourut en 1606. Se laiiîa trois en-
fans, fçavoir, Mulei-Jacdb-el-Man-
for, Mulei - Boheflon , £c Mulei-
Bouffers. Chacun d'eux voulut
monter fur le Trône , & en iïx
Semaines on vit trois Rois dans
Maroc , mais ils turent challes par
Mulei - Zidan , qui régna jufqu'en
ï^o.AMulei -ZidanfuccedaMulci-
Abdelmelecq fon fils aîné qui ne
régna que trois ou quatre ans. Ce
Prince étoit cruel , 5c fa cruauté
avec quelques autres vices qu'il
1 1 , mais que notre Hiftorien ne
rapporte point , lui attirèrent la
haine de tous fes fujets , qui ne
cherchoient que l'occafion de s'en
défaire.
Il aimoit à boire , Se un jour
qu'il étoit campé avec toute fon
armée, il fut tué dans fa tente d'un
coup de Moufqueton par un rené-
gat François qui le trouva enfeveli
dans le vin. Muley-Elwalifon trerc
monta fur le Trône. Il étoit fils
d'une Morifque Efpagnole , fa
douceur Se fon affabilité lui gagnè-
rent l'eltime & l'affeétion de tous
fes peuples. Il régna en paix l'efpa-
ce de douze ans , Se mourut re-
gretté de tous fes fujets. Muley-
Hamet Checq, fon frère, lui fucce-
da ; ce Prince aimoit beaucoup les
femmes, Se fapafiion pour le fexs
f Lit li violente qu'elle lui fit négli-
ger toutes les affaires de fonRc .il-
me. Les Alarbes profitant de fa
mollefie , vinrent l'aflieger dans
Maroc , Se après l'avoir tué , ils
s'emparèrent de la Ville Se élurent
pour leur Roi , un Alarbe nommé
Crammelhaich , qui régna quel-
ques années.
A cetufurpateur fucceda Mulcy-
Cherif Roi de Tafilet. Notre Hi-
ftorien ne dit point combien de
tems régna Mulci-Cherif; il rcmar-
AOUS
que feulement que ce Prince eut
d'une Negrefle deux enfans mu-
lâtres , nommés Muley-Archy &c
Muley-Ifmaël , que Muley-Archi
fucceda à ion père dans le Royau-
me de Tatîlct , & qu'il ne fit rien
de remarquable pendant fon rè-
gne , dont on ne dit point non plus
la durée. Mulei - Ifmaël trere de
Mulci-Archi lui fucceda , il com-
mença à régner en 16-ji. Un des
divcrtilïemens ordinaires de ce
Prince , croit de taire en un même
infiant , les trois choies fuivantes:
feavoir , de monter à cheval , de
tirer fon Sabre , «Se de couper la
fête à l'efclave qui lui tenoit l'é-
trier.
Son Gouvernement étoit plus
que defpotique -, il traitoit comme
des efclaves, tous ceux qui rele-
voient de fon Empire, il fe croyoit
maître de leurs vies & de leurs
biens. Souvent il coupoit la tête à
plufieurs de fes Sujets , pour mon-
trer fon adreffe , ou les obligeoit
a fe précipiter pous marquer fon
pouvoir abfolu .... Il chargeoit
tous les jours d'impôts fes Sujets,
5c ne vouloit jamais rien dépenfer.
Il obligeoit même les Maures à
fervir gratuitement dans les ar-
mées, il ne leur donnoit ni habits,
ni armes , ni paye , ni vivres.
En l'an 1705. ce Prince ayant
donné ordre à treize mille Nègres
d'aller joindre Mulei - Zidan fon
fils pour reprendre la Ville de Ma-
roc dont un de fes autres enfans
uomme Mulei- Mahamet s'étoit
emparé, fit, tout encolérela répon-
iè que voici aux Officiers qui lui
T ; 1 7 5 4- 44P
demandoient de l'argent pour con"
duire fes troupes : » Chiens de
» Maures , 'avez- vous jamais vîi les
» Mules , les Chameaux , & aucun
»des autres animaux de mon Em-
» pire , me demander quelque
» chofe pour leur nourriture > ufez-
» en de même , &c marchez en dili-
» gence.
Cette conduite engagea les Offi-
ciers & les Soldats à faire toutes
fortes de pillages fur leur chemin.
Notre Auteur ne termine pas à
ce que nous venons de rapporter,lc
portrait de ce Roi. Il dit que l'Etat
ne foufîroit pas moins de l'avarice
d'un tel Prince , &c en voici des
exemples. L'argent quinecirculoit
point reduifoit les peuples à une
extrême pauvreté. On leur ôtoit la
vie quand ils étoient allez malheu-
reux pour être foupçonnés d'avoir
de l'argent. Si le Prince rendoit la
juitice,ce n'étoit qu'en vûë du pro-
fit qui lui en revenoit. Dès qu'un
particulier venoit fe plaindre du
tort qu'un autre lui avoit faiv,lecou-
pablc étoit condamné à rapporter ce
qu'il avoit volé &c à payer outre
cela , une groffe amende , mais ïe
Roi s'cmpaioit de l'un & de l'au-
tre , de forte que les particuliers
qui avoient été volés , ne retiroient
d'autre avantage de leurs plaintes ,
que de fe venger de ceux dont ils
fe plaignaient.
Mulci-Ifmaël ne prenoiteonfeil
que de lui-même dans toutes fes
rapines. Il avoit feulement, pour la
forme , quelques Alcaydes auprès-
de lui, & fon Talbe, à qui il faifoit
part de les deffeins, fans Us confut-
^o JOURNAL D
ter ; en force que quand ce Roi
avoit parlé , ceux-ci fe conten-
toient de répondre : Anamajîdy }
tu dis bien Seigneur.
'Il étoit cruel a l'excès \ nous en
avons rapporté des exemples ; en
voici d'autres qui ne font .pas
moins extraordinaires. Il portoit fa
cruauté jufques dans fon Serrail ;
&; fans avoir aucun égard pour fes
femmes , il les faifoit maltraiter par
des efclaves y d'une manière hon-
teufe ; il leur ôtoit même la vie
pour la moindre action qui lui dé-
plaifoitj & il en fit étrangler une
parce qu'elle avoit détaché une
orange en fe promenant dans le
Jardin du Serrail.
Notre Auteur fait ici une lon-
gue digreffion que nous palTons, &
après laquelle il vient à Muley-Ma-
hamet que Mulei IfmacJ fon perc
avoit fait Gouverneur de Fez.
Il y avoit quelques mois que
Mulei-Mahamet , chéri de tout le
monde vivoit tranquillement dans
Fez , lorfqu'il apprit que les habi-
tans de Tafilet le demandoient
avec empreflement pour Gouver-
neur j & que le Roi étoit difpofé
à les fatisfaire : comme il aimoit
mieux le Gouvernement de Fez
que celui de Tafilet , il prétexta
une maladie pour fe difpenfer d'al-
ler à Tafilet.
Le Roi le croyant erTecTrivement
malade , fit venir le Médecin des
Mifîîonnaires de Mequinez , qui
étoit chez eux en grande réputa-
tion , lui dit d'aller voir Mulei-
Mahamet , & de ne point revenir
que ce Prince ne fût guéri. Le Me-
ES SÇAVANS;
decin accompagné de quatre Nè-
gres , partit au1!! tôt pour fe rendre
à Fez, d'où il alla dioit au Châ-
teau du Gouverneur.
Comme Mahamet n'étoit point
malade , ce Prince ne fut pas peu
embarralTé , pour cacher û rufe au
Médecin. Voici ce que notre Hifto-
rien raconte là delfus. Mahamet
étoit dans fes écuries lorfqu'on
vint lui annoncer qu'un Médecin
demandoit à le voir de la part du
Roi. Le Prince défendit de le laif-
fer entrer 3 Se envoya dire au Mé-
decin qu'il pouvoit toujours or-
donner les remèdes qu'il falloit. Le
Médecin furpris d'un tel difeours ,
répondit qu'il étoit neceiîaire de
voir le malade pour )u^er de fa
maladie ; on lui répliqua qu'il ne
pouvoit lui parler , parce que le
malade étoit embarraflé. Alors le
Médecin demanda à voir au moins
de l'urine de Mahamet , & tira
auiîî-tôt de fa poche une ventoufe ,
afin qu'on y en mît une certaine
quantité. Mahamet voyant qu'il
n'étoit pas aifé d'amufer le Méde-
cin , confulta fur cette affaire un
de fes Alcaids; l'Alcaid prit la ven-
toufe , la remplit de l'urine d'un
Chameau , & l'envoya au Doèteur.
Celui-ci ne l'eut pas plutôt reçue ,
qu'il fe mit en colère , & demanda
hautement fi c'étoit ainfi qu'on fe
mocquoit de ceux que le Roi en-
voyoit. En même tems il jetta
brufquemcnt la ventoufe contre la
muraille , remonta fur fa mule , Se
prit la route de Mequinez. A pei-
ne étoit-il en chemin que le Chef
des Eunuques courut après lui pour
A O U S
le prier de retourner fur fes pas ;
mais il falloit trouver une exeufe ,
&c voici celle qu'on imagina. On
lui dit que c'étoit les Nègres qui
lui avoient jolie ce tour à l'infçû
de leur maître ; tk pour le lui per-
fuader , Mahamet fe mit au lit ,
& fit foiietter unNégre en prefence
du Doèteur. Mais le Médecin n'en
fut pas la dupe , & après avoir tâté
le poulx au Prince , & l'avoir fixe-
ment regardé , il lui dit en Efpa-
gnol : on fe moccjne de moi , mais je
jure que le Roi en fera informé. Ces
mots ne turent pas plutôt pronon-
cés , qu'on mit tout en œuvre pour
appaifer le Docteur ; mais ni pro-
meiTes, ni prefens ne furent capa^
blés de l'engager à déguifer la véri-
té au Roi. Dès qu'il fut arrivé à
Mequinez , il dit à ce Prince que
fon fils étoit guéri avant qu'on eût
appris fa maladie : le Roi répondit
au Médecin : Je ne fuis pas Dofleur,
mais je connais auffi bien que toi le mal
de mon fils , vas , je te fat i s fer ai de ta
peine. En même tems , il envoya
quérir Mahamet , qui dès le lende-
main fe rendit à Mequinez avec
toute fa Maifon. Il mit pied à ter-
re chez l'Alcaid-Abdala Rouflî, où
tous les Alcaids étant venu le fa-
luer , lui apprirent que le Roiavoit
refolu de l'envoyer à Tafilet. Il
leur témoigna fa répugnance pour
Tafilet, & les pria de lui obtenir
de fon père le gouvernement de
Maroc , ils lui promirent d'en par-
ler au Roi , mais ils ne furent pas
plutôt en fa prefence , qu'intimidés
par fon afpect , ils n'oferent execu-
ïer leur promeffe. Quelqu'un étant
T , >7 34' 4n
venu dire à Mahamet que le Roi
venoit de fortir de l'AlcaiTave ,
qui eft le Serrail , Mahamet fe
rendit au Michoir , c'eft - à - dire ,
dans la Cour, accompagné de fon
frère Mulei-Cherif. Auflï - tôt que
le Roi parut , ces deux frères le
faluerent d'une manière très - ref-
pe&ueufe , le Roi de fon côté les
reçut avec beaucoup de tendreiTe }
&c s'étant affis fous fon parafol , les
fit mettre auprès de lui fous une
haïque que l'on tendit tout exprès
au delTusde leurs tètes pour les ga-
rantir de l'ardeur du Soleil. Il ad-
drella d'abord la parole, à Maha-
met , &c après lui avoir reproché
fa prétendue maladie , il lui de-
manda pour quelles raifons il ne
vouloit pas accepter le gouverne-
ment de Tafilet , Mahamet répon-
dit que c'eit, qu'il ne fe fentoit pas
afTez de mérite pour bien remplir
cette place , mais qu'il prioit fa
Majefté de lui accorder le gouver-
nement de Maroc. Le Roi furpris
de la demande , baifTa la tète d'un
air à faire comprendre qu'elle ne
lui plaifoit pas , & en même tems
il dit à Mahamet : mon fils , je
veux vous faire prefenr d'un Cafe-
tan de beau drap vert , que je gar-
de depuis long-tems. Auflî - tôt il
ordonna à une fille de l'aller qué-
rir \ Se quand le Cafetan fut appor-
té , il en revêtit lui-même Maha-
met ; le trouvez - vous beau , de-
manda-! il auffi-tôt à fon fils ; très-
beau, répondit le fils, mais il n'a
pas été taillé pour moi & je le trou-
ve trop long. Hé bien , répliqua le
Roi , Maroc n'a pas été non plus
4f2 JOURNAL DES SÇAVANS,
bâti pour toi , il eft trop grand
pour ra taille.
Mahamet dilTîmula fon cha*
grin , accepta le Gouvernement de
Montigara que le Roi lui donna à
la place de celui de Maroc-, mais
comme les habitans de Montigara
avoient demandé pour ce Gouver-
nement Mulci - Cherif , frère de
Mulei- Mahamet , ces deux frères
qui croient extrêmement unis, Se
qui ne pouvoient (e refoudre à fe
féparer l'un de l'autre , fe rendirent
tous deux à Montigara , où ils fi-
quintaux d'argent. Il fait fi bien ,
par fes manières infinuantes, ga-
gner l'affection du Peuple , qu'on
y vit en peu de tems régner la paix
Si le bon ordre ; mais une Sultane
que Mulei - Ifmacl airrioit éperdu-
ment, Se àlaquelle Mahamet avoit
déjà caufe beaucoup d'ombrage",
ainli qu'on le peut voir plus haut
dans nôtre Auteur , car nous avons
été obligés de partir cet article pour
abréger , ne put voir lans douleur
l'élévation de Mahamet : comme
elle craignoit qu'il ne montât un
rent kitir , peu après leur arrivée , jour furie T ônc au préjudice d'un
un magnifique Château. Ils parte- fils qu'elle avoit de Mule i-Ifmaè'Lj
rent cinq ans enfemble , au bout elle ne penfa plus qu'à traverfer
defquels Mahamet fut transféré du la fortune de Mahamet Se à lui fai-
Gouvernement de Montigara à ce- re perdre les bonnes grâces du Roi.
lui de Tarudante , Capitale du La manière dont elle s'y prit pour
Royaume de Sus , à caufe de la re- réuOîr dans ce dertein , clt racontée
volte de l'Alcaid-Bcnfacatin , que au long par notre Hiftorien, on
ce Roi y avoit envoyé en qualité peut voir là deffus les pages 203 ,
de Gouverneur. Cet Alcaid qui 204 , &c. Mahamet convaincu des
avoit fçû gagner les bonnes grâces mauvaifes intentions de la Sultane,
du Roi , fe voyant revêtu du Gou- qui avoit un pouvoir abfolu fur
vemement le plus impoitant de l'efprit du Roi, crut qu'il n'y avoit
tout l'Empire de Maroc , & très- plus d'autre parti à prendre pour
lucratif , voulut s'y maintenir dans lui que celui delà révolte. La
l'indépendance ; mais le Roi à qui crainte de nous trop étendre nous
il n'étoit pas aifé d'en impoler , le fait fupprimer à ce fujet , plufieurs
furprit, Se l'avant fait prendre, circonltances que notre Hiftorien
lorfque ce rebelle y penfoit le rapporte , nous remarquerons feu-
moins , il le fit étrangler.
Mahamet accepta cette Place
avec joye , comme une marque
fenfible de l'artec-lion que fon père
avoit pour lui , & comme un
lement que Mahamet leva reten-
dait de la révolte , & engagea dans
ïo-t parti plufieurs Alcaids, Se tout
le Peuple de fon Gouvernement,
en forte qu'en peu de tems il leva
moyen de s'élever & de groffir fes une forte armée , avec laquelle il
tréfors. Il s'y rendit pour rangera alla devant Maroc. 11 n'avoit ni
leur devoir les rebelles , & y arriva l'artillerie , ni les mûririons necef-
avec huit mille hommes Se trente faires pour faire un Siège , mais
fondé
A O U S T
fondé fur l'affeiftion que les Peu-
ples lui témoignoient , & fur h
bravoure de quarante mille hom-
mes , à la tête defquels il étoit , il
crut qu'il en vicndroit aifémcnt à
bout , mais il fut trahi 6c livré à
fon père , comme on peut voir au
long dans notre Auteur. Voici
quelques circonftanccs de la mal-
hcureufe fin que fit ce Prince.
Un Vendredi , jour folemnel
chez les Mahométans , Mahamet
fortit pour vifiter fon Camp. A fon
retour il trouva des Nègres qu'on
avoit fait mettre en embufcade. Il
les prit d'abord pour des fuyards
qui venoientfe rendre à lui. Dans
cette erreur , il les approcha , mais
ayant remarqué qu'il s'étoit trom-
pé , il paffa au milieu de cette
troupe , la Lance & le Sabre à la
main , en criant : je fuis Mulei-
Mahamet. Ceux - ci répondirent :
nous te connoiffons bien , nous te
cherchons par l'ordre du Roi. Le
Cherif fe voyant inverti poulfa fon
cheval pour gagner la porte de la
Ville , mais la voyant fermée & la
garde ne répondant point à fa voix,
il ne douta plus qu'il ne fût trahi.
Auffi-tôt il recommença à courir&
à frapper en defefperé , fur tous
ceux qui l'approchoient. Il en tua
plufieurs , parce que les Nègres
n'ofoient fe fervir de leurs armes ,
de peur de répandre le fang d'un
Cherif. Mais comme ils perdoient
beaucoup de leurs Compagnons ,
l'un d'eux s'avifa de couper les
jambes de devant au cheval de Ma-
hamet. Le Cherif tomba & fut en
même tems faifi par ceux qui l'en-
te*/?.
*7 3 4- 4H
vironnoient. On le fit suffi - tô
monter fur un autre chevaL, &: on
le conduisît jufqu'à Beth , où étoit
le Roi : Mulei- Mahamet fe jetta
aux pieds de fon père en lui de-
mandant pardon. Le Roi gardant
le filcncc , lui mit le bout de Ci
lance fur I'citomac» Alors ce mal-
heureux fils apperçut à quelques
pas de lui , des bouchers, & une
chaudière pleine de poix cv d'huile
bouillante: effrayé d'un fi horrible
fpectacle , il dit à fon père : par-
donne-moi : je te le demande au
nom de Dieu 6v de fon faint Pro-
phète Mahomet. Mais le Roi
fourd à fes cris , ordonna à deux
hommes de prendre le bras droit
de Mahamet, & d'en appuyer le
poignet fur la chaudière. Puis il fit
venir un des Bouchers & lui ordon-
na de couper ce poignet. Le Bou-
cher étant prêt à frapper , s'arrêta ,
& dit qu'il fouffriroit plutôt la
mort que de couper la main au fils
de fon maître. LeRoi irrité de cette
réponfe , coupa fur le champ la tê-
te au Boucher , & en appella un au.
tre qui n'ofa défobéir : le Cherif
fit paroître affez de confiance lorf-
qu'on lui coupa la main , mais le
Boucher ayant enfuite reçu ordre
de lui couper le pied , Mahamet ne
put s'empêcher de jetter un grand
cri quand on>en vint à ce fupplice.
Après cette exécution , le Roi
dit d'un air moqueur à fon fils , hé
bien , malheureux , connois - tu à
prefent ton père ? puis prenant un
rufil , il tua à l'inftant le Boucher
qui venoit de couper la main & le
pied à Mahamet. Cet infortuné
Nnn
4H; JOURNAL DE
fils , quoiqu'à demi mort, dit avec
une prefence d'efprit qu'on aura
peine à croire : voyez, le vaillant
homme . conjîderez, je vous prie , fa
bravoure , celui cjiii exécute [es ordres
il le tue comme celui qui refufe de lui
obéir.
On mit enfuite le bras &c la jam-
be de Mahamet dans la chaudière
pour arrêter le fang. Puis le Roi
monta à cheval , &c ordonna fous
peine de la vie, à quatre Alcaids de
lui amener à Méquinez fon fils vi-
vant. Dès qu'à Méquinez on enten-
dit faire le récit du fupplice que
l'infortuné Chcnf avoit fouffert ,
toutes les femmes du Serrail fe mi
rent à pouffer de grands cris. Le
Roi pour calmer ce trouble menaça
de mort toutes celles qu'il enten-
drait pleurer , & jura qu'il les fe-
roit étrangler. L'effet fui vit de près
la menace , & il en fit mourir qua-
tre le même jour pour avoir défo-
béià fes ordres , & n'avoir pu rete-
nir leur larmes ; Mahamet avoit
une fille , &c cette fille fut la feule ,
qui eut la liberté de gémir. Le Roi
avoit même foin d'éviter fa rencon-
tre , 5c lorfqu'il l'entendoit dans
un quartier , il fe retiroit dans l'au-
tre. Un des fils de Mahamet , fut fi
tranfportc de douleur , qu'il fe pré-
cipita du haut d'une terraffe. La
conduite que le Roi garda enfuite
à l'égard de fon fils , eft finguliere
dans toutes fes circonftances : voici
en peu de mots ce qu'on lit là-def-
S SÇAVANS,
fus dans notre Hiftorien.
Sur le loir Mahamet arriva dans
Méquinez , monté fur une Mule J
le bras en écharpe , la jambe dans
un petit coffre de bois , & la tête
couverte de fa Haïque. Lorfqu'on
l'eut conduit dans la maifon qui lui
étoit dcftsnée, on le mit au lit. Le
Roi envoya enfuite tous les jours
les Alcaids le vifiter -, il n'y eut que
la fille de cet infortuné Cherif qui
fut privée de la confolation de lui
rendre fes devoirs. Les Chirurgiens
Chrétiens eurent ordre de ne le
point quitter ,.& de le panfer avec
grand foin , ce qu'ils firent avec
toute l'exactitude poffible. Il fut
fort tranquille pendant quelques
jours ; mais le treizième de fa ma-
ladie , la gangrené fe mit à fes
playes , & il mourut peu de jours
après. Il fut inhumé comme les
Nègres les plus pauvres ; on dit
qu'il l'avoir ainfi ordonné, aile-
gant pour raifon que le Roi fon
père l'avoit traité comme un fcele-
rat Se non pas comme un Prince.
Le Roi après la mort de ce fils,.
lui fit élever un Maufolée foûtenu
par quatre colomnesde marbre, &
couvert d'un Dôme de bois peint
en verd.
Cette féconde Partie de l'Hiftoi-
re des Cherifs contient plusieurs
autres évenemens extraordinaires ,
dont nous nous refervons de parler
dans le Journal du mois prochain,
•H §4i*
aoust; 175 4:
4; 5
LECpNS DE PHYS1QVE , CONTENANT LES
Elément de la Phyficjuc , déterminés car les feules loix des Méchanicjues
expliquées an Collégi Royal de France : par Jofcph-Privat de Molieres,
Profejfeur Royal en Pbilofophie , de l' Académie Royale des Sciences , &
Membre de la Société Royale de Londres. A Paris , chez la Veuve Bro-
cas , rue S. Jacques , au Chef S. Jean , £; Jofcph Bullot , Imprimeur
Libraire , rue de la Parcheniinerie , près S. Severiri , à l'Image S. Jofeph.
17} j. in-ii. pages 404
ON s'eft accoutumé à ne re-
garder les Syftêmes de Phy-
fique , que comme des conjectures
•propofées par les Philofophes pour
expliquer les effets naturels , entre
lefquels chacun choifitïoit celui de
ces Syftêmes qui lui paroilToit le
plus probable , le plus fimplc , &
le plus fécond , fans avoir des prin-
cipescertains qui le déterminaient
dans ce choix. Defcartes lui-même
parle de fon Syftême de Phyfïque,
comme d'un Roman de la natu-
re , Se M. Newton , qui a prouvé
que le Syftême de Defcartes eft
fujet à des contradictions , en a
imaginé un, dans lequel il fuppofe
une partie des principales qualitez
des corps, fans en faire connoître la
caufe. Notre Auteur ayant entre-
pris d'expliquer la Phyfiqtîc au Col-
lège Royal , a cru qu'il étoit necef-
fairc pour le progrès de cette Scien-
ce de fubftituer des principes cer-
tains aux conjectures qui avoient
été propofées jufqu'à prefent pour
l'explication des effets naturels.
Pour exécuter ce planM.deMolieres
fepropofe de donner danscesLeçons
les élémens de la Phyfïque, comme
Euclides a donné ceux de la Géo-
métrie , & de démontrer ces élé-
mens de Phyfiqùe, en déduifant
les propohnons les unes des auties,
félon 1rs règles de la Méthode dont
les Géomètres fe fervent , & par ce
moyen de fixer pour toujours le
nombre év la qualité des principes
de la Phyfïque ; fans quoi il eft
évident qu'on* ne fçauroir jamais
faire de progrès dans cette Science.
Une entreprife fi utile & en même
tems fi hardie, ne manquera pas
d'attirer l'attention de tous ccuxqui
s'attachent à l'étude de la Phyfiqûe.
On voit parles cinq premières
Leçons qui compofent ce Volume,
& qui feront fuivies d'un rjrand
nombre d'autres, que notre Auteur
fuit Defcartes en ce qu'il regarde
ce qui fe pafte dans l'Univers com-
me l'effet d'un méchanifme perpé-
tuel. Il adopte même le Syftême'
des tourbillons ; mais il tâche de
perfectionner ce qui lui a paru de
meilleur dans le Syftême de Def-
cartes , en démontrant des propo»
fitions que cet habile Philofophe
avoit fuppofées , en retranchant
plufieurs propositions que M. de
Molieres a regardées comme inuti-
les , &: de rectifier ce qui a paru ,
dans le Syftême de Defcartes , con-
traire aux principes , ou à l'expc-
Nn n jj
4r<* JOURNAL D
rience. D'un autre côté il a profité
des découvertes de M. Newton s
non feulement pour rectifier le Sy-
ftême de Defcartes , mais encor»
pour établir des principes qui lui
fervent à expliquer d'une manière
méchanique des effets dont M.
Newton lui - même a cru qu'on
chercheroit inutilement lacaufe.
Après quelques définitions , qu'il
étoit necefiaire de mettre à la tête
de l'Ouvrage , fuivant la méthode
des Géomètres ; l'Auteur demande
qu'on lui accorde qu'il y a dans
l'Univers de la matière Se du mou-
vement ; enfuite il établit dans la
première Leçon lesloix du mouve-
ment en ligne directe , en onze
propofitions. La première eft que
la vitefTe d'un mobile eft Pefpace
qu'il parcourt divifé par le tems
qu'il eft à le parcourir , & que fa
force eft le produit de fa maiTe
pour fa vite (Te. 11 prouve dans les
propofitions fuivantes qu'un corps
en repos demeurera de lui-même en
repos, qu'un corps en mouvement
continuera de lui-même à fe mou-
voir uniformément en ligne droite,
&: que s'il eft contraint de fc mou-
voir en ligne courbe , il tendra à
chaque point de la courbe qu'il dé-
crira à parcourir la tangente de la
courbe en ce point. Les différentes
parties de cette propofition , font
fondées fur ce qu'un corps ne peut
apporter de lui-même aucun chan-
gement à fa difpolition actuelle.
Dans ces premières propofitions
l'Auteur ne confidere le mobile
que comme mû par une feule force
en ligne directe., dans les fuivantes
ES SÇAVANS,
il examine ce qui doit arriver
quand le corps eft mû en ligne di-
recte par des forces qui ont pour
direction une même ligne droite
qui paffe par fou centre ; ce corps
fe mouvera en ligne directe avec la
fomme des deux forces fi leurs
directions font de même fens , ou
avec la différence de ces forces , fi
leurs directions font à fens contrai-
res , 8c ainfi les forces contraires fe
détruiront mutuellement. Mais Ci
les directions des deux forces for-
ment un angle , le corps mû par.
ces deux forces parcourera unifor-
mément 1a diagonale du parallélo-
gramme , dont les cotez pris fut
ces directions font entre eux com-
me ces forces iv cela dans le même
tems qu'il parcoureroit l'un ou
l'autre côté par l'une ou par l'autre
de ces forces. On peutfubftituer à
l'action conjointe de ces deux for-
ces , une feule force qui ait pour
direction , celle de l'action con-
jointe de ces deux forces. Lorfquc
deux forces font employées à mou-
voir un globe , elles font équili-
bres fi elles font égales & oppofées
dans une même direction qui pafle
par fon centtre. Si on fubftitue à
l'une de ces forces un point capa-
ble de foûtenir l'effort de l'autre
force mouvante , l'équilibre fubfi-
ftera.
Trois forces dont les directions
paffent par le centre d'un globe ,
font équilibre , lorfqae leurs di-
rections font dans un même plan ,
& qu'elles forment un parallélo-
gramme , dont les cotez y compris
la diagonale , étant dans ces direc--
A O U S
tions font entre eux , comme ces
forces. Si à l'une de ces trois forces
on fubftitue un point d'appui in-
vincible dans la direction de cette
force , l'équilibre continuera. Mais
fi au lieu de ces trois forces onfup-
pofe deux points d'appui invinci-
bles dans la direction de ces deux
forces , la troilîéme fe décompo-
fera en deux forces égales à celles
des deux premières forces , & dont
la femme fera plus forte que ne l'é-
toit cette force à laquelle on n'a
pas fubftitue de points d'appui.
C'cft - là le premier exemple que
l'Auteur donne de la decompofi-
tion des forces. 11 foùtient qu'une
force ne peut être ainfi décompofée
en deux autres i dont la fomme
foit plus grande que cette force ,
que par l'oppofition de quelque
reliftance & d'une façon détermi-
née.
Quand deux globes homogènes
fe mouvans dans une ligne droite
qui palTe par leur centre fe cho-
quent , ces mobiles vont en-
femble après le choc dans la même
ligne droite ou avec la fomme des
forces qu'ils avoient avant le choc,
lorfque leurs directions font dans
le même fens , ou avec la différen-
ce de ces forces , lorfque leurs di-
rections font à fens contraires.
Mais fi un globe fe mouvant uni-
formément dans une ligne droite
perpendiculaire à un plan inébran-
lable , tombe fur un point de ce
plan, le mobile demeurera en re-
pos au point fur lequel il tombera,
Il faut voir dans le Livre même les
démonftrations de ces règles & les
T, 1754. 4;?
corollaires que l'Auteur en tire , &
qu'on doit encore regarder comme
des règles de mouvemens. Il faut
feulement avertir ici ceux qui fe
contenteront de l'idée générale que
nous venons d'en donner , que
l'Auteur confiderc ici les corps ,
comme s'ils n'avoient point de ref-
fort, & comme fi le milieu dans
lequel fe tait le mouvement ne fai-
foit aucune refiftance.il avertitauffi
qu'il prouvera par la fuite que la
deftruction dès forces contraires
par le choc, n'empêche pas que la
même quantité de forces que la
matière a reçu dès le commence-
ment ne feconferve dans l'Univers.
Dans la féconde Leçon l'Auteur
expofe les loix générales du mou-
vement en ligne courbe , & les
proprietez du tourbillon. Il éta-
blit d'abord qu'un globe con-
traint de fe mouvoir le long d'une
ligne courbe, ne perd qu'une quan-
tité de fa Yiteffe infiniment petite
fur chacun des points de la courbe.
D'où il conclut que quoique le
nombre des cotez infiniment petits
d'une courbe foit infini , le mobile
ne perd de fa viteffe en les parcou-
rant tous qu'une quantité infini-
ment petite qu'on eft en droit de
négliger. Il montre dans la féconde
propofïtion que le mobile qui dé-
crit une circonférence de cercle
tend à chaque point à s'éloigner du
centre de ce cercle avec une égale
force , & dans la troifiéme que là
force centrifuge d'un globe qui fè
meut dans une circonférence de
cercles eft égal au quarré de fa
vitelTe divifé par le rayon. D*où M»-
4y8 JOURNAL DE
de Molieres tire fa quatrième pro-
portion que fi le plan d'un cercle
cil rempli de très- petits globules
égaux , qui y circulent chacun avec
une égale vitefle , ces globules ten-
dront à s'éloigner du centre com-
mun de leurs mouvemens avec des
forces centrifuges qui feront entre
elles en raifon inverfe de leur di-
ftance au centre , & que il on n'a
aucun égard aux frottemens , les
globules continuèrent à y circuler
avec la même vitefle.
Notre Auteur fuppofant enfuite
que la fuperficie d'un cilindre droit
eft remplie de petits globules , &
que ces points y circulent avec une
égale vitefle dans les plans perpen-
diculaires à l'axe & y forment ce
qu'on nomme un tourbillon ; il
prouve i". que chacun de ces glo-
bules tendra à s'éloigner du point
de l'axe du cilindre fur lequel tom-
be la perpendiculaire menée du
centre du globule fur l'axe du
tourbillon , & que tous les globu-
les compris dans une même cou-
che cilindrique auront une égale
force centrifuge : z°. Que les for-
ces centrifuges des points compris
dans des couches différentes , fe-
ront entre elles en raifon inverfe
de leur diftance à l'axe "• 3*. Que fi
l'on n'a égard qu'à la feule force
centrifuge , tous ces points conti-
nueront d'y ciiculer éc d'y confer-
ver entre eux une égale vitefle. De
ce que les vitefles des points d'un
tourbillon cilindrique demeurent
égales, notre Auteur conclut avec
M.NeWton que leurs tems périodi-
ques , feront entre eux comme leur
S SÇAVANS;
difhnce à l'axe. Mais une différen-
ce eflentielle entre le Syftême de
M. Newton è> celui de notre Au-
teur , c'eit que M. de Molieres ,
pour découvrir les proprietez du
tourbillon , le transforme de cilin-
drique en fphérique par la f?ule
infeription d'une fuperheie fphéri-
que , lans changer autre choie à ce
qu'on en avoit déduit , que ce que
cette nouvelle difpofition deman-
doit qu'on y changeât , &: qu'il dé-
duit de-là les loix aftronomiques
de Kepler, au lieu que M. Newton
n'ayant point jugé à propos de faire
cette transformation , a formé une
hypothéfe fur la formation du
tourbillon fphérique qui l'a écarté
des confequences qu'il avoit tirées
du tourbillon cilindrique -, de ma-
nière qu'il a cru qu'il étoit impoilî-
ble d'expliquer par le Syftcme du
méchanifme la pefanteur,le reflort,
le mouvement des Planétes,C^V.On
doit lire dans le Livre même la ma-
nière dont l'Auteur explique le
mouvement dans les tourbillons
fphériques , d'où il déduit la fa-
meufe règle de Kepler , par laquel-
le on décermine le rapport des di-
flances des Planètes au Soleil en
connoilTant le tems de leurs révolu-
tions , & que les Aitronomes mo-
dernes ont vérifiée par rapport aux
Satellites de Jupiter 8ç de Saturne.
Ce Syftême des tourbillons ex-
pliqué dans la féconde Leçon s'ac-
corde avec celui deDcfcartes. L'Au-
teur s'en éloigne dans la troifiéme
Leçon où il parle des tourbillons
comparés entr'eux & des tourbil-
lons compofés. Notre Auteur
A O U S
avoiie que C\ l'on fuppofoit un
mouvement de la matière en ligne
droite en tous fens, même contrai-
res , ou en ligne courbe qui fe croi-
faffent , le mouvement le perdroit
bientôt, & par confequent qu'il
ne produiroit pas les effets de la
nature. C'eft pourquoi il foû-
tient que chaque grand tourbillon
eft compofé d'autres touibillons,
qui font encore compofés d'autres
tourbillons infiniment plus petits ,
qui ont chacun leur mouvement
en tourbillons , comme les plus
grands tourbillons , d'où notre
Auteur conclut que le mouvement
doit fe conlervec dans l'Univers
pour tous les civets naturels, & que
le mouvement s'eft introduit &
s'eft confervé dans la matière , fans
le fecours du vuide , que M. New-
Son n'avoit admis dans l'Univers,
que parce qu'il ne croyoit pas qu'on
pût expliquer autrement les effets
de la nature.
Un fécond point dans lequel no-
tre Auteur s'écarte encore du Syftê-
me de Defcartes , c'eft qu'il fubfti-
tue comme avoit fait le Père Male-
branche, aux globules durs de Def-
cartes,de petits tourbillons,c]ui font
une fuite deiadiviiîon& delafub-
divifionde la matière' en autant de
parties , qu'il étoit neceffaire pour
la production des effets naturels.
D'ailleurs on n'a point à craindre
dans le tourbillon compofé de pe-
tits tourbillons élaftiques qui pren-
nent aifément la figure convenable
aux lieux où ils fe trouvent, les
frottemens qu'on craignoit tant
dans le tourbillon formé de petits
globules durs.
T, 1754. 4^
Dans la quatrième Leçon l'Au-
teur recherche la caufe de la pefan-
tcur que M. Newton a cru devoir
regarder comme une qualité dont
on ne pouvoit expliquer l'origine.
M. de Molieres tire la pefanteur ,
non immédiatement de la force
centrifuge que la matière du tour-
billon acquiert en circulant , mais
de celle qui naît de l'effort que les
petits tourbillons, dont le grand
tourbillon cft compofé , font pour
s'écarter les uns des autres. Car le
corps dur , c'eft-à-dire , dont les
parties font proches l'une de l'au-
tre , év qui ne fe mouvent pas en
tourbillon , circule auflî vire au-
tour de la terre qui forme un grand
tourbillon que le volume du petit
tourbillon dont il occupe la place.
Mais la force par laquelle ce corps
tend à s'éloigner du centre de la ter-
re n'eft que la moitié de celle par la-
quelle un pareil volume du tourbil-
lon tend à s'en éloigner,parce que le
petit tourbillon a outre la force gé-
nérale du tourbillon , celle de fes
petites parties qui tendent à s'éloi-
gner de leur centre. La pefanteur
ou la force avec laquelle un mobile
dur tend à s'approcher du centre
du grand tourbillon eft en raifon
inverfe du quarré des diftances du
mobile au centre du grand tourbil-
lon , parce que la force des parties
du petit tourbillon croiffant & dé-
eroiffant à raifon inverfe des quar-
rez des diftances au centre du tour-
billon -, la pefanteur du mobile qui
eft l'effet immédiat de cette force,
doit auflî croître £c décroître de la
même façon.
46o JOURNAL D
L'Ether & fon infenfible refi-
ftance font le fmet de la cinquième
Leçon. L'Auteur y foûtient que les
trois élémens de Defcartesne peu-
vent fubfifter félon les loix des mé-
chaniques , principalement parce
que les parties de la matière de Ion
premier élément étant les plus fub-
tiles , elles auroient bien-tôt perdu
leur vitelfe quelque grande qu'elle
eût pu être dans le commence-
ment, en la communiquant aux
parties de fon fécond &c de fon
troifiéme élément qu'il fuppofe
mille fois plus grofles. Dans le Sy-
ftême de notre Auteur l'Ethcreft
compofé de petits tourbillons qui
occupent tout l'Univers à l'excep-
tion des corps durs dont les parties
font en repos les unes auprès des
autres. Il déduit delà l'élafticité de
l'Ether & fon mfeniîble refiftance.
Il trouve dans fon Syftême un
grand avantage par rapport à ce
dernier article , en ce que l'Ether
ne faifant qu'une refiftance infenfi-
ble aux corps pefans qui le traver-
fent , on explique fans détruire le
Syftême du plain toutes les obferva-
tions dont M. Newton s'eft fervi
pour établir le vuide , & pour ré-
ES SÇAVANS,
pondre aux objections de ce Philo-
fophe fur le Syftême du plain.
Le but de l'Auteur , de don-
ner au Public des élémens de Phy-
iique démontrés géométrique-
ment , engagera fans doute ceux
qui aiment la Phyfique à examiner
cet Ouvrage avec attention , & à
faire fouhaiter que l'Auteur conti-
nue à donner fes Leçons au Public
fur une matière fi importante. Il y
aura d'autant plus de perfonnes en
état de juger des calculs fur lef-
quels ces démonftrations font ap-
puyées , que l'Auteur s'eft borné
dans fes Elémens aux calculs or-
dinaires des Géomètres , laiftant
à d'autres à y appliquer les calculs
de la plus fublime Géométrie. On
ne fçauroitque loiier la Méthode
de l'Auteur. L'examen de ce
qu'il a propofé pour principes , de
la part des Phyficiens & des Géo-
mètres eft également à fouhaiter
pour l'Auteur qui fait profefîlon
de rechercher la vérité , & pour le
Public. Nous n'avons point rap-
porté l'enchaînement des propofi-
tions dans fes trois dernières Le-
çons, parce que ce détail nous au«
roitmené trop loin.
ABREGE*
AOUS T, 1734;
461
'ABREGE' DE L'HISTOIRE DE FINGT-QVATRE PERES DE
l'Eglife. Hifloire abrégée des Empereurs Romains depuis Jule-Céfar juf-
tju'à Confiant in le Grand. Caractères de 5 8 des meilleurs Hifloriens t Ora-
teurs , & Poètes Grecs } Latins & François. Ouvrage très - utile fur-tout
aux jeunes gens de l'un & de l'autre fexs , tjui pourront en très-peu de tems
Acquérir une connoiffance générale des matières annoncées ci - dejfus. A
Paris , chez Chaubert , Libraire du Journal; Tautin , rue Judas 3 8c
Alufier fils , Quai des grands Auguftins. 1731. in-iz. pp. 178.
QU O I QU E cet Ouvrage ne
foitpas fufceptible d'Extrait,
cependant comme il peut être pro-
pre à orner & même à former l'ef-
prit de la jeunefle , nous allons en
donner ici quelques morceaux qui
mettront le Lecteur en état de ju-
ger du ftile & du caraclere qui rè-
gne dans cet abrégé. Parmi les Vies
de 24. Pères de l'Eglife , nous choi-
firons celle de Tertullien.
» Il eft confiant , dit l'Auteur ,
» que Tertullien avoit été Payen ,
» comme il l'avoiie lui- même ;
» mais on ne fçait point en quel
» tems , ni à quelle occafion il en-
» tradans le fein de l'Eglife. Il fut
» ordonné Prêtre de Carthage en
» Afrique fa Patrie. Ce fçavant
»Homme éclaira d'abord l'Eglife
» par fes Ecrits , l'édifia par l'inno-
»» cence de fa vie , Se la dérendit
» par un admirable Apologétique
» qui a pafTé dans tous les fiécles
» pour un Chef-d'œuvre d'érudi-
» tion & d'éloquence. Mais aveu-
» glé depuis pat une orgueilleufe
» févérité que lui infpira le trop
» d'attachement à la morale des
*» Stoïciens , & féduit par les vi-
» fions du faux Prophète Montan ,
olta contre l'Eglife , fe
A i#.
» fervit pour la combattre de la
n même plume dont il avoit atta-
» que avec tant de zélé & de force
» les Marcionites, les Valentiniens
» & autres femblables monftres, &
» tomba dans un fi grand excès de
» foiblefle & de folie , qu'il fe laifla
» entraîner à croire des révélations
» ridicules & des Prophéties plei-
» nés d'extravagances débitées par
>»un Impofteur, & par certaines
» femmes. On ne fçait ce que fit
» Tertullien depuis fa chute , ni ce
» qu'il devint. 11 ne paroît pas pat
»> fes Ouvrages qu'il foit revenu de
» fon égarement : tous les anciens
» au contraire en ont parlé comme
» d'un homme mort hors la com-
» munion de l'Eglife. On croit
» communément qu'il mourut vers
» l'an 210.
Nous avons eboifi cette Vie uni-
quement parce qu'elle eft une des
plus courtes , cette même raifon
nous déterminera dans le choix que
nous ferons encore de deux autres
endroits du même Ouvrage.
Telle eft dans l'Hiftoire abrégée
desEmpereurs Romains la peinture
qu'il fait de l'Empereur Commode.
» Au meilleur de tous les Petes,
» fucceda le plus méchant de tous
Ooo
452 JOURNAL D
» les fils. Commode ayant pris les
» rênes de l'Empire dans un âge
» encore trop tendre , fe laifla en-
wticrement corrompre parlesflat-
» teurs , de forte que fans avoir au-
» cune des qualitez de Marc-Aure-
»le, il'eut prefque tous les vices
3> de Néron. Quoique fon extrême
.•» cruauté , & fes infâmes débau-
.•>ches eu(Tent fait revivre les tems
» malheureux de Domitien Se de
»Caligula, il voulut cependant
a que fon règne fût appelle le fié-
» cle d'or. Les palmes fréquentes
» qu'il remporta dans les combats
»> des Gladiateurs étoient quelque
» chofe pour lui de plus grand que
» les triomphes les plus honorables
»& les plus glorieux. Il étoit fi
» adroit à lancer le Javelot Se à ti-
»» rer de l'arc , qu'il tuoit quelque-
» fois en un feul jour cent bêtes
»> fauvages. Il lançoit enfuite les
u Javelots Se les flèches fur le Peu-
»ple pour couronner un fi beau
» fpectacle. Fier de femblables ex-
» ploits , il ajouta aux grands nom-
» bres de titres magnifiques qu'il
» s'étoit déjà donnés , celui d'Invin-
» cible Se d'Hercule Romain. Ce
»>monftre plus féroce que toutes
j> les bêtes qu'il avoit fait périr ,
»fut empoifonné par fa Maîtreflc
» Marcia , Se enfuite étranglé par
» un Athlète nommé Narcifle la
» treizième année de fon règne , Se
» la trente deuxième de fon âge.
Après l'abrégé de l'Hiftoire des
Empereurs Romains , l'Auteur ,
fans s'attacher au détail de leur vie,
ES SÇAVANS,
nous donne le caractère de 58 des
meilleurs Hiuorien6 , Orateurs, &
Poètes , Grecs , Latins 3 Se Fran-
çois. Parmi ces derniers il eft re-
marquable que M. Roulîeau foit
le feul Poète vivant dont on fafle
ici mention. On y trouve le carac-
tère de M. de la Motte Se du P. du
Cerceau Jefuite. Nous finirons cet
Extrait par ce que l'Auteur dit de
ce dernier.
Du Cerceau a mieux imité que
perfonne l'élégant badinage de
Marot , la charmante naïveté qui
fe trouve dans fes penfées. Ses
tours ingénieux , fa diction pure &
enjouée ne font pas fes feuls ta-
lens. Il fçait aulfi répandre une
noblefle Se une dignité merveil-
leufe fur les chofes qui en pa-
roifîent le moins fufceptibles. Ce
qu'il dit eft ordinairement aflez
commun pour le fond , mais il le
prefente fous des jours qui lui don-
nent un air de nouveauté , & quel-
que chofe de piquant. Le naturel
& le vrai font pour ainfi dire le
fond Se la matière de fes Ouvrages».
Rien de plus fimple pour l'ordi-
naire que fes fujets. Mais il a foin
de les relever par une verfification
aifée Se coulante -, par une fécondi-
té , une délicatefîe , une netteté
d'expreffion , Se fi j'ofe le dire , par
une légèreté de pinceau qui plai-
fent infiniment -, fa Mufeeftgaye
& badine , mais elle ne s'écarte ja-
mais des règles de la bienféance Se
du devoir,
AOUST, I7J4.1
4*î
DESCRIPTION D'VN PETIT EAQVET DE VASSEAVX
pétrifié , trouvé dans le ventricule droit du cœur d'une jeune Demoifelle , ou
Von rapporte les accidens que le corps étranger lui caufa & ejui furent fui-
vis d'une prompte mort. Laquelle Defcription nous a été donnée par Ai.
Hallays , Médecin de la. Rochelle.
LT N E jeune Créole de Caycn-
) ne âgée de treize ans , d'un
temperamment mélancholique, Se
élevée dès l'âge de fcpt ans à la Ro-
chelle, tombale quatrième Février
1720. dans une fièvre ardente avec
trcmblemens convulhfs Se délire.
Le neuvième, la petite-vérole pa-
rut Se fut confluente. La malade en
fut entièrement guérie le vingt-
fixiéme du même mois, qui étoit
le vingt-deuxième de la maladie ôc
le dix-feptiéme de l'éruption.
Le treizième Avril fuivant, cette
jeune Demoifelle joiiilToit d'une
fanté parfaite , Se avoit acquis , de-
puis fa petite-vérole , un embom-
point qu'elle n'avoit jamais eu,
lorfque tout d'un coup, fur le foir,
elle le fentit frappée d'une violente
douleur de tête, d'abord du côté
droit , Se qui s'étendit en fort peu
de tems , dans toute la tête, palpi-
tation de cœur très-forte , inquié-
tude , angoifle , agitation de tout
le corps, le poulx dur, tendu,
convulfif. Environ une heure après
la première attaque du mal , la
connoilTance fe perdit Se la malade
tomba dans des convulfions énor-
mes. Je la fis faigner cinq fois en
moins de douze heures , fçavoir ,
quatre fois du bras , d'où on lui tira
neuf à dix onces de fang à chaque
fois, & enfuite du pied, d'où on
lui en tira jufqu'à treize à quatorze
onces , parce qu'environ une
heure après que la malade eut été
faignée du bras pour la dernière
fois , la palpitation de cœur Se la
doulcu de tête ne laifferent pas de
contin r ; quoique les convul-
fions éûffent celTé , que la connoif-
fance fî.i revenue Se que le poulx
commençât à fe rétablir. Tout le
relie du quatorzième Se le quinziè-
me , la malade fut en pleine con-
noilTance , malgré fa palpitation
de cœur, Se une douleur de tête
gravative, avec une fièvre très con-
sidérable qu'on tâcha inutilement
d'éteindre par les boifions nîtrées ,
les bouillons de poulet , les lave-
mens d'eau tiède Se autres fecours
pareils.
La nuit du quinzième au feiziéme
la palpitation de cœur augmenta
au point de taire trembler tout le
lit : ce qui fut bien-tôt fuivi d'une
perte totale de connoilTance 8c de
convulfions horribles. Deux fai-
gnées du pied Se une de la jugulai-
re diminuèrent les convulfions &
changèrent les palpitations en (im-
pies tremblemens. Le vifage pâlit
depuis les yeux jufqu'au menton ,
mais feulement autour du nez -, lt
front, les joues, ôc la gorge étant
d'un rouge très-vif, qui , par de-
grez devint cramoifi , enluite vio-
Oooij
464 JOURNAL D
let Se enfin livide. Le dix-fept elle
mourut fur leshuit heures du ma-
tin , le cinquième de la maladie
commençant.
Dès l'entrée du feiziéme , lorf-
que je vis les convulfions revenir ,
& les palpitations de cœur s'aug-
menter lî considérablement , je
penfai que ces accidens n'étoient
caufés qus par quelque corps
étranger dans l'un ou dans l'au-
tre des ventricules du cœur , Se
qu'on ne pouvoit attendre qu'une
mort très-prochaine, je l'affurai à
ceux qui avoient foin de cette jeu-
ne Demoifelle , & Je le fis d'autant
plus affirmativement que j'avois
vu mourir plufieurs malades avec
les mêmes lymptômes produits par
la même caufe -, mais entre autres
une femme de la rue de la Chan-
verrerie à Paris, qui trois Semaines
après une couche fort heureufe %
tomba tout à coup dans les mêmes
accidens que la jeune Demoifelle
dont il eft ici queftion, mais moins
violens , & mourut le troifiéme
jour de cette attaque. Je fus pre-
fent à l'ouverture qu'on en fit &c
que j'avois confeillée. On trouva
dans le ventricule gauche du cœur
un corps de couleur & de confi-
dence tendineufe , de la groffeur
d'une noix , fait comme un cœur
entier, qui, d'une.bafe large fe ter-
minoit en pointe, cV d'où partoient
des fibres fpirales qui alloientfe ter-
miner à la bafe. Ce corps étoit
creux, contenoit environ une demi-
coquille de noix, de liqueur rouffa-
tre ^ & étoit attaché au milieu du
fcptm médium comme un champi-
ES SÇAVANS,
gnon , par un pédicule allez gros Se
affez forr pour tenir le co.ps fuf-
pendu au milieu du ventricule gau-
che.
Quant à notre jeune Créole t
mon prognoftic , quoique très-
vrai , fut contredit par plufieurs
perfonnes, les uns difantque c'é-
toient des vers qui caufoientlesac-
cidens , les autres que ce n'étoient
que des convulfions épileptiques.
ordinaires ; pour décider là que-
ftion je demandai , dès que la Ma-
lade fut morte , qu'on en ouvrît
la poitrine.
Nous y trouvâmes les deux lo-
bes du poumon , à peu de chofe
près , dans leur couleur naturelle 3
le ventricule gauche du cœur ab-
folument vuidede fang, la veine-
cave , l'oreillette droite , & le ven-
tricule droit du cœur , engorgés,
de fang & prodigieufement dilatés.
Ce ventricule ouvert , il en fortit
une fort grande quantité de fang
noirâtre , on en tira , outre cela ,
avec les doigts , beaucoup de gru-
meaux durs & noirâtres , mais qui
fe brifoient facilement. Voulant
examiner par moi-même s'il n'y
a voit rien d'entrelacé dans les co-
lomnes charnues dé ce ventricule ,
& y portant doucement le doigt
indice , de bas en haut -, je fentis un
petit corps dur fous la valvule po-
fterieure que je tirai doucement &
peu à peu , parce qu'il étoit enfon-
cé diagonalement par une de fes
extremitez h plus pointue , dans
les fibres de la valvule , & par l'au-
tre extrémité plus large, mais tran-
chante , à la partie fùpeneure ôt
A O U S T
pofterieure du ventricule droit du
cœur. Nous n'apperçûmes rien de
plus dans ce ventricule , (mon que
les valvules étoient demeurées en-
flammées , épaifles , roides , &
tendues. Je fis enfuite plufieurs
ouvertures tant dans la partie con-
vexe que dans la partie concave des
deux lobes du poumon ; mais le
tranchant de tous nos Scalpels fut
bien tôt émoufle par une quantité
de pierres de toutes fortes de figu-
res , & de groiTcurs , qui fe trou-
verent répandues dans les bron-
ehes &: dans la fubftance véficuiairc-
même du poumon ; cependant la
malade n'avoittu dans le cours de
fa maladie , aucune oppreflîon &
ceux qui étoiéitt journellement
avec < iv , iM'.itTurerent qu'ils n'a-
voi • i .imais apperçu qu'elle fût
attaquée ni qu'elle fe plaignît d'au-
cune difficulté de refpirer.
Defcripion du Corps étranger.
Ce corps étranger étant lavé &
dégagé du fang qui l'enveloppoit ,
puis jette dans une foucoupe de
porcelaine , la faifoit fonner com-
me auioit fait une pierre dure : je
diftinguois facilement à l'œil plu-
fieurs petits ronds comme des ori-
fices de vailTeaux coupés pour la
plûpart'diagonalement , ou plutôt
arrachés , car les bords en étoient
inégaux. Quelques uns de ces orifi-
ces paroifloient creux ; mais en les
fondant avec une épingle , je les
fentois auflî durs & auffi foïides en
dedans qu'en dehors. Ce corps gros
environ comme un bon grain de
. ï 7 i 4- 4*J
froment , convexe d'un côté & un
peu concave de l'autre , n'étoit
qu'un aflemblage de petits viaf-
feaux de dinerens diamètres &de
différentes longueurs colcs les uns
contre les autres.
Un peu à côté de la partie con-
vexe & au - deflous d'un vailfeau
ouvert dans fa longueur , on voyoit
fortir quatre filets qui d'une bafe
large d'une dixième partie de li-
gne , fe terminoient en une pointe
très-fine & prefque imperceptible
dans la longueur de quatre à cinq
lignes 5 & décrivoient un demi-
cercle.
Depuis cette baze jufques à la-
pointe on appercevoit des inter-
férions qui fembloient naître
les unes des autres , de la même
manière qu'on reprefente les
vaifTcaux lymphatiques. Vers la
pointe de la partie concave il y
avoit auflî quatre autres filets ,
mais plus fins ; deux qui décri-
voientleur demi cercle vers la par-
tie fuperieurc , deux autres vers
l'inférieure , & qui étoient rangés
alternativement. Ces huit filets
étoient auflî pétrifiés ; mais élafti-
ques.
Reflexions.
i°. Comme une Dame dévote à
qui cette jeune perfonne avoit été
recommandée , ne voulutpasnous
permettre d'ouvrir d'autre partie
que la poitrine , il ne me fut pas
poflibie de décider de quel endroit
du corps, ce paquet de vaiiTeaux pé-
trifié s'étoit détaché pour tombée
46<S JOURNAL D
dans le ventricule droit du cœur.
2°. On voit bien que fi ce corps
s'étoit détaché du poumon où il y
avoit une fi grande quantité d'au-
tres concrétions pierreufes de tou-
tes les figures & de toutes les gran-
deurs , il n'eût pu être porté que
dans le ventricule gauche du cœur
&c non pas dans le droit ; à moins
qu'on ne veuille fuppofer que le
paquet de vaifteaux pétrifiés déta-
ché de l'un ou de l'autre lobe du
poumon , ait d'abord été porté
dans le ventricule gauche du cœur ,
d'où , par un heureux hazard , il
ait été pouffé dans l'aorte fans s'ac-
crocher à aucune partie folide , &
de-là , fuivant les loix de la circula-
tion ordinaire , il ait , par un autre
hazard, pénétré des extrémitez des
artères capillaires , dans les veines ,
pour être rapporté fans aucun ob-
ES SÇAVANS;
ftacle dans le ventricule droit du
cœur.
30. Je fçai que la chofe , tout
extraordinaire qu'elle eft , n'eft
pas fans exemple , les Livres des
Médecins font pleins dépareilles
Obfervations , & l'expérience
journalière en fournit alfez fou-
vent. La nature, pourfedébarraf-
fer de ce qui l'incommode , s'ou-
vre des routes que toute la fagacité
humaine ne fçauroit découvrir.
Telle eft la Defcription que M.
Hallays , Médecin de la Rochelle,
nous a communiquée. Quelques
Lecteurs diront peut-êtte que pour
expliquer ce phénomène , il feroit
plus vraifemblable de fuppofer que
le corps étranger dont il s'agit, s'eft
formé dans le cœur même où il a
été trouvé , mais M. Hallays ne
paroît pas avoir ce foupçon.
CONTINUATION DE L HISTOIRE DV PARLEMENT DE
Bourgogne, depuis l'année 1 649. juftju'e n 1735. Par le Sieur François Pe-
titot. A Dijon, chez Antoine de Fay , Imprimeur des Etats } de la
Ville , & de l'Univerfité. 1733. in -folio , pages 166.
L'HISTOIRE du Parle-
ment deBourgogne a été don-
née au Public en 1649. in-folio ,
fous ce titre : Le Parlement de Bour-
gogne , fon origine ,fon établiffement ,
àrfon progris ; avec les noms , cjua-
litez. y Armes & Blazons des Préfl-
dens , Confeillers , Procureurs Géné-
raux & Greffiers en Chefcjui y ont été
jufcju'A prefent par Pierre Palliot Pa-
riften , Hiftoriographe du Roi & Gé-
néalogifie de Bourgogne. Palliot qui
étoit Imprimeur & Auteur , a lui-
même imprimé cet Ouvrage , com-
me fes autres Livres , & il a grave
le grand nombre de planches de
Blazons dont ils font remplis.
C'eft ce que marque le P. le Long
dans fa Bibliothèque Hiftorique de
la France. Le Sieur Palliot étoit,
ajoute le P. le Long , un homme
exact , laborieux & infatigable. Il
eft mort fort âgé en 1C99.
Son Hiftoire du Parlement de
Bourgogne contenoit deux Parties;
la première étoit un Extrait des
Edits pour l'érection de ce Parle-
ment , pour la création ou la fup-
A O U S T
preffion de differens Offices , des
diverfes Déclarations qui con-
cernent le Parlement de Dijon , &
des Reglemens de ce Parlement
pour la Police du Corps & pour la
confervation de la Jurifdiction. La
féconde Partie regardoit les diffe-
rens Officiers de ce Parlement juf-
qu'en 1 649. leur nom , leur Office,
le Blazon de leurs Armes.
La continuation de cette Hiftoi-
re dont il s'agit ici , cft dans le mê-
me goût que l'Ouvrage de Palliot.
CeVolume commence parun précis
des derniers Edits , & des Déclara-
tions du Roif, pour le Parlement de
Bourgogne,on y joint unExtrait des
Reglemcns faits par le même Parle-
ment. On voit dans la féconde Par-
tie les noms , fur-noms , qualitez ,
les armes & le blazon des premiers
Préfidens , des Préfidens à Mor-
tier , des Abbez de Citeaux Con-
feillers nés en ce Parlement, des
* * 75 4- 4*7
Chevaliers d'honneur, des Con-
feillers tant Clercs que Laïcs t des
Gens du Roi & des Greffiers en
Chefs de ce Parlement depuis
164}). jufqu'à prefent.
L'Auteur de la Continuation af-
fure que fi l'on n'y trouve pas des
portraits & des deferiptions auffi
chargées d'éloges que celles qui fc
trouvent dans la première Partie }
il ne faut imputer cette fecherefle ,
ni à la matière de l'Ouvrage ni aux
intentions de l'Auteur ; mais qu'il
faut l'attribuer à la modeftie des
Officiers du Parlement de Bourgo-
gne , qui ne lui ont pas permis de
faire des éloges. Les âmes vraiment
vertueufes , dit l'Auteur à cette
occafion font toujours en garde
contre le faux brillant de la vainc
gloire. On voit allez par ce plan de
l'Auteur , qu'un pareil Ouvrage
n'eft point fufceptible d'un Extrait
plus étendu.
ARII THORG1LSIS FILII COGNOMENTO FRODA , ID EST
Multifcii vel Polyhiftoris , in Klandiâ quondam Prefbyreri primi
in Septentrione Hiftorici Schedx , feu Libellus de Iflandiâ.
C'eft-à-dire : Livre de l'IJlande par Aras fils de Torgils ^furnommé le Sça-
vant : traduit en Latin de la Langue IJlandoife , ou de V ancienne Lan-
gue Danoife , qui étoit autrefois commune à tous les peuples du Nord. Tar
André B v s s. A Copenhague , de l'Imprimerie de Joachim Schmidt-
gen. i73 3./»-4°.
ARAS étoit né en Mande
vers le milieu du onzième
fiécle d'une Famille des plus diftin-
guées du Pays. Après avoir été fai-
re fes études à Cologne en Alle-
magne , il retourna en fa Patrie où
il fut ordonné Prêtre , il y com-
pofa plulieuxs Ouvrages en Lan-
gue Iflandoife ou en ancienne Lan-
gue du Nord , dont il ne nous re-
lie que ces Chroniques ou Livre
d'Iflande. Aras a précédé de cent
ans Saxon le Grammairien. Ainfi
il doit être regardé , fans conteita-
tion , comme le plus ancien Hifto-
tien du. Nord. M. Bufs qui a pris
468 JOURNAL DES SÇAVANS.
la peine de traduire ces Chroni- le Pays verd. Us y trouvèrent des
ques nous affaire qu'elles font écri- preuves que ce Pays avoit été au-
<es avec toute la pureté & la déli- trefois habité , mais les habitans
catefle dont l'ancienne Langue If- étoient pafTé , dit l'Auteur , dans
landoife eft fufceptible. Il y a raê- la Vinlandie. M. Bufs prétend que
me des Auteurs qui ont comparé
Aras à Polybe , M. de Leibnitz
n'étoit point du nombre des Ado-
rateurs de ces premiers Hiftoriens
du Nord.
On donne dans ce Volume l'If-
landois d'Aras avec la verfion de
M. Bufs , 5c avec quelques notes au
bas des pages. On y voit que l'If-
lande commença à être habitée par
les Norvégiens vers l'an 874. In-
golf fut le premier qui pafTa dans
cettelfle avec unetroupe de fes com-
patriotes. Ces premiers Norvégiens
le trouvèrent fi contens de cetéta-
blilTemcnt qu'on fut obligé de fai-
re desLoix, pour défendre depaffer
de Norvège en Iflandefans une per-
mifiion particulière du Roi. Avant
que les Norvégiens entraîfent dans
Tlflande , elle étoit habitée par
quelques Prêtres Hibernois qui
abandonnèrent l'Ifle pour n'être
point expofés à vivre avec les Nor-
végiens qui étoient tous Payens.
Les nouveaux habitans de l'Iflande
furent gouvernés par des Loix
qu'Ulfiot apporta de Norvège. On
établit des affemblées générales du
Pays pour y former des efpeces
d'Etats & un Chevalier pour la
confervation des Loix & pourl'ad-
miniftration de la Juftice.
Ce font, félon notre Auteur,
des Iflandois qui ayant à leur tête
Eiric le Roux , ont les premiers
la Vinlandie dont Aras parle en cet
endroit eft une partie de l'Améri-
que Septentrionale qui fut décou-
verte parles Norvégiens établis en
Iflande, plufieurs fiécles avant que
cette Partie du monde fût connue
du refte de l'Europe. Il cite là-def-
fus Torphœus.
La Religion Chrétienne fut éta-
blie dans l'Iflande quatorze ou
quinze ans après que les Iflandois
eurent découvert le Pays deGroen-
land. Le premier Prêtre qui fut
envoyé pour Millionnaire en Iflan-
de par le Roi Olafus - Tryggien ,
s'appelloit Thangbrand : il tut (1
maltraité par les habitans qu'il fe
vit obligé de fe retirer , après en
avoir tué quelques-uns [ ce qui pa-
roît bien du caractère d'un Mif-
fïonnaire du dixième fiécle] quel-
que tems après d'autres Million-
naires entrèrent en Iflande , Se le
Chancelier ( quoique Payen, mais
gagné par argent ) publia une Loi
dans une afTemblée générale pour
ordonner l'exercice public de la
Religion Chrétienne , &c pour dé-
fendre tout exercice public du Pa-
ganifme.
Aras vient enfuite aux Evêques
d'Iflande , dont il ne donne pref-
que qu'un fîmple Catalogue.
Après les Chroniques dJIflande
on voit dans le Livre deux DifTer-
tations de Janus-Gam, Recteur
habités le Pays de Groinland , ou des Ecoles de fon Pays , pour ex-
pliquer
A O U S
pliqucr un des Chapitres de la
Chronique d'Aras fur la manière
dont les Iilandois comptoient l'an-
née Solaire avant qu'ils euffent
embrallé le Chriftianifme.
Après cette Differtation vient le
Dictionnaire des termes employés
dans les Chroniques d'Aras. Nous
ne parlerons ici que du mot Saga ,
qu'il eft necellaire d'entendre
quand on lit des Catalogues d'Hi-
ftoriens du Nord où ce terme eft
quelquefois employé fans explica-
tion. Il fignifie Hiftoire , Narra-
T ; 1754*. 4^P
tioH ou Dejcription Hiflorique.
M. Bufs a fait entrer dans fon
Livre , après ce Gloiïaire , une Re-
lation des Voyages d'Other Nor-
végien & de Wlftan Anglois dans
le tond du Nord & dans la Mer
Baitique , écrite en Langue Anglo-
Saxonne par le Roi Alfred , &
mife en Latin par des Membres de
rUniveriitc d'Oxfort. Cette Rela-
tion n'eft guéres détaillée , &C ne
fembleroitavoirpoint mérité qu'un
Roi prît la peine de la rédiger.
HISTOIRE DES E AIE IRES ET DES REPVBLIQVES,
depuis le Dèluqe jufqiCa J. C. on l'on voit dans celle d'Egypte & d ' Afle la
liai fon de l'Hiftoire Sainte avec la Profane , & dans celle de la Grèce le
rapport de la Fable avec l'Hiftoire. Origine delà Mythologie. Argos , My-
cenes & Lacédémonc. 1733. A Paris, chez Simart , rue Saint Jacques ,
au Dauphin -, Jean Rouan -, Btdlot , rue delà Parcheminerie , & Jean
Nnlly , Grand'Salle du Palais , in - 12. quatre Volumes , Tom. L ou
plutôt troifiéme Partie du premier Tome , pp. 512. fans le Difcours
Préliminaire & la Table des matières , Tom. III. pp. 502. Tom. IV.
pp. 520.
» T T N E Province habitée dès
» \^J les premiers tems que la
» polterité de Japhet vint peupler
» la Grèce. Un peuple dont les
» commencemens font groilîers Se
» rufliques , Se qui après trois fié—
» clés change tout d'un coup de fa-
» ce par la venue d'un étranger. Un
» Prince dont l'induftrie , la pru-
» dence trouvent le moyen de
u s'emparer des cceurs & de la fou-
» veraine autorité; mais auffidont
» les premiers pas vers le Trône ,
3> qu'il venoit d'élever 3 furent le
» lignai de tous les malheurs , qui
« peuvent affieger une famille de-
Aouji.
» puis le premier jufqu'au dernier
» de fes membres. Enfin une Mo-
*>narchie qui s'éteint dans le fang
» de fes Rois, & qui dégénère en
» Republique : c'eft , dit notre jiu-
nteur, l'idée qu'on doit prendre
» du Royaume de Thébes.
De ce plan général il defeend au
détail de l'Hiftoire , & à l'origine
de la Ville de Thébes. Cadmus nn
des trois fils d'Agénor , lalfé des
péremptions inutiles qu'il avoit
faites pour retrouver fa fœur Euro-
pe , s'arrêta fur les confins de la
Phocide ; il y traça les murs d'une
Ville qu'il nomma Cadmée , 8c
PPP
470 JOURNAL DES SÇAVANS,
qu'il bâtit fur le plan de la fameufe Après cette efpece de digreffion,
Thébes Egyptienne. Mais fous le
règne d'Amphion un de fes Suc-
cefTeurs , cette Ville ayant été
confidcrablement augmentée , prit
le nom de Thébes , qu'elle garda
toujours depuis.
L'Auteur rapporte les différentes
fi (fiions dont les Fabuliftes ont orné
l'Hiftoire de Cadmus, 6i il avoue
qu'il eft aftez difficile de démêler la
vérité parmi tant de fables. Ce
Prince avoit eu d'Hermione fa
femme cinq enfans, parmi lefquels
on ne connoît qu'un fils qui lui
fucceda dans fa principauté naiflan-
te. Ses filles furent Ino , Agave ,
Autonoé , & Sémélé , toutes fa-
meufes par leurs crimes , ou par
leurs infortunes. Cette dernière eut
un fils , qui tant par fon courage ,
que par fon attachement au culte
de Bacchus , fut regardé par les
Grecs comme Bacchus même. Ils
embellirent fon Hiftoire de tout
ce qu'il y avoit de plus fingulier
dans celle de Menés , ou Ofiris
premier Roi des Egyptiens , & le
vrai Bacchus. C'eft celui qui a fait
la réputation de tous les autres , car
on en connoît jufqu'à cinq etiffe-
xens. Notre Auteur rapporte ce
que les Portes en racontent , &
réfute aflez au long le Père Tho-
maffin qui par divers rapports qu'il
trouve entre Moyfe & le Bacchus
des Mythologiftes , foûtient que
ce dernier n'a jamais exifté , &
qu'il n'eft autre chofe que le Légif-
latcur du Peuple de Dieu , dont les
Poètes ont défiguré la plupart des
traits pour les accommoder à leurs
fcaions».
on revient .1 l'Hiftoire de la famil-
le de Cadmus. La fin tragique
d'Oedipe , d'Etéocle , de Polinice^
&c la fatale deftinéc qui étoit atta-
chée à tous leurs Rois , dégoûtè-
rent les Thébains du gouverne-
ment Monarchique. Us donnèrent
à leur Etat la forme de Republi-
que , & c'eft la première qu'on
connoiffe dans la Grèce. » Ce chan-
» cernent arriva , félon l'Auteur ,
»l'an du inonde 2851. depuis l'en-
«itrée de Cadmus dans la Grèce
» 366. depuis le paffage de la Mer-
» Rouge 3 38. ans ; la troificme de
»la Judicature d'Héli , & 115J.
u ans avant J. C.
Thébes en perdant fes Rois r
perdit tout ce qui la faifoit con-
noître dans le monde. Pendant fix
ou fept fiécles cette Republique
fut enfevelie dans une honteufe ob-
feurité. Mais fous le Gouverne-
ment de Pélopidas & d'Epaminon-
das t elle reprit fon ancien luftre ,
& trouva même le moyen d'enle-
ver l'Empire de la Grèce aux Lacé-
démoniens. Sa puiffance devint
alors fi formidable qu'elle donna
de la jaloufîe à Philippe Roi de
Macédoine; & furie refus que les
Thébains firent de le reconnoître
pour Chef des Grecs , il entra à
main armée dans la Phocidc , & en
fit un lieu de défolation. .
Alexandre le Grand marcha fur
les traces de fon père & détruilît
la Ville de Thébes de fond en
comble. CafTandre fils d'Antipater
effaya inutilement d'en relever les
murs & de xappeller fes Citoyens.
A O U S T
Enfin dans la guerre de Mitridatc
les Thébains ayant ofé fc déclarer
contre les Romains.Sy lia ravagea la
Béocie avec une armée viclorieufe,
& défola tellement la Ville que
fous les Empereurs fuivans la Ville
BaiTe bâtie par Amphion , n'étoit
plus qu'un amas de ruines , à l'ex-
ception des Temples ; la Citadel-
le fubfiftoit encore , mais elle ne
s'appelloit plus Cadmce comme
auparavant , mais lîmplement
Thébes.
L'Auteur paffe enfuite à l'Hi-
ftoire d'Athènes , qu'il partage en
quatre Livres. Dans le premier il
remonte jufqu'à l'origine des
Grecs , & defeend enfuite à la fon-
dation d'Athènes. Cette Ville doit
fa naiflance à une Colonie d'Egyp-
tiens , qui ayant à leur tète Cé-
crops , arrivèrent dans l'Afrique
1582 ans avant l'Ere Chrétienne ,
334 ans depuis le Déluge, & 91
ans avant le paftage de la Mer-Rou-
ge. Ainfi , dit notre Auteur , Cé-
crops devoir être d'environ 20 ans
plus âgé que Moyfe. w La date fixe
» du commencement de ce règne
» eft un de ces points aflurés de
» l'Hiftoire , auquel tous les Au-
* teurs fe réunifient fur l'autorité
» Magiftrale des fameux marbres
y> d'Arundel.
Cécrops donna le nom de Ce-
cropia à une efpcce de Forterefic
qu'il bâtit fur le lieu où il fc fixa ,
& ce nom pafla depuis à toute la
terre d'alentour ; auparavant le
Pays fe nommoit Afrique d'un cer-
tain Afreus , qui peut être , félon
l'expreffion de l'Auteur , avait fait
, *7?4: 471
ou eu cjmlcju? chofe de remarquable.
On trouvera ici l'origine de l'A-
réopage , Se les progrès de cet illu-
lire Sénat.
A Cécrops fucceda Cranaus
Grec & Athénien de naiilance.
C'eft fous le règne de ce Prince
qu'on place le Déluge de Deuca-
lion i événement dans leauel les
Auteurs Grecs n'ont pu s'empêcher
de mêler le merveilleux de leur
Mythologie. » Mais celui de tous
«qui a donné une plus libre car-
» ricre à fon imagination eft Ovi-
» de. Il nous a moins tracé l'Hiftoi-
>i re de Deucalion que défiguré
» celle des Livres Saints par une de
» ces allufions toujours flateufes
» pour l'efprit qui les invente. «
L'Auteur rapporte à cette occafion
l'Hiftoire de Promethée , & de
Pirra, telle que le Poète la raconte,
& donne enfuite l'explication de
cette Fable.
Cranaus eutplufieurs filles , en-
tre autres une nommée Athis , qui
dans la fuite , félon quelques-uns,
donna fon nom à tout le Pays.Mais
on remarque dans une petite note
qu'une autre tradition portoit que
la Ville d'Athènes tiroit fon nom
de Minerve.
Le règne d'Amphifrion , qui
avoit époufé une des filles de Cra-
naus , eft célèbre par l'établi (Te -
ment des Amphifrions. C'étoit,
pour ainfi dire , les Etats Généraux
de toute la Grèce. Nous renvoyons
à l'Ouvrage même fur l'autorité de
ce célèbre Tribunal , fur les Loix
qu'on y fuivoir , fur le nombre ,
8c fur 4a qualité des Villes qui
Pppij
472 JOURNAL D
avoient droit d'y envoyer des Dé-
putez ; & fur les divers change-
mens qu'il éprouva jufqu'au tems
de Paufanias. On y lira aulTi avec
pîaifir ce qui regarde les Myfteres
d'Eleulîs. Aucun des Auteurs an-
ciens ne nous a donné le récit com-
plet des cérémonies qui s'y prati-
quoieRt. Paufanias qui étoit initié .
dans ces Myfteres , s'en explique
ainfi. » Pour moi je voulois tâcher
n de raconter en détail tout ce que
» l'on voit à Athènes dans le Tem-
»ple de Céres , & d'éclaircir ce
» point. Mais un fonge que j'ai eu
j> & que je regarde comme un
wavertiffement des Dieux , m'em-
» pêche de divulguer ces Myfteres;
»> je paffe donc à des chofes d'une
» autre nature , & dont il foit per-
» mis de donner connoiffance à
» tout le monde.
Mais comme une partie du fe-
cret n'a pas laiiTé de tranfpirer,
l'Auteur profite ici de ce que Meur-
fius , & M. le Clerc en ont recueil-
li. Il continue après cela la fuite
des Rois d'Athènes, & il ne man-
que pas , fuivant les engagemens
qu'il a pris , de marquer le rapport
de la Fable avec l'Hiftoire. C'eft
ce qu'on remarquera fur-tout dans
celle du règne de Théfée.
Ce premier Livre finit à la mort
de Codrus,qui rombe en l'an 1093.
avant J. C. les Athéniens defcfpe-
rant de trouver un Roi qui rallem-
blât les grandes qualitez , qu'ils
avoient admirées dans ce Prince ,
& déjà animés de cet efprit Répu-
blicain , qui leur fut depuis fi fune-
ite , fe choitirent des Magiftrats ,
ES SÇ A VAN S,
qu'ils nommèrent' Archontes. Ju-
piter fut déclaré feul Roi d'Athè-
nes , au mime tems que les Juifs en-
nuyés de la Théocratie , c'eft à -dire
d'avoir le vrai Dieu pour 7{oi , vou-
lurent abfclitment obéir à un homme.
Le premier Archonte d Athènes.
( Liv. fécond) fut Médon fils ai-
ne de Codrus. Ce Magiftrat étoit
comme le Chef de l'Aréopage &C
du Sénat , dans lefquels refidoit
toute l'autorité. Ainfi le gouverne-
ment d'Athènes devint Ariftocra-
tiqus , & il dura' 3 3 1 ans fans qu'il
y foit arrivé aucun changement
conhderablc ; mais foit que les Ar-
chontes perpétuels abufaffent de
leur autorité , ou que les Athéniens
exceffivement jaloux de leur liber-
té , craigniffent qu'ils n'v donnaf-
fent atteinte. Ils rediiifirent la
puitTance de ces Magiftrats à dii
années, en leur lailTant cependant
tous les privilèges dont ils étoient
pour lors en poffellîon.
Cet efpace de tems parut encore
trop long au peuple d'Athènes, &
il rendit l'Archonrat une Magiftra-
ture annuelle. Le premier qui en
fut revêtu à cette condition ( £84
ans avant J. C. ) eft nommé Créons
L'Auteur obferve en même tems
que quoiqu'on ne faffe mention
que d'un feul Archonte dans les
A «fies publics , il y en avoit réelle-
ment neuf, qui étoient les princi-
paux Officiers de la Republique.
Premièrement celui qui porroit le
nom d'Archonte par excellence, &
qui donnoit ion nom à l'année de
fa Magiftrature , enfuite le Roi on
premier Sacrificateur, le Polémar.-
AOUS
que ou Chef des Armées , & les
fix Thefmotétes. Tous ces Magi-
ftrats entroient &c fortoient de
Charge en même tems.
Soixante ans après ce dernier
changement , Dracon un de ces
Archontes annuels donna un Corps
de Loix à la Republique d'Athè-
nes , car jufqu'alors il ne paroît
pas qu'on y en connût d'écrites.
Mais leur extrême févériré qui fit
dire qu'elles avoient été tracées
non avec de l'encre, mais avec du
fang , tut caufe qu'elles tombèrent
d'elles-mêmes. Pour y fuppléer,
Solon dont on trouvera ici l'FIi-
ftoirc & le caractère , publia de
nouvelles Loix , fi fages &c fi mo-
dérées , que les Romains en em-
pruntèrent une partie j lorfqu'il
fut queftion de policer leur Repu-
blique naillante.
» Quelqu'un ayant demandé au
» célèbre Légifiateur , fi les Loix
» qu'il ayoit données aux Athé-
2> niens , étoient les meilleures
7> qu'on pou voit leur preferire , il
» répondit : oui , ce font les meillen-
» res de toutes celles qu'ils font capa-
» blés de recevoir. Belle leçon , ajoû-
» te l'Auteur , pour quiconque cil
» obligé de conduire ou de repren-
» dre. Ce feroit tout gâter que de
» vouloir mettre aufiî-tôt dans la
» clalTe des parfaits , ceux qui font
» encore foibles &chancelnns.
Athènes ne joiiit pas long tems
du bon ordre que Solon y avoir
établi i les premières diilenfions
s'y renouvellerenr , & le refte dur
fecond Livre eft employé à détail-
ler les troubles que Pilîftrate t
T. 17 34- 473
Hypparque, Hyppias , !k les au-
tres Tyrans qui s'emparèrent de
l'autorité, y cauferent. Ces guerres
inteftines, obligèrent les Athéniens
de recourir aux Lacédémoniens
pour les délivrer de ces Tyrans ;
d'un autre côté ceux-ci fc mirent
fous la protection des Rois de Per-
fe , &c tel fut le germe infortuné
de ces longues Se cruelles guerres
qui coûtèrent tant de fang à la Gré-
ce & à l'Afie.
Ces guerres font le fujet du
troifiéme Livre. On y verra le dé-
tail des fameufes batailles de Mara-
thon, de Salamine , de Platée , &c.
Les ravages de l'Attique par Xer-
cès ■ la ruine totale d'Athènes par
Mardonius , l'Hiftoire Se le carac-
tère de Miltiade , de Thémiftocles
& des autres grands Capitaines qui
fauverent la Republique. Mais
comme l'Auteur n'avoit pu fe dif-
penfer de parler de quelques - uns-
de ces évenemens , dans l'Hiftoire
de Lacédémone } pour ne pas fe re-
peter lui-même , il y renvove quel-
quefois le Lecteur.
Les Athéniens ( T.iv. 4. ) ayant
triomphé des Perfes , & ne crai-
gnant plus rien de leur puiflanec ,
firent revenir leurs femmes , leurs
enfans , & tout ce que la crainte
de l'ennemi les a»oit contraint de
tranfporter à Trezéne & à Salami-
ne. Ils rebâtirent Athènes , & lui
donnèrent plus d'étendue & de
magnificence , qu'elle n'en avoit
eu avant fa ruine. Cet important
ouvrage fut achevé par la vigueur
& par la prudence de Thémifto-
cles, malgré l'oppolition èv \i jà-
474; JOURNAL D
loufie des Lacédémoniens , qui fi-
lent diverfes tentatives pour l'em-
pêcher. L'Auteur reprend ici la fui-
te de la Vie de Thémiftocles , &
n'oublie rien de tout ce qui peut
fervir à nous le faire connoître. Il
en ufe ordinairement ainfi à l'égard
de tous ceux qui joiient un Rôle
confiderable dans le fujet qu'il trai-
te , & il le fait fouvent avec autant
d'étendue que s'il écrivoit leur Hi-
ftoire particulière. Le defir qu'il a
de rendre fon Ouvrage interelTant,
lui fait mettre à profit tout ce qu'il
rencontre, au hazard d'interrom-
pre le fil de fa narration , & de
revenir quelquefois fur fes pas.
Depuis fon retabliffement [ 475
avant J. C. ] Athènes acquit un
degré de force & de puilTance qui
lui donna environ pendant 73 ans
la fuperiorité fur les autres Repu-
bliques de la Grèce. Elle s'en fervit
pour régler la contribution que les
divers Etats qui la compofoient ,
dévoient payer pour les frais com-
muns de la guerre. Ariftide en fit
la repartition avec une égalité qui
lui attira une grande réputation de
defintereffement. Ce tréfor public
fut mis en dépôt dans l'Ifle de Dé-
los. Les Athéniens quelques tems
après refolurent de s'en rendre
maîtres , & de le tranfporter à
Athènes. Cette affaire ayant été
portée au Confeil. » Quand ce fut
» à Ariftide à opiner , il dit que la
» chofe paroijjiit injufle y mais qu'elle
» ètoit utile , & fon avis prévalut.
«Cette réponfe, continue notre
» Auteur , a fort choqué un mo-
>» derne d'ailleurs extrêmement
ES SÇAVANS;
» judicieux qui lui en fait un
» procès. Mais qu'il me foit per-
n mis pour un moment de défen-
xAiclafageJfePayenne. Il eft vrai
» que dans la morale ; l'utilité ,
» quelque grande qu'elle foit , ne
» fçauroit prefetire contre la jufti-
» ce. Mais ici il n'y a ni Religion ,
» ni bonnes mœurs lézés. Il s'agit
» uniquement de faire changer de
» place au tréfor de la Grèce , &
»cela pour le plus grand bien non
» feulement d'Athènes , mais en-
» core des Villes alliées , jufques
» dans l'Aile Mineure } puifquc
» ceux de Samos en firent la pre-
y> miere demande. S'il y avoit à
«craindre du côté de la jufticc 5 ce
» n'étoit pas en vertu du tranfport,
*> c'étoit le danger que les Athé-
»niens n'en abufaflent ; mais le
» jufte Ariftide ne l'auroit pas
» fouffert. Son crime confifte donc
» dans une trop grande délicatefle
» de probité , qui lui faifoit appré-
>»hender de manquer à fa parole
«dans une circonftance qui n'au.-
y roit pas mérité la reflexion d'un
» autre.
Quoiqu'il en foit , il ne paroît
pas que le déplacement du tréfor
public ait eu aucune fuite fâcheufe,
ni pour les alliés , ni pour Athènes.
Cette Republique conferva encore
long - tems toute fon autorité fur
fes rivales ; & Cimon fils de Mil-
tiade la porta au comble par l'en-
tière deftruction des Barbares ré-
pandus dans l'Afie , 6c dans les
Provinces que les Grecs revendi-
quèrent. Mais ce grand Capitaine
fe vit obligé de céder pour un rem*
A O U S T
aux intrigues de Périclés , &c fut
exilé , félon le langage de l'Auteur,
par le ban de l'Oftracifme ; fa dif-
grace ne fut pas longue , & le be-
foin qu'on eut de fes Confeils , le
fit rappeller après fa mort. Périclés
délivré d'un concurrent fi dange-
reux , fignala fon gouvernement
par plufieurs établiftemens magni-
fiques , au dedans , Si par un grand
nombre de conquêtes au dehors.
L'Auteur qui s'étend à fon ordi-
naire fur la Vie de cet Hcro , re-
marque qu'il fit un éloge lî magni-
fique de ceux qui avoient été tués
dans la guerre de Samos , que tou-
tes les femmes coururent l'en féli-
citer. » La feule Elpinice femme de
» Cimon en parut mécontente. «
Mais Périclés en fouriant , lui ré-
répondit ce vers tout bas.
Cejfe de te farder au moins fur tes
vieux jours.
» C'eft qu'elle étoit très-connue
» à Athènes pour fa vielicentieufe,
» & l'on voit communément par la
» lecture des anciens que l'ufagc
=» du rouge décidoit d'une femme.
"Elpinice comptoit par-là retran-
» cher du nombre de fes années ,
» ou rappeller de nouveaux agré-
» mens. Mais il ne lui étoit pas don-
» né de devenir Papillon. Sur quoi
» je prie qu'on me permette d'in-
» terrompre un moment le léricux
» del'Hiftoire, pour raconter une
» Fable. Là délais il rapporte celle
de la Chenille.
Comme il n'eft pas facile de cou-
dre un récit de ce genre à des négo-
\ * 7 J 4- 47J*
dations politiques, on ne s'éton-
nera pas que l'Auteur palfe de - là
fans tranfition aux differenscvene-
mens qui précédèrent" & qui fu-
rent la caufe de la guerre du Pélo-
ponnéfe. C'ell par là que finit le
quatrième Livre de l'Hiftoire des
Athéniens.
Tl eft fuivi d'une Difïerration fur
les Jeux Olympiques & fur les
Olympiades. L'Auteur nous allu-
re qu'ils'eft déterminé d'autant plus
volontiers à traiter ce fujet avec
quelque étendue que perfonne juf-
qu'à piefent ne s'en eft encore
donné la peine. Il n'a rien oublié à
foa ordinaire pour en adoucir la
fccherefle, il eft vrai qu'il a fort
abrégé ce qui regarde les differens
exercices qui rendoient les Jeux
Olympiques fi fameux , les chan-
gemens fréquens qui y font arri-
vés , & les recompenfes qu'on
donnoit aux vainqueurs.
A l'égard des Combats de Mufi-
que qui faifoient un des princi-
paux ornemens de ces Jeux , il dit
feulement qu'il y avait des prix de
Muftcjiie pour lefjuels les meilleurs
AÎMtres chantoient & jouaient devant
une flatuë de Jupiter à l'entrée de
l'Altis. Eft - il queftiondu Stade ÔT
de la Lice , il nous en donne une
courte defeription ; mais on y en
trouve une très-longue de tout ce
qu'il y avoit de rare <3c de magn-fi-
que dans le Temple de Jupiter-
Olympien. Il y a fait entrer aufli en
entier le Dialogue entre Solon &c
Anacharfis , dans lequel Lucien
fait une Critique très-ingénieufe
de la Lutte & du Pugilat 3 qui
47<î JOURNAL DES SÇAVANS,
étoient les principaux exercices des donner quelque connoirtance de
Jeux Olympiques.
La féconde Partie de la Differta-
tion qui regarde les Olympiades,
ne comprend que deux articles , cV:
pourra , auflî-bien que la première,
ces matières a ceux qui nen
avoient encore aucune idée.
Nous donnerons incelfamment
l'Extrait du quatrième 5c dernier
Volume de cetOuvrace.
JOSEPHI - AUGUSTINI ORSI ORDIN1S PR^DICATOra'M
Diflertationes dux : de B.iptifmo in nomine Jefu Chrifti ,
&de Chrifmate Confirmationis.
C'eft-à -dire : Deux Dijfert citions , l'une fur le Bcptème donné au nom de
J. C. Vautre fur lefaint Chrême dont on fe fert pour la Confimation. Par le
P. Jefeph - siugujlin O R s i , de V Ordre des Frères Prêcheurs , Conful-
teur de la Sacrée Congrégation de l' 'Index. A Milan , chez Jofeph Rtchi-
m. i753.T»-4?; pag. 27S.
SAINT Thomas a cru que les
Apôtres avoient quelquefois
donné le Baptême au nom feul de
Jefus-Chrift , fans parler des deux
autres Perfonnes de la Sainte Tri-
nité ; il étoit perfuadé que les
Apôtres en avoient agi ainlî par
une difpenfe particulière. Plufieurs
Théologiens n'ont pas cru pouvoir
adopter cette opinion d; S. Tho-
mas , &: quelques-uns même d'en-
tre eux ont été jufqu'à la mettre au
rang des Fables. Le P. Orfi zélé Dé-
tenteur de l'Ecole de S. Thomas , a
vu avec peine qu'en ait parlé de
fon maître avec li peu de refpect.
Ce qui l'a engagé à compofer cette
Dilîertation , dans laquelle il fe
propofe de prouver , que fi l'opi-
nion de S. Thomas n'eft pas du
nombre de celles qu'on peut pro-
pofer comme incontestables, on ne
peut du moins en parler avec mé-
pris , comme l'ont fait quelques
Théologiens.
Il commence par plufieurs parta-
ges des Actes des Apôtres , où il
eft parlé du Baptême donné au
nom de J. C. chap. 3. v. 3 8. Bapti-
fetur unufjuifjue veflrum in nomine
jefu Chrijii. Chap. S. v. 12. In nomi-
ne Jefu Chrifti baptifabamur viri ac
multeres ■. au même chapitre , v. \g.
Baptïfati tanlum erant in nomme Do-
mini jefu. Ce qui eft répété en mê-
mes termes dans le Chapitre 18 &
19. Notre Auteur foûtient que le
fens littéral & qui fe prefente ls
plus naturellement à l'efprit de
ceux qui lifent ces paroles , eft que
les Apôtres baptifoient au nom de
J. C. comme on a toujours enten-
du du Baptême donné au nom des
trois Perfonnes de la Sainte Trini-
té , ces paroles de J. C. les baptifant
au nom du Père , du Fils & du faine
Efprit. Le fens que donnent plu-
fieurs Théologiens à ces paroles
des Acïes du Baptême inftituépar
J. C. & qui tire de J. C. toute ton
efficace , ne paroit au P. Orfi ap-
puyé d'aucun partage de l'Ecriture
Sainte
A O U S
Sainte , dans lequel on donne ce
fens à de pareilles expreffions.
Notre Auteur foûtienten fécond
lieu que l'opinion de S. Thomas
cil celle des plus anciens Pères de
l'Eglife. Il cire d'abord S. Cyprien
qui en parlant dans fon Epître à
Jubaicn du Baptême adminiftré
par les Hérétiques , femble faire
entendre que les Apôtres bapti-
foient les juifs au nom de J. C. &
les Gentils au nom des trois Per-
fonnes de la Sainte Trinité. Il eft
vrai que S. Cyprien ayant parlé du
Baptême donné aux Juifs convertis
au nom de J. C. ajoure : non cjiiafl
Pater vmitteretur tfed ut Patri Films
adjungeretur. Exprefïion , dont plu-
sieurs Théologiens tirent avantage
contre l'opinion de S. Thomas.
Mais notre Auteur prétend que ces
termes de S. Cyprien ne lignifient
point que le nom du Père étoit
joint dans l'adminiftration du Bap-
tême au nom du Fils , mais qu'il y
étoit joint par la foi dont le Néo-
phite faifoit profeftion avant que
le Baptême lui fût adminiftré.
S. Hilaire paroît à notre Auteur
s'être expliqué fur ce fujet de la
manière la plus précife , lorfqu'il .
a dit : Ne poftrcmo sJpofîoli reperian-
tur in crimine , qui bapûfare in nomi-
ne Patris & FUii & Spiritâs SanSli
jujfi , tantum in nomine Jefu baptifa-
iieruitt. Il joint à S. Kilaire l'Auteur
du quatrième & du cinquième Li-
vre contre Eunomius qui ont été
mis au nombre des Ouvrages de
S. Bafile. D'où le Père Orfi vient
au fameux paffage de S. Ambroife,
tiré du premier Livre du S. Efprit ,
Atuft.
T, 175*; 477
Ch3p. 3. que ceux qui ont foûtenu
l'opinion pour laquelle fe déclare
le Père Orfi ont tous cité comme
décilîf. Ce qui nous a fui pris , c'eft
que l'Auteur qui vouloit traiter
cette matière à fond , n'ait point
difeuté ce qu'ont dit fur ce pailàge
les Bénédictins qui ont donné la
dernière Edition de S. Ambroife,
fonContrere le Père Alexandre 5c
plufieurs autres Théologiens. Il ré-
pond néanmoins à quelques - unes
des diificultez qu'ont coutume de
propofer ceux qui donnent à ce
paiîage de S. Ambroife un fens dif-
férent de celui du Père Orfi ; en
particulier à celle qui eft tirée de
ce que Saint Ambroife ne marque
point que ce fût en vertu d'une
difpenfe particulière que les Apô-
tres conférèrent le Baptême au
nom feul de J. C. Il obferve fur
cette dernière difficulté , qu'on ne
trouve point dans les Ouvrages
des anciens Pères , fur - tout dans
ceux de S. Ambroife, cette atten-
tion exacte &t fcrupuleufc pour les
expreffions en matières Théologi-
ques , qu'on remarque dans les
Scolaftiques févéres. Il veut qu'on
fupplée quelquefois dans leurs
Ecrits des chofes dont ils n'ont
point parlé : comme il faut , dit-il,
fuppléer dans les Eloges que Saint
Ambroife fait de Sainte Pélagie ;
Que c'eft par une infpiration parti-
culière du Saint Efprit qu'elle s'eft
donné la mort à elle-même , pour
conferver fa virginité , quoique
S. Ambroife n'en ait pas dit un feul
mot.
Le Père Orfi entre enfuite dans
CLqq
47§ JOURNAL D
un grand détail de partages de faint
Auguftin , du Diacre Ferrand s de
Vigile de Tapfe , de S. Fulgence ,
aufquels il joint ce que dit S. Pau-
lin Evêque d'Aquilée , & il conclut
de ces palTages que les anciens
Pères ont crû que les Apôtres
avoient conféré le Baptême au
nom feul de Jefus - Chrift. A
l'égard des Auteurs Ecclefiaftiques
plus modernes qui ont crû voir
dans S. Ambroife le fentiment que
le P. Orfi croit être celui de ce faint
Docteur, il n'a pas jugé à propos de
les citer. Il fe contente d'indiquer
Nicolas I. dans fa réponfe aux Bul-
gares , le vénérable Bede , Alger ,
Hugues de S. Victor & le Maître
des Sentences ; cependant il ne dif-
fimule point que prefque tous ces
derniers Auteurs ont penfé que le
Baptême donné au nom de J. C.
étoit valable ; fans diftinction de
tems & fans difpenfe. Il met de ce
nombre le Pape Nicolas I. qui n'a ,
dit-il , auflî parlé qu'en qualité de
Docteur particulier.
Pour S. Thomas il croyoit que
les Apôtres avoient baptifé au nom
feul de J. C. en vertu d'une révéla-
tion particulière , & pour honorer
davantage le nom de J. G. qui
étoit odieux aux Juifs & aux Gen-
tils.
Le P. Orfi répond enfuite aux
autoritez d'Origêne , de S. Bafile ,
de S. Jean-Chryfoftome , de Saint
Jean Damacene , du 49e Ca-
non Apoltolique , & de Théo-
phila&e , qu'ont coutume d'oppo-
fer ceux des Théologiens qui foû-
îiennent qu'il n'y a point eu de
ES SÇAVANS,
tems dans lequel on ait regardé
comme valable le Baptême dontié
au nom feul de J. C. A l'égard de
Facundusd'Hermione , notre Au-
teur avoiie qu'il s'eft déclaré bien
expreflement contre le fentiment
qu'a depuis foûteuuS. Thomas. Mars
il ditque cetAuteur zélé pour la dé-
fenfe de Théodore de Mopfueftc,
l'un desPrécurfeurs de Neftorius)&
Schifmatique , a cru en prenant ce
parti prévenir une objection qu'on
pouvoit tirer contre Théodore de
Mopfuefte , du Baptême conféré
au nom feul de J. C.
Dans le dernier article de cette
DilTertation notre Auteur examine
l'argument que le P. Hardouin a
tiré du Chapitre 29 des Actes des
Apôtres , où l'on voit que S. Paul,
étant à Ephefc , quelques Difci-
ples lui dirent qu'ils n'avoient pas
même entendu parler du S. Efprit.
Sur quoi S. Paul leur dit : en qui
avez-vous donc été baptifés ; & ayant
répondu qu'ils n'avoient reçu que
le Baptême de S. Jean , ils turent
baptifés au nom de J. C. Le Pcre
Hardouin conclut de ce palTagc
que lesApôtres baptifoientau nom
des trois Perfonnes de la Sainte
Trinité. Mais cette conclusion ne
paroît pas julte au PereOrfi, qui dit
que comme on faifoit faire une pro-
feflïon de foi aux Cathécuménes-
avant que de les baptifer , S. PauL
pouvoit conclure de ce que ces
Difciples ne connoilfoient pas le'
S. Efprit , qu'ils n'avoient pas reçu
le Baptême , quoique les Apôtres1
ne conferaflent aux Juits le Baptê--
mc qu'au nom de J, C.
A O U S
La féconde Partie de la Diflerta-
tion du P. Orfi qui n'a qu'un rap-
port affez éloigné avec la première
Partie , regarde ceux d'entre les
Hérétiques dont le Baptême n'eft
pas valable , parce qu'ils ont altéré
la forme de ce Sacrement. Il y foû-
tient contre le P. Hardoiiin qu'il y
a pluiîeurs des anciens Hérétiques
coupables de cette altération , &: il
fe propofe de prouver ce point de
fait par rapport aux Eunomiens ,
aux Bonofiaques , aux Cataphri-
ges , aux Paulianiftes , & aux Pho-
tiniens. Il eft perfuadé qu'on re-
baptifoit par le même motif dans
l'Eglife Grecque un grand nombre
d'Hérétiques , comme les Secta-
teurs de Simon , deMenandre., de
Bafilide , les Gnotiftcs , les Nico-
laïtes , lesCérinthiens , les Ebioni-
tes , &c. Il fait voir enfuite que de-
puis que la queftion entre S.Etien-
ne & faint Cyprien au fujet du
Baptême des Hérétiques a été dé-
cidée par l'Eglife Univerfelle, on
n'a rebaptifé enOrient que ceux qui
avoient été baptiféspar des Héréti-
ques qui n'obfervoient point dans le
Baptême la forme preferipte par
J. C. dans l'Evangile.
Dans la féconde Diflertation le
Père Oril fe propofe de prouver
qu'on a de tout tems employé
dans l'Eglife le S. Chrême pour la
Confirmation de« Néophytes.
Saint Paul paroît faire allufion à
cette cérémonie dans le Chapitre
premier de la féconde Epître aux
Corinthiens par ces paroles : qui
unxit nosDeus & fignavit nos. Il cite
enfuite des paflages de S. Cyprien ,
T ; i 7 j 4; 475>
de S. Paulin,& du Pape Innocent I.
dans fa Lettre à Décentius , qui
parlent de l'ufage d'employer le
S. Chrême pour la Confirmation
des Néophites , comme d'une in-
ftitution Apoftolique. On trou-
ve des veftiges de cet ufage dans
Tertulien , dans Théophile d'An-
tioche , éV dans Clément d'Ale-
xandrie. D'où notre Auteur con-
clut contre Bafnage , que ce n'eft
point des Hérétiques que l'Eglife
a tiré l'ufage d'employer le Saint
Chrême pour la Confirmation ,
mais que les Hérétiques l'ont em-
prunté de l'Eglife.
Il eft vrai que comme la Chrif-
mation ou l'Ondion des Néophi-
tes fe taifoit immédiatement après
le Baptême, & avant l'impofition
des mains , plufieurs Théologiens
ont cru qu'elle pouvoit être au-
tant regardée , du moins pour les
premiers fiécles, comme une par-
tie des cérémonies du Baptême ,
que comme eflentielle pour la
Confirmation. Mais Tertulien ,
S. Corneille dans l'Epîtrc à Rufin,
S. Cyprien , S. Paulin , Optât de
Mileve , Rufin, le Pape Innocent
premier & S. Auguftin3diftinguent
l'ondion d'avec le Baptême , & ils
la reconnoiflent pour un des Sacrc-
mcnsdela nouvelle Loi. A l'égard
du fecondCanon du premierConci-
le d'Orange qui a fourni une ma»-
tiere de DilTertation à plufieurs
Sçavans du dernier fiécle , notre
Auteur embralTe le fentiment de
Petrus-Aurelius , & il foûtient avec
le dernier Auteur , que ce Canon
étant bien entendu fert à prouver
Qqqîj
48o JOURNAL D
la neceflîté de l'oniftion du Saint
Chrême diftinguée du Baptême. Il
foûtient autfî contre Dom Claude
de Vert Se contre la Note du der-
nier Editeur des Ouvrages de faint
Grégoire que ce faint Pape n'a
point permis à de (impies Prêtres
de l'Eglife Latine de donner la
Confirmation comme on le permet
aux iïmples Prêtres de l'Eglife
Grecque. Il fe tonde fur ce que
l'oneftion que S. Grégoire perme- à
de fimples Prêtres , ne fe faifoit
point au front , mais à la poitrine,
&c que cette efpcce d'on&ion fai-
foit partie , fuivant les anciens Sa-
cramentaires , des cérémonies qui
précedoient le Baptême.
Pour ce qui eft de l'Eglife Grec-
que, quoiqu'on y donne en même
tems le Baptême, la Confirmation,
& l'Euchariftie ; on y diftingue
dans cette cérémonie trois Sacre-
£ S SÇAVANS,
mens de la Loi nouvelle. Le fécond
de ces Sacremens qui eft celui de la
Confirmation eft plus fouvent dé-
figné par les anciens Pères Grecs t
fuivant les autoritez que rapporte
notre Auteur , par l'oniftion ou
Chrifmation que par l'impolïtion
des mains. Le Père Oriî conclut de
ces partages & de ceux qu'il tire
des Euchologcs &: des autres Livres
d'Eglife d'Orient , que l'Oncftion
du Saint Chrême y eft regardée
comme l'unique ou du moins com-
me la principale matière du Sacre-
ment de Confirmation. Il eft de
même , fuivant notre Auteur, de
l'Eglife Latine, dont il cite plu-
fieurs Rituels & d'autres Livres,qui
fuppolent que fi le Saint Chrême
n'eft pas la feule matière du Sacre-
ment de Confirmation , il en eft.
du moins la principale.
HISTOIRE DES DECOVVERTES ET CONQV ESTES DES
Portugais dans le nouveau Amende , avec des figures en taille-douce. Par
le 7{. P.Jofeph-Franfois Lafitau , de la Compagnie de Jefus. A Paris, chez
Saugrain père, Quai des Auguftins , au coin de la rue Pavée , à la Fleur
de Lys; Jean-Baptiftc Coignard fils , Imprimeur du Roi , rue S. Jac-
ques, à la Bible d'or, iji^.in-^0. deux Vol. Tom. I. pag. 616. Tom. IL
pag. 888.
RI E N ne rend les Portugais
plusrecommandab'es que les
découvertes & les conquêtes qu'ils
ont faites dans trois Parties du
monde , l'Afie , l'Afrique & l'A-
mérique fur la fin du quinzième
fiécle, & au commencement du
feiziéme. On eft furpris , comme
le témoigne le Père Lafitau , qu'un
Royaume renfermé dans des bor-
nes étroites ait pu former de Ci va-
ftes entreprifes, embralîer une aullî
grande étendue de Pays , fournir à
tant de dépenfes, fubjuguer tant
de Peuples divers , & fournir un
aflez grand nombre de fujets qui
enflent les talens neceflaires pour
faire réuflîr ces projets avec tant de
gloire. Ces conquêtes & ces décou-
vertes ont donné lieu aux Million-
A O U S T
naires d'annoncer l'Evangile jus-
qu'aux extrémitez de la terre , &c
elles ont procuré à tous les Peuples
de l'Europe le commerce avec
les Nations les plus éloignées.
Ce font les idées qu'ont de ces dé-
couvertes & de ces conquêtes les
François qui ont lu quelques Hi-
ftoires Générales , ou quelques Hi-
ftoiies particulières de Portugal
pour ces tems là ; ce qui a dû natu-
rellement leur faire fouhaiter une
Hiftoire fuivie év détaillée de ces
grands évenemens , écrite en Fran-
çois. Le plaihr que leur a procuré
la lecture des Traductions del'Hi-
/toire des Conquêtes du Mexique
& de celles du Pérou , devoit faire
naturellement efpcrer un heureux
fuccès à l'Auteur qui entrêpren-
droit celle des Conquêtes des Por-
tugais dans trois Parties du monde.
S'il y a une efpece d'unité d'aclions
dans l'Hiftoire de la Conquête du
Mexique 8c de celle du Pérou qui
fait plaiiïr , celle des Conquêtes
des Portugais en difTerens tems , &
lous difTerens Gouvernemens, ont,
fuivant notre Auteur , quelque
chofe de plus éclatant. >» Les Me-
» xicains &: les Péruviens , quoique
ncompofans des Etats policés , ri-
» ches & florilTans étoient cepen-
» dant des efpeces de Barbares, qui
» n'étoient pas mieux en défenfe
» que les autres Peuples fauvages
» de l'Amérique, ni moins faciles i ;
» vaincre que les Nègres Africains.
Les Peuples des Indes Orientales
au contraire , quoiqu'aifez mauvais
Soldats par eux - mêmes , avoient
cependant de plus grands fecours ,
» 1 7 3 4- 48 1
en ce que les armes à feu étoient
chez eux en ufage , &c qu'ils
avoient un nombre confiderable
de troupes auxiliaires compofées de
Chrétiens renégats, & de quantité
de diverfes Nations Mufulmannes
qui avoient auparavant tenu tête
aux troupes des Potentats de l'Eu-
rope , qu'elles avoient fait échoiier
plusieurs fois en Aile dans le tems
des Croifades. Les Caliphes d'E-
gvpre & deux Empereurs des
Turcs trèspuiflans , Selim & Soli-
man tentèrent inutilement de trou-
bler les Portugais dans leur con-
quête. Le Sophi Ifmaé'l Conqué-
rant de la Perfe , Se les Rois Mo-
gols, aimèrent mieux rechercha
l'alliance des Portugais que de leur
déclarer la guerre.
Ces éloges que notre Auteur
fait de ia Nation Portugaife en dif-
ferens endroits de fa Préface
n'empêchentpas qu'ilnereconnoiife
que les Portugais auroient travail-
lé plus folidement , s'ils avaient
embrafle moins de Pays. S'ils s'é-
toient , par exemple , borné à rif-
le de Ceylan , qu'ils l'eulfent bien
peuplée &c bien fortifiée , s'ils
avoient eu moins de hauteur &
traité les peuples avec plus d'huma-
nité ; fe trouvant placés dans le
centre de l'Orient , & à portée
d'en faire tout le commerce , ils en
feroient aujourd'hui feuls les maî-
tres, & les Indes ne leur auroient
pas coûté tant de milliers d'hom-
mes & d'argent. Notre Auteur
avoiie qu'il a eu lui - même de la
peine à lire , & à écrire les exce:
aufquels les Portugais fe font por-
4S2 JOURNAL DE
tés en differens endroits , fur - tout
dans les Moluques.
Le P. Lafiteau a tiré ce qu'il rap-
porte des Auteurs Portugais qui
ont écrit fur les découvertes &c fur
les conquêtes des Portugais dans
les Indes. Il fait connoître ces Au-
teurs dans fa Préface. Voici le pré-
cis de ce qu'il en dit. Fernand-Lo-
pes de Caftaneda , qui avoit été
dans les Indes à la fuite de fon père,
& qui a donné l'Hiftoire des dé-
couvertes & des conquêtes en huit
Livres qui vont jufques vers la fin
du gouvernement de Nugno d'A-
cugna eft un Auteur médiocre, ex-
trêmement diffus & minutieux ,
( c'eft le terme de l'Auteur ) qui
écrit néanmoins en homme enten-
du Se inftruit des faits qu'il rap-
porte. Jean de Barros qui a été trois
ans Gouverneur de Saint George
de la Mine , a écrit la même Hiftoi-
re avec tant de fuccès qu'il a mérité
le nom de Tite-Live Portugais. Il
en a lui même publié trois Déca-
des. L'Editeur a fait des Addi-
tions & des changemens à la qua-
trième. Diego - Do - Couro , qui
après avoir étudié fous le Bienheu-
reux Baithelemi des Martirs a fait
deux voyages aux Indes , & qui a
été Garde-Archives à Goa , a con-
tinué les Décades de Barros , par
l'ordre de Philippe II. Diego-Do-
Couto commence à la quatrième
Décade [ parce que cette Partie de
l'Ouvrage de Barros n'avoit point
encore paru lorfquc Diego travail-
loit à fon Hiftoire ] & il alla juf-
qu'à la douzième Décade inclufi-
vement. Il n'y a que les quatre pre-
5 S Ç A V A N S ;
mieres Décades 3 &c une partie de
la douzième qui ayent été impri-
mées. Les autres font confervées en
Manufcrits. Cet Auteur , dit le
Père Lafitau , eft exact & détaillé.
Son Ouvrage lui a fait honneur &
à fa Nation. MafFée fi eftimé par
l'élégance de fa belle Latinité , paf-
fa exprès en Portugal pour y com-
poferfon Hiftoire des Indes. Il eft
fidèle , mais il a glifte légèrement
fur certains points odieux , qu'il a
cru devoir prudemment diiîlmu-
ler : le P. Antoine de faint Romain
qui a traduit Maffée en Portugais
eft bien au deflous de fon original.
Emanuel de Faria &: Soufa Cheva-
lier de l'Ordre de Chrift , n'a fait
dans fon Afie Portugaife qu'un
abrégé des Décades de Barros & de
celles de Diego Do-Couto , & de
quelques autres Livres. Il a préfé-
ré à fa Langue naturelle la Caftilla-
ne qu'il a trouvé plus conforme à
fon génie. Son ftile eft noble, ferré
6 quelquefois obfcur. Le caractère
de vérité qu'il affecte le rend hardi
&: libre , fes reflexions trop fré-
quentes le jettent dans des digref-
fions. Par- tout il parle en homme
avantageux qui applaudit à Jès peu-
fées.
Le Père Lafitau joint à ces Au-
teurs ceux qui ont écrit les Chro-
niques des Rois fous lefquels fe
font faites les découvertes & les
conquêtes. Oforius Evêque de Syl-
ve dans les Algavres , furnommé
le Ciceron Portugais , & Damien
de Goës ont bien cc.it l'Hiftoire
du règne de Dom Emanuel, le pre-
mier en Latin } le fécond en Portu-
A O U S
gais. François d'Ardradc a donné
l'Hiftoire du Roi Dom Jean III.
Les Hiftoires particulières que
notre Auteur indique font les
Commentaires du fameux Alphon-
fe d'Albulquerque qui ont été ré-
digés par fon fils avec une (Implici-
te Se une modération qui lui font
beaucoup d'honneur. La Vie de
Dom Jean de Cafto par Hiacyn-
the - Freyre d'Andrade , Ouvrage
qu'on regarde en Portugal comme
un chef-d'œuvre , Se dont le Père
del Roflo Jefuite a fait imprimer
une traduction Latine à Rome en
1727. l'Hiftoire du premier Gou-
vernement du Vice - Roi Dom
Louis d'Ataide Comte d'Atougnia
par Antoine Pinto Peieira qui en-
tre dans un détail très - curieux Se
très-inftructif.
Les morceaux détachés dont no-
tre Auteur parle dans fa Préface
font 1» la Defcription Latine de
» Damien de Goé's du premier Sié-
» ge de Diu , les trois Commentai-
» resdumême Auteur fur la fecon-
m de guerre de Cambaie ; l'Hiftoire
» du fécond Siège de Diu par Die-
» go de Téive , Ouvrage qui n'eft
» point inférieur à celui de Goës ,
» quelques Voyages faits en ce
» tems-là Se quelques autres Pièces
» fugitives , qu'on trouve dans le
» Recueil de Ramufius ; l'expedi-
3-> tion de Chriftophe de Gama,
j> écrite par Megucl de Caftanhofo,
m le Voyage de François Alvares à
y> la Cour du Prêtre-Jean , les Hi-
» ftoires d'Ethiopie de divers Au-
« teurs i celles du Brcfil par Pierre
s? Magalahaens , Se par le P. Jean-
T, i73 4« 4*î
»Jofeph de Sainte Théréfe ; celle
» de Barthelemi d'Argentola des
» Ifles Moluques ; l'Hiftoire du
» Père Louis de Gufman des pre-
» mieres Millions de la Compagnie
» de Jefus , les Lettres de differen-
» tes Millions , &c. A l'égard des
Relations des Voyageurs , foit an-
ciennes , foit modernes , que notre
Auteur allure qu'il a eu foin de lire,
il n'a point jugé à propos de s'en
fervir. Ces Relations, dit-il, dé-
guifent beaucoup de chofes , &
nous les reprefentent quelquefois
bien différentes de ce que nous les
VoyonsdanslesHiftoires anciennes.
La démangeaifon de dire des cho-
fes nouvelles , Se l\ nvie de parler
des Pays éloignés où l'on a été ,
fans les avoir bien connus , font ha-
zarder aux Voyageurs bien des par-
ticularitez , dont la faulfeté évi-
dente ou le peu de vraifemblance
fe manifeftent malgré eux. Les Mif-
iîonnaires même tout occupés des
fonctions de leur Miniftere, font
ordinairement mal informés des
affaires de politique Sx. de gouver-
nement.
Pour ce qui eft de l'Hiftoire de
Portugal contenant les entrepri-
fes , navigations Se geftes mémo-
rables des Portugais , tant à la con-
quête des Indes Orientales par eux
découvertes , qu'es guerres d'Afri-
que & autres exploits , &c. impri-
mée depuis 150 ans , ce n'eft qu'u-
ne traduction de la Vie de Dom
Emanuel par Oforius Se des Livres
de Lopes de Caftaneda.
Nous avons cru qu'il étoit nc-
celTairc pour faire connoître le me-
484 JOURNAL DE
rite de cet Ouvrage de faire voir
les fources d'où le Père Lafitau a
tiré ce qu'il rapporte. Nous ajoûte-
terons feulement qu'il auroit été à
fouhaiter pour ceux qui veulent
confulter les Originaux fur certains
faits plus importans , que l'Auteur
eût du moins indiqué A la marge ,
quel eft celui de tant d'Auteurs
dont il a tiré ces faits finguliers.
Tout l'Ouvrage eft divifé en 14
Livres , dont les fept premiers font
compris dans le premier Volume ,
& les fept derniers Livres dans le
fécond. Ils font écrits en forme
d'Annales j ce qui fait que l'Au-
teur eft fouvent obligé de pafler
d'un Pays à d'autres Pays qui en
font tort éloignés , Se d'interrom-
pre quelquefois le récit de certains
évenemens dont on fouhaiteroitde
voir la fuite , fans être détourné
par d'autres faits. C'eft l'inconvé-
nient des Hiftoires écrites en for-
me d'Annales , qui eft recompen-
fé , fuivant notre Auteur , par la
variété Sf par le mélange des éve-
nemens heureux ou malheureux ,
qui a , dit - il , fon agrément, &
qui ôte l'ennui qu'auroit caufé une
trop grande uniformité.
Le premier projet de faire des
découvertes dans les Indes fut for-
mé par l'Infant Dom Henri Duc
de Vizeii , Grand - Maître de
l'Ordre deChrift & cinquième fils
du Roi Jean I. Ce Prince s' étant
diftingué dans l'expédition d'Afri-
que où il avoit fuivi le Roi fon
père , s'alla établir dans les Algau-
res 3 où il s'appliqua à l'étude, fur-
tout à celle des Mathématiques &
S SÇAVANS,
de la Géographie. Cette étude , &
ce qu'il avoit appris des Maures &
de quelques François de la bafle
Bretagne qui avoient été jettes par
des tempêtes bien au loin à l'Occi-
dent de la Mer Atlantique , lui fit
croire qu'on pourroitréuffir à faire
quelques découvertes avantageufes
en fuivant la cote d'Afrique. Ces
tentatives qu'il fit faire n'abouti-
rent pendant les dix premières an-
nées qu'à doubler le Cap Non & à
pénétrer trente lieues plus avant
jufqu'au Cap Boyador. Mais deux
Gentilshommes de faMaifon nom-
més Jean Gonzales Zarco & Tri-
ftan - Vatz ayant entrepris de
doubler le Cap Bojador fur un pe-
tit bâtiment qu'il leur fit équiper ,
furent furpris d'une violente tem-
pête , & trouvèrent pour azile
une Ilîe jufqu'alors inconnue qu'ils
appellerent Porto- Sancto. Un fé-
cond voyage que firent en 141 8. ces
deux Gentilshommes avec Barthe-
lemi Pircnnell: leur fit découvrir
ride de Made/e , qu'Us avoient
apperçûëdePorto-Sanifto , comme
une petite noirçure fixe. Gilles
Anes doubla enfuite le Cap Bojador
qu'on avoit regardé jufqu'alors
comme l'extrémité du monde. Ce-
pendant il y avoit plufieurs per-
fonnes en Portugal qui ne man-
quoient point de raifons fpécieufes
pour s'oppofer à l'exécution des
defteins que l'Infant avoit formés.
Le Roi Dom Henri n'eut point
d'égard à ce que purent lui dire ce*
perfonnes trop prudentes. Il céda à
fon frère fa vie durant le domai-
ne de Porto - Santfto cv de Madè-
re
A O U S
*e , & des autres terres qu'il pou-
roit découvrir fur les Côtes occi-
dentales d'Arrique. Le Pape Mar-
tin V. accorda de grands privilèges
aux Navigateurs, 3i aux Eglifes que
l'Infant avoit fondées dans les ter-
res de fes découvertes.
Ces premiers fuccès engagè-
rent des Villes & des particu-
liers à former des focietez &c à
fournir aux dépenfes necciTaires
pour les arméniens. On fit plu-
îîeurs Voyages fur les Côtes d'A-
frique , depuis le Cap blanc , la ri-
vière d'or & les Ifles d'argent ,
jufqu'au Cap verd. L'Infant Dom
Henri acquit ce qu'avoit dans les
Canaries Malïieu de Betancourt ,
dont l'oncle Jean de Betancourt
s'étoit rendu maître de la plupart
de ces Ifles , par le moyen de l'ar»
mcment & des troupes que lui
avoit fourni le Roi de Caftille , ce
qui donna lieu au Roi de Caftille
de revendiquer ces Ifles qui lui fu-
rent cédées par un traité particulier.
Cependant l'Infant Dom Henri
continua à prendre des mefures
pour l'établiflement des Colonies
dans les terres qu'il avoit décou-
vertes , & pour en découvrir de
nouvelles , malgré les malheurs
qu'efluya le Portugal fous le Roi
Alphonfe V. Dom Henri mourut
l'an 1463- la foixantiéme année de
fon âge & la trentième année du rè-
gne de Dom Jean II. fon petit ne-
veu.Le P.Lafitau tait un portrait de
ce Prince , où il le reprefente com-
me vraiment digne de l'immorta-
lité par l'aflemblage de toutes les
qualitez naturelles & de toutes les
T , 1754. 487
vertus acquifes , qui font les
grands Hommes &c les bons Prin-
ces.
Le Roi Jean II. n'eut pas moins
de zélé pour les découvertes que le
Prince Henri fon oncle. Il ajouta à
fes titres celui de Roi de Guinée &
de la Côte d'Afrique ; il fit con-
struire les Forts d'Arguin & de
faim George de la Mine , il envoya
une flotte & d-.s Miflionnnaires à
Congo , dont le Roi & les Sujets
embraflerent depuis le Chriftianif-
mc. Il prit des mefures pour dé-
couvrir les terres du Prêtre -Jean.
Mais le Roi Jean IL traita comme
unVifionnaire Chriftophe Colomb
qui lui promettoit de le mettre en
pofleiîîon d'un nouveau monde , à
l'Orient aux extrémitez de l'Océan.
Colomb étant repafle en Europe
après avoir découvert les Ifles An-
tilles , & ayant mouillé au port de
Lilbonne , fit des reproches au
Roi de Portugal du peu de con-
fiance qu'il avoit en lui , &il parh
avec tant de hauteur , que des gens
de la Cour en étant indignés , pro-
poferent au Roi de l'auafllner. Le
Roi rejetta cette propofition avec
horreur , il affecta même de faire
beaucoup d'amitié à Colomb , Se
aux Infulaires qu'il avoit amenés
avec lui. Mais il crut que ces Infu-
laires qui étoient tous gens bien-
faits , & qui avoient tous une autre
grâce que les Infulaires d'Afrique ,
étoient des Indiens des grandes In-
des , & il fe mit en devoir fur le
champ de faire un puiflant arme-
ment pour fc rendre maître de ce
Pays-là. Le Roi de Caftille Dom
Rrr
4S<> JOURNAL DE
Ferdinand ayant appris cet arme-
ment du Roi de Portugal , lui en
fît (aire des plaintes par les Ambaf-
fadeurs , comme d'une contraven-
tion aux Traitez entre les deux
Cowonnesjes deux Rois s'en étant
remis à la décifîon du Pape Ale-
xandre VI. ce Pape partagea le
nouveau Monde entre ces deux
Puiflances , qui n'y avoient encore
rien ou prefquerien par une ligne
imaginaire tirée du Nord Se Sud à
cent lieues , à POueft des Ifles du
Cap Verd & des Açores.
Le Roi Dom Jean II. avoit lieu
de s'eftimer Souverain , comme le
remarque notre Auteur , il avoic
effacé la gloire que les Phéniciens }
ksCarthaginoisJesGrecs & les Ro-
mains s'étoient aquife dans l'art de
S SCAVANS,
naviger : toute la Côte Occidenta-
le de l'Afrique avoit ouvert fes
ports à fes V ai (Te aux ; il avoit allu-
re leur commerce par les Forts
qu'il y avoit bâtis , & par les al-
liances qu'il y avoit faites. Les Rois
de Bénin , deTambut, deMaden-
gue avoient recherché fon amitié
par leurs AmbalTadcurs : mais les
Indes avoient toujours été fon
grand objet , il n'eut pas la fatisfac-
tion qu'il s'étoit promife , la mort
l'enleva à la veille de cette décou-
verte.
Notre Auteur explique dans le
fécond Livre comment fe fit cette
découverte ; c'eft parla que nous
commencerons dans le Journal
prochain la continuation de l'Ex-
trait de cet Ouvrage.
PARTHENOLOGIA HISTORICO- MEDICA , HOC EST
Virginitatis conlîderatio , quâ ad eam pertinentes pubertas & men-
ftruatio , cum ipfarum maturitate, item varia de infoliris menfium
viis atque dubiis virginitatis fignis 3 nec non de paitium genitalium
inulicbnum pro virginitatis euftodia , olim inftitutâ confutione & infi-
bulatione vanis atque fclectis obfervationibus, cum Indice locuple-
tiffima traduntur. D. Martino Schurigio , Phyfico Drefdenfi. Diefdî
cv Lipfîx , apud Chriftophori Hekelu B. filium. 1730.
C'eft- à -dire : Traité de Médecine fur plu/leurs quefiions concernant U
Virginité, & fur plufi.urs autres à cette occafion. Par Al art in Schuri-
gius , Dobleur en Médecine. A Drefde , chez Chriftophe H\kehus fils.
1750. vol. /w-40. pages 384, & fe vend- à Paris, chez Gérard Jollain s
Quai de la Tournelle.
TROIS Parties divifent ce
Traité: la première concerne
l'âgd de puberté en général, la fé-
conde l'évacuation périodique pro-
pre à cet âge dans le fexe , la troi-
flémc les fignes de la virginité.
Qj-ant au premier point , notre
Auteur explique au long 1". ce que
c'eft que la puberté : z". Pourquoi
elle eft plus hâtive dans le fexe :
30. Quels font , par rapport à la
fanté , les inconvéniens des maria-
ges prématurés.
Au regard du fécond article , il
A O U S
recherche avec foin les caufes de
l'évacuation dont il s'y agit. Quel-
ques-uns l'attribuent à la lur abon-
dance du fang , & cette fur-abon-
dance à la vie fédentaire des fem-
mes ; mais M. Schurigius oppofe à
cela l'exemple des Amazones , Ôc
des femmes de Sparte , lefquelles ,
dit-il,n'étoientpasplus privilégiées
fur ce point que les autres femmes,
quoiqu'elles menaiTcnt une vie des
plus laborieufes ; il joint à cet
exemple celui des femmes de la
Campagne , qui nonobftant leurs
travaux journaliers , ne font pas
exemptes du fort commun à leur
fexe. Il prétend même que fans
avoir une grande abondance de
fang , Se qu'au contraire n'en ayant
qu'à peine ce qui fuffit , il y a des
femmes qui ne laiiTent pas de fubir
la loi générale des autres. Il va plus
loin , il foûtient que la plénitude
du fang cft fouvent un obftacle à
l'évacuation dont il s'agit , ce qu'il
juftifie par le belbin où font plu-
fieurs femmes de fe faire faigner
pour fêla procurer.
Bien des Médecins attribuent à
îaLune l'effet dont il cft queltion,&
le comparent au flux & reflux de la
mer ; ce qui a donné lieu à ce vers
fi connu :
Luna vêtus veteres , juvenes nova
Luna repurgat.
M. Schurigius examine la que-
stion , & rapporte là-deiTus les di-
vers fentimens des Auteurs. Après
quoi il pafle en revue toutes les au-
tres opinions qui ont été foûtenuës
T , i 7 ? 4.
fur ce fujet. Il vient enfuite à un
grand nombre d'autres articles,
concernant la même évacuation.
Nous les palTons , étant difficile de
les expofer en François d'une ma-
nière qui en puiffe rendre la leiSture
convenable à tout le monde. Nous
remarquerons feulement qu'entre
ces articles il y en a qui renferment
des cas très-curieux , & dontl'ob-
fervation eft d'une grande impor-
tance pour la pratique de la Méde-
cine dans ce qui concerne la faute
des femmes.
Pour ce qui eft du troifiéme
point, notre Auteur examine d'a-
bord ce qu'il faut entendre à la ri-
gueur , par le mot de virginité , il
en recherche l'éthymologie , & fe
donne là-deffus bien du foin. Puis
il diftingue deux fortes de virgini-
tez , l'une matérielle & l'autre fpi-
rituelle ; fur quoi il cite les Méde-
cins , & enfuite S. Paul & S. Au^u-
ftin.
Les fignes de la virginité font le
fujet d'un autre article : la virginité
eft un miftere fi impénétrable , dit
M. Schurigius , que les Romains
ne croyoient pas qu'on pût s'é-
claircir fur ce point que par des
moyens furnaturels. Ils bâtirent un
Temple à la Virginité , dans le-
quel ils élevèrent une Statue qu'ils
nommèrent /* Bouche de vérité. Les
filles, qui , en certains cas denecef-
fité , vouloient faire preuve de leur
fige (Te , mettoient un doigt dans la
bouche de cette Statue ; fi elles
étoient juftement aceufées , la Sta-
tue" leur rnordoit le doigt, mais fi
elles étoient innocentes elles le re-
R r r ij
488 JOURNAL D
Riroient fans aucun mal.
. Les épreuves qui fe faifoient par
le feu pour décider de la fageffe des
femmes &c des filles , & celles qui
fe faifoient par le duel,ne font pas
oubliées par notre Auteur.
Il s'eiT débité bien des fables fur
les preuves de la virginité des filles,
notre Auteur en rapporte un grand
nombre. On les peut voix dans l'on
Livre.
L'abfence de la membrane nom-
mée Hymen , parte chez plufieurs
Médecins , pour un figne certain
de la perte de cette virginité : mais
notre Auteur prétend que ce figne
eft fort infidèle. Il en allègue di-
verfes raifons, dont les principales
font i°. que les Anatomiftes ne
conviennent pas tous delà réalité
de cette membrane ; i°. Que parmi
ceux qui l'admettent , plufieurs
foûtiennent qu'un grand nombre
de filles nailTent fans l'avoir ; 30.
Que celles en qui ellefe rencontre,
la peuvent perdre fans qn'il leur en
coûte leur virginité ; 40. Qu'elle ne
lai(Te pas de fe trouver quelquefois
en l'ablence même de la virginité.
Les exemples & les autoritez ne
manquent point ici à notre Auteur.
Le figne de virginité dont il eft
parlé dans le 11e Chapitre du Deu-
teronome , fait un article des plus
conlîderables du Livre dont nous
rendons compte : M. Schurigius
examine au long cet endroit de
L'Ecriture , cV comme il croit qu'un
tel figne ne fçauroit être que très-
équivoque , il ne fçait comment
explicuer le paiTage dont il s'agit.
1: parti qu'il prend dans cet eni-
ES SÇAVANS;
barras , eft de rapporter indifférem-
ment ce qu'ont penfé là de (Tus di-
vers Auteurs. Les uns veulent que
le partage foit entendu à la lettre ,
& ils s'appuyent pour cela fur l'u-
fage où Ton étoit alors de marier
les filles dès l'âge de douze ans t$t
les garçons dans un âge beaucoup
plus avancé. D'autres prétendent
que le partage doit être pris dans
un fens métaphorique, n'y ayant
pas d'apparence , félon eux , qu'on
eût voulu produire ainfi en public,'
des témoignages, non feulement Ci
peu certains, mais fi contraires à la
pudeur. Valde turpe videtur quod
talis fdtmm expanderetur coramjudi-
cibus. Ils prétendent que expandere
veftimenta fignifie la même chofe
que per verba teftium expandere ve-
ritatem y & que comme exfeinderc
vcftimemiim 3 fe dit dans l'Ecriture
pour marquer l'indignation , de
même expandere veftimentum peuîr
fignificr ici rem claram 0" perfpi-
caam facere. D'autres oppofent à
cette explication , que l'ufage de
fccoûer &c de déchirer fes vêtement
en figne d'indignation & de colère
eftunufage familier dans l'Ecritu-
re , mais qu'on n'y voit nulle parc
celui de les étendre & de les déve-
lopper en figne de vérité.
Notre Auteur , après avoir exa-
miné ces deux fentimens, ne diî
rien qui puifie taire connoître pour
lequel il incline. Il laide tout indé-
cis. La feule chofe pour laquelle il
fe déclare eft que la virginité ne
peut fe connoître par aucun figne ,
& que rinfpection même faite par-
les Médecins & les Chirurgiens les*
A O U S
plus experts j ne peut donner là-
deffus aucun éclairciffement , il le
prouve par un grand nombre d'e-
xemples.
Nous aurions pu donner de ce
Traité un Extrait plus étendu. Mais
il s'y agit de matières dont la con-
noiffance ne convient qu'à «peu de
perfonnes -, c'eft pourquoi nous
avons cru devoir nous renfermer
dans les bornes où nous nous fom-
mes tenus , le peu que nous avons
T, T7} 4. 480
dit fuffit pour les Médecins , il fuf-
fit même pour ceux d'entre les
Chirurgiens qui ont quelques con-
noiffances de la Langue Latine , 3c
qui peuvent pat ce moyen conful-
ter l'Ouvrage même , le refte eût
été de trop pour les autres. Nom-
bre d'Auteurs ont écrit fur les mê-
mes fujets qui font traités ici par
M. Schurigius. Il les cite tous , &
il enchérit fur eux.
LETTERE DISCORSIVE INTORNO AD ALCUNI POETICI
abufî prejudicievoli fi al Decoro délia Religion Cattolica ,
comme alla buona morale Chriftiana.
C'eft à-dire : Lettres au fttjet de quelques abus de laPoéJïe ^préjudiciables à
l'honneur de la Religion Catholique & de la b»nne Morale Chrétienne.
Oeuvre Poflhume du Dotleur Pierre François Bottazoni de Boulogne , dédié
à S. A. S. le Prince Héréditaire de Modéne. A Naples , chez Mofchenï,
& Compagnie. 173 3. /«40. pp. 264.
ON voit par la Préface de cet
Ouvrage, qui eft de l'Auteur,
qu'il étoit prêt depuis long-tems à
être mis fous la Prefte , lorfque la
mort enleva leDo<fteur de Bottazo-
ni. Il y tait paroître un grand zélé
contre les abus qu'il reproche aux
Poètes. Il parle comme fi S. Paul
lui avoit dit fur ce fujet ces paro-
les "• infla opportune , importuné ,
argue , obfecra. Il dit que S. Paul a
eu en vue ces Poètes , quand il a
dit qu'il y a des perfonnes qui cher-
chent des Maîrres qui leur flattent
les oreilles , qu'elles détournent
les oreilles de la vérité , pour fe
tourner du coté des fables. Un des'
amis de l'Auteur a eu foin de faire
imprimer ces Lettres que le Doc-
K*jr crovoit non feulement utiles ?
mais même nedcflaiixs pour l'hon-
neur de la Religion. Les abus des
Poètes , contre lefquels il s'élève ,
font d'employer des noms qui ne
conviennent qu'aux Divinitcz du
Paganifme en parlant de Dieu , de
la Sainte Vierge, des Anges ou des
Myfteres de la Religion , de mêler
des choies faintes avec les propha-
nes , de faire des Pièces de Poêfies
où l'on parle des faux Dieux du
Paganifme comme en parlent les
Poètes Payens ; ce qui eft , félon
notre Auteur , une efpece d'impie-
té Se d'idolâtrie ; enfin d'avancer
en vers des principes contraires à
la-Morale Chrétienne. C'eft ce qui
eft répandu dans différentes Lettres
dans lcfquelles l'Auteur ne s'eft
propofé aucun ordre , revenant
4Po JOURNALD
fouvent fur la même matière , en
différentes Lettres , & cela à l'oc-
cafion de quelques Ouvrages de
Poètes Italiens anciens ou moder-
nes , qui ont donné lieu à fes diffé-
rentes réflexions.
11 fuffira de rapporter ici quel-
ques exemples. L'Auteur remarque
après Erafme que rien n'eft plus
indécent que ce qu'a fait le Poète
Sannazar qui dans fon Poème de
Partu Virginis a invoqué les Mufes
Se Apollon. Il ne peut fourbir
qu'on appelle le Diable le Dieu de
l' A verne3qu'on fade palTer lesSaints
dans la Barque de Caron , qu'on
appelle J. C. un Héros, qu'on loue
avec excès les Héros du Paganifme,
qu'on dife que c'eft par l'afliftance
de Mars que les Chrétiens ont
vaincu les Turcs , qu'on parle du
S. Sacrement de l'Euchariftie fous
le nom de Bacchus & de Cérès ,
que pour décrire Pluton & l'Enfer
on imite l'Hymne Vexilla Régis
frodeunt , même qu'on fe ferve
dans une Pièce prophanede la for-
mule du ferment hercle. Notre Au-
teur ne veut pas non plus qu'on
falTe prédire l'avenir aux Nécro-
mantiens, comme s'ils étoient des
Prophètes , ni que l'on nous repre-
fente les véritables Prophètes avec
cet entoufiafme & cette fureur
avec lefquels les Devins font re-
prefentés dans les Auteurs Propha-
ncs. Il fait voir , d'après S. Baffle,
E S SÇAVANS,
que l'on doit chanter des Canti-
ques Spirituels aux noces desCbré-
riens , & que ceux' qui font profef-
iion de la Religion Chrétienne ne
doivent point compofer d'épitala-
mes où il foit parlé del'Hymenée
&c des autres tauifes Divinitez du
Paganjfme.
On ne doit point altérer dans les
vers les Hiftoires Sacrées , ni don-
ner aux Anges le nom de Génies
qualifier David la divine Sirène ,
appeller la Vierge Gran-Donnx , &
Dieu Somma - Giove , reprefenter
les Anges avec des aîles aux pieds
comme le Dieu Mercure ; ni faire
des allufions dans les matières pro-
phanes aux chofes faintes.
Comme ces reflexions de notre
Auteur tombent fur les anciens
Poètes Latins ou Grecs , dont l'E-
glife ne condamne point la lectu-
re , notre Auteur dit qu'il cft per-
mis de les lire pour fervirde modè-
les de la pureté du ftyle , non pour
copier leurs Fables impies. Em-
prunter leurs fictions, leurs expref-
fions , leurs penfées , ce n'eft point
les imiter, c'eft les copier fer vile-
ment. Il faut y apprendre à s'expli-
quer avec juftefle , & en même
tems avec nobleffe , mais il ne faut
employer que des penfées & des
expreflïons qui n'ayent rien de con-
traire à la Religion Chrétienne &
Catholique dont on hit profeffion.
•£§§&
AOUST, I734-
491
RECUEIL DES LETTRES DE MADAME LA MARQVISE
de Sévigné k Madame la Comtcjfe de Grignan fa fille, 1734. A Paris, chez
Nicolas Smart , rue S. Jacques, au Dauphin. in-\ 2. 4. Vol. Tome I.
pp. 452. Tome II. pp. 483. Tome III. pp. 479. Tome IV. pp. 441.
Non compris la Table des Matières.
L avoit déjà paru en if 16. deux
Editions des Lettres de Mada-
me de Sévigné , l'une faite à la
Haye, & l'autre à Roiien. Quel-
que imparfaites qu'elles tulTent ,
parce qu'elles avoient été impri-
mées fur des copies dérobées à la
hâte , & données au public avec
autant de précipitation que de né-
gligence , elles furent lues avec
aviditéjS: reçues avec un applaudil-
fement général ; mais plus on en
étoit charmé , plusauflion fouhai-
toit de les avoir plus correctes, en
plus grand nombre , & dans l'or-
dre naturel où elles ont été écrites.
C'eft ce qui vient d'être exécuté
dans cette nouvelle Edition , qui
eft augmentée de plus de la moitié;
mais comme elle a été faite avec
un foin extrême , par une perlonne
qui refpcfte le Public , cV qui lçait
fe refpeéter elle même , il a fallu
du tems pour déchifrer les origi-
naux, pour éclaircir par des Notes
placées au bas de la page plufieurs
endroits de ces Lettres qui dans les
Editions précédentes paroilfent in-
intelligibles faute de ce fecours, lk
encore beaucoup plus pour décou-
vrir par l'enchaînement des faits &
par les evenemens dont il y eft
parlé , la fuite de ces Lettres , où
l'année n'eft jamais marquée.
Pendant cet intervalle quelques-
uns de ces Libraires qui nvililïcnt
la noblefîe de leur profefHon , &T
qui ne vivent que de la furprife
qu'ils font au Public , fe font avi-
fés de lui en impofer , en lui don-
nant fur la fin de Tannée 1733. une
nouvelle Edition des Lettres de
Madame de Sévigné en trois Volu-
mes, & non contens d'y avoir copié
aveuglément toutes les fautes des
Editions de la Haye & de Roiien 3
ils y en ont encore ajouté de nou-
velles , qui jettent quelquefois au-
tant d'oblcurité que de ridicule
fur les plus jolies penféesde Mada-
me de Sévigné. On en verra quel-
ques exemples dans" la Préface de
l'Edition que nous annonçons au-
jourd'hui ; fi l'Editeur n'avoit
craint par - là de fe rendre en-
nuyeux , il lui eût été facile d'en
donner un bien plus grand nom-
bre.
Cette Préface mérite d'être lue
& d'être à la tête d'un Ouvrage
auffi agréable que les Lettres de
Madame de Sévigné. C'eft d'elle-
même que l'Auteur emprunte le
jugement qu'on doit porter de la
manière d'écrire de cette Dame.
» Eft il poffible , dit-elle k fa fille ,
»que mes Lettres vous foient
«agréables au point que vous me
» le dites ? Je ne les fens point tel.
» les en fortant de mes mains : je
492 JOURNAL D
» crois qu'elles le deviennent en
» paffant par les vôtres M. de
»> Coulanges eft bien en peine de
» feaveir laquelle de vos Madames
» y prend goût ; nous trouvons
» que c'eft un bon ligne pour elle,
» car mon ftyle cil fi néglige qu'il
» faut avoir l'efprit naturel Se du
»• monde pour pouvoir s'en accom-
n moder.
On y voit en effet une facilite
charmante , un tour qui furprend
d'autant plus qu'il ne paroît point
fait pour furprendre , une imagina-
tion féconde Se riante qui peint
tout avec des couleurs auffi vives
que naturelles , des applications
heureufes , des reflexions juftes Se
fines fur les évenemens ou fur les
perfonnes dont elle parle , Se des
jugemens fur les Ouvrages de fon
tems,que la pofterité a pour la plu-
part tous confirmés.
On peut donc regarder ces Let-
tres comme le modèle du genre
épiftolaire , Si. c'eft peut-être par
cet Ouvrage fcul qu'on pourra fe
mettre à portée de juger des véri-
tables bcautezd'un ftyle , qu'il eft
bien plus aifé de fentir, que de dé-
crire.
Comme l'Editeur s'eft propofé
de ne perdre jamais de vue tous les
égards dûs à Madamede Sévigné &
au Public , il a cru devoir fuppri-
mer quelques dérails purement do-
meftiques , Se peu intereftans pour
le Lecteur , mais il n'a pas cfé fç
permettre de rien retrancher des
fentimens de l'amour naturel qui
reparoiflent Ci fouvent , parce que
» c'eft là, dit-il, ce qui détermi-
ES SÇAVANS,
»ne le tond du caractère de Ma-
» dame de Sévigné , Se qu'enfin
» les tours nobles , délicats f &
» variés qu'elle employé pour cx-
» primer fa tendreffe , ne lui font
» pas moins propres que fa ten-
» drelîe même. Il eft vrai , ajoûte-t-
» il , qu'on ne revient qu'avec pei-
» ne de la furprife que caufe cette
» efpcce de fingularité. Mais des
» fentimens fi peu ordinaires en
» font ils pour cela moins pris dans
» la nature ; Ne peut on concevoir
» fans de trop grands efforts les
» traits d'une pareille fimpathie ?
» ou plutôt n'eft-ce point un des
» effets de la corruption du cœur
» humain , de n'aimer l'excès de la
» feniîbilité que dans la plus folle
» de toutes les paffions ?
Il n'appartient peut être qu'aux
grandes âmes de pouffer jufqu'à la
paffion ce qui n'eft qu'un fenti-
ment tendre Se modéré dans les
âmes d'une trempe commune. Ma-
dame de Sévigné la peignoitfi vi-
vement cette paffion qu'il eft fou-
vent difficile de lire certains en-
droits de ces Lettres à fa fille fans
émotion , nous nous contenterons
d'en donner ici un fcul échantil-
lon.
» Vous dites , lui écrit - elle ■
n ( pag. 106. du premier Volume)
» que vous voudiiez bien me voir
«entrer dans votre chambre , Se
» m'entendre difeourir. Hélas! c'eft
y ma folie que de vous voir^ de
» vous parler , de vous entendre ;
» je me dévore de cette envie . Se
» du déplaihr de ne vous avoir pas
» affez écoutée } pas allez regardée.
A O U S
» Il me femblc pourtant que je
» n'en perdois guéres les momensi
»» mais enfin je n'en fuis pas con-
» tente. Je fuis folle , il n'y a rien
» de plus vrai ; mais vous êtes
*> obligée d'aimer ma folie. Je ne
» comprends pas comment on peut
»> tant penfer à une perfonne ; n'au-
» rai - je jamais tout penfé ! non
m que quand je ne penferaiplus.
Cette tendreife remplit condam-
nent toute la capacité du cœur de
Madame de Sévigné , quoiqu'elle
fûtreftée veuve fort jeune , Se avec
tous les agrémens de l'efprit & du
corps , qui pouvoient la faire re-
chercher. Auffi Madame la Com-
teffe de Grignan difoit fort agréa-
blement , qu'elle étoitle préferva-
tif de fa mère contre les furprifes
de l'amour. Si cela efl , lui répon-
doit Madame de Sévigné ( Let. du
T , 17? 4» S9$
1 3 Novembre 1 1^7 y . ) je vous fuis
trop obligée , & je ne puis trop aimer
l'amitié que j'ai pour vous.
L'Editeur auroit fouhaité pou-
voir ralfembler des Mémoires affez
détaillés pour former un Eloge Hi-
ilorique de cette Illuitrc Dame.
Mais quelque foin qu'il ait pris , il
n'a pu , dit - il , recueillir qu'un
très-petit nombre de faits dont il
croit devoir faire part au Public ;
on les lira avec plaifir dans fa Pré-
face , aulîï-bien qu'un portrait de
Madame de Sévigné fait par Mada-
me de la Fayette fous le nom d'un
inconnu.
On affure que l'Editeur a entre
fes mains de quoi donner une fuite
confiderable de ces mêmes Lettres.
Nous nous flattons qu'il ne la refu-
fera pas aux defirs du Public qui
l'attend avec impatience.
NOVVELLES LITTERAIRES.
ALLEMAGNE.
De Leipsik.
IL fe débite ici un Ouvrage qui
doit faire plaifir à ceux qui ai-
ment à connoître en détail les Pro-
vinces & les Villes particulières:
c'eft une Hiftoire delà Principauté
de Rugen dans la Pomeranie Sue-
doife , par M. Schivartz. , Profef-
feur à Gryphfwalde : elle eft intitu-
lée : Alberti Georgii Schiuartzii , in
jicademiâ Gryphicà Profijjbris ,
Hifioria finium Principatm Rugia ;
jionft.
accejjît fpecimen Diplomatum Riigia-
norum. Grypfwaldix & Lipfix.
1734. /«-40. L'Auteur ne fe doit
pas contenter du fimple échantil-
lon qu'il donne à prefent des Char-
tes de la Principauté de Rugen ; il
promet de publier tout ce qu'il en
a pu recueillir , fous le titre de Rh-
gia Diplomatica.
On trouve en cette Ville depuis
l'année dernière un Supplément ou
la Continuation du grand Recueil
dont le Public eft redevable à M.
Lunig j 8c que ce fçavant Compila-
teur a publié en 24 Volumes inti-
Sff
m JOURNAL D
tulés en Allemand : ReichsArchiv y
ou les A.sbivcs de V Empire. Ce
Supplément qui a pour titre : Co-
dex Germanie Dipl«maticus : Fran-
cofurti & Lipfia , eit en deux Volu-
mes in-folio , dont le premier fut
imprimé en 173 z. Se le fécond en
5733-
Attgufti Beyeri Aleworiœ Hiftori-
to-Criticà Libromm ranornm : accé-
dant Evangeli Cnfmopolitani Nota
adj. "B. Mene\enu de Charlatane-
riiï Eritàitontm declamationes , in
'duibus exemple non nu/la , précipite
Hifpanomm adferuntur, Drefdx &
Lipfîx ; 1734. ;»-8°.
De Francfort sur l'Oder.
M. Hoffmann , ProfefTeur en
Droit dans cette Univerfîté , a fait
imprimer une Bibliothèque inte-
reflante pour les Jurifconfultes
qui s'attachent à l'étude du Droit
Public de l'Empire : Cbriflopbor.
Godofrid. Hoffmanni , Prof effort s
Jitris in Ac.tdem. lrtadr. Bibliotheca
Juris Publici , ^«<e exatlam con-
fignationem Scriptorum s in quibus
S. Romana - Germanici lmpeni Jus
Publicum traditur. Francofurti ad
Viadrum. 1734. in-40.
Cet Auteur eft connu dans la
Republique des Lettres. Il a fait
part au Public en 1731. & 173 3.
d'un Recueil en deux Volumes
jw-40. dont nous n'avons pas encore
parlé -, mais dont on fera fans doute
bien aife de voir ici le titre :
Nova Scriptorum ac Menumento-
•mm partim rariffimorum , partim ine-
ditomm CollefttQ ; opits ad illnflranz
ES SÇAVANS.
dam Hijloriam Civilem , Ecclefîafli-
cam , Litterariam , nec non Jurifprt±.
dentiam publtcam & privatam çum
maxime comparatum. Tom. I. pr&ter
alla pic. xvi. Monumenia , Samue-
lis Guichcnonii Bibliotbecam Sebu-
fi.w.vm & Paridis de Crallîs Dia-
rinm CV-". Rom. complexes. Recenfuit
Cbnft. Godofredus Hoffmannus Je™
Rcg. Bor. M.-j, Confit, intimus , &
Ord. Juridici m Academ. Francof.
O-iin. Lipfîx. Apud H&redes Lanc-
kianos. 173 1. Tom. II. prttter varia
ad Ceremoniamm Difciplinam perti-
nentia , Librum diurnum Roma-
norum Pontificum , & Auguftini
Patricti Picolominei , Epifcopi 'Bien-
tini Librum Sacrarum Ceremonia-
rum qui bus Romani Pont if ce s uti
confiieverunt t exhibent. Ibïd. 173 3.
in - 40.
De H am bourg.
Jo. Alberti Fabricii Bibliotbeca
Latina média & infime dtatis : accé-
dant IVipponis Prefbyt. proverbia ad
Henricum Conradi Imperat. filinm*
1734. /'«- 8°.
De Nuremberg.
M. Koeler s ProfefTeur à Altorf ^
vient de donner une nouvelle Edi-
tion , mais plus ample , de l'Ou-
vrage de Freherus , qui a pour ti-
tre : Aiarquardi Freheri Diretlorium
in omnes fer'e , quos fuperftites habe-
mus , Chronologos , Annalium Scrip-
tores & Hijîoricos ; potiffimum Roma-
ni Germanicique Imperii. Iterum rc-
cognovit j auxit , & inftauravit Jo>
A O U S
David Ko dents , PP. Altorfinus ;
addito Dircclorio Chronologico-Di-
plomatico annorum Regni & Imperti
omnium Regnm Germant*. & Impp.
Romanorum à Pippino Rege Francta,
nfqtte ad Carolum VI. C&farem , ad
ttfum Compati Diplomatici Criticum.
Nurimbcrgx & Altorfii. 1734.
in - 40.
SUISSE.
T, 1734. S9S
troilîéme. On recevra les Soufcrip-
rions jufqu'au mois d'Octobre pro-
chain , Se l'Editeur promet de taire
commencer l'imprefiion dès qu'il
y aura 350 Soufcripteurs. On peut
fouferire à Paris chez Mariette 3
rue' S. Jacques y & chez les Librai-
res des principales Villes de l'Eu-
rope.
FRANCE.
De Zurich.
Voici le titre d'une nouvelle &c
très-ample Colle&ion de Médail-
les , que M. Gefner vient de pro-
pofer de donner par Soufcription :
Thefaurus univerfalis omnium Nu-
mifmatum veterum , Grœcorum &
Romanorum , ht de a temporibus cufi
Numifmatis ufque ad Imperii Gr&ci
per Turcas dejlrhiïionem euforum ;
e/uotquot ex Numifinatophilacits lm-
peratorum , Regum , Ducum , &
illujlrium Virorum , ac veterum &
recemiorwn de re Numaria lucubra-
tionibus comparare licuit , intégra fé-
rié TabulisiAlneis reprefentata , def-
cripfît , edtdtt & tllnflravit Jo. Ja-
cobus Gefnerus , Tigurinus. Ex
Officina Heideggeriana. 1734.
Cet Ouvrage fera divifé en qua-
tre Parties , qui comprendront en
tout 350 feuilles d'impreflîon
in- fol. &c 1 10 planches gravées pour
les Médailles. La Soufcription
n'eft que de 10 florins , dont on
payera 5 florins d'avance en fouf-
crivant , 5 en recevant la première
Partie , 5 autres en recevant la fé-
conde , & le reûe en recevant la
Di Paris:
Fîifloire Ecclefiaftique \ pour fer-
vir de Continuation à celle de M.
l'Abbé Fleury. Tome XXXIII. de-
puis l'an \<j6i. jufqu'en 1 5 6 3.
Tome XXXIV. depuis l'an 15^3.
jufqu'à l'an 1569. Chez Pierre-
Jean Mariette. Rue S. Jacques , aux
Colonnes d'Hercule. 1734 /'« - 40.
& in - 1 1.
De la meilleure manière de mefu-
rerfur Mer le chemin d'un Vaijfeau,
indépendemment des Obfervaiions
Agronomiques. Pièce qui a rempor-
té le prix de l'Académie Royale
des Sciences, propofé pour l'année
1733. félon la fondation faite par
feu M. Rouillé de Aieflay , ancieu
Confeiller au Parlement. Par M. le
Marquis Poleni. De l'Imprimerie
Royale. 1734. '»-4°- Cet Ouvrage
eft en Latin.
Abrégé de la Carte générale du
Militaire de France depuis l'éiablif-
fement de la Monarchie jufqu'au 20
Février 1734.ehr.Par M. le Mau de
lafaiJJe.Chez Gijfart & Briaffon ^ruë
S.Jacques; Dtdot, Quai des Au-
guftins , & Nully , Grand'Salle du
Sffij
S9S JOURNAL D
Palais. 1734- Volume in- 8°.
Catalogue des Archevêchés. , E-
•uêchez. , Abbayes & Prieures, de no-
mination Royale : » leur revenu ,
» Chare.es dt duires , la taxe de Ro-
y> me : les Evêchez fitués en Pays
» d'obédience , ceux qui font du
wRcffort de la Légation d' A vi-
a> gnon -, le nom des Tuulaires , &C
» la date de leur nomination, en
.'l'état quMs fe trouvent au 15
»Mai 1734- Cnez L,mgL0l$ > ruë
Saint Etieune d'Egrès. 1734. /»-S°.
Conjîituttones Cotigregutionts Cle-
ricorum facidarium DuclrinœCbr.jiia-
n<z. Anna 1733. m Commis Genera-
libus , Luteiid. Panjïorum habilis ,
recognitét approbatA , & recepu.
Ex Typis Pétri Prault. 1734. in 11.
L'origine Ancienne delà Phyftyue
Nouvelle , » où l'on voir dans des
m Entretiens par Lettres ce que la
» Phvfique Nouvelle a de commun
=. avec l'Ancienne. Le degré de per-
» fedion de la Phyfique Nouvelle
ES SÇAVANS,
» fur l'Ancienne. Les movens qui
» ont amené la Phvfique à ce point
» de perfection. Par le P. Regnault
de la Compagnie de Jefus. Chez
Jacques Clmjîer , rue S. Jacques ,
au coin de la rue de la Parchcmine-
rie. 1734. in-11. 3. vol.
Style umverfel de toutes les Cours
& JurïfdtUions du Royaume ■-, pour
1'inftrnclton des matières criminelles
privant l'Ordonnance de Louis XIV..
dumoisd'Aouft ujo. Par M. Gm-
ret , Secrétaire de M. le Camus ^
Lieutenant Civil. Nouvelle Edi-
tion. Chez David l'aîné , &c autres
afiociés choifis par ordre de Sa
Majefté pour l'impreffion des Sty-
les Si Formules , fuivant les nou-
velles Ordonnances. 1734. in-11.
deux Volumes.
Confédérations fur les caufes de la
grandeur & de la décadence de l'Em-
pire Romain, chez Huart & Cl'oufîer^
rue S. Jacques, vol. in-11.
Fautes À corriger dans le Journal de Juillet 1734.
PAge 3 9 2. colomne première , ligne 7. pédant , /{/^pendant : Ibid.
col. 2. lig. 33. Wxéejif. luxée : pag. 397. col. 2. lig. 18.de la fonde;
lif. de la féconde : pag.428. col. 2. lig. 23. polium , lif. Polium : Ibid.
lig. i9.Germandrie , lif. Germandrée : pag. 429. col. 2. lig. 33. Gnafa-
1mm, lif. Gnaphalium : lbid.lig. 35. Savage, ///. Sauvage : pag. 430.
col. 2. lig. 3. tutens , ///Tluteus.
Avis qui nous a été donné par l'Auteur de la Defcription des Plantesywr une
erreur qui s'eft gliffèe dans l'impreffion defon Livre.
Messieurs, je viens de
m'appercevoir d'une faute condde-
lable qui s'eft griffée dans l'impref-
fion de mon premier Tome de la
Defcription des Plantes , &c qui &
dû palier neceffairement comme
elle a fait dans l'Extrait que vous
avez donné de mon Livre.
On lit, pag. 430. de votre Ex-
trait les mots fuivans : Quant à la
Méthode que M. de Tournerort a
établie fur la ftructure des fleurs &c
des fruits , notre Auteur convient
qu'à cet égard elle eft incontefta-
blemcnt la meilleure, Si même la
feule dont on puifle taire un bon
ufage. Ce qu'il y a de fâcheux dans
cette Méthode , c'eft qu'il laut at-
tendre la faifon des fleurs Se des
fruits pour s'aflurer du caractère de
chaque genre , mais M. Fabregou
dit qu'il ne voit point de remède à
cela , Sz que rien ne lui femble
plus raifonnable que d'examiner
toutes les parties d'une plante avant
que d'entreprendre de la réduire à
591
Ion genre.
Voilà , Meflîeurs \ ce que vous
avez mis dans votre Extrait , Se
cela eft conforme à ce qui fe lie
dans mon Livre ; mais voici ce que
l'Imprimeur , en fuivant mon ma-
nufent } qui à la vérité étoit un peu
raturé en cet endroit , auroit dû
imprimer : cette Méthode étoit la
meilleure & même la feule dont
on pût faiie ufage alors , mais rien
n'eft plus fur que d'examiner toutes
les parties d'une plante avant que
de la réduire à aucun genre; & il
faut fur -tout confiderer la graine
qui eft le véritable caractère qui
diftingue les plantes les unes d'avec
les autres , à quoi M. de Tourne-
fort ni ceux qui l'ont fuivi n'ont
pas fait attention.
TABLE
Des Articles contenus dans le Journal d'Aouft 1734.
LEs Dons des Enfiws de Latone , &c. page 439
Hijloire de l'Empire des Cherifs en Afrique , &c. 448
Leçons de Phyftque , contenant les tlémens de cette Science , Sec. 455
Abrégé de ÏHiftoire de 24 Pères d; l'Eglife , &c. 461
Description d'un petit Paquet de vatjfcaux pétrifié , &c. 463
Continuation de ÏHiftoire du Parlement de Bourgogne , Sic. $66
Livre de l'IJlande par Aras , fils de Torgils , furnommê le Sçavant , 467
Hijloire des Empires & des Républiques , Sec. 469
Deux Dtffertations fur le Baptême & fur le faim Chrême, &c. 476
Hifloire des Découvertes & Conquêtes des Portugais dans le nouveau Monde,
Sec. 480
Traité de Médecine fur plufieur s queflions concernant la Virginité , Sec. 486
Lettres au fujet de quelques abus de la Pn'efie touchant la Religion , Sec. 4 S 9
Recueil des Lettres de Madame de Sévignê &c. 49 1
Nouvelles Littéraires s j 9 3
Avis de M, Fabregou , Sec. 596
Fia de la Table.
L E
JOURNAL
SC A VANS,
POUR
VANNEE M. DCC. X X X I T.
SEPTEMBRE.
A PARIS,
:hez CHAUBERT, à l'entrée du Quay des
Auguftins, du côté du Pont Saint Michel, à la
Renommée & à la Prudence.
" M. DCC. XXXIV.
<VEC APPROBATION ET PRIVILEGE DU KQY;
L E
JOURN A L
DES
SCAVA
SEPTEMBRE M. D C C. X X X I V.
HISTOIRE DE L'EMPIRE DES CHERIES EN AFRIQVE ,
fa Defcription Géographique & Hifloricjue ; la Relation de la prife d'O-
ran , par Philippe V. Roi d'Efpagne , avec l'abrégé de la Vie de M. de
Sainte-Croix , ci- devant Ambaffadeur en France & Gouverneur d'Oran
depuis la prife de cette FiUe ; Ornée d'un plan très-exaff de la Fille d'O-
ran , & d'une Carte de l'Empire des Cherifs. Seconde Partie. Par Aï.***
A Paris, chez Prault petc } Quai de Gêvres, au Paradis. 1733. vol.
in- 11. pages 116.
NOUS avons donné dans le Partie , & nous en fommes de-
dernier Journal, l'Extrait du meures à ce que l'Hiftorien rappor-
commencement de cette féconde te de la mort de Mulei-Mahamet ,
Stpttmb, Ttti;
502 JOURNAL D
fils de Mulei-lfmaèl. Nous avons
vu le cruel fuppllce qite ce père ht
lbuffrir à fon fils , & la trifte mort
de ce fils-, il nous refte à parler de ce
qui fe paflfa enfuite dans l'Empire
des Cherifs.
Mulei-Zidan fils de la Sultane ,
dont nous avons foie mention à la
fin de notre dernier Extrait , &
l'aîné des enfans du Roi Mulei-If-
maél , donna occafion a de grands
troubles dans Maroc peu après la
mort de Mulei-Mahamet. CeMu-
lei-Zidan étoit un Nègre féroce &
cruel. Dès l'âge de cinq à fix ans, il
donna des marques de fa cruauté
& de fon penchant pour toutes
fortes de vices. Un jour qu'un
Nègre le portoit entre fes bras ,
ce jeune enfant voyant paiTer un
Alarbe ou Payfan , le fit arrêter
pour le tuer à coups de Sabre , le
Nègre voulant le détourner de
cette penfée, lui dit qu'une telle
action étoit indigne d'un Chérit ;
mais le jeune Zidan infifta tou-
jours par fes cris & par fes lai mes ,
& menaça le Nègre de fe plaindre
à la Sultane : enfin quelques re-
montrances &c quelques promefles
qu'on pût lui faire pour l'appaifer,
on fut contraint de lui donner un
Sabre; en mêmetemson dit tout
bas au Payfan , de fe laifTer tomber
parterre au premier coup qu'il re-
cevrait, & d'y demeurer fans re-
muer : l'enfant prit auflï-tôr le Sa-
bre , le fouleva comme il put , &C
en donna Hn coup au Payfan qui
ne manqua pas de faire ce qu'on lui
avoitdit, le jeune Zidan voyant le
2aj fan étendu parterre, éi ren-
ES SÇAVANS,
dant du fang , le ctui véritable-
ment mort. Dans cette penfée ii
continua fa promenade en témoi-
gnant beaucoup de gayeté d'avoir ^
comme il le crovoit , tué un hom-
me.
Lorfqu'il fut parvenu à un âge plus
avancé , on n'entendoit parler dans
Méquinez. que de les fanglantes
exécutions , &c de fes débauches.
L'Hiftoiien entre là-delïïis dans un
détail qu'on ne peur lire fans hor-
reur -, nous le palTons. Zidan, après
la mort de fon frère Mulei-Maha-
met , fongea d'abord à s'emparer
des tréfors de ce frère. Il remporta,
diverfes victoires , & fe rendit fi
puiffant que Mulei Ifmaë'l fon perc
en prit ombrage. Ce Monarque
apprenant tous les jours que Zidan,
à qui il avoit donné le gouverne-
ment de Maroc , fubornoit toutes
les troupes de l'Empire, refolut
de le faire revenir de Maroc à Mé-
quinez. Mais le fils trouva toujours
moyen d'éluder là-dciïus les ordres
qu'il recevoit de fon père. Le Roi
fe voyant hors d'efperance d'en-
gager Zidan à lui obéir , s'enferma
dans Ion AlcalTave , où il relia cin-
quante deux jours fans fe montrer
à perfonne qu'à hada-Ataca. , c'eit
le nom de la Sultane mère de Zi-
dan ; cette Sultane étoit maîtrefTe
abfoluc de l'efprit du Roi , ck tout
l'Empire plioit fous elle. Quelques
jours après que le Roi fe fut enfer-
mé dans l'Alcaffave , on publia
qu'il étoit attaqué d'une rétention
d'urine, & que les fuites en étoienc
à craindre; la Sultane manda auifi-
tôt à Zidan fon fils de s'approcher.
SEPTEMBRE, 173 4- 6oj
fans bruit de Méquinez pour pou- dans cet équipage ne doutèrent
voir , en cas que le P.oi mourût ,
s'aifurer de l'Empire , & s'emparer
des tréfors de fon père : Zidan tout
ambitieux & tout cruel qu'il étoit ,
répondit à fa mère : Que mon père
fait mort ou vivant je ne quitterai
point mon pojle : s'il recouvre la famé
je m'en rejokirai ; s'il meurt je monte-
rai alors fur le trône. La Sultane
voyant que fon fils ne vouloit
point fuivre l'avis qu'elle lui avoit
donné , de venir à Méquinez avant
la mort du Roi , fit publier par-
tout que le Roi étoit mort dans
fon AlcalTave , elle fe perfuadoit
qu'alors Zidan viendroit en dili-
gence.
Pour donner plus de couleur
à cette fautte nouvelle , elle ordon-
na à un Eunuque du Serrail , de fe
tenir à l'entrée de l'Alcalfave , re-
vêtu des armes du Roi , Si le bas
du vifage couvert d'un mouchoir.
Ce ftratagêmc ne lui réufiît pas , &
l'on douta toujours que le Roi fût
mort , la Sultane chagrine de ne
pouvoir venir à bout de fon def-
iein , tenta une autre voye pour
perfuader à tout le monde que le
Roi étoit mort , & engagea enfin
Zidan à venir fans délai à Méqui-
nez. Elle fortit du Serrail en Calè-
che , la lance à la main , & faifant
porter un Sabre devant elle. Plu-
iîeurs femmes l'accompagnoient
avec des Eunuques, & pour em-
pêcher qu'il n'arrivât quelque fé-
dition , elle crut devoir intimider
le peuple en faifant maiTacrer un
Nègre qui fe trouva dans fon che-
min. Ceux qui virent la Sultane
plus dclamo.t du Roi. L'.biolu
pouvoir dont elle ufoitdéja3r.ij-pel-
la le fouvenir d'une parole qu'elle
avoit lailïé échapper quelque tems
auparavant , fçavoir, qu'on verroit
dans l'Afrique une Reine com-
mander avec autant d'autorité que
la Reine de la Grande Bretagne. Il
fe répandit à ce fujet , un bruit qui
aigrit les efprits ôc fouleva le peu-
ple. La Sultane fut obligée de ren-
trer au plus vîte dans l'Alcalfave ,
jufqu'où les Maures la pourfuivi-
rent.
Le Roi informé de ce qui fc
pafioit , crut devoir fe montrer au
peuple ; il parut dès l'inttant. La
furprife fut grande , & bien - tôt,
après on n'entendit dans la Ville
que cris de joye , qui touchèrent
fenfiblement ce Piince. L'Hifto-
iien raconte à ce fujet , Que le
bruit de la convalefcence du Roi
s'étant répandu de toutes parts , les
Alcaids & lcsGouverneuis de cha-
que Place, fe rendirent à Méqui-
nez pour féliciter le Roi , 6i lui
rendre hommage; Que les Efclaves
Chrétiens mirent tout en ufage
pour fe diftinguer dans cette occa-
fion : Qu'ils firent des feux d'arti-
fice , où étoient reprefentés un
VaiiTeau, une Galère, & un arbre
fur lequel on voyoït un oifeau, qui
en voltigeant, de côté & d'autre ,
embrafoit tous ces artifices avec un
feu qu'il lançoit de fon bec ; Que
le Roi fut fi fatisfait de ce fpeiftacle
qu'il ne put s'empêcher de dire
que les Chrétiens l'aimoient plus
que les Maures,
tfo* JOURNAL D
Cependant le Cherif Zidan re-
gnoit toujours fous prétexte de
maintenir les peuples dans l'obéil-
fance due à fon père , mais fon rè-
gne ne fut pas long. La pallion
qu'il avoir pour le vin en fut caufe.
11 ne buvoit jamais fans s'enyvrer ,
& le vin le portoit à des excès de
fureur , dont on n'avoit point en-
core eu d'exemple : Il malTacroit
tous ceux qu'il trouvoit fur fon
chemin , & n'épargnoit pas même
fes femmes. Le Roi voulant fe dé-
faire de ce fils à quelque piix que
ce fût , ménagea de fecrettes intel-
ligences avec les femmes de Zidan.
Celles-ci fe prêtèrent d'autant plus
volontiers audeffein du Roi, qu'el-
les vivoient dans une crainte conti-
nuelle de fe voir immoler l'une
après l'autre à la fureur de Zidan.
Les plus mécontentes s'étant donc
chargées de l'exécution , faifirent
le moment qu'il étoit plongé dans
l'y vrtiTe , &c l'étoufferent. Le Roi
ayant appris la mort de fon fils,
fit emmener à Méquinez fept des
femmes deZidan avec le Marchand
qui lui fourniffbit le vin & les
liqueurs dont il s'enyvroit. On
livra , dit notre Hiftorien, les fem-
mes de Zidan entre les mains de la
Sultane fa mère , qui affligée de la
mort de ce Prince , en fit étrangler
trois d'entr'ellcs , après leur avoir
fait couper les mammelles , & les
leur avoir données à manger.
Ce que notre Hiftorien rapporte
de la conduite que garda enfuite le
Roi à l'égard de ce fils rebelle dont
il avoit ordonné qu'on le délivrât,
eft digne de remarque : noa feule-.
ES SÇAVANS,
ment il voulut que le corps de
Zidan fût embaumé , puis mené
fous l'efcorte de fix mille Ca-
valiers , à Méquinez , pour y être
inhumé &c mis dans le tombeau
des Cherifs avec les cérémonies or-
dinaires , mais il fit bâtir fur le
tombeau de ce fils , une Mofquée
pour fervir d'azile à ceux qui
auroient commis quelques crimes ,
& voulut que chacun y allât invo-
quer comme un Saint , ce Cherif
mort yvre dans une Religion qui
détend l'ufage du vin , ce Cherif
que les Maures mêmes n'avoient
pu fouffrir pendant fa vie, à caufe
de fes débauches , &c des cruautez
horribles qu'il exerçoit fur ceux de
fa Nation , comme fur les Efcla-
ves.
Le Roi fe flattoit de voir régner
la paix dans fes Etats après la mort
de Mahamet &c de Zidan fes deux
fils ; mais bien-tôt il fut plongé
dans de nouveaux embarras , par
Mulei- Abdelmeleck, un de fes au-
tres fils. Ce Cherif qui étoit depuis
long-tems , Gouverneur de Suz,
prenoit dans fon Gouvernement ,
des airs de Souverain, il pouffa l'in-
dépendance jufqu'à refufer de
payer le tribut au Roi fon père , Se
ïecoua le joug. Le Roi à qui fon
grand âge ne permettoit pas de
s'engager dans une guerre civile ,
employa divers moyens pour en-
gager Abdelmeleck à revenir à la
Cour , & lui écrivit même plu-
fieurs Lettres de tendreffe pour le
ramener à fon devoir , mais Ab-
delmeleck continua dans fa rébel-
lion i mettant tout en œuvre ce-j
SEPTEMBRE, 1754. tfoy
pendant, pour amufcr fon père par ble , ordonna à fes gens de cacher
de belles paroles •, le Roi qui con-
noifToit le mauvais cœur de fon
fils, fe Tentant près de mourir chan-
gea l'ordre de fa fucceffion en fa-
iVeur de Mulei-Hamet fon autre fils
qu'il nomma pour fon fuccefleur ,
quoique ce fils fût moins âgé de
deux ans qu'Abdelmeleck.
Mulei-Ifmacl mourut peu après
d'un abcès au bas-ventre. Ce qui
arriva en 1727. Peut-être ne fera-t-
on pas fâché de voir ici ce que no-
tre Auteur raconte de la vie & de
la mort de ce Prince.
Mulei-Ifmaél aimoit à monter à
cheval. Cet exercice joint à la vie
frugale qu'il menoit , contribua
beaucoup à l'entretenir dans une
fanté parfaite. .Sa fobrieté fut fi
grande que perfonne dans fes Etats
ne porta cette vertu fi loin que lui.
Il obfervoit fcrupuleufement juf-
qu'aux plus fuperflitieufes cérémo-
nies de fa Religion. Son attache-
fa mort , jufqu'à ce que fon fils
Hamet eût pris toutes les mefures
neceflaires pour s'affurer de la Cou-
ronne. Plufieurs mois fe palTcrent
après cette mort fans que perfonne
en fût informé. On expedioit
les affaires à l'ordinaire , & les Al-
caïds avoient reçu chaque mois le
tribut comme auparavant, lorfquc
le peuple furpris de n'avoir vu de-
puis long - tems fon Souverain '
commença à fe plaindre: il en vint
bien - tôt après aux murmures &
s'afiembla en foule autour du Pa-
lais , en demandant à voir le Roi.
Pour appaifer le tumulte on ré-
pondit que le Roi étoit entière-
ment rétabli , & que dans peu de
jours il iroit en pèlerinage à une
Mofquéc éloignée d'une lieue" de
Méquinez , pour rendre à Dieu
des actions de grâces . Au jour mar-
qué on vit fortir de l'AlcafTave le
Carotte du Roi bien fermé : ce
ment pour la Loi de Mahomet lui Caroflc fut conduit à la Mofquée ,
attira le refpect de tous les peupies, où il ne fut pas plutôt arrivé , que
& ce refpect monta à un fi haut !e peuple demanda à grands cris de
point,que ces mêmes peuples fouf- voir le Roi qu'on lui cachoit.Alors
froient fans fe plaindre , qu'il exer- le Chef des Eunuques fit ouvrir le
çât fur eux' les cruautez les plus CarofTe & montra aux affiftans le
inouïes.
Sur la fin de fa maladie , une fi
àffreufe puanteur exhala de fon
corps , que tout le monde fut obli-
gé de fortir de l'appartement ,
malgré la grande quantité de par-
fums qu'on y brûloit fans celle.
Enfin il ne refta pas une feule per-
Roi mort , qu'on ramena enfuitc à
Méquinez où il fut inhumé dans
fon propre Palais avec les cérémo-
nies ordinaires.
L'Hiftorien parle icidePAmbaf-
fade que Mulei-Ifmaél envoya ai*
Roi de France Louis XIV en itfy?.
Il raconte tout ce qui y donna lieu,
fonne pour recevoir le dernier fou- & tout ce qui s'y paffa ; nous fup-
pir de ce Prince. Mulei - Ifmaël primons l'article pour abréger 3
{voyant que fon mal étoit incuia-, nous en rapporterons feulement
6ot JOURNAL DES SÇAVANS,
un endroit. L'Ambaffadeur , quife A peine eut on appris dans les
nommoit Abdala , fut fi épris en Provinces de l'Empire, cette pro-
voyant l'air majeftueux de Louis clamation , que tout le monde cou-
XIV, qu'il ne put s'empêcher de rut aux armes , furpris Si. indigne
dire tout tranfporté , qu'// fallait
marcher fur la tète comme fur les
pieds , fi cela pouvait procurer plus
promptement le bonheur de voir un tel
Prince : cette expreflïon toute ex-
traordinaire qu'elle paroît , l'eft
encore moins que celle dont ce
même Ambafladeur fe fervit en
répondant à Madame qui lui de-
mandoit s'il aimoit naturellement
le beau fexe , le feu de mon amour
pour les femmes , dit il , efl fi violent
que s'il était allumé fur les rochers les
plus durs , il les ferait tous fondre
comme de l'eau : Un jeune Seigneur
prefent à ce difeours , prit la paro-
le , Se fit entendre à l' Ambafladeur,
que s'il avoit tant de palïion pour
les Dames , il trouverait à Paris de
quoi fe fatisfaire ; l'Ambafladeur
répliqua avec fagefle, que la place
étoit prife par fon époufe , qu'il en
avoit eu dix enfans , Se que jamais
il ne lui avoit manqué de toi.
Notre Hiftoricn , après avoir
parlé de l'Ambaflade dont il s'agit,
reprend le fil de fon Hiftoire , ce
que nous allons faire avec lui, mais
de la manière la plus concife qu'il
nous fera poilîble.
Mulei-Ifmaél étant donc mort ,
comme nous l'avons remarqué , le
Bâcha - Empfaêl Chef des Nègres
de ce que Mulei-Ifmacl avoit choi-
(i pour fon SucceiTeur , le plus jeu-
ne de fes enfans & le plus débau-
ché -, notre Auteur, à cette occa-î
fîon, fait le portrait de ce Prince ,
& voici avec quelles couleurs ;
» Mulei-Hamet avoit un penchant
» extraordinaire pour l'yvrogneric
» & pour les femmes , il étoit
» grand , d'une phylîonomie fa-
» rouche& cruelle , il avoit le vi-
» fage bouffi & fort gravé de pe-
» tite-vérole , le devant de la bou-
» che dégarni de dents , Se h cou-
» leur d'un mulâtre. Son habille-
» ment ordinaire étoit une Alha-
» que blanche, fur laquelle, quand
» il faifoit froid , il porroit un long
» manteau noir ; fon Turban étoit
»» une ceinture de foye verte , ac-
30 commodee avec la néslisiencc
» d un yvrogne.
Ce nouveau Roi voulant s'atti-
rer la bien - veillance du peuple,
employa pour cela divers moyens
que notre Hiftorien rapporte , Se
dont quelques uns loin de lui réuf-
fir , ne fervirent qu'à foulever
contre lui les habitans de Fez
ceux de Tetuan , Se les Monta-
gnars des environs. Nous fup-
primons le détail où entre notre
Auteur fur cet article Se fur plu-
executa les ordres qu'il en avoit fîcurs autres qu'il ne nous eft pas
reçus. Tl plaça Mulei-Hamet fur le poffible d'extraire ici : nous remar-
Trône de fon père , Se après les querons feulement une circonftan-
adorations Se les cérémonies accoû- ce qu'il rapporte au fujet de la Vii-
tuméesje proclama Roi de Maroc, le de Tetuan , Se qui eft allez fîn-
de Fez , &c. gulierc ;
S E P T E M
guliere , c'eft qu'une haute &c grof-
îe Tour qui fervoit de défenfe à
cette Ville , étant tombée , & les
Juifs renégats ayant été choifis
pour la relever promptement [ ce
qui demandoit de grandes peines.]
On ne crut pas qu'il y eût de meil-
leur moyen pour animer les Ou-
vriers à ce travail , que de fai-
re chanter des Muficiens auprès
d'eux : la chofe fut exécutée , Se
on leur envoya tout le corps des
Muficiens Maures. La Mulîque eut
fon effet , la Tour fut bâtie en très-
peu detems.
L'Hiftorien , après avoir expofé
au long, un grand nombre d'évene-
mens concernant les Gouverneurs
de diverfes Places , revient au Roi
Mulei-Hamct , dont il raconte di-
verfes cruautez. Ce Roi fit un jour
jetter du haut d'une Tcrraflc très-
élevée , un Nègre qui avoit foin
de fes pipes 6c de fon tabac t parce
que ce malheureux avoit un peu
tropprefle le tabac dans la pipe. Il
en condamna un autre à la berne
pour ne lui avoir pas amené Ces
chiens allez promptement.
La berne eft unfupplice des plus
cruels que les Maures ayent inven-
tes. La plupart de ceux à qui on le
fait fouffrir , perdent la vie au mi-
lieu de l'exécution , ou relient
cftropiès toute leur vie : trois ou
quatre Nègres des plus forts, pren-
nent le patient par les pieds, tk
après l'avoir adroitement tourné
du côté qu'ils veulent, ils le lan-
cent en l'air de toutes leurs forces,
Se le laiflent tomber fur terre , ce
qu'ils réitèrent plufieurs fois. Le
Spnemb,
B R E , 1754. r>07
Roi ne bornoit pas à ces fupplices
fon inhumanité. Il fit un jour arra-
cher toutes les dents à une de fes
Favorites pour quelque léger mé-
contentement qu'il avoit reçu
d'elle : peu de jours après ne fe ref-
fouvenant plus d'une action fi bar-
bare , il ordonna qu'on lui amenât
cette infortunée. On lui dit que la
douleur qu'elle fouffroitne lui per-
mettoit pas de paroître devant lui ,
ayant demandé la caufe de cette
maladie , il fit venir celui qui avoit
fait l'exécution & lui fit arracher à
fon tour , toutes les dents , puis les
envoya dans une boè'tc à fa Favori-
te , pour la confolcr de celles qu'el-
le avoit perdues. Il fit mourir un
jour deux de fes Cuifiniers pour ne
lui avoir pas apreté un diné félon
l'on goût. Il s'enyvroit très- foa-
vent, & ce qu'il y a de furprenant ,
c'cft que dans fon y vrefTe il caref-
foit tous ceux qui fc prefentoient
devant lui , Si les combloit de
bienfaits , au lieu que dans le fang
froid , c'étoit le plus inhumain de
tous les hommes. De forte que
ceux qui approchoient de fa per-
fonne, ne s'étudioient qu'à l'en y-
vrer &: à le maintenir le plus long-
tems qu'il leur étoit pofllble dans
cet état. Nous panons fous filcnee
des cruautez de ce Roi, encore plus
grandes que celles que nous ve-
nons de rapporter.
Nous ne fçaurions fuivre notre
Hiuoricn dans tout ce qu'il racon-
té des différentes révolutions arri-
vées depuis dans l'Empire des
Cherifs. Nous finirons par ce qui
concerne Mulei-Abdala , qui, ea
Y Y Y
6o8 JOURNALD
173 1. après la mort de Mulei-d'A-
hebifon i.erc,fut proclamé Roi de
Maroc' Ce Prince eit mulâtre &
îgé d'environ trente ans. Il en ufe
fort humainement envers les Chré-
tiens , & ce qui elt bien elïentiel
dans un Roi , il garde religieufe-
ment fa parole. Mais aulli il punit
très - févérement ceux qui man-
quent à leurs engagemens. En voi-
ci un exemple bien terrible.
Un Alcaïd ayant retufé de payer
îc tribut ordinaire , le Roi fit venir
devant lui le coupable , puis en
prefence de toute fa Cour , il don-
na ordre qu'on amenât au milieu
de la Place un bœuf. Le bœuf arri-
vé , on lui coupa , par ordre du
Roi , la tête ck le col ; enfuite on
lui ouvrit le ventre depuis le haut
jufqu'en bas. Cela fait , arrivent lîx
hommes qui fe faiiirent du crimi-
nel , & après l'avoir dépouillé ,
l'enfermeient dans le ventre du
bœuf , mais de manière que la tête
du patient fortoit par le haut du
corps de l'animal , ce qui donnoit
à l'Alcaïd la facilité de refpirer.
On lia enfuite le bœuf avec fix
grands cercles de fer , pour empê-
cher le patient de fe dégager, &C
on laifla périr ainfi ce malheureux.
Mais pour prolonger fon fupplice,
on luijettoit de tems entems dans
la bouche, des poignées de ris &: de
eufeucu. Le malheureux mourut
enfin , fon corp6 tombant en pour-
riture.
L'Hiftorien prétend que c'eft
par de femblablcs cruautez, que fe
îbûtiennent encore aujourd'hui fur
le Trône les defeendans des Che-
ES SÇAVANS,
rils : comme les "peuples qu'ils
gouvernent font rebelles & grof-
fiers , il faut , dit-il , pour les con-
tenir dans l'obéilTance,employer les
plus rigoureux fupplices , & avoir
toujours le Sabre à la main.
Dans l'Extrait que nous avons
donné de l'Eloge du Czar Pierre le
Grand , le mois de Février dernier^
nous avons remarqué , après l'Au-
teur de cet Eloge 3 que les Mofco-
vites.avant que le Czar les eût po-
licés étoient d'un caraétere à peu-
près femblable à celui - ci. Ils ne
connoiiToient la grandeur & la fu-
periorité de leurs Souverains , que
par le pouvoir que ces Souverains
avoient de leur faire du mal , & un
maître indulgent & facile , bien
loin de leur paroître un grand
Prince , leur eût à peine paru un
Maître.
La première Partie de cette Hi-
ftoire de l'Empire des Cherifs s
comme on l'a pu voir dans l'Ex-
trait que nous en avons donné, elt
terminée par la Relation de la prife
d'Orah en 1509. fous Ferdinand.
Cette féconde Partie fe termine par
la Relation de la prife de la même
Ville en 1731. fous Philippe V. Se
l'Auteur rapporte avec beaucoup
d'exadtitude tout ce qui s'eft pane
à ce Siège depuis l'année 1732. juf-
qu'au mois de Mai 1733. après
quoi il fait le portrait du Marquis
de Sainte - Croix qu'on a vu en
France Ambafladcur duRoid'Ef-
pagne Philippe V. Se quia facrifié
fa vie pour conferver à ce Prince
une partie de fes conquêtes. Le
portrait cft foivi d'un Catalogue
S E P T E M
des Ouvrages de ce Marquis. Le
premier coniîitc en des Reflexions
Politiques &c Militaires , dont dix
Volumes /H-40. ont paru à Tuiin ,
& un onzième à Paris. Le Marquis
de Sainte -Croix en finifloit un
douzième , quand il eut ordre de
fe rendre à Alicante. Il y en a un
treizième Volume qui concerne
les vivres , c'eft une traduction du
Parfait Munitionnaire des Armées ,
donné dans le commencement de
ce ilécle par M. Nodot. Cette Tra-
duction qui eft d'un des Pages du
Marquis de Sainte - Croix , a été
corrigée par ce Marquis , & adop-
tée par lui pour treizième Volume
des Reflexions Politiques & Mili-
taires , lcfquclles dévoient monter
à une vingtaine de Volumes , où
toutes les parties de la guerre au-
roient été traitées avec les mêmes
lumières qu'il a répandues dans les
Volumes précedens. 11 avoit com-
mencé un plus grand travail qui
étoit l'Hiftoire des Traitez de Paix
B R. E , 1754: 6a$
de la Couronne d'Efpagne , avec
les autres PuifTances ■■, comme c'eft
au tems deFcidinand lcCatholique
que le Droit Public de l'Europe a
commencé à fe former fur le pied
où il eft aujourd'hui , c'eft auflî au
mariage de ce Prince avec l'Infante
Ifabelle de Caftille , qu'il commen-
çoit fon Ouvrage , où il avoit aflo-
cié M. l'Abbé Langlet -Dufrenoy.
Sa Majefté Catholique lui avoit
fait envoyer des copies certifiées
des Archives de Simancas , où fe
trouve le dépôt des Droits &c des
Traitez de la Couronne d'Efpagne.
Ces Actes , accompagnés de leur
Hiftoire & d'Obfervations necef-
faires , dévoient faire la partie la
plus eflentielle de l'Ouvrage.
Voilà , avec les deux Extraits
que nous avons déjà donnés de cet-
te Hiftoirc de l'Empire des Che-
rifs , tout ce que nous en avons pu
rapporter pour mettre les Lecteurs
eu état d'en juger.
V v vi)
6io JOURNAL DES SÇAVANS,
GYN1COLOGIA HISTORICO - MEDICA , HOC EST
congrelTus muliebiis. Conhdcratio Phyfico -Médico - Forcnfis ; qui
utriufque fexùs falacitas & caftitas , deindè varia circa hune actum ,
nec non congrellus ob atrciiam^fcu vagina: uterinx imperforationem Si.
alias caufas impeditus &: denegatus, raris Obfervationibus Si aliquot
cafibus Medico Forenhbus exhibentur. D. Martino Schurigio , Phyiî-
co - Drefdenfî. Drefdx , &Lipïîx, in Oflîcinà-Librariâ-Hekelianâ ,
1731.
€'eft-à-dire : La Gynécologie , ou Traite Hifloricjue , Phyfî-.jue & Civil }
de l'habitation de la femme avec l'homme , par rapport aux fins du mariage;
ok l'on agite fur ce fujet diverfes cjuejlions curieufes & importantes _, tant de
Médecine cjue d.e Jurifpmdence. Par Martin Schurigius , Médecin de
Drefd-:. A Drefde Si à Leipfic. i7J.r. Se vend à Paris , chez Jollain i
Quai de la Tournclle.
Scurigius , Auteur du Trai-
. ré de la Parthénologie ,
dont nous avons parlé dans le Jour-
nal d'Aouft dernier , examine d'a-
bord ici ce que c'eft dans les fem-
mes, que la paillon appelléc par les
Latins falacitas , quel en efr le fié-
ge , quelle en eft la caufe , Si plu-
fieurs autres queftions femblables ,
que nous croyons devoir palier ,
aullîbien que diverles remarques
qu'on fait enfuite fur l'origine du
nom de Cornuti donné aux maris
dont les femmes font infidelles ,
& fur les maris qui dans l'Hiftoirc
font les plus fameux par cet en-
droit. Viennent enfuite un nombre
confiderable d'Hiftoires qui font
voir à quelles extravagances la paf-
iion de l'amour eft capable de por-
ter les hommes , Si principalement
les femmes. A ces exemples en fuc-
cedent un nombre infini d'autres
qui montrent au contraire quel
eft fur les perfonnes vertueufes
l'empire de h chafteté ; on entafle
fur l'un Si l'autre point , citations
fur citations , Se on fait voir qu'où
a beaucoup lu. De ces articles M.
Schurigius paffe à l'examen d'un
grand nombre de queftions con-
cernant le mariage , les principales
font:
i°. S'il peut arriver qu'une fem-
me conçoive d'elle-même.
2". Si en concevant en la ma-
nière ordinaire qui palTe avecraifon
pour être l'unique, il fe peut faire
qu'une femme demeure alors infen-
fifele.
f. Si quand une femme eft en
âge de devenir naere , il y a de9
tems plus convenables que d'autres
pour la fécondation.
40. Si l'ufage immodéré du ma-j
riage eftnuifible à la fanté.
50. Quels font les cas où une
femme , par rapport à certains
vices corporels de fon mari , peut
demander à être féparée d'avec lui;
quels font tout de même ceux où
un homme , pour raifons fembla-
S E P T E M
blés de la part de fa femme , peut
demander à être féparé d'avec elle.
6°. Si une femme peut devenir en-
ceinte nonobftint certains débuts
de conformation qui femblent la
devoir rendre abfolument incapa-
ble de concevoir,
7°. Par quels moyens on peut
remédier à ces fortes de défauts.
S0. Si pour certaines raifons de
fanté , une temme peut fe retufer à
l'on mari Se un mari fe refufer à fa
femme.
9°. Si une haine invincible de la
femme pour fon mari, ou une fem-
blable haine du mari pour fa tem-
me , peuvent autorifer réciproque-
ment l'un & l'autre à la demande
de féparation.
io°. Si une femme ou fille qui a
pafTé un certain âge & qui jouit
d'une parfaite fanté , peut , lors-
qu'elle fe trouve grolTe , être bien
reçue à dire qu'on l'a prife de
force.
1 1°. S'il y a des cas où une fem-
me ou fille puifTe devenir enceinte
à fon infçn.
1 1°. Si la feience des Médecins ,
des Chirurgiens, des Sages -Fem-
mes , peut être allez grande pour
connoître qu'il a été fait violence
à une femme ou fille.
BRE, 175 4- 611
1 3°. Lequel des deux fexes a le
plus de penchant pour l'autre.
140. A quel âge une femme ou
fille peut avoir des enfans.
Au regard de ce dernier article ,
voici ce que rapporte notre Au-
teur -, il cite là - deflus fes garands
comme fur tous les autres points
de fon Livre. Dans la Colchide on
voit plulîeurs mères qui n'ont que
dix ans ; leurs enfans nouveaux
nés ne font guéres plus grands que
des grenouilles; mais quand ils ont
atteint un certain âge,ils font d'une
taille très avantageufe.
Dans la Souabe on a vu des fil-
les acoucher à neuf ans , d'autres à
huit; la même chofe s'eft vûë en
plusieurs autres Pays : l'ufage eft
chez les Brachmancs de marier les
filles à cinq ou fix ans.
Ceux qui feront curieux de ces
fortes de matières , peuvent coir-
fulter notre Auteur. Au refte il fuit
ici , à l'égard des citations , la
même méthode qu'il a fuivie dans
fa Parthénologie , qui eft d'accu-
muler fur tous les articles dont il
parle,le plus de partages d'Auteurs
qu'il lui eft poflible.
Son Livre fe vend à Paris chez
Gérard Jollain t Libraire t Quai
delaTournelle.
6i2 JOURNAL DES SÇAVANS.
THESAURUS MORELLIANUS, SIVE FAMILIARUM
Romanarum Nnmifmata omnia , diligentiflîme undiqueconquifita,
ad ipforum Nummorum fidem accuratiliîme delineata , Se juxta ordi-
nem FulviiZJrfim SeCaroli Patini difpofita à ccleberrimo Antiquario
Andréa Morellio. Accedunt Nu m mi mifcellanei , Urbis Romx ,
Hifpanici , £c Goltzjani dubix fidci omnes. Nunc primum cdidit , Se
Commentario perpetuo illuftravit Sigebertus Havercampus. Ara-
ftelxdami , apud J. "Wetftenium Se Gui. Smith. 1734.
C'eft - à - dire : Irifor de toutes les Médailles des Familles Romaines t re-
cueillies de tous cotez, avec gr.md foin } dejfînées trèsexatlement d'après les
Types originaux , & rangées fuivant l'ordre de Fulvius Urhnus Se de
Charles Patin , par le c libre Antiquaire André Morel. On y a joint des
Médailles mêlées ■ celles de la Ville de Rome f celles d'Efpagne t & toutes
celles de Goltzius qui paroijfent douteufes : le tout mis au jour par Sige-
bert Havercam" , & accompagné des Notes de cet Editeur. A Amfter-
dam,chezj. JVetflein Se Guillaume Smith , Se fe trouve à Paris ,
chez Guillaume Cavelier , Libraire , rue S. Jacques au Lys d'or.
1734. in folio , 2. Vol. Tom. I. Planches clxxxiv. Sans compter l'E-
pître Dédicatoire , la Préface & la Table des Médailles. Tom II.
pag. 664. Sans y comprendre les autres Tables.
ENTRE les Sçavans qui, dans
le dernier fîccle , ont raideur
capital de la recherche Se de l'étu-
de des anciennes Médailles , nuls
ne s'y font autant diftingués que
les deux célèbres Antiquaires Jean
Foy-Vaillant , & André Morel. Il
eit vrai , que pour enrichir Se per-
fectionner ce genre de Littérature ,
ils ont fuivi des routes différentes.
Le premier foûtenu par les largcffes
de fon Prince , parcourut plus
d'une fois l'Italie , la Grèce , Si di-
vers autres Pays , où il fit une am-
ple moiffon de Médailles rares,
dont la plupart entrèrent dans le
Cabinet du Roi , cV le relie fut di-
uribué à plulieurs curieux , qui en
ornèrent leurs Médailliers. Le fé-
cond , qui voyageoie à fes frais
dans les principaux Etats de l'Eu-
rope , Si dont les Facilitez ne pou-
voient fournir à de fréquens
achapts , mit en œuvre le talent du
delfein , dans lequel il excelloit,
& par ce moyen il vint à bout de
s'approprier en quelque façon les
Types de toutes les Médailles fin-
gulieres que lui offraient en grand
nombre les plus riches Cabinets :
en quoi , il fe rendit comparable
pour ne pas dire préférable , au fa-
meux Goltzius. Ce fur donc à l'i-
miration de celui-ci que Morel for-
ma le projet de raflembler dans
ptuficurs Volumes routes les Mé-
dailles antiques connues jufques
alors , ejeft-à-dire , non feulement
toutes celles qu'on avoit déjà pu-
bliées , Se qu'il prétendoit vérifier
S E P T E M
en les comparant avec les Types
originaux qu'il avoir vus £c dont il
avoir eu foin de tirer d'exactes co-
pies \ mais de plus toutes celles qui
n'avoient point encore paru, ex que
dans les voyages il avoit eu occa-
sion de voir Si. de ddîîner. Les ri-
chefies de ce genre cachées dans les
Médailliers de plusieurs Antiquai-
res , & "fur-tout , celles que renfer-
moit le Cabinet du Roi , qu'il def-
fina toutes , dévoient lui être d'un
très grand fecours pour l'exécution
d'un tel deflein.
Il en communiqua au public un
premier EfTai qui fut imprimé à
Paris en 1683. /'»-8°. fous le titre de
Spximen univerft rei Nummariœ
yintiquit , quoi Litteratorum 7{eipu-
blict proponit Andréas Adorellius*
J-JelvetHs. Mais la difgrace qu'il eut
à efluyer enFrance,où pendant trois
ans on le retint pnfonnicr après lui
avoir enlevé tous fes deffeins Se
tous fes papiers, retarda beaucoup
le progrès du grand Ouvrage, dont
il venoit de donner comme l'ébau-
che. Après fon élargiifement , il
partit pour l'Allemagne , où il pu-
blia une féconde Edition de fon
Elîai considérablement augmenté ,
mife au jour à Leipfic, en 1695.
i»-8°. & dans laquelle il annonçoit
un Recueil de plus de 15 mille
Médailles delîinécs de fa propre
main & en état d'être gravées.
Mais la perte qu'il fit d'un puilfant
Patron , dont les liberalitez croient
pour lui une grande refïource , le
chagrin qu'il en conçut Se une pa-
r-alyfie furvenuë en confequence ,
qui luiôtoit abfolument i'ufage de
B R E , 1734- 6 1 3
la main droite , le mirent prcfque
dans l'impollibilité de continuer
fon travail.
Ces fâcheux contretems ne fu-
rent pas capables néanmoins de lui
faire abandonner pour toujours fon
entreprife. Il recouvra un généreux
protecteur en la perfonne du Com-
te de Schwartzbourg , qui lui don-
na Chrétien Schlegel pour Secrétai-
re : ce qui réchauffa un peu fon ar-
deur pour la Littérature métalli-
que , & le fit penfer tort férieufe-
ment à remplir, du moins en par-
tie, les engagernens qu'il avoit pris
fur cet article avec le public. Il re-
folut donc de donner en premier
lieu les Médailles Confulairts qu'il
avoit déjà par devers lui , toutes
gravées de la main de J. G. Ment-
zei , ainfi que celles des douze
premiers Empereurs , qu'il fe pro-
pofoit de publier à la fuite des Con-
sulaires -, & c'eft de quoi il rend
compte lui même dans une Lettre
écrite à Périzonius. Une mort im-
prévue rompit toutes ces mefures ;■,
Se les planches de Morel étant
tombées entre les mains de Fritlch
Libraire , fes héritiers dans la fuite
les vendirent aux Sieurs Wetftein ;
chez qui M. Havercamp les vit
pour la première fois , il y a envi-
ron cinq ans , dans un voyage qu'il
fit à Amfterdam.
Celui-ci y charmé d'avoir fait la
découverte d'un Tréfor de cette
importance , Se qu'il croyoit per-
du,forma dès lors le defiein de s'en
rendre l'Editeur. Quelque occupé
qu'il fût en ce tems là d'un Ouvra-
ge de fa façon déjà fort avancé , qui'
6 14 JOURNAL D
comprenoit les Médailles gravées
de tous les anciens Rois Grecs^avec
leurs explications ; Médailles dont
à peine il reftoit à graver une hui-
tième partie : cet Ouvrage fut to-
talement interrompu en faveur du
Tréfor de Morel, à l'édition du-
quel M. Havercamp fe livra tout
entier. L'intention du défunt
en publiant ce Tréfor , étoit d'ac-
compagner chaque Médaille Con-
fulaire , des Notes deFulvius-Ur-
finus Si de celles de Patin , lorf-
qu'il s'en trouvoit pour cette Mé-
daille i £v d'y joindre les hennés ,
tant pour les Médailles de ce genre
déjà expliquées , que pour celles
qui n'avoient point encore paru.
C'eft ce que notre Editeur comprit
aifémenc à la feule infpeétion de
l'exemplaire que Morel avoit pré-
paré pour fon ufage , & qui étoit
compofé de deux exemplaires de
Patin collés enfemble &c avec une
feuille de papier blanc entre deux
feuillets imprimés , laquelle étoit
deftinée à recevoir les nouvelles no-
tes de Morel. Mais ces feuilles blan-
ches étoient demeurées jufqu'alors
entièrement inutiles;cet Antiquaire
étant mort avant que d'avoir pu jet-
ter fur le papier aucunes de fes ob-
fervations, & laifTant ainfî à M. Ha-
vercamp un champ d'autant plus li-
bre pour y étaler les fïennes. C'eft à
quoi il travailla donc fans relâchecx
avec autant de ferveur que de facili-
té , puifque fuivant l'aveu qu'il en
fait lui - même dans fa Préface , il
compofoit la plupart du tems fes re-
marques à mefure qu'on lesimpri-
moit; auiîî peu inquiet ( ajoùte-t-il)
es sçavans,
fur l'accueil que les Sçavans pour-
roient faire à fon Ouvrage , qu'il
éroit terme dans la refolution de
confacrer fa perfonne, fes biens &c
fes travaux à l'utilité publique.
Il nous entretient enfuite plus
particulièrement de ce qui concer-
ne les Médailles Confulaires ou des
Familles Romaines , ainfi que des
Antiquaires qui ont cultivé cette
partie de l'Hiftoire Métallique avec
le plus de fuccès. Hubert Goltzius,
natif de Wirtfbourg elt le premier
qui fe foit fîgnalé en ce genre , par
fes Fafles de Rome , ornés des Mé-
dailles qui portent les noms des
Magiftrats Se des autres grands
Hommes de cette Republique i fur
quoi il faut obferver, i°. Que ces
Médailles y font rangées , non fui-
vant l'ordre des années où elies
ont été frappées , mais fuivant la
date des Magiftratures exercées par
ceux qui y font nommés -, ce qui a
quelquefois induit en erreur : t".
Que Goltzius , pour la décoration
de fes faites , a eu plus d'égard au
grand nombre des Médailles qu'il
y faifoit entrer , qu'à la vérité de
ces mêmes Médailles , dont on
l'accufe d'avoir forgé la plupart :
Se Patin eft un de ces aceufateurs.
Mais Goltzius a trouvé d'illuftres
défenfeurs , fur-tout en la perfon-
ne de Vaillant , qui décide contre
Patin en faveur des Médailles pro-
duites par Goltzius , Se qui les mê-
le comme nullement fufpectes
avec les autres , dans fon Livre des
Familles Romaines. C'étoit aulîi l'a-
vis de Pigbius dans fes Annales ;
mais ce n'étoit point celui de Mo-
rel
S E P T E M
rcl , qui regardoit comme apocry-
phes coûtes les Médailles de Golt-
zius , que lui [ More! ] ou les au-
tres Antiquaires n'avoienc vues
dans aucuns Cabinets -, & pour cet-
te raifon , il renvovoit ces Mé-
dailles à la fin defon Recueil. Se-
bastien E^^o Vénitien , a publié
aufh pîuheurs Médailles Confulai-
res avec fes Notes , mais fans les fi-
gures , gravées, déjà dans l'Ouvra-
ge de Goltzius ; & toutes celles
qu'Erizzo emprunte de celui - ci
partent pour vrayes chez cet Anti-
quaire Italien.
M. Havercamp tombe d'accord,
qu'il eft très pollible que plufieuis
Médailles citées par Goltzius , Se
que celui - ci avoit vues effeclive-
ment fc foient perdues dans la fui-
te, 5i ne fe trouvent plus aujour-
d'hui que dans fon Recueil. Il con-
vient auflî que l'on déterre fouvent
des Médailles nouvelles , qui n'exi-
ftoient dans aucuns Médailliers ;
& que le hnzard peut en faire dé-
couvrir un grand nombre de celles
qui , pour n'avoir été vues que
dans Goltzius , font regardées com-
me très douteufes. Malgré routes
ces confédérations , le nombre des
Médailles alléguées par Goltzius 5c
qu'on ne trouve nulle part , eil lî
giand , que notre Editeur croit de-
voir s'en tenir fur ce point au fen-
timent de Morel ? jufqu'à ce que
d'heureufes découvertes de ces Mé-
dailles en juftifient pleinement
J'exiftence.
Après Goltzius , M. Havercamp
palTe en revue Fulvius-Urlmus &c
Charles Patin. Les Médailles des
Stpttmb,
B RE, 1754. rTrj'
Familles Romaines données par
le premier , font rangées par ordre
alphabétique , & éclaircies par un
fçavant Commentaire. Il n'en rap-
porte aucune , qu'il ne pofledac
parmi celles de fon Cabinet , ou
qu'il n'eût vue ailleurs de fes pro-
pres yeux. Patin publia une fécon-
de Edition de l'Ouvrage d'Urfmus
devenu rare , & l'enrichit de nou-
velles Médailles , ainfi que de fes
Obfervations. Notre Editeur ne
fçait pourquoi , dans l'Edition de
Patin, le Texte d'Urfinus a fouffert
quelques omiflîons.
Il vient enfuite à Vaillant , dont
l'Ouvrage furies familles Romai-
nes fut compofé [dit il ] & impri-
mé un peu trop à la hâte -, ce qui
n'a pas manqué de lui attirer quel-
ques jugemens peu avantageux de
la part de Périzonius & de Span-
heim. Vaillant , dans l'arrangement
de fes Médailles , a fuivi l'ordre
d'Urfinus & de Patin à quelque
différence près , qui n'eût fait que
trop fentir ladifette de ces Monu-
mens dans certaines Familles , s'il
n'eût trouvé de quoi y fuppléer
dans l'abondance de Goltzius
dont il admit fans difficulté toutes
les Médailles , comme non fufpec-
tes. Et pour juftifier cette conduite
auprès des Antiquaires plus ferupu-
leux , il s'efforça de montrer dans
une longue Diffcrtation , que le
droit de battre monnoye chez les
Romains , appartenoit , non feule-
ment aux Confuls , aux Préteurs ,
aux Eddes & aux Tribuns du Peu-
ple, mais encore à plufieurs Ma-
giftrats Subalternes , dont ii fait Je
Xxx
6i6 JOURNAL DE
dénombrement : quoiqu'il foit
certain ( dit M. Havercamp ) que
ce droit dans Rome , n'étoit com-
muniqué qu'aux ieuls Queiteurs
de la Ville ■& aux Triumvirs mo-
nétaires.
De -là notre Editeur revient à
Morel , qui marchant fur les traces
d'Uriînus &: de Patin pour l'arran-
gement de fes Médailles, n'en a
reçu aucune dans fa Collection ,
qu'il n'eût examinée lui-même, ou
dont h vérité ne fût atteftée par le
confentement général des Anti-
quaires. Parmi celles qu'il a infé-
rées dans ce Recueil , on en trouve
plufieurs déjà publiées par GorUus ,
que Jofeph Scaliger appelloit ordi-
nairement un Répertoire de Médail-
les. Celles que contient cette Col-
lection de GorUus , laquelle n'eft
pas commune 3 prefentent une
grande variété dans les Marques
des Monétaires, ce quirépondoit
;i la multiplicité des matrices. Mo-
rel a de plus raffemblé quantité de
Médailles non encore décrites ,
qu'il a tirées de dirîerens Cabinets,
Si qui dans fes planches font distin-
guées par les lettres ABC, &c.
d'avec les Médailles qu'Urfinus &
Patin avoientdéjamifes en lumière.
Il y a joint encore un grand nom-
bre de Médailles des Colonies, qui
portent des noms Romains ;
ce que n'a point fait Vaillant , qui
regardoit ces noms , donnés la plu-
part à des Affranchis , comme
étrangers en quelque forte aux Fa-
milles Romaines. Cela n'empêche
pas qu'on ne doive fçavoir gré à
Morel d'avoir fait connoîtxe le pre-
5 SÇAVANS,
mier ces Médailles , qui fournif-
fent un Supplément coniideuble
aux Colonies de Vaillant.
Uriînus avoit t'ait graver les Mé-
dailles de fon Recueil beaucoup-
plus grande's qu'elles ne font véri-
tablement ; Si c'eft un défaut, que
Patin avoit eu foin de corriger , en
les reduifant à une forme plus peti-
te , mais tombant d'ailleurs dans
l'inconvénient de les faire graver
toutes de la même grandeur , dont
les feules notes numériques fai-
foient appercevoir les différences.
Les Médailles de Morel l'empor-
tent fur toutes les autres pour l'e-
xactitude Si la régularité du def-
fein , de même que pour la juite
proportion des différentes formes î
mais on doit être averti qu'elles ont
toutes été deiiînées d'un tiers plus
grandes qu'elles ne le font en effet;
6 cela , fans doute , pour rendre
plus diftindtes Si plus vifibks les
figures dont elles font chargées.
Apres ce détail circonltancié des
travaux entrepris par les divers An-
tiquaires pour mettre au jour Se
pour expliquer les Médailles des
Familles Romaines ; M. Haver-
camp parcourt légèrement ceux
qui n'ont traité cette matière que
par occafion , tels que Spanbeim ,
rérilotiius , Beger dans fon Trifor
de Brandebourg Si dans fon Florus ;
M. Liébe dans fon Trifor de Saxe-
Gotha ; & il porte fon jugement
fur le mérite de chacun de ces An-
tiquaires en ce genre.
Il nous rendenfuite un compte
exact de ce que l'Edition de cet
Ouvrage doit à fes foins & à fon
S E P T E M
travail. Il n'a tiré , pour l'ample
Commentaire qu'il y a joint, pref-
que aucun fecours de Morel,, dont
quelques Lettres écrites à Périzo-
nius , Se les réponfes de celui-ci
ont fourni feulement quelques re-
marques à l'Editeur touchant cette
matière , lefquelles il a inférées
parmi les îîenncs chacune en fon
lieu. Il y a fait entrer aum" confor-
mément à l'intention de l'Auteur ,
les notes à'Eriz.z.o concernant les
Médailles deGoltzius, &: qui con-
tribuent à l'éclairciiTement de l'Hi-
floire Romaine. Mais il a donné fa
principale attention à expliquer
les Médailles Confulaires dues aux
recheiches d'Urlinus , de Parin Se
de Morel , Se qui font les Monu-
mens les plus authentiques de la
Republique Romaine.
Il s'eft donc preferit l'examen de
trois chofes dans fes explications :
feavoir , i°. pour qui chacune
de ces Médailles a été frappée ,
2°. en quel tems , 30. ce que leurs
Types reprefentent. A l'égard de
ceux qui ont fait frapper ces Mé-
dailles, il recherche quel droit ils
en avoient, ce qui l'a très-fouvent
conduit à découvrir l'année de cet-
te fabrication , foit pour les As &c
les demi-As , tant anciens que plus
recens ; foit pour les Deniers Se les
Quinaires.
Quant aux Types de ces Médail-
les, la plupart fervent à illuftrer
les Familles Romaines , dont elles
indiquent l'ancienneté & la noblcf-
fe, à conferver la mémoire des
grandes actions des Héros qui fe
font fignalés dans cette Republi-
B R E, 1754. 617
que , Se à faire connoître les mar-
ques d'honneur , dont ces grands
Hommes ont été décorés , ainli
que les Monumens publics qui ont
embelli la Ville de Rome. L'Edi-
teur s'étend plus au long fur ces
trois chefs.
Il obferve , en premier lieu , que
les Romains palTerent près de cinq
fiécles dans l'ufage de la feule
monnoye d'airain ou de bronze,
partagée -en As Se en Demi- As t
dont les premiers pcfoient une li-
vre de douze onces , 6c les féconds
une demi livre. Mais enfuite , fans
rabailïer le prix de ces monnoyes ''
on en diminua le poids , fuivant
lesbefoins de la Republique : en.
forte que pendant la première
guerre Punique les As ne pcfoient
plus que deux onces , Se que pen-
dant la féconde , ils furent réduits à
unecfnce, puis à une demi once.
Sur ces As on voit fouvent à côté
d'un Navire, une efpece de cplon-
ne qui reprefente un I majufcule ,
& qui indique le poids & la valeur
de cette pièce de monnove ; Se cet
I fur d'autres As,ç(ï placé entre les
deux temples ( tempora ) de Janus.
Au lieu de cette Lettre , on voit fur
les demi - As un S aux côteî d'une
tête, qui eft ordinairement celle de
Jupiter,accompagnée d'un Navire:
& fur les autres parties de M As
paroilTent des globules ou petites
boules , dont le nombre annonce
le prix de cette monnoye.Qiielque-
fois la double tête de Janus elt or-
née d'une couronne de laurier ,
d'une rame ou d'un pieu , d'un
croiflanc , parce qu'on attribuait à
Xïxij
tfiS JOURNAL D
ce Dieu l'invention d_- couronnes,
île la navigation , des paliftades &
du Calendrier.
L'an. de Rome 4S4. la monnoye
d'argent commença d'y avoir
cours ; Se celle d'or , dont une pie-
ce en valoit 25 d'argent , v fut in-
troduite en 546. On appelloit/X*-
nier ( Denarins ) la monnoye d'ar-
gent, parce qu'elle valloit dix As
d'airain : & les parties d'un denier
conftituoient le Quinaire , qui en
faifoit la moitié , Se \efefterce } qui
en faifoit le quart. Cette dernière
monnoye qui eft très-petite Se af-
fez rare^ porte cette marque [ H S ]
& pour l'ordinaire le Type de Ca-
ftor &dePollux : la marque du
Quinaire eft le Qou l'V 5 & celle
du denier eft l'X. La monnoye
d'argent , comme celle d'airain ,
lut fujette à des variations ; en for-
te qu'au tems de la féconde guerre
Punique le Denier valoit feize As ;
& en portoit la marque [XVI.]
Mais il reprit bien tôt fa marque
précédente [ X 3 quoiqu'il confer-
vât fa nouvelle valeur. L'augmen-
tation du prix des Deniers fit hauf-
fer à proportion celui des Quinai-
res Se des Scfterces , Se changer
pour Quelque tems leurs marques
en celles ci [ VIII & IIII ]. Golt-
zius& fes partifans [ remarque no-
tre Editeur ] font remonter à l'an
de Rome 4S4. un Denier de C.
Fabius Pictor , pièce de monnoye
connue dans la famille Fabia , Se
frappée ou de l'argent du Tréfor
public, ou par l'autorité publique-ycat
ces lettres EX , A. PV. font fuf-
ceptibles de ces deux interpréta-;
ES SÇAVANS,
tions : & fur ce pied là , ce Dénier
Romain feroitde la plus haute An-
tiquité. Mais il s'en faut beaucoup
que M. Havercamp lui en attribue
une G vénérable , Se c'eft à regret
qu'il le ramené à des tems fort po-,
fterieurs.
Au regard des Magiftrats prépo-
fés à la fabrique de ces monnoyes ,
il n'en reconnaît d'autres ( comme
on l'a déjà vu , à propos de l'opi-
nion particulière de Vaillant fur ce
point ) que le Quefteur de la Ville,
Se les Triumvirs Monétaires , qui
furent créés l'an de Rome 465. Se
dont la Magiftrature ne duroit
qu'un an. C'étoit [ obferve l'Edi-
teur] le premier degré pour mon-
ter aux dignitez. Ils étoient au
nombre de trois , comme le dit
leur nom. Jules - Céfar en fit un
quatrième , qu'Augufte fupprima ,
dans la fuite. Les monnoyes por-
tent quelquefois les noms de ces
trois Magiftrats , quelquefois on
n'en lit que deux , Se le plus fou-
vent il n'en paroît qu'un feul. M.
Havercamp allègue des exemples
des deux premiers cas. Le dernier
en fournit une infinité. Ces Magi*
ftratstaifoient reprefenter fur leurs
monnoyes les évenemens mémora-
bles de chaque année , les portraits
de leurs ancêtres , les fymboles de
leur Patrie , la marque de leur Ma-
giftrature , comme Junon Afoneta,
les têtes de Vulcain , de Pluton,
de Saturne , &c. Plus les Types de
ces monnoyes font voir de fimpli-
cité , plus on doit les reputer an-
ciennes.
Sylla , pendant fa- Dictature ,
S E P T E M
créa jufqu'à vingt Quefleurs de la
Ville; &C il n'eft pas furprenant
que les monnoyes de ce rems-là
offrent: des Types magnifiques. Les
Tvpes de celles qui turent frappées
durant la Dictature de Céfar ne
font mention que de la noblcffe
de fa race defcendue de la DéefTe
Vénus , de fes victoires , de fa mo-
dération Se de fa clémence , de la
correction des Fartes défignéc par
le croilTant ou par quelque autre
aftre. Le pouvoir fans bornes donc
joiiilîoit ce Dictateur lui fit confé-
rer par extraordinaire le droit de
fabriquer les monnoyes pendant
fon abfence pour la guerre d'Eipa-
gne, à lis ou huit Préfets chargés
du gouvernement de Rome fous
la direction de Lépidus ; pouvoir
qu'ils conservèrent encore l'année
fuivante , après le retour de Céfar.
On ne connoiffoit jufques ici que
deux ou trois de ces monnoyes :
mais ce Tréfor de Morel nous en
offre jufqu'à huit, deux d'or, qua-
tre d'argent , & deux de bronze.
Cette Magiftrature , avant Céfar ,
croit peu ufitée , puifqu'on ne
créoit des Préfets de Rome que
pour un tems fort court , & feule-
ment lorfque les Confuls s'abfen-
toient de la Ville pour la célébra-
tion des Fériés Latines,
Après la mort de Céfar, les Qua-
tttorvirs Monétaires fubfifterent
pendant le fécond Triumvirat ; &
les noms de plufieurs fe lifent fur
les monnoyes de ce tems-là. Sous
Augufte , on créa deux fortes de
Triumvirs Monétaires , les uns
pour le Sénat , les autres pour
B R E , 1754. 61$
l'Empereur. On en compte dans
ce Tréfor jufqu'à feize des pre-
miers { fans parler de ceux de Golt-
ziusoui fonr au nombre de 23 ) 5c
19 des féconds, non compris les
onze de Golrzius. Ces Triumvirs
ont eu foin de célébrer fur leurs
monnoyes les grandes actions
d'Augufte -, fans oublier d'y renou-
vellerau'h la mémoire de leu; s an-
cêtres , & celle des évenemens
mémorables des fiécles paffés :
ufage qui fut aboli après la mort;
d'Augufte.
Ces Migiftrats , principalement
fous la Republique , tenoienr une
infinité d'Officines ou d'Atteliers ,
d'où fortoir une prodigieufe quan-
tité de monnoyes. Chaque Officine
avoit fa marque particulière appel-
lée matrice , qui s'imprimoit ordi-
nairement des deux cotez de la pie-
ce:mais il arrivoit fouvent par la né-
gligence des Ouvriers , que ces ma-
trices éroient confondué's les unes
avec les aurres. On employoir pour
les différencier les lettres numérales
& toutes celles de l'alphabet. On
trouve fur quelques pièces de mon-
noyc l'empreinte affez profonde
d'un aigle;¬re Editeur nous ap-
prend qu'on avoit imprimé cette
marque fur les Médailles les plu3
rares confervées dans le Cabines
des Ducs de Mantoùe. Il nous fait
auiiî obferver que fur ces mon-
noyes ainli que fur d'autres Mé-
dailles antiques , la légende des
noms propres fe trouve quelque-
fois interrompue , & même parta-
gée entre les deux cotez de la pièce.
Il nous parle aufli des Quefteurs,
620 JOURNAL D
Provinciaux établis pour la fabrica-
tion de la monnoyc , en Sicile , en
Afrique, en Grèce, en A!ic , en
El pagne & dans les autres Provin-
ces de l'Empire : fur quoi il par-
court quelques fïngulantez qui mé-
ricent d'être obfervées fur ces mon-
noyes Provinciales.
Il vient enfuite à l'utilité que
l'on peut tirer de toutes ces fortes
de Médailles Confulaires pour une
exacte connoiflance de l'antiquité ;
ce qui pourroit [ dit il ] fournir la
matière d'un très-gros Volume. En
effet, elles mettent fous nos yeux
tout ce qui peut nous donner une
julte idée de la grandeur Romaine
confiderée dans toutes fes parties ;
Si elles nous informent de quanti-
té de faits , que les anciens Auteurs
qui nous îeftent ne nous ont point
tranfmjs. M- Havercamp fe con-
tente d'indiquer fommairement
dans fa Préface les plus remarqua-
bles de ces circonftances hiftort-
ques , renvoyant à fes Notes pour
un plus ample éclairciiTemenr. Il
obferve donc , Que ces Médailles
nous offrent quantité d'exemples
de l'ancienne orthographe , Si il
en cite quelques - uns -, Que leurs
Types rappellent le fouvenir des
évenemens les plus mémorables ,
tant publics que particuliers^ Qu'au
défaut d'actions éclatantes , ils con-
tiennent quelquefois des allulîons
à l'étyraologie du nom des Trium-
virs :. Qu'ils prefentent quelque-
fois les têtes de plufieurs Divinitez:
Qu'ils vantent le plus fouvent la
nobleifc des ancêtres du Magi-
ftrac , Si la gloire qu'ils ont acqui-
ES SÇ A VAN S,
fe en fervant leur Patrie ; foit par la
promulgation de quelque Loi uti-
le , foit par la célébration de quel-
ques Jeux publics , ou de quelque
autre cérémonie religieufe , foit
par la conitruction de quelques
Edifices, par des ambaiTades , pur
des victoires, &c Notre Editeur
allègue, fur chacun de ces articles,
plufieurs exemples qu'il faut voir
chez lui.
Il fait ces mêmes obfervations
furies Médailles Confulaires frap-
pées parles Qucfteurs Provinciaux
qui étoient à la fuite des armées Se
des Proconfuls , Si qui dans les co-
lonies 6c les Villes Municipales ne
faifoient fabriquer d'autre mon-
noye que celle de bronze. A propos
de quoi il fait une légère excurlîon
fur quelques Médailles de ce genre
frappées fous les premiers Empe-
reurs ; de dont il doit parler pkis
au long dans la fuite de cet Ouvra-
ge , où il fera queftion des Médail-
les des douze premiers Céfars. Il
fait après cela une revue des Mé-
dailles Confulaires frappées du
tems de Sylla , de Pompée , de Ju-
les-Céfar -, Si après la mort de celui-
ci , fabriquées en faveur de fes
meurtriers Brutus Si Cafîïus , puis
fous le fécond Triumvirat, enfin
fous Augufte ; après la mort du-
quel , on ne voit plus fur les mon-
noyes d'aucun métail les noms des
Magiitrats qui ont préfidé à leur fa-
brication ; Si c'eft où finirent les
Médailles des Familles Romaines.
On trouve cependant quelques
monnoves de bronze , aflez rares Si
frappées dans les Provinces fous ks
S E P T E
premiers Empereurs , furlefquel-
ïcs paroi (Tent les noms de quelques
Romains illuftres , qui ont eu
quelque commandement dans ces
Provinces ; ce que notre Editeur
luit jufqu'à l'Empire de Trajan ,
fous lequel il y eut quantité de
Médailles reltituées , foit des Fa-
milles Romaines , foit des Empe-
reurs , que Morel a eu foin de re-
cueillir éc de faire graver très exac-
tement, ainfi que toutes les autres
qui compofent le riche Tréfor dont
il s'agit.
On peut aflurer au furplus que
la beamé du papier , la netteté des
caractères , l'exaditude de la cor-
rection , Télégance des gravures ,
en augmentent confiderablement
le prix , & font grand honneur
aux Sieurs Wetftein & Smith ,
qui en ont conduit l'impreflion.
Les Médailles de ce Recueil ,
renfermées toutes dans le premier
Volume , font difpofées de maniè-
re , qu'on trouve d'abord celles des
Familles Romaines ou les Confu-
laires rangées par ordre alphabéti-
que ; après quoi viennent les Mé-
dailles incertaines, les Médailles
mêlées , celles de la Ville de Ro-
me , celles des Peuples Barbares ,
celles d'Efpagne , enfin toutes cel-
M B R. E , 1754. 62 r
les de Goltzius qui font regardées
comme douteufes.
A l'égard des Notes , qui rem-
plirent le fécond Volume , elles
luivcnt le même arrangement , ex-
cepté qu'il n'y en a aucune pour
les Médailles Efpagnoles , dont
l'explication eft renvoyée à un au-
tre tems.
Ce que nous avons dit ici de ces
Notes en général d'après la Préface
de l'Editeur, doit fuftîre pour en
faire concevoir l'idée la plus avan-
tageufe ; un Ouvrage de cette
nature n'étant guéres fufceptible
d'Extrait. Pour bien fentir toute la
julteiTe de ces remarques , & pour
tenir compte à M. Havercamp de
toute l'érudition qu'il y étale il
faut, en les lifant avec beaucoup
d'attention , avoir fous les yeux les
gravures des Médailles mêmes qui
en font le fujet.
Nous ne devons pas oublier d'a-
vertir qu'on trouve à la fin du fé-
cond Volume j trois Tables , dont
la dernière , fur-tout , qui eft celle
des matières & des noms propres ,
compofée avec l'exactitude la plus
fcrupuleufe par M, Havercamp
lui-même , fera d'une merveilleufc
commodité pour les Lecteurs.
6n JOURNAL DES SÇAVANS,
HISTOIRE DES DE'COVVERTES ET CONQV ESTES DES
Portugais dans le nouveau Monde , avec des figures en taille-douce. Par
le '2^. P. Jofcph -François Lafitau, de la Compagnie de Jcfus. A Paris,
chez Scmgrain père , Quai des Auguftins , au coin de la rue Pavée, à
la Fleur de Lys; Jcan-Baptifte Coignard fils , Imprimeur du Roi , rue
Saint Jacques , à la Bible d'or. 17 J 3. «'«-4°. deux Volumes, Tom.I. pag.
616. Tom. II. pag. S 88.
LE compte que nous avons
rendu dans le Journal précè-
dent du plan que l'Auteur a fuivi
dans cette Hiltoire , des motifs qui
l'ont engagé à l'entreprendre , Se
de ce qu'il rapporte dans fon pre-
mier Livre des Découvertes faites
par les Portugais fur la Côte occi-
dentale de l'Afrique -, parles foins
de l'Infant Dom Henri , par les
Rois Jean I. Alphonfe V. &Jean II.
nous a fourni la matière d'un pre-
mier Extrait de cet Ouvrage. Nous
commencerons celui ci par le rè-
gne de Dom Emanuel , pendant
lequel les Portugais firent la décou-
verte &c h conquête des Indes.
Dès que Dom Emanuel fut
monté fur le Trône, il penfa à
prendre des mefures pour faire de
nouvelles découvertes , il fit dans
cette vue Vafco de Gama Général
d'une petite Flotte , avec laquelle
Vafco parvint, après beaucoup de
peine , à doubler le fameux Cap
de Bonne-Efperance. S'étant avan-
cé plus loin , il ne trouva fur la
route que des peuples miferables ,
dont il n'entendoit point le
langage , Se avec lefquels il falloit
toujours être fur le qiu-vive. Mais
étant entré dans le Fleirff qui fut
nommé par les Portugais, le Fleuve
des bons Signaux , il conçut plus
d'efperance fur ce que les habitans
du Pays qui paroiiîoient plus poli-
cés que les autres Nègres, &dont
quelques-uns entendoient un peu
d'Arabe , dirent aux Portugais
qu'en remontant plus haut , ils
trouveroient des Blancs comme
eux &c des Vailleaux à peu - près
fcmblables aux leurs , qui cou-
roier.t ces Mers pour y faire le
commerce. Il toucha à Mozambi-
que , à Monbaze , à Melindc. Ex-
pofé à de grands dangers dans les
deux premiers endroits , il fut fort
bien reçu dans le troifiéme. Il trou-
va dans le Port de Mclinde quatre
Vailleaux des Indes fur leiquels
il y avoit , dit-on , des Chrétiens
de ces Contrées, quelques Banianes
Se un Maure Guzaratc. Vafqués
en tira des inftructions fur plu-
fleurs points dont il lui importoit
d'être inftruir. On prétend même
que ce fut dans ces entretiens ,
qu'il apprit une nouvelle manière
de prendre hauteur Se de faire ufa-
ge de la bouifolc. Mais le Père La-
fitau perfuadé que la connoiflance
de la bouffole , ainfi que celle de
la poudre à canon , a palTé des In-
des en Europe parles Arabes , ne
croit point qu'elle nous ait été
communiquée
S E P T E M
communiquée partes Portugais. Il
aime mieux en faire honneur à Fla-
vius de Melphe dans le Royaume
de Naples , deux fiécles avant les
premières navigations des Portu-
gais.
Vafqués partant de Melinde avec
un Pilote très-habile , Indien de
nation fit près de 700 lieues en
droiture, & après 11 jours de na-
vigation il arriva aux Côtes de Ma-
labar , & mouilla à deux milles de
la Ville de Calicut qui eft la capita-
le des Etats duZamarin , qui étoit
comme l'Empereur de ces Côtes.
Le Père Lafiteau donne en cet en-
droit une defeription abrégée des
Indes , des mœurs , des coutumes
&c de la Religion du Pays. La ma-
nière dont Vafqués fut d'abord re-
çu à Calicut , lui avoit fait conce-
voir de grandes efperances , mais
n'ayant point de prefens aiTez con-
sidérables à faire au Zamorin , &
les Mufulmans établis dans le Pays
qui appréhendoient que les Portu-
gais ne les troublaffent dans leur
commerce , ayant indifpofé ce
Prince contre ces étrangers , tout
ce que Vafqués put faire fut de s'é-
chapper de ce Pays là , après néan-
moins avoir obtenu une Lettre du
Zamorin , dans laquelle il allu-
roit le Roi de Portugal qu'il fe
faifoit honneur de l'alliance
que ce Prince vouloit contrac-
ter avec lui , & qu'il permettoit la
liberté du commerce , pourvu qu'il
fe fît fans violence & fans préjudi-
ce des autres Nations qui étoient
en poueffion de faire le commerce
dans fes Etats. Vafqués reprit enfui-
Spttemb.
B R E, 1734. 625
te la route de Portugal , & il fut
reçu à Lifbonne avec beaucoup
d'honneur par le Roi Emanuel,
qui le fit Amiral des Mers des In-
des , qui lui permit d'ajouter le
Dom à fon nom , de mettre dans
l'écuiTon de fes armes une partie de
celui de la Couronne , de charger
toutes les années pour deux cens
cruzades d'or de marchandifes
pour les Indes fans payer aucua
droit. Dans la fuite du tems il le fit
Comte de Vidigueira.
Le Roi Dom Emanuel fit en-
fuite partir pour les Indes une
Flotte de treize VaiflTeaux , qui
étoit cor|jrnar,dée par PierreAlvarès
Cabrai -, une tempête violente
l'ayant fait écarter de fa route , il
découvrit une terre inconnue dont
il prit polTefiion , & qui fut depuis
nommée Bréfil. Le nom de ce
Pays lui vient d'une efpece par-
ticulière de bois qui s'y trouve en
grande quantité. Reprenant enfui-
te fa route , il arriva à Mozambi-
que , puis aux Indes , il obtint du
Zamorin la permiiîîon d'établir
une Faclorie à Calicut. Mais les
affaires que les Maures lui flilcitc-
rent par jaloufie l'obligèrent de le
retirer , comme Vafqués avoit été
obligé de le- faire. Cependant avant
fa retraite , il brûla ou prit treize
gros Vaiffcaux des Maures , & il
canona pendant deux jours la Ville
de Calicut , de manière que le Za-
morin fut obligé d'en fortir. Le
Général Portugais fit enftiite des
Traitez avec les Rois , de Cana-
nor , de Coulan , & de Cochin
qui avant entendu parler de l'ex-
Yyy
62$ JOURNAL D
pedition de Cabrai , crurent qu'ils
ne pouvoient mieux faire que de
fe mettre fous la protection des
Portugais pour fe détendre contre
1rs entreprifes du Zamorin , & il
retourna en Portugal.
Pendant le voyage de Cabrai , le
Ys.o\ Dom Emanuel avoit envoyé
au Bréfil Gonfalve-Ccello , &aux
Indes Jean de la Nove. Ce dernier
ne put joindre Cabrai , mais il dé-
couvrit quelques Iflesfurfa route.
Ce fut après le retour de Cabrai
que le Roi de Portugal donna le
commandement d'une Flotte à
Vafqués de Gama qui fit un fécond
voyage aux Indes. Dans ^it fécond
voyage il fit tributaire du Roi de
Portugal Ibrahim Roi de Quiloa ,
il prit la Meris Vaiffeau de Cali-
phe , &c il traita avec beaucoup de
cruauté les Indiens de Calicut } il
courut un grand danger de la part
du Zamorin qui voulut le furpren-
dre. Mais étant échappé de ce dan-
ger , il fe vengea du Zamorin en
coulant à fond plufieurs des Bâti-
mens dont on avoit voulu fe fervir
pour mettre le feu à fes VaifFeaux;
Vafqués reçut dans les Indes les
Envoyés des Chrétiens qu'on y ap-
pelle de Saint Thomas , & après
avoir renouvelle les Traitez avec
les Rois de Cochin &c de Cananor,
il retourna en Portugal.
La Flotte que le Roi fit partir
pour les Indes après celle de Vaf-
qués , étoit commandée par Lope-
Soarrés - Alvarcnga , qui ayant fait
des propoiîtions trop fortes au Za-
morin , fe vit obi;:;.: de canoner la
Ville de Calicut, Il remporta deux
ES SÇAVANS,
grandes victoires , l'une à Ranga-
nor contre les Malabares , cv l'au-
tre au travers de Pandarane , où il
brûla dix - fept gros Badmens de
Maures qui dévoient faire voile
vers la Mer Rouge. Edouard Pa-
checo revint des Indes avec Alva-
ranga. Tout le monde regardoit
Pacheco avec admiration , à caufe
des grandes actions qu'il avoit fai-
tes dans les Indes -, mais ce grand
Homme qui avoit travaillé pour
le bien du Roi fonMaîtic,nc reçut
que de l'honneur pour recompen-
fe de fes travaux. Ce ne fut que
quelques années après que des Sei-
gneurs parlant de lui au Roi com-
me par hazard, lui obtinrent le gou-
vernement de S. George delà Mi-
ne ; mais Pacheco qui éroit d'un
temperamment vif & brufque , &
peu propre à faire fa cour à ceux
qui approchoient du Roi fut accu-
fé de malverfations , & ramené en
Portugal chargé de chaînes. Après
qu'il eutétélong-tems retenu dans
une prifon obfcure , on reconnut
fon innocence , il fut mis en liber-
té ; mais il relia toujours dans la
mifere qui alloit jufqu'à la mendi-
cité. Bel exemple , dit l'Auteur, du
peu de fond qu'il y a à faire fur les
fervices qu'on rend aux hommes,&
de la reconnoiflance qu'on en deit
attendre t fi on n'a pas l'efprit de fe
conduire.
Avant l'arrivée d'Alvarenga
dans le Tagc , Dom Emanuel avoit'
fait mettre en mer une puiffanre
Flotte pour les Indes , qu'il fît
commander par Dom François
d'Almeida Comte d'Abrante. Al-
S E P T E M
tncida devoitrcfider dans les Indes
en qualité de Gouverneur îk de
Capitaine Général , avec la faculté
de prendre la qualité de Vice Roi
des Indes , quand il auroit bâti
quelques Fortereffes dans les lieux
défignés parla Cour. Il feroit trop
long d'entrer dans le détail de ce que
ce Gouverneur & ceux qui lui ont
fuccedé ont fait pendant leur gou-
vernement ; il fuffira de rapporter
quelques traits de l'Hiftoire qu'en
donne le P. Lafiteau , & de remar-
quer en général que ceux qui ver-
ront ce détail dans le Livre feront
furpris de la valeur que les Portu-
gais ont fait paroître en un nombre
prodigieux d'occafions depuis leur
établiilement dans les Indes vers
l'année 1500. jufqu'au tems auquel
Philippe II. s'eft rendu maître du
Portugal.
Almeida s'étoit fait une grande
réputation dans les Indes , par fa
bravoure & par fa conduite dans
différentes expéditions tant fur
terre que fur mer , mais fa gloire
fe trouvoit flétrie par la manière
cruelle dont il traita les Indiens; &
encore plus en faifant arrêter Si re-
tenant pendant plufieurs mois dans
laprifonAlphonfed'Alburquerque
que le Roi Emanuel avoit envoyé
pour lui fucceder. En retournant
des Indes en Portugal , il fut tué
par les Cafïres de l'Aygade de Sal-
daone près du Cap de Bonne-Efpe-
rance , lorfqu'il vouloit tirer ven-
geance des infultes que quelques-
uns de ces Barbares avoient faite
aux gens de l'équipage.
On verra avec plaifir dans le
B R E v r 7 ? 4. 62?
Livre même le récit des adions du
fameux Alfonfe d'Albuquerque ,
qui a mérité le furnom de Grand ,
nous nous bornerons ici au mor-
ceau qui contient le portrait que le
P. Laficeau nous donne de ce Hé-
ros Portugais.
» Sa Maifon tiroit fon origine
»desenfans naturels des Rois de
» Portugal, dont le fang fut autant
» honoré en lui que dans fes Prin-
» ces naturels .... Il étoit d'une
» taille médiocre , mais bien pro-
«portionnée. Il avoit le tour .du
» vifage agréable , le nez aquiiain
=° &i un peu long , l'air noble de
» majeftuêux. La vieilleife le rendit
» encore plus vénérable pour l'ex-
» trême blancheur de fes cheveux,
» & d'une barbe fi longue qu'il
» pouvoit la noiier à fa ceinture.
» Dans le commandement il pa-
* roiiToit grave & féneux , & dans
» la colère terrible > hors de - la il
» étoit gracieux, plaifant & nima-
» ble. Il avoit cultivé fon efprit
»par les Belles Lettres. Il parloic
» fur le champ avec grâce , & il
» écrivoit encore mieux. Il affài-
» fonnoit toujours fon difeours de
» quelques bons mots , & il aftec-
» toit cela en particulier , quand il
» parloit en maître, afin de corri-
» ger par-là ce que fon air tropfe-
» vere avoit de rebutant.
» La droiture , la juftice & l'a-
»mour du bien public faifoit pro-
» prement fon caractère. Il étoic
» fouvent févére jufqu'i la cruauté,
» avare pour les intérêts du Roi ,
"inflexible dans ce qui étoit du
» fervice &: de la difeipline militai-
Yyyij
616 JOURNAL DE
» re , mais fi affc&ionoé en même
» tems à procurer le bien d'un cha-
» cun , que de ce mélange de qua-
« litez aufteres & Officieuies , il
31 refultoit une idée générale qui le
» faifoit aimer de ceux même qui
» haifloient fa févériré outrée. No-
tre Auteur rapporte que les Gen-
tils Indiens & les Maures étoient
fi perfuadés de l'équité de ce grand
Homme , qu'après fa mort ils al-
loient faire des vœux à fon Tom-
beau pour lui demander juftice
contre la tiranie de quelques-uns de
ceux qui fuccederent à fa place ,
fans fucceder à fes vertus. Sa ri-
gueur lui fit de grands ennemis ,
mais il ne chercha iamaisà s'en ven-
ger , au contraire il les exeufoit vo-
lontiers , ce qui fervit à relever fa
gloire.
Dans la guerre il fut véritablement
orand par la noblefle de fes projets,
par la prudence avec laquelle il les
conduifoit , 5c par la vigueur avec
laquelle il les exécutoit. Dans le
Confeil &c dans l'aftion , il paroif-
foiten lui deux hommes tous diffe-
rens. Un jour de bataille , il étoit
tellement Capitaine qu'il fe mon-
troit tout Soldat , allant aux coups
& s'expofant comme un enfant
perdu .... Avec cela il étoit heu-
reux , ce qui fit dire à Ferdinand
le Catholique , parlant à l'Ambaf-
fadeur d'Emanuel , qu'il s'étonnoit
que le Roi fon gendre eût penfé à
le retirer des Indes ; mais Emanuel
le fit par la même politique qui
avoit obligé Ferdinand à retirer le
S SÇAVANS,
grand Capitaine Gonfalve de Cor-
doiie du Royaume de Naples. Al-
buquerque avoit demandé Goa à
titre de Duché , & ce tut fur cette
demande que fes envieux achevè-
rent de le rendre fufpect.
Voici comme le P. Lafiteau ex-
pofe en peu de lignes toutes les ac-
tions de ce grand Homme dans les
Indes : » Trois Royaumes con-
» quis , pluficurs Fortereftes bâties,
n la paix établie fur toutes les Cô-
» tes de l'Inde , plufieurs Rois
n fournis , faits tributaires , ou al-
» liés furent fon Ouvrage , dont il
» n'eut d'autre recompenfe que le
» chagrin d'une difgrace qui le fit
» mourir ,- la même où il avoit
» commencé de naître en Héros.
Les idées avantageufes que le P.
Lafiteau nous donné d'Alburqueï-
que n'empêchent point qu'il ne
rende à quclqu'autres des Gouver-
neurs des Indes la juftice qui leur
,eft due. On peut voir les éloges
qu'il donne à Dom Jean de Caftro,
à Dom Conftantin de Bragance ,
Prince du Sang de Portugal, &à
Dom Louis d'Ateydc qui fut Gou-
verneur des Indes fous le règne du
Roi Dom Sebaftien. Les éloges des
Portugais à caufe de leur bravoure
& de leur confiance , font répan-
dus en differens endroits de cette
Hiftoire. On en voit fur-tout des
preuves éclatantes dans la Relation
des deux fameux Sièges de Diu qui
les ont fait admirer en Europe y
comme en Afie & en Afrique.
SEPTEMBRE, 1754.
627
VSEAV MES DE DAVID SELON L'ESPRIT , OU LES
Pfeaumes en forme de Prières Chrétiennes. Seconde Edition'. A Paris
chez Jacques Colombat } rue Saint Jacques , au Pélican. 1733. vol.
in- 12. pp. 566.
CE n'eft point la lettre de$
Pfeaumes que l'on prefenre
ici aux Lecïeur y , c'en eft i'eiprit ,
dît-on dans un AvertiiTement ex-
près , c'en font les fentimens ; vous en
ivez. affez, , continue-t-on, en s'ad-
reftant toujours aux Lecteurs ,
")HS en avez, affez. de TraduElions
f délie s & exactes fclon la Vugate &
félon V Hébreu. La plupart des fidel-
hs , & vous peut - être le premier y
•iffuz^voHS fait un meilleur & plus
icjuent ufige d'un fifaint Livre , fi
nus en aviez, trouvé la lettre plus
'tivie . moins obfcure & plus interef-
inte. C'efl l'avantage que j'ai pri-
'.ndu vous procurer , en vous don-
ant une Traduction des Pfeaumes en
orme de Prières.
Tel eft l'AvertifTement de no-
tre Auteur fur le deiïein de fon
Ouvrage. Ce n'eft pas qu'entre les
Pfeaumes de David , il n'y en ait
plusieurs qui font de véritables
Prières , mais comme il y en a auflî
un grand nombre d'autres qui font
hiftoriques , dogmatiques &t mo-
raux , notre Auteur dit qu'il a ap-
pliqué l'Hifloirey le Dogme & la Mo-
rale aux Lecteurs qui les prononcent ,
qu'// a fait trouver le défaut ou la
rectitude de leur conduite dans l'Hi-
floïre y leur foi dans le Dogme y leurs
vices ou leurs vertus dans la morale
en leur rendant propre & particulier
te que David dit de lui-même , ou des
«utres en général.
Une obfervation importante que
nous ne devons pas oublier ici.
C'eft qu'y ayant certains Pfeaumes,
dans lefquels David fait des impré-
cations contre fes ennemis , & de-
mande à Dieu leur punition , notre
Auteur a cru qu'il ne convenoic
pas de mettre dételles Prières en-
tre les mains des Fidèles. La raifon
qu'il en donne , c'eft que les per-
fonnes peu inftruites en conclut-
roient peut - être que la vengeance
n'eft point défendue , ou que du
moins le defir en eft permis. Pour
prévenir cette pernicieufe confe-
quenec , il a changé non le fens ,
mais le tour & l'expreffiori de ces
fortes de Prières, conformément à
la penfée de tous les Interprètes ,
qui obfervcnt que David étant un
faint Prophète , les imprécations
qu'il fait contre les méchans , font
des prédictions des maux qui doi-
vent leur arriver , & que la puni-
tion qu'il leurfouhaife3eft une pu-
nition , qui puifle opérer leur con-
version.
Il y a d'autres Pfeaumes que
l'Auteur applique en tout ou en
partie , à Jefus Chrift , à fon Egli-
fe & à fes Myftcres. Il a fuivi en ce-
la les idées des Pères de l'Eglife , Se
des plus fçavans Interprètes , qui
en ont ufé de la même manière.
Il ne nous refte plus qu'à rappor-
ter quelques exemples qui faflent-
628 JOURNAt DE
voir comment l'Auteur a exécuté
ion deffein. Nous nous contente-
rons de citer les 5 premiers verfets
du Pfeaume LXXV. que l'Auteur
intitule : De la frotetlion de Die» fur
fin Eglife , & tout de même les 5
premiers du Pfeaume CIX. qu'il
intitule : Aile de foi fur le Myftere
de l'Incarnation du Ferbe.
Nous copierons après chaque
verfet de la Vulgate la tradu&ion
Françoife du verfet , afin que l'on
puiiTe mieux juger des applications
que l'Auteur fait des differens en-
droits du Pfeaume. Celui d'où
nous allons tirer le premier exem-
ple s a été compofé par David en
actions de grâces des victoires qu'il
avoit remportées fur fes ennemis.
Notre Auteur en fait l'application
à l'Eglifc en cette manière.
PSEAUME LXXV.
1. Notusin y»d&aDem , in Ifra'él
magnum nomen ejus.
» Seigneur, vous vous êtes fait
j> connoître à votre Eglife. Vous
» lui avez fait fentir la force & l'é-
•j tendue' de votre puiffance.
2. Et fiiEîus efl in pdce locus ejus
& inbabuatio ejus in S ion.
» Vous avez établi votre demeu-
»re au milieu d'elle , & vous en
» avez fait votre tabernacle.
3 . Ibi confrcgit fotemias arcmim }
fcittum , gladuim , & bellum.
» Vous avez toujours brifé les
«armes , & ruiné les efforts de fes
« perfécutcuiv -, vous avez déclare
» la guerre à ceux qui ont ofé l'at-
» taquet & vous l'avez toujours
5 SÇAVANS;
» protégée contre fes ennemis.
5 . Dormierunt fomnum fitum , &
nibd invenentnt omnes viri divitia-
rum in manibusfuis.
» Lorfqu'ils ont compté fa perte
» comme affurée , vous les avez
» rendus femblables à ces hommes
*> qui fe voyent au milieu des tré-
» fors Se des richeffe* pendant leur
"fommeil, & qui fe retrouvent
» dans leur première indigence ea
* ouvrant les yeux.
PSEAUME CIX.
Ce Pfeanme que notre Auteur
applique avec raifôn à J. C paroît
avoir été compofé pour célébrer
l'avènement d'un Roi à la Couron-
ne •, mais les idées en font fi nobles
6 h hautes , qu'on ne trouve dans
l'Hiftoire aucun Prince auquel il
puiile convenir littéralement , pas
même à Salomon.
1 . Dixit Dominm Domino meo :
fede à dextris Vieis.
» J'adore , ô mon Dieu , le my-
» ftere ineffable de l'Incarnation de
» votre Verbe. Eternel comme
» vous , il s'eft fait dans le tems ,
«mon F.cà;mpteur & mon Sau-
» veur , & c'eft pour relever fes ab-
»baiiTenuns nicompréhenfibles ,
» que vous lui avez dit au jour de
» fa glorification : affeyez - vous à
n ma droite.
2. Dontc ponam inimicos tuosfea-
bellum pediim tuorum.
» Jufqu'à ce que j'aye mis à vos
» pieds , tous ceux qui auront rc-
3' tufé de croire en vous.
3 . Virgam virtmis tua emittet Do-
S E P T E M
minus ex Sion ; dominare in rnedio
inimicorum tuonim.
» Les ficelés éloignés ont été
» avertis de bonne heure, que le
» Sceptre de fa puiffanec lbrtiroit
* de Sion , & que de là il étendroit
» Ton empire fur tous fes ennemis ,
» ik.k feroit connoîtie de tous les
j> peuples.
4. "Tecum principium in dis zrrtu-
tis tua in fplendorivus fantloruni , ex
litero ante lue i fer ion genui te.
» Il eft dès le commencement
i> avec vous , parce qu'il eft engen»
»dré de votre fubftance éternelle,
,»& qu'il étoit avec vous avant
j> tous les tems , dans la fplendeur
» de votre éternité.
y Juravit Dominas & non pœnite-
HtSTOIRE GENERALE DE LANGVEDOC, AVEC DES
Notes & les Pièces juflificatives , compofée fur Us Auteurs & les titres ori-
ginaux , & enrichie de divers Monumens. Par deux Religieux Benediblins
de la Congrégation de faim Maur. Tome II. A Paris , chez Jacques
Vincent , Imprimeur des Etats Généraux de la Province de Lan-
guedoc, rue & vis-à-vis de l'Eglife S. Severin , à l'Ange. 1732. in-folio.
pp. 648. pour l'Hiftoire & pour les Notes, col. 703. pour les preuves
8c pour la Table des noms & des matières.
HE; 1734. fop
bit eum : Tu es Sacerdos in aternum
fecundum ordinsm Melchifedech.
» Par un décret au m" immuable
»que vous-même, vous l'avez fair
»> le Pontife éternel de votre Eqlife.
Nous ne croyons pas neceflaire
de citer un plus grand nombre d'e-
xemples , ceux - là peuvent fuihre
pour donner une idée de ce pieux
& édifiant Ouvrage.
Nous difons pieux & édifiant,
car on n'y trouvera ni DifTertations
curieufes , ni recherches fçavantcs ,
ni Hébreu , ni Grec , ce qui ne
plaira peut-être pas aux Critiques ,
mais le deiTein de notre Auteur
étant uniquement de réveiller b
pieté , il lui convenoit de fc tenir
dans les bornes où il s 'eft renfermé.
E S dix premiers Livres de ce
grand Ouvrage compris dans
le premier Volume , contiennent
l'Hiftoire du Pays , connu aujour-
d'hui fous le nom de Languedoc,
jufqu'à la mort de Charles le Chau-
ve. L'onzième Livre & les fept Li-
vres fuivans qui avec les Notes &
îes preuves forment le fécond Vo-
lume , comprennent l'Hiftoire
■ïc aviron trois fiécles , depuis le
commencement du règne de Louis
k Bègue en 877. jufqu'au commen-
cement des troubles que l'Héréfie
des Albigeois caufa dans la Provin-
ce , c'eft-à-dire , jufqu'au tems du
Concile tenu à Lombers dans le
Diocéfe d'Albi en i-itfj. où ces
Hérétiques furent condamnés.
Comme c'eft fur la fin du neu-
vième fiécle & au commencement
du dixième que les grands Vaflaux
de la Couronne ont rendu les Fiefs
de dignité héréditaires dans leurs
familles , &c qu'ils fe font attribué
les droits régaliens, nos Auteurs
630 JOURNAL D
nous donnent dans ces trois fiécles
non feulement l'Hiftoire des Com-
tes de Touloufe , mais ils entrent
encore dans un détail très-curieux
de l'origine, de la fucceflîon , de la
généalogie 8c des actions des Com-
tes , des Vicomtes 8c des autres
•grands Vaffaux de la Province ,
fur- tout de ceux qui ont joui des
droits régaliens. Ce qui fert à faire
connoître l'oi igine des grandes ter-
res , 8c celle des grandes Maifons
du Languedoc. Les guerres que ces
grands Seigneurs fe faifoient les
uns aux autres , font un des objets
principaux des expéditions militai-
res dont il eft parlé dans ces huit
Livres. La part que Raymond de
S. Gilles Comte de Touloufe , eut
à la première Croifade , dont il
croit un des principaux Chefs , &
où il tut fuivi par la Nobleffe du
Pays , a engagé nos Auteurs à re-
cueillir ce qu'ils ont trouvé dans les
anciens Hiftoriens & dans les an-
ciens titres fur cette fameufe expé-
dition , par rapport au Comte de
Touloufe & aux Seigneurs qui
étoient à fa fuite. Ils difent qu'ils
fe font porté d'autant plus volon-
tiers à s'étendre fur cette matière ,
que ceux qui ont écrit dans ces
derniers tems l'Hiftoire des Croifa-
<les , ont parlé très fuccinctement
du Comte de Touloufe 8c des Sei-
gneurs du Pays qui l'ont fuivi à la
première de ces expéditions.
On voit encore dans les huit
Livres qui font le corps de ce fé-
cond Volume , l'origine & l'éra-
bliflement de pluiieurs Villes , la
fondation d'un grand nombre de
ES SÇAVANS,
Monafteres célèbres, entre lefquels
il y en a quelques-uns qui ont été
depuis érigés en Sièges Epifcopaux.
L'Hiftoire des Archevêques deNar-
bonne 8c celle des Evêques de la
Province qui ont été très-puiftans ,
même par rapport au temporel, a
fourni plufieurs traits à ces Au-
teurs , de même que l'Hiftoire des
Conciles.
Après cette idée générale des
principaux objets de l'Hiftoire de
Languedoc pour ces trois fiécles ,
nous nous bornerons à en rapporter
quelques traits.
Le Comté de Touloufe refta hé-
réditaire dans la famille de Frede-
lon qui fut invefti de ce Comté
par le Roi Charles le Chauve. On
voit en effet par divers Monumens
que Raymond I. fucceda à fon frè-
re Fredclon , que Bernard fils de
Raymond étant mort fans enfans ,
Eudes fon frère lui fucceda. Il laiffa
deux enfans mâles , Raymond II.
Comte de Touloufe , 8c Ermen-
gaud , Comte de Rouergue ; ces
deux frères poffederent par indivis
le Marquifat de Gothie , lesCom-
tez de Quercy 8c d'Albigeois 8c
quelques autres terres. Les Actes
qui nous apprennent que ces deux,
frères pofledoient le Marquifat de
Gothie qui comprenoitle Diocéfc
de Narbonne , ne nous marquent
au jufte , ni en quel tems , ni
de quelle manière ce Marquifat
étoit tombé dans la Maifon des
Comtes de Touloufe. Ce qu'il y a
de certain , fuivant nos Auteurs ,
c'eft qu'après la mort de Guillaume
le Pieux , Marquis de Gothie , Duc
d'Aquitaine,
SEPTEMBRE, 1734. 6 3 r
d'Aquitaine , Comte d'Auvergne, Branche de Raymond II. ayant
Se Seigneur de plufieurs autres ter-
res , qui mourut fans polterité ,
Guillaume & Acfred les neveux
partagèrent entre eux fes Seigneu-
ries , à l'exception du Marquifat de
Gothie. Mais nos Auteurs avouent
de bonne foi qu'ils ne peuvent
décider fi ce fut par le droit
du fang que ce Marquifat ap-
partint aux Seigneurs de la
Maifon de Touloufe , ou fi ce
fut , Charles le Simple , au parti
duquel ces Seigneurs furent tou-
jours attachés , qui leur en fit un
don. Nos Auteurs paroiffent néan-
moins pancher à croire que c'eft à
titre de fucceflïon que ce Marquifat
tomba aux Comtes de Touloufe ,
parce qu'ils font perfuadès qu'en
ce tems-là tous les fiefs de dignité
étoient héréditaires.
Quoiqu'il en foit , le Marquifat
de Gothie fut poifedé par indivis
par les Comtes de Touloufe & de
Roiiergue , jufqu'en l'année 975.
que Guillaume Taillefer , Comte
de Touloufe , partagea avec Ray-
mond 11. Comte de Roiiergue , ce
Marquifat , & les autres Seigneu-
ries qui leur appartenoient en com-
mun. L'Albigeois & le Quercy
échurent à Guillaume , & le Mar-
quifat de Gothie à Raymond. Il
paroît qu'ils partagèrent en même
tems le Comtéou Diocéfe de Nif-
me. La partie inférieure tomba à
Guillaume avec la Ville de S. Gil-
les , fous le titre de Comté de faint
Gilles ■, ce qui a fait prendre à
Guillaume & à fes SuccefTeurs le
titre de Comtes de Saint Gilles. La
Septemb.
manqué en la perfonne de Berthe
Comtefie de Roiiergue , Marquife
de Gothie qui mourut fans enfans ,
Raymond de Saint Gilles, frère de
Guillaume IV. Comte de Toulou-
fe , hérita prefque de toutes les
Seigneuries de Berthe , qui lui
avoient été d'abord conteltées pat
le Comte d'Auvergne époux de
cette PrinceiTe. Guillaume IV. fe
voyant fans enfans céda le Comté
de Touloufe & toutes fes autres
terres à Raymond fon frère. Ainfî
Raymond réunit en fa perfonne les
Seigneuries qui avoient été divi-
fées entre les deux branches de la
Maifon des Comtes de Touloufe ,
& il pofféda le Marquifat de Go-
thie ou de Scptimanie fous le titre
de Duché de Narbonne.
A la fin du onzième fiéele les
Comtes de Touloufe prenoient la
qualité de Marquis de Provence ,
& étoient Seigneurs d'une partie
de cette Province. Les Auteurs ont
été fort partagés au fujet de l'origi-
ne des droits des Comtes de Tou-
loufe fur la Provence. Nos Auteurs
adoptant en partie le Syfteme de
Ruffi fur cette queftion , difent
que la Maifon des Comtes de Tou-
loufe a tiré fon droit du mariage
de Guillaume Taillefer avec Em-
me fille du Comte Ratbod, lequel
pofTedoit la Provence par indivis
avec le Comte Guillaume premier
fon frère. Les defeendans de Rat-
bod de la Maifon des Comtes de
Touloufe , ont joiii pendant long-
tems de la Province par indivis
avec les defeendans du Comte
Z z z
632 JOURNAL D
Guaiaume I. mais en 11 25. Al-
phonfe Comte de Touloufe , &
Ikrenger III. Comte de Barcelon-
ne reconnoiflant que cette polîef-
fion indivife croit une fource de
cpntëftation & de guerre firent un
partage entre eux. La haute Pro-
vence qui échut par ce partage à
Alphonfe &: à fes Succeiîeurs , eut
le titre de Marquifat , parce que
les prédecefTeurs d'Alphonfe ne
s'étoient qualifiés que Marquis de
Provence , à caufe de la partie de
la Provence dont ils avoient joiii
par indivis avec Jes defeendans du
Comte Guillaume I.
Puifque nous avons parlé des
principaux titres des Comtes de
Touloufe, 8c des raifons fur lef-
quelles ils étoient fondés , nous
croyons devoir obfcrver ici d'après _
nos Auteurs que les Comtes de
Touloufe prenoient la qualité de
Comtes Palatins. Voici ce que nos
Auteurs croyent fur l'origine de
cette qualité. La Charge de Comte
du Palais étoit une des plus consi-
dérables de la Couronne fous la fé-
conde Race de nos Rois. Iljugeoit
fouverainement les affaires dont la
connoiffance lui appartenoit. Quel-
quefois les Rois l'envoyoient dans
les Provinces pour y adminiftrer
iajuftice, Se il y eut quelques-uns
ES SÇAVANS;
des principaux Comtes Provin-
ciaux aufquels nos Rois accordè-
rent le droit d'adminiflrer la jufti-
ce avec les mêmes prérogatives
dont joûilToient les Comtes du Pa-
lais. Tel étoit , félon eux, le Comte
de Champagne qui prit pour cette
raifon le titre de Comte Palatin.
Quand l'Aquitaine fit unRoyaume
féparé, elle eut un Comte du Palais.
Les Comtes de Touloufe qui
étoient les plus puitîans Seigneurs
de ce Royaume , furent aufli Com-
tes du Palais pour le Royaume
d'Aquitaine, On voit dans la Vie
de S. Guillaume Comte de Tou-
loufe , & dans un ancien Martyro-
loge qu'il étoit Comte du Palais.
Les Comtes de Touloufe , difent
nos Auteurs , lui auront fuccedé
dans cette qualité , & elle fera de-
meurée attachée à leur Maifon, mê-
me après l'extinftion du Royaume
d'Aquitaine.
Comme cet Ouvrage cil trop
important pour nous borner à un
feul exemple , nous renvoyons au
Journal fuivant , où nous parle-
rons de quelques autres traits du
corps de l'Hiftoire , de quelques-
unes des Notes , Se de quelques-
unes des Pièces qui fervent de
preuve à l'Hiitoire.
SEPTEMBRE, 1754.
tfjj
HISTOIRE NATVRELLE DE L'VNIFERS , DANS
laquelle on rapporte des raiforts phy figues fur les effets les plus curieux &
les plus extraordinaires de la Nature, Enrichie défigures en taille-douce.
Par M. Colonne , Gentilhomme Romain. A Paris, chez André Cailleauy
Quai des Auguftins , au coin de la rue Gift-le Cœur, à S. André. 1734.
inii. deux Vol. Tom. I. pp. 404. Tom. II. pp. ju.
CETTE Hiftoire Naturelle
de l'Univers , eft un Ouvrage
pofthume de M. François - Marie
Pompée-Colonne , fils naturel de
Pompée-Colonne , Prince de Gal-
licano , Comte de Sarno , qui
mourut en \66\. fans lailïer d'au-
tre pofterité. Ce fils vint à Paris à
l'âge de 20 ans , & s'y acquit bien-
tôt l'eftime & l'amitié d'un grand
,nombre de gens de Lettres.
Perfonne [ à ce que l'on dit dans
l'abrégé de fa Vie , qui parut peu
de tems après fa mort , & qui eft
à l'entrée de ce Livre ] n'a fçû ,
comme M. Colonne, joindre l'é-
tude des Sciences les plus abftrai-
tes comme la Phyllque, l'Aftro-
uotpie , l'Algèbre , & prefque tou-
tes les parties des Mathématiques,
à toutes les autres Sciences qui
tiennent leur place dans la Société
Civile.
Plufieurs perfonnes distinguées
& par leur Nai fiance 6c par leur
Génie, voulurent apprendre de M.
Colonne, les principes de la Philo-
fophie, 3c il les leur enfeignaavec
une méthode fi facile qne ces per-
fonnes y firent en peu de tems un
progrès très - conliderable.
Depuis foixante ans qu'il étoit
en France , il avoit été connu de
prefque tous les Miniftres & avoit
eu un libre accès chez les plus
grands du Royaume ; mais comme
il ne fongeoit qu'à mériter leurs
bienfaits , & qu'il ne les brigua ja-
mais , fes talens & fon fçavoir fu-
rent peu recompenfés. Il mourut
le 6 Mars 172^. âgé de 28 ans ,
après avoir vécu dans une honnête
médiocrité & feulement hors de
l'indigence. Si la fortune lui fut
ingrate , la nature plus libérale , le
pourvût d'une complexion fi forte
& pour le corps & pour l'efprit,
qu'il vécut jufqu'à cet âge-là fans
avoir jamais éprouvé la moindre
altération ni dans l'un ni dans l'au-
tre , ce qui faifoit l'admiration de
tous ceux qui leconnoifloient.
Le genre de mortqui termina fes
jours , eft aufîî tunefte que (Singu-
lier. Le feu prit à fa maifon , la
nuit du 6 Mars 1726. &■ il y fut
confumé avec un ami qui demeu-
roit avec lui : M. Colonne avoit
coutume de faire tous les foirs quel-
que lecture djns fon lit, avant que
de s'endormir , &: l'on ne doute
point que ce ne foit à cela qu'il
taille attribuer cet incendie , vu
qu'il lui étoit déjà arrivé plufieurs
lois , de mettre le teu dans fa
chambre en lifant , ce qui auroit dû
le corriger ; mais , comme le re-
marque l'Editeur , l'habitude &C
Z Z Z ij
6^ JOURNAL DE
l'envie d'apprendre avoient tou-
jours prévalu en lui , fur la pru-
dence.
M. de Gofmond à qui on doit la
publication de cet Ouvrage ;o-
ithume , L'a rcvû après la mou de
l'Auteur , dont il étoit intime
ami , &v a fait quelques additions
5c quelques changemens , mais il
avertir qu'il s'en: borné aux feuls
changemens- & aux feules addi-
tion: que l'Auteur y vouloit faire;
les leiïx Volumes qu'on donne
renferme! t rrois Parties , Se ces
trois Par les doivent être fuivies
inceffamment d< trois aunes.
Le dtlîi in de M. Colonne , en
compoi.mt cet Ouvrage , a été , à
ce qu'il déclare dais fa Préface , de
former, à l'imitation de Pline,
une Hiftoire Naturelle de l'Uni-
vers , Se d'y rapporter ce qu'il y a
de plus curieux Se de plus extraor-
dinaire dans la Nature , depuis le
Ciel , julqu'au centre de la Terre :
il tâche de joindre la Phyfique à
l'Hiftoire en eflayant de donner
des raifons , au moins probables ,
des effets les plus admirables que
le monde offre aux yeux.
11 dit qu'il confirme dans cette
Hiftoire, un grand nombre de faits
rapportés par Pline , & qu'il en
rectifie auili un grand nombre
d'autres.
Pour ce qui eft des explications
phylîques qu'il prétend donner , il
ne s'àiîujettit en cela à aucun Phi-
lofophe, &. fans'méprifer ni les an-
ciens ni les modernes , il prend de
tous, ce qu'il trouve de plus con-
forme à fon goût. Platon cepen-
5 S ÇA VAN S;
dant , Ariftote 5c Démocrire , font'
ceux aufquels il dit s'être attaché
davantage.
L'Ouvrage dont il s'agit reafer-
me l'Hiftoire de la plupart des
choies qui ont étéobfeivées dans
les Cieux & dans la moyenne ré-
gion de l'air ; la féconde , les ob-
fervatiorrs ordinaires concernant la
Terre Se les eaux ; la troifiéme , les
découvertes ^u'on a faites tou-
chant Jes fels , les pierres , cV ce
qu'on appelle communément les
métaux & les minéraux.
Quant à la première , elle com-
mence par l'expofition des diffé-
rens Syftêmes qui ont été imaginés
pour expliquer les mouvemens des
Affres, on vient enfuite au diamè-
tre des Corps Céleftes , Se à leur
gravité , puis à ce qui a été dit des
Comètes Se des efpaces lumineux
fans étoiles; enfin à l'Hiftoire des
Phénomènes qui arrivent dans la
région des vapeurs , entre lefquels
les feux Boréaux , ou Septentrio-
naux , font un article conlîdera-
ble.
Dans la féconde Partie on conft-
dere d'abord le Globe de la terre
en général : on remarque que ce
Globe eft fort petit comparé avec
l'Univers , puisqu'il n'a que trois
nulle lieues de diamètre , Se envi-
ron neuf mille lieues de circonfé-
rence ; qu'à la vérité il eft plus
grand que celui de la Lune , de
Mercure , de Mars , Se peut - être
que celui de Vénus , mais qu'il çft
bien inférieur aux Globes de Jupi-
ter, de Saturne Se du Soleil; qu'en-
fin comparé aux vaftes efpaces de
S E P T E M
l'Univers il n'cft regaidé par les
Autonomes , que comme un poinr
Mathématique , c'eft-à dire pref-
que comme s'il n'exiftoit pas -, fur
quoi notre Auteur rappelle cette
reflexion que l'on fait communé-
ment , fçavoir , que l'homme qui
n'eft qu'un point de ce point , fe
croit cependant quelque chofe de
confidcr.ible & d'important. Ce
que lesGéographes ont découvert à
l'égard" de la terre , eft rapporté par
notre Auteur ; nous ne nous y ar-
rêterons pas. Il rapporte auiîîplu-
fieurs traits de la Fable : il remar-
que , par exemple, après divers
Auteurs, n que les Egyptiens pré-
r> tendoient que l'Europe , l'A fie
» &C l'Afrique avoient dans l'an-
» cien tems été foûmifes à leur Ern-
» pire par leur Hercule , lequel
•«cherchant la gloire par-tout, &
>» ayant entendu parler d'un grand
» Pays qui étoit la Mer Atlantique,
» y porta fes armes 6Vc le fubjugua ,
» Que l'ayant trouvé plein de ri-
» chefles , il y fonda des Colonies,
» & laifla dans ces lieux fon frère
.o Pluron pour y Tegner à fa place ,
» lequel , parce qu'ii demeuroit
«aux Antipodes, fut appelle Sei-
»gneur & Dieu des Enfers-; &à
» caufe aufli des richefles immen-
» fes qu'il envoyoit en Egypte , il
» fut dit que Pluton étoit le Dieu
» des richefles. L'humeur des Egyp-
*> tiens etoit d'honorer du nom de
» Divinitcz , les perfonnes qui s'é-
j> toient diftinguées par quelque
«•talent extraordinaire &c utile ,
» croyant , ou voulant faire croire
;> qu'un des Dieux qu'ils adoroient
B R E , 'i 7 j 4. 6 3 f
» s'étoit revêtu de la figure humai-
» ne , pour r. ndre la Nation heu-
» reufe , c'efl: pour cela qu ils don-
» ncrent le nom de Mercure à leur
» Roi Tôt , qui étoit très f. avant»
» Une Reine leur enfeigna la nu-
» niere de cultiver la terre & de fe-
» mer le bled , ils l'appellerent Kîs,
» & les Grecs la nommèrent enfui-
» te Céres. Ils honorèrent auflî du
»> nom d'Hercule , qui fignifie pro-
» prement Force E3ivine, ou de
» celui d'Ofiris qui eft la même
» chofe que Jupiter , ceux d'entre
» leurs Rois qui avoient été ou
» grands guerriers , ou bienfaifans
» envers leurs fujets. Car les Egyp-
» tiens n'étoient pas moins fabu-
» leux , ni moins flatteurs que les
» Grecs , & il n'y a point de doute
» que ces derniers n'ayent pris
» d'eux l'art de forger des Fables
» & de donner le nom de Dieux à
» leurs Princes , & autres grands
» Hommes , comme il paroît par
» leur Philofophie & leurThéolo-
»gie myftique , qui renferme
»> fous le voile de la Fable , à l'imi-
» tation des Egyptiens, & les Scien-
» ces & les Myfteres de leur Na-
» tion. Quant à la flatterie , les
m Grecs ne font pas les premiers
» qui ayent donné le nom de Jupi-
j» ter , ou d'Ofiris à quelques uns
» de leurs Rois , par exemple à ce-
» lui de Crète , d'autant que les
» Egyptiens , dans l'Obélifquc
» qu'ils élevèrent en l'honneur de
» Rameflls en donnent une preuve,
» On peut voir par l'infeription de
» cet Obélifque que le moindre ti-
» tre qu'ils donnèrent, au Roi , eft
6>>6 JOURNAL D
» celui de fils dit Soleil , qui eft la
» même chofe qu'Ofiris, ou Sei-
71 gneur de l'Univers.
M. Colonne , après un grand
nombre d'autres articles concer-
nant l'Hiftoire de differens Peu-
ples , examine s'il y a eu autrefois
un Royaume des Amazones. La
Rivière qu'on appelle des Amazo-
nes , lui donne lieu de dilcuter ce
point.
Il s'agit de fçavoir fur quel fon-
dement les Poètes & les Hiftoritns
ont tant parlé de ces femmes guer-
rières. Homère les fait venir au
Siège de Troyes , accompagnées
de leur Reine Pantafilce ; Qyinte-
Curce dit qu'une de leurs Reines,
nommée TalePcris , vint trouver
Alexandre pour en avoir lignée,
que ces femmes alloient en certains
tems chez leurs voiiins faire allian-
ce avec eux, qu'elles tuoient tous
les en fans mâles qui venoient de
cette alliance , S: qu'elles ne con-
fervoient que les filles. Notre Au-
teur remarque à ce fujet , qu'il n'y
a nulle impoflibilité , que des fem-
mes , particulièrement celles des
montagnes de Caucafe , où l'on
place leur Royaume , étant élevées
durement comme nos Payfannes ,
ayent eu la force de manier les ar-
mes , & le courage de combattre.
Que l'éducation eft une grande
maître (Te , & que fi parmi nous
quelques femmes ont eu l'inclina-
tion guerrière , plufieurs autres
peuvent l'avoir eue. Il raconte fur
cela avoir vu à Paris du tems de
Louis XIV. une femme , qui ayant
fervi long-tcms à l'armée , fans que
ES SÇAVANS,
jamais perfonne eut foupçonné fon
fexe , fut euhn trahie par une blef-
fure , que dans un combat elle re-
çut à la poitrine , & qui l'obligea
d'appelier les Chirurgiens ; l'Hi-
ftoire eft connue, &c Louis XIV.
ayant appris le fait , fit fortir des
troupes cette temme , & luialîigna
une penfion.
On a vu dans le fiecle précèdent
Anne Ginga Reine d'Angole ,
combattre & vaincre en plufieurs
batailles , les Portugais & ceux de
Congo. Elle nourrilïbit dans fa
Cour plus de 60 jeunes garçons
très-robuftes , habilles en femmes.
Elle au contraire s'habilioit tou-
jours en homme , & fe faifoit ap-
pellcr Roi d'Angole. L'on raconte
de grandes actions de cette femme,
que les Millionnaires convertirent
à la Foi Catholique. 11 eft proba-
ble que d'autres femmes de fa Cour
imitoient leur Reine , & ne la laif-
foient pas aller feule dans les dan-
gers.
Notre Auteur joint à cet exem-
ple cùui que rapporte le P. Lam-
berti dans û Relation de la Cokhi-
de & de la Mingrelie , Provinces
auprès defquelles les anciens Au-
teurs placent les Amazones , fça-
voir , Que dans une irruption que
les habitans des environs du Cau-
cafe firent contre les Mofcovites ,
eu les agreffeurs furent défaits ,
l'on trouva parmi les .morts pref-
que autant de femmes que d'hom-
mes ; ce qui ne ravorife pas peu ce
qu'on raconte des Amazones ,
puifque les Cofmographes mettent
ces femmes dans ces Pays là Si dans
S E P T E M
retendue qui eft entre le Pont Eu-
xin &c h Mer Cafpienne, un peu
plus vers cette dernière Mer. M.
Colonne ajoute quelques autres
faits à ceux-là, après quoi il vient
aux inégalitez du Globe de la Ter-
re , aux feux fouterains , aux eaux
minérales & chaudes , à la circula-
tion des eaux dans le fein de la ter-
re, à la mer & aux divers change-
mens arrivés au Globe terreftre,
ce qui termine la féconde Partie.
Quant à la troifiéme, il y traite
de la génération du Sel , de celle
du Sable , de la génération de tou-
tes les fortes de pierres , foit mol-
les ou dures , foit opaques ou
tranfparentes. Il y traite de l'Ai-
man en particulier , du magnetif-
me en général , enfin des métaux
& des minéraux.
Les pierres opaques dont il par-
le font le Jafpe , la Cornalline ,
la pierre Néphrétique , l'Ematite ,
la pierre étoilée, la Turquoife, la
pierre d'Aigle , & les pierres qu'on
appelle figurées. Il croit avec le Phi-
losophe Boile , que le Jafpe rouge
a une vertu finguliere pour arrêter
le fane; , que la Cornaline eft fpéci-
fique contre les palpitations de
cœur , les pierres Néphrétiques
contre lagravelle. Les bonnes pier-
res Néphrétiques, félon lui , vien-
nent de l'Amérique. Les Sauvages
les tirent d'un limon particulier ,
auquel ils donnent diverfes figures
tandis qu'il eft mol , mais qui dans
la fuite fe durcit à l'air. Il attribue
à la Turquoife , après divers Au-
teurs , une propriété que bien des
gens auront faus doute peine à croi-
B R E , 17? 4. tf57
re : C'cft que cette pierre annonce
à celui qui la porte , les malheurs
dont il eft menacé. Notre Auteur
trouve ici une Hiftoire au befoin.
Boëtiusde Boot , celui qui a don-
né un Traité des Pierres , & qui
étoit Médecin de l'Empereur Ro-
dolphe II. avoit au doigt une belb
Turquoife enchaiTce dans de l'or :
il s'apperçut un jour que fa Tur-
quoife étoit fendue , &c fi fendue
qu'un morceau s'en feroit détaché,
fi l'or dans lequel elle étoit engagée
ne l'a voit retenu: ce qui fut, fuivant
ce que M. Colonne fait dire à Boë-
tius de Boot , le préfage du mal-
heur qui arriva le lendemain àBoé-
tius , car ce Médecin étant monté
à cheval ce jour là , tomba de che-
val &c fe caifa la jambe ; accident,
dit ici M. Colonne , qu'on auroit
pu attribuer au hazard , fi une fem-
blable fracture n'étoit arrivée une
autre fois à la pierre , la veille d'un
jour où Boetius fe démit une côte.
M- Colonne n'en demeure pas là :
» Je puis alTiirer , dit -il , que ma
=» mère portoit au doigt une très-
» belle Turquoife , dans laquelle
j> on lifoit , pour ainfi dire , l'état
» de fa fanté , fuivant les change-
as mens de couleur qui arrivoient
*> à cette pierre. Je puis affurer cn-
» core , avec vérité , que fuivant
» certains points noirs , & autres
» marques extraordinaires , on
» pouvoit prédire avec fureté les
» malheurs externes qui dévoient
» lui arriver t de quoi on ne peut
» pas rendre facilement raifon , à
» moins de dire avec les Aftrolo-
? gues , que quoique les malheurs
658 JOURNAt D
» exterieursn'alterent pis le tempe-
» rr.mment d'une manière qui pro-
»> duife des maladies fenfibles ,
>» néanmoins l'Ailre malin qui les
» caufe ne laiffe pas d'agir fur le
» temperamment.
Nous laiffons aux Lecteurs à juger
de ces fentimens de M. Colonne.
Il vient enfuice à la pierre qu'on
nomme étoilée : il dit que cette
pierre étant coupée mince Se mife
dans un plat avec du vinaigre , fe
meut & court d'un bout à l'autre.
Mais nous ne fçaurions nous dif-
penfer de remarquer à cette occa-
fion,quc le vinaigre produit le mê-
me effet fur toutes les petites pier-
res , comme font les petits gra-
viers qui fe trouvent le long des
rivières; c'eftde quoi chacun peut
fe convaincre par l'expérience.
Nous biffons plulîeurs autres arti-
cles pour venir à celui de .l'Aiman
& à celui du M agnétifme.
Quant à i'Aiman , notre Auteur
avoiie que Defcartes a donné un
beau jour à ce qu'Epicure a enfei-
gné touchant les effets de cette
pierre , fçavoir que tels effets pro-
viennent d'une quantité d'atomes
piroiietans qui s'exhalent de la pier-
re d'Aiman -, mais il déclare en mê-
me tems qu'il ne fçauroit approu-
ver la figure de vis que Defcartes
donne ici aux atomes d'Epicure ,
non plus que celle d'écroiie qu'il
donne aux fibres de l'Aiman , par
lelquelles la matière magnétique
paffe , ni la figure d'épi , ou de
pointe de dard que d'autres Au-
teurs prêtent à cette matière mag-
nétique. La raifon qui empêcke M.
ES SÇAVANS;
Colonne d'être de cette opinion,'
c'eft, dit-il, que la nature opère
fimplement 0" fans tant de machines.
Mais quel elt donc le fentiment de
notre Auteur lur l'effet de l'Ai-
man î Le voici : il croit que fans
ces fuppofitions de vis & d'écto/ies,
fuppolîtions qu'il appelle artificieu-
fes t l'on peut rendre raifon de tous
les effets merveilleux de la pierre
dont il s'agit , en difant que la même
matière éthérêe qui , jointe avec les
atomes de l'air fait toirner la terre ,
& qui fe meut avec une rapidité ex-
trême , fort par un coté des fibres de
l'aiman , & rentre par le coté oppofé>
formant ainfl un petit tourbillon qui
fait faire à l'aima» tous les mouve-
mens qu'on y remarque. M. Colonne
prétend que le feul mouvement
rapide de cette matière , que l'on
appellera , fi l'on veut , matière
magnétique , fuffit pour expliquer
tous les phénomènes de l'aiman.
Il entre à ce fujet dans iwi détail
qu'il feroit trop long d'expofer ici,
on le peut voir dans le Livre.
Quelques Auteurs ont écrit que
l'Aiman réduit en poudre confer-
voit toujours la vertu de tirer le
fer.
M. Colonne ne donne pas dans
cette penlée , il déclare qu'une
pierre d'Aiman quelque efficace
qu'elle foit, n'a plus de force étant
réduite en poudre , & il foûtient
qu'elle ne peut pas même tirer
alois la plus petite parcelle de fer.
Il ne nie pas qu'un bon Aiman
puL'erifé ne puiffe faire forrir le
ter d'une playe v étant appliqué
en cataplâmc , mais il prétend que
l'Aiman
S E P T E M
l'Aimât! nagit point alors pur attrac-
tion, & <jn" connu cette pierre con-
tient beaucoup de fer & defùHptire
jn> /.' compofent } il arrive eftfen ref-
• les chairs , elle faitfèrtir te fer
qui eft ians la plays.
Pour ce qui elt du magnétifme
de plufieurs autres corps , M. Co-
lonne prétend que ce magnétifme
vient comme celui de l'Aiman de
l'cmilfion de quelque matière fpi-
iitueufe qui fort d'un corps &c qui
rencontre les fibres ou les efprirs
d'un autre corps avec lefquels elle
s'alTocie.
Ce principe pofé , il ne croit pas
qu'il en taille davantage pour ex-
pliquer ce qu'on rapporte de la Be-
lette à l'égard du Crapau , fçavoir
qu'elle va fe jetter d'elle - même
dans la gueule de cet animal ,
quand il fe prefente à elle. Car il
ne doute point du fait , & il affine
qu'en 1723. un piqueur fit voir au
Roi , &: à toute la Cour qui chaf-
foit dans la forêtde Fontainebleau,
cet effet du Crapau fur la Belette.
Le Piqueur prit une Belette & la
mit auprès d'un Crapau ; à cette
vue elle fit plufieurs cris , & après
s'être agitée longtems , elle alla
enfin, dit notre Auteur, mettre
fa tête, en prefence de tout le mon-
de,dans la gueule de cet animal.
Voilà le fait comme M. Colonne
le raconte. Voici l'explication qu'il
en donne , nous la rapporterons
mot à mot.
» Quand nous verrons que la Be-
» lette va fe jetter elle même dans
» la gueule du Crapau qu'elle
» abhorre , il faut dire que cetef-
Septemb.
BRU, !7H< 6"?$
» fer provient des vapeurs véni-
>» meufes qui s'exhalent des yeux.
» & de la gueule de cette vilaine
» bête , k-fquelles troublent de
» manière les efprits de la Belette,
» l'enyvre à un point , qu'elle ne
»> fçait plus ce qu'elle fait , & en
» quelque manieie elle fefenren-
» veloppée &c attirée dans le ventre
» du Craj au , commele fuccin en-
» veloppe la paille & autres corps
» légers qu'il attire à lui. Il en faut
» dire de même de la Belette qui
» attire le Roffignol.
Notre Auteur pour appuyer cet-
te explication allègue ce que peu-
vent fur l'efprit de l'homme, les
charmes d'une femme : nous rap-
porterons encore fes propres paro-,
les.
» Quoique cet effet ( du Crapau
» fur la Belette ) paroi fie furpre-
» nant , cependant celui qu'une
» femme fait tous les jours fur un
*> animal auffi raifonnable , que
» l'homme fe dit être , me paroît
m encore plus merveilleux. Car
» fouvent elle l'attire à elle malgré
» lui , comme le Crapau fait la Be-
» te, cv le force contre les lumières
» de fa raifon , à faire tant de fotti-
» fes , fouvent même de courir à
y la mort , foit par jaloufie , ou
» par vengeance , ou pour parvenir
» à une fatale union qui fait tant de
» honte , étant bien confîderée , à
» la nature humaine. N'étant que
» trop vrai qu'un homme lur qui
» les vapeurs d'une femme , ont
» beaucoup d'attraits eft capable
» de tout faire , & de tout entre-
» prendre à quelque prix que ce
A aa a
540 JOURNAL D
» foit , & en connoiftant même
3> ibuvent que fa perte eft intailli-
•a ble -, on doit entendre la même
» chofe de la femme dominée par
*> les vapeurs de l'homme , laquel-
» le , quoique timide , ofe tout en-
» treprendre en ta faveur.
Notre Auteur explique par le
même moyen , c'eft -à-dire par l'é-
milïioii de vapeurs qui exhalent
d'un corps 6V qui entrent dans un
autre ce qu'on ditde la Torpille,
laquelle engourdit le buas de ceux
qui la touchent avec un bâton , &
il explique de la même manière
comment le Bafilic peut tuer par
fon regard , comment des hommes
peuvent endommager par leurs
yeux , des troupeaux entiers , ainfi
que le témoigne Virgile par ces
mots , oculis mihi fafemat agnos t
comment un homme qui fut brû-
lé à Naples en 16C0. pouvoit cm-
poifonner à fon gré , toutes fortes
de perfonnes félon la manière dont
il s'y pïenoit pour les regarder ; ce
qui eft fi vrai , dit notre Auteur ,
que cet homme avoiia dans les
tourmens de laqueftion , avoir fait
mourir ainfi un Evêque qui le me-
naçoit de quelque châtiment. On
lit dans le Voyage Hiftoriqued'A-
billinie imprimé à Paris en 1729.
chez la veuve Coutelier, que ie
Pcre Lobo s'étant couché à terre en
traverfant un defert , s'en trouva
très incommodé , qu'il fur obligé
de fe relever fur le champ , & qu'é-
tant de bout , il apperçut à quatre
pas de lui , un de ces Serpents qui
lancent leur venin d'allez loin -,
Que fi ce Père eut attendu plus
ES SÇ A VAN S,
long-tems & n'eût pas pris la fuite,
ce Serpent l'eût tué lans l'appro-
cher de plus près. Ces Serpens ne.
font pas fort longs , ils ont le
ventre gros , roui tacheté de noir „
de brun & de laune. Ils ont la gueu-
le très - grande & refpirent beau-
coup d'air qu'ils retiennent Se
qu'ils repouffent er.luite avec tant
de torce de d'abondance , qu'ils
enpoiionnent cV tuent de plu-
ficurs pas.
M. Colonne n'oublie pas cette
Hiftoire qui eft bien plus vraifem-
blable que celle qu'il rappoite en-
fuite fur la foi de Léona.d Varis ;
fçavoir , qu'un homme étant entré
chez un Lapidaire qui avoit entre
les mains , une pierre de prix , ne
fit que la regarder , & la rompit
tout d'un coup en deux , par foa
feul regard-, il rapporte encore ce
qu'on lit dans le Père Nieremberg
d'un autre homme qui en regar-
dant d'une certaine façon, un che-
val , le faifoit tomber tout d'un
coup par terre.
La pierre nommée Selenite dont
parle le Docteur Mizaldus , com-
me d'une merveille qu'il a vue dé
fes propres yeux, n'eft pas non plus
lailtée en arrière par M. Colonne ,
Se il en fait un long article : c'eft
une pierre fur laquelle eft une ta-
che blanche qui croit , dit-on , &
décroit avec la Lune.
La pierre nommée fJélites , c'eft-
à-dire Snlairc , laquelle par une ta-
che d'or qu'on y voit , marque le
lever & le coucher du Soleil , eft
une autre merveille que notre Au-
teur ne cioit pas moins véritable:
S E P T E
il dit que le Pape Clément VII.
aveit , à ce qu'on prétend , une
fembiable pierre , & que le Pape
Léon X. avoit une Sélénite, qui
eft celle qui marque par une tache
blanche,quand la Lune croit ou dé-
croit.
Nous redirons rien ici de l'her-
be nommée Aglaophoris , qui, pen-
dant la nuit , dit notre Auteur,
brille comme la Lune ; ni de l'her-
be appellée NiBgreto , laquelle ac-
quiert la même vertu , quand on la
fait fecher trente nuits au clair de
la Lune, c'eft Démocrite qui racon-
te la chofe , &: il n'y a pas d'appa-
rence , dit M. Colonne, qu'un aui'fi
grand homme que Démocrite, eût
ofé avancer une telle chofe fans un
fondement folide.
L'Hirondelle marine qui étant
fufpenduë morte, ne manque point
à ce qu'on dit , de tourner toujours
le bec vers l'endroit d'où le vent
fouftle , arrête particulièrement
l'attention de notre Auteur , qui
n'omet pas de rapporter là-deflus le
témoignage de Kirkeri il avoue
qu'il eft difficile de découvrir la
caufe de ce Magnétifme ; mais
on peut dire , à ce qu'il croit, »que
» la même propriété que ce poif-
» fon polïede étant vivant, de fe
» tourner vers le vent qui foufïle ,
» il la conferve encore après fa
» mort , en forte que de la même
» manière que le courant de la ma-
=• tiere magnétique dirige l'aiman
» vers les pôles , femblablement la
«» matière du vent dirige les fibres
» de ce poiflon mort , comme il
» les dirigeoit pendant qu'il étoit
u en vie.
M B R E ; i 7 5 4. ^r
La différence que M. Colonne
trouve ici , c'eft que l'aiman pa-
roît fe diriger toujours vers un
point fixe , au lien que le poiflon
volant dont il s'agit, tourne tou-
jours plus aifément &£ plusfûre-
ment qu'une girouette , à toutes
fortes de vents. Tout ce qu'il croit
qu'on peut dire là-deflus , après
Kirker , c'eft qu'il eft probable que le
vent eft abfolument l'agent de cette
merveille , comme le courant de lit
matière magnétique eft l'agent qui fait
tourner l'aiman, lequel ne donne de fa
■part , que la direïïton defes fibres , ce
qu'on ne peut pas dire de l'HyronM-
le Marine.
En voila fuffifamment pour
donner une idée de cette Hiftoire
Naturelle de l'Vnivers. Nous ne
croyons pas même , après ce que
nous venons d'en rapporter , qu'il
foit neceflaire de faire dans la fuite
aucun Extrait des trois autres Par-
ties que le Libraire promet de pu-
blier inceflamment.
Nous nous contenterons feule-
ment d'avertir ici que M. Colonne
y parlera i°. du flux & du reflux de
la mer en général &c de celui de
l'Euripe en particulier ; 20. des
Tempêtes , des Météores , & des
courans de la mer , des pluyes or-
dinaires 6V extraordinaires ; 30. des
Lacs , des Fontaines , des Rivières
Se des Plantes; 40. des Animaux
Quadrupèdes , des Oifeaux &c des
Poiflons , des Infc&es 5c des petits
Animaux qui ne font vihbles que
par le Microfcope , & enfin de
l'homme ; 50. des Vents , tels que
les Vents Alifées , Mouflons & au-
A a a a ij
6kz JOURNAL DES «ÇAVÂNS,
ries qui foufflcnt communément tems de l'année. C'eft l'avis que
rers certains endroits 6c en certains donne le Libraire.
t ES JNTF, RESTS PRES ENS DES PVISS4NCES DE
L'Europe fondis" fut les. Traitez, conclus depuis la Paix âVrrccht incluji-
U C preuves des prétentions particulières. Par M. J. RoulTet,
Membre de la Société Royale des Sciences de Berlin , &c. A la Haye ,
chez Adrien Moetytni ■', Libraire. 17;, 3- '«-4°. 2.. Vol. Tom. I. pp. 608.
Tom. II. pp. 760.
UNE des principales pirties
de la Politique eft de connoî-
tre les intérêts des Princes , & d'ê-
tre inftruit de leurs prétentions res-
pectives. C'eft pourquoi la plupart
des Auteurs qui ont travaillé fur la
Politique ou furie Droit Public,
ont traité cette matière importan-
te. Mais Henri Duc de Rohan eft
•le premier qui ait donné au Public
un Traité des Intérêts des Princes.
Ce Traité a été réimprimé plu-
sieurs rois , même avec des addi-
tions é\: des remarques que d'autres
Auteurs v ont faites. Catien Cour-
tils de Sandras , connu en Hollan-
de fous le nom de Montfort , a
publié en 1685. un Volume fous le
même titre t qui a été réimprimé
trois fois en peu de tems. M. Rouf-
fet dit que le Duc de Rohan écri-
vant en grand Capitaine étoittrop
conhis , & que l'autre écrivant en
Auteur étoit trop prolixe , & qu'il
fe jettoit fouvent dans des di^ref-
fions ennuieufes. Il reproche à
Courtils trop de partialité. Mais il
n'ajoute pas ce que difent M. Lan-
glet Si le Père le Long en compa-
rant ces deux Ouvrages, que le
Traité de Courtils n'eft qu'une
ojauvaife copie d'un excellent ori-
ginal ; que le Duc de Rohan eft un
Politique confommé3quipaile avec
connoiflance , Se Cou.tils un
Avanturier qui hazarde quelques
reflexions fur le peu qu'il fçait du
fujet qu'il traite.
Quoiqu'il en foit de ces deux.
Ouvrages , il eft arrivé de fi gran-
des révolutions en Europe , non
feulement depuis le tems auquel,
le Duc de Rohan écii voit , mais
encore depuis 1 rtS j. que Courtds a^
écrit fur ce fujet , que la plupart
des observations de ces deux Au-
teurs ne peuvent guéresêtre d'ufa*
ge aujourd'hui.
A l'égard des prétentions refpeo
tives des Princes, c'eft une matiè-
re qui a été traitée avec beaucoup
d'étendue dans un Volume in fol.
en Allemand de M. Schweder Ré-
férendaire du Tribunal de la Po-
meranie Brandebourgeoife qui a
pour titre Tliêâtre Hijforijue des
Prétentions & des Controverfes illu-
fires de l' Europe. Cet Ouvrage im-
primé au commencement du fié-
cle , a fervide Canevas [ c'eft l'ex-
preflîon de notre Auteur ] à celui
de M. GlarTey Confeiller de la
Cour de Saxe & Archivaire de l'E-
k&eui pour faire fur cette matière
S E P T E M
importante deux Volumes in-folio
qu "il a publiés en 172.7.
Les Intérêts des Princes & leurs
prétentions refpedives font deux
objets qui font tellement lies l'un
avec l'autre qu'il ne ferait guéres
polîîble dek'sdivifer. C'en: pour-
quoi notre Auteur les a réunis dans
fon Ouvrage fous chaque Chapitre.
Ses obfervations fur les Intérêts des
Princes font prefque toutes relati-
ves à l'état où fe trouve l'Europe
depuis la Paix d'Utrecht , de forte
qu'on peut le regarder comme le
précis des réflexions qu'il a euoe-
cafîou de taire en travaillant à fon
Recueil H-florique d' AEles } Négo-
ciations , Mémoires & Traitez depuis
la Paix d'Vtrecht , dont il a déjà
donné plufieurs Volumes , & qu'il
s'engage de continuer.
A l'égard des prétentions des
Princes fur leurs voilins , dont M.
Rouilet a traité , après avoir parlé
de leurs intérêts , il fait connoîtie
en quoi ces prétentions conliftent ,
& il rapporte un précis des raifons
pour ou contre ces prétentions.
Notre Auteur avoiieavec une fran-
chife qui ne peut que lui faire hon-
neur , qu'il a tiré la plus grande
partie de ce qu'il a dit fur ce fujet
de l'Ouvrage de M. Glaffey , dont
ceux qui n'entendent pas la langue
Allemande ont tant fouhaité de
voir une Traduction Latine ou
Françoife , & qu'il a été aidé dans
ce travail par M. Kauderbach qui
a travaillé avec M. Déciles aux no-
tes fur le premier Volume de la
traduction Françoife du de Thou,
imprimée en Hollande,
B R E ; 1734. 645,
Cependant M. RoufTet n'a point
cru devoir faire une traduction fui-
vie de l'Ouvrage de M. Glafley
parce qu'il lui a paru qu'il y avoit
trop de prolixité dans l'expoiîtion
des faits qui précèdent chaque pré-
tention , S>c parce qu'il a cru qu'il
feroit inutile d'entrer dans Je détail
de prétentions anciennes aufquelles
lesPrinces ont renoncé par desTrai-
tcz folemnels. Il met au nombre
de ces prétentions celle qu'avoit
l'Empereur , en qualité de Chef
de la Maifon d'Autriche , & de
pofleireur dcsPays Bas, d'ériger une
Compagnie des Indes en Flandres.,
Les Princes dont l'Auteur expo-
fe dans ce premier Volume les in-
térêts & les prétentions , font le
Pape , l'Empereur comme Chef de
l'Empire , èc comme Chef de- la
Maifon d'Autriche, les Cantons
Suillcs , la Republique de Venife^
le P\.oi & la République de Polo-
gne , le Czar de Ruille , les Rois,
dc Prude , de Suéde , de Dan-
nemarc , d'Angleterre , de Fran-
ce , de Sardaigne , d'Efpagne &
de Portugal. Ce qui lui fournit
la matière de dix-fept Chapitres. Il
en a ajouté un dix huitième au fu-
jet de la Pragmatique Sanction pat
laquelle l'Empereur régnant a
voulu régler la fucceflion à fes-
Erats héréditaires, fuivanr l'ordre
de primogéniture avec indivifibili-
té , non feulement en laveur des-
mâies , mais encore au défaut de
mâles en faveur des filles & de
leurs defeendans. L'Auteur n'a
point fait dans ceChapitrc, comme
dans les precedens, où il parle de-
6m JOURNAL D
lui-même ou d'après MM. Schwe-
der Se Glaffey. À pris avoir donné
d.uisce dernier Chapitre le rextede
la Pragmatique en entier avec
quelques Notes c\: quelques Pièces
qui peuvent y avoir rapport , il a
choiû" entre les écrits qui ont paru
pour ou contre cette fameufe
Pragmatique , ceux qui lui ont pa-
ru les meilleurs , biffant à ceux qui
liront ce Recueil à prendre leur
parti,fuivant que leurs lumières les
détermineront. Ce qui ne l'empê-
che pas de parler de cette Pragma-
tique comme d'une conftitution
ou pacte de famille qui lui paroît
jufte , & convenable aux pactes &c
aux conventions qui ont été laites
long-tems auparavant fur la fuc-
celîïon aux Etats héréditaires de la
Maifon d'Autriche.
Les Pièces inférées dans ce hui-
tième Chapitre font, i°. les prote-
ftations du Miniftre de l'Electeur
de Bavière à la diète de l'Empire,
appuyées de celles des Miniftres de
Saxe Sz du Palatin , qui foûtint ,
fans entrer dans le mérite du tond
de la Pragmatique Caroline , que
l'Empire ne pouvoit , ni ne devoit
s'engager à la garantie de cet ordre
de lucccllîon établi pour les Etats
héréditai es de la Maifon d'Autri-
che. 2°. Des Diflertations pour 5c
contre fur la queftion , fi la plurali-
té des voix a été dans la diète
de l'Empire d'accorder à l'Empe-
reur la garantie qu'il demandoit
pour fa Pragmatique , l'oppofition
de quelques Princes peut empê-
cher que la délibération de la Dicte
ne foit regardée comme uae Loi
ES SÇAVANS;
qui oblige tous les Membres de
l'Empire. 30. Des remarques des
Anglois où l'on forment que l'ob-
fervation de la Pragmatique eft
neceffaire pour conferver l'équili-
bre dans l'Europe. 40. Les réfle-
xion*, d'un Cofmopol i te qui prétend
que la difpofition de IaPragm3tique
de Charles VI. donne atteinte aux
Loix &: à l'ordre de fucceder dans
la plupart des Etats héréditaires de
la Maifon d'Autriche , & que cet-
te Pragmatique n'eft point revêtue
des forrmlitez necelfaires pour en
faire une Loi irrévocable. L'exa-
men de ces reflexions par un Pa-
triote Alhmani impartial 3une Lettte
qui fert de réponfes à l'examen des
reflexions du Patriote Allemand ;
& des obfcrvatiom où l'on défend
la Pragmatique , foit par rapport à
la forme , foit par rapport au fond.
Cette dernière Pièce elt Latine , de
même que la Diflertation où l'on
prétend prouver que la pluralité
des voix dans les Dictes de l'Empi-
re forme une conclulion qui obli-
ge tout le corps Germanique. Les
autres font des Pièces Allemandes
que M. Roulfet a mifes en Fran-
çois
A l'égard des autres Souverains
de l'Europe dont l'Auteur n'a
point parlé dans c- s deu\Volumes,
il fera de leurs intérêts &C de leurs
prétentions le fujet d'un Volume
que l'Auteurs'engage de donner au
Public dans peu de tems.
Les Recueils des Traitez & des
Actes qui rcmnliflent le fécond
Volume , que l'Auteur a publié en
même tems que fon premier Tome j
S E P T E M
ce font pour la plupart des Traitez
faits depuis 17 11. qui fervent de
preuve à un grand nombre de faits
fur lefquels roulent fes réflexions
par rapport aux intérêts prefens des
Princes. De tous les Traitez plus
anciens , il ne rapporte que ceux
qui d'un commun confentement
font regardés comme perpétuels.
Tels font la Bulle d'or, les Traitez
de \7eftphalie, celui d'Oliva , &
quelques Traitez de Commerce ,
qui font toujours en vigueur &c
qu'on renouvelle dans tous les
Traitez. M. RoulTet regarde ce
Recueil comme un corps univerfel
de droit politique pour l'état pre-
fent de l'Europe.
Après cette ample expofition du
plan de M. Rouflet , il ne nous
refle qu'à rapporter le précis d'un
article pour donner une idée de la
manière dont l'Auteur la remplit.
Il ne nous eft pas poflîble de parler
de chaque article ni même de cha-
que Chapitre qui eft compofe de
plufieurs articles fur des matières
toutes différentes.
Dans le Chapitre quatrième
l'Auteur traite des intérêts & des
droits de l'Empereur , comme
Chef de la Maifon d'Autriche -, le
premier objet qui fe prefente à fon
cfprit eft la Pragmatique qui tient
aujourd'hui toute l'Europe attenti-
ve.Il croit que cet ordre de fuccef-
fîon individuelle , dans l'ordre de
primogéniture , même par rapport
aux filles & aux defeenaans des fil-
les eft neceffaire pour conferver
l'équilibre en Europe , afin qu'il y
ait toujours une Maifon qui pmjjs
B H, 17 ? 4. 6+f
faire tête à la puilfance de la Maifon
de Bourbon ; cet ordre dans la fuc-
ceflïon lui paroît même une 1: ite
de la maxime politique qui a krvi
de fondement à la grande alliance
formée par le Roi Guillaume con-
tre les Royaumes de France &
d'Efpagne. Mais il avoue que ces
raifons politiques ne fuffiknr pas
pour autorifer la Pragmatique ,
même pour engager les autres Na-
tions à la garantir , fi elle fait pré-
judice à un tiers ; s'il y a , par
exemple , des pactes de famille en-
tre la Maifon d'Autriche & celles
de quelques autres Princes d Alle-
magne , pour une fuccellîon réci-
proque au défaut d hoirs mâles.
M. Roulfet foûtient que dans ce-
cas l'Empereur n'a pu dépouiller
ces Princes d'un dioit qui leur
étoit acquis. Notre Auteur vient
enfuite aux précautions que prend
l'Empereur, pour faire ftipuler la
garantie de la Pragmatique Sanc-
tion par tous les Traitez qu'il fait
avec d'autres Souverains. Mais il
obferve qu'on a mis la claufe dans
ces Traitez de garantie , autant que
cette Loi aura été reçue par les
Etats des Pays appartenans à la
Maifon d'Autriche , 6c que les dé-
fenfeurs de la Pragmatique ont
lieu de craindre que les Etats de
Bohême 6c de Hongrie ne préten-
dent fe prévaloir d'anciennes pro-
teftations , pour rétablir l'ék(5tion3
en appellant comme d'abus , dit
l'Auteur, au Tribunal de tout l'U-
nivers de la fourmilion qu'ils ont
témoigné , lorfqu'on leur a lu la
Pragmatique Sancfion5 parce qu'ils
6*6 JOURNAL DES SÇAVANS;
n'etoient point en état de faire au- ment que quelques politiques rc-
tre chofe , que ce que l'autorité
fouveraine appuyée de la rorce éxi-
geoit d'eux.
Quelques perfonnes font frap-
pées d'une autre vue. C'eft: que
l'Empire a , dilent-ils , intérêt
d'empêcher l'effet de la Pragmati-
que , afin qu'il ne fe trouve pas en
Allemagne un Prince allez puilTant
pour obliger les Electeurs à perpé-
tuer l'Empire dans fa tamille ,
comme il a été continué dans la
Maifon d'Autriche. M.RoulTet ne
dit rien qui détruife ce raifonne-
gardent comme un moyen qui au-
roit dû au moins empêcher les Im-
périaux de s'engager à la garantie
de la Pragmatique. Il fe contente
de foûtenir que l'Empereur s'efl;
conduit jufqu'à prefent de manière
à diflîper entièrement cette crainte
qu'on auroit pu avoir des prédecef-
feurs de Léopold.
Ceux qui font curieux de politi-
que auront recours au Livre même,
s'ils veulent voir un plus grand
nombre d'exemples.
JOANN1S-JACOBI MANGFTI MFDICïNyE DOCTORIS ET
Sereniflîmi Régis Prullîa: Archiatri Bibliotheca Scriptorum Medico-
rum , veterum &- recentiorum , in qua fub eorum omnium , qui à
Mundi primordiis ad hune ufqueannum vixerunt, nominibusordinc
alphabetico adfcriptis , viter compendio enarrantur; opiniones & lciip-
ta , modefta fubinde adjcéta Iv^fUn recenfentur ; ac Sectx prarcipuce ,
fub quarumque propria appellations cxplicmtur : lîcque Hiitoru Me-
dica verè univerialis exhibetur , &c. Genevx , fumptibus Perachon !c
Cramer. 1731.
C'eft à dire : Bibliothèque des Ecrivains de Médecine 5 tant anciens que mo-
dernes 5 oit l'on trouve leurs noms rannés par ordre alphabétique } leurs fies
en abrégé , leurs opinions y leurs Ecrits accompagnés d'une Critique ou d'un
Jugement modefle & leurs différentes Seules ; ce qui forme une Hifloirc
vraiment univerfelle de la Médecine : par Jean-Jacques Manget, Douleur
en M.decine t & premier Médecin du Roi de Prujfe. A Genève , aux dé-
pens de Perachon Se de Cramer. 1731. in-fol. 4. vol. Totn. I. pp. 58''.'
Tom. II. pp. 790. Tom. III. pp. 88- 570. Tom. IV. pp. €•■)•). fans com-
pter la Table. Planch. détachées xvi.
ENTRE les divers Auteurs ,
qui fe font propofé de raftem-
bler en un corps les titres de tous
les Livres de Médecine , & de les
ranger dans l'ordre le plus conve-
nable pour en former une Biblio-
thèque , on peut dire que Jean
Vanderlinden s Médecin d'Amfter-
dam s'eft acquis le plus de réputa-
tion en ce genre. Son Ouvrage inti-
tulé de Scnptis Medicis parut pour
la première fois à AmfUrdam criez
Blaeu en 1637.1/7-8°. puis en 1651.
Si en 1661. au même endroit & de
la
S E P T E M
la même forme, avec des additions
considérables. En ié%6. George-
Abraham Merckltn en donna une
quatrième Edition , beaucoup plus
riche &: plus commode que les
précédentes ; Si. elle fut publiée à
Nuremberg chez Endter , fous le
titre de Lindenius renovatus , in-40.
Mais comme depuis l'année i68tf.
on a mis au jour un grand nombre
de Livres de Médecine en toute
Langue , lefquels dévoient fournir
un ample Supplément aux pre-
miers Recueils , fans compter les
omitlîons des Ouvrages compofés
dans le cours des années antérieu-
res à cette époque , Se qui dévoient
entrer aullî dans ce même Supplé-
ment : M. Manget a eu le courage
de fe charger de cette tâche Se de
la remplir jufqu'à un certain point,
malgré les difticultcz Se les défa-
grémens inféparables d'un travail fi
fec& (i épineux.
Il eft vrai que ce travail devoit
l'être pour lui beaucoup moins que
pour quantité d'autres , par la lon-
gue habitude qu'il s'eft faite de ces
fortes de compilations , ayant pafTé
toute fa vie à ramaffer les maté-
riaux neceiTaires à la construction
de toutes les Bibliothèques dont l'af-
femblage doit meubler en partie le
Cabinet d'un Médecin qui com-
mence à prendre connoiflance des
Livres de fa Profeffion. En eflet
nous avons déjà de M. Manget une
Bibliothèque d'Anatomte en deux
Volumes in-folio \ une de Médecin
ne Pratique en quatre Volumes
in-folio ; une de Chirurgie , aulîi en
quatre Volumes in- folio; une de
Septemb,
B RE, 1734. 6*47
Pharmacie Se une de Chimie ■ cha-
cune en deux Volumes m-folto. Les
fouhaits ardens que fait le célèbre
Jean Albert Fabricius dans le dou-
zième Volume de fa Bibliothèque
Grèquey pour une nouvelle Edition
d'une Bibliothèque des Ecrivains
de Médecine , plus complette Se
plus achevée , que celles qu'on a
vues jufqu'ici ; ont beaucoup en-
couragé notre Auteur à l'exécution
d'une pareille entreprife, ainfi qu'il
l'avoue lui-même , dans fa Préface.
Comme il a pris pour canevas de
cette nouvelle Bibliothèque celle
de Merckfin ; un de fes premiers
foins a été de fe preferire pour l'ar-
rangement alphabétique des noms
d'Auteurs , un ordre tout différent
de celui qu'a fuivi fon guide , qui
les range par leurs prénoms ou
noms de Baptême ; ce qui met
fouvent dans la necedité de cher-
cher en deux endroits l'Auteur
dont on a befoin ; au lieu que M.
Manget les rangeant tous par leurs
noms de famille il épargne bien du.
tems au Lecteur. De plus , il arrive
quelquefois que lorfqu'un feul Se
même Auteur eft connu fous deux
noms differens , Aferckjin en parle
d'abord fous le nom le plus ordi-
naire , puis en reparle tout de nou-
veau fous le nom moins commun ,
répétant ce qu'il en a déjà dit ail-
leurs. M. Manget n'eft point tombé
dans ces fortes de redites. Mais
malgré toute fon attention à corri-
ger les fautes d'impreffion fans
nombre qui défigurent l'Edition
de Mercklin ; il ne fe flatte pas d'y
avoir aulîi - bien réuffi qu'il l'eût
Bbbb
éu8 JOURNAL D
fôuhaitê ; & cela par la négligence
des Copiftes , des Imprimeurs &
des Correcteurs. Cette négligence
elt allée jufqu'au point d'omettre
non feulement des fyllabes &c des
mots , mais encore des lignes en-
tières , fur - tout dans les extraies
qui ont été tranferitsdes Journaux
de Liplîc.
Quant aux fecours qu'il s'efi:
voulu procurer pour l'accroiffe-
ment & la perfection de cette Bi-
bliothèque , par le projet qu'il en
a publié il y a quelques années ; &
dans lequel il inviroit les amateurs
de la Médecine à lui indiquer de
quoi enrichir fa Collection : il
nous déclare qu'il n'a rien tiré pour
cela ni des Médecins François , ni
des Espagnols , ni des Anglois , ni
des Hollandois -, & qu'il n'a même
reçu que très-peu de chofe de fes
Compatriotes les Allemands-, mais
qu'en recompenfe , il n'a pas trou-
vé la même ftérilité chez les Mé-
decins Italiens; & que MM. Val-
lifiiieri , Nigrifoli , Lanz.oni ~ Fan-
toni , Bianchi 3 foit par leurs pro-
pres richeffes } foit par celles de
leurs amis répandus dans toute
l'Italie , ont été pour lui une très-
grande rellource. Il efpcre que les
Médecins qui dans les autres Pays
n'ont point répondu fur cet article
à fes prenantes follicitations, n'au-
ront point de reproches légitimes à
lui faire, s'ils ne trouvent dans cette
Bibliothèque nulle mention d'eux
ni de leurs Ouvrages : puifqu'il
s'eft vu réduit fur leur chapitre , à
ee que les Boutiques des Libraires
*- ' »- 'o'uuiaux publics auroien:
ES SÇAVANS,
pû lui en apprendre.
A l'égard des autres fources où il
a puifé , outre celles qui font indi-
quées dans le titre du Livre , &C
qui font les anciens Médecins dont
les Ouvrages font venus jufqu'à.
nous , les Ecrivains leurs contem-
porains ou autres qui ont parlé
d'euxJesCompilateurs de Diction-
naires , les Catalogues de Livres
de Médecine , les mélanges de l'A-
cadémie des Curieux de la nature '
les Atlcs de Copenhague recueillis
par Thomas Barthohn t ceux de
Lipfic : il a eu recours encore à la
Bibliothèque Efpagnole de Nicolas
Antoine , en quatre Volumes in-fol.
pour les Médecins de cette Nation;
à la "Bibliothèque Sicilienne de M.
Antoine Mongitore s en deux Vo-
lumes in-folio ; à l'Hiftoirede l'ZJ-
niverfité de Padoïte , par Nicolas
Comnine , en deux Volumes m fol,
aux Notices des Ecrivains de Bou-
logne données par François Pérégrini
& Antoine Orlandi , /w-40. au dé-
nombrement des Médecins Mtla-
nois , par Barthelemi Corté , in-^°.
à ['Italie Lettrée de Hyacinthe Gim-
ma , en deux Volumesl»-4°. pour
ne rien dire des différentes Hifloire;
de la Aîidecine , publiées par MM.
Daniel le Clerc , Godefroi Goelicke^
Jean Freind ; &cc.
Notre Auteur s'explique ici fur
la conduite qu'il a tenue en em-
ployant , dans cette Bibliothèque,
les obfcrvations extraites des Mé-
langes de l'Académie des Curieux. Il
avoit refolu , en premier lieu , de
ne pas fe contenter d'en donner les
lîmples titres t à l'exemple de
SEPTEM
■liderckjitt; mais d'en rranfcnre en
entier les plus remarquables , pour
faire mieux connoître par-là le gé-
nie & la fagacité de chaque Obfcr-
vateur». Mais comme ces nombreu-
ses additions auroient grolli l'Ou-
vrage outre mefure ; M. Manget a
cru devoir en retrancher la plus
grande partie , & l'on n'en trouve-
ra aucune dans les deux derniers
Volumes. Il n'en a pas ufé de mê-
me, par rapport à celles qu'il a ti-
rées des Ailes de Copenhague. Com-
me elles font également fçavantes
ôc curieufes , & que ces Actes font
devenus très-rares; il s'en: perfuadé
que bien loin d'être à charge aux
Lecteurs , elles enrichiraient infi-
niment cette Bibliothèque. Au re-
gard des Ailes de Lipfîc 5 non con-
tent d'y prendre tous les titres des
Livres de Médecine , dont il y eft
parlé , M. Manget en a emprunté
les extraits-mêmes , qu'il a inférés
en entier dans cette Bibliothèque ;
en forte que non feulement on y
trouve les titres de ces Livres, mais
on peut encore s'en former une ju-
fte idée par la lecture de leurs ex-
traits. Il en a fait autant , foit par
lui-même, foit par fes amis, pour
plu (leurs Livres de Médecine omis
dans les Actes de Lipfic , & qui
méritoient d'être connus plus par-
ticulièrement.
Notre Auteur prévient ici une
objection qu'on pourrait lui faire ,
feavoir qu'il a pa(fé trop légère-
ment fur le détail des Vies des Mé-
decins , nommément de celles qui
font rapportées fort au long dans
les Mélanges de l'Académie des Ch-
BR.E; i754« ^49
vieux. A quoi il répond , qu'il a
beaucoup mieux aimé le borner fur
ce point à ne faire qu'effleurer les
matières , que d'infpirer aux Lec-
teurs pareiïeux , en leur offrant des
extraits plus circonftanciés de ces
Vies , la tentation de s'en tenir à
ces (Impies extraits , fans recourir
aux originaux , très -dignes d'ail-
leurs d'être confiâtes , & qui ne
peuvent l'être qu'avec fruit. Telle
eft , entre autres , la Vie de Galien)
écrite par Chanter •. celle de Mal-
pighi , compofee par lui même , Se
où l'on trouve une Hiftoire fuivic '
détaillée , & raifonnée de toutes
les expériences & de toutes les dé-
couvertes de ce fameux Anato mi-
lle.
Du refte , malgré tous les foins,,
toutes les attentions , toutes les
recherches de M. Manget pour
mettre cette Bibliothèque en état
de fervir utilement les Médecins
dans leurs études ; il la regarde
encore comme infiniment éloignée
de toute la perfection , dont*" elle
ferait fufceptible. Il y manque , en
effet , l'Hifloire de la plupart des
Facultez ou Ecoles de Médecine
compofee avec la même exactitu-
de que celle de la Faculté de Pa-
doiie écrite par Comnéne ( donc
nous venons de parler ). Il y man-
que un dénombrement aufli com-
plet &£ auflî détaillé des Ecrivains
de Médecine des divers Pays ; que
Nicolas Antoine nous l'a fourni
pour les Auteurs Efpagnols , & M.
Mongitore pour les Siciliens. Il y
manque les Vies des premiers Mé-
decins des Souverains de l'Europe
B b b b ij
€yo JOURNAL DE
écrites avec la même diligence que
Mendofe a publié celles des pre-
miers Médecins des Papes. Mais il
y manque de plus un fecours très-
eifentiel pour les Etudians , lequel
fe rrouve dans le Lindemm rénova-
nts de Mercklin , & dont M. Man-
get ne parle pas.
C'eft une Table alphabétique ,
non des Auteurs , laquelle reluire
nectflairement ici de l'ordre qu'on
y donne à ces Auteurs , mais une
Table alphabétique des matières
difpofées en forte que chacune ren-
voyé jufte à tous les Auteurs qui
en ont traité , rangés alphabétique-
ment , & qui font renfermés dans
cette Bibliothèque. On dira peut-
etre que M. Manget y a pourvu
dans les 14 Volumes in-folio de Bi-
bliothèques concernant la Médeci-
ne , qu'il a publiées jufqu'ici. Mais
on fe tromperait fort h l'on fuppo-
Ibit que toutes ces Bibliothèques
pulTent tenir lieu de la Table dont
nous parlons. Ces Bibliothèques
en effet n'offrent par exemple fur
chaque maladie , fur chaque ope-
ration de Chirurgie , fur chaque
médicament , &c. qu'un certain
choix de Traitez ou d'Auteurs ,
fans indiquer tous les autres qui
ont écrit fur la même matière. C'eft
ce qu'avoient ébauché en quelque
forte Mathias Moroni , dans fon
DireBorium Medico-Prallicum , im-
primé à Francfort en 1663. /«-4e.
& Jean-George Wdtbers , dans fa
5 SÇAVANS,
Sylva Medica opulenriffima , pu-
bliée à Budiflen , en 1679. auffi
«24°. & ce qu'avoit exécuté plus
au long Martin Lipenius , dans fa
Bibliotbeca realis Medica } impri-
mée en 1679. in-folio ; ce qu'a fait
aufli Mercklin , quoique beaucoup
plus fuccinclemcnt en \6%6. dans
fon Lindenius renovatus. Il ferait à
fouhaiter que quelqu'un voulût
procurer la même commodité à
cette Bibliothèque , en y ajoutant
un cinquième Volume , qui com-
prendrait cette féconde Table al-
phabétique.
Il n'y a guéres d'apparence de
l'attendre de M. Manget lui même,
que fon âge de plus de 80 ans , fes
longs travaux , & fes infirmitez
( s'il vit encore ) ne difpenfent
que trop légitimement d'une pa-
reille entreprtfe , ainfi que de tou-
te autre. Auûrlailïe t il aux jeunes
Médecins , en finiftant fa Préface,
le foin de préparer pour ce dernier
Ouvrage tous les Supplémens dont
il aura befoin.
Aufurplus , il l'a orné de xv
portraits de célèbres Médecins, la
plupart affez mal gravés, & qui
font i°. le lien, placé à la tête de
l'Ouvrage, puis celui d'Hippocrate,
6 ceux de MM. Bonet , Dionis , le
Fort , Gmlielmims Frideric Hoffmans
Lancifï , Mayerns-Tnnjuet , Aiorga-
gni , Morton , Mufitano , Ramaz.-
zJm , Vallifmeri , Verbeyen , ôc
Z%>inger,
4$f§&
SEPTEMBRE, 1754:
«ï*
X ESP RIT DE L'EGLISE DANS LA RECITATION DE
cette partie de l'Office qu'on appelle Complies. En forme de Dialogue entre
le Maître & le Difciple. A Paris , chez André Catllean , Quai des
Auguftins , au coin de la rue Gift-le-Cœur , à S. André. 1734. vol.
is-11.pp.439.
L' A U T E U R de cet Ouvra-
ge avertir qu'il l'a principale-
ment compofé pour certaines per-
fonnes de pieté , qui vont fouvent
dans une célèbre Eglife de Paris ,
où l'on chante tous les foirs folem-
nellement Compiles. L'Ouvrage
coniîfte en une explication de tou-
tes les Prières qui compofent cet
Office. L'explication eft en forme
de Dialogue ; méthode qu'on a
jugée plus propre Se plus commo-
de pour inftruire les plus (Impies.
On a eu foin de donner des Para-
pheafes des quatre Pfeaumes de
Compiles , tirées de S. Jean Chry-
foftome , de S. Auguftin Se de faine
Bernard. Voici quelques exemples
de la méthode de notre Auteur.
Le Difciple. ■» Pourquoi donne-
« t-on le nom de Compiles à cette
» partie de l'Office >.
Le Aduitre. » Le nom de C001-
tt plies étant dérivé du mot Latin
u qui fignifie accompli , cet Office
» eft ainfi appelle parce qu'on le
«chante lorfque le jour eft ac-
» compli Se terminé , ou parce
» qu'il eft le complément Se le ter-
« me des Prières de l'Eglife.
Le Difciple. » Les Com plies ont-
» elles toujours fait une partie de
• l'Office Divin 5
Le Maître. » Non , ce n'étoit
» proprement que la prière que
•> l'on faifoit avant que de fe cou-
»cher. Auffi on ne les chantoit
» point folemnellement ; on ne les
n difoit point en commun , Se cha-
» cun les recitoit dans fon particu-
» lier.
» Nous en avons une preuve
» convainquante dans les régle-
» mens du Chapitre de l'illuftre
» Eglife de Notre-Dame de Paris ,.
j> qui font imprimés à la fin du pe-
» tit Ouvrage que Denis le Char-
» treux a fait de Vitk Canonicoritm.
» il y eft dit que les Chanoines ,
w avant que de fe coucher , fe reti-
» reront dans leur Oratoire ou dans
» l'Eglife , Se qu'ils reciteront les
* Prières de Complies. Antecjuam
» letto decumbant quifaue recédât in
» fuo Oratorio vel in Eccleflà \ CJ*
» recitet preces yus, diantur Com-
i> pletorittm.Encoïc aujourd'hui les
» Chartreux ne difent point Com-
v plies à l'Eglife , mais dans leur
» Oratoire en particulier.
Le Difciple. » Comment nous
» prouverez - vous que les Com-
» plies n'ont pas toujours fait par-
as tie de l'Office divin î
Le Maître. » C'eft que S. Bafilc .,
» S. Jérôme , S. Auguftin , S. Am-
» broife , Se plufieurs Auteurs Ec-
» elefiaftiques qui nous fontlenu-
» mération des Heures Canoniales,
» nous parlent de l'Office de h
6$% JOURNAL D
» nuit , de la Prière du point du
» jour [ qui font nos Liudcs ] de
» Tierce , de Sexte , de None ,
» de Vêpres , & rie font jamais
» mention de Complies.
Le Difciple. » Qui a été le pre-
» micr Inftituteur de Complies ?
Le Mdiire. » Le Cardinal Bona,
>• dans fon Traité de la divine Pfal-
» modie , nous apprend que S. Be-
» noît a été le premier qui a intro-
» duitcet ufage dans fes Monafte-
» res •, ce qu'il prouve dans le qua-
» rante- deuxième Chapitre de fa
» Régie , où ce S. Patriarche or-
» donne que d'abord après Vêpres,
j> les jours de jeûne , &c les autres
» jours après le fouper , tous les
» Moines s'aftemblent dans un mê-
t, me lieu , & que l'un d'entr'eux ,
11 lifc les Conférences de CaiTien ,
» ou h Vie des Pères du defert ,
»ou quelqu'autre Livre propre à
» les Edifier , après quoi ils reci-
» teront Complies , Se achèveront
» ainfi l'Office divin.....
Le Difciple fait ici à fon Maître,
une Queftion qui n'eft pas facile à
refoudre. Il demande , quand eft ce
que les Complies ont terminé l'Of-
fice divin ? & le Maître répond
qu'on ne peut aifément fixer le
tems où chaque Eglife à fuivi cet
ufage, il prétend que tout ce qu'on
peut dire de certain là-dellus , c'eft
que la Pratique dont il s'agit , a
pa(Té infenfiblemcnt d'une Eglife à
l'autre , & que peu à peu elle eft
devenue générale. Il obfervc que
l'on voit cet ufage établi dans l'E-
glife de Paris , au milieu du qua-
torzième fiécle ; fur quoi il cite le
ES SÇAVANS,
Continuateur de Nangis qui die
qu'en 1358. le Royaume étant
tombé dans une horrible confufiort
par la perte de la bataille de Poi-
tiers, Se parla prifon du Roi Jean,
le Régent du Royaume fit faire des
déienfes dans tout Paris , de fonner
les Cloches depuis Vêpres jufqu'au
lendemain , pour ne pas troubler
ceux qui faifoient la garde ; ce qui
donna occafion aux Chanoines de
reciter leurs Matines après Com-
plies , la feule Cathédrale conti-
nuant à les Chanter à minuit félon
la coutume. Tnnc Canomct poji
Completorium, fuas cantabant celeri-
ter Afatutinas , quas antea confuc-
verartt horâ nolhs mediâjignis folem-
niterpitlfatis , dévot lus perorare.
Mais qu'eft-cc qui a donné occa-
fion de chanter ainfi Complies &
d'en faire une partie de l'Office ?
Notre Auteur croit que c'eft la
négligence des Fidelles tant Clercs
que Laïques , qui croyant avoir fa-
tisfait à leur devoir en ailiftant à
l'heure de Vêpres , & fe trouvant
fatigues pour s'être trop livrés à
des occupations feculieres , alloient
fe plonger dans le fommeil fans le
prévenir par la Prière du foir. Voi-
là , félon notre Auteur , la raifon
pourquoi l'Eglife a fait des Com-
plies une Prière publique ; c'eft
qu'elle a voulu engager par- là les
Fidelles à fanctifier le repos de la
nuit.
Une difficulté fe prefente ici ;
c'eft que dans plusieurs Monaftercs
&c dans plufieurs Chapitres , l'on
chante Complies immédiatement
après Vêpres , & par confequent
S E P T E M
îông rems avant l'heure du fom-
nieil. Notre Auteur dit d'abord là-
dclTus , que cette pratique eft un
abus dueètement oppofe à l'efprit
de l'Eglife , qui fouhaite que cha-
que Office foit recité à l'heure qui
lui convient-, mais enfuite^ comme
s'il craignoit de s'être trop avancé ,
il tâche d'adoucir fa décidon en
difant , i". que ce qui peutexeufer
ceux qui chantent ainfï Complies
immédiatement après Vêpres , c'eft
que n'étant plus renfermés dans des
Cloîtres , &c ne vivant plus en
communauté , ils ne pourroient
s'affiembier commodément pour
chanter Complies à l'heure conve-
nable , 2°. Qu'on doit préfumer de
leur dévotion , qu'ils ne manquent
pas de prier , ou de faire des lectu-
res de pieté avant que de fe cou-
cher , &c qu'ainli ils fe raprochent
de l'efprit de l'Eglife , dont ils
fcmblent s'être un peu éloignés.
Après ces reflexions , l'Auteur
entre dans le détail de l'Office dont
il s'agit , & il en explique toutes
les parties. 11 explique, par exem-
ple , ce que c'eft que la demande
que le Chantre fait à l'Officiant ,
en lui adreilant ces paroles qui
commencent l'Office , Jubé Damne
benedicere , ce que c'eft que cette
Bénédiction même , qui confille à
fouhaiter à tous ceux qui font pre-
fens, que le Dieu tout puiffant leur
accorde une nuit tranquille & une
fin parfaite , ce que lignifient ces
paroles quifuivent la Bénédiction
& qui font tirées du premier Cha-
pitre de la première Epître de faint
Pierre : Fratres , fobrti eftotc 3 Sec
B R E , i 7 ? 4. 6*5-3
Chers frères , foyez. fibres & veillez
car le démon votre ennemi tourne au-
tour de vous comme un lyon ruqiffant,
Sec. Viennent enfuite toutes les au-
tres parties de l'Office de Cem-
plies , & l'Auteur n'en laiife aucu-
ne fans effayer d'en marquer le
fens & l'efprit.
Pour donner un exemple de la
manière édifiante & inftructive
dont il s'en acquite , nous rappor-
terons l'explication qu'il donne des
paroles précédentes : Sobrti eflote &
vigilate , quia adverfarius vefler
diabolus s tanqmm leo rumens circuit
cjtisxens qttem devoret , eut rejiflite
fortes in fide. Première Epître de
S. Pierre , Chapitre 5.
Le Dilciple demande d'où vient
qu'on fait cette lecture dès le com-
mencement de Complies , vu que
cela paroît contraire à l'ordre gardé
dans les autres parties de l'Office
Divin. Le Maître répond que cette
lecture confirme ce qui a été remar-
qué plus haut , fçavoir que S. Be-
noît eft le premier Instituteur de
Complies ; en forte que lorfqu'on
lit cec endroit de l'Epure de Saine
Pierre , fi propre au tems de la
nuit , c'eft fur le modèle de la lec-
ture que les Religieux de S. Benoîc
faifoient avant que de reciter les
Pfeaumes de Complies ; mais fi ce
que dit notre Auteur eft véritable ,
il femblc qu'on devroit donc lire
tout le Chapitre de cette Epîrre
pour fe conformer à l'efprit de ce
Légiflateur , qui vouloit que la
lecture fut au moins de quatre ou
cinq pages. Notre Auteur fe fait
l'objection lui-même 3 5c il répond
6y* JOURNAL D
que pour s'accommoder à la roi-
blelîe du grand nombre , qui fc
plaint de la longueur de l'Office ,
on s'eft contenté de ces deux ver-
fets , où S. Pierre recommande de
fe tenir en garde contre les embû-
ches du Démon.
Le Difciple fatisfait de la répon-
fe n'infîfte pas davantage ; mais
il veut fçavoir ce que c'eft que cet-
te fobrieté recommandée ici par
S. Pierre , fobru eftote , foyez. fibres.
Le Maître lui ri-pondquela fobrie-
té dont il i'jgit, n'eftpas fimple-
ment celle qui retient l'homme
dans les bornes qu'il doit garder
fur le boire & furie manger, qu'il
fuffit pour être fobre de la forte ,
de confulter fa fanté , &c de fuivre
les lumières de la raifon ; mais que
la fobrieté dont parle S. Pierre dans
cette occafion , conlifte principale-
ment à s'abftenir , non feulement
de tous les plaiiîrs criminels ou
dangereux , mais à ne goûter de
ceux qui ne font pas détendus ,
qu'autant que la neceffité , & l'cf-
prit de pénitence le peuvent per-
mettre , & à imiter fur ce point , la
fage conduite de ces généreux Sol-
dats , qui , marchant contre les
Madianites fous la conduite de Gé-
déon, fe contentèrent de boire un
peu d'eau dans le creux de la main,
fans fe pancher à terre pour fe dé-
fclterer entièrement.
Outre la fobrieté , S. Pierre re-
commande la vigilance ; le Difci-
ple , à l'occafion de ce fécond
point, demande comment on peut
garder la vigilance pendant le fom-
meil ; & fi c'eft que l'on puifle
ES SÇAVANS,
tout à la lois veiller &c dormir? ic
Maître répond que l'époufc du
Cantique montre à accorder cette
contradiction apparence lorfqu'ellc
die : Je dors & mon cœur veille.
Puifqu'en effet » il eft une vigilan-
» ce intérieure que le fommeil ne
» doit jamais interrompre ; en for-
n te que lorfque nos iens font allou-
» pis , & que nous fommes forcés
» par la nature , de fatisfaire à cette
» fâcheufe neceffité , nos penféts Se
» nos délits ne doivent point céder
» de s'élever vers Dieu*
Le Maître cite là defïus S. Am-
broife &dit que,felon ce Père,» no-
» tre fommeil doit être femblable à
» celui de la Sainte Vierge: Que la
» Sainte Vierge , pendant qu'elle
» dormoit ( car c'eit ainiî qu'il en-
» tend le mot infomnis dont fe firc
» S. Ambroife ) repalToit les lectu-
»res qu'elle avoir faites dans les
» Livres faints ; Qu'elle reprenoit
a alors les méditations dont elle
» s'étoit occupée ; Qu'elle fe pre-
n paroit à exécuter les entreprifes
» qu'elle avoit formées pour le fa-
» lut des pécheurs ; Qu'elle regloit
» par avance , toutes les actions de
» la journée. Fréquenter infomnis
y> aitt lefla re petit , AUt gerenda pr£-
» nuntiat.
Ces remarques font fuivies de
quelques autres furl'ufage qui s'ob-
ferve dans toutes les Eglifes , de
reciter au commencement de
Compiles , l'Oraifon Dominicale ,
Si le Confiteor ; après quoi notre
Auteur vient aux quatre Pfeaumes
qui compofent proprement le
corps de cet Office : fçavoir , au
Pfcaume
S E P T E M B
Pfeaume quatrième , aux fîx pre-
miers verfets du trentième , au
Pfeaume quatre-vingt dixième , &
au cent trente - troifiéme. Il indi-
que d'abord en général , les raifons
pour lefquelles l'on a fait choix de
ces quatre Pfeaumes entre un 11
grand nombre d'autres , & il ob-
R E, 17 ?4. 6*;j-
ferve que c'eft que ces Pfeaumes
ont du rapport au repos de la nuit.
Raifons qu'il explique enfuitc au
long à mefure qu'il explique cha-
cun de ces Pfeaumes & fur lefquel-
les nous renvoyons les Lecteurs au
Livre-même.
NOVVELLES LITTERAIRES.
ITALIE.
De Venise.
SEBASTIEN COLETI débite
l'Edition corn plette qu'il a im-
primée en trois Volumes in - folio
des Oeuvres de M. Antoine Valif~
nieri y fous ce titre : Opère Fifico-
Medichc Stampate e Adanufcritte del
Cavalier Antonio Valifnieri , ra-
colte da Antonio ,fuo Figliolo, car-
re date d'una Prefa^ione in génère fo-
pra tutte 3 & di ma particolare fopra,
il Vocabulario délia Hiftoria Natu-
rale.
ANGLETERRE.
De Londres.
M. Thomas Moore a fait impri-
mer chez George James en deux
Volumes /*-8°. un Recueil de Ser-
mons du feu Docteur François At-
terbury , Evêque de Rochefter fur
divers Sujets.
W. Innys & plufîeurs autres Li-
braires , de cette Ville reçoivent
des Soufcriptions pour l'impref-
Septemb.
fion d'un Traité de M. Caleb Smith
fur la Théorie & la Pratique de la
Navigation , dans lequel on expli-
que &c on démontre les principes
de cet art , &c tout ce qui y a rap-
port. L'Ouvrage fera en un Volu-
me in-40. enrichi de figures en tail-
le-douce , &c la Soufcription eft
de cinq Schellins , dont on paye
moitié en fouferivanr.
Le Do&eur Berkeley , à prefent
Evêque de Cloyne en Irlande , a
publié en Anglois une Brochure
intitulée : The Analyft , &c. c'eft: -
à-dire , V Analyse ou Difcours ad-
drejjé à un Mathématicien incrédule ,
ou l'on examine fi l'objet, les principes
<$" les confequences de V Analyfe mo-
derne font conçus plus diflintlement '
ou déduits plus évidemment que les
Myfleres de la Religion & les Matiè-
res de Foi. Par l'Auteur du petit
Philofophe. in-8°. M. Berkeley foû-
tient la négative , & attaque M.
Neivton avec peu de ménagement.
Mais on a vivement répondu à cet
Ecrit par une autre brochure auffi
in-%". & qui a pour titre : Geometry
no friend to infidelity , &.'c. La Géo-
métrie ne favorife pas l'incrédulité;
Cccc
cr> JOURNAL DE
ou Défenfe de M. le Chevalier
Newton & des Mathématiciens
d' Anoleterre dans une Lettre écrite à
l' Auteur de /'Analyfe ; ou l'on exa-
mine combien la conduite de ces Théo-
logiens qui mêlant les intérêts de la
Religion avec leurs difputes & leurs
ftijji-int pariculieres , ne reconmijfent
ni fç.ivotr ni raifon dans et ux mi
penfent autrement qu'eux , efi pu
honorable ou utile au Chrifiiarnfme ,
ou conforme à l'exemple de J. C. &
de fes si pâtres.
HOLLANDE.
D'A M S T E R D A M.
W'-flein &: Smith comptent de
faire paroître bien-tôt la belle Edi-
tion des Oeuvres d'Horace qu'ils
ont entrepris de donner en Latin
& en François , & qui fera d'envi-
ron dix Volumes m\ z. On y im-
prime après le Texte d'Horace les
Traductions de M. Dacier Si du
Perc Sanadon , vis à-vis Tune de
l'autre, avec les notes entières de
ces deux fçavans Commentateurs.
Mémoires de Montécuculi > Géné-
ral iffime des Troupes de l' Empereur ;
ou Principes de l'Art Militaire en
général , divifés en trois Livres. Tra-
duits d'Italien en François par *** ,
& dédits à S. A. S Monfeigneur le
Prince de Conty. Nouvelle Edition,
avec des figures en taille-douce. Aux
dépens de la Compagnie. 1734.
in - 1 z.
Voyage de Rabbi Benjamin , fils
de Jona de Tudele , en Europe , en
Afie & en Afrique i depuis ÏEfpa-
5 SÇAVANS,
gne jufqu'i la Chine. Où l'on trou-
ve pluheurs chofes remarquables
conccrnmt l'Hi'toire & la Géogra-
phie , &' particulièrement l'état des
Juifs ;u douzième fiécie. Traduit
de" YHébre» , Se en-ichi de Noces
6 de Dilfertations H-.ftoriques &
Critiques fur ces Voyages : par
J. V.E.tr.t'.ier y Etudiant en Théo-
logie. Aux dépens de LCompagnie.
»»-8 . 1. vol.
Mémoires & Réflexions fur les
principaux événemens du régne de
Louis XIV. & fur le caraïlêre de
ceux qui v ont eu la principale part.
Par M le Marquis de la Fore. Nou-
velle Edition, où l'on a ajouté quel-
ques Remarques. Chez J. F. Ber-
nard. 1734. in-S°.
D I L A H A Y E.
Henry Scheurleer a en vente
Legs d'un ancien Médecin a. fa Pa-
trie , contenant ce qu'il a recueilli lui-
même pendant 49 ans de pratique; ou
Expofé de diverfes maladies qui fur,
viennent au genre humain , fat avec
tant de clarté que chacun y peut recon-
naître la natitre de fon mal , avec les
divers remèdes pour chaque maladie
fi {élément indiqués : le tout à l'uftge
des Familles. Compofé en Anglais par
A1. Rover, Bachelier en Médecine ,
& traduit en François par un de fes
Amis. 1734. in- it.
FRANCE.
De Paris.
On trouve ici chez differens Li-
braires Abrégé Chronologique & Hi~
S E P T E M
flonqiie ie l'origine f du propres &
de iet-.it acluel de la A taifm du Roi ~
& de toutes Us Troupes de France s
tant d'in faut. ne que de Cavalerie &
Dragons i avec des injtrutlions pour
fervirà leur Hiftoire 5 & un journal
Hijloriqus des Sièges , Batailles 3
Combats & attaques } ou ces Corps
fe/ont trouvés depuis leur inftitution.
Le tout tiré des Livras des gages de la
Chambre desComptes, Extraordinai-
re des Guerres , Mamtfcrits tant de la
Bibliothèque du Roi que des p irticu-
liers. Par M. Simon Làmôral le Pi-
pre de Ncutville , Chanoine de la
Collégiale de Nôtre-Dame à Huy ,
Aumônier de t 'Ordre de faim Afi-
chel de S. A. S. E. de Cologne , &
ci-devant Confcdler Ecciefiajliqite
& Aumônier de feu S. A. S. E. de
Cologne tfofevh Clément. Tome I.
contenant les Gardes du Corps ôc
Gendarmes de la Garde. A Liège }
chez Everard Kintz. 1734. w-4?.
Nous avons annoncé ci-devant
cet Ouvrage qu'on propofoit d'im-
primer par Soufcription ; il eft or-
né de vignettes & d'un grand nom-
bre d'Armoiries en taille douce.
Les Vies des Hommes Illitflres de
Plutarque, traduites en François, avec
des Remarques Hifloriques & Criti-
ques. Nouvelle Edition , revûë ,
corrigée & augmentée de plufieurs
Notes y & d'un Tome neuvième.
Par M. Dacier de i Académie Roya-
le des In fer ipt ions & Belles-Lettres ,
Secrétaire perpétuel de V Académie
Françoife , Garde des Livres du Ca-
binet du Louvre. Chez Pierre Eme-
ry , Quai des Auguftins3 à S. Ber
noît. 1734. /»-4°. 9. vol.
B R E , 173 4; 5/7
Ce neuvième Tome dont on
marque dans le titre que cette Edi-
tion eft augmentée contient les
Vies des Hommes Illuftres omifes
par Plutarque , fçavoir , Annibal
par M. Dacier , Enée, Tullus-Hojli-
lius t Ariftomenes y Tarquin i An-
cien , L. Junius-Brurus , Gélon , Cy-
rus, Jafon , publiées en Anglois il
y a quelques années , par M. Tho-
mas Ronjje , & traduites en François
par M. l'Abbé Bellenger 3 déjà con-
nu dans la Republique des Lettres
par quelques Ouvrages qui lui
font honneur.
Supplément à la première Edition
de /'Hiftoire du Peuple de Dieu,
tiré de la nouvelle Edition de 1734.
contenant la fuite des Prophéties de
l'Ancien Teftament , ï Hiftoire de
Job t les Cartes neceffaires pour l'in-
telligence de P Hiftoire fainte des
Sommaires Chronologiques fort exatls
& une Table générale des Matières
qui font renfermées dans tout l'Ou-
vrage. Par le P. Ifaac - Jofrph Ber-
ruyer , de la Compagnie de Jefus,
Chez Pierre Prault Quai de Gê-
vres.1734.m-4'. L'exemple du Père
Berruyer devroit bien être imité
par les Auteurs à qui il arrive de
donner plus d'une fois leurs Ou-
vrages au Public : ces fortes de
Supplémens qu'on peut avoir à
peu de frais _, font toujours grand
plaifir à ceux qui ont les premières
Editions , fur- tout quand les Edi-
tions pofterieures y font confor-
mes.
Entretiens fur la caufe de l'incli-
nai fin des orbites des Planètes , ou
Y on répond h la queftiçn propefée par
6;8 JOURNAL DES SÇAVANS,
l'Académie Royale des Sciences pour
le fujet du prix des Années 1731. &
1734. Par M. Bouguer de la même
Académie , & Hydrographe du
Roi au Havre de Grâce. Chez
Claude Jombert , rue' S. Jacques,
au coin de la rue des Mathurins.
1754- "*-4°-
De l'état des Sciences dans l'éten-
due de la Monarchie Françoife fous
Charlemagne : Difïertation qui a
remporté le prix fondé dans l'Aca-
démie Royale des Infcri prions &
Belles-Lettres : par M. le Préfidcnt
Durey de Noinville , & propofé
par la même Académie pour l'an-
née 1734. Par M. l'Abbé le Bœuf }
Chanoine d'Auxerre. Chez Jac-
ques Guerin , Quai des Auguftins.
1734. in 12.
La Veuve Etienne t rue S. Jac-
ques , débite le Tome VH. de l'Hi-
ftohe ancienne par M. Ro.lin.ij^
in - 1 2.
Charles Ofmont diftribue aux
Soufcripteurs le cinquième Volume
de la nouvelle Ed:tion du Glojfaire
de Ducange. 1734. in folio.
Abrégé de l'Anaiomie du Corps hu-
main , où l'on donne une defcrip-
tion courte & exacte tics parties qui
le compofent , avec leurs ufages.
Par M. Verdier , Chi urgien Juré
de Paris. De l'Imprimerie de P. G.
le Mercier fils , Tue Saint Jacques.
1734. in\i. 1. vol.
Nouvelle T^aduBion Françoife de
l'Amime du Taffe y avec le Texte à
coté. Chez Nyon fils , Quai des Au-
guftins , près le Pont Saint Michel.
1734. in- 12.
TABLE
Des Articles contenus dans le Journal de Sept. 1734.
Hlfloire de l'Empire des Cherifs en Afrique , &C. Pagc ^01
La Gynécologie > ou Traité H 'ijlorique , Phyfique & Civil de l habita-
tion de la femme avec l'homme 5 icc. 6 10
Tréfor de toutes les Médailles des Familles Romaines , &c. 61 1
Hifloire des Découvertes & Conquêtes des Portugais dans le nouveau Mon-
611
617
6z9
64Z
«55
de , &c
Pfeaumes de David félon l'Efprit i &c.
Hifloire générale de Languedoc , &C.
Hifloire Naturelle de l'Univers , &c
Les Intérêts prefens des PuiJJ.inces de l'Europe t Sec
Bibliothèque des Ecrivains de Médecine Sec.
L'Efprit de l'Eglife dans la récitation de l'Office des Compiles 3 ôcc.
Nouvelles Littéraires t
Fin de la Table,
L E
JOURNAL
DES
SCAVANS,
POUR
VANNEE M. DCC. XXXIF.
OCTOBRE.
A PARIS,
Chez CHAUBERT, à l'entrée du Quay des
Auguftins, du côté du Pont Saint Michel, à la
Renommée & à la Prudence.
M. DCC. XXXIV.
AVEC APPROBATION ET PRIVILEGE DU ROY,
LE
JOURN A L
DES
SCAVANS
b
OCTOBRE M. DCC. XXXIV.
HISTOIRE DE VACADEM1E ROYALE DES SCIENCES.
Année 173 1. avec les Mémoires de Mathématique & de Thyfîque 3 pour
la même année ; tirés des Regijîres de cette Académie. A Paris , de l'Im-
primerie Royale. 1733. tn-4°- PP- II1- pour l'Hiftoire. pp. 524. pour
les Mémoires. Planches détachées 33. v
CE Volume , qui cft le trente-
quatrième depuis l'année
1699. renferme 60. articles, dont
24. appartiennent à la partie hifto-
lique & 36 aux Mémoires. Mais
Oilobre.
comme des 24 premiers il y en a
1 3 qui ne font que des Extraits
d'autant de Mémoires imprimés
en entier dans la fuite du Volumes
on voit par - là que les 60 articles
D d d d ij
662 JOURNAL D
doivent fe réduire à 47 pièces diffé-
rentes.
Celles qui concernent la Phyfl-
que vénérais font au nombre de fîx ,
fans comprer les diverfes obferva-
tions, La première fur 1 'adhérence
des parties de l'air entre elles Cy aux
autres corps , cil de M. Petit le Mé-
decin : la féconde , fur 1e non c. tt
Thermomètre , eft de M. de Rèau-
tnur : h troiiiémc , fur quelques ex-
périences de l'attisant , eft de M. du
Fay. Ces trois articles fe trouvent
dans l'Hifloire & parmi les Mé-
moires. Les trois fuivans , entière-
ment renvoyés aux Mémoires ,
font 40. les Olfervations Météorolo-
giques de M. Cajpni en 175-0. com-
parses à quelques autres , fanes en
differens lieux : 50. celles de M.
Maraldi pour l'année 1731. & 6°.
les Ohfervations de quelques Aurores
boréales , par M. de Alairan. Nous
rendrons compte des trois pre-
miers articles.
I. M. Petit le Médecin fe propo-
fe de montier, dans fon Mémoire,
que l'ait eft non feulement ut) flui-
de , que l'extrême fineffe de fes
parties rend d'une très-grande mo-
bilité , comme le croyent les Phy-
Cciens ; mais qu'il doit paffer auill
pour un liquide , dont les parties
ont une forte de liaifon ou d'adhé-
rence les unes avec les autres , &
de plus s'attachent aux corps
qu'elles touchent , & les mouillent
en quelque manière. C'eft ce que
l'Académicien s'efforce de prouver
ici par quantité d'expériences cu-
ileufes & approfondies , dont nous
mous, contenterons d'alléguer, les
ES SÇAVANS;
plus remarquables & les plus con-
cluantes.
Lorfqu'bn fait diffoudre dans
l'eau ou dans quei ]uc autre mtn-
ftrue , difterer.s lelsou d'autres mi-
néraux , il fe iorme iur la fuper-
ficie de ceux - ci des bulles d'air ,
qui s'elevant jufqu'à la fuitace de
la liqueur , entraînent avec elles
des molécules de fel , que ces bul-
les , après s'être diiTipées, laitîtnt
retomber au fond du vaiffeau. Ces
bulles d'air lont toujours plus
grolTcs que les molécules falincs
qu'elles enlèvent. 11 y a de ces bul-
les qui ont jufqu'à une ligne &C
demie de diamètre , & qui empor-
tent des molécules falines d'une
demi ligne d'épaiffenr. Les bulles
d'air qui fe font chargées d'un far-
deau trop pefant , ne l'élévent que
jufqu'à une certaine hauteur , après.
quoi elles le lailTent fe précipiter ,
6c pourluivent leur chemin. Il y
en a quelques unes qui s'étant atta-
chées à des molécules d'un trop
gros volume , ne peuvent l'enle-
ver, 6c reftent au fond de la diffo-
lution. Les greffes bulles , qui en-
lèvent des molécules pefantes , pa-
roiffent un peu allongées de haut
en bas , par l'effort que font les
molécules pour s'en féparer.
Il réfulte de tous ces faits , que
d'une part, quoique les bulles d'air
ne s'attachent aux molécules des
corps difTous , que par quelques-
unes de leurs parties, puifqu'clles
ont plus de volume que ces molé-
cules , cette adhérence eft affez for-
te pour les enlever jufqu'à la fuper-
ficie de la liqueur ; ôc que d'autre
O C T O B
part ces molécules adhérentes feu-
lement à quelques - unes des par-,
ties des bulles, ne pouvant s'en fé-
parer par leur pefanteur fpécifique
en entraînant vers le fond duvaif-
feau quelques unes de ces parties
des bulles , il s'enfuit que ces mê-
mes parties ont affez d'adhérence
les unes aux autres , pour s'oppo-
fer à cette féparation.
M. Petit obferve , que les bulles
d'air qui fe tonnent fur les métaux
ou minéraux plongés dans un li-
quide , occupent par préférence fur
ces corps les endroits les plus ra-
boteux , comme donnant à cet air
plus de prife , en lui offrant de pe-
tites cavitez où ilfe cantonne aifé-
ment, fur-tout lorfque peu adhé-
rent aux furfaces plus polies de ces
mêmes corps , il en eft chaflé par
le mouvement du liquide.
Une autre preuve de l'adhérence
de l'air aux fubftances métalliques,
eft fournie par l'aiguille de 1er ou
d'airain , qui bien que près de huit
fois plus pefante qu'un pareil vo-
lume d'eau , ne laiffe pas de fe foû-
tenir fur la furface de ce liquide :
effet, qui eftcaufé, en partie par
l'adhérence des molécules de l'eau
entr'elles , qui s'oppofe à leurdi-
vifion , en partie par l'adhérence
de quelques molécules d'air à la
furface de l'aiguille qui ne touche
à l'eau que par le milieu de cette
furface , étant portée du refte
comme dans une petite gondole
d'air. Pour s'en convaincre, il n'y
a qu'à retrancher l'une ou l'autre de
ces deux caufes , c'eft-à dire , qu'il
n'y a qu'à diminuer l'adhérence des
R E , 1 7 j 4: 66 $
parties de l'eau, en la faifant chauf-
fer , ou à chaffer l'air d'autour de
l'aiguille , en la mouillant ; &C auf-
fï-tôt l'aiguille celfera d'être foutc-
nue &: tombera au fond de l'eau.
Il y a plus. Des feuilles très-min-
ces de divers métaux & d'une affez
grande furface , fe foûtiennent fur
l'eau , & ne s'y enfoncent qu'à l'ai-
de de quelques poids dont on les
charge. Or cen'eft point la refiftan-
ce que fait à la divilion une trop
grande quantité de molécules
aqueufes qui s'y oppofent tout à la
fois , qu'on doit regarder comme
la caufe de ce Phénomène : puif-
que ces feuilles de métal poulfées
julqu'au fond du liquide par une
force étrangère , remontent fi tôt
que cette force ceffe d'agir. Il faut
donc leur donner un autre principe
de légèreté , & ce principe ne fçau-
roit être que l'adhérence de l'air
qui agit d'autant plus efficacement
dans cette occafion qu'il couvre
une plus grande fuperficie. Cela
eft fi vrai , qu'en chiffonnant ces
feuilles entre fes doigts pour en di-
minuer la furface , l'eau ceffe de les
foûtenir. Une circonftance encore
très-digne de remarque touchant
ces feuilles, c'eft qu'étant poulfées
au fond de l'eau par un poids ap-
pliqué au milieu de leurfuperficiej
on voit fes coins fc relever , com-
me étant moins affujettis que ce
milieu par la force étrangère : &c
c'eft une obfervation due originai-
rement à M. de Réaumur , qui l'a-
indiquée à M. Petit.
L'adhérence de l'air aux corps
folides paroît fufnfammcnt prou-
6$\
JOURNAL D
vee par toutes ces expériences.
Mais fon adhérence intime aux
molécules des liquides n'eu: pas
moins confiante , ainlî que la diffi-
culté qui fe trouve à l'en féparer
totalement. On en vient à bout en
partie au moyen de la machine
pneumatique , dans laquelle on
expofe l'eau d'abord froide , enfui-
te , après l'avoir fait chauffer à di-
verfes reprifes à mefure qu'elle fe
refroidit , & en y augmentant fuc-
cefiîvement le degré de chaleur
jufqu'à l'extrême , palTé lequel on
n'en tire plus d'air par la machine.
De-là on peut conclure que l'air a
differens degrez d'adhérence avec
l'eau qui le renferme , & que plus
cette eau e(t raréfiée par la chaleur,
plus il s'en échappe de particules
aériennes.
II. Nous aurions fort fouhaité
donner ici l'Analyfe du fécond
Mémoire de M. de Rèaumur tou-
chant le nouveau Thermomètre. Mais
comme nous n'avons point encore
parlé de fon premier Mémoire fur
ce fujet , & qu'il en promet un
troihéme où il achèvera d'épuifer
cette matière ; nous rendrons
compte alors de ces trois curieux
morceaux dans un feul & même
Extrait.
III. Les expériences de M. du
Fay fur Y Aimant font une fuite de
fes recherches fur ce fujet , com-
muniquées au public en 1718. 5c
en 1730. Il s'agit ici de décider ces
deux queftions, fçavoir i°. fi , dans
un même Aimant , un pôle a tou-
jours plus de vertu attractive que
l'autre ; z°. Si une plus forte vertu
ES SÇ A VAN S,
attractive n'eil pas toujours unie i*
celle de foûtenir un plus grand
poids ?
1. Il faut fc fouvenir d'abord ,
que M. du Fay ne fuppofe qu'un
feul courant de la matière magné-
tique , lequel entre dans la terre ,
comme dans tout autre aimant,
par le nord , & en fort par le fud ,
pour y rentrer par le nord : d'où il
fuit , que le pôle boréal eft tou-
jours le pôle d'entrée s & l'audral ,
toujours le pôle de finie ; ce qui
ôte toute équivoque dans ces deux
dénominations. On attribuoit i
après Defcartes , plus de force at-
tractive au pôle boréal d'un aimant
qu'à l'auftral , & cela par cette rai-
fon allez foible , que ce pôle bo-
réal étoit plus voifin du pôle bo-
réal du monde ; raifon combattue
déjà fur la foi d'une expérience par
l'Académicien , qui 2 cru devoir
s'afTurcr de la vérité du fait par
d'autres moyens. Ce ne fut pas fans
beaucoup de peine que M. du Fay
put imaginer des expériences capa-
bles de le conduire à quelque déci-:
lion certaine fur ce point.
Après les précautions les plus
exactement prifes pour la fureté
de fes expériences , il trouva qu'en
prefentant à une même diftance un
même aimant à deux aiguilles ai-
mantées toutes pareilles , à la lon-
gueur près , qui étoit de d'à pouces
dans l'une & de quatre dans l'au-
tre ; cet aimant par fon pôle d'en-
trée attirait plus fortement le bout
de la plus longue aiguille , que par
fon pôle de fortie , 5c qu'il agifioic
d'une façon toute contraire , fur
O C T O B
l'aiguille la plus courte. Cette rè-
gle n'étoit dérangée , ni par la dif-
férence des diftances , ni même par
celle desaimans. On fçait pourtant
que dans la fuppofition d'un feul
courant de la matière magnétique,
le pôle de fortie d'un aimant doit
être le plus fort, & on en a dit la
raifon en 1730. d'où venoit donc
l'irrégularité de l'expérience dont
il eft queftion ; Ce ne pouvoit être
de quelque vice de conformation
dans la pierre , puifqu'elle agilToit
fur la petite aiguille conformément
à la régie. Le vice étoit donc dans
la grande aiguille , ce qui femble
d'autant plus certain , que la mê-
me bizarrerie arrivoit avec des ai-
mans differens. Delà on doit con-
clure , que les deux bouts d'une
aiguille aimantée , de même que
les deux pôles d'un aimant , pou-
vant être plus forts ou plus foibles
en vertu de leur conformation par-
ticulière & fans aucun rapport à
leur direction vers le nord ou vers
le fud ; il eft impoflible de rien
établir de général & de certain fur
cet article.
M. du Fay explique encore avec
beaucoup de vraifcmbbnce l'irré-
gularité apparente du mouvement
d'une aiguille aimantée, pofée fur
un pivot , &c de laquelle on appro-
che à diverfes reprifes & à des di-
ftances proportionnées une pierre
d'aimant. Il lait voir que ce mouve-
ment inégal de l'aiguille n'a rien
que de régulier, eu égard aux dif-
férentes portions de cette aiguille
fur lefquelles la pierre agit fucceflî-
vcincnt. L'Auteur obferve , de
RE, 1754. 6"o*J
plus , qu'il a eu beau changer & re-
changer les pôles d'une lame d'acier
en la paffant &i repartant en fens
contraire fur une pierre d'aimant ;
le même bout de cette lame , dans
lequel s'étoit une fois rencontrée
une vertu attractive plus forte , la
confervoit toujours , & prefque en
même proportion , foit qu'il fût
pôle boréal , ou pôle auftral : d'où
il fuit , que c'étoit feulement quel-
que difpolition intérieure de cette
lame , qui augmentoit la force at-
tractive dans l'un de fes bouts.
2. On fe perfuade fort naturelle-
ment qu'une plus grande vertu,
attra&ive emporte celle de foûte-
nir un poids plus considérable. Ce-
pendant M. du Fay a trouvé, par
fes expériences , que le pôle qui
attire de plus loin n'eft pas toujours
celui qui fouléve le plus grand
poids. La raifon en eft [ félon lui J
qu'un tourbillon magnétique étant
compofé de petits torrensou filets,
qui agifient fuivant qu'ils font plus
ou moins nombreux , & fuivant
qu'ils font plus oi' moins ferrés les
uns contre les autres ; ils peuvent
dans le premier cas , foûtenir un
poids plus pefant ; & dans le fé-
cond , attirer de plus loin.
Les diverfes observations con-
cernant la Vhyfique générale font au
nombre de quatre. Dans la premiè-
re due à M. de Mairan % il s'agit
des tonnerres effroyables entendus
à Leflai proche de Coutances le
troisième Juin fur le foir & le jour
fuivant. Les Edifices en furent
ébranlés , quelques uns réduits en
cendres , & des beiliaux tués. Or,
656 JOURNAL D
vovoit dans un ciel tout en feu de-
puis l'horizon jufqu'au zénit , une
infinité de fufécs volantes , Se il
tomboit de rous cotez comme des
gouttes de métal fondu Se embrafé.
La pluye fut peu abondante , Se la
fecherefte , dont on fe plaignoit ,
Se qui avoit fans doute beaucoup
contribué à ce terrible météore ,
continua toujours. Dans la féconde
obfervation , il eft parlé d'un vio-
lent tremblement de terre arrivé à
Cavaillon , le quinzième Juin en-
tre 10 Se n heures dufoir , Se qui
abbatit le dôme de la porte de la
couronne. La troifiéme communi-
quée par M. du Fay , roule fur la
découverte d'un aimant qui s'eft
formé à Marfeille dans une efpece
de clocher, aux extrémitezde deux
barres de fer enfoncées dans deux
pilliers de pierre de taille , depuis
environ 410 ans : ce qui rcftcmblc
fort , comme l'on voit, aux aimins
des clochers de Chartres Se d'Aix.
La quatrième Obfervation , en-
voyée à l'Académie par M. Sei-
gne de Nantes , contient un fait
touc femblable à celui qui eft rap-
porté dans l'Hiftoire de 1719. ( Se
que M. Seigne ne paraît nullement
avoir connu : ) touchant un cra-
paud trouvé vivant Se fain au mi-
lieu du tronc d'un a(Tez gros orme,
fans que l'animal en pût jamais for-
tir, Se fans aucune apparence qu'il
y fût jamais entré. C'eft ici un cra-
peau trouve dans le tronc d'un
chêne plus gros que l'orme , Se où
cet animal devoir s'être confervé
depuis 80 ou 100 ans, fans air Se
fans aliment étranger.
ES SÇAVANS,
Des cinq articles appartenansà
\! An.it omie , le premier fur l'opéra-
tion latérale de la Taille , eft de M.
Morani , Se fe lit dans l'Hiftoire
Se dans les Mémoires : le fécond de.
M. Hitnaui , fur le changement de
figure du cœur dans la fyflole , ne fc
trouve que dans l'Hiftoire : les
trois derniers , entièrement ren-
voyés aux Mémoires , font j°. l'é-
crit de M. Petit le Chirurgien , fut
la manière d'arrêter les hémorragies ;
4*. Les expériences de M. de Aiau-
pertuis fur les Scorpions : 50. Le Mé-
moire de M. de la Peyronniet qu'on
a oublié d'annoncer dans l'Hiftoi-
re , êc qui contient la defeription
anatomique d'un animal connu fous
le nom de Aiufc. Nous parlerons
ici du premier article Se des trois
derniers.
I. M. Morand continue ici l'Hi-
ftoire des opérations pratiquées
jufqu'à prefent fous le nom de
Taille pour l'extraction de la pier-
re , Hiftoire , dont il avoit déjà pu-
blié une partie confiderable dans
un Livre imprimé à Paris , chez
Cavelier en 1728. 11 nous entre-
tient ici de l'appareil latéral , Se de
fon voyage à Londres fait exprès
en 1719. pour y voir opérer fuivant
cette méthode M. Chefelden célè-
bre Chirurgien Anglois. Il nous
donne un extrait fidèle de la Dif-
fertation mife au jour en 1750.
dans laquelle cet Operateur détail-
le plus particulièrement fa métho-
de , fuivant laquelle il a taillé dans
l'Hôpital S. Thomas à Londres $6
malades , dont il n'y a eu que deux
qui foient morts. M. Moi and gui-
de
O C T O B
<Jé par les lumières que lui four-
niltoit la Dilatation de M. Ché-
felden & par les opérations qu'il
lui avoir vu faire à Londres , fît
grand nombre d'expériences fur les
cadavres ; après quoi , de l'aveu de
fes Supérieurs ■ & fous leurs yeux.
Lui&M. Perchet fon confrère, taillè-
rent, dans l'Hôpital de la Charité ,
chacun huit malades par l'appareil
latéral ; & de ces \6 taillés , parmi
lefquels fe trouvoient quatre fujets
en alTez mauvais état , ii n'en mou-
rut que deux , pendant que de 12
autres , taillés en même tems dans
cet Hôpital , par le grand appareil,
il en mourut cinq.
L'Académicien n'oublie pas de
fpécifier ici tous les avantages qui
refultent de cette méthode , tant
pour les Chirurgiens que pour les
malades ; & il nous promet fur la
Taille latérale , un Traité complet,
qui nous manque (dit il) ; ce qu'en
ont publié jufqu'ici divcrsEcrivains
tels que MM- Miry , Albinus ,
Douglas , & Garengeot , ne pouvant
palier que pour des Eflais , qui
hilTcnt encore beaucoup de chofes
àdefirer. En attendant, notre Aca-
démicien nous fait part de trois
Obfervations détachées concer-
nant la partie hiftorique de cette
opération , & qui la reftituent à les
véritables Auteurs.
Dans fa première obfervation ,
il examine en quoiconfiftoit la mé-
thode de tailler pratiquée par le
Frère Jacques Beaulieu. Ce Moine,
après avoir très-mal débuté à Paris,
où il eiTuya une rude cenfure de
feu M. Méry , corrigea fon opera-
Oftobrt.
RE, i 7 j 4. 667
tion , foit par Ces propres refle-
xions , foit par les bons avis dont
il fçur profiter , & il la perfection-
na au point qu'elle eût en Hol-
lande un très -grand fuccès , lui
procura des honneurs publics, &
fut adoptée quant au fond par M.
Rau. M. Morand fuit exactement
le Frerc Jacques dans toutes fes
couifcs , & nous le fait voir toû-»
jours également heuieux dans fon
opération Jufqu'à l'année 1711. que
de retour à Befançon fa patrie, il
y mourut en 171 4. âgé d'environ
60 ans. Feu M. Hunaui Médecin
d'Angers , où il avoit vu & connu
le Frère ^?c^MW,entreprit de le )u-
ftifier contre M. Mé>y par une Dif-
fertation , qui n'a jamais été im-
primée -, & ce Moine avoit donné
lui - même fa Méthode dans un
Ecrit de 7 à S pages publié en 1702.
La féconde obfervation de M.
Morand roule fur la méthode de
tailler pratiquée en Hollande par
M. Rau. Ce Lithotomifte [ remar-
quer on ] ne tailloir d'abord qu'au
grand appareil ; & il paroît claire-
ment que ce ne tut qu'après avoir
vu tailler le Moine que lui même
voulut elTayer l'appareil latéral ,
dont il fe trouva fi bien , qu'il n'en
pratiqua plus d'autre, ayant guéri
par cette opération 1547 perfonnes
malades de la pierre. M. Rau eft
mort fans avoir rendu fon opéra-
tion publique : & celle que M.
Albinus nous décrit comme étant
celle de ce fameux Lithotomifte ,
fouffre plufieurs difficultez dont
l'Académicien fait mention.
Enfin il montre , dans fa troific*
E c e c
66$ JOURNAL DES SÇAVANS,
me Obfervation , que M. Rau tail- furvienc très-fouvent une nouvelle
loit comme le frcre Jacques , &
que celui-ci tailloit comme Celfe ,
ce qu'il appuyé de plusieurs refle-
:.i mis félidés qu'il tant voir chez-
lui v &: d'où il conclut que fi fes
conjectures étoient jufies , h taille
knérale , regardée comme une
nouvelle méthode , fe trouveroit
1a première & la plus ancienne de
celles qui font connues aujour-
d'hui.
11 faut lire aulli , à la fin de l'Ex-
hémorrhagie. La ligature cftfujette
au même accident lotfqu'elle vient
à le leparer. La feule compreilion
du vailleau , taite avec toutes les
précautions qu'exige M. Petit Se
que facilite meiveillculement fon
nouveau bandage j paroît exempte
de tout inconvénient.
L'Auteur , pour en faire mieux
appercevoir tous les avantages , ex-
plique la manière dont le fang s'ar-
rête , par les divers moyens mis en
trait que l'Hiftorien donne de ce oeuvre jutqu'à pvefent. Dans l'appli-
Mémoire,le petit détail hiftorique, cation des eicarotiques Se de la li-
qu'il a cru devoir y joindre , Si où
là conduite qu'a tenue M. Morand
dans le public , par rapport à la
Taille latérale , fe trouve pleine-
ment juftihée.
III. La DilTertation de M. Petit
le Chirurgien , fur la manière d'ar-
rêter le fang dans les bémorrhagies ,
gature , il prétend que c'eit tou-
jours par un caillot de fang formé 1
l'orifice du vailleau coupé , & fou-
tenu d'une compreffion fuffifante ,
que l'hémorrhagie eft arrêtée. La
figure & la longueur de ce caillot
font différentes dans les deux cas
fpécifiés. Dans le premier ou celui
contient la defeription d'une machine des efearotiques, le caillot de figure
ou d'un bandage propre à procurer cylindrique, ainh qu'un bouchon,
par la feule compreffion , la confoli- occuppe l'intérieur du vailTcau ,
dation des vaiffeaux , après l'amptt- formant à l'extérieur avec les pou-
tation des membres. Les moyens cm- dres du panfement , une efpece de
ployés )ufqu'ici par les Chirurgiens couvercle qui ferme l'orifice de ce
en pareil cas , fe reduifent t°. aux même vaiffeau. Dans le fécond cas
abforbans ou aftringens (impies ; ou celui de la ligature , qui plilTe
2°. aux ftvptiques ou efearoriques ; Se ferre cet orifice , le caillot ou
3°. aux cauiliques , tels que l'huille bouchon eit de figure pyramidale
boiiillante , le plomb fondu , le & par-là , d'autant plus propre à
fer ardent; 40. à la ligature , 5°. &c retenir le fang , après la chute de
à la comprefîîon. Les fimples la ligature, pourvu qu'elle fe féparc
aftringens [ dit l'Auteur ] ne peu- fans effort, par la feule fuppura-
yent être utiles que pour de foibles tion & l'accroilfement des chairs :
hémorrhagies. Les Itvptiques Se les & non par desconvulfions ou d'au-
eauftiques font infuffifans , puif- très mouvemensviolens delà part
qu'à la chute des efeares qu'ils ont du malade , d'où s'enfuit une nou-
Éormées & qui arrétoient k fang , velle hémorrhagie.
O C T O B
La feule compreffion agir un
peu différemment pour refermer le
vailTeau coupé : fur tout, fi elle fe
fait , comme il eu: abfolument ne-
ceffaire , fur le côté de ce vaiffeau -,
dont l'embouchure alors n'eft plus
ronde, mais eft applatie, comme
l'anche d'un haubois. D'où il arri-
ve , que les parois & les bords ap-
pliqués l'un contre l'autre , s'unif-
ient &c fe confolident , comme
deux parties fraîchement coupées :
& le caillot intérieur prend une fi-
gure conforme à celle de fon mou-
le. Mais [dira-t-on ] elt-il croya-
ble , que ce caillot devienne partie
folide, & empêche pour toujours
le fang de palier par le vaiffeau?
C'eft ce que M. Petit s'engage à
démontrer dans un autre Mémoire.
Il fe contente dans celui-ci d'expo-
fer les motifs qui lui ont fait don-
ner la préférence à la feule com-
preffion , de dont nous avons déjà
indiqué la plupart , qui font les in-
conveniens inféparables des autres
méthodes.
On peut objecter contre la fîen-
ne ( dit-il ) que fi la compreffion
eft forte , la partie comprimée par
excès pourra tomber en gangrène ,
& que fi elle eft foible , elle n'ar-
rêtera point le fang d'un gros vaif-
feau. L'Académicien répond , que
la compreffion qu'il propofe a des
forces fuffifantes, & que l'on peut
Graduer d'une manière à prévenir
de tels accidens. Pour nous en con-
vaincre , il nous donne une deferi-
ption exacte de la Machine qu'il a
imaginée dans cette vue , &C qu'il a
foin de mettre fous nos yeux par
RE, 1754. (>(,$
une planche gravée , qu'il faut voir
pour bien comprendre cette def-
cription , fur laquelle , par confé-
quent , nous renvoyons au Livre-
même. Nous remarquerons feule-
ment en général , par rapport à
l'amputation de la cuiffe , que cette
Machine agit à même tems en
deux endroits au moyen de deux
pelotes , dont la plus haute eft ap-
puyée précifément fur le partage
de l'artère crurale à fa fortie du
ventre , &c la plus baffe comprime
latéralement l'orifice du» vaiffeau
coupé , en forte qu'elle le pouffe
vers l'os de la cuiffe qui lui fertde
point d'appui. Cette double com-
preffion du corps de l'artère & de
fon orifice , eft augmentée ou di-
minuée par le fecoursde deux vis ,
que l'on peut lâcher ou relîerrer
fuivantle befoin.
Nous renvoyons au Mémoire de
M. Petit fur toutes les militez &
lescommoditez que l'on peut tirer
de la feule compreffion à l'aide de
fa Machine, & dont une des prin-
cipales eft le peu de tems neceffaire
à la réunion du vaiffeau , laquelle
s'accomplit parfaitement en quatre
ou cinq jours , de façon que fi l'on
continue la comprelfion au-delà de
ce terme , ce n'eft que pour une
plus grande fureté.
Du refte , tout ce qu'il avance
ici au fujet de cette Machine & de
fes ufages , n'eft point fondé fur de
fimplcscoiucètures. Il ne la propo-
fe , cette Machine, qu'après l'heu-
reufe expérience qu'il en a faite
dans l'amputation de la cuiffe d'u-
ne perfonne très-diftinguée , & à
E c e e ij
6jo JOURNAL D
la gttérifon de laquelle toute la
France a pris beaucoup de part. Ce
fut la grandeur de la maladie &
les circonstances Singulières qui
l'accompagnoient , 5i qu'il nous
raconte ici , qui lui firent imaginer
cette machine employée dans une
occafion (i férieufe avec tant de fuc-
cès. On lira ce détail avec plailîr
dans le Mémoire-même de l'ingé-
nieux Académicien.
IV. La fublime Géométrie que
M. de AÎJupertitis cultive avec tant
de diftin$ion , ne l'empêche pas
de fe rabattre de tems en tems fut
ies curiofitez de l'Hiftoire naturel-
le , & d'y faire des recherches inte-
reiTantes. Le Scorpion , cet infeète
venimeux , eft devenu l'objet de
fes expériences ; ëc des deux efpe-
ces qu'il en a vues à Montpellier ,
l'une dans les maifons , l'autre à la
campagne , celle ci qui eft la plus
grande , a eu la préférence ; cV c'eft
fur elle feule que roulent toutes les
Obfervations dont l'Académicien
nous fait part dans fon Mémoire.
Sa première expérience fut de
faire piquer un chien par un Scor-
pion irrité , qui lui donna trois ou
quatre coups d'aiguillon à la partie
du ventre dénuée de poil. Ce
chien , après plusieurs alternatives
d'enfiure & de vomilTcment qui
durèrent environ trois heures ;
mourut enfin dans les convulsions
cinq heures après avoir été piqué ,
fans qu'il parût aucune tumeur aux
endroits des piqueures , où l'on
voyoit feulement de petits points
louges. Un autre chien piqué d'a-
bord cinq ou Six fois au mêmeen-
E S SÇAVANS,
droit que le premier , puis dix ou
douze Sois par plufieurs Scorpions
qiîi y laiSToient leurs aiguillons ,
jetta feulement quelques cris, après
quoi il mangea & but à l'ordinaire
fans donner aucun Signe de mort
ni de venin. M. de Maupertuis fit
piquer fept autres chiens & trois
poulets par de nouveaux Scor-
pions , qui s'en acquiterent avec
toute la Sureur pollible ; & tous
ces animaux blellés n'en devinrent
pas plus malades. Il conclut de ces
expériences, que la piqueure du
Scorpion , qui eft quelquefois mor-
telle , ne l'eft néanmoins que rare-
ment ; &c cela par la rencontre de
pluheurs circonstances afTez diffici-
les à deviner , mais dont M. de
Maupertuis ne laiffe pas d'indiquer
quelques unes.
Il obferve que les Scorpions tant
mâles que femelles qu'il a mis en
œuvre, n'étoient point épuifés de
venin, comme l'ctoient les Vipè-
res de Redi ', dont les dernières pi-
queures n'étoient plus dangereu-
fes. Il foupçonne , que le peu de
malignité de ces Scorpions pour-
roit bien avoir mis en vogue cer-
tains contrepoifons employés en
Languedoc , tels que l'huile où
l'on a noyé de ces infectes appli-
quée fur la piqueure , 6v le Scor-
pion écrafé fur ce même endroit. 11
fe perfuade donc que ceux qui
après avoir été piqués ont eu re-
cours à ces antidotes , n'ont paru
guéris que parce qu'ils n'étoient
point empoifonnés.
Sur le récit d'un fait Singulier, ra-
conté à M. de Maupertuis, de deux
OCTOB
Souris enfermées dans une bouteille
avec un Scorpion , £c dont la pre-
mière mourut des piqueures de
celui - ci , au lieu que la féconde
guérit de fes bleflures après avoir
dévoré fon ennemi : notre Acadé-
micien mit dans une bouteille une
Souris avec trois Scorpions , la-
quelle , quoique violemment pi-
quée par ces infe&es, qu'elle tua
enfin a coups de dents , mais fans
les manger , ne donna cependant
aucun indice de maladie.
La piqueure du Scorpion n'efr.
vénimeufe qu'en vertu de quelque
liqueur que l'aiguillon verfe dans
la playe , non par un petit trou
qu'il ait à fon extrémité , comme
le difent tous les Naturalises, mais
par deux petits trous beaucoup
plus longs que larges , fitués aux
deux cotez de l'aiguillon , comme
l'a découvert le premier Leewwen-
hoek, , & qui avoient échappé au
Microfcope de Redi. Notre Auteur
nous donne ici une defeription
exacte de cet aiguillon & de fes
trous , dont il a fait graver la figu-
re.
A ces expériences utiles fur les
Scorpions en fuccedent plulieurs
autres qui ne font que curieufes.
M. de Maupcituis a reconnu par
celles-ci qu'il eft faux que le Scor-
pion renfermé dans un cercle de
charbons ardens , fe pique lui mê-
me & fe tue ; & il propofe une
conjecture fort vraifemblable fur
ce qui pourroit avoir donné lieu à
cette Hiftoire. 11 ajoute quelques
Obfervations ù'Ariftote , de Pline
£c d'Elien > lefqueiles ne s'accor-
R E , i 7; 4. gji
dent point avec celles de Redi le
plus exact de tous ceux qui ont
obfcrvé les Scorpions [ au fenti-
ment de notre Auteur. ] Ces trois
anciens Naturalistes ne donnent
aux femelles des Scorpions que
onze petits. Redi leur en donne de-
puis 16 jufqu'à 40 ; & M. de Mau-
pertuis , depuis 27 jufqu'à 65.
Au furplus les Scorpions ne font
pas moins cruels à leurs petits que
le font les Araignées : & une mère
enfermée dans une bouteille les dc-
voroit à mefure qu'ils naiiToient.
Pline ajoute que de ces petits il
n'en rechape qu'un , lequel a l'a-
drciTe d'éviter la mort en fe met-
tant fur le dos de fa mère , & qui
devient le vengeur de fes frères ,
en la tuant.
» Ils n'obfervent pas mieux
» ( dit l'Auteur ) les loix de la fo-
» cieté entr'eux que les fentimens
» de la nature pour leurs petits.
» J'en avois mis [ continue - 1 - il ]
» environ cent cnfemblc 3 qui fe
» mangèrent prefque tous : c'é-
» toit un malîacrc continuel ,
*» fans aucun égard ni pour l'âge ni
» pour le fexe. En peu de jours il
» ne m'en refta de ce grand nom-
as bre que 14 , qui avoient dévoré
» tous les autres. On pourroit di-
» re , pour les exeufer , qu'ils man-
» quoient d'autre nourriture. En
» effet je fus quelque tems fanscon-
» noître les alimens de leur goût.
» Mais leur ayant prefenté des
» mouches , ils en mangèrent }
>» fans cependant oublier tout-à-
» fait leur première férocité ; car
» de tems en tems on recommen-
672 JOURNAL D
» çoit à fe dévorer. Ils mangèrent
» auffi. des cloportes ; mais )e leur
» donnai un jour une grolTe arai-
» gnée , £c ce fut de tous les mets
» que je leur fervis , celui qu'ils
» mangèrent de meilleur appétit.
» Trois ou quatre Scorpions l'atta-
» querent à la fois , &c chacun y de-
»> meura long-tems attaché.
L'Académicien termine fon Mé-
moire en décrivant le combat d'un
petit Scoi pion contre une Araignée
beaucoup plus groffe que lui, &la
manière dont il la tua , & dont il
ia mangea , après l'avoir mâchée
par le moyen de deux petites ler-
res voilînes de fa bouche , qui eft
garnie de petits poils , de même
que fes ferres, fes jambes , &£ le
dernier nœud de fa queue.
V. Entre les parfums que nous
tourniffent divers animaux , le
Mufc eft un des plus conhderables,
& a mérité l'attention des Natura-
liftes & des Médecins. Nous en
avons une Hiftoirc particulière af-
fez étendue, compofée en Latin par
Luc Schrock^, Médecin Allemand,
de l'Académie des Curieux de la
Nature , imprimée à Aulbourg en
16S1. & qui remplit Z24 pages
/K-40. Le plus ancien Auteur , qui
ait tait mention de ce parfum , eft
le Médecin Grec Aétius , qui flo-
rilToit vers la fin du cinquième fié-
cle &au commencement du fixié-
me. Mais il ne décrit point l'animal
qui le produit. La plus ancienne
defeription qu'en ayent donnée les
Grecs , eft celle de Siméon Sethi y
Médecin du onzième hécle, &C qui
vivoit fous l'Empire de Michel
Dticas.
ES SÇAVANS,
On n'a vu jufqu'ici en France
que deux animaux dédgnés par la
dénomination de ce partum , &
' qui ont été nourris l'un & l'autre
pendant plufieurs années à la Mé-
nagerie. Le premier , donné au feu
Roi , il v a environ 30 ans , ne tut
point dilîéqué ; & cette négligence
empêcha qu'on ne pût y découvrir
la conformation de l'organe où fe
torme le Mufc. Le fécond tout
femblable au premier pour la figu-
re extérieure , & qu'on foupeonne
être venu du Sénégal , tut prefenté
au Roi il y a près de fix ans ; &: on
l'a nourri de viande crue , qu'il de-
voroit avec avidité. C'eft fur le ca-
davre de celui-ci, qui étoit femelle,
que M. de la Peyronnie a mis fon
Scalpel en œuvre ; év l'exaète Ana-
tomie qu'il en a faite , & dont il
nous rend compte dans fon Mé-
moire , met fous nos yeux , à l'aide
de plufieurs figures , la ftructure
intime de la partie , où le partum
dont il eft queftion fe raflemble.
L'Auteur , avant que d'entrer
jen matière , déclare i°. Qu'il
ne fera point ici l'Hiftoire de ce
partum , & qu'il ne parlera ni de
fes mauvais effets , ni de l'ufagc
qu'on en peut faire dans la compo-
fition des médicamens : i°. Qu'il
n'entreprendra point de concilier
les différentes opinions fur l'origi-
ne du nom donné tant au parfum
qu'à l'animal d'où il vient , non
plus que de déterminer quel de
tous les animaux odorans mérite le
nom de Mufc par préférence.
Il obferve , de plus , que l'ani-
mal dont il s'agit , n'a aucun «p-
OCTOB
port avec les Gazelles ou chèvres
iauvages des Arabes, décrites par
divers Auteurs; 5c encore moins
avec les rats mufqués de Canada ,
dont on trouve une très exacte def-
cription dans les Mémoires de l'A-
cadémie [ année 171c. ] & dont
nous parlâmes alors dans le Jour-
nal. Mais cet animal approche da-
vantage d'une efpecede Fouine ap-
pellée Gènette , Se produite par Be-
lon ; ainfî que d'une Civette Amé-
îiquaine deilïnée par Hrrni'.niès ;
quoique celles-ci en différent à
pluiîeurs égards , aulTi bien que les
deux Civettes de M. Perrault , tel-
les que fes Alémoires far l'Hijhire
dis Animaux , les reprefentent.
Le curieux Académicien nous
indique toutes ces différences dans
la defeription détaillée qu'il nous
donne de l'animal quant à fon exté-
rieur , Se fur laquelle nous paffons,
pour venir à celle de l'organe odo-
rant , qui tait l'objet capital des
recherches anatomiques expofées
tort au long dans ce Mémoire.
Nous nous contenterons de les
parcourir fommairement , 5e de
renvoyer pour plus grand éclaircif-
fement aux figures.
L'organe du partum offre d'a-
bord une fente longitudinale fi-
tuce entre la vulve 5e l'anus, Se ac-
compagnée latéralement de deux
corps glanduleux fort femblables à
deux tefticulesen groffèur , en fi-
gure Se en lîtuation. Cette tente
conduit dans une cavité où fe trou-
ve une pâte vifcjueufe de couleur
ambrée, qui en enduit toute la fu-
perÉde ; Se c'eft-là le vrai mufe ou
R E, 17 3 4. fj7î
la pommade odorante. Cette cavi-
té elt tapiflée d'une membrane ten-
dincufe , qui a du reffort , qui eft
tort plillée , 5c par là capable d'une
grande cxtenlion. Si l'on étend
cette membrane , en tirant de côté
& d'autre, les deux lèvres delà
fente , on voit cette membrane
percée de quantité de trous , com-
me un crible, Se c'eft par ces trous,
plus ou moins grands , Se dans lef-
quels on introduit à peine des
foyes de cochon , que le parfum
pafTc des deux glandes comprimées
dans la poche commune. Les inter-
valles qui font entre les trous pa-
roilîent garnis de poils , les uns
neirs , les autres blonds , Se dont
la figure 5c h longueur font diffé-
rentes. Les noirs s'arrachent moins
facilement que les blonds , qui
après avoir été arrachés , fe repro-
duifent même dans l'animal mort,
5c ne font vraiment que la portion
du parfum la plus difpofée à fe
durcir , laquelle fe moule dans le
réticule poreux qui remplit les in-
tervalles que les trous laiiTent entre
eux , Si y prend la confiftance de
poil.
L'habile Anatomifte vient en-
fuite aux fources du parfum , qui
font les deux glandes ou teflicules
recouvertes chacune de la peau , 5c
d'un mufcle unique dans fon ori-
gine Se dans fon corps , quoique
double dans fes extrémitez , dont
l'une enveloppe la glande droite ,
Se l'autre la gauche. M. de la Pey-
ronnie décrit avec grande exacti-
tude ce mufcle, fort différent de ce-
lui des Civettes de M. Perrault ,
6i\ JOURNAL D
d'où il palTe au corps de la glande,
compofée de pluficurs follicules
étroitement liés par des filets ten-
dineux , & de plulîeurs vélîcules
plus petites & plus plattes que les
follicules , mais deftinées au mê-
me ufage qui eft de verfer le par-
fum dans la poche commune par
les petits trous dont cette poche eft
percée. Si on foufrle avec un tuyau
dans un des follicules , toute la
glande fe gonfle & fe durcit ; d'où
il rcfulte que ces follicules ont
communication les uns avec les
autres. Si on ouvre un de ceux ci
fuivant fa longueur , on y voit
fept ou huit cellules irrégulieres ,
partagées chacune en plulîeurs au-
tres petites , au fond defquelles
on découvre des grains glanduleux
rougeàtres, femblables en petit à
ces mammélons des reins qui s'ou-
vrent dans leurs entonnoirs , com-
me ces grains glanduleux s'ouvrent
dans leurs petites cellules. Ce ft ap-
paremment où s'accomplit la fil-
tration du parfum , qui pafle de
cellule en cellule jufqu'au follicu-
le, qu'il remplit , 6c d'où , par
la contraction du mufcle & par
quelques autres caufes , il eft expri-
mé dans la poche commune , pour
en fortit fuivant le befoin.
Mais f demande l'Auteur ) quel
peut-être le méchanifme de cette
filtrarion ? C'eft f répond il ] ce
que les plus grands Anatomiftes
n'ont pu mettre jufqu'ici dans une
entière évidence , Si fur quoi la
nouvelle organifation décrite ici
avec tant d'exactitude & de détail,
ne jette aucune nouvelle lumière :
ES SÇ AVANS,
tout cela fe reduifant à nous four-
nir des différences de confoima-
tion extérieure dans les glandes ,
différences , au furplus , qui méri-
tent d'être obfervées <Sc comparées
avec ce que nous offrent en ce
genre l'homme «Se les autres ani-
maux.
L'Académicien termine fon
Mémoire par quelques obferva-
tions fur le parfum du mufe. C'eft
une erreur de croire que le mufe ,
forti recemmen» de l'animal , foit
fort puant , & ne prenne la qualité
de parfum qu'en vieillilïant dans
les bourfes où on l'enferme. Cette
erreur doit Ion origine à la maniè-
re dont les ChalTcurs ou Mar-
chands , en détachant les bourfes
du parfum les enveloppent dans le
gros boyau & les deux poches qui
l'accompagnent , & qu'ils ont cou-
pées fans les connoître. Ces parties
jettent une liqueur des plus fétides,
dont l'extérieur de la bourfe fe
trouve enduit , & dont la puan-
teur ne fe diflîpe qu'après un cer-
tain tems. Il n'eft point vrai que
toutes les parties de l'animal ré-
pandent une odeur de la même na-
ture i cv c'eft de quoi M. de la Pey-
ronnie s'eft affuré par des expé-
riences qui mettent la chofe hors
de doute.- Il n'eft pas tout-à-fait Ci
certain , que la qualité des alimens
n'influé en quelque façon &C fur l'a-
bondance plus ou moins grande
du parfum & lur fon odeur plus
ou moins forte. L'Académicien
connoît un homme de condition ,
dont l'aiflelle gauche , fur - tout
pendant les chaleurs de l'été , four-
nit
OCTOB
nit une odeur deMufc furprenante,
Candis que l'ailfelle droite efl pref*
que fans odeur. Il a trouvé , par
le calcul , que l'animal dùTéquc
pouvoir, contenir environ une de-
mi once de vrai parfum, fans mé-
lange d'aucune autre fubftance.
M- Hclvétius a communiqué à
l'Académie un fait arrivé dans le
Canton de Fribourg , & attefté ,
non feulement par une Lettre de
M. Michel Docteur en Médecine
de ce Pays là , mais de plus par un
témoignage authentique & juridi-
que de gens qui ont vu la chofe. Il
s'a<nt d'une femme , grolTe de fon
premier enfant , à l'âge de 48 ans ,
laquelle , après un travail de fept
jours , où l'on mit en œuvre tous
les expediens employés en pareils
cas, & que le palïage trop étroit
R E , 1751, 67 j
pour l'extraction de l'enfant , ren-
dit inutiles ; fut enfin délivrée fans
aucun accident par l'opération C é-
farienne que fit la Sage femme ,
avec tout le courage & toute la
dextérité poftlble. Cette Sage-
femme nommée MadamcFAWwr,
&c fille de M. Savary , très-habile
Chirurgien de Fribourg , avoir dé-
jà fait l'opération Céfarienne à trois
femmes un moment après leur
mort , ce qui avoit procuré le bap-
tême aux enfans ; & elle avoit pour
la Chirurgie un talent héréditaire ,
dont elle avoit fait ufage avec fuc-
cès dès fa première jeunefle.
Nous renvoyons à un autre
Journal les articles de Chimie &de
Botanique, ainfi que tous ceux qui
appartiennent aux Mathématiques.
CODE CRIMINEL DE L'EMPEREUR CHARLES V.
vulgairement appelle la Caroline , contenant les Loix qui font fuivies dans
les Jurifditlions Criminelles de V Empire & a V ufage des Confeils de guer-
re des Troupes Suiffes. A Paris , de l'Imprimerie de Claude Simon , rue
des Mafions, du côté de la rue des Alathurins. 1734. w-4°.pag. 3 6*5.
CO M M E il s'étoit gliiTc plu-
(leurs abus en différentes Ju-
rifdiclions d'Allemagne dans l'ad-
miniltration de la Juftice pour les
affaires criminelles , les Diètes
d'Aufbourg en 1550. & de Ratif-
bonne en \ 53 3. en portèrent leurs
plaintes à l'Empereur Charles V.
Ce Prince, à l'inltance & à la prière
des Etats de l'Empire , fit rédiger
une Ordonnance qui renouvelloit
les anciennes Loix pour l'inftruc-
tion & la décifion des matières
criminelles , qui eft fuivie dans
Otlobre,
tous les Tribunaux de l'Empire*,
les Electeurs , les Princes 8c les
Etats s'y étant fournis, fans préju-
dice de leurs droits de Souveraine-
té en autres chofes. Elle efteompo-
fée de 21 y articles. Ils regardent
les qualitez que doivent avoir les
Juges , le ferment qu'ils doivent
prêter , la manière dont ils doi-
vent être punis en cas de négligen-
ce ou d'ignorance de leur parc ,
l'interrogatoire de l'aceufé , les
dépohtions des témoins , les indi-
ces fur lefquels on peut ordonner
Ffff
6i6 JOURNAL DES SÇAVAKS,
la queftion , la manière dont elle res & ces Notes , M. Vogel grand
doit être donnée , les différentes
efpeces de preuves pour la convic-
tion des criminels , les peines auf-
quelles on doit condamner ceux
oui font coupables de difterens cri-
mes.
Cette Ordonnance ne faifantque
ïcnouveller les anciennes Loix qui
ctoicnt fuivies dans les Cantons
Suiiîes , dans le tems qu'ils croient
Juge des Gardes Suiffes du Roi , a
cru devoir leur épargner cette pei-
ne. Il déclare lui même dans fa Pré-
face , qu'il a recueilli , & qu'il
s'eft appliqué à raffembler dans fon
Commentaire , ce qu'il ai trouvé
de meilleur & de plus conforme à
l'uhge dans les Auteurs Allemands
qui fe font propoié d'interpréter
cette Ordonnance. Il rend raifon
Membres de l'Empire Germani- fur chaque article des principaux
que , & les premières Troupes de motits de la difpolition , il en dé-
cette Nation qui font entrées au
fervice de la France , avec l'auto-
rité de juger conformément aux
Loix de leur Pays ceux qui ccm-
mettroient quelques cimes ; les
Suilles qui étoicnt au fervice delà
France ont adopté la Caroline , &
s'y font conformés dans les procé-
dures criminelles. Mais cette Or-
donnance contient plufieurs dif-
pofitions qui ne font pas allez clai-
res t &£ ceux qui ne font pas verfés
dans ces matières , font fouvent
embarrafTés fur la manière dont
quelques articles doivent être exé-
cutés. C'eft ce qui a donné lieu à
un grand nombre de Commentai-
res j de Notes Si d'Obfervations
qui ont paru fur cette Ordonnance
en Allemand &: en Latin. Com-
me il feroit très - difficile aux
veloppe le fens , il tait connoître
la manière dont il doit être exécu-
té , il décide quelques queftions
aufquelles la difpohtion même de
l'Ordonnance peut donner lieu ,
il il cite à la marge les autoritez
des Jurifconfultes qui autorifent ce
qu'il avance. Comme ces Obferva-
tions font toutes détachées , &
d'un ftile affez précis , nous ne
pouvons en abréger aucun mor-
ceau fans nous expofer au danger
de n'en point donner une idée fuf-
fifante. C'eft pourquoi nous fem-
mes obligés de renvoyer au Livre-
même , ceux qui voudront s'affu-
rer par eux-mêmes de ce que nous
venons de dire de cet Ouvrage.
L'Auteur a joint à la Caroline
quelques Reglemens Militaires
qui ont été faits autrefois pour les
Officiers des Troupes Suiffes qui Suiffes qui entroient au fervice de
font au fervice de la France , & la France , des inftructions fur la
qui par cette qualité font fouvent manière de tenir le Confeil , & des
juges en matière criminelle^de con- modèles de procédures en François
fulter Si d'étudier ces Commentai- & en Allemand.
OCTOBRE, 1754.
<*77
HISTOIRE CRITIQV E DE MANICHEE ET D U
Manichéifmc. Par M. de Beausobre. A Amfterdam, chez
Frédéric Bernard. 1734. in 40. pag. 594.
VOICI, fuivant que M. de
Beaufobre l'explique dans fa
Préface , ce qui a donné lieu aux
recherches qu'il a faites fur l'Hi-
ftoire de Manichée, fur fes dogmes,
fa morale , fon culte , Se fur le
Gouvernement Ecclefiaftique qu'il
a établi parmi fes Se&ateurs. L'Au-
teur voulant rechercher l'origine
de la prétendué'Reformation,il crut
la trouver en partie dans les Vau-
dois Se dans les Albigeois. Ces der-
niers ont été aceufés de Manichéif-
me ; pour bien juger du fait il crut
qu'il falloit qu'il connût à fond
d'un côté les Héréfies de Manichée
Se de l'autre les erreurs des Albi-
geois. Les recherches qu'il a faites
fur ce fujet l'ont mis en état de
donner au public l'Hiftoire Criti-
que dont nous allons rendre com-
pte.
L'Auteur la divife en deux Par-
ties , dont la première eft encore
divifée en deux Livres. Dans le
premier M. de Beaufobre rapporte
ce que les Grecs Se les Latins ont
dit de Manichée , de fa vie Se de fa
mort , Se comme il y a une grande
différence fur ce fujet entre les Hi-
ftoires des Grecs & des Latins &
celle des Perfans Se des Arabes,
notre Auteur donne dans le fé-
cond Livre une Hiftoire de Mani-
chée Se de l'originedu Manichéif-
me, fuivant les Ecrivains Orien-
taux. La féconde Partie furies dog-
mes de Manichée & des Mani-
chéens contiendra quatre Livres,
dont les deux premiers font com-
pris dans ce Volume. Les deux fui-
vans formeront un fécond Volume
qui étoit fous la prefie lorfque le
premier a paru. Nous donnerons
dans ce Journal une idée des deux
Livres fur l'Hiftoire, Se nous ren-
voyerons au Journal fuivant l'Ex-
trait des deux Livres fur le Dog-
me.
Plufieurs Auteurs fe font donné
la peine de recueillir ce que les an-
ciens ont dit de Manichée & de fes
fentimens ; perfonne n'a exécuté ce
delTein,au jugement de M. de Beau-
fobre , avec plus d'étendue' Se d'e-
xadtitude que M. de Tillemont.
Mais il croit que M. deTillemont,
qui a mis dans cette partie beau-
coup d'ordre & d'exactitude t n'y
a point fait affez d'ufage de fon dis-
cernement. Il lui paroît avoir été
trop prévenu en faveur des Hifto-
riens Ecclefiaftiques Se des Pères &
avoir fuppofé avec trop de confian-
ce , qu'ils ont été fidèles 8e exaéts.
Notre Auteur eft perfuadé que ces
Recueils de ce que les Pères & les
anciens Hiftoriens Ecclefiaftiques
ont dit des Hérétiques Se des Hé-
réfies, ne peuvent fervir à bi rt
connoître ici la perfonne des Héré-
tiques , nileursfentimens.il fonde
ce Syftcme fur ce qu'il lui paroît
que » i'efprit général de l'antiquité
Ffffiy
6j$ JOURNAL DE
» a été d'admettre fans examen ,
» tout ce que la renommée publioit
„ au défavantage des Hérétiques
» quelque fabukux qu'il fût , de
» crroiïïr , d'exagérer les abfurditez
» de leurs opinions , de leur en im-
■o puter qu'ils n'ont jamais eues ,
» de mettre au rang des articles de
»leur toi , toutes les conféquences
» qui pouvoient refulter de leurs
» principes ; en un mot , de char-
» cer d'une infinité de traits étran-
» oers & monltrucux les tableaux
» qu'Us nous tracent de la perfon-
3> ne des Hétériques , de leur doc-
» trinc Si de leurs mœurs. « Mais
quelle route faut-il donc fuivre ,
fuivant notre Auteur, pour s'in-
ftruire de l'Hiftoire des Hérétiques
& des Héréiîes ï II faut prendre
t'Hiftoire de ces Héréfiarques ,
leurs fentimens , les cérémonies de
leur Secte, dans les premiers Au-
teurs qui en ont parlé , &c fe fervir
de toute fa fagacité pour y démêler
le faux- d'avec le vrai. C'eit ce qu'il
croit que M. Bayle auroit dû taire
dans fon Dictionnaire Critique à
l'article de Manichée de des Mani-
chéens , plutôt que de s'amulcr à
pouffer 6c à orner comme il a fait les
argumens de Manichée & des Ma-
nichéens,& ce qu'il entreprend d'e-
xécuter dans cet Ouvrage. » Trou-
» vant, dit-il 3 beaucoup d'éxagera-
» dons, de contradictions,de rauiîcs
■> imputations ,dans ce qu'on racon-
» te de Manichée , de les Dogmes
» & de fa Morale , j'ai eu pitié
» d'une Secte dé;a trop malheureu-
-" fe , pour avoir étrangement cor-
» rompu la Foi Chrétienne , &
S SÇAVANS,
» pour avoir été dès fi naiffance
» l'objet de la tureur d'un zele'm-
» humain ; je la juitihe, quand il
» me paroît qu'on l'a calomniée ,
»jcl'excufe quand elle me paroît
y> excufable ; Se je ne crois point ,
» ajoûte-t-il , qu'on doive m'en fça-
» voir mauvais gré.
Pour fuivre ce plan 6\: «tanner
une Hiftoire de Manichée , fuivant
ks Grecs èv les Latins , l'A tireur a
pris pour texte une pièce très - an-
cienne & qui a pour titre : AEies de
la difpate entre ArchcLiits Evêejue de
Aléfopotamte y& t'Héréfîaraue Afa-
nés. Ce n'eit pas que M. de Beaufo-
bre regarde cette Pièce comme au-
thentique-, il elt perfuadé que cetîe
conférence eft une fiction , & que
l'Ouvrage a été compofé par un
Grec vers l'an 330. ou un peu plus
tard. Ses obfervations critiques fur
cette Pièce méritent que nous en
donnions ici le précis.
S. Jérôme elt , fuivant notre Au-
teur , le premier des latins, &
S. Cyrile de Jcrufalc-m le premier
des Grecs qui ait connu cette Pièce
S. Jérôme croyoit que cette Pièce
avoit été compolée en Syriaque
par Archelaiis , & qu'elle avoit été
traduite en Grec par Hégcmonius ,
S. Epiphane confirme cette opi-
nion : mais Photius dit d'après
• Héraclien Evcque de Calcédoine ,
qu'Hégémonius- elt l'Auteur de
cette Pièce , & non le Traducteur. .
M. de Beaufobre adopte ce dernier
fentiment , -parce qu'Héraclicn
paroît avoir fait une étude particu-
lière de ce quiregardoit le Mani-
chcifme. Il ne croit pas même
O C T O B
qu'Hégémonius ait eu des Mémoi-
res Syriaques pour compofer cet
Ouvrage, parce qu'il n'a point trou-
vé d'Auteurs Syriaques qui aient
fait mention d'Archélaiis ni de fes
difputcs avec Manichée. S'il y avoit
eu une difpute entre Manichée Se
tin Evcquede Méfopotamie, telle
que celle dont il s'agit ici , il n'y a
point d'apparence que perfonne
n'en eût parlé dans l'Orient pen-
dant 70 ans , qu'elle eût été incon-
nue à Eufebe de Céfarée qui ne fait
mention ni d'Archélaiis ni de l'ir-
ruption de Manichée dans la Perfe,
que dans les Ouvrages de Saint
Ephrcm Evêque de Nifabe en Mé-
fopotamie , qui mourut vers l'an
373. il ne paroifle pas la moindre
trace des difputes d'Archélaiis avec
Manichée , que Grégoire Abulphi-
rage Primat des Jacobitcs d'O-
rient , n'ait pas dit un mot de cette
difpute en parlant des Hérétiques
Se en particulier des Manichéens.
Cette difpute fe ht , fuivant les
Aâxs , dans une Ville de Méfopo-
tamie nommée Cafcar ou Carcar ,
qui étoit foûmife aux Romains, &
l'on ne trouve , félon M. de Beau-
fobre , aucune Ville à laquelle ces
caractères puilfent convenir. L1V1I-
le dont on fuppofe qu' Archélaiis
étoit Evêque , étoit , fuivant les
A clés* proche d'un Fleuve nommé
Stranga qui féparoit l'Empire Ro-
main d'avec celui des Perfes ; ce-
pendant aucun Hiftorien ne tait
mention du Fleuve Stranga qui au-
roit dû être fort connu , s'il étoit
vrai qu'il eût fait la féparation des
deux Empires.
RE, 1754. 679
Pourquoi donc M. de Beaufobre
à-t-il pris pour texte de fon Hiltoi-
rede Manichée, félon les Grecs &
les Latin:; , une Pièce qu'il croit
foppbfée ; c'eft que c'eft le plus an-
cien Monument confiderable qui
nous ait été confervé , du moins
par la traduction Latine ( car le
Grec eft perdu) fur Manichée Se
les Manichéens , Se que c'eft de-là
que les Grecs Se les Latins ont pour
la plupart tiré, ce qu'ils en ont dit,
nous ne donnerons point ici d'a-
brégé de cette conférence , Se de
ce qu'on y fait dire à Archélaiis fut
la Vie & fur les Dogmes de Mani-
chée , parce que ce font des chofes
trop communes , & qu'on trouve
dans tous les Hiftoriens qui ont
parlé de cet Hérétique. Il n'en eft
pis de même des Qbfervarions Se
des Notes de M. de Beaufobre ,
ceux qui prendront la peine de li-
re cet Ouvrage , y trouveront plu-
sieurs Remarques curieufes ; nous
nous trouvons obligés de nous îe-
duire à quelques exemples.
L'Auteur de la Conférence fait
dire à Archélaiis qu'un certain Scy-
thien qui étoit originaire de Scy-
thie , Se qui vivoit au tems des
Apôtres , fut l'Auteur Se le Chef
de l'Héréfie Manichéenne. Mais
Scythien n'étoit point Scythien ,
mais de cette Contrée d'Arabie
qui eft nommée Saracene , Se il
defeendoit de perfonnes qui habi-
toient cette Contrée , fuivant faint
Cyrile de Jerufalem , S. Epiphane,
Phoiius Se Archélaiis lui-même»
Scythien vivoit dans Je troiliéme
fiéclc Se il étoit contemporain et-
6So JOURNAt D
Manichée , comme on le prouve
par un fragment d'une Lettre écrite
par Manichée à Scythien,que Pho-
tius a inféré dans fa Bibliothèque.
Il eft vrai que M. de Tillemont
place Scythien vers le milieu du fé-
cond fiécle , tk qu'il fuppofe un
autre Scythien pofterieur au pre-
mier de cent ans , &c qui étoit com-
me lui Manichéen. Mais comme
on ne trouve pas ce fécond Scy-
thien dans l'Hiftoire , notre Au-
teur veut qu'on regarde cette ré-
ponfe de M. de Tillemont comme
la derniers reffource de la préven-
tion &: de l'opiniâtreté. On dit
dans la Conférence que Scythien
tiroir fon erreur des deux principes
de Pytagore , S. Cyrille de Jerufa-
lem dit d' Ariftote , mais notre Au-
teur eft perfu.idé que c'eft des Per-
fes & non des Philofophes Grecs
que Scythien a tiré fon erreur des
deux principes. Il trouve mauvais
que M. de Tiilemont ait avancé
que la corruption des moeurs de
Scythien , l'ait engagé à chercher
quelque chofe de nouveau pour fe
faire Chef de Parti : pour lui il ai-
me mieux qu'on cherche l'origine
des erreurs dans l'obfcurité où il a
plu à Dieu de laiffer certaines véri-
tez , & dans la foibleffe de l'efprit
humain, que dans le dérèglement
du cœur.
La Relation de la Conférence
porte que le Roi de Perfe ordonna
que Manichée fut écorché. M. de
Beaufobre croit qu'on ne peut
conclure de ces termes que Mani-
chée fût écorché vif. Abulfarage
dit même que cet Hérétique ne
ES «ÇA VAN S,
fut écorché qu'après fz mort ; ce-
pendant S. Epiphane qui aime fé-
lon notre Aureur , à orner de quel-
ques circonftances nouvelles ce
qu'il emprunte d'Auteurs plus an-
ciens que lui , dit que Manichéc
fut écorché avec la pointe d'un
roféau. Il ajoute que fa peau fut
remplie de paille. Photius qui avoit
vu le Grec de la Relation d'Arché-
laiis, affure que la peau de l'Hiré-
iiarque fut remplie d'air ou de vent
comme un fourrier. Ce que dit
Photius paroît à M. de Beaufobre
plus conforme à l'ufage des Perfes.
Après la mort de l'Empereur Valé-
rien , Sapor commanda qu'on l'é-
corchât , qu'on apprêtât fa peau
pour la conferver , & qu'on la
remplît d'air. S. Epiphane crovoit
que c'étoit à caufe du Supplice de
Manichée , que les Manichéens
couchoient fur la paille ou fur des
rofeaux. Notre Auteur eif. perfua-
dé que les Manichéens avoient em-
prunté cet ufage des Mages. Il
ajoute que ce n'eil pas pour aug-
menter l'ignominie que la chair de
Manichée , fut donnée aux
oifeaux , mais parce que les an-
ciens Perfans n'enterroient point
les morts de peur de fouiller la
terre. M. de Tillemont convient
que la Relation d'Archélaiis ne
peut s'accorder avec l'Hiftoire, en
ce qu'elle fuppofe que c'eif le mê-
me Roi de Perfe qui tait emprifon-
ncr l'Héréfiarque , qui le retient
en prifon plulicurs années , qui le
tait prendre après fon évafion , &
qui enfin le tait mourir ; mais M.
de Tillemont impute toute la tau-
O C T O B
te au Traducteur. M. de Beaufobre
ne peut goîiter cette conjecture, &c
il elt étonné que M. de Tillemont
l'aie adopté pour foûtenir l'authen-
ticité d'une Pièce , où l'on trouve à
chaque pas du faux & de la contra-
diction.
Par rapport au fécond Livre qui
contient l'Hiftoire de Manichée &
du Manichéifme , félon les Syriens,
les Perfans , & les Arabes , notre
Auteur cbferve d'abord que ces
Auteurs rapportent l'Hiftoire de
Manichée d'une manière fi différen-
te de celle dont la rapportent les
Grecs cV les Latins , qu'on pourroit
croire que Manichée & Maués
lont deux Héiéliarques , l'un d'O-
rient &c l'autre d'Occident , dans
les opinions defquels on trouve
de la conformité , fans en trouver
dans leur Hiftoire. M. de Beaufo-
bre ne croit pas cependant qu'on
doive recevoir fans examen tout ce
que difent les Orientaux. Us font
tous parties contre Manichée. Les
Se&ateurs de Zoroaftre haiffoient
cet Héréfiarque &c ceux qui fui-
voier.t fa doctrine , & les Maho-
métans placent les Manichéens en
enfer au-deflousdes Athées. Néan-
moins M. de Beaufobre croit qu'on
doit préférer ce que difent les
Orientaux , à ce que rapportent les
Grecs , parce qu'il s'agit de faits
qui fe font palTés dans leur Pays, &
que leur Relation paroîtbien plus
naturelle que celle des Grecs.
Après ce préambule , l'Auteur
donne l'Hiftoire de Manichée fui-
vant les Ecrivains Orientaux , & il
en fait enfuite un parallèle avec ce
R E , i 75 4. £8ï
qu'en difent les Grecs & les Latins
que nous allons tranferire.
» Le Lecteur fera furpris de voir
» fi peu d'harmonie entre la Rela-
tion d'Archélaiis ou d'Hégémo-
* nius & celle des Orientaux. Iillcs
» nes'accordent en rien. Là M.més
» ne connoît le Chriftianifme que
» fur la fin de fa vie : ici il le con-
» noît dès fa jeunefie, & le connoît
» fi bien qu'il devient Prêtre , il
» l'enfeigne & le défend contre les
» Infidèles. Là il a pris fes deux
» principes dans les Livres de Scy-
» thien , & Scythien danslaPhilo-
» fophie de Pythagore. Ici il les a
» trouvés dans l'ancienne Philofo-
» phie de fon Pays, d'où Pythagore
» lui même a voit tiré tout ce qu'il
*> a penfé fur ce fujet. Là Manés en-
>» court la difgracede Sapor , pour
» n'avoir pu guérir fon fils. Ici l'on
y> attribue fa chute à une caufe tou-
»te différente. Sapor ne s'irrite
» contre lui , que parce qu'il veut
i> fonder une nouvelle Secte fous
» le nom de Jefus , & qu'il défa-
is prouve le Culte & la Foi des
» Perfans. Là ce Roi le retient long-
» tems en prifon , ici il prévient
» par fa mite le deiîein que ce Prin-
» ce avoit formé de l'arrêter. Là
» enfin il fe réfugie furies frontie-
n res de la Méfopotamie Romaine.
» Ici c'eft à l'extrémité toute oppo-
» fée de l'Empire des Perfcs, c'eft
» dans le Turqueftan.
La méthode que l'Auteur a fui-
vie lui a permis de faire entrer dans
fon Ouvrage plufieurs Epifodes
qui varient la narration , & qui
fervironc à délafler ceux des LcC'
632 JOURNAL DES SÇA VAN S,
teursqui feroient fatigues d'obfer- Perfes , des Chrétiens du Turque
vations critiques. Tels font les
morceaux où l'Auteur parle de la
Religion de Zoroaftre, des Révo-
lutions de cette Religion chez les
ftan , &c.
Nous rendions compte dans un
autre Journal des deux premiers
Livres de la féconde Partie.
LETTRES EDIFIANTES ET CV RI EV SES , ECRITES DES
Ali (fions étrangères par quelques Mijfionnaires de la Compagnie de Je fus.
XXV- Recueil. A Paris , chez Nicolas le Clerc , rue de la vieille Boude-
rie -, &: U Mercier } rué'S. Jacques. 1734. in-11. pp. 48e.
LE Perc du Halde , dans l'Epî-
tre Dédicatoire qui eft adref-
fée aux Jcfuitcs de France , nous
donne une idée générale des Pièces
contenues dans ce Recueil , !k plu-
fieurs particularitez interelTantes
fur Tctat preient des Millions de la
Chine , avec l'Eloge des Pères Bou-
vet , & Contancin. Le premier qui
avoit pafié près de 50 ans dans les
travaux de la vie Apoftolique, eft
mort à la Chine âgé de 74 ans , &
étoit un des fix Jeluites que Louis
le Grand envoya en l'année KSgf.
en qualité de fes Mathématiciens.!!
mérita la confiance du feu Empe-
reur Cang-hi , qui lui accorda un
vafte emplacement dans l'enceinte
defon Palais pour y bâtir une Egli-
ié. Le fécond eft le PereContencin
qu'une maladie violente enleva à
l'âge de 6 5 ans à bord d'un vaifieau
où il s'étoit embarqué , pour re-
tourner aux Indes avec la qualité de
Supérieur Général de la Million de
France. Ce Père y étoit venu pour
les affaires de cette même Million ,
£■: pendant l'année qu'il féjourna à
Paris , il s'attira l'admiration des
Curieux par la parfaite connoiflan-
ct qu'il avoit acquife de la Langue,
& des ufages de la Chine , & méri-
ta par lbn zélé & par fa pieté l'a-
mour de tous ceux qui s'intereflent
à ia converfion des Peuples qui ha-
bitent ce vafte Empire.
La féconde Pièce de ce Recueil
eft une Lettre du Père Calmettc
Jefuite , écrite à Ballaburam dans
le Royaume de Carnate le 18 Sep-
tembre 1730. Ces Millions font
voilînes de celles de Maduré Se
tonnées fur-le même plan. Le Père
Calmettc nous y apprend que le
plus grand obftacle que les Mif-
fionnaires trouvent dans laconver-
iîon de ces Peuples , vient du pro-
fond mépris qu'ils font des autres
Nations , cv de la haute opinion
qu'ils ont d'eux-mêmes. Cet or-
gueil eft la principale caufe des fré-
quentes perfécunons aufquclles les
Millionnaires & leurs Néophytes,
font continuellement expofés ,
mais heureufemnt elles ne font pas
générales, parce que cet Etat eft
partagé en différentes Domina-
tions. Cette Lettre finit par un
morceau tiré d'un Livre , ou Poè-
me très-ancien , puifquc , félonies
conjectures de l'Auteur , il a 1800
ans d'antiquité , dont le troidéme
Livre
O C T O
Liv rc nommé Arannia Paruam ou
jlvantures de la Forêt . » contient
» une prédiction fi précife , &C où
» les caractères du Rédempteur
» font fi bien marqués , qu'on ne
» peut douter de la liaifon qu'elle
» a avec les Saintes Ecritures , ni
«méconnoître la fource où elle a été
» puifée. On en trouve ici une tra-
duction littérale , faite fur le texte
original qu'on a fait mettre au bas
de la page -, on y a joint une expli-
cation de cette Prophétie , où l'on
verra des recherches très inftructi-
ves fur la Chronologie , & fur la
Religion des Indiens.
La troiliéme Lettre eft adreftée
à M. de Mairan & écrite par le Pè-
re Parennin à Pékin le 1 1 Aouft
ï73o.Les liaifons qu'il a avec Mef-
fieurs de l'Académie des Sciences,
& le commerce régulier qu'il en-
tretient avec cette illuftre Compa-
gnie doivent donner beaucoup de
confiance au Lecteur fur tout ce
que le Pcre Parennin répond par
rapport aux doutes & aux que-
stions que M. de Mairan lui avoit
propofés fur la certitude des obfer-
vations iftronomiques desChinois,
fur l'authenticité de leurs ancien-
nes Hiftoires , fur l'idée qu'ils ont
de la Divinité , fur la perfection de
leurs arts & de leurs Sciences , &
fur plufieurs autres points qui ne
lui paroifToicnt pas fufhTamment
éclaircis. Le P. Parennin fatisfaic
l'Académicien fur tous ces articles ,
& pour y réufiir , il fe croit obligé
d'approfondir les mœurs & le gé-
nie de cette Nation , & en confé-
quence du portrait qu'il en fait ,
Oftobre.
B R E, i 7? 4. tfSj
il avoi.ie que les Chinois n'ont
pas porté les Sciences de pure fpé-
culation auifi loin qu'on les a por-
tées en Europe ; il n'y a pas même
àefpercr, dit il , = qu'ils prennent
^ jamais leur vol plus haut , non
» feulement parce qu'ils n'ont pas
*» cette fagacité , cette inquiétude
» qui fert à avancer dans les Scien-
» ces , mais encore parce qu'ils fe
*> bornent à ce qui eft purement
» neceflaire , & que félon l'idée
» qu'ils fe font formée du bonheur
» perfonnel, & de la tranquillité de
» l'Etat , ils ne croyent pas qu'il
» taille fe morfondre , ni gêner fon
» efprit pour des chofes de pure
» fpéculation , qui ne peuvent
» nous rendre ni plus heureux , ni
» plus tranquilles.
Il obferve cependant que cette
difpofition aflez générale a eu feu
exceptions ; que la Chine a pro-
duit des hommes rares qui ont fait
de profondes découvertes dans les
Sciences fpéculatives ; mais que
pour ces riifons & plufieurs autres
qu'on verra dans cette Lettre , ils
n'ont été ni foûtenus , ni fuivis.
Cette difculîîon le met dans la ne-
cellité de montrer que fi Voffius a
dit trop de bien des Chinois , M.
l'Abbé Renaudot a donné dans
l'excès contraire^ que fur la foi de
deux Manufcrits Arabes qui en mé-
ritent peu , il eft tombé dans des
erreurs & des contradictions ma-
nifeftes. Le Père Parennin finit en
montrant que les Phénomènes ob-
fervés dans le Ciel à la Chine,
n'ont , comme M. de Mairan l'a-
voit fbupçonné , point de rapport
w & & S
68* JOURNAL DE
ivec l'aurore boiéale.
On voit dans la quatrième Let-
tre l'Hifloire d'un grand Seigneur
Tarrare fort aimé du feu Empereur
Cang-hi , qui à l'âge de 75 ans fut
difqracié & baptifé en prifon , par
un trait fingulier de la Divine Pro-
vidence. Cette Lettre eft du Père
de Mailla , & datée de Péking le
10. Octobre 173 1.
La cinquième Lettre qui eu du
Père Porquet &c adrefTée au Perc
de Goville, eft écrite à Macao le
11 Décembre 1732. elle roule fur
la trille fituation où fe trouve à
prefent la Million de la Chine. Les
Millionnaires qui lurent bannis des
Provinces , il y a environ dix ans ,
& relégués à Canton , viennent
d'être chatTés de Canton-même , &
renvoyés à Macao , petite Ville
qui appartient aux Portugais, mais
où pourtant les Chinois font les
maîrres. C'eft le 2.0 d'Avril de
l'année 173?. qu'on les obligea de
s'embarquer au nombre de plus de
30 avec défenfe de retourner à la
Chine fous peine d'être punis fui-
vant toute la rigueur des Loix. Cet
ordre fut exécuté très-rigoureufe-
ment , leurs Domcftiques &c les
Chrétiens qui relièrent furent
charges de chaînes , & quelques-
uns condamnés à de cruelles ba-
ftonades qu'ils fbûtinrent avec
beaucoup de confiance & de pic-
té.
Ainfi il ne reflc plus dans ce
grand Empire , félon le détail que
le Père du Halde nous en donne
dans fa Préface , que 23 Million-
naires qu'on tolère encore à Pé-
5 SCAVANS,
king , fçavûir deux Eccleflaftiques
de la Propagande , huit Jcfuites
François, lix Jefuites Portugais y
6 trois autres Jefuites Allemands,
avec quatre Frères Coadjuteurs ,
fans compter quelques uns en pe-
tit nombre qui lont répandus dans
les Provinces. 11 ajoute qu'on a fçû
par des Lettres pofterieures à celles
du Père Porquet 8c venues de Pé-
king-même , que lorfque les Je-
fuites de cette Ville eurent reçu
les Lettres que les Millionnaires
exilés à Macao leur avoient écrites,
ils allèrent fe jetter aux pieds de
l'Empereur pour le fupplier de
leur permettre de retourner à Can-
ton. Ils en furent reçus avec bonté,
mais il leur refufa abfolument cette
grâce , en leur difant , que Macao
n'étoit éloigné que de trois jour-
nées de Canton, que les Vaifleaux
François y pouvoient faire leur
commerce , 8c que la correfpon-
dance avec l'Europe , ferait aulîl
aifée que s'ils abordoient à la Chi-
ne i le Père Parennin qui étoit de
cette députation , reprefenta que
la chofe étoit impofîîble ; fur quoi
l'Empereur répondit que fi effecti-
vement les Européans ne pou-
voient pas faire leur commerce à
Macao , il permettrait aux Pères
de Péking d'avoir des Procureurs à
Canton ; mais qu'ils ne pourroient
s'y mêler d'autre chofe que de re-
cevoir ce qui viendrait d'Europe
pour eux , & de faire tenir en Eu-
rope les Lettres qu'ils y voudraient
envoyer.
On apprendra par les premiers
Vaiffeaux qui arriveront de la Chi-
O C T O B
ne la fuite de ectre négociation. Si
elle réuiïit , il y a lieu d'efpercr que
la porte de cet Empire ne fera pas
entièrement fermée à la Religion.
Après ces Lettres fuivent diffé-
rentes Pièces qui nous donnent l'é-
tat prefent des célèbres Millions du
Paraguay. On le trouvera d'autant
plus jufte qu'il eft tort différent
de ce qu'on en lit dans un Libelle
Anonvme imprimé en Latin &c en
François , & répandu depuis plu-
lleurs années dans toute l'Europe.
» L'Auteur de ce Libelle reprefen-
» te le Pays où font fituées ces
» Millions , comme un vafte
» Royaume dont les Jefuites font
» les Souverains ; les Indiens raf-
» femblés en grand nombre par
» leurs foins dans diverfes Peupla-
» des , comme autant de fujets fur
» lefquels ils exercent une autorité
» defpotique : on les fait les maî-
» très de Mines très-abondantes en
» or &en argent , & on leur attri-
» bue des richelTes immenfes capa-
» blés de contenter l'ambition d'un
» grand Monarque.
Ceux qui ont leurs vûè's pour
croire , ou du moins pour lailTer
croire ces chimères , ne doivent
pas confeiller la lecture des Pièces
dont nous allons rendre compte ;
elles viennent de perfonnes fi ref-
peftables , fi à portée d'être in-
ftruites , & en même tems fi inre-
telTées à tout ce qui fe parte dans
le Paraguay , foit pour le tempo-
rel , foit pour le fpirituel , qu'il
faudroit renoncer à tous les princi-
pes de l'équité naturelle pour con-
tinuer d'ajouter foi à de pareilles
calomnies.
R E , i 7 3 4. 6$;
La première de ces Pièces eft une
Lettre adreiTée au Marquis de Ca-
flel-Fuerte , Viceroi du Pérou parle
P. Herran , Provincial des Millions
dans la Province de Paraguay. On
y trouve une Relation exacte de la
révolte des Peuples de la Province
du Paraguay , l'occafion de cette
révolte , les fuites qu'elle eut , les
mefures qu'on prit alors pour en
arrêter le progrès, & divers moyens
qui paroifloient propres à l'étouf-
fer entièrement.
On y a joint la réponfe du Vice-
roi dattée du 14 Juin 1731. dans
laquelle ce Seigneur fait part au Pè-
re Herran des refolutions qu'il a
prifes pour arrêter ce foulevementi
il lui écrit que connoiffant fon atta-
chement pour la perfonne du Roi
& le zélé avec lequel ce Père fe
porte à tout ce qui eft du fervice
de Sa Majefté , il ne doute point
qu'il ne continue d'apporter tous
fes foins , pour tirer des Peuplades
de fes Millions les fecours necef-
faires au nouveau Gouverneur
qu'il envoyé. Vient enfuite l'arrêté
du Confeil Royal de Lima, par
lequel » il a été refolu qu'on prie-
ra roit Son Excellence le Viceroi du
» Pérou d'enjoindre au Père Pro-
» vincial de la Province du Para-
wguay ou en fon abfence à celui
» qui gouverne les Millions voifi-
» nés de ladite Province , de four-
» nir promptement au Gouverneur
«du Paraguay le nombre d'In-
n diens Tapes t & des autres Peu-
» plades bien armés qu'ils deman-
nderoient pour forcer les rebelles
» à rentrer dans l'obéiflance qu'il?
Ggg'gij
6$6 JOURNAL D
i> doivent à Sa Majefté , &c execu-
n ter les refolutions que fon Excel-
» lence a prifes dans ionConfeil.
Cet Acte eft fuivi d'un Mémoire
apologétique des Ahffions établies
par les Pères Jefuites dans la Pro-
vince de Paraguay , pre fente an Con-
feil Royal & Suprême des Indes par
le Père Gafpard 'B^odero Procureur
Général de ces Miffions contre un
Libelle diffamatoire rempli de faits
calomnieux qu'un Anonyme étranger
a répandu dans toutes les parties de
l'Europe , traduit de l'Efpagnol.
On apprend par ce Mémoire
qu'un Ecclefiaftique étranger s'in-
troduifiten 171 5. à la Cour d'Ef-
pagne , qu'il y prefenta un Mé-
moire , où il renouvellent les an-
ciennes calomnies dont on a
tâché de noircir les Millionnaires
du Paraguay ; il y fupplioit Sa Ma-
jefte de lui donner les pouvoirs ne-
ceflaires pour remédier au préten-
du defordre de ces Millions , &
pour travailler à la converhon des
Nations inhdclles répandues dans
ces vaftes Provinces. Le Roi non
content de rejetter un Libelle où
la malignité & la calomnie ne gar-
doient pas feulement la vrailem-
blance , porta un nouveau Décret
l'année iiuvante 17 16. par lequel
il ordonnoir de conferver aux In-
diens de ces Millions toutes les grâ-
ces tk les privilèges que les Rois Les
prédecedeurs leurs avoient accor-
dés. On trouvera ce Décret à la hn
de ce Mémoire.
Dix-huit ans après le mauvais
fuccès que' ce Libelle avoir eu en
Efpagne , l'Auteur qui s'en é toit
ES SÇAVANS,
confolé par l'applaudillcment qu'il
avoit trouvé auprès de certaines
perlonncs qui reçoivent avide-
ment toutes les tables qu'on imagi-
ne , & qu'on débite contre les Je-
fuites , a cru devoir le faire reparaî-
tre. Il a profité des troubles arrivés
en 1731. dans la Province du Pa-
guay ; Se il a tait paffer ce Mémoi-
re traduit en Efpagnol jufqu'aux
mains d'un Seigneur de grand mé-
rite qui approche le plus près du
Prince des Afturies -, cet étranger
efperoit qu'à la vue de ces pùvilé-
ges accordés aux Indiens 8c qu'on
difoit être contraires aux droits hé-
réditaires de la Couronne , Son
Altefle Royale interpoferoit fon
autorité pour les taire révoquer , 8c
prendrait en même tems des im-
prcilions défavantageufes aux Je-
fuites.
Cependant quoiqu'on ignorât
que ce Libelle avoit déjà été rejette,
il eut encore le fort que mérite la
faufTeté & la calomnie. Néanmoins
l'acharnement de l'Anonyme &
l'audace avec laquelle il veut en
impofer à toute l'Europe obligent
à le convaincre d'impofture par
des preuves fans réplique. Mais
avant que de répondre en détail à
chaque article de fon Livre , on
commence par taire remarquer en
général , combien il connoît peu
la fituation de ces Provinces , la
nature de leur climat, les fruits
qu'elles produifent , 6v la dillance
des Peuplades. On examine enfuite
ce que l'Anonyme dit du prétendu
commerce que les Jefuites font de
ce qu'on appelle l'Heibe du Para-
OCTOBRE, 1734- tf87
guay. Cette Herbe , dit-il , & le re- loix ou les privilèges accordés par
venu qu'ils tirent de leurs mines pro-
duit aux Je/unes un revenu de Sou-
verain. A l'égard du premier article
dont il, fait monter le produit à
500 mille piaftres par année , on
prouve qu'il ne va pas à plus de
Z4 mille livres. Pour le fécond on
apporte des preuves ck des enquê-
tes faites fur les lieux qui monnent
qu'il n'y a ni ne peut y avoir de
mines dans le Paraguay. La Ville
de l'Affomption , ou plutôt (es
Magiftrats avoient intenté deux
fois cette aceufarion contre les
Millionnaires; mais ils furent con-
vaincus d'avoir avancé une fauffeté
manitefte , & déclarés calomnia-
teurs par deux Sentences juridi-
ques rendues par le Confeil Sou-
verain des Indes.
L'Anonyme évalue le nombre
des Indiens qui compofent les 30
Peuplades de la Million du Para-
guay à 300 mille familles, dont il
prétend que les Jcfuites tirent pius
de cinq millions de piaftres par an.
On répond à cela que les Jcfuites
fouhaiteroient d'avoir gagné à
J. C. un fi grand nombre d'ames ,
mais que la vérité eft comme il le
paroît par le rôle qu'en a fait le
Gouverneur de Bttenos-ayres , que
le nombre de ces Indiens ne fe
monte qu'à 150 mille âmes, fur
lequel après avoir retranché les
femmes , les Caciquçs , les Corré-
gidors , les Alcades , ceux qui fer-
vent l'Eglife , les jeunes gens qui
n'ont pas encore atteint l'âge de
18 ans, les hommes qui font au-
delTus de 50 , £c ks autres que les
les Rois exemptent de payer le tri-
but , on trouvera qu'il n'y a gué-
res que le tiers des habitans de cha-
que Peuplade qui payent le tribut
d'une piaftre par tête. Ainfi par
une fupputation appuyée de preu-
ves qu'on verra dans le Mémoire-
même , s'évanouiiTent ces milliers
de piaftres dont le Libelle avoit
enrichi les Jcfuites.
» Qu'il dife d'ailleurs^ continue
» l'Apotogijle , ce que les Jefuites
»» font de ces richeffes. Les voit-on
» fortir des bornes de la modeftie
» de leur état ? leur vêtement, leur
» nourriture n'eft elle pas la même,
» & quelquefois pire que celle de
» ces Indiens ? le peu de Collèges
» qu'ils ont dans cette Province en
» font-Us plus riches , & en ont-
» ils augmenté le nombre î ils font
» tous Européans , peut on en citer
n un 1 cul qui ait enrichi fa famille?
L'Anonyme , p®ur appuyer fes
exagérations , fait une deferip-
tion pompeufe de la magnificence
& de la richelTe des Eglifes des
Millions. Tout y eft , félon lui , ou
d'argent ou d'or maftif ; & c'eft,
dit on , la première fois qu'il ap-
porte une forte de preuve, car il
cite deux Soldats François de mê-
me Pays que lui, qui ont vu toutes
ces richelles de leurs propres yeux.
» Il faut, répond l'Auteur du Me-
» moire , que les yeux de ces Sol-
» dits euftent les mêmes privilèges
» que la Fable attribue aux nv.ins
» de Midas , & que convertiftant
» tout ce qu'ils voyoient en or , ils
» ayent pris du bois ou du cuivre
688 JOURNAL DE
» doré pour de l'or & de l'argent
» mafllt ; les yeux des Efpagnols ,
» ajoute ton , ne font pas à beau-
» coup près li perçans.
Mais pour quelle raifon , re-
prend l'Anonyme, a ton accordé
aux Indiens de ces Peuplades le
privilège de ne payer qu'une pia-
ftre de tribut , tandis que tous les
autres Indiens en payent cinq ?
Pourquoi leur permet onde porter
des armes à feu ? Pourquoi eft - il
détendu aux étrangers & même aux
Efpagnols deféjourner plus de trois
jours dans ces Peuplades des Mif-
iions, où à la vérité on fournit à
tous leurs befoins, mais fans qu'Us
puiflent parler à aucun Indien ? On
répond à la première queftion que
ces Indiens ont mérité routes ces
diftinètions par le zélé avec lequel
étant parfaitement libres , ils ont
reconnu la domination du Roi
d'Efpagnc , embrafTé la foi , & fer-
vi cette Couronne envers & contre
tous. On en rapporte en eflet des
preuves appuyées d'autorités.
A l'égard de la défenfe faite aux
Efpagnols d'entrer dans les Peupla-
des du Paraguay , on répond que
c'eft uniquement dans la crainte
qu'ils ne viennent à pervertir les
moeurs decesNéophites. Elles font
fi pures qu'ils ne boivent d'aucune
liqueur qui puifte eny vrer -, tout
cfprit d'intérêt en eft banni ; on
n'y connoît que les jeux de purdé-
lalfement. L'avarice , la fraude , le
larcin , la médifance , les jure-
mens n'y font pas connus. Tandis
qu'on en voit des exemples trop
marqués parmis les Indiens qui
S SÇAVANS,
bornent les quatre Peuplades qui
font aux habitans du Paraguay.
Peut-on blâmer les Millionnaires
de rermer la porte à tous les vices lî
communs parmi les Indiens en la
fermant à tous les étrangers.
Nous ne pouvons fuivre l'Au-
teur dans toutes les raifons & les
preuves par lefquelles il accable
l'Anonyme. Nous remarquerons
feulement qu'a la fuite de ce Mé-
moire , on trouve deux Lettres
très-dignes de l'attention du Lec-
teur. L'une de Dom Pierre Faxardo
Evêque de Buenos - ayres au Roi
d'Efpagne , & l'autre de Dom Bru-
no de Zabata , Capitaine & Gou-
verneur général de ladite Provin-
ce, adreifee aulfi au Roi. Ces deux
témoignages encheriffent encore
fur tout ce qu'on verra dans ce
Mémoire en faveur des Millions du
Paraguay , du zèle de ceux qui la
gouvernent , &c de l'attachement
des Indiens au Roi d'Efpagne.
Tout ce qui regarde le Paraguay
finit par des Obfervations Géogra-
phiques fur la Carte du Paraguay
faites par M. Danvilie Auteur de
cette Carte.
Deux Lettres terminent ce Vo-
lume. La première eft du Père Cal-
mette & datée de Ventacjuity dans
le Royaume de Carnate le x\. Jan-
vier 1733. elle nous apprend que
depuis 30 ans que les Jefuites ont
formé une Million dans ce Royau-
me , elle s'étend déjà jufqu'à 200
lieues , à la prendre depuis Ponti-
chery qui en eft la pierre fonda-
mentale jufqu'à Bouccapoiirarn à la
hauteur de Majptltpattin, On fc
O C T O B
flatte même d'en pouvoir établir
une dans le Royaume de Bengale :
un Prince trés-puillant dans l'In-
douftan tv fçavant dans l'Aftrono-
mie a déjà propofé plusieurs que-
ftions fur cette Science au P. Bou-
dier , Jefuite , 6c on pourra à la
faveur de cette liaifon & de la pro-
tection qu'd accorderoit aux Mif-
fionnaircs , porter dans fes Etats le
flambeau de la foi. On y voit auffi
que le Roi ayant pris le deflein de
foimer une Bibliothèque Orienta-
le , M. l'Abbé Bignon a fait l'hon-
neur aux Jtfuitcs de fe repoler fur
eux de la recherche des Livres In-
diens. Le P. Calmette expofe les
avantages que fes Confrères en ti-
rent pour combattre les Docteurs
de l'Idolâtrie. Il nous donne en
RE, 1754. 689
même tems quelques éclaircifte-
mens curieux fur les quatreFV^?»,
qui font les Livres Sacrés des Bra-
mes , ik pour lefquels ils ont un fi
grand refpect , qu'ils ne les com-
muniquent pas au refte du Peuple.
La féconde & dernière Lettre ell
du P. Lombard Supérieur des Mif-
fions Indiennes dans la Guyane ,
elle eft datée du 1 1 Avril 173 3. à
Kourou. Ce Père fait la peinture
de la Peuplade d'Indien? établis à
Kourou dans la Guyane, de l'or-
dre qui y règne & de la pieté de
ces Sauvages, il y joint l'Hiftoire
de quelques autres établiflemens
qui fe forment , & le projet de plu-
fieurs Millions nouvelles qui tour-
neront également à l'avantage de
la Religion &: à celui de la Colonie.
RERUM ITALICARUM SCRIPTORES, &c.
C'eft - à - dire : Recueil des Ecrivains de l'Hiftoire d'Italie , depuis Varf~
^oo.jufifH'àl'an 1500. par Al. Muratori, Tome XV11L A Milan,parla
Société Palatine. 173 1. /«-/»/. col. 1162.
TOUTES les Pièces dont ce
dix huitième Volume eft corn-
pofé , forte nt pour la première
fois de l'obfcunté des Bibliothè-
ques pour paroître au grand jour
de l'impreliion. Elles font feule-
ment au nombre de huit , & rou-
lent en général fur l'Hiftoire de
Boulogne & des Villes qui font ou
qui ont été de fa dépendance.
On y trouve i°. une Chronique
de Régio depuis l'an 117 2 jufqu'à
l'an 1 3 88. Le Manufcrit fur lequel
M. Muratori a fait cette Edition
eft fort mutilé ; les premières pages
du commencement font perdues ,
le milieu 5c la fin de l'Hiftoire ont
eu le même fort. Cependant , fé-
lon lui , il méritoit d'être mieux
confervé -, le ftile en eft très- fimple
pour ne pas dire très - mauvais -,
mais en même tems on y remarque
tant d'exactitude & de vérité que
ce qui nous en refte, fait infiniment
regretter ce qui en eft perdu. Les
Auteurs de cette Chronique font
Sagacius ou Sagacinus , Se Pierre ,
tous deux de la Ville de Régio ,
d'une famille noble appellée Gazata
ou de la Gazata , autrefois flonftan-
te , mais aujourd'hui éteinte.
On en tire la preuve de cette
690 JOURNAL DE
Chronique même dans laquelle on
lit ces mots fous l'année i$$$.an
mois d'avril Dam Sachacino mon
bifayeul cjul a écrit tout ce tjui précè-
de , a perdu la vue a l'âge de 9 1 ans;
& moi Frère P terre , fis de Dom
Francefchini de Gazât a , j'ai com-
mencé k écrire ce qui fuit. A l'égard
de Pierre on fçait qu'au fortir de
l'enfance , il entra dans le Monafte-
re de S. Profper de Régio , Ordre
de S. Benoît , Si que dans la fuite il
fut Abbé de ce Monaftoe , où il
mourut âgé environ de 80 ans en
1414.
Il paraît que fon bifayeul, félon
la coutume ordinaire des Ecrivains
de ce tems-li , avoit commencé
fon Hiftoire depuis la fondation de
Rome , jufqu'a l'on tems. Pierre le
donne du moins à entendre fous
l'année 1553. où il parle ainfi -,
3» J'ai perdu cette Chronique lorf-
» que la Ville de Régio fut pillée
» par Feltrino de Gonzague en
» 1371. & je l'ai recouvrée en 1 381.
» à l'exception de ce qui regarde
»> l'Hiftoire d'Attila , d'Eccelinde
» Romano , du Roi Conradin , &
» de plufîeurs autres traits d'Hi-
» (foires.
Gui Pancirole homme d'une
grande érudition s'étoit fervi de
cette Cronique pour compofer
l'Hiftoire de Régio fa Patrie. Il en
parle avec éloge dans la Préface de
cet Ouvrage , qu'on conferve en
Manufcrit dans plufieurs Bibliothè-
ques, & fous l'année 13 18. après
avoir rapporté en abrégé plufieurs
faits qu'il avoit empruntés de la
Chronique des Gazata , il s'étend
S SÇAVANS,
fur l'Hiftoire du grand Cane-Scali-
ger , Tyran de Vérone , qui par fa
valeur , fa magnificence & fa gran-
deur d'ame avoit furpaffé prefquc
tous les Princes d'Italie qui re-
gnoient en fon tems ; fon Palais
étoit l'azile de tous les gens diftin-
gius par leurs talens ; ou par leur
naiflance qui avoient été bannis de
leur Pays, a Entre autres, dit-il ,
» ce Prince reçut chez lui avec
» beaucoup d'humanité Sagacius-
» Mutus de Gazata , Citoyen de
» Régio , homme d'une littérature
» allez polie pour le fiécle où il vi-
» voit. Par reconnoilTance il écri-
j) vit la manière noble & géné-
»reufe avec laquelle le grand Ca-
» ne exerçoit cette efpece d'hofpi-
» talité , l'ordre avec lequel les ta-
» blés de fes hôtes étoient fervies
» 5c leurs appartemens meublés. Il
» remarque, ajoute Pancirole, qu'il
n y avoit chez ce Prince différentes
» demeures aflîgnées félon la diver-
» fité des perfonnes , du rang ou
» du mérite pour lefquelles elles
n étoient deftinées. Qu'on leur y
«rourniiToit abondamment des vi-
n vres , mais avec plus ou moins
» de délicatelïe , fuivant leur con-
» dition ; chaque claffe avoit pour
» fon fervice des Valets diflerem-
» ment habillés -, fur la porte de
» chacune de ces claftes on avoit
» placé des figures & des inf-
» criptions qui convenoient à la iî-
» tuation &: au génie des perfonnes
»> qui les habitoient. On voyoit,
•» par exemple , fur celles des gens
» de guerre des trophées , fur cel-
» les des exilés la figure de l'efpe-
» rance ,
O CfOB
» rance > fur celle des Poètes un
» ParnalTe avec les Mufes , Mercu-
» re fur la demeure des Négocians
» &des Artiftcs, le Paradis fur cel-
« les des Religieux & des Prédica-
» teurs , & plufieurs autres figures
*> dans le même goût toutes pro-
» près à caraclerifer ces differens
» hofpices. Des Muficiens, des Far-
» ccurs , & des Bouffons qui fe fuc-
» cedoient les uns aux autres ,
» parcouroient alternativement
» toutes les tables , où ces illuftres
«malheureux mangeoientul y avoit
» auffi plufieurs appartemens déco-
» rés de peintures exquifes ou ten-
»dues de magnifiques tapilTeries ,
» qui reprefentoient divers fujets
» propres à montrer l'inftabilité de
» la fortune. Le grand Cane admet-
» toit de tems en tems à fa table
» quelques-uns de ces hôtes , &c.
Nous avons rapporté ce partage
tour entier d'après M. Muratoii,
parce qu'il eft agréable par lui-mê-
me îkqu'on y peut voir que les tems
les plus décriés , & où le vice a le
plus régné, ne laiffent pas de nous
fournir quelquefois de grands
exemples de vertu. On prouve en-
core par cet endroit de Pancirole ,
& par plufieurs autres du même
Auteur que nous avons perdu beau-
coup de chofes qui fe lifoientpour
lors dans la Chronique de Gazata.
Fulvius-Azarrius, Citoyen de Ré-
gio, s'en eft auffi fervi pour com-
pofer la Chronique Ecclefiaftique
& Civile de fa patrie qu'on confer-
veen Manufcrit dans la Bibliothè-
que d'Eft , & qui mériteroit d'être
imprimée. La Chronique des Gaza-
Oïlabre.
R E, I7J4- 6>r
ta n'avoit pas non plus échappé
aux recherches de Bernardin Co-
rio , qui nous a donné il y a deux
fiécles, l'Hiftoire de Milan , il en
parle avec éloge , & femble dire
qu'on en avoit pour lors un exem-
plaire complet à Milan.
Nous remarquerons en paiTanc
que fous l'an 1347. il y eft fait
mention de la cérémonie bizarre
avec laquelle le fameux Nicolas-
Laurent de Rienzi fe fit inftitucr
Chevalier Romain , que l'Auteur
y rapporte quelquefois en abrégé ,
les coups d'autorité que fit cet en-
thoufiafte , & qu'en général on
trouve dans tous les Auteurs de ce
tems que M. Muratori a fait entrer
dans fon Recueil une infinité d'Ac-
tes & de Pièces qui juftifient ce
qu'il y a de plus extraordinaire
dans l'agréable Hiftoire de ce Ty-
ran qui a paru au commencement
de cette année.
20. Un Mémoire Hiftorique de
ce qui s'eft palTé dans l'Etat de Bo-
logne depuis l'an 1109. jufqu'en
1428. par Mathieu de Griffombus.
Cet Auteur dans le cours de fon
Hiftoire nous y apprend lui-même
en differens endroits les particula-
ritez qui le regardent. Il étoit d'une
famille noble de Boulogne , il y
exerça plufieurs emplois confide-
rables, & fur- tout celui de Gonfa-
lonier-, il fut envoyé en différen-
tes Ambaffades & entr'autres au
Pape Bonrface IX. qui étoit pour
lors à Pérou fe.
Un Anonyme qui a fait quel-
ques additions à cette Chronique ,
place la mort de Mathieu en l'an-
Hhhh
6ç2 JOURNAL DE
née 1426. Il paroît par toute fa
conduite , & par fon Hiftoire-mê-
nie que la prudence & la modéra-
tion faifoient Ion cara&ere. Auflî
malgré les troubles qui agitèrent fa
Ville & fa Patrie , il fait fe confer-
ver l'amitié de tout le monde , fa
fortune ne fut troublée que par un
exil de quelques mois , Se il reprit
dans le gouvernement de fa Ville ,
toute l'autorité qu'il y avoit acqui-
fc.
M. Muratori doute que Chéru-
bin Ghirardaccio qui le nomme &
qui en parle louvent dans fon Hi-
ftoire de Boulogne , ait connu
l'Ouvrage dont il cft ici queftion.
Car en racontant une Hiftoire
merveilieufe que Mathieu dit lui
être arrivée à lui même , comme
on peut le voir dans la Chronique
fous l'année 1 374. Gérardaccio la
donne comme la tenant de l'Hi-
ftoire de Jean Sabbatini de Ariert-
tis.
Du refte M. Muratori avertit
qu'on ne doit point être furpris de
voir que certaines familles qui font
aujourd'hui delà première Noblef-
fe y exerçalTent autrefois la profef-
fîon de Marchand , de Boucher, de
Changeur , & femblables autres
Arts méchaniques. 11 taut fe ref-
fouvenir que dans la plupart des
Villes d'Italie le gouvernement
étant entre les mains du Peuple &
des Artifans , les nobles pour y
avoir part , étoient obligés d'exer-
cer , ou du moins de prendre le ti-
tre de quelques-uns de ces métiers.
Ccft ce quife pratiquoit fur-tout à
€êaes y fans que cela fît aucun toiî
S SÇAVANS,
à la Noble lie : & M. Muratori
promet de le montrer quelque jour
plus au long.
30. Une Hiitoire de Boulogne ,
depuis l'an 1104. jufqu'à l'an 1394
écrite pour la plus grande partie
par Frère Barthelmi délia Pugnola \
de l'Ordre des Mineurs , n^ec la
Continuation du même Ouvrage
par divers Auteurs contemporains
jufqu'en 1471.
M. Muratori s'étoit flatté de ti-
rer de Boulogne une infinité de
Pièces propres àéclaircir l'Hiftoire
de cette Ville &c même celle de l'I-
talie en général. Comme on n'y
connoît point de Ville qui ait été
plus agitée par les raclions que
Boulogne , il n'y en a point eu auliî
qui de tous les tems ait porté plus
de gens de Lettres & capables de
tranfmettre ces évenemens à la po-
fterité. Mais foi t que le tems où
les malheurs des guerres Civiles
ayent fait périr kuis Mémoires, ou
qu'ils reftent encore cachés dans
les Bibliothèques , à l'exception
de l'Ouvrage de Mathieu de Grif-
fonibus dont naus venons de par-
ler , M. Muratori n'y a rien dé-
couvert qui ait pu fervir au deflein
où il étoit de taire honneur à cette
illuitre &c fçavante Ville. Heureu-
fement la Bibliothèque d'tft lui &
fourni de quoi fuppléer en partie
à ce qu'il defiroit. Il y a trouvé
trois Chroniques écrites en Italie^
où tout ce qui regarde l'Hiitoire de
Boulogne elt traité aflez au long.
Mais fans faire aucun ufage de îa
première, parce qu'elle étoit recen-
se & peu curieufe, il a jugé à pro-
O C T O B
pos de fondre enfemble les deux
autres , Se de les donner fous le
nom d'Hiftoirc mêlée Hijîoria
Mifcella , non feulement par la
raifon que nous venons d'apporter,
mais encore parce que chacune de
ces deux Chroniques paroît avoir
été continuée par plufieurs Au-
teurs tous difterens , comme il eft
aifé de le remarquer par les di-
verfes circonstances qu'ils rappor-
tent fur des faits &des évenemens
dont ils aiîurent qu'ils ont été té-
moins oculaires ; avantage qui aug-
mente le prix de cet Ouvrage.
Quoique les Boulonnois outre
plufieurs Ecrivains qui ont travail-
lé fur leur Hiftoire , piaffent enco-
re nous montrer Chérubino - Ghi-
rardaccio , de l'Ordre des Ermites ,
qui a recueilli fort au long tout
ce qui regarde leur Patrie ; on pré-
tend néanmoins que les Sçavans
trouveront dans cette Chronique
une infinité de chofes qu'ils cher-
cheraient en vain dans l'Ouvrage
de Chérubin ; à quoi on ajoute que
tout le monde fçait qu'il eft plus
fur de chercher la vérité dans la
fource que dans les ruifteaux qui en
font fortis. D'ailleurs on ne craint
pas de dire que ce Ghirardaccio ne
mérite pas infiniment de louan-
ges , car s'il n'a pas pillé toutes les
Chroniques qu'on garde à prefent
dans la Bibliothèque d'Eft, il eft
certain qu'il en a eu quelques-
unes fous les mains dont il a fait
un grand ufage , fans avoir jamais
eu la générofité de les citer.
4e. Une Chronique de Lucques,
par Jean Ser-Cambio , Auteur con-
temporain.
R. E , i 7 ? i. £oj
Le Cardinal Borromée ayant
formé la Bibliothèque Ambroiiîen-
nc avec une dépenfe vraiment
Royale , s'attacha fur tout à y raf-
fembler toutes les Hiftoires Ma-
nuferites qui regardoient celle d'I-
talie. J'ai vu , die M. Muratori , le
Catalogue des Manufcrits qu'on
y avoit recueilli , ou qu'on fe pro-
pofoit d'y placer. Parmi ces der-
niers, Se entre les Hiftoires de la
Ville de Lucques qui n'avoient
point encore été imprimées , on
nommoit celle de Jean Ser-Cam-
bio. Je ne fçai , continuet-il , fi
on réullit à la trouver toute entiè-
re ; mais il n'en refte du moins au-
jourd'hui que le Livre fécond.
Dans le premier qui eft perdu ;
l'Auteur avoit ramafle tout ce qui
regarde l'Hiftoire des Lucquois de-
puis l'an ii 64 jufqu'au huitième
jour des Ides d'Avril de l'an 1400.
le Livre fécond qu'on donne au-
jourd'hui , continue l'Hiftoire de
Lucques depuis l'an 1 400 jufqu'au
commencement de l'année , 140^.
tems où Paul Guinigi s'empara
du Gouvernement de Lucques.
Les Luquois le traitent de Ty-
ran , Se avec quelque raifon.
Ser - Cambio , non feulement
l'exeufe , mais il lui donne les plus
grandes loiianges. On n'en doit pas
être furpris , puifque ce fut lui mê-
me qui força pour ainfi dire Guini-
gi à fe rendre maître de la Ville de
Lucques , Se il eft d'autant moins
blâmable de l'attachement qu'il
confetva toujours pour lui , que le
gouvernement de Guinigi fut doux
& modéré , quoique la fin n'en fût
H h h h ij
6o\ JOURNAL D
pas heureufe. A l'égard de notre
Hiftorien , il fut nommé en 1400.
Gonfalonier de Juftice à Lucques.
Ce qui étoit la première Magiftra-
ture de cette Ville , Se ce qui mar-
que le rang qu'il y tenoit. Car
quoique cette dignité fût quelque-
fois donnée à des gens du Peuple
dans les Villes Libres , on n'en rc-
vêtoit du moins que ceux qui y
avoient acquis de l'autorité , & de
la conhderation. Il n'étoit pas ce-
pendant homme de Lettres. Rien
n'eft plus bas ni plus confus que
fon ftile -, les règles de la Syntaxe
cv de la Grammaire y font conti-
nuellement violées , il s'en: aulïï
toujours fervi de la dialecte ordi-
naire des Lucquois , mais toute ir-
réguliere qu'elle eft , M. Muratori
n'y a fait que quelques changemens
peu confiderables. Cette Chroni-
que eft divifée en Chapitres; il y
en a plufieurs intitulés Notafatta
al Signor Paol» Gmnigi al Signor t
&c. Nota fana alla Memorïa t Sec.
Ce font des Chapitres où l'Auteur
interrompt fa narration , foit pour
donner des avis à fon Protecteur
Paolo Guinigi , ou même aux dif-
ferens Princes de fon tems , foie
pour faire des reflexions fur les
évenemens , ou fur le caractère des
perfonnes dont il parle ; de il a
coutume d'appuyer fes instructions
5c fes raifonnemens d'Hifloricttes
5c de petits Contes qui font écrits
avec une naïveté aflez amufante.
Outre ce qui regarde l'Hiftoire de
Lucques 5c de Florence , on y
trouvera beaucoup de chofes qui
ont rapport au grand Schifrrj.e qui
ES SÇAVANS,
troubloit alors l'Eglife.
50. Annale d'Eft par Jacques de
Delà'. to , Chmcelier du Seigneur
Nicolas d'Eft j Marquis de Fen are,
contenant les actions de ce Mar-
quis.
M. Muratori avoit déjà publié
dans le 1 5e Tome de ce Recueil
une Chronique d'Eft dans laquelle
on voit l'Hiftoire des Princes de
cette Maifon , jufqu'à l'an 1393.
Jacques de Délayto dont on donne
ici les Annales , a continué cette
même Hiftoire depuis ce tems juf-
qu'à l'an 1409. il l'entreprit pat
l'ordre de Nicolas Marquis d'Eft,
Seigneur de Ferrare , de Modéne ,
&c. Prince qui joignit ou fit reve-
nir au Domaine de fes ancêtres Ré-
gio , Parme 5c plufieurs autres Sei-
gneuries. Cet Ouvrage eft d'autant
plus précieux , que l'Auteur fans
iè renfermer abfolument dans
fon fujet , rapporte ce qui s'eft,
palTé de plus confiderable dans
les Etats roifins. On y trouvera par
exemple tout ce qui regarde la
ruine des Scaligers de Véronne 5c
des Princes Carrara. A la fin d'un
des deux Manufcrits de ces Anna-
les qu'on garde dans la Bibliothè-
que d'Eft , on voit dans le plus an-
cien , mais d'une main plus récen-
te , quelques additions concernant
la manière dont le Seigneur Bofius
d'Eft fut élevé en 145 1. à la dignité
de Duc de Modéne & de Régio
par l'Empereur Frédéric III. Se on
a jugé convenable d'en faire ici
part au public.
6°. Monumens Hiftoriques con-
cernant l'Etat de Florence, parGi-
O C T O B
no Capponi depuis l'an 1378. juf-
qu'à l'an 1466. continués par Néri
fils de l'Auteur jufqu'à l'an 1456".
Gino Capponi Florentin & l'un
des plus grands hommes de cette
illuftre famille fut Gonfalonierde
fa Ville Se un de ceux qui eurent le
plus de part à la réduction de Pife
fous la puiffance des Florentins ; il
en eut même le gouvernement , &C
par cette raifon on doit en général
le croire bien informé de tout ce
qui regarde la Guerre de Pife, qui
eft le fécond Ouvrage de Gino que
M. Muratori nous donne ici. Le
premier eft intitulé Tumidto ou fé-
ditiondes Ciompi. Cet événement
arrivacn 1378. 5c mit le Gouverne-
ment de Florence entre les mains
du plus bas peuple. On appelloit
de ce nom de Ciompi les Cardeurs
de laine ; & on croit que c'étoit un
mot corrompu du terme François
Compère , & qu'il avoit été apporté
à Florence par les François qui
étoient au fervice du Duc d'Athè-
nes ', lorfqu'en 1342. cette Ville le
reconnut pour Souverain. Ces deux
morceaux font écrits fans agré-
ment Se fans art , mais cependant
dans cette (Implicite on reconnoît
par-tout un homme de grand fens,
rompu dans les affaires & confom-
mé dans la politique. Il a pouffé
l'amour de la Patrie , lelon quel-
ques - uns , jufqu'à l'impiété , en
difant dans les avis qu'il donne à
fon fils dans ces Mémoires qu'il
faut aimer fa Patrie plus que fon
propre bien , & même plus que
ion ame, più che il loro proprio bene}
c che l'anima. Mais par ce mot ani-
R E , 1754. 695-
ma il entendoit peut-être comme
les Hébreux , la vie , ce qui n'au-
roit alors rien de repréhenfible , 8c
ce qui juftifie encore fes fentimens,
c'eft que dans le même endroit, il
dit que le bien de la commune ou de
la République , demande qu'il y ait
de la divi/iofi dans l Eglije , mais
ajoûte-t il, cela eft contraire à l'ame,
par confecjitent , il ne faut point met-
tre cette maxime en pratique mais
laijfer faire à la nMure.
Gino-Capponi mourut en 1420.
honoré des larmes de fes Citoyens.
Néri fon Continuateur & l'un de
fes fils hérita des vertus & de la
fortune de fon père , on affure
même qu'il le furpaffa , il fut l'a-
me de fa Republique , qui le char-
gea toujours des affaires & des né-
gociations les plus importantes. Il
fe peint lui-même admirablement
bien dans fes Commentaires , &
pour l'ordinaire il n'y décrit que
les évenemens où il avoit eu part.
Il mourut en 1457. l'iiluftre Mar-
quis Capponi qui a préféré le doux
& fçavant loifir de Rome aux hon-
neurs & aux emplois qu'il pouvoit
exercer à Florence fa Patrie , def-
cend de ces deux fameux Ecri-
vains. Et c'eft lui qui a fourni à M.
Muratori les moyens de recouvrer
les Manufcrits neceffaires pour
mettre ces Monumens en lumière.
11 ne faut pas oublier que Néri-
Capponi écrit avec beaucoup d'é-
légance , & qu'on reconnoît dans
lbn ftile un homme de goût & d'é-
rudition. Il fera aifé de le voir dans
les deux Ouvrages qui viennent à
la fuite de ceux de fon père. Le
6o6" JOURNAL DES SÇAVANS,
premier roule fur ce qui s'eft paffé dont le Comte dt Poppio fut chafle
de fou tems en Italie depuis l'an de Cafentino , & fes Etats réunis
1419. jufqu'à l'an 145t. ôc le fe- au Domaine de Florence,
coud elt l'Hiftoire de la manière
SAPPHUS , POETRI1 LESBIiE, FRAGMENTA
ôc Elogia , quotquot in Auctoribus antiquis , Gr.Tcis & Latinis, re-
periuntur -, cum Virorum Doctorum Notis integris : cura & ftudio
Jo. ChrifiianiWolhi , in Gvmnafio Hamburgenfi Profefloris publici;
qui vitam Sapphonis tic Indices adjecit. Londini , apud Abrahamum
Vandenhoeck. 1733.
C'efl - à - dire : Recueil de tous les Fragment & de tous les Eloges de Sapht
de Lcfbos , lefcjwAs fe trouvent dans les anciens ^Auteurs , tant Çrecs que
Latins : avec les Notes entières des Scavans : le tout rajfemblê par les foins
de Jean-Chrétien Wolf, Profe/pitr dans Wniverfité de Hambourg, lequel
y a joint la Vie de Sapho t & des Tables. A Londres , chez Abraham
Vandenhoeck^ 1733. ià-40. pp. 253. fans la Vie de Sapho, qui en
remplit 32. & fans les Tables. Planch. 1. & fe vend à Paris , chez
Rollin fils , Libraire , Quai des Auguftins , au coin de la rue Gift-
le - Cœur.
LE feul titre de ce Livre doit
picquer très - vivement la cu-
riofité des Le&eurs. A peine [ dira-
ton] ce qui nous refte de Sapho
remplit il une vingraine de pages ,
dans les Recueils ordinaires : 6i
voici un jufte Volume in-^°. qu'on
nous prefente fous le nom de cette
illuftre Gréque. Auroit - on tait
l'heureufe découverte de quelque
Hymne , de quelque Ode , de
quelques Epigrammes de fa façon,
échappées à l'injure des tems , 8c
tirées de l'obfcurité de quelque
Bibliothèque ? Auroit- on déterré
quelques Fragmens de fes Epitha-
lamcs ou de fes Elégies ? Rien de
tout cela , ou peu s'en faut : mais
voici de quoi il cil quelrion.
L'Editeur a conçu le defTein de
remettre fous la Prefle les Pocfies
des neuf Femmes Gréques qui fe
font fignalées en ce genre de Lit-
térature , & les Fragmens des au-
tres Poètes Lyriques. En 1 56S. Fui-
vius - Vrfinus les avoit déjà raflem-
blés avec foin dans un Volume
in-%°. imprimé chez Plantin d'An-
vers, & les avoit accompagnés de
fçavantes Notes. Mais cette Col-
lection dei/cnué très -rare & d'un
prix excellit , méritoit fort d'être
renouvellée ; & c'eft ce que M.
Wolf commence à exécuter ici par
l'Edition des Pocfies de Sapho
qu'il nous donne comme une pre-
mière partie du Recueil à'Vrfînus
qu'il prétend publier de nouveau
dans toute fon étendue, pourl'u-
fage & la commodité des jeunes
Etudians. Une pareille annonce ne
doit nullement allarmer ceux - ci >
O C T O B
en leur faifant imaginer un fembla-
ble Volume pour chacune des huit
Gréqucs donc les Poeïies doivent
encore palTcr en revue , ce qui tor-
meroit une Edition infiniment
plus chère que celle d'VrJînus.
Mais comme la réputation de ces
huit Mufes eit tort intérieure à cel-
le de Sapho , les tragmens de leurs
Ouvrages Se les Eloges fur leur
compte réunis enfemble , feront à
peine un fécond Volume égal à ce-
lui ci ; Se nos Etudians en feront
quittes à meilleur marché qu'ils ne
l'auroient cru d'abord.
Notre Editeur s'eft trouvé [ dit-
il ] follicité à cette entreprife, non
feulement par le Sr V ' andenhoeck^
Libraire très - curieux d'imprimer
nettement & correctement les an-
ciens Auteurs \ ( de quoi nous
avons ici fous les yeux une preuve
convainquante : ) mais encore par
MMJiràiw , [ ican Albert Se
fon frère ~\ qui lui ont offert géné-
reufement tous les fecours littérai-
res qu'ils pouvoient lui fournir.
Conduit par d'auiiî fûrs guides que
ces deux derniers , il a cru rendre
un fervice utile aux jeunes gens
qui ont du goût pour la lecture
des Poètes , foit Crées, foit Latins,
en leur produifant, d'une part, des
pafTages choifis des uns Se des au-
tres , qui leur fiffent connoître la
merveilleufe fécondité, & l'agréa-
ble variété des deux Langues , Se
en leur étalant , d'un autre côté ,
les Notes des plus habiles Com-
mentateurs , pour les initier dans
les myfteres de la bonne & faine
critique.
R E , i 7 3 4. 6*97
Il a de plus envoyé à M. Jean-
Fridéric àVffenbach , l'un des pre-
miers Magiltrats de Francfort , un
Catalogue des Auteurs anciens ,
qui nous ont confervé quelques
fragmens de Sapho, ou qui lui ont
donné quelque éloge ; le priant
d'engager M. Steinheil , Rendent
de l'Ele&eur de Saxe dans la mê-
me Ville, de joindre à ce Catalo-
gue un Supplément tiré du riche
tréfor de Littérature Gréque que
polTede ce fçavant homme. Celui-
ci , malgré fes grandes occupa-
tions Se fesinfirmitez , a rempli il
pleinement les fouhaits de M.
Wolt, que cet Editeur s'eft vu en
état d'écïarircir les termes les plus
obfcurs de Sapho par divers pafTa-
ges d'Auteurs Grecs, & même par
des Epigrammes non encore impri-
mées i Se de corriger en même tems
par d'heureufes conjectures les
mots corrompus qui alteroient le
Texte des tragmens poétiques dont
il s'agit : Se c'eft ce qui compofe
la plus grande partie des notes im-
primées à deux colonnes à la fuite
de ces mêmes fragmens.
M. Wolf n'a pas moins d'obli-
gation à M. Veyffiere de la Crozji
qui lui a communiqué un exem-
plaire de l'Edition à'Vrfînus dont
les marges font chargées des notes
Se des additions d'André Schott Se
de Paul Colomiés -r fans compter
qu'il s'y trouve aufll des extraits de
la Grammaire manuferite à'Apol-
lonim-Dyfcolus y Se plufieurs Epi-
grammes Gréques compofées par
des femmes , & qui manquoient à
la Collection à'Vrftnus. Outre ce*
698 JOURNAL DE
la , M. d'Orville, Profefleur d' Am-
sterdam , lui a fait part de fes cor-
rections fur deux Epigrammes de
Sapho , & d'une autre Epigramme
Gréque non encore publiée , & qui
la concerne.
Muni de tous ces fecours , M.
Wôlf a donc mis la main à l'œuvre
avec d'autant plus de confiance ,
que ces nouvelles acquittions lui
ont paru mériter l'attention des
amateurs de la belle Littérature. Il
a donné fes premiers foins à faire
imprimer plus correctement les
fragmens de Sapho recueillis par
Vrfînus y à indiquer avec exactitu-
de les endroits d'où font tirés les
paffages des anciens Auteurs allé-
gués par Vrfinus cV: par les autres
Commentateurs , dans leurs notes;
& à groilir cette Collection à'VrJt-
nus , en y ajoutant plus de cent ar-
ticles nouveaux, ce qui fait en tout
25$ articles. En fécond lieu , il a
traduit en Latin, & même quel-
quefois en vers Latias, les partages
Grecs , pour la commodité des
Etudians , n'oubliant pas d'éclair-
cir ces mêmes partages par les re-
marques des Critiques , imprimées
en entier.
De plus , il acompofé une Vie
de Sapho, aurti détaillée qu'il éroit
portable , & qui refultede l'aflem-
blage de toutes les circonstances
que fournirtent fur ce point tous
les partages de cette Collection ,
lefquels font indiques exactement
dans le Texte même de cette Vie
par des chiffres romains renfermés
entre deux crochets. On auroit
peut-être tout aufli-bien faitderen-
S SÇAVANS,
voyer a la marge ces chiffres, qui ne
font qu'embarrarter le Lecteur, par
leur multitude. Enfin il termine ce
Volume par trois Tables des plus
exactes ; la iie des Auteurs anciens,
où il elt fait quelque mention de
Sapho ; la féconde , de tous les
motsGrecs employés dans ces frag-
mens , & de quelques autres qui
fans être de Sapho paroilfent
dignes de remarque & font diftin-
gués par un afterifque ; la troifié-
me eft une Table des principales
matières traitées dans cet Ouvra-
ge. Du refte l'Editeur en a rangé
les divers articles dans le même or-
dre qu'a fui vi VrfînHs , & tous ceux
qui ne fe rencontrent que dans la
Collection de celui - ci font mar-
qués d'une étoile.
A l'égard des Notes , qui font
une partie confiderable de ce Vo-
lume , & qui font imprimées à
deux colonnes au bas des pages ,
elles tendent toutes ou à corriger ,
ou à éclaircir le Texte , foit des
fragmens de Sapho , foit des parta-
ges où il eit parlé d'elle. Ces Notes
font empruntées d'un grand nom-
bre de Commentateurs , parmi
lefquels Vrjtnus en a fourni la plu-
part. Les autres font de M.de Paiw}
de Portus , de Sylburge , de Tane-
gui le Févre , de Madame D acier 3
de Voffuis , de Baxter , de Hitdfon,
de Ca.fc.ubon , de Tollius , de
Scburtzfleifch , de Pearce , de Bot-
vin , de Longepierre, de Donfa , de
Statuts , de Muret , de Vidpius , de
Scaliger , de Langbaine , de C 'an-
thère , de Barthius , de du S oui , de
Xylander , de Schott , de Rutgersy de
Viftoritts
O C T O B
ViBorius t de Gale , de Pontanm, de
sllbert , de Hein fins , de Davis , de
Dalechamp, de Seberus, &'Op(opœusy
de Brodeau , de d'Orville , de £fVw-
jlerhnys , de Jmigerrnan , de Leder-
lin , de Hoeltziin , d'Olearius , de
Kuhnius , de te« , de Periz.oniusy
de Scheffer , de A'«/??r , de Grono-
t>ius , de Grav'ms de Cognatus , de
Saumaife , de Potter , de Nunnefmsy
de Mercier , de Gaitlmin , de "S^r-
»« , de L&mbin , de Torremius , de
Cruquius , de Defprez. , de Bentley,
de Burma» , de rï»f/ , de F/fwry f
du P. Hardouin , de Draudius , de
Hottman , A'Egnatius y de Ciofanusy
de Naugerius t de Micyllus , de
Scriverius , de M. l'Abbé Souchay ,
de L/p/è , &c. Cette toule de Com-
mentateurs , prefque aulîi nom-
breux que ces fragmens , & que
nous rangeons ici fuivant l'ordre
où ilsfe prefentent , fait foi de l'ex-
trême empreflement des gens de
Lettres pour rendre plus intelligi-
bles les plus petits relies des Poc-
fîes de Sapho.
A la tète de ce Volume , paroît
fa Vie , cotnpofée , comme nous
l'avons déjà dit , par M. Wolf.
C'eft une matière fur laquelle fe
font exercés à l'envi plufieurs Ecri-
vains en diverfes Langues -, tels
que le Gyraldi , Nonnius , dans fon
Commentaire [urGoltzius , MM.
Jean -Albert Fabricius &C Olearius,
en Latin -, /<? Cray/o en Italien ; en
François , Tanegui /f FeW , Ma-
dame Dacier , le Baron de Longe-
pierre , Larrey , dans fon Hifloire
des fept Sages , Se Bayle , dans fon
Diàionnaire Critique. Nous donne-
RE, r 7 5 f eTpp
rons ici quelque détail de ce que
nous apprend fur ce fujet notre
Editeur.
Il obferve d'abord les varierez
d'orthographe qui fe trouvent dans
le nom de Sapho , écrit tantôt
Pfappho & Srf$i , tantôt Sapho &
Sappho , qui eft l'orthographe la
plus ordinaire -, & il recherche l'é-
tymologie de ce nom propre: après
quoi il relevé une mépnfe de Leuf-
den , qui dans fon Onomafticjue fa-
cré; allure que la Ville de Syrie ap-
pellée autrefois Jappe , fe nomme
aujourd'hui Sappho par les Barba-
res; ce qui eft faux [ dit notre Edi-
teur] puifqu'ils la nomment J<î-
pho , Jafa ou Jaffa , & que les Vé-
nitiens l'appellent Zapho ou Zaf-
fo. Il examine enfuite un fait plus
important, fçavoir s'il y a eu deux
Sapho Lelbiennes , l'une delà Vil-
le d'Erefe , l'autre de celle de Mi-
tylene , ou fi ces deux n'en font
qu'une, qui ait habité fucceffive-
ment ces deux Villes ; & tout bien
confideré , il décide en faveur de
ce dernier fentiment. Les avis ne
font pas moins partagés fur l'épo-
que de la naiflance de Sapho ; &
M. Wolf, après les avoir difeutez ,
trouve beaucoup de probabilité à
la faire naître vers la XXXVI ou
XXXVIIe Olympiade , & à la fai-
re palfer de Lefbos en Sicile , pour
y fuivre Phaon , entre la 25e & la
3 5e année de fon âge.
Elle naquit à Mityléne Ville Ca-
pitale de l'Ifle de Lefbos-, &c les
Mitylcniens dans la fuite fe firent
un fi grand honneur de fa naiflance
qu'ils gravèrent fon portrait fui
1 111
7oo jouh>;al d
leurs monnoyes , dont l'Editeur
nous offre ici diverfes empreintes.
Les anciens Auteurs donneur, au
père de Sapho tant de noms diffe-
Tens , que cette variation la feroit
iilue d'un père très - incertain, ce
qui ne leroit pas fort honorable
pour fa mère appellée conftam-
men: Cléis. Sapho époufa un hom-
me très riche , originaire de l'Ifle
d'Andros ,.& qui avoit nom Cerco-
la ou Cercylla , Se nullement Cer-
çaltt , comme le difent Madame
Dacier Se Bayle , [ remarque notre
Editeur. ] De ce mariage vint une
fille , nommée Cle'is comme foa
ayeule. Sapho avoit trois frères ,
dont le fécond nomméCharaxe tra-
fiquoit des vins deLefbos en Egyp-
te. Il v devint éperdument amou-
reux de la Courrifane Dorique ,
confondue mal-à-propos par quel-
ques uns avec Rhodope , & il le
ruina totalement avec cette femme,
d'où il encourut la haine de fa
feeur , qui les déchira l'un Se l'au-
tre dans fes Poches.
Sapho étoit d'une raille au-def-
fous de la médiocre : elle étoit bru-
ne , avoit les yeux brillans _, &
pouvoit , fans être belle , paffer
pour agréable & pour aimable; &
c'eft en ce fens qu'il faut entendre
la qualification de xaA» que lui
donnent pludeurs Ecrivains de
l'antiquité. Quant à fes mœurs , el-
le fe glorifie dans Ovide Se dans
Athénée , de reparer ce qui man-
quoit à fa beauté , par la probité Se
les autres vertus ', elle déclare , dans
Galien , qu'on eft toujours affez
belle , quand on cil bonne : elle
ES SÇAVANS,
fait ailleurs profeffion d'être enne-
mie des pallions violentes , d'avoir
de la douceur, Se d'être peu fujette
à la colère : elle dit, -chez P
cjiti , qu'il taut tellement renfermer
celle-ci dans fon cœur ; qu'elle
n'éclatte jamais au dehors par des
difeours peu mefurés & pleins
d'emportement. Dans Anfiote^ elle
bit une grave réprimande au Poète
Alcêe , qui étoit devenu amoureux
d'elle -, eV: dans Hépbejiioti ainiî que
dans Maxime de Tyr , elle déclame
vivement contre l'amour. Elle
marque ailleurs fa pieté envers les
Dieux 5: fon refpect en général
pour tous les actes de Religion.
Mais à cette prerrnere peinture
qui lui eft lî avantageufe , & que
notre Editeur appuyé, comme l'on
voit , des autontezles plus refpec-
tables , en fuccede une autre , dont
les preuves ne femblent guéres
moins authentiques , &: qui dimi-
nuent fort la bonne opinion qu'on
avoit conçue d'elle. Cette féconde
peinture nous la reprefente adon-
née au vin , Si d'une galanterie des
plus effrénées ; aimant l'argent
outre mefure , Se livrée à la haine
la plus violente contre fon propre
frère , qu'elle diffame impitoyable-
ment, ainfi que quelques-unes de
fes meilleures amies , qui avoient
rompu avec elle. C'eft de quoi l'on
apperçoit des traces affez fenfibles
dans le peu de fragmens qui nous
reltentde fes Poefies -, ce qui n'em-
pêche pas , néanmoins , qu'elle
n'ait trouvé des Apologiftes zélés
parmi les anciens Se les modernes.
De ce nombre font i°. Maxime de
O C T O
Tyr, qui alTure que les amours de
cette femme n'étoient ni moins
honnêtes ni moins chartes que ceux
de Socrate ; i°.Zacharie Pearce }c[ui
fait de l'Ode de Sapho à fon amie
une application fort Singulière ; j°.
Lambin , Scaliger } Turnebe Se Ear-
thius qui expliquent dans un fens
favorable l'épithéte de Mafcula ,
par laquelle on la caraèterife , Se
qui , félon eux , ne déligne que
fon merveilleux talent pour la Poë-
fie , cV fon grand courage qui lui
fit prendre l'étrange refolution de
fe précipiter du rocher de Leucjde
dans la mer , en vue de fe guérir de
fon amour pour le cruel Phaon ;
4°. Thévet Se Madame D acier , qui
traitent d'aceufations calomnieufes
tout ce que l'on a publié contre
l'honneur de Sapho, également en
butte [nous dit -on ] à la jaloufie
des femmes de fon Pays, que les
honneurs qu'elle y recevoit ne
pou voient manquer d'irrirer con-
rr'elle , Se aux traits malins des
Poètes de fon tems qui fourTroient
impatiemment une rivale, de fon
mérite. Quoiqu'il en foit , nous
lailîbns au public à décider cette
queftion , fur les pièces du procès
produites pour & contre par M.
Wolf.
Il revient au talent de Sapho
pour la Poëfie , Se aux liaifons
qu'elle eut avec les Illuftres de fon
tems en ce genre *, tels que le fa-
meux Poète Alcée , Damophyle , Se
Erinne , deux femmes distinguées
dans la même profeffion , où elle
fe fit aulîi quelques élèves , dont
les noms font venus jufqu'à nous ;
B R E, i 754. 70 r
une Anagore&z Milet , une Gongy-
le de Colophon , &: une Eitniqtte de
Salaniirie. Les grâces répandues
dans fes Poèmes ont mérité les élo-
ges Se les reflexions des Rhéteurs
les plus célèbres, de Démetrius de
Phalere, de Dsnys d'Halicarnafle ,
de Longin. Les anciens Grammai-
riens nous informent aufli des dif-
férentes fortes de vers qu'elle em-
ployoit dans fes Poëlies , 8c entre
lefquelles tenoit un rang confidera-
ble le vers d'onze fyllabes appelle
S.tphiefue , dont on lui attribue
communément l'invention , que
quelques - uns cependant donnent
au Poète Alcée.
De- là notre Editeur pafle au dé-
nombrement des Ouvrages Poéti-
ques de Sapho , allégués par les
anciens Auteurs. Les plusrenur-
quables étoient neuf Livres d'O-
des, dont une feule nous a étécon-
fervée , encore la fin y manque-t-
elle ; des Epithalames , qui peut-
être faifoient partie de fes Odes ;
des Hymnes, qui probablement
( félon M. \Volf ) y écoient aulîi
comprifes, &c dont l'Hymne à Vé-
nus eft la feule qui nous refte : des
Epigrammes en grand nombre , Se
qui pour nous fe reduifentmalheu-
reufement à deux , toutes les autres
étant perdues : des Elégies , dont
on foupçonne qu'Ovide pourroit
avoir emprunté l'Epître de Sapho
à Phaon qui fe lit parmi les Hiroi-
des de ce Poète Latin : des ïambes ;
des Adonodies , &c.
M. Wolf s'étend aflez au long
fur le genre de mort dont périt Sa-
pho , à la fleur de fon âgé , 3c non
I i i i ij
703 JOURNAL DE
pas dans fa vieilleiTe , comme il
femible qu'on pourroit le recueillir
de deux de fes vers cités par Stohée ,
mais qui étant lûsfuivant la cor-
rection à'Vrfwus , ne difent rien
de pareil. Nous avons indique plus
haut ce genre de mort.
Les honneurs rendus à cette
femme célèbre par fes compatrio-
tes , &i les loiianges que lui ont
prodiguées les Gens de Lettres
dans tous les tems terminent ce que
l'Editeur avoit à nous apprendre
d'elle. On lui érigea des ftatue's ; on
la reprefenta fur les monnoyes de
S SÇAVANS,
Mityléne ; on la nomma la dixiè-
me des Mufcs , d'autres pouffèrent
la flatterie jufqu'à 1a mettre à la tête
decesfçavantes filles; on la quali-
fia de temme incomparable , de
femme divine; cV: un Eciivain Grec
en paroît û enthouliafmé , qu'il cft
en doute h l'on ne doit point la ti-
rer de l'ordre des Poètes pour l'é-
lever jufqu'à celui des Sibylles-. M.
Wolt a tait graver ici les monu-
mens antiques qui concernent Sa-
pho , ck qui font au nombre de
vin. dont on trouvera les explica-
tions à la fin de ce Livre.
TRAITE' DE CHIMIE, CONTENANT LA MANIERE
de préparer les remèdes qui font les plus en ufage d.ms la Pratique de !-:
Médecine . Par M. Malouin , Docteur- Régent de la Faculté de Médecine
de Paris. A Paris , chez Guillaume Cavelier y rue Saint Jacques , près
la Fontaine S. Severin , au Lys d'or. 1734. vol. in-11. pages ji^. en
comptant la Table qui eftde 26 pages.
QUEL QU E S Reflexions
générales fur la Chymie , fur
l'étymologie de ce mot , fur les
piincipes des mixtes , furladifhl-
lation , & fur les métaux , font le
début de ce Traité ; après quoi M.
Malouin , Auteur de l'Ouvrage ,
vient à la préparation des remèdes
les plus uiïtés en Médecine. Quant
au début , notre Auteur remonte
d'abord à l'antiquité la plus recu-
lée pour découvrir en quel tems ,
en quels Pays, a commencé la Chy-
mie , & il recueille ce que divers
Auteurs ont écrit touchant l'origi-
ne de cet Art. Il obferve , par
exemple , » qu'Etienne de By-
» fance nomme l'Egypte la Ter-
» re de Vulcain i Que Vulcain fc
» rendit fameux dans ce Pays-là
» par fon art de travailler les Mé-
» taux , Qu'on lui éleva un Temple
» dans Memphis , aujourd'hui le
» grand Caire , Que des Prêtres il-
» luftres par leur prorond fçavoir
»en Phylique , deflervoient ce
= Temple , & que Vulcain eut
» dans cette même Ville , des la-
» boratoires. Il obferve en même
tems, qu'on ne doit pas pour ce-
la , regarder Vulcain , ou Tubal-
Cain , comme un Philofophc
Chymifte. Il dit qu'il eft plus
vraifemblable que c'étoit feule-
ment un grand Forgeron. Il prend
occafion delà de parler de Movfe,
qui pour avoir réduit le Veau d'or
en poudre , & l'avoir fait boire aux
O C T O B
lfraé'lites , a paflc dans l'efprit de
quelques Auteurs , pour un Chy-
niifte ; fur quoi il a foin d'avertir
que le moindre Orfèvre , fans fça-
voir la Chymic , fçait réduire l'or
en chaux. »
Nous partons plusieurs articles
(emblablcsqui n'ont rien de parti-
culier ; mais nous ne fçairrions
guéies nous difpenfer de rapporter
ce que le même M. Malouin ajou-
te touchant la caballe par rapport à
la Chymie : voici fes propres paro-
les. » La Chymie , dit-il 3 étoit une
» Science Caballiftique des Juifs ,
» laquelle fut perdue avec les au-
» très Antiquitcz Juives, dans la
»> deftrudion de Jerufalem pat
» Titus ; &C ce qui échappa de ces
» Antiquitez fut ramafle par un
» Juif nommé Rabbi , & fon Livre
» a été nommé le Talmud.
Notre Auteur n'explique point
ce qu'il entend ici quand il dit que
le Juif qui rama (Ta ces Antiquitez,
fe nommoit Rabbi. Un éclaircilïe-
ment là - deiïiis , n'auroit pas été
inutile ; vu qu'on a toujours penfé
que ce Juif s'appcïioïtjocbantm &
que le mot Rabbi , chez les Juifs ,
n'étoit qu'un titre honorifique ,
comme pourroit être celui de Doc-
uur.
Une autre Obfervation à faire ,
c'eft qu'il n'eft nullement parlé de
Chymie dans le Talmud , & qu'au
lieu de cela , il y eft feulement fait
mention de quelques opérations
groflîeres , comme font celles de
nos Forgerons. On auroit une véri-
table obligation à M. Malouin ,
s'il s'éteit appliqué à recueillir, ce
R E , 1734. 70|
que renferment fur la Chymie 3
tant de Manufcrits Grecs répandus
dans les fameufes Bibliothèques ;
& où l'on trouve certainement ,
i°. Prefque toutes les opérations
chymiques qui fe font aujourd'hui;
z°. Les tems où ont été publiés les
Ouvrages qui en traitent ; }°. Le
caractère de leurs Auteurs , & les
matières dont ils ont parlé. Mais
M. Malouin s'eft contenté de co-
pier ce qui fe lit touchant l'origine
de la Chymie , dans deux pages
d'un petit Ecrit faulTement attri-
bué à M. Boerhave. Il ajoute feule-
rnent » que , félon quelques-uns s
»Cham étant avec ks frères dans
» l'Arche de fon père , s'amufoit à
» taire des Talifmans , que les Ta-
>5 lifmans font certaines figures ou
«certaines lettres, qui ctoient re-
» gardées chez les Hébreux & chez
» les Chaldéens , comme propres
» à garantir de divers maux , & à
» faire acquérir toutes fortes de
= biens , qu'on les nomme en Per-
» fan Tfilmenaia , & en Arabe Tfa-
nliman : Que ces mots viennent
» de la même racine que l'Hébreu
» Tfelem} qui lignifie une image....
» Que les premiers hommes ont
» tranfmis d'abord leurs penfées
» fur des feuilles d'arbres, comme
» de palmier ; Qu'ils gravoient fur
» l'écorce des arbres , le nombre
» de leurs troupeaux , les noms de
» leurs maîtreiîes , leurs chanfons
» leurs combats , & qu'ils fe 1er-
» voient de la taille dans leur
"commerce.
Après ces remarques & quel-
ques autres de même nature , M,-
7C4 JOURNAL D
Malouin parie de la pierre philofo-
phale. Ii allure qu'il eft auili diffici-
le delà trouver que la Quadrature
du cercle ; il obferve que Ad. de
Fontenelle croit l'une impoffible , &
qu'il ferait à fouhaiter pour bien des
gens , qu'on put démontrer ■Pimpojfibi-
litéde l'autre. Que cela leur épargne-
rait bien des peines & des dépenfes.
Il fe tourne enfuite du côté de
l'Algèbre Se de la Géométrie : il
trouve moyen de parler de Trian-
gle , de Solide , Sec. Il dit , pat
exemple , au fujet des ciraéteres
chymiquesqui font faits en cercle,
& de ceux qui font faits en trian-
gle , que de toutes les figures , la
triangulaire efl , après la circulaire ,
la plus parfaite , qu'elle efl même
comme la tige , d'où naiffènt toutes les
figures courbes. Il dit , à l'occalion
des figures chimiques en général ,
que la raifon qui a introduit les
figures en Chymie efl la même qui
les a introduites en Géométrie & en
Algèbre , ou elles fe font trouvées
multipliées pour le fonlagement delà
mémoire : Que par le moyen des figu-
res , on fait entrer dans l'algèbre des
quatuitez. inconnues : Que la nature-
même des grandeurs eft reprefentée par
les figures algébriques , & que c'eft
pour cela que les opérations qui fe font
dans l' 'Algèbre par les lettres , ne fa-
tiguent point la mémoire. Il dit , pour
rendre raifon de l'obfcurité de la
Chymie , que dans la plupart des
Sciences , comme dans la Géométrie ,
il n'y a , pour ainfi parler } que ce que
l'efprit humainy a mis 3 au lieu que
la nature a. employé dans laflrullure
dis corps , une mécbamque qui nous
ES SÇAVANS,
échappe abfolument. Il dit , par rap-
port à h folidiiê qu'il prétend
qu'acquierrent les parties de 1 air
dans un récipient 3 à niefure que le
volume d'eau y augmente , que
parle mot d; folidité les Géomètres en-
tendent ordinairement le diamètre des
corps ; & que dans ce Traité de
Chimie, ce n'ejl pas ce qu'il entend
en parlant de la folidité de l'air
parce qu'il n'y entend par ce mot , que
la quantité de la matière.
Les Lecteurs éclairés jugeront de
ces articles , & entre autres, s'il eft
vrai, comme le dit M. Malouin ,
que par le mot de folidité , les Géo-
mètres entendent ordinairement le
diamètre des corps. Cette défini-
tion , pour le fur , n'eft pas dans
Euclides.
A l'Algèbre & à la Géométrie,
notre Auteur joint la Phyiîquc. Il
examine les principes des corps,
fçavoir , l'efprit , l'huile , le fel ,
l'eau Se la terre. Nous nous borne-
rons , pour abréger , à l'article du
fel Se à celui de l'eau. Quant au
fel , M. Malouin , à l'imitation de
Bocrhave Se de quelquesautres Au-
teurs , prétend qu'il n'v a point de
fel alkali dans l'animal fainj qu'à
la vérité , ce qu'on en tiie par la
Chymie efl prefque tout alkali , mais
que cet alkali n'eft point naturel dans
les animaux , qu'il eft l'ouvrage du
feu , ou de la fermentation des li-
queurs , hors du corps ; Qu'il efl vrai
que toutes les humeurs dans l'annnal,
tendent naturellement k devenir uri-
tteufes - alcalines par le mouvement
CT la chaleur , mais qu'avant qu'elles
foyent a\ms cet état -, -tlks fartent par
O C T O B
ta tratifbifdtion 3 ou par les autres
couloirs du corps a & que lorsqu'elles
y font retenues , elles caufem quelque
maladie. Les preuves qu'il apporte
pour faire voir qu'il n'y a point de
fel alkali dans l'animal fain , fe re-
duifent à quatre , que voici ; elles
nous ont paru dignes d'attention.
Première preuve. » Les humeurs
«font fimplement falées , Si non
» pas alkalines , tant qu'elles font
» naturellement contenues dans le
* corps de l'animal fain. L'urine &c
» le fang , encore chauds , ne don-
» nent aucune marque dMkalici-
» té, & fi on les meta ladiftilktion
» auffi tôt qu'ils font hors du corps
» de l'animal , on en tire peu d'ai-
se kalis volatils , & ce peu d'alkalis
» n'étoit point enfermé dans l'uri-
» ne ou dans le fang -, ce n'eft que
«l'ouvrage du feu.
Telle eft la première preuve que
donne notre Auteur pour montrer
que dans l'animal fain , il n'y a
point de fel alkali c'eft , dit - il ,
que l'urine &C le fang mis à la di-
ftillation dès qu'ils font hors du
corps rendent peu d'alkalis s que
ces alkalis qu'ils rendent n'étoient
point renfermés auparavant dans
l'urine ou dans le fang , & qu'ils
font le pur ouvrage du feu. Quel-
ques Logiciens regarderont peut-
être , cette preuve , comme une
pétition de principe. Nous n'exa-
minerons point leurs raifons.
Seconde preuve. » Si on fait di-
» fliller lentement cette urine & ce
» fang , on en tire une plus grande
» quantité d'alicalis , que fi en ope-
» tant promptement } on ne laifle
RE, 17 ? 4. 70;
» pas le teins au feu de combiner
» les principes pour en former des
ȈlKalis volatils.
Il feroit à fouhaiter que M. Ma-
louin eût prévenu ici unie difficulté
qui pourra e'mbarralTer quelques-
uns de fes Lecteurs , fçavoir, que
lorfqu'on opère lentement, l'ac-
tion du feu , étant moins forte eft
auffi moins capable de caufer du
dérangement, en forte que fi l'on
conclut que les akalis qu'on tire
alois en plus grande quantité
viennent de ce que le feu a eu le
tems de les former, il femble qu'on
peut également conclure que cette
quantité d'alKalis étoit véritable-
ment dans l'urine &dans le fang,
avant qu'on les en tirât.
Troijîéme preuve. » Si on laiffeau
«conrraire, le fang ou l'urine pen-
» dant quelque tems, à l'air , avant
» que d'en taire la diftillat ion , les
» principes de ces liqueurs fe défu-
» niront , il fe fera un mouvement
» entf'eux & les fels digérés dans
»les huiles, deviendront volatils-,
» c'efl pourquoi on en retire alors
» une plus grande quantité , que Ci
» on les avoit fait diflillerfans leur
» donner le tems de fermenter ou
» de pourrir. Ces akalis font donc
» uniquement l'ouvrage de la fer-
» mentation ou du feu, Il n'y a
» donc point d'animal fain qui con-
» tienne en lui un alicali.
M. Malouin trouve cette confé-
quence , de la dernière juftefTe;
mais s'il eût prouvé que lorfque
après la fermentation , l'on tire
une plus grande quantité d'alcalis,
ce n'eft point que la fermentation»:
1o$ JOURNAL D
les ait fimplement développés ,
mais que c'eft qu'effe&ivement el-
le les a produits , il femble que la
confequence n'y eût rien perdu.
Quatrième preuve. » Il y a des
» animaux qui contiennent en eux
» un acide naturel , comme ont la
i> plupart des infectes qui portent
» un aiguillon. Cet acide eft mani-
» fefte dans Ja fourmi : Ci on prend
» des fourmis bien vivantes , Se
» qu'on les agite dans de l'eau ,
» jufqu'à ce qu'elles foient mortes,
»> l'eau deviendra très aigre. On
» peut aullî tirer cet acide animal
» par la distillation : il but mettre
«des fourmis dans une cucuibite i
» & après les avoir bien irritées
»avec un petit bâton , verfez-y de
»> l'efprit de vin , 6c en faites la di-
wftillation aubain-marie; vous au-
» rez un efprit de vin très aigre ; Ci
» on porte au nez , le petit bâton
» avec lequel on a irrité les four-
*> mis , il a une odeur acide fi pé-
» nétrante que les larmes en vien-
» nent aux yeux.
Telle eft la dernière preuve que
notre Auteurapporte pour démon-
trer que le fel contenu dans les
animaux eft acide &c non alicali. Il
vient d'avancer que l'alicali qui fe
tire des animaux n'eft point natu-
rel , mais qu'il eft produit par la
fermentation que l'on met en œu-
vre pour le tirer , ou par le feu ,
dont on fe fert pour ce deflein , ne
pourroic-on point oppofer que l'a-
cide qu'on tire de la tourmi eft
produit tout de même par l'opéra-
tion qu'on employé pour cela ? M.
Maleuin ne dit rien qui prévienne
ES SÇAVANS,
cette difficulté.
L'eau dans laquelle on agite des
fourmis jufqu'à ce qu'elles y meu-
rent , devientaigre , dit notre Au-
teur -, mais il s'abftient de prouver
que cet aigre n'eft pas l'ouvrage de
la putréfaction qui fe fait alors
dans l'eau. Si on les met dans une
cucurbite , continue-t-il , qu'après
les avoir bien irritées avec une ba-
guette , on y verfe de l'efprit de
vin , & qu'enfuite on en fafle la di-
ftillation au bain marie , on aura un
efprit de vin très - aigre , & lorf-
qu'on porte au nez la baguette avec
laquelle on les a irritées , cette ba-
guette exhale une odeur acide Ci
pénétrante, que les larmes en vien-
nent aux yeux. M. Malouin s'ab-
ftient tout de même , de prouver
que cet aigre n'eft pas une choie
formée après coup , &C que la di-
ftillation qu'on a faite des fourmis
n'a pas altéré les fucs de ces infec-
tes , au point de les faire dégénérer
de ce qu'ils étoient. Nous en difons
autant de l'irritation excitée avec
la baguette. On fçait que d'irriter
quelque animal que ce foit, en
change conlîderableuicnt les fucs.
Mais fans s'cmbarralfer à'agitationy
à' irritation , de dijltllation , on peut
prouver par une voye très-hmplc ,
que dans les fourmis , il y a un aci-
de ; c'eft de taire remarquer que
les fourmis par elles mêmes fentent
l'aigre ; Que quand on s'approche
de l'endroit où elles font leur re-
traite , on eft tout d'un coup frappé
d'une odeur aigre , 6c que fi on
étend fur la fourmilière un mou-
choir ou quelque autre linge , ce
linge
O C T O B
linge eu; au Vi tôt pénétre de la mê-
me odeur. Mus outre que l'odeur
d'un anirrul ne prouve rien pour
les autres animaux , nous obferve-
rons que ii quelques uns d'entreux
exhalent une odeur acide , quel-
ques autres en exhalent une toute
alKaline , témoin celle du rat , de
lafouris , & de l'infecte appelle en
latin Cimex , fans rien dire de plu-
fieurs aurres animaux dont le dé-
tail eft inutile ici.
Après avoir tant parlé de fels aci-
des fii de fcls alicalis, il eft jufte que
nous dilions un mot de ce que M.
Malouin veut qu'on entende par
ces fortes de fels : » Les fels , dit-il t
>• font ou acides , ou alicalis , ou
» neutres. Ces fels acides impri-
» ment un goût aigre fur la langue ,
» bouillonnent avec les alicalis 8c
» donnent aux teintures bleues ,
» comme de violet ou de mauve ,
» une couleur rouge , les fels alica-
a» Ils au contraire, donnent à ces
» infufions une couleur verte.
Tels font les lignes par lefquels ,
félon M. Malouin , on peut con-
noître les acides & les alsalis -, c'eft
que les acides , non feulement im-
priment un goût aigre fur la lan-
gue & bouillonnent avec les alica-
lis , mais donnent une couleur rou-
ge aux teintures bIeuës,comme à la
teinture de violette ou de mauve ,
au lieu que les alicalis donnent à ces
teintures une couleur verte. Voilà
ce qui fc lit communément dans
les Livres- M. Malouin auroit pu
remarquer que cette règle n'eft pas
généralement reçue en Chymie, &
que plufieurs la regardent comme
Oûobt.
R. E , i 7 ? 4. 707
faillie. L'Auteur, entr'autres , du
N niveau Cours de Chyme J fuivant
les principes de Nsw.m & deSlball,
s'explique là-dcflus en ces termes ,
pag. 18. Les couleurs que le fel acide
donne À certaines liqueurs s ne fine
pas des effets qui lut joysnt particu-
liers : il y a des alk.<*lis qui donnent au
fyrop violât , la couleur rouge , ds
même que l'acide.
C'en eft allez fur ce qui concer-
ne l'article du fel , venons à celui
de l'eau. Notre Auteur recherche
les caufes qui la peuvent rendre
fluide. Il prérend , pag. 27. que fi
l'eau eft telle , ce n'eft point que fes
parties fe meuvent en tout fens ,
& il en prend les preuves dans le
cours de Chymie, que nous venons
de citer , où il eft dit , pag. 2.3.
» Que le mouvement en tout fens,
» par lequel ou explique ordinai-
»• rcment la fluidité , ne paroît pas
» poffible , parce que fuppofant ce
» mouvement , il faut fuppofer
» que lorfque une partie va d'un
» côté, il y en a une autre qui vient
» à elle avec autant de force ; en
» forte que ces parties ne pourront
» revenir fur leurs pas , ni aller
» vers les cotez , puifqu'elles trou*
» veront toujours des parties qui
» viendront à elles avec une force
» égale ; ce qui les obligera à de-
>» meurer immobiles. M. Malouin
» dit tout de même , pag. 17. que
» deux parties d'eau venant à fe
» rencontrer, refteroient en repos ;
» ou que fi , par leur élafticité ,
» elles retournoient fur leurs pas ,
m elles en rencontreroient d'autres
» qui viendraient à elles avec une
Kkkk
7o8 JOURN A L D
«force égale, qu'elles en trouve-
» roient de même fur les cotez , ce
» c|ui les obligèrent de toutes parts,
jj à refter en repos.
Notre Auteur ajoute à cela une
luifon qui ne fc trouve point dans
je cours de Chymie que nous ve-
nons de citer , la voici : Quand mi-
me, dit- il , lespartiei de l' 'au feraient
li.rm un continuel mouvement , ce
mouvement ne fe ferait pas en tout
f.zns ; il ne fe ferait en tomfsns qu'au
deffous de la ligne honfontale , autre-
ment le niveau n'y ferait plus. M Ma-
louin ne prend pas garde , dira-t-
on peut-être , que la raii'on qu'il
allègue pour faire voir que le mou-
vement en toutfens eft împollîble
au deflbus de la li^ne horilontale ,
fait voir également que le mouve-
ment dont il s'agit efl: impoflible
dans cette ligne horifontale , puif-
qu'alors les parties de l'eau venmt
à fe rencontrer , feroient tout de
même obliges de demeurer en re-
pos , ce qui ne derangeroit nullc<-
ment le niveau.
Quoiqu'il en foit , M. Malouin
dit , après d'autres Ecrivains , que
l'eau elt fluide à caufe de la petitef-
fe de fes parties , & de leur peu de
liaifon. 11 ajoute que les parties
dont il s'agit le touchent par des
furfaces d'autant plus petites , que
ces parties font plus petites elles-
mêmes. C'clt , page vingt - huit ,
puis il avance , page trente-cinq ,
que les corps ont d'autant pins de fur-
face , qu'ils font plus divifes y & cela
aprèsavoir dit , pag. 24. que plus
les tuyaux capillaires font petits , plus
iafwface de leurs cotez, efl grande en
ES SÇAVANS,
comparaifm de l'eau qu'ils Peuvent
contenir. Entîn pour prouver qu'un
corps , par la diviiïon , acquiert
plus de furtace , il dit que la dimi-
nution de la pefinnur y efl en raifort
triplée , & que la diminution des fur -
faces efl en raifon doublée des diamè-
tres : c'eft pag. 15.
Nous ne croyons pas que- per-
fonne conteite que les corps fon-
des , femblablcs , foicnt en railbn
triplée , & leurs furfaces en raifon
doublée , des diamètres ; mais
nous doutons que qui que ce foit ,
accorde que la pefanteur des corps
quelconques , fuive , dans fa di-
minution , h même proportion ,
que la folidité des corps fembla-
blcs.
Tandis que nous en fommes fur
le début de l'Ouvrage , nous ne
devons pas omettre de rapporter
quelque exemple de ce que l'on y
dit en parlant des métaux en géné--
ral. Nouschoihions l'article du ter
préterablcmcnt à celui de l'or •, le
fer , félon notre Auteur , étant
beaucoup plus eftimable par rap*-
port aux remèdes qu'en tire la Me*
decinc. M. Malouin remarque d'a-
bord que de tons les métaux , ce-
lui-ci efl; le plus utile , & qu'il fe-
roit le plus précieux s'il n'éroit pas
le plus commun ; Que quelques
louanges que les Chvmilrcs avent
données à l'or , pour fes vertus mé-
dicinales , l'expérience a prévalu
en faveur du fer , & qu'elle dé-
montre qu'il eft auflî efficace en
Médecine qu'il efl utile d^ns le
commerce de la vie. Notre Auteur
joint a cela d'autres obfer valions
O C T O
qui n'ont rien de plus particulier,
fçavoir i°. Que les phénomènes de
l'aiman rendent le ter auili curieux
en Phyfique , qu'il eft utile en Mé-
decine , Si qu'on doit regarder la
•pierre d'aiman comme une mine
de fer, parce qu'on peut tirer de
cette pierre un véritable ter. 2°.
Que toute mine de fer eft une efpe-
ce d'aiman , & que le ter-même te-
nu long tems dans une certaine (I-
tuation , produit fouvent les mê-
mes effets que l'aiman.
Après ce préambule , notre Au-
teur décrit comment on tire le fer
de la mine, &: les opérations qu'on
employé dans les torges pour le
rendre propre aux ufages ordinai-
res. Nous remarquerons en paffant,
puifque l'occafion s'en prefente ,
qu'il y a fur cette matière , un ex-
cellent Poème Latin intitulé Fer-
rutn , dont il s'eft fait plulîcurs
Editions , 6k une entr'autres , toute
nouvelle , inférée dans le Recueil
qui a pour titre , Mujs. RLetorices ,
éVc imprimé à Paris en 173 2. chez
Barbou , rue S. Jacques.
M. Malouin , après la deferip-
tion dont il s'agir , remarque que
les mines de fer font très abondan-
tes en Europe , •> Qu'on en trouve
» plulieurs en France dans les Pro-
» vinces de Bourgogne , de Nor-
' » mandie, de Dauphiné , &c. qu'il
y> y en a dans bien des cndioits où
» on ne les apperçoit pas ; Que plu-
>. (leurs Nataraliftes croyent qu'il
» s'en trouve fur toute la furtace
» de la terre ', Que d'autres vont
m plus loin , & penfent qu'il y
u a du fer jufques dans les aî-
B R E, I 7 ? 4. 700
» les des papillons cV des mouché-
»rons , parce qu'ils regardent
» comme un principe reçu que
» tout ce que l'aiman attire eft du
» fer. Cependant , commue M. Ma-
» louiny le ferdoitêtre rouillé dans
» les matières où on croit l'apper-
» cevoir comme dans l'urine ; &
» par confequent , il ne peut plus
» être attiré par l'aiman; parce que
» l'aiman n'attire point le fer en
n rouille.
On voit par ces paroles , 1*. Que
félon M. Malouin , s'il y a du fer
dans les aîles des papillons & des
moucherons, ce fer doit être, com-
me celui de l'urine , un fer rouillé,
î°. Que félon le même Doèfeur ,
l'aiman n'attire point le fer rouillé.
Quant au premier article , on de-
mandera fans doute , comment on
peut s'affurer , qu'au cas qu'il y ait
du fer dans les aîles des papillons ,
& des moucherons , il n'y fçauroit
être que rouillé ; & quand au fé-
cond , s'il eft vrai que l'aiman
n'attire point le fer rouillé ; Pour
ce qui eft du premier article , la
chofe paroît difficile à décider ;
mais pour le fécond il n'y a qu'à in-
terroger l'expérience. Or elle dé-
pofe en faveur du contraire ; c'eft
ce que nous pouvons certifier
comme témoins , & quiconque
voudra s'en éclaircir, n'a qu'à pre-
fenrer à de l'aiman , un doux
rouillé , une aiguille rouillée , &c,
& il verra , nonobftant ce que dit
M. Malouin , que le doux rouillé,
l'aiguille rouillée s'attacheront à
l'aiman. Thomas Brown , dansfon
EJfufur les Erreurs populaires dé-
K k k k ij
7io JOURNAL D
couvre pluficurs erreurs au fujet de
l'aiman jon n'y voit point celle-ci,
elle mérite d'y avoir r. lace.
Notre Auteur demande fi on
peut faire du fer 5 il dit que Van-
helmont le fils eft le premier qui
ait cru en faire , & que Bêcher a le
premier foûtenu ce fentiment.
Vanhelmont , pourfuit-il, » faifott
» grand myllere de la manière de
» faire le fer. On fçait feulement
«qu'il employoit la boue Si le
» ioufre. Pour Bêcher il taifoit le
» fer en prenant de l'argile , qu'il
» reduifoit en poudre après l'avoir
» fait fecher , & il la pafToit par
» un tamis , enfuite il la pétrillott
j> avec de l'huile de lin , &t il en
>3 formoit de petites boules dont il
» chargeoit une cornue. Après la
» diitillation il rctiroit ces boules
=» qui avoient noirci , Si après les
» avoir broyées Si lavées , il lui re-
» doit une poudre noire Si pefart-
» te , qui contenoit , dit-il , beau-
» coup d'or.Morhofius écrivit con-
» tre ce fentiment , pour prouver
m qu'on ne produifoit point de fer 'r
3» Bêcher y répliqua vivement dans
» un petit Livre qu'il intitula ,
» Morofophia ; & depuis , M. Sthal
3» fe déclara pour le fentiment dï
3> Bêcher. M. Geoffroy fe rangea
» aulïi de ce côté là, & il fortifia ce
a parti par pluficurs belles obfciva-
» tions •, mais M. Leinery s'éleva
» avec force , contre lui , Si foû-
» tint que les expériences qu'on
3i rapportoit en faveur du Syftêmc
a» de la production du ter , rie fai-
*> foient que découvrir le fer dans
j» ki matières où il étoit caché.
ES SÇAVANS,
» M. de Fontenelle, dans l'Kiftm-
»re de l'Académie des Sciences ,
«1708. pag. 65. dit qu'il n'eft
» point encore tems de concevoir
» l'agréable efperanee de la pro-
n duction artificielle des métaux.
y Le pouce cube de fer pefe ordi-
» nairement cinq onces, un gros
» & 27 grains.
Voilà ce que notre Auteur re-
niai que en général, au fujet du fer,
avant que de venir aux ufages
qu'on en lait en Médecine. 11 au-
roie pu , à l'cccafion de ce qu'il
rapporte fur la production de ce
métal , dire un mot de ce qui fe lit
là deflus , dans un Livre intitulé ,
Les Secrets- les plus cachés de la Pbi-
lofophte des anciens , découverts 0" ex-
pliqués par M. CroJJet de la- Han-
W2/'ere,fçavoir, i°.Que »c'eft un tait
» très - connu non feulement aux
n Minéralijles , mais à tous les Ou-
m vriers qui font employés aux
» Mines, que la plupart des Mi-
» nieres des métaux reffemblent à
» un arbre qui feroit couvert de
» terre ; Qu'on y voit de grottes
«racines, un tronc proportionné
Ȉ ces racines , Si que ce tronc eft
» environné de branches de tous
» cotez , comme un véritable ar-
yy bre : Que le bonheur où l'habile-
» té des Minéraliftcs conhiie à pou-
» voir trouver le tronc de cet ar-
» bre , qui eft beaucoup plus abon-
» dant & plus riche , que les bran-
arches qui en fartent ; z°. Que
» comme entre une branche £>: 1 au-
» tre il y a quelquefois un grand
» efpace fans métal , il faut que les
» habiles Minéraliftes fuivent h
OCTOBRE, 1734. 7n
branche amant qu'ils peuvent; ce s'en fert ordinairement pour faire
» que la rencontie des rochers &
» des eaux , rend trt's difficile : j°.
«Qu'on a reconnu la vérité deçà
» que dit Pline &£ après lui , Stra-
» bon , fçavoir que dans l'Iile de
» l'Elbe , fur les Côtes de la Tof-
» cane , la terre minérale d'où on
*> tire le fer , étant remife dans la
» mine , ou expefée en monceaux à
» l'air , reproduit de nouveau fer
» en abondance , & du fer aulîi
»bon que le premier.
Ccfalpin afïtirele même fait , &
Agricola , à ce qu'obferve M.
CiolTct, rapporte que près du Châ-
teau de J>tg~i , on tire du fer de
certaines prairies , en faifant des
rofics dans la terre à la profondeur
de fix pieds , & que de ces mêmes
foiTes qu'on remplit de la même
terre , on tire dix ans après , de
nouveau fer. M. Crofletaffure que
fa même chofe arrive en plusieurs
lieux de Normandie , comme à
Evrcux , entr'autres , ck à Laval.
11 rapporte là-deflus un fait bien
digne de remarque , & qui eftatte-
fté par le fçavant Gérardus : Aux
Mines de fer près d'Amberg en Al-
lemagne , on répand dans la terre ,
d'où on a auparavant tiré le fer ,
une certaine quantité de ca(Tures&
de limuresde ce métal ; on ramaf-
fe cette terre en çrros morceaux
des plaques de cheminées , des
fourneaux , des canons , & des
boulets. M.Malouin apparemment
n'a pas eu connoiilance de cela.
11 eft tems de venir aux opéra-
tions chymiques contenues dans
le Traité.
Ces opérations font tirées de
Srhal , de Boerhave , de Lemeri,
de Geoffroy , ou du Code Médica-
mentairc de la Faculté de Médeci-
ne de Paris , fans parler de plufieurs
autres fources qui ne font pas moins
rccommandablcs. Un exemple fuf-
fîra d'abord pour faire voir en cela
l'exactitude & la fidélité de M.
Malouin. Nous prendrons l'opéra-
tion que l'ouverture du Livre nous
offre la première. Elle fe trouve dé-
crite en ces termes,dans le Code de
la Faculté , pag. 241. nous rappor-
terons enfuite le François de notte
Auteur ; il s'agit du Régule d'An-
rimoine.
B. Antimonii crudi libram unam ,
Tartan crudi uncias duodecim , nitri
puri uncias [ex. Senfm & tenwjfi-
me trita mixtaque in crucibulum can-
dens cochleatim injice ; [ingulis vici-
bits détonent cooperto crucibulo. Omni'
detonatione peraclâ angeatur ignis
doneefluida fiât materia. Uancfluen.
tem in conum ferreum calefatlum illi-
tumque febo ejjunde. Concute conum M
qu'on laifTcexpofés au Soleil & à la folidefeet materia. Regulum exime k
pluye l'efpace de 1 2 ou 1 5 années , fcholiis i[eparandum itlu malle:.
lins y toucher , & à la fin de ce Voici le François de M. Ma-
tems-là , on en tire une grande louin : » Prenez une livre d'Anti-
quantité de fer; ce qu'on réitère » moine , douze onces de tartre ,
plufieurs fois. Le fer ainfi repro- » & fix onces de nître ; le tout ré-
duit eft extrêmement dugr 3 & on » duit en poudre & mêlé enfemblc.
7i2 JOURNAL DE
•> Mettez-en une cuillerée dans un
i> creufet rougi entre les charbons
» ardens. Couvrez auffi - tôt le
» creufet : il fêtait une détonation,
*» laquelle étant paffée vous y re-
» mettrez une cuillerée du mélan-
» ge , &c vous continuerez ainfila
»> projection jufqu'à ce que le mé-
» lange foit employé ; après quoi
» augmentez le feu , Si lorfque la
» matière fera bien fondue , verfez-
» là dans un mortier dont vous
m frappez les cotez avec des pinces,
» pendant que la matière refroidit.
L'Auteur ajoute à cexte opération ,
la méthode de purifier le Régule ,
telle qu'elle fe trouve dans Jumcer,
dans Lemeri , & ailleurs.
Les opérations contenué's dans
ce Traité , font fuivies de remar-
ques , Si l'Auteur pratique à l'é-
gard des remarques , ce qu'il
pratique à l'égard des opérations. Il
les puife en différentes fources ,qui
font les mêmes que nous venons
d'indiquer. On ne peut que le
loue; defe propofer ainii , des mo-
dèles pour fe conduire avec plus
de fureté. Mais il eft à craindre,
d'un autre côté , qu'on ne lui re-
proche d'en fuivre quelques-uns
de trop près , Se de pouffer trop
loin la déférence; témoin , entre
autres articles, dira-ton peut être,
celui où il s'agit de la manière de
préparer la crème de tartre. Cette
opération eft une des plus difficiles
de la Chymic , Se à examiner la
manière dont l'Auteur la décrit fur
la foi de quelques Livtcs , bien des
Lecteurs ne manqueront peut-être
pas de croire qu'il ne l'a jamais laite.
S SCAVANS,
Nous ne déciderons rien là-deflus,1
nous nous contenterons d'expofer
la méthode qu'il preferit pour faire
cette crème de tartre, la voici mot
à mot.
» Prenez une livre de tartre en
» poudre , mettez-la dans un pot
» de terre , verfez delfus cinq ou
» (îx pots d'eau bouillante ; ayant
» placé le pot fur un trépied fur le
» feu , vous ferez bouillir pendant
*> un quart d'heure , en écumant de
» tems en tems. Enfuite paffez la
» liqueur dans un morceau de fla-
» nelle , Si la mettez à criftalifec
>> dans un lieu frais ', il fe formera
» delTus une crème faline que vous
» ramafferez. & vous verferez l'eau
» par inclination , pour avoir les
= cryftaux qui fe feront formés aux
» cotez Se au fond de la terrine.
Cette méthode fe trouve dans
quelques Livres. Cependant nul
Àrtifte n'a pu faire , par une telle
méthode , la crème de tartte ; Se la
raifon , c'eft que pour faire cette
crème , il faut feparer d'avec le
tartre , une portion confiderablc
de l'on huile , ce qui ne peut s'ob-
tenir que par le moyen de quelque
terre favonneufe , Se très - graife ,
propre à fe charger de cette huile.
Or dans la préparation que M.
MaJouin donne , il ne joint au tar-
tre que l'eau feule , qui n'eft nulle-
ment capable par elle-même, d'ab-
forber cette huile , & d'en féparer
une portion fuffiiante.
La crème de tartre fe fait avec
une terre très - abforbante qui le
trouve en grande quantité dans le
Languedoc , Se dont il y a de trois
OCT O B
efpeces : la première cil: commune
dans toute la Province de Langue-
doc -, la féconde fe trouve dans le
terroir d'Aniane , ce qui l'a lait
nommer Terre d'Aniane , 8c la
troifiéme dans le Village de Mer-
viel , ce qui l'a fait nommer Terre
de Merviel. Toutes trois font bon-
nes pour l'opération dont il s'agir,
nuis la dernière eft la meilleure y
&c c'eft celle dontonfefert depuis
quelques années. M. Fizes enfeigne
de quelle manière on doit s'y pren-
dre pour faire la crème détartre ,
& cette méthode eft inférée dans
les Mémoires de l'Académie des
Sciences , année 1715. C'efl: M. Fi-
Zes qui la rapporte. Il nous apprend
que cette terre de Languedoc , dé-
pure le tartre , en fépare une gran-
de quantité d'huile d'avec le fcl, &i
facilite la ciyftallifation. L'opéra-
tion eft longue ; il eft inutile de la
décrire ici , puifqu'on la peut voir
dans les Mémoires que nous ve-
nons d'indiquer. La méthode que
preferit M. Malouin , n'eft donc
pas , concluront quelques Criti-
ques , la véritable méthode , &C il
faut pour 1a preferire , ne l'avoir ja-
mais elfayée.
La crème de tartre nous conduit
au tartre émerique, c'eft la même
matière diverfement préparée. L'o-
pération que donne M. Malouin
pour faire ce taitrc cménque ou
tartre ftybié, eft exactement copiée
du Code de la Faculté.
Recipe , dit le Code , vitri Jlnti-
momi , croci metatlorum , ana livrant
femijfcm , cremorh tartari t libcam
mam , fiât pulvis.
R E , 1 7 } 4. 7r?.
» Prenez. , dit M. Malouin } du
» Safram des métaux, ôc du ver-
» re d'Antimoine , de chacun une
*> demi livre ; de la crème de tartre
» une livre , le tout en poudre.
lnie in ollam fitldm vitratam
cumjiifficienti quaniitate acju& 3 bul-
liant per hor&s duodecim 3 addendo
idemidem ayuam ferventem , calens
licjiior filtretur vAporet adjiccitatem
continue le Code.
» Mettez dans une marmite de
» fer , ou dans un pot de terre ver-
» nilé, continue A4 Malouin , verfez
» deffus , cinq pintes d'eau ; faites
«bouillir , ayant foin de remettre
» de l'eau bouillante à proportion
» qu'elle fc diflîpe , & lorfque le
» tout aura ainfî bouilli dix à dou-
» ze heures , vous retirerez de déf-
ia fus le feu , &: vous filtrerez lali-
»queur toute bouillante, enfuite
» vous la ferez toute évaporer.
Il n'eft pas polïible , comme on
voit , de traduire plus exactement
ce paflage , que le fait notre Au-
teur. Il l'accompagne de quelques
remarques dont nous citerons un
exemple dans un moment , mais à
la place defquelles il auroit pu in-
férer d'importans préceptes pour la
préparation d'un remède aullï utile
que le tartre émétique. Il auroit pu
marquer entre autres chofes , com-
ment il faut s'y prendre pour don-
ner à l'antimoine divers degrez
d'éméticité. La variété des corps &
leur fenfibilité demandent fouvent
divers genres d'émétiques -, celui
dont nous venons de voir la pré-
paration , eft fans doute le plus vif.
Nous obferveions à ce fujet , qu'en
<ji4 JOURNAL D
prenant deux parties de nître &
une partie d'antimoine , on a en
les faifant détonner , une matière
blanchâtre qui fait un émétique
extrêmement doux ; & qu'en pre-
nant égales parties de nître & d'an-
timoine , en les faifant détonner ,
& joignant enfuite à la matière dé-
tonnée , partie égale de crème de
tartre , on fait un tartre cinétique
foluble qui agit fans violence ; ces
obfervations , & quelques autres
femblables n'auroient pas été hors
de prooos dans un article comme
celui de l'émetique.
L'Auteur au refte preferit feru-
puleufement ( & c'eft ici une de
ces remarques dont nous venons
de dire que nous citerions un
exemple ) il prr ferit fcrupuleufe-
ment de ne point faire cryftallifer
le tartre ftyné. Parce que, dit-il,
la crème de tartre cryftallifée feroit
moins émérique. Quelques Lec-
teurs oppoferont peut être à cela ,
l'expérience en foûtenant qu'ils ont
fouvent trouvé les cryftaux extiê-
mement émétiques. Peut - être
iront - ils jufqu'à prétendre que la
cryftalifation eft préférable , & ce-
la pour les raifons fuivantes : Sça-
voir , que lorfqu'on prend le Sa-
phran des métaux & le verre d'an-
timoine , Que l'on pulverifc ces
matières en les joignant avec la crè-
me de tartre, qu'on les fait bouil-
lir, & qu'on filtre la liqueur bouil-
lante , il pa(Te du Saphran des mé-
taux , & même du verre d'anti-
moine -, cela pofé ils demanderont
quel refidu l'on a donc lorfqu'on
fait évaporer cette liqueur jufqu'à
ES SÇ A VAN S,
ficciré ? On a , fans doute , de U
crème de tartre , répondront - ils ,
on a du fel foluble , on a le Sa-
phran des métaux en fubftance , on
a même de la poudre de verre d'an-
timoine , on a la matière émétique
qui s'attache à l'acide de la crème.
de tartre } ce qui , tout enfcmble ,
forme un émétique violent , en
forte , concluront - ils , qu'il vaut
beaucoup mieux donner un tartre
émétique foluble cryftallifé,tel que
M. Duclos le donnoit ; l'expérien-
ce journalière , ajoûteront-ils , fait
foi qu'il rcuiïir , puifqu'il procure
le vomiftement &: qu'il purge.
Nous remarquerons en partant ,
que la cryftalhfation dont il s'agit,
a quelque chofe de parriculier.
C'eft qu'on y voit beaucoup de
houpes autour des molécules du
fel , &c que ces houpes viennent
fans doute de l'antimoine.
Notre Auteur dit que Je Safran
des métaux Se le verre d'antimoine
ne fe diffolvent pas parfaitement , &
qu'il en refte toujours fur le filtre ,
mais fi M. Malouin étoit entré
dans les recherches que nous ve-
nons de faire , peut-être fe feroit il
difpenfé de mettre en avant une
propofition comme celle - là , qui
fuppofe que le Safran des méraux
& le verre d'antimoine fe dirtol-
vent ; puifquc c'eft comme fi l'on
difoit que l'antimoine fe difiout
quand on fait du kermès.
L'antimoine en verre & en foi>
me de fafran , donne quelque
chofe au fel , comme les corps
odorans donnent quelque chofe
aux corps qui les environnent ,
mais
' Ô C T O B
mais eft- ce là une diffolution > de-
manderont quelques Lecteurs. Ils
foûtiendront fans doute , que ce
n'eft pas le défaut de cette préten-
due folution qui fait qu'il refte de
l'antimoine fur le filtre , n'y
ayant rien d'étonnant qu'après la
filtration , il en puiffe refter. Mais
ce qui leur paroîtra peut-être fur-
prenant, c'eft de voir qu'on ajoute
comme une remarque finguliere,
que ce qui refte furie filtre,peut fe
réduire en régule par le moyen
d'une matière graffe.
M. Malouin vient enfuite à l'u-
fage médicinal du tartre émétique;
nous lailïbns aux Praticiens qui
fçauront manier ce remède , & qui
connoiffent les différentes façons
de l'employer félon les occurren-
ces, à juger de ce que notre Auteur
écrit fur ce fujet : Il dit » qu'on
» fait prendre le tartre émétique
» jufqu'à quatre grains , quelque-
» fois jufqu'à cinq , rarement juf-
» qu'à fix , & qu'on le diffout or-
» dinairement dans une pinte
» d'eau , pour quatre prifes , met-
a> tant une heure & demie d'inter-
» valle entre chaque prife , & ob-
» fervant que fi les deux ou trois
3j premières ont fait vomir , & ont
» purgé fuffifamment , il ne faut
» pas donner la troifiéme ou qua-
si triéme.
Voilà tout ce que notre Auteur
remarque fur la manière d'em-
ployer le tartre émétique.
Nous finirons notre expofé par
l'article de l'extrait de Genièvre ,
& par celui de la quinteffence d'ab-
fynthe. L'extrait de Genièvre eft
OUobre.
RE, 175 4: 7ij
un des meilleurs remèdes qu'on
puiffe mettre en ufage contre le
mauvais air , contre les foibleffes
d'eftomac, &C contre la gravellc.
Mais tout le monde n'en connoît
pas la préparation. Voici celle que
M. Malouin preferif, nous laiffons
à la Faculté de Médecine de Paris ,
qui,dans fon Code Médicamentai-
re , vient de marquer la manière de
faire cet extrait , à porter là-deffus
fon jugement. M. Malouin veut
qu'on pile les bayes de Genièvre ,
qu'on les me'tte dans une cucurbi-1
te , qu'on y ajoute la dixième par-i
tie de miel , qu'on verfe fur le tout
de l'eau chaude , jufqu'à ce que les
bayes commencent à être couver-
tes d'eau , qu'après avoir laiffé le
tout en cet état , pendant cinq ou
fix jours dans un lieu modérément
chaud , on mette la cucurbite au
bain-marie , qu'enfuite ayant ajufte
à la cucurbite un chapiteau , & au
bec du chapiteau, un récipient , on
faffe un feu doux , que l'on con-
tinue ce feu jufqu'à ce qu'il ne di-
ftille plus qu'une eau iniîpide ;
Qu'après cela on délute les jointu-
res , & qu'ayant mis à part la li-
queur qui fera dans le récipient,
laquelle eft l'efprit ardent de Ge-
nièvre , & en ayant féparé l'huile
qui en eft la quinteffence , on pren-
ne le marc qui reftera dans la cu-
curbite , qu'on le mette à la preffe
& qu'on en faffe évaporer jufqu'à
conliftance de miel épais, la liqueur
qui en découlera. Cette liqueur
épailiîe , dit notre Auteur , eft ce
qu'on nomme extrait de Genièvre.
Telle eft la méthode que preferit
lui
7i6" JOURNAL DE
M. Malouin , fuivj^t quelques Li-
vres , pour l'extrait dont ils'agit.
Voici à prefsnr celle que- preferit ,
pour le même fujet , la Faculté de
Médecine de Puis , dans fon Co-
de MédicamentaKe.
R. Baccartim j::niperi Vibras diutr}
biim Tel tridui rnacereniH*- in aqv.s,
ferventis libris oElo. Bulliam per duas
horas , exprime , Uqnor rsfidendo de-
fœcatits , coletur per manicam , &
vaporet Balneo-maris adextracli con-
fiflentiam.
C'eft-à-dire : » Prenez deux li-
» vres de graines de genièvre. Met-
»tez-les dans huit livres d'eau
» bien chaude , & les y laiflez pen-
sa dant deux ou trois jours. Faites-
» les enfuite bouillir dans la même
a> eau , l'efpace de deux heures-,
» puis exprimez , Si la liqueur qui
» fortira laiflez la repofer quelque
» tems , pour la palier après par un
» couloir ; Quand elle fera palïée ,
» faites-la évaporer au bain-marie ,
» en confiftance d'extrait. Voilà le
procédé que preferit la Faculté de
Médecine de Paris , pour faire l'ex-
trait de genièvre. Procédé d'autant
plus digne d'attention que cette
fçavante Faculté le preferit dans un
Code drefle exprès par elle, pour
fervir de règle aux Apotiquaires 5c
auquel elle veut qu'ils s'aflujettif-
fent abfolument , jufques là même
qu'elle a obtenu un Arreft du Par-
lement pour les y obliger.
Selon cette méthode,on ne pile
point les grains; & par confequent
on ne communique point à l'ex-
arait , la qualité des pépins ou
noyaux qu'ils contienne nr, laquel-
S SÇAVANS'j
le n'eu pas ballamique comme
celle du grain; de plus on n'em-
ployé pas le miel ,' dont l'addition
empêche que l'extrait ne foit auflî
put Se aufli naturel qu'il doit l'être.
L'extrait de genièvre dont il s'a-
git , eft le fimple ; mais il y en a
un double , extrcMum Juniperi dtt-
plicdium , dont notre Auteur ne
parle point , lequel fe fait en mê-
lant dans la liqueur cpaiflîe , l'ef-
prit ardent , & la quinteflence
qu'on a tirée du genièvre parla di-
ftillation. Cet extrait eft beaucoup
plus adtif que le premier ; il y a des
cas où il convient moins , & d'au-
tres où il convient mieux.
Quant à la quinteflence d'abfyn-
the , M. Malouin , après en avoir
rapporté la préparation , fait en-
tendre que fouvent les Apotiquai-i
re3 n'appréhendent pas de fubfti-
tuer une faufle quinteflence d'ab-
finthe, à la véritable. Voici fes paro-
les.
» LesApotiquaires ne font point
» dans l'ufage de faire la quintef-
» fence d'abfinthe , ce qui prive
» la Médecine d'un grand remède ,'
» ôc ils donnent fouvent , poui
» quinteflence d'abfinthe , une
» compofition faite avec la canelle,
»le girofle, l'écorce de citron &
» les fommitez d'abfinthe. Us ver-
» fent fur le tout , de l'efprit de
» vin , & après l'avoir laifle quel-
=» que tems en digeftion, ils en font
» la diftillation. Ce qui a engagé ,
=» les Apotiquaires à donner cette
» liqueur au lieu de la quinteflence
» d'abfinthe , c'eft le grand débit
» qui fe fait de la quintelTence , &
OCTOB
» la petite quantité qu'en fournit
» l'abfinthe.
Nous ne fçavons fi les Apoti-
quaires font capables de l'infidélité
dont les accufe ici M. Malouin ;
mais en cas qu'ils le foient , ce que
nous avons bien de h peine à croi-
re , on aura obligation à M. Ma-
louin d'en avoir averti le Public ;
car il y a lieu d'efperer que laFaculté
de Médecine de Paris^zclée comme
elle eft pour le maintien du bon or-
dre dans la Pharmacie , ne man-
quera de remédier à un tel abus.
En voilà funifamment pour
donner une notion de ce Traité ,
qui , au refte , fi l'on en excepte
certains articles , eft peu différent
du cours de Chymie que l'Auteur ,
étant encore Bachelier en Médeci-
ne, fit, il y a quelques années dans
le Jardin du Roi , à la place de feu
M.Geoffroy, & dont deux Appro-
bateurs de fon Livre , rappellent le
fouvenir. Mais , comme nous le
difons , il en faut excepter certains
articles: ces articles font , i°. Le
reproche que fait M. Malouin aux
Apotiquaires , de débiter pour
quinteiîence d'abfinthe, une com-
pofition qui n'eft point cette quin-
teffence •, i". Ce que nous avons
obfervé qu'il a extrait du nouveau
Code de la Faculté ; 30. Ce qui fe
lit dans les neuf dernières lignes de
îa dernière page du Volume , fça-
R E; Ï7Î4-' f 717
voir j Qu'on a apporté d'Angle-
terre , dans ces derniers tems , une
liqueur nommée Stotum,qu'on van-
te pour l'cftomac & contre le fcor-
but , laquelle n'eft point la même
chofe que les goûtes d'Angleterre,
& qui eft faite avec des écorces
d'oranges ameres , de la cartine,
& un peu de Safran Oriental.
C'eft par cet avis quefe termine
le Traité ; mais qu'il nous foit per-
mis de remarquer que la liqueur
dont il s'agit , que notre Auteur
nomme Stotum , s'apelle VElixir de
Stoughton , ou à' Angleterre ( en An-
glois Stoughton' s Eltxir ) Se que fe-j
Ion le Dictionnaire Médicinal im-
primé à Bruxelles en 1733. in-xzl
cet élixir de Stoughton , fe prepa-'
re avec une poignée d'abfinthe,'
autant de Gentiane , autant de
Chamxdris, autant dTcorces d'o-
ranges ameres , quatre drachmes
de rhubarbe & deux drachmes d'a-
loës , qu'on fait infufer enfemble
dans quatre livres d'efprit de vin,'
l'efpace de 1 5 jours , après quoi on
filtre la liqueur , & on la conferve
dans des bouteilles , pour s'en fer-
viraubefoin , qui eft d'en prendre
environ 25 goûtes plus ou moins
félon l'âge , foit dans du vin , foit
dans du Thé , foit dans l'eau , lorf-;
qu'on eft attaqué de quelque mala;
die où les. amers conviennent.
Lilîij
718 JOURNAL DES SÇAVANS,
NOVVELLES LITTERAIRES.
SUISSE.
De Genève.
PErachon de Cramer ont mis en
vente le premier Volume d'u-
ne Bibliothèque de tous les Au-
teurs Eccteiïaftiques , depuis la
Création du Monde jufqu'à pre-
fent a rangée félon l'ordre alphabé-
tique , dont voici le titre :
Alagna B.b'iotheca Ecclefîaf}ica3
Jîve Notifia Scriptorum Ecclejiaftico-
ritm Veterwn ac recentiomm , in qua
ordine alphabetico continetnr Auto-
rum Sacrorum Veteris & Novi Te-
(tamemi , Autorum Apoflolicorum &
SantlorumPatrum Vit & Compendiumy
& eomm Script a enumerantur. S S.
Script ura Interprètes , Paraphraftœ s
Comment •autres, Critici , nec non SS.
Evangelii Concionatores : Hiftoria
jEcclefîaftic* , S. TheologU Dogmati-
ct , Scolajiic* & Moralis , Cafttum
confeientiét , Jttris Canonici , Polemi-
ci , Aiifiici , c\rc. Cujufcumque "Rj-
ligionis ac Seélx Scriptores , Jtmttl &
Conciliomm omnium , tam genera-
iium quam Partie -al arinm Hijîoria &
"Décréta exhibent ur. P artifice s Roma-
ni , eorumque Vit a , Scripta & BhIU
indicantur , tum qua in Bidlario }
tkm ctut, extra Bullarium habentitr.
Eonlatores Ordinum Religiofomm
refentntur. Scriptontm O.tus, isEtas,
Dotlrina } prxcipH* res gefa , &c,
Eorum Opéra genuina , Spuria , du~
biajîtppvjîtitia , illommcjue Editiones
accusât: recenfenlur \ depcrditapr£.
tereà } attpit me Uta , notantttr. Ad-
diti; , ut phtrimhm , de fïngnlorurn
DnUrina ac fidoy eruditorum jndiciis.
Cttm Indice Auiornm & Concilio-
rttm. Qmnia ab orbe condito 5 ad no~
flra uftjue tempera. Opéra & fludio
* * * Jur. Canon. DoEloris & aliorum.
Tomus primas. Lin. A. ColonU ,
Allobrogum. Sumptibus Perachon &
Cramer. 1734.
Ce premier Volume fe vend à
Paris , chez F. Montalant , Impri-
meur-Libraire , fur le Quai des Au-
guftins , à la Ville de Montpellier.
FRANCE.
D E S TRA SBOURG.
DulJ/ècker débite une quatrième
Edition de l'Ouvrage de Mon-
fîeur Heineccius , célèbre Jurif-'
con fuite , & Profelfeur dans
l'Univerfité de Francfort fur l'O -
der , lequel eft intitulé : Joan.
G oui. Heineccii Jfli , Sec. Antitjui-
tatum Romanarum <Jurifprudemiam
iUifflrantium Syntagma fecundîtm or-
dinem injîitutioniim Jujiimani dige-
flum , in que multa Juris Romani at-,
que Aittlorum veterwn loca explican-
tur au/ne illitftrantur. Editio quarte.
auc7ior& emendatior. 1734. /*-8°.
o c t o :
De Bordeaux.
Programe de l'^4cadémie Royale des
Belles- Lettres , Sciences & Arts.
» L'Académie ayant été obligée
» de referver les deux Prix qu'elle
» devoit diftribuer cette année ,
»s'elt déterminée à propofer les mê-
» mes fujets pour l'année prochai-
»nei fçavoir, pour l'un des deux
» Prix , la Formation des Pierres ; 8c
»pour l'autre t la caufe de la dureté }
» molejje & fluidité des corps. Chaque
» prix elt une Médaille d'or, tonde
» à perpétuité par feu M. le Duc de
m la Force , de la valeur de trois
» cens livres.
» On pourra renvoyer les mê-
» mes Dilîertations avec les cor-
»> re&ions & les additions qu'on
» jugera utiles. Elles ne feront
» reçues que jufques au premier
w Mai prochain inclufivement , &
» elles pourront être en Latin ou
» en François. On recommande
» qu'elles foient écrites en caradte-
»>resbien lifibles.
3> Pour donner aux Auteurs le
» tems necefTaire à la perfection de
» leurs Ouvrages , l'Académie leur
a> propofe à prefent les deux Sujets
a» des deux Prix qu'elle diiîribuera
» le 25 d'Aouft 17 5 6". Le premier ,
» fur ï'atlion & l'utilité des Bains.
3» Le fécond , fui la caufe desTrem-
vtblemensde Terre. Les Diflertations
» feront reçues jufqu'au premier
s» de Mai de la même année 1736.
» Au bas des Diflertations , il y
?» aura une Sentence , & l'Auteur
î R E, 1734. 7ip
«mettra dans un billet féparé &c
» cacheté , la même Sentence, avec
t fon nom , fon adrefle & fes qua-
» lirez , d'une façon qui ne puilîc
» pas former d'équivoque.
Les Paquets feront affranchis de
fort , & adreffés à M. Sarrau ,
Secrétaire de l'Académie , rué de
Goitrgues , ou ait Sieur Brun , Im-
primeur Agrégé de l'Académie rué
S. Jâme.
» On trouve chez ledit Sieur
» Brun , le Recueil complet en 4.
3> vol. in- il. de toutes les Diflerta-
» tions qui ont remporté le Prix ,'
» par le Jugement de l'Académie
» de Bourdeaux.
De Paris;
La Veuve Manières & J. B.'
Garnier , rue S. Jacques , à la Pro-
vidence , ont mis en vente le fé-
cond Tome de la fuite des Traitez
de Théologie de M. Toitrnely , fous
ce titre : Cominuatio Praletlionum
Theologicarum Honorait Tournely ,
five Traclatus de ZJniverfà Theologià
Morali. Tomus fecundus continens
Traclatus I. de virtute Religionis. IL
de Beneficiis & Simonia. III. de Ac-
tibus humams. Opus ad Juris Roma-
ni & Gallici normam exaUum. 1734,
in - 8°.
Traitez, de Pénitence , » qui con-;
«tiennent les Maximes de la Péni-
»> tence , tirées des fept Pfeaumes
» de David , qu'on appelle Péni-
» tentiaux. La Pénitence des Pfeau-
» mes , ou les Maximes de la Péni-
» tence tirées des autres Pfeaumes.
» La Pénitence desfoibles. LaPé-
<\*o JOURNAE DES SÇAVANS,
» nitence des forts. La Pénitence a raifonné de leurs Pièces , accom-
» des Pafteurs. La Pénitence abre- »> pagnes de Notes Hiftoriques &
» gée. Les fentimens de Pénitence. » Critiques. Tome premier. Chez
» La Pénitence toute comprife André Monn , rue S. Jacques , a
» dans le fixiéme verfet du Pfeau- l'Image S. André \ & Flahault , au
m me fix. Par M. H * * *. Chez Palais , Gallerie des Prifonniers.
J. B. &c Jean - Thomas Hêrijfant , 1734. '«- 1 2.
rue Neuve Notre-Dame, aux trois II paroîtra au commencement
Vertus. 1734. in- 12. du mois de Novembre prochain
Hiftoire du Théâtre François de- une féconde Edition du Traité de
puis fin origine jufiju'a prefent. l'Opinion 3 à laquelle l'Auteur ( M.'
«Avec la Vie des plus célèbres Le Gendre de S. Aubin ) a fait des
» Poètes Dramatiques , des Ex- changemens coniîderables.
«traits exacts , & un Catalogue
Fautes à corriger dans le Journal de Septembre 1734.
PAge 633. col. 1. ligne 18. comme, lifiz. telles que : Ibid. col. zl
lig. 7. 28 ans, Uf. 88 ans : Pag. £34. col. 2. lig. 4. & 5. l'Ouvrage
dont il s'agit , renferme l'Hiftoire , Ufil^, l'Ouvrage dont il s'agit eft
divifé en trois Parties, la première renferme l'Hiftoire : Pag. £37. col.i.
lig. 20. & 11. des métaux & des minéraux , Uf. des métaux & des autres
minéraux.
TABLE
Des Articles contenus dans le Journal d'Odob. 1734.'
Hlftoire de l'Académie Royale des Sciences , &c. page 661
Code Criminel des Suiffes , &c. 6j$
Hiftoire Critique de Mamchée & du Manichèifme , 677
Lettres édifiantes & curieufes , écrites par des Miffionnaires de la Compagnie
de Je fus , 682
Recueil des Ecrivains de l'Hiftoire d'Italie ' . 689
Recueil de tous les Fragmens & de tous les Eloges de Siipho de Lefbos, &C 6j6,
Traité de Chymie , par M. Malouin , &c. 702
Nouvelles Littéraires , 718
Fin de la Table.
I E
JOURNAL
SCAVANS
b
POUR
L'ANNEE M. DCC. XXXIV-
NOVEMBRE.
A PARIS,
Chez CHAUBERT, à l'entrée du Quay des
Auguftins, du côté du Pont Saint Michel, à la
Renommée & à la Prudence.
M. DCC. XXXIV.
AVEC APPROBATION ET PRIVILEGE DU ROY.
■mm mmmmm u^^g— ^ — —
L E
JOURN
DES
SCAVA
NOVEMBRE M. D C C. X X X I V.
HISTOIRE DE L'ACADEMIE ROYALE DES SCIENCES.
Année 173 1. <rcw /« Mémoires de Adatkématie/ue & de Phy/îjue 3 pour
iamême année ; tirés des Regifires de celte Académie. A Paris de l'Im-
primerie Royale. 1733. in -40. pp. \ 1 1. pour l'Hiftoire. pp. 514. pour
les Mémoires. Planches détachées 33.
APRES avoir parlé , dans fentement à rendre compte de ceux
notreJournald'Oclrobreder- qui concernent la Chimie ] la Bota-
nier , des articles de Phyjique gé- nitjnc , Scies Mathématiques.
nérale & àAnatomie 3 contenus On ne trouve ici que trois arti-
sans ce Volume , il nous refte pre- clés de Chimie. Le premier fur uni
Novembre. M m m m i.j
724 JOURNAL DE
nouvelle efpece de végétation métalli-
que y eft de M. de la Condamine -, le
fécond, fur le fel de Seignette \ &c le
troifiéme fur celui d' Ebfom , font
dûs , l'un & l'autre , à M. Boulduc.
Ces trois articles paroifîent dans
l'Hiftoire , & parmi les Mémoires.
Nous en donnerons l'Extrait.
I. Les végétations chimiques ont
déjà fait l'objet de quelques Mé-
moires imprimés dans les Recueils
de l'Académie. Feu M. Homberg y
en 1710. donna une théorie généra-
le de ces végétations , qu'il diftri-
buoit en trois clafTes. M. Petit le
Médecin , en 17x2. examina cette
matière feulement dans le genre
des fels , £ qul forment la troifié-
me clafTe de M. Homberg ] & en
compofa deux Mémoires, dont le
précis parut dans le dernier Jour-
nal de 1725. La nouvelle efpece de
végétation que M. de la Condamine
fe propofe de décrire & d'expli-
quer ici , & qui eft produite par
des métaux diftbus , fembleroit ap-
partenir à la féconde clalfe de M.
Homberg. Mais notre Académicien
en feroit volontiers une quatrième
clalTe, à caufe d'une fingularité qui
la caraderife , & la diftingue de
toute autre végétation. Cela confi-
fte à s'étendre à plat fur une furfa-
ce , fans aucun relief ni aucune
épailfeur fenfible : & fur ce pied-
là , le nom de végétation -plane , lui
conviendrait parfaitement. Voici
donc comme on doit s'y prendre
pour faire paroître ces fortes de
végétations métalliques.
On verfe fur une Agathe polie
ou fui un morceau de verre plat
S SÇAVANS,
quelques goûtes de folution d'ar-
gent faite par l'efprit de nître , &
après les avoir étendues fur le ver-
re fitué horizontalement , ou
place au milieu de la liqueur épan-
chée la tête d'un clou de fer ; ce
qui d'abord , excite une petite fer-
mentation tus - vifible autour de
celui ci , d'où partent en tous fens
de petits filets ai gentés èV très-fins^
qui croiffant à vue d'oeil , forment
quelque tems après diverfes figu-
res d'arbrifteaux avec des brancha-
ges très-diilincT:s, fubdivifés en pe-
tits rameaux qui rempliffent tout
l'efpace que couvre la liqueur , juf-
qu'a plufieurs pouces de diftance.
D'ordinaire , toutes ces ramifica-
tions, même les plus déliées , ne
pourraient être plus parfaites , fi
on les avoit deftinéesavec foin ; &
cette exactitude fe remarque égale-
ment dans celles qui ne peuvent fe
découvrir qu à la faveur d'une lou-
pe.
M. de la Condamine , encoura-
gé par le grand fuccès de cette pre-
mière expérience , en a tenté plu-
fieurs autres fur divers métaux &c
nous en donne ici le détail en com-
mençant par l'or. Sa dilTolution
étendue fur une glace, & au mi-
lieu de laquelle on met un petit
morceau de cuivre , de léton , d e-
tain , de plomb , de zinK ou de
bifmuth , végète comme celle de
l'argent, mais feulement jufqu'à la
la diftance de 3 ou 4 lignes à la ron-
de,Si avec plus ou moins dediftinc-
ction,de régularité & de vîcelïe,fui-
vant les fubftances métalliques em-
ployées dans cette opération. Nous
N O V E M
renvoyons au Mémoire de l'Aca-
démicien , quant à fes expériences
fur la végétation des autres métaux;
&c nous venons à la manière dont il
explique le méchanifme général de
toutes ces végétations.
Il en fuppofe d'abord pour prin-
cipe la caufe de toutes les précipi-
tations chimiques , opérées, com-
me l'on fçait , par la plus grande
facilité que trouve un dilfolvant
chargé d'un métal diffous , à s'unir
avec un autre corps qu'il rencontre
& qui lui fait abandonner le pre-
mier dont il avoit faitdiffolution ,
lequel fe précipite au fond du vaif-
feau , après une fermentation plus
ou moins vive. La même chofe ar-
rive dans le cas dont il s'agit. La
folution d'argent répandue fur le
verre , & qui environne la tête du
clou de fer t plus facile à diffoudre
que l'argent, s'infinue dans celle-
là , & abandonne celui ci , dont les
particules fe précipitent fucceflîve-
ment fur l'endroit même du verre
où elles fe rencontrent , lorfque le
JilTolvant les laiffe en liberté. Or il
faut concevoir en même tems que
les particules de la liqueuren vertu
■de leur adhéfion mutuelle , font
entraînées vers le clou de fer où el-
les trouvent moins de refiftance &
où la fermentation eft plus vive ;
& qu'elles forment en confequen-
ce plufieurs petits courans , qui les
portent de la circonférence au cen-
tre.
Mais [ dira-t on ] pourquoi ces
petits courans ou rayons , qui doi-
vent être droits , donnent-ils à l'ar-
gent précipité la figure de ra-
B R E , ï7*4- 72;*
meaux ? C'eft à quoi contribue une
infinité de petites caufes ou d'acci-
dens , qui peuvent altérer la recti-
tude de ces rayons , & qu'il eft faci-
le d'imaginer. Un rayon ou cou-
rant de la folution détourné de fon
droit chemin par quelque obftacle
qu'il rencontre ( foit inégalité fur
le plan , foit particules métalliques
châtiées d'ailleurs ) va fe jetter
dans un autre courant , qu'il forti-
fie -, d'où refulte l'apparence de ra-
mification , comme dans une Car-
te Géographique , une pente riviè-
re paroît une branche d'une plus
grande, où elle tombe. Les parties
de la liqueur les plus éloignées du
centre , ou échappées à la rapidité
des courans , fe cryftalliferont à
l'ordinaire , fans participer à la.
précipitation du refte de la li-
queur, ôc fans reprefenter aucuns
rameaux.
Que le verre employé à cette ex-
périence , foit incliné ou vertical,
au lieu d'être pofé horizontale-
ment , la végétation ne laiflera pas
d'y réuiTîr, avec cette feule différen-
ce , que l'arbrifleau fera plus touffu
au-delfus du centre où étoitlatcte
du clou , qu'audeffous, les courans
intérieurs ayant eu plus de peine à
remonter vers ce centre , contre
leur propre poids.
L'expérience faite fur une goûte
de folution expofée au foyer d'un
Microfcope par l'Académicien ,
lui a fait voir distinctement tout le
méchanifmede ces végétations mé-
talliques , tel que nous venons de
le rapporter d'après lui.
Ces végétations fe faifant suffi
72£ JOURNALD
parfaitement fur les verres pu gla-
ces de toutes couleurs; M. de la
Condamine , en couvrant d'une
glace tranfparente la glace colorée
&C chargée de quelque végétation ,
ce qui peut s'exécuter par un
moyen facile , qu'il mdiqne , offre
aux yeux un feul corps ou une feu-
le pierre, vers le milieu de laquelle
on apperçoit une végétation d'au-
tant plus agréable qu'on aura eu
foin de bien alTortir la couleur
avec le métal di flous.
II. La grande réputation d'un fel
purgatif , connu fous le nom de Sel
Polycbrcfte de Seignette , Médecin
de la Rochelle, a piqué la cutiofité
de plulieurs Chimiftes , qui ont ei-
fayé, quoique tort inutilement )uf-
qu'ici , de découvrir la composi-
tion de ce remede,dont l'Inventeur
s'étoit refervé le fecret , qui a paffé
à fes enfans. M. Boni duc a été plus
heureux que les Confrères, dans
cette recherche , & après plusieurs
tentatives , dont il nous donne ici
un détail , &c qui tantôt l'encoura-
geoient , tantôt lui faifoient pref-
que perdre l'efperance , il efl enfin
parvenu à dévoiler ce myftere. Ses
premières expériences fur le fel de
Seignette , où il appercevoit une
odeur de tartre brûlé & un goût li-
xiviel , lui rirent foupçonner d'a-
bord que ce fel pourrait bien être
une efpece de tartre foluble. Mais
l'examen des rendus des diftilla-
rions de l'un & de l'autre le lailfoit
dans l'incertitude fur la nature du
fel lixiviel combiné avec la crème
de tartre pour la rendre foluble
dans le fel de Seignette.
E S SÇAVANS,
Quelques entretiens avec M.
Groffe fçavant Chimifte, fon ami,
lui ouvrirent les yeux , Se h firent
penfer au fel de foude , dont il
trouva qu'une forte leiTîve verfée
toute chaude fur de la crême de
tartre en poudre, puis filtrée, éva-
porée jufqu'au tiers , £c laiilee en
repos dans des terrines , produifoic
au bout de quelques jours des cry-
ftaux tout femblablesà ceux du fel
de Seignette , pour la figure , pour
la tranfparence , pour la faveur ,
pour l'odeur , pour la facilité à fe
tondre dans l'eau froide, lorfqu'ils
font pulvérifés. L'exact Se curieux
Artifte nous donne dans fon Mé-
moire , les plus jufles dofes des
deux fels qui doivent entrer dans
cette compolîtion fi accréditée juf-
qu'à prefent, mais qui n'étant plus
un Ccctct , pourra bien perdre une
partie de fa vogue.
M. Geoffroy , qui, à l'infçu de
M. Boulduc , 'travailloit en même
tems fur la même matière , y fit la
même découverte , Se ils en firent
part à l'Académie l'un Se l'autre ,
dans h même affemblée. On fçait
donc aujourd'hui 3 que le fel poly-
chrefte de Seignette n'eft autre chofe
qu'une crême de tartre rendue fo-
luble par l'alcali de la foude.
111. La fagacité de M. Boulduc
Se fon aflîduité aux opérations chi-
miques non moins utiles que cu-
rieufes , l'ont conduit à une autre
découverte fur la nature du Sel
d'Ebfom , ainfi nommé d'un Villa-
ge voifin de Londies , & où fc
trouve une fource d'eau minérale ,
qui contient ce fel amer. Grew ?
NOVEM
célèbre Médecin Anglois , le fit
connoître au Public vers la fin du
dernier fiécle. Ce fel, d'abord allez
rare , par la petite quantité qu'on
en pouvoit tirer de la lourçe , de-
vint au bout de quelques années fi
commun , Se à fi bon marché, que
la fource entière d'Ebfom , eût-elle
été convertie en pur fcl n'auroit
pu y fournir; ce qui fit juger que
loin d'être produit par la nature,
ce fel fi abondant n'étoit qu'un
ouvrage de l'art. Mais il s'agiiïoic
de découvrir en quoi conliitoir
l'artifice , & le moyen d'y réuiîir à
peu de frais. C'eft fur quoi l'on a-
vû paraître plus de 20 Mémoires
publiés par divers Auteurs , mais
fans toucher au but , & dont l'Aca-
démicien déduit ici les differens
procédez chimiques , Se les réfute
fondement fans épargner même ce-
lui de feu M. Bouiduc fon père, qui
n'eût pas manqué de reconnoître
fon erreur, s'il eût vécu.
Il étoit donc refervé au fils de
trouver ce fel dans l'eau de la mer,
dans celle qui refte après la cuite du
felà Ifigny & à Toucques en Nor-
mandie , Si que les Ouvriers ap-
pellent Boitrons ou Egontes ; dans
l'eau des Salines de Moyenvik
Se de Salins , &c. Se M. Bouiduc
nous rend compte ici des opéra-
tions necelTaires pour tirer un fel
amer de toutes ces eaux , Se qui fé
reduifent à une manœuvre fort
fîmple. Il fuit de là , que nos eaux
falées donnent un fel amer , fem-
blable à celui d'Ebfom vrai ou
faux , par la faveur , Se par la ma-
nière de fe cryitallifejr;. Maisl'Aca-
B R E , 1 7 3 1. 727
démicién a reconnu par différentes
épreuves dont il nous communi-
que ici le dérail , & fur quoi nous
renvoyons à fon Mémoire , que
ces deux fels fereffemblent parfai-
tement à toutes fortes d'égards.
Il s'explique enfuite plus. parti-
culièrement fur la nature de ce fel
amer, qu'il ne croit pas fimple,
mais qu'il regarde comme un mé-
lange du fel de Glauber qui y do-
mine, Se d'une portion de fel ma-
rin qui n'en a pas étéféparée ; l'une
Se l'autre portion faline participant
de cette eau incoagulable , dont elles
ont été tirées , Se qui ne fe diflipe
même pasaifément par le feu; d'où
vient que nos fels amers confervent
toujours une forte d'humidité.
A la fin de fon Mémoire , M.
Bouiduc , pour faire voir qu'on
pourrait fabriquer en France le fel
amer en grande quantité & à un
prix très-modique, s'engage dans un
calcul , d'où il paraît clairement
qu'une feule chaudière de Moyen-
vik , par la quantité d'eau falée
qui y paffe chaque année,fourniroit
au moins de quoi produire 4800
livres de (el amer.
La Botanique n'offre ici que deux
articles , l'un 8c l'autre de M. du
Hamel , Se qui fe lifent dans l'Hi-
ftoire Se parmi les Mémoires. Le
premier roule fur V Anatomie de la-
Poire , Se le fedond fur les Greffes.
Nous parlerons feulement du pre-'
mier.
M. du Hamel continue ici MÂna-
tomie de la Poire , qu'il avoit com- ■
mencée en 1730. par unedeferip-
ûon exacte de Li peau qui couvre
72§ JOURNAL D
ce fruit, Se donc nous fîmes alors
mention dans notre Journal. Il
vient prefentement aux vaifleaux
qu'on découvre fous cette peau, Se
qui appartiennent au corps même
de la poire.
Mais il fe prefente d'abord un
doute à éclaiicir, fçavoir fi ce qu'on
prend ici pour vaifleau eft vérita-
blement un canal , ou fi ce n'eft
qu'une fibre folide , comme l'ont
crû quelques-uns des Obfervateurs
les plus attentifs , pendant que
d'autres ont mieux aimé fufpendre
leur jugement fur ce point. M. du
Hamef lui-même n'a pu apperce-
voir aucune cavité dans ces préten-
dus vaifleaux , ni en expofant au
grand jour des tranches très-minces
des plus gros , ni par le fecours des
meilleurs Microfcopes , qui n'ont
offert à fes yeux qu'une forte de
duvet ou de coton qui occupe l'in-
térieur du filet. L'Académicien ce-
pendant trouve tant d'analogie en-
tre l'idée de vaifleau Se tout ce qui
eft connu d'ailleurs fur la matiè-
re dont il s'agit , qu'il ne peut re-
noncer encore à cette idée , qu'il
appuyé des preuves fuivantes.
1 °. Tout vaifleau qui doit por-
ter , Se distribuer une liqueur
dans toutes les parties d'un corps
organique , doit fe ramifier à l'infi-
ni. Or c'eft ainfi que fc ramifient
ce qu'on nomme vaijpaax dans la
poire , de même que dans les au-
tres fruits Se dans toutes les plan-
tes. Ils portent donc une liqueur Se
font de véritables vaifleaux.
' i°. Il eft manifefte que les vaif-
feaux de la poire ne font qu'un al-
ES SÇ A VAN S,
longement de ceux de la queue ,'
que ceux-ci partent également de
ceux de la branche , Se que ces der-
niers font continus à ceux du
tronc. Or il eft certain que ceux-ci
apportent & diftribuent dans le
tronc un fuc nourricier qu'ils tirent
de la terre. Ils ont donc la même
fonction dans la poire , Se par con-
fequent ils font toujours vaifleaux.
3°. L'incifïon faite aux plantes
remplies d'un fuc coloré , le fait
fortir , non de tout le parenchyme
de la plante , mais de quantité de
petits points diftinifts , qui ne peu-
vent être que des orifices de vaif-
feaux coupés. Or pourquoi ne pas
admettre de pareils vaifleaux dans
le Parenchyme de la poire ?
4*. Si le parenchyme d'un fruit
n'étoit qu'une fubftance cotoneufe,
où les fucs ne fuflent portés que
par imbibition\\& peau n'en feroit pas
plutôt féparée qu'on en verroit ex-
uder ces lues de tous cotez -, ce qui
n'arrive pas, à moins qu'on ne ra-
tifle le fruit , parce qu'alors on dé-
truit grand nombre de vaifleaux.
5°. Rien ne prouvant mieux
1 exiftence des vaifleaux queles in-
jections , l'Académicien en a fait
avec fuccès dans quelques plantes
du genre des rofeaux.
De ces preuves , M. du Hamel
pafle à l'examen des vaifleaux re-
connus pour tels; Se il en fait trois
efpeces ; les vagues t \esfpermatiqnes
Se les nourriciers -, tous originaires
des vaifleaux de la queue" , où ils
forment un faifleau étroit &long,
couvert de fes tégumens t Se dont
l'intérieur contient une fubftance
plus
NOVEMB
plus molle & plus fine. Parvenu
jufqu'à la fubftance pierreufe , il fe
défunit Se fe partage en pluiîeurs
faifleaux moindres , dont les uns fe
jettant fans ordre dans le parenchy-
me de la poire , s'y épanouiffent en
une infinité de petits rameaux ; &
ce font là les vaifleaux f«gtt« de M.
du Hamel. D'autres failTeaux fe
courbant en arc vers le milieu de la
poire , fe rapprochent enfuitc pour
fe rendre tous à l'ombilic ou au ro-
cher , d'où partent les étamines Se
les pétales eflentiellement neccflai-
res à la génération des plantes; d'où
ces vaifleaux reçoivent chez 1 Aca-
démicien le nom de fpermœticjua.
Enfin le refte de ces failTeaux en fe
prolongeant fans fe détourner fe
terminent aux pépins & à leurs en-
veloppes , où ils nourriflent la fe-
mence ; ce qui leur a fait donner le
nom de nourriciers par excellence.
C'eft donc de tous ces faifleaux
wafculeux fubdivifés en vaifleaux
capillaires Se entrelaffés enfemble ,
que naiflent , non feulement le pa-
renchyme Se la peau de la poire ,
mais auffi en partie les glandes de-
ftinées aux feerctions des fucs. Or
ces glandes , comme on l'a dit en
1730. font les pierres du fruit : &:
elles doivent fe pétrifier d'autant
plus qu'elles perdent leur fonc-
tion de glandes. C'eft: ce qui arrive
au rocher de la poire , lorfqu'après
la chute des étamines Se des péta-
les , dont en qualité de glande il
filtroit Se preparoit le fuc nourri-
cier , il s'endurcit de plus en plus ;
Se le fuc qu'il cette de tranfmettre ,
refluant dans les vaifleaux fpermati-
Novembre,
RE, 1734. 729
cjues , ceux ci ne font plus qu L of-
fice de vaifleaux vagues dul.nés à
nourrir & a groflîr !e parenchyme
de la poire.
M. du Hamel vient enfin à la
partie la plus importante de tout le
fruit , & ce font les pépins ou fe-
mences logés deux à deux en cinq
capfulcs vers le milieu de la poire ,
Se enveloppés de dix branches des
vaifleaux fpermatiques plus groffe s
que les autres , dont cinq répon-
dent alTez jufte aux capfules, Se les
cinq autres aux intervalles de cel-
les-ci : fans compter les vaifleaux
nourriciers , qui appartiennent le
plus vifiblement aux pépins.
La méchanique de ces pépins
auffi compliquée qu'importante , a
été obfcrvée ici dans tous les chan
gemens avec la même attention
que l'on apporte à fuivre ceux qui
de jour en jour arrivent au poul.t
dans l'ceut : fur quoi nous ne pou-
vons que renvoyer à l'Auteur. Tou-
tes ces obfervations font aoperce-
voirfucceilivement la naiffance des
parties mafeuhnes , qui font les éta-
mines Se les pétales; celle du piftilc,
qui eft la féminine , leurs envelop-
pes, leurs appendices , une efpcce
de pLicenta : mais on ne voit point
comment la poufliere des étamines
va féconder dans le piftille les pé-
pins naiflans ; ce qui eft pourtant
le plus fin Se le plus curieux du mi-
ftere.
M. du Hamel eft perfuadé que
toute la fubftance du pépin , ex-
cepté fon germe, qui eft un poi-
rier en petit , n'eft employée qu'à
la nourriture du germe pendant
Nnnn
7jo JOURNAL D
l'accroiflemeut du pépin , pour de-
venir enfuite le premier aliment
de l'arbre naiffant iorfque le pé-
pin fera mis en terre. C'eft de quoi
l'Académicien s'eft allure par une
expérience qu'il rapporte d'un cer-
neau de noix encore tout glaireux,
mis a la cave , & après un certain
tems trouvé prcfque auflî dur &
aufli bien formé que s'il fût refté
fur l'arbre. C'eft de quoi l'on verra
un dérail plus étendu dans le Me-
moire-meme.
Parmi les articles concernant les
/Mathématiques j il y en a de 67»
métrie , d' Agronomie y de Géogra-
phie 3 de Chronologie & de Mécha-
vique.
Les articles de Géométrie font au
nombre de huit. Le premier , fur
les lianes du quatrième ordre , eft de
M. l'Abbé de Bragelagne. Le fé-
cond , fur la féparation des'lndéter-
mif.ées , eft de M. de Ma.upcrtuis.
Letroifiéme , fur les Sellions coni-
ques , eft de M. Nicole. Le quatriè-
me , fur Us Centres de gravité • eft
de M. Clairaut. Le cinquième , qui
eft de M. de la Çondamme , roule
fur une nouvelle manière de conpierer
les Sellions coniques , & le fixiéme ,
encore de M. de Mdupenuis , fur
un Problème Afl>onomtque de M.
Mayer. Dans le feptiéme , dû en-
core à" M. Clàiràut , il eft queftion
des Courbes que l'on forme en coupant
une furface courbe quelconque par un
plan donné a p option : & dans le der-
nier , qui eft encore de M. Nicole ,
il s'agit de la manière d'engendrer
dans un corps folide s toutes les lignes
d'i troip.me ordre. De tous ces arti-
E S SÇAVANS,
clés , il n'y a que le premier qui pa-
roilTe dans l'Hiftoire & parmi les
Mémoires. Tous les autres font en-
tièrement renvoyés aux Mémoires.
Nous parlerons du premier , du
quatrième , du hxicme -} Se du hui-
tième.
I. Le Mémoire de M. l'Abbé de
Bragelonne imprimé dans ce Volu-
me , fait la troihéme Se dernière
partie de la première Section de
"fon Traité fur les lignes du quatriè-
me ordre qui font les Courbes du
troisième genre ; Se les deux pre-
mières parties de cette même Sec-
tion remplirent deux Mémoires
très étendus publiés dans le Volu-
me de 1750. Il lcmblc que l'Au-
teur auroir dû naturellement ren-
fermer la Théorie des ofadations Se
des Lemnifcates infiniment petites
dans fon fécond Mémoire , Si. y
comprendre en même tems l'appli-
cation de cetreThéorie aux lignes du
quatrième ordre. En effet , ces ofeu-
Unions Se ces Lemnifcates infiniment
petites étant des elpeces de points
multiples , avoient beaucoup plus
de rapport avec les points doubles
qu'avec les points triples , aufquels
feuls étoit deftinée cette féconde
partie. Mais comme route cette
dilcuiïion n'auroit pu être conte-
nue dans les bornes prefentes au
fécond Mémoire , à moins que d'y
faire quelques retranchemens d'ail-
leurs , au rifque d'y répandre de
l'obfcurité ; l'Auteur a jugé plus à
propos de renvoyer à la tête de cet-
te troiliéme partie tout ce qui con-
cerne ces deux fortes de points
multiples.
N O V E M
ïls ont beaucoup de proprietez
qui leur font communes avec les
points doubles , Si fur-tout avec
ceux de rebrouflement ; mais fans
rien avoir de commun avec les
points triples , excepté que les li-
gnes algébriques ne commencent
d'en devenir fufcepcibles que dans
le quatrième ordre. L'Académi-
cien montre enfuite la manière
d'appliquer aux lignes du quatriè-
me ordre la Théorie déduite dans
les articles 5 3 & 54 de fon premier
Mémoire , où il a établi des règles
pour connoître fi un point donné
fur une ligne donnée eft triple , &
de quelle efpece. Enfin il traite
d'une nouvelle forte de point mul-
tiple qu'il nomme Lemnifcéros
infiniment petit , &c qui eft un point
triple, invifible fur le plan & adhé-
rant à li courbe, mais très-différent
néanmoins de celui dont on a parlé
dans les articles 59 &c 60 du pre-
mier Mémoire. La dénomination
de ce point lui vient de ce qu'il eft
produit dans un efpace infiniment
petit par un entrelacement de la
courbe pareil à ces entrelacemens ap-
pelles w.ûgaiïementLaqs-d'amotii'.
La raifon pourquoi l'Auteur ,
dans fon premier Mémoire, n'a
pas annoncé ce Lemmfceros 3 c'eft
(dit- il) que celui-ci fuppofant
trois interférions de la même
courbe à certaines diftances les unes
des autres , on a jugé qu'il étoit
necelTaire de démontrer qu'une li-
gne du quatrième ordre pouvoit
avoir trois interférions , avant que
l'on pût taire voir que ces interfec-
tions en s'appiochant infiniment
B R E; I7J4. 7$r
les unes des autres , pouvoient en
certains cas former ce qu'on nom-
me ici un Lemmfceros infiniment pe-
tit. Or comme ce n'eft que par les
articles 83 &c 84 du fécond Mémoi-
re que M. l'Abbé de Brar?elo<:ne a
emonrrc qu 11 pouvoit y avoir
trois points d'interfeétion fur une
même ligne du quatrième ordre
il s'eft vu obligé en quelque maniè-
re de rejetter la Théorie des Lem-
mfceros infiniment petits dans ce troi-
fiéme Mémoire , pour les articles
duquel il a fuivi le même arrange-
ment que pour ceux des deux pre-
miers Mémoires. Nous renvoyons
pour le détail de celui-ci à l'extrait
circonftancié qu'en a donné M. de
Fontenelle.
IV. Ce que M. Clairaut nous
communique dans fonMemoirefur
les centres de gravité t n'eft point
une nouvelle méthode de les trou-
ver. Ce n'eft qu'une manière d'a-
voir les formules déjà trouvées, la-
quelle lui paroît plus fimple que
celle qu'on a coutume d'employer.
En effet ; la lîenne ne fuppofe que
le principe le plus fimple de la mé-
chanique, fçavoir; Que pour trou-
ver le centre de gravité de deux
corps, il n'y a qu'à divifer en rai-
fon réciproque des poids de ces
deux corps la ligne qui joint leurs
centres de gravité.
En vertu de ce principe 3 l'Aca-
démicien confidere la figure qu'on
lui propofe comme variant d'une
différence infiniment petite , &
prenant le centre de gravité de cet-,
te différence ou de cet accroiffe-
ment de la figure , lequel centre eft
N n n n ij
7J2 JOURNAL DE
toûJQHtS très - facile à trouver -, il
fuppofj une ligne tirée au centre
de gravité cherché de la figure pro-
pofée. Après quoi , divifam: cette
ligne dans la raifon du petit poids
d'accroiffement au poids de la figu-
re donnée , c'eft-à-dire , -dans la
laifon de la différence de la figure
donnée , à la figure-même , il for-
me une équation , qui lui détermi-
ik le centre de gravité des deux fi-
gures -, ainfi qu'on peut le voir
dans les trois exemples qu'il propo-
ic , & aufquels nous renvoyons le
Lccleur.
VI. M. de Maupertuis , d.ins fon
Mémoire fur un Problème Ajlrono-
rnicjue , nous informe que Mi
Mayer placé dans un des Pays du
monde les plus propres r. obferver
l'aurore boréale , a publié fur ce
fujet une Differtation imprimée
dans les Mémoires de l Académie
Impériale de T^njfr , pour l'année
\-]i6. Il y prouve par des raifons
tirées de l'Optique , que les auro-
res boréales font formées d'une
matière lumineufe , difpofée au-
tour de la terre , félon quelque
cercle parallèle à l'équateur. Cela
pofé , M. Mayer donne une règle ,
fans figure ni démonltration , pour
découvrir par une feule obferva-
tionladiftance de ces aurores ; &
il fe referve à démontrer cette règle
dans un autre tems.
Mais comme cette démonfrra-
tion n'a point encore paru dans les
Mémoires de Péterfbourg de 1717.
les derniers qu'on ait vus enFrance;
M. de Maupertuis , qui la regarde
comme pouvant être fort utile , l'a
S SÇAVANS ,
cherchée , 6c nous l'expofe ici en
très- peu de mots ; obfervant au
furplus j qu'il fe trouve une taute
d'impreflîon dans les dénomina-
tions de M. Mayer , où il dit :
cj —fin. élevât. Poli t au lieu de
cj — cofin. élevât. Poli.
VIII- Le Mémoire de M. Nico-
le , fur la manière d 'engendrer dans
un corps fonde toutes les lignes du
troifiéme ordre , eft dû à ce qu'avan-
ce M. Newton en terminant fon
dénombrement des lignes de ce
troifiéme ordre. Il y dit que toutes
ces lignes peuvent fe former par un
point lumineux , qui répandant
une infinité de rayons fur un plan ,
où feroit tracé l'une des paraboles
divergentes du troifiéme ordre ,
l'ombre de ce plan reçu fur un au-
tre plan quelconque formera toutes
les lignes du troifiéme ordre. C'eit
de quoi perfonne jufqu'ici n'a don-
né la demonftration ; du moins
nVif. - i-i point venu à la connoif-
fanec de M. Nicole } que la chofe
ai tété exécutée.
C'eft donc cette démon fhation
qui fait le fujet de ce Mémoire,
dans lequel l'Auteur fuit la même
méthode qu'il s'eft preferite il y a
quelque tems dans un Mémoire ,
où il conlideroit la fuite de l'infini-
té de fections coniques engendrées
par la double révolution entière
d'un plan fur un pivot attaché à
un point de la furface convexe du
cône. Ce premier Mémoire doit
erre fu-ivi d'un fecend , où l'Aca-
démicien achèvera d'approfondir
cette matière.
M. de Fontenelle , à la fin des
N O V E M
articles concernant la Géométrie ,
nous rend compte de deux Ouvra-
ges prefentés à l'Académie , &
où l'on met en œuvre les idées
employées dans les Elément de la
Géométrie de l'Infini. L'un de ces
Ouvrages eft un Ecrit fur les voû-
tes , par M. Chardon : l'autre eft
une Théorie de la Courbure des
Courbes compofée par M. Fontai-
?ies.
Des fix articles A'Aflronomie con-
tenus dans ce Volume , le premier
fur le mouvement réel des Comètes ,
eft de M. Caffini , & fe lit dans
l'Hiftoire &c parmi les Mémoires.
Le fécond eft l'extrait des Objerva-
tions faites à la Louifiane , compo-
fé par le même Académicien : le
troifiéme eft un Ecrit de M. Godin
fur le quart de cercle agronomique
fixe : le quatrième comprend les
Obfervations de l'Eclipfe Lunaire du
vingtième Juin , par MM. Cajjlni ,
Godin &c Grandjean , lefquelles
rempliffent deux Mémoires : le
cinquième article eft la Méthode de
M. Pi tôt , pour tracer les lignes cor-
refvondantes ou des minutes aux
grandes méridiennes : & le dernier
eft l'Ecrit de M. Grandjean , fur la
forme la plus avantageufe qu'on fuijji
donner aux Tables slftronomiques.
Ces cinq derniers articles font ab-
folument renvoyés aux Mémoires.
Nous dirons quelque chofe du pre-
mier cV du cinquième.
I. M. CaJJîni a démontré que le
mouvement delà Comète obfer-
vée en 1729. & 1730. quoique
contraire en apparence à celui de
tout le S) ftême Solaire, ne pou-
B R E, 1754. 7jj
voit cependant être que direct.
Mais il ne fulfîroit pas que le mou-
vement rétrograde de cette Comè-
te ne fût qu'apparent ; il faudroit
pour le maintien des tourbillons
Cartéfiens & pour l'uniformité
qu'il en fût de même de tous les
mouvemens rétrogrades apperçûs
à d'autres Comètes ; & c'eft en
vue d'établir autant qu'il feroit
polîible une telle uniformité que
le fçavant Aftronome examine tou-
tes les Comètes dont on a des Ob-
fervations affez certaines Se alTcz
détaillées. Il pafle donc en revue
l6 Comètes qui fans compter celle
de 1472. d'où part M. Callïni , ont
paru dans l'efpace de 200 ans ,
c'eft-à dire depuis 15 31. jufqu'à
prefent , dans 20 defquelles on a
obfervé le mouvement direct , &:
dans les 16 autres, le mouvement
rétrograde, comme on peut le voir
par le détail qu'en donne M. Caffi-
ni , de dans lequel nous ne pou-
vons le fuivre. Nous nous renfer-
merons dans l'expofition de ce
qu'il prétend , & des moyens géné-
raux qu'il employé pour l'établir.
Il prétend que parmi toutes ces
Comètes palfées en revue, il n'y
en a aucune des rétrogrades dont
le mouvement ne puifte être repre-
fente comme toujours réellement
direct , de même que le mouve-
ment toujours direct de toutes les
Planètes Solaiies paroît quelque-
fois rétrograde : ce qui arrive aux
Planètes fuperieures , lorfque la
Terre paffe entre elles & le Soleil ,,
& aux inférieures lorfqu'clles paf-
ftnt entre le Soleil 5c la Terre. Cetv
:J4 JOURNAL D
te rétrogradation apparente a quel-
que latitude, étant de quatre mois
&c demi pour Saturne , & feule-
ment de 18 jours pour Mercure.
Une Comète qui fe meut au-delTus
de l'orbe annuel de la Terre , peut
être regardée comme une Planète
fuperieure ; & comme une Planète
inférieure , fi elle fe meut au-def-
fous ou au-dedans de cet orbe. Elle
aura donc les apparences de l'une
ou de l'autre Planète , pourvu
qu'elle fe trouve dans les circon-
ftances neceftaires à celle-ci. Mais
la durée de rétrogradation , dans
une Comète ne fçauroit être déter-
minée.
Puifqu'on n'apperçoit les Co-
mètes que lorfqu'elles font le plus
voifines de la terre ; rien n'eft plus
convenable que de les rapportera
l'orbe annuel de celle - ci ; d'où ,
après un certain rems elles fe déro-
bent à nos yeux , foit en s'éloi-
gnant de la Terre &C du Soleil , Ci
elles étoienthors de l'orbe annuel,
foit en s'éloignant de la Terre &
s'approchant du Soleil , il elles
étoient au-dedans de cet orbe. De
ces deux cas en naît un troihéme ,
lorfque la Comète traveifc l'orbe
annuel , foit pour y entrer , foit
pour en fortir ; & il n'eft pas diffi-
cile d'en imaginer les fuites, par
rapport à la rétrogradation appa-
rente.
11 eft fort vraifemblable , com-
me le fuppofe M. Caffini , que la
vîtelTe réelle des Comètes confide-
rées comme Planètes Solaires , eft
d'autant plus grande qu'elles font
plus voifines du Soleil, quoique ce
ES SÇAVANS,
ne foit pas tout-à-fait en même rai-
fon ; i°. Parce qu'une Planète dont
la diftance au Soled varie peu ,
prend une vîcelfe à peu- près con-«
fiante èv que rien n'altère, ce qui ne
fe rencontre pas dans une Comète :
i°. Parce qu'une Planète eft tou-
jours à peu - près dans un cercle ,
dont le Soleil eft le centre ; au lieu
qu'une Comète décrit un cercle
très-excenrrique au Soleil.
Il fuffit donc que dans le cas où
la Comète eft fuppofée traverfer.
l'orbe de la terre , on puilte lui at-
tribuer une vîteife réelle appro-
chante de celle de la terre ; & c'eft
à quoi M. Caffini ne manque pas
de s'aflujettir dans toutes les autres
déterminations. lia foin deles ren-
dre capables de reprefenter les va-
riations qu'on obferve dans la
grandeur du corps ou de la tête de
la Comète : variations regardées
comme réelles par Hevelins , ce
qui feroit plus commode , mais ce
qui n'eft guéres croyable.
Une forte d'avantage pour le
. me de M. Caffini , c'eft qu'on
peut fouventen plus d'une maniè-
re fappofer direct un mouvement
de Comète lequel aura paru rétro-
grade. Ce qui vient de l'ignorance
où l'on eft fur la diftance réelle de
la Comète à la terre ou au Soleil :
6v c;* qui , par confequent, laine
toute la liberté de regarder la Co-
mète ou comme Planète fapérieu-
re , ou comme Planète inférieure ,
& cela, dans les trois difpoiîtions
qui appartiennent à ces Planètes.
Mais cette indétermination ne ftib-
fifte que rarement } eu égard à ton-
N O V E M
tes les circonftances de la Comète,
lefquellcs font quelquefois n* favo-
rables à un certain mouvement
dired déterminé de certaine façon,
qu'il ne refte plus d'incertitude. Il
en relie encore moins entre la fup-
pofition du mouvement direct. , &
celle du rétrograde confédérés l'un
ou l'autre comme abfolument
réels : ces fuppofitions - même
ayant lieu, dans le cas où le mou-
vement apparent ou obfervc n'a
été que direct ; tant il refte encore
d'indétermination dans la Théorie
des Comètes. Mais s'il eft vrai ,
comme ill'eft en effet , que pour
fatisfaire à tous les Phénomènes ,
le mouvement direct l'emporte de
beaucoup furie rétrograde , pour-
ra-t-on fe refufer à la conclulîon
générale qui en refulte ?
A l'égard des retours des Comè-
tes, l'hypothéfe en paroît encore
trop peu certaine à M. Caflîni, qui
n'oublie pas d'indiquer celles
qu'on pourroit prendre pour les
mêmes qui reviennent. Les retours
douteux [ dit fur cela M. de Fonte-
nelle.] & qui auront befoin qu'on Les
ajnfle à l'hypothéfe , prouveront peu ;
les inconteflables , ou qui approebe-
-rom beaucoup, fe feront apparemment
attendre long-tems.
V. Pour connoître non feule-
ment le tems vrai du mouvement
du Soleil j mais encore toutes fes
varietez , on n'a point de plus
grand inftrument aftronomique
qu'une grande méridienne tracée
avec toute l'exactitude pofnble.
Mais pour donner àl'ufagedeces
lignes plus d'étendue & de com-
B R E ; 1754. 755-
modité , on trace aux cotez de la
Méridienne plufieurs lignes appel-
lées correfpondantcs , & fur lef-
quellcs l'image du Soleil indique
exactement les minutes avant &
après midi ; en forte que ces lignes
tracées avec toute la précifïon re-
quife donnent l'heure en tems vrai
avec autant de jufteffe que la Mé-
ridienne - même. Elles font d'une
commodité d'autant plus grande,
qu'il arrive fouvent que quelques
nuages ou quelque retardement
font manquer le moment du paffa-
ge de l'image folaire par la Méri-
dienne.
C'efl donc pour tracer ces lignes
des minutes indépendamment des
règles ordinaires fournies par la
Gnomonique , que M. Pitot donne
ici une Méthode nouvelle & analy-
tique pour les déterminations de
ces lignes ; & il nous fait efperer
une application de cette Méthode
à la refolution de prefque toutes
les queftions de la Gnomonique;
étant perfuadé que les voyes les
plus fimples font les plus avanta-
geufes , fur - tout pour les opéra-
tions délicates & qui exigent une
grande exa&itude. S'il s'engage fur
ce point dans des détails très-parti-
culiers , c'eft uniquement en vue
de montrer que les formules algé-
briques renferment tous les cas
poflîbles , & qu'on peut mettre
utilement en œuvre fa Méthode
pour avoir des folutions générales
d'un grand nombre de Problêmes
Aftronomiques.
La Géographie n'offre dans ce
Volume qu'un fcul article entière-
-H<5 JOURNAL DE
ment renvoyé aux Mémoires. Il
contient les recherches de M. Bua-
che fur l'étendue de l'Empire d'Ale-
xandre. L'Académicien a eu pour
guides dans ces recherches , les
Recueils de feu M. Delifle fon
beau-pere qui avoit raffcmblé fur
ce point plulîeurs matériaux , auf-
quels M. Buache ajoute fes propres
conjectures.
La partie occidentale de l'Em-
pire d'Alexandre fe reduifoit aux
Pays contenus entre 1 Epire , la
Béotie Si la Thrace. L'Orientale
comprenoit tous les Pays fournis
aux Perfes , à l'exception de la Bi-
thynie, du Royaume de Pont , de
la grande Arménie , de l'Atropa-
téne , comme on peut le voir fur la
Carte dveflèe félon le Syftême de
M. Delifle , Si félon celui des au-
tres Géographes , afin que l'on
puifle d'un coup d'oeil en apperco
voir les différences : & dans cette
vue, on y répète le nom & la pofi-
tion des mêmes Villes, placées à
difTerens degrez de latitude Si de
longitude.
L'Auteur confidere comme un
premier Méridien celui de Byzan-
ce , qui eft. ici le même dans l'un &
l'autre plan. A mefure qu'on s'é-
loigne de ce Méridien vers l'O-
rient la différence des deux plans
devient plus fenHble , Si l'eft
fur - tout à l'extrémité où fe trou-
ve la fomme des différences ac-
cumulées. Suivant l'ancien Syftê-
me , l'Empire d'Alexandre s'éten-
doit de Byzance au Gange , terme
des conquêtes de cePrmce,parl'ef-
pace de 58 degrez ; au lieu que fui-
S S Ç A V A N S ,
vant M. Dehjls la diftance entre
ces deux lieux n'eft que de 47 de-
grez 50 minures 30 fécondes : ce
qui fait une différence d'environ
10 degrez.
La reformation faite par M. De-
lifle à la longitude des divers Pays
de cette partie Orientale eft: ap-
puyée fur les Obfervations Aftro-
nomiques de M. de Chattlles à
Alexandrie Si à Alcxandrette , &
du V.Feuillée à Smyrne: Si au défaut
d'Obfervations d'Aftronomes Eu-
ropéens , il a eu recours à celles des
Orientaux , lefqut lies font rappor-
tées dans lesTables de Najftr Eddin
Se à'Oidoiigeg, La conformité de
quelques longitudes données par
ces Orientaux avec celles qu'ont
déterminées nos Aftronomes pour
les mêmes endroits forme une pré-
emption très - favorable aux Ob-
fervations des premiers. A toutes
ces Obfervations on a joint pour
la jufte pofîtion des Villes de l'O-
rient le fecours des Itinéraires Si.
des routes des Voyageurs les plus
exacts : Si comme parmi ces Villes
il y en a plusieurs dont les noms
anciens font connus avec certitude,
elles ont fourni comme autant de
points fixes pour trouver les au-
tres.
D'ailleurs , les Ecrivains de
l'Hiftoire d'Alexandre marquent
la mefure de toutes les marches de
fon armée -, Si les plus importantes
de ces mefurcs prifes exactement
par les Géomètres ou Arpenteurs
qui accompagnoient ce Prince 3
font venues jufqu'à nous. Ces me-
fures par rapport aux différentes
Villes
NOVEM
Villes qu'Alexandre a parcourues
s'accordent avec celles qui reful-
tent des Obfcrvations. Mais il faut
pour trouver cette conformité ,
fuppofer que les ftades employées
par les Arpenteurs d'Alexandre
étoient beaucoup plus petites que
celles des Géographes pofterieurs :
& c'eft ce .que juftihe M. Buache
par divers exemples ; d'où il fuit
que félon M. Delifle, ces Arpen-
teurs s'étoient fervis des mêmes
ftades que les Aftronomes dont
Ariftote rapporte l'opinion tou-
chant la mefure de la terre.
Or ces Aftronomes comptoient
environ un ftades au degré : &
cette fuppolîtion de M. Dehjlefat
difparoître toutes les difficultez
qui naiffent des autres hypothéfes.
Les marches d'Alexandre & de fon
armée n'auront plus rien d'incroya-
ble. Un corps de fa Cavalerie ( fé-
lon l'Auteur ) aura pu faire en 1 1
jours par une marche forcée , en-
viron 168 lieues de 25 au degré ,
pour paffer de la Capitale des
Dranges à Ecbatane : [ & ce n'eft
que 24 de ces lieues pour chaque
journée , de non 45 ou 54 félon
les mefures à'Eratojlhéne & de Pto-
lomêe. ] Alexandre, avec une partie
de fa Cavalerie &c de fon Infanterie
péfamment armée , aura pu faire
en trois jours 36 lieues ou 500 fta-
des en allant du Jaxarte à Maracan-
de : ce n'eft que 12 lieues par jour
&c non 25 , fuivant l'opinion com-
mune. M. Buache trouve des mar-
ches pour le moins aufli fortes
dans l'Hiftoire moderne. Déplus,
la diftance de 10290 ftades mar-
Novtmbre.
B R E, 1754; 737
quées par les Arpenteurs d'Alexan-
dre entre les Villes d'Ecbatane &c
d'Aria réduite en degrez fuivanc
l'opinion des Aftronomes d' Arifto-
te donne 9 degrez 16 minutes
d'un grand cercle ; & celle qui re-
faite des Obfcrvations Aftronomi-
ques eft de 8 degrez 57 minutes ;
ce qui ne fait qu'une différence de
19 minutes ou 350 ftades, à défal-
quer pour la courbure des che-
mins ; ce qui eft peu confîderablc
fur 10290 ftades.
M. Buache , en terminant fon
Mémoire , nous rend un compte
exact des changemens faits par M.
Delijle aux latitudes de tous les
Pays compris dans la Carte ; fur
quoi nous pafTons légèrement , &C
nous renvoyons pour plus grand
éclaircifTement à i' Académicien-
même.
L'article de Chronologie concerne
l'Ouvrage manuferit de M. Fillioly
Profeffeur en Hydrographie à Ag-
de. Cet Ouvrage, communique à
l'Académie , eft intitulé: Nouvelle
diftribution politique d,t tems. L'Au-
teur s'y eft propofé de déterminer
le jour delà Pâque par des calculs
tires des Tables Aftronomiques, &
en abandonnant les déterminations
établies par le Calendrier Grégo-
rien. Quelque juftes qu'ayent paru
fes calculs , & quelque fçavantes
que foyent fes recherches fur les
principes de la Chronologie & fut
les Calendriers des differens peu-
ples ; comme fa nouvelle diflribution
ne remedieroit pas à tous les in-
conveniens , M. de Fontenelle
trouve que , tout confideré , l'Egli-
O o 00
738 JOURNAL D
fe a fort prudemment fait de s'en
tenir au Calendrier Giégorien ,
faut* à y faire dans la fuite du Ccms
quelque reforme , fi on le juge ne-
ceiîaire.
La Méchanicjitc nous prefente
ici cinq articles. Le premier fur les
toits ou combles de charpente } eu de
M. Couplet : le fécond fur la refï-
flance de l'Ether au mouvement des
corps, eft de M. l'Abbé de Molieres:
Le troiiiéme fur le jet des bombes y
eft de M. de Maupertuis : le qua*-
triéme fur les mouvemens faits dans
des milieux qui fe meuvent , eft de
M- Bouquer. Ces 4 articles fe lifent
dans l'Hiftoire &c dans les Mémoi-
res. Le cinquième entièrement ren-
voyé à ceux-ci, eft la Defcription
d'une Machine de M. d'Onz.embrayy
pour mef tirer fur mer l'angle de la li-
gne du vent & de la quille du Vd'if-
feau ; comme auffi l'angle du méridien
de la Boujjôle avec la quille, & l'an-
gle du méridien de la bouffole avec la
ligne du vent. Nous donnerons une
idée du premier & du troifiéme.
I. On remarque dans les toîts de
prefque tous les bâtimens ordinai-
res un défaut qui confifte en ce que
la charge fait toujours plier la panne
ou pièce de bois , placée , lorf-
qu'elle eft feule , à peu-près fous le
milieu de la longueur des che-
vrons , pour les foùtcnir -, & que le
fléchiiîement de cette panne occa-
fionne neceflairement celui du faî-
te. On remedieroit en quelque for-
te au flechiftement de ces pannes ,
en les faifant d'un plus grand
iquarriffage , ou en diminuant la
grandeur des travia, Mais outre
ES SÇAVANS,
que les pannes d'un fi grand équar-
riiTage deviendroient tres-cheres ;
quelque g-.olTcs qu'elles foient ,
elles céderont enfin à leur propre
poids & à la charge quelles por-
tent , fur-tout fi elles font vertes ,
comme on les employé d'ordinaire
dans les campagnes.
C'eft pour corriger ce défaut
des toits, que M. Couplet en a ima-
giné une nouvelle conftruclion, au
moyen de laquelle , lans diminuer
les travées Ce fansgrolhr les pan-
nes , aufquelles on pourroit fubfti-
tuer les moindres brins de bois ,
qui font à bon marché ; ceux - ci
fervii oient uniquement à mainte-
nir la forme du toit fans en fouffrir
aucune charge , dont ils foulage-
roient en même tems les murail-
les. Cette nouvelle conltruclion fe
réduit à faire les combles en man-
farde , où la panne de brifis ne foit
point chargée par fon comble,
ainfi qu'elle l'a été jufqu'à prefent.
Pour cela M. Couplet propofe
de faire aiTembler les chevrons par
leurs bouts , deux à deux, à te-
nons & mortoiles en forme de
charnière , ou bien à mi - bois, 8c
de les cheviller à l'endroit où la
panne de brifis devroit être natu-
rellement ; & d'arrêter à l'ordinai-
re chacun des autres bouts de ces
chevrons , l'un brandi fur le taîte ,
& l'autre attaché dans fon pas fur la
fabliereou platte-formc qui lui eft
deftinée. En quoi il n'y a d'autre
difficulté , que celle de trouver
pour la panne de brifis la pince où
l'équilibre du toit entier fe puifte
rencontrer } fans aucune détermi-
N O V E M
nation à charger cette panne , la-
quelle , en ce cas , pourra être auflî
foible que l'on fouhaitera , puif-
qu'à la rigueur on pourroit totale-
ment la fupprimer.
C'cft à cette recherche , que M.
Couplet employé prefque tout fon
Mémoire , où il met en œuvre
toutes les opérations , toutes les
conftruclions géométriques necef-
faires pour une pareille découverte.
Nous y renvoyons le Lecteur ainh
qu'à l'extrait détaillé qu'on en
trouve dans la partie hiitorique de
ce Volume.
III. Si M. Couplet vient d'em-
ployer ingénieufement la Géomé-
trie Méchanique pour perfection-
ner l'art de conftruire les toits ou
combles des bâtimens & pour les
rendre plus durables : M. de Mau-
pertuis, d'un autre côté , ne fe rend
pas moins ingénieux dans le même
genre , pour faciliter l'art de les
détruire Si de les abîmer à coups de
bombes. C'eftce qu'il appelle Bal-
lijîique Arithmétique ; fur laquelle
on a déjà un grand nombre de
Traitez. Le fien a cela de fingulier,
qu'il contient en deux petites pages
tout ce que renferment les plus gros
volumes fur cette matière , & le
contient d'une manière plus direc-
te & plus commode pour l'exécu-
tion , que ne l'offrent les conftruc-
tions géométriques fondées fur les
proprietez du cercle & de la para-
bole. Pour bien comprendre la mé-
thode de l'Académicien déduite en
fi peu de mots dans fon Mémoire ,
il faut lire l'article qu'en a fait M.
de Fontenclle dans la partie hiftori-
B R. E ; ï 7 j 4. 7îp
que. Il fe plaint d'être obligé [ dit-
il ] de retrancher k ce Mémoire une
partie de fon mérite, c'eft- à - dire,
l'extrême brièveté pour le mettre à 1a
portée de toutes fortes de Géomè-
tres. Ce que donne là-deffus l'Hi-
florien remplit quatre bonnes pa-
ges ; aufquelles nous renvoyons.
Il termine les articles de Mécha-
nique par l'Extrait d'un Livre de
M. Pitot t intitulé : la Théorie de la
manœuvre des Vaiffeaux réduite en
pratique , ou les principes & les rè-
gles pour naviguer le plus avantageu-
fetnent qu'il cfl pejfible.
Les Machines ou Inventions ap-
prouvées par l'Académie en 175 1.
font i°. Un projet de M. Gallon t
pour lancer les Vaiffeaux à la mer
avec moins d'inconveniens Se plus
de facilité, que par la pratique or-
dinaire. 20. Une Machine de M. du
Buijfon, Ingénieur, pour empêcher
que les monnoyeurs, en mettant
les pièces fur les quarrez du balan-
cier pour y être marquées , ne cou-
rent le rifque d'avoir les doigts
écrafés. 30. Une Machine de M.
Jean-Baptifte le Brun , exécutée à
Sève, & au moyen de laquelle l'eau
fournie par une chute foit naturel-
le , foit artificielle , s'élève d'elle-
même Se fans aucun moteur, à une
hauteur confiderable. 40. Un In-
itrument prefenté par M. Mèan t
où il a réuni les ufages de plusieurs
Inftrumens déjà connus , du quar-
tier de réduction , du Cadran So-
laire horizontal , du vertical méri-
dional , Se qui fert pour trouver la
méridienne Se la déclinaifon de l'ai-
guille. 50. Deux Chaifes roulantes
O o o 0 jj
ES SÇAVANS,
d'hui premier Médecin du Roi ]
touchant un abfcés intérieur de la poi-
trine accompagné des fymptomes de
la phthifie s & d'un déplacement no-
table de l'épine du dos & des épaules;
le tout terminé heurettfemcnt par l'é-
vacuation naturelle de i 'abfcés par le
fondement. Cette obfcrvation a été
envoyée à l'Académie par la Socié-
té Royale des Sciences de Mont-
pellier,pour entretenir l'union inti-
me qui doit être entr'elles, comme
ne faifant qu'un feul corps.
740 JOURNAL D
du fieur Maillard , Maître Menui-
fîer pour les CarofTes du Roi , un
peu différentes de conftruiftion , 8c
lefquelles un homme allîs dedans
ou derrière lait mouvoir en tour-
nant deux manivelles, qui lont joiier
le rouage, avancer & reculer avec la
même facilité, ôc tourner tort vite.
La partie hiltorique de ce Volu-
me eft terminée par les éloges de
MM. Geoffroy , Ruyfch , & le Préfi-
dent de Maifons \ $£ l'on trouve à
la fin des Mémoires ÏObfervation
de M. Chicoyneau le père [ aujou-
JHESAURUS NUMMORUM SUEO-GOTHICORUM STUDIO
indefcflb Elix Brenneri quinquaginta annorum fpatio collectus , fe-
cundùm feriem temporum difpofitus , atque è tenebris cum Com-
mentario inapricum prolatus.
C'eft - à - dire : Tréfor des Afêdailles Suedoifes- Gotiques, recueillies par Henri
Brenner yavec des explications. A Stockolm , chez Jean Laurent Horrn;
& fe trouve à Paris , chez le "Breton } Quai des Auguftins , à la Fortu-
ne. 173 1. /»-4°. pp. t-jo.
Monsieur Brenner allure
qu'il eft le premier qui fe
foit attaché à former une fuite ,
tant des Monnoyes que des Mé-
dailles Suedoifes. Ayant lui même
gravé celles qu'il avoit dans fon
Cabinet , & celles qu'il avoit vues
dans les Cabinets de quelques Cu-
rieux , & y ayant joint quelques ex-
plications , il en compofa un Ou-
vrage divifé en deux Livres. Mais
ayant enfuite recouvré plufieurs
Monnoyes & plufieurs Médailles }
tant anciennes que modernes ; il
augmenta confiderablement fon
Ouvrage , foit par rapport au
nombre des Médailles , foit par
xapport aux explications. Mais la
mort l'empêcha d'exécuter entière-
ment fon deffein , il pria en m»u-
rant M. Keder fon ami de mettre
la dernière main à fon Livre & de
le donner au public. Les mon-
noyes & les Médailles y font ran-
gées fuivant l'ordre Chronoloei-
que. La plupart ont ete gravées
par M. Brenner lui même , & M.
Keder a pris foin de faire graver les
autres : les explications qui accom-
pagnent les Monnoyes & les Mé-
dailles font ordinairement très-
courtes; le tout eft difpofé fuivant
l'ordre Chronologique.
Il n'y a dans ce Recueil que
trois pièces de monnoye qui ayent
précédé l'établiflement du Chri-
N O V E M
ftianifme dans la Suéde. Elles font
très-minces Se marquées feulement
d'un côté. Au milieu de la premiè-
re il y a un f^en caractère Runi-
que. Cette Lettre eft fuivant no-
tre Auteur , la première du nom
d'Olaus que les anciens pronon-
coient Vif ou Vlaf. aux deux côrez
& au-deiîous de ce caractère Runi-
que , il y a des portions de cou-
ronne furmontées de perles, d'où
notre Auteur conclut, que les trois
couronnes raifoient les armes & le
fymbole de la Suéde , avant l'éta-
bliflementduChriftianifme. La fé-
conde reprefente un vifage ou plu-
tôt quelques traits d'un vifage
groflîerement formé , la tête eft or-
née d'une couronne furmontée de
perles. La lettre Vît trouve encore
marquée en caractère Runique
dans la'troilîéme Médaille , où il y
a un vifage qui n'eft pas mieux
marqué que dans la leconde.
Toutes les monnoyes fuivantes
portent des marques du Chriftia
nifme , les premières font de Bior-
ne qui regnoit au commencement
du neuvième fiécle. Il y en a de
cette claffe qui ne font rrappées
que d'un côté , d'autres qui ont un
revers. Sur l'une on voit un B Ru-
nique , fur d'autres on voit plu-
fieurs B en caractères ordinaires ,
Se fur une autre le mot borno en
forme de monogramme. Notre
'Auteur ne dit point ce que fîgni-
fîcnt les triangles qu'on voit fur
quelques monnoyes de Biorne. On
voit fur une de ces monnoyes le
portail d'une Eglife. Une feule
monnoye de Sivard eu marquée
B R E; 1734. 74r
de la lettre Runique S entre une
croix mal formée & une étoile. On
voit encore des caractères R uni-
ques fur les monnoyes d'Olaus
fumommé SicotKonung; Ce Prince
porte une couronne avec des
rayons à l'extrémité de chacun
defquels il y a une perle ; à l'extré-
mité de fon Sceptre il y a trois per-
les. Anund , au lieu de couronne,
porte un bonnet orné de perles &
un Sceptre comme celui d'Olaus.
Dans une des monnoyes de ce
Prince , la première lettre de fon
nom eft au milieu de trois couron-
nes ornées de fleurons , au revers
eft un Lion couronné -, ce font les
armes de Gothie. Le nom du Roi
Eric qui commença à régner en
1 1 50. eft écrit en caractère gotique,
Hericus. M. Brenner obferve là-
deflus que c'a été long-tems l'ufage
non feulement dans le fond du
Nord , mais encore en différentes
autres parties de l'Europe de met-
tre un H afpirée au commence-
ment des noms propres ; le nom de
Louis le Débonaire , eft ainfi écrit
avec un H au commencement fur
plusieurs de fes monnoyes.
Le nom de Cnut ou Canut écrit
par un K dans les monnoyes de
Canut qui regnoit en 1 168. donne
lieu à M. Brenner de faire une autre
Obfervation Philologique. Il pré-
tend que les Peuples du Nord qui
avoient des caractères particuliers
avant l'introduction du Chriftia-
nifmc , n'ayant point trouvé dans
les caractères majufcules Runiques
de lettres qui répondît au C des
Latins , fc font fer vi dans les mon-
742 JOURNAL DE
noyés & dans les Diplômes de la
lettre K , fur-tout pour écrire les
noms propres qui étoient gotiques
dans leur origine ; & qu'ils ont
écrit par cette raifon Kanums &c
Karolus , même après qu'ils eurent
quitté leurs caractères Runiques ,
pour prendre ceux des Romainst
Au lieu que les Anglois qui ont
pris leurs caractères des Romains ,
de qui ils tiennent l'ufage des let-
tres , ont toujours écrit le nom de
Kanut par un C. Nous laiiTons à
nos Antiquaires François à exami-
ner cette conjecture , &c à voir , en
cas qu'elle leur parût bien fon-
dée quelle confequence ils en
pourroient tirer par rapport à la
France , où l'on a écrit le nom de
Charles par un^ , même fous la
féconde Race de nos Rois.
On a fouvent parlé , tant en
Suéde que dans les autres Pays, du
revers d'une monnoye de la Reine
Marguerite qui regnoit en 1 39 j.Un
ancien Hiftorien de Suéde dit de
cette monnoye : inperpetuimludi-
brium CT opprobrium regni monetam
tj/uamdam injtituh ( Margareta ) tur-
pitudinis fexus fui infignia referen-
tem. Mais notre Auteur foûtient
que ce qu'on a voulu faire regar-
der comme une figure indécente ,
n'eft que la lettre O , formée de la
manière dont on formoit en ce
tems-là cette lettre majufcule en
Dannemarc & en Norvège , Se que
c'étoit la première lettre du nom
de la Ville où cette monnoye a été
frappée. Toutes les railleries qu'on
a faites fur cette monnoye pa-
toilTent à M. Brcnner d'autant plus
S SÇAVANS,
mal placées , que Marguerite Rei-
ne de Suéde avoit de grandes qua-
litez , & qu'il n'y a point d'appa-
rence qu'elle eût voulu taire une
infulte à toute la nation Suedoife
qui lui avoit déféré la Couronne ,
au préjudice d'autres Princes qui y
prétendoient.
Les pièces de monnoye de Suéde
avoient toutes été toit petites juf-
qu'au commencement du feiziéme
fiécle. On commença à en frapper
d'une grandeur beaucoup plus
confiderable fous Stenon le jeune.
Notre Auteur en rapporte une de
l'année 1511. fur laquelle Stenon
n'eft pas reprefenté , mais S. Eric
armé , avec un manteau par deflus
fes armes , tenant d'une main une
épée nue } de l'autre un globe fur-
monté d'une croix , avec la Cou-
ronne en tête , & le nimbe dont
on ornoit ordinairement la tête
des Saints ; fous Guftave I. il y eut
des monnoyes quarrées & en lofan-
ge. Suivant notre Auteur les pre-
mières médailles qui n'étoient
point deftinées à fervir de mon-
noye,ont été frappées fous Guftave
premier; cependant dans l'infcrip-
tion de la première qu'il prefen-
te il eft marqué que c'eft une mon-
noye de Stokolm. Mais il en rap-
porte d'Eric XI. qui ont été frap-
pées pour un événement particu-
lier. Au revers d'une de ces médail-
les qui eft de l'année 15^8. on voit
le nom de Dieu Jehova écrit en ca-
ractères hébraïques au deffus d'urtc
nue ; de cette nue fort un Scep-
tre qui defeend fur la terre , &
qu'une femme regarde comme
N O V E M
s'il lui devoit être remis. Dans l'en-
foncement on voit la mer &c un
vailfeau , avec la légende dut cui
<vult. Cette Médaille fut frappée ,
fuivant notreAuceur,àrocca(ion du
mariage d'Eric avec Catherine fille
deba(TeextracT:ion,dontilavoitdéja
eu un enfant mâle qu'il vouloit
faire reconnoître pour fon fuccef-
feur , afin d'éviter par là les trou-
bles que fes frères caufoient dans
la Suéde.
Ceux qui aiment à s'inftruire de
l'Hiftoire par les Médailles, verront
avec plaifir dans le Livre -même.
LesMédailles frappées en Suéde au
fujet des principaux évenemens du
règne du grand Guftave. Celles de
la Reine Chriftine font auilî en
grand nombre , il y en a de Suéde
& de Rome. Au revers d'une de
ces Médailles de Chriftine on a re-
prefenté trois Mufes avec ces paro-
les dulces ante omnia3 pour marquer
l'cftime que cette PrinceiTe faifoit
des Sciences &: des Sçavans. On en
voit une fur la paix conclue à Of-
nabrug entre l'Empire & la Suéde ,
ou la paix & la juftice qui foulent
aux pieds la guerre & la difeorde ,
foûtiennent un globe qui repre-
fente le monde ; au - deiTus deux
génies tournent un rouleau de pa-
pier où font écrits ces mots candide
& confianter , & au-defTus le nom
de Dieu en caractères hébraïques :
la devife contient un vœu pour
que la paix foit durable , & pour
que Thémis gouverne l'Univers.
Plufieurs de ces Médailles frappées
en Suéde paroîtront être un peu
chargées & les devifes trop lon-
B R E, Ï7*4-, , 745
gués. Celles qui ont été frappées à
Rome depuis que la Reine Chri-
ftine s'y fut retirée, font beaucoup
plus fimples.
Notre Auteur n'a rapporté que
fix Médailles du règne de Charles
XII. Au revers d'une de ces Mé-
dailles on voit Hercule avec la peau
de lion & la malTuë entre deux co-
lonnes , non hsc ultima meta labo-
rum , & dans l'éxergne XII. labores
Herculei. Douze expéditions de
Charles XII. marquées fur ce re-
vers font les douze travaux de
l'Hercule Suédois. Les Médailles
des Rois de Suéde des deux der-
niers fiéclcs que M. Brenner a fait
entrer dans fon Recueil ne l'ont pas
empêché de fuivre la méthode à
laquelle il s'étoit attaché par rap-
port aux règnes précedens , c'eft-à-
dire de faire connoître les mon-
noyés qui ont eu cours fous cha-
que règne , & d'en marquer la va-
leur.
Dans le petit Traité qui termine
ce Volume, l'Auteur parle des Ca-
binets des Médailles de Suéde. Le
premier eft celui du Roi. Il avoit
été confidérablement augmenté
fous le règne du grand Guftave.
Mais les liberalitez qu'en fit la Rei-
ne Chriftine de plufieurs morceaux
rares & curieux , diminuèrent con-
fidérablement ce Tréfor. Quand
elle abdiqua la Couronne, ce Ca-
binet fut dépouillé de ce qu'il
avoit de plus précieux. Les guerres
qui fuivirent le règne de Chriftine,
ne furent point un tems propre à
reparer cette perte. Ce ne fut que
fur la fin du règne de Charles XL
744 JOURNAL1 DE
que ce Cabinet des Médailles de
la Couronne de Suéde fe rétablit.
Ce Prince qui aimoit les Lettres Se
fur-tout les Médailles , forma une
efpece d'Académie en 1696. de
perfonnes qui s'appliquoicntàcette
Science ; il leur conna le foin de
fon Cabinet de Médailles , & il af-
filia fouventà leurs Conférences.
M. Brenner étoit du nombre de
ces Académiciens. Plufieurs Sei-
gneurs Suédois &c des Particuliers
ont auiïi formé des Cabinets de
Médailles de la Grèce , de Ro-
me , de la Suéde , & des autres
Etats de l'Europe. M. Brenner
avait aulîî un Cabinet de Médailles
dont il a foin de taire une mention
honorable. Il a foin aulfi d'avertir
qu'il confervoit dans ce Cabinet ou-
tré lesMédailles plufieurs curiofitez
de la nature Se de l'art , & qu'il a
des Médailles de 1^99. & de 1700.
fur lefquelles il cft reprefenté d'un
côté avec la Dame fon Epoufe. Le
revers cft un laurier avec cette de-
vife , crefeit cultura. Il fait aulll
mention du Cabinet de M. Kcder
qui a pris le foin de l'Edition de
cet Ouvrage , l'un des Membres
de l'Académie établie en Suéde J
5 SÇAVANS;
pour la recherche des Antiquitez
du Pays. M. Keder eft Auteur de
plufieurs Differrations fur d'an-
ciennes Médailles inférées dans les
Journaux Se dans les Nouvelles
Littéraires du Nord , Se de trois
Volumes /»-4°.imprimés à Lcipfic,
dont deux regardent les Médailles
en Langue Runique , l'autre des
Médailles de trois Rois de Suéde ,
6 de Suenon Roi de Dannemarc ,
qui furent trouvées en Suéde au
commencement de ce fiécle.
Les Suédois qui ont écrit fur les
Médailles , dont l'Auteur parle
dans un article de cet Appendice ,
ne font pas en grand nombre ,
quoiqu'on ait fort aimé les Médail-
les en ce Pays-là. MM. Keder &C
Brenner font ceux qui ont le plus
travaillé fur cette matière.
Dans le dernier article l'Auteur
parle des Médailles qui étoient ca-
chées depuis long-tems , Se qu'on
a découvert en Suéde depuis 1599.
Entre cesMédailles découvertes en
differens endroits t il y en a d'Em-
pereurs Romains , de Rois d'An-
gleterre Se de Dannemarc, fur tout
de Rois de Suéde , & des Médail-
les Runiques.
HISTOIRE
NOVEMBRE, 1734.
741
HISTOIRE DEC REVOLUTIONS D'ESPAGNE , DEPV/S LA
deftrutlion de L'Empire des Çoths jufcju'a l'entière & parfaite réunion des
Royaumes de Caflille & d' Arragon en une feule Monarchie. Par le Père
Jofeph d'Orléans de la Compagnie de Jefus , & publié par les Pères Rouillé
& Brumoy. 1734. A Paris, chez Rollin fils, Quay des Auguftins à
S. Athanafe. Trois Vol. /K-40. Tom. I. pp. 579. Tom. II. pp. 644.
Tom. III. pp. 655.
LE Libraire , dans un Avertif-
fement qu'il a mis à la tête de
cec Ouvrage , s'eft cru obligé de
prévenir le Lecleur fur le préjugé
ordinaire qui tend à faire regarder
comme fuljxcts les Ouvrages Po-
fthumes. Il avoue que la défiance
du Lecteur n'eft pour l'ordinaire
que trop bien fondée. » Souvent ce
» ne font , dit-il ^ que des avortons
» informes de la vieilleffe avancée
»ou de l'extrême jeunede d'un
» Auteur de réputation .... Tan-
» tôt ce ne font que des Effais que
» la chaleur de la compolkion lui
)3 fait d'abord aimer , & que la re-
» flexion lui fait enfuire défa vouer
» pour toû:ours; tantôt ce font des
» Ecrits ébauchés , qui doivent
» leur naillanceà des liaifons d'a-
» mitié ou d'intérêt fuivant le chan-
» gement des Conjonctures ; &
j> qu'un changement plus raifon-
»nable renferme dans l'obfcurité
» du Cabinet. Quelquefois ce font
» des folies fçavantes , enfantées
» par l'imagination , foûtenuês par
î> l'entêtement , propres à exciter
» la curiofité avant que d'être con-
» nues , & capables de faire tort à
» la réputation des Auteurs morts ,
» quand on vient à les dévoiler.
• Enjîn ce font fouveut des Ofu-.
Novembre.
» vres incertaines dont les vérita-
» blcs Auteurs ne veulent pas être
» connus , procédé lâche & tout-à-
» fait contraire à la bonne foi , qui
» n'eft pas moins due au Public ,
» qu'aux particuliers.
On peut affurer que l'Hiftoire
des Révolutions d'Efpagne n'eft
pas de ce caraclere;pluficurs perfon-
nés fçavent que le Père d'Orléans
avoit entrepris & réellement fort
avancé cet Ouvrage ; d'ailleurs il
eft aifé d'y reconnoître l'Hiflorien
des Révolutions d'Angleterre , il
vouloit le pouller jufqu'à la mort
de Ferdinand le Catholique incluli-
vement. La mort l'ayant prévenu
avant qu'il eût rempli fou dclTein
le Père Roiiillé a cru devoir répon-
dre aux defirs de ceux qui ne vou-
loient pas perdre le fruit des veilles
d'un Hiftoiien fi folide & fi bril-
lant , en y corrigeant cependant les
négligences d' Hifloire & de flde qui
échappent aux meilleurs Ecrivains
dans un premier pas. Il y a même
ajouté fut la toi des plus célèbres
Auteurs Efpagnols grand nombre
de faits, £c de circonftances Hi-
ftoriques , dont l'omillion auroit
été reparée par l'Auteur-même ,
s'il eût vécu plus long tems.
Le Libraire nous apprend encore
PPPP
745 JOURNAL D
que tout ce qui eft renfermé dans le
premier Volume & dans le fécond,
jufe n'a la page 449 eft incontefta-
blément du Père d'Orléans , que
la fuite du fécond Volume jufqu'à
la page 1Z5 du troihéme , eft du
feu Perc Arthuys dont la plume
commençoit à le faire oonhoîrre
dans la République des Lettres ,
lorfqu'il tut arrêté au commence-
ment de fa carrière. Enfin que le
refte du troifiéme Tome eft du aux
foins du Père Brumoy.
On s'eft , dir-on , contenté de
fuivre le Père d'Orléans avec tout
le foin polîîble fans prétendre être
ion imitateur , Se fuppoié qu'on
ne foit point mécontent de fes
Continuateurs on nous promet
qu'ils lé rendront aux infiances de
plufieurspeifonnes coniiderablcs ,
qui aptes avoir lii cet Ouvrage en
ManufcritjOnt fouhaité qu'ils don-
naient l'Hiftoire des règnes pofte-
ricurs à la réunion des Couronnes
d'Efpagne jufqu'à nos jours. Dès
que l'exécution de ce dellein ne dé-
pendra que du fuftrage du Public
en faveur de ce qu'on lui prefente
aujourd'hui, il y a lieu de croire
qu'on ne fera pas long-tems fans
voir paroître le refte de cet Ouvra-
ge
Les deux Continuations com-
prennent celle de toutes les Révo-
lutions , qui eft ians contredit la
plus intere(Tantc,c'eft-à-dire,la réu-
nion de la Caftillc & de l'Arragon;
èc on nous affure qu'on en a re-
cherché avec la dernière exactitude
les principes les plus reculés & les
intrigues les plus cachées. Et on a
ES SÇAVANS,.
fini par la conquête de Grenade
qui tut l'événement le plus brillant
du règne de Ferdinand & d'Ifabcl-
le.
Le premier Volume eft partagé
en trois Livres. Après avoir don-
né une idée générale de la Monar-
chie d'Efpagrre , l'Auteur com-
mence le premier Livre à la ruine
de l'Empire Goth , fous le règne
de Rodenc -, il décrit l'irruption
des Maures en Efpagne que le
Comte Julien y avot attirés , pour
venger l'outrage fait a fa fille par
Rodéiic. Ce Roi périt malheureu-
fement dans cette guerre avec pref-
que toute la tamilie Rovale ; Pela-
ge qui en étoit iflii eut le bonheur
d'échapper à la fureur des Maho-
métans , & de le faire un petit Etat
dans les montagnes d Ailuric.
Le refte de l'Efpagne le fournit
avec d'autant moins de peine aux
Maures , que ces Infidèles ne
forcèrent perfonne à changer de
Religion. Dès lors, c'eft-a dire ,
environ l'an 71 5. les Chrétiens Ef-
pagnols forcés d'obéir à la domina-
tion Sarazine furent appelles Mn~
farabes , dii nom de Mttz.a leur
vainqueur, & Az celui d'Arabes
qu'on donnoit alors aux Mahomé-
tans Atricains pour marquer leur
origine.
Ils elfayerent cependant de for-
cer Pelage dans fa retraite -, mais
ayant été repoudes avec perte , ils
lui donnèrent la paix à des condi-
tions tolérables , & qui peu à peu
le mirent en état d'être le reftaura-
teur de la Monarchie Efpaguole.
Les diiiercns Gouverneurs qjii
N O V E M
•commandèrent en Efpagne au nom
du Miramolin qui faifoit fa refi-
dence à Damas & qui étoit le Chef
de la Nation Sarazine , parurent
d'abord gouverner l'Efpagne avec
beaucoup d'équité; mais ils ne fu-
rent pas long tems fans abufer de
leur puiffincej Pelage lui-même en
rcirenrit de runeftes effets ; il refo-
lut donc de profiter de la difpofî-
tion des Efpagnols qui gémilTbicnt
fous le joug des Infidèles, pour les
engager à le fecouer. Il raffembla
un nombre- conlîderable de gens
qui penfoient comme lui , & re-
çut d'eux le titre de Roi des Aftu-
ries. Avec leur fecou.s , il gagna
une bataille conlîderable contre les
Sarazins qui au premier bruit de fa
révolte étoient venus pour le for-
cer dans fes montagnes.
Il fut d'autant plus facile à Pelage
de profiter de cette victoire que les
Sarazins s'étoient attachés à la con-
quête de la Gaule Gothique.
Mais ils échouèrent dans un projet
fi hardi. Pelage mourut tranquille
au milieu de fon petit Royaume ,
il le lailTa à Fafila fon fils. Celui-ci
ayant été tué à la charte par un
Ours , Ermifinde fa fœur deviDt
héritière de fes Etats , & Alphonfe
furnommé depuis le Catholique,
qu'elle avoit époufé les polfeda du
chef de fa femme. Ce Prince éten-
dit de tous cotez les limites de fon
Etat , &. conquit un grand nombre
de bonnes places fur les Infidèles
dans la Galice , dans le Portugal ,
dans la Bifcaye , dans la Navarre ,
dans le Royaume de Léon , & en
divers endroits de la Caftille.
B R E , i 7 3 4. 747
Les divifions cjui regnoient tou-
jours entre les Sarazins dont les
principaux Capitaines avoient éri-
gé chacun leur gouvernement par-
ticulier en auunt de Principautez
féparées , donnèrent le mo' en à
Alphonfe le Charte, petit fils d'Al-
phonfe le Catholique , d'étendre
les conquêtes fur les Infidèles , qui
fc trouvoient d'ailleurs affoiblis par
les victoires de Chàrlemagne S: de
Louis le Débonnaire qui leur
avoient enlevé la Navarre , la Ca-
tilogne, Se une partie de l'Arra-
gon.
» Alphonfe termina fon règne &
» fa vie l'an S45 , âgé de plus de
» 80 ans , avec la confolation de
» laiffer à fes Sujets un bon Roi
» qui étoit Ramire , qu'il avoit fait
» défigner de fon vivant pour être
« fon SuccelTcur , & à toute l'Ef
» pagne Chrétienne le fecours d'un
» grand Apôtre , qui s'éroit décla-
» ré fous fon règne par beaucoup
» de lignes fcnfibles , Protecteur
» de ce Pays. Je n'examine point
» ici, continue l'Auteur, fi Saint
» Jacques vint jamais en Efpagne ;
h & fi le Sépulchre de marbre trou-
» vé à Compoftclle dans ce tems-
» là par l'indice de certains rlam-
«beaux, dont ce lieu parut aux
y> Saints Evêques être éclairé durant
» la nuit, eft en effet celui de cet
» Apôtre. Je fçai ce qu'on en dit
y de part & d'autre ; & je ne crois
» pas même qu'il faille être trop
»* profond Critique pour en déci-
» der; mais ce qu'on ne peut ré-
» voqueren doute fans une téméri-
» té qui blelTe en même tems la foi
Ppppij
74-8 JOURNAL D
» de l'Hiftoire Se 1'cfprit de la Re-
» ligion , c'eft que Dieu a voulu
» que ce Saint tût particuliere-
» ment honoré en ce lieu , & qu'il
n protégeât cies Peuples qui ontli-
» vrérant de combats pour y con-
» ferver la viaye toi. L'Hiftoire de
ce même Ramire qui monta fur
îc Trône après. Alphonfe, en eCc
une preuve authentique-, fie enre-
connoillance de la protection dont
ce Saint l'honora dans une fanglan-
te bataille qu'il gagna contre le
Roi de Cordoiie , bataille dans la-
quelle les Efpagnols crurent voir
leur Patron portant devant eux un
érendart blanc avec une croix rou-
ge au milieu , Ramire obligea l'Ef-
pagne par un vœu public autorifé
depuis par les Papes , à payer tous
les ans à l'Eglife de Compoftelle
certain tribut de bled fie de vin , à
proportion de ce que chacun pofie-
doit de terre ; fie l'on allure qu'en
certaines Provinces ce tribut fe
paye encore aujourd'hui. 11 ordon-
na de plus , mais le tems a entière-
ment aboli cet ufage , que dans le
partage des dépouilles qu'on rem-
porteroic déformais fur les enne-
mis de la Nation , l'Apôtre , c'eft-
à-dire ,, cette célèbre Eglife de
Galice qui porte fon nom , auroit
toujours la paye d'un Soldat.
Depuis ce tems-là le Royaume
de Navarre fondé environ l'an 840.
par Inigo - Arifta , & les autres
Etats qui s'établirent en Efpagne
parmi les Chrétiens , comme celui
dès Comtes de Caftille qui devin-
rent Souverains Se indépendans du
Rbyaume d'Afturie confondu pour
ES SÇAVANS,
lors dans la Principauté de Léon- ~
celui des Comtes de Barcelone qui
parurent quelques tems après , les
Révolutions caufées par la jaloufie
de ces Souv&rains-mëmes 3 les di-
visons & les troubles domeftiqucS'
qui s'élevoient dans chacun de ks
Etats , le peu de détail que l'Hi-
ftoire nous a confervé de tous ces
évenemenSjtant de taitsdont quel-
ques - uns - même ont une liaifen
n?cellaire avec l'Hiftoire de Fran-
ce , rendent la narration fi coupée
Si fi preffée , qu'il n'eft pas poffibfe
d'en donner un extrait , ni en mê-
me tems de s'empêcher de rendre
juftice à la netteté , à l'ordre , &
même à l'agrément avec lequel
l'Hiftorien développe toutes les
rmtieres.
Cependant il ne tint qu'à Sanchc
le Grand de réunir tous ces petits
Erats dans une feule Monarchie ; la
Caftille lui vint par droit de fuc-
ceflîon ; le Roi de Léon n'avek
qu'une fille qu'il auroit pu faire
époufer à fon fils, on crovoit mê-
me qu'il auroit pris d'autant plus
volontiers ce parti , que fier de
fes conquêtes , il s'étoit donné le
titre d'Empereur; mais la tendre (Te
pour fon f cond fils Ferdinand
l'emporta ; il le maria avec cette
Princelle , & parce mariage Ferdi-
nand devint Roi de Léon , Se S.in-
che y joignit encore le Royaume
de Caftille. Il donna l'Arragon à
Ramire fon fils naturel , par des
confiderations qu'on verra avec
plaifir dans l'Ouvrage - même ; tl
difpofa encore du petit Pavsdc So-
brarbe, fie de Ripargoce en faveur
N O V E M B R E , i 7 î 4-
de Don Gonzalvc Cor. troifîéme
fils , & Don Garcie l'aîné n'eut
pour lui que la Navarre. Tel fut le
commencement des Royaumes de
Caftille & d'Arragon.
C'eft par cet événement & par
la mort de Sanche que finit le pre-
mier Livie. On voit dans le fécond
quelétoit l'état de l'Efpagne Cbré- Cette importante conquête donna
tienne après la mort de ce Prince occafion à Alphonfe de prendre le
arrivée en 1035. elle fe trouva di- titre d'Empereur des Efpa»ncs
74P
che lui confia le commandement
de l'armée qui devoit faire le Siéoe
de Tolède; on voit ici l'Hiftoire de
ce Siège auquel route l'Efpagrie
Chrétienne , & même quelques
Seigneurs François , dont l'un fut
même le Fondateur de la Monar-
chie Portuaaife , prirent part.
vifée en fix Etats très bornés , 8c
qui tous enfemble comprenoient à
peine la cinquième partie des Pro-
vinces Efpagnoles ; fçavoir les
Royaumes de Léon , de Navarre ,
de Caftille , d'Arragon , de Sobrar-
be &: le Comté de Barcelonne \ le
comme avoit fait fon père. Al-
phonfe VII. Roi de Caftille le prit
enfuite; mais il a été le dernier Roi
d'Efpagne qui fe foie attribué ce
nom.
Comme ce fut dans ce tems - là
que le fameux Godefroy de Bouil-
refte de l'Efpagne appartenoit aux Ion partit pour la conquête de la
Maures ;• mais (1 l'ambition des Terre Sainte } pluiîeurs Seigneurs-
mais
Princes Chrétiens ne leur eût pas
fait prendre le change , il leur au-
roit été facile d'anéantir les Infidè-
les , 6c de les dépouiller de toutes
leurs conquêtes, fur-tout depuis
la réunion du Rovaume de Léon &
& même quelques Evêques Fran-
çois qui n'avoient pu le fuivre
dans cette Croifade , vinrent of-
frir leurs fervices à Alphorife qui
fe pieparoit à enlever Saragoce
aux Infidèles. Cette Ville fut en
de Caftille en la perfonne de Ferdi- effet prife après huit mois de Sié^e.
nand ; mais ce Prince par une déli- On prétend que le Roi y établit
cateffe de confeience , conforme dès lors ce Magiftrat célèbre aopel-
aux principes reçus dans ce tems- le le Jnflicc d'Arragon , dont l'in-
là j ayant partagé fa Couronne en- ftitution aufîi bien que les fonc-
tre trois fils , & deux filles
qu'il avoit , fes héritiers furent
continuellement cm guerre les uns
contre les autres. Ce fut dans ces
guerres qu'éclata la valeur du fa-
meux Dom Rodrigue-Dias de Bi-
ver. Il faut voir avec quelle fagaci-
té l'Auteur démêle ce qu'il y a de
vrai dans les traits Romanefques
dont on a rempli la Vie de ce Hé-
tions ont exercé la plume des Criti-
ques. Ce Prince fut tué dans une
célèbre bataille qu'il perdit contre
les Maures , fur lefquels il venoit
d'enlever Lerida. N'ayant point
d'en fans il inftitua par un Tefta-
ment folemncl les Templiers & les
Chevaliers de Saint Jean de Jerufa-
1cm héritiers de tous fes Etats,
Mais ce Tcftament bizarre n'eut
ros. Alphonfc SuccefTeur de San- point de lieu. Les Etats de Navarre -
7;o JOURNAL D
aflemblés à Pampclune , déclarè-
rent Roi de Navarre Dom Garcie
fils du Prince Ramire &: d'une des
filles du Cid , petit -fils du Roi
Dom Sanche. Et les Etats d'Arra-
gon qui fe tinrent à Monçonélu-
rentRamiretreredes deux derniers
Rois d'Arragon , qui depuis la
mort de fon dernier trere fe don-
noit le titre de Prêtre. Roi ; il a voit
été Religieux à S. Pons , Se long-
tems Abbé de Sahagun , enfuite
Evêque de Burgos , & quelque
tems apès de Pampclune , enfin de
Roda & de Balboftro.On l'obligea,
après quarante ans de profelfion
religieufe, à fe marier. Ce fut le
Pape Innocent II. qui lui en donna
la difpenfe. Ce que Ramire fit de
mieux dans fon règne , ce fut de
s'être laffé de régner. Se voyant
méprifable à fes Sujets, il voulut
leur devenir redoutable, Se fit cou-
per la tête à quinze des plus grands
Seigneurs du Pays. Mais comme
cette cruauté n'éroit que foiblefle,
il n'en fut que plus odieux , Se
n'en fut pas moins méprifé. C'eft
ce qui l'obligea de marier la feule
fille qu'il eut à Raimond Bérenc;er
Comte de Barcelonne , & le fils
qu'il eut de cette Princefle porta
le titre de Roi d'Arragon. Après
cette difpofition Ramire fe retira
au Monaftcre d'Huefca , où il finit
fes jours.
C'eft en cette même année que
le Comte Alphcnfe fe fit déclarer
Roi de Portugal , titre qu'U méri-
ta par fes vertus Se qu'il foûtintpar
fon courage , il fe fignala •fur-tout à
îa bataille d'Obrique qu'il rempor-
ES SÇAVANS,
ta fur les Marnes. «Les Ecrivains du
» Pais en racontent des circonltan-
» ces euraordinaircSj&eucheriiTent
» fur les Caftillans pour le lurnatu-
* rel & pour le merveilleux. Ils rf-
» furent que J. C. même apparut à
» Alphonle, l'anima au combat, Se
» lui prédit la grandeur future de
« la Race & de fa Nation ; qu'il le
» déclara Roi, Se lui dit qu'il avoit
» choifi le Royaume de Portugal
» pour étendre le lien dans le nou-
» veau monde , lui donnant pour
» armes la figure de fes cinq playes.
» C'eft ce que d'autres ont pris
» pour les cinqEcuifons qu'on voit
» dans l'Ecu de Portugal , Se qui
» félon eux reprefentent les cinq
» Etendarts gagnés fur tes Maures
» à la bataille d'Obrique.
Toute l'Hiftoire d'Efpagne eft
pleine de fcmblablcs apparitions. Il
ne s'y eft guéres donné de bataille
où S. Jacques , S. Ilîdore , Saint
George , &c. ne foient venus en
perfonne au fecours de quelque
Roi d'Efpagne , ce qui donne lieu
à notre Hitlorien de taire la remar-
que fuivante. = Je rapporte , ditilt
•>ces Vifions , fans les garantir , &c
y» quand je les garantirais , je vis
d d.ins un fiécle où la pieuiccrédu-
» lité qui regnoit alors , Se qui por-
» toit la Religion de nos pères
» quelquefois au delà de fon objet,
» ne trouve pas dans les efprits la
» même docilité.
Le Roi de Cattille voulut d'a-
bord difputer le titre de Roi à Al-
phonfe ; mais Alexandre I 1 1.
l'ayant confirmé dans cette qualité
en confideracion des conquêtes
N O V E M
que ce Prince continuoic à taire fut
les ennemis du nom Chrétien , s'il
refta aux Caltillans quelque pré-
tention fur le Royaume de Portu-
gal , comme le témoignent quel-
ques uns de leurs Hiftoriens, elles
n'eurent aucun effet.
Nous renvoyons à l'Ouvrage-
rneme pour tout ce qui regarde le
Voyage de Louis le Jeune Roi de
France en Efpagne , & les motits
qui en turent le piincipc i la naif-
fance de l'Ordre des Chevaliers de
Calatrava , l'avanture & la puni-
tion d'un Impofteur qui ofi difpu-
ter le Trône à Alphonfe II. Roi
d'Arragon,& les négotiations & les
Traitez faits à l'occalion du maria-
ge de Blanche de Caftille avec
Louis fils de Philippe-Augufce.
La célèbre bataille de Murandal
gagnée contre les Maures par Al-
phonfe le Noble, Roi de Caftille ,
avec le fecours d'un grand nombre
de Croifez François , termine le fé-
cond Livre ; on y trouve encore le
récit de la Journée de Muret, où
périt Pierre II. Roi d'Arragon ; les
Efpagnols lui donnent le fur nom
de Catholique, quoiqu'il foit more
portant actuellement les armes en
faveur de Raymond Comte de
Touloufe , Protecteur des Albi-
geois qui avoit embraffé ouverte-
ment , dit l'Auteur , linon le parti
de l'Hérélie, au moins celui des
Hérétiques.
Le troihéme &c dernier Livre de
ce Volume comprend l'Hiftoirc
de Ferdinand troifïéme Roi de Ca-
ftille, qui porta le furnom de Saint,
& celle de Jacques I. Roi d' Arra-
B RE, 1734. 7^r
gon , qui mourut en 1271. deux
Royaumes conquis , trente batail-
les où il fe trouva en perfonne , &
dont il fortit toujours victorieux ,
lui firent mériter le furnom de
Conquérant. Les bornes dans Ici-
quelles nous fommes obligés de
nous renfermer ne nous permettant
pas d'étendre davantage cet Ex-
trait. Il ne nous refte plus que de
donner ici le portrait d'Alphonfc le
Sage , ( pag. 491. ) afin que le
Lecteur puilîe juger par lui-même
du ftile de notre Hiftorien.
» Alphonfe tut furnomme le Sa-
» ge au fens qu'on appelloit de ce
» nom les Sçavans dans l'ancienne
» Grèce ; & perfonne ne l'a mieux
» mérité que lui ; mais il ne fut rien
» moins que fage de cette fagelTe
«qui convient aux Rois. Non que
» ion application à l'étude l'empê-
» chat d'en avoir aux affaires; ceux
» qui l'ont dit , l'ont mal connu ;
» il avoit l'efprit aiTez étendu pour
» être grand Philofophe , grand
"Aftronome, tk grand Roi , s'il
» eut eu autant de cette prudence
» politique qui fait un Monarque
» accompli , qu'il avoit de cette
y pénétration fpéculative qui fait
x> un grand Philofophe & un Ma-
» thématicien profond. On a dit de
«lui qu'en étudiant le Ciel , il
» avoit perdu la terre. L'un ne fut
» pas la caufe de l'autre. Il penfoit
» aux affaires de la terre autane
» qu'aux mouvemens du Ciel ;
*> mais il avoit un talent pour pen-
» fer jufte quand il étudioit le
» Ciel , qu'il n'avoit pas pour
» prendre des mefiucs dans les af-
7J-2 JOURNAL D
» faires de la terre. Efprit léger 3
» cipricieux y changeant, fin fans
x> prudence , entreprenant fans fui-
u te , penfant beaucoup , & n'ap-
» profondiflant rien , fe laiflant
» éblouir par les apparences ; &
» quoiqu'il agît avec lenteur, tom-
» bant par fon inconftance dans
» tous les inconvéniens de la préci-
» pitation. Brave au relte , Se ne
» faifant pas mal la guerre , quand
ES SÇAVANS,
» il l'entreprenoir à propos , ayant
» allez les fentimens d'une perfon-
» ne de fon rang , de la douceur
» dans le fonds du naturel , mais
» aigre & fier par impolitefle , dé-
» faut ordinaire aux efpritsfpécu-
»latifs, &c.
Nous donnerons la fuite de cet-
te Hiftoire dans les Journaux fui-
vans.
DE UR1NIS TRACT ATUS DUO. PRIOR , QILESTIO QUODLI-
BETARIA : an ullâ Scientix Medicx inveftigatione, autexpenmento
quifpiam poffit ex fola urinarum infpeétione , morborum naturam ad
medelamdignoicere? Alterde urinis ut lîgnOjin quo ordinarius & natu-
ralishominis fani urinx afpedtus,ejufdemque abeo mutatxconititutio,
morbi tempore proponitur, in caufas inquirkur , & quid ilngulx
variationes indicent , tàm ex veterum, potilTimùm Hippocratis , quàm
recentiorum obfcrvatione exponitur. Àuthore H. J. Rega , in cele-
berrimâ LovanunhumUniverhtate Med. D. PP. Lovami, Typis Mar-
tini Van - Overbeke. 1733.
■C'eft - à - dire : Deux Traitez, des Urines , dans le premier defquels on
examine en général fi par la feule infpetlion des urines on peut parvenir À
connaître la nature des maladies, & le traitement qui leur convient; & dans
le fécond , attelles confequences on peut tirer en particulier des divers chan-
aemens qui arrivent aux urines }foit enfanté , fut en maladie. Par H. J.
Reça , Docleur & Profeffeur en Médecine dans l'Vniverfîié de Louvain.
A Louvain, de l'Imprimerie de Martin fan Overbeke. 1733. vo^
in 12. premier Traité, pp. 46. fécond Traité , pp. 1 3Z.
MRéga , Auteur de cet Ou-
. vrage , commence d'abord
par déclamer contre la ciédulité de
ceux qui ront porter de leur urine
ou de celle de quelque autre à des
Charlatans , cV: qui s'imaginent que
tout ce que ces Charlatans difent
alors en regardant cette urine, doit
palTcr pour oracle.
Il vient enfuite à la queftion ,
fçav-oir li nar la feule infpedion des
urines on peut connoître la nature
des maladies , & les remèdes qu'il
y tmt apporter.
L'ufage d'examiner les urines,
dans les maladies , efl: très-ancien
en Médecine : notre Auteur le lait
voir par le témoignage d'Arifto-
phane , par celui d'Hippocrate Se
de Gallien ; &: il prétend que cet
ufage eft bien fondé. Voici hs rai-
fons :
L'urine
O C T O B
L'urine cft la feroiité du fang
dépouillée rie toutes les particules
nourricières qu'elle contenoit dans
le fang , & chargée de molécules
faillies, fulphureufes & terreftres.
Cette férolué avant que de fe fépa-
rer du fang , y eft intimement mê-
lée , elle y circule avec le chyle ,
& parcourt les differens vaifTeaux
que parcourent le fang & le chyle,
en forte que lorfqu'elle vient à s'en
féparer, il n'eft pas poffible qu'elle
ne retienne quelque chofe de l'un
& de l'autre , &: que par confe-
quent elle ne doive paroître diffé-
rente félon la différente conftitu-
tion du fing & du chyle aveclef-
quels elle étoit auparavant. 11 s'en-
fuit auliî qu'elle doit varier par rap-
port à la différente difpofition des
vaiffeaux qui fervent à la filtrer &
à la féparer. Notre Auteur infère
de là , avec beaucoup de raifon ,
qu'un Médecin intelligent peut ,
en examinant l'urine , en tirer de
grandes lumières pour connoître
l'état du fang , & celui où fe trou-
vent les organes par lcfquelles
elle a paffé , mais que les lignes
qu'on apperçoit à ce fujet dans "
l'urine foient fi certains qu'on
ne s'y puiffe jamais tromper , c'eû
ce qu'il n'ofe avancer. 11 prétend
qu'ils font quelquefois très - équi-
voques 6c très-fautifs , parce qu'il
ne faut qu'une très - légère circon-
flance pour les changer. En eflet ,
comme il le remarque , l'urine eft
fiqerte à mille varietez par rapport
•aux perfonnes , aux âges , aux tem-
peramens , aux faifons , à l'air,
iu fommeil ou à la veille , à l'exer-
Novembre.
R E , i 7 j 4: 7j-?
cice ou au repos , aux palîîons de
l'ame , à la manière de vivre , aux
médicamer.s que l'on prend , & à
pluheurs autres circonflances
dont le détail feroit trop long.
Pour porter un jugement certain
des urines , il faudrait connoître
premièrement ce que l'urine de
chaque perfonne peut avoir de par-
ticulier , en fécond lieu les chany
gemens qu'elle peut recevoir par
les cii confiances que nous venons
de détailler. Mais une chofe qui
tait bien voir le peu de certitude
qu'il y a dans les lignes des urines ,
c'eft qu'il arrive fouvent que ces
lignes fe trouvent les mêmes dans
des maladies elfentieilcment diffé-
rentes. Notre Auteur cite fur ce
fujet , le feorbut & la fièvre arden-
te qui font alfurément bien oppo-
sées , & dans lcfquelles cependant
l'urine paroît abfolumcnt de la mê-
me rougeur. 11 cite les graveleux ,
les hypochondriaques , ceux qui
font attaqués de vers , les phréné-
tiques , 8c il remarque que leurs
urines font également crues &
aqueufes. Il obferve outre cela, que
dans des maladies mortelles on
voit fouvent des urines femblables
à celles de ceux qui fe portent
bien , cv que dans des maladies qui
ne font nullement dangereufes, on
en voit au contraire où fe mon-
trent les lignes les plus effrayans.
Enfin les hydropiques & les
pulmoniques rendent fouvent des
urines accompagnées des lignes les
plus falutaires en apparence , &
ne lailTent pas de périr avec tous
ces lignes flateurs.Comment donc,
7f4 JOURNAL D
après cela, demande notre Auteur,
pourra-t il arriver que fans avoir vu
le malade , dont on examine l'uri-
ne , on décide au vrai par la feule
infpeclion de cette urina , de quel-
le maladie il eft atteint , quels font
les circonllanccs de' fpn mal , &
quels remèdes il y iaut oppofer ?
Une autre remarque bien im-
portante à taire fur ce fujet, c'eft
que les urines que l'on rend peu
après avoir bû ou mangé, font tort
différentes de celles que l'en rend
long-rems après. Celles qui fuivent
une abondante boilîon font auflî
fort différentes de celles qui fc ren-
dent lorfqu'on n'a bû que médio-
crement. Les urines que l'on rend
auflî-tôt après avoir bû , & fur-tout
après avoir bû beaucoup d'eau ,
font crues, abondantes, légcRS,
aqueufes. Celles qui viennent après
la digeftion laite , font cuites ,
acres , picquantes , & d'une odeur
forte. Celles qui fuccedent aune
longue abftinence , font rouges ,
mordantes &. fétides. Cela pofé , il
eft facile de voir que fi l'on n'eft
nullement informé de l'état du
malade , ni du teins auquel fon
urine eft fortie , il eft impolliblc de
porter aucun jugement de cette
urine. Car comment deviner , par
exemple , fi la rougeur qu'on y
voit vient de la nature- même
de la maladie , ou feulement du
féjour que l'urine a fait dans le
corps. De plus , l'urine eft aiir
tre au commencement d'une fiè-
vre , autre dans le progrès du
mal , autre dans l'état , autre enfin
dans le déclin de la maladie. Com-
ES SÇAVANS;
ment donc iï l'on ne fçait dans
quel tems clic aura été rendue ,
ponrta-t-on porter jugement fur ces
différences ; Nous partons plulîeurs
autres reflexions de notre Auteur
fur ce fujet , après lefquelles , il
fait voir les adrclks & les rufes
dont fc fervent tant d'impoftturs
pour faire accroire qu'ils connoif-
fent aux urines tout ce qui le pafle
dans le corps ; c'eft par-là que fi-
nir le premier Traité.
Le fécond conlîfte en foixante-
deux Aphorifmes fur les urines , à
chacun defqucls eft joint un dif-
cours qui les explique : en voici
quelques exemples.
Aphorifme IL *> Comme il eft
» confiant que l'urine des perfonnes
» Lines, doit être la règle furla-
» quelle il faut examiner l'urine
» des malades , il s'enfuit que pour
» bien juger de l'urine de ces der-
» niers , il faut fçavoir à fond quel
>3 eft le véritable état de celle des
» premiers.
L'Auteur , en expliquant cet
Aphorifme , dit que le Médecin
doit employer un œil à regarder
l'urine qu'on lui prefente , &: l'au-
tre à regarder le malade. 11 étend
cette reflexion , & lait voir la ne-
ccilîté qu'il y a de bien obferver le
précepte qu'il donne.
Aphorifme IV. » Il y a deux for-
î>tes d'urines , l'une qui procède
» de la boilîon , & l'autre qui pro-
» cède du fang. La première eft
>• celle qui fort prefque auflî- rot
» qu'on a pris quelque grand brû*
» vage , une grande quantité d'eau
» par exemple, Se qui répond À
KOVEM
» peu- près, à la mefure de la boif-
-*> Ion qu'on a avalée.
Notre Auteur , -dans l'explica-
tion de cet Aphorifme , remarque
que fclon les Médecins modernes
ces fortes d'urines s'échappent par
des voyes particulières fans palier
dans la malle du fang , que ces
voyes particulières font les pores
de l'eftomac , ceux des inteftinSj &
ceux de la veflîe. Mais il remarque
en même tems , que cette opinion
qu'on attribue aux modernes , a
aullî été celle d'Hippocratc, com-
me on le voit dans le Livre de ce
Médecin fur la nature des os ; que
c'a aufTi été le fentiment du fameux
Afclepiade qui exerçoit la Mé-
decine à Rome du tems du grand
Pompée, ce que M. Réga appuyé
•du témoignage de Gallien , dans le
Livre premier des facultez naturel-
les , Chapitre 3. Ce qui a donné
lieu à cette opinion, tant chez les
anciens que chez les modernes ,
c'eft qu'il paroît difficile que l'uri-
ne dont il s'agit puifle tomber fi
promptement clans la veille en paf-
fant par les voyes ordinaires ; M.
Réga n'y trouve pas la même diffi-
culté. Il prétend que fi l'on confi-
dere bien ce phénomène , on verra
qu'il n'y a rien de furprenant que
3'urine en queftion puifle fortir avec
tant de promptitude. Et pour le
prouver il a recours au calcul fui-
vant : fuppofons, dit-il, que le
cœur,à chaque lois qu'il fe contrac-
te ou ferefierre, pouffe dans l'ai te-
re aorte , deux onces de fang , il
s'enfuit que les artères émulgentes
recevront alors 4 fcrupules de ce
B R E , 1 7 5 4; 7j7
fang. Suppofons outre cela i°. que
ces quatre onces de fang foumilTene
en même tems à chaque rein un
feru pule & demi d'urine ; i°. Que
dans l'efpace d'une demi heure, le
pouls batte mille cinq cens fois ,'&
que le cœur par confequent, faffe
dans le même tems, autant de Sy-
floles , c'eft à-dire fe refferre ou fe
referme aurant de fois , il s'enfuie
qu'en une demi-heure il fe féparera.
du fmg, mille cinq cens fcrupules,
ou ce qui eft la même chofe , cinq
cens dragmes , ce qui monte à fot-
xante & deux onces ; or foixante
& deux onces font environ cinq li-
vres , ce qui fufrit pour taire com-
prendre que l'urine qui paroît fui-
vre fi promptement l'abondante
boiffon , peut fe paffer de voyes
particulières pour fortir avec cette
promptitude.
M. Réga joint à cela une obfer-
vation qui ne fortifie pas peu fa
penféc -, c'eft que le pouls de ceux
qui viennent de boire largement,
foit du vin, foit de la bierre , foit
-des eaux minérales , cft pour l'or-
dinaire beaucoup plus fréquent.
Quant à l'autre forte d'urine
que notre Auteur appelle i'urinfe
du fang , voici ce qu'il ai dit :
Aphorifme V. » L'urine du fang ,
t> proprement dite , eft celle que
«l'on rend plufieurs heures aprîs
» avoir bû &: mangé. C'clt une fc-
y> rofîté qui ayant long-tems circu-
*> lé avec le fang, s'eft filtrée par les
» petits tuyaux des reins , comme
a par autant de couloirs , d'où elle
» eft enfuite tombée dans la veille „
» puis dans l'urètre , & s'eft enfin
Qqqqij
75 6 JOURNAL D
x échappée dehors par ce conduit ,
a» en le picotant ou en Je lurchar-
» géant.
Aphorifme VI. » Cette urine du
a> fangcft la portion la plus aqucu-
•> fe de ce qu'il y a de fereux dans
» le fang > cette portion après avoir
» fervi de véhicule à toute la maf-
» fe & s'être dépouillée de ce
«qu'elle y contemoit de particules
a gélatincufes & nourricières , à J.i
m place defquelles elle fe charge de
» ce qu'il y a de plus lahn , de plus
» acre &c de plus terreftre dans le
jjfang , n'eft plus qu'un fut excrê-
»mcnteux , & une lexive inutile.
M. Régf, après ces deux Apho-
rifmes , t'ait diverfes remarques fur
l'urine du fang , la première : que
lorfqu'on la dillille , on voit que la
plus grande portion de cette urine ,
c'eft l'eau. ; en forte que fut une
portion.de fubftancc folide , il y en
a trente d'aqueufe ; la féconde ,
que fi l'on fait exhaler par l'alembic
cette quantiré de parties aqueufes ,
jufqu'a la diflîpation d'un tiers , &
que l'on raimffe ce tiers diftillé,
on aura une eau limpide & tranf-
parente qui ne différera de l'eau or-
dinaire que par l'odeur défagréable
qu'elle rendra.
La troilîéme 3 que cette eau ce-
pendant ne fera ni alcaline , ni
acide , ni faline , nifpiritueufe.
La quatrième, Que l'urine dont
il s'agit , prend différentes cou-
leurs , à mefurc qu'on la tait exha-
ler. Sçavoir i°. qu'elle devient d'a-
bord iouge,de paillée qu'elle étoif,
puis d'un rouge plus foncée enfuite
noire , ferrugmeufe , épailTc , trou.
ES S Ç A V A N S,
ble , opaque 3 pleine d'écume.
La cinquième , Que fi l'on jette
uns certaine quantité d'eau com-
mune fur cette urine devenue ainfi
femigineufe , épaiffe , C7c. On la
- rendra toute fembkble a ce qu'elle
étoit auparavant , loit pour la cou-
leur j loit peur l'odeur , foit pour
lacontiftance -, en forte qu'elle ne
paroîtra nullement différente d'u-
ne urine qu'on viendra de rendre.
M. Réga conclut de-là que puif-
que l'on reltitue amli cette urine
dans fon premier état;, il s'enfuit
que ce qui fait le liquide de l'urine
n'elt que de l'eau pure.
Il y a des fcls dans l'urine ; cela
paroîc par la faveur de l'urine , Se
principalement par le fédiment
qu'elle laiile après l'évaporation.
Ces lels tiennent engagés entre
leurs pointes , plufieurs particules
de fouphre , ou ce qui eft la mê-
me chofe , plufieurs particules
d'huile; l'odeur tetide de l'urine en
eft une marque lcnhble;mais ce qui
le montre encore mieux , c'eft que
la maffe que l'urine laiile après l'é-
vaporation , ne lçauroit le durcir
parfaitement , & que quelque fe-
che qu'on la fuppofe elle contracte
toujours de l'humidité à l'air, com-
me font les fels neutres, dans lef-
quels font mêlés des particules ful-
phureufes -, pour ce qui eft des par*
ticules terreftres contenues dans
l'urine , elles fe montrent d'elles-
mêmes lorfque l'on fait la lexive
du fédiment de l'urine.
Cette Analyfe, comme on voir^
ne change rien dans les principes
de l'urine , elle ne fait que les de-
N O V E M
voiler & rien plus. L'urine n'eft
donc qu'une féroliré dans laquelle
nagent des fels , des iouffres , & de
la terre. Voilà, félon notre Auteur,
quels en font les vrais élémens , car
pour les fubfhnces qu'on en tire
parle moyen du feu , M. Réga n'y
ajoute pas grande roi : il prétend
ciue ce font les moduits du feu , &
que tout ce qu'on en peut conclu-
re , c'eft qu'il y a dans l'urine une
matière qui, à force d'être divifée ,
tournée Ôc retournée par l'action
violente du feu, donne ici, par
exemple , un alcali -, là un acide &
ainfi du refte ; en forte que ces al-
calis , ces acides , &c. font des en-
fans de l'art qui n'ont nulle réalité
dans l'urine -, d'où s'enfuit que c'clt
une erreur grollicre de fe fonder
fur ces principes imaginaires , pour
découvrir les proprietez de l'urine,
puifque par la frmplc Analyfe , qui
cft celle où l'on n'employé point
la violence du feu , on voit que
l'urine , foit dans l'eau qui la com-
pofe , foit dans fon fédimenr, n'eft
ni un acide , ni un alcali.
M. Réga cite fur ce fujec, Boë-
B R. E , 173 4. 757
rhave qui après avoir examiné avec
tout le foin poflible , les principes
de l'urine , allure n'y avoir jamais
trouvé aucun alcali , ni aucun aci-
de , &: conclut de-là qu'il n'y en a
par conléquent aucun dans les hu-
meurs du corps , parce que s'il y en
avoir, l'urine en conticndroitne-
cefTairement.
Nous pafTons plufieurs autres
obfervations qui nous meneroienc
trop loin.
M. Réga, dans les autres apho-
rifmes , explique les differens li-
gnes des urines. Ces figues fe tuent
de la quantité, de la qualité , & du
contenu des urines ; ils fe tirent de
la couleur , de la confiftence , de
la pefanteur & de plufieurs autres
circonftances.
Nous renvoyons fur tout cela au
Livre même; c'eft un Ouvrage qui
contient en racourci , ce que l'on
peut dire de plus fenfé & de plus
fblide touchant cette matière -, les
jeunes Médecins en lelifant, pour-
ront s'épargner bien du chemin
dans une Science qui cft par elle-:
même très-longue à acquérir»
7;8 JOURNAL DES SÇAVANS,
SVITE DE L'HISTOIRE DES EMPIRES ET DES REPVBLI-
QVES , depuis le Déluge jufqii 'à J. C. ou l'on voit dans celle d'Egypte &
d ' Afïe la liaifon de l'Hifloire Saint; avec la Profane t & dans celle de Ia
Grèce le rapport de la Fable avec l'Hifloire. AJjy riens } Babylonien* } Aie -
des , Tome II. in- 1 1. pp. 5 10. y compris une DiiTertation fur les Pro-
phètes qui contient 215 pag. 1733. A Paris , chez Simart , rue Saint
Jacques , au Dauphin ; Jean Rouan ; Bullot , rue de la Parcheminerie,,
& Jean Nully , Grand'Salle du Palais.
PRE'S avoir rendu compte
du troifiéme Volume de cet
Ouvrage dans notre Journal du
moisd'Aouft précèdent, il ne nous
refte plus qu'à parler du dernier
Volume qui n'en eft pas la partie ni
la moins confiderablc , ni la moins
variée.
L'Auteur fait voir d'abord qu'il
n'y a que les Livres Saints qui puif-
fent jetter quelques lumières far
l'Hiftoire des anciens Empires ,
nous faire connoître les premières
Peuplades, & la tige des différentes
Nations qui fe font répandues dans
toutes les parties de l'Univers. Fau-
te de ce fecours lesHiftoriens Pro-
phanes ont laiffé derrière eux un
vrai cahos de tems & de matières qui
met un Lctleur curieux de s'hijlrutre
à fonds dans un abîme de doutes & de
perplexitez. , qui fe prefentent fans
ceffe àfon efprit s même dans le tems
où tout efl clair. C'eft ce qui a fait
que quelques-uns ont commencé
l'Hiftoire d'Alîe par les conquêtes
de Ninus qu'ils placent près de iix
fiécles depuis le Déluge.
On avoue néanmoins que les
Hiftoriens font encore partagés fur
l'origine de l'Empire des Atlyriens
&: des Babyloniens. Les uns pré-
tendent que Nembrod eft le Fon-
dateur de l'un & de l'autre ; les
autres donnent celui d'Aftyrie à
AlTur fils de Scm -, Se tous fe fon-
dent fur le même Texte de 1 Ecri-
ture. Après avoir parlé de l'établif-
fement de Nembrod à Babylone >
elle ajoute incontinent ces paroles :
de terra ilia egreffus efl Affur , & didi-
ficavit Nimven , ce qui lignifie ,
félon les premiers , que Nembrod
au foïtir de la Chaldée vint dans
l'Alfyrie, qui eft quelquefois nom-
mée Alïur. Les autres au contraire
croyent que ce mot d'Alfur défi—
ç;ne le Sis de Sem qui mécontent
de Nembrod remonta plus haut
vers la fourpe du Tigre , & donna
fon nom à toute la Contrée : c'eft à
cette dernière explication que l'Au-
teur s'attache , comme étant , dit-
il , la plus fimple & la plus natu-
relle. Il ajoute dans une petite No-
te n que M. l'Abbé de Villefroy ,
» l'un des plus habiles hommes
» que nous ayons pour lesLangues,
» comme on le verra par la Poly-
» glotte du Cantique des Canti-
» ques en huit colonnes, qu'il va
» donner au Public , lui a fait voit
» dans toutes les verfions Orienta-
» les , qu'AlTur y étoit toujours au
N O V E M
s» nominatif & non à l'accufatif,
w comme l'ont 'dit M. -Rollin &
» pluficurs autres.
Cependant , l'Auteur croit
qu'Alfur qui ne s'étoit éloigné de
Nembrod que parce qu'il ne pou-
voit s'accoutumer à vivre fous un
Monarque abfolu , ne fe fit pas
lui-même Chef d'une Monarchie ;
on ne trouve, dit-il, dans l'Hi-
ftoire aucune fuite des Rois Succtfi
feurs d'Aflur, ainfi il lui paroîteon-
itant que depuis fa mort le gouver-
nement des Aflvricnsfut Démocra-
tique , ou Ariftocratique , il tou-
tefois il eut une forme réglée.
Ce ne fut , félon lui , que quel-
ques fiécles après que l'efprit de do-
mination ht cclTer ce gouverne-
ment , & qu'à l'exemple des Rois
de Babylone , pluficurs particu-
liers fe rendirent les maîtres des
Viiks qu'ils habitoient. Tels
étoient ces Rois contre lefquels
Abraham fignala fou courage. Mais
on ne voit point qu'il y en eût dès
lorsàNinive ; ce ne fut qu'envi-
ron fept ans après la guerre que ce
Patriarche entreprit pour la défenfe
de fon frère , Se 545 ans depuis le
Déluge, qu'un nouveau Nembrod
furnommé comme lui Bélus , c'eft-
à-dire , Seigneur ouPuilTant , s'ar-
rogea l'autorité fouveraine dans
Ninive , & fur les autres Villes
voifincs. Son fils Ninus encore plus
ambitieux que lui , marcha contre
Babylonne , triompha de fon Roi
nommé Nabonaddus ; de c'eft à
cette époque , où commence le
grand Empire des Aflyriens l'année
6i8. depuis le Déluge ^ U 116e de
B R E; 1754- 75P
l'âge de Jacob, la 219e avant la fon-
de dePEgypte , &: 1720 avant l'E-
re Chrétienne.
Comme ce fentiment cft con-
traire à la Chronologie communé-
ment reçue , notre Auteur appor-
te les raifons qui l'ont porté à s'en
écarter , il reprend enfuirc le recit
des conquêtes de Ninus , nous
donne l'Hiftoire de Sémiramis , &
choifitee qu'il y a devrai parmi les
fables qu'on a débitées au.fujct de
cette Héroïne. Quelques-uns mê-
me foiitien tient que les grandes
conquêtes qu'on lui attribue, auilî-
bien que le déguifement de fon
fexe , ne conviennent qu'à Atolfa
fille de Bélochus Succefleur deNi-
nius , qui quelquefois elt appelléc
Sémiramis, comme pluficurs autres
Princefles de cet Empire , à qui la
flatterie prodiguoit ce nom , dès
qu'elles avoient des talens rares h
leur fexe.
Quoiqu'il en foit , les Rois qui
fuccederent à la première Sémira-
mis époufe de Ninus , étant tom-
bés dans la molefle & dans la non-
chalance , l'Empire des Aflyriens
fut infenfiblement démembré par
les Princes voifins. Séfoftris le plus
grand conquérant qu'ait eu l'Egyp-
te , fe rendit maître de l'Alfyrie
fous le règne de Ninus. Il eft mê-
me compté parmi leurs Rois fous
le nom de Séthos. L'AiTyrie ne fut
cependant pas long-tems afiervie à
l'Egypte. Mais cette invafion en-
hardit plufieurs Nations voifincs à
fecouer le joug des Aflyriens ; en
forte qu'au tems de Salomon l'Em.
pire de Ninivc étoit borné- à l'Cu
76*0 JOURNAL DE
rient par la Perfc , &c par l'Euphra-
teà l'Occident.
On voit dans le Livre fécond
que la puiftance des AfTyriens fut
encore confiderablement diminuée
par la grande révolution qui arriva
fous Sardanapale. Arbace Gouver-
neur de Médie , Se Béléfis qui l'é-
toit de Babvlone , fe révoltèrent
contre ce Prince. Le fécond érigea
fon gouvernement en Rovaume ,
à condition cependant , dit l'Au-
teur , qu'il feroit feudatatre pour
certaines ebofes de l'Empire d'Afly-
rie. Mais à l'égard du premier, plu-
iîeurs Auteurs , fur la foi de Cté-
fias extrait par Diodore de Sicile ,
8c de Juftin , croyent qu'il prit le
titre de Roi des Médes , ils fuppo-
fent que l'Empire des Alfyriens tût
pour lors entièrement abforbé par
Jes Médes Se par les Babyloniens ,
& ils prétendent que dès lors ils
formèrent deux Monarchies parfai-
tes. Cependant Hérodote dit pofi-
tivement le contraire , Si il mérite
d'autant plus d'être cru qu'il s'ac-
corde mieux avec l'Ecriture S.;inre.
Elle fait mention de plufieurs Rois
d' A (T'y rie , tels que Phul, Théglat-
phalalfar , SalmanatTar , Scnnache-
rib, Alfarahdon , qui vivoitnt de-
vant , pendant , ou après le règne
du nouveau Roi des Médes , nous
fommes donc fûrs, dit notre Au-
teur , que l'Empire des AfTyriens
n'a été détruit que long-tems après
Sardanapale. 11 faut voir dans l'Ou-
vrage - même les autres preuves
dont ce dernier fentiment eft ap-
puyé , autîibien que la pénitence
des Ninivites à la prédication de
S SÇAVANS ,
Jonas , la Captivité des Ifraé'lires
fous ThcglatphâlaiTar. Comme
l'Hiftoirc des Juifs a depuis ce
tem's-là une liaifou cflcntielle avec
celle des Rois d'Aftyric } deBaby-
lone Si des Médes , que l'une fera
■pour ainfidire enclavée dans l'autre t
Si que toutes fe prêteront récipro-
quement de la lumière ; c'eft par
les Hiftoriens Sacrés , Si fur-tout
par les Prophètes qu'on éclaircit ici
tout ce qu'il y a d'oblcur , &c fou-
vent-même de contradictoire dans
les Hiftoriens Prophanes. L'Hiftoi-
re des Ailynens finit par la de-
ftruclion de Ninive qui arriva fous
Chinaladan furnommé Sarac 3 qui
veut dire le Brigand -, cette Ville
fur prife parles Babyloniens Si par
les Médes ; la defoiation en fut
terrible, Si ne fut cependant que
l'exécution littérale des menaces
faites à cette Ville pendant plus
d'un fucle par les Prophètes Eze-
chiel & Nahum. On trouve ici
leurs Prophéties rapportées tout
au long.
33 Leur accomplifïcment mit fin
*> à l'Empire d'Alfvrie qui avoit
» duré 1094 depuis les conquêtes
»jde Ninus s & 1179 depuis le
» commencement de Bélus. Le ti-
= tre - même en fut éteint Si le
» Royaume partagé entre les Baby-
» Ioniens Se les Médes. Cette révo-
"lution arriva l'an du monde 3378.
= 144 ans depuis le changement
» qui fe fit fous Sardanapale, la 21e.
» année du règne de Chinaladan ,
» la 1 24e depuis la fondation de
» Rome , Si 6x6 avant l'Ere Chré-
v tienne.
Notre
N O V E M B
Notre Auteur paffe enfuite à
l'Hiftoire des Babyloniens. Nem-
brod eft le Fondateur de leur Em-
pire. Les Hiftoriens Profanes ne le
connoiiîoient que fous le nom de
Bélus,mais Jofephe qui avoit exac-
tement comparé l'Hiftoire Sainte ,
avec les plus fûrs monumens de
l'Hiftoire Profane, nous allure que
ce Bélus eft le même que Nembrod
qui avoit ces deux noms. Il eft re-
gardé comme le premier des Rois,
fur quoi on remarque , que cette
autorité dominante qu'un homme s' ar-
roge fur les autres , eft une ufurpation
manifefte & la fuite de l'humeur vio-
lente qui caratterifoit Nembrod. Il fe
déclara Souverain environ cent ans
après le Déluge , c'eft à-dire 2248
avant J. C. On ne donne pas ici
cette date comme abfolument cer-
taine , mais feulement comme très-
probable.
Jules Africain nous a confervé
les noms 5c le tems de la durée du
règne des Succeifeurs deNembrod,
qui partages en deux différentes
Dynaftiesont régné 528 ans; mais
on ne fçait rien de leurs adtions.
Mais comme il eft certain par la
fuite de l'Hiftoire que les Royau-
mes d'Affyrie & de Babylone fu-
rent fournis aux mêmes Souve-
rains , il y a lieu de croire que Ni-
nus s'empara de Babylone après la
défaite ou la mort du dernier Roi
de cette Ville, 628 ans depuis le
Déluge.
Si l'on en croit Ctéfias , cette
Ville feroit devenue comme la Ca-
pitale de l'Empire des Afîyriens
dis le tems qu'ils en eurent taie la
Nivembrs. '
RE, 1754. 76" r
conquête , maison prouve par Hé-
rodote dont le témoignage eft
d'autant plus recevable qu'il avoit
vu cette Ville dans fa fplendeur ,
& confulté les anciennes Annales
du Pays , que les grands Ouvrages
dont Babylone étoit embellie , n'é-
toient pas de la première Sémira-
mis femme de Ninus , mais de
quelque autre Reine d'ÂHyriequi
lui étoit pofterieure Se qui avoit
porté le même nom. Les prodiges
d'archite&ure qu'on admiroit à
Babylone & dont on trouve ici
une longue & curieufedefeription,
peuvent fe réduire, félon l'Auteur,
à cinq principaux, i'.Les murailles
de la Ville, 20. Le Temple de Bé-
lus, 30. Le Palais du Roi aveefes
Jardins fufpendus, 40. Les Digues
& les Quais de l'Euphrate qui la
traverfoit, 50. Le Lac & les Canaux
faits de main d'homme pour la dé-
charge des eaux du fleuve : & il eft
à remarquer qu'Hérodote attribue
prefque tous ces ouvrages à Nabu-
chodonofor le Grand & àNitocris
Sabra.
Par la fameufe révolution qui
arriva fous Sardanapale dont on 3.
parlé dans l'Hiftoire des AiTyriens,
Babylone fecoua leur joug; Béléfis
qui tut leur libérateur , fe rendit
bien-tôt leur maître ; notre Auteur
différent en cela de M. Prideaux ,
le diftingue de Nabonallar fon Suc-
Ceffeur , q.ii eft l'Auteur de l'Ere
qui porte fon nom ; elle répond à
l'an 747. avant J.C.
On a dans le Canon de Ptolémée
une fuite exacle de fes Sticcelïeurs,
mais on ne fçait que peu de chofes
Rtrr
7<Î2 JOURNAL D
de leurs actions. Babylone retomba
depuis fous la domination de l'Af-
fyrie , mais Nabopalalïar qui en
étoit Gouverneur pour Chirula-
dan Roid'Alfyrie , fe révolta con-
tre lui 6c foûtenu de Cvaxarre Roi
des Médcs , il détruiutJa Ville de
Ninive 6c l'Empire des Aériens.
Ce fut alors que Babylone parvint
au comble de la grandeur &: de la
puiilance , & le tems où furent
conlhuits les fameux Ouvrages
dont on a fait mention.
NabocolalTar plus connu fous le
nom deNabuchodonolor le Grand,
poulTa encore plus loin fes conquê-
tes que fbn père Nabopalafiar. Il
rendit tributaire Joakim Roi de
Juda , prit une partie des Vafes du
Temple & tranfporta une grande
quantité de Juifs à Babylone. Cette
fatale époque tombe la quatrième
année de Joakim & la 606e avant
J. C. £c c'eft où commencent les
70 ans de la Captivité de Babylo-
ne prédite par Jérémic. Mais Joa-
kim ayant refufé de payer le tribut
6c ayant été tué dans la guerre que
les Babyloniens lui firent à cette
occafion , Jéchonias fon fils & fon
Succelîeur, fuccomba encore fous
les efforts de Nabuchodonofor. Ce
Prince prit Jerufalem , pilla le
Temple , 5c ne laiffa dans la Judée
que le menu peuple & les pauvres,
éc tout le relie fut tranfporté dans
la Chaldée , Se le Prophète Eze-
chiel fut du nombre des Captifs.
Nabuchodonofor donna pour Roi
à ceux qui étoient reftés dans le
Pays, Sédécias oncle de Jéchonias..
Ce Prince fut encore la victime des
ES SÇ A VA NS,
efforts qu'il fit pour rendre la liber-
té à fa Patrie , il tomba entre les
mains du Roi de Babylone , qui le
fit conduire dans fa Capitale après
lui avoir fait crever les yeux. C'eft
l'accompli ifement littéral de ce
qu'avoir prédit Ezechiei que ce Roi
feroit mené captif à Babylone, où
il mourrait fans voir la Ville.
Nous ferons relfouvenir à cette
occaiïon que l'Auteur s'attache
toûiours à faire voir l'accord de
l'Hiltoire Proprune avecl'Hiftoire
Sainte , mais ordinairement fans
entrer dans les diffkultez de Chro-
nologie !k d'Hilloire qui partagent
les Sçavans & les plus habiles In-
terprètes de l'Ecriture.Peude tems
après Nabuiardan , un des Géné-
raux de Nabuchodonofor fit met-
tre le feu à la Ville , rafer le Tem-
ple &c paner au fil de l'épée un
grand nombre de fes habitans ; &
à l'égard de ceux qui avoient été
lailfés dans la lecondc guerre , ils
furent conduits à Babylone, à l'ex-
ception de quelques Laboureurs &
Vignerons qui y relièrent pour
cultiver les terres , dont la récolte
étoit cependant portée à Babylone.
Telle fut l'ilnae de cette funelte
guerre qui mit fin au Rovaume de
Jutla. Cet événement arriva l'an
du monde 341 6. 133 ans depuis la
deftruètion de Samarie , 6c 5 88 ans
avant J. C.
Nabuchodonofor étendit fes
conquêtes dans l'Egypte , 6c après
la mort de fon fils Evilmérodac,
Nerigliflorqui gouvernoit l'Alîy-
rie en qualité de Régent pendant
la minorité de Laboroforcod , si-
N O V E M
fujettît la Syrie toute entière , l'A-
rabie , l'Hircanie & la Ba&riane .,
& fembloit afpirer à la conquête
de toute l'Afie. Cette ambition re-
veilla la jaloufie des Médes , &
Cyaxarre leur Roi lui ayant oppofe
fon neveu Cyrus , Nérigliffor per-
dit la vie dans un combat fanglant
où fes Troupes furent défaites -, &
par fa mort le Sceptre étant pafie
dans les mains de Laborofbrcod
jeune furieux qui n'avoit avec une
infinité de vices aucunes des vertus
de fon prédeceiïeur , les Babylo-
niens firent des pertes qui les arîoi-
blirent fi fort que fous le règne de
Nabonadius le même que Bérofe
appelle Nabonide, Hérodote- Labi-
net, Jofeph Naboandel, Se Daniel-
BaltafTar , Cyrus s'empara de Baby-
lone après un an de hége. La de-
ftru&ion de l'Empire des Babylo-
niens arriva l'an du monde 3466'.
50 ans depuis la prife de Jerufalem,
fous le règne du dernier Tarquin à
Rome, &c 538 ans avant J. C. &
leur puiiTance paiTa aux Médes.
Quelques Auteurs ont prétendu
que ces peuples tivoient leur nom
de la fameufe Médée ; mais il eft
plus viaifemblablejCommeJofephe
nous l'apprend , qu'ils le tiennent
de Madaïtroifiémc fils de Japhet.
On ne fçait quel étoit la forme de
leur Gouvernement au temsoù Ni-
nus vint les affujettir ; mais il pa-
loît qu'il y avoit plus de mille an»
qu'ils étoienttiibutaires du Royau-
me d'AlTyrie , lorfqu'Arbace leur
Gouverneur indigné d'obéir à un
Prince tel que Sardanapale , trouva
le moyen de fouftraire fa Nation
B R E , 1 7 3 4. 76"j
au joug de ce Prince efféminé.
Notre Auteur croit qu'ils fe
tournèrent en Republique, » quoi-
» qu'ils foient demeurés encore
» feudataires ou dépendans pour
«quelque chofe des Rois deNini-
» ve , puifque Salmanazar qui vi-
» voit avant Déjoce après avoir cn-
n levé les peuples du Royaume
»> d'Ifraël , les difpcrfa dans les Vil-
j>les de laMédie.
Ce gouvernement ayant jette les
peuples dans une efpece d'Anar-
chie qui ouvroit la porte à une in-
finité de defordres , on crut qu'il
n'y avoit que l'autorité d'un Roi
capable de les reprimer. Les plus
conlïderablcs de l'Etat élurent
donc en cette qualité Dé]oce fils de
Phraortes originaire du Pays. Di-
gne du choix qu'on avoit fait de fa
perfonne , il établit le Siège de fon
Empire à Ecbatane qu'il bâtit avec
une grande magnificence. Ce Prin-
ce ayant péri dans une guerre qu'il
entreprit contre Saofcduchin ou
Nabuchodonofor Roi de Ninive ,
eut pour Succclleur Phraortes , ce
Prince qui hérita des vertus & du
courage de fon pere penfa d'abord
à le venger, mais il fut tué au mi-
lieu de ces grands projets , & lailîa
le Royaume à Cyaczarre fon fils
qui dans une grande jeuneiTe avoit
toutes les vertus & les talens qui
donnent les plus flattcufes efperan-
ccs. Ses premiers exploits turent la
défaite des Scythes qui fonis des
environs des Palus-Méotidcs fous
la conduite de leur RoiMadigés ,
avoient défolé tout ce qui s'étoit
trouvé fur leur paffage , 6i fait une
Rr rr ij
7^4 JOURNAL D
irruption dans la Médie. Parlade-
ftrudion & la prife de Ninive , il
fe vie enfuite maître de la plus
grande partie de l'Empire d'Aify-
lie , car à la referve de la Babvlo-
nie, & de la Chaldée qu'il aban-
donna à Nabopolaffar Gouverneur
de Babvlone qui s'étoit joint à lui
contre Chinaladan dernier Roi
d'Aflyrie , tout le relie de ce Pays
fut affujetti à la domination de
Cvaxarre.
Ce Conquérant lai lia fa Couron-
ne à fon fils Alliages que Daniel ôc
Tobie nomment Affuerus , & fur
lequel nos meilleurs Hiftoriens va-
rient infiniment. Notre Auteur
s'arrête fur ces différences , comme
on ie vc rra dans une Note allez
■étendue qu'il tait à cette occalîon.
Il prétend , contre le fçavant Père
Tournemine , que le feul moyen
de les accorder eft de diftinguer cet
Alliages de Cyaxarre II. ion fils
qui lui fucceda , &: qui eft nommé
par Daniel Darius le Méde. Il rap-
porte enfuite une partie des Fables
qu'Hérodote débite fur la naiffan-
ce Se l'éducation de Cyrus. Mais
il veut qu'on s'en tienne à Xéno-
phon Hiftorien fenfé qui ramené à
la vérité de l'Hiftoire le peu que
l'on fçait de la vie d'Alliages.
C'eft d'après cet Hiftorien qu'il
nous donne le caractère & le por-
trait de Cyrus , la manière dont il
fut élevé fuivant la difeipline des
Perfes , fon féjour à la Cour de fon
grand-pere, la defeription de cette
Cour , & les conquêtes de Cyrus ,
l'Hiftoire & la défaite de Crarfus
Roi de Lydie, &c. quoiqu'on ait
ES SÇAVANS;
vu une partie de toutes ces chofes
dans l'Hiftoire de M. Rollin , avec
lequel il fe rencontre fouvent, mê-
me jufques dans les expreflions,
parce qu'ils ont puifé l'un & l'au-
tre dans les mêmes fources, on les
relira cependant ici avec un nou-
veau plaidr, & nous y renvoyons
le Lecteur.
L'Hiftoire des Médes finit avec
le règne de Darius le Méde qui
■mourut l'an 53^. avant J. C. après
avoir aftocié Cyrus à l'Empire 6c
l'avoir déclaré fon héritiet. Sa mort
mit fin à l'Empire des Médes qui
avoit duré 174 ans depuis que Dé-
joce fut mis furie Trône.
L'Auteur termine l'Hiftoire de
ces trois Empires par une Diflerta-
tion fur les Prophètes , quoique
le titre porte qu'il la donne pour
fervir d'éclatrcijjement aux Empires
des Affyriens , des Babyloniens & des
Médes t car dit- il , les Prophètes ne
fe bornaient pas aux feuls fjuifs } ils
embrajfoient fouvent les peuples étran-
gers & même les plus propbanes. Ce-
pendant dans le cours de fa Dilfer-
tation , il fe reftraint à ce qui re-
garde les Captivitez deSamarie&
de Jerufalem ; il examine quelles
en ont été les caufes , les prédic-
tions qui les ont annoncées , i'ac-
compliffement de ces prédictions,
leurs particularitez ôc leur fuite.
Mais il le fait ordinairement plutôt
en Orateur qu'en Hiftorien , 5c
moins en homme qui cherche à
contenter la curiohté des Sçavans,
en démêlant ce qu'il y a d'obfcur
fur tous ces points , qu'à nourrit
la pieté & la foi d'un Lecteur ordi-
N O V E M
naire en fe fixant à ce qu'il y a de
certain & d'inconteft.ible dans l'ac-
compliiremcnt des Prophéties qui
regardent les Juifs. C'eft ce qu'il
exécute en copiant tort au long les
plus beaux endroits des Prophètes
<juiont rapporta fon fujet. En for-
te que ce Difcours eft moins com-
pofé des paroles de l'Auteur que
des expreffions nobles & magnifi-
ques , &c de ces peintures vives &c
fortes par lefqueis ces hommes
înfpirés faifoient entendre aux
Juifs les menaces Se les volontcz
du Très-Haut.
Dans le dernier Paragraphe de
fa Differtation qui a pour titre de
l'efpriî des Prophètes^ & dans lequel
il montre que leurs prédictions
s'étendoient généralement à toute
l'économie de la Religion , après
B R E , 175 4- 16$
avoir rapporté les differens objets
qu'ils paroilîbient avoir eu en vue ,
le dernier , félon lui , eft le retout
final des Juifs , » qu'ils joignoiene
» prefque toujours à celui qui ter-
»mina la Captivité de Babylone ,
» paiïant rapidement Se fans en
» avertir de l'un à l'autre ; mais
» néanmoins avec cette différence,
« qu'ils marquaient au jufte le tems
» du premier , Se qu'ils ne nous
» donnent aucune lumière précife
» pourconnoîtrele fécond. D'où il
conclut très - judicieufement , que
c'eft un fecret que Dieu s'efl refervé s
& fur lequel il nous eft par confe-
quent défendu de porter notre juge-
ment , comme fur tous les autres Mj-
fteres qu'il n'a pas jugé à propos de
nous révéler.
RERUM ITAL1CARUM SC1UPTORES, &g.
C'eft -à -dire : Recueil des Ecrivains de l'Hiftotre d'Italie , depuis l'an
^oo.jufqu'àl'an 1 joo. par M. Muratori , Tome XIX. A Milan , par la
Société Palatine, ij^z.in-fol. col. 11 10.
CE Volume eft encore compo-
fé pour la plupart de différen-
tes Pièces qui n'avoient point juf-
qu'à préfent été imprimées , Se
•qui méritoient cependant de l'être.
Comme on le verra par le détail
que nous allons en donner.
Il renferme , i°. une Hiftoire
écrite par Frère André Biglia de
l'Ordre des Ermites de S. Auguftm.
Elle commence en 1402. & finit en
1431. Cet Auteur qui étoit de Mi-
lan d'une famille illuftre , Se qui y
tient encore aujourd'hui un rang
confiderable , a été un des princi-
paux ornemens de fon fiécle Se de
fa Patrie. Voflîus en parle avec
éloge , Liv. 3. chap. j. des Hifto-
riens Latins. 11 a laiffé differens
Ouvrages qui font écrits d'un ft vit
meilleur que fon fiécle ne fembloit:
devoir le permettre i il içavoit
l'Hébreu Se le Grec , & joignent a
une Science profonde une fi grande
fainteré de mœurs qu'il a mérité
après fa mort d'être béatifié. Il
mourut à Sienne en 1435.
On trouve cependant parmi les
differens écrits qui nous relient de
lui en Manulcrit dans la Bibliothé-
n66 JOURNAL D
que Ambroifienne , Se dont M.
Muratori fart ici le détail , deux
Ouvrages dont l'un partagé en
deux Livres , eft intitulé , Avis a»
Frère Mainfroy de Verceil de l'Ordre
des Frères Prêcheurs 3 &C dédié à
Jourdain Cardinal des Urfîns ; Bi-
glia y blâme la conduite de Main-
froy qui fous un prétexte de Reli-
gion fe faifoitfuivre par des trou-
pes de femmes qu'il menoit en pè-
lerinage. L'autre porte pour titre :
des ufaaes , des Difciples & de la
DoRrine de Frère Bernardin de l'Or-
dre des Mineurs. C'eft celui qui a
été depuis canonifé fous le nom de
S. Bernardin de Sienne, &quife
rendit célèbre par fon zélé Se par
fes prédications dans l'Italie , &
dans la Lombardie. Cependant
notre Auteur prétend que ce zélé
n'étoit pas toujours réglé par la
Science -, &il s'en explique en ter-
mes très-vifs & très-peu mefurés ,
mais c'eft une aceufation ordinaire
contre ceux qui fe confacrent à ce
qu'on appelle Mi (lions. On peut
même croire que notre Hiltorien
étoit animé d'une fecrete jaloufie
contre l'Ordre des Frères Mineurs.
Mais pour revenir à l'Ouvrage
dont il eft ici queftion, Voffiusdit
que Biglia avoit compofé une Hi-
ftoire de Lombardie , Se une Hi-
ftoire de Milan ; mais M. Muratori
croit qu'il fe trompe , & que cette
prétendue Hiftoire de Lombardie
eft la même que celle qu'on donne
ici. C'eft dommage qu'elle foit iî
abrégée , car on y voit par-tout un
Auteur grave , éloquent &: judi-
cieux. Il faut cependant convenir
ES SÇAVANS,
que dans ce qui regarde les êvene-
mens arrivés hors de fon Pays, il
n'eft pas fortexacl, il dit par exem-
ple , Liv. 2. que le Roi Jean étoit
tombé en démence lorfqu'il mou-
rut prifonnier à Londres , que le
Roi d'Angleterre périt avec un
grand nombre des fiens par la main
des Ecollois , Scotiorum , ou com-
me porte une Variante par celle de
fes alliés, Soctortim , Se que ce Prin-
ce laiiïa un fils en bas - âge qu'il
avoit eu d'une fille du Roi de Fran-
ce fon prifonnier. Récit où tout eft
plein de raufteté ou de confulîon.
On a dit de Biglia qu'il étoit uni-
verfel, que dans l'éloquence c'étoit
un Ciceron, dans la Philofophic
un Ariftote , dans la Théologie un
imitateur de S. Auguftin. Perfeilus
fedijfecjuus.
2°. Hiftoire de la guerre des Flo-
rentins contre les Pifans en l'an
1406. écrite pat Mathieu Palmé-
rius.
On a déjà parlé de Palmerius
dans le treizième Tome de cet Ou-
vrage, à l'occahon de la Vie de
Nicolas Acciaioli qu'il a écrire.
L'Ouvrage qu'on donne aujour-
d'hui eft intitulé : de la Captivité de
l'ife ; lorfque M. Muratori l'inféra
dans ce Recueil, il ignoroit qu'il
eut déjà été imprimé en 165 6. à
ZuricK par Nicolas Lévinus parmi
differens autres Opufcules , cepen-
dant quoique cette Hiftoire n'ait
pas pour tout le monde les grâces
de la nouveauté, on efpcre qu'étant
du moins peu connue des Italiens ,
elle leur fera agréable.
3°, La Vie de Charles Zéno , no-
N O V E M B R. E ; i 7 5 4- 7cT7
ble Vénitien, dédiée au Pape Pie H. corriger plufieurs endroits qui
par Jacques Zéno fon neveu, Eve
que de Feltri , & de BeJIuno.
Charles Zéno , l'un des plus il-
ïuftresde la noble famille qui por-
te ce nom remporta une vicloire
confiderable fur le Maréchal de
Boucicaut , pour lors Gouverneur
de Gènes , Se fe fignala pendant fa
vie par différentes expéditions de
mer & de terre qui augmentèrent
l'éclat & la grandeur de la Repu-
blique de Venife , il mourut com-
blé d'honneurs en 141 8. fon neveu
qui eft l'Auteur de la Vie de ce cé-
lèbre Vénitien , fe confiera à l'état
Ecclefiaftique, & mourut Evêque
de Padoiie en 1481. ila compofé
les Vies des Papes depuis S. Pierre
jufqu'à Clément V. Cet Ouvrage
' eft encore caché dans les Bibliothè-
ques de Rome ; cependant les
Continuateurs de Bollandus té
étoient défectueux & mutilés dm
le feul Manufcrit Latin que M.
Muratori en a recouvré , outre cet
avantage on aura encore celui de
retrouver dans l'original l'éloquen-
ce naturelle de l'Auteur, fi on peut
appeller cependant éloquence une
abondance de paroles , & desdif-
cours fans fin qui fuppofent dans
les Lecteurs plus de patience qu'ils
n'en ont ordinairement. On a joint
à cette Vie l'Oraifon Funèbre de
Charles Zéno par Léonard Jufti-
nien qui pafloit pour le plus habile
Orateur de fon tems.
4Q. Des Annales de Sienne de-
puis l'an 1385. jufqu'en l'an 1422.
par un Auteur Anonime , mais
contemporain.
Ces Annales de Sienne viennent
précifément à la fuite de celles
d'Andréa-Dei,d'AngelodeTura Se
moignent qu'ils en ont fait fouvent deNério-Donati qui vient jufqu'en
ufage. Il a écrit aufTi la Vie de Ni-
colas Albergati , Cardinal de Sain-
te Croix , qui a été imprimée dans
le fécond Tome du mois de May
par les Bollandiftes.
A l'égard de l'Hiftoire de Charles
Zéno , on doit moins la regarder
comme l'Hiftoire d'un particulier
que comme celle de la République
de Venife , dont il fut l'honneur 5c
le foûtien pendant fa vie, depuis
1334. jufqu'en 1418. Cet Ouvrage
avoir déjà été traduit en Italien 3 &
imprimé à Venife d'abord en
1544. 6c enfuite en 1606. quelque
imparfaite que paroifle avoir été la
copie fur laquelle cette Traduction
a été faite , elle a néanmoins fervi à
1 384. & qu'on a vues dans le quin-
zième Tome de cette Collection.
On ignore le nom , & la condi-
tion de celui qui les a rédigées. El-
les font écrites en Italien , & fui-
vant la Dialecte qu'on parloitpour
lors à Sienne ; M. Muratori n'y a
rien changé pour laifler au Lecieur
lepîaifirdefentir la différence du
Siennois au Florentin. Tous les ré-
cits y font fort abrégés 5 à l'excep-
tion d'une Hiftoire arrivée , ou
qu'on fuppofe être arrivée à Sienne
•en 1395- L'Editeur croit qu'elle a
été faite à l'imitation des Nouvel-
les de Bocace. Le fonds en eft fage
& intereflant , plein de bonnes
mœurs «, & de fentimens nobles &
7é8 JOURNAL D
héroïques -, mais le ftile en eft fi
diffus que quoiqu'elle foit écrite
avec politeffe , il eft impolîible de
la lire fans ennui.
50. La Vie & les actions de Brac-
cio de Peroufe depuis l'an 1 3 <S8.
jufqu'à l'an 1414. par Jean-Antoi-
ne Campanus , Evêque de Teramo
dans la Bruzze ultérieure.
Depuis la chute de l'Empire Ro-
main, quoique l'Italie fût en proye
aux guerres , & aux factions les
plus violentes , on y voit peu de
grands Capitaines , ou fi Ton y
en voit quelques - uns s c'étoient
pour la plupart des étrangers , tels
que ces fameux Normans qui firent
avec tant de courage & de pruden-
ce la conquête de la Pouille , 5c de
la Sicile. Mais depuis le quatorziè-
me fiécle, c'tft à-dire, depuis 1300.
jufqu'en 1500. l'Italie a porté un
nombre de guerriers fi vaillans Se fi
habiles , qu'il femble , dit M. Mu-
ratori que la valeur des anciens Ro-
mains paroît s'être renouvellée par-
mi fes Compatriotes. Paul-Jovea
publié les Eloges de ces Héros. La
feule Ville de Péroufe en a porté
deux , l'un nommé Braccio de
Montone, & furnommé Fortebrac-
cio , qui fe rendit très-illuftre par la
puiffance fouveraine qu'il exerça
dans fa Patrie 5c dans pîufieurs Vil-
les voiiines ; l'autre s'appelloit Ni-
colas Picininique , élevé fous la
difcipHne de Braccio , laiffa fur-
tout dans la Ligurie une infinité de
preuves de fa valeur ik de fa con-
duite , fans parler de fes enfans qui
devinrent prefqu'aulfi célèbres que
Lur père. Mais comme ce fut fous
ES SÇAVANS,
le premier que Péroufe s'éleva au
plus grand degré de puiffance 5c
de réputation ou elle foit jamais
parvenue , ce morceau ne contri-
buera pas peu à la gloire de cette
Ville.
Jean Campanus , qui en eft
l'Auteur , doit tenir un rang d'au-
tant plus connderable parmi les
Sçavans que fon mérite feul le con-
duisit de la plus balle condition à
une plus grande fortune. Pie II.
quiaimoit les Lettres, le fit paffer
fucceffi vement de l'E vêché de Cro-
tone à celui de Teramo -, 5c fous
Paul IL fon Succcffeur , il fut ho-
noré de différentes Ambaffades, &c
de plufieurs Polies importans ; mais
fa fortune changea fous Sixte IV.
& il mourut accablé de trifteffe à
Sienne en 1477. Michel Ferno de
Milan a écrit fa Vie , l'a fait im-
primer à Rome en 1495. avec les
Ouvrages deCampanus.De tous fes
Ecrits JaVie de Braccio eft celui qui
lui a lait le plus d'honneur. Paul-
Jove en parle à peu près de même,
quoiqu'il aceufe l'Auteur d'avoir
altéré la vérité des faits par une
adulation Poétique. Il faut cepen-
dant remarquer que Campanus ,
dans fa Préface , dit qu'il ne peut
être foupçonné de flatterie , puif-
qu'il y avoit cinq ans que fon Hé-
ros étoit mort, lorfque lui-même
vint au monde. Il eft vrai que dans
les Annales deNaples que M. Mu.
ratorife propofe de donner, Brac-
cio y eft dépeint comme un Tyran
plein d'irréligion & de cruauté
mais à cela l'Editeur répond que
Campanus n'eft pas le feul qui ait
célébré
NOVEMB
célébré les vertus des grands Hom-
mes , fans marquer les vices auf-
quels ils étoient adonnés. Il avertie
encore que cette Vie a été traduite
en Italien par Poropée-Bellufino ,
& imprimée en 1571-3 Venife.
6°.LaVie & lesAciions de Sforce,
avec les commencemens de Fran-
çois Sforce Viicomti fon fils, Duc
de Milan , depuis l'an 1369. juf-
ciu'à l'an 1414. par Léodridus-Cri-
bellus , noble Milanois.
Ce guerrier dont il eft fouvent
fait mention dans l'Ouvrage précé-
dent , naquit à Cotignola petite
Ville de la Romagne. Sorti d'une
famille obfcure , il parvint par fa
vertu à une grande puiffance , &C
laiiïa un fils qu'on peut comparer
avec les anciens Héros, & qui ac-
quit à lui-même & à fes defeendans
la Souveraineté de Milan &c de Gê-
nes. Il n'eft pas étonnant que notre
Auteur, fuivi en cela de plufieurs
autres , ait cherché à lui donner
une illuftre origine , mais la com-
mune opinion cfl: que Sforce étoit
fils d'un ample Laboureur , &£ que
comme cet ancicnDictateur, il paf-
fa de la charrue au commandement
des armées.
Paul- Jove rapporte que Sforce ,
encore tout jeune , travaillant à la
terre, &c fatigué de la vie dure qu'il
jmenoit , fe mit tout d'un coup à
faire des vœux au Ciel pour parve-
nir à un état qui répondît mieux à
l'élévation de fon efprit , que là-
deffus il avoit lancé avec violence
fa bêche contre un chêne en fe pro-
mettant à lui-même que fi elle re-
toroboit à terre , il continueroit fa
Novembre.
RE; 1 7 h- 1&9
première profeffion , & que fi au
contraire elle reftoit enfoncée dans
l'arbre , il fuivroit les armes , 6c
que l'augure ayant réuffi comme il
le fouhaitoit , il avoit aufli - tôt
changé fa bêche contre une épéc.
Paul - Jove ajoute que François
Sforce Ion petit neveu fe faifoit
honneur de cette Tradition , &c
que lui faifant un jour voir la cita-
delle qu'il avoit bâtie , & les armes
qu'il y confervoit , il lui dit ces pa-
roles en lui montrant une bêche
qu'il prétendoit être celle dont fon
byfayeul s'étoit fervi pour décider
de fon fort ; c'efl à cet infiniment que
je dois ma puiffance & tout ce que
vous voyez.. Léander-Albertus, dans
fa Defcription d'Italie , parle de
même de l'origine des Sforces , &
dans les Ephémérides de Rome
d'Antoine- Pierre, que M. Mura-
tori doit donner dans la fuite , on y
lit fous l'an 141 2. que le 7 d'Aouil
on mil par l'ordre du Pape dans tous
les endroits publics de Rome un ta-
bleau , ou Sforce était repre fente atta-
ché par le pied droit a une potence ,
comme trame de la Sainte Egltfe ,
tenant dans la main droite un hoiau
& dans la main gauche un écriteau
avec ces mots : je suis Sforce ,
Paysan de Cotignola , qui ai
fait bg.u2e trahisons a l'eglise
contre mon honneur, mes pro-
MESSES , et mes Traitez.
L'Auteur de cette Vie avoit eu
dtfîein de donner aufli celle de
François Sforce -, mais on ne fçait
par quelle raifon il ne l'a pas ache-
vée. Ce qui nous en refte ne con-
tient que les actions du père , Si à
Sfff
77o JOURNAL D
l'égard du fils , à peine y trouve-
ton ù première expédition qui rut
le combat dans lequel Br.iccio per-
dit la vie. Cet Hiftorien , fi l'on en
croit M. Murarori , étoit d'une
noble famille de Milan , & diftin-
gué parmi les illuitres Grammai-
riens de fon tems. Mais comme il
paroît par une Lettre de M. S..ifi ,
qu'il v avoir eu dans le même teins
à Milan plusieurs perfonnes qui
portoient le nom de Lniovicusoa
de Leodrijtiis - Cribellus , & qui s'é-
toient fait un nom parmi les gens
de Lettres , nous ne croyons pas
qu'on puilTc rien dire de bien cer-
tain fur le véritable Auteur de cet-
te Vie.
Elle a été imprimée fur un Ma-
nufcritdela Bibliothèque du Roi,
qui y a été apporté de Pavie par
Louis XII. comme on le voit par
ces mots écrits à la fin du Manuf-
crit de Pavye au R»y Louis Xll. M.
Dominique Vandelli , aujourd'hui
Profelïeur de Mathématique à Mo-
déne , en fit , dit M. Muratori , la
découverte. » Dans la très ample
*> Bibliothèque du Roi très Chré-
» tien ; & comme la Nation Fran-
»> çoife eft d'une libéralité & d'une
» polirefTe admirable, fur-tout lorf-
» qu'il s'agit de tout ce qui peut
n contribuer à l'avancement des
«Lettres, il ne lui hit pas difficile
» d'obtenir cette Pièce.
7°. Une Chronique de Trevife
depuisl'an 1368. jufqu'àPan 1418.
par Jean de Redufiis de Quero.
Cet Auteur fe fait allez connoîtie
dans plufieurs endroits de fon Ou-
vrage -, on y voit qu'il avoit été
ES SÇAVANS,
Chancelier de la Commune de Tre-
vife , quoiqu'il fût homme de
guerre , & qu'il fe fut fignalc plu-
fieurs fois en cette dernière qualité.
Il eft d'autant plus croyable qu'il
parle prcfque toujours en témoin
oculaire , & en homme fage eV ju-
dicieux , il paroît cependant enne-
mi déclaré des Princes de Carrara ;
mais il faut pardonner cette partia-
lité à un homme qui étoitau fervi-
ce des Vénitiens.
fc°. Une Chronique de Forli de-
puis 1 397. juiqu'en 143 3. par Frerc
Jérôme de Forli de l'Ordre des
Prêcheurs, Sixte de Sienne ik quel-
ques autres en font mer.tion avec
éloge, il a compofé plufieurs Ser-
mons ik quelques Ouvrages de
Pieté. Tous ceux qui en ont parlé
difent qu'il florilToit en 1479. quel-
ques-uns même en 1484. mais il eft
manifefte par deux endroits de
cette Chronique qu'il ne peut
avoir vécu que très - peu de tems
après l'année 1433. & fi le labo-
rieux Editeur avoit lu fon Hifto-
rien avec plus d'attention , il y au-
roit trouvé la queflion décidée.
Car Frère Jérôme dit clairement
fous l'année 1424. qu'il avoit pour
lors -jf> ans , & qu'il étoit né le 23
d'Aouft.
Il rapporte qu'en 1400. le peu-
file dans toute l'Italie animé par
es diicours de plufieurs Million-
naires vifs cV ardens , fut faifi tout
d'un coup d'un efpritdepénitence
& de componction , qu'hommes
iv femmes couroient par les rués ,
vêtus de facs , fe donnant la difei-
pline , & criant mifericordia , mife-
N O V E M
ricôrdia , qu'ils étoient partagés en
différentes bandes qui avoient leur
chant , & h l'on peut ainfi parler ,
leur cri de dévotion particulier j
ils jeunoient pendant neuf jours ,
&marchoient pieds nuds. Quelques
Religieufes fortirent de leurs Cou-
vens pour fuivre ces troupes de pé-
nitens ; des Evêques mêmes & des
Religieux fe joignirent à eux, mar-
chèrent en proceffion prêchant la
pénitence. Ce zélé toutinconfidé-
ré qu'il étoit , opéra beaucoup de
réconciliations Se s'éteignit par une
grande mortalité qui emporta un
grand nombre de ces zélés , notre
Auteur ajoute qu'on en compta un
jour fur la place de Forli plus de
20000, tant de ceux de la Ville que
des environs. La même chofe fe vit
dans les autres lieux ; excepté , dit-
il , parmi les fages Vénitiens ,p<«-
terejuam Vemtis fapientibus.
On y trouve aullî deschefes fort
curieufes fur le grand Schifme qui
défoloit pour lors l'Eglife , mais il
faut avouer que tout cet Ouvrage
eft écrit dans le ftile Se dans le goût
d'un Moine qui a parte fa vie loin
des affaires Se du commerce des
hommes.
9°. Un Commentaire de Léonard
Aretin fur les évenemens arrivés de
fon tems depuis 1 378. jufqu'en
1440. Cet Ouvrage avoit déjà vu
le jour à Lyon en 153?' mais il
avoit été imprimé fur une copie Ci
imparfaite, de l'aveu-même du pre-
mier Editeur, que M. Muratori,
B R E ; î7?4« 77»
qui en a retrouvé une autre , quoi-
qu'un peu mutilée „ fe flatte que le
public trouvera cette Edition plus
parfaite. Cette Pièce eft fort cour-
te , mais on ne laiffe pas d'y retrou-
ver par-tout le bon goût de Léo-
nard Aretin.
io°. Une Hiftoire de Florence,'
écrite en Italien par un Anonyme ,
depuis l'an 1406. jufqu'à l'an 1438.
M. Muratori croit pouvoir don-
ner cet Ouvrage à la fuite des au-
tres qu'il a publiés fur l'Hiftoire de
Florence. Il avoue que l'Auteur
paroît s'y être plutôt attaché à dé-
crire les Rites de l'EglifeRomainc
que l'Hiftoire de fon tems. Peut-
être-même que ce ne font que des
morceaux tirés d'un plus grand
Ouvrage qui eft perdu ; mais tel
qu'il eft , on y verra peut-être avec
plaifir la relation de la manière
dont le Pape Martin V. Se enfuite
Eugène IV.furent reçus à Florence.
Notre Auteur y décrit cependant
les Cérémonies de la Mefle Pontifi-
cale , Se parle des affaires Eccleiîa-
ftiques dans un ftile , Se dans un
langage qui marque plus de curio-
fité que de connoiiîance dans ces
fortes de matières.
Ce Volume finit par une Chroni-
que de Piftoye écrite depuis la fon-
dation de cette Ville jufqu'à l'an
144X. par Jannoti-Manetto Floren-
tin. C'eft tout ce que nous en di-
rons , & parce qu'elle eft fort abré-
gée-, Se qu'il eft tems de finir cet
Extrait.
Sfffi;
77* JOURNAL DES SÇAVANS
TRAITE' GENERAL DES HORLOGES , PAR LE PERE
Dom Jacques- Alexandre , Religieux Beneeticiin , de la Congrégation de
S.Aiaur: Ouvrage enrichi de figures. A Paris , chez Hippolyte - Louis
Guerin , rue S. Jacques, vis - à - vis Si Yves , à S. Thomas d'Aquin ;
& Jacques Guerin , Quai des Augultins. 1734. vol. /'»-8°. pp. 387.
LE deffein de l'Auteur eft de
donner une Hiftoire générale
de l'Horlogerie ; Ouvrage d'autant
plus curieux , que ceux qui ont
été publiés jufqu'ici fur ce fujet
font très - bornés , 6c ne peuvent
pafTer , tout au plus , que pour des
ébauches. Le Père Alexandre com-
mence d'abord par un court expo-
fé des différentes méthodes que les
anciens ont employées pour com-
pter les années^ les mois , les jours
& les heures.
Après quoi il vient à l'Hiftoirc
qu'il s'eft: propofée : il débute par
les Horloges Solaires , il reconnoît
Anaximandre pour le premier qui
en ait fait dans la Grèce ; ce Philo-
fophe vivoit environ 540 ans avant
J. C. cv notre Auteur remarque
que le Cadran d'Achas étoit plus
de 20 ans auparavant.
Notre Auteur paffe de - là
aux Horloges d'eau , ou Clepfy-
dres, & aux Horloges de fable. Il
obferve que , félon Pline le Natu-
ralilte, Scipion Nalica fut le pre-
mier qui trouva à Rome l'art de
marquer les heures du jour & de la
nuit , par le moyen de l'eau , mais
que Vitruve cependant dans le Li-
vre 9. de fon Architecture , donne
l!honneur de cette invention à Cte-
fibius , qui y ajouta des roues den-
telées , lefquelles produiraient di-
vers effets agréables , & celui entre
autres , de faire mouvoir de petites
figures. On lit dans les Annales de
Bourgogne par Guillaume Paradin
de Cuifeaux , imprimées à Lyon en
1^66. qu'environ l'an 490. le Roi
Théodoric envoya à Gondcbaulc
Roi de Bourgogne, des Horloges
avec des perfonnes qui les L;a-
voient gouverner;que dans l'une de
ces Horloges , toutes deux de l'in-
vention de Gafïiodore, on voyoit
jufqu'où peut aller la fubtiliré de
l'efprit humain pour bien reprefen-
ter la difpofition & l'arrangement
des Cieux 5 que fans avoir befein
du Soleil , on y voyoit les heures
bien diflindtement marquées par
le moyen d'une ceitaine quantité
d'eau qui s'écouloit goûte à goûte.
Le Père Alexandre rapporte un
autre fait bien remarquable , c'eft
que vers l'an de J. C. 809. Jes
Ambalfadeurs d'Aaron Roi de
Perfe , firent prefent à Charlema-
gne , d'une Ciepfydre de bronze ,
dont le Cadran étoit divifé en
douze parties , & contenoit autant
de boules qui venant à tomber
dans un balïin , faifoient entendre
par ordre les douze heures. Cette
Horloge étoit ornée de certaines
figures , que des roues cachées fai-
foient mouvoir , en cela peu diffé-
rente de l'Horloge de Ctéfibius .
N O V E M B
de laquelle nous venons de parler.
Notre Auteur quitte ces tems recu-
lés , Se vient à la Clepfydre qUe
Dam Charles Vailly Bénédictin de
la Congrégation de S. Maur, in-
venta en 1690. laquelle marque de
fuite les heures par le moyen d'une
liqueur enclofe dans un tambour
divifé en plufieurs petites cellules ,
oùelle parte fucceflivement de l'une
dans l'autre. Le Père Alexandre en
enfeigne au long , par des figures
très-exactes, la conftrucTrion <k l'ufa-
ge. Vailly au relie, n'eit pas le feul
qui ait découvert ces forres d'Hor-
loges. Le Père Martinelli a fait im-
primer à Venife un Traité des Hor-
loges d'eau j par lequel on voit
qu'il s'efc parfaitement rencontré
avec le Père Vailly. Notre Auteur
dit là-defTus que rien n'empêche
que deux perfonnes d'un génie pé-
nétrant , n'ayent fait la même dé-
couverte.
Des Horloges d'eau le Père Ale-
xandre pafle aux Horloges automa-
tes & fonantes, telles qu'on les a
aujourd'hui , il remarque que Po-
lydore- Virgile dans fon Traité des
Inventions des choies, avoue qu'on
n'a pu encore fçavoir au vrai qui
eft l'Auteur d'une invention iî ex-
cellente ; il oblerve encore que
Guy-Pânciroledans fon Livre inti-
tulé : veiera deperdita & nova re-
perça , fait mention des Horloges' ,
mais qu'il ne dit rien ni de l'Inven-
teur ni du tems où elles ont été in-
ventées. Le Père Alexandre, après
diverfes recherches curieufes , dit
qu'il n'y a point d'Auteur auquel
on puifle attribuer plus légitimer
RE, 1734- 775
ment l'invention des Horloges à
roué's,qu a Gerbert, &: voici en abré-
gé ce qu'il rapporte fur cet article :
Gerbert natif d'Auvergne fut Moi-
ne de l'Abbaye de S. Gerand d'O-
rillac , Ordre de S. Benoît. La ré-
putation de fon fçavoir 9 ik fon ra-
re génie engagèrent Adalberon
Archevêque de Reims, àlechoilîr
en 970. pour l'établir Recteur de
l'Univerfité de Reims. Sur la fin
du dixième ficelé vers l'an yy6. il
fit à Magdbourg une Horloge (i
furprenantc,par le moyen des poids
& des roiies , que Guillaume
Marlot, en parlant de cet Ouvrage,
dit , pour en faire fentir le prodi-
ge , que c'étoit un ouvrage fait pat
Art diabolique : admlrabde Horo-
logitim fabricavit per inflrumemuin
diabolicâ arte inventum. Gerbert fut
Archevêque de Reims en 992. puis
Archevêque de Ravenne en 997.
& enfin Souverain Pontife fous le
nom de Silveftre II. en 999.
Notre Auteur parle ici de plu-
fieurs autres Horloges : Richard-
Walingfort Abbé de S. Alban en
Angleterre , qui vivoit en 1 3 xc. fit
une Horloge qui , au rapport de
Gefner, n'avoir pas fa pareille dans
toute l'Europe. Charles V. Roi de
France , furnommé le Sage , fit
conftrufre dans Pàris,par Henri de
Vie, venu tout exprès d'Allema-
gne pour ce deffein , la première
greffe Horloge , & la mit fur là
Tour de fon Palais , environ l'an
1370.
En 13 82. le Duc de Bourgogne
fît ôter de la Ville de Courtray
une Horlog*-. qnifonnoit les heu-
774 JOURNAL' DE
res , & qui étoit un des plus beaux
ouvrages que l'on connût alors en
ce genre , tant en deçà qu'au-delà
de. la mer , &c il la fit tranfporter à
Dijon, fur la Tour de Nôtre-Dame
où elle eft encore à prefent. Ce
font là , félon notre Auteur , les
trois plus anciennes Horloges que
l'on trouve après la fameufe Hor-
loge de Gerbert , de laquelle nous
avons parlé. On remarque ici que
le premier mouvement des Horlo-
ges à roues , a été fait avec un ba-
lancier fufpendu par un cordon ,
comme on le voit encore dans plu-
fieurs anciennes Horloges , qui
n'ont pas été reformées. Cette in-
vention pour mefurer la durée du
tems par le mouvement alternatif
d'un balancier conduit par des
roues qui avoient leur mouvement
au moyen d'un poids attaché fur
l'axe de la grande roue, fut eftimée
autant qu'elle le méritoit dans un
tems où on n'avoit rien de meil-
leur , ni même qui en approchât.
Le mouvement du balancier
étoit alors fort inégal , tant àcaufe
de l'inégalité des dentelures , que
du changement des tems ; mais
comme on n'avoit rien de plus par-
fait , on s'en eft fervi jufques envi-
ron l'an i6<>o.
Le Père Alexandre avertit que
c'eftau fameux Galilée Mathémati-
cien du grand Duc de Tofcane, que
l'on eft redevable d'une invention
plus excellente qui eft le Pendule.
Ce Mathématicien s'en fervit utile-
ment pour les Obfervations Aftro-
nomiques, & en compofa un Li-
vre en fa langue /lequel fut bien-.
S S Ç A V A N S ;
tôt traduit de l'Italien en François ,
cv imprimé à Paris en 1^39. il avoit
formé le deffein d'appliquer cette
invention à l'Horloge , mais il en
laiffa l'exécution à fon fils Vincent
Galilée , qui s'en acquitta parfaite-
ment; ce qui mit le Pendule autant
au- défais du balancier , que les
Horloges à balancier croient au-def-
fus des meilleurs Clcpfydres. Il en
fit PeflTai à Venife en 1649. ainfi
qu'il eft rapporté dans le Recueil
des Expériences laites dans l'Aca-
démie del Cimenta , fous la protec-
tion du Duc de Florence.
Notre Auteur rapporte que
Chrétien Huygens voulut fe faire
honneur de cette invention t &£
publia pour cela en 1658. un Ou-
vrage intitulé Horologium , dans le-
quel il explique la fabrique de cet-
te nouvelle Machine , &c montre
qu'elle eft fort différente de la Pen-
dule des Aftronomes inventée pat
Galilée. La régularité des vibrations
du Pendule étant beaucoup plus
jufte que celle du balancier &
moins fujette aux changemens des
tems, fit recevoir très-favorable-
menc cette nouvelle découverte.
Mais tout charmé que l'on en étoit,
on ne laifta pas d'y appercevoir,
dit notre Auteur , une petite irré-
gularité , fçavoir , que dans les
tems humides, & lorsqu'on avoit
mis nouvellement de l'huile aux
roues & aux pivots , les vibrations
étant alors plus grandes , leur du-
rée étoit aufll plus grande , parce-
que le centre d'ofcillation du Pen-
dule décrivoit une plus grande por-
tion de cercle. M. Huygens, dit
N O V E M
le Père Alexandre , ne tarda pas à
y apporter le remède convenable ,
en y appliquant deux parties de
roulettes au point de fufpenfion du
Pendule ; 5c par ce moyen il fit en
forte que le centre d'ofcillation du
Pendule , décrivant une partie de
roulette , les vibrations étoient
d'une parfaite égalité de durée, foit
qu'elles fuffent grandes, foit qu'el-
les fuffent petites , & il en compo-
fa un Livre fçavant , intitulé Horo-
logium ofcdlator'mm , lequel fut im-
primé à Paris en 1673. chez Mu-
guet , Si fe trouve dans fes Oeuvres
diverfes imprimées en 1682. wj-40.
à Leyde.
Notre Auteur reflechiffant fur la
perfection à laquelle M. Huygens
a conduit le mouvement des Pen-
dules en rendant toutes les vibra-
tions tant grandes que petites d'u-
ne égale durée , dit que cette per-
fection a donné une fi grande ju-
fteffe aux Pendules qu'elles nous
ont par ce moyen entièrement affu-
réde l'inégalité apparente du mou-
vement du Soleil; parce qu'en effet
ce mouvement fi égal & fi unifor-
me en durée , a fourni le moyen de
faire des Horloges qui fuivent exac-
tement le moyen mouvement du
Soleil , & lefquelles par confequent
étant mifes fur l'heure du Soleil, à
tel jour qu'on voudra , fe trouvent
encore marquer l'heure qu'il eft au
Soleil un an après, à pareil jour,
quoique pendant le cours de l'an-
née en certain tems, l'Horloge eût
précédé l'heure du Soleil , & en
d'autres tems l'heure du Soleil eût
précédé l'heure de l'Horloge d'en-
B R E, 1734. 77 j
viron un quart d'heure , plus ou
moins.
C'eft-là , dit le Père Alexandre,
la plus grande perfection qui ait
été donnée ci-devant aux Horlo-
ges , Se de laquelle on ne s'accom-
mode guéres dans 1 ufage ordinai-
re. Parce qu'en effet il n'eft pas
agréable de voir une Horloge avan-
cer ou retarder quelquefois de plus
d'un quart d'heure , quoiqu'on
puiffe cependant fçavoir la vérita-
ble heure du Soleil en recourant à
la table de l'équation des Pendules.
On aime mieux mettre la main à
une Horloge pour h faire accorder
avec le Soleil qui efl: notre règle
que delà voir fe trop écarter de la
véritable heure que marque le So-
leil fur les cadrans.
Le P. Alexandre enfeigne une
méthode fûre pour conltruirc des
Horloges qui fuivront l'inégalité
apparente du mouvement Soleil ,
&c qui par confequent marqueront
toujours la véritable heure du So-
leil. C'eft une perfection de l'Hor-
logerie , à laquelle l'art n'avoit
point encore tinté d'arriver , &
que bien des gens ne croyoient pas
même pollible. Il avertit qu'il avoit
ci-devant compofé là deffusun pe-
tit Ecrit qu'il fit prefenter à l'Aca-
démie Royale des Sciences eu
169 8. & il dit que cette découverte
pourroit bien trouver fa place dans
le Livre de M. Huygens.
Notre Auteur donne auffi la
méthode de reprefenter j par le
moyen des roiies d'une Horloge ,
le mouvement apparent des planet-
tes, en forte que l'on voyefurle
776" JOURNAt D
cadran , le lieu où les planettes pa-
roiffent être dans le Zodiaque ,
leurs dations , leurs directions ,
leurs rétrogradations , & tout cela
fondé fur le Syftême de Copernic.
Il donne aux roiies un nombre de
dents qui leur font faire des révo-
lutions plus parfaites que celles
qu'on a employées jufqu'à prefent.
Par exemple , dans toutes les
Horloges qui ont un mouvement
annuel , la révolution s'en fait en
365 jours, c'en: près de fix heures
d'erreur, & lui il donne un mou-
vement qui fournit trois cens foi-
xante-cinq jours , cinq heures 48.'
58" — de fécondes : ainfi il n'y a
qu'une féconde & ^ de féconde
d'erreur par an.
Tout ceci concerne les grandes
Horloges. Notre Auteur vient en-
fuite aux Pendules qui fe mettent
dans les chambres.
Il parle premièrement des poids
& contrepoids propres à ces Hor-
loges , fecondement du reffort fpi-
ral qu'on emploveaulieu de poids,
troifiémement de la fuféc qui fert
à compenfer les différentes forces
du reflort fpiral , quatrièmement
des longueurs du Pendule , cin-
quièmement des rouages , fixiéme-
ment du mouvement journalier ,
feptiémement delà Pendule ordi-
naire en particulier, huitièmement
de la Pendule à fécondes , neuviè-
mement de la fonnerie , & enfin
du réveil.
A l'article des Pendules de
chambre, fuccede celui des Mon-
Trcs de poche- Le Père Alexandre
remarque qu'au commencement
ES SÇAVANS,
du dernier fiécle , on mettoit 1»
perfection des Montres à être ex-
trêmement petites , jufques - là
qu'on en faifoit que les Dames por-
toient en pendans d'oreilles , ce
qui n'a pas eu de fucces , ces petits
ouvrages étant trop délicats pour
pouvoir fub(îfterlong-tems.
Il leinble qu'aujourd'hui on veuil-
le revenir aux petites Montres ,
mais il y a bien de l'apparence
qu'elles ne réulîïront pas mieux. Le
Père Alexandre veut qu'on préfère
pour la julteffe &c pour la durée,les
Montres dJune juite grolfeur , de
figure ronde , un peu applatie ,
d'environ deux pouces de diamè-
tre , & un peu plus d'un pouce d'é-
paiffeur. Il avertit que M. de Sulli
a fait imprimer à Paris en 1717.
chez Grégoire Dupuis un Livre
in-iz. fur les Horloges &: Montres
de différentes conftructions , où il
enfeigne la manière de les bien
choilir Se de les régler. Ce Livre a.
pour titre Règle artificielle du tems.
Le P. Alexandre en parle comme
d'un ouvrage excellent, il dit en
avoir tiré la plus grande partie des
enfeignemens qu'il donne ici fur la
conltruclion des Montres ; ces en-
feignemens font compris en huit
articles , dans le premier , il eft
traité de la platte-forme pour divi-
fer les dents des roiies ; dans la fé-
conde , du balancier &c du relfort
fpiral qui règle le mouvement des
Montres ; le rroifiéme contient une
Table des roiiages ; le quatrième
concerne la cadrature de la Mon-
tre; le cinquième, le cadran ; le
ûxiéme , les pivots } le feptiéme f
u
N O V E M
la fonnerie & le réveil ; le huitiè-
me , le choix qu'on doit faire des
Montres. Tout cela elt fuivi d'un
neuvième atticle concernant la
cadratme de la répétition. Le
Père Alexandre a déjà parlé des
répétitions ; mais il ne croit pas in-
utile d'en donner ici une cadrature.
Il commence par une répétition de
Pendule , parce qu'elle fert à faire
entendre celle des Montres. Il
donne d'abord une idée des pièces
qui compofent la répétition ; puis
il les place où elles doivent être, &c
tâche d'en faire entendre le mécha-
riifme. Les pièces qui compofent
les répétitions des Montres de po-
che , différent peu de celles qui
compofent les répétitions des Pen-
-dules ; le Père Alexandre le fait
voir par divers exemples. C'eft un
nommé Barlow qui a été le pre-
înier Inventeur de la répétition , il
fit cette découverte en 1676. vers
Ja fin du règne de Charles II. Roi
d'Angleterre. Cette invention in-
génieufe , à laquelle on n'avoit
point encore penfé , excita le zélé
de plufîeurs Horlogers de Londres
qui fe mirent à faire des répétitions
par des voyes différentes , &c M.
Quarre fut celui qui y réufïit le
mieux, parce que fon ouvrage étoit
ie plus (impie.
Notre Auteur n'a pu découvrir
«n quel tems a commencé l'ufage
des Montres, il dit que quelques-
uns le veulent mettre à la fin du
huitième fiécle , mais il ne trouve
pas ce fentiment probable , vu que
l'invention des Horloges à roiie$
cil poftérieur de trois cens ans.
Ntvtmbrt.
B R E, 1754. 777
On a obligation à M. l'Abbé de
Hautefeuilie de la perfedlion des
Montres, ces petites Machines n'é-
toient réglées autrefois que par le
balancier & par la force du grand
reffort , qui en fc développant lui
donne fon mouvement plus ou
moins précipité, mais M. l'Abbé
de Hautefeuilie d'Orléans a pré-
fenté à Meilleurs de l'Académie
Royale des Sciences , le 7 Juillet
1674. un Ecrit où il donne l'art de
régler le mouvement du balancier
des Montres , par le moyen d'un
petit reffort droit , attaché d'une
part fur l'extrémité de la platine ,
& inféré de l'autre dans l'extrémité
du balancier , en forte qu'il fait
l'office d'un Pendule. Notre Au-
teur raconte à ce fujet , que M.
Huygens ayant donné dans le
Journal des Sçavansdu 15. Février
1675. une Lettre touchant me nou-
velle invention d'Horloges tres-jufîes
& très-portatives , dans laquelle il
s'expliquoit comme s'il étoit l'Au-
teur de cette invention , & obtint
en conféquence un privilège duRoi
pour la faire valoir , mais que M.
l'Abbé de Hautefeuilie s'étant op-
pofé àTenregiftrement du privilè-
ge , & ayant prouvé que c'étoit lui,
&c non M. Huygens qui étoit le
premier inventeur M. Huygens
fut débouté de fon privilège.
Le Père Allexandre termine fotï
Traité par un Catalogue des Au-
teurs qui ont écrit fur les Horlo-
ges. Il commence par les Auteurs
qui or.c traité des Horloges Solaires,
il vient enfuite à ceux qui ont écrit
des Horloges d'eau & des Horloges
T 1 1 1
77S JOURNAL DE
de fable , & enfin à ceux qui ont
parlé des Horloges à roues , à
poids & refïbrts -, il fait une Analy-
fe exacte des Ouvrages de ces der-
niers , à laquelle il joint diverfes
obfcrvations très-utiles.
On a imprimé en 1719. /»-4*. à
Lvon,un Recueil des Ouvrages cu-
rieux qui ont été trouvés dans le
fameux Cabinet de feu M. de Ser-
viere. Parmi ces Ouvrages font
dix-fept Horloges Singulières dont
notre Auteur donne la defeription.
Ce Traité du Père Allexandte
5 SÇAVANS,
cft approuvé par M. Godin qui dit
1°. Que c'efl un Ouvrage qui mérite'
et être imprimé & qui fera bien reçu
du public, 2°. Que le public fouhaite
depuis long-tenu un Traité complet
fur l'Horlogerie , auquel, en atten-
dant j on pourra fitbjlifacr celui-ci.
Le Père Allexandrc de fon côté
dit que le plan qu'il donne ici pourra
recevoir la perfetlion d'une main plus
habile qu'il fiffit pour un commen-
cement d'avoir fourni ï 'idée générale ,'
6 qu'il foubaite voir perfectionner
fon Ouvrage , dans la fuite du tems.
ABREGE DE L'ANATOMIE DV CORPS HUMAIN , OU
l'on donne une defeription courte & exatle des parties qui le compofent, avec
leurs ufages. Par M. * * * , Chirurgien Juré. A Paris , de l'Imprimerie
de P. G. le Mercierhïs , rué'faint Jacques , au Livre d'or. 1734. m-\i,
deux Volumes, Tome I. pp. 271. Tome II. pp. 380.
IL en eft d'un abrégé , comme
d'un tableau réduit en petit , où
U faut que le Peintre , fans rien
omettre , & en obfervant toutes les
proportions, fifle entrer les mê-
mes nièces qui font dans le grand.
C'eft ce que M. Verdier , Auteur
de cet excellent Ouvrage , a imité
avec une exactitude & une habileté
dont on trouve ailleurs , pfu d'e-
xemples , & ce qui fait dire , avec
juftice , au fçavant Approbateur
du Livre , que de tous les Abrégez
d'Anatomie qui ont paru en Fran-
çois , depuis un demi fiécle , juf-
qu'à préfent , il ne s'en eft point vu
de plus conforme à la vraye Ana-
tomie , que celui-ci.
M.Verdier commence par un pé-
rit diicours fur l'Anatomie en gé-
néral, dans lequel il explique i°.
ce que fignifie le terme d'Anato-
mie , 20. Quelle eft la diviiîon des
parties du Corps humain, 30. Ce
que c'eft que fibre, membrane , os ,
cartilage , ligament , mufcle, glan-
de , artère, veine , nerf, fang,0"c.
Cela fait , il vient à l'Oftéologie ,
où il parle d'abord des os en géné-
ral , puis en particulier. Il palTe de-
là aux mufcles qu'il confidere
suffi en général & en particulier,
après quoi , fuivant la même mé-
thode , il traite de la oeau , & des
vifeeres -, puis des artères, des nerfs
&des glandes.
11 s'agit de donner un exemple
par lequel on punie juger de la ma-
nière claire & concife avec laquelle
l'Auteur s'explique : nous choilî-
rons pour cela ce qu'il dit de ia.
peau.
N O V E M
■» La peau eft une cfpece de
«membrane tort épaifle . qui re-
» couvre routes les parties des
"■corps. Son épaiffeur varie néan-
» moins , étant plus coniîderable à
i> la tête Si au dos qu'à la face. Elle
» ne fe trouve pas d'un ti'Ju égale-
» ment ferré , car il eft plus lâche à
» la partie chevelue de la tète , &C
-» plus ferré au dos.
» Les modernes ont découvert
« que la peau étoit compofée prin-
» cipalement de quatre parties : la
» première ou la plus intérieure,
» eft nommée le cuir , elle eft faite
» d'un tiffu merveilleux de fibres
» tendineufes, & nerveufes, par-
» femées d'un très-grand nombre
» de vaiffeaux, la plupart lympha-
» tiques. Ce tiffu peut prêter en
» tout fens , comme cela fe remar-
» que dans lagroffelîe , & fe re-
s> mettre enfuite dans fon premier
» état.
» La féconde partie de la peau
*> eft appellée corps papillaire , elle
» eft compofée de plufieurs émi-
» nences de diférente figure , for-
.»mées principalement par l'extré-
» mité des nerfs qui fe distribuent à
<i la peau ; on nomme communé-
a> ment cas éminences , les mam-
» melons de la peau , Si elles fe dé-
» couvrent allez facilement autour
B R E , i 7 5 4. 77.9
» de la pointe des doigts , à la pau-
» me de la main , Si à la plante des
» pieds , après en avoir enlevé l'é-
» piderme.
» La troifiéme partie de la peau
» a été nommée par Malpighi
» corps muqueux , & reticulaire ,
» elle fe trouve tellement adhéren-
» te àl'épiderme , qu'on pourroic
» regarder ces deux parties comme
» n'en faifant qu'une , le corps mu-
» queux ne femblant être que la
» partie intérieure de l'épiderme ;
a Se celle ci que la furface de ce
» corps, endurcie Si devenue com-
» me calleufe.
M. Verdier décrit enfuite h
quatrième partie de la peau qui eft
l'épiderme ; puis il parle des lignes
& des plis , des pores Si des ufages
de la peau ; ce qui le conduit à dire
un mot de la tranfpiration. Il s'ac-
quite de tout cela avec une préci-
fion qui n'ôte rien à la clarté , Si il
fuit la même méthode dans tout
fon Livre, ce qui le rend très-utile
pour les jeunes Chirurgiens.
Il faut lire l'Ouvrage pour en
connoître le mérite. On ne peut ,
fans fçavoir l'Anatomie à fond , la
traiter avec étendue, mais ileftné-
ceffaire de la fçavoir encore plus à
fond pour en donner un abrégé
comme celui ci.
1 1 1 1 i;
-jîo
JOURNAL DES SÇAVANS';
NOVVELLES LITTERAIRES.
HOLLANDE.
D'A M 5 T E R D A M.
FRa'nçois Changuion a en
vente Ejfais de Théodicée fur la
borné de Dita , la liberté de l'homme
& l'origine du mal , par M. Leib-
nitz. Nouvei.le Edition , aug-
mentée de l'Hiftoire , de la Vie &
des Ouvrages de PAtireur, avec
des reflexions fur l'Ouvrage de M.
Hobbe de la liberté , de la neceilîté
& du hazard, & un Difcours Latin
qui a pour titre : Caitfa Dei afferta
fier juftitiam ejtts. 1734. inii. deux
Volumes».
Jacques Dejbordes a imprimé
Confier -attons Jur les caufes de la
grandeur des Romains & de leur dé-
cadence. 1734. in-%°. Cet Ouvrage
qu'on attribue à M Auteur des Lettres
Terfannes } fe trouve auiïi à Paris ,
chez Huart & Cloufter , rue Saint
Jacques.
La Fie de Philippe IL Roi d'Ef-
pagne. Traduite de l'Italien de
Gregorio Leti. Chez Pierre Mortier.
3734. in-i 1. fix vol.
LORRAINE.
De Nancy.
Il paroît ici un Ouvrage consi-
dérable & dont nous ne manque-
sons pas de rendre compte incef-
famment : c'eft la première partie
des Annales de l'Ordre de Prémon—
tré , imprimée chez la Veuve de
J. B. Cujfon, & Abcl-Danicl Gnfon;
en voici le titre : Sacri <*r Cmor.ici
Ordtms Pre.r/ionftratenfs A maies in
duos partes iivifi. Par s prima 5 Ado-
ttafteriologiam ^fv'efngulorum Ordi-
ni s Aionajleriorum foigidarem Hiflo-
riam compleclcns. Tome I. 1734*
in -folio.
FRANCE.
De Lyon.
Voici encore le titre d'une Dif-
fertation dont nous donnerons au
plutôt l'Extrait : Alexandn Xave-
rii Panelti e Societate Jefu Prcjbvieri
de Ciflophorts. Sumptibus Fratrum de
Ville & Ludov. Chalmette. 1734.-
/»-4°.
De Roosn,
Traité de la Noblejfe & de tomes
les différentes efpeces. Nouvelle Edi-
tion , augmentée des Traitez, du Bla-
fon des Armoiries de France , de l'ori-
gine des noms ifumoms , & du Ban
& Arriereban. Par M. de la Roque.
Chez Pierre le Boucher & Jore} père
Se fils. 1734.;'»- 40.
Pour ne point charger ceux qui
font déjà fournis du Traité de la-
Noblejfe t les Libraires s'engagenc
NOVE U
à vendre féparém nt les Traitez du
Blafon , des nomsfurnoms &c du
ban 5c arnereban. Ce Livre Te u u-
veà Paris, chez Bauehe , Quai des
AuguftinSj à S. Jean dans le Dc-
ferr.
De Paris.
Par Arrefi: du Confeil d'Etat pri-
vé du Roi datré du 6 Sempt. de
cette année , il eft ordonné aux
Porteurs des Soufcriptions du Li-
.vre intitulé : Les Oeuvres de Suint
Bafile , & dont l'Edition a été en-
trepife en trois Volumes in-folio ,
171 9. par J. B. Coignard, de retirer
leurs exemplaires dans le terme de
fîx mois pour tout délai.
François Babnty^ rue S. Jacques,
à S. Chrifoftomc , débite Explica-
tion de la Prophétie d'ïfaïe ; oh félon
la Méthode des Saints Pères on s'at-
tache à découvrir les Myfleres^ de
Jésus - Christ , & les Règles des
mœurs , renfermées dans la lettre mê-
me de l'Ecriture. 1734. in- 11. 5. vol.
aufquels on en a joint un iixiéme ,
contenant i°. l'explication de cinq
Chapitres du Dcuteronome, de-
puis le 19 jufqu'au 33'. 20. La Tra-
duction de l'explication fuivie de
la Prophétie d'Abacuc. 30. L'expli-
cation de la Prophétie de Jonas.
40. La-traducîion de quelques ver-
fetsdu Chapitre 12 de l'Ecclefiafte
fur la vieillefTe.
B R E, Ï7?4. 78r
Hiflaire Naturelle de l'Univers
dans laquelle on rapporte des raifons
fiyfjuesfurles effets les plus curieux
& les plus extraordinaires de ta natu-
re. Par M. Colonne , Gentilhomme
Romain. Tomes III. & IV. Chez
André C aille au , Quai des Au<ni_
(lins , au coin de la rue Gilt-le-
Cccur. 1734. /»-iz. 2.- vol.
Recueil de divers Traiter de Pieté
Tome premier , de l'amour de Dieu.
De l'amour de nous mêmes & de l'a.
mour du Prochain. Autre difeours de
l'amour du Prochain. De l'amour des
ennemis. De l'obligation d'annoncer
l'amour de J. C. pour édifier nos
frères. De l'amour des fouffrances
pourfervirl'Eglife. De l'obligation de
foiiffrir pour achever ce que Je sus-
Christ a commencé. De l'amour de
la Croix de^ Jesus-Christ. Tome
fécond , ou l'on verra les principales
maximes de la Morale Chrétienne
excellemment établies. NouvelleEdi-
tion. Chez J. B. Delefpme y rue
S. Jacques , à S. Paul ; & Charles
J. B. Delefpine fils , auffi rue Saint
Jacques vis - à - vis la rue des
Noyers , à la Victoire. 1734, '«-12.
2. vol.
Réflexions fur les deffauts £ autrui,
Par M. l'Abbé de Milliers. Quatriè-
me Edition , revue & corrigée.
Chez Jacques Collombat , rué' Saint
Jacques. 1734. /»- 12. 2. vol.
Fautes à corriger dans le Mois d'OUobre 1734.
PAge 702. col. première , lig. pénultième , nomme l'Egypte , la terre
de Vulcain , lifez. nomme l'Egypte y» H<p*i<rU , la Terre de Vulcaim
Pag.703.coL1.lig. i^.laChymie, dit-il, life^h Chymie3 dit-il dans
7S2
une note exprès : Ibid. col. 2. Iig. 19. à fiiire des Talifmans, lif. à faire de>
Talifmans .... Pag. 704. col. i.lig. 28. que les Talifmans font, lift^S
dans une note exprès , que les Talifmans font : Ibid. iig. 30. que parle
moven des figures , lifez dans une note exprès , que parle moyen der
figures: Ibid. Iig. 32. Quantkez inconnues, ///?^quanutez inconnues....
ibid. col. 2. Iig. 6. par les figures algébriques , ///. par les lettres : P. 70 y,
col. 1. Iig. 6. il dit que par le mot de folidité , les Géomètres entendent
ordinairement le diamètre des corps , lif il dit dans une note exprès, qu'on
exprime ordinairement en Géométrie , par le mot folidité le diamètre des
corps : Ibid. col. 2. Iig. 37. fe reduifenr , lif peuvent fe réduire : Pag. 707.
col. 1. Iig. 19. trouve , lif. trouve , à ce qu'il paroît : Ibid. Iig. 23. ces
fels , lif. les fels : Pag. 708. col. 1. Iig. 1 6. violet , lif. violette : Ibid. col,
1. Iig. 4. que la raifon qu'il allègue , Sec. lif. que la raifon tirée de la ren-
contre des parties de l'eau pour faire voir l'impoffibilité de leur mouve-
ment en tout fens , ne fouffre pas d'exception à l'égard de la ligne hori-
zontale , puifque iî dans cette ligne les parties de l'eau venoient à fe ren-
contrer elles feroient tout de même obligées de demeurer en repos , ce
qui ne dérangerait nullement le niveau : Ibid. col. 2. Iig. 4. il dit, ajoîi~
tez , &c cela dans une note exprès : Ibid. Iig. 8. c'eft page 2 y ,
lif. c'eft page 3 5 : Pag. 709. col. 2. Iig. 36. & 39. doux , lif. clou : P. 71 1.
col. 2. Iig. 37. Scholhs , lif.Sconis : Pag. 71 3. col. 1. Iig. 3 7-|ftybié , lif
ftibié : Ibid. col. 2. Iig. 2. fafram , lif. fafran : Pag. 714. col. 1. Iig. 22.
ftifié, lif. ftibié : Ibid. Iig. 32. lorfqu'on prend Te fafran des métaux , ôc
le verre d'antimoine , que l'on pulverile ces matières en les , lif. lorfqu'on
pulverife le fafran des métaux & le verre d'antimoine en les : Pag. 715.'
col. 1. Iig. i8.fçauront, ///Tfçavenr : Pag. 713. col. 2. Iig. 1. faphram ,
///«.fafran : P. 715. col. i.lig.dern. Se pag. 71^. col. 2. 1. 18. abfynthe, lif.
abfinte : Pag. 716. col. 2. Iig. 13. Apotiquaires , lifez Apothicaires , cor-
rigez la même faute par-tout où vous la trouverez, excepté dans les en-
droits où l'on cite les propres paroles du Livre : Ibid. 1. antép. tirée , lifez.
tirés : Pag. 717. col. 1. Iig. 13. quinteflence , lif elTence : Ibid. col. 2.
1. 8. ne manquera de , ///. ne manquera pas de : Ibid. col. 2 1. 8. cartine ,
lif carline : Ibid. Iig. 14. wommk ftotum , lif. nomme ftotum par-tout où
il en parle ; fçavoir , deux fois à la page 300 , une fois à la marge de la
même page , Se une autre fois à la Table : Ibid. col. 2. Iig. antép. dans
l'eau , lif dans de l'eau.
Na L'âge auquel eft mort Monfieur Colonne , de l'Ouvrage duquel
nous avons donné l'Extrait dans le Mois de Septembre dernier eft mal in-
diqué &: dans notre Extrait & dans l'Errata qui fe trouve pour ce Mois à
Sa fin d'Octobre , au lieu de S 8 ans il faut lire 82 ans.
78;
TABLE
Des Articles contenus dans le Journal de Nov. 1734.'
HIftoire de l'Académie Royale des Sciences , èVc. page 722
Tri for des Médailles Suedoifes- Gotiques } &c 740
Hiftoire des Révolutions d'Efpagne , &c. y^ç
JDf «.v Traitez, des "Urines y &c. -, j r
5"«//<r <& l' Htftoire des Empires & des Républiques } &C. -jco
Recueil des Ecrivains de l' 'Htftoire d'Italie } ~g.
Traité général des Horloges , &c. yjr
Abrégé de l'Anatomie du Corps humain , &c. -j-j%
Nouvelles Littéraires , 7g0
Fin de la Table.
L E
JOURNAL
CAVANS.
POUR
L'ANNEE M. DCC. X X X I F.
DECEMBRE.
A PARIS,
Chez CHAUBERT, à l'entrée du Qiiay des
Auguilins , du côté du Pont Saint Michel, à la
Renommée & à la Prudence.
M. ~DcTc. XXXIV.
AVEC APPROBATION ET PRIVILEGE DU ROY.
L E
JOUR
DES
DECEMBRE M. D C C. XXXIV.
HISTOIRE GENERALE DE LANGVEDOC , AVEC DES
Notes & les Pièces juflificatives , compofés fur les Auteurs & Jkr les titres
originaux' , & enrichie de divers Aïonumens. Par deux Religieux Bene-
diftins de la Congrégation de fa in t Maur. Tome 11. A Paris , chez Jac-
ques Vincent , Imprimeur des Etats Généraux de la Province de Lan-
guedoc , rue & vis à-vis de l'Eglife S. Severin , à l'Ange. 1733. in-fit,
pp. 648. pour l'Hiftoire & pour les Notes, col. 703. pour les preuves
&pour les Tables.
NOus avons rendu compte dans dans cette féconde Partie de l'Hi-
un de nos derniers Journaux ftoire de Languedoc. Nous avons
des principales matières contenues en même tems rapporté quelques
Décembre. V v v v ij
78« JOURNAL DE
traits particuliers. Nous allons con-
tinuer à rapporter quelques mor-
ceaux. Le premier qui fe prefente
eft ce que difcnt nos Auteurs de la
Reine Confiance qui épouia le Roi
Robert , après que le mariage de
ce Prince avec Berthe veuve d'Eu-
des Comte de Blois eut été déclaré
nul. La plupart des Ecrivains mo-
dernes prétendent que Confiance
croit fille de Guillaume I. Comte
de Provence & d'Adelaide d'An-
jou fa femme. Mais nos Auteurs
s'en rapportant aux anciens Hifio-
liens , difent que Confiance étoit
fille de GuillaumeTaillefcr,Comte
de Touioufe , & Dnrfînde fa pre-
mière femme , qui félon nos Au-
teurs ctoit fille de Geofroy Grife-
gonelle Comte d'Anjou. Ils remar-
quent pour confirmer ce qu'ils ont
avancé fur ce point de fait , que le
Roi Robert avoit époufé Confian-
ce avant l'année 99S. Se Confiance
fille de Guillaume premier, Com-
te de Provence & d'Adelaide fa
féconde femme n'étoit point enco-
re mariée trois ans après. Ils ajou-
tent que Confiance femme du Roi
étoit nièce de Foulques-Néra Com-
te d'Anjou, qu' Adelaide femme de
Guillaume premier Comte de Pro-
vence , étoit tante du même Foul-
ques Néra 8i fœur de Géofroy-
Grifcgonelle , père de ce Comte ,
qu'ainfî elle ne peut avoir été mère
de la Reine Confiance.
L'Hiflorien Gilbert parle très-
avantageufement de la Reine Con-
fiance , il l'accufe néanmoins en
un endroit d'avoir été avare & d'a-
yoix maîtrifé le Roi fon époux.
S SÇAVANS ,
D'autres anciens qui lui donnent le
furnom de Blanche , louent fen ha-
bileté , fa fermeté Se fon courage.
Il y eut d'abord quelques méfintcl-
ligcnces entr'elle & le Roi , caufées
par les intrigues d'un Seigneur
nommé Hugues , qui fit tout fon
polbble pour la mettre mal dans
ï'efprit de ce Prince. Foulques
Comte d'Anjou, oncle de la Reine,
refolut de la venger, il envoya dou-
ze Soldats déterminés , qui ayant
rencontré Hugues dans le tems
qu'il étoit à lachalTe avec le Roi ,
l'afTallinerent à fes pieds. Robert
témoigna d'abord beaucoup de
chagrin de cet attentat ; mais il fe
reconcilia enfin avec la Reine, il
vécut avec elle de bonne intelligen-
ce , & il en eut quatre fils & deux
filles. C'cll ce que nos Auteurs
ont tiré d'un Hiflorien contempo-
rain -, ils ne fçavent fur quel fon-
dement le P. Daniel qui traite la
Reine Confiance d'imperieufe juf-
qu'à l'infolence , a pu avancer que
ce fut elle même qui fit aiTafîiner
Hugues fous les yeux du Roi.
Comme nos Auteurs fe font
beaucoup étendu fur la première
Croifade dont Raymond de Saint
Gilles Comte de Touioufe fut un
des principaux Chsfs , ils réunif-
fent les portraits qu'ont fait de ce
Prince les Auteurs anciens & les
modernes. Guillaume de Tyr
ayant parlé de la mort du Comte
Raymond , dit que c'étoit un
homme religieux , craignant Dieu
&recommandable en tout. Ce qui
lui paroîc de plus héroïque dans la
conduite de ce Prince , c'eft qu'il
D E C E M B
n'ait pas fuivi les autres Princes qui
fe retirèrent chez eux après la prife
de Jerufalem , & qu'il ait poulie la
confiance jufqu'à porter la croix
pendant le reitc de fa vie.
Guillaume de Malmefbury Hi-
ftorien Anglois , qui penche plus
vers la médifance que vers la flatte-
rie , loiie le Comte Raymond fur
fa valeur , fa pieté , fon activité ,
fa vigilance , fon courage Se fa fer-
meté à refufer à l'Empereur Alexis
l'hommage que ce Prince exigeoit
de lui. Il exalte fa patience & fes
travaux pendant la Guerre Sainte ,
fon défintereflement &c fa bonne
foi. Cependant ill'accufe d'inconti-
nence , & il lui reproche de n'a-
voir point eu alTezde définterefle-
ment dans l'affaire d'Afcalon. Nos
Auteurs s'attachent à iuflificr le
Comte R.aymond fur l'un 6c fur
l'autre de ces articles. Par rapport
au premier ils oppofent au témoi-
gnage de Guillaume de Malmefbu-
ry , celui de la Princcffe Anne
Comnéne , qui avqit eu occafion
de connoître à fond le Comte
Raymond durant le fejour qu'il
avoit fait à la Cour de l'Empereur
Alexis. La Prince'lîe le loiie fur la
pureté de fes moeurs , fur l'amour
qu'il avoit pour la chafleté , fur fa
candeur, fa (încérité t fa prudence
& fur fes autres vertus, tant civiles
que militaires , dont elle fait un
grand éloge.
Le Père Maymbourg reprefente
le Comte Raymond comme un
Prince d'une grande Majefté , &
dans qui l'âge déjà fort avancé ,
qui le rendoit plus vénérable par
R E , i 7 j 4; 78p
fes cheveux blancs , 8c plus éclairé
par l'expérience que la vieiilefTe
apporte , avoic augmenté les for-
ces del'efprit, fans rien diminuer
de celles du corps qu'il avoit très-
robufte , Se très- capable des fati-
gues de la guerre. Mais nos Au-
teurs font voir que quoique le
Comte Raymond tût le plus âgé de
tous les Princes qui s'engagèrent
dans la Croifadc , il n'étoit alors
rien moins qu'un vieillard. Il avoit
au plus cinquante-cinq ans , lors-
qu'il partit pour la Terre Sainte, &
environ 64 ans lorfqu'il mourut.
Le Père Maymbourg dit que le
Comte Raymond s'étoit acquis une
très-grande réputation , principale-
ment en Efpagne , en combattant
contre les Maures, pour Alphonfc
le Grand Roi de Caftille , qui lui
donna fa fille Elvire en mariage
pour recompenfer fa valeur , dont
il porta de glorieufes marques fur
fon vifage , ayant perdu un oeil
d'un coup de flèche , ce qui rehauf-
foit encore l'éclat de fa bonne mi-
ne devant les Soldats , qui l'avoient
en finguliere vénération. Sur quoi
nos Auteurs remarquent qu'il n'y
a aucune preuve que Raymond de
S. Gilles ait perdu un œil en com-
battant contre les Maures d'Efpa-
gne ; ils citent même Guillaume
de Malmefbury, qui prétend que
ce fut dans un combat fingulier que
le Comte Raymond perdit un oeil,
& que ce Prince fc faifoit gloire de
cette bleffure. Nos Auteurs n'ont
cru devoir faire aucune obferva-
tion fur le refle du portrait fait par
le Père Maymbourg du Raymond
ypo JOURNAL D
Comte. » Il polfedoit dans le fond
de l'ame toutes les bonnes qualitez
qu'on pouvoit fouhaiter pour en
faire un grand Prince & un honnê-
te homme , aimant fur toute cho-
fe l'honneur , lajulticc & la bonne
foi,gaidant inviolablemcntfa paro-
le . vigilant , face , prévoyant à
• r 11
tout , magnifique , prudent dans
les confeils , ferme cV inébranlable
dans fes refolutions. « Mais il taut
avouer , continue le Père Maym-
bourg , que malgré fon âge &: tou-
te fa prudence , il retenoit encore
beaucoup du génie &c du feu de
fon climat , qu'il étoit fort opiniâ-
tre, & n'aimoit point du tout qu'on
l'offensât impunément , ni qu'on
s'opposât à fes fentimens & à fes
volontez. Un ancien Hiftorien ob-
ferve que le Comte Raymond fut
en état de fe maintenir plus long-
tems que les autres Princes , parce
que fes Sujets menant une vie fru-
gale , pendant que les autres Na-
tions prodiguoient leur bien , ils
eurent des tonds pour foûtenir le
Prince qu'ils avoient fuivi.
Nos Auteurs , en parlant des
mœurs & ducaraderedeshibitans
du Languedoc pendant le onzième
fiécle , font mention des Trouba-
dours. Ils obfervent que ce nom
n'étoit point borné aux Poètes du
Pays qu'on appelle à prefent la
Provence. Le Langage qu'on ap-
pelloit Provençal en ce tems-lâ,
étoit celui des Provinces méridio-
nales du Royaume , particulière-
ment du Languedoc , de l'Auver-
gne , de la Guyenne & de la Gaf-
cogne. Notre Auteur croit qu'on a
ES SÇAVANS,
donné en ce temslà le nom de Pro-
vence à ces Provinces méridiona-
les , &: que la Langue qu'on v par-
loit a été appelléc langue Proven-
çale , parce que le fameux Ray-
mond , Comte de S. Gilles polfe-
doir outre le Languedoc une partie
confiderable de la Provence ik de
l'Aquitaine.
La Poche Provençale a été beau-
coup plus cultivée , fuivant nos
Auteurs , dans le Languedoc , ÔC
dans l'Aquitaine que dans la Pro-
vence , telle que nous la connoif-
fons , fuivant la diviiion prefente
de la France. Nos Auteurs , pour
juftiher cette propofîtion, renvoient
leurs Lecteurs à deux Manufcrits
de la Bibliothèque du Roi qui
contiennent la Vie & les Ouvrages
de ces Poètes Provençaux. De
cent dix d'entre eux ou environ ,
dont il eft parlé dans ce Recueil ,
à peine en trouve-t on huit à dix
natifs de la Provence proprement
dite, tandis qu'on en compte deux
ou trois fois autant du Languedoc.
Le plus ancien des Poètes Pro-
vençaux , dont il foit fait mention
dans ces Recueils eft Guillaume X.
Comte de Poitiers &: Duc d'Aqui-
taine , mort en n 25. il y eft qua-
lifié bon Troubadour, 8c il refte
encore de lui des Chanfons en Lan»
gage Provençal , tant dans le Re-
cueil de la Bibliothèque dn Roi
que dans d'autres Ouvrages. Un.
autre fameux Troubadour duquel
parlent nos Auteurs eft Pierre Ro-
gier natif d'Auvergne, dont No-
ftradamus a fait un article plein de
fables & d'anachronifmes.Ce qu'eu
DECEMB
difcntlesHiftoviens de Languedoc
eft tiré d'un des Manufcrits de la
Bibliothèque du Rot dont on a dé-
jà parle. On y voit que Pierre Ro-
gier ctoic natif d'Auvergne , Cha-
noine de Clermont &. Gentilhom-
me , qu'il quitta fa Prébende pour
fe faire Jongleur. Depuis il parcou-
rut différentes Cours & s'arrêta à
celle d'Ermengarde Vicomteffe de
Narbonne , qui fut le fujet de Ces
Chanfons & de fes vers ; il y par-
tait de fon amour pour la Vicom-
teffe qui de fon côté ne fut point
infenfible. Ces liaifons avoient
donné lieu à des bruits défavanta-
geux à la réputation de cette Dame.
Pierre Rogier fut congédié , il alla
R E , r 7 5 4. 19 1
enfuite dans les Cours des Rois de
Caftille & d'Arragon & à celle du
Comte de Toulouze , il mourut
dans l'Ordre de Grammont ; il
compofa fes Pocfies dans le cours
du douzième fiécle.
Ces exemples & ceux que nous
avons rapportés dans le Journal
précèdent fuffifent pour faire con-
noître que ce Volume de l'Hiftoi-
re de Languedoc ne mérite pas
moinsTattentiondesLecleursquele
premier Volume & pour faire fou-
haiter la continuation de ce grand
Ouvrage, que les Auteurs ont ren-
du auflî intereffant que peuvent
l'être les Hiftoires particulières des
Provinces.
SEXTI AURELI1 VICTORIS HISTORIA ROMANA ; CUM
notis integris Dominici Machanei , Elix Vincti , Andrex Schotti
Jani-Gmteri , nec-non excerptis Frid. Sylburgii & Annx Fabri filix.
Curante Joanne Arntzenio , JCto. Amftelodami de Trajecfi Batav.
Apud Jantfonio-Waefbergios & Jacobum à Poolfum. 1733.
C'eft - à - dire : L'Hifloire T^omaine de Sextus - Aurelius - Vitïor avec les
notes entières de Dominique Machanêe , d'Elie Vinet , d'André Schott de
Jean Gruter , & des notes chotfîes extraites de celles de Sylburge & d'Anne
leFévre[ Madame Dacier ]. Le tout imprimé par les foins de Jean Amt-
Zjen Jurifc on fuite. A Amfterdam , & à Utrecht , chez les Jalfon-
"Vaefbergcs & Jacques de Poolfum. 1733. /«-40. pp. é"68. fans la Pré-
face & la Table.
CE que l'on nous donne ici
fous le titre d'Hiftoire Ro-
maine d'Aurelius- Viclor , com-
prend quatre Ouvrages : i°. celui
de l'origine de Rome : 20. l'Hi-
ftoire des Illuftres Romains fous la
République : 3 '. celle des Céfars :
& 40. un abrégé de l'Hiftoire de
ces derniers depuis Augufte jufqu'à
Théodofe le Grand. Mais à qui ap-
partiennent véritablement ces di-
vers morceaux hiftoriques ; C'eft
fur quoi les Critiques font fi peu.'
d'accord entr'eux , qu'il eft très-
difficile de feavoir précifement à
quoi s'en tenir. Tel eft ( dit notre
Editeur dans fa Préface ) le fort de
la plupart de ces Abréviareurs , que
leurs noms demeurent ignorés de Ja
pofterité; & cette punition leur
7P2 JOURNAL D
étoit duc à d'autant plus jufte titre ,
que leurs abrégez reçus trop avi-
dement des Lecteurs parelleux ,
ont fait négliger les cxcdlens ori-
ginaux qu'ils reprefentoient en ra-
courci , & en ont ainfi malheureu-
ment caufé la perte irréparable.
Quoiqu'il en foit , examinons d'a-
près M. Arntzen , ce que les Sça-
vans ont penfé fur les Auteuts à
qui doivent être attribuées les dif-
férentes pièces qui remplirent ce
Volume; &c voyons ce qu'il en pen-
fe lui-même.
i. Le petit Livre de l'origine du
peuple Romain , où l'on trouve de
quoi éclaircir divers points obfcurs
de l'ancienne Hiftoire d'Italie &
des tems qui ont précédé la fonda-
tion de Rome ; paffe, au jugement
de quelques uns , pour être l'Ou-
vrage d'Afconius-Pédianus -, fur ce
fondement , que l'Auteur y parle
de Virgile & de Tite-Live comme
de fes contemporains & defesamis
particuliers, ce que fait auffi Afco-
nius. Mais le partage où il eft ici
fait mention de Tite-Live, ne dit
point du tout , en bonne Latinité,
que cet Hiltorien fût contemporain
du nôtre : Si quant à Virgile , qu'il
appelle en quelque endroit ( fon
M.iron ) nojtriim Maronem, on n'en
peut conclure autre choie , linon
que la lecture de ce Poète lui étoit
des plus familières , & qu'il l'avoit
même commenté , comme il le dit
ailleurs. Auiîî trouve-t-on des preu-
ves de-cette leclure àlfidue dans le
ftile de notre Auteur , où l'on ap-
perçoit une imitation fréquente de
celui du Poète Latin \ comme l'E-
ES SÇAVANS,
diteur le tait obferver dans fes No-
tes. Mais ( dit-on ) notre Auteur
allure avoir compofé un Livre fur
Vortgine de Padnue , & l'on fçait
d'ailleurs qu'Afconius - Pédianus
étoit de cette même Ville. Si une
pareille raifon étoit concluante
[ répond l'Editeur ] il s'enfuivroit
que notre Auteur avant écrit un Li-
vre fur l'origine de Rome , il de voit
être Romain , & en confequence
fort différent d'Afconius. On allè-
gue en troiliémelieu , pour mettre
celui-ci en poiîeffion de cet Ouvra-
ge , la conformité du ftile des
deux Ecrivains. Mais c'eft de quoi
ne convient nullement notre Edi-
teur , qui trouve entre les deux
ftiles autîî peu de reffemblance ,
qu'entre celui de Ciceron &c celui
d'Apulée : outre que dans celui
d'Afconius on ne remarque nulle
de ces imitations de Virgile , qui
dans l'autre fe font fentir à chaque
page. D'où il eft arrivé que peu de
Critiques ont adopté cette opi-
nion , cv que la plupart , à l'exem-
ple de Schott , ont cru cet Ouvrage
d'Aureiius-Victor , & l'ont perfua-
dé aux autres.
M. Arnrzen eft d'un avis con-
traire , qu'il établit fur ces deux
conliderations \ i°. la différence du
ftile entre l'Auteur de ['origine de
Rome & celui du Livre des Illitflres
Romains & des Céftrs : i°. l'Hiftoi-
re de Procas . d'Amulius , de Nu-
mitor 6c de Romulus racontée af-
fez au lon^ dans le premier Ou-
vrage , puis répétée en abrégé dans
le fécond ; ce qui montre que les
deux pièces ne font pas d'un feul
D E C E M
ic même Ecrivain. Notre Editeur
conjecture donc que la première
eft l'Ouvrage de quelque Gram-
mairien , qui voulant mettre com-
me une tète à celui des Hommes 11-
lujtres cV des Céfiars , dont l'origine
méritoit bien d'être approfondie ,
aura dans cette vue compofé le
morceau de origine Romana , mar-
quant , contre l'ordre des Hifto-
riens de ces tems-là , lesfources où
il avoit puifé les faits qu'il rapporte,
& faifant çà de là quelques Obfer-
vations Grammaticales.
2. Il n'y a pas moins d'incertitu-
de touchant l'Auteur du Livre des
Illuftres Romains. On l'a cité fous
les noms de Pline le jeune , de Cor-
nelius-Népos , d'es£milius-Probus ,
&c. Mais la différence des ftiles eft
trop marquée , pour donner le
change aux Connoiffeurs. Il eft
vrai que Népos a laiffé un petit Ou-
vrage fur les Hommes Illufîres; mais
les citations que les anciens Gram-
mairiens nous en ont tranfmifes, ne
fe rencontrent nullement dans le
Texte de notre Auteur, où fouvent
l'on trouve tout le contraire. D'ail-
leurs celui-ci laiflant échapper de
fréquentes méprifes dans les faits
hiftoriques dont il nous entretient;
quelle apparence qu'un Auteur
aufTi inftruit en ce genre que devoit
être Cornelius-Ncpos, ait pu tomber
dans de pareilles erreurs ? Sur quoi
l'on peut confultcr Pighius , qui a
foin de les relever dans fes Anna-
les. A l'égard du fentiment de
Schott , qui donne l'Ouvrage en
queftion à Aurelius-Vi&or , fur la
foi du Manufcrit de Pulman 3 qui
Décembre.
B R E, 1754. 7pî
a pour titre oursin VtEloris HiftorU
abbreviataab AugiiftoOilaviano , id
eft , à fine Titi-Livii uficjuc ad Confit-
latum decimum Conftamii Angiifli &
Juliani Cafaris tertium : notre Edi-
teur loin d'en croire le titre de ce
Manufcrit fur le fait dont on eft en
peine , s'eftimeroit bien fondé à
tirer de-là une confequence toute
oppofée à celle que Schott en a ti-
rée.
En effet l'Auteur des Hommes
lUuftrcs commence dès Janus &C
Procas fon narré hiftorique , & le
continue jufqu'à Augufte ; fans
compter , -qu'un même Auteur
n'auroit point compofé deux fois
la Vie de cet Empereur, telle qu'on
la trouve à la fin des Hommes Illu-
ftres &z au commencement des Cé-
fars , écrite d'un ftile fort diffé-
rent. Celui de l'Auteur des Hom-
mes Illuflres eft allez coulant & af-
fez pur ; celui de l'Auteur des Cé-
fiars , au contraire, eft dur , plein
d'affeclation , & fentant fon Afri-
cain. Le premier Ecrivain eft con-
cis , & n'offre au Lccleur aucune
reflexion ni morale ni politique ; au
lieu que le fécond , plus diffus
entremêle dans fa narration plu-
fieurs avis très-utiles à ceux qui doi-
vent manier les affaires du Gouver-
nement. Ajoutez que tous les Ma-
nuferitt dont on ait connoiflance
( 8c notre Editeur en a vu jufqu'à
fept ) portent à leur tête le nom de
Pline , & nullement celui à'Aure-
lius-FiBor , à l'exception du feui
Manufcrit de Ptdman.
M. Amtzen hazarde encore ici
une conje&ure , fur le fait dont il
X x. xx
7P4 JOUJINAL DE
s'agit. Il fuppofe donc que l'Abré-
viateur du Livre des Céfars , ou
quclqu'autre , en a fait autant du
Livre de Corn. Népos fur les hom-
mes 11'tnfîres, & l'a réduit en Tables
abrégées ; en forte qu'il a coniervé
le plus qu'il lui a été pcfuble , les
propres termes de l' Auteur ( com-
me il en a ufé par rapport aux Ce-
fars & A ureltits - Vittor ) mais fans
s'affujettir à la même exactitude
pour l'ordre des évenemens , par-
mi lefquels il en a fourré quelques-
uns empruntés d'ailleurs & qui
l'ont induit en erreur quant à la
fuite & à la vérité de l'Hiftoire.
3. A l'égard du Livre des Céfars
l'Editeur confent que la pofleiiîon
en foit confervée à Sextus Aurelm-
ViBor s ainlî que l'ont décidé tous
les Doctes , dont , pour abréger ,
il ne répète point ici les raifons ,
aufquelles il renvoyé, fans vouloir
£ dit il] les appuyer de nouvelles
conjectures.
4. Mais l'incertitude & les dou-
tes renaifïent au fujet de l'Auteur
des Extraits qui nous relient du
Livre d'Aurelius-Victor fur les Cé-
fars. Sont-ils*dûs à un ViBor ou à
un VtBorin ; L'Editeur ne croit ni
l'un ni l'autre , &: prend le nom
ViBor ou VtBorin , dans tous les
Manufcrits où l'on voit à la tête
Epitome ViBons ou ViBorini , pour
le nom de l'Auteur du Livre , &c
«on pour celui de l'Abbréviateur.
Il prétend même que le nom ViBo-
rini n'eft que celui de ViBoris allon-
gé par les Copiit.es , qui ont trouvé
au titre de leurs Manufcrits Vitl.
ou ViBor. en abrégé , dont ils ont
S SÇAVANS,
fait ViUonni. Du relie les Extraits
dont nous parlons , ne font pas ri-
res du feul Aur .•hus-Victo.:. i.'A-
bréviateur y raconte des Lits plus
au long qu'iis ne font rapportés
par celui-là , ou qui r,e s'y trou-
vent nulle part i comme on peut
le voir dans les suiclcsde Nerva ,
d'Hadrien . d'Antonin , &c. Il pa-
roît mêrrje qu en pluheurs c-
droiïsl'Abi .vineur s'eft aidé do ce
qu'il avoir lu lur cette matière dans
Suctone, drms Sp.rrtun , ex dans Eu-
trope. D'où M. A.rntz.en conclut
que le nom de cet Abréviateur eft
abfolumei.t ignoré , 6V qu'il vivoit
probablement fous l'Empire de
Théodofe & de fes premiers Suc-
celîeurs.
Ces quatre Ouvrages ont été
d'abord publiés féparément , puis
conjointement dans pluheurs Edi-
tions, dont la Bibliothèque Latine
de M. Fabricius nous donne un dé-
nombrement exact. Nulle de ces
Editions n'a plus mérite l'approba-
tion des gens de Lettre que celle
des Gacfbieck.* , qui parut à Am-
fterdam ck à Leyde en 1^70. in- 8°.
&qui futrenouvellée à Utrechten
1696. & m'fe dans un ordre diffé-
rent par Samuel Pitifius , lequel y
joignit les Notes de Madame Da-
cier. Il auroit [pieux fair [ dit notre
Editeur ] de fupprimer la plupart
de ces dernières & de celles de Mâ-
chante , & d'inférer en leur place
celles que Scbott avoir rafTemblées ,
dans fes addition:, , & qui ont été
omifes dans 1'Ediuon de Puifctts.
De plus , la conduite qu'a tenue
celui-ci en Enfant réimprimer les
D E C E M
Notes de Madame Dacier , eft
d'un tort mauvais exemple. Il re-
jette le plus fouvent celles de
Schott , pour leur fubftituer celles
de cette îlluftreSçavante , qui n'en
font que des copies , &c que le Lec-
teur peu en garde contre une fuper-
cherie pareille , prend pour autant
d'originaux. Si Pitijcus ( ajoute no-
treEditeur) en a ufé de la forte par
galanterie pour cette Dame , il
foûtient mal ce caractère , en plu-
fieurs endroits . où il a fait impri-
mer les Notes de ce même Com-
mentateur avec celles de Madame
Dacier placées au-deiTous , &t qui
en paroirïent très-fidélcment co-
piées. C'efl: unedifgrace [ continue
M. Arntzen] qu'a depuis éprouvée
M. Dacier [on époux dans l'Edition
Dauphine du Feflus renouvellée en
Hollande , où l'on voit imprimées
au-deiïus de fes Notes celles de Jo-
feph Scaliger t lefquelles ne met-
tent que trop fouvent en évidence
les larcins du nouveau Commenta-
teur.
L'Editeur n'a point chargé des
Notes de Sylburge en entier cette
nouvelle Edition , quoique celle
où elles fe trouvent foit devenue
très-rare. Il s'eft contenté d'en faire
un choix , fupprimant tout ce
qu'elles ont de commun avec celles
de Schott. Il eût fort fouhaité en
faire autant de celles de Machanèe
& de Madame Dacier. Mais il a
fallu ( dit-il ) s'accommoder aux
intentions des Libraires , toujours
ennemis des retranchemens qui
vont à blefTer leurs intérêts , en di-
minuant la grofleur & par confe-
B R E , i 7 ? 4- 7PT
quent le prix des Volumes. Quant
à M. Arntzen , il conçoit fort que
dans une Edition comme celle-ci ,
un Lecteur judicieux ne doit nulle-
ment s'attendre à rencontrer de ces
Notes Grammaticales faites dans
lé goût de celles d'un Tarnabe ou
d'un.Min-EHius. Il fe plaint même
que celles de Vinet & de Gruter t
quoique inférées ici , ayent été
compofées fi négligemment , que
louvent elles paroiffent peu dignes
des noms qu'elles portent. Lemo-
defte Editeur ne dit rien des fien-
nes , quoiqu'elles foient en allez
grand nombre & marquées au bon
coin.
Il nous rend compte après cela
des fecours qui lui ont été fournis
pour la correction du Texte de fon
Auteur. Le Livre de l'origine de
Rome ne nous a été confervé que
dans un feul Manufcrit fur lequel
on en a donné la première Edition.
Celui des Hommes llluftres a été
conféré fur fix Manufcrits. Les va-
riantes des deux premiers , dont
l'un cft de la Bibliothèque de M.
Boendermaker & l'autre de celle de
Francc/uer , lui ont été communi-
quées par M. Duker. M. Barman
lui a rendu le même office , par
rapport à deux Manufcrits de la
Bibliothèque de Leydc , en procu-
rant au frère de notre Editeur la
facilité de les confronter avec les
imprimez ; Se M. Oudendorp Prin-
cipal du Collège de Harlem lui a
fait part des diverfes leçons , que
prefenrent ces deux Manufcrits, &c
par lefquelles ils durèrent entre
eux. Enfin M. Gramme Profefietir
X x x x ij
79<f JOURNAL D
en Grec à Copenhague lui a envoyé
les collations ou confrontations de
d:ux autres Manufcrits dont on
trouve ici la ddcnption dé-
taillée que l'on peut voir dans la
Prérace de ce Volume. M. Arntzen
a de plus confulté quelques ancien-
nes Editions , fça^'oir celle de Co-
logne de 1 50S. celle de Strafbnurg,
de 1 500. tx une troifiéme encore de
plus vieille date, que lui a fait voir
M. Cannegiter. Malheureiifement
les variantes recueillies par M.
d'OsvjUe font venues trop tard, &C
n'ayant pu être inférées chacune en
fon heu , ont été renvoyées parmi
les additions. Au regard de X Abré-
gé ai Victor , le Texte en a été revu
fur trois Manufcrits , l'un de la Bi-
bliothèque de Wolfenbutd ; les
deux autres de celle de Leide . &
l'on a confulté aufÏÏ l'Edition d'Ai-
de , de 15 16. celles de Gryphe, de
1538. & 1551-^c.
M. Arntzen , pour l'Edition du
Texte de ces quatre Ouvrages Hi-
storiques , a fuivi celle de Schott ,
mais avec cette reltriction , qu'il
n'a pas cru devoir admettre dans
ce Texte toutes les corrections de
cet habile Editeur , quoique vrai-
femblables Se conformes à la vérité
de THiitoire. La raifon qu'il en al-
lègue fe réduit à cette considéra-
tion , Que il les Critiques fe per-
mettoient d'inférer dans le Texte
des anciens Auteurs qu'ils veulent
éclaircir par des Commentaires ,
toutes les corrections que leurs
conjectures leur font imaginer , il
arriverait par fucccilion de tems
des changement fi confiderables
ES SÇ A VAN S,
dans ccsTextes prétendus corrigés,
qu'ils ne feroicnc prefque plus re-
connoillables , 6V: que l'Auteur an-
cien , loin d'y parler Ion propre
langage Se d'y expofer fes propres
femimens , ne s'y expliqueroit plus
que par l'organe Se félon les idées
ou les rantaides des Editeurs. D'où
il s'enfuit , que félon M. Arntzen,
les Textes anciens ne fçauroient
trop être refpectés , Se qu'on ne
peut ufer trop fobrement du droit
que la Critique fembleroit donner
d'y faire des corrections.
Du relie , il a fuivi la diltinc-
t;on des Chapitres , telle que
Schott l'a introduite le premier ,
quoique peut-être en quelques en-
droits avec un peu moins de juftef
fe qu'il n'eût été à fouhaiter ; Se l'E-
diteur juge tort fainement que cet-
te exactitude fcrupulcufe à con-
ferver les anciennes divifions des
Textes , e(t d'une merveilleufe
commpdité , par rapport aux ren-
vois Se aux citations. Il n'a pasrté-
gligé non plus de joindre à cette
Edition l'Ecrit de Nunnius fur les
Hommes Illuftres de la famille Cor-
nelia Se celui de Sigonius fur la Vie
de Scipion. Il n'a fait aucun chan-
gement dans le Monument d'An-
cyre quife trouve ici à la page 458,
cv nous avons une nouvelle Edi-
tion de ce Monument à la fin de
l'Ecrit de Gronovius intitulé Aicmo-
ria Cojfiniana. On trouve encore
au commencement & à la fin de ce
Volume les jugeraens des divers
Auteurs fur Aurclius-Victor , ainiî
que les Epîtres Dédicatoires & les
Préfaces de toutes les Editions pré:
D E C E M
cedentes. Quant à la Table très-
ample Se très -détaillée de ce Volu-
me , c'en l'Ouvrage de M. Lotich ,
Précepteur dans l'Ecole de Nimc-
guc. Pour ce qui eft des Médailles
qui ornent cette Edition, M. Arnt-
zen avoiie qu'elles auroïent pu être
beaucoup mieux defiinées Se plus
élégamment gravées ; & c'eft fur
quoi fans douce perfonne ne le dé-
dira.
Il ne nous refteroit plus qu'à fai-
re connoître plus particulièrement
les Notes du nouvel Editeur par
quelques échantillons que nous en
produirions ici Se fur lefquels on
pourroit fe former une idée de tou-
tes les autres. Mais comme elles ne
B R E, 1734. 7p7
font prefque toutes que purement
Grammaticales , Se qu'elles ne
roulent ordinairement que fur le
choix entre plufieurs variantes
pour la correction du Texte , Se
fur une toule de palfages parallèles
d'anciens Auteurs Latins allégués
pour juftiner quelque terme ou
quelque locution qu'employé Au-
relius-Viclor , Se qu'on pourroit
d'abord foupçonner d'être peu
conforme à la pure Latinité ; tout
cela nous paroît il peu fulceptible
d'extrait , qu'il vaut mieux ren-
voyer tout d un coup les curieux
en ce genre à la fource-même , où
ils pourront puifer en abondance
de quoife fatisfaire.
ARCHEUS FEBRIUM FABER ET MEDICUS, SIVE
exercitatio Medico-Praclica de ufu & Metodo rationali, folidâ , certâ
Se fecurâ tam in febribus intermittentibus , quàm periodicis continuis
adminiftrandi febrifugorum omnium maximum Corhiem peruvia-
num , feu Chinamchinam. Autore Joanne Henrico Cohaufen , Hilde-
fîoSaxone. M. D. Archiatro - Horftmario- Abnfano , & Diœcefeos
Monafterienûs pra&ico Seniore. Amûelodami , apud Salomonem
Schouten. 173 1.
C'eft à-dire : VArchèe 3 auteur des fièvres & de leur guéri/on ; ou Traité
de Médecine-Pratique fur la meilleure méthode de donner le Quinquina,
tant dans les fièvres intermittentes , que dans les continues périodiques. Par
H.J. Cohaufen t Douleur en Aied. Sic. A Amfterdam , chez Salomon
Schouten. 1731. vol./H-ia. pp. 120. &fevendk Paris , chez Jollain ,
Quai de la Tournelle.
LE premier foin de M. Cohau-
fen dans ce Traité , eft d'en
juftiner le titre : » On s'étonnera
= d'abord , dit-il , de voir à la tête
»> de mon Livre , le mot &Archèei
» Se tous les Profeffeurs en Mede-
»cine , s'en lormaliferont fans
v doute. Quoi , s'écrieront-ils avec
i> indignation, vouloir faire revi-
» vre VArchèe s ce monftre qui de-
» puis fi long - tems eft enfeveli
» avec l'Auteur qui lui avoit don-
» né l'être ! l'entreprife eft téme-
wraire. Mais que ces MefCeurs
«fe donnent un moment de pa-
» tience , ils verront que je n'ai pas
7oS JOURNAL D
» autant de tort qu'ils s'imaginent.
Après ces paroles M. Cohaufcn
entre en juftification , &c voici un
précis de fon Apologie.
Peu m'importe , dit - il , quel
fens on donne an mot à'Archée •
dont je me fers : je déclare pour
moi , que VÀrcbée n'eft point un
être de raifon , mais que c'eft une
chofe réellement exiftente , un
agent vital &c plein d'activité qui
fait tout ce qui eft necc flaire pour
la confervation du corps humain.
C'eft une force & une puiflance de
l'ame fur les parties fluides , Se fur
les parties fohdes du corps , la-
quelle puilTance agit félon les loix
de la méchanique établie dans les
organes, foit par rapportai! mou-
vement des humeurs dans ce qui
regarde leurs circulations , leurs fe-
cretions , leurs excrétions , &c.
foit par rapport au mouvement des
folides dans ce qui concerne leur
reflbrt , leur fyftole & leur diafto-
le , &c le tout pour empêcher le
corps de fe corrompre , & le pré-
ferver d'une deftru&ion prématu-
rée. Ce n'eft pas alfez du mécha-
nifme merveilleux qui fe remarque
entre les parties folides & les
parties fluides du corps hu-
main -, il faut de plus un principe
viral qui préfide à ce méchanifme
pour le faire agir ; fans quoi l'hom-
me neferoit qu'une machine lour-
de ; or ce principe vital , qu'on le
nomme , fi l'on veut , efpnt de vie,
nature , ou Arche: , le nom n'_y
fait rien -, il fuflàt que ce foi: quel-
que chofe de réel. Cela pofé , je
dis que ce quelque chofe de réel ,
ES SÇAVANS,
ce principe vital que je trouve à
propos d'appeller Archèe 5 du mot
grec A-jX" , qui lignifie principe ,
eft ce qui donne l'aclion à tout ce
quife pafle, foit de régulier, foit
d'irrégulier dans le corps humain -,
en forte qu'étant tout enfemble
Auteur de la fanré & delà maladie,
c'eft lui qui fait la fièvre & qui la
guérit. Archcus febrium Faber &
Aîedicus. Vanhelmon a placé l' Ar-
chèe dans l'dtomac , c'eft-là , fé-
lon lui , que cet agent qui préfide
atout, apperçoit , comme dans le
lieu le plus propre pour cet effet,
le bien ou le mal que peuvent eau-
fer les alimens , les médicamens ,
ou les poifons , & c'eft- là que lors-
qu'il apperçoit quelque chofe qui
doit être nuifible au corps , il entre
en indignation à cet égard , & par
le moyen du méchanifme établi
entre les folides Se les fluides , il
change les mouvemens réguliers
en irréguliers , ce qui caufe diver-
fes maladies , Se entre autres les
fièvres.
Quant à celles -ci , le premier
agent qu'il y faut reconnoîrre , fé-
lon notre Auteur , c'eft l'Archée
qui étant irrité par quelque caufe
que ce foit , détermine les fucs du
cerveau à fe jetter impétueufement
par les net fs fur le mufcle du cœur,
ce qui augmente Se accélère outre
mefure le mouvement de ce muf-
cle , S: par confequent celui des
artères , év des liquides qui y font
contenus.
M. Cohaufen , après plufieurs
autres reflexions que nous palTons ,
définit la fièvre , un mouvement &
D E C E M
un effort de l'Archée qui étant irrité ,
V" indigné , tâche, de chajfer la caufe
cvcifiranelle de la. maladie. C'eft la
ition de Van-helmont , de ce
Philofophe que notre Auteur re-
garde comme un homme fufeité
de Dieu pour la reformation &C
pour l'ornement de la Médecine.
Viri ad reformanda & exornanda
artis documenta. , à Deo eleEli : ce
font fes termes. Sydeham définit la
lièvre , une tentative que fait la na-
ture pour expulfer de toutes fes forces
la matière fébrile , & i 'expulfer d'une
manière qui tourne à la guérifon du
malade. Ettmuller la définit , un
mouvement ou combat de la nature ,
far lequel , au moyen des efprits
animaux plus ou moins altérés , &
par le fecours de la fermentation
excitée dans le fang , elle fe met
en devoir de chajfer au loin y ce qui
s'oppofe de contraire a l'économie ani-
male. M. Cohaufen admet ces défi-
nitions pour ce qui en concerne le
fond ; mais il veut qu'en y ajoute
que cette tentative ou ce combat
eft un mouvement violent & forcé,
fouvent inutile , quelquefois per-
nicieux & quelquefois falutaire ,
lequel excite dans les fluides &
dans les folides , des agitations irré-
gulieres Se extraordinaires , qui
tournent le plus fouvent au dom-
mage du malade , & quelquefois
par accident à fa guérifon ; fui-
vant la définition de Sydcnham &
d'Ettmuller , il n'eft pas à propos
de s'oppofer à la fièvre, puifque
ce feroit s'oppofer à un mouve-
ment falutaire ; mais fuivant la dé-
finition de notre Auteur . on ne
BUE; r 75 4. 799
fçauroit trop tôt combattre cette
maladie , puifqu'elle ne tend par
elle-même , qu'à la deftruclion du
corps , & c'eft ce qu'il entreprend
de montrer dans un Chapitre ex-
près qui fuit immédiatement celui-
ci , nous y renvoyons les Lecleurs.
11 faut donc , félon notre Au-
teur , lorfqu'on voit de la fièvre ,
recourir promptement aux remè-
des qui peuvent la détruire , mais
la détruire en ôrant la caufe ; car
pour les remèdes qui ne fervent
qu'à pallier le mal , ce n'eft pas de
ceux-là que notre Auteur prétend
parler. Or les remèdes qui vont ici à
la caufe quand il s'agit de fU-vies
intermittentes , font ceux que
fournit le Quinquina. M. Cohau-
fen , à cette occalion , examine par
quel moyen le Quinquina guérit
les fièvres intermittentes j fi c'eft
par un acide qu'il contienne , ou
par un alcali , ce qu'il importe peu
cependant de fçavoir , pourvu
qu'on fçache dans quelles circon-
ftances , & avec quelle méthode û
le faut donner pour l'employer uti-
lement.
Certaines règles font à obferver
avant l'ufage du Quinquina , d'au-
tres pendant cet ufage, & d'autres
après. Bien des Médecins préten-
dent qu'avant que de donner ce
fébrifuge , il cft necefTaire de pur-
ger. Notre Auteur foûtient le con-
traire , & il fait voir par le raifon-
nement & par l'expérience que rien,
n'eft plus d.inecreux que cette pra-
tique. Il obferve premièrement
que dans les fièvres intermittentes,
la quantité du levain fiévreux , le
800 JOURNAL D
plus loin qu'elle puiïTe aller, n'excè-
de jamais une drachme , Se que
fouvent même , elle monte à peine
à la valeur d'un grain , piufqu'en
certaines rencontres il ne faut qu'u-
ne légère odeur , pour exciter la
fièvre tierce ou la fièvre quarte , Se
qu'en plulîeurs autres , la feule
imagination fuffit pour cela ,
comme on le voit dans bien des
frayeurs & des faifillemens. Or
en ces fortes de cas , qu'y a - 1 - il à
évacuer , demande notre Aureur ,
quelle humeur furabondante y a-t-
ilà purger ?
De plus,l'experience journalière
fait voir que de toutes les fièvres
intermittentes qu'on s'avife d'atta-
quer par les purgatifs^, il n'y en a
prefque pas une qui n'en devienne
plus opiniâtre Se plus rebelle , juf-
ques là même qu'elles tournent la
plupart en maladies incurables. M.
Cohaufen cite là- de (Tus plufieurs
exemples qui méritent attention.
Il joint à ces exemples, le témoi-
gnage de divers Auteurs célèbres ,
Se entr'autresd'Ettmuller, de Sy-
denham , de Morton , lefquels
s'accordent tous à dire que ni la
faignée, ni lapurgation ne peuvent
enlever la caufede ces fièvres.
Pernicicufe donc , félon notre
Auteur, Se très pernicieufe , eft la
pratique de ceux qui s'imaginent
que pour préparer les malades au
Quinquina , il faut les purger.
Mais M. Cohaufen ne prérend pas
pour cela, faire ici une règle géné-
rale : il reconnoît qu'il y a des fiè-
vres mèfenteriques , où les premiè-
res voyes font tellement engorgées
ES SÇAVANS,
qu'il fautabfolumtm pour prépa-
rer au Quinquina , recourir à la
purgation ; mais à quelle purga-
tion ? A celle qui s'opère par i'é-
metique. C'elt le feul évacuant que
notre Auteur conlcille ici , éva-
cuant Ci efficace qu'il fuffit quel-
quefois tout feul pour enlever ra-
dicalement la plus forte fièvre in-
termittente , pourvu qu'il foit ad-
miniftré avec méthode , Se félon
les règles' de l'art.
En quel tems & de quelle ma-
nière convient-il de donner le
Quinquina ; Voici d'abord pour
ce qui regarde le tems , ce que M.
Cohaufen décide ; il veut qu'on
donne le Quinquina immédiate-
ment après l'accès , qui eft le tems
où tous les fymptomes font finis t
tels que la chaleur , la fueur , &c.
& que fi la fièvre eft continue pé-
riodique, on le donne dans le tems
de la remilfion. La raifon qu'il al-
lègue de cette conduite , c'eft qu'a-
près l'accès dans les fièvres inter-
mittentes ; Se après la remillîon
dans les continues périodiques, le
ferment fiévreux qui fubfiftoit au-
paravant , a été châtie par la voye
des lueurs Se par les autres ilTues ;
en forte que les obftruètions des
glandes miliaires font levées , Se
que le froncement des parties foli-
des eft relâché -, ce qui rend aux
fluides épailfis , leur fluidité , au
fang fougueux Se emporté , la
tranquillité de fon cours , Se met
par conféquent le Quinquina en
état d'agir plus efficacement , les
obftacles qui pourroient s'oppofer à
fon action , ne lubiiftant plus dans
ce
D E C E M
ce moment •, d'où il fuit que ce
remède peut alors prévenir plus fû-
rement la régénération du ferment
fiévreux , & par conféquent le re-
tour d'un autre accès.
Voilà pour ce qui regarde le
tems ; voici à prefent pour ce qui
concerne la manière.
Il faut donner la première prife
de Quinquina dès que l'accès eft
pleinement terminé ; il faut don-
ner la féconde quatre heures après,
donner la troifiéme quatre autres
heures après , & la quatrième après
le même moment , à moins qu'on
ne juge plus à propos de réduire
cesquatre prifes à trois , auquel cas
il faut augmenter à proportion , la
dofede chacune.
Si la fièvre eft continue périodi-
que &: que le mal preiTe , on pour-
ra faire la dofe encore plus giande.
Bien des Médecins ordonnent le
Quinquina en pilules , & beaucoup
d'autres dans du vin -, les premiers
prétendent qu'il a beaucoup plus
d'effet en pilules , 8c qu'une demi
dofe donnée ainfî , vaut mieux
qu'une dofe entière dans le vin.
Notre Auteur n'eft pas de ce fenti-
ment , il prétend que le vin aide
à la dilïblution du Quinquina dans
l'eftomac , ôc il dit qu'il n'en a ja-
mais vu de mauvais effets •, il re-
commande d'y mêler quelques fto-
machiques amers , & de boire ce
vin au repas , ou immédiatement
après , comme on boiroit du vin
d'Efpagne.
Mais une méthode qu'il préfère
à celle-là , c'eft de prendre le Quin-
quina dans une infufîon de Thé
Décembre.
B R E , i 7 î 4- goi
verd ; il foûtient que ce Thé aug-
mente la vertu duFébrituge dont il
s'agit, &C qu'il le rend beaucoup
plus propre à refoudre & à corriger
les felsj acres des différentes li-
queurs du corps. Les bouillons qui
fe font avec l'avoine ou avec l'orge,
lui paroifîent encore d'excelkns
véhicules pour le Quinquina ,
parce que ces bouillons font très-
adoucilfans , & par conféquent
très -capables d'émoulfer l'acrcté
des humeurs.
A mefurc qu'on prend le Quin-
quina, il faut faire de l'exercice ; &
notre Auteur obfcrve que comme
dans le tems de la fièvre il eft bon
de garder le lit , on doit au cen-
traire , lorfquc l'accès eft palTe, fur-
tout dans les jours où la fièvre eft
abfente , fc donner le plus de mou-
vement que l'on peut , foit parla
promenade ou autrement. Il rap-
porte là-dcflus l'exemple des gens
de la campagne en qui le Quinqui-
na ne manque prelque jamais de
produire fon effet , parce qu'auilî-
tôt qu'ils fe voyent libres de leur
accès , ils reprennent ieurs travaux
ordinaires.
Pour ce qui eft du régime de vi-
vre pendant l'ulage du Quinquina,
M. Cohaufen recommande de fuir
la viande , fur-tout celle de bœuf
& de cochon , &c les bouillons à la
viande, d'éviter, de même, le lait,
les œufs , & le poiiTon ; il co-f i
le à la place , les crèmes ci •
d'avoine , de ris , &c. m li . . 1
regarde ici comme !? r' . plus
capable de hâter la gnci d la
fièvre , c'eft le jeûne d n& les jour?
Yy yy
802 JOURNAL D
des accès , à moins que la foibleffc
du malade ne s'y oppole.
Quant à la conduite qu'il faut
garder après l'ufage du Quinquina
iorfquc la fièvre cft entièrement
oucrie , notre Auteur hit voir Se
par raifon & par expérience, que
ceux qui croyait qu'il faut purger
alors , font dans une erreur grof-
fiere. Il leur montre que la purga-
tion dans ce tcms-là , cft rarement
neceffaire , qu'elle eft fouvent inu-
tile 5c prefque toujours dangereu-
fe.
Il arrive ordinairement que le
Quinquina adminiftré mal à pro-
pos , Si fans qu'on air pris foin de
débarrafler auparavant par quel-
ques apéritifs convenables , les vif-
céres engorgés , produit de perni-
cieux effets lors même qu'il ne laif-
fe pas de chalTer la fièvre. Ces effets
font ordinairement i°. des enflures
& des hydropifies. Quand ces ac-
cidens arrivent , il faut recomman-
der aux malades de faire beaucoup
d'exercice , &C leur donner des con-
fortatifs qui puiflcnt rétablir dans
leurs fondions ,l'eftomac,& le foye;
tels font les fels digeftifs, les pilu-
les balfamiques - polyereftes , les
vins apéritifs préparés avec le mars
èc le nître , &c. Ces effets, en fé-
cond lieu , font fouvent des dou-
leurs violentes dans le bas- ventre
Se dans les membres , des inquiétu-
des continuelles pendant les nuits,
&c. en forte qu'il vaudroit encore
mieux que le Quinquina n'eût pas
fupprimé la fièvre. Qu'cft il à pro-
pos de faire alors , demande notre
Auteur 5 Le plus court, répond-il3
ES SC A VAN S,
c'eft derappeller la fièvre. Il s'au-"
torife en cela du précepte d'Ett-
muller dans fa Diifcrtation fur
l'ufage 5c fur l'abus des précipi-
tans. Mais comment rappeller
cette fièvre ? La chofe eft facile, dit
Ettmuller , te malade »a qu'a pren-
dre de l'efprit volatil de [d armoniac.
Il eft rare qu'on cherche à avoir
la fièvre , mais lorfqu'onla fouhai-
tera , voilà-donc de quoi fatisfaire
fon envie. M. Cohàufen cependant
n'eft pas rout-à lait en cela de l'avis
d'Ettmuiier ; il aime mieux qu'au
lieu de l'efprit volatil de felarmo-.
niac , on fe ferve d'un certain vin
qu'il confeillc ; l'efprit volatil de
fel armoniac lui paroîc fufpect ,
mais pour le vin dont il s'agit , il
le regarde comme un moyen doux
& innocent pour exciter la fièvre.
Quel eft ce vin? Il s'en explique
en ces termes : Tutin. eflvinorefoU
•ventibus , diureticis , abjîerge»tibus
laxantibus infufo fcbr'trn reflituere.
M. Cohàufen n'en demeure pas
à cette recette pour exciter la fiè-
vre. Il en enfeigne une autre pour
le même delTein ; laquelle , à ce
qu'il prétend, ne trompe prefque
jamais ; l'ufage en eft commun en
Wertphalie , & les habitans du
Pays ,dit-il ,s'en fervent routes les
fois que s'étant fait pafler la fiè-
vre par le Quinquina , & venant à
s'en repentir, ils trouvent à propos
de la rappeller. Voici là dciîus ce
qu'ils pratiquent. Ils choilîlTent
une tête de cochon , la plus enfu-
mée qu'ils peuvent trouver ; ils en
coupent pluheurs morceaux, & les
mangent ; puis ils attendent avec
D E C E M
confia nce la fié vie , qui, s'il en faut
croire notre Auteur , ne manque
point , peu après , de les venir ac-
cueillir , fans Ce le faire dire davan-
tage. Si de capite porcino çomedant t
per chinarn - cbinam à febre liber ati ,
certo certihs récidivas patii-intur.
Quand la fièvre eft ainfi reve-
nue, ils fongent à la faire pafter fans
danger, en prenant le Quinquina
avec plus de méthode , Se en évi-
tant les fuites qu'ils foupçonnent
avoir fiitcs la première fois.
Il n'eft pas rare de voirie Quin-
quina , lorfqu'il cft mal administré,
caufer des tentions de ventre , des
tumeurs dans les hypochondres, Se
autres accidens fcmblablcs ; ce qui
ne vient point tant alors, d'obftruc-
tions de foye ou de rare , que de la
bourfouflure de l'inteftin colon ,
lequel , comme on fçait , occupe
l'un & l'autre hypochondre.
Notre Auteur prétend que ces
accidens demandent les mêmes re-
mèdes qu'il a rapportes plus haut,
feavoir i°. les àigeftifs , les abftcr-
gens , les pilules vifçerales-balfa-
miques - laxatives , & une boiilen
un peu abondante.
Si la fièvre qu'on fe propofe de
<?uérir , eft accompagnée de diar-
rée , gardez - vous bien , dit M.
Cohaufen , de donner le Quinqui-
na -, ce remède , en fuppiïmant la
fièvre , fupprimeroit le cours de
ventre qui eft fouvent alors une
évacuation critique , & vous feriez
tomber votre malade en apoplexie
ou en fyncope. »
Notre Auteur rapporte ici un cas
qu'il affurc avoir vu arriver plu-
B R E, 17 5 4- Soj
ficurs fois , & auquel il eft impor-
tant de faire attention ; » )'ai obfer-
» vé , ces dernières années , dit-il ,
» & je l'ai obfervé plus d'une fois ,
»que le Quinquina , après avoir
«guéri radicalement Se fans retour,
* certaines fièvres quartes , laifloit
» des démangeaifons conlidérablcs
» par toute la peau ; que ces dé-
» mangeaifons étoient quelquefois
» accompagnées de boutons rouges
» Se quelquefois d'une galle humi-
» de. Horftius dans fes obfcrva-
» tions rapporte des exemples tout
» fcmblablcs à ceux là. Pour moi
» je n'ai pas cru que dans ces fortes
» d'occafions je dufle rien faire
«mettre fur la peau. J'ai regardé
»ces démangeaifons , ces boutons,
» cette galle , comme unecrife, Se
» je me fuis abftenu de tout remède
• » externe , me contentant de pref-
» crire un régime de vivre exact ,
» & de faire prendre en petite
» quantité», certaines chofes capa-
» blés de purifier le fang. Ce qui
» m'a fi bien réufîi , qu'en peu de
» Semaines les malades ont été cn-
» fièrement rétablis.
M. Cohaufen fait ici un article
à part , de la manière de traiter par
le Quinquina, les fièvres continues
périodiques : il obferve d'abord ,
que la fièvre continue périodique,
Se la fièvre fimplcment intermit-
tente , font la même choie pour le
fond , & qu'elles ne différent l'une
de l'autre que par le degré : con'i-
mu periodica à fimplicncr intermit-
tent ions non genio , fedgmdu tantthn
dijferunt.
En effet , quoique dans la fièvre
Y y y y ij
804 JOURNAL De
continue- périodique , la chaleur
fébrile ne celle jamais abfolument ,
cette chale ur cependant ne laiffe pas
de diminuer à certains tcms réglés,
en forte que les redoublemcns &C
les remilîîons ont des retours pé-
riodiques. C'eft en quoi cette fiè-
vre a beaucoup d'afiinité avec l'in-
termittente ; la caufe qui produit
dans l'une les re'miffions ou di-
minutions , étant de la même natu-
re que celle qui produit dans l'au-
tre une ceffation entière : cela po-
fé , M. Cohaufen veut qu'on traite
les fièvres continues-périodiques ,
comme les fièvres intermittentes ,
& que comme celles là, c'eft-à dire
les continues périodiques, font très-
dangereufes fi on les laiffe durer un
certain tems, il faut tout d'un coup
Se dès le commencement les atta-
quer par le Quinquina dûëment
préparé , fans quoi fi l'on attend
que la fièvre parvienne à l'on Etat,
elle pourra prendre un caractère
plus mauvais & devenir incurable:
mais en quel tems donner ici le
Quinquina ? ChoihlTez , répond
notre Auteur, celui de la remif-
fion , prenant garde toutefois de
vous tromper , car en cette rencon-
tre l'erreur eft facile.
Il y a des fièvres continues qui
fans être périodiques , ne lailTent
pas d'avoir certains mouvemens ,
certains fiiffonnemens allez fem-
blables , en apparence , à ceux des
continues-périodiques. D'ailleurs ,
toutes les fièvres un pcuconfidera-
bles ont des exacerbations le foir.
Il faut donc apporter ici une gran-
de attention pour éviter de femé-
S SÇAVANS,
prendre , 6k cette attention , re-
marque notre Auteur., demande
que le Médecin foit très-aflidu au-
près de fes malades , car s'il vient à
prendre pour fièvre continue pério-
dique , ce qui ne l'eft nullement ,
&C qu'en confequence il aille don-
ner le Quinquina, il tue fon malade.
Que dire après cela , de ces Méde-
cins, qui, dans des occalions de cet-
te importance, ne voyent leurs ma-
lades qu'en courant ? Ce font ou
des mercenaires qui ne cherchent
que l'argent, ou des ignorans qui fe
rendent jullice à eux-mêmes , 8c
qui fenrent bien qu'en reliant plus
long tems auprès des malades, ils
ne leur feront pas pour cela , plus
utiles.
Il y a des fièvres continues-pé-
riodiques , mais malignes , qui de-
puis le commencement jufqu'à la
fin, font accompagnées de froid ;
notre Auteur prétend que dans
celles-là, le Quinquina ne convient
nullement , mais qu'il y faut em-
ployer les remèdes diaphoniques,
c'eft - à • dire qui pouffent par la
tranfpiration , & qui empêchent
par ce moyen , les humeurs rete-
nues au. dedans , de fe porter
au cerveau, où elles cauferoient des
inflammations. Dans ces fortes de
fièvres , les cfprits animaux font
tellement engourdis qu'ils ne peu-
vent mettre en action les principes
du Quinquina. Cet engourdifle-
ment fe manitelte par la débilité
du pouls qui quoique fréquent ell
petit év languilTant, il fe reconnoît
par le troid des parties extérieures
du corps s tandis que celles du de-
D Ë C E M
dans font en feu. Si vous voulez
alors recourir au Quinquina , at-
tendez, dit notre Auteur, que la
chaleur naturelle foit revenue au
dehors , & que les efpnts fe foienc
répandus ; fans cela votre Quinqui-
na ne fervira qu'à fixer davantage
ce qui n'eft déjà que trop fixé , &C
vous fufpcndrez p*r-là tous les
mouvemens qui entretiennent la
vie.
Si dans le cours d'une fièvre con-
tinue - périodique , les urines font
reuges cViépailîes, qu'enfuite elles
deviennent pâles & très liquides ;
s'il furvient des irritations de nerfs.
Des fonges effrayans , des veilles
extraordinaires, des délires, toutes
marques que la fièvre fe tourne en
maligne , gardez-vous alors d'em-
ployer le Quinquina , il feroit per-
nicieux. Si l'on foupçonne de l'in-
flammation dans les vifeeres , ou
quelque abcès , il le feroit encore
plus. Dans tous ces cas le Quinqui-
na loin d'ôter la fièvre , l'augmen-
te , il fixe l'humeur fiévreufe , la
concentre , & par cette concentra-
tion , il produit des mortifications
& des gangrenés dans les parties où
elle eft renvoyée. ■
Lorfqu'un jeune homme, d'un
tempérament bilieux , fera atta-
qué d'une fièvre continue périodi-
que accompagnée d'une grande
chaleur & fur-rout que cette fièvre
le tiendra dans le fort de l'été. Gar-
dez-vous encore de lui donner le
Quinquina , à moins que la dimi-
nution de la fièvre ne foit bien
confiderablc , fans quoi ce remède
lui fera tuncile. Mais fi la fièvre
B R E , 1734. Soj
continue n'a aucun intervalle de
rémillion , fi outre cela elle eft
maligne , & accompagnée de ftu-
peurs, de fpafme , dehocquets,
&c. alors dans quelques tems de
l'année qu'elle prenne , fi Ion s'a-
vife de donner le Quinquina , on
commet la plus grande de toutes
les fautes : c'clt de quoi Morton ,
ce fçavant Praticien , a cru avec
raifon , ne pouvoir trop de fois
avertir les jeunes Médecins. Mais
quand la fièvre eft exempte de tous
ces fymptomes , & qu'à raifon de
cela on donne le Quinquina , il ne
faut pas laifler cependant de trem-
bler, dit notre Auteur, car fou-
vent il arrive que dans cette fièvre
f\ (impie en apparence, le Quin-
quina opprime les forces, que le
pouls devient débile , & que le
malade tombe dans l'inadion. Dès
qu'on s'apperçoit d'un tel accident,
Que la fièvre foit intermittente ,
ou qu'elle foit continue - périodi-
que , il faut dès le moment, renon-
cer au Quinquina.
On croit ordinairement que la
vertu fébrifuge du Quinquina eft
la feule qu'il faille reconnoître
dans ce remède , mais il en pofte-
de bien d'autres , comme notre
Auteur le fait voir au long.
H y a dans le Quinquina i°. un
fel volatil-aromatique qui pénétre
les humeurs trop épaiftes , & qui
les fubtilife. i". Une fubftance
amere & ftyptique qui rétablit le
relTort des parties folides , trop
relâché , & qui fortifie par ce
moyen, tous les vifeerts : ce qui
le rend très propre dans les mala-
So6 JOURNAL D
dies hypochondriaques & dans les
cachexies : auilï Charles Mufitan
8c plufieurs autres Auteurs , le
confeillent dans ces occalions , au
poids d'une dragme , pris dans du
vin, quatre heures avant le dincr &
l'expérience dépofe en faveur de
leur avis. Mais ce qui eft bien plus
digne d'attention , c'eft qu'on
l'employé avec fuccès en Angleter-
re contre l'épilepfie , comme le re-
marque Ettmuiler en pariant du
bon tk du mauvais ufage des préci-
pitans.
Qui croiroit que le Quinquina
fût propre contre la phthifie; Mor-
ton cependant , cet Auteur fi verfé
dans la pratique de Médecine, ne
fait pas difficulté d'avancer qu'il
n'y a point de remède plus fur que
celui là , contre la maladie dont il
s'agit , & qu'il paiîe même en cela
tous les remèdes qu'on emprunte
du lait d'ânelTe , & des autres laits.
Peu de perfonnes ignorent ce
que c'eft que la phthifie Angloife ,
le célèbre Blahmore a publié en An-
glois , un Traité fur cette maladie,
intitulé del.i Confomption , dans le •
quel il enfeigne un remède finçu-
lier pour la guérir , Se qui n'eft
prefque que le Quinquina. Com-
me le Traité n'a point été traduit ,
nous croyons qu'on ne fera pas fâ-
ché de trouver ici le remède qui y
eft rapporté contre la phthifie, no-
tre Auteur le traduit en Latin , le
voici en François fur ce Latin.
Remède contre la maladie de Con-
fomption familière en Angleterre.
Prenez demi gros ou deux feru-
ES SÇAVANS,
pules de Quinquina en poudre, fai-
tes en un bol avec une fumfantc
quantité de fyrop de framboife^M^
lez ce bol à jeun , puis beuvez trois
verras d'eau de Spa , Liftant entre
chaque verre, environ une demi-
heure : cela fait , reprenez un fem-
blable bol à cinq heures du foir ,
beuvant enfuite , félonies mêmes
intervalles , la même quantité
d'eau de Spa.
Continuez plufieurs jours de
fuite , & les nuits prenez une autre
dofe de Quinquina que vous mê-
lerez avec une once de fyrop de
diacode , s'il y a de la toux. Tel
eft le remède de M. Blahmore con-
tre la pthifie , ou maladie de con-
fomption. Cet Auteur allure avoir
guéri par -là, des phthtfiques qui
avoient tous les fymptomes des
phtliifiques confommés, fçavoir ul-
cères , toux continuelles , crachats
purukns , fueurs colliquatives, fiè-
vre hectique.
Au refte, comme le Quinquina.,
lorfqu'on a commencé de s'en fer-
viren Europe, y rénilîflûit mieux
qu'il ne tait aujourd'hui , M. Co-
haufen cherche la caufe de ce chan-
gement. La quantité ordinaire de
Quinquina qu'on employoit alors
pour guérir la fièvre tierce , ou
la fièvre quarte la plus rebelle ,
n'alloit guéres au-delà de deux
gros , &c aujourd'hui il en faut
plufieurs onces , d'où vient ce-
la , demande notre Auteur , il
répond avec Baglivi , que c'eft
qu'autrefois on avoit loin de
ne recueillir cette écorce i°. que
lorfque le Soleil étoit au Signe du
D E C E M
Lion , 2°. Qu'à des arbres lïtuésdu
côté du raidi ; au lieu qu'aujour-
d'hui on ne fe donne plus tant de
peine.. Il ajoute que la plupart des
arbres où l'on prend cette écorce ,
en font aujourd'hui prefque tout
dépouillés, en forte qu'elle eft plus
iarc que jamais , ce qui fait qu'on
en fubftituc fouvent d'autre à la pla-
ce. M. Cohaufen prétend qu'à for-
ce d'avoir dépouillé ces arbres, il
en refle un fi petit nombre qui
ayent encore leur écorce , qu'il
eft à craindre que bientôt il n'y en
ait plus aucun qui en foit revêtu,
Le Quinquina doit donc être extrê-
mement rare -, mais notre Auteur
rapporte ici une cure qu'il a faite
depuis peu , laquelle montre qu'il
n'a pas lailîé nonobftant cette ra-
reté , de trouver encore d'excellent
Quinquina ; peut - être d'autres
pourront-ils être auili heureux là-
dcllus que lui. Il traitoit, il y a deux
ans, un |eune François attaqué d'u-
ne fièvre intermittente , &c qui
avoit en même tems au bras droit
un mouvement involontaire qui
lui faifoit aller le bras comme le
balancier d'une Horloge , ce qui
ne ceiïoit ni jour ni nuit. Il lui
donna du Quinquina mêlé avec de
]a valériane fauvage ; le malade
fut entièrement délivré par là de fa
fièvre , & de la maladie de fon
bras.
Si ce Quinquina fut excellent,
il faut au contraire que' celui dont
fe fêrvit un Chirurgien dans le cas
que nous allons rapporter d'après
notre Auteur , fut bien mauvais s
ou qu'il fut donc bien mal adminiV
B R E ; i 7 j 4. 807
ltré. Une compagnie de cent Sol-
dats fe trouva attaquée de fièvre
tierce i le Chirurgien de la Com-
pagnie leur fit prendre à chacun ,
du Quinquina pendant quelques
jours , mais peu après ils devinrent
tous hydropiques , & tombèrent
dans une langueur extrême. A quoi
attribuer un tel événement ? No-
tre Auteur prétend qu'il ne faut
point ici acculer le Quinquina., &c
que tout le mal vint de ce que ce
remède ne fut pas bien adminiitréj.
mais quelle faute fut donc commi-
fe dans cette adminiftration ? C'eft
ce que M. Cohaufen s'abfticnt de
dire , & ce qu'il feroit à fouhaiter ,
qu'il eût dit. Il fe borne à recher-
cher en général,comment le Quin-
quina peut donner occafion à l'hy-
dropifie. Les uns, d't-il, attribuent
cet effet à une vertu aftringente
qu'ils fuppofent dans le Quin-
quina , par le moyen de laquelle les
particules de ce remède prelTent &
reiterrent celles du fang , ce qui
oblige le fang à laiflTcr échapper-
une quantité confiderablede lafé-
rofité qu'il contient , &z ce qui
donne par confequent , occafion à
l'hydropifie ; d'autres au contraire
veulent que lorfque cette maladie
furvient après l'ufage du Quinqui-
na , il n'en faut point reconnoître
d'autre caufe qu'un fel volatil
qu'ils prétendent dominer dans la
fubitance de ce fébrifuge, & qui ,
félon eux , divifant trop les molé-
cules du fang, donnent à route la
maffe de ce liquide, une fluidité
excciïîve qui oblige la lymphe ,,
autrement dite la férofité , à. le
8o8 JOURNAL D
répandre dans la capacité du bas
ventre.
Ces derniers , pour confirmer
leur fentiment ..rapportent i°. que
dans l'Analyfe chymique , le fang
rend une quantité considérable de
fel volatil -, z°. Que fi peu après
avoir fait faigner un malade, on jet-
te dans fon fang , un peu de Quin-
quina , ce fang , s'il n'eft pas enco-
re figé , ne fe figera point , & que
s'il l'eft , il reviendra à fa première
fluidité. C'eftune expérience facile
à faire.
Il y a des perfonnes à qui le
Quinquina reiTerre le ventre , &
d'autres qu'il purge. M. Cohaufen
examine ce qu'il eft à propos de
faire dans ces occafions pour le
donner avec fuccès , & ce qu'il dit
là-deflus , mérite , comme tout le
Livre , une grande attention.
Quelquefois on le donne mêlé
avec du Thé , quelquefois avec des
purgatifs , quelquefois avec de
l'opium , &c. tout cela demande
un grand difeernement de la part
des Médecins. Nous paffons avec
ES SÇAVANS,
chagrin ce que notre Auteur obfer-
ve là-delfus. Mais l'étendue de cet
Extrait ne nous permet pas d'aller
plus loin. M. Cohaufen , dans tout
le cours de fon Livre, fait mention
de YArchée , il le rappelle prefque
par tout ; cela convient à fon titrei
mais nous avons cru pouvoir nous
paffer de ce mot dans notreExtrait,
d'autant plus que par le terme
d'Arcbée, M. Cohaufen n'entend
autre chofe , comme il le déclare ,
que ce qu'on a coutume d'entendre
par le mot de nature. Au refte ,
quoiqu'on foit pourvu d'une gran-
de quantité de Livres fur le fujet
du Quinquina , & que dans cette
grande quantité on ne puifle dif-
convenir qu'il n'y en ait beaucoup
dont on pourroit fe palTer , nous
croyons cependant que celui - ci
n'eft point de trop , & qu'il ne dé-
plaira pas aux connoiiïèurs. Mais il
le but lire avec reflexion & de fui-
te. Un Ample Extrait ne fuftît pas
pour en donner une idée complet-
te.
HISTOIRE CRITIQJJ £ DE MANICHEE ET D V
Manichéifme. Par M. de Beausobre. A Amfterdam, chez,
Frédéric Bernard. 1734. /'« 40. pag. 594.
NOUS avons rendu compte
dans le Journal d'Octobre
précèdent de la première partie de
cet Ouvrage qui contient l'Hiftoi-
re de Manichée & du commence-
ment du Manichéifme , tant fui-
vant ce qu'en rapportent les an-
ciens Auteurs Grecs ou Latins, que
fuivant ce qu'en difent les Auteurs
Syriens , Perfans ou Arabes. Les
Dogmes de Manichée , fa Morale ,
fon Culte , & le Gouvernement
Ecclefiaftique font le fujet de la fé-
conde Partie dont les trois pre-
miers Livres font compris dans ce
Volume. Voici l'abrégé de ces trois
Livres.
Il eft difficile , fuivant M. de
Beaufobre
D E C E M
Beaufobre dans fon Difcours Préli-
minaire, de donner une jufte idée
de la Doctrine de Manichéc ; parcs
que les Livres de Manichéc &: ceux
de fes Difciples ont été brûles par
ordre des Empereurs , qui ont mê-
me défendu d'en garder chez foi
fous des peines três-févéres. Les
fragmens de ces Ecrits qui ont été
confervés , ne font que des mor-
ceaux détachés dont on ne pourroit
guéres fe flatter de découvrir le vé-
ritable fens , qu'en voyant ce qui
précedeit ou ce qui fuivoit.L'expo-
iîtion des Dogmes de Manichée
qu'on Ht dans les Actes attribués à
Archelaùs paroît à notre Auteur
plein de contuhon éx d'inexactitu-
de. Notre Auteur ne croit point
devoir faire beaucoup de tond fur
ce que dit S. Epiphane du Livre
des Miltercs de Manichée , parce
qu'il eft perfuadé que ce Père n'en-
tendant point le Syriaque j n'a par-
lé de ce Livre que fur ce qu'il en a
entendu dire. Tite de Boftre qui a
réfuté le Livre des Myftcres de
Manichée,parou à M. de Beaufobre
avoir été beaucoup plus exact ,
plus judicieux & modéré que Saint
Epiphane. Les Ecrits de Diodore
de Tarfe contre Manichée , de
George de Laodicée , d'Eufebe
d'EmeiTe font perdus depuis long-
tems. Didimc d'Alexandrie & Se-
rapion n'ont parlé que des deux
principes. S. Cyrille & S.Epiphane
ont fuivi les Actes d' Archelaùs.,
ils y ont même ajouté, cv notre Au-
teur croit qu'ils combattent fou-
vent des phantomes plutôt que des
erreurs. M. de Beaufobre ne fait
Décembre.
BRE, i 7 ? 4. Soo
pas grand fond fur le témoignage
de Philaltre de Brefle contempo-
rain de S. Ambroifc. Il ne peut fc
perfuader que les Manichéens fuf-
fent coupables de tous les crimes
que le Pape S. Léon leur impute ,
les Lettres Si les Sermons de Saint
Léon contre ces Hérétiques i ne
font , félon lui, que des invectives.
Notre Auteur fait un grand éloge
de Théodoret ; mais il craint fort
que fon zélé contre les Hérétiques
ne l'ait fait donner trop aifément
dans ce qu'on difoit de fon tems
contre les Manichéens. S. Auguftin
qui a voit fait long-tems Profclhon
du Manichéifme devoir bien co:i-
noître cette Secte ; cependant M.
de Beaufobre allure que ce Pe.e
n'a pas connu les fentimens de
Manichéc , ou qu'il les a mal fepre-
fentés. C'eit ce que les Manichéens
lui ont même reproché pendant fa
vie. L'Ouvrage de Faufte dont
Saint Auguftin a rapporté le Texte
avant que de le réfuter , pouroit
donner une idée plus jufte du Sy-
llême des Manichéens , que tous
les autres Ecrits des anciens qui
ont été confervés , fi l'Auteur
avoit traité d'un plus grand nom-
bre de matières. 11 n'a parlé ni des
deux principes, ni du mélange de
la lumière &. de la matière , ni de
la création du monde. Les formu-
les d'abjuration qu'on exigeoit des
Manichéens paroiflent fufpectcs à
notre Auteur qui prétend que
quand des Manichéens rentroient
dans le fein de l'Eglife Catholique,
on leur taifoit abjurer toutes les er-
reurs qu'on imputoit à ces Héréti-
Z z z z
8io JOURNAL D
ques. M. de Beaufobre finit ce qu'il
dit des anciens Auteurs Eccleinfti-
ques au fujct du Manichéifme par
le Dialogue de S. Jean Damafccne
quiafuivi Archélaiis dans ce qu'il
a dit du Syftême de Manichée.
Il y a eu auflî des Plulofophes
Payens qui ont écrit contre le Sy-
ftême de Manichée , Simphcius
qui le combat dans fon Commen-
taire fur l'Enchiridion d'Epiétete ,
ne piroît pas à notre Auteur avoir
eu allez de modération cV d'équi-
té. Alexandre de Lvcople , dont
Photius a fait un Evêque , & que le
Père Combehs croit être un Mani-
chéen devenu Catholique , étoit ,
félon notre Auteur , un Philofo-
phe Paven , a écrit contre les Ma-
nichéens avec alîez de modération.
Mais outre qu'il ne s'arrête qu'aux
principaux dogmes , il ne les a pas
fumfamment développés. Abul-
pharage parle avec éloge d'un Livre
d'Avicennes contre les erreurs de
Manichée , Se Hottinger donne le
plan d'un Ouvrage Arabe fur le
même fu]et de Muhammed-Ben-
Ifaac , dont notre Auteur auroit
bien fouhaité d'avoir un extrait fi-
dèle. Pour ce qui eft des Ecrivains
modernes, M. de Beaufobre n'a pas
jugé à propos de les citer , parce
qu'ils ont copiés les anciens , &;
qu'ils lui paroilTent les avoir fuivis
fans examen.
Après le Difcours Préliminaire ,
notre Auteur commence le pre-
mier Livre de la féconde Partie ,
par la traduction du morceau des
Actes d'Archélaiis ouTyrbon, par-
le du Syftême de Manichée. M. de
ES SÇ A VAN S,
Beaufobre obferve enfuite qu'il y a
dans cette relation un mélange de
vrai & de faux , & il regarde com-
me une infigne calomnie ce qu'on
y fait dire à Tyrbon dès le com-
mencement , que les Manichéens
fervent & honorent deux Dieux,
l'un bon &c l'autre méchant.
Ce que notre Auteur femblc
avoir conclu de ces obfervations
fur les Actes d'Archélaiis & dans
fon Difcours Préliminaire , c'eft
que pour fe former une idée jufte
du Manichéifmc , il faut difeurer
fuivant les règles de la Critique la
plus exacte, ce que les anciens en
ont dit. Il commence cet examen
par les principes , c'eft-à-dire , par
certaines propofitions qu'on peut
regarder comme le fondement du
Manichéifmc. La première regarde
l'autorité que Manichée s'eft attri-
bué.
M. de Beaufobre avoue que cet
Hérétique a été ou un grand impo-
fteurouun grand Fanatique, qu'il
s'eft dit Apôtre de J. C. mais fupé-
rieur par fes lumières aux premiers
Apôtres , &c inftruit extraordinai-
rement par le S. Efprit , afin de
révéler au monde des véritez , qui
avoient été inconnues avant fon
miniftere , & de reformer toutes
les Religions établies. Mais notre
Auteur ne peut le perfuader que
Manichée fe foit dit le Chrift , ou
le S. Efprit, comme l'en ont accu-
fé la plupart des Auteurs Ecclefia-
ftiques qui ont écrit contre les Ma-
nichéens. Ces Auteurs lui paroif-
fent fe contredire les uns les autres,
& fe contredire eux-mêmes fur ce
D E C E M
fujet en plufieurs endroits de leurs
Ouvrages. Les prétextes (ur lef-
quels ils forment cette accufation
contre Manichée , font , félon lui ,
des plus frivols. Il ajoure qu'il j a
un grand nombre d'Héréfiarques
qu'on a ainfi aceufé Ions preuve
d'avoir voulu s'attribuer la Divi-
nité.
Second principe des Mani-
chéens , ils rejettoienr l'Ancien
Teftament , fous les prétextes
qu'on n'v trouvoit pas une idée
jufte de la Divinité , que la morale
n'en étoir point alTez parfaite , que
ces Livres ne contenoienr que des
promeiTes temporelles.que le Culte
Mofavque n'étoit point digne de
la Divinité , que les Hiftoircs de
la Création & de la tentation de
l'homme ne leur paroifioient pas
vraifemblablcs,6\: que lesProphetcs
n'avoicntpas prédit l'avcnementdu
Sauveur. Notre Auteur répond à
fa manière à ces objections des Ma-
nichéens. Enfuite il rapporte les ré-
ponfes que les anciens Pères ont
fait à ces objections , & il foûtient
qu'ils ont mal défendu l'Ancien
Teftament.
De tous les Livres du Nouveau
Teftament qui avoient été reçus
fans conteftation par l'Eglifc Uni-
verfelle du feras de Manichée , il
ne rejettoit abfolument que les Ac-
tes des Apôtres. Mais comme ils
prétendoient que les Evangiles n'a-
voient powit été écrits par ceux
dont ils portent le nom , mais par
des inconnus & des demi Juifs, ils
s'érigeoient en Cenfeurs des Livres
Sacrés, & ils en rejettoient tout ce
B RE, 1754. S 1 1
qui ne s'accommodoit point à leur
Syftcme. A l'égard des Epîtres de
S. Paul , ils foûtenoient qu'elles
avoient été talcihécs. Ils faiioient
beaucoup de cas des Livres des Phi-
lofophes , en particulier de ceux
de Zoroaftrc, dont ils préteroient
la dodrine à celle des Hébreux. Ils
crovoient trouver dans ces Livres
des Prophéties pour établir la véri-
té de la Religion Chrétienne, com-
me plufieurs Pères de l'Eglifc ont
cru pouvoir tirer des preuves delà
Religion des Livres attribués aux
Sibylles. Notre Auteur croit que
les Manichéens fe fervoient aulli
de ces Livres attribués aux anciens
Patriarches qui ont eu beaucoup
de cours parmi les Syriens. Ils fe
fervoient au(h de quelques Evangi-
les Apocriphes. Ce qui donne lieu
à notre Auteur d'examiner dans le
fécond Livre de cette féconde Par-
tie , fi ces Livres ont été fuppofés
ou talcihcs parles Manichéens.
S. Auguftin ftmble infinuerque
Manichée avoit publié une Lettre,
comme étant de J. C. comme les
anciens n'ont point aceufé Mani-
chée de cette fuppofition , notre
Auteur croit qu'on ne doit pas la
lui imputer. Mais fon pencha:. c
pour relever tout ce qu'il penfe ne
devoir pas faire honneur aux Ca-
tholiques , l'engage à s'écarter en
cet endroit de fon fujet pour re-
procher à Jérôme-Xavier Jcfuitc ,
coufin de S. François Xavier , qu'il
a inféré dans une Vie de J. C éc ri-
te en Perfan , deux prétendues Let-
tres au fujet de J. C. écrite à Tibè-
re , l'une par Lentulus , l'autre pat
Z z z z îj
Su JOURNAL D
Pilate. Le Père Petau avoir deman-
dé quelle preuve on avoir que ect-
te Lerrrc fur effectivement de Xa-
vier. Mais M. Simon reconnoît,
dit norre Aureur , que ces deux
Pièces lont de Xavier , Se la Socié-
té ne le nie plus. Ce n'eft pas le (cul
endroit de l'Ouvrage où l'Auteur,
qui porte li loin l'exactitude pour
ne rien imputer fans preuve aux
i térétiques , hit ainfi. retomber fur
mis les Catholiques des chofes qui
ne regardant que quelques particu-
liers.
L'Evangile publié fous le nom
de S. Thomas eft plus ancien que
Manichée. Origêne en parle dans h
Préface defon Commentaire fur S.
LuCjà l'égard de l'Evangile qui por-
te le nom de S. Philippe. S. Epiphâ-
ne dit que cette faufle Pièce venoit
desGnoftiques.
Ceux qui attribuent aux Mani-
chéens ces Evangiles £c pluficurs
autresLivres apocriphes prétendent
qu'ils ont été compofés par Luce ,
qu'ils difent avoir été Manichéen.
Mais comme ce Luce pafie pour
avoir été un des Difciples des Apô-
tres , il ne peut être regardé comme
un des Sectateurs de Manichée ,
quoiqu'il ait foûtenu quelques-
unes des erreurs de cet Hérétique.
Notre Auteur croit que Luce , qui
nioit que J. C. fût véritablement
homme 6c qui condamnoit le ma-
riage , pourroit être l'Auteur de
l'Evangile de la Nativité de Marie,
du Prot- Evangile publié fous le
nom de S. Jacques & de celui de
Nicodême, des voyages des Apô-
tres , des Ades de Saint Pierre , de
ES SÇAVANS,
S. André , de S. Thomas. A l'occa-
fion de Luce qui f.ii'foir profellion
de l'Héréiie des Doccs , norre Au-
teur explique en quoi il fait conlî-
fier cette Hérèfic -, Si il dit à l'oc-
ca-fion des Ouvrages apocriphes
qui font attribués à Luce , que les
Catholiques rapportent pluheurs
faits concernant la Sainte Vierge ,
dont ces Ouvrages de Luce paroif-
lentavoir été la fource; mais ceux
d."S Catholiques qui adoptent ces
faits prétendent que Luce pouvoir
les avoir appris par la tradinon.
A régïiJ de l'Hfftoire Apcfto-
hque d'Abdias , M. de Beaufobre
croit que cet Ouvrage n'a étécorn-
pofé que vers le fixiéme fiécle , &
qu'on a cru mal - à - propos qu'ii
croit d'un Manichée , & que ces
Hérétiques fe fervoient d'huile au
lieu d'eau pour le b?.rtêrne. Il ne
refte plus de Livres de Manichée '
non plus que des Commentaires i
que fes Sectateurs avoient faits fur
fes Ouvrages i ou d'autres Livres-
des Manichéens.
L'Auteur ayant parlé dans ce
fécond Livre des Evangiles apocri-
phes t a jugé à propos de mettre à-
la fin de ce Livre un difeours où il
répond aux objections de ceux qui
tirent de ce nombre de Livres apo-
criphes publiés dans les premiers
fiéclcs , un argument pour faire
douter de la vérité des Evangiles ,
6c des autres Livres du Nouveau-
Teltament , fous prétextes de la
difficulté qu'il y avoit de diftinguer
ces Ouvrages apocriphes des véri-
tables. Norre Auteur répond à cet-
argument par cinq proportions -x
D E C E M
dont il faut voir les preuves dans le
Livre même. Les Pères ont eu , dit
M. de Beaufobrc , des marques
certaines pour juger de l'autentici-
té ou de la fuppoittion des Livres ,
qui portoient les noms des Apôtres
ou des hommes Apoftoliques. i°.
Parce qu'ils éroient en état de juger :
fi la doctrine écrite étoit conforme
à celle qui avoitété prêchée par les'
Apôtres. 2°. Parce qu'aucun de ces
Livres n'etoit reconnu pour au-
thentique qu'il n'eût le témoigna-
ge Confiant 6v perpétuel de toutes
les Eglifes , parce qu'on jugeoit
d-cs Livres douteux ou luppofes en
les comparant avec les Livres au-
thentiques. 4". Parce que les Pères
ont procédé à l'examen de ces Li-
vres avec la circonfpection la plus
fcrupuleufe. Ces Livres apocriphes
ne lont pas en fi grand nombre que
quelques perfonnes s'imaginent, &
l'on a fouvent parlé du même Ou-
vrage apocriphe , comme de deux
Ecrits différents.
Dans le troifiérae Livre , l'Au-
teur explique le Syftême de Mani-
chée fur la nature &: les attributs
de Dieu, & furies Perfonnes Di-
vines.
Manichée a cru que la Divinité
étoit une lumière très pure , com-
me l'ont cru les Mages , les Philo-
sophes des Indes , & félon notre
Auteur , quelques Ecrivains Eccle-
fiaftiques des premiers fiécles. M.
de Beaufobrc penfe que les Mani-
chéens ne regardoient cette lumiè-
re comme une fubftance matériel-
le , palpable &C divifible , mais
comme une fubftance étendue , in-
B R. E, 1754. $1$
divifible que le hommes ne pou-:
voient voir naturellement , mais'
qui leurdevenoit vilible par un ef-
fet de la volonté de l'Etre Souve-
rain.
Le mauvais principe n'a jamais
été regardé comme un Dieu par
les Manichéens , ils ne l'ont ni in-
voqué ni adoré , ainii on ne peur-
les aceufer d'avoir adoré deux
Dieux fous prétexte qu'ils ont ad-
mis deux principes. Ces Hérétiques
rc-connoilknt en Dieu upc im-
mcniité de connoifiance & de pou-
voir , non une immcnlité fub-
ftantielle, car il croyoit qu'v ayant
une fubftance mauvaife , il ne pou-
voit y avoir une autre fubftance qui
fut infinie. Ces Hérétiques confef^'i
foient la Trinité & la confubftan-
tialité des Perfonnes Divines 3
comme notre Auteur le prouve par
un palîage de Faufte , & par d'au-
tres endroits ; mais c'eft un problê-
me , dit notre Auteur, aftez diffi-
cile à décider , fi les Manichéens
ont cru que le Verbe ait une hypo-
ftafe éternelle, ou s'il n'a commen-
cé d'exifter hors du Père que lorf-
que Dieu voulut créer le monde.
Le Manichéen - Fortunat fcmblc
infinuer que ce dernier fentiment
étoit le leur , parce qu'il dit que le
Verbe cft né dès la fondation du
monde : a conflhutione mundi. M.
de Beaufobrc penche d'autant plus
à croire que c'étoit là le fentiment
des Manichéens , qu'il eft perfuadé
que c'étoit l'avis commun des Pè-
res Orthodoxes au fiéele de Mani-
chée. Il renvoyé là - deffus à ce
qu'ont dit le P. Petau , M. Huet Se
814 JOURNAL D
M. Dupin fur les fentimens desAu-
teurs Ecclelialtiques des premiers
fiécles par rapport à ceMiftere. No-
tre Auteur cite auili leP.Pctau&M.
Huet pour foûtenir le fentiment
que lesPeres des premiers fiécles ne
croyoient pas l'égalité des trois
Perfonnes Divines. En fuppofant
ce point de fait , dont les Catholi-
ques cV plusieurs Théologiens Pro-
teftans ne conviendront pas, il n'cft
pas étonnant que les Manichéens
n'ayent pas cru l'égalité des Perfon-
nes de la fainteTrinité. Ils faifoient
rehder le Père dans le Cielfuprc-
me, le Fils dans le Soleil [ ce qu'ils
paroilfent avoir emprunté de Zo-
r-oaitre ] &: le S. Efprit dans l'ait
qui nous environne.
. On voit que les Manichéens ad-
mettoient des Eons comme les
Valentiniens : & plufieurs autres
Hérétiques des premiers fiécles.
Les Eons de Mamchée n'étoient
point des perfections divines, mais
des perfonnes réelles , des efprits
parfaitement purs qui alTiftent de-
ES SÇAVANS,
vant le Trône de Dieu, & qui le
fervent. De ceux qui ont admis des
corps , les uns les ont dit éternels ,
d'autres les ont cru formés de la
fubllance célcfte , d'autres ont pré-
tendu que c'étoient des émanations
divines. Notre Auteur allure qu'on
n'eft point alTez initruir du Syltème
des Manichéens pour qu'on lçache
quelle eft celle de ces trois origines
des Eons qu'ils ont adopté. 11 ajou-
te que quand ils les auroient cru
des corps exiftans de toute éterni-
té, il ne s'en fui vroit point qu'ils
en eufîent fait des Dieux , parce
qu'il y a pluiieurs Philofophes an-
ciens qui ont cru qu'un être pou-
voit exifter par lui - même , fans
être fouverainement parfait.
• Il refte à l'Auteur à expliquer les
deux principes des Manichéens ,
'leur morale & leur difeipline , dès
que ces derniers Livres de la fécon-
de Partie de fon Ouvrage tombe-
ront entre nos mains , nous aurons
foin d'en rendre compte.
DECEMBRE,i73 4-
SiT
PLUTARCHI CHiERONENSIS VITjE PARALLELE , CUM
fingulis aliquot. Gr.xcè & Latine. Adduntur Variantes lectiones ex
Manufcriptis Codd. vetercs & novx, Dodtorum Virorum Notifie
Emendationes, fie Indices accuratiffimi. Recenfuit AuguftinusBrya-
nus. Londini , ex Offitina Jacobi Tonfon &.' Johannis Watts. 1729.
C'cft-à-dire : Les Vies des Hommes Illuflres de Plutarque , en Grec & en
Latin ; avec les diverfes Leçons tant anciennes que nouvelles, tirées des
Manufcrits , les Notes & les corrections des Sçavans , & des Tables très-
exatles : le tout revu par Auguftin "Brian. A Londres , chez Jacques
Tonfon & Jean Watts. 1719. '«4°. 5. vol. Tom. I. pp. 41 5-105. fans
Prolégomènes Si les Variantes. Tom. IL pp. 594. Tom. III. pp. 550.
Tom. IV. pp. 61 1. Tom. V. pp. 468. fans les Tables.
NOUS n'avons eu jufqu'ici
d'un ufage bien commode
aucune Edition Gréque des Hom-
mes Illuflres de Plutarque , à l'ex-
ception de celle de Henri Eftienne,
publiée l'an 1572. en 3 Volumes
in 8°. La beauté du papier , la net-
teté des cara&eres lk la correction
du Texte la rendront toujours pré-
cieufe : mais elle cft devenue affez
rare. Toutes les autres Editions
foit purement Gréques , foitGré-
ques fie Latines , forment de très-
oros in-folio , d'un prix confîdera-
ble , difficiles à manier , fatiguans
pour les vues courtes , fi: par con-
séquent peu propres à faire naître
aux jeunes gens l'envie de connoî-
tre plus particulièrement un Ecri-
vain tel que Plutarque , en le lifant
dans fon Texte original. Feu M.
Bryan ' de concert avec les Sieurs
Tonfon Si Watts Libraires de
Londres, conçut, il y a quelques
années , le delTein de rendre cette
le&urc plus familière fii plus aifée,
en imprimant à part les Vies des
Hommes llluftres , [ l'Ouvrage le
plus intereffant de ce grave Auteur]
&: le partageant en plusieurs Volu-
mes /'»-4°. celle de toutes les formes
la plus favorable aux intentions des
nouveaux Editeurs. L'exécution
d'un tel projet tant pour la revifion,
du Texte Grec fii de la verfion La-
tine, que pour les Notes , n'a pu
être conduite par M. Bryan que
jufqu'au commencement du troisiè-
me Volume. La mort l'ayant enle-
vé au milieu de cette carrière , les
Libraires ont eu recours à M. Moy-
fe du Soûl, comme très-capable
de la fournir conformément aux
vues du défunt : &c ce fécond Edi-
teur a foin de nous les expofer ici
dans une Préface , où il nous rend
un fidèle compte de toute l'écono-
mie de cet Ouvrage.
On y trouve d'abord le Texte
Grec , prefque mot 'pour mût tel
qu'il paroît dans l'Edition de Paris
de 1624. à la referve de quelques
endroits, mais en petit nombre, où
• M. Bryan s'en cft écarté. Notre fé-
cond Editeur eût fort fouhaité
que cela lui fût arrivé plus fouvent,
Si6 JOURNAL D
fur-tout dans quantité de partages
où la neceifité de la correction eft:
atteftée par l'autorité des autres
Editions foùtenue du témoignage
des Manufcrits joint à la critique la
plus fage & la moins douteufe : ce
qui auroit une bonne fois purgé ce
Texte d'une infinité de fautes nu-
niteftement dues à l'ignorance ou à
la négligence des Copiftes , &: qui
fe font perpétuées d'Edition en
Edition. Du refte les endroits cor-
rompus ou mutilés font rétablis
pour la plupart dans les Notes , &z
l'Imprimeur a eu grand foin de
ne point multiplier les fautes, dans
cette Edition.
L'on y donne la verrton Latine
telle que l'offre l'Edition de Paris ,
avec cette différence néanmoins ,
que le défunt Editeur l'avoit fou-
vent retouchée pour la rendre plus
fidèle 8c plus conforme à l'origi-
nal, dans les deux premiers Volu-
mes , imprimés de fon vivant.
Ç'eft de quoi ne s'clt appereu
qu'allez tard M. Du-Soul., unique-
ment attentif au Texte Grec , &
naturellement peu inquiet fur ce
qui pourroit perfectionner les ver-
rions Latines qu'il banniroit volon-
tiers du voifinage des originaux.
Auflï approuve-t-il fort la conduite
des Anglois , qui depuis quelque
tems, au lieu de placer ces verfions
à côté du Qrec les relèguent au bas
des pages , s'imaginant par-là ren-
dre un fervice fort utile aux Etu-
dians , en leur retranchant la trop
grande facilité qu'ils trouvent à
confulter ces verfions pour l'intel-
ligence du Texte , qu'elles repre-
ES SÇAVANS,
fentent d'ordinaire allez imparfai-
tement.
On a fait imprimer à la fin de
chaque Volume , tout ce qui pou-
voit contribuer à l'explication ou
à la correction du Texte. Celucon-
fifte en premier lieu dans les re-
marques de Ruauld t deftinées à re-
lever chez Plutarque toutes les fau-
tes contre la vérité hiftorique des
faits racontés par cet Auteur , &
que ce Critique rectifie par le fe-
cours des autres Hiftoriens mieux
inftruits. A ces remarques fucce-
dent les Variantes , recueillies de
fept Manufcrits differens & difpo-
féesde manière qu'elles renvoyent
jufte aux lignes de cette nouvelle
Edition. De ces Manufcrits les
deux premiers font ceux d'où les
variantes de l'Edition de Paris ont
été tirées. Les cinq autres confervés
à Oxford en ont fourni une abon-
dante moirton. Notre fécond Edi-
teur nous les tait connoître ici cha-
. cun en particulier , d'après M.
Bryan , &z nous renvoyons pour ce
détail à la Préface-même. A l'égard
des variantes fournies par un Ma-
nuferit en parchemin de la Biblio-
thèque de Saint Germain des Prez,
&c qui eft du dixième fiécle , elles
ont toutes été imprimées à la tête
du premier Volume. Ce Manufciit
ne contient que quinze Vies.
A la fuite des variantes viennent
les Notes des divers Commenta-
teurs, fçavoir celles de Xylander t
de Cmfer, Se d'Henri Eflicnne, déjà
publiées dans les Editions précé-
dentes , & de plus celles de Paul-
micr de GrentmefaU , celles de M.
Dacier.
D E C E M
D acier , celles de Munt , tranferi-
tes par M. à'Orville , d'après un
Manufcrit de la Bibliothèque de
Levde , Se celles de M. Bryan , fur
les deux premiers Volumes ex le
commencement du troifiéme. Cet
Editeur y corrige une infinité d'en-
droits , foit à l'aide des Manufcrits
ou de pillages parallèles de Plutar-
que ck d'autres Ecrivains , foit par
un fonds peu commun de critique
Se de fagacité. Notre fécond Edi-
teur y a joint les tiennes , lcfquel-
les , quoique inférieures aux précé-
dentes [dit-il modeftement] ne fe-
ront peut être pas indignes de tenir
lieu d'un Supplément à celles que
M. Bryan n'a pu nous donner.
Telle eft dans cet Ouvrage la
difpofition commune à tous les
Volumes en général. On trouve de
pins , à la fin du cinquième deux
Tables, l'une des principales ma-
tières , accommodée à cette Edi-
tion , l'autre des Auteurs cites par
Plutarque : cVà la tête du premier
Volume paroiffent i°. la Chrono-
logie des Hommes Uluftresdreflce
par M. D.icier , Se mife en Latin
par notre Editeur ; i°. des Extraits
de ce que M. F.ibricius dans fa Bi-
bliothèque Grenue t Se d'autres nous
apprennent de plus remarquable fur
laVie 5c les Ouvrages de notre Au-
teur , avec un Catalogue de toutes
les Vies qu'il avoir écrites, lequel
eft du à fon fils Lamprias ; 30. les
éloges donnés à Plutarque par les
anciens , cV qui manquent à l'Edi-
tion de Paris.
Celle de Londres , fur l'idée
que nous venons d'en tracer , mé-
Décembre.
B RE, 1734. 817
rite certainement toute l'attention
des gens de Lettres , Se pourroit
être d'un merveilleux fecours aux
jeunes Etudians , qui voudroient
fe familiarifer avec un Ecrivain (1
propre , fur- tout dans cet Ouvra-
ge Hiftorique, à former les mœurs,
en infpirant l'amour de la vertu &
la haine du vice par les exemples
éclatans de l'une &: de l'autre ,
qu'il met pour ainft dire fous nos
yeux. Une feule circonftance nous
paroîtroit devoir beaucoup nuire
aux avantages qu'on devroit atten-
dre d'une pareille Edition -, Si c'efl:
le prix exccllifoù l'on a fait monter
chaque Exemplaire, £c qui ne pa-
role guéres à la portée de ceux aux-
quels cette Edition femblcroit
principalement deftinée. llfcroità
craindre qu'un tel inconvénient
n'entretînt dans la plupart des fu-
jets peu opulcns le dégoût pour la
leclure du Texte Grec , & le pen-
chant à recourir feulement aux tra-
ductions , foit Latines , foit en
Langue vulgaire , pour y puifer
les préceptes utiles à la conduite
de la vie répandus dans tous les
Ecrits de Plutarque. Or c'efl: un
abus , contre lequel notre fecond
Editeur fe déclare hautement à la
fin de fa Préface, &il la termine en
recherchant les caufes qui dans ce
ficelé ont fait négliger l'étude du
Grec , au point que ceux - même
qui fe piquent d'érudition , à pei-
ne font capables de confultcr les
Auteurs originaux dans cette Lan-
gue. M. du Soûl en aiîîgfte trois
caufes principales, qu'il fe contente
d'indiquer ici en peu de mots.
A a a a a
818 JOURNAL D
La première [ fclon lui ] eft la
rmuvaife méthode de conftruire
les Dictionnaires , en y rangeant
tous les mots fuivant l'ordre al-
phabétique de leurs racines , qui
ont fous elles chacune tous leurs
dérives Cv tous leurs compefés •, ce
qui rend ces Dictionnaires preique
de nul ufage pour les commen-
çans y 5c d'un ufage très-difficile &
très - incommode pour ceux qui
déjà font avancés dans la connoif-
fance du Grec. Notre Editeur vou-
drait qu'on fubftituât à cet arran-
gement bizarre introduit par Henri
Ejliemie, celui qu'ont fui v\Conftan-
tin & quelques autres dans leurs
Lexiques , où tous les mots , foit
racines , foit autres , font difpofés
pêle-mêle félon l'ordre de l'alpha-
bet.
La féconde des caufes alléguées
fur la décadence des études Gré-
ques , eft la difette où l'on fe trou-
ve de Dièlionnaires qui prefentent
les termes Grecs interprétés , non
en Latin , fuivant la coutume
prefque univerfellement reçue ,
mais en Langue vulgaire. La force
des termes Grecs s'y feroit fentir
Beaucoup plus vivement & plus
promptement que dans une Lan-
gue étrangère telle que la Latine ,
où la, vraye lignification de la
plupart des mots n'eft le plus fou-
vent guéres moins ignorée des etu-
dians, que celle «les mots Grecs.
M. du Soûl voudroit donc que
chaque Nation eût fon Dictionnai-
re Grec interprété en Langue vul-
gaire : & c'eft: fur quoi il s'eft ex-
pliqué plus au long dans une Lettre
ES SÇAVANS,
Françoife imprimée parmi les Pie-
ces qui compofent le onzième To-
me des Nouvelles Littéraires.
Une troifïéme caufe , qui ( à
fon avis) fait grand tort au progrès
de la Littérature Gréque , c'eft la
coutume qu'on a prife depuis envi-
ron deux fiécles d'imprimer les
Textes Grecs toujours accompa-
gnés d'une verfion Latine qui rem-
plit une féconde colonne. Rien
(dit-il) ne favorife davantage la
parefïe d'un Novice , qui fur la
foi d'une traduction Latine fouvent
peu exacte , mais qu'il trouve fous
les yeux , fe difpenfc de recourir
aux fources & de confulter les
Dictionnaires, où il apprendroit
les difTercntei acceptions des ter-
mes qui l'arrêtent dans fa lecture.
Nous avons déjà parlé de la maniè-
re dont les Anglois ont cru pou-
voir en partie remédier à cet incon-
vénient. Mais en attendant l'exé-
cution du projet de notre Editeur
concernant les DictionnairesGrecs,
il confeille aux Etudians de faire
d'abord provifion d'un Lexique de
Confiant in & d'éditions toutes Gré-
ques de differens Auteurs ; d'en li-
re les Textes, éV' de tâcher d'en pé-
nétrer le fens à l'aide du feul Dic-
tionnaire ; de noter en marge tous
les palTagcs difficiles, qu'ils n'ont
pas fuffifammeHt compris; de relire
ces mêmes Auteurs une féconde &
une troifïéme fois ; en un mot juf-
qu'à ce qu'ils leur foient devenus
parfaitement intelligibles. Moyen-
nant quoi il prétend qu'au bout de
quelques années ces Etudians fe-
ront en état d'entendre couram-
D E C E M B
ment quelque Ecrivain Grec que ce
puille erre.
Pour donner maintenant une
idée plus complette du travail de
nos deux nouveaux Editeurs fur
Plutarque , il ne nous refte plus
tjua tranfcrire ici quelques - unes
des remarques du premier ou de
M. Bryan , fur la Vie de Thcfée ,
&c quelques unes du fécond ou de
M. du Soûl fur la Vie de Lyfandrc,
par lefquelles on pourra juger des
autres.
Tbm. ï. pag. I. lig. 5. Zy.vQixor
«tpJcç , le froid glacial de la Scy-
thie. ] M. Bryan conferve ici la le-
çon IkuQkcv ogffç , les montagnes de
Scythie , fondé non feulement fur
l'autorité de la première Edition
de Florence , de celle d'Aide &
des Traducteurs Philelphe , Xylan-
der &c Crufer , mais principalement
encore fur cette exprefhon toute
pareille qui fe lit dans la Vie de
Pyrrhus [ Tom. 1. p. 446'. ] &îç yà.% s
•n'iKctyoc, , «a oçoç , xz aoiKtirci; (çn/xia.
■Trèjzç Èç-< tiiç vrXtcvt^iccç , OU l'on
voit les deux mots Trihayes ck %«
joints cnfemble.
Pag . 3 . lig. 2o. Pié^nXov iv 0 , ri
vctitrctt; h nn-SfJç , &c. on ne {eau ce
que Piltbéefe promit de cet Oracle. ]
Le Commentateur lit dans ce paf-
fage a JWWûti , avec Philelphe Se
Amyot, malgré le reproche fait à ce
dernier par A-féziriac d'avoir mal
pris le fens de ces paroles. En effet
( continue M. Bryan ) peut on dire
qu'il fût incertain par quel motif
Pytthée engagea fa fille à n'être
point cruelle pour Théfée , puif-
<iu'il eft certain qu'il le fit en vertu
R E , 1 7 3 4. 8 19
d'un Oracle quii'ordonnoit ainfi '
ôc dont il pénétioit la lignification
mieux qu'un autre par les grande!
lumières qu'il avoit acquifes en ce
genre de divination ; ce qui eft
confirmé par un partage de la Mc-
dée d'Euripide , Se par un autre du
Scholiafte fur la Tragédie d'Hippo
lyte du même Poète. Sur quoi nous
remarquerons que le nom Latin
de Alédée ( Medea ) écrit ici &C
dans la remarque précédente pat
un & [ A4edaa J marque peu d'at-
tention de la part des Correcteurs
qui ont revu i'impreffion de ces
Notes.
Pag. 9. lig. 21. ActfAciç-m \v Lçpïovi:
il vainquit Damafiès dans Hcrmio-
ne. ] Il n'eft point ici queftion (dit
M. Bryan ) de l'Hermione firuée
dans l'Iithme de Corinthe comme
le prétend Xylander. Théfée avoit
pallé l'Iithme, lorfqu'il tua P10-
crufte futnommé Damafiès , &: fc
trouvoit alors dans la Mégaride ,
entre Eleufine & le fleuve Céphife;
comme il paroît par fa route que
Plutarque décrit ici exactement.
C'eft ce qu'a bien apperçû Alrzi-
riac , qui lit tv EiweS dans Erinée ,
fur la foi d'un partage de Paufanias,
dans fes jimjitcs. Mais [ continue
notre Commentateur ] comme il
paroît que dans ce paffage de Pau-
fanias Erinée eft plutôt le nom
d'une rivière que celui d'un bourg,
il lemble que Plutarque auroit dû
écrire , non h Egn>«« , dans Erinée
mais «.xï ou wap i.g»nLVi auprès, fur
le bord de l' Erinée t en parlant d&
l'endroit où Théfée rencontra Pro-
cruite.Pour moi ( ajoute M. Bryan)
Aaaaaij
Sio JOURNAL D
je lirois volontiers h Lçimw, lieu de
cette même contrée mentionné par
Plutarque clans la Vie de Phocion,
& où fe vovoir le tombeau de Py-
thonique Maîtrefle d'Arp^le. Les
Manufcrïts de Bodley lifentencet
endroic tv içfjuôvy , Se PbiUlphe a
traduit in Ermione t qui eft vihblc-
fnent le même nom que Ègfw'sH ,
décliné différemment. M. D acier a
lu va Erione , fur quoi il cire le paf-
fage de Paufanïas dans fes uniques;
mais c'eft, apparemment chez M.
Dacier une faute d'impreilîon pour
' in Erineo ; le mot Erione ne fe trou-
vant nulle paît liai. s le Livre ciré.
Pag. 10. lig. 4- Zj Ttfutçw a-uppw-
^aflet T»» X.eQetKw iimtTHW : & il tua
Termerus le caffeur de tête. ] M. Da-
cier lit «"Ufg»Ç*« fur la toi d'un Mj-
nuferit , au lieu de roppâforfa , qui
f félon lui ) ne peut fubfifter en cet
endroit. Mais ( dbferve M. Rrvan )
l'un & l'autre peuvent avoir lieu ,
& font un fens raifonnable. Car
[ poiiifuit-il ] on peut dire égale-
ment que Théfée tua Termerus en lui
Calpint la tête , sw>«ç«ç tw Ks^iaXirv ,
ou que Théfée tua Termerus qui
calfoit la tête à fes hôtes «"uppâ^avl*
rm Ktfeûùf. Sur quoi nous remar-
querons en partant la méprife du
nouveau Commentateur , qui
prend ici Théfée pour Hercule;
car ce fut Hercule qui brifa la tête
à Termerus , & non pas Théfée ;
comme le Texte de Plutarque le
dit clairement.
Pa°. iC. lig. y. rgràxiv nkwyw : il
vainquit de nouveau. } Qui ne feroit
tenté ( dit M. Bryan ) de lire ici
TTcthm w*ww , il vainquit à la lutte ;
ES SÇAVANS,
En effet Taurus Si Théfée combat-
tirent à la lutte , comme on le voit
plus bas TaJgK keîlmreiTuu&iri® .
Taurus ayant été vaincu à la lutte.
D'ailleurs ( pourfuit - il ) Théfée
excelloit dans cet exercice 8c
comme le dit Plutarque [ fa g. 10.
l'g- 3 . ] KaTeTTCtTlMB? TGV MTCUO) , il
vainquit Antée à la lutte. ( C'eft en-
core ici une méprife de M. Bryan
qui attribue à Thélée ce que Plu-
tarque raconte d'Hercule.) Théfée
tut même l'Inventeur de cet exer-
cice , félon Paufanias. Quoiqu'il
en foit , notre Editeur n'oie ( dit-
il ) faire dans ce partage .aucun
changement , perftiadé que vuKiv
de nouveau, a rapport à la page i 3
où il eft dit que Taurus avoit vain-
cu dans de premiers combats aqonifli-
qnes , SV1X.& Tisç Trgalegat dywo.ç é
TaJ^ , ce qui prépare l'expreflion
dont il s'agit «w«v7«î7r«A/i'vwtw-eif
il vainquit de nouveau dans tous ces
combats.
Ibid. lig. i-j. \aiTova. fxlvw ^s-i^t"
vtSiv : il ni fut permis qu'un fetd Ja-
fon de faire des courfes fur mer 3 pour
donner la chaffe aux Pirates. ] Il n'é-
toit pas détendu aux autres ( obfer-
ve M. Bryan J de faire de pareilles
courfes , pourvu que leurs barques
ne furtent chargées que de cinq
hommes chacune : ainfi Jafon
n'auroiteti en cela aucun privilège
par dellus les autres Navigateurs,
contre ce que Plutarque icmble
vouloir établir en cet endroit. No-
tre Editeur a trouvé dans un Ma-
nuferit de Bodley 3 une glofe qui
explique ce partage par ces mots
Tf JI'£5J TrXÎ'fil «l'jTp»? UXVUAI Ê. driflS MIC
D E C E M B
barque ou un i lijfeau rempli d'un
nombre d'hommes fufffun ; ce qui
lui tait naître l'idée de mettre dans
le Texte de fou Aureur 7r\fyet au
lieu de 77-sj/ 1 & d'y lire IaVora /xcvov
ir\ipir<&X.tiv[ en fous-entendant m ]
ai? il ne fut permis qu'à ^afonfeul de
monter un vaiffeau rempli dun nom-
bre d homme s fuffifant pour donner la
chajje }&zc.
Torn. j. pag. 20. lig. 10. 0 Ku/jukcç
tioTrouTTct; : le Poète Comique Théo-
pompe. ] M. du Soûl renvove fur ce
pallage à Muret (Var.Lccl.F/I.ij.)
qui d'après le Livre de Théodore-
Metochite , rapporte le difeours
de l'Hiftorien Théopompe , à ce
fujet : & c'eft à ce pacage de Théo-
pompe que Plutarque lait ici allu-
iion , comme fe le perfuade notre
Editeur. Il croit donc être bien
fondé à lire dans le Texte de notre
Auteur 0 iç-opmc; au lieu de 0 Ku>/ju-
Pag. XI. lig. 18. omuov Tt UXTHVI
J^oKioi : ce qui femblera convenable a
chacun. ] On lit dans le Manufcrit
de Florence ckmbvti. Henri Eftienne
a trouvé dans quelque autre mt«-
î'cv. Feu M. Bryan conjecniroit
qu'il falloit lire okoIw ti kx-two ,
pour KctUituro , c'eft • à - dire tout ce
R E , ï 7 5 4: 821
qui fera réglé fur cette affaire. M. du
Soûl eft d'avis qu'il faut •corriger
ainfi ce partage , ox.mv t/ ^ rmtî' ou
plutôt, par contraction , Kanra,
Ttrîi, en Dorique, lignifiant illic
la.
Pag. 30. lig. 12. <$uxî!ç. ] Notre
fécond Editeur ne lçait à quoi pen.
foit Xylander lorfque dans fa ver-
fion latine , il a traduit ici Fyla
pour Phyla. H eft certain [ dit M.
du Soûl ] que Xénophon [ dans
fon Hiftoire Gréque L. II. ] que ce
Traducteur cite pour fon ga.rant ,
parle toujours du Fort de Phyla,
&: jamais de celui de Pyla.
Pag. 35. lig. 1 r. Iuùutkôvti<Pou. ]
On trouve dans Plutarque ce nom
écrit diverfement : lupuT<&)i'/ef«ç
dans fon Lycurgue ( /. 87. 3. ) Se
dans fon Agis [ IV. 2.96. 5. ] d'une
manière encore plus corrompue
dans fon Agefîlas (III. 515. n. )
Lambin ( fur l'autorité de Paufa-
nias ) foûtient dans fes notes fur
l'Agcfilas de CorneliusNépos^qu'il
faut lire ici lupt/Trefn'cPai : Se c'eft à
quoi paroît s'en tenir M. du Soûl.
En voila plus qu'il n'en faut
pour mettre les Lecteurs en état
d'apprétier le mérite des notes de
nos deux nouveaux Editeurs.
822 JOURNAL DES SÇAVANS
AN ANATOMICAL EXPOSITION OF THE STRUCTURE OF
the Human Body , ci james Bcnignus Winflow , Profeflor oif Phy-
fick , Anatomy And Surgeri in the Univerfiti of Paris , Mcmber of the
Royal Academy of Scinies , An of The Royal Society at Berlin , &c.
Tranflated From the Frenc horignal, By G.Douglas, M. D. London
Printed For N. Prévoit, at the Ship , in theStrand. 1733.
C'eft-à-dire : Expofmon Anatomi^ue de la ftruclnrs du coyps humain : par
Jaccfttes-Benigne M "mjlo'w , Profejfeur en Médecine , en Anatomie }& en
Chirurgie t dtns l'Vniverfîtéde Paris , Membre de V Académie Roy.de des
Sciences , & de la Société Royale de Berlin , Sec. Traduit fur ïoàoinal
François , par G. Donglas , DoEleur en Médecine. A Londres , imprimé
par N. Prévoit, &c. 173 3. vol. /«-40. pp. 703.
M G. Douglas , Auteur de
. cette Traduction , y a
mis une Préface, où il rend com-
pte des règles qu'il a fuivies en
traduifant , &c de ce qu'il penfe de
l'Ouvrage qu'il a traduit. C'elt ce
qui fera la matière de l'Extrait que
nous allons donner. A l'égard de
l'Ouvrage de M. Winflow, M.
Douglas le trouve (î bien écrit,
qu'il ne fait pas difficulté de dire ,
que fi Vefale ( le plus habile Ecri-
vain en Anatomie depuis Celfe ) a
tâché d'imiter Ciceron , Ciceron
de fon côté , s'il revenoit au mon-
de , & qu'il eût à écrire fur l'Ana-
tomic , imiteroit Celfe ou M.
Winflow , &: non Véfale. M.
Douglas ajoute que M. Winflow
n'aflure rien fans l'avoir auparavant
bien vérifié par lui-même , & que
ce qu'il déclare dans l'introduction
à l'Hiftoire de l'abdomen , fçavoir
qu'il fe propofe de donner une def-
cription fimple & exacte des par-
ties du corps humain , fins s'écar-
ter à ce qui concerne l'économie
animale ou l'ufage des parties , fe
trouve ponctuellement obfervé
dans tout fon Livre.
Il remarque , outré cela, que
l'idée générale par laquelle M.
Winflow commence la deferip-
tion de chaque partie , con fille
d'abord en une bonne définition ,
& que cette définition appuyée de
diverfes remarques de l'Auteur fur
la fubflance , la figure & la divi-
fion des mêmes parties , ne laide
rien à délirer pour les faire connoî-
tre entièrement , fur tout par rap-
port à leur véritable htuation dans
le corps ; ce qui eft , dit-il , de la
dernière importance , en fait d'A-
natomie , & un point dans lequel
M. Winflow furpafle infiniment
tous ceux qui ont écrit avant lui
fur le même fujet.
Ce que M. Winflow appelle la
conformation extérieure des par-
ties , paroîrà M. Douglas , divine-
ment bien décrit , &l ce qui concer-
ne l'intérieure lui paiok , tout de
même , fi jufte & fi exact, qu'il n'y
a eu jufqu'ici , dit il , aucun Ana-
tomilte qui ait porté la véritable
D E C E M
connoiffance de la ftrudure inté-
rieure des parties du .corps humain
à un (i haut degré que M. Winf-
low.
M. Douglas, après plufieurs au-
tres reflexions fur l'excellence du
Livre qu'il a traduit , vient à quel-
ques petits défauts qu'il dit y avoir
apperçûs. L'un de ces défauts , à
ce qu'il prétend, eft que M. Winf-
low , dms l'explication qu'il donne
de certaines parties du corps hu-
main , a recours à des termes & à
des comparaifons qu'il tire de plu-
fleurs arts étrangers , tels que l'Ar-
chitecture , les Mathématiques , la
Menuiferie , la Charpenterie, la
Chymie, &c. comme fi , dit M.
Douglas , ces Arts dévoient être
connus de tous ceux qui étudient
I'Anatomie.
A l'égard des termes de Mathé-
matique, M. Douglas prétend que
les Commençans doivent être
épouvantés en lifant dans le Livre
de M. Winflow, les termes fui-
vans : Un cercle ou ejHarrè irrégulier;
une fibre on ligne transversalement
oblique , &:c. Il faut fins doute
qu'en Angleterre , ces termes &
autres femblables dont fe fert M.
W infloW , & que défaprouve M.
Douglas , foient moins connus aux
Commençans , qu'ils ne le font en
France. M. Douglas reproche ou-
tre cela, à M. Winflow , d'avoir
introduit des termes nouveaux qui
ne peuvent qu'embarraller les Etu-
dians. Les mufcles , par exemple ,
dit-il , jufqu'ici connus fous les
noms de Aiembranufus , Palmans ,
Longus 3 PUnuiris 3 & que M.
B R E, 1734; 823
Winflow a mieux décrits qu'aucun
autre Anatomifte, ne font point
plus connus , fans les nouveaux
termes de mufcle du Fafcia lata ,
Vlnaris gracilis , Tibialts gracilis.
Comme M. Winflow , ainiî
qu'il a été remarqué plus haut,
s'eft renfermé dans la defeription
des parties folides du corps , fans
entrer dans celle des parties flui-
des, ni dans l'explication de loe-
conomie animale , quelques Criti-
ques ont prétendu que fon Anato-
mie étoit trop bornée. Mais M.
Douglas juftifie pleinement là-def-
fus, M. Winflow ; en obfervant
que fi cet Anatomifte avoit voulu
contenter ceux qui lui font ce re-
proche , il feroit forti de fon fujet
puifqu'au lieu d'une fimple def-
eription des parties folides du
corps , il auroit fait un Traité en-
tier de Théorie & de Pratique Mé-
dicinale. Ce qui ne convenoit pas.
M. Douglas finit fes reflexions
fur YExpofïtion Anatomicjue de M.
Winflow, en difant que cette Ex-
pofuion eft le meilleur Ouvrage
cjid ait jamais paru dans le monde en
fait d'Anatomie. Il rend enfuite
compte de la manière dont il s'y eft
pris pour traduire exactement le
Livre de M. Winflow. Nous n'en
rapporterons que trois exemples.
i°. Il dit que la Langue Françoife
eft fort difTufe , que l'Angloife au
contraire eft fort concife , & que fi
M. Winflow, qui aflure avoir écrit
d'un ftyle très-ferré , avoit demeu-
ré auiîï long-tcms en Angleterre
qu'il a demeuré en France , fon Li-
vre feroit encore plus concis qu'il
8t4 JOURNAL DE
ne l'eft. Cela pofé , M. Douglas
avertit, i°. qu'en traduifant cet Ou-
vrage, il s'eft cependant cru obligé
d'avoir plus d'égard au génie Fran-
çois qu'au génie Anglois , de peur
de donner plutôt un abrégé qu'une
traduction.
2°. Il avertit que comme les
Amtomiftes Anglois connoillent
mieux les termes d'Arts fous les
noms latins qu'ils ne les cor.noif-
fent fous les noms Anglais-même,
il a jugé, pour cette raifon , devoir
rendre en latin , plutôt qu'en An-
glois , les termes de ce genre qu'il
a trouvés dans le Livre de M.
Winflow.
3°. Quelque concife que foir,
félon M. Douglas , la Langue An-
gloife , il déclare qu'il y a dans
l'Ouvrage de M. Winflow, cer-
tains termes qui ne peuvent être
rendus en Anglois fins circonlocu-
tion : il cite là-deifus , entr'autres
exemples , le trou memonnier , qui
fignifie en François l'orifice exter-
ne de ce canal dans la mâchoire in-
férieure , lequel orifice externe
laifTc patTer le nerf maxillaire infé-
rieur ou la troifiéme branche de la
cinquième paire; il n'y a, dit M.
Douglas, aucun adjectif ni en La-
tin ni en François , qui réponde à
celui de mentonnier , &air.h ce ter-
me n'a pu être traduit que par une
périphrafe. A Foccaiion de cette
traduction Amtoife , nous remar-
querons que 1 Ouvrage de M.
"WinfloW vient d'être imprimé à
Amltjvd.im, en 4 Voulûmes itt-n.
par la Compagnie des Libraires ,
&c que ces Libraires , pour donner
S SÇAVANS,
plus de cours à leur Edition , y ont
mis à la tête un AvertilTemcnt en
ces termes.
» L'Anatomie de M. Winflow
» a été imprimée à Paris , avec tant
» de négligence , qu'on ne peut
» guéres s'en fervir dans l'état où
» ce Livre a paru. Nous avons cru
» rendre fervice au public en lui
» donnant une nouvelle Edition
» de cet important Ouvrage , plus
» correcte & en même tems plus
y utile que celle de Paris. Outre
» les corrections marquées dans
»1' Errata , on en a fait un grand
» nombre d'autres , & ona mis à
» leurs places, les omiffions qu'on
» a trouvées à la fin du ! ivre. On a
» eu une attention particulière à
» corriger les numéros des divers
« Traitez qu'on avoir tort négii-
» gés dans l'Edition de Paris , où
m l'on a fouvent oublié un grand
» nombre de chiffres -, &c on les a
» marqués exactement dans la Ta-
»ble des titres. On y a ajouré les
» pages des Volumes pour la com-
» modité de ceux qui auront be-
» foin d'v avoir recours.
Voilà de quoi avcrtifTentles Li-
braires d'Amiterdam ; mais nous
avertirons à notre tour , que quel-
que exempte de tantes , que ces
Libraires prérendent que foit leur
Edition , nous y en avons trouvé
une très-confiderable , dCs l'ouver-
ture du Livre , cequi donne grand
lieu de foupçonner que fi on exa
minoit l'Ouvrage, on y en trouve-
roit bien d'autres. Cette faute eft
dans le Traité du bas- ventre , n° 1 j
où il s'agit du tiiîu de la peau : au
lieu
DECEM
lieu d'v mertre , conformément à
l'Edition de Paris , que ce tiJJJt pair
naturellement Augmenter beaucoup en
i a R g f. o r . . . . fans diminuer d'épaïf-
feur j &c. Us ont mis que ce tijjïi
peur n : augmenter beau-
coup en longueur.. . . fans dimi-
nuer d'ipaijfeur , £cc. Ce qui fait ,
comme on voit, un fens abfurde.
Ils difetit qu'outre les corrections
marquées à la fin de l'Edition de
Paris , ils en ont tait d'eux-mêmes,
un grand nombre d'autres. Celle-
ci , qu'ils n'auront fans doute pas
trouvée datas l'Edition de Paris ,
d«it faire douter de leur exactitude,
ck craindre qu'au lieu d'avoir ajou-
té de nouvelles corrections , ils
n'ayent , au contraire , ajouté de
nouvelles fautes , & des fautes ca-
pables d'altérer le fens du difeours
bu point de faire prendre le chan-
ge aux Lecteurs. On en a un exem-
ple tout récent dans l'Edition qui a
été faite en Hollande , des Mémoi-
res de l'Académie des Sciences de
l'année 17.10. dans laquelle Edition
le mot à'abdutlion mis par l'Impri-
meur pour celui aadduclion , n'a
pas peu embarrafle un célèbre
Anatomifte , au fujet d'une obfer-
vation de M. Winfiow, c'eft ce
qu'on voit dans le partage fuivant,
B R E , I 7 J 4. $;y
tiré de l'Expofiion Anatomi
Traité des Mufcles , n° 1064. où M.
Winflow s'explique aiml li-
me, y M. Heifter dans fon Com
» pendium de l'an 172-. pag. 3 i£,
» me fait dire que les tnterol
»> internes , par leurs attaches au
» doigt annullaire & au petit
» doigt , tont l'abdu&ion de ce*
» deux doigts -, &; il ajoute qu'il ne
» voit pas allez comment un inte-
n rofieux interne, vu fa firuation ,
» peut faire l'abduction du petit
» doigt ; puifque par l'abduction ,
" les Anatomiltes entendent ici le
» mouvement qui éloigne du pou-
» ce. Il cite à cette occafion les Me-
» moires de l'Académie Royale des
» Sciences de 1720. mais il paroît
» qu'il n'a pas vu l'Edition de Pa-
» ris , où il y a addutlion , 6c non
n ab ludion , au lieu que dans celle
y qu'il a vue , on a mis par erreut
» un b au lieu d'un d.
M. Xv'inflow avertit à la fin de
l'Etrata de fon Expofition Anato-
mique , qu'il pourra donner dans
un autre Ouvrage, une efpece de
Supplément , pour remédier au
refte des fautes cV des manquemens
dont on voudra bien l'avertir dans
la fuite.
REFLEXIONS CRITIQVES SVR L'ELEGIE : PAR M. M***.
ÀDijon , chez A. J. B. Auge , Imprimeur & Libraire de M.l Evêque
& du Collège. 1734. in-11. pp. 190. & fe vend à Paris , Quai des
jiuguftins , chez, Mufier.
L'AUTEUR des Elégies qui ont
paru en un Volume in - 8°.
chez Chaubert en 173 1 a mis à la
Décembre.
tête de fon Ouvnge un Difeours
lur cette eipece de Pocme M. Mi-
chaud prétend que ce Difeours cfl:
Bbbbb
82<? JOURNAL D
de ceux qu'on lit d'abord avec
quelque plaifir, mais dont la fécon-
de lecture détruit infailliblement
les préjugez avantageux qu'on en
pourroit avoir conçus. Il ajoute que
les maximes que l'Auteur y établit
font oppofées les unes aux autres 5
qu'il y a dans ce difeours peu de
principes certains , beaucoup de
penfées hardies , que l'Auteur
s'eft plus appliqué à taire briller
ion eiprit qu'à apprendre ce que
c'eft que l'Elégie. M. Michaud foû-
tïent que cet Auteur n'a point fçu
cTiftinguer l'Elégie d'avec la Tragé-
die, &: qu'il a méprifé mal à pro-
pos nos Poètes Elégiaques. Malgré
cela il cft contraint d'avoiier qu'il y
a tant de bonnes chofes dans ce
Difeours , qu'il a fouvent fouhaitc
de l'avoir fait;
Quoiqu'il en foit de l'idée que
M. Michaud s'eft faite de ce Dif-
eours, il a cru qu'ilétoità propos
de retoucher Citte matière , d'en-
trer dans un détail plus exact des
règles de cette efpece de Poëfie ,
qu'il croit devoir être plus utile
aux Poètes Elégiaques que le Dif-
eours qu'il entreprend de criti-
quer.
L'Elégie , fuivant M. Michaud ,
eft une efpece de Poème qui eft
propre aux chofes lugubres , 6v par
là il ne la borne pas comme avoir
fait l'Auteur du Difeours à l'amour
mécontent. Il veut que le Poème
Elégiaque réveille un peu lafenfibi-
lité , & qu'il donne beaucoup de
plaifir. Comme il cft 3 dit-il , en-
nemi du flegme, il ne doit point
ofpirer un noir chagrin. L'améni-
ES SÇ A VAN S,
té , les agrémens, les tours galans,
les expreliïons fines , enfin tout ce
que nous appelions grâces doit y
régner fur tout. Notre Auteur ai-
meroit même mieux y trouver un.
peu de négligence & de defordre
que trop de foin. Il exclut de ce
genre de Poëhe tout Ce qui relient
l'héroïque & le Poème Dramati-
que. La Tragédie doit remuer jufii
qu'au trouble , l'Elégie ne doit:
qu'effleurer le cœur fans le déran-
ger : il en raut donc fur-tout ban-
nir les fureurs tragiques dont notre ■
dernier Poète Elégiaque femble
avoir fait le principal objet de fes-
Poëfies.
Pour interefler il faut faire par-
ler dans l'Elégie des perfonnes
malheureufes , mais qui dans leur
malheur attirent notre compaihon. .
L'Auteur en exclut par cette rai-
fon les Héros dont les malheurs
éclatans exigent de trop grandes,
douleurs , ou les Lais 5c les Sarda-
napales , ou les Religicufes } telles
que celles qui paroiflent dans les
nouvelles Elégies. .
Dans le choix des perfonnages
elégiaques , notre Auteur donne la
préférence aux hommes , parce
qu'il leur eft permis en amour de
s'exprimer avec plus de liberté que
les femmes. Mais quelque perfon-
nage qu'on introduife dans l'Elé-
gie, il faut toujours qu'on le fafle
parler fans affectation. Plus la
plainte fera naturelle & plus elle
touchera. Celui qui cft dans l'ar-
fliction eft tout occupé de fes pei-
nes, il les raconte Amplement: il.
faut donc pour peindre une per*
D E C E M
fonne affligée éviter la fublimité
des penfécs , le pompeux éclat des
termes, & le bel ordre dans le dif-
cours.
Après ces préceptes & beaucoup
d'autres qui en font des confequen-
ces , l'Auteur parle de l'Elégie
chez les Grecs , chez les Latins, &
de l'ancienne Elégie Françoife.
Marot ne lui paroît pas un bon
modèle de cette efpecede Poème ,
fes plaintes ont un air de galante-
rie trop vit que la douleur ne per-
met point , & fon ftilc n'eft pas tait
pour cette efpece de Pocme. Ron-
fard traite indifféremment toute
forte de fujets qui ne conviennent
point à ce genre de Poeiïe. Dépor-
tes eft , félon notre Auteur , celui
de nos anciens Poètes qui y a le
mieux réuffi. Entre les modernes ,
B R E , i 7j 4. 827
Voiture, Sarazin , Bcnfcrade , le
Chevalier de Meré fie M. Pavillon
font ceux à qui notre Auteur don-
ne la préférence. L'ufage le plus ,
commun eft d'employer dans l'E-
légie les vers Alexandrins ; M. Mi-
chaud fouhaiteroit qu'une Elégie
ne pafsât pas deux cens vers. Il
fouhaiteroit que ceux qui ont du
génie pour ces Ouvrages tcr.tailcnt
d'en compofer en profe , il lui
paroît que la profe eft plus propre
que les vers à peindre la douleur &C
à exciter la compalîion. Il fouhaite
dans un autre endroit que ceux qui
ont du goût pour l'Elégie choifif-
fent des fujets facrés pour matière
de leurs Poèmes , pourvu que ces
fujets foient propres à exciter le
degré de compailion qui convient
à l'Elégie.
DE L'ETAT DES SCIENCES DANS L'ETENDVE DE LA
Monarchie Françoife fous Charlemagne. Differtation qui a remporté le prix
fondé d. m ! l'Académie Royale des Infcriptions & Belles Lettres , &C. Par
M. l'Abbé le Bœuf , Chanoine d'Auxerre. A Paris , chez Jacques
Guinn , Libraire, Quai des Auguftins. 1734. Brochure in- 11. pp. 100.
CHARLEMAGNE, après
avoir étendu fon Empire plus
qu'aucun des Rois fes prédecef-
feurs, effaya de donnera fes Etats,
ôc principalement aux Gaules , le
même éclat qu'elles avoient eu.
fous la domination des Romains.
La barbarie & le defordre des
/iécles précedens avoit banni les
Sciences & les Arts. Pour aller à la
fource du mal qui étoit le mépris
des Langues fçavantes, & fur-tout
de la Langue Latine , ce grand
Prince fit établir tant dans les Egli-
fes Cathédrales que dans les Ab-
bayes , des Ecoles pour y enfeigner
les Belles Lettres Se y expliquer les
Saintes Ecritures. Il fut fécondé
dans ce delTein par trois Sçavana
étrangers qu'il attira en France; le.
grandes recompenfes qu'il répandi1
fur eux & fur leurs élevés , turent
fuivis d'un fuccès fi heureux, qu'er
moins de vingt ans le goût de la
Science s'empara des efprits , &'.
que dans les Monaftercs , dans li
monde , à la Cour- même , tou
jusqu'aux femmes , prirent du goût
pour l'étude.
Bbbbbij
828 JOURNAL DE
Alcuin , qui étoit à Ja tête de ce
grand Ouvrage , compofa les Li-
vres de Grammaire , de Rhétori-
que , & de Dialectique qui croient
ncccllaiTcs pour apprendre par mé-
thodes les principes des Langues ,
de la composition , de l'orthogra-
phe , & même de la ponctuation ,
& pour accréditer davantage ces
Ecrits , le Prince y voulut bien pa-
roître en qualité d'Interlocuteur,
avec Alcuin.
Les premiers foins de ce Sçavant
furent de remettre en vigueur l'étu-
de de la Théologie , pour en facili-
ter l'étude il donna fous l'autorité
de Charlcmagne de nouvelles Edi-
tions des Saints Li.vres ck des Ho-
mélies des pères qui turent corri-
gées autant qu'on le pouvoir alors
fur les Manufcrits & pondues avec
exactitude , on prit des précau-
tions pour que les CopiAes qui
tranferivoienr L s Ouvrages des
Saints Docteurs , le Pfeautier , &
fur tout les Evangiles , le fiflent
avec autant d'exactitude que de
netteté. Par - là les Livres Saints
étant devenus d'un ufage plus
commun & plus facile , en furent
lus avec plus de fruit 5c d'avidité.
j> Alors on vit dans le Royaume
» plufieurs femmes variées dans
» l'étude de 1 Ecriture Sainte , ou
w du moins très - curieufes de s'y
» faire inftruire 3 fur-tout dans les
• conditions les plus élevées. Je
»> donnerai, continue l'Auteur t le
>i premier rang à cette Prince (Te qui
» propofa à Alcuin la peine que
» lui failoit la propofirion générale
» du Pfalmille omnis hmo mendax }
S SÇAVANS,
»& Fembarras où elle étoit de
» trouver de la chaleur dans \i Lu-
» ne; le même Prophète avant dit,
*> per dicmjol non uret te , ncquelu-
y> na fer nuEiem. Le Traité qu'il
«adreda à la Vierge Eulalie fur la
30 nature de l'ame, prouve vilibie-
" ment , que les Religieufes agi-
» toient entr'eilesdcs-queûionsaf-
Lubtiles ; ce qui montre feu-
it que dans tous les tems
elles ont toujours été 'les ml
L'Auteur qui re nous donne
qu'un fe.ul exemple d'un Laïque
homme dv guerre , qui avoit pro-
poL fes difficultez à Alcuin fur ua
end oit de l'Evangile , nomme en-
cor, le- Princeflès Gifelle & Ric-
trude Religieufes de Chelles, &
trois autres femmes qui éroient en
relation avec Alcuin qui leur e\-
pliquoit les endroits qu'elles tr, u-
voient obfcurs dans l'Ecriture
Sainte Se dans les Percs.
Il avoiie cependant que fi la lec-
ture excita la curiolîté , le delir
d'avoir des tel nrcillemc ns fur tou-
tes lortes de matière de fpirituaK-
té , fit quelquefois propoièr des
queflions frivoles , & que les fo-
lutions qu'on y donnoit étoient à
peu près de même nature. Les Ou-
vrages d' Alcuin le prouvent affez ;
on y voit aulîi certains calculs my-
fterieux fondés lur des combinai-
fons de nombre aulîi bizarres
qu'inutiles. A fon exemple les.
Théologiens de ces tems crurent
trouver dans l'Ecriture Sainte ce
qui devoir arriver dans l'Eglife &c
dans l'Etat. Les deux plus habiles.
Maîtres qui fulîent alors , demis.-
DECEMBRE, 1754. Sap
ïent dans cette faulîe Science , ils remarque même que tandis qu'Al-
fixoient le tems où devoit paroître
l'Antéchrift , défignoient par leur
nom les Princes qui regneroient
pour lorSjCvdc bitoient à cette occa-
sion des prédictions dont ils annon-
çoient le tems avec autant de tauf-
îeté que de haidielFe. Il eft éton-
nant que le mauvais fuccès de tou-
tes ces productions d'une imagina-
tion vive j mais peu réglée , n'ait
pas encore de notre tems défabufé
plufîeurs Théologiens qui à la hon-
te de la Religion Se du bon fens
donnent encore dans ces témérai-
res Se dangereufes puénlitcz.
Alcuin Se les autres Sçavans fes
contemporains réuiîîrent mieux
dans les Livres de Controverfes
qu'ils écrivirent contre les Héréti-
ques de ce tems, Se à l'occafîon des
diiputes qui s'éleverenr fur l'addi-
tion Filioque, Se fur le fécond Con-
cile de Nicée.
Charlemagne fe faifoit un plaifir
d'exercer les Evêques en leur pro-
pofant des queftions fur l'Ecriture
Sainte , e\: fur les Dogmes Catholi-
ques , Se nous avons encore les
Ecrits de plufîeurs des Piélats de
ce tems , dans lefquels ils répon-
doient à ces queftions. Mais h ce
grand Prince n'oublioit rien pour
échauffer l'amour de la Science
parmi Les gens d'Eglife , il ne laif-
■ioit pas en même tems d'exciter les
Philofophes à étudier la nature.
Alcuin lui expliqua plufîeurs Li-
vres d'Ariftote , Se après l'étude de
la Dialectique , l'Aftronomie fut
la Science que Charlemagne étudia
cuin en répàndoit les principes
dans le public, il gardoit cepen-
dant pour l'Empereur les véritez
les plus profondes de cet Ait. On
convient néanmoins qu'il ne fit pas
de grands progrès dans ce fiécle 3
quoique la connoiffancc en fût de-
venue néceflaire dans l'Egîife , de-
puis que le Concile de Nicée avoit
fixé la Fête de Pâques à un jour
qui dépend du cours de ta Lune.
Mais de toutes les Sciences celle
qui dans ce tems avoit le moins de
perfection i ce fut , félon M. le
Bœut, la Géographie , comme on
le peut voir par deux Ecrits de ce
fiécle-là qui nous reftent encore.
A l'égard des humanitez , il paroît
par les Ouvrages d'Alcuin que-
tout ce qu'on pût faire alors tut
d'ôter une partie des ronces & des
épines dont le ParnalTe étoit hérif-
fé. Mais qu'on ne parvint pas à les
ôter toutes , & moins encore à l'or-
ner de fleurs brillantes & naturel-
les. Alcuin fe faifoit un fcrupule de
lire les Auteurs Prophanes, Se nc-
gligeoit même quelquefois les rè-
gles de la Grammaire par la préci-
pitation , dit -il , avec laquelle il
compofoit , du refte il lailfoit à
Charlemagne le foin de corriger
les fautes qui lui étoient échappées;
mais fi ce Prince dicloit toutes les
lettres qui portent fon nom , il n'é-
toir pas lui-même trop bon Gram-
mairien comme on en jugera par
un exemple que l'Auteur en rap-
porte.
Théodulphc, Evêque d'Orléans1,
ivec le plus d'ardeur. M. le Bœuf qui étoit après Alcuin l'homme le-
ti0 JOURNAL D
plus fçavanc , n'avoit pas le même
ierupule fur la lecfure des bons
Auteurs qui avoient brillé dans le
Paganifme , auflî ion ftile eft - il
beaucoup meilleur , & fcs vers plus
fupportables , quoiqu'ils foient
comme tous ceux de ce tems pleins
d'une infinité de licences , 6c de
fautes contre la quantité. Les beaux-
efprits qui regnoient alors feme-
tent outre cela leurs Ouvra jes
d'énigmes,5c de ce que nous appel-
ions logogryphes , avec d'autres
jeux d'efprit.
Il y avoit auflî une efpece de
Po'éfie vulgaire écrite en langage
Frifon. Un Courtifan nommé En-
gilbert compofa même quelques
Comédies en cette Langue ; ce gen-
re d'Ouvrage lui attira les repro-
ches d'Alcuin qui lui fit voir par
l'autorité des Pères , que les Spec-
tacles étoient condamnables.
La Mufique devint une des prin-
cipales occupations de plufieurs
hommes célèbres dans l'Eglife ; le
goût que Charlemagne & les Prin-
ces de ce tems là avoient pour que
le Service Divin fût célébré avec
décence , engagea Charlemagne à
établir deux célèbres Ecoles de
Chant , l'une à Metz & l'autre à
Soitîons ; & il mit à leur tête deux
fameux Chantres Romains que le
Pape Adrien lui envoya. Ils s'é-
toient munis d'Antiphoniers pour
rétablir le Chant dans fa première
pureté. M. le Bœuf avoiie que de la
manière dont le Chant étoit noté
pour lors , manière dont il donne
quelque idée, » il eft inconcevable
» qu'on pût apprendre aifément
ES SÇAVANS,
»lcs règles de cet Art & les mettre
» en pratique , parce qu'on ne pou-
» voit difeerner où étoient iîtués le»
» fémi-tons qui font l'ame du
» Chant, ni par confequent en quel
» endroit il fiiloit faire les tierces
» mineures ou majeures.
De l'amour que Charlemagne
avoit pour tout ce qui regardoit le
Culte Divin , naquit encore l'étu-
de des Rites Eccleliaftiques , 6c dès
lors les habiles gens de ce fiécle
commencèrent à travailler fur ces
fortes de matières. Ce Prince non
content d'avoir introduit le Chant
de l'Eglife Romaine en France ,
voulut encore qu'on y fuivît les
cérémonies de la Liturgie Romai-
ne-, M. le Bœuf remarque que la
déférence qu'on eut pour le Prince em-
pêcha les Scavans de ce tems - là de
faire connohre l'importance dont il
était de retenir les plus beaux mor-
ceaux de la Liturgie Gallicane. Mais
il ne nous fait point fentir en quoi
conûftoit cette importance.
Il palTe enfuiteaux Hiftoriens qui
ont fleuri du tems de Charlema-
gne , & il en fait l'énumeration ;
il dit qu'ils ont communément 1*
réputation d'avoir été alTez fidèles.
Nous renvoïons à la DilTertation-
même pour ce qui regarde les fauf-
fes Décretales , qui parurent dans
ce tems là. Il y combat le fenti-
ment d'un Auteur qui prétend que
les fixiéme &c feptiéme Livres des
Capitulaires de nos Rois ont été ti-
rés pour la plupart d'une Collec-
tion de Canons qu'on fuppofe don-
née par le Pape Hadrien à Engel-
nmrae Evêque de Metz 3 ou ces
DECEM
fauffes Décretalcs font citées.
Charlemagne étendit auffi fes
foins fur le Droit Civil ; non feu-
lement il fit rédiger les Loix que
l'on ne tenoit que par tradition ,
mais encore après avoir fait diffé-
rentes additions tant à la Loi Sa-
lique qu'à celle des Ripuaires ,
ces Loix furent par fes foins mi-
les en un meilleur ordre & dans
un meilleur langage ; mais on
ignoroit encore de fon tems juf-
qu'aunomde Droit Canonique, &
tout ce qui concerne cette Science,
confiftoit alors dans la connoiflance
desrcglemens des anciens Conciles
d'Orient , d'Afrique , & des plus
célèbres tenus en Occident. Ce fut
de-là que fortirent ce qu'on appelle
Gapitulaires.
Dom Manillon a remarqué qu'-
Alcain qui a biffé des Ouvrages
prefque fur toutes fortes de fu ets ,
n'a point écrit fur le Droit non
plus que fur ia Médecine. Il nous
relie peu de chofe qui puiffe nous
faire connoître quel étoit l'état de
la Médecine en France du tems de
Charlemagne. L'averfion naturelle
que ce Prince avoit pour les Méde-
cins , n'étoit pas propre à nouiir
l'émulation parmi eux.
On ne doit point être furprisnon
plus de ne trouver aucun Ouvrage
de ce tems-li fur les Antiquitez du
Paganifme. On étoit encore trop
voifin des fiécles où l'Idolâtrie
ivoit régné , pour ne pas marquer
le l'horreur contre les Statues , les
Médailles, & autres Antiques qui
reprefentoient les Divinitez ou les
cérémonies du Paganifme , 6v on
fefaifoit alors un devoir de fondre
tous les métaux & de détruire tous
lesmonumens qui en rappelloient
le fouvenir.
Il eu allez difficile de trouver
dans les Auteurs du neuvième fié-
cle quel étoit le goût de l'Archi-
tecture du tems de Charlemagne ,
les preuves en font prefque auflî ra-
res , dit le laborieux & fçavant Au-
teur , que les édifices de ce tems là
le font devenus de nos jours. On ne
lailTe pas cependant de dire à ce fu-
jet des chofes fort curieufes , auf-
quclles nous renvoyons.
Par la peinture que M. l'Abbé le
Bœuf fait dans cette Différtation de
l'état des Sciences fous Charlema-
gne -, » il eft facile de voir que
» quoiqu'Alcuin eût flatté ce Prin-
» ce que peut-être on verroit la
» France devenir fous fon reene
» une nouvelle Athènes , ks Scicn-
» ces cependant n'y étoient qu'e-
» bauchées , mais que cette ébau-
» che eût conduit loin , s'il y avoit
» eu en même tems ou fucceffive-
» ment , un plus grand nombre de
» perfonnages femblables à Alcum
» & à Théodulfc.
Le fuffrage de l'illuftre Acadé-
mie qui a couronné M. l'Abbé le
Boeuf montre allez, fans que nous
le dihons ici , ce qu'on doit penfer
de la beauté des recherches , & de
la folidité des remarques dont cet*
te Diffettation eft remplie.
«§§*••
8j2 JOURNAL DES SÇAVANS,
ELOGE DE MADEMOISELLE L'HERITIER.
MArie- Jeanne l'Héri-
tier de Villandon naquit à
Paris au mois de Novembre 1^64.
Elle eut pour père Nicolas l'Héri-
tier , Ecuver , Seigneur de Ncuvc-
lon , Confeiller dn Roi , Hiflorio ■
graphe ordinaire de France , iflu
d'une noble & ancienne famille de
Normandie -, Françoife le Clerc fa
merc étoit nièce de M. Duvair ,
l'un des plus célèbres Gardes des
Sceaux qu'il y ait eu en France ,
qui joignit au prorond fçavoir des
Loix l'amour des Belles Lettres, !k
qui étoit aulll recommandable par
fa probité que parfon éloquence.
Mademoifelle l'Héritier reçut
d'un père , amateur des Sciences ,
une éducation qui fit paroître fes
talens dans l'âge le plus tendre.
L'étude de f Hiftoire ancienne Se
moderne & celle de la Fable turent
les jeux de fon enfance. Son pere la
forma aufïi à la Poche , dans la-
quelle il reuiiitfoit bien. La Tragé-
die de la mort d'Héracle 6v plu-
Heurs Pièces fugitives qu'il compo-
fa ont été imprimées , ainfi que
divers autres Ouvrages dont le plus
considérable cil la traduction des
Annales de Groous. Il réuniffoit
les vertus militaires , * & les ver-
tus littéraires; : .1 faveui de ce dou-
ble mérite le Cardinal Mazarin lui
ht donner une peu don de cinq
cens écus.
Si Les rapides progrès que Made-
* Il fut Officier dans les Moufiiue-
moifelle l'Héijtiçr fit dans la con-
Doiflarice de II Iiltoire la rendirent
Supérieure aux aimes perfonnes de
fon âge , elle ne fe diftiûgua pas
moins av. ntageufem.ent par ceux
qu'elle ht dans la Poehe. A Page
de 143ns elle avoit déjà compolé
avec fuccès divers petits Ouvrages.
Son goût pou les vers avant une
liaifon naturelle avec celui de la
Mulîque , elle s'appliqua aullî à cet
art , dans lequel elle excella. Sa
voix étoit belle , & par ce talent
elle remplir en entier toute l'idée
que les Italiens nous donnent pat
leur terme de virtuofe.
Elle n'étoit pas encore fortie de
l'enfance lorfqu'ellecut le malheur
de perdre un pere Ci capable de la
guider dans le chemin du fçavoir.
Cependant fa ferveur pour l'étude
ne fe ralentit point.
Les deux premiers Ouvrages
qu'elle publia , & qui parurent
dans le Mercure du mois'de Juillet
1689. * furent une Idylle & un
Rondeau , intitulée le Frimcms gla-
cé. L'Idylle étoit une Pièce à la-
quelle le dérangement de Saifoa
qu'on éprouva cette même année ,
avoit donné lieu. L'autre Pièce
étoit un Rondeau** où elle excite
toutes les belles à fe fervir de leur
raifon , li elles veulent éviter les
pièges de l'amour. Madcmoifelle
des Houlieres fille d'une merc, que
l'on peut appeller l'honneur des
* Page i<î<. & fuivantes.
** Même Mercure, page 17 ?•
Mufes
D E C E M
Mufcs Françoifes , avoit aufli du
génie pour la PocTie •, elle adreffa
un Rondeau à Mademoifelle l'Hé-
riticr , dans lequel elle s'efforce de
prouver , que la raifon cft fouvent
un foible fecours contre les traits
de l'amour. Ces deux Pièces con-
tradictoires font l'une fc l'autre ex-
trêmement ingénieufes.
La gloire des fuccès fuivit de
près les premiers travaux de Made-
moifelle l'Héritier , fes Poëfies lu-
rent couronnées plus d'une fois par
les Académies. En 1691. elle em-
porta le prix des veisau Palinot de
Cacn. En 1695. c% en 1696. elle
eut les prix de l'Académie des
Lantemifles de Touloufe , ce tut en
lui adjugeant le fécond que cette
célèbre Académie l'admit dans fon
Corps ; honneur , qu'elle n'avoit
encore accorde à aucune Dame.
La renommée ayant auiiî fait
connoîtreles lumières &' le içavoir
de Mademoifelle l'Héritier dans
les Pays étrangers , l'Académie de
Ricovrati de Padoiie lui envoya
des Lettres d'Académicienne en
1697.
L'Ouvrage intitulé le Triomphe
de Madame des Houlieres fut la
Pièce la plus étendue , qui fût en-
core forti de la plume de Made-
moifelle l'Héritier. L'épithéte de
prêcieufe , que M. Defpreaux avoit
ofé donner à Madame des Houlie-
res dans fa Satyre contre les fem-
mes indigna Mademoifelle l'Héri-
tier , &: l'engagea à prendre la dé-
fenfc de ectte femme illuftre. Son
zéle oénéreux fut applaudi de tous
Jes amateurs du mérite. Pluficurs
Décembre.
B R E , ï 7 14 S ? 3
lui envoyèrent à cette occaiïon des
couronnes de lauriers, cV diveriqs
galanteries. Cette Pièce fut d'abord
imprimée feule , enfuitc on l'a in-
férée dans les Ouvrages divers
qu'elle a fait paroître en 1695.
Mademoifelle l'Héritier étoit en
liaifon avec toutes les perfonnes
illuftres de fon lîécle , les nœuds de
la plus tendre amitié l'uniffoicnt à
Mademoifelle de Scudcry , & Ici
derniers vers que cette célèbre fille
a faits , furent adreffés à Mademoi-
felle l'Héritier. La mort lui ayant
enlevé une amie d'un fi grand prix,
elle chercha à adoucir fa douleur ,
en érigeant à Mademoifelle de Scu-
dery un monument ingénieux , *
que l'efprit de le cœur ont égale-
> ment concouru à former ; & qui
fera à jamais glorieux pour ces deux
illuftres filles.
Une Dame de la connoiffance de
Mademoifelle l'Héritier étant par-
tie pour Madrid , la pria de lui
mander exactement les Nouvelles
Littéraires. Elle y joignit quelques
avantures galantes , X ce commer-
ce de Lettres qui fut foûtenu pen-
dant tout le tems que la Dame refti
en Efpagne a produit trois petits
Volumes imprimés fous le titre
d'Erudition enjouée. * *
La Cour fut bien-tôt informée
qu'il paroifToit à Paris une fille
vertueufe qui unifToit la fcience&
l'efprit aux talens.
Mademoifelle l'Héritier fut pré
* L'Apothéofe de Mademoifelle de
Scudery. Pièce mêlée de profe & de
vers. A Paris i7°ï>
! 1 170}.
Cccec
834 JOURNAL D
fentéc à S. A. Royale Mademoifel-
le d'Orléans par M. l'Abbé de
Mauroy \ l'honneur qu'elle eut
d'être connue de cette PrincefTe
donna lieu à TEpithalame qu'elle
compofa dans le tems de fon ma-
riage avec le Duc de Lorraine; les
fêtes de cette illuftre noce occafion-
nerent encore quelques morceaux
de vers dont elle forma un Volume
qui parut en 1688.
Madame la Ducheffe de Ne-
mours , * qui par fon efprit & par
fon fçavoir méritoit encore plus
que par fa naiffance l'attachement
àcs perfonnes de Lettres , fut ex-
trêmement fenfible aux talens &
aux qualitez eftimables de Made-
moifelle l'Héritier , des qu'elle la
connut , elle ne voulut plus s'en
féparer , 6V l'engagea à demeurer
prefquc toujours 3 la Cour pendant
les douze ans qu'elle vécut, depuis
cette connoiffance la PrincefTe
avoir commencé à fonger à la for-
tune de Mademoifelle l'Héritier ,
elle ctoit même dans le deffein de
l'affurer folidement , lorfqu'elle fut
furprife par h mort , au moment
qu'elle alloit faire fon Teftament.
Mademoifelle l'Héritier n'en re-
cueillit qu'une preuve de confiance
qui lui parut d'un prix fupericur
aux plus riches prefens. Madame la
Ducheffe de Nemours lui laiffa fes
Mémoires qu'elle avoit cachés tou-
te fa vie avec un grand myfrere j
parce qu'elle craignoit qu'on ne les
donnât au public de fon vivant.
Ce dépôt n'étant plus que pour être
mis au jour , c'eft à Mademoifelle
"Marie d'Orléans de Longueville.
ES SÇAVANS,
l'Héritier que l'on en cil redeva-
ble , ainfi que de l'Avcrrillcment
de la compofition , où l'on trouve
un éloge de cette PrincefTe. Made-
moifelle l'Héritier a ^uiffi embelli
l'Edition de quelques notes hifto-
riques. L'Ouvrage a paru en 1709.
fous le titre de Mémoires de M. la
D. de N.
Quelques années auparavant
Mademoifelle l'Héritier avoit tra-
duit les Contes du Roi Richard ,
contenant la Tour ténébreufe fc la
Robbe de fincerité3 qui furent im-
primés en 1705. & dédiés à Mada-
me la Ducheffe de Nemours.
Cette fille ftudieufe travailloit
avec une extrême facilité, en 1711.
elle fit la Pompe Dauph'tnt mêlée de
profes & de vers , à la mort du
premier Dauphin , fils de Louis
XIV.
Cette Pièce fut fuivie du Tant'
beau de Ad. le Dauphin , * qui a été
le premier Ouvrage qu'on ait vu
fur la perte d'un Prince fi digne de*
regrets de la France.
On a encore divers autres mor-
ceaux de Mademoifelle l'Héritier
qui n'ont pas été raffemblés , &
qu'on trouve difperfés dans diffe-
rens Mcrcures.
Elle portoit fur le ParnafTe Fran-
çois le nom de Téléfille , par les
mêmes motifs qui avoient fait
donner à Mademoifelle de Scudery
celui de Sapho.
La nouvelle Téléfille fut l'objet
des louanges de pluficurs Ecrivains
illuftres , elle eft citée avec éloge
* M. de Bourgogne»
D E C E M B
parBayle. * M. de Sacy ** Ci cltimé
par les qualitez du cœur , & célè-
bre par i'élégartee de fa profe , de-
vint Poète pour elle, les feuls vers
qu'il ait jamais compofés four quel-
ques billets qu'il lui écrivit.
Mademoiselle l'Héritier n'avoit
pas négligé la Langue Françoifc
pour apprendre celles des Sçavans,
elle la fçavoit fi correctement, que
plufieurs exemples cités dans le
Dictionnaire de Trévoux font tirés
de fes* Ouvrages s &: donnés pour
modèles de la vraye propriété des
termes.
Il s'étoit formé chez Mademoi-
fèllc l'Héritier en l'année 1710.
une Société dont la Littérature ôc
l'amitié faifoient également les
liens , cette illuftre jugeoit mieux
qu'une autre des Ouvrages d'ef-
prit, il s'en lifoit fou vent chez elle,
fa critique étoitaufli judicieufe que
fine , elle eut toujours une délica-
teiTe infinie non feulement fur le
choix de fes amis, mais aufiî à l'é-
gard même des fimpks connoilfan-
ces. L'éclat des talens,le brillant
de la nailTance , ne réparoient
point à fes yeux les défauts eiTen-
ticls. Exaéte fur les bienféances 3
elle ne fe lioit qu'avec ceux qui les
refpeétoienr en tous genres , non
feulement elle déteftoit les Auteurs
Licentieux , mais les Satyriques de
profelTion lui paroilToient le fléau
de la Société. Les femmes dont les
mœurs n'étoient pas de la plus
exacie innocence , faifoient des
* Bayle Diftionnaire , pag. . . .
* * L'un des 40 de l'Académie Fran-
coife , Traducteur de Pline.
R E ; 1 7 3 4. 83 y
vains efforts pour fe l'attacher, fon
cœur fe refufoit à tout ce qui n'é-
toit pas frappé au coin de la vertu;
mais dès qu'elle découvroit une
belle ame, elle felivroitfansrcfer-
ve , & bien-rôt l'amitié étoit par-
faite. Il ne fut jamais de caractère
plus fcnlîble , la mort de fes pro-
ches ou celle de fes amies faifoit
couler fes larmes après vingt ans :
avec le même attendriffement que
les autres ont dans les premiers
momens de leur douleur. Exafte &C
attentive fur les plus légers devoirs
de l'amitié , elle les "rempliffoit
avec emprdTemcnt , par fenti-
ment , fans que l'oftentation y eût
aucune part.
Elle n'eut pas befoin du fecours
de la fortune pour faire connoître
qu'elle étoit née avec des fentimens
de délintereflenient & de généro-
lité qui étoient héroïques ; les pei-
nes de fa fituation auraient tou-
jours été ignorées Ci on ne les eût
fçûés que par elle , loin de parler
jamais de fes affaires , la joye de
voir fes amis l'occupoit fi entière-
ment , qu'on fentoit qu'elle n'eût
defiréde fortune que pour l'inftanc
où elle les recevoir , que pout leur
rendre famaifon plus agréable , fo;
talens joints à fa nailTance dévoient
lui mériter une fortune plus açréa .
ble, elle n'obtint de la Cour qu'u-
ne penfion de 400 liv. payée fur le
Sceau.
Il s'affembloit deux fois li Se-
maine chez Madcmoifelle l'Héri-
tier des perfonnes connues par
leurs Ecrits , ou par leur condi-
tion. La Marquifc de Béthunc ,
C ecc cij
?36 JOURNAL DE
fœur de la Reine de Pologne , la
Vrinccffe de Neufchatel , la Du-
cheffe de Brifac Béèfaamèil , Ma-
dame de Bellegarde Vertamont &
plufieurs autres Dames plusdiftin-
guées encore par leur efprit que par
leur rantf venovent à ces affemblées.
La converfation y étoit extrême-
menr agréable , non leulemenr par
le choix de la compagnie , mais en-
core plus par les Anecdoces , &: le
nombre infini des traits curieux ,
que Mademoifelle l'Héritier y
fourniffoit -, c'étoit une des plus
heureufes mémoires de fon fiécle
& des mieux ornées ; fon entretien
avoit auilî le charme de l'enjoùe-
' ment. Elle étoit née vive & gaye :
qualitez , que la médiocrité de fa
fortune, Si la maladie-même ont
eu peine à détruire , les dix der-
nières années de fa vie fe font paf-
fées dans d'extrêmes fourTrances,
fans que fon courage en ait été aba-
tu.
Elle fit imprimer en 1718» /«
Caprices du Dtfiin , Recueil d'Hi-
ftoires Galantes qui turent réimpri-
mées quelque teras après en Hol-
lande.
Elle mit au jour en 1719. la
Nouvelle en vers intitulée : l'Ava-
re puni. La maladie qui lui ôtoit le
repos ne l'empêcha point de conti-
nuer la traduction en vers des E pi-
tres Héroïques d'Ovide , la verlitï-
S SÇAVANS,
cation en cft coulante & aifée ,elle
y a joint le mérite de la fidélité
dans tout ce qui n'a paseubefoin
d'être adouci pour le rendre con-
forme aux bienléances. C'eftle feul
de fes Ouvrages où fon nom ait été
mis en entier , les autres n'ayant
paru qu'avec les Lettres Initiales.
Les douleurs que les remedes ne
purent vaincre la firent enfin fuc-
eomber. Elle mourut regrettée
d'un grand nombre d'amis le 24
Février 1754. âgée de 69 ans Si 3
mois.
Mademoifelle l'Héritier a laiflé
des Oeuvres Pofthumcs en profe Si
en vers , dont la quantité peut éga-
ler ce qu'on a déjà imprimé d'elle ,
lorfqu'clks feront mifes en ordre ,
on pourra en enrichir la Républi-
que des Lettres , Si alors on donne-
ra avec plus d'étendue le détail de
fa Vie & de fes Ouvrages.
Il y a un portrait gravé de Ma-
demoifelle l'Héritier par M. des
Rochers d'après l'original de M.
Tournicre, qui cft très-reiTemblantj
on lit ces vers au bas.
C'eft l'Hiftoire des neuf Soeurs r
Par fa profe & Ces vers , elle charme
les cœurs ,
Et Minerve avec foin grave dans fa mé-
moire
Tous les traits de la Fable , & tous ceax
de l'Hiftoire.
DECEMBRE, 1754;
«37
NOVVELLES LITTERAIRES.
FRANCE.
De Tulle.
JEan-Leonard Dalvy 3.
achevé d'imprimer Explication
des fept Sacrcmens de l'Eglife , infli-
tués par Noire- Seigneur J. C. Cette
Instruction eitcompofée par Mes-
sire Charles Evêque de Tulle ,'
pour l'utilité du Clergé & des Fi-
dèles de fon Diocéfe. 1734. in- iz.
3. vol. dont le premier contient le
Traité des Sacremens en général ,
èc les Traitez du Baptême , de la
Confirmation & de l'Euchariftie.
Le fécond comprend les Traitez de
la Pénitence , de l'Extrême-Onc-
tion ôc de l'Ordre , &: le troifiéme
eft rempli par IeTraité du Mariage.
De Rennes.
Guillaume Vatar débite ConfuU
rations & Obferv allons fur la Coutu-
me de Bretagne } par teu M. Pierre
Àfevin , ancien Avocat au Parle-
ment de la même Province. 1734.
m - 40.
De Paris,
M. à!Anville t Géographe ordi-
naire du Roi , vient de publier
chez Chauben , Libraire du Jour-
nal , Propojîtion d'une mefure de la
Terre r dont il refaite une diminution
confiderable dans fa circonférence fur
les parallèles. Dédiée à Monsei-
gneur le Duc de Chartres.
1734. in-i 1. Cet Ecrit paraîtra l'an;
doute aux ConnoilTeurs aufli inte-
reliant par la nouveauté du Syftê-
me qu'on y expofe , que par la ma-
nière dont l'Auteur a traité fon fu-
jet. C'cit fur quoi nous nous éten-
drons inceflamment plus au long;
Didon, Tragédie de M. le Franc ;
chez le même Libraire. Nous pen-
fons avec M. Dancbet , Approba-
teur de cet Ouvrage , que l'im-
preffion lui aiTurera le fuccès qu'il
a eu dans les reprefentations , la
Tragédie eft précédée d'une Lettre
à Moniieur le Marquis de NéeU
le , Chevalier des ordres du Roi :
cette Lettre qui fertde Piéface à la
Tragédie , nous a paru mériter l'at-
tention des Lecteurs.
C'eft auffi chez le même Librai-
re qu'ont été imprimées /rf Puptle
8c le RendeT^vous } Comédies de
M. Fagan.
Htjhire générale de Portugal } par
M. de la Clede , chez Pierre-Fran-
çois Gijfart, rue S. Jacques, à Sain-
te Théréfe. 1734. /«-4e. 1. vol. Le
premier , contenant l'origine, les
mœurs & les guerres des aifciens
Luiîtaniens , leur état fous la do-
mination des Romains , l'invafion
desGots &c celle des Maures, l'é-
rection du Portugal en Royaume,
& le? règnes de Henri & d'Al>
838 JOURNAL DE
phonfc , jufqu'à celui de Dom
Juan III. indufiverocnt.- Le fécond
Volume contenant les règnes de Se-
ballien , de Philippe II. Ce. jufqu'à
celui du Roi Jean à prefent ré-
gnant. Cet Ouvrage eft aulli impri-
mé in- 12. en 8 vol.
Traité des Bénéfices Ecckfî.fli-
cjues , dans lequel on concilie la
difeipline de l'Eglife avec les ufa-
ges du Royaume de France. Et le
Recueil des Edits , Ordonnances ,
Déclarations & Arrêts de Règle-
ment , concernant les Matières Bé-
néficiales &C autres qui y ont rap-
port. Par M. P G Chez
Langlois} rue S. Etienne des Grecs,
fa Veuve Manières & J. B. G armer y
rue S. Jacques , à la Providence.
1734. in-jf. 3 vol.
Mémoires du Chevalier d'Ar-
vieùx , Envoyé Extraordinaire du
Roi a la Porte , Confia d 'Alep ,
et Alger j de Tripoli & autres Echeles
du Levant. Contenant fes Voya-
ges à Conftantinople, dansl'Afie,
la Syrie \ la Paleftine , l'Egypte &
la Barbarie ; la defeription de ces
Pays , les Religions, les moeurs ,
S SÇAVANS ;
les coutumes , le négoce de ces
Peuples & leurs gouvernemens ,
l'Hiftoire Naturelle & les évene-
mens les plus coniîderables , re-
cueillis de fes Mémoires originaux,
&c mis en ordre , avec des réfle-
xions. Par le R. P. Jean -Baptifte
Labat , de l'Ordre des Frères Prê-
cheurs. Chez Dslefpine rîls , rue
S. Jacques, vis-à-vis la rue des
Noyers, à la Victoire. 1735.;»-! 2.
fix vol.
Année Ecclejîaflitjue ou Instruc-
tions fur le Propre du Tems, & fur
le Propre & le Commun des Saints*
avec une Explication des Epîtres Se
des Evangiles qui fe lifent dans le.
cours de l'Année Ecclefiaftique ,
dans les Eglifes de Rome & de
Paris. Chez Philippe-Nicolas Lot-
tin , rue S.Jacques, proche Saint
Yves, à la Vérité. 1734. in- 11,
deux vol.
EJJais du Chevalier Bacon , Chan-
celier d' Angleterre , fur divers Su-
jets de Politique ik de Morale.
Chez Emery , Quai des Auguftins,
à S. Benoît. 1734. /w-n..
$3*
TABLE
Des Articles contenus dans le Journal de Dec. 1734.
H 1 (loin générale de Languedoc , dcc. Tome II. page 787
L'Hijtoire Romaine de Scxtus-Aurelins- Vtâ,or , &c. ,- - 791
VArchêe , Auteur des fièvres & de leur guéri fon , ouTraùéde Médecine-
Pratique _, &c. 797
'Hifloire de Manichée , &c. *°S
Z,« f /'« des Hommes iHuflres de fimAtqtt , &ft I 8 * 5
Expofîtion Anatomicjue de la flrutlure du corps humain } &c. 822
Réflexions Critiques fur i1 Elégie \ [q . -' ; 825
iDf /'«<« <&* Sciences dans l'étendue de la Monarchie ïrancoife , fous Chàr-
lemagne , &c. . . s Jfl
Eloge de Mademoifelle l'Héritier t 8 î *
Nouvelles Littéraires , 837
-
Fin de la Table,
'
84°
«ô ^ ^ ^ ifo «e^uTD ^uïa ^a ^a sta <jfo ^ ^'<^ * ^^
BIBLIOGRAPHIE,
0 u
CATALOGUE
DES LIVRES DONT IL EST PARLE* DANS LES
Journaux de l'Année 17J4.
BIBLIA SACRA, INTERPRETES, CONCILIA.
RP.JacobiTirini Commtntarius Concilia Magn* Bntanni&& Hiber-
.inSacram Scriptnram , page ni* , 306
iSr Courte Paraphrafc fur PAncien Se
Projet d'un Supplément à la Col- le Nouveau Teftament, &c. 368
iection des Conciles du Père.' Explication de la Prophétie d'I-
Labbe , 245 faïe, 781
PA TRES, THE OLOGI,ASCETlCl,LITURG ICI,
SCRIPTORES EcCLESIASTICI , &C HetERODOXI.
Penfées Morales Se Chrétiennes
fur le Texte de la Genéfe. Par
M. l'Abbé le Mère , 27
De la connoilîance Se l'amour de
N. S. Jcfus - Chrift , <fi
Diflertations Critiques fur les fa-
meufes Lettres de Firmilien
Se de S. Cypricn contre le Dé-
cret du Pape Etienne fur le Bap-
tême des Hérétiques , 123
Traduction Latine du Traité Hi-
ftonque de M. Grancolas furie
Bréviaire Romain , Ibid.
Recueil des Oflices Publics del'E-
glife Gréque, 124
Remarques fur les Prophéties de
Daniel Se fur l'Apocalipfe de
S. Jean , 124
Inftructions Chrétiennes Se Mora-
les fur les Sacremens , 125
Syftême tiré de l'Ecriture Sainte
fur la durée du Monde , 1 29
Deux Lettres de S. Auguftin trou-
vées depuis peu en Allemagne ,
182
De retlâ Teflivitate J'afch* anno
1734. celebraniâ , 242
Lettre de M. Betazzi fur le même
fujet , Ibid.
Le Koran , communément appel-
lé ï'Alcoran de Mahomet , tra-
duit de l'Original Arabe en An-
glois,
B I B L I O
glois , &c. 24).
Epiftcl.i pluriitm DoElorum e Societ ci-
te Sorbonicà , &c. ubi de Eptflolis
SanEli siuguflim nuperrimi inven-
tis & editis, 247
Le grand Commandement de la
Loi , ou le devoir principal de
l'homme envers Dieu & envers
le Prochain , Ibid.
Inftruclion furie Jubilé de l'Egli-
fe Primatiale de Lyon , à l'occa-
fion du concours de la Fête Dieu
avec celle de la Nativité de Saint
Jean - Baptifte en cette année
1734. 3 5<T
Nouvelle Edition des Lettres ,
Diilertations & autres Ouvrages
du Père Fronton, Chanoine Ré-
gulier , 166
Penfées du Père Bourdaloiie , fur
divers Sujets de Religion 5c de
Morale , 435
Prières au Saint Sacrement de l'Au-
tel , &c Par M. Peliflbn , Ibid.
Deux DiiTertations , l'une fur le
Baptême donné au nom de J. C.
l'autre fur le S. Chrême dont on
fe fert pour la Confirmation j
47*
GRAPHIE. 841
Conflitutiones Congregationis Cleri-
corum facularium DoUrin*. Chri-
flianœ , j?5
L'Efprit de l'Eglife dans la recita-
tion de cette Partie de l'Office
qu'on appelle Compiles , g^t
Recueil de Sermons du Dr. Fran-
çois Atterbury , 6$ j
Magna Bibliotheca Ecclcfî.iftica ,
fïve notitia Scriptornm Ecclefiafli-
corum vetermn tic recentiomm ,
. . 7i8
Continuât™ Pr&leBionum Theoloai-
cantm Honorati Tournely t Jive
TraUatm de nniverfà Theologià
Atorali , 71 3
Traité de Pénitence, Ibid.
ElTais de Théodicée fur la bonté de
Dieu , la liberté de l'homme 8c
l'origine du mal , 780
Les Oeuvres de S. Bafile , 781
Recueil de divers Traitez de Pieté,
&c Ibid.
Reflexions fut les défauts d'aurrui,
Ibid.
Explication des fept Sacremcns de
l'Eglife, 833
Année Ecclcfiaftiquc , ou Inftruc-
tion fur le Propre du Tems ,838
HISTORICI SACRI ETPROPHANl.
Hiftoire générale des Auteurs Sa-
crés & Ecclefiaftiques , &c Par
le R. P. Dom Ceillier, Tom.1V.
*î
Deux anciens Hiftoriens d'Angle-
terre , Thomas Otterbourne 8c
Jean de Whethamftede , &c.
Hiftoire Littéraire de la France,^.
Par des Religieux Bénédi&ins
Decembri,
de la Congrégation de S. Maur .
Tomel. 40 108
Palignejïi monita Genealogtca o
Defcription Géographique , Politi-
que & Hiftorique de la Provin-
ce de Dithmarfe , jj
Eloge de M. l'Abbé le Grand, 58
Hiftoire d'Ofman premier du nom
19e Empereur des Turcs , et
Hiftoire Univerfelle depuis le
Ddddd
841 BIBLIOG
commencement du Monde juf-
qu'à prefent , traduire de l'An-
glois d'une Société de Gens de
Lettres, 85
Suite des Eloges des Académiciens
morts depuis l'année 1712. par
M. de Fonteneile, 90- 147
Recueil des Ecrivains de PHiftoi-
rc d'Italie Tome XV. 117
Tome XVI. 161
■ Tome XVII. 297
Tome XVIII. 689
Tome XIX. 765
Le fécond Volume de l'Hiftoire de
fou tems , par Burnet , 124
Traduction en Anglois du Diction-
naire de Bayle , Ibid.
La Géographie de Varonius , Ibid.
Mémoires très-fidélcs & tres-exaifts
des expéditions militaires qui fe
font faites en Allemagne , en
Hollande & ailleurs, depuis le
Traité d'Aix la Chapelle , juf-
qu'à celui de Nimegue , 125
Hiftoire de Rochefort , 134
Remarques Hiftoriques & Criti-
ques fur PHiftoire d'Angleterre
de M. Rapinde Thoyras , par
M.Tyndal, 16?
Nouvelle Hiftoire de l'Abbaye
Royale & Collégiale de S. Phili-
bert & de laVille deTournus,i75
Abrégé de la Vie de S. Gaud Evê-
que d'Evreux, de S. PairEvêque
d'Avranches , &c. 1S3
Defcription Géographique, Hifto-
rique , Chronologique, Politi-
que Se Phyfique de l'Empire de
la Chine, &c. Par le Père Du-
halde , Ibid.
La Chronique de GottWcic , ou
Annales du Monaftere de Gou-
R A P H I E.
W'eic , &c. 201-269
Recueil de quelques Anriquitez
choifies qui fe trouvent en Fran-
ce, &c. 208
Hiftoire des Empires & des Répu-
bliques , 223-251-469-758
Hiftoire des Rois de Pologne &
du Gouvernement de ce Royau-
me , 230
Nouvelle Edition de l'Hiftoire , ou
Chronique d'iilande , 242 - 467
Chronologie de l'Hiftoire Sainte
&des Hiftoires étrangères qui la
concernent, depuis la fortie d'E-
gypte jufqu'à la captivité de Ba-
bylone , 243
Hiftoire de l'Empire des Chérifs
en Afrique , fa Defcription Géo-
graphique & Hiftorique , &c.
260-3 1 1-448-60 1
Hiftoire Critique de l'établilTe-
ment de la Monarchie Françoife
dans les Gaules , par M. l'Àbbé
du Bos, 272- 338- 398
Nouvelle Edition des Vies des
Saints Pères des deferts , tradui-
tes en François par M. Arnauld
d'Andilly , 307
Les Souverains duMonde , Ibid.
Le 23e Volume de l'Hiftoire By-
fantine, 365
Le 3 e Tome des Oeuvres de Sigo-
nius, 366
Obfcrvations Géographiques de
M.Tho. Shaw. 367
Voyages de Karmpfcr en Mofco-
vie , en Pcrfe & aux Indes Orien-
tales, Ibid.
Supplément aux Marbres d'Arun-
dcl ou d'Oxford , &c. 368
Les Vies des Hommes Illuftres de
Plutarque , $70- 657-815
BIBLIOG
Tractation Françoife de I'Hiftoire
de M. deThou , 371
Hiftcirc ancienne des Egvptiens ,
des Carthaginois, des Aftyricns,
des Babyloniens, desMedès&
des Perfes, des Macédoniens, des
Grecs, &c. Par M. Rollin , 375
Gemma antiquA ex Tbefauro Medi-
ceo , &c. 3S3
Hijïoria Sacri Morutflem Cajfnienfis
ab ereclione ad anmtm ufque 1715.
45*
Catalogi très Epifcopontm, Refarma-
torum, & Virorum Sanflttate illu-
ftrium è CongregMione C*Jfint nfi ,
Ibid.
Hiftoire de Jacques Duc d'Or-
mond , 434
Le 18e Tome de I'Hiftoire Romai-
ne des Pères Catrou & Rouillé ,
ibid.
Abrégé de I'Hiftoire de 24. Pères
de l'Eglife, Hiftoire abrégée des
Empereurs Romains , &c. 461
Continuation de I'Hiftoire du Par-
lement de Bourgogne , depuis
l'année 1^49. jufqu'en 1733.
Hiftoire des découvertes & con-
quêtes des Portugais dans le
nouveau Monde , 480- é^z
Hiftoire de la Principauté de Ru-
gen dans la Pomcranie Suedoife,
JMarquardi - Freheri Diretlorinm in
omnesfcrè cjuos fuperflites habemus
Cbronologos Arinaliwn Scriptores
& Hifîoricos , Sic. 594
Thefaitms umverfalis omnium Nu-
mifrnatum veterttm Çr&cerum &
RomAnorum , &c. 59$
Hiftoire Ecclcfiaftique, pour fervir
R A P H I E. S43
de Continuation à celle de M.
l'Abbé Fleury, To. 3 3 & 34 Ibid.
Abrégé de la Carte générale du
militaire de France , Ibid.
Catalogue des Archevêchez, Evê-
chez , Abbaves & Prieurez de
nomination Royale , 596
Tréfor de routes les Médailles des
Familles Romaines , recueillies
par le célèbre Antiquaire André
Morel , £iz
Mémoires de Montécuculli , 6^6
Voyage de Rabbi-Benjamin en Eu-
rope , en Italie , en Afrique, &c.
Ibid.
Mémoires & Reflexions fur les
principaux évcneniens du règne
de Louis XIV. Ibid;
Abrégé Chronologique & Histori-
que de l'origine , du progrès &
de l'état actuel de la Maifon da
Roi , &c. Ibid.
Supplément à la première Edition
de I'Hiftoire du Peuple de Dieu,
.'■■■\ , . * SI
Diflertation fur l'état des Sciences
dans l'étendue de la Monarchie
Françoife fous Charlemagne ,
658 - 827
Le Tome -f de I'Hiftoire Ancien-
ne, par M. Rollin , 658
Hiftoire de l'Académie Royale des
Scicnces,année 1731. 6^1 -725
Hiftoire Critique de Manichéc 6c
du Manichéïfme , 677 - S08
Hiftoire du Théâtre François, de-
puis fon origine jufqu'à prefent ,
710
Tréfor des Médailles Suedoifcs-
Gothiques , 740
Hiftoire des Révolutions d'Efpa-
gne > 745
Dddddij
$44 B r'B'Ll I O G RpA P H T E.
La Vie de Philippe II. Roi d'Efpa- L'Hiftoire Romaine de Sfextns-Aa-
gne , 780
Annales de l'Ordre de Prémontré,
Ibid.
Panelii e Societate Jefu de Ciflophoris.
Dijfert-atio , lbid.
Kiftoire générale de Languedoc ,
787
relius-Victor , 79 1
EJoge de Madernoiiellc l'Héritier ,
832
Hiftoire générale de Portugal, par
M. delaCléde, 837
Mémoires du Chevalier d'Arvieux,
838
ORATORES, POET1, FACETIARUM ET
j'ocorum , narrationum et novellarum , necnon hlsto-
riarum Eroticarum Scriptores , Grammatici.
La nouvelle Mer des Hiftoircs, 34
Hiftoire d'Eftevanille - Gonzales ,
61
Les petits Soupers d'Eté, Ibid.
La Bibliothèque des Enfans , Ibid.
Poé'fies Italiennes de M. Rolli ,
Le Traire du Sublime de Longin ,
Ibid.
Nouvelle Edition des Avantures
de Télémaque , X25
Les Dons des Enfans de Latone ,
182-439
La Retraite de la Marquife de Go-
ranne , 183
Seconde Partie de la Vie de Ma-
rianne , Ibid.
Réflexions fur la Poe'fie en géaéral,
fur l'Eclogue , fur la Fable, fur
l'Elégie, &c. 233
Les Mémoires du Chevalier de ***
M7
Sapphus , Poetria-LefbU Fragmenta
& Elogia , &c. 306 - 696
Les Amours de Clitophon Si de
Lcucippe , 307
Le Payfan parvenu , lbid.
Pièces de Théâtre de Shakefpear ~
Recueil des Lettres de Madame de
Sévigné ,. 371-491
Réflexions Critiques fur l'Elégie ^
434-825
Lettres au fujet d'un Livre intitu-
lé Reflexions fur la Po'efïe en géné-
ral , &c. 435
Lettres au fujet de quelques abus
de la Poe'fie préjudiciables à
l'honneur de 11 Religion Catho-
lique Si de la bonne Morale
Chrétienne ,. 48^
Bïblioiheca Latina meàif, & infinut
AtAÙS , J.94
Oeuvres d'Horace ,' 6^6
Le cinquième Volume du Gloflaire
dcduCangc, £58
Nouvelle Traduction Françoife de
PAminte du Taflc, avec le Texte
à côté, Ibid.
Didon , Tragédie, 837
La Pupile , Comédie, par M. Fa-
gan , lbid.
Le Rendez -vous, Comédie, par
M. Fagan^ lbid.
BIBLIOGRAPHIE: j4;
JURIDICI ET PO LIT ICI,
Obfervations fur les Arrefts re-
marquables du Parlement de
Toulouze , &c. 49
Différentes réfolutions de Droit
Civil, de Droit Commun, de
Droit Efpagnol , &c. j 3
Projet d'une nouvelle Edition du
Code Théodofien , 55 & 5^
Reglemens fur les Scellez & In-
ventaires en matière Criminelle,.
éi
Nouvelle Introduction à la Prati-
que , Ibid.
Tratlatus de VrAventione judicidi ,
feu de contentione furifdiftionitm ,
181
TraElatus de Venfionïbus Eccleftafli-
cis , adflylitm caria Romans. , Sec.
Ibid.
D, Jy. Jofephi de Rofa Confultatio-
77ei^KrisfeleUijfimi£)Ss.c. Ibid.
De Ratwciriiis Adminiflratorum &
compntationibus variis aliis Trac-
tatus prajlantijfimus , &c. Ibid.
TraBus bipartitus de Puritate &
Nobilitate probanda , fecundum
flatma S. Officii inquijitionh i &c.
Ibid.
Nouvelle Edition des Oeuvres de
M. Jean-Marie Ricard, Avocat
au Parlement, 182
Traité de la Communauté entre
mari 6c femme, &c. par le Brun,
205
Plaidoyez de M. Erard , Avocat
au Parlement , avec les Arrefts
du Parlement donnés en inter-
prétation des Articles 282 &
z$ 3 de la Coutume de Paris, &c.
*47
Caufes célèbres & intereflantes ,
307
Dcfcription de l'entrée des Evê-
ques d'Orléans & des Cérémo-
nies qui l'accompagnent -- Dif-
cours fur l'origine du privilège
qu'ont les Evêques d'Orléans de
donner la grâce aux Criminels
qui leur font prefentés le jour de
leur entrée. DiïTertation fur
l'Offrande de Cire appellée les
goutieres , que Ion prefente
tous les ans le fécond jour de
Mai à l'Eglife d'Orléans, &e.
Code Criminel de l'Empereur
Charles - Quint , vulgairement
appelle la Caroline , 371 - 67 c
Tarif dej Marchands , Fripiers
Tailleurs, Couturiers te Tapif-
fiers r i7z
Codex Germanie Diplomaticus ' 5.94
Bibliotheca Juris publia , Ibid.
Style univerfel de toutes les Cours
& Jurifdictions du Royaume
pour l'inftruction des matières
criminelles, ^g
Confidcrations fur les caufes de la
grandeur & de la décadence de
l'Empire Romain , 596 - j%0
Les Interefts prefens des Puiffances
de l'Europe, g^
Amiquitatum Romanarum Jurifpru-
dentiam illttftrantiura Syntagrna
718
Traité de la Noble fie & de toutes
fes différentes cfpeces , 7Î0
Confultations & Obfervations fur
la Coutume de Bretagne , 837
%Ag BIBLIOGRAPHIE:
Traité des Bénéfices Ecclcfiafti- vers Sujets de Politique & de
ques, 838 Morale, ibid.
Efiais du Chevalier Bacon fur di-
PHILOSOPHI.
La Bibliothèque des Philofophes ,
&c desSçavans anciens &: moder-
nes, H
Eflais Philofophiques fur divers
Sujets , > 24
DiiTerration Hiftorique & Philofo-
phique fur la Philofophie de
Lactancc j 137
Traité Phyfique Se Hiftorique de
l'Aurore Boréale, par M. de
Mairan , 189-287
L'art d'apprendre la Mufique , ex-
pofé d'une manière nouvelle Se
intelligible ,&c 219
Locupletijfimi rerum natitralinm Tbe-
fauri accurata deferiptio , 244
Traité du vrai mérite de l'homme ,
confideré dans tous les âges &
dans toutes les conditions, avec
des principes d'éducation pro-
pres à former les jeunes gens à
la vertu , 327
Hortus Eltbamenfis , 3^8
Defcription des Plantes qui naif-
fent ou fe renouvellent aux en vi-
rons de Paris, 371 -424- 59^
Cours d'Expériences Philofophi-
ques, 434
Expériences de Phyfique , par M.
Polinicre , Ibid.
Les Hommes , Tome II. Ibid;
Penfces choifies fur divers Sujets
de Morale , 43 j
Leçons de Phyfique, &c. par M.
Privât de Molieres , 455
L'Origine ancienne de la Phyfique
Nouvelle, parle Père Renault,
Hiftoire Naturelle de l'Univers ,
par M. Colonne, £33-781
M A T H E M A T I C I.
Enclides ab omnl navo -vindicatus ,
Tenfées Critiques fur les Mathéma-
tiques, 183
JExercttatio Geometrica de deferiptio-
ne Une arum curvarum, 244
Ephémérides des mouvemens cé-
leftcs pour les années 1735. juf-
qu'en 1-45. 371
Dernonitr-tto vera menfurA virium
Mumcium vivarum, Sic. 4 5 3
De la meilleure manière de mefu-
rer fur mer le chemin d'un Vaif-
feau, indépendamment des Ob-
fervations Aftronomiques, 595
Traité fur la Théorie & la Pratique
de la Navigation , 65 j
L'Analy fte,o« Difcours adrefle à un
Mathématicien incrédule , &c.
Ibid.
LaRéponfe à l'écrit précèdent, Ibid.
Entretien fur la caufe de l'inclinai-
fondesorbitesdesPlanéteSj Sic.
Traité général des Horloges ,
77*
BIBLIOGRAPHIE. 847
Proposition d'une Mefure de la circonférence fur les parallèles
Terre, dont il réfulte une di- gj7
minution confidcrable dans fa
M E D I C I.
Novum lumen obftetricantium 1
R. D. Caroli Mufitani Opéra om-
nia , 57
DiiTertation fur la friction , 103
Apologie des anciens Médecins
Grecs qui ont fleuri & qui ont
écrit fur la Médecine après Gai-
lien , 244
Nouvelles Clafles des Maladies
dans un ordre femblable à celui
des Botaniftes , 301
Traduction Italienne de PHiftoire
de la Médecine , publiée en
François par M. le Clerc } & en
Anglois parM. Freind , 30^
Eflais &: Obfervations de Médeci-
ne , revus Se publiés par une So-
ciété d'Edimbourg , $66
Traité en Anglois fur la Goutte ,
368
La Maladie Arjgloife , ou Traité des
Maladies des nerfs de toute efpe-
ce , &c. Ibid.
Obfervations importantes fur le
Manuel des Accouchemcns^&c.
3?i
Anatomie Chirurgicale , 434
Defcription d'un petit pacquet
de vaifîeaux pétrifiés ; trouve
dans le ventricule droit du
coeur d'une jeune Demoifelle ,
&c. 4^j
Traité de Médecine fur plufieurs
Queftions concernant la Virgi-
nité ,: 48tf
La Gynécologie , ou Traité Hifto-
rique , Phyfique &c civile de
l'habitation de la femme avec
l'homme , ^10
Bibliothèque des Ecrivains de Mé-
decine j tant anciens que mo-
dernes , &cc. 646
Oeuvres de M. Antoine Valifnie-
ri, 6s$
Legs d'un ancien Médecin à fa Pa-
trie , é^S
Traité de Chimie , par M. Ma-
louin, yOZ
Deux Traitez des Urines, &c. 752
Abrégé de l'Anatomie du corps
humain , 7-78
L'Archée , Auteur des fièvres & de
leur guerifon , -jy-j
Traduction Angloife de l'Expoiï-
tion Anatomique de M. Winf-
low, 822
MISCELLANEI ET POLI GRAPHE
Mémoires de Littérature , tirés des Mémoires de l'Académie Royale
Regiftres de l'Académie Royale des Sciences , éo
des Infcriptions & Belles - Let- Très-ample Collection des anciens
très , &c. Tome VIII. 3 Se 67 Ecrivains , 6c de Pièces concer-
BIBLIOGRAPHIE.
nantl'Hiftoire , le Dogme & la
Morale, 143-237-323-387
Traité de l'Opinion , par le Mar-
quis de S. Aubin, 184-720
Lettres Edifiantes & curieufes ,
écrites des Millions étrangères ,
par quelques Millionnaires de
la Compagnie de Jefus , 306"-
6ii
'Sibliotheca Bencdiflino-Cajfinenfîs ,
five Scriplomm Caffmenjîs Con-
grégations alias S. Juftina Tata-
vint , qui in eâ ad hac ufjue tem-
porajlorttemnt , opemm ac gefto-
P R I X P R
Par l'Académie Royale des Belles-
Lettres , Sciences & Arts de
Bordeaux , 57
Par l'Académie de Chirurgie, éta-
blie à Paris fous la protection du
Roi, 125
rum notitu , 433
Leibnitii EpijloU ad diverfos ^Tlyeolo-
gitfuridici, Medici, Pbilofopbici,
Aiathematici , CT Hiflorici argii-
menti , &c. Tbid.
Abrégé des Mémoires ou Com-
mentaires de Lambecius fur la
Bibliothèque de Vienne , par
Neffelius, Ibid.
Memoria Hiftorico-CriticA Lihrcmm
rariomm , J94.
Nov a Scriptorum ac Monumentorum
pariim rarijfimorum partir» itiedi-
torum Collcftio , Ibid.
OPOSEZ
Par l'Académie de SoifTon<: , 3 £9
Par l'Académie R^ '; <3es Inf-
criptions & Bel 'es-Lettres, 370
Par l'Académie Royale de, uellcs-
Lettres , ScieniW _\. Ans de Bor-
deaux, 7 19
Fin de la Bibliographie.
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