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^tatLÙt^
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£E MAMUEE
DES ARTISTES
ET DES AMATEURS,
o u
DICTIONNAIRE HISTORIQUE
ET MYTHOLOGIQUE
DES EMBLÈMES, ALLÉGORIES><:.
Ï.E BIAMUEÏ.
DES ARTISTES
ET DES AMATEURS,
o u
DICTIONNAIRE HISTORIQUE
ET MYTHOLOGIQUE
Des Emblèmes 3 Allégories ^ Enigmes y Devifesy
Attributs & Symboles y relativement au CoflâmSy
aux Alœurs y aux Ufnges & aux Cérémonies :
Contenant tous les Caractères diflincftifs Se
l'Expiication de chaque iajèc narurel ou ir.oral ,
facré ou profane, hiitoriquc ou fabuleux; donc
on peut faire ufage dans la Po'jfîe, la Peinture,
la Sculpture, rArchiteclure, le Delîin, l'Orne-
ment & la Décoration , 6'c.
Ouvrage utile aux Poètes , aux Artifles & aux
Amateurs des Beaux Arts.
Compose en faveur des nouvelles Écoles Gratuites
de DefTin :
Par Mejp.re Jean-Raymond De P et t ty ,
Prédicateur de la Reine y Prieur-Commendatuirc
de f^ieuX'Vicq & D ange au.
Tome III.
J PARIS,
chez J. P. CosTARD, rue Sain:-Jear.-de-Beauvais.
M. D C C. L X X.
Ayec Approbation & Prlvil-^c du Roi,
M A M U E ï.
DES ARTISTES
ET DES AMATEURS.
Peinture 6es Grecs.
\_^'est très-certainement le genre de'
Peinture le plus admirable de" l'Anti-
quité.
Je fais que Ton Origine n'offre qu'in-
certitude : incertitude
pour
le lieu
[es
uns vouloient qu'elle eût commencé à
Sycione, les autres chez les Corinthiens :
incertitude pour le nom Aqs Inventeurs ;
on nommoit ou Philoclcs d'Egypte , ou
Cléanthe de Corinthe : incertitude fur
l'opération primitive qu'ils employèrent^
'Fomç II L a Uj
T j Manuel des Artifles
ôc qui fervit de préparation à la vérita-
ble découverte de l'Art.
On difoit , à la vérité , que ce début
fut le contour d'une figure humaine ,
tracée autour de l'ombre d'un corps opa-
que 5 mais quand on n'a rien à dire de
mieux circonftancié fur un fait de cette
nature , qui fe perd dans l'obfcurité des
rems , c'eft fe fonder: fur des conjedures
plutôt que fur des témoignages authen-
tiques. On ne pouvoit pourtant mieux
faire dans l'Hiftoire inconnue de l'Ori-
gine d'un Art , que de partir d'une hy-
pothèfe adez vraifemblable , ou du moins
accréditée.
A la délinéation du fimple contour ,
fuccéda une autre Peinture linéaire plus
parfaite , qui diftingua par le Deilin ,
fans aucune couleur , les traits du vifa^e
renfermés dans Tintérieur du contour.
Elle eut pour inventeur Ardicès de Co-
rinthe , Ôc Télépbane de Sicyone. Ces
deux Auteurs des Portraits deiîinés ,
furent les premiers qui exercèrent l'Arc
de repréfenter la figure fur une furfaçe
égale & unie. En effet , la méthode du
contour extérieur ne marquant pas les
traits du vifage, & ne rendant point la
perfonne reconnoiffable , ne repréfentoit
0 des Amateurs. y\]
point la figure. Les deux Artiftes que
nous venons de nommer , furent auiîi
les premiers qui écrivirent fur leurs Ou-
vrages le nom de la perfonne.repréfen-^
tée. La précaution auroit été fort inutile
dans la première méthode, qui , ne re-
piéfentant point la figure, n'auroit excité
par l'addition du nom , ni la curiofîté de
la poftérité , ni celle des étrangers , ni
finalement celle de perfonne. Tels étoient
les ufages préliminaires de la Peinture
Grecque avant la guerre de Troie.
Dans la fuite , les Grecs employèrent
la Peinture proprement dite, la Peinture
coloriée \ & il paroît , au rapport de Pli-
ne , qu'elle n'étoit point encore connue
dans le tems de la guerre de Troie. Cette
opinion , qu'on ne trouve combatuë par
aucun ancien Auteur, efl d'un très-grand
poids 5 elle n'étoit pas feulement appuyée
fur le filence d'Homère , puifque nous
voyons , en général , les Anciens Ecrivains
admettre dans les tcms Héroïques plu-
fîeurs Faits Hiftoriques dont le Pocte
n'avoit jamais fait mention. Le témoi-
gnage de ceux qui nous ont tranfmis
celui-ci j doit donc avoir toute la force
d'une preuve positive , malgré les efforts
qu'ont faits quelques Savans Modernes
pour tâcher de la réfuter.
a iv
VAi] M^anuel des Artifies
Après qu'on eut inventé en Grèce la
Peinture coloriée , plus recherchée que
Tautre dans Tes opérations , elle fut ap-
peilée Peinture Monochrome \, parce
qu'on n'y employa d'abord qu'une feule
couleur dans chaque ouvrage , à moins
que nous ne donnions le nom de Seconde
Couleur^ à celle du fond fur lequel roii
travailloir. L'Auteur de cette méthode ,.
l'inventeur de la Peinture proprement
dite 5 fut Cléophante de Corinthe \ il
débuta par colorier les traits du vifage
avec de la terre cuite & broyée : ainfi la
couleur rouge , comme la plus appro-
chante de la carnation 3 fut la première
en ufage. Les autres Peintres Monochro-
mes, & peut-être Cléophante lui-mcme ^
varièrent de tems-en-tems dans le choix
de la couleur des figures ,. différente de
la couleur du fond. Peut-être même qu'ils-
mirent quelquefois la même couleur
pour le fond & pour les figures ; o.n-
peut le préfumer par l'exemple de quel-
ques-uns de nos Camayeux ,. pourvu
qu'on n'admette point dans les leurs
fufage du clair obfcur , dont la décou-
verte accompagna Tintroduétion de la
Pemrure Polychrome , ou de la pluralité
des Couleurs.
Ge fut Bularchus 5 contemporain du
ù des Amateurs, ■ ix
Roi Candaule , qui le premier introduire
Tufage de plulieurs couleurs dans un feul
Ouvrage de Peinture. Au moyen de la
pluralité de ces Couleurs , l'Art jufques-
là trop uniforme, fe diveriiiia Se inventa
dans la fuite les lumières de les ombres.
Panœmus peignit la Bataille de Mara-
thon , avec la iigure relfemblante des
Principaux Chefs des deux Armées.
Peu après Panœmus , parut Polygnote de '
Thafos j qui le premier donna Aqs dra--
peries légères à fes figures de femmes,
& qui quitta quelquerois le pinceau pour
peindre en encauftique. Damophile &
Èorgâfus enrichirent d'ornemens de piaf-
tique l'extérieur du Temple de Ccrès à
Rome. Enfin , à la 5)4^ olympiade , A pol- *
lodore d'Athènes ouvrit unQ nouvelle
carrière , & donna naiflance au beau fiècle-
de la Peinture.
II fur fuivi pat Zeuxis , Parrhafius ,
Timanthe Se Eupompe , qui tous ont été
{es contemporains. On vit enfuite pa--
roître Paufias , Pamphile de Macédoine,:.
Euphranor , Caîadès , (Etion , Antido--
tus , Aridide , Afclépiocloré , Nicoma-
chus, Mélanrhius , Anriphile , Nicias , -
Nicoahane , Apelle & Protôgène ; tous\
t^celkns Artiites q^i fe fenz illuftrés à-
X Manuel des Anijîes
jamais dans l'efpaçe d'un fiècle, en difFé-
rens genres d'Ouvrages.
On peut partager avec Pline les Pein-
tures de la Grèce en un certain nombre
de claifes. La première préfente \qs plus
Anciens , qui ne font pas \qs plus habi-
les 5 & qui finiifent à Polignote , vers le
tems de la Guerre du Péloponnèfe.
La féconde clalTe renferme les Artiftes
qui ont fait le beau fiècle de la Peinture,
-depuis la fin de la Guerre àvi Pélopon-
nèfe 5 jufqu'après la mort d Alexandre le
Grand. Il ne faut cependant mettre dans
cette lifte , que ceux qui éxerçoicnt alors
leurs pinceaux fur de grands fujèts , ôc
dans de grands Tableaux.
La rroifième claiTe contient ceux qui
fe font diftingucs par le pinceau , mais
dans de petits tableaux, ou fur de petits
fujèts.
La quatrième claffe eft compofée de ceux
qui avoienc pratiqué la frefque , Peinture
qu'on applique fur l'enduit d'une mu-
raille. Parmi ces Peintres , dit Pline , il
n'y en a point qui fe foient faits un grand
jiom. Ils n'embellifoient ni murailles ,
dont l'ornement n'aiiroit été que pour le
maître du logis , ni maifons ftables èc
permanentes , qu'on ne pouvoir pas fau-
ù des Amateurs. xj
ver de l'incendie. Piclorque rel communis
terrarum crat , trait bien flatteur pour
l'Art & pour les Artiftes. Un Peintre
appartenoit à l'Univers entier. Ces grands
hommes deftmoient toutes les produc-
tions de leur Art à pouvoir pafTer de ville
en ville.
La cinquième claffe comprend les plus
célèbres Peintres encauftiques j c'eft-à-
dire , ceux qui employoient le poinçon
6c non le pinceau.
La lîxièmxe comprend les plus célèbres
Peintres encauftiques ou autres , comme
Créiiiochus , qui fe plaifoit à des Ou-
vrages de Peinture infolente.
Enhn , la dernière claffe offre à notre
Mémoire les femmes célèbres, qui ont
réulii chez eux dans la Peinture. Ils ne
croyoient pas que l'ignorance, là parelîe
^ les amafemens purement fiivoîes ,
duifent être le partage de la moitié du
genre-humain.
Tous ces Arril^es fe formèrent dans
les Ecoles de Peinture que les Grecs
avoient établies, iSc auxquelles ils avoient
donné des noms hxes comme à leur
ordre d'Arc hiteclure. Leur Peinture n'a-
voir d'abord eu aue deux diilm dirons,
l'Héliadioue 6c l'Afiatique, eu l'Attique
6c rionique \ car on les trouve l'une Sc
avj
xi j ' Manuel des Artifles
l'autre fous ces deux noms \ mais Eupom-^
pus 5 qui étoit de Sicyoïe j fe rendit fî.
recommandable par fon talent , que Ton
ajouta la Sicyonienne par rapport à lui.
Si Pline rapporte ce fait tout (implement , ,
fans l'accompagner d'aucun détail , c'eft
qu'on doit pré fumer que les Écoles oà
les différentes manières s'étant multi-
pliées dans la Grèce , on abandonna cô
projet, & l'on ne parla plus, comme on.
fait aujourd'hui , que des Maîtres en par-
ticulier-, & de leurs Élèves..
On peut cependant comparer ces pre-
miers noms à ceux que nous donnons en-
général , & qui nous fervent de point de,'
diftinébion. Telles font les Écoles de -
Horence , de Rome , de Pologne , de^
Vènife", de France, de Flandre oud'Al--
lèmagne. L'étendue ou î'éloignem.ent de •
ces Pays a exigé ôc pf?rpétué l'ufage de
ces diftindions. La Grèce, plus re (ferrée
&: plus réunie , n'a pas eu befoin de les"
continuer ; mais elle forma des Art.ftes
en tout genre , qui n'ignorèrent rien de
tout ce que nous favons en Peinture.
Les rrandes Compofirions Héroïques , .
qiie nous appelions l'Hifcoire , les Por--
traits, lés Sujets bas , ies Payfages , îe5
décoririons, les Arabcfques , Ornemens
fàntaftiques &: . travaillés fur des foiids
Ô des Amateurs, xîîji
cVùne feule couleur; les Fleurs , les Ani-
maux 5 la Miniarure , les Caniayeux , les
marbres copiés , les toiles peintes : voilà
la lifte des opérations des Grecs du coté
Aqs genres de Peinture. Il me femble que-
nous ne peignons en aucun autre genre ,
& que nous n'avons aucun autre objet.
Nous ne pouvons donc nous vanter d'a-
voir de plus, que la Peinture en -émail ,,
encoie je ne voudrois pas aifurer qu'elle
fût inconnue aux Anciens \ mais ce qui
n<ous appartient fans contredit , c'efl: l'éxe-
cution àes grands Plafonds & des Cou-
poles. Les Grecs ni les Romains ne pa-
roiffenD pas avoir connu ce genre d'orne-
ment , ou du-moins avoir pratiqué k
Perfpecflive jufqu'au point nécelTaire pour
rendre ces décorations complettes ; les
Modernes peuvent, au contraire , préfen--
ter un -très- grand nombre de ces Chef-
d'œuvres de Tefprit & de l'Art.
On gardoit dans l'Antiquité , comme
on garde aujourd'hui , les Études & les
premières penfées des Artiiles , toujours
pleines d'un feu proportionne au talent
de leur Auteur , fouvent au-deffus des
ouvrages termuiés, de toujours plus pi-
q4.îans. Ces premiers traits, plus ou moins
arrêtés , font plus ou moins eiTentiels
pour la Peinture , que les idées jerrécs
xî V Manuel des Anifles
fur le papier ne le font pour tous les au-
tres genres d'ouvrages. Coin me aujour-
d'hui, on fuivoit avec pla.fir les opéra-
tions de l'efprit d'un Artifte : on fe rendoir
compte des raifons qui l'avoient engagé à
faire ces chan^emens en terminant iow
ouvrage; enfin, comme aujourd'hui , on
cherchoit à en profiter : les hommes de
mérite , pour s'en nourrir ou s'en échauf-
fer , & les hommes médiocres pour les
copier ferviiemenr. M. de CayMs,
Pour ce qui concerne les Beaux-Arts,
nous n héfiterons pas d'affurer que les
Grecs n'ont point eu de Rivaux en ce
genre. C'eft fous le Ciel de la Grèce ( on
ne peut trop le répéter ) que le feul goût
digne de nos hommages 6c de nos étu-
des, fe plut à répandre fa lumière la ^\ws
éclatante. Les mventions à^s Peuples
qu'on y tranfportoit , n'étoient qu'une
première femence , qu'un germe grolîier ,
qui changeoit de nature 6c de forme dans
ce terroir fertile. Minerve , à ce que di-
fent les Anciens, avoir elle-miême choifî
cette contrée pour la demeure des Grecs j
la température de l'air la kii faifoit re-
garder comme le fol le plus propre à
faire éclcre de beaux Génies. Cet éloge
eft une fi6lion , on le fiit ; mais cette
fidion même eil une preuve de l'influence
*Ç^.
ù des Amateurs, xv
qu'on attribuoit au climat de la Grèce j
ôc ion eft autorifé à croire cette opinion
fondée , lorfqu'on voit le goût qui règne
dans les Ouvrages de cette Nation , mar-
qué d'un Sceau caracftériftique , & ne pou-
voir être tranfplanré fans foiifTrir quel-
qu'altération. On verra toujours , par
exemple , entre les Statues Aqs Anciens
Romains & leurs originaux y une diffé-
rence étonnante à l'avantage de ces der-
niers. C'eft ainfi que Didon avec fa fuite $
comparée à Diane parmi fes oréades ,
ell une copie atfoiblie de la Nauficaa
d'Homère , que Virgile a tâché d'imiter.
.On trouve , il efl: vrai , àts négligences
dans quelques fameux Ouvrages (àts
Grecs qui nous reflent : le Dauphin <Sc
\qs eiifans de la Vénus Médicis > laiffenc
quelque chofe à defirer pour la perfec-
tion ; les accelToires du Diom.ède de
Diofcoride font dans le mcme cas ; mais
.ces foibles parties ne peuvent nuire à
l'idée que l'on doit fe former des Artiftes
Grecs, hes Grands Maîtres font grands
jufques dans leurs négligences , & leurs
fautes mcm.e nous infrruifent. Voyons
leurs ouvrages comme Lucien vouloir
que l'on vît le Jupiter de Phidias^ c'eft
Jupiter lui-même , & non pas fon mar-
che-pied y qu'il faut admirer»
xvj Manuel des Artijïes
Il feroit aifé de faire valoir les avan^
tages Phyfîques que les Grecs avoient
fur tous les Peuples \ d'abord la beauté
écoit un de leurs apanages \ le beau fang
àQS habirans de plufieurs Villes grecques
fe fait même remarquer de nos jours ,
quoique mclé depuis à^s (lècles avec ce-
lui de cent Nations étrangères. On fe
contentera de citer les Femmes de Tlile
de Scio, les Géorgiennes , & les Circaf-
ÛQnnQS. Un ciel doux &: pur contribuoit
à la parfaite conformation des Grecs, êc
l'on ne fauroit croire de combien de pré-
cautions pour avoir de beaux enfans , ils
aidoient cette influence naturelle. Les
moyens que Quilles propofe dans fa C'a/-
lipedle , ne font rien en comparaifon de
ceux que les Grecs mettoient en ufage.
Ils porrèrent leurs recherches jufqu'à
tenter de changer les yeux bleus en noirs j
ils inftituèrent des Jeux, où l'on fe difpu-
toit le Prix de la Beauté; ce Prix confif-
toit en des armes que le Vainqueur fai-
fôit fufoendre au Temple de Minerve.
Les Exercices auxquels ils étoientac-
courunîés dès l'enfance , donnoient a
leurs vifages un air vraim.ent noble, joint
a l'éclat de la S-nré. Qu'on imagine un
Sp^Ttiate né d'un Héros & d'une Héroïne,
dont le corps n'a jamais éprouvé la loth
ù des Amateurs. xvîj
fure àt^ maillots , qui depuis fa feptième
année a couché fur la dure , & qui depuis
fon bas âge s'efl: tantôt exercé à lutter ^
tantôt à la courfe , & tanrôt à nager ; qu'on
le mette à côté d'un Sibarite de nos jours,
bc qu'on juge lequel des deux un Artifte
choifîroit pour être le modèle d'un Achi! le
GU d'un Théfée. Un Théfée formé d'a-
près le derrrier , feroit un Théfée nourri
avec des rofes , tandis que celui qui fe-
roit fait d'après le Spartiate , feroit urt
Théfée nourri avec de la chair , pour nous
fervir de l'expreilion d'un Peinrre Grec y.
qui définit ainfî deux repréfenrations de
ce Héros.
Les Grecs étoient d'ailleurs habillés de
manière , que la nature n'étoit point gê-
née dans le développement des parties
du corps \ des entraves ne leur ferroienr
point, comme à nous , le col , les han--
ches , les cuilTes & les pies. Le beau Sexe
même ienoroir toute contrainte dans la pa-
fure'j&IesjeunesLacédémoniennesétoienr
vêtues fi légèrement , qu'on les appelloit
montre-hanches. En un. mot j depuis la
naifiance jufqu'à l'â2;e fait , les efforts de
la Nature & de l'Art tcndoienr chez ce
Peuple, à produire , à conferver, & a or-
ner le corps.
Cette prééminence des Grecs en. fait
5: V i i j Manuel des Artifles
de Beauté une fois accordée, on fent avec
quelle facilité les Maîtres de l'Art du-
rent parvenir à rendre la Belle Nature.
Elle fe prêtoit fans cq^q, à leurs vues dans
toutes les Solemnités Publiques , les Fê-
tes , les Jeux , les Danfes , les Gymna-
fes 5 les Théâtres , &c. &: comme ils
trouvoient par-tout l'occafîon de connoî-
tre cette Belle Nature , il n'eft pas éton-
nant qu'ils l'ayent iî parfaitement expri-
mée.
Mille autres raifons ont concouru à la
Supériorité de cette Nation, dans la prati»
que à^^ Beaux Arts ; les foins qu'elle
prenoit pour y former la Jeunelfe , la
confîdération perfonnelle qui en réful-
toit 5 celle des Villes & des Sociétés
particulières rendue publique , par des
Privilèges diftindifs en faveur des ta-
lens 5 cette même confidération marquée
d'unemanièreencoremoinséquivoquepar
le prix excefîîf des Ouvrages des Grands
Maîtres : toutes ces raifons , dis-je , ont
dû fonder la fupériorité de ce Peuple à
cet égard fur tous les Peuples du Monde.
11 n'efl: point de preuves plus fortes de
l'Amour des Beaux-Arts , que celles qui
fe tirent des foins employés pour les
augmenter & les perpétuer. Les Grecs
voulant que leur Étude fît une partie de
& des Amateurs. ^ xîx
l'éducation , ils inftituèrent des Écoles ^
& des Académies , & autres ,■ établifTe-
mens généraux , fans lefquels aucun Arc
ne peut s'élever, ni peut - être le foù-
tenir. Tandis que les feuls enfans de
condition libre étoient admis à ces fortes
d'Ecoles 5 on ne cefToit de rendre des
hommages aux Célèbres Artiftes. Le Lec-
teur trouvera dans Paufanias &: dans
Pline le détail de ceux qu'Apelle reçut
des Habitans de Pergame , Phidias 6c
Damophon des Eléens , Nicias & Poli-
gnotte des Athéniens. Ariftodème écrivit
un Livre qui ne rouloit que fur ce fujèt.
L'Hiftoire nous a confervé le récit
d'une autre forte de reconnoiiïance, qui,
quelque fingulière &" quelqu'éloignée de
nos m.Œurs qu'elle puilfe être , n'efi: pas
moins la preuve du cas que les Grecs fai-
foient à^s Beaux-Arts. Les Crotoniates
ou les Agrigentins , il n'importe , avoîenc
fait venir à grands frais le Célèbre Zeu-
xis ; ce Peintre devant repréfenter Hé-
lène, leur demanda quelques jeunes fil-
les pour lui fervir de Alodèle \ les habi-
tans lui en préfentèrent un certain nom-
bre , &r le prièrent d'agréer en Don les
cinq plus belles qu'il avoir choifies.
Vous aimerez mieux d'autres témoi-
gnages d'eilime en faveur des Artifles ?
yx Manuel des Ârtifles
Eh bien ; on donnoit , par exemple , i
des Edifices Publics, le nom des Archi-
rcdtes qui les avoient conllruits j c'eft
ainfî que , fuivant Pollux , il y avoit dans
Arhènes une pla e qui portoit le nom de
TArch tede Mettricus ; c'eft ainii que
fu.vant Paufanias , les Èléens avoient
donné à un portique le nom de l'Archi-
tèjle Agaprus.
Les Grecs non contens de leurs éfFortî
pour entretenir l'émulation dans le
grand , penfèrent encore à l'exciter uni-
verfellement. Ils établirent chaque année
des Concours entre les Artiftes. On y
voloir de toutes parts , &: celui qui
avoit la pluralité des fuffrages , étoic
couronné à la vûë & avec TapplaudiiTe-
ment de tout le Peuple; enfuite fon Ou-
vrage éroit payé à un prix exce/Tif , quel-
quefois étoit au-defTus de tout prix , d'un
million , de deux millions , & même de
plufieurs millions de notre monnoie.
Qu'on ne dife point ici que Xfs,- Grecs
n'accordoient tant de faveurs, & ne ie-
irjoient tant d'or, que pour marquer leur
attachement aux Divinirés ou aux Héros
dont les Artiftes, Peintres & Sculpteurs
donnoient des repréfentations conformes
à leurs idées. Ce difcours tombera de
Xui-même ^ fi l'on confidère, que les mê-
& des Amateurs. xx|
rnes grâces étoienr également prodiguées
à toutes fortes de fuccès & de talens ,
aux Sciences comme aux Beaux-Arts.
Si l'amour- propre a befoin d'être flatté
pour nourrir l'émulation , il a fouvenc
befoin d'être mortifié pour produire les
mêmes efïets ; autfi voyons-nous qu'il j
avoir des Villes, où celui des Arriftes qui
préfentoit le plus m.auvais ouvrage , étoic
obligé de payer une amende. Cette cou-
tume fe pratiquoit à Thèbes \ & par-tout
où ces fortes de punitions n'avoient pas
lieu 5 l'honneur du triomphe &: la honte
d'être furpafTé , étoit un avantage ^ ou
peine fuffifante.
Peut-être que les divers alimens d'é-
mulation expofés jufqu ici , font encore
au-deiïbus de la confidération des Ora-
teurs 5 des Hiftoriens , des Philofophes ,
& de tous les gens d'efprit , qui péné-
trés eux-mêmes du mérite des Beaux-
Arts Se du mérite des Artiftes , les célé-
broient de tout leur pouvoir. 11 y a eu
peu de Statues & de Tableaux de Grands
Maîtres , qui n'ayent été chantés par les
Poctes contemporains ; & ce qui eft en-
core plus flatteur, par ceux qui ont vécu
après-eux. On fait que la feule Vache de
Myron donna lieu à quantité de penfées
ingénieufes 6c de fines épigrammes j l'An-
xxlj Manuel des Arnfles
thologie en eft pleine ; il y en a cinq fur
un Tableau d'Apelle répréfenrantune Vé-
nus fortant de l'onde , & vingr-deux fur
le Cupidon de Praxitelle, ranr de zèle
pour conduire les Beaux-Arcs au fublime ;
tant de gloire , d'honneur , de richeffes ,
& de dift initions répandues fur leur
culture 5 dans un pays où l'efprit & les
talens étoient fi communs , produifirent
une perfection dont nous ne pouvons
plus juger aujourd'hui complettement ;
parce que les Ouvrages qui ont mérité
tant d'éloges , nous ont prefque tous été
ravis.
Les Romains , en comparaifon des
Grecs , eurent peu de goût pour les Arts \
ils ne les ont animés , pour ainfi dire ,
que par air & par magnificence. Il efi:
vrai qu'ils ne négligèrent rien pour fe
procurer les morceaux les plus rares &
les plus recommandables \ mais ils ne
s'appliquèrent point comme il le falloit
à l'Étude des mêmes Arts , dont ils admi-
roient les Ouvrages \ ils laiifoient le foin
de s'en occuper à leuis efclaves, qui par
eux-mêmes étoient pour la plupart àds
étrangers; en un mot , comme le dit M,
le Comte de Caylus , dans fon Mémoire
fur cette Matière , on ne vit point chez les
Romains, ni la noble émulation qui aui-
ù des Amateurs, xxiij
moit les Grecs , ni les produdions fii-
blimes de ces Maîtres de l'Art , que les
â^es fuivans ont célébrés ; dont les moin-
dres reftes nous fonriî précieux; & qui,
dans tous les genres , fervent & fervironc
toujours de Modèles aux Nations civili-
fées capables de goût & de fentiment.
Diclionnairc des Sciences & Beaux-Ans.
Peinture des Romains.
A l'expiration du beau Siècle de la Pein-
ture Grecque , lequel avoir commencé
par ApoUodore en Tan 404 avant Jéfus-
Clirift ; Oïl voit en 3 04 , pour la première
fois 5 un Jeune Romain prendre le pin-
ceau. « On a fait auiîi de bonne-heure ,
îj dit Pline , honneur à la Peinture chez
3> les Romains ; car une branche de l'Il-
3> luftre Famille 6.qs Fabius en a tiré le
» furnom de Piclor , & le premier qui
îî le porta , peignit le Temple de la
» Déeiïe Salus en Tan de Rome 450: l'ou-
jî vrage a fubfifté jufqu'à l'Empire de Clau-
» de 3>. Il y a dans ces paroles une Aiefle
& une exactitude iîngulière : on y fenc
une différence entre ce que Pline dit , &:
ce qu'il voudroit pouvoir dire. Il vou-
droit pouvoir avancer, que l'Art avoir été
pratiqué fort anciennement à Rome par
xxiv Manuel des Arnfles
des Citoyens j & en Hiftorien éxad , il
joint à l'expreflion de bonne-heure , la dé-
termination de l'époque , qui ne va
pas à 400 ans d'Antiquité. Il voudroit
poHvoir ajouter, que l'exercice de laPein-
ture y fût dès-lors en honneur j & il dit
-uniquement , quon fit honneur à la Pein-
ture, Enfin, il voudroit pouvoir vanter la
beauté des Ouvrages de Fabius ; & tout
l'éloge qu'il en fait , c'eft qu'ils s'étoient
confervés jufqu'au règne de Claude.
Le feul Ouvrage de Peinture que l'Au-
teur nous faffe remarquer a Rome , dans
le fiècle qui fuivit l'époque de Fabius
Picior ; c'eft un Tableau que Valerius
Meffala fit faire de fa Victoire de Sicile
en r^ 2(J4, & qu'il expofa fur un côté
<le fa rUrie Hoftitia, Le fîlence de Pline
fur le nom du Peintre ^ nous fait afifez
comprendre que l'Artille étoit grec * les
Romains étendoient déjà pour lors leur
domination fur le canton d'Italie appelle
la Grande Grèce \ Se fur la Sicile pareil-
lement peuplée de Grecs: l'exemple de
VaWrius Meflala fut fuivi dans la fuite
par Lucius Scipion , qui après avoir dé-
fait en Afie le Roi Antiochus j étala dans
Rome le Tableau de la Vidoire en l'an
ipo avant Jéfus-Chrift.
L'année fuivante 185? , Flavius Nobi-
iior
5* des Amateurs. xxr
lior afîîégea 6c prit Ambracie , où Pir-
rhus avoit autrefois raflemblé plufieurs
rares prockidions des Arts cuitivés dans
la Grèce. Le Conful Romain , dit Pline,
ne iaifTa que les Ouvrages en plaftique de
Zeuxis y éc tranfporta les Alufes à Rome :
c'étoient neut^tatucs où chaque "Mufe en
particulier ctoic repréfentée avec fes
Attributs. Tite-Live dit auflî que Fla-
vius enleva d'Ambracie \qs Statues de
'bronze & de m_^rbre , & les Tableaux 5
■mais il parcît que les Tableaux ne fu-
rent pas rranfportés à Rome , ou qu'ils
n'y furent pas livrés à la curioiîté du pu-
blic; puifque Pline ne marque qu'enfuitft
l'époque du premier Tableau étranger^
qu'on ait étale dans la Ville. Les Ro-
mains n'étoient point encore curieux de
Peinture, comme ils l'ctoient de Sculptu-
re : les Statues des Mufes apportées d'Am-
bracie furent reprcfenrées chacune dans
des Médailles particulières , qu'on trouve
expliquées fort ingénieufement dans
Vaillant.
Vers Tan iSo , Caius , Terentius Lu-
canus, {i c'eft, comme Ta cru Vaillant,
le frère de Publius , maître du Poète
Térence , fut le premier qui fit peindre
à Rome des combats de Gladiateurs.
' Paul Emilie, deftru(^eur du Royaume
XXV j Manuel des Anifies
de Macédoine en i(^8 , emmena d'Athè-
nes à Pvome Métrodore , qui étoit en
mème-tems Piiilofophe 6z Peintre. Il ne
voLiloit un Peintre , que pour le faire tra-
vailler aux .Décorations de fou Triom-
phe.
Vers Tan 154, Pacuvius , neveu m^.-
ternel d'Ennius , cultivoit à Rome &: la
Poëfie 5 Se la Peinture. Entre Fabius Pic-
tor & lui, dans un efpa^e d'environ 150
ans , Pline n'a point de Peintre Romain
à nous produire : il dit que les Pièces de
Théâtre de Pacuvius donnèrent plus de
confidération à la profefljon de Peintre ^
que. cependant après lui , elle ne ^fut
guère exercée a Rome par d'honnêtes
gens. Quoii juge enfuite fi l'Ecrivain ^^
prétendu nous .iaiiïcr une grande idée
des Peintres Romains !
En l'an 147 , Hoflilius Mancinus , qui
dans une tentative fur Catthage étoit le
premier entré jufque dans la Ville , ex-
pofa dans Rome le Tableau de la fitua-
tion de la Place, 6c de l'ordre des atta-
ques. L'année fuivante Mummius , def-
trudeur de Corinthe , fit tranfporter i
Rome le premier Tableau étranger qu'on
y ait expofé en public : c'étoit un Bac-
chus d'ArilHde leThcbain, dont le Roi
Attalus donnoit fix cens mille fefterces ,
0 des Amateurs. xxvîj
cent dix-fept mille cinq cens livres ; mais
le Général Romain rompit le marché ,
dans la perfuafîon qu'un Tableau de ce
-prix renfermoit des vertus fecrettes. La
îbmme offerte pour Attalus ne paroîtra
pas exorbitante, fî Ion confidère qu'il
acheta , dans une autre occadon , un Ta-
bleau du même Artifte cent talens , qua-
tre cens foixante-dix mille livres ; & ce
dernier fait étant rapporté par Pline en
•deux différens endroits , nous ne devons
point y foupçonner de l'erreur dans les
chiffres; comme il ne nous arrive que
trop fouvent de fuppofer des fautes de
copiées 5 & même des fautes d'igno-
rance dans les Hiftoriens de l'Antiquité,
quand ce qu'ils attellent n'eft pas con-
forme a nos idées Se à nos ufa^es ; vrai
moyen d'anéantir toute l'ancienne Hif-
toire.
La conduite de Mummius fait voir,
que les Romains n'avoient point encore
de (ow tems le goût de la Peinture j quoi-
qu'ils euifent celui de la Sculpture, depuis
la Fondation de leur Ville. Pour un Ta-
bleau que ce Général rapporta d'Achaïe,
il en tira un {\ grand nombre de Statues ,
qu'elles remplirent , fuivant l'expreflion
de Pline , la Ville entière de Rome. Nous
voyons aulîl que dans la Grèce , le nom-
bij
xxvii j Manuel des Anijles
bre des Sculpteurs bc èiQ% Ouvrages cle
Sculpture , l'a de tout tems emporté fur
le nombre des Peintres & des ouvrages
de Peinture •, c'eft , comme Ta remarqué
M. le Comte de Caylus , que ces deux
Peuples jaloux de s'éternifer , préféroient
les Monumens plus durables à ceux qui
Tétoient ir^oins.
■Cependant peu après Texpédition de
Mummius , les Romains commencèrent
à fe familiarifer davantage avec un Art
qui leur paroifïoit comme étranger. Ow
vit à Rome pendant la jeunelTe de Var-
ron , environ l'an i cp avant Jéfus-Chrift ,
Laia de Cyzique , fille qui vivoit dans
le célibat ^ dans l'exercice de la Pein-
ture ; on y voyoit dans ce tems-là même
un Sopolis <5r un Dionyfius , dont les Ta-
bleaux remplirent peu-à-peu tous les ca-
binets.
£n Tan 99 , Claudius Pulcher étant
Édile ,-fit peindre le premier la fcène pour
une célébration des jeux publics \ ôc il
eft à croire qu'il y employa le Peintre
Sérapion : Pline ajoutant que le talent
de cet Artifte fe bornoit à des décoracions
de fcène , & qu'un feul de fes Tableaux
couvroit quelquefois , au tems de Var-
ron 5 tous le^ vieux piliers du Forum,
Syila , quelque tems après , fit peindre
ù des Amateurs,' xxîx
êiZTiS fa maifon de plaifance de Tufcii-
lum , qui paffa depuis a Cicéron , u»
événement de fa vie bien flatteur;- c'étoit
la circonftance, où , commandant l'armée
l'an 89, fous les murs de Noie, en qua-
lité de Lieutenant, dans la Guerre des
Marfes y il reçut la Couronne Obfldio-
jiale.
Les Lucullus firent venir à Rome un
grand nombre de Statues , dans le tems
apparemment de leur Édilité, en 79; Sc
l'aîné des deux frères , le célèbre Lucius
Lucullus , étoit alors abfent v on ne peut
donc mieux placer qu'eu cette occafion
l'achat qu'il fit , félon Pline , dans Athè-
nes aux Fêtes de Eacchus , de la copie
d'un Tableau de Pau fias , pour la fomme
dedeuxtalens (neuf mille quatre cens li-
vres ), difproporrion toujours vifible dans
le nombre àts ouvrages de Peinture ôc
de Sculpture. Lucullus ramaffa dans la
fuite une grande quantité des uns & des
autres ;. & Plutarque le blâme de ce goût
pour les Ouvrages de l'Art, autant qu'il
le loue du foin qu'il avoit de faire des
colledions de livres. La façon de penfer
de Plutarque ne doit pas nous furpren-
dre \ elle a àts exemples dans tous les
fiècles qui ont connu les Arts &: les Let-
tres j elle en a parmi nous , parce qu'il
b iij
XXX Manuel des Artifles
n'appartient qua un très- petit nombre
de fçavans de reiTembler à Pline , & de
n'avoir point de goût exclufif.
Il nous marque un progrès dans la eu-
riofîté des particuliers & du public pour
la Peinture , vers Tan 75 ; en difant que
l'Orateur Hortenfîus , après avoir acheté
les Argonautes de Cydias cent quarante-
quatre mille feflerces (vingt-huit m.ille
cent dix livres ) , fit bâtir dans fa maifon
de Tufculum, une chapelle exprès pour
ce Tableau , & que le Forum étoit déjà
garni de divers ouvrages de Peinture,
dans le tems où CrafTus , avant de par^
venir aux grandes Magiftratures , fe dif*
tinguoit dans le Barreau.
Pour l'année 70, on trouve une ap**
parence de contrariété entre la Chrono-*
logie de Cicéron , & celle de Pline , fur
- Y^%^ de Timomachus de Byzance , Pein-*
tre encauftique. Cicéron écrivoit en cette
année-là îon quatrième difcours contre
Verres : il y parle de quelques Tableaux,
parmi un grand nombre d'Ouvrages de
Sculpture enlevés à la Sicile , & tranf-
portés à Rome par l'avide Préteur. « Que
5> feroit-ce, dit-il, à l'occaflon de ces Ta-
*> bleaux , fi I on enlevoit aux habitans
^ de Cos leur Vénus , à ceux d'Éphèfe
a» leur Alexandre > à ceux de Cyzique
6 des Amateurs. xxxj
«leur Ajax ou leur Médée s^ ? Cet Ajax
& cette Médée écoit demeurée impar-
faite par la mort de Timomaciius , anté-
rieure à l'an 70 , &5 félon le même écri-
vain , Timomachus fut contemporain de
Céfar Di6tateur, en l'an 49. Telle eft la
difficulté qui difparoîrra, fi l'on veut con-
fidérer^que Timomachus a pu mourir vers
l'an ^9 3 environ vingt ans avant la Dic-
tature de Céfar , & avoir été contempo-
rain de Céfar 5 mais contemporain plus
ancien. L'exprefîîon de Pline : Cdjaris
diciatorls Atate ^ fignifie donc dans le tems
de Céfar celui qui fut Dictateur , & non
pas dans le tems que Céfar écoit Diéla-
reur.
il faut fouvent faire ces fortes d*atten-
rions dans la Chron ;logie de Pline, où
le titre des Magiftratures défigne quel-
quefois l'Époque des évènemens \ ôc
quelquefois la feule diftindion des per-
fonnes d'un mcme nom, que des lecteurs
pourroient confondre. Le titre de Dicla»
teur qu'il donne par-tout a Céfar , eft de
cette dernière efpèce \ mais il y a d'au-
tres exemples où par les titres de Pré'
teur y à' Édile ^ oud'Jmperatorj il indique
habilement les dates,que fa méthode élé-
gante ôc précife ne lui permettoit pas de
fpécifier plus particulièrement.
i iv
xxxî j Manuel des Ardfies
Le Préteur Marcius Junius ( c*éroit Tan
6j) fit placer dans le Temple d'Apol-
lon , à la Solemnité à^s Jeux ApoHinai-
res , un Tableau d'Ariilode le Thébain.
Un Peintre ignorant qu'il avoir chargé
immédiatement avant le jour de la Fête
de nettoyer Je Tableau, en effaça toute
la beauté.
Dans le même tems,^ Philifcus s'ac-
quit de rhonneur à Rome par un fimple
Tabieau, dans lequel il repréfentoit tour
ratrelicr d'un Peintre , avec un petit gar-
çon qui foufïloit. le feu.
l^cs Édiles, Varron & Muréna, (c'étoir,.
l'an 60 ) firent tranfporter à Rome , pour
l'embellifTement du Comice ^ à^s enduits
de Peinture à frefque, qu'on enleva de
de (Tus des murailles de brique à Lacédé-
mone, & qu'on enchâfTa foigneufément
dans des quadres de bois , à caufe de l'ex- /
cellence des Peintures : ouvrage admira-
ble par luir-même 5 ajoute Pline, il lô fut;
bien plus encore par la circonftance.da?
tranfport.
Pendant l'Édilité de Scaurus, en l'an
58; on vit des magnificences qui nous
paroîtroient incroyables fans l'autorité de ._
Pline , & incompréhenfîbles fans les ex-
plications de M. le Comte de Caylus fur
es Jeux de Curion, qui fuivirent d'affez
f,
(s des Amateurs, xxxîij
près ceux de Scaurus. Pour ne parler que
de la Peinture , Scaurus fit venir de .^x.-
cyone , où l'Art & les Artiftes avoienc
fixé depuis long-tems leur principal fc-
jour , tous les Tableaux qui pouvoienc
appartenir au Public , 6c que les habi-
tans vendirent pour acquitter les dettes
de la Ville.
Les fadions qui règnoient dès-lors dans
Rome , & qui renversèrent bien-tôt laRé-
publique , engagèrent Varron & Atticus
a fe livrer totalement à leur goût , pour
la Littérature & pour les Beaux Arts.
Atticus y le tidel ami de Cicéron , donna
un volume avec les Portraits deiîînés de
pîufieurs illuftres perfonnages 5 & Varron
diftribua dans tous les endroits de l'Em-
pire Romain, un Recueil de- fept z^ns^
figures pareillement avec le nom de ceux
qu'elles repréfentoient. Le même Varron
arteftoit l'empreflement du Peuple Ro-
main pour d'anciens reftes de Peinture.
Quand on voulut réparer le Temple de
Cérès 5 que Démophile & Gorgafus
avoient autrefois orné d'ouvrages de
Peinture & de Plaflique, on détacha des
murs les Peintures à Frèfque, & on eue
foin de les encadrer \ on difp^rfa auiîl les
figures de Plaftique.
Jules-Céfar, parvenu à la Kdature
xxxîv Manuel des Anlfles
l'an 49 , augmenta de beaucoup l'atten-
tion & l'admiration ^^s Romains pour
la Peinture, en dédiant l'Alax & la Mé-
dée de Timcmachus à l'entrée du Tem-
ple de Vénus Gtnkrix : ces deux Ta-
bleaux lui coûtèrent quatre-vingt talens y
(37^ mille livres). En l'Année 44, qui
tut celle de la mort de Céfar , LuciusMu-
nacius Plancus ayant reçu le titre d'//ïï-
perator ^ expofa au Capitole le Tableau
de Nicomaclius , où étoit repréfentée
l'image de la Vidoire , conduifant un
quadrige au milieu des airs. Obfervons
que dans tous ces récits qui regardent
Rome 5 ce font des Peintres Grecs qu'on
y voit paroître ; l'Auteur nomme cepen-
dant pour ce tems-ci Aurellius , Peintre
Romain , qu41 place peu avant le règne
d'Augufle. Arrêtons -nous donc fur ce
Peintre de Rome.
Pline nous donne fon portrait en ces
mots : Koma cekber fuît Arellius ^ nljîfla^
gitio infigni corrupijjet arum j fcmpcr ail-
cujus fœminéi amore JîagnanSji & ob îdDeas
pingens , fed dïlcàarum imagine \ Liber
XXXV, C, 10. Il faifoit toujours les
DéelTes femblables aux Courtifannes ,
dont il étoit amoureux. On fçait que
ï'iora étoit fi belle, que Cécilius Métel-
lus la ijr peindre 5 afin de confacrer fou
ù des Ainatetirs, xxxV
portrait dans le Temple de Caftor ^<. de
Polliix.
On a remarqué, que ce ne fut m la pre-
mière ni la dernière fois, que le portrait
d'une Courtifanne reçut un pareil hon-
neur. La Vénus fortant des eaux étoit
ou le portrait de Campaipe , MaîcrelTe
d'Alexandre le Grand , félon Pline ; ou
bien celui de la Courtifanne Phryné ,
félon Athénée j L. XI IL Augufte le con-
fiera dans le Temple de Jules-Céfar. Les
parties inférieures en étoient gâtées , &:
perfonne ne fut capable de les rétablir)
le tems acheva de ruiner le refte : alors
on lit faire une autre Vénus par Doro-
thée, cc on la fubftitua à celle d'Apelle,
Pendant que Phryné fut jeune, elle fer-
vit d'original a ceux qui peignoienr la
Déeffe des Amours. La Vénus de Gnide
fut encore tirée fur le modèle d'une
Courtifanne, que Praxitèle aimoit éper-
dument. Arellius n'eft donc pas le feu!
Peintre ancien , qui peignit les DéeflTes
d'après quelques-unes des {^s maîtreffes.
Le Chriftianifme n'eft pas exempt de
cette pratique , nous avons plus d'une
Vierge peinte par les Alodernes , d'après
leurs propres amantes. M. Spon , dans
fes Mifccllanees Antiq. erudit. /?. i 5 , rap-
porte l'explication d'une Médaille de
b vj
:?(Kx vi j Manuel des Aniflts
l'Empereur Julien , fur laquelle on voie
d'un côté Sérapis qui refîemble parfai-
tement à Julien , èi de l'autre la figure
d'un Herbanubis. Il n'étoit point rare de
voir des Statuer d'hommes routes fem-
blables à celles de quelques Dieux. La
Flatterie ou la Vanité ont fouveiit pro-
duit cette idée.
Juftin Martyr, dit, en fe moquant
des Païens, qu'ils adoroient les MairrefTes
de leurs Peintres, & les Mignons de leurs
Sculpteurs \ mais n'a^-t-on pas tort de ren-
dre les Païens refponfables des traits d'un=
Zeuxis ou d*unLyfippe ? Ceux qui, parmi
les Cbxrétiens , vénèrent les images de
S» Charles Borromée , rye vénèrent qu'un
portrait fait à plailir , & un caprice d'un»
Maître de l'Art, qui a peint fort beau, ua
Saint qui ne l'étoit guères. il faut fe re-
fondre à fouffrir cetre forte de licence
des Artiftes \ parce qu'elle n'a rien de
blâmable : & fe repofer fur eux, de la
figure & de l'air des objets de la dévo-
tion. Un Peintre de Rome fit le Tableaa
de la Vierge , fur le portrait d'une fœur
du Pape AJéxandre VI, qui étoit plus^
belle que vertueufe» Nous ne connoif-
fons les Dieux par le vifage, que {^Xon
qu'il a plu aux Peintres & aux Sculpteurs^
difoit Cicéron , des Dieux de fon temv
liher L Ce NuturâDcorum,
ù des Amateurs, xxxvjj
Nous ne fommes pas aufli difEciles
aujourd'hui , dit M. de Caylus, que Pline
rétoit ^ contens que la beauté foit bien
rendue , il nous importe peu d'après
quelle perfonne elle eft deftinée. Nous
aéïirons feulement de l'inconilance â nos
Peintres , pour jouir d'une certaine va-
riété dans les beautés qu'ils ont à reprc-
fenter> &: nous ne faifons de reproches-
qu'à ceux oui nous ont donné trop fou-
vent les mêmes têtes, comme a fait Paul
Véronèfe entre plufieurs autres. Je re-
viens a Augufte,
Ce fut fur-tout cet Empereur qui orna
les Temples de Rome & les Places pu-
bliques , de ce que les Anciens Peintres
de la Grèce avoient fait de plus rare, &
de plus précieux. Pline qui , de concert
avec tous les autres Écrivains , nous af-
fure le fait en général , défigne en par-
ticulier quelques - uns de ces Ouvrages
ccnfacrcs au Public par Augufte ; &
nous devons attribuer aux foins du même
Prince l'expofition de pludeurs Tableaux,
que l'Hiftorien remarque dans Rome 5
fans dire à qui Ton en avoir l'obligation ,
le grand nombre fait , que nous ne parle-
rons, ni des uns, ni des autres.
Agrippa , Gendre d'Augufte ,. fe diftin-
guoit par le même goût j & Pline alfuje
"^xx V ] i j Manuel des Artifles
qu'on avoir encore de lui , un difcours
magnifique & toiit-à-fait digne du rang
qu'il tenoir de premier citoyen , fur le
parti qu'on devoir prendre de gratifier
le Public de tour ce qu'il y avoir de Ta-
bleaux & de Statues dans les maifons par-
ticulières de Rome : ce n'eft pourtanr pas
nous faire voir dans cer Amareur à^s
Ouvrages de Peinture, un homme atren-
tif à leur confervation, que d'ajouter qu'il
en confina quelques-uns dans les Éru-
ves à^^ Bains qui porroienr fon nom, ni
nous donner wno. grande idée de fa dé-
penfe en Tableaux, que de nous dire
pour route particularité dans ce genre ,
qu'il acheta un Ajax & une Vénus à Cy-
zique 5000 deniers ( 2.3 50 livres) : quelle
différence de prix entre Ajax & la Vé-
nus d'Agrippa, & l'Ajax &: la Médée de
Jules-Céfar , tous achetés dans la même
Ville.
Pline parle ainfi de Ludius , qui vivoit
fous le Règ;ne d'Augufte : il ne fiiur pas
le confondre avec celui qui avoir orné
de Peintures un Ancien Temple de Ju-
non dans la Ville d'Ardée, déjà détruite
avant la Fondation de Rome. Ce Ludius
moderne rétablit à Rome du tems d'Au-
gufle, l'ufage de la Peinture â Frefque :
Diyi Augujii atatQ Ludius primus ïnjih^_
& des Amateurs. xxxîx
Vdit amœn'ijjlmam parietum Picluram, Il
repréfenta le premier fur les murailles
des Ouvrages d'Architeclure & des Pay-
fages 5 ce qui prouve la connoiiTance de
la Perfpecrive & celle de l'emploi du.
verd ; car fans ces deux chofes, quelle
idée pourroit-on fe faire de ces fortes de
Tableaux ? On ignoroit avant Ludius
l'amcnité des fujèts dans les Peintures à
Frefque \ on ne les avoir guères em-
ployées qu'à des Ornemens de Temples ,
ou à des fujèts nobles & férieux , & même
les grands Arriftes de la Grèce n'avoient
jamais donné dans ce genre de Peinture.
Augufle approuva le parti qu'on prit
d'appliquer a la Peinture le Jeune Quin-
tus Pédius, d'une des premières familles
de Rome. Pline femble d'abord en vou-
loir tirer quelque avantage en faveur de
la profelîion ^ cependant il ajoute en même
tems, avec (on éxaditude & fa fidclité
ordinaire , une circonflance qui affoiblic
totakment cette idée, c'eft que le Jeune
Pédius étoit muet de naiffance. Il con-
vient auflî quAntiftius Labéo , qui avoit
rempli àts charges confidc'rables dans
l'État 5 & qui avoit refufé le Confulat
qu'Augufte lui ofFroit , fe donna un ridi-
cule en s'âttachant à faire de petits Ta-
bleaux 5 èc QXi i^ piquant d'y réuiîîr. Ea
"%} Manuel des Anifies
un mot , l'on aimoit , l'on eftimolt fes^
Ouvrages de TArr , & l'on méprifoit ceux
qui en faifoient leur occupation ou même
leur amufement. Il n'y a pas long-tems
que Ton en ufoit de même dans ce royau-
me pour toutes les Études &; les connoif-
fances *, je doute que les Grands foient
bien revenus de ce préjugé.
La Mort d'Augufle fut bien-tot fuivie^
de la décadence des Arts : cependant Pline
parle d'un Grand Prêtre de Cybèle ,î,Ou-
vrage de Pharrhafius , de Tableau favori
de Tibère , eftimé foixante mille fefter-
ces (onze mille fept cent cinquante li-
vres) ,. que ce Prince tenoit enfermé dans
ia chambre à coucher, & d'un Tableau
d'Alexandrie , & q^^^ Tibère eonfacra.
dans le Temple du même Augufte. Pline
naquit au milieu du Règne de Tibère ,
l'an 2-5 de Jefus-Chrift, & tout ce qu'il
ajoure fur la Peinture & fur les Peintres
pour fon tems , fe réduit aux remarques
suivantes.
Aux deux anciennes manières, dit-il,
de travailler i'Encauftique, on en a ajouté
une troifième, qui eft 6.Q Îq fervir du
pinceau pour appliquer les cires qu'on
fait fondi e à la chaleur du feu j comme
ces Peintures réfiftoient à l'ardeur du So-
leil , 6c à la falure des eaux de la mer.
ù des Amateun. xi}
en les fit fervir à rornemenc des vai^
féaux de guerre j on s'en fert même déjà-,
remarque -t -il , pour les vaifTeaux de
charee. Ces Ornemens étoienc en-dehoss
des Êârimens , iuivant la force du terme'
larin expingïmus»
Il nous donne une étrange idée du
goût des fuccefifeurs de Tibère pour la
Peinture. L'Empereur Caïus voulut en-
lever du Temple de Lavinium , à caufe
de leur nudité y les figures d'Atalante &
d'Hélène par TAneien Ludius ; U il l'au-
roit fait, iî la nature de l'enduit altéré
par la trop grande vétufté , ne fe fût op«
pofée à l'exécution du projet,
L'Empereur Claude crut flgnaler fcn
bon gpût, & donner un grand air de di»
gnite a deux Tableaux d'Apelie, confa-
crés au public par Augufte \ d'y faire éf^
façer la tète d'Alexandre le Grand , 6c
d'y faire fubftituer k tête d'Auguile lui-
même. Pline fe plaint encore , foit de
pareils chan^emens dans des Têtes de
oatucs , changemens qui tiennent a la
barbarie ^ fbit de la Peinture à^s Mofaï-
ques de marbre , mifes à la place ^q% Ta-
bleaux, & inventées fous le même Rè-
gne de Claude, environ l'an 50 de Jefus-
Chrifl.
Le Règne de Ncicn , fucceifeur de
xTij Manuel des Anlfles- ^
Claude, donna, vers Tan (J4, l'Époquô
des marbres incraflés les uns dans les au*
très : & l'Auteur s'en plaint également
comme d un ulage qui portoit prcjudice
au goût de la Peinture , ^ traite enfin
d'extravagance réfervce à fon fiècle , la
Folie de Néron qui fe fit peindre de la"
hauteur de cent vingt pieds romains. La
toile dont les Peintres ne s'étoient pas
encore avifcs de faire ufage , fut em*
ployée alors pour la première fois j parce
que le métal, ou même le bois, n'au-
roient jamais pu fe façonner pour un pa-
reil tableau : il faut donc rapporter aufE
. à l'an 6a de Jefus-Chrift l'Époque de la
Peinture fur toile.
Amulius, Peintre Romain, parut fous
le Règne de cet Empereur. Il travailloit-
feulement quelques heures de la journée,
& toujours avec une gravité affedée , ne
quittant jamais la Toge , quoique euindé
fur des échaffauds. Ses Peintures etoient
confinées dans le Palais de Néron, comme
dans une pfîfon , fuivant l'exprefïîon de
Pline, qui a voulu marquer par-lâ les iii--
convéniens de la Frefque.
Le même Pline admire la tête d*unô
Minerve que peignit le même Artifte \
cette tête regardoit toujours celui qui la
regardoit ; Spccianum fpcctans quâcn/nque
h des Amateurs, xHJj
cfpicerctur. Cependant ce jeu d'Optique
ne tient point au mérite perfcnnel , 5^
fuppofe feulement dans le Peintre une
connoifTance de cette partie de la Perf-
pedive. On montre en Iraiie piufieurS'
têtes dans le goût de celle d'Amulms»
Cet Artifte n'.ctoit mort que depuis peu ,
îorfque Pline écrivoit.
La mémoire du Peintre Turpilius,
Chevalier Romain , & Vénitien de naif-
fance, étoir pareillement récente. Il avoit
embelli Vérone de Îqs Ouvrages de Pein-
ture. On peut les croire auflî beaux qu'on
le voudra; on Tçait du moins qu'il avoir
appris Ton Art dans la Grèce. Pline jX^V,
XXXV, c. vj. dit qu'avant lui , on n'avoit
jamais vu de Peintres gauchers ; Se il pi-
roît admirer cette particularité; mais l'ha-
bitude fait tout pour le choix des mains,
8c il ne faut pas une grande philofophie
pour faire cette réflexion. D'ailleurs cette
habitude entre pour beaucoup moins
qu'on ne l'imagine dans un Art que Tef-
prit feul conduit. Se qui donne fans peine
le fens de la touche , en indiquant celui
de la hachure ; 8c qui produit enfin âe%
équivaîens pour concourir à l'expreffion
générale Se particulière.
Depuis Turpilius , on a vu des Pein-
tres gauchers parmi les Modernes ^ on
xfîv Manuel des Arttfies
en a vu également ^^s deux mains. JoUf*
venèt 5 attaque d'une paralyfie fur le bras
droit, quelques années avant fa mor^:',
a fait de la main gauche fon Tableau de
la Fifaation , qu'on voit à Notre-Dame ,
& qui eft un des plus beaux qui foit forci
de fes mains. Ce fait eft plus étonnant
que celui du Chevalier Turpilius, puif-
que Jouvenèt avoir contracté toute fa vie
Une autre habitude j & Ton n'en a fait
mention à Paris , que pour ne pas oublier
cette petite linguiarité de la vie d'un
Grand Artifte. Pline finit l'article de Tur-
pilius en remarquant que jufqu a lui , oa
ne trouve point de Ciroyen de quelque
confidérarion , qui, depuis Pacuvius, eue
exercé l'Art de la Peinture.
Il nomme enfin fous le Règne è^Q^oi-'
pafien , vers l'an 70 de Jems-Chrift,
deux Peintres à Frefque , tous deux Ro-
mains \ Cornélius Pinus , & Accius Pif-
eus. Fort peu de tems après, il compofa,
fous le même Règne , fon immenfé re-
cueil dHiftoire Naturelle. Il venoit de
Fâche ver y îorfqu il en fit la dédicace à
Titus , Conful pour la fixième fois , ea-
Fan 78 de Jefus-Chrift.
L'année fuivante fut celle où Titus,
monta fur le trône au mois de Mars , 5^
Pline mourut au commencement de No-
ù des Amateurs, xlv
vemtre fuivanc. Ce: îlluftre Ecrivain
avoir donc cornpofé immédiatement au-
paravant Ton grand Ouvrage j avec la di-
grefîîon fur la Peinture, morceau des plus
précieux de rAntiquité.
On fçait que Pline entre en matière
par des plaintes amères contre fon Siècle,
Air la décadence d'un Art , qu'il trouve
infiniment -recommandable par l'avan-
tage qu'il a de conferver la mémoire des
morts , & d'exciter l'émulation des vi-
vans. 11 fait l'Éloge des Tableaux^ commç
monument du mérite & de la vertu. Il
étend cet éloge attx autres Ouvrages qui
avoient la même deftinarion, aux Fi'^u-
res de cire que les Romains confervoient
dans leur famille , aux Statues àowz ils
ornoient les Bibliothèques , aux Portraits
defîînés , que Varon 6c PoUion mirent
en ufage ; enfin aux Boucliers où étoienc
repréfentés les perfonnages iiluftres de
l'Ancienne Rome.
Après avoir pris les Romains du coté
de l'honneur & de la vertu, il cherche
à piquer leur curiofité en leur indiquant
rAntiquité de l'Art, & en s'arrêtant au
récit de quelques Peintures plus Ancien^
^es que la Fondation de Rome. Il nomme
les différentes Villes où on les voyoir»
ôi il diftingue le mérite de ces Ouvra-
xlvj Manuel des Anijîes
g^s d'avec l'abus qu'en vouloir faire la
Lubricité d'un Empereur, tenré d'en ti-
rer deux de leur place , à caufe de quel-
ques nudités.
Aux motifs d'une curiofité louable,
Pline joint les motifs d'émulation puifés
dans le fein même de la Ville de Rome,;
il propofc par une gradation fuivie ,
l'exemple des Citoyens qui s'éioient au-
trefois appliqués à l'exercice de la Pein-
ture .J l'exemple à^s Héros de la Nation
qui avoient étalé dans Rome les Ta-
bleaux de leurs vidoires \ l'exemple Aqs
Généraux & Aqs Empereurs, qui , après
avoir tranfporté dans la Capitale une
quantité prodigieufe de Tableaux étran-
gers , en avoient orné les Portiques à^s
Temples & les Places Publiques.
Son éloquence & fon efprit nous char-
ment par des traits de feu, & par Aqs
images encIianterelTes j qu'on ne trouve
en aucun autre Auteur, ni fl fréquentes^
ni d'une fi grande beauté : enfin par une
énergie de ftyle , qui lui eft particulière»
C'eft ainfi, que, pour donner une idée
d'un Tableau où A pelle avoir repréfenté
un Héros nud , il déclare que ç'étoit un
défi fait à la nature. Il dit de deux Ho-
plitites , ouvrage de Parrhaflus : « Celui
» qui court , on le voit fuer \ celui qui
ù des Amateurs, xlvij
.*• mec les armes b.is , on le i^wi haleter.
rt Apelle, dit-il ailleurs., peignit ce qui
î> eft impoflible à peindre, le bruit du
>• tonnere & la lueur à^s éclairs jî. En
matière de Style^ comme en matière
de Peinture , les fçavantes exagérations
font quelquefois nécelTaires ; & ce prin-
cipe doit erre gravé dans i'efprit d'un
Peintre , s'il veut parvenir à l'mtelli-
gence de ce que Apelle avoit exécuté.
Il eft donc vraifemblable, que perfonne
ne s'avifera jamais de traiter Pline en qua-
lité d'Hiftorien des Peintres ou d'Enchou-
Ûaftes , fans connoifTance de caufe j ou
de Déclam.areur , qui joue rhomm.e paf-
fionnc , ou d'Ecrivain inEdelie & frivole.
Les qualifications diamétralement oppo-
fées , font précifémént celles qui caiac-
tarifent ce Grand Homme \ heureufe-
ment pour celle des Arts , dont il a été
le Panégyrifte : heureufement enfin, pour
l'mtérèt de la Littérature & àts, Scien-
ces, dont il a été le dépoUraire.
Voilà ce que j'avois à cire fur Pline,
te fur la Peinture des Romain^ ; c'eft un
précis de deux beaux 'Mémoires donnés
par M. de Caylus 6: par M. de la Nauze;
dans le Rçcueil de Littérature. Toms,
XXF.
idvïi] Manuel des Arnfles
Sur LA PEINT'URt D3EsFl£URS,
Peindre les Fleurs , c'eft entreprendre
^'imiter un des plus agréables -Ouvrages
de la Nature. Elle femble y prodiguer tous
l^s charmes du Coloris. Dans les autres
objets qu'elle offre à nos regatds , les tein-
tes font rompues , les nuances confon-
dues , les dégradations infenfibles^ l'effet
particulier de chaque couleur le déro-
be, pour ainfi dire, aux yeux; dans les
Fleurs , les couleurs les plus franches fem-
blenc concourir & difputer entt'elles.
Un Parterre peut être regardé comme la
Palette de la Nature. Elle y préfente un
«iTortiment complet de couleurs fépa-
téts les unes àts autres; & pour mon-
trer fans doute combien les principes aux-
quels nous prétendons qu'elle s'eft fou-
lïiife , font au deffous d'elle \ elle permet
qu'en affemblant un groupe de fleurs, on
joigne enfemble les teintes que la plupart
des Artrfles ont Tegardées comme les plus
antipathiques , fans craindre qu'elles blef-
fent les loix de l'Harmonie. Eft-il donc eiî
effet ^QS couleurs antipathi^jues ? Non ,
fans doute. Mais la Peinture, ^&: géncxale-
ment tous les Arts, ne fe voyent-ils pas
trop fouvenx xeÛTtirés par des chaînes, que
leur
(& des Amateurs. xllx
leur ont forgées les préjugés r Qui les bri-
fera ? Le Génie.
Les x^rnites enrichis de ce don célèlte,
ont le privilège de fécouer le joug de cer-
taines règles qui ne font faites que pour
les talens médiocres. Ces Ardftes décou-
vriront en examinant un bouquet , àt%
beautés hardies de coloris quils oferonc
imiter. Paufias les furprit dans les guir-
landes de Glycère , & en profita.
Je crois donc qu'une àQ% meilleures
études de Coloris qu'un jeune Artifte puifTe
faire , eft d'afTembler au hazard àts group-
pes de fleurs, & de les peindre ; qu'il joi-
gne à cette étude , celle de l'effet qu'elles
produifent fur différens fonds ; il verra
s'évanouir cette habitude fervile d'appofec
toujours des fonds obfcurs aux couleurs
brillantes qu*on veut faire éclater. Des
Fleurs différentes, mais toutes blanches,
étalées fur du linge ; un cygne qui vient
leur comparer la couleur de its plumes ;
«n vafe de cette porcelaine ancienne, fi
jeftimée par la blancheur de fa pâte , &
qui renferme un lait pur , formeront un
alfemblage dans lequel la nature ne fera
jamais embarraflfée de diflinguer à^% ob-
jets , qu'elle femble avoir trop uniformé-
i ment colorés. Pourquoi donc , lorfqu*!!
s'agit d'imiter l'éclat du teint d'une jeun©
1 Manuel ies Anifles
beauté, recourir a des oppositions forcées
& peu vraifemblables ? Pourquoi , fi ion
veu: faire éclairer une partie d'un Ta-
bleau , répandre fur le refte de l'ouvrage
une obfcurké rebutante, une nuit impé-
nétrable ? Pourquoi donner ainfî du dé-
goût pour u.i Art , dont les moyens trop
app£f çus'bleiTen^t autant que i^s effets plai-
feiit? Ce que je viens de dire a^ comme
on le voit , rapport à TArt de Peinture ea
général. Cependant comme le talent de
peindre les Fleurs eft un genre particulier
qui remplit fouverrt: tous le>s foins d'ua
Ârtifte 5 il efi: bon de faire quelques ob-
fervations particulières. Une extrême pa-
tience 5 un goût de propreté dans le tra-
vail, un génie un peu lent, à^s pafîîons
douces, un caraélère tranquille , femblent
devoir entraîner un Artille a choifir à^z
Fleurs pour robjèc de fes imit;uions. Ce-
pendant pour les peindre parfaitement,
toutes ces qualités ne fuffifent pas. Les
Fleurs , objets qui fen>blent inanimés ,
îpar conféquent froids , demandeur pour
intéreffer dans la repréfentation qu'on en
fait, une idée de mouvement, une cha-
leur dans le coloris , une légèreté dans la
-touche ; «n Art & un choix dans les ac-
cidens , qui les mettent , pour ainli dire ,
âu-defliis de ce quelles font. Ce^ êtres
& des Amateurs, Ij
qiù vivent q\t^ toures ces qualités, aux yeux
cie ceux qui les fçavent apperçevGir j &:
Ton a vu Bapriile 6c Defpcrres avec une
façon de peindre hère» large, «S: Touvenc
prompte^ imiter le velouté des rofes, &
rendre intérefTanre la fymmétrie de Tané-
mone. Une Fleur prête d'éclorc , une au-
tre dans le montent où elle eit parfiiite \
une tfoifième , dont les beautés commen-
cent à-fe flétrir , on: à^z inouvemens dif-
■férens dans les parties qui les coLnpofenr.
Celui des tiges & à^s feuilles n'eft point
arbitraire, c'eft l'effet de la combinaifon
des organes des plantes. La lumière du
foleil qui leur convient le mieux , offre
par fa variété des accidens de clair obf-
cur fnns nombre. Les infècces , les oifeaux
qui jouifTeuc plus immédiatement que
tiou-s de ces objets , ont droit d'en ani-
mer les repréfenrations. Les va Tes où on
les conferve, les rubans avec lefqnels on
les afTrmble , doivent orner la compofî-
tion du Peintre : ennn il faut qu'il s'ef-
force de faire naître par la vue de fon
ouvrage , cette fenfation douce , cette ad-
miration tranquille , cette volupté déli-
cate qui fatisfait nos regards, lorfqu'ils fe
fixent fur la nature.
Mais infenfîblement je paroîtrois peut-
ctre pouiTer trop loin^ ce que peut exiger
cij
lij Manuel des Àttiflzs
un genre qui n'eO: pas un des principaux
de TArc dont je parle. Je finis donc en
recommandant aux Peintres de Fleurs , un
choix dans la nature des couleurs \ Se un
foin dans leur apprêt , qui femble leur
devoir être plus eifentiel quaux autres
Artiftes : mais qui n'eft en général, que
trop fouvent négligé dans les atteliers.
Les Fleurs font un genre de Peinture ,
comme THiftoire , le Portrait , ôcc.
De la g r a V u r î.
Je commencerai par r Art de graver en
cuivre., non pas comme le plus ancien j
mais comme celui qui eft d'un plus grand
ufage 5 & fans doute d'un ufage plus utile
AUX hommes, pour multiplier leurs con-
noi (Tances.
Dans les détails des opérations de cet
Art 5 j'eiijprunterai les préceptes & les des-
criptions qui font contenus dans un Ou-
vrage d'Abraham BofTe, Graveur du Roi ,
•qui a été confidérablement enrichi par les
lumières de M. Cochin le fils, Sçavanc
Artifte de nos jours , qui , dans une der-
rière édition de cet Ouvrage , l'a aug-
menté de différens Traités , que les pro-
grès de l'Art lui ont fournis, ôc de réfle-
xions 'jufles qu'il doit â fon talent de à fes
fuccès.
(i des Amateurs, liij
Le cuivre donr on fe fert pour la Gra-
vure dont je parle , eft le cuivre rouge. Le
choix que ion fait de cette efpèce de cui-
vre , eft fondé fur ce que le cuivre jaune
eft communément aigre , que fa fubftance
n'eft pas égale , qu'il s'y trouve des pailles ;
& que ces défauts font des obdaclcs qui
s'oppofent a la beauté des ouvrages , aux-
quels on les deftineroit. Le cuivre rouge
même n'eft pas totalement à l'abri de ces
défauts \ il en eft dont la fubftance eft ai-
gre , & les traits qu'on y grave fe refTen-
tent de cette qualité; ils font maigres &
rudes ; il s*en trouve de mou, dont la fubf-
tance approche (quant à cette qualité) de
celle du plomb. Les ouvrages qu'on y
grave n'ont pas la netteté qu'on voudroic
leiir donner : l'eau -forte ne l'entame
qu'avec peine \ elle ne creufe pas , &
trompe l'attente du Graveur. Quelque-
fois on rencontre dans une même plan-
che de cuivre , ces qualités oppofées. Enfin
on y trouve de petits trous impercepti-
bles , où des taches défagréables.
Le cuivre rouge qui a les qualités les
plus propres à la Gravure , doit donc être
plein, ferme , liant; ^ la 'ï::xZo\\ de con-
noitre s'il eft exempt des défauts contrai-
res que j'ai énoncés j c'eft d'y former quel-
ques traits avec le burin en difFérens fens:
liv Manuel des Artijtes
slors , s'il efl: aigre , le bruit que fera le
bar in en îe coupant , & k fentiment de
la main nous l'indiqueront \ s'il efl: mou ,.
ce même fentiment qui. vous rappellera
l'idée du plomb , vous le découvrira auilj.
Lorfqu'on a fait choix d'un cuivre pro-
pre à graver, on doit mettre fes foins à
ce qu'il reçoive k préparation qui lui efl
néceffaice , pour l'ufage auquel on le def-
tine. Les chaudroniers rapplaniffent , le
coupent j le polilTent ; mais il efl: à pro-
pos, que les Graveurs connoiflent eux-m.ê-
vnQS ces préparations ; parce qu'il pourroit
fe trouver, que, voulant faire ufage de leur
Art dans un pays où il feroit inconnu , ils-
ne trouveroient pas les ouvriers en cuivre
infiruits-des moyens qu'il faut employer.
Une planche de cuivre de la grandeur
d'environ un pied neuf pouces , doit avoir .
à peu près une ligne d'épailTeur j & cette J
proportion peut régler pour d'autres di-
meniîons. La phmche doit être bien for-
gée, ôc bienapplanie a froid : c'efl: par ce
moyen, que le cuivre devient plus ferré «Se
moins poreux.
Il s'agit , après, ce premier foin , de la
polir. On choisit celui des deux cotés de
la planche qui paroît être plus uni , &
moins rempli de gerfures & de pailles ;
on attache la planche par le coté contraire
ù des Amateurs. îv
fur un ais , de manière qu'elle y foir re-
tenue par quelques polçires ou elous j alors
on commence à frorter le côré apparent
avec un morceau de grès , en arrofant la
planche avec de l'eau commune : on la po-
lit ain(î le plus égalem.ent qu'il eft pofiî-
ble, en palfant le grès fortement dans
tous les fens , & continuant de mouiller
le cuivre de le grès; jufqu'à ce que cette
première opération ait tait difparoître les
marques des coups de marteau» qu'on a
imprimé fur la planche, en la forgeant.
Lorfque ces marques ont difparu , aini^
que les pp.illes, les gerfares , Se \ts autres
inégalités qui poiirroient s'y rencontrer ;
on fubOrituë au grès , la pierre-ponce bien
choifie : on s'en 1ère en frottant le cuivre ,
comme on a déjà fait, en tous fens , &
en Tarrofant d'eau commune ; l'on éffaçe
sinfî les raies, que le grain trop inégal
du grès a laiÏÏes fur la planche ; après
quoi l'on fe fert , pour donner un poli
plus fin, d'une pierre-ponce à aiguiferj
qui , pour l'ordinaire , eft de couleur d'ar-
doife 5 quoiqu'il s'en trouve quelquefois
de couleur d'olive & de rouge. Enfin le
charbon & le brunilToir achèvent de faire
difparoître de delTus la planche , les plus
petites inégalités.
Voici com.me il faut s'y prendre, pour
c iv
Ivj Manuel des Artiflcs
préparer le charbon qu'on doit employer.
Vous choifîrez des charbons de bois (]e
faule, qui foient aîlez gros 6c pleins 5 qui
n'ayent point de fente ni de gerfurCj ^
tels que ceux dont les Orfèvres fe fervent
communément pour fouder. Vous raiiffe-
rez l'écorce de cq.s charbons , vous les ran-
gerez enfemble dans le feu, vous les cou-
vrirez enfuite d'autres charbons allumés
&: de quantité de cendre rouge \ de forte
qu'ils puifTent demeurer fans communi-
cation avec l'air , pendant environ une
heure & demie \ ôc que le feu les ayant
entièrement pénétrés j il n'y rede aucune
vapeur. Lorfque vous jugerez qu'ils feront
en état , vous les plongerez dans l'eau, ôc
les laiiferez refroidir. Vous frotterez la
planche qui a déjà été unie par le grès ,
la pierre ponce , la pierre a aiguifer, avec
un charbon préparé, comme je viens de
le dire ; en arrofant d'eau commune, ôc le
cuivre de le charbon , jufqu'à ce que vous
ayez fait difparoîrre ainfî les marques que
peuvent avoir laifTés les pierres difréren-
reSjdont j'ai indiqué l'ufage. Il faut remar-
quer,que quelquefois un charbon gliffe fur
le cuivre fans le mordre, ôc par confé-
quent fans le polir ^ il faut alors en choi-
sir un autre qui foit plus propre a cette
opération , ôc la répéter avec patience j
ô des Amateurs, Ivîj
jufquà ce que le cuivre foie exempt ^q$
moindres raies, 6c des plus petites inégali-
tés apparentes. La dernière préparation
qu*il peut recevoir ou de la main de l'ou-
vrier en cuivre , où de celle de TArtifte ,
c'eft d'être bruni. On fe fert pour cela
d'un inftrument, qu'on nomme Brunijjolr:
Cet inrtrument eil d'acier ^ l'endroit par
où l'on s'en fert pour donner le luftre à
une planche , efl: excrèmemenr poli -, il a
à-peu près la forme d'un cœur. Son épaif-
feur efl de quelques lignes , il fe termine
en pointe j 6c l'ufage qu'on en tait , après
avoir répandu quelques gouttes d'huile fur
le cuivre , eO: de le palier diagonalemenc
fur toute la planche , en appuyant un peu
forcement la main ; ce qui s'appelle Bru-
nir, C'eft ainfî qu'on parvient à donner
à la planche de cuivre ^ un pareil poli à
celui d'une glace de miroir ; & qu'on fait
difparoître les plus petites inégalités.
Lorfqu'on a mis en ufage ces différens
moyens , fi l'on veut être alTurc que l'on
a réulfi; il faut livrer la planche à un Im-
prlm.eur en taille-douce , qui ^ après Tavoic
frottée de noir & elfuyée , comme on a
coutume de faire ^ loifque la planche eft
gravée ; la fera palTer fous la prelTe avec
une feuille de papier blanc : les inégali-
tés les moins fenlibles , s'il en refte quel-
çy
Ivii j - Manuel des Artiftes
ques-unes 5 s'impiimeront fur le papier;
è^ vous ferez en ccat d oter à la planche, les
moindres dcfaiits qu elle pourroit avoir.
Je crois qu'après avoir infiruic de U
façon d'apprêter le cuivre, il faut com-
mencer par les opcrarions qui fervent à
graver à Teau-forre \ après quoi j'en vien-
drai à la manière de graver au burin.
Pour parvenir à faire ufage de l'eau-
force 5 il eft néceffaire de couvrir la plan-
che d^un vernis ; & voici les différentes
manières de compofer les vernis dont on
couvre les planches , comme je le dirai
en fuite.
11 y a deux efpèces de vernis : on
nomme l'un Vernis Dur , 6c l'autre Ver-
nis Mou, Le premier, par lequel je com-
mencerai 5 eft d'un ufage plus aiicien.
Voici fa composition.
Prenez cinq onces de poix grecque ,
ou , à fon défaut , de la poix graiTe , au-
trement poix de Bourgogne ; cinq onces
de réline de Tyr ou Colophone^ à fon
défaut , de la réfine commune : faites fon-
dre ce mélange enfemble fur un feu mé-
diocre , dans un pot de terre neuf, bien
plombé , vernilfê & bien net. Ces deux
îngrédiens étant fondus & bien mêlés en-
femble , mettez-y quatre onces de bonne
huile de noix ou d'huile de lin \ mêlez
& des Amateurs. \i%
Vien le tout fur le feu durant une bonne
demi-heure , puis iailfez cuire ce mélange
jafqu'à ce qu'en ayant mis refroidir , ^z
le touchant avec le doigt , il iîîe comme
ïin fyrop bien binant : alors retirez le Ver-
nis de deiTus le feu , & lorfqu'ii fera un
peu refroidi , palTez-le au travers d'un
linge neuf, dans quelque vafe de fayence
ou de terre bien plcm.bé^ vous le ferre-
rez eniuite dans une bouteille de verre
épais 5 ou dans quelqu'aucre vafe qui ne
s'imbibe pas, ^c que l'on puiife bien bou-
cher : le Vernis fe gardera alors vingt ans,
^ n'en fera que meilleur.
Voilà la compoiirion du Vernis Dur ^
tel que BoiTe le donne, & tel qu'il s'en
fer voit fans doute. Voici celui dont fe fer-
voit Callot , & qu'on appelle vulgaire-
ment Verras de Florence*
Prenez un quarteron d'iuiile grafife bien
claire,. & faite avec de bonne huile de
lin , pareille à celle donc les Peintres fe
fervent : faites -la chauffer dans un poê-
lon de terre verniiTé & neuf; enfuite met-
tez-y un quarteron de maftic en larmes
pulvérifé; rem.uez bien le tout jufqu'à ce
qu'il foit fondu entièrement. PafT'ez alors
toute la maffe à travers un linge fin 6c
propre , dans une bouteille qui ait un cou
cvj
Ix Manuel des Aniflcs
afTez large; bouchez-la éxaclemenr, pour
que le Vernis fe conferve mieux.
Je crois qu'après avoir donné la corn-
policion du ternis Dur ^ il eft a propos
de dire la manière d'appliquer ce V&rnls
Dur fur la planche de cuivre.
La planche ayant été forgée , polie 5c
luftrée, comme je l'ai die ci deifus; il
faut encore prendre foin d'ôter de fa iur-
façe 5 la moindre impreffion gralTe qui
pûurroit s'y rencontrer; pour cela vous la
frotterez avec une mie de pain , un linge
fcc 5 ou bien avec un peu de blanc d'Ef-
pagne mis en poudre , & un morceau de
peau; vous aurez foin fur tout de ne pas
pafler les doigts & la main fur le poli du
cuivre , lorfque vous ferez au moment
d'appliquer le Vernis. Pour l'appliquer fur
la planche , vous lexpofercz fur un ré-
chaud , dans lequel il y ait un feu médio-
cre ; lorfque le cuivre fera un peu échauffé ,
vous le retirerez ; & trempant alors dans
le vafe où vous confervez votre Vernis ,
une petite plumée , un petit bâton , ou une
paille 5 vous poferez du Vernis fur la phn-
che en affez d'endroits , pour que vous
puifîîez enfuite l'étendre par-tout & l'en
couvrir ; au refte , il faut remarquer , que
la façon ancienne dont Bofle fait men-
6 des Amateurs, \%]
tîon pour étendre ce Vernis , au moyen
de la paume de la main , eft fujèt à in-
convénient j foie â caafe de la tranfpira-
tion de la main , foir parce qu'il eft diffi-
cile de l'érendrc avec une orande égalité.
Je crois donc qu'il vaut mieux fe fervir
de tampons faits avec de petits morceaux
de taffetas neuf , dans lefquels on ren-
ferme un morceau de coron qui foit neuf
auflî. Lcrfqu'on s'eft muni de quelques
tampons proportionnés à la grandeur de
la planche qu'on veut vernir , on frappe
doucement fur les endroits de la planche
où l'on a mis du Vernis ; on l'étend ainii
partout avec égalité; & l'on doit fur tout
prendre garde, qu'il n'y en ait une trop
grande épailTeur ; parce qu'il feroit plus
difficile de le faire cuire , èc de graver en-
fuite. Ce Vernis , qui eft fort tranfparent ,
poutroit aifément mettre dans l'erreur
ceux qui s'en ferviroient fans le connoî-
tre : il ne faut donc pas s'attendre à voir
facilement, fi le Vernis a la jufte épailTeur
qui lui convient ; mais j'avertis que , lorf-
qu'i>l femblera qu'il n'y en a point du tout ,
pour ainfi dire , il y en aura encore affez.
Je me fuis fervi avec fuccès d'un moyen
pour lunir parfaitement : le voici. J'ai
coupé des morceaux de papier blanc, fin
& lilTe > â-peu-près de la grandeur de la
1t.1J Manuel des Arùfîes
planche ; & les paifanc avec la paume <3*>
la main légèrement fur la planche , oà
j'avois étendu le Vernis à l'aide des ram-
pons dont j'ai parlé; je fuis parvenu ainfî-
a rendre ma eouc!^r^ de Vernis égale , Se
audj peu épailTe qu'on peur le déhrer.
Cette opération faite, il faut donner aiv
Vernis, par le moyen du feu ., le degré de
confidance, <]ui lai fait donner le nom de
V&rnïs d'Or; mais auparavant il faut le
«loircir, pour quil foie plus facile d'ap-
perçevoir les traits qu'on forme avec les
inikumens qui fervent à graver.
Pour noircir le Vernis , vous vous fer^
virez de pludeiirs bouts de bougie Jaune
que vous ailemblertz, afin qu'étant allu-
més, il en refaite une fumée gralfe &
épailTe.. Cela fait , vous attacherez au bord
de votre planche , un , deux , trois , ou
quatre étaux j finvanr la grandeur de. la
planche & la difficulté de la manier. Ces
étaux qui , pour plus de comm.odité , peu-
vent avoir des manches de fer propres à
les tenir , vous donneront la facilité d'ex-
pofer le côté de la planche que vous ave?:
vernie à la fumée des bougies. Vous aurez
attention de promener continuellement ou
la planche ou les bougies , pour que la
flamme ne falTe pas trop d'impreflion fur
quelque endroit de la planche^ ce qui
^ des Amateurs. Ixiij
pourfou brûler le Vernis. Il faut aiifri ne
pas trop approcher le Vernis de la mèche
ou même de la flamme, L'ufage indiquera.
le jufbe milieu qu'il faut obferver. Le point
où il fane arriver , eft de rendre la planche
d'un noir égal, &z exempt de tranlpa-
rence , fans que le Vernis foie brûlé dans
aucun endroit.
Venons au iroyen de fécher ce cuire ,
^ durcir le Vernis à laide du feu. 11 faut
allumer une quantité de charbon propor-
tionnée à la grandeur de la planche* vous
form.erez avec ces charbons , dans un en-
droit qui foit fur- tout à labri de la pouf^
/ière , un brafîer dont retendue excède de
■quelque chofe la planche en tousfens; vous
curez encore attention de mettre fort peu
de charbon dans le milieu^ parce que la
chaleur fe concentrera affez, <Sc qu'il faut
plus de tems pour cuire \qs bords de la
planche : lorfque ces précautions feront
prifes, vous expoferez votre planche fur
ce braiier, à l'aide de deux petits chenets
faits exprès , ou de deux étaux avec lef-
quels vous la tiendrez fufpenduë à quel-
ques pouces du feu. On doit ccmoren-
dre que le coté de la planche far lequel eft
npphqué le Vernis , n'eft pas celui qui doit
ctre tourné vers le brafier , il fe trouvera
^ielTusj & pour éviter qu'il n'y tombe
Ixî V Manuel des Anifles
d'atomes de pouffière , ce qui eft très-ef-
fentiel , vous étendrez un linge qui vous
garentira de ces petits accidens. LorfquV
près l'efpaçe de quelques minutes, vous
v«rrez votre planche jetter de la fumée ,
vous vous tiendrez prêt a la retirer; &
pour ne pas rifquer de le faire trop tard ,
ce qui pourroit arriver , C\ l'oh atcendoic
qu'elle ne rendît plus de fumée du tout,
vous éprouverez , en touchant le Vernis
avec un petit bâton , s'il réfiite , ou s'il
cède au petit frottement que vous lui ferez
éprouver; s'il s'attache au bâton, & s'il
quitte le cuivre, il n'ert pas encore durci;
s'il fait quelque réfiftance, & s'il ne s'at-
tache point au bâton, vous le retirerez;
& fl par hazard vous avez tardé un peu
trop long-tems , & que vous craigniez qu'il
ne foit un peu trop cuit , vous arroferez
le derrière de la planche avec de l'eau
fraîche ; parce que la chaleur que le cui-
vre retient alTez long rems , après avoir
été féparé du feu , donneroit au Vernis un
trop grand degré de cuiiïbn ; il feroit alors
difficile à travailler , & s'écailleroit.
Je vais à préfent parler du Vtrnls Mou;
après quoi je donnerai les moyens de
tranfmetrre un Defîin fur le Vernis, &
enfuite de le graver-
Voici différentes compoiitions du VcT"
ù des Amateurs. Ixv
Compojiùon du Vernis Mou ^fuivant Bojfe»
Prenez une once &: demie de cire vierge
bien blanche &: nette j une once de maftic
en larmes pur & net, une demie-once de
Spalt calciné j broyez bien le Maftic & le
Spalt^ faites fondre au feu votre cire dans
un pot de terre bien plombé Se vernie par
dedans; quand elle fera entièrement fon»
duc & bien chaude , vous la foupoudre-
rez de ce Maftic peu -à -peu, afin qu'il
fonde & qu'il fe mêle. Vous remuerez le
tout avec un petit bâton. Enfuite vous fou-
poudrerez ce mélange avec le Spalt , com-
me vous avez fait la cire avec le maftic ,
en remuant encore le tout fur le feu , juf-
qu'à ce que le Spalt foit bien fondu ôc
mêlé avec le refte *, c'eft-à-dire , environ
la mioirié d'un demi-quart-d'heure, puis
vous l'ôterez du feu, & le laifferez refroi-
dir. Ayant enfuite mis de l'eau claire dans
un por , vous y verferez le Vernis ^ ôc
vous le pétrirez avec vos mains dans cette
eau ; vous en formerez ainii de petites
boules, que vous envelopperez dans du
taffetas, pour fervir comme ]e le dirai.
Je paiïe fous filence les différentes com-
binaifons qu'on peut faire des ingrédiens
avec lefquels cette forte de Vernis peut fe
îxv) Manuel des Arnjles
compofer; vous en trouverez plufic-urs dé-
crites dans le Livre de BoiTe , de iÉdi'-
tion de 1745. Voi^'i feulement une façon
de le compofer, qui me paroît une àQ.s
meilleures, après avoir éprouvé toutes les
autres.
Faites fondre dans un vafe neuf de' terre
vernie, deux onces de cire vierge , demie-
once de poix noir , & demie-once de poix
de Bourgogne. Il faut y ajouter peu à peu
deux onces de Spalt , c]ue Ton aura réduit
en poudre très fine. LaiiTez cuire le tout
jufqu'à ce qu'en syanr fait tomber une
goutte fur WTiQ, afiiètre , cette goutte étant
bien refroidie , puide fe rompre en la
pliant trois ou quatre fois entre les doigts :
alors le \^ernis eft alTez cuit , il faut le re-
tirer du feu, puis le verfer dans de Teau
tiède , afin de pouvoir le manier facile-
ment; & en faire de petites boules, que
l'on enveloppera dans du taffetas neuf pour
s'en fervir.
Il y a quelques obfervations à faire ,
qui ferviront dans \ts diffcrens procédés
qu'on employcra , pour la confeivation du
Ver-nis.
i*^. îl faut prendre garde que le feu ne
foit pas trop violent, de crainte que les
ingrédiens dont on fe fert, ne brûlent.
2.^. Pendant qu'on employé le Spalt,
à des Amateurs, Ixvl
^ même après l'avoir em.ployé, il faut
remuer le mélange concinueiiemenr avec
une fparulcj ou un petit morceau de bois.
3^^. L'eau dans laquelle on verfera la
compo/îrion , doit être àpeu-pLcs du mcme
degré de chaleur que les drogues qn'on y
verfe.
4^^. H faut faire enferre que le Vernis
foit plus dur , pour s'en fervir en Eté ,
^jue pour l'employer en Hyver. On par-
viendra à le rendre plus fermiC , en lui
donnant un plus gr-and degré de cuiflonj
ou en metuanc une plus forre dofe de
Spalt , ou un peu de poix réiine.
La manière d'appliquer ce Vernis fur
la planche , diffère un peu de la manière
d'appliquer le Vernis Dur.
j'ai dit à la nu de la préparation que
je viens de donner , que iorfque le Ver-
nis eft aiTez cuir , il faut le retirer du feu ,
le lailfer refroidir un peu, puis le verfer
dans de Teau tiède , aiin de pouvoir le
manier facilement & en faire de petites
boules que l'on enveloppera dans du taf-
fetas neuf pour s'en fervir. Vous tieî-:drez
au moyen d'un érau , votre planche fur un
réchaud , dans lequel il y aura un feu mé-
diocre ; vous lui donnerez une chaleur
modérée ; & pafTant alors le miorçeau de
mfeus dans lequel ^^ eafenné la boule
Ixviij Manuel des Artifles
de Vernis que vous avez pétrie fur la plan-
che en divers fens , la chaleur fera fondre
doucement le Vernis j qui , fe faifant jour
au travers du taffetas , fe répandra légère-
ment fur la furfaçe du cuivre. Lorfque
vous croirez qu'il y en a fufïifamnient ,
vous vous fervirez d'un tampon fait avec
du coton enfermé dans du taffetas ; & frap-
pant doucement dans toute l'étendue de la
planche, vous porterez par ce moyen le
Vernis dans les endroits où il n'y en aura
pas ; & vous ôterez ce qu'il y en aura de
tropjdans les endroits où il fera trop'abon-
dant. Il faut avoir une grande atiention
qu'il n'y ait pas trop de Vernis fur les
pianrches, & qu'il y foit également répan-
du 5 le travail de la pointe en devient plus
£n & plus facile.
Pour cela , vous retirerez à propos votrs
planche de de{fus le feu ( tandis que vous
vous fervirez du tampon), t< l'y remet-
trez, s'il eft néceflaire; parce que, (î le
Vernis devient trop chaud , il brûle & fe
calcine dans les endroits où il e(l atteint
d'une chaleur trop vive : fi, au contraire,.
il eft trop peu chaud , le tampon que vous
appuyez légèrement s'enlève , & laiffe des
parties de la planche à découvert.
Lorfque cette opération eft faite , vous
remettrez un inftant votre planche fur le
(se des Amateurs, Ixix
•ccliaii3 ; & iorfque le Vernis a pris \x\\q
:haleur égale qui le rend iuifant par-tout _,
^ous vous fervirezj ainfi que pour le Ver-
tiis dur 5 des morceaux de bougie jaune ,
i la fumée def<iuels vous noircillez votre
planche avec les attentions que j'ai pref-
crites; après quoi vous laifTez bien refroi-
dir la planche dans un endroit qui foit à
l'abri de la poufllière, pour vous en fervir
comme je vais le dire.
Voici donc la planche qu'on deftine à
la Gravure, , forgée , polie , vernie j foit
au Vernis Dur , foit au Vernis Mou , &
noircie, enforte qu'elle ne fembie plus uiî
morceau de cuivre , mais une furfaçe
noire & unie, fur laquelle il s'agit de tra-
cer le Defiln qu'on veut crraver.
La façon la plus ordinaire de tranf-
mettre fur le Vernis les traits du Deiîin
qu'on doit graver , eft de frotter ce Deffin
par derrière avec de la fanguine mife en
poudre très fine , ou de la mme de plomb.
Lorfqa'on a ainfi rougi , ou noirci l'envers
du Deflin , de manière cependant qu'il
n'y ait pas trop de cette poudre dont ori
s'eft fervi , on l'applique fur le V^ernis oar
le coté qui eil: ronge ou noir ; on l'y main-
tient avec un peu de cire qu'on met aux
quatre coins du Defiin : enfuite on paQe
ayec une pointe d'argent ou d'acier qui ne
Ixx Manuel des Ânijlcs.
foi: pas coupante , quoique fine , fur tous
les traits qu on veut rranfruetcre , & ils fe
deiline ainli fur le Vernis. Après quoi on
QiQ le Deiîio^ & pour empêcheT que ces
traies légers qu'on a tracés en calquant,
ne s'effacent iorfque l'on appuyé la main
fur le Vernis en gravant , on expofe la
planche un inftant fur un feu prefque éteint,
ou fur du papier enflammé ; & on la re-
tire dès qu'on s'apperçoit que le Vernis
rendu un peu humide ^ a pu imbiber le
trait du calcjue.
Cette façon de calquer la plus com-
mune & la plus facile, a un inconvénient ;
les objets ainfi deiHnés fui la planche &
gravés , fe trouveront dans les eflampes
qu'on imprimera , placés d'une façon con-
tiâire à celle dont ils étoient difpofés dans
le Defîin j il paroîtra par conféquent dans
les eflampes que les figures feront de la
main gauche , les ac1:ions qu'elles fem-
bloient faire de la droite dans le Defïiii
qu'on a calqué ; & quelque Toit cet in-
convénient , il eft {i dé (agréable ou il nui-
fible a l'ufage qu'on attend ^tX'kGravure ^
qu'il faut abrolum^ent le farmonter. Voici
les dîiférens moyens qu'on a pour cela,
i^^. Si le Dcfîin Original eft fait avec la
fangulne ou la mine de plomb , il faut »
au moyen de la preffe à imprimer les ef^
1
(& des Amateurs, Ixxj
MmpsSj en tirer une contre- épreuve f
cùitk-àïiQ^ rranfmettre un traie ou une
emprsÏDie clé l'original fur un papier blanc,
en faifant palîër le Deffin & le papier
qu'on a poié delTus fous la preffe ; alors
on a une repréfentacion du Delîin original
dans un fens contraire. En faifant enfuice
i l'égard de cette contre-épreuve > ce que
j'ai prefcrit tout-à-l'heure pour le Dellin
même 5 c'eft à-dire , en calquant la con-
tre-épreuve fur la planche, les épre.u/es
qu'on tirera de cette planche , lorfqu'elle
jira gravée , cifriront les objèrs placés du
4nênie fons qu'ils le font fur lorL^inal.
Si le Deffin n'cfc pns fait d la fanguine,
ou à la mine de plonib , & qu'il foit lavé y
^eiîiné â l'encre ou peint, il huit ufer d'un
autre moyen que voici. Prenez du papier
in verni, avec l'efprit de thércbentine ,
ou le Vernis de Venife, qui fert à. vernir
les Tableaux \ appliquez ce papier qui doit
être sec, &: qui ell: ordinairement tranfpa-
rent fur le lj^ÇÇip. ou fur le Tableau : à^i"
iinez alors les objets que vous voyez au
travers avec le crayon ou l'encre de la
Chine. Enfuire ôcant votre papier de def-
fus Toriginal , retournez-le j les, traits que
vous aurez formés &: que vous verrez au
travers , y paroîtront difpofé d'une façon
contraire à ce qu'ils font dans l'original j
Ixxî j Manu cl des Artifles
appliquez fur la planche le côté du pa-
pier fur lequel vous avez deiliné; mettez
entre ce papier verni & la planche , une
feuille de papier blanc , dont le côté qui
touche a la planche foit frotté de fanguine
ou de mine de plomb ; alTurez vos deux
papiers avec de la cire , pour qu'ils ne
varient pas \ Se calquez avec la pointe ,
en appuyant un peu plus que vous ne fe-
riez, s'il n'y avoir qu'un feul papier fur
la planche ; vous aurez un calque tel qu'il
faut qu'il foit , pour que l'eftampe rende
les objets difpofés comme ils le font fur
le DeOin.
Je dois ajouter ici que , peur vous con-
duire dans l'exécution de la planche ^ il
vous faudra conlulter la contre - épr*euve
ou le Defiin que vous aurez faitj & que,
fi vous voulez , pour une plus grande exac-
titude 5 vous fervir du Deilin ou du Ta-
bleau original; il faut le placer de ma-
nière que fe réfléchifTant dans un miroir,
le miroir qui devient votre guide , vous
préfente les objets du fens dont ils font
tracés fur votre planche.
Ces moyens que je viens d'indiquer,
font propres à préparer le trait , lorfque
l'on grave un Deflîn ou un Tableau de la
même grandeur qu'il efl: ; mais s'il eft né-
celTaire , comme il arrive fouvent , de di-
. minuerj,
& des Amateurs. Ixxiij
îîv.niier ou d'augmenter la proportion des
objets , il faut fe fervir des opérations in-
diquées.
La planche étant préparée au point qu'il
ne s'ngit plus que de graver, il efl bon
de donner une idée générale de l'opération
à laquelle on veut parvenir , en gravant
à i'eau'forte , enfuite nous dirons de quels
inllrumens on fe ferr.
Le Vernis dont on vient d'enduire la
Iplanche, efi: de telle nature, que, fî voi.s
verfez de Teau-forte defTus, elle ne pro-
dairj aucun effet; mais fi vous découvrez
le cuivre en quelque endroit , en enlevant
:e Vernis , l'eau- forte s'introduifant pax
moyen , rongera le cuivre dans cet en-
koit , le creufera , & ne cefTera de le à^\i^
ôiidre , que lorfque vous l'en ôterez , ou
lu'eile aura perdu & confumé fa qualité
•orro(ive. 11 s'agit donc de ne découvrir
e cuivre , que dans les endroits qu'on a
leiïein de creufcr; & de livrer ces en-
Iroits à l'effet de l'eau-forte , en ne la
ailfant opérer qu'autant de tems qu'il en
aut pour creufer , fuivânt votre intention,
Ies endroits dont vous aurez c:é le Ver-
is \ vous vous fervirez pour cela d'outils
[u'on nomme Pointes Se Èchopes,
La façon de faire à^s Pointes j la plus
Tome IIL d
Ixxiv Manuel des Artîflcs
facile eO: de choifir A^s aiguilles à coudre
de diiTcrentes groiïeurs , d'en armer de
pecks manches de bois de la grandeur
d'environ cinq ou fîx pouces , & de les
aigiiifer au beloin & à fon gré , pour \q,%
rendre plus ou moins fines , fuivant i'ufage
qu'on en veut faire. On peut mettre à
ces outils le degré de propreté qu'on juge j
à propos \ on peut fe fervir de morceaux \
de burins, qui étant d'un très-bon acier,
font très-propres à faire des pointes \ Se
quant à la manière de les monter , ctii
ordinairement une virole de cuivre qui
les unit au bois , au moyen d'un peu de
madic ou de cire d'Efpagne. J'ai éprouvé
que des morceaux de burins arrondis 5c
enfoncés profondément dans un manche
de bois alTez gros pour faire l'effet d'un
porte-crayon de cuivre , formoient de très-
bonnes pointes j la profondeur dont elles
font enfoncées , fupplée à la virole , ôc
fait que , lorfque vous voulez entamer le
cuivre , Se appuyer quelques touches, elles
fe prêtent à la force que vous y mettez
fans fe démancher.
La façon de les aiguifer , eft de les paf-
fer fur une pierre fine à aiguifer , de les
tournant fans celfe entre les doigts pour
les arrondir parfaitement. On feat aifé-
& des Amateurs, IxXv
ment que l'on ed le maître de leur ren-
dre la pointe plus ou moins épailTe , fui-
vant Tufage qu'on en veut faire. On ap-
pelle du nom de Pointe en général , tou-
tes ces fortes d'ouriis \ mais le nom à' Echo-»
pes diflingue celle des pointes dont on ap*
plarit un des cotés; enforte que l'extré-
mité n'eit pas parfaitement ronde , mail
qu il s'y trouve une efpèce de bifeau.
Avant que de parler de la manière de
fe fervir des Pointes & à^s Echopes , je
vais prefcrire quelques obfervations né-
ceilaires pour conferver le Vernis.
C'eil: fur- tout le Vernis Mou que ce
foin doit regarder ; le Vernis Dur eft i
l'abri des petits accidens qu'il faut éviter;
il ne fe raye pas aifément. Il fuffit d'en"
velopper la planche qui en eft couverte,
d'un papier , d'un linge , ou d'un morceau
de peau , lorfque l'on ne travaille pas.
Pour le Vernis Mou , le moindre frotte*
ment d'un corps tant foie peu dur , l'en-
lève ; & l'on doit ou tenir la planche fur
laquelle on s'en fert , enfermée dans un
tiroir lorfqu'on ne la grave pas, ou bien
enveloppée dans un linge fin , ou dans une
peau fine. Il faut même , lorfqu'en gra-
»,»«nt on appuyé la main fur le Vernis , le
faire avec précaution; au refte , il y a des
dij
Ixxvj Manuel des Artifles
moyens de réparer les pedrs accidens qui
peuvent y être arrivés, que je dirai avant
d'expliquer la manière de graver à i'Eau-
forte. Venons à la manière de travailler
avec les Pointes fur le Vernis.
Ileftnécedaire., prem.ièrement, que l'A r-
tifte choifilTe une place convenable, pour
y placer la table fur laquelle il doit gra-
ver. Cette place eft l'embrafure d'une croi-
fée qui ait un beau jour, & qui, s'il fe
peut j ne foit pas expofée au plein-midi;
car le trop de jour pourroit être aufii niu-
fible à la vue du Graveur , que l'obfcu-
rite. Pour modérer ce jour , il fufpendra
entre la fenêtre & lui , un chaffis garni ce
papier huilé ou vernis. 11 fe fervira aufll
pour plus de commodité d'un pupitre ,
dans lequel il enfermera la planche , pour
la mettre à l'abiri de tout accident, lorf-
qu'il n'y travaillera pas. Il y a eu clés Gra-
veurs qui fe font fervis d'un chevalet de
Peinrre , & qui, à l'aide de l'appuie-main,
ont exécuté leurs ouvrages de la même
façon qu'on peint un Tableau; cette pra-
tique eft , je crois , infiniment moins pré«
judiciâble à la fanté , que l'attitude cour-
bée qu'on a ordinairement en gravant; mais
il eft difficile de s'y faire , 6^ d'y accou-
mmer la main : c'eft a l'Artifte à éproLi"
è des Amateurs, Ixxvij
ver & à choifir , & je crois néceiTaire de
recommander aux Arcittes , d'eïïayer ron-
jours avec foin & réflexion roui: ce qui a
été pratiqué avant eux j c'eft le moyen
d'étendre un Art & de rencontrer foi-
meme des découvertes neuves \ d'ailleurs
telle pratique convient au caractère, au
rempéramment , au génie , & au goût
d'un Artifte , qui en peut tirer un parti
que nul n'a pu en tirer avant lui.
Venons à l'opération de Graver. Plus
le Graveur ferainilruit des principes théo-
riques ds la Peinture & de la pratique de
cet Arc j plus il lui fera facile d'en faire
une jafte rtpplicarion. Il faut au moins in-
difoenfablemenr aue le Graveur fcache
bien deiliner , &: qu'il s'entretienne toa-
jours dans l'habitude du Delîin au crayon ,
d'après la BoiTe & d'après la nature. Ces
conditions fuppofées , le Graveur ayant
calqué, comme je l'ai dit, fur la plan-
che le Dedin qu'il veut exécuter , il fe
fervira de fes Pointes, pour en rendre
J'cifèt par à^s hachures plus ou moins for-
tes; c'eft-à-dire, phis fines 6c plus grolîes.
Les Règles de la Perfpedlive Aérienne &
la réHéxion qu'il fera fur l'citèt que pro-
^/nfent les corps en raifon de leur éloi-
gnemenc , le conduiront aifément à fe fer-
â ïlj
îxîviij Manud des Anijizs
vir àts Pointes les plus fines , dans îes
plans éloignés \ Se des Pointes les plus
fortes 5 pour les premiers plans. Il s'agira
donc d'ombrer par le moyen des hachures
qu'il formera fur la planche , en enlevant
le Vernis avec (es Pomtes , les objèrs que
lui préfente fon Defiin. Je remarquai ai
pour ceux qui n'ont jamais gravé , qu îl
y a , pour s'y habituer , une petite diffi-
culté à furmonter : elle confifle en ce que ^
lorfqu'on deiîîne fur le papier blanc , les
hachures qu'on forme fe trouvent oppc-
fées à la blancheur du fond par une cou-
leur brune, foncée, ou noire, au lieu que
les hachures que produifent les Pointes en.
découvrant le Vernis qui eft très- noir,
font claires Se brillantes ; enforte que.
cette oppofition eft abfohiment différente
de celle que produit le Deflin. Au rede ^
on s'accoutume aifément à cène différen-
ce ; Se l'on fe fait à imaginer que ce qui
cft le plus clair Se le plus brillant fur la
planche vernie , deviendra le plus noir
fur l'eftampe.
Revenons à quelques-uns des principes
de cet Art; j'ai dit que l'on y parvenoit
m une jufte dégradation par la différente
groHTeur des Pointes qu'on employé. Mait
l'on fenc aifément c^ue le travail doit con-
(^ des Amateurs, Ixxîx
courir à produire les effets néceffaires à
Faccord & à l'harmonie. Ce travail , c'efl-
à-dire, le fens dans lequel on trace les
hachures , doit erre déterminé par l'étude
de la nature comme dans le Deirin \ Se
affez ordinairement fi le Deflin eft bon ,
les hachures du crayon vous indiqueront
celles des Pointes. Ainfi le fens des muf-
cles de le tiifu de la peâu pour les figu-
res, feront les Pointes dont vous parti-
rez pour régler votre travail : &c vcilâ
pourquoi il eil efi'entiel qu'un Graveur ait
une grande habitude de dediner. Sans cela
la liberté que fe donnent quelquefois les
Artiftes en deCHnant, pourroit l'égarer.
Cette réflexion me conduit naturellement
"à dire, en palTant, un mot fur ce qui peut
contribuer à la corruption de cet Art.
On ne connoiffoit daiîs les premiers tcmg
où on Ta exercé, que la Gravure au burin.
La longueur du travail au burin , Tavan-
rage de la découverte , Se la promptitude
d'un nouveau moyen , contribuèrent à
rendre la façon de gravera Teau-forte pkis
générale Se plus commune; cependant on
commença par foumettre -cette nouvelle
pratique à une imitation fervile à^s effets
du burin : c étoit les premiers pas d'un
Art timide qui n'ofoit s'écarter de celui
d IV
Ixxx Manuel des Anifies
à qui il devoir la nailîance j mais cetts-
fubordi nation dura peu : la Gravure à
i'caU' forte prit i'eiîor & fe chargea de faire
hs trois quarts des ouvrages qu'elle en-
treprenoit, laiffant au burin le foin de
leur donner un peu plus de propreté 5 d'ac-
cord, & de perfedlion. Elle ne fe borna
pas là; elle hâzarda d'une façon libre des
ouvrages entiers; elle fe débarraiTa du joug
que Ini avoir impofé le burin ; les règles
qu'on avoir établies n'y furent plus à(^s
loix auxquelles on ne pouvoit fe difpenfer
de fe foumettre; d'habiles Arrides , eu
promenant au hazard la Pointe fur le Ver-
nis, formèrent à^s croquis pleins d'efprit*
d>C de feu, mais fort incorrèds, & d'un
travail fort peu agréable. Un nombre in-'
fini de Graveurs de tous états s'élevèrent
& crûrent qu'il fuffifoit de calquer un
Deflîn ou un Tableau fur le cuivre, d'en,
former un trait peu corrèâ:, de le cou-
vrir de hachures arbitraires, & de lailTer
à Teauforte le foin d'achever cqs ou-vra-
ges imparfaits , dont nous fommes inon-
dés aujourd'hui. Mais (1 l'Art de la Gra-
yure a perdu & perd ainfi tous les jours du
mérite fçavant qu'elle a eu dans les tems
où on l'éxerçoit avec plus de réferve, de
foins , U de réflexions j cette efpèce d'abus
& des Amateurs, Ixxxj
qu'on en a fair, a Ton utilité pour Ja com»
municâtion générale des Arts & à^s Con-
iioiffances. 11 n'ed point d'ouvrages fur ces
matières , où les idées un peu compli-
ouées ne foient éclaircies par à^s fif^ures
grivtes, qui ront eiitendre ce quon au^
roir fouvent de la peine à comprendre fans
cela. Ces Figures le plus fouvent impar-
faites du c6:é de l'Art , ne fervent pas
moins à la fin pour laquelle on les em-
ployé : TArt de la Gravure eft donc de-
venu moins parfait , mais plus utile aux
hommes.
Voici quelques-unes des règles que
BoiTe nous a tranfmifes , & defquelles
on peur fupprimer , ou auxquelles on peur
ajourer \ pourvu que ce foit d'après des
travaux raifonnés, & qu'on ait toujours
en vue l'imitation de la nature , & l'ap-
plication des vrais principes de la Pein-
ture & du Deflîn. J'ai dit que la première
taille ou le premier rang des hichures
qu'on trace avec la Pointe fur le Vernis ,
doit fuivre le fens Aqs hachures du Def-
. fin , ou de la broife 6c du pinceau , i\ c'eft
d'après un Tableau qu'on grave : mais ce
premier rang de hachures n'eft pas fuffi-
fant pour parvenir à l'effet d'une planche j
il eu d'ufage de paffer fur ses premières
d V
îxxxî j Manuel des Arnftes
railles un fécond , & quelquetois un trol«
fième , & même un quairième rang de
traits qui fe croifent en diftérens fens. Les
fécondes tailles doivent concourir avec les
premières à aifurer les formes , à fortifier
les ombres 5 ôc à décider les figures ou les
objets qu'on grave; mais comme dès les
premières tailles on a dû épargner les re-
flets & les demi-teintes j les fécondes doi-
vent ménager de même les parties qui doi-
vent être moins colorées. Si l'ombre fe
trouve très -forte 5 & le reflet aufîi , les
deux tailles de l'ombre doivent être faites
avec une Pointe molie & fortej &: ces deux
mêmes tailles feront continuées dans les.
reflets par des Pointes plus fines dans le
Blême genre de travail.
On doit obferver de faire la première
taille forte, nourrie , cc ferrée; la féconde
un peu déliée & plus écartée , & la troi-
sième encore plus fine. La raifon de cela
eft 5 que la première étant celle qui indi-
que le fens des mufcles & de la peau , doic
ctre celle qui domine *, les autres ne font
ajoutées , que pour colorer davantage kâ
figures ou les corps fijr lefquels on \qs em-
ployé. L'une defline 5 les autres peignent^
là première eft faite pour imiter les for-
mes , les autres pour répandre fur ces ïqi*
ù des Amateurs. Ixxxlij
mes l'effet julle ou clair cbfcar. Si la pre-
mière & la Ç.QCov^à^ taille formenc en fe
croifant des quarrés , la troifième doit
former àts lofanges fur l'une des deiix^
ou fî les deux premières iont en lofange,
la troifième fera quarrée.
On doit fe fervir rarement de troifième
Hachure à l'eau-forte 5 lorfqu'on fe réferve
de retoucher la planche au burin j parce
qu'on lailTe cette troifième pour ajouter ^
par le moyen du burin , la couleur qui
peut manquer , & la propreté qu'on veut
donner à l'ouvrage.
Le genre de travail que l'on employé
doit, comme on le fentira aifément , avoir
rapport à la nature à^s objets qu'on grave.
Cette efpèce de convention contribue
beaucoup â l'effet que produit la Gra^
vurc ; ainfi on a remarqué que les traits-
doublés qui forment des quarrés , c'eft-
à-Jire , qui fe croifent perpendiculaire-
ment, produiroient à la vue un travail
plus dur & moins agréable à l'œil, que
les traits qai fe coupent en formant des
lofanges ou des demi - lofanges. On c
donne la préférence à ce travail , pour re-
préfenter des corps délicats , tels que
ceux des femmes , des enfans , des jeu-
nes hommes 3^ & l'on s'eil éloigné plus ou
d vj^
Ixxxî V Manuel des Anifles
moins de cette combinaifon de taille , à
proportion de l'auftérité qu'on defîroit dans
les travaux qr/on vouloic employer. Quel-
ques Artides ont trouvé que dans les ligu-
res qui ne demandoient pas une grande
vigueur de couleur , on pouvoir hardi-
ment fe fervir du grand lofange \ mais
qu'il devenoit embarraffant , lorfc]u'il fau£
rendre les tons plus colorés. Au refte , il
eft des Arriftes qui , fans s*aîlreindre à ces
règles 5 ont fait de très-belles eftampes ^
ce qui ne prouve pas qu^'elles foient inuti-
les, mais feulement qu'il ne faut s'en af-
franchir qu'autant qu'on eft fur de réuiîir
fans leur fecours. Les plus beaux Exem-
ples de ces pratiques , dont je viens de
rendre compte , font les Edampes de
Corneille Vifcher.
Les draperies exigent du Graveur une
infinité de combinaifons & d'attentions
dans le travail , qui varie fuivant la na-
ture des étoffes , le mouvement des plis
& le plan àt'^ figures. En général _, il faut ,
comme dans les chairs , que la première
raille deiîine la forme & le mouvemenc
du pli : mais fi la continuation de cette
taille dans le pli qui fuit , n'eft pas pro-
pre 5 comme cela doit arriver fouvent à
en exprimer le jufte caradère , il faut la
($' des Amateurs. Ixxx^
defaner à fervir de féconde ou de troiilèn-ie
înême, en fubordonnant cerre taille à celles
que vous lui iublliîiiez. Cerre coinbinai-
ion qui demande du foin & de l'habirudcj
donnera à votre travail une aifance & une
juRefTe qui charmeront l'œil.
Une féconde obfervarion eil, qu'il faut
éviter que ces rallies , dont vous vous fer-
\ez 5 & qui vont fe terminer au contour
des membres nuds , ou des autres corps
qui fe touchent, tombent à angles droits
fur ces contours \ mais il faut que ces ha-
chures fe perdent avec eux dïine manière
infenfible & douce. En général , les ha-
chures des draperies doivent former àQS
Traits ondoyans, 6c éviter d'être roides &
gênées ; elles doivent s'unir par les m.oyens
dont j'ai parlé , de manière que dans l'ou-
vrage , les objets fe détachent principale-
ment par lefî-èt des ombres 6c 6.qs Jours.
Les clairs & \qs demi-teintes exigent
dans la Gravure j ainfi que dans le Delîin,
une propreté de travail extrême ; on aura
donc fom de varier les Pointes , 6c de fe
fervir dans cette occalion de celles qui
font plus fines. Les ombres qui deman-
dent â erre folides, d^ qui repréfentent
Teffèt de la privation de la lumière , ad-
în^rrem un travail ferme, &, pour ainâ
fxxxv j Manuel des Anlfles
dire , plus rempli d'accidens bc d'inéga*
lités;. mais les demi teintes & les reflets
qui participent de la lumière , doivent
être exécutés avec une attention d'autant
plus grande, que, lorfque les objets font
clairs , on doit mieux en diflin^uer les
formes & les détails. Sur les grandes lu-
mières, les travaux ne peuvent erre trop
ménasés, ou faits avec troD de légèreté,
ôr avec cette propreté qui flatte l'œil. Les
tailles doivent être écanées les unes des
autres; & li Ton a defîein de terminer
Touvrage à la Pointe , c'eft alors que le
travail de cet outil doir rendre à imiter
la netteté du burin. Pour les planches qu'on
deltine à être retouchées au burin , il fauc
y réferver le travail dont je viens de par-
ler; parce qu'on eft plus maître de don-
ner avec le burin ce degré jufte de netteté
qui doit faire valoir l'ouvrage. Les linges
& les étoffes finies, doivent fe préparer à
une feule taille propre ; il faut laiflTer au
burin à les terminer par des fécondes tail-
les légères & mifes à propos. Puifqu'il
eft queftion de cette propreté; fans la pouf-
fer trop loin , je vais me permettre quel*
ques réflexions qui viennent à propos.
Il en doit erre de l'Art de la Gravure,
comme de cous les autres Arts. Les Priar
ù des Amateurs, îxxxvîjj
eips généraux eue les réHéxions ont éia-
blies enibraflenr un Art en général : ces
Principes fe reftraignent eniiiite , & fe
foumetcent à ces exceptions & à des ir.o-
clincations qu'exigent les différens genres
de proci:c1:ions de l'Art qui les a adop-
tés : il feroi: donc injufte de vo'jloir que
dans la Gravure^ tous les ouvrages fuilenî
fournis indirpenfablement aux principes
que je viens de donner. Parcourons légè-
rement les rlafTes principales des ouvra-
^t'^ de caraélèrcs dmérens , auxquels la
Gravure s'employe. Son ufage le plus com-
mun & le plus relatif à la Peinture, eft de
multiplier les idées de comportions des
Tableaux des bons Arrik^es , & les effets du
clairHDbfcurde ces compofîticns. Il y a des
Tableaux de ciitérens genres de Gravure y
par conféquenc il doit y avoir différens
genres de Gravure pour l'imiter. L'Hif-
toire eft l'objèc principal de la Pemture >
on peut éxigtr , pour qu'elle foir traitée
parfaitement par un Peintre , que routes
les parties de Ton Art y concourent ; que
le beau foiî uni à la grandeur du faire,
à la perfection de Teffèt , & a la juftede
de l'expreflion : un Tableau de cette es-
pèce , s'il y en a , pour être gravé par-
faitement , doit être rendu dans i'eûampe
Ixxxviij Manuel des Ânï fies
par toutes les parties de la Gravure. Le
burin le pias fier , le plus propre , le plus
varié 3 le plus fçavant , fera à peine fuHi-
fant pour imiter parfaitement le Tableau
dont je parle. Le travail de l'eau -forte
donneroit trop au hazard , & je crois
qu'elle nuiroit à la beauté de l'exécution.
Si un Tableau moins parfait oiFroit une
compoiidon pleine de feu, d'ex preflion ,,
& en même rems un faire moins terminé,
^l un accord mioins éxadl: , je crois que le
Graveur qui employeroit l'eau forte pour
rendre le feu de lexpreflion qui domine
dans l'ouvrage , & qui, retouchant au bu-
rin , ajouteroit à fon ouvrage le degré
d'harmonie que contient fon original ,
rempliroit les vues de la Gravure. Eniin
un Tableau donc le mérite confifteroic
plus dans le beau faire & dans l'harmo-
nie , que dans rexpreîîion ôc la force ,
doit recevoir en Gravure la plus grande
partie de la vérité de fon imitation , d'un
burin bien conduit , & dont le beau tra-
vail répondra au précieux méchanifme du
pinceau &: à la fonte des^couleurs.
Le Portrait eft un fécond genre de Gra-^
yurc ^ d'un ufage aullî grand , & peut-
être plus multiplié encore que le premier.
Ce genre de Gravure doit fuivre à-peu-
ù des Amateurs, hxxî^t
près les mêmes règles que je viens d'éta-
blir. Les Tableaux d'après lefquels on
grave les Portraits , doivent infpirer au
Graveur habile , le méchanifme dont il
doit iè fervir, à moms que, par une ap-
plication différente des moyens qu'il em-
, ployé , il ne les proportionne en quelque
' îorre a l'état , au sexe, à 1 âge, &: à la figure
I des perfonnages dont il tranfmèc la ref-
femblance. La jeunefiTe & les grâces du
sexe dem.andent une propreté de travail
& une douceur dan^ l'arrangement des
tailles , qui Çi^à moins à îa vieilleiie oa
au caraclère auflère d'un guerrier. Cette
réflexion m'a fou vent frappé , lorfqu'ad-
miranr les précieux ouvrages des Drevèts
de àts Édelinks , j'aivii un magiftrat âgé
ou un guerrier , dont la repréfentatioa
m'offroit quelque chofe d'cuéminée, que
j'ai crû être reiret d une trop grande uni-
formité de travail , &" de ce qu'on appelle
un trop beau bureau. Au reOe je ne pré-
tends pas que cette réflexion foit prife
à la rigueur j & je la foûmets à ceux àeSr
Ârtiftes qui auront alTez exercé leur Arc
& a^Tez réfléchi , pour la m^oaifier com-
me elle doit l'être.
Le PayTage, fous le nom duquel je-
€omprendrai, pour ne pas erre trop longj
TC Manuel des Anijîes
tows les autres genres particuliers , peut
fe livrer a plus de liberté , & par con-
féquent l'eau forte y peut être employée
«v-c iiiccès , mais toujours avec un rap*
port jufte au caractère du Tableau qu'on
grave, où à la nature des objets qu'on
fcpréfenre Je n'ai en vîic dans tout ce
que je dis ici , que les ouvrages de gra-
vure auxquels on cherche à donner un
jutle degré de pcrfedlion , car pour les
Gravures qui fcnt l'ouvrage des Peintres ,
il feroit irijuile de leur iixer aucune
règle, ce font 6es délaffemens pour
eux ; & la pointe en s'égarant même en-
tre leurs mains, porte toujours l'empreinte
du génie des Artiftcs qui la fon: obcir
à leur caprice. Je pafie aufii feus fiîence
les Gravures rinîtiDliées dc^ Anrarcurs; ce
fcnt des amuf-^mens qui fervent à les
inftruire : il en eft peu qui puifTent af-
pirer à un degré de perfeàion , pour le-
quel un travail a/îîdu , confiant & fuivi
pendant un grand nombre d'années , eft
a peine fuiîifanr.
Je reviens aux préceptes de Bofie , dont
je donne l'extrait raifonné. Indépendam-
ment àes hachures iîmpîes, de celles
qui fe croifent, foie en formant des
quarrésj foit en formant des lofanges,.
& des Amateurs, ^z\
îl y a encore une forte de travail dont
on fe fert dans différentes occafîons.
Ce travail fe fait en formant èi^s points
féparés les uns des autres _. & ces points
peuvent être ou totalement ronds , ou
ronds par un coté , 5c un peu alongés ,
par l'autre *, ils peuvent être longs , droits
eu tremblotes. L'ufnge eft de fe fervir
de points ronds à l'eau- forte , & on les
employé pour donî;er aux chairs un ca-
radcre délicat qui falfe naître une idée
des pores & du tiffu ce la peau. Ce
travail, ainii que ceux donr j'ai déjà,
parlé , cft fubordonnc au goût & aux
réflexions du Graveur \ l'ufage exceffii:
' à^s points rend le travail mou te, peu
brillant; celui ces tailles feules pour
répréfenter à^s, chairs , elr trop auftère \
un mélange Judicieux de ces deux ef-
pèces de travail donnera à la gravure
à Teaur- forte un degré d'agrément au-
quel û\q peut rendre.
Il eft nécefiaire d'arranger avec beaucoup
de foin les points qu'on place avec la poin-
te ; les petits hazards dei'eau-forte Icsdc*
rançeront aiTez. L'ufage eil d'en faire des
rangs, dans le fens dont on auroit fait
des tailles dans l'endroit où on les
employé. Ceux du fécond rang fe pîa-
c^iit de manière auils le iiouveut ao^
xcîj Manuel des Artifles
deiïous ou au-deiïiis Je l'intervalle qui
eft encre chacun àt^ premiers ; ils fer-
vent auiïî de continu.idon aux hachures ,
en approchant àQ% clairs dans lefquels
2is fe perdent 5 en les diminuant à me-
sure que l'on approche à,^^ grandes lu-
mières.
Je reviens encore 5 avec RofTe , aux
tailles , comme au principal objet du
travail de la Gravure. Vn effet de la
dégradation qu'éprouvent \t^ objets dans
réiois:nemenï , ell que les détails ce
ces objets s'appercoivent moins : c'ell:
cette railbn qui a diclé le précepte de
ferrer les tailles, en même tems qu'oii
les rend plus fines dans \^% plans éloi-
gnés. Par cette même rai Ton on détail-
lera moins , à l'aide de« hachures & à^%
traits qui formient les contours , les dif-
férens objets dont on gravera la repré-
fencâtion, lorfqu'ils fcrort cenfés éloignés
de Toeil. On obfervera cette dégrada-
tion par plan , & ce foin donnera beaucoup
d'effet aux planches : on changera donc
de pointe a mefure que les objets ap-
procheront de rhorlfon ; on ferrera les
tailles, on détaillera moins les petites par-
ties , & Ton «gravera les grandes d'une
façon un peu indécife , mais large , en
©mbranr par maiTes, comme onîe peut
I
ù des Amateurs, xc ! i j
voir dans les Efranipes de Gérard Aa-
dran , entre autres dans i Eftampe de
Pyrrhus Sauvé , qu'il a gravé d'après les
Pouiîin 5 & dans laquelle il a rendu
d'une manière excellence îa touche large
du pinceau dans \^s lointains Si dans
le fonds. L'Art de l'imitation , dans
ia Peinture comme dans la Gravure ,
exige qu'on ne fe livre à l'éxaclitude
des détails que fore à-propos ; c'elî de-
là que naît Tenfemblej l'unité, & l'ef-
fet des ouvrages. Un objet travaillé avec
foin, donc toutes les parties font ren-
dues avec exactitude & recherche, eft
capable, avec le plus grand mérite d'e-
xécution , de gâter & de détruire l'effet
d'une compofîtion. Savoir fupprimier avec
difcernement en Peinture & paiTer a
propos fous (îlencedans l'Art d'écrire, font
les miOyens d'arriver à la perfection à
laquelle doivent tendre ces différens
Arts.
C'eft dans le Payfage, comme je l'ai
déjà indiqué, que l'on peut fe permet-
tre une plus grande liberté dans les dif-
férens travaux des hachures. Le travail
libre, varié, les hachures trem.blanres ,
interrompues, redoublées & confondues ^
donnent à ce genre de Gravure un eâc^
^cW Manutl des AniJicB
piquant, qui plaît extrêmement aux Cciî*
noiifeurs , aux Artiftes , & fouvent
aux Amateurs, fans qu'ils en approfon-
^iiïent trop la raifon. H en réfake qu'on
abufe très -fouvent de cette fa^on de tra-
vailler, qui n'exige, pour ainfî dire,
auciîhe règle, bc qui ,mèt ainii fort à
fon aife celui qui s'y livre. L'illufion
qu'on fe fait, &: le prétexte qu'offre à
l'ignorance & à lapareiTele mot de Goût^
pris dans un fens fort éloigné de celui
qu'il doit avoir, prodaifenc des Payfa-
%^s o\x les arbres , les fabriques , le ciel &:
\q^ terreins font d'un travail fi brut & fi
égratigné qiVon ne fent aucun plan, aucune
forme , 5c aucune effet. Si cette manière
qu'on ofe appeller Gravure de goût & avec
ëfprk^ continue à fe répandre, elle achèvera
de corrompre cette partie de l'Art de la
Gravure, Il efc une liberté que l'efprit &
le goût véritables peuvent infpirer , mais
qui a toujours pour but de faire fentir
au fpedateuî où la forme àts objets qu'on
grave , où leur effet de clair obfcur , ou
le caractère principal qui les didingue.
Lorfqu'un Graveur n'eft affedé dans fon
travail d'aucun de ces objets , & qu'il ne
met pas fon Art à les faire paffer dans
l'efpnc de ceux qui voyent fes ouvra-
ô des Amateurs. y:cr
^es 5 11 en impofe injurcement , ôc ce
tharlacanirme dont il colore fon peu de
talent, doit êcre puni par une jufte éva-
, luation de fes ouvrages.
, Je n'entrerai pas dans un plus grand
détail de principes pour la Gravure, Re-
prenons le méchanifme de la Gravure ï
l'eau- forte.
Les pointes dont on fe fert & donc
j'ai donné le détail , peuvent être de deux
fortes : ou Coupantes, ou ÉmoulTées. Cel-
les qui font Coupantes font particuliè-
rement deftinées à graver au vernis dur j
parce que ce vernis réfifteroit trop aux
pointes qui ne coupent pas. Lorfqu'on
grave fur le vernis mou , on peut fe fervir
^ à^s unes de des autres. L'inconvénient
1 des pointes coupantes efl: de faire quel-
quefois des touches dures , parce que
la pointe , qui va en groflifTant depuis
le point qui la termine , ouvre le cui-
vre d'autani plus qu'elle s'y enfonce da-
vantage, ce qui produit àQS railles trop
noires , fi elles ne font pas accompagnées
par d'autre tailles. On doit en général
avoir grand foin dans la Gravure^ d'évi-
ter , éc dans les touches 6: dans toutes
fortes de travaux , une certaine maigreur
àc, fécherelTe, que la fin&ffe des outils
scvj Manuel des Artifles
àovxi on fe ferc doit occafionner. Je
crois que les planches qui n'ont qu'une
médiocre étendue , peuvent être gra-
vées avec efprit & à l'aide des pointes
coupantes; qu en général on doit mêler les
pointes des deux efpcces, & que le jufte
emploi qu'on en fera répandra beaucoup
de goiit fur les ouvrages auxquels on les
aura employées. L'Echoppe efc une pointe
coupante qui , comme je l'ai êiii , a une
efpece de bifeau fur un des cotés de
fon extrémité. Il en réfulre que vous pou-
vez regarder TEchoppe comme une plu-
me a écrire. La manière de tenir l'E-
choppe efi: auQi â-peuprès femblable à
celle dont on tient la plume , à la ré-
fer ve qu'au lieu que la taille , ou l'ou-
verture de la plume , eft tournée vers
e creux de la main , l'ovale où la
face de TÉchoppe ell: d'ordinaire tour-
née vers le pouce. Ce n'eft pas que l'on
ne la puiiTe tournera manjer d'un au-
tre fens \ mais la première manière peut
mériter li préférence , parce qu'elle eft
peur 'être la plus commode, & qu'on a
bien plus de force pour appuyer. C'eft
en s erfeyanc <Sr en s'exerçant, que l'on
conçevrn facilement le moyen de faire
avec l'Échoppe des trairs gros & pro-
fonds. Lorfque
& aes Amateurs. xcvij
Lorfque l'on veut rendre le commen-
cement & la fin des hachures plus dé-
liés 5 il faut avec une pointe reprendre
l'extrémité de cqs hachures, en appuyant
un peu a l'endroit où l'on reprend , &
en foûievant doucement la main juf-
qu'à l'endroit où la hachure doit fe per-
dre. Vous remarquerez qu'en tournant
la planche, fuivant le fens dans lequel
on veut travailler , on rendra cette ma-
nœuvre plus facile. Ces remarques fur
l'Échoppe font entièrement tirées de l'ou-
vrage que j'ai cité. J'ai fait l'épreuve des
pratiques qu elles contiennent ; & je pen-
fe, ainfi que Bolfe, qu'on peut, en ac-
quérant l'ufage de cette efpèce de pointe,
en tirer un très - grand parti pour la
variété des traits j puifqu'en fe fer-
vant de cet outil par le côté tranchant,
on fera des traits d'une finelTe extrême,
& que le moindre mouvement des doigts
donnera à ces traits une largeur plus où
moins grande : mais je préviendrai en
même-tems qu'il faut de l'adrelTe , de
l'attention , &: beaucoup d'habitude pour
y habituer entièrement la main : aufîî
y a-t-il peu d'Artiftes qui s'en fervent uni-
quement. La manière de gouverner l'É-
choppe fervira ^ifément pour le ma*
2 orne III, e
xcviij Manuel des Anifles
niement de la pointe \ ainfi je n'infifte-
rai point ià-deirus. Il faut avoir lat^
tention de tenir en général les pointes
& les Echoppes le plus à~plomb qu'il
eft poffible, & de les paflTer fouvent fur
la pierre à aiguifer , pour que leurs iné-
galités ne nuifent pas à la propreté du
travail. Il efi encore ncceifaire de net-
toyer votre vernis , & de n'y lai(Ter au-
cune mal-propreté : Vous vous fervirez
pour cela ou des barbes d'une nlume ,
Gu d'un linge très fin , ou d'une petite
broHe douce qui fera faite exprès.
11 eft temps de palfer aux préparatifs
nécelTaires, avant de livrer fa planche
à l'eau foite. Je fuppofe donc qu'on a
tracé fur cette planche , en orant le ver-
nis avec les Pointes & les Échoppes ^ tout
ce qui peut contribuer à rendre plus
exactement le Defîin ou le Tableau qu'on
a entrepris de graver \ la planche étant
dans cet état il faut commencer par un
examen qui tendra à connoître ii le ver-
nis ne fe trouve pas égratigné dans àt%
endroits où il ne doit pas l'être , fbit par
l'effet du Jhazar^ , foit qu'on a fait quel- \ j
ques faux traits. Lorfque vous aurez re- [
marqué ces petits défauts, vous prépa-
yerez un meiange propre^ à l^s couvrir.
ù des Amateurs. xcix
Ce mélange fe faic en mettant du noir
de fumée en poudre dans du vernis de
Venife. (Ceft celui dont on fe fert pour
vernir les Tableaux. ) Vous employez ce
mélanf^e , aprcs lui avoir donné affez de
corps pour qu il couvre les traits que
vous voulez faire difparoître , avec des
pinceaux à laver où à peindre en mi-
gnarure. Il eft une autre mixtion nécef-
iaire pour enduire le derrière de la plan-
che, qui , fans cela feroit expofé fans
nécellité à l'effet corrofif de l'eau forte.
En voici la compofirion.
Prenez une écuelie de ter're plombée ,
mettez- y une portion d'huile d olive , po-
fez ladite écuelie fur le feu. Lorfqiie
l'huile fera bien chaude, jeitez-y du fuif
de chandelle. Le moyen de favoir fi le
mélange eft tel qu'il doit être , eft d'en
laiiïer tomber quelques gouttes fur un
corps froid j tel qu'une planche de cui-
vre , par exemple ; fi ces gGu;tes fe fi-
gent de manière qu'elles foient médio-
crement fermes , le mélange eft jufte \ G.
elles font trop fermes & caffantes , vous
lemettrez d^ l'huile j fi au contraire elles
font trop molles Se qu'elles reftent pref-
que liquides, vous ajouterez une petite
dofe de graiflè. Lorfque la mixtion fera
C Manuel des Arirfles
au degré convenable , vous ferez bien
bouillir le tout enfemble l'efpace d'une.
heure , afin que le fuif & Thuile fe lient «Se
fe mêlent bien enfemble. On fe fert d'une
brolFe ou d'un gros pinceau pour employer
cette mixtion* ^ lorfquon veut en couvrir
le derrière du cuivre , on la fuit chauf-
fer de manière qu'elle foit liquide.
Ces précautions nécelTaires que je viens
d'indiquer , font communes aux ouvrages
dans lefquels on s'eft fervi du vernis dur,
^ à ceux où le vernis mou a été employé :
mais l'eau forte dont on doit fe ftrvJr,
n'ell pas la même pour l'un & l'autre
de ces ouvrages. Commençons par l'eau-
forte dont on fe doit fervir pour fnire
mordre les planches vernies au vernis
dur.
Prenez trois pintes de vinaigre blanc ;
du meilleur & du plus fort^ fix onces
de fel commun le plus net & le pkis
pur \ fix onces de fel ammoniac clair tranf-
parent , & qui foie aufii bien blanc &
bien net ; quatre onces de verdèt , qui
foit fèc & exempt de raclure de cuivre
&: de grappes de raifin avec lefquelles
on le fabrique. Ces dofes ferviront de
règle pour la quantité d'eau -forte qu'on
voudra faire. Mettçz le tout (après avoir
h des Amateurs. rj
bien pilé les drogues qui ont befoin ce
i'ètre ) dans un pot de terre bien ver-
niifé principalement en - dedans , 6c qui
foit alTez grand pour que les drogues en
bouillant & en s'élevant ne pafTent pas
par de (Tus les bords; couvrez le pot de
ion couvercle , mettez le fur un grand
feu; faites bouillir promptament le tout
enfemble deux où trois gros bouillons,
& non davantage. Lorfque vous jugerez
à-peu- près que le bouillon efl: prêt à fe
faire , découvrez le pot & remuez le
mélange avec un petit bâton, en pre-
nant garde que l'eau -forte ne s'élève
trop & ne furmonte les bords ; d'autant
qu'elle à coutume en bouillant de s'en-
fler beaucoup , lorfqu'elle aura bouilli,
comme je l'ai dit ci-denTas , deux ou
trois bouillons, vous la retirerez du feu ,
vous la laififerez refroidir en tenant le
pot découvert ; & lorfqu'elle fera enfin re-
froidie , vous la verierez dans une bou-
teille de verre ou de grès , la laiiTant repo-
fer un jour ou deux avant que de vous en
fervir ; fi en vous en fervant vous la trou-
viez trop forte, & qu'elle fit éclater le ver-
nis , vous la pourrez modérer en y mêlant
un verre ou deux du mcme vinaigre
dont vous vous ferez fervi pour la
faire. € iij
ci) Manuel des Anifles
J'obferverai ici que cette compondo»
cft aiTcz dangéreufe à faire, lorfqii'on ne
prend pas l'acrention de refpirer le moins
qu'il eft poiTihle , la vapeur qui s'exhale ^
il faut riiioaveller fouvent l'air dans l'en-
droif où on la fait chauffer.
Après avoir compofé feau-forte dont
en fe fert pour faire mordre la planche
qu'on à vernie au vernis dur , il faut
favoir en faire ufage. Je vais dire pre-
mièrement \i manière dont Eolfe fait
mention^ elle eft la plus fimple, mais
non pas la ri» s commode. Je dirai en-
fuite comment M. Le Clerc avoir com-
mencé de rendre cette opération plu^
commode.
L'ancienne manière d'employer l'eau-
forte dont j'ai parlé , eft de la verfer
iiîr la planche , de façon qu'elle ne s'y
arrête pas ^ ôc qu'elle coule dans tou-
tes les hachures. Pour eela^ on place
la planche prefque perpendiculairement'^
& pour plus de facilité on l'uttache , à
l'aide de quelques pointes , contre une
planche de bois alTez grande , qui a un
rebord par en haut &: par les deux cô-
tés. On l'appuie prefque perpendiculai-
rement, ou contre un mur, ou contre
un chevalet j enfuite on met au-delTous
UJie terriûe qui reçoit leauforte quoa
& des Amateurs, en]
Verfe fur la planche, & qui le rend aaiis
la terrine aprè:> avoir coulé dans toutes
\qs hachures. La planche de bois donc
j'ai parlé , & fur laquellt la planche
de cuivre eft attachée , fert à empê-
cher l'eau forte quoli verfe de tomber
à terre , de les rebords la contiennent :
oïl voit par là qu'il ne faut pas qif;! y
en ait en bas j puifqu'aîors 1 eau -forte
trouveroitun obftacle pour fe rendre dans
le vafe qui doit la recevoir. Gn prend
encore une précaution pour quelle fe
rende plus immédiatement dans ce vafe i
c'eft de mettre au - deiTous de la plan-
che de bois une efpèce d'auge dans la-
quelle cette planche de bois entre , &
qui la débordant dts deux cotés , reçoie
fans qu'il s'en perde toute l'eau-forte ,
qui y eft conduite par les rebords donc
j'ai pâtîé. L*auge eft pierçée d'un feui
trou, qui répond à la terrine qui eft
au-defifous j & moyennarit ces précautions,
toute l'eau - forte , après avoir lavé ia
planche , fe rend dans la terrine ; on
la puife de nouveau alors avec le vafe
qui fert à la verfer , & on la répand
encore fur la planche ; ce qu'on recom-
mence jufqu'à ce que l'opération foie
faite a en obfervanc toujours que lorf*
civ Manuel des Artijics
qu'on la verfe , la planche en foit bien
inondée, afin qu'elle pénètre dans toa-
te les hachures. Voilà la plus ancienne
manière de faire mordre avec cette forte
d'eau -forte, qu'on nomme communé-
ment eau forte à couler,
PafTons à la manière dont M. le Clerc
a cherché à fimplifier cette opération : il
a fenti que fon objet principal étoit de
faire patfer l'eau-forte fur la planche , 6c
que c'étoit en partie par. ce mouvement
qu'elle approfondifloit les tailles qu'on a
faites fur le vernis \ il a jugé alors qu'en
attachant la planche de cuivre horifonta-
lement dans le fond d'une efpèce de boîte
découverte , plus grande que la planche
de cuivre \ qu'en enduifant cette boîte de
fuif, pour quelle contienne l'eau- forte ;
qu'en y verfant enfuite de l'eau-forte, &
en bailTant 6c hauffantalternativemeiât cet-
te boîte , l'eau-forte qui y feroit, paflercic
fur la planche au premier mouvement ^ 6c
y repafleroit en fécond en allant d'un côté
de la boîte à l'autre \ qu'ainfi en ballotant
cette eau forte par le moyen des deux
mains , on épargneroit la fatigue qu'on
efliiie dans la manière précédente, dans
laquelle il faut ramaffer l'eau forte dans
a œrrine , pour la reporter fânsxeire fur
ù des Amateurs. cv
la planche. D'ailleurs la façon prccipirée >
dont l'eau^force conrenuc dans la boite
pade fur k planche , fait gagner un tems
confidérable à l'Artifte , ce qui eft un ob-
jet intérelfant.
Revenons à ce qui regarde l'effet de
Trau fo: :t;. Cette liqueur coirofive ô,Q^i-
n-je à îvp;:rofondir les tailles , lorfqu'elle
eil: répuiiduë fur la planche , la creufe
effcdtiven^ent en détruifant les parties de
cuivre qui font découvertes , 6c en ref-
pedant celles qui font enduites de ver-
nis. Mais il ei^: néceiTaire, pour qu'une
planche foit au point de perfc6tion où
tend le Graveur, que ces tailles foient
approfondies avec une jufte dégradation :
les lointains où les plans éloignés ne fe-
ront point l'effet qu'ils doivent faire , fî
les tailles dont il font travaillés font trop
approfondies j car alors le noir d'im<
preflion dont on remplit ces tailles en
imprimant la planche , y fera en trop
grande abondance ; ces objets paroîtront
trop noirs fur l'eftampe , Se ne feront
pas rillufion qu'ils doivent caufer : il eft
iionc nécelTaire de conduire avec une pran-
de fâgacité & beaucoup d'intelligence l'o-
pération de l'eau- forte fur les tailles :
pour cela, lorfqu'on a fait mordre fa
<ryj' Manuel des Artifles
planche pendant l'efpiîe de rems qu'on
eftime Juffifant pour les K^inrains^ on
fiii'pend l'opération de l'eau forte j on re-
tire la planche, on la lave en verfant
bemcoiip d'eau fraîche deffus , enfuite
on la laiile fécher à l'air ou en l'appro-
chant doucement d'un feu très- modéré.
Lorfque la planche fera fèche , vous vous
éclaircirez de Teffèt qu'a produit i'eau-
forte , en découvrant le vernis , avec un
grattoir ou un petit morceau de charbon
de fauie , dans quelque endroit des loin-*
tains.
Si vous jugez qu*ils foient affez mor-
dus, vous couvrirez tout ce qui doit
être du ton de ces lointains , en vous fer-
vant du mélange que j'ai déjà indiqué ,
&: qui fe fait avec le vernis de Peintre
ôc le noir de fumée \ vous i'employerez
avec des pinceaux plus ou moins fins >
fuivant la ^v\^^q des traits & des maf-
its que vous voulez couvrir. En fui te ,
après avoir donné le tems à ce vernis
que vous venez d'employer , de fécher ,
vous remettrez votre planche comme
elle étoit , pour l'expofer de nouveau
à l'eau forte; vous la ferez mordre au*
tant que vous croirez qu'il eft néceCTaire
pour les plans ^ iuivent ceux que vous
ù des Amateurs, Cvîj
tveè couverts^ enfuirevous retirerez en-
core votre planche , vous couvrirez une
féconde fois ce que vous voulez fouftraire
à l'efFèt de l'eau-forte : tniin vous réitére-
rez cette opération autant de fois que
vous le voudrez, & que vous croirez
qu'il le faut , dans les plans & dans les
objets.
J'obferverai qu'il feroit injufte d'exi-
ger qu'on donnât des évaluations tropprc^
cifes du tems qu'on doit employer Peau-
forte chaque fois j les calculs & les ob-
fervations les plus exactes n'ont pu rre
fatisfaire^ l'effet de l'eau forte dépend
Ide trop de caufes accidentelles, pour
qu'on puiHTe le foùmettre à à^% règles in-
variab'es.
i^. L'eau forte ef! plus ou moins agif-
fente 5 fuivant le degré de cuifTon qu on
hii a donné, & fuivant la qualité & le
choix particulier des ingrédiens dont elle
cft conipofée,
2°. Le cuivre par fa nauiré peut ctre
pins ou moins docile à l'effet de l'eau-
îbrte 5 le cuivre mou dont j'ai parlé dans
le commencement de cet article , réfifte
à l'acbion de l'eau-forre \ le cuivre ai-
gre fe diifout trop-tôt , & toutes z^s dif-
férences font fufceptibles de dégsés 6c
de nuances infinies.
1
cvîij Manuel des Artijies
5^. L'effet de l'air inflac infenfiblemenc
fur l'effet de l'eau - forte \ le froid re-
tarde fou adion , le chaud l'accélère »
rhumidité y caufe des différences fenfi-
blés.
4°. La trsanière de fe fervir des ou-
tils avec lefquels on grave , & la dif-
férence des pointes, ou émouffées ou cou-
pantes, facilitent, à l'eau forte, l'entrée du
cuivre , où lui laiffent la peine de l'enta-
mer.
Il faut donc que Tufage, accompagné
<les obfervations particulières de TAr-
tifte, lui donne les lumières dont il
a befoin pour fe guider : il eft fort dif-
ficile d'arriver à faire mordre une plan-
che a un efîèt jufle ; & c'eft pour cela que
la plus grande partie àes graveurs fe con-
tentent d'obtenir de l'eau forte , un ton
général 5 gris, propre, Se égal, en ré-
fervant de donner à leur ouvrage avec
le fecours du burin , un accord &
Un effet dont ils font les maîtres par ce
moyen : mais cette pratique que le mé-
chanifme de la gravure favorife , eft fu-
jèt à des réflexions que j'ai déjà indi-
quées. Pourfuivons ce qui regarde l'opé^
ration que je viens de décrire.
Lorfqu'après avoir expofé autant de
& des Amateurs, cîx
rems qu'il le faut , la planche a l'action
Je l'eau forte, ce qui va quelquefois à
i'efoace d'une heure , d'une heure & d-.-
m:e & plus _, vous la trouvez parvenue
au point que vous fouhaitez \ vous la la-
vez une dernière fois dans une quantité
c'eau fraîche^ enfuite la chauffant rai-
f )nnablement , vous enlevez avec un
.linge tout le vernis dont vous avez fait
ufage avec le pinceau , pour couvrir les
diiférens plans : vous ôtez par le même
moyen la mixtion de fuif & d'huile dont
le derrière de la planche eft couvert ;
après quoi il refte à enlever le vernis
dur : vous y parviendrez en vous fer-
vant du charbon de faule que vous paf-
ferez deffus la planche, en frottant for-
tement, & en mouillant d'eau commune
I ou d'huile , <Sc la planche & le charbon.
ru eft inutile d'obierver qu'à mefure que
I vous voyez le cuivre fe découvrir , il
, faut ménager le frottement , pour que le
charbon n'altère point la fineffe de la
i, gravure. Lorfque vous aurez enfin enlevé
1 tout ce qui refte de vernis dur à la plan-
che , vous la livrez à l'Imprimeur pour
çn tirer des épreuves.
Revenons à la manière de faire mor-
t dre les planches vernies au vernis mou )
ex Manuel des Anijies
lorfqu on employé pour cela l'eau foite
qu'on nomme eau de départ'
Cette eaii-forre fe fait avec le vitriol,
le falpêtre & quelquefois l'alun de roches ,
diftiilés enfembie \ c'ell celle dont les af-
fineurs fe fervent pour fcparer l'or d'a-
vec l'argent & le cuivre j elle fe trouve
plus aifément que l'autre.
Je remarquerai ici , pour ne point Toii-
blier , qu'on peut fe fervir pour faire
mordre les planches gravées au vernis
-mou 5 de l'eau-forre dont j'ai donné la
CDmpofition, & qui eft faite avec le vi-
naigre 5 le fel armoniac , &: le verdet \
elle ménage davantage le vernis , & on
la gouverne plus aifément : mais l'eau*
forte de départ ne peut fervii pour les plan-
ches vernies au vernis dur; elle fait écla-
ter ce vernis , & détruit ainfî en un mo-
ment l'ouvrage de plufieurs jours & quel-
quefois de plufieurs mois.
Venons au vernis mou & l'eau-forte de
départ.
Il faut prendre de la cire mol!e , rou-
ge ou verte , qui devienne flexible en
l'échauffant un peu, comme celle donc
fe fervent les Sculpteurs pour modeler.
Vous en formerez , en la paîrrilTant &
l'étendantjun rebord autour de votre plart-
& des Amateurs, cxj
che. Ce rebord n'a pas befoin d'être plus
haa: que cinq ou (ix lignes au plus : mais
il faut qu'il foie tellement appliqué à la
planche de cuivre , qu elle puiiTe par fon
moven contenir l'eau dont on doit la
couvrir à la hauteur de deux ou trois
lignes. La planche ainii préparée, vous
la placerez horifoncalement fur une ta-
ble qui foit de niveau. Alors vous pren-
drez Feau-forre donc j'ai parlé, vous y
mêlerez moitié d'eau-commune , & vous
la verferez fur la planche; vous obfer-
verez fon effet qui fe rend feniible par le
bouillonnement qui eft excité par-tout où
elle creafe le cuivre : le refte de l'opéra-
tion fe rapporte à celle que j'ai décrite
pour l'eau forte a couler; c'eft-à-dire ,
que lorfque vous jugez que les lointains
& le traits qui doivent être foibles, font
alfez mordus , vous verfez de l'eau-com-
mune , vous la laiiTez fécher , vous cou-
vrez ce que vous jugez qui doit être
couvert avec le vernis de Peintre & le
noir de famée, après quoi vous y re-
mettez l'eau'forte , &c.
Voîià les manières connues de eravef
al'eau-forte; c'ell: aux Artiftes à les éprou-
ver toutes, & fur tout à ne jamais opé-
rer fans faire des obfervations : c'eft air.h
cxij Manuel des Artifies ^ ?^c.
qu'ils pourront découvrir des pratiques
ou plus commodes, ou plus rares, ou
plus convenables à leur génie & à leur
gour.
DICTIONNAIRE
DICTIONNAIRE
DES
HIÉROGLYPHES, EMBLÈMES,
ALLÉGORIES,ÉNIGxMES,DEVISESj
A T T Pv I B U T s ET SYMBOLES,
OuziÉME Lertre de rAlphafaèc
François.
Cette Lettre numérale figni.-
^^iffl he Mille chez les Auteurs, fui-
vant ce Vers :
M. caput ejinumtri queîn fcunus Mille tenere.
Quand on y nioiite un titre au-deffus,
L-lie fait Mille fois Mille , M.
ÉNIGME L
Je ne fuis point efprit , 3c j'éxifte dans l'âme j
Simple dans la malice , & double dans la femme ;
J'ai trois pieds alTez couris , ma voifue en a deux.
On ne verroit fans moi jamais de malheureux.
Tome IIL A
3 =MA=-
Sans peine , vous pouvez me trouver dans le monde.
Parcourez cependant le Ciel , la Terre & l'Onde ,
Vos efforts feront vains, on ne m*y trouve point.
Seule , je ne fuis rien ( obfervçz bien ce point ) i
Il faut que de mes fœurs la troupe m'environne.
Si je marche avec Mars , je hais pourtant Bellone,
tnfîn , pour abréger , néceffaire en amour ,
Je fuis dans la lumière , & j'abhorre le jour.
Macar,
Fils d'ÉoIe. L'incefte qu'il commit avec
Canace ou Canache fa fœur, étant venu
à la connoilTance d Eole , il ordonna que
le fils qui en étoit né, fût expofé aux
Chiens. îl envoya une Epée à fa fille ; elle
en fit l'ufage qu'il fouhaitoit , en fe tuant.
Pour Macar y il évita le châtiment par I4
fuite ; & s'étant retiré à Delphes , il fut
parmi les Prêtres d'Apollon.
M ACARIE,
Fille d'Hereule 3c de Déjanire, fe far
çrifia généreufement pour le falut des Hé-
raclides. Lorfqu'EuiylHiée vint déclaret la
guerre à Démophoon , Roi d'Athènes ^
parcequ'il avoir pris les Héraclides fous
îa protection \ on confulta l'Oracle , qui
promit la vi6feoire aux Athéniens , s'ils
vouloient immoler à Cérès une fille née
d'un père illudre, Lç Rpi ne vçut ni ft-^
M
= M A = 5
crifier fa fille, ni contraindre aucun de fes
Sujets â faire un pareil facrifice. Macarie y
inftruite de l'Oracle, fe dévoue volontai-
rement à la mort, fans vouloir permettre
que le Sort en décide entre fes fœurs ÔC
elle. » Si le Sort eO: notre Arbitre, dir-
as elle, le trépas n'eft plus volontaire, &
5> la Victime perd (on prix : je m'offre
5> moi-même à mourir ; acceptez , ii vous
35 le jugez à propos, une mort volontaire y
» mais j'y renonce, s'il faut la fubir par
» l'Arrêt du Deftin. » Les Athéniens ,
pour conferver le fouvenir d'une aclion
fi généreufe, donnèrent le nom de Maca^
ne à la Fontaine de Marathon \ &:'enfuite
ils lui confacrèrent un Temple , fous le
nom de la DéelTe Félicité.
Machine du monde.
La gaine , dans laquelle eft prife la par-
tie inférieure de cette Figure , fignifie la
folidité de la Machine du Monde : les
iquatre Élémens , dont elle eft compofée,
[font délignés par le Feu dont fa tête eft
lentourée , & par l'Aigle , le Lion & le
[Dauphin, qui font les Attributs embléma-
[tiques de l'Air, de la Terre & de l'Eau.
~,a Balance indique la jufteffe & l'équili-
;bre de fes mouvemens. Le Serpent, qui
[cherche à mordre fa queue, montre que
Aij
4 =:^MA =
facceflivement ce qui hnit , recommence.
Elle eft entourée d'un Cercle , fur lequel
font repréfentés les Signes des fept Pla-
nètes.
Mages.
C'eft ainfi qu'on appelloit chez les Per-
fes, les Prêtres Ôc Miniftres de la Reli-
gion ; comme les Druides chez Iqs Gau-
lois, les Gymnofophiftes chez les Indiens.
Les Mages étoient dans une extrême
conlldération , également recherchés des
Grands & du Peuple. On leur confioit
l'éducation des Princes ; & même aucun
Roi n'étoic couronné , dit Suidas , qiul
n'eût fubi une efpèce d'examen parde-
vant les Mages, Darius, fils d'Hyltafpe ,
crut s'honoper beaucoup, en faifant gra-
ver fur fon tombeau , qu'il avoir été par-
faitement inftruit dans toutes leurs con-
noilTances. Par rapport au Culte de la Di-
vinité , ils ne vouloient ni Temples , ni
Autels, difant qu'on diminue la Majefté
de Dieu , de celui qui remplit tout par fa
préfence & par {es bienfaits , en renfer^
mant , pour ainfî dire , cette Majefté dans
des murailles. *» Tout l'Univers , ajou^
»» toient-ils , félon Cicéron , annonce fa
a grandeur &: fa puifFance : tout l'Uni»
î3 vers par conféquenc doic lui fervir ds
j
j5 Temple & d'Autel. Où le peut-oa
*i mieux connoitre & adorer , que là ou
>i il s'elt peint avec le plus d'avantage. «
Ainfi 5 quand les Perfes vouloient fatif-
faire aux devoirs de la Religion , ils fe
letiroient fur les Montagnes les plus éle-
vées, de la ils fe profternoient devant Ju-
piter j c'eft-à-dire , devant le Ciel même ,
qu'ils croyoient tout pénétré de la Divi-
nité : là ils faifoient leurs différens Sacri-
fices.
Les Mages croyoient une efpèce de
Métempfycofe Aftronomique, toute diffé-
rente de celle de Pychagore. Ils s'imagi-
noient que les âmes , après la mort ,
étoient contraintes de pafler par fept por-
tes 5 ce qui duroit plufieurs millions d'an-
nées, avant d'arriver au Soleil, qui eil: le
Ciel empiré, ou le Séjour des Bienheu-
reux. Chaque porte, différente par fa ftruc-
ture , étoit aufîi compofée d'un métal dif:-
férent, 6c Dieu l'avoir placée dans la Pla-
nète qui préfîde à ce métal. La première fe
trouvoit dans Saturne, de la dernière dans
Vénus. Comme rien n'étoit plus myfté-
rieux que cette Métempfycofe, les Mages
la repréfentoient fous l'Emblème d'une
Échelle très-haute, t< divifée en fept paf-
fages confécutifs , dont chacun avoir fa
marque, fa couleur particulière; & c'ell
A iiî
ce qu'ils appelloient la grande Révolutiofî
des corps céleftes & terreftres , l'entier
achèvement de la Nature.
Selon Thomas Hyde, fçavant Anglois,
les Mages ne reconnoifToient qu'un fou-
verain Etre, dont le Feu étoit le Sym-
bole ; & s'ils rendoient un Culte reli*
gieux à cet Élément , ce n'étoit qu'un
Culte relatif à la Divinité qu'il repréfen-
toit. Cette Religion , qu'on appelle le
Magifme , fubfifte encore aujourd'hui
chez les Guèbres , dont on trouve encore
quelques reftes en A(ie , félon le même
Auteur. Zoroaftre palfe pour le Fondateur
de cette Religion , de pour le Chef des
Mages.
Magie.
C'eft l'Art de produire dans la Nature
des chofes au-delTus du pouvoir de l'hom-
me, par le fecours des Dieux, en em-
ployant certaines paroles &: certaines céré-
monies. 11 paroît que la Magie eft aufîi
ancienne que l'Idolâtrie. Les Magiciens,
que Pharaon oppofa à Moyfe , font de
l'antiquité la plus reculée. Comme les
Magiciens invoquoient deux fortes de
Divinités , les unes bienfaifantes , & les
autres malfaifantes & nuifibles ; cette
différence coaftituoit deux fortes de Ma-
g/g ; l'une , qui a voit recours aux Dieu^
bienfaifans, fut nommée Théurgie ; l'au-
tre, qui n*av^oit pour objet que de faire
le mal , ôc qui pour cela n'invoquoit que
des Génies malfaifans , fut appeilée Goé-
tie. Il y a une efpèce de Magie , qu'on
appelle Naturelle , qui n'eft qu'une con-
noifTance plus grande àes caufes phyfi'
ques 5 que celle qu'en a le vulgaire igno-
rant, qui a coutume de regarder comme
des prodiges , des effècs dont il ignore la
caufe 5 & comme de véritables prédic-
tions 5 ce que le Phyficien lui annonce
devoir arriver. Il eft fouvent arrivé que
ceux qui avoient des connoiffances fupé-
rieures aux lumières ordinaires, n'étoienc
pas fâchés qu'on les crût infpirés des
Dieux , ou en commerce intime avec
eux. De-là tant de prétendus prodiges
attribués aux Dieux.
Magnanimité.
Je fuis la Reine des Vertus i
On en convient parmi les hommes .'
Cependant au iiècle où nous fommes ,
A quelques Héros près, on ne me connoîr plus.
La Générofîré étant la principale préro-
gative de cette Vertu héroïque , on la fait
porter par un Lion, qui en eft le Sym-
A iv
'8 =MA==
bole. Elle tient une Corne d'Abondance ,
dont eîie répand de l'argent. Elle a fur
la tète une Couronne Impériale , & un
Sceptre à la main. Son vêtement eft d'une
riche érolFe j & fon vifage affable & riant
indique fa douceur , de la grandeur de (qs
fentimens.
M
AGNIFICENCE.
Le Caractère de la tète de cette Figure,
eft femblable à celui de la Magnanimité,
parceque l'une & l'autre font des Veitiis
héroïques. Celle-ci a une Couronne d'or
fur la tète, ôc fa draperie eft d'étoffe d'or.
Elle eft ailife dans un lieu magnifique,
tenant le Plan d'un grand Temple : on
voit dans Téloignement une Statue* de Mi-
nerve, pofée fur une colonne.
La Magnipicence des Rois
A quelque chofe d'héroïque j
J'aime le Prince qui s'en pique :
Le Peuple en fouffre quelquefois ;
Mais qu'y faire ? Un vrai Roi doit être Magnifi-
que.
Magophonie.
Fête établie chez les anciens Perfes, en
mémoire du maffacre des Mages , Se en
particulier de Sinerdis le Mage , qui avoir
ufurpé le Trône de Perfe après la mort de
Cambife. Darius, fils d'Hyftafpe, ayant
été élu Roi à la place du Mage, voulut
en perpétuer la mémoire par une grande
Fête, qui devoir fe célébrer tous les ans 5
dit Hérodote.
Ma GU s ANUS.
Hercule fe trouve furnommé Magufa-
nus dans des Médailles de Pofthume j on
croit que ce nom eft pris de Magiifum ,
Ville d'Afrique , donc Pline fait mention
au fixième Livre defon Hiftoire naturelle.
Chapitre 2C), où ce Héros avoir peut-être
im Temple ou quelque Statue célèbre >
dont le Culte s'étendoit bien loin. On trou-
va en 1 5 r 4. dans l'Iile de Valkeren en Zé-
lande, fur le bord de la Mer, une figure
de cet Hercule Magufanus : il porte un
grand Voile, qui lui couvre la tête &: lui
defcend fur le bras , fans le couvrir d'ail-
leurs. Il tient une grande Fourche appuyée
contre terre , & de l'autre main un Dau-
phin. A fon côté , eft un Autel , d'où for-
cent de longues feuilles pointues , comme
des Joncs marins ; &: à l'autre côté , eft un
PoiiTon ou Monftre marin. On peut con-
jeélurer de ces Symboles, qu'il pafToitpour
une Divinicé de la Mèr.
Av
lO î=MA==:
Mai.
Ce Mois étoit perfonnifié fous k figu-
re d'un homme entre deux âges , habillé
d*une robe fort larae & à o-randes man-
ches 5 qui porte une Corbeille pleine de
fleurs, & tient de l'autre main une Fleur,
qu'il porte à fon nez j ce qui peut avoir
rapport aux Jeux Floraux. Le Paon qui eft
à fes pieds , montre par fa queue une ima-
ge du Mois de Mai , tant elle eft chargée
de fleurs , que la Nature y a peintes. Au-
fone a ainfl exprimé en quatre Vers le
Mois de Mai, te C'efl: le Mois qui pro-
w duit le lin dans nos campagnes : c'eft lui
9> qui nous fournit toutes les délices du
■ » Printemps, qui orne nos vergers de fleurs,
39 & qui remplit nos corbeilles : il efl: ap-
M pelle Mai de Maïa , fille d'Atlas : c'efl
3» le Mois qu'Uranie aime fur tout au-
35 tre. » Mai étoit fous la protedion
d'Apollon. C'eft dans ce Mois qu'on cé-
lébroit des" Florales pendant les trois pre-
miers jours y les Lémuriennes qui du-
roient auflî trois jours, à commencer le
fept avant les Ides , ou le neuf du mois :
les Agonales ou Agonies de Janus , le dou-
ze avant les Calendes de Juin , ou le
vingt-deux de Mai : 3c les Fériés de Vul-
cain ou les Tubiluftres , le dix avant les
Calendes de Juin. On célébroit encore
aux Ides de Mai la nailTance de Mercure
&: la fêce des Marchands. Les Romains ,
qui étoient en général fort fuperlHtieux ,
cbfervoient de ne point fe marier dans le
Mois de Mai , à caufe des Fjtes Lému-
riennes ou des malins Efprits qui fe célé-
broienc le neuf du mois ; & ils avoienc
un proverbe , qui difoit le Mois de Mai
funefte aux noces : Menfe Maio maie nu-
hunt. Cette ancienne fuperftition fub-
firte encore aujourd'hui en quelques en-
droits parmi le Peuple , qui fait fcrupule
de fe marier au Mois de Mai ^ comme
étant un Alois malheureux , fans en al-
léguer d'autres raifons qu'une ancienne
tradition.
La Terre fe pare de fleurs ;
Elle en fait des bouquets à Flore :
Llle rit aux dépens de l'Aurore,
Se réjouiflant de Tes pleurs.
Majesté Royale.
Elle fe repréfente aiTife gravement fur
un Trône, vêtue de la pourpre & du man-
teau royal. Elle a une Couronne fur la
lête, tient un Sceptre de la main droite,
& de la gauche un Aigle. Cet Oifeau ,
qui étoit, chez les Égyptiens, le Hiérogly-
Avj
j2 =MA===
phe de la Paiffance Royale , eft l'AttribiU
qui convient à ce fujèt.
ÉNIGME IL
Il eft vrai , je fuis mère , & j'ai plufieurs enfans ,
Et je les ai dès mon enfance j
Mais les petits, comme les grands,
Sont égaux d'âge & de naiffance ,
Et viennent tous à même temps.
Chacun d'eux , fans être morne ,
Se croit à ce fort defliné ,
Qu'il doit au moment qu'il eft né ,
En fa tête porter la corne.
Ils font tous difpofés à me rendre fervice i
Mais telle efl: la févère Loi ^
Que fi l'on me reprend pour quelque maléfice y
Chacun d'eux pafTant pour complice ,
Ils font tous punis avec moi.
Main.
Toutes les parties du corps humain ,
prifes féparément , & principalement la
Main étoit honorée comme 'une Divi-
nité, félon S. Athanafe, dans fon Traire
contre les Gentils : ce qui fe prouve vé-
ritablement par un très-grand nombre de
fMains qui fe trouvent parmi les Monu-
mens, lesquelles font prefque toutes char-
gées de Têtes de de Symboles des Dieux ^
= MA== 1?
& de ces Animaux qui faifoient Tobjèt
du Culte des Égyptiens. Rien n'empêche
pourtant de croire que ces Mains myfté-
rieufes font des vœux , ou plutôt des ac-
compliflemens de vœux ; & qu'elles ont
été appenducs dans les Temples des Dieux
à qui elles étoienr vouées , en reconnoif-
fance de quelque fignalée faveur reçue,
ou de quelque guérifon opérée extraordi-
nairement.
Un des Symboles les plus ordinaires de
la Concorde , font deux Aiains jointes :
rien de plus commun que ce Type fur les
Médailles. Quelquefois les deux Mains
jointes tiennent un Caducée ; marque que
la Concorde eft le fruit de quelque négo-
ciation. On voit aulîi les deux Mains
jointes tenant un Caducée entre deux Cor-
nes d'Abondance, pour montrer que l'A-
bondance accompagne toujours la Con-
corde. Dans une Médaille d'Augufte, on
trouve trois Mains jointes & croifces d*un
Caducée, avec ces mots, le Salut du Genre
humain» C'étoit peut-être la Devife du
fameux Triumvirat \ ou bien ce nombre
de trois fe prend-il pour exprimer la Con-
corde parfaite qui régna dans l'Empire
Romain fous Augufte. La Main portée
fur la têre , étoir, chez les Anciens, une
marque de sûreté, ou demandée, ou ob-
14 =r:=MA.^:=:
tenue. Plutarque, dans la vie de Tibérias
Gracchus, raconte que celui-ci voyant que
Scipion Nafica venoit pour le tuer , &
que le tumulte étoit fi grand , qu'on ne
pouvoit entendre fa voix , mit fa Main
fur fa tête , pour montrer la grandeur du
péril. Se demander sûreté.
ÉNIGME 1 1 L
Apprenez que je fuis puîiTante 5
J'ai cent pages de compte fait ,
Que rien au monde n'épouvante.
Leur teint uni , blanc comme lait ,
Eft d'une grâce alTez charmante.
Leur taille dégagée a pour plus grand attrait
Une égalité Surprenante ;
Et le regard le plus parfait
N'y trouve point de différence ,
Tant éxade eft leur relTemblance.
Par leur moyen , les beaux efprits galans
Ont de quoi s'occuper , fans cha2;rin & fans peine 5
Pour plus d'une femaine ;
S'ils ont deffein d'exercer leurs talens ,
Et d'en rendre à leurs yeux les effets évidens.
On les emploie à beaucoup d'autres cliofes j
Et dans les intrigues d'amour ,
C'eft à compter fleurette , à porter lys & rofes ,
A mettre feux & fers au jour ,
Et faire voir enfin , à beau jeu beau retour.
Ainfi je fuis utile , & même nécelîaire,
A cent forces d'affaires ,
D'honneur & de fortune , auili-bien que de cœur.
Vous le fçavez , ami Ledcur :
Tous en êtes fou vent le témoin oculaire.
Ma
LIGNITE.
On perfonnifie ce fujèt par une vieille
femme , d'un regard fournois. Elle a le
vifage pâle; parceque l'humeur maligne,
dont l'intérieur eft infedté , fe manitelle
par l'extérieur de la perfonne. Son vête-
ment eft couleur de la rouille du fer. Elle
tient un Bâton , dont elle trouble l'eau
d'un Étang. Son Attribut eft un Singe ,
qui travaille â déraciner un pieu , pour
faire tomber un nid d'Oifeau, qui eft au
haut.
Contemple, ô Mortel , cet Emblème 1
C'eft un portrait affreux , le portrait du rac'chant :
Peut-être t'aurois-je peint toi-même ;
Peut-être y verrois-tu ton malheureux penchant.
Ma MM ON A.
C'eft le nom d'un Dieu des Syriens,
qui préfidoit aux Richeifes. Il n'eft connu
que par l'Évangile de Saint Matthieu»
i6 .^MA===
MaN A ,
Divinité Romaine, qui prcfidoit par-
ticulièrement aux maladies des femmes.
On y joignoit ordinairement le mot Ge-
nita , parcequ'elle préfidoit aulTi a la naif-
fance des enfans : c'eft pourquoi les Ro-
mains la comproient parmi les Divinités
qu'ils appelloient Génitales.
ÉNIGME IV,
Beautés, dont la blancheur peur eifacer les lys ,
Nous fommes plufieurs fœurs d'un teint égal aux
vôtres ,
Qui tenons dans nos fers , fans méprifer les autres ,
Les Amans les plus accomplis.
L'amour c[u'on a pour nous eft pourtant fort com-
mune,
Et le plus £dèle amoureux
Ne fçauroit fe contenter d'une 5
Il faut qu'il en ait toujours deux.
Pour les charmes nous fommes fines 5
Et nous pouvons dire de plus ,
Qu'on en trouve entre nous quelqu'une de Malincs ,
Ayant des yeux autant qu'Argus.
Nous n'avons pourtant point de tête ,
Et nous n'avons jamais qu'un pied.
Mais qu'importe ? Cela nous fied ;
Et nous pouvons aider à faire une conquête.
=^= M A = 1 7
Avec cette propriété ,
Voyez la cruauté des hommes :
Le meilleur, au temps où nous fommes,
Nous réduit à l'extrémité.
Mânes*
Par ce mot, les Anciens entendoient ,
tantôt les Divinités infernales ; Pluton ,
Minos 5 Rhadamanthe, les Parques , les Fu-
ries , &c. tantôt les âmes mêmes dQS
morts 5 aufquelles ils donnoient par hon-
neur, dit Apulée , le titre de Dieux : ffo^
noris gratiâ Dei vocabulum additum eji.
Mais fi ce n'eft que par honneur, com-
ment les invoquoient- ils r Car il y a un
grand nombre dlnfcriptions qui commen-
cent par CQS mors : Je prie les Dieux Ma»
nés d'un tel y de in être favorables. Et com-
ment peut-on appeiler Dieux , ces âmes
qui étoient menées devant le Tribunal
des Dieux pour y être jugées ? Comment,
dis-je, peut-on appeiler Dieux , cqs âmes ,
fans fçavoir fi elles feroient livrées aux
fupplices pour leurs crimes , ou recom-
penfées pour leurs bonnes actions ? A ce-
la, on répond j i°. que les Païens raifon-
noient très-peu conféquemment fur la
plupart de leurs Divinités , & qu'il ne
faut pas s'attendre à trouver dans la My-
thologie un Syftème fuivi : i^. que les
î8 =MA —
Dieux Mânes pourroient erre quelque
puiiTance arrachée à chaque homme en
particulier. C'étoit l'Opinion commune ,
que le Monde écoic rempli de Génies ;
qu'il y en avoir égalemenr pour les vivans
ôc pour \qs morrs. Les Dieux Mânes
éroienr donc les Génies des morrs , établis
pour avoir foin des fépulrures & des om-
bres qu'on croyoit errer autour de leurs
tombeaux La crainte , aurant que le ref-
pecbj faifoit qu'on avoir pour ces Dieux
une efpèce de vénération : on ne man-
quoit jamais de leur recommander les
morts. Delà la formule ordinaire qui fe
trouvoit fur les Tombeaux des Anciens ^
D, M, c'eft-à-dire , Dis Manibus, On fai-
foit fur les Tombeaux de fréquentes Liba-
tions , qui avoienr pour objet , non-feule-
ment les ombres d^s morts , mais auiîi les
Dieux Mânes qui les gardoienr. Les Au-
gures honoroienr aufli ces Dieux d'un cul-
te particulier , & ne manquoient jamais de
\qs invoquer, parce qu'ils croyoient qu'ils
ttoient auteurs des biens & des maux
qui nous arrivoienr. On dit que le bruit
t>c le fon de l'airain ou du fer étoir (i in-
fupportable aux Dieux Mânes , qu'il les
mertoir en fuite. 11 falloir faire beaucoup
de Cérémonies d: de Sacrifices , pour ap-
paifer les Mânes de ceux qui n'avoieni:
t=MA= ip
point eu de Sépuirure. Dans les dcvoue-
mens & les imprécations, on invcquoit
les Dieux Mdnes contre fes ennemis.
Manies.
Cétoient des DéelTes , que Paufanias
croit être les mêmes que les Furies.
» Elles avoient un Temple fous ce nom
55 dans l'Arcadie , près du Fleuve Alphée,
»5 au même endroit où Orefte perdit l'ef-
j> prit , dit-il , après avoir tué la mère.
55 Près du Temple , eft une efpèce de
55 Tombe , fur laquelle eft gravée la fi-
95 gure d'un doigt \ c'eft pourquoi les Ar-
55 cadiens l'appellent la Sépulture du doigt,
» & difent qu'Orefte , devenu furieux ,
55 fe coupa là avec Us dents un àes doigts
>5 de la main. Dans le voifinage , eft un
n Temple bâti aux Eumcnides , parce
» qu'Orefle fut guéri U de Ç^s fureurs.»
Ils racontent qu'à la première apparition
de ces Déelfes , lorfqu'elles troublèrent
l'efprit à Orefte, il les vit toures noires;
qu'à la féconde apparition , après qu'il fe
fut arraché un doi^t , il les vit toutes
blanches , & qu'alors il recouvra fon bon
fens : qu'à caufe de cela , pour appaifer
les premières, il les honora comm.e on a
coutume d'honorer les Mânes des moûts >
âo *= M A =
fous le nom de DéelTes Manies \ mais
qu'il facrifiâ aux fécondes.
Mansuétude.
Veux*tu charmer tous les Mortels ,
Leur être agréable , leur plaire ,
Et t'attirer par-tout des honneurs immortels ?
Sois doux , affable & débonnaire.
Là Manfuétude efl: reprcfentée fous lâ
figure d'une femme avancée en âge, qui
doit avoir modéré fes partions. Sa main
droite eft pofée fur un Éléphant , Symbole
de la modération ^ elle porte fur fa tête
une Couronne d'Olivier , qui eft le prix
de cette vertu.
Manteau.
Il étoir fort en ufage chez nos Ancêtres :
quand il éroit fourré , il n'appartenoit
qu'aux perfonnes du premier rang. On
l'agrafoit fur l'épaule droite j de force qu'é-
tant toujours ouvert de ce coté-là , jamais
par-devant , on avoit l'entière liberté du
bras droit j ôc on le retrouffoit fur l'épaule
gauche , pour laiiïer le libre ufage de l'é-
pée. Il traînoit par- derrière , & tcmboic
jufqu'à terre. On diftinguoit les divers or-
dres des Seigneurs, à 1 ampleur du bord
==-MA=:= 21
&: à la qualité de la fouriire ou hermine,
qui l'entouroic , à la largeur du repli du
coller 5 à la longueur de la queue traj*
nante.
Les Ducs , Comtes , Barons , Cheva^
liers , le portoienr d'un drap d'écarlate ou
violet. Cette dernière couleur a prévalu
dans le long habit de cérémonie pour les
Pairs.
Manturne,
Divinité Romaine , que les maris invo-
quoient pour obliger leurs femmes à dç-
rneurer dans la maifon,
ÉNIGME y,
pans le tour d'un compas, j'enchaîne l'Univers,
Du Lever au Couchant , du Midi jufqu à l'Ourfe ,
Je trace au Curieux une facile courfe ,
Et fais franchir a l'œil mille climats divers.
Je fixe dans mon fein l'Eau , la Terre & les Airs.
Ambitieux humains , quelle vafïe refTource !
Jufqu'aux bords enflammés oà \z jour prend fa
fource ,
Je déploie à vos ycux l'immenfité des Mers.
Toutefois aux Céfars \z fervis de frontières.
Alexandre , a legrct ferré dans mes barrières ,
^2 =.= MA.==
Pleura de ne pouvoir con.juérir au-delà.
Mais depuis ces Héros , que de terres nouvelles :
Mes traies four plus nombreux, plus juftes, plus
fidèles ,
Et j'ai rçndu fameux l'Amant de Dalila.
JÈ. N l GM E V L
Je commence à briller dans la faifon nouvelle ,
Suivant de fort près l'Hirondelle.
Vous , Peintres , me voyant blanc , bleu , vert ,
violet ,
Vous qui fçavez l'eifèt du mélange en peinture ,
Apprenez-moi pourquoi , vermeil de ma nature ,
Le gris-de-fer me rend jaune , noir, blanc de lait j
Hnfuite un furtout noir finit ma deftinée ,
Quand fépulture m'eft donnée.
A de mauvais plaifans, j'infpire le bon mot;
Pour les faire railler , je fuis leur vrai ballot. -
Mais raillerie à part , jç pique les gens chiches 5
J'agis avec douceur plutôt fur les gens riches :
Avec force j'agis fur les plus parelfeux j
Tant pis pour eux.
Marathon,
Bourgade de l'Attique, célèbre par la
Victoire que Miltiade, à la tête de dix
mille Athéniens, remporta fur les Perfes,
dont l'Armée étoic de cent mille hommes.
r^= M A -= i5
Les Vainqueurs ne perdirent que deux
cents hommes, à qui on érigea fur le champ
de bataille d'illuftres monumens , où leurs
noms Ôc celui de leurs Tribus étoient
marqués, Paufanias dit, « que, fi on veut
7* croire les Marathoniens , il y eut en cet-
» te fameufe journée un événement fort
î> fingulier. Un inconnu , qui avoit l'air
» & rhabit d'un Payfan , vint fe mettre
?> du côté des Athéniens durant la mêlée ,
« tua un grand nombre de Barbares avec
5î le manche de fa charrue, & difparut
s> auflicôt après. Les Athéniens ayant con-
» fuite l'Oracle, pour fçavoir qui étoit cet
3i inconnu , n'eurent d'autre réponfe , fi-
w non qu'ils honoraffent le Héros Echet-^
93 lée. On conte encore que , dans la cam-
j3 pagne de Marathon , l'on entend toutes
» les nuits des henniffemens de chevaux
9> ôc un bruit de combattans. Tous ceux
9> que la curiofité y attire , 6c qui prêtent
« l'oreille à deifein , s'en retournent fort
»> maltraités ; mais ceux qui paffant leur
sî chemin, voyent ou entendent quelque
â> chofe , n'offenfent point les mânes , ÔC
35 il ne leur arrive point de mal.
Marathon étoit déjà fameux parla Vic^
toire de Théfée fur un furieux Taureau ,
cu'Hercule avoit amené de Ci ère par l'or-
dre d'Euryiihée , ôc qui ayant été lâché
dans le territoire de Marathon , y faifoic
d'horribles dégâts.. Théfée combattit ce
terrible Animal, le dompta, l'amena tout
vivant à Athènes , pour le faire voir au
peuple, & lefacrifia enfuira à Apollon.
ÉNIGME VIL
Je vous relTembLe , Iris j je ne me trompe pas :
Nous fommes froids & durs avec beaucoup d'appas ,
Et fatiguons fouvent la patience
Des gens qui font les délicats*
Mais voici notre différence ;
Cell que malgré ma refîftance ,
On fait de moi tout ce qu'on veut ,
Avec le temps & la perfévérance 5
Au lieu qu'on dit qu'Amour ne peut,
Ni par fes traits , ni par fes flammes ,
Faite impreflîon fur votre âme.
Mardi,
Troifième jour de la Semaine , confacré
à Mars ; il étoit aufîî perfonnifié fous la fi-
gure de ce Dieu.
Mariage.
înformez-vous 43les mœurs plus que de la richelTe,
Si, dans le nœud d'Hymen , vous cherchez le repos.
Qu'a-t-il ? Qj'a-î-elle ? font deux mots
Qui n'ont jamais produit ni douceur, ni tendreiTc.
Cet
==MA=:î= 2J
Cet état eft perfonnifîë par un beau jeune
homme, vètu& coeffé galamment. Il porte
un Joug fur Tes épaules , 6c a des Entraves
aux Jambes. La Pomme-coing qu'il tient,
lui eft donnée fur l'autorité de Solon, qui
ordonnoit aux Athéniens d'en préfentei:
aux Epoux, foit pour la vertu de ce fruit,
qui, par fa qualité, eft dédié à Vénus, foie
que , par fa beauté de fon odeur agréable , il
voulut fymbolifer la douceur des premiers
fruits de l'Hymen. La Vipère qu'il écrafe
fous ks pieds , eft l'Emblème de l'Infidélité.
ÉNIGME FI IL
Je fuis d'une liaace naîflance,
Mais pe:i: , d'un teint bafané ,
Tiranc beaucoup fur le tanné ,
fans pareil & fans relfemblance,
\\ ^e n'eft qu'on me prît pour un vrai hérifTon ,
De très-petite &: balTe mine ,
Ou bien pour un fagot d'épine.
Piquant &: froid comme un glaçon ,
Quand j'étois encore en ma place,
Pertonne n'otbit ni'approcher,
Ki m'off^nfer, ni me toucher,
Tant je faifois laide grimace.
»lais quand de mon Palais chafTé par les Dedins ,
Je tombe fans robe par terre ,
Tout le monde me fait la guerre ,
Et m'écrafe dans les fcftins.
Tome IIL B
Je parois donc être l'image
De CCS efprics indociles , altiers ,
Qui n'écoutenr pas volontiers
Ceux qui font d'un plus bas étage î
Qui ne fçurenc jamais ce que c'eil qu'être humains 5
Mais qui deviennent doux , quand la fortune lalTc ^
Par une fubite difgrâce ,
Vient à s'échapper de leurs mains.
De même étant fur le pinacle j
Bien enfermé dans mon donjon ,
Si ru voulois me rendre bon ,
Il te faudroit faire un miracle.
Mais fi je tombe, attends un peu à
Tu feras de m.oi ton délice ,
Quand j'aurai fouffert le fupplice
Du glaive tranchant & du feu.
EN I GME IX,
Nous fommes plufieurs fils , bruns , unis & jumeaux à
Dans le ventre d'une blondine.
Que la Nature a faite , &; piquante , & mutine.
Pour nous garder des animaux ,
Elle leur fait mauvaifc mine :
De mille traits aigus , elle les aflafïïnc ;
j;t la main qui les touche , en relTent mille maux,
Cela fait que l-homme en colère ,
Pour réuffir dans Ton defTeia ,
£:rafe avec les pieds , & les traits , & le fein
De celle c^ui nous fer: de mère,
r=iMA= 27
Que fair cet homme , hélas ! dans Ton ardent cour-
roux ?
De peur que nous parlions de notre trifte peine ,
Il nous perce de mille coups ,
Quand , dans les feux , il nous promène.
Ce n'eft pas tout j il nous prend tous ,
Il nous glace fouvent , ce qui lui fcmble doux :
Pour comble de rigueur , qui lui plaît plus encore ^
Mes chers amis , le croirez-vous ?
Apres ces maux foufferts , le cruel nous dévore.
Mars.
Le Dieu des Batailles , des Combats Se
des Querelles , étoit , félon Homère , ôc
tous les Poètes Grecs , fils de Jupiter &
de Junon. Ce n'eft que parmi les Poètes
Latins 5 qu'on trouve la Fable ridicule,
qui dit que Junon, piquée de ce que Jupi-
ter avoit mis au monde Minerve fans fa
participation , avoit voulu a fon tour con-
cevoir ôc engendrer fans le fecours d'un
mâle. La Déelfe Flore lui montra une
fleur qui croiiToit dans les champs d'Olè-
ne , de dont le feul attouchement produi-
foit cet admirable effet. Cette Fable n a
été inventée, dit Bocace, que fur le carac-
tère féroce de Mars , qu'on n'a pu croire
fils d'un Prince auiTi poli que Jupiter. Ju-
îipî> fie élever le jeune Mars par Priape^
Bij
■^g ^ = M A ^=r::=
de qui il apprit la Danfe & les autres
Exercices du corpç, comme les préludes
de la Guerre. C'eft pour cela , dit Lucien,
cju'en Bithynie on offroit à Priape la Dix-
me des dépouilles cjui étoient confacrées
au Dieu Mars.
Les principales Aventures de Mars
font y fon Jugement au Confeil des douze
Dieux pour la mort d'AUyrothius \ la
Mort de fon fils Afcalaphus, qu'il veut
venger contre Tordre de Jupiter y fa Bief-
fure par Diomède; fon Combat contre
Minerve , & fon Adultère avec Vénus.
Mars ayant appris qu'AHyrothius , dis
de Neptune, avoit fait violence à Alcippe,
vengea l'ourrage fait à fa fille , en tuant
LAuteur du crime. Neptune défefpéré de
la mort de fon fils , fit appeller Mars en
jugement devant les douze Dieux du
Ciel , & l'obligèrent de défendre fa caufe.
Mars fe défendit Ci bien ^ qu'il fut ab-
fous. Cette aventure attribuée à Aïars ,
doit s*entendre de quelque Guerrier ac-
cufé de meurtre devant le Sénat d'Athè-?
nés ; & comme les Juges qui travaillèrent
à cette caufe , étoient au nombre de
Douze , de des principaux d'Athènes , ou
dit que c'étoit devant les douze Dieux.
Afcalaplius , fils de Mars , qui com«
înandoit les Béoûçn? au Siège de Tro^e |
ayant été tué, le Dieu en fat (î pénétré de
douleur , que fans craindre le relfenti-
ment de Jupiter , qui avoit défendu aux
Dieux de prendre parti pour ou contre les
Troyens y «« il ordonne a la Fureur & à la
îî Furie, dit Homère, d'atteler fun char,
îî de prend hs armes éclatantes. 11 alloic
» dans ce moment allumer dans Tefprit
» de Jupiter une colère bien plus furieiife,
» Cl la DéefTe Minerve n'eut couru fur
jj le champ après lui. Elle lui arracha fon
3> cafque , fon bouclier Se fa pique , «Se
33 d'un ton plein d'aigreur , elle lui dit ;
3> Furieux de infenfé que vous êtes , ne
î3 confervez-vous donc plus aucun refpeci:
j3 pour le Maître des Dieux , & avez- vous
>î oublié fa défenfe ? Retenez le relfen-
13 timent que vous infpire la mort de vo-
33 cre fils ; de plus braves que lui ont déjà
33 mordu la poulîière ou la mordront bien-
i* tôt. Eft-il pollible , dans les fanglans
33 combats, de fauver de la mort tous les
33 fils des Immortels ? En fînilTant ces
33 mots , elle ramena Mars , & !e fit alTeoir
53 malc^ré fa fureur. 33
Mars ayant pris parti pour les Troyens,
contre la parole qn'il en avoit donnée à
Minerve , cette Déelfe excite Diomède à
aller combattre contre le Dieu même des
Combats. Ne craignez rien, lui dit-elle,
Bii)
56 '^=rrMA=:3.
bî le Dieu Mars ni aucuns des Immor-
tels ; pouffez vos chevaux droit à lui , ÔC
frappez-le de près , fans refpecter ce Fu-
rieux, cette pefte publique, qui fait tant
de maux à tous les Mortels. Mars n'eue
pas plutôt apperçu Diomède , qu'il mar-
cha contre lui , Se lui allongea un grand
coup de pique , que la Déeife eut foin de
détourner. Diomède à fon tour lui porte
un audi grand coup j Minerve conduit la
pique ÔC là fait entrer bien avant au-
deffous dQS cotes : elle fait une cruelle
blelfure au Dieu , ôc déchire fon beau
corps.
Mars 5 en la retirant , jette un cri épou-
vantable, de tel que celui d'une armée
qui marche pour chercher l'ennemi. 11 s'é-
lève aullîtôt vers l'Olympe , au milieu
d'un tourbillon de pouiîîère ; & le cœur
ferré de douleur Se de trifteffe , il montre
à Jupiter le fang immortel qui coule de
fa bleifure, ôc lui porte fes plaintes contre
Diomède, Se contre Minerve qui l'a en-
hardi à ce combat. 35 Jupiter le regardant
s» avec dçs yeux de colère ; Inconftant , Per-
M fide , lui dit-il , de tous les Dieux qui
« habitent l'Olympe , tu m'es le plus
w odieux : tu ne prens jamais plaiiir qu'à
w la Difcorde , à la Guerre Se aux Com-
j> bats Cependant , parce que c'efl
è=: M A = 5 î
î3 fon fîls , il ordonne au Médecin des
ïî Dieux de le guérir. Péon met far fa
« blelTure un beaume exquis , qui le gué-
3> rit fans peine j car dans un Dieu il n'y a
;:> rien qui foie mortel.
Homère fait chanter à UlyfTe , par un
Chantre divin , les Amours de Mars & de
Vénus- Le Dieu avoir eu une première
fois les faveurs de la DéefTe dans l'appar-
tement même de Vulcain. Le Soleil, qui
les vit, en alla d'abord avertir le mari,
qui 5 outré de l'offenfe , & l'efprit plein
de grands deflèins de vengeance , fe mit
à forger des liens indillolubles pour arrê-
ter les coupables.
Il étendit ces liens tout autour du lit,
& les difpofa de manière , que , par un
fecrèt merveilleux, ils dévoient envelop-
per les deux Amans , dès qu'ils feroient
couchés. C'étoient comme des toiles d'a-
rai^ée, mais d'une fi grande fineîre ,
qu'ils ne pouvoient être apperçus d'aucun
homme, non pas même d'un Dieu, tant
ils étoient imperceptibles , & fe déro-
boient aux yeux les plus Bns,
Quand le piège fut tendu , Vulcain fit
femblant d'aller a Lemnos. Les Amans en
furent informés & ne tardèrent pas à fe
voir. Le Soleil qui faifoit fentinelle pour
le mari , l'avertit du fuccès de (es pièges.
B iv
Vulcain , à cette vue, eft faifi de fureur,
6: fe met à crier avec tant de force , qu'il
afTemble tous les Dieux de l'Olympe. La
plupart rient de l'aventure, &c les moins
révères témoignent qu'ils ne feroient pas
fâchés d'être déshonorés à ce prix. Nep-
tune ei\ le feul qui ne rit point y mais
cependant il prie inftamment Vulcain de
délier Afars , en lui promettant de fa
part une entière fatisfadtion. Vulcain , à
la prière de Neptune, Se fous fa caution,
délie ces merveilleux liens. Les Captifs
mis en liberté , s'envolent aulTi-tôt l'un
dans la Thrace , & l'autre à Paphos.
Paiéphate explique cette Fable , en
difant que Sol , fils de Vulcain , Roi d'E-
gypte 5 voulant faire obferver à la rigueur
la Loi de fon père contre les adultères,
3c ayant été informé qu'une Dame de la
Cour avoit commerce avec un Courtifan,
entra dans fa maifon , Se l'ayant fuprife
la nuit avec fon Amant, la punit févère-
ment j ce qui lui attira la bienveillance
du Peuple. C'eft l'équivoque du nom Sol
ou Soleil , dit l'Auteur , qui a paru don-
ner lieu à la Fable d'Homère.
Les anciens Monumens repréfentent
Mars fous la figure d'un grand homme
armé d'un Cafque, d'une Pique Se d'un
Bouclier, tantôt nud, tantôt avec l'habit
milicaîre , même avec un manteau fur £qs
épaules ; quelquefois barbu , mais affez
fouvent fans barbe. 11 y en a qui lui mèt-
rent un Bâton de commandement à la
main.
Mars vainqueur paroît portant un Tro-
phée 5 de Mars Gradivus dans l'attitude
d'un homme qui marche à grands pas ;
quelquefois il a fur fa poitrine une Egide
avec la tête de Médufe. Les anciens Ro-
mains , dit Varron , adoroient Mars fous
la forme d'une Pique , avant qu'ils eulTent
appris à donner une forme humaine a
leurs Dieux. Chez les Scythes, c'étoit une
Epée qui figuroit Mars,
Il ne paroît pas que le Culte de Mars
ait été fort répandu dans la Grèce \ car
Paufanias , qui fait mention de tous les
Temples des Dieux , ^ de toutes les Sta-
tues qu'ils avoient dans la Grèce, ne parle
d'aucun Temple de Mars, mais feulement
de deux ou trois de (ts Statues. C'eft chez
les Romains principalement , qu'il fauc
chercher le Culte de ce Dieu j parce qu'il
n'y a point de lieu où il ait été autant
honoré qu'à Rome. Les Romains regar-
doient ce Dieu comme le père de Ro-
mulus, 3c le Protedteur de leur Empire.
Parmi les Temples qu'il eut à Rome , ce-
lui qu'Augufte lui dédia, après la Bataille
B V
34 =MA=:
de Philippes , fous le nom de Mars le
Vengeur, étoit des plus célcbres.
Vitruve oit qu'ordinairement les Tem-
ples de Mars étoient hors des murs , afin
qu'il n'y ait point de difTenfion entre le
Peuple, qu'il foit là comme un rempart,
pour délivrer les murs des périls de la
Guerre. Mais cet ufage n'étoit pas fuivi
par-tout 5 puifque à HalicarnalTe , félon le
même Vitruve, le Temple de Mars, dont
la Statue étoit coloflfale, étoit fitué au mi-
lieu de la Fortereflfe. Les Saîiens, Prêtres
de Mars, formoient à Rome un Collège
Sacerdoirtl très-confidérable.
On immoloit à Mars le Taureau , le
Verrat, ôc le Bélier : quelques-uns lui im-
moloient des Chevaux : les Lufîtaniens
lui ofFroient en facrifice des Boucs & des
Chevaux, Ôc même leurs ennemis captifs.
Les Cariens lui facrifioient des Chiens,
êc les Scythes des Anes. Les Saracores, die
Élien 5 lui immoloient les Anes les plus
^ras qu'ils pouvoicnt trouver. Les Lacé-
démoniens tenoient fa Statue liée de gar-
rottée, afin que le Dieu ne les abandon-
nât pas dans les Guerres qu'ils auroient
à foutenir.
Quant aux différens noms que les
Païens donnoient à Mars, je ne ferai que
k? rapporter ici. On i'appelloit Arès^ Gra-
divus, Qiiirinus, Enyaîius, Hyppius, Ma-
mercus, Thurius , Salifabfulus , Silveftre ,
Bicrota , Britonius , Camulus , Aveugle ,
Sanguinaire, Cruel, Terrible, Père, Bieu
commun. Homère lui donne rÉpithète
Alloprof allas , qui veut dire , IiKonflant,
Querelleur. On le trouve dans une Inf-
cription furnommé Oplophoros , c'eft-â-
dire , le Dieu armé \ parcequ'en effet ce
Dieu eft prefque toujours repréfenté
armé.
Mars.
Ce Mois, le rroifîème de notre année,
éroit autrefois le premier chez les Ro-
mains j quoiqu'il eut pris fon nom du
Dieu Mars ^ il étoic fous la protedion de
Minerve. Les Calendes de ce mois étoient
remarquables , parceque c'étoit le premier
jour de l'année auquel on pratiquoit plu-
lieurs Cérémonies. On allumoit le Feu
nouveau fur l'Aurel de Vefta. On ôroic,
dit Ovide, les vieilles branches de Lau-
rier, & les vieilles Couronnes , tant de la
porte du Roi des Sacrifices, que des mai-
fons des Flamines ^ & des Haches ^^s
Confuls 5 & l'on en mertoit de nouvelles.
En ce four, on célébroit les Marronales,
& la Fête des Boucliers facrés. Le fx,
c'étoient les Fêtes de Vefta j le 1 4 , les
B vj
^6 =MA==
Equi des j le 1 5 , la Fêce d'Anna Perenna]
le 17, les Libérales ou Bacchanales; le
19 , la grande Fêce de Minerve , appellée
les QuinquatrUs^ qui duroit cinq jours ^
le 2 5 5 les Hilaries,
On trouve ce Mois perfonnific fous la
figure d'un homme vctu d'une peau de
Louve 5 parceque la Louve étoic confacrée
au Dieu Mars. «« Il eft aifé , dit Aufone ,
a> de reconnoître ce Mois par la peau de
35 Louve dont il eft ceinr. Il s'appelle
« Mars y Ôc c'eft Aîars qui lui a donné fa
« dépouille. Le Bouc pétulant , l'Hiron-
3î délie qui gazouille , le Vaifîeau plein
»• de lait 3 l'Herbe verdoyante, tout cela
35 marque le Printemps , qui commence
35 au mois de Mars, »> Ce font les Sym-
boles qui accompagnent la figure de ce
Mois.
Tout eft maigre en cette Saifon ,
Où le Jeûne nous mortifie ;
Et pour foutien de notre vie ,
On n'a que légumes ou poillon»
Marsyas,
Fils d'Hyagnis, étoit un habile Joueur
de Flûte de la Ville de Célène en Phry-
gie. Il joignoit, dit Diodore , à beaucoup
d'efprit ôc d'induftrie , une fagefte & une
continence a toute épueuve. '^on génie
parue fuL'-tout dans l'invention de la Flûte,
où il fçut raffembler tous les fons qui au-
paravant fe trouvoient partagés entre les
divers tuyaux des Chalumeaux. Il eut un
attachement fingulier pour Cybèle , & fut
le fidèle compagnon des courfes de cette
Déefle. Étant arrivé à Nife , féjour de
Bacchus, il y rencontra Apollon, qui étoit
tout fier de fes nouvelles découvertes fur
la Lyre. Marfyas eut la hardi eife de faire
au Dieu un défi , qui fut accepté , à con-
dition que le vainqueur feroit à l'autre le
traitement qu'il voudroir. Les Niféens fu-
rent pris pour Juges de la difpute : ce
ne fut pas fans peine & fans péril d'être
vaincu , qu'Apollon l'emporta enfin fur
fon concurrent. Indigné d'une telle réfif-
tance, cm dit qu'il attacha Marfyas à un
arbre, & l'écorcha tout vif. Mais quand
la chaleur du refTenriment fut paffée , fe
repentant de fa barbarie , il rompit les
cordes de fa Guittare, & la dépofa avec
fes Flûtes dans un antre de Bacchus , au-
quel il confacra ces Inftrumens. C'eft ce
qui eft repréfenté dans plufieurs Monu-
mens , où l'on voit Apollon , qui tient
d'une main un Couteau, & de l'autre la
Peau de Marfyas. Mais entre les deux
figures 5 on voit un jeune homme qui
3 s ^. = M A ==-:=
fléchit un genou devant Apoilon. Hygia
dit que c'eft Olympus , Difciple de Mar-
fyasy qui demande à Apollon le corps de
fon Maître , pour lui rendre le devoir des
funérailles , ôc qu'il obtint. Il y a des Fi-
gures de Marfyas , qui le repréfentent
avec des oreilles de Faune ou de Satyre,
Ôc une queue de Silène. On croit que cette
Fable n'eft qu'une pure allégorie , dont
l'explication la plus raifonnable eft, qu'a-
vant l'invention de la Lyre, la Flûte Tem-
portoit fur tous les Inftrumens de Mufî-
que 3 & enricbilToit ceux qui en fçavoienc
jouer : mais le jeu de la Lyre décrédita
celui de la Flûte , & fit tort à ceux qui
s*étoient acquis de la réputation dans cet
Inilrument. D'autres Mythologues difent,
que Marfyas y de défe fpoir- d'être vaincu,
ou peut-être ayant l'efprit aliéné, s'é-
coit précipité dans un Fleuve de Phry-
gie, auquel il donna fon nom. Comme
les eaux de ce Fleuve paroifToient rouges ,
peut-être à caufe de fon fable , qui appro-
choit de cette couleur j la Fable ajoute ,
qu'elles furent teintes du fang de Mar-
^^^
É N I G M E X,
J'ai la tête pefante & dure -,
Je fuis fort peu fubtil j cependant l'Univers
Admire , avec raifon , mes ouvrages divers ,
Où l'Art furpalle la Nature :
Mais s'il n'eft prefque rien dont je ne vieime à
bout.
Je puis aulTi détruire tout.
ÉNIGME X I.
Bien que d'abord je frappe fans parler.
On ne doit pas me croire fort terrible.
J'importune fouvent jufques-à réveiller
Ceux qui la nuit font en repos paifible.
J'ai des égards que bien des gens n'ont pas 3
De la civilité j'entends bien la rubrique :
Suivant la qualité , je règle ma iMufique ,
Et prends un ton ou plas haut ou plus bas.
Quelquefois je m'explique en mnitre ,
Et d'autres fois fort humblement.
Je fuis fixe & mobile , 2c tour mon mouvement
Eft fans quitter l'endroit où j'ai coutume d'être.
Je n'ai pas un fort grand crédit ,
Quoique de bien des lieux je procure l'entrée )
Le fecours d'une main pour cela me fuiE: ,
Et rend la chofe fort aifée.
4Ô ^=MA=2
Enfin , pour n'omettre ici rien ;
Dans mon ordinaire exercice ,
Je ne parle François ni Suiffe :
En mille endroits pourtant un SuifTe m'entend bien.
Martyre.
Ce nom, qui, en Grec, fîgnifîe Té-
moin, eft donné par l'Églife aux Fidèles
qui ont fouffert les tourmens, ou même
la mort, pour foutenir la Religion Chré-
tienne , par la conftance de leur témoi-
gnage. On en perfonnifie l'allégorie par
la figure d'un beau jeune homme à ge-
noux 5 & vêtu d'une robe rouge, qui eft
la couleur fymbolique de la Charité. 11 a
la face riante , tournée vers le Ciel , qui eft
ouvert , & dans lequel fe découvre une
Croix rayonnante. Il tient deux Palmes ^
Se proche de lui font les inftrumens qu'on
employoit au Martyre.
ÉNIGME XII.
Voulez-vous fçavoir ma ftrudure ?
Je fuis de plus d'une coulem- 5
J'emprunte plus d'une figure :
Tantôt d'un Maure affreux j'imite la noirceuî" ,
Tantôt d'un Adonis j'étale la blancheur j
Je fçais , comme il me plaît , copier la Nature ,
Soit en beauté , foit en laideur.
^=MA=- 4.t;
Sans recourir aux Iccicrs de Médéc ,
J'ai le grand art de rajeunir les vieux :
Par mon fecours, mainte vieille ridée
A fait naître fouvent des deiî rs amoureux.
Mais que mon régne eft peu durable !
Malgré tous mes talens, fi-tôt que le jour luit,
Je parois fi déralLonnable ,
Que chacun me quitte & me fait.
Massue,
Sorte d'Arme lourde &c gronTe par uii
bout 5 propre à aiTommer. C'eft le Sym-
bole ordinaire d'Hercule , parceque ce
Héros ne fe fervoic que d'une Maffut
pour combattre les Monftres & les Ty-
rans. Après le combat des Gcans, il con-
facra fa Maffuë à Mercure : on dit qu'elle
étoit de bois d'Olivier fauvage, Se qu'elle
prit racine & devint un grand arbre. On
donne aulTi quelquefois la Ma£uc à Thé-
fée. Euripide, dans fes Suppliantes, dit
que Théfée combattant contre Créon, Roi
deThèbes, s'arma d'une Majfuë énorme
avec laquelle il renverfoit tout ce qui
s'oppofa à fa fougue. Le Poète appelle
cette Majfuë , Epidaurienne ^ parcequ'au
rapport de Plutarque, Théfée en dépouilla
Périphétès, qu'il tua dans Epidaure ; &
il s*en fervit depuis, comme Hercule de
la Peau du Lion de Némée.
4^ s=.MA=^ .
Mathématique.
Il n'eil point d'Art égal au mien ;
Ce que j'ai démontré , nul ne le peut combattre s
Je prouve, & je prouve fi bien,
Qu'on douteroit plutôt que deux & deux font quatre.
Cette Science , qui efl fpécu^ative Se
pratique, fe repréfenre par la figure d une
Marrône d âge avancé. Elle a des ailes à
la tête 'y Se ion vêtement blanc Se tranfpa-
rent fignifie que fes démonftrations font
claires Se intelligibles. Elle tient un Glo-
be 5 Se démontre avec un Compas des
Figures géométriques , qui font tracées
fur une table foutenuc par un jeune ado-
lefcentj qui l'écoute avec attention.
M ATR ALES.
Fêtes qui fe célébroient à Rome, par
les Matrones, en l'honneur de la Déelfe
Matuta. Elles lui ofFroient des Libations
rufriques cuites dans des pots de terre.
Ovide appelle ces Libations , F lava Liha^
des Libations roulTes. Il n'étoit pas permis
aux fervantes d'entrer dans le Temple de
Matuta ; on n'y en admettoit qu'une , qui
écoit largement fouftletée.
Matronales.
Fêtes célébrées à Rome par les Ma-
trones , aux Calendes de Mars. Ovide
donne cinq caufes a l'iiiftitution de cette
Fête : la première efl , que les Sabines en-
levées par les Romains, mirent fin à la
cruelle guerre que fe faifoient les deux
Nations , dont l'une vouloir tirer ven-
geance du rapt , & l'autre vouloit le fou-
tenir : la féconde , afin que Mars , en
l'honneur de qui fe faifoit la Fête , leur
procurât la même félicité qu'à Romulus
& à Rémus fes enfans : la troifième, afin
que la fécondité que la terre éprouve au
mois de Mars , fût donnée aux Matrones :
la quatrième , parceque c'étoit aux Calen-
des de ce mois , qu'on avoic dédié un
Temple à Junon Lucine fur le Mont Ef-
quilin : la dernière enfin, parceque Mars
étoit fils de la DéefTe qui préfidoit aux
noces &c aux accouchemens. On fait donc
en ce jour des Sacrifices à Mars, à Junon
Lucine , ôc a toutes les Divinités qui préfi-
doient aux mariages. Cependant on évi-
toit de le marier en ce mois-ci , parce-
qu*on le croyoit malheureux, à caufe de
Tadultere de Mars ôc de Vénus,
M A U s O L E ,
Frère Se Époux d'Arcémife , efl devenu
célèbre par l'amour que fa femme eut
pour lui : « Amour, dit Aulugelle, qui
« pafTe tout ce que la Fable a jamais dé^
5j biré touchant les AmanSé On a peine
3> à croire que le cœur humain puifle ja*
>5 mais pouiTer il loin fa tendrelfe. Mau-
jyfo/e mourut entre les bras de fa femme,
3> qui fondoit en larmes, défolée de certe
3? cruelle féparation. On lui fit de magni-
3> fiques funérailles* Cependant le deuil
j> d'Artémife ne ceifoit point j la privation
» & l'abfence defon mari augmentoient {qs
» douleurs. L'Amour inventif lui infpira
»• une chofe , où elle efpéroit de trouver
« quelque foulagement. Elle prit les cen-
35 dres de fon mari , avec les offemens qu'elle
3) fit réduire en poudre, mêla le tout avec
» des aromates & des parfums j elle l'in-
» fufa dans de l'eau , & l'avala peu à peu ,
» comme fi elle eût voulu changer le corps
» de fon mari en fa propre fubftance. »
Non contente de cela , Artémife fit bâtir ,
en l'honneur des Mânes de MaufoUy le
plus fuperbe Monument qu'on eut encore
vu, elle y employa les quatre plus habiles
Architectes de la Grèce, qui rendirent cet
Édifice une des fept Merveilles du Mon-
âe. Il avoit quatre cents onze pieds dç
circuit , &c cent quarante pieds de hau-
teur , y compris une pyramide , de même
hauteur que l'Edifice , dont il étoit fur-
monté. Ce célèbre Monument porta le
nom de Maufolée y nom qui a palTé de-
puis à tous les grands Sépulcres , qui fe
diftinguoient par la magnificence de leur
{Irudure. Pour ne rien omettre de ce qui
pourroit célébrer la mémoire de fon mari,
Artémife établit des Jeux funèbres , afÏÏ-
gnant de grands prix pour les Poctes ëC
pour les Orateurs, qui viendroient à l'envi
exercer leurs calens en l'honneur du Roi
MaufoU, Enfin on prétend qu'Artémife ne
furvécut que deux ans à fon mari, & que
fa douleur ne finit qu'avec fa vie. Mais
fi nous en croyons Vitruve & Démofthè-
ne , Artémife , durant fa viduité , ne fe
conduifit point en veuve défolée & in-
c.onfolable \ car ils lui font faire de très-
belles conquêtes fur les Rhodiens ; ce qui
a donné lieu à Bayle de foupçonner, que
tout ce qu'on dit de merveilleux de la
ttiftelFe d Artémife, pourroit bien avoir
éié tiré de quelque Roman du temps ,
£j copié dans la fuite par les Écrivain!
poftéjrieurs.
^6 === M É .=:
MÉCHANC ETE,
C'eft la plus prochaine difpofitîon à
l'Iniquité 5 parcequ'il n'y a qu'un feul dé-
gré entre le Méchant Ôc l'Inique. On la
perfonnifie fous la figure d'une femme de
moyen âge , parceque .c'eft celui dans le-
quel, ayant vaincu la timidité, on eft le
plus capable d'effronterie, &c de fuivre à
front découvejrt les idées vicieufes. Son
regard fournois , fon air fombre , & fa
coëffure en défordre annoncent les agita-
tions internes de fon âme. On l'habille
de couleur brune j & elle conlidère, d'un
air de complaifance , un Afpic &c un Cou-
teau à deux tranchans , qu'elle tient dans
fes mains. Les autres Attributs qu'on lui
donne, font le Serpent a face humaine»
qui défigne la Fraude j le Singe , qui eft
FEmblême de la Malice j & l'Araignée,
qui tend (es toiles. Se fait allufion aux
pièges que la Méchanceté drefte à la vie ,
à Ihonneur & aux biens du prochain.
MÉCHANÉUS,
Surnom de Jupiter \ il lignifie celui qui
bénit les entreprifes des hommes. Il y
avoir à Argos, au milieu de Ja Ville, un
C'pfe de bronze d'une grandeur médio-
cre^ qui foutenoit la Statue de Jupiter
Méchanéusy accompagné de Diane & de
Minerve. Ce fut devant cette Statue* que
les Argiens , avant d'aller au Siège de
Troye , s'engagèrent tous par ferment a
périr pluto: que d'abandonner leur entre-
prife.
ÉNIGME XIII.
Sans crainte & fans effroi , tout-à-coup j'obfcurcîs
La chcfe la plus claire & la plus inconnue j
Mais en robfcurcilTanc , toujours je l'éclaircis ,
Et l'augmente toujours , quand je la diminue.
Médailles.
Quoique la première vue des Romains,
en Faifant frapper les pièces que nous ap-
pelions Médailles ^ ait été de donner de la
Monnoie dans le Commerce ; ils ont voulu
auffi que les Médailles fuffent un Monu-
ment éternel de leur Gloire, Car, comme
les grandes Médailles y que nous appelions
Médaillons , & qu'on ne peut compter
parmi les monnoies ( puifqu elles ont de
beaucoup le poids des as } , étoient char-
gées des évènemens les plus glorieux à
l'Empereur j on les voyoit ces évènemens
en abrégé fur les Monnoies que nous ap«
pelions Médailles, Or, fçavoir développer
les Evènemens qui iowi marqués fur les
Médailles ou fur les Monnoies qui îokï%
4^ =MÉ =
venues jufqu a nous j ceft connoîrre par-
ticulièrement ce qu'on appelle la Science
des Médailles, C'ell de cette Science dont
je me propofe de donner ici en abrégé
les Règles.
Première Reglje.
La première Règle que vous devez fui-
vre dans l'explication des Médailles , c'efl
de ne vous éloigner jamais de la Vérité
de l'Hiftoire j parceque les Médailles étant
des Monumens établis pour conferyer la
Mémoire des Faits hiftoriques à la pofté-
rité j quand elles ont quelque chofe d'obf-
cur, on ne peut rien faire de mieux, pour
difliper cette obfcurité, que de confulter
les autres Monumens établis a même lin ;
ceft-à-dire, les Inf^rriptions & les Au-
teurs. Tous ces Témoins fe doivent un
fecours mutuel en faveur de l'Hiftoire des
Siècles paflfés.
J'avoue que , quand la Légende de la
Médaille eft claire , & que tout le monde
convient de fon explication littérale, c'eft
alors un Monument préférable aux Hifto-
riens : Monumenta antiqua^ dit un Jurif-
confulte, non poffunt per Hijîoriographos
eppugnari. Mais quand on ne convient
ni de l'explication littérale de la Légende,
^i dii feus qu'on lui peut donner , quand
=- xM E =. 49
même les figures ont quelque chofe d obf-
cur, la Médaille ne peut faire un témoi-
gnage certain.
La Médaille de Vitellius, où l'on lit, Li-
beri Imp, Germaniciy prouve que Vitellius
avoir au moins deux enfans , quoique les
Hiftoriens n'ayent parlé que d'un feul, qui
mourut jeune. Mais fi la Légende étoit
moins ckire , & fans aucune figure qui
en déterminât le fens, le témoignage de
ee Monument feroir obrcur & douteux :
par conféquent on ne pourroit s'en fervir
contre l'Hiftoire j au contraire , on n'y
pourroit donner aucune explication rai-
îbnnabie , qu'en fe conformant aux Hifto-
riens. 11 ne faut point dire qu'une expli-
cation eft reçevable , quoique contraire
aux Hiftoriens , quand on n'en peut don-
ner de meilleure : car àhs qu'elle efl: con-
traire aux Hiftoriens, il n'y en a point
qui ne foit meilleure ; & d'ailleurs il
faut avouer qu'il y a des chofes dont on
ne trouve plus l'explication.
A la vérité , fi une Médaille éroit un
Monument clair d'un fait, qui feroit dou-
teux dans les Hiftoriens , elle n'auroit pas
befoin de leur fecours pour être entendue :
mais quand elle a befoin d'explicatioil ,
cumme il arrive fouvent, c'eft aux Hifto-
riens ou aux Infcriptions a l'expliquer.
Tome III* C
Les Médailles nous donnent l'image de
Conftantin avec le Prénom de Flavius de
le nom de Valérius. Les Hiftoriens nous
apprendront qu'il avoit l'un & l'autre de
fon père, lequel avoit adopté Valère Ma-
ximien , &c rapportoit (on origine à la Fa-
mille Aqs Flaves , par Claudia fa mère ,
nièce de Claude le Gothique. Voila un
cclairciifement qui doit contenter.
L'Hiftoire nous apprend [a) , que Jules
Céfar fut le premier qui fe fit un Prénom
du terme Imper ator ; pour iignifier la fou-
veraine autorité qu'il avoit ufurpée , &
qu'il y eut même de fes Succefleurs qui
fe firent un fcrupule de porter ce Pré-
nom (F). Lors donc que nous trouvons fur
fes Médailles ^ ^ fur celles des autres Em-
pereurs, le terme Imperator au commen-
cement de la Légende, ne devons-nous
pas croire qu'il fignifie ce que nous ap-
p.^llons Y Empereur ? Vous me direz que ,
dans la Langue Latine, du temps de la
République , Imperator ne fignifie rien
autre chofe , que Commandant & Géné-
ral d'Armée. Il eft vrai ; mais voilà les
Hiftoriens qui m'alTurent qu'on lui donne
mie autre fignification en faveur des Em-
pereurs, & les Médailles mêmes m'em-
• (fl) Suétone, dans la Vie de Jules Céfar ,
(f)) Tibère , voyez Suétone.
pcchent d'en douter (a) : car nous y
voyons ce nom avec ces deux fîgninca-
tions j au commencemenc de la Légende ,
pour (ignifier V Empereur ; & à la fin , pour
iignifier le Commandement de l'Armée»
Mais il ne faut pas s'attendre que le
concert des Médailles & cies Kiltoriens
foit toujours aulfi évident, qu'il l'efl dans
le point dont nous venons de parler. Or
quand il ne l'eil pas , c'eft au Monument
le plus clair à lervir à l'autre de flambeau.
Cette Règle ne vous paroît-elle pas rai-
fonnable ? Et vouloir que ce qui eft obf-
cur ou équivoque , ferve d'explication à
ce qui eft clair & évident , n'eft-ce pas
vouloir pêcher dans une eau trouble ?
Sur les Médailles , le terme AUG. e(t
équivoque \ parceque de foi, il peut figni-
fier AUGUR, ou Augujlus : qu'eft-ce
donc qui nous détermine à lui donner,
dans les Médailles de M. Antoine , la pre-
mière fignification , &: non pas la fécon-
de ? C'eft principalement la connoilTan-
ce de l'Hiftoire, qui nous apprend que
M. Antoine fut Augur , & quil ne fut
jamais Augufte,
Sans le îecours de l'Hiftoire , comment
pouvons -nous expliquer une Médaille
(«) 2 6" 3 MédailUt
Cij
j2 = M E ==
d'Augufte , où l'on voit une Comète (a) ?
Mais i'Hiftoire nous apprend que, lorf-
qu'on célébroit des Jeux a la mémoire de
Jules Céfar, une Comète parut, qui donna
lieu de penfer, que c étoit une marque que
Céfar avoit été reçu dans le Ciel , & qu'on
fit repréfenter cette Comète fur les Mé^
dailks d'Augufte. Voila qui ne lailTe plus
aucune difficulté.
Quand vous aurez le palfage d'un Hif-
torien , qui autorifera l'explication que
vous donnerez à une Médaille , votre ex-
plication fera à l'abri de la critique. Mais
fi cette explication n*eft fondée que fur
des imaginations , vous ne perfuaderez
perfonne \ Se tout au plus on louera la
vivacité de votre efprit.
Un Antiquaire avançoit, que Vitellius
s'appelloit Germanicus ; parcequ'il étoit de
la Famille du fils de Drufus, qui le pre-
miet porta ce nom : Se pour appuyer cette
nouvelle idée , contraire à tous \qs Hifto-
riens, il difoit que toutes les fois que>
dans une înfcription ou dans la Légende
d'une Médaille , le nom Germanicus fe
irouvoit devant Jugufius 5c Imper ator ^
c'étoit un nom de famille , mais que
quand il fe tcouvoit à la fin , c'étoit un
(j) 4 Médaille.
= MÉ= $3
titre d*Honneur. On pouvoir nier fa ma-
xime aulli aifément qu'il i'avançoit j mais
il en apporcoit des exemples.
A VITELLIUS GERMANICUS
AU G. IMP. Germamcus en cette Mé-
daille (a) efl un nom de Famille.
IMP. CiïS. DOMITIANUS AUG.
GERM. Voilà Gcrm;inicus au titre d'Hon-
neur. Pour renverfer ce fyftème , il n'y
avoir qu'à apporter l'autorité de Suérone,
qui nous apprend que Vitel'ius prit le
nom de Germamcus comme un titre
d'Honneur, qu'il fignoit même Germani-
cus : ce qui donna occadon à fa mère de
ne point vouloir lire Tes Lettres, difant
que fon fils ne s'appelloit point Germani-
eus. Mais pour faire voir à cet Antiquaire
la faulTeté de fa conjedure, on lui mon-
tra plus d'une Médaille de Vitellius, où
le nom Germanicus étoit à la hn de la Lé-
gende ; & d'autres JSUdciilles de Néron ,
qui fans doute appartenoient de plus près
au fils de Drufus , que Vitellius , & qui
ni-anmoins porcoient le Germanicus à la
fin. Après quoi il fallut renoncer aux nou-
velles idées.
Je ne vous dis pas qu'il ne foit permis
à tout le monde d'apporter fes conjectures^
(û) c , 6 <^^ 7 Médaille^
C iij
54 ^ =MÉ=:==
mais je dis qu'elles ne font point reçeva-
bîes 5 fi elles conrredifenc l'Hiftoire j &c
qu'ordinairement elles ne font reçues qu'à
proportion de la conformité qu'elles onc
avec le témoignage de l'Hiftoire.
Dans la Médaille de Gratien (a) , il fe
trouve un G ;, qui peut recevoir bien des
explications. On en a donné quatre, qui
ont fait plus de bruit dans le monde , que
les autres. Jugez par la Règle que je viens
de vous apprendre , quelle eft la meil-
leure.
D. N. GRATIANUS AUG. G. AUG.
La première explication eft. Dominas
uojier Gratianus Augujïi Gever AuQujîus,
On a dit que ce Gratien étoit différent
<îe celui dont l'Hiftoire nous parle , que
les Médailles mêmes n'appellent point
Gêner; ou que Gêner étoit mis U pour
Filius y comme il arrive fouvent que Fi-
lins eft mis pour Gêner, Conftancin eft
dit Filius Augujlorum y quoiqu'il fat Fils
de l'un & Gendre de l'autre. Salil appelle
David fon ûlsyjzli mi y quoiqu*il ne fut
que fon Gendre. Mais cette explication
n'a pu trouver d'approbations parmi les
gens qui ont du goiit pour l'Antiquité ,
{a) 8 Médaille,
= ME== ^ S)
ôc pour la Vérité ; parcequ'elle tPc con-
traire à l'Hiftoire, Gratien n'étant Gendre
d aucun Auguile. Il eft vrai que Conftan-
tin étoit appelle le hls des Auguftes, mais
c'étoit hls adoptif ; & que Saiil appella
David fon fils , Fi/i mi ; mais c'eft un
terme d'amitié, dont les vieillards fe fer-
vent â l'égard des jeunes gens. Pour Gra-
tien , il n'étoit Gendre d'aucun Augufte,
& il étoit véritablement le fils de Valen-
tinien j aind il faut chercher une autre
explication à cette Légende. On en a vu
deux dans Iqs Mémoires de Trévoux j en
voici une quatrième.
Do mi ri us nojîer Gradanus Augujii gra^
tià Augujlus. La rai fon de cette explica-
tion eft dans Zofmie, qui nous apprend
que Gratien, par une grâce fpéciale de
Valentinien fon père , fut proclamé Au-
gufte à l'âge de huit ans : il éroit donc
Ziugujîi gratiâ Augujîus. La folemnité
de la proclamation fe nt a Am.iens , eu
l'on trouve de ces Médailles. Cette expli-
cation ne vous paroit-elle pas naturelle ?
Pourquoi aller chercher des chofes incer-
taines, &: fouvent fauffes dans l'opinion
de tout le monde, quand on en peut dire
de fî plaufibles ?
Nous trouvons des dates fur les Mé-
dailles Grecques de Commode > qui n'ont
Civ
point de rapport avec les années de foh
Règne ; parcequ'on y voit le nombre de
lo & de 30, quoique ce Prince n'ai: pas
règne douze ans. Cette difïicuiLé a par-
tagé les Antiquaires.
Les uns ont dit avec beaucoup de pro-
babilité , que ces dates marquoient l'âge
de Commode ; mais certe explication eft
contiaire à l'ufage, car nous n'avons au-
cun Prince dont l'âge ait écé marqué fur
les Médailles : on ne compte point qu'un
Prince foit au monde , que quand il y eft
pour le bien public , Se qu'il règne.
Les autres ont dit, que les dates étoient
prifes de l'année que la Famille Aurélia
monta fur le Trône : mais il n'eft pas
vrai que la Famille Aurélia ait commencé
à régner, lorfque Commode vint au mon-
<Ie ; mais lorfque M. Antonin fut fait Em-
pereur.
Pour trouver la vraie explication de ces
MèdciilUs ^ il n*y avoit qu'à lire Spartien :
car il nous apprend que , lorfque M. Au-
relle affocia Vérus à l'Empire, la chofe
parut fi belle & fî nouvelle , que plufieurs
Hiftoriens en firent une Epoque, Or cette
même année efl: celle de la NaifTance de
Commode : il ne faut donc pas s'éton-
ner fi , par accident, l'âge de Commode>,
eft marqué fur fes Médailles. Voici le
paffage àt Spartien : Tantumque hiijits rti
novitas ù dignitas valuit^ ut Fajîi Lo/fu-
lares nonnulli ab his fumèrent ordinem
Confulum,
Seconde Règle,
La féconde Règle, qu'on doit obferver
dans l'explication des Médailles , c'etc de
ne rien avancer de contraire à luiage ob-
fervé de tout temps dans les Infcriprions &
fur les Médailles. Les Légendes 6: les IrS-
criptions étoient des difcours qui dévoient
être entendus de tout le monde : ainll ,
quoiqu'ils fuflent abrégés, on gardoit urie
certaine uniformité en les abrégeant, qui
faifoit qu'en voyant l'une, on devinoit les
autres ; on ne s'éloignoit jamais des règles
de l'abréviation. C'eft ainfi que nous en
ufons nous-mêmes dans nos dirions abré-
gées ; & un homme qui voudroit en ufer
autrement fe rendroit inintelligible. Sur
ce pied, il j'avois à expliquer les deux
Médailles {a) y dont l'une eft d'Agrippa ,
& l'autre du Roi Théodebert j je ne dirois
pas qu'il y a fur le champ de la première,
Colligavit Nemo . ou Coluber Kemauj'enjis ;
ni à la Légende de l'autre, Kicîoria Ac^
cepta ; car Colligavit Nemo & Viciori-.s
Accepta ne font point Latins \ ôc s'il avok
(a) 0 & iQ Médaille.
5S = M É =
fallu abréger ces mots , qui n'ont point
coutume de l'être , on n'en auroit fuppri-
mé que fort peu de lettres ; au lieu que
rien n'eft plus en ufage dans les Médailles
^es Colonies , que l'abréviation du mot
Colonia , & du nom de la Ville. Ainfi CoL
Nem. (ignifie Colonia Nemaufenjîs : & com-
me dans le temps de Théodebert, on voit
fur les Médailles des Empereurs , Vi&oria
Aug* pour dire , Victoria Augnfiorum ; il
ne faut point chercher d'autre explication
à fa Médaille ^ ni chercher d'autre raifon
de ce revers , fînon que les Monnoyeurs
François, par émulation & par politique,
imitoient la Monnoie des Empereurs Ro-
mains.
Je vous l'ai déjà dit , une Médaille fert
à expliquer l'autre. Les quatre Lettres
qu'on voit fi fouvent fur les Médailles de
Trajan , S P Q R , qui y fignifient Sena-
tus Populufque Romanus , ne fçauroient
fignifier fur d'autres Médailles ^ Senatus
Fopulufque Remenjis ; ni les deux Lettres
R P , qui fignifient par toutes les Infcrip-
rions Refpublica , fignifier en quelques
Médailles 5 Remorum Penjio , ou Reclor
perpetuus : autrement toutes les abrévia-
tions feroient àQS énigmes & àts pièges
qu'on tendroit aux Ledeurs. C'eft pour-
quoi la Mère de la Science des Médailles y
c'efl: l'expi-rience, qui fuppofe îe goût. Si
l'on manque de ces deux chofes, plus on
a d'efprit, plus on eft fujèt à s'égarer.
Voulez-vous fçavoir ce que porte une
Médaille ? Voyez ce que portent celles
qui ont été frappées avant ôc après : Om-
Tîis res anterior, dit Tertullien,/^cy?^r/c>n^
normamfuhminijirat. Les Siècles préfens>
dit le Sage, ne (ont qu'imiter , corrompre
ou perfecl:ionner ce que les autres Siècles
ont inventé ; le fond efl le maiie. Pour-
quoi auroit-on abrégé le terme Duplex
du temps de Licinius , puifqu'on ne l'a
jamais abrégé , ni peut-être vu fur les A//-
dailles ? Et fuppofé qu'on eut voulu abré-
ger fur les Médailles de ce Prince le terme
Vicioria ; comment l'auroit-on abrégé ?
Comme on l'abrégeoit fur les Médailles
de (qs Prédécelfeurs , vie, vicl. Cette Lé-
gende O B D V I filii fuij ne doit donc
pas s'expliquer comme on vous l'a dit ,
Ol> dïipl'icem vicloriam filii fui ; non-feu-
lement parceque le jeune Licinius n'écoic
pas en âge en ce temps-là de remporter
Aqs ViiîVoires, & que l'Exergue de la Mé^
daille en explique la Légende, puifqu'oa
y voit Sic, X, Sic. XX, qui la détermine
à figniher Ob Vccenrialia vota filii fui ;
mais parceque Duplex ni J^ictoria ne s'a-
brégeoient point ai ru fur ces Médailles^
C vj
60 ^ t=C:^MÉ —
L'expérience nous apprendra encore ,
que les noms de Famille ou les noms pro-
pres ne s'abrègent point j ou que, quand
ils font abrégés , ils ne font pas placés â
îa Rn de la Légende, qu'on ne les traduit
jamais , de qu*on ne leur joint jamais le
terme ncjler. De-îà vous conclurez, que
les noms de Céfar, d'Augufle, de Demi-
nus , de Princeps , dans les Empereurs ,
font des noms de Dignités, Se non de
Famille : car on dit, Cafares , Augujîi ^
Principes Domini nojîri ; au lieu qu'on ne
dit pas, Antonius nojier y Severus nojîer.
Les noms de Pius\ de Félix ^ de Victor ^
de Maximus y font traduits en Grec par
rjd^ïiç , &c. Ce qui fait voir qu'ils ne font
pas noms de Famille.
Vous fçaurez par la même expérience >
«que X comme dans les Devifes il n'y a
qu'une âme & un corps ; dans les Médail-
les ^ il n'y a qu'un Revers ôc une Légende.
S'il y a d'autres Lettres ou d'autres Sym-
boles, ils font hors d'oeuvre : c'eft pour-
quoi nous les appelions Exergue j c'eft la
cîate de la Médaille , ou quelque autre
chofe, que je vais expliquer.
EXPLICATION DES EXERGUES
DES MÉDAILLES ANTIQUES.
V Exergue^ félon rÉrymologie du mot 3
^gnifie proprement ce qui eil hors d'oeu-
vre : mais dans les Médailles ^ nous appel-
ions Exergue l'endroit où font placées les
chofes qai ne font hors d'œuvre j c'eft-à-
dire , qui ne font ni les Figures ni la Lé-
gende de la Médaille , La chcfe fe com-
prendra plus aifément par des Exemples.
Voila une Médaille fans Exergne (a).
D'un côté , eft la tète de la Déelfe Salus ;
fon nom fert de Légende : au Revers , efl
la Figure de la même DéefTe debout j &
d i'enrour eft le nom de Mucius Acilius ^
Commiiïaire de la Santé, qui fit frapper
la Médaille, Dans toutes celles qui fui-
vent {h) 5 il y a un Exergue , c'eft-à-dire ,
un Mot, une Syllabe, ou une Lettre, un
Chiffre , ou un Symbole hors d'œuvre.
Dans la première, le mot Roma eft dans
l'Exergue j pour fignifier la Ville où la
Monnoie avoir été frappée. Dans la fé-
conde , c'eft la première Syllabe du mot
A a lus , qui eft un àts noms d'Apollon,
ou d'Actium , qui eft le lieu où Augufte
gagna une célèbre vidoire. Dons la croi-
fîéme, la Lettre E peut être la marque de
l'Officine où la Médaille avoit éré frappée.
Dans la quatrième, font des Chiffres, qui
demandent une plus longue explication»
(û) 1 1 Me'd,
{h) iij 13, 14, 15, 1(5 MédallU^
62 ^=MÉ^
Dans la dernière , c'eft le Bâton augurai ,
marque de la Dignité de celui dont on
voir la tète fur la Médaille. Tous les au-
tres Exergues fe rapportent à ceux-ci. -
Je penfe que le premier ufage qu'on a
fait des Exergues , a été pour marquer la
valeur de la Monnoie , par des lettres , ou
par des points. Lorfque ces Monnoies
commencèrent a être ornées des Faits , des
Noms , & des Portraits des grands hom-
mes, pour faire place aux Légendes & aux
Figures , on rejetta la marque du Prix de
la Monnoie dans l'Exergue.
Dans la première Médaille ( ^ ) , qui
ell: un denier de la Famille Aburia , TX
eft la valeur de la pièce \ c'eft-â-dire , de
dix as. Dans la féconde de bronze de la
même Famille , les trois points fignifient
que la pièce vaut trois onces j c'eft-à-dire ,
la quatrième partie de l'as , ou un Qua"
dras. Le Quadras , dans fon inftitution ,
pefoit un quarteron , ou la quatrième
partie d'une livre \ dans les derniers temps
il ne pefoit que la quatrième partie d'une
demi-once , qui étoit le poids de l'as , &
ne laiffoit pas d'être de même valeur , &
de porter les mêmes marques j & fur la
fin de l'Empire il ne pefoit plus qtfiLne
{a) 17, 18 Médaille,
demi-dragme , comme nos deniers , qui
ctoienr aurrefois du poids des deniers Ro-
mains , & d'argent , & qui font à préfent
de billon.
Du temps des Empereurs on ceffà ,
comme nous l'avons remarqué , de mettre
le Prix fur la Monnoie , parce qu'étant
toujours d'un certain volume , il étoit aifé
de juger par-Jà de fa valeur. Mais dans le
défordre de l'Empire , le défordre s'étant
glifTé ainfi dans la Monnoie , on fut obligé
de recomm'ençer à marquer le prix fur la
Monnoie : comme il y avoir peu d'argent ,
on fe contenta de Deniers Saucés { a j ^
qu'on fit valoir quatre , cinq , & jufqu'à
douze as ; & les as qui éroient de même
poids Se de même volume que les deniers,
valoient à proportion la quatrième , la
cinquième , & à la fin la douzième par-
tie du denier. Cela fe voit fur les Mé»
dail/es de Galien ( ^ ) & de quelques Ty»
rans.
Les deux premières font faûcées , l'une
vaut fix Se l'autre fept as j les deux autres
font de bronze pur , Se valent la dixième
ou la onzième partie du denier : elles
(a) Les Medailliftes appellent Deniers Saâcés,
ceux qui font battus fur le cuivre lèul, ôc piis
argentés.
(^) 19 j 20 j 21 , 22 MédailU»
(f4 ==MÉ=-=
fonc toutes de Galien. Aurélien ayant
mis a la raifon les Monnoyeurs qui avoient
excité dans Rome une fédition terrible ,
fit valoir les Deniers jufqu'à vingt-quatre
as y & les as rj'étoient à proportion que la
vingt-quatrième partie du Denier. Il y a
tant d'Exemples de cet Exergue , que je
ne crois pas nécefTaire d'en apporter ici.
Cet ufage dura jufqu'au Règne de Dio-
clctien Se de Maximien j qui rétablirent
la proportion des trois bronzes : le grand
bronze ou l'as pefoit deux dragmes , le
moyen bronze ou le demi-as une dragme,
de le petit bronze ou le quadrans une
demi-dragme. Ces as néanmoins ne va-
loienr pas davantage que fous les Règnes
précédens \ mais les Deniers étoient d'ar-
gent 5 & pefoient une demi-dragme ou
environ. Cet ufage des trois bronzes étant
bien établi , on ceflTa de marquer le Prix
fur la Monnoie , par la même raifon qu'on
ne Tavoit pas marqué dans le haut Em-
pire ; & cette proportion des trois bronzes
dura jufquà la fin.
On me demandera fut quoi fondé , j af-
fure que les Chiffres qu'on voit fur les
Médailles ^ depuis Galien jufqu'à Dioclé-
tien 5 flgnifient le Prix de la Monnoie. Je
réponds ,*que ces Chiffres fignifîent quel-
que chofe j ou la date de la Médailk ^
comme nous la voyons marquée fur les
McdailUs Grecques , ou quelque libéra-
lire , ou quelque Tribut , ou le Prix de la
Monrxie. Ce n'ePc pas la date du règne
du Prince , parce qu'on trouve les nom-
bres de lo furies Mcnnoies d'un Prince
qui n'a pas régné dix ans. Ce ne font pas
Âzs Libéralités , parce qu'elle ne fe mar-
quent pas ainfi , comme or» peut voir dans
toutes les Médailles Impériales & dans
celles même des Empereurs , qui portent
les Chifïl-es dont nous parlons. Ce ne font
pas dQS Tributs j car les Tributs dont on
eût voulu abolir la mémoire, ne fe mar-
quoient pas fur l^s Médailles, C'efi: donc
le Prix de la Monnoie qu'on avoit mar-
qué autrefois , «Se qu'on jugea à propos de
marquer encore lorfque le befoin en re-
vint , comme on cefla de le marquer lorf-
que le befoin en fut paifé.
On me dira que fous Galien on voit
les Médailles changer notablement de va-
leur : il efl: vrai ; mais il faut confidérer
que le Règne de Galien fut de tous les
Règnes le plus agité , & que par ce qui
s'eft paiïc prefque de notre temps , <Sr fur-
tout dan; le dix-huitièm.e (iécle , en ce
Royaume fur le prix du Adarc d'Argent ,
on peut juger que les changemens dont
on parle font très-poffibles.
66 = M É =
On pourroic faire encore une objec-
tion : c'efl; que fur les Médailles de TEm-
pire Grec 5 on voit àts Chiffres qui tien-
nent tout le champ de la Médaille , ce
qui ne fignifie pas néanmoins le Prix de
la Monnoie. On en voit aufli fur les Mé^
dailles Confulaires , qui ne peuvent pas
avoir cet ufage : il efl vrai \ mais comme
l'explication de ces Chiffres demande une
note particulière, nous allons l'expofer ici.
EXPLICATION DES CHIFFRES
DES MÉDAILLES DE L'EmPIRE GrÈC.
Ce n'eft pas feulement parce que les
Chiffres des Médailles de l'Empire Grec
font ordinairement placés dans le champ ,
que je ne veux pas qu'ils y foient mis ,
pour marquer le Prix de la Monnoie ,
mais parce qu'il n'efl pas pofiibîe que la
Monnoie ait haufTé ou bailTé de prix en
un an ou en deux ans , autant qu'il fau-
droit le fuppofer , fi les Chiffres en mar-
quoient la valeur.
Voilà deux Médailles [a) de Th. . . .
rapportées par Du Cange ; la première eft
de petit bronze , & la féconde de grand
bronze \ c'eit-a-dire , que la première n'a
que le quart du poids de la féconde ,
{ci) 23 , i4 Mid,
^ = M É = 6j
elles ont été frappées toutes deux la même
année , & cependant elles font de même
valeur. Cela peur-ii fe concevoir ? C'eft
comme fî nous dirons que FEcu en une
même année a été réduit à 1 5 fols , ou
que la pièce de i 5 fols eft montée juf-
qu'à la valeur de ^o. Cela m'empêche de
croire que les Chiffres ayent lignifié le
prix des Monnoies à l'égard des Tributs,
ou des Libéralités. Les raifons que nous
avons apportées pour les exclure des Exer-
gues des Médailles de Galien & de {ts
fucceffeurs jufqu'à Conftantin , font ici le
même effet. On ne peut pas dire que ce
foit la date du Règne du Prince : car fans
aller chercher d'autres exemples que ceux
qu'apporte M. Du Cange , Michel le
Bègue ne régna pas neuf ans , & cepen-
dant on trouve le nombre de 30 fur [q^
Médailles. Ce nombre ne fignifîe donc
pas la date de fon règne.
J'avoue qu'il efl difficile de leur donner
une fignifîcation bien plaufible , & que
celle que je vais apporter eft nouvelle.
J'efpère néanmoins qu'elle fe fera mieux
recevoir que \qs autres. Je dis donc que
ces Chiffres qu'on voit fur les Médailles
de l'Empire Grec , fonr les Vœux des peu-
ples pour la profpérité du Prince.
Pour donner du jour à cette penfée , il
62 ,=:^MÉ-=:^
faut fe refTouvenir que c'étoit en ufage
chez les Romains, de faire des Vœux
folemnels tous les cinq ans & tous les dix
ans 5 pour la profpérité de la République ,
(a) Si res populi Romani ac Quiritium
ad quinquennium , falva fervata erit :
voilà les Vœux quinquenniaux : Ji in de-
cem annos reffublica in eodem [icitu (ie^
tiffct : voilà les Vœux décennaux. Cet
ufage de la République pafTa dans TEm-
pire ; & ce qu on avoit fait pour elle , on
le fit pour les Empereurs. Voici le témoi-
gnage de Suétone lâ-deffus : Vota quœ in
proximum lujîrum fiifcipi mes eji ^ dit-il ,
en parlant d'Augufte , colle gam juum nun-
cupajfe jujjît : jiam fe qiiamvis confcriptis
paratifque tabulis negavit fufcepturum ,
quœ non ejftt foliturus, Augulce ne vou-
lut point former des Vœux , qu'il n'ofoit
efpérer de pouvoir accomplir , à caufe de
fon âge &: de (qs incommodités. Ain/i il
les fit former par Tibère qui étoit fon
collègue dans le Confulat , & qui devoir
être fon fuccefTeur à l'Empire. Les autres
Empereurs ne furent pas fi fcrupukux ,
comme vous verrez dans la fuite.
Quoi qu'il en foit , voici la formule de
ces Vœux , comme elle avoit été compo-
(a) Luc, L. 2j D^c. 5,
Ce par Numa , & telle qu'on la garda
religieufement julqu'à la chute du Paga-
nilme : Prius pofco , Jupiter , uti fies vo^
Uns propitius in decejmium N, Augujio :
quodfifaxis tune tiki votum bove aurato
vovemus ejfe futur um ^ luiis Circenfihus
vovemus eJfe futurum , ludis Glaiiatoriis.
vovemus efe futurum. Depuis Augufte ks
Vœux fe tormoient la première année du
Règne de chaque Empereur ^ à moins qu'il
n'y aie eu quelque obftacle : & c'eft à cqs
Vœux folemnels , & aux Jeux qui les ac-
compagnoienr , que le Sçavant Père Pagi
- attaché toute fon Hiftoire Confulaire.
ous avons à^s marques de ces Vœux
ur [qs Médailles ; mais ils ne paroilTenc
.vec le terme Décennaux , que fous l'Em-
pire d'Anronin. Fota Sufcepta font les
Vœux formés. Fota Soluta font \qs Vœux
accomplis : en même-temps qu'on s*ac-
:]uittoit des premiers Décennaux, on for-
:iioit \qs féconds : du moins c'étoit le Rit
ordinaire ; mais on s'en difpenfa dans la
fuite. Les Vœux marqués fur cette Mé^
iaille , font ceux dont Antonin s'acquitta
'a deuxième année de fon Règne.
Cette coutume de marquer ainfi \q%
Vœux Décennaux fur les Médailles , dura
ufquà la décadence de l'Empire.
Probus fut le premier , amant que nous
70 =MÉ==i
en pouvons avoir connoifTance , qui réta-
blit la coutume de mettre les Vœux fur
les Médailles , avec cette différence qu il
en abrégea la formule , & qu'on ne garda
plus le Rit ordinaire : car iî la Médaille
que rapporte Meffabarba eft vraie , où
on lit :
^ VOTIS X PROBI AUG. ET XX.
il en faut conclure , qu'on fouhaita à
Probus la première ou la cinquième an-
née de fon Règne , dix & vingt ans de
profpérité : car n'ayant régné que fîx ans ,
on ne peut pas dire que cette Médaille
ait été frappée lorfqu'on s'acquittoit àQ%
Vœux Décennaux , qu'on avoit fait pour
lui au commencement de fon Règne.
La flatterie s'augmentant à mefure que
la Gloire de l'Empire diminuoit, on ne fe
contenta pas de demander cinq & dix ans
de profpérité ; mais vingt , trente & qua-
rante ans ; au lieu que les premiers Ro-
mains croyoient qu'il étoit de leur piété
& de leur modeftie de ne demander
qu'une profpérité de cinq ans , & de re-
commencer tous les luftres. Les Grecs ,
c eft-à-dire , les Romains , depuis l'éta-
bliffement de l'Empire de Conftantinople ,
croyoient que, dans les Vœux qu'on fai-
foit pour les Empereurs , on ne devoir
mettre aucunes bornes. Vcrùm^ dit Naza-
rius 5 quià agimus vicenis aiit tricenis an-
ni s circumfcribendo quœ jam œterna feU"
fimus ? Cùm plura fint mérita Principum
quam optât a Votorum. On voit en effet
ces Vœux marqués fur les Médailles à^s
enfans de Conftantin , par les nombres
de XXX & de XXXX , & fur les Mé-
dailles de leurs Succeffeurs , jurqu'â ce
qu'enfin on fe contenta du nombre indé-
fini de votis multis : c'eft ce qu'on voie
fur une Médaille de Majorien.
Enfin fous le Règne d'Anaflafe , on
changea de manière de marquer les
Vœux ; car on ne les vit plus fur les
Médailles d'or & d'argent , mais feule-
ment fur le bronze : & comme le Vota
avoit été abrégé en Vot ^ le Vot le fut en
y ; & à la fin on ôca tout-à-fair le mot de
Vœux, & on ne laifla que les Chiffres,
comme on peut voir dans les Médailles
fuivantes (^) ; avec cette différence qu'ils
doublèrent les Vœux , & ne mettoienc
plus ni 15, ni 30, mais 5 , i o , 20 , 40.
Pourquoi en effet ne verroit-on pas les
Vœux marqués dans l'Empire Grec , puif-
qu'il eft certain, par les Hiftoriens, qu'on
{a) z6, 17, zZ Mi'dailU,
7iX a==:MÉ^=>
les faifoit ? Abfque ullo fmrificio atquc
idlâ fuperjiitione damnahili , difent les
Empereurs, exhiberi Populoriim volupta-
tes ifecundàm veterem confuetiidinemj mi^
jiijlrari ctiam fejia convividy quanâo exi-
gunt puhlica Vota^ decernimus» Datum
8* KaL Sept, Honor. 7. & Tkeodof. 1 1 •
AA, Cojf, Voilà les Vœux quinquennaux
deftitués des Jeux & des Sacrifices qui
avoient attaché la Gentilité.
Il paroît que les Jeux fe célébroienc
tous les ans au premier Janvier \ Se qu'au
lieu que les anciens Empereurs faifoienc
des Libéralités ces jours-là , c'écoit le Peu-
ple qui en faifoit aux Empereurs : Quando
Kotis communibus felix annus aperitur ,
in unâ librâ 6* folidis chrifatii , Princi-
pibus offerendi devotîonem animo libcntl
fufcipimiis y &c. Les Vœux enfin cefsèrenc
de fe marquer fur les Monnoies, & l'on
fe contenta des acclamations de bouche,
ad multos annos,
EXPLICATION DES CHIFFRES
DES MÉDAILLES CONSULAIRES.
Je ne vois que trois raifons , pour lef-
quelles on ait pu mettre des Chiffres ou
des nombres fur les Médailles confulai-
res. La première j pour marquer la claffe
de laquelle écoit celui qui avoit fait
frapper
— ME= 75
frapper la Médaille , ^ par conféquent ce
qu'il dévoie de Capitarion. La féconde,
pour marquer les Libéralités qu'il avoir
faites à (ts Soldats , lorfqu'il commandoic
l'Armée. La troifième, pour faire voir le
nombre d'arpens de terre qui avoient été
donnés aux Citoyens & aux Soldats, par
celui qui avoit fait frapper la Médaille^
ou celui pour lequel on l'avoir frappée ,
lorfqu'il avoir établi une Colonie. Ces
trois raifons-là ont chacune leur fonde-
ment dans l'Hiftoire : éxaminons-les l'une
après l'autre , àc voyons fî elles peuvent
nous donner la connoiffance que nous
cherchons.
1°. Il eft certain, comme on peut voir
dans Tite-Live, que le Roi Servius Tul-
lus avoit divifé fes Sujets en fix clafles.
De la première, étoient ceux qui avoient
pour le moins cent mille as^ ou cent mille
livres de bronze de rente : la féconde , de
ceux qui en avoient pour le moins foi-
xante & quinze : la troifième, de ceur
qui en avoient cinquante pour le moins :
la quatrième , de ceux qui en avoient
vingt-cinq ôc au-delà : la cinquième , de
ceux qui en avoient onze & au-delfus :
la dernière enfin, de ceux dont le revenu
n'alloit pas jufqu'à cette dernière fomme.
1 Ce Prince avoir établi ce5 clalfes , & fait
Tome m. D
74- =ME=:=
donner a chacun des déclarations du bien
qu'il polfédoit, afin d*y proportionner &
le rang qu'ils dévoient avoir dans la Ré-
publique, ôc les taxes qu'ils dévoient por-,
ter. Ces MédaillesAi montrent donc le
revenu qu'avoit la famille du temps de
Servius Tullus j ce qui en faifoit voir l'an-
cienneté : & quand il y a deux Chiffres
fur la Médaille , l'un montre le revenu
qu'avoit la famille en ce temps-là, & l'an- •
tre celui, qu'elle poifcdoit au temps que la i
Médaille a été frappée. Par exemple, fur ;
une de ces Médailles , oh. Ton voit Cal- ;
pus, fih de Numa, la tige de la Famille :
Calpurnia , dont la Maifon des Pifons '
ctoit une branche j le nombre de dix-huit '
marque le revenu de Calpurnius fon fils,
lorfque Servius Tullus fit le dénombre-
ment dont nous avons parlé \ 8c le revers
fait voir dans le nombre 85 , le revenu!
qu'avoit M. Calpurnius Pifo le Prêteur ,
qui le premier donna; le plajfir des Jeux
Apollinaires , après qu'ils eurent été voués
perpétuels. Les Jeux font marqués par un
homme à cheval , qui a une Palme à lai
xnain , comme Ta remarqué Fulvius Urfi-U
nus. Comme le revenu de la Famille aug-
mentoit, on voit de ces Pifons qui ont cent
Jlx 3c les autres cent trente-cinq fur leurs
Médailles, Voilà la première, conjedure. .
i**. La féconde marque les Libéraîkés.
Il eft cerrain que c'ell par-là que ceux qui
gouvernoienc la République & l'Empire ,
•s atrachoienc le Peuple & l'Armée. La Li-
béraiué des Ediles ôc des Prêteurs , comme
on voie dans Tite-Live (a) & fur les Mé-
dailles y confîftoit en Jeux qu'ils donnoienc
au Peuple , &: en Congiaires de bled , d'hui-
le 3 ou d'argent.
On ne peut pas douter que les Géné-
raux. d'Armée ne fifTent la même chofe à
l'égard de leurs Soldats, foit pour les en-
courager à bien faire, ou pour les récom-
penfer quand ils auroient bien fait (6) :
Deduais Pergamum , atque in locuplecijji^
mas urbes legionihus^ maximas largitioncs
fuit -y & confirmandorum militum caujâ di-
sipiendcLs eis civitatcs dedit. C'eft de Cé-
far que cela fe dit. Les Libéralités qu'on
faifoit au Peuple, s'appelloient Congiai-
jres, du terme Congiusy qui étoit ordmai-
rement le Vailfeau dans lequel on mettoic
le don de la République ou de l'Empe-
reur j & celles qu'on faifoit aux Soldats ,
fe nommoient Donativum, ÔC confîftoienc
en fourage, chevaux, vivres, & principa-
lement en argent. Les Libéralités des Em-
pereurs font marquées fur les Médailles par
(c)I. i, Dec, 5.
. :, (5) L, $ , de Bellû Chili,
Dij
7(^ = M É =
les points de la Tefsère , qui efl: repréfen-
tée entre les mains de la DéeiTe Libéra-
lité. Il eft donc naturel de chercher le
Symbole de la Libéralité des Généraux :
il me femble que ce font ces nombres
qu'on trouve quelquefois fur les Médai/Ies
Confulalres. C eft ce que nous examine-
rons dans la fuite.
3°. Pour les Colonies, il eft bien certain
que 5 lorfque la République ou les Enipe-
l'eurs enyoyoient des Citoyens ou des Sol-
dats en Colonie , ils donnoient à chacun
une certaine quantité de terre. En la Co-
lonie Lavica^ qui fut établie l'an ^16 de
la fondation de Rome , on donna à cinq
cents Citoyens qu'on y avoit envoyés , à
chacun deux arpens & demi. On trouve
encore que , quand la Colonie de Bour-
gogne fut établie , on donna à chacun de
ceux qu'on y conduifit , qui étoient au
nombre de trois mille , aux Cavaliers
foixante ôc dix arpens, ôc aux Piétons
cinquante.
On pourroit donc dire , que le nombre
marqué fur les Médailles , eft celui des
arpens de terre diftribués aux nouveaux
Citoyens de la Colonie , par celui qui en
étoit le Patron , & qui eft marqué fur la
Médaille ; 3c que quand il y a deux nom-
bres diftéreas far la tnhmQ MédailU y ou
:= M É = 77
fur plu/îears du même homme > c'eft la
portion différente dçs Officiers, des Ca-
valiers, & des Piétons. Cela paroît pro-
bable, quand ces nombres fe rencontrent
fur des Médailles où Ton voit des Sym-
boles de la Colonie marqués fur les au-
tres. II eft queftion de choifîr entre ces
trois opinions.
La première me paroît d'autant plus
probable , que , parmi les Familles dont
les Médailles font chargées de CQS Chif-
fres, qui font au nombre de douze feu-
lement ( du moins je n'en ai point vu
davantage ) , il n'y en a pas une qu*on
puiffe dire nouvelle. Il y en a fept , qui
font très-certainement anciennes j 5<: pour
les cinq autres, il y a des preuves qu'elles
le font. 11 n'y a nu'.le difficulté pour les Fa-
milles Attilia, ^milia, Caipurnia, Clau-
dia, Cïecilia , Man'ia, & N.ievia. Pour la
Famille ColTutia, Fulvius Urfinus rapporte
une Infcriprion fort antique , qui fe voit
dans le Pays des Sabins, ou il eft fait men-
tion d'un Q. CoIfutiuSj qui apparemment
en étoit originaire.
Les Hiftoriens ne nous difent rien de
la Famille Crépufia : cela ne conclut rien
pour fa nouveauté. Elle étoit Plébéienne 5
& il y avoir des Familles Plébéiennes ,
comme tout le monde fçait , aulîi an-
Diij
78 =MÉ =
ciennes que les Patriciennes j mais elles
éroient plus fu jettes a demeurer dans lobf-
curité. Pour la Famille Farfuiéïa y lesHif-
toriens n'en difent rien non plus j. mais
on trouve à Sutri une Infcription antique >
qui fait voir que cette Famille fubfiftoit ,
lorfque la Colonie y fut établie ; c'ell-à-
dire , fept ans après la prife de Rome par
les Gaulois. Il eft probable que la Famille
Maria, quoique Plébéienne, éroit fort an-
cienne, & qu'elle venoit d'un certain Ma-
rius Appius 5 qui vivoit àhs le commen-
cement de la République. Pour la Famille
de Norbanus, elle étoin (î ancienne, qu'au-
cun Auteur ne s'efl: fou venu de (on nom :
elle n'efl connue que par le furnom de
Norbanus.
Il n'y a qu'une difficulté : on deman-.
dera pourquoi \qs autres anciennes Fa-
milles ne portoient pas de pareils Sym-
boles 5 & pourquoi ces Symboles ne fe
trouvent que fur certaines branches. On
peut répondre, que nous n'avons pas tou-
tes les Médailles de ces anciennes FamiU
les , & que nous avons perdu celles (^ts
branches qui portoient ces Symboles ; que
les branches qui portoient ces Symboles,
étoient peut-être \qs branches aînées. En-
fin, fi la chofe étoit arbitraire ,. il n'en faut
pas demander les raifons. Il y a eu en
== M É == 7P
France des Familles illuftres qui ont eu
des Armoiries long-temps avant les au-
tres, & parmi les Familles des branches
qui les ont portées les unes plutôt que les
autres. Voilà ce qu'on peut dire en faveur
de la première opinion , qui me paroic la
plus probable.
La féconde paroîtra peut-être plus pro-
bable à d'autres j c*e{l: le fyftême des Co^
lonies. Nous avons des Alédaii/es , comme
celles de Ca^cilias Métellus , Se celles de
Martius , qui portent en même temps de
le revers des Colonies , & un nombre *,
fçavoir, celles de Métellus 133, &: celles
de Martius, Tune 9, l'autre 28 , & la troi-
fième ^^. Elles font toutes trois marquées
des deux cq/cs du même nombre. Je ne
vois pas qu'il y ait d'inconvénient à dire ,
que par-ld eft marqué le nombre d'arperîs
de terre qui ont été diftribués aux nou-
veaux Citoyens des Colonies qui ont été
établies , lorfque ces grands hommes éroient
Confuls.
Il eft même rapporté par Velléïus Pa-
terculus , que , fous le Confulat de Ma-
rius , fut fondée la Colonie Éporédia. Ainfi
on dira que les Piétons reçurent neuf ar-
pens de terre, les Cavaliers vingr-huit, Se
■les Otïîciers trente-trois. On m'objectera
que la Colonie qui eft marquée fur les
Div
8o =.MÉ=
Médailles de Marins ou de Cn^ciliiis, n*eft:
pas militaire, puirqu'elle n'eft pas repré-
îenrée par des Enfeignes. Mais les Colonies
militaires , qui étoient envoyées par un
Décièt du Sénat, comme celle-ci, qui
porte fur fa Médaille S. C. n'avoient point
pour Symbole les Signes militaires fur les
Médailles de leurs Patrons : car ces Mé-
drailles ne font point mifes parmi les Mé-
dailles des Colonies , qui fe frappoient
dans les Colonies mêmes \ mais parmi les
Médailles Confulaires ^ qui croient toutes
frappées à Rome.
On peut encore rapporter la le nombre
48 , qu'on voit fur la Médaille de la Fa-
mille Attilia 'y parcequ il y eue un Attilius
qui fon -la la Colonie de Caivi , donr nous
avons encore des Monnoies. Cette fonda-
tion ed rapportée par Velléïus. Il eft vrai
qu'elle n'a pas la marque des Colonies^
parceque la Famille a mieux aimé y mar*
quer le Triomphe d'Attilius. Il n'y a qu'un
nombre fur les Médailles ; parceque nous
en avons peut-être perdu quelques-unes,
ou parceque c'éroit une Colonie pure-
ment civile, où chacun fut également par-
tagé.
Le nombre 28 fur la Médaille d*-/Emi-
lius Papus , eft celui des arpens de terre
donnés à ceux des Colonies Sétia, An-
= M E = 8 1
tiam 5 ou Immunis llicis Augiijîi : car
ces trois Colonies furent tondées par des
iEmilius Papus , auGi-bien que celle de
Croto,
La Colonie que nous voyons fur la Mé-
dailU de Manlius Acédinus, eft marquée
par les Hiftoriens en 570, trois ans avant
ion Confular. C'eft la Colonie d'Aquilée,
où il mena des Citoyens en qualité de
Triumvir. Il eft vrai que les Hiftoriens
ne s'accordent pas avec la Médaille , pour
le nombre à^s arpens de terre ; car la Afd-
daille porte 128, & Velléïus , dans les
trois nombres qu'il rapporte , n'a point
celui-ci. Mais je ne fçais fi Goltzius a
bien lu, & je fuis fur qu'il y a faute dans
Velléïus ; car il donne plus de terre aux
Cavaliers qu'aux Officiers , ce qui ne fe
faifoit jamais. Or, fuppofé qu'il y ait une
faute dans fon récit , il peut y en avoir
plufieurs \ rien n'étant fi aifé que de cor-
rompre les Chiffres, en copiant les ma-
nufcrits.
Le nombre 1 25 & celui de 1 1 1 fur les
Médailles de la Famille Claudia, peuvent
fignifier la Colonie Firmum & Cafîrum
Novum^ établie ibus le Confulat d'Appius
Claudius , furnommé Caudex^ en 405? \
car celui-ci fe dit Appius Nepos,
Nous trouvons un Pifo Frugi, Cenfeur,
Dv
S2 .^ M É =-
du temps que Gracchus, Tribun du Peu-
ple, demanda des Colonies. Il en a pu me-
ner quelques-unes, qui ont donné lieu
aux différens Chiffres qu'on voit fur hs
Médailles,
Cela n'a rien d'improbable , mais n a-
tien auiîi qui foit fort fatisfaifant. Voyons
le troifième Syftême,
3°. On m'accordera aifément , qu'on
niarquoit fur les Monnoies les Triomphes
d^s Généraux d'Armées , & je ne vois pas
pourquoi on n'y auroit pas mis le nom-
bre des as, ou les deniers qu'ils avoient
diftribués a leurs Soldats au jour de leur
Triomphe j puifqu'il femble que les Em-
pereurs n'ayent fait que continuer cet
ufage 5 en faifant des Libéralités lorf-
qu'ils étoient proclamés Empereurs, ou
qu'ils triomphoienr, & en les faifant mar-^
quer fur leur Monnoie. La difficulté eft
d'accorder l'explication de chaque Mé^
dailU en particulier avec l'Hiftoire. La'
Médaille de Ti. Claudius Néro porte le
nombre 1 1 , avec un Quadrige , où l'on
voit Jupiter qui triomphe. Cela marque-
roit merveilleufement celui où Claudius^
Néro {a) , obligé de triompher a clieval^
pour les raifons rapportées par I^ivtur/
{a) L'an S^^' ' '^'^'^^''^
auroit faît mettre l'Image de Jupiter dans
le Chau de Triomphe qu'il s'étoic deftiné,
pour marquer qu'il attribuoit à Dieu la
profpéritc de Tes armes. Mais le même
Livius remarque, qu'il promit cinquante-
(ix as à chacun de fes Soldats. Que dire
à cela ? Qu'il y a erreur dans les Alanuf*-
crits ? Il efl: fâcheux d'avoir fouvenr re-
cours à cette réponfe. J'aimerois mieux
dire , qu'il promit cinquante-fix as , &z
ou il n'en donna que vingt -deux; car
il n'arrive que trop fouvent , qu'on ne
tlonne pas aux Soldats tout ce qu'on leur
promet.
Mais en comparant les nombres des
Médailles avec les nombres portés dans
l'Hiftoire , je n'en vois prefque point qui
foient d'accord : c'eft ce qui me fait aban-
donner cette conjecture , quoique fort
raifonnable d'ailleurs. On m'en préfente
trois autres que je vais examiner.
Il y en a qui difent , que \qs Chiffres
font la marque de l'OlScine où a été frap-
pée la Médaille ^ Bc que comme fur cer-
taines Médailles de Fifo Frugi , il y a tan-
côt un Trident , tantôt une Gerbe , tantôt
un Croc , que fur les autres il y a ^ts
nombres : mais en vérité on ne me per-
fuadera pas aifément que les Monétaires
ayent pris des ftombres , & de fi grands
Dvj
nombres pour enfeigne. Il peut bien y
avoir eu à Rome un grand nombre d'Of-
ficines de Monnoies ; mais qu'elles foient
allées jufqu au nombre de cent, fur-tout
au temps de la République , je n'en crois
rien. D'ailleurs routes ces Médailles de
Pifo Frugi paroiffent être de la même
jnain.
M. Vaillant , dont nous devons refpec-
ter les conjedurcs, penfe que le Moné-
taire a voulu marquer par-là combien il
avoir frappé de Médailles de ce coin. Mais
c]ue répondra M. Vaillant , à ceux qui
veulent qu'il n*y ait pas deux Médailles
de même coin ? Pourquoi n'y a-t-il que
ÀovLZQ familles dont on troute les Mé"
dailles marquées ? D'où vient qu'il y en
a qui ont deux Chiffres différens ? 11 eft
difficile de répondre à tout cela. Cette
conjedture m'étoit venue dans l'erprit 3
mais je né lai ofé produire , parcequ'il
lie m'a pas paru probable , qu'on ait voulu
inftruire la poRériré d'une chofe aufli inu-
tile que celle de fçavoir combien il y
avoit de deniers d'un certain coin.
Le même M. Vaillant apporte une au-
tre conjedtu'^e , ôc M. Baudelot, fans être
de concert avec lui , femble l'appuyer.
Ces Meffieurs difent , dans la Famille
Calpurnia , que les nombres qu'on y voit ,
j
marquent le temps qui s'eft écoule depuis
rinftitutioii des Jeux Apolimaires , ou
plutôt depuis le Vœu perpétuel qu'on en
fît fous le Préteur Calpurniiis Fifo , c'eft-
à-dire , en 542 , jufqu'au temps où la Mé-
daille a été frappée. Il eft vrai qu'Util -
nus a très-bien remarqué , que dans les
MidaiLles dont nous parlons, l'on célèbre
la mémoire du Vœu des Jeux Apolli-
iiaires donnés-en 541 , par M. Calpur-
nius Pifo 5 qui pouvoir être le Grand- Père
de Lucius Calpurnius , qui fut Conful en
610 ^ & qui le premier porta le nom de
Frugi. Mais que les nombres marqués fur
les Médailles faiTent voir le temps qui
s'eft écoulé jufqu'à leur fabrique , c'eft ce
qui eft difficile à prouver. Car dans ce
Syftême' la Médaille , où l'on voit dix-
huit , aura été frappée dix-huit ans après
le Vœu 5 c'eft-à-dire , en 560. Mais en
ce temps-lâ il n'y avoit pas de Fifo Frugi ^
félon le témoignage de Cicéron {a) ; elle
n'a donc pu être frappée en ce temps-là.
On me dira que la Médaille a été frap-
pée en é"! 5 5 par le premier Fifo Frugi ,
83 ans après le Vœu des Jeux ; & que
le nombre 28 fur la même Médaille ^
marque que fon père avoit donné ces Jeux
. . {a) In Ferrem,
S6 =MÉ-=
aufli-bieii que fon Grand-père. Ceft une
réponfe ; je fouhaite qa elle foit du goùc
de tout le monde : mais on demandera ,
pourquoi les feuls Frugi célèbrent ce fait
fur les Médailles , & d'où vient qu'ils ne
le célèbrent pas fur chaque Médaille ? Car
il eft certain que les Frugi n'étoient pas
\qs feuls Pifons , les Q^fonini étoient de
la mcme famille'^ & plus anciens qu'eux.
11 eft certain encore qu'il y a à^s Médailles
des Frugi , où il n'y a rien qu'on puilTe
rapporter aux Jeux Apollinaires. On ré-
pondra que d'une chofe arbitraire , com-
me eft celle qu'on met fur une Médaille ,
on ne doit pas en exiger la raifon. Ainli fi
nous n'avions des nombres que fur les der-
niers de la Famille de Calptirnia , on pour-
roit être content de cette conjedlure.
Mais que dire d'onze autres Familles
qui n'ont nul rapport aux Jeux Apolli-
naires ? Qu'elles marquent chacune le
temps qui s'eft écoulé depuis quelque évé-
nement mémorable qui regarde leur fa-
mille ? En vérité , Mefïieurs les Antiquai-
res fe moquent. Eft-ce que fi L. Calpur-
nius Pifo Frugi avoir voulu marquer la
part qu'avoir eu M. Calpurnius Pifo aux
Jeux Apollinaires , il n'auroit pas marqué
l'année de fa Préture ? Cela eft bien plus
naturel > que d'aller marquer le temps qui
M E :== 87
s'eft écoulé depuis la première année de
cetce Prérure. S'eft on jamais avife de mar-
quer ainfl les Epoques ? Cela fuppoferoic
qu'il y auuoit en chaque famille une Ere ,
comme il y en avoit une dans les Républi-
ques 5 pour compter les années. Qui eft-ce
qui pourra fe Timaginer ?
- Mais quand il faudra trouver àt% Évè-
nemens en chaque Famille , & les ajufter
aux Chiffres des Médailles , quelles diffi-
cultés ne faudra-t-il pas dévorer ? Pour
moi , je veux des explications plus natu-
relles. Ainfi , en attendant quelque chofe
de meilleur , je m'en tiens à la première
explication que j'ai donnée.
Second usage des Exergues,
Je ne croyois pas que le premier ufage
des Exergues nous menerou li loin : je
'tâcherai d'être plus court en expliquant
les aiuresi^n- /.!l : yj s^ 'e.:i- -^ '^
Le fecoud iifage des Exergues 5 c'eft dé-
faire voir la Ville , l'Officine , ou le nom'
du' Monétaire ;, 6c quelquefois :out cela à
la fois.
Du temps de la République on mettoit
■ Rofna fur toutes les Monnoies , & fous les-'
®mpê'reurs 5 ces deux lettres S. C. fur le
grand & le moyen bronze qui faifo>ient le'
mètne effèc. Pour l'Argent il n'y avoit rien ,
88 ==ME.:=
non plus que Air l'Or , qui pût faire con-
noître où les Monnoies avoient été frap-
pées. Cela n'étoic pas néceiraire , parce
qu'on ne frappoit qu'à Rome des pièces
de ce volume , de ce poids Se de cet aloi.
Mais les Fabriques de Monnoie ayant
tté établies dans plufieurs Villes de l'Em-
pire y les Empereurs ordonnèrent qu'on
marqueroit fur les Monnoies la Ville ,
l'Officine , & fouvent le nom du Moné-
taire 5 comme dans une Médaille de Conf-
tantin : elle eft de la façon de T. Tit. Fe-
eit de la féconde Officine de la Ville
d^Arles S. ARL, Cet ufage eft paffé juf-
qu'à nous ; car nous marquons fur nos
Monnoies la Ville où elles ont été fabri-
quées ; & outre cela , il y a toujours une
certaine marque fecrete > à laquelle le
Monnoyeur reconnoît fon ouvrage.
Je fçais que l'on s'eO; efforcé de donner
d'autres explications à ces Exergues ; mais
comme elles font contraires à l'Hiftoire &
a l'ufage , elles n'ont point été reçues.
Il faut raifonner fur les Exergues , com-
me nous avons fait fur les autres parties
à^^ Médailles, Qu'eft ce qu'on doit s'at-
tendre de voir dans Us Médailles du ficelé
de Conftantin? Quelque chafe qui ait 4U;
rapport à ce qu'on y voyoit avant lui , &
à ce qu'on y vit depuis. Avant lui , on
voyoit fur les Monnoies de Dioclétien &c
de xMaximin, SACxRA MONETA
AU G G, NN. Cela faifoit voir que la
Monnoie avoir été frappée par le Mon-
noveur qui fuivoit la Cour; SACRA
MON ETA U RBl S, qu'elle avoit été
frappée à Rome ; 3c en abrégé SMl'R ,
Sacra Moneta Trevirenjïs y qu'elle avoir
été frappée à Trêves.
Après Conftaatin , on voyoit fur les
Mddailles de Julien dans l'Exergue URB.
ROM. B. ce qui ne pouvoir fîgnifier aucre
ciiofe que , Urhs Roma^ Officina fecund.
LUGD. OFFI. I. ce qui fignitie Lu^^
diini Officina prima. Si je trouve donc
fur les Médailles de Condiancin ou de (es
enfans TR. , ne fuis-je pas en droit de
l'expliquer de la Ville de Trêves \ AQ ,
de la Ville d'Aquilée ou d'Aix en Pro-
vence ? SIST. N'eft-ce pas la troifiême
Officine de Seiffeck ; KART. Carthage j
L. G. Lyon ARL. Arles; ANT. Antio-
che ; SIRM. Syrmium ; CONS. Conflan-
tinopolis ; E. CONS. Conftantinopoli
Officina 5. KONOB. Conftantinopoli Of-
i ficina fecunda ?
I Ces explications ne font-elles pas plus
, naturelles , que celles qui font fondées
précifément fur des conjedlures ? Car de
nous dire que Conob fignihe Commune
po == M É :==î
ou corpvs omnium negotiatorum ohtuhre ^
c'ed: tenir un langage contraire à l'Hiftoire
& à i'ufage. Pourquoi ne feroit-ce que fur
la fin du Règne de Conftantin , qu'on
trouve ces lettres en Exergue ? Eft-ce
qu'on n'a commencé qu'en ce temps-lâ à
payer à^s Tributs , ou à faire ^^^ dons
gratuits ?
Pourq^ioi les trouve-t-on fur les Mé-
âaïlUs des Empereurs des fiècles fuivans ,
à qui on ne peut pas dire que les Négo-
cians ni payafTent Tributs , ni fiffent des
préfens ?
A-t-on jamais mis àt% Tributs ou des
dons gratuits fur les Médailles ? Les Ro-
mains levoient-ils leurs Tributs par les
corps des Marchands ou des métiers ? I.es
Gaules étoient- elles en état de faire des
préfens ? 11 n'y a qu'à lire Eumenius. A-
t-on jamais vu ni Ohtulit 5 ni OhtuUre ^
fur les Infcriptions ou fur les Médailles ,
abrégés par ces deux lettres , OB ? Si
AQOB fignifie Aqueuses obtuUrc , & que
AQ (îgnifie là Aix-la-Chapelle , voilà Aix-
la-Chapelle fur les Médailles , cinq cents
ans avant que d'être au monde.
On trouve ces lettres CONOB fur une
Médaille de Hannibalien Roi de Pont ;
eft-ce que les Gaules lui payoient Tribut ?
On les trouve même fur la Monnoie de
quelques-uns de nos Rois , par la raifon
que nous avons dite.
Si cet Exergue ne fignifîe pas Conftan-
tinople, pourquoi ne le voit-on pas fur
les Médailles avant Conftantin ? Et pour-
quoi les voit-on depuis fcn Règne jufqu'a
la fin de l'Empire ?
Pourquoi le voit- on fur les Médailles
des enfans de Gonftantin , excepté fut
celles de Crifpus , fî-non parcequ il étoit
mort lorfqu'on commença à frapper de la
Monnoie à Conftantinople ?
Pourquoi ne le voit- on pas fur les Mé-
dailles dts premiers Tyrans Magne nce ,
Décence, Vetranio , Mag. MaximuS &
Victor • & qu'on le trouve fur celles d'Eu-
genius & de ceux qui l'ont fuivi : fi-
non-parceque du temps des premiers on
n'avoir pas encore trouvé le moyen de
contrefaire le coin de Conllantinople ,
qu'on contrefit dans !a fuite ? Dira-t-on
que ces lettres fignifient un Don gratuit
fait à c^s Tyrans ?
Pourquoi n'y a-t-il que les Gaules qui
payent le Tribut , & les Marchands feu-
lement ? D'où vient qu'en certaines Mé-
dailles les Marchands font fpécifiés , com-
me Treveri ohtulere , Aquenfes , Remo-
rum penfio , &c qu'ils ne font pas ipécifiés
dans cet Exergue CONOB ?
^2 £=r M É =2
OÙ a-t-on appris que Rheims étolt une
Ville confidérable pour le commerce du
temps de Conftantin ? Puifqu'elle eft fans
rivière, éloignée de la Mèr, & que nous
fçavons que le commerce des vins ôc de
ferges , qui la rend confidérable , n'eft pas
ancien ?
Pourquoi paye-t-on le Tribut aux Em-
pereurs 5 qu on dit n'avoir été que les
Lieutenans Généraux du Sénat , à leurs !
eiifans j & "qu'on ne donne rien au Sénat
qui étoit le maître ? D où vient qu'o-n ne
voit aucune Médaille où il foit parlé de
ce Sénat ?
Très- certainement les Gaules étoientà
l'Empire avant Conftantin , & l'on ne voit I
point fur les Médailles les marques de
leur fujertion : elles n'y étoient pas du
temps de nos Rois , & elles payent Tri-
but à l'Empire : que veut dire cela ? |
Mais fi ces Médailles n'étoient que des
jettons , & qu'on ne payât Tribut qu'en
CQS Médailles i de quelle utilité étoit ce
Tribut ?
Comment nous eft-il refte un fi grand
nombre de ces jettons , & qu'il ne nous
eft rien refté des anciennes Monnoies ?
Qui croira qu'on ait frappé à la gloire
des Maîtres du Monde , des jettons de la
petitefTe de la tête d'un pedc clou ? Voilà
les difficultés qu'il faut dévorer , quand
dans l'explication des Médailles on ne
fuit ni l'Hiftoire ni l'ufage : au lieu qu'en
obfervant ce qui écoic le fiècle avant Con-
ftantin , dans TÉxergue des Monnoies , &:
ce qui y étoit le fiécle d'après , vous trou-
vez aifément l'explication de ce qu'on y
voit dans le fien.
Troisième usage des Exergues,
Outre ce que nous avons dit , il faut
reconnoître dans les Exergues , des Sym-
boles que les Monétaires y faifoient gra-
ver , ou pour fe faire honneur , ou pour
faire honneur à ceux dont l'image étoit
fur la Médaille. Ces Symboles fe trouvent
principalement fur les Médailles d'Argent
de la République , & fur les Monnoies
des Villes étrangères qui avoient droit
de battre Monnoie.
Dans une Médaille de la famille An-
tiftia , on voit au revers dans l'Éxergus
un Chien. Cet animal pouvoit être le
Symbole de la Fidélité qu'avoit pour Au-
gufte 5 C. Antillius.
Dans celle que Q. Metellus Plus Scipio
fit frapper , la Cigogne qu'on voit dans
l'Exergue , répond au terme Pins , qui
n'eft pas dans la Légende , & qui a été
exprimée par ce Symbole,
p^ =: M É =::
Q. Craffus , un des meurci'iers de Ce-:
far , a exprimé fur fa. Micdailk un fait;
glorieux à fa Famille par deux Exergues :;
l'une eft une Urne à recevoir les fuffra-
ges \ l'aurre font les fuffrages en ces deux'
lettres , A. C. Abjolvo^ Condemno, Par-
la il remet dans le fouvenir la Loi Caflia ,
dont ces fuffrages furent la matière. Sut
un denier de la famille Cipia ^ la Prouë
du vaiffeau qu'on voit dans l'Exergue ,
n'y a été mife , que pour marquer quel-
que avantage fur Mèr , remporté par quel-
qu'un de la Famille \ d'autant plus , que
dans une autre Médaille de la même Fa-
mille , la Proue du vailfeau tient tout leîj
champ de la Médaille,
Je n'en dirai pas davantage fur les Mé'
dailles Consulaires, Le livre que M. Vail-i
lant a fait imprimer , ne nous laiHe rieni
ignorer là-delTus. Pour les Villes , ce font
ordinairement leurs Symboles qu'on voit'
dans l'Exergue. Sur les Médailles de Dy- :,
rachium un Épi , un Gouvernail , un Rai* 1)
fin 5 une Charriie ou une Ruche , mon-
trent en quoi le terroir étoit fertile , &
que iQ% Habitans étoient gens de grand
Commerce. Dans celle de la Ville d'An-
dranuin en Sicile , des Anguilles en Exer-
gue montrent, qu'on en trouvoit beau-
coup dans les Rivières & dans les ruif-
z= M É = Pf
féaux d'alenrour. Le Raifiii qu'on voit
dans les Médailles de Tauromenium »
marque l'excel'ence des Vins de fon ter-
roir. C'eft qu'en érudiant l'Hiftoire , on
verra que les Symboles que portent les
Villes fur leurs Médailles j les font par-
faitement connoître. Mais l'Exergue qui
a paru le plus important jufqu^à cette
heure , ce font les Années qui font mar-
quées fur les Médailles : c'eft ce qu'il fauc
expliquer.
Les Médailles Latines n'ont point de
dates avant l'Empire. Les Empereurs mar-
quoient leurs Années par la puilfance du
Tribunal , & quelquefois par le titre d'7/7z-
perator. Cet Exergue IMP. X. ilgnihe
donc que, la Médaille a éî:é frappée après
qu'Augufte eut été proclamé Imverator
pour la dixième fois : c'eft la onzième ou
la douzième année de fon Règne.
• Il ne faut pas s'imaginer que ces dates
s'accordent toujours , avec les faits énon-
cés fur Va. Médaille : car nous trouvons
ACT. en Exergue avec la date , Imp. X,
& la date Imp. Xll. Si cet Exergue fignifie
la Bataille d'Aétium , elle ne peut pas être
arrivée en deux années différentes j mais
la première date lui convient , & l'autre
fignifie qu'on en renouvella la mémoire
deux ans après. Ceft ain(î que dans la
^6 =MÉ=^
Médaille de Tibère, qui porte un triomphe
au revers avec cette Légende, Imp. VII.
Tr. Pot. XVI ou XV II , il ne faut pas
croire que le Triomphe n'arriva qu'en
Tannée 780 ou 781 , quand Tibère joiiif-
foit de la puifTance du Tribunal pour la
feizième ou dix-feprième fois : car il eft
confiant qu'il triompha du vivant d'Au-
gufte , lorfqu'il joiliffoii de la puifTance du
Tribunal pour la treizième fois , & que le
Triomphe efl déjà marqué fur \qs Médailles
d'Augufte : mais on en renouvella la mé-
jnoire après fa mort. Voilà ce qui a pro-
duit \^ Médaille Qn queftion.
Il eft donc certain qu'une date fur une
Médaille , vous montre ,1°. l'Année que
la Médaille a été frappée. 1*^. Que le fait
énoncé fur la Médaille , n'eft pas pofté-
rieur à la date. 3°. Que le Prince repré-
fenté fur la Médaille^ a régné jufques-là ;
mais que l'événement marqué fur la Mé^
daille fe foit palTé la même Année , que
la Médaille a été frappée , c'eft ce qui n'eft
pas sur : c'eft pourquoi ne fondez rien à
cet égard fur les dates des Médailles,
En Orient on datoit les Médailles du
* Prince ou de l'Ere , qui étoit en ufage
dans le pays : celle-ci eft de la dixième
année d'Adrien, & n'apprend rien autre
chofe.
Une
== M E == p7
Une Médaille de Phillippicus , rappor-
tée par M. Du Cange , e(l datée de la
troifième année de fon règne ; fi la Mc^
daille eft vraie & fidellement rapportée.
Cependant Nicephoie dit , qu'il ne régna
que deux ans. Il luffit qu'il y ait eu quel-
ques jours de plus , pour avoir donné lieu
à cette date 5 anno 3®. L'M , qui eft au
milieu de la même Médaille , s'explique
des Vœux : car c'eft 40 en Grec , Foiîs
quadricennalibus, A , eft la marque de
l'Officine; NIKO , de la Ville de Nico-
inédie \ la Croix eft la marque du Chrif^
tianifme. Voilà les règles générales pout
expliquer \^i Médailles»
Observations sur les Médailles,
Toutes les Médailles fonr ou antiques,
ou modernes. Les Antiques font celles
qui ont été frappées jufqu'au IIP ou Vile
fiècle. Les Modernes font celles qui onc
été fabriquées depuis trois cents ans. Par-
ini les Antiques il y en a de Grecques &
de Latines. Les Grecques font les plus
anciennes. Les Grecs frappoient des Mon-
Boies de tous les trois Métaux avec tant
d'art , que les Romains ont eu bien de la
peine à les égaler. Les Médailles Grecques
ont un delTein , une attitude , une force ,
6c une délicatelTe à exprimer jufqu'auK
Tome IIL E
p8 :,^MÈ =
mufcles 6c aux veines, qui furpaffent in-
finiment les Romaines. Il y a aulîi des
Médailles Hébraïques , Puniques , Gorhi*
ques & Arabefques , qui font un nouvel
ordre dans les Antiques 6c dans les Mo^
dernes. Lqs MedailLs Conjulaircs font
conftamment les plus anciennes Médailles
Latines. Cependant celles de Cuivre ou
d'Argent , ne remontent point au-delà de
Tan 484 de Rome, & celles d'Or à l'au
54(>. Si l'on en produit de plus anciennes
elles font faulfes.
Les Médailles Confulaires portent ce
nom , pour les diftinguer 1^QS Impériales,
non parcequ'elles ont été battues par l'or-
dre des Confuls ; mais feulement parce-
<!ju'elles ont été frappées dans le temps que
la République étoit gouvernée par les
Confuls. Le Père Jobert en compte en-
viron cinquante ou foixante d'Or , deux
cents cinquante de Bronze , & près de
mille d'Argent 5 Goltzius les a décrites
par ordre chronologique , 6c en fuivanc
les Faftes Confulaires. Urfin les a difpo-
fées par l'ordre des Familles Romaines.
M. Patin en a compofé une fuite com-
plète dans le même ordre qu Urlin ; 6c il
n'en compte que mille trente-fept Con-
fulaires , qui fe rapportent a cent foixante-
dix-huic Familles Romaines.
= M E = PP
Parmi les Impériales , on diftingue le
haut &: le bas Emplue. Le haut Empire
commence à Céfar , & finit vers l'an 160
de Jefus-Chrift. Le bas Empire comprend
près de douze cents ans ; c'eft-à-dire , juf-
qu'à la prife de Conftantinople en 1450.
On ne laiiTe pourtant pas de compter
toutes les Médailles des Empereurs juf-
qu'aux Paleologues entre les Antiques ,
quoique les curieux n'eftiment que les
Antiques. Tout au plus les belles Impé-
riales ne paiTent pomt le Règne d Héra-r
clius , mort en ^41. Après le temps de
Phôcas & d'Héraclius , l'Italie demeura en
proie aux Barbares ) ainfi les monumens
qui nous reftent du Règne de ces deux
Empi;;reurs finiffent les fuites des Médailles
Impériales, On y joint les Médailles du
bas Empire , ôc les Empereurs Grecs ,
dont on peut faire une fuite jufqu'à nous ,
en y ajoutant les Modernes. M. Patin a
fait un ample Recueil des Impériales juf-
qu'à Héraclius. Les Gothiques font partie
des Impériales : on les appelle ainli , par-
ceqa'elles ont été faites du temps des Gôts,
& dans la décadence de l'Empire , elles
relTentent l'ignorance de leur liècle.
A l'égard d^s Modernes , elles ont érc
fabriquées dans l'Europe depuis que la
domination des Gots y a été éteinte , &: ■
I Eij
100 .=:MÉ==
que la fculpture & la gravure ont com-
mencé à reHeurir. La première frappée eft
celle de Jean Hus Hérétique , en 1 41 5 , &
Cl l'on en voit de plus anciennes, elles font
ou faulfes , ou reftituées. On n'en trouve
point en France frappées avec l'effigie du
Prince , avant le Règne de Charles VII.
L'étude des Médailles Modernes eft d'au-
tant plus utile 5 qu'elles donnent plus de
lumières que les Antiques , & qu'elles
marquent les temps & les circonftances
des évènemens : au lieu que les Infcrip-
tions des anciennes font fort courtes &
fort fimples , & prefque toutes fans date.
De plus , les Médailles antiques font fort
fu jettes à être faufles , a caufe de leur prix
exceiîif, qui les a fait contrefaire avec
tant d'artifice , qu'il eft mal aifé de les
diftinguer j 6c qu'au contraire l'on recon-
noit facilement quand les Modernes font
frappées , ou moulées.
Au refte , les Médailles ont été fabri-
quées de trois fortes de métaux , qui font
trois fuites différentes dans les Cabinets
des curieux. Celle d'Or eft la moins nom-
breufe *, elle n*excède guères mille ou
douze cents dans les Impériales : celle
d'Argent peut aller jufqu'à trois mille
dans les feules Impériales j & celle de
Bronze de trois grandeurs différentes ;
^=r.MÉ= ICI
c*efl:-a-dire , de grand , de moyen &c de
petit Bronze , au-delà de fix ou fept mille
dans les Impériales.
Il ny a point de véi'itables Médailles
Hébraïques , Se celles où Ton voir la tèce
de MoiTe & de Jerus-Chrill: , font ou
faufTes , ou modernes. On trouve fcole-
menc quelques Sicles de Cuivre ou d'Ar-
gent , avec une Légende Hébraïque ou
Samaritaine. On n'en a jamais vu d'Or.
Ce n'cft ni le métal , ni le volume qui
rend les Mcdailks précieufes \ mais la Ra-
reté de la Tête , ou du Revers , ou de la
Légende. Telle Médaille en or eft com-
mune , qui fera très-rare en bronze. Telle
fera très-rare en argent , qui fera com-
mune en bronze & en or. Tel Revers fera
commun , dont la tète fera unique. Telle
Tête fera commune dont le revers eft
très- rare. Il y a des Médailles qui ne font
rares que dans certaines fuites , & qui font
fort communes dans les autres. Par exem-
ple 5 on n'a point ^Antonia pour la fuite
du grand Bronze. L'O'hon eft rare dans
toutes les fuites de Bronze , & il eft com-
mun dans celle d'Argent. On fait monter
les Othons de grand Bronze à un prix
immenfe : & ceux de moyen Bronze à
quarante ou cinquante piftoles. On mèc
|le même prix aux Gordiens d'Afrique.
E iij
'102 =ME =
Les Médailles uniques n'ont point de
prix.
Les Médailliftes ont obfervé , que îe
Caradcre Grec compofé de Lettres ma-
jufcules, s'eft confervé uniforme fur tou-
tes les Médailles^ fans aucune altération,
& fans aucun changement dans la confor-
mation des Caradères, quoiqu'il y en ait
eu dans Tufage & dans la prononciation.
Ce Caradère s'eft confervé jufqu'à Ga-
lien , depuis lequel temps i! paroît moins
rond, & plus a&mé. Depuis le Règne du
Grand Conftantin , jufqu'I Michel j c'eft-
à-dire 5 pendant cinq cents ans, on ne
trouve que des Caraàères Latins. Après
M chel, on retrouve des Caradtères Grecs,
qui commencèrent à s'altérer, aulTi-bien
que la Langue , qui nVtoit plus qu'un
mélange de Gièc & de Latin. Les Mé-
dailles Latines ont mieux confervé leur
Langue & leur Caradère, jufqu'à la bar-
barie de Conflantinople. Vers le temps
de Décius, le Caractère commença a s'al-
térer, Se à perdre de fa rondeur & de fa
netteté : mais quelque temps après il fe
rétablit , & demeura affez beau jufqu*â
Juftin ; & alors il tomba dans la dernière
barbarie ou on le voit, fous Michel dont
on vient de parler. Ce fut encore pis dans
la fuite. Le Caradère Latin dégénéra en
Gothique. Ainfî , plus le Caracftère c(ï
rond & bien formé , c'eft une marque
d'Antiquité.
Les Medai/les font de la plus haute an-
tiquité 5 on en découvre tous les jours en
différentes parties de l'Europe En Février
1766, aux environs de Newcaftle en An-
gleterre 5 un Laboureur fouillant la terre ,
a trouvé une très-grande quantité de Mé-
dailUs Romaines. Les Ecrits publics ont
marqué qu'il y en avoir cinq cents d'ar-
gent bc fcize d'or \ qu'il s'y en trouva
une fuite prefque completre de Médailles
du haut Empire , & qu'il y a plufieurs
O thons.
Il y a des Curieux qui , dans leurs Ca-
binets, en ont qui repréfentent des Fêtes
A^Socrate^ Ci Alexandre^ des Confuls ^ des
Empereurs Romains , & plulieurs autres.
Les Médailles font des Monumens dura-
bles, & faits pour tranfmettre a la pofté-
lité les grands évènemens. Le long & flo-
rilfant Rèqne de Louis XIV a fourni à^^
Médailles fans nombre : celui de Louis
XV n'en fournit pas moins. Des Provin-
ces fubjuguées ou acquifes à la France ;
des Batailles gagnées \ des Alliés fecou-
rus , protégés ou rétablis \ des Établi (fe-
mens dans tous les genres , le Comiinerce
étendu de toutes parts j la Frar^e embel-
£ iv
104 ï==MÉ =
lie d'un bout à l'autre j tout ce que ren-
ferme enfin de glorieux l'Hiftoire de nos
plus grands Rois : voilà les fujèrs des Mé^
dailles qui ont été frappées depuis îe com-
mencement de la Monarchie jufqu'à nos
jours. On trouve dans les Monumens éri-
gés à Louis XV^ Ckcip, 8 ^ page .i8S , les
différentes Éooques des diverfes Médciiiles
qui ont été frappées depuis le premier
Septembre 171 5 , que ce Prince eiî monté
fur le Trône , étant alors âgé de cinq
ans, jufqu'à l'année lyô'^, que Sa Majefté
vint, le 6 Septembre, pofer la première
pierre de TEglife de Sainte Geneviève,
qui donna occasion à la quatre-vingt-
dixième Médaille qui a été frappée. Voye:^
\Onvrage cité.
Les Médailles frappées en 1555, pour
éternifer îa mémoire de la délivrance de
Mitz, font les premières où l'on voit que
la France commençoit à mettre , dans ces
fortes de Monumens , le bon goût de
l'Antiquité : on en fie au(îi de Saryriques
contre Cliarles-Qiiint. La plus confidéra-
ble de toutes repréfentoit la Devife de cet
Empereur , qui éroit les Colonnes d'Her-
cule , avec ce mot Ultra ; pour faire en-
tendre que, par fon expédition en Afri-
que 5 il avoit pouflfé fes conquêtes au-delà
des Colonnes d'Herculcj.
ÈlilGME XIV.
On me méprifc , hélas ! fi-rôt que je fuis née >
On m'inluke , on me bat j mais malgré ces tour-
mens,
La Coquette voudrolt avoir ma deftinée :
Plus je fuis vieille , & plus je plais à mes Amans.
Médecine.
Les Dieux qui préfîdoient à la Méde-
cine 5 étoient Apollon , Efculape 6c fes
enfans, que les Grecs nomment Thélef-
phore, Hygica, Jafo, Panacée, <5c enfin
Méditrina.
Cet Art ayant pour fondement l'Expé-
rience & l'Etude , fe doit repréfenter par
une Matrone refpedlable, alTife fur plu-
fieurs volumes, & en ayant un ouvert de-
vant elle. Selon la Fable , Apollon en fut
l'Inventeur : c'eft à ce propos qu'Ovide,
au premier Livre de fes Métamorphofes ,
lui fait dire :
Inventum Mediclna meum eft,
Ainfî on la couronne de Laurier.
Le Coq, Symbole de Vigilance, lui eft
donné pour Attribut ; & le Bâton plein
de nœuds, & entouré d'un Serpent, étoit
auiîi , chez les Anciens , l'Emblème d'Ef-
E V
culape 5 fils d'Apollon , & Dieu de la MJ-
decine. Le Soleil rayonnant qui l'éclairé ,
fîgnifie que la Nature aide beaucoup à
cet Art.
Énigme XV,
Je tire ma vertu de elimats différens.
Je marche rarement, qu'un Dodeur ne l'approuve.
Je porte le dégoût par-tout oii je me trouve.
Vers des lieux reculés je fais courir les gens.
Alors je fçais les mettre en plaifante poflure.
lis me livrent pafTage ; & tant que cela dure ,
Je les fais grimacer ; l'eau tombe de leurs yeux .,
Xt puis , fuis-je dehors , ils s'en trouvent bien mieux,
MÉDÉE,
' Fille d'Aëtès Roi de Colchide & d'Hé-
cate , ayant vu arriver Jafon à la tête ^t%
Argonautes , fut charmée de la bonne mine
de ce Prince , & devint aulîi-tôc amou-
reufe. Junon & Minerve qui lui avoient
infpiré cet amour , conduifirent la Prin-
ceffe hors de la Ville près du Temple
d'Hécate , dans le temps que Jafon y étoit
déjà allé implorer le fecours de la DéefTe.
Médée fait connoître à Jafon le tendre in-
térêt qu'elle prend a ùs jours , & lui pro-
met toutes fortes de fecours, s'il veut lui
donner fa foi ; pofTédant a fond TArt à&s
Enchantemens , elle l'affure qu'elle pou-
r=ME= ÏG7
voit le tirer de tous les dangers auxquels
alloic l'expofer la Conquête de la Toifon
d'Or. En effet elle le rendit victorieux de
tous les Monftres qui gardoient ce Tré-
for , l'en mit en poffeiîion & s'enfuit de
nuit avec IhI.
Cette première fable de Médée^ fi vous
en ôtez les enchantemens & l'interven-
tion des deux DéefTes , eft toute hiilori-
que. Médée , que Jafon avoit promis d'é-
poufer & d'amener dans la Grèce , fol-
licitée par Calcioppe fa fœur , veuve de
Phryxus , qui voyoit fes enfans en proie
à l'avarice d'un Roi cruel , aida fon Amant
à voler les Tréfors de fon père , foit en lui
donnant une fauife clef, ou de quelqu'au-
tre manière , & s'embarqua avec lui.
Actes fit pourfuivre les Grecs par Ab-
fyrthes fon fils , qui périt en cette entre-
prife. Selon Onomacrite , les Grecs , après
avoir erré long-temps fur plufieurs Mers ,
arrivèrent au pays des Phéaciens , où ils
renconrrèrent la Flotte d'Abfyrthe , qui
étoit venue par un autre chemin les at-
tendre là, Abfyrthe demanda que Médée
lui fut rendue , & l'on convint de part èc
d'autre que Jafon feroit obligé de la ren-
<lre 5 fi véritablement il ne l'avoir pas
cpoufée. Mais la femme d'Alcinoiis, qui
avpit été prife pour Juge , ayant fait ce-
E vj
io8 r=MÉ==
lébrer la même nuit la cérémonie du ma-
riage 5 & ayant enfuite déclaré a Abfyrthe
qu*elle fçavoic, à n'en point douter, que
les deux Amans étoient mariés dès l'inf-
tant de Tenlevement de Médécy le Prince
de Colchide fut obligé de fe retirer & de
laifTer fa fœur aller en Grèce. Médée ar-
riva heureufement en ThefTalie avec Ja-
fon. Elle eut le fecrèt de rajeunir le vieux
Efon père de fon mari , & de faire périr
Pélias , ufurpateur du Trône de Jafon.
Cependant elle ne put faire reconnoître
fon mai i pour Roi d'iolchos. Jafon , obligé
de céder fa couronne à Acifte , fils de Pé-
lias , fe retira avec Médce à Corinthe, où ,
aiîiftcs de leurs amis , ils vécurent dix ans
en repos & dans une parfaite union : deux
«nfans furent le fruit de leur amour. Mais
Jafon fe lafTa enfin d'être fidèle , & ou-
bliant qu'il devoit tout à Médée , qui l'a»
voit délivré d'un péril certain , & qui avoir
tout facrifié pour le fuivre , réfolut de l'exi-
ler avec le.'? enfans qu'il avoir eus d'elle ,
après avoir époufé à fes yeux Glaucé ou
Creiife , filie du Roi de Corinthe.
Médée 5 dans Euripide , fait femblant
d'approuver cet hymen politique , & de
vouloir même gagner la bienveillance de
la nouvelle Reine : & pour cela q\[q de-
mande la permilEon de lui envoyer par
== M É = lop
fes enfans un don digne d'elle, une robe
très fine & une couronne d'or , gage pré-
cieux , dit-elle , que 1*^ Soleil mon ayeul a
Jailfé à fa poftérité. Ses préfens font ac-
ceptés ; mais à peine Glaucé s'efl-elle re-
vêtue de là robe, à peine la couronne
cft-elle fur fa tête , qu'elle fe voit tout en-
tourée de feux & confumée toute vivante.
Le Roi fon père accourt Ces cris , il fe
jette fur le corps de fa fille , & la tient
ferrée entre fes bras , les flammes fe com-
muniquent au père , il en tft dévoré ôc
meurt entre les bras de fa fille. Alédée
ayant appris rilTuë de ces préfens , coure
achever fa vengeance, en égoi géant , en
préfence de Jafon même , les deux enfans
qu'elle avoit eus de lui , & puis elle s'é-
lève dans les airs fur un char que lui avoit
donné le Soleil , emportant avec elle les
corps de fes enfans , qu'elle va cacher ,
dit-elle , dans un Temple de Junon , pour
enlever cqs triftes refies d la fureur de fes
ennemis. Horace &: Sénèque difent que
ce char étoit traîné par àes dragons ailés.
Euripide ne dit rien de cette circor ftance.
Médée , félon Diodore , au fortir de
Corinthe , fut fe réfugier chez Hercule ,
qui lui avoit promis autrefois de la fecou-
rir , fi Jafon lui manquoit de foi : arrivée a
Thèbes y elle trouva qu'Hercule étoit deve-
lia :=ME =
nu furieux , elle le guérit par fes remèdes 5
mais voyant qu'elle ne pouvoir attendre
aucun fecours de lui dans Tétat où il étoit ,
elle fe retira à Athènes auprès du Roi
Egée 5 qui non-feulement lui donna afyle
dans fes Etats , mais l'époufa même , fur
l'efpérance qu'elle lui avoir donnée , qu elle
pourroit, par fes enchantemens, lui faire
avoir des enfans. Théfée étant revenu à
Athènes en ce temps- là , pour fe faire re-
connojtre par fon père , Médée chercha à
faire périr par le poifon cet héritier du
Trône. Diodore dit qu'elle en fut feule-
ment foupçonnée , & que voyant qu'on la
regardoir par- tout comme une empoifon-
neufe , elle s'enfuit encore d'Athènes , &
choifit la Phénicie pour fa retraite. En-
fuite étant palTée dans l'Afie fupérieure,
elle époufa un des plus grands Rois de
ce pays-lâ, & en eut un fils appelle Mi-
das, qui s'étant rendu recommandable par
fon courage , devint Roi après la mort de
fon ^he 5 & donna à Çqs Sujets le nom
de Mèdes.
Plufieurs anciens Hiftoriens nous repré-
fentent Médée avec des couleurs bien dif-
férentes. Selon eux , Médée éroir une per-
fonne vertueufe , qui n'avoir d'autre crime
que l'amour qu'elle eut poar Jafon , qui
l'abandonna lâchement, malgré les gages
à
=-- M É == ï I î
quiî avoir de fa tendrelfe, pour épouler
la fille de Créon ; une femme qui n'em-
ployoic les feciècs que fa mère lui avois
appris, que pour le bien de ceux qui ve-
noienc la confulcer j qui ne s'étoit occu-
pée en Colchide, qu'à fauver la vie aux
Étrangers que le Roi vouloir faire périr,
& qui ne s'étoir enfuie, que parcequ'elle
avoir horreur des cruautés de fon père 5
cn9in une Reine abandonnée, perfécurée,
qui 5 après avoir eu inutilement recours
aux garants des promefTes Se des fermens
de fon Époux, fut obligée d'errer de Cour
en Cour, & enfin de pafler les Mers, pour
aller chercher un afyle dans les Pays éloi-
gnés.
Médée s'ëtoit retirée à Corinthe , parce-
qu'aile avoir droir â cette Couronne , fé-
lon Paufanias j effe6i:ivement elle y régna
conjointement avec Créon. Diodore dit
même que ce furent les Corinthiens qui
invitèrent cette PrincclTe à quitter lol-
chos, pour venir prendre pofTelîion d'un
Trône qui lui étoit dû. Mais ces Peuples
inconftans, foit pour venger la mo:t de
Crcon 5 dont ils accufoient Médée , ou
pour mettre fin aux intrigues qu'elle for-
moit pour afiiirer la Couronne â Tes en-
fans , les lapidèrent eux-mêmes dans lè
Temple de Junon, où ils s'étoient réfu-
112 =i=ME=ii
giés. A quelque temps de-là , Corinthe fut
affligée de la pefte , ou d'une maladie épi-
démique, qui faifoit périr tous les enfans.
L'Oracle de Delphes avertit les Corin-
thiens , qu'ils ne verroient la fin de leurs
maux , que lorfqu'ils auroient expié le
meurtre facrilége dont ils s'étoient ren-
dus coupables. Aufli-tôt ils inftitucrent des
Sacrifices en l'honneur des fils de Medée ^
ôc leur confacrèrent une Statue' qui repré-
fentoit la Peur. Pour rendre encore plus
fplemnelle la réparation que les Corin-
thiens fe trou voient engagés de faire à ces
malheureux Princes , ils faifoient porter
le deuil à leurs enfans , Ôc leur coupoient
les cheveux jufquà un certain âge. Ce
fait étoit connu de tout le monde, lorf-
qu'Euripide entreprit de metrre Médée fur
la Scène. Les Corinthiens firent préfent au
Poëte de cinq talens , pour l'engager de
mettre fur le compte de Médée le meurtre
des jeunes Princes : ils efpéroient avec rai-
fon , que cette Fab:e s'accréditeroit par la
réputation du Poëte qui Temployeroir ,
ôc prendroit enfin la place d'une vérité ,
qui leur étoit peu honorable. Pour rendre
plus croyable cette première calomnie, hs
Poètes tragiques inventèrent tous les autres
crimes dont l'Hilloire de Medée eft char-
gée y les meurtres d'Abfyrthe , de Pélias ,
= M É := 1 1 5
de Créon & de fa fille , rempoifonnement
de Thé fée , &c.
On la fit aiifli pafTer pour une grande
Magicienne, parcequ'elle avoit appris de
fa mère Hécate la connoilTance des Plan-
tes, de plufieurs autres fecrèts utiles, dont
elle fe fervoit dans les maladies des hom-
mes. Enfin ceux qui l'ont chargée de tant
de forfaits, n'ont pu s'empêcher de re-
connoître que , née vertueufe , elle n'a-
voir été entraînée au vice , que par une
efpèce de fatahté, de par le concours des
Dieux, fur-tout de Vénus, qui perfécuta
fans relâche toute la race du Soleil, qui
avoit découvert fon intrigue avec Mars.
De-là CQS fnmeufes paroles d'Ovide : Fi^
deo meliora , proèoque , détériora fequor ;
que Quinaulc a fi bien imitées dans ces
deux Vers :
Le Deftiji de Me'dz'e eft d'être criminelle -y
Mais Ton coeur écoic faic pour aimer la Vertu.
Refte à expliquer ce qu'en entendoit
par ces Dragons volans du Cl^ar de Mé-
dée, C*étoient apparemment les Vaifieaux
fur lefquels Medce fit fes différentes cour-
(esy êe qui avoient peut-être fur la proue
des figures de Dragons.
114 :==.MÉ =
Médioc Rixi.
Celui qui garde le milieu ,
Peut faire réu/Tir la plus fâcheufe affaire :
On le doit en tout temps , on le doit en tout lieu ;
Mais peu de gens le fçavent faire.
C'eft rheureux état defiré des Sages. On
en peint l'Allégorie par une aimable fem-
me, vêtue avec /implicite Ôc décence. Elle
marche paifiblement encre un Lion & un
Agneau , qu'elle mène en laifTe. Ce Hié-
roglyphe fignifie que la Médiocrité fuit
les extrêmes. Près d'elle eft l'Infcription :
Medio tutijjîmus ibis.
Médisance.
Parler înceffamment des Petits & des Grands ,
Pes Magistrats , des Rois , des morts & des vivans ,
En parler mal à toute outrance,
C'eft là la Médifance.
On repréfente ce fujèt par une vieille
femme, alTife commodément fur des couf-
fins ; parceque de l'Oifiveté & de la mol-
leiTe naiflent tous les Vices , & principa-
lement celui-ci. Sa tête eft à l'ombre d'un
voile , pour indiquer qu'elle eft d'autant
plus dangereufe 5 qu'elle fe tient cachée.
Sa langue eft fourchue comme celle d'un
xMÉ
Serpent. Elle tient un Couteau à deux
tranchans. Sa robe eft couleur de verd-de-
gris 5 & l'on voit dcffus une efpèce de
pecir Manteau de peau de HérilTon , garni
de plufieurs pointes de fer,
MÉDITATION.
Veux-tu que la lecflure à coup fur te profite ?
Rumine fur l'heure , & mcdi:e.
Beaucoup lifent fans réfléchir ;
Mais cela ne fait que bbnchir.
La Méditation eft une Adion de I ame,
par le moyen de laquelle elle confidère
profondément quelques fujècs, dont elle
le forme des idées tacites.
On la peint alTife fur un amas de Vo-
lumes, foutenant fa tête d'une main, de
montrant de l'autre un Livre ouvert , fur le-
quel elle médite avec attention. L'acflion de
cette Figure , & fon air de recueillement,
fait le principal & le plus fîgnificarif Em-
blème de ce fujèt.
Méditation de la Mort.
Il n'ell: rien de plus falutaire ,
Que àe penfer au trépas :
Cependant on n'y penfe guère 5
Ou plutôt on n'y penfe pas.
• Cette dernière Fin q^l repréfentée par
ii6 î=MÉ===
une femme vètuc de deuil , afîîfe fur un
ton-ibauj où elle regarde fixement une
tète de mort. Près d'elle, on lit cet Écri-
teau ; O Mors! quàm amara ejl memorîa
tua ! c'eft-à-dire , O Mort ! que ton nom ,
que ta mémoire eft amère !
Méditation spirituelle.
Mon doux Sauveur expire fur une honteufe croix.
Sans adorer pourtant ce bois ,
Je contemple ce Dieu , qui , pour fauver mon âme ,
Voulut mourir de cette mort infâme.
La Méditation fpiritue lie eft repréfen-
tée par une fainte & modefte fille, qui,
par dévotion, fe tient à genoux fur une
croix couchée fur la terre. Elle a les mains
jointes , \qs yeux tournés vers le Ciel ,
pour témoigner l'ardeur de fon zèle &
de fa Méditation profonde.
MÉDITERRANIE.
On dit qu'Hercule fépara avec (qs deux
mains deux Montagnes nommées Calpé
& Abyla, qui étant fituées entre l'Afri-
que & l'Efpagne , arrêtoient l Océan ; &
qu'au(îi-tôt la Mèr entra avec violence
dans \qs terres , & forma ce grand Gol-
phe , qu'on appelle Méditerranée, Les An-
ciens pouvoient bien croire que, du temps
= MÉ=: 117
de quelque Hercule , l'Océan s'étoit fait
un paiîage à Ibccaiion peut-être de quel-
que tremblement de terre, ôc s'étoit jetcé
entre l'Europe Ôc l'Afrique.
Méditri n a,
Une des DéelTes de la Médecine , qu on
honoroit à Rome , de en l'honneur de la-
quelle on célébroit les Méditrinales ^ Fêtes
qui fe faifoient en Automne le 1 1 d'Oc-
tobre. On goùtoit ce jour-là le Vin nou-
veau, & le vieux en même temps, & cela
pour raifon de fanté. On faifoit aullî en
rhonneur de la DéelTe Mèditrina , à^^
Libations de l'un & l'autre Vin. La pre-
mière fois que l'on buvoit du Vin nou-
veau, on fe fervoit de cette formule, fé-
lon Feftus : Je bois du Vin vieux nouveau ,
je remédie à la maladie vieille nouvelle»
MiDUSE,
L'une des trois Gorgones, étoic mor-
telle, dit Héfîode j au lieu que fes deux
fœurs, Euryale & Sthéno, n'étoient fu-
jetces ni à la vieilleffe ni à la mort. C'é-
toit une très-belle fille j mais de tous les
attraits dont elle étoir pourvue , il n'y
avoit rien de fi beau que fa chevelure.
Une foule d'Amans s'emprefsèrent de la
rechercher en mariage. Neptune en de-
ii8 ,= ME=:
vint aiiiîî amoureux ; ôc s'étanc métamor-
phofé en Oifeau , il enleva Aùduje, ôc la
cranfporca dans un Temple de Minerve ,
qu'ils profanèrent enfemble.
Noël le Comte dit feulement, que Mé-
dufe ofa difputer de la beauté avec Mi-
nerve , & fe préférer même à elle. La
DéelFa en fat fi irritée , qu'elle changea
en affreux Serpens les beaux cheveux donc
Médufe (q glorifioit, & donna à fes yeux
la force de changer en pierres tous ceux
qu'elle regardoit. Plufîeurs fentirent les
pernicieux effets de fes regards , ôc grand
nombre de gens autour du Lac Tritonis
furent pétriliés.
Les Dieux voulant délivrer le Pays d'un
fi grand fléau , envoyèrent Perfée pour la
tuer. Minerve lui fit préfent de fon Mi-
roir, & Pluton de fon Cafque : ce Caf-
que & ce Miroir avoient, dit Hygin , la
propriété de laifTer voir tous les objets,
fans que celui qui le portoit, pût être vu
lui-même.
Perfée fe préfenta donc devant Médufe
fans en être apperçu j & fa main , con-
duite par Minerve , coupa la tête de la
Gorgone, qu'il porta depuis avec lui dans
toutes fes expéditions. 11 s'en fervjt-pour
pétrifier fes ennemis. Cefi: rilnfi qu'il en
ufk à l'égard des habicans de Tlfie de Se-
=rMÉ= 11^
rlphe , qu il changea en rochers , & à 1 e-
gard d'Atlas , qui devint par-là une grofTe
montagne.
Du fang qui fortic de la plaie de Mé*
dufe y quand fa tète fut coupée , naquit
Pégafe ëc Chryfaos j ôc lorfque Perfée eue
pris fon vol par-defTus la Lybie , toutes les
^gouttes de fang qui découlèrent de cette
fatale tète, fe changèrent en autant de
Serpens. C'eft de-la , dit Apollodore , qu'eft
venue la quantité prodigieufe de ces Ani-
maux venimeux, qui depuis ont infecté
cette contrée.
Perfée, vainqueur de tous fes ennemis,
confacra à Minerve la tète de AUdufe^ qui
depuis ce temps-la fut gravée , avec îes
Serpsns , fur le redoutable Egide de la
Déefle. '« On voyoït au milieu de l'Egide,
5) dit Homère, la tète de la Gorgone, ce
)> Monilre affreux , tète énorme & formi-
5) dable, prodige étonnant du père des im-
35 mortels. 35 Virgile la place aulîi fur la
Cuiralfe de Minerve, a l'endroit qui cou-
vroit la poitrine de la DéefTe. Il y a même
apparence, que c'étoir l'ornement le plus
ordinaire des Boucliers des Héros : eau
Homère dit encore, que cette même tète
-croit gravée fur le Bouclier d'Agamem-
non 5 environnée de la Terreur & de la
Fuite j c'eft -à -dire, qu'on y gravoit cet
t20
MÉ
affreux objet, pour épouvanter Ces enne-
mis.
Cependant routes les Médujes , que les
anciens Monumens nous ont confervées,
fi'ont pas ce vifage affreux &c terrible : il
y en a qui ont un vifage ordinaire de
femme j il s'en trouve même aifez fou-
vent qui font très-graçleufes , tant fur TÉ-
gide de Minerve, que féparément.
On en voit une entr'autres aflife fur
des rochers, accablée de douleur de voir
que non-feulement (qs beaux cheveux fe
changent en ferpens, mais aufli que à^s
Serpens viennent fur elle de tous côtés,
& lui entortillent les bras, les jambes &
tout le corps. Elle appuie la tête fur fa
main gauche. La beauté & la douceur de
fon vifage fait que , malgré la bizarrerie
de cette Fable , on ne fçauroit la regar-
der , fans s'intérelTer à fon malheur.
c£ Sans m'arrèter aux Fables qu'on dé-
» bite fur Médufe^ dit Paufanias, voici ce
3> que l'Hiftoire en peur apprendre. Quel-
j5ques-uns difent qu'elle étoit fille de
»5 Phorécus ; qu'après la mort de fon père,
a» elle gouverna les Peuples qui habitent
» aux environs du Lac Tritonis , qu'elle
9> s'éxerçoit à la chaife , & qu'elle alloit
»> même à la guerre avec les Lybiens qui
« étoient fournis à fon Empire j que Per-
j> fée ,
$> fée 5 à la rêre d'une Armée Grecque ,
35 s'étant approché, Médiife fe préfenra à
Il lui en bataille rangée \ que ce Héros , la
•> nuit fuivante, lui dreffa une embufcade,
» où elle périr ; que le lendemain ayant
M trouvé fon corps fur la place , il fut fur-
n pris de la beauté de cette femme , lui
55 coupa la tête, & la porta en Grèce,
25 pour y fervir de fpedtacle , 6r comme
» un monument de fa victoire.
w Mais un autre Hiftorien en parle
5> d'une manière qui paroît plus vraifem-
,> blible. Il dit que, dans \qs déferts de la
i5 Lybie, on voit affez communément à^s
5» bêtes d'une forme & d'une grandeur ex-
35 traordinaire ; que les hommes & les
35 femmes y font fauvages, & tiennent du
^ prodige comme les bêtes ; enfin que de
» îbn temps on amena à Rome un Ly-
ii bien , qui parut fi différent des autres^
» hommes , que tout le monde en fut
3» furpris. Sur ce fondement, il croit que
») Mêdufe étoir une de cqs fauvages, qui,
M en conduifant fon troupeau , s'écarta
»> jufqu'aux environs du marais Tritonis,
9> où , fière de la force de corps dont elle
,) étoir , elle voulut maltraiter \qs Peuples
B> d'alentour , qui furent enfin délivrés de
»> ce Monftre par Perfée. Ce qui a donné
w lieu de croire , ajoute-t-il , que Perfée
Tome ÎIL F
MÉ
122 «
» avoit été aide par Minerve, c'eft que tout
3> ce canton eft confacré à cette DéefTe , &c
« que les Peuples qui Fhabicent , font fous
»> fa protedion. »
Le même Paufanias nous apprend en-
core une circonftance /înoulière fur Afe-
dufe : c'eft que Ton gardoit dans un Tefti-
ple a Tégée des cheveux de Médufe^ dont
Minerve, difoit-on, ht préfent a Aféphée,
fils d'Alcus ; en l'afTurant que par-là Té-
gée deviendroit une Ville imprenable. Ce
qui a rapport à ce que dit Apollodore,
que l'on attribuoit aux cheveux de Medufe
une vertu toute particulière \ & qu'Her-
cule donna à Scérope, fille deCéphée, une
boucle de cheveux de Médufe , en lui
difant, quelle n*avoit qu'à montrer cette
boucle aux ennemis , pour les mettre en
fuite.
Mégabyse,
Nom des Prêtres de la Diane d'Éphè-
fe. Les Mégabyfes étoient eunuques j une
Déede Vierge ne vouloit pas d'autres Prê-
tres , dit Scrabon. Il s'en préfentoit de dif-
férens endroits pour occuper ces places,
& on leur portoit un fort grand honneur.
Des filles Vierges partageoient avec eux
l'honneur du Sacerdoce. Cela ne fut pas
toujours obfervé j 6w dans la fuite du
<
= MÉ== 125
temps, on garda une partie de ces cou-
tumes, & on négligea l'autre,
MÉG ALÉSIE,
Fête inftituée à Rome en l'honneur de
Cybèle, ou de la grande mère, vers le
temps de la féconde Guerre punique. Les
Oracles Sibyllins marquoient , au juge-
ment des Dccemvirs , qu'on vaincroic
l'ennemi , de qu'on le chalferoit d'icalie ,
Cl la Mère Idëenne écoit apportée de Peiîî-
nonte à Rome. Le Sénat envoya des Lé-
gats au Roi Attalus, qui les reçut humai-
nement 5 les amena à Pefîinonte & leur
donna une pierre , que les gens du Pays
appelioient la Mère des Dieux. Cette
pierre apportée à Rome , fut reçue par
Scipion Nafica, qui la mit au Temple de
la Victoire au Mont Palatin, le 14 Avril,
auquel jour on établit une nouvelle Fête
à Rome , nommée Mégaléjie, On y célé-
broit des Jeux qui furent aufli appelles
Mégaléfîens.
MÉGANIRE,
Temme de Céléus , Se mère de Trîpto-
lème , ayant rencontré Gérés , qui fe re-
pofoit auprès d'un puits , fous la figure
d'une vieille , la prit pour une femme
d'Argos , de l'emmena chez elle :, pour en
Fij
1^4 =MÉ==:=
faire ia Gouvernante de fon fils. Après fa
mort, on lui confacra une Chapelle au^
près de ce puits , où elle avoit (î bien aç-^
cueilli la Déefle.
Mégarej
Fille de Créon , Roi de Thèbes , fut la
pBemière femme d'Hercule. Erginus , Roi
des Minyens , étant venus attaquer le Roi
de Thèbes , Hercule marcha contre les
Minyens , les tailla en pièces , tua leur
Roi 5 faccagea leur Pays , & délivra Créon
de la terreur que lui avoient infpirée de
fi fiers ennemis. Ce fut en reconnoilfance
de ce fignalé fervice , que Créon le fit fon
gendre 5 mais ce mariage ne fut pas heu-
reux. Après plufîeurs exploits , Alcide
voulut defcendre aux Enfers ; ôc comme
il ne reparoilïbit plus , on le crut mort. Il
s'éleva une fédition dans Thèbes j Lycus,
Chef des Rébelles, tué* Créon, s'empare :
du Tr.one , & veut faire périr toute la Race 1
d'Hercule, Le retour imprévu du Héros
change toute la Scçne : il délivre Mégare
ôz ùs enfans dQS mains de Lycus , & pu-
nit ce téméraire de fon entreprife. Mais:
bientôt après les Furies s'étant faifies del
lui par Tordre de Timplacabie Junon, îel
porrent à immoler lui-même de fes mains.
ceux qu'il vcHoît dai'racher à la c^uautçj
de Lycus. C'eft ainfi qu'Euripide fait mou-
rir Mdgare : mais Paufanias die qu'Herculs
ayant perdu tous les enfans qu'il avoit eus
de Mégare, &c croyant l'avoir époufée fous
de malheureux aufpices , il la répudia. Se
l'engagea a époufer lolas. Ton o-rand corn-
pagnon de voyage.
Mégère,
Une des trois Furies dont les Dieux fe
fervoient pour punir les hommes. Son
nom figniiie Envie ^ ou Difpute.
Mélampus,
Fils d'Amithéron, Se parent de Jafon,
puifqu'Éfon & Amichaon étoient frères,
s'adonna à la Médecine , & devint très-
habile dans la connoiiîance des Plantes.
Il entendoit, difoit-on, jufqu'au langage
des animaux. Il eut une belle occafion de
faire ufage de fon fçavoir dans la mala-
die des filles de Prœtus. qui avoient perdu
l'efprit jufqu'au point de fe croire réelle-
ment changées en Vaches. Melampus les
guérit par le moyen de TEllébore , qu'on
nomma depuis Mélampodium^ de époufa
une des filles du Roi. La même maladie
avoit pris à la plupart des femmes du Pays
d'Argos , dit Paufanias , fous le Règne
F iij
i2(? s==MÉ =
d'Anaxagore. Elles furent attaquées <ï une
telle manie, que ne pouvant plus demeu-
rer dans leurs maifons, elles couroient les
champs. Heureufement MUampus trouva
le moyen de les faire revenir à leur bon
fens. Anaxagore , Roi d'A^gos , pour re-
connoître un (î grand fervice , partagea
fon Royaume avec Mdampus , qui eut fix
Succeifeurs de fa famille jufqu'à Arnphi-
loque , fils d'Amphiaraiis. Mélampus ^ au
rapport d'Hérodote , ^toit un homme fça-
vant, qui sléxorrtnîlruit dans l'Art de la
Divination, & qui enfeigna aux Grecs les
Cérémonies des Sacrifices qu'on offroit à
Bacchus, à faire la repréfentation de ce
Dieu , & tout ce qui concernoit le Culte
des Dieux d'Egypte, parcequ'il l'avoit ap-
pris des Égyptiens mêmes. Ce Prince ^
après fa mort , fut honoré comme un
Demi-Dieu. On offroit à^s Sacrifices fur
fon Tombeau. Selon quelques Mytholo-
gues 5 il fut mèm.e compté au nombre àts
Dieux de la Médecine.
MÉLANCOLIE.
On la peint vieille, cet âge étant le
plus fujèt à cette maladie. Virgile , Livre
VI de V Enéide^ dit :
Falkntcs hahltam morhi, trlflefque fencdtus.
Le nom de Mélancolie fîgnîfie bile
noire. Elle attaque moins la tête, que la
maffe du fang..
Elle fe repréfenre dans une folitude ,
aflife fur àes cailloux , dans un habille-
ment négligé, appuyant Tes coudes fur {qs
genoux, & fûutenant fa tète de ^qs deux
mains. Proche d'elle, eft un arbriiTeau
delféché.
MÉLANID E 5
Surnom que l'on a donné à Vénus, par-
ceque, dir-on, Vénus cherche fouvent les
ténèbres, pour fe livrer à ïts penchans.
Mil ANIPPUS,
Jeune homme , Amant de Cométho.
»* A Parra en Achaïe , éroit le Temple
3> de Diane Triclaria , dont la PrètreHe
î3 éroit toujours une Vierge , qui étoic
5> obligée de garder la challeté jufqu'a ce
55 qu elle fe mariât ^ &: pour lors le Sacer-
» doce paiToit à une autre. Or il arriva
» qu'une jeune fille d*une grande beauté,
» nommée Cométho , étant revêtue du
33 Sacerdoce, Mélanippiis ^ le jeune hom-
« me de fon temps le mieux fait & le
55 plus accompli , devint amoureux d'elle.
55 Voyant qu'il en étoit aimé réciproque-
>9 ment, il la demanda en mariage à fon
F iv
•128 t=:^MÉ==
39 père. Le naturel des vieillards, dit l'Hif-
w rorien , eft toujours de s'oppofer à ce que
j> fouhaitent les jeunes gens , & d'être fur-
a» tout fort peu touchés de leurs amours.
03 Par cette raifon, Mélanippus ne put ob-
» tenir de réponfe favorable , ni des pa-
3> rens de la fille, ni àQS liens propres. On
3> vit en cett^ occalion, comme en bien
3> d'autres , que , quand une fois Tamouîc
» nous pofsède , toutes les Loix divines &
33 humaines ne nous font plus de rien.
jî Mélajiippus ôc Cométho fatisfirent
3> leur pailion dans le Temple même de
33 Diane, & le faint lieu alloit être pour
3> eux comme un lit nuptial, fî la DéenTe
a n'avoit bientôt donné des marques ter-
*3 ribies de fa colère ; car la profanation de
» fon Temple fut fuivie d'une ftérilitc gé-
33 nérale , enforte que la terre ne produi-
33 foie aucun fruit, «Se enfuite des maladies
î> populaires qui emportoient beaucoup de
33 monde. Ces Peuples ayant eu recours à
33 l'Oracle de Delphes, la Pythie leur ap-
» prit que l'impiété de Mélanippus & de
3> Cométho étoit la caufe de tous leurs
» maux ; & que le feul moyen d'appaifer
» la Déefle, étoit de lui facrifier à l'ave-
33 nir tous les ans un jeune garçon & une
33 jeune fille , qui excellalTent en beauté
33 fur tous les autres. Ainfi , pour le crime
= M É =:*=s I 2^
y> de ces deux Amans, on voyolt périr de
35 jeunes filles & de jeunes hommes, qui en
>î étoienc très-innocens. Leur fort & celui
» de leurs proches étoit bien cruel , tandis
3> que Mélanippus &c Comécho , les feuls
>3 coupables, paroifToient moins m.alheu-
îî feux y car du moins ils avoient contenté
M leurs defirs : de les An-'.ans fe trouvent
3î heureux de pouvoir fe fatisfaire , même
5î aux dépens d;= leur vie.
MÉLÉAGRE,
Fils d'Oénée, Roi de Calydon, fut un
des Héros de la Grèce. Dans {à première
jeunelTe, il eu: part a l'expédition des Ar-
gonautes. 11 fut le Chef de la fameufe
ChalTe de Calydon. <■< Oénée, Roi de Ca-
îî lydon 5 faifant un jour dQS Sacrifices a
3> tous les Dieux , pour leur rendre grâces
« de la fertilité de l'année , n'en fit pdint
» à Diane, de forte que, pendant que les
» autres Dieux prenoient plaifir à. recevoir
j> l'odeur des Hécatonubes, la feule Diane
33 voyoit fes Autels nuds & négligés. Soit
<' oubli, foit mépris, elle fentit vivement
53 cette injure, de dans fa colère, cette
>3 DéeiTe , qui fait ks déhces de ks traits ,
33 envoya un iiirieux Sanglier, qui ravagea
33 toutes les terres d'Oénée , déracina les
»arb res , de défola toutes les campagnes*
Fv
3i Le fils du Roi, ce brave Mélêagre^ af-
» fembla , de toutes les Villes voifines ,
âî un grand nombre de ChafTeurs &: de
35 Chiens \ car il ne falloit pas moins
» qu'une armée contre cet affreux San-
»> glier, qui étoit d une grandeur énorme &
s> monfbrueufe , & qui , par fes carnages ,
»> avoît déjà allumé dans tonte l'Étolie une
»> infinité de bûchers. Méléagre le tue ;
» mais Diane , qui n'étoit pas encore fa-
3> tisfaitej excite entre les Etoliens Se les
»3 Curetés un funefte démêlé , pour la luire
» & pour la peau de la bête, chacun pré-
3> tendant que cette glorienfe dépouille
a> étoit due à fa valeur. La guerre s'alki-
93 me 3 on en vient aux mains. Pendant
o) que Méléagre combat a la tête de fes
sî Peuples 5 les Curetés > quoiqu en plus
» gran^ nombre , font maltraités , & ne
33 trouvent aucun lieu à fe mettre à cou*
3j vert contre les furieufes forties qu'il faic
a» tous les jours fur eux. Mais bientôt
•> après il fe retire & fe renferme
V9 avec fa femme, la belle Cléopatre, ou-
jt-i tré de colère de ce qu Althée fa mère,
» au défefpoir de la mort de fes frères ^
»> qu'il avoit tués dans le combat , faifoit
33 contre lui les plus afFreufes imprécations,
»> en frappant la terre de hs mains , ^
■» en conjurant à geaoux U Dieu Pluton
^MÉ-=. 1
I
» & la cruelle Proferpine d'envoyer la
M mort à fon fils. La Furie qui erre daiïs
» les airs, & qui a toujours un cœur vio-
î3 lent de fanguinaire, entendit ces impré-
3> cations des Enfers. Auiîî-tôt les Curetés,
93 ranimés par l'abfence de Mé/éagre , re-
» commencent leurs attaques ^ & donnent
35 de furieux afTauts. Les Étoliens, dans
3î cette extrémité , députent à Méléagre \qs
35 fages Vieillards , & les Prêtres les plus
35 vénérables, pour le conjurer de forrir les
■» armes à la main , & de les défendre , lui
»5 promettant un préfent confidérable dans
:5 le meilleur Pays de Calydon ; car ils lui
« offroient un enclos de cinquante arpens ,
55 qu'il choifîroit lui-même. Le père de Mé-
55 léagrey le Roi Ocnée , monte dans l'ap-
35 partement de fon fils , fe jette à (qs ge-
35 DOUX 5 lui repréfente le danger où il eil ,
55 & le prefTe de prendre \qs armes. Ses
55 frères joignent leurs prières à celles du
35 Roi. Sa mère même, revenue de fon
35 emportement, & touchée de repentir,
35 le conjure avec larmes ; il nQn eft que
M plus dur, & rejette leurs fupplications.
35 Les Curetés, déjà maîtres àts Tours,
33 fe faillirent d^s avenues du Palais, &
35 vont embrafer la Ville. Dans cette ex-
>5 trémité, la belle Cléopatre fe jette aux
55 pieds de fon mari , le conjure ^ le
F vj
132 fc=^MÉ^=
» preflè . • Ôc touche enfin ce
r» cœur endurci. Il demande fes armes ,
^ fort de fon Palais comme un Lion, 6c
5> combat avec tant de valeur & de fuc-
3> ces 5^ qu'il repouffe les Curetés, ôc fauve
3> les Étoliens. Ces Étoliens , qu'il avoit
j> refufés fi durement , ne lui font plus le
a; préfent qu'ils lui avoient offert. Ain{î
5» Méléagre fauva ces Peuples > de n'en fut
ao point récompenfé. »
Homère ne nomme pas ceux qui ac-
compagnèrent Méléagre dans la Chaffe de
Calydon. Voici leurs noms tels qu'on les
trouve dans Apollonius , Paufanias , &
Ovide. Caftor & Pollux, Jafon, Théfée
^ Pirithoiis , Toxée & Pliléxippe , frères
d'Althée 5 Lyncée , Lucippe , Acafte , Idas ,
Cénée j Hipporhoiis, Dryas fils de Mars ^
Phénix Çi\s d'Amintor , Ménétius père
de Patrocles , Télamon , Pelée , Admette,
lolas , Philée , Eurition y Échion , Lélex ,
Panapée, Hilée;, Hippafe, Neftor, Laerte,
Ancée 5 Amphycide 5 A mphiaraiis 5 les deux
fils d'Ad:or5 les quatre fils d'Hippocoon, &
la belle Atalante , l'ornement d^s Forets
d'Arcadie, qui brilloit parmi la pfus filo-
lilTante jeuneffe de la Grèce. Ovide & \qs
Mythologues qui font venus après Ho-
mère, ont ajouté beaucoup de circonftan-
ces à i'Hiftoire de Méléagre.
M É L I E ,
Fille de rOccan , ayant été enlevée paf
Apollon , fon frère Caranchus eut ordre de
Taller chercher : mais quand il fçut qu'elle
étoit en la puififance d'Apollon , Se qu'il
ne pouvoit l'en tirer, de dépit il mit le
feu au Bois Ifménien confacré à Apollon.
Le Dieu lui décocha aulTi-tot une de (es
flèches qui portent la mort. Me/ie mit au
monde deux enfans , Ténérus & Idménus.
Le premier reçut de fon père l'Art de
prédire l'avenir, & l'autre eut l'honneur
de donner fon nom à un Fleuve de Béotie.
Mé/ie fut encore la mère des Nymphes
appellées Mélies,
Mellona.
Divinité champêtre , qui prenoit fous
fa protedion les Abeilles , & le Miel
qu'on en retiroit. Celui qui voloit du
Miel, ou qui gâtoit les Ruche- de fon
Yoifîn , s'attiroit , difoit-on , la colère de
la DéefTe Mellona,
ÉNIGME XV L
Je te prends par le nez , incorrigible ivrogne S
Et par mainte tentation.
Je fuis prochaine occafion
D'un péché qui rougit la trogne.
1^4 *==ME =
Tu ne me connois bien , qu'en jouiiTant de moi.
Je fuis une Enigme pour toi ,
Pour le Ledcur aufli : je crains qu'il ne devine
Que je fuis la liqueur divine.
Je fuis , comme le Vin , fouvent pernicieux ,
Pour être trop délicieux.
Dans un Palais de verre, ainlî que lui , j'habite.
Par ma couleur vermeille , ain/i que lui , j'invite.
Mais n'étant pas une liqueur.
Et n'ayant pas en moi cette vive chaleur ,
Qui ranime fouvent les ardeurs d'un cœur tendre y
Je ne fuis pas le Vin , on ne peut s'y méprendre.
Melpomène,
Une des neuf Mufes, celle qui prëfide
à la Tragédie , félon Virgile. Homère lui
donne encore la Mufîque. Son nom figni-
fie l'attrayante. On la repréfente avec un
vifage férieux , tenant d'une main des
Sceptres 6c des Couronnes, ôc de l'autre
un Poignard.
Memnon^
Fils de Tithon & de l'Aurore , vint an
fecours de Troyes , vers le milieu de la
dixième année de liège , avec dix mille
Perfans & dix mille Éthiopiens d'Afîe. Il
s'y diftingua d'abord par fa bravoure , & y
tua Antiloque fils de Neftor. Mais Achille
vini l'attaquer j & , après un rude combat ^
îe fit fuccomber fous l'effort de Ton bras.
A ce trifte fpeclacle , dit Ovide , on vie
pâlir cette couleur vive Ôc vermeille qui
brille lorfque l'Aurore paroît , & le Ciel
demeura couvert de nuao;es. Cette tendre
mère ne pouvant foutenir la vue du bû-
cher qui alloit réduire en cendres le corps
de fon fils , alla , les cheveux épars de les
yeux baignés de larmes, fe jetter aux pieds
de Jupiter , 3c le conjurer d'accorder à fon
fils quelque privilège qui le diftinguât d^s
autres mortels. Le père des Dieux exauça
fa prière. Dans le moment le bûcher déjà
allumé s'écroula , 6c on en vit fortir des
tourbillons de fumée qui obfcurcirent l'air ,
de des monceaux de cendres , qui s'étant
condenfés , préfentèrent d'abord un corps
qui emprunta du feu la chaleur ôc la vie ,
ôc la légèreté de cet élément lai fournit
des ailes. Un moment après on vit fortir
de ces cendres une infinité d'oifeaux qui
firent trois fois le tour du bûcher , en fai-
fânt tous entendre les mêmes cris. A la
quatrième ils fe féparèrent en deux ban-
des 5 ôc fe battirent les uns contre les au-
tres avec tant de fureur & d'opiniâtreté ,
qu'ils tombèrent auprès du bûcher comme
des victimes qui s'immoloient aux cendres
dont ils venoient de fortir : mont!:ant par-
la qu'ils dévoient la naiflance à un homme
rempli de valeur. Ce fut aulîi de lui qu'ils
prirent le nom de Mémnonidcs. Ces oi-
îeaux ne manquent pas de venir tous les
ans dans le même endroit , où par un fem-
blable combat ils honorent le tombeau de
ce Héros. Pour l'Aurore elle verfa àQS lar-
mes plus en abondance pour fon fils , & de-
puis le jour fatal qu'elle le perdit , elle n'a
point CQ^é. d'en répandre. Ce font ces mê-
mes larmes dont fe forme la Rofée qui
tombe les matins.
Paufanias parlant des oifeaux de Mem^
non^ dit : Ceux qui habitent les Côtes àe
l'Hellefpont , difent que tous les ans à un
jour préfix , ces oifeaux viennent balayer
un certain efpace du Tombeau de Mem-
non 5 où l'on ne laifTe croître ni arbre ni
herbe , & qu'enfuite ils l'arrofent avec
leurs ailes , qu'ils vont exprès tremper
dans l'eau du Fleuve Éfépus.
Memnon eut une Statue* Coloflale à
Thèbes en Egypte au-delà du Nil , on di-
foit que lorfque les rayons du Soleil ve-
noient à la frapper , elle rendoit un fon
harmonieux. Strabon , Auteur judicieux ,
nous apprend qu'il l'a vue lui-même , &
qu'il a entendu le bruit qu'elle faifoit,
>? J'étois , dit-il , avec Élius Gallus & une
*î troupe d'amis , lorfque considérant le
}> Coloflfe y nous entendîmes un certain
•» bruit 5 fans pouvoir aiTurer toutefois s'il
» venoit cie la Statue ou de la bafe , ou s'il
« venoit de quelqu'un des alfiftans j car je
w croirois plutôt toute autre chofe , que
S5 d'imaginer que des pierres arrangées de
jî telle ou telle manière , puiiTent rendre
M un pareil fon. >? Le P. Kirker attribue
ce fon à quelque relTort fecret , qu'il
croit avoir été une efpèce de Claveffin ren*
fermé dans la Statue , & dont les cor.des
relâchées par l'humidité de la nuit , fe ten-
doient enfuite à la chaleur du Soleil & fe
rompoient avec éclat j faifant , comme die
Paufanias , un bruit femblable â celui
d'une corde de viole qui fe rompt. Cam-
byfe ayant voulu éclaircir ce Myflère, de
y foupconnant de la Magie , ht brifer le
ColoUe depuis la tête jufqu'au milieu du
corps : le refte fubfîfta longtemps après , &:
rendit toujours le même fon. On croyoit
encore que Mcmnon rendoit , par fa Sta-
tue , un Oracle tous les fept ans.
M. Huèt a fort bien expUqué l'Hiftoire
de Memnouj qu'il a dépouillée de tout le
merveilleux de la Fable. Selon lui , Aîem^
-non étoit fils de Tithon frère de Priam :
il commandoit \^s Armées de Teutame
Roi d'Aflyrie, qui le chargea d'aller au
fecours du Pvoi de Troye fon Tributaire.
Comme fa mère étoit d'un pays fitué à
15S ==ME==
rOrient àe la Grèce Se de la Phfygîe 5
les Grecs qui tournoient toute l'Hiftoire
en iidions , dirent qu'il avoir époufé l'Au-
rore. La Ville de Suze , bâtie par Ton père ,
fur appellée Ville de Memnon ^ la Cita-
delle Mcmnonium ^ le Palais 6c les murs
Mcimionuns , à caufe de la vénération
qu'on y avoir pour lui. On bâtit en fon
honneur un Temple j où les Peuples de la
Sufiane l'alloient pleurer. Les anciens Au-
teurs ont dit qu'il étoit Édiiopien , con-
fondant Chus qui (ignine la Sufiane , avec
Chus qui fignifie \q,s, pays firués fur les
bords du QoXïq Arabique \ c'eft-à-dire ,
l'Échiopie en Afrique. Il y a eu aulîi deux
Memnons ^ dont l'un éroit Aménophis ,
Roi d'Egypre & d'Ethiopie : cehii-ci n'eft
jamais venu à Troye \ l'autre eft M^mncn
ie Troyen.
MÉMOIRE.
Cette Faculté de l'Ame qui fert a fe
rappeller le fouvenir des chofes paflTées ,
fe repréfente alTife & en adion d'écrire
fur un livre. Selon Ariftote , elle doit être
peinte dans la fleur de l'âge j parceque la
jeuneffe n'a pas encore eu le temps de
s'inftruire . <Sé que la vieil îefTe eft fujette à
l'oubli. Elle tient un grand Clou , pour
marquer que la Mémoire des bienfaits re-
eus 5 doit être inébranlable , fuivant ce
Proverbe :
C/avo Trahali fi^ere bcneficium,
Oa lui (donne une couronne de Geniè-
vre , arbrilTeau qui Te conferve , ^ dont
la vapeur eil un excellent céphalique pousr
le cerveau.
Pline , I/v. VI ^ Ck, 40 , dit :
Carkm, & vetujîatem non fentit Juniperus»
L'on ne fe (bavient que du mal 5
L'Ingraritude règne au monde ,
L'Injure fe grave en métal ,
Et le Bienfait s'écrit fur l'onde.
Mémoire des Bienfaits reçus.
Un cœur généreux & bienfait
Croit que la Graticude eil: la Vertu fupréme j
Il s'oubliroit plutôt lui-même ,
Que d'oublier un feul bieniair.
M EN
ACE.
C'eft la démon ftration extérieure qui
fert â intimider par ks actions , ou par les
paroles. On en donne l'image par la figure
d'une femme agitée, & dent les yeux font
ardens (Se la face enflammée , fuivant l'éx-
preiîion d'Horace dans fon Art Poétique,
Iratum pUna minarum.
ï^5 «==ME==
Elle efl en adion de faire des reproches 3
ôc tient une Épée d'une main , & de l'au-
tre un Bâton , pour faire la diftindtion ,
par ces attributs , des menaces faites aux
égaux , & de celles faites aux inférieurs.
Son vêtement ed de couleur brune , de
on la peint dans une nuit non totalement
obfcure , mais telle que la peint Virgile ,
Enéide y Liv. FI,
Quale pcr incertain Lunam fuh luce maligna
Eji i ter in Sylvis , uhi Cœlum condidit umhra ,
Jupiter, &c,
M É N A D E s .
On appelloit ainfi les Bacchanres , â
caufe àQS cérémonies étranges qu'elles fai-
foient dans leurs Fêtes 3 où elles fauroient,
danfoient , alloien: toutes échevelées , &
faifoient àes contorfions extraordinaires ,
& des adions violentes , jufqu'à tuer ceux
qu'elles rencontroient , 5c porter leurs tètes
en fautant.
M EN DE s.
C'étoit le nom du Bouc que les Égyp-
tiens admettoient parmi leurs Dieux , 6i
qu'ils regardoient comme un des huit
principaux. Il étoit confacré au Dieu Pan ,
ou plutôt c'étoit le Dieu Pan même que
ç=ME= 141
les Égyptiens honoroient , ayant toute la
forme du Bouc , au lieu que chez les Grecs
6c les Romains , on le peignoit avec la
face ôc le corps d'homme , ayant feule-
ment les Cornes , les Oreilles & les Jam-
bes de Bouc. Dans la Table Iliaque le
Dieu Mendès a les cornes du Bouc par
defTus celle du Bélier , de forte qu'il a
quatre cornes. Il y avoit dans la BalTe-
Egypte une Ville où ce Dieu étoit parti-
culièrement honoré , & qui prit le nom
de Mendes, Les Mendcfîens n'avoienc
garde d'immoler en facrifîce âes boucs ni
des Chèvres , croyant que leur Dieu fe
cachoit fouvent fous la figure de ces ani^
maux.
ÉNIGME XFIL
Nés dans diiFéreme Province ,
Nous nous réunifTons tous (quatre dans Paris.
Dans un même panier compris,
Souvent nous faifons mets du Bourgeois & du Prince»
Qui lommes-nous ? De plufieurs Attributs j
Celui-ci peut fuiErç à npus faire connoîtrc.
Dès que du Carnaval les Jeux font difparus ,
Nous commençons alors tous' les foirs à paroîcre ;
Nous fortons de robfcurité.
Faifons-nous faire pénitence ?
riattons-nous la renlualité ?
Çeft à -VOUS d'^n jugçr, je garde le filence.
1^2 ==MÉ
M É N É L A s ,
Frère d'Agamemnon ôc Fils d'Arrée,
félon l'opinion commune. Ce Pince épou-
fa la fameufe Hélène , fille de Tyndare ,
Roi de Sparte , & fuccéda au Royaume
de fon beau- père. Quelque temps après ,
le beau Paris arriva à Sparte pendant i'ab-
fence de Ménélas , que les affaires de fou
frère avoir attiré à Mycènes ; Se s'étanc
fait aimer d'Hélène , il l'enleva , & caufa
par-là la Guerre de Troye.
Ménclas , outré de cet affront , en inf-
truit tous les Princes de la Grèce , qui
s'étoient engagés , par les Sermens les plus
faints , de donner du fecours à l'Époux
d'Hélène , fî on venoit à lui enlever fon
époufe ; les Grecs prennent les armes , fe
rafifemblent en Aulide ; & tous prêts à
partir , ils fe voyent arrêtés par un Ora-
cle 5 qui exige qu'Iphigenie foit immolée,
pour procurer aux Grecs un heureux fuc-
cès. Agamemnon , gagné par \qs raifons
de Ménélas ^ confent au facrifice de fa
fille , & écrit à Clytemneftre de lui ame-
ner promptement Iphigénie au Camp ;
mais bientôt la Pitié l'emporte , & il en-
voie un contre-ordre. Ménélas , inftruit de
fon changement , arrête le Meffager , fe
faific de la lettre , 6c va faire à fon frèrtî
les plus vifs reproches fur fon inconftance.
Mais quand il voir la PrinceiTe arrivée , &C
les larmes couler des yeux du père , il ne
peut lui-même retenir fes pleurs; il ne
veut plus qu'on facrifie Iphigenie à fes in-
térêts. »» La pitié eft entrée dans mon
$> cœur , dit-il , à la feule penfée d'une
j> fille de mon frère égorec'e fur les Au-
ii tels pour ma querelle. Qu'a cette Prin-
ii ceiïe à démêler avec Hélène ? Et pour-
î> quoi faut-il racheter aux dépens de fcn
•• fang une ingrate beauté ? Congédions
5» plutôt l'Armée , & qu'elle parte d'Au-
p lide. »
Les Grecs ôc les Troyens étant en pré-
fence fous les murs de Troye , prêts à com-
battre 5 Paris ôc Ménèlas propofent de fe
battre en combat fingulier , & de vuider
eux feuls la querelle : on convient que fî
Paris tue Mcn&las ^ il gardera Hélène &
toutes {q% richelTes , & les Grecs retour-
neront en Grèce amis des Troyens ; mais
que fi Menélas tue Paris , les Troyens
rendront Hélène avec toutes fes richefTes,
& payeront aux Grecs & à leurs defcen-
dans à jamais , un Tribut qui les dédom-
mage de cette guerre. Tout étant réglé ,
ils entrent en lice : Ménèlas a l'avantage ;
mais Vénus voyant fon f-avori prêt à fuc-
comber , le dérobe aux coups de fon en-
1^4 =:MÉ =
nemi Se l'emporte dans la Ville ; c'eft-a-
dire, que Paris prit la fuite. Le vainqueur
demanda le prix du combat ; mais les
Troyens refufenr d'accomplir le Traité ,
ôc quelqu*un d'entr'eux lui tire une flèche
dont il eft blefle légèrement. Cette perfi-
die fit recommencer les Hoftilités.
Après la Prife de Troye , les Grecs re-
mettent Hélène entre les mains de Mé"
né/as , & le laifient maître de fa defli-
née. Il eft déterminé , dit-il ^ à la con-
duire dans la Grèce pour l'immoler à fon
refientiment , & aux Mânes de ceux qui
ont péri dans la Guerre de Troye. Hélène
demande à fe juftifier : elle prétend d'a-
bord que Ménélas doit s'en prendre â Vé-
nus -& non pas à elle. Hé ! le moyen , dit-
elle , de réfifter à une DéeiTe , à qui Ju-
piter même obéit. Elle reproche enfuite
à fon époux de s'être abfenté fort â con-
tre-temps de fon Palais , après y avoir reçu
Paris. Enfin elle lui fait valoir , comme
une preuve de fa tendreife , le facrifice
qu'elle lui fit de Déiphobe , qui avoit fuc-
cédé auprès d'elle à Paris , de qui fut livré
à Ménélas ; cette dernière raifon fit im^
preiîion fur l'Époux , il fe reconcilia de
bonne foi avec Hélène ^ & la ramena â
Sparte. Paufanias fait mention d'une Sta-
vxé de Ménélas , qui , l'Épée â la main ,
pourfuic
pourjfuir Hélène , comme il fit , dic-il ,
après la Prife de Troye.
Ménélas n'arriva à Sparte que la hui-
tième année après fon déparc de Troye.
Les Dieux , dit Homère , le jettèrent fur
la C6te d'Egypte , & l'y retinrent long-
temps , parcequ'il ne leur avoir pas offert
les Hécatombes qu'il leur devoir. Il y fe-
roit même péri fans le fecours d'Eidothée
& de Protiiée. Ce fut là , félon une tra-
dition rapportée par Hérodote , que Mé^
néUs retrouva Hélène. L'Hiftorien ajoute
que ce Prince, après avoir recouvré chez
les Egyptiens fa femme & Çqs tréfors , fe
montra ingrat envers eux , & ne reconnut
que par une acftion barbare , les fervices
qu'il en avoir reçus. Car comme il vou-
loir s'embarquer pour retourner en Grèce ,
^ que les vents lui étoient toujours con-
traires , il s'avifa d une cliofe horrible
pour découvrir la volonté des Dieux. Il
prit deux petits enfans des habitans du
pays 5 les fit tuer & les ouvrit , pour cher-
cher dans leurs entrailles les préfages de
fon départ. Par cette cruauté , dont on
eut bientôt connoiffance , il fe rendit
odieux à toute l'Egypte , & ayant été pour-
fuivi comme un Barbare , il s'enfuit fur
fes vaifTeaux en Libye.
Ménéias eut un Temple à Téraphnc en
Tome IIL G
Laconle ; c'eft-à-dire, un Monument Hé-
roïque ; les habitans de cette Ville pré-
rendoient qu'Hélène & lui y étoient in-^
humés dans le même tombeau,
MÉNÉTIUS,
Bouvier de l'Enfer , ayant voulu s op-
pofer à Hercule, Se défendre le Chien
Cerbère , fut tué par ce Héros , qui l'em-
braiïa de le ferra tellement qu'il lui brifa
cous Içs os.
Menophane,
Un des Généraux de Mithridate , comp-
tant pour rien la Religion , dit Paufanias ,
s'avifa de venir inveftir Délos , que le
Culte d'Apollon fembloit mettre à cou-
vert de toute infulte , & l'ayant trouvée
fans fortifications ni murailles , Se lés ha-
bitans fans armes , il n'eut pas de peine à
s'en rendre maître. 11 pafTa au fil de l'È-
pée tout ce qu'il y avoit d'hommes capa^
blés de réfifter , étrangers & citoyens ,
s'empara de leurs effets , pilla Se enleva
la Statue du Dieu , qu'il fit jetter dans la
Mèr. Mais il ne put échapper à la ven*
geance d'Apollon , qui le fit périr fur
Mèr , lorfqu'il s'en retournoit chargé d^
fes facrés dépouilles,
==ME= 1^7
Mens.
La Penfée , l'Intelligence , l'Ame : les
Romains en avoient fait une Divinité , qui
fuggéroit de bonnes penfées , & détour-
noit celles qui ne fervent qu'à féduire èc
a jetter dans l'erreur. Le Préceut: T. On*
tacilius voua à cette Divinité un Temple,
qu'il fit bâtir fur le Capitole , lorfqu'il fuc
créé Duumvir. Plutarque lui en donne
un autre dans la huitième région de ift
Ville.
Mensonge.
Ce Vice naît de la bafTeffe des fentî-
mens , de l'indifciétion de la langue 6c
de la faufiTeté du cœur. C'eft pourquoi on
le peint laid , mal coeffé & mal vêtu , fa
draperie eft garnie de langues & de man-
ques ; il rient un Faifceau de paille allu-
mée , pour marquer que fes propos , qui
n'ont aucune fubftance , meurent pref-
qu aullîtôt qu'ils font nés. On lui donne
v.nQ Jambe de bois, pour indiquer fon
peu de folidité.
Menthe s.
C'éroit une Nymphe aimée de Pluton,
proferpine n'ayant pu foufîrir cette Ri-
Gij
14.8 .= ME==
vale , s'en délivra en la métamoiphofanc
en une Plante de fon nom , &c pour ne
pas chagriner tour- à-fait fon Epoux , elle
laifTa à la Nymphe de quoi plaire encore
fous fa nouvelle forme , c'eft-à-dire , la
bonne odeur qu'a cette Plante , que les
Latins appellent Mentha,
Mentor
Etoit un des plus fidèles amis d'UlifTe ,
& celui à qui , en s'embarquant pour
Troye s il avoir confié le foin de fa mai-
fon , pour la conduire fous les ordres du
bon Laërte. Minerve prenant la figure &
la voix de Mentor , dit Homère , exhor-
toit Télémaque à ne point dégénérer de
la Vertu 6c de la Prudence de fon père.
Ce Mentor étoit un des amis d'Homère ,
qui le plaça dans fon Pocme par recon-
noiiïan^e j parcequ'étant abordé a ïtaque
à fon retour d Efpagne , & fe trouvant fore
incommodé d'une fluxion fur les yeux ,
qui l'empêcha de continuer fon voyage ,
il fur reçu chez ce Mentor , qui eut de
lui tous les foins imaginables. Dans le
Télémaque moderne , Minerve accom-
pagne le fils d'UIitfe dans tous (qs voyages
îbus la figue de Mentor , ôc lui donne ^
des inftrudlions bien plus folides &c plus
iméreifantes que dans le Poëte Grec.
ÉNIGME XVIII.
Je puis tout tranfporter Tans aucun .... attelaci.
Mes enfans font toujours baptifés fans Parrei n.
On fe plaît à me voir, quand le Ciel eft serein.
On ne m'aime pas fixe, on me craint trop volage.
On fait par mon fecours & maint & maint pillage j
A mon courroux fougeux nul ne peut mettre un
Prein.
Ma voix faifit d'effroi, par Ton tenant refrain,
Les tremblans Citoyens des Foré:s fans pzuillage.
De moi fi peu qu'on ait, on n'en a pas un brin.
Pour détruire m.a race, on a recours au crin.
A la gloire, aux tranfports^ on peut par moi prê-
te.vûke.
Il arrive foiivent que j'y conduis bon train.
Souvent j'avale auffi mieux qu'un Montre marin ,
L'avide de ces biens , qui vient pour les suR-^
prendre.
UÏK.
Non-feulement la Mer avoit des Divî-
niués qui pré(idoient à fes eaux , mais elle
écoit elle-mêm3 une grande Divinité , à
laquelle on faifoic des fréquentes Liba-
tions. On ne s'embarquoit guères fans
avoir fait auparavant des Sacrifices aux
Giij
€aux de la Mèr, Lorfqiie les Argonautes
furent prêts de mettre à la voile, Jafon
ordonna un Sacrifice Solemnel , pour fe
rendre la Divinité de la Mèr favorable ,
chacun s'emprelTa de répondre aux vœux
du chef de cette entreprife : on éleva un
Autel fur le bord de la Mèr , & après les
oblations ordinaires , le Prêtre répandit
delTus de la fleur de farine , mêlée avec
du miel & de l'huile , immola deux bœufs
aux Dieux de la Aîèr , Se les pria de leur
être favorables pendant leur navigation.
Ce cuire de la Aîèr étoit fondé fur l'uti-
lité qu'on en retiroit , & plus encore fur les
merveilles qu'on y remarquoit : l'incorrup
tibilité de fcs eaux , caufée par leur fa-
lure 5 ôc par le flux ôc reflux qui leur per-
pétue le mouvement , l'irrégularité de ce
mouvement plus ou moins grand dans les
différens quartiers de la Lune , comme
dans les différentes Saifons 'y le nombre
prodigieux ôc la vatiécé des Monflres qu'el-
le enfante , ôc la grandeur énorme de
quelques-uns de (es Poiflbns : tout ce
merveilleux produifit l'Adoration de cet
Élément. Pour les Égyptiens, ils avoient la
Mèr en abomination , parcequ'iis croyoienc
qu elle étoit Typhon , un de leurs anciens
Tyrans.
M £ R A >
Fille de Protée & de la Nymphe Aufîa ,
étoit une des compagnes de Diane. Un
jour qu'elle fuivoit la DéelTe à la Chaffe ,
Jupiter ayant pris la forme de Minerve ^
tira la Nymphe à l'écart , Ôc la furprit.
Diane en fut Ci outrée qu elle la perça de
fes flèches , &z la changea en Chienne ,
Symbole de fa rage &c de fon défefpoir.
M
ERCURE.
Mercure eft celui de tous les Dieux à
qui la Fable donne plus d'emploi & de
fondions j il en avoit de jour , il en avoit
de nuit.
Mercure éroit donc le Minière & le
îvîelfager fidèle de tous les Dieux , mais
plus particulièrement de Jupiter fon père;
il les fervoit avec un zèle infatigable ,
même dans à^s emplois peu honnêtes.
C'ctoit lui qui étoit chargé du foin de con-
duire les âmes des morts dans les Enfers ,
& de les ramener. Il éroit le Dieu de l'E-
loquence & de TArt de parler ; le Dieu
des Voyageurs , des Marchands & même
des Filoux. Ambaifadeur & Plénipoten-
tiaire des Dieux , il fe trouvoit dans tous
Its Traités de Paix 6c d'Alliance.
G iv
Tantôt on le voit accompagner Junon ,
ou pour la garder , ou pour veiller à fa
conduite j tantôt Jupiter l'envoie pour en-
tamer quelque intrigue avec une nouvelle
Maîrrelfe. Ici c'eil lui qui rranfporte Caf-
tor &c PoIIlix à Pallene. Là il accompagne
le Char de Pluton qui enlevé Proferpine.
Les Dieux, embarralFés de la querelle mue
entre les trois Déeifes au fujèt de la Beau-
té 5 l'envoient avec elles au Berger Paris ,
pour aflifter au jugement.
Écoutons Mercure fe plaindre lui-même
à fa mère de la multitude de {qs fondions.
Lucien le fait ainfi parler. *« Y a-t-il dans
îj le Ciel un Dieu plus malheureux que
» moi : puifque j'ai tout feul plus d'affai-
35 res que tous les autres Dieux enftmble ?
w Premièrement , il me faut lever àhs le
M point du jour pour nétoyer la falle du
w Feft-in , & celle des Alfemblées. Après
35 cela il me faut trouver au lever de Ju-
53 piter pour prendre (qs ordres , & les
»> porter de côté & d'autre. Au retour je
w fers de Maître- d'hôtel , & quelquefois
M d'échanfon ; au moins faifois-je ce mé-
»'5 tier avant la venue de Ganymède. Mais
» ce qui m'incommode le plus , c'eft que
j> la nuit même , lorfque tout le monde
« repofe , il me faut aller mener un con-
55 voi de morts aux Enfers , & allifler à
==ME==i i5'^>
») leur jugement , comme Ci tout le jour je
yy n'étois pas afTez occupé à faire le métier
î> de Sergent , d'Athlète , d'Orateur de
33 plufieurs autres femblables. 35
Malgré tant de fervices qu'il rendoit 1
Jupiter &c à toute la Cour Célefte , il ne
conferva pas toujours les bonnes grâces de
fon père , qui le chalTa du Ciel j & pen-
dant fon exil , il fut réduit à garder les
îroupeaux avec Apollon, aufîî difgracié.
On fait de Mercure le Dieu des Vo-
leurs , & fuivant cette idée , on lui donne
plufieurs traits de filouteries. Lucien les a
raiTemblés dans un joli Dialogue entre
Vulcain & Apollon. 35 Vulc, Apollon, as-
33 tu vu le petit Mercure , comme il efl:
33 beau & fourit à tout le monde ? 11 fait
>3 afTez voir ce qu'il fera un jour , quoique
»-G^ ne foit encore qu'un enfant. ApolL
33 L'appelles-tu enfant , lui qui eft plus
>3 vieux que Japhèt en malice. Vulc, Quel
» mal peut-il avoir fait ? Il ne fait encore
35 que naître. ApolL Demandes-le à Nep-
33 tune dont il a emporté le Trident , &
33 à Mars de qui il a pris l'Épée \ fans par-
33 1er de moi , dont il a dérobé l'Arc <Sc
33 les Flèches. Vulc, Quoi ! un enfant
33 encore au maillot ? Apollon. Tu ver-
33 ras ce qu'il fçait faire s'il t'approche.
viVulc. il efl déjà venu chez moi. ApolL
G v
1^4 ^ =ME =
3> Eh ! ne t a-t-il rien pris ? Vulc» Nou , qii&
35 je fçache, ApolL Regarde bien par-tour^
j) /^«/c. Je ne vois point mes tenailles.
35 ApolL Je gage qu'on les trouvera dans
3> ÎQ% langes. Vulc, Quoi il eft déjà il
» adroit , ce petit voleur î Je crois qu'il a
j> appris à voler dans le ventre de fa mère»
a» ApolL II a bien d'autres qualités , ta
3> vois comme il caufe , il fera un jour
9» Grand Orateur , ôc même bon Lutteur,
3> fî je ne me trompe ; car il a déjà donné
» le CI oc en jambe à Cupidon , & comme
» les Dieux en rioient , & que Vénus le
» prit pour le baifer , il lui déroba î^rn
09 Cefte y & eut emporté le Foudre de Ju-
y» piter 5 s'il n'eut été trop chaud & trop
35 pefant , mais il lui enleva fon Sceptre^
3) Vulc. Voila un hardi petit galant, ApolL
35 II eft aufli Mulicien. Viilc, Commene
» cela ? ApolL 11 a fait un inftrument de
» la coquille d'une Tortue , dortt il joue
w en perfedion , jufqu a me rendre ja-
3» loux , moi qui fuis le Dieu de PHar-
35 monie. Sa mère dit qu'il ne dort pas
» même la nuit ^ &c qu'il va jufqu'aux Én-
» fers pour faire quelque butin : car il a
» une verge d'une grande vertu , dont il
» rappelle les morts à la vie , & conduis
39 les vivans au tombeau. «
Ge Vol du Trident de Neptune ^ des
I
Flèches d'Apollon , de TEpée de Mars ,
6c de la Ceinture de Vénus , iigniJîe , dic-
on , qu'il écoic habile Navigateur , adroit
a tirer de l'Arc , brave dans les Combats ,
ôz qu'il joignoit à ces qualités toutes les
grâces ôc les agrémens du Difcours.
Apollodore fait mention d'un autre Vol
que tit Mercure à Apollon : j> Il fortit du
53 berceau 5 dit-il , pour aller enlever les
î> Bœufs d'ApoUcn : il les fit marcher a
3î reculons , pour tromper ceux qui vou-
M droient le fuivre à la pifte , il en em-
w mena une partie â Pyle , & mit ks au-
5> très dans une caverne : il en immola
75 deux 5 dont il mangea une partie à^^
35 chairs , 6c brûla le refte. Apollon vient
35 redemander {ts Bœufs , & trouve A/er-
3? cure dans le berceau j il difpute contre
55 l'enfant , le menace s'il ne lui rend pas
» fon troupeau , enfin , par compofition ,
j> Mercure fait préfent à Apollon du nou-
55 vel inftrument qu'il avoit inventé , &
j» Apollon lui cède (es Bœufs. »
Cette Fable fe trouve figurée dans un
Monument , où l'on voit Mercure pré-
fenter à un Bœuf un bouquet d'herbes ;
le Bœuf qui étoit couciié fe levé promp-
rement . attiré par les hetbes , qui étoient
apparemment celles qui font le plus au
goût de i'animalr
G vj
1^6 ^==,ME=:
^ Mercure y en qualité de Grand Négo-
ciateur des Dieux & des hommes , porte
le Caducée , fymbole de la Paix. Il a des
ailes fur fon bonnet , & quelquefois à fes
pieds 5 aflez fouvent fur fon Caducée ,
pour marquer la légèreté de fa courfe. On
voit dans quelques Monumens une chaîne
d'or qui fort de fa bouche , & qui s'at-
tache aux oreilles de ceux qu'il veut con-
duire , pour fignifîer qu'il enchaînoit les
cœurs Se les efprits par la douceur de fon
éloquence.
On le repréfente en jeune homme ,
beau de vifage , d'une taille dégagée , tan-
tôt nud 5 tantôt avec un manteau fur \^s
épaules , mais qui le couvre peu. Il a fou-
vent un bonnet qu'on appelle Pétafe , où
font attachées fes ailes. Il ell rare de le
voir afîis j fes différens emplois au Ciel y
fur la Terre & dans les Enfers , le te-
noi^nt toujours dans l'aétion.
Il y a des figures qui le repréfentenc
avee la moitié du vifage claire , & l'autre
noire & Nombre ^ pour exprimer qu'il étoit
tantôt dans le Ciel ou fur la Terre , &
tantôt dans les Enfers , où il conduifoit
les âmes. La Vigilance que tant de fonc-
tions d^mandoient , fait qu'on lui donne
un Coq pour Symbole : dans un Monu-
ment on le voit marcher devant un Coq
=ME= in
beaucoup plus grand que lui , Se qui tient
un Epi au bec j ce qui pourroit marquer
que la plus grande des qualités de Mer^
cure eft la Vigilance , & l'épi au bec veut
dire , peut-être , que ce n'eft que la Vi-
gilance qui produit l'Abondance des cho-
fes néceftaires à la vie. Le Bélier eft en-
core un animal qui va fouvcnt avec Mer-
cure 5 parcequ'il eft , félon Paufanias , le
Dieu des Bergers.
Mercure étoit la Divinité tutélaire Aq5
Marchands : Feftus croit même que {on
nom Latin vient des Marchands ou des
Marchandifes. C'eft à ce ritre qu'on lui
met une Bourfe à la main : c eft fon Sym-
bole le plus ordinaire , Symbole qui étoit
bien propre à lui attirer des dévots : car
qui eft-ce qui ne court pas après le Dieu
qui porte la Bourfe ? c'eft pourquoi O^-
pien appelle Mercure le plus beau des fils
de Jupiter , & le plus admirable génie
pour le gain.
Il y en a qui lui mettent la Boucfe à la
main gauche, & à l'autre un Rameau d^O-
livier & une Mafluë : cette Maftuc feroit-
elle , dit un nouveau Mythologue , le
Symbole de la Force &: de la Veitu , né-
ceftaires pour le trafic \ c'eft -à-Hire , de la
Bonne-foi entre les M^r^hands , & de la
Force pour fupporter les dcfaftres , les per-
tes ôc les travaux qui fe rencontrent dans
les Voyages de Commerce , ou il fauc
beaucoup de confiance & de fermeté ? Le
Rameau d'Olivier marque la Paix non-
feulement utile , mais néceffaire pour le
Commerce.
Lqs Marchands célébroient une Fête en
rhonneur de Mercure le 1 5 de Mai , au-
quel jour cm lui avait dédié un Temple
dans le grand Cirque l'an de Rome 6-j^,
Ils facrifioient au Dieu une Truie pleine ,
& l'arrofoient de l'eau d'une fontaine
nommée j4qua Merciirii ^ qui étoit à la
Porte Capenne , priant Mercure de leur
être favorable dans leur trafic , ^ de leur
pardonner les fupercheries qu'ils y fe-
îoient , comme Ovide le rapporte en Îqs^
Faftes.
Pourquoi voit-on afïez fouvent une
Tortue dans les images de Mercure ? Lu-
cien nous en a déjà indiqué la raifort
qu'Apollodore va nous développer. Mer^
cure 5 dit-il , ayant trouvé à l'entrée de fa
caverne une Tortue qui broutoit l'herbe >
il la prit , vuida tout le dedans , mit fur
récaille des cordelettes de peaux de Bœufs ^
& en fît un inftrument , qui fut nommé
depuis Tortue ^ parceque fa forme appro-
choit afTez de l'écaillé d'une Tortue.
Aï È = iS9
MÉR
ITE.,
On le reprcfente alÏÏs fur le fommèr
d'un rocher efcarpé , pour faire connoître
qu'il eft difficile a acquérir. Ses Armes , &
le Livre qu'il tient , marquent qu'il eft le
fruit des Travaux & de l'Etude. La Cou-
ronne de Laurier lui eft donnée , comme
une récompenfe honorable due au parfaic
Mérite,
Saint Paul dit a ce fujèt : Non corona-
hitur^ niji qui légitime certaverit*
ÉNIGME XIX.
Je fuis de CCS vivans que la Mer emprifonne;.
Sans êtife des meilleurs,
Mon efpèce foifonne
A Paris plus qu'ailleurs.
Tout petit que je fuis ,
J'ai pourtant queue & tête f.
^ Ma queu? eft à Paris ,
Mon chef touche k crête ;
Malgré ces Attributs divers ,
Je ne fuis pas en grande eftime.
Ledeur, fi tes yeux font ouvert?.
Tu trouveras bien-tôt la clef de mon Eoigmc.
Mesurb*
f ouvrage que Ton fait Tans poids & fans MisuRE?
, N'eft pas un ouvrage qui- dure.
l60 t=:MÉ =
La Mefure nous eft repréfentée fous îâ
figure d'une femme ingénieufe , qui fe fait
remarquer par fon habillement modefte
& par fa bonne mine. Elle tient de la
main droite la Mefure d'un pied Romain ,
delà gauche un Équère, un Compas. A
un côté de fa robe eft le Niveau avec fon
Plomb , & de l'autre un Quarré Géomé-
trique.
MÉTAPHYSIQUE.
*
Je ne m'occupe point des objets temporels',
Comme font la plupart Jes aveugles Mortels.
Je laiâe ces objets frivoles & funeftcs ,
Pour en contempler de réels :
Je veux parler des biens & des objets mortels.
Cette Science , qui a pour objet l'Étude
àQS chofes abftraites , & purement intel-
leâ:uelles , fe repréfente par une femme
allîfe fur un Globe terreftre , ayant fur fa
tête une Couronne d'or , & tenant un
Sceptre. Quoiqu'elle ait un bandeau fur les
yeux, l'adion de fa tête & de fa main,
indique qu elle eft en contemplation.
MÉTIS,
Déeffe , dont les lumières croient fupé-
rieures à celles de tous les autres Dieux
& de tous les hommes. Jupiter i'époufa ,
înaîs ayant appris de TOracIe qu'elle écoit
deftinée à être mère d'un fils qui devien-
droit maître & fouverain de l'Univers ,
lorfqu'il la vit prèce d'accoucher , il avala
la mère &c l'enfant , afin qu'il put appren-
dre d'elle le bien Se le mal. C'eft Héfiode
qui conte cette Fable. ApoUodore dit feu-
lement que Jupiter , quand il fut grand ,
s'afTocia Métis , dont le nom fignifij Pru-
dence , Confeil j ce qui veut dire que Ju-
piter fit paroître beaucoup de Prudence
dans toutes les actions de fa vie. Ce fut
par le Confeil de Mens , qu'il fit pren-
dre à fon père Saturne , un breuvage >
dont l'effet fut de vomir premièrement
la pierre qu'il avoit avalée , 5c enfuite
tous les enfans qu'il avoit dévorés.
ÉNIGME XX.
Quand j'ai de Teau, je n'en bois pas :
Je bois fort bien du vin à mes repas 3
Et ma mefure devient pleine,
Dans raccroilfeinent de la Seine.
Mais, hélas ! je ne bois que de l'eau reulement,
Quand elle manque abfolument.
MÉZENCE,
Roi des Étruriens , efl:
■ Roi des Étruriens , efl: appelle par Vir-
gile le cruel Mé^ence , le contempteur des
Dieux. Il avoit conquis la Capitale des
Étruriens , Se y règnoit en Tyran , éxer-^
çant fur fes fujèts les plus barbares forfaits*
Par exemple , il prenoic piaifîr a étendre
un homme vivant fur un cadavre , à join-
dre enfemble leurs bouches , leurs main$
ëc tous leurs membres. Il faifoit ainfi ( par
une mort violente 6c au milieu d'une af-
freufe infedtion ) mourir les vivans dans
les embrafTemens des morts. Ses fujèts a
las enfin d'obéir à ce Prince inhumain ^
fe foulevèrent , prirent les armes , égor-
gèrent fes gardes , l'ailiégèrent dans fon
Palais de y mirent le feu. Il s'échappa au
milieu du carnage , & fe fauva chez les
Rutules auprès de Turnus. Il combattit
vaillamment contre les Troyens , & après
de grandes aélions de valeur , il fut atta-
qué par Enée ^ voyant venir à lui ce Hé-
ros , il l'attend fans le craindre : Mon
bras 5 dit-il , eft mon Dieu , je l'implore,
ainii que le Dard que je vais lancer : ils
fe battent , ôc Mé^ence eft vaincu.
MiDAS 3
Fils de Gorgias & de Cybèle , régna
dans cette partie de la Grande Phrygie oiï
coule le Padole. Bacchus étant venu en
ee pays , accompagné de Silène & des Sa-
tyres , le bon homme Silène s'arrêta vers
I
une fontaine où Midas avoir fait verfe^
du vin , dit Paufanias , pour l'y attirer, car
il en étoit friand. Quelques Payfans qui
fe trouvèrent ivres en cet endroit, après
lavoir paré de guirlandes & de fleurs , le
conduilirent devant Midas, Ce Prince qui
avoir été indruit dans les Myflères de Bac-
chus par Orphée & l'Athénien Eumolpe ,
ravi d'avoir en fa puillanee un Miniftre
fidèle du Culte de ce Dieu , le reçut ma-
gnifiquement 5 &c le retint pendant dix
jours , qui furent employés en Réjouiflan-
ces & en Feftins ^ enfuite il le rendit à
Bacchus. Le Dieu , charmé de revoir fon
Père Nourricier , ordonna au Roi de Phcy-
gie de lui demander tout ce qu'il fouhai-
teroit. Midas ^ qui ne prévoyoit pas les
fuites de fa demande , le pria de faire en-
forte que tout ce qu'il toucheroit devint
or. Bacchus , fâché qu'il ne lui eut pas de-
mandé quelque chofe de plus avantageux ,
lui accorda un pouvoir qui alloit lui erre
tout-â-fait inutile \ & le Roi qui fe crut au
comble de la félicité, fe retira très-fatisfait
de la grâce qu*il venoit d'obtenir. Comme
il fe défioit d'une faveur fi Singulière , il
prit d'abord une branche d'arbre , & elle
fut aulTi-rôt changée en un rameau d'or.
H arracha quelques épis de bled qui dévia-
ient dans le moment la plus précieufe de
1^4 =^MI =
To.tes les moiffons. Il cueillit une pom-*
me, qu'on auroit prife un moment après
pour une de celles qu'on trouve dans le
Jardin des Hcfpérides. A peine eut-il tou-
ché les portes de fon Palais , qu'elle com-
mencèrent à jctter un éclat furprenant.
Lorfqu'il fe lavoit les mains , l'eau pre-
noit une couleur qui auroit trompé Da-
naé. Charmé d'une vertu fi extraordinaire ,
Midas fe livroit à tous les tranfports de fa
joie 5 lorfqu'on vint l'avertir qu'on avoic
fervi. Quand il fut à table , & qu'il vou-
lut prendre du pain , il le trouva converti
en or. Il porta à la bouche un morceau de
viande , & il ne trouva que de l'or 'fous la
dent ; lorfqu'on lui préfenta à boire du
vin mêlé avec de l'eau , il n*avala qu'nn
or liquide. Surpris d'un prodige fi nou-
veau 5 pauvre & riche tout à la fois y il
détefte une opulence fi funefle & fe re-
pent de l'avoir fouhaitée. Au m.ilieu de
l'Abondance il ne peut ni afiouvir fa faim ,
ni étancher fa foif qui le dévore \ de cet
or 5 qui avoir fait l'objet de tous {qs vœux ,
devint l'inftrument de fon fupplice. ce Pere
j> Bacchus , dit-il alors , en levant les mains
jj vers le Ciel , je reconnois raa faute ,
3î pardonnez- la-moi , 3c délivrez- moi , je
a VOUS prie , d'un état qui n'a que i'appa-
» rence du bien. Bacchus , touché de fon
^ repentir , l'envoya fe laver dans le Pao
» tôle. Remontez jufqu'à fa foiirce , dit-
» il , & quand vous y ferez arrivé , plon-
» gez-vous dedans , afin que l'eau , en
M palfanc fur votre tête , puilTe effacer
» la faute que vous avez commife. » Mi-
dus obéit à cet ordre , ôc en perdant la
vertu de convertir en or tout ce qu'il
touchoit , il la communiqua au Padole,
qui , depuis ce temps-là , roule un fable
d'or. Cette Fable , fi joliment contée par
Ovide , nous cara6térife un Prince œco-
nome jufqu'à Tavarice , qui , régnant fur
un pays fertile , retiroit de la vente de
fes graines , de fes vins &C de Ces beftiaux ,
des fommes conddérables : voila ce chan-
gement en or de tout ce qu'il touchoir.
Son avarice changea enfuite d'objet , ÔC
ayant appris que le Pa6bole rouloit des
grains d'or , il abandonna la culture des
terres pour faire recueillir l'or de ce fleuve ,
ce qui lui valut de nouvelles richelTes ;
Ovide continue par une autre Fable fur
Midas,
Pan s'applaudiffant un jour en préfence
de quelques jeunes Nymphes qui l'écou-
toient , fur la beauté de fa voix & fur les
doux accens de fa flûte , eut la témérité
de les préférer à la Lyre &c aux Chants
d'Apollon : il pouffa la vanité jufquà lui
1^^ — MI====
faire un défi en préfence de Midas , qui ,
après les avoir entendus , adjugea la vic-
toire à Pan 5 contre le fentiment de tous
les alîiftans. Apollon ne voulant pas que
ÀQs oreilles fi groflîères confervaiTent plus
long-temps la figure de celles des autres
hommes , les lui allongea , les couvrit de
poil & les rendit mobiles j en un mot il
lui donna àes oreilles dane. Midas pré-
voit grand foin de cacher cette difformité,
6c la couvroit fous une Thiare magnifi-
que. Le Barbier qui avoir foin de fes che-
veux 5 s'en étoit apperçu , mais il n'avoit
ofé en parler à perfonne. Incommodé de
ce fecrèt , il va dans un lieu écarté , fait
nn trou dans la terre , s'en approche le
plus près qu il lui efi: pofiîble , & dit d une
voix baffe , que fon Maître avoir des oreil-
les à'2ine j enfuite il rebouche le trou ,
croyant y avoir enfermé fon fecrèt, & fe
retire. Quelque temps après il fortit de
cet endroit une grande quantité de ro-
feaux , qui étant fecs au bout d'un an , &
qui étant agité par le vent , trahirent le
Barbier en répétant (es paroles j & appri-
rent à tout le monde que Midas avoit àes
oreilles d'âne. Cette Fable peut avoir pour
fondement la groffièreté Se la flupidité de
ce Prince \ ou plus vraifemblablement a-
Ç-on voulu dire qu'il avoic de longues
oreilles , qu'il entendoit de loin , parce-
qu'il avoir par-tout des efpions , pour l'in-
former de ce qui fe palToit ; comme on dit
qu'un Prince a les bras longs , quand il
fait fentir au loin Ton pouvoir.
Hérodote dit que Midas envoya de ri-
ches préfens au Temple de Delphes , en-
tr'autres une chaîne d'or d'un prix inefti»
mable. Comme il avoit d'excellens vi^no-
blés dans fes Etats , & qu'il en prenoit
grand foin , on dit qu'il étoit fort dévot
à Bacchus , & que ce Dieu le récompenfa
de fon zèle..
Midi.
Lorfque l'Aflre du jour luit du milieu des Cieux ;
LorCqu'il regarde à plomb , alors il fait le Maure ;
Et fes déferts brûlants inhabités encorg,
Comme du temps de nos aïeux. •.
Le Midi nous efl: repréfenté fous la
figure d'un jeune Maure , à qui le Soleil
donne fur la tête , à plomb. Son habille-
ment efl: rouge , & fa ceinture d'un bleu
Turquin , où font marqués trois (ignés cé-^
\q?iqs. Il tient de la main gauche deux
Flèches 5 & de la droite un Rameau d'un
arbriffeau appelle Lorre , qui , au rapport
des Naturalises , fuit h Soleil,
1^8 =MI =
Mil OH.
Mllon de Crotone , fils de Diotîme , un
des plus célèbres Athlètes de la Grèce.
Paufanias dit qu'il fut (w fois vainqueur à
la Lutte 5 aux Jeux Olympiques , la pre-
mière fois dans la claffe à^s enlans : il eut
un fuccès tout pareil aux Jeux Pythiques.
11 fe prcfenta une feptième fois à Olym-
pie , mais il ne put y combattre faute
a'antagonift^. On raconte de lui , conti-
nue le même Auteur , plufieurs autres cho-
Ïqs qui marquent une force de corps ex-
traordinaire. 11 tenoit une grenade dans
fa main , <k par la feule application de (ts
doigts , fans écrafer ni prefler ce fruit , il
le tenoit fi bien , que perfonne ne pou-
voir le lui arracher. Il mettoit le pied fur
un palet graiiïe d'huile , & par conféquent
fort glilfant ; cependant, quelqu effort que
Ton fit, il n'étoit pas poiîible de l'ébran-
ler , ni de lui faire lâcher pied. Il fe cei-
gnoit la tète avec une corde en guife de
ruban , puis il retenoit fa refpiration ; dans
cet état violent , le fang fe portant au
front, lui enfloit tellement les veines, que
la corde rompoit. Il tenoit le bras droit
derrière le dos , la main ouverte , le pouce
levé, les doigts joints j 6c alors nul homme
n'eue
ti'eut pu lai réparer le petit doigt d'avec
les autres. Ce qu^on die de fa voraciic, e(t
prefque incroyable : elle érorr à peine raf-
fafiée de vingt livres de viandes , d'autant
de pain, & de quinze pintes de vin en
un jour. Athénée rapporte qu'une fois
ayani parcouru toute la longueur du Sta-
de, portant fur ùs épaules un taureau de
quatre ans , il TafTomma d'un coup de
poing, ôc le mangea tout entier dans la
journée. Il eut une fois l'occafion de faire
un bel ufàge de fes forces. Un jour qu'il
écoutoit les Leçons de Pythagore, car il
étoit l'un de {es Difciples le plus afîîdu,
la Colonne qui foutenoit le plafond de la
Salle où l'Auditoire étoit aifemblé , ayanc
cté tout d'un coup ébranlée par je ne fçaij
-quel accident, il la foutint lui feul, donna
îe temps aux Auditeurs de fe retirer j ôc
après avoir mis les autres en fureté , il fe
fauva lui-même. La confiance, qu'il avoic
en fes forces , lui devint fatale à la fin.
Ayant trouvé en fon chemin un vieux
Chcne entr'ouverc par quelques coins
qu'on y avoir enfoncés a force , il entre-
prit d'achever de le fendre avec fes mains ;
mais comme l'effort qu'il faifoit pour cela,
eut dégagé les coins, fes mains fe trou-
vèrent prifes & ferrées par le reffort des
deux parties dç l'arbre, qui fe rejoigni-
Tome nu H
rent j de manière que ne pouvant fe dé-
barrafTer , il fut dévoré par les Loiips,
MiNEÏDES,
Filles de Minyas, étoient de Thèbes:^
tlles refusèrent de fe trouver à la Célébra-
tion des Orgies, foutenant que Bacchus
n'étoit pas fils de Jupiter ; de pendant que
tout le monde étoit occupé à cette Fête,
elles feules continuèrent à travailler, fans
donner aucun repos à leurs Efclaves, mar-
quant par-là, dit Ovide , le mépris qu'elles
raifoient de Bacchus & de ks Fêtes j lors-
que tout d'un coup elles entendirent un
bruit confus de Tambours, de Flûtes ôc
de Trompettes , qui les étonna d'autant
plus , qu'elles ne virent perfonne. Une
odeur de Myrrhe & de Safran fe répandit
dans leur chambre ; la toile qu'elles fai-
foient fe couvrit de verdure , & poufla
des pampres & des feuilles de Lierre. Le
fil qu'elles venoient d'employer, fe con-
vertit en ceps chargés de raifins , ôc ces
raifins prirent la couleur de pourpre , qui
étoit répandue fur l'ouvrage. Sur le foir,
un bruit épouvantable ébranla toute la
maifon ; elle parut tout-à-coup remplie
de flambeaux allumés, & de mille autres
feux qui brilloient de tous côtés : on en-
tendit des hurlemens affreux, comme fi
toute la maifon^ùt été remplie de bètes
féroces. Les Minéïdes effrayées allèrent fe
cacher, pour fe mettre à couvert du feu &
de la lumière \ mais pendant qu elles cher-
chent les endroits les plus fecrèts de la mai-
fon, une membrane extrêmement déliée
couvre leurs corps , & àts ailes fort minces
s'étendent fur leurs bras : elles s'élèvent
en l'air par le moyen de ces ailes fans
plumes, & s'y foutiennent : elles veulent
parler , une efpèce de murmure plaintif
eft toute la voix qui leur refle pour expri-
mer leurs regrets \ en un mot elles font
changées en Chauve-fouris, Les Partifans
du Culte de Bacchus berçoient les enfans
de ces fortes de Contes.
Minerve,
Fille de Jupiter , fut la Déeffe de la Sa-
gefle, & des Arts. Ce Dieu, après avoir
dévoré Métis, fe fentant un grand mal de
tcte , eut recours à Vulcain , qui , d'un
coup de hache, lui fendit le cerveau, d'où
fortit Minerve toute armée, & dans un
état de vigueur , qui la mit auflî-tôt en
état de fecourir fon père contre les Géans.
Fable allégorique, pour dire que la Sageffc
ou la Prudence fe trouve toute en Dieu,
& qu'il l'enfante au-dehors par les œuvres
Hi,-
172 =MI==
merveilîeufes & pleines de fagefTe, qu*il
produit dans cet Univers.
Lqs Anciens ont reconnu plufieurs Af/-
nerv^s ^ 3c de différente origine Cicéroa
en compte cinq : la première, Mère d'A*-
poUon y la féconde , Fille du Nil , qui étoic
honorée en Egypte par les Saïtes ; la troi-
fième, celle qui fut engendrée de Jupiter,
dans Jupiter même j la quatrième. Fille
de Jupiter Se de Coriphe ou Corie , une
dos Océanides, que les Arcadiens regar-
doienc comme Inventrice des Quadriges ;
îa cinquième, Fille de Pallas, laquelle tua
fon père , parcequ'il voulut la violer. Pau-
fanias parle d'une Mirzerve ^ fille de Neptu-
ne &c de Tritonis , Nymphe du Lac Triton ,
a laquelle on donnoit des yeux pers, c'eft-
à-dire , bleus , comme à fon père. Cette
Minerve fe rendit fameufe par les ouvra-
ges de laine : ôc comme les beaux Arts
font les ouvrages de l'efprit, on eut rai-
fon de dire qu'elle étoit fortie du cerveau
de Jupiter. Les Lybiens qui habitoient
autour du Lac Tritonis, célébroient tou?
les ans une Fête folemnelle en l'honneur
de Minerve , pendant laquelle les Filles fe
partageoient en deux bandes , fe battoienc
à coups de pierres & de bâton , & regar-
doient comme de fauflTês Vierges celles
qui mouroienc de leurs blelTures.
Placeurs Villes fe diftinguèrent dans le
Cuire qu'elles rendoient à Minerve^ en-
tr'aurres Athènes & Rhodes. Cependant
Sais en Egypte le difputoit à routes les
Villes du monde, & cette DéeiTe y avoit
un Temple magnifique. Les Rhodiens s'é-
toient mis fous la protection de Minerve ;
& l'on dit que , le jour de fa nailTance ,
on vit tomber dans cette Ville une pluie
d'or; c'eft-à-dire, que cette Déelfe avoit
favorifé les Rhodiens : mais enfuite , pi-
quée de ce qu'on avoir une fois oublié
de porter du Feu dans un de fes Sacrifi-
ces, elle abandonna le féjour de Rhodes,
pour fe donner toute entière d Athènes ;
c'eft-à-dire , que les Rhodiens ayant né-
gligé le Culte de M'merve^ & le foin qu'ils
avoient de cultiver 1^ beaux Arts , les
Athéniens commencèrent à s'y diftinguer,
&: à la prendre pour leur Patrone : 6c en
effet, ils lui dédièrent un Temple magnî-
iiqae, & célébrèrent en fon honneur des
Pètes, dont la folemnité atriroit à Athè-
nes des Spedateurs de toute la Grèce.
Minerve eft ordinairement repréfentée
le Cafque en tète, une Pique d'une main,
& un Bouclier de l'autre , avec l'Égide fur
la poitrine. Ses Statues étoient ancienne-
ment affifes, dit Strabon ♦, c'éroit la ma-
nière la plus ordinaire de la repréfenrer :
Hiij
Î74 ==MI=:5
on en voit en effht plufieurs d'aflîfes. Les
Animaux confacrés à cette Déefle, étoient
la Chouette & le Dragon , qui accompa-
gnent {ovLvtnt fes images. C'eft ce qui
oonna lieu à Démofthène , envoyé en exil
par le Peuple d'Athènes , de dire que
Minerve fe plaifoit dans la compagnie de
trois vilaines Bêtes , la Chouette, le Dra-
gon, ôc le Peuple.
MiNOS,
Roi de Crète , étoit fils de Jupiter &
d'Europe. Jl gouverna fon Peuple avec
beaucoup d'équité &: de douceur. Les
Loix qu'il donna aux Cretois, l'ont tou-
jours fait regarder comme un des plus
grands Légiflateurs de l'Antiquité. Pour
donner plus d'autorité à fes Loix, il fe re-
tiroit fouvent dans un Antre , où il difoit
qu£. Jupiter fon père les lui didboit ; il
n'en revenoit jamais , qu'il n*en rapportât
quelque nouvelle Loi.
La SaeefTe de fon Gouvernement &
fur-tout fon équité lui ont fait donner
après fa mort , par les Poètes , la fonétion
de Juge fouverain des Enfers. Minos étoit
regardé proprement comme le Préfident
de la Cour infernale ; Se les deux autres
Juges, Éaque & Rhadamanthe, n^étoiem^
pour ainlî dire, que fes Lieutenans*
Homère nous le reprëfente avec un
Sceptre à la main , afîis au milieu des Om-
bres, donc on plaide les caufes en fa pré-
fence. Virgile dit, qu'il tient à la main,
Ôc qu'il remue l'Urne fatale où eft ren-
fermé le fort de tous les Mortels. II cite
les Ombres muettes à fon Tribunal ; il
examine leur vie , & recherche tous leurs
3
crimes.
MiNOTAURE,
Monftre, m^oitié homme Se moitié tau-
reau étoit le fruit d'une infâme paffion de
Pafiphac pour un Taureau blanc. Minos,
dit la Fable, avoit accoutumé de facrifier
tous les ans à Neptune le plus beau Tau-
reau de fes troupeaux. Il s*y en trouva un
de fî belle forme , que Minos le voulant
fauver , en deflina un autre de moindre
valeur pour vidime. Neptune en fut fî
irrité, que, pour s'en venger, il infpira à
Pafiphaë, femme de Minos, une honteufe
paiTion pour ce Taureau chéri. De-là s'en-
fuivit la naiiïance du Minotaure, Dédale
fit, par ordre de Minos , le fameux Laby-
rinthe de Crète, pour renfermer ce Monf-
tre, qu'on nourrilToit de chair humaine.
'Lq^ Athéniens ayant été vaincus dans la
guerre que leur fit Minos, pour la mort
de fon fils Androgée, furent condamnés,
Hiv
^175 ==MI =
par le Traité, à envoyer tous les feprans-
en Crète , fept jeunes garçons & autanr
de jeunes filles, pour fervir de pâture au
Monftre. Le Tribut fut payé trois fois ^
mais la quatrième , le fort étant tombé fur
Théfée, ce Héros tua le Monftre, & dé-
livra fa Patrie d'un û honteux Tribut.
ÉNIGME XXL
Mon corps eft fans eouîeur comme celui des eaux 5
Je change à tous momens fans perdre ma figure :
Je fais plus d'un fcul trait, que toute la Peinture,
Et puis mieux qu'un Appelle animer mes Tableaux:.
Je donne des confeils aux efprits les plus beaux,
Et ne leur montre rien que fa ve'rité pure.
J'enfeigne fans parler pendant que le jour dure ,
Et la nuit on me vient confuker aux flambeaux.
Parmi les Curieux , j'établis mon eivipiie ;
Je repréfente aux Rois ce qu'on n'ofe leur dire^
Et je ne puis flatter ni mentir à la Cour.
Comme un autre Paris , je juge les DéefTes ,
Qui m'offrent leurs beautés , leurs grâces , leurs ri-
cheffes ^
Et je les entretiens des charmes de l'Amour,
Mi SENE,
Fils d*ÉoIe, un des compagnons d'Énée,
==?vll== 177
n'eut Jamais fon égal, dans l'Art d'embou-
cher la Trompette, ôc d'exciter, par des
fons guerriers , l'ardeur des Combattans.
Étant au Port de Cumes , où il faifoit re-
tentir les rivages du fon perçant de fon
Inftrument, il ofa délier les Dieux de la
Mèr. Triton, le Trompette de Neptune,
jaloux du talent de Misène , le faifit & le
plongea dans les flots. Énée le regretta
beaucoup , 6c lui éleva un fuperbe Monu-
ment fur une haute montagne , qui fut
depuis appelle le Cap Misène.
Misère du Monde.
Qui pourroit raconter les mifères humaines ,
Les travaux des Mortels , leurs peines ,
Pourroit compter dans un moment
Les Etoiles du Firmament.
La Misère du Monde eft repréfentée par
une femme qui a la tête comme enchafTée
dans un verre j Symbole de la Fragilité des
chofes du Monde. Elle tient de la main
gauche une Bourfe renverfée, d'où s'épan-
dent pèie-mèle des pièces d'or & d'argent;
pour nous repréfenter que , quoique les
richelTes femblent nous rendre heureux ;,
nous ne les emportons point avec nous en
mourant,
'^/^
Hv
î7^ «=MI =
Miséricorde»
Je tiens ks bras ouverts , pour marquer ma Cle'<^
mence j
£t la pitié que j'ai pour les maux qu'on refTent ,
îait que je fais du bien , fans faire différence
Entre le Petit ôc le Qiand.
Les Grecs & les Romains avoient faÎE
une Divinité de cette Vertu , qui défîgne
l'Indulgence 5 la Pitié, la CompaiTion»
Elle avoir à Athènes Ôc à Rot-ne des Au-
tels & un Temple , qui étoit un lieu
d'afyle, & dont les privilèges fubiiftèrenc
ttès-long-temps. Paufanias, en parlant de
l'Autel de la Miféricorde qu'û avoit vu
à Athènes, dit : « La vie de l'homme eft
S3 fî chargée de difgrâces & de peines , que
3> c'ed la DéelFe qui mériteroit avoir le
3> plus de crédit ; toutes les Nations dti
oj monde devroient lui offrir des Sacrifî-
a> ces j parceque toutes les Nations en ont
w un mutuel befoin. 3> Ce fut à l'Autel de
la Miféricorde ^ que les Héraclides eurent
recours , félon Servius , lorfque Eurifthée
les pourfuivoit après la mort d'Hercule.
M I T H R A s ,
Ancien Dieu Aqs Perfes, qui, (om ce
nom , honoroient le Soleil & le Feu. Mi-
thras étoic né , félon eux , d'une pierre ;
ce qui marque le feu qui fore de la pierre
quand on la frappe. Souhaitant d'avoir un
iils j & ayant de l'averfion pour les fem-
mes, il coucha, dit Plutarque, avec une
pierre , & en eut un fils , qui fut appelle
Diorphus. Ce Dieu étoit qualifié d'Invin-
cible, comme il paroît par une Infcrip-
tion : Au Dieu Soleil l'Invincible Mi-
THRAs. La qualité d'Invincible convient
fort bien au Soleil \ rien ne peut arrêter
fon cours, ni fes influences.
Les Romains adoptèrent ce Dieu àts
Perfes, comme ils adoptèrent ceux de tou-
tes \qs autres Nations. Ce n'eft que par
eux qu'il nous eft refté à^s Monumens de
Mithras en grand nombre, car nous n'a-
vons aucune Image Perfane de ce Dieu.
Ses Figures les plus ordinaires repréfen-
tent un jeune homme avec un bonnet
phrygien , une tunique , & un manteau
qui fort en voltigeant de l'épaule gauche.
Ce jeune homme tient le genou fur un
Taureau atterré, èc pendant qu'il lui tient
le mufle de la main gauche , il lui plonge
de la droite un poignard dans le cou.
C'eft , dit-on , pour marquer la force du
Soleil , lorfqu'il entre dans le Signe du
Taureau. La Figure de Mithras eft ordi-
nairement accompagnée de différens Ani-
H vj
maux , qui ont rapport aux autres Signes
du Zodiaque. Ainfi il n'eft pas douteux
que Mit /iras ne fut un Symbole du SoleiL
C'eft: pourquoi Stace , dans une invocatioa
qu'il fait au Soleil , s'exprime ainfî : « So-
M leil 5 foyez-moi favorable , foit que f e
«ï vous invoque fous le nom de Titan ^ ou
^ fous celui d'Ofiris^ ou fous celui de Mi-
•î tkras ; lorfque dans les Antres de Ix
>3 Perfe , vous preffez les cornes d'im Tau-
>5 reau rebelle^ Se qui fait tous {qs efforts
|9> pour ne pas vous fuivre. m Le Commen-
tateur de Stace fur ce palTage dit , que ce
font les Perfes qui ont honoré les premiers^
le Soleil dans ûgs Cavernes & dans des
Antres ; Se cela pour marquer que cet Af-
tre s'écîipfe quelquefois ^ que le Taureau „
ilont Mithras tient les cornes avec une
main, marque la Lune, laquelle, indignée
de fuivre fon frère, va au-devant de lui,
& cache fa lumière j mais le Soleil , pai:
cette aâ:ion violente , fait voir fa fupério-
cité fur cette Planète.
Le Culte de Mithras ^ avant de venir en
Grèce & à Rome, avoir paffé àts Perfes
dans la Cappadoce , où Strabon , qui y avoic
voyagé , dit qu'il avoir vu un grand nom-
bre de Prêtres de Mithras* Ce Culte fut
porté à Rome au temps de la guerre àQS
Pirates 5 félon Plutarque, Tan de Rome
^87 5 5<: y devint très-céièbre dans la faite,
rur-couc dans les bas liècles de TEmpire.
MiTHRiAQUES.
C'ctoient les Fêtes ou Myftères de Mi-
ihras. Ce Dieu avoit une efpèce de Prê-
tres appelles Patres Sacrorum ^ les Pères
dos Myftcres Sacrés. Il y avoit auffi d^^
Mères d^s Myftères Sacrés. Ces Pères
étoient encore appelles Lions, &: les Mè-
res Hyènes. De ce nom de Lion , venoit
celui de Léon tique donné aux Mi thr la-
ques. D'autres Miniftres de Mithras s'ap-
pelloient Coraces , ou Hiéro-coraces ^ ce
qui lignifie Corbeaux , ou Corbeaux Sa-
crés, d'où les Mithriaques font aulîi nom-
més Coraciques , ouHiéro-coraciques. Les
Myftères de Mirhras éroient quelque cho-
fe d'horrible , félon les Saints Pères. « Les
>î Pères 5 difent-ils, font plufieurs Sacrifi-
sj ces à Mirhras : perfonne ne peut tcre
a> initié à fes Myftères , s'il ne palTe par
j> plufieurs fortes d'épreuves très-rudes,
5î & s'il ne fe montre comme impaflible ,
w ^ d'une fainteté a l'épreuve. On alfure
03 qu'il y a plus de quatre-vingts fortes de
jî fupplices par où il faut qu'il palTe corn-
>3 me par degrés, pour mériter l'initiation.
3î 11 faut premièrement qu'il pafîe a la
P iiage une grande plage pendant plufieurs
i82 =,MI..=^
s> jours ; qu'il fe jette dans le feu ; qu'il
M paflfe un long-temps dans le défert fans
« manger ; qu'on le fuftige pendant deux
w jours entiers ; qu'il en refte vingt dans
3> la neige , &c. Et Ci après cette gradua-
9> tion d'épreuves, il eft encore en vie, il
35 eft initié aux Myftères les plus fecrèts. »
11 y avoir un fouverain Prêtre > qui préfi-
doit fur tous les autres Prêtres de Mi-
thras ; c*étoit un homme de grande confi-
dération. Parmi les autres Cérémonies de
Tinitiation , on mettoit un Serpent dans
le fein de celui qui vouloit participer aux
Myftères. Arnobe dit que ce Serpent étoit
d'or. On fçait que cet Infede , qui re-
prend tous les ans une nouvelle vigueur,
en changeant de peau , étoit un des Sym-
boles du Soleil , dont la chaleur fe renou-
velle au Printemps.
Les Myftères de Mithras étoient abo-
minables, car on y immoloit des Victi-
mes humaines j comme il paroît par un
fait que raconte Socrate dans fon Hiftoire
Eccléfiaftique ^ fçavoir, que les Chrétiens
d'Alexandrie ayant découvert un Antre
fermé depuis long-temps , dans lequel la
Tradition portoit, qu'on avoit autrefois
célébré les Mithriaques ^ on y trouva àes
os & des crânes d'hommes , qu'on en re-
lira , pour les faire voir au Peuple de cette
grande Ville. La principale Fête de co:
Dieu étoic celle de fa naifTance , qu'on
plaçoir au huit avant les Calendes de Jan-
vier. On vouloit marquer par-Iâ que le
Soleil 5 après s'être éloigné de notre Hé-
mifphère, commençoit au Solfrice d'Hy-
ver a s'en rapprocher. Les Perfes, qui n'a-
voient point de Temple , célébroient les
Mithriaques dans à^s Cavernes , ainG
qu'ils l'avoient appris de lenr Légiflateur
Zoroaflre, qui le premier, félon Porphire,
avoit choifî pour cela un Antre arrofé de
fontaines & couvert de verdure. Les Ro-
mains, à l'exemple des Perfes, célébrèrent
les mêmes Myftères dans des Antres &
dans des Cavernes , & l'obfcurité de ces
lieux favorifa les plus grands défordres.
Par les Monumens qu'on a découverts
en une infinité d'endroits , on a droit de
conclure que fon Culte s'étoit répandu
dans tout l'Empire Romain, & qu'il dura
très-long-temps, puifqu'on en trouve en-
core des traces jufques dans le quatrième
Siècle de l'É^life.
Mnémosine,
DéefTe de la Mémoire , étoit , félon
Diodore, de la famille des Titans, fille
du Ciel & de la Terre, & fœur de Sa-
turne 6c de Rhéa. On lui accorde gêné-
'i8^ ^^MN =
ralement 5 dit le même Auteur , le pre-
mier ufage de tout ce qui fert à rappeller
la mémoire des chofes dont nous voulons
nous reiïbuvenir , & fon nom même l'in-
dique alTez. On lui attribue' auffi l'Art du
Raifonnement 5 Ôc l'Impolîtion des noms
convenables à tous les Etres ; de forte que
nous les indiquons , Se nous en conver-
fons fans les voir. Jupiter devint amou-
reux 5 dit la Fable , de Mnémojîne , & s'é-
tant métamorphofc en Berger, la rendit
Mère des neuf Mufes.
ÉNIGME XXIL
Quclqu'obfcurc que je pui/Te être ,
A ces marques , Ledeur , tu me dois reconnoîtrc.
Quoique prefque toujours fille d'un Roturier ,
A peine je parois , que chacun me defire 5
Le Roi même eit fujet à mon fantafque empire.
Sans faire jamais rien , je fuis de tout métier :
Je décide à la Cour en maîirelTe abfoluë ,
Quelque bizarre que je fois 5
Et (î-tot que j'y fuis reçue ,
L'ufage m'introduit au nombre de fes Loix.
Mais que mon règne eft court ! Après un certain
temps ,
Des caprices du fort , j'éprouve la difgrâce ;
Et quand je ne plais plus aux hommes inconftans ,
Une autre me fuccèdc , & fe met à ma place.
Mode s.
Un Concile tenu à Montpellier en 1 1 «j 5 3
fous le Règne de Philippe-Au^ufie , or-
donnoic aux Clercs & ^ux Laïcs de porter
des habits fermés. Les Modes pour les ha-
billemens écoient alors àQ% plus bizarres.
On fe plaifoit à porter des étoffes pliflees
& chargées de figures grotefques , 6^c. Les
femmes avoient àQ.s robes d'une longueur
démefurée , qui traînoient derrière elles
en queue de ferment. On invediva beau-
coup contre ces ufages , foit parceque les
bonnes mœurs s'y trouvoient intérelTées ,
foit parceque la vanité feule en parut con-
damnable.
Les Modes ridicules ont été, comme
aujourd'hui , le goût dominant des Fran-
çois. On lit , que fous les Règnes de Phi-
lippe de Valois , de Jean II &: Charles VI ^
temps où le Royaume étoit dans la der-
nière misère , par les guerres fanglantes
qui le défoloient j \2.s Modes ridicules
ëtoient toujours les objets frivoles de la
noblejfe , & des defirs ambitieux des ro-
turiers. On. faifoit venir à grands frais des
pays étrangers les étoffes les plus précieu-
fes , dont on compofoit des vèremens
aufli bizarres qu'indécens. Une tète char-
gée de plumes , une longue barbe ^ des
i8^ =M0 =
chaînes au col , un habit fî étroit & fi
court 5 qu'il pouvoit à peine dérober à la
vue les parties que la pudeur ordonne de
couvrir ; telle étoit la forme d'habillement,
inventée par les , Chevaliers , Écuyers ,
gens du bel-air , & adoptée par les bour-
geois 5 leurs ferviles imitateurs. Ce goût
àes fuperfluités , qui ne peut être pardon-
nable de nos jours à la vanité , que parce-
que l'induftrie lui facilite les moyens de
fe fatisfaire , faifoit , dans les temps an-
ciens 5 régner l'indigence dans le Royau-
me 5 malgré la fertilité du fol ôc la mul-
titude des habitans.
Ce n'étoient pas les Rois , ni les Prin-
ces de leur fang , qui donnoient l'exem-
ple de ce Luxe , excepté dans les jours de
Cérémonie , où il falloit qu'ils parufTent
avec l'éclat de la Majefté du Trône. Ils
furent les feuls qui ne fe lai(ïèrent point
emporter au torrent ; ils confervèrent ,
pour la plupart , la noble gravité de l'ha-
bit long.
De tout temps notre Nation a été le
premier Peuple de l'Europe pour l'inven-
tion des Modes ; il les varie ôc les régète
a l'infini , ôc toujours avec les grâces de
la nouveauté. Paris efl: la feule Ville du
Monde , qui les communique a toutes les
Nations étrangères.
s=MO= 187
Modestie*
Elle eft vêtue d*une draperie blanche,
qui eft le Symbole de la Candeur de Tâme j
elle a fur la têre un voile de la même cou-
leur , & tient un Sceptre, au haut duquel
eft un œil ; ce Hiéroglyphe vient des Égyp-
tiens 5 & fignifie que la Modejiie doit être
clairvoyante fur elle-même : fon attitude
fimple 5 & (es yeux bailTés expriment le
précepte de S. Paul : Modestia vejlra
nota fit omnibus hominibus.
Mois,
Les Anciefis avoient fait un Dieu du
Mois fous le nom de Men. Ils donnoient
auffi à Athis , favori de Cybèle , le furnom
de Roi des Mois ; Aîenotyranmis. Cha-
que Mois étoit fous la proredion d'une
Divinité. Ainfi la Divinité tutélaire de
Janvier , étoit Junon \ de Février , Nep-
tune \ de Mars ^ Minerve ; ^ Avril ^ Vé-
nus ; de Mai , Apollon \ de Juin , Mer-
cure; de Juillet , Jupiter ; à' Août ^ Cérès ;
de Septembre , Vulcain \ A'Ocîobre , Mars y
de Novembre , Diane , & de Décembre y
Vefta.
Janvier.
La rigueur de la Saifon d'Hyver porte a
repréfenter ce Mois par une figure totale-
menr drapée , dont le manteau eft couvert
de neige ; elle tienr un flambeau allumé ,
pour indiquer la brièveté des jours , & a
proche d'elle pour Attribut le Signe du
Verfeau , qui répand de Teau mêlée avec
des glaçons.
Janvier étoit perfonnific fous la iîgure
d'un Conful , qui jette fur le foyer d'un
Autel des grains d'encens en l'Honneur
de Janus & des Lares. Près de l'Autel eft
un Coq , qui marque que le facrifice s'eft
fait le matin du premier jour de Janvier,
Aufone a exprimé cela en quatre vers ,
dont voici le fens \ « Ce Mois eft confa-
« cré à Janus , voyez comme l'encens brûle
» fut \qs Autels pour honorer les Dieux
y> Lares , c'eft le commencement de TAn-
53 née &: des Siècles : en ce Mois , les hpm-
35 mes que la pourpre diftingue, font écrits
« dans les Faftes. ^j 11 parle là des Confuls
qui entroient en Magiftrature au com-
mencement de Janvier, Les Fêtes parti-
culières de ce Mois , étoient les Januales
au premier Janvier ; les Agonales , le <y ;
les Carmentales , le 1 1 j les Compitales ,
le 12 ; les Sementines 5 le 24; les Équi-
ries, le 29. Le lendemain des Calendes
de Janvier , paftbit pour un jour malheu-
reux.
Février.
Ce fécond Mois eft prefqu'auflî vêtu
que le précédent j il a pour Attribut le
Signe des PoifTons , & une Serpette de
Vigneron > étant le Mois dans lequel on
commence à tailler les vignes & les arbres.
A fes pieds font quelques inftrumens de
Mufique & des Mafques , pour indiquer
hs amufemens du Carnaval.
Février étoit perfonnifié en femme ,
revêtue d'une tunique relevée par une
ceinture j elle tient entre fes mains une
Canne, Symbole d'un Mois pluvieux,
aufli bien que l'Urne qui eft repréfentée
en l'air au-delTus de fa tcte , & verfant de
l'eau en abondance. A (zs pieds eft un
Héron & un Poilfon : tout cela revient
au même, c'eft le mois des Eaux & à^s
Pluies , fur-tout à Rome , où l'Hyver eft
plus court qu'en nos Climats. Voici le
fens des quatre vers d'Aufone : «' C'eft ce
« Mois vêtu de bleu dont l'habit eft relevé
95 par une ceinture , où l'on prend les oi-
V ieaux qui aiment les Lacs & les lieux
» marécageux , où la pluie tombe en abon-
s> dance , & où l'on fait les expiations
3> qu'on appelle FeBrua. s» En ce Alois on
célébroit les Jeux Génialiques, le 1 1 ; \qs
Lupercales, le 1 5 , les Quirinales , le 17 ;
\-
les Fornacales & les Férales , le i S &: îe?
21 ; les Carifties, le 12 ^ les rerminales,
le 23 î les Équiries , le 27.
Mars,
Le troifîème Mois confacré au Dieu de
la Guerre , fe peine d afpedb féroce : Tes
cheveux font hériilés & agités de plufieurs
fortes de vents ; les nuées qui font de
place en place mêlées avec fa draperie ,
indiquent Tinconftance du temps dans ce
Mois , il tient une Hirondelle ; & à fes
pieds font les Signes du Bélier , ôc une
Plante de Violette.
Ce Mois , le troifîème de notre année ,
ctoit autrefois le premier chez les Ro-
mains ; quoiqu'il eut pris fon nom du
Dieu Mars , il étoit fous la protection de
Minerve. Les Calendes de ce Mois étoienc
remarquables , parce que c'étoit le premier
jour de l'Année , auquel on pratiquoit plu-
fieurs Cérémonies. On. allumoit le Feu
nouveau fur l'Autel de Vefta. On ôtoit ,
dit Ovide , les vieilles branches de Lau-
rier 5 & les vieilles couronnes tant de la
Porte du Roi des Sacrifices , que des mai-
fons des Flamines Se des Haches des Con-
fuls 5 de l'on en mettoit de nouvelles. En
ce jour on célébroit les Matrônales Se la
Fête des Boucliers facrés. Le 6 , c'étoient
les Fêtes de Vefta j le 14 , les Eqairies ; le
15 j la Fête d'Anna Perenna : le 17 , \qs
Libérales ou Bacchanales ; le i ^ , la Gran-
de Fête de Minerve , appellée \qs Quin*
quatries ^ qui duroit cinq jours ; le 25 ,
les Hilaries. On trouve ce Mois perfonni-
fié fous la figure d'un homme vêtu d'une
peau de Louve , parceque la Louve étoic
confacrée au Dieu Mars. «< Il eft aifé , dit
>ï Aufone , de reconnoitre ce Mois par la
j> peau'de Louve dont il eft ceint. 11 s'ap-
« pelle Mars , & c'eft Mars qui lui a don-
i> né fa dépouille. Le Bouc pétulant ,
» l'Hirondelle qui gazouille , le Vaiffeau
« plein de lait , l'FIerbe verdoyante , tout
» cela marque le Printemps , qui com-
» mence au mois de Mars. » Ce font les
Symboles qui accompagnent la figure de
ce Mois.
Avril.
La couleur verte du vêtement de cette
figure , eft allufive au renouvellement des
produdions de la terre dans ce Mois. On
lui donne pour Attribut une corbeille rem-
plie des premiers fruits du Printemps. A
fes pieds eft le Signe du Taureau : il eft
orné d'une guirlande de Violette & au-
tres fleurs de cette faifon.
Le Mois à! Avril eft figuré par un hom-
1^2 =rMO==^
me , qui femble dan fer au foii d'un inf-
trument. Aufone dit : « Avril rend fes
m honneur's à Vénus couronné de Myrrhe.
w En ce Mois on voit la lumière mêlée
«y avec l'encens , pour faire Fère à la bieii-
m faifante Cérès j le cierge mis auprès d'^-
9* vril ^ jette des flammes mêlées d'odeurs
• fuaves. Les Parfums qui vont toujours
>» avec la Déelfe Paphienne , ne manquent
>/ pas ici. » Les Fêtes de ce Mois étoient
les Jeux Mégaléfiens , qui commençoient
le 4 , & qui duroient huit jours : les Cé-
réales & les Jeux Circenfes 5 le lo; les
Jeux en Thonneur de Cérès , le 1 1 ; les
Jordicides ou Jordicales , le 1 5 j les Pa-
liliennes , le 2 1 ; les fécondes Agonales ,
le 22 ; les Robigales , le 15 j & les Flo-
rales, le 28.
Mai.
Les agrémens de ce Mois font indiques
par l'air gracieux que l'on donne à la fi-
gure qui le repréfente. Elle eft vêtue ga-
lamment d'une étoffe de foie brodée de
diverfes fleurs , & confidère avec plaifir
un bouquet de Rofes. A fes pieds eft le
Signe des Gémeaux.
Le Mois de Mai étoir perfonnifié fous
la figure d'un homme entre deux âges ,
hahillé d'uo^ robe fort large & à gran-
des
des manches , qui porte une Corbeille
pleine de Fleur? , Ôc rienc de l'autre maia
une Fleur qu'il porte à fon nez : ce qui
peut avoir rapport aux Jeux Floraux- Le
Paon qui eft à fes pieds, montre par fa
queue une image du Mois de Mai ^ tant
elle eft chargée de fleurs que la nature j
a peintes. Aufone a ainfl exprimé en qua-
tre vers le Mois de Mai. « C'eft le Mois
jî qui produit le lin dans nos Campagnes :
3) c'eft lui qui nous fournit toutes les dé-
i* lices du Printemps , qui orne les ver-
il gers de Fleurs , &c qui remplit nos Cor-
7> beilles : il eft appelle Mai de Maïa ,
?> fille d'Atlade : c'eft le Mois qu'Uranie
M aime fur tout autre. » Mai étoit fous
la protedion d'Apollon. C'eft dans ce Mois
qu'on célébroic les Florales pendant les
trois premiers jours ; les Lémuriennes qui
duroient aulli trois jours , à commencer
le 7 avant les Ides , ou le ^ du mois : les
Agonales ou Agonies de Janus , le 12,
avant les Calendes de Juin, ou le 22 de
Mai : ôc les Fériés de Vulcain , ou les Tu-
biluftres le dix ayant les Calendes de Juin.
On célébroit encore aux Ides de Mai la
naiftance de Mercure êc la Fête des Mar*
chands. Les Romains , qui étoient en gé-
néral fort fuperftitieux , obfervoient de ne
point fe marier dans le Mois de Mai , à
Toms 111% I
ip^ =M0==
caufe des Fêtes Lémuriennes , ou des Ma-
lins Efpi-its , qui fe célébroienc le 9 du
Mois ; & ils avoient un Proverbe , qui
difoic le Mois de Mai funefte aux no-
ces. Menja maio maU nuburu. Cette an-
cienne Siiperflition fubfifte encore aujour-
d'hui en quelques endroics parmi le Peu-
ple , qui £iic fcrupule de fe marier au Mois
de Mai ; comme étant un Mois malheu-
reux , fans en alléguer d'autres raifons
qu'une ancienne Tradition.
Ju IN.
Ce fîxième Mois fe peint fous Timage
d'un homme de ftature robufte , ôc moins
vêtu que la précédente figure , pour in-
diquer le commencement des Chaleurs de
l'Été. On le repréfente dans une prairie ,
tenant une Faux à couper les Foins , ôc
ayant à fes pieds le Signe de l'Écreviffe.
Mercure étoit la Divinité tutélaire du
Mois de Juin. Voici comme Aufone le
perfonnifie. » Juin va tout nud , dit-il ,
» ôc nous montre du doigt un Horloge
5) folaire 5 pour fignifier que le Soleil com-
i> mehce en ce Mois à defcendre. Il porte
9> une Torche ardente ôc flamboyante ,
j> pour marquer les Chaleurs c-e la Saifon ,
s» qui donne la maturité aux fruits de la
w terre. Derrière lui ell une Faucille. Cela
s> veut dire qu'on commence en ce Mois
?> à fe difpofer aux MoifTons ; on voit aufli
t> une Corbeille pleine d^s fruits du Prin-
s> temps , qui viennent dans les pays
» chauds. >î Aux Calendes de Juin on fai-
foit à Rome quatre Fêtes , l'une a Mars
hors de la Ville , Mars extra mur anus ;
la féconde à la DéefTe Carna \ la troifiè-
me à Junon Monéta ; & la dernière étoic
conlacrée à la Tempcte. Aux Nones on
facrifioit au Dieu f idius. Le 7 c'étoit la
Fêce des Pêcheurs : le 8 on facrifioit fo-
lemnellemenr à la Déeffe Mens. Le 9 on
céiébroit la Grande Fête de Vefta. Le 1 1
étoit confacré à la Déelfe Matuta. Aux
Ides arrivoit la Fête de Jupiter l'Invinci-
ble. Le 20 on invoquoit Summanus. Le
22 palToit pour un jour funefte : le 27
c'étoit la Fête des Dieux Lares : le 28 celle
de Quirinus : & le 30 fe céiébroit la Fête
d'Hercule & àQ% Mufes dans un même
Temple.
Juillet.
L*exce/îive chaleur de ce Mois eft ca-
raé^érifée par l'air abattu dont on repré-
fente cette figure , & par le peu de dra-
perie dont elle eft vêtue : Tes Attributs
font un Parafol , une Cigale , & le Signe
du Lion.
Up^" :=M0 =
Juillet étoit fous la pi'otedîon de Jupi-
ter. Il eft perfonnifié dans Aufone fous la
figure d'un homme tout nud , qui montre
fes membres hâiés par le Soleil : il a les
cheveux roux , liés de tiges & d'Épis \ il
tient un Panier de mûres , fruit qui vient
fous le Signe du Cancer. Le 5 de ce Mois
étoit la Fête appellée Poplifugia, Le jour
des Nones étoit appelle Nonœ Capprotinœ^
ôc le lendemain on faifoit une autre ré-
jouiifance , dite VituUtio, Le ii étoit
Fête 5 à caufe de la naiffance de Jules Cé-
far. Aux Ides de Juillet fe célébroit la
Fête de Caftror <Sc de PoUux. Le 1 8 étoit
eftimé malheureux , à caufe de la journée
d'Allia. Le zj étoit la Fête de la Déeffe
Opigéna. Le 25 on faifoit des AmbarvaUs.
A la fin du Mois on imnioloit des Chiens
roux à la Canicule. Enfin on donnoit dans
ce Mois les Jeux Apollinaires , ceux du
Cirque 6c les Minervales,
AousT.
C'eft le Mois de la MoilTon , on le re-
préfente coëffé d'un chapeau de paille,
qui lui met le vifage à l'abri des rayons
ardens du Soleil. Il tient une Faucille &
une poignée d'Épis de bled , dont les ti-
ges font encore plantées en terre; & pro-
che de lui eft le Signe de la Vierge.
= MO= 15)7
5> Août preiïe de la chaleur , dît Au-
3> Îqw^ 5 plonge fa bouche dans une grande
5> taffe de verre , pour boire de l'eau de
55 fontaine : ce Mois , où eft née Hécate ,
35 fille de Latone , porte le nom éternel
3î des Empereurs, jj C'eft-à-dire , Auguf'
tus , Août. Ce Mois efl: repréfenté par ua
homme nud , qui tient fous le menton
une large tafTe pour fe rafraîchir. Il tient
devant lui une efpèce d'Eventail fait d'une
queue de Paon , pour la même raifon. En
ce Mois on faifoic les Portumnales le 17 :
les Vinales le 19 : les Confuales le 21 :
les Vulcanales le 23 : les Opiconfives le
25 : & les Vulrurnales le 27.
Septembre.
On habille cette figure de couleur pour-
pre , ou de celle àts raiiins mûrs , les
pampres de vignes dont elle efl ornée ,
& qu'elle tient dans fes mains , fîgnifienc
que ce Mois eft le temps Aqs vendanges j
fon Attribut eft le Signe des Balances.
Ce Mois 5 le feptième de TAnnée Ro-
maine 5 & le neuvième de la nôtre , é:oit
fous la protection de Vulcain : on le trouve
perfonnifié fous la figure d'un homme
prefque nud , ayant feulement fur l'épaule
une efpèce de Manteau , qui flotte au gré
des vents. Il tient de la main gauche un
iiij
ip8 ,,^MO =
Lézard attaché par une jambe à une fr»
celle : ce Lézard fufpendu en l'air fe dé-
bac autant qu'il peut. Au pied de l'hom-
me font deux cuves ou vafes préparés
pour la Vendange , comme le marquent
les quatre vers d'Àufone , dont voici le
fens, i( Septembre cueille les grappes \ c*eft
3> en ce Mois que les fruits tombent. Il
3) fe divertit à tenir en l'air un Lézard at-
« taché par le pied , qui fe démené d'une
:»5 manière agréable. ->•> Les Fêtes de ce
Mois étoient : le 3 les Dionifiaques ou les
Vendanges : le 4 les Jeux Romains pen-
dant huit jours : le 1 5 les Grands Jeux
Circenfes voués pendant cinq jours : le
20 la naiflance de Romulus ; le 30 les
Méditrinales.
Octobre.
La Chaffe de 1 Oifeau étant un àt^ plai-
firs de ce Mois , on le perlonnifie par un
jeune chafTeur , armé d'un A-^c & d'un
Carquois ; tenant d'une main un Filet , &
de l'autre une Caille : à iQ% pieds eft le Si-
gne du Scojpion.
Ce Mois , le huitième de l'Année de
Romulus , d'où il a pris fon nom , eft le
dixième de la notre. Il étoit fous la pro-
tection du Dieu Mars. Les Fêtes de ce
Mois étoient les Méditrinales le 1 1 ; les
Auguflales le 1 2 • les Fontinales le 1 3 j
& l'Armiluftre le 19. Ce Mois étoit per-
fonnifié par un chafleur qui avok un Lièvre
à (es pieds , des Oifeaux au-deifus de fa
tête , &: une efpèce de cuve auprès de lui.
Ce qui répond aux quatre vers d'Aufone ,
dont voici le fens : «< Ociobre fournit les
jj Lièvres : c'eft lui qui donne la liqueur
3j de la Vigne , ôc les Oifeaux gras : nos
5> Cuves ècumenr , le moûr bout avec vio-
35 lence , &c les V^aiifeaux font pleins de
a vin nouveau.
Novembre.
Ce Mois fe repréfente pareillement vêru
en chalTeur , mais avec des fouirures de
bêtes fauves : il a une couronne touffue
compofèe de feuilles & de fruits d'Oli-
vier, & tient une Corbeille remplie de
fruits & de légumes d Hyver. A fes pieds
eft une Hure de Sanglier, & le Signe du
Sagittaire.
Novembre eft le neuvième Mois de l'An-
née de Romulus , & le onzième de la nô-
tre : il étoit fous la proced-îon de Diane.
Aufone le perfonmfie fous la figure d'un
Prêtre d'Ifis , habillé de toile de lin , ciyanc
la tète chauve ou rafée , appuyé contre un
Autel 5 fur lequel eft une tête de Che-
vreuil 3 Animal , qu'on facrifioic à la Déef-
liv
Ngoo = M O =r
fe : il tient un Sîftre à la main , Inftriî-
ment qui fervoit aux Ifiaques. Tout le
rapport qu'il y a enrre le perfonnage & le
Mois 5 c'eft qu'aux Calendes de Novem-
bre on eélébroit les Fêtes d'ids. Le 5 dti
mois , on faifoit les Nepcunales j le 15,
les Jeux Populaires ; le 21 , les Libérales,
^ le 27 5 \qs Sacrifices Mortuaires.
DÉCEMBRE.
Ce dernier Mois fe repréfente par un
vieillard encore plus vêtu que le précé-
dent 5 & fa draperie eft de peaux différen-
îes ; il porte fur fes épaules un fagot de
bois à brûler , & tient une lanterne. A fes
pieds eft le Signe du Capricorne.
11 eft dit 5 fur le Mois de Décembre ,
dans les quatre vers d'Aufone , que «' THy-
35 ver nourrit les femences dans la terre ,
3> que les pluies tombent abondamment ,
3> &: que Décembre rappelle le (iècle d'or ,
« en ce que l'Efclave né dans la maifon ,
3* joue avec iow Maître. Ce qui fait aîlu-
3> fion aux Saturnales. ->-> Décembre étoit
repréfente par un Efclave qui joue aux
dez , & qui tient a la main une grande
Torche ardente. Les Fêtes de ce Mois
font les Jannales 5 le 5 ; les Équiries , le
13 ; les Confuales le 15 ^ les Saturnales
pendant cinq jours, depuis le 17 j les Di-
=== M O == 2'o i
Vâles , le 2 1 ; les Larentinales ou Lauren-
tinales le 23 j ôc les Juvénales , le 24.
MOLOCH,
Une des principales Divinités de l'O-
rient y étoic repréfenté fous la ligure
monftrueufe d'un homme ôc d'un veau.
On avoir ménagé vers les pieds de la Sta-
tue* plufieurs fourneaux , dans lefquels on
jettoit des enfans , malheureufes vidlimes
d'une cruelle fuperftition j & pour empê-
cher qu*on n'entendîr leurs cris , les Prê-
tres du Dieu battoient du Tambour. C'é-
toit la grande Divinité des Ammonites,
le Saturne des Carthaginois , les Mithras
des Perfes. Molock fignifie Roi. Les Hé-
breux donnèrent fouvent dans le Culte
impie & barbare de cette Idole.
Mol Y.
UlilTe étant prêt d'entrer dans le Palais
de Circéj Mercure vint à fa rencontre fous
la ferme d'un jeune homme , lui apprit
que ceux de fes compagnons qui étoient
entrés dans ce Palais , y étoient enfermés
comme des Pourceaux dans des érables ,
& que le même fort l'y attend s'il n'y
prend garde. En même-temps le Dieu lui
fait voir une Plante , qui eft un excellent
I V
202 =MO==r
préfervatif contre toutes fortes d'encîian-
remens , il l'arrache de terre en fa pré-
fence , ôc lui en enfeigne les vertus : «' C'é-
« toit 5 dit Homère , une efpèce de Plante
3> dont la racine étoit noire , & la Fleur
jj blanche comme du lait. Les Dieux l'ap-
5> pellent Mofy : il eft difficile aux Mor-
3> tels de l'arracher ; mais les Dieux peu-
35 vent toutes chofes. 5> Voici le Commen-
taire de Madame Dacier fur cette Fable.
35 Mercure eft la raifon ou le Dieu des
3î Sciences , Se la Plante qu'il donne pour
35 préfervatif 5 c'eft l'Inftrudtion , la Sagef-
ai fe : la racine de cette Plante eft noire ,
35 parceque les principes de l'inftrudion
33 font défagréables &c amers.... Mais fa
35 Fleur eft blanche & douce , parceque les
35 fruits de l'inftrudion font doux, agréa-
55 blés ^ nourriiïans. Mercure donne cette
35 plante , parceque l'iRftrudtion ne peut
55 venir que de Dieu. Mercure ne porte pas
» avec lui cette Plante ^ mais il la prend
55 dans le lieu mcme où il eft, pour mar-
35 quer que par-tout où Dieu fe trouve ,
35 on peut trouver l'Inftrudtion & la Sa-
35 gelTe 5 pourvu qu'il veuille nous enfei-
35 gner , Se que nous foyons difpofcs à l'é-
?3 coûter Se à lui obéir. >5
M O iM U S 5
Fils du Sommeil & de la Nuit , félon
Héliode 5 paifoit chez les Grecs de les Ro-
mains, pour le Dieu de la Raillerie 3c
des bons mots. Satyiique jufqu'à l'excès,
il ne laiffoit rien échapper , & les Dieux
mêmes croient l'objet de fes plus fanglan-
tes railleries.
Aîomus 5 par exemple , trouvoit à redire
que les Dieux , en formant l'homme , ne
lui avoir pas fait une petite ouverture ,
ou une petite porte à la poitrine y afin
qu'on eut pu voir dans le cœur ce qu'il
penfoit. C'eft de cet manière de repren-
dre les défauts d'autrui, que Momus tire
{on nom.
Monarchie.
C'efi: le gouvernement d'une feule peç-
fonne : il fe repréfente par une femme
d'afpect impofant , allife avec majefté fur
un trône , ayant une cotte d'armes , une
couronne <Sc un fcèptre d'or; le Diamant
qui brille fut fa poitrine , eft allufîF à la
fublimiré des fenrimens de fon cœur ; les
rayons dont fa tète eft entourée , délignent
le refpect que fon éclat infpire. Sa Force
eft fymbolifée par le Lion qui eft d {qs
pieds j & qui tient une Epée.
Ivj
20^ =^MO=:S
MONÉTA,
Surnom qu'on donnoit a Junon , com-
me a la Dceife qui préfidoit à la Monnoie.
Elle avoir un Temple à Rome fous ce
nom 5 dans lequel elle étoit repréfentée
avec les inflrumens de la Monnoie , le
Marteau , 1 Enclume , les Tenailles & le
Com. Cicéron nous donne pourtant une
autre origine à ce furnom, ce Un grand
3i tremblement de terre étant arrivé à Ro-
35 me 5 dit-il , on entendit du Temple de
35 Junon une voix , qui avertilToit d'im-
» moler , en expiation y une Truye pleine ,
» & ie-lâ vint que ce Temple fut ap-
3> pelle le Temple de Junon Avertiiîante.
35 Et plus bas : depuis ravertitlement que
35 Junon Moneta donna d'enterrer une
3> Truye pleine , de quoi nous a-t-elle ja-
33 mais avertis ? j>
Monstres.
ScYLLA , Carysde , Chimère y Griiton ,
Sphinx, Harpies, Hydre, et Cerbère.
Scylla ôc Carybde font deux écueils
dangereux qui fe trouvent dans la Mèr de
Sicile. Les Poètes en ont fait des Afonf-
très : Homère donne a celui-ci douze grif-
fes ôc fix têtes s ayant des gueules armées
==MO== 2of
de trois rangées de dents. Ovide lui change
la partie inférieure en Chien. Virgile,
que Ton a fuivi ici , parceque fa defcrip-
tion eil: la pkis graçitufe à peindre , lui
fait le Bulle d'une Belle Femme , le ventre
d'un Loup , 6c la termine en queue de
Dauphin. Elle eft dans une affreufe ca-
verne, où Ton entend des huileinens Sc
des aboyemens hornb'es j elle tâche de
faire périr les Vailîeaux qui paiTeiit: plus
près que de Carybde, qui eft à^l'autre côté
du détroit.
J.icîdlt in Scyllam cuplens vitare Caribdim,
Car ybde.
Cet autre écueil, aufli dangereux que îe
précédent, fe repréfenre par un h niirae
extrêmement laid , ^yanr la bouche ou-
verte, les mains <!s Ls pieHs c nime îes
griffes d'un Oifeau de p oie. \ rient un
Crochet de fèr, & précipire des N vires
dans les gouffres de la Mèr qui fom a fes
pieds.
Chimère.
Elle avoit la rete & les griffes Aipérieu-
res comme le Lion ; jettoit des feux & d^^
flammes par la gueule & par les narrines;
fon ventre & fes pieds étoient femblables
a06 =.=r:;MO =
à ceux de la Chèvre , & fa queue éroiE
noueufe & année d'un dard , comme celle
de Dragon. Selon la Fable , Bellcrophon en
délivra la Licie qu'elle défoloit. Les Poëces
ont établi cette fiction fur un Volcan de
Licie 5 dont la cime jettoic beaucoup de
feux 3 le milieu étoit peuplé de quantité
de Lions , le bas de la montagne éroit
gras 3 & fourniiïbit d'excellens pâturages.
HorrcndumJirldenSjJïammifque armata Chimœra.
Yiig. ^n. Lib. YI.
Griffon.
Le Griffon eft un oifeau de proie pref-
que femblabîe à l'Aigle *, mais les Anciens
en ont fait un Animai Symbolique , qui
avoit les ailes , la tête , l'eftomac , & les
griffes fupérieures commie l'Aigle \ toute
la partie inférieure femblabîe au Lion ,
& ils en faifoienr le gardien des Mines
d'or 5 & à^s Tréfors cachés.
Sphinx.
Selon laFab^e , ce Monftre réfidoit f^r
le Moiu Citheron : Apollon Tivoit mis en
ce lieu , pour fe venger des Taébains. Il
avoir la face & la gorge d'une jeune fille ,
le refle comme le Lion , & il étoit aîlé.
= rvîOr-= 2C7
Il propofoit pour énigme , quel étoit
l'Animal qui le matin mai'choit a quatre
pieds 5 à midi à deux , ôc le foir à trois :
CEdipe ayant deviné que c'écoit l'Homme,
qui dans l'enfance fe foutenoit fur les
mains & les pieds , dans l'âge viril fur
deux pieds feulement, ôc vieux, à l'aide
d'un bâton. Le Monftre fe voyant vaincu
fe précipita.
Harpie s.
Elles ont la tète de femme , la face pâle,
exténuée 6c livide , par la faim qui les
tourmente fans cefTe. Elles ont des griffes
ôc des ailes de Vautour , le venrre fale ,
hideux , ôc une queue de S .rpent.
Voici la defcription qu'en donne l'A-
riofte à l'imitation de Virgile.
Eruno fctte in unafchkra , e tutte
Volto di donne avean pallide j e finoTtc ,
Fer lungafame attaïuate, e afeiutu ;
Orrlhll ia vederpiu chç La morte :
L*alaccie grandi avcan diformi e hrutte ,
Le man rapaci , e l'ugne incurve , e torte.
Grand 'afeddo il ventre, e lunga ccda ,
Corne di ferpe j che faggira e fuoda,
H YDRE.
C'eil un Monftrueux Serpent ou Dra-
âo8 ^=MO==3
gon 5 qui , félon quelques Auteurs , avok
fept têtes 5 & félon d'autres cinquante ,
à mefure qu'on en coupoit une , il en re-
nailToit deux. Hercule ayant trouvé le
moyen , par le fecours du feu , d'empê-
cher les têtes de renaître , .en triompha
dans le Marais de Lerne , où ce Monftre
vivoit 5 ôc d'où il tire fon nom qui eft
grec , Ôc fîgnifie Eau.
Dans le combat d'Hercule contre Ache-
loiis , décrit au Liv. 9 des Méramorp. d'O-
vide 5 Hercule tient ce difcours.
Tu con un c^po Sol qui meco Gioftri
Lidra ccmo ne avea, né la filmai ;
E per cgnim, ch' io ne troncai , di cento
Ne vidi najcer due diplet* fpavento.
Cerbère.
Cet horrible Chien , dont les Poètes
ont fait le Portier des Enf rs , a trois
gueules ; il aboyé fans cefFe. Séncque lui
donne une queue faire en Serpent, fon
{ifïîement efl: affreux , &: Apollodore dit-,
que tous les poils hériffés qu'il a fur le
dos font autant de petits Serpens animés»
Ce/ htTus hœc ingens , latratu rcgna trlfaucl
Terfcnat, adverfo recubans immanis in antro,
Vîrg. ^n. Lib. VL
=rMO= î2cp
ÉNIGME XXIIL
Je fuis une Géane ,
Qu'Apollon & Diane
Regardent de plus près ,
Que les autres objets ,
Et contre cjui le Ciel lance fouvcnt fa foudre ,
Sans pouvoir la réduire en poudre.
Mes cheveux hérifles & mon cœur de rocîier
Montrent bien que rien ne m'eft cher,
Aufïi voit-on à mes pieds les richelTes
De Cérès, de Napée , & des autres Dée/Tes.
Je fuis groiTe , il ell: vrai ^ je ne m'en cache pas :
Au contraire , en cela confident mes appas.
Mais les enfans qui viendront de ma couche ,
Si vous les pouvez deviner ,
Vous fçaurez qui je fuis , fans que j'ouvre la bou-
che,
Pour vous dire le nom que Ton me doit donner»
MoRPHÉE,
Fils du Sommeil & de la Nuit , le pre-
mier des fonges , & le leul qui annonce
la Vérité, étoit , dit Ovide, le plus ha-
bile de tous à prendre la démarche , le
vifage , l'air & le Ton de voix de ceux
qu'il vouîoit reprefenrer. Le Dieu dti
Sommeil le chargea d'aller de la part de
Junon apprendre à Alcyone la mort de
fon Époux. Ce Songe n'eft que pour les
hommes ; il a pour frères Phobéto &
Phanrafe.
Mort.
Les Anciens ont fait de la Mor^ une
Divinité, engendrée par la Nuit feule,
fans le commerce d'aucun autre Dieu. On
lui donnoit pour frère le Sommeil , &c
avec raifon, puisqu'elle eft véritablement
le grand Sommeil , le Sommeil éternel ,
dont le Sommeil des vivans n'eft que l'I-
mage. Paufanias parle d'une Statue de la
Nuit, qui tenoit entre fes bras fes deux
enfans , le Sommeil ôc la Mon ; l'un noir
êc l'autre blanc ; l'un qui dort tout-à-fait,
ÔC l'autre qui ne fait que femblant de dor-
mir, & tous deux contrefaits.
On arcribuoit toutes les Morts fubites
à la colère d'Apollon & de Diane ; avec
cette différence , qu'on mertoit fur le
compte du Dieu celles des hommes , de
fur le compte de Diane celles des fem-
mes ; parcequ'on croyoit qu'elles étoient
l'effet des influences malignes du Soleil
6c de la Lune.
La MoRTj d'un coup fatal , toutes chofes moiflonne s
Et l'Arrêt fouverain ,
Qui veut que fa rigueur ne connoifTe pcrfcnnc ,
Eft; écrit fur l'Airain.
Ordinairement on peint la Mort en
Squelette, ayant des A'ilc^s , une Faulx,
& un Horloge â fable. Outre que certe
image efl: afFreufe & trop ordinaire , il efl
mieux de la repréfenter fous la figure
d'une femme pâle, avec un Bandeau fur
\qs yeux, deux grandes Ailes, & une dra-
perie noire. Elle tient une Faulx & un
Crochet : ce dernier Actribut eft tiré du
Piophète Amos :
Uncïnum pomortim ego video.
Et tous les deux fignifient que fon Em-
pire s'étend fur les derniers , comme fur
les premiers dts hommes. Ce qui eft en-
core autorifé par cette Sentence d'Horace,
Liv. ly Od. 4.
TaMda Mors œquo _pu!fat pede jjauperum taher^
nas ^
Regumque tunes,
Lib. I,Od. 15.
M'ifia ffnum ac jurenum denfamur funera nul-
tuTfl
Sce^'a caput Prcfcrp'nafugÎL
ÉNIGME XX IF,
Ainfî que de certains Oifeaiix ,
Qu'on appelle des Etourneiux ,
212 ==:M0==
Très-fouvent nous allons par bandes :
Moins qu'eux pourtant nous fommes fortunés 5
Us fout libres j nous enchaînés.
Nous répondons à toutes les demandes ,
En Profe d'ordinaire , & quelquefois en Vers.
Nous avons cours fur terre , & même dans les airs*
On nous voit bien ; (i Ton fixe notre être ,
Le matériel , en nous infiniment divers ,
Sçait pour lors à vos yeux affez paroûre :
Mais fans cela , les yeux les plus perçans
îeroient des efforts impuiffans.
S'ils nous vouloient connoître.
ÉNIGME XXV,
Xai la couleur d'un diable , œil de feu , front cornu ,
Pied griffé , corps velu.
Je trouble le Sommeil , je bleffe la Penfée ,
Par moi , comme le corps , l'âme étant offenfée.
Tel qui porte mon nom , vend maint & main for-
çat,
Et fait trembler le fçélérat.
Telle portant mon nom , prend le nom d'affafTme à
J'afTafHne par fois , lorfque je me mutine.
Je bois fouvent en trahifon ,
Quand un fer ouvre ma prifon :
Là je fais mal , fans en avoir l'envie 3
Là cependant je perds la vie.
J'habite par fois les Forêts ,
Comme firent jadis Philofophes abflraits j
I
El la je me conftruis une caverne fombre ,
Où méditant à l'ombre,
Je fais des ouvrages divins ,
Pour illuminer les hum.ains.
ÉNIGME xxri.
J'ai la peau douce , mais fort noire j
Je fuis bâtie aiTez bizarrement ,
Je n'ai de moi que fort peu d'agrémeut :
Cependant , le pourra-t-on croire ?
Je ne fors pas plutôt d'une fombre prifon ,
Que l'on voit conrefter les yeux & la raifon ,
Pour m'établir de bonne grâce ,
Tantôt je fuis en-haut, tantôt je fuis en-bas.
Enfin après plufîeurs débats,
Sur un Trône de fleurs , on me donne ma place».
Mais fi je tombe par difgrâce ,
Ce qui m*arrive alfez fouvent ,
Autant en emporte le vent.
ÉNIGME XXVÎÎ.
Je fuis de petite figure ,
"Et de différente façon :
Je plais à Corine , à Manon ,
Quoique d'une couleur obfcure.
Je fuis mince de ma nature :
Mon rang me donne du renom j
Mais on me fait porter le nom
D'une fort vile créature.
314- r=rMO =
Souvent à la Ville , a la Cour ,
Je fuis un enfant de l'Amour ,
J'ai droit de baifer ma maître iTc,
On m'inventa pour Tagrément ;
Je fçais exciter la tendreife ,
Quand on me place" proprement.
ÉNIGME. XXVllL
Je fuis petit de ma nature ,
Et puis faire fouvent fouffrir les plus puilTans.
J'annonce toujours le doux temps 5
On me perd quand vient la froidure.
Comme l'Amour, je porte un dard.
Qui fait fouvent mainte bleiTure.
Je fais trembler Philis 5 mais enfin tôt ou tard,
Un cruel ennemi , qui vit de brigandages ,
Me tend un piège : hélas ! j'y trouve mon naufrage,
ÉNIGME XXIX,
Ma figure eft aflez bizarre.
Un des bouts de mon corps eft étroit & pointu.
L'autre eft double & plus étendu.
Pour m'employer , il faut que l'on fépare
Et qu'on rejoigne deux anneaux.
Mon corps tient le milieu de ces bouts inégaux j
Il eft creux , échancré par devant , par derrière.
Je dois mon être à la lumière ,
Et cependant je ne fers que la nuit.
A ^ui veut s'en pafier, bien fouvent il en cuit;
==M0= 2i;
Et Ce fervant (3e moi , fi l'on fait le contraire
De ce que l'on piétendoit faire,
Oq ft mèc en courroux , &. d'autres fois on rit.
Celui qui commet cette faute »
En a toujours quelque dépit.
Quand j'ai fervi , mon corps en-dedans fe noircit ,
Mais c'cft une noirceur que fans peine l'on m'ote.
ÉNIGME XXX.
Bien des gens fe paflent de moi > '
Cependant je fuis néccflaire.
Ceux qui vous diront le contraire,
Ne font pas gens de grand aloi.
Je ne plais guère à la Jeuneffe.
A la bien élever , lorfque l'on s'intérefTe ,
On la reprend fouvent à mon fujèt.
Selon l'occafion, j'ai la gauche, ou la droite.
C'en eft aflez , j'ai fini mon projet ,
Si vous me devinez, vous ferez bien adroite.
ÉNIGME XXXL
Mon abfence embarrafle affez toute perfonnc ,
Qui de mon fecours a befoin.
De fe munir de moi chacun auffi prend foin ,
Et la précaution en eO: louable & bonne ;
Qui la néglige , s'en repent ,
Sur -tout lorfque fa main, dont mon emploi de
pend ,
Me cherche en vain où je dois être.
Zl6 ==.MO=:
Je vous ai dit beaucoup fui cela , devinez.
Quoique fur ce portrair vous me deviez connoîtrc ,
Je veux bien ajouter, qu'employé par mon maî-
tre,
Je prend le plus fin par le nez.
ÉNIGME XXXI L
Je Tuis un Voyageur d'un ordre tout nouveau.
Sans c^u'on en voie en moi ni l'habit ni la mine.
Au milieu des Voleurs , nuit &c jour je chemine ,
Et ne va jamais mieux que par le vent & l'eau.
II vaut mieux vifîter deux cents fois ma demeure ,
Que, pour chercher fecours en un befoin preG-
fant,
Perdre fouvent fa peine, Se toujours fon argent,
Et voir certaines gens feulement un quart d'heure.
ÊNIGMB XXXlîh
Je me loge fouvent auprès d'un champ fertile j
Et mon ventre bruyant ell: toujours affamé :
Je n'aime point les bois , ni le lieu renfermé ,
Parcequ'en ces endroits je ferois inutile.
J'ai le corps remuant, une jambe immobile",
Et porte fur le front un fîgne renommé :
D'un efprit furieux mon corps eft animé s
Et mieux je fuis vêtu ^ plus je parois habile.
Mon cours eft inégal , tantôt trop violent ,
Tantôt je ûiis conduit d'un efprit un peu lent ;
Ne
I
= M0= 217
Ne comptez pas fur moi , le caprice me guide.
J'ai le pied dans la terre , & j'habite les airs 5
L'efpric qui me conduit , excite les Hy vers ,
Et j'agis pour chaiTer la faim du ventre avide.
ÉNIGME XXXÎV.
Ne me prend pas pour une bagatelle j
Je fuis grand , mais pourtant j'agis fort rondement ;
Un Gouverneur fufped , & fouvent infidèle ,
Règle mon mouvement.
Ma figure eft extravagante ;
J'ai les bras plus longs cjae le corps :
Quand je m'agite & me tourmente.
On feroit contre moi d'inutiles efforts.
Pour m'arrèter ces bras , l'âme la plus hardie ,
Quand je les fais agir , fe glaçeroit d'effroi ^
Et fî de les faiiir il prenoit qnelqu'envie ,
On verioit ce que c'eft que s'attaquer à moû
ÉNIGME XXXF.
On ne voit point dans la Nature
De corps plus petit que le mien j
Et cependant je fais fi bien ,
Que je fuis plus fécond qu'aucune créature.
Maurois trop de fureurs dans les grandes chaleurs ;
L'Hyver eft deftiné pour m.e mettre en ufagc.
Tai l'humeur fi piquante, & l'efprit fi fauvage^
Que plus on me chérit , plus on verfc de pleurs.
Tome IIL K
2i8 e=MU=s
Pour Te fervir de moi , qu'on me mette en pouf^
fîère.
Qu'on emploie à me battre & la nuit & le jour.
Je n'en ferai pas moins audacieufe & fîère :
Malheur aux gens qui me font trop la cour.
ÉNIGME XXXVL
le fort m'afTujettit à de grandes mifèrcs.
Quoiqu'il foit afluré que mes fœurs & mes frères,
Non plus que moi , n'auront jamais d'enfans ,
On n'en voit pas mes biens , ni mes travaux moint
grands.
Porte-faix mal payé des peines que j'endure,
Efclave d'un Tyran qui me frappe & qui jure «
Toujours les fers aux pieds, toujours la corde atl
cou.
Le plus fouvent je vais je ne fçaU où.
Je n'y vais pas à l'étourdie \
Serviteur à rempreffement ,
Malgré le poids fous qui je plie ,
Je vais d'un pas égal , & toujours gravement.
Dans les jours de Cérémonie ,
Je ne manque pas d'ornemens :
Les plumes , l'or , la broderie ,
Entrent dans mes ajuftemens ;
Mais je compte pour rien le plus bel équipage >
La nudité me plairoit davantage.
MURCIA,
Déefle de la Parefle, qui avoit, dit-on,
un Temple à Rome , fur le Mont Aven-
tin : c'écoic la Divinité favorite du beau
Sexe, au rapport de Plutarque ; mais je
crois quil confond cette Divinité avec
Vénus , furnommée Munia,
ÉNIGME XXXVÎL
Je crois parmi les végétaux ;
Et par une prudence extrême.
Je choiiîs les jours les plus chauds ,
Pour être utile à ceux (jue j'aime.
J'évite l'arrière faifon ,
Le Printemps n'a rien qui me plaife j
Je laifle paiTer fans façon
Tous les frimats fort à leur aifc,
J'aifede de paroître tard ;
De bonne heure je me retire ,
D*autant qu à vous parler fans fard ,
Le mauvais temps fait mon martyre.
D'habiles & bons Ouvriers
Trouvent par moi leur nourriture ;
Les Temples tirent leur parure
Du travail qu ils foûc à milliers,
Ki|
2t20 r=MU=«
Pour le luxe le plus ccrange ,
Ils travaillent pareillement ,
Se moquant de toure louange ,
Et de tout blâme également.
Je produis des biens d^autre forte ,
Que l'on cherche dts le matin 5
Mais de la main qui les emporte ,
Il terniflent le blanc fatin.
Muses.
Ces Déeiïes , fi célèbres chez les Poè-
tes 5 étoient filles de Jupiter & de Mné-
moflne ^ dit Héfiode y quand elles étoienc
dans l'Olympe , elles chantoient les Mer-
veilles des Dieux : elles connoifïbient le
palfé 5 le préfenc Se l'avenir , de rien ne
réjouilToit tant la Cour Célefte que leurs
voix & leurs concerts. Il n'y eut d abord
que trois Mufes , au rapport de Paufanias ,
dont le Culte fut établi dans la Grèce
par les Aloïdes , qui les nommèrent Mé-
lété 5 Mnémé , Se Aœdé y c'eft-à-dire , la
Mémoire , la Méditation & le Chant , d'où
il eft aifé de juger qu'en donnant ces noms
aux Mufes , on ne faifoit que perfonnifier
les trois chofes qui fervent à compofer un
Pocme. Hé (iode eft le premier qui aie
compté neu£ Mufes.
Varron donne une raifou fingulière de
^MU--^ 221
ce nombre de neuf. « La Ville de Sicyone ,
î> dit-il , donna ordre à trois Sculpteurs de
J5 faire chacun trois Statues des Mufes ^
» pour les mettre au Temple d'Apollon ,
35 & les offrir à ce Dieu , & cela dans
M le delTein de les acheter chez celui
^3 des Sculpteurs qui les auroit le mieux
5> travaillées. Mais s'étant rencontré que
j5 toutes celles des trois Sculpteurs étoient
33 également belles , la Ville \ts acheta
« pour les dédier à Apollon. Il a plu d Hé-
53 fîode d'impofer des noms à chacune de
33 ces Statues. Ce n'ed donc pas Jupiter,
33 continué* Varron , qui a engendré neuf
33 Miifes ; mais ce font trois Sculpteurs
« qui hs ont faites. Il ne faut pas dire qn.e
3' cerre Ville avoit ordonné de faire ces
« trois Statues , parceque quelqu'un d'en-
35 rr'eux les avoit vues en fonges , ou par-
9' cequ'elles s'étoient prcfentées à fes yeux
55 en ce nombre : mais parcequ il n'y a que
» trois fortes de Sons & de manière de
» chanter \ fç avoir ^ de la Voix & fans
5' inftrumens : du Souffle avec des trom-
»3 pettes & des flûtes : & de la Pulfition
" avec des guittares , des tymbales & d'au-
^ très inftrumens femblables. »>
Diodore donne encore aux Mufes une
autre origine. Ofiris , dit-il , aimoit la
]o\q 5 Ôl prenoir plaifir au Chant & à la
Kiij
H22 ==MU==
Danfe j il avoit toujours avec lui une
Troupe de Muficiens, parmi lefquelles
ëtoient Neuf Filles indruites de tous les
Arts qui ont quelques rapports à la Mu-^
fique y c'eft pourquoi les Grecs les ont ap-
pel! ées les Neuf Mufes : elles étoient con-
duites par Apollon , frère du Roi.
M. le Clerc croit que la Fable des Mu-*
fes vient des Concerts que Jupiter avoir
établis en Crète , de qui écoient compo-
fcQs de Neuf Chanteufes : que ce Dieu
na. pafTé pour le Père des Mufes , que
parcequ'il eft le premier parmi les Grecs
qui ait eu un Concert réglé , ôc qu'on leur
a donné Mnémofine pour mère , parceque
c'eft la Mémoire qui fournit la matière
des Vers ôc des Pocnies,
L'Opinion commune eft donc qu'il y a
Neuf Mi/fes qu'Héfiode a nommées eu. cet
ordre : Clio , Eucerpo , Thalie , Melpo-
mène , Terpficore , Erato , Polymnie >
Uranie & Calliope , la plus fçavante
d'entr'elles. <« On les fait préfider , dit en-
» cote Diodore , chacune en particulier a
»> différens Arts j comme à la Mu(ique ,
» à la Pocfie , à la Danfe , aux Chœurs ,
rt à lAftrologie & à piufic-urs autres. Quel-
^y ques-uns difent qu elles font Vierges y
» parceque les Vertus de l'Éducation font
» inakérables. [ Il n'y en a prefque pas
= MU= 225
m une à qui difFérens Auteurs n'ayent don-
ii né des enfans ]. Elles font appellées Mu-
}ifes , d'un mot Grec qui iîgnifie Expli^
» quer les Myfières , parcequ'elles ont en-
« feigne aux hommes des chofes très-cu-
» rieufes & très-importantes ; mais qui
» font hors de la portée des ignorans. On
j> dit que chacun de leurs Noms propres
w renferme une Allégorie particulière.
» Clio y par exemple , a été ainfi appelice ,
5) parceque ceux qui font loués dans les
» Vers , acquièrent une gloire immor-
w telle : Euterpc , a caufe du plaifir que
» la Pocfie fçavanre procure à ceux qui
5» recourent ; Thalie , pour dire qu'elle
» fleurira à jamais : Mclpomene ^ peu" fi*
w gnifi:r que la Mélodie s'iniinuc iufv^-ues
9» dans le fond de i'ame des Auditeurs :
>> Tcrpjicore , pour marquer le plaifir que
» ceux qui ont appris les Beaux Arrs re-
» tirent de leurs émles : Erato femble
>ï indiquer que les gens fçavans s'atnrent
j> l'eftime & l'amirié de tout le monde :
»> Polymnie avertit par fon nom que plu-
j> (leurs Poctes font devenus illuHres , par
» le grand nombre d'Hymnes qu'ils ont
>î confacrés aux Dieux. On fe fouvisnt ,
35 en nommant Uranie , que ceux qu'elle
55 inftruit élèvent leurs contemplations <?c
» leur gloire même jurqu'au Ciel. Enna
K iv
2 24 *= M U ==»
r> la belle voix de Calliope lui a fait don-
î) ner ce nom , pour nous apprendre que
33 l'Éloquence charme l'efprit , & entraîne
» l'approbation des Auditeurs. 5?
Les Mufes furent non -feulement fur-
nommées Déeifes , mais elles jouirent
encore de tous les Honneurs de la Divi-
Jiité : on leur offroit des Sacrifices en plu-
iieurs endroits de la Grèce & de la Ma-
cédoine : dans l'Académie d'Athènes elles
avoient un Aurel , fur lequel on facrifioit
fouvent. Le Mont Hélicon , dans la Béo-
tie , 'leur étoit confacré , & les Thefpiens
y célébroient chaque année une Fête en
l'honneur à^s Mufcs , dans laquelle il y
avoir des prix pour les Muficiens. Rome
avoir aufîi deux Temples des Mufes dans
îa première région de la Ville , &c un an-
tre des Camènes dans la même région.
Mais perfonne ne les a tant honorées que
les Poètes , qui ne manquent jamais de
les invoquer au commencement de leurs
Poëmes , comme des DéelTes capables de
leur infpirer cet enthoufiafme , qui eft û
elTentiel à leur Art.
Clio.
Les Mufes , filles de Jupiter , & de la
Mémoire , font neuf, & elles habitent
avec Apollon fur le Mont Parnafle»
_ = MU==. 22$'
Clio y qui eft la première , préiide â
l'Hiftoire , (on nom iignifie Louer. Elle
eft couronnée de Laurier , vemë fîmple-
ment d'une robe blanche , tient une Trom-
pette , &c un Livre appuyé fur une pierre ^
lur laquelle eft gravé ce Vers de Virgile ;
Clio gejia canens tranfciBii umrpora reddit,
EUTERPE.
Le nom de cette féconde Mufe iignifie
Joie ou Plaifii , nom qui eft allufif à la
douceur perfualîve de TÉrudition. Elle
préfide a la Mufique 3 on la repréfente vê-
tue galamment 5 couronnée de fleurs , &
tenant une Flûte. Près d'elle font d'autres
inftrumens à vent , & àQs papiers de mu-
fique pofés fur une pierre , fur laquelle
eft gravé ce Vers de Virgile , Opufc, de
Mujis,
Vulclloquls calamos Euterpe Jiatîhus urges,
Thalie.
Cette troifième Mufe préiide à la Co-
médie 5 & à la Pocfie Lyrique. On la re-
préfente le vifage riant , couronnée de
Lierre , tenant un Mafque 6c une Plume ,
6c chauffée en brodequins. On lui donrie
ce Vers de Virgile , Opujc. ds Muf.
Ci^mlca tcfdvo gaud^it fermons Thalia,
Melpomène.
Celle-ci préfîde à la Tragédie, ainfî
que l'explique ce Vers ;
Mc'pomene trag'co proclamât mœfia hoatu»
On la peint d'afped impofant , vêtue à
l'Héroïque , Se tenant un fcèptre & un
poignard 5 elle a près d'elle difFérentes for-
tes de Couronnes. Efchile fut le premier
qui lui donna le Cothurne , félon Horace ,
J[ri. Poët,
Tojî hune , perfonœ , pallœque pepertcr ho-*
nejiœ
Mfchï 'us j & modieis Inftravît pulptta tignis :
£t docixlt magnumque loqui , nitique cothurne»
POLYMNIE.
Cette cinquième préfide a la Réthorl-
que j on la repréfente vêtue de b'anc , 3c
en adicn de haranguer. Les perles & au-
tres bijoux qui ornent fa coëffure , font
alîufîves à la RichefTe de l'Érudition des
Orateurs , & a l'abondance de Mémoire
qui leur convient ; le nom de cette Mufe
étant compofé de deux mots Grecs qui
fignifient Beaucoup de Mémoire , qui efl
la qualité nécelTaire à l'Orateur. Elle tient
un Livre ouvert ou eft écrit Suad^re ; on
C:=-MU-^= 227
lui donne pour infcription ce V'ers de
Virgile :
Signât cunBa manu, loquitur Polymnlz gejiu,
Erato.
Le nom cîe cette fîxième Mufe (îgnifie
Amour , elle préfide a la Poche rendre,
Ovide 5 dans fon Liv. z. de l'Art d'ai-
mer , dit :
Nunc Erato , nam tu nom^n amoris hahes.
Elle a une draperie légère , Se une cou-
ronne de Mirre & de Rofes ; elle joue
de la Lvre , & un Amour eft attentif à
l'écouter-
TkBra gérons Erato faltat peie , carmins , vultu^
Terpsicore»
Elle préfide a la Danfe. On l'habille
légèrement d>c galamment , fa cocfFure eft
une toque ornée de plumes de diverfes
couleurs -, elle eft en action de danfer ,
tenant une guittare fur l'autorité de ce
Vers d'Aufone :
Tcrpfichore affeSius cytharls mofet , imperat ,.
auget,
Ur ANIE.
Le nom 4e cette Mufe lîgnihe Ciel ^
228 r=MU=r
elle préfide à l'Aflronomie , ainli on la re-
préfente dans une attitude de Contempla-
tion 5 ayant une couronne d'Étoiles , Ôc
s'appuyânt fur un Globe , fa robe eft d'a-
zur parfemée d'Étoiles. Virgile dit :
Uranie Cœli motus fa utantur , & Ajha,
Calliope,
Cette neuvième Mufe , que le Poëte
Héfîode place la première entre fes Sœurs y
ôc qu'Homère nomme Dcam Clamantem ,
préfïde a la Pocfie Héroïque. Elle eft cou-
ronnée de Laurier, tient une Trompette,
& s'appuie fur l'Iliade , l'Odiflee ôc l'É-
néïde. Virgile dit :
Carmîna Calliope lihrls hcroïca mandata
Musique.
Je cKaife îa Mélancolie,
Et calme la douleur des maux les plus aîgus ,
Les doux effets de l'Harmonie
Approchent de ceux de Bacchus.
On repréfente la Mujique en adîon d e-
crire fur un papier réglé , lequel eft pofé
fur wnQ enclume. Cet Attribut fignifie
qu'Aviane s'eft fervi des fons différens que
TEnclume rend lorfqu elle eft frappée ^n
divers endroits , pour en tirer les différens
tons de la Mujiquc. Sa couronne efl enri-
chie de fept di amans , lefquels font allufifs
aux fept tons de la Mulîque. La Lire & les
Balances qui font à fes pieds , fignifienc
que THarmonie doit être jufte dans iç^%
proportions.
La Mujique fe divife en Théorie , qui
recherche la propriété des fons , &; le rap-
port qu'ils ont entr'eux \ de en Pratique ,
qui enfeigne la compofition des Chants >
& la manière de les exécuter.
ÉNIGME XXXVIIL
Je fuis vieille & pleine d'appas ,
Et quoique noire , je fuis belle.
Tel qui me pourroit voir où Ton piaifir l'appelle ,
Pour cela ne me connoît pas.
Je fuis quinteufe , 6c m'en fais un honneur.
On me voit dans la règle obferver le filence j
Je l'împofe aux humains , & fais du bruit en France :
Je fais voir en mes traits des figncs de valeur j
Je ilîis peu fans l'Amour ^ l'Arnour eft peu fans mol-
Mais pour le déclarer , il faut bien des mefures.
Mes foupirs font difcrèts , mes paroles font pures ^
Enfin de point en point je fuis du goût du Roi.
MyRT£.
ArbriiTeau odorant 6c toujours verd> iî
230 ^==MY =
étoit confacré à Vénus, parcequlî lui avoit
été un jour d'un grand fecours. La DéefTe
étant fur le bord de la Mer , dit Ovide ,
occupée à fécher fes beaux cheveux qu'elle
avoic mouillés dans le bain , apperçut de
loin des Satyres , troupe pétulante &c qui
ne refpede perfonne ; aufli-tôt elle alla fe
cacher fous des Myrtes touffus , qui la dé-
robèrent parfaitement à tous les yeux. En
mémoire de cet événement elle affedion-
na cet ArbrifTeau , & voulut que les
Dames ^ dans le bain , fuffent couronnées
de Myrte,
Mysies.
Fêtes en l'honneur de Cérès , qui fe ce-
lébroient durant trois jours \ au tioifième
les femmes chalToient du Temple de la
Déeiïe les hommes & les chiens , & s y
renfermoient pendant la journée avec les^
chiennes.
Mythologie,
Ceft le nom que Ton a donné à la Théo-
logie des Païens , par laquelle on connoîc
les fuperftitions 6c les Divinités de la Fa*
ble. On la perfonnifie par une femme vê*
tue moitié à l'Égyptienne & moitié à la
Grecque. Elle déploie un papier , fur le-
4uel eft tracé une efpèce d'Arbre généa-
logique des Dieux du Paganifme , ils y
font indiqués par leurs noms placés par
ordre , ou par les Attributs que la Science
Mythologique leur donne pour les carac-
tériier ^ ainfi la Faux , le Foudre , le Tri-
dent , le Caducée , &cc. défignent Satur-
ne , Jupiter , Neptune , Mercure , & ainli
des autres Dieux ; de même que le Lion ,
les Colombes , le Paon , l'Égide , dcc. ca-
raclérifent Cybèle , Vénus , Junon , Mi-
nerve 5 ôc ainfi des autres DéefTes.
Mythos, ou LA Fable.
Dans rApothéo£e d'Homère , la Fa6/c
eft perfonnifiée en un jeune garçon qui
alTifte à un facrifice en qualité de Camille ,
tenant d'une main une Préféricule , & de
l'autre une Patène.
N.
Lettre confonne liquide ; la treizième
de l'Alphabet.
C'ctoit chez les Anciens une Lettre Nu-
mérale qui fignifioit neuf cents y fuivant
ce Vers de Baronius ;
N,quoque nonglntos numéro demonftrathabendosi
Et quand on mettoit une ligne au-def-
fus 5 N iîgnifioit quatre-vingt-dix mille»
2^2 t==NA==
ÉNIGME XXXIX.
Je fuis dans le milieu du monde ,
J'ai quatre pieds u<ms un tvonneau 5
Je ne fuis point en terre , encore moins dans l'eau,
El cependant je fuis dans Tonde.
Je dis fort fouvent non , & ne dis jamais oiii :
Je fuis en même temps la tête d'une anguille ,
Et la queue au {erpent 5
Jamais pourtant je ne frétille :
Or devinez mon fort plaifant.
N^NIA,
Déeiïe des Funérailles , qui étoit par^
tîculièrement honorée aux Funérailles des
Vieillards. On ne commençoit à l'invo-
quer que lorfque le malade enrroit en
agonie. Elle avoir un petit Temple hors
des murs de Rome» On appelloir ainfî
Nc^nia ou Nceniœ , les Chanfons de deuil ,
les Airs lugubres qu'on jouoit dans la
Pompe des Funérailles. Ces Chanfons , où
Ton exprimoit la douleur des perfonnes
vivantes , à la mort de leurs proches y
étoient ordinairement pleines de niaife-
ries &■ de bagatelles i c'effc ce qui a fait
que Nœnia eft fouvent pris pour bagatelle
dans les Auteurs.
Naïade s.
C'étoient les Nymphes qui préfidoient
aux Fontaines & aux Rivières : on les
peint alTcz ordinairement verfant l'eaa
d'un pot , ou tenant une coquille à la
main. On leur oifioit des Sacrifices : c'é-
toient quelquefois des Chèvres &c des
Agneaux qu'on leur immoloit , avec des
Libations de vin , de miel ôc d'huile j plus
fouvent on fe contentoit de leur préiencer
du lait, des fruits & des fleurs Mais ce
n'étoient que des Divinités Champêtres,
donc le Culte ne s'étendoit pas jufqu'aux
Villes.
Non nus dit que les Naïades étoient
mcres d^s Satyres. Priape avoit auili une
Naïade pour mère.
NapÉes,
Nymphes qui préfidoient aux Forets &
aux Collines. VofTuis croit qu'elles étoient
les Nymphes des Vallées feulement , par-
cequ'il tire leur nom d'un mot grec qui
fîgnifie Lieu Humide ; tels que font les
Vallées. On leur rendoit à-peu-près le
même Culce qu'aux Naïades.
Narcis s e.
Jeune homme d'une grande beauté ,
254 ==NA==5
étoit fils du Fleuve Céphife & de la Nym-
phe Liriope ; c'eft-à-dire , de quelque ha-
bitant des environs de ce Fleuve qui eft
en Béotie. II fe miroit fans cefTe dans une
Fontaine , & ne comprenant pas que ce
qu'il voyoit n'étoic autre chofe que {on
ombre , devenu amoureux de fa propre
perfonne fans le fçavoir , il fe laiila con-
fumer d'amour & de delirs fur le bord de
cette Fontaine. Comme il n'avoit marqué
que du mépris pour toutes les femmes
qui avoient conçu de la tendrelfe poitr
lui , on dit que c'étoit l'Amour lui-même
qui s'étoit vengé de fon indifférence , en
le rendant amoureux de lui-même. Cette
Folie l'accompagna , dit la Fable , jufqucs
dans les Enfers , où il fe regarde encore
dans les eaux du Styx. P.iufanias ajoute
au récit de îa Fable : «« C'eft un conte qui
» me paroît peu vraifemblable. Quelle
M apparence qu'un homme foit affez privé
jj de fens pour être épris de lui-même y
j> comme on l'eft d'un autre , & qu'il ne
» fçache pas diflinguer l'ombre d'avec le
» corps ? Au(îi y a-t-il une autre tradition ,
» moins connue a la vérité , mais qui a
» pourtant {es Partifans & fes Auteurs.
» On dit que Narcijfe avoit une fœur ju-
^î melle qui lui reifembloit parfaitement,
» c'étoit même air de vifage , même che-
» velure , fouvent même ils s'habilloient
9> l'un comme l'autre, Ôc chafToient en-
9) femble. NarciJ/e devint amoureux de fa
» fœur j mais il eut le malheur de la per-
» dre. Après cette afïliâ:ion , livré à la
55 Mélancolie , il venoit fur le bord d'une
5) Fontaine , dont l'eau étoit comme un
» miroir , où il prenoit plai/îr à fe con-
» templer , non qu'il ne fçut bien que c'é-
î5 toit fon ombre qu'il voyoit, mais en la
w voyant , il croyoit voir fa Sœur , &c c'é-
5> toit une confolation pour lui.... Quant
5) à ces fleurs qu'on appelle Narcljfes , el-
*j les font plus anciennes que cette aven-
5> tare : car long-temps avant que Narcijfe
u le Thefpien fut né , la fille de Cérès
•0 cueilloit des fleurs dans une prairie lorf-
9) qu'elle fut enlevée par Pluton , & ces
>5 fleurs qu'elle cueilloit, & dontPiuton ie
» fervit pour la tromper, c'étoient, félon
j) Pamphus , Aqs Narcifles & non des Vie*
f> letces. » Ovide dit que Narcijfe fut
changé en cette Fleur qui porte fon nom.
Peut-être ce jeune homme a-t-il été ap-
pelle NarciJJe , pour marquer que fa paf-
fion lui avoit oté tout fentiment , l'avoir
entièrement delîeché &: fait mourir.
Narcî s s e.
Fleur chéae des Divinités Infernales.
-25^ t=:^NA=^
On offroît aux Furies des Couronnes ôc
des Guirlandes de Narciffe^ parceque fé-
lon le Commentateur d Homère , les Fu-
ries engourdidbient ïqs fçélérats , félon
TEtymologie du mot de NarciJJe.
N A s c I G N ,
I
DéefTe qui préfidoit à la naiflance des
Enfans : on l'invoquoit au moment qu'ils
voyoient le jour. Les femmes dans leurs
couches avoient aulli recours à elle.
Nature.
Chez les Pôëtes , la Nature eil tantôt
mère , tantôt fille , & tantôt compagne de
Jupiter. La Nature éroit perfonnifiée par
\qs Symboles d'Éphèfe. Les anciens Phi*
lofophes croyoient que la Nature étoit le
Dieu de l'Univers , ou l'aifembla^e de tous
les Etres.
La Nature étant l'aflemblage & la per-
pétuation de tous les êtres créés ; elle fe
repréfente par une jeune femme , dont la
partie inférieure eft prife dans L:ne gaine,
qui eft ornée de différentes fortes d'ani-
maux Terreftres , 6c fur fes bras qui font
étendus , font diverfes fortes d'Oi féaux ;
elle a plufîeurs Mamelles pleines de lait.
Sa tête couverte d'un voile , iignifie , fe-
s==:NA=a 557
îon rOpinion des Égyptiens , que les plus
parfairs fecrèts de la Stature font réfervés
au Créateur.
De cent êtres divers les formes différentes
Sont comme autant d'habits dont je change tou-
jours.
La madère eft toujours confiante ;
Mais la forme périt , quand elle a fait Ton cours.
La Nature eft auflî repréfentée fous la
figure d'une femme nue , félon le Prin-
cipe d'Ariftote , qui la divife en adif &
en paffif; dont l'un s'appelle Forme, bc
l'autre Matière. L'Adif eft exprimé par
les Mam.elles de cette femme qui font
pleines de lait , ce qui fait former la Ma-
dère \ le PaiHf fe repréfente par le Vau-
tour qu'elle tient fur fa main droite , Oi-
feau fort glouton , étant certain que par
la Matière qui fe meut & s'altère , font
détruites peu-à-peu toutes les chofes corr
cuptibles.
Nature et Nourriture.
Ne te promets pas tant des foins de la Nature,
[i faut que ton travail accompagne le flen.
Le Champ le plus fertile a befoin de Culture j
Et fi le Laboureur ne renfemence bien y
Il ne recueille rien»
Cet Emblème nous repréfente trois fi-
gures. La première , c*eft Mère Naturt
qui vient repréfenter avec une pudeur ex-
trême , fa foibleiîe à la Sageue , en lui
montrant qu elle eft à demi-nuë : elle re-
çoit une réponfe favorable , & parle, à la
DéefTe des Arts & des Sciences. Elles rat
furent cette infortunée , lui échauffent le
cœur , lui infpirent la force , lui appren-
nent rUfage des Armes , &, lui promet-
tent de ne la point abandonner qu'elle
n'ait vaincu fes ennemis. C eft ainfi que
la Nature commence, & la Nourriture
achève.
Nature règle nos désirs»
Les Loîx qui règlent nos plaifirs ,
Ne font point des Loix inhumaines :
La Nature & le Ciel ne bornent nos defirs ,
Qu afin de terminer nos peines.
Cette figure repréfente une Bonne:
Mère , qui donne à ^es enfans chacun fui-
vant fes defîrs j elle eft la Lieutenante de
la Providence , qui a tout fait avec Poid ,
Nombre & Mefure. Elle a gravé dans le
cœur une Loi fecrete Se une Règle ca-
chée , avec lefquelles il lui eft impofîîble
de faillir ; à moins que la Corruption des
mœurs n'y vienne faire du dégât.
.= NA==. 'i30
Navigation,
Elle eft appuyée fur un Timon de Na-
vire , tient une grande Voile , dont une
partie flotte au gré des vents. Elle confî-
dère un Milan qui vole au-delTus d'un
Vailïeau qui vogue à pleine voile fur U
mèr.
Selon Pline , c*eft par lobfervation des
divers mouvemens de la queue de cet Oi-
feau , que les Anciens tentèrent de diriger
le Timon des VaifTeaux , ce qui ayant
réu(îî , ils ont fait du Milan le Hiérogly-
phe de la Navigation : ainii que le die
Pier. Valérien en fon lieuj page i^o,
Êdit. de 15^8.
Navire,
Ordre d*une Chevalerie , appelle autre-
ment VOrdre d^Outremhr ^ ou du Double
Croijfant ; qui , (î Ion en veut croire Fa^
\ vin , Auteur du Théâtre d'Honneur & de
. Chevalerie, fut inftitué en 11(39, parle
; Roi S. Louis y pour encourager les Sei-
, gneurs de France , par cette marque d'hon-
î neur , à faire le Voyage d'Outremer.
Le Collier de cet Ordre étoit entrelace
e de Coquilles & de doubles Croiflans^
;5 avec un Navire qui pendoit au bout. Le
Navire dc les Coquilles repréfentoient le
^40 «== N A ==
voyage par mer; & les Croiflans mon-
troient que cette entreprife étoit pour
combattre les Infidèles , qui portent pour
Armes le CroifTant. Voilà ce que dit Fa-
vin ; mais d'autres Écrivains affurent que
S. Louis n a inltitué aucun Ordre de Che-
valerie.
ÉNIGME XL.
Ce qui me donne la naiiTancc ,
Habite Vallons & Coteaux.
J*ai des frères en abondance ,
Mais la plupart en grandeur inégaux.
Nul travail n'eft égal au nôtre.
Nous courons dans tout l'Univers ;
Et jamais on ne vit , par voyages divers ,
Des frères fi fouvent éloignés l'un de Tautre,
Nous fommes quelquefois au milieu des combats >
'Attaqués , défendus par de vaillans Soldats j
Mais de leurs plus grands coups nous bravons la
furie.
Nous n'avons que deux ennemis ;
A chacun d'eux nous fommes tous foumis :
Quand l'un a le defliis , ce n'eft point raillerie ,
II ne faut plus nous fecourir ,
Il faut périr.
Nausicaa,
;, Fille d'Alcinoiis, Roi des Phéaçîens,
étoit , dit Homère , parfaitement fembl
bl
= NA
/-l
ble aux DéeiTes 5 de par les qualités de
i'efprit ôc par celles du corps. Minerve
lui infpira pendant la nuit , d aller le len-
demain matin à la rivière avec Tes fem-
mes 5 pour y laver (es robes ôc fes habits.
UlylTe qui venoit d'échapper feul à un.
naufrage , ayant pris terre dans Tlfle des
Phéaciens , s'étoit couché fur le bord du
Pleuve 5 3c accablé de lailitude , il s'y étoit
endormi. Au bruit que firent les femmes
de Naujîcaa , il fe réveilla ; mais il éroic
tout nud & Il défiguré par l'écume de la
mèr , que les Compagnes de la Princefle
en furent épouvantées & prirent la fuite.
Pour Naujicaa , ralTurée par Minerve ,
elle l'attendit fans s'ébranler. Ulyife lui
adrelTe la parole de loin , lui demande des
habits pour fe couvrir , & la prie de lui
enfeigner le chemin de la Ville. Naujicaa
rappelle fes femmes , envoie dQS habits à
tJJylTe, & le conduit elle-même au Palais
du Roi fon Père j mais elle lui confeille ,
en approchant de la Ville , de fe féparec
d'elle 5 & de ne la fuivre que de loin ,
pour prévenir les m^édifances , il on le
voyoit avec elle. Ulylfe n'arrive au Palais
que fur le foir , il cfl: préfenté au Roi par
Naujicaa , qui fur fa bonne mine , avoir
pris des fentimens très-favotc'.bles pour
lui. « Plut à Jupiter , difoit-elle a fe?
Tome m. L
2^2 =NA=~=
j> femmes , que le mari qu'il me deftine
•• fut fait comme cet étranger , qu'il vou-
» lut s'établir dans cette Ifle , ôc qu'il s'y
îï trouvât heureux. >3 Quelques Auteurs
ont dit qu'elle époufa Télemaque , fils
d'Ulyfle , ôc qu'elle en eut un fils.
Nautès,
Un des Compagnons d'Énée. Minerve^
lui avoir infpiré la SageflTe , dit Virgile ,
& avoir pris elle-même la peine de Tinf-
truire. C'étoit à lui que la garde du Palla-
dium avoir été confiée ; Ôc Diomède,
après l'avoir enlevé , craignant la colère
de Minerve, rendit fa Statue à Nantis^
qui la tranfporta en Italie. C'efi: pourquoi
fes defcendans furent toujours chargés du
foin de veiller à la garde de ce Tréfor ;
& du temps d'Augufte , ils jouifïbient des
mêmes honneurs. Ce Nantes pafToit aufîî
pour Devin. Lorfque les VailTeaux d'Énée
furent brûlés au Port en Italie , Nantes
avertit Énée , que ce malheur étoit arrive
par la haine de Junon , qui vouloir empê-
cher les Troyens d'aborder en Iralie , ôc
l'exhorta à tenir ferme contre la mauvaife
fortune.
Nt t \
EALEES,
Peintce célèbre de l'Antiquité : c'efl: de
lui qae Pline raconte cet heureux trait dti
Hafard. N calées ayant peint un Cheval,
dans un de fes Tableaux, & ne pouvant
venir à bout de repréfenter à {qy\. gré l'é-
cume qui fort de la bouche de cet ani-
mal, lorfqu'il eft échauffé, jetta de dépit
le pinceau fur fon ouvrage. Il vit avec
furprife , qu'en un moment le Hafard
avoit produit ce que fon Art n avoit pu
exécuter en beaucoup de temps. Ovl a
dit la même chofe de Protogcne, qui vou-
loit peindre l'écume qui fort de la gueule
d'un Chien en colère.
N i A L É N I A ,
Divinité dont on a trouvé pîufieiirs
Statues dans l'Ifle de Valcheren eu Zé-
lande, en 16^6 , avec des Infcriptions qui
ont appris fon nom. Elle eil tanrot allife,
tantôt debout, un air toujours jeune, r.vec
un habillement qui la couvre depuis les
pieds jufqu'à la rcte. Les Symboles qui
l'environnent , font ordinairement une
Corne d'Abondance , des Fruits qu'elle
porte fur fon giron, un Panier, un Chi n.
On a trouvé des Monumens de ctte
Déeiïe en France, en Angleterre, en Ita-
lie, & en Allemagne. Les uns ont c u c,ue
ï^éalénia n'étoit autre que la Lune , ou
■du moins la nouvelle Lune. Mais quel
Lij
2^^ =^= N E ==
rapport y a-t-il de {qs Symboles avec k
Lune? D'autres, que c'ell une des DéeiFes
Mères, Divinités champêtres, auxquelles
conviennent bien tous les Symboles qui
accompagnent les Statues de la DéelTe.
Neptune fe trouve quelquefois joint à
cette Décide ; ce qui fait croire aufîi que
c'étoit une Divinité de la Mèr, ou qu'on
invoquoit pour avoir une heureufe Navi-
gation,
É N I G M E X LL
Celui qui créa tout, ne me fît pourtant point 5
Et l'homme , cet ouvrage accompli de tout point ,
N'égale pas encore mon ancienne nalifance.
J-» fuis avec le pauvre , ainlî qu'avec le Roi ;
Aveugle , je les fuis avec grande afTuraace ,
Sans qu'ils s'cmbarrafTent de moi.
Quoique je fois fans yeux, je donne des lumières,
Aa;iquclles les Sçavans ont très-fouvent recours ,
Leur étant néceHaires
Pour bien régler leurs jours,
NÉANTHUS,
Fils de Pithacus , Tyran de Lesbos ,
ayant acheté des Prêtres d'Apollon la Lyre
d'Orphée , qui avoit été dépofée dans le
Temple du Dieu, crut qu'il n'y avoit qu'à
Ui toucher , pour attirer les Arbres 6c les
Rochers; mais il y réuffit fi mal, que les
Chiens du lieu où il jouoit, fe jetcèrent
fur lui, & le mirenr en pièces.
Nécessité.
Il y avoit dans la Citadelle de Corinths
un petit Temple dédié à la Necejjitc ôc à
la Violence, dans lequel il netou peimis
a perfonne d'entrer, qu'aux Minifties de
ces DéeiTés. La Necsjjîté eft fouvent prife,
chez les Poètes , pour le Deftin , la Fata-
lité , à qui tout obéir. C'eft en ce fens
qu'ils ont dit, que les Parques étoient les
Filles de la fatale Nécejjité. Les Dieux
mêmes lui étoient alTujettis.
Cette Nécejjité du Paganifme efl fille
de la Fortune, dont la Puiifance , félon les
Anciens, s'étendoit jufques fur les Dieux
mêmes. Elle fe peint alîife par une fem-
me placée au milieu d'un l^emple , qui efl:
allufif d celui qu'on lui dédia à Corinthe,
dans lequel il n'étoit permis qu'à fes Prê-
tre (Tes d'entrer. 0\\ lui donnoit des Mains
de Bronze, avec lefquelles elle tenoit un
Marteau , & des Clous de diamant.
Les Romains avoient entre eux ce Pro-
verbe, parlant de quelque afîaire où l'on
ne voyoit plus de confcil à prendre : Le
Clou ejl enfoncée
L lij
Je ne reconncis point de Loi j
Je fiiis moi-m3irie une Loi foaveraine- :
Je gouverne ou plutôt j'entraîne
Tous ceux <]ui dépendent de moi.
Négessité, Mere d'Invention^
La Néceffiu nous fournit des moyen?
auxqnels l'on ne fonge pas. Le Corbeau,
donc Pline nous parle, nous en fournit
un exemple. Un Corbeau étant preffé de
la foif 5 voyant de l'eau dans un vafe où
il ne pouvoir puifer, y porca tant de pier-
res, qu'il fit venir l'eau à fa portée, & y
farisfic fa foif. Cet exemple fait voir que
Nécc£ité eft Mhre d'Invention»
Nécromantie,
Art déteftable , par lequel on préten-
doit communiquer avec les Démons , &
évoquer les Morts. La Pythoniife fit pa-
roître l'âme de Samuel à Saiil par l'Art de
la Nécromantie , dit un CommentateaE
de l'Écriture Sainte.
Nectar.
Ceft le nom que les Poètes donnent
1 la BoiflTon des Dieux. Ganiniède fut
enlevé pour verfer le Neciar à Jupiter.
Quaui on avoit fait i'Apothéofe de quel-
r= N É = 247
qu un 5 on difoic qu ii buvoin alors le Nec-
tar dans la Coupe des Dieux.
ÉNIGME XLIL
Ma naiffance cfl: afc commune ,
J'ai la peau délicate & brune ,
Mon cœur très-infenfible eft dur & partagé.
Il ne s'eft jamais aflBigé
De me voir aux ardeurs du Soleil cxpofée.
Chacun me trouve difporée ,
Quand il veut me toucher, à le bien reçevol*.
Ne diroit-on pas, à me voir.
Qu'à régner je ûis deftinée ,
Nature m'ayant couronnée ?
Lcrlque j'agis, c'cft lentement j
On n'ofcroit honnêtement
Se plaindre du mal c]ue je donne.
A quelc]ucs-uns je fais du bien 5
Et je commence o'écre bonne,
Lorfc^ue je me difpofe à ne valoir plus rien.
NÉGLIGENCE,
Cette Fille de la ParefTe fe peint mal-
vècuë, mal-coeffée , & couchée noncha-
lamment, tenant un Horloge à fable ren-
verfé. La Tortue, qui efl auprès d'elle,
eft rEmblême de la Lenteur.
2j^S =NE =
ÉNIGME XLIII.
\
Mon état éblouit le plus noble des fens j
Il faut me prefier pour me faire :
SI celui qui me tient , me preiTe trop long-temps ,
Je redeviens m.a propre mè^c.
NÉMÉE.
Dans une Foret auprès de Némée, éroit,
difoir-on , un Lion d'une guoireur prodi-
gieufe, qui faifoit d'horribles dégâts dans
tout le Pays. Hercule, envoyé à l'âge de
feize ans pour garder {qs troupeaux, atta-
qua ce Lyon : il épuifa fon carquois con-
tre cet Animal , dont la peau étoit impé-
nétrable , & il brifa fur lui fa maiUîë cou-
verte de fer, ou toute de fer, félon quel-
ques-uns. Enfin , après avoir fait tous fes
efforts inutilement, il faifit ce Lyon, le
déchira de {qs mains , & lui enleva avec
{^s ongles la peau , qui fervit depuis de
Bouclier 6c de Vêtement â ce Héros.
NÉMÉENS.
Les Jeux Nêméens étoient entre \q% plus
fameux Jeux de la Grèce \ ils furent infti-
tués, dit-on, par Hercule, après qu'il eue
tué le Lion de Némée, & en mémoire
de fa victoire. Paufanias dit que ce fut
Adrafte^ un des fept chefs de la première
guerre de Thèbes , qui en fut l'auteur.
-D'autres racontent que ce fut pour hono-
rer la Mémoire du jeune Ophelre ou Ai-
chemore , fils de Lycurgue , que les fepc
Chefs Argiens célébrèrent ces Jeux. D'au-
tres enlin prétendent qu'ils furent confa-
crés à Jupiter Némèen. Quelle qu'ait été
leur origine , il eft: certain qu'on les célé-
bra long-temps dans la Grèce de trois ans
en trois ans : c'étoient les Argiens qui les
faifoient faire à leurs dépens dans la Fo-
rêt de Némée , & qui en étoient les Ju-
ges, lis jugeoient, dit-on, en habits de
deuil, pour marquer l'origine de CQ% Jeux.
11^ n'y eut d'abord que deux exercices ,
l'Équeftre & le Gymnique ; on y admit
enfuite les cinq fortes de combats , com-
me dans les autres Jeux. Les Vainqueurs
au commencement étoient couronnés d'O-
live \ ce qui dura jufqu'au temps des guer-
res contre les Mèdes. Un échec , que les
Argiens reçurent dans cette guerre , fit
changer l'Olive en Hache, herbe funèbre.
C'eft pourquoi les Jeux Néméens ont palîe
pour des Jeux funèbres.
NÉMÈS ES,
Divinités qui , félon Hygin , étoient
fille§ de l'Érèbe êc de la Nuit. Paufanias
L V
2,jo == N É =
raconte qu Alexandre le Grand , en chaf-
fant fur le Mont Pagus, fut conduit par
la chafle même près du Temple des Né-
mèfes : fatigué qu il éroit , & trouvant une
place fur le bord d'une Fontaine , il fe
coucha auprès & s*endormit. Là , durant
fon fommeil , les Némèfes s'étant apparues
à lui, elles lui ordonnèrent de bâtir une
Ville en ce lieu même , & d'y transférer
les habitans de Smyrne. Ces Peuples en
ayant été avertis , envoyèrent auffi-tot à
Claros 5 pour confulter l'Oracle fur ce
qu'ils avoient à faire : la réponfe fut,
qu'ils feroient très-heureux, s'ils alloient
habiter le Mont Pagus au-delà du Mêles ^
c'eft pourquoi ils changèrent volontiers
de demeure. On croit que les Némèfes
étoient les mêmes que les Euménides. On
les repréfentoit avec des ailes , & elles
ctoient en grande vénération à Smyrne..
NÉ MÉSI s,
Eroit 5 félon Héfiode , fille de TOcéan
& de la Nuit , ôc , félon Hygin , fille de
la Juftice. Elle étoit prépofée pour confi-
dérer les actions humaines, venger l'Im-
piété y Se récompenfer hs adtions ver-
lueufes. Elle étoit , dit Ammien Marcel-
lin , l'arbitre dans toutes les affaires , Sc
fille de la Juftice : elle avoit Tceil a cour
te qui fe faifoit fur la terre. L'Antiquité
lui donna des ailes , qui marquoienc la
vitefTe avec laquelle elle fuivoit tous les
hommes , pour examiner leurs adions.
On la peignoit auiTi avec une Roue', pour
marquer qu'elle couroit, pour ainfi dire»
par-tour , pour obferver tout ce qui fe
palToit dans l'Univers.
Nemzjis avoir a Rhamnus , Bourg dç
l'Atriqae, un Temple célèbre. « C'eft de
S3 toutes les Divinités celle qui s'irrite le
3, plus de l'infolence des hommes , dit
» Paufanias , qui ajoute : On dit que fa
» colère fe fit fur- tout fentir aux Perfes
s, qui débarquèrent à Marathon. Ces Bar-
aï bares, fiers de leur puilfance , mépri-
sî foient les forces d'Athènes , & croyant
x> marcher à une vidoire certaine , ils
» a voient déjà fait venir du marbre de
35 Pâros 5 pour ériger un Trophée fur le
5î champ de -Saraille ; mais ce marbre fer-
t:- vit à un ufage bien différent. Phydias
r> l'employa à une Sraruc de Néméjzs ^ qui
8-> fut élevée à Rhamnus, La Déeffe a fur
a> la tête une Couronne furmonrée de Cerfs;
>.r & de petites Viâroires ; elle tient de fa-
5>-maln gauche une branche de Pommier,,
fe &: de la droite une Coupe ^ où Loni re-
to'préfentés des Ethiopiens. ^^
La. Sts-tuë dé Ni/ni fis Rhamnufia écoit:
LvJ.
^5 2 =:^'N'E-=^
crune grande beauté : elle avoir dix cou-
dées de haut d'une feule pierre. Pline dit
que le Sculpteur lavoir d'abord faite pour
une Vénus : que deux Difciples de Phy-
dias , Agoracrite Se Alcamène , avoient
tous deux travaillé à l'envi à faire une
Vénus pour Athènes. Quand les Statues
furent finies , les Athéniens , pour favo-
rifer Alcamène leur concitoyen ., donnè-
rent la préférence à fa Statue fur celle
d'Agoracrire, Parien, quoique ce demie»
eut mieux réuilî que l'autre. Agoracrite,
indigné de cette injuftiee, la vendit, à
condition qu'elle ne feroir point dans
Athènes, Se quelle porreroit le nom de
Né/néjis, Elle fut placée à Rhamnus.
NÉ OCORE s.
C'éroît , chez les Grecs , ce que nous
appelions aujourd'hui Sacriftains j ceux
qui avoient foin d'orner les Temples , &
de tenir en bon érat tous les Uftenliles
des Sacrifices : dans la fuite des temps j
cet office devint très-coniidérable. Selon
M. Saillant , les Néocores au commence-^,
ment n'av oient foin que de balayer les
Temples : montant en fuite à un degré
plus haut, ils en eurent la garde. Ils par-:
vinrent enfin à de plus hautes dignités j ils
facrifioient pour le falut des Empereurs^
comme étant honorés du fouverain Sa-
cerdoce. On trouve des Néocores avec le
titre de Pryrane, nom de Gouvernement,
àc avec celui d'Agonothère , qui diftri-
buoit hs Prix dans les grands Jeux pu-
blics. Des Villes mêmes, fur-tout celles
où il y avoir quelque Temple fameux ,
comme Éphèfe, Smyrne, Pergame, Mag-
néfie, prirent la qualité de Néocores.
NiPENTHÈS,
Plante d'Egypte, dont Homère dit qu'Hé-
lène fe fervit pour charmer la mélancolie
de {qs Hôtes, & leur faire oublier leurs
chagrins. Télémaque étant à table chez
Ménélas, bc entendant parler àes aven-
tures de fon père Ulylfe, fe mit à pleu-
rer, & tous les Convives en tirent de
même. La belle Hélène , pour ramener
.la joie, 3J savifa, dit le Poète , d'une
.,n chofe qui fut d'un grand fecours. Elle
» mêla dans le vin qu'on fervoit à table,
» une poudre qui ajjoupijfou le deuil ^ cal-
-»9 meit la colère^ & faifoit oublier tous les
nmaux. Celui qui en a voit pris dans fa
w boilfon , n'aurcrit pas. verfé une feule
^ larme dans toute la journée , quand
•3 même fon père & fa mère feroient
?» morts, qu'on auroit tué en fa préfence
25'4 =:NE =
« fon fils unique , & qu'il raurolt vu de
5' fes propres yeux. Telle étoic la vertu de
3» cette Drogue que lui avoir donnée Po-
» lydamna, femme de Thonis, Roi d'É-
" gyp^^ Après qu'Hélène eut mêlé
j' cette merveilleufe Drogue dans le vin ,
a» elle dit aux Conviés : Le grand Jupiter
w mêle la vie des hommes de biens &c de
s» maux, comme il lui plaît , car fa puif-
» fance efl: fans bornes : c'eft pourquoi
» jouifTez maintenant du plaiilr de la Ta-
» ble, & diverti (Tez-vous à faire des Hif-
» toires qui puilTent vous amufer 5 je vais
»> vous en donner l'exemple. Sec, a» Il faut
remarquer que Nèp&jithcs n'eft pas le nom^
de la Plante, mais une épithète qui figni-
fie Remède contre la Trifteile & la Dou-
leur.
Neptune,
Étoir, félon Héfiode, fils de Saturne «Se
de Rhéa , & frère de Jupiter & de Pluton.
Rhéa ayant accouché de Neptune , le ca-
cha dans une bergerie de l'Arcadie , & fit
accroire enfuite à Saturne qu'elle avoir
mis au monde un Poulain , qu'elle lui
donna à dévorer. Paufanias , en racontant
cette Fable, ajoute ces mots remarqua--
bles , qui nous apprennent comment peu-
foient les gens fenfés du Paganifnaç. «' Au'-
» trefois , dît-il , lorfque j'avois à rappor-
» ter oe ces fortes de Fables inventées par
i5 les Grecs , je les trouvois ridicules Se
»> pitoyables ; mais à préfent j'en juge au-
iy trement. Je crois que les Sages de la
» Grèce nous ont caché d'importantes vé-
>î rites fous des Énigmes , & que ce que
s» l'on dit de Neptune eft de cette nature,
» Quoi qu'il en foit , pour ce qui regarde
>î les Dieux , il faut s'en tenir à ce qui eft
V établi , & en parler comme le commun
» des hommes en parlent. »
Neptune fut un des Princes Titans , qui
dans le partage que les trois frères firent
de l'Univers , c'eft-à-dire , du vafle Empire
àQ% Titans , eut pour fon lot la Mèr , les
Ifles 5 & tous les lieux qui en font pro-
che : c'eft pourquoi il fut regardé comme
le Dieu de la Mèr. Selon Diodore , Nep^
tune fut le premier qui s''embarqua fur la
Mèr avec l'appareil dune armée navale.
Saturne lui avoir donné le commandement
de fa flotte , avec laquelle il eut toujours
foin d'arrêter toutes les entreprifes des.
Princes Titans , Se d'empêcher les étabîif-
femens qu'ils rouloient faire dans quel-
ques Ifles : & lorfque Jupiter fon frère,
qu'il fervit toujours rrès-hdèlement , eut
obligé fes ennemis a fe retirer dans les
Pays Occidentau-x , il les y feura de (î près»
qu'ils ne purent jamais en fortlr ; ce qui
donna lieu à la Fable , qui porte que }^ep^
tune tenoit les Titans enfermés dans l'En-
fer , & \ts empêchoit de remuer.
l-.ts Poètes ont donné le nom de Nep^
tune à la plupart àQ% Princes inconnus,
qui venoient par Mèr s'établir dans quel-
ques nouveaux pays , ou qui règnoient fur
des Ifles , ou qui s'étoient rendus célèbres
fur la Mèr par leurs vidoires , ou par l'é-
tablilfement du Commerce. De-là tant
d'Hiiloires fur le compte de Neptune , tant
de femmes , tant de maîtrefles & d'enfans
qu'on donne à ce Dieu , tant de Métamor-
phofes 5 tant d'enlevemens qu'on lui at-
tribué*.
Ce Dieu eut pour femme Amphitrite ,
îîiais on lui donne une infinité de Maî-
tre/Tes \ voici les noms de quelques-unes :
■Amymoné , Alopé , Menalippe , Alcyone ,
Hippothoé 5 Chione , Médufe , Celaine-,
&: beaucoup d'autres.
Neptune a été un des Dieux du Paga-
nifme des plus honorés j les Libyens le re-
gardèrent comme leur plus grande Divi-
nité. Il y eut en Grèce & dans l'Italie , fur-
tout dans les lieux maritimes , un grand
nombre ds Temples élevées en fon hon-
neur , de? Fêtes &: des Jeux ; en particulier
les Jeux Ilthmiques 6c ceux du Cirque à
= NE== 2 5^7
Rome 5 lui furent fpécialement confacrés
fous le nom d'Ippius , parcequ il y avoir
des courfes de chevaux. Les Romains mê-
mes avoient tant de vénération pour ce
Dieu 5 qu'outre les Neptunales qu'ils celé-
broient en fon honneur au mois de Jui!*
let , ils lui avoient encore confacré tout le
mois de Février, pour le prier d'avance
d'être favorable aux Navigateurs , qui dès
le commencement du Printemps fe difpo-
foient aux voyages de Mèr.
Ce qu'il y avoir de fmgulier , c'efl que
comme on croyoir que Neptune avoir for-
mé le premier cheval , les Chevaux & les
Mulets 5 couronnes de fleurs, demeuroient
fans travailler pendant les Fêtes de ce
Dieu, & jouiiroienr d'un repos que per-
sonne n'ofoir troubler. Les Vidimes ordi-
naires de ce Dieu étoient le Cheval &: le
Taureau. Les Arufpices lui offroient le
Fiel des vidimes , par la raifon que l'a-
-mertume de ce vifcère convenoit à l'eau
de la Mèr. Platon , dans fon Critias , nous
apprend que Neptune avoit un Temple
magnifique dans lUîe Atlantique, ou l'or,
l'argent ^ les plus précieux métaux bril-
loient par-tout. Des figures d'or repréfen-
toienr le Dieu fur un char rrainé par Aqs
chevaux ailés. Certe Ifle Atlantique, ajoute-
t-il > étant échue a Neptune , il eut d'une
i2y8 ^ ^:=NE=.=
fille de Cliton 5c de Leucippe dix enfans,
qui peuplèrent enfuite tous ces pays. Hé-
rodote parle d'une Statué* d'airain , haute
de fept coudées , que Nepiune avoit près
de rifthme de Corinthe.
On attribuoit a ce Dieu les tremblemens.
ôc autres mouvemens extraordinaires qui
arrivoient fur la Terre , & dans la Mèr ;
& les changemens confidérables dans le
cours des Fleuves ôc des Rivières. Auiîî
les Theifaliens j-dont le pays avoit été
inondé , ne manquèrent pas de publier ,
lorfque les eaux fe furent écoulées, que
c étoit Neptune qui avoit ouvert un canal
aux eaux pour fe retirer \ <' & certes , dit
» Hérodote à cette occaiion , leur fenti-
»> ment efi: raifonnable ; car tous ceux qui
î> eftim^nt que ce Dieu fait trembler la
w Terre , & que les Gouffres qui le for-
-? ment font des ouvrages de ce Dieu ,
« n'auront pas de peine à croire que Nep-
w tttnc avoit fait ce canal , quand ils le
s» verront. »
On trouve Neptune repréfenté ordinai-
rement tout nud & barbu , tenant un Tri-
dent , fon Symbole le plus commun , &
fans lequel on ne le voit guère. 11 paroît
tantôt aflis, tantôt debout fur les Flots de
la Mèr , fouvent fur un Char traîné par
deux ou quatre Chevaux ; ce font quti-
= NE= 2jjj
quefois des Chevaux ordinaires , quelque-
fois des Chevaux marins , qui onr la par-
tie fupérieure de cet animal , pendant
que tout le bas fe termine en queue de
poilTon.
Dans un ancien monument 5 Neptune
cfl: aiîîs fur une Mèr tranquille , avec deux
Dauphins qui nagent fur la fuperficie de
l'eau , ayant près de lui une proue de Na-
vire chargé de Grains ou de marchandi-
its 5 ce qui marquoit l'Abondance que
procure une heurcufe Navigation. Dans
un autre Monument on le voit afîis fur
une Mèr agitée , avec le Trident planté
devant lui , & un Oifeau monfttueux à
tète de dragon , qui femble faire effort
pour fe jetcer fur lui , pendant que Ncp^
tune demeure tranquille & paroîc mcme
détourner la tête \ c'étoit pour exprimer
que ce Dieu triomphe également qqs
Tempêtes &: des Monftres de la Mèr.
Ajoutons aux Monumens de pierre ou
d*airain un Monument plus durable en-
core , c'eft la belle Defcription que Vir-
gile nous fait du cortège de ce Dieu >
quand il va fur la Mèr. <' Neptune ^ dit-
*i il 5 fait atteler fes Chevaux à fon char
» doré , ôd leur abandonnant les rênes, il
» vole fur la furface de l'Onde. A fa pré-
w fence les Flots s'applaniifent & les Nua-
!i6o =NÉ =
-3»ges fayent. Cent Monftres de la Mer
3> fe ualTcmblent autour de ion Char , a fa
3> droire la vieille fuire de Giaacus , Pa-
3> lémon , les légers Tritons \ à la gauche
5' les Néréides. >» Homère fait tirer le Chai:
de Neptune par des Chevaux aux pieds
d'airain \ feroit-ce pour exprimer leur
grande légèreté ? ^
NÉKiEy
Dieu Marin , plus ancien que Neptu-
ne 5 étoit , félon Héfiode , fils de l'Océan
ôc de Téthis ; ou félon d'autres , de l'O-
céan & de la Terre. On le repré fente'
comme un Vieillard doux ôc pacifique ,
qui aimoit la Judice & la Modération : il
excelloit dans l'Art de connoitre l'avenir,
il prédit à Paris les maux que l'enlève-
ment d'Hélène devoir 'attirer fur fa Pa-
trie. Il apprit à Hercule où éroient les
Pommes d'Or qu'Eurifthée lui avoir or-
donné d'aller chercher. Il voulut , dit-on ,
fe changer en différences figures , pour t
s'empêcher de donner cet éclaircificmenc
au Prince Grec j mais celui-ci le retint
jufqu'à ce qu'il eut repris fa première
figure.
Apollodore nous apprend qu'il faifoit
fon féjour ordinaire dans la Mèr Egée, ou
il écoit environné de ùs Filles , qui le dï-
vertiiroient par leurs chants & leurs dan-
ùs. Il avoir époufé Do ris fa propre fœur.
Les Poctes ont pris fouvent Nerée pour
leau même que Ton nom fignitie. Ce Né^
rcv peut avoir été quelque Prince qui fe
rendit fameux fur Mèr , & qui fut fî ex-
,pert dans l'Art de la Narigation , qu'on
venoit le confulter de toutes parts fur les
dangers des Voyages Maritimes. Natalis
Cornes a cru que Nérée avoit été l'Inven-
teur de l'Hydromancie , ëc que c'efl pour
cela qu'on le repréfenre comme un Grand
Devin , ôc une Divinité des Eaux.
NÉRÉIDES,
On donna le nom de Néréides à des
Princeffes qui habitoient dans quelques
Ides , ou fur les côtes de la Alèr , ou qui
fe rendirent fameufes par la Navigation.
On le donna auili à certains Poiiîons de
Mèr, qui ont la partie fupérieure du corps
à-peu-près fembiable à celui d'une femme.
Pline dit que du temps de Tibère , on vie
fur le rivage de la Mèr une Néréide ^ telle
que les Poètes les repréfentent.
Les Néréides avoienc des Bois Sacrés Sc
des Autels en pluiieurs endroits de la
Grèce y fur-tout fur les bords de la Mèr,
On leur ofFroit en Sacrifice du lait, du
s^3 x= N É ==
miel , de l'huile y & quelquefois on leur
immoloic des Chèvres.
ÉNIGME XLIF.
Je parois entre deux Soleils ,
Et fur le corail & l'ivoire.
Mon élévation nuit fouvent à ma gloire 5
Mais les rougeurs me font des défauts fans pareils»
On reconnoît à ma figure
Le principe de la Nature ,
Et celui du tempérament.
Je me nourris d'œillets, de paftilles, de rofes.
Et me crois après tout fi fin & fi fçavant ,
Que je crois que mon fentiment
Doit l'emporter fur toutes chofes.
ÉNIGME XLV.
i
\
Maifonnettc
Propre & nette,
Qu'on peut voir
En lieu noir :
Maçonnage
Dont l'ouvrasie
Eft parfait,
Quoique fait
Avec terre ,
Et fans pierre.
Je contiens
Et (bucteas
La famille
Qui babille.
Quelquefois
Un matois
Me renverfe,
Puis exerce
Sa rigueur,
Quel malheur !
Contre genre
Innocente
Qui jamais
N*en put mais.
==NI= 2<?5
Mon afyle Qu'on l'habite
Inutile Au plus vue.
En failons II devient
Des glaçons, Un foutien
Lit fans hôte ; Port utile
Mais fans faute , Au fragile
Le Printemps Barillet
Eft un temps Gentillet.
Nil.
L'utilicé infinie que ce Fleuve a tou-
jours apportée aux Égyptiens , le fit pren-
dre pour un Dieu , &c même pour le plus
grand des Dieux. C'étoit lui qu'ils ho-
noroient fous le nom d'Ofiris. On célé-
broit une grande Fête en fon honneur
vers le Solftice d'cté , à caufe que ce Fleuve
commence alors à croître & à fe répandre-
dans le pays. Cette Fête fe célcbroit avec
plus de folemnité & de réjouiiTance qu'au-
cune autre ; & pour remercier d'avance le
Fleuve des biens que fon inondation al-
loit produire , on jettoit dedans, par for-
me de Sacrifice , de l'orge , du blé & d'au-
tres fruits. Mais par une affreufe fuperfli-
tion , on enfanglantoit une journée , qui
devoir être toute confacrée à la joie , par
le Sacrifice d'une jeune fille qu'on noyoit
dans le Fleuve. La Fête du Nil fe célèbre
encore aujourd'hui par de grandes réjouif-
26^ — NI==
fances ; mais les Sacrifices en ont été re-
tranchés. On voit au Jardin des Tuile-
ries un beau grouppe en marbre, copié
fur l'Antique > qui repréfente le Ni!^ fous
la figure d'un vieillard couronné de Lau-
rier , à demi -couché &c appuyé fur fon
coude 5 tenant une corne d'abondance ; il
a fur les épaules , fur ia hanche , aux bras ,
aux jambes 6c de tous les côtés y de petits
garçons nuds au nombre de feize , qui
marquent les feize coudées d'accroiffe-
ment qu'il faut que le Nil ait , pour faire
h grande fertilité de l'Egypte.
£nigme XLFL
Trois Lettres compofent mon nom j
Mais fi vous me lifez de la queue à la tête,
Afin que rien ne vous arrête ,
Apprenez qu'autrefois un homme de renom
Put expofé fur moi dès fa plus tendre. enfance.
Ah I qu'il étoit pour nous de grande conféquence ,
Que l'on le tirât de ce lieu ,
Et qu'alors on fauvât ce favori de Dieu !
Nimbe,
Cercle lumineux qu'on mettoit quel-
quefois à la tête des Divinités : il y a d^s
Images de Proferpine avec le Nimbus»
Dans la fuite on le donna aux Empereurs ,
^ depuis le ChriLlianifine , on ne le donna,
plus qu'aux Saints.
NiOBÉ,
Fille de Tantale ', & fœur de Pélops ,
époufa Amphion , Roi de Thèbes , & en
eut un grand nombre d'enfans. Homère
lui en donne douze , Hé(iode vingt , &
Ap'jlîodore quatorze , autant de filles qu©
de garçons.
Niobé y mère de tant d'enfans, rou$
bien nés & bien faits , s'en glorifîoit , &
méprifoit Latone qui n'en avoit eu que
deux : elle venoit jufqu'à lui en faire des
reproches & a s'oppofer au Cake reli-*
gieux qu'on lui rendoit, prétendant qu'elle*
même mériroit , à bien plus jufre titre,
d'avoir des Autels. Larone , offenfée de
l'orgueil de Niobé , eut recours a Tes en-
fans pour s'en venger. Apollon 6c Diane
voyant un jour dans, les plaines voifines
de Tlièbes , les fils de Niobé ^ qui y fai-
ibient leurs exercices , les tuèrent à coups
de Réelles. Au bruit de ce funeile acci-
dent 5 les fœurs de ces infortunés Princes
accourent fur les remparts , 6c dans le mo-
ment elles fe fentent frappées & tombent
fous les coups invifibles de Diane. Enfin
la mère arrive , outrée de douleur & de
défefpoir , elle demeure ailife auprès des
Tvmc llh M
^66 .c=r:NI=:=
corps de Tes chers enfans , elle les arrofe
de ies larmes , fli douleur la rend immo-
bile 9 elle ne donne plus aucun figne de
vie 5 la voila changée en Rocher. Un
tourbillon de vent l'emporte en Lydie fur
le fommet d'une Montagne , où elle con-
tinue de réoaridre des larmes , qu'on voit
£;ouIer d'un morceau de marbre.
Cette Fable eft fondée fur un événe-
ment tragique. Une pefte qui ravagea la
ville de Thèbes , fit périr tous les enfans
de Nlolé ; & parcequ'on attribuoit les
maladies contagieufes à la chaleur immo-
dérée du Soleil 5 on dit que c'écoit ApoU
Ion qui les avoit tués à coups de flèches i
ces flèches font les rayons brûlans du So-
jeih On ajoura que ces enfans demeurè-
rent neuf jours fans fépulture , parcequ^
les Dieux avoient changé en pierres tous
les Thébains , Se que les Dieux eux-mê-
iTies leur rendirent les devoirs funèbres le
«iixième jour^ c'efl que comme ils étoient
înorrs de la pefte , perfonne n'avoit ofé
les enterrer , & tout le inonde parut in^
-lenfible aux malheurs de la Reine j figure
vive des calamités qui accompagnent ce
riéau j où chacun craignant une mort af^
furée , ne fonge qu a fa propre conferv^-
rioîî 5 de néglige les devoirs hs plus eiTen--
rjeis. Cependant , après que la violence
I
da mal fut un peu paffée , les Prêtres,
quoii prend pour les Dieux, fe mirer: -n
devoir de les enfevelir. N^ole n, pouvant
plus fcuffrir le fejour de Thébes, après la
perte de ûs enfans & de fon mari , qui
setoïc tue de défefpoir , rerourna dans la
Lydie &: huit fes jours près du Mont Sy-
piie , fur lequel on voyou une roche , qui .
regardée de loin , relfembloit , ditPaufa-
nias, à une femme en larmes & accablée
de douleur ; mais en la regardant de près
ehen a aucune figure de femme, encore
moins de temme qui pleure. Enfin , parce-
que Aïoâe avoit gardé un profond (flence
dans fon afflidion ,& qu'elle étoit deve-
nue comme muette de immobile , ce qui
eft le caradlère des grandes douleurs /on
«. dit qu elle fut changée en Rocher.
NiXES.
Les Dieux Nixes, Nlxli DU, mé^
Idoient aux accouchemens , & les i^mmes
les invoquoient dans les douleurs de l'en-
fantement. FePcus dit qu'on voyoit au Ca-
pitoîe devant la Chapelle de Minerve
trois Scaïucs agenouillées , & daiis la pof!
tare û'accoucheules. Ces Scatues avoi^nt
été apportées de Syrie , après la déi^ite
dAntiochus par les Romains.
M ïj
a6S =NO
Noblesse,
îî ne paroîr pas que les Romains ayent
|aaiais déïné la Nol^Ujfe , mais ils Tonc
perfonnifiée , & lai ont donné une forme
humaine dans plufieurs Monumens. C'eft
une femme debout qui tient de la main
gauche une Pique , hc qui a fur la droite
ane petite Statue qui relTemble à une Mi-
nerve. Cette DéefTe efl en effet la plus
propre pour caraâ:érifer la NobUjJe , puif-
quelle eft née de la tête de Jupiter.
La Nohlcjfe fe caradérife par la richefîe
des vêremens , bc par l'attitude impofante
que ion donne â cette figure. L'Etoile
qui eft au-deiUis de fa tête , lignifie que
l'élévation des fentimens doit être fon
principal appanage. Elle tient une Statue
de Minerve & une lance , pour marquer
que la Nohle(fe peut s'acquérir aulîî biea
par le Mérite dans les Sciences , que pair
la Valeur dans les Armes.
La Noblesse eH: fans doute un bîea très-prédeux \
Ce n'efi: p3S ie faiiç^ qui la donne : ^
Ne l'attends pas du rang , qu'ont tenu tes aïeux j
îl faut payer de ta perfonne.
La Nohlcjjh , dans une Médaille d(
Gêta , eil au(Ii repréfencée par i\m feniiî»^
vetuc d'une robe longue i tenant une lança
d'une main , & de Tautre une image dâ
Pailas : au bas de (qs pieds on apperçoic
deux couronnes , la Robe longue défigns
qu'il n'y avoir du temps des Romains ,
que les feuls Gentilshommes qui pou-
voient la porter par bienféance &: par Li
gravité de leurs mœurs , duc aux perfon-
nés nobles. La Lance , joinre à l'image;
de Minerve 5 ell: pour montrer, que les
Sciences & les Armes annoblilTenc , que.
l'âme y contribuant entièrement , à quoi
fert la DéelTe Palias , pour être née du
cerveau de Jupiter , ce qui doit s'enten-
dre myftiquemenr du Difcours & de l'In-
telled , par le moyen defquels on peut ac-
quérir hs qualités qui font néceflaires à
la Vraie Nohkffc*
NOCTULIUS,
'3 Dieu de la Nuit : il étoit repréfenté
fous la figure d'un jeune homme , vêtu ^-'
peu-près comme Atys, éteignant fon flam-'
beau , & ayant à fes pieds une Chouette ,
qui eO: un oifeau noélarne , & un à^s
Symboles de la Nuit.
Nœud.
Ordre de Chevalerie j inftitaé en 1 5 5i ,
M iij
270 == N O -^^^
par Louis d'Anjou , dit de Tarente , Roi
de Naples , fécond mari de la Reine
Jeanne L 11 compofa cQiiQ compagnie de
foixanre Chevaliers , qui s'étoienc diftin-
gués par leur bravoure , & leur prefcrivit
une formule de Serment & de Foi per-
pétuelle. Chacun de cqs Chevaliers por-
toit 5 ainiî que le Roi , un habit militaire ,
qui dciîgnoit leur qualité , leur dignité ,
tel que Tufage l'autorifoit alors , avec un
Cordon de foie , mêlé d'or & d'argent.
Les uns difenr que le Roi leur nouoit
ce Cordon fur la poitrine , d*autres pré-
tendent que c'étoit au bras. L'inftitut de
cet Ordre portoit que lorfqu'un des Che-
valiers avoit donné quelques preuves écla-
tantes de valeur 3 il portoit le Nœud dé-
lié 5 &: que iorfqu il cntreprenoit de don-
ner une {QQOïiàQ preuve de fa valeur , il
renouoit ce Nœud.
Le Prince de Tarente, frère aîné du
Roi Barnihé Vifconri , Seigneur de Mi-
îan : Louis San-Severino , & beaucoup
d'autres , furent créés Chevaliers. On croit
que cet Ordre de Chevalerie eil le plus
ancien qui ait été établi en Italie.
ÉNIGME XLFIL
Jolîettc
Rondelette,
C'eft aux champs
Qu'on me cueille >
Et ma feuille
Aux Amans
Se:c d'ombrage.
Heureux l'âge
OÙ la dent
Aifément
'5">
De ma lo2:e
Me déloge.
Quelquefois
De mon boiS
Retirée
Et fuciée,
Je parois
Bien blanchette
De grilette
Que j'étois.
Nom.
Les Noms des Nobles , dans les pre-
miers temps de la Monaixhie , n'étoienî
point héréditaires ; les Anciennes Hifloi-
res & les Généalogies en font foi. Et lo
titre 16 à\i cinquième Paragraphe de la
Loi Sdlique , nous fait connoîcre que les
parens s'airembloient pour donner un Nom
au nouveau-né ^ la neuvième nuit , pour"
dire le neuvième jour ; car , à la façon dcS
Hébreux , les Gaulois Anciens , les Alle-
mands 8c les François , comproienc pac
nuit & non par jour ; d'où ell refté cri
France , parmi le peuple , cet ufage d&
parler j Je ferai à nuit cela.
li fe faifoic de grandes réjouiffances 1
M iv
^72 .r=rNO =
ces Nominations ; & le nouveau'nl reçe-
Toit un Nom , dont la fîgnification étoit
agréable à la famille. Depuis que les Noms
ont écé héréditaires , il efl refté en France
quelque chofe de cette coutume d'alTem-
bler les parens pour la Nomination des
enfans j car on prend deux parreins , l'un
paternel & l'autre maternel , pour don-
ner le Nom de Baptême,
L'ufage de donner aux enfans des Nc7?is
différens de celui de leur père , ne cefTa
pas aufii- tôt que les Fiefs furent hérédi-
taires ; il s'écoula encore quelques généra-
tions , avant que les Nobles prifTent le
Nom àes principales Seigneuries , dont ils
croient propriétaires , & fur lefquels ils
bâtirent des châteaux pour leur habitation
^ celle de leurs fuccelTeurs.
Les Habiians du Nord , qui vinrent ,
fous la conduite de Rollon , s'établir dans
ia Neuftrie , n'avoient point de Noms
fixes : devenant feudataires de la Couron-
ne, & fe trouvant pour ainfî dire, ag^
grégcs a la Nation Françoife, il étoit na-
turel qu'ils adoptaient quelques-uns de
leurs ufag^.s. Mais celui de l'hérédité à^s
Noms n'croit pas encore connu chez elle,
parceque les Fiefs n'étant point héréditai-
res 5 & ne l'ayant été généralement que
fous le Règne de Hugues Capet , il n'étoic
pis alors poiiibie de déCigner une famille
par un Nom pajfager, .
La propricré prodiiifit le £iit contraire,
tant pour la France , que pour la Norman-
die. On. s'habitua à donner aux homme>
les Noms des terres^ qui a voient été le pa—
rrimoine de leurs pères, & qui devoienc.
après eux pafier à leurs enfans.
Ces Noms de terres devinrenr propres
& héréditaires aux Familles, qui y éccienn.
domiciliées. înfenfiblement Vu(2%q de
changer de Nom à chaque géncratioii, fiiC
anéanti , lorfque les punies furent admis
à fuccéder avec leurs aînés : ceiix qui for-
mèrent d^s branches d^c de nouveaux éra-
bliiTemcns fur les Fiefs qu'ils eurent en
partage , furent pareillement dénommes
par le Nom de ces Fiefs, & formèrent,
pour ainfi dire , des AJaifons iiouvelUs.
La Roque , dans iow Hiftoire de la
Maifon d'Harcourt , en cite un infinité-
d'exemples, dont quelques-uns fufHfent.
Il dit que Bernard le Danois , proche pa-
rent du Duc Rollon , Chef réputé de la
Maifon d'Fïarcourt, fut père de Torfe y qui
le fut de Turchetil^ père à' Anchetil y qui
eut pour fils Robert d'Harcourt , duquel
font defcendus les Seigneurs de ce Nom^
Il dir auiîi , pag, 8 & / j du premier Va-^
lume ^ que les branches qui forcirent ào.
M 7
^74 =NO==:
ces Tiges Normandes , pcirent pareille-^
ment le Nom des terres qu elles eurent en
partage , de portèrent des Armes différen-
tes de leurs aînés. Il en donne un grand
nombre de preuves j & tous les Auteurs ,.
qui ont écrit far cette matière , ont dit la
même chofe.
ÉNIGME XLVIIL
Non , je ne fus jamais favorable en amour :
Un Amant près de fa MaîtrefTe ,
A fouvent beau faire fa cour ,
On me jette à fon nez pour le mettre en détrefle.
Du mot le plus commun , oiii , je fuis l'antipode i
Faites - y bien attention 5
De lui, de moi . Ton s'accommode.
Icéleur 5 devinez-vous ? Ma foi , je crois que non.
ÉNIGME XLIX.
On remarque dans moi plus d'un bizarre effet.
Je marche lentement , lorfque ma panfe eft vuidfe 5
Quand j'ai le ventre plein , mon pas eft plus ra-
pide.
Quelquefois on me perche au haut d'un tong pi-
quet 5
Et quelquefois fur ma têre
Ce long piquèi eft planta.
l^ais , loin que , dans ma courfe , un tel fardeau
lOj'auête :^
==^ N O = 375:
Il accroît ma Icgcrcté.
Tantôt on me voit ifolée ,
Tantôt j par des liens divers ,
Je fuis avec mes iœurs fortement enchaînée j
Mais plus on nous charge de fers ,
Plus nous acquérons de vîtefTe.
Enfin, quoique fouvent j'infpire l'alégreiTe ,-
Mes habits font d une couleur
Qui ne convient qu'à la douleur.
ÉNIGME L,
Nbus (bmmes nombre impair de gaillardes fe--
melles ,
Propres fœurs & jumelles >
Qu'à toute heure on peut voit
Changer du blanc au noir.
Notre mère ou maîtrefle eft dode, & fans cervelle 3
Elle efl: fage & folle fouvent ,
Nous faisant prendre en l'air un vol hardi fanS
aile.
Et giroiiéter à tout vent.
Dans une union mutuelle ,
Nous nous marions entre nous ;
Nos compagnes font nos époux ,
Et chacune de nous peut palTer pour pucsilc.
Si depuis quatre ou cinq mille ans ,
On nous entend chanter de ruelle en ruelle
Le doux martyre des Amans ,
Ceft quç leur coeur nous fut toujours fidèle,
M Vf
Novembre.
Ce Mois eft le neuvième de TAnnee
de Romulus , & le onzième de la nô-
tre : il étoit fous la protedion de Diane*
Aufone le peiTonnifie fous la figure d'ua
Pr'èiire d'ifis 5 habillé de toile de lin , âyani:
la tète chauve ou rafée 5 appuyé contre un
Autel 5 fur lequel eft une tète de Che-
vreuil 5 Animal , qu'on facrifioic a la DéeT-
fe : il tient un Siflre a la main , inftru-
xnent qui fervoit aux Ifiaques. Tout le
rapport qu'il y a entre le perfonnage & le
Mois , c'eft qu'aux Calendes de Novem-
bre on célébroit les Fêtes d'ifis. Le 5 du
mois 5 on faifoir les Neptunales ^ le 15,
!es Jeux Populaires ; le 2 1 , les Libérales ;
^ le 27 3 les Sacrifices Mortuaires»
Nuit.
On a fait de la Nuit une Divinité, ^
îa plus ancienne de toutes, parceque l^^.
Ténèbres cm précédé la Lumière. Elle
ctoit fille du Chaos , dit Héfiode. L'Au-
teur que nous avons fous le nom d'Or-
phée 3 l'appelle la Mère des Dieux & à^^
Hommes. Théocrire dit qu'elle alloit far
un charriot précédé par \(^^ Aflres : d'?u-
SfQS- lui donneur à^s aîles ^ comme à Cu*
pîcîon & a la Vidoire. Enfin Euripide la
dépeint vêtue , ôc couverte d'un grand
voile noir , accompagnée dQS Aftres > &
allant en cet équipage fur fon Char. C'ed
là la manière la plus ordinaire dont elle
eft repréfencée.
Quelquefois on la voit fur fon Chnr^
tenant un grand Voile tout parfemé d'E-
toiles 5 étendu fur la tète. D'autres fois.
on la trouve fans Cha^riot, ayant auiïï un'
grand Voile qu'elle tient d'une main , ÔC
tourne de l'autre fon Flambeau vers la.
terre , pour l'éteindre.
La Nuii avoit des enfans , dont le pèr sr
étoit l'Erèbej-au fentiment de queK-]aes
Anciens rapporté par Cicéron ; c'étoit f £-
ther &" le jour : outre cela, la Nuii toute,
feule, & fans le commerce d'aucun Dieu,,
engendra , dit Héfiode , l'odieux Deftin ^
la noire Parque, la Mort, le Sommeil , 8c
tous les Songes j la Crainte , la Douleur y
l'Envie, le Travail, la VieillefTe, la Mi-
fère , les Ténèbres , la Fraude , l'Obfrina-
tion, les Parques, les Hefpérides ", en un
mot tout ce qu'il y avoit de fâcheux êC
de pernicieux dans la vie , palToit pour-
une production de la Niiii, Enée , avant
de defcendre dans les Enfers, immole une.
jeune Brebis noire à la Nuit , comma
ïnèie des Euméaides..
273 _.= NU =
On la peint de carnation brune , apnr
deux grandes ailes de Chauve-fouris , une
couronne de Pavots , ôc une draperie
bleue obfcure , parfemée d'Etoiles bril--
îantes.
Sorgea la nette Infante y e fotto l'ail
Ries priva del Cielo e campi immenfi..
Tasso canto e Gerufal. liberata.
Elle tient deux enfans endormis, dont
Fun blanc & l'autre noir , font l'image des-
Songes gracieux & des Songes épouvan-
tables*
Tenfèvelîs jufqu'àu retour
De l'Aftre qui donne le jour.
Dans une douce fépulture ,
L'Homme , les Animaux , & toute la Nature.
ÉNIGME LL
Nous femmes deux enfans du temps j
Tous deux auffi vieux que le Monde :
Rien n'a pu cependant troubler la paix profonde
Qui règne parmi nous depuis tant de Printemps..
Notre père équitable & fage ,
A chacun en naifTant fixa fon héritage.
Nous vivons contens d'icelui j
Sans erapiàet lur autrui».
Depuis plus de lepc rAiille années ,
Nous fommes en pofTcflîon
Chacun de notre pordon ;
Sans que les fières Deftinées ,
Et que l'impitoyable Mort ,
De notre père ait pu finir le fort,
Nyctélies,
Fêtes de Bacchus, qui fè célébroîenr k
nuit 5 Se dans iefquelies on portoit des
Torches allumées , en faifant une efpèce
de ProceiEon par les rues d'Athènes. Ceux
qui y alîiftoient , avoient le verre à la
main , & au retour de la Procefîion , ils.
faifoient à Bacchus d'amples Libations.
Saint Auguftin remarque dans fa Cité
de Dieu , qu'il riy avoit point de débau-
che & d'impureté qu'on n'y commît. Les
Nycié/ies fe faifoient à Athènes , tous les-
trois ans , au commencement du Prin-
temps. Les Nycîélies fe célébroient aufli<
en l'honneur de Cybèle.
Nymphe.
Ce Mot, dans fa fignifîcatlon naturelle^
£gnifie une fille mariée depuis peu, une.
HoUvelIe mariée. On l'a donné dans la
fuite à des Divinités fubalternes , qu'on
repréfentoit fous la figure de jeunes filles>
^8o =NY =
Selon les Poètes, tout l'Univers étoit plein
de ces Nymphes. Il y en avoir qu'on ap-
pelloît Uranies ou Célefles, qui gouver-
noient la Sphère du Ciel \ d'autres Ter-
reîlres ou Epygies. Celles-ci éroient fubdi-
vifées en Nymphes à.ts Eaux & Nymphes
de la Terre.
Les Nymphes àQ% Eaux étoient encore
divifées en plulîeurs ClalTes : les Nymphes
Marines, appellées Océanides ^ Néréides ^
ôc Mélles ; les Nymphes des Fontaines ou
Naïades^ Crénées, Pégées , les Nymphes
des Fleuves & des Rivières , ou les Pota-
mi des ; les Nymphes des Lacs <^ Etangs,,
ou les Limnades^
Les Nymphes de la Terre étoient audi
de plufieurs ClafTes : les Nymphes des
Montagnes , qu'on appelloit Oréades ^
Orejiiades , ou Orodemjîiades ; les Nym-
phes des Vallées , des Bocages , ou les Na-
pées ; les Nymphes des Prés, ou Limcnia-'
des ; les Nymphes des Forêts, ou les DrycL"^
des &c Hamadryades,
On trouve encoie des Nymphes 2i\'€c des
noms ou de leur pays eu de leur origine ;
comme les Nymphes Tibériades , les Pac-
tolides, les Cabirides, les Dodonides y les
Cythéroniades , les Sphragitides , les Cory^
cides ou Corycies, les Anigrides , les Ifmé-
lïides, les Sithnides ;, les Lyfiades , les Am-
nlfiades ou Amnifictes , les îonîdes , les
Héiiades , les Héréfides, les Thémiftiades ,
les Lélégéïdes , Ôcc
Enfin on a donné le nom de Nymphes
non-feulement à des. Dames illuflres , donc
on apprenoit quelque aventure, mais même
jufqu'à de fimples Bergères, Se a toutes les
belles pirfonnes que les Poètes font entrer
dans les Sujècs de leurs Pocmes.
L'idée des Nymphes peut être venue de
l'opinion où Ton étoit avant le Syflême
des Champs É'yfées & du Tartare , que
les âmes demeuroient auprès des Tom-
beaux, ou dans les Jardins de les Bois dé-
licieux qu'elles avoient fréquentés pen-
dant leur vie. On avoit pour ces lieux
un RefpedV religieux : on y invoquoit les
Ombres de ceux qu'on crovoit y habiter;
on tâchoit de fe les rendre favorables par
des Vœux cc des Sacrifices. De-là efl: ve-
nue l'ancienne coutume de faciifier fous
des arbres verds , fous lefquels on croycic
que les âmes errantes fe plaifoient beau-
coup. De plus , on croyoit que tous les
Aftres étoient animés : ce que l'on éten-
dit enfuite jufqu'aux Fleuves & aux Fon-
taines 5 aux Montagnes & aux Vallées ,
en un mot à tous les Etres inanimés >
auxquels on nirigna dQS Dieux tutélaires.
2Î2 =N-V=»
On afïîgna aufli une forte de Culte â
ces Divinités : on leur ofFroit en Sacrifice
de l'Huile, du Lait, & du Miel j quelque-
fois on leur immoloit à^s Chèvres : on
leur confacroit des Fêtes. En Sicile , on
célébroit tous les ans àts Fêtes foiemnelies
en l'honneur des Nymphes ^ félon Virgile»
On n'accordoit pas tout-â-fait l'Immorta-
lité aux Nymphes , mais on s'imaginoit
qu'elles vivoient très-loiig-remps. Héiiode
les fait vivre placeurs milliers d'années,
Plutarque en a déterminé le nombre, 6c
il a réglé la chofe a neuf mille fept cents
vingt ans , par un raifonnement auiîî pi-
toyable, que le calcul qu'il fait pour cela.
Nymîphes
O RÉAD E s.
Les Oréades font les Nymphes qui pré-
fident aux Montagnes : on les repréfente
prefque nues, n'étant ornées que de quel-
ques feuilles d'arbres. Elles ont des Cou-
ronnes de Genièvre 5 & des Pieds de Bi-
ches. Leurs Attributs ordinaires font de%
Chevreuils , & autres Animaux , qui fré-
quentent peu la plaine.
Nymphes
Na p p èes.
Ce font les Nymphes des Prairies & des
Bocages. On les peint vêtues d'une légère
étoffe verte, couronnées de petites Fleurs,
& carefîant des Oifeaux qui leur font fa-
miliers. On \qs repréfente toujours allifes
dans êiQS, Prairies, ou dans quelques Bo-
cages agréables.
Nymphes
D RY A D E s.
Elles préiîdent aux Forêts, & s'y tien-
nent nuit & jour. On les repréfente de
taille robulie , & vêtues ruiliquemenc
d'une groife étoffe verd obfcute. Let.r
coëiiure efl: fans art <?-: garnie de moulTe.
Elles tiennent des branches de Pin ou de
Chêne , qui ont leurs feuilles & leurs
fruits. Leurs chauffures font des Brode-
quins faits d'écorce d'arbre.
Nymphes
Hamadryad ES,
Celles-ci font aufii ^qs Nymphes d^i
Forêts, mais elles s'attachent particulière-
^§4 =^,NY==^
ment à un feul arbre. Selon la Mytlioîo-^
gle, c'eft ordinairement au Chêne , & leut
deftinée écoic attachée à Tarbre fous l'é-
corce duquel elles fe tenoient. Les Poètes
ont feint que , ne pouvant attendrir par
leurs gémiffemens ceux qui détraifoienr
leurs arbres , elles obtenoient dQS Dieux
qu'ils fuffent punis.
Nymphes
DE Diane,
On les repréfente ordinairement en
ChalTeufes , ayant les bras & les jambes
nues , un Carquois fur le dos » & un Arc
à la main ; quelquefois on leur fait tenir
des Oifeaux de proie, ou on les accom-
pagne de Lévriers , ou de Chiens courans.
Leur vêtement eft court, léger, &c d'étoffe
blanche, qui efl la couleur fymbolique de
la Chafteté de la Déeffe qu elles fervent.
Ce vêtement peut auiîî être entremêlé de
quelques Peaux ou dépouilles de bêtes fau-
vages
Nymphes
Na y a d e s.
Ce font les nlles de Doris ^i de JNTérée,
Elles préfident aux Fontaines & aux Ruif-
feaux j féjournent dans à^s lieux aquati-
ques & marécageux. On les peint avec de
petites urnes qu'elles tiennent , êc donc
elles répandent de l'eau. Leurs cheveux
font ondoyans Ôc abattus fur leurs épau-
les ; ôc leurs couronnes font de rofeaux»
Nyi^îphes de la Mer,
Thétis»
Les Poètes ont entendu par le nom de
cette Nymphe , qui eft une dts DéeiTes de
la Mèr , l'immenlité des eaux 5 c'eft pour
cette raifon qu'ils ont feint que le Soleil
fe couchoir dans fon fein : ils la font fem-
me de l'Océan , de Mère de Doris &c de
Nérée , elle l'efl: auHî d'Achille & de Pe-
lée. On la repréfente au milieu de la Mèr,
2.ilîfe fur une Conque mâtine , tenant une
blanche de corail , de une draperie bleue
(dont elle forme une efpece de voile.
Nymphes de la M£r,
Galat H É E.
Elle fe repréfente d'une carnation extrê-
mement éclatante, ayant fa coëffure ornée
de perles , & tenant un voile blanc qui
jflotte au gré à^s vents. Elle eft far une
. .Conque de nacre , & tient une éponge.
.jSêîon Eoçace, dans fa Généalogie des
2S5 =NY =
Dieux 5 Z/v. 8. GaUtée , Dée/fe de îa
blancheur , fignifîe l'écume que les vagues
de la Mèr forment en s'entrechoquant , ôc
d où fe produifenc les éponges.
Nymphes
NÉ RÉ I n E s.
Selon la Fable elles font cinquante
fœurs , toutes filles de Nérée Ôc de Doris.
Leur emploi eft de faire cortège aux Chars
de Neptune , d'Amphitrite , de Vénus , ôc
autres Divinités fupérieures de la Mèr.
On les repréfente fous la forme de bel-
les filles jufqu'à la ceinture , le refte fe
termine en queue de poifibn. Elles ont de
longs cheveux ornés de perles , badinent
avec des conques remplies de corail , ou
de coquillages & autres fruits marins.
Il ne faut pas les confondre avec les Si-
rènes 5 qui ne font que trois fœurs , Ôc qui
font des Monftres fort dangereux,
Nymfhes de l'Aik.
Iris.
Les Poètes la font me(ïagère de Junon,
On la peint ordinairement volant fuu
TArc^en-ciel , de vètuë d'une draperie lé-
gère , dont les couleurs font variées comr
me celles de cet Aix. L'IconoIogie la ca-
radérife par un foleil , devant lequel tombe
une légère pluie. Virgile , dans fes Opufc.
décrit ainfi Vîris :
Kuntia Junonls varia decorata colore,
Mthera nuhificum ampUBtitur crhe décora ,
Cum Phocbus radias in nubem jecit aquofam.
Nymphes de l'Air.
SERENITE DU Jour.
On perfonnifie la Sérénité du Jour pat
une jeune fille , aflîfe fur un globe d'ar-
gent 5 & dans l'adion de contempler avec
raviffement un Soleil rayonnant qui eft au-
deiTus de fa tète. Ses cheveux font blonds ,
treiïes , & ornés de fieurs. Son vêtement
eft d'une légère étoffe d'or 6>c d'azur.
Nymphes de l'Aih.
sérénité de la nuit.
Celle-ci fe peint afîife fur un globe ter-
jreftre un peu obfcur. Elle contemple pai-
fiblement une Lune qui brille au-delTus
ce fa tète. Sa draperie ell bleu-foncé , par-
fcmée d'étoiles d'or. Sa carnation e^ bru-
ne 3 Ôc fes cheveux noirs font prnçs de
guirlandes de perles^
Nymphes de l'Aik;
Pluie.
On la repréfente dans un Ciel couvert
ôc nébuleux , alîife fur un nuage épais
qu'elle prelTe pour le réfoudre en pluie.
Autour de fa tète font fept Étoiles , qui
font les Pléiades. Parmi les nues on dé-
couvre Orion fous la figure du Signe du
Scorpion , ou fous celle des dix-fept Étoi-
les dont il eft compofé. Dhs que ce Signe
paroît, il menace de P/uie ôc de tempête :
ce qui fait dire à Virgile :
Cum fuhlto refurgcns fiuclu j nimhofus Cri en.
Et Properce , dans fes Elégies :
l^on hœc Pléiades fac'iunt , ne que aquofus Orion,
Nymphes de l'Air.
Rosée.
La Rofée fe peint fous la figure d'une
jeune fille foutenuë dans l'air , à peu de
diftance de la terre , & au-defTus d'une
prairie ; fa draperie eft aurore. On la cocffe
de différentes branches de buiiTons , ôc
dans {qs mains elle en tient aufii des gout-
tas d'eau. Au-deffus de fa tète efl une
X.uûe dans fon plein. Ariftote y Liv, 5 des
Météores y
Météores , dit, que la Lune dans Ton plein
a plus de force pour attirer & foutenir
dans la troifième région de l'air , la quan-
tité de vapeurs nécelTaires à former une
abondance Rofée.
Nymphes de l'àik.
Comète.
C'eft un corps Célefte Ôc lumineux , qui
fe perfonnifie fous l'image d'une femme
foutenue" en l'air , ayant le regard mena-
çant , une longue chevelure enRammée ,
une draperie rouge ëc tenant un flambeau
de foufre allumé. Ariftote , dans fes Mé-
téores , dit que la Comète eil de nature
fulfureufe.
Elle eft de finiflre préfage , félon ces
Vers de Si Ho Italio , Lib^ i .
Çrine utfiammifero tcrrctfira régna Comètes,
Sanguineum fpargens ignem ^ vomit atra ruhentes,
fax Cœlo radios , & fœva luce corufcunt
^cintillat fidus , terri/que ex tréma minatur,.
Et Virgile , Géorg,
'ulgura; nec dirl toi.es arfere CometM,
O.
La quatorzième lettre de l'AIphabèt , 5c
\ quatrième des voyelles, Grégoire de
Tome lîL N
Toms, Hift. Liv, F. C. 44, dit que c'eft
Cliilpéric qui ajoura VO a l'Alphabèc Fran-
çois , avec trois autres lettres O , X , 0.
Les Grammairiens l'appellent une voyelle
fermée , ou reiferrée , parcequ'elle fe pro-
nonce en refsèrant la bouche. Chez les
Latins VO avoir tant d'affinité avec l'U ,
qu'ils confondoient aifément ces deux let-
tres. Ils écrivoient Confoly &c prononçoient
Confal. Voyez les Inscriptions de Grutèr,
p. LXVI. n. 7, p. Cil. ligne 24, & p.
D. ligne 29.
O y chez les Anciens , étoit une lettre
Numérale , qui fignifient onie^ fuivant ce
Vers.
O numeruni gejtat qui nunc undecimus cxtau
Quand on met au-deffus un titre ô > il
fisnifie on:(e mille*
ô*
ÉNIGME LU.
Mon nom , connu par-tout , occupe l'Orateur.
Avec les plus grands Rois j'ai place dans l'Hiftoirc,
Je ne crains point du temps le funelle malheur :
On me verra toujours au Temple de Mémoire.
Toujours dans l'adion, toujours dans le bonheur,
j'entre dans les Combats, Se j'aide à la Vidoirc :
Je forme le Héros, je règne dans Ton cœur, ,
Je partage avec lui la Couronne & la gloire.
t= O B = 2^1
Obéissance,
Obéir à Dieu , c'eft régner :
Je me fournées à fa toute puiiTance ,
Et je ne veux rien épargner
Pour lui marquer ma propre O b e'i s s a n c e.
UObêiJfance eft repréfentée à genoux ,
parceque l'Humilité l'accompagne. Elle
tient un joug fur fes épaules , 6c s'avance
pour recevoir avec emprefTement un frein
qui defcend du ciel ouvert , & dans le-
quel on lit ce mot : Suave , pour mar-
quer , par ces Attributs , que la Douceur
eft fon appanage. Le Chien eft aulTi un
attribut qui lui eft convenable , à caufe de
la Fidélité.
Obélisque,
Ce font des Colonnes quarrées d'une
feule pierre , finiffant en pointe , comme
de petites Pyramides , èc remplies de tous
cotés de Caractères Hiéroglyphiques &z
myftérieux. Les Arabes les appellent Mef-
falets Pharaon , c'eft-à-dire , les Aiguilles
de Pharaon , parcequ'elles ont été conf-
trultes par les premiers Rois d'Egypte ,
qui portoient tous le nom de Pharaon j
comme les premiers Empereurs Romains,
celui de Céfar. Les Prêtres Egyptiens \qs
Nij
2p2 «=^==^ O B ==
appelloient h s Doigts du Soleil^ parceque i
ces Monumens étoient confacrés à cet Af-
tre. Le puemier Ohélifque d'Egypte fut
drellé par le Roi Maniifrar , qui en iiirro-
duifît l'ufage Fan du monde j.6o.\. Son
fils Sothis mit la dernière main à cette [
invention , & fit drefTer douze Obélifques\
dans Héliopolis. Simarres , ou Simannes,î
en fit élever plufieurs autres , du temps;
du Roi David , vers l'an du monde 298(5.1
Lé Roi Mafres ou Afres , fit conftruireî
un Obélifque fans Emblèmes , l'an du!
monde 3011 , & l'Empereur Claude le!
tranfporta à Rome. Le Roi Pfammiti
chius en fit dreffer un dans Héliopolis ,1
avec plufieurs Emblèmes & Hiéroglyphes
807 ans avant la Naiffance de Jefus-Chrift.
Le Roi Nedtabanus , ou , félon d'autres ,1
Néco 5 720 ans avant Jefus-Chrift , fit éri
oer un grand Obélifque à Memphis , quel
Ptolomée Philadelphe fit tranfporter à
Alexandrie. La plupart àes Obélifques ont
eu le même fort : les Empereurs Romainîl
les ayant fait tranfporter d'Egypte à Ale-
xandrie , Se d'Alexandrie à Rome , où l'or
en voit encore quelques-uns. On en ver
roit bien davantage , (i ce n'ctoit que
Cambyfe , Roi de Perfe , s'étant empare
de rÉgypte, l'an du monde 3528 , dé
truifit tous les Obélifques qu'il trouva , &! Ço-
fît mourir ou bannir les Prêtres Égyp-
tiens 5 qui feuls entend uient les fecrèts des
Caractères Hiéroglyphiques : ce qui fut cau-
::i\ fe que l'on ne drelfa plus de ces Ohclijques,
Les Emblèmes & les Caractères qui y
écoienc gravés , cachoient de o-rands fe-
crées \ &c repréienroient les Myllères des
Egyptiens , dont peu de gens avoient la
connoifTmce. Comme les Prêtres & les
perfoanes de qualité faifoien: auiîi élever
dQs Obéiifques ^ ils n'écoient pas tous d'une
ftrudure fi magnifique , ni d'une m'^me
hauteur. Les petits n'étoient que d'envi-
ron quinze pieds , les autres montoienr
jufqu'â cinquante , à cent , ou à cent qua-
rante pieds. Afin que ces Hiéroglyphes
pufTent réfifber aux injures du cemus , les
Egyptiens choinrent une matière fort dure.
C'eft une pierre que les Latins appellent
Pierre de Thèbes , «3c les Italiens Granito
Roffo ; laquelle eft une efpèce de marbre
moucheté , qui eft de la même dureté que
le Porphyre. La carrière d'où l'on tire ce
marbre eft près de la Ville de Thèbes ,
dans les Montagnes qui s'étendent vers !e
midi , jufqu aux cararaclres du NU. Quoi-
que l'Egypte ne manque pas d'autre mar-
^1 bre 5 on ne voit pourtant des Olé/ifques ,
jique de celui-ci: peut-être parceque les
Égyptiens y trouvaient quelque myftère :
Niij
car comme les Ohélifques étoient dédiés
au Soleil , &• que leur forme pointue jfi-
guroit les rayons de cet Aftre , on avoit
choiiî une matière qui eût du rapport avec
les propriétés du Soleil. Ce marbre étant
moucheté d'un rouge éclatant , de violet ,
de petites taches de couleur de cryftal , de'
bleu , de cendré &: de noir ; les Égyptiens
s'imaginèrent qu'il étoic fort propre pour
repréfenter l'adion du Soleil fur les quatre
Elémens. Le rouge & le violet marquoienc
le Feu : le cryftal lignifioit Tair : le bleu ,
l'Eau de la Mèr : & le cendré & le noir ,,
la Terre. Ainfî , quand on trouve des Ohé-
llfques d'un autre marbre , on peut con-
clure qu'ils ne font pas de la façon des
Prêtres d'Egypte , mais bâtis par les Égyp-
tiens, après le banniffement ^qs Prêtres que
Cambyfe chaffa , ou par d'autres nations.
Tel étoit VOùélifque que les Phéniciens
dédièrent au Soleil , dont le fommèt fphé-
rique & la matière étoient fort différentes
des Ohélifques d'Egypte. Tel étoit encore
celui que l'Empereur Héliogabale fit tranf-
porter de Syrie à Rome.
Augufte en fit tranfporter deux d'EIcIio-
polis à Rome. Confiance y en fit mener
un autre , que Ton y voit encore , Se qui a
é:é décrit par Ammien Marcellin. îl avoit
été dreffé autrefois par RhameiTes , Roi
d'Egypte, comme le montre cet Hiftorien,
en rapportant le uns des Figures Hiéro-
glyphiques que l'on y voit. Ce même Ol>é^
lifque ayant été abattu , fut redrefTé par
Sixre V.
Oboles, ou Mailles d'Or.
Tous nos anciens titres dcpofent qu'el-
les furent long-temps ufitées dans le Royau-
me. On lit dans les Antiquités de Paris ,
que le Seigneur de 5. Mandé ^ Fondateur
de S. Antoine des Champs y ayant fait re-
garder dans fon tréfor , an trouva fepc
mille Mailles d'Or ; qu'il fît venir quatre
clercs j qu'il leur en donna à chacun mille y
pour trafiquer ^ mais on ne trouve qu'in-
certitude fur leur valeur. Selon M. le
Blanc y page i6^ & fidv. on les voit,
fous S. Louis &C Philippe le Bel , à cinq
fols tournois , & fous Louis XI ^ à vingt-^
fept fols Jix deniers,
UOlole^ fuivant l'Auteur ci-deffus ciré,
partageoit le prix y fuivant la valeur di-
vcrfe des deniers qu'elle divifoit.
Oblation.
Ce font les préfens de diverfa nature
que l'on^ofFroit chez les Païens fur les Au-
tels des Dieux.
N iv
a^6 =:rOB====
On repréfente une belle femme vêtue
de blanc , & ayant les bras nuds. Elle eft à
genoux devant un Autel , & offre un cœur
qu'elle rient dans fa main droite. L'Agneau
qu'elle conduit de la main gauche , eft
alluiîf à ce précepte donné par Moife j
Êxod, Cliap» II.
Erit autem Agnus ahfque macula.
Nous nommons préfentement Offrande a
ce que les Anciens nommoient Oblation*
Obscurité.
On la repréfente par une figure drapée
d'un voile noir , & entourée de ténèbres*
Elle étend un autre voile obfcur , par le
moyen duquel elle empêche la pénétration
àts rayons de la lumière : fon Attribut eft
un Hibou qui eft fur fa tète , & d'autres
Oifeaux noàurnes qui volent autour d'elle,.
Obstination.
Ni force , ni raifon , ni confeils charitables ,
Rien ne peut ramener un efpric obstine' ;
C eft un malade abandonné ,
Il faut le m':ittre aux Incurables.
UOhJiination fe repréfente appuyée , &
comme retranchée derrière un Mulet j fon
vêtement eft d'étoffe noire i cette couleur
!==: O C ==3 25)7
n'étant pas fafceptible de prendre aucune
des autres couleurs , elle eft l'image des
Obflinés ^ qui {o\-\i incapables de changer
d'Opinion. On lui donne à^^ oreilles d'â-
ne 5 qui font l'Emblème de l'Ignorance ÔC
de l'Entêtement , la vapeur épailîe qui en-
toure fa tête 5 fignifie que fon intelligence
efi: obfcure.
Occasion.
On repréfente ordinairement cette Di-
vinité fous la forme d'une femme nuë , èc
chauve par derrière ^ n'ayant de chevelure
que fur le devant de la tête ; elle avoir un
pied en l'air & l'autre fur une roue , ua
Rafoir d'une main & un Voile de l'autre.
On explique ain/î fes Symboles : elle eit
chauve par derrière & chevelue par de-
vant, pour nous apprendre qu'il faut pren-
dre XOccaJion aux cheveux quand olle fe
préfente , de crainte qu'elle ne nous échap-
pe : car elle eft volage Z<. toujours p .ête a
s^enfuir. Voilà pourquoi on lui met Mxt
pied en Tair & l'autre fur une roue. Quant
au Rafoir qu'elle porte , il iîgnili- que dès
qu'elle s'offre à nous , il faut retrancher
tous les abftacles pour la fuivie où elle
nous appelle. Aufone en a fait une belle
defcription dans fon Hpigramme doa-
aième^
2p8 =OC.=^
L'Occasion pafTe comme le venr ;
A îa guerre , en amour , il faut la fcavoir prendre.
Tout eft fur le point de fe rendre ,
Si l'on fçait profiter de cet heureux moment.
Les Anciens la confidéroicnt comme
une Divinité, qui préfidoit aux Momens
hs plus favorables.
Phydias la repréfenta par une jeune fîlle
nue* 5 n'ayant pour vêtement qu'un léger
voile qui badinoit autour d'elle ; elle avoir
cies ailes aux pieds , & fes cheveux vo-
loient en avant , de forte que le derrière
de fa tête reftoit chauve. Elle écoit pofée
légèrement fur le fommèt d'une roue.
En voici la defcription dans une Épi-
gramme d'Aufone.
Cujus opus ? Phldiœ , quijignum Palladis , ejuSy
Quique Jovemfecitj tertia palena ego fum.
Sum Dea quœ rara & paucis Occasio nota,
Quid rotulœ infiflls ? Siare loco nequeo,
Quid taJaria hahens ? Volucrls fum, Mfrcurius
qUi£
Fortur,arc Je let 3 tarda ego, cum rolui.
Cr'me tegis facu-m, Cognofci nolo. Sedheus tu
Ccclplti calva ts , ne teneur fuglcns,
OCCATOR,
Dieu qui préiidoit au Travail de ceux
;== O C =^ 2pp
qui herfent la terre à la Campagne ^ pour
en rompre les mottes , & la rendre unie.
Il y a chez les Païens beaucoup de Di-
vinités , dont les noms font pris des cho-
fes auxquels on les faifoit préiîder.
Occident.
Quand le Soleil a fini la carrière,
Quand on ne voie plus fa lumière.
Et que dans le fein de Théds
Ses rayons font enfevelis 3
Tout efl: calme pour lors , tout ell fans violence ;
Ceft le temps du Repos , c'eft le temps du Silence.
^Occident eft repréfenté fous la figure
d'un vieillard couvert d'une robe brune ,
ayant une ceinture bleue fur laquelle fe
trouve trois Sis:nes Céleftes. 11 a fur fa tête
une Etoile brillante & une bandelette qui
lui ferre la bouche. ■
Océan.
La Terre , dit Héfiode , eut de fon ma-
riage avec Uranus VOcéan , aux gouffres
profonds. Enfuite on a dit que VOcéaTz
étoit le père lion-feulement de tous les-
Dieux , mais de tous les Êtres \ ce qui doit
s'entendre en ce fens , que FEau contribue
plus elle feule à la produdion ôc à la nour-
riture à^s corps 3 que tout le refte de ia>
N v-i
300 ^=OC.c=:^
iiatire ; ou bien , fuivanc la Dodrine du
philosophe Thaïes , que TEau éroit la ma-
tièie première dont tous les corps étoient
compofés.
D':;nciens Monumens nous repr^fen-
tent ÏOcéan fous la figure d'un vieillard
allis fur les Ondes de la Mèr , avec une
Pique a la main , & ayanr près de lui un
Monflre Mann. Ce Vieillard tient une
Urne ou Vafe, & verfe de l Eau , Symbole
de la Mèr , des Fleuves & des Fontaines :
Homère fait faire aux Dieux de fréquens
voyages chez VOcéan ^ où ils palToienc
donze jours de fuite parmi la Bonne-chère
& les Fcftins.
Le Pacte fait allufion à une ancienne
coutume de ceux qui habitoient fur les
bords de l'Océan Atlantique , qui , au rap-
port de Diodore , célébroient dans une
certaine faifon de l'année, î!iQS Fêtes fo-
lemnelles, pendant lefquelles ils portoient
en proceiîion la Statue de Jupiter & des
aurres Dieux , leur oiFroient des facrifices,
& faifoient en leur honneur de Grands
TeHiins. Ce que les Grecs difoientde l'O-
céan y les Égyptiens le difoient du Nil , qui
a porté chez eux le nom à!Ocean^
OCN us.
C'étoit un homme laborieux , dit PaU"*
fanias , qui avoir une femme fort peu
ménagère , de force que tout ce qu'il pou-
voir gagner fe trouvoir auiîi-rôr dépenfé.
Dans le fam.eux Tableau de Polygnote ,
il eft repréfenté alîis , faifant une corde-
avec un jonc , ôc une ânelTe , qui efl au-
près , mange cette corde a mefure , & rend
aulfi inutile tout le travail du Cordier»
Cette repréfentarion donna lieu à un Pro-
verbe chez les Grecs j pour dire que c'eil
bien de la peine perdue , on difoit , c'eft
/a Corde d'Ocnus,
Octobre,
Ce Mois 5 le huitième de l'Année de
Romulus , d'où il a pris fon nom , eft le
dixième de la notre. Il étoit fous la pro-
tection du Dieu Mars. Les Feres de ce
Mois croient les Méditrinales le 1 1 ; les
Auguftales le 1 1 j les Fonrinales le 15;
& l'Armiluftre le 19. Ce Mois éroir per-
fonnifié par un chaflfeur qui avoir un Lièvre
a fes pieds , à^s Oifeaux au-delTus de fa
têre , & une efpèce de cuve auprès de lui.
Ce qui répond aux quarre vers d'Aufone,
dont voici le fens : t« OBobre fournir les
3> Lièvres : c'eft lui qui donne la liqueur
» de la Vigne , & les Oifeaux gras : nos
n Cuves écumenc> le Moût bouc avec vio-
502 ==OD —
5î ience , & les VaifTeaux font pleins dç
» vin nouveau.
Ce Mois eft appelle Octobre ^ paucequ'il
étoit le huitième Mois de l'année , en la
commençant , comme faifoient autrefois
les Romains , par le Mois de Mars. Do-
mitien lui voulut donner fon nom , mais
il ne réuffit pas. Le Sénat Romain lui
donna le nom de Fauftine, femme d'An-^
ronin , fous le Règne de cet Empereur.
Commode le voulut faire nommer l'In-
vincible \ mais cela n'eut pas plus de fuc-
ûiS:, 6c le nom (^Octobre lui efl toujours
demeuré.
O
DORAT.
Si par réclàt de vos couleurs,
Aux révères Beautés vous fcrvez de parures 3
Vous êtes encor belles Fxcurs,
Le parfum le plus deux de toute la Nature.
UOdorat nous efl: repréfenté fous k
figure d'un jeune garçon , qui rient un
Vafe de la main gauche & de la droite
un Bouquet. A fes pieds on apperçoit un
Chien de chaflfe qui le fuit par-tout ; fa
robe efl: femée ds fleurs. Le Bouquet figni-
fie l'Odeur naturelle ; le Vafe , celle que
l'on tire Aqs liqueurs par l'Art de la Dif-
tillation : les fleurs de fa robe 3 le Chien de
= CEC.== 30 j
chaffe qui l'accompagne , n'ont point be-
foin d'explication , puirque Von fçait alFez
que l'un ôc l'autre font les Symboles de
ÏOdora£,
(Economie.
UŒconomie dépend du bon ordre d'une
maifon , confiée d une perfonne fenfée &:
expérimentée.
On la perfonnifie par une Matrone ref-
pedable , vêtue modeftement & avec fim-
piicicé j la branche d'olivier qui la cou-
ronne eft le Symbole de la Paix , qui efi:
la première recherche de VŒconomie. Elle
s'appuie fur un Gouvernail , tient un Scep-
tre & un Compas , qui font les Emblèmes
du Pouvoir , ôc d'un fage Gouvernement.
L'Epigramme fuivante en donne l'idée..
Jlla dcmiis felix y œquîs quamfrœnata habenis
Frodiga non œris mater , & ufque vigil.
Crinnna quœ avertens nad, natœque pudori
Invlgilans , jujla cœtera lance régît.
Hanc Ji tu tollas fug^et fecipn optimus Ordo ^
Ut cap'ite avulfo ccrpore vitafugit,
(Edipe,
Fils de Laïus , Roi de Thèbes, & de Jo*
cafte. Laïus , en fe mariant , eut la curio-
fité de faùe demander à l'Oracle de Del»
504 =-(ED-=
phes , fî fon mariage feroit heureux ? L'O-
racle lui répondit que l'enfant qui en de-
voit naître , lui donneroit la mort ; ce qui
l'obligea de vivre avec la Reine dans une
grande réferve : mais un jour de débauche
il en approcha & elle devint grolTe. Quand
elle fut accouchée , Laïus , l'efprit troublé
de la prédidion , ordonna à un domefti-
que affidé , d'aller expofer l'enfant dans un
lieu défert , ôc de l'y faire périr. Celui-ci
le porta fur le Mont Cithéron , lui perça
les pieds & le fufpendit à un arbre , ce
qui fit donner a l'enfant le nom d'Œdipe.
Par hazard Phorbas , Berger de Polybe Roi
de Corinthe , conduifit en ce lieu fon trou-
peau 5 ôc aux cris de l'enfant accourut , le
détacha & l'emporta. La Reine de Co-
rinthe le voulut voir, & comme elle n'a-
voit point d'enfans , elle adopta celui-ci ôc
prit foin de fon éducation.
Quand Œdipe fut devenu grand , il vou-
lut fçavoir de l'Oracle quelle feroit fa
deftinée , & il en eût cette réponfe :« Les
M Deftins portent qiiŒdipe fera l'Époux
3> de fa Mère , qu'il mettra au jour une
» race exécrable , de qu'il fera le meur-
3î trier de fon Père, jj Frappé de cette hor-
rible prédidion , &c pour éviter de l'ac-
complir , il s'exila de Corinthe : réglant
fon voyage fur les Aftres> il prit; la route
de la Phocide. S'écant trouvé dans un che-
min étroit qui menoit a Delphes , il ren-
contra Laïus monté fur fon Char & ef-
corté de cinq perfonnes feulement , qui
ordonna avec hauteur à Œdipe de lui laif-
fer le pafTage libre : ils en vinrent aux:
mains fans fe connoître , & Laïus fut tué.
(Edipc 5 arrivé à Thèbes , trouva cette
Ville dans la défolation des maux que lui
faifoit le Sphinx, Le vieux Créon , père
de Jocafte , qui avoit repris le gouverne-
ment après la mort de Laïus , fit publier
dans toute la Grèce , qu'il donneroit fa
fille de fa couronne à celui qui afFranchi-
roit Thèbes du honteux tribut quelle
payoit au Monilre. Œdipe s'offrit pour
diiputer contre le Sphinx , le vainquit &
le fit périr. Jocafte, qui étoit le prix de
la vidoire , devint fa femme & lui donna
quatre enfans j deux fils , Ethéocle & Po-
lynice , & deux filles , Antigone & If-
mène.
Plufieurs années après, le Royaume de
Thèbes fut défolé par une pefte très-cruel-
le V l'Oracle , refuge orduiaire des mal-
heureux , eft de nouveau confulté ; & dé-
clare , que les Thébains font punis pour
n'avoir pas vengé la mort de leur Roi
Laïus 5 &: pour n'en avoir pas même re-
clierché les Auteurs. Ce fut par toutes les
^06 ==(EI=^
perquifitions qa Œdipe fit faire pour dé-
couvrir cet afTaflin , qu'il dévoila enfin le
Myftère de fa naifïance , fe reconnut l'Au-
teur du pamcide & coupable de l'incefte.
«c Hé bien , Deftins affreux , vous voici
3> dévoilés 3 s'écrie- t-il , je fuis donc né de
>} ceux dont jamais je n'aurois dû naître ,
» je fuis l'époux de celle que la nature
5î défendoit d'époufer : j'ai donné la mort
3> à celui à qui je devois le jour.... Mon
5> fort eft accompli. O Soleil , je t'ai vu
>5 pour la dernière fois. » En effet , après
avoir vu Jocafte qui venoit de s'ôter la
vie , il s'arracha les yeux de défefpoir , 3c
fe fit conduire par fa fille Antigone dans
l'Attique 5 où il ne celfa de déplorer {qs
malheurs. Quoique la volonté , qui fait le
crime, n'eut aucune part dans les horreurs
de fa vie , les Poëres ne laiflTent pas de le
placer dans le Tartare avec Ixion , Tan-
tale 5 Sifiphe , les Danaïdes , ôc tous ces
fameux Criminels de la Fable.
(E
IL.
lJ(Eil humain étoit un des Symboles
d'Ofiris, dit Plurarque ; c'eft pourquoi Ton
trouve quelquefois fur d'anciens Monu-
mens un Œil humain à côté d'une tète
d'Oiîris. Ofiris ell l'Apollon Égyptien ou
= CE N :=r 507
le Soleil. Auiîî d'autres Auteurs ont dit
que cet (S/7 étoit confacré à Apollon ^
parceque le Soleil , qui eft pris pour Apol-
lon , jette {qs regards fur tout le monde.
Voilà pourquoi les Poètes appellent le So-
leil ÏŒil de Jupiter.
(Snistéries,
La Fête du vin , elle fe célébroit à Athè-
nes , par les jeunes gens prêts à entrer
dans l'Adoleicence 5 avant de fe faire pour
la première fois la barbe & les cheveux»
Ils apporcoient au Temple d'Hercule une
certaine mefure de vin , en faifoient des
Libations , &c en offroient à boire aux af-
fîilans.
Œnone,
Fille du Fleuve Cebrene en Phrygie ^
au pied du Mont Ida , bergère d'une ex-
trême beauté , fe mêloit de prédire l'ave-
nir 8c de connoître la vertu des plantes.
Apollon lui avoit fait préfent de ces Dons ,,
en reconnoiffance des faveurs qu'il avoir
reçues de la belle. Paris dans le temps
qu'il étoit fur le Mont Ida , réduit a la
condition de Berger . le beau Paris fe fit
aimer ^(Enonc , & en eut un fils qui rut
nommé Corithus. Lorfqu'elle eut appris
qu'il alloit faire un voyage en Grèce, elle
5o8 ==.(EN=^
fie tout ce qu'elle put pour l'en détourner ,
lui prédifant tous les malheurs dont feroit
fuivi ce voyage , ajoutant qu'il feroit un
jour blelTé mortellement , qu'alors il fe
fouviendroit à'Œnojie pour en être guéri ;
mais qu'il auroit vainement recours à elle.
En effet , lorfque Paris eut été blelTé par
Philodète au Siège de Troye , il fe fit por-
ter fur le Mont Ida chez (Enone ; qui ,
malgré l'infidélité de fon époux , employa
fon Art pour le guérir j mais tous les Re-
mèdes furent inutiles , la flèche qui l'a-
voit blefTé étoit empoifoiinée : c'étoit une
des flèches d'Hercule. Paris mou rut entre
les bras à'Œnojze , & la malheureufe CE-
no7ie mourut de regret de la mort de cet
infidèle amant. Conon , dans Photius ,
rapporte que le MefTager qui vint dire à
Œnone, que Paris i^ faifoit porter fur le
Mont Ida 5 afin qu'elle le guérit de fa bief-
fure 5 fut renvoyé biTifquement avec ces
paroles de jaloufie ^ QulI aille Je faire
pajifer à fon Hélène, tjn retour de ten-
drcfle Çii bientôt repentir Œnone de fa
brufquerie : elle rcfolut d'aller au devant
de fon mari avec les Remèdes néceffaires ;
mais elle arriva trop tard. La réponfe
qu'elle avoir faite au Meflager, fut fidèle-
ment rapportée à Paris , & l'accabla de
telle forte qu'il expira fur le champ. La
première chofe que fit (Enone quand elle
fut arrivée , fut de tuer d'un coup de pied
ce MelTager , parcequ'il avoit ofé lui dire
qu'elle éioit caufe de la mort de Paris.
Enfuite elle embraffa tendrement le corps
de ce mari infidèle , & après bien des re-
grets 5 elle fe pafTa fa ceinture au cou &
s'étrangla.
Œta,
Montagne de ThelTalie , entre le Pinde
& le Parnaffe \ elle efl: célèbre dans la fa-
ble & dans l'hidoire Grecque , par la
mort d'Hercule qui s'y brûla , & par le
détroit des Thermopyles qui eft dans cette
Montagne. Comme le Mont Oèta s'étend
jufqu'à la mèr Egée , qui eft l'extrémité
de TEurope à rcrient , les Poctes ont feint
que le Soleil bc les Etoiles fe ievoient à
côté de cette Montagne , & que de-là
nailToient le jour & la nuit. Ce Monc
étoit encore renommé par l'Ellébore qu'il
produit en abondance.
ÉNIGME LI IL
Bârillèc Que la main
Gentillet, De rhumaiii
De madère Peac détruire ,
Singulière , Non conftrulre ,
5IO
= (EU =
Je promets
Certain mets
D'une viande
Bien friande :
Sur-tout lors
Que dehors
La clôture
Que Nature
Me produit ,
Nouveau fruit ,
On me jette ,
Et m'arrête
Tant foit peu
Sur le feu j
Puis on m'ouvre ,
CEuF d'Orphée
Et découvre
Un flottant
Ragoûtant ,
Petit orbe ,
Qu'on abforbc
D'un feul trait.
Cela fait,
Là bien vite
On me quitte :
Et fans biens )
Je deviens
Vil à l'homme ,
Ainfi comme
Tonnelet
Rondelet.
C'étoit un Symbole Myûéuieux dont fe
fervoit cet ancien Poète Philofophe , pour
défigner cette Force intérieure , ce Prin-
cipe de Fécondité dont toute la Terre eft
imprégnée j puifque tout y poulTe , tour y
végète , tout y renaît. Les Egyptiens ôc
les phéniciens avoient adopté le même
Symbole , mais avec quelques augmenta-
tions y les premiers en repréfentant un
jeune homme avec un Œuf qui lui fort
de la bouche ; & les féconds , en repréfen-
tant un Serpent drelTé fur fa queue , Ôc te-
nant aufïî dans la bouche un Œuf. Il y a
=.= (EU= 511
apparence que , préfomptueux comme
étoient les Egyptiens , ils vouloient faire
entendre que toute la terre appartient a
rhomme , Se qu'elle n'eft fertile que pour
{qs befoins : les Phéniciens au contraire ,
plus retenus , fe contentoient de montrer
que Cl l'homme a fur les chofes infenfibles
un Empire abfolu , cet Empire du moins
ne s'étend qu'en partie fur les Animaux,
dont pludeurs mêmes difputent avec lui
de force , d'adrefle & de rufes. Les Grecs
refpectoient trop Orphée pour avoir né-
gligé une de fes principales idées : ils ali-
gnèrent de plus à la Terre la figure d'un
Ovale.
(Eu F d'Osiri«.
Les Égyptiens contoienc , au rapport
d'Hérodote , qu'Oliris avoir enfermé dans
un Œuf douze Figures Pyramidales blan-
ches , pour marquer les biens infinis donc
il vouloir combler les hommes ; mais que
Typhon fon frère ayant trouvé le moyen
d'ouvrir cet (Euf^ y avoit introduit fecrè-
tement douze autres Pyramides noires, &c
que par ce moyen le mal fe trouvoit tou-
jours mêlé avec le bien. C'eft fous ces
Symboles que cet ancien Peuple expri*
moit l'oppofition des deux Principes du
oien & du mal qu'ils admettoient.
512 =:<EU==:
Œuf primitif.
(Buf primitif ^ d'où font fortis tous les
êtres. C'eft fous ce Symbole que plufieiirs
Philofophes Païens , après Orphé , ont re-
préfenté le Monde, ou plutôt l'Auteur du
Monde. Les Phéniciens, félon Plutarque,
reconnoifToient un Etre fuprême , qu'ils
repréfentoient dans leurs Orgyes fous la
forme d'un (Euf, Le même Symbole étoit
employé par les Chaldéens , les Perfans.,
les Indiens & les Chinois même : il y a
bien de l'apparence que telle a été la pre-
mière opinion de tous ceux qui ont entre-
pris d'expliquer la forme de l'Univers.
ÉNIGME LIK
Encor que je nailTe fans vie,
Je la donne à chaque vivant ;
Et l'on me cherche fort iouvent
Dans le temps d'une maladie ,
Quoique je fois utile après comme devant.
Quelquefois je n'ai point de père :
Alors je ne dois point mon être à Côn amour j
Et je nais fans blefTer ma mère ,
Quoiqu'elle crie en me donnant le jour.
Ce qui doit le plus vous furprendre ,
C'eft que fou vent par elle on me voit enfanté ,
Sans qu'elle perde rien de fa virginité.
Comment pouirez-vous le comprendre ?
Comme
Comme une femme, elle accouche en Ton li:.
La jeunefTe eft mon avantage j
Plus je vieillis , plus on me fuit.
La robe blanche eft m.on partage ,
'Et je la porte en tout temps jour &c nuit.
Il ei't poutant certaine Lcte ,
Ou l'on me fait changer d'habit ,
Et le rouge m'en prend , fans avoir une tète.
Devinez qui je fuis j je vous en ai trop dit.
CSuvRE$ DE Miséricorde.
Donner à manger à ceux qui ont faim.
Les Œuvres de Miféricorde exercées en-
vers les pauvres , font ïî agréables a Dieu ,
que dans l'Evangile il \ç:s regarde comme
faites à lui-même j difan: :
Amen , dico vohis^ quamdiufecljîts uni ex
his frcLtribus meis minimis, mihifecijiis.
La première de ces Œuvres fe repré-
fente par une Femme , qui s'empreiTe de
fecourir un pauvre couché à terre , périf-
fanc d'inanition.
Efurivif & dedifiis mihi manducare*
^à
Tome III.
314 =(EU==
Œuvres de Miséricorde.
Seconde,
Donner à boire à ceux qui font altérés.
L'image de cette féconde eft figurée par
une Femme, qui a tiré de l'eau d'un puits,
& regarde d'un air de fatisfadion un pau-
vre qui fe défalcère avec avidité.
Sitivi y & mihi dedlfiis bibere.
Œuvres dç Miséricorde.
TROISIEME,
Donner V Hospitalité.
UHofpitalité a été exercée de tous les
temps, par tous les Peuples, tant Barbares
que Chrétiens.
On la peint fous la figure d'une Femme
modefte* Elle eft à l'entrée d'un hôpital »
dont on voit une partie extérieure , elle
donne la main à un Pèlerin , excédé par
la fatigue du chemin.
Hofpes cram ,& collegijiis me*
Œuvres de Miséricorde,
QUATR J E M £»
Vêtir ceux qui font nuds.
On donne â cette quatrième un air ten-
dre & affable. Elle s'emprelTe de couvrir
d'un Manteau un homme mal vêtu &
tranfi de froid. La ReconnoifTance de cec
homme eft peinte fur fon vifage , & dans
fes yeux qu'il tourne humblement du côté
de fa bienfaitrice.
Nudus y & cooperuijîis me*
Œuvres de Miséricorde.
ClN(lUISME,
Soi^er Us Malades,
On la peint aiîife à côté d'un homme
abattu par la Maladie , & couché dans ua
lit j elle le regarde avec compafllon , & lui
préfente â boire.
Jnfirmu^ , & vijitajîis me.
Œuvres de Miséricorde»
Sixième,
Vijitcr les Prisonniers,
Cette fixlème fe repréfente par une Ma-
Oij
3i5 =(EU=:
trône refpedable qui, dans les horreurs
d'une afFreufe Prifon , confole un Pri fon-
cier , donc les pieds & Iqs mains font
chargés de fer j il l'écoute avec attention.
In Carcere eram, & venijiis ad me.
Œuvres deMiséricorde.
Septième,
Enfevelir les Morts,
La dernière des (Euvres de Miféricorde ^
qui font fi agréables à Dieu , eft celle de la
Sépulture. On repréfente une femme qui
enveloppe d'un linceul bîanc un Cadavre ,
ayant près d'elle la bière , & un cierge al-
lumé.
Œuvres parfaites.
On ne fait lien de parfait , ni de beau ,
Si de la Lci de Dieu , l'on ne fuit le Niveau.
Cet Emblème repréfente une femme
qui tient de la main droite un Miroir,
qui rend les chofes aulTi parfaites à la vûè*,
que vous les lui expofez \ elle tient de la
main gauche un Compas &: une Règle ,
inftrumens fans lefqueîs un Mathémati-
cien ne peut rien faire de bien régulier.
Offense.
Tel nous penfe bleiTer , qui fe bleffe lui-même j
Tel homme veut piquer autrui ,
Dont le trait rejaillit fur lui.
Tu le peux voir dans cet. Emblème.
On offenfe par voie Se fait , par des
injures & par des propos mcdifans. Ainfî
ce fujèt fe caractérife par une Femme
laide qui eft en action de décocher une
flèche j ôc dont le vêtement efi: garni de
Langues & de Couteaux. L'Emblème du
HériHon qui eft à fes pieds , ôc qui lance
{es dards contre les Chiens qui l'atta-
quent, lignifient qu'on eil contraint quel-
quefois de repouiTer VOffenfe par ÏOf-
fenfe,
O G M I G 3 ,
Nom que les Gaulois donnoient à Her-
cule , qui fignifie en Langue Celtique
PuifTdnt fur Mer. Ils le repréfentoient fore
différemment des Hercules ordinaires :
c'étoic un vieillard quafi décrépit , chauve >
à qui prefque tous les cheveux étoienc
tombés , de couleur olivâtre , bafané &
tout ridé comme un vieux marinier j il
portoit la MafTuë de la main droite , TArc
de la gauche 5 & le Carquois fur l'épaule :
Oiij
5i8 ====OG =
5e fa Langue pendoient de petites chaînes
d'or & d'ambre , avec lefquelles il entraî-
noit une grande multitude d'hommes qui
le fuivoienc volontairement. C'eft un Sym-
bole de fon Eloquence, à laquelle perfonne
ne réfiftoit. Il paroît , par ce portrait , que
les Gaulois regardoient Hercule non com-
me un Dompteur de Monftres & un Re-
dredeur des torts j mais comme un Dieu
d une Éloquence douce & perfup.fîve. Lu-
cien qui nous a donné ce détail ajoute ,
qu'on le peignoir avancé en âge , parce-
que l'Éloquence ne montre ce qu'elle a
de plus vif , que dans la bouche des
Vieillards.
ÉNIGME LF,
Dans l'Egypte autrefois , de vils adorateurs ,
L'enccnfoir à la main , venoient me rendre hom-
mage.
le Peuple , le Sçavant, & le prétendu Sage ,
De ce Culte païen étoient obfervateurs.
L'Hébreu dans le défert , nourri d'un pain célefre ,
Suivant trop fes defirs vains & capricieux ,
Ofa me préférer à la Manne des Cieux ,
Moi , qui fers tout au plus dans un repas agrcflc.
Quoique je fois déchu de ce premier état ,
Un Syftême nouveau publie avec éclat ,
Qae la terre empruntant ma forme triviale ,
Comme moi rcpréfente une figure ovale,
.==OI= 319
Encore avec cela quelques propriétés
Me confolent du moins. Ledeurs , qui m*écoutez ,
Si vous ouvrez mon fein par vos communes armes ,
Vous en ferez punis , vous verferez des larmes :
Il eft vrai , je pourrai par vous être mangé >
Mais û je meurs, au moins je me ferai vengé.
Oiseaux.
L'Aufpice fe prenoit du vol Se du chant
des Oifeaux ; quelquefois auiîi on en pre-
noit l'Augure. Les Oifeaux donc on ob-
fervoit plus exadtement le Chant, croient
l'Aigle , le Vautour , le Milan , le Hibou ,
le Corbeau &: la Corneille.
Le refped que les Égyptiens avoient pour
les Animaux en général , s'étendoit par-
ticulièrement fur les Oifeaux. Ils avoient
foin de les embaumer & de leur donner
une fépulture honorable. Elien dit avoir
vu le Sépulcre d'une Corneille près du
Lac Moëris. Nos Voyageurs modernes
parlent d'un puits aux Oifeaux qui fe
voyoit dans ie Champ des Mumies. En
defcendant dans ce puits , dit Corneille le
Brun 5 on trouvoit fur les côtés plulieurs
grandes chambres taillées dans le roc ,
pleines de pots de terre-cuite couverts de
même matière , dans lefqueîs on confer-
voit embaumé d^s Oifeaux de toute ef-
pèce ; il n'y avoit qu'un O if eau dans cha-
O iv
5^0 ==^OI=*
que pot. On y trouva aulTî des oeufs de
poule tous entiers , mais vuides & fans
aucune mauvaife odeur.
Oisiveté.
Ce Vice y d'où nalifent tous les autres,
fe repréfente par une groiTe femme , re-
plète , mal-coëffée , mal-vètuë , & moitié
endormie. Elle eft afllfe dms un lieu fale
êc fangeux , fe gratte !a tcte d'une main ,
&c appuie l'autre fur un Porc qui dort à
£qs genoux. L'Ariofte dit :
J.iquefto alhergû il grave fonno cl ace
L'a^-^io da un canto corpukn:o , e grajjb.
o
18 G N.
C'étoit un des Animaux particulière*
ment confacrés à Junon.
Olivier,
Arbre confacré à Jupiter , mais plus par-
ticulièrement a Minerve , qui avoit ap-
pris aux Athéniens à cultiver cet Arbre ,
êc à exprimer l'huile de fon fruit. L'O//-
vier eft le Symbole ordinaire de la Paix,
les Romains la repréfentoient fous la fi-
gure d'une femme qui tient un Rameau
d'Olivier, La douceur de fon fruit carac-
térifô la Douceur de la Paix. Une Cou-
===OL== 521
ronne d'Olivier étoic le prix de la Vic-
toire aux Jeux Olympiques»
Olympien,
Surnom de Jupiter qui avoir un Tem-
ple magnifique à Olympie en Élide. Le
Temple 6: la Statue de Jupiter , furent le
fruit des dépouilles que les Eléens rem-
portèrent fur ceux de Pife , dont ils fac-
cagèrent la ville. Le Temple étoit roue
environné de colonnes par dehors : on ny
avoir employé que des pierres d une beauté
fîngulière. L'Edifice avoir foixante-huit
pieds de hauteur , quatre-vingt-quinze de
largeur , de deux cens rrente de longueur.
Il croit couvert non de tuiles , mais d'un
beau marbre Pentélique, Se raillé en for-
me de ruiles. Aux deux extrémités de ia
voûte , on voyoit deux Chaudières d'Or
fufpenduës , 8c dans le milieu une Vic-
toire de bronze dorée fupponée d'un bou-
clier d'or. La Statue du Dieu , ouvrage
de Phidias , ce fameux Sculpteur d'Athè-
nes , étoit d'or & d'y voire : Jupiter y pa-
roifTaic alîis fur un trône , ayant fur la
tête une Couronne de feuilles d'QHvier ^
tenant de la main droire une Viccoire aufli
d'or Se d'y voire , ornée de bandelettes ôc
couronnée^ 3c de la crauche un Sceptre ^
far le b(?u.t duquel repoibit an Aigle» de
Ov
^22 c=OL==
où reluifoienc routes fortes de Métaux,
Enfin le Trpne du Dieu étoit tout bril-
lant d or & de pierres précieufes : i'yvoire
êc rébène y failant , par leur mélange , une
agréable variété. Aux quatre coins il y
y avoir quane Victoires qui fembloient fe
donner la main pour danfer , Ôc deux au-
tres aux pieds de Jupiter. A l'endroit le
plus élevé du Trône , au-deflus de la tête
du Dieu , on avoit plriçé d un côté les
Grâces , Se de l'autre les Heures , les unes
& ks autres comme Filles de Jupiter.
Cette defcription du Temple de Jupiter
Olympien , eft extraite de Paufanias , qui
ajoute à la fin : «' L'habileté de l'Ouvrier
ft> eut Jupiter même pour approbateur ;
•> car Phidias , après avoir mis la dernière
i> main a fa Statue , pria le Dieu de mar-
»> quer par quelque figne fi cet ouvrage lui
vi étoit agréable : & l'on dit qu'aufli-tôt le
>j pavé du Temple fut frappé de la fou-
w dre , fans en être endommagé, w On
confervoit dans le Temple une prodi-
gieufe quantité de très-riches préfens ,
non-feulement de la part èiQ% Princes
Grecs 5 mais èiÇ^ Afiatiques mêmes.
Dans ce même Temple de Jupiter , \^^
Éléens avoient érigé (\yi Autels à douze
Dieux. Enforte que l'on facrifîoit à deux
Divinités tout a la fois fur le même Au-
= OL== 5:23
tel : à Japitei" 6c à Neptune , far le pre-
mier j à Junon Ôc à Minerve , fur le fé-
cond ; à Mercure & à Apollon , fur le
troifième j aux Grâces ôc à Bacchus , fur
le quatrième ; à Saturne & à Rhéa , fur
le cinquième ; à Venus & à Minerve Er-
gane , fur le fixième.
Olympiques.
Les Jeux Olympiques étoienc les plus
célèbres de la Grèce. Voici ce que Pau-
fanias dit en avoir appris fur les lieux
mêmes des Éléens , qui lui ont paru les
plus habiles dans TÉtude de l'Antiquité.
Selon eux , Saturne eft le premier qui aie
régné dans le Ciel , & dès l'âge d'or il
avoir déjà un Temple à Olympie. Jupi-
ter étant venu au monde , Rhéa fa mère
en confia l'éducation à cinq Dadiles du
Mont Ida , qu elle fit venir de Crète en
Elide. Hercule , l'aîné des cinq frères , pro-
pofa de s'exercer enrr'eux à la courfe , &
de voir à qui en remporreroit le prix , qui
ctoitune Couronne d'Olivier.... C'eil donc
Hercule Idéen qui a eu la gloire d'inventer
ces Jeux , & qui les a nommés Olympia
ques : parcequ*ils étoicnr cinq frèces , il
voulut que ces Jeux fulTent célébrés ro'is
les cinq ans. Quelques-uns difenr que Ju-
piter ôc Saturne combattirent enfemble à
O vj
3:24 :==OL=3
la Lutte dans Olympie , & que l'Empire
du Monde fut le pi ix de la Victoire. D'au-
tres prétendent que Jupiter ayant triom-
phé des Titans > inftitua lui-même ces
Jeux y où Apollon entr'autres fignala fon
adrelTe , en remportant le Prix de la Courfe
fur Mercure, &: celui du Pugilat fur Mars..
C'eft pour cela, difent-ils, que ceux qui
fe diftinguent au Pentathle , danfent au
fon des Flûtes , qui jouent des airs Py-
thiens , parceque ces airs font confacrés à
Apollon, & que ce Dieu a été couronné
le premier aux Jeux Olympiques,
ils furent fouvent interrompus jufqifau
temps de Pélops, qui \q$ fit repréfenter en
l'honneur de Jupiter, avec plus de pompe
& d*appareil , qu'aucun de fes Prédécef-
fenrs. Après lui , ils furent encore négli-
ges ; on en avoir même prefque perdu le
fouvenir, lorfqu'Iphitus , contemporain de
Lycurgae le Légiflateur, rétablit les Jeux
Olympiques à l'occafion qu'on va voir. La
Grèce gémiffoit alors , déchirée par des
guerres inreftines , & défolée en même
temps par la pefte. ïphitus alla à Delphes,
pour confulter l'Oracle fur ^ts maux fi
preffans. Il lui fut répondu par la Pythie,
que le rétabli fTement des Jeux Olympia
ques feroit le falut de la Grèce ; qu'il y
travaillât donc avec les Élfens. On s'ap-
pliqua , auiîî-tot a fe rappeller les anciens
Exercices de ces Jejix ; 6c â mefure qu'on
fe reflouvinr de quelqu'un d'eux, on l'a-
joutoit à ceux qui avoient été retrouvés.
C'eft ce qui paroîc par la fuite des Olym^
piades ; car àhs la première Olympiade ^
on propofa un Prix de la Courfe, & ce
fut Corœbus Eléen qui le remporta» Eu
la quatorzième, on ajouta la Courfe du
Stade doublé ; en la dix-huitième , le Pen-
tathle fut entièrement rétabli , le Combat
du Cefte fut remis en ufage en la vingt-
troifième Olympiade ; dans la vingt-cin-
quième, la Courfe du Char à deux Che-
vaux ; dans la vingt-huitième, le Combat
du Pancacre, ôc la Courfe avec des Che-
vaux de felle. Enfuire ie« Éléens s'avisè-
rent d'inftituer des Combats pour les en-
fans , quoiqu'il n'y en eût aucun Exemple
dans l'Antiquité. Ainlî en la trente-fep-
tièm^e Olympiade , il y eut des Prix pro-
pofés aux enfans pour la Courfe & pour
la Lutte. En la trente-huitième , on leur
permit le Pentathle entier j mais les in-
convéniens qui en réfuirèrent , firent ex-
clure les enfans pour l'avenir de tous ces
Exercices violens. La foixante-cinquième
Olympiade vit introduire encore une nou-
veauté : des gens de pied tout armés di^f-
purèrenr le Prix de la Courfe , cet Éxer-
^26 s=OL==
cice fut jugé très-convenable à des Peu-
ples belliqueux. En la quatre-vingt-dix-
huitième, on courut avec deux Chevaux
de main dans la carrière j & en la quatre-
vingt-dix-neuvième , on attela deux jeu-
nes Poulains à un Char. Quelque temps
après , on s avifa d'une Courfe de deux
Poulains menés en main , & d*ane Courfe
de Poulain monté comme un Cheval de
felie.
Quant à l'Ordre & à la Police des Jeux
Olympiques ^ voici ce qui s^obfervoit, fé-
lon le même Hiftorien. On faifoit d'abord
un Sacrifice à Jupiter : enfuite on ouvroit
par le Pentathle \ la Courfe a pied venoit
après, puis la Courfe de Chevaux, qui ne
fe faifoit pas le même jour. Les Éléens
curent prefque toujours la direction de ces
Jeux, & nommoient un certain nombre
de Juges pour y préfîder, y maintenir l'or-
dre, & empêcher qu'on ufât de fraude àc
de fupercherie pour remporter le Prix.
En la cent deuxième Olympiade^ Callipe ,
Athénien , ayant acheté de ît% antagonif-
tes le Prix du Pentathle , les Juges Eléens
mirent à l'amende Callipe & fes Com-
plices. Les Athéniens demandèrent grâce
pour les coupables , & n'ayant pu l'obte-
nir , ils défendirent de payer cette amen-
de. Mais ils furent exclus des Jeux Olym^
piques y jQfqu'â ce qu'ayant envoyé conful-
îec rOracle de Delphes, il leur fut déclare
que le Dieu n avoit aucune réponfe à leur
rendre, qu'au préalable ils n'eulfent donné
fatisFadion aux Eléens. Alors ils fe fou-
rnirent à l'amende.
Ces Jeux 5 qu*on célébroît vers le Solf-
tice d'Efté , duroient cinq jours \ car un
feul n'auroit pas fuffi pour tous les Com-
bats qui s'y donnoient. Les Athlètes com-
battoient tout nuds depuis la trente-deu-
xième Olympiade y où il arriva à un nom-
mé Orcippus de perdre la vidtoire , parce-
que> dans le fort du combat, fon caleçon
«'étant dénoué , l'embarrafTa de manière à
lui oter la liberté des mouvemens. Ce
Règlement en exigea un autre : c*eft qu'il
fut défendu aux femmes & aux filles, fous
peine de la vie , d'aififter à ces Jeux , &
même de pafiTer l'Alphée pendant tout le
temps de leur célébration ; & cette dé-
fenfe fut fî éxadtement obfervée , qu'il
n'arriva jamais qu'à une feule femme de
violer cette Loi. La peine impofée par la
Loi , étoit de précipiter les femmes qui
oferoit l'enfreindre, d'un rocher fort ef-
carpé, qui étoit au-delà de l'Alphée.
Oman,
Divinité des Perfes, qui eft toujours
jointe avec Anaïtis j & comme cette
Dceffe étoic prife pour la Lune , ou fou.
Symbole, il eft a croire que le Dieu Oma-
TLiis écoit le Soleil, ou le Feu^ Image du
Soleil. Tous les jours , les Mages alloient
dans le Temple êiOmanus chanter àt%
Hymnes pendant une heure devant le Feu
facré , tenant des Verbeines en main , &
ayant en tête des Tiares , dont les ban-
delettes leur pendoient des deux cotés le
long d^s joues.
ÉNIGME LV L
Sans être corps, je fuis vinble.
Impalpable , fans être efprit ;
Avec Tun de ces deux je fuis incompatible ,
Sans l'autre je fois moins qu'un zéro par ccrita
Malgré tout mon néant, je paiTe l'induftrie
Du Peintre le plus accompli.
Il n'cft fous le Soleil rien que je ne copie,
Q lelquefois alfez bien , quelquefois à demi,
Suivaat l'original qui me fert de partie :
Mais voici le plus furprenant ;
Ces portraits, la plupart , quoique privés de vie,
Se meuvent naturellement*
Ombr.es.
Dans le Syftème de la Théologie Païen-
ne, ce qu'on appelloic Ombre ^ n'écoù ni
le corps, ni l'âme; mais quelque chofe
qui tenoit le milieu encre le corps Se Fa-
mé , qui avoir la figure & les qualités du
corps de l'homme, & qui fervoit comme
d'enveloppe à l'âme. C'eft ce que les Grecs
appelloienr 7^0 /o 72 ou F>^^72r^//7z^ 5 & les La-
tins Ombra ^ Simulacrum. Ce n'écoit donc
ni le corps, ni l'âme qui defcendoic dans
les Enfers, mais cerce Ombre. UlyfTe voie
VOmbre d'Hercule dans les Champs Ély-
ié.QS , pendant que ce Héros eft dans les
Cieux. Il n'étoit pas permis aux Ombres
de palfer le Styx , avant que leurs corps
euuent été mis dans un tombeau ; mais
elles étoient errantes, & volcigeoient fur
le rivage pendant ceni ans, au bout à^Ç-
quels eiles palîbient enfin à cet autre bord
(î defiré.
ÈNÎGME LVIL
Je ne fuis ni corps ni matière ,
Je ne (uis efpiic ni lumière.
Q\\t fuis-je donc ? Je ne fçais pas.
Si quelcju'ijn pouvoir me l'apprendre,
J'aurois des grâces à lui rendre j
Il me tireroic d'embarras.
I.h 1 comment me pouvoir connoîtrc \
Puifoue celui qui me fait naître ,
Sans aucun fentiment d'amour.
Dans rinftant me ravit le jour.
350 =— OM==
Je ne fuis rien, ou da moins peu de chorc,
Et je ne puis le contefter ;
Cependant: fouvent , & pour caufe ,
Les plus habiles gens viennent me confulter.
Omophagies,
Fêtes qui fe célébroient dans les ïfles
de Chio de de Ténédos , en Thonneur de
Bacchus , qui étoit furnommé Omadius.
On lui facrifioic un homme , que Ton
inectoit en pièces , en lui déchirant tous
les membres Tun après l'autre ; Se c'eft de
cet horrible Sacrifice que le nom du Dieu
ôc de la Fête a été tiré, Arnobe , qui fait
mention de cette Fère , nous la repréfente
d'une façon moins odieufe. Les Grecs en
cette Fête paffoient , dit-il , la Fureur bac-
chique : ils s'entortilloient de Serpens, &
mangeoient des entrailles de Cabri crues ,
dont ils avoient la bouche tout enfanglan-
tée ; ce qui a plus de rapport au nom de
la Fête. On voit en effet des hommes en-
tortillés de Serpens , Se particulièrement
dans les Figures de Mithras.
Omphale,
Reine de Lydie. Hercule dans fes voya-
ges, étant arrivé chez cette Princefle, fut
fi fore épris de fa beauté , & en devint fi
= OM= 551
amoureux , qu'oubliant fon courage & fa
vertu , il fe mit , dit-on , à filer auprès
d'elle, pour lui plaire. Tandis o^Qmphah
portoit la MaiTuë & la Peau de Lion , die
agréablement Lucien , Hercule portoit une
robe de Pourpre, travailloit à la laine, bc
fouffroit Q^Omphale lui donnât quelque-
fois des foufïlècs avec fa pantoufle. On
trouve en effet plufieurs anciens Monu-
mens, qui nous repréfentent Om^hak Se
Hercule dans lattitude que leur donne
Lucien. On a voulu exprimer par ces
traits la vie voluptueufe que le Hcros
mena chez Omphale, Il en eut un fils
nommé Agéfilas, d'où l'on fait defcendre
Créfus.
ÉNIGME LFIII.
Je n'ai , comme on va voir , ni rime , ni raifon :
Combien je fuis utile, on ne le fçauroic croire.
Ceft par moi qu'on connoîc une belle Mémoire >
Et pour les Vers , je fuis hors de comparaifon.
Nous fommes vingt jumeaux d'une même maifon j
Dix au rez-de-chauflee ont leur demeure noire :
Les autres , pour marquer quelque beau trait d'Hif-
toire ,
Au Lecfteur affidu font toujours de faifon.
Je fais faire fouvent une laide grimace.
J'agis , je vais , je viens ^ fans forcir de ma place j
55^ c=ON=sî
Eu j'ai pirt au travail de ton: ce cjue Ton voit.
Quelque grand que je fois , ma tdîîe eil: fort petite :
Avec tous ces talens , j'ai for: peu de mérite j
Et tout le monde eniia peut me montrer au doigt.
ÉNIGME LIX,
Un nombre impair joint quatre fois ,
Vous apprendra combien nous forames.
Nous fervons de dcfenfe & d'ornement aux hom-
mes,
Aînfî qu'aux habitans des bois.
Nous fouffrons fans murmure
Qu'un double fer raille notre iîgurc.
Quoique nous foyons iranfparens ,
Nous fommes rarement fans de petics points blancs.
Quant à notre couleur , c'eO: le fang qui la donne.
Nous avons très-fouvent un demi-cercle noir ,
Qui n'efl: pas agréable à voir ,
Que difficileaient aux Galans on pardonne.
On craint fouvenr notre pouvoir.
Quand on eft anime d'un cruel déferpoirj
Et l'on voit des Amans porter Par leurs vifages
Des traits fanglans de nos outrages.
Enfin , pour achever de peindre notre fort ,
Nous crolifons même après la mort.
Onocentaure.
OuGcentaure^ Animal mondimeux, qui
a un vifage d'homme , le feiu d une fem-
me , «Se le bas eu corps d*un Ane. Saine
Jérôme tâche de prouver par l'Écriture-
Sainte, qu'il y a eu de ces fortes d'Ani-
maux. Théodorèt dit que ces Onocentau^
res éroient des Démons nocturnes, ou des
Spectres qui paroilfoient de nuit,
Ono CROTALE.
Moyfe le mer au nombre des Animaux
impurs. Cet Oiieau, lorfquii s'eft rempli
l'eitomac d'Huitres avec leurs écailles , les
rejette, & en tire les Huitres , quand, par
la chaleur de l'edomac , leurs coquilles fe
font ouvertes. VoMtïOnocrotaU ^ c'eft un
Oifeau a peu près de la forme du Pélican ,
mais qui a un jabot ou une bourfe au-def-
fous du bèc 5 ou au commencement du
goiîer j laquelle eft fi vafte , qu'on y a
quelquefois trouvé un petit enfjnt tout-
entier. Il fe nomme en Hébreu Ces y qui
fignifie une Coupe, une Talfe.
Onuav A,
Divinité àes anciens Gaulois, que l'on
croit être la Vénus célefte. Sa figure por-
toit une ûzq .le femme, avec deux ailes
déployées au-deiTus , & deux larges écail-
les qui fortent de l'endroit où font les
oreilles : cette tète étoic environnée de
534 c=:=OP==
deux Serpens , dont les queues alloient fe
perdre dans les deux ailes.
Onymanciî,
Efpcce de Divination qui fe faifoit par le
moyen des Ongles. Elle le pratiquoit avec
de rhuile & de la fuie , dont on frot oit
les Ongles d'un jeune garçon , qui pré-
fentoit au Soleil fes Ongles ainfî frottés,
fur lefquels on prétendoit voir des figu-
res qui faifoient connoître ce qu'on vour
loit fçavoir.
Opération.
Les Anciens ont exprimé ce fujèt par
une femme qui tient [qs mains ouvertes ,
dans chacune defquelles eft un (Eil.
Semper oculatœ nojîrce funt rnanus
Credunt quod vident,
Plâutc.
Ophiomangie,
Divination qui fe tiroir à^s différens
mouvemens qu'on voyoit faire aux Ser-
f)ens : il y en a plulleurs exemples dans
es anciens Poètes. Énée voit fortir du
Tombeau d'Anchife un Serpent énorme ,
dont le corps forme mille replis tortueux.
Il fait le tour du Tombeau èc des Autels»
= 0P= 33J,
fe glliTe entre les Vafes & les Coupes,
goûte de toutes les viandes offertes, èc fe
retire enfuite au fond du Sépulcre , fans
faire autun mal. Enée en tire un bon aa-
gure pour lui.
Opinion.
Elle naît de réfide dans rimaginatiori
des hommes , &: ne fe manifefte que par
les effets qu'elle produit. Comme la diffé-
rence des caradtères efl infinie , la diffé-
rence des Opinions l'eft aufîi.
On la repréfente par une femme qui
réfléchit fur un Livre , & paroîc en foute-
nir quelques propofîtions. Elle a des ailes
de Papillon aux épaules & aux poignets,
pour marquer Tinflabilité àcs hommes
dans leurs Opinions, Le VailTeau battu des
vagues d'une Mèr agitée, efl une Allégo-
rie, qui enfeigne que fouvent les hommes
font combattus dans leurs propres Opi^
nions j par le contrafle des idées qui fe
préfentent à leur imagination,
Ops,
DéefTe de l'Antiquité Païenne. Les
Grecs l'ont appellée, Opis ôc Oupis. Elle
étoit fille de Cœlus ou du Ciel, & de
Vefta, fœur 6c femme de Saturne, de fe
35(^ OP==
nommoit autrement Rhéa & Cybèle. C*é-
toit la Terre dont on avoit fait une Divini-
té, & à laquelle on avoit donné le nom Ops ,
qui fignitie Secours ; à caufe des grands Se-
cours que l'on en tire pour la vie j ou
parceque c'eft par fon Secours, ejus ope y
que les hommes trouvent ce qui eft nécef-
faire à la vie \ ou parceque toutes les Ri-
çhelTes , qui s appellent en Latin Opes ,
viennent de la Terre.
On reprélentoit Ops comme une Ma-
trone vénérable , qui tendoit la main
droite comme pour offrir Ton Secours à
tout le monde j & qui, de la main gau-
che donnoit dû Pain à des pauvres. Le
premier qui lui voua & lui bâtit un Tem-
ple a Rome > fut T. Tatius , Roi ^^s Sa-
tins 5 avec qui Romulus fit alliance. Tul-
lus Hoflilius en bâtit enfuite un autre,
qui lui fut commun avec Saturne fon
mari. Dans' une Infcription de Grutèr,
p. XXVI ^ j, il eft dit que, fous le Con-
fulat de L. Munatius Vérus & de C. Té-
rentius Félix , on défigna un emplace-
ment pour un Temple ^Ops Se de Satur-
ne ; de ce qui eft fîngulier, Ops eft nom-
mée avant Saturne. Une autre Infcription
faite fous Pertinax, /^. tz. 4, lui donne
le titre de Divine^ de lui adjoint la For-
tune :
OPL
OPÎ. DÎVINAE ET FORTUNAE
PRIMIGENIAE SACR. &c.
Ce font les deux feules Infcriprions que
Ton trouve en l'honneur de cette Déelîè,
fous le nom d'Ops,
Opulence.
Les feuls Attributs de ce fujèt font
FAir de gravité que l'on donne à la figure
qui le repréfente, la Magniiicence de (es
rètemens , Se la Richelfe du lieu qu'elle
habite. Le Sceptre qu'elle tient, indique
le droit qu'elle s'arroge de commander,
étant fondée fur {on Opulence, Le Mou-
ton qui eft à Çqs pieds parmi des fruits &
des grains , eft allufif à l'Opulence que
donne la poffelîion à^s Terres , & autres
biens de campagne.
ÉNIGME LX.
Mon père m*engendra dans le féjour des Morts >
Audi je ne vois pas. Quoique j'aide à la vie,
Je fuis le rare effet de fes derniers efforts j
jEt l'on ne me voie point fans joie ou fans envie.
Cent mirérabics , pour m'avoir ,
Déchirent le fein de ma mère :
Et d'autres infenfés , flattés d'un faux efpoîr ,
Tachent de m'engendrer d'une flamme adultère »
Et penfent vainement à toute heure me voir.
Tome IIL P
338 ==OR==
Je fuis liquide & dur , je fuis fei-tiie Sc flexible ,
Je fuis broyé , battu , l'on me donne cent coups.
Je fuis pourtant aimé de tous ,
Encore que je fois à l'amour infenfible.
Je tire de prifon refclave , & par malheur
Mon efclave m'y tient j je le foulïie fans plainte.
On m'acquiert avec peine , on me pofscdc ctt
crainte ,
Et l'on me perd avec douleur.
Oracles.
C'étoît la plus augufte êc la plus reli-
gieufe efpèce de Prédidion dans TAnti-
quité Païenne 5 les Oracles avoient pour
but un commerce immédiat avec les
Dieux , pour en obtenir des lumières dans
les affaires épineufes, & le plus fouvent la
connoifTance de l'Avenir. A peine furent-
ils établis , qu'on ne connût bientôt plus
d*autre façon de fe décider. Falloit-il dé-
clarer la Guerre , conclure la Paix , intro-
duire quelque nouveauté dans le Gouver-
nement, impofer.une Loi ^ on interro-
geoit VOrac/cy ôc fa répoiife croit invio-
lable Se facrée. Jupiter étoit regardé com-
me le premier moteur des Oracles ^ ÔC la
première f.)u ce de toute Divination : le
Livre du Dellin s'ouvroit à fes yeux, &
il en rév'éloic plus ou moins , félon fon
bon plaifir, aux Divinités fubalternes.
= 0R= Î5P
Les Oracles les plus accrédités & les
plus multipliés étoienc ceux d'Apollon ;
Jupiter s'écoiE déchargé fur ce Dieu du
foin d'infpirer toutes forces de Devins &
de Prophètes. Entre les Oracles d'Apollon,
celui de Delphes étoit renommé moins
encore par fon ancienneté , que par fa pré-
cifion & la clarté de (qs réponfes : les
Oracles du Trépied paiïbient en Proverbes
pour des Vérités claires & infaillibles.
Le privilège des Oracles fut accordé
dans la fuite à prefque tous les Dieux, &:
à un grand nombre de Héros. Outre ceux
de Delphes & de Claros en l'honneur
d'Apollon , &c ceux de Dodone & d'Am-
mon en Thonneur de Jupiter j Mars eue
un Oracle dans la Thrace \ Mercure, à Pa-
tras ; Venus , à Paphos & dans l'Ifle de
Chypre j Minerve, à Mycènes j Diane,
dans la Colchide \ Pan , dans TArcadie ;
Efculape , â Épidaure & a Rome ; Her-
cule 5 à Athènes & à Gadès ; Sérapis , i
Alexandrie ; Trophonius en eut un célè-
bre dans la Béotie : il n'y eut pas juf-
qu'au Bœuf Apis qui n'eut fon Oracle en
Egypte.
Pour confultet VOracle il falloit choi/îr
le temps où Ton croyoit que les Dieux
en rendoient , car tous les jours n'étoient
pas égaux. A Delphes, il n'y avoir d'abord
pij
54.0 =OR =
qu'un Mois de l'année , où la Pythie ré-
pondit à ceux qui venoient confulter
Apollon. Dans la fuite, ce fut un jour de
chaque Mois , que ce Dieu rendoit £es
Oracles, Us ne fe rendoient pas non plus
tous de la même manière : ici c'étoit la
Prêrreife qui répondoit pour le Dieu que
Ton confultoit : là c'étoit le Dieu lui-mê-
me qui rendoit ÏOrac/e : dans un autre en-
droit, on recevoir la réponfe du Dieu pen-
dant le fommeil, & ce fommeil mêmeétoic
préparé par des difpofitions particulières,
qui avoient quelque chofe de myfi:érieux :
quelquefois c'étoit par des billets cache-
tés ; ou enfin on reçevoit VOracle en jet-
tant des forts , comme à Prénefte en Ita-
lie. 11 falloir quelquefois , pour fe rendre
digne de l'Oracle ^ beaucoup de prépara-
tions , des Jeûnes , par exemple , des Sa-
crifices, des Luftrations, dcc. D'autres fois
on cherchoit moins de façon , de le Con-
fultant reçevoit la réponfe en arrivant à
VOracle^ comme il arriva à Alexandre,
qui alla confulter Jupiter Ammon.
Oraison.
On lui donne une robe verte & un
voile blanc , qui font les couleurs fymbo-
liques de l'Efpérance de de la Pureté. Le
Coq fîgnifîe la Vigilance qu*eîle exige.
Elle eft à genoux , tient un Ccsiir em-
brafé , & un Encenfoir , dont la fumée
qui s'élève abondamment vers le Ciel, eft
l'image àeVOraifon ^ félon le Prophète,
Pfeaume 140.
Dirigatur , Domine , O R A T i o mea ,
Jicut incenfum^ in confpeclu tuo,
ÉNIGME LX L
Je fuis une belle Etrangère,
Dont le teint vif & délicat
Joint la douceur avec l'éclat.
Et je fais mon bonheur de n'être pas légère.
Pour le cœur & les yeux , J'ai de fi doux appas ,
Que les obligeant à fe rendre ,
Chaque beauté qui vient me prendre ,
Trouve mon cœur fidcle , & fait de moi grand cas»
Si je viens d'un des coins du Monde,
Oii toute la richeiTe abonde,
J'en apporte avec moi (^s faveurs du Soleil :
Ceft cet éclat dont il me pare 5
C'eft un trcfor encor plus rare ,
Et qu'on peut dire fans pareiL
Auffi comme l'Hîiloire chante ,
Vi\ Amant épris d'une Amante ,
PiiJ
34* «=OR=a=
Par moi fie triompher fes feux»
Quoique toujours fîère & cruelle ,
Il gagna le cœur de la belle ,
Et lui lit de l'hymen agréer les doux nœud^ç»
Orcus,
Dieu des Enfers, que les Poëtes pren-
ïienc affez fouvent pour l'Enfer même :
c'eft ainfî que, dans Virgile, Charon eft
appelle Ponitor Orciy le Nocher des En-
fers. Orcus avoir un Temple à Rome^
dans le dixièm.e quartier de la Ville , fous
le nom à'Orcus quietalis , le Dieu qui
apporte le repos, & qui le donne à tout
le monde. Les Cyclopes avoient donné a
Pluton un Cafque qui le rendoit invifi-
ble : c'efi: ce célèbre Cafque dont les An-
ciens font mention fous le nom ^Orcl
Galea. On tire le nom à'Orcus du mot
Hébreu Arachy long, grand, étendu \ par-
cequ on difoit o^Orcus recevoir tout, dé-
voroit tout , renfermoit tout.
Ordre justb et équitable.
Selon P. Vâler. Liv» 4^ , les Égyptiens
exprimoient ce fujèc par un Vieillard vé-
nérable, vêtu d'une tunique violette, te-
nant un Niveau & un Caducée, qui font
les Hiéroglyphes de la Juilice &: de k
Prudenceo
= O R = 345
Ordres Militaires.
Les Ordres Militaires étoient abfolii-
ment inconnus dans les premiers fiècles
de l'Églife ; ils doivent leurs infticutions
aux Croifades. Il y en a plufîeurs qui ne
fubfiftent plus.
Favin croit que l'Ordre de l'Étoile a été
établi par le Roi Robert ; mais c'ert une
eireur. Tout ce que Favin raconte a ce
fujet 5 eH: tiré d'un Roman écrit fous Phi-^
lippe de Valois^ trois cents ans ou environ
depuis le Roi Robert ^ pac Brabant ^ Roi
d'Armes \ qui , à l'imitation des Poètes , a
inventé exprès cette Fable , pour embellir
& augmenter iow ouvrage. C'eft le Roi
Jean qui eft l'inftituteur de l'Ordre de l'É-
roile 5 qui a fubfifté jufqu'au Règne de
Charles VIII , qui l'abolit , à caufe de
l'Ordre de S. Michel que Louis XI avoic
inftitué à fa place.
Dans la Chapelle d'Orléans des Célef-
tins de Paris , Louis de France , Duc d'Or-
léans 5 y eft repréfenté vêtu d'une robe de
velours à grandes manches , fourrées d'her-
mines , une Étoile d'or fur l'épaule gau-
che j & deux colliers d'or autour du col ,
qui font peut-être les Colliers de l'Ordre
de l'Etoile Porc-Épi. Cette peinture ne
paroît pas fi ancienne que le Maufolée de
P iv
544. =±=rOR =
ee Prince ; mais on croit que (1 ce n'eft
qu'une copie , le Peintre qui l'a fait a tâ-
ché qu'elle reffemblâc à l'Original.
Belleforejî j fondé fur une vieille hii^
îoire manufcrite qu'il allègue , prétend
que Bouchard de Montmorenci , furnom-
mé à Ici Barbe-tortc ^ après avoir fait la
Paix avec PhiHppe 1 , vint à Paris lui bai-
fer les inains , fuivi d'un grand nombre
de Chevaliers qui portoient au col une
double chaîne d'or , faite en façon de tète
de Cerf 5 & terminée d'une médaille 011 fe
vovoit un Chien. Suivant cet Auteur, cet
Ordre fe nommoit l'Ordre du Chien , que
les prédécelTeurs de Bouchard de Mont^
morcnci avoit inftitué , & aTrhatiiç , qui
veut dire fans errer ni varier , en étoit la
devife ; c'eft de-là , ajoute l'Auteur , que
la Maifon de Montmorenci porte un Chien
pour Cimier , & que pour devife , ell&
conferve encore ce mot.
Nos Hiftoriens difent que l'Ordre de la
Foi de JefuS'ChriJl ^ fut inftitué dans la
Province de Narbonne , en apparence
pour exterminer les ennemis de l'êglife ;
mais en effet pour maintenir la Maifou
de Montfort dans fes ufurpations , fur les
Comtés de Touloufe , de Foix & de Com^-
minges. Le premier Chef fut Pierre Sa*
vari 3 qui fe qualifiôic Humble & pauvre
maître de la Milice de la Foi. Les nou-
veaux Chevaliers fe dévouoienc à détruire
les Hérétiques , comme les Templiers , à
combattre les Sarrallns. Le Pape Honoré
JII approuva cet établilTement , qui s'ac-
crut avec la puiOfance d'Amauri ; mai?
bientôt après , on n'en vit plus aucuns vef^
tiges. Quelques-uns prétendent qu'il fut
réuni à l'Ordre des Frères de la Milice de
S. Jacques , qui lui-même ne fublifta que-
trente ans.
On lit dans la Nouvelle Hîftoire de
France , par f^elly & Villaret , que Saint
Louis , en i 2^9 , prêt à partir pour fa fé-
conde expédition d'Outre-mèr , inftitua
un Ordre Militaire , fous le nom de Dou^
hle Croijfant , ou de Navire , dont il don-
na le Collier à plufieurs Seigneurs Fran-
çois pour les engager à le fuivre dans ce-
ce voyage. Cet Ordre , ajoute-t-on , fur
approuvé par le Pape Clément 7^. Sur le;
Collier de l'Ordre du Double Crolifanc,
il y avoir des Coquilles où pendoit un Na-
vire. Les Coquilles & le Navire expri-
moient une entreprife maritime , 6^ le
Double CroifTant déhgnoit que c'étoir
pour combattre les Infidc-les , qui le por-
tent pour Symbole ou pour Armes. Les
DcuhUsCroiffans paifés enfauroir , écoient
d'at2;ent y la CoauilU. dlor & lo. Navire, ar.^
P- '^'
mé & frété d* argent , au champ de gueu-^
les ^ à la pointe ondoyée d'or , d'argent &
de Sinoplc,
On ajoute que le Saint Roi permit aux ï
Chevaliers de mettre au chef, ou cimier |
de l'Écu de leurs armes , un Navire d'ar- »
gent aux banderoles de France , fur uri
champ d'or , & que les premiers qui re-
çurent cet Ordre , furent Philippe le Har»
di ; Jean , furnommé Trijian ^ Comte de
Nevers ; Pierre , Comte d'Alençon , tous
trois fils du Monarque j Alphonfe , Comte
de Poitiers, fon frère ^ Thibaud^ Roi de
Navarre , fon gendre \ que la mort du
pieux Fondateur fut l'époque de l'extinc-
tion de cette nouvelle Chevalerie en Fran-
ce \ mais que Charles d'Anjou l'adopta en
11^8 5 pour lui & fes fucceffeurs , Rois
de Naples , fous le feul nom de Croisant ^
avec quelques changemens au collier , qui
fut entrelacé d'Étoiles & de Fleurs de Lys ,
ayant pour pendant un CroifTant , avec
cette devife : Donec totum impleat*
Ce que nous venons de rapporter ^
comme le dit THiftorien , font autant de
ïables , fruits d*une imagination trop li-
vrée à elle-même. Comment Clément IV
a-t-il pu confirmer un Ordre qu'on fup-
pofe établi un an après fa mort ? Com-
ment Charles d'Anjou auroic-ii réformé.
en ii6î 3 un écabliirement qui ne fut fon-
dé qu'en ii6i)} On doit donc regarder
cet Ordre du Croiflant , comme un Or-
dre chimiérique.
On attribue aufîî à S- Louis , l'Ordre
de la Coiïe de Genêt , avec auiîi peu de
fondement que l'Ordre du Double Croif-
fant. Tous les Sçavans conviennent que
ce Saint Monarque n'inftitua aucun Or-
dre Militaire. Nungis ne dit point qu'il
donna l'Ordre de la Golfe de Genêt à fes
fils 5 mais fimplement qu'il les fit Cheva-
liers \ Cérémonie qui occafionna des Fê-
tes fuperbes : & Duchefne , dans fon Kif-
toire particulière de S, Louis , ne fait
point mention de cet Ordre.
Louis II , Duc de Bourbon , furnom-
mé /e Bon , à fon retour d'Angleterre , où
il avoit paffé fept années en orage , créa ,
en 1 379 5 l'Ordre Militaire de lEcu d'Or,
q|ie dans la fuite il nomma YOrdre de
VEfpirance. L'Ecu portoit pour infcrip-
tion ce mot : Alleu, La repréfentation de
cet Écu fe voyoit encore au commence-
ment de ce fiécle , dans la Chapelle du
Château de Moulins. Le Connétable du
Guefclin fut décoré du Collier d'or de cet
Ordre par ce Prince.
* Aux Céleftins de Paris , on voit dans la
Chapelle d'Orléans plufieurs marques du
P vj
porc-Épi j avec la devife Cominùs y crée
par Louis de France , Duc d'Orléans. Sous
les pieds de Charles , fon fils , dont ou
voit le maufolée près de celui de fon père ^
eft couché un Porc-Épi. Le même Prince,
( Louis 5 Duc d'Orléans , ) après avoir dî-
né 5 le 2o Novembre 1407 , à l'Hôtel de
ÎS^efle , avec le Duc de Bourgogne , il lui
mit au col le Collier de l'Ordre du Porc-
Épi. Louis XII j fon petit- hls , prit pour
devife le Porc-Épi , & on en voit à tous
les Édifices que ce t^rince a fait bâtir tant
à Paris qu'ailleurs.
Ordre de l'Éperon.
Quelques Auteurs prétendent qu'il fut
înftitué par Conftantin pour être fa garde >
& qu'il prit le nom d'une de leurs prin-
cipales fondions , qui étoit de chauflei:
les Eperons à l'Empereur , Se les Cheva-
liers portoient au col une Croix femblable
à celle de Malte , de laquelle pendoit un
petit Eperon d'or : mais tout cela fe dit
fans fondement. D'autres difent que c'eft
un Ordre de Chevalerie inftitué à Rome
par le Pape Pie IV, en 15(^0. Les Che-
valiers s'appelloient Pies , PU , du nom de
ce Pontife. Les Chevaliers de ÏÈperom
porteat une croix tilfuc de filets d'or.
= O R == 549^
Ordre du Nceudv
La Reine Jeanne première , après îa^
Guerre qu'elle eut à fourenir contre Louis,
Roi d'Hongrie, ayant époufé, en 1351,
Louis Prince de Tarente , ôc ce mariage
ayant donné la Paix à fon Royaume , ôC
affermi le Royaume de Naples fur fa tête ;
l'année fuivante 1 3 5 1 , le jour de la Pen-
tecôte , ils établirent un nouvel Ordre
Militaire , qu'ils appellèrent ÏOrdre du
Nœud^ en mémoire de la Paix qui avoic
été faite. Ils firent foixante Chevaliers ,
tant François , que Napolitains. Leur En*
faigne étoit une efpèce de Lac avec un
Nœud ronge de foie & d'or 5 & orné de
perles. Le Roi mettoit ce Lac au bras du
Chevalier, en lui difant, qu'avec ce Bra-
celet on lui donnoit un cœur plein de
Valeur &: de Fidélité pour le fervice de
fon Roi. Clément VI approuva cet Ordre,
& lui donna la Règle de Saint Bafile. Cet
Ordre prit Saint Nicolas pour fon Pro-
tecteur. Les Chevaliers portoient le Lac^
dont nous avons parlé, au bras & fur la
poitrine. La grande Maîtrife étoit atta-
chée à la Couronne de Naples. Cet Or-
dre ne dura floriffant , qu'autant que fes
Inftitut.eui's vécurent.
3;o i=OR =
Ordre de la Toison d'Oro
Philippe II , Duc de Bourgogne , créa »
en 1430, en l'honneur d'une Dame de
Bruges, dont il étoic amoureux, VOrdre
de la Toifon d'Or ; Ôc ce fut à Toccafion
des plaifanteries échappées à quelques-uns
de fes Courtifans, fur la couleur des che-
veux de cette Dame plus que blonde , qu'il
conçut le delTein de changer en marque
de diftindtion le fujèt de leurs railleries.
Des Ecrivams prétendent que Ro^er II
avoit érigé à Naples une Fraternité de la
Toifon d'Or^ que le Duc de Bourgogne
ne ^iz que renouveller. Celui-ci , en for-
mant cet Etabliflement, déclara que (on
intention étoit de faire revivre les Argo-
nautes , qui , fous la conduite de Jafon 9
abordèrent en Colchide , & ravirent la
Toifon d'Or, Cette nouvelle Inftitution 5
fondée fur une AUufion fabuleufe , produc-
tion bizarre d'une imagination échauffée,
fut, dit Villaret^ fuivant le génie du fiècle,
mêlées de Cérémonies militaires, profa-
nes & religieufes.
Cette Confraternité fut approuvée &
confirmée par pîudeurs Pontifes. Entre
plufieurs Privilèges qu'ils lui ont accor-
dés, il s'en trouve un plus fingulier, qu'il
n'eft avantageux aux Membre de \Ordre i
(c'efl la faculté que les femmes Se les filles
des Chevaliers ont d'être admifes dans les
Manaftères des Religieufes , avec le con-
fentemenc des Supéiieurs.
11 fut décidé par les Statuts , que les
Récipiendaires prouveroient quatre géné-
rations de nobleife, tant paternelle que ma-
ternelle. Les Armoiries des Chevaliers dé-
voient être placées dans rÉglife, au-deifus
des fiéges qu'ils occupoient. Le premier
nombre fut fixé à trente -un, fçavoir ,.
trente Chevaliers êz le Grand Maître; à.
préfent il n'eft plus limité. Au premier
Chapitre, le Duc ne reçut que vingt-qua-
tre Chevaliers ; le nombre de trenre ne
fut accompli que dans les Chapitres fui-
vans.
A l'extindrion de la Poftéri^é de la fé-
conde Race de Bourgogne , la Princeffe
Marie y fille aînée du dernier Dac , Char^
les le Téméraire ^ porta, par fon mariage
avec Maximilien d'Autriche, la Grande
Maitrife de la Toifon d'or dans la xMaifoG
d'Autriche , en verru du foixante-cin-
qulème article des Statuts , dans lequel il
efl: dit : Si lors du trépas du Souverain
Maître^ demeur oit fille fon Héritière^ non
mariée , Philippe le Bon veut que foit élu
un des Frères de COrdre^ pour en avoir
la conduite y jufqu'à ce que ladite fille fait
5^2 =OR=r
mariée à Chevalier en âge d'en prendre &
conduire la charge & le fait. Dans les pre-
miers âges de VOrdre, les nouveaux Che-
valiers étoient élus dans le Chapitre géné-
ral, à la pluralité des fuffrages : c'eft au-
jourd'hui le Roi d'Efpagne qui les nom-
me à fon choix»
Ordre de la Jarretière.
UX)rdre de la Jarretière en Angleterre ,
înftitué, dit-on, par le Roi Richard^ Cœiir-^
de-Lion , dans le douzième liècle , & dont
la marque eft un ruban bleu , qu'on atta-
che à la jambe , & qui fut établi au fiége
d'Acre, pour honorer la valeur de ceur
qui s'étoient diftingués par quelque belle
adlion : cet Ordre ^ dis-je, q\x Edouard III
n'a fait que renouveller , en y ajourant
la Devife : Honjii foit qui mal y penfe^
( Devife dont le fa jet ell connu de tout
le monde) ne dût pas fon origine à une
caufe plus grave , que celle de la Toifort
d'Or.
Ordre de Malte.
C'eft le nom d'un Ordre Religieux Mî-
litaire, qui a eu plufieurs noms ; les Hof-
pitaliers de Saint Jean de Jérusalem , ou
ks Chevaliers de Saint Jean de Jériifalem,,
ies Chevaliers de Rhodes , l'Ordre de
Malte , la Religion de Malte , les Che-
valiers de Malte ; & c eft le nom qu'on
leur donne toujours dans l'ufage ordinaire
en France. Des Marchands d'Amalft ait
Royaume de Naples, environ l'an 1048,
bâtirent à Jérufalem une Eglife du Rit La-
tin, qui fut appellée Sainte Marie de la
Latine. 11 y fondèrent aufli un Monaftère
de Religieux de l'Ordre de Saint Benoît,
pour recevoir les Pèlerins ; & enfuite un
Hôpital tout près de ce Monaftère, pour
y avoir foin des malades, hommes & fem-
mes , fous la diredion d'un Maître , ou
Re6teur , qui devoit être à la nomination
de l'Abbé de Sainte Marie la Latine ; de
on y fonda une Chapelle en l'honneur dô
Saint Jean-Baptifte. Gérard Torn Proven-
çal , de riile de la Martigue > en fut le
premier Directeur. En 1099, Godefroy de
Bouillon ayant pris Jérufalem , enrichie
cet Hôpital de quelques domaines qu'il
avoit en France. D'autres imitèrent en-
core cette libéralité ; Se les revenus de
l'Hôpital ayant augmenté confîdérable-
ment, Gérard, de concert avec les Hof-
pitaliers , réfolut de fe féparer de l'Abbé
êc des Religieux de Sainte Marie la La-
tine, de de faire une Congrégation à part>
fous, le nom ôc la protedion d« Sains.
55-4 ==OR
Jean-Baptîfte ; ce qui fut caufe qu'on les
appella Hofpitaliers , ou Frères de l'Hôpi-
tal de Saint Jean de Jérufalem. Pafchal II,
par une Bulle de l'an 1 1 13 , confirma les
donations faites à cet Hôpital, qu'il mit
fous la protedion du Saine Siège, ordon-
nant qu'après la mort de Gérard , les Rec-
teurs feroient élus par les Hofpitaliers,
Raymond du Puy de Dauphiné, Succef-
feur de Gérard, fut le premier qui prit la
qualité de Maître. Il donna une Règle aux
Hofpitaliers ; elle fut approuvée par Ca-
lixte II l'an 11 20. Quelques-uns difent
qu'elle l'avoit déjà été par fon prédécef-
feur Gélafe II l'an 11 18. Elle fut confir-
mée par Honorius II, Innocent II, Eu-
gène III, Lucius III, Clément III, Inno-
cent III 5 Boniface VIIÏ , &c. Comme Ray-
mond mit dans cette Règle quelque chofe
qu'il tira de celle de Saint Auguftin, on a
mis cet Ordre au nombre de ceux qui fui-
vent fa Règle.
Tel fut le premier état de VOrJre de
Malte» Ce premier Grand Maître, voyant
que les revenus de l'Hôpital furpalToient
de beaucoup ce qui écoit néceiTaire à l'en-
tretien à^% pauvres Pèlerins & àQ,% Mala-
des , crut devoir employer le furplus à la
guerre contre les Infidèles. Il s'offrit au
Roi de Jérufalem. Il fépara i^^ Hofpita-
0R=« 5ÎÎ
fiers en trois clafîes j les Nobles , qu'il
deftina à la profenion des armes , pour la
défenfe de la Foi & la protedion des Pè-
lerins ; les Prêcres ou Chapelains , pour
faire l'Office ^ ôc les Frères fervans , qui
n'étoienc pas nobles , furent aufH def-
tinés à la Guerre. Il régla la manière de
; recevoir les Chevaliers ; de tout cela fut
confirmé Tan 1130, par Innocent II, qui
ordonna que l'Étendard de ces Chevaliers
feroit une Croix blanche pleine en champ
de gueule , qui fortt encore les Armes de
cet Ordre.
Après la perte de Jérufalem , ils fe re-
tirèrent d'abord a Margat, enfuite à Acre,
qu'ils défendirent avec beaucoup de va-
leur l'an 1290. Après la perce entière de
la Terre Sainte l'an 1291 , les Hofpita-
liers , avec Jean de Villiers leur Grand
Maître, fe retirèrent dans l'Ifle de Chy-
pre , où le Roi Henri de Lufignan , qu'ils
y avoient fuivi , leur donna la Ville de
Limiffon. Ils y demeurèrent environ dix-
huit ans. En 1308, ils prirent l'Ifle de
Rhodes fur les Sarrafins , & s'y établirent.
Ce n'eft qu'alors qu'on commença à leur
donner le nom de Chevaliers. On les ap-
pella Chevaliers de Rhodes, Eguites Rho^
dii. Andronique, Empereur de Conftanti-
nople, accorda au Grand Maître, Foulque
5j5 =OR==
de Vïllarèt, l'invedirure de cet Ordre ; ^
Clément en confirma la donation. L'an-
née fuivante, fecourus par Amédée IV,
Comte de Savoye , ils fe défendirent coiz.-'
tre une Armée de Sarrafins, 3c fe main-
tinrent dans leur Ille. En 148 o , le Grand
Maître d'Aubuffon la défendit encore
contre Mahomet II , & îa conferva , mal-
gré une Armée formidable de Turcs, qui
lafliégea pendant trois mois. Le Père
Bouhours a décrit ce Siège dans la vie
de ce Grand Maître. *Mais Soliman l'at-
taqua l'an 1 5 21 5 avec une Armée de trois
cents mille Combattans, 3c la prit le 24
Décembre, après que l'Ordre l'eut poffédé
deux cents treize ans. Après cette perte,
le Grand Maître 3c les Chevaliers allèrent
d'abord en l'Iile de Candie j puis le Pape
Clément VII leur donna Viterbe : enfin
Charles V leur donna l'Ifle de Malte , où le
Grand Maître de l'Ille Adam 3c fes Che-
valiers arrivèrent le 16^ d'Octobre 1550.
C'eft de-Ià qu'ils ont pris le nom de Che-
valiers de Malte ; mais leur véritable nom
eft celui de Chevaliers de l'Ordre de Saint
Jean de Jérufalem ; 3c le Grand Maître,
dans fes titres, prend encore celui de Maî-
tre de l'Hôpital de Saint Jean de Jérufa-
lem 5 3c Gardien des Pauvres de Notre
Seigneur Jefus-Chrift*
\JOrdre de Malte ne pofsède plus en
Souveraineté, que illîe de Malte ^ & quel-
ques autres petites aux environs, dont les
principales lent Goze & Comino. Le Gou-
vernement eft Monarchique ôr Ariftocra-
tique : Monarchique fur {qs Habitans de
Malte ôc des Ifles voifines. Se fur les Che-
valiers, en tout ce qui regarde la Règle &
les Statuts de la Religion : Ariftocrarique ,
dans la déciiion des affaires importantes,
qui ne fe fait que par le Grand Maître 3c
le Chapitre, Il y a deux confeiis j l'ordi-
naire 5 compofé d'un Grand Maître , com-
me Chef, ôc des Grands-Croix ; le com-
plet eft compofé de Grands-Croix, & des
deux plus anciens Chevaliers de chaque
Langue.
Les Lan(>ues de Malte font les différen-
tes Nations de VOrdre, 11 y en a huit j
Provence, Auvergne, France, Italie, Ar-
ragon, Allemagne, Caftille & Angleterre.
Leurs Chefs fe nom.ment Piliers & Bail-
lifs conventuels. Le PiUer de la Langue de
Provence eft Grand Commandeur ; celui
de la Langue à' Auvergne eft Grand Ma-
réchal j celui de France eft Grand Hofpi-
talier ; celui à' Italie Grand Amiral j celui
^'Arragon Grand Confervateur ou Dra-
pier, comme on. difoit autrefois. Le Pi-
lier de la Langue êi Allemagne eft Grand
|J8 r==OPv =
Baillif 5 celui de Cafiilh Grand Chance^
lier. La Langue ê^ Angleterre ^ qui ne fub-
Me plus depuis- le Schifme d Henri VIII >
avoit pour Chef le Turcopolier, ou Gé-
néral de l'Infanterie. La Langue de Pro-
vence eft la première ; parceque Raymond
du Puy, premier Grand Maître, 6c qui
a dreiïé les Statuts de l'Ordre, étoit Pro-
vençal.
Dans chaque Langue il y a plufieurs
Prieurés & Bailliages capitulaires. L'Hô-
tel de chaque Langue s'appelle Auberge ,
à caufe que les Chevaliers de ces Langues
y vont manger, & s'y affemblenc d'ordi-
naire. Chaque Grand Prieuré a un nom-
bre de Commander ies. Les Comniande-
ries font, ou Magiftrales, ou dejuflice,
ou de Grâce. Les Magiftrales font celles
qui font annexées à la grande Maîtrife : il
y en a une en chaque grand Prieuré. hQ%
Commanderies de Juftice font celles qu'on
a par droit d'ancienneté , ou par amélio-
rifTement. L'ancienneté fe compte du jour
de la réception \ mais il faut avoir de-
meuré cinq ans à Malte ^ Sc fait quatre
caravanes. Les Commanderies de Grâce
font celles que le Grand Maître ou les
Grands Prieurs ont droit de conférer. Ils
en confèrent une tous les cinq ans, & la
donnent à qui il leur plaît.
OR= 3;^
Les Chevaliers Nobles font appelles
Chevaliers de Juftice , & il n'y a qu'eux
qui puiiTent être Baillifs, Grands Prieurs»
êc Grands Maîtres. Les Chevaliers de
Grâce font ceux qui, n'étant pas Nobles,
ont obtenu , par quelque fervice impor-
tant, quelque belle adtion, d'être mis au
rang des Nobles. Les Frères fervans font
de deux fortes. i°. Les Frères fervans
d'Armes, dont les fondrions font les mê-
mes que celles dQs Chevaliers ; Ôc les Frè-
res fervans d'Églife , dont toute Toccupa-
tion eft de chanter les louanges de Dieu
dans l'Eglife conventuelle, & d'aller cha-
cun à fon tour fervir d'Aumôniers fur les
VailTeaux ôc fur les Galères de la Reli-
gion. Les Frères d'Obédience font des
Prêtres , qui , fans être obligés d'aller à
Malu , prennent l'habit de l'Ordre , en
font les VŒUX, &c s'attachent au fervice
de quelqu'une des Eglifes de l'Ordre ,
fous l'autorité d'un Grand Prieur, ou d'un
Commandeur, auquel ils font fournis. Les
Donnez, ou Demi -Croix, ne peuvent^
porter qu'une demi-croix de toile blanche
fur leurs habits , Ôc elle ne doit pas pafTer
les deux tiers d'une palme de Sicile ; quel-
quefois on leur accorde qu'elle foit d'or.
Les Chevaliers de Majorité font ceux qui,
félon les Statuts, font reçus à feize ans
accomplis. Les Chevaliers de Minorité
font ceux qui font reçus dès leur iiaif-
fance j ce qui ne fe peut faire fans dif-
penfe du Pape. Les Chapelains ne peu-
vent être reçus que depuis dix ans juf-
qu a quinze : après quinze ans , il faut un
Bref du Pape ^ jufqu a quinze , il ne faut
qu'une Lettre du Grand Maître. On les
nomme Diacots ; ils font preuves qu'ils
font d'honnêtes familles. Ils payent à leur
réception une fomme , qu'on nomme
Droit de Paffage.
Pour les preuves de NoblefTe dans le
Prieuré d'Allemagne, il faut feize quar-
tiers j dans les autres, il fuffit de remon-
ter jufqu*au Bifaïeul, paternel, ou mater-
nel. La Profelîion ne fe fait plus immé-
diatement après le Noviciat, commue au-
trefois.
Tous les Chevaliers font obligés , après
leur Profefîîon , de porter fur le manteau
ou fur le jufte-au-corps, du coté gauche,
la Croix d'étoile blanche à huit pointes y
c'eft le véritable habit de l'Ordre. La
'<]roix d'or n'eft qu'un ornement. Lorf-
qu'ils vont combattre contre les Infidèles,
ou qu'ils font leurs caravanes, ils portent
fur leur habit une foubrevefte de la même
forme , que celle des Moufquetaires de
la Garde du Roi , ornée par devant &
pat
par (derrière d'une grande Croix blanche
pleine , qui eft celle des Armes de la Re-
ligion. L'habit ordinaire du Grand Maître
eft une foutane de tabire, ou de drap, ou-
verte par devant, & ferrée d'une ceinture,
où pend une bourfe, pour marquer la cha*
rite envers les pauvres. Par-delfus cette
foutane, il porte une efpèce de robe de
velours , fur laquelle il y a au côté gau-
che Se fur l'épaule la Croix de l'Ordre ,
qu'il porte auiiî fur la poitrine. Le man-
teau à bèc efc celui qu'on donne a la Pro-
feflîon • il eft noir , & s'attache au cou
avec le Cordon de l'Ordre , qui efi: de
foie blanche & noire , où font repréfentés
les inftrumens de la Paiîion de Notre Sei-
gneur, entrelacés de paniers, qui repré-
fentent la charité qu'ils doivent avoir en-
vers les pauvres. Ce manteau a deux man-
ches longues de près d'une aune , larges au
haut d'environ demi-pied , de qui fe ter-
minent en pointes. Elles fe rejettoient au-
trefois fur les épaules , Se fe nouoient en-
femble fur les reins. Il paroît par une
^ionnoie d'Or du Grand Maî-re Dcodac
Gozjn, Se par le Sceau du Grand iMaitre
Philbert de Naillac , dont l'un fut élu en
i54(î. Se l'autre en 159^, on'i' v av ic
alors un Caouce à ce manteau L'haSit s
Glands Croix , quand ils font a i'Fglif , eft
Tome ÎÎL ^>
1
3^2 =OR =
une efpèce de robe noire, appellée Cloche,
ouverte par devant, avec de grandes man-
ches, ayant fur l'épaule Se fur la poitrine, à
côté gauche , la Croix ôc le Cordon de l'Or-
dre , avec l'épée au côté. Quand ils vont
au Confeil , ils ont une pareille robe, mais
fermée par devant , avec la grande Croix
fur la poitrine ^ & ils ne portent ni épée ,
ni le Cordon. Les Frères Chapelains, hors
de la Maifon , ne font différens des autres
Eccléiiaftiques, qu'en ce qu'ils ont la croix
à côté gauche fur la foutane & fur le man-
teau. A l'Èglife , ils ont un rochèt de
toile, ôc par-delTus un camail noir, où
eft aulîi la Croix de l'Ordre. Clément XI
a accordé à foixante de porter le camail
violet.
Ordre des Templiers.
C*étoit un Ordre Religieux & Mili-
taire , établi d'abord à Jérufalem en l'an
1 1 1 8 , en faveur des Pèlerins de la Terre
Sainte. L'an ii 18, quelques ChevaUers,
hommes nobles ôc craignant Dieu , fe dé-
vouèrent à fon fervice entre les mains du
Patriarche de Jérufalem , ôc promirent de
vivre perpétuellement dans la Chafteté,
rObéilTance ôc la Pauvreté, comme des
Chanoines, Les deux principaux étoient
Hugues des Païens, de Paganis^ ôc Geof-
froi de Saint-Aldeinar , ou de Saint-Omèr.
Baudouin 11, Roi de Jérufalem, leur don-
na un logement dans le Palais qu'il avoic
près le Temple : de-là leur vint le nom
de Templiers, Les Chanoines du Temple
leur donnèrent une place proche de ce
Palais , pour y bâtir \^s lieux réguliers :
le Roi 6c les Seigneurs, le Patriarche ÔC
les Prélats leur donnèrent quelques reve-
nus de leurs domaines pour leur nourri-
ture & leur vêtement. Leur premier en-
gagement fut de garder \tz chemins contre
les voleurs & les partifans, principalement
pour la lureté des Pèlerins. Les principaux
articles de leur Règle font, qu'ils enten-
dront tous les jours l'Office Divin tour
entier \ que quand leur fervice militaire
\q% en empêchera , ils y fuppléeront par un
certain nombre de Pater ; qu'ils feront
maigre quatre jours de la femaine , ôc le
vendredi en viandes de Carême , c'eft-â-
dire, fans œufs, ni laitage; que chaque
Chevalier pourra avoir trois chevaux, ôc
un Ecuyer ; de qu'ils ne chalTeront ni à
l'oifeau , ni autrement. Tels furen: les
commencemens de fOrdre des Templiers^
le premier de tous les Ordres Militaires.
Ils avoient reçu la Règle de S. Bernard.
Neuf ans après leur fondation , on leur
prefcrivit une Règle dans le Concile de
5^4 .:==.OR-=.
Troye. On les appelloit ou Templiers^ on
Frères de la Milice du Temple. La mai^
fon du Temple de Paris étoic la résidence
du Grand Maicre , lequel avoit la garde
du rréfor royal. L'Ordre des Templiers
fut aboli au ccmmencem^ent du quinzième
Siècle , fous Clément V & Philippe le Bel.
Les Templiers furent arrêtés par ordre du
Roi Philippe le Bel , le 1 3 Octobre 1307.
Clément V les abrogea le 3 Avril 1 3 1 2 :
cinquante furent brûlés vifs. En Angle-
terre, ils furent tous arrêtés le 10 Janvier
1507 : fept furent briilés vifs. Et l'an
1 3 1 1 , dans la féconde felîion du Concile
de Vienne, l'Ordre fut entièrement éteint
5: fupprimé par le Pape Clément V. Des
Auteurs ont prétendu que les crimes dont
pn les accufoit , éroienc fuppofés ; & que
îa véritable raifon qui fit fupprim^r cec
Ordre , c'eft quil avoir des biens ime*.
irnenfes.
Ordre de Saint La?:are.
Saint Bafîle fonda un Hôpital à Céfa^
léc. Quelques Auteurs ont prétendu que
rOrdre de Saint-Lazare tire de-là fon ori-
gine^ Maimbourg, dans fon Hiftoire à^s
Croifades ^ confond l'Ordre de Saint-La^
"^ivc avec celui de Saint- Jean de Jérufa-
km 3 que nous nommons anjourd'hui dQ
Malte^ Cet Ordre fur inftitné à Jérufilem
par les Chrénens d'Occident , lorlqu'ils
ëcoient mairies de la Terre Sainte. Ils fe-^
cevoient les Pèlerins, ils les efcortoienê
fur les chemins, oC les défendoient contre
les Mahométans. Quelques-uns difent qu'il
fut inftitué en 1 119. Le Pape Alexandre
IV" confirma l'Ordre des Chevaliers de
l'Hôpital des Lépreux de Saint-La,iare à
Jéruîaleni , fous la Règle de Saint Auguf-
tin , par une Bulle donnée à Naples l'on-
zième d'Avril 12.55. ^^s Chevaliers de
Saint- Lazare ayant été chafiTés de la Terre
Sainte, vinrent en France, & s'y établi-
rent fous Louis VII ^\.x. le Jeune. Ce
Prince leur donna la Terre de Boiv;riyy
Boi^niacam Tcrram , fituéc près d'Or-
léans.
Innocent VIII fupprimi l'Ordre d?
Saint-Laiçtre en Italie l'an 1490, ou plu-*
tôt il s'unit à celui de Malte ; mais le^
Chevaliers François s'y apposèrent , & il
intervint un Arrêt du Parlement, qui dé-
fendit cette union. Léon X le rétablit erï
Italie au commencement du feizième Siè-
cle. L'an 1571, Grégoire XIII l'unit en
Savoye à celui de Saint Maurice, que là
Duc Emmanuel Philibert venoit d'infti*
ruer.
En France, TOrdre de Saint Lazare (^
Qiij
releva fous Henri IV. Paul V le réunit â
celui de Notre Dame du Mont Carmel ,
l'an Kjoy, à la prière de ce Prince, qui,
en 1(308, obtint une Bulle du Pape fort
avantageufe à cet Ordre. Ce fut Aimar
de Chattes , Chevalier de Malte , qui
conçut le défir de faire refleurir cet Or-
dre. Philippe de Néreftang , Capitaine des
Gardes d'Henri IV , & Seigneur d'une
grande vertu , entra dans fes vues , & en
vint à bout par fon crédit auprès de fon
Roi. Sous Louis le Grand , cet Ordre a
pris encore un nouveau luftre. Les Che-
valiers de Saini-Laiare peuvent fe ma-
rier, ôc avoir néanmoins dos penfîons fur
les Bénéfices.
Ces Clievaliers faifoient autrefois des
voeux folemnels , & il y avoit auOi des
Religieufes de cet Ordre. Il y en relie en-
core un Monaftère en SuilTe. Les Cheva-
liers Hofpitaliers de Saine-Lazare portent
far la poitrine une croix à huits pointes.
Il y a de l'apparence que ce ne fut qu'à
la fin du quinzième Siècle, ou au com-
mencement du feizième qu'ils la prirent,
lorfque Léon X rétablit cet Ordre en Ita-
lie. Stumpfius dit que la marque de cet
Ordre eft une croix verte fur un manteau
noir, avec un capuce.
Cet Ordre fut donc fondé par le Roi
= O R = 5 ^7
Henri IV, fous le titre, l'habit &: la Règle
de Notre-Dame du Mont-Carmel ; ôc en
conféquence des Bulles de Paul V, du i^
Février 1^07, il a été uni à l'Ordre des
Chevaliers de Saint-Lazare de Jérufalem,
par ade du dernier Odobre 1(^08, avec
toutes fes Commanderies , Prieurés , ÔC
autres biens, pour fa dotation. Henri le
Grand voulut que l'Ordre du Mont-Car-
mel ne fût compofé que de François , de
qu'il le îm de cent Gentilshommes, qui
feroienc obligés de marcher en temps de
guerre auprès de la perfonne^de nos Rois,
& pour leur garde. Le Colher qu'il leur
donna, fut un ruban tanné, auquel pen-
doit une croix d'or, fur laquelle étoit gra-
vée une image de la Sainte Vierge envi-
ronnée de rayons d'or. Le Manteau de
l'Ordre étoit chargé de la même croix.
C'eft Paul V qui approuva cet Ordre ,
dont le premier Grand Maître, que le
Roi choifir, fut Philippe de Néreftang.
Voye^^ Sponde à l'an KjoSjTz.jj&à l'an
1 5 6 5 , 72. / 6*. Cet Aureur prétend que c'eft
moins une inllirution nouvelle , qu'un
renouvellement de l'Ordre de Saint-La^
:^are. L'Abbé Jultinien , qui en traite ,
T. Il, C. 82, prétend qu'en i6'073 cet Or-
dre n'étoit point encore uni à celui de
S. La:^arc , èc que cela paroît par un Édit
Qiv
^6S =OR=^
d.u Roi d^ i6ji. Ainfi cet Ordre a été
établi comme un Ordre diiiingué de celui
de S ain:- Lazare ^ 5c n'y a été uni qu'après
quelques temps. Par un Décret de la Con-
grégation touchant ks Conciles, les Che-
valiers du Mcra-Caimeliovïi déclarés capa-
bles de polTé k^r des penfions fur les Béné-
fices, & même à^s Bénéfices.
Ordre de Saint-Michel.
Les Hiftoxiens parlant de l'Inflitution
de cet Ordre ^ aPiurent que Charles Fîl^
après Tapparirion de TArchar-ge Saint Mi-
chel^ fur le Pont d Oiléans, prit pour fon
oriflamme l'image de cet Archange, avec
6qv.:l Devifes tirées des Prophéties de Da"
Tiiel^ l'une portant ces mots : Ecce Mi^
ihael^ unus de Frbicipïbus prïmis ^ & renii
in adjutorium meum ; l'autre portant ceux-
ci : Nemo ejî adjutor meus in omnibus^
niji Michael Pr inceps nojler ^ & qu'il fit
vœu dès-lors d'infliruer , ahs qu'il feroit
poflible, dans Tes Érats, un nouvel Ordre
de Milice de Chevalerie , en Thonneur
de cet Aîxhange, qui eft le Gardien du
Royaume de France. Il en fit peindre l'I-
mage en fon Étendard ou Bannière, femce
de fleurs de lys d'or , fans nombre. Ce
Prince n'ayant pu mettre à exécution foa
vœu avant fa mort, Louis XI fon liis,
pour exécuter la volonté de fon père> éta-
blit cet ordre le premier Août i^6^^ ôc
fixa le nombre des Chevaliers à trente-fix.
La première promotion fut de quinze y
parmi lefquels on trouve Jean de Louis
de Bourbon , André ôc Louis de Laval y
George de la Trémoille , Charles de Cruf*
fol , Antoine 3c Gilbert de Chabannes y
&c.
Dans le ferment que faifoienr les Che-
valiers , ils promettoient de foutenir de
tout leur pouvoir les droits de la dignité'
de la Couronne de France , & rautorité
du Roi envers & contre tous. Suivant les
anciens Statuts , \ts Chevaliers doivent"
être Gentilshommes de nom d'armes, 3c
fans reproche. Le Roi s'exprimoit ainfl
dans le préambule de ces premiers Sta-
tuts : Pour la tres-par faite & Jingulière
amour qu avons au noble Etat de Cheva-
lerie ...... Ci la Gloire de Dieu & de la
Vierge Marie , & à b' honneur & révérence
de Monfei^neur Saint Michel, Archange ^
premier Chevalier , qui , pour la querelle de
Dieu y batailla contre le Dragon ancien^
ennemi de nature humaine , & le trébucha
du Ciel ; nous , U premier jour d^ Août
146'9, la neuvième année de notre Règne y.
en notre Château d'Amboife , avons crti
^7o =OR==
& conjlltué un Ordre de Fraternité , om
amiable Compagnie ^ fous le nom de Saint
Michel.
Cet Ordre ne fut donné d'abord qu'aux
grands Seigneurs de l'État , tels qu'à ceux
que nous avons rapportés ci-defTus ; &
Louis XI ne remplit jamais le nombre de
trente-fîx Chevaliers , qu'il avoir fixé.
Dans la fuite, ce Titre d'honneur fut
trop facilement communiqué \ il fut mê-
me, fous Henri III, avili au point que,
par une efpèce de Proverbe, on appeîloit
îe Collier de cet Ordre , le Collier à tou-
tes les bêtes. Les Grands du Royaume
n'en vouloient plus, depuis que les fem-
mes l'avoient rendu vénal fous le Règne
de Henri II , & que Catherine de Médi-
cis, fous François II ôc Charles IX ^ l'a-
voit fait donner fans égard ni au rang de'
la naiflànce , ni aux fervices.
De temps en temps , on y a fait des
réformes \ ôc Louis XIV donna, en ï66i.
ôc i6^^5 , des Déclarations très-précifes &
trèi'-propres à maintenir la dignité de cet
Ordre ^ qui s'appelloir V Ordre du Roi y de
même que celui du Saint-Efprit. Ce Mo-
narque, réduiiit ce nombre à cent, parmi
lefquels il doit y avoir fix Magiftrars des
Cours fupérieures , & fix Eccléiiaftiques ,
Prêtres ôc conflitués en dignité d'Abbé ou
de Charges principales dans le Chapitre ;
&■ quatre-vingt-huit d'épée , qui font preu-
ves de dix ans de feivice, de de trois de-
grés de noblefTe paternelle. Ils portent la
croix ëmaillée Ôc fleurdelifée, attachée à
un cordon noir moiré. Il eft a remarquer
que 3 dans ce nombre de cqs cent Cheva-
liers, on ne comprend point ceux de l'Or-
dre du Saint-Efprit ; car on doit fç?voir
qu'il eft d'ufage que , la veiîîe , le Roi
confère l'Ordre de Saint-Michel aux Sei-
gneurs qui doivent recevoir de Sa Ma-
jefté, le jour fuivant, ce que nous appel-
ions le Cordon bleu,
Lorfque le Roi donne VOrdre de Saint-
Michel à ceux qu'il veut honorer de celui
du Saint-Efprit y Sa Majefté eft vêtue d'un
habit & manteau ordinaire , un chapeau
garni de plumes fur fa tète , debout , en-
tourée des principaux Seigneurs de fa
Cour, bottée & éperonnée, l'épée nue a
la main, dont elle touche le Chevalier 5
qui eft ceint d'une épée , & profterné à
fes pieds.
Mais quand le Roi veut donner VOrdre
de Saint-Michel feulement, il nomme àes
Chevaliers du Saint-Efprit pour donner
l'accolade.
Tous les célèbres Artiftes que le Roi
décore du Cordon de Saint-Michel , font
572 e=^OR=^
auparavant annoblis par fa Majefté, Sc em
obtiennent des Lecrres de NoblelTe.
Ordre du Saint-Esprit.
Louis <r Anjou ^ Roi de Jcrufalem & de
Sicile 5 avoit inftitué à Naples en 1352.»
le jour de la Pentecôte un Ordre du Saint-
Efprit i parceque ce jour-ld étoit celui de
fon couronnemenr. Les Vénitiens poffé-
doient l'Aél^Apriginal de l'Eredtion de cet
;.^.,r Ordre ^ & élt firent préfenc à Htnri llly
p Jorfqu'il paiTà par leur Ville, en revenant
<3e Pologne. Il tint cet Ade fort caché ;
& ayant fait tirer par M. de Chiverni^ ce
qu'il jugea à propos d'en extraire pour
fon nouvel Ordre y il lui ordonna de le
briller.
Mais ce précieux Monument a été con-
fervé ^ &: après avoir paifé de la Biblio-
thèque de Philippe de Hiiraut , Eveque
de Chartres , fils de M. de Chiverni , dans
celle de M. le Préfident de Maifons , on
croit qu*il fe trouve aujourd'hui dans \^^
Archives de VOrdre,
Henri IJI avoit été élu Roi de Polo-
gne 5 ^ étoit parvenu à la Couronne de
France , le jour même de la Pentecôte ;
c'eft ce qui lui fit donner à VOrdre qu'il
inftirua, le titre de VOrdre du Saint-Ef-
j^rit^
Son deflein fut d'en faire une marque
de la pins haute diftiriction , & de retirer du
parti Calvinijie^ par Tefpérance de cet hon-
neur , les Grands du Royaume qui y étoienc
engagés. Il fe déclara Chef Souverain de
cet Ordre-, la grande Maitrife fut unie à
la Couronne de France. Le nombre è^t%
Chevaliers fut limité à cent, y compris
huit Eccléflaftiques , fçavoir, quatre Cardi-
naux 5 & quatre qui dévoient erre Arche-
vêques» Evêques, ou Prélats. Le Grand-
Aumonier & fes Succefieurs y font incor-
porés en titre de Commandeurs ^ fans être
obligés de faire preuve de NobleiTe^
Le grand Collier de VOrdre étoit com-
pcfé de Fleurs de lis ^ cantonnées de
Flammes d'or, émaillées de rouge ^ en-
trelacées de trois Chiffres émaillés de
blanc.
Le premier Chifïre eft un -^, & ua
Lambda^ Lettre grecque ; ce font les pre-
mières lettres du nom du R.oi & de celai
de la Reine fon Époufe, Louife de Lor-
raine.
Les deux autres Chiffres marquoienc
Jes noms que le Roi lailTa à deviner, &
que l'on foupçonna malignement déii-
gner quelques m.aîrrefles. On y fubfritua
des Sym.boles plus conformes à la valeur
& à la Religion de nos Rois j, &: c'eft la
374, =OR =
feul changement qu on ait fait a ce Col-
lier.
Hors des Cérémonies , les Chevaliers
portoient une Croix d'or , émaillce de
liane ^ attachée à un Cordon bleu, qui
pendoir fur Teftomac, comme la portent
aujourd'hui les Commandeurs Eccléfiafti-
ques. Aujourd'hui elle eft attachée au Cor-
don bleu 5 que l'on porte en baudrier, &
pendant au côté gauche.
La première promotion fe fit le premier
Janvier 1579 5 aux Grands Auguftins de
Paris Le nombre des Eccléfiaftiques fut
rempli : celui àQS Chevaliers Laïques ne
fut porté qu'a vingr-fept , afin de laifTer
une efpérance plus prochaine à ceux que
Ton vouloir attirer par Tappas d'un hon-
neur fi diftingué.
Ce fut à la promotion de i 5 84 , qu'^r-
naud Gontaut de Biron , obligé de pro-
duire (qs titres de noblefTe , pour être reçu
Chevalier dans cet Ordre du Saint-Efprit^
n*en préfenta que cinq ou fix fort anciens ^
& qu'il dit au Roi : Sire^ voilà ma no-
llejje ici eomprife la voici en*
core mieux , ajouta-t-il , en montrant fon
Ejfée.
= 0R= 37?
Ordre Royal et Militaire
DE Saint Louis,
Cet Ordre fut infatué par Louis XIV
en 1(^9 5. Le Roi ell Chef Souverain
Grand Maître de XOrdre, Après Sa Ma-
jefté , Monleigneur le Dauphin , ou le
premier Prince du Sang , eil de \ Ordre,
Tous les Princes du Sang y font admis.
11 y a vingt-fix Grands Croix en broderie
fur l'habit & cordon rouge, foixante-qua-
rre Commandeurs , quatre Grands Offi-
ciers de ï Ordre y créés en 1719, quatre Of-
ficiers Commandeurs, & huit autres Offi-
ciers de XOrdre,
Aucun ne peut être pourvu d'une place
de Chevalier dans X Ordre de Saint-Louis^
s'il ne fait profeilion de la Religion Ca-
thohque, Apoftolique & Romaine, jufti-
fiée par l'Archevêque ou Evêque diocé-
fain \ s'il n'a fervi fur mer ou fur terre,
en qualité d'Officier pendant vingt ans 5
& s'il n'ell adiuellement encore au Ser-
vice.
Tous ceux qui compofent XOrdre de
Saint-Louis ^ portent une croix d'or, fur
laquelle il y a l'Image de Saint-Loiùs ^
avec cette différence , que les Grands
Croix la portent attachée à un ruban cou-
57^ .=: O R =
leur Je feu , qu'ils mettent en éJiarpe ^
ils ont de plus une croix en broderie d'or
fur le jufte-au-corps, ou fur le manteau.
Les Commandeurs portent feulement le
ruban en écharpe , avec la croix qui y eft
attachée j & les (impies Chevaliers la por-
tent fur l'eftomac , attachée à un petit ru-
ban couleur de feu.
A l'égard des Oiïiciers de cet Ordre y
Chancelier Garde des Sceaux de VOrdrCy
Grand-Prévot, Maître des Cérémonies >
Secrétaire & Greffier, ils portent la bro-
derie Se le cordon rouge. L'Intendant ô€
les trois Tréforiers partent la croix de
l'Ordre attachée à un cordon large, cou-
leur de feu , pendant au col , Ôc ils n'ont
point la broderie : les autres Officiers por-
tent la croix fur l'eftomac , attachée à un
petit ruban couleur de feu.
ÉNIGME LX IL
Quoique toujours faite en ccquiîîe,
Je fers les gens de Gour comme le Pellerin :
Par moi radolefcente £lle ,
Aux Vices, aux Vertus peut s'ouvrir un chemlnr
On m'apporte en venant au monde ,
I On me prête fans me quitter^
En vain femme fàcheufe gronde,
1,6. bon mari faos moi ne s'en peut entêter,-
0R== 377
L'on m'ouvre , l'on me ferme j & jadis dans ia
Grèce,
Pour m'avoir fermée à propos ,
Un Héros triompha de la âatteufe adreffe
De cent monftres cruels qu'enfantèrent les fîotJ.
Oreilles.
Les Créiois repréfcntoient Jupiter fans
Oreilles , pour marquer que le Maure du
Monde ne doit écouter perfonne en par-
ticulier 5 mais ècre également propice à
tous. Les Lacédémoniens au contraire lui
en donnoient quatre, afin qu'il fût plus en
état d'entendre les prières, de quelque parc
qu'elles viniTent. On metroit au nombre
ào-s mauvais préfages les tintem.ens d'O-
reillc j Se les bruits qu'on cioyoit enren.-
dre quelquefois.
OrE ST£.
On dît qu il devint furieux , après avoir
tué fa mère ; &c que pour expier ce crime ,
il fut obligé d'aller au Temple de Diane,
dans la Cherfonnèfe Taurique , appeliée
maintenant la perire Tartarie. Son ami
Pylade l'y conduifit j & le Roi Tboas ré-
folut de le facrifier à Diane, à qui l'en
immoloit des hommes. Alors , dit Cicé-
ron 5 P)dade afTura qu'il étoit Orejie , vou-
378 ^OR=-=
lant être facrifié pour lui , & Orefle fou-
tint qu'il étoit véritablement Orejie , pour
n'être pas'caufe de la mort de fon ami.
Pendant cette généreufe conteRation , Iphi-
génie , qui préfîdoit aux Sacrifices de Dia-
ne, reconnut fon frère Orejle ^ 8c le déli-
vra de ce danger. Quelques jours après,
Orejie, accompagné de Pylade, ayant tué j
le Roi Thoas, emporta ùs richefTes, Ôc
emmena avec lui fa fœur Iphigénie en
Arcadie. On dit qu'il fut mordu d'une
vipère j ôc qu'il mourut dans un lieu qu'on
appella depuis Orcjîion.
Orgies.
On donnoit ce nom aux Fêtes ^qs
Païens , qui fe célébroient avec beaucoup
de bruit , de nimulie , & de confufion :
telles étoient les Fêtes de Bacchus., de
Cybèle & de Cérès. Les Orgies de Gérés
& de Bacchus alloient fouvenr enfemble \
inais c'étoit principalement en l'honneur
de Bacchus qu'elles fe célébroient, & en
mémoire de fon voyage des Indes. Elles
prirent nailTance en Egypte, où O/iris fut
le premier modèle de Bacchus Grec : de-
là elles pafsèrent en Grèce, en Italie, chez
les Gaulois, & dans prefque tout le monde
païen. Dans les commencemens, \qs Or-
gies étoient peu chargées des Cérémonies %
= 0R= 57P
on portoit feulemenr en proceffion une
cruche de vin , avec une branche de far-
menr y puis fuivoit le Bouc , qu'on immo-
loit comme un Animal odieux à Bac-
chus, dont il ravageoic les vignes. Mais
cette première fimplicité ne dura pas long-
temps j & le luxe qu*introduiiirent les ri-
chefTes , palTa dans les Cérémonies reli-
gieufes. Le jour deftiné à cette Fête, les
hommes de les femmes , couronnes de
Lierre, les cheveux épars & prefque nuds,
couroient à travers les rues, criant com-
me des forcenés , Evohe Bacche. Au mi-
lieu de cette Troupe , on voyoit des gens
ivres, vêtus en Satyres, en Faunes, en Si-
lènes, faifant des grimaces & des contor-
fions où la pudeur étoit peu ménagée^
Vencit enfuite une Troupe montée fur
des Anes, qui éroit fuivie de Faunes, de
Bacchantes, de Thyades , de Nymphes,
de Mimallonides, &:c. lefquelles faifoient
retentir de leurs hurlemens tous les lieux
par où elles pafToient. A leur fuite , en
portoit des Autels en forme de cèps de
vignes , couronnés de Lierre , & fur lef-
quels fumoient l'encens & les autres aro-
mates. Toute cette Proceiîion étoit fermée
par une Troupe de Bacchantes couron-
nées de Lierre entrelacé de branches d'If
5c de Serpens. 11 n'efl pas furprenant que
58o =10 R-
la licence s'introcluife au milieu d'une
telle Société j aufii les Hilioriens nous af-
furenr qu'on fe porta aux derniers excès,
aux débauches les plus infâmes, & à tous
les crimes que peut autorifer l'exemple ,
l'ivrefTe Se l'impunité. Ce qu'il y a de plus
furprenant , c'eft qu'on s'avifa fort tard
d'y remédier : ce ne fut que l'an de Rome
56'8 , qu« le Sénat rendit un Édit, qui in-
terdit les Orgies dans toute l'étendue de
l'empire Romain, fous peine de mort.
Orgueil,
Sous ces lambeaux , peut-on voir tant d'ORGUElL >
Voilà le fruit de la JeunefTe :
Ivlais lailfez venir la VieilleiTe ,
Il y trouvera Ton cercueil.
UOrgueil efl: repréfentée fous la figure
d'une jeune fille , dont la robe efl déchi-
rée : elle rient de la main droite un
Paon, ayant à (qs pieds un Globe ; pour
faire voir le comble de fon Orgueil ^ donc
le Paon en eft le Hiéroglyphe ; & par le
Globe, elle fait voir qu'elle bafoue toMl
le monde par fon humeur altière.
.^^
= OR= 381
Orient.
La Jeune/Te cft toujours charmante j
On chérit, on adore une beauté naiiTante :
On eft toujours vif & riant ,
Quand on eft dans fon Oriint.
UOrient eft repréfenté dans un âgé
d'enfance ; comme le Jour eft divifé en
quatre parties, il eft à propos que, dans
la première , il paroifTe Enfant 5 dans la
féconde, en jeune Garçon; dans la troi-
fième, en Homme fait; & dans la qua-
trième 5 en Vieillard. On le repréfenre
fous la figure d'un jeune enfant , ayant
fur la tète une Étoile refplendiftante. Son
habillement eft rouge , orné d'une cein-
ture de bleu turquin, où font trois Signes
céleftes. Il tient de la iriain droite un Bou-
quet de fleurs ; de la main gauche , un
Vaf^ rempli de pp.rfums ; & à fon coté,
on apperçoit un Soieil levant.
Origine d'Amour.
On voit d'une Beauté les charmantes douceurs ,
On en contemple tous les charmes ,
On s'y brûle , on lai rend les armes j
C'eft ainfi que I'Amouk. s'allume dans nos coeurs.
]JOri^Kç d'amour eft une Paillon j pour
582 =:^OR =
la bien peindre , il faudroit repréfenter
le premier jour que le Soleil a lui fur la
terre. Les anciens Poètes fe contentent de
nous la repréfenter fous la figure d'une
jeune beauté , qui tient d'une main un
Miroir rond, qu'elle oppofe aux rayons du
Soleil , donc la réverbération allume un
Flambeau , qu'elle tient de l'autre main :
au-delTous du Miroir , on apperçoit un
Rouleau , où l'on voit écrit ces paroles :
Ceft ainfi qus CAmo ur s'allume dans nos cœurs^
O R I O M ,
Fils de Neptune , fe rendit très-fameux
par fon amour pour l'Aftronomie > qu'il
avoir apprife d'Atlas , &■ par fon goût pour
la ChafTe. C'étoit un à^s plus beaux hom-
mes de fon temps. Homère , parlant àQS
deux fils de Neptune , Éphialte & Otus ,
dit que leur beauté ne le cédoit qu'à celle
à'Orion. Il étoit d'une taille fi avanta-
geufe, qu'on en a fait un Géant. On voir,
dit Virgile , ce Géant defcendre àes plus
hautes montagnes , appuyé fur le tronc
d'un Orme antique : tandis que fes pieds
touchent la terre , fa tête eft cachée dans
les nues. Il marche à travers les flots de
la Mèr, & fes épaules s'élèvent au-deiïus
des eaux. Exagération poétique, pour re-
préfenter fa gi-ande taille, & peut-être
aulîi qu'il alloic fouvent fur Mèr. On
ajoure à cette ficcion , que ce fut dans le
temps qu'il traverfoit ainfi la Alèr , que
Diane voyant la tète d'Orion furnager ,
fans fçavoir ce que c'étoit , voulut faire
preuve de fon adrelfe à tirer de l'Arc en
préfence d'Apollon fon frère, qui l'avoic
défiée , & qu'elle tira fi jufte , que le pau-
vre Orion fat atteint d'une de ùs flèches
meurtrières ; ce qui nous apprend qu'il
mourut dans un de {qs voyages mariti-
mes. Il avoir eu une première femme
nommée Fide , que la vanité perdit ; car
ayant voulu égaler fa beauté à celle de
Junon , cette DéelTe la fit mourir. Orion
avoir voulu enfuite époufer Alérope , fille
d'Oénopion, de l'Ifle de Chio. Celui-ci
qui ne vouloir point d'un tel Gendre,
après Tavoir enivré, lui creva les yeux,
& le laifTa fur le bord de la Mèr. Orion
s'étant levé après que fa douleur fut ap-
paifée, arriva à une forge, où ayant ren-
contré un jeune Garçon, il le prit fur {qs
épaules, le priant de le guider au lieu où
le Soleil fe lève ; & où étant arrivé , il
recouvra la vue, & alla fe venger de la
cruauté d'Oénopion. Apollodore, qui con-
te cette Fable, ajoute que, devenu célè-
bre dans l'Art qu*avoit pratiqué Vulcain ,
384 ^=^OR =
Or ion fit un Palais fouterrein pour Nep-
tunefon père, & que l'Aurore, que Vénus
en avoit rendue amoureufe, l'enleva, & le
porta dans l'Ifle de Délos. Mais il y per-
dit la vie par la vengeance de Diane, qui
fit fortir de terre un Scorpion qui le tua ,
pour fe venger de l'infuke (\\xOrion avoit
voulu faire â une des filles de la Dcq^q ;
& a elle-même, pour avoir ofé toucher
{on voile d'une main impure. Tout cela fi-
gniiie (\v\Griony qui aimoitpaffionnémenc
La Challb , fe levoit de^rand matin ; voilà
l'enlèvement de l'Aurore : qu'il mourut
dans rille de Délos , pour s'être trop fati-
crué à la ChafTe j &c qu'il mourut dans le
temps que le Soleil parcourt le Signe du
Scorpion.
Homère attribue la mort à'Orion à la
jaloufie de Diane, ce La belle Aurore, fait-
« il dire à Calypfo, n'eut pas plutôt jette
ï) un regard favorable fur le jeune Oriouy
a> que l'envie s'alluma dans le cœur de
t? Diane , qui ne ceifa qu'après que la
s> DéelTe , avçc fes flèches mortelles , eut
63 privé l'Aurore de fon cher Amant dans
9> rifle d'Ortygie. » Homère parle ailleurs
êiOrion , en difant qu'il étoit fans ceffe
occupé dans les Enfers à pourfuivre hs
betes féroces , marquant par-là qu'il avoit
£té un célèbre Chafleur ; car, en l'aune
monde ,
Hionde , fuivant la Théologie Païenne,
chacun s'occupoit aux mêmes exercices
t]u'il avoit aimés pendant fa vie.
• Du temps êiOrion , la pefte affligea la
Ville de Thèbes : on alla confulter l'Ora-
cle 5 reffource ordinaire dans les grandes
calamités \ ôc on eut pour réponle, que
la contagion cefleroit , lorfque deux Prin-
cefles du Sang des Dieux s'ofFriroient vo-
lontairement à la Colère célefte , pour en
être les vidimes. Aufîi-tot les généreufes
filles aOrion , qui tiroit fon origine de
Neptune , fe dévouèrent pour le falut de
leur Patrie avec un courage & une fer-
meté au-deiTus de leur sexe. L'une , ait
Ovide , préfente la gorge à celui qui doit
rimm.oler, pendant que l'autre s'enfonce
un poignard dans le fein. Le Peuple >
qu'elles venoient de fauver par ce Sacri-
fice 5 leur fit de magnifiques funérailles ,
& plaça leur bûcher dans l'endroit le plus
éminent de la Ville ; & afin qu'un fi beau
Sang ne périt pas avec ces Héroïnes, on
vit fortir de leurs cendres deux jeunes
hommes avec des couronnes fur la tête,
qui firent eux-mêmes les honneurs de la
pompe funèbre , & qui dans la fuite por-
tèrent le nom de Couronnés.
Diane , fâchée d'avoir ôté la vie au bel
Orion, obtint de Jupiter qu'il fût placé
T&me III. R
38(f ==:OPv =
dans le Ciel , oii il forme la plus brillante
des Conftellations : & comme elle y oc-
cupe un très-grand efpace du Ciel , fe^
Ion cette expreflîon du Poëte Manilius,
Magni pars maxima, Cœli , cela pourroit
bien avoir fourni l'idée de cette taille
monftrueufe qu'on lui donne , dont la
moitié étoit dans la Mèr , & Tautre fur
la Terre \ parceque cette Conftellation eft
à moitié fous l'Equateur , Ôc moitié au-
deflus,
O ROM A SE.
Le Mage Zoroaflre , dit Plutarque , ad-
mettoit deux Dieux , l'un bon , & l'autre
mauvais : <« il appelloit lun Oromafe^ Se
» l'autre Arimanius , l'un avoir rapport à
5> la Lumière fenfîble , l'autre aux Ténè-
9> bres & à l'Ignorance 11 croyoit
9» que des Arbres & des Plantes , les unes
» appartenoient au Dieu bon , & les au-
») très au mauvais ; ôc qu'entre les Ani"
st maux les Chiens , les Oifeaux , & les
» HérilTons de terre font au Dieu bon »
» & tous ceux des eaux au mauvais. Il
3> félicitoit ceux qui tuoient un plus grand
» nombre de ces derniers Oromafe^
9> difoit encore le Mage , eft né de la plus
»> pure Lumière, ôc Arimanius des Ténc-
» bres : ils fe font la guerre enfemble.
==0R= 387
» Oromafe a produit iîx Dieux , donc le
•• premier écoic Auteur de la Bienveillan-
» ce 5 le fécond de la Vérité , le troifième
>» de l'Equité, le quatrième de la SagelTe ,
« le cinquième des RichetTes , & le fixiè-
» me des Plaifirs qui fuivent les bonnes
3> a6tions. Arimanius créa de même com-
» me par émulation un pareil nombre de
î> Dieux. Oromafe s'étant rendu trois fois
n plus grand qu'il n'étoit, s'éloigna autant
3> du Soleil 5 que le Soleil efl: éloigné de la
33 Terre. Il orna le Ciel d'Aftres j il en ^t
)} un qui étoit le plus excellent de tous,
„ &: comme le Gardien des autres , qui
r> eft Sirius, ou le grand Chien. Il fit en-
îî cote vingt -quatre Dieux, & les mit
j) tous dans un Œuf. Arimanius en ayant
» aulîi fait un pareil nombre, ceux-ci per-
» cèrent l'CEuf , & le Mal fe trouva alors
35 mêlé avec le Bien. Il y a un temps où
» il faut qu'Arimanius périlTe , & alors la
y> Terre étant devenue toute unie, il n'y
» aura plus qu'une vie , Se une fociété de
35 tous les hommes bienheureux , qui habi-
35 teront dans la même Ville, & qui par-
3> leront la même langue. Selon ropinion
3» des Mages , ajoute Théopompe , pen-
» dant trois mille ans , l'un des Dieux
n prévaudra fur l'autre ; & pendant trois
» autres mille ans, ils fe feront la guerre ^
388 =OR
53 l'un tâchera de détruire l'autre. A la fin,
3» Arimanius fera vaincu , de alors les
« hommes feront heureux , de n'auront
!» plus befoin de manger.
Orphée,
Ancien Poëte Grec, que quelques-uns
mettent devant Homère. On dit qu'il fie
trente-neuf Poèmes, que le temps nous a
dérobés. Les Hymnes & les Fragmens qui
nous reftent fous fon nom , font d'Ono-
macrite , qui vivoit du temps de Pififtrate.
La Fable a feint quOrjykée étoit fils d'A-
pollon ; que les Rivières arrètoient leurs
cours ; que les Arbres Se les Rochers
'inarchoient pour l'entendre , Se que même
les bètes les plus farouches s'adouciiïoienc
au fon de fa voix. Elle l'a fait defcendre
dans les Enfers, pour en retirer fon époufe
Eurydice j que les femmes de Thrace le
tuèrent j que les Mufes eurent foin de fon
corps. Se que fa Lyre fut placée dans le
Ciel. Les Fables, que l'on a dites d'Or-
phée, ont peut-être fait qu'Ariftote a cru
qu'il n'y avoit jamais eu perfonne de ce
nom. Gérard Vojjiics a fuivi cette opinion ,
Se dit que le mot Orphée eft un mot Phé-
nicien , qui fignifie un fçavant homme,
^2iXce.c^aAriph marque encore aujourd'hui
la même chofe parmi les Arabes. D'autres-:
■conjedurent que ce mot vient de l'Hébreu
Raphdj guérir , puifque l'on attribue à
Orphée une grande connoifTance de la Mé-
decine, auiîi-bien que des autres Sciences.
Il fe peut faire encore que l'on ait con-
fondu \qs Chants y avec les Enchantemensy
ôc que Von ait dit c^uOrphée étoit un Chati"
tre^ au lieu d'un Enchanteur, On peut
fonder cela fur l'Hiftoire d'Eurydice , qu'il
rappella des Enfers , pour un peu de temps \
ce qui eft plutôt un effet de la Nécroman-
tie^ que de la Mufique. Cela s'accorde fort
bien avec cette efpèce de Médecine 3 dont
plu/îeurs Nations font encore entêtées, &
qui fe fait, à ce qu'on dit, par des mots
Magiques , 6^ par des herbes cueillies en
certains temps. Aufîi quelques Anciens
ont-ils cru (\\x Orphée avoit été un Égyp-
tien fçavant dms la Magie ; & c'eft ce
qui a donné lieu à celui qui a compofé
\^s Hymnes , qui portent fon nom , de les
lui attribuer. Ce font plutôt à^s évocci-'
lions Magiques des Dieux , que des Hym-
nes en leur honneur. Cela étant ainfî, il
eft croyable qu'il y a eu effedtivement une
perfonne en Grèce , que l'on a nommée
par excellence, Jlarophe, Orphée, le Mé-
decin, & dont les enchantemens, feints
ou véritables, ont donné origine à la Fa-
ble que l'on en a faite. L'opinion qu'il y
Riij
5po ==:0R =
a eu un Orphée^ & que cet Orphée avoir
apporté diverfes Sciences cachées dans la
Grèce , a fait qu'on lui a attribué divers
Livres fuperftitieux , dont on verra les
titres dans Volîîus , & au commencement
du Livre àes Argonautiques, qui porte le
nom à'Orphée,
ÉNIGME LXIIL
Mon nom pris chez les Grecs , fe foudent noble-
ment,
Quoique de (lich en fiècle on me fafTe renaître ,
En France, comme ailleurs, je ne connois pour
maître ,
Qu'un ufage établi fur le raifonnement.
Si les Grands de la Cour, qui parlent poliment,
Ecri voient comme on parle ; en me voyant paroître ,
Quel Mortel ne feroit gloire de me cormoître j
On s'énonceroit mieux , & plus facilement .
Ainfi dans le difcours y on abrège Carême 5
Tout le monde le dit , fans l'écrire de même :
Les Sçavans , peu d'accord , ainfî me font errer»
Quand , fur de tels abus , on confultc le Sage ,
Il les condamne tous , & tolère un ufage ,
• Qu'aucun François ne peut fuivre fans s'égarer.
=:OR= 3pi
Or us.
Fils d'Ofiris & d'Ifis, fut, dit-on, le
dernier des Dieux qui régnèrent en Egyp-
te. Il fit la guerre au Tyran Typhon ,
qui avoir fait périr Ofiris ; & après l'a-
voir vaincu &c tué de fa main, il monta
fur le Trône de fon père. Mais il fuc-
comba enfuite fous la puififance des Prin-
ces Titans , qui le mirent à mort. Ifis fa
mère , qui poiTédoic les fecrèts les plus
rares de la Médecine, celui même de ren-
dre immortel , ayant trouvé le corps dOrus
dans le Nil, lui rendit la vie, de lui pro-
cura l'immortalité, en lui apprenant, dit
Diodore, la Médecine & l'Art de la Divi-
nation. Avec ces talens, Orus fe rendit
célèbre, de combla l'Univers de (es bien-
faits.
Les figures d'Orus accomipagnent fou-
vent celles d'Ifis dans les Monumens Égyp-
tiens. Il eft ordinairement repréfenté fous
la figure d'un jeune enfant, tantôt vécu
d'une tunique , de tantôt emmailloté ÔC
couvert d'un habit bizarre en Lofenges.
Il tient de ùs deux mains un Bâton, dont
le bout eft terminé par la tète d'un Oi-
feau , de par un Fouet. Plufieurs habiles
Auteurs croient qnOrus eft le même
R iv
qu'Harpocrate , Se que l'un &c l'autre ne
font que des Symboles du Soleil.
O s I R I s ,
' Fils de Jupiter & de Niobé , régna fur
les Argiens : mais peu fatisfait de ces Peu-
ples, il céda cet état à fon frère Égialée,
ôc voyagea en Egypte , où ayant établi dos
Loix, & policé le Royaume des Egyptiens,
il s'en rendit maicrê. Cependant ayant
cpoufé Is 5 que Jupiter avoit changée en
Vache, Se que depuis on nomma Ifis, elle
donna aux Égyptiens l'invention de plu-
fieurs Arts : de forte que l'un Se l'autre
furent honorés d'Honneurs divins. On
dit que les ennemis d'O/?/-/^ le tuèrent;
Se qu'ayant été transformé en Bœuf, les
Égyptiens l'adorèrent fous le nom d'Apis
Se Sérapis. OJiris y ou Adonis, fut un
ancien Roi d'Egypte , connu fous divers
noms. Comme Adonis Cigm^Q Seigneur ^
Olîris ou Ahhaji- erets , en Phénicien ,
veut dire , la Terre eji ma pojfejjion , il
s'appliqua beaucoup à l'Agriculture Se à
la Chafle , où ayant été bleffé par un San-
glier dans l'aîne , il fut pleuré comme
mort ; mais il en guérit. Pour célébrer la
mémoire de cet événement , Ifis fa fem-
me ordonna que , rous \es ans , on pleu-
reroit Adonis , ou OJîris , comme perdu j
Se qu on fe réjouiroic enfuite , comme
l'ayant retrouvé.
Oubli.
L'âge avancé étant le plus fujèt à la
perte de la Mémoire, on caradVériie YOu-
bli par une vieille femme coëffée d'un
voile obfcur , & tenant \x\\t Plante de
Mandragore, qui eft un puilfant ôc dan-
gereux Narcotique.
Les Anciens fe fervoient aufli du Loup-
cervier pour l'Emblème de VOulii ; ils
prenoient cet Animal pour le Lynx, qui
croit dédié à Bacchus , ôc figninoit que
l'excès du Vin détruifant la Raifon, ravif-
foit la Mémoire.
Oubli d'Amour.
Amour ell un enfant volage j
II paroît 5 il ne paroît plus ;
On fait , pour l'arrêter , ces eiTorts fuperflus 5
On ne le voit qu'au Printemps de notre âge ,
Car c'eft un Oifeau de paifage.
UOuhli d'Amour eft: repréfenté fous la
figure d'un Enfant couronné de Pavots ,
Plante qui provoque le Sommeil \ il a dQ$
ailes , pour faire voir qu'il eft volage :
lorfqu'on le fâche , il eft endormi ^ pour
montrer que les Amans n'ont pas plutôt
R v
3P4 «=OU==
oublié lobjèt aimé, que les fondions cîe
leurs âmes femblent afToupies. Il a rompu
fon Arc & fes Flèches, pour montrer qu'il
n'a plus rien à combattre. Il eft couché
proche de la Fontaine de Cifique , qui a la
Vertu de faire oublier cette Paffion , lorf-
que Ton boit de fon eau.
Ouï
E.
Doux accords , divine Harmonie ,
Agréables préfens des Cieux i
Que vous donnez à notre ouïe
Des momens précieux.
UOuïe eft repréfentée par une femme
auprès de laquelle eft couchée une Biche.
Elle tient un Luth de la main gauche. Se
de la droite une Oreille de Taureau. Le
Luth montre la douceur de l'Harmonie ,
fans laquelle on ne fçauroit jamais bien
juger, fi on n a l'oreille bonne. La Biche
eft le Symbole de la fubtilité de ce merveil-
leux fens : la moindre feuille que le vent
ébranle , fait prendre la fuite a cet Ani-
mal, ayant toujours l'oreille alerte. L'O-
reille du Taureau nous indique qu'il faut
Ouïr foigneufement & avec diligence ce
qui eft néceflaire a la durée & la confer-
vation de nous-mêmes. Ainfî , quand les
Égyptiens vouloieht dépeindre VOme^'ils
= OU== 5PÎ
le figuroient par TOreilIe du Taureau,
qui l'a toujours prête Ôc tendue au mugif-
fement que fait la GénifTe.
Ourse.
La grande Ourfe^ la petite Ourfe^ deux
Conffcellations feprentrionales. J'ajouterai
ici une remarque fingulière d'un Mytho-
logue moderne , qui rend raifon de la
Métamorphofe de Callifto en Ourfe. Cette
Nymphe étoit confacrée à Diane, Déefïe
de la Chadeté \ XOurfc eft le Symbole
d'une fille chafte : cet Animal ie tient
toujours caché dans les bois ou dans les
cavernes , & ne quitte fa retraite , que
iorfque la faim le fait forrir pour chercher
à paître. De même une fille, dit-il, doit
refter renfermée dans la maifon pater-
nelle , 6c ne fe montrer que dans la né-
ceOité. C'eft en fuivant cette idée , que
PoUux parlant des Nymphes qui étoient
admifes dans la Compagnie de Diane , fe
fert d'une expreflion qui lignifie qu'elles
étoient changées en Ourfe. Euripide dans
fon Hypfipile , & Ariftophane dans fon
Lyfiilrare, nous font voir que les jeunes
filles, chez les Athéniens, avoient le fur-
nom à'Ourfe. Euftathe , le Commentateur
d'Homère , raconte que les Athéniens ayant
trouvé dans une Chapelle de Diane une
R vj
5p5 =Pc:r=
C'urfe 5 qui y étoit née , & qui étoit cots-
facrée à la DéefTe , l'enlevèrent de fa re-
traire 5 &: la tuèrent. La Dceffe vengea
cette mort par une famine, dont elle affli-
gea la Ville d'Athènes. Cette Qurfe^ dit
mon Auteur, étoit aiTurément une jeune
Fille , qui avoit confacré fa virginité à la
Déelfe, & qui vouloit vivre dans la re-
traite à l'ombre des Autels, d'où les Athé-
niens l'arrachèrent , peut-être pour la faire
marier.
Cicéron fait mention de trois Nymphes
de l'Arcadie, qu'il nomme Néda, Thifoa,
& Hagno , lefquelles , après avoir nourri
Jupiter, furent changées en Ourfes,
On immeoloit quelquefois ^qs Ourfes
à Sylvain. Cette Vidime convenoit au
Dieu des Bois.
p.
Cette Lettre , qui eft une de celles
qu'on appelle muettes, n'a point d'afpi-
ration après elle , (1 ce n'efl: dans les mots
qui font tirés du Grec, comme en ceux
de Ph.iccon , Philotas, &:c. On l'a auiîi
quelquefois changée en B, comme Bir^
rhus p^ur Pirrhus y Se Balatium pour Pa."
latium. Les Anciens fe fer voient encore
fouvent de cette Lettre, pour marquer,
ou le Peuple , ou une partie de quelque
= PA= 3P7
chofe. Aufone en paiie en ces termes, de
Lite. Monof,
Aufonium fi Pfcrihas, erc cec-opium P
Et Rko de Grœcû mutahitur in latinum P.
P eft aufîi une Lettre numérale , qui
fîgnifie Ccjit, fuivant ce Vers d'Ugution :
P Jim'ikm cum G nurneru::: mcnfiratur hahcre.
Mais Baronius croit qu'il fignihe Je
nombre fepténaire. Quand on met un
titre au-delFus , il fignifie quatre cents
mille.
Pag ANALE s.
Fête que les Habitans de la Campagne
célébroient dans les Bourgs ou Villages
appelles Pds^i, Servius Tullius , fixième
Roi des Romains, inftitua cette Fête,
après avoir établi les Tribus Ruftiqaes ,
qu'il compofa d'un certain nombre de
Villages , dans chacun desquels on or-
donna que Ton drefTâr un Autel aux Dieux
tutélaires , pour y faire un Sacrifice tous
les ans , auquel tous les Habitans étoient
obligés d'afiifter \ ôc d'y donner chacun
un préfent , qui étoit une pièce de mon-
vnoie , différente félon la différence des
perfonnes. Les hommes en préfentoienc
d'une façon, les femmes d*une autre, &
les enfans en donnoient de plus petites î
ce cm fervoit à connoître le nombre des
Hrcbitans , & à les diftinguer par leur sexe
ôc par leur âge. Cette Fête fe célébroit au
mois de Janvier après les femailles j ôc
les Payfans y préfentoient des gâteaux a
Cérès & à la DéefTe Tellus, pour obte-
nir une récolte abondante.
Pagode,
Nom qu'on a donné à tous les Temples
des Indiens & des Idolâtres. Il y en a qui
font magnifiquement bâtis. M. de la Lou-
bère, qui a été Envoyé extraordinaire de
Sa Majefté auprès du Roi de Siam , en
parle aufli dans la defcription qu'il nous
a donnée de ce Royaume , Ôc il fait ce
mot féminin. Quant aux Pagodes y je n'ai
remarqué en celles que j'ai vues , qu'un
feul appentis par devant, & un autre par
derrière. Le toit le plus élevé eft celui
fous lequel eft l'Idole. Les deux autres,
qui font plus bas , font eftimés n'être que
pour le Peuple , quoique le Peuple ne
îaiffe pas d'enrrer par-tout aux jours que
le Temple eft ouvert ; mais le principal
ornement des Pagodes eft d'être accom-
pagnées, comme elles le font d'ordinaire,
de plulieurs Pyramides de chaux & de
briques , dont pourtant les ornemens font
fort groflièremenc exécutés. Les pius hau-
tes le font autant que nos clochers ordi-
naires , ôc les plus baifes n'ont pas deux
toifes de haut. Elles font toutes rondes ,
& elles diminuent peu en groflfeur^ à me-
fure qu'elles s'élèvent j de forre qu'elles fe
terminent en dôme. Il eil: vrai que lorf-
cjii'elles font fort bafles , il part de cette
extrémité faire en dôme, une aiguille de
Câlin fort menue ôc fort pointue, & alfer
haute par rapport au refte de la Pyramide.
11 y en a qui diminuent &c groilillent qua-
tre ou cinq fois dans leur hauteur , de
telle forte que leur profil efl; onde ; mais
ces diverfes groffeurs font moindres , à
mefure qu'elles font en une partie plus
haute de la Pyramide. Elles font ornées
en trois ou quatre endroits de leur con-
tour, de plufîeurs canelures à angles dtoits,
tant en ce qu'elles ont de creux, qu'en ce
qu'elles ont d'élevé , lefquelies diminuant
peu â peu , à proportion de la diminu-
tion de la Pyramide, vont fe terminer en
pointe au commencement de la grofTeùr
immédiatement fupérieure , d'où s'élèvent
de rechef de nouvelles cinelures.
Les Pagodes des Chinois de des Sia-
mois font richement parées, & magnifi-
quement bâties : en tr 'autres il y en a une à
Golconda , dont la niche où l'on fait la
40O ==rÉA=^
prière, efl: dune pierre de fi prodigîeufe
grolTeur, qu'on a été cinq ans à la tirer,
Ôc on employoit à ce travail cinq ou iîx
cents hommes. La machine qui la por-
toit, étoit tirée par quatorze cents Bœufs,
Les revenus de la Pagode de Janigrate font
fî grands, qu'ils peuvent nourrir tous les
jours quinze à vingt mille Pèlerins.
Paidophile,
Surnom qu'on donnoit a Cérès , qui
fignifie qu'elle aime les enfans, & qu'elle
les entretient. C'eft pourquoi on repré-
fente fouvent cette DécCCe ayant fur fon
fein deux petits enfans, qui tiennent cha-
cun une Corne d'Abondance, pour mar-
quer qu'elle eft comme la nourrice du
genre humain.
ÉNIGME LXIK
Le bien qu'on a cîe moi n'efl: qu'à force de coups j
La couleur dont je fuis eft artificielle.
Ce feu, qui détruit tout, rend ma forme plus belle.
Je fuis le bien aimé des Sages & des fous.
Sorti de cent prifons , je fuis utile à tous.
Je fuis un compofé de plus d'une parcelle.
Par un Soleil ardent, ma raaifon naturelle
Périr avccque moi dans un temps calme & doux.
= PA= 401*
Tour être bon Se beaa , je fuis peu fur la terre.
Je fers pour fourenir les longueurs de la guerre.
J'ai plus d'yeux qu'un Argus 3 je bois, & ne dors
point.
Je fuis, dans les tréfors, un des plus ncce/Taircsj
Cette nécefîité va ju [qu'au plus haut point :
Et quand on ne m'a pas , on fait mal fes affaires.
ÉNIGME LXV.
Après avoir fouffcrt & la roue & le feu ,
■Et les triftes horreurs d'une prifon très-iicire ,
Je fuis , comme en triomphe , avec beaucoup de
gloire ,
Porté fuperbemient dans un augufte Làea,
Bientôt après , ma deftinée
A grands coups de couteau s'y trouve terminée.
Après qu'on m'a fî maltraité ,
Le Ciel , dont à la Foi la Grâce cft départie ,
Fait que , par qui de mioi ne reçoit que partie ,
Je fois, huit jours après, entier repréfenté.
ÉNIGME LXFL
Un Etranger vctu de bleu ,
S*offre fouvent à notre vue ;
Malgié Ton large pied , & fa tête pointue,
La blancheur de fon teint met les belles en fco.
Comme leur palTion pour lui eft fans égale,
S'il arrive qu'on les régale^
402 ^=:PAs=
Pour contenter leur flamme, on le met du fcflin»
Cependant tel e/l Ton deftin ,
Que maltraité foir & matin ,
Sans avoir oiTcnfé perfonnc.
Il pou/îe les hauts cris des coups que l'on lui donne.
Paix.
Les Grecs ôc les Romains honoroient
la Paix comme grande DéefTe. Les Athé-
niens lui érigèrent des Statues. Elle fut
c*ncore plus célébrée chez les Romains ,
qui lui érigèrent le plus grand & le plus
magnifique Temple qui fut dans Rome.
Ce Temple , dont les ruines , & même
une partie des voûtes , reftent encore fur
pied , fut commencé par Agrippine , dc
depuis achevé par VeTpaHen. Jofeph dit
que les Empereurs Vefpifien & Titus dé-
posèrent, dans le Temple de h Faix, les
riches dépouilles qu'ils avoient enlevées
au Temple de Jérufalem. C'étoit dans le
Temple de la Paix , que s'afTembloient
ceux qui profeiïbient les beaux Arts, pour
y difputer fur leurs prérogatives ^ afin
qu'en préfence de la DéefTe de la Paix,
toute aigreur fut bannie de leurs difpu-
tes. Ce Temple fut ruiné par un incendie
au temps de l'Empereur Commode. Chez
les Grecs , la Paix écoit repréfentée en
i=^PA= 405
cette manière. Une femme portoit fur fa
main le Dieu Plutus enfant. Chez les Ro-
mains, on trouve ordinairement la Paix
repréfentée avec un Rameau ci Olivier ,
quelquefois avec àes ailes , tenant un Ca-
ducée , & ayant un Serpent à (qs pieds. On
lui donne aufïi la Corne d'Abondance.
L'Olivier eft le Symbole de la Paix, Le
Caducée eft le Symbole du Négociateur
Mercure , pour marquer la négociation
d où la Paix s'eft enfuivie. Dans une Mé-
daille d'Antonin le Pieux, elle tient d'une
main une Branche d'Olivier, & brûle de
la gauche ^qs Boucliers & des CuiraiTes.
Ceft en la Paix que toutes chofcs
Succèdent félon nos defîrs.
Comme au Printemps naiflent les Rofes,
En la Paix nailTent les plaifîrs :
Elle met les Pompes aux Villes ,
Donne aux Chamips les Moiflbns fertiles ,
Et de la majefté des Loix
Appuyant les pouvoirs fuprèmcs.
Fait demeurer les Diadèmes
fermes fur la tcte des Rois.
Paix de Christ.
La Paix de Jesds-Christ foit gravée dans nos
cœurs j
En elle feulement confiilc les douceurs
404 =:i=PAî=a
Que l'on doit defirer en Tune & l'autre vie 5
Car la chercher ailleurs , c'eit chercher vaine-
ment.
Toutes les Paix du monde ont une fin fuivie
D'un m.alheur qui fouvent nous perd foudaine-
ment.
' La Paix de Jes us-Christ nous eft re-
préfentée par une main tenant un Cœur
au-defTous d'un Ciel ferein, où efb gravé
Fax Chrijîi ; c'eft-à-dire , que la Paix de
Jefus-Chriil: fafTe la joie de nos cœurs, &
foit inféparable de notre âme. Mais pour
avoir bette Paix^ ëc la pofTéder, il faut
premièrement l'avoir avec foi-même, par
la tranquillité de fon efprit ; fouffrir avec
patience les adverfîtés qui nous arrivent :
fecondement, l'avoir avec fon prochain,
en rendant non-feulement le bien pour le
bien , mais aulfi le bien pour le mal ; en
pardonnant fans réferve à ceux qm nous
ont ofFenfés ; & même en fouffrant avec
tranquillité les maux qui nous arrivent,
pour le nom de Jefus-Chrift.
ÉNIGME LXriL
Sons une figure jolie,
Voyez quelle eft ma trahifon.
Souvent je pique au vif tel qui fait la folie
De me tenir hors de prifon.
= P A ==: 40f
Cependant sux humains je fuis fî f^ivorablc ,
Que de mes quatre bouts , en me tenant par deux ,
Je m'étale , m'agite , & je deviens traicable j
Tu fais enfin de moi, Lccleur, ce que tu veux.
ÉNIGME LXFIIL
Je fuis fait pour \ts Souverains j
Thcmis aufh chez moi .éiidei
Et c'eft m:oi qui, chez les humains,
D'un plaifir fenfuel décide.
ÉNIGME LXl X.
Je porte le nom magnifique
D'un certain bien de grands Seigneurs 3
Mais je (cvs bien plus pacifique,
Quand je jouis de mes honneurs.
AulTi le fort fi bien me cache,
Que mon maître ne me peut voir,
Si forcement il ne s'attache
Devant la çlace d'un miroir.
Tout le monde fçait que je touche
A tout ce qui pafie chez moi \
Mais je fuis de fi bonne foi ,
Que j'en retiens moins qu'une mouche.
P A L A M È D E ,
Fils de Nauplius, Prince de l'Ifle d'Eu-
bée. Il étoit ingénieux, & découvrit le
deifein d'UlylTe , qui contrefaifoit l'in-
^o6 PA=-=
fenfé , pour ne pas aller à la guerre. Ce-
lui-ci eu fut fî fâché , que , pendant le
Siège de Troye , l'ayant fait accu fer de
trahifon , on le lapida. On lui attribue or-
dinairement l'invention des Poids & des
Mefures ; l'Arc de ranger un Bataillon ,
êc de régler le cours de l'Année par le
cours du Soleil , Se celui du Mois par le
cours de la Lune. Il inventa aulîî Iqs Jeux
des Échecs & des Dez, & quelques au-
tres. Pline dit qu'il inventa encore durant
le Siège de Troye, ces quatre Lettres de
TAlphabèt Grec , 0 , E , ^ , X. Philoftrate
ne marque que ces trois, T, $, X; <5c on
ajoute qu'UlyfTe fe moquant de Palamede^
lui difoic qu'il ne fe devoit pas vanter
d*avoir inventé la Lettre T , puifque les
Grues la forment en volant. C'eft ce qui
a donné occafion à Lucain de faire une
belle defcription de ces Oifeaux dans le
cinquième Livre de la Pharfale. On nom-
me aulIi ordinairement les Grues , les Oi-
feaux de Palamcdey comme Martial, Lih.
XIII, Ep. 73.
Turhahis verfus , nec Huera tota volahit
Unam perdiderls fe Palamedis avem.
c== P A ==> 4.07
ÉNIGME LXX.
Je recèle des lieux oii logent les araoars,
Pour y jouer leurs meilleurs tours.
Sous un nom éclatant, je cache la bafleflc
Qu'on trouve en mon extradion.
-Après avoir quitté ma première rudelTc,
Quoique je fois finis paflîon ,
Je fçais favori fer les Dames :
Je fournis à leur fein une innocente ardeur.
De cet endroit, fans crime, elle pafle à Içurs cœurs,
Et ne fçauroit fouiller leurs âmes.
Vous enviez mon fort , vous , malheureux Amans ,
Qui ne trouvez jamais de trêve à vos tourmens ,
Et qui , dans vos peines cruelles ,
N'approchez que de l'œil vos aimables rebelles.
Mon règne n'a pas un long cours ,
Il finit quand on voit renaître les beaux jours.
Palatinus.
Augufte fit bâtir un Temple fuu le Monr
Palatin , qu'il dédia à Apollon , fous le
titre d'Apollon Palatinus : les Arufpices
avoient déclaré que c'étoit la volonté de
Dieu. Ce Temple fut enrichi par le mê-
me Empereur d'une belle & nombreufe
Bibliothèque, & devint le rendez- vous
. dos Sçavans. Lorfque l'Académie Fran-
4o8 = P A )=
çoife fut placée au Louvre, elle fit frapper
une Médaille, où Ton voit Apollon tenant
fa Lyre , appuyée fur le trépié d'où for-
toient ùs Oracles : dans le fond , paroît
la principale face du Louvre, avec la Lé-
gende Apollo Palannus^ Apollon dans le
Palais d'Augufte.
P A L É M O N.
Palémon eft le Mélicerte des Phéni-
ciens , 6i le Portumnus à^s Latins. Les
Corinthiens lignalanc leur zèle envers Mé-
licerte, dit Paufanias, lui changèrent fou
nom en celui de Falcmon , & inftituèrent
les Jeux Ifthmiques en fon honneur. Il
eut une Chapelle dans le Temple de Nep-
tune , avec une Statue j & fous cette Cha-
pelle , il y en avoir une autre où Ton
aefcendoit par un efcalier dérobé. Palé-
mon y étoit caché , dit-on ; & quiconque
ofoit faire un faux ferment dans le Tem-
ple, foit Citoyen ou Étranger, étoit auiîî
puni de fon parjure.
Paies,
Divinité des Bergers ; les Troupeaux
étoient fous fa tuteik\ Elle avoir une Fête
qu'on célébroit tous les ans, le 15^ Avril,
dans les campagnes. Ce jour-là , les Pay-
fans
= P A tr= ^ogl
fans avolent foin <ie fe purifier avec des
parfums mêlés de fang de Cheval, de cen-
dres d un leune V^au qu'on faifoic brûler,
& de tiges de Fèves. On purifioit aulfi les
Bei cails & les Tioupeaux avec de la fumée
de Sabine & du Soufre ^ enfuire on offroic
des Sacrifices à la Déelfe : c'éroit du Lair,
du Vin cuit ôc du Millet. La Fête fe ter-
minoit par des Feux de paille , & les jeunes
gens faatoient par-dc(fus au {on. des Flûtes,
des Cymbales , & des Tambours. C'eft
Ovide qui décrit au long toutes ces Céré-
monies, & qui croit que c'éroit ce jour-là
même que Rome avoir été fondée.
Pâleur.
Les Romains avoient fait un Dieu de
la PâUur , parcequ'en Latin Pallor eft du
mafrulin, Tullus Hoftilius, Roi de Rome,
dans un combat où (es Troupes prenoienc
la fuite 5 fit vœu d'élever un Temple â la
Crainte & à la Pâleur, Ce Temple fut en
eifèt élevé hors de la Ville ; on lui donna
des Prêtres qui furent appelles Pallorunsi
ôc on lui offroit en Sacrifice un Chien dc
une Brebis,
Palices,
Divinités de Sicile. Près du Fleuve Sy^^
tnhtQ en Sicile, Jupiter rencontra la Nym-
Tom€ llh S
plie Théalie , fille de Vulcaiii ; d*autres la
nommant Ethna , & en devine amoureux.
La Nymphe craignant le relfentiment de
Junon , pria foii Amant de la cacher dans
les entrailles de la terre y ce qu'elle obtint.
Lorfque le terme de fon accouchement fut
arrivé, on vit fortir de la terre deux en-
fans, qui furent appelles Palices ; comme
Ç\ on difoit , enfans fortis de la terre où
ils étoient entrés : Fable qui a la même
origine que toutes celles qui appelloienc
enfans de la terre les hommes dont on
îgnoroit l'origine , ou qu'on croyoit nés
dans un Pays fans fçavoir de qui. Les Pa-
lices furent fort honorés en Sicile : ils eu-
rent un fameux Temple dans le voiiinage
de la Ville d'Éryce. P' es de ce Temple , il
y avoit deux petits Lacs d'eau bouillante &
enfoufîée , d'où on croyoit qu'ils étoient
fortis à leur nailTance, On avoit un grand
refpedt pour cette eau ; c'étoit là qu'on
venoir faire les Sermens folemnels ; & les
Parjures y étoient , dit-on , punis fur le
champ par les Divinités qui y préiidoient.
Il y eut outre cela un Oracle dans le Tem-
ple des F ai ces , auquel les Sicihens avoient
fouveufrecours.
Palladium,.
Statue de la Déefle Pallas, repréfentée
avec une Pique à la main, qu'elle remuoic
de temps en temps , en tournant aufîi les
yeux. Cette Statue écoit tombée du Ciel»
à ce que ion croyoit , lorfque l'on bâtif-
foit le Temple de cette DéQiTQ , dans la
Citadelle de Troye, & elle s y ctoit pla-
cée , avant que ce Temple fut couvert.
L'Oracle d'Apollon , que l'on confulta
alors , répondit que la Ville feroit impre-
nable , tant que ce piéfent du Ciel y fe-
roit confervé j & qu'elle feroit ruinée, fi
on le tranfportoit hors des murailles. Pen-
dant le Siège de la Ville de Troye , Dio-
mède & Ulylfe , Capitaines Grecs , en-
trèrent dans la Citadelle par des conduits
fous terre , Se ayant tué la Garnifon du
Château , enlevèrent le Palladium dans
leur Camp. On en gardoit un à Rome
dans le Temple de la Y^z^'^q Vefla \ ôc
quelques Auteurs difent que c'étoit la vé-
ritable Statue de Pallas. Sur quoi Vives
remarque , qu'il y avoit deux Palladium
à Troye, l'un qui étoit confervé comme
une chofe facrée, & l'autre qui étoit une
figure faite à la relTemblance du premier,
laquelle éîoit expofée a la vue du Public :
qu'UlylTe enleva le Palladium fait fur le
modèle de celui qui étoit tombé du Ciel ;
niais que le véritable fut tranfporté en
Italie par Eiiée , avec les Dieux Pénates ,
Sij
412 x=:r-. PA==
ôc les autres Dieux tutélaires de la Ville
de Troye. On fie à Troye plufî^urs Céré-
monies, pour confacrer cette Stauicj ôc
lorfqu'elie fur apporrée à Rome , on en
fie tailler plufieurs en bois , en la même
manière, afin que la reifemblance de ces
figures empcchâr ceux qui voudroienc
l'enlever, de reconnoîrre le vérirable Pal--
ladium. Il y a eu nuflî autrefois un Palla-
dium dans la CiradcUe d'Athènes , qui
étoic dédié à Minerve ou Pallas,
Pall A s,
Déeffe de la Guerre : les uns la diflin-
guent de Minerve \ les autres la confon-
dent avec elle. Ceft la Guerrière Pallas y
quHéhode fait fortir du cerveau de Ju-
piter. Il l'appelle la Tritonienne aux yeux
pers Elle eft vive & violente, dit-il, in-
domptable, aimant le Tumulte, le Bruit,
la Guerre , & les Combats ; ce qui ne
cof^ vient guèîe à la DéelTe de la SagelFe,
des Arts ^ ^^s Sciences. Cicéron recon-
noiil<.nr plufieurs Minerves^ dit que la
cinquième étoit fille de Pallas, dont elle
prie le nom \ qu'elle tua fon père, parce-
qu'il la voulou violer.
Pallium,
Efpèçe de Manteau Impérial, dont les
Empereurs Chrériens commencèrent d'ho-
norer les Prélacs de l'Eglife dans le qua-
trième Siècle , voulant que ce l'ut l'orne-
ment de ces Prélats , & la marque de leur
Autorité , pour le Spirituel , fur les ordres
inférieurs de leurs Eglifes, comme les Em-
pereurs l'avoienc, pour le Temporel, fur
ceux de leur Empire. Au commencement,
il couvrit tout le corps du Prélat^ & deC-
c^ndoïc depuis le cou jufqu'aux talons, à
peu pies comme font nos Chapes , à la
réferve qu il écoit fermé par devant, ÔC
tilTu , non de foie , ni de Im , mais de
laine, pour repréfentet la Bebis que Je-
fus-Chrifi le bon Pafteur porte fur les
épaules. Depuis , ce ne fut que comme
une efpèce d'école, qui pendoit par de-
vant & par derrièr.-, & éroic chargée de
quacre coix décarlite, difpo'é^s fur les
quatre cô'.és du Pallium'y c'eft-à-dire , fur
l'eflomac , fur le dos, & fur les d.ux
ép.iul s ; qui eft à peu près la forme du
Pallium des Pr'lars d'aujoun'hui. Les Pa-
triarches prenoient le Pallium fur l'Aucel,
à.'xns la Cérémonie de leur Confécrarion.
ils en envoyoient un aux Métropolitains
de leur Patriarchac, quand ils confirmoient
leur élection \ & ceux-ci le donnoient aux
Évèques de leur Provmce, en les confa-
crant, après avoir coniirmé le choix qu'on
S iij
414 C=2=PA=«
en avoit fait canoniquement : de forte que
ni les uns ni les autres ne pouvoient faire
aucune fondion pontificale, qu'ils n'euf-
fent reçu le Pallium. Ils ne portoient cet
ornement qu'à l'Autel , en célébrant îa
Meife folemnelle j & même ils l'ôroient
pendant qu'on lifoit l'Evangile. Comme
cet honneur étoit une pure grâce des Em-
pereurs, on ne donnoit point le Pallium^
fans en avoir d'eux la permilïîon. Ainfi
Saint Grégoire fupplia l'Empereur Mau-
rice de donner au Patriarche Anaftafe le
Sinaïte , qu'on avoit dépofé , la liberté de
venir à Rome , & de lui permettre de por-
ter le PalliuTUy afin qu'il y pût célébrer
pontificaîement. Voilà quel étoit l'ufage
du Pallium dans l'Églife Orientale.
II n'en fut pas tout-à-fait de même dans
rOccident , q\x l'on ne trouve point que
les Prélats euflTent cqi ornement avant le
VP Siècle. Ce fut au commencement de
ce Siècle, que le Pape Symmachus, ayant
fait fon Vicaire dans les Gaules, Céfarius,
Mérropolitain d'Arles , lui envoya le Pal-
lium ; & le Pape Virgilius , un de its Suc-
ceflfeurs, dans le mcme Siècle, le donna à
Auxentius, aufli Archevêque d'Arles, &
Vicaire du Saint Siège. Car cette marque
de la participation du pouvoir du Pape ,
ne fe donnoit alors qu'aux feuls Primats
& Vicaires Apofloliques ; & ce ne fut
que long-remps après, vers le milieu du
huitième Siècle , que le Pape Zacharie
l'accorda à tous les Métropolitains ou Ar-
chevêques. Les Papes donnèrent enfuite
cet ornement à plufieurs Evèques confî-
^érables , dont quelques-uns fe quali-
fièrent Archevêques , à caufe de ce droit ,
comme ayant une Dignité au-defTus des
Evèques ordinaires. J'ai marqué ci-deiTus
la forme & l'étofTe du Pallium ; il faut ici
ajouter que la laine dont on le fait, eft
prife de la toifon de deux agneaux , que
Ton offre tous les ans fur FAurel de l'E-
glife de Sainte Agnès à Rome, le jour de
la Fèce de cette Sainte. Deux Chanoines
de S. Jean de Latran donnent ces agneaux
aux Sous-Diacres Apoltoliques , pour les
élever jufques à ce qu'il foit temps de
les tondre. Alors on mêle leur laine avec
d'aurres bien blanches & bien fines , pour
en faire l'étoffe du Pallium,
Palme.
La Palme etoit le Symbole de la fécon-
dité , parceque le Palmier fructifie conti-
nuellement jufqu'à fa mort. C'eft pour-
quoi nous en voyons fur à^s Médailles
d Empereurs , qui ont procuré l'Abon-
dance dans l'Empire. La Palme étoit auiîi
S iv
le Symbole de la durée de TEmpire , par-
ceque cet Arbre dure long-temps. Enfin la
Palme étoit le Symbole de la Vidoire,
parcequ'aux jours de Triomphe on mettoit
une Palme à la main du Victorieux. On
dit que Céfar étant fur le point de livrer
bataille a Pompée, apprit qu'il étoit forti
tout- à-coup une Palme du pied de la Sta-
tue qu'on lui av«Ht dédiée au Temple de
la Victoire \ ce qu'il prit pour un heureux
préfage.
Pammilies,
Fctes en l'honneur d'Odris. On dît
qu'une femme de Thèbes non^hiée Pam-
mila , étant fortie du Temple de Jupiter
pour aller quérir de Teau , entendit une
voix qui lui ordonnoic de publier que le
grand Ofi'ls étoit né • que ce feroic un
grand Prince , nuquel l'Egypte auroit de
grandes obligations. Pammila, flattée de
cette efpérance 5 nourrit & éleva OHris.
En mémoire de la Nourrice, on inftitua
une Fête 5 qui de fon nom fut appellée
Pammilies, On y porto it une Figure d'O-
fîris affez femblable à celle de Priape, par-
cequ'Ofiris étoit regardé comme le Dieu
de la Génération , 6c de routes les Pio-
duibions.
Pan,
Dieu des Pafteurs, a été auffi con/îdérc
comme le Dieu de la Nature : ce que fon
nom fembloic marquer j c.^r nS/ en Grec
fignihe Tour. C'eft pourquoi on compo-
foit fon image des principales chofes qui
fe voyoient dans le monde. On le repré-
fentoïc avec des Cornes : pour marquer,
dit-on , les Rayons du Soleil , & \qs Cor-
nes de la Lune. Son vifage étoic tout en-
flammé , pour imiter l'Elément du Feu,
11 avoir i'eitomac couvert d'Etoiles, pour
/ignifier le Ciel. Ses cuifTes & fes jambes
velues & hériffées , pour marquer \qs Ar-
bres, les herbes, & ies bêtes. 11 avoit des
pieds de Chèvre , pour montrer la foli-
dite de la Terre. La Flûte repréfentoic
l'Harmonie que les Cieux font, félon l'o-
pinion de quelques anciens Philofophes.
Son Bâton recourbé fignifioit la Révolu-
tion des Années. Les Anciens croyoient
que Pan couroit la nuit par les Monta-
gnes ; d'où eft venu que l'on a appelle
Terreur Panique une épouvante dont on
eft faifi pendant robfcurité de la nuit , ou
par une imagination fans fondement ; ce
qui eft fouvent arrivé à àes Armées fore
nombreufes , qu'une femblable terreur a
jcttées toui-d-coup dans la conftemation.
Sv
4l8 =:PA =
On dit que Pan accompagna Bacchus dans
les Indes, & qu'il l'aida beaucoup à rem-
porter tant de vidoires : on a cru auiTi que
c'étoit par fon fecours que les Athéniens
avoient gagné la bataille contre les Perfes
dans la plaine de Marathon j car on dit
que Miltiade étant prêt à fe battre contre
Tennemi , Pan parut à la tête de l'armée
fous l'apparence d'une ftature plus qu'hu-
jnaine \ qu'ayant fait fonner aux Trom-
pettes & aux Cors un air qui infpiroit de
l'horreur , toute l'armée des Perfes prit
l'épouvante j d'où quelques-uns difenc
qu'eft venu le mot de Terreur Panique.
Panacée,
Surnom donné à Diane , parcequ elle
ne faifoit que courir de Montagnes en
Montagnes & de Forêts en Forêts , qu'elle
changeoit fouvent de demeure , étant tan-
tôt au Ciel , & tantôt fur la Terre ou dans
les Enfers ; qu'enfin elle changeoit de for-
me & de figure. Panagée iignifie celle qui
voit tout.
Panathénées,
Certaines Fêtes qui fe célébroient à
Athènes, en l'honneur de Minerve, Iq^-'
quelles Théfée inftitua après avoir affem-
blé tous les Bourgs de la Province d'Ac-
tique en un corps. En ces Soîemnités,
l'on combattoic à la Lutte, de les Athlètes
étoient tout nuds , à raifon de quoi les
femmes en étoient bannies , & les Etran-
gers aulTî : mais on y voyoit d'ordinaire
un Chœur de jeunes Garçons de de jeunes
Filles 5 qui danfoienc aux chanfons. Il y
avoit de deux fortes de ces Jeux ; fçavoir,
les Grands, qui fe celébroient de cinq en
cinq ans ; & les Petits , que l'on faifoir
tous les ans.
Pancarpe,
Spedacle d^s Romains , où certains hom-
mes forts & hardis combattoient contre
routes fortes de bètes , moyennant une
fomme d'argent. Ce nom eft proprement
compofé de toutes fortes de fruits , mais
enfuite on Ta donné à ce qui contenoit tou-
tes fortes de fleurs : puis à ce qui étoit com-
pofé de diverfes chofcs , comme ce Com-
bat Public où l'on faifoit paroître quan-
tité d^animaux de différentes efpèces. Le
lieu de ce Spediacle ctoit l'Amphithéâtre
de Rome : êc ces fortes de jeux ont duré
jufqu'au temps de l'Empereur Juftinien ,
qui règnoit dans le /îxième /iècle. Quelques
Auteurs confondent Pancarpe avec la Syl-
ve \ mais il y a cette différence entre ces
deux Diyertiflemens Publics, que Fan»
^20 £=::^PA =
carpe éroît au Combat contre les bêtes,
qui fe faifoit dans l'Amphithcatre ; & la
Sylve étoit une efpèce de ChafTe , que
Ion repréfentoit dans le Cirque. Dans le
Pancarpe , c'étoient Aqs hommes gagés
qui combatcoient; & dans la Sylve, c'étoic
le peuple qui chafloit , au milieu d'une
Forêt artificielle.
Pancratie.
C'eft le nom que les Grecs, donnoienr
aux cinq Exercices Gymniques qui fe fai-
foient dans les Fêtes Publiques ; fçavoir , le
Combat à coup de poing , la Lutte , le
Difque , la Courfe , & la Danfe. Ceux
qui faifoient tous ces Exercices étoienc
nommés Pancratiaftes.
Panda,
Déeffe qui rend les chemins libres y
qui ouvre les chemins. Tatius voulant fe
rendre maître du C apitoie , invoqua la
Divinité qui pouvoit lui en ouvrir le che-
min j lorfqu'il y fut arrivé , il rendit grâ-
ces à cette Divinité , & ne fçichant quel
nom lui donner , il riionora fous le nom
de Panda, Elle devint la Y^éf^^Q à^s voya-
geurs. La Déelfe de la Paix fut aulîî ap-
pellée de ce nom , parcequ'elle ouvroic
les portes des Villes que la guçire tenoic
T
fermées. Varron croit que Panda neft
qu'un furnom de la DéeCTe Cérès , qui
vient de Pane dando , celle qui donne le
Pain aux hommes.
Pandore,
Femme admirable , fabriquée par Vul-
cain. Tous les Dieux lui avoienr donr^é
quelque chofe , Vénus la beaucé , Pallas
la fagelH , Mercure l'éloquence , &c. Oïi
dit que Jupiter , irrité contre Piomerhée,
qui a voit dérobé le feu du ciel , envoya
Pandore fur la terre avec une boîte fatale ,
quEpimérhée, frère du même Promethée,
ouvrit j en forte que toutes les maladies
dont elle étoir pleine fe répandirent ici
bcis , ne reftant que la feule Espérance ,
qui fe trouva au fond. Cette Théologie
des Païens repréfentoit la nature 5 en la
perfonne de Pandore,
ÉNIGME LXXL
Je fuis un enfant de la mode ,
Incommode par fois , & quek]uefois commode ,
Pouu ravir à l'éclac du jour
Le dcfordre qui naît quelquefois de l'Amour.
Je procure une forme unie ,
Qui trompe adroitement le plus fin connoifïeur j
Et mon artifice pallie
Le naufrage de la pudeur.
^22. c=PA==:
Panthée,
Statué' qui , par les différentes marques
donc elle étoit accompagnée , repréfentoic
tous les Dieux , ou du moins les plus con-
iîdérables. Ce mot efl formé de Trh , qui
fîgniiie Tout en grec , & de ©ta? , qui
veut dire Dieu. Ainfi les Païens appel-
loient Panthea , les Temples où ils ado-
roient tous les Dieux enfemble , ôc où
Ton voyoit tous leurs portraits ou figures :
tel qu'étoit ce célèbre Panthéon de Ro-
me , qui fut dédié par le Pape Boniface III
à la Sainte Vierge & à tous les Saints \ &
fe nomme Sainte Marie de la Rotonde,
parcequil eft bâti en forme ronde & en
Dôme. Dans ces Statues , Jupiter étoic
marqué par le Foudre , Junon par une
Couronne , Mars par un Cafque , le So-
ieil par des rayons , la Lune par un Croif-
fanr ^ Céres par la Corne d'abondance, ou
par l'Epi de blé , Cupidon pir une Troufle
de flèches , Mercure par des ailes aux ta-
lons 5 ou par un Caducée ; Bacchus par le
Lierre \ Vénus par la beauté du vifage , &
ainfî des autres Divinités. On mettoit ces
Caradères de différentes Divinités fur la
Sratuc . ou entre Tes mains , félon rinduf-
trie de l'ouvrier qui faifoit paroître en cela
Texcellence de fon Art, Oa en voit qui
repréfentent tous les Dieux , d'autres tou-
tes les Déeiïes , & quelques-uns qui re-
préfentent les uns ôz les autres enfembler
Panthéon,
Temple en l'Honneur de tous les Dieux,
comme fon nom le porte. Le plus fameux
Panthéon fur celui que fit bâtir M. Agrip-
pa , gendre d'Augulle , & qui fubfifle en-
core à préfent dans fon entier. Il efl: de
figure ronde , ne recevant le jour que par
un grand trou qui eft au milieu de la
voûte. Il y a autour de ce Temple (ix gran-
des niches, qui étoienr deftmces pour \q%
fix principaux Dieux. Et afin qu'il n'y eût
point de jaloufie entre les Dieux pour la
préféance , dit Lucien , on donna au Tem-
ple la figure ronde. Pline en donne une
meilleure raifon , c'eft parce que le con-
vexe de fa voûte repréfente le Ciel , la
véritable demeure des Dieux. Le Portique
qui eft devant ce Temple , eft plus furpre-
nant que le Temple même : il eft com-
pofé de feize colonnes de marbre granité
d'une énorme gran^ieur , & routes d'une
pierre. Chacune a près de cinq pieds de
diamètre fur trente-fept pieds de haut ,
fans la bafe & le chapiteau. La couverture
de cet édifice étoit de lames d'argent , que
Conftantin fit emporter dans fa nouvelle
424 £== P A =3
Rom£. Ce magnifique Temple a été de-
puis confacré par les Pontifes Romains,
en l'Honneur de la Sainte Vierge 6c de
tous les Martyrs.
Il y avoit à Rome un autre Panthéon
dédié particulièrement à Minerve Méde-
cine 5 Minervœ. Medicœ : ce Panthéon éroit
en dedans de figure décagone ou d dix an-
gles bien diftin^ués. Il y avoit vingt-deux
pieds Se demi d'un angle à l'autre , ce qui
donne en tout deux cents vingt-cinq pieds.
Entre les angles il y avoit par-tout des
Chapelles rondes en voûte , excepté d'un
coté où étoit la porte : ces neuf Chapelles
étoient pour autant de Divinités : la Sta-
tue de Minerve étoit en face de la porte
èc occupoit la place d'honneur.
On croit que le Temple de Nifmes
qu'on dit être de Diane , étoit un Pan^
théon. Il y avoit douze niches , dont Ç^x.
reftent encore fur pied. C'étoit un Tem-
ple confacré aux dou^e G ands Dieux ,
que quelques-uns ont appelle pour cela
Dodécathéon.
Panthèrï,
Bète féroce que Ton croit ctre la fetnelîe
du Léopard. C'eft l'Animal favori de Bac-
chus 3 parceque , dit Philoftrate , des nour-
rices de Bacchus avoient été changées en
Panthère , ou félon d'autres , parceque cet
animal aime les rai/îns. On trouve fou-
vent la Panthère dans les Monumens de
Bacchus. Elle ell: aulîi un Symbole de Pan :
on croit même que fon nom en a été
formé.
P A H T 0 M I M I s ,
Boufons qui repréfentoient toutes for-
tes de chofes par des Gefticulations ingé-
nieufes , & exprimoient , par le mouve-
nirnr du corps 5 Hes doigts ^ des yeux ,
les prmcipales actions du fujè: d'une Co-
^ méJie. On les app^4loit Mimes , mais
Pantomimes difoit quelque chofe de plus.
On donnoic encore le nom de Mmies â
de petires pièces de Poëiie , que des Mi-
mes chanroienc en dinfnnc fur le Théâcre,
avec des geftes qù expâmoi^nt le fens
de leurs paroles , fuivanr cette me: veilleule
méthode des Anciens , peu connue de
notre temps. Q islques uns ont cru que
Pylade (S<: Batlivlle , qui parnrmt fous
TEmpereur Auguite , furent les premiers
Pantomimes ; mais cela fe doit entendre
de ceux qui fe féparèrent du Théâtre des
Comédiens , pour former une trouoe a
part , & faire l-urs Repréfentations dans
l'Orcheflre fans Comédie. Car il eft cer-
tain que du temps d'Efcliyle, il y avoit
42^ =PA =
des Pantomimes ; &: Ariftoclès loiie fort
Telefte ^ dont fe fervoit ce Poëte > parce-
qu'il avoir admirabkmenc bien danfé dans
la Tragédie intirulée , les Sept devant
Thebes, Mais Pylade , natif de Cilicie ,
& Batrhylle , d'Alexandrie , étant venus
à Rome du temps d'Augufte , inventèrent
îa Danfe , qu'ils appellèrent Italique ,
parcequ'ils commencèrent à la ioiier en
Italie : dans laquelle ils repréfentoient à^^
fujèts Tragiques, des Comiques & des
Sâtyriques , d'une manière fort agréable
au Peuple Romain , qui admiroit l'artifice
de ces Comédien muettes , où les geftes
exprimoient prefque auflî-bien que les pa-
rofîes. Pylade excelloit dans les fujèts Tra-
giques , &: Batthylle dans les Comiques
ou Saryriques : ce qui leur donna lieu de
faire deux bandes qui joiierenc à parc, Plu-
tarque fait deux grands difcours dans fes
propos de Table , fur l'adrelle de ces Dan-
feurs ingénieux à repréfenter, par des mou-
vemens te èsts poftures , les perfonnes &
les avions ; ou il dit que la Poëfie eft une
Danfe parlante , & la Danfe une Poëiie
muette.
Pantoufles.
Elles ont été la ChaulTure de nos An-
cêtres, & ils portoient indifféremment des
=:PA=5 427
Souliers ou des Pantoufles , fuivanr les
courfes qu'ils avoient à faire. L'ufage des
Fantoujiès fut défendu aux Eccléfiafti-
qucs , par un règlement du Concile de
Sens.
ÉNIGME LXXIL
Nous roir^mes deux foeurs très-jumelks ,
Toutes deux ou laides ou belles :
Une parfaite égalité ,
Pour la laideur ou la beauté ,
Règne encre nous. Ainfl de vaine jaloufie
Jamais notre âme n'efl faifie j
Et le malade & le fcavant
Se fervent de nous fort fouvent.
Nous hébergeons par fois des Kôres trop aima*
bles,
Et quelquefois aufTi de très-défagrcables 5
Car nous fervons tous les états ,
Et les plus hauts £i les plus bas.
Tantôt nous paroirfons gentilles & proprettes >
Tantôt mauffades & mal-faites.
Très-iarement nous quittons la maifon ;
Mais le beau Sexe, en la belle Saifon,
Nous trouve d'un ufage utile
Dans la maifon ou dans la Vilk j
Et nous fuivons Tes pas incefTamment ,
Ainfî que feroit un Amant.
Nous avons plufîeurs noms, &: fai^'nnt les contrées^
Sommes divcrfement parées.
428 ==^PA==
On ne nous fait point de quartier ,
Nous femmes fans yeux , fans oreilles s
Auffi-bien pour notre métier ,
Nous nous en pafions à merveille :
Mais pour finir ce portrait & ces vers,
Par un grand trait fincére ôc véritable ,
Une feule de nous cft , dans cet Univers ,
Pour les humains , très-refpedable.
Paon,
Oiféau favori de Jiinon , & qui l'accom-
pagne ordinai'/ement dans fcs image? : c'eft
fon Symbole infaillible , comme TAigle
l'eil de Jupirer. 'CÇs cent yeux d'Argus
furent tranfportés par Junon fur la queue
de cet Oifeau , dit la Fable.
Paphe,
Fils de Pygmaîion , de d'une femme que
la Fable dit avoir été auparavant une Sta-
tue d'yvoire. Les Poètes racontent que
Pygmaîion , célèbre Sculpteur , étant venu
dans rifle de Cypre , & ayant vu que tou-
tes les femmes y vivoient dans un grand
libertinage , fe réfolut de ne point fe ma-
rier ; qu'en ce même temps il fit une Sta-
tue d'yvoire d'une beaucc achevée , dont
il devint amoureux ) Se que pour conten-
ter fa pafîion , il pria la Déelfe Vénus y ^
= P A =3 42>
qui étoîr en grande vénération dans cette
llli , 'Je lui proca.er une femme aufîi belld
que cette S:atuc qui fortoit de fes mains.
Venus , difenc ces Pocces , exauçant fa
prière , changea cette Statue d'yvoire en
une tres-belie hlle , que Pygmalion prie
pour fa femme , dont il eut Paphe , qui
bâcir'en ce lieu une Ville, à laquelle il
donna fon nom.
Papho s ,
Ville de l'Ifîe de Chypre , confacrée à
Vénus , encore plus particulièrement que
le refte de Tlfle. Elle y avoir un Temple
magnifique , où cent Autels lui font dref-
fés , dit Virgile , & fur lefquels fume un
éternel encens. C'eft qu'on n'immoloit ja-
mais de vidimes fur les Autels , ou du
moins le fang n'y couloir jamais.
PAPHUS
Fut le fruit de l'Amour que Pygmalion
conçut pour une belle Statue qu'il avoic
faire. Les Dieux l'ayant animée , il en fie
fa femme & en eut ce fils , qui , en mé-
moire de fa naiffance , bâtit , dans l'Ifle de
Chypre , la Ville de Paphos , & y confacra
un Temple à la Vénus fa mère.
^30 c= P A
ÉNIGME LXXIÎL
Efpric de la moyenne clafTe ,
Non logeant auprès d'Apollon ,
Mais qui vers le bas du vallon,
Comme moi, n'occupant qu'une trcs-foibic place,
Ne pouvez l'admirer en îzcz ,
Et n'avez de lueur tout au plus qu'un rayon ;
C'eft à vous feul que je fais don
D'une Enigme qui m'embarralfe :
Voyons fî vous pourrez en deviner le nom.
Je fuis d'un falutaire ufage ;
Je brûle au milieu des combats.
On ne fçauroit fans moi régler aucune affaire >
Tant je fuis par-tout néceifaire ,
Aux Amans éloignés., je fuis d'un grand fecours ,
Mon corps en mille endroits galoppe nuit & jour
Sufceptible à la fois de bonté , de malice ,
Mes emplois font bien différens.
Tantôt je fers à l'artifice ,
Tantôt la Vertu je défends.
L'homme eft fi peu confiant, fî léger, C volage,
Qu'après m'avoir ardemment defîré,
Il me met au plus vil ufage ;
ît mon moindre malheur cfl d'être lacéré.
Parasites.
C'étoient chez les Grecs des MiniflreS;
fubalternes des Dieux , c'étoient eux qui
ramaiToient & choifîiroient les fromensi
qu'on dediiioic pour le Cuire Sacré j ÔC
de Li venoic le nom de Parajite, qui iîgni-
fîe celui qui a foin du blé. Ces Parajïus
croient en honneur à Athènes \ ils avoienc
féance parmi les principaux Magiftrats :
ils avoienr part aux viandes des Sacrifices.
Dans la fuite le nom de Parajiu dégéné-
ra , lorfqu'on Tappliqua à ces flatteurs ,
qui par des bafTetres ou par des moyens
indignes , fe produifoien: aux Tables des
Grands Seigneurs & à^<i Gens Riches ,
precs a tout raire pour s y mamtenir.
Pardon.
Du fang que j'ai verfé , j'entends la voix qui crie,'
Et monte jufques dans les Cieux ;
J'ai fans cz^ç. devant les yeux
Cet homme dont mon fer vient de trancher la vie :
Pardonne-moi, Grand Dieu, ce forfait odieux.
Le Pardon, efl repréfenté fous la figure
d'un jeune homme à demi-nud, qui ve-
nant de fe battre en duel , & ayant tué foiî
ennemi , eft touché d'une vive douleur &
d'un fecrèt repentir ; il rompt fou Épée
qui a fait ce meurtre , & regardant le ciel,
il en demande Pardon à Dieu.
Pardon des Juifs.
Les Juifs^ont une Fèce qu'ils appellent
432 r== P A ==
le Jour du Pardon , qui fe célèbre Je
dixième du mois 7 ifri qui répond â Sep-
tembre. Lcon de Modène remarque que
les Juifs prariquoienc autrefois une cer-
taine Cérémonie la veille de cer:e Fête,
qui conlîftoic à frapper trois fois la tête
d'un coq en vie , & de dire à chaque fois
qu'il foir immolé au lieu de moi : laque le
Cérémonie fe nommoit Expiation j mais
elle ne s'obferve plus en Italie 6c au Le-
vant, parce qu'on a reconnu que c'étoit
une fuperftition. Ils mangent beaucoup
cette même veille , à caufe qu'il eft jeûne
le lendemain. Plulîeuis fe baignent & fe
font donner les rrenre-neuf coups de foiiet
nommés Malcuth. Ceux qui retiennent le
bien d'aurrui , quand ils ont de la con-
fcience, le rcftituent alors. Ils demandent
Pardon à ceux qu'ils ont ofFenfés » & ils
pardonnent à ceux qui les ont offenfés. Ils
font des Aumônes , & généralement tout
ce qui doit accompagner une véritable Pé-
nitence. Après fouper plufieurs fe vêrenc
de blanc , & en cet état , fans fouliers ,
ils vont à la Synagogue , qui eft fort éclai-
rée ce foir- la de lampes & de bougies.
Là 5 chaque Nation , félon fa coutume ,
fait plufieurs prières & confefîions pour
marquer fa pénitence , ce qui dure aix
moins trois heures.: après quoi on va fe
coucher.
coucher. Il y en a quelques-uns qui pafTent
toute la nuit dans la Synagoaue , priant
Dieu & réciranc des Pfeaunles. Le kn-
ciemain , dès le point du jour , ils retour-
nent tous a la Synagogue, habillés corn-'
me le jour précédent, & y demeurent juf-
qualanuit, difant , fans interruption ,
dos Prières, des Pfeaumes , des Confef-
lions , Se demandant à Dieu qu'il leur
pardonne les péchés qu'ils ont commis.
Lorlque la nuit eft venue, en foite qu'on
voye les Etoiles , on Tonne d'un cor , pour
niarquer que le Jeûne eft fini : après quoi
lis fortent de la Synagogue , & fe faisant
es uns les autres , ils fe fouhaitent un-
longue vie. Ils bénifTent la nouvelle L'ine^
âc étant de retour chez eux, ils rompent
le Jeune & manaent.
Pares ss
Le PIsifîr qne produit une douce MoIIeifc ,
Ditl'efclave de Ja Paresse,
Eil l'unique qui me {uffic •
'Et tout autre me fait dépir.
LxParefe a pour Emblème la repréfenra
non d'une vieille femme nonchalamment
affife fur une pierre , ayant ^ tête appuyée
fur la main gauche , avec ces mots T l'en-
tour Torfei mers, A Tes pieds on apo-r-
TomellL . Y^
414' =r^-PA =
çok des Quenouilles rompues j elle tient
aufli de la main dioice le Poilfon appelle
Torpille , Symbole de la Pareffe , cet ani*
mal engourdit la main dès qu'on y touche,
ielon plufieurs Naturaliftes.
Ce Vice Te repréfente auiîî par une
femme alîife dans l'inaârion , ôc dans une
igipèce d'engoardilTemenc. Elle eft vêtue
en défcrdre , ayant les bras ôc les jambes
troifées. Son Attribut eft une Tortue ôc
un Limaçon. Les Anciens en faifoient une
Divinité Allégorique , fille du Sompieil ôc
de la Nuit,
JL'Ariofte h peint ainfi :
Vair altro la Pignya in terra fiede.
Che npnpuo' cpidar, e malfirc^ge in pîeclf^
Paris,
Fut un des fils de Priam Roi de Troye^
îiécube fa mère étant gfoiTe , eut un fonge
fiinefte y il lui fembloit -qu'elle portoit dans
ion fein un Fbmbeau qui devoit un jour
embraler l'Empire des Troyens. Les De-
vins confultés fur ce rêve , dirent que le i
fijs que cette Princeffe mettoit au monde ,
feroit la caufe de la défolation de fa Patrie,
Sur cette réponfe , aufîi-tot qu'il fut né ,
on le fit expofer fur le Mont Ida , où quel^
que* bergers le nourrirent, fous le noî^'
d Alexandre, qui fut fon premier nom.
Quand il fut devenu grand , il fe rendit
fameux parmi fes compagnons par fon ef-
prit & par fon adrelTe j il fe fie aimer paf
une belle Nymphe de ces cantons qu'il
époufa.
Mais Tadion qui la rendu plus célè-
bre, c'étoit fon jugement à l'égard des
trois DéeiTes. Tous les Dieux avoient été
invités aux Noces de Pelée 5c de Théri^,
La Difcorde feule en fut exclufe , de peur
qu'elle n'y caufât du défordre. Indignée
de cet affront , elle chercha les moyens de
s'en venger, Se en inventa en effet un,
par le moyen duquel elle y joua fon rolle
fans paroîcre. Au milieu du Feftin elle
jetta une Pomme d'Or qui portoic cette
Infcription : J LA PLUS belle. Il n'y eut
aucune des Déelfes qui d'abord ne pré-
tendit l'emporter fur fes rivales : cepen-
dant elles cédèrent enfuite à Junon , à Mi-
nerve , & à Venus. Ces trois DéeiTcs de-
mandèrent d'abord des Juges. L'affaire
étoit délicate , & Jupiter lui-même n'o-
fant terminer ce différend , crut devoir les
envoyer, fous la conduite de Mercure,
fur le Mont Ida devant le Berger Alexan-
dre 5 qui avoir la réputation d être bon
connoiireur en cette matière. Chacune fit
«n particulier de grandes offres à fon Ju*
Tij
^,6 .==V A^= ^
ge 5 s'il vouloic pi-ononcer en fa faveur t
janon, dont le pouvoir s'ccendoic fur
toLues les Richeifes de l'Univers , promit
qu'elle le combieroic de biens. Minerve
lui offrit la Sagefle , comme le plus grand
de tous les biens : & Venus !ui promit de
le rendre poif^ifeur de la plus belîe fem-
VAQ de l'Univers. Soit que l'offre de Vé-
HLîS fut plus du [jout de Paris , foit qu'il
h trouvât eifcctivement plus belle que les
deux autres , il lui adjugea la Pomme. Ju-
uon &c Minerve jurèrent de fe venger de
cet affront , ôz rrAvaillèrent 4e concert à la
ruine des Troyens.
Une aventure qui arriva peu de temps
après , fit reconnoître Alexandre à ia Cour
pour ce qu'il étoit , & le fit rétablir dans
Ion rang. On devoit célébrer à Troye des
Jeux Funèbres en fhonneur de quelque
Prince de la Famille Royale. Les fils de
Priam combattoient dans ces Jeux , & le
prix de la Viûoire étoit un Taureau. Le
beau Berger du Mont Ida fe préfenta à ces
Jeux , & ofa combattre contre {es frères ,
qu'il vainquit les uns après les autres. Dei-
phobe , honteux de fa défaite , voulut ruer
Alexandre , lorfqu'il produifit les langes
avec lefqaels il avoir éré expofé 5 Se tut
reconnu par fa mère. Priam le reçut avec
b^aycoup de joie , Se croyant que i'Oraclç
qal avcit prédit les ma^heiirs qae ce fils
dévoie lui caufer avant qu'il eut i'age de
trente ans , que cet Oracle , dis-je , étoiî
faux j puifqu'il avoir les trente ans accom-
plis , le fit conduire au Palais & lai donna
le nom de Paris,
Priam l'envoya enfuice en Grèce , ious
prétexte de facriher à Apollon Daphncen ^
mais en effet pour recueillir la ruccellioa
de fa tante Héfione. Dins le voyage il de-
vint amoureux d'Hélène & l'enleva.
Pendant le fiége Je Troye , un jour qua
\<is deux armées croient ea préfence , fur
le point da combattre , Paris ^ femblable à
un Dieu , dit Homère , s'avança i la tècs
c^s Troyens , couvert d'une peau de Léo-
pard 5, armé d'un arc & d'une épée , 6c avec
une contenance fière & menaçante , il dé-
fioit les plus braves des Grecs. Ménélas
ne l'eut pas plutôt apperçu , qu'il courut ^
lui, fe pfomeitant de punir fa perfidie ^
mais Paris , en le voyant , fut faifi ds
frayeur & s'alla cacher au milieu des Ba-
taillons Troyens. Hedor rougilfmc de fi
lâcheté , lui en fait de fanglans reproches ;
« Lâche, lui dit-il. ru n'as qu'une mine
î> trompeufe, &" tu n'es vaillant qu'auprès
59 des femmes ; pernde féducteur , pliic
>» aux Dieux qu? tu ne fufTes jamais né,
» ou que tu fulTis more avânt ton funefte
T iij
43S c=PA =
»» hymen. Quel bonheur n'auroit-ce pas
?? été pour moi , & quel avantage pour
« toi-mcme , pluiô: que de te voir ainfi la
»• licnce & l'opprobre dos hommes, >> &c.
Paris , ranimé par les reproches de fon
frère , fe préfence de nouveau au combat
iingulier avec Ménélas : mais étant prêt à
fuccomber fous les coups de fon ennemi ,
il efl: promptement fecouru par Vénus , qui
l'enlevé dans un nuage éc l'emporte à
Troye, Hélène le vient trouver Se lui fait
ces cru.'ls reproches : « Hé bien , vous
3> voilà de retour du Combat ; plut à Dieu
py que vous y fulîiez mort fous les coups
fit de ce brave guerrier , qui fut mon pre-
9> mier mari ^ vous vous vantiez tant que
y» vous étiez plus fort , plus adroit & plus
#3 brave que Ménélas , allez donc le défier
f encore Ah ! que ne fuis -je au
•» moins la femme d'un plus vaillant hom-
aj me 5 qui fut fenfible aux affronts , ôc qui
V démêlât les reproches des hommes ! au
99 lieu que celui , que j'ai été affez malheu-
.55 reufe de fuivre , n'a nul fentiment &
3j n'en fçauroit jamais avoir j aulîi jouira-
3> t-il bientôt des fruits de fa lâcheté. »
Cependant la belle fe radoucit a la fin ,
ëc par des paroles flatteufes , elle tâcha de
confoler Paris ôc de l'engager à retourner
au Combat.
==. P A r=» ^p
On ivoît promis , fi Paris éioîc vain-
cu , qu'il renciroit à Ménélas Hélène ayee
toutes fes richetTes *. Anccnor jpvopofa au
Conleil de Priam d'exécuter le cr;iicé poïir
faire finir la guerre j mais Paris s'y op-
pofe y & déclare qu'il ne rendra point Hé-
lène 5 quoi qu'il en puiife arriver j mai^
pour les riclieires qu'il a amenées d Aroos
avec elle , il offre de les rendre &: d'y en
ajouter même beaucoup d'autres , fi les
Grecs veulent s'en eoiirencer , ce qui n&
fut pas accepté.
Dans une autre occafion , Paris fe Te-
nant caché derrière la Colonne du Tom-
beau d'Ilus 5 apperçoit Diomède occupé à
dépouiller un mort qu'il avoic tué. Auiîi-
tôt il lui décoche une flèche , qui perçi
le pied de Dioméde , & entra bien avanc
dans la terre , où elle le tint comme clouée
En même-temps il fe levé de fon embuf-
cade en riant de toute fa force , 5c en Ce
glorifiant de ce grand exploit. Dioméde ^
fans s'étonner , lui crie: «< MalheuEeu;^
a archer , lâche efféminé , qui ne fais que
r) frifer tes beaux cheveux ôc féduire k-s
5j femmes , fi tu avois le courage de m'ap-
« procher ôc de mefurer avec moi tes for*
>î ces , tu verrois que ton arc de tes flécher
>î ne te feroient pas d'un grand fecours-
» Tu te glorifie comme d'une belle zs:^
Tiv
440 ^ == P A =. 1
3î tion de m'avoir effleuré le pied. Se moi
» je compte cette blefTiire , comme fî une
3> femm^' ou un enfant m'avoit blelTé. Les
y> traits d'un lâche ne font jamais redcu-
35 tables , ils font fans force ôc fans ef-
3? fèt. .. ii
Les Poètes qui font venus après Ko-
mèrejCntdit, que Paris avoit tué Achille,
mais en trahifon. Pcnr lui il fut bhrflé
mortellement de la main de Philocftéte ,
ôr alla rendre les derniers foupirs fur le
Monc Ida , entre les bras d'Œnone.
PariSo
On fait remonter l'origine de cette Ca-
pitale de la France, avant le temps de Ju"
/eS'Céfar, C'eft fous Fhilippe-Augt^Jîe que
fon ancien nom Lutece fut changé en celui
de Paris. Avant la conquête des Gaules ;
par Céfar ^ le commerce à^s Pariiiens, par i
eau, étoit très-confidérable & très-flot if-
fant. Cette Ville paroît avoir eu, de temps
immémorial, un Navire pour Symbole. La
véritable raifon s'en prend de la forme
de Navire qu'avoir anciennement Paris ^
-alors renfermé dans ce qu'on appelle k
Cité.
Parijîi peut venir du Grec 'zreepct l*(;iJUy
CQ^-i-ditQ y proche Ifs ; parceque les Pre-
très de cette DéelTe avoient leur Collège
Si Ijffy^ ôc que l'Eglife de Saint Vincent y
depuis Saint Germain des Prés , fut batie
fur \qs anciennes ruinas de Ton Templc-r
Sauvai dit que ce famjux Temple â^lfis^
qui donna fon nom à tout le Pays , étok
deflervi par iin Collège de Prêtres, qui
demeuroisnt à //f/, dans un ChâreaU.^
dont on voyoit encore (es ruines dans le
commencement de co Siècler
Childeherty troiilème fils de Clovis ^ fuc
Roi de Paris. Ce Royaume s'étendoit le
long de la Mèr , depurs la Picardie jur-
qu'auprès des Pyrénées." On attribue à ce
Prince la fondation de la C-uhèdrale de
Paris. Il eft vrai qu'il rembelUt., qu'il la
décora de vitres j ornement jufqu^alorSj,
en 558, inconnu dans les Églifes de cerre
Capitale \ mais il n'eut pas la gloire de la
bâtir»
A la mort de Clotaire^ l'Emp're Fr3î;«
çois fut encore divifè en Quatre R.oyair-
mes : on joignit à celui de Paris y là Tou-
raine, l'A'bigeois & Marfeilie.
Les No manJs afliègèrent P^r/j- en.
88 5. Ce Siège dura deux ans ; & ils ne le
levèrent que par un Trai'té .honteux "^ que
Charles le Sunple fit avec eux.
Robert /, à'tle-Fort^ Duc:de France 5
fut Comte de PurU & d'Qriéans en 88 <^
44^ «= P A --===
Les Duchés de France de les Comtés de
Paris & d'Orléans furent réunis à la Cou-
ronne en 987, Paris y fous Louis le Gros y
ctoit la Capitale du Duché de France, qui
comprenoit la Neuftric, qui eft entre la
Seine & la Loire.
C'efl: Philippe- A ugujle qui ordonna au
Prévôt de Paris de faire paver toutes les
rues & les places publiques \ xe qui fut
exécuté en pierres quarrées , dit Guillau-
fne le Breton y Auteur contemporain. Ce
Prince , non content d'y avoir établi la
propreté , pourvut encore à fa sûreté , en
réuniiïant dans la même enceinte une
partie des murs de cette Capitale. On ne
laifla hors des murs, qui furent flanqués
de bonnes Tours , que le Palais du Louvre ^
Saint- Honoré^ une partie à\xBourg-l^Ab'
lé y \ Abbaye de Saint Martin ^ le Ternple y
les Bourgs de Saint Èloy ^ de Saint Vic-
tor^ de Saint Marcel^ & de Saint Ger^
main des Prés, Les foins de ce Monarque
ne fe bornèrent point à la feule Capitale»
ht^ autres principales Villes du Royaume
furent également embellies & fortifiées
par fes ordres.
Paris étoit déjà fi accru fous Henri If^
que ce Monarque, au mois de Novembre
3549, donna un Édit pour en fixer \q^
bornes. Ces dcfenfes farent renouveliées
par Louis XIF en i6ji, Paris ^ qui , ions
Louis XV^ en 17^7, paroît encore s'accroî-
tre & s'embellir du coté des Invalides & de^
la porte S. Honoré , c'eft-à-dire , des deux.
côtés de la Seine, au couchant, efl: cepen-
dant cette même Ville, qui, du temps qu^
\e% Normands en firent le Siège, étoit ren-
fermée entre les deux bras de la Seine ,
qu'on appelle aujourd'hui la Citée,
Cette Ville eft regardée comme la, plus
célèbre de l'Europe. Ses grands accroilfe-
mens font depuis environ deux cents ans.
Elle eft divifée en vingt-quarre quartiers.
Jille a neuf cents foixante-fept rues , fans
compter les culs-de-fac ; plus de cinquante
mille maifons , parmi lefquelles il y a plus
de cinq cents beaux Hôtels \ quarante Pa-
roiiTes, & cinq Églifes qui ont ce droit;
vingt Chapitres & Églifôs Collégiales ;
quatre-vingts Églifes 6c Chapelles non Pa-
roilTes \ trois Abbayes d'hommes , & huit
de hlles \ cinquante-trois Couvens & Com-
munautés d'hommes \ foixante-dix Cou-
vens &: Communautés de filles \ cinquante-
fept Collèges , dont dix de plein exercice \
quinze Séminaires; vingt -fix Hôpitaux;
douze Prifons ; cinquante Places publi-
ques ; cinquante -une Fontaines, trente
Quais ; doaze Marchés ; trente Ponts ,
grands ô: petit* , un grand Égoût , avec
Tvj
444 == P A -===»
un beau Réfervoir j huit Jardius & Pro-
menades publiques , ôcc.
jfife;7ri //^ eft le premier de nos Rois,
qui ait embelli Paris de Places régulières,
<Sc décoré des Ornemens de l'Architedure»
Il fit achever le P ont ^ neuf y commencé
fous Henri III ^ qui avoir été interrompu
pendant les guerres civiles. 11 fit auiîi bâ-
tir la Place Royale fur l'emplacement de
l'Hôtel des Tournelles^ & la Place Dau-
phine> fur deux petites Ifles qaon joignit
cnfemble^ & à celle du Palais, dont elles
. avoient été jufqu'alors féparées par un ca-
nal de la Rivière, oii eft à préfent la RuH
du Harlay.
ÉNIGME LXXIF^
Vn portail de ctnabre eft devant ma maifon ,
OÙ quelquefois je nais avant d'être conçue j
Mais pour être efficace y il faut qu'en la prifoa
. D'un Dédale animé foudain je fois reçue.
Mon pouvoir fur les coeurs eft, fans comparaiforï,;
Lorfqu un Art délicat m'a de grâces pourvue j
3*ai des traits tout remplis de miel ou de poifon ,,
JEt je découvre tout, fans pouvoir être vue.
Je furpaiïe en pouvoir & l'argent & le fer,
Moja zèle ardent émeut & le Ciel &. l'Enfer ;
1= P A = 44?
Soavcn: , bl^n que fans poids > je fuis d'un poids
extrême.
J'étale quelquefois des tréfors fur un point.
Aucun ne vous dira qui je fuis , que moi-même :
Je vous fais tout connoître , &: ne me connoîs point.
Paroles du Sage.
Le Sage met fa bouche au milieu de Ton cœur,
Et l'on ce l'entend point faire un discours moqueur 5
De Tes ennemis même il parle avec eftirae ,
Il cache leurs péchés , lorfqu'ils en ont commis 5
Car s'il les découvroit, il croiroit faire un crime :
ÂiaCi par tout endroit il fe fait des amis»
Ce fujèr ne fçauroit être mienx repré-
fente, que par cet Emblème. C'eft une
Main qui tient un Cœur, au milieu du^-
quel eft une Bouche ; pour nous montrer
que l'homme doit être retenu dans \^uies
fes paroles : comme la Bouche exprime les
Penfées du Cœur, auili nous devons être
circonfpcds dans tous^nos Difcouts*
Parnasse^
La plus haute Montagne de la Phocide ^.
elle a deux fommèts autrefois tuès-£imeu5,
dont l'un étoit confacré à Apollon & aux
Mufes, Se l'autre à Bacchus. Les Fontai-
nes de Caftalie, Hyppocrène 6c Aganippe,
j prennent leur ibuice. Il fe prend au
44(^ = P A =
figuré pour la PoêTie, 6c pour le fc'Jour ;
des Poètes ► |j
Parnasse François.
C'eft un Monument élevé en bronze y
a la gloire de la France ôc de Louis U
Grand , & à la mémoire des illuftres
Poètes , & Aqs illuftres Mufîciens Fran-
çois , dont on eft redevable à feu M»
Évrard-Titon du Tillet y ancien Maître
d'Hôtel de feu Madame la Dauphine ,
mère de Louis XV ^ Ôc Commilfaire des
Guerres. Cet Auteur a donné la Defcrip-
tion de ce Parnajfcy avec un ordre chro-
nologique & hiftorique des Poctes & d^^
Mufîciens qui y font raflemblés ; un Ca-
talogue de leurs Ouvrages , & le Juge-
ment que plufieurs fçavans Critiques ert
ont porté. Cette Defcription du Parnaffh
a eu deux Éditions 5 la première, in-iZy \
à Paris, en 1727 ; la féconde, in-fol. or- '
née d'eftampes , & augmentée de beau-
coup fur la fin de Tannée 17^2. Il y a de
plus deux Supplémens à la Defcription de
ce Parnajfe François, Le premier a paru
en 1743 , & contient l'Hiftoire des Poctes
& Mufîciens François, jufqu'a cette an-
née. Le fécond Supplément contient l'Hif-
îoire d^s Poètes & Mufîciens François, que
la mort a enlevés depuis 1745-5 jufquea
m
= P A = 447
-1755 5 temps auquel ce fécond Supplé-
ment a ccé imprimé.
Ce Parna^c François efl reprefenré
par une Montagne d'une belle forme , un
-peu efcarpée & ifolée , tous les afpedts en
font riches & agréables. Quelques Lau-
riers 5 Palmiers , Myrtes , & Troncs de
Chênes, entourés de Lierres, y font dif-
perfés. Louis le Grande Protecteur à^s
Sciences & des beaux Arts , paroît alTis
fur le fommèt de ce Mont, fous la figure
^ Apollon^ tenant une Lyre à la msin.
Sur une terralTe, au-detfous ^Apollov,
•font Mefdames de la Su:^e , des HguHc^
Tes & Mademoifelle de Scudéri , repré-
fentant les trois Grâces, qui fe tiennent
par des guirlandes de iieurs entremêlées
de feuilles de Laurier & de Myrte. Pierre
Corneille , Molière , Racan , Ségrais , la
iFontaine^ Chapelle^ Racine^ Dejpréaux ^
Ôc Lully le Muficien , occupent une grai^
de terralTe, qui règne autour du Parnaffe",
ôc ils y tiennent la place des neuf Mufes,
comme étant les vrais modèles de la belle
Pocfie Ôc de la Mufique Françoife. Lully
porte fur un bras le Médaillon de Qui^
nault y fon Poète j &c l'un Se l'autre ne
forment , pour ainfi dire , qu'un même
Génie pour la compofition des Opéra par-
faits. Vinot-deux Génies, fous la forme
44^ = P A =
cl*enfans aîîés 5 font répandus fur ce Par-
naffe ^ ôc y forment divers Grouppes avec
les principales figures ^ ê< les arbres qui y
font difperfés.
Pour un plus ample détail, il faut con-
fulter l'Ouvrage même , dont tous les
Journaux François oc Étrangers ont parlé
avec le plu5 grand éloge.
P A K'q u E s ►
II y a trois P argues , Clothon , Lâché-
es, Atropos : l'une tirait le fil de nos:;
jours, l'autre rournoit le fufeau, 6c l'air-;
tre coupoit la trame. Les Anciens confon^l
doient fouvent les Parques ^ & les Defti-^
nées. Platon dit que les trois Parques font .
filles de la Néceiîîté' , ou de la Defti-
née ; Lachéjis marque le Paflé , Clothon
ajoute le Préient à l'Avenir ,. & M trop os
marque l'Avenir. Les Anciens ont feint
Spe les Parques employoient fur leurs
quenouilles de la laine blanche, pour filer
une vie longue & heureufe \ ôc de la laine
noire , pour filer une vie courte de malheu-
rsufe.
i:i= P A =5 ^0
Pars i>ion!E.
ïuyez en tout l'extrémité ,
J'ai de Thorrear pour l'avance ,
Je hais la prodigalité,
£t tiens l'heureux milieu entre ce double Vice,
L'Épargne ou Parjimonie eft repréfentée
par une femme d'un âge capable de rai-
fon. Elle eft modeftement vètuc , pour
nous apprendre qu'elle eft ennemie de la
dcpenfe fupfrrfluc. Elle tient ce la main
droite un Com^pas, pour montrer l'Orcr^
êc h MeTure qu'il faur tenir en toutes
chofes : de la main gauche , elle|tienr une
Bourie iermée , où on lit ces paroles : Ei/e
la garde pour U mieux : aiin d'exprimer
par-là qu'il y a plus d honneur à confer-
yer^qu'd acquérirr.
ÉNIGME LXXV.
Voilà quel je fuis à peu près ;
Debout fur mille pieds, je porte cinq cents têtes.
Que de gens mie donnent de Fêtes ,
Pour me m.etrre en leurs intérêts l
De la Fortune alors je gouverne la rcuë ; *
Je mets la Honte où l'Honneur fur leur front :
Qu'on me refpcde , ou qu'on me loue ,
Puifquc j'ai dans mes mains & la Gloire & l' Affront.
P A R T H É N I E 5
Surnom qu'on donne à Minerve , pafcre-'!'
^u'on précendoit qu'elle avoit toujours
confervé fa virginité. Les Athéniens lui :
confacrèrent fous ce nom un Temple, qui
ccoir un des plus magnifiques Édifices qu'il
y eut â Arhcnes : il fubfifte encore aujour-
d'hui pour la plus grande partie , au rap-
po't de Spon , c|ui dit l'avoir vu. On l'ap-
pdloit le Parthénon , c'eft- à-dire , le Tem-
ple de la DéelTe V^ierge : ou bien d'Héca-
tompédon , ou le Temple de cent pieds, ,
parcequ'il avoit cent pieds en tout fens. La
Statue de la DéefTe étoit d'or &c d'yvoire ,
dans l'attitude d'une perfonne debout ^c
toute droite , tenant une Pique dans fa
main ^ àci^QS pieds fou Bouclier , fur fon
eftomac une Tête de Médufe , & auprès
d'elle une Vidoire , haute d'environ qua-
tre coudées.
Partialité»
C'eft l'intérêt que l'on prend avec ar-
deur pour une chofe , fans diftinguer Ci
elle eft jufte ou non. On la perfonnifie
allégoriquement par une femme qui foule
des balances fous (qs pieds , & qui donne
une récompenfe à un Génie richement
vécu a mais donc l'ignorance eft caïadéri-
, fùe par des oreilles d'âne. Elle chaffe à
! coups de fouëc un autre Génie qui eft nud ,
& dont le mérite eft défigné par une Cou-
ronne de Laurier qu'il a fur la tête.
PARTIES DU MONDE.
EuR OPE,
PR£jfi£R£ Partie du Mondi^
Cette principale Partie du Monde fe
repréfente vêtue magnifiquement , ayant
un Cafque Ôc une Couronne d'Or fi^r la
tète. Elle tient un petit Temple , parce-
qu*elle eft le féjour de la Vraie Religion :
fa fertilité eft indiquée par les deux cornesr
d'abondance fur lefquelles elle eft aftife.
Le Cheval qui eft près d'elle , eft l'attri-
but des Peuples Belliqueux qui rhabitenr.
A (qs pieds font des Couronnes Papales ,
Impériales ôc Royales , des Livres , ôc di-
vers inftrumens propres aux Arts ôc aux
Sciences qui fe cultivent chez elle.
Asie,
Seconde Partie du Mo 27 Dr,
Quoique cette Partie du Monde foie
plus grande que l'Europe, elle n'eft cepen-
dant comptée que pour la féconde , peut-
être à caufe de la quantité des deferts qu'elle
4Î2 =PA.-=
contient. On ia reprélente vètuë richeH
ment , coëfFie d'une efpèce de Turbai
orné de plames rares. Elle tient une caifo- 1 j
lette fumante de Parfums , ôc eft alîife d'ur I
air fier fur un Chimeau , couché fur ui.
terreia femé de différentes Aromates. .
Selon Bembo : p
Keir odorato , e lucldo oriente
La f Otto il vago , e te^npcrato Cido li
l^ive una Ikta j e ripofata gente , !ir
CÀ«f nca l'offcnde mui caldo ^ m gcloo
Afrique, W
Tkosjemî Partie du Mon ht, il
Cette troifième Partie du, Monde étant
expo fée au midi ^ efl: en partie fous la!
Zone torride : elle fe repréfente de couleur
tannée, & vêtue* à la Morefque. Elle fe
tient à l'ombre d'an Pdrafol de plumes , a
pour coe'tfure une rèce d'Eléphant , & q^x
aiîife fur un Lion j ces fortes d'Animaux
lui font donnés nour Attribut , étant fort
communs en AFâqiie. Les deux Cornes
d'abondance, d'où iortent fc-ulement des
Grains, fignifienc qu'elle a deux Elles, (3c
par conféquenc deux MoKfons.
Amérique,
QuATRTEJfE Partis du Mo s 15 r."
Cette quatrième & dernière Partie du
Monde fe reprcfente prefqae nue, cocfiee
de Plumes , &: n'ayant pour vètemenc-,
qu une petite troulfe de plumes de diyer-
fes couleurs. Elle a l'afped: féroce &z le re-
gard £er , tient un Arc à la main , & a un
Carquois fur le dos. L'homme percé de
flcches 5 fur lequel elle çO: alîife , /ignifie
que quelques-ans àes peuples qui l'habi-
tent font encore Antropophages ou Can"
nibales. Derrière elle eft un Lézard d'une
grandeur démélurée \ ce Pays étant abon-
dant de ces monftrueux animaux, qui s'aC"
taquent fouvent aux hommes mêmes.
Parure.
Nous avons, au mot kahilltment ^ &
ailieuiî , parlé de celui des Anciens Frarn
cois 5 éc des différentes Modes de la Na-
tion \ nous ne voulons ici rapporter que
quelques Traits Hifloriques, au fujèt de la
I Parure, Sous S, Louis ^ une Dame parut à
|la Cour ( c'étoic en 1245 ) avec une Pa^
Ture qui n'étoit point de fon âge, & moinj
encore du goût du pieux Monarque , qui
aimoic la {implicite dans les habits.
Ce Prince ^ppdhGeoffroy de Beaulieu I
j€ veux , lui dit-il , que vous foye:^ témoin
de ce que je vais dire à cette femme .,..,'
Se tournant enfuite vis-â-vis cette femme j
il reprit : Madame^ cefi un mot fur votre
falut. On parloit autrefois de votre beauté ^^
die nefl plus : il s'agit à préfent de celle
de l'âme, Songe:^ à plaire , non plus aux .
hommes , mais au Seigneur,
La Dame promit de profiter de cet
avis : belle leçon pour les vieilles coquet-
tes de nos jours ! C*eft un Saint Monar-
que qui la leur donne.
En I ^oo 5 une femme de qualité , vieille
êc maigre , arriva en habit verd dans un Bal
que Henry IV donnoit a fa Cour, à l'oc-
cadon de fon mariage. Le Prince vint a
elle d'un air empreifé , & lui dit : Je vous
ai mille obligations , Madame ; vous ave^
employé le verd & le sec pour faire hon- '
neur à la Compagnie,
A un autre Bal que Marie de Mcdicis
donna la même année , quinze des plus
belles femmes de fa Cour, & àes mieux
parées , y dansèrent. Le Roi , qui s y trou-
va , avoir fait placer à fes cotés le Nonce
du Pape ; il lui dit : M, le Nonce ^ je n'ai
jamais vu de plus bel Efcadron^ ni de plus
pénlUux que celui-là*
P A S I P H A É ,
Fille du Soleil &: de la Nymphe Per-
féis, époufa Minos, fécond Roi de Crère.
Vénus , pour fe venger du Soleil , qui
avoit éclairé de trop près fon commerce
avec le Dieu Mars, infpira à fa hlle un
amour défordonné pour un Taureau blanc
que Neptune avoit fait fortir de la Mèr,
Selon un aurre Mythologue , cette Palîion
fat un effet de la vengeance de Neptune
contre Minos, qui ayant coutume de lui
facriher tous les ans le plus beau Taureau
de fes Troupeaux 5 en avoit trouvé une
fois i^ Cl beau , qu'il voulut le fauver , de
en deftina au Dieu un autre de moindre
valeur. Neptune , irrité de cette trompe-
rie , rendit Pajiphaé amoureufe du Tau-
reau que Minos avoit voulu conferver.
Dédale , qui étoit au fervice de Minos ,
fabriqua pour la Reine une belle Vache
d'airain creufe , dans laquelle elle fe mie
pour jouir de fon Amanr. De ce com-
merce, naquit le Minotaure. C'eft la hai-
ne des Grecs contre Minos, qui leur fie
inventer cette odieufe Fable, dont tout le
fondement eft Téquivoque du mot Taw
rus y qui eft le nom d'un jeune Seigneur
Cretois , àont la Reine devint amoureufe*
Dédale ^uî apparemnienc le confident d^
'^^(^ ' r=P A := 1
cette intrigue. Comme ce Tauriis étoit
l'Amiral de la Flotte de Minos , il eut
aulfi part a la haine des Grecs , qui le
métamorphosèrent en Taureau. Pajipkaé
a pafle pour ette la iille du Soleil , parce-
qu'eile étoit fçavante dans la connoilfance
des (impies , & dans la compofition des
poifons. On dit qu*elle faifoit dévorer par
des vipères toutes les MaîcrefTes de Minos,
lorfqu'il s'approchoit d'elles, ayant frotte
le corps du Roi de je ne fçais quelle herbe
qui attiroit ces infedes ; ce qui fignifie
apparemment que cette jaloufe Reine fça-
voit fe défaire de fes .Rivales pat le poi-
fon, ou par d'auttes voies aulli efficaces.
ÉNIGME LXXVL
Une fois on m'a vu du Soleil cclairé ;
Alors contraire aux uns , aux autres favorable ,
On mit ordre, dit-on, qu'un fait fi mémorable
Flic tranfmis à jamais à la PoP.critc.
Voyagez ici-bas fur la terre & fur l'onde,
Vos foins , pour ine trouver font des foins fuperflus î
J'étois dans ce temps-là ce que je ne fuis plus ,
Et fuis ce que j etois dès fcnfance du monde.
PasQUIN.
Cefl: une Statue de marbre fans nez,
fans bras & fans jambes , placée à Rome ,
près du Palais des Urfins, à laquelle les
Railleurs
Railleurs viennent attacher de nuit des
Billets fatyriques , appelles Pafquinades,
Il femble que ce tronc foit le refte de la.
figure d'un Gladiateur, qui en frappe un
autre : on en ju^e par l'attitude du corps,
& par des morceaux d'une autre Statue ,
qui paroifTent fur la première.
On attribue' l'ufage &: l'origine de char-
ger ce marbre de toutes {onts de Satyres,
à un Savetier Romain , appelle Pafquin ,
grand difeur de bons mots , & dans la
boutique duquel tous les Rieurs de fon
temps avoient coutume de s'afTembler.
Après fa mort, ils prirent l'occafîon d'une
antique nouvelle déterrée , la furnommè-
rent Pafquin , & fe firent une coutume
d'y attacher fecrètement les productions
de leurs médifances.
Cetre liberté s'eft toujours confervée \
&: Ton voit encore aujourd'hui les Sei-
gneurs, les Prélats de la Cour de Rome,
les Princes Etrangers, & les Papes mêmes
expofés tous les jours aux traits ingénieux
des Pafquinades, Plufieurs Papes ont ef-
fayé de réprimer cette licence, mais fans
fuccès ^ & il ed: étonnant, dit un Auteur ,
que dans une Ville où l'on fçait Ci bien
faire fermer la bouche aux hommes , l'on
n'ait encore pu trouver ie/ecfèt de faire
taire un marbre.
Tome lîL V
45*8 =PA==
P ATAÏQUE S,
Divinités des Phéniciens , dont ils met-
toient la Statue fur la Poupe à^s Vaif-
feaux. Ils refTembloient 5 quant a la figure,
a de petits Pigmées j & ils étoient fi mal-
faits, qu'il attirèrent le mépris de Cam-
bife , lorfqii'il entra dans le Temple de
Vulcain. L'on mettoit toujours fur la
Poupe l'image d'un de ces Dieux , qui
étoit regardé comme le Patron & le Pro-
tecteur du VaiiTeau j au lieu que l'on ne
mettoit fur la Prouë, que 1 image de quel-
que Animal , ou de quelque Monftre qui
donnoit fon nom au Navire. Les Sçavans
expliquent le vaoi Pataïque ^ qui eft Phé-
nicien, par celui de Confiance; parceque
ceux du Vaiiïeau mettoient leur confiance
en la protection de ces Dieux.
Patères,
Inftrumens àes Sacrifices, qui fervoient
à plufieurs ufages. On les employoit à re-
cevoir le fang des Taureaux 6Î autres Vic-
times qu'on immoloit, ou pour verfer du
Vin entre les cornes à^s Vidimes. C'efl .
ainfi que Didon , dans Virgile , tenant
d'une main la Patere^ la verfa entre \qs
cornes de la Vache blanche. Il paroît par-
îa que les Pateres dévoient avoir un creux
capable de contenir quelque liqueur.
Patience.
Lorfcju'on me pouffe à bout, je me change en fu-
reur 3
Mais pour l'ordinaire j'endure.
Sans pouffer le moindre murmure ,
Les plus cuifans travaux , la plus vive douleur.
Cette éminente & précieufe Vertu fe
repréfente par une femme dans une atti-
tude humble , & vêtue fimplement. Elle
eft alTife fur des Cailloux , tient les mains
jointes , & porte un joug fur \qs épaules ;
fes pieds nuds font pofés fur des épines,
Superanda oynnis Fortunafirendo eji.
Vir^iî.
ÉNIGME LXXFIL
Nous fommes deux frères jumeaux ,
Que le grand Hyver rend utiles
Aux Peuples des Champs & des Villes ,
Qui fe promènent fur les eaux.
Mais pour deviner qui nous fommes,
Remarque , cher LeAeur , que nous fervons auK
hommes
Seulement des Pays du Nord ;
Et qu'un Navire de haut bord
Vij
^6o «=;PA =
N'a pas plus que nous de vîteffc,
Quand on nous fçait conduire avec adrefTc.
Patrocle,
Fils de Mocnécius, Roi des Locriens,
8c de Ahènelé, ayant tué le jfils d'Amphi-
damas dans un emportement de jeuneffe
câufé par le jeu, il fut obligé de quitter fa
Patrie , & fe retira chez Pelée , Roi de
Pthie en Theffalie , qui le fit élever par
Chiron avec fon fils Achille , de-là cette
amitié fi tendre & fi confiante entre ces
deux Héros. Pendant la retraite d'Achille,
ies Troyens ayant eu de grands avantages
fur les Grecs , Patrocle^ qui voyoit Achil-
le toujours inexorable , lui demanda du
moins £qs armes pour aller contre les
Troyens. « Envoyez-moi , lui dit-il , tenir
» votre place, & ordonnez a vos Troupes
M de me fuivre, pour voir fi je ne pourrai
>î pas faire luire quelque rayon de lumière
Ȕ aux Grecs : permettez que je prenne vos
3ï armes \ peut-être que les Troyens, trom-
3> pés par cette reflemblance, & me pre-
5> nant pour vous, fe retireront effrayés,
» & laifTeront refpirer nos Troupes. »*
Achille y confentit , mais à condition
que àhs qu'il aujra repoufi^é les Troyens
du Camp des Grecs , il fera une prompte
retraite avec les Theifaliens , & laiiTera
= PA= 461
les autres Troupes continuer le combat
dans la plaine. <« Hé , plût aux Dieux ,
*> ajoute-t-il, qu'aujourd'hui aucun des
» Troyens ni des Grecs n'évite la mort ,
>5 & qu'ils périfTent tous dans le combat
« les uns par les mains des autres j afin
» que nous deux demeurés feuls nous
w ayons la gloire de renverfer la fuperbe
» Troye. » PatrocU prit donc les armes
d'Achille, excepté la pique; car elle croit
fi forte & fî pefante , qu'aucun des Grecs
ne pouvoir s'en fervir, il n'y avoir qu'A-
chille qui pût la lancer. Quand les Troyens
virent venir à eux les ThefTaliens , & Pa-
trocU couvert des armes d'Achille , ils ne
doutèrent point que ce ne fût Achille lui-
même ; ils perdirent courage, ^<. le dé-
fordre commença à fe mettre parmi eux.
PatrocU \q.% pourfuivit jufques fous les
murs de Troye ; ^ les Grecs, en les fui-
vant 5 fe feroienr infailliblement rendu
maîtres de la Ville, dit le Pocre , fl Apol-
lon lui-même ne fe fût préfenté fur une
des Tours , pour s'oppofer à i^s efforts*
Trois fois PatrocU furieux iPiOnta juf-
qu'aux créneaux de la muraille , & trois
fois Apollon le renverfa , en repouffaiit
fon Bouclier avec fes mains immortelles.
PatrocU plus ardent revint à l'aflaut pour
la quatrième fois, fcmblable à un Dieu;
Viij
^62 =PA =
ik alors le redoutable Ris de Latone lui dit
d'une voix menaçante : <« Retirez -vous,
M généreux Patrocle ; les Deftinées n'ont
3) pas réfervé la ruine de Troye à votre
35 bras , ni même au bras d'Achille , qui
» efl: plus vaillant que vous. 35
Patrocle fe retire àQS murs de la Ville ,
te va combattre dans la plaine : il fe mêle
par trois fois avec les ennemis , dont iî
fait un horrible carnage j & à chacune de
ces charges , il immole de fa main neuf
Héros. Enflé de ce fuccès & infatiable de
fang , il en fait une quatrième y Se alors ,
généreux Patrocle , la fin de votre vie
commença à fe faire voir. Apollon en-
veloppé d'un épais nuage, s'arrête derrière
Patrocle , &c du plat de fa main il le frappe
fur le dos entre les deux épaules. Un té-
nébreux vertige s'empare en même temps
de lui, fes yeux font obfcurcis j Apollon
délie fon calque & fa cuiraife, qui roulent
aux pieds de (qs chevaux ; fa pique ,
toute forte , toute pefante qu'elle étoit ,
fe rompt entre fes mains ^ fon bouclier,,
qui le couvroit tout entier, fe détache Se
tombe à fes pieds : alors la frayeur lui
gbçe les efprits. Ces forces l'abandonnent,
il demeure immobile. Hedor le voyanr
en cet état , court à lui , le perce de fa
pique ; Se le voyant tomber avec grand
= P A = 4^5
btuic, il rinfulte avec des paroles amères.
Patrocle mourant repouiïe cette infulte ,
en atcribuanr fa défaite non à la valeur
d'HecVor , mais à la colère des Dieux :
» Si vingt hommes tels que toi m'avoient
» attaqué fans leur fecours, mon bras leur
« auroit bientôt fait m.ordre la poullière. »
Patrocle ayant été tué, il fe fit un grand
combat pour fon corps. Hedlor, après l'a-
voir dépouillé, alloit lui couper la tète,
lorfqu'Ajax & Ménélas arrivent, font re-
tirer Heélor , & après de grands efforts
emportent le corps vers leurs VaiiTeaux.
Les Chevaux immortels d'Achille , qui
ëtoient éloignés de la bataille, entendant
dire que Patrocle avoit été tué , pleurent
amèrement fa mort : leur guide taie tout
ce qu'il peut, & de la voix & de la main^
il emploie les careffes ik. les menaces poul-
ies faire marcher y ils fe tiennent immo-
biles, la tète penchée vers la terre, &: les
crins traînant fur la pouffière. Achille ap-
prend la mort de Patrocle , & donne \qs
marques les plus fenhbles de fa douleur :
il s'engage de ne point faire (ts funérail-
les , qu'il ne lui ait apporté la tête & \qs
armes d'Hedor, & qu'il n'ait immolé fur
fon bûcher douze des plus illuftres enfans
àes Troyens, qu'il émargera de fa propre
main, pour alTouvir fa vengeance.
V iv
Cependant l'ame de Patrocle luî appa-
roîtj pour le prier de hâter (qs funérail-
les 5 afin que les Portes àQS Champs Ély-
fées lui foient ouvertes. Il lui demande
une autre grâce. « Donne ordre, lui dit-
î> il , qu'après ta mort mes os foient en-
î> fermés avec les riens : nous n'avons ja-
3» mais été féparés pendant notre vie, de-
»» puis le moment que j'ai été reçu dans
s> le Palais de Pelée , nous avons toujours
*» vécu enfemble ; que nos os ne foient
» donc point féparés après notre mort. »
Achille donne ordre aulH-tôt pour les fu-
nérailles de fon ami ; il fait égorger un
nombre infini de Victimes autour du bû-
cher j il jette au milieu quatre de hs plus
beaux Chevaux, & deux des meilleurs
Chiens qu'il eut pour la garde de foa
Camp j il immole les douze jeunes
Troyens ; & termine les funérailles par
des Jeux funèbres.
PatroOs,
Surnom de Jupiter. Ce Dieu avoir a
Ârgos, dans le Temple de Minerve, une
Statue en bois^ qui, outre les deux yeux,
comme. la Nature les a placés aux hom-
mes, en avoit un troifième au milieu du
front : pour marquer que Jupiter voyoic
tout ce qui fe paifoit dans les trois parties
du Monde, le Ciel, la Terre & les En-
fers- Les Argiens difoienc que c'écoit le
Jupiter Pair DUS , qui écoit à Troye , dans
le Palais de Priam , en un lieu découvert,
&; que ce fut â Ton Autel que cet infor-
tuné Roi fe réfugia après la prife de
Troye, & au pied duquel il fut tué par
Pyrrhus. Dans le partage du butin , la Sta-
tue échut à Sténéius , fils de Capanée, qui
ia dépofa dans le Temple d'Argos,
ÉNIGME LXXVllL
Quelque vil que je fois , moi , que l'en foule a«i:
pieds ,
Ma naiiîance cil: trcs-aiicienne ,
Et perfonne ne peut me comparer la lïennc ,
Eiit-il eu cent aïeux eu guerre eftropies.
Suivant ce que d'Antée a publié la Fable ,
Sa force écoit infurmontable ,
Tandis que fur la terre il pouvoit s'appuyer.
Comme elle écoit fa mère, elle efl: aufîi la mienne j
Et pourvu qu'elle me fouiiennc,
Il n'cft point de fardeau qui me fafl'c plier,
Paventi A^
Divinité Romaine, à laquelle les mè-
res & les nourrices recommandoient tes
enfans, pour les garantir de la peur. Se«
Ion quelques-uns , on menacoit de cette
V V
^66 _ =PA =
Déelfe ies enfans , pour les contenir ; ou
bien on l'invoquoit pour fe délivrer de la
Peur.
ÉNIGME LXXIX.
Me peindre eft une grande affaire ,
Et plus que Ton ne peut penfer.
Peintres , vous le fçavez , puifqu'on voit d'ordinaire
Les fameux de vous y renoncer^
. Tel n'entendit jamais le portralr ni rhiftoixe ,
Qui pourtant m'entreprend , Se même avec plaifir >.
Et f^achant moins peindre que boire ,
Ne laiiTe pas en moi de fort bien réuffir.
Si j'ai des Créanciers, je crains peu leur furie,
Fuifqu'cn n'a jamais vu qu'un Sergent foit venu.
Détendre ma tapiiîcrie,
Ni pour faifir mon revenu..
Ghez moi l'on voit , & fans furprife j
A des gens même de bon lieu,
Le corps nud jufqu'à la chemife.
Avec une corde au milieu.
Pavot^
Plante dont les Semences font propres
à afToupir les efprits , a faire dormir. On
peignoit le Dieu du Sommeil couché fur
des herbes de Pavois : quand il veut en-
1
!:=^ P A ^:^=r ^^J
Jormir quelqu'un, il jette fur lui Tes Pa-
vois, Parmi les Épis qu'on donne à Cérès,
on mêle des Pavots ; parcequ'elîe s'étoic
utilement fervie de Pavots pour appaifer
la douleur qu'elle avoir relfentie de l'en-
lèvement de fa fille. Le Pavot étoit Is-
Symbole de la Fécondité,.
Pau VR etL
On la croyoit la mère de l'Indu ftrie 6c
des beaux Arts j mais on ne laiiToïc pas
de la peindre comme une furie, pâle, fa-
rouche, affamée, & prête à fe defefpérer,.
C'eft: ainfi qu'en parle Ariftophane. Lu-
ciain dit qu elle eft la mère àts grands
Hommes , & que néanmoins on la fuit,
Fœcunda Virorjrm
Pa u pe rta s fugitur,
Horace avoir dir avanr lui, que c'étoir
a la Pauvreté^ que Rome avoit obligation
de la vertu de Curius & de Camille. A^ais^
s'il avoir voulu rapporter aulïi rous ceux que:
la Pauvreté a rendu vicieux, il en auroir pu^
nommer un grand nombre. En edèt, il die
lui-même en un autre endroit; que les.
Loix de la Pauvreté font dures , qu elle-
nous force de faire & de foutfrir tous cHo-
fes , &: qu'elle nous empêche d'exercer ks'
grandes Vertus,,
Tvjj
^68 ==.PA==
Juhet
Quidvis &facere & pati,
Kirtutifque viam defirit ard&ce,
C'eft par ces Loix de la Pauvreté^ qu'im
Phîlofophe de qualité prétendoit s'excufer
de ce qu'il étoit logé d'une manieFe fort
mefTcante à fa condition, lorfqu'il mit ces
mots fur fa porte : Sic vifum Paupertati^
il a plu ainfi à la Pauvreté. Plaute & Clau-
dien font la Pauvreté fille du Luxe & de
rOifiveté ; de même que la RichelTe eft
d'ordinaire la fille du Travail 6c de l'É-
pargne. Mais il faut remarquer que , com-
me il y a une autre Richelfe, qui eft fille
du Bonheur feul ; il y a auffi une Pau^
yretéj qui n'eft fille que du Malheur.
De tomes les Vertus , yt fuis la moins chérie 5
Peu de gens ici-bas me dreflent des Autels 1
Hcureufe toutefois l'âme que j'ai guérie
De cette avidité qui damne les Mortels.
Cette trifte & accablante fîtuatlon de la
vie fe perfonnifie par une femme exténuée ,
prefque nue, n'étant vêtue que de quel-
ques haillons noirs. Elle eft affife fiu: un
terrein aride , au pied d'un arbre delféché.
fes pieds & i^QS mains font liés, & elle fait
des efforts pour brifer avec fes dents les
liens de fes mains.
^= P A =:= 4^P
Pauvreté prijijdiciable aux Talens.
Cette Pauvreté fe repréfente mal-vê-
tuc, ayant le bras gauche retenu par une
chaîne à une groiTe pierre à laquelle il eft
attaché : elle fait des vains efforts pour
élever le bras droit qui eft ailé. Cet Em-
blème, dont on attribue l'invention aux
Grecs 5 (ignifie que l'excès de la Misère
eft un puifTant obftable aux progrès des
plus heureux Talens.
Paysage.
C*eft le territoire qui s'étend jufquoù
la vue peut porter, ou étendue de Pays
que l'on peut voir d'un feul afpecfl. Les
beaux Pnyfages font ceux qAii font diver-
iîfiés par quantité d^objèts agréables à la
viic, comme àcs Collines, des Vallées,
des Campagnes 5 des Prairies, àQS Bois,
des Vignes, des Maifons de Plaifance, des
Villes, des Bourgades, des Hameaux, des
Sources, des Ruilfeaux, des Rivières, &
enfin la Mèr même. Plus il y a de ces
divers objèis dans un Payfage ^ & plus il
cfl beau.
470 ==PÉ=:^
ÉNIGME LXXXo.
Mort ou vivant , mon fort en un point eft égal r
Que àz coups de bâton , fi vivant on m'outrage ,
J'en reçois aufli more , mais pour un noble ufage y,
It même avec éclat y 5c fans foufFrir de mal.
l'our me faire fervir , vivant , on me maltraite^
Après ma mort , je commande à baguette ,.
Et mon moindre comm.andement
S'exécute trcs-promptement.
îl faut bien que de moi l'on puiiTe beaucoup dire j..
Car fonvent on reproche aux gens de trop de foi ,,
( Sérieufement ou pour rire )
Qu'ils font bien des contes de moi».
PÉCHÉ.
Je fuis encor plus eifroyzbfe ,
Que je ne parois à vos yeux :
On ne peut concevoir rien de plus odieux,.
Ni rien de plus abominable.
Le Péché eR repréfenté par un homme^
îrucî, & de carnation obfcure ; pour mar-
quer le dépouillement de la Grâce & la pri-
vation de la Lumière. Il court en forcené-
yers le fond d'un précipice. Ses cheveux
noirs, crépus & hériffés, indiquent lobr*
tination & Tefprit de révolte qui le gou-
verne. Il a pour ceinture un monftaieux.
Serpent y & un ver lui ronge le. cosuî.
I
= PÉ= 47i
ÉNIGME LXXXL
Je rîjis une crranHe affronreufs ,
Pour de pauvres petits ninis ;
Mais ceux que je pourfuis , ne-fe plaignent jamais,,
Quand , pour les attraper , je fuis affez heureule.
Je fais fouvsnt l'emploi des fainéans,
Ou de gens qui n'ont pas de pieibntes aSTair^s 3.
Car mon profit n'enrichît guères y
Et fait perdre beaucoup de temps.
Je fuis violente 6c traîrrefTs ,
Comme le grand Diable d'Enfer ,.
Pour ceux que je furprends 3 car j'ai toujours l'a^-
dreffe
De les prendre à la gorge > & d'y porter le fei'.
Enfin je fuis dangereufe & fatale
Aux fots qui de trop près viennent me carefTer.
Il vaudroit mieux pour eux aller pafler
Sous la ligne équinoxialc.
Pec une.
Arnobe & S. Auguftin ont reproché aux
Gentils d'avoir mis TArgenc au nombre
de leurs Divinités , & de l'invoquer pour
fe procurer de l'Argent en abondance. Ce-
pendant Juvenal , dans fa première Sa-
tyre 5 dit que l'Argent n'a encore ni Tem-=
47^ =P É =
pie , ni Aurel. <c Rien n'eft pîiis en vé-
>5 nération parmi nous que les Rlchelfes
« Il eft vrai , funeftes Richeiîe , tu n'asi
« point encore de Temple parmi nous j^
3> mais il ne nous manque plus que de
w t'en élever ôc de t'y adorer comme nous
>j adorons la Paix, la Bonne Foi 3 la Vic-
» toire 5 la Vertu , la Concorde. » Juve-
nal a pu ignorer qu'il y eut une DeefTe
Feciinia : car Varron dit qu'il y avoit bien
des Dieux , des Sacrifices Se des Cérémo-
nies que les Sçavans mêmes ne connoii^
foient pas,
PÉGASE,
Cheval ailé , que les Poë'ces nous onî
repréfenté comme fils de Neptune , fie
naître d'un coup de pied la Fontaine
d'Hippocrène y Bellerophon monta deffus ,
pour combattre la Chimère ; ôc il fut de-
puis mis entre les étoiles. Mais dans la
Vérité 5 ce Pégafe étoit proprement le nom
d'un VaifTeau de Bellerophon ^ & c'eft ce
qui a donné lieu à tant de Fables. ( Les l
autres difent que Pégafe naquit du faiig
de Médiife , qui coula de fon corps lorf-
que Perfée lui coupa la tète. )
Pégomancie,
Eipèee de Divination qui fe faifoit pas
= PÉ= 47?
Teau des fontaines , dans laquelle on jer-
toit des Sorts ou des efpèces de dez : on
en tiroit d'heureux préfages lorfqu' ils al-
loient au fond : mais s'ils s'arrêtoient fur
la furfaçe , c'éîoit mauvais Hgne.
ÉNIGME L XXX IL
Quoique j'enfonce mes morfures ,
7e mords prefque toujours fans faire de bleffures :
J'empêche de terribles maux >
S'il faut croire la Médecine ,
Ht je fuis quelquefois une bonne racine.
Mais pour faire la guerre à de vils animauz ,
J'emprunte les dents &: les cornes
Des Animaux les plus énormes.
Je pourrois n'être qu'un morceaa
Du plus miférable arbrilTeau ,
Ou de l'habit d'une vilaine bête ;
Et j'ofe me vanter de parer mieux la tête ,
Et des Amans & des Guerriers ,
Que les Myrtes y ni les Lauriers,
Je laboure un champ très-fertile :
Si Ton fruit neft pas fort utile,
Il peut au moins fervir à charmer les regards ^
Et l'on doit appeller le fond de ma culture ,
Le chef-d'œuvre de la Nature ,
Et la mère de tous les Arts.
Lorfc^ue ce Champ produir de belles plantes >
Mortes , je les cultive aufTi-bien que vivantes 5.
474 = P E ==
Ec de mes foins le plus fouvent ,
Le fujèt mort devient plus beau que le vivant>
ÉNIGME LXXXIÎL
Je laifTe à part & ma vie & ma mort ,
Mes courts cheveux d'éternelle verdure ,
Ma couleur jaune & ma forte nature 5
Voici le refte de mon fort.
Pour mieux agir , j'ai doubles armes :
Les employant avec vigueur,
Je détourne cent maux , j'éloigiit* leurs alarmes 5
Je mets l'ordre ou je paiTc, & j'en accrois les char-
mes ;
Je fais plaifir & même honneur.
Mais ce qu'on aura peine à croire ,
Je deviens fèc quand je fuis en repos ,
Et gras dans mes plus grands tra\2ux -y
Et je n'attaque point {ans gagner la Vidoiie,
Le plus fouvent , dans les jeunes Forets ,
Je vais , je viens , je m'occupe à la chafTe >
J'ajufte en d'autres des filèrs
Avec tant d'adre/Te & de grâce ,
Que plus d'un cœur s'y prend avec plaifir %■
Mais quelque courfe que je fafie ,
Que j'aille vite , ou que j'aille à loiiîr ,.
Jamais je ne me laife.
Peine.
La Peine Corporelle nous eft impofée
pour nous corriger. Celle du Cœur ôc de
TEiprit nous vient d'un décret d'en-haur^
6r a le même motif ^ c'eft un châtiment
particulier & non une punition exemplai-
re. On la repréfente donc allife à terre ,
la douleur peinte fur le vifage , les yeux
baiffés, les cheveux épars , & tenant une
Difcipline. L'Afpic, qui lui pique le fein ,
eO: l'Emblcme du Remord. Comme la
Peine n'efl: que pour un temps , on l'en-
vironne d'un léger Brouillard , qui fe dif-
flpe par les rayons d*un Soleil éclatant qui
brille au-delTus de fa tête.
Peine perdue.
Cette affaire elt-elle impoiTible ?
Cèfl en vain que tu l'entreprends j
C'eft vouloir tarir l'Océan avec un crible ,
Prendre la Lune avec les dents ,
Ou pour mieux m'expliquer encore y
C'eft vouloir faire blanc un More.
Peinture.
Il n^eft rien après la Nature ,
De plus parfait que la Pii>^ture ;
Aufli ce fut un Dieu qui, de Tes mains ^
L'enfçigna jadis aux humains.
!5I,
47(? t=PE==
La Teinture fe caradérife par u»e fem-lfal
me vêtue (împlement d'une étoffe chan-ps
géante , & en adion de peindre. Le ban-| «me
deau qu elle a fur la bouche fignifîe qu elkj i^nti
eft une Pocfie muette. Les trois parties!
qui la compofent, qui font l'invention j(i itti^:
le Deiïein & le Coloris , font dé/îgnées|
par trois Rayons de lumière , dont le pre-
mier éclaire fa Tête , le fécond fa Miin ,
& le troifième donne fur la Palette.
Philoftrate dit que la Peinture ell: une
Invention de la Nature \ Ôc en effet la Na-
ture nous a donné les premières idées de
cet Art merveilleux. Le Soleil , dès les
premiers jours du monde , non-feulement
s'eft peint dans les eaux ; mais il s'eil re-
produit dans des Parélies , qui font des
portraits fi fidèles , qu'à peine les peut-on
diftinguer de l'original. Sa lumière diver-
fement réfléchie , peint l'Iris de mille cou-
leurs , & nous fait voir dans la Mèr , dans
les Fleuves & dans les Fontaines , d'ad-
mirables portraits de tout ce qui pare la
Terre , ou qui brille dans les Cieux.
11 fembîe que la Nature , charmée de
fes productions , fe foit appliquée avec
foin à en faire des copies. Il n*eft prefque
rien qui n'ait fervi comme de toile à cette
merveilleufe ouvrière , pour y former Ces
portraits. On voit tous les jours fur des
= PE= 477
■Agathes 5 fur des Marbres , fur des Pier-
tes , fur des Arbres , des images naturel-
lement finies ; de qui repréfentenc mille
£gures bifarres.
La Nature ayant fait les premiers por-
traits 5 ht au(îi les premiers Peintres. Elle
infpira aux hommes le delfein de l'imi-
ter , de peut-être la Fortune contribuâ-
t-elle à faire réullir leurs recherches. C'eft
tout ce qu'on peut accorder au hafard
dans l'honneur de cette invention.
Pline nous apprend que la Fille de De-
butade , Corinthien , rêvant à fe confer-
ver en quelque manière la préfence de fon
Atnant qui devoit s'éloigner d'elle , tira
des traits fur fon ombre à la lumière d'une
lampe ; de ces traits fe trouvèrent avoir
heureufement affez de rapport avec le vi-
fage de fon Amant , pour qu'elle put fup«
porter fon abfence avec moins de dou-
leur.
Philoftrate , dans la vie d'Apollonius ,
dit que les premiers Peintres travaillant
enfuite dans ce vuide , apprirent peu-â-
peu à ménager le jour & les ombres ; en
quoi confifta d'abord toute leur habileté,
les Portraits n'étant alors que d'une feule
couleur. Ce fut encore un Corinthien ,
nommé Cléophante , qui s'en fervit le
premier, ôc qui palTant en Italie avec
478 =PE=_ Il
Démocrate 5 père de Tarquin l'Ancien 9! ;|'
y porta la première connoilTance de lai ï\
Peinture , en la trente - quatrième Olym- '^
piade. Avant lui , on fe contentoit , pour i
remplir le vuide des Portraits , de hacher j
le dedans , & d'écrire le nom de ceux \
qu'on prétendoit peindre. Tous n'arri-
voient pas même à cette fînefle \ ôc ceux
qui y réulHlfoient , paifoient dans cqs pre-
miers temps pour des hommes confom-
més dans l'Art. Les Égyptiens même qui
s'attribuent l'invention de tous Ïqs Arts ,
n'étoient guères plus habiles , puifqu'ils
étoient contraints d'écrire fous leurs Ta-
bleaux j le nom de ce qu'ils repréfen-
toient , pour ne pas donner lieu à quelque
méprife : mais ce défaut étoit alors com-
mun à tous les Peintres : tous leurs ou-
vrages n'étoient que des repréfentations
groiïières & informes. Toutes leurs figures
étoient mutilées: elles n'eurent ni pieds, ni
bras , pendant un fort grand nombre d'an-
nées. Elles furent encore plus long-temps
aveugles ; & celui qui réulîit enfin à leur
donner des yeux , fur confidéré comme un
homme qui avoir porté l'Art au plus haut
point de perFeilion. Ce qui eft vrai , c'ell
qu'il eut du moins la gloire d'avoir ouvert la
carrière. Ceux qui le fuivirent , ajoutèrent
à l'envi , quelque chofe à la Peinture. Po-
I
lîgnore fi: des portraits de quatre couleurs.
ApoHocore d'Ahènes invenca le Pinceau ;
•| ôc jurquà Zeuxis , divers Peintres ajoute-
ra reiic iuccellivement toutes les couleurs. Ils
f ; entreprirent même d'exprimer les PaHlons ,
i ': ôc tout ce qui fe pafTe de fecret dans l'âme.
■ , Cependant la Symmétrie n'ctoit point en-
: core obfervée , & Zeuxis , fi fameux d'ail-
■ leurs, péchoit dans tous ùs ouvrages con-
■ tre cette régularité. Mais dans ce même
i temps , Parrhaze Se Timante commencè-
, rent à l'obferver, & à la propofer comme
; une loi indifpenfable , fans laquelle on ne
■ pouvoir former que des mondt-es. Le pre-
mier en acquit le nom de Légiflareur ^ ôc
le {Qcond l'obferva Ci exactement, que fon
tableau des Sacrifices d'Iphigénie n'eft pas
plus eftimé par l'mvention , que celui de
fon Cyclope , par cette proportion qui y
eft il induftrieufement obfervée. En effet,
ayant peint Poliphème de la taille d'un
homme ordinaire , il en fait concevoir la
grandeur par l'oppofition de la petiteile de
quelques Satyres , qui mefurent le pouce
du Géant avec des brins d'herbe. Ce fut
prefque dans ce même-temps que Pam-
phile , ayant uni la Science â la Peinture y
acheva de perfectionner cet Art. Apelles,
qui vivoit en la cent douzième Olympia-
de , fut le premier Peintre de fon temps.
480 s=PE=œ
il l'on en excepte peut-être le feul Proto-
gène de Rhodes , avec lequel il eut cette
fameufe difpute que tout le monde fçait ,
6c dont il eftima les ouvrages jufqu'à payer
un de {qs Tableaux cinquante talens. C'eft
ainfi que la Peinture , depuis la quatre-
vingt- troiiième Olympiade jufqu'a la cent
douzième , c'eft-a-dire , en moins de cent
cinquante années , arriva a fa dernière per-
fedtion , après avoir langui pendant deux
Cécles entiers , fans aucun accroilTement
depuis fa nailTance en Grèce , & peut-être
àQS milliers d'années , (i l'on attribue fon
origine aux Égyptiens j & c'eft là le fen-
timent le plus probable , ptufque les Hié-
roglyphes doivent être regardés comme des
efpèces de Peintures,
On ne peut pas douter que la Peinture ;
ne foit aulîi ancienne que la Sculpture ,
ayant toutes deux pour principe le DeiTein. ,
Mais il eft difficile de fçavoir au vrai le ft
temps & le lieu où elles ont commencé ^^
de paroîcre. Les Égyptiens & les Grecs qui |]
fe difent les Inventeurs des plus beaux
Arts , n'ont pas manqué de s'attribuer la
gloire davoir été les premiers Sculpteurs
& les premiers Peintres. Quoi qu il en foit ,
il eft certain que la Peinture , après avoir
eu de foibles commencemens , a paru dans
fa perfedion chez les Grecs j & que les^
principales
fin
r=PE= 481
principales Écoles de cet Art étoient à Si-
cyone , Ville du Péloponnefe , â Rhodes ,.
ôc à Athènes. De la Grèce elle paiTa en
Italie , où elle fut en grande réparation
fur la fin de la République , & fous les
premiers Empereurs, jufqu'à ce qu'enfiii
le Luxe & les Guerres ayant dillipc l'Em-
pire Romain , elle y demeura entièrement
éteinte , auiîi bien que les autres Sciences
& les autres Arts *, 3c ne recommença à pa-
roître en Italie que quand le fameux Ci-
mabué fe mit à travailler , & rerira d'en-
tre les mains de certains Grecs les déplo-
rables reftes de cet Art. Quelques floren-
tins l'ayant fécondé , furent ceux qui fe
mirent les premiers en réputation. Néan-
moins il fe palla beaucoup de temps , fins
qu'il s'élevât aucun Peintre fort confidé-
rable. Le Ghirlandaio , Maître de Michel-
Ange 5 acquit le plus de crédit , quoique
fa manière fut féche & Gothique : mais
Michel-Ange fon Difciple , qui parut en-
fuite fous le Pape Jule II , au commen-
cement du feizième fiécle , effaça la Gloire
de tous ceux qui l'avoient précédé , ôc
forma l'Ecole de Florence. Pierre Peru-
gin eut pour élève Raphaël d'Urbin , qui
lurpaira de beaucoup fon Maître , & Mi-
chel-Ange mèm.e ; il établit l'Ecole de
Rome , compofée dts plus excellens Pein-
Tome lîL X
482 =PE=^
très qui ayent paru. Dans le même temps ■
l'École de Lombardie s'éleva , &c fe rendit 1
recommandable fous le Giorgion , & fous
le Titien , qui avoir eu pour premier maî-
tre Jean Belin. 11 y eut encore en Italie ;
quelques Écoles particulières fous différens .
Maîtres : entr'autres a Milan , celle de
Léonard de Vinci ^ mais on ne compte ;
que les trois premières comme les plus 1
célèbres , & d'où les autres font forties. i ,.
Outre celles-là , il y avoir en-deçà des iî
Monts, des Peintres qui n'avoient nul i '
commerce avec ceux d'Italie , comme Al-
bert Dure en Allemagne , Holbens en
Suiife 5 Lucas en Hollande , ôc pluJeurs ;
autres qui travailloient en France & en
Flandre , de différentes manières. Mais
l'Italie 5 Se Rome principalement, étoit
le lieu où cet Arc fe pratiquoit dans fa
plus grande perfedtion , & où de temps
en temps il s'élevoit d'excellens Peintres.
A l'École de Raphaël a fuccédé celle des
Caraches , laquelle a prefque duré juf-
qu à préfent dans leurs Élèves , mais il
en refce peu aujourd'liui en Italie, 3c il i
femble que cet Art ait paifé en France,
depuis que le Roi Louis le Grand a éta-
bli des Académies pour ceux qui le pra-
tiquent.
Quoique ce ne foie que fous le Règnejj^
J. J
de François 1 , le Reftaurateur des Scien-
ces & <ies beaux Arcs en France , que la
; Fcinîure ait commencé de s'y peifedion-
• ner, & de s'élever à ce point de gour 6c
; de génie où on la voit parvenue ; cepen-
; dant, depuis le milieu du dix-feptième
: fîècle 5 il paroît alTez que- cet Art , tout
î informe qu'il étoic alors , y a toujours été-
j en eftime & en confidération ; puifque la
. Communauté des Peintres ei^ une des pins
J anciennes:^ (Se depuis pluiieurs fiécles , une
.! des plus coniidérables de celles qui le font
.-, établies dans la Capitale du Royaume.
ni j C'eft l'Académie de Saint Luc qui corn-
:; pofe cette Communauté de Pdntrcs de
a Paris , dont les Statuts ne font que d^
;rl année \^G\, Us font au nombre de huit ,
i: & d'un ftyle fi fimple & ii naif , qu'on ne
:i peut douter qu'ils ne foient au moins da
:5 même âge que la troiiième race de nos
:. Rois. Charles VI y en 1^30, ajouta aux
;:! privilèges contenus dans ces Statuts , l'é-
:- :emption de toutes tailles , fubfides , guet,
;arde , ocz, Henri lll les confirma par
^ettres Patentes du 5 Janvier 1^533.
Dans le feizième fiécle , le: Écoles de
\inturcs écoient déjà célèbres a Rome ,
Florence , à Vernie & en Lombardie.
'AS Miche l'An ^^e ^ les Raphaël ^ les Cor-
^iéCEoient prêts de paroître , que nous
Xi;
(
484 =PE=^
étions réduits , en France , a ne produire
que des Tableaux informes , ou quelques
Miniatures, délicates à la vérité & d'un
beau coloris , mais fans feu d'imagination
& fans génie. Les Flamands , nos voifins ,
dès-lors 3 non-feulement nous furpafsè-
rent , mais encore égalèrent les. Artiftes.
d'Italie. . ii\'ir> |
Jean Vaneyk , à Bruges , vers le milieu!
du quinzième fiécle , trouva le fecret del
fubftituer au vernis que les Peintres avoientji
déjà employé pour donner de l'éclat à leurs!
ouvrages , le mélange de l'huile de lin avec
les couleurs j découverte heureufe , qui;
rendit la Peinture fufceptible du degré del
perfeétion , où elle eft parvenue" depuis. •
Philippe le Bon , Duc de Bourgogne.,
Prote6teur de tous les Beaux Arts , exerça
les ralens du Peintre de Bruges , &. fît exé-
cuter les tableaux de fa compofition à it^
Manufaétures de TapifTeries , établies dan
les pays-bas , les plus anciennes & les feu
les qu'il y eut alors en Europe. Vaneyk fu
en fi grande réputation , q^\x Antoine de
Mefline , fameux Peintre Italien , vint de-
meurer à Bruges , dans la feule vue de con
noîtM le Peintre Flamand , ou plutôt fonj "^
fecrèt , qu'en effet il porta en Italie.
Ce ne fut que fous les Règnes de Louis ^°'
Xlll ôc de Louis XIF ^ que la Peinturé
= PE= 48?
Zc la Sculpture commencèrent à faire des
progrès en France. Ces beaux Arcs doivent
leur établifTemenc en Académie à M. des
Noyers , Secrétaire d'Etat & Intendant des
Bâtimens du Roi , fous Louis XIII.
Cette Académie fut m.ife enfuite fous
la direction de M. de Chambrai^ frère de
M. Champelon. Après la mort de ces Pro-
tedeuis , elle demeura fort négligée. Lo
Chancelier Seguier , avec la protection du
Cardinal Mazarin , la rétablir , & le grand
Colbert enfuite , qui nç cenfant de la pro-
téger, ordonna ^,^^ penfions à ceux qui fe
dillîngueroient d'entre les autres.
Cette Académie obtint, le 20 Janvier
1(^48 , un Arrêt du Confeil , qui fit dé-
fenfes aux Maîtres Pemtres & Sculpteurs ,
de troubler les Académiciens dans leurs
exercices. Dans le commencement ils
ëtoient au nombre de vingt-cinq j fça-
voir 5 douze Officiers , que l'on appelioic
•Anciens ; Se qui, chacun dans leurs mois,
faifoient des leçons publiques j de onz5
Académiciens ôc deux Syndics.
Dès le mois de Février de la même an-
née 5 cette Compagnie drefTa des Statuts ,
pour fervir de Règlemens aux Académi-
ciens &c à ceux qui y viendroient étudier.
Ces Statuts ont été augmentés depuis , &c
lîomolcgués par Lettres Patentes du Roi.
X iij
Elle choifit aufîî entie ceux de Ton corps
un nombre de Profefreurs , qui y depuis ce
temps , font des Leçons Publiques de Feijz-
ture ôc de Sculpture j ce qui eft défendu à
tous les autres. Elle peut auflî établir des!
Leçons Académiques dans toutes les Villest
du Royaume , fous {^s. ordres.
Le Roi en a fondé une pareille à Rome,;
où celle de Paris envoie un de ^^s, Rec-i
teUi^fO'^J^ y préfider ^ & Sa Majefté donne!
'-eniîon au.^ étudians qui ont remporté ï
l'Académie uC P.^^"^^ '--' ^^^^^ q"^ l'on donne;
tous les ans ; & ce fonr ^Z ^^"^lans que:
l'on envoie à Rome , pour y étudier va
Peinture & la Sculpture,
Les Officiers de \ Académie Royale de
Paris ^ font un Diredbear , un Chancelier,,
quatre Redeurs > deux Adjoinrs & douze
ProfelTeurs , qui fervent par mois. Huit
Adjoints , un ProfeiTeur en Géométrie 5i
Perfpedive , & un d'Anatomie , pour ce
qui regarde le DsfTein. Il y a aufli un Tré-
forier & plufieurs Confeillers , qui font
divifés en deux ClaiTes , dont la première
eft compofée de ceux qui fonr profeflion
de Peinture &z de Sculpture dans toute
leur étendue \ & l'autre ne l'eft que de
ceux qui excellent dans quelque partie de
la Peinture 3c de la Sculpture , comme à
faire d^s Portraits , des Payfages , des
= P E = 487
Pleurs ou des Fruits , en quoi ils ont quel-
que talent particulier.
II y a en outre > quelques Confeillers
Amateurs ; on les appelle ainfi , à caufe
de TAmour qu'ils ont pour cet Art. Il y a
de plus un Secrétaire de l'Académie , qui
tient les Regiftres , 3c contrefigne toutes
les expéditions. Les habiles Graveurs font
reçus dans cette Académie. Les Elèves ,
■qui n'ont pas alTez de capacité pour être
reçus Académiciens ^ peuvent fe faire re-
cevoir Maîtres dans toutes les Villes du
Royaume, fur le certificat de celui chez
qui ils ont demeuré , fans qu'on leur puifTc
apporter aucun changement.
Outre cette Académie Royale de Pein^
ture & de Sculpture 5 il y a V Académie Ro-
umaine , dite de S, Luc ^ qui eft la Com-
'munauté des Peintres , dont on a parle.
Ces deux Académies expofent alternative-
ment, tous les ans, leurs Tableaux aux
yeux du Public ; l'une au Louvre; & celle
de S. Luc , tantôt a l'Arfenal , tantôt
ailleurs.
L'Académie Royale de Peinture 8c de
Sculpture 5 en France, jouit de la première
'réputation. Aucune , dit M. Patte , ne
polTede des Artiftes aulîi célèbres ; nucune
ne produit àt^ Chefs d'oeuvre auiîi mul-
lipliés,
Xiv
Le plafond de l'Apothéofe ^Hercule , ; iule
à Verîailles , par Al. le Moine , eft un des \^i
plus grands Ouvrages de Peinture qui ' li
ayenr écé exécutés. On admire la compo- \%
fition àtz Tableaux de l'Hiftoire à' Efiher ^
ôc de celle de Jafon , par M. Troys ; on
connoît ceux de THilloire de S, Aïigujlin ,
du facrifice d'Iphigénie , de Carlo Vanloo, i A
Les Animaux ont eu des Peintres fupé- ||11
rieurs dans Defportes ôc Houdry : Parocelm.
a été unique pour repréfenter les Batailles, Ip
l'Archiredure, les Vues, Perfpedtives des m
Èglifes ] la Marine , le Soleil levant ou
couchant, les Tempêtes, les Naufrages,
les Ports de Mèr , ont eu &c ont des Pein-
très excellens j tous les deux ans , nous
jouiflons , au falon , des chefs-d'œuvre
réunis de nos Pkydias & de nos Apelles,
Sous ce Règne de Louis XV ^ deux dé-
couvertes importantes fe font faites ; la
première , qui eft due à M. Picaut , eft
celle d'avoir trouvé le moyen de donner i
un nouvel être aux Tableaux ufés de nos
grands Maîtres , en les tranfportant fur
une. nouvelle toile , fans rien leur oter de
îeur coloris , & même d'avoir trouvé le
Secret de tranfpprter fur une toile les Ta-
bleaux à frefque de àt'^yxs les murailles,
aufli bien que les Peintures fur bois , fans
les altérer en aucune manière j l'autre ma-
i
= PE= 48^
nîere , duc â M. Loriot , eft d'avoir ima-
giné de fixer la Peinture au Pajlel , fans
lui ôter ni la fleur ni la fraîcheur des cou-
leurs ; ce beau fecrèt donne à la véracité
de ces ouvrages , la folidicé de ceux qui
font peints à l'huile , les préferve de l'hu-
midité qai les détruifoit , ôc perpétue les
Ouvrages en ce genre , dignes de paiTer
a la poftérité. Ce que Boileau a fait pour
les Poètes , M. Watelet l'a fait pour les
Peintres , c'eft-à-dire , qu'il a donné l'Arc
de peindre , Poème en quatre chants ; ou-
vrage rempli de réflexions judicieufes. Se
comme autant de leçons fur toutes les par-
ties de la Peinture.
Le Brun , eni66j^^ efl: le premier , fous
Louis XIV ^ qui eut l'honneur d'avoir le
titre de Premier Peintre du Roi: M. Bou-
cher l'eft de Louis XV , depuis la m.orr
du célèbre Carlo Vanloo ^ arrivée au mois
d'Août 17^5.
[PARTIES ESSENTIELLES
D E L A P E I N T U R E.
ï-SYT-^rios y Disposition , Exprzssioiz ,
Trait, poser lis Ombres et les Jours ,
répaxdre les couleurs,
Invention.
V Invention eft la production & le choix
Xv
des objets qui doivent enrrer dans la cam-
pofîrion du fujèt que le Peintre veut traiter.
U Invention n'eft qu'une partie de la
difpolîtion qui confîfte à placer ces mêmes
objets avantageufement. 11 faut faire at-
tention que les objets qu'on introduit dans
un Tableau , doivent tous contribuer à
l'Expreiîion &: au caractère du fujèt. L'/zr-;
vention , par rapport à la Peinture ^ fe peutl
conlidcrer de trois manières : le Genre
Hijiorique^ le Genre Allégorique & 1q
-Genre Myjiique.
Le Genre Hijiorlque efi: le plus consi-
dérable en Peinture , il confîfte a unir plu-
fîeurs figures enfemble , qui repréfentenc j
un fujèt tiré de la Fable , ou de l'Hiftoi
re , ou purement Allégorique. Pluiîeursl
Auteurs , entr'autres de Pile , donnent à
ce terme une fignification plus étendue ,
& renferment , dans le Genre Hiftorique ,
la repréfentation de toutes les produdtions
de l'Art &: de la Nature. On exige dans
ce genre la Fidélité, h. Netteté & le beaut
Choix. La Fidélité de THiftoire n^eft pas
de l'elTence de la Peinture , mais elle eft
de convenance; enforte qu'il faut traiter
les chofes tirées de la Fable ou de l'Hif-
toire, fuivant l'opinion qu'en ont commu-
nément les hommes , par des Auteurs, ou
par la Tradition ; cependant il eft permis
= P E -= 4P 1
également aux Peintres de aux Poètes de Te
donner une licence modérée , ôc d'intro-
duire quelques traits d'imagination dans
les fujcts Hifioriques qui peuvent le fouF-
frir. A l'égard de la Netteté ^ elle confifte
à failir quelques marques diftinctives d'un
fujèt, (Se à le rendre de manière, que le
fpedlateur éclairé ne puiiTe pas le confon-
dre avec un autre. Enhn le beau Choix eft
la partie où brille le génie du Peintre. Un
grand fujèc eft fufceptible de beaucoup de
rtoblefTe & de grandeur dans les figures ,
de force & d'exprelîion dans les attitudes ,
de variété & d'action dans la Scène du Ta-
bleau , &c. Un petit fujèt doit fe faire re-
marquer par une manière de le traiter,
iieuve , élégante, intérefTantCr
Le genre Allégorique eft repréfente par
le choix & par la difpoficion àes objets ,
autres que ce que ces objets font en effer.-
Les fujèts font Allégoriques en tout ou en
partie»^ Les fujèts Allégoriques en partie,
contiennent un mélange de Traits fabu-
leux & d'Hiftoires , qui concourent à for-
mer un touc parfait. \^qs fujèts puremenc
Allégoriques , doivent offrir aux yeiix , àt%
figures Symboliques 5 avec leurs Attributs
reçus &: connus > afin qu'on comprenne fa-
cilement le fujèr Moral , Hiftonque , Ga-
lant, ou Crici-^ue 5 traité par le Pdntre»
Xvj
YJ2. =PE== I
Le Genre Myjiique , eft celui où Toft 1 \m
repréfenre fous des figures Symboliques, ibjè
quelque Myftère de notre Religion. Il faut \
que l'invention , dans ce genre , foit pure
éc fans mélange d'objets tirés de la Fable y
elle doit être auffi fondée fur l'Hiftoire
Eccléfiaftique. Ce Genre ne peut jamais
être traité d'un ftyle trop grand, ni trop
majeftueux.
Disposition.
La Difpojition efl: cette (Economie > &
ce bon Ordre de toutes les parties d'un
Tableau , de manière qu'il en réfulte un
etfet avantageux. La Difpojition fait partie
de la Compofirion, Elle arrange &: lie tous
les objets avec netteté & fans confufion.
Elle place les principales figures dans les
endroits les plus apparents , fans affeéia-
tion ; enfin , elle donne de la force & de
la grâce aux chofes inventées. On doit ob-
ferver que dans l'CEconomie de tout l'ou-
vrage , la qualité du fujèt doit fe faire fen-
tir d'abord , & le Tableau doit , du pre-
mier coup d'ceil , infpirer la Paiîion prin-
cipale qu'on a entrepris de traiter.
Exprès sion.
ISExpreJJîon eft la repréfenration àes
Mouvemens de l'âme & des Paillons. Il
tauc que les ExpreJJions foienc propres au
fujèc ; & que les principales figures ea
ayerw: de nobles &: de frappantes. On doit
fuir également les ExprejJions exagérées,
& celles qui font infipides. Un habile
Artifle fçaic faire concourir à ÏExpreJJion
générale du fujèt , les objets mêmes les
plus inanimés , par la manière dont il les
cxpofe.
On dit communément que le DefTein
& le Coloris , font le corps de la Peinture >
& que VExprcJJîon en eft l'âme.
Memhris addenda eji ignea r'irtus
Scil'icet , atqiie hebetes anima ïnfundenda per aT-
tus :
Singula vitali Jplrcnt anlmata colore,
Gefius uhique micet vivax , rultufque loquaces
Spiritus intus alat,
PicTURA, Carmen.
UExprejUion , dit M. de Piles , eft la
pierre de touche de l'efprit du Peintre.
Raphaël , Jule Romain , & le Domini-
quin , ont excellé dans VExpreJJïon. Les
principales qualités de VExpreJjîon , font
la JuftefTe &: ia Vérité , le Naturel , la No-
blefle , la Vivacité , la Finefle.
Trait.
Le Trait eft ce qui termine Tétenduc
^p^ ==rrr P E ==
de la fiuface d'un: fujèt. Se ce qui marque*:
les diverfes parties qu'elle renferme. C'eft
par le moyen du Trait qu'on parcoure tous
les objets vilibles de la Nature , Ôc les clio-
fés que rimagination peur fe repréfenter
fous des figures corporelles. Il donne au
corps les formes ,. les afpeds ôc les fitua-
tions qui leur conviennenr ; il" faidc me- \
me,, fous la. main d'un habile Efeiîînateur,
jufqu'aux mouvemens de l'âme»- On doit
amortir les Traits dont font formées les
parties de l'Ouvrage dans les Tableaux^
qui doivent être vus de près ; mais il faut
que le Trait foit artiflement prononcé dans
les Tableaux qui doivent être vus de loin,
enforte néanmoins qu'il ne paroiiïe point
du lieu d'où ils doivent être regardés.
Poser les Ombres ej les Jours.
C'eft repréfenter les Ombres, les placer
où elles doivent être. Il faut tracer les pre-
miers Traits d'une figure y d'un deffein ,.
avant que de Tombrer. On imite les Om-
bres réelles , en obfcurci(ranr peu à peu les
couleurs des objets qui ne font pas expo-
{és à la liunière. La plus grande difficulté
du Coloris , eft de fçavoir ménager à pro-^
pos les Jours ôc les Omtres.
C'eft l'Art du Pein-c de diftribuer
avantageufemenc ks Lumières iSc les Om-
bres, tant pour le repos & la fatlsfadioii
des yeux , que pour l'ettèr du tour enfem-
ble. C'eft par ce moyen , que le Peintre
donne du relief aux obiers , 8c qu'il les
rend plus vrais & plus fenfibles. L'artifice
du clair-obfcut dépend aulîi de la difpo-
fition des objets , dts couleurs Se des acci-
dens» L'intelligence de cette partie eft ef-
fentielle â un Peintre , pour empêcher la
dilîipation de la vue' , par des grouppes de
Lumières &c d'Ombres; pour fçavoir met-
tre chaque objet dans le jour qui lui eft
le plus favorable; enfin pour lier, par le
moyen des Ombres & des Clairs toutes
les parties du Tableau , enforte qu'il ne
faffe qu'ua tout Ôc un enfemble parfait.
II faut du repos dans un TaLleau. Cer-
tains endroits où les- grandes Lumières
font rompues par de grandes Ombres , dé-
laffent la vue". Se lui fervent en quelque
forte de repos..
<« Ces repos , dit M. de Piles , fe font
5> de deux manières , doat l'une eft natu-
5> relie y &c l'autre arriticielle. La naturelle
» fe fait par une étendue de Clairs ôc
» d'Ombres , qui fuivent naturellement
1 3» & nécelfairement les corps folides y ou
« les maffes de plufieurs figures group-
3> pées . lorfque le jour vient à frapper
» deffus. L'artificielle con(ifte dans les
H
4^(5- ^3^ p E = "
»» corps des couleurs que le Peintre donne |
33 à certaines chofes, tel qu'il lui plaît, &C
» les compofe de force qu'elles ne falFent
y> point de tort aux objets qui font auprès
» d'elles. Une draperie, par exemple, que
3' l'on aura faite jaune ou rouge en certains
»j endroits , pourra être dans un autre de
M couleur brune, Se y conviendra mieux,
•> pour produire l'effet que l'on demande.
Les figures jettées en grand nombre,
ou repréfentées fous des attitudes trop
vives , & trop bruyantes , étourdilTent la
vue, 8c troublent ce repos, ce filence qui
doit régner dans une belle compofition.
Arcenda taheltis
Turha figurarum , nimlo confufa tamuUu,
Indîfcreta loc'is ^ uhi concurrentia pajfim
Corpora corporihus, quafi mutua bella lacefcuntj
Etmalé contiguis fih'i frangunc artuhus anus.
Sîtprocul iftefragor, placido fed in œquore tdce
Serpat amcEna Quies & doBia Silentîa régnent,
FxCTURA.
REPANDRE LES CoULEURS.
Il y a beaucoup d'Art dans la Diftribu-
tion àes Couleurs ; car il faut non-feule-
ment qu'elles foient propres à l'objet par-
ticulier qu'on veut repréfenter , mais il
faut encore qu'elles s'accotdsnc & falfent
i\ Harmonie avec le tout enfemble : c'eH:
:: pourquoi l'on doit les aflocier de telle
; forte , qu'elles fe tiennsnt fous l'éclat
i d'une principale , qui foit participante de
; la lumière qui règne fur tout le Tableau,
; les rangeant comme en efpèce de Group-
: pe , où. il y ait un nœud, une chaîne, dc
, des nuances qui falTent entre elles une
, union agréable. On relève l'éclat par un
, contrafte qui les interrompt à propos ,
3 pour y mettre des effets piquans. On doit
les dégrader fuivant ce que la Perfpective
enfeigne ; il eft aulfi d'ufage de mettre
fur le devant du Tableau celles qui font
les plus vives , ahn de repouffer & de
faire fuir en arrière celles qui doivent
s'éloigner : c'efl: encore au premier rang
que Ion doit appliquer les Couleurs gla-
cées , comme étant les plus éclatantes.
La Science du Coloris donne au corps
que l'on veut peindre, les Lumières, les
Ombres , & les Couleurs qui leur con-
viennent j elle fait connoitre l'Amitié en
quelque forte ou l'Antipathie qui font
entre certaines Couleurs. C'efl enfin cette
partie, qui rend le Peintre le plus parfait
imitateur de la Nature.
LES ÉCOLES DE PEINTURE,
S Ç A V O I R >
T L OREKTiKJS, Romaine, Lo m bardjê y
Vénitienne, Allemande^
Fl a m a n d Ey Françoise,
École Florentine.
Les Peintres de cette École fe font ren
dus recommandables pair une Imagination
vive , noble &c féconde ; par un Pinceau
en même temps hardi , corredt Se gra^
çieiix ; par un Style noble & fublime
Léonard de Vinci, &c le fameux Michel-
Ange en font regardés comme les Fonda*
teurs.
École Romaine..
Les Peintres de cette École mettent Ra-
phaël à leur tète. On trouve dans les Ou-
vrages de ces habiles Alaîtres , un goût
formé fur l'Antique , un Sryle poétique
embelli par tout ce qu'une heureufe Ima-
gination peur inventer de grand, de pa-
thétique de d'extraordinaire.
On ne peut voir fans étonnement la
multitude des Ouvrages qui font fortis de
cette Ecole ; fa touche efî: facile,, fçavan-
te> correcte de graçieufe. Sa Compofîtioa
elt quelquefois bizarre , mais élégante ^
= P E == 4P5>
elle a mis beaucoup de Vérité dans les
airs de tête, de Fineffe dans les expref-
(ions , ôc d'intelligence dans le concrafte
des attitudes. Le Coloris eft la partie q^iii
eft négligée par cette Ecole.
École Lombarde*
Le grand goût de Delfein fur l'Antl-'
que Se fur le beau naturel 5 des Confiours-
coalans^ une riche Ordonnance, une belle.
Expreffion, des Couleurs fondues, fort ap-
prochantes du naturel, un Pinceau léger,
moelleux, une Tc:L:cheicav^^-^s> noble ôC
^ràÇ'icaie; c'eft ce quicaradtefl^C f^'^s or-
dinairement les Ouvrages des célèbres Ar--
tiftes de cette École, qui doit fa nailfaace
au Cortège^
École Vénitienne..
On a mis le Giorgion & le Titien i
la tête des célèbres Artiftes de cette Eco-
le. Un fçavant Coloris , une grande In*
telîigence du clair -obfcur, des Touches,
graçieufes & fpirituelles , une Imitation
fîmple & graçieufe de la Nature, qui va
jufqu^à féduire les yeux ^ voilà en général
ce qui caraâ:érife les Ouvrages que cette
École a produites. On a reproché à l'É-
cole Romaine d'avoir négligé le Coloris ^
on peut au contraire reprocher à celle-d
«l'avoir néAi2.é le Deffein.
École Allemande.
(on
Les Ouvrages de cette École fe recoîi"
noifTent à une repréfentarion de la Natu-P"
re, telle qu'on la voit avec (es défauts , ôc
non comme elle pourroit être dans fa pu-
reté. Les Peintres Allemands fe font plus
attachés à finir leurs fujèts , qu'à les bien
difpofer. Ils ont affez bien polfédé le Co-
loris j leur Delfein eft sèc , leurs figures ,
pour l'ordinaire, infipides, & leurs Dra-
peries d'un mauvais goût.
On compre, dans cette Ecole, des Pein-
tres exempts de ces défauts ; mais ils font
en trop petit nombre pour faire porter un
autre jugement fur le goût général de la
Nation , à l'égard de la Peinture.
École Flamande.
On diflingue les Ouvrages de cette
Ecole, à une parfaite intelligence du clair-
obfcur , à un travail achevé ôc fini , fans
iecherelfe, à une union fçavante de cou-
leurs bien afforties, de à un Pinceau moel-
leux. Pour {qs défauts, ils lui font com-
muns avec l'École Allemande.
Les Peintres Flamands ont été des imi-
,, uteurs trop fer viles de la Nature j ils
^' Vont rendue telle qu'elle éroic , & non
comni^ elle pourroïc être. Ces reproches
ne tombent point fur certains Peintres ,
I &c fingulièrement fur Rubens 6c Van-
i-l dick , que la fupériorité de leurs talens ôc
:-! l'élévation de leurs génies mettent au rang
t des plus célèbres Arciftes de l'Univers.
Ecole Françoise.
al II eft difficile de caraclérifer en général
-Iles Ouvrages des Peintres François, oa
, plutôt l'on peut dire que cette Ecole ren-
,. ferme en elle tous les goûts de tous les
genres de Peinture. En effet, les jeunes
;.; Elèves, qui ont mérité, par leurs talens,
de faire un féjour en Italie, fous la pro-
ledion &c aux frais de Sa Majedé , s'atta-
chent chacun en particulier aux Ouvrages
de Peinture qui les frappent davantage, Sc
s'approprient en quelque forte fa manière,
ou ils empruntent quelque chofe de routes
les Écoles Ôc de tous les Maîtres , pour fe
faire un Style propre en original.
Cefl ce qu'on peut voir par l'Hiftoire
particulière de chaque Peintre François.
Au refte , il faut convenir que l'École
Françoife eft la plus célèbre , pour le
genre, noble ôc hiftorique ; &c que les
<jrâces, le Génie, l'Elégance, le Sublime
même , fe font remarquer dans les Ta-i ^
bleaux des fçavans Maîtres, qui font aii-Uot
jourd'hui la gloire du Royaume ôc iW-|>p
miration des Amateurs de tous Pays. ; 0
n ' 'If
PiLASGUS. ''■
Pélafgus fut le premier homme quî |
parut dans ie Pays d'Arcadie , fuivant la \
tradition des Arcadiens , dit Paufanias, |j(
<|ui explique cette tradition , en dlfant :
o> Selon toute apparence , ils ne veulent
» pas dire qu'il s'y foit trouvé feul j car
>j îur quai auroit-il régné ? Je crois donc,
» pour moi, que Pélafgus étoit un homme
85 extraordinairement avantagé du Ciel ,
» qui furpafToit les autres en grandeur, en
o» force, en bonne mine, & en toutes les
3> qualités de refprit & du corps. 3> 11 ap-
prit aux Arcadiens à fe faire des cabanes
qui pufTent les garantir de la pluie , du
froid & du chaud, en un mot de l'inclé-
iTience des Saifons : il leur apprit au:ii à
fe vêtir de peaux de SangHers. Jufques-là,
ils ne s'étoient nourris que de feuilles
d'Arbres , d'herbes Ôc de racines , dont
quelques ~ unes , bien loin d'être bonnes
à manger, étoient nuifibles. Il leur con-
feilla l'ufage du glani, ou, pour mieux
dire, du fruit que porte le Hêtre ; & cette
fiourritute leux devint ii ordinaire , que
j = P É = -yo ?■
long-temps après Pelafgns , les Lacédé-
Tîoniens venant confulrer la Pythia fur la
[guerre qu'ils vouloient faire aux Arca-
Jiens 5 pour les en détourner , elle leur
répondit : Un Peuple qui vit de gland,
îft bien terrible dans les combats*
PÉLEADE5.
C'étoient des Filles qui demeuroienc
:hez les Dodonéens. Elles éroient douées
.tilu Don de Prophétie, au rapport de Pau-
irTanias, qui cite d'elles ces paroles : « Ju-
» piter a été , eft , & fera. O grand Jupiter !
> c'eft par ton fecours que la Terre nous
1 donne fes fruits : nous la difons notre
rmère à jufte titre. «
PELÉE.
Pelée ^ père d'Achille, étoit fils du cé-
èbre Éaque, Roi d'Egine, & de la Nym-
ihe Endéïs , fille de Chiron , ayant été
ondamîié à un exil perpétuel avec fon
rère Télmion , pour avoir tué leur frère
•hocus , quoique par niégarde , il alla
hercher uae retraite à Pthie en Thefifa-
ie, oLi il épouTa Antigone , fille du Roi
Lurythio:: , qui lui donna en dot la troi-
;ème pi^cie de (on Rovaume. Pelée ^ in-
ité à la fameufe chalFe de Calydon , y
jfrf.lla avec fon beau-père , qu'il eut le mal-
^04 t= P É =
heur de tuer, en lançant Ton javelot con-
tre un Sanglier : autre meurtre involon-
taire 5 qui l'obligea encore de s'exiler. 1
fe rendit à îolchos auprès du Roi Acafte.
qui lui fit la Cérémonie de l'Expiation,
Mais une nouvelle aventure vint encore
troubler fon repos en cette Cour. Il infpi-
ra de l'amour à la Reine, qui, le trouvant
infeiifîble, l'accufa auprès d'Acafte d'avoir
voulu la réduire. Acafte le nt conduire fui
le Mont Pélion , lié ôc garrotté , Se or-
donna qu'on l'y laifsat ainfi expofé à la
merci des bêtes. Pé/ée trouva le moyen
de rompre (es chaînes. Se avec le fecours
de quelques amis, Jafon, Caftor & Poi-
lux , il rentra de force dans Iolchos , 3c y
tua la Reine. La Fable dit que Jupiter,
fon grand-père, l'avoit fait délier par Plu-
ton , qui lui donna une Épée , avec la-
quelle il fe vengea de la malice ôc de la
cruauté de cette femme.
Pelée époufa en fécondes noces Thétis,
fœur du Roi Scyros, dont il eut Achille.
Il envoya fon dis Se fon petit-fils, à la tête
des Myridons, au fiége de Troye. Il voua,
dit Homère , au Fleuve Sperchius la che-
velure d'Achille , s'il revenoit heureufe-
ment en fa Patrie. Pé/ée furvécut de plu-
fîeurs années à la fin de cette guerre. Dans
l'Andromaque d'Euripide , le vieux Pe/éc
parok
k
paioît (ians le temps que Ménélas & Her-
mione fa fille fe préparent à faire mourir
Andromaque : il la délivre de leurs m.ains
après une vive conreftacion , dans laquelle
les deux Princes en viennent aux invec-
tives. Bientôt après il apprend la mort
rragique de fon petit-fils Pyrrhus : il fe
défefpère , & voudroit qu'il eût été enCo^
veli fous les ruines de Troye. Thétis vient
: le confoler, &c lui promet la Divinité:
■ pour cela elle lui ordonne de fe retirer
'i dans une grotte des Ifles fortunées , où il
: reverra Achille déifié : que là elle vien-
dra le prendre , accompagnée <ies cin-
■ quante Néréides, pour l'enlever, cormne
fcn Époux 5 dans le Palais de Ncrée , en
lui donnant la qualité de Demi-Dieu. Les
.• Habirans de Pella en Macédoine offroienc
;• des Sacrifices à Fêlée : on lui immoloi^
; même tous les ans une Vidime humaine.
I PÉLIAS.
Pélias étoit fils de la Nymphe Tyro &
de Neptune , ou plutôt de quelqu'un de
es Piètres. Il ufurpa le Trône d'iolchos
'ur Éfon fon frère de mère , & l'obligea
i vivre en fimple particulier : mais ayant
ippris de l'Oracle de Delphes, qu'il feroit
létrôné par un Prince du fang des Éoli-
Jes, il regarda Jafon fon neveu comme
Tom^ III. Y
i^
yo5 i=PÉ==
celui que TOracle défignoit , & chercha
tous les moyens de le faire périr. Il jouit
toute fa vie de fon ufurpation, lit mou-
rir Éfon & fa femme , & ne mourut que
dans un âge fort avancé , laiiTant fa Cou-
ronne à fon fils Acaftç. Les Argonautes , â
leur retour , célébrèrent en fon honneur des
Jeux funèbres. Ovide & Paufanias racon-
tent autrement fa mort.
Médée ayant eu le fecrèt de rajeunir le
père de Jafon , les filles de Pélias^ éton-
nées de ce prodige , la prièrent de vouloir
ufer du même fecrèt pour leur père. Mé-
dée 5 pour venger fon beau-père & fon
époux de Tufurpation de Pélias , leur of-
frit fes fervices. D'abord elle prit un vieuic
Bélier en leur préfence, le coupa en mor-
ceaux , le jerta dans une chaudière, & après
y avoir mêlé je ne fçais quelles herbes , le
retira , & le fit voir transformé en un jeune
Agneau. Elle propofa de faire la même
expérience fur la perfonne du Roi ; elle
le diiféqua de même , & le jetta dans une
chaudière d'eau bouillante \ mais la perfide
l'y laiffa jufqu'à ce que le feu Teût entière-
ment confumé , de forte que fes Filles ne
purent pas même lui donner la fépulture.
Ovide dit de plus , que ce furent les pro-
pres Filles de Pélias^ qui l'égorgèrent Se
le mirent en morceaux. Ces malheureufes
ï^rincefTes , honteufes Se défefpérées de
s'être Cl cruellement abufées, s'allèrent ca-
cher dans l'Arcadie, où elles finirent leurs
jours dans les larmes & dans les regrets.
Paufanias les nomme Aftéropie ôc Anti-
noë. La Fable de Pillas tué par Médée ,
n'eft qu'une fuite du caractère de Magi-
cienne 5 que les Grecs ont voulu donner à
Médée.
PÉLION,
Montagne de Theffalie , voiflne de
roda : les Poètes font mettre aux Géans
l'OlTa fur le Pélion , pour efcalader le Ciel
& en charter les Dieux.
PÉLOPS,
Fils de Tantale , Roi de Lydie , ayant
été obligé de fortir de fon pays , â caufe
de la guerre que lui fit Tros , pour venger
l'enlevernent de Ganymède , fe retira à
Pife en Élide , où il vit la PrincefTe Hip-
podamie , & fe mit auili-tot au nom.bre de
Tes précendans ; mais il fut plus heureux
qu'eux tous. Avant de combattre contre
^nomaiis , père de la Princefle , il fit un
facrifice à Minerve Cydonia , & par fa
3rotet5bion il refta vidorieux , podefleur
de la PrincelTe & Roi de Pife. A la Ville
de Pife il joignit celle d'Olympie & pin-
Yij
' I
fleurs autres terres , dont il aggrandit fesl
Etats 5 auxquels il donna le nom de Pé-
loponèfe.
La Fable dit que Neptune , charmé de
la beauté du jeune Pélops ^ l'enleva dans
le Ciel pour lui verfer le Nedar : mais
-le crime de Tantale ayant caufé la dif-
grace de Pélops, il fut renvoyé fur la terre ;
c'eft-à-dire , que ce Prince fit quelques
courfes fur mèr ^ enfuite il alla à Éliie
chez (Sncmaiis. Quand il fut queftion de
combattre pour la pofTelîion d'Hippoda-
mie 5 Neptune , qui avoir toujours de l'af-
feAion pour Pélops , lui fit préfent d'un
char &: de deux chevaux ailés , avec lef-
quels il ne pouvoir manquer de vaincre à
la courfe.
Ovide rapporte une autre Fable fur Pé"
lops. ce Les Dieux , dit - il , étant allé
» loger chez Tantale , ce Prince voulut
jj éprouver leur Divinité , & pour cet effec
» il leur fit fervir lé corps du jeune Pé^
>y lops fon fils , mêlé avec d'autres vian-
y des. Céiès qui avoir trouvé le ragoût ex-
3> cellent , en avoit déjà mangé une épaule,
a» lorfque Jupiter découvrit la barbare eu*
j> riofité de Tantale ; il redonna la vie au
» jeune Prince, après lui avoir remis une
w épaule d'ivoire à la place de celle qui avoir
•5 été mangée , & précipita fon malheu-
' 85 reux père dans le fond des Enfers. ^
' Une avenrure racontée par Paafanias , peuc
avoir donné occafion à cette Fable,
Les Devins de l'Armée Grecque ayant
déclaré que Troye ne pouvoir être prife>
^ qu'auparavant les Grecs n'eulTent envoyé
'chercher un des os de Pélops. Aufli-tôc
Von donna cette commillîûn à Philodète ,
^ Iqi i é ant allé à Pife , en rapporta l'omo-
'^'plrte de Pélopo. Mais le VaiileaUj en re-
'iVerant joindre les Grecs, fit naufrage à
•' ja hauteur de llfle d'Eubée , de forte que
' ;Fos de Pélops fut perdu dans la mèr. Piu-
} jfieurs années après la prife de Troye , un
Pêcheur , nommée Démarmène , de la
vi'Ie d'Erécrie , ayant jetcé fon filet dans
ce: te mèr, en retira un os. Surpris de la
gr fTeur prodigieufe dont il étoit , il le
cacha fous le fable , & remarqua bien
l'endroit. Enfuite il alla à Delphes , pour
fç: voir de l'Oracle ce que c'étoit que cet
DS 5 & quel ufage il en feroit. Par un coup
de Providence , (c'eH: toujours l'Hiftorien
rèc qui parle) il fe rencontra que des
iléers confultoient en même-temps 1*0-
acle fur les moyens de faire celTer la peftô
]ui défoloit leur pays. La Pythie répondit
i ceux-ci 5 qu'ils râchalTent de recouvrer
es os de Pélops ^ de à Démarmène , qu'il
ellituât aux Elcens ce qu'il avoir trouvé
Yii]
5'iô =PÉ-=^
ÔC qui leur appartenoir. Le Pêcheur rencîit
aux Éléens cet os Ôc en reçut la recoin-
penfe : il eut fur-tout le privilège pour
lui & pour fes defcendans , de garder cette
relique , qui fut confacrée à Cérès. Dans
la fuite les Pélopides portèrent la figure
de cet os dans leurs enfeignes.
Il y avoit près d'Olympie un Temple
& un efpace de terre afTez confidérable
confacré à Pélops ; car les Éléens met-
toient autant Pelops au-deiïus des autres
Héros , qu'ils mettent Jupiter au-delTus,
des autres Dieux. C'efl: Hercule qui avoic
confacré cette portion de terre à Pélops ^^
de qui il defcendoit par quatre degrés de
génération. C'efl lui auffi qui avoit facri-
fié le premier à ce Héros : & à fon exem-
ple les Archontes ne manquèrent pas, dans
la fuite 5 de lui faire un Sacrifice avant
d'entrer en charge. Mais ce Sacrifice avoic
cela de particulier , qu'on ne mangeoit
rien de la vidime immolée a Pélops : que
fi quelqu'un en mangeoit , l'entrée dii
Temple de Jupiter lui étoit interdite^
ÉNIGME Lxxxir^
Comme iî j'avois fait un crime
A mériter toutes les cruautés ,
D'un nombre d'ennemis éternelle vldirac,^ ;
Ils me per^-çiit oe tous coLés,
= PÉ= îii
Je fuis afTez fouvent vagabonde ou pendue :
Chez le pauvre , je fuis :rcs-nuë 5
Au lieu qu'ailleurs , par mon ajuilemeiit ,
Je réjouis a^ez la vue :
Je fers même d'amufement
Au foc & langoureux Amant ,
Tandis que , pour fa Belle , il fait le pied de Gru«-j
Mais il augmente encore mon tourment.
ÉNIGME LXXXV,
Mon éclat éblouit le plus noble des fens j
11 faut me prelTer pour me faire :
Si celui qui me fait, me prefTe trop long temps,
Je redeviens ma propre mère.
/
PÉNATES.
Les Dieux Pénates étoîent regardes or-
dinairement comme les Dieux de la Pa-
trie \ mais on les prencit aufli fort fouvent
pour les Dieux des Maifons parriculières,
& en ce fens-là ils ne différoient point des
' Lares. « Les Romains , dit Denys d'Ha-
» licarnade , appellent ces Dieux Pénates :
« ceux qui ont tourné ce nom en grec ,
9» les ont appelles , les uns les Dieux Pa-
j> terne's , \qs autres les Dieux originai-
a» res 5 les autres les Dieux des Poifef-
» fions 5 quelques-uns , les Dieux fecrèts
Y iv
5'i5 =^PÉ==
» ou caches , les autres , les Dieux De
» fenfeuxs. Il paroît que chacun a voul
j> exprimer quelques propriétés parti<:u
m lieres de ces Dieux \ mais dans le foni
» il fembîe qu'ils veuillent tous dire 1
f> mcme chofe. » 1
Le même Auteur donne la forme dq
Dieux Pénates apportés de Troye , telhj
qu'on la voyoit dans un Temple près du
Marché Romain ; c étoient , dit-il , deuji
jeunes hommes aflis , armés chacun d'un^j
pique. Les Pénates Troyens , dit Ma-i
crobe , avoient été tranfportés par Darda-,
nus de la Phrygie dans la Samothrace-ii
Énée les apporta depuis de Troye en Ita->
lie. Il y en a qui croyent que ct$ Pénates
croient Apollon & Neptune j mais ceux^
qui ont fait des recherches plus éxacles 3-
difent que les Pénates font les Dieux pari
lefquels feuls nous refpirons 5 defquels nous
tenons le corps & l'âme. Comme Jupiter,)
qui eft la moyenne région érherée j Junon ^
c'eft-à-dire, la plus baffe région de l'air
avec la terre , t< Minerve , qui eft la fu-
prème région Érherée. Tarquin , inftruic
dans la Religion des Samothraces, mit ces
trois Divinités dans le même Temple &
fous le même toit. Ces Dieux Samothra-*
ciens , ou les Pénates à^s Romains , con-
tinue Macrobe, s'appelloient les Grands;
Di
'^-^Dîeux , les Bons Dieux , de ks Dieux-
^'WuifTans.
'^-f Dans la faite on appelîa plus particu-
•^lièrement Dieux Pénates tous ceux que--
'^ron gardoit dans les Maifons. Suécone
,aous die que dans le Palais d'Augufte il y
-Savoit un grand appartement pour les Dieux
-^Pénates. Une Palme , dit-il , étant née
^^evant fa maifon , dans la jointure dts
■'lierres 5 il la fit apporter dans la Cour des
■•^Pieux Péncucs ^ Se eut grand foin de la
^•faire croître.
■'•; Comme il étoit libre à chacun de fe
-Jcîîoilîr fes protecteurs particuliers ^ les P/-
*'^ates Domeftiques fe prenoient parmi fes
■'•^Grands Dieu-x , & quelqueFois parmi les
-^iiommes déifiés. Par une Loi des douzoï
^>l'ables, il étoit ordonné de célébrer reli-
■'f jieufement ies Sacrifices des Dieux Péna-^
-îi'^j, & de les continuer fans inrerruption^
•■)|!ans les. familles , de la manière que les
•■')i;hefs de ces familles les avoient établis,
-'i-'iLes premiers Pénates ne furent d'abord.
iii-tjue les Mânes des Ancêtres , que. l'on fe
'•c'aifoit un devoir dlionorer ; mais dans îx
uite on y aiïbcia tous les Dieux^
On plaçoit les Statues des Pénates dan3>
e lieu le plus fecret de la maifon ;,,là ojït
eur élevoit des Autels , on tenoir des Ianrî>-
>e& alkimées , & oa leur offioir de: l'en.^
^14 c=:=PÉ =
cens , du vin , Ôc quelquefois des vidi*
mes. La veille de leurs Fêtes on avoir foin
de parfumer leurs Statues , même de les
enduire de cire pour les rendre luifantes.
Pendant les Saturnales on prenoit un jour
pour célébrer la Fête des Pénates : ôc de
plus, tous les mois on deftinoit un jour
pour honorer ces Divinités Domeftiques.
Ces devoirs religieux étoient fondés fur
la grande confiance que chacun avoit en
fes Pénates , qu'on regardoit comme les
protedeurs particuliers des familles , juf-
ques-la qu'on n'entreprenoit rien de confi-
dérable fans les confuîter , comme des
Oracles familiers.
ÈNîGME LXXXFL
Du Maître que je fers , efclave obéilTante y
Je fuis toujours en adioii y
Et ma plus grande fondion
Eft de n'être jamais trop prompte ni trop lente.
Je ne fçais ce que c'eft que d'aller au hafard ;
Mon corps renferme en foi différentes parties
Délicatement afforties ,
Qui me rendent enfemble un cîie^d'ceuvrc de TArt»
Mais il l'on veut de moi tirer quelque fervice ^
Il ne faut pas me négliger j
Car je ferois dans le danger
D'interrompre fouvent mon fidèle- exercice*
Quoiqû'k i'abii toujours des injures du temps ,
Le grand frcid cependant & la forte gelée
M*empechent quelquefois d'achever ma journée ,
Arrêtant tout-a-coup mes jufles mouvemens.
Yeux tu fçavoir mon nom ? Regarde bien ma face i
J'ai deux compagnes avec moi ,
Dont le feuî &: l'unique emploi
Eft de montrer aux yeux le travail que je trace i
L'une porte avec foi quelque marque Royale ;
Mais elle eft li lente en Ton tour.
Qu'elle ne fait que dans un jour
Ce que l'autre en une heure à nos regards étale«
PÉNÉLOPE,
Fille (î'îcare , épovU UIy(re S<: en eue
Télémaque. Son m^ri , obligé d'alier d k
Guerre de Troye , deaieura vingt ans en
ce voyage. Divers Seigneurs , charmés de
la beauté de Fénélopi ^ lui faifoienc ac-
croire qu UiylTe avoir péri , & la prioienc
de fe déclarer en leur faveur. Elle le pto--
mit, pourvu qu'on lui donnât le temps
d'achever un ouvrage qu'elle avoir com-
mencé. On le lui permit j 6c elle avoir
coutume de défaire, durant la nuit, le
travail qu'elle faifoit pendant le jour, ainff
par cet ingénieux* artifice , elle éluda l'im-
portun i té de fes Amans jurqu'au retour d^
fon mari>
PÉNIE,
Déelïe de la Pauvreté : Platon dit que
îes Dieux donnant un jour un grand Fef-
lin, Porus , ou le Dieu des Richelfes, qui
avoit un peu trop bu , s'ctant endormi à
la porte de la fale , Pénie ^.qui étoit venue
la poui; recueillir les reftes du Feftin , s'é-
tant approchée de lui ^ en eut un enfant,
qui fut l'Amour. Fable Allégorique , qui
veut dire apparemment que l'Amoui: unir
fbuvent les deux extrêmes...
PÉNIKUS,,
Divinité Gauloife , honorée autrefois
chez les habitans des Alpes Pennines : on
repréfentoit ce Dieu fous la figure d'un
jeune homme niid qui n'avoir qu'un œik
au miheu du front , & on lui donnoic
répirhrète de Deus Optimus Maximus»
PÉNITENGEa.
Je n*ai pu devant Dieu réparer mon ofFenfe,
Qu'en excitant mon. coeur a faire Pénitence ;
Je l'avois offenfé , mais ii m'a pardonné ;
Les cordes , les fouets ont eifacé mon crime.
Pécheur , fi comme moi tu t'es abandonné ,
Tais tout ce que j'ai fait comme ce cœur t'exprime.
La Pénitence eiï repréfentée par unfi
==:PÉ = fïT
iTïaîn cuî rient un cœur chargé de foucrs^
èc qui diftile à^s larmes , pour nous figU'
rer cette Vertu : c'eft par elle que nous»
retournons à Dieu , lorfque nous nous
femmes éloignés de lui par le péché j &:
qu'elle nous fait trouver grâce auprès de
lui.
Comme la Pénitence exige la- retraite ,.
la mortification du corps , & l'examen
cxaâ: &: douloureux de foi-mème. Elle fe-
peint auiTi dans une folkude y ou dans une
caverne , ayant fur la tête une couronne
d'épines , èc fur le corps un cilice. Elle
tient une Difcipline , fe frappe la poi-
trine 5 & fe mire dans une fource d'eau
vive , près de laquelle elle eft â genoux.
Aufon.GaL la décrix dans les Vers fui-
vans;.
Sum Dea , cui nomen nec Cicero ipjè dédit :
Sum Dea, quœfaSiij non fa^ique exigo pœnas :
Nem^é, ut pœn'ueat , fie netanœa vocor.
PenthÉe.
Penthée étoit un Prince de Thèbes , qui
fe mocqua des Cérémonies qu'on faifoit
aux Fêtes confacrées-à Bacchus. Ce Diea
voulant s'en venger, traîifporta fi fort de
fureur Agave fille du Roi Cadmus 8c mère
de ce Penthée , qu'écaat à Li compagnie
ji8 ^=PE==
des Ménades , elles s'imagifièrent que c'é-
îoit un fanglier ôc le tuèrent.
Penthésilée,
Célèbre Amazone qui vint au fecours
des Troyens à la tète d'un Bataillon d'A-
mazones 5 armées de légers boucliers»
Cette belliqueufe fille , dit Virgile , ceinte
d'une écharpe d'or & le fein découvert ,
paroiflfoit dans la mêlée , ofant attaquer
tous les guerriers. On dit qu elle fut tuée
par Achille.
PENS ÉES.
Le vêtement d'étoffe changeante que
l'on donne à cette figure , dénote la va-
riété des Penfées qui fe fiiivent en foule.
Selon Pétrarque :
A ciafeun pajjo nafce utpenfier nuavo.
Elle a des allés à la tête , pour fignifier
la promptitude dont elle vole d'objets ea
objets. Selon le même Auteur i
Vclo com l'ait dépenfieri al Cielo»
Son attitude efi: tranquille , parceque
c'eft dans les momens d'oifiveté , que la
foule des Penfées accable le plus l'efpric
humain» Le paquet de fil mêlé quelle coa*
/îdère , eft l'image de l'embarras , que don-
nent les diverfes Penfees , qui cependant
fe débrouillent à forée de penfer*
ÉNIGME LXXXFIL
D'une triple prifon je me trouve enfermé ,
Dès le premier moment que je reçois la vie :
Il £aiit , pour en fortir , que ma mère aiTervie
PafTe fous le tranchant d'un homme bien armé.
Petit pendant ma vie , ain/i qu'en ma nailTance ,.
La Nature me donne une telle puiffance ,
Que je puis produire un Géant :
Il l'ell à mon égard, quand il a reçu l'être j
Et quoiqu'il foit mon fils, par un retour changeant ^^
Tous les ans dans Tes bras, on croit m.e reconnoître,.
Je blanchis dès mes premiers jours ,
Et noircis quand j'avance en âge.
Il faut que je fois tel pour me mettre en ufage*
En vain auparavant on cherche mon fecours ,
M'arrachant des bras de mon père ,
Lorfque je fuis caché dans le fein de ma mère,
ÉNIGME LXXXFIIL
Je fuis né prifonnier, petit & raiférable ;
Souvent de ma piifbn on me délivre à table i
J'engendre des enfans prifonniers comme moi 5
Et je porte le noiD d'un Roi,
J'enfreadre dans mon fein l'imaaie de mon pàe ?
Je ne fais point le Diea de riflc de Cytlière f
Xiiabhe pourc-ant: dans Tes cœurs.
Ici , Mortels ,. veiTez des pleurs :■
Un de mes iogemens a tué votre mère,
Et vous caufa bien des malheurs,
PÉPLtrs DE Minerve.
Cétoit une Robe blaiiche fans man^
che , Se toute brochée d'or , fur laquelle
étoieut repréfentés les combats éc les
grandes adïions dé Minerve , de Jupiter
êc des Héros. On portoit le Péplus dans^
Iqs Procefîîons des grandes Panatiiénées»
Les Anciens , dit Pàufanias , refpec-
toieiit la. qualité de Père Se de mère, oien
autrement qu'on ne fait aujour J'hui , &C
pour le prouver , il cite un fait fingulier.
86 Ceft , dit- il , réxempie de ces citoyens
35 de Catane en Sicile , qui firent une ac-
35 tion fi pleine de piété , qu'ils en furent
35 furnommés les Pieux enfans. Les fîam-
33 mes du mont Ethna ayant gagné la Villep.
» ces généreux enfans comptant pour rieix
3-> de perdre tout ce qu'ils pouvoient avoir
îî d'or & d'argent , ne fongèrent qu à fau-
» ver ceux oui leur avoLent donné le jour ;
r=PE= 5-21
» l'un prîu fon Père fur fes épaules , Pau-
■• tre fa mère. Quelque diligence qu'ils
8> fifTent ils ne purent éviter d'ctre coupés
9» par l'embrafement, mais ils ne s'en mi-
3i rent pas moins en devoir de continuer
93 leur chemin , fans vouloir abandonner
» leur fardeau. On dit qu'alors les flam.mes
3j s'étant divifées 5 leur laifsèrent le paf-
•> fage libre au milieu , 6c que les Pères
M &c les enfans fortirent heureufement de
»» la Viile. » On rendit dans la fuite de
grands honneurs à Catane ^ à la mémoire
de ces illuftres citoyens.
Perfection.
Ferlonne n'eft paifak , la chofe eft impofTible >
Ce n'eft qu'en l'autre vie , où l'on peuc être tel.
Je fuis cette Ifle inaccelTible ,
Où n'aborde jamais aucun homme mortel.
La Perfecîion eft repréfentée fous la.
figure d'une belle femme vêtue de gaze
d'or» Elle a le fein à découvert , les bras
retroufFés jufqu au coude , formant un
Cercle entier avec un Compas > qui eft le
Symbole de la Perfecîion. Si elle découvre
fa gorge , c'eft pour nous montrer ce de-
gré de Perfecîion , afin d« nourrir .Se ali-
tnenter fts frères*.
S22 =PE =
Pergee,
Surnom de Diane pris d'une Ville de
Pamphilie , où cette Déeiîe étoit honorée
La Diane Pergée étoit repréfentée tenant
une pique de la main gauche , & une cou-
ronne de la droite , à fcs pieds eft un
Chien qui tourne la tète vers elle , & qui
la regarde comme pour lui demander
cette couronne , qu'il a méritée par fes
fervices.
PÉRIBÉE5
Fille d'Alcarhoiis , Roi de Megare ,
époufa Télamo 1 fils d'Eaque , &: en eut
Ajax 5 célèbre par (ts fureurs. Pluîarque
dit que Télamon ayant eu commerce avec
elle ayant fon mariage , s'enfuit pour évi-
ter la colère du Roi. Lorfqu'Alcathotis
s'apperçut de l'aventure , il donna ordre
à un de fes gardes d'embarquer Périhée
fur un vaitïeau & de la jetter dans la mèr.
Le garde touché de compafiion pour cette
malheureufc PrinceiTe , aima mieux la ven-
dre , & l'envoya pour cela à Salamine , où
Télamon reconnut fa maîtreffe , l'acheta ,
&c répoufa. Après la mort d'Aicathoiis ^
Pirihée reclama les droits de fa naiifan-
ee , &: fit pafTer à fon fils Ajax la couronae
de fon père.
PÉRIGONE,
Fille da géant Sinius. Ce Gé^nt étolt
furnommé le Ployeur ce Pins , parcequ'ii
faifoir mourir tous les paflans qni rom-
boient entre {qs mains, en les attachant
à deux Pins qu'il plioit par la cime pour
les Faire {oindre , &c qu'il abandonnoit
enfuire à leur état naturel. Théfée le fit
mourir du même Supplice. Périgone voyant
fon père mort avoit pris la fuite . &c s'étoit
jettée dans un bois épais qui étoit tout
plein de rofeaux & d'afperges, qu'elle in-
voquoit avec une fimplicité d'enfant com-
me s'ils l'eufiTent entendue*, les priant de
la bien cacher , & de l'empêcher d'être
apperçuë , & leur promettant avec fer-
ment , que s'ils lui rendoient ce fervice ,
elle ne les arracheroit ni ne les brûleroic
jamais. Théfée l'entendit , l'appella & lui
donna fa parole , que non- feulement il ne
lui feroit aucun mal , m*ais qu'il prendroic
foin d'elle. Périgone fe laiiTa perfuader ,
j ôc vint fe rendre à Théfée qui , charmé
de fa beauté , l'époufa , & eut d'elle un
fils nommé Ménalippe. Il la maria enfuite
à Déjonée , fils d'Eurytus , Roi d'Œcha-
lie : d'où naquit loxus chef des loxides ,.
Peuples de Carie , chez qui fe conferva
k coutume de ne brûler ni les afperges
5^4 r==.PÉ=î
ni les rofe^ux ; mais d'avoir au conrraîrc
pour eux une efpèce de Religion , & une
vénération particulière en mémoire du IJ
vœu de Périgone.
PÉRIL.
Le deftin d'un mortel eft peu digne d'envie ',
Il naît dans les dangers , il y paffe fa vie :
S&s plaiflrs les plus doux font les fleurs du Prin-
temps ,
Qui cachent fouvent des Serpens.
Le Péril eft caradérifé par jeune hom-
me 5 qui s'échappant d'un torrent rapide ,
met le pied fur un Serpent qui le pique ^
dans le même inftant éclate derrière lui
un coup de tonnère.
Horace , dans fon Ode i o , Liv. 2 _, die
fort élégamment qu'il n'eft aucune pré-
caution qui puiiïe fauver qui que ce foie
à&s Périls.
Quid quifque vitet, nunquam hoînini fatis
Cautum ejl m haras.
PÉRIPHAS^
Pérlpkas , Roi d'Athènes , régna , dit-
on , avant Cécrops ^ & mérita , pAr {<t^
bel'es adions , & par les bienfaits dont it
combla Ïqs fujècs , d'ècre honoré de ion
= PE= 5-2?
vivant même comme un Dieu , fous le
nom de Jupiter Confervateur. Le Père
des Dieux , irrité de ce qu'un Mortel
fouffrcit qu'on lui rendît de pareils hon-
neurs, vouloir d'un coup de foudre le pré-
cipiter dans le Tartare , mais Apollon
intercéda pour Périphas^ en faveur de fa
vertu, enforte que Jupiter le contenta de
le métamorphofer en Aigle ; il en fit mê-
me fon Oifeau favori, lui confia le foin de
garder fa toudre ^ il lui donna permillion
d'approcher de fon Trône quand il vou-
droit, & voulut qu'il fut le Roi d^s Oi-
feaux. La Reine fouhaita d'avoir le fort
de fon Epoux, & obtint la même méra-
morphofe. Cette Fable eft tirée d'Anto-
nius Libéraiis.
PériphétÈ s,
I Fils de Vulcain , étoit toujours armé
d'une Maffuë , d'où il fut furnommé le
Porteur de MaiTuë. C'étoit un Géant ou
plutôt un Brigand , qui s'étoit cantonné
dans le voifinage d'Epidaure, 6c qui atta-
quoit avec fa Maifuc tous les PalTans,
Théfée 5 qui alloit de Troczène à l'iflhme
de Corinthe, fut arrêté par ce Brigand;
mais il fe défendit fi vigoureufement ,
ijuil tua Paiphétes ^ de s'empara ai fa
J2<J ===PE=^
Ma (Tue 5 dont il s^arma toujours depuis >
comme un monument de fa vi6toire.
É2^IGME LXXXIX.
J'habite uiie folide & vivante maifoii.
Lorfqu'on m'a tiré de prifon ,
Gens qu^on appelle oififs , me mentent à la chaîne»
Le fer qui m'a percé le flanc ,
Ne me fçauroit tirer de fang ,
Quoique le fang fous moi coule en pljs d'iîic
veine.
Mon œil brillant Se mon teint vif
M'attirent l'amour d'un Corfaire , d'un Juif,
Lorfque de deux beaux yeux tu vois couler des
larmes ,
Amant , fouviens-toi de mes charmss 5
Mais s'en fouvienne qui voudra,
Quelque mauvais Poète au moins s'en fouvienira.
ÉNIGME XC.
Je fuis femelle ,
Que dans le temps paffé l'on voyoit rarement ;
A préfent attachée à l'homme uniquement,
Je le prends dans mes rets en dépit de fa Belle.
Le Prince & le Monarque eft au-dclTous de moi ,
Quoique d'exrracHon fouvent très-roturière j
Je me rencontre en cavalière
Aux batailles toujours fans crainte & fans effroi.
^= P E = Î27.
J'ai tête & queue, & pour être jolie,
11 faut que dans mon corps on enfonce les dents.
Je tiens fous moi l'efprit & le bon fens ,
Je fuis en bonne odeur érant en compagnie.
Je perte le bonnet, quand je fuis au Barreau ;
Qui chérit mes appas , ne met pas fon chapeau.
Semblable à la Beauté , qui cefTant d'être aimable ,
Ke fçauroit fans argent ménager fes amours i
RougilTant de vieillir, pour être fupportable ,
D'une bourfe fouvent j'emprunte le fecours.
Pers ée.
Perfée éroit fils de Jupiter & de Da-
naë. Ayant été expofé fur la mèr avec fa
mère dans une méchante barque, il fut
jette fur les cotes de la petite Ifle de Sé-
riphe, l'une à^s Cyclades. Polidecte, qui
en étoit Roi, le reçut favorablement, &
prit foin de fon éducation. Mais dans la
fuite étant devenu amoureux de Danaé , il
chercha à éloigner fon fils ; c'efi: pourquoi
il lui ordonna d'aller combattre les Gor-
gones , & de lui apporter la tête de Mé-
dufe. Perfée aimé des Dieux, reçut, pour
le fuccès de cette expédition, de Minerve
fon Bouclier, de Pluton fon Cafque, & de
Mercure fes Ailes & fes Talonnières. Ces
Ailes étoient un bon VaiiTeau à voiles,
dont Perfée fe fervit pour aller fur la côre
d'Afrique. Le Cafqiie de Pluton défignej
Is Secret qu'il falloir garder dans cette i
expédition , & le Bouclier de Minerve la i
prudence avec laquelle il fe conduiiit dans
cette guerre. Il vainquit en effet les Gor-
gones, ôc coupa la tête de Médufe:,
Perfée^ monté fur Pégafe que Minerve
lui avoir prêté , fe tranfporta , à travers la
vafte étendue des airs , dans la Maurita-
nie, où régnoit le célétre Atlas, Ce Prin-
ce, qui avoit été averti par un Oracle,
de fe donner de garde d'un fils de Jupi-
ter 5 refufa à ce Héros les droits de l'hof-
pitalité j mais il en fut puni fur l'heure.
La tête de Médufe , que Perfee lui mon-
tra, le pétrifia, & le changea en ces mon-
tagnes qui portent aujourd'hui fon nom.
11 enleva enfuite les Pommes d'or du
Jardin à^s Hefpérides.
De la Mauritanie , il pafia en Éthio*
pie, où il délivra Andromède du Monftre
qui alloit le dévorer \ Se après avoir époufé
la Princeiïe , qu'il lui fallut acheter une
féconde fois par un combat contre Phi-
née , il revint en Grèce avec elle.
Quoiqu'il n eut pas grande obligation à
fon grand-père Acrife, qui avoit voulu le
faire périr en naiflTant, il le rétablit pour-
tant fur le Trône d'Argos , d'où Poërus
Favoit chalTé , Ôc tua l'ufurpateur. Mais
bientôt
.bientôt après il eut le malheur de tuer
lui-même Acrife d'un coup de palet, dans
les Jeux qu'en célébroit pour les funé-
railles de Polydede. Il eut tant de douleur
iîe cet accident, qu'il abandonna le féjour
d'Argos 5 ôc s'en alla bâtir une nouvelle
Ville, dont il fit la Capitale de (es Etats,
& qui fut nommée Mycènes. On dit qu'il
fiit aufli caufe de la mort de Polydeéte.
Perfée lui apporta la tête , fuivant l'ordre
qu'il en avoit reçu , & fe garda bien de
la montrer d'abord au Roi, à caufe des
terribles effets que produifoit la vue de
ee Monftre. Mais un jour que Polydeéte
voulut , dans un feftin , faire violence à
Danaé, Perfée ne trouva pas de plus court
moyen, pour fauver l'honneut de fa mère,
que de préfenter la Gorgone au Roi, qui
fut pétrifié.
Perfée , après la mort de fon père
Acrife , fit un échange de fon Royaume
d'Argos avec Mégapente, fils de Pra^cus,
contre le territoire de MycènQs, L'échange
étoit avantageux pour Mégapente, mais
notre Héros vouloir fe réconcilier avec lui
)ar cet adte de générofiré. Celui-ci n'en
fut point touché ; il fe fervit même de ks
bienfaits pour le perdre : il lui drefîa à^s
mbnches, & le fit périr, en haine de ce
jull avoit rué Prêtas fon père. Les Peu-
Tome III. Z
yjO =PE =
pies de Mycènes & d'Argos lui élevèrent
des Monumens héroïques ; mais il reçut
de plus grands honneurs dans l'ille de Se-
tiphe, & à Athènes, où il eut un Temple.
Hérodote, dans fon Euterpe, parle encore
d'uri Temple de Perfée , bâti à Chemnis
en Egypte , qui étoit quatre & environné ;
de Palmiers. Sur le veftibule bâti de grolfes
pierres , écoient deux grandes Statues \
dans le Temple, étoit celle de Perfée, Les
Chemnites difoient que ce Héros leur ap-
paroilToit fouvent , & le plus ordinaire-
ment dans ce Temple : ils difoient auiîi 'L
qu'il fe trouvoit chez eux un des foulier^ \
qu'il portoit , lequel avoit deux coudées |i
de long.
Perses.
pa
La Religion àcs Anciens Perfes eft de-»
crite fort au long dans Hérodote. « Ils
sî n'ont, dit-il, ni Statues, ni Temples,
5> ni Autels : chez eux , cela pafifoit pour
» une folie , que d'en avoir ou d'en faire j
v> parcequ'ils ne croyoient pas, comme les
t) Grecs , que les Dieux eudent une ori-?
3> o'me humaine. Ils montent fur les plu^
a> hautes Montagnes , pour facrifier a Jui
j> piter : c'efl ainfi qu'ils appellent toute
15 la rondeur du Ciel. Ils facrifient auflî
9 au Soleil, à la Lune, à la Terre, au Feii^
i
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35 à l'Eau, &c aux Vents. Ils ne connoif-
î> foient pas anciennement d'autres Dieux
que ceux-là. 3' 11 paroît par ce récit d'Hé-
rodote, que l'objet du Culte ancien Ûqs
Perfes étoit l'Univers de toutes fes parties.
<« Ils ont appris depuis ce temps-ld , pour-
»> fuit Hérodote, des AiTyriens & des Ara-
» bes , à facrifier à Uranie , ou à Vénus
j> célefte ..... Les Sacrifices des Perfes fe
« font en cette forte. Ils n'érigent point
a d'Autels, ne, font point de Feu : il n'y
>î a chez eux ni Libations, ni Joueurs de
» Flûtes, ni Couronnes, ni Farines j mais
>> celui qui fait le Sacrifice , mène la Vic-
» time dans un lieu pur & net, & invoque
»-]e Dieu auquel il veut facrifier, ayant fa
i} Thiare couronnée de Myrthe. Il n'eftpas
» permis au Sacrificateur de prier pour lui
s> en particulier , mais il doit avoir pour
» objet dans fes prières le bien de toute la
» Nation j ainfi il fe trouve compris avec
» tous les autres. Après qu'il a fait cuire
les chairs de la Victime coupée en piu-
^ fieurs morceaux , il étend de l'herbe
»î rendre Se fur-tout du trèfle, «Se il les met
delTus. Enfuite un Mage chante là-def-
fus la Théogonie, efpèce de chant reli-
o gieux 5 & après cela le Sacrificateur em-
i« porte la Vidime, Se en fait l'ufage qu'il
p veut. 5J Srrabon,'qai copie Hérodote,
Z ij
r32 =PE=
ajoute quelques circonftances. Selon lui ^
les Perfesy dans leurs Sacrifices, ne laif-
fent rien pour les Dieux, difant que Dieu
ne veut autre chofe que Tame de THoftie.
Ils facrifienc principalement au Feu & à
l'Eau : ils mettent dans le Feu du bois sèc
fans écorce , fur lequel ils jettent de la
graifle & de l'huile, & allument le Feu,
mais fans foufïler , faifant feulement dii i|
vent avec une efpèce d'éventail. Si quek
qu'un fouffle le Feu , ou s'il jette quelque
cadavre , ou de la bouc , il eft puni de
mort.
Le Sacrifice de l'Eau fe fait en cette
rnanière. Us fe rendent auprès d'un Lac,
ou d'un Fleuve , ou d'une Fontaine , Se
font une folfe où ils égorgent la Vi^bime ^
prenant garde que l'Eau prochaine ne foit-
enfanglantée , ce qui la rendroir immon-
de. Après cela, ils mettent les chairs fur
du Myrthe & du Laurier ;^enfi^ite les Ma*
ges y mettent le Feu avec de petits bâtons,)
ôc répandent leurs Libations d'huile, mê^;
lée avec du lait & du miel , non fur le
Feu ni fur l'Eau , mais fur la Terre. Cela
fait, ils font leurs ençhantemens l'efpace
d'une heure , en tenant un faifceau dç
verges a la main.
Persévérance.
Sçais-tu ce que c'efl: qu'un Chrétien ?
C'eft un homme qui fait le bien ,
E: qui perfévérantj jamais ne fe relâche,
Qu'il n'ait vîi la fin de fa tâche.
Une jeune fille qui fe tient aux bran-
ches d'un Palmier , qu elle ferre étroite-
ment avec {qs genoux, eft la fionification
de ce fujèt, le Palmier étant le Hiérogly-
phe de la Vertu. Elle a une Couronne
d'Amaranthe , efl: vetuc d'une draperie
bleu-célefte 5 & regarde la terre avec dé-
dain.
Perspective.
Quoique mon Art foit tout phydque ,
Comme cela paroi: à des yeux clairs-voyans 5
Xe Vulgaire y foupçonne une Vertu magique j
Tour eft furnaturel aux yeux des ignorans.
C'eft une Science qui fait partie des
Mathématiques , ayant rapport a la Géo-
métrie & à l'Optique. Elle ferc à repré-
fenter fur un Plan uni, les objets tels que
la Nature les préfente a la vue, félon leur
dégradation 8c leur diftance.
f On la perfonnihe par une femme affife
fur un terrein peu élevé, de regardant i
Z iij
n4 , -=PE=.
travers d'une glaçe un objet éloigné, dont
toutes les lignes tangentes à fon œil for-
ment des rayons , qui donnent les points
dont on fe fert pour tracer perfpe6tive-
ment cet objet fur la fuperiicie de la glaçe.
Persuasion,
J'ai le fecrèc par mes carefles ,
Par mes précautions, même par des adreffes,
Dont je me fers quand il eft temps ,
D'enchaîner à coup sûr tous ceux que j'entreprends.
L'Art de perfuader appartient à la force
convainquante du Difcours , & connoît le
temps, ÔC la manière de s'infinuer. C'eft
pourquoi on met une langue humaine fur
la tête de cette Figure, que Ton repréfente
en action de parler. Elle tient lié un ani-
mal qui a deux tètes , l'une de Chien, qui
eft l'Emblème de l'Infinuation par la Do-
cilité Se les Careffes ; l'autre de Singe ,
qui lignifie l'adrelfe de fuggérer des cho-
fes quelquefois frauduleufes , & que l'a-
dreiïe fait pafler.
PERTUND A.
C'eft une des Divinités qui préfidoient
au Mariage : on mertoit fa Statue dins
la chambre de la nouvelle Époufe le joue
de ks Noces.
ÉNIGME XCL
je fuis un invifible corps,
Qui de bas lieu tire mon être j
Pour fauver fon honneur, mon maître
Cèle qui je fuis , d'où je fors.
Je parle Se me tais à la fois j
Et bien fouvent lorfqu'on me preflc^
Je deviens femelle traîtreife ,
De franc mâle que je ferois.
J'ignore l'Art de difcourir,
Je fçais pourtant me faire entendre 5
Le même moment qui m'engendre ,
Me voit naître , vivre & mourir.
Par moi l'un des fens eft touché
D'une très-fâcheufe influence ,
Et l'on rougit de ma naiffance ,
Comme on rougiroit d'un péché.
Mes Dames, dont l'efprit charmant,
De m'expliquer ofe entreprendre ,
Gardez-vous bien de vous méprendre ,
Et de me faire en me nommant.
PÉTAj
Divinité Romaine , qui préfidoit aux de-
mandes que l'on avoit à faire aux Dieux ,
&: que l'on confulroit , pour fcavoir fi ces
Deniandes étoient juftes ou non.
Z iv
Peuplier,
Arbre confacré à Hercule. Lorfque ce
Héros defcendic aux Enfers , il fit une
couronne de Peupliers : le côté de la
feuille qui toucha la tère conferva la cou-
leur blanche , pendant que la partie de la
feuille qui étoit en dehors fut noircie par
la fumée de ce trifte féjour. De-là vient ,
dit-on , que le Peuplier qui avoit autre-
fois fes feuilles blanches des deux côtés ,
les a maintenant noires en dehors. On
croit que ce fut Hercule qui trouva cet
Arbre dans fes Voyages & qui le porta
dans la Grèce j c'effc pourquoi l'Arbre lui
fut confacré. Evandre , Roi de Pallante ,
voulant offiir un facrifice à Hercule , dans
Virgile , ceint fa tête de branches de
Peupliers.
Peur.
Ce fujet s'exprime par une7etiiîe fiHe
courant de toutes fes forces , pour fuir
un horrible Serpent qui la pourfuit. Elle
a des ailes aux épaules. Ses cheveux hé-
riHés & fon vifage retrelli , félon divers
Phyfionomiftes , font les marques de la
Pudllanimité.
= PH= Î37
Phaëton.
Pha'éton étoit , félon les Poètes, fils du
Soleil , & fut fi emporté d'ambition , qu'il
voulut conduire le char de cet aftre , au
moins un jour. Mais ne fçachant point la
loute qu'il falloit tenir , &: n'ayant pas
affez de force pour gouverner les chevaux j
il mit le feu dans le Ciel &: fur la terre.
Ce qui irrita fi fort Jupiter , qu'il le tua
d'un coup de foudre , &: le précipita dans
le Pô 5 où {qs fœurs les Héliades furent
changées en Peupliers , & leurs larmes en
Am.bre. C'eft ce que difent les Pocres :
mais la Vérité ed que Phaëton étoit un
grand Prince ^qs Liguriens , qui étoit
aiifli grand Aftrologue ; & qui s'appliqua
principalement a étudier le cours du So-
leil. De fon temps l'Italie fe vit embrafée
du côté du Pô 5 de chaleurs fi extraordinai-
res , que la terre en devint féche 5c ftérile
durant plufieurs années.
Phalaris,
Tvran d'A2:ri2ente en Sicile , fi connu
par fa cruauté. Sa mère eut un fonge , au
rapport de Cicéron , qui lui apprit com-
bien (on fils feroit cruel. « Héraclide ,
5? difciple de Platon , écrit , qu'une fois la
î> mère de Phalaris vit en fonge les Sta-
Z V
3> tues des Dieux qu'elle avoit confacrées
3) dans la maifon de fon fils , & qu'entr'au-
5> très il lui avoit femblé , que d'une Coupe
» que Meicure tenoit dans fa main droite ,
3> il en avoit répandu du fang , 3c que le
3î fang avoit à peine touché la terre , que
33 s'élevant en gros bouillons , il avoir rem-
9» pli toute la maifon. Le Songe de la mère
3) ne fut enfuite que trop vérifié par la
33 cruauté du fils. »
Phalaris avoit fait forger un Taureau
d'airain , pour y brûler vifs ceux qu'il con-
damneroit a mort. Perille , l'Auteur d'une
fi horrible invention , en fit le premier
elTai , & le Tyran , après y avoir vu mou-
rir un grand nombre de perfonnes , y périt
lui-même par le jugement de ^qs propres
fujèts 5 qui s'étoient révoltés contre lui.
Phallo phore s,
Miniftres des Orgyes , ceux qui por-^
toient le Phallus dans les Fêtes de Bac-|
chus. Us couroient les rues avec le Phallus, jj
étant tout barbouillés de lie de vin , Sel
couronnés de Lierre , & danfoient en fai-f
fan«t d'horribles contorfions.
Phallus.
Typhon ayant tu.é fon frère Ofiris , mit
fou corps en pièces & en fît difperfer les
membres. Ifis les recueillit avec foin pour
les renfermer dans un cercueil , quant à
ceux qu'elle ne put recouvrer , elle en fie
faire des repréfentations qu'on appella
Phallus, Ce font ces parties repréfentées
que Ton portoit dans les Fêtes d'Ofiris.
On porta de mcme dans les Fêtes de Bac-
chus , des repréfentations de membres hu-
mains ; mais ces fortes de figures oc-
cafionnèrent bien des infamies.
Ph AN TOMES.
Les Dieux s'amufoienc quelquefois à
former des Phantomes , pour tromper les
hommes : c'eft ainfi que Junon , voulant
fauver Turnus , qui s'expofoit trop , & le
tirer de la mêlée , forme d'une cpaifie nuée
le Phantome d'Enée , auquel elle donne
les armes , la démarche & le fon de voix
du Prince Troyen. Elle préfente ce Phan^
tome devant Turnus , qui l'attaque aufîi-
tot : le faux Enée s'enfuit , Turnus le pour-
fuit jufques dans un vaiiTeau qui fe trou-
voit au port : alors la Déelfe poufle le
Vaifieau en pleine mèr , & fait difparoîcre
le rival imaginaire du Prince Rutule. Les
Anciens Pocres fournifTent beaucoup d'e-
xemples de ces fortes de Phantomes^
Zvj
5^o .= PH=^
Phaon.
Phaon de Mitylène , dans Tlfle de Lef-
bos 5 étoit un fort bel homme , qui fe fit | Pé!
extrêmement aimer du fexe. Les Poètes | les
ont feint que cette beauté lai avoit été ! M
donnée par Vénus , en récompenfe des
fervices qu'elle en avoit reçus lorfqui!
étoit Maître de Navire ; il la prit un jour
dans fon bâtiment , quoiqu'elle fut dégui-
fée en vieille femme , & la paffa avec
toute forte de promptitude où elle vou-
lut. Il ne demanda rien pour fa peine j
«lais il ne laiffa pas d'être payé. Vénus
lui fit préfent d'un vafe d'albâtre rempli
d*un onguent , dont il ne fe fut pas plutôt
frotté , qu'il devint le plus beau de tous
\ts hommes , & fit la Pafiîon de toutes les
Femmes de Mitylène. La célèbre Sapho y
fut prife comme les autres , & le trouva
fi peu traitable qu'elle s'en défefpéra , de
courut fur la Montagne de Leucade, d'où
elle fe précipita dans la mèr. Phaon , en f
mémoire de cet événement , fit bâtir un
Temple à Vénus fur cette Montagne.
Phaon ne fut pas infenfibie a l'égard de
toutes les femmes ; car ayant été furpris
eu adultère ^ il fut tué fur le fait»
\
Phare s.
Ville de la petite Achaïe , Province du
Péloponnèfe en Grèce , a été célèbre par
les Oracles qu'y rendoic une Statue de
Mercure , pofée dans la place publique ,
devant celle de la DéefTe Vefta. Ceux qui
alloient confulter l'Oracle , faifoient pre-
mièrement briller de l'encens en l'hon-
neur de Vefta , puis ils alloient mettre de
l'huile dans de petites lampes de cuivre
qui étoient au pied de la Statue de Mer-
cure , ôc les ayant allumées , ils faifoient
leur offrande d'une Pièce de monnoie da
Pays , qu'ils jettoient fur l'Autel. Enfuite,
après avoir déclaré leur demande , ôc ap-
proché leurs oreilles de la Statue , ils fe
retiroient , les bouchant de leurs mains ,
jufqu'A ce qu^ils fufTent hors de la Place.
Alors ils ôtoient leurs mains , 3c prenoienc
pour réponfe de l'Oracle les premières pa-
roles qu'ils entendoient. On dit que les
Égyptiens en ufoient de même envers
leur Dieu Sérapis.
PhedrEj
Fille de Pafiphaë Se de Minos , Roi de
Crète , fœur d'Ariadne &c de Deucalion ,
fécond du nom , époufa Thefée , Roi d'A-
thènes. Ce Prince avoir eu d'une première
542 t==.PHc===
femme un ûls nommé Hippolyre , qu'il
faifoit élever à Troczène ; obligé d'aller
faire quelque féjour en cette Ville , il y
mena fa nouvelle époufe. Phèdre n'eut
pas plutôt vu le jeune Hippolyte , qu'elle
rut éprife d'amour pour lui ; mais n ofant
donner aucun indice de fa paillon en pré-
fence du Roi , 6^ craignant qu'après fon
retour à Athènes , elle ne fût privée de la
vue de l'objet qui l'excitoit , elle s'avifa
de faire bâtir un Temple à Vénus fur une
Montagne près de Troczène , où fous pré-
texte d aller offrir Us vœux à la DéelTe ,
elle avoir occafion de voir le jeune Prince
qui faifoit fes exercices dans la plaine
voifine.
Selon Euripide , Phèdre fait d'abord
tous {qs efforts pour étouffer cet amour
naiffant. «« Dès que je fentis les preniiers
jj traits d une criminelle flamme, dit-elle,
« je n'eus d'autre vue que de lutter avec
« fermeté contre un mal involontaire : je
w commençai à l'enfevelir dans un filence
55 profond Je me fis enfuite un devoir
55 de me vaincre , & d'être chafte en dépit
55 de Vénus. Enfin mes efforts contre cette
55 puiffante Divinité devenant inutiles,
r> ma dernière reffource eft; de recourir à
55 la mort.... L'Honneur Çonàè fur la Ver-
15 tu , efl plus précieux que la vie. ?> Mais
= PH--= H-3
la malheiireufe conhdenre qui lui avoit
arraché le fatal fecrèt de fon amour , fe
charge de le faire réuiTir & d'en faire la
déclaration à Hippolyte. Celui-ci eft faifi
d'horreur à cette affreufe propofition , ôc
veut s'exiler du Palais jufqu'à l'arrivée de
fon père. La Reine , inftruite des fenti-
mens d'Hippolyte , & au défefpoir de fe
voir diffamée-, a recours à un lâche arti-
fice pour fauver fon honneur : « J'expi-
3> rerai , dit-elle , fous les traits de l'a-
aj mour, mais cette mort même me ven-
»j géra , & mon ennemi ne jouira pas du
« triomphe qu'il fe promet : l'ingrat ,
5î devenu coupable à fon tour , apprendra
3> à réprimer la fierté de fa farouche Ver-
» tu. î5 Elle fe donne la mort , mais en
mourant elle tient dans fa main une let-
tre qu'elle écrit a Théfée , par laquelle
elle déclare qu'Hippolyte avoit voulu la
deshonorer , & qu'elle n'avoit évité ce
malheur que par fa mort.
Dans le Fameux Tableau de Polygnore ,
Phèdre étoit peinte élevée de terre & fuf-
penduc à une corde qu'elle tient des deux
mains , femblant fe balancer dans les airs,
c'eft ainfî , dit Paufanias , que le Peintre a
voulu couvrir le genre de mort donc la
malheureufe Phèdre finit (es fours : car
elle fe pendit de défefpoir. Elle eut fa
3-44 , =-PH =
fepulture à Troczène près d'un Alyrthe ,
dont les feuilles écoient toutes criblées :
ce Myrthe , difoit-on , n'étoit pas venu
ainfi , mais dans le temps que Phèdre étoic
poiTédée de fa pafîion , ne trouvant aucun
foulagement , elle trompoit fon ennui en
s'amufant à percer les feuilles de ce Myr-
the avec fon aiguille de cheveux,
ÉNIGME XCIL
Ma «aiffance elt particulière 5
Je ne fuis point fils de l'amour :
Je fuis fans mère , & tiens le jour
Du feul ouvrage de mon père.
Rien n'égale jamais mon luftre 5
Et j'ai pourtant tant de renom ,
Que lorfqu'on fçait un homme illuftrc ,
On lui donne aulTi-tôc mon nom.
On me prife fans me connoitre ,
On me connoît fans m'avoir vu ::
Je fuis pourtant (î peu connu,
Qu'on doute m.êrae de mon êtrev
Ph
ENIX,
« Les Égyptiens , dit Hérodote , ont un
y> Oifeau qu^ils eftiment facré , que je n'ai
3> jamais vu qu'en Peinture. Auffi ne le
» voit-on pas fouvent en Egypte, puif-
3> que 5 C\ \^on en croit ceux d'HéliopoIis ,
z? il ne paroîr chez eux que de cinq en cinq
3> (iécles i & feulement quand fon pète eft
30 mort : ils difent qu'il ell: de la grandeur
53 d'un Aigle , qu'il a une belle houpe fur
53 la tête 5 les plumes du cou dorées ^ les
33 autres pourprées , la queue blanche mê-
53 lée de pennes incarnates , d^s yeux étin-
>3 cellans comme àts étoiles. 35 Lorfque
chargé d'années il voit fa fin approcher , il
fe forme un nid de bois & de gommes
aromatiques , dans lequel il meurt. De la
moelle de fes os il naît un Ver , d'où fe
forme un autre Phœnix. Le premier foin
de celui-ci eft de rendre a fon père les
honneurs de la fépulture , & voici com-
me il s'y prend , félon le même Héro-
dote. « Il forme avec de la Myrrhe une
3j maffe en forme d'œuf .- il elfaye enfuite
33 en la foulevant, s'il aura allez de force
33 pour la porter : après cet eifai , il crcufe
35 cette maiïe , y dépofe le corps de (on
33 père 5 qu'il couvre encore de Myrrhe ,
33 & quand il l'a rendue de même poids
33 qu'elle étoit auparavant , il porte ce pré-
35 cieux fardeau à Héîiopolis dans le Tem-
35 pie du Soleil. )> C'eft dans les Deferrs
d'Arabie qu'on le fait naître , 6c on pro-
longe fa vie jufqu'â cinq ou fîx cens ans.
Les Anciens Hiftoriens on: compte
;4^ ,= PH =
quatre Apparitions du Phénix ; la pre-
mière fous le Règne de Séfoftris j la fé-
conde fous celui d'Amafîs ; la troifième
fous le troifième des Pcolémées. Dion
Cafîîus donne la quatrième pour un pré-
fage de la mort de Tibère. Tacite place
cette quatrième Apparition du Phœnix
en Egypte , fous l'Empire de Tibère \ Pline
la rapporte a l'année du Confulat de Quin-
tus Plancius , qui revient à Tan 3(5 de l'ère
vulgaire : & il ajoute qu'on apporta à Rome
le corps de ce Phénix , qu'il fut expofé
dans la grande place , & que la mémoire
en fut confervée dans les Regiftres Pu-
blics.
Rendons juftice aux Anciens qui ont
parlé de cet Oifeau incomparable : ils ne
l'ont fait que d'une manière fortdouteufe ,
qui détrait tout ce qu'ils femblent avoir
établi. Hérodote , après avoir raconté l'Hif-
toire du Phénix , ajoute qu'elle lui paroît
peu vraifemblable. Pline dit que perfonne
ne douta à Rome, que ce ne fut un faux
Phénix qu'on y avoit fait voir ; & Tacite
donne la même conclufion a fon récit.
Plufieurs des Pères de l'Eglife , S. Cy-
rylle , S. Épiphane , S. Ambroife & Ter-
tullien 5 ont employé l'Hiftoire du Phénix
reçue par les Païens , pour confirmer la
Réfurre6tion des corps , ce n'eft pas qu'ils
j
criuTent cette Hifloire j mais ils faifoient
uiage des principes que ceux-ci adop-
toienr.
Cette vieille Tradition , fondée fur une
faulTeté évidente , a pourtant établi un
ufage commun dans prefque toutes les
Langues , de donner le nom de Phénix à
tout ce qui eft fingulier <Sc rare dans fon
efpèce : rara avis in terris , dit Ju vénal ,
en parlant de la difficulté de trouver une
femme accomplie en tous points, & Se-
hèque en dit autant d'un homme de bien.
L'opinion fabuleufe du Phénix fe trouve
auiîi chez les Chinois , dit le P. du Haîde ,
dans fa defcription de la Chine , ils n'ont
pas été fi renfermés chez eux , qu'ils n'ayent
emprunté plufieurs opinions des Égyp-
tiens , des Grecs &: àts Indiens : ils attri-
buent à un certain Oifeau la propriété
d'être unique , de renaître de fes cendres.
PhiloctÈte,
Fils de Péan , avoir été un des compa-
gnons d'Hercule & fon confident : ce Hé-
ros , en mourant , lui laiiTa fes flèches pour
héritage , & lui fit promettre avec ferment
de ne jamais révéler où fes cendres fe-
roient dépofées. Les Grecs , prêts à partir
pour Troye, ayant appris de l'Oracle qu'ils
ne dévoient point efpérer de finir heureu-
?4f =PH =
femenr cette Gu rre , à moins qu'ils n'euf-
fenc les Flèches d'Hercule , envoyèrent des
dépurés à Philociete pour apprendre en
quel lieu étoient cachées les cendres de ce
Héros Se {qs redoutables flèches. Philoclèie
qui eut horreur de faire un parjure , en
difant un fecrèt qu'il avoit promis aux
Dieux de ne dire jamais , eut la foiblefTe
d'éluder fon ferment , pour ne pas priver
\qs Grecs de l'avantage qui devoit leur
revenir de ces flèches : il frappa du pied à
l'endroit où il avoit mis ce facré dépôt*
Les Dieux l'en punirent , car comme il
pafloir dans Tlfle de Lemnos , voulant
montrer aux Grecs ce que fes flèches pou-
voient faire contre les animaux , il laifla
tomber par mégarde la Flèche de l'Arc fur
le pied , qui avoit été Tinltrument de fon
indifcrérion , & en reçut une bleifure hor-
rible 5 il fe forma un ulcère qui jettoit une
puanteur, capable de fufFoquer les hom-
mes les plus vigoureux , toute l'armée eut
beaucoup de peine de le voir dans cette
extrémité , & concluant que c'étoit une
jufle punition des Dieux > on réfolut de
l'abandonner à^n% l'ifle.
Philociete demeura donc pendant pref-
que tout le Siège de Troye dans cette Ifle
déferre , feul , fans fecours , fans efpéran-
ce , fans foulagement j livré â d'horribles
= PH= ^45,
clouleurs , & expofe nuic & jour à la fu-
reur des bètes farouches. Une caverne na-
turellement formée dans un rocher lui fer-
vok de demeure , de ce rocher forcoit une
claire fontaine pour fa boiifon ; ik ces flè-
ches , avec lefquelles il tuoit les Oifeaux
qui voloiem autour de lui , lui fournif-
foient de quoi fe nourrir.
Cependant après la mort d'Achille , les
Grecs voyant qu'ils ne pourroient pren-
dre la ville de Troye fans les Flèches que
Philocîete avoit emportées avec lui à Lem-
nos ; UlyiTe , quoiqu'il fut celui de tous
les Grecs que Philociae haïiToit le plus ,
fe chargea de l'aller chercher avec Néop-
tolème , fils d'Achille ; 6c eut le fecrèc de
l'emmener au camp. Sophocle fait inter-
venir Hercule fur un nuage , qui vient lui
ordonner de la part de Jupiter d'aller 4
Troye : <« Tu y guériras , lui dit-il : ta va-
35 leur te donnera le premier rang dans
:j l'arrnée ; tu perceras de mes Flèches le
jj fier Paris , Auteur de tant de malheurs ;
»î ru renverferas Troye , & tu enverras à
w Pœan ton père les dépouil'es choifies ,
J3 qui feront le prix de ta bravoure
a J'enverrai Efculape pour te guérir à
»? Troye.,.. Mais fouvenez-vouSjôGiècs î
5> quand vous détruirez cette fuperbe Vil-
^ le , de refpeder la Religion \ le reile
j;o =PH =
5) meurt , celle-ci ne meurt jamais. » Tel
eft le dénouement que Sophocle a donné à
fa Tragédie de Philoclète , une des plus
belles , fans concredic , de tout le Théâtre
Grec.
PhilomÈle et P rogné.
Filles de Pandion , Roi d'Athènes ,
étoient extrêmement belles. Térée , Roi
de Thrace , époufa Frogné : cette Prin-
ceil'e , fâchée de fe voir féparée de fa fœur
qu'elle aimoit tendiement , engagea fon
mari d'aller à Athènes chercher Philomelc
pout la conduire en Thrace. Pandion n'y
confentit qu'avec beaucoup de répugnan-
ce 5 comme s'il eut prévu le malheur qui
alloit arriver à fa fille , & la fit accompa-
gner par des gardes pour veiller à'fa. con-
duite. Aulîi-tôt que Térée fe vit en pof-
fefiion de cette beauté qu'il aimoit déjà
éperdument , il ne fongea qu'à fatisfaire
fa paflion , & dès qu'il eut pris terre , il fe
défit de tous ceux qui accompagnoient la
PrinceiTe , la conduifit dans un vieux Châ-
teau qui lui appa^tenoit , & fe livra a fa
palîîon. Mais défefpéré des reproches fan-
glaiis qu'elle lui faifoit , il lui coupa la
langue \ la lailfa enfermée dans le Château,
fous la garde des perfonnes affidées.
Après de tels forfaits, Térée eut raffu*
=PH= j-yi
rance de fe préfenter devant fon époufe ,
ôc affedant un air trifte , lui die , que fa fœur
étoit morte dans le voyage. Progné le
crut 5 pleura Philomele comme morte 6c
lui drelfa un monument. Un an fe pafïà
fans que Philomele pût informer fa fœur
de fon malheureux état ^ elle s^avifa de
tracer fur la toile avec une aiguille de ta*
piiTerie l'attentat de Térée , & la fituation
afFreufe où il l'avoir réduite. Progné reçut
la toile 5 (5c fans s'amufer à répandre d'i-
nutiles larmes , elle ne s'occupa que de fa
vengeance. Profitant d'une Fête de Bac-
chus 5 pendant laquelle il étoit permis aux
Femmes de courir à travers les champs ,
elle alla au Château où étoit fa fœur , rem-
mena avec elle , l'enferma fecretement
dans le Palais , tua le fils qu'elle avoit eu
de Térée , ( il s'appelloit Itys ; ) & ayant
fait cuire fes membres , les fit fervir dans
un Feftin quelle donnoit à fon mari à
l'occafion de la Fête. Philomele parut à la
:fin du repas , & jetta fur la table la tête
de l'enfant. Térée à cette vue, tranfporté
de rage , demande fes armes pour tuer les
deux fœurs ; mais ces PrincefTes montent
aufii-tôt fur un VaifTeau qu'elles avoient
Ifait préparer pour cela , & arrivent à Athè-
nes 5 avant que Térée ait pu fe mettre en
mèf pour les pourfuivre»
Ovide dit que comme elles s'enfuyoient,
P/ulomèle fuc changée en Roiiignol , &
Progné en Hirondelle. Térée qui les pour-
fuivoic 5 fe vit auiîî métamorphofé en
Huppe 5 & Irys fon fils en Chardonneret.
Pandion ayant appris la nouvelle d'une
aventure fi déplorable , en mourut de cha-
grin. Oïï a voulu 5 dans ces Méramorpho-
fes 5 peindre le caractère de ces différentes
perfonnes. La Huppe , Oifeau qui aime le
fumier & l'ordure , défigne les mœurs im-
pures de Térée : fon vol lent fignifie qu'il
ne put atteindre les deux fœurs , fon vaif-
feau étant moins bon voilier que le leur;
le Rofiignol qui fe cache dans les bois Sc
\qs brofiailles , femble y vouloir cacher fa
honte & fes malheurs j & l'Hirondelle qui
fréquente les maifons , nous marque l'in-
quiétude de Progné y qui cherche vaine-
ment fon fils qu'elle a inhumainement
maflâcré. Les deux fœurs , fans cefie oc-
cupées de leurs malheurs , fe confumèrenc
d'ennui & de trifte0e , dit Paufanias \ Sc
ce qui donna lieu de dire que l'une avoic
été changée en Hirondelle , l'autre en Rof-
fignol ; c'eft que le chant de ces Oifeaux
a en effet je ne fçais quoi de trifte & de
plaintif.
Philosophie,
Philos ophie,
C'eft-â-dire , Amour de la Sagefle. Les
Anciens n'ayanr pas la témérité de fe nom-
mer Sages , fe qualiHoienc feulement du
titre de Philofophes,
On repréfente la Pkilofopkic par uns
femme d'un air impofant , allife modef-
tement fur un trône de marbre , auquel
on parvient par plufieurs gradins j elle a
un diadème d'or fur le front , & tient deux
livres ouverts , fur l'un efl: écrie : Natura*
lis y ôc fur l'autre Mora/is,
PhIL YR A,
m Fille de l'Océan , fut fi fenfible aux
ildéclarations d'Amour qui lui furent faites
. par Saturne , qu'elle lui lit part de la der-
, nière faveur. Rliéa , femme de Sarurne, y
fut trompée quelque temps ^ mais enfin fe
, doutant de quelque chofe , elle éclaira de
■ fi près la conduite de ces deux Amans ,
qu'elle les furprit fur le fait. Saturne,
pour fe cacher , prit la forme d'un Cheval
5c s'enfuit à toutes jambes , en faifant re-
:entir tout le Pélion de fes henniifemens,
. in Virgile. Mais Phifyra fut iî confufe ,
p'elle quitta le Pays & s'en alla errer par
es montagnes des Pélafges , où elle ac-
x)ucha du Centaure Chiron, Le regrèc
, , Tome IIL A a
II
n4 ^PH =
qu'elle eut d'avoir mis an monde un tel
enfant , compofé de la nature de cheval &
de la nature humaine , l'obligea à prier les
Dieux de la changer en quelqu'autre chofe.
Us exaucèrent fa prière ^ & la métamorpho-
sèrent en Tilleul. Un Commentateur de
Virgile dit que Saturne , pour cacher fou
intrigue à Rhéa , prit la figure d*un Che-
val , & donna à Philyra celle d'une Ju-
ment.
i
P H O L U S ,
Un des Centaures , fils de Silenus &
de Mélia. Hercule allant à la chafife du
Sanglier d'Erimanche , logea en palTant
chez le Centaure Fholus , qui le reçut hu-
mainement & lui fit bonne chère. Au mi-
lieu du Feftin ^ Hercule ayant voulu. enta-
mer un muid de vin qui appartenoit aux
autres Centaures , mais que Bacchus ne
leur avoir donné qu'à condition d'en ré-
galer Hercule quand il pafiTeroit chez eux,
ceux-ci lui en refusèrent , & l'attaquèrent
même vivement j les uns armés de gros
arbres avec leurs racines , les autres de^ .
groOTes pierres , les autres de haches, ils: !°
tondirent tous enfemble fur Hercule : le ,
Héros , fans s'étonner , les écarta à coups
de flèches , & en tua plufieurs de fa maf-.
fuc. Son Hôte ne prit aucune parc à ce*
combat , linon qu'il rendit aux morts les
devoirs de la fépulture , comme à Cqs pa-
rens ; mais par malheur une flèche qu'il
arracha du corps d'un de ces Centaures le
blella â la main , ôc quelques jours après
il mourut de fa blelTure. Hercule fie à fon
ami de magnifiques funérailles , & l'en-
terra fur la Montagne appellée depuis Pho-
loc , du nom de Pholus,
Phorbas. ^
Phorhas chef de Phlégyens , homme
cruel & violent , s'érant faifi des avenues
par lefquejles on pouvoit arriver à Del-
phes j contraignoit tous les paflans de fe
battre contre lui à coups de poing , pour
les exercer , difoit-il , à mieux comibattre
aux. Jeux Pythiens ; & après les avoir vain-
cus , il les faifoit mourir cruellement.
Apollon , pour punir ce brigand , fe pré-
fenta au combat déguifé en Athlète , &
aflfomma Phorhcis d'un coup de poing :
c'eft-à-dire , que quelqu'un des Minières
de Delphes qui voyoit diminuer tous \q%
jouis les offrandes qu'on porcoit dans le
Temple d'Apollon , par \qs incurfions
de Phorhas , drelTa des embûches au bri-
gand 5 &: l'ayant fait périr , publia que c'é-
toit le Dieu lui-même qui avoir vengé
l'infulte faite à fon Temple.
A a ij
Physique.
C'eft un Science qui a pour but la con-
noiflance & l'étude des caufes naturelles.
On la peint confidérant une Sphère , au
milieu de laquelle eft le Globe de la terre
fufpendu fur fes pôles. Proche d'elle eft un
Clepsydre ou horloge à Teau.
Picus ,
Hls de Saturne , fuccéda a Janus aa
Royaume d'Italie. C'étoit un Prince qui
joignit a une grande beauté tous les agré-
mens de refprit ^ il n'avoit pas encore
vingt ans qu'il avoit attiré fur lui les re-
gards de toutes les Nymphes du pays ; il
donna la préférence à la belle Canente,
fille de Janus. Un jour qu'il étoit a la
chaflfe 5 il rencontra Circé dans un bois ,
où elle étpit venue cueillir àts herbes pour
fes Opérations Magiques : elle fentit d'a-
bord un violent Amour pour lui \ mais
l'ayant trouvé infenfible , elle le frappa de
fa baguette , & auffi-tôt tout le corps de
Picus fut revêtu de plumes , & ne con-
ferva , de ce qu'il étoit auparavant , que
fon nom Picus, en françois Pivert, Sqs
gardes étant venus a fon fecours , furent
aulîî métamorphofés en différentes efpè-
ces d'Animaux. Il n'eft perfonjne qui ne
= Pi= n?
voie qne k relTemblance des noms a fait
cette Métamorphofe : un Mythologue mo-
derne en donne pourtant une autre rai-
fon : Ce Prince , dit-il , qui fe vantoit
d'exceller dans Tes augures à l'aide d'un
Pivert qu'il avoit fçu apprivoifer j comme
il périt à la chafTe dans un âge peu avancé ,
on imagina cette Métamorphofe. Picus ,
après fa mort , fut mis au rang des Dieux
indigèces.
ÉNIGME XCIIL
Depuis le matin jufqu'au foir,
Je vais, je viens, je cours fans voir.
Mou mouvement , lent oa rapide ,
Kft toujours tel qu'il plaîc^ celui qui me gaide.
Et comment pcurrois-je voir clair î
Je n*ai pas un feul œil , &: je crains d'être à l'air.
Ma peau trop délicate eft tripkment vêtue ,
Ht chacun rarement peut la voir toute nue.
Tous les jours on m'enferme en certaine maifon.
Que l'ouvrier exprès a faite ,
Pour m.e fervir d'une retraite ,
Qui pourroit fe nommer l'ambulante prifon,
ÉNIGME XCIV.
Suivant la Loi que l'on m'jmpofe ,
Je cours , ou bien je m^ lepofe ;
A a iij
Ci
yjg =PI =
Je m'étends en longueur , en£n
De mon pied j'avance chemin.
De douze mâles je fuis père ,
Sans avoir jamais vu leur mère i
Leurs fiUes , dont je fuis Taïeul ,
Et dont la charge eft fur moi feul >
Compofent, fans en rien rabattre,
•Le nombre de cent quarante-quatre.
Mon nom n'eft pas myftérieux,
Lecteur j puifqu'il eft fous tes yeux»
Piérides,
Filles de Piérus , Prince Macédonien >
qui osèrent , dit-on , faire un défy aux
Miifes, a qui remporteroit le Prix de la
Poëiîe : mais les Mufes furent vidorieu-
fes dans ce combat , de pour punir la té-
mérité des Piérides , elles les changèrent
en Pies. On donne aulïï le nom de Fié^
rides aux Mufes , à caufe que le Moue
Piérus en Theflalie leur écoit confacré*
ÉNIGME XCV.
Je fuis la fîile décelable
D'un père infortuné , dont le plus grand mal«*-
heur
Eft de me concevoir avec tant de douleur,
Que des qu'il m'a formée, il devient miféiabls.
Je reconnoîs {î mal l'être que je lui dois ,
Que par mes cruelles atteintes ,
• Je l'oblige par jour à me nommer cent fois
La caufe de Tes maux & de Tes triftes plaintes.
En effet, je le fais cruellement fouffiir,
Au point même qu'enfin , au péril d'en mourir ,
On le voit fe réfoudre à me mettre en lumière }
Et de la fille enfin , je deviens Ton bourreau 5
Car fouvent par Teffort d'une main meuitrièie ,
Quand il me met au jour je le mets au tombeau,
ÉNIGME XCVL
J*ai part a ces exploits qui ravagent la Terre ,
Comme aux amufemens , images de la Guerre,
Par fois, & même affez fouvent.
Le Solitaire & le Sçavant
Me veulent auprès d'eux , m'approchant de leur
couche ;
Mais qu'on ne craigne rien pour moi ,
Seule avec eux la ruiit , je fuis comme une fouche ,
Et n'en ai pas le moindre effroi.
A leur cmpreffement , je fçais ne pas répondre 5
Ils ont tous beau me tourmenter ,
Je trompe leurs defirs, jufqu'à les dépiter,
Plus je les vois après moi fe morfondr^
L'Avare , dans fon coffre fort ,
Ne (erre pas fi bien écus , fols & piftoles ,
Que je cache & défends le bien que l'on me vole 5
Mais à la fin je cède à leur effort.
Aaiv
;5o =:PI =
Ce qu*on m'enlève efl: un bien fecourabîc ;
Quoique commun , il eft pourtant fi précieux »
Que fi l'on veut croire la Fable,
La Terre le ravit aux Cieux-^
Piété.
Cette Vertu que les Grècs^ appeîloient
Euiebie , fut déïiiée par les Anciens : nous
voyons fouvent fon Image fur les Monu-
mens de l'Antiquité. Us entendoient par
la Piété ^ non-feulement la Dévotion des
hommes envers les Dieux , &: le refpedb
des enfans pour leurs pères ; mais aufli une
certaine Affeétion pieufe dQS hommes en^
Vers leurs femblables» Il eft peu de gens
qui n'affedent cette bonne qualité lors
même qu'ils ne l'ont pas. Tous les Em-
pereurs fe faifoient appeller Pieux, les
plus impies & les plus cruels comme les
autres. Elle étoit repréfentée comme une
femme aiîîfe , ayant la tête couverte d'un
grand voile , tenant de la main droite un
timon 5 & de la main gauche une corne
d'abondance. Elle avoir devant {qs pieds
une Cicogne , qui efl le Symbole de la
Piété ^ à caufe du grand amour qu'elle a
pour fes petits : c'eft pour cela que Pétrone
l'appelle P ietatis Cultrix ^ A\n:itnce de la
Piété. La Piété eft quelquefois dé/ignée
fur les Médailles par des Symboles j tan-
tôt par un Temple ou par les inflrumens
des Sacrifices : tantôt par deux femmes
qui fe donnent ia main fur un Autel flam-
boyant.
11 ne faut pas oublier ici le Temple bâti
dans Rome à la Piété\ en mémoire d«
cette belle adtion d'une nlle envers fa mère.
Voici comme Valère Maxime raconte la
chofe. Une femme de condition libre ,
convaincue d\in crime capital , avoir été
condamnée par le Préteur & liviée au
Triumvir pour erre exécutée dans la pri-
jTon. Celui-ci n'ofant porter fes mains fut
cette criminelle qui lui paroiiToit digne
de compaiîion , réfolur de la laiifer mourir
de faim , fans autre fupplice. Il permit
même à une hlle quelle avoir d'entrer
dans la prifon , mais avec cette précau-
tion qu'il la faifoit fouiller exactement ^
de peur qu'elle ne portât à fa mère de quoi
vivre» Pluiieurs jours fe panent , 5c la fem-
me eft toujours en vie : le Triumvir éton-
né obferva la fille , ôi découvrit qu ellô
donnoit à tèter â fa. mère. îl alla auiîi-tot
rendre com.pte au Préteur d'une cliofe Ci
extraordinaire ; le Préteur en ht rapport
aux Juges, qui firent graçe à la criminelle i
iî fut même ordonné que la prifon feroît
chani^ée en un Temple confacré a {xPiétii
k\on Pline y les deux femmes furent rour-
Âa V
^62 =^ P I =
TÎes aux dépens du public. Quelques His-
toriens mettent un père au lieu d'une
mère y les Peintres ont fuivi cette tradi-
tion dans les tableaux où ils ont repréfenté-
cette Hiftoire , qu'on appelle commune
ment des Charités Romaines*
Celui dont je (uis le partage ,
Se peut dire heureux en tous fens >
Il poflede les biens préfais ,
Et le Ciel eft fon héritage.
Selon les Anciens, la Piété eft la Dé**
votion envers Dieu , le refped filial en-
vers les pères , & cette tendre affedion
pour le prochain , qui nous porte à l'aimer
comme nous-mcme.
On la perfonnifie auHÎ par une belle
femme vètuc de voiles blancs y Symboles,
de Pureté. Elle a une flamme ardente fur
la tête y Se s'appuie fur un Autel y pour
marquer l'excès de l'Amour de Dieu. La
Cicogne qu'elle a dans fes bras , eft l'Attri-
but de l'Amour filial ; Se l'Épée qu'elle
lient , fîgnifie qu'elle eft toujours difpofée
à foutenir les droits du plus foible. Lz
Corne d'abondance qui eft près d'elle , Se
dans laquelle des enfans cherchent des
fruits , eft le Hiéroglyphe cfe l'Amour da
Prochain,
ï
= PI= S^5
ÉNIGME XCFIL
Je fuis petite & bien brunette ,
De la forme k plus parfaite.
Mon père quelquefois m'appellant ua tréfor,
Souvent m'habille toute d'or.
Pour me rendre où l'on me defire ,
Il me faut traverfer un Palais précieux ,
Et puis defcendre eo d'autres lieux ,
Que leur obfcurité m'empêche de décrire.
Là toutefois j'exerce mon empire ,
Et c'eft pour foulager les maux
Du Roi des Animaux,
Pin,
Cétoir l'arbre favori de Cybèle. On le
trouve ordinairement repréfenré avec cette
DéefFe. Le Pin éroir aufli confacré au
Dieu Silvain j car dans fes images il porte
aiïez fouvent de la main gauche une bran-
che de Pin 5 où tiennent à^s pommes du
inême arbre. Profpère donne encore le
Pin au Dieu Pan : car il dit que le Dieu
d'Arcadie aime cet arbre. On fefervoic de
sec arbr§ pour la conftrudtion des bûchers,-
5^4 ,==^PI=.
ÉNIGME XCVlîh
Je fuis plus ou moins gros > félon mon miniflcre
Mais en quelque état que je (ois ,
Ma baibe faite en pointe eft: toujours néceffaire
Pour remplir dignement mes diifércns emplois.
la plus fîère Beauté , Hijette à m.on Empire,
Me laiffe en pleine liberté
Paire ce que je veux 5 & ma fîncêrité
Eit le feul bien cruelle délire.
De la laide au contraire ennemi manifefte.
Pour elle je n'ai nuls appas j
Et fi je ne la flatte pas ,
Elle s'emporte , & me détefte*
En un mot telle eft ma puifTance,
Que prefque en urTinftant j'élève des Palais 5
Je fais naître la Guerre au milieu de la Paix,
Et dans un lieu defert je produis l'abondance.
Mais pour bien exercer ces différcns offices 5
J'ai befoin d'un maître fçavant ,
Qui me conduife auparavant ,
Et me faffe avec art remplir mes exercices.
ÉNIGME XCIX.
Je {Iiis utile en toutes les Saifons ,
A la Ville comme au Village 5
Mais c'efl: dans le temps des glaçons ,
Que je fuis le plus en ufage.
Ma taille cft mince , & mes deux bras
Sont quelquefois au/Ti longs que ma taille ;
Quelq'.efcîs moins, quand celui qui travaille
Croit me donner ou plus ou moins d'appas.
On pourroit même fans reproche ,
Appeller ces bras, pieds, ou mains ,
Poui' cmbraJfTcr un corps qu'avec eux je foutiens >
On les écarte , on les approcha.
Je garde toujours la maifon ;
Un nouveau marot , pour raifon y
Voudroit me garder dans fà poche.
Par Ton difcours , vous {çaurez qui je fuis .3
De mes talcns, & non de ma figure.
Il fait une cxade peinture ;
Me nommerai-je ? Je ne pois.
ÉNIGME C
D'étrange & bizarre attitude,
Je n'ai qu*un ventre & qu'un hojâui
le plus pur Elément diffout ma plénimde.
RicheiTe du monde nouveau ,
fSS = P I =
Délices du fiècle où nous femmes »
Je fais refpirer en repos
L'Artifan , le Soldat, le Doâ:eur, le Héros :■
Aimable amufement de la plupart des hommes ,.
D'ufage en tous les temps , & de guerre & de pai^f ^
D'ufage en tous les lieux, fur la terre & fur l'onde-j
Mais tandis que je fais le plaifir des Palais ».
Rien ne repréfenta jamais
Si naturellement les vanités du monde..
FlQUÈT^
Ceft le plus fameux des Jeux de Carres^^
q,ui fe jouent entre deux perfonnes : voici
ce qu'on lit dans. les Efïais de Paris de M..
de Saint'Foix , Tome I , page jjj & fui^
vantes , au fujet du Jeu de Fiqiiet, « On;
j> lit dans le Théâtre François , Tome XI y
ii page ly^ , qu'en 16^7^ on repréfenta 3.
» fur le Théâtre de l'Hôtel de Guénégaud ,
)î une Comédie de Thomas Corneille , en'
3? cinq adres , intitulée le Triomphe des^
n Dames ; qui n'a point été imprimée., de
j> dont le Ballet du Jeu de Piquet étoit nn^
9? des intermèdes. Les quatre Valets paru-
5î renrd'abord avec leurs hallebardes, pour
» faire faire place \ enfuire les Rois arri-
» vcrent fuccefîîvement , donnant la main-
3> aux Dames , dont la queue étoit portée
5^par quatre EfclaveSyle premier de ce5^
= P I = f ^7
» Efchves repréfentoit la Paume ^ te fe-
yi coiid 5 le Billard ; le troifième , les Dez y
» le quatrième , le Tridtrac. Les Rois , les
» Dames & les Valets , après avoir formé,,
>3 par leur danfe , des Tierces & des Qua-
io torze 5 après s^ètre rangés tous , les noirs.
j9 d'un côté & les rouges de l'autre , fini-
» rent par une contre-danfe , où toutes les
>5 couleurs étoient mêlées confufément èc
9» fans fuite.
jî Je crois que cet intermède n'etoit pas
5> nouveau , & qu'il n'étoit que l'efquiiTe
» d'un grand ballet , exécuté à la Cour de
» Charles VU ; & fur lequel on eut l'idée
jj du Jeu du Piquet , qui certainement ne
îî fut imaginé que vers la fin du Règne de
î> ce Prince. Combien de perfonnes [ouenc
39 tous les jours à ce jeu , fans en connoî-
*» tre tout te profond mérite ! Une Diifer-
M tation , que |e crois du Père Daniel^
» prouve qu'il eft Symbolique , Allégori-
» que 5- Politique , Hiftorique , & qu'il ren-
> ferme des maximes très-importantes fur
î> la guerre & le gouvernement. As eft un
n mot latin qui lîgnilie une Pièce de mon^
»> 720/^, du bien j des richejfes Les As au
« Piquet ont la primauté , même fur les
3> Rois y pour marquer que l'Argent eft le
55 nerf de la Guerre , <3c que lorfqu'un Roi
M ïiQïi apas., fa puiiïance eft bisn fbible.
y ^8 .= PI =
33 Le Trcffie , herbe fi commune dans les
M prairies , (îgnifie qu'un Général ne doit
î5 jamais camper fon armée en des lieux
M où les fourages peuvent lui manquer , 5c
« où il feroit difficile d'en tranfporter. Les
35 Piques & tes Carreaux défignent les Ma-
3> gafins d'armes qui doivent être toujours
3> bien fournis : les Carreaux étoient à^s
» efpèces de flèches fortes & pefantes ,
» qu'on tiroit avec l'Arbalète , & qu'on
>» nommoit ainfi , parce que le fer en éroit
33 quarré. Les Cœurs repréfentent le cou-
3> rage à^^ chefs & ^ts foldats. David ^
3j Alexandre , Céfar & Charlemagnc , fonc
M a la tête ào^s quatre quadrilles ou couleurs
« du Piquet , pour fignifier que quelque
» nombreufes que foient \qs Troupes , el-
iî les ont befoin de Généraux auiîi pru-
» dens que courageux , & expérimentés.
33 Quand an fe trouve dans une pofition
» fâcheufe , dans un camp défavantageux ,
» & dans TimpuifTance de difputer la vic^
53 toire \ il faut tâcher que la perte que l'on
33 va faire , foit la plus petite qu'il fera
» pofTible ; c'efl ce qui fe pratique au Pi-
» quet : fi le fond de notre Jeu eft mau-
33 vais ; fi les As , les Quintes & les Qua-
35 torze font contre nous , il faut fe pré-
» cautionner , en tâchant d'avoir le point
V pour prévenir le Pic 6c le Repic , il faut
t> donner des gardes aux Rois & aux Da-
93 mes 5 pour éviter le Capor.
î> Sur les cartes des quatre Valets , an
a» lit les noms d'Ogîer , de Lancelot ^ deux
M preux du temps de Charkmagne ; de la,
« Hire^ & d'Hector de Galard^ deux Ca-
5> pitaines de diftinction fous le Règne Je
95 Charles VU. Le titre de Valet étoit an-
« ciennement honorable \ & les plus grands
5> Seigneurs le portoient jufqu'à ce qu'ils
î5 enflent été faits Chevaliers, Les quatre
a> Valets au Piquet repréfentent donc la
» noblefle > comme les dix , les neuf, les
y, huit & les fept , défignent les foldacs.
« L'Anagramme d'Jrgine , nom de ïa
9> Dame de Trefîle , eft Regina ; c'étoir la
»> Reine Marie d'Jnjou , femme de Char-
» les VII ; la belle Rachel y Dame de Car-
» reau , c'éroit Agnès Sorel; la Pucelîe
» d'Orléans étoit repréfentée par la chafte
» 6c guerrière P allas , Dame de Pique 5,
j> & Ifaleau de Bavière , par Judith , Da-
» me de Cœur ; ce n'eft pas la Judith de
9> l'Ancien Teftament ^ mais l'Impératrice
9> Judith , femme de Louis le Débon^
naire , qu'on avoit accufée d'être très-
9> galante , qui caufa tant de troubles dans
â> l'État 5 6c dont la vie avoit tant de rap-
n port avec celle à'Ifaleau de Bavière,
a> 11 eft âifé de reconnoicre Charles VII ^^
»
570 =PI =
?3 fous le nom de David y donné au Roi |
90 de Pique. David ^ après avoir été long-
» temps perfécucé par SauL ^ Ton beau-
35 père , parvint à la couronne de Judée \
» mais au milieu de fes profpérités , il
» euo: le chagrin de voir Ton fils Ahjalon
» fe révolter contre lui. Charles VU j
» après avoir été déshérité & profcrit par
M Charles VI , fon père , reconquit glo-
35 rieufemenc fon Royaume , mais les der-
n nieres années de fa vie furent troublées
» par Tefprit inquiet , & le mauvais ca-
» radèie de fon fils , ( depuis Louis XI , )
« qui ofa lui faire la guerre , &: qui fut
» même la caufe de fa mort.
» On voit qu'un jeu de carres , à la fa-
« veur d'un Commentaire , peut s'attirer
» autant de confidération que bien des
» autres Grecs & Latins. «
PlRlTHOUS,
Fils d'Ixion , étoit Roi des Lapithes i
ayant époufé Hippodamie , il pria les Cen-
taures a la folemnité du mariage. Ceux-
ci , échauffés par le vin , voulurent faire
infulte aux Dames \ mais Hercule , Thé-
fée, Piritho'tts ôc les autres Lapithes puni-
rent l'infolence de ces brutaux , Ôc en tuè-
rent un grand nombre. Firiihous ôc Thé-
fée furent unis de l'amitié la plus étroite
^Sc la plus confiante : voici comme elle
commença. Pirithous , frappé du récic des
grandes adions de Théfée, voulut mefurer
fes forces avec lui , & chercha l'occafion de
lui faire querelle j mais quand ces deux
Héros furent en préfence, une fecrète ad-
miration s'empara de leur efprit , leur
cœur fe découvrit fans feinte y ils s'em-
brafsèrent au lieu de fe battre, & fe jurè-
rent une amitié éternelle. Piritho'ùs de-
vint le fidèle compagnon de voyage de
Théfée. Ils formèrent le profèt d'aller en-
femble enlever la belle Hélène , qui n*a-
voit alors que dix ans y & en étant venus
à bout 5 ils la tirèrent au fort, à condition
que celui à qui elle refteroit, feroit obligé
d'en procurer une autre à fon ami. Hé-
lène échut à Théfée, qui s'engagea d'aller
avec Piritho'ùs enlever Proferpine > fem-
me de Pluton. Ils defcendirent donc dans
les Enfers , pour exécuter leur téméraire
projet 'y mais Cerbère fe jetta fur Pirithoùs
êc l'étrangla : pour Théfée, il fut chargé
de chaînes, Ôc détenu prifonnier par l'or-
dre de Pluton > jufqu'à ce qu'Hercule k?
vint délivrer.
PiSTOR,
Surnom de Jupiter. Pendant que les
Gaulois affiégeoient le Capitole , Jupiter ,
5-72 .= P I ,=7=
dit-on , avertit les Afîiégés de fe faire du
pain de tout le bled qui leur reftoit, &
de le jetter dans le Camp ennemi, pour
faire croire qu'ils ne feroient pas de long-
temps réduits à manquer de vivres : ce
qui réulîît fi bien que les ennemis levè-
rent le fiége. Les Romains, en adions de
grâces 5 érigèrent une Statue à Jupiter,
dans le Capitole , fous le nom de Bijîor^
PiTHO,
DéefTe de la Perfuafion. Elle étoit in-
voquée principalement par les Orateurs :
elle eut pUifieurs Temples ou Chapelles
êiPins la Grèce. La Ville d'Egialée étant
affligée de la pefte, parcequ'eile avoir re-
fufé de recevoir Apollon & Diane , ou
plutôt le Culte de ces deux Divinités;
l'Oracle de Delphes déclara aux Egia-
liens, que, pour faire cefTer le fléau, ils
dévoient confacrer à Diane & à Apollon
fept jeunes garçons , & autant de jeunes
filles : ils obéirent promptement, & fu-
rent délivrés du fléau. En mémoire de cet
événement, ils confacrèrent un Temple à
la DcefTe, parcequ'eile leur avoir perfuadé
d'obéir a l'Oracle. Tliéfée ayant perfiiadé
à tous les Peuples de l'Atrique de fe réu-
nir dans une feule Ville , pour ne fairâ
plus déformais qu'un Périple , il incro-».
<îuirit i cette occafion le Culte de la
Déeife Pitko, Hipermneftre ayant gagné
fa caufe contre Danaiis fon père , qui la
pourfliivoit en Juftice, comme défobcif-
fante à fes ordres , en fauvant la vie à
fon mari , dédia un Temple à la Dée^Co
Pitho^ Enfin elle avoit dans le Temple de
Bacchus à Mégare une Statue de la main
de Praxitelle.
PiTTACUS,
L*un des fept Sages de la Grèce, éroîc
de Mytilène dans Tlile de Lesbos, après
avoir affranchi fa Patrie du joug d'un Ty-
ran 5 il fut chargé du Gouvernement par
fes Concitoyens. C'eft à lui qu'on attribue
cette réponfe : Quelqu'un ayant demandé
quels animaux croient les plus dangereux :
Pittacus répondit fur le champ : « Parmi
»> les Domeftiques, c'eft un flatteur qui fe
» couvre du mafque de l'amitié j & parmi
» les autres , c'eft un Roi qui abufe du
3> pouvoir fouverain. » Pittacus avoit faic
mettre une échelle dans tous \^s Temples
de Mytilène, pour marquer, difoit-il, les
Jeux ditférens & les revers de la Fortune,
PiTYS,
Jeune Nymphe, qui fut aimée > dit-on^
de Pan , 6c de Borée en même temps»
;74 . ., =PI-=
Pan , irrité de ce que Pitys avoir plus
d'inclination pour fon Rivai, la jetta de
rage contre un rocher avec tant de vio-
lence, qu'elle en mourut. Borée, touché
de fon malheur , dont il étoit caufe , pria
la Terre de faire revivre Pitys fous une
autre forme. Aufîi-tôt elle fut changée en
un Arbre , que les Grecs appellèrent de
fon nom Pitys, C'eft le Pin , qui-femble
pleurer encore, dit la Fable, par la liqueur
qu'il jette , lorfqu'il eft agité par le Vent
Borée.
Pivert,
Oifeau qui étoit fous la tutelle de
Mars ; parceque, félon l'Auteur Anonyme
de l'Origine du Peuple Romain , dans le
temps que Romus & Romulus étoient en-
core enfans , un Pivert voloit tous les i
jours à la caverne, où étoient ces enfans,
leur portant dans fon bèc de quoi man-
aer , & le leur mettant à la bouche. C'eft
ain(î que le Dieu Mars prenoit foin de
fes fils.
Place d'Henri IV.
La Statue, équejlre de Henri IV eft la
première, & le premier Monument géné-
ral de cette ^.{'^hcQ , qu'on ait élevé à la |
gloire de nos Rois.
Il eft placé à rextrémicé de Tlfle du
P?lais , au milieu d'une efplanade , en
corps avancé fur la rivière , revécu d'un
quai folide de pierres de taille, à l'en-
droit où la rivière fe rejoint, pour repren-
dre fon canal naturel, qui eft d'une très-
grande largeur. Cette fituation eft d'au-
tant plus avantageufe , qu'elle eft dans le
lieu le plus palTant, & le plus fréquenté
de toute la Ville , de qu'elle eft expofée
à la vue de tous côtés , même dans les
diftances les plus éloignées. Ce Monu-
ment a été érigé le 23 Août 1(^14. On y
travailla d'abord avec aifez de lenteur,
car il ne fut entièrement terminé qu'en
Henri IF eft reprefenté en bronze , de
grandeur héroïque^ c'eft- à-dire, d'une
taille de la moitié plus grande que la
taille ordinaire. Cette figure équeftrc eft
élevée fur un piédeftal de marbre, de figure
oblongue, fur les grandes faces duquel les
principales adions de ce grand Roi font
repréfentées en bas-relief de bronze. Aux
quatre angles du piédeftal foutenu fur un
empâtement de marbre turquin , font au-
tant d'efclaves attachés, qui ont hs pieds
pofés fur des armes antiques de différente
efpèce.
Tous ces accompagnemens ont été det
Xiwis par Francheville ^ Originaire de
Cambrai, Sculpteur habile, dont on a vu
pendant long-temps , dans le Jardin des
Tuileries, un Grouppe de marbre de la
Vérité enlevée par le Temps , qui fai-
foit connoître le mérite de ce Sculpteur.
Louis XIV l'a donné à Louis Phély peaux ^
Chancelier de France , qui l'a fait tranf-
porter dans fon Château de Pontchar-
train. La figure du cheval a été faite à
Florence , par Jean de Boulogne , né à
Douai , Élève du fameux Michel Ange
Buanarot , fous lequel il avoir appris la
perfedion de iow Art. Il jouifToit alors
de la plus haute réputation. On trouve ,
dans la figure du cheval , beaucoup de
carre6tion , & des beautés particulières \
cependant les connoifTeurs ont trouvé que
le modèle n'a pas été bien choifi : il eft,
dit-on, d'une taille trop pefante, & n'a
pas la légèreté qu'on defire dans un che-
val de bataille.
La figure de H^nri IV eft d'un a«rre
Sculpteur , nommé Dupré. Corne II, Grand
Duc de Tofcane , fit préfent du cheval à
Marie de Médicis pendant qu'elle étoit en
Régence : Lous XIII étoit encore en bas
âge. Il arriva des accidens a c^ cheval,
avant que d'arriver en France. Le Vaif-
ieau qui ie portoit fit naufrage fur les
cotes
côtes de Sardaine. Le cheval fut retiré du
fond de la Mèr avec beaucoup de peine ,
Se remis fur un autre VaifTeau , qui eut
encore quelques accidens à eiruyer fur les
côtes d'Èfpagne , de la part des Pirates.
Mais enfin le VaifTeau qui le portoit, ar-
xiva au Havre au commencement de Mal
1^13 5 & le cheval arriva à Paris, par la
Seine , le 1 3 Août de l'année fuivante.
Louis XIII mit la première pierre aux
fondations du piédeftal j &: cette Céré-
monie fe fit avec beaucoup de pompe &
d'appareil. Mais cet Ouvrage ne fut ter-
miné que vingt-deux ans après. Outre les
diverfes Infcriptions que l'on voit fur les
faces du piédeftal , on en a encore enfer-
mé une 5 écrite fur le vélin , dans un
tuyau de plomb , que l'on a placé au mi-
lieu de la capacité du ventre du cheval,
avec de la poudre de charbon , ahn de
garantir cette Infcription de l'humidité,
& de tout ce qui pourroit la gâter. Cette
Infcription contient quelques particulari-
tés. On la trouve , ainfî que les autres
qui font fur les faces du piédeltal, dans la
Defcription de Paris, par Germain Brice^
TQme IF y pag. lyi & fjiiv.
Place Royale.
Elle fut bâtie à Paris en 1^04, fous le
Tome IIL B b
n8 ==PL=
Règne iQ Htnri IV ^ aux dépens de pla-
fieurs particuliers. Les maifons qui font
autour, font d*une Tymmétrie égale, mais
aiïez groiîîère , & n'ont été achevées qu'en
1(^30. Cette Place occupe le même lieu
qui avoit fervi de Jardm au Palais des :
Tournelles y fitué du côté du Rempart, où
François 1 & quelques-uns de £qs Prédé-,
cefTeurs avoient tenu leur Cour. Cet an*
cien Palais^ appelle Hôtel des Tournel^
les y a commencé à être habité par Char^^
les V ^ occupé dans la fuite par pluiîeurs '
de fes SuccelTeurs ; il fut vendu, en 15(^5,; '
à plufieurs particuliers , qui y élevèrent les '
maifons que l'on voit à préfent j & la rue l
qui règne à côté du Rempart , a retenu le ^
nom de la Rue des Tournelles, ^
La Place Royale eft parfaitement quar-, ^
rée, de foixante-douze toifes de face, com-
pofée de trenre-fix pavillons , neuf à cha- -
que face , élevés d'une même ordonnance . ^^
dont la maçonnerie eft de briques, avec ^^
des cordons ou des chaînes de pierres de P^
taille. Il règne par-tout, a rez-de-chauffée Cr
une fuite d'arcades fort baffes , en manièn i"^
de corridor , à la faveur duquel on v; ^^i
commodément à couvert tout autour dt ^l
la Place. Dans Tefpaçe qui efl au milieu ^ai
on a lailTé un grand préau enfermé dan
une paliiTade de fer, pour laquelle chaqu
pavillon a contribué la fomme de mille
livres.
La Statue cqueftre du Roi Louis XIII^
pofée le 13 Décembre 1(^5 <j, eft placée
au milieu de cet efpaçe : elle eft élevée
fur un grand piédeftal de marbre blanc,
aux faces duquel on a gravé des Infcrip-
tions. On les trouve dans la Defcripticn
de Paris y par Germain Brice^ Tome II,
pag. 2.1 o & fuiv,
La figure du cheval eft un des beaux
ouvrages que l'on puifte voir. Le fameux
Daniel Bicciarelli ^ de la Ville de Vol-
terre en Tûfcane , Difciple de Michel An^
gey Sculpteur fort eftimé, l'avoir faite pour
Henri II y à la foUicitation de la Reine
Catherine de Médicis. Mais la mort de
cet habile maître , arrivée trop tôt , en
155(1 5 fut caufe qu'il ne put achever la
figure du Roi. Le Cardinal de Richelieu
fit pofer le cheval, & y fit ajufter la figure
de Louis XIII ^ par Biard ; mais elle neft
pas d'une beauté du premier ordre : & les
Critiques ont remarqué que, pour faire
un Monument parfait , il falloit donner
au Roi Henri IF le cheval du Roi Louis
XIII y parceque ces pièces font excellentes
en leur genre.
BbiJ
Plage des Victoires.
François , Vicomte à'AuBuffoyi de ta
FeuilUde , Pair & Maréchal de France ,
&c. comblé d'honneurs & de bienfaits par
Louh XIV y voulut laiiTer à la Poftérité
une marque éclatante de fa reconnoiffan-
ce. D'abord il fit faire une Statue du Roi
en marbre , qu'il avoit réfolu de placer
dans un des endroits les plus fréquentés
de la Ville de Paris , & qu'on a depuis
pofée dans l'Orangerie de Verfailles,
Cette première entreprife ne lui ayant
pas paru alTez confidérable , il forma le.
delTein d'un Ouvrage incomparablement
plus grand, & réfolut de çonfacrer à la
mémoire du Roi une Place publique dans
le centre de la Ville. Pour cet effet, il
acheta THôtel de la Ferté-Sénedtère , dont
il fit enfuite la plus grande partie en
l6%4^\ mais cet efpaçe ne fiifïifant pas,'
encore pour l'étendue qu'il vouloit don^
ner a la nouvelle Place , il engagea l'Hô-
tel-de -Ville à acheter plufieurs grandes
maifons , qui furent renverfées ; & il
donna à cette Place le nom de Plage des
Victoires, Elle eft difpofée de manière,
que fix Rues y viennent terminer \ ce qiii
lui eft d'autant pHis néceffairë, qu'elle eft
d'une étendue alfez médiocre , pour \d,
ûr/
= PL== J§i
grandeur & pour la hauteur du Monu*
înent qui fe trouve au milieu j lequel ,
comme le remarque Germain Brice^ de-
mandoic d'être confidére de bien plus
loin 5 &— dans des diftances moins pro-
ches.
Cette Place eft de figure ronde. Se fon
Plan décrit un cercle parfait de quarante
toifes de diamètre. Elle eft prefque en-
tourée de bâtimens d'une mcme fymmé-
trie j les façades extérieures en font or-
nées d'un Ordre Ionique en Pilaftres , qui
femble être l'Ordre favori des Architectes
modernes. Cet Ordre eft pofé fur une
fuite d'arcades chargées de réfends ^ or-
donnance agréable à la vue , & dont les
proportions ont de l'élégance & de la
jafteire. JuUs-Hardouin Manfard a don-
né les delTeins de ces façades.
Dans le centre de cette Place , la Sta-
tue de Louis XIV eft élevée fur un grand
piédeftal de marbre blanc veiné, de vingt-
deux pieds de hauteur, en y comprenant
\t^ foubaffemens de marbre bleuâtre. Sur
ce piédeftal , le Roi eft repréfenré dans les
habits, dont on fe fervit aux Cérémonies
de fon Sacre a Rheims, que l'on confervè
dans le Tréfor de Saint Denis, Il a le
Cerbère a i^'^ pieds , (3c la Vicioire derrière
lui, montée fur un Globe, qui lui mèc
B b iij
582 = P L =
d'une main une Couronne de Laurier fur
la tête ^ Se de l'autre elle tient un Faif-
ceau de Palmes & de branches d'Olivier.
Son attitude eft noble ôc hardie. Toutes
ces figures font enfemble un grouppe de
treize pieds de hauteur, d'un feul jet, où
l'on a employé plus de trente milliers de
métal. Pour rendre ce Monument d'une
apparence très-magnifique , on Ta doré en-
tièiement, pour le faire briller & paroître
de plus loin. Voici les accompagnemens
de cette riche Statue.
Sur les quatre corps avancés du foubaC-
fement qui fert d'empâtement au piédef-
tal, on a placé autant d'efclaves , qui font
auiîi de bronze y Ôc ils font de douze pieds
de proportion j diverfement habillés, dans
des attitudes différentes : ils paroifrent at-
tachés au piédedid , avec de grolfes chaî-
nes *y & autour d'eux , on a difpofé des
Armes de diverfes efpèces , ôc d'autres
chofes fymboliques , qui marquent les
avantages que la France a remportés fur
plufieurs Nations, contre lefquelles elle a
entrepris la Guerre ôc remporté des Vic-
toires. Tous ces Ouvrages font de bron-
ze, defilnés très-corredement, de même
que quure bas-reliefs de quatre pieds de
haut fur fix de long, qui occupent les
fa^es du piéd^^ilaU
Le premier repréfente la Préféance ac-
cordée à la France fur rEfpagne en 1661.
Le fécond, le PafiTage du Rhin en i6yi.
Le troifîème, la Conquête de la Fran-
che-Comté en i<j58.
Le quatrième, la Paix de Nimègue en
1^78.
Il y a encore deux autres bas-reliefs fur
les faces du grand foubaffemenc, dans les
cartouches entourées de feuillages & de
guirlandes j l'une marque la Deftrudlion
de XHèrèfU ^ & l'autre l'Abolition des
Duels, Les Armes de France , entourées
de Palmes & de Lauriers , avec la Devife
du Roi, font pofces aax quatre faces fur
la corniche du piédeftal j au pied de la
Statue, la faillie de cette corniche eil por-
tée par Ae% confoles. 11 règne autour du
piédeftal, jufqu'à neuf pieds de diftance,
un efpace pavé de marbre de diverfes cou-
leurs, & entouré d'une grille de fer, à la
hauteur de fix pieds.
Ce qui embelliiroit beaucoup la Place
des ViÊîoires ^ ( continue Germain Brice )
ôc qui ne fe voit plus à préfent , c'étoienc
quatre grouppes , chacun de trois colom-
nes de marbre dorique, difpofées en trian-
gle : fur chaque face , étoient fufpendas
avec des guirlandes de feuilles de Chêne
& de Laurier, des Médaillons de broaze,
Bbiv
où croient repréfentés en bas-relief divers
évènemens remarquables de la vie du Roi ,
accompagnés d'infcriptions qui en expli-
quoient le fujèc. Ces colomnes portoient
des corniches architravées, avec des amor-
tilTemens en gorge , fur lefquels il y avoit
des Fanaux ou Lanternes de bronze doré,
moulu , a panneaux de glace , qui éclai-
roient la Place pendant la nuit. Ces group-
pes de colomnes écoient pofés fymmétri-
quement , de à égales diflances , en qua-
tre endroits de la Place , aux encoignu-
res des rues qui y aboutifTent. Ils ont été
détruits en 171 8 • Se tous les marbres qui
y étoient employés , ont été donnés aux
Tbéatins, à condition du Service funèbre
pour le repos de lame du Maréchal de la
Feui//ade.
Les DeiTeins de ce Monument font de
Martin Desjardins y Sculpteur habile, né
à Bréda : lui-même en conduifit la fonte
avec un fuccès qui furprit , parcequ'avanc
lui 5 on n'avoir pas encore entrepris en
France un ouvrage de cette grandeur, 8c
de cette conféqaence. Les Infcriptions qui
fe lifent autour de ce Monument, font de
la compoiition de François-Séraphin Re-
nier Defmarais ^ Secrétaire perpétuel de
l'Académie Françoife. Germain Brice les
a recueillies dans fa Defcription de la Vilh
de Paris y Tome /, pag, 403 & fuivantes ,
ainfî que celles qui écoient far les quatre
grouppes des colomnes qui ne fe voyeiic
plus. La Dédicace de cette Place fe fit le
28 du mois de Mars i(^3(T, avec beau-
coup d'appareil & de cérémonies. Suivant
le Teftament du Maréchal de U FeuilU-
de:, le grouppe & les figures de cette Place
doivent être dorés tous les vingt-cinq ans ,
avec le même foin & la même dépenfe
que la première fois ; & de cinq ans en
cinq ans , le cinq Septembre , jour de la
naifiance de Louis XÎV ^ les Prévôt àes
Marchands & Echevins, accom.pagnés d'un
Architede, doivent en faire la vifite, &
drejOfer un procès- verbal de l'état où tout
fe trouve. Cette donation contient beau-
coup d'autres particularités , que l'on peut
voir à la ^n. du Traité à^s Statues de Fran-
çois Lemée^ imprimé à Paris en lô'SS.
Place de Louis le Grand.
La Place de Louis le Grand, aulîî ap-
pellée Place àQ Vendôme, parceque THô-
tel de Vendôme y fut bâti par les foins
du Roi Henry IV, pour Céfar de Vendée
me , légitimé de France. 11 occupoit dans
ce quartier un efpaçe de dix-huit arpens,
Louis XIV l'acheta avec tout ce qui eii
dépendoit^ en fie renverfer les bâcimens
Bbv
fpaçieux en Avril 1^87, ôc élever far îe
même terrein une fuite de façades régu-
lières, qui ont fubfifté jufqu'en 1 an (^^^^
Elle foimoit une Place publique, qui eût
été, dit Germain Brice ^ la plus grande &
la plus magnifique de l'Europe, fi on n'eût
rien changé au premier projet. Pour ren-
dre cette Place plus régulière , & lui don-
ner plus d'étendue , on détruifit l'Hôtel
de Vendôme , & le Couvent àt% Capu-
cins \ mais le terrein de cette fuperbe
Place 5 toutes les façades des maifons dé-
jà élevées jufqu'au comble , & la Statue
équeftre du'Roi furent donnés à l'Hôtel
de Ville en i<^99 , à condition qu'il feroit
tonftruire , à {q% frais , un Hôtel pour la
féconde Compagnie à^s Moufquetaires ;
& la Place , telle qu'elle eft à préfent , a
beaucoup moins d'étendue que celle qui
avoit été arrêtée dans le premier Plan. Les
Faces des Édifices ont été rapprochées de
dix toifes en tous fens, vers le centre. Elle
a la figure d'un odogone imparfait , qua-
tre de i^^ faces étant plus petites que \^^
autres. La Décoration extérieure en eft
uniforme j c'eft Jules - Hardouin Man^
fard y Surintendant àQS Batimens du Roi,
qui en a donné les defleins ; & plufieurs
riches Partifans, qui ont acheté de l'Hô-
tel de Ville les emplacemens , y ont fait
bâtir 5 & s'y font logés en grands Sei-
gneurs. Il reftoic encore plufîeurs places
vuides, dont les façades étoient déjà éle-
vées. Plufieurs belles maifons y ont été
bâties en 1 715)5 par Jean Lajr ^ Contrô-
leur Général dQS Finances , qui les acheta.
La Statue de Louis XIV a été érigée au
milieu de cette Place, le 15 Août 16^^ ^
^vec beaucoup de magnificence. Cq9(. le
Duc de Gévres , Gouverneur de Paris ,
efcorté de fes Gardes , & accompagné du
Corps de Ville , qui en fit l'inauguration.
La figure du Roi avec celle du cheval font
d'un feul jet, 6r ont enfemble vingt pieds
de hauteur. Jean-Balthaiard Relier^ né à
Zurich en Suide , le plus habile Fondeur
de fon tem.ps , eft l'Auteur de cette hardie
entreprife. Le Roi eft repréfenté en habit
à l'antique, fans felle & fans étriers, tels
qu'on dépeint les Héros de la fupcrbe An-
tiquité. Pour faire mieux comprendre le
Volume de cette figure coloiîale, s'il eft
permis de fe fervir de cette exprefiîon ,
Germain Brice rapporte qu'on a éprouvé
plus d'une fois , avant que l'ouvrage K\z
entièrement terminé, d'y faire entrer vingt
hommes, qui ont tenu fans peine dans la
capacité du ventre du cheval, rangés des
deux côtés d'une table. Lqs Infcriptions
gu*on lie autour du piédeftal , qui eft de
58B =PL--r=
marbre blanc , élevé fur quelques degrés
du même marbre, ont été compofées par
l'Académie Royale des Infcriptions & Bel-
les-Lettres y Ôc elles fe trouvent dans la
Defcription de Paris, par Germain Brice^
Tome /, pages jjG & fuiv. Une grille de
fer très-proprement travaillée , <Sc un peiî
plus élevée que la hauteur d'appui , ren-
ferme à préfent ce piédeftal , qui eft en-
core garanti de l'approche des carrolfesj
par une enceinte de bornes. L'intervalle
qui fe trouve entre la grille & le piédel-
îai, eft pavé de marbre noir & blanc,
Plaçb de Louis XV.
Elle eft fituée entre le Jardin du Palais
Aqs Tuileries , auquel elle communique
par un pont tournant, & les Champs Ély"
fées , qui contiennent un terrein confîdé-
fable, replanté de nouveaux arbres pour
les promenades publiques. Deux grands
Batimens , avec des colonnades , ont été
conftruits du côté de la rue Saint-Honoré y
ëc du côte de la rivière, c'eft un beau de
large quai, par où Ton paffe pour aller à
Verfailles. La Place eft entourée d'un folle
bardé d'une baluftrade , avec de grandes
guéiites de diftance en di (lance, deftinées
â porter différens grouppes. Les deux ter-
raÎTes d^s Tuileries > celle des Feuilkns
= p L --= s^9
èc celle fur la rivière , viennent fe termi-
ner en face de la Place , d'où on la voit
encièremenr ; & la vue , fans que rien
puilTe l'arrêter, s'étend encore fur la vafte
étendue des Champs Elyfées. La Statue
cqueftre du Roi eft de Boiichardon : elle
eft dirigée vers le pont tournant, 6c re-
garde le Jardin des Tuileries, vis-à-vis
de la grande allée du milieu j ce qui fait
qu'on l'apperçoit de la porte du Palais.
Le Pian de cette Place , qui fait la réu-
nion du Jardin des Tuileries avec les
Champs Elyfées, eft un parallélogramme
de cent vingt-cinq toifes de longueur fur
quatre-vingts de largeur. Il a été préfenté
vingt-huit projets à Sa Alajefté pour cette
Place du pont tournant. Les Académiciens
qui en ont propofé, font MM. Gabriel y
Soufflot ^ B offrande Coûtant ^ F, Blondcly
Aubry ^ (Se plufieurs autres.
Dès l'année 1754, on commença les
fondations du piédeftal deftiné à porter îa
Statue équeftre du Roi. La Ville en pofa
la première pierre le 22 Avril de la même
année avec les cérémonies accoutumées.
Dans cette première pierre, on enferma
une boîte de cèdre à double fond : on
mit dans le premier fond une Médaille
d'or &: fix d'argent. Ces Médailles reoré-
fentent d'un côté le Bufte du Roi j 6: d«
l'autre eft rinfcription fuivanre, farmon-
tée d'un petit écuiïbn des Armes de la
Ville.
PRINCIPI OPTÏMO
OB QU^SITAM VICTORIIS PACEM
EQUESTREM STATUAM
Prœfecîus & jEdiles Lutetm Parijiorum
dedicaverunt & primum lapident pofuerunt^
M. DCC. LIV.
Plainte.
La couleur noire du vêtement dont on
habille la figure qui repréfente ce fujer »
eft allufive au deuil 3c au chagrin qui ex-
cite la Plainte, Le voile blanc taché de
fang, fignifie les Plaintes de l'innocence
opprimée. Son vifage trifte , (qs yeux bai-
gnés de larmes , & toute fon adion indi-
que la juftice qu'elle demande. Les Ser-
pens qui l'environnent font l'image de»
peines qu'elle foufFre , ôc des maux dont
elle fe plaint.
.^^Plaisir.
luis le Plaifîr le plus charmant f
C'eft une fîxièmc traîtreffe ,
Qui te berce agréablement ,
Pour t'ciidormii dans la moUeiTci
==:PL== ypi
Le Plaijir a différentes caufes qu'on
peur diftinguer , &: qui éxigeroient des
Attributs différens : mais pour ne pas ré-
péter plufieurs fujèts déjà traités dans cet
Ouvrage , il fuffit de le caradérifer en
général.
On le perfonnihe allégoriquement par
un jeune homme vécu galamment d'une
étoffe d'or enrichie de perles , ayant fur
la tête une Couronne de Myrte & de Ro-
fes : il joue de îa Lyre , (S: femble s'accor-
der au chant d'une Sirène. On lui donne
dts ailes de Papillons, pour faire connoî-
tre que le Plaiiir palTe promptement ; &
la Sirène fîçrnifie qu'il eft dangereux de
s y trop livrer.
Planimétrie.
Ceft par moi que le Géomètre
Apprend à mefurer les Plans 3
Sans moi l'on n'eft jamais grand maître
Dans les travaux de Mars , fl prifés en ce temps.
Cette partie de la Géométrie pratique
cft l'Art de mefurer les Plans & les Sur-
faces. On la repréfente dans une Campa-
gne, tenant un Compas & une Échelle de
rédudbion. Elle eft en aétion d'opérer , à
l'aide de la planchette, qui eft un Inftru-
ment de Mathématique propre â cec ufage»
ÉNIGME CL
Des Plantes que l'on voit en cent climats divers.
Je fuis la plus connue & la plus néceflaiie :
On me trouve en-deçà comme en-delà des Mers,
Pline n*en a rien dit , quel' eft donc ce myftère i
Le Pabri<:ateur fouverain ,
Pour accomplir Ton grand deiTein ,
En me formant , fit deux jumelles,
Qu'on ne peut féparer fans des douleurs mortelle^
Plantes.
Tout le monde fçait que les Égyptiens
adoroient les Plantes ^ & en particulier
celles qui naifToient dans leurs Jardins :
de-là vient que le Vers du Juvénal a pref-
que palTé en Proverbe :
O Peuple Saint , vos Dieux naijjen$
dans vos Jardins^
ÉNIGME CIL
Mon corps eft dur & plat , ma taille eft inégale.
On me charge fouvcnt d\ni augure blafon :
Quel fort plus glorieux i Cependant on ir^'érale
Au pied d'un fombre mur : fage précaution.
Pendant l'Efte , je fuis en certains lieux cachée s
Alors humide & froide , on m.e rourne le dos. ,
Mais en- Hyver, par-tout découverte, échauffée ^
On vient auprès de nx)i coziféxer en repos.
Lé îcu. j qui fait changer ma couleur naturelle.
M'altère lentement j je tiens bon contre lui
Pendant un fiècle entier j &c ma fiibltance eft
telle ,
Que je conferve encor ce qui me fert d'appui.
Platée,
Fille du Roi Afopus , donna fon nom a
la ville de Platée en Béorie , qui lui éri-
gea après fa mort un Monument héroï-
que. Paufanias raconte une Fable à Toc-
cafion de cerre Platée. J;i non fe fâcha un
jour 5 dit-il , contre Jupiter : on ne fçaic
pas pourquoi , mais on alTure que de dé-
pit elle fe retira en Eubée. Jupiter n'ayanc
pu Vis îr à bout de la Héchir, vint trouver
Cithlron qui règnoit a Platée. Cithéron
étoit' l'homme le plus fige de fon temps :
il confeilla à Jupirer de faire faire une Sta-
tue* de bois , de l'habiller en femme , de la
mettre fur un charriot attelé d'une paire
de bœufs que l'on traineroit par la ville ,
& de répandre dans la ville que c'étoic
Platée , la fille d'Afopus . que Jupiter al-
loit époufer. Son confeil fut fuivi. Aulîi-
tôt la nouvelle en vient à Junon , qui part
dans le moment , fe rend à Platée , s'ap-
proche du chariot , & dans fa colère vou-
lant déchirer les habits de la mariée, trouva
TP4 , = p L ==
que c'eft une Statue. Charmée de l'aven-
ture , elle pardonna à Jupiter fa tromperie
& fe réconcilia de bonne foi avec lui. En
mémoire de cet événement, les Platéens
célébroient une Fête en l'honneur de Ju-
noii répoufée.
Pléiades.
Cétoient les fept filles d'Atlas, dont les
noms propres font Maïa , Electre , Tay-
géte , Aftérope , Alcione , Céléno de Mé-
rape. Elles furent aimées , dit Diodore ,
des plus célèbres d'entre les Dieux & les
Héros : Se elles en eurent des enfans , qui
devinrent dans la fuite auiîî fameux que
leurs pères , & qui furent les qL Is de
bien des peuples. On dit qu'elles rirent
très-intelligentes , & que c'efl pour cette
raifon que les hommes les regardèrent
comme Déeffes après leur mort , & les
placèrent dans le ciel fous le nom de
Pléiades. C'efl: une Conftellation Sapten-
trionale , qui forme comme un Peloton
de fept écoiles afTèz petites , mais fort
brillantes , placées au cou du Taureau , &
au Tropique du Cancer. C'eft ce^ie que
le Vulgaire appelle la Poujfînicre. La Fa-
ble à^s Atlantides changées en Adres ,
vient de ce qu'Atlas fut le premiei: qui
-=PL
S9S
obferva cette Conftellation , & qui donna
aux fept étoiles , dont elle eft compofée ^
le nom de ces fept filles.
ÉNIGME CUL
Deux foEurs femblables ^
Inféparables ;
Notre couleur
Eft la blancheur ,
Trifte parure,
Morne figure ,
Affreux devoir,
Tu nous fais voir.
Quand la triftefle,
Non l'alégreffe ,
Nous met au jour ,
Ceft par l'amour,
Qui nous fait naître ,
Nous donne Terre j
L'Hérédité,
Cupidité ,
Peut mettre en proie,
Le cœur en joie.
Ledeur enfin,
Si le Deflin ,
Par une perte ,
Te déconcerte ,
Que ta douleur
Soit dans le cœur ;
Ou tu mérite
Nom d'Hypocrite.
ÉNIGME Cl F.
Bien que je ne fois point aimable,
Souvent on me préfère à qui vaut mieux que moi 5
Et le profit que donne mon emploi ,
Me fait trouver fort agréable.
Je me fais haïr d*an Amant ;
Car, iorfqu'ii aime une Bergère,
Et qu'il emprunte, pour lui plairç.
Le fecouis de Tajudement 3
Par une humeur incommode & chagriné j
Je viens raal-à-propos ternir fa propreté ,
Ec le réduire à la nécefTité
De différer fa bonne mine.
Ce que je fais , fouvent je le détruis ;
Cependant je n'ai point de qualités contraires ^
Quelquefois pour m'avoir on fe fcrt de prières ,
Et l'on me veut chalfer quelquefois d'où je fuis.
On foupire après ma piéfence ,
Quand on eft long-temps fans me voir ^
Mais fî je relie trop, je mets au défefpoir,
Et fais fouhaiter mon abfence.
ÉNIGME Cr,
Jadis fort inconnue ^ à préfent en ufage j
Je fers au fol , je fers au fage j
Je fais !e mal , je fais le bien.
Le divorce eft de moi , fans moi point de lien j
A mon maître défunt je redonne la vie ;
Je fais battre le monde , &c le reconcilie.
Par le fer on me tranche , &i je donne des fers 5
Prefque fans m'émouvoir je parcours l'Univers.
On m,e trouve à la fois & pcfante & légère 5
Mais il faut me couper, je ne vaux rien entière.
Je ne vois rien , je fais tout voir ;
Mais blanche que je fuis , je ne puis rien fans noir,
P L U T O N ,
Fils de Saturne & de Rhéa , éroic îe
plus jeune des trois frères Tirans : il fus
élevé , dît-on , par la Paix , Sç Ton voyoit
à Athènes une Statue où la Paix allaitoiç
Fliiton 5 pour faire entendre que la tran-
quillité règne dans TEmp're des Morts,
Dans le partage du Monde , les Enfers
furent afiignés a Pluton ; c'efl-à-dire , fé-
lon la plupart des Mythologues , qu'il eue
pour fa part du vafte Empire des Titans
les pays Occidentaux , qui s'étendoient
jufqua l'Océan , de que l'on croit être
beaucoup plus bas que la Grèce.
D'autres difent que Fluton s'appliqua
à faire valoir les Mines d'Or & d'Argent
qui étoient dans l'Efpagne , où il fixa fa
demeure , & comme ceux qui font dejfti-
nés à ce travail , font obligés de fouiller
bien avant dans la terre , & pour ainfl
dire , jufqu'aux Enfers , on a dit que P/«-
ton habitoit au centre de la terre.
Ajoutons que ceux qui travaillent aux
Mines ne vivent pas long-temps, & meu-
irent aifez fouvent dans leurs fouterreinsj
ainfi Fluton pouvoir être regardé comme
lie Roi des Morts.
1 Pluton étoit repréfenté dans un char
tiré par quatre chevaux noirs , dont \^s
noms font, félon Claudien , Orphnéus,
/Ethon 5 Nydtéus & Alaftor , noms qui
marquent tous quelque chofe de ténébreujj
% de funefte. Son Sceptre eft un bacon à
deux pointes ou à deux fourches , à la dif-
férence du Trident de Neptune qui avoit
trois pointes. Quelquefois on mettoit des!
Clefs auprès de lui , pour fîgnifier que fon
Royaume étoit Ci bien fermé , qu on n'en
revenoit jamais.
Ce Dieu étoit généralement haï , ainfi
que tous les Dieux infernaux , parcequ'on
le croyoit inflexible , ôc qu'il ne fe laif^
foit jamais toucher aux prières des hom-l
mes. C eft pour cela qu'on ne lui érigeoit
ni Temple , ni Autel j ôc qu'on ne com-'
pofoit point d'Hymne en fon honneur.,;
On ne lui immoloit que des Vidimes noi-l
res 5 de la vidime la plus ordinaire écoit le
Taureau. La principale Cérémonie dans
fes Sacrifices confiftoit à répandre le Sang
des Vi6times dans des fofTes près de l'Au-
tel 5 comme s'il avoit dû pénétrer jufqu'au
Royaume fombre de ce Dieu. Tout ce qui
étoit de mauvais augure lui étoit fpéciale-
ment confacré , comme le fécond Mois de
l'année , & le fécond jour du même Mois,
comme aufîl le nombre de deux , que l'on
croyoit de tous les nombres les plus mal-
heureux.
Tous les Gaulois fe vantent , dit Céfar
dans fes Commentaires , de defcendre de
Pluton , fuivant la Dodrine de leurs
Druides : c'eft pourquoi ils comptent les
efpaces cîa temps , non par les jours , mais
pai" les nuits : les jours de la naiinnce , les
mois Se les années , commencent chez eux
par la nuit &c finiflenr par le jour. Il faut
que Pluton ait été un des principaux Dieux
dts Anciens Gaulois , quoique Céfar ne le
dife pas , puisqu'ils le croyoienc leur père ,
& fe glorifioient d'être defcendus de lui.
Plutu s.
Dieu des Richeffes , dont le nom vient
du Grec Tt^vioi , écoit Boiteux , félon les
Pocces , en arrivant chez les mortels , &
prenoit des ailes en s'en retournant. Ils
vouloient remarquer par-là que l'on a beau-
coup de peine à amaffer des RichelTes ,
ôc qu'on les perd fouvent en peu de temps.
On le repréfentoit aveugle , parceque fou-
vent il combloit de bien les plus indignes ,
ôc lâifToit dans le befoin ceux qui avoienc
le plus de mérite. On tient que fa de-
meure étoit dans des Montagnes d'Et
pagne.
Pluvius.
On donnoit ce nom a Jupiter , lorf-
qu'on lui demandoit de la Pluie dans les
grandes fécherefTes. Ce fut par ce motif
que l'Armée de Trajan , que la foif , caa-
fée par une grande féchereffe , avoic ré-
^ I
600 r= P L == ,
duite a rextrémité ^ fit un vœu a Jnpîtet
Pluvius ; (&: il tomba aufîi-toc une Pluie
à^s plus abondantes. En Mémoire de cet
événement , on fit mettre dans la fuite fur [
la Colomne Trajane la figure de Jupiter
Pluvius ; où pour caradérifer le fait , les i
foldats paroiflent recevoir l'eau dans le |
creux de leurs boucliers. Le Dieu y eft
repréfenté fous la figure d'un Vieillard à
longue barbe , qui a des ailes , qui tient
les deux bras étendus , ôc la main droite
lin peu élevée ; l'eau fort à grand flots dç
fes bras ôc de fa barbe,
ÉNIGME CFI.
Les Allemands , dit-on , m'ont donné l'ecrc,
Qu'importe d'où je fuis ?
Puifqu'on me trouve en tout pays,
OÙ tous les ans l'Hyver fe plaît à reparoître,
Ainfi , de ce difcours on conclut aifémcnt ,
Que ce n'efi: qu'en temps froid que je fers feulement^
Admirez un peu ma ftruâiure :
J'ai quatre pieds pour foutenir mon corps ,
Sur lequel eft tracé louvent mainte figure»
De plus j j'ai col fans tête ; il çft bien fur qu'alors
Vous me croirez un mpnftre de nature :
Il n'en eft rien pourtant 5 cependant je vous jure ,
Qu'à voir les feux qui fortent de mon flanc ,
J'ai l'air en abrégé du logis de Satan.
P0ÊM5
= PO= (^01
Poe ME Héroïque.
Je ne chanre que les Héros,
Que leurs expîcics, que leurs travaux,
Que leurs revers , que leurs mcLamorphores ;
îvlon Chant n'a pour objet que les plus grandes
choies.
11 y a dans la Pocfîe quatre fortes de
Poèmes , ou quatre difFcrens genres d'Ou-
vrages Poétiques. Celui-ci qui , à tous
€gards , mérite le premier rang , fe per-
fonnifie fous la figure d'un beau jeune
homme vêtu d'habits fomptueux , tenant
un livre ouvert fur' fes genoux ôc ayant
proche de lui l'Iliade & l'Énéïde. H eft
couronné de Laurier , & fonne d'une
Trompette. C'eft de ce Poëme dont Ho-
race dit :
Res g-^^Jice Regumque , Ducumque, & trrjlia hclla
Quo fcrïhi pcJJ'^nt numéro monjîravit Homerus,
PoÉME Lyrique.
Je dis en peu de mots tout ce que je veux dire.
Et je chante fur ma Lyre.
Ce fécond genre de Pocfie moins grand
que le précédent, mais gracieux 6c en-
chanteur , pnrceque les agrémens de la
Mufique lui prêtant de nouveaux char-
Tome JIL C c
^02 =PO==
mes 5 fe repréfente par une belle fille , cou-
ronnée de Myrte & de Rofes. Elle efî en
action de chanter , en s'accompagnanc
d'une Lyre. Son vêtement eft galant & de
couleurs variées j elle a fur fes genoux cet
Infcription :
Brevi complecior Jingula cantu»
Poe ME Pastoral.
Quoique mon Chant n'ait rien que de vulgaire ,
Qu'un Berger ou qu'une Bergère,
Me prccent-ils leurs langues ôc leurs voix j
J'ai toutefois accès dans le Palais des Rois ,
Et j'ai le bonheur de leur plaire.
Ce ttoifième, qui , peut-être, eft le plus
ancien de tous les Poèmes , fe peint jfous
l'image d'un jeune Berger , aiîîs dans un
lieu champêtre au bord d'un RuifTeau j
ayant fa panetière , fa houlette , & une
flûte à fept tuyaux. Proche de lui fur un
rocher eft gravée cette Infcription :
Pajlorum Car mina ludo,
Boileau , ^^725 le fécond Chant de fon
Art Poétique , parlant de ce Poëme , en
fait la comparaifon fuivante.
Tdk qu'une Bergère , au plus beau jour de Fête,
De fuperbes rubis ne charge point fa tête ,
Et fans m^ler à l'or l'éclat des diamans ,
Cueille en un champ roifmfes plus beaux ome^
mens :
Telle j aimable en fon air, mais humble dans fon
Jlyle,
Doit éclater fans pompe une éléginte Idylle.
Son tour fimple & nàif n'a rien de fajlueux ,
Et n'aime point l'orgueil d'un vers prefomptueux.
Il faut que fa douceur flatte , chatouille, éveille;
Et jamais de grands jnots n'épouvante l'oreille*
PoËME SaTYRIQUE.
Lor{^iie je trouve un fot , je vis à Tes dépens ;
Voilà quel eft mon caradère.
On a beau dire , on a beau faire ,
On raillera toujours , on l'a fait de tout temps.
Ce dernier fe caradérife par un Satyre ,
dont le vifage eft riant & le regard malin.
Il s'appuie fur un Thirfe , & montre avec
la pointe d'une flèche l'Infcription fui-
vante : Irridens cupide figo»
L'ardeur de fe montrer, & non pas de médire.
Arma la Vérité du Vers de la Satyre*
Lucilé le premier ofj: la faire voir ;
Aux vices des Romains préfenta le miroir ;
Vengea l'humble Vertu de la RicheJJe altiêre ,
Et l'honnête homme à pied du Faquin en litière,
C c ij
(^04 =: P O ==
Horace à cette aigreur mêla fon enjouement;
On ne fut plus ni fat, ni ft impunément,
BoiLEAU ^ Art Poëc. Chaoc IL
Poésie.
C'efl: TArt de compofer à^s Vers. Le
vêtement d*azur parfemé d'étoiles que l'on
donne à la Poëjie , & le nuage fur lequel
elle eft alfife , dénorenr qu'elle eft un don
du Ciel , & que c'eft envain qu'on afpire
à devenir Pocte , fi Ton n'eft né tel ; ainfi
que le dit élégamment Boileau , au com-
mencement de fon Arc Poétique.
Cejî en vain qu'au ParnaJJe un téméraire Auteur
Penfi de l'Art des Vers atteindre la hauteur.
S'il ne fent point du Cul iinjîuen:e fecréte ,
Si fon AJire en naijjant ne l'a formé Po'é te, ■
Dans fon Génie étroit ^ il eft toujours captif;
Pour lui Phœbus eftfourd, & Pégafe eft réiif,
La Couronne de Liurier qu'elle a fur fa
tète 5 fignine que la Gloire feule doit l'a-
nimer. La Lyre qui e(i près d'elle marque
le rapport de la Cadence des Vers avec
l'harmonie de la Mufique.
On la peint en adion d'écrire , avec
cette Infcription : Munerc afflor.
ÉNIGME CVIL
Je fuis un rien qui devient quelque chofe,
Et quelque chofe qui n'eft pas j
Un objet que l'on ne voit pas ,
Mais que la Vérité fuppofe 5
Le principe & la fin de tour 5
Un corps fans aucune étendue ,
Un néant que l'on apperçoit,
Une Enigme enfin prétendue',
Que tout efprit fubtil conçoit.
Pois s ons.
Ces Animaux furent l'objet d''un Culce
Superftirieux , non-feulement chez les
Égyptiens j mais encore chez les Syriens
&: dans plufieurs Villes de Lydie. Les Sy-
riens s'abftenoient de manger du Pcijfon ,
parcequ'ils croyoient que Vénus s'étoin ca-
chée fous les écailles d'un Poijfon , lorfque
tous les Dieux fe cachèrent fous différen-
tes formes d'Animaux. En phifieurs Villes
d'Egypte , les uns plaçoient fur leurs Au-
tels des Anguilles , d'autres des Tortues ;
ceux-ci des B.ochèts , ceux-là des Monf-
tres marins , auxquels ils ofFroient leur
encens.
Les Poijfons qui forment la Conftelk*
tion ou le douzième fîgne du Zodiaque ,
C c iij
606 =:PO==:
font ceux qui portèrent fur leur dos Vé-
nus 6c l'Amour. Vénus fuyant la perfécu-
tion de Typhon , accompagnée de fon fils
Cupidon 5 fut portée au-delà de TEuphrate
par deux Poijfons , qui pour cela furent
placés dans le Ciel. Ovide qui conte cette
Fable dans fes Faftes , n a pas manqué de
faire la Généalogie de ces deux Poijjons ^
qui eurent pour père un Poijfon , qui avoit
procuré de Teau à Ifis , un jour qu'elle éroit
extrêmement altérée.
Politique.
Généralement parlant , c'eft TArt de fe
conduire avec prudence , afin d'arrivée
adroitement au but que l'on fe propofe.
Ce fujèt eft repréfenté allégoriquement
par une Matrone vètuc d'une robe violette ^
tenant d'une main une Balance , dans la-
quelle font à poids égal d'un côté une
Epée , & de l'autre plufieurs Papiers écrits»
Voltaire , au quatrième Chant de fa
Henriade , nomme la Politique t
Fille de V Intérêt & de V Ambition ,
Dont naquirent la Fraude & la S-edu^pa^
. PoLLUX,
Frère d'Hélène. & de Clytemneftre , &
fils de Jupiter ôc de Léda femme. deTynr
= P O = 6oj
dare , Roi de Laconie , fuivit Jafon dans
la Colchide pour la conquête de la Toifon
d'Or. Jupicer donna l'immorraUté à Pol-
lux ^ qui la partagea avec Caftor , lorfque
ce dernier eut été tué \ de forte qu'ils mou-
roient & vivoient alternativement. On die
qu'ils furent placés au Signe àt^ Jumeaux \
& ce qui a donné lieu à cette Fable , c'efl
que ces deux Étoiles ne fe font jamais voir
toutes deux a la fois. Les Romains leur
avoient dédié un Temple , & les confidé-
roient comme leurs defenfeurs. Ils furenc
adorés aufîî comme Dieux de la mèr ,
parcequ'ils en avoient chalTé les pirates.
Le nom de Caftor eft quelquefois donné
indifféremment aux deux frères dans plu-
fîeurs Auteurs. S. Luc , dans les Ades des
Apôtres 5 ( Chap, 28, ) parle d'un Navire
d'Alexandrie , nommé les Cajiors dans la
verfion vulgate , quoique dans le Grec il
y ait Diofcuri , qui eft le nom par lequel
les Anciens défignoient Caftor & Pollux,
Pline , ( Z,. / o 5 C 43. ) fait aulfi mention
d'un Temple des Caftors j & Arnobe ,
{ L. 3.) parle des Caftors Tyndarides ^
c'eft-à-dire , fils de Tyndare , dont l'un
fç.ivoit l'Art de manier un Cheval , &
l'autre de vaincre à la Lutte. Au refte
Caftor & Pollux étoient encore les arbi-
tres des Loix & des Jugemens ; iéioxi Ci-
C c iv
6o9 ^=rPO=.
céron , contre Verrïs, Cicéron rapporte
une vengeance miraculeufe exercée fur
ScopAS , qui avoit parlé avec mépris de ces
deux frères Diofctires \ il fut écrafé fous
les ruines de fa chambre , pendant que Si-
monide , qui avoit fait leur éloge , avoic
été appelle, par deux hommes inconnus.
Phèdre a rapporté cette Hiftoire plus au
long , Livre quatrième de ^ts Fables , Va-
ble vingt-deuxième. L'Hiftoire Grecque &
Romaine eft remplie de prétendues appa-
ritions miraculeufes de ces deux frères ,
foit pour procurer la Vidloire , foit pour
l'annoncer après qu'elle avoit été obtenue^
car on les vit , dit on , combattre montés
fur deux Chevaux blancs , à la bataille que
les Romains donnèrent contre les Latins
proche du Lac de Rhégiile \ mais Cicéron
nous apprend de quelle manière il faut
écouter ces Contes. Il dit qu'Homère , qui
vivoir peu de temps après ces deux frè-
res , affure qu'ils étoient enterrés a Lacé-
démone , & par conféquent qu'ils ne pou-
voient venir annoncer à Vacienus une
Victoire gagnée. Les Romains ne lailTè-
rent pas de leur bâtir un Temple magni-
fique , où ils leur facririoient des Agneaux
blancs , & d'inftituer une Fête en leur hon-
neur : où un homme monté fur un Che-
val , & en tenant un ^utre en main , ayanr
.= P O = 009
une étoile fort brillante à fon chapeau ,
pour marquer qu'il n'y avoit qu'un des
frères qui i-ûr en vie , parcequ'en effet les
Étoiles de Caftor &: de Pollux font tantôt
vifibles fur notre horifon , & tantôt invi-
fibles. L'Antiquité a nommé de leur nom
une efpèce de Météore , & de feu volant
qui reluit comme une Etoile , &c qui eft
un heureux préfage à ceux qui font fur
mèr 5 lorfqu'il paroît deux feux enfemble;
au lieu que c'eft un trifte augure de n'en
voir qu'un.
POLYDAMAS.
Poly damas , fameux Athlète en Thef-
falie , étrangla un Lion fur le Mont Olym-
pe. 11 foulevoit le Taureau le plus furieux ,
& arrètoit un Chariot , quelque fort que
fuffent les Chevaux qui le rrainoient ;
mais il fut écrafé fous un Rocher où il
s'étoit retiré pour éviter la tempête. Ce
malheur ne lui arriva que par ion indif-
crétion \ car il fe flatta de pouvoir fourenir
ce Rocher qui commençoit à s'affaijGTer ,
dans le temps que fes compagnons pre-
noient la fuite.
P O L Y M N I E 5
Une des neuf Mufes , préfidoit , dit-on ,
à l'Hidoire j ou plutôt à la Rhétorique*
C c V
On la repréfentoir avec une couronne de
perles & une robe blanche , la main droite
en adtion , comme fi elle harangiioit , de
tenant de la gauche un Caducée , ou un
Sceptre , pour marquer fon pouvoir.
PolyphÈme,
Le plus célèbre & le plus fameux, des
Cyclopes , palloir pour fils de Neptune :
c'étoit un Monftre affreux , dit Homère j
ilne refiembloit point à un homme , mais
à une haute montagne, dont le fommèt
s'élève au-deffus de toutes les montagnes
voifines. Il marchoit au milieu des plus
profonds abymes de la mèr, & les flots
baignoient à peine ùs reins. Il n'avoir
qu'un œil , & cet œil , félon Virgile , éroic
femblable a un bouclier grec , de au difque
du Soleil. Après qu'il fut privé de fa lu-
mière , il fe fervit , pour conduire & afiu-
rer fes pas , d'un Pin dépouillé de (es bran-
ches. Enfin il s'engraifToit de carnage , ôc
dévoroit tous les malheureux qui tom-
boient entre fes mains.
Ulylfe ayant pris terre fur la côte des
Cyclopes en Sicile y entra avec douze de
{es compagnons dans la caverne de Pofy"
pheme , qui faifoit paître alors Îqs trou-
peaux dans les champs ; Ôc pendant qu'ils
s'amufoient à confidérer tout ce que con*
tenoit cette demeure fauvage , le Cyclope
revint & ferma lui-même l'entrée de fa.
caverne avec une roche , que vingt char^
rettes attelées de bœufs les plus forts n'au-
roient pu remuer , dit Homère. A la lueur
du feu qu'il alluma , il apperçut ces étran-
gers j Ulyffe prit aulFi-tot la parole ôc dit
qu'ils revenoient de la Guerre de Troye ;
que la tempête , après avoir brifé leur yaif-
feau , les avoit jettes fur ces côtes : qu'ils
le prioient de les traiter comme fes Hôtes ^
êc de ne pas violer à leur égard les Loix
de rHofpiralité : « Souvenez-vous qu'il y
» a un Jupiter qui préfide d THofpiraliré ,
« & qui punit févèrement ceux qui outra-
» gent les étrangers. » Le Cyclope lui re-
pond : « Etranger, eft-tu donc Ci dépourvu
» de Cens} ou tu viens de bien loin pour
V m'exhorter à refpecler les Dieux 6c. à
>j avoir de l'Humanité ; fçache que les Cy-
î5 dopes ne fe foucient ni de Jupiter , ni
>5 de tous les Dieux enfemble j car nous
>5 fommes plus forts & plus puilfans qu'eux :
53 ôc ne te flattes pas , que pour me mettre
« à couvert de fi colère , j'aurai compaf-
}5 flon de toi cc des tiens , Ci mon cœur
95 d^^ lui-mime ne fe tourne à la pitié. ?>
En m':me-temps le barbare empoigne deux
des Grecs 5 les froilTe contre la roche &:
les mange pour fon fouper. Le lendemain
C C YJ
6l2 ==.PO =
matin à Ton réveil il fit un femblable re-
pas. Puis il fortit avec Tes troupeaux qu'il
mena au pâturage , après avoir bien bou-
ché l'entrée de cet horrible féjour.
UlyiFe & fes huit compagnons aind ren-
fermés pour tout le jour , eurent bien le
loiiir de méditer fur les moyens de fe ven-
ger & d'échapper au Cyclope : voici le ftra-
tagème dont ils s'avifèrent. Ils avoient ap-
porté avec eux une outre d'excellent vin
rouge 5 dont ils fe propofèrent d'enivrer
ce Monftre , pour l'aveugler enfuite. Quand
il revint le foir, il fit encore fon fouper de
deux hommes qu'il dévora de même : on
lui propofa alors de boire un coup de ce
bon vin , qu'il trouva délicieux : il deman-
da à Ulyrie comment il s'appelloit, afin
qu'il put lui faire un préfent digne d'un
Cyclope. Je me nomme Perfonne , die
Ulyife. Hé bien , répond Polyphème , Per-
fonne fera le dernier que je mangerai :
voila le préfent que je te prépare. Cepen-
dant il ^uide l'outre 6c s'endort. Alors les
Grecs lui crèvent fon œil unique avec une
groife pièce de bois aiguifée par le bout &
durcie au feu. Polyphhne réveillé par la
douleur , jette un cri épouvantable qui at-
tire auprès de lui tous les Cyclopes d'alen-
tour. Qu'avez-vous , Polyphème ^ lui crie-
t-on , quelqu'un a-î-il attenté à votre vie ?
= PO= 613
Hélas 5 mes amis , Perfonne , dit-il : puif-
que ce n'eft Perfonne , répondent les Cy-
elopes , prenez donc patience , de priez
Neptune votre Père de vous fecourir.
Cependant le Cyclope obligé de faire
paître fes troupeaux , ouvre la porte de fa
caverne , mais il étend fes deux bras pour
arrêter les Grecs s'ils vouloient fortir avec
le troupeau. Ceux-ci s'avifent de s'atta-
cher fous le ventre des béliers qui étoient
fort grands avec une laine fort cpaiiTe, 3c
fortent tous heureufement de leur prifon.
Quand Ulylfe fe vit affez loin de la ca-
verne 5 il s'écria au Cyclope : Si un jour
quelque voyageur te demande , qui t'a
caufé cet horrible aveuglement , tu peux
répondre que c'eft Ulyife , le Deftrudeur
des Villes , fils de Lacrre. A ce nom les
hurlemens du Cyclope redoublent. Hé-
las ! s'écrie- t-il , voila donc l'accomplifle-
ment des Anciens Oracles , qui m avoienc
prédit que je ferois un jour privé de la vue
par les mains d'Ulyife j fur cette Prédic-
tion je m'attendois à voir arriver ici quel-
que homme beau , bienfait , de grande
taille 5 ôc d'une force bien au-deifus de la
nôtre ^ & aujourd'hui c'eft un petit homme
, de méchante mine Se fans force qui m'a
crevé l'œil , après m'avoir dompté par le
vin.
6î^ ==PO=3i
POLYXÈNE,
Fille de Priam & d'Hécube , devoit
époufer Achille , que Paris tua dans le
Temple d'Apollon , où l'on s'écoit afTem-
blé pour ce Mariage. Après la prife de
Troye , Pyrrhus , fils d'Achille , facrifia
Polyxène fur le tombeau de fon père »
pour appaifer {qs mânes irrités.
POLYXO,
PrètrefTe d'Apollon , dans l'Ifîe de Lem-^
nos , nourrice d'Hyp/ipyle , porta les fem-
mes de Lemnos à ruer leurs maris , qui
revenoient de Thrace avec d'autres fem-
mes : elle n'excepta qu'Hypfipyle de ce
meurtre général.
Pommes dePin.
Elles étoient employées non-feuîement
dans les Myftères de Cybèle , mais encore
dans ceux de Bacchus , dans {es Sacrifices ,
dans les Orgies & dans les Pommes ou
Proceflions. On offroit même cies Sacrifi-
ces de Pojnmes-de-Pin , & on en voyoit
fouvent fur les Aurcls de Cybèle, de Bac-
chus & même d'Eiculape.
PoMONE.
Fomone ^ que les Anciens ont feint erre
la DéefTe des Jardins ôc des Fruits , fut
aimée par Vercumne , qui après avoir em-
prunté plufieurs fortes de Méramorphofes ,
eut enfin le bonheur de lui plaire. 11 s'étoic
déguifé , tantôt en Moiifonneur , tantôt
e^n Pécheur ^ puis en Ouvrier > en Soldat ,
ôc il prit enfin la figure d'une vieille. Sous
cette figure il l'ohligea de Taimer , par l'a-
gréable idée qu'il lui donna de l'Amour,
Ovide qui tourne ingénieufement cette
Fable 5 dit que Pomone vivoit du temps
de Procas , Roi des Latins ; c'eft-à-dire ,
vers Tan 805 , avant Jesus-Christ,
On la repréfente afîife fur un grand
pannier plein de Fleurs & de Fruits , te-
nant de fa main gauche quelques Pom-
mes &• de la droite un Rameau \ on lui
donnoit un habit qui lui defcendoit juf-
qu'aux pieds , & qu'elle replie par devant
pour foutenir des Pommes & des bran-
ches de Pommier. Elle eut à Rome un
Temple & des Autels : fon Prêtre portoit
le nom de Flamen Pomonalis , & lui of-
froit des Sacrifices pour la confervation
des fruits de la terre.
Sl6 =PO=r
ÉNIGME CFIII.
Quoique je ne fois fait que de pierre ou de bois.
Par moi , par mon fecours , rien n'eft inacceffible.
Je fçais l'Art de donner des Loix
A l'ennemi le plus terrible.
Il veut en vain me réfifter 5
Un nouveau chemin que je trace ,
Eft fjffifant pour le dompter,
Et fait que fur le corps tout le monde lui pafTe.
De fon courroux , de fon orgueil ,
Je fuis l'inévîtsblc écueil :
Réduit à me céder , il écume de rage ;
Mais fes plus grands efforts fufTent-ils employés ,
J'en triomphe , & j'ai l'avantage
De voir qu'il eft réduit à me laver les pieds.
Pontifes.
Ce nom vient de Potis & de Facere ^
en forte que Pontifex fe dit pour Poti-
fex 5 «Se fignifie celui qui veut fatisfaire,
Numa en inftitua d'abord quatre , qui de^
voient être Patriciens, mais Tan 454 de
la Fondation de Rome, & 300 avant Je-'
fuS'ChriJi ^ on en créa huit , dont quatre
ctoient de familles Patriciennes ; les qua-
tre autres étoient tirés de familles Plé-
béiennes. Ce nombre fut augmenté l'an
^73 de Rome, & b'i avant Jefus-Chrijl ^
par L. Sylla Di6tareur, qui en créa encore
fepr : ainfi il y en eut quinze. Les huit
premiers farenr appelles Grands Pontifes y
les fc-pt nouveaux Petits Pontifes : ils ne
faifoient néanmoins qu'un même Collège.
Depuis le Règne de Numa , le Collège
des Pontifes choifiiToit ceux qui devo ent
remplir les places vacantes j mais vers l'an
^5 4 5 6c ICO avant Jefus-Ckrijï ^ il fut or-
donné que le peuple les cliroit dans les
AlTemblées. Sylla étant Didareur , abro-
gea cette" Loi , que Cicéron récabUt pen-
dant (on Confulat. Enfin , l'Empereur Au-
gufte ayant permis quelque temps au Col-
lège des Pontifes d'y admettre ceux qu'ils
en jugeroient capables , fe rèferva enfuite
le pouvoir de créer des Pontifes ^ ôc tous
les autres Prêtres des Romains , qui ètoienc
en Cl grande vénération , qu'ils ne ren-
doient compte de leurs actions , ni au Sé-
nat , ni au peuple. Ils étoient Juges de
tous les différends qui naifToient fur ce
qui concernoit le Culte des Dieux & les
Sacrifices. Ils faifoient de nouvelles Loix,
s*il ètoit néceifaire. Ils éxaminoient les
Magiftrats qui avoient foin des chofes Sa-
crées y tous les Prêtres , ôc tous les Offi-
ciers qui fervoient aux Sacrifices. Celui
des Pontifes qui préiidoit au Collège ^
S*appelloic Très-grand Pontife ^ ou Sou--
6îS =. P O ===^
verain Pontife , en latin Pontifex Maxi-
Mus 5 & étoir élu par le Peuple dans l'Af-
femblée des Tribuns ^ Dignité qui ne fe
danna dans les commencemens qu'à des
gens de Famille Patricienne. Dans la fuite,
après que le Peuple eut été admis aux
charges & aux honneurs de la Républi-
que , on éleva fouvent au Pontificat àe^
pe-fonnes de Famille Plébéienne , jufqu'à
Jules Céfar , qui ayant été créé Souverain
Pontife^ eut pour fucce^eur Lcpidus , &
enfuite l'Empereur Augufte , après lequel
tous le" Empereurs prirent ce titre. L'Em-
pereur Théodofe , fous lequel la Religion
Chrétienne commença à fleurir , abolit en-
tièrement le Collège des Pontifes , & tous
les Miniftres de l'ancienne fuperftition.
Zozime remarque que l'Empereur Gratien
fut le premier qui défendit exprelTément
par un E Ut , qu'on lui donna le Titre de
Souverain Pontife ; 3c que fon fuccefleur
confisqua tous les revenus des Pontifes ôc
des Prêtres Païens. Le nom de Pontife ,
& même de Grand Pontife , fut depuis
donné aux Évêques ; mais dans la fuite
les Papes feuls furent ainfi appelles.
POPULONI A,
Divinité champêtre à laquelle on ofFroic
des Sacrifices , pour empêcher les mauvais
effets de la Grêle , de la Foudre & des
Vents. C'étoit Junon , prife pour l'Air,
qu'on adoroit fous ce nom-là 5 comme Ju-
piter fous le nom de Fulgur,
ÉNIGME CÎX.
On me trouve par-tout utile ,
A la campagne aulT.-bien qu'à la ville.
Mon corps , félon les lieux , eft plus ou moins
épais 5
On le fait même fouvent double.
Je caufe quelquefois du trouble ,
Et dans la Guerre & dans la Paix,
Bien qu'on méprife la baflcfle ,
Quand j'en ai , ce n'eft pas ce qui fait ma triftefTe,
Sans vous rom.pre la tète à chercher le pourquoi ,
Ceft que les plus grands de la terre j
Ne m'ofant déclarer la guerre ,
Sont contraints de plier fous moi.
Près des murailles je féjourne.
Sur deux jambes de fer à demi l'on me tourne.
Aux allans 5c vcnans j'obéis tour à tour.
J'exerce laquais & fervante.
Pour conclure enfin , je me vante
D'être expofée au plus beau jour.
PoRÉ VITH,
Divinité des Anciens Germains à qui
ils donnoient cinq têtes , & une fixième
fur la poitrine j comme celle que porroît
Minerve dans fon Égide ; & autour du
piédeftal qui foutenoic fa Statue, ctoic
un grand amas d'Épées , de Lances & de
toutes fortes d'armes j ce qui défignoic
leur Dieu de la Guerre.
ÉNIGME ex.
Que j'ai bien changé de nature !
J'étois jadis poli, plein d'efpric , amoureux j
J'étois plaifant, mais j'étois gueux.
Maintenant fot , je fais une groffe Hgure ,
Et fçais rendre mon maître heureux.
Dans une aimable compagnie ,
Si par hafaid on me trouvoit,
La converfarion tout-à-coup s'animoit.
Et de rires malins étoit fouvent remplie :
Mon maître, qui me chériiîoit.
De ma perte tiroît une gloire infinie 5
Aufii par vanité fouvent il me perdoit :
Et maintenant il hafarde fa vie ,
Pour me conferver chèrement 5
Tant il eft vrai qu'un fot utile
Eft préférable à l'homme habile ,
Quelque rempli qu'il foit d'cfprit & d'agrémcns.
Cependant admirez cette bizarrerie :
Ni Pomone ni Flore aucun bien ne me fit ;
Je ne porte ni fleurs ni fruits dans le Printemps ,
Mais bien des feuilles en tout temps.
PORU s.
Dieu de l'Abondance , éroir fils de Mé-
tis , Deelîe de la Prudence v: voici le Conte
que tair Placon Tur ce Dieu dans fon feftin»
A la naillance de Vénus les Dieux célcbrè-
renr une Fêce , à laquelle Te ri'ouva com-
me les autres , Porns ^ Dieu de l'Abon-
dance. Pénie crue que fa fortune éroic
faite , fî elle pouvoic avoir un enfant de
Porus : c'eft pourquoi elle alla adroire-
ment fe coucher à fcs côcés , & quelque-
temps après elle mit TAmour au monde.
De-là vient , dit notre Philjfophe , que
lAmour s'eft attaché à la fuiti Se au fervjce
de Vénus , ayant été conçu le jour de fa
Fête. Comme il a pour père l'Abondanre,
& la Pauvreté pour mère , aufli tient- il de
l'un 6c de l'autre.
ÉNIGME CXL
Abfent de la Beauté que j'aime.
Un feul objet diflipe mon ennui :
II eft: plus beau que l'Amour même.
Mais elle eft plus Belle que lui.
^2^ i=PO=l
ÉNIGME CXIL
J*ai , dans le cabinet des Rois ,
Part aux plus feerètes aifaires ,
Et j'y couvre bien des Myftères ,
Qui font pour leurs Sujets d'inviolables Loir,
Mon corps n eft rien qu'un compofé
D'une infinité de parties.
Qui , quoique fans rapport , & toutes défunies ,
Reçoivent de la main un mouvement aifé.
Je n'ai Science ni lumière ,
Je n'ai jamais rien lu , ni jamais rien écrit j
Cependant le plus bel efprit
Me fait fur Ton travail repalTer la dernière.
EN I GUE CXIIL
Dans les quatre S'aifons , je fuis toujours de même,
tes Grands & les petits je fers également.
Au deux sexes je donne un fragile ornement 5
Et qui ne peut m'avoir , fa difette eft extrême.
Mon teint approche moins du vermeil que du
Blême.
Dans toutes les Couleurs, je fais du changement.
Pourvu qu'on en excepte une ou deux feuleraentr.
On me trouve au Village & fous le Diadème.
Je n*ai pas d'ennemi plus rude o^y^t le veiit.
On ne fait aucun cas de moi da'is le Couvent,
1
= P0== €2f
Si tu fçals d'où tu viens tu connois bien ma mère.
Mon père, fans me voir, me bat foir & matin.
Nous finirons tous trois par un divers deftin.
Rien plus commun que moi , rien fî peu nécefTaire.
ÉNIGME CXIV.
C*eiT: à vous , belle Iris , que je dois ma naiffancc j
Jamais, fans vos appas, je n'aurois vu le jour :
Juf(]u ici j'avois fçu me cacher fous l'Amour ,
Mais Ton bandeau levé m'interdit le filence.
Je viens donc pour vous voir , comme un fils in«
connu ,
Ou plutôt je viens voir l'Amante de mon père j
Car fans ceife il fe plaint que jamais il n'a pu
Mériter vos faveurs , ni même feu vous plaire.
Je fuis pourtant Ton fils, & vous cces ma mère \
Je fuis né de l'Amour que mofi père eut pour vous 5
Sans vous . il m'eût laiiTé dans l'être imaginaire.
Cet aveu n'a-t-il point ému votre courroux î
Je crains d'avoir bieiTé par-là votre pudeur,
Ou de pafTer chez vous pour un fils téméraire :
Mais afin, belle Iris, d'éviter ce malheur,
Je m'en vais en lieux mots éclaircir ce Myllèrc.
Je fuis deffous vos yeux ; mon père plein de vous,
M'a chargé de venir vous marquer fa tendrelTe :
Je fuis d'un naturel poli , gracieux , doux :
Bien des filles voudroient un fils de mon eA)ecc,
€24 t= P O =
ÉNIGME CXK
Sans moi , que feroit l'homme ? Rien.
Tout au plus pourriture , immondice :
Son fort dépend de mon caprice ;
Je fuis fon âme & Ton foutien.
Tantôt foible à l'excès , tantôt fort comme quatre,
Je vais tantôt le trot, & tantôt doucement.
Mon grand naturel eft de battre ,
AuiTi je bats à tout moment.
En des temps je bats fort , &: j'écourdis mon homme,
Ceft bien pis quand je ne bats pas :
Je l'accable, il languit, lorfqu'un peu fort je bats j
Mais mon repos eft un coup qui l'alfomme.
ÉNIGME CXVL
Prerqu'auflî-tôt que je fuis née ,
Je cours le monde , & me vois deftinée
A jpafler ma jeunelTc entre les mains d'autrui*
Pour m'y faire valoir, j'ai votre fçavoir faire,
Coquettes , qu'on voit aujourd'hui
Si fçavantes en l'Art d'amufer & de plaire.
Je cours à l'artifice , & m'en pare fi bien ,
Que fous ce faux dehors , & piquante & jolie ,
Je fuis de mille gens , comme vous , accueillie.
Mais pour moi tous ces gens ne fentiroient plus
rien,
Le croirez-vous ? fi toute nue
Je m'ofFrois feulement un inftant à leur vue.
Pratique;
Pratique.
Tout le monde connoî: le bien ,
L'Evangile en ce point s'expligue fans nuage ;
Mais la Théorie n cil: rien ,
n faut la Pratique & TUfage.
La Fratique eft l'oppofé de la Tlicorie ,
& demande un continuel exercice pour fe
perfectionner. Comme elle eft le fruit de
l'Expérience 5 on la repréfente d'âge mur ,
s'appuyant fur une Règle pofée perpendi-
culairement \ elle tient un Compas , donc
une à^s pointes touche la Règle , ôc l'au-
tre eft à terre.
Pra xidi ce,
Déefte, fille de Soter^ qui eft le Dieu
Confervateur , & mère d'Homonoc ôc
-d'Arété ^ c'eft-à-dire, de la Concorde &
de la Vertu. C'eft elle qui avoir fom de
marquer aux hommes les juftes bornes
dans lefquelles ils dévoient fe contenir ,
foit dans leurs adions , foit dans leurs diA
cours. Les Anciens ne faifoient jamais de
Statues de cette Déefte en entier , mais la
lepréfentoient feulement par une tète 5
pour montrer peut-être , que c'eft la Têce
& le bon fens qui déterminent les limites
de chaque choie. Aulïi on ne lui facrifioic
Tomz IIL D d
626 =PR=.
que les Têtes des Vi6times. Hefychîus dît
que Ménélas , au retour de la Guerre de
Troye , confacra un Temple à cette Di
vinité , & à fes deux filles , la Concorde &
la Vertu , fous le nom feul de Praxidice.
On remarqua que cette DéelTe avoit tous
fes Temples découverts , pour marquer
fon origine qu'elle tiroir du Ciel , com-
me de Tunique fource de la Sage(îe. Son
nom fignifie Action faite avec jujiice. Ow
a aufii donné le nom de Praxidicc à Mi-
nerve.
RÉÉMINENCE.
Le mérite qui vient uniquement <3u fang,
N'eO: qu'un mérite imaginaire :
Ceft la Vertu qui fait le rang ,
Tout le lefte n'eft que chimère.
La Prééminence eft Télévation ou la fu-
périorité d*une perfonne ou d'une chofe
îur une autre , elle appartient à la Naif-
fance , au Mérite , ou à l'Ancienneté.
Comme elle n'eft pas toujours le partage
de la Force , on la perfonnifie allégorique-
ment par une Matrone qui a un Roitelet
fur fa tête , & qui d'un air grave arrête la
fureur d'un Aigle jaloux de ce foible
O if eau.
Prédestination.
Je fuis un Myftère profon<i ,
Où l'efpric humain fe confond :
Mais fçais-tu ce qu'il faut fçavoir de ce Myftère ?
L'adorer, le croire, & bien faire.
La Prédefllnatîon fe repréfente belle &
nue, n'étanc vêtue que d'un léger voile
d'écoflfe d'argent qui tombe de fa coëffure ,
-& badine autour d'elle. Elle regarde le
Ciel avec amour, tenant la main droite
fur fa poitrine , & dans fa gauche une
Hermine.
S. Thomas & S. Auguftin ont dit :
Prjedestinatio efi prœparatio
gratis in prœfenti , & gloria in futurum^
Prélature.
Vous, qui nous conduifez , & qui guidez nos pas.
Marchez & vivez en Apôtres.
Vo5 défauts, illuftres Prélats,
Se Yoyent plutôt que les nôtres.
Les Emblèmes de ce fujèt viennent à^s,
Éfjyptiens. Us repréfentoient un Vieillard
vénérable , vêtu d'habits Sacerdotaux 5 qui
tenoit un Soleil éclipfé , autour duquel
étoit cette infcription ;
J^on niji càm déficit fpeclatoî^^ha6e[.
Ddij
62S = P R 3=^
Voulant fignifîer , que tant que les Ver-
tus brillent dans cet' État , les hommes
l'admirent & en font éblouis j mais que iî
elles s'éclipfent , les admirateurs entrent
dans un examen très-févère.
La Pendule qu'ils mettoient proche de
cette figure, indiquoit la Régularité qui
eft requife à l'Élévation & à la Dignité
d'un Prélat.
ÉNIGME CXFIL
Je fuis aimé des uns , les autres me haiffenr.
Je fais du bien & du mal ,
Et s'il en eft à qui mon afpeft foit fatal ,
J'en fçais qui de me voir toujours fe réjouifTent»
Les Avares & les In2;rats
Avecque moi ne trouvent point leur compte 5
Ma préfençe leur eft une fecrèce honte,
Quand de ce que j'attends ils ne s'acquittent pas.
Avec plaifîr les Amans me reçoivent ;
Il en eft peu dont je ne fois content ;
Et qui , pour m'honorer , ne cherchent à l'inftant ,
Lorfque j'arrive , à faire ce qu'ils doivent.
Si mon règne eft d'éclat, il eft prompt à finir ;
Mon cadet le termine : & mourant pour renaître ,
Après que j'ai feu difparoître.
Je fuis long-temps fans revenir, .
Je fuis vieux : cependant mes heures font bernées >
Et qui pendra le foin d'en mefurer le cours,
Trouvera que j'aurai vécu fort peu de jours ,
Quoique je fois chargé d'un grand nombre d'an-
nées.
Présages.
On diftinguoit les Préfaces des Augu-
res, en ce que ceux-ci s'entendoient des
Signes recherchés & interprétés iuivant les
Règles de l'Art augurai ; & que les Préfa-
ges qui s'oiFroient fortuitement , étoienc
interprétés par chaque particulier, d'une
manière plus vague & pkis arbitraire. L'O-
pinion des Préfaces faifoit tant d'impref-
fion fur les efprits , que fouvent elle a fuffi
pour exciter aux entreprifes les plus témé-
raires ^ ou pour détourner de celles qui
avoient le plus d'apparence de réuilir. Les
Romains regardoien: comme des Préfa^
ges de l'avenir , une infinité de chofes.
Par Exemple certaines paroles fortuites
qui étoient prononcées fans deiTein , à-c
qui pouvoien: fe rapporter indireclsmen:
à des Prédictions de l'avenir. C'eft pour
cela qu'ils écoient fort attentifs aux expref-
iîons dont ils fe fervoient dans leurs dif~
cours 5 pour ne pas donner occilion a de
finiftres Préjuges. Ils nommoient la Pri-
fon 3 Domicile ; les Furies y Euménides j
D d iij
tfjo =PR =
les Ennemis , Étrangers : & pour dire qu'un
homme étoit mort , ils difoient qu'il avoit
vécu. Les Anciens Auteurs j Poètes & Hif-
toriens , font pleins de ces Préfages tirés
de chofes fortuites , qui n'ont de rapport
aux cvènemens que ceux qu'on vouloit
bien y trouver. Virgile rapporte les Pré-
fages qui précédèrent la Guerre Civile :
0» On vit 5 dit-il , couler des fources de
M fang : les Loups , durant la nuit y épou-
» vantèrent les Villes par des heurlemens
« affreux. Jamais la foudre ne tomba fi
M fouvent dans un temps ferein : mais les
î> redoutables Comètes n'effrayèrent plus
» les mortels. 5> Lucain étale auiïi en vers
pompeux tous les Préfages de la Guerre
Civile. Parmi les Hiftoriens , Tite-Live
eft rempli d'obfervations fuperftitieufes ;
tantôt quelque Monftre eft né ;• tantôt les
Eaux des rivières &c des lacs ont paru tein-
tes de fang : tantôt une Idole a changé de
fîtuation fans qu'on y touchât j une au-
trefois on a entendu plufieurs coups de
tonnerre dans la plus grande fércnité de
i'air. Suivant cet Hiftorien , un Bœuf pro-
nonça diftindement ces trois mots : Ro-'
ma 5 cave tibi j Rome j prends garde à
roi.
= PR= 6ji
Présent d'un Ennemi suspect.
On le , epréfenre fous la figure d'He^bor ,
qui dotine une Épée à Ajax , ôc celui-ci en
repuéfailles fit Préfent a Hedor d'une
Ceinture \ ces Dons mutuels furent les
triftes préfages de leurs fins tragiques : car
Ajax fe tranfperça de cette Epée \ Hedor
fut attaché avec. cette Ceinture derrière
le)C1iar triomphant d'Achille , où il per-^
dit la vie.
ÉNIGME CXFÎIL
Far l'ordre de ma dcAinée,
Je ne fers qu'une fois l'année ,
Quoique mon fecourt. ioic puifTant :
Mais dans ce moment , on me donne fans ceffe 5
A m.e remplir chacun s'empreflc 3
Sans demander , je fuis prcllant.
Je rends autant que Ton me donne.
Mes iargcffes font qu'on entonne
Autour de moi des airs joyeux ,
Et quelque chofe qui vaut mieux.
Si l'on ne me traite pas bien,
Je me plains quelquefois , & jamais ne dis rien :
Seulement je rends de la peine
A ceux qui me donnent la gêne.
D div
(f52 =PR==
. Quoique je fois de dur tempérament,
Je ne fuis fait, ni de fer, ni de pierre 5
Et mon folide fondement
N eft pas d'un pied avant en terre.
Pretr e.
Les Prêtres àts Païens étoient des per-
fonnes deftinées pour offrir les Sacrifices,
ils furent inftirués à Rome par Numa
Pompilius 5 & nommés Sacerdotes. 11 y en
eue de deux fortes , hs uns pour tous lés
Dieux en général, appelles Pontifes^ en
latin Pontifices : il en établit d'abord qua-
tre de Race Patricienne. On en créa en-
fuite quatre autres de Race Plébéienne ,
l'an 454 de la fondation de Rome, ôc
Sylla, étant Dicfcateur , en ajouta fept au-
tres j les autres pour des Dieux particu-
liers 5 comme les Luperques , Luperci ,
pour le Dieu Pan ; les Collègues Titiens,
Sodales Tini , pour les Dieux àQS Sabiens ;
\qs Saliens , Salti , pour le Dieu Mars ;
les Vefîales , Veftaks , pour la Dée{re
Vefta 5 les Fia mines , Flamines , pour Ju-
piter 5 pour Mars ou pour Quirinus ^ les
Galles 5 Gain , pour Cybèle mère des
Dieux. Il y avoir encore certains Magif-
trats ou Officiers nommés Epulones , qui
étoient comme les Intendans ou Maîrres
d'hocei , qui préildeienc aux Feftins c^ue
Ton faifoir après les Sacrifices ; le Roi du
Sacrifice , qui écoit comme le Maîcre des
cérémonies ; les Fières Arvales qui avoi'^nt
le foin des Sacrifices que l'on offroic pour
Tabondance des biens de la terre , & les-
Frères Curions , prépofés pour les Sacrifi-
ces de chaque Curie. Les Pritrcs por-
toienc diverfes Couronnes. Elles étoienc
de Laurier pour les Prêtres d'Apollon , <^
de feuilles de Peuplier pour ceu^ d'Her •
cule. Quelques-uns en avoient de Myrte,,
d-'autres de Lierre , &: d'autres de feuilles
àe Chêne. Le Grand Prêtre à Rome , n'é-
toic obligé de rendre compte de fes oc-
rions , ni au Sénat , ni au Peuple ; il écoit
le feul qui eût droit de venir en Luicre au
Capitole : il étoit le Chef de la Religion ,
3i le Juge fouverain des Cérémonies , il
recevoir des Veftales , avoit l'Intendance
fur tous les Prêtres^ des Sacrifices , des
Temples de des Autels , & avoit foin dé-
régler les Annales de ce qui fe pafioit tous
les ans. Numa Pompilius far le premier
Souverain Ponrife ou Grand Prêtre. De-
puis lui , l'élcclion du Souverain Pontife-
appartenoit au Collège des Pontifes, Dans^
la fuite y Domitius , Tribun du Peuple ^
transféra ce dro-it au Peuple , qui y avoic:
néanmoins coujonrs eu part , û l'on s'ent
laçporce à ce qu'en dit Cicéron dms for&
634: C3^PR.=^
difeours de la Loi Agraire , la Confécra-
tion du Souverain Pontife fe faifoit avec
des Cérémonies extraordinaires. On le fai=
foit defcendre dans une folïè , revêtu de
fes habits pontificaux 'y on couvroit la foiîe
de planches percées , Ôc on immoîoit def-
fus les Vidtimes, dont le fang couloir par
les trous fur le Pontife , il s'en frottoir le
vifage y les yeux , la bouche ôc même la
langue. Enfuite on retiroir les planches ,
les Flamines tiroient le Grand Pontife cou-
vert de fang , &c en cet état il étoit falué
comme Grand Pontife , qualité qui étoit
fort honorable. Devant lui marchoit un
Lidteur , & il étoit porté eu Chaire Cu-
rule 5 8>c fa porte étoit ornée de Lauriers.
Jules- Céfar , Se depuis lui , les autres Em-
pereurs prirent la qualité de Souverain
Pontife 5 & l'ont confervée même depuis
qu'ils furent Chrétiens. Les Prêtres de
Mars étoient tellement confidérés , qu'il
falloir être de Famille Patricienne pour
obtenir cette Dignité. Les Prêtres a Tyr
avoient la première place auprès du Roi ,
6c étoient vêtus de pourpre. Les Prêtres
du Soleil 5 parmi les Phéniciens , por-
roient une longue robe de pourpre & d'or,
^ fur leur tête une couronne d'or garnie
gypriens élifoient leurs
Rois entre Iqs Prêtres^ ëc honoroient de
ce dernier titre tous leurs Philofopkes. Le
Prêtre de Jupiter , appelle à Rome Fla.^
men dicilis , pofledoi: cette prérogative >
que fa fimple parole avoit l'Autorité d'un
ferment. Sa préfence tenoit lieu d'un Sanc-
tuaire \ Ôc un criminel qui fe retiroit chez
lui ne pouvoir y être pris. LaPrètrife chez
les Indiens etl: héréditaire , comme elle i'é-
toit anciennement parmi les Juifs. Le fils
d'un Bramin eft Prêtre , & époufe uns
fille de la même condition.
Prétexte.
■ La Robe Priuxtz étoir un vêtement
long & blanc , qui avoir une bande de
pourpre au bas. \^qs enfans de qualité à
Rome la portoienc jufqu'à l'âge de quinze
ans > & les filles jufqu à leur mariage. Les
Magilhats , les Augures , les Prêtres &: les
Sénateurs la portoient à certains fours de
Solemnité : comme en le voit dans les
Auteurs.
Prévoyance.
Cîiacan fçait par expérience ,
Qu'il eft de certains maux qu'oa peut bien pré-v'snîr.
On a manqué de P r e v O y a n g e >
N'en manquons pas à l'avenir.
La Frévoycuice ell repréfentée pr.c une
6sS ^ =PR =
femme à deux têtes , tenant d'une mai?*
un Compas , elle femble vouloir mefurer
les qualités & l'Ordre des temps. Ses deux
tètes font rEmblême du paifé &: de l'a-^
venir. Elle porte fur l'autre main un Émé-
rillon y oifeau de fauconnerie , le vrai Sym-
tcoie de Iz. Prévoyance^
Pria M-,
Fils: de Laornédon , fut mis fur le trone-
de fon Père par Hercule. Il règaa paifî-
blement pendant plufi^urs années au mi-
lieu d'uîie nombreufe familfe , fa première
femme fut Arisba, fille de Mérops-, dont
il eut un fils nommé Éfacus. Hécube fa
féconde femme lui en donna dix-neuf^
dont les plus connus font Hector , Paris s
Déiphobe , Hélénus , Polîtes , Troïle , Po-
lydore , &g. & les filles Creiife , Laodicé ,
Polyxène , &: Cafïandre. Enfin il eut cin-
G^uante enfans de différeares femmes ; &
tous 5 à Texceprion d'Hélénus , périrent
avec leur Père dans la Guerre de Troye.
Après qu'Hedor eut été rué , Apollon
envoya Iris à Priam , au rapport d'Ho-»
mère , lui ordonner de porter a Achille.
des prcfens capables d'appaifer fa colère ,
pour être la rançon de fon fils. Ce père
infortuné prend douze talens d'or avec les
CEofFes les plus riches & les vafes les plus
= P R = 6^y
précieux , monte far fon char accompa-
gné d'un feul homme y &c fe halarde d'aller
au Camp des Grecs. Mercure , par l'ordre-
de Jupiter , conduit lui-même le Char ,
endort les fentinelles qui gardent les re-
tranchemens des Grecs , traverfe leur
Camp fans être apperçu , & arrive devanc
la tente d'Achille. Priam va fe jetter aux
pieds de ce terrible ennemi , il embrafTe-
ùs genoux , il baife les mains meurtrières
qui avoient verfé le fang de fes fils , & le
conjure de lui rendre le corps d'Heclor »
pour lequel il apporte une riche rançon»
Achille s'attendrit en voyant l'humiliation
de ce malheureux Roi , il le relevé avec
des marques de compafTion , ôc lui ac-
corde fans p^ine fa demande : ( car les
Dieux avoient tourné fon cseur à la pitié. )
Priam s'en retourne a Troye avec le corps
de fon fils 3- & Mercure eft encore em-
ployé pour le ramener de la mèm.e façon
qu'il étoic venu.
Lorfque Priam eut vu fa Ville livrée
aux Grecs , & l'ennemi vainqueur au mi-
lieu de fon Palais , il prend fon épée èc
fon cafque , & veut mourir les armes à la
main; mais Hécube l'oblige de recourir à
l'Autel de Jupiter où elle s'étoit réfugiée
avec (es fi-Iles. Polytès, un de leurs enfans
pourfuivi par Pyrrhus ,. eft frappé & vienr
6^^ =PR =
expirer à leurs pieds, A cet vue Priam ne
peiic retenir fa colère , il ofe reprocher à
Pyrrhus cette adion inhumaine de tuer un
fils aux yeux de fon père , & lance en
même-temps contre lui un trait qui tou-
che à peine fon bouclier , & tombe à ^q%
pieds. Pyrrhus alors , fans refpeder TAu-
tel 5 fe jette fans pitié fur le malheureux
vieillard , faifit d'une main (qs cheveux
blancs , & de l'autre lui plonge fon épée
dans le fein. Les Grecs enfuite lui cou-
pent la tète , entraînent fon corps fur le
rivage , où il refta confondu dans la foule
àQS morts. Si nous en croyons le Poëte
Lefchée , dit Paufanias , Priam ne fur pas
tué devant l'Autel de Jupiter Hercéus ,
mais il en fut feulement arraché par force ,
6c ce malheureux Roi fe traîna enfuite juf-
ques devant la porte de fon Palais , où il
rencontra Pyrrhus, qui n'eut pas de peine
à lui ôter le peu de vie que fa vieillefle &
{ts infortunes lui av oient laifle.
P R I A P E >
Dieu des Anciens , fils de Bacchus Se
de Vénus , préfidoit aux Jardins , & étoit
adoré à Lampfaque , Ville d'Hellefpont ,
lieu de fa nailfance. On dit que Vénus ,
éprife d'amour pour Bacchus , alla au de-
vant de lui lorfqu'ii revenoit des Indes y ôc
cja'elie iui préfenta une couronne de rofes
teinte de fon fang , qu'elle lui mit fur la
tête 5 lui ordonnanr de la fuivre ^ que fe
fentanr grolTe & près d'accoucher , elle fe
rerira à Lampfaque ; que Janon , jaloufe 5
fie naître cet enfant difForme avec àts par-
ties d'une grolTeur extraordinaire \ que
Vénus ayant honte d'avoir mis un tel en-
fant au monde j le laiffa à Lampfaque»
Cet enfant fut aimé des Dnmes de Lamp-
faque. Les maris à qui cela déplut, le chaf-
sèrent de la Ville ; mais ils eurent bientôt
lieu de s'en repentir, & en firent un Dieu.
Quelques-uns ont dit que Priape n'étoic
pas un homme , mais la figure àes parties
qui fervent à la génération , qu'Ifis fit faire
éc fit adorer ; lorfqu ayant retrouvé le refte
du corps d'Ofiris déchiré en pièces par fe&
ennemis , il n'y eut que celles- ci qu'elle ne
put retrouver , & dont elle voulut qu'on
révérât l'image. On dit que Séfoftris , Roi
d'Egypte y ayant fubjugué une grande par-
lie du monde , laifla dans routes les pro*
vinces de ces figures , pour marque de la
lâcheté de leurs habitans «5c de fes vic1:oi-
res. Le Culte de Priape ne s'eft introduit
qu'aflez tard chez les Grecs , quoiqu'il fût
honoré chez les Egyptiens & dans la Pa-
leftine>fous le nom àe Bee/phegor. Hé-
fîode ne connoilToit point ce Dieu j mais
les Poètes Grecs qui ont écrit depuis ,
comme Orphée & Théocrire , en ont fait
•mention. On lui facrifioir un Ane } & la:
raifon que l'on en donnoit , c'efl qu'an
jour étant à la Fête de la Grande DéelTe-
avec les autres Dieux , après avoir bien?
bu & bien mangé , commje il vouloir for-
cer la Nymphe Lotis ;. ou , félon d'autres ,-
la Déeffe Vefta qui dormoic , elle fut
éveillée par l'Ane de Sylène , qui fe mit à
braire. Quelques-uns confondent Priape-
avec Adonis. Selon eux , Adonis ou Oii-
ris ayant confacré un Phallus d'or , en
mémoire de la bleflure qu'il avort reçue
dans l'aine , il arriva que l'on oublia la rai-
fon du Phallus , & que les Prêtres de ce-
Dieu introduifîrent mille impuretés à cette
occafion. Hérodote remarque que Mélampe
de Phénicie envoya un Phallus à Bacchus j.
& qu'il lui apprit quels facriiices on de voit
lui offrir ; mais pîufieurs ont fait de Phal-
lus y un Dieu particulier & diftlngué de
Priape , quoiqu'ils foient auflî infâmes
l'an que l'antre. On appelloit Priape Hy-
phallus , c'eft-â-dire , le Phallus à'Ado-
Txis , que Ton nommoit Myczus. Adonis;
étoit le Dieu des Jardins , auffi bien que
Priape; de forte que l'on a fujerde croire
que c'étdir la même Divinité. La figure de:
Fria^e qjae Ton mettoit dans les Jardins 3,
= PR:= 6-41
étoit un homme nud , avec une barbe 8c
une chevelure négligée , tenant d'une main
une faucille , & de l'autre le membre vi-
ril ; ce qui faifoit peur aux voleurs ôc aux
oifeaux , comme le difent les Poètes. Ce
qui paroît de plus conftan'c , c'eir que
Priape eft un Dieu imaginé , dont il n'y
a aucun fondement dans rHiiroire , que
l'on a fait préllder aux adions hs plus
deshonnétes.
Prière.
Lorfque le Jufie prie , & qu'il s'adrefle aux Cieux ,
Dieu fur Ton Oraison yzito. toujours les yeux ,
Et pour ce qu'il demande, il a loieille ouverte :
Mais pour les Criminels , il n'a que des regards
Pleins d'indignation , qui témoignent leur perce ,
E: vont lancer fur eux le feu de toutes parts.
UOraifon eft une communication , un
entretien, &c une confidence de l'âme avec
Dieu 5 elle lui parle, & lui découvre avec
franchife les fentimens & les affections de
fon cœur : elle nous rend femblables aux
Anges, dit Saint Jean Chryfoft-ome -, car
quoique la foiblelTe de notre nature nous
mette beaucoup au-delTous d'eux, néan-
moins par la Prière nous fommes admi$
en la converfation de Dieu, aufli-bien qu^
les Anges.
g^2 = P R =
Confervez donc votre âme pure , 8c
votre cœur fans tache , pour obtenir de
Dieu ce que vous lui demanderez dans vos
Prières,
Ociili Domini fuper jujlos^ & dures ejus
in pRECES eorum, Pfal. 355V. 16,
Prières.
Héfiode dit que les Prières étoient filles
de Jupiter : elles étoient boiteufes , die
Homère, ridées, ayant toujours les yeux
baiiTés , Tair rampant & humilié , mar-
chant continuellement après l'Injure, pour
guérir les maux qu'elle fait.
Printemps.
De toutes les Saifons , je fuis la plus charmante 5
Dès que je reprends mes attraits ,
La Nature devient brillante,
Et plus aimable que jamais.
Le Printemps eft la Saifon la plus belle
de toute Tannée : elle eft repréfencée fous
la figure d'une jeune & belle femme , ayant
fur la tète une Guirlande de Fleurs en /or-
me de Couronne , tenant dans fes deux
mains des Bouquets de diverfes Fleurs \
pour nous montrer que toutes les Plantes
fe renouvellent dans cette agréable Saifon,
= P R = (?45
Prix.
Aujourd'hui la Vertu n'eft qu'un nom chimériqce >
On la regarde avec mépris.
Heureux pourtant qui la pratique s
Celui-là peut compter qu'il remporte un grand Pb.ix>
La figure allégorique qui repréfente ce
fujèt 5 eil: vêtue d'une robe blanche , fur
iaqnelle eft une tunique d'or , pour indi-
quer que les récompenfes font ducs au pur
mérite. La Couronne de Laurier & le Ra-
meau d'Olivier , qu'on lui donne pour
Emblèmes 5 font allufifs aux deux fortes
de Récompenfes ^ l'une aux Guerriers, de
l'autre aux Perfonnes illuftres , qui font
fleurir les Arts de les Sciences pendant la
Paix.
ÉNIGME CXIX.
D'une rrès-ancienne & très-noble Naiifance y
Produit par la Juftice & la Magnificence,
Je fuis de la Difcorde aflez fouvent l'Auteur 5
Je donne aux plus poltrons l'audace & la valeur»
Protedeurs des beaux Arts , & de toute Science ,
Des plus barbares lieux je bannis l'Ignorance 5
Toujours pour m'obtenir on fait ce que l'on peur.
Je paiois aux hum^ains fous la forme qu'on veut i
Mais telle qu'elle fcit , elle eft toujours honnête ^
Ici c'eft une fleur, &: là c'eft une bête.
^44 = P R ==
Je fuis un pe:it mot, je fuis le Paradis ',
Je iiiis une faveur chez les Amans chéris.
Là , je fuis quelque belle , Se jadis ; ccois Pleine ,
Quand Œdipe éclaircit cette Enigme Thébaine :
Bien fouvent je ne fuis que des bacons , des croix ,
Des livres , des rameaux , cncor moins quelquefois,
PrO AO,
Diviniré des anciens Germains , qu'ils
repréfentoient tenant d'une main une Pi-
que environnée dune efpèce de bande-
rolle 5 Se de l'autre un Écu d'Armes. Ce
Dieu préhdoit à la Juftice , & au Mar-
ché public, afin que tout s'y vendit avec
JËquité.
ÉNIGME CXX,
Six membres font mon nom , je fuis de tout pays-.
L'injuftice fouvent préfide à ma nailTance,
Si par un fort heureux, quelques-uns j'enrichis,
J'en réduis un g'-and nombre à l'extrême indigence.
Redoute-moi , Ledeur , autant que le décès.
J'altère la fanté , le repos & la bourfe :
Et fi tu ne m'éteinds dans mon premier accès.
Rarement pourras-ta m'arrêter dans ma courfe.
^^
Prodigalité.
Par une aveugle frénéfîe,
M'oubîiant moi-ircire , ainfi que les miens,
Je Qie fais un plaifir de dilTlper mes biens.
Intempérans Moictls 1 chacim a fa manie :
L'Avare idoiâcre les fîens.
' La Prodigalité eft veruë de riches ha-
bits, a un bandeau fur les yeux, & fecouë
une corne d'abondance , d'où tombent de
l'argent & des bijoux , que des Harpi&s
prennent avidemment.
Progné,
Fille de Pandion, Roi d'Athènes, épou-
fa Térée , Roi de Thrace , dont elle eut
un fils nommé itys. Térée étant un jour
allé à Athènes , elle le pria de lui amener
fa fœur Philomèle ; ce qu'il fit, mais il la
viola dans le voyage j & lui ayant coupé
la langue, il l'enferma dans une obfcurç
prifon , feignant qu'elle étoit morte d'un
accident extraordinaire. Philomèle trouva
le moyen de faire fçavoir fon défaftre à
fa fœur , & fit manger Itys à fon père
Térée, lequel voulant s'en venger, la Fa-
ble dit que les Dieux métamorphosèrent
Promue en Hirondelle , & Philomèle en
^^S =PR =
Roffignol : pour Itys , il fut changé en
Faifan , de Térée en Hupe.
PROMETHEE,
Fils de Japèiy frère d'Atlas Se d'Épîmé-
thée. Les Poètes ont feint qu'ayant formé
les premiers hommes de terre & d'eau, il
déroba le feu du Ciel, dont il Iqs anima.
Minerve l'aida dans ce travail , & l'on dit
que ce fut elle qui l'enleva dans le Ciel,
où il alluma un morceau de bois à la roue
de feu du Soleil , de qu'il anima l'homme
de ce feu. Il forma auffi , félon les Poètes,
une femme appellée Pandore, à qui Ju-
piter, pour fe venger de Prométhée ^ don-
na une boîte dans laquelle il avoit enfer-
mé les calamités & les maladies du genre
humain. Pandore l'apporta a Prométhée ,
^ui méprifa le préfent de Jupiter. Elle le
donna à fon frère Épiméthée, qui n'eut
pas plutôt ouvert la boîte , que toutes for-
tes de maux fe répandirent fur le genre
humain. Épiméthée voulut la refermer,
mais il ne refta plus au fond que l'Efpé-
rance. Jupiter , pour fe venger de Promé-
thée ^ commanda à Vulcain de l'attacher
fur le Mont Caucafe avec des chaînes de
fer : dans cette fituation , une Aigle ou un
Vautour lui déchiroit tous Iqs jours une
partie du foie. Duris de Samos rapporte
que Promethee ne fut pas puni de ce Sup-
plice , pour avoir enlevé le feu du Ciel,
mais pour être devenu amoureux de Pal-
las. On tient que Prométhée fut délivré
par Hercule. Ceux qui cherchent ^qs Vé-
rités hiftoriques dans l'obfcurité des Fa-
bles , difent que Prométhée obferva le
cours des Aftres en Scythie , & s'appliqua
avec tant d'ardeur à cette connoilTance ,
que ce foin le tint nuit & jour attaché
fur cette montagne. Entr'autres chofes, il
trouva, difent-ils, l'Art de faire le Feu,
foit par le choc des cailloux , foit en ra-
malTant les rayons du Soleil dans un mi-
roir. Par ce moyen , il pouvoir en roue
temps ranimer, pour ainfl dire, les hom-
mes de fon voiiînage , tranfis du froid de
leurs climats.
Prophétie.
C'eft le nom des Prédirions faites par
Hnfpiration du Saint-Efprit ; ainfî, dans
ce fujèt, on le repréfente fous la forme
d'une Colombe au-delTus de la tête de la
figure qu'il ^éclaire de ks rayons. Cette
figure eft^ vêtue de blanc , & une chaîne
de fer lui fert de ceinture j pour marquer
qu'elle eft comme contrainte à publier la
Vérité ^ les menaces les plus dures font
ê^^ = P R -T==r
désignées par l'Épée & la Trompette
qu'elle tient.
PROSERPÎNE,
Fille de Jupiter & de Cérès , fe prome-
nant un jour dans les agréables Prairies
d'Enna en Sicile^ qu'arrofoient ^qs Fon-
taines d'eau vive, cueillant des fleurs avec
les Nymphes & les Sy rênes qui l'accompa-
gnoient 5 Pluton ia vit, en devint amou-
^ reux , d< l'enleva malgré les remontrances
de Palîas.
Cette DéefTe , émue à^s cris & àes
plaintes de Proferpine ^ qui imploroit fon '
aiïiftance , vient au fecours , & tient ce
difcours à fon oncle : « Dompteur d'un
»» Peuple lâche & fans force ! 6 le plus
5> méchant des trois frères ! quelles Furies
3> vous agitent, & comment ofez-vous ,
s» quittant le Siège de votre Empire , ve-
93 nir avec vos quadriges infernales profa-
» ner jufqu'au Ciel même ? »
Pluton tenant entre fes bras Proferpine
toute échevelée, répond à Pallas j Les che-
vaux galopent : Cupidon , qui vole au-
deOTus d'eux, tient une flamme pour l'hy-
menée *, & Mercure , qui eft au fervice
des vivans de des morts , grand Négocia-
teur du Ciel & de l'Enfer , précède le
char 5 pour préparer les voies. Arrivé près
de
= P R = (5'4p
de Syracufe , Pluron rencontre un Lac ,
frappe la terre d'un coup de fon trident,
& s'ouvre un chemin qui le conduit dans
fon Royaume fombre.
Cérès, accablée de la plus vive douleur,
chercha fa tille par mèr ôc par terre ] après
l'avoir cherchée pendant tout le jour, elle
alluma deux flambeaux aux flammes du
Mont Erna, & continua de la chercher.
Elle découvrit enfin, par le moyen de la
Nymphe Aréthufe, que Pluton l'avoit en-
levée : elle monte aufli-rôt vers le Palais
de Jupiter , lui expofe ks plaintes avec
la douleur la plus amère , de demande
juftice de cet enlèvement.
Le Père des Dieux tâche de Tappaifer,
en lui repréfentant qu'elle ne doit pas
rougir d'avoir Pluton pour gendre , le
frère de Jupiter ; que cependant Ci elle
veut que Proferpine lui foit rendue, il y
confent; mais à condition qu'elle n'aura
rien mangé depuis qu'elle ell entrée dans
les Enfers : c'eft ainli que l'ont ordonné
les Parques.
Par malheur, Proferpine fe promenant
dans les Jardins du Palais infernal , avoit
cueilli une Grenade, dont elle avoit man-
gé fept grains : Afcalaphe, le feul qui l'eût
vu, l'avoit rapporté à Pluton. Tout ce que
put faire Jupiter, fut d'ordonner que Pro-
Toiîiii IIL E e
6^0 = P R =
ferpine demeureroit chaque année fix mois
avec fûii mari, & (Ix mois avec fa mère.
Voilà donc Proferpine femme de Plu-
ton 3 & en cette qualité Reine des En-
fers, 6c Souveraine des Morts. Perfonne
ne pouvoir entrer dans fon Empire fans
fa permiilion j & la mort n'arrivoit à qui
que ce foit, que lorfqiàe la Déefl'e infer-
nale avoit coupé un certain cheveu fatal ,
dont dcpendoic la vie des hommes. C'eft
ainfi que Didon, dans Virgile, après s'être
percé le fein , ne pouvoir mourir ; parce-
que Proferpine ne lui avoit- pas encore
coupé le cheveu fatal.
Prospérité de la Vie.
La fanté , les richeiTes & l'abondance
corn pofc lit la Prospérité de la vie : ainlî
on caradérife ce fujèt par une femme gra-
çieufe, qui regarde d'un air fatisfait une
Corne d'Abondance ,. remplie de pièces
d'or bc d'argent. Elle eft vètuë richement,
& couronnée de Raiiins & d'Epis de bled.
Voiià fes Attributs, quant aux RichelTes
& à l'Abondance. Celui de la Santé eft
une Branche de Chêne, garnie de feuilles
& de fruits ; cet Arbre étant de longue
durée , robufte , & incorruptible. Horace
dit que, fans la Santé, les autres biens Ai
k vie font inutiles a l'homme.
1
G
C
a
\i
fû
fa
k.
d'ao
qu'i
loti
roà
nir.
Ce:
Met
\ti il
frefqc
!•
Vakat pcjfjfor cportet
Si cowportads rehus bené cogiiat ejU,
PROTÉE.
Dieu marin , fils de Neptune 6^ cîe
Phœnice 5 habiroic dans le Phare d'Ale-
xandrie. Étant forti d'Egypte , il époula
Toronée à Phlégra, Ville de ThefTaiie en
Grèce, dont il eut Tmolus & Télégonus.
Ces enfans étant devenus grands, tuoient
cruellement les Etrangers. Protée ne pou-
vant fouifrir cette Barbarie , demanda à
fon père Neptune de retourner en Egypte.
Neptune exauçant fa prière , le mena en
Égypre par un conduit qu'il fit fous la
Mer, &: qui répondoit à un antre de Pal-
lène. D'autres difent que Protée écoit fils
de l'Océan & de Thétis, & lui donnent
d'autres enfans. Les Poètes difent que
Protée prenoit toutes fortes de formes ;
qu'il fe changeoit tantôt en animal, tan-
tôt en arbre, tantôt en feu, en eau & en
rocher. 11 avoit le don de prédire l'ave-
nir , & ne s'expliquoit ordinairen:enr que
lorfqu'il y étoit contraint par la force.
;sCe qui a donné lieu à la Fable de ces
isMéumorphofes j c'eft, dit-on, que Pro-
:vtée étoit un Roi Égyptien, qui avoir fon
dliEtat le long de la Mer, & qui changeoit
prefque tous les jours d'habits, fur lefquels
E e i j
6^2 ..^PR==:
il fairoit repréfenter différentes, figures^
Hérodote rapporte que Paris, après avoir
enlevé Hélène , fut jette par la tempête à
une des embouchures du Nil j qu'il fuc
pris par Thémis, Gouverneur de ce pays,
qui l'envoya au Roi Protée ; &c que ce
Prince ayant appris que Paris avoir violé
rhofpitalité en enlevant Hélène, déteftant
fa perfidie , lui avoir ordonné de fortir
dans trois jours de fcs États , ôc avoit re
tenu Hélène j que Ménélas ayant fçu ,
après la prife de Troye , que fa temme
étoit en Egypte , y avoit été conduit par
un Pilote nommé Canope, c]ui donna fon
nom à une des embouchures du Nil ; ôc
qu'il y avoit trouvé Hélène , que Protée
lui avoit rendue , avec tout ce que Paris
lui avoit enlevé.
Proverbe.
C'eft, félon l'idée commune, une Sen-
tence populaire , ou une façon de parler
triviale , mais fententieufe , qui eft dans
la bouche de toutes fortes de perfonnes :
comme , // Jieji pire que l'eau qui dore
Qui a peur des feuilles ne doit point allei
au Bois. Tant va la Cruche à l'eau ^ qu'enr
fin elle fe cajfe. A bon Chat, bon Rat.
Le Proverbe a prefque toujours quel
!'
mon
Fiîiil
m}
h
iïïP
)ropi
une
forte
pie,-
que chofe de figuré , & s'exprime d'ordi-
naire en termes métaphoriques. Je dis
prefque toujours Se d'ordinaire ; parce-
qu'il y a beaucoup de Proverbes où la Mé-
taphore n'enrre point ; comme, A grands
Seigneurs peu de paroles. Les honneurs
changent les mœurs. La voix du peuple
îfi la voix de Dieu. Alais contre un Pro-
verbe qui demeure dans le propre, il y en
a cent de mécaphoriques & de figurés.
Si la Mcraphore eft bafle, & tirée d'une
chofe vile ou peu honnête , c'eft un Pro-
verbe des Halles j com.me , S'il me donne
des Pois , je lui donnerai des Fèves.
Alais fi la Métaphore eft noble , fi elle
eft jolie, le Proverbe n'a rien de bas j té-
moin ceux-ci : La belle Plume fait le bel
O if eau. Avec le Temps & la Patience , la
Feuille de Mûrier devient du Satin. C'eft
un Proverbe I urc.
Les Efpagnols & les Italiens excellent
=n Proverbes dans le figuré & dans le
\ propre. Nos Proverbes (oni la plupart ro-
iruriers & payfans , fi j'ofe parler de la
forte : les leurs font prefque tons no-
bles, Se d'un caraclèie fingulier. Exem-
ple : Dans Us confeils les murailles ont
des oreilles. La Châffe , la Guerre , la Ga-
anterie ; pour un plaijïr ^ rhille peines.
Le Soleil matineux ne dure pas le jour
È e iij
;i'
6S^ =-, P Pv .=:=^
CTitier, La vieille Bannière eft rhonneur
du Capitaine. Ne. vous ckagrin^^^ ni du
Temps ni du Gouvernement, Les Armes des
Poltrons ne percent point,
Peut-crre que le Langage érranger rend
ces Proverbes encore pins beaux qu'ils ne
ne le font^ & que nous les eltimerions
moins , Ç\ uons les avions originairement
en nocre Langue : il faut avouer néan-
moins qu'ils ont , dans le (tns ôc dans
l'exprenion , un ceituin agrément j & je
ne fçais quelle RntfTQ , qui ne fe trouve
point dans \qs nôtres.
Providence.
De même que David porte les yeux vers Dieu >
Adore fa grandeur en tout temps, en tout lieu^
Et regarde toujours Ca. divine puifTance i
Ils ne nous font donnes que pour être témoins
Des grands biens que nous fait fa fainte Provi*
DENCE ,
. Pour admirer aufli les œuvres de Tes mains.
La Providence eft la Sageffe & la Puif-
fance Divine qui gouverne tout.
On la perfonniiie par une matrone vê-
tue majeftueufement , & portée fur un
nuage, tenant un grand Vafe , dont elle
répand la Rofée fur un Globe terreftre,
Elle a un (Eil ouvert & rayonnant fur fa
poîtrirxC , pour marquer que rien ne lui
efi: caché.
Les Anciens en faifoient une Divinité,
comme nous l'apprend Cicéron , dans fon
Livre de la Nature des Dieux, Ils nous
l'ont repréfentée fous la figure d'une Da-
me Romaine , qui tient un Sceptre d'une
main , & femble montrer de l'autre un
Globe qui eft à fes pieds ^ pour dire,
qu'elle gouverne tour le monde , comme
une bonne mère de famille. L'Empereur
Tite la fit graver avec un Timon & un
Globe dans (qs mains. Maximien la fît re-
préfenrer par deux Dames, qui tiennent
des Epis de bled dans leurs mains, avec
cette Légende :
Providenùa Deorum , Qjàes Augujlorum,
Alexandre Sévère nous l'a repréfentée fous
la figure d'une DéeiFe , tenant une Corne
d'Abondance, &: avnnt a {^s pieds une
Amphore pleine d'Epis de bled. Le Sym-
bole de la Providence eft une Fourmi , qui
tient trois Épis de bled à fon bèc.
Prudence.
Je compte pour rien la Science,
L'efprit même le plus brillauc 5
Lorfque rcfprit: cit tans Prudinxe ,
Et le f^avoir fans jugemen:.
Ee iv
6^6 .= PS =
Les attributs ordinaires de la Prudence
font le Miroir & le Serpent. Les Anciens
y ajoutoient deux faces, l'une jeune, &
l'autre vieille , comme à Janus j voulant
fignifier que cette Vertu s'acquiert par la
confîdération du PalTé , & la prévoyance
pour l'Avenir.
Jefus-Chrift dit dans l'Évangile : Pru*
dcntiores funt filii hujus faculi , Jiliis lu»
cis,
P s A P H O N,
Natif d'une contrée d'Afrique, voifîne
de la Lybie propre , fut entêté d'une folle
vanité , & réfolut de fe faire rendre les
Honneurs Divins. Il prit , pour y parve-
nir, quantité d'Oifeaux, de ceux dont la
langue a de la facilité à prononcer les paro-
les des hommes j { à quoi il n'eut pas beau-
coup de peine , car il s'en trouve en abon-
dance dans l'Afrique ) ;& leur fit appren-
dre avec grand foin ces trois mots, /wejceç
iilç -^oL^af ^ qui fignifient Pfap/ion efi un
Grand Dieu, Lorsqu'il les eut inftruirs de
la forte, il les laiiTa tous envoler à l'heure
qu'il avoir accoutumé à leur donner a
manger. Ces Oifeaux étoient faits à repé-
rer ces trois paroles, pour avoir de quoi
appaifer leur faim ; de forte que n'ayant
pas mangé ce jour-là , ils alloient criant
de coié de d'autre de route leur force ce qui
leur avoit écé enleigné. Le Peuple , faifi
de crainte k ce prodigieux apparent, ayant
fçu la (ignihcarion de ce qu'il entendoit,
conçut une vénération religieufe pour
Pfaphon ; d'où eft venu le Proverbe , les
Oifeaux de Pfaphon»
. Psyché,
Divinité des Anciens , étolt propre-
ment l'âme 5 que les Grecs nomment
4y7,>». Apulée & Fulgence ont décrit les
Amours de Cupidon & de cette Déefî'e ,
& le mariage qu'ils contradèrent enfem-
ble. On repréfentoit Pfyché avec qqs ailes
de Papillon aux épaules, parceque la légè-
reté de ce volatile exprime en quelque fa-
çon la nature & les propriétés de l âme ,
qui n'étoit, félon eux, qu'un air &c qu'un -
foufïle. Le Papillon eft aulfi le Symbole
de l'âme , <Sc lorfqa'on peignoit un hom-
me mort, on reprélentoit un Po^pillon qui
paroinfoit être forti de fa bouche , & s'en-
voloit en l'air. Oi\ voit dans pluiîeurs
Monumens antiques , un Cupidon em-
brafTant Pfyché ; celui-là .prefque nud , &c
celle-ci à demi- vêtue : par où il fembîe
que les Anciens exhortoient les hommes
à k Volupté, félon la penfée de Fulsi^encei
6^S =z=PU=.
qui explique ces embraiTemeiis du deCvc
qu'a la cupidité de poiréder l'âme. D'au-
tres croyent qu'ils ont voulu faire allufion
à la faculté raifonnable ôc à l'irraifonna-
ble , qu'ils fuppofoient dans l'âme y ou â
l'Efprit marqué par Pfychéy & a la Con-
cupifcence figurée par Cupidon»
ÉNIGME CXXL
Je fuis une jeune Brunette ;
Dans la danfe , où je fuis adroite ,
Je fais mouvoir de merveilleux refforts %
Je furpafTe un Sauteur en feuplefTe de corps.
Veux- je faire la guerre ?
Je me fers plus fouvcnt de l'ombre de la nuit.
Je vais , je viens , }c cours à terre ,
Sans jamais en ma courfe exciter aucun bruit.
Je crains pourtant qu'on ne m'attrape ,
Ou d'être prife fur le fait ;
Je fuis morte , fi je n'échappe 5
On punit le mal que j'ai fait.
J'ai les, plus charmantes retraites.
De Vénus aimables cachettes.
j'ai des rapports avec TAmour $
S'il inquiète , je tourmente 5
Je préfère la nuit au jour.
Quand je baife Amarante ,
Sur fon vifage alors éclate la rougeur j
Quand elle l^roit fans pudeur.
= P U = (T jp
leûeur , qui cherches la merveille-
Que je te cache en ce fujèc ,
Sur-tout prends garde à ton oreille ,
Tu ne fcaurois jamais être plus inquiet.
ÉNIGME CXXIL
Je garde un grand tréior v pour qui ? Je n'en fçaiç:
rien ;
Mais enfin qui que ce puilTe être ,
Je ne jouirai de mon bien ,
Que lorfqu'un autre en fera maître--
Pudeur.
Femmes, méprifons la Beauté,
Qu'elle ne Toit plus notre Idole.
Cèft un bien qui fe perd , bien funeflc & fri-*
vole ;
Nos traits les plus brillans , c'efl: la PudicitV,
La Pudeur eft repréfcRtée fous la figure
d^uiie Vierge vêtue de blanc , & alîife
dans une attitude modefte. Son Symbole-
eft une branche de Lis \ on lui donne aufîl
k Tortue , qui , félon Phydias , fignifie
que les Femmes pudiques doivent être^
retirées dans leurs maifons 3 comme cer
An^imal Teft dans fon écaille. Elle fe cou-
vre la tête d'un voile j parcequej félon
Tercullien ;>
£- e y;
66o = P U = •
Jpud Judczos tam foiemr..e ejl fccminîs
eorum ydamen capitis , lU in de di^/îoj-
cantur.
Les Romains avoient déifié cette Vertu ,
& lui avoient érigé à^^ Temples & des
Autels.
P u D I c I T É 5
Divinité qui étoit adorée par \t^ An-
ciens Païens , fous la figure d'une femme
voilée &: très-modefte. La Fudicité eut
deux Temples a Rome ; l'un dans la Place
aux Bœufs , in for o boario ; &c l'autre dans
la Rue longue , in vico longo. Le premier
qui étoit fort ancien , étoit confacré à la
Fudicité Patricienne 5 c'eft à-dire, à la
Fudicité des Nobles Dames Romaines j
& le dernier , qui avoir été bâti par Vir-
ginie , étoit dédié à la Fudicité Plébéienne
Populaire , comme qui diroit parmi nous
a la Fudicité à^^ Cmples Bourgeoifes. Ce
qui avoir donné lieu à cette diiHndion à^s
deux Fudicités , & à ces noms différens
qui furent impofés à cette DéefTe , fut une
difpute que Ïqs Dames Patriciennes de
Rome avoient eu avec Virginie. Cette
dernière qui étoit de Famille Patricienne,
Ôc fille d'Aulus Virginius , avoir époufé
un homme du peuple nommé L. Volum-
nius 3 irès-confidérable par foji mérite»
= PUc= 66i
Un four qu'elle étoit entrée dans le Tem-
ple de la Pudicité^ qui écoit alojs unique
dans Rome , les Dames Parriciennes en-
têtées de leur nobleffe & de celle de leurs
mjiris , voulurent en faire fortir Virginie ;
& prétendirent qu elle ne devoir plus en
avoir Tentrée libre , après avoir dérogé de
fa condition par méfalliance. Virginie qui
ctoit de Race Patricienne , auiîi-bien que
les autres , répondit qu'elle n'avoir point
à fe reprocher fur le maii qu'elle avoir
choifi j qu'il avoit déjà été deux io;s Con-
ful 5 & qu'il s'étoit acquis, par fes adions
ôc par (qs emplois, autant de gloire que
les leurs pouvoient en avoir par la nnif-
fance \ mais que pour n'avoir , aucun dé-
mêlé avec elles , elle s'éloigneroit à l'ave-
nir de leur compagnie , avec autant de foin
qu'elles avoient affedé de fe féparer de la
fienne. En effet, au fortir de-là , Virginie
fit le projet d'un Temple qu'elle ht bâtir
auiîi tôt à coté de fa maifon , & le con-
facra à la Pudicitè , fous le nom de Fié-
héïcnne : après quoi elle aifembla plufieurs
femmes des plus confiHérables du Peuple ;
0ÔC leur ayant repréfenré l'affront que les
P-atriciennes lui avoient fait , elle les pria
de vouloir fréquenter le Temple qu'elle
venoit d'élever , les exhortant à fe diftin-
guer autant par leur vertu d'avec les Pa-
662 = P U =
triciennes , que les Patriciennes préren-
doient fe diftinguer d'avec elles par leur
Noblefïe. Cela arriva l'An de Rome 45 9 ,
& 2c)5 avant Jésus-Christ.
ÉNIGME CXXIIL
Je fuis dès ma naiiTance enterré jufqu au cou ;
J'ai foif rarement , mais toujours gueule ouverte^
Dans mon ventre affamé , plus d'un fot & d'un;
fou ,
Sans me raffafier , ont rencontré leur perte.
Suivant un proverbe ufité , •
On tire de mon fein fouvent la vérité.
Je n'offre à quiconque m'aborde ,
Qu'abymes , chaînes , fers , potences ,. roue & corde 5;
Toujours pourtant chez moi l'Hyver perfécuté ,,
Contre l'Eflé trouve un afyle ,
Que m'emprunte à Ton tour l'Efté,.
Quand l'Hyver décharge f?. bik.
Pureté.
On la repréfente dans la première jeit'-
nèfle , & d'une beauté impofante. Elle eft
vêtue fîmplement d'une étoffe blanche ^. %
fur fon eftomac eft un Soleil rayonnant ,
qui C\gm^Q que fes moindres acbions ne^
craignent point d'éclater. La Colombe &
le Lis font les Symboles les plus, connusv
5c les plus juftes , pnifqu'ils expriment la
candeur qui fait l'objet principal de cette
Vertu.
Salomon exhortant à la Pureté , dit :
In omni temporc candida Jint vejli-
ment a. tua.
Pureté de l'Ame.
Xe Lis , par fa blancheur , marque la Chaileté ,
Et fe compare au Jufte, en qui la Puketb'
Ne fouffre dans Ton coeur qu'une di'vine flamme.
Jamais l'amour mondain n'y peut porter (on feu 5
Les fentimens impurs ne touchent point Ton âme ; 1
Et s'il aime , on connoît qu'il n'aime rien que Dieu.
La Pureté de Pâme eft repréfentée fcrus
la figure àes Lys qui font plantés au bord
d'un ruifTeau : ils font éloignés du palTage
àQs hommes , pour repréfenter la Pureté
de ceux qui fe retirent des occafions du
péché ; poitr ne penfer qu'à Dieu , pour
s'entretenir avec lui, & pour n'aimer que
lui feul.
Pureté du CaE.uit.
, Sucez avec le lait , ce noble fentiment ,
Que l'Amour des Vertus donne aux âmes bien nées.
Nos cœurs font des Vailfeaux qui gardent conftam-^
ment
Les premières odeurs que Ton leur a doanc'esv
66^ == P Y ==
P Y G M A I I O N 5
Roi de Chypre , ayant fait une belle
Statue en devint amoureux, jufqu'au point
de prier Vénus de l'animer , afin qu'il en
pût faire fa femme, il obtint i'etfèt de
fa prière , & l'ayant époufée , il en eut
Paphus. On peut croire que ce Prince
trouva le moyen de rendre fenfible quel-
que belle perfonne qui avoit la froideur
d'une belle Statue.
PyL A DE,
Fils de Strophius , Roi de Phocide de
d'Anaxibie , fœur des Atrides , fut élevé
avec fon coufin Orefte , ôc lia avec lui dès
ce temps-là une amitié qui les rendit Juf-
qu'à la fin inféparables. Après qu'Orejfle
eut tué Égyfte 5c Clytemneftre , avec l'aide
de Pylade , 3c qu'il eut délivré fa fœur
Élèdre de l'opprobre où les tyrans l'a-
voient tenue , il la donna en mariage à fou
ami. Ils allèrent enfemble dans la Tauride
pour enlever la Statue de Diane ; mais
ayant été furpris tous deux ëc chargés de
chaînes pour être immolés à Diane , la
PrètrelTe offrit de renvoyer l'un des deux
dans la Grèce , un feul fuffifanc pour fa-
= P Y .=^ 66 s
tisfaire a la Loi , elle vouloit retenir Py-
lade ; ce fat alors qu'on vit ce généreux ^
combat d'amitié qui a été fi célébré des
Anciens , chacun de ces deux amis offrant
leur vie l'un pour l'autre, Orefte veut que
Pylade foit fauve , « Il me feroit trop dur
» de le voir périr , dit-il dans Euripide ,
3> c'eft moi qui l'embarquai fur cet Océan
as de malheurs \ fa trop confiance amitié l'a
î> contraint de fuivre un Pilote aveugle
D3 C'efl une lâcheté de procurer fon faluc
•» aux dépens d'un ami qu'on aiTocie à fes
9» calamités \ tel eft mon ami , & il m'eft
j5 plus précieux que moi-même. « Pylade
lui répond Qu'il ne fçiuroit vivre fans lui :
5> Non , Oi-eile , je ne puis vous furvivre ,
» expirant, immolé avec mon ami, je mè-
3> lerai mes cendres aux fiennes ; mon ami-
» tié , ma gloire , tout l'exige, jj A la fin
Pylade femble fe rendre , c'eft qu'il efpère
quelque heureux dénouement qui tirera
l'un &: l'aucre d'embarras , comme il ar-
riva par la reconnoilTance d'Orefte & d'I-
phigenie.
Pylade avoit encore fécondé Orefte
dans le deffein de ruer Pyrrhus , & Pau-
fanias dit fur cela , qu'il n 2 le fit pas feule-
ment par amitié pour Orefte ; mais en-
core par le dé(ir de venger fon bifaïeul
Phocus 5 tué par Pelée ayeul de Pyrrhus.
666 = P Y =-
Pylade ent d'Éledre deux fils , StrophînJ
èc Médon.
PYROMANTIE,
Sorte de Divination , qui s'gxerçoit par
le moyen du feu , ou en obfeivant le pé-
tillemenr de la flamme ou de la lumière
d'une lampe. Il y avoit à Athènes dans le
Temple de Minerve Poliade , une lampe
toujours allumée , entretenue par des Vier-
ges, qui obfervoient éxadement tous les
mouvemens de la flamme.
P YRRHIQUE,
Danfe de gens armés , qui étoir en ufage
chez les Anciens , & riroïc fjn origine de
Pyrrhus 5 félon quelques-uns ^ ou feîoa
d'autres , de Pyrrhicus , Laccdémonien,
Quoiqu'elle fe dansât ordinairement à
pied 5 quelques Auteurs , & Fertus entr'au-
rres, en ont étendu le nom jufques fur \q^
Combats de chevaux qui fe faifoienc par
de jeunes gens ; tel qu'étoit celui dont
Virgile nous a lailfé la defcription , dans le
cinquième Livre de TÉnéide. C'étoit fur-
tout à Sparte que les jeunes gens armés de
toutes pièces , s'éxerçoient à cette Danfe*
Jules Scaliger témoigne de lui-même >
qu'étant encore jeune , il la repréfenta
plufîeurs fois en préfence de l'Empereur
Maximilien , & que ce Prince , furpris de
le voir fe remuer avec tanr de facilité fnus
des armes fî pefantes j s'écria qu'il falloic
que cet enfant ri*eu: point d'autre lit , ou
d'autre berceau qua la cuirafle.
Pyrrhus.
Pyrrhus , furnommé Néoptoleme , fils
du fameux Achille , & de Deïdamie , fut
élevé à la Cour du Roi Lycomèdes (on
aïeul maternel , jufqu'au temps que les
Grecs , perfuadés qu'on ne pouvoir pren-
dre Troye fans lui , le firent venir au Siège
de cette Ville , après la mort d'Achille fon
père. Il s'y diftingua par plufieurs exploits ,
qui dégénérèrent fouvent en cruautés y car
ce fut lui qui mafiTacra le Roi Priam , 6c
qui précipita le jeune Aftianax , fils d^Hec-
tor , du haut d*une tour. Adromaque ,
veuve de ce dernier , lui échut en partage ,
après la prife de Troye ^ «Se il en fit fa fem-
me 5 félon quelques-uns , ou fa maîtrefiTe ,
félon d'autres. Quoi qu'il en foit , elle don-
na un fils à Pyrrhus ; qui , félon quelques-
uns , s'établit à Phtia dans la Theflalie >
& félon d'autres , dans l'Épire. Pyrrhus
.'îvoit évité le naufrage , dans lequel avait
été enfevelie une partie des Princes Grecs y
à leur retour de Phrygie ; & ce fut par îes
confeils du Devin Hélénus, fils de Priam.
Depuis il devint amoureux d'Hermione,
fille de Ménélalis , laquelle il époufa ,
quoiqu'il eût encore une autre femme
nommée Lanajfe , outre Andromaque.
Mais Hermione , jaloufe de cette derniè-
re 5 réfolut de s'en défaire \ Se n'y ayant
pu réuflir , elle communiqua fes chagrins
a Orefte , qui avoir été amoureux d'elle
avant que Pyrrhus l'eût époufée. Orefte
vengea Hermione en fe vengeant lui-mê-
me 5 Se afiafîina Pyrrhus dans le Temple
de Delphes.
Pythie.
C'étoit la Prêtreflfe d'Apollon à Del-
phes : elle fut ainfi nommée à caufe du
Serpent Python , que ce Dieu avoit tué.
On ne choifit d'abord que de jeunes fiiles
tirées de maifons pauvres ; une aventure
arrivée à une jeune Pythie qui fut enle-
vés , donna lieu à la Loi , qui ordonnoir
de n'élire que des femmes au-delTus de
cinquante ans. Il n'y eut pendant long-
temps qu'une Pythie : mais on en vit
quelquefois deux Se jufqaà trois. La Py-
ihie ne rendoit fe^ oracles qu'une fois
Tannée , c'écoit vers le commencement du
Prmtemps. Elle fe préparoit à ks fonc-
= P Y = 66p
tîons par plufieurs Cérémonies j elle jeu-
noit trois jours , &: avant que de monter
fur le trépied elle fe baignoit dans la Fon-
taine de Caftalie ^ elle avaloic aulîi une
certaine quantité d'eau de cette Fontaine ,
parce qu'on croyoit qu'Apollon lui avoit
communiqué une partie de fa Vertu. Après
cela on lui faifoit mâcher des feuilles de
Laurier , cueillies encore près de cette
Fontaine. Ces préambules achevés , Apol-
lon avertilfoit lui-même de fon arrivée
dans le Temple , qui trembloit jufques
dans fes fondemens. Alors les Prêtres con-
duifoient la Pythie dans le Sanduaire &
la plaçoient fur le trépied. Dès que la va-
peur divine commençoit à l'agiter , on
voyoit fes cheveux fe drelfer fur la tête ,
fon regard devenir farouche, fa bouche
écumer , &: un tremblement fubit & vio-
lent s'emparer de tout fon corps. Dans
cet état elle faifoit des cris & des hurle-
mens qui rempliiToient les alîiftans d'une
fainte frayeur. Enfin ne pouvant plus ré-
fifter au Dieu qui l'agitoit , elle s'aban-
donnoit à lui , & proféroit par intervalles
quelques paroles mal articulées , que \ts
Prêtres recueilloient avec foin ; ils les ar-
rangeoient enfuite , & leur donnoient ,
avec la forme du vers , une liaifon qu'el-
les n'avoient pas en fortant de la bouche
6^o ===. P Y =
de la Pythie. L'oracle prononcé , on la re-
tiroit du trépied pour la conduire dans fa
cellule, où elle éroic piuiieurs jours à le
remecrre de fes fatigues. Souvent , an Lu-
cain 5 une mort prompte étoit le prix , ou
la peine de Ton enthoufiafme.
Cette vapeur divine qui agitoit la Py-
thie fur le trépied , n'avoir pas toujours
la même vertu , elle fe perdit infenfible-
ment , difenc les Païens *, fur quoi Cicé-
ron raille agréablement , quand il dit :
€5 Cette vapeur qui étoit dans l'exhalaifon
a> de la terre, & qui infpiroit la Pythie ^
»3 s'eil: donc évaporée avec le temps. Vous
» diriez qu'ils parlent de quelque vin qui
»5 a perdu fa force. Quel temps peut con-
>î fumer eu épuifer une vertu toute divi-
« ne ? Or qu'y a-t-il de plus Divin qu'une
3> exhalaifon de la terre qui fait un tel ef-
o» fèt fur rame , qu'elle lui donne & la
a» connoiffance de l'avenir , & le moyen
îî de s'en explique! en vers ? «
Pythiques.
La défaite du Serpent Python donna
lieu à l'inftitution des Jeux Pythiques à
Delphes , où on les célébra d'abord tous
les huit ans ; mais dans la fuite ce fut tous
les quatre ans , en la troiiième année de
=:^PY-= 6-jx
chaque Olympiade ; enfonce qu'ils fervi-
rent d'époque aux habicans de Delphes.
Dans les commencemens ces Jeux ne con-
iill:oie!U, qu'en àos Combles de Chant &:
de Mufique : le Prix fe donnoit, dic Pau-
fanias , à celui qui avoir faic & chanté la
plus belle hymne en l'honneur du Dieu ,
pour avoir délivré la terre d'un xMonftre
qui la défoloit. Dans la fuite on y admit
les autres Exercices du Pancrace , tels
qu'ils écoient aux Jeux Olympique^.
Python,
Serpent d'une prodigieufe grandeur ,
qui fut produit par la teire après le Dé-
luge de Deucalion. La Fable dit que Ju-
non fe fervit de ce monilrueux Serpent
pour empêcher l'accouch.ment de Latone,
aimée de Jupiter, & qu'il l'obligea de s'en-
fuir dans rifle Aftérie , qui fût depuis
nommée Délos , où elle mit au monde
Apollon 6: Diane. Mais Apollon étant
devenu grand , tua ce Serpent à coups de
flèches; en mémoire de aaoi on inftitua
les Jeux Pythiens. Strabon croit qu'il faut
entendre par ce Serpent un très-méchant
homme qu'Apollon tua ; mais les Natura-
liftes difent que Python eft un nom grec ,
' tiré du mot , qui flgnifie Pourrir ou Putri-
'6i2 ==PY.=
faciion ; Se qu il marque les vapeurs & les
exhalaifons épaiffes qui forcirent de la
terre après le Déluge , & que le Soleil
diflipa par fes rayons.
Fi/i du troijihme Volume*
TABLE
I
TABLE
DES ÉNIGMES
Contenues dans ce volume,
MiGME I , La Lettre M ^ page î.
II, La Main _, 12.
III j La Main de paier^ 14.
IV 3 Les Manchettes , 16,
V j La Mappe du monde y
il»
VI 3 Le Macquereau ^ 2z.
VII j Le Marbre , 24.
VIII ^ Le Marron^ 2/.
IX j es Marrons, 16.
X3 Le Marteau 39.
XI , Le Marteau d'une por-
t^. 39-
XII y Le Mafque , 40.
XIII j La Mèche d'une chan-
delle , 47.
XIV, Une Médaille, loj.
XV, Une Médecine , 106,
XVI, Le Melon, 135.
XVII, Les Mandiants de Ca-
rême, 141.
XVIII, LaMèr, 149.
Tome IIL F f
^74^ t A
BLE
^
Énigme XIX,
Le Merlan , page
• ^S%
XX,
Le l leunier ,
i6i.
XXI,
Le iVliroir,
176, -
XXII ,
La Mode,
184.
XXIII ,
La Montagne ,
209.
XXIV,
Les Mots d'un
dir-
cours.
211.
XXV,
La Mouche,
212,
XXVI,
La Mouche ,
215.
XXVII,
Une Mouche,
215.
XXVIII,
Le Moucheron ,
214.
XXIX ^
La Mouchette,
214.
XXX,
Le Mouchoir ,
21J.
XXXI,
Le Mouchoir à
mou-
cher ,
215.
xxxn.
Le Moulin ,
116,
XXXIII,
Le Moulin à vent
,116,
XXXIV,
Le Moulin à vent
.^17- [
XXXV,
La Moutarde ,
217,
XXXVI,
Le Mulet,
218.
XXXVII,
Le Meurier,
219,
XXXVIII ,
La Mufique ,
229.
XXXIX,
La Lettre N ,
^53'
XL,
Le Navire ou Vaifleau,
240.
XLI,
Le Néant,
244.
XLII,
LaNeffle,
247.
XLIII,
La Neige ,
248.
XLIV,
Le Nez,
161.
xtv^
LeNidd'hkond-.
iley>.
DE s É
Énigme XL VI ,
XLVII,
XLVUI,
XLIV,
LI,
LU,
LUI,
LIV,
LV,
LVI,
LVII ,
LVÎII,
LîX,
LX,
LXI,
LXII,
LXIIÎ ,
LXIV,
LXV,
LXVI,
LXVIl,
LXVIIÎ,
NIGMES. ^7f.
Le Nil j page 16^,
LaNoifette^ 271.
Noiij 274.
La Notte de Mufîque ,
Les Nottes de Mufî-
que, 275.
La Nuit & le jour_,i78.
La Lettre Oj 290.
L'OSuf^ 309.
rcEuf, 312.
L'Oignon_, 318.
L'Ombre j 328.
L'Ombre d'un Cadran,
y-9'
Vr 'gle, 331.
Les v^.ngles , 332.
L'Or, 337.
L'Orange de la Chine ,
L'Oreille, 37^?,
L'Orthographe, 390.
Le Pain , 400.
Le Pain béni de Pa-
roi Ife, 4c I.
Le Pain de Sucre ,401.
Une paire de Cizeaux_,
4^-4.
Le Palais, 4^5*
V7« TABLE DES ÉNIGMKS.
Énigme LXIX^ Le Palais de la bouche;
40;,
LXX,
La Palatine ,
407.
LXXI,
Le Panier des femmes ^
421.
LXXII,
Les Pantoufles j
427.
LXXIII,
Le I apier'j
430.
LXXIV,
La Faro e y
444.
LXXV,
Le l^arterre d'un
fpec-
tacle y
449*
LXXVI,
Le PafTage de la mèr
Rouge j
456.
LXXVIÎ ,
Lés Patins y
4J9-
Lxxvm,
Le Pavé,
465.
LXXIX,
Le Jeu de paulme,46(j.
LXXX,
Une Peau d'âne j
470.
Lxxxî ;
La Ligne à pêche
^471-
LXX^OÎ ,
Le Peigne^
475.
LXXXÏII ,
Le Peigne de buis
.474-
IXXXIV,
La Pelotte ,
510.
LXXXV,
LaPelotte déneige
î.j-ii.
LXXXVI,
La Pendule 3
;i4.
LXXXVII
, Le Pépin y
519-
LXXXVIII
y Le Pépin de pomme ,
515?.
LXXXIX,
La Perle 3
51G,
XC,
La Perruque y
S16,
XCI,
LtVhy
535-
XCÏI ,,
Le Phœnix^,
i44.
Fin de
lu TahU.
fiETTY CENTER LIPPARY
&*-B^