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Full text of "Le manuel des artistes et des amateurs, ou, Dictionnaire historique et mythologique des emblêmes, allégories, énigmes, devises, attributs & symboles, relativement au costûme, aux mœurs, aux usages & aux cérémonies : contenant tous les caractères distinctifs & l'explication de chaque sujèt naturel ou moral, sacré ou profane, historique ou fabuleux, dont on peut faire usage dans la poésie, la peinture, la sculpture, l'architecture, le dessin, l'ornement & la décoration, &c. : ouvrage utile aux poëtes, aux artistes & aux amateurs des beaux arts"

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£E  MAMUEE 

DES  ARTISTES 

ET  DES  AMATEURS, 

o  u 
DICTIONNAIRE  HISTORIQUE 

ET   MYTHOLOGIQUE 
DES  EMBLÈMES,  ALLÉGORIES><:. 


Ï.E  BIAMUEÏ. 

DES  ARTISTES 

ET  DES  AMATEURS, 

o  u 
DICTIONNAIRE  HISTORIQUE 

ET    MYTHOLOGIQUE 

Des  Emblèmes  3  Allégories  ^  Enigmes  y  Devifesy 
Attributs  &  Symboles  y  relativement  au  CoflâmSy 
aux  Alœurs  y   aux  Ufnges  &  aux  Cérémonies  : 

Contenant  tous  les  Caractères  diflincftifs  Se 
l'Expiication  de  chaque  iajèc  narurel  ou  ir.oral , 
facré  ou  profane,  hiitoriquc  ou  fabuleux;  donc 
on  peut  faire  ufage  dans  la  Po'jfîe,  la  Peinture, 
la  Sculpture,  rArchiteclure,  le  Delîin,  l'Orne- 
ment &  la  Décoration  ,  6'c. 

Ouvrage  utile  aux  Poètes ,   aux  Artifles    &  aux 
Amateurs  des  Beaux  Arts. 

Compose  en  faveur  des  nouvelles  Écoles  Gratuites 

de  DefTin  : 
Par  Mejp.re  Jean-Raymond   De  P  et  t  ty  , 

Prédicateur  de  la  Reine  y    Prieur-Commendatuirc 

de  f^ieuX'Vicq  &  D  ange  au. 

Tome     III. 
J     PARIS, 

chez  J.  P.  CosTARD,  rue  Sain:-Jear.-de-Beauvais. 


M.      D  C  C.      L  X  X. 
Ayec  Approbation  &  Prlvil-^c   du  Roi, 


M  A  M  U  E  ï. 

DES  ARTISTES 

ET  DES  AMATEURS. 


Peinture  6es  Grecs. 

\_^'est  très-certainement  le  genre  de' 
Peinture  le  plus  admirable  de"  l'Anti- 
quité. 

Je  fais  que  Ton  Origine  n'offre  qu'in- 


certitude :  incertitude 


pour 


le  lieu 


[es 


uns  vouloient  qu'elle  eût  commencé  à 
Sycione,  les  autres  chez  les  Corinthiens  : 
incertitude  pour  le  nom  Aqs  Inventeurs  ; 
on  nommoit  ou  Philoclcs  d'Egypte  ,  ou 
Cléanthe  de  Corinthe  :  incertitude  fur 
l'opération  primitive  qu'ils  employèrent^ 
'Fomç  II L  a  Uj 


T  j  Manuel  des  Artifles 

ôc  qui  fervit  de  préparation  à  la  vérita- 
ble découverte  de  l'Art. 

On  difoit ,  à  la  vérité  ,  que  ce  début 
fut  le  contour  d'une  figure  humaine  , 
tracée  autour  de  l'ombre  d'un  corps  opa- 
que 5  mais  quand  on  n'a  rien  à  dire  de 
mieux  circonftancié  fur  un  fait  de  cette 
nature  ,  qui  fe  perd  dans  l'obfcurité  des 
rems  ,  c'eft  fe  fonder:  fur  des  conjedures 
plutôt  que  fur  des  témoignages  authen- 
tiques. On  ne  pouvoit  pourtant  mieux 
faire  dans  l'Hiftoire  inconnue  de  l'Ori- 
gine d'un  Art ,  que  de  partir  d'une  hy- 
pothèfe  adez  vraifemblable ,  ou  du  moins 
accréditée. 

A  la  délinéation  du  fimple  contour  , 
fuccéda  une  autre  Peinture  linéaire  plus 
parfaite  ,  qui  diftingua  par  le  Deilin  , 
fans  aucune  couleur ,  les  traits  du  vifa^e 
renfermés  dans  Tintérieur  du  contour. 
Elle  eut  pour  inventeur  Ardicès  de  Co- 
rinthe  ,  Ôc  Télépbane  de  Sicyone.  Ces 
deux  Auteurs  des  Portraits  deiîinés  , 
furent  les  premiers  qui  exercèrent  l'Arc 
de  repréfenter  la  figure  fur  une  furfaçe 
égale  &  unie.  En  effet ,  la  méthode  du 
contour  extérieur  ne  marquant  pas  les 
traits  du  vifage,  &  ne  rendant  point  la 
perfonne  reconnoiffable ,  ne  repréfentoit 


0  des  Amateurs.  y\] 

point  la  figure.  Les  deux  Artiftes  que 
nous  venons  de  nommer  ,  furent  auiîi 
les  premiers  qui  écrivirent  fur  leurs  Ou- 
vrages le  nom  de  la  perfonne.repréfen-^ 
tée.  La  précaution  auroit  été  fort  inutile 
dans  la  première  méthode,  qui ,  ne  re- 
piéfentant  point  la  figure,  n'auroit  excité 
par  l'addition  du  nom  ,  ni  la  curiofîté  de 
la  poftérité  ,  ni  celle  des  étrangers  ,  ni 
finalement  celle  de  perfonne.  Tels  étoient 
les  ufages  préliminaires  de  la  Peinture 
Grecque  avant  la  guerre  de  Troie. 

Dans  la  fuite  ,  les  Grecs  employèrent 
la  Peinture  proprement  dite,  la  Peinture 
coloriée  \  &  il  paroît ,  au  rapport  de  Pli- 
ne ,  qu'elle  n'étoit  point  encore  connue 
dans  le  tems  de  la  guerre  de  Troie.  Cette 
opinion ,  qu'on  ne  trouve  combatuë  par 
aucun  ancien  Auteur,  efl  d'un  très-grand 
poids  5  elle  n'étoit  pas  feulement  appuyée 
fur  le  filence  d'Homère  ,  puifque  nous 
voyons ,  en  général ,  les  Anciens  Ecrivains 
admettre  dans  les  tcms  Héroïques  plu- 
fîeurs  Faits  Hiftoriques  dont  le  Pocte 
n'avoit  jamais  fait  mention.  Le  témoi- 
gnage de  ceux  qui  nous  ont  tranfmis 
celui-ci  j  doit  donc  avoir  toute  la  force 
d'une  preuve  positive ,  malgré  les  efforts 
qu'ont  faits  quelques  Savans  Modernes 
pour  tâcher  de  la  réfuter. 

a  iv 


VAi]        M^anuel  des  Artifies 

Après  qu'on  eut  inventé  en  Grèce  la 
Peinture  coloriée  ,  plus  recherchée  que 
Tautre  dans  Tes  opérations ,  elle  fut  ap- 
peilée  Peinture  Monochrome  \,  parce 
qu'on  n'y  employa  d'abord  qu'une  feule 
couleur  dans  chaque  ouvrage  ,  à  moins 
que  nous  ne  donnions  le  nom  de  Seconde 
Couleur^  à  celle  du  fond  fur  lequel  roii 
travailloir.  L'Auteur  de  cette  méthode  ,. 
l'inventeur  de  la  Peinture  proprement 
dite  5  fut  Cléophante  de  Corinthe  \  il 
débuta  par  colorier  les  traits  du  vifage 
avec  de  la  terre  cuite  &  broyée  :  ainfi  la 
couleur  rouge  ,  comme  la  plus  appro- 
chante de  la  carnation  3  fut  la  première 
en  ufage.  Les  autres  Peintres  Monochro- 
mes, &  peut-être  Cléophante  lui-mcme  ^ 
varièrent  de  tems-en-tems  dans  le  choix 
de  la  couleur  des  figures  ,.  différente  de 
la  couleur  du  fond.  Peut-être  même  qu'ils- 
mirent  quelquefois  la  même  couleur 
pour  le  fond  &  pour  les  figures  ;  o.n- 
peut  le  préfumer  par  l'exemple  de  quel- 
ques-uns de  nos  Camayeux  ,.  pourvu 
qu'on  n'admette  point  dans  les  leurs 
fufage  du  clair  obfcur ,  dont  la  décou- 
verte accompagna  Tintroduétion  de  la 
Pemrure  Polychrome  ,  ou  de  la  pluralité 
des  Couleurs. 

Ge  fut  Bularchus  5  contemporain  du 


ù  des  Amateurs,  ■  ix 

Roi  Candaule ,  qui  le  premier  introduire 
Tufage  de  plulieurs  couleurs  dans  un  feul 
Ouvrage  de  Peinture.  Au  moyen  de  la 
pluralité  de  ces  Couleurs ,  l'Art  jufques- 
là  trop  uniforme,  fe  diveriiiia  Se  inventa 
dans  la  fuite  les  lumières  de  les  ombres. 
Panœmus  peignit  la  Bataille  de    Mara- 
thon ,  avec   la  iigure  relfemblante  des 
Principaux    Chefs    des    deux    Armées. 
Peu  après  Panœmus  ,  parut  Polygnote  de  ' 
Thafos  j  qui  le  premier  donna  Aqs  dra-- 
peries  légères  à  fes  figures  de  femmes, 
&  qui  quitta  quelquerois  le  pinceau  pour 
peindre  en   encauftique.   Damophile  & 
Èorgâfus  enrichirent  d'ornemens  de  piaf- 
tique  l'extérieur  du  Temple  de  Ccrès  à 
Rome.  Enfin  ,  à  la  5)4^  olympiade  ,  A  pol-  * 
lodore  d'Athènes    ouvrit  unQ   nouvelle 
carrière ,  &  donna  naiflance  au  beau  fiècle- 
de  la  Peinture. 

II  fur  fuivi  pat  Zeuxis  ,  Parrhafius  , 
Timanthe  Se  Eupompe  ,  qui  tous  ont  été 
{es  contemporains.  On  vit  enfuite  pa-- 
roître  Paufias  ,  Pamphile  de  Macédoine,:. 
Euphranor  ,  Caîadès  ,   (Etion ,  Antido-- 
tus ,   Aridide  ,  Afclépiocloré  ,  Nicoma- 
chus,  Mélanrhius ,  Anriphile  ,  Nicias  , - 
Nicoahane  ,  Apelle  &  Protôgène  ;  tous\ 
t^celkns  Artiites  q^i  fe  fenz  illuftrés  à- 


X  Manuel  des  Anijîes 

jamais  dans  l'efpaçe  d'un  fiècle,  en  difFé- 

rens  genres  d'Ouvrages. 

On  peut  partager  avec  Pline  les  Pein- 
tures de  la  Grèce  en  un  certain  nombre 
de  claifes.  La  première  préfente  \qs  plus 
Anciens  ,  qui  ne  font  pas  \qs  plus  habi- 
les 5  &  qui  finiifent  à  Polignote ,  vers  le 
tems  de  la  Guerre  du  Péloponnèfe. 

La  féconde  clalTe  renferme  les  Artiftes 
qui  ont  fait  le  beau  fiècle  de  la  Peinture, 
-depuis  la  fin  de  la  Guerre  àvi  Pélopon- 
nèfe 5  jufqu'après  la  mort  d Alexandre  le 
Grand.  Il  ne  faut  cependant  mettre  dans 
cette  lifte ,  que  ceux  qui  éxerçoicnt  alors 
leurs  pinceaux  fur  de  grands  fujèts ,  ôc 
dans  de  grands  Tableaux. 

La  rroifième  claiTe  contient  ceux  qui 
fe  font  diftingucs  par  le  pinceau  ,  mais 
dans  de  petits  tableaux,  ou  fur  de  petits 
fujèts. 

La  quatrième  claffe  eft  compofée  de  ceux 
qui  avoienc  pratiqué  la  frefque  ,  Peinture 
qu'on  applique  fur  l'enduit  d'une  mu- 
raille. Parmi  ces  Peintres  ,  dit  Pline  ,  il 
n'y  en  a  point  qui  fe  foient  faits  un  grand 
jiom.  Ils  n'embellifoient  ni  murailles  , 
dont  l'ornement  n'aiiroit  été  que  pour  le 
maître  du  logis  ,  ni  maifons  ftables  èc 
permanentes ,  qu'on  ne  pouvoir  pas  fau- 


ù  des  Amateurs.  xj 

ver  de  l'incendie.  Piclorque  rel  communis 
terrarum  crat ,  trait  bien  flatteur  pour 
l'Art  &  pour  les  Artiftes.  Un  Peintre 
appartenoit  à  l'Univers  entier.  Ces  grands 
hommes  deftmoient  toutes  les  produc- 
tions de  leur  Art  à  pouvoir  pafTer  de  ville 
en  ville. 

La  cinquième  claffe  comprend  les  plus 
célèbres  Peintres  encauftiques  j  c'eft-à- 
dire  ,  ceux  qui  employoient  le  poinçon 
6c  non  le  pinceau. 

La  lîxièmxe  comprend  les  plus  célèbres 
Peintres  encauftiques  ou  autres  ,  comme 
Créiiiochus  ,  qui  fe  plaifoit  à  des  Ou- 
vrages de  Peinture  infolente. 

Enhn ,  la  dernière  claffe  offre  à  notre 
Mémoire  les  femmes  célèbres,  qui  ont 
réulii  chez  eux  dans  la  Peinture.  Ils  ne 
croyoient  pas  que  l'ignorance,  là  parelîe 
^  les  amafemens  purement  fiivoîes  , 
duifent  être  le  partage  de  la  moitié  du 
genre-humain. 

Tous  ces  Arril^es  fe  formèrent  dans 
les  Ecoles  de  Peinture  que  les  Grecs 
avoient  établies,  iSc  auxquelles  ils  avoient 
donné  des  noms  hxes  comme  à  leur 
ordre  d'Arc hiteclure.  Leur  Peinture  n'a- 
voir d'abord  eu  aue  deux  diilm dirons, 
l'Héliadioue  6c  l'Afiatique,  eu  l'Attique 
6c  rionique  \  car  on  les  trouve  l'une  Sc 

avj 


xi  j  '        Manuel  des  Artifles 
l'autre  fous  ces  deux  noms  \  mais  Eupom-^ 
pus  5  qui  étoit  de  Sicyoïe  j  fe  rendit  fî. 
recommandable  par  fon  talent ,  que  Ton 
ajouta  la  Sicyonienne  par  rapport  à  lui. 
Si  Pline  rapporte  ce  fait  tout  (implement , , 
fans  l'accompagner  d'aucun  détail  ,  c'eft 
qu'on  doit  pré  fumer  que  les  Écoles  oà 
les   différentes    manières   s'étant   multi- 
pliées dans  la  Grèce  ,  on  abandonna  cô 
projet,  &  l'on  ne  parla  plus,  comme  on. 
fait  aujourd'hui ,  que  des  Maîtres  en  par- 
ticulier-, &  de  leurs  Élèves.. 

On  peut  cependant  comparer  ces  pre- 
miers noms  à  ceux  que  nous  donnons  en- 
général ,  &  qui  nous  fervent  de  point  de,' 
diftinébion.   Telles   font   les  Écoles    de - 
Horence  ,    de  Rome  ,  de  Pologne  ,  de^ 
Vènife",  de  France,  de  Flandre  oud'Al-- 
lèmagne.  L'étendue  ou  î'éloignem.ent  de  • 
ces  Pays  a  exigé  ôc  pf?rpétué  l'ufage  de 
ces  diftindions.  La  Grèce,  plus re (ferrée 
&:  plus  réunie  ,  n'a  pas  eu  befoin  de  les" 
continuer  ;  mais  elle  forma  des  Art.ftes 
en  tout  genre  ,  qui  n'ignorèrent  rien  de 
tout  ce  que  nous  favons  en  Peinture. 

Les  rrandes  Compofirions  Héroïques  , . 
qiie  nous  appelions  l'Hifcoire  ,  les  Por-- 
traits,  lés  Sujets  bas  ,  ies  Payfages ,  îe5 
décoririons,  les  Arabcfques  ,  Ornemens 
fàntaftiques  &: .  travaillés  fur  des  foiids 


Ô  des  Amateurs,  xîîji 

cVùne  feule  couleur;  les  Fleurs ,  les  Ani- 
maux 5  la  Miniarure  ,  les  Caniayeux  ,  les 
marbres  copiés  ,  les  toiles  peintes  :  voilà 
la  lifte  des  opérations  des  Grecs  du  coté 
Aqs  genres  de  Peinture.  Il  me  femble  que- 
nous  ne  peignons  en  aucun  autre  genre  , 
&  que  nous  n'avons  aucun  autre  objet. 
Nous  ne  pouvons  donc  nous  vanter  d'a- 
voir de  plus,  que  la  Peinture  en -émail  ,, 
encoie  je  ne  voudrois  pas  aifurer  qu'elle 
fût  inconnue  aux  Anciens  \  mais  ce  qui 
n<ous  appartient  fans  contredit ,  c'efl:  l'éxe- 
cution àes  grands  Plafonds  &  des  Cou- 
poles. Les  Grecs  ni  les  Romains  ne  pa- 
roiffenD  pas  avoir  connu  ce  genre  d'orne- 
ment ,  ou  du-moins  avoir  pratiqué  k 
Perfpecflive  jufqu'au point nécelTaire  pour 
rendre  ces  décorations  complettes  ;  les 
Modernes  peuvent,  au  contraire  ,  préfen-- 
ter  un -très- grand  nombre  de  ces  Chef- 
d'œuvres  de  Tefprit  &  de  l'Art. 

On  gardoit  dans  l'Antiquité  ,  comme 
on  garde  aujourd'hui  ,  les  Études  &  les 
premières  penfées  des  Artiiles  ,  toujours 
pleines  d'un  feu  proportionne  au  talent 
de  leur  Auteur  ,  fouvent  au-deffus  des 
ouvrages  termuiés,  de  toujours  plus  pi- 
q4.îans.  Ces  premiers  traits,  plus  ou  moins 
arrêtés  ,  font  plus  ou  moins  eiTentiels 
pour  la  Peinture ,  que  les  idées  jerrécs 


xî  V  Manuel  des  Anifles 
fur  le  papier  ne  le  font  pour  tous  les  au- 
tres genres  d'ouvrages.  Coin  me  aujour- 
d'hui, on  fuivoit  avec  pla.fir  les  opéra- 
tions de  l'efprit  d'un  Artifte  :  on  fe  rendoir 
compte  des  raifons  qui  l'avoient  engagé  à 
faire  ces  chan^emens  en  terminant  iow 
ouvrage;  enfin,  comme  aujourd'hui ,  on 
cherchoit  à  en  profiter  :  les  hommes  de 
mérite  ,  pour  s'en  nourrir  ou  s'en  échauf- 
fer ,  &  les  hommes  médiocres  pour  les 
copier  ferviiemenr.  M.  de  CayMs, 

Pour  ce  qui  concerne  les  Beaux-Arts, 
nous  n  héfiterons  pas  d'affurer  que  les 
Grecs  n'ont  point  eu  de  Rivaux  en  ce 
genre.  C'eft  fous  le  Ciel  de  la  Grèce  (  on 
ne  peut  trop  le  répéter  )  que  le  feul  goût 
digne  de  nos  hommages  6c  de  nos  étu- 
des, fe  plut  à  répandre  fa  lumière  la  ^\ws 
éclatante.  Les  mventions  à^s  Peuples 
qu'on  y  tranfportoit  ,  n'étoient  qu'une 
première  femence  ,  qu'un  germe  grolîier  , 
qui  changeoit  de  nature  6c  de  forme  dans 
ce  terroir  fertile.  Minerve ,  à  ce  que  di- 
fent  les  Anciens,  avoir  elle-miême  choifî 
cette  contrée  pour  la  demeure  des  Grecs  j 
la  température  de  l'air  la  kii  faifoit  re- 
garder comme  le  fol  le  plus  propre  à 
faire  éclcre  de  beaux  Génies.  Cet  éloge 
eft  une  fi6lion  ,  on  le  fiit  ;  mais  cette 
fidion  même  eil  une  preuve  de  l'influence 


*Ç^. 


ù  des  Amateurs,  xv 

qu'on  attribuoit  au  climat  de  la  Grèce  j 
ôc  ion  eft  autorifé  à  croire  cette  opinion 
fondée ,  lorfqu'on  voit  le  goût  qui  règne 
dans  les  Ouvrages  de  cette  Nation  ,  mar- 
qué d'un  Sceau  caracftériftique  ,  &  ne  pou- 
voir être  tranfplanré  fans  foiifTrir  quel- 
qu'altération.  On  verra  toujours  ,  par 
exemple  ,  entre  les  Statues  Aqs  Anciens 
Romains  &  leurs  originaux  y  une  diffé- 
rence étonnante  à  l'avantage  de  ces  der- 
niers.  C'eft  ainfi  que  Didon  avec  fa  fuite  $ 
comparée  à  Diane  parmi  fes  oréades  , 
ell  une  copie  atfoiblie  de  la  Nauficaa 
d'Homère  ,  que  Virgile  a  tâché  d'imiter. 
.On  trouve ,  il  efl:  vrai ,  àts  négligences 
dans  quelques  fameux  Ouvrages  (àts 
Grecs  qui  nous  reflent  :  le  Dauphin  <Sc 
\qs  eiifans  de  la  Vénus  Médicis  >  laiffenc 
quelque  chofe  à  defirer  pour  la  perfec- 
tion ;  les  accelToires  du  Diom.ède  de 
Diofcoride  font  dans  le  mcme  cas  ;  mais 
.ces  foibles  parties  ne  peuvent  nuire  à 
l'idée  que  l'on  doit  fe  former  des  Artiftes 
Grecs,  hes  Grands  Maîtres  font  grands 
jufques  dans  leurs  négligences  ,  &  leurs 
fautes  mcm.e  nous  infrruifent.  Voyons 
leurs  ouvrages  comme  Lucien  vouloir 
que  l'on  vît  le  Jupiter  de  Phidias^  c'eft 
Jupiter  lui-même  ,  &  non  pas  fon  mar- 
che-pied y  qu'il  faut  admirer» 


xvj        Manuel  des  Artijïes 

Il  feroit  aifé  de  faire  valoir  les  avan^ 
tages  Phyfîques  que  les  Grecs  avoient 
fur  tous  les  Peuples  \  d'abord  la  beauté 
écoit  un  de  leurs  apanages  \  le  beau  fang 
àQS  habirans  de  plufieurs  Villes  grecques 
fe  fait  même  remarquer  de  nos  jours  , 
quoique  mclé  depuis  à^s  (lècles  avec  ce- 
lui de  cent  Nations  étrangères.  On  fe 
contentera  de  citer  les  Femmes  de  Tlile 
de  Scio,  les  Géorgiennes  ,  &  les  Circaf- 
ÛQnnQS.  Un  ciel  doux  &:  pur  contribuoit 
à  la  parfaite  conformation  des  Grecs,  êc 
l'on  ne  fauroit  croire  de  combien  de  pré- 
cautions pour  avoir  de  beaux  enfans ,  ils 
aidoient  cette  influence  naturelle.  Les 
moyens  que  Quilles  propofe  dans  fa  C'a/- 
lipedle  ,  ne  font  rien  en  comparaifon  de 
ceux  que  les  Grecs  mettoient  en  ufage. 
Ils  porrèrent  leurs  recherches  jufqu'à 
tenter  de  changer  les  yeux  bleus  en  noirs  j 
ils  inftituèrent  des  Jeux,  où  l'on  fe  difpu- 
toit  le  Prix  de  la  Beauté;  ce  Prix  confif- 
toit  en  des  armes  que  le  Vainqueur  fai- 
fôit  fufoendre  au  Temple  de  Minerve. 

Les  Exercices  auxquels  ils  étoientac- 
courunîés  dès  l'enfance  ,  donnoient  a 
leurs  vifages  un  air  vraim.ent  noble,  joint 
a  l'éclat  de  la  S-nré.  Qu'on  imagine  un 
Sp^Ttiate  né  d'un  Héros  &  d'une  Héroïne, 
dont  le  corps  n'a  jamais  éprouvé  la  loth 


ù  des  Amateurs.  xvîj 

fure  àt^  maillots ,  qui  depuis  fa  feptième 
année  a  couché  fur  la  dure ,  &  qui  depuis 
fon  bas  âge  s'efl:  tantôt  exercé  à  lutter  ^ 
tantôt  à  la  courfe ,  &  tanrôt  à  nager  ;  qu'on 
le  mette  à  côté  d'un  Sibarite  de  nos  jours, 
bc  qu'on  juge  lequel  des  deux  un  Artifte 
choifîroit  pour  être  le  modèle  d'un  Achi!  le 
GU  d'un  Théfée.  Un  Théfée  formé  d'a- 
près le  derrrier ,  feroit  un  Théfée  nourri 
avec  des  rofes  ,  tandis  que  celui  qui  fe- 
roit fait  d'après  le  Spartiate  ,  feroit  urt 
Théfée  nourri  avec  de  la  chair ,  pour  nous 
fervir  de  l'expreilion  d'un  Peinrre  Grec  y. 
qui  définit  ainfî  deux  repréfenrations  de 
ce  Héros. 

Les  Grecs  étoient  d'ailleurs  habillés  de 
manière  ,  que  la  nature  n'étoit  point  gê- 
née dans  le  développement  des  parties 
du  corps  \  des  entraves  ne  leur  ferroienr 
point,  comme  à  nous  ,  le  col ,  les  han-- 
ches ,  les  cuilTes  &  les  pies.  Le  beau  Sexe 
même  ienoroir  toute  contrainte  dans  la  pa- 
fure'j&IesjeunesLacédémoniennesétoienr 
vêtues  fi  légèrement ,  qu'on  les  appelloit 
montre-hanches.  En  un.  mot  j  depuis  la 
naifiance  jufqu'à  l'â2;e  fait ,  les  efforts  de 
la  Nature  &  de  l'Art  tcndoienr  chez  ce 
Peuple,  à  produire  ,  à  conferver,  &  a  or- 
ner le  corps. 

Cette  prééminence  des  Grecs  en.  fait 


5: V  i  i  j  Manuel  des  Artifles 
de  Beauté  une  fois  accordée,  on  fent  avec 
quelle  facilité  les  Maîtres  de  l'Art  du- 
rent parvenir  à  rendre  la  Belle  Nature. 
Elle  fe  prêtoit  fans  cq^q,  à  leurs  vues  dans 
toutes  les  Solemnités  Publiques  ,  les  Fê- 
tes ,  les  Jeux ,  les  Danfes  ,  les  Gymna- 
fes  5  les  Théâtres  ,  &c.  &:  comme  ils 
trouvoient  par-tout  l'occafîon  de  connoî- 
tre  cette  Belle  Nature ,  il  n'eft  pas  éton- 
nant qu'ils  l'ayent  iî  parfaitement  expri- 
mée. 

Mille  autres  raifons  ont  concouru  à  la 
Supériorité  de  cette  Nation,  dans  la  prati» 
que  à^^  Beaux  Arts  ;  les  foins  qu'elle 
prenoit  pour  y  former  la  Jeunelfe  ,  la 
confîdération  perfonnelle  qui  en  réful- 
toit  5  celle  des  Villes  &  des  Sociétés 
particulières  rendue  publique  ,  par  des 
Privilèges  diftindifs  en  faveur  des  ta- 
lens  5  cette  même  confidération  marquée 
d'unemanièreencoremoinséquivoquepar 
le  prix  excefîîf  des  Ouvrages  des  Grands 
Maîtres  :  toutes  ces  raifons ,  dis-je  ,  ont 
dû  fonder  la  fupériorité  de  ce  Peuple  à 
cet  égard  fur  tous  les  Peuples  du  Monde. 

11  n'efl:  point  de  preuves  plus  fortes  de 
l'Amour  des  Beaux-Arts ,  que  celles  qui 
fe  tirent  des  foins  employés  pour  les 
augmenter  &  les  perpétuer.  Les  Grecs 
voulant  que  leur  Étude  fît  une  partie  de 


&  des  Amateurs.  ^  xîx 
l'éducation  ,  ils  inftituèrent  des  Écoles  ^ 
&  des  Académies  ,  &  autres  ,■  établifTe- 
mens  généraux ,  fans  lefquels  aucun  Arc 
ne  peut  s'élever,  ni  peut  -  être  le  foù- 
tenir.  Tandis  que  les  feuls  enfans  de 
condition  libre  étoient  admis  à  ces  fortes 
d'Ecoles  5  on  ne  cefToit  de  rendre  des 
hommages  aux  Célèbres  Artiftes.  Le  Lec- 
teur trouvera  dans  Paufanias  &:  dans 
Pline  le  détail  de  ceux  qu'Apelle  reçut 
des  Habitans  de  Pergame  ,  Phidias  6c 
Damophon  des  Eléens  ,  Nicias  &  Poli- 
gnotte  des  Athéniens.  Ariftodème  écrivit 
un  Livre  qui  ne  rouloit  que  fur  ce  fujèt. 

L'Hiftoire  nous  a  confervé  le  récit 
d'une  autre  forte  de  reconnoiiïance,  qui, 
quelque  fingulière  &"  quelqu'éloignée  de 
nos  m.Œurs  qu'elle  puilfe  être  ,  n'efi:  pas 
moins  la  preuve  du  cas  que  les  Grecs  fai- 
foient  à^s  Beaux-Arts.  Les  Crotoniates 
ou  les  Agrigentins ,  il  n'importe  ,  avoîenc 
fait  venir  à  grands  frais  le  Célèbre  Zeu- 
xis  ;  ce  Peintre  devant  repréfenter  Hé- 
lène, leur  demanda  quelques  jeunes  fil- 
les pour  lui  fervir  de  Alodèle  \  les  habi- 
tans lui  en  préfentèrent  un  certain  nom- 
bre ,  &r  le  prièrent  d'agréer  en  Don  les 
cinq  plus  belles  qu'il  avoir  choifies. 

Vous  aimerez  mieux  d'autres  témoi- 
gnages d'eilime  en  faveur  des  Artifles  ? 


yx  Manuel  des  Ârtifles 
Eh  bien  ;  on  donnoit ,  par  exemple  ,  i 
des  Edifices  Publics,  le  nom  des  Archi- 
rcdtes  qui  les  avoient  conllruits  j  c'eft 
ainfî  que ,  fuivant  Pollux  ,  il  y  avoit  dans 
Arhènes  une  pla  e  qui  portoit  le  nom  de 
TArch  tede  Mettricus  ;  c'eft  ainii  que 
fu.vant  Paufanias  ,  les  Èléens  avoient 
donné  à  un  portique  le  nom  de  l'Archi- 
tèjle  Agaprus. 

Les  Grecs  non  contens  de  leurs  éfFortî 
pour  entretenir  l'émulation  dans  le 
grand  ,  penfèrent  encore  à  l'exciter  uni- 
verfellement.  Ils  établirent  chaque  année 
des  Concours  entre  les  Artiftes.  On  y 
voloir  de  toutes  parts  ,  &:  celui  qui 
avoit  la  pluralité  des  fuffrages  ,  étoic 
couronné  à  la  vûë  &  avec  TapplaudiiTe- 
ment  de  tout  le  Peuple;  enfuite  fon  Ou- 
vrage éroit  payé  à  un  prix  exce/Tif ,  quel- 
quefois étoit  au-defTus  de  tout  prix ,  d'un 
million  ,  de  deux  millions ,  &  même  de 
plufieurs  millions  de  notre  monnoie. 
Qu'on  ne  dife  point  ici  que  Xfs,- Grecs 
n'accordoient  tant  de  faveurs,  &  ne  ie- 
irjoient  tant  d'or,  que  pour  marquer  leur 
attachement  aux  Divinirés  ou  aux  Héros 
dont  les  Artiftes,  Peintres  &  Sculpteurs 
donnoient  des  repréfentations  conformes 
à  leurs  idées.  Ce  difcours  tombera  de 
Xui-même  ^  fi  l'on  confidère,  que  les  mê- 


&  des  Amateurs.  xx| 

rnes  grâces  étoienr  également  prodiguées 
à  toutes  fortes  de  fuccès  &  de  talens  , 
aux  Sciences  comme  aux  Beaux-Arts. 

Si  l'amour-  propre  a  befoin  d'être  flatté 
pour  nourrir  l'émulation  ,  il  a  fouvenc 
befoin  d'être  mortifié  pour  produire  les 
mêmes  efïets  ;  autfi  voyons-nous  qu'il  j 
avoir  des  Villes,  où  celui  des  Arriftes  qui 
préfentoit  le  plus  m.auvais  ouvrage ,  étoic 
obligé  de  payer  une  amende.  Cette  cou- 
tume fe  pratiquoit  à  Thèbes  \  &  par-tout 
où  ces  fortes  de  punitions  n'avoient  pas 
lieu  5  l'honneur  du  triomphe  &:  la  honte 
d'être  furpafTé  ,  étoit  un  avantage  ^  ou 
peine  fuffifante. 

Peut-être  que  les  divers  alimens  d'é- 
mulation expofés  jufqu  ici  ,  font  encore 
au-deiïbus  de  la  confidération  des  Ora- 
teurs 5  des  Hiftoriens ,  des  Philofophes , 
&  de  tous  les  gens  d'efprit  ,  qui  péné- 
trés eux-mêmes  du  mérite  des  Beaux- 
Arts  Se  du  mérite  des  Artiftes ,  les  célé- 
broient  de  tout  leur  pouvoir.  11  y  a  eu 
peu  de  Statues  &  de  Tableaux  de  Grands 
Maîtres ,  qui  n'ayent  été  chantés  par  les 
Poctes  contemporains  ;  &  ce  qui  eft  en- 
core plus  flatteur,  par  ceux  qui  ont  vécu 
après-eux.  On  fait  que  la  feule  Vache  de 
Myron  donna  lieu  à  quantité  de  penfées 
ingénieufes  6c  de  fines  épigrammes  j  l'An- 


xxlj  Manuel  des  Arnfles 
thologie  en  eft  pleine  ;  il  y  en  a  cinq  fur 
un  Tableau  d'Apelle  répréfenrantune  Vé- 
nus fortant  de  l'onde ,  &  vingr-deux  fur 
le  Cupidon  de  Praxitelle,  ranr  de  zèle 
pour  conduire  les  Beaux-Arcs  au  fublime  ; 
tant  de  gloire ,  d'honneur  ,  de  richeffes , 
&  de  dift initions  répandues  fur  leur 
culture  5  dans  un  pays  où  l'efprit  &  les 
talens  étoient  fi  communs  ,  produifirent 
une  perfection  dont  nous  ne  pouvons 
plus  juger  aujourd'hui  complettement  ; 
parce  que  les  Ouvrages  qui  ont  mérité 
tant  d'éloges  ,  nous  ont  prefque  tous  été 
ravis. 

Les  Romains ,  en  comparaifon  des 
Grecs ,  eurent  peu  de  goût  pour  les  Arts  \ 
ils  ne  les  ont  animés  ,  pour  ainfi  dire  , 
que  par  air  &  par  magnificence.  Il  efi: 
vrai  qu'ils  ne  négligèrent  rien  pour  fe 
procurer  les  morceaux  les  plus  rares  & 
les  plus  recommandables  \  mais  ils  ne 
s'appliquèrent  point  comme  il  le  falloit 
à  l'Étude  des  mêmes  Arts ,  dont  ils  admi- 
roient  les  Ouvrages  \  ils  laiifoient  le  foin 
de  s'en  occuper  à  leuis  efclaves,  qui  par 
eux-mêmes  étoient  pour  la  plupart  àds 
étrangers;  en  un  mot ,  comme  le  dit  M, 
le  Comte  de  Caylus ,  dans  fon  Mémoire 
fur  cette  Matière  ,  on  ne  vit  point  chez  les 
Romains,  ni  la  noble  émulation  qui  aui- 


ù  des  Amateurs,  xxiij 
moit  les  Grecs  ,  ni  les  produdions  fii- 
blimes  de  ces  Maîtres  de  l'Art ,  que  les 
â^es  fuivans  ont  célébrés  ;  dont  les  moin- 
dres reftes  nous  fonriî  précieux;  &  qui, 
dans  tous  les  genres ,  fervent  &  fervironc 
toujours  de  Modèles  aux  Nations  civili- 
fées  capables  de  goût  &  de  fentiment. 
Diclionnairc  des  Sciences  &  Beaux-Ans. 

Peinture    des    Romains. 

A  l'expiration  du  beau  Siècle  de  la  Pein- 
ture Grecque  ,  lequel  avoir  commencé 
par  ApoUodore  en  Tan  404  avant  Jéfus- 
Clirift  ;  Oïl  voit  en  3  04 ,  pour  la  première 
fois  5  un  Jeune  Romain  prendre  le  pin- 
ceau. «  On  a  fait  auiîi  de  bonne-heure  , 
îj  dit  Pline  ,  honneur  à  la  Peinture  chez 
3>  les  Romains  ;  car  une  branche  de  l'Il- 
3>  luftre  Famille  6.qs  Fabius  en  a  tiré  le 
»  furnom  de  Piclor  ,  &  le  premier  qui 
îî  le  porta  ,  peignit  le  Temple  de  la 
»  Déeiïe  Salus  en  Tan  de  Rome  450:  l'ou- 
jî  vrage  a  fubfifté  jufqu'à  l'Empire  de  Clau- 
»  de  3>.  Il  y  a  dans  ces  paroles  une  Aiefle 
&  une  exactitude  iîngulière  :  on  y  fenc 
une  différence  entre  ce  que  Pline  dit ,  &: 
ce  qu'il  voudroit  pouvoir  dire.  Il  vou- 
droit  pouvoir  avancer,  que  l'Art  avoir  été 
pratiqué  fort  anciennement  à  Rome  par 


xxiv  Manuel  des  Arnfles 
des  Citoyens  j  &  en  Hiftorien  éxad ,  il 
joint  à  l'expreflion  de  bonne-heure  ,  la  dé- 
termination de  l'époque  ,  qui  ne  va 
pas  à  400  ans  d'Antiquité.  Il  voudroit 
poHvoir  ajouter,  que  l'exercice  de  laPein- 
ture  y  fût  dès-lors  en  honneur  j  &  il  dit 
-uniquement ,  quon  fit  honneur  à  la  Pein- 
ture, Enfin,  il  voudroit  pouvoir  vanter  la 
beauté  des  Ouvrages  de  Fabius  ;  &  tout 
l'éloge  qu'il  en  fait ,  c'eft  qu'ils  s'étoient 
confervés  jufqu'au  règne  de  Claude. 

Le  feul  Ouvrage  de  Peinture  que  l'Au- 
teur nous  faffe  remarquer  a  Rome ,  dans 
le  fiècle  qui  fuivit  l'époque  de  Fabius 
Picior  ;  c'eft  un  Tableau  que  Valerius 
Meffala  fit  faire  de  fa  Victoire  de  Sicile 
en  r^  2(J4,  &  qu'il  expofa  fur  un  côté 
<le  fa  rUrie  Hoftitia,  Le  fîlence  de  Pline 
fur  le  nom  du  Peintre  ^  nous  fait  afifez 
comprendre  que  l'Artille  étoit  grec  *  les 
Romains  étendoient  déjà  pour  lors  leur 
domination  fur  le  canton  d'Italie  appelle 
la  Grande  Grèce  \  Se  fur  la  Sicile  pareil- 
lement peuplée  de  Grecs:  l'exemple  de 
VaWrius  Meflala  fut  fuivi  dans  la  fuite 
par  Lucius  Scipion ,  qui  après  avoir  dé- 
fait en  Afie  le  Roi  Antiochus  j  étala  dans 
Rome  le  Tableau  de  la  Vidoire  en  l'an 
ipo  avant  Jéfus-Chrift. 

L'année  fuivante  185? ,  Flavius  Nobi- 

iior 


5*  des  Amateurs.  xxr 
lior  afîîégea  6c  prit  Ambracie ,  où  Pir- 
rhus  avoit  autrefois  raflemblé  plufieurs 
rares  prockidions  des  Arts  cuitivés  dans 
la  Grèce.  Le  Conful  Romain  ,  dit  Pline, 
ne  iaifTa  que  les  Ouvrages  en  plaftique  de 
Zeuxis  y  éc  tranfporta  les  Alufes  à  Rome  : 
c'étoient  neut^tatucs  où  chaque "Mufe  en 
particulier  ctoic  repréfentée  avec  fes 
Attributs.  Tite-Live  dit  auflî  que  Fla- 
vius enleva  d'Ambracie  \qs  Statues  de 
'bronze  &  de  m_^rbre  ,  &  les  Tableaux  5 
■mais  il  parcît  que  les  Tableaux  ne  fu- 
rent pas  rranfportés  à  Rome  ,  ou  qu'ils 
n'y  furent  pas  livrés  à  la  curioiîté  du  pu- 
blic; puifque  Pline  ne  marque  qu'enfuitft 
l'époque  du  premier  Tableau  étranger^ 
qu'on  ait  étale  dans  la  Ville.  Les  Ro- 
mains n'étoient  point  encore  curieux  de 
Peinture,  comme  ils  l'ctoient  de  Sculptu- 
re :  les  Statues  des  Mufes  apportées  d'Am- 
bracie furent  reprcfenrées  chacune  dans 
des  Médailles  particulières ,  qu'on  trouve 
expliquées  fort  ingénieufement  dans 
Vaillant. 

Vers  Tan  iSo  ,  Caius ,  Terentius  Lu- 
canus,  {i  c'eft,  comme  Ta  cru  Vaillant, 
le  frère  de  Publius  ,  maître  du  Poète 
Térence  ,  fut  le  premier  qui  fit  peindre 
à  Rome  des  combats  de  Gladiateurs. 
'     Paul  Emilie,  deftru(^eur  du  Royaume 


XXV  j  Manuel  des  Anifies 
de  Macédoine  en  i(^8  ,  emmena  d'Athè- 
nes à  Pvome  Métrodore  ,  qui  étoit  en 
mème-tems  Piiilofophe  6z  Peintre.  Il  ne 
voLiloit  un  Peintre ,  que  pour  le  faire  tra- 
vailler aux  .Décorations  de  fou  Triom- 
phe. 

Vers  Tan  154,  Pacuvius  ,  neveu  m^.- 

ternel  d'Ennius  ,  cultivoit  à  Rome  &:  la 

Poëfie  5  Se  la  Peinture.  Entre  Fabius  Pic- 

tor  &  lui,  dans  un  efpa^e  d'environ  150 

ans  ,  Pline  n'a  point  de  Peintre  Romain 

à  nous  produire  :  il  dit  que  les  Pièces  de 

Théâtre  de  Pacuvius  donnèrent  plus  de 

confidération  à  la  profefljon  de  Peintre  ^ 

que. cependant  après    lui  ,    elle  ne  ^fut 

guère  exercée   a  Rome  par   d'honnêtes 

gens.  Quoii  juge  enfuite  fi  l'Ecrivain ^^ 

prétendu  nous  .iaiiïcr  une  grande  idée 

des  Peintres  Romains  ! 

En  l'an  147  ,  Hoflilius  Mancinus  ,  qui 
dans  une  tentative  fur  Catthage  étoit  le 
premier  entré  jufque  dans  la  Ville  ,  ex- 
pofa  dans  Rome  le  Tableau  de  la  fitua- 
tion  de  la  Place,  6c  de  l'ordre  des  atta- 
ques. L'année  fuivante  Mummius  ,  def- 
trudeur  de  Corinthe  ,  fit  tranfporter  i 
Rome  le  premier  Tableau  étranger  qu'on 
y  ait  expofé  en  public  :  c'étoit  un  Bac- 
chus  d'ArilHde  leThcbain,  dont  le  Roi 
Attalus  donnoit  fix  cens  mille  fefterces , 


0  des  Amateurs.  xxvîj 
cent  dix-fept  mille  cinq  cens  livres  ;  mais 
le  Général  Romain  rompit  le  marché  , 
dans  la  perfuafîon  qu'un  Tableau  de  ce 
-prix  renfermoit  des  vertus  fecrettes.  La 
îbmme  offerte  pour  Attalus  ne  paroîtra 
pas  exorbitante,  fî  Ion  confidère  qu'il 
acheta ,  dans  une  autre  occadon  ,  un  Ta- 
bleau du  même  Artifte  cent  talens ,  qua- 
tre cens  foixante-dix  mille  livres  ;  &  ce 
dernier  fait  étant  rapporté  par  Pline  en 
•deux  différens  endroits  ,  nous  ne  devons 
point  y  foupçonner  de  l'erreur  dans  les 
chiffres;  comme  il  ne  nous  arrive  que 
trop  fouvent  de  fuppofer  des  fautes  de 
copiées  5  &  même  des  fautes  d'igno- 
rance dans  les  Hiftoriens  de  l'Antiquité, 
quand  ce  qu'ils  attellent  n'eft  pas  con- 
forme a  nos  idées  Se  à  nos  ufa^es  ;  vrai 
moyen  d'anéantir  toute  l'ancienne  Hif- 
toire. 

La  conduite  de  Mummius  fait  voir, 
que  les  Romains  n'avoient  point  encore 
de  (ow  tems  le  goût  de  la  Peinture  j  quoi- 
qu'ils euifent  celui  de  la  Sculpture,  depuis 
la  Fondation  de  leur  Ville.  Pour  un  Ta- 
bleau que  ce  Général  rapporta  d'Achaïe, 
il  en  tira  un  {\  grand  nombre  de  Statues , 
qu'elles  remplirent ,  fuivant  l'expreflion 
de  Pline ,  la  Ville  entière  de  Rome.  Nous 
voyons  aulîl  que  dans  la  Grèce  ,  le  nom- 

bij 


xxvii  j  Manuel  des  Anijles 
bre  des  Sculpteurs  bc  èiQ%  Ouvrages  cle 
Sculpture ,  l'a  de  tout  tems  emporté  fur 
le  nombre  des  Peintres  &  des  ouvrages 
de  Peinture  •,  c'eft  ,  comme  Ta  remarqué 
M.  le  Comte  de  Caylus  ,  que  ces  deux 
Peuples  jaloux  de  s'éternifer ,  préféroient 
les  Monumens  plus  durables  à  ceux  qui 
Tétoient  ir^oins. 

■Cependant  peu  après  Texpédition  de 
Mummius ,  les  Romains  commencèrent 
à  fe  familiarifer  davantage  avec  un  Art 
qui  leur  paroifïoit  comme  étranger.  Ow 
vit  à  Rome  pendant  la  jeunelTe  de  Var- 
ron ,  environ  l'an  i  cp  avant  Jéfus-Chrift , 
Laia  de  Cyzique  ,  fille  qui  vivoit  dans 
le  célibat  ^  dans  l'exercice  de  la  Pein- 
ture ;  on  y  voyoit  dans  ce  tems-là  même 
un  Sopolis  <5r  un  Dionyfius ,  dont  les  Ta- 
bleaux remplirent  peu-à-peu  tous  les  ca- 
binets. 

£n  Tan  99  ,  Claudius  Pulcher  étant 
Édile  ,-fit  peindre  le  premier  la  fcène  pour 
une  célébration  des  jeux  publics  \  ôc  il 
eft  à  croire  qu'il  y  employa  le  Peintre 
Sérapion  :  Pline  ajoutant  que  le  talent 
de  cet  Artifte  fe  bornoit  à  des  décoracions 
de  fcène ,  &  qu'un  feul  de  fes  Tableaux 
couvroit  quelquefois  ,  au  tems  de  Var- 
ron  5  tous  le^  vieux  piliers  du  Forum, 
Syila  ,  quelque  tems  après ,  fit  peindre 


ù  des  Amateurs,'        xxîx 

êiZTiS  fa  maifon  de  plaifance  de  Tufcii- 
lum  ,  qui  paffa  depuis  a  Cicéron  ,  u» 
événement  de  fa  vie  bien  flatteur;- c'étoit 
la  circonftance,  où  ,  commandant  l'armée 
l'an  89,  fous  les  murs  de  Noie,  en  qua- 
lité de  Lieutenant,  dans  la  Guerre  des 
Marfes  y  il  reçut  la  Couronne  Obfldio- 
jiale. 

Les  Lucullus  firent  venir  à  Rome  un 
grand  nombre  de  Statues ,  dans  le  tems 
apparemment  de  leur  Édilité,  en  79;  Sc 
l'aîné  des  deux  frères ,  le  célèbre  Lucius 
Lucullus ,  étoit  alors  abfent  v  on  ne  peut 
donc  mieux  placer  qu'eu  cette  occafion 
l'achat  qu'il  fit ,  félon  Pline ,  dans  Athè- 
nes aux  Fêtes  de  Eacchus ,  de  la  copie 
d'un  Tableau  de  Pau  fias  ,  pour  la  fomme 
dedeuxtalens  (neuf  mille  quatre  cens  li- 
vres ),  difproporrion  toujours  vifible  dans 
le  nombre  àts  ouvrages  de  Peinture  ôc 
de  Sculpture.  Lucullus  ramaffa  dans  la 
fuite  une  grande  quantité  des  uns  &  des 
autres  ;.  &  Plutarque  le  blâme  de  ce  goût 
pour  les  Ouvrages  de  l'Art,  autant  qu'il 
le  loue  du  foin  qu'il  avoit  de  faire  des 
colledions  de  livres.  La  façon  de  penfer 
de  Plutarque  ne  doit  pas  nous  furpren- 
dre  \  elle  a  àts  exemples  dans  tous  les 
fiècles  qui  ont  connu  les  Arts  &:  les  Let- 
tres j  elle  en  a  parmi  nous ,   parce  qu'il 

b  iij 


XXX       Manuel  des  Artifles 
n'appartient  qua  un  très- petit  nombre 
de  fçavans  de  reiTembler  à  Pline ,  &  de 
n'avoir  point  de  goût  exclufif. 

Il  nous  marque  un  progrès  dans  la  eu- 
riofîté  des  particuliers  &  du  public  pour 
la  Peinture ,  vers  Tan  75  ;  en  difant  que 
l'Orateur  Hortenfîus  ,  après  avoir  acheté 
les  Argonautes  de  Cydias  cent  quarante- 
quatre  mille  feflerces  (vingt-huit  m.ille 
cent  dix  livres  ) ,  fit  bâtir  dans  fa  maifon 
de  Tufculum,  une  chapelle  exprès  pour 
ce  Tableau ,  &  que  le  Forum  étoit  déjà 
garni  de  divers  ouvrages  de  Peinture, 
dans  le  tems  où  CrafTus ,  avant  de  par^ 
venir  aux  grandes  Magiftratures ,  fe  dif* 
tinguoit  dans  le  Barreau. 

Pour  l'année  70,  on  trouve  une  ap** 
parence  de  contrariété  entre  la  Chrono-* 
logie  de  Cicéron  ,  &  celle  de  Pline ,  fur 
-  Y^%^  de  Timomachus  de  Byzance ,  Pein-* 
tre  encauftique.  Cicéron  écrivoit  en  cette 
année-là  îon  quatrième  difcours  contre 
Verres  :  il  y  parle  de  quelques  Tableaux, 
parmi  un  grand  nombre  d'Ouvrages  de 
Sculpture  enlevés  à  la  Sicile ,  &  tranf- 
portés  à  Rome  par  l'avide  Préteur.  «  Que 
5>  feroit-ce,  dit-il,  à  l'occaflon  de  ces  Ta- 
*>  bleaux  ,  fi  I  on  enlevoit  aux  habitans 
^  de  Cos  leur  Vénus ,  à  ceux  d'Éphèfe 
a»  leur  Alexandre  >   à  ceux  de  Cyzique 


6  des  Amateurs.         xxxj 

«leur  Ajax  ou  leur  Médée  s^  ?  Cet  Ajax 
&  cette  Médée  écoit  demeurée  impar- 
faite par  la  mort  de  Timomaciius ,  anté- 
rieure à  l'an  70  ,  &5  félon  le  même  écri- 
vain ,  Timomachus  fut  contemporain  de 
Céfar  Di6tateur,  en  l'an  49.  Telle  eft  la 
difficulté  qui  difparoîrra,  fi  l'on  veut  con- 
fidérer^que  Timomachus  a  pu  mourir  vers 
l'an  ^9  3  environ  vingt  ans  avant  la  Dic- 
tature de  Céfar ,  &  avoir  été  contempo- 
rain de  Céfar  5  mais  contemporain  plus 
ancien.  L'exprefîîon  de  Pline  :  Cdjaris 
diciatorls  Atate  ^  fignifie  donc  dans  le  tems 
de  Céfar  celui  qui  fut  Dictateur ,  &  non 
pas  dans  le  tems  que  Céfar  écoit  Diéla- 
reur. 

il  faut  fouvent  faire  ces  fortes  d*atten- 
rions  dans  la  Chron  ;logie  de  Pline,  où 
le  titre  des  Magiftratures  défigne  quel- 
quefois l'Époque  des  évènemens  \  ôc 
quelquefois  la  feule  diftindion  des  per- 
fonnes  d'un  mcme  nom,  que  des  lecteurs 
pourroient  confondre.  Le  titre  de  Dicla» 
teur  qu'il  donne  par-tout  a  Céfar ,  eft  de 
cette  dernière  efpèce  \  mais  il  y  a  d'au- 
tres exemples  où  par  les  titres  de  Pré' 
teur  y  à' Édile  ^  oud'Jmperatorj  il  indique 
habilement  les  dates,que  fa  méthode  élé- 
gante ôc  précife  ne  lui  permettoit  pas  de 
fpécifier  plus  particulièrement. 

i  iv 


xxxî  j      Manuel  des  Ardfies 

Le  Préteur  Marcius  Junius  (  c*éroit  Tan 
6j)  fit  placer  dans  le  Temple  d'Apol- 
lon ,  à  la  Solemnité  à^s  Jeux  ApoHinai- 
res ,  un  Tableau  d'Ariilode  le  Thébain. 
Un  Peintre  ignorant  qu'il  avoir  chargé 
immédiatement  avant  le  jour  de  la  Fête 
de  nettoyer  Je  Tableau,  en  effaça  toute 
la  beauté. 

Dans  le  même  tems,^  Philifcus  s'ac- 
quit de  rhonneur  à  Rome  par  un  fimple 
Tabieau,  dans  lequel  il  repréfentoit  tour 
ratrelicr  d'un  Peintre ,  avec  un  petit  gar- 
çon qui  foufïloit.  le  feu. 

l^cs  Édiles,  Varron  &  Muréna,  (c'étoir,. 
l'an  60  )  firent  tranfporter  à  Rome ,  pour 
l'embellifTement  du  Comice  ^  à^s  enduits 
de  Peinture  à  frefque,  qu'on  enleva  de 
de  (Tus  des  murailles  de  brique  à  Lacédé- 
mone,  &  qu'on  enchâfTa  foigneufément 
dans  des  quadres  de  bois ,  à  caufe  de  l'ex-  / 
cellence  des  Peintures  :  ouvrage  admira- 
ble par  luir-même 5  ajoute  Pline,  il  lô  fut; 
bien  plus  encore  par  la  circonftance.da? 
tranfport. 

Pendant  l'Édilité  de  Scaurus,  en  l'an 
58;  on  vit  des  magnificences  qui  nous 
paroîtroient  incroyables  fans  l'autorité  de  ._ 
Pline  ,  &  incompréhenfîbles  fans  les  ex- 
plications de  M.  le  Comte  de  Caylus  fur 
es  Jeux  de  Curion,  qui  fuivirent  d'affez 


f, 


(s  des  Amateurs,  xxxîij 
près  ceux  de  Scaurus.  Pour  ne  parler  que 
de  la  Peinture ,  Scaurus  fit  venir  de  .^x.- 
cyone ,  où  l'Art  &  les  Artiftes  avoienc 
fixé  depuis  long-tems  leur  principal  fc- 
jour ,  tous  les  Tableaux  qui  pouvoienc 
appartenir  au  Public  ,  6c  que  les  habi- 
tans  vendirent  pour  acquitter  les  dettes 
de  la  Ville. 

Les  fadions  qui  règnoient  dès-lors  dans 
Rome ,  &  qui  renversèrent  bien-tôt  laRé- 
publique  ,  engagèrent  Varron  &  Atticus 
a  fe  livrer  totalement  à  leur  goût ,  pour 
la  Littérature  &  pour  les  Beaux  Arts. 
Atticus  y  le  tidel  ami  de  Cicéron ,  donna 
un  volume  avec  les  Portraits  deiîînés  de 
pîufieurs  illuftres  perfonnages  5  &  Varron 
diftribua  dans  tous  les  endroits  de  l'Em- 
pire Romain,  un  Recueil  de-  fept  z^ns^ 
figures  pareillement  avec  le  nom  de  ceux 
qu'elles  repréfentoient.  Le  même  Varron 
arteftoit  l'empreflement  du  Peuple  Ro- 
main pour  d'anciens  reftes  de  Peinture. 
Quand  on  voulut  réparer  le  Temple  de 
Cérès  5  que  Démophile  &  Gorgafus 
avoient  autrefois  orné  d'ouvrages  de 
Peinture  &  de  Plaflique,  on  détacha  des 
murs  les  Peintures  à  Frèfque,  &  on  eue 
foin  de  les  encadrer  \  on  difp^rfa  auiîl  les 
figures  de  Plaftique. 

Jules-Céfar,  parvenu  à  la  Kdature 


xxxîv  Manuel  des  Anlfles 
l'an  49  ,  augmenta  de  beaucoup  l'atten- 
tion &  l'admiration  ^^s  Romains  pour 
la  Peinture,  en  dédiant  l'Alax  &  la  Mé- 
dée  de  Timcmachus  à  l'entrée  du  Tem- 
ple de  Vénus  Gtnkrix  :  ces  deux  Ta- 
bleaux lui  coûtèrent  quatre-vingt  talens  y 
(37^  mille  livres).  En  l'Année  44,  qui 
tut  celle  de  la  mort  de  Céfar ,  LuciusMu- 
nacius  Plancus  ayant  reçu  le  titre  d'//ïï- 
perator ^  expofa  au  Capitole  le  Tableau 
de  Nicomaclius  ,  où  étoit  repréfentée 
l'image  de  la  Vidoire ,  conduifant  un 
quadrige  au  milieu  des  airs.  Obfervons 
que  dans  tous  ces  récits  qui  regardent 
Rome  5  ce  font  des  Peintres  Grecs  qu'on 
y  voit  paroître  ;  l'Auteur  nomme  cepen- 
dant pour  ce  tems-ci  Aurellius ,  Peintre 
Romain ,  qu41  place  peu  avant  le  règne 
d'Augufle.  Arrêtons -nous  donc  fur  ce 
Peintre  de  Rome. 

Pline  nous  donne  fon  portrait  en  ces 
mots  :  Koma  cekber  fuît  Arellius  ^  nljîfla^ 
gitio  infigni  corrupijjet  arum  j  fcmpcr  ail- 
cujus  fœminéi  amore  JîagnanSji  &  ob  îdDeas 
pingens  ,  fed  dïlcàarum  imagine  \  Liber 
XXXV,  C,  10.  Il  faifoit  toujours  les 
DéelTes  femblables  aux  Courtifannes  , 
dont  il  étoit  amoureux.  On  fçait  que 
ï'iora  étoit  fi  belle,  que  Cécilius  Métel- 
lus  la  ijr  peindre  5  afin  de  confacrer  fou 


ù  des  Ainatetirs,  xxxV 
portrait  dans  le  Temple  de  Caftor  ^<.  de 
Polliix. 

On  a  remarqué, que  ce  ne  fut  m  la  pre- 
mière ni  la  dernière  fois,  que  le  portrait 
d'une  Courtifanne  reçut  un  pareil  hon- 
neur. La  Vénus  fortant  des  eaux  étoit 
ou  le  portrait  de  Campaipe ,  MaîcrelTe 
d'Alexandre  le  Grand ,  félon  Pline  ;  ou 
bien  celui  de  la  Courtifanne  Phryné  , 
félon  Athénée  j  L.  XI IL  Augufte  le  con- 
fiera dans  le  Temple  de  Jules-Céfar.  Les 
parties  inférieures  en  étoient  gâtées ,  &: 
perfonne  ne  fut  capable  de  les  rétablir) 
le  tems  acheva  de  ruiner  le  refte  :  alors 
on  lit  faire  une  autre  Vénus  par  Doro- 
thée, cc  on  la  fubftitua  à  celle  d'Apelle, 
Pendant  que  Phryné  fut  jeune,  elle  fer- 
vit  d'original  a  ceux  qui  peignoienr  la 
Déeffe  des  Amours.  La  Vénus  de  Gnide 
fut  encore  tirée  fur  le  modèle  d'une 
Courtifanne,  que  Praxitèle  aimoit  éper- 
dument.  Arellius  n'eft  donc  pas  le  feu! 
Peintre  ancien ,  qui  peignit  les  DéeflTes 
d'après  quelques-unes  des  {^s  maîtreffes. 

Le  Chriftianifme  n'eft  pas  exempt  de 
cette  pratique ,  nous  avons  plus  d'une 
Vierge  peinte  par  les  Alodernes ,  d'après 
leurs  propres  amantes.  M.  Spon  ,  dans 
fes  Mifccllanees  Antiq.  erudit.  /?.  i  5  ,  rap- 
porte  l'explication    d'une    Médaille   de 

b  vj 


:?(Kx vi  j  Manuel  des  Aniflts 
l'Empereur  Julien  ,  fur  laquelle  on  voie 
d'un  côté  Sérapis  qui  refîemble  parfai- 
tement à  Julien ,  èi  de  l'autre  la  figure 
d'un  Herbanubis.  Il  n'étoit  point  rare  de 
voir  des  Statuer  d'hommes  routes  fem- 
blables  à  celles  de  quelques  Dieux.  La 
Flatterie  ou  la  Vanité  ont  fouveiit  pro- 
duit cette  idée. 

Juftin  Martyr,  dit,  en  fe  moquant 
des  Païens,  qu'ils  adoroient  les  MairrefTes 
de  leurs  Peintres,  &  les  Mignons  de  leurs 
Sculpteurs  \  mais  n'a^-t-on  pas  tort  de  ren- 
dre les  Païens  refponfables  des  traits  d'un= 
Zeuxis  ou  d*unLyfippe  ?  Ceux  qui,  parmi 
les  Cbxrétiens ,  vénèrent  les  images  de 
S»  Charles  Borromée ,  rye  vénèrent  qu'un 
portrait  fait  à  plailir ,  &  un  caprice  d'un» 
Maître  de  l'Art,  qui  a  peint  fort  beau,  ua 
Saint  qui  ne  l'étoit  guères.  il  faut  fe  re- 
fondre à  fouffrir  cetre  forte  de  licence 
des  Artiftes  \  parce  qu'elle  n'a  rien  de 
blâmable  :  &  fe  repofer  fur  eux,  de  la 
figure  &  de  l'air  des  objets  de  la  dévo- 
tion. Un  Peintre  de  Rome  fit  le  Tableaa 
de  la  Vierge ,  fur  le  portrait  d'une  fœur 
du  Pape  AJéxandre  VI,  qui  étoit  plus^ 
belle  que  vertueufe»  Nous  ne  connoif- 
fons  les  Dieux  par  le  vifage,  que  {^Xon 
qu'il  a  plu  aux  Peintres  &  aux  Sculpteurs^ 
difoit  Cicéron ,  des  Dieux  de  fon  temv 
liher  L  Ce  NuturâDcorum, 


ù  des  Amateurs,  xxxvjj 
Nous  ne  fommes  pas  aufli  difEciles 
aujourd'hui ,  dit  M.  de  Caylus,  que  Pline 
rétoit  ^  contens  que  la  beauté  foit  bien 
rendue  ,  il  nous  importe  peu  d'après 
quelle  perfonne  elle  eft  deftinée.  Nous 
aéïirons  feulement  de  l'inconilance  â  nos 
Peintres ,  pour  jouir  d'une  certaine  va- 
riété dans  les  beautés  qu'ils  ont  à  reprc- 
fenter>  &:  nous  ne  faifons  de  reproches- 
qu'à  ceux  oui  nous  ont  donné  trop  fou- 
vent  les  mêmes  têtes,  comme  a  fait  Paul 
Véronèfe  entre  plufieurs  autres.  Je  re- 
viens a  Augufte, 

Ce  fut  fur-tout  cet  Empereur  qui  orna 
les  Temples  de  Rome  &  les  Places  pu- 
bliques ,  de  ce  que  les  Anciens  Peintres 
de  la  Grèce  avoient  fait  de  plus  rare,  & 
de  plus  précieux.  Pline  qui ,  de  concert 
avec  tous  les  autres  Écrivains ,  nous  af- 
fure  le  fait  en  général ,  défigne  en  par- 
ticulier quelques  -  uns  de  ces  Ouvrages 
ccnfacrcs  au  Public  par  Augufte  ;  & 
nous  devons  attribuer  aux  foins  du  même 
Prince  l'expofition  de  pludeurs  Tableaux, 
que  l'Hiftorien  remarque  dans  Rome  5 
fans  dire  à  qui  Ton  en  avoir  l'obligation  , 
le  grand  nombre  fait ,  que  nous  ne  parle- 
rons, ni  des  uns,  ni  des  autres. 

Agrippa ,  Gendre  d'Augufte ,.  fe  diftin- 
guoit  par  le  même  goût  j  &  Pline  alfuje 


"^xx  V  ]  i  j  Manuel  des  Artifles 
qu'on  avoir  encore  de  lui ,  un  difcours 
magnifique  &  toiit-à-fait  digne  du  rang 
qu'il  tenoir  de  premier  citoyen ,  fur  le 
parti  qu'on  devoir  prendre  de  gratifier 
le  Public  de  tour  ce  qu'il  y  avoir  de  Ta- 
bleaux &  de  Statues  dans  les  maifons  par- 
ticulières de  Rome  :  ce  n'eft  pourtanr  pas 
nous  faire  voir  dans  cer  Amareur  à^s 
Ouvrages  de  Peinture,  un  homme  atren- 
tif  à  leur  confervation,  que  d'ajouter  qu'il 
en  confina  quelques-uns  dans  les  Éru- 
ves  à^^  Bains  qui  porroienr  fon  nom,  ni 
nous  donner  wno.  grande  idée  de  fa  dé- 
penfe  en  Tableaux,  que  de  nous  dire 
pour  route  particularité  dans  ce  genre , 
qu'il  acheta  un  Ajax  &  une  Vénus  à  Cy- 
zique  5000 deniers  (  2.3  50  livres)  :  quelle 
différence  de  prix  entre  Ajax  &  la  Vé- 
nus d'Agrippa,  &  l'Ajax  &:  la  Médée  de 
Jules-Céfar ,  tous  achetés  dans  la  même 
Ville. 

Pline  parle  ainfi  de  Ludius ,  qui  vivoit 
fous  le  Règ;ne  d'Augufte  :  il  ne  fiiur  pas 
le  confondre  avec  celui  qui  avoir  orné 
de  Peintures  un  Ancien  Temple  de  Ju- 
non  dans  la  Ville  d'Ardée,  déjà  détruite 
avant  la  Fondation  de  Rome.  Ce  Ludius 
moderne  rétablit  à  Rome  du  tems  d'Au- 
gufle,  l'ufage  de  la  Peinture  â  Frefque  : 
Diyi  Augujii  atatQ  Ludius  primus  ïnjih^_ 


&  des  Amateurs.  xxxîx 
Vdit  amœn'ijjlmam  parietum  Picluram,  Il 
repréfenta  le  premier  fur  les  murailles 
des  Ouvrages  d'Architeclure  &  des  Pay- 
fages  5  ce  qui  prouve  la  connoiiTance  de 
la  Perfpecrive  &  celle  de  l'emploi  du. 
verd  ;  car  fans  ces  deux  chofes,  quelle 
idée  pourroit-on  fe  faire  de  ces  fortes  de 
Tableaux  ?  On  ignoroit  avant  Ludius 
l'amcnité  des  fujèts  dans  les  Peintures  à 
Frefque  \  on  ne  les  avoir  guères  em- 
ployées qu'à  des  Ornemens  de  Temples , 
ou  à  des  fujèts  nobles  &  férieux ,  &  même 
les  grands  Arriftes  de  la  Grèce  n'avoient 
jamais  donné  dans  ce  genre  de  Peinture. 
Augufle  approuva  le  parti  qu'on  prit 
d'appliquer  a  la  Peinture  le  Jeune  Quin- 
tus  Pédius,  d'une  des  premières  familles 
de  Rome.  Pline  femble  d'abord  en  vou- 
loir tirer  quelque  avantage  en  faveur  de 
la  profelîion  ^  cependant  il  ajoute  en  même 
tems,  avec  (on  éxaditude  &  fa  fidclité 
ordinaire ,  une  circonflance  qui  affoiblic 
totakment  cette  idée,  c'eft  que  le  Jeune 
Pédius  étoit  muet  de  naiffance.  Il  con- 
vient auflî  quAntiftius  Labéo ,  qui  avoit 
rempli  àts  charges  confidc'rables  dans 
l'État  5  &  qui  avoit  refufé  le  Confulat 
qu'Augufte  lui  ofFroit ,  fe  donna  un  ridi- 
cule en  s'âttachant  à  faire  de  petits  Ta- 
bleaux 5  èc  QXi  i^  piquant  d'y  réuiîîr.  Ea 


"%}  Manuel  des  Anifies 

un  mot ,  l'on  aimoit ,  l'on  eftimolt  fes^ 
Ouvrages  de  TArr ,  &  l'on  méprifoit  ceux 
qui  en  faifoient  leur  occupation  ou  même 
leur  amufement.  Il  n'y  a  pas  long-tems 
que  Ton  en  ufoit  de  même  dans  ce  royau- 
me pour  toutes  les  Études  &;  les  connoif- 
fances  *,  je  doute  que  les  Grands  foient 
bien  revenus  de  ce  préjugé. 

La  Mort  d'Augufle  fut  bien-tot  fuivie^ 
de  la  décadence  des  Arts  :  cependant  Pline 
parle  d'un  Grand  Prêtre  de  Cybèle  ,î,Ou- 
vrage  de  Pharrhafius  ,  de  Tableau  favori 
de  Tibère  ,  eftimé  foixante  mille  fefter- 
ces  (onze  mille  fept  cent  cinquante  li- 
vres) ,.  que  ce  Prince  tenoit  enfermé  dans 
ia  chambre  à  coucher,  &  d'un  Tableau 
d'Alexandrie  ,  &  q^^^  Tibère  eonfacra. 
dans  le  Temple  du  même  Augufte.  Pline 
naquit  au  milieu  du  Règne  de  Tibère  , 
l'an  2-5  de  Jefus-Chrift,  &  tout  ce  qu'il 
ajoure  fur  la  Peinture  &  fur  les  Peintres 
pour  fon  tems ,  fe  réduit  aux  remarques 
suivantes. 

Aux  deux  anciennes  manières,  dit-il, 
de  travailler  i'Encauftique,  on  en  a  ajouté 
une  troifième,  qui  eft  6.Q  Îq  fervir  du 
pinceau  pour  appliquer  les  cires  qu'on 
fait  fondi  e  à  la  chaleur  du  feu  j  comme 
ces  Peintures  réfiftoient  à  l'ardeur  du  So- 
leil ,  6c  à  la  falure  des  eaux  de  la  mer. 


ù  des  Amateun.  xi} 

en  les  fit  fervir  à  rornemenc  des  vai^ 
féaux  de  guerre  j  on  s'en  fert  même  déjà-, 
remarque -t -il  ,  pour  les  vaifTeaux  de 
charee.  Ces  Ornemens  étoienc  en-dehoss 
des  Êârimens ,  iuivant  la  force  du  terme' 
larin  expingïmus» 

Il  nous  donne  une  étrange  idée  du 
goût  des  fuccefifeurs  de  Tibère  pour  la 
Peinture.  L'Empereur  Caïus  voulut  en- 
lever du  Temple  de  Lavinium ,  à  caufe 
de  leur  nudité  y  les  figures  d'Atalante  & 
d'Hélène  par  TAneien  Ludius  ;  U  il  l'au- 
roit  fait,  iî  la  nature  de  l'enduit  altéré 
par  la  trop  grande  vétufté ,  ne  fe  fût  op« 
pofée  à  l'exécution  du  projet, 

L'Empereur  Claude  crut  flgnaler  fcn 
bon  gpût,  &  donner  un  grand  air  de  di» 
gnite  a  deux  Tableaux  d'Apelie,  confa- 
crés  au  public  par  Augufte  \  d'y  faire  éf^ 
façer  la  tète  d'Alexandre  le  Grand ,  6c 
d'y  faire  fubftituer  k  tête  d'Auguile  lui- 
même.  Pline  fe  plaint  encore ,  foit  de 
pareils  chan^emens  dans  des  Têtes  de 
oatucs ,  changemens  qui  tiennent  a  la 
barbarie  ^  fbit  de  la  Peinture  à^s  Mofaï- 
ques  de  marbre ,  mifes  à  la  place  ^q%  Ta- 
bleaux, &  inventées  fous  le  même  Rè- 
gne de  Claude,  environ  l'an  50  de  Jefus- 
Chrifl. 

Le  Règne  de  Ncicn ,   fucceifeur  de 


xTij  Manuel  des  Anlfles-  ^ 
Claude,  donna,  vers  Tan  (J4,  l'Époquô 
des  marbres  incraflés  les  uns  dans  les  au* 
très  :  &  l'Auteur  s'en  plaint  également 
comme  d  un  ulage  qui  portoit  prcjudice 
au  goût  de  la  Peinture  ,  ^  traite  enfin 
d'extravagance  réfervce  à  fon  fiècle ,  la 
Folie  de  Néron  qui  fe  fit  peindre  de  la" 
hauteur  de  cent  vingt  pieds  romains.  La 
toile  dont  les  Peintres  ne  s'étoient  pas 
encore  avifcs  de  faire  ufage  ,  fut  em* 
ployée  alors  pour  la  première  fois  j  parce 
que  le  métal,  ou  même  le  bois,  n'au- 
roient  jamais  pu  fe  façonner  pour  un  pa- 
reil tableau  :  il  faut  donc  rapporter  aufE 
.  à  l'an  6a  de  Jefus-Chrift  l'Époque  de  la 
Peinture  fur  toile. 

Amulius,  Peintre  Romain,  parut  fous 
le  Règne  de  cet  Empereur.  Il  travailloit- 
feulement  quelques  heures  de  la  journée, 
&  toujours  avec  une  gravité  affedée ,  ne 
quittant  jamais  la  Toge ,  quoique  euindé 
fur  des  échaffauds.  Ses  Peintures  etoient 
confinées  dans  le  Palais  de  Néron,  comme 
dans  une  pfîfon ,  fuivant  l'exprefïîon  de 
Pline,  qui  a  voulu  marquer  par-lâ  les  iii-- 
convéniens  de  la  Frefque. 

Le  même  Pline  admire  la  tête  d*unô 
Minerve  que  peignit  le  même  Artifte  \ 
cette  tête  regardoit  toujours  celui  qui  la 
regardoit  ;  Spccianum  fpcctans  quâcn/nque 


h  des  Amateurs,  xHJj 
cfpicerctur.  Cependant  ce  jeu  d'Optique 
ne  tient  point  au  mérite  perfcnnel ,  5^ 
fuppofe  feulement  dans  le  Peintre  une 
connoifTance  de  cette  partie  de  la  Perf- 
pedive.  On  montre  en  Iraiie  piufieurS' 
têtes  dans  le  goût  de  celle  d'Amulms» 
Cet  Artifte  n'.ctoit  mort  que  depuis  peu , 
îorfque  Pline  écrivoit. 

La  mémoire  du  Peintre  Turpilius, 
Chevalier  Romain  ,  &  Vénitien  de  naif- 
fance,  étoir  pareillement  récente.  Il  avoit 
embelli  Vérone  de  Îqs  Ouvrages  de  Pein- 
ture. On  peut  les  croire  auflî  beaux  qu'on 
le  voudra;  on  Tçait  du  moins  qu'il  avoir 
appris  Ton  Art  dans  la  Grèce.  Pline  jX^V, 
XXXV,  c.  vj.  dit  qu'avant  lui ,  on  n'avoit 
jamais  vu  de  Peintres  gauchers  ;  Se  il  pi- 
roît  admirer  cette  particularité;  mais  l'ha- 
bitude fait  tout  pour  le  choix  des  mains, 
8c  il  ne  faut  pas  une  grande  philofophie 
pour  faire  cette  réflexion.  D'ailleurs  cette 
habitude  entre  pour  beaucoup  moins 
qu'on  ne  l'imagine  dans  un  Art  que  Tef- 
prit  feul  conduit.  Se  qui  donne  fans  peine 
le  fens  de  la  touche ,  en  indiquant  celui 
de  la  hachure  ;  8c  qui  produit  enfin  âe% 
équivaîens  pour  concourir  à  l'expreffion 
générale  Se  particulière. 

Depuis  Turpilius ,  on  a  vu  des  Pein- 
tres gauchers  parmi  les  Modernes  ^  on 


xfîv  Manuel  des  Arttfies 
en  a  vu  également  ^^s  deux  mains.  JoUf* 
venèt  5  attaque  d'une  paralyfie  fur  le  bras 
droit,  quelques  années  avant  fa  mor^:', 
a  fait  de  la  main  gauche  fon  Tableau  de 
la  Fifaation ,  qu'on  voit  à  Notre-Dame  , 
&  qui  eft  un  des  plus  beaux  qui  foit  forci 
de  fes  mains.  Ce  fait  eft  plus  étonnant 
que  celui  du  Chevalier  Turpilius,  puif- 
que  Jouvenèt  avoir  contracté  toute  fa  vie 
Une  autre  habitude  j  &  Ton  n'en  a  fait 
mention  à  Paris ,  que  pour  ne  pas  oublier 
cette  petite  linguiarité  de  la  vie  d'un 
Grand  Artifte.  Pline  finit  l'article  de  Tur- 
pilius  en  remarquant  que  jufqu  a  lui ,  oa 
ne  trouve  point  de  Ciroyen  de  quelque 
confidérarion  ,  qui,  depuis  Pacuvius,  eue 
exercé  l'Art  de  la  Peinture. 

Il  nomme  enfin  fous  le  Règne  è^Q^oi-' 
pafien ,  vers  l'an  70  de  Jems-Chrift, 
deux  Peintres  à  Frefque ,  tous  deux  Ro- 
mains \  Cornélius  Pinus ,  &  Accius  Pif- 
eus.  Fort  peu  de  tems  après,  il  compofa, 
fous  le  même  Règne ,  fon  immenfé  re- 
cueil dHiftoire  Naturelle.  Il  venoit  de 
Fâche  ver  y  îorfqu  il  en  fit  la  dédicace  à 
Titus ,  Conful  pour  la  fixième  fois ,  ea- 
Fan  78  de  Jefus-Chrift. 

L'année  fuivante  fut  celle  où  Titus, 
monta  fur  le  trône  au  mois  de  Mars ,  5^ 
Pline  mourut  au  commencement  de  No- 


ù  des  Amateurs,  xlv 

vemtre  fuivanc.  Ce:  îlluftre  Ecrivain 
avoir  donc  cornpofé  immédiatement  au- 
paravant Ton  grand  Ouvrage  j  avec  la  di- 
grefîîon  fur  la  Peinture,  morceau  des  plus 
précieux  de  rAntiquité. 

On  fçait  que  Pline  entre  en  matière 
par  des  plaintes  amères  contre  fon  Siècle, 
Air  la  décadence  d'un  Art ,  qu'il  trouve 
infiniment  -recommandable  par  l'avan- 
tage qu'il  a  de  conferver  la  mémoire  des 
morts  ,  &  d'exciter  l'émulation  des  vi- 
vans.  11  fait  l'Éloge  des  Tableaux^ commç 
monument  du  mérite  &  de  la  vertu.  Il 
étend  cet  éloge  attx  autres  Ouvrages  qui 
avoient  la  même  deftinarion,  aux  Fi'^u- 
res  de  cire  que  les  Romains  confervoient 
dans  leur  famille ,  aux  Statues  àowz  ils 
ornoient  les  Bibliothèques  ,  aux  Portraits 
defîînés  ,  que  Varon  6c  PoUion  mirent 
en  ufage  ;  enfin  aux  Boucliers  où  étoienc 
repréfentés  les  perfonnages  iiluftres  de 
l'Ancienne  Rome. 

Après  avoir  pris  les  Romains  du  coté 
de  l'honneur  &  de  la  vertu,  il  cherche 
à  piquer  leur  curiofité  en  leur  indiquant 
rAntiquité  de  l'Art,  &  en  s'arrêtant  au 
récit  de  quelques  Peintures  plus  Ancien^ 
^es  que  la  Fondation  de  Rome.  Il  nomme 
les  différentes  Villes  où  on  les  voyoir» 
ôi  il  diftingue  le  mérite  de  ces  Ouvra- 


xlvj         Manuel  des  Anijîes 
g^s  d'avec  l'abus  qu'en  vouloir  faire  la 
Lubricité  d'un  Empereur,  tenré  d'en  ti- 
rer deux  de  leur  place  ,  à  caufe  de  quel- 
ques nudités. 

Aux  motifs  d'une  curiofité  louable, 
Pline  joint  les  motifs  d'émulation  puifés 
dans  le  fein  même  de  la  Ville  de  Rome,; 
il  propofc  par  une  gradation  fuivie , 
l'exemple  des  Citoyens  qui  s'éioient  au- 
trefois appliqués  à  l'exercice  de  la  Pein- 
ture .J  l'exemple  à^s  Héros  de  la  Nation 
qui  avoient  étalé  dans  Rome  les  Ta- 
bleaux de  leurs  vidoires  \  l'exemple  Aqs 
Généraux  &  Aqs  Empereurs,  qui ,  après 
avoir  tranfporté  dans  la  Capitale  une 
quantité  prodigieufe  de  Tableaux  étran- 
gers ,  en  avoient  orné  les  Portiques  à^s 
Temples  &  les  Places  Publiques. 

Son  éloquence  &  fon  efprit  nous  char- 
ment par  des  traits  de  feu,  &  par  Aqs 
images  encIianterelTes  j  qu'on  ne  trouve 
en  aucun  autre  Auteur,  ni  fl  fréquentes^ 
ni  d'une  fi  grande  beauté  :  enfin  par  une 
énergie  de  ftyle ,  qui  lui  eft  particulière» 
C'eft  ainfi,  que,  pour  donner  une  idée 
d'un  Tableau  où  A  pelle  avoir  repréfenté 
un  Héros  nud ,  il  déclare  que  ç'étoit  un 
défi  fait  à  la  nature.  Il  dit  de  deux  Ho- 
plitites  ,  ouvrage  de  Parrhaflus  :  «  Celui 
»  qui  court ,  on  le  voit  fuer  \  celui  qui 


ù  des  Amateurs,  xlvij 
.*•  mec  les  armes  b.is  ,  on  le  i^wi  haleter. 
rt  Apelle,  dit-il  ailleurs.,  peignit  ce  qui 
î>  eft  impoflible  à  peindre,  le  bruit  du 
>•  tonnere  &  la  lueur  à^s  éclairs  jî.  En 
matière  de  Style^  comme  en  matière 
de  Peinture ,  les  fçavantes  exagérations 
font  quelquefois  nécelTaires  ;  &  ce  prin- 
cipe doit  erre  gravé  dans  i'efprit  d'un 
Peintre  ,  s'il  veut  parvenir  à  l'mtelli- 
gence  de  ce  que  Apelle  avoit  exécuté. 

Il  eft  donc  vraifemblable,  que  perfonne 
ne  s'avifera  jamais  de  traiter  Pline  en  qua- 
lité d'Hiftorien  des  Peintres  ou  d'Enchou- 
Ûaftes ,  fans  connoifTance  de  caufe  j  ou 
de  Déclam.areur ,  qui  joue  rhomm.e  paf- 
fionnc ,  ou  d'Ecrivain  inEdelie  &  frivole. 
Les  qualifications  diamétralement  oppo- 
fées ,  font  précifémént  celles  qui  caiac- 
tarifent  ce  Grand  Homme  \  heureufe- 
ment  pour  celle  des  Arts  ,  dont  il  a  été 
le  Panégyrifte :  heureufement  enfin,  pour 
l'mtérèt  de  la  Littérature  &  àts,  Scien- 
ces, dont  il  a  été  le  dépoUraire. 

Voilà  ce  que  j'avois  à  cire  fur  Pline, 
te  fur  la  Peinture  des  Romain^  ;  c'eft  un 
précis  de  deux  beaux  'Mémoires  donnés 
par  M.  de  Caylus  6:  par  M.  de  la  Nauze; 
dans  le  Rçcueil  de  Littérature.  Toms, 
XXF. 


idvïi]     Manuel  des  Arnfles 

Sur  LA  PEINT'URt    D3EsFl£URS, 

Peindre  les  Fleurs ,  c'eft  entreprendre 
^'imiter  un  des  plus  agréables -Ouvrages 
de  la  Nature.  Elle  femble  y  prodiguer  tous 
l^s  charmes  du  Coloris.  Dans  les  autres 
objets  qu'elle  offre  à  nos  regatds ,  les  tein- 
tes font  rompues  ,  les  nuances  confon- 
dues ,  les  dégradations  infenfibles^  l'effet 
particulier  de  chaque  couleur  le  déro- 
be, pour  ainfi  dire,  aux  yeux;  dans  les 
Fleurs ,  les  couleurs  les  plus  franches  fem- 
blenc  concourir  &  difputer  entt'elles. 
Un  Parterre  peut  être  regardé  comme  la 
Palette  de  la  Nature.  Elle  y  préfente  un 
«iTortiment  complet  de  couleurs  fépa- 
téts  les  unes  àts  autres;  &  pour  mon- 
trer fans  doute  combien  les  principes  aux- 
quels nous  prétendons  qu'elle  s'eft  fou- 
lïiife  ,  font  au  deffous  d'elle  \  elle  permet 
qu'en  affemblant  un  groupe  de  fleurs,  on 
joigne  enfemble  les  teintes  que  la  plupart 
des  Artrfles  ont  Tegardées  comme  les  plus 
antipathiques  ,  fans  craindre  qu'elles  blef- 
fent  les  loix  de  l'Harmonie.  Eft-il  donc  eiî 
effet  ^QS  couleurs  antipathi^jues  ?  Non , 
fans  doute.  Mais  la  Peinture,  ^&:  géncxale- 
ment  tous  les  Arts,  ne  fe  voyent-ils  pas 
trop  fouvenx  xeÛTtirés  par  des  chaînes,  que 

leur 


(&  des  Amateurs.  xllx 
leur  ont  forgées  les  préjugés  r  Qui  les  bri- 
fera  ?  Le  Génie. 

Les  x^rnites  enrichis  de  ce  don  célèlte, 
ont  le  privilège  de  fécouer  le  joug  de  cer- 
taines règles  qui  ne  font  faites  que  pour 
les  talens  médiocres.  Ces  Ardftes  décou- 
vriront en  examinant  un  bouquet ,  àt% 
beautés  hardies  de  coloris  quils  oferonc 
imiter.  Paufias  les  furprit  dans  les  guir- 
landes de  Glycère  ,  &  en  profita. 

Je  crois  donc  qu'une  àQ%  meilleures 
études  de  Coloris  qu'un  jeune  Artifte  puifTe 
faire  ,  eft  d'afTembler  au  hazard  àts  group- 
pes  de  fleurs,  &  de  les  peindre  ;  qu'il  joi- 
gne à  cette  étude  ,  celle  de  l'effet  qu'elles 
produifent  fur  différens  fonds  ;  il  verra 
s'évanouir  cette  habitude  fervile  d'appofec 
toujours  des  fonds  obfcurs  aux  couleurs 
brillantes  qu*on  veut  faire  éclater.  Des 
Fleurs  différentes,  mais  toutes  blanches, 
étalées  fur  du  linge  ;  un  cygne  qui  vient 
leur  comparer  la  couleur  de  its  plumes  ; 
«n  vafe  de  cette  porcelaine  ancienne,  fi 
jeftimée  par  la  blancheur  de  fa  pâte ,  & 
qui  renferme  un  lait  pur  ,  formeront  un 
alfemblage  dans  lequel  la  nature  ne  fera 
jamais  embarraflfée  de  diflinguer  à^%  ob- 
jets ,  qu'elle  femble  avoir  trop  uniformé- 
i  ment  colorés.  Pourquoi  donc ,  lorfqu*!! 
s'agit  d'imiter  l'éclat  du  teint  d'une  jeun© 


1  Manuel  ies  Anifles 

beauté,  recourir  a  des  oppositions  forcées 
&  peu  vraifemblables  ?  Pourquoi ,  fi  ion 
veu:   faire   éclairer  une  partie  d'un  Ta- 
bleau ,  répandre  fur  le  refte  de  l'ouvrage 
une  obfcurké  rebutante,  une  nuit  impé- 
nétrable ?   Pourquoi  donner  ainfî  du  dé- 
goût pour  u.i  Art ,  dont  les  moyens  trop 
app£f  çus'bleiTen^t  autant  que  i^s  effets  plai- 
feiit?  Ce  que  je  viens  de  dire  a^  comme 
on  le  voit ,  rapport  à  TArt  de  Peinture  ea 
général.   Cependant  comme  le  talent  de 
peindre  les  Fleurs  eft  un  genre  particulier 
qui  remplit  fouverrt:  tous  le>s  foins  d'ua 
Ârtifte  5  il  efi:  bon  de  faire  quelques  ob- 
fervations  particulières.  Une  extrême  pa- 
tience 5  un  goût  de  propreté  dans  le  tra- 
vail, un  génie  un  peu  lent,    à^s  pafîîons 
douces,  un  caraélère  tranquille  ,  femblent 
devoir  entraîner  un  Artille  a  choifir  à^z 
Fleurs  pour  robjèc  de  fes  imit;uions.  Ce- 
pendant pour  les  peindre  parfaitement, 
toutes  ces  qualités  ne  fuffifent  pas.   Les 
Fleurs ,    objets   qui   fen>blent  inanimés , 
îpar  conféquent  froids  ,  demandeur  pour 
intéreffer  dans  la  repréfentation  qu'on  en 
fait,   une  idée  de  mouvement,  une  cha- 
leur dans  le  coloris ,  une  légèreté  dans  la 
-touche  ;  «n  Art  &  un  choix  dans  les  ac- 
cidens ,  qui  les  mettent ,  pour  ainli  dire , 
âu-defliis  de  ce  quelles  font.  Ce^  êtres 


&  des  Amateurs,  Ij 

qiù  vivent  q\t^  toures  ces  qualités,  aux  yeux 
cie  ceux  qui  les  fçavent  apperçevGir  j  &: 
Ton  a  vu  Bapriile  6c  Defpcrres  avec  une 
façon  de  peindre  hère»  large,  «S:  Touvenc 
prompte^  imiter  le  velouté  des  rofes,  & 
rendre  intérefTanre  la  fymmétrie  de  Tané- 
mone.  Une  Fleur  prête  d'éclorc  ,  une  au- 
tre dans  le  montent  où  elle  eit  parfiiite  \ 
une  tfoifième  ,  dont  les  beautés  commen- 
cent à-fe  flétrir  ,  on:  à^z  inouvemens  dif- 
■férens  dans  les  parties  qui  les  coLnpofenr. 
Celui  des  tiges  &  à^s  feuilles  n'eft  point 
arbitraire,  c'eft  l'effet  de  la  combinaifon 
des  organes  des  plantes.  La  lumière  du 
foleil  qui  leur  convient  le  mieux ,  offre 
par  fa  variété  des  accidens  de  clair  obf- 
cur  fnns  nombre.  Les  infècces ,  les  oifeaux 
qui  jouifTeuc  plus  immédiatement  que 
tiou-s  de  ces  objets  ,  ont  droit  d'en  ani- 
mer les  repréfenrations.  Les  va  Tes  où  on 
les  conferve,  les  rubans  avec  lefqnels  on 
les  afTrmble  ,  doivent  orner  la  compofî- 
tion  du  Peintre  :  ennn  il  faut  qu'il  s'ef- 
force de  faire  naître  par  la  vue  de  fon 
ouvrage  ,  cette  fenfation  douce  ,  cette  ad- 
miration tranquille  ,  cette  volupté  déli- 
cate qui  fatisfait  nos  regards,  lorfqu'ils  fe 
fixent  fur  la  nature. 

Mais  infenfîblement  je  paroîtrois  peut- 
ctre  pouiTer  trop  loin^  ce  que  peut  exiger 

cij 


lij  Manuel  des  Àttiflzs 

un  genre  qui  n'eO:  pas  un  des  principaux 
de  TArc  dont  je  parle.  Je  finis  donc  en 
recommandant  aux  Peintres  de  Fleurs ,  un 
choix  dans  la  nature  des  couleurs  \  Se  un 
foin  dans  leur  apprêt ,  qui  femble  leur 
devoir  être  plus  eifentiel  quaux  autres 
Artiftes  :  mais  qui  n'eft  en  général,  que 
trop  fouvent  négligé  dans  les  atteliers. 
Les  Fleurs  font  un  genre  de  Peinture , 
comme  THiftoire  ,  le  Portrait ,  ôcc. 

De    la   g  r  a  V  u  r  î. 

Je  commencerai  par  r Art  de  graver  en 
cuivre.,  non  pas  comme  le  plus  ancien  j 
mais  comme  celui  qui  eft  d'un  plus  grand 
ufage  5  &  fans  doute  d'un  ufage  plus  utile 
AUX  hommes,  pour  multiplier  leurs  con- 
noi  (Tances. 

Dans  les  détails  des  opérations  de  cet 
Art  5  j'eiijprunterai  les  préceptes  &  les  des- 
criptions qui  font  contenus  dans  un  Ou- 
vrage d'Abraham  BofTe,  Graveur  du  Roi , 
•qui  a  été  confidérablement  enrichi  par  les 
lumières  de  M.  Cochin  le  fils,  Sçavanc 
Artifte  de  nos  jours ,  qui ,  dans  une  der- 
rière édition  de  cet  Ouvrage ,  l'a  aug- 
menté de  différens  Traités  ,  que  les  pro- 
grès de  l'Art  lui  ont  fournis,  ôc  de  réfle- 
xions 'jufles  qu'il  doit  â  fon  talent  de  à  fes 
fuccès. 


(i  des  Amateurs,  liij 

Le  cuivre  donr  on  fe  fert  pour  la  Gra- 
vure dont  je  parle ,  eft  le  cuivre  rouge.  Le 
choix  que  ion  fait  de  cette  efpèce  de  cui- 
vre ,  eft  fondé  fur  ce  que  le  cuivre  jaune 
eft  communément  aigre  ,  que  fa  fubftance 
n'eft  pas  égale ,  qu'il  s'y  trouve  des  pailles  ; 
&  que  ces  défauts  font  des  obdaclcs  qui 
s'oppofent  a  la  beauté  des  ouvrages  ,  aux- 
quels on  les  deftineroit.  Le  cuivre  rouge 
même  n'eft  pas  totalement  à  l'abri  de  ces 
défauts  \  il  en  eft  dont  la  fubftance  eft  ai- 
gre ,  &  les  traits  qu'on  y  grave  fe  refTen- 
tent  de  cette  qualité;  ils  font  maigres  & 
rudes  ;  il  s*en  trouve  de  mou,  dont  la  fubf- 
tance approche  (quant  à  cette  qualité)  de 
celle  du  plomb.  Les  ouvrages  qu'on  y 
grave  n'ont  pas  la  netteté  qu'on  voudroic 
leiir  donner  :  l'eau -forte  ne  l'entame 
qu'avec  peine  \  elle  ne  creufe  pas ,  & 
trompe  l'attente  du  Graveur.  Quelque- 
fois on  rencontre  dans  une  même  plan- 
che de  cuivre ,  ces  qualités  oppofées.  Enfin 
on  y  trouve  de  petits  trous  impercepti- 
bles ,  où  des  taches  défagréables. 

Le  cuivre  rouge  qui  a  les  qualités  les 
plus  propres  à  la  Gravure  ,  doit  donc  être 
plein,  ferme  ,  liant;  ^  la  'ï::xZo\\  de  con- 
noitre  s'il  eft  exempt  des  défauts  contrai- 
res que  j'ai  énoncés  j  c'eft  d'y  former  quel- 
ques traits  avec  le  burin  en  difFérens  fens: 


liv  Manuel  des  Artijtes 

slors ,  s'il  efl:  aigre  ,  le  bruit  que  fera  le 
bar  in  en  îe  coupant ,  &  k  fentiment  de 
la  main  nous  l'indiqueront  \  s'il  efl:  mou  ,. 
ce  même  fentiment  qui.  vous  rappellera 
l'idée  du  plomb  ,  vous  le  découvrira  auilj. 
Lorfqu'on  a  fait  choix  d'un  cuivre  pro- 
pre à  graver,  on  doit  mettre  fes  foins  à 
ce  qu'il  reçoive  k  préparation  qui  lui  efl 
néceffaice  ,  pour  l'ufage  auquel  on  le  def- 
tine.  Les  chaudroniers  rapplaniffent ,  le 
coupent  j  le  polilTent  ;  mais  il  efl:  à  pro- 
pos, que  les  Graveurs  connoiflent  eux-m.ê- 
vnQS  ces  préparations  ;  parce  qu'il  pourroit 
fe  trouver,  que,  voulant  faire  ufage  de  leur 
Art  dans  un  pays  où  il  feroit  inconnu ,  ils- 
ne  trouveroient  pas  les  ouvriers  en  cuivre 
infiruits-des  moyens  qu'il  faut  employer. 
Une  planche  de  cuivre  de  la  grandeur 
d'environ  un  pied  neuf  pouces ,  doit  avoir  . 
à  peu  près  une  ligne  d'épailTeur  j  &  cette  J 
proportion  peut  régler  pour  d'autres  di- 
meniîons.  La  phmche  doit  être  bien  for- 
gée, ôc  bienapplanie  a  froid  :  c'efl:  par  ce 
moyen,  que  le  cuivre  devient  plus  ferré  «Se 


moins  poreux. 


Il  s'agit ,  après,  ce  premier  foin  ,  de  la 
polir.  On  choisit  celui  des  deux  cotés  de 
la  planche  qui  paroît  être  plus  uni ,  & 
moins  rempli  de  gerfures  &  de  pailles  ; 
on  attache  la  planche  par  le  coté  contraire 


ù  des  Amateurs.  îv 

fur  un  ais ,  de  manière  qu'elle  y  foir  re- 
tenue par  quelques  polçires  ou  elous  j  alors 
on  commence  à  frorter  le  côré  apparent 
avec  un  morceau  de  grès  ,  en  arrofant  la 
planche  avec  de  l'eau  commune  :  on  la  po- 
lit ain(î  le  plus  égalem.ent  qu'il  eft  pofiî- 
ble,  en  palfant  le  grès  fortement  dans 
tous  les  fens ,  &  continuant  de  mouiller 
le  cuivre  de  le  grès;  jufqu'à  ce  que  cette 
première  opération  ait  tait  difparoître  les 
marques  des  coups  de  marteau»  qu'on  a 
imprimé  fur  la  planche,  en  la  forgeant. 

Lorfque  ces  marques  ont  difparu  ,  aini^ 
que  les  pp.illes,  les  gerfares  ,  Se  \ts  autres 
inégalités  qui  poiirroient  s'y  rencontrer  ; 
on  fubOrituë  au  grès  ,  la  pierre-ponce  bien 
choifie  :  on  s'en  1ère  en  frottant  le  cuivre , 
comme  on  a  déjà  fait,  en  tous  fens  ,  & 
en  Tarrofant  d'eau  commune  ;  l'on  éffaçe 
sinfî  les  raies,  que  le  grain  trop  inégal 
du  grès  a  laiÏÏes  fur  la  planche  ;  après 
quoi  l'on  fe  fert ,  pour  donner  un  poli 
plus  fin,  d'une  pierre-ponce  à  aiguiferj 
qui  ,  pour  l'ordinaire  ,  eft  de  couleur  d'ar- 
doife  5  quoiqu'il  s'en  trouve  quelquefois 
de  couleur  d'olive  &  de  rouge.  Enfin  le 
charbon  &  le  brunilToir  achèvent  de  faire 
difparoître  de  delTus  la  planche ,  les  plus 
petites  inégalités. 

Voici  com.me  il  faut  s'y  prendre,  pour 

c  iv 


Ivj  Manuel  des  Artiflcs 
préparer  le  charbon  qu'on  doit  employer. 
Vous  choifîrez  des  charbons  de  bois  (]e 
faule,  qui  foient  aîlez  gros  6c  pleins  5  qui 
n'ayent  point  de  fente  ni  de  gerfurCj  ^ 
tels  que  ceux  dont  les  Orfèvres  fe  fervent 
communément  pour  fouder.  Vous  raiiffe- 
rez  l'écorce  de  cq.s  charbons ,  vous  les  ran- 
gerez enfemble  dans  le  feu,  vous  les  cou- 
vrirez enfuite  d'autres  charbons  allumés 
&:  de  quantité  de  cendre  rouge  \  de  forte 
qu'ils  puifTent  demeurer  fans  communi- 
cation avec  l'air  ,  pendant  environ  une 
heure  &  demie  \  ôc  que  le  feu  les  ayant 
entièrement  pénétrés  j  il  n'y  rede  aucune 
vapeur.  Lorfque  vous  jugerez  qu'ils  feront 
en  état ,  vous  les  plongerez  dans  l'eau,  ôc 
les  laiiferez  refroidir.  Vous  frotterez  la 
planche  qui  a  déjà  été  unie  par  le  grès , 
la  pierre  ponce ,  la  pierre  a  aiguifer,  avec 
un  charbon  préparé,  comme  je  viens  de 
le  dire  ;  en  arrofant  d'eau  commune,  ôc  le 
cuivre  de  le  charbon  ,  jufqu'à  ce  que  vous 
ayez  fait  difparoîrre  ainfî  les  marques  que 
peuvent  avoir  laifTés  les  pierres  difréren- 
reSjdont  j'ai  indiqué  l'ufage.  Il  faut  remar- 
quer,que  quelquefois  un  charbon  gliffe  fur 
le  cuivre  fans  le  mordre,  ôc  par  confé- 
quent  fans  le  polir  ^  il  faut  alors  en  choi- 
sir un  autre  qui  foit  plus  propre  a  cette 
opération  ,  ôc  la  répéter  avec  patience  j 


ô  des  Amateurs,  Ivîj 
jufquà  ce  que  le  cuivre  foie  exempt  ^q$ 
moindres  raies,  6c  des  plus  petites  inégali- 
tés apparentes.  La  dernière  préparation 
qu*il  peut  recevoir  ou  de  la  main  de  l'ou- 
vrier en  cuivre  ,  où  de  celle  de  TArtifte  , 
c'eft  d'être  bruni.  On  fe  fert  pour  cela 
d'un  inftrument,  qu'on  nomme  Brunijjolr: 
Cet  inrtrument  eil  d'acier  ^  l'endroit  par 
où  l'on  s'en  fert  pour  donner  le  luftre  à 
une  planche ,  efl:  excrèmemenr  poli  -,  il  a 
à-peu  près  la  forme  d'un  cœur.  Son  épaif- 
feur  efl  de  quelques  lignes  ,  il  fe  termine 
en  pointe  j  6c  l'ufage  qu'on  en  tait ,  après 
avoir  répandu  quelques  gouttes  d'huile  fur 
le  cuivre ,  eO:  de  le  palier  diagonalemenc 
fur  toute  la  planche  ,  en  appuyant  un  peu 
forcement  la  main  ;  ce  qui  s'appelle  Bru- 
nir, C'eft  ainfî  qu'on  parvient  à  donner 
à  la  planche  de  cuivre  ^  un  pareil  poli  à 
celui  d'une  glace  de  miroir  ;  &  qu'on  fait 
difparoître  les  plus  petites  inégalités. 

Lorfqu'on  a  mis  en  ufage  ces  différens 
moyens ,  fi  l'on  veut  être  alTurc  que  l'on 
a  réulfi;  il  faut  livrer  la  planche  à  un  Im- 
prlm.eur  en  taille-douce  ,  qui  ^  après  Tavoic 
frottée  de  noir  &  elfuyée  ,  comme  on  a 
coutume  de  faire  ^  loifque  la  planche  eft 
gravée  ;  la  fera  palTer  fous  la  prelTe  avec 
une  feuille  de  papier  blanc  :  les  inégali- 
tés les  moins  fenlibles ,  s'il  en  refte  quel- 

çy 


Ivii  j   -    Manuel  des  Artiftes 
ques-unes  5  s'impiimeront  fur  le  papier; 
è^  vous  ferez  en  ccat  d  oter  à  la  planche,  les 
moindres  dcfaiits  qu  elle  pourroit  avoir. 

Je  crois  qu'après  avoir  infiruic  de  U 
façon  d'apprêter  le  cuivre,  il  faut  com- 
mencer par  les  opcrarions  qui  fervent  à 
graver  à  Teau-forre  \  après  quoi  j'en  vien- 
drai à  la  manière  de  graver  au  burin. 

Pour  parvenir  à  faire  ufage  de  l'eau- 
force  5  il  eft  néceffaire  de  couvrir  la  plan- 
che d^un  vernis  ;  &  voici  les  différentes 
manières  de  compofer  les  vernis  dont  on 
couvre  les  planches ,  comme  je  le  dirai 
en  fuite. 

11  y  a  deux  efpèces  de  vernis  :  on 
nomme  l'un  Vernis  Dur ,  6c  l'autre  Ver- 
nis Mou,  Le  premier,  par  lequel  je  com- 
mencerai 5  eft  d'un  ufage  plus  aiicien. 
Voici  fa  composition. 

Prenez  cinq  onces  de  poix  grecque  , 
ou  ,  à  fon  défaut ,  de  la  poix  graiTe ,  au- 
trement poix  de  Bourgogne  ;  cinq  onces 
de  réline  de  Tyr  ou  Colophone^  à  fon 
défaut ,  de  la  réfine  commune  :  faites  fon- 
dre ce  mélange  enfemble  fur  un  feu  mé- 
diocre ,  dans  un  pot  de  terre  neuf,  bien 
plombé ,  vernilfê  &  bien  net.  Ces  deux 
îngrédiens  étant  fondus  &  bien  mêlés  en- 
femble ,  mettez-y  quatre  onces  de  bonne 
huile  de  noix  ou  d'huile  de  lin  \    mêlez 


&  des  Amateurs.  \i% 

Vien  le  tout  fur  le  feu  durant  une  bonne 
demi-heure  ,  puis  iailfez  cuire  ce  mélange 
jafqu'à  ce  qu'en  ayant  mis  refroidir  ,  ^z 
le  touchant  avec  le  doigt ,  il  iîîe  comme 
ïin  fyrop  bien  binant  :  alors  retirez  le  Ver- 
nis de  deiTus  le  feu  ,  &  lorfqu'ii  fera  un 
peu  refroidi  ,  palTez-le  au  travers  d'un 
linge  neuf,  dans  quelque  vafe  de  fayence 
ou  de  terre  bien  plcm.bé^  vous  le  ferre- 
rez eniuite  dans  une  bouteille  de  verre 
épais  5  ou  dans  quelqu'aucre  vafe  qui  ne 
s'imbibe  pas,  ^c  que  l'on  puiife  bien  bou- 
cher :  le  Vernis  fe  gardera  alors  vingt  ans, 
^  n'en  fera  que  meilleur. 

Voilà  la  compoiirion  du  Vernis  Dur  ^ 
tel  que  BoiTe  le  donne,  &  tel  qu'il  s'en 
fer  voit  fans  doute.  Voici  celui  dont  fe  fer- 
voit  Callot ,  &  qu'on  appelle  vulgaire- 
ment Verras  de  Florence* 

Prenez  un  quarteron  d'iuiile  grafife  bien 
claire,.  &  faite  avec  de  bonne  huile  de 
lin  ,  pareille  à  celle  donc  les  Peintres  fe 
fervent  :  faites -la  chauffer  dans  un  poê- 
lon de  terre  verniiTé  &  neuf;  enfuite  met- 
tez-y un  quarteron  de  maftic  en  larmes 
pulvérifé;  rem.uez  bien  le  tout  jufqu'à  ce 
qu'il  foit  fondu  entièrement.  PafT'ez  alors 
toute  la  maffe  à  travers  un  linge  fin  6c 
propre  ,  dans  une  bouteille  qui  ait  un  cou 

cvj 


Ix  Manuel  des  Aniflcs 

afTez  large;  bouchez-la  éxaclemenr,  pour 

que  le  Vernis  fe  conferve  mieux. 

Je  crois  qu'après  avoir  donné  la  corn- 
policion  du  ternis  Dur ^  il  eft  a  propos 
de  dire  la  manière  d'appliquer  ce  V&rnls 
Dur  fur  la  planche  de  cuivre. 

La  planche  ayant  été  forgée ,  polie  5c 
luftrée,  comme  je  l'ai  die  ci  deifus;  il 
faut  encore  prendre  foin  d'ôter  de  fa  iur- 
façe  5  la  moindre  impreffion  gralTe  qui 
pûurroit  s'y  rencontrer;  pour  cela  vous  la 
frotterez  avec  une  mie  de  pain  ,  un  linge 
fcc  5  ou  bien  avec  un  peu  de  blanc  d'Ef- 
pagne  mis  en  poudre  ,  &  un  morceau  de 
peau;  vous  aurez  foin  fur  tout  de  ne  pas 
pafler  les  doigts  &  la  main  fur  le  poli  du 
cuivre  ,  lorfque  vous  ferez  au  moment 
d'appliquer  le  Vernis.  Pour  l'appliquer  fur 
la  planche  ,  vous  lexpofercz  fur  un  ré- 
chaud ,  dans  lequel  il  y  ait  un  feu  médio- 
cre ;  lorfque  le  cuivre  fera  un  peu  échauffé , 
vous  le  retirerez  ;  &  trempant  alors  dans 
le  vafe  où  vous  confervez  votre  Vernis , 
une  petite  plumée  ,  un  petit  bâton ,  ou  une 
paille  5  vous  poferez  du  Vernis  fur  la  phn- 
che  en  affez  d'endroits ,  pour  que  vous 
puifîîez  enfuite  l'étendre  par-tout  &  l'en 
couvrir  ;  au  refte ,  il  faut  remarquer  ,  que 
la  façon  ancienne  dont  Bofle  fait  men- 


6  des  Amateurs,  \%] 

tîon  pour  étendre  ce  Vernis  ,  au  moyen 
de  la  paume  de  la  main ,  eft  fujèt  à  in- 
convénient j  foie  â  caafe  de  la  tranfpira- 
tion  de  la  main  ,  foir  parce  qu'il  eft  diffi- 
cile de  l'érendrc  avec  une  orande  égalité. 
Je  crois  donc  qu'il  vaut  mieux  fe  fervir 
de  tampons  faits  avec  de  petits  morceaux 
de  taffetas  neuf ,  dans  lefquels  on  ren- 
ferme un  morceau  de  coron  qui  foit  neuf 
auflî.  Lcrfqu'on  s'eft  muni  de  quelques 
tampons  proportionnés  à  la  grandeur  de 
la  planche  qu'on  veut  vernir  ,  on  frappe 
doucement  fur  les  endroits  de  la  planche 
où  l'on  a  mis  du  Vernis  ;  on  l'étend  ainii 
partout  avec  égalité;  &  l'on  doit  fur  tout 
prendre  garde,  qu'il  n'y  en  ait  une  trop 
grande  épailTeur  ;  parce  qu'il  feroit  plus 
difficile  de  le  faire  cuire  ,  èc  de  graver  en- 
fuite.  Ce  Vernis  ,  qui  eft  fort  tranfparent , 
poutroit  aifément  mettre  dans  l'erreur 
ceux  qui  s'en  ferviroient  fans  le  connoî- 
tre  :  il  ne  faut  donc  pas  s'attendre  à  voir 
facilement,  fi  le  Vernis  a  la  jufte  épailTeur 
qui  lui  convient  ;  mais  j'avertis  que  ,  lorf- 
qu'i>l  femblera  qu'il  n'y  en  a  point  du  tout , 
pour  ainfi  dire  ,  il  y  en  aura  encore  affez. 
Je  me  fuis  fervi  avec  fuccès  d'un  moyen 
pour  lunir  parfaitement  :  le  voici.  J'ai 
coupé  des  morceaux  de  papier  blanc,  fin 
&  lilTe  >  â-peu-près  de  la  grandeur  de  la 


1t.1J  Manuel  des  Arùfîes 
planche  ;  &  les  paifanc  avec  la  paume  <3*> 
la  main  légèrement  fur  la  planche  ,  oà 
j'avois  étendu  le  Vernis  à  l'aide  des  ram- 
pons dont  j'ai  parlé;  je  fuis  parvenu  ainfî- 
a  rendre  ma  eouc!^r^  de  Vernis  égale ,  Se 
audj  peu  épailTe  qu'on  peur  le  déhrer. 

Cette  opération  faite,  il  faut  donner  aiv 
Vernis,  par  le  moyen  du  feu  .,  le  degré  de 
confidance,  <]ui  lai  fait  donner  le  nom  de 
V&rnïs  d'Or;  mais  auparavant  il  faut  le 
«loircir,  pour  quil  foie  plus  facile  d'ap- 
perçevoir  les  traits  qu'on  forme  avec  les 
inikumens  qui  fervent  à  graver. 

Pour  noircir  le  Vernis  ,  vous  vous  fer^ 
virez  de  pludeiirs  bouts  de  bougie  Jaune 
que  vous  ailemblertz,  afin  qu'étant  allu- 
més, il  en  refaite  une  fumée  gralfe  & 
épailTe..  Cela  fait ,  vous  attacherez  au  bord 
de  votre  planche  ,  un ,  deux  ,  trois ,  ou 
quatre  étaux  j  finvanr  la  grandeur  de.  la 
planche  &  la  difficulté  de  la  manier.  Ces 
étaux  qui ,  pour  plus  de  comm.odité  ,  peu- 
vent avoir  des  manches  de  fer  propres  à 
les  tenir  ,  vous  donneront  la  facilité  d'ex- 
pofer  le  côté  de  la  planche  que  vous  ave?: 
vernie  à  la  fumée  des  bougies.  Vous  aurez 
attention  de  promener  continuellement  ou 
la  planche  ou  les  bougies  ,  pour  que  la 
flamme  ne  falTe  pas  trop  d'impreflion  fur 
quelque  endroit  de  la  planche^   ce  qui 


^  des  Amateurs.         Ixiij 

pourfou  brûler  le  Vernis.  Il  faut  aiifri  ne 
pas  trop  approcher  le  Vernis  de  la  mèche 
ou  même  de  la  flamme,  L'ufage  indiquera. 
le  jufbe  milieu  qu'il  faut  obferver.  Le  point 
où  il  fane  arriver ,  eft  de  rendre  la  planche 
d'un  noir  égal,  &z  exempt  de  tranlpa- 
rence  ,  fans  que  le  Vernis  foie  brûlé  dans 
aucun  endroit. 

Venons  au  iroyen  de  fécher  ce  cuire , 
^  durcir  le  Vernis  à  laide  du  feu.  11  faut 
allumer  une  quantité  de  charbon  propor- 
tionnée à  la  grandeur  de  la  planche*  vous 
form.erez  avec  ces  charbons  ,  dans  un  en- 
droit qui  foit  fur- tout  à  labri  de  la  pouf^ 
/ière  ,  un  brafîer  dont  retendue  excède  de 
■quelque  chofe  la  planche  en  tousfens;  vous 
curez  encore  attention  de  mettre  fort  peu 
de  charbon  dans  le  milieu^  parce  que  la 
chaleur  fe  concentrera  affez,  <Sc  qu'il  faut 
plus  de  tems  pour  cuire  \qs  bords  de  la 
planche  :  lorfque  ces  précautions  feront 
prifes,  vous  expoferez  votre  planche  fur 
ce  braiier,  à  l'aide  de  deux  petits  chenets 
faits  exprès  ,  ou  de  deux  étaux  avec  lef- 
quels  vous  la  tiendrez  fufpenduë  à  quel- 
ques pouces  du  feu.  On  doit  ccmoren- 
dre  que  le  coté  de  la  planche  far  lequel  eft 
npphqué  le  Vernis ,  n'eft  pas  celui  qui  doit 
ctre  tourné  vers  le  brafier ,  il  fe  trouvera 
^ielTusj  &  pour  éviter  qu'il  n'y  tombe 


Ixî  V  Manuel  des  Anifles 
d'atomes  de  pouffière ,  ce  qui  eft  très-ef- 
fentiel ,  vous  étendrez  un  linge  qui  vous 
garentira  de  ces  petits  accidens.  LorfquV 
près  l'efpaçe  de  quelques  minutes,  vous 
v«rrez  votre  planche  jetter  de  la  fumée , 
vous  vous  tiendrez  prêt  a  la  retirer;  & 
pour  ne  pas  rifquer  de  le  faire  trop  tard  , 
ce  qui  pourroit  arriver  ,  C\  l'oh  atcendoic 
qu'elle  ne  rendît  plus  de  fumée  du  tout, 
vous  éprouverez  ,  en  touchant  le  Vernis 
avec  un  petit  bâton  ,  s'il  réfiite  ,  ou  s'il 
cède  au  petit  frottement  que  vous  lui  ferez 
éprouver;  s'il  s'attache  au  bâton,  &  s'il 
quitte  le  cuivre,  il  n'ert  pas  encore  durci; 
s'il  fait  quelque  réfiftance,  &  s'il  ne  s'at- 
tache point  au  bâton,  vous  le  retirerez; 
&  fl  par  hazard  vous  avez  tardé  un  peu 
trop  long-tems ,  &  que  vous  craigniez  qu'il 
ne  foit  un  peu  trop  cuit ,  vous  arroferez 
le  derrière  de  la  planche  avec  de  l'eau 
fraîche  ;  parce  que  la  chaleur  que  le  cui- 
vre retient  alTez  long  rems ,  après  avoir 
été  féparé  du  feu  ,  donneroit  au  Vernis  un 
trop  grand  degré  de  cuiiïbn  ;  il  feroit  alors 
difficile  à  travailler  ,  &  s'écailleroit. 

Je  vais  à  préfent  parler  du  Vtrnls  Mou; 
après  quoi  je  donnerai  les  moyens  de 
tranfmetrre  un  Defîin  fur  le  Vernis,  & 
enfuite  de  le  graver- 

Voici  différentes  compoiitions  du  VcT" 


ù  des  Amateurs.         Ixv 

Compojiùon  du  Vernis  Mou  ^fuivant  Bojfe» 

Prenez  une  once  &:  demie  de  cire  vierge 
bien  blanche  &:  nette  j  une  once  de  maftic 
en  larmes  pur  &  net,  une  demie-once  de 
Spalt  calciné  j  broyez  bien  le  Maftic  &  le 
Spalt^  faites  fondre  au  feu  votre  cire  dans 
un  pot  de  terre  bien  plombé  Se  vernie  par 
dedans;  quand  elle  fera  entièrement  fon» 
duc  &  bien  chaude ,  vous  la  foupoudre- 
rez  de  ce  Maftic  peu -à -peu,  afin  qu'il 
fonde  &  qu'il  fe  mêle.  Vous  remuerez  le 
tout  avec  un  petit  bâton.  Enfuite  vous  fou- 
poudrerez  ce  mélange  avec  le  Spalt ,  com- 
me vous  avez  fait  la  cire  avec  le  maftic , 
en  remuant  encore  le  tout  fur  le  feu  ,  juf- 
qu'à  ce  que  le  Spalt  foit  bien  fondu  ôc 
mêlé  avec  le  refte  *,  c'eft-à-dire  ,  environ 
la  mioirié  d'un  demi-quart-d'heure,  puis 
vous  l'ôterez  du  feu,  &  le  laifferez  refroi- 
dir. Ayant  enfuite  mis  de  l'eau  claire  dans 
un  por ,  vous  y  verferez  le  Vernis  ^  ôc 
vous  le  pétrirez  avec  vos  mains  dans  cette 
eau  ;  vous  en  formerez  ainii  de  petites 
boules,  que  vous  envelopperez  dans  du 
taffetas,  pour  fervir  comme  ]e  le  dirai. 

Je  paiïe  fous  filence  les  différentes  com- 
binaifons  qu'on  peut  faire  des  ingrédiens 
avec  lefquels  cette  forte  de  Vernis  peut  fe 


îxv)  Manuel  des  Arnjles 
compofer;  vous  en  trouverez  plufic-urs  dé- 
crites dans  le  Livre  de  BoiTe ,  de  iÉdi'- 
tion  de  1745.  Voi^'i  feulement  une  façon 
de  le  compofer,  qui  me  paroît  une  àQ.s 
meilleures,  après  avoir  éprouvé  toutes  les 
autres. 

Faites  fondre  dans  un  vafe  neuf  de' terre 
vernie,  deux  onces  de  cire  vierge  ,  demie- 
once  de  poix  noir ,  &  demie-once  de  poix 
de  Bourgogne.  Il  faut  y  ajouter  peu  à  peu 
deux  onces  de  Spalt ,  c]ue  Ton  aura  réduit 
en  poudre  très  fine.  LaiiTez  cuire  le  tout 
jufqu'à  ce  qu'en  syanr  fait  tomber  une 
goutte  fur  WTiQ,  afiiètre  ,  cette  goutte  étant 
bien  refroidie ,  puide  fe  rompre  en  la 
pliant  trois  ou  quatre  fois  entre  les  doigts  : 
alors  le  \^ernis  eft  alTez  cuit ,  il  faut  le  re- 
tirer du  feu,  puis  le  verfer  dans  de  Teau 
tiède ,  afin  de  pouvoir  le  manier  facile- 
ment; &  en  faire  de  petites  boules,  que 
l'on  enveloppera  dans  du  taffetas  neuf  pour 
s'en  fervir. 

Il  y  a  quelques  obfervations  à  faire  , 
qui  ferviront  dans  \ts  diffcrens  procédés 
qu'on  employcra  ,  pour  la  confeivation  du 
Ver-nis. 

i*^.  îl  faut  prendre  garde  que  le  feu  ne 
foit  pas  trop  violent,  de  crainte  que  les 
ingrédiens  dont  on  fe  fert,  ne  brûlent. 

2.^.  Pendant  qu'on  employé  le  Spalt, 


à  des  Amateurs,         Ixvl 
^  même  après  l'avoir  em.ployé,  il  faut 
remuer  le  mélange  concinueiiemenr  avec 
une  fparulcj  ou  un  petit  morceau  de  bois. 

3^^.  L'eau  dans  laquelle  on  verfera  la 
compo/îrion ,  doit  être  àpeu-pLcs  du  mcme 
degré  de  chaleur  que  les  drogues  qn'on  y 
verfe. 

4^^.  H  faut  faire  enferre  que  le  Vernis 
foit  plus  dur ,  pour  s'en  fervir  en  Eté , 
^jue  pour  l'employer  en  Hyver.  On  par- 
viendra à  le  rendre  plus  fermiC  ,  en  lui 
donnant  un  plus  gr-and  degré  de  cuiflonj 
ou  en  metuanc  une  plus  forre  dofe  de 
Spalt ,  ou  un  peu  de  poix  réiine. 

La  manière  d'appliquer  ce  Vernis  fur 
la  planche  ,  diffère  un  peu  de  la  manière 
d'appliquer  le  Vernis  Dur. 

j'ai  dit  à  la  nu  de  la  préparation  que 
je  viens  de  donner  ,  que  iorfque  le  Ver- 
nis eft  aiTez  cuir ,  il  faut  le  retirer  du  feu  , 
le  lailfer  refroidir  un  peu,  puis  le  verfer 
dans  de  Teau  tiède ,  aiin  de  pouvoir  le 
manier  facilement  &  en  faire  de  petites 
boules  que  l'on  enveloppera  dans  du  taf- 
fetas neuf  pour  s'en  fervir.  Vous  tieî-:drez 
au  moyen  d'un  érau  ,  votre  planche  fur  un 
réchaud  ,  dans  lequel  il  y  aura  un  feu  mé- 
diocre ;  vous  lui  donnerez  une  chaleur 
modérée  ;  &  pafTant  alors  le  miorçeau  de 
mfeus  dans  lequel  ^^  eafenné  la  boule 


Ixviij     Manuel  des  Artifles 
de  Vernis  que  vous  avez  pétrie  fur  la  plan- 
che en  divers  fens ,  la  chaleur  fera  fondre 
doucement  le  Vernis  j  qui ,  fe  faifant  jour 
au  travers  du  taffetas ,  fe  répandra  légère- 
ment fur  la  furfaçe  du  cuivre.    Lorfque 
vous  croirez  qu'il  y  en  a  fufïifamnient , 
vous  vous  fervirez  d'un  tampon  fait  avec 
du  coton  enfermé  dans  du  taffetas  ;  &  frap- 
pant doucement  dans  toute  l'étendue  de  la 
planche,   vous  porterez  par  ce  moyen  le 
Vernis  dans  les  endroits  où  il  n'y  en  aura 
pas  ;  &  vous  ôterez  ce  qu'il  y  en  aura  de 
tropjdans  les  endroits  où  il  fera  trop'abon- 
dant.  Il  faut  avoir  une  grande  atiention 
qu'il  n'y  ait  pas  trop  de  Vernis  fur  les 
pianrches,  &  qu'il  y  foit  également  répan- 
du 5  le  travail  de  la  pointe  en  devient  plus 
£n  &  plus  facile. 

Pour  cela ,  vous  retirerez  à  propos  votrs 
planche  de  de{fus  le  feu  (  tandis  que  vous 
vous  fervirez  du  tampon),  t<  l'y  remet- 
trez, s'il  eft  néceflaire;  parce  que,  (î  le 
Vernis  devient  trop  chaud  ,  il  brûle  &  fe 
calcine  dans  les  endroits  où  il  e(l  atteint 
d'une  chaleur  trop  vive  :  fi,  au  contraire,. 
il  eft  trop  peu  chaud ,  le  tampon  que  vous 
appuyez  légèrement  s'enlève  ,  &  laiffe  des 
parties  de  la  planche  à  découvert. 

Lorfque  cette  opération  eft  faite ,  vous 
remettrez  un  inftant  votre  planche  fur  le 


(se  des  Amateurs,  Ixix 
•ccliaii3  ;  &  iorfque  le  Vernis  a  pris  \x\\q 
:haleur  égale  qui  le  rend  iuifant  par-tout  _, 
^ous  vous  fervirezj  ainfi  que  pour  le  Ver- 
tiis  dur  5  des  morceaux  de  bougie  jaune , 
i  la  fumée  def<iuels  vous  noircillez  votre 
planche  avec  les  attentions  que  j'ai  pref- 
crites;  après  quoi  vous  laifTez  bien  refroi- 
dir la  planche  dans  un  endroit  qui  foit  à 
l'abri  de  la  poufllière,  pour  vous  en  fervir 
comme  je  vais  le  dire. 

Voici  donc  la  planche  qu'on  deftine  à 
la  Gravure, ,  forgée  ,  polie  ,  vernie  j  foit 
au  Vernis  Dur  ,  foit  au  Vernis  Mou  ,  & 
noircie,  enforte  qu'elle  ne  fembie plus  uiî 
morceau  de  cuivre ,  mais  une  furfaçe 
noire  &  unie,  fur  laquelle  il  s'agit  de  tra- 
cer le  Defiln  qu'on  veut  crraver. 

La  façon  la  plus  ordinaire  de  tranf- 
mettre  fur  le  Vernis  les  traits  du  Deiîin 
qu'on  doit  graver  ,  eft  de  frotter  ce  Deffin 
par  derrière  avec  de  la  fanguine  mife  en 
poudre  très  fine ,  ou  de  la  mme  de  plomb. 
Lorfqa'on  a  ainfi  rougi ,  ou  noirci  l'envers 
du  Deflin  ,  de  manière  cependant  qu'il 
n'y  ait  pas  trop  de  cette  poudre  dont  ori 
s'eft  fervi ,  on  l'applique  fur  le  V^ernis  oar 
le  coté  qui  eil:  ronge  ou  noir  ;  on  l'y  main- 
tient avec  un  peu  de  cire  qu'on  met  aux 
quatre  coins  du  Defiin  :  enfuite  on  paQe 
ayec  une  pointe  d'argent  ou  d'acier  qui  ne 


Ixx  Manuel  des  Ânijlcs. 
foi:  pas  coupante ,  quoique  fine  ,  fur  tous 
les  traits  qu  on  veut  rranfruetcre ,  &  ils  fe 
deiline  ainli  fur  le  Vernis.  Après  quoi  on 
QiQ  le  Deiîio^  &  pour  empêcheT  que  ces 
traies  légers  qu'on  a  tracés  en  calquant, 
ne  s'effacent  iorfque  l'on  appuyé  la  main 
fur  le  Vernis  en  gravant ,  on  expofe  la 
planche  un  inftant  fur  un  feu  prefque  éteint, 
ou  fur  du  papier  enflammé  ;  &  on  la  re- 
tire dès  qu'on  s'apperçoit  que  le  Vernis 
rendu  un  peu  humide ^  a  pu  imbiber  le 
trait  du  calcjue. 

Cette  façon  de  calquer  la  plus  com- 
mune &  la  plus  facile,  a  un  inconvénient  ; 
les  objets  ainfi  deiHnés  fui  la  planche  & 
gravés ,  fe  trouveront  dans  les  eflampes 
qu'on  imprimera  ,  placés  d'une  façon  con- 
tiâire  à  celle  dont  ils  étoient  difpofés  dans 
le  Defîin  j  il  paroîtra  par  conféquent  dans 
les  eflampes  que  les  figures  feront  de  la 
main  gauche  ,  les  ac1:ions  qu'elles  fem- 
bloient  faire  de  la  droite  dans  le  Defïiii 
qu'on  a  calqué  ;  &  quelque  Toit  cet  in- 
convénient ,  il  eft  {i  dé  (agréable  ou  il  nui- 
fible  a  l'ufage  qu'on  attend  ^tX'kGravure ^ 
qu'il  faut  abrolum^ent  le  farmonter.  Voici 
les  dîiférens  moyens  qu'on  a  pour  cela, 
i^^.  Si  le  Dcfîin  Original  eft  fait  avec  la 
fangulne  ou  la  mine  de  plomb ,  il  faut  » 
au  moyen  de  la  preffe  à  imprimer  les  ef^ 


1 


(&  des  Amateurs,  Ixxj 
MmpsSj  en  tirer  une  contre- épreuve  f 
cùitk-àïiQ^  rranfmettre  un  traie  ou  une 
emprsÏDie  clé  l'original  fur  un  papier  blanc, 
en  faifant  palîër  le  Deffin  &  le  papier 
qu'on  a  poié  delTus  fous  la  preffe  ;  alors 
on  a  une  repréfentacion  du  Delîin  original 
dans  un  fens  contraire.  En  faifant  enfuice 
i  l'égard  de  cette  contre-épreuve  >  ce  que 
j'ai  prefcrit  tout-à-l'heure  pour  le  Dellin 
même  5  c'eft  à-dire  ,  en  calquant  la  con- 
tre-épreuve fur  la  planche,  les  épre.u/es 
qu'on  tirera  de  cette  planche ,  lorfqu'elle 
jira  gravée  ,  cifriront  les  objèrs  placés  du 
4nênie  fons  qu'ils  le  font  fur  lorL^inal. 

Si  le  Deffin  n'cfc  pns  fait  d  la  fanguine, 
ou  à  la  mine  de  plonib  ,  &  qu'il  foit  lavé  y 
^eiîiné  â  l'encre  ou  peint,  il  huit  ufer  d'un 
autre  moyen  que  voici.  Prenez  du  papier 
in  verni,  avec  l'efprit  de  thércbentine  , 
ou  le  Vernis  de  Venife,  qui  fert  à. vernir 
les  Tableaux  \  appliquez  ce  papier  qui  doit 
être  sec,  &:  qui  ell:  ordinairement  tranfpa- 
rent  fur  le  lj^ÇÇip.  ou  fur  le  Tableau  :  à^i" 
iinez  alors  les  objets  que  vous  voyez  au 
travers  avec  le  crayon  ou  l'encre  de  la 
Chine.  Enfuire  ôcant  votre  papier  de  def- 
fus  Toriginal  ,  retournez-le  j  les, traits  que 
vous  aurez  formés  &:  que  vous  verrez  au 
travers ,  y  paroîtront  difpofé  d'une  façon 
contraire  à  ce  qu'ils  font  dans  l'original  j 


Ixxî  j  Manu  cl  des  Artifles 
appliquez  fur  la  planche  le  côté  du  pa- 
pier fur  lequel  vous  avez  deiliné;  mettez 
entre  ce  papier  verni  &  la  planche ,  une 
feuille  de  papier  blanc  ,  dont  le  côté  qui 
touche  a  la  planche  foit  frotté  de  fanguine 
ou  de  mine  de  plomb  ;  alTurez  vos  deux 
papiers  avec  de  la  cire  ,  pour  qu'ils  ne 
varient  pas  \  Se  calquez  avec  la  pointe , 
en  appuyant  un  peu  plus  que  vous  ne  fe- 
riez, s'il  n'y  avoir  qu'un  feul  papier  fur 
la  planche  ;  vous  aurez  un  calque  tel  qu'il 
faut  qu'il  foit ,  pour  que  l'eftampe  rende 
les  objets  difpofés  comme  ils  le  font  fur 
le  DeOin. 

Je  dois  ajouter  ici  que ,  peur  vous  con- 
duire dans  l'exécution  de  la  planche  ^  il 
vous  faudra  conlulter  la  contre  -  épr*euve 
ou  le  Defiin  que  vous  aurez  faitj  &  que, 
fi  vous  voulez  ,  pour  une  plus  grande  exac- 
titude 5  vous  fervir  du  Deilin  ou  du  Ta- 
bleau original;  il  faut  le  placer  de  ma- 
nière que  fe  réfléchifTant  dans  un  miroir, 
le  miroir  qui  devient  votre  guide  ,  vous 
préfente  les  objets  du  fens  dont  ils  font 
tracés  fur  votre  planche. 

Ces  moyens  que  je  viens  d'indiquer, 
font  propres  à  préparer  le  trait ,  lorfque 
l'on  grave  un  Deflîn  ou  un  Tableau  de  la 
même  grandeur  qu'il  efl:  ;  mais  s'il  eft  né- 
celTaire ,  comme  il  arrive  fouvent ,  de  di- 

.  minuerj, 


&  des  Amateurs.  Ixxiij 
îîv.niier  ou  d'augmenter  la  proportion  des 
objets  ,  il  faut  fe  fervir  des  opérations  in- 
diquées. 

La  planche  étant  préparée  au  point  qu'il 
ne  s'ngit  plus  que  de  graver,  il  efl  bon 
de  donner  une  idée  générale  de  l'opération 
à  laquelle  on  veut  parvenir ,  en  gravant 
à  i'eau'forte  ,  enfuite  nous  dirons  de  quels 
inllrumens  on  fe  ferr. 

Le  Vernis  dont  on  vient  d'enduire  la 
Iplanche,  efi:  de  telle  nature,  que,  fî  voi.s 
verfez  de  Teau-forte  defTus,  elle  ne  pro- 
dairj  aucun  effet;  mais  fi  vous  découvrez 
le  cuivre  en  quelque  endroit ,  en  enlevant 
:e  Vernis  ,    l'eau- forte  s'introduifant  pax 

moyen  ,  rongera  le  cuivre  dans  cet  en- 
koit ,  le  creufera  ,  &  ne  cefTera  de  le  à^\i^ 
ôiidre  ,  que  lorfque  vous  l'en  ôterez  ,  ou 
lu'eile  aura  perdu  &  confumé  fa  qualité 
•orro(ive.  11  s'agit  donc  de  ne  découvrir 
e  cuivre  ,  que  dans  les  endroits  qu'on  a 
leiïein  de  creufcr;  &  de  livrer  ces  en- 
Iroits  à  l'effet  de  l'eau-forte  ,  en  ne  la 
ailfant  opérer  qu'autant  de  tems  qu'il  en 
aut  pour  creufer  ,  fuivânt  votre  intention, 

Ies  endroits  dont  vous  aurez  c:é  le  Ver- 
is  \  vous  vous  fervirez  pour  cela  d'outils 
[u'on  nomme  Pointes  Se  Èchopes, 
La  façon  de  faire  à^s  Pointes  j  la  plus 
Tome  IIL  d 


Ixxiv  Manuel  des  Artîflcs 
facile  eO:  de  choifir  A^s  aiguilles  à  coudre 
de  diiTcrentes  groiïeurs  ,  d'en  armer  de 
pecks  manches  de  bois  de  la  grandeur 
d'environ  cinq  ou  fîx  pouces ,  &  de  les 
aigiiifer  au  beloin  &  à  fon  gré  ,  pour  \q,% 
rendre  plus  ou  moins  fines ,  fuivant  i'ufage 
qu'on  en  veut  faire.  On  peut  mettre  à 
ces  outils  le  degré  de  propreté  qu'on  juge  j 
à  propos  \  on  peut  fe  fervir  de  morceaux  \ 
de  burins,  qui  étant  d'un  très-bon  acier, 
font  très-propres  à  faire  des  pointes  \  Se 
quant  à  la  manière  de  les  monter ,  ctii 
ordinairement  une  virole  de  cuivre  qui 
les  unit  au  bois ,  au  moyen  d'un  peu  de 
madic  ou  de  cire  d'Efpagne.  J'ai  éprouvé 
que  des  morceaux  de  burins  arrondis  5c 
enfoncés  profondément  dans  un  manche 
de  bois  alTez  gros  pour  faire  l'effet  d'un 
porte-crayon  de  cuivre  ,  formoient  de  très- 
bonnes  pointes  j  la  profondeur  dont  elles 
font  enfoncées  ,  fupplée  à  la  virole ,  ôc 
fait  que  ,  lorfque  vous  voulez  entamer  le 
cuivre ,  Se  appuyer  quelques  touches,  elles 
fe  prêtent  à  la  force  que  vous  y  mettez 
fans  fe  démancher. 

La  façon  de  les  aiguifer  ,  eft  de  les  paf- 
fer  fur  une  pierre  fine  à  aiguifer ,  de  les 
tournant  fans  celfe  entre  les  doigts  pour 
les  arrondir  parfaitement.  On  feat  aifé- 


&  des  Amateurs,  IxXv 
ment  que  l'on  ed  le  maître  de  leur  ren- 
dre la  pointe  plus  ou  moins  épailTe ,  fui- 
vant  Tufage  qu'on  en  veut  faire.  On  ap- 
pelle du  nom  de  Pointe  en  général ,  tou- 
tes ces  fortes  d'ouriis  \  mais  le  nom  à' Echo-» 
pes  diflingue  celle  des  pointes  dont  on  ap* 
plarit  un  des  cotés;  enforte  que  l'extré- 
mité n'eit  pas  parfaitement  ronde  ,  mail 
qu  il  s'y  trouve  une  efpèce  de  bifeau. 

Avant  que  de  parler  de  la  manière  de 
fe  fervir  des  Pointes  &  à^s  Echopes ,  je 
vais  prefcrire  quelques  obfervations  né- 
ceilaires  pour  conferver  le  Vernis. 

C'eil:  fur- tout  le  Vernis  Mou  que  ce 
foin  doit  regarder  ;  le  Vernis  Dur  eft  i 
l'abri  des  petits  accidens  qu'il  faut  éviter; 
il  ne  fe  raye  pas  aifément.  Il  fuffit  d'en" 
velopper  la  planche  qui  en  eft  couverte, 
d'un  papier  ,  d'un  linge  ,  ou  d'un  morceau 
de  peau  ,  lorfque  l'on  ne  travaille  pas. 
Pour  le  Vernis  Mou ,  le  moindre  frotte* 
ment  d'un  corps  tant  foie  peu  dur ,  l'en- 
lève ;  &  l'on  doit  ou  tenir  la  planche  fur 
laquelle  on  s'en  fert ,  enfermée  dans  un 
tiroir  lorfqu'on  ne  la  grave  pas,  ou  bien 
enveloppée  dans  un  linge  fin  ,  ou  dans  une 
peau  fine.  Il  faut  même  ,  lorfqu'en  gra- 
»,»«nt  on  appuyé  la  main  fur  le  Vernis ,  le 
faire  avec  précaution;  au  refte ,  il  y  a  des 

dij 


Ixxvj  Manuel  des  Artifles 
moyens  de  réparer  les  pedrs  accidens  qui 
peuvent  y  être  arrivés,  que  je  dirai  avant 
d'expliquer  la  manière  de  graver  à  i'Eau- 
forte.  Venons  à  la  manière  de  travailler 
avec  les  Pointes  fur  le  Vernis. 

Ileftnécedaire.,  prem.ièrement,  que  l'A  r- 
tifte  choifilTe  une  place  convenable,  pour 
y  placer  la  table  fur  laquelle  il  doit  gra- 
ver. Cette  place  eft  l'embrafure  d'une  croi- 
fée  qui  ait  un  beau  jour,  &  qui,  s'il  fe 
peut  j  ne  foit  pas  expofée  au  plein-midi; 
car  le  trop  de  jour  pourroit  être  aufii  niu- 
fible  à  la  vue  du  Graveur ,  que  l'obfcu- 
rite.  Pour  modérer  ce  jour ,  il  fufpendra 
entre  la  fenêtre  &  lui ,  un  chaffis  garni  ce 
papier  huilé  ou  vernis.  11  fe  fervira  aufll 
pour  plus  de  commodité  d'un  pupitre , 
dans  lequel  il  enfermera  la  planche  ,  pour 
la  mettre  à  l'abiri  de  tout  accident,  lorf- 
qu'il  n'y  travaillera  pas.  Il  y  a  eu  clés  Gra- 
veurs qui  fe  font  fervis  d'un  chevalet  de 
Peinrre  ,  &  qui,  à  l'aide  de  l'appuie-main, 
ont  exécuté  leurs  ouvrages  de  la  même 
façon  qu'on  peint  un  Tableau;  cette  pra- 
tique eft  ,  je  crois ,  infiniment  moins  pré« 
judiciâble  à  la  fanté  ,  que  l'attitude  cour- 
bée qu'on  a  ordinairement  en  gravant;  mais 
il  eft  difficile  de  s'y  faire ,  6^  d'y  accou- 
mmer  la  main  :  c'eft  a  l'Artifte  à  éproLi" 


è  des  Amateurs,  Ixxvij 
ver  &  à  choifir ,  &  je  crois  néceiTaire  de 
recommander  aux  Arcittes ,  d'eïïayer  ron- 
jours  avec  foin  &  réflexion  roui:  ce  qui  a 
été  pratiqué  avant  eux  j  c'eft  le  moyen 
d'étendre  un  Art  &  de  rencontrer  foi- 
meme  des  découvertes  neuves  \  d'ailleurs 
telle  pratique  convient  au  caractère,  au 
rempéramment  ,  au  génie  ,  &  au  goût 
d'un  Artifte  ,  qui  en  peut  tirer  un  parti 
que  nul  n'a  pu  en  tirer  avant  lui. 

Venons  à  l'opération  de  Graver.  Plus 
le  Graveur  ferainilruit  des  principes  théo- 
riques ds  la  Peinture  &  de  la  pratique  de 
cet  Arc  j  plus  il  lui  fera  facile  d'en  faire 
une  jafte  rtpplicarion.  Il  faut  au  moins  in- 
difoenfablemenr  aue  le  Graveur  fcache 
bien  deiliner ,  &:  qu'il  s'entretienne  toa- 
jours  dans  l'habitude  du  Delîin  au  crayon  , 
d'après  la  BoiTe  &  d'après  la  nature.  Ces 
conditions  fuppofées ,  le  Graveur  ayant 
calqué,  comme  je  l'ai  dit,  fur  la  plan- 
che le  Dedin  qu'il  veut  exécuter  ,  il  fe 
fervira  de  fes  Pointes,  pour  en  rendre 
J'cifèt  par  à^s  hachures  plus  ou  moins  for- 
tes; c'eft-à-dire,  phis  fines  6c  plus  grolîes. 
Les  Règles  de  la  Perfpedlive  Aérienne  & 
la  réHéxion  qu'il  fera  fur  l'citèt  que  pro- 
^/nfent  les  corps  en  raifon  de  leur  éloi- 
gnemenc ,  le  conduiront  aifément  à  fe  fer- 

â  ïlj 


îxîviij  Manud  des  Anijizs 
vir  àts  Pointes  les  plus  fines ,  dans  îes 
plans  éloignés  \  Se  des  Pointes  les  plus 
fortes  5  pour  les  premiers  plans.  Il  s'agira 
donc  d'ombrer  par  le  moyen  des  hachures 
qu'il  formera  fur  la  planche ,  en  enlevant 
le  Vernis  avec  (es  Pomtes ,  les  objèrs  que 
lui  préfente  fon  Defiin.  Je  remarquai  ai 
pour  ceux  qui  n'ont  jamais  gravé  ,  qu  îl 
y  a ,  pour  s'y  habituer ,  une  petite  diffi- 
culté à  furmonter  :  elle  confifle  en  ce  que  ^ 
lorfqu'on  deiîîne  fur  le  papier  blanc  ,  les 
hachures  qu'on  forme  fe  trouvent  oppc- 
fées  à  la  blancheur  du  fond  par  une  cou- 
leur brune,  foncée,  ou  noire,  au  lieu  que 
les  hachures  que  produifent  les  Pointes  en. 
découvrant  le  Vernis  qui  eft  très- noir, 
font  claires  Se  brillantes  ;  enforte  que. 
cette  oppofition  eft  abfohiment  différente 
de  celle  que  produit  le  Deflin.  Au  rede  ^ 
on  s'accoutume  aifément  à  cène  différen- 
ce ;  Se  l'on  fe  fait  à  imaginer  que  ce  qui 
cft  le  plus  clair  Se  le  plus  brillant  fur  la 
planche  vernie  ,  deviendra  le  plus  noir 
fur  l'eftampe. 

Revenons  à  quelques-uns  des  principes 
de  cet  Art;  j'ai  dit  que  l'on  y  parvenoit 
m  une  jufte  dégradation  par  la  différente 
groHTeur  des  Pointes  qu'on  employé.  Mait 
l'on  fenc  aifément  c^ue  le  travail  doit  con- 


(^  des  Amateurs,  Ixxîx 
courir  à  produire  les  effets  néceffaires  à 
Faccord  &  à  l'harmonie.  Ce  travail ,  c'efl- 
à-dire,  le  fens  dans  lequel  on  trace  les 
hachures ,  doit  erre  déterminé  par  l'étude 
de  la  nature  comme  dans  le  Deirin  \  Se 
affez  ordinairement  fi  le  Deflin  eft  bon , 
les  hachures  du  crayon  vous  indiqueront 
celles  des  Pointes.  Ainfi  le  fens  des  muf- 
cles  de  le  tiifu  de  la  peâu  pour  les  figu- 
res, feront  les  Pointes  dont  vous  parti- 
rez pour  régler  votre  travail  :  &c  vcilâ 
pourquoi  il  eil  efi'entiel  qu'un  Graveur  ait 
une  grande  habitude  de  dediner.  Sans  cela 
la  liberté  que  fe  donnent  quelquefois  les 
Artiftes  en  deCHnant,  pourroit  l'égarer. 
Cette  réflexion  me  conduit  naturellement 
"à  dire,  en  palTant,  un  mot  fur  ce  qui  peut 
contribuer  à  la  corruption  de  cet  Art. 

On  ne  connoiffoit  daiîs  les  premiers  tcmg 
où  on  Ta  exercé,  que  la  Gravure  au  burin. 
La  longueur  du  travail  au  burin  ,  Tavan- 
rage  de  la  découverte ,  Se  la  promptitude 
d'un  nouveau  moyen  ,  contribuèrent  à 
rendre  la  façon  de  gravera  Teau-forte  pkis 
générale  Se  plus  commune;  cependant  on 
commença  par  foumettre -cette  nouvelle 
pratique  à  une  imitation  fervile  à^s  effets 
du  burin  :  c  étoit  les  premiers  pas  d'un 
Art  timide  qui  n'ofoit  s'écarter  de  celui 

d  IV 


Ixxx  Manuel  des  Anifies 
à  qui  il  devoir  la  nailîance  j  mais  cetts- 
fubordi nation  dura  peu  :  la  Gravure  à 
i'caU' forte  prit  i'eiîor  &  fe  chargea  de  faire 
hs  trois  quarts  des  ouvrages  qu'elle  en- 
treprenoit,  laiffant  au  burin  le  foin  de 
leur  donner  un  peu  plus  de  propreté  5  d'ac- 
cord, &  de  perfedlion.  Elle  ne  fe  borna 
pas  là;  elle  hâzarda  d'une  façon  libre  des 
ouvrages  entiers;  elle  fe  débarraiTa  du  joug 
que  Ini  avoir  impofé  le  burin  ;  les  règles 
qu'on  avoir  établies  n'y  furent  plus  à(^s 
loix  auxquelles  on  ne  pouvoit  fe  difpenfer 
de  fe  foumettre;  d'habiles  Arrides ,  eu 
promenant  au  hazard  la  Pointe  fur  le  Ver- 
nis, formèrent  à^s  croquis  pleins  d'efprit* 
d>C  de  feu,  mais  fort  incorrèds,  &  d'un 
travail  fort  peu  agréable.  Un  nombre  in-' 
fini  de  Graveurs  de  tous  états  s'élevèrent 
&  crûrent  qu'il  fuffifoit  de  calquer  un 
Deflîn  ou  un  Tableau  fur  le  cuivre,  d'en, 
former  un  trait  peu  corrèâ:,  de  le  cou- 
vrir de  hachures  arbitraires,  &  de  lailTer 
à  Teauforte  le  foin  d'achever  cqs  ou-vra- 
ges  imparfaits  ,  dont  nous  fommes  inon- 
dés aujourd'hui.  Mais  (1  l'Art  de  la  Gra- 
yure  a  perdu  &  perd  ainfi  tous  les  jours  du 
mérite  fçavant  qu'elle  a  eu  dans  les  tems 
où  on  l'éxerçoit  avec  plus  de  réferve,  de 
foins ,  U  de  réflexions  j  cette  efpèce  d'abus 


&  des  Amateurs,  Ixxxj 
qu'on  en  a  fair,  a  Ton  utilité  pour  Ja  com» 
municâtion  générale  des  Arts  &  à^s  Con- 
iioiffances.  11  n'ed  point  d'ouvrages  fur  ces 
matières ,  où  les  idées  un  peu  compli- 
ouées  ne  foient  éclaircies  par  à^s  fif^ures 
grivtes,  qui  ront  eiitendre  ce  quon  au^ 
roir  fouvent  de  la  peine  à  comprendre  fans 
cela.  Ces  Figures  le  plus  fouvent  impar- 
faites du  c6:é  de  l'Art ,  ne  fervent  pas 
moins  à  la  fin  pour  laquelle  on  les  em- 
ployé :  TArt  de  la  Gravure  eft  donc  de- 
venu moins  parfait ,  mais  plus  utile  aux 
hommes. 

Voici  quelques-unes  des  règles  que 
BoiTe  nous  a  tranfmifes  ,  &  defquelles 
on  peur  fupprimer  ,  ou  auxquelles  on  peur 
ajourer  \  pourvu  que  ce  foit  d'après  des 
travaux  raifonnés,  &  qu'on  ait  toujours 
en  vue  l'imitation  de  la  nature ,  &  l'ap- 
plication des  vrais  principes  de  la  Pein- 
ture &  du  Deflîn.  J'ai  dit  que  la  première 
taille  ou  le  premier  rang  des  hichures 
qu'on  trace  avec  la  Pointe  fur  le  Vernis , 
doit  fuivre  le  fens  Aqs  hachures  du  Def- 
.  fin ,  ou  de  la  broife  6c  du  pinceau  ,  i\  c'eft 
d'après  un  Tableau  qu'on  grave  :  mais  ce 
premier  rang  de  hachures  n'eft  pas  fuffi- 
fant  pour  parvenir  à  l'effet  d'une  planche  j 
il  eu  d'ufage  de  paffer  fur  ses  premières 

d  V 


îxxxî  j  Manuel  des  Arnftes 
railles  un  fécond  ,  &  quelquetois  un  trol« 
fième  ,  &  même  un  quairième  rang  de 
traits  qui  fe  croifent  en  diftérens  fens.  Les 
fécondes  tailles  doivent  concourir  avec  les 
premières  à  aifurer  les  formes ,  à  fortifier 
les  ombres  5  ôc  à  décider  les  figures  ou  les 
objets  qu'on  grave;  mais  comme  dès  les 
premières  tailles  on  a  dû  épargner  les  re- 
flets &  les  demi-teintes  j  les  fécondes  doi- 
vent ménager  de  même  les  parties  qui  doi- 
vent être  moins  colorées.  Si  l'ombre  fe 
trouve  très -forte  5  &  le  reflet  aufîi ,  les 
deux  tailles  de  l'ombre  doivent  être  faites 
avec  une  Pointe  molie  &  fortej  &:  ces  deux 
mêmes  tailles  feront  continuées  dans  les. 
reflets  par  des  Pointes  plus  fines  dans  le 
Blême  genre  de  travail. 

On  doit  obferver  de  faire  la  première 
taille  forte,  nourrie ,  cc  ferrée;  la  féconde 
un  peu  déliée  &  plus  écartée  ,  &  la  troi- 
sième encore  plus  fine.  La  raifon  de  cela 
eft  5  que  la  première  étant  celle  qui  indi- 
que le  fens  des  mufcles  &  de  la  peau ,  doic 
ctre  celle  qui  domine  *,  les  autres  ne  font 
ajoutées ,  que  pour  colorer  davantage  kâ 
figures  ou  les  corps  fijr  lefquels  on  \qs  em- 
ployé. L'une  defline  5  les  autres  peignent^ 
là  première  eft  faite  pour  imiter  les  for- 
mes ,  les  autres  pour  répandre  fur  ces  ïqi* 


ù  des  Amateurs.  Ixxxlij 
mes  l'effet  julle  ou  clair  cbfcar.  Si  la  pre- 
mière &  la  Ç.QCov^à^  taille  formenc  en  fe 
croifant  des  quarrés ,  la  troifième  doit 
former  àts  lofanges  fur  l'une  des  deiix^ 
ou  fî  les  deux  premières  iont  en  lofange, 
la  troifième  fera  quarrée. 

On  doit  fe  fervir  rarement  de  troifième 
Hachure  à  l'eau-forte  5  lorfqu'on  fe  réferve 
de  retoucher  la  planche  au  burin  j  parce 
qu'on  lailTe  cette  troifième  pour  ajouter  ^ 
par  le  moyen  du  burin  ,  la  couleur  qui 
peut  manquer ,  &  la  propreté  qu'on  veut 
donner  à  l'ouvrage. 

Le  genre  de  travail  que  l'on  employé 
doit,  comme  on  le  fentira  aifément ,  avoir 
rapport  à  la  nature  à^s  objets  qu'on  grave. 
Cette  efpèce  de  convention  contribue 
beaucoup  â  l'effet  que  produit  la  Gra^ 
vurc  ;  ainfi  on  a  remarqué  que  les  traits- 
doublés  qui  forment  des  quarrés  ,  c'eft- 
à-Jire  ,  qui  fe  croifent  perpendiculaire- 
ment, produiroient  à  la  vue  un  travail 
plus  dur  &  moins  agréable  à  l'œil,  que 
les  traits  qai  fe  coupent  en  formant  des 
lofanges  ou  des  demi  -  lofanges.  On  c 
donne  la  préférence  à  ce  travail ,  pour  re- 
préfenter  des  corps  délicats  ,  tels  que 
ceux  des  femmes ,  des  enfans  ,  des  jeu- 
nes hommes  3^  &  l'on  s'eil  éloigné  plus  ou 

d  vj^ 


Ixxxî  V  Manuel  des  Anifles 
moins  de  cette  combinaifon  de  taille ,  à 
proportion  de  l'auftérité  qu'on  defîroit  dans 
les  travaux  qr/on  vouloic  employer.  Quel- 
ques Artides  ont  trouvé  que  dans  les  ligu- 
res qui  ne  demandoient  pas  une  grande 
vigueur  de  couleur  ,  on  pouvoir  hardi- 
ment fe  fervir  du  grand  lofange  \  mais 
qu'il  devenoit  embarraffant ,  lorfc]u'il  fau£ 
rendre  les  tons  plus  colorés.  Au  refte  ,  il 
eft  des  Arriftes  qui ,  fans  s*aîlreindre  à  ces 
règles  5  ont  fait  de  très-belles  eftampes  ^ 
ce  qui  ne  prouve  pas  qu^'elles  foient  inuti- 
les, mais  feulement  qu'il  ne  faut  s'en  af- 
franchir qu'autant  qu'on  eft  fur  de  réuiîir 
fans  leur  fecours.  Les  plus  beaux  Exem- 
ples de  ces  pratiques  ,  dont  je  viens  de 
rendre  compte  ,  font  les  Edampes  de 
Corneille  Vifcher. 

Les  draperies  exigent  du  Graveur  une 
infinité  de  combinaifons  &  d'attentions 
dans  le  travail ,  qui  varie  fuivant  la  na- 
ture des  étoffes ,  le  mouvement  des  plis 
&  le  plan  àt'^  figures.  En  général  _,  il  faut , 
comme  dans  les  chairs  ,  que  la  première 
raille  deiîine  la  forme  &  le  mouvemenc 
du  pli  :  mais  fi  la  continuation  de  cette 
taille  dans  le  pli  qui  fuit ,  n'eft  pas  pro- 
pre 5  comme  cela  doit  arriver  fouvent  à 
en  exprimer  le  jufte  caradère ,  il  faut  la 


($'  des  Amateurs.  Ixxx^ 
defaner  à  fervir  de  féconde  ou  de  troiilèn-ie 
înême,  en  fubordonnant  cerre  taille  à  celles 
que  vous  lui  iublliîiiez.  Cerre  coinbinai- 
ion  qui  demande  du  foin  &  de  l'habirudcj 
donnera  à  votre  travail  une  aifance  &  une 
juRefTe  qui  charmeront  l'œil. 

Une  féconde  obfervarion  eil,  qu'il  faut 
éviter  que  ces  rallies ,  dont  vous  vous  fer- 
\ez  5  &  qui  vont  fe  terminer  au  contour 
des  membres  nuds ,  ou  des  autres  corps 
qui  fe  touchent,  tombent  à  angles  droits 
fur  ces  contours  \  mais  il  faut  que  ces  ha- 
chures fe  perdent  avec  eux  dïine  manière 
infenfible  &  douce.  En  général ,  les  ha- 
chures des  draperies  doivent  former  àQS 
Traits  ondoyans,  6c  éviter  d'être  roides  & 
gênées  ;  elles  doivent  s'unir  par  les  m.oyens 
dont  j'ai  parlé ,  de  manière  que  dans  l'ou- 
vrage ,  les  objets  fe  détachent  principale- 
ment par  lefî-èt  des  ombres  6c  6.qs  Jours. 

Les  clairs  &  \qs  demi-teintes  exigent 
dans  la  Gravure  j  ainfi  que  dans  le  Delîin, 
une  propreté  de  travail  extrême  ;  on  aura 
donc  fom  de  varier  les  Pointes ,  6c  de  fe 
fervir  dans  cette  occalion  de  celles  qui 
font  plus  fines.  Les  ombres  qui  deman- 
dent â  erre  folides,  d^  qui  repréfentent 
Teffèt  de  la  privation  de  la  lumière ,  ad- 
în^rrem  un  travail  ferme,  &,  pour  ainâ 


fxxxv  j  Manuel  des  Anlfles 
dire  ,  plus  rempli  d'accidens  bc  d'inéga* 
lités;.  mais  les  demi  teintes  &  les  reflets 
qui  participent  de  la  lumière ,  doivent 
être  exécutés  avec  une  attention  d'autant 
plus  grande,  que,  lorfque  les  objets  font 
clairs ,  on  doit  mieux  en  diflin^uer  les 
formes  &  les  détails.  Sur  les  grandes  lu- 
mières, les  travaux  ne  peuvent  erre  trop 
ménasés,  ou  faits  avec  troD  de  légèreté, 
ôr  avec  cette  propreté  qui  flatte  l'œil.  Les 
tailles  doivent  être  écanées  les  unes  des 
autres;  &  li  Ton  a  defîein  de  terminer 
Touvrage  à  la  Pointe  ,  c'eft  alors  que  le 
travail  de  cet  outil  doir  rendre  à  imiter 
la  netteté  du  burin.  Pour  les  planches  qu'on 
deltine  à  être  retouchées  au  burin  ,  il  fauc 
y  réferver  le  travail  dont  je  viens  de  par- 
ler; parce  qu'on  eft  plus  maître  de  don- 
ner avec  le  burin  ce  degré  jufte  de  netteté 
qui  doit  faire  valoir  l'ouvrage.  Les  linges 
&  les  étoffes  finies,  doivent  fe  préparer  à 
une  feule  taille  propre  ;  il  faut  laiflTer  au 
burin  à  les  terminer  par  des  fécondes  tail- 
les légères  &  mifes  à  propos.  Puifqu'il 
eft  queftion  de  cette  propreté;  fans  la  pouf- 
fer trop  loin  ,  je  vais  me  permettre  quel* 
ques  réflexions  qui  viennent  à  propos. 

Il  en  doit  erre  de  l'Art  de  la  Gravure, 
comme  de  cous  les  autres  Arts.  Les  Priar 


ù  des  Amateurs,  îxxxvîjj 
eips  généraux  eue  les  réHéxions  ont  éia- 
blies  enibraflenr  un  Art  en  général  :  ces 
Principes  fe  reftraignent  eniiiite ,  &  fe 
foumetcent  à  ces  exceptions  &  à  des  ir.o- 
clincations  qu'exigent  les  différens  genres 
de  proci:c1:ions  de  l'Art  qui  les  a  adop- 
tés :  il  feroi:  donc  injufte  de  vo'jloir  que 
dans  la  Gravure^  tous  les  ouvrages  fuilenî 
fournis  indirpenfablement  aux  principes 
que  je  viens  de  donner.  Parcourons  légè- 
rement les  rlafTes  principales  des  ouvra- 
^t'^  de  caraélèrcs  dmérens  ,  auxquels  la 
Gravure  s'employe.  Son  ufage  le  plus  com- 
mun &  le  plus  relatif  à  la  Peinture,  eft  de 
multiplier  les  idées  de  comportions  des 
Tableaux  des  bons  Arrik^es ,  &  les  effets  du 
clairHDbfcurde  ces  compofîticns.  Il  y  a  des 
Tableaux  de  ciitérens  genres  de  Gravure  y 
par  conféquenc  il  doit  y  avoir  différens 
genres  de  Gravure  pour  l'imiter.  L'Hif- 
toire  eft  l'objèc  principal  de  la  Pemture  > 
on  peut  éxigtr  ,  pour  qu'elle  foir  traitée 
parfaitement  par  un  Peintre ,  que  routes 
les  parties  de  Ton  Art  y  concourent  ;  que 
le  beau  foiî  uni  à  la  grandeur  du  faire, 
à  la  perfection  de  Teffèt ,  &  a  la  juftede 
de  l'expreflion  :  un  Tableau  de  cette  es- 
pèce ,  s'il  y  en  a ,  pour  être  gravé  par- 
faitement ,  doit  être  rendu  dans  i'eûampe 


Ixxxviij  Manuel  des  Ânï fies 
par  toutes  les  parties  de  la  Gravure.  Le 
burin  le  pias  fier  ,  le  plus  propre ,  le  plus 
varié  3  le  plus  fçavant ,  fera  à  peine  fuHi- 
fant  pour  imiter  parfaitement  le  Tableau 
dont  je  parle.  Le  travail  de  l'eau -forte 
donneroit  trop  au  hazard ,  &  je  crois 
qu'elle  nuiroit  à  la  beauté  de  l'exécution. 
Si  un  Tableau  moins  parfait  oiFroit  une 
compoiidon  pleine  de  feu,  d'ex preflion ,, 
&  en  même  rems  un  faire  moins  terminé, 
^l  un  accord  mioins  éxadl: ,  je  crois  que  le 
Graveur  qui  employeroit  l'eau  forte  pour 
rendre  le  feu  de  lexpreflion  qui  domine 
dans  l'ouvrage ,  &  qui,  retouchant  au  bu- 
rin ,  ajouteroit  à  fon  ouvrage  le  degré 
d'harmonie  que  contient  fon  original , 
rempliroit  les  vues  de  la  Gravure.  Eniin 
un  Tableau  donc  le  mérite  confifteroic 
plus  dans  le  beau  faire  &  dans  l'harmo- 
nie ,  que  dans  rexpreîîion  ôc  la  force , 
doit  recevoir  en  Gravure  la  plus  grande 
partie  de  la  vérité  de  fon  imitation  ,  d'un 
burin  bien  conduit ,  &  dont  le  beau  tra- 
vail répondra  au  précieux  méchanifme  du 
pinceau  &:  à  la  fonte  des^couleurs. 

Le  Portrait  eft  un  fécond  genre  de  Gra-^ 
yurc  ^  d'un  ufage  aullî  grand ,  &  peut- 
être  plus  multiplié  encore  que  le  premier. 
Ce  genre  de  Gravure  doit  fuivre  à-peu- 


ù  des  Amateurs,  hxxî^t 
près  les  mêmes  règles  que  je  viens  d'éta- 
blir. Les  Tableaux  d'après  lefquels  on 
grave  les  Portraits  ,  doivent  infpirer  au 
Graveur  habile  ,  le  méchanifme  dont  il 
doit  iè  fervir,  à  moms  que,  par  une  ap- 
plication différente  des  moyens  qu'il  em- 
,  ployé  ,  il  ne  les  proportionne  en  quelque 
'  îorre  a  l'état ,  au  sexe,  à  1  âge,  &:  à  la  figure 
I  des  perfonnages  dont  il  tranfmèc  la  ref- 
femblance.  La  jeunefiTe  &  les  grâces  du 
sexe  dem.andent  une  propreté  de  travail 
&  une  douceur  dan^  l'arrangement  des 
tailles  ,  qui  Çi^à  moins  à  îa  vieilleiie  oa 
au  caraclère  auflère  d'un  guerrier.  Cette 
réflexion  m'a  fou  vent  frappé  ,  lorfqu'ad- 
miranr  les  précieux  ouvrages  des  Drevèts 
de  àts  Édelinks  ,  j'aivii  un  magiftrat  âgé 
ou  un  guerrier ,  dont  la  repréfentatioa 
m'offroit  quelque  chofe  d'cuéminée,  que 
j'ai  crû  être  reiret  d  une  trop  grande  uni- 
formité de  travail ,  &"  de  ce  qu'on  appelle 
un  trop  beau  bureau.  Au  reOe  je  ne  pré- 
tends pas  que  cette  réflexion  foit  prife 
à  la  rigueur  j  &  je  la  foûmets  à  ceux  àeSr 
Ârtiftes  qui  auront  alTez  exercé  leur  Arc 
&  a^Tez  réfléchi ,  pour  la  m^oaifier  com- 
me elle  doit  l'être. 

Le  PayTage,  fous  le  nom    duquel  je- 
€omprendrai,  pour  ne  pas  erre  trop  longj 


TC  Manuel  des  Anijîes 

tows  les  autres  genres  particuliers ,  peut 
fe  livrer  a  plus  de  liberté ,  &  par  con- 
féquent  l'eau  forte  y  peut  être  employée 
«v-c  iiiccès  ,  mais  toujours  avec  un  rap* 
port  jufte  au  caractère  du  Tableau  qu'on 
grave,  où  à  la  nature  des  objets  qu'on 
fcpréfenre  Je  n'ai  en  vîic  dans  tout  ce 
que  je  dis  ici ,  que  les  ouvrages  de  gra- 
vure auxquels  on  cherche  à  donner  un 
jutle  degré  de  pcrfedlion ,  car  pour  les 
Gravures  qui  fcnt  l'ouvrage  des  Peintres  , 
il  feroit  irijuile  de  leur  iixer  aucune 
règle,  ce  font  6es  délaffemens  pour 
eux  ;  &  la  pointe  en  s'égarant  même  en- 
tre leurs  mains,  porte  toujours  l'empreinte 
du  génie  des  Artiftcs  qui  la  fon:  obcir 
à  leur  caprice.  Je  pafie  aufii  feus  fiîence 
les  Gravures  rinîtiDliées  dc^  Anrarcurs;  ce 
fcnt  des  amuf-^mens  qui  fervent  à  les 
inftruire  :  il  en  eft  peu  qui  puifTent  af- 
pirer  à  un  degré  de  perfeàion  ,  pour  le- 
quel un  travail  a/îîdu  ,  confiant  &  fuivi 
pendant  un  grand  nombre  d'années ,  eft 
a  peine  fuiîifanr. 

Je  reviens  aux  préceptes  de  Bofie  ,  dont 
je  donne  l'extrait  raifonné.  Indépendam- 
ment àes  hachures  iîmpîes,  de  celles 
qui  fe  croifent,  foie  en  formant  des 
quarrésj  foit  en  formant  des  lofanges,. 


&  des  Amateurs,  ^z\ 

îl  y  a  encore  une  forte  de  travail  dont 
on  fe  fert  dans  différentes  occafîons. 
Ce  travail  fe  fait  en  formant  èi^s  points 
féparés  les  uns  des  autres  _.  &  ces  points 
peuvent  être  ou  totalement  ronds  ,  ou 
ronds  par  un  coté ,  5c  un  peu  alongés  , 
par  l'autre  *,  ils  peuvent  être  longs ,  droits 
eu  tremblotes.  L'ufnge  eft  de  fe  fervir 
de  points  ronds  à  l'eau- forte ,  &  on  les 
employé  pour  donî;er  aux  chairs  un  ca- 
radcre  délicat  qui  falfe  naître  une  idée 
des  pores  &  du  tiffu  ce  la  peau.  Ce 
travail,  ainii  que  ceux  donr  j'ai  déjà, 
parlé  ,  cft  fubordonnc  au  goût  &  aux 
réflexions  du  Graveur  \  l'ufage  exceffii: 
'  à^s  points  rend  le  travail  mou  te,  peu 
brillant;  celui  ces  tailles  feules  pour 
répréfenter  à^s,  chairs ,  elr  trop  auftère  \ 
un  mélange  Judicieux  de  ces  deux  ef- 
pèces  de  travail  donnera  à  la  gravure 
à  Teaur- forte  un  degré  d'agrément  au- 
quel û\q  peut  rendre. 

Il  eft  nécefiaire  d'arranger  avec  beaucoup 
de  foin  les  points  qu'on  place  avec  la  poin- 
te ;  les  petits  hazards  dei'eau-forte  Icsdc* 
rançeront  aiTez.  L'ufage  eil  d'en  faire  des 
rangs,  dans  le  fens  dont  on  auroit  fait 
des  tailles  dans  l'endroit  où  on  les 
employé.  Ceux  du  fécond  rang  fe  pîa- 
c^iit  de  manière  auils  le   iiouveut  ao^ 


xcîj  Manuel  des  Artifles 
deiïous  ou  au-deiïiis  Je  l'intervalle  qui 
eft  encre  chacun  àt^  premiers  ;  ils  fer- 
vent auiïî  de  continu.idon  aux  hachures , 
en  approchant  àQ%  clairs  dans  lefquels 
2is  fe  perdent  5  en  les  diminuant  à  me- 
sure que  l'on  approche  à,^^  grandes  lu- 
mières. 

Je  reviens  encore  5  avec  RofTe  ,  aux 
tailles  ,  comme  au  principal  objet  du 
travail  de  la  Gravure.  Vn  effet  de  la 
dégradation  qu'éprouvent  \t^  objets  dans 
réiois:nemenï ,  ell  que  les  détails  ce 
ces  objets  s'appercoivent  moins  :  c'ell: 
cette  railbn  qui  a  diclé  le  précepte  de 
ferrer  les  tailles,  en  même  tems  qu'oii 
les  rend  plus  fines  dans  \^%  plans  éloi- 
gnés.  Par  cette  même  rai  Ton  on  détail- 
lera moins ,  à  l'aide  de«  hachures  &  à^% 
traits  qui  formient  les  contours  ,  les  dif- 
férens  objets  dont  on  gravera  la  repré- 
fencâtion,  lorfqu'ils  fcrort  cenfés  éloignés 
de  Toeil.  On  obfervera  cette  dégrada- 
tion par  plan  ,  &  ce  foin  donnera  beaucoup 
d'effet  aux  planches  :  on  changera  donc 
de  pointe  a  mefure  que  les  objets  ap- 
procheront de  rhorlfon  ;  on  ferrera  les 
tailles,  on  détaillera  moins  les  petites  par- 
ties ,  &  Ton  «gravera  les  grandes  d'une 
façon  un  peu  indécife  ,  mais  large  ,  en 
©mbranr  par  maiTes,  comme  onîe    peut 


I 


ù  des  Amateurs,  xc !  i  j 
voir  dans  les  Efranipes  de  Gérard  Aa- 
dran ,  entre  autres  dans  i  Eftampe  de 
Pyrrhus  Sauvé  ,  qu'il  a  gravé  d'après  les 
Pouiîin  5  &  dans  laquelle  il  a  rendu 
d'une  manière  excellence  îa  touche  large 
du  pinceau  dans  \^s  lointains  Si  dans 
le  fonds.  L'Art  de  l'imitation  ,  dans 
ia  Peinture  comme  dans  la  Gravure  , 
exige  qu'on  ne  fe  livre  à  l'éxaclitude 
des  détails  que  fore  à-propos  ;  c'elî  de- 
là que  naît  Tenfemblej  l'unité,  &  l'ef- 
fet des  ouvrages.  Un  objet  travaillé  avec 
foin,  donc  toutes  les  parties  font  ren- 
dues avec  exactitude  &  recherche,  eft 
capable,  avec  le  plus  grand  mérite  d'e- 
xécution ,  de  gâter  &  de  détruire  l'effet 
d'une  compofîtion.  Savoir  fupprimier  avec 
difcernement  en  Peinture  &  paiTer  a 
propos  fous  (îlencedans  l'Art  d'écrire,  font 
les  miOyens  d'arriver  à  la  perfection  à 
laquelle  doivent  tendre  ces  différens 
Arts. 

C'eft  dans  le  Payfage,  comme  je  l'ai 
déjà  indiqué,  que  l'on  peut  fe  permet- 
tre une  plus  grande  liberté  dans  les  dif- 
férens travaux  des  hachures.  Le  travail 
libre,  varié,  les  hachures  trem.blanres , 
interrompues,  redoublées  &  confondues ^ 
donnent  à  ce  genre  de  Gravure  un  eâc^ 


^cW  Manutl  des  AniJicB 
piquant,  qui  plaît  extrêmement  aux  Cciî* 
noiifeurs  ,  aux  Artiftes  ,  &  fouvent 
aux  Amateurs,  fans  qu'ils  en  approfon- 
^iiïent  trop  la  raifon.  H  en  réfake  qu'on 
abufe  très -fouvent  de  cette  fa^on  de  tra- 
vailler, qui  n'exige,  pour  ainfî  dire, 
auciîhe  règle,  bc  qui  ,mèt  ainii  fort  à 
fon  aife  celui  qui  s'y  livre.  L'illufion 
qu'on  fe  fait,  &:  le  prétexte  qu'offre  à 
l'ignorance  &  à  lapareiTele  mot  de  Goût^ 
pris  dans  un  fens  fort  éloigné  de  celui 
qu'il  doit  avoir,  prodaifenc  des  Payfa- 
%^s  o\x  les  arbres  ,  les  fabriques  ,  le  ciel  &: 
\q^  terreins  font  d'un  travail  fi  brut  &  fi 
égratigné  qiVon  ne  fent  aucun  plan,  aucune 
forme  ,  5c  aucune  effet.  Si  cette  manière 
qu'on  ofe  appeller  Gravure  de  goût  &  avec 
ëfprk^  continue  à  fe  répandre,  elle  achèvera 
de  corrompre  cette  partie  de  l'Art  de  la 
Gravure,  Il  efc  une  liberté  que  l'efprit  & 
le  goût  véritables  peuvent  infpirer  ,  mais 
qui  a  toujours  pour  but  de  faire  fentir 
au  fpedateuî  où  la  forme  àts  objets  qu'on 
grave  ,  où  leur  effet  de  clair  obfcur ,  ou 
le  caractère  principal  qui  les  didingue. 
Lorfqu'un  Graveur  n'eft  affedé  dans  fon 
travail  d'aucun  de  ces  objets ,  &  qu'il  ne 
met  pas  fon  Art  à  les  faire  paffer  dans 
l'efpnc  de  ceux  qui  voyent   fes  ouvra- 


ô  des  Amateurs.  y:cr 
^es  5  11  en  impofe  injurcement ,  ôc  ce 
tharlacanirme  dont  il  colore  fon  peu  de 
talent,  doit  êcre  puni  par  une  jufte  éva- 
,  luation  de  fes  ouvrages. 
,  Je  n'entrerai  pas  dans  un  plus  grand 
détail  de  principes  pour  la  Gravure,  Re- 
prenons le  méchanifme  de  la  Gravure  ï 
l'eau- forte. 

Les  pointes   dont  on  fe  fert   &   donc 
j'ai  donné  le  détail ,  peuvent  être  de  deux 
fortes  :  ou  Coupantes,  ou  ÉmoulTées.  Cel- 
les qui  font  Coupantes  font   particuliè- 
rement deftinées  à  graver  au  vernis  dur  j 
parce  que  ce  vernis  réfifteroit   trop    aux 
pointes   qui  ne   coupent    pas.    Lorfqu'on 
grave  fur  le  vernis  mou  ,  on  peut  fe  fervir 
^  à^s  unes   de  des  autres.    L'inconvénient 
1  des  pointes  coupantes  efl:  de  faire  quel- 
quefois des    touches    dures ,    parce   que 
la  pointe ,  qui   va  en    groflifTant    depuis 
le   point  qui  la  termine  ,  ouvre  le   cui- 
vre d'autani  plus  qu'elle   s'y  enfonce  da- 
vantage, ce  qui  produit  àQS  railles  trop 
noires ,  fi  elles  ne  font  pas  accompagnées 
par    d'autre  tailles.  On  doit  en  général 
avoir  grand  foin  dans  la  Gravure^  d'évi- 
ter ,  éc  dans  les    touches  6:  dans  toutes 
fortes  de  travaux  ,   une  certaine  maigreur 
àc,  fécherelTe,    que  la  fin&ffe  des  outils 


scvj  Manuel  des  Artifles 
àovxi  on  fe  ferc  doit  occafionner.  Je 
crois  que  les  planches  qui  n'ont  qu'une 
médiocre  étendue ,  peuvent  être  gra- 
vées avec  efprit  &  à  l'aide  des  pointes 
coupantes;  qu  en  général  on  doit  mêler  les 
pointes  des  deux  efpcces,  &  que  le  jufte 
emploi  qu'on  en  fera  répandra  beaucoup 
de  goiit  fur  les  ouvrages  auxquels  on  les 
aura  employées.  L'Echoppe  efc  une  pointe 
coupante  qui ,  comme  je  l'ai  êiii ,  a  une 
efpece  de  bifeau  fur  un  des  cotés  de 
fon  extrémité.  Il  en  réfulre  que  vous  pou- 
vez regarder  TEchoppe  comme  une  plu- 
me a  écrire.  La  manière  de  tenir  l'E- 
choppe efi:  auQi  â-peuprès  femblable  à 
celle  dont  on  tient  la  plume  ,  à  la  ré- 
fer  ve  qu'au  lieu  que  la  taille  ,  ou  l'ou- 
verture de  la  plume ,   eft    tournée     vers 

e  creux  de  la  main  ,  l'ovale  où  la 
face  de  TÉchoppe  ell:  d'ordinaire  tour- 
née vers  le  pouce.  Ce  n'eft  pas  que  l'on 
ne  la  puiiTe  tournera  manjer  d'un  au- 
tre fens  \  mais  la  première  manière  peut 
mériter  li  préférence ,  parce  qu'elle  eft 
peur 'être  la  plus  commode,  &  qu'on  a 
bien  plus  de  force  pour  appuyer.  C'eft 
en  s  erfeyanc  <Sr  en  s'exerçant,  que  l'on 
conçevrn   facilement  le  moyen  de   faire 

avec  l'Échoppe  des  trairs  gros  &  pro- 
fonds. Lorfque 


&  aes  Amateurs.  xcvij 
Lorfque  l'on  veut  rendre  le  commen- 
cement &  la  fin  des  hachures  plus  dé- 
liés 5  il  faut  avec  une  pointe  reprendre 
l'extrémité  de  cqs  hachures,  en  appuyant 
un  peu  a  l'endroit  où  l'on  reprend ,  & 
en  foûievant  doucement  la  main  juf- 
qu'à  l'endroit  où  la  hachure  doit  fe  per- 
dre. Vous  remarquerez  qu'en  tournant 
la  planche,  fuivant  le  fens  dans  lequel 
on  veut  travailler  ,  on  rendra  cette  ma- 
nœuvre plus  facile.  Ces  remarques  fur 
l'Échoppe  font  entièrement  tirées  de  l'ou- 
vrage que  j'ai  cité.  J'ai  fait  l'épreuve  des 
pratiques  qu  elles  contiennent  ;  &  je  pen- 
fe,  ainfi  que  Bolfe,  qu'on  peut,  en  ac- 
quérant l'ufage  de  cette  efpèce  de  pointe, 
en  tirer  un  très  -  grand  parti  pour  la 
variété  des  traits  j  puifqu'en  fe  fer- 
vant  de  cet  outil  par  le  côté  tranchant, 
on  fera  des  traits  d'une  finelTe  extrême, 
&  que  le  moindre  mouvement  des  doigts 
donnera  à  ces  traits  une  largeur  plus  où 
moins  grande  :  mais  je  préviendrai  en 
même-tems  qu'il  faut  de  l'adrelTe  ,  de 
l'attention  ,  &:  beaucoup  d'habitude  pour 
y  habituer  entièrement  la  main  :  aufîî 
y  a-t-il  peu  d'Artiftes  qui  s'en  fervent  uni- 
quement. La  manière  de  gouverner  l'É- 
choppe fervira  ^ifément  pour  le  ma* 
2  orne  III,  e 


xcviij  Manuel  des  Anifles 
niement  de  la  pointe  \  ainfi  je  n'infifte- 
rai  point  ià-deirus.  Il  faut  avoir  lat^ 
tention  de  tenir  en  général  les  pointes 
&  les  Echoppes  le  plus  à~plomb  qu'il 
eft  poffible,  &  de  les  paflTer  fouvent  fur 
la  pierre  à  aiguifer ,  pour  que  leurs  iné- 
galités ne  nuifent  pas  à  la  propreté  du 
travail.  Il  efi  encore  ncceifaire  de  net- 
toyer votre  vernis ,  &  de  n'y  lai(Ter  au- 
cune mal-propreté  :  Vous  vous  fervirez 
pour  cela  ou  des  barbes  d'une  nlume  , 
Gu  d'un  linge  très  fin  ,  ou  d'une  petite 
broHe  douce  qui  fera  faite  exprès. 

11  eft  temps  de  palfer  aux  préparatifs 
nécelTaires,  avant  de  livrer  fa  planche 
à  l'eau  foite.  Je  fuppofe  donc  qu'on  a 
tracé  fur  cette  planche  ,  en  orant  le  ver- 
nis avec  les  Pointes  &  les  Échoppes  ^  tout 
ce  qui  peut  contribuer  à  rendre  plus 
exactement  le  Defîin  ou  le  Tableau  qu'on 
a  entrepris  de  graver  \  la  planche  étant 
dans  cet  état  il  faut  commencer  par  un 
examen  qui  tendra  à  connoître  ii  le  ver- 
nis ne  fe  trouve  pas  égratigné  dans  àt% 
endroits  où  il  ne  doit  pas  l'être ,  fbit  par 
l'effet  du  Jhazar^ ,  foit  qu'on  a  fait  quel-  \  j 
ques  faux  traits.  Lorfque  vous  aurez  re-  [ 
marqué  ces  petits  défauts,  vous  prépa- 
yerez un  meiange  propre^  à  l^s  couvrir. 


ù  des  Amateurs.        xcix 

Ce  mélange  fe  faic  en  mettant  du  noir 
de  fumée  en  poudre  dans  du  vernis  de 
Venife.  (Ceft  celui  dont  on  fe  fert  pour 
vernir  les  Tableaux.  )  Vous  employez  ce 
mélanf^e  ,  aprcs  lui  avoir  donné  affez  de 
corps  pour  qu  il  couvre  les  traits  que 
vous  voulez  faire  difparoître  ,  avec  des 
pinceaux  à  laver  où  à  peindre  en  mi- 
gnarure.  Il  eft  une  autre  mixtion  nécef- 
iaire  pour  enduire  le  derrière  de  la  plan- 
che,  qui  ,  fans  cela  feroit  expofé  fans 
nécellité  à  l'effet  corrofif  de  l'eau  forte. 
En  voici  la  compofirion. 

Prenez  une  écuelie  de  ter're  plombée  , 
mettez- y  une  portion  d'huile  d  olive  ,  po- 
fez  ladite  écuelie  fur  le  feu.  Lorfqiie 
l'huile  fera  bien  chaude,  jeitez-y  du  fuif 
de  chandelle.  Le  moyen  de  favoir  fi  le 
mélange  eft  tel  qu'il  doit  être ,  eft  d'en 
laiiïer  tomber  quelques  gouttes  fur  un 
corps  froid  j  tel  qu'une  planche  de  cui- 
vre ,  par  exemple  ;  fi  ces  gGu;tes  fe  fi- 
gent de  manière  qu'elles  foient  médio- 
crement fermes  ,  le  mélange  eft  jufte  \  G. 
elles  font  trop  fermes  &  caffantes  ,  vous 
lemettrez  d^  l'huile  j  fi  au  contraire  elles 
font  trop  molles  Se  qu'elles  reftent  pref- 
que  liquides,  vous  ajouterez  une  petite 
dofe  de  graiflè.  Lorfque  la  mixtion  fera 


C  Manuel  des  Arirfles 

au  degré  convenable ,  vous  ferez  bien 
bouillir  le  tout  enfemble  l'efpace  d'une. 
heure  ,  afin  que  le  fuif  &  Thuile  fe  lient  «Se 
fe  mêlent  bien  enfemble.  On  fe  fert  d'une 
brolFe  ou  d'un  gros  pinceau  pour  employer 
cette  mixtion*  ^  lorfquon  veut  en  couvrir 
le  derrière  du  cuivre  ,  on  la  fuit  chauf- 
fer de  manière  qu'elle  foit  liquide. 

Ces  précautions  nécelTaires  que  je  viens 
d'indiquer  ,  font  communes  aux  ouvrages 
dans  lefquels  on  s'eft  fervi  du  vernis  dur, 
^  à  ceux  où  le  vernis  mou  a  été  employé  : 
mais  l'eau  forte  dont  on  doit  fe  ftrvJr, 
n'ell  pas  la  même  pour  l'un  &  l'autre 
de  ces  ouvrages.  Commençons  par  l'eau- 
forte  dont  on  fe  doit  fervir  pour  fnire 
mordre  les  planches  vernies  au  vernis 
dur. 

Prenez  trois  pintes  de  vinaigre  blanc  ; 
du  meilleur  &  du  plus  fort^  fix  onces 
de  fel  commun  le  plus  net  &  le  pkis 
pur  \  fix  onces  de  fel  ammoniac  clair  tranf- 
parent ,  &  qui  foie  aufii  bien  blanc  & 
bien  net  ;  quatre  onces  de  verdèt ,  qui 
foit  fèc  &  exempt  de  raclure  de  cuivre 
&:  de  grappes  de  raifin  avec  lefquelles 
on  le  fabrique.  Ces  dofes  ferviront  de 
règle  pour  la  quantité  d'eau -forte  qu'on 
voudra  faire.  Mettçz  le  tout  (après  avoir 


h  des  Amateurs.  rj 

bien  pilé  les  drogues  qui  ont  befoin  ce 
i'ètre  )  dans  un  pot  de  terre  bien  ver- 
niifé  principalement  en  -  dedans  ,  6c  qui 
foit  alTez  grand  pour  que  les  drogues  en 
bouillant  &  en  s'élevant  ne  pafTent  pas 
par  de  (Tus  les  bords;  couvrez  le  pot  de 
ion  couvercle  ,  mettez  le  fur  un  grand 
feu;  faites  bouillir  promptament  le  tout 
enfemble  deux  où  trois  gros  bouillons, 
&  non  davantage.  Lorfque  vous  jugerez 
à-peu- près  que  le  bouillon  efl:  prêt  à  fe 
faire ,  découvrez  le  pot  &  remuez  le 
mélange  avec  un  petit  bâton,  en  pre- 
nant garde  que  l'eau -forte  ne  s'élève 
trop  &  ne  furmonte  les  bords  ;  d'autant 
qu'elle  à  coutume  en  bouillant  de  s'en- 
fler beaucoup  ,  lorfqu'elle  aura  bouilli, 
comme  je  l'ai  dit  ci-denTas ,  deux  ou 
trois  bouillons,  vous  la  retirerez  du  feu  , 
vous  la  laififerez  refroidir  en  tenant  le 
pot  découvert  ;  &  lorfqu'elle  fera  enfin  re- 
froidie ,  vous  la  verierez  dans  une  bou- 
teille de  verre  ou  de  grès ,  la  laiiTant  repo- 
fer  un  jour  ou  deux  avant  que  de  vous  en 
fervir  ;  fi  en  vous  en  fervant  vous  la  trou- 
viez trop  forte,  &  qu'elle  fit  éclater  le  ver- 
nis ,  vous  la  pourrez  modérer  en  y  mêlant 
un  verre  ou  deux  du  mcme  vinaigre 
dont  vous  vous  ferez  fervi  pour  la 
faire.  €  iij 


ci)  Manuel  des  Anifles 

J'obferverai  ici  que  cette  compondo» 
cft  aiTcz  dangéreufe  à  faire,  lorfqii'on  ne 
prend  pas  l'acrention  de  refpirer  le  moins 
qu'il  eft  poiTihle  ,  la  vapeur  qui  s'exhale  ^ 
il  faut  riiioaveller  fouvent  l'air  dans  l'en- 
droif  où    on  la  fait    chauffer. 

Après  avoir  compofé  feau-forte  dont 
en  fe  fert  pour  faire  mordre  la  planche 
qu'on  à  vernie  au  vernis  dur  ,  il  faut 
favoir  en  faire  ufage.  Je  vais  dire  pre- 
mièrement \i  manière  dont  Eolfe  fait 
mention^  elle  eft  la  plus  fimple,  mais 
non  pas  la  ri»  s  commode.  Je  dirai  en- 
fuite  comment  M.  Le  Clerc  avoir  com- 
mencé de  rendre  cette  opération  plu^ 
commode. 

L'ancienne  manière  d'employer  l'eau- 
forte  dont  j'ai  parlé  ,  eft  de  la  verfer 
iiîr  la  planche ,  de  façon  qu'elle  ne  s'y 
arrête  pas  ^  ôc  qu'elle  coule  dans  tou- 
tes les  hachures.  Pour  eela^  on  place 
la  planche  prefque  perpendiculairement'^ 
&  pour  plus  de  facilité  on  l'uttache  ,  à 
l'aide  de  quelques  pointes  ,  contre  une 
planche  de  bois  alTez  grande ,  qui  a  un 
rebord  par  en  haut  &:  par  les  deux  cô- 
tés. On  l'appuie  prefque  perpendiculai- 
rement, ou  contre  un  mur,  ou  contre 
un  chevalet  j  enfuite  on  met  au-delTous 
UJie  terriûe  qui  reçoit  leauforte  quoa 


&  des  Amateurs,  en] 

Verfe  fur  la  planche,  &  qui  le  rend  aaiis 
la  terrine  aprè:>  avoir  coulé  dans  toutes 
\qs  hachures.  La  planche  de  bois  donc 
j'ai  parlé  ,  &  fur  laquellt  la  planche 
de  cuivre  eft  attachée  ,  fert  à  empê- 
cher l'eau  forte  quoli  verfe  de  tomber 
à  terre  ,  de  les  rebords  la  contiennent  : 
oïl  voit  par  là  qu'il  ne  faut  pas  qif;!  y 
en  ait  en  bas  j  puifqu'aîors  1  eau -forte 
trouveroitun  obftacle  pour  fe  rendre  dans 
le  vafe  qui  doit  la  recevoir.  Gn  prend 
encore  une  précaution  pour  quelle  fe 
rende  plus  immédiatement  dans  ce  vafe  i 
c'eft  de  mettre  au  -  deiTous  de  la  plan- 
che de  bois  une  efpèce  d'auge  dans  la- 
quelle cette  planche  de  bois  entre ,  & 
qui  la  débordant  dts  deux  cotés ,  reçoie 
fans  qu'il  s'en  perde  toute  l'eau-forte  , 
qui  y  eft  conduite  par  les  rebords  donc 
j'ai  pâtîé.  L*auge  eft  pierçée  d'un  feui 
trou,  qui  répond  à  la  terrine  qui  eft 
au-defifous  j  &  moyennarit  ces  précautions, 
toute  l'eau  -  forte  ,  après  avoir  lavé  ia 
planche ,  fe  rend  dans  la  terrine  ;  on 
la  puife  de  nouveau  alors  avec  le  vafe 
qui  fert  à  la  verfer  ,  &  on  la  répand 
encore  fur  la  planche  ;  ce  qu'on  recom- 
mence jufqu'à  ce  que  l'opération  foie 
faite  a  en  obfervanc   toujours  que  lorf* 


civ  Manuel  des  Artijics 
qu'on  la  verfe  ,  la  planche  en  foit  bien 
inondée,  afin  qu'elle  pénètre  dans  toa- 
te  les  hachures.  Voilà  la  plus  ancienne 
manière  de  faire  mordre  avec  cette  forte 
d'eau -forte,  qu'on  nomme  communé- 
ment  eau  forte  à  couler, 

PafTons  à  la  manière  dont  M.  le  Clerc 
a  cherché  à  fimplifier  cette  opération  :  il 
a  fenti  que  fon  objet  principal  étoit  de 
faire  patfer  l'eau-forte  fur  la  planche  ,  6c 
que  c'étoit  en  partie  par.  ce  mouvement 
qu'elle  approfondifloit  les  tailles  qu'on  a 
faites  fur  le  vernis  \  il  a  jugé  alors  qu'en 
attachant  la  planche  de  cuivre  horifonta- 
lement  dans  le  fond  d'une  efpèce  de  boîte 
découverte ,  plus  grande  que  la  planche 
de  cuivre  \  qu'en  enduifant  cette  boîte  de 
fuif,  pour  quelle  contienne  l'eau- forte  ; 
qu'en  y  verfant  enfuite  de  l'eau-forte,  & 
en  bailTant  6c  hauffantalternativemeiât  cet- 
te boîte ,  l'eau-forte  qui  y  feroit,  paflercic 
fur  la  planche  au  premier  mouvement  ^  6c 
y  repafleroit  en  fécond  en  allant  d'un  côté 
de  la  boîte  à  l'autre  \  qu'ainfi  en  ballotant 
cette  eau  forte  par  le  moyen  des  deux 
mains ,  on  épargneroit  la  fatigue  qu'on 
efliiie  dans  la  manière  précédente,  dans 
laquelle  il  faut  ramaffer  l'eau  forte  dans 
a  œrrine ,  pour  la  reporter  fânsxeire  fur 


ù  des  Amateurs.  cv 

la  planche.  D'ailleurs  la  façon  prccipirée  > 
dont  l'eau^force  conrenuc  dans  la  boite 
pade  fur  k  planche  ,  fait  gagner  un  tems 
confidérable  à  l'Artifte  ,  ce  qui  eft  un  ob- 
jet intérelfant. 

Revenons  à  ce  qui  regarde  l'effet  de 
Trau  fo:  :t;.  Cette  liqueur  coirofive  ô,Q^i- 
n-je  à  îvp;:rofondir  les  tailles ,  lorfqu'elle 
eil:  répuiiduë  fur  la  planche  ,  la  creufe 
effcdtiven^ent  en  détruifant  les  parties  de 
cuivre  qui  font  découvertes ,  6c  en  ref- 
pedant  celles  qui  font  enduites  de  ver- 
nis. Mais  il  ei^:  néceiTaire,  pour  qu'une 
planche  foit  au  point  de  perfc6tion  où 
tend  le  Graveur,  que  ces  tailles  foient 
approfondies  avec  une  jufte  dégradation  : 
les  lointains  où  les  plans  éloignés  ne  fe- 
ront point  l'effet  qu'ils  doivent  faire  ,  fî 
les  tailles  dont  il  font  travaillés  font  trop 
approfondies j  car  alors  le  noir  d'im< 
preflion  dont  on  remplit  ces  tailles  en 
imprimant  la  planche  ,  y  fera  en  trop 
grande  abondance  ;  ces  objets  paroîtront 
trop  noirs  fur  l'eftampe ,  Se  ne  feront 
pas  rillufion  qu'ils  doivent  caufer  :  il  eft 
iionc  nécelTaire  de  conduire  avec  une  pran- 
de  fâgacité  &  beaucoup  d'intelligence  l'o- 
pération de  l'eau-  forte  fur  les  tailles  : 
pour   cela,  lorfqu'on  a  fait    mordre  fa 


<ryj'  Manuel  des  Artifles 
planche  pendant  l'efpiîe  de  rems  qu'on 
eftime  Juffifant  pour  les  K^inrains^  on 
fiii'pend  l'opération  de  l'eau  forte  j  on  re- 
tire la  planche,  on  la  lave  en  verfant 
bemcoiip  d'eau  fraîche  deffus  ,  enfuite 
on  la  laiile  fécher  à  l'air  ou  en  l'appro- 
chant doucement  d'un  feu  très- modéré. 
Lorfque  la  planche  fera  fèche  ,  vous  vous 
éclaircirez  de  Teffèt  qu'a  produit  i'eau- 
forte ,  en  découvrant  le  vernis ,  avec  un 
grattoir  ou  un  petit  morceau  de  charbon 
de  fauie ,  dans  quelque  endroit  des  loin-* 
tains. 

Si  vous  jugez  qu*ils  foient  affez  mor- 
dus, vous  couvrirez  tout  ce  qui  doit 
être  du  ton  de  ces  lointains  ,  en  vous  fer- 
vant  du  mélange  que  j'ai  déjà  indiqué , 
&:  qui  fe  fait  avec  le  vernis  de  Peintre 
ôc  le  noir  de  fumée  \  vous  i'employerez 
avec  des  pinceaux  plus  ou  moins  fins  > 
fuivant  la  ^v\^^q  des  traits  &  des  maf- 
its  que  vous  voulez  couvrir.  En  fui  te , 
après  avoir  donné  le  tems  à  ce  vernis 
que  vous  venez  d'employer ,  de  fécher  , 
vous  remettrez  votre  planche  comme 
elle  étoit ,  pour  l'expofer  de  nouveau 
à  l'eau  forte;  vous  la  ferez  mordre  au* 
tant  que  vous  croirez  qu'il  eft  néceCTaire 
pour  les  plans  ^  iuivent  ceux  que  vous 


ù  des  Amateurs,        Cvîj 

tveè  couverts^  enfuirevous  retirerez  en- 
core votre  planche  ,  vous  couvrirez  une 
féconde  fois  ce  que  vous  voulez  fouftraire 
à  l'efFèt  de  l'eau-forte  :  tniin  vous  réitére- 
rez cette  opération  autant  de  fois  que 
vous  le  voudrez,  &  que  vous  croirez 
qu'il  le  faut ,  dans  les  plans  &  dans  les 
objets. 

J'obferverai  qu'il  feroit  injufte  d'exi- 
ger qu'on  donnât  des  évaluations  tropprc^ 
cifes  du  tems  qu'on  doit  employer  Peau- 
forte  chaque  fois  j  les  calculs  &  les  ob- 
fervations  les  plus  exactes  n'ont  pu  rre 
fatisfaire^   l'effet  de    l'eau  forte    dépend 

Ide  trop  de  caufes  accidentelles,  pour 
qu'on  puiHTe  le  foùmettre  à  à^%  règles  in- 
variab'es. 

i^.  L'eau  forte  ef!  plus  ou  moins  agif- 
fente  5  fuivant  le  degré  de  cuifTon  qu  on 
hii  a  donné,  &  fuivant  la  qualité  &  le 
choix  particulier  des  ingrédiens  dont  elle 
cft  conipofée, 

2°.  Le  cuivre  par  fa  nauiré  peut  ctre 
pins  ou  moins  docile  à  l'effet  de  l'eau- 
îbrte  5  le  cuivre  mou  dont  j'ai  parlé  dans 
le  commencement  de  cet  article ,  réfifte 
à  l'acbion  de  l'eau-forre  \  le  cuivre  ai- 
gre fe  diifout  trop-tôt ,  &  toutes  z^s  dif- 
férences font  fufceptibles  de  dégsés  6c 
de  nuances  infinies. 


1 


cvîij        Manuel  des  Artijies 

5^.  L'effet  de  l'air  inflac  infenfiblemenc 
fur  l'effet  de  l'eau  -  forte  \  le  froid  re- 
tarde fou  adion ,  le  chaud  l'accélère  » 
rhumidité  y  caufe  des  différences  fenfi- 
blés. 

4°.  La  trsanière  de  fe  fervir  des  ou- 
tils avec  lefquels  on  grave  ,  &  la  dif- 
férence des  pointes,  ou  émouffées  ou  cou- 
pantes, facilitent,  à  l'eau  forte,  l'entrée  du 
cuivre ,  où  lui  laiffent  la  peine  de  l'enta- 
mer. 

Il  faut  donc  que  Tufage,  accompagné 
<les  obfervations  particulières  de  TAr- 
tifte,  lui  donne  les  lumières  dont  il 
a  befoin  pour  fe  guider  :  il  eft  fort  dif- 
ficile d'arriver  à  faire  mordre  une  plan- 
che a  un  efîèt  jufle  ;  &  c'eft  pour  cela  que 
la  plus  grande  partie  àes  graveurs  fe  con- 
tentent d'obtenir  de  l'eau  forte ,  un  ton 
général  5  gris,  propre,  Se  égal,  en  ré- 
fervant  de  donner  à  leur  ouvrage  avec 
le  fecours  du  burin  ,  un  accord  & 
Un  effet  dont  ils  font  les  maîtres  par  ce 
moyen  :  mais  cette  pratique  que  le  mé- 
chanifme  de  la  gravure  favorife ,  eft  fu- 
jèt  à  des  réflexions  que  j'ai  déjà  indi- 
quées. Pourfuivons  ce  qui  regarde  l'opé^ 
ration  que  je  viens  de  décrire. 

Lorfqu'après   avoir  expofé   autant  de 


&  des  Amateurs,  cîx 

rems  qu'il   le  faut  ,  la  planche  a  l'action 
Je   l'eau  forte,  ce  qui  va   quelquefois  à 
i'efoace  d'une  heure  ,  d'une  heure  &  d-.- 
m:e  &   plus  _,  vous    la  trouvez    parvenue 
au  point  que  vous  fouhaitez  \  vous  la  la- 
vez une  dernière  fois   dans  une  quantité 
c'eau  fraîche^  enfuite  la  chauffant    rai- 
f  )nnablement ,    vous    enlevez    avec    un 
.linge  tout  le  vernis  dont  vous  avez  fait 
ufage  avec  le  pinceau ,  pour  couvrir  les 
diiférens  plans  :  vous  ôtez   par  le   même 
moyen  la  mixtion  de  fuif  &  d'huile  dont 
le  derrière  de  la    planche   eft   couvert  ; 
après  quoi  il  refte  à  enlever    le    vernis 
dur  :  vous  y    parviendrez  en  vous    fer- 
vant  du  charbon  de  faule  que   vous  paf- 
ferez  deffus  la  planche,   en  frottant  for- 
tement, &  en  mouillant  d'eau  commune 
I  ou  d'huile  ,  <Sc  la  planche  &  le  charbon. 
ru  eft  inutile  d'obierver  qu'à  mefure  que 
I  vous    voyez  le   cuivre  fe  découvrir ,    il 
,  faut  ménager  le  frottement ,    pour  que  le 
charbon    n'altère    point   la   fineffe  de  la 
i,  gravure.  Lorfque  vous  aurez  enfin  enlevé 
1  tout  ce  qui  refte  de  vernis  dur  à  la  plan- 
che ,   vous  la  livrez  à  l'Imprimeur  pour 
çn  tirer  des  épreuves. 

Revenons  à  la  manière  de  faire  mor- 
t  dre  les  planches  vernies  au  vernis  mou  ) 


ex  Manuel  des  Anijies 

lorfqu  on  employé    pour   cela  l'eau  foite 

qu'on   nomme  eau  de  départ' 

Cette  eaii-forre  fe  fait  avec  le  vitriol, 
le  falpêtre  &  quelquefois  l'alun  de  roches  , 
diftiilés  enfembie  \  c'ell  celle  dont  les  af- 
fineurs  fe  fervent  pour  fcparer  l'or  d'a- 
vec l'argent  &  le  cuivre  j  elle  fe  trouve 
plus  aifément  que  l'autre. 

Je  remarquerai  ici  ,  pour  ne  point  Toii- 
blier ,  qu'on  peut  fe  fervir  pour  faire 
mordre  les  planches  gravées  au  vernis 
-mou  5  de  l'eau-forre  dont  j'ai  donné  la 
CDmpofition,  &  qui  eft  faite  avec  le  vi- 
naigre 5  le  fel  armoniac ,  &:  le  verdet  \ 
elle  ménage  davantage  le  vernis ,  &  on 
la  gouverne  plus  aifément  :  mais  l'eau* 
forte  de  départ  ne  peut  fervii  pour  les  plan- 
ches vernies  au  vernis  dur;  elle  fait  écla- 
ter ce  vernis  ,  &  détruit  ainfî  en  un  mo- 
ment l'ouvrage  de  plufieurs  jours  &  quel- 
quefois de  plufieurs  mois. 

Venons  au  vernis  mou  &  l'eau-forte  de 
départ. 

Il  faut  prendre  de  la  cire  mol!e ,  rou- 
ge ou  verte  ,  qui  devienne  flexible  en 
l'échauffant  un  peu,  comme  celle  donc 
fe  fervent  les  Sculpteurs  pour  modeler. 
Vous  en  formerez  ,  en  la  paîrrilTant  & 
l'étendantjun  rebord  autour  de  votre  plart- 


&  des  Amateurs,  cxj 

che.  Ce  rebord  n'a  pas  befoin  d'être  plus 
haa:  que  cinq  ou  (ix  lignes  au  plus  :  mais 
il  faut  qu'il  foie   tellement  appliqué  à  la 
planche  de  cuivre  ,   qu  elle  puiiTe  par  fon 
moven   contenir    l'eau  dont    on  doit  la 
couvrir  à  la  hauteur  de  deux    ou  trois 
lignes.  La  planche  ainii  préparée,   vous 
la  placerez  horifoncalement  fur    une  ta- 
ble qui  foit  de  niveau.  Alors  vous  pren- 
drez Feau-forre  donc  j'ai   parlé,  vous  y 
mêlerez  moitié  d'eau-commune  ,  &  vous 
la  verferez  fur   la  planche;  vous   obfer- 
verez  fon  effet  qui  fe  rend  feniible  par  le 
bouillonnement  qui  eft  excité  par-tout  où 
elle  creafe  le  cuivre  :  le  refte  de  l'opéra- 
tion fe  rapporte  à  celle  que  j'ai  décrite 
pour  l'eau  forte  a  couler;  c'eft-à-dire  , 
que  lorfque  vous  jugez  que  les  lointains 
&  le  traits  qui  doivent  être  foibles,  font 
alfez  mordus  ,  vous  verfez  de  l'eau-com- 
mune  ,  vous  la  laiiTez  fécher ,  vous  cou- 
vrez ce  que  vous    jugez   qui    doit  être 
couvert  avec  le  vernis  de   Peintre   &  le 
noir    de  famée,    après    quoi  vous  y  re- 
mettez l'eau'forte  ,  &c. 

Voîià  les  manières  connues  de  eravef 
al'eau-forte;  c'ell:  aux  Artiftes  à  les  éprou- 
ver toutes,  &  fur  tout  à  ne  jamais  opé- 
rer fans  faire  des  obfervations  :  c'eft  air.h 


cxij  Manuel  des  Artifies  ^  ?^c. 
qu'ils  pourront  découvrir  des    pratiques 
ou  plus  commodes,   ou   plus  rares,    ou 
plus  convenables  à   leur  génie   &  à  leur 
gour. 


DICTIONNAIRE 


DICTIONNAIRE 

DES 
HIÉROGLYPHES,  EMBLÈMES, 

ALLÉGORIES,ÉNIGxMES,DEVISESj 

A  T  T  Pv  I  B  U  T  s     ET    SYMBOLES, 

OuziÉME  Lertre  de  rAlphafaèc 
François. 
Cette  Lettre  numérale  figni.- 
^^iffl  he  Mille  chez  les  Auteurs,  fui- 
vant  ce  Vers  : 

M.  caput  ejinumtri  queîn  fcunus  Mille  tenere. 

Quand  on  y  nioiite  un  titre  au-deffus, 
L-lie  fait  Mille  fois  Mille ,  M. 

ÉNIGME    L 

Je  ne  fuis  point  efprit ,  3c  j'éxifte  dans  l'âme  j 
Simple  dans  la  malice ,  &  double  dans  la  femme  ; 
J'ai  trois  pieds  alTez  couris ,  ma  voifue  en  a  deux. 
On  ne  verroit  fans  moi  jamais  de  malheureux. 
Tome  IIL  A 


3  =MA=- 

Sans  peine ,  vous  pouvez  me  trouver  dans  le  monde. 
Parcourez  cependant  le  Ciel ,  la  Terre  &  l'Onde , 
Vos  efforts  feront  vains,  on  ne  m*y  trouve  point. 
Seule ,  je  ne  fuis  rien  (  obfervçz  bien  ce  point  )  i 
Il  faut  que  de  mes  fœurs  la  troupe  m'environne. 
Si  je  marche  avec  Mars ,  je  hais  pourtant  Bellone, 
tnfîn ,  pour  abréger ,  néceffaire  en  amour , 
Je  fuis  dans  la  lumière ,  &  j'abhorre  le  jour. 

Macar, 

Fils  d'ÉoIe.  L'incefte  qu'il  commit  avec 
Canace  ou  Canache  fa  fœur,  étant  venu 
à  la  connoilTance  d  Eole ,  il  ordonna  que 
le  fils  qui  en  étoit  né,  fût  expofé  aux 
Chiens.  îl  envoya  une  Epée  à  fa  fille  ;  elle 
en  fit  l'ufage  qu'il  fouhaitoit ,  en  fe  tuant. 
Pour  Macar  y  il  évita  le  châtiment  par  I4 
fuite  ;  &  s'étant  retiré  à  Delphes ,  il  fut 
parmi  les  Prêtres  d'Apollon. 

M  ACARIE, 

Fille  d'Hereule  3c  de  Déjanire,  fe  far 
çrifia  généreufement  pour  le  falut  des  Hé- 
raclides.  Lorfqu'EuiylHiée  vint  déclaret  la 
guerre  à  Démophoon  ,  Roi  d'Athènes  ^ 
parcequ'il  avoir  pris  les  Héraclides  fous 
îa  protection  \  on  confulta  l'Oracle ,  qui 
promit  la  vi6feoire  aux  Athéniens  ,  s'ils 
vouloient  immoler  à  Cérès  une  fille  née 
d'un  père  illudre,  Lç  Rpi  ne  vçut  ni  ft-^ 


M 


=  M  A  =  5 

crifier  fa  fille,  ni  contraindre  aucun  de  fes 
Sujets  â  faire  un  pareil  facrifice.  Macarie  y 
inftruite  de  l'Oracle,  fe  dévoue  volontai- 
rement à  la  mort,  fans  vouloir  permettre 
que  le  Sort  en  décide  entre  fes  fœurs  ÔC 
elle.  »  Si  le  Sort  eO:  notre  Arbitre,  dir- 
as elle,  le  trépas  n'eft  plus  volontaire,  & 
5>  la  Victime  perd  (on  prix  :  je  m'offre 
5>  moi-même  à  mourir  ;  acceptez ,  ii  vous 
35  le  jugez  à  propos,  une  mort  volontaire  y 
»  mais  j'y  renonce,  s'il  faut  la  fubir  par 
»  l'Arrêt  du  Deftin.   »    Les   Athéniens  , 
pour  conferver  le  fouvenir  d'une  aclion 
fi  généreufe,  donnèrent  le  nom  de  Maca^ 
ne  à  la  Fontaine  de  Marathon  \  &:'enfuite 
ils  lui  confacrèrent  un  Temple ,  fous  le 
nom  de  la  DéelTe  Félicité. 

Machine  du  monde. 

La  gaine ,  dans  laquelle  eft  prife  la  par- 
tie inférieure  de  cette  Figure ,  fignifie  la 
folidité  de  la  Machine  du  Monde  :  les 
iquatre  Élémens ,  dont  elle  eft  compofée, 
[font  délignés  par  le  Feu  dont  fa  tête  eft 
lentourée  ,  &  par  l'Aigle  ,  le  Lion  &  le 
[Dauphin,  qui  font  les  Attributs  embléma- 
[tiques  de  l'Air,  de  la  Terre  &  de  l'Eau. 
~,a  Balance  indique  la  jufteffe  &  l'équili- 
;bre  de  fes  mouvemens.  Le  Serpent,  qui 
[cherche  à  mordre  fa  queue,  montre  que 

Aij 


4  =:^MA  = 

facceflivement  ce  qui  hnit ,  recommence. 
Elle  eft  entourée  d'un  Cercle ,  fur  lequel 
font  repréfentés  les  Signes  des  fept  Pla- 
nètes. 

Mages. 

C'eft  ainfi  qu'on  appelloit  chez  les  Per- 
fes,  les  Prêtres  Ôc  Miniftres  de  la  Reli- 
gion ;  comme  les  Druides  chez  Iqs  Gau- 
lois, les  Gymnofophiftes  chez  les  Indiens. 
Les  Mages   étoient    dans    une    extrême 
conlldération  ,  également  recherchés  des 
Grands  &  du  Peuple.   On  leur  confioit 
l'éducation  des  Princes  ;  &  même  aucun 
Roi  n'étoic  couronné  ,  dit  Suidas ,  qiul 
n'eût  fubi   une   efpèce  d'examen   parde- 
vant  les  Mages,  Darius,  fils  d'Hyltafpe , 
crut  s'honoper  beaucoup,  en  faifant  gra- 
ver fur  fon  tombeau ,  qu'il  avoir  été  par- 
faitement inftruit  dans  toutes  leurs  con- 
noilTances.  Par  rapport  au  Culte  de  la  Di- 
vinité ,  ils  ne  vouloient  ni  Temples ,  ni 
Autels,  difant  qu'on  diminue  la  Majefté 
de  Dieu ,  de  celui  qui  remplit  tout  par  fa 
préfence  &  par  {es  bienfaits ,  en  renfer^ 
mant ,  pour  ainfî  dire ,  cette  Majefté  dans 
des  murailles.    *»  Tout  l'Univers ,  ajou^ 
»»  toient-ils ,  félon  Cicéron  ,  annonce  fa 
a  grandeur  &:  fa  puifFance  :  tout  l'Uni» 
î3  vers  par  conféquenc  doic  lui  fervir  ds 


j 


j5  Temple  &  d'Autel.  Où  le  peut-oa 
*i  mieux  connoitre  &  adorer ,  que  là  ou 
>i  il  s'elt  peint  avec  le  plus  d'avantage.  « 
Ainfi  5  quand  les  Perfes  vouloient  fatif- 
faire  aux  devoirs  de  la  Religion  ,  ils  fe 
letiroient  fur  les  Montagnes  les  plus  éle- 
vées, de  la  ils  fe  profternoient  devant  Ju- 
piter j  c'eft-à-dire  ,  devant  le  Ciel  même  , 
qu'ils  croyoient  tout  pénétré  de  la  Divi- 
nité :  là  ils  faifoient  leurs  différens  Sacri- 
fices. 

Les  Mages  croyoient  une  efpèce  de 
Métempfycofe  Aftronomique,  toute  diffé- 
rente de  celle  de  Pychagore.  Ils  s'imagi- 
noient  que  les  âmes ,  après  la  mort , 
étoient  contraintes  de  pafler  par  fept  por- 
tes 5  ce  qui  duroit  plufieurs  millions  d'an- 
nées,  avant  d'arriver  au  Soleil,  qui  eil:  le 
Ciel  empiré,  ou  le  Séjour  des  Bienheu- 
reux. Chaque  porte,  différente  par  fa  ftruc- 
ture ,  étoit  aufîi  compofée  d'un  métal  dif:- 
férent,  6c  Dieu  l'avoir  placée  dans  la  Pla- 
nète qui  préfîde  à  ce  métal.  La  première  fe 
trouvoit  dans  Saturne,  de  la  dernière  dans 
Vénus.  Comme  rien  n'étoit  plus  myfté- 
rieux  que  cette  Métempfycofe,  les  Mages 
la  repréfentoient  fous  l'Emblème  d'une 
Échelle  très-haute,  t<  divifée  en  fept  paf- 
fages  confécutifs ,  dont  chacun  avoir  fa 
marque,  fa  couleur  particulière;  &  c'ell 

A  iiî 


ce  qu'ils  appelloient  la  grande  Révolutiofî 
des  corps  céleftes  &  terreftres  ,  l'entier 
achèvement  de  la  Nature. 

Selon  Thomas  Hyde,  fçavant  Anglois, 
les  Mages  ne  reconnoifToient  qu'un  fou- 
verain  Etre,  dont  le  Feu  étoit  le  Sym- 
bole ;  &  s'ils  rendoient  un  Culte  reli* 
gieux  à  cet  Élément ,  ce  n'étoit  qu'un 
Culte  relatif  à  la  Divinité  qu'il  repréfen- 
toit.  Cette  Religion  ,  qu'on  appelle  le 
Magifme  ,  fubfifte  encore  aujourd'hui 
chez  les  Guèbres ,  dont  on  trouve  encore 
quelques  reftes  en  A(ie  ,  félon  le  même 
Auteur.  Zoroaftre  palfe  pour  le  Fondateur 
de  cette  Religion ,  de  pour  le  Chef  des 
Mages. 

Magie. 

C'eft  l'Art  de  produire  dans  la  Nature 
des  chofes  au-delTus  du  pouvoir  de  l'hom- 
me, par  le  fecours  des  Dieux,  en  em- 
ployant certaines  paroles  &:  certaines  céré- 
monies. 11  paroît  que  la  Magie  eft  aufîi 
ancienne  que  l'Idolâtrie.  Les  Magiciens, 
que  Pharaon  oppofa  à  Moyfe  ,  font  de 
l'antiquité  la  plus  reculée.  Comme  les 
Magiciens  invoquoient  deux  fortes  de 
Divinités ,  les  unes  bienfaifantes ,  &  les 
autres  malfaifantes  &  nuifibles  ;  cette 
différence  coaftituoit  deux  fortes  de  Ma- 


g/g  ;  l'une ,  qui  a  voit  recours  aux  Dieu^ 
bienfaifans,  fut  nommée  Théurgie  ;  l'au- 
tre, qui  n*av^oit  pour  objet  que  de  faire 
le  mal ,  ôc  qui  pour  cela  n'invoquoit  que 
des  Génies  malfaifans ,  fut  appeilée  Goé- 
tie.  Il  y  a  une  efpèce  de  Magie  ,  qu'on 
appelle  Naturelle  ,  qui  n'eft  qu'une  con- 
noifTance  plus  grande  àes  caufes  phyfi' 
ques  5  que  celle  qu'en  a  le  vulgaire  igno- 
rant, qui  a  coutume  de  regarder  comme 
des  prodiges ,  des  effècs  dont  il  ignore  la 
caufe  5  &  comme  de  véritables  prédic- 
tions 5  ce  que  le  Phyficien  lui  annonce 
devoir  arriver.  Il  eft  fouvent  arrivé  que 
ceux  qui  avoient  des  connoiffances  fupé- 
rieures  aux  lumières  ordinaires,  n'étoienc 
pas  fâchés  qu'on  les  crût  infpirés  des 
Dieux ,  ou  en  commerce  intime  avec 
eux.  De-là  tant  de  prétendus  prodiges 
attribués  aux  Dieux. 

Magnanimité. 

Je  fuis  la  Reine  des  Vertus  i 
On  en  convient  parmi  les  hommes  .' 
Cependant  au  iiècle  où  nous  fommes , 
A  quelques  Héros  près,  on  ne  me  connoîr  plus. 

La  Générofîré  étant  la  principale  préro- 
gative de  cette  Vertu  héroïque ,  on  la  fait 
porter  par  un  Lion,  qui  en  eft  le  Sym- 

A  iv 


'8  =MA== 

bole.  Elle  tient  une  Corne  d'Abondance , 
dont  eîie  répand  de  l'argent.  Elle  a  fur 
la  tète  une  Couronne  Impériale ,  &  un 
Sceptre  à  la  main.  Son  vêtement  eft  d'une 
riche  érolFe  j  &  fon  vifage  affable  &  riant 
indique  fa  douceur ,  de  la  grandeur  de  (qs 
fentimens. 


M 


AGNIFICENCE. 


Le  Caractère  de  la  tète  de  cette  Figure, 
eft  femblable  à  celui  de  la  Magnanimité, 
parceque  l'une  &  l'autre  font  des  Veitiis 
héroïques.  Celle-ci  a  une  Couronne  d'or 
fur  la  tète,  ôc  fa  draperie  eft  d'étoffe  d'or. 
Elle  eft  ailife  dans  un  lieu  magnifique, 
tenant  le  Plan  d'un  grand  Temple  :  on 
voit  dans  Téloignement  une  Statue*  de  Mi- 
nerve, pofée  fur  une  colonne. 

La  Magnipicence  des  Rois 
A  quelque  chofe  d'héroïque  j 
J'aime  le  Prince  qui  s'en  pique  : 
Le  Peuple  en  fouffre  quelquefois  ; 
Mais  qu'y  faire  ?  Un  vrai  Roi  doit  être  Magnifi- 
que. 

Magophonie. 

Fête  établie  chez  les  anciens  Perfes,  en 
mémoire  du  maffacre  des  Mages ,  Se  en 
particulier  de  Sinerdis  le  Mage ,  qui  avoir 


ufurpé  le  Trône  de  Perfe  après  la  mort  de 
Cambife.  Darius,  fils  d'Hyftafpe,  ayant 
été  élu  Roi  à  la  place  du  Mage,  voulut 
en  perpétuer  la  mémoire  par  une  grande 
Fête,  qui  devoir  fe  célébrer  tous  les  ans 5 
dit  Hérodote. 

Ma  GU  s  ANUS. 

Hercule  fe  trouve  furnommé  Magufa- 
nus  dans  des  Médailles  de  Pofthume  j  on 
croit  que  ce  nom  eft  pris  de  Magiifum  , 
Ville  d'Afrique  ,  donc  Pline  fait  mention 
au  fixième  Livre  defon  Hiftoire naturelle. 
Chapitre  2C),  où  ce  Héros  avoir  peut-être 
im  Temple  ou  quelque  Statue  célèbre  > 
dont  le  Culte  s'étendoit  bien  loin.  On  trou- 
va en  1 5  r  4.  dans  l'Iile  de  Valkeren  en  Zé- 
lande,  fur  le  bord  de  la  Mer,  une  figure 
de  cet  Hercule  Magufanus  :  il  porte  un 
grand  Voile,  qui  lui  couvre  la  tête  &:  lui 
defcend  fur  le  bras ,  fans  le  couvrir  d'ail- 
leurs. Il  tient  une  grande  Fourche  appuyée 
contre  terre ,  &  de  l'autre  main  un  Dau- 
phin. A  fon  côté ,  eft  un  Autel ,  d'où  for- 
cent de  longues  feuilles  pointues  ,  comme 
des  Joncs  marins  ;  &:  à  l'autre  côté  ,  eft  un 
PoiiTon  ou  Monftre  marin.  On  peut  con- 
jeélurer  de  ces  Symboles,  qu'il  pafToitpour 
une  Divinicé  de  la  Mèr. 

Av 


lO  î=MA==: 

Mai. 

Ce  Mois  étoit  perfonnifié  fous  k  figu- 
re d'un  homme  entre  deux  âges ,  habillé 
d*une  robe  fort  larae  &  à  o-randes  man- 
ches  5  qui  porte  une  Corbeille  pleine  de 
fleurs,  &  tient  de  l'autre  main  une  Fleur, 
qu'il  porte  à  fon  nez  j  ce  qui  peut  avoir 
rapport  aux  Jeux  Floraux.  Le  Paon  qui  eft 
à  fes  pieds ,  montre  par  fa  queue  une  ima- 
ge du  Mois  de  Mai ,  tant  elle  eft  chargée 
de  fleurs  ,  que  la  Nature  y  a  peintes.  Au- 
fone  a  ainfl  exprimé  en  quatre  Vers  le 
Mois  de  Mai,  te  C'efl:  le  Mois  qui  pro- 
w  duit  le  lin  dans  nos  campagnes  :  c'eft  lui 
9>  qui  nous  fournit  toutes  les  délices  du 
■  »  Printemps,  qui  orne  nos  vergers  de  fleurs, 
39  &  qui  remplit  nos  corbeilles  :  il  efl:  ap- 
M  pelle  Mai  de  Maïa ,  fille  d'Atlas  :  c'efl 
3»  le  Mois  qu'Uranie  aime  fur  tout  au- 
35  tre.  »  Mai  étoit  fous  la  protedion 
d'Apollon.  C'eft  dans  ce  Mois  qu'on  cé- 
lébroit  des"  Florales  pendant  les  trois  pre- 
miers jours  y  les  Lémuriennes  qui  du- 
roient  auflî  trois  jours,  à  commencer  le 
fept  avant  les  Ides ,  ou  le  neuf  du  mois  : 
les  Agonales  ou  Agonies  de  Janus ,  le  dou- 
ze avant  les  Calendes  de  Juin  ,  ou  le 
vingt-deux  de  Mai  :  3c  les  Fériés  de  Vul- 
cain  ou  les  Tubiluftres ,  le  dix  avant  les 


Calendes  de  Juin.  On  célébroit  encore 
aux  Ides  de  Mai  la  nailTance  de  Mercure 
&:  la  fêce  des  Marchands.  Les  Romains , 
qui  étoient  en  général  fort  fuperlHtieux , 
cbfervoient  de  ne  point  fe  marier  dans  le 
Mois  de  Mai ,  à  caufe  des  Fjtes  Lému- 
riennes  ou  des  malins  Efprits  qui  fe  célé- 
broienc  le  neuf  du  mois  ;  &  ils  avoienc 
un  proverbe ,  qui  difoit  le  Mois  de  Mai 
funefte  aux  noces  :  Menfe  Maio  maie  nu- 
hunt.  Cette  ancienne  fuperftition  fub- 
firte  encore  aujourd'hui  en  quelques  en- 
droits parmi  le  Peuple  ,  qui  fait  fcrupule 
de  fe  marier  au  Mois  de  Mai  ^  comme 
étant  un  Alois  malheureux ,  fans  en  al- 
léguer d'autres  raifons  qu'une  ancienne 
tradition. 

La  Terre  fe  pare  de  fleurs  ; 
Elle  en  fait  des  bouquets  à  Flore  : 
Llle  rit  aux  dépens  de  l'Aurore, 
Se  réjouiflant  de  Tes  pleurs. 

Majesté   Royale. 

Elle  fe  repréfente  aiTife  gravement  fur 
un  Trône,  vêtue  de  la  pourpre  &  du  man- 
teau royal.  Elle  a  une  Couronne  fur  la 
lête,  tient  un  Sceptre  de  la  main  droite, 
&  de  la  gauche  un  Aigle.  Cet  Oifeau , 
qui  étoit,  chez  les  Égyptiens,  le  Hiérogly- 

Avj 


j2  =MA=== 

phe  de  la  Paiffance  Royale ,  eft  l'AttribiU 
qui  convient  à  ce  fujèt. 

ÉNIGME     IL 

Il  eft  vrai ,  je  fuis  mère ,  &  j'ai  plufieurs  enfans  , 
Et  je  les  ai  dès  mon  enfance  j 
Mais  les  petits,  comme  les  grands, 
Sont  égaux  d'âge  &  de  naiffance  , 
Et  viennent  tous  à  même  temps. 
Chacun  d'eux ,  fans  être  morne , 
Se  croit  à  ce  fort  defliné , 
Qu'il  doit  au  moment  qu'il  eft  né  , 
En  fa  tête  porter  la  corne. 

Ils  font  tous  difpofés  à  me  rendre  fervice  i 
Mais  telle  efl:  la  févère  Loi  ^ 

Que  fi  l'on  me  reprend  pour  quelque  maléfice  y 
Chacun  d'eux  pafTant  pour  complice , 
Ils  font  tous  punis  avec  moi. 

Main. 

Toutes  les  parties  du  corps  humain , 
prifes  féparément ,  &  principalement  la 
Main  étoit  honorée  comme  'une  Divi- 
nité, félon  S.  Athanafe,  dans  fon  Traire 
contre  les  Gentils  :  ce  qui  fe  prouve  vé- 
ritablement par  un  très-grand  nombre  de 
fMains  qui  fe  trouvent  parmi  les  Monu- 
mens,  lesquelles  font  prefque  toutes  char- 
gées de  Têtes  de  de  Symboles  des  Dieux  ^ 


=  MA==  1? 

&  de  ces  Animaux  qui  faifoient  Tobjèt 
du  Culte  des  Égyptiens.  Rien  n'empêche 
pourtant  de  croire  que  ces  Mains  myfté- 
rieufes  font  des  vœux ,  ou  plutôt  des  ac- 
compliflemens  de  vœux  ;  &  qu'elles  ont 
été  appenducs  dans  les  Temples  des  Dieux 
à  qui  elles  étoienr  vouées ,  en  reconnoif- 
fance  de  quelque  fignalée  faveur  reçue, 
ou  de  quelque  guérifon  opérée  extraordi- 
nairement. 

Un  des  Symboles  les  plus  ordinaires  de 
la  Concorde  ,  font  deux  Aiains  jointes  : 
rien  de  plus  commun  que  ce  Type  fur  les 
Médailles.  Quelquefois  les  deux  Mains 
jointes  tiennent  un  Caducée  ;  marque  que 
la  Concorde  eft  le  fruit  de  quelque  négo- 
ciation. On  voit  aulîi  les  deux  Mains 
jointes  tenant  un  Caducée  entre  deux  Cor- 
nes d'Abondance,  pour  montrer  que  l'A- 
bondance accompagne  toujours  la  Con- 
corde. Dans  une  Médaille  d'Augufte,  on 
trouve  trois  Mains  jointes  &  croifces  d*un 
Caducée,  avec  ces  mots,  le  Salut  du  Genre 
humain»  C'étoit  peut-être  la  Devife  du 
fameux  Triumvirat  \  ou  bien  ce  nombre 
de  trois  fe  prend-il  pour  exprimer  la  Con- 
corde parfaite  qui  régna  dans  l'Empire 
Romain  fous  Augufte.  La  Main  portée 
fur  la  têre ,  étoir,  chez  les  Anciens,  une 
marque  de  sûreté,  ou  demandée,  ou  ob- 


14  =r:=MA.^:=: 

tenue.  Plutarque,  dans  la  vie  de  Tibérias 
Gracchus,  raconte  que  celui-ci  voyant  que 
Scipion  Nafica  venoit  pour  le  tuer  ,  & 
que  le  tumulte  étoit  fi  grand ,  qu'on  ne 
pouvoit  entendre  fa  voix ,  mit  fa  Main 
fur  fa  tête ,  pour  montrer  la  grandeur  du 
péril.  Se  demander  sûreté. 

ÉNIGME    1 1  L 

Apprenez  que  je  fuis  puîiTante  5 
J'ai  cent  pages  de  compte  fait , 
Que  rien  au  monde  n'épouvante. 
Leur  teint  uni ,  blanc  comme  lait , 
Eft  d'une  grâce  alTez  charmante. 
Leur  taille  dégagée  a  pour  plus  grand  attrait 
Une  égalité  Surprenante  ; 
Et  le  regard  le  plus  parfait 
N'y  trouve  point  de  différence  , 
Tant  éxade  eft  leur  relTemblance. 

Par  leur  moyen  ,  les  beaux  efprits  galans 
Ont  de  quoi  s'occuper ,  fans  cha2;rin  &  fans  peine  5 
Pour  plus  d'une  femaine  ; 

S'ils  ont  deffein  d'exercer  leurs  talens , 
Et  d'en  rendre  à  leurs  yeux  les  effets  évidens. 

On  les  emploie  à  beaucoup  d'autres  cliofes  j 
Et  dans  les  intrigues  d'amour , 
C'eft  à  compter  fleurette ,  à  porter  lys  &  rofes  , 

A  mettre  feux  &  fers  au  jour  , 
Et  faire  voir  enfin ,  à  beau  jeu  beau  retour. 


Ainfi  je  fuis  utile ,  &  même  nécelîaire, 

A  cent  forces  d'affaires , 
D'honneur  &  de  fortune  ,  auili-bien  que  de  cœur. 

Vous  le  fçavez ,  ami  Ledcur  : 
Tous  en  êtes  fou  vent  le  témoin  oculaire. 


Ma 


LIGNITE. 


On  perfonnifie  ce  fujèt  par  une  vieille 
femme  ,  d'un  regard  fournois.  Elle  a  le 
vifage  pâle;  parceque  l'humeur  maligne, 
dont  l'intérieur  eft  infedté ,  fe  manitelle 
par  l'extérieur  de  la  perfonne.  Son  vête- 
ment eft  couleur  de  la  rouille  du  fer.  Elle 
tient  un  Bâton  ,  dont  elle  trouble  l'eau 
d'un  Étang.  Son  Attribut  eft  un  Singe , 
qui  travaille  â  déraciner  un  pieu ,  pour 
faire  tomber  un  nid  d'Oifeau,  qui  eft  au 
haut. 

Contemple,  ô  Mortel ,  cet  Emblème  1 
C'eft  un  portrait  affreux  ,  le  portrait  du  rac'chant  : 

Peut-être  t'aurois-je  peint  toi-même  ; 
Peut-être  y  verrois-tu  ton  malheureux  penchant. 

Ma  MM  ON  A. 

C'eft  le  nom  d'un  Dieu  des  Syriens, 
qui  préfidoit  aux  Richeifes.  Il  n'eft  connu 
que  par  l'Évangile  de  Saint  Matthieu» 


i6  .^MA=== 

MaN  A  , 

Divinité  Romaine,  qui  prcfidoit  par- 
ticulièrement aux  maladies  des  femmes. 
On  y  joignoit  ordinairement  le  mot  Ge- 
nita ,  parcequ'elle  préfidoit  aulTi  a  la  naif- 
fance  des  enfans  :  c'eft  pourquoi  les  Ro- 
mains la  comproient  parmi  les  Divinités 
qu'ils  appelloient  Génitales. 

ÉNIGME     IV, 

Beautés,  dont  la  blancheur  peur  eifacer  les  lys , 
Nous  fommes  plufieurs  fœurs  d'un  teint  égal  aux 

vôtres , 
Qui  tenons  dans  nos  fers ,  fans  méprifer  les  autres , 

Les  Amans  les  plus  accomplis. 
L'amour  c[u'on  a  pour  nous  eft  pourtant  fort  com- 
mune, 

Et  le  plus  £dèle  amoureux 

Ne  fçauroit  fe  contenter  d'une  5 

Il  faut  qu'il  en  ait  toujours  deux. 

Pour  les  charmes  nous  fommes  fines  5 

Et  nous  pouvons  dire  de  plus , 
Qu'on  en  trouve  entre  nous  quelqu'une  de  Malincs , 

Ayant  des  yeux  autant  qu'Argus. 

Nous  n'avons  pourtant  point  de  tête , 

Et  nous  n'avons  jamais  qu'un  pied. 

Mais  qu'importe  ?  Cela  nous  fied  ; 
Et  nous  pouvons  aider  à  faire  une  conquête. 


=^=  M  A  =  1 7 

Avec  cette  propriété , 

Voyez  la  cruauté  des  hommes  : 

Le  meilleur,  au  temps  où  nous  fommes, 

Nous  réduit  à  l'extrémité. 

Mânes* 

Par  ce  mot,  les  Anciens  entendoient , 
tantôt  les  Divinités  infernales  ;  Pluton  , 
Minos  5  Rhadamanthe,  les  Parques ,  les  Fu- 
ries ,  &c.  tantôt  les  âmes  mêmes  dQS 
morts  5  aufquelles  ils  donnoient  par  hon- 
neur, dit  Apulée  ,  le  titre  de  Dieux  :  ffo^ 
noris  gratiâ  Dei  vocabulum  additum  eji. 
Mais  fi  ce  n'eft  que  par  honneur,  com- 
ment les  invoquoient- ils  r  Car  il  y  a  un 
grand  nombre  dlnfcriptions  qui  commen- 
cent par  CQS  mors  :  Je  prie  les  Dieux  Ma» 
nés  d'un  tel  y  de  in  être  favorables.  Et  com- 
ment peut-on  appeiler  Dieux ,  ces  âmes 
qui  étoient  menées  devant  le  Tribunal 
des  Dieux  pour  y  être  jugées  ?  Comment, 
dis-je,  peut-on  appeiler  Dieux ,  cqs  âmes , 
fans  fçavoir  fi  elles  feroient  livrées  aux 
fupplices  pour  leurs  crimes  ,  ou  recom- 
penfées  pour  leurs  bonnes  actions  ?  A  ce- 
la, on  répond  j  i°.  que  les  Païens  raifon- 
noient  très-peu  conféquemment  fur  la 
plupart  de  leurs  Divinités  ,  &  qu'il  ne 
faut  pas  s'attendre  à  trouver  dans  la  My- 
thologie un  Syftème   fuivi  :    i^.  que   les 


î8  =MA  — 

Dieux  Mânes  pourroient  erre  quelque 
puiiTance  arrachée  à  chaque  homme  en 
particulier.  C'étoit  l'Opinion  commune , 
que  le  Monde  écoic  rempli  de  Génies  ; 
qu'il  y  en  avoir  égalemenr  pour  les  vivans 
ôc  pour  \qs  morrs.  Les  Dieux  Mânes 
éroienr  donc  les  Génies  des  morrs ,  établis 
pour  avoir  foin  des  fépulrures  &  des  om- 
bres qu'on  croyoit  errer  autour  de  leurs 
tombeaux  La  crainte  ,  aurant  que  le  ref- 
pecbj  faifoit  qu'on  avoir  pour  ces  Dieux 
une  efpèce  de  vénération  :  on  ne  man- 
quoit  jamais  de  leur  recommander  les 
morts.  Delà  la  formule  ordinaire  qui  fe 
trouvoit  fur  les  Tombeaux  des  Anciens  ^ 
D,  M,  c'eft-à-dire ,  Dis  Manibus,  On  fai- 
foit fur  les  Tombeaux  de  fréquentes  Liba- 
tions ,  qui  avoienr  pour  objet ,  non-feule- 
ment les  ombres  d^s  morts  ,  mais  auiîi  les 
Dieux  Mânes  qui  les  gardoienr.  Les  Au- 
gures honoroienr  aufli  ces  Dieux  d'un  cul- 
te particulier ,  &  ne  manquoient  jamais  de 
\qs  invoquer,  parce  qu'ils  croyoient  qu'ils 
ttoient  auteurs  des  biens  &  des  maux 
qui  nous  arrivoienr.  On  dit  que  le  bruit 
t>c  le  fon  de  l'airain  ou  du  fer  étoir  (i  in- 
fupportable  aux  Dieux  Mânes  ,  qu'il  les 
mertoir  en  fuite.  11  falloir  faire  beaucoup 
de  Cérémonies  d:  de  Sacrifices ,  pour  ap- 
paifer  les  Mânes  de  ceux   qui  n'avoieni: 


t=MA=  ip 

point  eu  de  Sépuirure.  Dans  les  dcvoue- 
mens  &  les  imprécations,  on  invcquoit 
les  Dieux  Mdnes  contre  fes  ennemis. 

Manies. 

Cétoient   des  DéelTes ,  que  Paufanias 
croit    être    les    mêmes    que    les    Furies. 
»  Elles  avoient  un  Temple  fous  ce  nom 
55  dans  l'Arcadie  ,  près  du  Fleuve  Alphée, 
»5  au  même  endroit  où  Orefte  perdit  l'ef- 
j>  prit ,  dit-il ,  après  avoir  tué  la  mère. 
55  Près   du  Temple  ,   eft  une   efpèce   de 
55  Tombe ,    fur  laquelle  eft  gravée  la  fi- 
95  gure  d'un  doigt  \  c'eft  pourquoi  les  Ar- 
55  cadiens  l'appellent  la  Sépulture  du  doigt, 
»  &  difent  qu'Orefte  ,  devenu  furieux  , 
55  fe  coupa  là  avec  Us  dents  un  àes  doigts 
>5  de  la  main.  Dans  le  voifinage  ,  eft  un 
n  Temple    bâti   aux   Eumcnides  ,    parce 
»  qu'Orefle  fut  guéri  U  de  Ç^s  fureurs.» 
Ils  racontent  qu'à  la  première  apparition 
de  ces  Déelfes ,    lorfqu'elles   troublèrent 
l'efprit  à  Orefte,  il  les  vit  toures  noires; 
qu'à  la  féconde  apparition  ,  après  qu'il  fe 
fut  arraché   un   doi^t  ,    il  les  vit   toutes 
blanches  ,  &  qu'alors  il  recouvra  fon  bon 
fens  :  qu'à  caufe  de  cela ,   pour  appaifer 
les  premières,  il  les  honora  comm.e  on  a 
coutume  d'honorer  les  Mânes  des  moûts  > 


âo  *=  M  A  = 

fous  le  nom  de  DéelTes   Manies  \   mais 
qu'il  facrifiâ  aux  fécondes. 

Mansuétude. 

Veux*tu  charmer  tous  les  Mortels , 
Leur  être  agréable ,  leur  plaire  , 
Et  t'attirer  par-tout  des  honneurs  immortels  ? 
Sois  doux  ,  affable  &  débonnaire. 

Là  Manfuétude  efl:  reprcfentée  fous  lâ 
figure  d'une  femme  avancée  en  âge,  qui 
doit  avoir  modéré  fes  partions.  Sa  main 
droite  eft  pofée  fur  un  Éléphant ,  Symbole 
de  la  modération  ^  elle  porte  fur  fa  tête 
une  Couronne  d'Olivier ,  qui  eft  le  prix 
de  cette  vertu. 

Manteau. 

Il  étoir  fort  en  ufage  chez  nos  Ancêtres  : 
quand  il  éroit  fourré  ,  il  n'appartenoit 
qu'aux  perfonnes  du  premier  rang.  On 
l'agrafoit  fur  l'épaule  droite  j  de  force  qu'é- 
tant toujours  ouvert  de  ce  coté-là ,  jamais 
par-devant ,  on  avoit  l'entière  liberté  du 
bras  droit  j  ôc  on  le  retrouffoit  fur  l'épaule 
gauche ,  pour  laiiïer  le  libre  ufage  de  l'é- 
pée.  Il  traînoit  par- derrière ,  &  tcmboic 
jufqu'à  terre.  On  diftinguoit  les  divers  or- 
dres des  Seigneurs,  à  1  ampleur  du  bord 


==-MA=:=  21 

&:  à  la  qualité  de  la  fouriire  ou  hermine, 
qui  l'entouroic ,  à  la  largeur  du  repli  du 
coller  5  à  la  longueur  de  la  queue  traj* 
nante. 

Les  Ducs ,  Comtes ,  Barons ,  Cheva^ 
liers  ,  le  portoienr  d'un  drap  d'écarlate  ou 
violet.  Cette  dernière  couleur  a  prévalu 
dans  le  long  habit  de  cérémonie  pour  les 
Pairs. 

Manturne, 

Divinité  Romaine  ,  que  les  maris  invo- 
quoient  pour  obliger  leurs  femmes  à  dç- 
rneurer  dans  la  maifon, 

ÉNIGME     y, 

pans  le  tour  d'un  compas,  j'enchaîne  l'Univers, 
Du  Lever  au  Couchant ,  du  Midi  jufqu  à  l'Ourfe , 
Je  trace  au  Curieux  une  facile  courfe , 
Et  fais  franchir  a  l'œil  mille  climats  divers. 

Je  fixe  dans  mon  fein  l'Eau ,  la  Terre  &  les  Airs. 
Ambitieux  humains ,  quelle  vafïe  refTource  ! 
Jufqu'aux  bords   enflammés  oà  \z  jour   prend  fa 

fource  , 
Je  déploie  à  vos  ycux  l'immenfité  des  Mers. 

Toutefois  aux  Céfars  \z  fervis  de  frontières. 
Alexandre  ,  a  legrct  ferré  dans  mes  barrières , 


^2  =.=  MA.== 

Pleura  de  ne  pouvoir  con.juérir  au-delà. 

Mais  depuis  ces  Héros ,  que  de  terres  nouvelles  : 
Mes  traies  four  plus  nombreux,  plus  juftes,  plus 

fidèles , 
Et  j'ai  rçndu  fameux  l'Amant  de  Dalila. 

JÈ.  N  l  GM  E    V  L 

Je  commence  à  briller  dans  la  faifon  nouvelle , 

Suivant  de  fort  près  l'Hirondelle. 
Vous ,  Peintres  ,  me  voyant  blanc  ,  bleu  ,  vert , 

violet , 
Vous  qui  fçavez  l'eifèt  du  mélange  en  peinture , 
Apprenez-moi  pourquoi ,  vermeil  de  ma  nature  , 
Le  gris-de-fer  me  rend  jaune  ,  noir,  blanc  de  lait  j 
Hnfuite  un  furtout  noir  finit  ma  deftinée , 

Quand  fépulture  m'eft  donnée. 
A  de  mauvais  plaifans,  j'infpire  le  bon  mot; 
Pour  les  faire  railler ,  je  fuis  leur  vrai  ballot.  - 
Mais  raillerie  à  part ,  jç  pique  les  gens  chiches  5 
J'agis  avec  douceur  plutôt  fur  les  gens  riches  : 
Avec  force  j'agis  fur  les  plus  parelfeux  j 
Tant  pis  pour  eux. 

Marathon, 

Bourgade  de  l'Attique,  célèbre  par  la 
Victoire  que  Miltiade,  à  la  tête  de  dix 
mille  Athéniens,  remporta  fur  les  Perfes, 
dont  l'Armée  étoic  de  cent  mille  hommes. 


r^=  M  A  -=  i5 

Les  Vainqueurs  ne  perdirent  que  deux 
cents  hommes,  à  qui  on  érigea  fur  le  champ 
de  bataille  d'illuftres  monumens ,  où  leurs 
noms  Ôc  celui  de  leurs  Tribus  étoient 
marqués,  Paufanias  dit,  «  que,  fi  on  veut 
7*  croire  les  Marathoniens ,  il  y  eut  en  cet- 
»  te  fameufe  journée  un  événement  fort 
î>  fingulier.  Un  inconnu ,  qui  avoit  l'air 
»  &  rhabit  d'un  Payfan ,  vint  fe  mettre 
?>  du  côté  des  Athéniens  durant  la  mêlée , 
«  tua  un  grand  nombre  de  Barbares  avec 
5î  le  manche  de  fa  charrue,  &  difparut 
s>  auflicôt  après.  Les  Athéniens  ayant  con- 
»  fuite  l'Oracle,  pour  fçavoir  qui  étoit  cet 
3i  inconnu ,  n'eurent  d'autre  réponfe ,  fi- 
w  non  qu'ils  honoraffent  le  Héros  Echet-^ 
93  lée.  On  conte  encore  que  ,  dans  la  cam- 
j3  pagne  de  Marathon ,  l'on  entend  toutes 
»  les  nuits  des  henniffemens  de  chevaux 
9>  ôc  un  bruit  de  combattans.  Tous  ceux 
9>  que  la  curiofité  y  attire ,  6c  qui  prêtent 
«  l'oreille  à  deifein ,  s'en  retournent  fort 
»>  maltraités  ;  mais  ceux  qui  paffant  leur 
sî  chemin,  voyent  ou  entendent  quelque 
â>  chofe  ,  n'offenfent  point  les  mânes  ,  ÔC 
35  il  ne  leur  arrive  point  de  mal. 

Marathon  étoit  déjà  fameux  parla  Vic^ 
toire  de  Théfée  fur  un  furieux  Taureau , 
cu'Hercule  avoit  amené  de  Ci  ère  par  l'or- 
dre d'Euryiihée ,  ôc  qui  ayant  été  lâché 


dans  le  territoire  de  Marathon ,  y  faifoic 
d'horribles  dégâts..  Théfée  combattit  ce 
terrible  Animal,  le  dompta,  l'amena  tout 
vivant  à  Athènes ,  pour  le  faire  voir  au 
peuple,  &  lefacrifia  enfuira  à  Apollon. 

ÉNIGME    VIL 

Je  vous  relTembLe ,  Iris  j  je  ne  me  trompe  pas  : 
Nous  fommes  froids  &  durs  avec  beaucoup  d'appas , 
Et  fatiguons  fouvent  la  patience 

Des  gens  qui  font  les  délicats* 

Mais  voici  notre  différence  ; 

Cell  que  malgré  ma  refîftance  , 

On  fait  de  moi  tout  ce  qu'on  veut , 
Avec  le  temps  &  la  perfévérance  5 

Au  lieu  qu'on  dit  qu'Amour  ne  peut, 

Ni  par  fes  traits ,  ni  par  fes  flammes , 

Faite  impreflîon  fur  votre  âme. 

Mardi, 

Troifième  jour  de  la  Semaine  ,  confacré 
à  Mars  ;  il  étoit  aufîî  perfonnifié  fous  la  fi- 
gure de  ce  Dieu. 

Mariage. 

înformez-vous  43les  mœurs  plus  que  de  la  richelTe, 
Si,  dans  le  nœud  d'Hymen  ,  vous  cherchez  le  repos. 

Qu'a-t-il  ?  Qj'a-î-elle  ?  font  deux  mots 
Qui  n'ont  jamais  produit  ni  douceur,  ni  tendreiTc. 

Cet 


==MA=:î=  2J 

Cet  état  eft  perfonnifîë  par  un  beau  jeune 
homme,  vètu&  coeffé  galamment.  Il  porte 
un  Joug  fur  Tes  épaules ,  6c  a  des  Entraves 
aux  Jambes.  La  Pomme-coing  qu'il  tient, 
lui  eft  donnée  fur  l'autorité  de  Solon,  qui 
ordonnoit  aux  Athéniens  d'en  préfentei: 
aux  Epoux,  foit  pour  la  vertu  de  ce  fruit, 
qui,  par  fa  qualité,  eft  dédié  à  Vénus,  foie 
que ,  par  fa  beauté  de  fon  odeur  agréable ,  il 
voulut  fymbolifer  la  douceur  des  premiers 
fruits  de  l'Hymen.  La  Vipère  qu'il  écrafe 
fous  ks  pieds ,  eft  l'Emblème  de  l'Infidélité. 

ÉNIGME    FI  IL 

Je  fuis  d'une  liaace  naîflance, 

Mais  pe:i: ,  d'un  teint  bafané , 

Tiranc  beaucoup  fur  le  tanné  , 

fans  pareil  &  fans  relfemblance, 
\\  ^e  n'eft  qu'on  me  prît  pour  un  vrai  hérifTon , 

De  très-petite  &:  balTe  mine  , 

Ou  bien  pour  un  fagot  d'épine. 

Piquant  &:  froid  comme  un  glaçon , 

Quand  j'étois  encore  en  ma  place, 

Pertonne  n'otbit  ni'approcher, 

Ki  m'off^nfer,  ni  me  toucher, 

Tant  je  faifois  laide  grimace. 
»lais  quand  de  mon  Palais  chafTé  par  les  Dedins , 

Je  tombe  fans  robe  par  terre  , 

Tout  le  monde  me  fait  la  guerre , 

Et  m'écrafe  dans  les  fcftins. 

Tome  IIL  B 


Je  parois  donc  être  l'image 
De  CCS  efprics  indociles ,  altiers , 
Qui  n'écoutenr  pas  volontiers 
Ceux  qui  font  d'un  plus  bas  étage  î 
Qui  ne  fçurenc  jamais  ce  que  c'eil  qu'être  humains  5 
Mais  qui  deviennent  doux ,  quand  la  fortune  lalTc  ^ 
Par  une  fubite  difgrâce , 
Vient  à  s'échapper  de  leurs  mains. 
De  même  étant  fur  le  pinacle  j 
Bien  enfermé  dans  mon  donjon , 
Si  ru  voulois  me  rendre  bon  , 
Il  te  faudroit  faire  un  miracle. 
Mais  fi  je  tombe,  attends  un  peu  à 
Tu  feras  de  m.oi  ton  délice , 
Quand  j'aurai  fouffert  le  fupplice 
Du  glaive  tranchant  &  du  feu. 

EN  I  GME   IX, 

Nous  fommes  plufieurs  fils ,  bruns ,  unis  &  jumeaux  à 

Dans  le  ventre  d'une  blondine. 
Que  la  Nature  a  faite ,  &;  piquante ,  &  mutine. 

Pour  nous  garder  des  animaux , 

Elle  leur  fait  mauvaifc  mine  : 
De  mille  traits  aigus ,  elle  les  aflafïïnc  ; 
j;t  la  main  qui  les  touche ,  en  relTent  mille  maux, 

Cela  fait  que  l-homme  en  colère , 
Pour  réuffir  dans  Ton  defTeia , 
£:rafe  avec  les  pieds ,  &  les  traits ,  &  le  fein 
De  celle  c^ui  nous  fer:  de  mère, 


r=iMA=  27 

Que  fair  cet  homme ,  hélas  !  dans  Ton  ardent  cour- 
roux ? 
De  peur  que  nous  parlions  de  notre  trifte  peine , 

Il  nous  perce  de  mille  coups , 

Quand ,  dans  les  feux ,  il  nous  promène. 

Ce  n'eft  pas  tout  j  il  nous  prend  tous , 
Il  nous  glace  fouvent ,  ce  qui  lui  fcmble  doux  : 
Pour  comble  de  rigueur ,  qui  lui  plaît  plus  encore  ^ 

Mes  chers  amis ,  le  croirez-vous  ? 
Apres  ces  maux  foufferts ,  le  cruel  nous  dévore. 

Mars. 

Le  Dieu  des  Batailles ,  des  Combats  Se 
des  Querelles ,  étoit ,  félon  Homère ,  ôc 
tous  les  Poètes  Grecs ,  fils  de  Jupiter  & 
de  Junon.  Ce  n'eft  que  parmi  les  Poètes 
Latins  5  qu'on  trouve  la  Fable  ridicule, 
qui  dit  que  Junon,  piquée  de  ce  que  Jupi- 
ter avoit  mis  au  monde  Minerve  fans  fa 
participation ,  avoit  voulu  a  fon  tour  con- 
cevoir ôc  engendrer  fans  le  fecours  d'un 
mâle.  La  Déelfe  Flore  lui  montra  une 
fleur  qui  croiiToit  dans  les  champs  d'Olè- 
ne ,  de  dont  le  feul  attouchement  produi- 
foit  cet  admirable  effet.  Cette  Fable  n  a 
été  inventée,  dit  Bocace,  que  fur  le  carac- 
tère féroce  de  Mars ,  qu'on  n'a  pu  croire 
fils  d'un  Prince  auiTi  poli  que  Jupiter.  Ju- 
îipî>  fie  élever  le  jeune  Mars  par  Priape^ 

Bij 


■^g  ^  =  M  A   ^=r::= 

de  qui  il  apprit  la  Danfe  &  les  autres 
Exercices  du  corpç,  comme  les  préludes 
de  la  Guerre.  C'eft  pour  cela ,  dit  Lucien, 
cju'en  Bithynie  on  offroit  à  Priape  la  Dix- 
me  des  dépouilles  cjui  étoient  confacrées 
au  Dieu  Mars. 

Les  principales  Aventures  de  Mars 
font  y  fon  Jugement  au  Confeil  des  douze 
Dieux  pour  la  mort  d'AUyrothius  \  la 
Mort  de  fon  fils  Afcalaphus,  qu'il  veut 
venger  contre  Tordre  de  Jupiter  y  fa  Bief- 
fure  par  Diomède;  fon  Combat  contre 
Minerve  ,  &  fon  Adultère  avec  Vénus. 

Mars  ayant  appris  qu'AHyrothius ,  dis 
de  Neptune,  avoit  fait  violence  à  Alcippe, 
vengea  l'ourrage  fait  à  fa  fille ,  en  tuant 
LAuteur  du  crime.  Neptune  défefpéré  de 
la  mort  de  fon  fils ,  fit  appeller  Mars  en 
jugement  devant  les  douze  Dieux  du 
Ciel ,  &  l'obligèrent  de  défendre  fa  caufe. 
Mars  fe  défendit  Ci  bien  ^  qu'il  fut  ab- 
fous.  Cette  aventure  attribuée  à  Aïars  , 
doit  s*entendre  de  quelque  Guerrier  ac- 
cufé  de  meurtre  devant  le  Sénat  d'Athè-? 
nés  ;  &  comme  les  Juges  qui  travaillèrent 
à  cette  caufe  ,  étoient  au  nombre  de 
Douze  ,  de  des  principaux  d'Athènes  ,  ou 
dit  que  c'étoit  devant  les  douze  Dieux. 

Afcalaplius  ,  fils  de  Mars ,  qui  com« 
înandoit  les  Béoûçn?  au  Siège  de  Tro^e  | 


ayant  été  tué,  le  Dieu  en  fat  (î  pénétré  de 
douleur  ,  que  fans  craindre  le  relfenti- 
ment  de  Jupiter ,  qui  avoit  défendu  aux 
Dieux  de  prendre  parti  pour  ou  contre  les 
Troyens  y  ««  il  ordonne  a  la  Fureur  &  à  la 
îî  Furie,  dit  Homère,  d'atteler  fun  char, 
îî  de  prend  hs  armes  éclatantes.  11  alloic 
»  dans  ce  moment  allumer  dans  Tefprit 
»  de  Jupiter  une  colère  bien  plus  furieiife, 
»  Cl  la  DéefTe  Minerve  n'eut  couru  fur 
jj  le  champ  après  lui.  Elle  lui  arracha  fon 
3>  cafque  ,  fon  bouclier  Se  fa  pique  ,  «Se 
33  d'un  ton  plein  d'aigreur  ,  elle  lui  dit  ; 
3>  Furieux  de  infenfé  que  vous  êtes  ,  ne 
î3  confervez-vous  donc  plus  aucun  refpeci: 
j3  pour  le  Maître  des  Dieux ,  &  avez- vous 
>î  oublié  fa  défenfe  ?  Retenez  le  relfen- 
13  timent  que  vous  infpire  la  mort  de  vo- 
33  cre  fils  ;  de  plus  braves  que  lui  ont  déjà 
33  mordu  la  poulîière  ou  la  mordront  bien- 
i*  tôt.  Eft-il  pollible  ,  dans  les  fanglans 
33  combats,  de  fauver  de  la  mort  tous  les 
33  fils  des  Immortels  ?  En  fînilTant  ces 
33  mots ,  elle  ramena  Mars ,  &  !e  fit  alTeoir 
53  malc^ré  fa  fureur.  33 

Mars  ayant  pris  parti  pour  les  Troyens, 
contre  la  parole  qn'il  en  avoit  donnée  à 
Minerve  ,  cette  Déelfe  excite  Diomède  à 
aller  combattre  contre  le  Dieu  même  des 
Combats.  Ne  craignez  rien,  lui  dit-elle, 

Bii) 


56  '^=rrMA=:3. 

bî  le  Dieu  Mars  ni  aucuns  des  Immor- 
tels ;  pouffez  vos  chevaux  droit  à  lui ,  ÔC 
frappez-le  de  près ,  fans  refpecter  ce  Fu- 
rieux, cette  pefte  publique,  qui  fait  tant 
de  maux  à  tous  les  Mortels.  Mars  n'eue 
pas  plutôt  apperçu  Diomède ,  qu'il  mar- 
cha contre  lui ,  Se  lui  allongea  un  grand 
coup  de  pique  ,  que  la  Déeife  eut  foin  de 
détourner.  Diomède  à  fon  tour  lui  porte 
un  audi  grand  coup  j  Minerve  conduit  la 
pique  ÔC  là  fait  entrer  bien  avant  au- 
deffous  dQS  cotes  :  elle  fait  une  cruelle 
blelfure  au  Dieu  ,  ôc  déchire  fon  beau 
corps. 

Mars  5  en  la  retirant ,  jette  un  cri  épou- 
vantable, de  tel  que  celui  d'une  armée 
qui  marche  pour  chercher  l'ennemi.  11  s'é- 
lève aullîtôt  vers  l'Olympe  ,  au  milieu 
d'un  tourbillon  de  pouiîîère  ;  &  le  cœur 
ferré  de  douleur  Se  de  trifteffe  ,  il  montre 
à  Jupiter  le  fang  immortel  qui  coule  de 
fa  bleifure,  ôc  lui  porte  fes  plaintes  contre 
Diomède,  Se  contre  Minerve  qui  l'a  en- 
hardi à  ce  combat.  35  Jupiter  le  regardant 
s»  avec  dçs  yeux  de  colère  ;  Inconftant ,  Per- 
M  fide ,  lui  dit-il ,  de  tous  les  Dieux  qui 
«  habitent  l'Olympe  ,  tu  m'es  le  plus 
w  odieux  :  tu  ne  prens  jamais  plaiiir  qu'à 
w  la  Difcorde ,  à  la  Guerre  Se  aux  Com- 
j>  bats Cependant ,  parce  que  c'efl 


è=:  M  A  =  5  î 

î3  fon  fîls  ,  il  ordonne  au  Médecin  des 
ïî  Dieux  de  le  guérir.  Péon  met  far  fa 
«  blelTure  un  beaume  exquis  ,  qui  le  gué- 
3>  rit  fans  peine  j  car  dans  un  Dieu  il  n'y  a 
;:>  rien  qui  foie  mortel. 

Homère  fait  chanter  à  UlyfTe  ,  par  un 
Chantre  divin  ,  les  Amours  de  Mars  &  de 
Vénus-  Le  Dieu  avoir  eu  une  première 
fois  les  faveurs  de  la  DéefTe  dans  l'appar- 
tement même  de  Vulcain.  Le  Soleil,  qui 
les  vit,  en  alla  d'abord  avertir  le  mari, 
qui  5  outré  de  l'offenfe  ,  &  l'efprit  plein 
de  grands  deflèins  de  vengeance ,  fe  mit 
à  forger  des  liens  indillolubles  pour  arrê- 
ter les  coupables. 

Il  étendit  ces  liens  tout  autour  du  lit, 
&  les  difpofa  de  manière ,  que ,  par  un 
fecrèt  merveilleux,  ils  dévoient  envelop- 
per les  deux  Amans  ,  dès  qu'ils  feroient 
couchés.  C'étoient  comme  des  toiles  d'a- 
rai^ée,  mais  d'une  fi  grande  fineîre , 
qu'ils  ne  pouvoient  être  apperçus  d'aucun 
homme,  non  pas  même  d'un  Dieu,  tant 
ils  étoient  imperceptibles  ,  &  fe  déro- 
boient  aux  yeux  les  plus  Bns, 

Quand  le  piège  fut  tendu ,  Vulcain  fit 
femblant  d'aller  a  Lemnos.  Les  Amans  en 
furent  informés  &  ne  tardèrent  pas  à  fe 
voir.  Le  Soleil  qui  faifoit  fentinelle  pour 
le  mari ,  l'avertit  du  fuccès  de  (es  pièges. 

B  iv 


Vulcain  ,  à  cette  vue,  eft  faifi  de  fureur, 
6:  fe  met  à  crier  avec  tant  de  force ,  qu'il 
afTemble  tous  les  Dieux  de  l'Olympe.  La 
plupart  rient  de  l'aventure,  &c  les  moins 
révères  témoignent  qu'ils  ne  feroient  pas 
fâchés  d'être  déshonorés  à  ce  prix.  Nep- 
tune ei\  le  feul  qui  ne  rit  point  y  mais 
cependant  il  prie  inftamment  Vulcain  de 
délier  Afars ,  en  lui  promettant  de  fa 
part  une  entière  fatisfadtion.  Vulcain ,  à 
la  prière  de  Neptune,  Se  fous  fa  caution, 
délie  ces  merveilleux  liens.  Les  Captifs 
mis  en  liberté ,  s'envolent  aulTi-tôt  l'un 
dans  la  Thrace  ,  &  l'autre  à  Paphos. 

Paiéphate  explique  cette  Fable  ,  en 
difant  que  Sol ,  fils  de  Vulcain  ,  Roi  d'E- 
gypte 5  voulant  faire  obferver  à  la  rigueur 
la  Loi  de  fon  père  contre  les  adultères, 
3c  ayant  été  informé  qu'une  Dame  de  la 
Cour  avoit  commerce  avec  un  Courtifan, 
entra  dans  fa  maifon  ,  Se  l'ayant  fuprife 
la  nuit  avec  fon  Amant,  la  punit  févère- 
ment  j  ce  qui  lui  attira  la  bienveillance 
du  Peuple.  C'eft  l'équivoque  du  nom  Sol 
ou  Soleil ,  dit  l'Auteur ,  qui  a  paru  don- 
ner lieu  à  la  Fable  d'Homère. 

Les  anciens  Monumens  repréfentent 
Mars  fous  la  figure  d'un  grand  homme 
armé  d'un  Cafque,  d'une  Pique  Se  d'un 
Bouclier,  tantôt  nud,  tantôt  avec  l'habit 


milicaîre ,  même  avec  un  manteau  fur  £qs 
épaules  ;  quelquefois  barbu ,  mais  affez 
fouvent  fans  barbe.  11  y  en  a  qui  lui  mèt- 
rent un  Bâton  de  commandement  à  la 
main. 

Mars  vainqueur  paroît  portant  un  Tro- 
phée 5  de  Mars  Gradivus  dans  l'attitude 
d'un  homme  qui  marche  à  grands  pas  ; 
quelquefois  il  a  fur  fa  poitrine  une  Egide 
avec  la  tête  de  Médufe.  Les  anciens  Ro- 
mains ,  dit  Varron ,  adoroient  Mars  fous 
la  forme  d'une  Pique ,  avant  qu'ils  eulTent 
appris  à  donner  une  forme  humaine  a 
leurs  Dieux.  Chez  les  Scythes,  c'étoit  une 
Epée  qui  figuroit  Mars, 

Il  ne  paroît  pas  que  le  Culte  de  Mars 
ait  été  fort  répandu  dans  la  Grèce  \  car 
Paufanias ,  qui  fait  mention  de  tous  les 
Temples  des  Dieux ,  ^  de  toutes  les  Sta- 
tues qu'ils  avoient  dans  la  Grèce,  ne  parle 
d'aucun  Temple  de  Mars,  mais  feulement 
de  deux  ou  trois  de  (ts  Statues.  C'eft  chez 
les  Romains  principalement ,  qu'il  fauc 
chercher  le  Culte  de  ce  Dieu  j  parce  qu'il 
n'y  a  point  de  lieu  où  il  ait  été  autant 
honoré  qu'à  Rome.  Les  Romains  regar- 
doient  ce  Dieu  comme  le  père  de  Ro- 
mulus,  3c  le  Protedteur  de  leur  Empire. 
Parmi  les  Temples  qu'il  eut  à  Rome ,  ce- 
lui qu'Augufte  lui  dédia,  après  la  Bataille 

B  V 


34  =MA=: 

de  Philippes ,  fous  le  nom  de  Mars  le 

Vengeur,  étoit  des  plus  célcbres. 

Vitruve  oit  qu'ordinairement  les  Tem- 
ples de  Mars  étoient  hors  des  murs ,  afin 
qu'il  n'y  ait  point  de  difTenfion  entre  le 
Peuple,  qu'il  foit  là  comme  un  rempart, 
pour  délivrer  les  murs  des  périls  de  la 
Guerre.  Mais  cet  ufage  n'étoit  pas  fuivi 
par-tout  5  puifque  à  HalicarnalTe ,  félon  le 
même  Vitruve,  le  Temple  de  Mars,  dont 
la  Statue  étoit  coloflfale,  étoit  fitué  au  mi- 
lieu de  la  Fortereflfe.  Les  Saîiens,  Prêtres 
de  Mars,  formoient  à  Rome  un  Collège 
Sacerdoirtl  très-confidérable. 

On  immoloit  à  Mars  le  Taureau ,  le 
Verrat,  ôc  le  Bélier  :  quelques-uns  lui  im- 
moloient  des  Chevaux  :  les  Lufîtaniens 
lui  ofFroient  en  facrifice  des  Boucs  &  des 
Chevaux,  Ôc  même  leurs  ennemis  captifs. 
Les  Cariens  lui  facrifioient  des  Chiens, 
êc  les  Scythes  des  Anes.  Les  Saracores,  die 
Élien  5  lui  immoloient  les  Anes  les  plus 
^ras  qu'ils  pouvoicnt  trouver.  Les  Lacé- 
démoniens  tenoient  fa  Statue  liée  de  gar- 
rottée, afin  que  le  Dieu  ne  les  abandon- 
nât pas  dans  les  Guerres  qu'ils  auroient 
à  foutenir. 

Quant  aux  différens  noms  que  les 
Païens  donnoient  à  Mars,  je  ne  ferai  que 
k?  rapporter  ici.  On  i'appelloit  Arès^  Gra- 


divus,  Qiiirinus,  Enyaîius,  Hyppius,  Ma- 
mercus,  Thurius ,  Salifabfulus ,  Silveftre  , 
Bicrota  ,  Britonius ,  Camulus ,  Aveugle  , 
Sanguinaire,  Cruel,  Terrible,  Père,  Bieu 
commun.  Homère  lui  donne  rÉpithète 
Alloprof allas  ,  qui  veut  dire  ,  IiKonflant, 
Querelleur.  On  le  trouve  dans  une  Inf- 
cription  furnommé  Oplophoros  ,  c'eft-â- 
dire ,  le  Dieu  armé  \  parcequ'en  effet  ce 
Dieu  eft  prefque  toujours  repréfenté 
armé. 

Mars. 

Ce  Mois,  le  rroifîème  de  notre  année, 
éroit  autrefois  le  premier  chez  les  Ro- 
mains j  quoiqu'il  eut  pris  fon  nom  du 
Dieu  Mars  ^  il  étoic  fous  la  protedion  de 
Minerve.  Les  Calendes  de  ce  mois  étoient 
remarquables ,  parceque  c'étoit  le  premier 
jour  de  l'année  auquel  on  pratiquoit  plu- 
lieurs  Cérémonies.  On  allumoit  le  Feu 
nouveau  fur  l'Aurel  de  Vefta.  On  ôroic, 
dit  Ovide,  les  vieilles  branches  de  Lau- 
rier, &  les  vieilles  Couronnes ,  tant  de  la 
porte  du  Roi  des  Sacrifices,  que  des  mai- 
fons  des  Flamines  ^  &  des  Haches  ^^s 
Confuls  5  &  l'on  en  mertoit  de  nouvelles. 
En  ce  four,  on  célébroit  les  Marronales, 
&  la  Fête  des  Boucliers  facrés.  Le  fx, 
c'étoient  les  Fêtes  de  Vefta  j  le  1 4 ,  les 

B  vj 


^6  =MA== 

Equi des  j  le  1 5  ,  la  Fêce  d'Anna  Perenna] 
le  17,  les  Libérales  ou  Bacchanales;  le 
19 ,  la  grande  Fêce  de  Minerve ,  appellée 
les  QuinquatrUs^  qui  duroit  cinq  jours  ^ 
le  2  5  5  les  Hilaries, 

On  trouve  ce  Mois  perfonnific  fous  la 
figure  d'un  homme  vctu  d'une  peau  de 
Louve  5  parceque  la  Louve  étoic  confacrée 
au  Dieu  Mars.  ««  Il  eft  aifé ,  dit  Aufone  , 
a>  de  reconnoître  ce  Mois  par  la  peau  de 
35  Louve  dont  il  eft  ceinr.  Il  s'appelle 
«  Mars  y  Ôc  c'eft  Aîars  qui  lui  a  donné  fa 
«  dépouille.  Le  Bouc  pétulant ,  l'Hiron- 
3î  délie  qui  gazouille  ,  le  Vaifîeau  plein 
»•  de  lait 3  l'Herbe  verdoyante,  tout  cela 
35  marque  le  Printemps ,  qui  commence 
35  au  mois  de  Mars,  »>  Ce  font  les  Sym- 
boles qui  accompagnent  la  figure  de  ce 
Mois. 

Tout  eft  maigre  en  cette  Saifon , 
Où  le  Jeûne  nous  mortifie  ; 
Et  pour  foutien  de  notre  vie , 
On  n'a  que  légumes  ou  poillon» 

Marsyas, 

Fils  d'Hyagnis,  étoit  un  habile  Joueur 
de  Flûte  de  la  Ville  de  Célène  en  Phry- 
gie.  Il  joignoit,  dit  Diodore ,  à  beaucoup 
d'efprit  ôc  d'induftrie ,  une  fagefte  &  une 


continence  a  toute  épueuve.  '^on  génie 
parue  fuL'-tout  dans  l'invention  de  la  Flûte, 
où  il  fçut  raffembler  tous  les  fons  qui  au- 
paravant fe  trouvoient  partagés  entre  les 
divers  tuyaux  des  Chalumeaux.  Il  eut  un 
attachement  fingulier  pour  Cybèle ,  &  fut 
le  fidèle  compagnon  des  courfes  de  cette 
Déefle.  Étant  arrivé  à  Nife  ,  féjour  de 
Bacchus,  il  y  rencontra  Apollon,  qui  étoit 
tout  fier  de  fes  nouvelles  découvertes  fur 
la  Lyre.  Marfyas  eut  la  hardi eife  de  faire 
au  Dieu  un  défi ,  qui  fut  accepté ,  à  con- 
dition que  le  vainqueur  feroit  à  l'autre  le 
traitement  qu'il  voudroir.  Les  Niféens  fu- 
rent pris  pour  Juges  de  la  difpute  :  ce 
ne  fut  pas  fans  peine  &  fans  péril  d'être 
vaincu ,  qu'Apollon  l'emporta  enfin  fur 
fon  concurrent.  Indigné  d'une  telle  réfif- 
tance,  cm  dit  qu'il  attacha  Marfyas  à  un 
arbre,  &  l'écorcha  tout  vif.  Mais  quand 
la  chaleur  du  refTenriment  fut  paffée ,  fe 
repentant  de  fa  barbarie  ,  il  rompit  les 
cordes  de  fa  Guittare,  &  la  dépofa  avec 
fes  Flûtes  dans  un  antre  de  Bacchus ,  au- 
quel il  confacra  ces  Inftrumens.  C'eft  ce 
qui  eft  repréfenté  dans  plufieurs  Monu- 
mens ,  où  l'on  voit  Apollon  ,  qui  tient 
d'une  main  un  Couteau,  &  de  l'autre  la 
Peau  de  Marfyas.  Mais  entre  les  deux 
figures  5  on  voit  un    jeune  homme  qui 


3  s         ^.    =  M  A  ==-:= 

fléchit  un  genou  devant  Apoilon.  Hygia 
dit  que  c'eft  Olympus ,  Difciple  de  Mar- 
fyasy  qui  demande  à  Apollon  le  corps  de 
fon  Maître ,  pour  lui  rendre  le  devoir  des 
funérailles ,  ôc  qu'il  obtint.  Il  y  a  des  Fi- 
gures de  Marfyas ,  qui  le  repréfentent 
avec  des  oreilles  de  Faune  ou  de  Satyre, 
Ôc  une  queue  de  Silène.  On  croit  que  cette 
Fable  n'eft  qu'une  pure  allégorie ,  dont 
l'explication  la  plus  raifonnable  eft,  qu'a- 
vant l'invention  de  la  Lyre,  la  Flûte  Tem- 
portoit  fur  tous  les  Inftrumens  de  Mufî- 
que  3  &  enricbilToit  ceux  qui  en  fçavoienc 
jouer  :  mais  le  jeu  de  la  Lyre  décrédita 
celui  de  la  Flûte ,  &  fit  tort  à  ceux  qui 
s*étoient  acquis  de  la  réputation  dans  cet 
Inilrument.  D'autres  Mythologues  difent, 
que  Marfyas  y  de  défe  fpoir- d'être  vaincu, 
ou  peut-être  ayant  l'efprit  aliéné,  s'é- 
coit  précipité  dans  un  Fleuve  de  Phry- 
gie,  auquel  il  donna  fon  nom.  Comme 
les  eaux  de  ce  Fleuve  paroifToient  rouges , 
peut-être  à  caufe  de  fon  fable ,  qui  appro- 
choit  de  cette  couleur  j  la  Fable  ajoute , 
qu'elles  furent  teintes  du  fang  de  Mar- 


^^^ 


É  N  I  G  M  E     X, 

J'ai  la  tête  pefante  &  dure  -, 
Je  fuis  fort  peu  fubtil  j  cependant  l'Univers 
Admire  ,  avec  raifon  ,  mes  ouvrages  divers , 

Où  l'Art  furpalle  la  Nature  : 
Mais  s'il   n'eft  prefque  rien  dont  je  ne  vieime  à 
bout. 

Je  puis  aulTi  détruire  tout. 

ÉNIGME    X I. 

Bien  que  d'abord  je  frappe  fans  parler. 
On  ne  doit  pas  me  croire  fort  terrible. 
J'importune  fouvent  jufques-à  réveiller 
Ceux  qui  la  nuit  font  en  repos  paifible. 

J'ai  des  égards  que  bien  des  gens  n'ont  pas  3 
De  la  civilité  j'entends  bien  la  rubrique  : 
Suivant  la  qualité ,  je  règle  ma  iMufique , 

Et  prends  un  ton  ou  plas  haut  ou  plus  bas. 

Quelquefois  je  m'explique  en  mnitre , 
Et  d'autres  fois  fort  humblement. 
Je  fuis  fixe  &  mobile ,  2c  tour  mon  mouvement 
Eft  fans  quitter  l'endroit  où  j'ai  coutume  d'être. 

Je  n'ai  pas  un  fort  grand  crédit , 
Quoique  de  bien  des  lieux  je  procure  l'entrée  ) 
Le  fecours  d'une  main  pour  cela  me  fuiE: , 

Et  rend  la  chofe  fort  aifée. 


4Ô  ^=MA=2 

Enfin ,  pour  n'omettre  ici  rien  ; 
Dans  mon  ordinaire  exercice  , 
Je  ne  parle  François  ni  Suiffe  : 
En  mille  endroits  pourtant  un  SuifTe  m'entend  bien. 

Martyre. 

Ce  nom,  qui,  en  Grec,  fîgnifîe  Té- 
moin, eft  donné  par  l'Églife  aux  Fidèles 
qui  ont  fouffert  les  tourmens,  ou  même 
la  mort,  pour  foutenir  la  Religion  Chré- 
tienne ,  par  la  conftance  de  leur  témoi- 
gnage. On  en  perfonnifie  l'allégorie  par 
la  figure  d'un  beau  jeune  homme  à  ge- 
noux 5  &  vêtu  d'une  robe  rouge,  qui  eft 
la  couleur  fymbolique  de  la  Charité.  11  a 
la  face  riante ,  tournée  vers  le  Ciel ,  qui  eft 
ouvert ,  &  dans  lequel  fe  découvre  une 
Croix  rayonnante.  Il  tient  deux  Palmes  ^ 
Se  proche  de  lui  font  les  inftrumens  qu'on 
employoit  au  Martyre. 

ÉNIGME    XII. 

Voulez-vous  fçavoir  ma  ftrudure  ? 

Je  fuis  de  plus  d'une  coulem-  5 

J'emprunte  plus  d'une  figure  : 
Tantôt  d'un  Maure  affreux  j'imite  la  noirceuî" , 
Tantôt  d'un  Adonis  j'étale  la  blancheur  j 
Je  fçais ,  comme  il  me  plaît ,  copier  la  Nature  , 

Soit  en  beauté ,  foit  en  laideur. 


^=MA=-  4.t; 

Sans  recourir  aux  Iccicrs  de  Médéc , 
J'ai  le  grand  art  de  rajeunir  les  vieux  : 
Par  mon  fecours,  mainte  vieille  ridée 
A  fait  naître  fouvent  des  deiî rs  amoureux. 

Mais  que  mon  régne  eft  peu  durable  ! 
Malgré  tous  mes  talens,  fi-tôt  que  le  jour  luit, 
Je  parois  fi  déralLonnable  , 
Que  chacun  me  quitte  &  me  fait. 

Massue, 

Sorte  d'Arme  lourde  &c  gronTe  par  uii 
bout  5  propre  à  aiTommer.  C'eft  le  Sym- 
bole ordinaire  d'Hercule ,  parceque  ce 
Héros  ne  fe  fervoic  que  d'une  Maffut 
pour  combattre  les  Monftres  &  les  Ty- 
rans. Après  le  combat  des  Gcans,  il  con- 
facra  fa  Maffuë  à  Mercure  :  on  dit  qu'elle 
étoit  de  bois  d'Olivier  fauvage,  Se  qu'elle 
prit  racine  &  devint  un  grand  arbre.  On 
donne  aulTi  quelquefois  la  Ma£uc  à  Thé- 
fée.  Euripide,  dans  fes  Suppliantes,  dit 
que  Théfée  combattant  contre  Créon,  Roi 
deThèbes,  s'arma  d'une  Majfuë  énorme 
avec  laquelle  il  renverfoit  tout  ce  qui 
s'oppofa  à  fa  fougue.  Le  Poète  appelle 
cette  Majfuë ,  Epidaurienne  ^  parcequ'au 
rapport  de  Plutarque,  Théfée  en  dépouilla 
Périphétès,  qu'il  tua  dans  Epidaure  ;  & 
il  s*en  fervit  depuis,  comme  Hercule  de 
la  Peau  du  Lion  de  Némée. 


4^  s=.MA=^    . 

Mathématique. 

Il  n'eil  point  d'Art  égal  au  mien  ; 
Ce  que  j'ai  démontré  ,  nul  ne  le  peut  combattre  s 

Je  prouve,  &  je  prouve  fi  bien, 
Qu'on  douteroit  plutôt  que  deux  &  deux  font  quatre. 

Cette  Science  ,  qui  efl  fpécu^ative  Se 
pratique,  fe  repréfenre  par  la  figure  d  une 
Marrône  d  âge  avancé.  Elle  a  des  ailes  à 
la  tête  'y  Se  ion  vêtement  blanc  Se  tranfpa- 
rent  fignifie  que  fes  démonftrations  font 
claires  Se  intelligibles.  Elle  tient  un  Glo- 
be 5  Se  démontre  avec  un  Compas  des 
Figures  géométriques  ,  qui  font  tracées 
fur  une  table  foutenuc  par  un  jeune  ado- 
lefcentj  qui  l'écoute  avec  attention. 

M  ATR  ALES. 

Fêtes  qui  fe  célébroient  à  Rome,  par 
les  Matrones,  en  l'honneur  de  la  Déelfe 
Matuta.  Elles  lui  ofFroient  des  Libations 
rufriques  cuites  dans  des  pots  de  terre. 
Ovide  appelle  ces  Libations ,  F  lava  Liha^ 
des  Libations  roulTes.  Il  n'étoit  pas  permis 
aux  fervantes  d'entrer  dans  le  Temple  de 
Matuta  ;  on  n'y  en  admettoit  qu'une  ,  qui 
écoit  largement  fouftletée. 


Matronales. 

Fêtes  célébrées  à  Rome  par  les  Ma- 
trones ,  aux  Calendes  de  Mars.  Ovide 
donne  cinq  caufes  a  l'iiiftitution  de  cette 
Fête  :  la  première  efl ,  que  les  Sabines  en- 
levées par  les  Romains,  mirent  fin  à  la 
cruelle  guerre  que  fe  faifoient  les  deux 
Nations  ,  dont  l'une  vouloir  tirer  ven- 
geance du  rapt ,  &  l'autre  vouloit  le  fou- 
tenir  :  la  féconde  ,  afin  que  Mars ,  en 
l'honneur  de  qui  fe  faifoit  la  Fête ,  leur 
procurât  la  même  félicité  qu'à  Romulus 
&  à  Rémus  fes  enfans  :  la  troifième,  afin 
que  la  fécondité  que  la  terre  éprouve  au 
mois  de  Mars ,  fût  donnée  aux  Matrones  : 
la  quatrième ,  parceque  c'étoit  aux  Calen- 
des de  ce  mois ,  qu'on  avoic  dédié  un 
Temple  à  Junon  Lucine  fur  le  Mont  Ef- 
quilin  :  la  dernière  enfin,  parceque  Mars 
étoit  fils  de  la  DéefTe  qui  préfidoit  aux 
noces  &c  aux  accouchemens.  On  fait  donc 
en  ce  jour  des  Sacrifices  à  Mars,  à  Junon 
Lucine ,  ôc  a  toutes  les  Divinités  qui  préfi- 
doient  aux  mariages.  Cependant  on  évi- 
toit  de  le  marier  en  ce  mois-ci ,  parce- 
qu*on  le  croyoit  malheureux,  à  caufe  de 
Tadultere  de  Mars  ôc  de  Vénus, 


M  A  U  s  O  L  E  , 

Frère  Se  Époux  d'Arcémife ,  efl  devenu 
célèbre  par  l'amour  que  fa  femme  eut 
pour  lui  :  «  Amour,  dit  Aulugelle,  qui 
«  pafTe  tout  ce  que  la  Fable  a  jamais  dé^ 
5j  biré  touchant  les  AmanSé  On  a  peine 
3>  à  croire  que  le  cœur  humain  puifle  ja* 
>5  mais  pouiTer  il  loin  fa  tendrelfe.  Mau- 
jyfo/e  mourut  entre  les  bras  de  fa  femme, 
3>  qui  fondoit  en  larmes,  défolée  de  certe 
3?  cruelle  féparation.  On  lui  fit  de  magni- 
3>  fiques  funérailles*  Cependant  le  deuil 
j>  d'Artémife  ne  ceifoit  point  j  la  privation 
»  &  l'abfence  defon  mari  augmentoient  {qs 
»  douleurs.  L'Amour  inventif  lui  infpira 
»•  une  chofe ,  où  elle  efpéroit  de  trouver 
«  quelque  foulagement.  Elle  prit  les  cen- 
35  dres  de  fon  mari ,  avec  les  offemens  qu'elle 
3)  fit  réduire  en  poudre,  mêla  le  tout  avec 
»  des  aromates  &  des  parfums  j  elle  l'in- 
»  fufa  dans  de  l'eau ,  &  l'avala  peu  à  peu , 
»  comme  fi  elle  eût  voulu  changer  le  corps 
»  de  fon  mari  en  fa  propre  fubftance.  » 
Non  contente  de  cela ,  Artémife  fit  bâtir , 
en  l'honneur  des  Mânes  de  MaufoUy  le 
plus  fuperbe  Monument  qu'on  eut  encore 
vu,  elle  y  employa  les  quatre  plus  habiles 
Architectes  de  la  Grèce,  qui  rendirent  cet 
Édifice  une  des  fept  Merveilles  du  Mon- 


âe.  Il  avoit  quatre  cents  onze  pieds  dç 
circuit ,  &c  cent  quarante  pieds  de  hau- 
teur ,  y  compris  une  pyramide ,  de  même 
hauteur  que  l'Edifice ,  dont  il  étoit  fur- 
monté.   Ce  célèbre  Monument  porta  le 
nom  de  Maufolée  y  nom  qui  a  palTé  de- 
puis à  tous  les  grands  Sépulcres  ,  qui  fe 
diftinguoient  par  la  magnificence  de  leur 
{Irudure.  Pour  ne  rien  omettre  de  ce  qui 
pourroit  célébrer  la  mémoire  de  fon  mari, 
Artémife  établit  des  Jeux  funèbres ,  afÏÏ- 
gnant  de  grands  prix  pour  les  Poctes  ëC 
pour  les  Orateurs,  qui  viendroient  à  l'envi 
exercer  leurs  calens  en  l'honneur  du  Roi 
MaufoU,  Enfin  on  prétend  qu'Artémife  ne 
furvécut  que  deux  ans  à  fon  mari,  &  que 
fa  douleur  ne  finit  qu'avec  fa  vie.  Mais 
fi  nous  en  croyons  Vitruve  &  Démofthè- 
ne ,  Artémife  ,  durant  fa  viduité ,  ne  fe 
conduifit  point  en  veuve  défolée  &  in- 
c.onfolable  \  car  ils  lui  font  faire  de  très- 
belles  conquêtes  fur  les  Rhodiens  ;  ce  qui 
a  donné  lieu  à  Bayle  de  foupçonner,  que 
tout  ce   qu'on   dit  de  merveilleux   de  la 
ttiftelFe  d Artémife,  pourroit  bien  avoir 
éié   tiré  de   quelque  Roman   du   temps , 
£j  copié  dans  la  fuite  par  les  Écrivain! 
poftéjrieurs. 


^6  ===  M  É  .=: 

MÉCHANC  ETE, 

C'eft  la  plus  prochaine  difpofitîon  à 
l'Iniquité  5  parcequ'il  n'y  a  qu'un  feul  dé- 
gré  entre  le  Méchant  Ôc  l'Inique.  On  la 
perfonnifie  fous  la  figure  d'une  femme  de 
moyen  âge ,  parceque  .c'eft  celui  dans  le- 
quel, ayant  vaincu  la  timidité,  on  eft  le 
plus  capable  d'effronterie,  &c  de  fuivre  à 
front  découvejrt  les  idées  vicieufes.  Son 
regard  fournois ,  fon  air  fombre ,  &  fa 
coëffure  en  défordre  annoncent  les  agita- 
tions internes  de  fon  âme.  On  l'habille 
de  couleur  brune  j  &  elle  conlidère,  d'un 
air  de  complaifance ,  un  Afpic  &c  un  Cou- 
teau à  deux  tranchans ,  qu'elle  tient  dans 
fes  mains.  Les  autres  Attributs  qu'on  lui 
donne,  font  le  Serpent  a  face  humaine» 
qui  défigne  la  Fraude  j  le  Singe ,  qui  eft 
FEmblême  de  la  Malice  j  &  l'Araignée, 
qui  tend  (es  toiles.  Se  fait  allufion  aux 
pièges  que  la  Méchanceté  drefte  à  la  vie  , 
à  Ihonneur  &  aux  biens  du  prochain. 

MÉCHANÉUS, 

Surnom  de  Jupiter  \  il  lignifie  celui  qui 
bénit  les  entreprifes  des  hommes.  Il  y 
avoir  à  Argos,  au  milieu  de  Ja  Ville,  un 
C'pfe  de  bronze  d'une  grandeur  médio- 
cre^ qui  foutenoit  la  Statue  de  Jupiter 


Méchanéusy  accompagné  de  Diane  &  de 
Minerve.  Ce  fut  devant  cette  Statue*  que 
les  Argiens  ,  avant  d'aller  au  Siège  de 
Troye  ,  s'engagèrent  tous  par  ferment  a 
périr  pluto:  que  d'abandonner  leur  entre- 
prife. 

ÉNIGME    XIII. 

Sans  crainte  &  fans  effroi ,  tout-à-coup  j'obfcurcîs 
La  chcfe  la  plus  claire  &  la  plus  inconnue  j 
Mais  en  robfcurcilTanc ,  toujours  je  l'éclaircis , 
Et  l'augmente  toujours ,  quand  je  la  diminue. 

Médailles. 

Quoique  la  première  vue  des  Romains, 
en  Faifant  frapper  les  pièces  que  nous  ap- 
pelions Médailles  ^  ait  été  de  donner  de  la 
Monnoie  dans  le  Commerce  ;  ils  ont  voulu 
auffi  que  les  Médailles  fuffent  un  Monu- 
ment éternel  de  leur  Gloire,  Car,  comme 
les  grandes  Médailles  y  que  nous  appelions 
Médaillons ,  &  qu'on  ne  peut  compter 
parmi  les  monnoies  (  puifqu  elles  ont  de 
beaucoup  le  poids  des  as  } ,  étoient  char- 
gées des  évènemens  les  plus  glorieux  à 
l'Empereur  j  on  les  voyoit  ces  évènemens 
en  abrégé  fur  les  Monnoies  que  nous  ap« 
pelions  Médailles,  Or,  fçavoir  développer 
les  Evènemens  qui  iowi  marqués  fur  les 
Médailles  ou  fur  les  Monnoies  qui  îokï% 


4^  =MÉ  = 

venues  jufqu  a  nous  j  ceft  connoîrre  par- 
ticulièrement ce  qu'on  appelle  la  Science 
des  Médailles,  C'ell  de  cette  Science  dont 
je  me  propofe  de  donner  ici  en  abrégé 
les  Règles. 

Première   Reglje. 

La  première  Règle  que  vous  devez  fui- 
vre  dans  l'explication  des  Médailles ,  c'efl 
de  ne  vous  éloigner  jamais  de  la  Vérité 
de  l'Hiftoire  j  parceque  les  Médailles  étant 
des  Monumens  établis  pour  conferyer  la 
Mémoire  des  Faits  hiftoriques  à  la  pofté- 
rité  j  quand  elles  ont  quelque  chofe  d'obf- 
cur,  on  ne  peut  rien  faire  de  mieux,  pour 
difliper  cette  obfcurité,  que  de  confulter 
les  autres  Monumens  établis  a  même  lin  ; 
ceft-à-dire,  les  Inf^rriptions  &  les  Au- 
teurs. Tous  ces  Témoins  fe  doivent  un 
fecours  mutuel  en  faveur  de  l'Hiftoire  des 
Siècles  paflfés. 

J'avoue  que ,  quand  la  Légende  de  la 
Médaille  eft  claire ,  &  que  tout  le  monde 
convient  de  fon  explication  littérale,  c'eft 
alors  un  Monument  préférable  aux  Hifto- 
riens  :  Monumenta  antiqua^  dit  un  Jurif- 
confulte,  non  poffunt per  Hijîoriographos 
eppugnari.  Mais  quand  on  ne  convient 
ni  de  l'explication  littérale  de  la  Légende, 
^i  dii  feus  qu'on  lui  peut  donner ,  quand 


=-  xM  E  =.  49 

même  les  figures  ont  quelque  chofe  d  obf- 
cur,  la  Médaille  ne  peut  faire  un  témoi- 
gnage certain. 

La  Médaille  de  Vitellius,  où  l'on  lit,  Li- 
beri  Imp,  Germaniciy  prouve  que  Vitellius 
avoir  au  moins  deux  enfans ,  quoique  les 
Hiftoriens  n'ayent  parlé  que  d'un  feul,  qui 
mourut  jeune.  Mais  fi  la  Légende  étoit 
moins  ckire ,  &  fans  aucune  figure  qui 
en  déterminât  le  fens,  le  témoignage  de 
ee  Monument  feroir  obrcur  &  douteux  : 
par  conféquent  on  ne  pourroit  s'en  fervir 
contre  l'Hiftoire  j  au  contraire ,  on  n'y 
pourroit  donner  aucune  explication  rai- 
îbnnabie ,  qu'en  fe  conformant  aux  Hifto- 
riens.  11  ne  faut  point  dire  qu'une  expli- 
cation eft  reçevable  ,  quoique  contraire 
aux  Hiftoriens ,  quand  on  n'en  peut  don- 
ner de  meilleure  :  car  àhs  qu'elle  efl:  con- 
traire aux  Hiftoriens,  il  n'y  en  a  point 
qui  ne  foit  meilleure  ;  &  d'ailleurs  il 
faut  avouer  qu'il  y  a  des  chofes  dont  on 
ne  trouve  plus  l'explication. 

A  la  vérité  ,  fi  une  Médaille  éroit  un 
Monument  clair  d'un  fait,  qui  feroit  dou- 
teux dans  les  Hiftoriens ,  elle  n'auroit  pas 
befoin  de  leur  fecours  pour  être  entendue  : 
mais  quand  elle  a  befoin  d'explicatioil , 
cumme  il  arrive  fouvent,  c'eft  aux  Hifto- 
riens ou  aux  Infcriptions  a  l'expliquer. 
Tome  III*  C 


Les  Médailles  nous  donnent  l'image  de 
Conftantin  avec  le  Prénom  de  Flavius  de 
le  nom  de  Valérius.  Les  Hiftoriens  nous 
apprendront  qu'il  avoit  l'un  &  l'autre  de 
fon  père,  lequel  avoit  adopté  Valère  Ma- 
ximien ,  &c  rapportoit  (on  origine  à  la  Fa- 
mille Aqs  Flaves ,  par  Claudia  fa  mère , 
nièce  de  Claude  le  Gothique.  Voila  un 
cclairciifement  qui  doit  contenter. 

L'Hiftoire  nous  apprend  [a) ,  que  Jules 
Céfar  fut  le  premier  qui  fe  fit  un  Prénom 
du  terme  Imper ator  ;  pour  iignifier  la  fou- 
veraine  autorité  qu'il  avoit  ufurpée ,  & 
qu'il  y  eut  même  de  fes  Succefleurs  qui 
fe  firent  un  fcrupule  de  porter  ce  Pré- 
nom (F).  Lors  donc  que  nous  trouvons  fur 
fes  Médailles ^  ^  fur  celles  des  autres  Em- 
pereurs, le  terme  Imperator  au  commen- 
cement de  la  Légende,  ne  devons-nous 
pas  croire  qu'il  fignifie  ce  que  nous  ap- 
p.^llons  Y  Empereur  ?  Vous  me  direz  que  , 
dans  la  Langue  Latine,  du  temps  de  la 
République ,  Imperator  ne  fignifie  rien 
autre  chofe  ,  que  Commandant  &  Géné- 
ral d'Armée.  Il  eft  vrai  ;  mais  voilà  les 
Hiftoriens  qui  m'alTurent  qu'on  lui  donne 
mie  autre  fignification  en  faveur  des  Em- 
pereurs, &  les  Médailles  mêmes  m'em- 

•  (fl)  Suétone,  dans  la  Vie  de  Jules  Céfar , 
(f))  Tibère ,  voyez  Suétone. 


pcchent  d'en  douter  (a)  :  car  nous  y 
voyons  ce  nom  avec  ces  deux  fîgninca- 
tions  j  au  commencemenc  de  la  Légende , 
pour  (ignifier  V Empereur  ;  &  à  la  fin ,  pour 
iignifier  le  Commandement  de  l'Armée» 

Mais  il  ne  faut  pas  s'attendre  que  le 
concert  des  Médailles  &  cies  Kiltoriens 
foit  toujours  aulfi  évident,  qu'il  l'efl  dans 
le  point  dont  nous  venons  de  parler.  Or 
quand  il  ne  l'eil  pas ,  c'eft  au  Monument 
le  plus  clair  à  lervir  à  l'autre  de  flambeau. 
Cette  Règle  ne  vous  paroît-elle  pas  rai- 
fonnable  ?  Et  vouloir  que  ce  qui  eft  obf- 
cur  ou  équivoque ,  ferve  d'explication  à 
ce  qui  eft  clair  &  évident ,  n'eft-ce  pas 
vouloir  pêcher  dans  une  eau  trouble  ? 

Sur  les  Médailles ,  le  terme  AUG.  e(t 
équivoque  \  parceque  de  foi,  il  peut  figni- 
fier  AUGUR,  ou  Augujlus  :  qu'eft-ce 
donc  qui  nous  détermine  à  lui  donner, 
dans  les  Médailles  de  M.  Antoine ,  la  pre- 
mière fignification  ,  &:  non  pas  la  fécon- 
de ?  C'eft  principalement  la  connoilTan- 
ce  de  l'Hiftoire,  qui  nous  apprend  que 
M.  Antoine  fut  Augur ,  &  quil  ne  fut 
jamais  Augufte, 

Sans  le  îecours  de  l'Hiftoire ,  comment 
pouvons -nous   expliquer   une    Médaille 

(«)  2  6"  3  MédailUt 

Cij 


j2  =  M  E  == 

d'Augufte ,  où  l'on  voit  une  Comète  (a)  ? 
Mais  i'Hiftoire  nous  apprend  que,  lorf- 
qu'on  célébroit  des  Jeux  a  la  mémoire  de 
Jules  Céfar,  une  Comète  parut,  qui  donna 
lieu  de  penfer,  que  c  étoit  une  marque  que 
Céfar  avoit  été  reçu  dans  le  Ciel ,  &  qu'on 
fit  repréfenter  cette  Comète  fur  les  Mé^ 
dailks  d'Augufte.  Voila  qui  ne  lailTe  plus 
aucune  difficulté. 

Quand  vous  aurez  le  palfage  d'un  Hif- 
torien  ,  qui  autorifera  l'explication  que 
vous  donnerez  à  une  Médaille ,  votre  ex- 
plication fera  à  l'abri  de  la  critique.  Mais 
fi  cette  explication  n*eft  fondée  que  fur 
des  imaginations ,  vous  ne  perfuaderez 
perfonne  \  Se  tout  au  plus  on  louera  la 
vivacité  de  votre  efprit. 

Un  Antiquaire  avançoit,  que  Vitellius 
s'appelloit  Germanicus  ;  parcequ'il  étoit  de 
la  Famille  du  fils  de  Drufus,  qui  le  pre- 
miet  porta  ce  nom  :  Se  pour  appuyer  cette 
nouvelle  idée ,  contraire  à  tous  \qs  Hifto- 
riens,  il  difoit  que  toutes  les  fois  que> 
dans  une  înfcription  ou  dans  la  Légende 
d'une  Médaille ,  le  nom  Germanicus  fe 
irouvoit  devant  Jugufius  5c  Imper ator  ^ 
c'étoit  un  nom  de  famille  ,  mais  que 
quand  il  fe  tcouvoit  à  la  fin ,  c'étoit  un 

(j)  4  Médaille. 


=  MÉ=  $3 

titre  d*Honneur.  On  pouvoir  nier  fa  ma- 
xime aulli  aifément  qu'il  i'avançoit  j  mais 
il  en  apporcoit  des  exemples. 

A  VITELLIUS  GERMANICUS 
AU  G.  IMP.  Germamcus  en  cette  Mé- 
daille (a)  efl  un  nom  de  Famille. 

IMP.   CiïS.   DOMITIANUS  AUG. 
GERM.  Voilà  Gcrm;inicus  au  titre  d'Hon- 
neur. Pour  renverfer  ce  fyftème  ,  il  n'y 
avoir  qu'à  apporter  l'autorité  de  Suérone, 
qui   nous  apprend   que  Vitel'ius  prit  le 
nom    de    Germamcus    comme    un    titre 
d'Honneur,  qu'il  fignoit  même  Germani- 
cus  :  ce  qui  donna  occadon  à  fa  mère  de 
ne  point  vouloir  lire  Tes  Lettres,  difant 
que  fon  fils  ne  s'appelloit  point  Germani- 
eus.  Mais  pour  faire  voir  à  cet  Antiquaire 
la  faulTeté  de  fa  conjedure,  on  lui  mon- 
tra plus  d'une  Médaille  de  Vitellius,  où 
le  nom  Germanicus  étoit  à  la  hn  de  la  Lé- 
gende ;  &  d'autres  JSUdciilles  de  Néron  , 
qui  fans  doute  appartenoient  de  plus  près 
au  fils  de  Drufus ,  que  Vitellius  ,  &  qui 
ni-anmoins  porcoient  le  Germanicus  à  la 
fin.  Après  quoi  il  fallut  renoncer  aux  nou- 
velles idées. 

Je  ne  vous  dis  pas  qu'il  ne  foit  permis 
à  tout  le  monde  d'apporter  fes  conjectures^ 

(û)  c ,  6  <^^  7  Médaille^ 

C  iij 


54  ^        =MÉ=:== 

mais  je  dis  qu'elles  ne  font  point  reçeva- 
bîes  5  fi  elles  conrredifenc  l'Hiftoire  j  &c 
qu'ordinairement  elles  ne  font  reçues  qu'à 
proportion  de  la  conformité  qu'elles  onc 
avec  le  témoignage  de  l'Hiftoire. 

Dans  la  Médaille  de  Gratien  (a) ,  il  fe 
trouve  un  G  ;,  qui  peut  recevoir  bien  des 
explications.  On  en  a  donné  quatre,  qui 
ont  fait  plus  de  bruit  dans  le  monde ,  que 
les  autres.  Jugez  par  la  Règle  que  je  viens 
de  vous  apprendre  ,  quelle  eft  la  meil- 
leure. 

D.  N.  GRATIANUS  AUG.  G.  AUG. 

La  première  explication  eft.  Dominas 
uojier  Gratianus  Augujïi  Gever  AuQujîus, 
On  a  dit  que  ce  Gratien  étoit  différent 
<îe  celui  dont  l'Hiftoire  nous  parle  ,  que 
les  Médailles  mêmes  n'appellent  point 
Gêner;  ou  que  Gêner  étoit  mis  U  pour 
Filius  y  comme  il  arrive  fouvent  que  Fi- 
lins eft  mis  pour  Gêner,  Conftancin  eft 
dit  Filius  Augujlorum  y  quoiqu'il  fat  Fils 
de  l'un  &  Gendre  de  l'autre.  Salil  appelle 
David  fon  ûlsyjzli  mi  y  quoiqu*il  ne  fut 
que  fon  Gendre.  Mais  cette  explication 
n'a  pu  trouver  d'approbations  parmi  les 
gens  qui  ont  du  goiit  pour  l'Antiquité , 

{a)  8  Médaille, 


=  ME==        ^    S) 

ôc  pour  la  Vérité  ;  parcequ'elle  tPc  con- 
traire à  l'Hiftoire,  Gratien  n'étant  Gendre 
d  aucun  Auguile.  Il  eft  vrai  que  Conftan- 
tin  étoit  appelle  le  hls  des  Auguftes,  mais 
c'étoit  hls  adoptif  ;  &  que  Saiil  appella 
David  fon  fils  ,  Fi/i  mi  ;  mais  c'eft  un 
terme  d'amitié,  dont  les  vieillards  fe  fer- 
vent â  l'égard  des  jeunes  gens.  Pour  Gra- 
tien ,  il  n'étoit  Gendre  d'aucun  Augufte, 
&  il  étoit  véritablement  le  fils  de  Valen- 
tinien  j  aind  il  faut  chercher  une  autre 
explication  à  cette  Légende.  On  en  a  vu 
deux  dans  Iqs  Mémoires  de  Trévoux  j  en 
voici  une  quatrième. 

Do  mi  ri  us  nojîer  Gradanus  Augujii  gra^ 
tià  Augujlus.  La  rai  fon  de  cette  explica- 
tion eft  dans  Zofmie,  qui  nous  apprend 
que  Gratien,  par  une  grâce  fpéciale  de 
Valentinien  fon  père ,  fut  proclamé  Au- 
gufte à  l'âge  de  huit  ans  :  il  éroit  donc 
Ziugujîi  gratiâ  Augujîus.  La  folemnité 
de  la  proclamation  fe  nt  a  Am.iens  ,  eu 
l'on  trouve  de  ces  Médailles.  Cette  expli- 
cation ne  vous  paroit-elle  pas  naturelle  ? 
Pourquoi  aller  chercher  des  chofes  incer- 
taines, &:  fouvent  fauffes  dans  l'opinion 
de  tout  le  monde,  quand  on  en  peut  dire 
de  fî  plaufibles  ? 

Nous   trouvons    des  dates  fur  les  Mé- 
dailles Grecques  de  Commode  >  qui  n'ont 

Civ 


point  de  rapport  avec  les  années  de  foh 
Règne  ;  parcequ'on  y  voit  le  nombre  de 
lo  &  de  30,  quoique  ce  Prince  n'ai:  pas 
règne  douze  ans.  Cette  difïicuiLé  a  par- 
tagé les  Antiquaires. 

Les  uns  ont  dit  avec  beaucoup  de  pro- 
babilité ,  que  ces  dates  marquoient  l'âge 
de  Commode  ;  mais  certe  explication  eft 
contiaire  à  l'ufage,  car  nous  n'avons  au- 
cun Prince  dont  l'âge  ait  écé  marqué  fur 
les  Médailles  :  on  ne  compte  point  qu'un 
Prince  foit  au  monde ,  que  quand  il  y  eft 
pour  le  bien  public ,  Se  qu'il  règne. 

Les  autres  ont  dit,  que  les  dates  étoient 
prifes  de  l'année  que  la  Famille  Aurélia 
monta  fur  le  Trône  :  mais  il  n'eft  pas 
vrai  que  la  Famille  Aurélia  ait  commencé 
à  régner,  lorfque  Commode  vint  au  mon- 
<Ie  ;  mais  lorfque  M.  Antonin  fut  fait  Em- 
pereur. 

Pour  trouver  la  vraie  explication  de  ces 
MèdciilUs  ^  il  n*y  avoit  qu'à  lire  Spartien  : 
car  il  nous  apprend  que ,  lorfque  M.  Au- 
relle  affocia  Vérus  à  l'Empire,  la  chofe 
parut  fi  belle  &  fî  nouvelle ,  que  plufieurs 
Hiftoriens  en  firent  une  Epoque,  Or  cette 
même  année  efl:  celle  de  la  NaifTance  de 
Commode  :  il  ne  faut  donc  pas  s'éton- 
ner fi ,  par  accident,  l'âge  de  Commode>, 
eft  marqué  fur  fes  Médailles.   Voici  le 


paffage  àt  Spartien  :  Tantumque  hiijits  rti 
novitas  ù  dignitas  valuit^  ut  Fajîi  Lo/fu- 
lares  nonnulli  ab  his  fumèrent  ordinem 
Confulum, 

Seconde  Règle, 

La  féconde  Règle,  qu'on  doit  obferver 
dans  l'explication  des  Médailles ,  c'etc  de 
ne  rien  avancer  de  contraire  à  luiage  ob- 
fervé  de  tout  temps  dans  les  Infcriprions  & 
fur  les  Médailles.  Les  Légendes  6:  les  IrS- 
criptions  étoient  des  difcours  qui  dévoient 
être  entendus  de  tout  le  monde  :  ainll , 
quoiqu'ils  fuflent  abrégés,  on  gardoit  urie 
certaine  uniformité  en  les  abrégeant,  qui 
faifoit  qu'en  voyant  l'une,  on  devinoit  les 
autres  ;  on  ne  s'éloignoit  jamais  des  règles 
de  l'abréviation.  C'eft  ainfi  que  nous  en 
ufons  nous-mêmes  dans  nos  dirions  abré- 
gées ;  &  un  homme  qui  voudroit  en  ufer 
autrement  fe  rendroit  inintelligible.  Sur 
ce  pied,  il  j'avois  à  expliquer  les  deux 
Médailles  {a)  y  dont  l'une  eft  d'Agrippa , 
&  l'autre  du  Roi  Théodebert  j  je  ne  dirois 
pas  qu'il  y  a  fur  le  champ  de  la  première, 
Colligavit  Nemo .  ou  Coluber  Kemauj'enjis  ; 
ni  à  la  Légende  de  l'autre,  Kicîoria  Ac^ 
cepta  ;  car  Colligavit  Nemo  &  Viciori-.s 
Accepta  ne  font  point  Latins  \  ôc  s'il  avok 

(a)  0  &  iQ  Médaille. 


5S  =  M  É  = 

fallu  abréger  ces  mots ,  qui  n'ont  point 
coutume  de  l'être ,  on  n'en  auroit  fuppri- 
mé  que  fort  peu  de  lettres  ;  au  lieu  que 
rien  n'eft  plus  en  ufage  dans  les  Médailles 
^es  Colonies ,  que  l'abréviation  du  mot 
Colonia ,  &  du  nom  de  la  Ville.  Ainfi  CoL 
Nem.  (ignifie  Colonia  Nemaufenjîs  :  &  com- 
me dans  le  temps  de  Théodebert,  on  voit 
fur  les  Médailles  des  Empereurs ,  Vi&oria 
Aug*  pour  dire ,  Victoria  Augnfiorum  ;  il 
ne  faut  point  chercher  d'autre  explication 
à  fa  Médaille  ^  ni  chercher  d'autre  raifon 
de  ce  revers ,  fînon  que  les  Monnoyeurs 
François,  par  émulation  &  par  politique, 
imitoient  la  Monnoie  des  Empereurs  Ro- 
mains. 

Je  vous  l'ai  déjà  dit ,  une  Médaille  fert 
à  expliquer  l'autre.  Les  quatre  Lettres 
qu'on  voit  fi  fouvent  fur  les  Médailles  de 
Trajan ,  S  P  Q  R  ,  qui  y  fignifient  Sena- 
tus  Populufque  Romanus ,  ne  fçauroient 
fignifier  fur  d'autres  Médailles  ^  Senatus 
Fopulufque  Remenjis  ;  ni  les  deux  Lettres 
R  P ,  qui  fignifient  par  toutes  les  Infcrip- 
rions  Refpublica ,  fignifier  en  quelques 
Médailles  5  Remorum  Penjio ,  ou  Reclor 
perpetuus  :  autrement  toutes  les  abrévia- 
tions feroient  àQS  énigmes  &  àts  pièges 
qu'on  tendroit  aux  Ledeurs.  C'eft  pour- 
quoi la  Mère  de  la  Science  des  Médailles  y 


c'efl:  l'expi-rience,  qui  fuppofe  îe  goût.  Si 
l'on  manque  de  ces  deux  chofes,  plus  on 
a  d'efprit,  plus  on  eft  fujèt  à  s'égarer. 

Voulez-vous  fçavoir  ce  que  porte  une 
Médaille  ?  Voyez  ce  que  portent  celles 
qui  ont  été  frappées  avant  ôc  après  :  Om- 
Tîis  res  anterior,  dit  Tertullien,/^cy?^r/c>n^ 
normamfuhminijirat.  Les  Siècles  préfens> 
dit  le  Sage,  ne  (ont  qu'imiter ,  corrompre 
ou  perfecl:ionner  ce  que  les  autres  Siècles 
ont  inventé  ;  le  fond  efl  le  maiie.  Pour- 
quoi auroit-on  abrégé  le  terme  Duplex 
du  temps  de  Licinius ,  puifqu'on  ne  l'a 
jamais  abrégé ,  ni  peut-être  vu  fur  les  A//- 
dailles  ?  Et  fuppofé  qu'on  eut  voulu  abré- 
ger fur  les  Médailles  de  ce  Prince  le  terme 
Vicioria  ;  comment  l'auroit-on  abrégé  ? 
Comme  on  l'abrégeoit  fur  les  Médailles 
de  (qs  Prédécelfeurs ,  vie,  vicl.  Cette  Lé- 
gende O  B  D  V  I  filii  fuij  ne  doit  donc 
pas  s'expliquer  comme  on  vous  l'a  dit , 
Ol>  dïipl'icem  vicloriam  filii  fui  ;  non-feu- 
lement parceque  le  jeune  Licinius  n'écoic 
pas  en  âge  en  ce  temps-là  de  remporter 
Aqs  ViiîVoires,  &  que  l'Exergue  de  la  Mé^ 
daille  en  explique  la  Légende,  puifqu'oa 
y  voit  Sic,  X,  Sic.  XX,  qui  la  détermine 
à  figniher  Ob  Vccenrialia  vota  filii  fui  ; 
mais  parceque  Duplex  ni  J^ictoria  ne  s'a- 
brégeoient  point  ai  ru  fur  ces  Médailles^ 

C  vj 


60  ^  t=C:^MÉ  — 

L'expérience  nous  apprendra  encore , 
que  les  noms  de  Famille  ou  les  noms  pro- 
pres ne  s'abrègent  point  j  ou  que,  quand 
ils  font  abrégés ,  ils  ne  font  pas  placés  â 
îa  Rn  de  la  Légende,  qu'on  ne  les  traduit 
jamais ,  de  qu*on  ne  leur  joint  jamais  le 
terme  ncjler.  De-îà  vous  conclurez,  que 
les  noms  de  Céfar,  d'Augufle,  de  Demi- 
nus ,  de  Princeps ,  dans  les  Empereurs , 
font  des  noms  de  Dignités,  Se  non  de 
Famille  :  car  on  dit,  Cafares ,  Augujîi ^ 
Principes  Domini  nojîri  ;  au  lieu  qu'on  ne 
dit  pas,  Antonius  nojier y  Severus  nojîer. 
Les  noms  de  Pius\  de  Félix ^  de  Victor ^ 
de  Maximus  y  font  traduits  en  Grec  par 
rjd^ïiç ,  &c.  Ce  qui  fait  voir  qu'ils  ne  font 
pas  noms  de  Famille. 

Vous  fçaurez  par  la  même  expérience  > 
«que  X  comme  dans  les  Devifes  il  n'y  a 
qu'une  âme  &  un  corps  ;  dans  les  Médail- 
les ^  il  n'y  a  qu'un  Revers  ôc  une  Légende. 
S'il  y  a  d'autres  Lettres  ou  d'autres  Sym- 
boles, ils  font  hors  d'oeuvre  :  c'eft  pour- 
quoi nous  les  appelions  Exergue  j  c'eft  la 
cîate  de  la  Médaille ,  ou  quelque  autre 
chofe,  que  je  vais  expliquer. 

EXPLICATION   DES    EXERGUES 

DES   MÉDAILLES  ANTIQUES. 

V Exergue^  félon  rÉrymologie  du  mot 3 


^gnifie  proprement  ce  qui  eil  hors  d'oeu- 
vre :  mais  dans  les  Médailles  ^  nous  appel- 
ions Exergue  l'endroit  où  font  placées  les 
chofes  qai  ne  font  hors  d'œuvre  j  c'eft-à- 
dire ,  qui  ne  font  ni  les  Figures  ni  la  Lé- 
gende de  la  Médaille ,  La  chcfe  fe  com- 
prendra plus  aifément  par  des  Exemples. 
Voila  une  Médaille  fans  Exergne  (a). 
D'un  côté ,  eft  la  tète  de  la  Déelfe  Salus  ; 
fon  nom  fert  de  Légende  :  au  Revers ,  efl 
la  Figure  de  la  même  DéefTe  debout  j  & 
d  i'enrour  eft  le  nom  de  Mucius  Acilius  ^ 
Commiiïaire  de  la  Santé,  qui  fit  frapper 
la  Médaille,  Dans  toutes  celles  qui  fui- 
vent  {h)  5  il  y  a  un  Exergue ,  c'eft-à-dire , 
un  Mot,  une  Syllabe,  ou  une  Lettre,  un 
Chiffre  ,  ou  un  Symbole  hors  d'œuvre. 
Dans  la  première,  le  mot  Roma  eft  dans 
l'Exergue  j  pour  fignifier  la  Ville  où  la 
Monnoie  avoir  été  frappée.  Dans  la  fé- 
conde ,  c'eft  la  première  Syllabe  du  mot 
A  a  lus ,  qui  eft  un  àts  noms  d'Apollon, 
ou  d'Actium ,  qui  eft  le  lieu  où  Augufte 
gagna  une  célèbre  vidoire.  Dons  la  croi- 
fîéme,  la  Lettre  E  peut  être  la  marque  de 
l'Officine  où  la  Médaille  avoit  éré  frappée. 
Dans  la  quatrième,  font  des  Chiffres,  qui 
demandent  une  plus  longue  explication» 

(û)  1 1  Me'd, 

{h)  iij  13,  14,  15,  1(5  MédallU^ 


62  ^=MÉ^ 

Dans  la  dernière ,  c'eft  le  Bâton  augurai , 
marque  de  la  Dignité  de  celui  dont  on 
voir  la  tète  fur  la  Médaille.  Tous  les  au- 
tres Exergues  fe  rapportent  à  ceux-ci.    - 

Je  penfe  que  le  premier  ufage  qu'on  a 
fait  des  Exergues  ,  a  été  pour  marquer  la 
valeur  de  la  Monnoie  ,  par  des  lettres ,  ou 
par  des  points.  Lorfque  ces  Monnoies 
commencèrent  a  être  ornées  des  Faits ,  des 
Noms ,  &  des  Portraits  des  grands  hom- 
mes, pour  faire  place  aux  Légendes  &  aux 
Figures ,  on  rejetta  la  marque  du  Prix  de 
la  Monnoie  dans  l'Exergue. 

Dans  la  première  Médaille  (  ^  )  ,  qui 
ell:  un  denier  de  la  Famille  Aburia  ,  TX 
eft  la  valeur  de  la  pièce  \  c'eft-â-dire  ,  de 
dix  as.  Dans  la  féconde  de  bronze  de  la 
même  Famille  ,  les  trois  points  fignifient 
que  la  pièce  vaut  trois  onces  j  c'eft-à-dire , 
la  quatrième  partie  de  l'as  ,  ou  un  Qua" 
dras.  Le  Quadras  ,  dans  fon  inftitution  , 
pefoit  un  quarteron ,  ou  la  quatrième 
partie  d'une  livre  \  dans  les  derniers  temps 
il  ne  pefoit  que  la  quatrième  partie  d'une 
demi-once ,  qui  étoit  le  poids  de  l'as ,  & 
ne  laiffoit  pas  d'être  de  même  valeur ,  & 
de  porter  les  mêmes  marques  j  &  fur  la 
fin  de  l'Empire  il  ne  pefoit  plus  qtfiLne 

{a)  17,  18  Médaille, 


demi-dragme  ,  comme  nos  deniers ,  qui 
ctoienr  aurrefois  du  poids  des  deniers  Ro- 
mains ,  &  d'argent ,  &  qui  font  à  préfent 
de  billon. 

Du  temps  des  Empereurs  on  ceffà  , 
comme  nous  l'avons  remarqué  ,  de  mettre 
le  Prix  fur  la  Monnoie  ,  parce  qu'étant 
toujours  d'un  certain  volume  ,  il  étoit  aifé 
de  juger  par-Jà  de  fa  valeur.  Mais  dans  le 
défordre  de  l'Empire  ,  le  défordre  s'étant 
glifTé  ainfi  dans  la  Monnoie  ,  on  fut  obligé 
de  recomm'ençer  à  marquer  le  prix  fur  la 
Monnoie  :  comme  il  y  avoir  peu  d'argent , 
on  fe  contenta  de  Deniers  Saucés  {  a  j  ^ 
qu'on  fit  valoir  quatre  ,  cinq  ,  &  jufqu'à 
douze  as  ;  &  les  as  qui  éroient  de  même 
poids  Se  de  même  volume  que  les  deniers, 
valoient  à  proportion  la  quatrième  ,  la 
cinquième  ,  &  à  la  fin  la  douzième  par- 
tie du  denier.  Cela  fe  voit  fur  les  Mé» 
dail/es  de  Galien  (  ^  )  &  de  quelques  Ty» 
rans. 

Les  deux  premières  font  faûcées ,  l'une 
vaut  fix  Se  l'autre  fept  as  j  les  deux  autres 
font  de  bronze  pur ,  Se  valent  la  dixième 
ou  la  onzième   partie  du   denier  :   elles 

(a)  Les  Medailliftes  appellent  Deniers  Saâcés, 
ceux  qui  font  battus  fur  le  cuivre  lèul,  ôc  piis 
argentés. 

(^)  19 j  20  j  21 ,  22  MédailU» 


(f4  ==MÉ=-= 

fonc  toutes  de  Galien.  Aurélien  ayant 
mis  a  la  raifon  les  Monnoyeurs  qui  avoient 
excité  dans  Rome  une  fédition  terrible  , 
fit  valoir  les  Deniers  jufqu'à  vingt-quatre 
as  y  &  les  as  rj'étoient  à  proportion  que  la 
vingt-quatrième  partie  du  Denier.  Il  y  a 
tant  d'Exemples  de  cet  Exergue ,  que  je 
ne  crois  pas  nécefTaire  d'en  apporter  ici. 
Cet  ufage  dura  jufqu'au  Règne  de  Dio- 
clctien  Se  de  Maximien  j  qui  rétablirent 
la  proportion  des  trois  bronzes  :  le  grand 
bronze  ou  l'as  pefoit  deux  dragmes ,  le 
moyen  bronze  ou  le  demi-as  une  dragme, 
de  le  petit  bronze  ou  le  quadrans  une 
demi-dragme.  Ces  as  néanmoins  ne  va- 
loienr  pas  davantage  que  fous  les  Règnes 
précédens  \  mais  les  Deniers  étoient  d'ar- 
gent 5  &  pefoient  une  demi-dragme  ou 
environ.  Cet  ufage  des  trois  bronzes  étant 
bien  établi ,  on  ceflTa  de  marquer  le  Prix 
fur  la  Monnoie ,  par  la  même  raifon  qu'on 
ne  Tavoit  pas  marqué  dans  le  haut  Em- 
pire ;  &  cette  proportion  des  trois  bronzes 
dura  jufquà  la  fin. 

On  me  demandera  fut  quoi  fondé ,  j  af- 
fure  que  les  Chiffres  qu'on  voit  fur  les 
Médailles  ^  depuis  Galien  jufqu'à  Dioclé- 
tien  5  flgnifient  le  Prix  de  la  Monnoie.  Je 
réponds  ,*que  ces  Chiffres  fignifîent  quel- 
que chofe  j  ou  la  date  de  la  Médailk  ^ 


comme  nous  la  voyons  marquée  fur  les 
McdailUs  Grecques  ,  ou  quelque  libéra- 
lire  ,  ou  quelque  Tribut ,  ou  le  Prix  de  la 
Monrxie.  Ce  n'ePc  pas  la  date  du  règne 
du  Prince  ,  parce  qu'on  trouve  les  nom- 
bres de  lo  furies  Mcnnoies  d'un  Prince 
qui  n'a  pas  régné  dix  ans.  Ce  ne  font  pas 
Âzs  Libéralités ,  parce  qu'elle  ne  fe  mar- 
quent pas  ainfi  ,  comme  or»  peut  voir  dans 
toutes  les  Médailles  Impériales  &  dans 
celles  même  des  Empereurs ,  qui  portent 
les  Chifïl-es  dont  nous  parlons.  Ce  ne  font 
pas  dQS  Tributs  j  car  les  Tributs  dont  on 
eût  voulu  abolir  la  mémoire,  ne  fe  mar- 
quoient  pas  fur  l^s  Médailles,  C'efi:  donc 
le  Prix  de  la  Monnoie  qu'on  avoit  mar- 
qué autrefois ,  «Se  qu'on  jugea  à  propos  de 
marquer  encore  lorfque  le  befoin  en  re- 
vint ,  comme  on  cefla  de  le  marquer  lorf- 
que le  befoin  en  fut  paifé. 

On  me  dira  que  fous  Galien  on  voit 
les  Médailles  changer  notablement  de  va- 
leur :  il  efl:  vrai  ;  mais  il  faut  confidérer 
que  le  Règne  de  Galien  fut  de  tous  les 
Règnes  le  plus  agité  ,  &  que  par  ce  qui 
s'eft  paiïc  prefque  de  notre  temps  ,  <Sr  fur- 
tout  dan;  le  dix-huitièm.e  (iécle  ,  en  ce 
Royaume  fur  le  prix  du  Adarc  d'Argent , 
on  peut  juger  que  les  changemens  dont 
on  parle  font  très-poffibles. 


66  =  M  É  = 

On  pourroic  faire  encore  une  objec- 
tion :  c'efl;  que  fur  les  Médailles  de  TEm- 
pire  Grec  5  on  voit  àts  Chiffres  qui  tien- 
nent tout  le  champ  de  la  Médaille ,  ce 
qui  ne  fignifie  pas  néanmoins  le  Prix  de 
la  Monnoie.  On  en  voit  aufli  fur  les  Mé^ 
dailles  Confulaires ,  qui  ne  peuvent  pas 
avoir  cet  ufage  :  il  efl  vrai  \  mais  comme 
l'explication  de  ces  Chiffres  demande  une 
note  particulière,  nous  allons  l'expofer  ici. 

EXPLICATION  DES  CHIFFRES 

DES  MÉDAILLES  DE  L'EmPIRE  GrÈC. 

Ce  n'eft  pas  feulement  parce  que  les 
Chiffres  des  Médailles  de  l'Empire  Grec 
font  ordinairement  placés  dans  le  champ  , 
que  je  ne  veux  pas  qu'ils  y  foient  mis  , 
pour  marquer  le  Prix  de  la  Monnoie  , 
mais  parce  qu'il  n'efl  pas  pofiibîe  que  la 
Monnoie  ait  haufTé  ou  bailTé  de  prix  en 
un  an  ou  en  deux  ans ,  autant  qu'il  fau- 
droit  le  fuppofer ,  fi  les  Chiffres  en  mar- 
quoient  la  valeur. 

Voilà  deux  Médailles  [a)  de  Th.  . . . 
rapportées  par  Du  Cange  ;  la  première  eft 
de  petit  bronze  ,  &  la  féconde  de  grand 
bronze  \  c'eit-a-dire  ,  que  la  première  n'a 
que  le  quart   du    poids    de  la  féconde  , 

{ci)  23  ,  i4  Mid, 


^  =  M  É  =  6j 

elles  ont  été  frappées  toutes  deux  la  même 
année  ,  &  cependant  elles  font  de  même 
valeur.  Cela  peur-ii  fe  concevoir  ?  C'eft 
comme  fî  nous  dirons  que  FEcu  en  une 
même  année  a  été  réduit  à  1 5  fols  ,  ou 
que  la  pièce  de  i  5  fols  eft  montée  juf- 
qu'à  la  valeur  de  ^o.  Cela  m'empêche  de 
croire  que  les  Chiffres  ayent  lignifié  le 
prix  des  Monnoies  à  l'égard  des  Tributs, 
ou  des  Libéralités.  Les  raifons  que  nous 
avons  apportées  pour  les  exclure  des  Exer- 
gues des  Médailles  de  Galien  &  de  {ts 
fucceffeurs  jufqu'à  Conftantin  ,  font  ici  le 
même  effet.  On  ne  peut  pas  dire  que  ce 
foit  la  date  du  Règne  du  Prince  :  car  fans 
aller  chercher  d'autres  exemples  que  ceux 
qu'apporte  M.  Du  Cange  ,  Michel  le 
Bègue  ne  régna  pas  neuf  ans  ,  &  cepen- 
dant on  trouve  le  nombre  de  30  fur  [q^ 
Médailles.  Ce  nombre  ne  fignifîe  donc 
pas  la  date  de  fon  règne. 

J'avoue  qu'il  efl  difficile  de  leur  donner 
une  fignifîcation  bien  plaufible  ,  &  que 
celle  que  je  vais  apporter  eft  nouvelle. 
J'efpère  néanmoins  qu'elle  fe  fera  mieux 
recevoir  que  \qs  autres.  Je  dis  donc  que 
ces  Chiffres  qu'on  voit  fur  les  Médailles 
de  l'Empire  Grec ,  fonr  les  Vœux  des  peu- 
ples pour  la  profpérité  du  Prince. 

Pour  donner  du  jour  à  cette  penfée ,  il 


62  ,=:^MÉ-=:^ 

faut  fe  refTouvenir  que  c'étoit  en  ufage 
chez  les  Romains,   de  faire  des  Vœux 
folemnels  tous  les  cinq  ans  &  tous  les  dix 
ans  5  pour  la  profpérité  de  la  République , 
(a)  Si  res  populi  Romani  ac  Quiritium 
ad   quinquennium  ,  falva  fervata   erit  : 
voilà  les  Vœux  quinquenniaux  :  Ji  in  de- 
cem   annos  reffublica  in  eodem  [icitu  (ie^ 
tiffct  :  voilà    les   Vœux    décennaux.   Cet 
ufage  de  la  République  pafTa  dans  TEm- 
pire  ;  &  ce  qu  on  avoit  fait  pour  elle ,  on 
le  fit  pour  les  Empereurs.  Voici  le  témoi- 
gnage de  Suétone  lâ-deffus  :  Vota  quœ  in 
proximum  lujîrum  fiifcipi  mes  eji ^  dit-il  , 
en  parlant  d'Augufte  ,  colle gam  juum  nun- 
cupajfe  jujjît  :  jiam  fe  qiiamvis  confcriptis 
paratifque  tabulis   negavit  fufcepturum  , 
quœ  non  ejftt  foliturus,  Augulce  ne  vou- 
lut point  former  des  Vœux  ,  qu'il  n'ofoit 
efpérer  de  pouvoir  accomplir ,  à  caufe  de 
fon  âge  &:  de  (qs  incommodités.  Ain/i  il 
les  fit  former  par  Tibère  qui  étoit  fon 
collègue  dans  le  Confulat ,  &  qui  devoir 
être  fon  fuccefTeur  à  l'Empire.  Les  autres 
Empereurs  ne  furent  pas  fi  fcrupukux  , 
comme  vous  verrez  dans  la  fuite. 

Quoi  qu'il  en  foit ,  voici  la  formule  de 
ces  Vœux ,  comme  elle  avoit  été  compo- 

(a)  Luc,  L.  2j  D^c.  5, 


Ce  par  Numa ,  &  telle  qu'on  la  garda 
religieufement  julqu'à  la  chute  du  Paga- 
nilme  :  Prius  pofco ,  Jupiter  ,  uti  fies  vo^ 
Uns  propitius  in  decejmium  N,  Augujio  : 
quodfifaxis  tune  tiki  votum  bove  aurato 
vovemus  ejfe  futur um  ^  luiis  Circenfihus 
vovemus  eJfe  futurum  ,  ludis  Glaiiatoriis. 
vovemus  efe  futurum.  Depuis  Augufte  ks 
Vœux  fe  tormoient  la  première  année  du 
Règne  de  chaque  Empereur  ^  à  moins  qu'il 
n'y  aie  eu  quelque  obftacle  :  &  c'eft  à  cqs 
Vœux  folemnels ,  &  aux  Jeux  qui  les  ac- 
compagnoienr ,  que  le  Sçavant  Père  Pagi 
-  attaché  toute  fon  Hiftoire  Confulaire. 
ous  avons  à^s  marques  de  ces  Vœux 
ur  [qs  Médailles  ;  mais  ils  ne  paroilTenc 
.vec  le  terme  Décennaux ,  que  fous  l'Em- 
pire d'Anronin.  Fota  Sufcepta  font  les 
Vœux  formés.  Fota  Soluta  font  \qs  Vœux 
accomplis  :  en  même-temps  qu'on  s*ac- 
:]uittoit  des  premiers  Décennaux,  on  for- 
:iioit  \qs  féconds  :  du  moins  c'étoit  le  Rit 
ordinaire  ;  mais  on  s'en  difpenfa  dans  la 
fuite.  Les  Vœux  marqués  fur  cette  Mé^ 
iaille  ,  font  ceux  dont  Antonin  s'acquitta 
'a  deuxième  année  de  fon  Règne. 

Cette   coutume  de  marquer   ainfi   \q% 
Vœux  Décennaux  fur  les  Médailles  ,  dura 
ufquà  la  décadence  de  l'Empire. 
Probus  fut  le  premier ,  amant  que  nous 


70  =MÉ==i 

en  pouvons  avoir  connoifTance ,  qui  réta- 
blit la  coutume  de  mettre  les  Vœux  fur 
les  Médailles ,  avec  cette  différence  qu  il 
en  abrégea  la  formule  ,  &  qu'on  ne  garda 
plus  le  Rit  ordinaire  :  car  iî  la  Médaille 
que  rapporte  Meffabarba  eft  vraie ,  où 
on  lit  : 

^  VOTIS  X  PROBI  AUG.  ET  XX. 

il  en  faut  conclure ,  qu'on  fouhaita  à 
Probus  la  première  ou  la  cinquième  an- 
née de  fon  Règne ,  dix  &  vingt  ans  de 
profpérité  :  car  n'ayant  régné  que  fîx  ans , 
on  ne  peut  pas  dire  que  cette  Médaille 
ait  été  frappée  lorfqu'on  s'acquittoit  àQ% 
Vœux  Décennaux ,  qu'on  avoit  fait  pour 
lui  au  commencement  de  fon  Règne. 

La  flatterie  s'augmentant  à  mefure  que 
la  Gloire  de  l'Empire  diminuoit,  on  ne  fe 
contenta  pas  de  demander  cinq  &  dix  ans 
de  profpérité  ;  mais  vingt ,  trente  &  qua- 
rante ans  ;  au  lieu  que  les  premiers  Ro- 
mains croyoient  qu'il  étoit  de  leur  piété 
&  de  leur  modeftie  de  ne  demander 
qu'une  profpérité  de  cinq  ans  ,  &  de  re- 
commencer tous  les  luftres.  Les  Grecs  , 
c  eft-à-dire  ,  les  Romains  ,  depuis  l'éta- 
bliffement  de  l'Empire  de  Conftantinople , 
croyoient  que,  dans  les  Vœux  qu'on  fai- 


foit  pour  les  Empereurs ,  on  ne  devoir 
mettre  aucunes  bornes.  Vcrùm^  dit  Naza- 
rius  5  quià  agimus  vicenis  aiit  tricenis  an- 
ni  s  circumfcribendo  quœ  jam  œterna  feU" 
fimus  ?  Cùm  plura  fint  mérita  Principum 
quam  optât  a  Votorum.  On  voit  en  effet 
ces  Vœux  marqués  fur  les  Médailles  à^s 
enfans  de  Conftantin  ,  par  les  nombres 
de  XXX  &  de  XXXX ,  &  fur  les  Mé- 
dailles de  leurs  Succeffeurs ,  jurqu'â  ce 
qu'enfin  on  fe  contenta  du  nombre  indé- 
fini de  votis  multis  :  c'eft  ce  qu'on  voie 
fur  une  Médaille  de  Majorien. 

Enfin  fous  le  Règne  d'Anaflafe  ,  on 
changea  de  manière  de  marquer  les 
Vœux  ;  car  on  ne  les  vit  plus  fur  les 
Médailles  d'or  &  d'argent ,  mais  feule- 
ment fur  le  bronze  :  &  comme  le  Vota 
avoit  été  abrégé  en  Vot  ^  le  Vot  le  fut  en 
y  ;  &  à  la  fin  on  ôca  tout-à-fair  le  mot  de 
Vœux,  &  on  ne  laifla  que  les  Chiffres, 
comme  on  peut  voir  dans  les  Médailles 
fuivantes  (^)  ;  avec  cette  différence  qu'ils 
doublèrent  les  Vœux  ,  &  ne  mettoienc 
plus  ni  15,  ni  30,  mais  5 ,  i  o  ,  20 ,  40. 

Pourquoi  en  effet  ne  verroit-on  pas  les 
Vœux  marqués  dans  l'Empire  Grec ,  puif- 
qu'il  eft  certain,  par  les  Hiftoriens,  qu'on 

{a)  z6,  17,  zZ  Mi'dailU, 


7iX  a==:MÉ^=> 

les  faifoit  ?  Abfque  ullo  fmrificio  atquc 
idlâ  fuperjiitione  damnahili  ,  difent  les 
Empereurs,  exhiberi  Populoriim  volupta- 
tes  ifecundàm  veterem  confuetiidinemj  mi^ 
jiijlrari  ctiam  fejia  convividy  quanâo  exi- 
gunt  puhlica  Vota^  decernimus»  Datum 
8*  KaL  Sept,  Honor.  7.  &  Tkeodof.  1 1  • 
AA,  Cojf,  Voilà  les  Vœux  quinquennaux 
deftitués  des  Jeux  &  des  Sacrifices  qui 
avoient  attaché  la  Gentilité. 

Il  paroît  que  les  Jeux  fe  célébroienc 
tous  les  ans  au  premier  Janvier  \  Se  qu'au 
lieu  que  les  anciens  Empereurs  faifoienc 
des  Libéralités  ces  jours-là ,  c'écoit  le  Peu- 
ple qui  en  faifoit  aux  Empereurs  :  Quando 
Kotis  communibus  felix  annus  aperitur , 
in  unâ  librâ  6*  folidis  chrifatii  ,  Princi- 
pibus  offerendi  devotîonem  animo  libcntl 
fufcipimiis  y  &c.  Les  Vœux  enfin  cefsèrenc 
de  fe  marquer  fur  les  Monnoies,  &  l'on 
fe  contenta  des  acclamations  de  bouche, 
ad  multos  annos, 

EXPLICATION  DES  CHIFFRES 

DES   MÉDAILLES    CONSULAIRES. 

Je  ne  vois  que  trois  raifons ,  pour  lef- 
quelles  on  ait  pu  mettre  des  Chiffres  ou 
des  nombres  fur  les  Médailles  confulai- 
res.  La  première  j  pour  marquer  la  claffe 
de   laquelle    écoit  celui    qui   avoit  fait 

frapper 


—  ME=  75 

frapper  la  Médaille ,  ^  par  conféquent  ce 
qu'il  dévoie  de  Capitarion.  La  féconde, 
pour  marquer  les  Libéralités  qu'il  avoir 
faites  à  (ts  Soldats ,  lorfqu'il  commandoic 
l'Armée.  La  troifième,  pour  faire  voir  le 
nombre  d'arpens  de  terre  qui  avoient  été 
donnés  aux  Citoyens  &  aux  Soldats,  par 
celui  qui  avoit  fait  frapper  la  Médaille^ 
ou  celui  pour  lequel  on  l'avoir  frappée  , 
lorfqu'il  avoir  établi  une  Colonie.  Ces 
trois  raifons-là  ont  chacune  leur  fonde- 
ment dans  l'Hiftoire  :  éxaminons-les  l'une 
après  l'autre  ,  àc  voyons  fî  elles  peuvent 
nous  donner  la  connoiffance  que  nous 
cherchons. 

1°.  Il  eft  certain,  comme  on  peut  voir 
dans  Tite-Live,  que  le  Roi  Servius  Tul- 
lus  avoit  divifé  fes  Sujets  en  fix  clafles. 
De  la  première,  étoient  ceux  qui  avoient 
pour  le  moins  cent  mille  as^  ou  cent  mille 
livres  de  bronze  de  rente  :  la  féconde ,  de 
ceux  qui  en  avoient  pour  le  moins  foi- 
xante  &  quinze  :  la  troifième,  de  ceur 
qui  en  avoient  cinquante  pour  le  moins  : 
la  quatrième  ,  de  ceux  qui  en  avoient 
vingt-cinq  ôc  au-delà  :  la  cinquième ,  de 
ceux  qui  en  avoient  onze  &  au-delfus  : 
la  dernière  enfin,  de  ceux  dont  le  revenu 
n'alloit  pas  jufqu'à  cette  dernière  fomme. 
1  Ce  Prince  avoir  établi  ce5  clalfes ,  &  fait 

Tome  m.  D 


74-  =ME=:= 

donner  a  chacun  des  déclarations  du  bien 
qu'il  polfédoit,  afin  d*y  proportionner  & 
le  rang  qu'ils  dévoient  avoir  dans  la  Ré- 
publique, ôc  les  taxes  qu'ils  dévoient  por-, 
ter.  Ces  MédaillesAi  montrent  donc  le 
revenu  qu'avoit  la  famille  du  temps  de 
Servius  Tullus  j  ce  qui  en  faifoit  voir  l'an- 
cienneté :  &  quand  il  y  a  deux  Chiffres 
fur  la  Médaille  ,   l'un  montre  le  revenu 
qu'avoit  la  famille  en  ce  temps-là,  &  l'an-  • 
tre  celui,  qu'elle  poifcdoit  au  temps  que  la  i 
Médaille  a  été  frappée.  Par  exemple,  fur  ; 
une  de  ces  Médailles ,  oh.  Ton  voit  Cal-  ; 
pus,  fih  de  Numa,  la  tige  de  la  Famille  : 
Calpurnia  ,   dont   la   Maifon   des  Pifons  ' 
ctoit  une  branche  j  le  nombre  de  dix-huit  ' 
marque  le  revenu  de  Calpurnius  fon  fils, 
lorfque  Servius  Tullus  fit  le  dénombre- 
ment dont  nous  avons  parlé  \  8c  le  revers 
fait  voir  dans  le  nombre  85  ,  le  revenu! 
qu'avoit  M.  Calpurnius  Pifo  le  Prêteur , 
qui  le  premier  donna;  le  plajfir  des  Jeux 
Apollinaires ,  après  qu'ils  eurent  été  voués 
perpétuels.  Les  Jeux  font  marqués  par  un 
homme  à  cheval ,  qui  a  une  Palme  à  lai 
xnain  ,  comme  Ta  remarqué  Fulvius  Urfi-U 
nus.  Comme  le  revenu  de  la  Famille  aug- 
mentoit,  on  voit  de  ces  Pifons  qui  ont  cent 
Jlx  3c  les  autres  cent  trente-cinq  fur  leurs 
Médailles,  Voilà  la  première,  conjedure.  . 


i**.  La  féconde  marque  les  Libéraîkés. 
Il  eft  cerrain  que  c'ell  par-là  que  ceux  qui 
gouvernoienc  la  République  &  l'Empire , 
•s  atrachoienc  le  Peuple  &  l'Armée.  La  Li- 
béraiué  des  Ediles  ôc  des  Prêteurs ,  comme 
on  voie  dans  Tite-Live  (a)  &  fur  les  Mé- 
dailles y  confîftoit  en  Jeux  qu'ils  donnoienc 
au  Peuple ,  &:  en  Congiaires  de  bled ,  d'hui- 
le 3  ou  d'argent. 

On  ne  peut  pas  douter  que  les  Géné- 
raux. d'Armée  ne  fifTent  la  même  chofe  à 
l'égard  de  leurs  Soldats,  foit  pour  les  en- 
courager à  bien  faire,  ou  pour  les  récom- 
penfer  quand  ils  auroient  bien  fait  (6)  : 
Deduais  Pergamum ,  atque  in  locuplecijji^ 
mas  urbes  legionihus^  maximas  largitioncs 
fuit -y  &  confirmandorum  militum  caujâ  di- 
sipiendcLs  eis  civitatcs  dedit.  C'eft  de  Cé- 
far  que  cela  fe  dit.  Les  Libéralités  qu'on 
faifoit  au  Peuple,  s'appelloient  Congiai- 
jres,  du  terme  Congiusy  qui  étoit  ordmai- 
rement  le  Vailfeau  dans  lequel  on  mettoic 
le  don  de  la  République  ou  de  l'Empe- 
reur j  &  celles  qu'on  faifoit  aux  Soldats , 
fe  nommoient  Donativum,  ÔC  confîftoienc 
en  fourage,  chevaux,  vivres,  &  principa- 
lement en  argent.  Les  Libéralités  des  Em- 
pereurs font  marquées  fur  les  Médailles  par 

(c)I.  i,  Dec,  5. 
.  :,  (5)  L,  $  ,  de  Bellû  Chili, 

Dij 


7(^  =  M  É  = 

les  points  de  la  Tefsère ,  qui  efl:  repréfen- 
tée  entre  les  mains  de  la  DéeiTe  Libéra- 
lité. Il  eft  donc  naturel  de  chercher  le 
Symbole  de  la  Libéralité  des  Généraux  : 
il  me  femble  que  ce  font  ces  nombres 
qu'on  trouve  quelquefois  fur  les  Médai/Ies 
Confulalres.  C  eft  ce  que  nous  examine- 
rons dans  la  fuite. 

3°.  Pour  les  Colonies,  il  eft  bien  certain 
que  5  lorfque  la  République  ou  les  Enipe- 
l'eurs  enyoyoient  des  Citoyens  ou  des  Sol- 
dats en  Colonie ,  ils  donnoient  à  chacun 
une  certaine  quantité  de  terre.  En  la  Co- 
lonie Lavica^  qui  fut  établie  l'an  ^16  de 
la  fondation  de  Rome ,  on  donna  à  cinq 
cents  Citoyens  qu'on  y  avoit  envoyés ,  à 
chacun  deux  arpens  &  demi.  On  trouve 
encore  que ,  quand  la  Colonie  de  Bour- 
gogne fut  établie ,  on  donna  à  chacun  de 
ceux  qu'on  y  conduifit ,  qui  étoient  au 
nombre  de  trois  mille ,  aux  Cavaliers 
foixante  ôc  dix  arpens,  ôc  aux  Piétons 
cinquante. 

On  pourroit  donc  dire  ,  que  le  nombre 
marqué  fur  les  Médailles  ,  eft  celui  des 
arpens  de  terre  diftribués  aux  nouveaux 
Citoyens  de  la  Colonie ,  par  celui  qui  en 
étoit  le  Patron ,  &  qui  eft  marqué  fur  la 
Médaille  ;  3c  que  quand  il  y  a  deux  nom- 
bres diftéreas  far  la  tnhmQ  MédailU  y  ou 


:=  M  É  =  77 

fur  plu/îears  du  même  homme  >  c'eft  la 
portion  différente  dçs  Officiers,  des  Ca- 
valiers, &  des  Piétons.  Cela  paroît  pro- 
bable, quand  ces  nombres  fe  rencontrent 
fur  des  Médailles  où  Ton  voit  des  Sym- 
boles de  la  Colonie  marqués  fur  les  au- 
tres. II  eft  queftion  de  choifîr  entre  ces 
trois  opinions. 

La  première  me  paroît  d'autant  plus 
probable  ,  que ,  parmi  les  Familles  dont 
les  Médailles  font  chargées  de  CQS  Chif- 
fres, qui  font  au  nombre  de  douze  feu- 
lement (  du  moins  je  n'en  ai  point  vu 
davantage  ) ,  il  n'y  en  a  pas  une  qu*on 
puiffe  dire  nouvelle.  Il  y  en  a  fept ,  qui 
font  très-certainement  anciennes  j  5<:  pour 
les  cinq  autres,  il  y  a  des  preuves  qu'elles 
le  font.  11  n'y  a  nu'.le  difficulté  pour  les  Fa- 
milles Attilia,  ^milia,  Caipurnia,  Clau- 
dia, Cïecilia  ,  Man'ia,  &  N.ievia.  Pour  la 
Famille  ColTutia,  Fulvius  Urfinus  rapporte 
une  Infcriprion  fort  antique ,  qui  fe  voit 
dans  le  Pays  des  Sabins,  ou  il  eft  fait  men- 
tion d'un  Q.  CoIfutiuSj  qui  apparemment 
en  étoit  originaire. 

Les  Hiftoriens  ne  nous  difent  rien  de 
la  Famille  Crépufia  :  cela  ne  conclut  rien 
pour  fa  nouveauté.  Elle  étoit  Plébéienne  5 
&  il  y  avoir  des  Familles  Plébéiennes  , 
comme  tout  le  monde  fçait ,  aulîi  an- 

Diij 


78  =MÉ  = 

ciennes  que  les  Patriciennes  j  mais  elles 
éroient  plus  fu jettes  a  demeurer  dans  lobf- 
curité.  Pour  la  Famille  Farfuiéïa  y  lesHif- 
toriens  n'en  difent  rien  non  plus  j.  mais 
on  trouve  à  Sutri  une  Infcription  antique  > 
qui  fait  voir  que  cette  Famille  fubfiftoit , 
lorfque  la  Colonie  y  fut  établie  ;  c'ell-à- 
dire ,  fept  ans  après  la  prife  de  Rome  par 
les  Gaulois.  Il  eft  probable  que  la  Famille 
Maria,  quoique  Plébéienne,  éroit  fort  an- 
cienne, &  qu'elle  venoit  d'un  certain  Ma- 
rius  Appius  5  qui  vivoit  àhs  le  commen- 
cement de  la  République.  Pour  la  Famille 
de  Norbanus,  elle  étoin  (î  ancienne,  qu'au- 
cun Auteur  ne  s'efl:  fou  venu  de  (on  nom  : 
elle  n'efl  connue  que  par  le  furnom  de 
Norbanus. 

Il  n'y  a  qu'une  difficulté  :  on  deman-. 
dera  pourquoi  \qs  autres  anciennes  Fa- 
milles ne  portoient  pas  de  pareils  Sym- 
boles 5  &  pourquoi  ces  Symboles  ne  fe 
trouvent  que  fur  certaines  branches.  On 
peut  répondre,  que  nous  n'avons  pas  tou- 
tes les  Médailles  de  ces  anciennes  FamiU 
les ,  &  que  nous  avons  perdu  celles  (^ts 
branches  qui  portoient  ces  Symboles  ;  que 
les  branches  qui  portoient  ces  Symboles, 
étoient  peut-être  \qs  branches  aînées.  En- 
fin,  fi  la  chofe  étoit  arbitraire ,.  il  n'en  faut 
pas  demander  les  raifons.  Il  y  a  eu  en 


==  M  É  ==  7P 

France  des  Familles  illuftres  qui  ont  eu 
des  Armoiries  long-temps  avant  les  au- 
tres, &  parmi  les  Familles  des  branches 
qui  les  ont  portées  les  unes  plutôt  que  les 
autres.  Voilà  ce  qu'on  peut  dire  en  faveur 
de  la  première  opinion ,  qui  me  paroic  la 
plus  probable. 

La  féconde  paroîtra  peut-être  plus  pro- 
bable à  d'autres  j  c*e{l:  le  fyftême  des  Co^ 
lonies.  Nous  avons  des  Alédaii/es ,  comme 
celles  de  Ca^cilias  Métellus ,  Se  celles  de 
Martius ,  qui  portent  en  même  temps  de 
le  revers  des  Colonies  ,  &  un  nombre  *, 
fçavoir,  celles  de  Métellus  133,  &:  celles 
de  Martius,  Tune  9,  l'autre  28  ,  &  la  troi- 
fième  ^^.  Elles  font  toutes  trois  marquées 
des  deux  cq/cs  du  même  nombre.  Je  ne 
vois  pas  qu'il  y  ait  d'inconvénient  à  dire , 
que  par-ld  eft  marqué  le  nombre  d'arperîs 
de  terre  qui  ont  été  diftribués  aux  nou- 
veaux Citoyens  des  Colonies  qui  ont  été 
établies ,  lorfque  ces  grands  hommes  éroient 
Confuls. 

Il  eft  même  rapporté  par  Velléïus  Pa- 
terculus ,  que ,  fous  le  Confulat  de  Ma- 
rius ,  fut  fondée  la  Colonie  Éporédia.  Ainfi 
on  dira  que  les  Piétons  reçurent  neuf  ar- 
pens  de  terre,  les  Cavaliers  vingr-huit,  Se 
■les  Otïîciers  trente-trois.  On  m'objectera 
que  la  Colonie  qui  eft  marquée  fur  les 

Div 


8o  =.MÉ= 

Médailles  de  Marins  ou  de  Cn^ciliiis,  n*eft: 
pas  militaire,  puirqu'elle  n'eft  pas  repré- 
îenrée  par  des  Enfeignes.  Mais  les  Colonies 
militaires  ,  qui  étoient  envoyées  par  un 
Décièt  du  Sénat,  comme  celle-ci,  qui 
porte  fur  fa  Médaille  S.  C.  n'avoient  point 
pour  Symbole  les  Signes  militaires  fur  les 
Médailles  de  leurs  Patrons  :  car  ces  Mé- 
drailles  ne  font  point  mifes  parmi  les  Mé- 
dailles des  Colonies  ,   qui  fe  frappoient 
dans  les  Colonies  mêmes  \  mais  parmi  les 
Médailles  Confulaires ^  qui  croient  toutes 
frappées  à  Rome. 

On  peut  encore  rapporter  la  le  nombre 
48  ,  qu'on  voit  fur  la  Médaille  de  la  Fa- 
mille Attilia  'y  parcequ  il  y  eue  un  Attilius 
qui  fon -la  la  Colonie  de  Caivi ,  donr  nous 
avons  encore  des  Monnoies.  Cette  fonda- 
tion ed  rapportée  par  Velléïus.  Il  eft  vrai 
qu'elle  n'a  pas  la  marque  des  Colonies^ 
parceque  la  Famille  a  mieux  aimé  y  mar* 
quer  le  Triomphe  d'Attilius.  Il  n'y  a  qu'un 
nombre  fur  les  Médailles  ;  parceque  nous 
en  avons  peut-être  perdu  quelques-unes, 
ou  parceque  c'éroit  une  Colonie  pure- 
ment civile,  où  chacun  fut  également  par- 
tagé. 

Le  nombre  28  fur  la  Médaille  d*-/Emi- 
lius  Papus ,  eft  celui  des  arpens  de  terre 
donnés  à  ceux  des  Colonies  Sétia,  An- 


=  M  E  =  8 1 

tiam  5  ou  Immunis  llicis  Augiijîi  :  car 
ces  trois  Colonies  furent  tondées  par  des 
iEmilius  Papus ,  auGi-bien  que  celle  de 
Croto, 

La  Colonie  que  nous  voyons  fur  la  Mé- 
dailU  de  Manlius  Acédinus,  eft  marquée 
par  les  Hiftoriens  en  570,  trois  ans  avant 
ion  Confular.  C'eft  la  Colonie  d'Aquilée, 
où  il  mena  des  Citoyens  en  qualité  de 
Triumvir.  Il  eft  vrai  que  les  Hiftoriens 
ne  s'accordent  pas  avec  la  Médaille ,  pour 
le  nombre  à^s  arpens  de  terre  ;  car  la  Afd- 
daille  porte  128,  &  Velléïus ,  dans  les 
trois  nombres  qu'il  rapporte  ,  n'a  point 
celui-ci.  Mais  je  ne  fçais  fi  Goltzius  a 
bien  lu,  &  je  fuis  fur  qu'il  y  a  faute  dans 
Velléïus  ;  car  il  donne  plus  de  terre  aux 
Cavaliers  qu'aux  Officiers ,  ce  qui  ne  fe 
faifoit  jamais.  Or,  fuppofé  qu'il  y  ait  une 
faute  dans  fon  récit ,  il  peut  y  en  avoir 
plufieurs  \  rien  n'étant  fi  aifé  que  de  cor- 
rompre les  Chiffres,  en  copiant  les  ma- 
nufcrits. 

Le  nombre  1 25  &  celui  de  1 1 1  fur  les 
Médailles  de  la  Famille  Claudia,  peuvent 
fignifier  la  Colonie  Firmum  &  Cafîrum 
Novum^  établie  ibus  le  Confulat  d'Appius 
Claudius ,  furnommé  Caudex^  en  405?  \ 
car  celui-ci  fe  dit  Appius  Nepos, 

Nous  trouvons  un  Pifo  Frugi,  Cenfeur, 

Dv 


S2  .^  M  É  =- 

du  temps  que  Gracchus,  Tribun  du  Peu- 
ple, demanda  des  Colonies.  Il  en  a  pu  me- 
ner quelques-unes,  qui  ont  donné  lieu 
aux  différens  Chiffres  qu'on  voit  fur  hs 
Médailles, 

Cela  n'a  rien  d'improbable  ,  mais  n  a- 
tien  auiîi  qui  foit  fort  fatisfaifant.  Voyons 
le  troifième  Syftême, 

3°.  On  m'accordera  aifément ,  qu'on 
niarquoit  fur  les  Monnoies  les  Triomphes 
d^s  Généraux  d'Armées ,  &  je  ne  vois  pas 
pourquoi  on  n'y  auroit  pas  mis  le  nom- 
bre des  as,  ou  les  deniers  qu'ils  avoient 
diftribués  a  leurs  Soldats  au  jour  de  leur 
Triomphe  j  puifqu'il  femble  que  les  Em- 
pereurs n'ayent  fait  que  continuer  cet 
ufage  5  en  faifant  des  Libéralités  lorf- 
qu'ils  étoient  proclamés  Empereurs,  ou 
qu'ils  triomphoienr,  &  en  les  faifant  mar-^ 
quer  fur  leur  Monnoie.  La  difficulté  eft 
d'accorder  l'explication  de  chaque  Mé^ 
dailU  en  particulier  avec  l'Hiftoire.  La' 
Médaille  de  Ti.  Claudius  Néro  porte  le 
nombre  1 1 ,  avec  un  Quadrige ,  où  l'on 
voit  Jupiter  qui  triomphe.  Cela  marque- 
roit  merveilleufement  celui  où  Claudius^ 
Néro  {a) ,  obligé  de  triompher  a  clieval^ 
pour  les   raifons  rapportées  par  I^ivtur/ 

{a)  L'an  S^^'  '        '^'^'^^''^ 


auroit  faît  mettre  l'Image  de  Jupiter  dans 
le  Chau  de  Triomphe  qu'il  s'étoic  deftiné, 
pour  marquer  qu'il  attribuoit  à  Dieu  la 
profpéritc  de  Tes  armes.  Mais  le  même 
Livius  remarque,  qu'il  promit  cinquante- 
(ix  as  à  chacun  de  fes  Soldats.  Que  dire 
à  cela  ?  Qu'il  y  a  erreur  dans  les  Alanuf*- 
crits  ?  Il  efl:  fâcheux  d'avoir  fouvenr  re- 
cours à  cette  réponfe.  J'aimerois  mieux 
dire  ,  qu'il  promit  cinquante-fix  as ,  &z 
ou  il  n'en  donna  que  vingt -deux;  car 
il  n'arrive  que  trop  fouvent ,  qu'on  ne 
tlonne  pas  aux  Soldats  tout  ce  qu'on  leur 
promet. 

Mais  en  comparant  les  nombres  des 
Médailles  avec  les  nombres  portés  dans 
l'Hiftoire  ,  je  n'en  vois  prefque  point  qui 
foient  d'accord  :  c'eft  ce  qui  me  fait  aban- 
donner cette  conjecture ,  quoique  fort 
raifonnable  d'ailleurs.  On  m'en  préfente 
trois  autres  que  je  vais  examiner. 

Il  y  en  a  qui  difent ,  que  \qs  Chiffres 
font  la  marque  de  l'OlScine  où  a  été  frap- 
pée la  Médaille  ^  Bc  que  comme  fur  cer- 
taines Médailles  de  Fifo  Frugi  ,  il  y  a  tan- 
côt  un  Trident ,  tantôt  une  Gerbe ,  tantôt 
un  Croc  ,  que  fur  les  autres  il  y  a  ^ts 
nombres  :  mais  en  vérité  on  ne  me  per- 
fuadera  pas  aifément  que  les  Monétaires 
ayent  pris  des  ftombres ,  &  de  fi  grands 

Dvj 


nombres  pour  enfeigne.  Il  peut  bien  y 
avoir  eu  à  Rome  un  grand  nombre  d'Of- 
ficines de  Monnoies  ;  mais  qu'elles  foient 
allées  jufqu au  nombre  de  cent,  fur-tout 
au  temps  de  la  République  ,  je  n'en  crois 
rien.  D'ailleurs  routes  ces  Médailles  de 
Pifo  Frugi  paroiffent  être  de  la  même 
jnain. 

M.  Vaillant ,  dont  nous  devons  refpec- 
ter  les  conjedurcs,  penfe  que  le  Moné- 
taire a  voulu  marquer  par-là  combien  il 
avoir  frappé  de  Médailles  de  ce  coin.  Mais 
c]ue  répondra  M.  Vaillant ,  à  ceux  qui 
veulent  qu'il  n*y  ait  pas  deux  Médailles 
de  même  coin  ?  Pourquoi  n'y  a-t-il  que 
ÀovLZQ  familles  dont  on  troute  les  Mé" 
dailles  marquées  ?  D'où  vient  qu'il  y  en 
a  qui  ont  deux  Chiffres  différens  ?  11  eft 
difficile  de  répondre  à  tout  cela.  Cette 
conjedture  m'étoit  venue  dans  l'erprit  3 
mais  je  né  lai  ofé  produire  ,  parcequ'il 
lie  m'a  pas  paru  probable  ,  qu'on  ait  voulu 
inftruire  la  poRériré  d'une  chofe  aufli  inu- 
tile que  celle  de  fçavoir  combien  il  y 
avoit  de  deniers  d'un  certain  coin. 

Le  même  M.  Vaillant  apporte  une  au- 
tre conjedtu'^e  ,  ôc  M.  Baudelot,  fans  être 
de  concert  avec  lui ,  femble  l'appuyer. 
Ces  Meffieurs  difent ,  dans  la  Famille 
Calpurnia ,  que  les  nombres  qu'on  y  voit , 


j 


marquent  le  temps  qui  s'eft  écoule  depuis 
rinftitutioii  des  Jeux  Apolimaires ,  ou 
plutôt  depuis  le  Vœu  perpétuel  qu'on  en 
fît  fous  le  Préteur  Calpurniiis  Fifo  ,  c'eft- 
à-dire  ,  en  542  ,  jufqu'au  temps  où  la  Mé- 
daille  a  été  frappée.  Il  eft  vrai  qu'Util - 
nus  a  très-bien  remarqué  ,  que  dans  les 
MidaiLles  dont  nous  parlons,  l'on  célèbre 
la  mémoire  du  Vœu  des  Jeux  Apolli- 
iiaires  donnés-en  541  ,  par  M.  Calpur- 
nius  Pifo  5  qui  pouvoir  être  le  Grand- Père 
de  Lucius  Calpurnius ,  qui  fut  Conful  en 
610  ^  &  qui  le  premier  porta  le  nom  de 
Frugi.  Mais  que  les  nombres  marqués  fur 
les  Médailles  faiTent  voir  le  temps  qui 
s'eft  écoulé  jufqu'à  leur  fabrique ,  c'eft  ce 
qui  eft  difficile  à  prouver.  Car  dans  ce 
Syftême'  la  Médaille ,  où  l'on  voit  dix- 
huit  ,  aura  été  frappée  dix-huit  ans  après 
le  Vœu  5  c'eft-à-dire  ,  en  560.  Mais  en 
ce  temps-lâ  il  n'y  avoit  pas  de  Fifo  Frugi  ^ 
félon  le  témoignage  de  Cicéron  {a)  ;  elle 
n'a  donc  pu  être  frappée  en  ce  temps-là. 
On  me  dira  que  la  Médaille  a  été  frap- 
pée en  é"!  5  5  par  le  premier  Fifo  Frugi  , 
83  ans  après  le  Vœu  des  Jeux  ;  &  que 
le  nombre  28  fur  la  même  Médaille  ^ 
marque  que  fon  père  avoit  donné  ces  Jeux 

.  .  {a)  In  Ferrem, 


S6  =MÉ-= 

aufli-bieii  que  fon  Grand-père.  Ceft  une 
réponfe  ;  je  fouhaite  qa  elle  foit  du  goùc 
de  tout  le  monde  :  mais  on  demandera  , 
pourquoi  les  feuls  Frugi  célèbrent  ce  fait 
fur  les  Médailles ,  &  d'où  vient  qu'ils  ne 
le  célèbrent  pas  fur  chaque  Médaille  ?  Car 
il  eft  certain  que  les  Frugi  n'étoient  pas 
\qs  feuls  Pifons ,  les  Q^fonini  étoient  de 
la  mcme  famille'^  &  plus  anciens  qu'eux. 
11  eft  certain  encore  qu'il  y  a  à^s  Médailles 
des  Frugi ,  où  il  n'y  a  rien  qu'on  puilTe 
rapporter  aux  Jeux  Apollinaires.  On  ré- 
pondra que  d'une  chofe  arbitraire ,  com- 
me eft  celle  qu'on  met  fur  une  Médaille  , 
on  ne  doit  pas  en  exiger  la  raifon.  Ainli  fi 
nous  n'avions  des  nombres  que  fur  les  der- 
niers de  la  Famille  de  Calptirnia ,  on  pour- 
roit  être  content  de  cette  conjedlure. 

Mais  que  dire  d'onze  autres  Familles 
qui  n'ont  nul  rapport  aux  Jeux  Apolli- 
naires ?  Qu'elles  marquent  chacune  le 
temps  qui  s'eft  écoulé  depuis  quelque  évé- 
nement mémorable  qui  regarde  leur  fa- 
mille ?  En  vérité ,  Mefïieurs  les  Antiquai- 
res fe  moquent.  Eft-ce  que  fi  L.  Calpur- 
nius  Pifo  Frugi  avoir  voulu  marquer  la 
part  qu'avoir  eu  M.  Calpurnius  Pifo  aux 
Jeux  Apollinaires ,  il  n'auroit  pas  marqué 
l'année  de  fa  Préture  ?  Cela  eft  bien  plus 
naturel  >  que  d'aller  marquer  le  temps  qui 


M  E   :==  87 

s'eft  écoulé  depuis  la  première  année  de 
cetce  Prérure.  S'eft  on  jamais  avife  de  mar- 
quer ainfl  les  Epoques  ?  Cela  fuppoferoic 
qu'il  y  auuoit  en  chaque  famille  une  Ere , 
comme  il  y  en  avoit  une  dans  les  Républi- 
ques 5  pour  compter  les  années.  Qui  eft-ce 
qui  pourra  fe  Timaginer  ? 
-  Mais  quand  il  faudra  trouver  àt%  Évè- 
nemens  en  chaque  Famille  ,  &  les  ajufter 
aux  Chiffres  des  Médailles  ,  quelles  diffi- 
cultés ne  faudra-t-il  pas  dévorer  ?  Pour 
moi ,  je  veux  des  explications  plus  natu- 
relles. Ainfi ,  en  attendant  quelque  chofe 
de  meilleur  ,  je  m'en  tiens  à  la  première 
explication  que  j'ai  donnée. 

Second  usage  des  Exergues, 

Je  ne  croyois  pas  que  le  premier  ufage 

des  Exergues  nous   menerou  li   loin  :  je 

'tâcherai  d'être  plus  court   en    expliquant 

les  aiuresi^n-  /.!l  :  yj  s^  'e.:i-  -^  '^ 

Le  fecoud  iifage  des  Exergues  5  c'eft  dé- 
faire voir  la  Ville  ,  l'Officine  ,  ou  le  nom' 
du' Monétaire  ;,  6c  quelquefois  :out  cela  à 
la  fois. 

Du  temps  de  la  République  on  mettoit 
■  Rofna  fur  toutes  les  Monnoies ,  &  fous  les-' 
®mpê'reurs  5  ces  deux  lettres  S.  C.  fur  le 
grand  &  le  moyen  bronze  qui  faifo>ient  le' 
mètne  effèc.  Pour  l'Argent  il  n'y  avoit  rien , 


88  ==ME.:= 

non  plus  que  Air  l'Or ,  qui  pût  faire  con- 
noître  où  les  Monnoies  avoient  été  frap- 
pées. Cela  n'étoic  pas  néceiraire  ,  parce 
qu'on  ne  frappoit  qu'à  Rome  des  pièces 
de  ce  volume  ,  de  ce  poids  Se  de  cet  aloi. 

Mais  les  Fabriques  de  Monnoie  ayant 
tté  établies  dans  plufieurs  Villes  de  l'Em- 
pire y  les  Empereurs  ordonnèrent  qu'on 
marqueroit  fur  les  Monnoies  la  Ville  , 
l'Officine ,  &  fouvent  le  nom  du  Moné- 
taire 5  comme  dans  une  Médaille  de  Conf- 
tantin  :  elle  eft  de  la  façon  de  T.  Tit.  Fe- 
eit  de  la  féconde  Officine  de  la  Ville 
d^Arles  S.  ARL,  Cet  ufage  eft  paffé  juf- 
qu'à  nous  ;  car  nous  marquons  fur  nos 
Monnoies  la  Ville  où  elles  ont  été  fabri- 
quées ;  &  outre  cela ,  il  y  a  toujours  une 
certaine  marque  fecrete  >  à  laquelle  le 
Monnoyeur  reconnoît  fon  ouvrage. 

Je  fçais  que  l'on  s'eO;  efforcé  de  donner 
d'autres  explications  à  ces  Exergues  ;  mais 
comme  elles  font  contraires  à  l'Hiftoire  & 
a  l'ufage ,  elles  n'ont  point  été  reçues. 

Il  faut  raifonner  fur  les  Exergues ,  com- 
me nous  avons  fait  fur  les  autres  parties 
à^^  Médailles,  Qu'eft  ce  qu'on  doit  s'at- 
tendre de  voir  dans  Us  Médailles  du  ficelé 
de  Conftantin?  Quelque  chafe  qui  ait  4U; 
rapport  à  ce  qu'on  y  voyoit  avant  lui ,  & 
à  ce  qu'on  y  vit  depuis.  Avant  lui ,  on 


voyoit  fur  les  Monnoies  de  Dioclétien  &c 
de  xMaximin,  SACxRA  MONETA 
AU  G  G,  NN.  Cela  faifoit  voir  que  la 
Monnoie  avoir  été  frappée  par  le  Mon- 
noveur  qui  fuivoit  la  Cour;  SACRA 
MON  ETA  U  RBl  S,  qu'elle  avoit  été 
frappée  à  Rome  ;  3c  en  abrégé  SMl'R  , 
Sacra  Moneta  Trevirenjïs  y  qu'elle  avoir 
été  frappée  à  Trêves. 

Après  Conftaatin  ,  on  voyoit  fur  les 
Mddailles  de  Julien  dans  l'Exergue  URB. 
ROM.  B.  ce  qui  ne  pouvoir  fîgnifier  aucre 
ciiofe  que  ,  Urhs  Roma^  Officina  fecund. 

LUGD.  OFFI.  I.  ce  qui  fignitie  Lu^^ 
diini  Officina  prima.  Si  je  trouve  donc 
fur  les  Médailles  de  Condiancin  ou  de  (es 
enfans  TR.  ,  ne  fuis-je  pas  en  droit  de 
l'expliquer  de  la  Ville  de  Trêves  \  AQ , 
de  la  Ville  d'Aquilée  ou  d'Aix  en  Pro- 
vence ?  SIST.  N'eft-ce  pas  la  troifiême 
Officine  de  Seiffeck  ;  KART.  Carthage  j 
L.  G.  Lyon  ARL.  Arles;  ANT.  Antio- 
che  ;  SIRM.  Syrmium  ;  CONS.  Conflan- 
tinopolis  ;  E.  CONS.  Conftantinopoli 
Officina  5.  KONOB.  Conftantinopoli  Of- 
i  ficina  fecunda  ? 

I      Ces  explications  ne  font-elles  pas  plus 

,  naturelles  ,    que  celles   qui  font  fondées 

précifément  fur  des  conjedlures  ?  Car  de 

nous   dire   que   Conob   fignihe  Commune 


po  ==  M  É  :==î 

ou  corpvs  omnium  negotiatorum  ohtuhre  ^ 
c'ed:  tenir  un  langage  contraire  à  l'Hiftoire 
&  à  i'ufage.  Pourquoi  ne  feroit-ce  que  fur 
la  fin  du  Règne  de  Conftantin  ,  qu'on 
trouve  ces  lettres  en  Exergue  ?  Eft-ce 
qu'on  n'a  commencé  qu'en  ce  temps-lâ  à 
payer  à^s  Tributs  ,  ou  à  faire  ^^^  dons 
gratuits  ? 

Pourq^ioi  les  trouve-t-on  fur  les  Mé- 
âaïlUs  des  Empereurs  des  fiècles  fuivans , 
à  qui  on  ne  peut  pas  dire  que  les  Négo- 
cians  ni  payafTent  Tributs ,  ni  fiffent  des 
préfens  ? 

A-t-on  jamais  mis  àt%  Tributs  ou  des 
dons  gratuits  fur  les  Médailles  ?  Les  Ro- 
mains levoient-ils  leurs  Tributs  par  les 
corps  des  Marchands  ou  des  métiers  ?  I.es 
Gaules  étoient- elles  en  état  de  faire  des 
préfens  ?  11  n'y  a  qu'à  lire  Eumenius.  A- 
t-on  jamais  vu  ni  Ohtulit  5  ni  OhtuUre  ^ 
fur  les  Infcriptions  ou  fur  les  Médailles  , 
abrégés  par  ces  deux  lettres  ,  OB  ?  Si 
AQOB  fignifie  Aqueuses  obtuUrc  ,  &  que 
AQ  (îgnifie  là  Aix-la-Chapelle ,  voilà  Aix- 
la-Chapelle  fur  les  Médailles ,  cinq  cents 
ans  avant  que  d'être  au  monde. 

On  trouve  ces  lettres  CONOB  fur  une 
Médaille  de  Hannibalien  Roi  de  Pont  ; 
eft-ce  que  les  Gaules  lui  payoient  Tribut  ? 
On  les  trouve  même  fur  la  Monnoie  de 


quelques-uns  de  nos  Rois ,  par  la  raifon 
que  nous  avons  dite. 

Si  cet  Exergue  ne  fignifîe  pas  Conftan- 
tinople,  pourquoi  ne  le  voit-on  pas  fur 
les  Médailles  avant  Conftantin  ?  Et  pour- 
quoi les  voit-on  depuis  fcn  Règne  jufqu'a 
la  fin  de  l'Empire  ? 

Pourquoi  le  voit- on  fur  les  Médailles 
des  enfans  de  Gonftantin ,  excepté  fut 
celles  de  Crifpus ,  fî-non  parcequ  il  étoit 
mort  lorfqu'on  commença  à  frapper  de  la 
Monnoie  à  Conftantinople  ? 

Pourquoi  ne  le  voit- on  pas  fur  les  Mé- 
dailles dts  premiers  Tyrans  Magne nce  , 
Décence,  Vetranio  ,  Mag.  MaximuS  & 
Victor  •  &  qu'on  le  trouve  fur  celles  d'Eu- 
genius  &  de  ceux  qui  l'ont  fuivi  :  fi- 
non-parceque  du  temps  des  premiers  on 
n'avoir  pas  encore  trouvé  le  moyen  de 
contrefaire  le  coin  de  Conllantinople  , 
qu'on  contrefit  dans  !a  fuite  ?  Dira-t-on 
que  ces  lettres  fignifient  un  Don  gratuit 
fait  à  c^s  Tyrans  ? 

Pourquoi  n'y  a-t-il  que  les  Gaules  qui 
payent  le  Tribut ,  &  les  Marchands  feu- 
lement ?  D'où  vient  qu'en  certaines  Mé- 
dailles les  Marchands  font  fpécifiés ,  com- 
me Treveri  ohtulere  ,  Aquenfes  ,  Remo- 
rum  penfio  ,  &c  qu'ils  ne  font  pas  ipécifiés 
dans  cet  Exergue  CONOB  ? 


^2  £=r  M  É  =2 

OÙ  a-t-on  appris  que  Rheims  étolt  une 
Ville  confidérable  pour  le  commerce  du 
temps  de  Conftantin  ?  Puifqu'elle  eft  fans 
rivière,  éloignée  de  la  Mèr,  &  que  nous 
fçavons  que  le  commerce  des  vins  ôc  de 
ferges ,  qui  la  rend  confidérable  ,  n'eft  pas 
ancien  ? 

Pourquoi  paye-t-on  le  Tribut  aux  Em- 
pereurs 5  qu  on  dit  n'avoir  été  que  les 
Lieutenans  Généraux  du  Sénat ,  à  leurs  ! 
eiifans  j  &  "qu'on  ne  donne  rien  au  Sénat 
qui  étoit  le  maître  ?  D  où  vient  qu'o-n  ne 
voit  aucune  Médaille  où  il  foit  parlé  de 
ce  Sénat  ? 

Très- certainement  les  Gaules  étoientà 
l'Empire  avant  Conftantin ,  &  l'on  ne  voit  I 
point  fur  les  Médailles  les  marques  de 
leur  fujertion  :  elles  n'y  étoient  pas  du 
temps  de  nos  Rois ,  &  elles  payent  Tri- 
but à  l'Empire  :  que  veut  dire  cela  ?  | 

Mais  fi  ces  Médailles  n'étoient  que  des 
jettons ,  &  qu'on  ne  payât  Tribut  qu'en 
CQS  Médailles  i  de  quelle  utilité  étoit  ce 
Tribut  ? 

Comment  nous  eft-il  refte  un  fi  grand 
nombre  de  ces  jettons ,  &  qu'il  ne  nous 
eft  rien  refté  des  anciennes  Monnoies  ? 
Qui  croira  qu'on  ait  frappé  à  la  gloire 
des  Maîtres  du  Monde  ,  des  jettons  de  la 
petitefTe  de  la  tête  d'un  pedc  clou  ?  Voilà 


les  difficultés  qu'il  faut  dévorer ,  quand 
dans  l'explication  des  Médailles  on  ne 
fuit  ni  l'Hiftoire  ni  l'ufage  :  au  lieu  qu'en 
obfervant  ce  qui  écoic  le  fiècle  avant  Con- 
ftantin  ,  dans  TÉxergue  des  Monnoies  ,  &: 
ce  qui  y  étoit  le  fiécle  d'après ,  vous  trou- 
vez aifément  l'explication  de  ce  qu'on  y 
voit  dans  le  fien. 

Troisième  usage  des  Exergues, 

Outre  ce  que  nous  avons  dit ,  il  faut 
reconnoître  dans  les  Exergues ,  des  Sym- 
boles que  les  Monétaires  y  faifoient  gra- 
ver ,  ou  pour  fe  faire  honneur ,  ou  pour 
faire  honneur  à  ceux  dont  l'image  étoit 
fur  la  Médaille.  Ces  Symboles  fe  trouvent 
principalement  fur  les  Médailles  d'Argent 
de  la  République  ,  &  fur  les  Monnoies 
des  Villes  étrangères  qui  avoient  droit 
de  battre  Monnoie. 

Dans  une  Médaille  de  la  famille  An- 
tiftia  ,  on  voit  au  revers  dans  l'Éxergus 
un  Chien.  Cet  animal  pouvoit  être  le 
Symbole  de  la  Fidélité  qu'avoit  pour  Au- 
gufte  5  C.  Antillius. 

Dans  celle  que  Q.  Metellus  Plus  Scipio 
fit  frapper  ,  la  Cigogne  qu'on  voit  dans 
l'Exergue  ,  répond  au  terme  Pins  ,  qui 
n'eft  pas  dans  la  Légende ,  &  qui  a  été 
exprimée  par  ce  Symbole, 


p^  =:  M  É  =:: 

Q.  Craffus ,  un  des  meurci'iers  de  Ce-: 
far  ,  a  exprimé  fur  fa.  Micdailk  un  fait; 
glorieux  à  fa  Famille  par  deux  Exergues  :; 
l'une  eft  une  Urne  à  recevoir  les  fuffra- 
ges  \  l'aurre  font  les  fuffrages  en  ces  deux' 
lettres  ,  A.  C.  Abjolvo^  Condemno,  Par- 
la il  remet  dans  le  fouvenir  la  Loi  Caflia , 
dont  ces  fuffrages  furent  la  matière.  Sut 
un  denier  de  la  famille  Cipia  ^  la  Prouë 
du  vaiffeau  qu'on  voit  dans  l'Exergue , 
n'y  a  été  mife  ,  que  pour  marquer  quel- 
que avantage  fur  Mèr ,  remporté  par  quel- 
qu'un de  la  Famille  \  d'autant  plus ,  que 
dans  une  autre  Médaille  de  la  même  Fa- 
mille ,  la  Proue  du  vailfeau  tient  tout  leîj 
champ  de  la  Médaille, 

Je  n'en  dirai  pas  davantage  fur  les  Mé' 
dailles  Consulaires,  Le  livre  que  M.  Vail-i 
lant  a  fait  imprimer  ,  ne  nous  laiHe  rieni 
ignorer  là-delTus.  Pour  les  Villes  ,  ce  font 
ordinairement  leurs  Symboles  qu'on  voit' 
dans  l'Exergue.  Sur  les  Médailles  de  Dy-  :, 
rachium  un  Épi ,  un  Gouvernail ,  un  Rai*  1) 
fin  5  une  Charriie  ou  une  Ruche  ,  mon- 
trent en  quoi  le  terroir  étoit  fertile  ,  & 
que  iQ%  Habitans  étoient  gens  de  grand 
Commerce.  Dans  celle  de  la  Ville  d'An- 
dranuin  en  Sicile  ,  des  Anguilles  en  Exer- 
gue montrent,  qu'on  en  trouvoit  beau- 
coup dans  les  Rivières  &  dans  les  ruif- 


z=  M  É  =  Pf 

féaux  d'alenrour.  Le  Raifiii  qu'on  voit 
dans  les  Médailles  de  Tauromenium  » 
marque  l'excel'ence  des  Vins  de  fon  ter- 
roir. C'eft  qu'en  érudiant  l'Hiftoire  ,  on 
verra  que  les  Symboles  que  portent  les 
Villes  fur  leurs  Médailles  j  les  font  par- 
faitement connoître.  Mais  l'Exergue  qui 
a  paru  le  plus  important  jufqu^à  cette 
heure  ,  ce  font  les  Années  qui  font  mar- 
quées fur  les  Médailles  :  c'eft  ce  qu'il  fauc 
expliquer. 

Les  Médailles  Latines  n'ont  point  de 
dates  avant  l'Empire.  Les  Empereurs  mar- 
quoient  leurs  Années  par  la  puilfance  du 
Tribunal ,  &  quelquefois  par  le  titre  d'7/7z- 
perator.   Cet   Exergue   IMP.  X.  ilgnihe 
donc  que, la  Médaille  a  éî:é  frappée  après 
qu'Augufte   eut  été   proclamé  Imverator 
pour  la  dixième  fois  :  c'eft  la  onzième  ou 
la  douzième  année  de  fon  Règne. 
•    Il  ne  faut  pas  s'imaginer  que  ces  dates 
s'accordent  toujours ,  avec  les  faits  énon- 
cés fur  Va.  Médaille  :  car  nous  trouvons 
ACT.  en  Exergue  avec  la  date  ,  Imp.  X, 
&  la  date  Imp.  Xll.  Si  cet  Exergue  fignifie 
la  Bataille  d'Aétium  ,  elle  ne  peut  pas  être 
arrivée  en  deux  années  différentes  j  mais 
la  première  date  lui  convient ,  &  l'autre 
fignifie  qu'on  en  renouvella  la  mémoire 
deux  ans  après.   Ceft  ain(î   que  dans  la 


^6  =MÉ=^ 

Médaille  de  Tibère,  qui  porte  un  triomphe 
au  revers  avec  cette  Légende,  Imp.  VII. 
Tr.  Pot.  XVI  ou  XV II ,  il  ne  faut  pas 
croire  que  le  Triomphe  n'arriva  qu'en 
Tannée  780  ou  781  ,  quand  Tibère  joiiif- 
foit  de  la  puifTance  du  Tribunal  pour  la 
feizième  ou  dix-feprième  fois  :  car  il  eft 
confiant  qu'il  triompha  du  vivant  d'Au- 
gufte  ,  lorfqu'il  joiliffoii  de  la  puifTance  du 
Tribunal  pour  la  treizième  fois ,  &  que  le 
Triomphe  efl  déjà  marqué  fur  \qs  Médailles 
d'Augufte  :  mais  on  en  renouvella  la  mé- 
jnoire  après  fa  mort.  Voilà  ce  qui  a  pro- 
duit \^  Médaille  Qn  queftion. 

Il  eft  donc  certain  qu'une  date  fur  une 
Médaille  ,  vous  montre  ,1°.  l'Année  que 
la  Médaille  a  été  frappée.  1*^.  Que  le  fait 
énoncé  fur  la  Médaille ,  n'eft  pas  pofté- 
rieur  à  la  date.  3°.  Que  le  Prince  repré- 
fenté  fur  la  Médaille^  a  régné  jufques-là  ; 
mais  que  l'événement  marqué  fur  la  Mé^ 
daille  fe  foit  palTé  la  même  Année ,  que 
la  Médaille  a  été  frappée ,  c'eft  ce  qui  n'eft 
pas  sur  :  c'eft  pourquoi  ne  fondez  rien  à 
cet  égard  fur  les  dates  des  Médailles, 
En  Orient  on  datoit  les  Médailles  du 
*  Prince  ou  de  l'Ere  ,  qui  étoit  en  ufage 
dans  le  pays  :  celle-ci  eft  de  la  dixième 
année  d'Adrien,  &  n'apprend  rien  autre 
chofe. 

Une 


==  M  E  ==  p7 

Une  Médaille  de  Phillippicus  ,  rappor- 
tée par  M.  Du  Cange  ,  e(l  datée  de  la 
troifième  année  de  fon  règne  ;  fi  la  Mc^ 
daille  eft  vraie  &  fidellement  rapportée. 
Cependant  Nicephoie  dit ,  qu'il  ne  régna 
que  deux  ans.  Il  luffit  qu'il  y  ait  eu  quel- 
ques jours  de  plus ,  pour  avoir  donné  lieu 
à  cette  date  5  anno  3®.  L'M ,  qui  eft  au 
milieu  de  la  même  Médaille ,  s'explique 
des  Vœux  :  car  c'eft  40  en  Grec  ,  Foiîs 
quadricennalibus,  A ,  eft  la  marque  de 
l'Officine;  NIKO  ,  de  la  Ville  de  Nico- 
inédie  \  la  Croix  eft  la  marque  du  Chrif^ 
tianifme.  Voilà  les  règles  générales  pout 
expliquer  \^i  Médailles» 

Observations  sur  les  Médailles, 

Toutes  les  Médailles  fonr  ou  antiques, 
ou  modernes.  Les  Antiques  font  celles 
qui  ont  été  frappées  jufqu'au  IIP  ou  Vile 
fiècle.  Les  Modernes  font  celles  qui  onc 
été  fabriquées  depuis  trois  cents  ans.  Par- 
ini  les  Antiques  il  y  en  a  de  Grecques  & 
de  Latines.  Les  Grecques  font  les  plus 
anciennes.  Les  Grecs  frappoient  des  Mon- 
Boies  de  tous  les  trois  Métaux  avec  tant 
d'art ,  que  les  Romains  ont  eu  bien  de  la 
peine  à  les  égaler.  Les  Médailles  Grecques 
ont  un  delTein  ,  une  attitude  ,  une  force  , 
6c  une  délicatelTe  à  exprimer  jufqu'auK 

Tome  IIL  E 


p8  :,^MÈ  = 

mufcles  6c  aux  veines,  qui  furpaffent  in- 
finiment les  Romaines.  Il  y  a  aulîi  des 
Médailles  Hébraïques  ,  Puniques  ,  Gorhi* 
ques  &  Arabefques  ,  qui  font  un  nouvel 
ordre  dans  les  Antiques  6c  dans  les  Mo^ 
dernes.  Lqs  MedailLs  Conjulaircs  font 
conftamment  les  plus  anciennes  Médailles 
Latines.  Cependant  celles  de  Cuivre  ou 
d'Argent ,  ne  remontent  point  au-delà  de 
Tan  484  de  Rome,  &  celles  d'Or  à  l'au 
54(>.  Si  l'on  en  produit  de  plus  anciennes 
elles  font  faulfes. 

Les  Médailles  Confulaires  portent  ce 
nom  ,  pour  les  diftinguer  1^QS  Impériales, 
non  parcequ'elles  ont  été  battues  par  l'or- 
dre des  Confuls  ;  mais  feulement  parce- 
<!ju'elles  ont  été  frappées  dans  le  temps  que 
la  République  étoit  gouvernée  par  les 
Confuls.  Le  Père  Jobert  en  compte  en- 
viron cinquante  ou  foixante  d'Or  ,  deux 
cents  cinquante  de  Bronze  ,  &  près  de 
mille  d'Argent  5  Goltzius  les  a  décrites 
par  ordre  chronologique  ,  6c  en  fuivanc 
les  Faftes  Confulaires.  Urfin  les  a  difpo- 
fées  par  l'ordre  des  Familles  Romaines. 
M.  Patin  en  a  compofé  une  fuite  com- 
plète dans  le  même  ordre  qu  Urlin  ;  6c  il 
n'en  compte  que  mille  trente-fept  Con- 
fulaires ,  qui  fe  rapportent  a  cent  foixante- 
dix-huic  Familles  Romaines. 


=  M  E  =  PP 

Parmi  les  Impériales  ,  on  diftingue  le 
haut  &:  le  bas  Emplue.  Le  haut  Empire 
commence  à  Céfar  ,  &  finit  vers  l'an  160 
de  Jefus-Chrift.  Le  bas  Empire  comprend 
près  de  douze  cents  ans  ;  c'eft-à-dire ,  juf- 
qu'à  la  prife  de  Conftantinople  en   1450. 
On   ne    laiiTe    pourtant   pas  de  compter 
toutes  les  Médailles  des  Empereurs    juf- 
qu'aux    Paleologues   entre  les  Antiques  , 
quoique  les    curieux    n'eftiment    que   les 
Antiques.  Tout  au  plus  les  belles  Impé- 
riales ne  paiTent  pomt  le  Règne  d  Héra-r 
clius ,  mort  en   ^41.  Après  le  temps  de 
Phôcas  &  d'Héraclius  ,  l'Italie  demeura  en 
proie  aux  Barbares  )  ainfi  les  monumens 
qui  nous  reftent  du    Règne   de  ces  deux 
Empi;;reurs  finiffent  les  fuites  des  Médailles 
Impériales,  On  y  joint  les  Médailles  du 
bas  Empire  ,    ôc  les   Empereurs    Grecs , 
dont  on  peut  faire  une  fuite  jufqu'à  nous , 
en  y  ajoutant  les  Modernes.  M.  Patin  a 
fait  un  ample  Recueil  des  Impériales  juf- 
qu'à Héraclius.  Les  Gothiques  font  partie 
des  Impériales  :  on  les  appelle  ainli ,  par- 
ceqa'elles  ont  été  faites  du  temps  des  Gôts, 
&  dans  la  décadence  de  l'Empire ,  elles 
relTentent  l'ignorance  de  leur  liècle. 

A  l'égard  d^s  Modernes ,  elles  ont  érc 
fabriquées  dans  l'Europe   depuis  que  la 
domination  des  Gots  y  a  été  éteinte  ,  &:  ■ 
I  Eij 


100  .=:MÉ== 

que  la  fculpture  &  la  gravure  ont  com- 
mencé à  reHeurir.  La  première  frappée  eft 
celle  de  Jean  Hus  Hérétique  ,  en  1 41  5  ,  & 
Cl  l'on  en  voit  de  plus  anciennes,  elles  font 
ou  faulfes  ,  ou  reftituées.  On  n'en  trouve 
point  en  France  frappées  avec  l'effigie  du 
Prince  ,  avant  le  Règne  de  Charles  VII. 
L'étude  des  Médailles  Modernes  eft  d'au- 
tant plus  utile  5  qu'elles  donnent  plus  de 
lumières  que  les  Antiques  ,  &  qu'elles 
marquent  les  temps  &  les  circonftances 
des  évènemens  :  au  lieu  que  les  Infcrip- 
tions  des  anciennes  font  fort  courtes  & 
fort  fimples ,  &  prefque  toutes  fans  date. 
De  plus  ,  les  Médailles  antiques  font  fort 
fu jettes  à  être  faufles ,  a  caufe  de  leur  prix 
exceiîif,  qui  les  a  fait  contrefaire  avec 
tant  d'artifice ,  qu'il  eft  mal  aifé  de  les 
diftinguer  j  6c  qu'au  contraire  l'on  recon- 
noit  facilement  quand  les  Modernes  font 
frappées ,  ou  moulées. 

Au  refte ,  les  Médailles  ont  été  fabri- 
quées de  trois  fortes  de  métaux  ,  qui  font 
trois  fuites  différentes  dans  les  Cabinets 
des  curieux.  Celle  d'Or  eft  la  moins  nom- 
breufe  *,  elle  n*excède  guères  mille  ou 
douze  cents  dans  les  Impériales  :  celle 
d'Argent  peut  aller  jufqu'à  trois  mille 
dans  les  feules  Impériales  j  &  celle  de 
Bronze  de  trois   grandeurs  différentes  ; 


^=r.MÉ=  ICI 

c*efl:-a-dire  ,  de  grand  ,  de  moyen  &c  de 
petit  Bronze ,  au-delà  de  fix  ou  fept  mille 
dans  les  Impériales. 

Il  ny  a  point  de  véi'itables  Médailles 
Hébraïques ,  Se  celles  où  Ton  voir  la  tèce 
de  MoiTe  &  de  Jerus-Chrill:  ,  font  ou 
faufTes  ,  ou  modernes.  On  trouve  fcole- 
menc  quelques  Sicles  de  Cuivre  ou  d'Ar- 
gent ,  avec  une  Légende  Hébraïque  ou 
Samaritaine.  On  n'en  a  jamais  vu  d'Or. 
Ce  n'cft  ni  le  métal ,  ni  le  volume  qui 
rend  les  Mcdailks  précieufes  \  mais  la  Ra- 
reté de  la  Tête  ,  ou  du  Revers  ,  ou  de  la 
Légende.  Telle  Médaille  en  or  eft  com- 
mune ,  qui  fera  très-rare  en  bronze.  Telle 
fera  très-rare  en  argent ,  qui  fera  com- 
mune en  bronze  &  en  or.  Tel  Revers  fera 
commun ,  dont  la  tète  fera  unique.  Telle 
Tête  fera  commune  dont  le  revers  eft 
très- rare.  Il  y  a  des  Médailles  qui  ne  font 
rares  que  dans  certaines  fuites ,  &  qui  font 
fort  communes  dans  les  autres.  Par  exem- 
ple 5  on  n'a  point  ^Antonia  pour  la  fuite 
du  grand  Bronze.  L'O'hon  eft  rare  dans 
toutes  les  fuites  de  Bronze  ,  &  il  eft  com- 
mun dans  celle  d'Argent.  On  fait  monter 
les  Othons  de  grand  Bronze  à  un  prix 
immenfe  :  &  ceux  de  moyen  Bronze  à 
quarante  ou  cinquante  piftoles.  On  mèc 
|le  même  prix  aux  Gordiens  d'Afrique. 

E  iij 


'102  =ME  = 

Les  Médailles   uniques   n'ont    point    de 
prix. 

Les  Médailliftes  ont  obfervé ,  que  îe 
Caradcre  Grec  compofé  de  Lettres  ma- 
jufcules,  s'eft  confervé  uniforme  fur  tou- 
tes les  Médailles^  fans  aucune  altération, 
&  fans  aucun  changement  dans  la  confor- 
mation des  Caradères,  quoiqu'il  y  en  ait 
eu  dans  Tufage  &  dans  la  prononciation. 
Ce  Caradère  s'eft  confervé  jufqu'à  Ga- 
lien ,  depuis  lequel  temps  i!  paroît  moins 
rond,  &  plus  a&mé.  Depuis  le  Règne  du 
Grand  Conftantin  ,  jufqu'I  Michel  j  c'eft- 
à-dire  5  pendant  cinq  cents  ans,  on  ne 
trouve  que  des  Caraàères  Latins.  Après 
M  chel,  on  retrouve  des  Caradtères  Grecs, 
qui  commencèrent  à  s'altérer,  aulTi-bien 
que  la  Langue  ,  qui  nVtoit  plus  qu'un 
mélange  de  Gièc  &  de  Latin.  Les  Mé- 
dailles Latines  ont  mieux  confervé  leur 
Langue  &  leur  Caradère,  jufqu'à  la  bar- 
barie de  Conflantinople.  Vers  le  temps 
de  Décius,  le  Caractère  commença  a  s'al- 
térer, Se  à  perdre  de  fa  rondeur  &  de  fa 
netteté  :  mais  quelque  temps  après  il  fe 
rétablit ,  &  demeura  affez  beau  jufqu*â 
Juftin  ;  &  alors  il  tomba  dans  la  dernière 
barbarie  ou  on  le  voit,  fous  Michel  dont 
on  vient  de  parler.  Ce  fut  encore  pis  dans 
la  fuite.  Le  Caradère  Latin  dégénéra  en 


Gothique.  Ainfî  ,  plus  le  Caracftère  c(ï 
rond  &  bien  formé ,  c'eft  une  marque 
d'Antiquité. 

Les  Medai/les  font  de  la  plus  haute  an- 
tiquité 5  on  en  découvre  tous  les  jours  en 
différentes  parties  de  l'Europe  En  Février 
1766,  aux  environs  de  Newcaftle  en  An- 
gleterre 5  un  Laboureur  fouillant  la  terre , 
a  trouvé  une  très-grande  quantité  de  Mé- 
dailUs  Romaines.  Les  Ecrits  publics  ont 
marqué  qu'il  y  en  avoir  cinq  cents  d'ar- 
gent bc  fcize  d'or  \  qu'il  s'y  en  trouva 
une  fuite  prefque  completre  de  Médailles 
du  haut  Empire  ,  &  qu'il  y  a  plufieurs 
O  thons. 

Il  y  a  des  Curieux  qui ,  dans  leurs  Ca- 
binets, en  ont  qui  repréfentent  des  Fêtes 
A^Socrate^  Ci  Alexandre^  des  Confuls  ^  des 
Empereurs  Romains ,  &  plulieurs  autres. 
Les  Médailles  font  des  Monumens  dura- 
bles, &  faits  pour  tranfmettre  a  la  pofté- 
lité  les  grands  évènemens.  Le  long  &  flo- 
rilfant  Rèqne  de  Louis  XIV  a  fourni  à^^ 
Médailles  fans  nombre  :  celui  de  Louis 
XV  n'en  fournit  pas  moins.  Des  Provin- 
ces fubjuguées  ou  acquifes  à  la  France  ; 
des  Batailles  gagnées  \  des  Alliés  fecou- 
rus  ,  protégés  ou  rétablis  \  des  Établi (fe- 
mens  dans  tous  les  genres ,  le  Comiinerce 
étendu  de  toutes  parts  j  la  Frar^e  embel- 

£  iv 


104  ï==MÉ  = 

lie  d'un  bout  à  l'autre  j  tout  ce  que  ren- 
ferme enfin  de  glorieux  l'Hiftoire  de  nos 
plus  grands  Rois  :  voilà  les  fujèrs  des  Mé^ 
dailles  qui  ont  été  frappées  depuis  îe  com- 
mencement de  la  Monarchie  jufqu'à  nos 
jours.  On  trouve  dans  les  Monumens  éri- 
gés à  Louis  XV^  Ckcip,  8  ^  page  .i8S ,  les 
différentes  Éooques  des  diverfes  Médciiiles 
qui  ont  été  frappées  depuis  le  premier 
Septembre  171 5  ,  que  ce  Prince  eiî  monté 
fur  le  Trône  ,  étant  alors  âgé  de  cinq 
ans,  jufqu'à  l'année  lyô'^,  que  Sa  Majefté 
vint,  le  6  Septembre,  pofer  la  première 
pierre  de  TEglife  de  Sainte  Geneviève, 
qui  donna  occasion  à  la  quatre-vingt- 
dixième  Médaille  qui  a  été  frappée.  Voye:^ 
\Onvrage  cité. 

Les  Médailles  frappées  en  1555,  pour 
éternifer  îa  mémoire  de  la  délivrance  de 
Mitz,  font  les  premières  où  l'on  voit  que 
la  France  commençoit  à  mettre ,  dans  ces 
fortes  de  Monumens  ,  le  bon  goût  de 
l'Antiquité  :  on  en  fie  au(îi  de  Saryriques 
contre  Cliarles-Qiiint.  La  plus  confidéra- 
ble  de  toutes  repréfentoit  la  Devife  de  cet 
Empereur ,  qui  éroit  les  Colonnes  d'Her- 
cule ,  avec  ce  mot  Ultra  ;  pour  faire  en- 
tendre que,  par  fon  expédition  en  Afri- 
que 5  il  avoit  pouflfé  fes  conquêtes  au-delà 
des  Colonnes  d'Herculcj. 


ÈlilGME    XIV. 

On  me  méprifc ,  hélas  !  fi-rôt  que  je  fuis  née  > 
On  m'inluke ,  on  me  bat  j  mais  malgré  ces  tour- 

mens, 
La  Coquette  voudrolt  avoir  ma  deftinée  : 
Plus  je  fuis  vieille  ,  &  plus  je  plais  à  mes  Amans. 

Médecine. 

Les  Dieux  qui  préfîdoient  à  la  Méde- 
cine 5  étoient  Apollon ,  Efculape  6c  fes 
enfans,  que  les  Grecs  nomment  Thélef- 
phore,  Hygica,  Jafo,  Panacée,  <5c  enfin 
Méditrina. 

Cet  Art  ayant  pour  fondement  l'Expé- 
rience &  l'Etude ,  fe  doit  repréfenter  par 
une  Matrone  refpedlable,  alTife  fur  plu- 
fieurs  volumes,  &  en  ayant  un  ouvert  de- 
vant elle.  Selon  la  Fable ,  Apollon  en  fut 
l'Inventeur  :  c'eft  à  ce  propos  qu'Ovide, 
au  premier  Livre  de  fes  Métamorphofes , 
lui  fait  dire  : 

Inventum  Mediclna  meum  eft, 

Ainfî  on  la  couronne  de  Laurier. 

Le  Coq,  Symbole  de  Vigilance,  lui  eft 
donné  pour  Attribut  ;  &  le  Bâton  plein 
de  nœuds,  &  entouré  d'un  Serpent,  étoit 
auiîi ,  chez  les  Anciens ,  l'Emblème  d'Ef- 

E  V 


culape  5  fils  d'Apollon  ,  &  Dieu  de  la  MJ- 
decine.  Le  Soleil  rayonnant  qui  l'éclairé , 
fîgnifie  que  la  Nature  aide  beaucoup  à 
cet  Art. 

Énigme    XV, 

Je  tire  ma  vertu  de  elimats  différens. 
Je  marche  rarement,  qu'un  Dodeur  ne  l'approuve. 
Je  porte  le  dégoût  par-tout  oii  je  me  trouve. 
Vers  des  lieux  reculés  je  fais  courir  les  gens. 
Alors  je  fçais  les  mettre  en  plaifante  poflure. 
lis  me  livrent  pafTage  ;  &  tant  que  cela  dure  , 
Je  les  fais  grimacer  ;  l'eau  tombe  de  leurs  yeux ., 
Xt  puis ,  fuis-je  dehors ,  ils  s'en  trouvent  bien  mieux, 

MÉDÉE, 

'  Fille  d'Aëtès  Roi  de  Colchide  &  d'Hé- 
cate ,  ayant  vu  arriver  Jafon  à  la  tête  ^t% 
Argonautes ,  fut  charmée  de  la  bonne  mine 
de  ce  Prince  ,  &  devint  aulîi-tôc  amou- 
reufe.  Junon  &  Minerve  qui  lui  avoient 
infpiré  cet  amour ,  conduifirent  la  Prin- 
ceffe  hors  de  la  Ville  près  du  Temple 
d'Hécate  ,  dans  le  temps  que  Jafon  y  étoit 
déjà  allé  implorer  le  fecours  de  la  DéefTe. 
Médée  fait  connoître  à  Jafon  le  tendre  in- 
térêt qu'elle  prend  a  ùs  jours  ,  &  lui  pro- 
met toutes  fortes  de  fecours,  s'il  veut  lui 
donner  fa  foi  ;  pofTédant  a  fond  TArt  à&s 
Enchantemens ,  elle  l'affure  qu'elle  pou- 


r=ME=  ÏG7 

voit  le  tirer  de  tous  les  dangers  auxquels 
alloic  l'expofer  la  Conquête  de  la  Toifon 
d'Or.  En  effet  elle  le  rendit  victorieux  de 
tous  les  Monftres  qui  gardoient  ce  Tré- 
for ,  l'en  mit  en  poffeiîion  &  s'enfuit  de 
nuit  avec  IhI. 

Cette  première  fable  de  Médée^  fi  vous 
en  ôtez  les  enchantemens  &  l'interven- 
tion des  deux  DéefTes ,  eft  toute  hiilori- 
que.  Médée ,  que  Jafon  avoit  promis  d'é- 
poufer  &  d'amener  dans  la  Grèce ,  fol- 
licitée  par  Calcioppe  fa  fœur  ,  veuve  de 
Phryxus  ,  qui  voyoit  fes  enfans  en  proie 
à  l'avarice  d'un  Roi  cruel ,  aida  fon  Amant 
à  voler  les  Tréfors  de  fon  père  ,  foit  en  lui 
donnant  une  fauife  clef,  ou  de  quelqu'au- 
tre  manière  ,  &  s'embarqua  avec  lui. 

Actes  fit  pourfuivre  les  Grecs  par  Ab- 
fyrthes  fon  fils ,  qui  périt  en  cette  entre- 
prife.  Selon  Onomacrite ,  les  Grecs ,  après 
avoir  erré  long-temps  fur  plufieurs  Mers , 
arrivèrent  au  pays  des  Phéaciens  ,  où  ils 
renconrrèrent  la  Flotte  d'Abfyrthe ,  qui 
étoit  venue  par  un  autre  chemin  les  at- 
tendre là,  Abfyrthe  demanda  que  Médée 
lui  fut  rendue  ,  &  l'on  convint  de  part  èc 
d'autre  que  Jafon  feroit  obligé  de  la  ren- 
<lre  5  fi  véritablement  il  ne  l'avoir  pas 
cpoufée.  Mais  la  femme  d'Alcinoiis,  qui 
avpit  été  prife  pour  Juge  ,  ayant  fait  ce- 

E  vj 


io8  r=MÉ== 

lébrer  la  même  nuit  la  cérémonie  du  ma- 
riage 5  &  ayant  enfuite  déclaré  a  Abfyrthe 
qu*elle  fçavoic,  à  n'en  point  douter,  que 
les  deux  Amans  étoient  mariés  dès  l'inf- 
tant  de  Tenlevement  de  Médécy  le  Prince 
de  Colchide  fut  obligé  de  fe  retirer  &  de 
laifTer  fa  fœur  aller  en  Grèce.  Médée  ar- 
riva heureufement  en  ThefTalie  avec  Ja- 
fon.  Elle  eut  le  fecrèt  de  rajeunir  le  vieux 
Efon  père  de  fon  mari ,  &  de  faire  périr 
Pélias ,  ufurpateur  du  Trône  de  Jafon. 
Cependant  elle  ne  put  faire  reconnoître 
fon  mai  i  pour  Roi  d'iolchos.  Jafon  ,  obligé 
de  céder  fa  couronne  à  Acifte ,  fils  de  Pé- 
lias ,  fe  retira  avec  Médce  à  Corinthe,  où  , 
aiîiftcs  de  leurs  amis  ,  ils  vécurent  dix  ans 
en  repos  &  dans  une  parfaite  union  :  deux 
«nfans  furent  le  fruit  de  leur  amour.  Mais 
Jafon  fe  lafTa  enfin  d'être  fidèle ,  &  ou- 
bliant qu'il  devoit  tout  à  Médée ,  qui  l'a» 
voit  délivré  d'un  péril  certain  ,  &  qui  avoir 
tout  facrifié  pour  le  fuivre ,  réfolut  de  l'exi- 
ler avec  le.'?  enfans  qu'il  avoir  eus  d'elle  , 
après  avoir  époufé  à  fes  yeux  Glaucé  ou 
Creiife  ,  filie  du  Roi  de  Corinthe. 

Médée  5  dans  Euripide ,  fait  femblant 
d'approuver  cet  hymen  politique  ,  &  de 
vouloir  même  gagner  la  bienveillance  de 
la  nouvelle  Reine  :  &  pour  cela  q\[q  de- 
mande la  permilEon  de  lui  envoyer  par 


==  M  É  =  lop 

fes  enfans  un  don  digne  d'elle,  une  robe 
très  fine  &  une  couronne  d'or ,  gage  pré- 
cieux ,  dit-elle ,  que  1*^  Soleil  mon  ayeul  a 
Jailfé  à  fa  poftérité.  Ses  préfens  font  ac- 
ceptés ;  mais  à  peine  Glaucé  s'efl-elle  re- 
vêtue de  là  robe,  à  peine  la  couronne 
cft-elle  fur  fa  tête  ,  qu'elle  fe  voit  tout  en- 
tourée de  feux  &  confumée  toute  vivante. 
Le  Roi  fon  père  accourt  Ces  cris  ,  il  fe 
jette  fur  le  corps  de  fa  fille  ,  &  la  tient 
ferrée  entre  fes  bras ,  les  flammes  fe  com- 
muniquent au  père  ,  il  en  tft  dévoré  ôc 
meurt  entre  les  bras  de  fa  fille.  Alédée 
ayant  appris  rilTuë  de  ces  préfens  ,  coure 
achever  fa  vengeance,  en  égoi géant  ,  en 
préfence  de  Jafon  même  ,  les  deux  enfans 
qu'elle  avoit  eus  de  lui ,  &  puis  elle  s'é- 
lève dans  les  airs  fur  un  char  que  lui  avoit 
donné  le  Soleil ,  emportant  avec  elle  les 
corps  de  fes  enfans ,  qu'elle  va  cacher , 
dit-elle  ,  dans  un  Temple  de  Junon  ,  pour 
enlever  cqs  triftes  refies  d  la  fureur  de  fes 
ennemis.  Horace  &:  Sénèque  difent  que 
ce  char  étoit  traîné  par  àes  dragons  ailés. 
Euripide  ne  dit  rien  de  cette  circor  ftance. 
Médée ,  félon  Diodore ,  au  fortir  de 
Corinthe  ,  fut  fe  réfugier  chez  Hercule , 
qui  lui  avoit  promis  autrefois  de  la  fecou- 
rir ,  fi  Jafon  lui  manquoit  de  foi  :  arrivée  a 
Thèbes  y  elle  trouva  qu'Hercule  étoit  deve- 


lia  :=ME  = 

nu  furieux ,  elle  le  guérit  par  fes  remèdes  5 
mais  voyant  qu'elle  ne  pouvoir  attendre 
aucun  fecours  de  lui  dans  Tétat  où  il  étoit , 
elle  fe  retira  à  Athènes  auprès  du  Roi 
Egée  5  qui  non-feulement  lui  donna  afyle 
dans  fes  Etats  ,  mais  l'époufa  même ,  fur 
l'efpérance  qu'elle  lui  avoir  donnée ,  qu  elle 
pourroit,  par  fes  enchantemens,  lui  faire 
avoir  des  enfans.  Théfée  étant  revenu  à 
Athènes  en  ce  temps- là  ,  pour  fe  faire  re- 
connojtre  par  fon  père ,  Médée  chercha  à 
faire  périr  par  le  poifon  cet  héritier  du 
Trône.  Diodore  dit  qu'elle  en  fut  feule- 
ment foupçonnée  ,  &  que  voyant  qu'on  la 
regardoir  par- tout  comme  une  empoifon- 
neufe  ,  elle  s'enfuit  encore  d'Athènes  ,  & 
choifit  la  Phénicie  pour  fa  retraite.  En- 
fuite  étant  palTée  dans  l'Afie  fupérieure, 
elle  époufa  un  des  plus  grands  Rois  de 
ce  pays-lâ,  &  en  eut  un  fils  appelle  Mi- 
das,  qui  s'étant  rendu  recommandable  par 
fon  courage ,  devint  Roi  après  la  mort  de 
fon  ^he  5  &  donna  à  Çqs  Sujets  le  nom 
de  Mèdes. 

Plufieurs  anciens  Hiftoriens  nous  repré- 
fentent  Médée  avec  des  couleurs  bien  dif- 
férentes. Selon  eux ,  Médée  éroir  une  per- 
fonne  vertueufe ,  qui  n'avoir  d'autre  crime 
que  l'amour  qu'elle  eut  poar  Jafon ,  qui 
l'abandonna  lâchement,  malgré  les  gages 


à 


=--  M  É  ==  ï  I  î 

quiî  avoir  de  fa  tendrelfe,  pour  épouler 
la  fille  de  Créon  ;  une  femme  qui  n'em- 
ployoic  les  feciècs  que  fa  mère  lui  avois 
appris,  que  pour  le  bien  de  ceux  qui  ve- 
noienc  la  confulcer  j  qui  ne  s'étoit  occu- 
pée en  Colchide,  qu'à  fauver  la  vie  aux 
Étrangers  que  le  Roi  vouloir  faire  périr, 
&  qui  ne  s'étoir  enfuie,  que  parcequ'elle 
avoir  horreur  des  cruautés  de  fon  père  5 
cn9in  une  Reine  abandonnée,  perfécurée, 
qui  5  après  avoir  eu  inutilement  recours 
aux  garants  des  promefTes  Se  des  fermens 
de  fon  Époux,  fut  obligée  d'errer  de  Cour 
en  Cour,  &  enfin  de  pafler  les  Mers,  pour 
aller  chercher  un  afyle  dans  les  Pays  éloi- 
gnés. 

Médée  s'ëtoit  retirée  à  Corinthe ,  parce- 
qu'aile  avoir  droir  â  cette  Couronne ,  fé- 
lon Paufanias  j  effe6i:ivement  elle  y  régna 
conjointement  avec  Créon.  Diodore  dit 
même  que  ce  furent  les  Corinthiens  qui 
invitèrent  cette  PrincclTe  à  quitter  lol- 
chos,  pour  venir  prendre  pofTelîion  d'un 
Trône  qui  lui  étoit  dû.  Mais  ces  Peuples 
inconftans,  foit  pour  venger  la  mo:t  de 
Crcon  5  dont  ils  accufoient  Médée ,  ou 
pour  mettre  fin  aux  intrigues  qu'elle  for- 
moit  pour  afiiirer  la  Couronne  â  Tes  en- 
fans ,  les  lapidèrent  eux-mêmes  dans  lè 
Temple  de  Junon,  où  ils  s'étoient  réfu- 


112  =i=ME=ii 

giés.  A  quelque  temps  de-là ,  Corinthe  fut 
affligée  de  la  pefte ,  ou  d'une  maladie  épi- 
démique,  qui  faifoit  périr  tous  les  enfans. 
L'Oracle  de  Delphes  avertit  les  Corin- 
thiens ,  qu'ils  ne  verroient  la  fin  de  leurs 
maux ,  que  lorfqu'ils  auroient  expié  le 
meurtre  facrilége  dont  ils  s'étoient  ren- 
dus coupables.  Aufli-tôt  ils  inftitucrent  des 
Sacrifices  en  l'honneur  des  fils  de  Medée  ^ 
ôc  leur  confacrèrent  une  Statue'  qui  repré- 
fentoit  la  Peur.  Pour  rendre  encore  plus 
fplemnelle  la  réparation  que  les  Corin- 
thiens fe  trou  voient  engagés  de  faire  à  ces 
malheureux  Princes ,  ils  faifoient  porter 
le  deuil  à  leurs  enfans ,  Ôc  leur  coupoient 
les  cheveux  jufquà  un  certain  âge.  Ce 
fait  étoit  connu  de  tout  le  monde,  lorf- 
qu'Euripide  entreprit  de  metrre  Médée  fur 
la  Scène.  Les  Corinthiens  firent  préfent  au 
Poëte  de  cinq  talens ,  pour  l'engager  de 
mettre  fur  le  compte  de  Médée  le  meurtre 
des  jeunes  Princes  :  ils  efpéroient  avec  rai- 
fon ,  que  cette  Fab:e  s'accréditeroit  par  la 
réputation  du  Poëte  qui  Temployeroir , 
ôc  prendroit  enfin  la  place  d'une  vérité , 
qui  leur  étoit  peu  honorable.  Pour  rendre 
plus  croyable  cette  première  calomnie,  hs 
Poètes  tragiques  inventèrent  tous  les  autres 
crimes  dont  l'Hilloire  de  Medée  eft  char- 
gée y  les  meurtres  d'Abfyrthe ,  de  Pélias , 


=  M  É  :=  1 1 5 

de  Créon  &  de  fa  fille ,  rempoifonnement 
de  Thé  fée ,  &c. 

On  la  fit  aiifli  pafTer  pour  une  grande 
Magicienne,  parcequ'elle  avoit  appris  de 
fa  mère  Hécate  la  connoilTance  des  Plan- 
tes, de  plufieurs  autres  fecrèts  utiles,  dont 
elle  fe  fervoit  dans  les  maladies  des  hom- 
mes. Enfin  ceux  qui  l'ont  chargée  de  tant 
de  forfaits,  n'ont  pu  s'empêcher  de  re- 
connoître  que ,  née  vertueufe  ,  elle  n'a- 
voir été  entraînée  au  vice ,  que  par  une 
efpèce  de  fatahté,  de  par  le  concours  des 
Dieux,  fur-tout  de  Vénus,  qui  perfécuta 
fans  relâche  toute  la  race  du  Soleil,  qui 
avoit  découvert  fon  intrigue  avec  Mars. 
De-là  CQS  fnmeufes  paroles  d'Ovide  :  Fi^ 
deo  meliora  ,  proèoque ,  détériora  fequor  ; 
que  Quinaulc  a  fi  bien  imitées  dans  ces 
deux  Vers  : 

Le  Deftiji  de  Me'dz'e  eft  d'être  criminelle  -y 
Mais  Ton  coeur  écoic  faic  pour  aimer  la  Vertu. 

Refte  à  expliquer  ce  qu'en  entendoit 
par  ces  Dragons  volans  du  Cl^ar  de  Mé- 
dée,  C*étoient  apparemment  les  Vaifieaux 
fur  lefquels  Medce  fit  fes  différentes  cour- 
(esy  êe  qui  avoient  peut-être  fur  la  proue 
des  figures  de  Dragons. 


114  :==.MÉ  = 

Médioc  Rixi. 

Celui  qui  garde  le  milieu  , 
Peut  faire  réu/Tir  la  plus  fâcheufe  affaire  : 
On  le  doit  en  tout  temps ,  on  le  doit  en  tout  lieu  ; 

Mais  peu  de  gens  le  fçavent  faire. 

C'eft  rheureux  état  defiré  des  Sages.  On 
en  peint  l'Allégorie  par  une  aimable  fem- 
me, vêtue  avec  /implicite  Ôc  décence.  Elle 
marche  paifiblement  encre  un  Lion  &  un 
Agneau ,  qu'elle  mène  en  laifTe.  Ce  Hié- 
roglyphe fignifie  que  la  Médiocrité  fuit 
les  extrêmes.  Près  d'elle  eft  l'Infcription  : 

Medio  tutijjîmus  ibis. 
Médisance. 

Parler  înceffamment  des  Petits  &  des  Grands , 
Pes  Magistrats ,  des  Rois ,  des  morts  &  des  vivans , 
En  parler  mal  à  toute  outrance, 
C'eft  là  la  Médifance. 

On  repréfente  ce  fujèt  par  une  vieille 
femme,  alTife  commodément  fur  des  couf- 
fins ;  parceque  de  l'Oifiveté  &  de  la  mol- 
leiTe  naiflent  tous  les  Vices  ,  &  principa- 
lement celui-ci.  Sa  tête  eft  à  l'ombre  d'un 
voile  ,  pour  indiquer  qu'elle  eft  d'autant 
plus  dangereufe  5  qu'elle  fe  tient  cachée. 
Sa  langue  eft  fourchue  comme  celle  d'un 


xMÉ 


Serpent.  Elle  tient  un  Couteau  à  deux 
tranchans.  Sa  robe  eft  couleur  de  verd-de- 
gris  5  &  l'on  voit  dcffus  une  efpèce  de 
pecir  Manteau  de  peau  de  HérilTon ,  garni 
de  plufieurs  pointes  de  fer, 

MÉDITATION. 

Veux-tu  que  la  lecflure  à  coup  fur  te  profite  ? 
Rumine  fur  l'heure ,  &  mcdi:e. 
Beaucoup  lifent  fans  réfléchir  ; 
Mais  cela  ne  fait  que  bbnchir. 

La  Méditation  eft  une  Adion  de  I  ame, 
par  le  moyen  de  laquelle  elle  confidère 
profondément  quelques  fujècs,  dont  elle 
le  forme  des  idées  tacites. 

On  la  peint  alTife  fur  un  amas  de  Vo- 
lumes,  foutenant  fa  tête  d'une  main,  de 
montrant  de  l'autre  un  Livre  ouvert ,  fur  le- 
quel elle  médite  avec  attention.  L'acflion  de 
cette  Figure ,  &  fon  air  de  recueillement, 
fait  le  principal  &  le  plus  fîgnificarif  Em- 
blème de  ce  fujèt. 

Méditation  de  la  Mort. 

Il  n'ell:  rien  de  plus  falutaire , 

Que  àe  penfer  au  trépas  : 
Cependant  on  n'y  penfe  guère  5 
Ou  plutôt  on  n'y  penfe  pas. 

•    Cette  dernière  Fin  q^l  repréfentée  par 


ii6  î=MÉ=== 

une  femme  vètuc  de  deuil ,  afîîfe  fur  un 
ton-ibauj  où  elle  regarde  fixement  une 
tète  de  mort.  Près  d'elle,  on  lit  cet  Écri- 
teau  ;  O  Mors!  quàm  amara  ejl  memorîa 
tua  !  c'eft-à-dire ,  O  Mort  !  que  ton  nom  , 
que  ta  mémoire  eft  amère  ! 

Méditation  spirituelle. 

Mon  doux  Sauveur  expire  fur  une  honteufe  croix. 

Sans  adorer  pourtant  ce  bois , 
Je  contemple  ce  Dieu ,  qui ,  pour  fauver  mon  âme , 
Voulut  mourir  de  cette  mort  infâme. 

La  Méditation  fpiritue lie  eft  repréfen- 
tée  par  une  fainte  &  modefte  fille,  qui, 
par  dévotion,  fe  tient  à  genoux  fur  une 
croix  couchée  fur  la  terre.  Elle  a  les  mains 
jointes  ,  \qs  yeux  tournés  vers  le  Ciel , 
pour  témoigner  l'ardeur  de  fon  zèle  & 
de  fa  Méditation  profonde. 

MÉDITERRANIE. 

On  dit  qu'Hercule  fépara  avec  (qs  deux 
mains  deux  Montagnes  nommées  Calpé 
&  Abyla,  qui  étant  fituées  entre  l'Afri- 
que &  l'Efpagne  ,  arrêtoient  l  Océan  ;  & 
qu'au(îi-tôt  la  Mèr  entra  avec  violence 
dans  \qs  terres ,  &  forma  ce  grand  Gol- 
phe ,  qu'on  appelle  Méditerranée,  Les  An- 
ciens pouvoient  bien  croire  que,  du  temps 


=  MÉ=:  117 

de  quelque  Hercule ,  l'Océan  s'étoit  fait 
un  paiîage  à  Ibccaiion  peut-être  de  quel- 
que tremblement  de  terre,  ôc  s'étoit  jetcé 
entre  l'Europe  Ôc  l'Afrique. 

Méditri  n  a, 

Une  des  DéelTes  de  la  Médecine ,  qu  on 
honoroit  à  Rome ,  de  en  l'honneur  de  la- 
quelle on  célébroit  les  Méditrinales ^  Fêtes 
qui  fe  faifoient  en  Automne  le  1 1  d'Oc- 
tobre. On  goùtoit  ce  jour-là  le  Vin  nou- 
veau, &  le  vieux  en  même  temps,  &  cela 
pour  raifon  de  fanté.  On  faifoit  aullî  en 
rhonneur  de  la  DéelTe  Mèditrina ,  à^^ 
Libations  de  l'un  &  l'autre  Vin.  La  pre- 
mière fois  que  l'on  buvoit  du  Vin  nou- 
veau, on  fe  fervoit  de  cette  formule,  fé- 
lon Feftus  :  Je  bois  du  Vin  vieux  nouveau , 
je  remédie  à  la  maladie  vieille  nouvelle» 

MiDUSE, 

L'une  des  trois  Gorgones,  étoic  mor- 
telle, dit  Héfîode  j  au  lieu  que  fes  deux 
fœurs,  Euryale  &  Sthéno,  n'étoient  fu- 
jetces  ni  à  la  vieilleffe  ni  à  la  mort.  C'é- 
toit  une  très-belle  fille  j  mais  de  tous  les 
attraits  dont  elle  étoir  pourvue  ,  il  n'y 
avoit  rien  de  fi  beau  que  fa  chevelure. 
Une  foule  d'Amans  s'emprefsèrent  de  la 
rechercher  en  mariage.  Neptune  en  de- 


ii8  ,=  ME=: 

vint  aiiiîî  amoureux  ;  ôc  s'étanc  métamor- 
phofé  en  Oifeau ,  il  enleva  Aùduje,  ôc  la 
cranfporca  dans  un  Temple  de  Minerve , 
qu'ils  profanèrent  enfemble. 

Noël  le  Comte  dit  feulement,  que  Mé- 
dufe  ofa  difputer  de  la  beauté  avec  Mi- 
nerve ,  &  fe  préférer  même  à  elle.  La 
DéelFa  en  fat  fi  irritée  ,  qu'elle  changea 
en  affreux  Serpens  les  beaux  cheveux  donc 
Médufe  (q  glorifioit,  &  donna  à  fes  yeux 
la  force  de  changer  en  pierres  tous  ceux 
qu'elle  regardoit.  Plufîeurs  fentirent  les 
pernicieux  effets  de  fes  regards ,  ôc  grand 
nombre  de  gens  autour  du  Lac  Tritonis 
furent  pétriliés. 

Les  Dieux  voulant  délivrer  le  Pays  d'un 
fi  grand  fléau ,  envoyèrent  Perfée  pour  la 
tuer.  Minerve  lui  fit  préfent  de  fon  Mi- 
roir, &  Pluton  de  fon  Cafque  :  ce  Caf- 
que  &  ce  Miroir  avoient,  dit  Hygin ,  la 
propriété  de  laifTer  voir  tous  les  objets, 
fans  que  celui  qui  le  portoit,  pût  être  vu 
lui-même. 

Perfée  fe  préfenta  donc  devant  Médufe 
fans  en  être  apperçu  j  &  fa  main ,  con- 
duite par  Minerve  ,  coupa  la  tête  de  la 
Gorgone,  qu'il  porta  depuis  avec  lui  dans 
toutes  fes  expéditions.  11  s'en  fervjt-pour 
pétrifier  fes  ennemis.  Cefi:  rilnfi  qu'il  en 
ufk  à  l'égard  des  habicans  de  Tlfie  de  Se- 


=rMÉ=  11^ 

rlphe  ,  qu  il  changea  en  rochers ,  &  à  1  e- 
gard  d'Atlas ,  qui  devint  par-là  une  grofTe 
montagne. 

Du  fang  qui  fortic  de  la  plaie  de  Mé* 

dufe  y  quand  fa  tète  fut  coupée  ,  naquit 
Pégafe  ëc  Chryfaos  j  ôc  lorfque  Perfée  eue 
pris  fon  vol  par-defTus  la  Lybie ,  toutes  les 
^gouttes  de  fang  qui  découlèrent  de  cette 
fatale  tète,  fe  changèrent  en  autant  de 
Serpens.  C'eft  de-la ,  dit  Apollodore ,  qu'eft 
venue  la  quantité  prodigieufe  de  ces  Ani- 
maux venimeux,  qui  depuis  ont  infecté 
cette  contrée. 

Perfée,  vainqueur  de  tous  fes  ennemis, 
confacra  à  Minerve  la  tète  de  AUdufe^  qui 
depuis  ce  temps-la  fut  gravée  ,  avec  îes 
Serpsns ,  fur  le  redoutable  Egide  de  la 
Déefle.  '«  On  voyoït  au  milieu  de  l'Egide, 
5)  dit  Homère,  la  tète  de  la  Gorgone,  ce 
)>  Monilre  affreux ,  tète  énorme  &  formi- 
5)  dable,  prodige  étonnant  du  père  des  im- 
35  mortels.  35  Virgile  la  place  aulîi  fur  la 
Cuiralfe  de  Minerve,  a  l'endroit  qui  cou- 
vroit  la  poitrine  de  la  DéefTe.  Il  y  a  même 
apparence,  que  c'étoir  l'ornement  le  plus 
ordinaire  des  Boucliers  des  Héros  :  eau 
Homère  dit  encore,  que  cette  même  tète 
-croit  gravée  fur  le  Bouclier  d'Agamem- 
non  5  environnée  de  la  Terreur  &  de  la 
Fuite  j  c'eft -à -dire,  qu'on  y  gravoit  cet 


t20 


MÉ 


affreux  objet,  pour  épouvanter  Ces  enne- 
mis. 

Cependant  routes  les  Médujes ,  que  les 
anciens  Monumens  nous  ont  confervées, 
fi'ont  pas  ce  vifage  affreux  &c  terrible  :  il 
y  en  a  qui  ont  un  vifage  ordinaire  de 
femme  j  il  s'en  trouve  même  aifez  fou- 
vent  qui  font  très-graçleufes ,  tant  fur  TÉ- 
gide  de  Minerve,  que  féparément. 

On  en  voit  une  entr'autres  aflife  fur 
des  rochers,  accablée  de  douleur  de  voir 
que  non-feulement  (qs  beaux  cheveux  fe 
changent  en  ferpens,  mais  aufli  que  à^s 
Serpens  viennent  fur  elle  de  tous  côtés, 
&  lui  entortillent  les  bras,  les  jambes  & 
tout  le  corps.  Elle  appuie  la  tête  fur  fa 
main  gauche.  La  beauté  &  la  douceur  de 
fon  vifage  fait  que ,  malgré  la  bizarrerie 
de  cette  Fable ,  on  ne  fçauroit  la  regar- 
der ,  fans  s'intérelTer  à  fon  malheur. 

c£  Sans  m'arrèter  aux  Fables  qu'on  dé- 
»  bite  fur  Médufe^  dit  Paufanias,  voici  ce 
3>  que  l'Hiftoire  en  peur  apprendre.  Quel- 
j5ques-uns  difent  qu'elle  étoit  fille  de 
»5  Phorécus  ;  qu'après  la  mort  de  fon  père, 
a»  elle  gouverna  les  Peuples  qui  habitent 
»  aux  environs  du  Lac  Tritonis  ,  qu'elle 
9>  s'éxerçoit  à  la  chaife ,  &  qu'elle  alloit 
»>  même  à  la  guerre  avec  les  Lybiens  qui 
«  étoient  fournis  à  fon  Empire  j  que  Per- 

j>  fée , 


$>  fée  5  à  la  rêre  d'une  Armée  Grecque , 
35  s'étant  approché,  Médiife  fe  préfenra  à 
Il  lui  en  bataille  rangée  \  que  ce  Héros ,  la 
•>  nuit  fuivante,  lui  dreffa  une  embufcade, 
»  où  elle  périr  ;  que  le  lendemain  ayant 
M  trouvé  fon  corps  fur  la  place ,  il  fut  fur- 
n  pris  de  la  beauté  de  cette  femme  ,  lui 
55  coupa  la  tête,  &  la  porta  en  Grèce, 
25  pour  y  fervir  de  fpedtacle ,  6r  comme 
»  un  monument  de  fa  victoire. 

w  Mais  un  autre  Hiftorien  en  parle 
5>  d'une  manière  qui  paroît  plus  vraifem- 
,>  blible.  Il  dit  que,  dans  \qs  déferts  de  la 
i5  Lybie,  on  voit  affez  communément  à^s 
5»  bêtes  d'une  forme  &  d'une  grandeur  ex- 
35  traordinaire  ;  que  les  hommes  &  les 
35  femmes  y  font  fauvages,  &  tiennent  du 
^  prodige  comme  les  bêtes  ;  enfin  que  de 
»  îbn  temps  on  amena  à  Rome  un  Ly- 
ii  bien ,  qui  parut  fi  différent  des  autres^ 
»  hommes  ,  que  tout  le  monde  en  fut 
3»  furpris.  Sur  ce  fondement,  il  croit  que 
»)  Mêdufe  étoir  une  de  cqs  fauvages,  qui, 
M  en  conduifant  fon  troupeau  ,  s'écarta 
»>  jufqu'aux  environs  du  marais  Tritonis, 
9>  où ,  fière  de  la  force  de  corps  dont  elle 
,)  étoir ,  elle  voulut  maltraiter  \qs  Peuples 
B>  d'alentour ,  qui  furent  enfin  délivrés  de 
»>  ce  Monftre  par  Perfée.  Ce  qui  a  donné 
w  lieu  de  croire ,  ajoute-t-il ,  que  Perfée 
Tome  ÎIL  F 


MÉ 


122  « 

»  avoit  été  aide  par  Minerve,  c'eft  que  tout 
3>  ce  canton  eft  confacré  à  cette  DéefTe  ,  &c 
«  que  les  Peuples  qui  Fhabicent ,  font  fous 
»>  fa  protedion.  » 

Le  même  Paufanias  nous  apprend  en- 
core une  circonftance  /înoulière  fur  Afe- 
dufe  :  c'eft  que  Ton  gardoit  dans  un  Tefti- 
ple  a  Tégée  des  cheveux  de  Médufe^  dont 
Minerve,  difoit-on,  ht  préfent  a  Aféphée, 
fils  d'Alcus  ;  en  l'afTurant  que  par-là  Té- 
gée deviendroit  une  Ville  imprenable.  Ce 
qui  a  rapport  à  ce  que  dit  Apollodore, 
que  l'on  attribuoit  aux  cheveux  de  Medufe 
une  vertu  toute  particulière  \  &  qu'Her- 
cule donna  à  Scérope,  fille  deCéphée,  une 
boucle  de  cheveux  de  Médufe ,  en  lui 
difant,  quelle  n*avoit  qu'à  montrer  cette 
boucle  aux  ennemis ,  pour  les  mettre  en 
fuite. 

Mégabyse, 

Nom  des  Prêtres  de  la  Diane  d'Éphè- 
fe.  Les  Mégabyfes  étoient  eunuques  j  une 
Déede  Vierge  ne  vouloit  pas  d'autres  Prê- 
tres ,  dit  Scrabon.  Il  s'en  préfentoit  de  dif- 
férens  endroits  pour  occuper  ces  places, 
&  on  leur  portoit  un  fort  grand  honneur. 
Des  filles  Vierges  partageoient  avec  eux 
l'honneur  du  Sacerdoce.  Cela  ne  fut  pas 
toujours  obfervé  j  6w   dans  la  fuite    du 


< 


=  MÉ==  125 

temps,  on  garda  une  partie  de  ces  cou- 
tumes, &  on  négligea  l'autre, 

MÉG  ALÉSIE, 

Fête  inftituée  à  Rome  en  l'honneur  de 
Cybèle,  ou  de  la  grande  mère,  vers  le 
temps  de  la  féconde  Guerre  punique.  Les 
Oracles  Sibyllins  marquoient ,  au  juge- 
ment des  Dccemvirs  ,  qu'on  vaincroic 
l'ennemi ,  de  qu'on  le  chalferoit  d'icalie , 
Cl  la  Mère  Idëenne  écoit  apportée  de  Peiîî- 
nonte  à  Rome.  Le  Sénat  envoya  des  Lé- 
gats au  Roi  Attalus,  qui  les  reçut  humai- 
nement 5  les  amena  à  Pefîinonte  &  leur 
donna  une  pierre ,  que  les  gens  du  Pays 
appelioient  la  Mère  des  Dieux.  Cette 
pierre  apportée  à  Rome  ,  fut  reçue  par 
Scipion  Nafica,  qui  la  mit  au  Temple  de 
la  Victoire  au  Mont  Palatin,  le  14  Avril, 
auquel  jour  on  établit  une  nouvelle  Fête 
à  Rome ,  nommée  Mégaléjie,  On  y  célé- 
broit  des  Jeux  qui  furent  aufli  appelles 
Mégaléfîens. 

MÉGANIRE, 

Temme  de  Céléus ,  Se  mère  de  Trîpto- 
lème ,  ayant  rencontré  Gérés ,  qui  fe  re- 
pofoit  auprès  d'un  puits ,  fous  la  figure 
d'une  vieille  ,  la  prit  pour  une  femme 
d'Argos ,  de  l'emmena  chez  elle  :,  pour  en 

Fij 


1^4  =MÉ==:= 

faire  ia  Gouvernante  de  fon  fils.  Après  fa 
mort,  on  lui  confacra  une  Chapelle  au^ 
près  de  ce  puits ,  où  elle  avoit  (î  bien  aç-^ 
cueilli  la  Déefle. 

Mégarej 

Fille  de  Créon ,  Roi  de  Thèbes ,  fut  la 
pBemière  femme  d'Hercule.  Erginus ,  Roi 
des  Minyens ,  étant  venus  attaquer  le  Roi 
de  Thèbes  ,  Hercule  marcha  contre  les 
Minyens ,  les  tailla  en  pièces  ,  tua  leur 
Roi  5  faccagea  leur  Pays ,  &  délivra  Créon 
de  la  terreur  que  lui  avoient  infpirée  de 
fi  fiers  ennemis.  Ce  fut  en  reconnoilfance 
de  ce  fignalé  fervice ,  que  Créon  le  fit  fon 
gendre  5  mais  ce  mariage  ne  fut  pas  heu- 
reux.  Après  plufîeurs   exploits  ,    Alcide 
voulut  defcendre  aux  Enfers  ;  ôc  comme 
il  ne  reparoilïbit  plus ,  on  le  crut  mort.  Il 
s'éleva  une  fédition  dans  Thèbes  j  Lycus, 
Chef  des  Rébelles,  tué*  Créon,  s'empare  : 
du  Tr.one ,  &  veut  faire  périr  toute  la  Race  1 
d'Hercule,  Le  retour  imprévu  du  Héros 
change  toute  la  Scçne  :  il  délivre  Mégare 
ôz  ùs  enfans  dQS  mains  de  Lycus ,  &  pu- 
nit ce  téméraire  de  fon  entreprife.  Mais: 
bientôt  après  les  Furies  s'étant  faifies  del 
lui  par  Tordre  de  Timplacabie  Junon,  îel 
porrent  à  immoler  lui-même  de  fes  mains. 
ceux  qu'il  vcHoît  dai'racher  à  la  c^uautçj 


de  Lycus.  C'eft  ainfi  qu'Euripide  fait  mou- 
rir Mdgare  :  mais  Paufanias  die  qu'Herculs 
ayant  perdu  tous  les  enfans  qu'il  avoit  eus 
de  Mégare,  &c  croyant  l'avoir  époufée  fous 
de  malheureux  aufpices ,  il  la  répudia.  Se 
l'engagea  a  époufer  lolas.  Ton  o-rand  corn- 
pagnon  de  voyage. 

Mégère, 

Une  des  trois  Furies  dont  les  Dieux  fe 
fervoient  pour  punir  les  hommes.  Son 
nom  figniiie  Envie  ^  ou  Difpute. 

Mélampus, 

Fils  d'Amithéron,  Se  parent  de  Jafon, 
puifqu'Éfon  &  Amichaon  étoient  frères, 
s'adonna  à  la  Médecine ,  &  devint  très- 
habile  dans  la  connoiiîance  des  Plantes. 
Il  entendoit,  difoit-on,  jufqu'au  langage 
des  animaux.  Il  eut  une  belle  occafion  de 
faire  ufage  de  fon  fçavoir  dans  la  mala- 
die des  filles  de  Prœtus.  qui  avoient  perdu 
l'efprit  jufqu'au  point  de  fe  croire  réelle- 
ment changées  en  Vaches.  Melampus  les 
guérit  par  le  moyen  de  TEllébore ,  qu'on 
nomma  depuis  Mélampodium^  de  époufa 
une  des  filles  du  Roi.  La  même  maladie 
avoit  pris  à  la  plupart  des  femmes  du  Pays 
d'Argos ,  dit  Paufanias ,  fous  le  Règne 

F  iij 


i2(?  s==MÉ  = 

d'Anaxagore.  Elles  furent  attaquées  <ï  une 
telle  manie,  que  ne  pouvant  plus  demeu- 
rer dans  leurs  maifons,  elles  couroient  les 
champs.  Heureufement  MUampus  trouva 
le  moyen  de  les  faire  revenir  à  leur  bon 
fens.  Anaxagore ,  Roi  d'A^gos ,  pour  re- 
connoître  un  (î  grand  fervice  ,  partagea 
fon  Royaume  avec  Mdampus ,  qui  eut  fix 
Succeifeurs  de  fa  famille  jufqu'à  Arnphi- 
loque  ,  fils  d'Amphiaraiis.  Mélampus  ^  au 
rapport  d'Hérodote ,  ^toit  un  homme  fça- 
vant,  qui  sléxorrtnîlruit  dans  l'Art  de  la 
Divination,  &  qui  enfeigna  aux  Grecs  les 
Cérémonies  des  Sacrifices  qu'on  offroit  à 
Bacchus,  à  faire  la  repréfentation  de  ce 
Dieu ,  &  tout  ce  qui  concernoit  le  Culte 
des  Dieux  d'Egypte,  parcequ'il  l'avoit  ap- 
pris  des   Égyptiens  mêmes.  Ce  Prince  ^ 
après  fa  mort  ,   fut  honoré   comme   un 
Demi-Dieu.  On  offroit  à^s  Sacrifices  fur 
fon  Tombeau.   Selon  quelques  Mytholo- 
gues 5  il  fut  mèm.e  compté  au  nombre  àts 
Dieux  de  la  Médecine. 

MÉLANCOLIE. 

On  la  peint  vieille,  cet  âge  étant  le 
plus  fujèt  à  cette  maladie.  Virgile ,  Livre 
VI  de  V Enéide^  dit  : 

Falkntcs  hahltam  morhi,  trlflefque  fencdtus. 


Le  nom  de  Mélancolie  fîgnîfie  bile 
noire.  Elle  attaque  moins  la  tête,  que  la 
maffe  du  fang.. 

Elle  fe  repréfenre  dans  une  folitude , 
aflife  fur  àes  cailloux ,  dans  un  habille- 
ment négligé,  appuyant  Tes  coudes  fur  {qs 
genoux,  &  fûutenant  fa  tète  de  ^qs  deux 
mains.  Proche  d'elle,  eft  un  arbriiTeau 
delféché. 

MÉLANID  E  5 

Surnom  que  l'on  a  donné  à  Vénus,  par- 
ceque,  dir-on,  Vénus  cherche  fouvent  les 
ténèbres,  pour  fe  livrer  à  ïts  penchans. 

Mil  ANIPPUS, 

Jeune  homme  ,  Amant  de  Cométho. 
»*  A  Parra  en  Achaïe ,  éroit  le  Temple 
3>  de  Diane  Triclaria ,  dont  la  PrètreHe 
î3  éroit  toujours  une  Vierge  ,  qui  étoic 
5>  obligée  de  garder  la  challeté  jufqu'a  ce 
55  qu  elle  fe  mariât  ^  &:  pour  lors  le  Sacer- 
»  doce  paiToit  à  une  autre.  Or  il  arriva 
»  qu'une  jeune  fille  d*une  grande  beauté, 
»  nommée  Cométho  ,  étant  revêtue  du 
33  Sacerdoce,  Mélanippiis ^  le  jeune  hom- 
«  me  de  fon  temps  le  mieux  fait  &  le 
55  plus  accompli ,  devint  amoureux  d'elle. 
55  Voyant  qu'il  en  étoit  aimé  réciproque- 
>9  ment,  il  la  demanda  en  mariage  à  fon 

F  iv 


•128  t=:^MÉ== 

39  père.  Le  naturel  des  vieillards,  dit  l'Hif- 
w  rorien ,  eft  toujours  de  s'oppofer  à  ce  que 
j>  fouhaitent  les  jeunes  gens ,  &  d'être  fur- 
a»  tout  fort  peu  touchés  de  leurs  amours. 
03  Par  cette  raifon,  Mélanippus  ne  put  ob- 
»  tenir  de  réponfe  favorable ,  ni  des  pa- 
3>  rens  de  la  fille,  ni  àQS  liens  propres.  On 
3>  vit  en  cett^  occalion,  comme  en  bien 
3>  d'autres ,  que ,  quand  une  fois  Tamouîc 
»  nous  pofsède ,  toutes  les  Loix  divines  & 
33  humaines  ne  nous  font  plus  de  rien. 

jî  Mélajiippus  ôc  Cométho  fatisfirent 
3>  leur  pailion  dans  le  Temple  même  de 
33  Diane,  &  le  faint  lieu  alloit  être  pour 
3>  eux  comme  un  lit  nuptial,  fî  la  DéenTe 
a  n'avoit  bientôt  donné  des  marques  ter- 
*3  ribies  de  fa  colère  ;  car  la  profanation  de 
»  fon  Temple  fut  fuivie  d'une  ftérilitc  gé- 
33  nérale ,  enforte  que  la  terre  ne  produi- 
33  foie  aucun  fruit,  «Se  enfuite  des  maladies 
î>  populaires  qui  emportoient  beaucoup  de 
33  monde.  Ces  Peuples  ayant  eu  recours  à 
33  l'Oracle  de  Delphes,  la  Pythie  leur  ap- 
»  prit  que  l'impiété  de  Mélanippus  &  de 
3>  Cométho  étoit  la  caufe  de  tous  leurs 
»  maux  ;  &  que  le  feul  moyen  d'appaifer 
»  la  Déefle,  étoit  de  lui  facrifier  à  l'ave- 
33  nir  tous  les  ans  un  jeune  garçon  &  une 
33  jeune  fille ,  qui  excellalTent  en  beauté 
33  fur  tous  les  autres.  Ainfi ,  pour  le  crime 


=  M  É  =:*=s  I  2^ 

y>  de  ces  deux  Amans,  on  voyolt  périr  de 
35  jeunes  filles  &  de  jeunes  hommes,  qui  en 
>î  étoienc  très-innocens.  Leur  fort  &  celui 
»  de  leurs  proches  étoit  bien  cruel ,  tandis 
3>  que  Mélanippus  &c  Comécho ,  les  feuls 
>3  coupables,  paroifToient  moins  m.alheu- 
îî  feux  y  car  du  moins  ils  avoient  contenté 
M  leurs  defirs  :  de  les  An-'.ans  fe  trouvent 
3î  heureux  de  pouvoir  fe  fatisfaire ,  même 
5î  aux  dépens  d;=  leur  vie. 

MÉLÉAGRE, 

Fils  d'Oénée,  Roi  de  Calydon,  fut  un 
des  Héros  de  la  Grèce.  Dans  {à  première 
jeunelTe,  il  eu:  part  a  l'expédition  des  Ar- 
gonautes. 11  fut  le  Chef  de  la  fameufe 
ChalTe  de  Calydon.  <■<  Oénée,  Roi  de  Ca- 
îî  lydon  5  faifant  un  jour  dQS  Sacrifices  a 
3>  tous  les  Dieux ,  pour  leur  rendre  grâces 
«  de  la  fertilité  de  l'année ,  n'en  fit  pdint 
»  à  Diane,  de  forte  que,  pendant  que  les 
»  autres  Dieux  prenoient  plaifir  à. recevoir 
j>  l'odeur  des  Hécatonubes,  la  feule  Diane 
33  voyoit  fes  Autels  nuds  &  négligés.  Soit 
<'  oubli,  foit  mépris,  elle  fentit  vivement 
53  cette  injure,  de  dans  fa  colère,  cette 
>3  DéeiTe ,  qui  fait  ks  déhces  de  ks  traits , 
33  envoya  un  iiirieux  Sanglier,  qui  ravagea 
33  toutes  les  terres  d'Oénée ,  déracina  les 
»arb  res ,  de  défola  toutes  les  campagnes* 

Fv 


3i  Le  fils  du  Roi,  ce  brave  Mélêagre^  af- 
»  fembla ,  de  toutes  les  Villes  voifines , 
âî  un  grand  nombre  de  ChafTeurs  &:  de 
35  Chiens  \  car  il  ne  falloit  pas  moins 
»  qu'une  armée  contre  cet  affreux  San- 
»>  glier,  qui  étoit  d  une  grandeur  énorme  & 
s>  monfbrueufe ,  &  qui ,  par  fes  carnages , 
»>  avoît  déjà  allumé  dans  tonte  l'Étolie  une 
»>  infinité  de  bûchers.  Méléagre  le  tue  ; 
»  mais  Diane ,  qui  n'étoit  pas  encore  fa- 
3>  tisfaitej  excite  entre  les  Etoliens  Se  les 
»3  Curetés  un  funefte  démêlé ,  pour  la  luire 
»  &  pour  la  peau  de  la  bête,  chacun  pré- 
3>  tendant  que  cette  glorienfe  dépouille 
a>  étoit  due  à  fa  valeur.  La  guerre  s'alki- 
93  me  3  on  en  vient  aux  mains.  Pendant 
o)  que  Méléagre  combat  a  la  tête  de  fes 
sî  Peuples  5  les  Curetés  >  quoiqu  en  plus 
»  gran^  nombre ,  font  maltraités ,  &  ne 
33  trouvent  aucun  lieu  à  fe  mettre  à  cou* 
3j  vert  contre  les  furieufes  forties  qu'il  faic 
a»  tous   les   jours   fur   eux.  Mais  bientôt 

•>  après  il  fe  retire &  fe  renferme 

V9  avec  fa  femme,  la  belle  Cléopatre,  ou- 
jt-i  tré  de  colère  de  ce  qu  Althée  fa  mère, 
»  au  défefpoir  de  la  mort  de  fes  frères  ^ 
»>  qu'il  avoit  tués  dans  le  combat ,  faifoit 
33  contre  lui  les  plus  afFreufes  imprécations, 
»>  en  frappant  la  terre  de  hs  mains ,  ^ 
■»  en  conjurant  à  geaoux  U  Dieu  Pluton 


^MÉ-=.  1 


I 


»  &  la  cruelle  Proferpine  d'envoyer  la 
M  mort  à  fon  fils.  La  Furie  qui  erre  daiïs 
»  les  airs,  &  qui  a  toujours  un  cœur  vio- 
î3  lent  de  fanguinaire,  entendit  ces  impré- 
3>  cations  des  Enfers.  Auiîî-tôt  les  Curetés, 
93  ranimés  par  l'abfence  de  Mé/éagre ,  re- 
»  commencent  leurs  attaques ^  &  donnent 
35  de  furieux  afTauts.  Les  Étoliens,  dans 
3î  cette  extrémité ,  députent  à  Méléagre  \qs 
35  fages  Vieillards ,  &  les  Prêtres  les  plus 
35  vénérables,  pour  le  conjurer  de  forrir  les 
■»  armes  à  la  main  ,  &  de  les  défendre ,  lui 
»5  promettant  un  préfent  confidérable  dans 
:5  le  meilleur  Pays  de  Calydon  ;  car  ils  lui 
«  offroient  un  enclos  de  cinquante  arpens , 
55  qu'il  choifîroit  lui-même.  Le  père  de  Mé- 
55  léagrey  le  Roi  Ocnée ,  monte  dans  l'ap- 
35  partement  de  fon  fils ,  fe  jette  à  (qs  ge- 
35  DOUX  5  lui  repréfente  le  danger  où  il  eil , 
55  &  le  prefTe  de  prendre  \qs  armes.  Ses 
55  frères  joignent  leurs  prières  à  celles  du 
35  Roi.  Sa  mère  même,  revenue  de  fon 
35  emportement,  &  touchée  de  repentir, 
35  le  conjure  avec  larmes  ;  il  nQn  eft  que 
M  plus  dur,  &  rejette  leurs  fupplications. 
35  Les  Curetés,  déjà  maîtres  àts  Tours, 
33  fe  faillirent  d^s  avenues  du  Palais,  & 
35  vont  embrafer  la  Ville.  Dans  cette  ex- 
>5  trémité,  la  belle  Cléopatre  fe  jette  aux 
55  pieds    de    fon   mari  ,    le   conjure  ^   le 

F  vj 


132  fc=^MÉ^= 

»  preflè .  • Ôc  touche  enfin  ce 

r»  cœur  endurci.  Il  demande  fes  armes , 
^  fort  de  fon  Palais  comme  un  Lion,  6c 
5>  combat  avec  tant  de  valeur  &  de  fuc- 
3>  ces  5^  qu'il  repouffe  les  Curetés,  ôc  fauve 
3>  les  Étoliens.  Ces  Étoliens ,  qu'il  avoit 
j>  refufés  fi  durement ,  ne  lui  font  plus  le 
a;  préfent  qu'ils  lui  avoient  offert.  Ain{î 
5»  Méléagre  fauva  ces  Peuples  >  de  n'en  fut 
ao  point  récompenfé.  » 

Homère  ne  nomme  pas  ceux  qui  ac- 
compagnèrent Méléagre  dans  la  Chaffe  de 
Calydon.  Voici  leurs  noms  tels  qu'on  les 
trouve  dans  Apollonius ,  Paufanias ,  & 
Ovide.  Caftor  &  Pollux,  Jafon,  Théfée 
^  Pirithoiis ,  Toxée  &  Pliléxippe ,  frères 
d'Althée  5  Lyncée ,  Lucippe ,  Acafte ,  Idas , 
Cénée  j  Hipporhoiis,  Dryas  fils  de  Mars  ^ 
Phénix  Çi\s  d'Amintor  ,  Ménétius  père 
de  Patrocles ,  Télamon ,  Pelée ,  Admette, 
lolas  ,  Philée ,  Eurition  y  Échion ,  Lélex , 
Panapée,  Hilée;,  Hippafe,  Neftor,  Laerte, 
Ancée  5  Amphycide  5  A mphiaraiis 5  les  deux 
fils  d'Ad:or5  les  quatre  fils  d'Hippocoon,  & 
la  belle  Atalante ,  l'ornement  d^s  Forets 
d'Arcadie,  qui  brilloit  parmi  la  pfus  filo- 
lilTante  jeuneffe  de  la  Grèce.  Ovide  &  \qs 
Mythologues  qui  font  venus  après  Ho- 
mère, ont  ajouté  beaucoup  de  circonftan- 
ces  à  i'Hiftoire  de  Méléagre. 


M  É  L  I  E  , 

Fille  de  rOccan ,  ayant  été  enlevée  paf 
Apollon ,  fon  frère  Caranchus  eut  ordre  de 
Taller  chercher  :  mais  quand  il  fçut  qu'elle 
étoit  en  la  puififance  d'Apollon  ,  Se  qu'il 
ne  pouvoit  l'en  tirer,  de  dépit  il  mit  le 
feu  au  Bois  Ifménien  confacré  à  Apollon. 
Le  Dieu  lui  décocha  aulTi-tot  une  de  (es 
flèches  qui  portent  la  mort.  Me/ie  mit  au 
monde  deux  enfans ,  Ténérus  &  Idménus. 
Le  premier  reçut  de  fon  père  l'Art  de 
prédire  l'avenir,  &  l'autre  eut  l'honneur 
de  donner  fon  nom  à  un  Fleuve  de  Béotie. 
Mé/ie  fut  encore  la  mère  des  Nymphes 
appellées  Mélies, 

Mellona. 

Divinité  champêtre ,  qui  prenoit  fous 
fa  protedion  les  Abeilles  ,  &  le  Miel 
qu'on  en  retiroit.  Celui  qui  voloit  du 
Miel,  ou  qui  gâtoit  les  Ruche-  de  fon 
Yoifîn ,  s'attiroit ,  difoit-on  ,  la  colère  de 
la  DéefTe  Mellona, 

ÉNIGME   XV L 

Je  te  prends  par  le  nez ,  incorrigible  ivrogne  S 
Et  par  mainte  tentation. 
Je  fuis  prochaine  occafion 
D'un  péché  qui  rougit  la  trogne. 


1^4  *==ME  = 

Tu  ne  me  connois  bien ,  qu'en  jouiiTant  de  moi. 

Je  fuis  une  Enigme  pour  toi , 
Pour  le  Ledcur  aufli  :  je  crains  qu'il  ne  devine 

Que  je  fuis  la  liqueur  divine. 
Je  fuis ,  comme  le  Vin ,  fouvent  pernicieux , 

Pour  être  trop  délicieux. 
Dans  un  Palais  de  verre,  ainlî  que  lui ,  j'habite. 
Par  ma  couleur  vermeille ,  ain/i  que  lui ,  j'invite. 

Mais  n'étant  pas  une  liqueur. 
Et  n'ayant  pas  en  moi  cette  vive  chaleur , 
Qui  ranime  fouvent  les  ardeurs  d'un  cœur  tendre  y 
Je  ne  fuis  pas  le  Vin ,  on  ne  peut  s'y  méprendre. 

Melpomène, 

Une  des  neuf  Mufes,  celle  qui  prëfide 
à  la  Tragédie ,  félon  Virgile.  Homère  lui 
donne  encore  la  Mufîque.  Son  nom  figni- 
fie  l'attrayante.  On  la  repréfente  avec  un 
vifage  férieux  ,  tenant  d'une  main  des 
Sceptres  6c  des  Couronnes,  ôc  de  l'autre 
un  Poignard. 

Memnon^ 

Fils  de  Tithon  &  de  l'Aurore ,  vint  an 
fecours  de  Troyes  ,  vers  le  milieu  de  la 
dixième  année  de  liège  ,  avec  dix  mille 
Perfans  &  dix  mille  Éthiopiens  d'Afîe.  Il 
s'y  diftingua  d'abord  par  fa  bravoure ,  &  y 
tua  Antiloque  fils  de  Neftor.  Mais  Achille 
vini  l'attaquer  j  & ,  après  un  rude  combat  ^ 


îe  fit  fuccomber  fous  l'effort  de  Ton  bras. 
A  ce  trifte  fpeclacle  ,  dit  Ovide ,  on  vie 
pâlir  cette  couleur  vive  Ôc  vermeille  qui 
brille  lorfque  l'Aurore  paroît ,  &  le  Ciel 
demeura  couvert  de  nuao;es.  Cette  tendre 
mère  ne  pouvant  foutenir  la  vue  du  bû- 
cher qui  alloit  réduire  en  cendres  le  corps 
de  fon  fils ,  alla ,  les  cheveux  épars  de  les 
yeux  baignés  de  larmes,  fe  jetter  aux  pieds 
de  Jupiter ,  3c  le  conjurer  d'accorder  à  fon 
fils  quelque  privilège  qui  le  diftinguât  d^s 
autres  mortels.  Le  père  des  Dieux  exauça 
fa  prière.  Dans  le  moment  le  bûcher  déjà 
allumé  s'écroula ,  6c  on  en  vit  fortir  des 
tourbillons  de  fumée  qui  obfcurcirent  l'air  , 
de  des  monceaux  de  cendres ,  qui  s'étant 
condenfés  ,  préfentèrent  d'abord  un  corps 
qui  emprunta  du  feu  la  chaleur  ôc  la  vie , 
ôc  la  légèreté  de  cet  élément  lai  fournit 
des  ailes.  Un  moment  après  on  vit  fortir 
de  ces  cendres  une  infinité  d'oifeaux  qui 
firent  trois  fois  le  tour  du  bûcher  ,  en  fai- 
fânt  tous  entendre  les  mêmes  cris.  A  la 
quatrième  ils  fe  féparèrent  en  deux  ban- 
des 5  ôc  fe  battirent  les  uns  contre  les  au- 
tres avec  tant  de  fureur  &  d'opiniâtreté  , 
qu'ils  tombèrent  auprès  du  bûcher  comme 
des  victimes  qui  s'immoloient  aux  cendres 
dont  ils  venoient  de  fortir  :  mont!:ant  par- 
la qu'ils  dévoient  la  naiflance  à  un  homme 


rempli  de  valeur.  Ce  fut  aulîi  de  lui  qu'ils 
prirent  le  nom  de  Mémnonidcs.  Ces  oi- 
îeaux  ne  manquent  pas  de  venir  tous  les 
ans  dans  le  même  endroit ,  où  par  un  fem- 
blable  combat  ils  honorent  le  tombeau  de 
ce  Héros.  Pour  l'Aurore  elle  verfa  àQS  lar- 
mes plus  en  abondance  pour  fon  fils ,  &  de- 
puis le  jour  fatal  qu'elle  le  perdit ,  elle  n'a 
point  CQ^é.  d'en  répandre.  Ce  font  ces  mê- 
mes larmes  dont  fe  forme  la  Rofée  qui 
tombe  les  matins. 

Paufanias  parlant  des  oifeaux  de  Mem^ 
non^  dit  :  Ceux  qui  habitent  les  Côtes  àe 
l'Hellefpont ,  difent  que  tous  les  ans  à  un 
jour  préfix  ,  ces  oifeaux  viennent  balayer 
un  certain  efpace  du  Tombeau  de  Mem- 
non  5  où  l'on  ne  laifTe  croître  ni  arbre  ni 
herbe  ,  &  qu'enfuite  ils  l'arrofent  avec 
leurs  ailes ,  qu'ils  vont  exprès  tremper 
dans  l'eau  du  Fleuve  Éfépus. 

Memnon  eut  une  Statue*  Coloflale  à 
Thèbes  en  Egypte  au-delà  du  Nil ,  on  di- 
foit  que  lorfque  les  rayons  du  Soleil  ve- 
noient  à  la  frapper  ,  elle  rendoit  un  fon 
harmonieux.  Strabon  ,  Auteur  judicieux  , 
nous  apprend  qu'il  l'a  vue  lui-même  ,  & 
qu'il  a  entendu  le  bruit  qu'elle  faifoit, 
>?  J'étois  ,  dit-il ,  avec  Élius  Gallus  &  une 
*î  troupe  d'amis  ,  lorfque  considérant  le 
}>  Coloflfe  y  nous  entendîmes  un  certain 


•»  bruit  5  fans  pouvoir  aiTurer  toutefois  s'il 
»  venoit  cie  la  Statue  ou  de  la  bafe  ,  ou  s'il 
«  venoit  de  quelqu'un  des  alfiftans  j  car  je 
w  croirois  plutôt  toute  autre  chofe  ,  que 
S5  d'imaginer  que  des  pierres  arrangées  de 
jî  telle  ou  telle  manière  ,  puiiTent  rendre 
M  un  pareil  fon.  >?  Le  P.  Kirker  attribue 
ce  fon  à  quelque  relTort  fecret  ,  qu'il 
croit  avoir  été  une  efpèce  de  Claveffin  ren* 
fermé  dans  la  Statue  ,  &  dont  les  cor.des 
relâchées  par  l'humidité  de  la  nuit ,  fe  ten- 
doient  enfuite  à  la  chaleur  du  Soleil  &  fe 
rompoient  avec  éclat  j  faifant ,  comme  die 
Paufanias  ,  un  bruit  femblable  â  celui 
d'une  corde  de  viole  qui  fe  rompt.  Cam- 
byfe  ayant  voulu  éclaircir  ce  Myflère,  de 
y  foupconnant  de  la  Magie  ,  ht  brifer  le 
ColoUe  depuis  la  tête  jufqu'au  milieu  du 
corps  :  le  refte  fubfîfta  longtemps  après  ,  &: 
rendit  toujours  le  même  fon.  On  croyoit 
encore  que  Mcmnon  rendoit ,  par  fa  Sta- 
tue ,  un  Oracle  tous  les  fept  ans. 

M.  Huèt  a  fort  bien  expUqué  l'Hiftoire 
de  Memnouj  qu'il  a  dépouillée  de  tout  le 
merveilleux  de  la  Fable.  Selon  lui ,  Aîem^ 
-non  étoit  fils  de  Tithon  frère  de  Priam  : 
il  commandoit  \^s  Armées  de  Teutame 
Roi  d'Aflyrie,  qui  le  chargea  d'aller  au 
fecours  du  Pvoi  de  Troye  fon  Tributaire. 
Comme  fa  mère  étoit  d'un  pays  fitué  à 


15S  ==ME== 

rOrient  àe  la  Grèce  Se  de  la  Phfygîe  5 
les  Grecs  qui  tournoient  toute  l'Hiftoire 
en  iidions ,  dirent  qu'il  avoir  époufé  l'Au- 
rore. La  Ville  de  Suze ,  bâtie  par  Ton  père  , 
fur  appellée  Ville  de  Memnon  ^  la  Cita- 
delle Mcmnonium  ^  le  Palais  6c  les  murs 
Mcimionuns ,  à  caufe  de  la  vénération 
qu'on  y  avoir  pour  lui.  On  bâtit  en  fon 
honneur  un  Temple  j  où  les  Peuples  de  la 
Sufiane  l'alloient  pleurer.  Les  anciens  Au- 
teurs ont  dit  qu'il  étoit  Édiiopien  ,  con- 
fondant Chus  qui  (ignine  la  Sufiane ,  avec 
Chus  qui  fignifie  \q,s,  pays  firués  fur  les 
bords  du  QoXïq  Arabique  \  c'eft-à-dire  , 
l'Échiopie  en  Afrique.  Il  y  a  eu  aulîi  deux 
Memnons  ^  dont  l'un  éroit  Aménophis , 
Roi  d'Egypre  &  d'Ethiopie  :  cehii-ci  n'eft 
jamais  venu  à  Troye  \  l'autre  eft  M^mncn 
ie  Troyen. 

MÉMOIRE. 

Cette  Faculté  de  l'Ame  qui  fert  a  fe 
rappeller  le  fouvenir  des  chofes  paflTées , 
fe  repréfente  alTife  &  en  adion  d'écrire 
fur  un  livre.  Selon  Ariftote  ,  elle  doit  être 
peinte  dans  la  fleur  de  l'âge  j  parceque  la 
jeuneffe  n'a  pas  encore  eu  le  temps  de 
s'inftruire  .  <Sé  que  la  vieil îefTe  eft  fujette  à 
l'oubli.  Elle  tient  un  grand  Clou  ,  pour 
marquer  que  la  Mémoire  des  bienfaits  re- 


eus  5  doit  être  inébranlable  ,  fuivant  ce 
Proverbe  : 

C/avo  Trahali  fi^ere  bcneficium, 

Oa  lui  (donne  une  couronne  de  Geniè- 
vre ,  arbrilTeau  qui  Te  conferve  ,  ^  dont 
la  vapeur  eil  un  excellent  céphalique  pousr 
le  cerveau. 

Pline  ,  I/v.  VI ^  Ck,  40 ,  dit  : 

Carkm,  &  vetujîatem  non  fentit  Juniperus» 

L'on  ne  fe  (bavient  que  du  mal  5 
L'Ingraritude  règne  au  monde , 
L'Injure  fe  grave  en  métal , 
Et  le  Bienfait  s'écrit  fur  l'onde. 

Mémoire  des  Bienfaits  reçus. 

Un  cœur  généreux  &  bienfait 
Croit  que  la  Graticude  eil:  la  Vertu  fupréme  j 
Il  s'oubliroit  plutôt  lui-même , 
Que  d'oublier  un  feul  bieniair. 


M  EN 


ACE. 


C'eft  la  démon ftration  extérieure  qui 
fert  â  intimider  par  ks  actions ,  ou  par  les 
paroles.  On  en  donne  l'image  par  la  figure 
d'une  femme  agitée,  &  dent  les  yeux  font 
ardens  (Se  la  face  enflammée ,  fuivant  l'éx- 
preiîion  d'Horace  dans  fon  Art  Poétique, 
Iratum  pUna  minarum. 


ï^5  «==ME== 

Elle  efl  en  adion  de  faire  des  reproches  3 
ôc  tient  une  Épée  d'une  main  ,  &  de  l'au- 
tre un  Bâton  ,  pour  faire  la  diftindtion  , 
par  ces  attributs ,  des  menaces  faites  aux 
égaux ,  &  de  celles  faites  aux  inférieurs. 

Son  vêtement  ed  de  couleur  brune ,  de 
on  la  peint  dans  une  nuit  non  totalement 
obfcure  ,  mais  telle  que  la  peint  Virgile  , 
Enéide  y  Liv.  FI, 

Quale  pcr  incertain  Lunam  fuh  luce  maligna 
Eji  i ter  in  Sylvis ,  uhi  Cœlum  condidit  umhra , 
Jupiter,  &c, 

M  É  N  A  D  E  s . 

On  appelloit  ainfi  les  Bacchanres  ,  â 
caufe  àQS  cérémonies  étranges  qu'elles  fai- 
foient  dans  leurs  Fêtes  3  où  elles  fauroient, 
danfoient ,  alloien:  toutes  échevelées  ,  & 
faifoient  àes  contorfions  extraordinaires  , 
&  des  adions  violentes ,  jufqu'à  tuer  ceux 
qu'elles  rencontroient ,  5c  porter  leurs  tètes 
en  fautant. 

M  EN  DE  s. 

C'étoit  le  nom  du  Bouc  que  les  Égyp- 
tiens admettoient  parmi  leurs  Dieux ,  6i 
qu'ils  regardoient  comme  un  des  huit 
principaux.  Il  étoit  confacré  au  Dieu  Pan , 
ou  plutôt  c'étoit  le  Dieu  Pan  même  que 


ç=ME=  141 

les  Égyptiens  honoroient ,  ayant  toute  la 
forme  du  Bouc ,  au  lieu  que  chez  les  Grecs 
6c  les  Romains ,  on  le  peignoit  avec  la 
face  ôc  le  corps  d'homme  ,  ayant  feule- 
ment les  Cornes  ,  les  Oreilles  &  les  Jam- 
bes de  Bouc.  Dans  la  Table  Iliaque  le 
Dieu  Mendès  a  les  cornes  du  Bouc  par 
defTus  celle  du  Bélier  ,  de  forte  qu'il  a 
quatre  cornes.  Il  y  avoit  dans  la  BalTe- 
Egypte  une  Ville  où  ce  Dieu  étoit  parti- 
culièrement honoré ,  &  qui  prit  le  nom 
de  Mendes,  Les  Mendcfîens  n'avoienc 
garde  d'immoler  en  facrifîce  âes  boucs  ni 
des  Chèvres  ,  croyant  que  leur  Dieu  fe 
cachoit  fouvent  fous  la  figure  de  ces  ani^ 
maux. 

ÉNIGME    XFIL 

Nés  dans  diiFéreme  Province , 
Nous  nous  réunifTons  tous  (quatre  dans  Paris. 

Dans  un  même  panier  compris, 
Souvent  nous  faifons  mets  du  Bourgeois  &  du  Prince» 

Qui  lommes-nous  ?  De  plufieurs  Attributs  j 
Celui-ci  peut  fuiErç  à  npus  faire  connoîtrc. 
Dès  que  du  Carnaval  les  Jeux  font  difparus , 
Nous  commençons  alors  tous' les  foirs  à  paroîcre  ; 

Nous  fortons  de  robfcurité. 

Faifons-nous  faire  pénitence  ? 

riattons-nous  la  renlualité  ? 
Çeft  à  -VOUS  d'^n  jugçr,  je  garde  le  filence. 


1^2  ==MÉ 

M  É  N  É  L  A  s  , 

Frère  d'Agamemnon  ôc  Fils  d'Arrée, 
félon  l'opinion  commune.  Ce  Pince  épou- 
fa  la  fameufe  Hélène ,  fille  de  Tyndare , 
Roi  de  Sparte  ,  &  fuccéda  au  Royaume 
de  fon  beau- père.  Quelque  temps  après , 
le  beau  Paris  arriva  à  Sparte  pendant  i'ab- 
fence  de  Ménélas ,  que  les  affaires  de  fou 
frère  avoir  attiré  à  Mycènes  ;  Se  s'étanc 
fait  aimer  d'Hélène ,  il  l'enleva  ,  &  caufa 
par-là  la  Guerre  de  Troye. 

Ménclas  ,  outré  de  cet  affront ,  en  inf- 
truit  tous  les  Princes  de  la  Grèce  ,  qui 
s'étoient  engagés ,  par  les  Sermens  les  plus 
faints  ,  de  donner  du  fecours  à  l'Époux 
d'Hélène ,  fî  on  venoit  à  lui  enlever  fon 
époufe  ;  les  Grecs  prennent  les  armes  ,  fe 
rafifemblent  en  Aulide  ;  &  tous  prêts  à 
partir ,  ils  fe  voyent  arrêtés  par  un  Ora- 
cle 5  qui  exige  qu'Iphigenie  foit  immolée, 
pour  procurer  aux  Grecs  un  heureux  fuc- 
cès.  Agamemnon ,  gagné  par  \qs  raifons 
de  Ménélas  ^  confent  au  facrifice  de  fa 
fille  ,  &  écrit  à  Clytemneftre  de  lui  ame- 
ner promptement  Iphigénie  au  Camp  ; 
mais  bientôt  la  Pitié  l'emporte  ,  &  il  en- 
voie un  contre-ordre.  Ménélas ,  inftruit  de 
fon  changement ,  arrête  le  Meffager  ,  fe 
faific  de  la  lettre ,  6c  va  faire  à  fon  frèrtî 


les  plus  vifs  reproches  fur  fon  inconftance. 
Mais  quand  il  voir  la  PrinceiTe  arrivée  ,  &C 
les  larmes  couler  des  yeux  du  père ,  il  ne 
peut  lui-même  retenir  fes  pleurs;  il  ne 
veut  plus  qu'on  facrifie  Iphigenie  à  fes  in- 
térêts. »»  La  pitié  eft  entrée  dans  mon 
$>  cœur  ,  dit-il ,  à  la  feule  penfée  d'une 
j>  fille  de  mon  frère  égorec'e  fur  les  Au- 
ii  tels  pour  ma  querelle.  Qu'a  cette  Prin- 
ii  ceiïe  à  démêler  avec  Hélène  ?  Et  pour- 
î>  quoi  faut-il  racheter  aux  dépens  de  fcn 
••  fang  une  ingrate  beauté  ?  Congédions 
5»  plutôt  l'Armée  ,  &  qu'elle  parte  d'Au- 
p  lide.  » 

Les  Grecs  ôc  les  Troyens  étant  en  pré- 
fence  fous  les  murs  de  Troye ,  prêts  à  com- 
battre 5  Paris  ôc  Ménèlas  propofent  de  fe 
battre  en  combat  fingulier ,  &  de  vuider 
eux  feuls  la  querelle  :  on  convient  que  fî 
Paris  tue  Mcn&las  ^  il  gardera  Hélène  & 
toutes  {q%  richelTes  ,  &  les  Grecs  retour- 
neront en  Grèce  amis  des  Troyens  ;  mais 
que  fi  Menélas  tue   Paris  ,   les  Troyens 
rendront  Hélène  avec  toutes  fes  richefTes, 
&  payeront  aux  Grecs  &  à  leurs  defcen- 
dans  à  jamais ,  un  Tribut  qui  les  dédom- 
mage de  cette  guerre.  Tout  étant  réglé , 
ils  entrent  en  lice  :  Ménèlas  a  l'avantage  ; 
mais  Vénus  voyant  fon  f-avori  prêt  à  fuc- 
comber  ,  le  dérobe  aux  coups  de  fon  en- 


1^4  =:MÉ   = 

nemi  Se  l'emporte  dans  la  Ville  ;  c'eft-a- 
dire,  que  Paris  prit  la  fuite.  Le  vainqueur 
demanda  le  prix  du  combat  ;  mais  les 
Troyens  refufenr  d'accomplir  le  Traité  , 
ôc  quelqu*un  d'entr'eux  lui  tire  une  flèche 
dont  il  eft  blefle  légèrement.  Cette  perfi- 
die fit  recommencer  les  Hoftilités. 

Après  la  Prife  de  Troye ,  les  Grecs  re- 
mettent Hélène  entre  les  mains  de  Mé" 
né/as  ,  &  le  laifient  maître  de  fa  defli- 
née.  Il  eft  déterminé  ,  dit-il  ^  à  la  con- 
duire dans  la  Grèce  pour  l'immoler  à  fon 
refientiment ,  &  aux  Mânes  de  ceux  qui 
ont  péri  dans  la  Guerre  de  Troye.  Hélène 
demande  à  fe  juftifier  :  elle  prétend  d'a- 
bord que  Ménélas  doit  s'en  prendre  â  Vé- 
nus -&  non  pas  à  elle.  Hé  !  le  moyen ,  dit- 
elle  ,  de  réfifter  à  une  DéeiTe ,  à  qui  Ju- 
piter même  obéit.   Elle  reproche  enfuite 
à  fon  époux  de  s'être  abfenté  fort  â  con- 
tre-temps de  fon  Palais ,  après  y  avoir  reçu 
Paris.  Enfin  elle  lui  fait  valoir  ,  comme 
une  preuve   de  fa  tendreife  ,  le  facrifice 
qu'elle  lui  fit  de  Déiphobe  ,  qui  avoit  fuc- 
cédé  auprès  d'elle  à  Paris ,  de  qui  fut  livré 
à  Ménélas  ;  cette  dernière  raifon  fit  im^ 
preiîion  fur  l'Époux ,  il  fe  reconcilia  de 
bonne   foi  avec  Hélène  ^  &  la  ramena  â 
Sparte.  Paufanias  fait  mention  d'une  Sta- 
vxé  de  Ménélas  ,  qui ,  l'Épée  â  la  main  , 

pourfuic 


pourjfuir  Hélène  ,  comme  il  fit ,  dic-il , 
après  la  Prife  de  Troye. 

Ménélas  n'arriva  à  Sparte  que  la  hui- 
tième année  après  fon  déparc  de  Troye. 
Les  Dieux  ,  dit  Homère  ,  le  jettèrent  fur 
la  C6te  d'Egypte  ,  &  l'y  retinrent  long- 
temps ,  parcequ'il  ne  leur  avoir  pas  offert 
les  Hécatombes  qu'il  leur  devoir.  Il  y  fe- 
roit  même  péri  fans  le  fecours  d'Eidothée 
&  de  Protiiée.  Ce  fut  là  ,  félon  une  tra- 
dition rapportée  par  Hérodote ,  que  Mé^ 
néUs  retrouva  Hélène.  L'Hiftorien  ajoute 
que  ce  Prince,  après  avoir  recouvré  chez 
les  Egyptiens  fa  femme  &  Çqs  tréfors  ,  fe 
montra  ingrat  envers  eux ,  &  ne  reconnut 
que  par  une  acftion  barbare  ,  les  fervices 
qu'il  en  avoir  reçus.  Car  comme  il  vou- 
loir s'embarquer  pour  retourner  en  Grèce , 
^  que  les  vents  lui  étoient  toujours  con- 
traires ,  il  s'avifa  d  une  cliofe  horrible 
pour  découvrir  la  volonté  des  Dieux.  Il 
prit  deux  petits  enfans  des  habitans  du 
pays  5  les  fit  tuer  &  les  ouvrit ,  pour  cher- 
cher dans  leurs  entrailles  les  préfages  de 
fon  départ.  Par  cette  cruauté  ,  dont  on 
eut  bientôt  connoiffance  ,  il  fe  rendit 
odieux  à  toute  l'Egypte ,  &  ayant  été  pour- 
fuivi  comme  un  Barbare  ,  il  s'enfuit  fur 
fes  vaifTeaux  en  Libye. 

Ménéias  eut  un  Temple  à  Téraphnc  en 
Tome  IIL  G 


Laconle  ;  c'eft-à-dire,  un  Monument  Hé- 
roïque ;  les  habitans  de  cette  Ville  pré- 
rendoient  qu'Hélène  &  lui  y  étoient  in-^ 
humés  dans  le  même  tombeau, 

MÉNÉTIUS, 

Bouvier  de  l'Enfer  ,  ayant  voulu  s  op- 
pofer  à  Hercule,  Se  défendre  le  Chien 
Cerbère  ,  fut  tué  par  ce  Héros  ,  qui  l'em- 
braiïa  de  le  ferra  tellement  qu'il  lui  brifa 
cous  Içs  os. 

Menophane, 

Un  des  Généraux  de  Mithridate ,  comp- 
tant pour  rien  la  Religion ,  dit  Paufanias , 
s'avifa  de  venir  inveftir  Délos ,  que  le 
Culte  d'Apollon  fembloit  mettre  à  cou- 
vert de  toute  infulte ,  &  l'ayant  trouvée 
fans  fortifications  ni  murailles  ,  Se  lés  ha- 
bitans fans  armes  ,  il  n'eut  pas  de  peine  à 
s'en  rendre  maître.  11  pafTa  au  fil  de  l'È- 
pée  tout  ce  qu'il  y  avoit  d'hommes  capa^ 
blés  de  réfifter ,  étrangers  &  citoyens  , 
s'empara  de  leurs  effets ,  pilla  Se  enleva 
la  Statue  du  Dieu  ,  qu'il  fit  jetter  dans  la 
Mèr.  Mais  il  ne  put  échapper  à  la  ven* 
geance  d'Apollon  ,  qui  le  fit  périr  fur 
Mèr ,  lorfqu'il  s'en  retournoit  chargé  d^ 
fes  facrés  dépouilles, 


==ME=  1^7 

Mens. 

La  Penfée ,  l'Intelligence  ,  l'Ame  :  les 
Romains  en  avoient  fait  une  Divinité ,  qui 
fuggéroit  de  bonnes  penfées  ,  &  détour- 
noit  celles  qui  ne  fervent  qu'à  féduire  èc 
a  jetter  dans  l'erreur.  Le  Préceut:  T.  On* 
tacilius  voua  à  cette  Divinité  un  Temple, 
qu'il  fit  bâtir  fur  le  Capitole  ,  lorfqu'il  fuc 
créé  Duumvir.  Plutarque  lui  en  donne 
un  autre  dans  la  huitième  région  de  ift 
Ville. 

Mensonge. 

Ce  Vice  naît  de  la  bafTeffe  des  fentî- 
mens ,  de  l'indifciétion  de  la  langue  6c 
de  la  faufiTeté  du  cœur.  C'eft  pourquoi  on 
le  peint  laid ,  mal  coeffé  &  mal  vêtu ,  fa 
draperie  eft  garnie  de  langues  &  de  man- 
ques ;  il  rient  un  Faifceau  de  paille  allu- 
mée ,  pour  marquer  que  fes  propos ,  qui 
n'ont  aucune  fubftance ,  meurent  pref- 
qu  aullîtôt  qu'ils  font  nés.  On  lui  donne 
v.nQ  Jambe  de  bois,  pour  indiquer  fon 
peu  de  folidité. 

Menthe  s. 

C'éroit  une  Nymphe  aimée  de  Pluton, 
proferpine  n'ayant  pu  foufîrir  cette  Ri- 

Gij 


14.8  .=  ME== 

vale  ,  s'en  délivra  en  la  métamoiphofanc 
en  une  Plante  de  fon  nom  ,  &c  pour  ne 
pas  chagriner  tour- à-fait  fon  Epoux  ,  elle 
laifTa  à  la  Nymphe  de  quoi  plaire  encore 
fous  fa  nouvelle  forme  ,  c'eft-à-dire  ,  la 
bonne  odeur  qu'a  cette  Plante  ,  que  les 
Latins  appellent  Mentha, 

Mentor 

Etoit  un  des  plus  fidèles  amis  d'UlifTe , 
&  celui  à  qui ,  en  s'embarquant  pour 
Troye  s  il  avoir  confié  le  foin  de  fa  mai- 
fon  ,  pour  la  conduire  fous  les  ordres  du 
bon  Laërte.  Minerve  prenant  la  figure  & 
la  voix  de  Mentor ,  dit  Homère  ,  exhor- 
toit  Télémaque  à  ne  point  dégénérer  de 
la  Vertu  6c  de  la  Prudence  de  fon  père. 
Ce  Mentor  étoit  un  des  amis  d'Homère , 
qui  le  plaça  dans  fon  Pocme  par  recon- 
noiiïan^e  j  parcequ'étant  abordé  a  ïtaque 
à  fon  retour  d  Efpagne ,  &  fe  trouvant  fore 
incommodé  d'une  fluxion  fur  les  yeux  , 
qui  l'empêcha  de  continuer  fon  voyage  , 
il  fur  reçu  chez  ce  Mentor ,  qui  eut  de 
lui  tous  les  foins  imaginables.  Dans  le 
Télémaque  moderne  ,  Minerve  accom- 
pagne le  fils  d'UIitfe  dans  tous  (qs  voyages 
îbus  la  figue  de  Mentor ,  ôc  lui  donne  ^ 
des  inftrudlions  bien  plus  folides  &c  plus 
iméreifantes  que  dans  le  Poëte  Grec. 


ÉNIGME    XVIII. 

Je  puis  tout  tranfporter  Tans  aucun  ....  attelaci. 
Mes  enfans  font  toujours  baptifés  fans  Parrei  n. 
On  fe  plaît  à  me  voir,  quand  le  Ciel  eft  serein. 
On  ne  m'aime  pas  fixe,  on  me  craint  trop  volage. 

On  fait  par  mon  fecours  &  maint  &  maint  pillage  j 
A  mon  courroux  fougeux  nul  ne  peut  mettre  un 
Prein. 

Ma  voix  faifit  d'effroi,  par  Ton  tenant  refrain, 
Les  tremblans  Citoyens  des  Foré:s  fans  pzuillage. 

De  moi  fi  peu  qu'on  ait,  on  n'en  a  pas  un  brin. 
Pour  détruire  m.a  race,  on  a  recours  au  crin. 
A  la  gloire,  aux  tranfports^  on  peut  par  moi  prê- 
te.vûke. 

Il  arrive  foiivent  que  j'y  conduis  bon  train. 
Souvent  j'avale  auffi  mieux  qu'un  Montre  marin  , 
L'avide   de  ces  biens  ,   qui  vient  pour   les   suR-^ 
prendre. 

UÏK. 

Non-feulement  la  Mer  avoit  des  Divî- 
niués  qui  pré(idoient  à  fes  eaux  ,  mais  elle 
écoit  elle-mêm3  une  grande  Divinité  ,  à 
laquelle  on  faifoic  des  fréquentes  Liba- 
tions. On  ne  s'embarquoit  guères  fans 
avoir  fait  auparavant  des  Sacrifices  aux 

Giij 


€aux  de  la  Mèr,  Lorfqiie  les  Argonautes 
furent  prêts  de  mettre  à  la  voile,  Jafon 
ordonna  un  Sacrifice  Solemnel  ,  pour  fe 
rendre  la  Divinité  de  la  Mèr  favorable  , 
chacun  s'emprelTa  de  répondre  aux  vœux 
du  chef  de  cette  entreprife  :  on  éleva  un 
Autel  fur  le  bord  de  la  Mèr ,  &  après  les 
oblations  ordinaires  ,  le  Prêtre  répandit 
delTus  de  la  fleur  de  farine  ,  mêlée  avec 
du  miel  &  de  l'huile ,  immola  deux  bœufs 
aux  Dieux  de  la  Aîèr  ,  Se  les  pria  de  leur 
être  favorables  pendant  leur  navigation. 
Ce  cuire  de  la  Aîèr  étoit  fondé  fur  l'uti- 
lité qu'on  en  retiroit ,  &  plus  encore  fur  les 
merveilles  qu'on  y  remarquoit  :  l'incorrup 
tibilité  de  fcs  eaux  ,  caufée  par  leur  fa- 
lure  5  ôc  par  le  flux  ôc  reflux  qui  leur  per- 
pétue le  mouvement ,  l'irrégularité  de  ce 
mouvement  plus  ou  moins  grand  dans  les 
différens  quartiers  de  la  Lune  ,  comme 
dans  les  différentes  Saifons  'y  le  nombre 
prodigieux  ôc  la  vatiécé  des  Monflres  qu'el- 
le enfante  ,  ôc  la  grandeur  énorme  de 
quelques-uns  de  (es  Poiflbns  :  tout  ce 
merveilleux  produifit  l'Adoration  de  cet 
Élément.  Pour  les  Égyptiens,  ils  avoient  la 
Mèr  en  abomination ,  parcequ'iis  croyoienc 
qu  elle  étoit  Typhon ,  un  de  leurs  anciens 
Tyrans. 


M  £  R  A  > 

Fille  de  Protée  &  de  la  Nymphe  Aufîa , 
étoit  une  des  compagnes  de  Diane.  Un 
jour  qu'elle  fuivoit  la  DéelTe  à  la  Chaffe , 
Jupiter  ayant  pris  la  forme  de  Minerve  ^ 
tira  la  Nymphe  à  l'écart ,  Ôc  la  furprit. 
Diane  en  fut  Ci  outrée  qu  elle  la  perça  de 
fes  flèches  ,  &z  la  changea  en  Chienne , 
Symbole  de  fa  rage  &c  de  fon  défefpoir. 


M 


ERCURE. 


Mercure  eft  celui  de  tous  les  Dieux  à 
qui  la  Fable  donne  plus  d'emploi  &  de 
fondions  j  il  en  avoit  de  jour  ,  il  en  avoit 
de  nuit. 

Mercure  éroit  donc  le  Minière  &  le 
îvîelfager  fidèle  de  tous  les  Dieux  ,  mais 
plus  particulièrement  de  Jupiter  fon  père; 
il  les  fervoit  avec  un  zèle  infatigable , 
même  dans  à^s  emplois  peu  honnêtes. 
C'ctoit  lui  qui  étoit  chargé  du  foin  de  con- 
duire les  âmes  des  morts  dans  les  Enfers  , 
&  de  les  ramener.  Il  éroit  le  Dieu  de  l'E- 
loquence &  de  TArt  de  parler  ;  le  Dieu 
des  Voyageurs  ,  des  Marchands  &  même 
des  Filoux.  Ambaifadeur  &  Plénipoten- 
tiaire des  Dieux  ,  il  fe  trouvoit  dans  tous 
Its  Traités  de  Paix  6c  d'Alliance. 

G  iv 


Tantôt  on  le  voit  accompagner  Junon  , 
ou  pour  la  garder ,  ou  pour  veiller  à  fa 
conduite  j  tantôt  Jupiter  l'envoie  pour  en- 
tamer quelque  intrigue  avec  une  nouvelle 
Maîrrelfe.  Ici  c'eil  lui  qui  rranfporte  Caf- 
tor  &c  PoIIlix  à  Pallene.  Là  il  accompagne 
le  Char  de  Pluton  qui  enlevé  Proferpine. 
Les  Dieux,  embarralFés  de  la  querelle  mue 
entre  les  trois  Déeifes  au  fujèt  de  la  Beau- 
té 5  l'envoient  avec  elles  au  Berger  Paris , 
pour  aflifter  au  jugement. 

Écoutons  Mercure  fe  plaindre  lui-même 
à  fa  mère  de  la  multitude  de  {qs  fondions. 
Lucien  le  fait  ainfi  parler.  *«  Y  a-t-il  dans 
îj  le  Ciel  un  Dieu  plus  malheureux  que 
»  moi  :  puifque  j'ai  tout  feul  plus  d'affai- 
35  res  que  tous  les  autres  Dieux  enftmble  ? 
w  Premièrement ,  il  me  faut  lever  àhs  le 
M  point  du  jour  pour  nétoyer  la  falle  du 
w  Feft-in  ,  &  celle  des  Alfemblées.  Après 
35  cela  il  me  faut  trouver  au  lever  de  Ju- 
53  piter  pour  prendre  (qs  ordres  ,  &  les 
»>  porter  de  côté  &  d'autre.  Au  retour  je 
w  fers  de  Maître- d'hôtel ,  &  quelquefois 
M  d'échanfon  ;  au  moins  faifois-je  ce  mé- 
»'5  tier  avant  la  venue  de  Ganymède.  Mais 
»  ce  qui  m'incommode  le  plus ,  c'eft  que 
j>  la  nuit  même ,  lorfque  tout  le  monde 
«  repofe ,  il  me  faut  aller  mener  un  con- 
55  voi  de  morts  aux  Enfers ,  &  allifler  à 


==ME==i  i5'^> 

»)  leur  jugement ,  comme  Ci  tout  le  jour  je 
yy  n'étois  pas  afTez  occupé  à  faire  le  métier 
î>  de  Sergent  ,  d'Athlète  ,  d'Orateur  de 
33  plufieurs  autres  femblables.  35 

Malgré  tant  de  fervices  qu'il  rendoit  1 
Jupiter  &c  à  toute  la  Cour  Célefte ,  il  ne 
conferva  pas  toujours  les  bonnes  grâces  de 
fon  père ,  qui  le  chalTa  du  Ciel  j  &  pen- 
dant fon  exil ,  il  fut  réduit  à  garder  les 
îroupeaux  avec  Apollon,  aufîî  difgracié. 

On  fait  de  Mercure  le  Dieu  des  Vo- 
leurs ,  &  fuivant  cette  idée  ,  on  lui  donne 
plufieurs  traits  de  filouteries.  Lucien  les  a 
raiTemblés  dans  un  joli  Dialogue  entre 
Vulcain  &  Apollon.  35  Vulc,  Apollon,  as- 
33  tu  vu  le  petit  Mercure ,  comme  il  efl: 
33  beau  &  fourit  à  tout  le  monde  ?  11  fait 
>3  afTez  voir  ce  qu'il  fera  un  jour ,  quoique 
»-G^  ne  foit  encore  qu'un  enfant.  ApolL 
33  L'appelles-tu  enfant ,  lui  qui  eft  plus 
>3  vieux  que  Japhèt  en  malice.  Vulc,  Quel 
»  mal  peut-il  avoir  fait  ?  Il  ne  fait  encore 
35  que  naître.  ApolL  Demandes-le  à  Nep- 
33  tune  dont  il  a  emporté  le  Trident ,  & 
33  à  Mars  de  qui  il  a  pris  l'Épée  \  fans  par- 
33  1er  de  moi ,  dont  il  a  dérobé  l'Arc  <Sc 
33  les  Flèches.  Vulc,  Quoi  !  un  enfant 
33  encore  au  maillot  ?  Apollon.  Tu  ver- 
33  ras  ce  qu'il  fçait  faire  s'il  t'approche. 
viVulc.  il  efl  déjà  venu  chez  moi.  ApolL 

G  v 


1^4        ^  =ME  = 

3>  Eh  !  ne  t  a-t-il  rien  pris  ?  Vulc»  Nou ,  qii& 
35  je  fçache,  ApolL  Regarde  bien  par-tour^ 
j)  /^«/c.  Je  ne  vois  point  mes  tenailles. 
35  ApolL  Je  gage  qu'on  les  trouvera  dans 
3>  ÎQ%  langes.  Vulc,  Quoi  il  eft  déjà  il 
»  adroit ,  ce  petit  voleur  î  Je  crois  qu'il  a 
j>  appris  à  voler  dans  le  ventre  de  fa  mère» 
a»  ApolL  II  a  bien  d'autres  qualités  ,  ta 
3>  vois  comme  il  caufe ,  il  fera  un  jour 
9»  Grand  Orateur  ,  ôc  même  bon  Lutteur, 
3>  fî  je  ne  me  trompe  ;  car  il  a  déjà  donné 
»  le  CI  oc  en  jambe  à  Cupidon  ,  &  comme 
»  les  Dieux  en  rioient ,  &  que  Vénus  le 
»  prit  pour  le  baifer ,  il  lui  déroba  î^rn 
09  Cefte  y  &  eut  emporté  le  Foudre  de  Ju- 
y»  piter  5  s'il  n'eut  été  trop  chaud  &  trop 
35  pefant ,  mais  il  lui  enleva  fon  Sceptre^ 
3)  Vulc.  Voila  un  hardi  petit  galant,  ApolL 
35  II  eft  aufli  Mulicien.  Viilc,  Commene 
»  cela  ?  ApolL  11  a  fait  un  inftrument  de 
»  la  coquille  d'une  Tortue ,  dortt  il  joue 
w  en  perfedion  ,  jufqu  a  me  rendre  ja- 
3»  loux  ,  moi  qui  fuis  le  Dieu  de  PHar- 
35  monie.  Sa  mère  dit  qu'il  ne  dort  pas 
»  même  la  nuit  ^  &c  qu'il  va  jufqu'aux  Én- 
»  fers  pour  faire  quelque  butin  :  car  il  a 
»  une  verge  d'une  grande  vertu ,  dont  il 
»  rappelle  les  morts  à  la  vie ,  &  conduis 
39  les  vivans  au  tombeau.  « 

Ge  Vol  du  Trident  de  Neptune  ^  des 


I 


Flèches  d'Apollon  ,  de  TEpée  de  Mars  , 
6c  de  la  Ceinture  de  Vénus ,  iigniJîe  ,  dic- 
on  ,  qu'il  écoic  habile  Navigateur  ,  adroit 
a  tirer  de  l'Arc  ,  brave  dans  les  Combats , 
ôz  qu'il  joignoit  à  ces  qualités  toutes  les 
grâces  ôc  les  agrémens  du  Difcours. 

Apollodore  fait  mention  d'un  autre  Vol 
que  tit  Mercure  à  Apollon  :  j>  Il  fortit  du 
53  berceau  5  dit-il ,  pour  aller  enlever  les 
î>  Bœufs  d'ApoUcn  :  il  les  fit  marcher  a 
3î  reculons ,  pour  tromper  ceux  qui  vou- 
M  droient  le  fuivre  à  la  pifte ,  il  en  em- 
w  mena  une  partie  â  Pyle  ,  &  mit  ks  au- 
5>  très  dans  une  caverne  :  il  en  immola 
75  deux  5  dont  il  mangea  une  partie  à^^ 
35  chairs ,  6c  brûla  le  refte.  Apollon  vient 
35  redemander  {ts  Bœufs  ,  &  trouve  A/er- 
3?  cure  dans  le  berceau  j  il  difpute  contre 
55  l'enfant ,  le  menace  s'il  ne  lui  rend  pas 
»  fon  troupeau ,  enfin  ,  par  compofition  , 
j>  Mercure  fait  préfent  à  Apollon  du  nou- 
55  vel  inftrument  qu'il  avoit  inventé  ,  & 
j»  Apollon  lui  cède  (es  Bœufs.  » 

Cette  Fable  fe  trouve  figurée  dans  un 
Monument ,  où  l'on  voit  Mercure  pré- 
fenter  à  un  Bœuf  un  bouquet  d'herbes  ; 
le  Bœuf  qui  étoit  couciié  fe  levé  promp- 
rement .  attiré  par  les  hetbes ,  qui  étoient 
apparemment  celles  qui  font  le  plus  au 
goût  de  i'animalr 

G  vj 


1^6  ^==,ME=: 

^  Mercure  y  en  qualité  de  Grand  Négo- 
ciateur des  Dieux  &  des  hommes ,  porte 
le  Caducée ,  fymbole  de  la  Paix.  Il  a  des 
ailes  fur  fon  bonnet ,  &  quelquefois  à  fes 
pieds  5  aflez  fouvent  fur  fon  Caducée  , 
pour  marquer  la  légèreté  de  fa  courfe.  On 
voit  dans  quelques  Monumens  une  chaîne 
d'or  qui  fort  de  fa  bouche ,  &  qui  s'at- 
tache aux  oreilles  de  ceux  qu'il  veut  con- 
duire ,  pour  fignifîer  qu'il  enchaînoit  les 
cœurs  Se  les  efprits  par  la  douceur  de  fon 
éloquence. 

On  le  repréfente  en  jeune  homme  , 
beau  de  vifage  ,  d'une  taille  dégagée  ,  tan- 
tôt nud  5  tantôt  avec  un  manteau  fur  \^s 
épaules  ,  mais  qui  le  couvre  peu.  Il  a  fou- 
vent  un  bonnet  qu'on  appelle  Pétafe ,  où 
font  attachées  fes  ailes.  Il  ell  rare  de  le 
voir  afîis  j  fes  différens  emplois  au  Ciel  y 
fur  la  Terre  &  dans  les  Enfers ,  le  te- 
noi^nt  toujours  dans  l'aétion. 

Il  y  a  des  figures  qui  le  repréfentenc 
avee  la  moitié  du  vifage  claire  ,  &  l'autre 
noire  &  Nombre  ^  pour  exprimer  qu'il  étoit 
tantôt  dans  le  Ciel  ou  fur  la  Terre ,  & 
tantôt  dans  les  Enfers  ,  où  il  conduifoit 
les  âmes.  La  Vigilance  que  tant  de  fonc- 
tions d^mandoient ,  fait  qu'on  lui  donne 
un  Coq  pour  Symbole  :  dans  un  Monu- 
ment on  le  voit  marcher  devant  un  Coq 


=ME=        in 

beaucoup  plus  grand  que  lui ,  Se  qui  tient 
un  Epi  au  bec  j  ce  qui  pourroit  marquer 
que  la  plus  grande  des  qualités  de  Mer^ 
cure  eft  la  Vigilance  ,  &  l'épi  au  bec  veut 
dire ,  peut-être  ,  que  ce  n'eft  que  la  Vi- 
gilance qui  produit  l'Abondance  des  cho- 
fes  néceftaires  à  la  vie.  Le  Bélier  eft  en- 
core un  animal  qui  va  fouvcnt  avec  Mer- 
cure 5  parcequ'il  eft ,  félon  Paufanias ,  le 
Dieu  des  Bergers. 

Mercure  étoit  la  Divinité  tutélaire  Aq5 
Marchands  :  Feftus  croit  même  que  {on 
nom  Latin  vient  des  Marchands  ou  des 
Marchandifes.  C'eft  à  ce  ritre  qu'on  lui 
met  une  Bourfe  à  la  main  :  c  eft  fon  Sym- 
bole le  plus  ordinaire  ,  Symbole  qui  étoit 
bien  propre  à  lui  attirer  des  dévots  :  car 
qui  eft-ce  qui  ne  court  pas  après  le  Dieu 
qui  porte  la  Bourfe  ?  c'eft  pourquoi  O^- 
pien  appelle  Mercure  le  plus  beau  des  fils 
de  Jupiter  ,  &  le  plus  admirable  génie 
pour  le  gain. 

Il  y  en  a  qui  lui  mettent  la  Boucfe  à  la 
main  gauche,  &  à  l'autre  un  Rameau  d^O- 
livier  &  une  Mafluë  :  cette  Maftuc  feroit- 
elle  ,  dit  un  nouveau  Mythologue  ,  le 
Symbole  de  la  Force  &:  de  la  Veitu  ,  né- 
ceftaires  pour  le  trafic  \  c'eft -à-Hire  ,  de  la 
Bonne-foi  entre  les  M^r^hands ,  &  de  la 
Force  pour  fupporter  les  dcfaftres ,  les  per- 


tes  ôc  les  travaux  qui  fe  rencontrent  dans 
les  Voyages  de  Commerce  ,  ou  il  fauc 
beaucoup  de  confiance  &  de  fermeté  ?  Le 
Rameau  d'Olivier  marque  la  Paix  non- 
feulement  utile ,  mais  néceffaire  pour  le 
Commerce. 

Lqs  Marchands  célébroient  une  Fête  en 
rhonneur  de  Mercure  le  1 5  de  Mai ,  au- 
quel jour  cm  lui  avait  dédié  un  Temple 
dans  le  grand  Cirque  l'an  de  Rome  6-j^, 
Ils  facrifioient  au  Dieu  une  Truie  pleine  , 
&  l'arrofoient  de  l'eau  d'une  fontaine 
nommée  j4qua  Merciirii  ^  qui  étoit  à  la 
Porte  Capenne ,  priant  Mercure  de  leur 
être  favorable  dans  leur  trafic ,  ^  de  leur 
pardonner  les  fupercheries  qu'ils  y  fe- 
îoient ,  comme  Ovide  le  rapporte  en  Îqs^ 
Faftes. 

Pourquoi  voit-on  afïez  fouvent  une 
Tortue  dans  les  images  de  Mercure  ?  Lu- 
cien nous  en  a  déjà  indiqué  la  raifort 
qu'Apollodore  va  nous  développer.  Mer^ 
cure  5  dit-il ,  ayant  trouvé  à  l'entrée  de  fa 
caverne  une  Tortue  qui  broutoit  l'herbe  > 
il  la  prit ,  vuida  tout  le  dedans ,  mit  fur 
récaille  des  cordelettes  de  peaux  de  Bœufs  ^ 
&  en  fît  un  inftrument ,  qui  fut  nommé 
depuis  Tortue  ^  parceque  fa  forme  appro- 
choit  afTez  de  l'écaillé  d'une  Tortue. 


Aï  È  =  iS9 


MÉR 


ITE., 


On  le  reprcfente  alÏÏs  fur  le  fommèr 
d'un  rocher  efcarpé ,  pour  faire  connoître 
qu'il  eft  difficile  a  acquérir.  Ses  Armes ,  & 
le  Livre  qu'il  tient ,  marquent  qu'il  eft  le 
fruit  des  Travaux  &  de  l'Etude.  La  Cou- 
ronne de  Laurier  lui  eft  donnée  ,  comme 
une  récompenfe  honorable  due  au  parfaic 
Mérite, 

Saint  Paul  dit  a  ce  fujèt  :  Non  corona- 
hitur^  niji  qui  légitime  certaverit* 

ÉNIGME    XIX. 

Je  fuis  de  CCS  vivans  que  la  Mer  emprifonne;. 
Sans  êtife  des  meilleurs, 
Mon  efpèce  foifonne 
A  Paris  plus  qu'ailleurs. 
Tout  petit  que  je  fuis , 
J'ai  pourtant  queue  &  tête  f. 
^    Ma  queu?  eft  à  Paris , 

Mon  chef  touche  k  crête  ; 
Malgré  ces  Attributs  divers , 
Je  ne  fuis  pas  en  grande  eftime. 
Ledeur,  fi  tes  yeux  font  ouvert?. 
Tu  trouveras  bien-tôt  la  clef  de  mon  Eoigmc. 

Mesurb* 

f  ouvrage  que  Ton  fait  Tans  poids  &  fans  MisuRE? 
,        N'eft  pas  un  ouvrage  qui-  dure. 


l60  t=:MÉ  = 

La  Mefure  nous  eft  repréfentée  fous  îâ 
figure  d'une  femme  ingénieufe ,  qui  fe  fait 
remarquer  par  fon  habillement  modefte 
&  par  fa  bonne  mine.  Elle  tient  de  la 
main  droite  la  Mefure  d'un  pied  Romain  , 
delà  gauche  un  Équère,  un  Compas.  A 
un  côté  de  fa  robe  eft  le  Niveau  avec  fon 
Plomb ,  &  de  l'autre  un  Quarré  Géomé- 
trique. 

MÉTAPHYSIQUE. 

* 

Je  ne  m'occupe  point  des  objets  temporels', 
Comme  font  la  plupart  Jes  aveugles  Mortels. 
Je  laiâe  ces  objets  frivoles  &  funeftcs , 

Pour  en  contempler  de  réels  : 
Je  veux  parler  des  biens  &  des  objets  mortels. 

Cette  Science  ,  qui  a  pour  objet  l'Étude 
àQS  chofes  abftraites ,  &  purement  intel- 
leâ:uelles ,  fe  repréfente  par  une  femme 
allîfe  fur  un  Globe  terreftre  ,  ayant  fur  fa 
tête  une  Couronne  d'or  ,  &  tenant  un 
Sceptre.  Quoiqu'elle  ait  un  bandeau  fur  les 
yeux,  l'adion  de  fa  tête  &  de  fa  main, 
indique  qu  elle  eft  en  contemplation. 

MÉTIS, 

Déeffe ,  dont  les  lumières  croient  fupé- 
rieures  à  celles  de  tous  les  autres  Dieux 
&  de  tous  les  hommes.  Jupiter  i'époufa  , 


înaîs  ayant  appris  de  TOracIe  qu'elle  écoit 
deftinée  à  être  mère  d'un  fils  qui  devien- 
droit  maître  &  fouverain  de  l'Univers  , 
lorfqu'il  la  vit  prèce  d'accoucher  ,  il  avala 
la  mère  &c  l'enfant ,  afin  qu'il  put  appren- 
dre d'elle  le  bien  Se  le  mal.  C'eft  Héfiode 
qui  conte  cette  Fable.  ApoUodore  dit  feu- 
lement que  Jupiter ,  quand  il  fut  grand , 
s'afTocia  Métis ,  dont  le  nom  fignifij  Pru- 
dence ,  Confeil  j  ce  qui  veut  dire  que  Ju- 
piter fit  paroître  beaucoup  de  Prudence 
dans  toutes  les  actions  de  fa  vie.  Ce  fut 
par  le  Confeil  de  Mens ,  qu'il  fit  pren- 
dre à  fon  père  Saturne  ,  un  breuvage  > 
dont  l'effet  fut  de  vomir  premièrement 
la  pierre  qu'il  avoit  avalée  ,  5c  enfuite 
tous  les  enfans  qu'il  avoit  dévorés. 

ÉNIGME      XX. 

Quand  j'ai  de  Teau,  je  n'en  bois  pas  : 
Je  bois  fort  bien  du  vin  à  mes  repas  3 
Et  ma  mefure  devient  pleine, 
Dans  raccroilfeinent  de  la  Seine. 
Mais,  hélas  !  je  ne  bois  que  de  l'eau  reulement, 
Quand  elle  manque  abfolument. 


MÉZENCE, 

Roi  des  Étruriens ,  efl: 


■    Roi  des  Étruriens ,  efl:  appelle  par  Vir- 
gile le  cruel  Mé^ence  ,  le  contempteur  des 


Dieux.  Il  avoit  conquis  la  Capitale  des 
Étruriens ,  Se  y  règnoit  en  Tyran  ,  éxer-^ 
çant  fur  fes  fujèts  les  plus  barbares  forfaits* 
Par  exemple  ,  il  prenoic  piaifîr  a  étendre 
un  homme  vivant  fur  un  cadavre  ,  à  join- 
dre enfemble  leurs  bouches ,  leurs  main$ 
ëc  tous  leurs  membres.  Il  faifoit  ainfi  (  par 
une  mort  violente  6c  au  milieu  d'une  af- 
freufe  infedtion  )  mourir  les  vivans  dans 
les  embrafTemens  des  morts.  Ses  fujèts  a 
las  enfin  d'obéir  à  ce  Prince  inhumain  ^ 
fe  foulevèrent ,  prirent  les  armes ,  égor- 
gèrent fes  gardes ,  l'ailiégèrent  dans  fon 
Palais  de  y  mirent  le  feu.  Il  s'échappa  au 
milieu  du  carnage ,  &  fe  fauva  chez  les 
Rutules  auprès  de  Turnus.  Il  combattit 
vaillamment  contre  les  Troyens ,  &  après 
de  grandes  aélions  de  valeur  ,  il  fut  atta- 
qué par  Enée  ^  voyant  venir  à  lui  ce  Hé- 
ros ,  il  l'attend  fans  le  craindre  :  Mon 
bras  5  dit-il ,  eft  mon  Dieu  ,  je  l'implore, 
ainii  que  le  Dard  que  je  vais  lancer  :  ils 
fe  battent ,  ôc  Mé^ence  eft  vaincu. 

MiDAS  3 

Fils  de  Gorgias  &  de  Cybèle  ,  régna 
dans  cette  partie  de  la  Grande  Phrygie  oiï 
coule  le  Padole.  Bacchus  étant  venu  en 
ee  pays ,  accompagné  de  Silène  &  des  Sa- 
tyres ,  le  bon  homme  Silène  s'arrêta  vers 


I 


une  fontaine  où  Midas  avoir  fait  verfe^ 
du  vin  ,  dit  Paufanias  ,  pour  l'y  attirer,  car 
il  en  étoit  friand.  Quelques  Payfans  qui 
fe  trouvèrent  ivres  en  cet  endroit,  après 
lavoir  paré  de  guirlandes  &  de  fleurs ,  le 
conduilirent  devant  Midas,  Ce  Prince  qui 
avoir  été  indruit  dans  les  Myflères  de  Bac- 
chus  par  Orphée  &  l'Athénien  Eumolpe  , 
ravi  d'avoir  en  fa  puillanee  un  Miniftre 
fidèle  du  Culte  de  ce  Dieu ,  le  reçut  ma- 
gnifiquement 5  &c  le  retint  pendant  dix 
jours ,  qui  furent  employés  en  Réjouiflan- 
ces  &  en  Feftins  ^  enfuite  il  le  rendit  à 
Bacchus.  Le  Dieu ,  charmé  de  revoir  fon 
Père  Nourricier ,  ordonna  au  Roi  de  Phcy- 
gie  de  lui  demander  tout  ce  qu'il  fouhai- 
teroit.  Midas  ^  qui  ne  prévoyoit  pas  les 
fuites  de  fa  demande  ,  le  pria  de  faire  en- 
forte  que  tout  ce  qu'il  toucheroit  devint 
or.  Bacchus ,  fâché  qu'il  ne  lui  eut  pas  de- 
mandé quelque  chofe  de  plus  avantageux , 
lui  accorda  un  pouvoir  qui  alloit  lui  erre 
tout-â-fait  inutile  \  &  le  Roi  qui  fe  crut  au 
comble  de  la  félicité,  fe  retira  très-fatisfait 
de  la  grâce  qu*il  venoit  d'obtenir.  Comme 
il  fe  défioit  d'une  faveur  fi  Singulière ,  il 
prit  d'abord  une  branche  d'arbre ,  &  elle 
fut  aulTi-rôt  changée  en  un  rameau  d'or. 
H  arracha  quelques  épis  de  bled  qui  dévia- 
ient dans  le  moment  la  plus  précieufe  de 


1^4  =^MI  = 

To.tes  les  moiffons.  Il  cueillit  une  pom-* 
me,  qu'on  auroit  prife  un  moment  après 
pour  une  de  celles  qu'on  trouve  dans  le 
Jardin  des  Hcfpérides.  A  peine  eut-il  tou- 
ché les  portes  de  fon  Palais ,  qu'elle  com- 
mencèrent à  jctter  un  éclat  furprenant. 
Lorfqu'il  fe  lavoit  les  mains ,  l'eau  pre- 
noit  une  couleur  qui  auroit  trompé  Da- 
naé.  Charmé  d'une  vertu  fi  extraordinaire , 
Midas  fe  livroit  à  tous  les  tranfports  de  fa 
joie  5  lorfqu'on  vint  l'avertir  qu'on  avoic 
fervi.  Quand  il  fut  à  table  ,  &  qu'il  vou- 
lut prendre  du  pain  ,  il  le  trouva  converti 
en  or.  Il  porta  à  la  bouche  un  morceau  de 
viande  ,  &  il  ne  trouva  que  de  l'or 'fous  la 
dent  ;  lorfqu'on  lui  préfenta  à  boire  du 
vin  mêlé  avec  de  l'eau  ,  il  n*avala  qu'nn 
or  liquide.  Surpris  d'un  prodige  fi  nou- 
veau 5  pauvre  &  riche  tout  à  la  fois  y  il 
détefte  une  opulence  fi  funefle  &  fe  re- 
pent  de  l'avoir  fouhaitée.  Au  m.ilieu  de 
l'Abondance  il  ne  peut  ni  afiouvir  fa  faim , 
ni  étancher  fa  foif  qui  le  dévore  \  de  cet 
or  5  qui  avoir  fait  l'objet  de  tous  {qs  vœux  , 
devint  l'inftrument  de  fon  fupplice.  ce  Pere 
j>  Bacchus ,  dit-il  alors ,  en  levant  les  mains 
jj  vers  le  Ciel  ,  je  reconnois  raa  faute  , 
3î  pardonnez- la-moi ,  3c  délivrez- moi ,  je 
a  VOUS  prie  ,  d'un  état  qui  n'a  que  i'appa- 
»  rence  du  bien.  Bacchus ,  touché  de  fon 


^  repentir ,  l'envoya  fe  laver  dans  le  Pao 
»  tôle.  Remontez  jufqu'à  fa  foiirce  ,  dit- 
»  il ,  &  quand  vous  y  ferez  arrivé ,  plon- 
»  gez-vous    dedans ,  afin  que  l'eau ,   en 
M  palfanc  fur  votre   tête  ,   puilTe  effacer 
»  la  faute  que  vous  avez  commife.  »  Mi- 
dus  obéit  à  cet  ordre ,  ôc  en  perdant  la 
vertu  de  convertir  en  or  tout    ce    qu'il 
touchoit  ,  il  la  communiqua  au  Padole, 
qui ,  depuis  ce  temps-là ,  roule  un  fable 
d'or.  Cette  Fable  ,  fi  joliment  contée  par 
Ovide  ,  nous  cara6térife  un  Prince  œco- 
nome  jufqu'à  Tavarice  ,  qui ,  régnant  fur 
un  pays  fertile  ,  retiroit  de  la  vente  de 
fes  graines  ,  de  fes  vins  &C  de  Ces  beftiaux  , 
des  fommes  conddérables  :  voila  ce  chan- 
gement en  or  de  tout  ce  qu'il  touchoir. 
Son  avarice  changea  enfuite  d'objet ,  ÔC 
ayant  appris  que  le  Pa6bole  rouloit  des 
grains  d'or ,  il  abandonna  la  culture  des 
terres  pour  faire  recueillir  l'or  de  ce  fleuve  , 
ce  qui  lui  valut  de  nouvelles  richelTes  ; 
Ovide  continue  par  une  autre  Fable  fur 
Midas, 

Pan  s'applaudiffant  un  jour  en  préfence 
de  quelques  jeunes  Nymphes  qui  l'écou- 
toient ,  fur  la  beauté  de  fa  voix  &  fur  les 
doux  accens  de  fa  flûte  ,  eut  la  témérité 
de  les  préférer  à  la  Lyre  &c  aux  Chants 
d'Apollon  :  il  pouffa  la  vanité  jufquà  lui 


1^^  — MI==== 

faire  un  défi  en  préfence  de  Midas ,  qui , 
après  les  avoir  entendus ,  adjugea  la  vic- 
toire à  Pan  5  contre  le  fentiment  de  tous 
les  alîiftans.  Apollon  ne  voulant  pas  que 
ÀQs  oreilles  fi  groflîères  confervaiTent  plus 
long-temps  la  figure  de  celles  des  autres 
hommes ,  les  lui  allongea  ,  les  couvrit  de 
poil  &  les  rendit  mobiles  j  en  un  mot  il 
lui  donna  àes  oreilles  dane.  Midas  pré- 
voit grand  foin  de  cacher  cette  difformité, 
6c  la  couvroit  fous  une  Thiare  magnifi- 
que. Le  Barbier  qui  avoir  foin  de  fes  che- 
veux 5  s'en  étoit  apperçu ,  mais  il  n'avoit 
ofé  en  parler  à  perfonne.  Incommodé  de 
ce  fecrèt ,  il  va  dans  un  lieu  écarté ,  fait 
nn  trou  dans   la  terre ,  s'en  approche  le 
plus  près  qu  il  lui  efi:  pofiîble  ,  &  dit  d  une 
voix  baffe  ,  que  fon  Maître  avoir  des  oreil- 
les à'2ine  j  enfuite  il  rebouche  le   trou  , 
croyant  y  avoir  enfermé  fon  fecrèt,  &  fe 
retire.  Quelque  temps  après  il  fortit  de 
cet  endroit  une  grande  quantité  de  ro- 
feaux  ,  qui  étant  fecs  au  bout  d'un  an ,  & 
qui  étant  agité  par  le  vent ,  trahirent  le 
Barbier  en  répétant  (es  paroles  j  &  appri- 
rent à  tout  le  monde  que  Midas  avoit  àes 
oreilles  d'âne.  Cette  Fable  peut  avoir  pour 
fondement  la  groffièreté  Se  la  flupidité  de 
ce  Prince  \  ou  plus  vraifemblablement  a- 
Ç-on  voulu  dire  qu'il  avoic  de  longues 


oreilles ,  qu'il  entendoit  de  loin  ,  parce- 
qu'il  avoir  par-tout  des  efpions ,  pour  l'in- 
former de  ce  qui  fe  palToit  ;  comme  on  dit 
qu'un  Prince  a  les  bras  longs ,  quand  il 
fait  fentir  au  loin  Ton  pouvoir. 

Hérodote  dit  que  Midas  envoya  de  ri- 
ches préfens  au  Temple  de  Delphes ,  en- 
tr'autres  une  chaîne  d'or  d'un  prix  inefti» 
mable.  Comme  il  avoit  d'excellens  vi^no- 
blés  dans  fes  Etats  ,  &  qu'il  en  prenoit 
grand  foin  ,  on  dit  qu'il  étoit  fort  dévot 
à  Bacchus ,  &  que  ce  Dieu  le  récompenfa 
de  fon  zèle.. 

Midi. 

Lorfque  l'Aflre  du  jour  luit  du  milieu  des  Cieux  ; 
LorCqu'il  regarde  à  plomb ,  alors  il  fait  le  Maure  ; 
Et  fes  déferts  brûlants  inhabités  encorg, 
Comme  du  temps  de  nos  aïeux.  •. 

Le  Midi  nous  efl:  repréfenté  fous  la 
figure  d'un  jeune  Maure ,  à  qui  le  Soleil 
donne  fur  la  tête ,  à  plomb.  Son  habille- 
ment efl:  rouge ,  &  fa  ceinture  d'un  bleu 
Turquin  ,  où  font  marqués  trois  (ignés  cé-^ 
\q?iqs.  Il  tient  de  la  main  gauche  deux 
Flèches  5  &  de  la  droite  un  Rameau  d'un 
arbriffeau  appelle  Lorre  ,  qui ,  au  rapport 
des  Naturalises ,  fuit  h  Soleil, 


1^8  =MI  = 

Mil  OH. 

Mllon  de  Crotone  ,  fils  de  Diotîme ,  un 
des  plus  célèbres  Athlètes   de  la  Grèce. 
Paufanias  dit  qu'il  fut  (w  fois  vainqueur  à 
la  Lutte  5  aux  Jeux  Olympiques ,  la  pre- 
mière fois  dans  la  claffe  à^s  enlans  :  il  eut 
un  fuccès  tout  pareil  aux  Jeux  Pythiques. 
11  fe  prcfenta  une  feptième  fois  à  Olym- 
pie  ,   mais  il  ne  put  y  combattre  faute 
a'antagonift^.  On  raconte  de  lui  ,  conti- 
nue le  même  Auteur ,  plufieurs  autres  cho- 
Ïqs  qui  marquent  une  force  de  corps  ex- 
traordinaire. 11  tenoit  une  grenade   dans 
fa  main  ,  <k  par  la  feule  application  de  (ts 
doigts ,  fans  écrafer  ni  prefler  ce  fruit ,  il 
le  tenoit  fi  bien  ,  que  perfonne  ne  pou- 
voir le  lui  arracher.  Il  mettoit  le  pied  fur 
un  palet  graiiïe  d'huile ,  &  par  conféquent 
fort  glilfant  ;  cependant,  quelqu  effort  que 
Ton  fit,  il  n'étoit  pas  poiîible  de  l'ébran- 
ler ,  ni  de  lui  faire  lâcher  pied.  Il  fe  cei- 
gnoit  la  tète  avec  une  corde  en  guife  de 
ruban ,  puis  il  retenoit  fa  refpiration  ;  dans 
cet  état  violent ,  le  fang  fe  portant  au 
front,  lui  enfloit  tellement  les  veines,  que 
la  corde  rompoit.  Il  tenoit  le  bras  droit 
derrière  le  dos ,  la  main  ouverte ,  le  pouce 
levé,  les  doigts  joints  j  6c  alors  nul  homme 

n'eue 


ti'eut  pu  lai  réparer  le  petit  doigt  d'avec 
les  autres.  Ce  qu^on  die  de  fa  voraciic,  e(t 
prefque  incroyable  :  elle  érorr  à  peine  raf- 
fafiée  de  vingt  livres  de  viandes ,  d'autant 
de  pain,  &  de  quinze  pintes  de  vin  en 
un  jour.  Athénée  rapporte  qu'une  fois 
ayani  parcouru  toute  la  longueur  du  Sta- 
de, portant  fur  ùs  épaules  un  taureau  de 
quatre  ans  ,  il  TafTomma  d'un  coup  de 
poing,  ôc  le  mangea  tout  entier  dans  la 
journée.  Il  eut  une  fois  l'occafion  de  faire 
un  bel  ufàge  de  fes  forces.  Un  jour  qu'il 
écoutoit  les  Leçons  de  Pythagore,  car  il 
étoit  l'un  de  {es  Difciples  le  plus  afîîdu, 
la  Colonne  qui  foutenoit  le  plafond  de  la 
Salle  où  l'Auditoire  étoit  aifemblé ,  ayanc 
cté  tout  d'un  coup  ébranlée  par  je  ne  fçaij 
-quel  accident,  il  la  foutint  lui  feul,  donna 
îe  temps  aux  Auditeurs  de  fe  retirer  j  ôc 
après  avoir  mis  les  autres  en  fureté ,  il  fe 
fauva  lui-même.  La  confiance,  qu'il  avoic 
en  fes  forces ,  lui  devint  fatale  à  la  fin. 
Ayant  trouvé  en  fon  chemin  un  vieux 
Chcne  entr'ouverc  par  quelques  coins 
qu'on  y  avoir  enfoncés  a  force ,  il  entre- 
prit d'achever  de  le  fendre  avec  fes  mains  ; 
mais  comme  l'effort  qu'il  faifoit  pour  cela, 
eut  dégagé  les  coins,  fes  mains  fe  trou- 
vèrent prifes  &  ferrées  par  le  reffort  des 
deux  parties  dç  l'arbre,  qui  fe  rejoigni- 
Tome  nu  H 


rent  j  de  manière  que  ne  pouvant  fe  dé- 
barrafTer ,  il  fut  dévoré  par  les  Loiips, 

MiNEÏDES, 

Filles  de  Minyas,  étoient  de  Thèbes:^ 
tlles  refusèrent  de  fe  trouver  à  la  Célébra- 
tion des  Orgies,  foutenant  que  Bacchus 
n'étoit  pas  fils  de  Jupiter  ;  de  pendant  que 
tout  le  monde  étoit  occupé  à  cette  Fête, 
elles  feules  continuèrent  à  travailler,  fans 
donner  aucun  repos  à  leurs  Efclaves,  mar- 
quant par-là,  dit  Ovide ,  le  mépris  qu'elles 
raifoient  de  Bacchus  &  de  ks  Fêtes  j  lors- 
que tout  d'un  coup  elles  entendirent  un 
bruit  confus  de  Tambours,  de  Flûtes  ôc 
de  Trompettes ,  qui  les  étonna  d'autant 
plus  ,  qu'elles  ne  virent  perfonne.  Une 
odeur  de  Myrrhe  &  de  Safran  fe  répandit 
dans  leur  chambre  ;  la  toile  qu'elles  fai- 
foient  fe  couvrit  de  verdure ,  &  poufla 
des  pampres  &  des  feuilles  de  Lierre.  Le 
fil  qu'elles  venoient  d'employer,  fe  con- 
vertit en  ceps  chargés  de  raifins ,  ôc  ces 
raifins  prirent  la  couleur  de  pourpre ,  qui 
étoit  répandue  fur  l'ouvrage.  Sur  le  foir, 
un  bruit  épouvantable  ébranla  toute  la 
maifon  ;  elle  parut  tout-à-coup  remplie 
de  flambeaux  allumés,  &  de  mille  autres 
feux  qui  brilloient  de  tous  côtés  :  on  en- 
tendit des  hurlemens  affreux,  comme  fi 


toute  la  maifon^ùt  été  remplie  de  bètes 
féroces.  Les  Minéïdes  effrayées  allèrent  fe 
cacher,  pour  fe  mettre  à  couvert  du  feu  & 
de  la  lumière  \  mais  pendant  qu  elles  cher- 
chent les  endroits  les  plus  fecrèts  de  la  mai- 
fon,  une  membrane  extrêmement  déliée 
couvre  leurs  corps ,  &  àts  ailes  fort  minces 
s'étendent  fur  leurs  bras  :  elles  s'élèvent 
en  l'air  par  le  moyen   de  ces  ailes  fans 
plumes,  &  s'y  foutiennent  :  elles  veulent 
parler ,  une  efpèce  de  murmure  plaintif 
eft  toute  la  voix  qui  leur  refle  pour  expri- 
mer leurs  regrets  \  en  un  mot  elles  font 
changées  en  Chauve-fouris,  Les  Partifans 
du  Culte  de  Bacchus  berçoient  les  enfans 
de  ces  fortes  de  Contes. 

Minerve, 

Fille  de  Jupiter ,  fut  la  Déeffe  de  la  Sa- 
gefle,  &  des  Arts.  Ce  Dieu,  après  avoir 
dévoré  Métis,  fe  fentant  un  grand  mal  de 
tcte ,  eut  recours  à  Vulcain  ,  qui ,  d'un 
coup  de  hache,  lui  fendit  le  cerveau,  d'où 
fortit  Minerve  toute  armée,  &  dans  un 
état  de  vigueur ,  qui  la  mit  auflî-tôt  en 
état  de  fecourir  fon  père  contre  les  Géans. 
Fable  allégorique,  pour  dire  que  la  Sageffc 
ou  la  Prudence  fe  trouve  toute  en  Dieu, 
&  qu'il  l'enfante  au-dehors  par  les  œuvres 

Hi,- 


172  =MI== 

merveilîeufes  &  pleines  de  fagefTe,  qu*il 
produit  dans  cet  Univers. 

Lqs  Anciens  ont  reconnu  plufieurs  Af/- 
nerv^s ^  3c  de  différente  origine  Cicéroa 
en  compte  cinq  :  la  première,  Mère  d'A*- 
poUon  y  la  féconde ,  Fille  du  Nil ,  qui  étoic 
honorée  en  Egypte  par  les  Saïtes  ;  la  troi- 
fième,  celle  qui  fut  engendrée  de  Jupiter, 
dans  Jupiter  même  j  la  quatrième.  Fille 
de  Jupiter  Se  de  Coriphe  ou  Corie ,  une 
dos  Océanides,  que  les  Arcadiens  regar- 
doienc  comme  Inventrice  des  Quadriges  ; 
îa  cinquième,  Fille  de  Pallas,  laquelle  tua 
fon  père ,  parcequ'il  voulut  la  violer.  Pau- 
fanias  parle  d'une  Mirzerve  ^  fille  de  Neptu- 
ne &c  de  Tritonis ,  Nymphe  du  Lac  Triton , 
a  laquelle  on  donnoit  des  yeux  pers,  c'eft- 
à-dire ,  bleus ,  comme  à  fon  père.  Cette 
Minerve  fe  rendit  fameufe  par  les  ouvra- 
ges de  laine  :  ôc  comme  les  beaux  Arts 
font  les  ouvrages  de  l'efprit,  on  eut  rai- 
fon  de  dire  qu'elle  étoit  fortie  du  cerveau 
de  Jupiter.  Les  Lybiens  qui  habitoient 
autour  du  Lac  Tritonis,  célébroient  tou? 
les  ans  une  Fête  folemnelle  en  l'honneur 
de  Minerve ,  pendant  laquelle  les  Filles  fe 
partageoient  en  deux  bandes ,  fe  battoienc 
à  coups  de  pierres  &  de  bâton ,  &  regar- 
doient  comme  de  fauflTês  Vierges  celles 
qui  mouroienc  de  leurs  blelTures. 


Placeurs  Villes  fe  diftinguèrent  dans  le 
Cuire  qu'elles  rendoient  à  Minerve^  en- 
tr'aurres  Athènes  &  Rhodes.  Cependant 
Sais  en  Egypte  le  difputoit  à  routes  les 
Villes  du  monde,  &  cette  DéeiTe  y  avoit 
un  Temple  magnifique.  Les  Rhodiens  s'é- 
toient  mis  fous  la  protection  de  Minerve  ; 
&  l'on  dit  que  ,  le  jour  de  fa  nailTance , 
on  vit  tomber  dans  cette  Ville  une  pluie 
d'or;  c'eft-à-dire,  que  cette  Déelfe  avoit 
favorifé  les  Rhodiens  :  mais  enfuite ,  pi- 
quée de  ce  qu'on  avoir  une  fois  oublié 
de  porter  du  Feu  dans  un  de  fes  Sacrifi- 
ces,  elle  abandonna  le  féjour  de  Rhodes, 
pour  fe  donner  toute  entière  d  Athènes  ; 
c'eft-à-dire ,  que  les  Rhodiens  ayant  né- 
gligé le  Culte  de  M'merve^  &  le  foin  qu'ils 
avoient  de  cultiver  1^  beaux  Arts  ,  les 
Athéniens  commencèrent  à  s'y  diftinguer, 
&:  à  la  prendre  pour  leur  Patrone  :  6c  en 
effet,  ils  lui  dédièrent  un  Temple  magnî- 
iiqae,  &  célébrèrent  en  fon  honneur  des 
Pètes,  dont  la  folemnité  atriroit  à  Athè- 
nes des  Spedateurs  de  toute  la  Grèce. 

Minerve  eft  ordinairement  repréfentée 
le  Cafque  en  tète,  une  Pique  d'une  main, 
&  un  Bouclier  de  l'autre ,  avec  l'Égide  fur 
la  poitrine.  Ses  Statues  étoient  ancienne- 
ment affifes,  dit  Strabon  ♦,  c'éroit  la  ma- 
nière la  plus  ordinaire  de  la  repréfenrer  : 

Hiij 


Î74  ==MI=:5 

on  en  voit  en  effht  plufieurs  d'aflîfes.  Les 
Animaux  confacrés  à  cette  Déefle,  étoient 
la  Chouette  &  le  Dragon ,  qui  accompa- 
gnent {ovLvtnt  fes  images.  C'eft  ce  qui 
oonna  lieu  à  Démofthène ,  envoyé  en  exil 
par  le  Peuple  d'Athènes ,  de  dire  que 
Minerve  fe  plaifoit  dans  la  compagnie  de 
trois  vilaines  Bêtes  ,  la  Chouette,  le  Dra- 
gon, ôc  le  Peuple. 

MiNOS, 

Roi  de  Crète ,  étoit  fils  de  Jupiter  & 
d'Europe.  Jl  gouverna  fon  Peuple  avec 
beaucoup  d'équité  &:  de  douceur.  Les 
Loix  qu'il  donna  aux  Cretois,  l'ont  tou- 
jours fait  regarder  comme  un  des  plus 
grands  Légiflateurs  de  l'Antiquité.  Pour 
donner  plus  d'autorité  à  fes  Loix,  il  fe  re- 
tiroit  fouvent  dans  un  Antre ,  où  il  difoit 
qu£.  Jupiter  fon  père  les  lui  didboit  ;  il 
n'en  revenoit  jamais ,  qu'il  n*en  rapportât 
quelque  nouvelle  Loi. 

La  SaeefTe  de  fon  Gouvernement  & 
fur-tout  fon  équité  lui  ont  fait  donner 
après  fa  mort ,  par  les  Poètes ,  la  fonétion 
de  Juge  fouverain  des  Enfers.  Minos  étoit 
regardé  proprement  comme  le  Préfident 
de  la  Cour  infernale  ;  Se  les  deux  autres 
Juges,  Éaque  &  Rhadamanthe,  n^étoiem^ 
pour  ainlî  dire,  que  fes  Lieutenans* 


Homère  nous  le  reprëfente  avec  un 
Sceptre  à  la  main ,  afîis  au  milieu  des  Om- 
bres, donc  on  plaide  les  caufes  en  fa  pré- 
fence.  Virgile  dit,  qu'il  tient  à  la  main, 
Ôc  qu'il  remue  l'Urne  fatale  où  eft  ren- 
fermé le  fort  de  tous  les  Mortels.  II  cite 
les  Ombres  muettes  à  fon  Tribunal  ;  il 
examine  leur  vie ,  &  recherche  tous  leurs 


3 
crimes. 


MiNOTAURE, 

Monftre,  m^oitié  homme  Se  moitié  tau- 
reau étoit  le  fruit  d'une  infâme  paffion  de 
Pafiphac  pour  un  Taureau  blanc.  Minos, 
dit  la  Fable,  avoit  accoutumé  de  facrifier 
tous  les  ans  à  Neptune  le  plus  beau  Tau- 
reau de  fes  troupeaux.  Il  s*y  en  trouva  un 
de  fî  belle  forme ,  que  Minos  le  voulant 
fauver ,  en  deflina  un  autre  de  moindre 
valeur  pour  vidime.  Neptune  en  fut  fî 
irrité,  que,  pour  s'en  venger,  il  infpira  à 
Pafiphaë,  femme  de  Minos,  une  honteufe 
paiTion  pour  ce  Taureau  chéri.  De-là  s'en- 
fuivit  la  naiiïance  du  Minotaure,  Dédale 
fit,  par  ordre  de  Minos ,  le  fameux  Laby- 
rinthe de  Crète,  pour  renfermer  ce  Monf- 
tre, qu'on  nourrilToit  de  chair  humaine. 
'Lq^  Athéniens  ayant  été  vaincus  dans  la 
guerre  que  leur  fit  Minos,  pour  la  mort 
de  fon  fils  Androgée,  furent  condamnés, 

Hiv 


^175  ==MI  = 

par  le  Traité,  à  envoyer  tous  les  feprans- 
en  Crète ,  fept  jeunes  garçons  &  autanr 
de  jeunes  filles,  pour  fervir  de  pâture  au 
Monftre.  Le  Tribut  fut  payé  trois  fois  ^ 
mais  la  quatrième ,  le  fort  étant  tombé  fur 
Théfée,  ce  Héros  tua  le  Monftre,  &  dé- 
livra fa  Patrie  d'un  û  honteux  Tribut. 

ÉNIGME      XXL 

Mon  corps  eft  fans  eouîeur  comme  celui  des  eaux  5 
Je  change  à  tous  momens  fans  perdre  ma  figure  : 
Je  fais  plus  d'un  fcul  trait,  que  toute  la  Peinture, 
Et  puis  mieux  qu'un  Appelle  animer  mes  Tableaux:. 

Je  donne  des  confeils  aux  efprits  les  plus  beaux, 
Et  ne  leur  montre  rien  que  fa  ve'rité  pure. 
J'enfeigne  fans  parler  pendant  que  le  jour  dure , 
Et  la  nuit  on  me  vient  confuker  aux  flambeaux. 

Parmi  les  Curieux  ,  j'établis  mon  eivipiie  ; 

Je  repréfente  aux  Rois  ce  qu'on  n'ofe  leur  dire^ 

Et  je  ne  puis  flatter  ni  mentir  à  la  Cour. 

Comme  un  autre  Paris ,  je  juge  les  DéefTes , 

Qui  m'offrent  leurs  beautés ,  leurs  grâces ,  leurs  ri- 

cheffes  ^ 
Et  je  les  entretiens  des  charmes  de  l'Amour, 

Mi  SENE, 

Fils  d*ÉoIe,  un  des  compagnons  d'Énée, 


==?vll==  177 

n'eut  Jamais  fon  égal,  dans  l'Art  d'embou- 
cher la  Trompette,  ôc  d'exciter,  par  des 
fons  guerriers ,  l'ardeur  des  Combattans. 
Étant  au  Port  de  Cumes ,  où  il  faifoit  re- 
tentir les  rivages  du  fon  perçant  de  fon 
Inftrument,  il  ofa  délier  les  Dieux  de  la 
Mèr.  Triton,  le  Trompette  de  Neptune, 
jaloux  du  talent  de  Misène ,  le  faifit  &  le 
plongea  dans  les  flots.  Énée  le  regretta 
beaucoup ,  6c  lui  éleva  un  fuperbe  Monu- 
ment fur  une  haute  montagne  ,  qui  fut 
depuis  appelle  le  Cap  Misène. 

Misère  du  Monde. 

Qui  pourroit  raconter  les  mifères  humaines , 
Les  travaux  des  Mortels ,  leurs  peines , 
Pourroit  compter  dans  un  moment 
Les  Etoiles  du  Firmament. 

La  Misère  du  Monde  eft  repréfentée  par 
une  femme  qui  a  la  tête  comme  enchafTée 
dans  un  verre  j  Symbole  de  la  Fragilité  des 
chofes  du  Monde.  Elle  tient  de  la  main 
gauche  une  Bourfe  renverfée,  d'où  s'épan- 
dent  pèie-mèle  des  pièces  d'or  &  d'argent; 
pour  nous  repréfenter  que ,  quoique  les 
richelTes  femblent  nous  rendre  heureux  ;, 
nous  ne  les  emportons  point  avec  nous  en 
mourant, 

'^/^ 

Hv 


î7^  «=MI  = 

Miséricorde» 

Je  tiens  ks  bras  ouverts ,  pour  marquer  ma  Cle'<^ 

mence  j 
£t  la  pitié  que  j'ai  pour  les  maux  qu'on  refTent , 
îait  que  je  fais  du  bien ,  fans  faire  différence 
Entre  le  Petit  ôc  le  Qiand. 

Les  Grecs  &  les  Romains  avoient  faÎE 
une  Divinité  de  cette  Vertu ,  qui  défîgne 
l'Indulgence  5  la  Pitié,  la  CompaiTion» 
Elle  avoir  à  Athènes  Ôc  à  Rot-ne  des  Au- 
tels &  un  Temple  ,  qui  étoit  un  lieu 
d'afyle,  &  dont  les  privilèges  fubiiftèrenc 
ttès-long-temps.  Paufanias,  en  parlant  de 
l'Autel  de  la  Miféricorde  qu'û  avoit  vu 
à  Athènes,  dit  :  «  La  vie  de  l'homme  eft 
S3  fî  chargée  de  difgrâces  &  de  peines ,  que 
3>  c'ed  la  DéelFe  qui  mériteroit  avoir  le 
3>  plus  de  crédit  ;  toutes  les  Nations  dti 
oj  monde  devroient  lui  offrir  des  Sacrifî- 
a>  ces  j  parceque  toutes  les  Nations  en  ont 
w  un  mutuel  befoin.  3>  Ce  fut  à  l'Autel  de 
la  Miféricorde  ^  que  les  Héraclides  eurent 
recours  ,  félon  Servius ,  lorfque  Eurifthée 
les  pourfuivoit  après  la  mort  d'Hercule. 

M I  T  H  R  A  s  , 

Ancien  Dieu  Aqs  Perfes,  qui,  (om  ce 
nom ,  honoroient  le  Soleil  &  le  Feu.  Mi- 


thras  étoic  né ,  félon  eux ,  d'une  pierre  ; 
ce  qui  marque  le  feu  qui  fore  de  la  pierre 
quand  on  la  frappe.  Souhaitant  d'avoir  un 
iils  j  &  ayant  de  l'averfion  pour  les  fem- 
mes, il  coucha,  dit  Plutarque,  avec  une 
pierre ,  &  en  eut  un  fils ,  qui  fut  appelle 
Diorphus.  Ce  Dieu  étoit  qualifié  d'Invin- 
cible, comme  il  paroît  par  une  Infcrip- 
tion  :  Au  Dieu  Soleil  l'Invincible  Mi- 
THRAs.  La  qualité  d'Invincible  convient 
fort  bien  au  Soleil  \  rien  ne  peut  arrêter 
fon  cours,  ni  fes  influences. 

Les  Romains  adoptèrent  ce  Dieu  àts 
Perfes,  comme  ils  adoptèrent  ceux  de  tou- 
tes \qs  autres  Nations.  Ce  n'eft  que  par 
eux  qu'il  nous  eft  refté  à^s  Monumens  de 
Mithras  en  grand  nombre,  car  nous  n'a- 
vons aucune  Image  Perfane  de  ce  Dieu. 
Ses  Figures  les  plus  ordinaires  repréfen- 
tent  un  jeune  homme  avec  un  bonnet 
phrygien ,  une  tunique  ,  &  un  manteau 
qui  fort  en  voltigeant  de  l'épaule  gauche. 
Ce  jeune  homme  tient  le  genou  fur  un 
Taureau  atterré,  èc  pendant  qu'il  lui  tient 
le  mufle  de  la  main  gauche ,  il  lui  plonge 
de  la  droite  un  poignard  dans  le  cou. 
C'eft ,  dit-on ,  pour  marquer  la  force  du 
Soleil ,  lorfqu'il  entre  dans  le  Signe  du 
Taureau.  La  Figure  de  Mithras  eft  ordi- 
nairement accompagnée  de  différens  Ani- 

H  vj 


maux ,  qui  ont  rapport  aux  autres  Signes 
du  Zodiaque.  Ainfi  il  n'eft  pas  douteux 
que  Mit /iras  ne  fut  un  Symbole  du  SoleiL 
C'eft:  pourquoi  Stace ,  dans  une  invocatioa 
qu'il  fait  au  Soleil ,  s'exprime  ainfî  :  «  So- 
M  leil  5  foyez-moi  favorable ,  foit  que  f e 
«ï  vous  invoque  fous  le  nom  de  Titan  ^  ou 
^  fous  celui  d'Ofiris^  ou  fous  celui  de  Mi- 
•î  tkras  ;  lorfque  dans  les  Antres  de  Ix 
>3  Perfe ,  vous  preffez  les  cornes  d'im  Tau- 
>5  reau  rebelle^  Se  qui  fait  tous  {qs  efforts 
|9>  pour  ne  pas  vous  fuivre.  m  Le  Commen- 
tateur de  Stace  fur  ce  palTage  dit ,  que  ce 
font  les  Perfes  qui  ont  honoré  les  premiers^ 
le  Soleil  dans  ûgs  Cavernes  &  dans  des 
Antres  ;  Se  cela  pour  marquer  que  cet  Af- 
tre  s'écîipfe  quelquefois  ^  que  le  Taureau  „ 
ilont  Mithras  tient  les  cornes  avec  une 
main,  marque  la  Lune,  laquelle,  indignée 
de  fuivre  fon  frère,  va  au-devant  de  lui, 
&  cache  fa  lumière  j  mais  le  Soleil ,  pai: 
cette  aâ:ion  violente ,  fait  voir  fa  fupério- 
cité  fur  cette  Planète. 

Le  Culte  de  Mithras ^  avant  de  venir  en 
Grèce  &  à  Rome,  avoir  paffé  àts  Perfes 
dans  la  Cappadoce ,  où  Strabon ,  qui  y  avoic 
voyagé ,  dit  qu'il  avoir  vu  un  grand  nom- 
bre de  Prêtres  de  Mithras*  Ce  Culte  fut 
porté  à  Rome  au  temps  de  la  guerre  àQS 
Pirates 5  félon  Plutarque,  Tan  de  Rome 


^87  5  5<:  y  devint  très-céièbre  dans  la  faite, 
rur-couc  dans  les  bas  liècles  de  TEmpire. 

MiTHRiAQUES. 

C'ctoient  les  Fêtes  ou  Myftères  de  Mi- 
ihras.  Ce  Dieu  avoit  une  efpèce  de  Prê- 
tres appelles  Patres  Sacrorum  ^  les  Pères 
dos  Myftcres  Sacrés.  Il  y  avoit  auffi  d^^ 
Mères  d^s  Myftères  Sacrés.  Ces  Pères 
étoient  encore  appelles  Lions,  &:  les  Mè- 
res Hyènes.  De  ce  nom  de  Lion ,  venoit 
celui  de  Léon  tique  donné  aux  Mi thr la- 
ques. D'autres  Miniftres  de  Mithras  s'ap- 
pelloient  Coraces ,  ou  Hiéro-coraces  ^  ce 
qui  lignifie  Corbeaux ,  ou  Corbeaux  Sa- 
crés, d'où  les  Mithriaques  font  aulîi  nom- 
més Coraciques ,  ouHiéro-coraciques.  Les 
Myftères  de  Mirhras  éroient  quelque  cho- 
fe  d'horrible ,  félon  les  Saints  Pères.  «  Les 
>î  Pères  5  difent-ils,  font  plufieurs  Sacrifi- 
sj  ces  à  Mirhras  :  perfonne  ne  peut  tcre 
a>  initié  à  fes  Myftères ,  s'il  ne  palTe  par 
j>  plufieurs  fortes  d'épreuves  très-rudes, 
5î  &  s'il  ne  fe  montre  comme  impaflible  , 
w  ^  d'une  fainteté  a  l'épreuve.  On  alfure 
03  qu'il  y  a  plus  de  quatre-vingts  fortes  de 
jî  fupplices  par  où  il  faut  qu'il  palTe  corn- 
>3  me  par  degrés,  pour  mériter  l'initiation. 
3î  11  faut  premièrement  qu'il  pafîe  a  la 
P  iiage  une  grande  plage  pendant  plufieurs 


i82  =,MI..=^ 

s>  jours  ;  qu'il  fe  jette  dans  le  feu  ;  qu'il 
M  paflfe  un  long-temps  dans  le  défert  fans 
«  manger  ;  qu'on  le  fuftige  pendant  deux 
w  jours  entiers  ;  qu'il  en  refte  vingt  dans 
3>  la  neige ,  &c.  Et  Ci  après  cette  gradua- 
9>  tion  d'épreuves,  il  eft  encore  en  vie,  il 
35  eft  initié  aux  Myftères  les  plus  fecrèts.  » 
11  y  avoir  un  fouverain  Prêtre  >  qui  préfi- 
doit  fur  tous  les  autres  Prêtres  de  Mi- 
thras  ;  c*étoit  un  homme  de  grande  confi- 
dération.  Parmi  les  autres  Cérémonies  de 
Tinitiation  ,  on  mettoit  un  Serpent  dans 
le  fein  de  celui  qui  vouloit  participer  aux 
Myftères.  Arnobe  dit  que  ce  Serpent  étoit 
d'or.  On  fçait  que  cet  Infede  ,  qui  re- 
prend tous  les  ans  une  nouvelle  vigueur, 
en  changeant  de  peau ,  étoit  un  des  Sym- 
boles du  Soleil ,  dont  la  chaleur  fe  renou- 
velle au  Printemps. 

Les  Myftères  de  Mithras  étoient  abo- 
minables, car  on  y  immoloit  des  Victi- 
mes humaines  j  comme  il  paroît  par  un 
fait  que  raconte  Socrate  dans  fon  Hiftoire 
Eccléfiaftique  ^  fçavoir,  que  les  Chrétiens 
d'Alexandrie  ayant  découvert  un  Antre 
fermé  depuis  long-temps ,  dans  lequel  la 
Tradition  portoit,  qu'on  avoit  autrefois 
célébré  les  Mithriaques  ^  on  y  trouva  àes 
os  &  des  crânes  d'hommes ,  qu'on  en  re- 
lira ,  pour  les  faire  voir  au  Peuple  de  cette 


grande  Ville.  La  principale  Fête  de  co: 
Dieu  étoic  celle  de  fa  naifTance ,  qu'on 
plaçoir  au  huit  avant  les  Calendes  de  Jan- 
vier. On  vouloit  marquer  par-Iâ  que  le 
Soleil  5  après  s'être  éloigné  de  notre  Hé- 
mifphère,  commençoit  au  Solfrice  d'Hy- 
ver  a  s'en  rapprocher.  Les  Perfes,  qui  n'a- 
voient  point  de  Temple ,  célébroient  les 
Mithriaques    dans    à^s    Cavernes ,    ainG 
qu'ils  l'avoient  appris  de  lenr  Légiflateur 
Zoroaflre,  qui  le  premier,  félon  Porphire, 
avoit  choifî  pour  cela  un  Antre  arrofé  de 
fontaines  &  couvert  de  verdure.  Les  Ro- 
mains, à  l'exemple  des  Perfes,  célébrèrent 
les  mêmes  Myftères  dans  des  Antres  & 
dans  des  Cavernes ,  &  l'obfcurité  de  ces 
lieux  favorifa  les  plus  grands  défordres. 
Par  les  Monumens   qu'on    a    découverts 
en  une  infinité  d'endroits ,  on  a  droit  de 
conclure  que  fon   Culte  s'étoit    répandu 
dans  tout  l'Empire  Romain,  &  qu'il  dura 
très-long-temps,  puifqu'on  en  trouve  en- 
core des  traces  jufques  dans  le  quatrième 
Siècle  de  l'É^life. 

Mnémosine, 

DéefTe  de  la  Mémoire  ,  étoit ,  félon 
Diodore,  de  la  famille  des  Titans,  fille 
du  Ciel  &  de  la  Terre,  &  fœur  de  Sa- 
turne 6c  de  Rhéa.  On  lui  accorde  gêné- 


'i8^  ^^MN  = 

ralement  5  dit  le  même  Auteur ,  le  pre- 
mier ufage  de  tout  ce  qui  fert  à  rappeller 
la  mémoire  des  chofes  dont  nous  voulons 
nous  reiïbuvenir ,  &  fon  nom  même  l'in- 
dique alTez.  On  lui  attribue'  auffi  l'Art  du 
Raifonnement  5  Ôc  l'Impolîtion  des  noms 
convenables  à  tous  les  Etres  ;  de  forte  que 
nous  les  indiquons ,  Se  nous  en  conver- 
fons  fans  les  voir.  Jupiter  devint  amou- 
reux 5  dit  la  Fable ,  de  Mnémojîne ,  &  s'é- 
tant  métamorphofc  en  Berger,  la  rendit 
Mère  des  neuf  Mufes. 

ÉNIGME    XXIL 

Quclqu'obfcurc  que  je  pui/Te  être , 
A  ces  marques ,  Ledeur ,  tu  me  dois  reconnoîtrc. 
Quoique  prefque  toujours  fille  d'un  Roturier , 
A  peine  je  parois ,  que  chacun  me  defire  5 
Le  Roi  même  eit  fujet  à  mon  fantafque  empire. 
Sans  faire  jamais  rien ,  je  fuis  de  tout  métier  : 
Je  décide  à  la  Cour  en  maîirelTe  abfoluë , 

Quelque  bizarre  que  je  fois  5 

Et  (î-tot  que  j'y  fuis  reçue , 
L'ufage  m'introduit  au  nombre  de  fes  Loix. 
Mais  que  mon  règne  eft  court  !  Après  un  certain 

temps , 
Des  caprices  du  fort ,  j'éprouve  la  difgrâce  ; 
Et  quand  je  ne  plais  plus  aux  hommes  inconftans , 
Une  autre  me  fuccèdc ,  &  fe  met  à  ma  place. 


Mode  s. 

Un  Concile  tenu  à  Montpellier  en  1 1  «j  5  3 
fous  le  Règne  de  Philippe-Au^ufie  ,  or- 
donnoic  aux  Clercs  &  ^ux  Laïcs  de  porter 
des  habits  fermés.  Les  Modes  pour  les  ha- 
billemens  écoient  alors  àQ%  plus  bizarres. 
On  fe  plaifoit  à  porter  des  étoffes  pliflees 
&  chargées  de  figures  grotefques ,  6^c.  Les 
femmes  avoient  àQ.s  robes  d'une  longueur 
démefurée ,  qui  traînoient  derrière  elles 
en  queue  de  ferment.  On  invediva  beau- 
coup contre  ces  ufages  ,  foit  parceque  les 
bonnes  mœurs  s'y  trouvoient  intérelTées  , 
foit  parceque  la  vanité  feule  en  parut  con- 
damnable. 

Les  Modes  ridicules  ont  été,  comme 
aujourd'hui ,  le  goût  dominant  des  Fran- 
çois. On  lit ,  que  fous  les  Règnes  de  Phi- 
lippe de  Valois  ,  de  Jean  II  &:  Charles  VI ^ 
temps  où  le  Royaume  étoit  dans  la  der- 
nière misère  ,  par  les  guerres  fanglantes 
qui  le  défoloient  j  \2.s  Modes  ridicules 
ëtoient  toujours  les  objets  frivoles  de  la 
noblejfe  ,  &  des  defirs  ambitieux  des  ro- 
turiers. On.  faifoit  venir  à  grands  frais  des 
pays  étrangers  les  étoffes  les  plus  précieu- 
fes ,  dont  on  compofoit  des  vèremens 
aufli  bizarres  qu'indécens.  Une  tète  char- 
gée de  plumes ,  une  longue  barbe  ^  des 


i8^  =M0  = 

chaînes  au  col ,  un  habit  fî  étroit  &  fi 
court  5  qu'il  pouvoit  à  peine  dérober  à  la 
vue  les  parties  que  la  pudeur  ordonne  de 
couvrir  ;  telle  étoit  la  forme  d'habillement, 
inventée  par  les  , Chevaliers  ,  Écuyers  , 
gens  du  bel-air ,  &  adoptée  par  les  bour- 
geois 5  leurs  ferviles  imitateurs.  Ce  goût 
àes  fuperfluités  ,  qui  ne  peut  être  pardon- 
nable de  nos  jours  à  la  vanité ,  que  parce- 
que  l'induftrie  lui  facilite  les  moyens  de 
fe  fatisfaire  ,  faifoit ,  dans  les  temps  an- 
ciens 5  régner  l'indigence  dans  le  Royau- 
me 5  malgré  la  fertilité  du  fol  ôc  la  mul- 
titude des  habitans. 

Ce  n'étoient  pas  les  Rois ,  ni  les  Prin- 
ces de  leur  fang  ,  qui  donnoient  l'exem- 
ple de  ce  Luxe ,  excepté  dans  les  jours  de 
Cérémonie  ,  où  il  falloit  qu'ils  parufTent 
avec  l'éclat  de  la  Majefté  du  Trône.  Ils 
furent  les  feuls  qui  ne  fe  lai(ïèrent  point 
emporter  au  torrent  ;  ils  confervèrent , 
pour  la  plupart ,  la  noble  gravité  de  l'ha- 
bit long. 

De  tout  temps  notre  Nation  a  été  le 
premier  Peuple  de  l'Europe  pour  l'inven- 
tion des  Modes  ;  il  les  varie  ôc  les  régète 
a  l'infini ,  ôc  toujours  avec  les  grâces  de 
la  nouveauté.  Paris  efl:  la  feule  Ville  du 
Monde  ,  qui  les  communique  a  toutes  les 
Nations  étrangères. 


s=MO=  187 

Modestie* 

Elle  eft  vêtue  d*une  draperie  blanche, 
qui  eft  le  Symbole  de  la  Candeur  de  Tâme  j 
elle  a  fur  la  têre  un  voile  de  la  même  cou- 
leur ,  &  tient  un  Sceptre,  au  haut  duquel 
eft  un  œil  ;  ce  Hiéroglyphe  vient  des  Égyp- 
tiens 5  &  fignifie  que  la  Modejiie  doit  être 
clairvoyante  fur  elle-même  :  fon  attitude 
fimple  5  &  (es  yeux  bailTés  expriment  le 
précepte  de  S.  Paul  :  Modestia  vejlra 
nota  fit  omnibus  hominibus. 

Mois, 

Les  Anciefis  avoient  fait  un  Dieu  du 
Mois  fous  le  nom  de  Men.  Ils  donnoient 
auffi  à  Athis ,  favori  de  Cybèle ,  le  furnom 
de  Roi  des  Mois  ;  Aîenotyranmis.  Cha- 
que Mois  étoit  fous  la  proredion  d'une 
Divinité.  Ainfi  la  Divinité  tutélaire  de 
Janvier ,  étoit  Junon  \  de  Février ,  Nep- 
tune \  de  Mars  ^  Minerve  ;  ^  Avril ^  Vé- 
nus ;  de  Mai ,  Apollon  \  de  Juin ,  Mer- 
cure; de  Juillet ,  Jupiter  ;  à' Août  ^  Cérès  ; 
de  Septembre ,  Vulcain  \  A'Ocîobre ,  Mars  y 
de  Novembre  ,  Diane ,  &  de  Décembre  y 
Vefta. 

Janvier. 

La  rigueur  de  la  Saifon  d'Hyver  porte  a 


repréfenter  ce  Mois  par  une  figure  totale- 
menr  drapée  ,  dont  le  manteau  eft  couvert 
de  neige  ;  elle  tienr  un  flambeau  allumé , 
pour  indiquer  la  brièveté  des  jours ,  &  a 
proche  d'elle  pour  Attribut  le  Signe  du 
Verfeau ,  qui  répand  de  Teau  mêlée  avec 
des  glaçons. 

Janvier  étoit  perfonnific  fous  la  iîgure 
d'un  Conful  ,  qui  jette  fur  le  foyer  d'un 
Autel  des  grains  d'encens  en  l'Honneur 
de  Janus  &  des  Lares.  Près  de  l'Autel  eft 
un  Coq ,  qui  marque  que  le  facrifice  s'eft 
fait  le  matin  du  premier  jour  de  Janvier, 
Aufone  a  exprimé  cela  en  quatre  vers  , 
dont  voici  le  fens  \  «  Ce  Mois  eft  confa- 
«  cré  à  Janus ,  voyez  comme  l'encens  brûle 
»  fut  \qs  Autels  pour  honorer  les  Dieux 
y>  Lares ,  c'eft  le  commencement  de  TAn- 
53  née  &:  des  Siècles  :  en  ce  Mois ,  les  hpm- 
35  mes  que  la  pourpre  diftingue,  font  écrits 
«  dans  les  Faftes.  ^j  11  parle  là  des  Confuls 
qui  entroient  en  Magiftrature  au  com- 
mencement de  Janvier,  Les  Fêtes  parti- 
culières de  ce  Mois ,  étoient  les  Januales 
au  premier  Janvier  ;  les  Agonales ,  le  <y  ; 
les  Carmentales ,  le  1 1  j  les  Compitales , 
le  12  ;  les  Sementines  5  le  24;  les  Équi- 
ries,  le  29.  Le  lendemain  des  Calendes 
de  Janvier ,  paftbit  pour  un  jour  malheu- 
reux. 


Février. 

Ce  fécond  Mois  eft  prefqu'auflî  vêtu 
que  le  précédent  j  il  a  pour  Attribut  le 
Signe  des  PoifTons ,  &  une  Serpette  de 
Vigneron  >  étant  le  Mois  dans  lequel  on 
commence  à  tailler  les  vignes  &  les  arbres. 
A  fes  pieds  font  quelques  inftrumens  de 
Mufique  &  des  Mafques  ,  pour  indiquer 
hs  amufemens  du  Carnaval. 

Février  étoit  perfonnifié  en  femme , 
revêtue  d'une  tunique  relevée  par  une 
ceinture  j  elle  tient  entre  fes  mains  une 
Canne,  Symbole  d'un  Mois  pluvieux, 
aufli  bien  que  l'Urne  qui  eft  repréfentée 
en  l'air  au-delTus  de  fa  tcte ,  &  verfant  de 
l'eau  en  abondance.  A  (zs  pieds  eft  un 
Héron  &  un  Poilfon  :  tout  cela  revient 
au  même,  c'eft  le  mois  des  Eaux  &  à^s 
Pluies ,  fur-tout  à  Rome  ,  où  l'Hyver  eft 
plus  court  qu'en  nos  Climats.  Voici  le 
fens  des  quatre  vers  d'Aufone  :  «'  C'eft  ce 
«  Mois  vêtu  de  bleu  dont  l'habit  eft  relevé 
95  par  une  ceinture ,  où  l'on  prend  les  oi- 
V  ieaux  qui  aiment  les  Lacs  &  les  lieux 
»  marécageux  ,  où  la  pluie  tombe  en  abon- 
s>  dance  ,  &  où  l'on  fait  les  expiations 
3>  qu'on  appelle  FeBrua.  s»  En  ce  Alois  on 
célébroit  les  Jeux  Génialiques,  le  1 1  ;  \qs 
Lupercales,  le  1 5  ,  les  Quirinales ,  le  17  ; 


\- 


les  Fornacales  &  les  Férales ,  le  i  S  &:  îe? 
21  ;  les  Carifties,  le  12  ^  les  rerminales, 
le  23  î  les  Équiries ,  le  27. 

Mars, 

Le  troifîème  Mois  confacré  au  Dieu  de 
la  Guerre ,  fe  peine  d  afpedb  féroce  :  Tes 
cheveux  font  hériilés  &  agités  de  plufieurs 
fortes  de  vents  ;  les  nuées  qui  font  de 
place  en  place  mêlées  avec  fa  draperie , 
indiquent  Tinconftance  du  temps  dans  ce 
Mois  ,  il  tient  une  Hirondelle  ;  &  à  fes 
pieds  font  les  Signes  du  Bélier ,  ôc  une 
Plante  de  Violette. 

Ce  Mois  ,  le  troifîème  de  notre  année , 
ctoit  autrefois  le  premier  chez  les  Ro- 
mains ;  quoiqu'il  eut  pris  fon  nom  du 
Dieu  Mars ,  il  étoit  fous  la  protection  de 
Minerve.  Les  Calendes  de  ce  Mois  étoienc 
remarquables ,  parce  que  c'étoit  le  premier 
jour  de  l'Année  ,  auquel  on  pratiquoit  plu- 
fieurs  Cérémonies.  On.  allumoit  le  Feu 
nouveau  fur  l'Autel  de  Vefta.  On  ôtoit , 
dit  Ovide ,  les  vieilles  branches  de  Lau- 
rier 5  &  les  vieilles  couronnes  tant  de  la 
Porte  du  Roi  des  Sacrifices ,  que  des  mai- 
fons  des  Flamines  Se  des  Haches  des  Con- 
fuls  5  de  l'on  en  mettoit  de  nouvelles.  En 
ce  jour  on  célébroit  les  Matrônales  Se  la 
Fête  des  Boucliers  facrés.  Le  6 ,  c'étoient 


les  Fêtes  de  Vefta  j  le  14  ,  les  Eqairies  ;  le 
15  j  la  Fête  d'Anna  Perenna  :  le  17  ,  \qs 
Libérales  ou  Bacchanales  ;  le  i  ^  ,  la  Gran- 
de Fête  de  Minerve ,  appellée  \qs  Quin* 
quatries  ^  qui  duroit  cinq  jours  ;  le  25  , 
les  Hilaries.  On  trouve  ce  Mois  perfonni- 
fié  fous  la  figure  d'un  homme  vêtu  d'une 
peau  de  Louve ,  parceque  la  Louve  étoic 
confacrée  au  Dieu  Mars.  «<  Il  eft  aifé ,  dit 
>ï  Aufone  ,  de  reconnoitre  ce  Mois  par  la 
j>  peau'de  Louve  dont  il  eft  ceint.  11  s'ap- 
«  pelle  Mars  ,  &  c'eft  Mars  qui  lui  a  don- 
i>  né  fa  dépouille.  Le  Bouc  pétulant , 
»  l'Hirondelle  qui  gazouille ,  le  Vaiffeau 
«  plein  de  lait ,  l'FIerbe  verdoyante  ,  tout 
»  cela  marque  le  Printemps  ,  qui  com- 
»  mence  au  mois  de  Mars.  »  Ce  font  les 
Symboles  qui  accompagnent  la  figure  de 
ce  Mois. 

Avril. 

La  couleur  verte  du  vêtement  de  cette 
figure  ,  eft  allufive  au  renouvellement  des 
produdions  de  la  terre  dans  ce  Mois.  On 
lui  donne  pour  Attribut  une  corbeille  rem- 
plie des  premiers  fruits  du  Printemps.  A 
fes  pieds  eft  le  Signe  du  Taureau  :  il  eft 
orné  d'une  guirlande  de  Violette  &  au- 
tres fleurs  de  cette  faifon. 

Le  Mois  à!  Avril  eft  figuré  par  un  hom- 


1^2  =rMO==^ 

me ,  qui  femble  dan  fer  au  foii  d'un  inf- 
trument.  Aufone  dit  :  «  Avril  rend  fes 
m  honneur's  à  Vénus  couronné  de  Myrrhe. 
w  En  ce  Mois  on  voit  la  lumière  mêlée 
«y  avec  l'encens ,  pour  faire  Fère  à  la  bieii- 
m  faifante  Cérès  j  le  cierge  mis  auprès  d'^- 
9*  vril  ^  jette  des  flammes  mêlées  d'odeurs 
•  fuaves.  Les  Parfums  qui  vont  toujours 
>»  avec  la  Déelfe  Paphienne  ,  ne  manquent 
>/  pas  ici.  »  Les  Fêtes  de  ce  Mois  étoient 
les  Jeux  Mégaléfiens ,  qui  commençoient 
le  4  ,  &  qui  duroient  huit  jours  :  les  Cé- 
réales &  les  Jeux  Circenfes  5  le  lo;  les 
Jeux  en  Thonneur  de  Cérès ,  le  1 1  ;  les 
Jordicides  ou  Jordicales  ,  le  1 5  j  les  Pa- 
liliennes  ,  le  2 1  ;  les  fécondes  Agonales , 
le  22  ;  les  Robigales ,  le  15  j  &  les  Flo- 
rales,  le  28. 

Mai. 

Les  agrémens  de  ce  Mois  font  indiques 
par  l'air  gracieux  que  l'on  donne  à  la  fi- 
gure qui  le  repréfente.  Elle  eft  vêtue  ga- 
lamment d'une  étoffe  de  foie  brodée  de 
diverfes  fleurs  ,  &  confidère  avec  plaifir 
un  bouquet  de  Rofes.  A  fes  pieds  eft  le 
Signe  des  Gémeaux. 

Le  Mois  de  Mai  étoir  perfonnifié  fous 
la  figure  d'un  homme  entre  deux  âges  , 
hahillé  d'uo^  robe  fort  large  &  à  gran- 
des 


des  manches  ,  qui  porte  une  Corbeille 
pleine  de  Fleur? ,  Ôc  rienc  de  l'autre  maia 
une  Fleur  qu'il  porte  à  fon  nez  :  ce  qui 
peut  avoir  rapport  aux  Jeux  Floraux-  Le 
Paon  qui  eft  à  fes  pieds,  montre  par  fa 
queue  une  image  du  Mois  de  Mai  ^  tant 
elle  eft  chargée  de  fleurs  que  la  nature  j 
a  peintes.  Aufone  a  ainfl  exprimé  en  qua- 
tre vers  le  Mois  de  Mai.  «  C'eft  le  Mois 
jî  qui  produit  le  lin  dans  nos  Campagnes  : 
3)  c'eft  lui  qui  nous  fournit  toutes  les  dé- 
i*  lices  du  Printemps ,  qui  orne  les  ver- 
il  gers  de  Fleurs ,  &c  qui  remplit  nos  Cor- 
7>  beilles  :  il  eft  appelle  Mai  de  Maïa  , 
?>  fille  d'Atlade  :  c'eft  le  Mois  qu'Uranie 
M  aime  fur  tout  autre.  »  Mai  étoit  fous 
la  protedion  d'Apollon.  C'eft  dans  ce  Mois 
qu'on  célébroic  les  Florales  pendant  les 
trois  premiers  jours  ;  les  Lémuriennes  qui 
duroient  aulli  trois  jours ,  à  commencer 
le  7  avant  les  Ides ,  ou  le  ^  du  mois  :  les 
Agonales  ou  Agonies  de  Janus ,  le  12, 
avant  les  Calendes  de  Juin,  ou  le  22  de 
Mai  :  ôc  les  Fériés  de  Vulcain ,  ou  les  Tu- 
biluftres  le  dix  ayant  les  Calendes  de  Juin. 
On  célébroit  encore  aux  Ides  de  Mai  la 
naiftance  de  Mercure  êc  la  Fête  des  Mar* 
chands.  Les  Romains  ,  qui  étoient  en  gé- 
néral fort  fuperftitieux ,  obfervoient  de  ne 
point  fe  marier  dans  le  Mois  de  Mai ,  à 
Toms  111%  I 


ip^  =M0== 

caufe  des  Fêtes  Lémuriennes ,  ou  des  Ma- 
lins Efpi-its  ,  qui  fe  célébroienc  le  9  du 
Mois  ;  &  ils  avoient  un  Proverbe  ,  qui 
difoic  le  Mois  de  Mai  funefte  aux  no- 
ces. Menja  maio  maU  nuburu.  Cette  an- 
cienne Siiperflition  fubfifte  encore  aujour- 
d'hui en  quelques  endroics  parmi  le  Peu- 
ple ,  qui  £iic  fcrupule  de  fe  marier  au  Mois 
de  Mai  ;  comme  étant  un  Mois  malheu- 
reux ,  fans  en  alléguer  d'autres  raifons 
qu'une  ancienne  Tradition. 

Ju  IN. 

Ce  fîxième  Mois  fe  peint  fous  Timage 
d'un  homme  de  ftature  robufte  ,  ôc  moins 
vêtu  que  la  précédente  figure  ,  pour  in- 
diquer le  commencement  des  Chaleurs  de 
l'Été.  On  le  repréfente  dans  une  prairie , 
tenant  une  Faux  à  couper  les  Foins  ,  ôc 
ayant  à  fes  pieds  le  Signe  de  l'Écreviffe. 

Mercure  étoit  la  Divinité  tutélaire  du 
Mois  de  Juin.  Voici  comme  Aufone  le 
perfonnifie.  »  Juin  va  tout  nud  ,  dit-il  , 
»  ôc  nous  montre  du  doigt  un  Horloge 
5)  folaire  5  pour  fignifier  que  le  Soleil  com- 
i>  mehce  en  ce  Mois  à  defcendre.  Il  porte 
9>  une  Torche  ardente  ôc  flamboyante , 
j>  pour  marquer  les  Chaleurs  c-e  la  Saifon  , 
s»  qui  donne  la  maturité  aux  fruits  de  la 
w  terre.  Derrière  lui  ell  une  Faucille.  Cela 


s>  veut  dire  qu'on  commence  en  ce  Mois 
?>  à  fe  difpofer  aux  MoifTons  ;  on  voit  aufli 
t>  une  Corbeille  pleine  d^s  fruits  du  Prin- 
s>  temps  ,  qui  viennent  dans  les  pays 
»  chauds.  >î  Aux  Calendes  de  Juin  on  fai- 
foit  à  Rome  quatre  Fêtes  ,  l'une  a  Mars 
hors  de  la  Ville  ,  Mars  extra  mur  anus  ; 
la  féconde  à  la  DéefTe  Carna  \  la  troifiè- 
me  à  Junon  Monéta  ;  &  la  dernière  étoic 
conlacrée  à  la  Tempcte.  Aux  Nones  on 
facrifioit  au  Dieu  f  idius.  Le  7  c'étoit  la 
Fêce  des  Pêcheurs  :  le  8  on  facrifioit  fo- 
lemnellemenr  à  la  Déeffe  Mens.  Le  9  on 
céiébroit  la  Grande  Fête  de  Vefta.  Le  1 1 
étoit  confacré  à  la  Déelfe  Matuta.  Aux 
Ides  arrivoit  la  Fête  de  Jupiter  l'Invinci- 
ble. Le  20  on  invoquoit  Summanus.  Le 
22  palToit  pour  un  jour  funefte  :  le  27 
c'étoit  la  Fête  des  Dieux  Lares  :  le  28  celle 
de  Quirinus  :  &  le  30  fe  céiébroit  la  Fête 
d'Hercule  &  àQ%  Mufes  dans  un  même 
Temple. 

Juillet. 

L*exce/îive  chaleur  de  ce  Mois  eft  ca- 
raé^érifée  par  l'air  abattu  dont  on  repré- 
fente  cette  figure  ,  &  par  le  peu  de  dra- 
perie dont  elle  eft  vêtue  :  Tes  Attributs 
font  un  Parafol ,  une  Cigale  ,  &  le  Signe 
du  Lion. 


Up^"  :=M0  = 

Juillet  étoit  fous  la  pi'otedîon  de  Jupi- 
ter. Il  eft  perfonnifié  dans  Aufone  fous  la 
figure  d'un  homme  tout  nud  ,  qui  montre 
fes  membres  hâiés  par  le  Soleil  :  il  a  les 
cheveux  roux ,  liés  de  tiges  &  d'Épis  \  il 
tient  un  Panier  de  mûres  ,  fruit  qui  vient 
fous  le  Signe  du  Cancer.  Le  5  de  ce  Mois 
étoit  la  Fête  appellée  Poplifugia,  Le  jour 
des  Nones  étoit  appelle  Nonœ  Capprotinœ^ 
ôc  le  lendemain  on  faifoit  une  autre  ré- 
jouiifance  ,  dite  VituUtio,  Le  ii  étoit 
Fête  5  à  caufe  de  la  naiffance  de  Jules  Cé- 
far.  Aux  Ides  de  Juillet  fe  célébroit  la 
Fête  de  Caftror  <Sc  de  PoUux.  Le  1 8  étoit 
eftimé  malheureux  ,  à  caufe  de  la  journée 
d'Allia.  Le  zj  étoit  la  Fête  de  la  Déeffe 
Opigéna.  Le  25  on  faifoit  des  AmbarvaUs. 
A  la  fin  du  Mois  on  imnioloit  des  Chiens 
roux  à  la  Canicule.  Enfin  on  donnoit  dans 
ce  Mois  les  Jeux  Apollinaires  ,  ceux  du 
Cirque  6c  les  Minervales, 

AousT. 

C'eft  le  Mois  de  la  MoilTon  ,  on  le  re- 
préfente  coëffé  d'un  chapeau  de  paille, 
qui  lui  met  le  vifage  à  l'abri  des  rayons 
ardens  du  Soleil.  Il  tient  une  Faucille  & 
une  poignée  d'Épis  de  bled ,  dont  les  ti- 
ges font  encore  plantées  en  terre;  &  pro- 
che de  lui  eft  le  Signe  de  la  Vierge. 


=  MO=  15)7 

5>  Août  preiïe  de  la  chaleur  ,  dît  Au- 
3>  Îqw^  5  plonge  fa  bouche  dans  une  grande 
5>  taffe  de  verre  ,  pour  boire  de  l'eau  de 
55  fontaine  :  ce  Mois ,  où  eft  née  Hécate , 
35  fille  de  Latone  ,  porte  le  nom  éternel 
3î  des  Empereurs,  jj  C'eft-à-dire  ,  Auguf' 
tus  ,  Août.  Ce  Mois  efl:  repréfenté  par  ua 
homme  nud  ,  qui  tient  fous  le  menton 
une  large  tafTe  pour  fe  rafraîchir.  Il  tient 
devant  lui  une  efpèce  d'Eventail  fait  d'une 
queue  de  Paon  ,  pour  la  même  raifon.  En 
ce  Mois  on  faifoic  les  Portumnales  le  17  : 
les  Vinales  le  19  :  les  Confuales  le  21  : 
les  Vulcanales  le  23  :  les  Opiconfives  le 
25  :  &  les  Vulrurnales  le  27. 

Septembre. 

On  habille  cette  figure  de  couleur  pour- 
pre ,  ou  de  celle  àts  raiiins  mûrs  ,  les 
pampres  de  vignes  dont  elle  efl  ornée  , 
&  qu'elle  tient  dans  fes  mains  ,  fîgnifienc 
que  ce  Mois  eft  le  temps  Aqs  vendanges  j 
fon  Attribut  eft  le  Signe  des  Balances. 

Ce  Mois  5  le  feptième  de  TAnnée  Ro- 
maine 5  &  le  neuvième  de  la  nôtre ,  é:oit 
fous  la  protection  de  Vulcain  :  on  le  trouve 
perfonnifié  fous  la  figure  d'un  homme 
prefque  nud  ,  ayant  feulement  fur  l'épaule 
une  efpèce  de  Manteau ,  qui  flotte  au  gré 
des  vents.  Il  tient  de  la  main  gauche  un 

iiij 


ip8  ,,^MO  = 

Lézard  attaché  par  une  jambe  à  une  fr» 
celle  :  ce  Lézard  fufpendu  en  l'air  fe  dé- 
bac  autant  qu'il  peut.  Au  pied  de  l'hom- 
me   font   deux  cuves  ou   vafes   préparés 
pour  la  Vendange  ,  comme  le  marquent 
les  quatre  vers  d'Àufone  ,  dont  voici  le 
fens,  i(  Septembre  cueille  les  grappes  \  c*eft 
3>  en  ce  Mois  que  les  fruits  tombent.  Il 
3)  fe  divertit  à  tenir  en  l'air  un  Lézard  at- 
«  taché  par  le  pied ,  qui  fe  démené  d'une 
:»5  manière    agréable.  ->•>  Les    Fêtes    de    ce 
Mois  étoient  :  le  3  les  Dionifiaques  ou  les 
Vendanges  :  le  4  les  Jeux  Romains  pen- 
dant huit  jours  :  le   1  5   les  Grands  Jeux 
Circenfes    voués  pendant  cinq    jours  :  le 
20  la  naiflance  de  Romulus  ;  le   30  les 
Méditrinales. 

Octobre. 

La  Chaffe  de  1  Oifeau  étant  un  àt^  plai- 
firs  de  ce  Mois  ,  on  le  perlonnifie  par  un 
jeune  chafTeur  ,  armé  d'un  A-^c  &  d'un 
Carquois  ;  tenant  d'une  main  un  Filet ,  & 
de  l'autre  une  Caille  :  à  iQ%  pieds  eft  le  Si- 
gne du  Scojpion. 

Ce  Mois ,  le  huitième  de  l'Année  de 
Romulus ,  d'où  il  a  pris  fon  nom  ,  eft  le 
dixième  de  la  notre.  Il  étoit  fous  la  pro- 
tection du  Dieu  Mars.  Les  Fêtes  de  ce 
Mois  étoient  les  Méditrinales  le  1 1  ;  les 


Auguflales  le  1 2  •  les  Fontinales  le  1 3  j 
&  l'Armiluftre  le  19.  Ce  Mois  étoit  per- 
fonnifié  par  un  chafleur  qui  avok  un  Lièvre 
à  (es  pieds  ,  des  Oifeaux  au-deifus  de  fa 
tête  ,  &:  une  efpèce  de  cuve  auprès  de  lui. 
Ce  qui  répond  aux  quatre  vers  d'Aufone , 
dont  voici  le  fens  :  «<  Ociobre  fournit  les 
jj  Lièvres  :  c'eft  lui  qui  donne  la  liqueur 
3j  de  la  Vigne  ,  ôc  les  Oifeaux  gras  :  nos 
5>  Cuves  ècumenr ,  le  moûr  bout  avec  vio- 
35  lence  ,  &c  les  V^aiifeaux  font  pleins  de 
a  vin  nouveau. 

Novembre. 

Ce  Mois  fe  repréfente  pareillement  vêru 
en  chalTeur  ,  mais  avec  des  fouirures  de 
bêtes  fauves  :  il  a  une  couronne  touffue 
compofèe  de  feuilles  &  de  fruits  d'Oli- 
vier,  &  tient  une  Corbeille  remplie  de 
fruits  &  de  légumes  d  Hyver.  A  fes  pieds 
eft  une  Hure  de  Sanglier,  &  le  Signe  du 
Sagittaire. 

Novembre  eft  le  neuvième  Mois  de  l'An- 
née de  Romulus  ,  &  le  onzième  de  la  nô- 
tre :  il  étoit  fous  la  proced-îon  de  Diane. 
Aufone  le  perfonmfie  fous  la  figure  d'un 
Prêtre  d'Ifis  ,  habillé  de  toile  de  lin  ,  ciyanc 
la  tète  chauve  ou  rafée  ,  appuyé  contre  un 
Autel  5  fur  lequel  eft  une  tête  de  Che- 
vreuil 3  Animal ,  qu'on  facrifioic  à  la  Déef- 

liv 


Ngoo  =  M  O  =r 

fe  :  il  tient  un  Sîftre  à  la  main  ,  Inftriî- 
ment  qui  fervoit  aux  Ifiaques.  Tout  le 
rapport  qu'il  y  a  enrre  le  perfonnage  &  le 
Mois  5  c'eft  qu'aux  Calendes  de  Novem- 
bre on  eélébroit  les  Fêtes  d'ids.  Le  5  dti 
mois  ,  on  faifoit  les  Nepcunales  j  le  15, 
les  Jeux  Populaires  ;  le  21  ,  les  Libérales, 
^  le  27  5  \qs  Sacrifices  Mortuaires. 

DÉCEMBRE. 

Ce  dernier  Mois  fe  repréfente  par  un 
vieillard  encore  plus  vêtu  que  le  précé- 
dent 5  &  fa  draperie  eft  de  peaux  différen- 
îes  ;  il  porte  fur  fes  épaules  un  fagot  de 
bois  à  brûler ,  &  tient  une  lanterne.  A  fes 
pieds  eft  le  Signe  du  Capricorne. 

11  eft  dit  5  fur  le  Mois  de  Décembre  , 
dans  les  quatre  vers  d'Aufone ,  que  «'  THy- 
35  ver  nourrit  les  femences  dans  la  terre  , 
3>  que  les  pluies  tombent  abondamment , 
3>  &:  que  Décembre  rappelle  le  (iècle  d'or , 
«  en  ce  que  l'Efclave  né  dans  la  maifon  , 
3*  joue  avec  iow  Maître.  Ce  qui  fait  aîlu- 
3>  fion  aux  Saturnales.  ->->  Décembre  étoit 
repréfente  par  un  Efclave  qui  joue  aux 
dez  ,  &  qui  tient  a  la  main  une  grande 
Torche  ardente.  Les  Fêtes  de  ce  Mois 
font  les  Jannales  5  le  5  ;  les  Équiries  ,  le 
13  ;  les  Confuales  le  15  ^  les  Saturnales 
pendant  cinq  jours,  depuis  le  17  j  les  Di- 


===  M  O  ==  2'o  i 

Vâles ,  le  2 1  ;  les  Larentinales  ou  Lauren- 
tinales  le  23  j  ôc  les  Juvénales ,  le  24. 

MOLOCH, 

Une  des  principales  Divinités  de  l'O- 
rient y  étoic  repréfenté  fous  la  ligure 
monftrueufe  d'un  homme  ôc  d'un  veau. 
On  avoir  ménagé  vers  les  pieds  de  la  Sta- 
tue* plufieurs  fourneaux ,  dans  lefquels  on 
jettoit  des  enfans ,  malheureufes  vidlimes 
d'une  cruelle  fuperftition  j  &  pour  empê- 
cher qu*on  n'entendîr  leurs  cris  ,  les  Prê- 
tres du  Dieu  battoient  du  Tambour.  C'é- 
toit  la  grande  Divinité  des  Ammonites, 
le  Saturne  des  Carthaginois  ,  les  Mithras 
des  Perfes.  Molock  fignifie  Roi.  Les  Hé- 
breux donnèrent  fouvent  dans  le  Culte 
impie  &  barbare  de  cette  Idole. 

Mol  Y. 

UlilTe  étant  prêt  d'entrer  dans  le  Palais 
de  Circéj  Mercure  vint  à  fa  rencontre  fous 
la  ferme  d'un  jeune  homme  ,  lui  apprit 
que  ceux  de  fes  compagnons  qui  étoient 
entrés  dans  ce  Palais  ,  y  étoient  enfermés 
comme  des  Pourceaux  dans  des  érables  , 
&  que  le  même  fort  l'y  attend  s'il  n'y 
prend  garde.  En  même-temps  le  Dieu  lui 
fait  voir  une  Plante  ,  qui  eft  un  excellent 

I  V 


202  =MO==r 

préfervatif  contre  toutes  fortes  d'encîian- 
remens ,  il  l'arrache  de  terre  en  fa  pré- 
fence ,  ôc  lui  en  enfeigne  les  vertus  :  «'  C'é- 
«  toit  5  dit  Homère  ,  une  efpèce  de  Plante 
3>  dont  la  racine  étoit  noire ,  &  la  Fleur 
jj  blanche  comme  du  lait.  Les  Dieux  l'ap- 
5>  pellent  Mofy  :  il  eft  difficile  aux  Mor- 
3>  tels  de  l'arracher  ;  mais  les  Dieux  peu- 
35  vent  toutes  chofes.  5>  Voici  le  Commen- 
taire de  Madame  Dacier  fur  cette  Fable. 
35  Mercure  eft  la  raifon  ou  le  Dieu  des 
3î  Sciences  ,  Se  la  Plante  qu'il  donne  pour 
35  préfervatif  5  c'eft  l'Inftrudtion  ,  la  Sagef- 
ai  fe  :  la  racine  de  cette  Plante  eft  noire , 
35  parceque  les  principes  de  l'inftrudion 
33  font  défagréables  &c  amers....  Mais  fa 
35  Fleur  eft  blanche  &  douce ,  parceque  les 
35  fruits  de  l'inftrudion  font  doux,  agréa- 
55  blés  ^  nourriiïans.  Mercure  donne  cette 
35  plante  ,  parceque  l'iRftrudtion  ne  peut 
55  venir  que  de  Dieu.  Mercure  ne  porte  pas 
»  avec  lui  cette  Plante  ^  mais  il  la  prend 
55  dans  le  lieu  mcme  où  il  eft,  pour  mar- 
35  quer  que  par-tout  où  Dieu  fe  trouve , 
35  on  peut  trouver  l'Inftrudtion  &  la  Sa- 
35  gelTe  5  pourvu  qu'il  veuille  nous  enfei- 
35  gner ,  Se  que  nous  foyons  difpofcs  à  l'é- 
?3  coûter  Se  à  lui  obéir.  >5 


M  O  iM  U  S  5 

Fils  du  Sommeil  &  de  la  Nuit ,  félon 
Héliode  5  paifoit  chez  les  Grecs  de  les  Ro- 
mains, pour  le  Dieu  de  la  Raillerie  3c 
des  bons  mots.  Satyiique  jufqu'à  l'excès, 
il  ne  laiffoit  rien  échapper ,  &  les  Dieux 
mêmes  croient  l'objet  de  fes  plus  fanglan- 
tes  railleries. 

Aîomus  5  par  exemple  ,  trouvoit  à  redire 
que  les  Dieux  ,  en  formant  l'homme  ,  ne 
lui  avoir  pas  fait  une  petite  ouverture  , 
ou  une  petite  porte  à  la  poitrine  y  afin 
qu'on  eut  pu  voir  dans  le  cœur  ce  qu'il 
penfoit.  C'eft  de  cet  manière  de  repren- 
dre les  défauts  d'autrui,  que  Momus  tire 
{on  nom. 

Monarchie. 

C'efi:  le  gouvernement  d'une  feule  peç- 
fonne  :  il  fe  repréfente  par  une  femme 
d'afpect  impofant ,  allife  avec  majefté  fur 
un  trône  ,  ayant  une  cotte  d'armes  ,  une 
couronne  <Sc  un  fcèptre  d'or;  le  Diamant 
qui  brille  fut  fa  poitrine  ,  eft  allufîF  à  la 
fublimiré  des  fenrimens  de  fon  cœur  ;  les 
rayons  dont  fa  tète  eft  entourée  ,  délignent 
le  refpect  que  fon  éclat  infpire.  Sa  Force 
eft  fymbolifée  par  le  Lion  qui  eft  d  {qs 
pieds  j  &  qui  tient  une  Epée. 

Ivj 


20^  =^MO=:S 

MONÉTA, 

Surnom  qu'on  donnoit  a  Junon ,  com- 
me a  la  Dceife  qui  préfidoit  à  la  Monnoie. 
Elle  avoir  un  Temple  à  Rome  fous  ce 
nom  5  dans  lequel  elle  étoit  repréfentée 
avec  les  inflrumens  de  la  Monnoie ,  le 
Marteau  ,  1  Enclume  ,  les  Tenailles  &  le 
Com.  Cicéron  nous  donne  pourtant  une 
autre  origine  à  ce  furnom,  ce  Un  grand 
3i  tremblement  de  terre  étant  arrivé  à  Ro- 
35  me  5  dit-il  ,  on  entendit  du  Temple  de 
35  Junon  une  voix  ,  qui  avertilToit  d'im- 
»  moler ,  en  expiation  y  une  Truye  pleine  , 
»  &  ie-lâ  vint  que  ce  Temple  fut  ap- 
3>  pelle  le  Temple  de  Junon  Avertiiîante. 
35  Et  plus  bas  :  depuis  ravertitlement  que 
35  Junon  Moneta  donna  d'enterrer  une 
3>  Truye  pleine  ,  de  quoi  nous  a-t-elle  ja- 
33  mais  avertis  ?  j> 

Monstres. 

ScYLLA  ,    Carysde  ,    Chimère  y    Griiton , 
Sphinx,  Harpies,  Hydre,  et  Cerbère. 

Scylla  ôc  Carybde  font  deux  écueils 
dangereux  qui  fe  trouvent  dans  la  Mèr  de 
Sicile.  Les  Poètes  en  ont  fait  des  Afonf- 
très  :  Homère  donne  a  celui-ci  douze  grif- 
fes ôc  fix  têtes  s  ayant  des  gueules  armées 


==MO==  2of 

de  trois  rangées  de  dents.  Ovide  lui  change 
la  partie  inférieure  en  Chien.  Virgile, 
que  Ton  a  fuivi  ici ,  parceque  fa  defcrip- 
tion  eil:  la  pkis  graçitufe  à  peindre  ,  lui 
fait  le  Bulle  d'une  Belle  Femme  ,  le  ventre 
d'un  Loup  ,  6c  la  termine  en  queue  de 
Dauphin.  Elle  eft  dans  une  affreufe  ca- 
verne, où  Ton  entend  des  huileinens  Sc 
des  aboyemens  hornb'es  j  elle  tâche  de 
faire  périr  les  Vailîeaux  qui  paiTeiit:  plus 
près  que  de  Carybde,  qui  eft  à^l'autre  côté 
du  détroit. 

J.icîdlt  in  Scyllam  cuplens  vitare  Caribdim, 

Car  ybde. 

Cet  autre  écueil,  aufli  dangereux  que  îe 
précédent,  fe  repréfenre  par  un  h  niirae 
extrêmement  laid  ,  ^yanr  la  bouche  ou- 
verte,  les  mains  <!s  Ls  pieHs  c  nime  îes 
griffes  d'un  Oifeau  de  p  oie.  \  rient  un 
Crochet  de  fèr,  &  précipire  des  N  vires 
dans  les  gouffres  de  la  Mèr  qui  fom  a  fes 
pieds. 

Chimère. 

Elle  avoit  la  rete  &  les  griffes  Aipérieu- 
res  comme  le  Lion  ;  jettoit  des  feux  &  d^^ 
flammes  par  la  gueule  &  par  les  narrines; 
fon  ventre  &  fes  pieds  étoient  femblables 


a06  =.=r:;MO  = 

à  ceux  de  la  Chèvre ,  &  fa  queue  éroiE 
noueufe  &  année  d'un  dard  ,  comme  celle 
de  Dragon.  Selon  la  Fable  ,  Bellcrophon  en 
délivra  la  Licie  qu'elle  défoloit.  Les  Poëces 
ont  établi  cette  fiction  fur  un  Volcan  de 
Licie  5  dont  la  cime  jettoic  beaucoup  de 
feux  3  le  milieu  étoit  peuplé  de  quantité 
de  Lions ,  le  bas  de  la  montagne  éroit 
gras  3  &  fourniiïbit  d'excellens  pâturages. 

HorrcndumJirldenSjJïammifque  armata  Chimœra. 
Yiig.  ^n.  Lib.  YI. 

Griffon. 

Le  Griffon  eft  un  oifeau  de  proie  pref- 
que  femblabîe  à  l'Aigle  *,  mais  les  Anciens 
en  ont  fait  un  Animai  Symbolique  ,  qui 
avoit  les  ailes ,  la  tête  ,  l'eftomac  ,  &  les 
griffes  fupérieures  commie  l'Aigle  \  toute 
la  partie  inférieure  femblabîe  au  Lion  , 
&  ils  en  faifoienr  le  gardien  des  Mines 
d'or  5  &  à^s  Tréfors  cachés. 

Sphinx. 

Selon  laFab^e  ,  ce  Monftre  réfidoit  f^r 
le  Moiu  Citheron  :  Apollon  Tivoit  mis  en 
ce  lieu ,  pour  fe  venger  des  Taébains.  Il 
avoir  la  face  &  la  gorge  d'une  jeune  fille  , 
le  refle  comme  le  Lion ,  &  il  étoit  aîlé. 


=  rvîOr-=        2C7 

Il  propofoit  pour  énigme  ,  quel  étoit 
l'Animal  qui  le  matin  mai'choit  a  quatre 
pieds  5  à  midi  à  deux  ,  ôc  le  foir  à  trois  : 
CEdipe  ayant  deviné  que  c'écoit  l'Homme, 
qui  dans  l'enfance  fe  foutenoit  fur  les 
mains  &  les  pieds ,  dans  l'âge  viril  fur 
deux  pieds  feulement,  ôc  vieux,  à  l'aide 
d'un  bâton.  Le  Monftre  fe  voyant  vaincu 
fe  précipita. 

Harpie  s. 

Elles  ont  la  tète  de  femme  ,  la  face  pâle, 
exténuée  6c  livide  ,  par  la  faim  qui  les 
tourmente  fans  cefTe.  Elles  ont  des  griffes 
ôc  des  ailes  de  Vautour  ,  le  venrre  fale  , 
hideux  ,  ôc  une  queue  de  S  .rpent. 

Voici  la  defcription  qu'en  donne  l'A- 
riofte  à  l'imitation  de  Virgile. 

Eruno  fctte  in  unafchkra ,  e  tutte 
Volto  di  donne  avean  pallide  j  e  finoTtc  , 
Fer  lungafame  attaïuate,  e  afeiutu  ; 
Orrlhll  ia  vederpiu  chç  La  morte  : 
L*alaccie  grandi  avcan  diformi  e  hrutte  , 
Le  man  rapaci ,  e  l'ugne  incurve ,  e  torte. 
Grand  'afeddo  il  ventre,  e  lunga  ccda  , 
Corne  di  ferpe  j  che  faggira  e  fuoda, 

H  YDRE. 

C'eil  un  Monftrueux  Serpent  ou  Dra- 


âo8  ^=MO==3 

gon  5  qui ,  félon  quelques  Auteurs ,  avok 
fept  têtes  5  &  félon  d'autres  cinquante  , 
à  mefure  qu'on  en  coupoit  une ,  il  en  re- 
nailToit  deux.  Hercule  ayant  trouvé  le 
moyen  ,  par  le  fecours  du  feu ,  d'empê- 
cher les  têtes  de  renaître ,  .en  triompha 
dans  le  Marais  de  Lerne  ,  où  ce  Monftre 
vivoit  5  ôc  d'où  il  tire  fon  nom  qui  eft 
grec ,  Ôc  fîgnifie  Eau. 

Dans  le  combat  d'Hercule  contre  Ache- 
loiis ,  décrit  au  Liv.  9  des  Méramorp.  d'O- 
vide 5  Hercule  tient  ce  difcours. 

Tu  con  un  c^po  Sol  qui  meco  Gioftri 
Lidra  ccmo  ne  avea,  né  la  filmai  ; 
E  per  cgnim,  ch'  io  ne  troncai ,  di  cento 
Ne  vidi  najcer  due  diplet*  fpavento. 

Cerbère. 

Cet  horrible  Chien  ,  dont  les  Poètes 
ont  fait  le  Portier  des  Enf  rs ,  a  trois 
gueules  ;  il  aboyé  fans  cefFe.  Séncque  lui 
donne  une  queue  faire  en  Serpent,  fon 
{ifïîement  efl:  affreux ,  &:  Apollodore  dit-, 
que  tous  les  poils  hériffés  qu'il  a  fur  le 
dos  font  autant  de  petits  Serpens  animés» 

Ce/  htTus  hœc  ingens ,  latratu  rcgna  trlfaucl 
Terfcnat,  adverfo  recubans  immanis  in  antro, 
Vîrg.  ^n.  Lib.  VL 


=rMO=  î2cp 

ÉNIGME    XXIIL 

Je  fuis  une  Géane  , 
Qu'Apollon  &  Diane 
Regardent  de  plus  près , 
Que  les  autres  objets , 
Et  contre  cjui  le  Ciel  lance  fouvcnt  fa  foudre , 

Sans  pouvoir  la  réduire  en  poudre. 
Mes  cheveux  hérifles  &  mon  cœur  de  rocîier 
Montrent  bien  que  rien  ne  m'eft  cher, 
Aufïi  voit-on  à  mes  pieds  les  richelTes 
De  Cérès,  de  Napée ,  &  des  autres  Dée/Tes. 
Je  fuis  groiTe ,  il  ell:  vrai  ^  je  ne  m'en  cache  pas  : 
Au  contraire ,  en  cela  confident  mes  appas. 
Mais  les  enfans  qui  viendront  de  ma  couche  , 
Si  vous  les  pouvez  deviner , 
Vous  fçaurez  qui  je  fuis ,  fans  que  j'ouvre  la  bou- 
che, 
Pour  vous  dire  le  nom  que  Ton  me  doit  donner» 

MoRPHÉE, 

Fils  du  Sommeil  &  de  la  Nuit ,  le  pre- 
mier des  fonges  ,  &  le  leul  qui  annonce 
la  Vérité,  étoit ,  dit  Ovide,  le  plus  ha- 
bile de  tous  à  prendre  la  démarche  ,  le 
vifage  ,  l'air  &  le  Ton  de  voix  de  ceux 
qu'il  vouîoit  reprefenrer.  Le  Dieu  dti 
Sommeil  le  chargea  d'aller  de  la  part  de 
Junon  apprendre  à  Alcyone  la  mort  de 
fon  Époux.  Ce  Songe  n'eft  que  pour  les 


hommes  ;   il   a  pour  frères  Phobéto  & 
Phanrafe. 

Mort. 

Les  Anciens  ont  fait  de  la  Mor^  une 
Divinité,  engendrée  par  la  Nuit  feule, 
fans  le  commerce  d'aucun  autre  Dieu.  On 
lui  donnoit  pour  frère  le  Sommeil ,  &c 
avec  raifon,  puisqu'elle  eft  véritablement 
le  grand  Sommeil ,  le  Sommeil  éternel , 
dont  le  Sommeil  des  vivans  n'eft  que  l'I- 
mage. Paufanias  parle  d'une  Statue  de  la 
Nuit,  qui  tenoit  entre  fes  bras  fes  deux 
enfans ,  le  Sommeil  ôc  la  Mon  ;  l'un  noir 
êc  l'autre  blanc  ;  l'un  qui  dort  tout-à-fait, 
ÔC  l'autre  qui  ne  fait  que  femblant  de  dor- 
mir, &  tous  deux  contrefaits. 

On  arcribuoit  toutes  les  Morts  fubites 
à  la  colère  d'Apollon  &  de  Diane  ;  avec 
cette  différence  ,  qu'on  mertoit  fur  le 
compte  du  Dieu  celles  des  hommes ,  de 
fur  le  compte  de  Diane  celles  des  fem- 
mes ;  parcequ'on  croyoit  qu'elles  étoient 
l'effet  des  influences  malignes  du  Soleil 
6c  de  la  Lune. 

La  MoRTj  d'un  coup  fatal ,  toutes  chofes  moiflonne  s 

Et  l'Arrêt  fouverain , 
Qui  veut  que  fa  rigueur  ne  connoifTe  pcrfcnnc , 
Eft;  écrit  fur  l'Airain. 


Ordinairement  on  peint  la  Mort  en 
Squelette,  ayant  des  A'ilc^s  ,  une  Faulx, 
&  un  Horloge  â  fable.  Outre  que  certe 
image  efl:  afFreufe  &  trop  ordinaire  ,  il  efl 
mieux  de  la  repréfenter  fous  la  figure 
d'une  femme  pâle,  avec  un  Bandeau  fur 
\qs  yeux,  deux  grandes  Ailes,  &  une  dra- 
perie noire.  Elle  tient  une  Faulx  &  un 
Crochet  :  ce  dernier  Actribut  eft  tiré  du 
Piophète  Amos  : 

Uncïnum  pomortim  ego  video. 

Et  tous  les  deux  fignifient  que  fon  Em- 
pire s'étend  fur  les  derniers ,  comme  fur 
les  premiers  dts  hommes.  Ce  qui  eft  en- 
core autorifé  par  cette  Sentence  d'Horace, 
Liv.  ly  Od.  4. 

TaMda  Mors  œquo _pu!fat pede  jjauperum  taher^ 

nas  ^ 
Regumque  tunes, 

Lib.  I,Od.  15. 

M'ifia  ffnum  ac  jurenum  denfamur  funera  nul- 

tuTfl 

Sce^'a  caput  Prcfcrp'nafugÎL 

ÉNIGME    XX IF, 

Ainfî  que  de  certains  Oifeaiix , 
Qu'on  appelle  des  Etourneiux , 


212  ==:M0== 

Très-fouvent  nous  allons  par  bandes  : 
Moins  qu'eux  pourtant  nous  fommes  fortunés  5 

Us  fout  libres  j  nous  enchaînés. 
Nous  répondons  à  toutes  les  demandes , 
En  Profe  d'ordinaire ,  &  quelquefois  en  Vers. 
Nous  avons  cours  fur  terre ,  &  même  dans  les  airs* 

On  nous  voit  bien  ;  (i  Ton  fixe  notre  être , 
Le  matériel ,  en  nous  infiniment  divers , 
Sçait  pour  lors  à  vos  yeux  affez  paroûre  : 
Mais  fans  cela ,  les  yeux  les  plus  perçans 
îeroient  des  efforts  impuiffans. 
S'ils  nous  vouloient  connoître. 

ÉNIGME     XXV, 

Xai  la  couleur  d'un  diable ,  œil  de  feu  ,  front  cornu  , 

Pied  griffé  ,  corps  velu. 
Je  trouble  le  Sommeil ,  je  bleffe  la  Penfée , 
Par  moi ,  comme  le  corps ,  l'âme  étant  offenfée. 
Tel  qui  porte  mon  nom ,  vend  maint  &  main  for- 
çat, 

Et  fait  trembler  le  fçélérat. 
Telle  portant  mon  nom  ,  prend  le  nom  d'affafTme  à 
J'afTafHne  par  fois ,  lorfque  je  me  mutine. 

Je  bois  fouvent  en  trahifon , 

Quand  un  fer  ouvre  ma  prifon  : 
Là  je  fais  mal ,  fans  en  avoir  l'envie  3 

Là  cependant  je  perds  la  vie. 

J'habite  par  fois  les  Forêts  , 
Comme  firent  jadis  Philofophes  abflraits  j 


I 


El  la  je  me  conftruis  une  caverne  fombre  , 
Où  méditant  à  l'ombre, 
Je  fais  des  ouvrages  divins , 
Pour  illuminer  les  hum.ains. 

ÉNIGME  xxri. 

J'ai  la  peau  douce ,  mais  fort  noire  j 
Je  fuis  bâtie  aiTez  bizarrement , 
Je  n'ai  de  moi  que  fort  peu  d'agrémeut  : 

Cependant ,  le  pourra-t-on  croire  ? 
Je  ne  fors  pas  plutôt  d'une  fombre  prifon  , 
Que  l'on  voit  conrefter  les  yeux  &  la  raifon , 

Pour  m'établir  de  bonne  grâce  , 
Tantôt  je  fuis  en-haut,  tantôt  je  fuis  en-bas. 

Enfin  après  plufîeurs  débats, 
Sur  un  Trône  de  fleurs ,  on  me  donne  ma  place». 

Mais  fi  je  tombe  par  difgrâce  , 

Ce  qui  m*arrive  alfez  fouvent , 

Autant  en  emporte  le  vent. 

ÉNIGME    XXVÎÎ. 

Je  fuis  de  petite  figure  , 

"Et  de  différente  façon  : 

Je  plais  à  Corine ,  à  Manon , 

Quoique  d'une  couleur  obfcure. 

Je  fuis  mince  de  ma  nature  : 
Mon  rang  me  donne  du  renom  j 
Mais  on  me  fait  porter  le  nom 
D'une  fort  vile  créature. 


314-  r=rMO  = 

Souvent  à  la  Ville ,  a  la  Cour , 
Je  fuis  un  enfant  de  l'Amour , 
J'ai  droit  de  baifer  ma  maître iTc, 

On  m'inventa  pour  Tagrément  ; 
Je  fçais  exciter  la  tendreife , 
Quand  on  me  place"  proprement. 

ÉNIGME.    XXVllL 

Je  fuis  petit  de  ma  nature , 
Et  puis  faire  fouvent  fouffrir  les  plus  puilTans. 
J'annonce  toujours  le  doux  temps  5 
On  me  perd  quand  vient  la  froidure. 
Comme  l'Amour,  je  porte  un  dard. 
Qui  fait  fouvent  mainte  bleiTure. 
Je  fais  trembler  Philis  5  mais  enfin  tôt  ou  tard, 
Un  cruel  ennemi ,  qui  vit  de  brigandages , 
Me  tend  un  piège  :  hélas  !  j'y  trouve  mon  naufrage, 

ÉNIGME     XXIX, 

Ma  figure  eft  aflez  bizarre. 
Un  des  bouts  de  mon  corps  eft  étroit  &  pointu. 

L'autre  eft  double  &  plus  étendu. 
Pour  m'employer ,  il  faut  que  l'on  fépare 

Et  qu'on  rejoigne  deux  anneaux. 
Mon  corps  tient  le  milieu  de  ces  bouts  inégaux  j 
Il  eft  creux ,  échancré  par  devant ,  par  derrière. 

Je  dois  mon  être  à  la  lumière , 
Et  cependant  je  ne  fers  que  la  nuit. 
A  ^ui  veut  s'en  pafier,  bien  fouvent  il  en  cuit; 


==M0=  2i; 

Et  Ce  fervant  (3e  moi ,  fi  l'on  fait  le  contraire 

De  ce  que  l'on  piétendoit  faire, 
Oq  ft  mèc  en  courroux  ,  &.  d'autres  fois  on  rit. 

Celui  qui  commet  cette  faute  » 

En  a  toujours  quelque  dépit. 
Quand  j'ai  fervi ,  mon  corps  en-dedans  fe  noircit , 
Mais  c'cft  une  noirceur  que  fans  peine  l'on  m'ote. 

ÉNIGME      XXX. 

Bien  des  gens  fe  paflent  de  moi  >   ' 

Cependant  je  fuis  néccflaire. 

Ceux  qui  vous  diront  le  contraire, 

Ne  font  pas  gens  de  grand  aloi. 

Je  ne  plais  guère  à  la  Jeuneffe. 
A  la  bien  élever ,  lorfque  l'on  s'intérefTe , 

On  la  reprend  fouvent  à  mon  fujèt. 
Selon  l'occafion,  j'ai  la  gauche,  ou  la  droite. 

C'en  eft  aflez  ,  j'ai  fini  mon  projet , 
Si  vous  me  devinez,  vous  ferez  bien  adroite. 

ÉNIGME    XXXL 

Mon  abfence  embarrafle  affez  toute  perfonnc , 

Qui  de  mon  fecours  a  befoin. 
De  fe  munir  de  moi  chacun  auffi  prend  foin , 
Et  la  précaution  en  eO:  louable  &  bonne  ; 

Qui  la  néglige  ,  s'en  repent , 
Sur -tout  lorfque  fa  main,  dont  mon  emploi  de 
pend , 

Me  cherche  en  vain  où  je  dois  être. 


Zl6  ==.MO=: 

Je  vous  ai  dit  beaucoup  fui  cela ,  devinez. 
Quoique  fur  ce  portrair  vous  me  deviez  connoîtrc , 
Je  veux  bien  ajouter,  qu'employé  par  mon  maî- 
tre, 
Je  prend  le  plus  fin  par  le  nez. 

ÉNIGME    XXXI L 

Je  Tuis  un  Voyageur  d'un  ordre  tout  nouveau. 
Sans  c^u'on  en  voie  en  moi  ni  l'habit  ni  la  mine. 
Au  milieu  des  Voleurs ,  nuit  &c  jour  je  chemine , 
Et  ne  va  jamais  mieux  que  par  le  vent  &  l'eau. 
II  vaut  mieux  vifîter  deux  cents  fois  ma  demeure , 
Que,  pour  chercher  fecours  en  un  befoin  preG- 

fant, 
Perdre  fouvent  fa  peine,  Se  toujours  fon  argent, 
Et  voir  certaines  gens  feulement  un  quart  d'heure. 

ÊNIGMB     XXXlîh 

Je  me  loge  fouvent  auprès  d'un  champ  fertile  j 
Et  mon  ventre  bruyant  ell:  toujours  affamé  : 
Je  n'aime  point  les  bois ,  ni  le  lieu  renfermé , 
Parcequ'en  ces  endroits  je  ferois  inutile. 

J'ai  le  corps  remuant,  une  jambe  immobile", 
Et  porte  fur  le  front  un  fîgne  renommé  : 
D'un  efprit  furieux  mon  corps  eft  animé  s 
Et  mieux  je  fuis  vêtu  ^  plus  je  parois  habile. 

Mon  cours  eft  inégal ,  tantôt  trop  violent , 
Tantôt  je  ûiis  conduit  d'un  efprit  un  peu  lent  ; 

Ne 


I 


=  M0=  217 

Ne  comptez  pas  fur  moi ,  le  caprice  me  guide. 

J'ai  le  pied  dans  la  terre ,  &  j'habite  les  airs  5 
L'efpric  qui  me  conduit ,  excite  les  Hy vers  , 
Et  j'agis  pour  chaiTer  la  faim  du  ventre  avide. 

ÉNIGME     XXXÎV. 

Ne  me  prend  pas  pour  une  bagatelle  j 
Je  fuis  grand ,  mais  pourtant  j'agis  fort  rondement  ; 
Un  Gouverneur  fufped  ,  &  fouvent  infidèle  , 
Règle  mon  mouvement. 

Ma  figure  eft  extravagante  ; 
J'ai  les  bras  plus  longs  cjae  le  corps  : 
Quand  je  m'agite  &  me  tourmente. 
On  feroit  contre  moi  d'inutiles  efforts. 

Pour  m'arrèter  ces  bras ,  l'âme  la  plus  hardie , 
Quand  je  les  fais  agir ,  fe  glaçeroit  d'effroi  ^ 
Et  fî  de  les  faiiir  il  prenoit  qnelqu'envie , 
On  verioit  ce  que  c'eft  que  s'attaquer  à  moû 

ÉNIGME     XXXF. 

On  ne  voit  point  dans  la  Nature 

De  corps  plus  petit  que  le  mien  j 

Et  cependant  je  fais  fi  bien , 
Que  je  fuis  plus  fécond  qu'aucune  créature. 
Maurois  trop  de  fureurs  dans  les  grandes  chaleurs  ; 
L'Hyver  eft  deftiné  pour  m.e  mettre  en  ufagc. 
Tai  l'humeur  fi  piquante,  &  l'efprit  fi  fauvage^ 
Que  plus  on  me  chérit ,  plus  on  verfc  de  pleurs. 

Tome  IIL  K 


2i8  e=MU=s 

Pour  Te  fervir  de  moi ,  qu'on  me  mette  en  pouf^ 

fîère. 
Qu'on  emploie  à  me  battre  &  la  nuit  &  le  jour. 
Je  n'en  ferai  pas  moins  audacieufe  &  fîère  : 
Malheur  aux  gens  qui  me  font  trop  la  cour. 

ÉNIGME    XXXVL 

le  fort  m'afTujettit  à  de  grandes  mifèrcs. 
Quoiqu'il  foit  afluré  que  mes  fœurs  &  mes  frères, 
Non  plus  que  moi ,  n'auront  jamais  d'enfans , 
On  n'en  voit  pas  mes  biens ,  ni  mes  travaux  moint 
grands. 

Porte-faix  mal  payé  des  peines  que  j'endure, 
Efclave  d'un  Tyran  qui  me  frappe  &  qui  jure  « 
Toujours  les  fers  aux  pieds,  toujours  la  corde  atl 
cou. 
Le  plus  fouvent  je  vais  je  ne  fçaU  où. 

Je  n'y  vais  pas  à  l'étourdie  \ 
Serviteur  à  rempreffement , 
Malgré  le  poids  fous  qui  je  plie , 
Je  vais  d'un  pas  égal ,  &  toujours  gravement. 

Dans  les  jours  de  Cérémonie  , 
Je  ne  manque  pas  d'ornemens  : 
Les  plumes ,  l'or ,  la  broderie , 
Entrent  dans  mes  ajuftemens  ; 
Mais  je  compte  pour  rien  le  plus  bel  équipage  > 
La  nudité  me  plairoit  davantage. 


MURCIA, 

Déefle  de  la  Parefle,  qui  avoit,  dit-on, 
un  Temple  à  Rome ,  fur  le  Mont  Aven- 
tin  :  c'écoic  la  Divinité  favorite  du  beau 
Sexe,  au  rapport  de  Plutarque  ;  mais  je 
crois  quil  confond  cette  Divinité  avec 
Vénus ,  furnommée  Munia, 

ÉNIGME    XXXVÎL 

Je  crois  parmi  les  végétaux  ; 
Et  par  une  prudence  extrême. 
Je  choiiîs  les  jours  les  plus  chauds , 
Pour  être  utile  à  ceux  (jue  j'aime. 

J'évite  l'arrière  faifon , 

Le  Printemps  n'a  rien  qui  me  plaife  j 

Je  laifle  paiTer  fans  façon 

Tous  les  frimats  fort  à  leur  aifc, 

J'aifede  de  paroître  tard  ; 
De  bonne  heure  je  me  retire , 
D*autant  qu  à  vous  parler  fans  fard , 
Le  mauvais  temps  fait  mon  martyre. 

D'habiles  &  bons  Ouvriers 
Trouvent  par  moi  leur  nourriture  ; 
Les  Temples  tirent  leur  parure 
Du  travail  qu  ils  foûc  à  milliers, 

Ki| 


2t20  r=MU=« 

Pour  le  luxe  le  plus  ccrange , 
Ils  travaillent  pareillement , 
Se  moquant  de  toure  louange  , 
Et  de  tout  blâme  également. 

Je  produis  des  biens  d^autre  forte , 
Que  l'on  cherche  dts  le  matin  5 
Mais  de  la  main  qui  les  emporte , 
Il  terniflent  le  blanc  fatin. 

Muses. 

Ces  Déeiïes ,  fi  célèbres  chez  les  Poè- 
tes 5  étoient  filles  de  Jupiter  &  de  Mné- 
moflne  ^  dit  Héfiode  y  quand  elles  étoienc 
dans  l'Olympe  ,  elles  chantoient  les  Mer- 
veilles des  Dieux  :  elles  connoifïbient  le 
palfé  5  le  préfenc  Se  l'avenir ,  de  rien  ne 
réjouilToit  tant  la  Cour  Célefte  que  leurs 
voix  &  leurs  concerts.  Il  n'y  eut  d  abord 
que  trois  Mufes ,  au  rapport  de  Paufanias  , 
dont  le  Culte  fut  établi  dans  la  Grèce 
par  les  Aloïdes  ,  qui  les  nommèrent  Mé- 
lété  5  Mnémé  ,  Se  Aœdé  y  c'eft-à-dire  ,  la 
Mémoire ,  la  Méditation  &  le  Chant ,  d'où 
il  eft  aifé  de  juger  qu'en  donnant  ces  noms 
aux  Mufes ,  on  ne  faifoit  que  perfonnifier 
les  trois  chofes  qui  fervent  à  compofer  un 
Pocme.  Hé  (iode  eft  le  premier  qui  aie 
compté  neu£  Mufes. 

Varron  donne  une  raifou  fingulière  de 


^MU--^  221 

ce  nombre  de  neuf.  «  La  Ville  de  Sicyone , 
î>  dit-il ,  donna  ordre  à  trois  Sculpteurs  de 
J5  faire  chacun  trois   Statues   des   Mufes  ^ 
»  pour  les  mettre  au  Temple  d'Apollon , 
35  &  les  offrir  à  ce  Dieu ,  &  cela  dans 
M  le    delTein  de    les  acheter    chez    celui 
^3  des  Sculpteurs  qui  les  auroit  le  mieux 
5>  travaillées.  Mais  s'étant  rencontré  que 
j5  toutes  celles  des  trois  Sculpteurs  étoient 
33  également  belles  ,   la  Ville  \ts  acheta 
«  pour  les  dédier  à  Apollon.  Il  a  plu  d  Hé- 
53  fîode  d'impofer  des  noms  à  chacune  de 
33  ces  Statues.  Ce  n'ed  donc  pas  Jupiter, 
33  continué*  Varron ,  qui  a  engendré  neuf 
33  Miifes  ;  mais  ce  font  trois   Sculpteurs 
«  qui  hs  ont  faites.  Il  ne  faut  pas  dire  qn.e 
3'  cerre  Ville  avoit  ordonné  de  faire  ces 
«  trois  Statues  ,  parceque  quelqu'un  d'en- 
35  rr'eux  les  avoit  vues  en  fonges  ,  ou  par- 
9'  cequ'elles  s'étoient  prcfentées  à  fes  yeux 
55  en  ce  nombre  :  mais  parcequ  il  n'y  a  que 
»  trois  fortes  de  Sons   &  de  manière  de 
»  chanter  \  fç avoir  ^  de  la  Voix    &   fans 
5'  inftrumens  :  du  Souffle  avec  des  trom- 
»3  pettes  &  des  flûtes  :  &  de  la  Pulfition 
"  avec  des  guittares ,  des  tymbales  &  d'au- 
^  très  inftrumens  femblables.  »> 

Diodore  donne  encore  aux  Mufes  une 
autre  origine.  Ofiris  ,  dit-il  ,  aimoit  la 
]o\q  5  Ôl  prenoir  plaifir  au  Chant  &  à  la 

Kiij 


H22  ==MU== 

Danfe  j  il  avoit  toujours  avec  lui  une 
Troupe  de  Muficiens,  parmi  lefquelles 
ëtoient  Neuf  Filles  indruites  de  tous  les 
Arts  qui  ont  quelques  rapports  à  la  Mu-^ 
fique  y  c'eft  pourquoi  les  Grecs  les  ont  ap- 
pel! ées  les  Neuf  Mufes  :  elles  étoient  con- 
duites par  Apollon ,  frère  du  Roi. 

M.  le  Clerc  croit  que  la  Fable  des  Mu-* 
fes  vient  des  Concerts  que  Jupiter  avoir 
établis  en  Crète ,  de  qui  écoient  compo- 
fcQs  de  Neuf  Chanteufes  :  que  ce  Dieu 
na.  pafTé  pour  le  Père  des  Mufes ,  que 
parcequ'il  eft  le  premier  parmi  les  Grecs 
qui  ait  eu  un  Concert  réglé  ,  ôc  qu'on  leur 
a  donné  Mnémofine  pour  mère  ,  parceque 
c'eft  la  Mémoire  qui  fournit  la  matière 
des  Vers  ôc  des  Pocnies, 

L'Opinion  commune  eft  donc  qu'il  y  a 
Neuf  Mi/fes  qu'Héfiode  a  nommées  eu.  cet 
ordre  :  Clio  ,  Eucerpo  ,  Thalie  ,  Melpo- 
mène  ,  Terpficore  ,  Erato  ,  Polymnie  > 
Uranie  &  Calliope  ,  la  plus  fçavante 
d'entr'elles.  <«  On  les  fait  préfider  ,  dit  en- 
»  cote  Diodore  ,  chacune  en  particulier  a 
»>  différens  Arts  j  comme  à  la  Mu(ique  , 
»  à  la  Pocfie ,  à  la  Danfe  ,  aux  Chœurs , 
rt  à  lAftrologie  &  à  piufic-urs  autres.  Quel- 
^y  ques-uns  difent  qu  elles  font  Vierges  y 
»  parceque  les  Vertus  de  l'Éducation  font 
»  inakérables.  [  Il  n'y  en  a  prefque  pas 


=  MU=  225 

m  une  à  qui  difFérens  Auteurs  n'ayent  don- 
ii  né  des  enfans  ].  Elles  font  appellées  Mu- 
}ifes ,  d'un  mot  Grec  qui  iîgnifie  Expli^ 
»  quer  les  Myfières  ,  parcequ'elles  ont  en- 
«  feigne  aux  hommes  des  chofes  très-cu- 
»  rieufes  &  très-importantes  ;  mais  qui 
»  font  hors  de  la  portée  des  ignorans.  On 
j>  dit  que  chacun  de  leurs  Noms  propres 
w  renferme  une  Allégorie  particulière. 
»  Clio  y  par  exemple  ,  a  été  ainfi  appelice  , 
5)  parceque  ceux  qui  font  loués  dans  les 
»  Vers  ,  acquièrent  une  gloire  immor- 
w  telle  :  Euterpc  ,  a  caufe  du  plaifir  que 
»  la  Pocfie  fçavanre  procure  à  ceux  qui 
5»  recourent  ;  Thalie  ,  pour  dire  qu'elle 
»  fleurira  à  jamais  :  Mclpomene  ^  peu"  fi* 
w  gnifi:r  que  la  Mélodie  s'iniinuc  iufv^-ues 
9»  dans  le  fond  de  i'ame  des  Auditeurs  : 
>>  Tcrpjicore  ,  pour  marquer  le  plaifir  que 
»  ceux  qui  ont  appris  les  Beaux  Arrs  re- 
»  tirent  de  leurs  émles  :  Erato  femble 
>ï  indiquer  que  les  gens  fçavans  s'atnrent 
j>  l'eftime  &  l'amirié  de  tout  le  monde  : 
»>  Polymnie  avertit  par  fon  nom  que  plu- 
j>  (leurs  Poctes  font  devenus  illuHres ,  par 
»  le  grand  nombre  d'Hymnes  qu'ils  ont 
>î  confacrés  aux  Dieux.  On  fe  fouvisnt , 
35  en  nommant  Uranie ,  que  ceux  qu'elle 
55  inftruit  élèvent  leurs  contemplations  <?c 
»  leur  gloire  même  jurqu'au  Ciel.  Enna 

K  iv 


2  24  *=  M  U  ==» 

r>  la  belle  voix  de  Calliope  lui  a  fait  don- 
î)  ner  ce  nom  ,  pour  nous  apprendre  que 
33  l'Éloquence  charme  l'efprit ,  &  entraîne 
»  l'approbation  des  Auditeurs.  5? 

Les  Mufes  furent  non -feulement  fur- 
nommées  Déeifes ,  mais  elles  jouirent 
encore  de  tous  les  Honneurs  de  la  Divi- 
Jiité  :  on  leur  offroit  des  Sacrifices  en  plu- 
iieurs  endroits  de  la  Grèce  &  de  la  Ma- 
cédoine :  dans  l'Académie  d'Athènes  elles 
avoient  un  Aurel  ,  fur  lequel  on  facrifioit 
fouvent.  Le  Mont  Hélicon  ,  dans  la  Béo- 
tie  ,  'leur  étoit  confacré  ,  &  les  Thefpiens 
y  célébroient  chaque  année  une  Fête  en 
l'honneur  à^s  Mufcs  ,  dans  laquelle  il  y 
avoir  des  prix  pour  les  Muficiens.  Rome 
avoir  aufîi  deux  Temples  des  Mufes  dans 
îa  première  région  de  la  Ville  ,  &c  un  an- 
tre des  Camènes  dans  la  même  région. 
Mais  perfonne  ne  les  a  tant  honorées  que 
les  Poètes ,  qui  ne  manquent  jamais  de 
les  invoquer  au  commencement  de  leurs 
Poëmes  ,  comme  des  DéelTes  capables  de 
leur  infpirer  cet  enthoufiafme  ,  qui  eft  û 
elTentiel  à  leur  Art. 

Clio. 

Les  Mufes  ,  filles  de  Jupiter  ,  &  de  la 
Mémoire  ,  font  neuf,  &  elles  habitent 
avec  Apollon  fur  le  Mont  Parnafle» 


_  =  MU==.  22$' 

Clio  y  qui  eft  la  première  ,  préiide  â 
l'Hiftoire ,  (on  nom  iignifie  Louer.  Elle 
eft  couronnée  de  Laurier ,  vemë  fîmple- 
ment  d'une  robe  blanche ,  tient  une  Trom- 
pette ,  &c  un  Livre  appuyé  fur  une  pierre  ^ 
lur  laquelle  eft  gravé  ce  Vers  de  Virgile  ; 

Clio  gejia  canens  tranfciBii  umrpora  reddit, 
EUTERPE. 

Le  nom  de  cette  féconde  Mufe  iignifie 
Joie  ou  Plaifii  ,  nom  qui  eft  allufif  à  la 
douceur  perfualîve  de  TÉrudition.  Elle 
préfide  a  la  Mufique  3  on  la  repréfente  vê- 
tue galamment  5  couronnée  de  fleurs  ,  & 
tenant  une  Flûte.  Près  d'elle  font  d'autres 
inftrumens  à  vent ,  &  àQs  papiers  de  mu- 
fique pofés  fur  une  pierre  ,  fur  laquelle 
eft  gravé  ce  Vers  de  Virgile  ,  Opufc,  de 
Mujis, 

Vulclloquls  calamos  Euterpe  Jiatîhus  urges, 

Thalie. 

Cette  troifième  Mufe  préiide  à  la  Co- 
médie 5  &  à  la  Pocfie  Lyrique.  On  la  re- 
préfente le  vifage  riant ,  couronnée  de 
Lierre ,  tenant  un  Mafque  6c  une  Plume  , 
6c  chauffée  en  brodequins.  On  lui  donrie 
ce  Vers  de  Virgile ,  Opujc.  ds  Muf. 

Ci^mlca  tcfdvo  gaud^it fermons  Thalia, 


Melpomène. 

Celle-ci  préfîde  à  la  Tragédie,  ainfî 
que  l'explique  ce  Vers  ; 

Mc'pomene  trag'co proclamât  mœfia  hoatu» 

On  la  peint  d'afped  impofant ,  vêtue  à 
l'Héroïque  ,  Se  tenant  un  fcèptre  &  un 
poignard  5  elle  a  près  d'elle  difFérentes  for- 
tes de  Couronnes.  Efchile  fut  le  premier 
qui  lui  donna  le  Cothurne ,  félon  Horace , 
J[ri.  Poët, 

Tojî  hune ,  perfonœ  ,  pallœque  pepertcr   ho-* 

nejiœ 
Mfchï  'us  j  &  modieis  Inftravît  pulptta  tignis  : 
£t  docixlt  magnumque  loqui ,  nitique  cothurne» 

POLYMNIE. 

Cette  cinquième  préfide  a  la  Réthorl- 
que  j  on  la  repréfente  vêtue  de  b'anc  ,  3c 
en  adicn  de  haranguer.  Les  perles  &  au- 
tres bijoux  qui  ornent  fa  coëffure  ,  font 
alîufîves  à  la  RichefTe  de  l'Érudition  des 
Orateurs ,  &  a  l'abondance  de  Mémoire 
qui  leur  convient  ;  le  nom  de  cette  Mufe 
étant  compofé  de  deux  mots  Grecs  qui 
fignifient  Beaucoup  de  Mémoire  ,  qui  efl 
la  qualité  nécelTaire  à  l'Orateur.  Elle  tient 
un  Livre  ouvert  ou  eft  écrit  Suad^re  ;  on 


C:=-MU-^=  227 

lui   donne   pour   infcription  ce  V'ers  de 
Virgile  : 

Signât  cunBa  manu,  loquitur  Polymnlz  gejiu, 

Erato. 

Le  nom  cîe  cette  fîxième  Mufe  (îgnifie 
Amour ,  elle  préfide  a  la  Poche  rendre, 
Ovide  5  dans  fon  Liv.  z.  de  l'Art  d'ai- 
mer ,  dit  : 

Nunc  Erato  ,  nam  tu  nom^n  amoris  hahes. 

Elle  a  une  draperie  légère  ,  Se  une  cou- 
ronne de  Mirre  &  de  Rofes  ;  elle  joue 
de  la  Lvre  ,  &  un  Amour  eft  attentif  à 
l'écouter- 

TkBra  gérons  Erato  faltat peie ,  carmins ,  vultu^ 

Terpsicore» 

Elle  préfide  a  la  Danfe.  On  l'habille 
légèrement  d>c  galamment ,  fa  cocfFure  eft 
une  toque  ornée  de  plumes  de  diverfes 
couleurs  -,  elle  eft  en  action  de  danfer  , 
tenant  une  guittare  fur  l'autorité  de  ce 
Vers  d'Aufone  : 

Tcrpfichore  affeSius  cytharls  mofet ,  imperat ,. 
auget, 

Ur  ANIE. 

Le  nom  4e  cette  Mufe  lîgnihe  Ciel ^ 


228  r=MU=r 

elle  préfide  à  l'Aflronomie  ,  ainli  on  la  re- 
préfente  dans  une  attitude  de  Contempla- 
tion 5  ayant  une  couronne  d'Étoiles ,  Ôc 
s'appuyânt  fur  un  Globe  ,  fa  robe  eft  d'a- 
zur parfemée  d'Étoiles.  Virgile  dit  : 

Uranie  Cœli  motus  fa utantur ,  &  Ajha, 

Calliope, 

Cette  neuvième  Mufe ,  que  le  Poëte 
Héfîode  place  la  première  entre  fes  Sœurs  y 
ôc  qu'Homère  nomme  Dcam  Clamantem  , 
préfïde  a  la  Pocfie  Héroïque.  Elle  eft  cou- 
ronnée de  Laurier,  tient  une  Trompette, 
&  s'appuie  fur  l'Iliade ,  l'Odiflee  ôc  l'É- 
néïde.  Virgile  dit  : 

Carmîna  Calliope  lihrls  hcroïca  mandata 
Musique. 

Je  cKaife  îa  Mélancolie, 
Et  calme  la  douleur  des  maux  les  plus  aîgus  , 
Les  doux  effets  de  l'Harmonie 
Approchent  de  ceux  de  Bacchus. 

On  repréfente  la  Mujique  en  adîon  d  e- 
crire  fur  un  papier  réglé ,  lequel  eft  pofé 
fur  wnQ  enclume.  Cet  Attribut  fignifie 
qu'Aviane  s'eft  fervi  des  fons  différens  que 
TEnclume  rend  lorfqu  elle  eft  frappée  ^n 


divers  endroits  ,  pour  en  tirer  les  différens 
tons  de  la  Mujiquc.  Sa  couronne  efl  enri- 
chie de  fept  di amans ,  lefquels  font  allufifs 
aux  fept  tons  de  la  Mulîque.  La  Lire  &  les 
Balances  qui  font  à  fes  pieds  ,  fignifienc 
que  THarmonie  doit  être  jufte  dans  iç^% 
proportions. 

La  Mujique  fe  divife  en  Théorie  ,  qui 
recherche  la  propriété  des  fons ,  &;  le  rap- 
port qu'ils  ont  entr'eux  \  de  en  Pratique , 
qui  enfeigne  la  compofition  des  Chants  > 
&  la  manière  de  les  exécuter. 

ÉNIGME     XXXVIIL 

Je  fuis  vieille  &  pleine  d'appas , 

Et  quoique  noire ,  je  fuis  belle. 
Tel  qui  me  pourroit  voir  où  Ton  piaifir  l'appelle  , 

Pour  cela  ne  me  connoît  pas. 
Je  fuis  quinteufe ,  6c  m'en  fais  un  honneur. 
On  me  voit  dans  la  règle  obferver  le  filence  j 
Je  l'împofe  aux  humains ,  &  fais  du  bruit  en  France  : 
Je  fais  voir  en  mes  traits  des  figncs  de  valeur  j 
Je  ilîis  peu  fans  l'Amour ^  l'Arnour  eft  peu  fans  mol- 
Mais  pour  le  déclarer ,  il  faut  bien  des  mefures. 
Mes  foupirs  font  difcrèts ,  mes  paroles  font  pures  ^ 
Enfin  de  point  en  point  je  fuis  du  goût  du  Roi. 

MyRT£. 

ArbriiTeau  odorant  6c  toujours  verd>  iî 


230  ^==MY  = 

étoit  confacré  à  Vénus,  parcequlî  lui  avoit 
été  un  jour  d'un  grand  fecours.  La  DéefTe 
étant  fur  le  bord  de  la  Mer  ,  dit  Ovide  , 
occupée  à  fécher  fes  beaux  cheveux  qu'elle 
avoic  mouillés  dans  le  bain ,  apperçut  de 
loin  des  Satyres ,  troupe  pétulante  &c  qui 
ne  refpede  perfonne  ;  aufli-tôt  elle  alla  fe 
cacher  fous  des  Myrtes  touffus  ,  qui  la  dé- 
robèrent parfaitement  à  tous  les  yeux.  En 
mémoire  de  cet  événement  elle  affedion- 
na  cet  ArbrifTeau  ,  &  voulut  que  les 
Dames  ^  dans  le  bain  ,  fuffent  couronnées 
de  Myrte, 

Mysies. 

Fêtes  en  l'honneur  de  Cérès  ,  qui  fe  ce- 
lébroient  durant  trois  jours  \  au  tioifième 
les  femmes  chalToient  du  Temple  de  la 
Déeiïe  les  hommes  &  les  chiens  ,  &  s  y 
renfermoient  pendant  la  journée  avec  les^ 
chiennes. 

Mythologie, 

Ceft  le  nom  que  Ton  a  donné  à  la  Théo- 
logie des  Païens  ,  par  laquelle  on  connoîc 
les  fuperftitions  6c  les  Divinités  de  la  Fa* 
ble.  On  la  perfonnifie  par  une  femme  vê* 
tue  moitié  à  l'Égyptienne  &  moitié  à  la 
Grecque.  Elle  déploie  un  papier ,  fur  le- 
4uel  eft  tracé  une  efpèce  d'Arbre  généa- 


logique  des  Dieux  du  Paganifme  ,  ils  y 
font  indiqués  par  leurs  noms  placés  par 
ordre ,  ou  par  les  Attributs  que  la  Science 
Mythologique  leur  donne  pour  les  carac- 
tériier  ^  ainfi  la  Faux  ,  le  Foudre  ,  le  Tri- 
dent ,  le  Caducée  ,  &cc.  défignent  Satur- 
ne ,  Jupiter  ,  Neptune  ,  Mercure  ,  &  ainli 
des  autres  Dieux  ;  de  même  que  le  Lion , 
les  Colombes  ,  le  Paon  ,  l'Égide  ,  dcc.  ca- 
raclérifent  Cybèle  ,  Vénus ,  Junon  ,  Mi- 
nerve 5  ôc  ainfi  des  autres  DéefTes. 

Mythos,  ou  LA  Fable. 

Dans  rApothéo£e  d'Homère ,  la  Fa6/c 
eft  perfonnifiée  en  un  jeune  garçon  qui 
alTifte  à  un  facrifice  en  qualité  de  Camille , 
tenant  d'une  main  une  Préféricule ,  &  de 
l'autre  une  Patène. 


N. 


Lettre  confonne  liquide  ;  la  treizième 
de  l'Alphabet. 

C'ctoit  chez  les  Anciens  une  Lettre  Nu- 
mérale qui  fignifioit  neuf  cents  y  fuivant 
ce  Vers  de  Baronius  ; 

N,quoque  nonglntos  numéro  demonftrathabendosi 

Et  quand  on  mettoit  une  ligne  au-def- 
fus  5  N  iîgnifioit  quatre-vingt-dix  mille» 


2^2  t==NA== 

ÉNIGME    XXXIX. 

Je  fuis  dans  le  milieu  du  monde , 
J'ai  quatre  pieds  u<ms  un  tvonneau  5 
Je  ne  fuis  point  en  terre ,  encore  moins  dans  l'eau, 
El  cependant  je  fuis  dans  Tonde. 

Je  dis  fort  fouvent  non ,  &  ne  dis  jamais  oiii  : 
Je  fuis  en  même  temps  la  tête  d'une  anguille , 
Et  la  queue  au  {erpent  5 

Jamais  pourtant  je  ne  frétille  : 

Or  devinez  mon  fort  plaifant. 

N^NIA, 

Déeiïe  des  Funérailles  ,  qui  étoit  par^ 
tîculièrement  honorée  aux  Funérailles  des 
Vieillards.  On  ne  commençoit  à  l'invo- 
quer que  lorfque  le  malade  enrroit  en 
agonie.  Elle  avoir  un  petit  Temple  hors 
des  murs  de  Rome»  On  appelloir  ainfî 
Nc^nia  ou  Nceniœ ,  les  Chanfons  de  deuil , 
les  Airs  lugubres  qu'on  jouoit  dans  la 
Pompe  des  Funérailles.  Ces  Chanfons ,  où 
Ton  exprimoit  la  douleur  des  perfonnes 
vivantes  ,  à  la  mort  de  leurs  proches  y 
étoient  ordinairement  pleines  de  niaife- 
ries  &■  de  bagatelles  i  c'effc  ce  qui  a  fait 
que  Nœnia  eft  fouvent  pris  pour  bagatelle 
dans  les  Auteurs. 


Naïade  s. 

C'étoient  les  Nymphes  qui  préfidoient 
aux  Fontaines  &  aux  Rivières  :  on  les 
peint  alTcz  ordinairement  verfant  l'eaa 
d'un  pot ,  ou  tenant  une  coquille  à  la 
main.  On  leur  oifioit  des  Sacrifices  :  c'é- 
toient quelquefois  des  Chèvres  &c  des 
Agneaux  qu'on  leur  immoloit ,  avec  des 
Libations  de  vin  ,  de  miel  ôc  d'huile  j  plus 
fouvent  on  fe  contentoit  de  leur  préiencer 
du  lait,  des  fruits  &  des  fleurs  Mais  ce 
n'étoient  que  des  Divinités  Champêtres, 
donc  le  Culte  ne  s'étendoit  pas  jufqu'aux 
Villes. 

Non  nus  dit  que  les  Naïades  étoient 
mcres  d^s  Satyres.  Priape  avoit  auili  une 
Naïade  pour  mère. 

NapÉes, 

Nymphes  qui  préfidoient  aux  Forets  & 
aux  Collines.  VofTuis  croit  qu'elles  étoient 
les  Nymphes  des  Vallées  feulement ,  par- 
cequ'il  tire  leur  nom  d'un  mot  grec  qui 
fîgnifie  Lieu  Humide  ;  tels  que  font  les 
Vallées.  On  leur  rendoit  à-peu-près  le 
même  Culce  qu'aux  Naïades. 

Narcis  s  e. 

Jeune   homme  d'une  grande   beauté , 


254  ==NA==5 

étoit  fils  du  Fleuve  Céphife  &  de  la  Nym- 
phe Liriope  ;  c'eft-à-dire  ,  de  quelque  ha- 
bitant des  environs  de  ce  Fleuve  qui  eft 
en  Béotie.  II  fe  miroit  fans  cefTe  dans  une 
Fontaine  ,  &  ne  comprenant  pas  que  ce 
qu'il  voyoit  n'étoic  autre  chofe  que  {on 
ombre  ,  devenu  amoureux  de  fa  propre 
perfonne  fans  le  fçavoir ,  il  fe  laiila  con- 
fumer  d'amour  &  de  delirs  fur  le  bord  de 
cette  Fontaine.  Comme  il  n'avoit  marqué 
que  du  mépris  pour  toutes  les  femmes 
qui  avoient  conçu  de  la  tendrelfe  poitr 
lui ,  on  dit  que  c'étoit  l'Amour  lui-même 
qui  s'étoit  vengé  de  fon  indifférence  ,  en 
le  rendant  amoureux  de  lui-même.  Cette 
Folie  l'accompagna ,  dit  la  Fable ,  jufqucs 
dans  les  Enfers ,  où  il  fe  regarde  encore 
dans  les  eaux  du  Styx.  P.iufanias  ajoute 
au  récit  de  îa  Fable  :  ««  C'eft  un  conte  qui 
»  me  paroît  peu  vraifemblable.  Quelle 
M  apparence  qu'un  homme  foit  affez  privé 
jj  de  fens  pour  être  épris  de  lui-même  y 
j>  comme  on  l'eft  d'un  autre ,  &  qu'il  ne 
»  fçache  pas  diflinguer  l'ombre  d'avec  le 
»  corps  ?  Au(îi  y  a-t-il  une  autre  tradition , 
»  moins  connue  a  la  vérité  ,  mais  qui  a 
»  pourtant  {es  Partifans  &  fes  Auteurs. 
»  On  dit  que  Narcijfe  avoit  une  fœur  ju- 
^î  melle  qui  lui  reifembloit  parfaitement, 
»  c'étoit  même  air  de  vifage  ,  même  che- 


»  velure ,  fouvent  même  ils  s'habilloient 
9>  l'un  comme  l'autre,  Ôc  chafToient  en- 
9)  femble.  NarciJ/e  devint  amoureux  de  fa 
»  fœur  j  mais  il  eut  le  malheur  de  la  per- 
»  dre.  Après  cette  afïliâ:ion  ,  livré  à  la 
55  Mélancolie ,  il  venoit  fur  le  bord  d'une 
5)  Fontaine  ,  dont  l'eau  étoit  comme  un 
»  miroir ,  où  il  prenoit  plai/îr  à  fe  con- 
»  templer ,  non  qu'il  ne  fçut  bien  que  c'é- 
î5  toit  fon  ombre  qu'il  voyoit,  mais  en  la 
w  voyant ,  il  croyoit  voir  fa  Sœur ,  &c  c'é- 
5>  toit  une  confolation  pour  lui....  Quant 
5)  à  ces  fleurs  qu'on  appelle  Narcljfes ,  el- 
*j  les  font  plus  anciennes  que  cette  aven- 
5>  tare  :  car  long-temps  avant  que  Narcijfe 
u  le  Thefpien  fut  né  ,  la  fille  de  Cérès 
•0  cueilloit  des  fleurs  dans  une  prairie  lorf- 
9)  qu'elle  fut  enlevée  par  Pluton  ,  &  ces 
>5  fleurs  qu'elle  cueilloit,  &  dontPiuton  ie 
»  fervit  pour  la  tromper,  c'étoient,  félon 
j)  Pamphus ,  Aqs  Narcifles  &  non  des  Vie* 
f>  letces.  »  Ovide  dit  que  Narcijfe  fut 
changé  en  cette  Fleur  qui  porte  fon  nom. 
Peut-être  ce  jeune  homme  a-t-il  été  ap- 
pelle NarciJJe ,  pour  marquer  que  fa  paf- 
fion  lui  avoit  oté  tout  fentiment  ,  l'avoir 
entièrement  delîeché  &:  fait  mourir. 

Narcî  s  s  e. 

Fleur  chéae  des  Divinités  Infernales. 


-25^  t=:^NA=^ 

On  offroît  aux  Furies  des  Couronnes  ôc 
des  Guirlandes  de  Narciffe^  parceque  fé- 
lon le  Commentateur  d  Homère  ,  les  Fu- 
ries engourdidbient  ïqs  fçélérats  ,  félon 
TEtymologie  du  mot  de  NarciJJe. 

N  A  s  c  I  G  N , 


I 


DéefTe  qui  préfidoit  à  la  naiflance  des 
Enfans  :  on  l'invoquoit  au  moment  qu'ils 
voyoient  le  jour.  Les  femmes  dans  leurs 
couches  avoient  aulli  recours  à  elle. 

Nature. 

Chez  les  Pôëtes  ,  la  Nature  eil  tantôt 
mère  ,  tantôt  fille  ,  &  tantôt  compagne  de 
Jupiter.  La  Nature  éroit  perfonnifiée  par 
\qs  Symboles  d'Éphèfe.  Les  anciens  Phi* 
lofophes  croyoient  que  la  Nature  étoit  le 
Dieu  de  l'Univers  ,  ou  l'aifembla^e  de  tous 
les  Etres. 

La  Nature  étant  l'aflemblage  &  la  per- 
pétuation de  tous  les  êtres  créés  ;  elle  fe 
repréfente  par  une  jeune  femme  ,  dont  la 
partie  inférieure  eft  prife  dans  L:ne  gaine, 
qui  eft  ornée  de  différentes  fortes  d'ani- 
maux Terreftres  ,  6c  fur  fes  bras  qui  font 
étendus  ,  font  diverfes  fortes  d'Oi féaux  ; 
elle  a  plufîeurs  Mamelles  pleines  de  lait. 
Sa  tête  couverte  d'un  voile ,  iignifie ,  fe- 


s==:NA=a  557 

îon  rOpinion  des  Égyptiens ,  que  les  plus 
parfairs  fecrèts  de  la  Stature  font  réfervés 
au  Créateur. 

De  cent  êtres  divers  les  formes  différentes 
Sont  comme  autant  d'habits  dont  je  change  tou- 
jours. 
La  madère  eft  toujours  confiante  ; 
Mais  la  forme  périt ,  quand  elle  a  fait  Ton  cours. 

La  Nature  eft  auflî  repréfentée  fous  la 
figure  d'une  femme  nue  ,  félon  le  Prin- 
cipe d'Ariftote  ,  qui  la  divife  en  adif  & 
en  paffif;  dont  l'un  s'appelle  Forme,  bc 
l'autre  Matière.  L'Adif  eft  exprimé  par 
les  Mam.elles  de  cette  femme  qui  font 
pleines  de  lait ,  ce  qui  fait  former  la  Ma- 
dère \  le  PaiHf  fe  repréfente  par  le  Vau- 
tour qu'elle  tient  fur  fa  main  droite ,  Oi- 
feau  fort  glouton  ,  étant  certain  que  par 
la  Matière  qui  fe  meut  &  s'altère  ,  font 
détruites  peu-à-peu  toutes  les  chofes  corr 
cuptibles. 

Nature  et  Nourriture. 

Ne  te  promets  pas  tant  des  foins  de  la  Nature, 
[i  faut  que  ton  travail  accompagne  le  flen. 
Le  Champ  le  plus  fertile  a  befoin  de  Culture  j 
Et  fi  le  Laboureur  ne  renfemence  bien  y 
Il  ne  recueille  rien» 


Cet  Emblème  nous  repréfente  trois  fi- 
gures. La  première ,  c*eft  Mère  Naturt 
qui  vient  repréfenter  avec  une  pudeur  ex- 
trême ,  fa  foibleiîe  à  la  Sageue ,  en  lui 
montrant  qu  elle  eft  à  demi-nuë  :  elle  re- 
çoit une  réponfe  favorable ,  &  parle,  à  la 
DéefTe  des  Arts  &  des  Sciences.  Elles  rat 
furent  cette  infortunée ,  lui  échauffent  le 
cœur ,  lui  infpirent  la  force ,  lui  appren- 
nent rUfage  des  Armes ,  &,  lui  promet- 
tent de  ne  la  point  abandonner  qu'elle 
n'ait  vaincu  fes  ennemis.  C  eft  ainfi  que 
la  Nature  commence,  &  la  Nourriture 
achève. 

Nature  règle  nos  désirs» 

Les  Loîx  qui  règlent  nos  plaifirs  , 
Ne  font  point  des  Loix  inhumaines  : 
La  Nature  &  le  Ciel  ne  bornent  nos  defirs  , 
Qu  afin  de  terminer  nos  peines. 

Cette  figure  repréfente  une  Bonne: 
Mère ,  qui  donne  à  ^es  enfans  chacun  fui- 
vant  fes  defîrs  j  elle  eft  la  Lieutenante  de 
la  Providence ,  qui  a  tout  fait  avec  Poid  , 
Nombre  &  Mefure.  Elle  a  gravé  dans  le 
cœur  une  Loi  fecrete  Se  une  Règle  ca- 
chée ,  avec  lefquelles  il  lui  eft  impofîîble 
de  faillir  ;  à  moins  que  la  Corruption  des 
mœurs  n'y  vienne  faire  du  dégât. 


.=  NA==.  'i30 

Navigation, 

Elle  eft  appuyée  fur  un  Timon  de  Na- 
vire ,  tient  une  grande  Voile ,  dont  une 
partie  flotte  au  gré  des  vents.  Elle  confî- 
dère  un  Milan  qui  vole  au-delTus  d'un 
Vailïeau  qui  vogue  à  pleine  voile  fur  U 
mèr. 

Selon  Pline ,  c*eft  par  lobfervation  des 
divers  mouvemens  de  la  queue  de  cet  Oi- 
feau  ,  que  les  Anciens  tentèrent  de  diriger 
le  Timon  des  VaifTeaux ,  ce  qui  ayant 
réu(îî ,  ils  ont  fait  du  Milan  le  Hiérogly- 
phe de  la  Navigation  :  ainii  que  le  die 
Pier.  Valérien  en  fon  lieuj  page  i^o, 
Êdit.  de  15^8. 

Navire, 

Ordre  d*une  Chevalerie ,  appelle  autre- 
ment VOrdre  d^Outremhr  ^  ou  du  Double 
Croijfant ;  qui ,  (î  Ion  en  veut  croire  Fa^ 
\  vin  ,  Auteur  du  Théâtre  d'Honneur  &  de 
.  Chevalerie,  fut  inftitué  en  11(39,  parle 
;  Roi  S.  Louis  y  pour  encourager  les  Sei- 
,  gneurs  de  France ,  par  cette  marque  d'hon- 
î  neur ,  à  faire  le  Voyage  d'Outremer. 

Le  Collier  de  cet  Ordre  étoit  entrelace 

e  de  Coquilles   &   de  doubles   Croiflans^ 

;5  avec  un  Navire  qui  pendoit  au  bout.  Le 

Navire  dc  les  Coquilles  repréfentoient  le 


^40  «==  N  A  == 

voyage  par  mer;  &  les  Croiflans  mon- 
troient  que  cette  entreprife  étoit  pour 
combattre  les  Infidèles ,  qui  portent  pour 
Armes  le  CroifTant.  Voilà  ce  que  dit  Fa- 
vin  ;  mais  d'autres  Écrivains  affurent  que 
S.  Louis  n  a  inltitué  aucun  Ordre  de  Che- 
valerie. 

ÉNIGME    XL. 

Ce  qui  me  donne  la  naiiTancc , 
Habite  Vallons  &  Coteaux. 
J*ai  des  frères  en  abondance , 
Mais  la  plupart  en  grandeur  inégaux. 
Nul  travail  n'eft  égal  au  nôtre. 
Nous  courons  dans  tout  l'Univers  ; 
Et  jamais  on  ne  vit ,  par  voyages  divers  , 
Des  frères  fi  fouvent  éloignés  l'un  de  Tautre, 
Nous  fommes  quelquefois  au  milieu  des  combats  > 
'Attaqués ,  défendus  par  de  vaillans  Soldats  j 
Mais  de  leurs  plus  grands  coups  nous  bravons  la 
furie. 
Nous  n'avons  que  deux  ennemis  ; 
A  chacun  d'eux  nous  fommes  tous  foumis  : 
Quand  l'un  a  le  defliis ,  ce  n'eft  point  raillerie , 
II  ne  faut  plus  nous  fecourir , 
Il  faut  périr. 

Nausicaa, 

;,  Fille  d'Alcinoiis,  Roi  des  Phéaçîens, 
étoit ,  dit  Homère ,  parfaitement  fembl 

bl 


=  NA 


/-l 


ble  aux  DéeiTes  5  de  par  les  qualités  de 
i'efprit  ôc  par  celles  du  corps.  Minerve 
lui  infpira  pendant  la  nuit ,  d  aller  le  len- 
demain matin  à  la  rivière  avec  Tes  fem- 
mes 5  pour  y  laver  (es  robes  ôc  fes  habits. 
UlylTe  qui  venoit  d'échapper  feul  à  un. 
naufrage  ,  ayant  pris  terre  dans  Tlfle  des 
Phéaciens  ,  s'étoit  couché  fur  le  bord  du 
Pleuve  5  3c  accablé  de  lailitude  ,  il  s'y  étoit 
endormi.  Au  bruit  que  firent  les  femmes 
de  Naujîcaa ,  il  fe  réveilla  ;  mais  il  éroic 
tout  nud  &  Il  défiguré  par  l'écume  de  la 
mèr  ,  que  les  Compagnes  de  la  Princefle 
en  furent  épouvantées  &  prirent  la  fuite. 
Pour  Naujicaa  ,  ralTurée  par  Minerve  , 
elle  l'attendit  fans  s'ébranler.  Ulyife  lui 
adrelTe  la  parole  de  loin  ,  lui  demande  des 
habits  pour  fe  couvrir  ,  &  la  prie  de  lui 
enfeigner  le  chemin  de  la  Ville.  Naujicaa 
rappelle  fes  femmes  ,  envoie  dQS  habits  à 
tJJylTe,  &  le  conduit  elle-même  au  Palais 
du  Roi  fon  Père  j  mais  elle  lui  confeille  , 
en  approchant  de  la  Ville  ,  de  fe  féparec 
d'elle  5  &  de  ne  la  fuivre  que  de  loin , 
pour  prévenir  les  m^édifances  ,  il  on  le 
voyoit  avec  elle.  Ulylfe  n'arrive  au  Palais 
que  fur  le  foir  ,  il  cfl:  préfenté  au  Roi  par 
Naujicaa  ,  qui  fur  fa  bonne  mine  ,  avoir 
pris  des  fentimens  très-favotc'.bles  pour 
lui.  «  Plut  à  Jupiter  ,  difoit-elle  a  fe? 
Tome  m.  L 


2^2  =NA=~= 

j>  femmes ,  que  le  mari  qu'il  me  deftine 
••  fut  fait  comme  cet  étranger ,  qu'il  vou- 
»  lut  s'établir  dans  cette  Ifle ,  ôc  qu'il  s'y 
îï  trouvât  heureux.  >3  Quelques  Auteurs 
ont  dit  qu'elle  époufa  Télemaque ,  fils 
d'Ulyfle ,  ôc  qu'elle  en  eut  un  fils. 

Nautès, 

Un  des  Compagnons  d'Énée.  Minerve^ 
lui  avoir  infpiré  la  SageflTe ,  dit  Virgile , 
&  avoir  pris  elle-même  la  peine  de  Tinf- 
truire.  C'étoit  à  lui  que  la  garde  du  Palla- 
dium avoir  été  confiée  ;  Ôc  Diomède, 
après  l'avoir  enlevé ,  craignant  la  colère 
de  Minerve,  rendit  fa  Statue  à  Nantis^ 
qui  la  tranfporta  en  Italie.  C'efi:  pourquoi 
fes  defcendans  furent  toujours  chargés  du 
foin  de  veiller  à  la  garde  de  ce  Tréfor  ; 
&  du  temps  d'Augufte ,  ils  jouifïbient  des 
mêmes  honneurs.  Ce  Nantes  pafToit  aufîî 
pour  Devin.  Lorfque  les  VailTeaux  d'Énée 
furent  brûlés  au  Port  en  Italie  ,  Nantes 
avertit  Énée ,  que  ce  malheur  étoit  arrive 
par  la  haine  de  Junon ,  qui  vouloir  empê- 
cher les  Troyens  d'aborder  en  Iralie ,  ôc 
l'exhorta  à  tenir  ferme  contre  la  mauvaife 

fortune. 

Nt       t  \ 
EALEES, 

Peintce  célèbre  de  l'Antiquité  :  c'efl:  de 


lui  qae  Pline  raconte  cet  heureux  trait  dti 
Hafard.  N calées  ayant  peint  un  Cheval, 
dans  un  de  fes  Tableaux,  &  ne  pouvant 
venir  à  bout  de  repréfenter  à  {qy\.  gré  l'é- 
cume qui  fort  de  la  bouche  de  cet  ani- 
mal,  lorfqu'il  eft  échauffé,  jetta  de  dépit 
le  pinceau  fur  fon  ouvrage.  Il  vit  avec 
furprife  ,  qu'en  un  moment  le  Hafard 
avoit  produit  ce  que  fon  Art  n  avoit  pu 
exécuter  en  beaucoup  de  temps.  Ovl  a 
dit  la  même  chofe  de  Protogcne,  qui  vou- 
loit  peindre  l'écume  qui  fort  de  la  gueule 
d'un  Chien  en  colère. 

N  i  A  L  É  N  I  A  , 

Divinité  dont  on  a  trouvé  pîufieiirs 
Statues  dans  l'Ifle  de  Valcheren  eu  Zé- 
lande,  en  16^6 ,  avec  des  Infcriptions  qui 
ont  appris  fon  nom.  Elle  eil  tanrot  allife, 
tantôt  debout,  un  air  toujours  jeune,  r.vec 
un  habillement  qui  la  couvre  depuis  les 
pieds  jufqu'à  la  rcte.  Les  Symboles  qui 
l'environnent ,  font  ordinairement  une 
Corne  d'Abondance ,  des  Fruits  qu'elle 
porte  fur  fon  giron,  un  Panier,  un  Chi  n. 
On  a  trouvé  des  Monumens  de  ctte 
Déeiïe  en  France,  en  Angleterre,  en  Ita- 
lie, &  en  Allemagne.  Les  uns  ont  c  u  c,ue 
ï^éalénia  n'étoit  autre  que  la  Lune  ,  ou 
■du  moins  la  nouvelle  Lune.  Mais  quel 

Lij 


2^^  =^=  N  E  == 

rapport  y  a-t-il  de  {qs  Symboles  avec  k 
Lune?  D'autres,  que  c'ell  une  des  DéeiFes 
Mères,  Divinités  champêtres,  auxquelles 
conviennent  bien  tous  les  Symboles  qui 
accompagnent  les  Statues  de  la  DéelTe. 
Neptune  fe  trouve  quelquefois  joint  à 
cette  Décide  ;  ce  qui  fait  croire  aufîi  que 
c'étoit  une  Divinité  de  la  Mèr,  ou  qu'on 
invoquoit  pour  avoir  une  heureufe  Navi- 


gation, 


É  N  I  G  M  E     X  LL 


Celui  qui  créa  tout,  ne  me  fît  pourtant  point  5 
Et  l'homme ,  cet  ouvrage  accompli  de  tout  point , 
N'égale  pas  encore  mon  ancienne  nalifance. 

J-»  fuis  avec  le  pauvre ,  ainlî  qu'avec  le  Roi  ; 
Aveugle ,  je  les  fuis  avec  grande  afTuraace , 
Sans  qu'ils  s'cmbarrafTent  de  moi. 

Quoique  je  fois  fans  yeux,  je  donne  des  lumières, 
Aa;iquclles  les  Sçavans  ont  très-fouvent  recours , 

Leur  étant  néceHaires 

Pour  bien  régler  leurs  jours, 

NÉANTHUS, 

Fils  de  Pithacus ,  Tyran  de  Lesbos , 
ayant  acheté  des  Prêtres  d'Apollon  la  Lyre 
d'Orphée ,  qui  avoit  été  dépofée  dans  le 
Temple  du  Dieu,  crut  qu'il  n'y  avoit  qu'à 
Ui  toucher ,  pour  attirer  les  Arbres  6c  les 


Rochers;  mais  il  y  réuffit  fi  mal,  que  les 
Chiens  du  lieu  où  il  jouoit,  fe  jetcèrent 
fur  lui,  &  le  mirenr  en  pièces. 

Nécessité. 

Il  y  avoit  dans  la  Citadelle  de  Corinths 
un  petit  Temple  dédié  à  la  Necejjitc  ôc  à 
la  Violence,  dans  lequel  il  netou  peimis 
a  perfonne  d'entrer,  qu'aux  Minifties  de 
ces  DéeiTés.  La  Necsjjîté  eft  fouvent  prife, 
chez  les  Poètes ,  pour  le  Deftin ,  la  Fata- 
lité ,  à  qui  tout  obéir.  C'eft  en  ce  fens 
qu'ils  ont  dit,  que  les  Parques  étoient  les 
Filles  de  la  fatale  Nécejjité.  Les  Dieux 
mêmes  lui  étoient  alTujettis. 

Cette  Nécejjité  du  Paganifme  efl  fille 
de  la  Fortune,  dont  la  Puiifance  ,  félon  les 
Anciens,  s'étendoit  jufques  fur  les  Dieux 
mêmes.  Elle  fe  peint  alîife  par  une  fem- 
me placée  au  milieu  d'un  l^emple ,  qui  efl: 
allufif  d  celui  qu'on  lui  dédia  à  Corinthe, 
dans  lequel  il  n'étoit  permis  qu'à  fes  Prê- 
tre (Tes  d'entrer.  0\\  lui  donnoit  des  Mains 
de  Bronze,  avec  lefquelles  elle  tenoit  un 
Marteau ,  &  des  Clous  de  diamant. 

Les  Romains  avoient  entre  eux  ce  Pro- 
verbe, parlant  de  quelque  afîaire  où  l'on 
ne  voyoit  plus  de  confcil  à  prendre  :  Le 
Clou  ejl  enfoncée 

L  lij 


Je  ne  reconncis  point  de  Loi  j 
Je  fiiis  moi-m3irie  une  Loi  foaveraine-  : 
Je  gouverne  ou  plutôt  j'entraîne 
Tous  ceux  <]ui  dépendent  de  moi. 

Négessité,  Mere  d'Invention^ 

La  Néceffiu  nous  fournit  des  moyen? 
auxqnels  l'on  ne  fonge  pas.  Le  Corbeau, 
donc  Pline  nous  parle,  nous  en  fournit 
un  exemple.  Un  Corbeau  étant  preffé  de 
la  foif  5  voyant  de  l'eau  dans  un  vafe  où 
il  ne  pouvoir  puifer,  y  porca  tant  de  pier- 
res, qu'il  fit  venir  l'eau  à  fa  portée,  &  y 
farisfic  fa  foif.  Cet  exemple  fait  voir  que 
Nécc£ité  eft  Mhre  d'Invention» 

Nécromantie, 

Art  déteftable  ,  par  lequel  on  préten- 
doit  communiquer  avec  les  Démons ,  & 
évoquer  les  Morts.  La  Pythoniife  fit  pa- 
roître  l'âme  de  Samuel  à  Saiil  par  l'Art  de 
la  Nécromantie ,  dit  un  CommentateaE 
de  l'Écriture  Sainte. 

Nectar. 

Ceft  le  nom  que  les  Poètes  donnent 
1  la  BoiflTon  des  Dieux.  Ganiniède  fut 
enlevé  pour  verfer  le  Neciar  à  Jupiter. 
Quaui  on  avoit  fait  i'Apothéofe  de  quel- 


r=  N  É  =  247 

qu  un  5  on  difoic  qu  ii  buvoin  alors  le  Nec- 
tar dans  la  Coupe  des  Dieux. 

ÉNIGME     XLIL 

Ma  naiffance  cfl:  afc  commune , 

J'ai  la  peau  délicate  &  brune , 
Mon  cœur  très-infenfible  eft  dur  &  partagé. 

Il  ne  s'eft  jamais  aflBigé 
De  me  voir  aux  ardeurs  du  Soleil  cxpofée. 

Chacun  me  trouve  difporée  , 
Quand  il  veut  me  toucher,  à  le  bien  reçevol*. 

Ne  diroit-on  pas,  à  me  voir. 

Qu'à  régner  je  ûis  deftinée  , 

Nature  m'ayant  couronnée  ? 

Lcrlque  j'agis,  c'cft  lentement  j 

On  n'ofcroit  honnêtement 

Se  plaindre  du  mal  c]ue  je  donne. 

A  quelc]ucs-uns  je  fais  du  bien  5 

Et  je  commence  o'écre  bonne, 
Lorfc^ue  je  me  difpofe  à  ne  valoir  plus  rien. 

NÉGLIGENCE, 

Cette  Fille  de  la  ParefTe  fe  peint  mal- 
vècuë,  mal-coeffée ,  &  couchée  noncha- 
lamment, tenant  un  Horloge  à  fable  ren- 
verfé.  La  Tortue,  qui  efl  auprès  d'elle, 
eft  rEmblême  de  la  Lenteur. 


2j^S  =NE  = 

ÉNIGME    XLIII. 

\ 

Mon  état  éblouit  le  plus  noble  des  fens  j 
Il  faut  me  prefier  pour  me  faire  : 

SI  celui  qui  me  tient ,  me  preiTe  trop  long-temps , 
Je  redeviens  m.a  propre  mè^c. 

NÉMÉE. 

Dans  une  Foret  auprès  de  Némée,  éroit, 
difoir-on ,  un  Lion  d'une  guoireur  prodi- 
gieufe,  qui  faifoit  d'horribles  dégâts  dans 
tout  le  Pays.  Hercule,  envoyé  à  l'âge  de 
feize  ans  pour  garder  {qs  troupeaux,  atta- 
qua ce  Lyon  :  il  épuifa  fon  carquois  con- 
tre cet  Animal ,  dont  la  peau  étoit  impé- 
nétrable ,  &  il  brifa  fur  lui  fa  maiUîë  cou- 
verte de  fer,  ou  toute  de  fer,  félon  quel- 
ques-uns. Enfin ,  après  avoir  fait  tous  fes 
efforts  inutilement,  il  faifit  ce  Lyon,  le 
déchira  de  {qs  mains ,  &  lui  enleva  avec 
{^s  ongles  la  peau ,  qui  fervit  depuis  de 
Bouclier  6c  de  Vêtement  â  ce  Héros. 

NÉMÉENS. 

Les  Jeux  Nêméens  étoient  entre  \q%  plus 
fameux  Jeux  de  la  Grèce  \  ils  furent  infti- 
tués,  dit-on,  par  Hercule,  après  qu'il  eue 
tué  le  Lion  de  Némée,  &  en  mémoire 
de  fa  victoire.  Paufanias  dit  que  ce  fut 


Adrafte^  un  des  fept  chefs  de  la  première 
guerre  de  Thèbes  ,  qui  en  fut  l'auteur. 
-D'autres  racontent  que  ce  fut  pour  hono- 
rer la  Mémoire  du  jeune  Ophelre  ou  Ai- 
chemore ,  fils  de  Lycurgue ,  que  les  fepc 
Chefs  Argiens  célébrèrent  ces  Jeux.  D'au- 
tres enlin  prétendent  qu'ils  furent  confa- 
crés  à  Jupiter  Némèen.  Quelle  qu'ait  été 
leur  origine ,  il  eft:  certain  qu'on  les  célé- 
bra long-temps  dans  la  Grèce  de  trois  ans 
en  trois  ans  :  c'étoient  les  Argiens  qui  les 
faifoient  faire  à  leurs  dépens  dans  la  Fo- 
rêt de  Némée ,  &  qui  en  étoient  les  Ju- 
ges, lis  jugeoient,  dit-on,  en  habits  de 
deuil,  pour  marquer  l'origine  de  CQ%  Jeux. 
11^  n'y  eut  d'abord  que  deux  exercices , 
l'Équeftre  &  le  Gymnique  ;  on  y  admit 
enfuite  les  cinq  fortes  de  combats ,  com- 
me dans  les  autres  Jeux.  Les  Vainqueurs 
au  commencement  étoient  couronnés  d'O- 
live \  ce  qui  dura  jufqu'au  temps  des  guer- 
res contre  les  Mèdes.  Un  échec ,  que  les 
Argiens  reçurent  dans  cette  guerre ,  fit 
changer  l'Olive  en  Hache,  herbe  funèbre. 
C'eft  pourquoi  les  Jeux  Néméens  ont  palîe 
pour  des  Jeux  funèbres. 

NÉMÈS  ES, 

Divinités   qui ,   félon   Hygin  ,   étoient 
fille§  de  l'Érèbe  êc  de  la  Nuit.  Paufanias 

L  V 


2,jo  ==  N  É  = 

raconte  qu  Alexandre  le  Grand ,  en  chaf- 
fant  fur  le  Mont  Pagus,  fut  conduit  par 
la  chafle  même  près  du  Temple  des  Né- 
mèfes  :  fatigué  qu  il  éroit ,  &  trouvant  une 
place  fur  le  bord  d'une  Fontaine  ,  il  fe 
coucha  auprès  &  s*endormit.  Là ,  durant 
fon  fommeil ,  les  Némèfes  s'étant  apparues 
à  lui,  elles  lui  ordonnèrent  de  bâtir  une 
Ville  en  ce  lieu  même ,  &  d'y  transférer 
les  habitans  de  Smyrne.  Ces  Peuples  en 
ayant  été  avertis ,  envoyèrent  auffi-tot  à 
Claros  5  pour  confulter  l'Oracle  fur  ce 
qu'ils  avoient  à  faire  :  la  réponfe  fut, 
qu'ils  feroient  très-heureux,  s'ils  alloient 
habiter  le  Mont  Pagus  au-delà  du  Mêles  ^ 
c'eft  pourquoi  ils  changèrent  volontiers 
de  demeure.  On  croit  que  les  Némèfes 
étoient  les  mêmes  que  les  Euménides.  On 
les  repréfentoit  avec  des  ailes ,  &  elles 
ctoient  en  grande  vénération  à  Smyrne.. 

NÉ  MÉSI  s, 

Eroit  5  félon  Héfiode ,  fille  de  TOcéan 
&  de  la  Nuit ,  ôc ,  félon  Hygin ,  fille  de 
la  Juftice.  Elle  étoit  prépofée  pour  confi- 
dérer  les  actions  humaines,  venger  l'Im- 
piété y  Se  récompenfer  hs  adtions  ver- 
lueufes.  Elle  étoit ,  dit  Ammien  Marcel- 
lin  ,  l'arbitre  dans  toutes  les  affaires ,  Sc 
fille  de  la  Juftice  :  elle  avoit  Tceil  a  cour 


te  qui  fe  faifoit  fur  la  terre.  L'Antiquité 
lui  donna  des  ailes ,  qui  marquoienc  la 
vitefTe  avec  laquelle  elle  fuivoit  tous  les 
hommes  ,  pour  examiner  leurs  adions. 
On  la  peignoit  auiTi  avec  une  Roue',  pour 
marquer  qu'elle  couroit,  pour  ainfi  dire» 
par-tour ,  pour  obferver  tout  ce  qui  fe 
palToit  dans  l'Univers. 

Nemzjis  avoir  a  Rhamnus ,   Bourg  dç 
l'Atriqae,  un  Temple  célèbre.  «  C'eft  de 
S3  toutes  les  Divinités  celle  qui  s'irrite  le 
3,  plus    de  l'infolence  des  hommes  ,   dit 
»  Paufanias ,  qui  ajoute  :  On  dit  que  fa 
»  colère  fe  fit  fur- tout  fentir  aux  Perfes 
s,  qui  débarquèrent  à  Marathon.  Ces  Bar- 
aï  bares,  fiers  de  leur  puilfance  ,  mépri- 
sî  foient  les  forces  d'Athènes  ,  &  croyant 
x>  marcher   à   une   vidoire   certaine  ,    ils 
»  a  voient  déjà  fait   venir  du  marbre  de 
35  Pâros  5  pour  ériger  un  Trophée  fur  le 
5î  champ  de  -Saraille  ;  mais  ce  marbre  fer- 
t:-  vit  à  un  ufage  bien  différent.   Phydias 
r>  l'employa  à  une  Sraruc  de  Néméjzs  ^  qui 
8->  fut  élevée  à  Rhamnus,  La  Déeffe  a  fur 
a>  la  tête  une  Couronne  furmonrée  de  Cerfs; 
>.r  &  de  petites  Viâroires  ;  elle  tient  de  fa- 
5>-maln  gauche  une  branche  de  Pommier,, 
fe  &:  de  la  droite  une  Coupe  ^  où  Loni  re- 
to'préfentés  des  Ethiopiens.  ^^ 

La.  Sts-tuë  dé  Ni/ni  fis  Rhamnufia  écoit: 

LvJ. 


^5  2  =:^'N'E-=^ 

crune  grande  beauté  :  elle  avoir  dix  cou- 
dées de  haut  d'une  feule  pierre.  Pline  dit 
que  le  Sculpteur  lavoir  d'abord  faite  pour 
une  Vénus  :  que  deux  Difciples  de  Phy- 
dias ,  Agoracrite  Se  Alcamène  ,  avoient 
tous  deux  travaillé  à  l'envi  à  faire  une 
Vénus  pour  Athènes.  Quand  les  Statues 
furent  finies ,  les  Athéniens ,  pour  favo- 
rifer  Alcamène  leur  concitoyen .,  donnè- 
rent la  préférence  à  fa  Statue  fur  celle 
d'Agoracrire,  Parien,  quoique  ce  demie» 
eut  mieux  réuilî  que  l'autre.  Agoracrite, 
indigné  de  cette  injuftiee,  la  vendit,  à 
condition  qu'elle  ne  feroir  point  dans 
Athènes,  Se  quelle  porreroit  le  nom  de 
Né/néjis,  Elle  fut  placée  à  Rhamnus. 

NÉ  OCORE  s. 

C'éroît ,  chez  les  Grecs ,  ce  que  nous 
appelions  aujourd'hui  Sacriftains  j  ceux 
qui  avoient  foin  d'orner  les  Temples ,  & 
de  tenir  en  bon  érat  tous  les  Uftenliles 
des  Sacrifices  :  dans  la  fuite  des  temps  j 
cet  office  devint  très-coniidérable.  Selon 
M.  Saillant ,  les  Néocores  au  commence-^, 
ment  n'av oient  foin  que  de  balayer  les 
Temples  :  montant  en  fuite  à  un  degré 
plus  haut,  ils  en  eurent  la  garde.  Ils  par-: 
vinrent  enfin  à  de  plus  hautes  dignités  j  ils 
facrifioient  pour  le  falut  des  Empereurs^ 


comme  étant  honorés  du  fouverain  Sa- 
cerdoce. On  trouve  des  Néocores  avec  le 
titre  de  Pryrane,  nom  de  Gouvernement, 
àc  avec  celui  d'Agonothère  ,  qui  diftri- 
buoit  hs  Prix  dans  les  grands  Jeux  pu- 
blics. Des  Villes  mêmes,  fur-tout  celles 
où  il  y  avoir  quelque  Temple  fameux , 
comme  Éphèfe,  Smyrne,  Pergame,  Mag- 
néfie,  prirent  la  qualité  de  Néocores. 

NiPENTHÈS, 

Plante  d'Egypte,  dont  Homère  dit  qu'Hé- 
lène fe  fervit  pour  charmer  la  mélancolie 
de  {qs  Hôtes,  &  leur  faire  oublier  leurs 
chagrins.  Télémaque  étant  à  table  chez 
Ménélas,  bc  entendant  parler  àes  aven- 
tures de  fon  père  Ulylfe,  fe  mit  à  pleu- 
rer, &  tous  les  Convives  en  tirent  de 
même.  La  belle  Hélène ,  pour  ramener 
.la  joie,  3J  savifa,  dit  le  Poète ,  d'une 
.,n  chofe  qui  fut  d'un  grand  fecours.  Elle 
»  mêla  dans  le  vin  qu'on  fervoit  à  table, 
»  une  poudre  qui  ajjoupijfou  le  deuil ^  cal- 
-»9  meit  la  colère^  &  faifoit  oublier  tous  les 
nmaux.  Celui  qui  en  a  voit  pris  dans  fa 
w  boilfon  ,  n'aurcrit  pas.  verfé  une  feule 
^  larme  dans  toute  la  journée  ,  quand 
•3  même  fon  père  &  fa  mère  feroient 
?»  morts,  qu'on  auroit  tué  en  fa  préfence 


25'4  =:NE  = 

«  fon  fils  unique ,  &  qu'il  raurolt  vu  de 
5'  fes  propres  yeux.  Telle  étoic  la  vertu  de 
3»  cette  Drogue  que  lui  avoir  donnée  Po- 
»  lydamna,  femme  de  Thonis,  Roi  d'É- 

"  gyp^^ Après  qu'Hélène  eut  mêlé 

j'  cette  merveilleufe  Drogue  dans  le  vin , 
a»  elle  dit  aux  Conviés  :  Le  grand  Jupiter 
w  mêle  la  vie  des  hommes  de  biens  &c  de 
s»  maux,  comme  il  lui  plaît ,  car  fa  puif- 
»  fance  efl:  fans  bornes  :  c'eft  pourquoi 
»  jouifTez  maintenant  du  plaiilr  de  la  Ta- 
»  ble,  &  diverti (Tez-vous  à  faire  des  Hif- 
»  toires  qui  puilTent  vous  amufer  5  je  vais 
»>  vous  en  donner  l'exemple.  Sec,  a»  Il  faut 
remarquer  que  Nèp&jithcs  n'eft  pas  le  nom^ 
de  la  Plante,  mais  une  épithète  qui  figni- 
fie  Remède  contre  la  Trifteile  &  la  Dou- 
leur. 

Neptune, 

Étoir,  félon  Héfiode,  fils  de  Saturne  «Se 
de  Rhéa  ,  &  frère  de  Jupiter  &  de  Pluton. 
Rhéa  ayant  accouché  de  Neptune  ,  le  ca- 
cha dans  une  bergerie  de  l'Arcadie  ,  &  fit 
accroire  enfuite  à  Saturne  qu'elle  avoir 
mis  au  monde  un  Poulain  ,  qu'elle  lui 
donna  à  dévorer.  Paufanias ,  en  racontant 
cette  Fable,  ajoute  ces  mots  remarqua-- 
bles  ,  qui  nous  apprennent  comment  peu- 
foient  les  gens  fenfés  du  Paganifnaç.  «'  Au'- 


»  trefois ,  dît-il ,  lorfque  j'avois  à  rappor- 
»  ter  oe  ces  fortes  de  Fables  inventées  par 
i5  les  Grecs ,  je  les  trouvois  ridicules  Se 
»>  pitoyables  ;  mais  à  préfent  j'en  juge  au- 
iy  trement.  Je  crois  que  les  Sages  de  la 
»  Grèce  nous  ont  caché  d'importantes  vé- 
>î  rites  fous  des  Énigmes  ,  &  que  ce  que 
s»  l'on  dit  de  Neptune  eft  de  cette  nature, 
»  Quoi  qu'il  en  foit ,  pour  ce  qui  regarde 
>î  les  Dieux ,  il  faut  s'en  tenir  à  ce  qui  eft 
V  établi ,  &  en  parler  comme  le  commun 
»  des  hommes  en  parlent.  » 

Neptune  fut  un  des  Princes  Titans  ,  qui 
dans  le  partage  que  les  trois  frères  firent 
de  l'Univers ,  c'eft-à-dire ,  du  vafle  Empire 
àQ%  Titans  ,  eut  pour  fon  lot  la  Mèr ,  les 
Ifles  5  &  tous  les  lieux  qui  en  font  pro- 
che :  c'eft  pourquoi  il  fut  regardé  comme 
le  Dieu  de  la  Mèr.  Selon  Diodore ,  Nep^ 
tune  fut  le  premier  qui  s''embarqua  fur  la 
Mèr  avec  l'appareil  dune  armée  navale. 
Saturne  lui  avoir  donné  le  commandement 
de  fa  flotte ,  avec  laquelle  il  eut  toujours 
foin  d'arrêter  toutes  les  entreprifes  des. 
Princes  Titans ,  Se  d'empêcher  les  étabîif- 
femens  qu'ils  rouloient  faire  dans  quel- 
ques Ifles  :  &  lorfque  Jupiter  fon  frère, 
qu'il  fervit  toujours  rrès-hdèlement ,  eut 
obligé  fes  ennemis  a  fe  retirer  dans  les 
Pays  Occidentau-x  ,  il  les  y  feura  de  (î près» 


qu'ils  ne  purent  jamais  en  fortlr  ;  ce  qui 
donna  lieu  à  la  Fable  ,  qui  porte  que  }^ep^ 
tune  tenoit  les  Titans  enfermés  dans  l'En- 
fer ,  &  \ts  empêchoit  de  remuer. 

l-.ts  Poètes  ont  donné  le  nom  de  Nep^ 
tune  à  la  plupart  àQ%  Princes  inconnus, 
qui  venoient  par  Mèr  s'établir  dans  quel- 
ques nouveaux  pays ,  ou  qui  règnoient  fur 
des  Ifles  ,  ou  qui  s'étoient  rendus  célèbres 
fur  la  Mèr  par  leurs  vidoires  ,  ou  par  l'é- 
tablilfement  du  Commerce.  De-là  tant 
d'Hiiloires  fur  le  compte  de  Neptune ,  tant 
de  femmes ,  tant  de  maîtrefles  &  d'enfans 
qu'on  donne  à  ce  Dieu  ,  tant  de  Métamor- 
phofes  5  tant  d'enlevemens  qu'on  lui  at- 
tribué*. 

Ce  Dieu  eut  pour  femme  Amphitrite  , 
îîiais  on  lui  donne  une  infinité  de  Maî- 
tre/Tes \  voici  les  noms  de  quelques-unes  : 
■Amymoné  ,  Alopé ,  Menalippe  ,  Alcyone  , 
Hippothoé  5  Chione  ,  Médufe  ,  Celaine-, 
&:  beaucoup  d'autres. 

Neptune  a  été  un  des  Dieux  du  Paga- 
nifme  des  plus  honorés  j  les  Libyens  le  re- 
gardèrent comme  leur  plus  grande  Divi- 
nité. Il  y  eut  en  Grèce  &  dans  l'Italie ,  fur- 
tout  dans  les  lieux  maritimes ,  un  grand 
nombre  ds  Temples  élevées  en  fon  hon- 
neur ,  de?  Fêtes  &:  des  Jeux  ;  en  particulier 
les  Jeux  Ilthmiques  6c  ceux  du  Cirque  à 


=  NE==  2  5^7 

Rome  5  lui  furent  fpécialement  confacrés 
fous  le  nom  d'Ippius ,  parcequ  il  y  avoir 
des  courfes  de  chevaux.  Les  Romains  mê- 
mes avoient  tant  de  vénération  pour  ce 
Dieu  5  qu'outre  les  Neptunales  qu'ils  celé- 
broient  en  fon  honneur  au  mois  de  Jui!* 
let ,  ils  lui  avoient  encore  confacré  tout  le 
mois  de  Février,  pour  le  prier  d'avance 
d'être  favorable  aux  Navigateurs ,  qui  dès 
le  commencement  du  Printemps  fe  difpo- 
foient  aux  voyages  de  Mèr. 

Ce  qu'il  y  avoir  de  fmgulier  ,  c'efl  que 
comme  on  croyoir  que  Neptune  avoir  for- 
mé le  premier  cheval ,  les  Chevaux  &  les 
Mulets  5  couronnes  de  fleurs,  demeuroient 
fans  travailler  pendant  les  Fêtes  de  ce 
Dieu,  &  jouiiroienr  d'un  repos  que  per- 
sonne n'ofoir  troubler.  Les  Vidimes  ordi- 
naires de  ce  Dieu  étoient  le  Cheval  &:  le 
Taureau.  Les  Arufpices  lui  offroient  le 
Fiel  des  vidimes  ,  par  la  raifon  que  l'a- 
-mertume  de  ce  vifcère  convenoit  à  l'eau 
de  la  Mèr.  Platon  ,  dans  fon  Critias  ,  nous 
apprend  que  Neptune  avoit  un  Temple 
magnifique  dans  lUîe  Atlantique,  ou  l'or, 
l'argent  ^  les  plus  précieux  métaux  bril- 
loient  par-tout.  Des  figures  d'or  repréfen- 
toienr  le  Dieu  fur  un  char  rrainé  par  Aqs 
chevaux  ailés.  Certe  Ifle  Atlantique,  ajoute- 
t-il  >  étant  échue  a  Neptune  ,  il  eut  d'une 


i2y8  ^      ^:=NE=.= 

fille  de  Cliton  5c  de  Leucippe  dix  enfans, 
qui  peuplèrent  enfuite  tous  ces  pays.  Hé- 
rodote parle  d'une  Statué*  d'airain  ,  haute 
de  fept  coudées ,  que  Nepiune  avoit  près 
de  rifthme  de  Corinthe. 

On  attribuoit  a  ce  Dieu  les  tremblemens. 
ôc  autres  mouvemens  extraordinaires  qui 
arrivoient  fur  la  Terre ,  &  dans  la  Mèr  ; 
&  les  changemens  confidérables  dans  le 
cours  des  Fleuves  ôc  des  Rivières.  Auiîî 
les  Theifaliens  j-dont  le  pays  avoit  été 
inondé ,  ne  manquèrent  pas  de  publier , 
lorfque  les  eaux  fe  furent  écoulées,  que 
c  étoit  Neptune  qui  avoit  ouvert  un  canal 
aux  eaux  pour  fe  retirer  \  <'  &  certes ,  dit 
»  Hérodote  à  cette  occaiion  ,  leur  fenti- 
»>  ment  efi:  raifonnable  ;  car  tous  ceux  qui 
î>  eftim^nt  que  ce  Dieu  fait  trembler  la 
w  Terre  ,  &  que  les  Gouffres  qui  le  for- 
-?  ment  font  des  ouvrages  de  ce  Dieu , 
«  n'auront  pas  de  peine  à  croire  que  Nep- 
w  tttnc  avoit  fait  ce  canal ,  quand  ils  le 
s»  verront.  » 

On  trouve  Neptune  repréfenté  ordinai- 
rement tout  nud  &  barbu  ,  tenant  un  Tri- 
dent ,  fon  Symbole  le  plus  commun  ,  & 
fans  lequel  on  ne  le  voit  guère.  11  paroît 
tantôt  aflis,  tantôt  debout  fur  les  Flots  de 
la  Mèr  ,  fouvent  fur  un  Char  traîné  par 
deux  ou  quatre  Chevaux  ;  ce  font  quti- 


=  NE=  2jjj 

quefois  des  Chevaux  ordinaires ,  quelque- 
fois des  Chevaux  marins  ,  qui  onr  la  par- 
tie fupérieure  de  cet  animal  ,  pendant 
que  tout  le  bas  fe  termine  en  queue  de 
poilTon. 

Dans  un  ancien  monument  5  Neptune 
cfl:  aiîîs  fur  une  Mèr  tranquille  ,  avec  deux 
Dauphins  qui  nagent  fur  la  fuperficie  de 
l'eau  ,  ayant  près  de  lui  une  proue  de  Na- 
vire chargé  de  Grains  ou  de  marchandi- 
its  5  ce  qui  marquoit  l'Abondance  que 
procure  une  heurcufe  Navigation.  Dans 
un  autre  Monument  on  le  voit  afîis  fur 
une  Mèr  agitée  ,  avec  le  Trident  planté 
devant  lui  ,  &  un  Oifeau  monfttueux  à 
tète  de  dragon  ,  qui  femble  faire  effort 
pour  fe  jetcer  fur  lui ,  pendant  que  Ncp^ 
tune  demeure  tranquille  &  paroîc  mcme 
détourner  la  tête  \  c'étoit  pour  exprimer 
que  ce  Dieu  triomphe  également  qqs 
Tempêtes  &:  des  Monftres  de  la  Mèr. 

Ajoutons  aux  Monumens  de  pierre  ou 
d*airain  un  Monument  plus  durable  en- 
core ,  c'eft  la  belle  Defcription  que  Vir- 
gile nous  fait  du  cortège  de  ce  Dieu  > 
quand  il  va  fur  la  Mèr.  <'  Neptune  ^  dit- 
*i  il  5  fait  atteler  fes  Chevaux  à  fon  char 
»  doré  ,  ôd  leur  abandonnant  les  rênes,  il 
»  vole  fur  la  furface  de  l'Onde.  A  fa  pré- 
w  fence  les  Flots  s'applaniifent  &  les  Nua- 


!i6o  =NÉ  = 

-3»ges  fayent.  Cent  Monftres  de  la  Mer 
3>  fe  ualTcmblent  autour  de  ion  Char  ,  a  fa 
3>  droire  la  vieille  fuire  de  Giaacus ,  Pa- 
3>  lémon  ,  les  légers  Tritons  \  à  la  gauche 
5'  les  Néréides.  >»  Homère  fait  tirer  le  Chai: 
de  Neptune  par  des  Chevaux  aux  pieds 
d'airain  \  feroit-ce  pour  exprimer  leur 
grande  légèreté  ?  ^ 

NÉKiEy 

Dieu  Marin  ,  plus  ancien  que  Neptu- 
ne 5  étoit ,  félon  Héfiode  ,  fils  de  l'Océan 
ôc  de  Téthis  ;  ou  félon  d'autres ,  de  l'O- 
céan &  de  la  Terre.  On  le  repré fente' 
comme  un  Vieillard  doux  ôc  pacifique  , 
qui  aimoit  la  Judice  &  la  Modération  :  il 
excelloit  dans  l'Art  de  connoitre  l'avenir, 
il  prédit  à  Paris  les  maux  que  l'enlève- 
ment d'Hélène  devoir  'attirer  fur  fa  Pa- 
trie. Il  apprit  à  Hercule  où  éroient  les 
Pommes  d'Or  qu'Eurifthée  lui  avoir  or- 
donné d'aller  chercher.  Il  voulut ,  dit-on , 
fe  changer  en  différences  figures  ,  pour  t 
s'empêcher  de  donner  cet  éclaircificmenc 
au  Prince  Grec  j  mais  celui-ci  le  retint 
jufqu'à  ce  qu'il  eut  repris  fa  première 
figure. 

Apollodore  nous  apprend  qu'il  faifoit 
fon  féjour  ordinaire  dans  la  Mèr  Egée,  ou 
il  écoit  environné  de  ùs  Filles ,  qui  le  dï- 


vertiiroient  par  leurs  chants  &  leurs  dan- 
ùs.  Il  avoir  époufé  Do  ris  fa  propre  fœur. 
Les  Poctes  ont  pris  fouvent  Nerée  pour 
leau  même  que  Ton  nom  fignitie.  Ce  Né^ 
rcv  peut  avoir  été  quelque  Prince  qui  fe 
rendit  fameux  fur  Mèr  ,  &  qui  fut  fî  ex- 
,pert  dans  l'Art  de  la  Narigation  ,  qu'on 
venoit  le  confulter  de  toutes  parts  fur  les 
dangers  des  Voyages  Maritimes.  Natalis 
Cornes  a  cru  que  Nérée  avoit  été  l'Inven- 
teur de  l'Hydromancie  ,  ëc  que  c'efl  pour 
cela  qu'on  le  repréfenre  comme  un  Grand 
Devin ,  ôc  une  Divinité  des  Eaux. 

NÉRÉIDES, 

On  donna  le  nom  de  Néréides  à  des 
Princeffes  qui  habitoient  dans  quelques 
Ides ,  ou  fur  les  côtes  de  la  Alèr  ,  ou  qui 
fe  rendirent  fameufes  par  la  Navigation. 
On  le  donna  auili  à  certains  Poiiîons  de 
Mèr,  qui  ont  la  partie  fupérieure  du  corps 
à-peu-près  fembiable  à  celui  d'une  femme. 
Pline  dit  que  du  temps  de  Tibère  ,  on  vie 
fur  le  rivage  de  la  Mèr  une  Néréide  ^  telle 
que  les  Poètes  les  repréfentent. 

Les  Néréides  avoienc  des  Bois  Sacrés  Sc 
des  Autels  en  pluiieurs  endroits  de  la 
Grèce  y  fur-tout  fur  les  bords  de  la  Mèr, 
On  leur  ofFroit  en  Sacrifice  du  lait,  du 


s^3  x=  N  É  == 

miel ,  de  l'huile  y  &  quelquefois  on  leur 
immoloic  des  Chèvres. 

ÉNIGME     XLIF. 

Je  parois  entre  deux  Soleils , 

Et  fur  le  corail  &  l'ivoire. 
Mon  élévation  nuit  fouvent  à  ma  gloire  5 
Mais  les  rougeurs  me  font  des  défauts  fans  pareils» 

On  reconnoît  à  ma  figure 

Le  principe  de  la  Nature , 

Et  celui  du  tempérament. 
Je  me  nourris  d'œillets,  de  paftilles,  de  rofes. 
Et  me  crois  après  tout  fi  fin  &  fi  fçavant , 

Que  je  crois  que  mon  fentiment 

Doit  l'emporter  fur  toutes  chofes. 

ÉNIGME    XLV. 


i 


\ 


Maifonnettc 
Propre  &  nette, 
Qu'on  peut  voir 
En  lieu  noir  : 
Maçonnage 
Dont  l'ouvrasie 
Eft  parfait, 
Quoique  fait 
Avec  terre , 
Et  fans  pierre. 
Je  contiens 
Et  (bucteas 


La  famille 
Qui  babille. 
Quelquefois 
Un  matois 
Me  renverfe, 
Puis  exerce 
Sa  rigueur, 
Quel  malheur  ! 
Contre  genre 
Innocente 
Qui  jamais 
N*en  put  mais. 


==NI=  2<?5 

Mon  afyle  Qu'on  l'habite 

Inutile  Au  plus  vue. 

En  failons  II  devient 

Des  glaçons,  Un  foutien 

Lit  fans  hôte  ;  Port  utile 
Mais  fans  faute ,         Au  fragile 

Le  Printemps  Barillet 

Eft  un  temps  Gentillet. 

Nil. 

L'utilicé  infinie  que  ce  Fleuve  a  tou- 
jours apportée  aux  Égyptiens ,  le  fit  pren- 
dre pour  un  Dieu ,  &c  même  pour  le  plus 
grand  des  Dieux.  C'étoit  lui  qu'ils  ho- 
noroient  fous  le  nom  d'Ofiris.  On  célé- 
broit  une  grande  Fête  en  fon  honneur 
vers  le  Solftice  d'cté ,  à  caufe  que  ce  Fleuve 
commence  alors  à  croître  &  à  fe  répandre- 
dans  le  pays.  Cette  Fête  fe  célcbroit  avec 
plus  de  folemnité  &  de  réjouiiTance  qu'au- 
cune autre  ;  &  pour  remercier  d'avance  le 
Fleuve  des  biens  que  fon  inondation  al- 
loit  produire  ,  on  jettoit  dedans,  par  for- 
me de  Sacrifice  ,  de  l'orge ,  du  blé  &  d'au- 
tres fruits.  Mais  par  une  affreufe  fuperfli- 
tion  ,  on  enfanglantoit  une  journée ,  qui 
devoir  être  toute  confacrée  à  la  joie ,  par 
le  Sacrifice  d'une  jeune  fille  qu'on  noyoit 
dans  le  Fleuve.  La  Fête  du  Nil  fe  célèbre 
encore  aujourd'hui  par  de  grandes  réjouif- 


26^  — NI== 

fances  ;  mais  les  Sacrifices  en  ont  été  re- 
tranchés. On  voit  au  Jardin  des  Tuile- 
ries un  beau  grouppe  en  marbre,  copié 
fur  l'Antique  >  qui  repréfente  le  Ni!^  fous 
la  figure  d'un  vieillard  couronné  de  Lau- 
rier ,  à  demi -couché  &c  appuyé  fur  fon 
coude  5  tenant  une  corne  d'abondance  ;  il 
a  fur  les  épaules  ,  fur  ia  hanche ,  aux  bras , 
aux  jambes  6c  de  tous  les  côtés  y  de  petits 
garçons  nuds  au  nombre  de  feize  ,  qui 
marquent  les  feize  coudées  d'accroiffe- 
ment  qu'il  faut  que  le  Nil  ait ,  pour  faire 
h  grande  fertilité  de  l'Egypte. 

£nigme    XLFL 

Trois  Lettres  compofent  mon  nom  j 
Mais  fi  vous  me  lifez  de  la  queue  à  la  tête, 

Afin  que  rien  ne  vous  arrête , 
Apprenez  qu'autrefois  un  homme  de  renom 
Put  expofé  fur  moi  dès  fa  plus  tendre. enfance. 
Ah  I  qu'il  étoit  pour  nous  de  grande  conféquence , 

Que  l'on  le  tirât  de  ce  lieu , 
Et  qu'alors  on  fauvât  ce  favori  de  Dieu  ! 

Nimbe, 

Cercle  lumineux  qu'on  mettoit  quel- 
quefois à  la  tête  des  Divinités  :  il  y  a  d^s 
Images  de  Proferpine  avec  le  Nimbus» 
Dans  la  fuite  on  le  donna  aux  Empereurs , 


^  depuis  le  ChriLlianifine ,  on  ne  le  donna, 
plus  qu'aux  Saints. 

NiOBÉ, 

Fille  de  Tantale  ',  &  fœur  de  Pélops  , 
époufa  Amphion  ,  Roi  de  Thèbes ,  &  en 
eut  un  grand  nombre  d'enfans.  Homère 
lui  en  donne  douze  ,  Hé(iode  vingt ,  & 
Ap'jlîodore  quatorze  ,  autant  de  filles  qu© 
de  garçons. 

Niobé y  mère  de  tant  d'enfans,  rou$ 
bien  nés  &  bien  faits ,  s'en  glorifîoit ,  & 
méprifoit  Latone  qui  n'en  avoit  eu  que 
deux  :  elle  venoit  jufqu'à  lui  en  faire  des 
reproches  &  a  s'oppofer  au  Cake  reli-* 
gieux  qu'on  lui  rendoit,  prétendant  qu'elle* 
même  mériroit ,  à  bien  plus  jufre  titre, 
d'avoir  des  Autels.  Larone  ,  offenfée  de 
l'orgueil  de  Niobé ,  eut  recours  a  Tes  en- 
fans  pour  s'en  venger.  Apollon  6c  Diane 
voyant  un  jour  dans,  les  plaines  voifines 
de  Tlièbes  ,  les  fils  de  Niobé ^  qui  y  fai- 
ibient  leurs  exercices  ,  les  tuèrent  à  coups 
de  Réelles.  Au  bruit  de  ce  funeile  acci- 
dent 5  les  fœurs  de  ces  infortunés  Princes 
accourent  fur  les  remparts ,  6c  dans  le  mo- 
ment elles  fe  fentent  frappées  &  tombent 
fous  les  coups  invifibles  de  Diane.  Enfin 
la  mère  arrive  ,  outrée  de  douleur  &  de 
défefpoir ,  elle  demeure  ailife  auprès  des 

Tvmc  llh  M 


^66  .c=r:NI=:= 

corps  de  Tes  chers  enfans  ,  elle  les  arrofe 
de  ies  larmes ,  fli  douleur  la  rend  immo- 
bile 9  elle  ne  donne  plus  aucun  figne  de 
vie  5  la  voila  changée  en  Rocher.  Un 
tourbillon  de  vent  l'emporte  en  Lydie  fur 
le  fommet  d'une  Montagne  ,  où  elle  con- 
tinue de  réoaridre  des  larmes  ,  qu'on  voit 
£;ouIer  d'un  morceau  de  marbre. 

Cette  Fable  eft  fondée  fur  un  événe- 
ment tragique.  Une  pefte  qui  ravagea  la 
ville  de  Thèbes ,  fit  périr  tous  les  enfans 
de  Nlolé  ;  &  parcequ'on  attribuoit  les 
maladies  contagieufes  à  la  chaleur  immo- 
dérée du  Soleil  5  on  dit  que  c'écoit  ApoU 
Ion  qui  les  avoit  tués  à  coups  de  flèches  i 
ces  flèches  font  les  rayons  brûlans  du  So- 
jeih  On  ajoura  que  ces  enfans  demeurè- 
rent neuf  jours  fans  fépulture  ,  parcequ^ 
les  Dieux  avoient  changé  en  pierres  tous 
les  Thébains ,  Se  que  les  Dieux  eux-mê- 
iTies  leur  rendirent  les  devoirs  funèbres  le 
«iixième  jour^  c'efl  que  comme  ils  étoient 
înorrs  de  la  pefte  ,  perfonne  n'avoit  ofé 
les  enterrer ,  &  tout  le  inonde  parut  in^ 
-lenfible  aux  malheurs  de  la  Reine  j  figure 
vive  des  calamités  qui  accompagnent  ce 
riéau  j  où  chacun  craignant  une  mort  af^ 
furée ,  ne  fonge  qu  a  fa  propre  conferv^- 
rioîî  5  de  néglige  les  devoirs  hs  plus  eiTen-- 
rjeis.  Cependant ,  après  que  la  violence 


I 


da  mal  fut  un  peu  paffée ,  les  Prêtres, 
quoii  prend  pour  les  Dieux,  fe  mirer:  -n 
devoir  de  les  enfevelir.  N^ole  n,  pouvant 
plus  fcuffrir  le  fejour  de  Thébes,  après  la 
perte  de  ûs  enfans  &  de  fon  mari ,  qui 
setoïc  tue  de  défefpoir ,  rerourna  dans  la 
Lydie    &:  huit  fes  jours  près  du  Mont  Sy- 
piie ,  fur  lequel  on  voyou  une  roche ,  qui  . 
regardée  de  loin  ,  relfembloit ,  ditPaufa- 
nias,  à  une  femme  en  larmes  &  accablée 
de  douleur  ;  mais  en  la  regardant  de  près 
ehen  a  aucune  figure  de  femme,  encore 
moins  de  temme  qui  pleure.  Enfin  ,  parce- 
que  Aïoâe  avoit  gardé  un  profond  (flence 
dans  fon  afflidion  ,&  qu'elle  étoit  deve- 
nue comme  muette  de  immobile  ,  ce  qui 
eft  le  caradlère  des  grandes  douleurs /on 
«.  dit  qu  elle  fut  changée  en  Rocher. 


NiXES. 

Les  Dieux  Nixes,  Nlxli  DU,  mé^ 

Idoient  aux  accouchemens ,  &  les  i^mmes 
les  invoquoient  dans  les  douleurs  de  l'en- 
fantement. FePcus  dit  qu'on  voyoit  au  Ca- 
pitoîe  devant  la  Chapelle  de  Minerve 
trois  Scaïucs  agenouillées  ,  &  daiis  la  pof! 
tare  û'accoucheules.  Ces  Scatues  avoi^nt 
été  apportées  de  Syrie  ,  après  la  déi^ite 
dAntiochus  par  les  Romains. 

M  ïj 


a6S  =NO 

Noblesse, 

îî  ne  paroîr  pas  que  les  Romains  ayent 
|aaiais  déïné  la  Nol^Ujfe ,  mais  ils  Tonc 
perfonnifiée  ,  &  lai  ont  donné  une  forme 
humaine  dans  plufieurs  Monumens.  C'eft 
une  femme  debout  qui  tient  de  la  main 
gauche  une  Pique ,  hc  qui  a  fur  la  droite 
ane  petite  Statue  qui  relTemble  à  une  Mi- 
nerve. Cette  DéefTe  efl  en  effet  la  plus 
propre  pour  caraâ:érifer  la  NobUjJe ,  puif- 
quelle  eft  née  de  la  tête  de  Jupiter. 

La  Nohlcjfe  fe  caradérife  par  la  richefîe 
des  vêremens  ,  bc  par  l'attitude  impofante 
que  ion  donne  â  cette  figure.  L'Etoile 
qui  eft  au-deiUis  de  fa  tête ,  lignifie  que 
l'élévation  des  fentimens  doit  être  fon 
principal  appanage.  Elle  tient  une  Statue 
de  Minerve  &  une  lance ,  pour  marquer 
que  la  Nohle(fe  peut  s'acquérir  aulîî  biea 
par  le  Mérite  dans  les  Sciences ,  que  pair 
la  Valeur  dans  les  Armes. 

La  Noblesse  eH:  fans  doute  un  bîea  très-prédeux  \ 
Ce  n'efi:  p3S  ie  faiiç^  qui  la  donne  :  ^ 

Ne  l'attends  pas  du  rang ,  qu'ont  tenu  tes  aïeux  j 
îl  faut  payer  de  ta  perfonne. 

La  Nohlcjjh  ,    dans  une  Médaille   d( 
Gêta  ,  eil  au(Ii  repréfencée  par  i\m  feniiî»^ 


vetuc  d'une  robe  longue  i  tenant  une  lança 
d'une  main  ,  &  de  Tautre  une  image  dâ 
Pailas  :  au  bas  de  (qs  pieds  on  apperçoic 
deux  couronnes ,  la  Robe  longue  défigns 
qu'il  n'y  avoir  du  temps  des  Romains  , 
que  les  feuls  Gentilshommes  qui  pou- 
voient  la  porter  par  bienféance  &:  par  Li 
gravité  de  leurs  mœurs ,  duc  aux  perfon- 
nés  nobles.  La  Lance  ,  joinre  à  l'image; 
de  Minerve  5  ell:  pour  montrer,  que  les 
Sciences  &  les  Armes  annoblilTenc ,  que. 
l'âme  y  contribuant  entièrement ,  à  quoi 
fert  la  DéelTe  Palias  ,  pour  être  née  du 
cerveau  de  Jupiter ,  ce  qui  doit  s'enten- 
dre myftiquemenr  du  Difcours  &  de  l'In- 
telled  ,  par  le  moyen  defquels  on  peut  ac- 
quérir hs  qualités  qui  font  néceflaires  à 
la  Vraie  Nohkffc* 

NOCTULIUS, 

'3  Dieu  de  la  Nuit  :  il  étoit  repréfenté 
fous  la  figure  d'un  jeune  homme  ,  vêtu  ^-' 
peu-près  comme  Atys,  éteignant  fon  flam-' 
beau  ,  &  ayant  à  fes  pieds  une  Chouette  , 
qui  eO:  un  oifeau  noélarne  ,  &  un  à^s 
Symboles  de  la  Nuit. 

Nœud. 

Ordre  de  Chevalerie  j  inftitaé  en  1 5  5i  , 

M  iij 


270  ==  N  O  -^^^ 

par  Louis  d'Anjou  ,  dit  de  Tarente  ,  Roi 
de  Naples  ,  fécond  mari  de  la  Reine 
Jeanne  L  11  compofa  cQiiQ  compagnie  de 
foixanre  Chevaliers ,  qui  s'étoienc  diftin- 
gués  par  leur  bravoure  ,  &  leur  prefcrivit 
une  formule  de  Serment  &  de  Foi  per- 
pétuelle. Chacun  de  cqs  Chevaliers  por- 
toit  5  ainiî  que  le  Roi ,  un  habit  militaire , 
qui  dciîgnoit  leur  qualité  ,  leur  dignité  , 
tel  que  Tufage  l'autorifoit  alors  ,  avec  un 
Cordon  de  foie  ,  mêlé  d'or  &  d'argent. 

Les  uns  difenr  que  le  Roi  leur  nouoit 
ce  Cordon  fur  la  poitrine ,  d*autres  pré- 
tendent que  c'étoit  au  bras.  L'inftitut  de 
cet  Ordre  portoit  que  lorfqu'un  des  Che- 
valiers avoit  donné  quelques  preuves  écla- 
tantes de  valeur  3  il  portoit  le  Nœud  dé- 
lié 5  &:  que  iorfqu  il  cntreprenoit  de  don- 
ner une  {QQOïiàQ  preuve  de  fa  valeur ,  il 
renouoit  ce  Nœud. 

Le  Prince  de  Tarente,  frère  aîné  du 
Roi  Barnihé  Vifconri ,  Seigneur  de  Mi- 
îan  :  Louis  San-Severino  ,  &  beaucoup 
d'autres ,  furent  créés  Chevaliers.  On  croit 
que  cet  Ordre  de  Chevalerie  eil  le  plus 
ancien  qui  ait  été  établi  en  Italie. 


ÉNIGME    XLFIL 


Jolîettc 
Rondelette, 
C'eft  aux  champs 
Qu'on  me  cueille  > 
Et  ma  feuille 
Aux  Amans 
Se:c  d'ombrage. 
Heureux  l'âge 
OÙ  la  dent 
Aifément 


'5"> 


De  ma  lo2:e 
Me  déloge. 
Quelquefois 
De  mon  boiS 
Retirée 
Et  fuciée, 
Je  parois 
Bien  blanchette 
De  grilette 
Que  j'étois. 


Nom. 

Les  Noms  des  Nobles ,  dans  les  pre- 
miers temps  de  la  Monaixhie ,  n'étoienî 
point  héréditaires  ;  les  Anciennes  Hifloi- 
res  &  les  Généalogies  en  font  foi.  Et  lo 
titre  16  à\i  cinquième  Paragraphe  de  la 
Loi  Sdlique  ,  nous  fait  connoîcre  que  les 
parens  s'airembloient  pour  donner  un  Nom 
au  nouveau-né  ^  la  neuvième  nuit  ,  pour" 
dire  le  neuvième  jour  ;  car  ,  à  la  façon  dcS 
Hébreux  ,  les  Gaulois  Anciens ,  les  Alle- 
mands 8c  les  François  ,   comproienc  pac 
nuit   &  non  par  jour  ;  d'où  ell  refté  cri 
France  ,  parmi  le  peuple  ,  cet  ufage  d& 
parler  j  Je  ferai  à  nuit  cela. 
li  fe  faifoic  de  grandes  réjouiffances  1 

M  iv 


^72  .r=rNO  = 

ces  Nominations  ;  &  le  nouveau'nl  reçe- 
Toit  un  Nom  ,  dont  la  fîgnification  étoit 
agréable  à  la  famille.  Depuis  que  les  Noms 
ont  écé  héréditaires ,  il  efl  refté  en  France 
quelque  chofe  de  cette  coutume  d'alTem- 
bler  les  parens  pour  la  Nomination  des 
enfans  j  car  on  prend  deux  parreins ,  l'un 
paternel  &  l'autre  maternel ,  pour  don- 
ner le  Nom  de  Baptême, 

L'ufage  de  donner  aux  enfans  des  Nc7?is 
différens  de  celui  de  leur  père ,  ne  cefTa 
pas  aufii- tôt  que  les  Fiefs  furent  hérédi- 
taires ;  il  s'écoula  encore  quelques  généra- 
tions ,  avant  que  les  Nobles  prifTent  le 
Nom  àes  principales  Seigneuries ,  dont  ils 
croient  propriétaires ,  &  fur  lefquels  ils 
bâtirent  des  châteaux  pour  leur  habitation 
^  celle  de  leurs  fuccelTeurs. 

Les  Habiians  du  Nord  ,  qui  vinrent , 
fous  la  conduite  de  Rollon  ,  s'établir  dans 
ia  Neuftrie  ,  n'avoient  point  de  Noms 
fixes  :  devenant  feudataires  de  la  Couron- 
ne,  &  fe  trouvant  pour  ainfî  dire,  ag^ 
grégcs  a  la  Nation  Françoife,  il  étoit  na- 
turel qu'ils  adoptaient  quelques-uns  de 
leurs  ufag^.s.  Mais  celui  de  l'hérédité  à^s 
Noms  n'croit  pas  encore  connu  chez  elle, 
parceque  les  Fiefs  n'étant  point  héréditai- 
res 5  &  ne  l'ayant  été  généralement  que 
fous  le  Règne  de  Hugues  Capet ,  il  n'étoic 


pis  alors  poiiibie  de  déCigner  une  famille 
par  un  Nom  pajfager,   . 

La  propricré  prodiiifit  le  £iit  contraire, 
tant  pour  la  France ,  que  pour  la  Norman- 
die. On.  s'habitua  à  donner  aux  homme> 
les  Noms  des  terres^  qui  a  voient  été  le  pa— 
rrimoine  de  leurs  pères,  &  qui  devoienc. 
après  eux  pafier  à  leurs  enfans. 

Ces  Noms  de  terres  devinrenr  propres 
&  héréditaires  aux  Familles,  qui  y  éccienn. 
domiciliées.  înfenfiblement  Vu(2%q  de 
changer  de  Nom  à  chaque  géncratioii,  fiiC 
anéanti ,  lorfque  les  punies  furent  admis 
à  fuccéder  avec  leurs  aînés  :  ceiix  qui  for- 
mèrent  d^s  branches  d^c  de  nouveaux  éra- 
bliiTemcns  fur  les  Fiefs  qu'ils  eurent  en 
partage  ,  furent  pareillement  dénommes 
par  le  Nom  de  ces  Fiefs,  &  formèrent, 
pour  ainfi  dire ,  des  AJaifons  iiouvelUs. 

La  Roque  ,  dans  iow  Hiftoire  de  la 
Maifon  d'Harcourt ,  en  cite  un  infinité- 
d'exemples,  dont  quelques-uns  fufHfent. 
Il  dit  que  Bernard  le  Danois ,  proche  pa- 
rent du  Duc  Rollon  ,  Chef  réputé  de  la 
Maifon  d'Fïarcourt,  fut  père  de  Torfe  y  qui 
le  fut  de  Turchetil^  père  à' Anchetil y  qui 
eut  pour  fils  Robert  d'Harcourt ,  duquel 
font  defcendus  les  Seigneurs  de  ce  Nom^ 

Il  dir  auiîi ,  pag,  8  &  /  j  du  premier  Va-^ 
lume  ^  que  les  branches  qui  forcirent  ào. 

M  7 


^74  =NO==: 

ces  Tiges  Normandes ,  pcirent  pareille-^ 
ment  le  Nom  des  terres  qu  elles  eurent  en 
partage ,  de  portèrent  des  Armes  différen- 
tes de  leurs  aînés.  Il  en  donne  un  grand 
nombre  de  preuves  j  &  tous  les  Auteurs ,. 
qui  ont  écrit  far  cette  matière ,  ont  dit  la 
même  chofe. 

ÉNIGME    XLVIIL 

Non ,  je  ne  fus  jamais  favorable  en  amour  : 
Un  Amant  près  de  fa  MaîtrefTe , 
A  fouvent  beau  faire  fa  cour , 

On  me  jette  à  fon  nez  pour  le  mettre  en  détrefle. 

Du  mot  le  plus  commun ,  oiii ,  je  fuis  l'antipode  i 
Faites  -  y  bien  attention  5 
De  lui,  de  moi .  Ton  s'accommode. 

Icéleur  5  devinez-vous  ?  Ma  foi ,  je  crois  que  non. 

ÉNIGME     XLIX. 

On  remarque  dans  moi  plus  d'un  bizarre  effet. 

Je  marche  lentement ,  lorfque  ma  panfe  eft  vuidfe  5 

Quand  j'ai  le  ventre  plein ,  mon  pas  eft  plus  ra- 
pide. 

Quelquefois  on  me  perche  au  haut  d'un  tong  pi- 
quet 5 
Et  quelquefois  fur  ma  têre 
Ce  long  piquèi  eft  planta. 

l^ais ,  loin  que ,  dans  ma  courfe ,  un  tel  fardeau 
lOj'auête  :^ 


==^  N  O  =  375: 

Il  accroît  ma  Icgcrcté. 

Tantôt  on  me  voit  ifolée , 

Tantôt  j  par  des  liens  divers , 
Je  fuis  avec  mes  iœurs  fortement  enchaînée  j 

Mais  plus  on  nous  charge  de  fers , 

Plus  nous  acquérons  de  vîtefTe. 
Enfin,  quoique  fouvent  j'infpire  l'alégreiTe  ,- 

Mes  habits  font  d  une  couleur 

Qui  ne  convient  qu'à  la  douleur. 

ÉNIGME     L, 

Nbus   (bmmes   nombre  impair   de   gaillardes  fe-- 
melles , 
Propres  fœurs  &  jumelles  > 
Qu'à  toute  heure  on  peut  voit 
Changer  du  blanc  au  noir. 
Notre  mère  ou  maîtrefle  eft  dode,  &  fans  cervelle  3 

Elle  efl:  fage  &  folle  fouvent , 
Nous  faisant  prendre  en  l'air  un  vol  hardi  fanS 
aile. 
Et  giroiiéter  à  tout  vent. 

Dans  une  union  mutuelle , 

Nous  nous  marions  entre  nous  ; 

Nos  compagnes  font  nos  époux , 

Et  chacune  de  nous  peut  palTer  pour  pucsilc. 

Si  depuis  quatre  ou  cinq  mille  ans , 
On  nous  entend  chanter  de  ruelle  en  ruelle 
Le  doux  martyre  des  Amans , 
Ceft  quç  leur  coeur  nous  fut  toujours  fidèle, 

M  Vf 


Novembre. 

Ce  Mois  eft  le  neuvième  de  TAnnee 
de  Romulus ,  &  le  onzième  de  la  nô- 
tre :  il  étoit  fous  la  protedion  de  Diane* 
Aufone  le  peiTonnifie  fous  la  figure  d'ua 
Pr'èiire  d'ifis  5  habillé  de  toile  de  lin  ,  âyani: 
la  tète  chauve  ou  rafée  5  appuyé  contre  un 
Autel  5  fur  lequel  eft  une  tète  de  Che- 
vreuil 5  Animal ,  qu'on  facrifioic  a  la  DéeT- 
fe  :  il  tient  un  Siflre  a  la  main  ,  inftru- 
xnent  qui  fervoit  aux  Ifiaques.  Tout  le 
rapport  qu'il  y  a  entre  le  perfonnage  &  le 
Mois  ,  c'eft  qu'aux  Calendes  de  Novem- 
bre on  célébroit  les  Fêtes  d'ifis.  Le  5  du 
mois  5  on  faifoir  les  Neptunales  ^  le  15, 
!es  Jeux  Populaires  ;  le  2 1  ,  les  Libérales  ; 
^  le  27  3  les  Sacrifices  Mortuaires» 

Nuit. 

On  a  fait  de  la  Nuit  une  Divinité,  ^ 
îa  plus  ancienne  de  toutes,  parceque  l^^. 
Ténèbres  cm  précédé  la  Lumière.  Elle 
ctoit  fille  du  Chaos ,  dit  Héfiode.  L'Au- 
teur que  nous  avons  fous  le  nom  d'Or- 
phée 3  l'appelle  la  Mère  des  Dieux  &  à^^ 
Hommes.  Théocrire  dit  qu'elle  alloit  far 
un  charriot  précédé  par  \(^^  Aflres  :  d'?u- 
SfQS-  lui  donneur  à^s  aîles  ^  comme  à  Cu* 


pîcîon  &  a  la  Vidoire.  Enfin  Euripide  la 
dépeint  vêtue  ,  ôc  couverte  d'un  grand 
voile  noir ,  accompagnée  dQS  Aftres  >  & 
allant  en  cet  équipage  fur  fon  Char.  C'ed 
là  la  manière  la  plus  ordinaire  dont  elle 
eft  repréfencée. 

Quelquefois  on  la  voit  fur  fon  Chnr^ 
tenant  un  grand  Voile  tout  parfemé  d'E- 
toiles 5  étendu  fur  la  tète.  D'autres  fois. 
on  la  trouve  fans  Cha^riot,  ayant  auiïï  un' 
grand  Voile  qu'elle  tient  d'une  main ,  ÔC 
tourne  de  l'autre  fon  Flambeau  vers  la. 
terre ,  pour  l'éteindre. 

La  Nuii  avoit  des  enfans ,  dont  le  pèr sr 
étoit  l'Erèbej-au  fentiment  de  queK-]aes 
Anciens  rapporté  par  Cicéron  ;  c'étoit  f  £- 
ther  &"  le  jour  :  outre  cela,  la  Nuii  toute, 
feule,  &  fans  le  commerce  d'aucun  Dieu,, 
engendra ,  dit  Héfiode  ,  l'odieux  Deftin  ^ 
la  noire  Parque,  la  Mort,  le  Sommeil ,  8c 
tous  les  Songes  j  la  Crainte  ,  la  Douleur  y 
l'Envie,  le  Travail,  la  VieillefTe,  la  Mi- 
fère ,  les  Ténèbres  ,  la  Fraude  ,  l'Obfrina- 
tion,  les  Parques,  les  Hefpérides  ",  en  un 
mot  tout  ce  qu'il  y  avoit  de  fâcheux  êC 
de  pernicieux  dans  la  vie  ,  palToit  pour- 
une  production  de  la  Niiii,  Enée ,  avant 
de  defcendre  dans  les  Enfers,  immole  une. 
jeune  Brebis  noire  à  la  Nuit ,  comma 
ïnèie  des  Euméaides.. 


273  _.=  NU  = 

On  la  peint  de  carnation  brune ,  apnr 
deux  grandes  ailes  de  Chauve-fouris ,  une 
couronne  de  Pavots  ,  ôc  une  draperie 
bleue  obfcure ,  parfemée  d'Etoiles  bril-- 
îantes. 

Sorgea  la  nette  Infante  y  e  fotto  l'ail 
Ries  priva  del  Cielo  e  campi  immenfi.. 

Tasso  canto  e  Gerufal.  liberata. 

Elle  tient  deux  enfans  endormis,  dont 
Fun  blanc  &  l'autre  noir ,  font  l'image  des- 
Songes  gracieux  &  des  Songes  épouvan- 
tables* 

Tenfèvelîs  jufqu'àu  retour 
De  l'Aftre  qui  donne  le  jour. 
Dans  une  douce  fépulture  , 
L'Homme ,  les  Animaux ,  &  toute  la  Nature. 

ÉNIGME   LL 

Nous  femmes  deux  enfans  du  temps  j 

Tous  deux  auffi  vieux  que  le  Monde  : 
Rien  n'a  pu  cependant  troubler  la  paix  profonde 
Qui  règne  parmi  nous  depuis  tant  de  Printemps.. 

Notre  père  équitable  &  fage  , 
A  chacun  en  naifTant  fixa  fon  héritage. 

Nous  vivons  contens  d'icelui  j 

Sans  erapiàet  lur  autrui». 


Depuis  plus  de  lepc  rAiille  années  , 
Nous  fommes  en  pofTcflîon 
Chacun  de  notre  pordon  ; 
Sans  que  les  fières  Deftinées , 
Et  que  l'impitoyable  Mort , 
De  notre  père  ait  pu  finir  le  fort, 

Nyctélies, 

Fêtes  de  Bacchus,  qui  fè  célébroîenr  k 
nuit  5  Se  dans  iefquelies  on  portoit  des 
Torches  allumées ,  en  faifant  une  efpèce 
de  ProceiEon  par  les  rues  d'Athènes.  Ceux 
qui  y  alîiftoient ,  avoient  le  verre  à  la 
main ,  &  au  retour  de  la  Procefîion  ,  ils. 
faifoient  à  Bacchus  d'amples  Libations. 
Saint  Auguftin  remarque  dans  fa  Cité 
de  Dieu ,  qu'il  riy  avoit  point  de  débau- 
che &  d'impureté  qu'on  n'y  commît.  Les 
Nycié/ies  fe  faifoient  à  Athènes ,  tous  les- 
trois  ans ,  au  commencement  du  Prin- 
temps. Les  Nycîélies  fe  célébroient  aufli< 
en  l'honneur  de  Cybèle. 

Nymphe. 

Ce  Mot,  dans  fa  fignifîcatlon  naturelle^ 
£gnifie  une  fille  mariée  depuis  peu,  une. 
HoUvelIe  mariée.  On  l'a  donné  dans  la 
fuite  à  des  Divinités  fubalternes ,  qu'on 
repréfentoit  fous  la  figure  de  jeunes  filles> 


^8o  =NY  = 

Selon  les  Poètes,  tout  l'Univers  étoit  plein 
de  ces  Nymphes.  Il  y  en  avoir  qu'on  ap- 
pelloît  Uranies  ou  Célefles,  qui  gouver- 
noient  la  Sphère  du  Ciel  \  d'autres  Ter- 
reîlres  ou  Epygies.  Celles-ci  éroient  fubdi- 
vifées  en  Nymphes  à.ts  Eaux  &  Nymphes 
de  la  Terre. 

Les  Nymphes  àQ%  Eaux  étoient  encore 
divifées  en  plulîeurs  ClalTes  :  les  Nymphes 
Marines,  appellées  Océanides ^  Néréides ^ 
ôc  Mélles  ;  les  Nymphes  des  Fontaines  ou 
Naïades^  Crénées,  Pégées  ,  les  Nymphes 
des  Fleuves  &  des  Rivières ,  ou  les  Pota- 
mi  des  ;  les  Nymphes  des  Lacs  <^  Etangs,, 
ou  les  Limnades^ 

Les  Nymphes  de  la  Terre  étoient  audi 
de  plufieurs  ClafTes  :  les  Nymphes  des 
Montagnes  ,  qu'on  appelloit  Oréades  ^ 
Orejiiades ,  ou  Orodemjîiades  ;  les  Nym- 
phes des  Vallées ,  des  Bocages ,  ou  les  Na- 
pées  ;  les  Nymphes  des  Prés,  ou  Limcnia-' 
des  ;  les  Nymphes  des  Forêts,  ou  les  DrycL"^ 
des  &c  Hamadryades, 

On  trouve  encoie  des  Nymphes  2i\'€c  des 
noms  ou  de  leur  pays  eu  de  leur  origine  ; 
comme  les  Nymphes  Tibériades ,  les  Pac- 
tolides,  les  Cabirides,  les  Dodonides  y  les 
Cythéroniades ,  les  Sphragitides ,  les  Cory^ 
cides  ou  Corycies,  les  Anigrides ,  les  Ifmé- 
lïides,  les  Sithnides  ;,  les  Lyfiades ,  les  Am- 


nlfiades  ou  Amnifictes ,  les  îonîdes ,  les 
Héiiades ,  les  Héréfides,  les  Thémiftiades , 
les  Lélégéïdes ,  Ôcc 

Enfin  on  a  donné  le  nom  de  Nymphes 
non-feulement  à  des.  Dames  illuflres ,  donc 
on  apprenoit  quelque  aventure,  mais  même 
jufqu'à  de  fimples  Bergères,  Se  a  toutes  les 
belles  pirfonnes  que  les  Poètes  font  entrer 
dans  les  Sujècs  de  leurs  Pocmes. 

L'idée  des  Nymphes  peut  être  venue  de 
l'opinion  où  Ton  étoit  avant  le  Syflême 
des  Champs  É'yfées  &  du  Tartare  ,  que 
les  âmes  demeuroient  auprès  des  Tom- 
beaux, ou  dans  les  Jardins  de  les  Bois  dé- 
licieux qu'elles  avoient  fréquentés  pen- 
dant leur  vie.  On  avoit  pour  ces  lieux 
un  RefpedV  religieux  :  on  y  invoquoit  les 
Ombres  de  ceux  qu'on  crovoit  y  habiter; 
on  tâchoit  de  fe  les  rendre  favorables  par 
des  Vœux  cc  des  Sacrifices.  De-là  efl:  ve- 
nue l'ancienne  coutume  de  faciifier  fous 
des  arbres  verds ,  fous  lefquels  on  croycic 
que  les  âmes  errantes  fe  plaifoient  beau- 
coup. De  plus ,  on  croyoit  que  tous  les 
Aftres  étoient  animés  :  ce  que  l'on  éten- 
dit enfuite  jufqu'aux  Fleuves  &  aux  Fon- 
taines 5  aux  Montagnes  &  aux  Vallées , 
en  un  mot  à  tous  les  Etres  inanimés  > 
auxquels  on  nirigna  dQS  Dieux  tutélaires. 


2Î2  =N-V=» 

On  afïîgna  aufli  une  forte  de  Culte  â 
ces  Divinités  :  on  leur  ofFroit  en  Sacrifice 
de  l'Huile,  du  Lait,  &  du  Miel  j  quelque- 
fois on  leur  immoloit  à^s  Chèvres  :  on 
leur  confacroit  des  Fêtes.  En  Sicile ,  on 
célébroit  tous  les  ans  àts  Fêtes  foiemnelies 
en  l'honneur  des  Nymphes  ^  félon  Virgile» 
On  n'accordoit  pas  tout-â-fait  l'Immorta- 
lité aux  Nymphes  ,  mais  on  s'imaginoit 
qu'elles  vivoient  très-loiig-remps.  Héiiode 
les  fait  vivre  placeurs  milliers  d'années, 
Plutarque  en  a  déterminé  le  nombre,  6c 
il  a  réglé  la  chofe  a  neuf  mille  fept  cents 
vingt  ans ,  par  un  raifonnement  auiîî  pi- 
toyable, que  le  calcul  qu'il  fait  pour  cela. 

Nymîphes 

O  RÉAD  E  s. 

Les  Oréades  font  les  Nymphes  qui  pré- 
fident  aux  Montagnes  :  on  les  repréfente 
prefque  nues,  n'étant  ornées  que  de  quel- 
ques feuilles  d'arbres.  Elles  ont  des  Cou- 
ronnes de  Genièvre  5  &  des  Pieds  de  Bi- 
ches. Leurs  Attributs  ordinaires  font  de% 
Chevreuils ,  &  autres  Animaux ,  qui  fré- 
quentent peu  la  plaine. 


Nymphes 

Na  p  p  èes. 

Ce  font  les  Nymphes  des  Prairies  &  des 
Bocages.  On  les  peint  vêtues  d'une  légère 
étoffe  verte,  couronnées  de  petites  Fleurs, 
&  carefîant  des  Oifeaux  qui  leur  font  fa- 
miliers. On  \qs  repréfente  toujours  allifes 
dans  êiQS,  Prairies,  ou  dans  quelques  Bo- 
cages agréables. 

Nymphes 

D  RY  A  D  E  s. 

Elles  préiîdent  aux  Forêts,  &  s'y  tien- 
nent nuit  &  jour.  On  les  repréfente  de 
taille  robulie  ,  &  vêtues  ruiliquemenc 
d'une  groife  étoffe  verd  obfcute.  Let.r 
coëiiure  efl:  fans  art  <?-:  garnie  de  moulTe. 
Elles  tiennent  des  branches  de  Pin  ou  de 
Chêne  ,  qui  ont  leurs  feuilles  &  leurs 
fruits.  Leurs  chauffures  font  des  Brode- 
quins faits  d'écorce  d'arbre. 

Nymphes 

Hamadryad  ES, 

Celles-ci  font  aufii  ^qs  Nymphes  d^i 
Forêts,  mais  elles  s'attachent  particulière- 


^§4  =^,NY==^ 

ment  à  un  feul  arbre.  Selon  la  Mytlioîo-^ 
gle,  c'eft  ordinairement  au  Chêne ,  &  leut 
deftinée  écoic  attachée  à  Tarbre  fous  l'é- 
corce  duquel  elles  fe  tenoient.  Les  Poètes 
ont  feint  que  ,  ne  pouvant  attendrir  par 
leurs  gémiffemens  ceux  qui  détraifoienr 
leurs  arbres ,  elles  obtenoient  dQS  Dieux 
qu'ils  fuffent  punis. 

Nymphes 

DE  Diane, 

On  les  repréfente  ordinairement  en 
ChalTeufes ,  ayant  les  bras  &  les  jambes 
nues ,  un  Carquois  fur  le  dos  »  &  un  Arc 
à  la  main  ;  quelquefois  on  leur  fait  tenir 
des  Oifeaux  de  proie,  ou  on  les  accom- 
pagne de  Lévriers ,  ou  de  Chiens  courans. 
Leur  vêtement  eft  court,  léger,  &c  d'étoffe 
blanche,  qui  efl  la  couleur  fymbolique  de 
la  Chafteté  de  la  Déeffe  qu  elles  fervent. 
Ce  vêtement  peut  auiîî  être  entremêlé  de 
quelques  Peaux  ou  dépouilles  de  bêtes  fau- 


vages 


Nymphes 

Na  y  a  d  e  s. 

Ce  font  les  nlles  de  Doris  ^i  de  JNTérée, 
Elles  préfident  aux  Fontaines  &  aux  Ruif- 
feaux  j  féjournent  dans  à^s  lieux  aquati- 


ques  &  marécageux.  On  les  peint  avec  de 
petites  urnes  qu'elles  tiennent ,  êc  donc 
elles  répandent  de  l'eau.  Leurs  cheveux 
font  ondoyans  Ôc  abattus  fur  leurs  épau- 
les ;  ôc  leurs  couronnes  font  de  rofeaux» 

Nyi^îphes  de  la  Mer, 

Thétis» 

Les  Poètes  ont  entendu  par  le  nom  de 
cette  Nymphe ,  qui  eft  une  dts  DéeiTes  de 
la  Mèr  ,  l'immenlité  des  eaux  5  c'eft  pour 
cette  raifon  qu'ils  ont  feint  que  le  Soleil 
fe  couchoir  dans  fon  fein  :  ils  la  font  fem- 
me de  l'Océan  ,  de  Mère  de  Doris  &c  de 
Nérée ,  elle  l'efl:  auHî  d'Achille  &  de  Pe- 
lée. On  la  repréfente  au  milieu  de  la  Mèr, 
2.ilîfe  fur  une  Conque  mâtine  ,  tenant  une 
blanche  de  corail ,  de  une  draperie  bleue 
(dont  elle  forme  une  efpece  de  voile. 

Nymphes  de  la  M£r, 

Galat  H  É  E. 

Elle  fe  repréfente  d'une  carnation  extrê- 
mement éclatante,  ayant  fa  coëffure  ornée 
de  perles  ,  &  tenant  un  voile  blanc  qui 
jflotte  au  gré  à^s  vents.  Elle  eft  far  une 

.  .Conque  de  nacre ,  &  tient  une  éponge. 

.jSêîon  Eoçace,  dans  fa  Généalogie    des 


2S5  =NY  = 

Dieux  5  Z/v.  8.  GaUtée  ,  Dée/fe  de  îa 
blancheur  ,  fignifîe  l'écume  que  les  vagues 
de  la  Mèr  forment  en  s'entrechoquant ,  ôc 
d  où  fe  produifenc  les  éponges. 

Nymphes 

NÉ  RÉ  I  n  E  s. 

Selon  la  Fable  elles  font  cinquante 
fœurs  ,  toutes  filles  de  Nérée  Ôc  de  Doris. 
Leur  emploi  eft  de  faire  cortège  aux  Chars 
de  Neptune  ,  d'Amphitrite ,  de  Vénus ,  ôc 
autres  Divinités  fupérieures  de  la  Mèr. 

On  les  repréfente  fous  la  forme  de  bel- 
les filles  jufqu'à  la  ceinture ,  le  refte  fe 
termine  en  queue  de  poifibn.  Elles  ont  de 
longs  cheveux  ornés  de  perles  ,  badinent 
avec  des  conques  remplies  de  corail ,  ou 
de  coquillages  &  autres  fruits  marins. 

Il  ne  faut  pas  les  confondre  avec  les  Si- 
rènes 5  qui  ne  font  que  trois  fœurs ,  Ôc  qui 
font  des  Monftres  fort  dangereux, 

Nymfhes  de  l'Aik. 

Iris. 

Les  Poètes  la  font  me(ïagère  de  Junon, 
On  la  peint  ordinairement  volant  fuu 
TArc^en-ciel ,  de  vètuë  d'une  draperie  lé- 
gère ,  dont  les  couleurs  font  variées  comr 


me  celles  de  cet  Aix.  L'IconoIogie  la  ca- 
radérife  par  un  foleil ,  devant  lequel  tombe 
une  légère  pluie.  Virgile  ,  dans  fes  Opufc. 
décrit  ainfi  Vîris  : 

Kuntia  Junonls  varia  decorata  colore, 
Mthera  nuhificum  ampUBtitur  crhe  décora , 
Cum  Phocbus  radias  in  nubem  jecit  aquofam. 

Nymphes  de  l'Air. 

SERENITE  DU  Jour. 

On  perfonnifie  la  Sérénité  du  Jour  pat 
une  jeune  fille  ,  aflîfe  fur  un  globe  d'ar- 
gent 5  &  dans  l'adion  de  contempler  avec 
raviffement  un  Soleil  rayonnant  qui  eft  au- 
deiTus  de  fa  tète.  Ses  cheveux  font  blonds , 
treiïes  ,  &  ornés  de  fieurs.  Son  vêtement 
eft  d'une  légère  étoffe  d'or  6>c  d'azur. 

Nymphes  de  l'Aih. 

sérénité  de  la  nuit. 

Celle-ci  fe  peint  afîife  fur  un  globe  ter- 
jreftre  un  peu  obfcur.  Elle  contemple  pai- 
fiblement  une  Lune  qui  brille  au-delTus 
ce  fa  tète.  Sa  draperie  ell  bleu-foncé  ,  par- 
fcmée  d'étoiles  d'or.  Sa  carnation  e^  bru- 
ne 3  Ôc  fes  cheveux  noirs  font  prnçs  de 
guirlandes  de  perles^ 


Nymphes  de  l'Aik; 

Pluie. 

On  la  repréfente  dans  un  Ciel  couvert 
ôc  nébuleux ,  alîife  fur  un  nuage  épais 
qu'elle  prelTe  pour  le  réfoudre  en  pluie. 
Autour  de  fa  tète  font  fept  Étoiles  ,  qui 
font  les  Pléiades.  Parmi  les  nues  on  dé- 
couvre Orion  fous  la  figure  du  Signe  du 
Scorpion ,  ou  fous  celle  des  dix-fept  Étoi- 
les dont  il  eft  compofé.  Dhs  que  ce  Signe 
paroît,  il  menace  de  P/uie  ôc  de  tempête  : 
ce  qui  fait  dire  à  Virgile  : 

Cum  fuhlto  refurgcns  fiuclu  j  nimhofus  Cri  en. 

Et  Properce ,  dans  fes  Elégies  : 

l^on  hœc  Pléiades  fac'iunt ,  ne  que  aquofus  Orion, 

Nymphes  de  l'Air. 

Rosée. 

La  Rofée  fe  peint  fous  la  figure  d'une 
jeune  fille  foutenuë  dans  l'air  ,  à  peu  de 
diftance  de  la  terre  ,  &  au-defTus  d'une 
prairie  ;  fa  draperie  eft  aurore.  On  la  cocffe 
de  différentes  branches  de  buiiTons ,  ôc 
dans  {qs  mains  elle  en  tient  aufii  des  gout- 
tas d'eau.  Au-deffus  de  fa  tète  efl  une 
X.uûe  dans  fon  plein.  Ariftote  y  Liv,  5  des 

Météores  y 


Météores  ,  dit,  que  la  Lune  dans  Ton  plein 
a  plus  de  force  pour  attirer  &  foutenir 
dans  la  troifième  région  de  l'air ,  la  quan- 
tité de  vapeurs  nécelTaires  à  former  une 
abondance  Rofée. 

Nymphes  de  l'àik. 

Comète. 

C'eft  un  corps  Célefte  Ôc  lumineux  ,  qui 
fe  perfonnifie  fous  l'image  d'une  femme 
foutenue"  en  l'air  ,  ayant  le  regard  mena- 
çant ,  une  longue  chevelure  enRammée  , 
une  draperie  rouge  ëc  tenant  un  flambeau 
de  foufre  allumé.  Ariftote ,  dans  fes  Mé- 
téores ,  dit  que  la  Comète  eil  de  nature 
fulfureufe. 

Elle  eft  de  finiflre  préfage ,  félon  ces 
Vers  de  Si  Ho  Italio  ,  Lib^  i . 

Çrine  utfiammifero  tcrrctfira  régna  Comètes, 
Sanguineum  fpargens  ignem  ^  vomit  atra  ruhentes, 
fax  Cœlo  radios ,  &  fœva  luce  corufcunt 
^cintillat  fidus ,  terri/que  ex  tréma  minatur,. 

Et  Virgile ,  Géorg, 

'ulgura;  nec  dirl  toi.es  arfere  CometM, 

O. 


La  quatorzième  lettre  de  l'AIphabèt ,  5c 
\  quatrième   des   voyelles,  Grégoire   de 
Tome  lîL  N 


Toms,  Hift.  Liv,  F.  C.  44,  dit  que  c'eft 
Cliilpéric  qui  ajoura  VO  a  l'Alphabèc  Fran- 
çois ,  avec  trois  autres  lettres  O  ,  X  ,  0. 
Les  Grammairiens  l'appellent  une  voyelle 
fermée  ,  ou  reiferrée  ,  parcequ'elle  fe  pro- 
nonce en  refsèrant  la  bouche.  Chez  les 
Latins  VO  avoir  tant  d'affinité  avec  l'U , 
qu'ils  confondoient  aifément  ces  deux  let- 
tres. Ils  écrivoient  Confoly  &c  prononçoient 
Confal.  Voyez  les  Inscriptions  de  Grutèr, 
p.  LXVI.  n.  7,  p.  Cil.  ligne  24,  &  p. 
D.  ligne  29. 

O  y  chez  les  Anciens  ,  étoit  une  lettre 
Numérale  ,  qui  fignifient  onie^  fuivant  ce 
Vers. 

O  numeruni  gejtat  qui  nunc  undecimus  cxtau 

Quand  on  met  au-deffus  un  titre  ô  >  il 
fisnifie  on:(e  mille* 


ô* 


ÉNIGME    LU. 


Mon  nom ,  connu  par-tout ,  occupe  l'Orateur. 
Avec  les  plus  grands  Rois  j'ai  place  dans  l'Hiftoirc, 
Je  ne  crains  point  du  temps  le  funelle  malheur  : 
On  me  verra  toujours  au  Temple  de  Mémoire. 

Toujours  dans  l'adion,  toujours  dans  le  bonheur, 
j'entre  dans  les  Combats,  Se  j'aide  à  la  Vidoirc  : 
Je  forme  le  Héros,  je  règne  dans  Ton  cœur,        , 
Je  partage  avec  lui  la  Couronne  &  la  gloire. 


t=  O  B  =  2^1 

Obéissance, 

Obéir  à  Dieu  ,  c'eft  régner  : 
Je  me  fournées  à  fa  toute  puiiTance  , 

Et  je  ne  veux  rien  épargner 
Pour  lui  marquer  ma  propre  O  b  e'i  s  s  a  n  c  e. 

UObêiJfance  eft  repréfentée  à  genoux  , 
parceque  l'Humilité  l'accompagne.  Elle 
tient  un  joug  fur  fes  épaules  ,  6c  s'avance 
pour  recevoir  avec  emprefTement  un  frein 
qui  defcend  du  ciel  ouvert ,  &  dans  le- 
quel on  lit  ce  mot  :  Suave ,  pour  mar- 
quer ,  par  ces  Attributs  ,  que  la  Douceur 
eft  fon  appanage.  Le  Chien  eft  aulTi  un 
attribut  qui  lui  eft  convenable  ,  à  caufe  de 
la  Fidélité. 

Obélisque, 

Ce  font  des  Colonnes  quarrées  d'une 
feule  pierre  ,  finiffant  en  pointe  ,  comme 
de  petites  Pyramides ,  èc  remplies  de  tous 
cotés  de  Caractères  Hiéroglyphiques  &z 
myftérieux.  Les  Arabes  les  appellent  Mef- 
falets  Pharaon  ,  c'eft-à-dire  ,  les  Aiguilles 
de  Pharaon  ,  parcequ'elles  ont  été  conf- 
trultes  par  les  premiers  Rois  d'Egypte , 
qui  portoient  tous  le  nom  de  Pharaon  j 
comme  les  premiers  Empereurs  Romains, 
celui  de  Céfar.  Les  Prêtres  Egyptiens  \qs 

Nij 


2p2  «=^==^  O  B  == 

appelloient  h  s  Doigts  du  Soleil^  parceque  i 
ces  Monumens  étoient  confacrés  à  cet  Af- 
tre.  Le  puemier   Ohélifque  d'Egypte  fut 
drellé  par  le  Roi  Maniifrar ,  qui  en  iiirro- 
duifît  l'ufage  Fan  du  monde  j.6o.\.  Son 
fils  Sothis  mit  la  dernière  main  à  cette  [ 
invention  ,  &  fit  drefTer  douze  Obélifques\ 
dans  Héliopolis.  Simarres ,  ou  Simannes,î 
en  fit  élever  plufieurs   autres  ,  du  temps; 
du  Roi  David  ,  vers  l'an  du  monde  298(5.1 
Lé  Roi   Mafres  ou  Afres ,  fit  conftruireî 
un    Obélifque   fans    Emblèmes  ,    l'an   du! 
monde  3011  ,  &  l'Empereur  Claude  le! 
tranfporta  à   Rome.  Le   Roi    Pfammiti 
chius  en  fit  dreffer  un  dans  Héliopolis  ,1 
avec  plufieurs  Emblèmes  &  Hiéroglyphes 
807  ans  avant  la  Naiffance  de  Jefus-Chrift. 
Le  Roi  Nedtabanus ,  ou  ,  félon  d'autres  ,1 
Néco  5  720  ans  avant  Jefus-Chrift ,  fit  éri 
oer  un  grand  Obélifque  à  Memphis ,  quel 
Ptolomée    Philadelphe    fit    tranfporter    à 
Alexandrie.  La  plupart  àes  Obélifques  ont 
eu  le  même  fort  :  les  Empereurs  Romainîl 
les  ayant  fait  tranfporter  d'Egypte  à  Ale- 
xandrie ,  Se  d'Alexandrie  à  Rome  ,  où  l'or 
en  voit  encore  quelques-uns.  On  en  ver 
roit  bien  davantage  ,  (i   ce  n'ctoit    que 
Cambyfe ,  Roi  de  Perfe ,  s'étant  empare 
de  rÉgypte,  l'an  du  monde   3528  ,  dé 


truifit  tous  les  Obélifques  qu'il  trouva ,  &!  Ço- 


fît  mourir  ou  bannir  les  Prêtres  Égyp- 
tiens 5  qui  feuls  entend uient  les  fecrèts  des 
Caractères  Hiéroglyphiques  :  ce  qui  fut  cau- 

::i\  fe  que  l'on  ne  drelfa  plus  de  ces  Ohclijques, 
Les  Emblèmes  &  les  Caractères  qui  y 
écoienc  gravés ,  cachoient  de  o-rands  fe- 
crées  \  &c  repréienroient  les  Myllères  des 
Egyptiens  ,  dont  peu  de  gens  avoient  la 
connoifTmce.  Comme  les  Prêtres  &  les 
perfoanes  de  qualité  faifoien:  auiîi  élever 
dQs  Obéiifques  ^  ils  n'écoient  pas  tous  d'une 
ftrudure  fi  magnifique  ,  ni  d'une  m'^me 
hauteur.  Les  petits  n'étoient  que  d'envi- 
ron quinze  pieds  ,  les  autres  montoienr 
jufqu'â  cinquante  ,  à  cent ,  ou  à  cent  qua- 
rante pieds.  Afin  que  ces  Hiéroglyphes 
pufTent  réfifber  aux  injures  du  cemus  ,  les 
Egyptiens  choinrent  une  matière  fort  dure. 
C'eft  une  pierre  que  les  Latins  appellent 
Pierre  de  Thèbes ,  «3c  les  Italiens  Granito 
Roffo  ;  laquelle  eft  une  efpèce  de  marbre 
moucheté  ,  qui  eft  de  la  même  dureté  que 
le  Porphyre.  La  carrière  d'où  l'on  tire  ce 
marbre  eft  près  de  la  Ville  de  Thèbes  , 
dans  les  Montagnes  qui  s'étendent  vers  !e 
midi ,  jufqu  aux  cararaclres  du  NU.  Quoi- 
que l'Egypte  ne  manque  pas  d'autre  mar- 

^1  bre  5  on  ne  voit  pourtant  des  Olé/ifques  , 
jique  de  celui-ci:  peut-être  parceque  les 
Égyptiens  y  trouvaient  quelque  myftère  : 

Niij 


car  comme  les  Ohélifques  étoient  dédiés 
au  Soleil  ,  &•  que  leur  forme  pointue  jfi- 
guroit  les  rayons  de  cet  Aftre ,  on  avoit 
choiiî  une  matière  qui  eût  du  rapport  avec 
les  propriétés  du  Soleil.  Ce  marbre  étant 
moucheté  d'un  rouge  éclatant ,  de  violet , 
de  petites  taches  de  couleur  de  cryftal ,  de' 
bleu  ,  de  cendré  &:  de  noir  ;  les  Égyptiens 
s'imaginèrent  qu'il  étoic  fort  propre  pour 
repréfenter  l'adion  du  Soleil  fur  les  quatre 
Elémens.  Le  rouge  &  le  violet  marquoienc 
le  Feu  :  le  cryftal  lignifioit  Tair  :  le  bleu  , 
l'Eau  de  la  Mèr  :  &  le  cendré  &  le  noir  ,, 
la  Terre.  Ainfî ,  quand  on  trouve  des  Ohé- 
llfques  d'un  autre  marbre  ,  on  peut  con- 
clure qu'ils  ne  font  pas  de  la  façon  des 
Prêtres  d'Egypte  ,  mais  bâtis  par  les  Égyp- 
tiens, après  le  banniffement  ^qs  Prêtres  que 
Cambyfe  chaffa  ,  ou  par  d'autres  nations. 
Tel  étoit  VOùélifque  que  les  Phéniciens 
dédièrent  au  Soleil ,  dont  le  fommèt  fphé- 
rique  &  la  matière  étoient  fort  différentes 
des  Ohélifques  d'Egypte.  Tel  étoit  encore 
celui  que  l'Empereur  Héliogabale  fit  tranf- 
porter  de  Syrie  à  Rome. 

Augufte  en  fit  tranfporter  deux  d'EIcIio- 
polis  à  Rome.  Confiance  y  en  fit  mener 
un  autre  ,  que  Ton  y  voit  encore  ,  Se  qui  a 
é:é  décrit  par  Ammien  Marcellin.  îl  avoit 
été  dreffé  autrefois  par  RhameiTes  ,  Roi 


d'Egypte,  comme  le  montre  cet  Hiftorien, 
en  rapportant  le  uns  des  Figures  Hiéro- 
glyphiques que  l'on  y  voit.  Ce  même  Ol>é^ 
lifque  ayant  été  abattu  ,  fut  redrefTé  par 
Sixre  V. 

Oboles,  ou  Mailles  d'Or. 

Tous  nos  anciens  titres  dcpofent  qu'el- 
les furent  long-temps  ufitées  dans  le  Royau- 
me. On  lit  dans  les  Antiquités  de  Paris  , 
que  le  Seigneur  de  5.  Mandé  ^  Fondateur 
de  S.  Antoine  des  Champs  y  ayant  fait  re- 
garder dans  fon  tréfor ,  an  trouva  fepc 
mille  Mailles  d'Or  ;  qu'il  fît  venir  quatre 
clercs  j  qu'il  leur  en  donna  à  chacun  mille  y 
pour  trafiquer  ^  mais  on  ne  trouve  qu'in- 
certitude fur  leur  valeur.  Selon  M.  le 
Blanc  y  page  i6^  &  fidv.  on  les  voit, 
fous  S.  Louis  &C  Philippe  le  Bel ,  à  cinq 
fols  tournois ,  &  fous  Louis  XI ^  à  vingt-^ 
fept  fols  Jix  deniers, 

UOlole^  fuivant  l'Auteur  ci-deffus  ciré, 
partageoit  le  prix  y  fuivant  la  valeur  di- 
vcrfe  des  deniers  qu'elle  divifoit. 

Oblation. 

Ce  font  les  préfens  de  diverfa  nature 
que  l'on^ofFroit  chez  les  Païens  fur  les  Au- 
tels des  Dieux. 

N  iv 


a^6  =:rOB==== 

On  repréfente  une  belle  femme  vêtue 
de  blanc ,  &  ayant  les  bras  nuds.  Elle  eft  à 
genoux  devant  un  Autel ,  &  offre  un  cœur 
qu'elle  rient  dans  fa  main  droite.  L'Agneau 
qu'elle  conduit  de  la  main  gauche  ,  eft 
alluiîf  à  ce  précepte  donné  par  Moife  j 
Êxod,  Cliap»   II. 

Erit  autem  Agnus  ahfque  macula. 

Nous  nommons  préfentement  Offrande  a 
ce  que  les  Anciens  nommoient  Oblation* 

Obscurité. 

On  la  repréfente  par  une  figure  drapée 
d'un  voile  noir ,  &  entourée  de  ténèbres* 
Elle  étend  un  autre  voile  obfcur ,  par  le 
moyen  duquel  elle  empêche  la  pénétration 
àts  rayons  de  la  lumière  :  fon  Attribut  eft 
un  Hibou  qui  eft  fur  fa  tète ,  &  d'autres 
Oifeaux  noàurnes  qui  volent  autour  d'elle,. 

Obstination. 

Ni  force  ,  ni  raifon ,  ni  confeils  charitables , 
Rien  ne  peut  ramener  un  efpric  obstine'  ; 
C  eft  un  malade  abandonné , 
Il  faut  le  m':ittre  aux  Incurables. 

UOhJiination  fe  repréfente  appuyée  ,  & 
comme  retranchée  derrière  un  Mulet  j  fon 
vêtement  eft  d'étoffe  noire  i  cette  couleur 


!==:  O   C  ==3  25)7 

n'étant  pas  fafceptible  de  prendre  aucune 
des  autres  couleurs ,  elle  eft  l'image  des 
Obflinés  ^  qui  {o\-\i  incapables  de  changer 
d'Opinion.  On  lui  donne  à^^  oreilles  d'â- 
ne 5  qui  font  l'Emblème  de  l'Ignorance  ÔC 
de  l'Entêtement ,  la  vapeur  épailîe  qui  en- 
toure fa  tête  5  fignifie  que  fon  intelligence 
efi:  obfcure. 

Occasion. 

On  repréfente  ordinairement  cette  Di- 
vinité fous  la  forme  d'une  femme  nuë ,  èc 
chauve  par  derrière  ^  n'ayant  de  chevelure 
que  fur  le  devant  de  la  tête  ;  elle  avoir  un 
pied  en  l'air  &  l'autre  fur  une  roue  ,  ua 
Rafoir  d'une  main  &  un  Voile  de  l'autre. 
On  explique  ain/î  fes  Symboles  :  elle  eit 
chauve  par  derrière  &  chevelue  par  de- 
vant, pour  nous  apprendre  qu'il  faut  pren- 
dre XOccaJion  aux  cheveux  quand  olle  fe 
préfente ,  de  crainte  qu'elle  ne  nous  échap- 
pe :  car  elle  eft  volage  Z<.  toujours  p .ête  a 
s^enfuir.  Voilà  pourquoi  on  lui  met  Mxt 
pied  en  Tair  &  l'autre  fur  une  roue.  Quant 
au  Rafoir  qu'elle  porte  ,  il  iîgnili-  que  dès 
qu'elle  s'offre  à  nous  ,  il  faut  retrancher 
tous  les  abftacles  pour  la  fuivie  où  elle 
nous  appelle.  Aufone  en  a  fait  une  belle 
defcription  dans  fon  Hpigramme  doa- 
aième^ 


2p8  =OC.=^ 

L'Occasion  pafTe  comme  le  venr  ; 
A  îa  guerre ,  en  amour ,  il  faut  la  fcavoir  prendre. 

Tout  eft  fur  le  point  de  fe  rendre , 
Si  l'on  fçait  profiter  de  cet  heureux  moment. 

Les  Anciens  la  confidéroicnt  comme 
une  Divinité,  qui  préfidoit  aux  Momens 
hs  plus  favorables. 

Phydias  la  repréfenta  par  une  jeune  fîlle 
nue*  5  n'ayant  pour  vêtement  qu'un  léger 
voile  qui  badinoit  autour  d'elle  ;  elle  avoir 
cies  ailes  aux  pieds ,  &  fes  cheveux  vo- 
loient  en  avant ,  de  forte  que  le  derrière 
de  fa  tête  reftoit  chauve.  Elle  écoit  pofée 
légèrement  fur  le  fommèt  d'une  roue. 

En  voici  la  defcription  dans  une  Épi- 
gramme  d'Aufone. 

Cujus  opus  ?  Phldiœ ,  quijignum  Palladis ,  ejuSy 

Quique  Jovemfecitj  tertia  palena  ego  fum. 
Sum  Dea  quœ  rara  &  paucis  Occasio  nota, 

Quid  rotulœ  infiflls  ?  Siare  loco  nequeo, 
Quid  taJaria  hahens  ?   Volucrls  fum,  Mfrcurius 
qUi£ 

Fortur,arc  Je  let 3  tarda  ego,  cum  rolui. 
Cr'me  tegis  facu-m,  Cognofci  nolo.  Sedheus  tu 

Ccclplti  calva  ts ,  ne  teneur  fuglcns, 

OCCATOR, 

Dieu  qui  préiidoit  au  Travail  de  ceux 


;==  O  C  =^  2pp 

qui  herfent  la  terre  à  la  Campagne  ^  pour 
en  rompre  les  mottes ,  &  la  rendre  unie. 
Il  y  a  chez  les  Païens  beaucoup  de  Di- 
vinités ,  dont  les  noms  font  pris  des  cho- 
fes  auxquels  on  les  faifoit  préiîder. 

Occident. 

Quand  le  Soleil  a  fini  la  carrière, 
Quand  on  ne  voie  plus  fa  lumière. 
Et  que  dans  le  fein  de  Théds 
Ses  rayons  font  enfevelis  3 

Tout  efl:  calme  pour  lors ,  tout  ell  fans  violence  ; 

Ceft  le  temps  du  Repos ,  c'eft  le  temps  du  Silence. 

^Occident  eft  repréfenté  fous  la  figure 
d'un  vieillard  couvert  d'une  robe  brune  , 
ayant  une  ceinture  bleue  fur  laquelle  fe 
trouve  trois  Sis:nes  Céleftes.  11  a  fur  fa  tête 
une  Etoile  brillante  &  une  bandelette  qui 
lui  ferre  la  bouche.  ■ 

Océan. 

La  Terre ,  dit  Héfiode  ,  eut  de  fon  ma- 
riage avec  Uranus  VOcéan  ,  aux  gouffres 
profonds.  Enfuite  on  a  dit  que  VOcéaTz 
étoit  le  père  lion-feulement  de  tous  les- 
Dieux ,  mais  de  tous  les  Êtres  \  ce  qui  doit 
s'entendre  en  ce  fens ,  que  FEau  contribue 
plus  elle  feule  à  la  produdion  ôc  à  la  nour- 
riture à^s  corps  3  que  tout  le  refte  de  ia> 

N  v-i 


300  ^=OC.c=:^ 

iiatire  ;  ou  bien ,  fuivanc  la  Dodrine  du 
philosophe  Thaïes ,  que  TEau  éroit  la  ma- 
tièie  première  dont  tous  les  corps  étoient 
compofés. 

D':;nciens  Monumens  nous  repr^fen- 
tent  ÏOcéan  fous  la  figure  d'un  vieillard 
allis  fur  les  Ondes  de  la  Mèr  ,  avec  une 
Pique  a  la  main  ,  &  ayanr  près  de  lui  un 
Monflre  Mann.  Ce  Vieillard  tient  une 
Urne  ou  Vafe,  &  verfe  de  l  Eau  ,  Symbole 
de  la  Mèr  ,  des  Fleuves  &  des  Fontaines  : 
Homère  fait  faire  aux  Dieux  de  fréquens 
voyages  chez  VOcéan  ^  où  ils  palToienc 
donze  jours  de  fuite  parmi  la  Bonne-chère 
&  les  Fcftins. 

Le  Pacte  fait  allufion  à  une  ancienne 
coutume  de  ceux  qui  habitoient  fur  les 
bords  de  l'Océan  Atlantique ,  qui ,  au  rap- 
port de  Diodore  ,  célébroient  dans  une 
certaine  faifon  de  l'année,  î!iQS  Fêtes  fo- 
lemnelles,  pendant  lefquelles  ils  portoient 
en  proceiîion  la  Statue  de  Jupiter  &  des 
aurres  Dieux  ,  leur  oiFroient  des  facrifices, 
&  faifoient  en  leur  honneur  de  Grands 
TeHiins.  Ce  que  les  Grecs  difoientde  l'O- 
céan  y  les  Égyptiens  le  difoient  du  Nil ,  qui 
a  porté  chez  eux  le  nom  à!Ocean^ 

OCN  us. 

C'étoit  un  homme  laborieux ,  dit  PaU"* 


fanias ,  qui  avoir  une  femme  fort  peu 
ménagère  ,  de  force  que  tout  ce  qu'il  pou- 
voir gagner  fe  trouvoir  auiîi-rôr  dépenfé. 
Dans  le  fam.eux  Tableau  de  Polygnote  , 
il  eft  repréfenté  alîis  ,  faifant  une  corde- 
avec  un  jonc  ,  ôc  une  ânelTe  ,  qui  efl  au- 
près ,  mange  cette  corde  a  mefure  ,  &  rend 
aulfi  inutile  tout  le  travail  du  Cordier» 
Cette  repréfentarion  donna  lieu  à  un  Pro- 
verbe chez  les  Grecs  j  pour  dire  que  c'eil 
bien  de  la  peine  perdue ,  on  difoit ,  c'eft 
/a  Corde  d'Ocnus, 

Octobre, 

Ce  Mois  5  le  huitième  de  l'Année  de 
Romulus  ,  d'où  il  a  pris  fon  nom  ,  eft  le 
dixième  de  la  notre.  Il  étoit  fous  la  pro- 
tection du  Dieu  Mars.  Les  Feres  de  ce 
Mois  croient  les  Méditrinales  le  1 1  ;  les 
Auguftales  le  1 1  j  les  Fonrinales  le  15; 
&  l'Armiluftre  le  19.  Ce  Mois  éroir  per- 
fonnifié  par  un  chaflfeur  qui  avoir  un  Lièvre 
a  fes  pieds  ,  à^s  Oifeaux  au-delTus  de  fa 
têre  ,  &  une  efpèce  de  cuve  auprès  de  lui. 
Ce  qui  répond  aux  quarre  vers  d'Aufone, 
dont  voici  le  fens  :  t«  OBobre  fournir  les 
3>  Lièvres  :  c'eft  lui  qui  donne  la  liqueur 
»  de  la  Vigne  ,  &  les  Oifeaux  gras  :  nos 
n  Cuves  écumenc>  le  Moût  bouc  avec  vio- 


502  ==OD  — 

5î  ience  ,  &  les  VaifTeaux  font  pleins  dç 
»  vin  nouveau. 

Ce  Mois  eft  appelle  Octobre  ^  paucequ'il 
étoit  le  huitième  Mois  de  l'année ,  en  la 
commençant ,  comme  faifoient  autrefois 
les  Romains ,  par  le  Mois  de  Mars.  Do- 
mitien  lui  voulut  donner  fon  nom ,  mais 
il  ne  réuffit  pas.  Le  Sénat  Romain  lui 
donna  le  nom  de  Fauftine,  femme  d'An-^ 
ronin  ,  fous  le  Règne  de  cet  Empereur. 
Commode  le  voulut  faire  nommer  l'In- 
vincible \  mais  cela  n'eut  pas  plus  de  fuc- 
ûiS:,  6c  le  nom  (^Octobre  lui  efl  toujours 
demeuré. 


O 


DORAT. 


Si  par  réclàt  de  vos  couleurs, 
Aux  révères  Beautés  vous  fcrvez  de  parures  3 

Vous  êtes  encor  belles  Fxcurs, 
Le  parfum  le  plus  deux  de  toute  la  Nature. 

UOdorat  nous  efl:  repréfenté  fous  k 
figure  d'un  jeune  garçon ,  qui  rient  un 
Vafe  de  la  main  gauche  &  de  la  droite 
un  Bouquet.  A  fes  pieds  on  apperçoit  un 
Chien  de  chaflfe  qui  le  fuit  par-tout  ;  fa 
robe  efl:  femée  ds  fleurs.  Le  Bouquet  figni- 
fie  l'Odeur  naturelle  ;  le  Vafe ,  celle  que 
l'on  tire  Aqs  liqueurs  par  l'Art  de  la  Dif- 
tillation  :  les  fleurs  de  fa  robe  3  le  Chien  de 


=  CEC.==  30  j 

chaffe  qui  l'accompagne  ,  n'ont  point  be- 
foin  d'explication  ,  puirque  Von  fçait  alFez 
que  l'un  ôc  l'autre  font  les  Symboles  de 

ÏOdora£, 

(Economie. 

UŒconomie  dépend  du  bon  ordre  d'une 
maifon ,  confiée  d  une  perfonne  fenfée  &: 
expérimentée. 

On  la  perfonnifie  par  une  Matrone  ref- 
pedable  ,  vêtue  modeftement  &  avec  fim- 
piicicé  j  la  branche  d'olivier  qui  la  cou- 
ronne eft  le  Symbole  de  la  Paix  ,  qui  efi: 
la  première  recherche  de  VŒconomie.  Elle 
s'appuie  fur  un  Gouvernail ,  tient  un  Scep- 
tre &  un  Compas ,  qui  font  les  Emblèmes 
du  Pouvoir ,  ôc  d'un  fage  Gouvernement. 

L'Epigramme  fuivante  en  donne  l'idée.. 

Jlla  dcmiis  felix  y  œquîs  quamfrœnata  habenis 
Frodiga  non  œris  mater ,  &  ufque  vigil. 

Crinnna  quœ  avertens  nad,  natœque  pudori 
Invlgilans  ,  jujla  cœtera  lance  régît. 

Hanc  Ji  tu  tollas  fug^et fecipn  optimus  Ordo  ^ 
Ut  cap'ite  avulfo  ccrpore  vitafugit, 

(Edipe, 

Fils  de  Laïus ,  Roi  de  Thèbes,  &  de  Jo* 
cafte.  Laïus ,  en  fe  mariant ,  eut  la  curio- 
fité  de  faùe  demander  à  l'Oracle  de  Del» 


504  =-(ED-= 

phes ,  fî  fon  mariage  feroit  heureux  ?  L'O- 
racle lui  répondit  que  l'enfant  qui  en  de- 
voit  naître  ,  lui  donneroit  la  mort  ;  ce  qui 
l'obligea  de  vivre  avec  la  Reine  dans  une 
grande  réferve  :  mais  un  jour  de  débauche 
il  en  approcha  &  elle  devint  grolTe.  Quand 
elle  fut  accouchée  ,  Laïus ,  l'efprit  troublé 
de  la  prédidion  ,  ordonna  à  un  domefti- 
que  affidé  ,  d'aller  expofer  l'enfant  dans  un 
lieu  défert ,  ôc  de  l'y  faire  périr.  Celui-ci 
le  porta  fur  le  Mont  Cithéron  ,  lui  perça 
les  pieds  &  le  fufpendit  à  un  arbre  ,  ce 
qui  fit  donner  a  l'enfant  le  nom  d'Œdipe. 
Par  hazard  Phorbas ,  Berger  de  Polybe  Roi 
de  Corinthe ,  conduifit  en  ce  lieu  fon  trou- 
peau 5  ôc  aux  cris  de  l'enfant  accourut ,  le 
détacha  &  l'emporta.  La  Reine  de  Co- 
rinthe le  voulut  voir,  &  comme  elle  n'a- 
voit  point  d'enfans ,  elle  adopta  celui-ci  ôc 
prit  foin  de  fon  éducation. 

Quand  Œdipe  fut  devenu  grand ,  il  vou- 
lut fçavoir  de  l'Oracle  quelle  feroit  fa 
deftinée  ,  &  il  en  eût  cette  réponfe  :«  Les 
M  Deftins  portent  qiiŒdipe  fera  l'Époux 
3>  de  fa  Mère ,  qu'il  mettra  au  jour  une 
»  race  exécrable ,  de  qu'il  fera  le  meur- 
3î  trier  de  fon  Père,  jj  Frappé  de  cette  hor- 
rible prédidion  ,  &c  pour  éviter  de  l'ac- 
complir ,  il  s'exila  de  Corinthe  :  réglant 
fon  voyage  fur  les  Aftres>  il  prit;  la  route 


de  la  Phocide.  S'écant  trouvé  dans  un  che- 
min étroit  qui  menoit  a  Delphes ,  il  ren- 
contra Laïus  monté  fur  fon  Char  &  ef- 
corté  de  cinq  perfonnes  feulement  ,  qui 
ordonna  avec  hauteur  à  Œdipe  de  lui  laif- 
fer  le  pafTage  libre  :  ils  en  vinrent  aux: 
mains  fans  fe  connoître ,  &  Laïus  fut  tué. 

(Edipc  5  arrivé  à  Thèbes ,  trouva  cette 
Ville  dans  la  défolation  des  maux  que  lui 
faifoit  le  Sphinx,  Le  vieux  Créon  ,  père 
de  Jocafte  ,  qui  avoit  repris  le  gouverne- 
ment après  la  mort  de  Laïus ,  fit  publier 
dans  toute  la  Grèce  ,  qu'il  donneroit  fa 
fille  de  fa  couronne  à  celui  qui  afFranchi- 
roit  Thèbes  du  honteux  tribut  quelle 
payoit  au  Monilre.  Œdipe  s'offrit  pour 
diiputer  contre  le  Sphinx  ,  le  vainquit  & 
le  fit  périr.  Jocafte,  qui  étoit  le  prix  de 
la  vidoire ,  devint  fa  femme  &  lui  donna 
quatre  enfans  j  deux  fils ,  Ethéocle  &  Po- 
lynice ,  &  deux  filles ,  Antigone  &  If- 
mène. 

Plufieurs  années  après,  le  Royaume  de 
Thèbes  fut  défolé  par  une  pefte  très-cruel- 
le V  l'Oracle  ,  refuge  orduiaire  des  mal- 
heureux ,  eft  de  nouveau  confulté  ;  &  dé- 
clare ,  que  les  Thébains  font  punis  pour 
n'avoir  pas  vengé  la  mort  de  leur  Roi 
Laïus  5  &:  pour  n'en  avoir  pas  même  re- 
clierché  les  Auteurs.  Ce  fut  par  toutes  les 


^06  ==(EI=^ 

perquifitions  qa  Œdipe  fit  faire  pour  dé- 
couvrir cet  afTaflin  ,  qu'il  dévoila  enfin  le 
Myftère  de  fa  naifïance  ,  fe  reconnut  l'Au- 
teur du  pamcide  &  coupable  de  l'incefte. 
«c  Hé  bien  ,  Deftins  affreux  ,  vous  voici 
3>  dévoilés  3  s'écrie- t-il ,  je  fuis  donc  né  de 
>}  ceux  dont  jamais  je  n'aurois  dû  naître , 
»  je  fuis  l'époux  de  celle  que  la  nature 
5î  défendoit  d'époufer  :  j'ai  donné  la  mort 
3>  à  celui  à  qui  je  devois  le  jour....  Mon 
5>  fort  eft  accompli.  O  Soleil ,  je  t'ai  vu 
>5  pour  la  dernière  fois.  »  En  effet  ,  après 
avoir  vu  Jocafte  qui  venoit  de  s'ôter  la 
vie  ,  il  s'arracha  les  yeux  de  défefpoir  ,  3c 
fe  fit  conduire  par  fa  fille  Antigone  dans 
l'Attique  5  où  il  ne  celfa  de  déplorer  {qs 
malheurs.  Quoique  la  volonté  ,  qui  fait  le 
crime,  n'eut  aucune  part  dans  les  horreurs 
de  fa  vie  ,  les  Poëres  ne  laiflTent  pas  de  le 
placer  dans  le  Tartare  avec  Ixion ,  Tan- 
tale 5  Sifiphe ,  les  Danaïdes  ,  ôc  tous  ces 
fameux  Criminels  de  la  Fable. 


(E 


IL. 


lJ(Eil  humain  étoit  un  des  Symboles 
d'Ofiris,  dit  Plurarque  ;  c'eft  pourquoi  Ton 
trouve  quelquefois  fur  d'anciens  Monu- 
mens  un  Œil  humain  à  côté  d'une  tète 
d'Oiîris.  Ofiris  ell  l'Apollon  Égyptien  ou 


=  CE  N  :=r  507 

le  Soleil.  Auiîî  d'autres  Auteurs  ont  dit 
que  cet  (S/7  étoit  confacré  à  Apollon  ^ 
parceque  le  Soleil ,  qui  eft  pris  pour  Apol- 
lon ,  jette  {qs  regards  fur  tout  le  monde. 
Voilà  pourquoi  les  Poètes  appellent  le  So- 
leil ÏŒil  de  Jupiter. 

(Snistéries, 

La  Fête  du  vin  ,  elle  fe  célébroit  à  Athè- 
nes ,  par  les  jeunes  gens  prêts  à  entrer 
dans  l'Adoleicence  5  avant  de  fe  faire  pour 
la  première  fois  la  barbe  &  les  cheveux» 
Ils  apporcoient  au  Temple  d'Hercule  une 
certaine  mefure  de  vin  ,  en  faifoient  des 
Libations ,  &c  en  offroient  à  boire  aux  af- 
fîilans. 

Œnone, 

Fille  du  Fleuve  Cebrene  en  Phrygie  ^ 
au  pied  du  Mont  Ida ,  bergère  d'une  ex- 
trême beauté ,  fe  mêloit  de  prédire  l'ave- 
nir 8c  de  connoître  la  vertu  des  plantes. 
Apollon  lui  avoit  fait  préfent  de  ces  Dons ,, 
en  reconnoiffance  des  faveurs  qu'il  avoir 
reçues  de  la  belle.  Paris  dans  le  temps 
qu'il  étoit  fur  le  Mont  Ida  ,  réduit  a  la 
condition  de  Berger  .  le  beau  Paris  fe  fit 
aimer  ^(Enonc ,  &  en  eut  un  fils  qui  rut 
nommé  Corithus.  Lorfqu'elle  eut  appris 
qu'il  alloit  faire  un  voyage  en  Grèce,  elle 


5o8  ==.(EN=^ 

fie  tout  ce  qu'elle  put  pour  l'en  détourner  , 
lui  prédifant  tous  les  malheurs  dont  feroit 
fuivi  ce  voyage ,  ajoutant  qu'il  feroit  un 
jour  blelTé  mortellement ,  qu'alors  il  fe 
fouviendroit  à'Œnojie  pour  en  être  guéri  ; 
mais  qu'il  auroit  vainement  recours  à  elle. 
En  effet ,  lorfque  Paris  eut  été  blelTé  par 
Philodète  au  Siège  de  Troye  ,  il  fe  fit  por- 
ter fur  le  Mont  Ida  chez  (Enone  ;  qui , 
malgré  l'infidélité  de  fon  époux  ,  employa 
fon  Art  pour  le  guérir  j  mais  tous  les  Re- 
mèdes furent  inutiles ,  la  flèche  qui  l'a- 
voit  blefTé  étoit  empoifoiinée  :  c'étoit  une 
des  flèches  d'Hercule.  Paris  mou  rut  entre 
les  bras  à'Œnojze ,  &  la  malheureufe  CE- 
no7ie  mourut  de  regret  de  la  mort  de  cet 
infidèle  amant.  Conon  ,  dans  Photius  , 
rapporte  que  le  MefTager  qui  vint  dire  à 
Œnone,  que  Paris  i^  faifoit  porter  fur  le 
Mont  Ida  5  afin  qu'elle  le  guérit  de  fa  bief- 
fure  5  fut  renvoyé  biTifquement  avec  ces 
paroles  de  jaloufie  ^  QulI  aille  Je  faire 
pajifer  à  fon  Hélène,  tjn  retour  de  ten- 
drcfle  Çii  bientôt  repentir  Œnone  de  fa 
brufquerie  :  elle  rcfolut  d'aller  au  devant 
de  fon  mari  avec  les  Remèdes  néceffaires  ; 
mais  elle  arriva  trop  tard.  La  réponfe 
qu'elle  avoir  faite  au  Meflager,  fut  fidèle- 
ment rapportée  à  Paris  ,  &  l'accabla  de 
telle  forte  qu'il  expira  fur  le  champ.  La 


première  chofe  que  fit  (Enone  quand  elle 
fut  arrivée  ,  fut  de  tuer  d'un  coup  de  pied 
ce  MelTager  ,  parcequ'il  avoit  ofé  lui  dire 
qu'elle  éioit  caufe  de  la  mort  de  Paris. 
Enfuite  elle  embraffa  tendrement  le  corps 
de  ce  mari  infidèle  ,  &  après  bien  des  re- 
grets 5  elle  fe  pafTa  fa  ceinture  au  cou  & 
s'étrangla. 

Œta, 

Montagne  de  ThelTalie  ,  entre  le  Pinde 
&  le  Parnaffe  \  elle  efl:  célèbre  dans  la  fa- 
ble &  dans  l'hidoire  Grecque  ,  par  la 
mort  d'Hercule  qui  s'y  brûla  ,  &  par  le 
détroit  des  Thermopyles  qui  eft  dans  cette 
Montagne.  Comme  le  Mont  Oèta  s'étend 
jufqu'à  la  mèr  Egée  ,  qui  eft  l'extrémité 
de  TEurope  à  rcrient ,  les  Poctes  ont  feint 
que  le  Soleil  bc  les  Etoiles  fe  ievoient  à 
côté  de  cette  Montagne  ,  &  que  de-là 
nailToient  le  jour  &  la  nuit.  Ce  Monc 
étoit  encore  renommé  par  l'Ellébore  qu'il 
produit  en  abondance. 

ÉNIGME    LI  IL 

Bârillèc  Que  la  main 

Gentillet,  De  rhumaiii 

De  madère  Peac  détruire , 

Singulière ,  Non  conftrulre  , 


5IO 


=  (EU  = 


Je  promets 
Certain  mets 
D'une  viande 
Bien  friande  : 
Sur-tout  lors 
Que  dehors 
La  clôture 
Que  Nature 
Me  produit , 
Nouveau  fruit , 
On  me  jette , 
Et  m'arrête 
Tant  foit  peu 
Sur  le  feu  j 
Puis  on  m'ouvre , 

CEuF  d'Orphée 


Et  découvre 
Un  flottant 
Ragoûtant , 
Petit  orbe  , 
Qu'on  abforbc 
D'un  feul  trait. 
Cela  fait, 
Là  bien  vite 
On  me  quitte  : 
Et  fans  biens  ) 
Je  deviens 
Vil  à  l'homme  , 
Ainfi  comme 
Tonnelet 
Rondelet. 


C'étoit  un  Symbole  Myûéuieux  dont  fe 
fervoit  cet  ancien  Poète  Philofophe ,  pour 
défigner  cette  Force  intérieure ,  ce  Prin- 
cipe de  Fécondité  dont  toute  la  Terre  eft 
imprégnée  j  puifque  tout  y  poulTe  ,  tour  y 
végète  ,  tout  y  renaît.  Les  Egyptiens  ôc 
les  phéniciens  avoient  adopté  le  même 
Symbole ,  mais  avec  quelques  augmenta- 
tions y  les  premiers  en  repréfentant  un 
jeune  homme  avec  un  Œuf  qui  lui  fort 
de  la  bouche  ;  &  les  féconds ,  en  repréfen- 
tant un  Serpent  drelTé  fur  fa  queue  ,  Ôc  te- 
nant aufïî  dans  la  bouche  un  Œuf.  Il  y  a 


=.=  (EU=  511 

apparence  que  ,  préfomptueux  comme 
étoient  les  Egyptiens  ,  ils  vouloient  faire 
entendre  que  toute  la  terre  appartient  a 
rhomme  ,  Se  qu'elle  n'eft  fertile  que  pour 
{qs  befoins  :  les  Phéniciens  au  contraire  , 
plus  retenus ,  fe  contentoient  de  montrer 
que  Cl  l'homme  a  fur  les  chofes  infenfibles 
un  Empire  abfolu ,  cet  Empire  du  moins 
ne  s'étend  qu'en  partie  fur  les  Animaux, 
dont  pludeurs  mêmes  difputent  avec  lui 
de  force ,  d'adrefle  &  de  rufes.  Les  Grecs 
refpectoient  trop  Orphée  pour  avoir  né- 
gligé une  de  fes  principales  idées  :  ils  ali- 
gnèrent de  plus  à  la  Terre  la  figure  d'un 
Ovale. 

(Eu F    d'Osiri«. 

Les  Égyptiens  contoienc  ,  au  rapport 
d'Hérodote  ,  qu'Oliris  avoir  enfermé  dans 
un  Œuf  douze  Figures  Pyramidales  blan- 
ches ,  pour  marquer  les  biens  infinis  donc 
il  vouloir  combler  les  hommes  ;  mais  que 
Typhon  fon  frère  ayant  trouvé  le  moyen 
d'ouvrir  cet  (Euf^  y  avoit  introduit  fecrè- 
tement  douze  autres  Pyramides  noires,  &c 
que  par  ce  moyen  le  mal  fe  trouvoit  tou- 
jours  mêlé  avec  le  bien.  C'eft  fous  ces 
Symboles  que   cet  ancien   Peuple   expri* 
moit  l'oppofition  des  deux  Principes  du 
oien  &  du  mal  qu'ils  admettoient. 


512  =:<EU==: 

Œuf  primitif. 

(Buf  primitif  ^  d'où  font  fortis  tous  les 
êtres.  C'eft  fous  ce  Symbole  que  plufieiirs 
Philofophes  Païens ,  après  Orphé ,  ont  re- 
préfenté  le  Monde,  ou  plutôt  l'Auteur  du 
Monde.  Les  Phéniciens,  félon  Plutarque, 
reconnoifToient  un  Etre  fuprême  ,  qu'ils 
repréfentoient  dans  leurs  Orgyes  fous  la 
forme  d'un  (Euf,  Le  même  Symbole  étoit 
employé  par  les  Chaldéens ,  les  Perfans., 
les  Indiens  &  les  Chinois  même  :  il  y  a 
bien  de  l'apparence  que  telle  a  été  la  pre- 
mière opinion  de  tous  ceux  qui  ont  entre- 
pris d'expliquer  la  forme  de  l'Univers. 

ÉNIGME     LIK 

Encor  que  je  nailTe  fans  vie, 

Je  la  donne  à  chaque  vivant  ; 

Et  l'on  me  cherche  fort  iouvent 

Dans  le  temps  d'une  maladie , 
Quoique  je  fois  utile  après  comme  devant. 

Quelquefois  je  n'ai  point  de  père  : 
Alors  je  ne  dois  point  mon  être  à  Côn  amour  j 

Et  je  nais  fans  blefTer  ma  mère  , 
Quoiqu'elle  crie  en  me  donnant  le  jour. 

Ce  qui  doit  le  plus  vous  furprendre , 
C'eft  que  fou  vent  par  elle  on  me  voit  enfanté , 
Sans  qu'elle  perde  rien  de  fa  virginité. 

Comment  pouirez-vous  le  comprendre  ? 

Comme 


Comme  une  femme,  elle  accouche  en  Ton  li:. 
La  jeunefTe  eft  mon  avantage  j 
Plus  je  vieillis ,  plus  on  me  fuit. 
La  robe  blanche  eft  m.on  partage , 
'Et  je  la  porte  en  tout  temps  jour  &c  nuit. 
Il  ei't  poutant  certaine  Lcte  , 
Ou  l'on  me  fait  changer  d'habit , 

Et  le  rouge  m'en  prend ,  fans  avoir  une  tète. 

Devinez  qui  je  fuis  j  je  vous  en  ai  trop  dit. 

CSuvRE$  DE  Miséricorde. 

Donner  à  manger  à  ceux  qui  ont  faim. 

Les  Œuvres  de  Miféricorde  exercées  en- 
vers les  pauvres ,  font  ïî  agréables  a  Dieu  , 
que  dans  l'Evangile  il  \ç:s  regarde  comme 
faites  à  lui-même  j  difan:  : 

Amen ,  dico  vohis^  quamdiufecljîts  uni  ex 
his  frcLtribus  meis  minimis,  mihifecijiis. 

La  première  de  ces  Œuvres  fe  repré- 
fente  par  une  Femme  ,  qui  s'empreiTe  de 
fecourir  un  pauvre  couché  à  terre ,  périf- 
fanc  d'inanition. 

Efurivif  &  dedifiis  mihi  manducare* 


^à 


Tome  III. 


314  =(EU== 

Œuvres  de  Miséricorde. 

Seconde, 

Donner  à  boire  à  ceux  qui  font  altérés. 

L'image  de  cette  féconde  eft  figurée  par 
une  Femme,  qui  a  tiré  de  l'eau  d'un  puits, 
&  regarde  d'un  air  de  fatisfadion  un  pau- 
vre qui  fe  défalcère  avec  avidité. 

Sitivi  y  &  mihi  dedlfiis  bibere. 
Œuvres  dç  Miséricorde. 

TROISIEME, 

Donner  V Hospitalité. 

UHofpitalité  a  été  exercée  de  tous  les 
temps,  par  tous  les  Peuples,  tant  Barbares 
que  Chrétiens. 

On  la  peint  fous  la  figure  d'une  Femme 
modefte*  Elle  eft  à  l'entrée  d'un  hôpital  » 
dont  on  voit  une  partie  extérieure ,  elle 
donne  la  main  à  un  Pèlerin ,  excédé  par 
la  fatigue  du  chemin. 

Hofpes  cram  ,&  collegijiis  me* 


Œuvres  de  Miséricorde, 

QUATR  J  E  M  £» 

Vêtir  ceux  qui  font  nuds. 

On  donne  â  cette  quatrième  un  air  ten- 
dre &  affable.  Elle  s'emprelTe  de  couvrir 
d'un  Manteau  un  homme  mal  vêtu  & 
tranfi  de  froid.  La  ReconnoifTance  de  cec 
homme  eft  peinte  fur  fon  vifage ,  &  dans 
fes  yeux  qu'il  tourne  humblement  du  côté 
de  fa  bienfaitrice. 

Nudus  y  &  cooperuijîis  me* 

Œuvres  de  Miséricorde. 

ClN(lUISME, 

Soi^er  Us  Malades, 

On  la  peint  aiîife  à  côté  d'un  homme 

abattu  par  la  Maladie ,  &  couché  dans  ua 
lit  j  elle  le  regarde  avec  compafllon ,  &  lui 
préfente  â  boire. 

Jnfirmu^ ,  &  vijitajîis  me. 
Œuvres  de  Miséricorde» 

Sixième, 

Vijitcr  les  Prisonniers, 

Cette  fixlème  fe  repréfente  par  une  Ma- 

Oij 


3i5  =(EU=: 

trône  refpedable  qui,  dans  les  horreurs 
d'une  afFreufe  Prifon  ,  confole  un  Pri fon- 
cier ,  donc  les  pieds  &  Iqs  mains  font 
chargés  de  fer  j  il  l'écoute  avec  attention. 

In  Carcere  eram,  &  venijiis  ad  me. 
Œuvres  deMiséricorde. 

Septième, 

Enfevelir  les  Morts, 

La  dernière  des  (Euvres  de  Miféricorde  ^ 
qui  font  fi  agréables  à  Dieu ,  eft  celle  de  la 
Sépulture.  On  repréfente  une  femme  qui 
enveloppe  d'un  linceul  bîanc  un  Cadavre , 
ayant  près  d'elle  la  bière  ,  &  un  cierge  al- 
lumé. 

Œuvres  parfaites. 

On  ne  fait  lien  de  parfait ,  ni  de  beau  , 
Si  de  la  Lci  de  Dieu ,  l'on  ne  fuit  le  Niveau. 

Cet  Emblème  repréfente  une  femme 
qui  tient  de  la  main  droite  un  Miroir, 
qui  rend  les  chofes  aulTi  parfaites  à  la  vûè*, 
que  vous  les  lui  expofez  \  elle  tient  de  la 
main  gauche  un  Compas  &:  une  Règle , 
inftrumens  fans  lefqueîs  un  Mathémati- 
cien ne  peut  rien  faire  de  bien  régulier. 


Offense. 

Tel  nous  penfe  bleiTer ,  qui  fe  bleffe  lui-même  j 
Tel  homme  veut  piquer  autrui , 
Dont  le  trait  rejaillit  fur  lui. 
Tu  le  peux  voir  dans  cet.  Emblème. 

On  offenfe  par  voie  Se  fait  ,  par  des 
injures  &  par  des  propos  mcdifans.  Ainfî 
ce  fujèt  fe  caractérife  par  une  Femme 
laide  qui  eft  en  action  de  décocher  une 
flèche  j  ôc  dont  le  vêtement  efi:  garni  de 
Langues  &  de  Couteaux.  L'Emblème  du 
HériHon  qui  eft  à  fes  pieds ,  ôc  qui  lance 
{es  dards  contre  les  Chiens  qui  l'atta- 
quent, lignifient  qu'on  eil  contraint  quel- 
quefois de  repouiTer  VOffenfe  par  ÏOf- 
fenfe, 

O  G  M  I  G  3  , 

Nom  que  les  Gaulois  donnoient  à  Her- 
cule ,  qui  fignifie  en  Langue  Celtique 
PuifTdnt  fur  Mer.  Ils  le  repréfentoient  fore 
différemment  des  Hercules  ordinaires  : 
c'étoic  un  vieillard  quafi  décrépit ,  chauve  > 
à  qui  prefque  tous  les  cheveux  étoienc 
tombés  ,  de  couleur  olivâtre ,  bafané  & 
tout  ridé  comme  un  vieux  marinier  j  il 
portoit  la  MafTuë  de  la  main  droite ,  TArc 
de  la  gauche  5  &  le  Carquois  fur  l'épaule  : 

Oiij 


5i8  ====OG  = 

5e  fa  Langue  pendoient  de  petites  chaînes 
d'or  &  d'ambre  ,  avec  lefquelles  il  entraî- 
noit  une  grande  multitude  d'hommes  qui 
le  fuivoienc  volontairement.  C'eft  un  Sym- 
bole de  fon  Eloquence,  à  laquelle  perfonne 
ne  réfiftoit.  Il  paroît ,  par  ce  portrait ,  que 
les  Gaulois  regardoient  Hercule  non  com- 
me un  Dompteur  de  Monftres  &  un  Re- 
dredeur  des  torts  j  mais  comme  un  Dieu 
d  une  Éloquence  douce  &  perfup.fîve.  Lu- 
cien qui  nous  a  donné  ce  détail  ajoute , 
qu'on  le  peignoir  avancé  en  âge  ,  parce- 
que  l'Éloquence  ne  montre  ce  qu'elle  a 
de  plus  vif  ,  que  dans  la  bouche  des 
Vieillards. 

ÉNIGME    LF, 

Dans  l'Egypte  autrefois ,  de  vils  adorateurs , 
L'enccnfoir  à  la  main ,  venoient  me  rendre  hom- 
mage. 
le  Peuple  ,  le  Sçavant,  &  le  prétendu  Sage  , 
De  ce  Culte  païen  étoient  obfervateurs. 
L'Hébreu  dans  le  défert ,  nourri  d'un  pain  célefre , 
Suivant  trop  fes  defirs  vains  &  capricieux , 
Ofa  me  préférer  à  la  Manne  des  Cieux , 
Moi ,  qui  fers  tout  au  plus  dans  un  repas  agrcflc. 
Quoique  je  fois  déchu  de  ce  premier  état , 
Un  Syftême  nouveau  publie  avec  éclat , 
Qae  la  terre  empruntant  ma  forme  triviale , 
Comme  moi  rcpréfente  une  figure  ovale, 


.==OI=  319 

Encore  avec  cela  quelques  propriétés 
Me  confolent  du  moins.  Ledeurs ,  qui  m*écoutez  , 
Si  vous  ouvrez  mon  fein  par  vos  communes  armes , 
Vous  en  ferez  punis ,  vous  verferez  des  larmes  : 
Il  eft  vrai ,  je  pourrai  par  vous  être  mangé  > 
Mais  û  je  meurs,  au  moins  je  me  ferai  vengé. 

Oiseaux. 

L'Aufpice  fe  prenoit  du  vol  Se  du  chant 
des  Oifeaux  ;  quelquefois  auiîi  on  en  pre- 
noit l'Augure.  Les  Oifeaux  donc  on  ob- 
fervoit  plus  exadtement  le  Chant,  croient 
l'Aigle  ,  le  Vautour  ,  le  Milan ,  le  Hibou  , 
le  Corbeau  &:  la  Corneille. 

Le  refped  que  les  Égyptiens  avoient  pour 
les  Animaux  en  général  ,  s'étendoit  par- 
ticulièrement fur  les  Oifeaux.  Ils  avoient 
foin  de  les  embaumer  &  de  leur  donner 
une  fépulture  honorable.  Elien  dit  avoir 
vu  le  Sépulcre  d'une  Corneille  près  du 
Lac  Moëris.  Nos  Voyageurs  modernes 
parlent  d'un  puits  aux  Oifeaux  qui  fe 
voyoit  dans  ie  Champ  des  Mumies.  En 
defcendant  dans  ce  puits ,  dit  Corneille  le 
Brun  5  on  trouvoit  fur  les  côtés  plulieurs 
grandes  chambres  taillées  dans  le  roc  , 
pleines  de  pots  de  terre-cuite  couverts  de 
même  matière ,  dans  lefqueîs  on  confer- 
voit  embaumé  d^s  Oifeaux  de  toute  ef- 
pèce  ;  il  n'y  avoit  qu'un  O  if  eau  dans  cha- 

O  iv 


5^0  ==^OI=* 

que  pot.  On  y  trouva  aulTî  des  oeufs  de 
poule  tous  entiers ,  mais  vuides  &  fans 
aucune  mauvaife  odeur. 

Oisiveté. 

Ce  Vice  y  d'où  nalifent  tous  les  autres, 
fe  repréfente  par  une  groiTe  femme  ,  re- 
plète ,  mal-coëffée  ,  mal-vètuë  ,  &  moitié 
endormie.  Elle  eft  afllfe  dms  un  lieu  fale 
êc  fangeux  ,  fe  gratte  !a  tcte  d'une  main  , 
&c  appuie  l'autre  fur  un  Porc  qui  dort  à 
£qs  genoux.  L'Ariofte  dit  : 

J.iquefto  alhergû  il  grave  fonno  cl  ace 
L'a^-^io  da  un  canto  corpukn:o ,  e  grajjb. 


o 


18  G  N. 


C'étoit  un  des  Animaux  particulière* 
ment  confacrés  à  Junon. 

Olivier, 

Arbre  confacré  à  Jupiter ,  mais  plus  par- 
ticulièrement a  Minerve  ,  qui  avoit  ap- 
pris aux  Athéniens  à  cultiver  cet  Arbre , 
êc  à  exprimer  l'huile  de  fon  fruit.  L'O//- 
vier  eft  le  Symbole  ordinaire  de  la  Paix, 
les  Romains  la  repréfentoient  fous  la  fi- 
gure d'une  femme  qui  tient  un  Rameau 
d'Olivier,  La  douceur  de  fon  fruit  carac- 
térifô  la  Douceur  de  la  Paix.  Une  Cou- 


===OL==  521 

ronne  d'Olivier  étoic  le  prix  de  la  Vic- 
toire aux  Jeux  Olympiques» 

Olympien, 

Surnom  de  Jupiter  qui  avoir  un  Tem- 
ple magnifique  à  Olympie  en  Élide.  Le 
Temple  6:  la  Statue  de  Jupiter ,  furent  le 
fruit  des  dépouilles  que  les  Eléens  rem- 
portèrent fur  ceux  de  Pife  ,  dont  ils  fac- 
cagèrent  la   ville.  Le  Temple  étoit  roue 
environné  de  colonnes  par  dehors  :  on  ny 
avoir  employé  que  des  pierres  d  une  beauté 
fîngulière.  L'Edifice  avoir  foixante-huit 
pieds  de  hauteur ,  quatre-vingt-quinze  de 
largeur ,  de  deux  cens  rrente  de  longueur. 
Il  croit  couvert  non  de  tuiles ,  mais  d'un 
beau  marbre  Pentélique,  Se  raillé  en  for- 
me de  ruiles.  Aux  deux  extrémités  de  ia 
voûte ,  on  voyoit  deux  Chaudières  d'Or 
fufpenduës  ,  8c  dans  le  milieu  une  Vic- 
toire de  bronze  dorée  fupponée  d'un  bou- 
clier d'or.  La  Statue  du  Dieu ,  ouvrage 
de  Phidias ,  ce  fameux  Sculpteur  d'Athè- 
nes ,  étoit  d'or  &  d'y  voire  :  Jupiter  y  pa- 
roifTaic   alîis   fur  un  trône  ,  ayant  fur  la 
tête  une  Couronne  de  feuilles  d'QHvier  ^ 
tenant  de  la  main  droire  une  Viccoire  aufli 
d'or  Se  d'y  voire ,  ornée  de  bandelettes  ôc 
couronnée^  3c  de  la  crauche  un  Sceptre  ^ 
far  le  b(?u.t  duquel  repoibit  an  Aigle»  de 

Ov 


^22  c=OL== 

où  reluifoienc  routes  fortes  de  Métaux, 
Enfin  le  Trpne  du  Dieu  étoit  tout  bril- 
lant d  or  &  de  pierres  précieufes  :  i'yvoire 
êc  rébène  y  failant ,  par  leur  mélange ,  une 
agréable  variété.  Aux  quatre  coins  il  y 
y  avoir  quane  Victoires  qui  fembloient  fe 
donner  la  main  pour  danfer ,  Ôc  deux  au- 
tres aux  pieds  de  Jupiter.  A  l'endroit  le 
plus  élevé  du  Trône  ,  au-deflus  de  la  tête 
du  Dieu ,  on  avoit  plriçé  d  un  côté  les 
Grâces ,  Se  de  l'autre  les  Heures ,  les  unes 
&  ks  autres  comme  Filles  de  Jupiter. 
Cette  defcription  du  Temple  de  Jupiter 
Olympien  ,  eft  extraite  de  Paufanias ,  qui 
ajoute  à  la  fin  :  «'  L'habileté  de  l'Ouvrier 
ft>  eut  Jupiter  même  pour  approbateur  ; 
•>  car  Phidias ,  après  avoir  mis  la  dernière 
i>  main  a  fa  Statue ,  pria  le  Dieu  de  mar- 
»>  quer  par  quelque  figne  fi  cet  ouvrage  lui 
vi  étoit  agréable  :  &  l'on  dit  qu'aufli-tôt  le 
>j  pavé  du  Temple  fut  frappé  de  la  fou- 
w  dre  ,  fans  en  être  endommagé,  w  On 
confervoit  dans  le  Temple  une  prodi- 
gieufe  quantité  de  très-riches  préfens , 
non-feulement  de  la  part  èiQ%  Princes 
Grecs  5  mais  èiÇ^  Afiatiques  mêmes. 

Dans  ce  même  Temple  de  Jupiter  ,  \^^ 
Éléens  avoient  érigé  (\yi  Autels  à  douze 
Dieux.  Enforte  que  l'on  facrifîoit  à  deux 
Divinités  tout  a  la  fois  fur  le  même  Au- 


=  OL==  5:23 

tel  :  à  Japitei"  6c  à  Neptune ,  far  le  pre- 
mier j  à  Junon  Ôc  à  Minerve  ,  fur  le  fé- 
cond ;  à  Mercure  &  à  Apollon  ,  fur  le 
troifième  j  aux  Grâces  ôc  à  Bacchus ,  fur 
le  quatrième  ;  à  Saturne  &  à  Rhéa ,  fur 
le  cinquième  ;  à  Venus  &  à  Minerve  Er- 
gane ,  fur  le  fixième. 

Olympiques. 

Les  Jeux  Olympiques  étoienc  les  plus 
célèbres  de  la  Grèce.  Voici  ce  que  Pau- 
fanias  dit  en  avoir  appris  fur  les  lieux 
mêmes  des  Éléens ,  qui  lui  ont  paru  les 
plus  habiles  dans  TÉtude  de  l'Antiquité. 
Selon  eux ,  Saturne  eft  le  premier  qui  aie 
régné  dans  le  Ciel ,  &  dès  l'âge  d'or  il 
avoir  déjà  un  Temple  à  Olympie.  Jupi- 
ter étant  venu  au  monde  ,  Rhéa  fa  mère 
en  confia  l'éducation  à  cinq  Dadiles  du 
Mont  Ida  ,  qu  elle  fit  venir  de  Crète  en 
Elide.  Hercule ,  l'aîné  des  cinq  frères ,  pro- 
pofa  de  s'exercer  enrr'eux  à  la  courfe ,  & 
de  voir  à  qui  en  remporreroit  le  prix ,  qui 
ctoitune  Couronne  d'Olivier....  C'eil  donc 
Hercule  Idéen  qui  a  eu  la  gloire  d'inventer 
ces  Jeux ,  &  qui  les  a  nommés  Olympia 
ques  :  parcequ*ils  étoicnr  cinq  frèces  ,  il 
voulut  que  ces  Jeux  fulTent  célébrés  ro'is 
les  cinq  ans.  Quelques-uns  difenr  que  Ju- 
piter ôc  Saturne  combattirent  enfemble  à 

O  vj 


3:24  :==OL=3 

la  Lutte  dans  Olympie ,  &  que  l'Empire 
du  Monde  fut  le  pi  ix  de  la  Victoire.  D'au- 
tres prétendent  que  Jupiter  ayant  triom- 
phé des  Titans  >  inftitua  lui-même  ces 
Jeux  y  où  Apollon  entr'autres  fignala  fon 
adrelTe ,  en  remportant  le  Prix  de  la  Courfe 
fur  Mercure,  &:  celui  du  Pugilat  fur  Mars.. 
C'eft  pour  cela,  difent-ils,  que  ceux  qui 
fe  diftinguent  au  Pentathle  ,  danfent  au 
fon  des  Flûtes ,  qui  jouent  des  airs  Py- 
thiens ,  parceque  ces  airs  font  confacrés  à 
Apollon,  &  que  ce  Dieu  a  été  couronné 
le  premier  aux  Jeux  Olympiques, 

ils  furent  fouvent  interrompus  jufqifau 
temps  de  Pélops,  qui  \q$  fit  repréfenter  en 
l'honneur  de  Jupiter,  avec  plus  de  pompe 
&  d*appareil ,  qu'aucun  de  fes  Prédécef- 
fenrs.  Après  lui ,  ils  furent  encore  négli- 
ges ;  on  en  avoir  même  prefque  perdu  le 
fouvenir,  lorfqu'Iphitus ,  contemporain  de 
Lycurgae  le  Légiflateur,  rétablit  les  Jeux 
Olympiques  à  l'occafion  qu'on  va  voir.  La 
Grèce  gémiffoit  alors  ,  déchirée  par  des 
guerres  inreftines ,  &  défolée  en  même 
temps  par  la  pefte.  ïphitus  alla  à  Delphes, 
pour  confulter  l'Oracle  fur  ^ts  maux  fi 
preffans.  Il  lui  fut  répondu  par  la  Pythie, 
que  le  rétabli fTement  des  Jeux  Olympia 
ques  feroit  le  falut  de  la  Grèce  ;  qu'il  y 
travaillât  donc  avec  les  Élfens.  On  s'ap- 


pliqua ,  auiîî-tot  a  fe  rappeller  les  anciens 
Exercices  de  ces  Jejix  ;  6c  â  mefure  qu'on 
fe  reflouvinr  de  quelqu'un  d'eux,  on  l'a- 
joutoit  à  ceux  qui  avoient  été  retrouvés. 
C'eft  ce  qui  paroîc  par  la  fuite  des  Olym^ 
piades  ;  car  àhs  la  première  Olympiade  ^ 
on  propofa  un  Prix  de  la  Courfe,  &  ce 
fut  Corœbus  Eléen  qui  le  remporta»  Eu 
la  quatorzième,  on  ajouta  la  Courfe  du 
Stade  doublé  ;  en  la  dix-huitième  ,  le  Pen- 
tathle  fut  entièrement  rétabli ,  le  Combat 
du  Cefte  fut  remis  en  ufage  en  la  vingt- 
troifième  Olympiade  ;  dans  la  vingt-cin- 
quième, la  Courfe  du  Char  à  deux  Che- 
vaux ;  dans  la  vingt-huitième,  le  Combat 
du  Pancacre,  ôc  la  Courfe  avec  des  Che- 
vaux de  felle.  Enfuire  ie«  Éléens  s'avisè- 
rent d'inftituer  des  Combats  pour  les  en- 
fans ,  quoiqu'il  n'y  en  eût  aucun  Exemple 
dans  l'Antiquité.  Ainlî  en  la  trente-fep- 
tièm^e  Olympiade ,  il  y  eut  des  Prix  pro- 
pofés  aux  enfans  pour  la  Courfe  &  pour 
la  Lutte.  En  la  trente-huitième  ,  on  leur 
permit  le  Pentathle  entier  j  mais  les  in- 
convéniens  qui  en  réfuirèrent ,  firent  ex- 
clure les  enfans  pour  l'avenir  de  tous  ces 
Exercices  violens.  La  foixante-cinquième 
Olympiade  vit  introduire  encore  une  nou- 
veauté :  des  gens  de  pied  tout  armés  di^f- 
purèrenr  le  Prix  de  la  Courfe ,  cet  Éxer- 


^26  s=OL== 

cice  fut  jugé  très-convenable  à  des  Peu- 
ples belliqueux.  En  la  quatre-vingt-dix- 
huitième,  on  courut  avec  deux  Chevaux 
de  main  dans  la  carrière  j  &  en  la  quatre- 
vingt-dix-neuvième ,  on  attela  deux  jeu- 
nes Poulains  à  un  Char.  Quelque  temps 
après ,  on  s  avifa  d'une  Courfe  de  deux 
Poulains  menés  en  main ,  &  d*ane  Courfe 
de  Poulain  monté  comme  un  Cheval  de 
felie. 

Quant  à  l'Ordre  &  à  la  Police  des  Jeux 
Olympiques  ^  voici  ce  qui  s^obfervoit,  fé- 
lon le  même  Hiftorien.  On  faifoit  d'abord 
un  Sacrifice  à  Jupiter  :  enfuite  on  ouvroit 
par  le  Pentathle  \  la  Courfe  a  pied  venoit 
après,  puis  la  Courfe  de  Chevaux,  qui  ne 
fe  faifoit  pas  le  même  jour.  Les  Éléens 
curent  prefque  toujours  la  direction  de  ces 
Jeux,  &  nommoient  un  certain  nombre 
de  Juges  pour  y  préfîder,  y  maintenir  l'or- 
dre, &  empêcher  qu'on  ufât  de  fraude  àc 
de  fupercherie  pour  remporter  le  Prix. 
En  la  cent  deuxième  Olympiade^  Callipe , 
Athénien ,  ayant  acheté  de  ît%  antagonif- 
tes  le  Prix  du  Pentathle ,  les  Juges  Eléens 
mirent  à  l'amende  Callipe  &  fes  Com- 
plices. Les  Athéniens  demandèrent  grâce 
pour  les  coupables ,  &  n'ayant  pu  l'obte- 
nir ,  ils  défendirent  de  payer  cette  amen- 
de. Mais  ils  furent  exclus  des  Jeux  Olym^ 


piques  y  jQfqu'â  ce  qu'ayant  envoyé  conful- 
îec  rOracle  de  Delphes,  il  leur  fut  déclare 
que  le  Dieu  n  avoit  aucune  réponfe  à  leur 
rendre,  qu'au  préalable  ils  n'eulfent  donné 
fatisFadion  aux  Eléens.  Alors  ils  fe  fou- 
rnirent à  l'amende. 

Ces  Jeux  5  qu*on  célébroît  vers  le  Solf- 
tice  d'Efté ,  duroient  cinq  jours  \  car  un 
feul  n'auroit  pas  fuffi  pour  tous  les  Com- 
bats qui  s'y  donnoient.  Les  Athlètes  com- 
battoient  tout  nuds  depuis  la  trente-deu- 
xième Olympiade  y  où  il  arriva  à  un  nom- 
mé Orcippus  de  perdre  la  vidtoire ,  parce- 
que>  dans  le  fort  du  combat,  fon  caleçon 
«'étant  dénoué ,  l'embarrafTa  de  manière  à 
lui  oter  la  liberté  des  mouvemens.  Ce 
Règlement  en  exigea  un  autre  :  c*eft  qu'il 
fut  défendu  aux  femmes  &  aux  filles,  fous 
peine  de  la  vie  ,  d'aififter  à  ces  Jeux ,  & 
même  de  pafiTer  l'Alphée  pendant  tout  le 
temps  de  leur  célébration  ;  &  cette  dé- 
fenfe  fut  fî  éxadtement  obfervée ,  qu'il 
n'arriva  jamais  qu'à  une  feule  femme  de 
violer  cette  Loi.  La  peine  impofée  par  la 
Loi ,  étoit  de  précipiter  les  femmes  qui 
oferoit  l'enfreindre,  d'un  rocher  fort  ef- 
carpé,  qui  étoit  au-delà  de  l'Alphée. 

Oman, 

Divinité  des  Perfes,  qui  eft  toujours 


jointe  avec  Anaïtis  j  &  comme  cette 
Dceffe  étoic  prife  pour  la  Lune  ,  ou  fou. 
Symbole,  il  eft  a  croire  que  le  Dieu  Oma- 
TLiis  écoit  le  Soleil,  ou  le  Feu^  Image  du 
Soleil.  Tous  les  jours ,  les  Mages  alloient 
dans  le  Temple  êiOmanus  chanter  àt% 
Hymnes  pendant  une  heure  devant  le  Feu 
facré ,  tenant  des  Verbeines  en  main  ,  & 
ayant  en  tête  des  Tiares  ,  dont  les  ban- 
delettes leur  pendoient  des  deux  cotés  le 
long  d^s  joues. 

ÉNIGME    LV L 

Sans  être  corps,  je  fuis  vinble. 

Impalpable ,  fans  être  efprit  ; 
Avec  Tun  de  ces  deux  je  fuis  incompatible , 
Sans  l'autre  je  fois  moins  qu'un  zéro  par  ccrita 
Malgré  tout  mon  néant,  je  paiTe  l'induftrie 

Du  Peintre  le  plus  accompli. 
Il  n'cft  fous  le  Soleil  rien  que  je  ne  copie, 
Q  lelquefois  alfez  bien  ,  quelquefois  à  demi, 
Suivaat  l'original  qui  me  fert  de  partie  : 

Mais  voici  le  plus  furprenant  ; 
Ces  portraits,  la  plupart ,  quoique  privés  de  vie, 

Se  meuvent  naturellement* 

Ombr.es. 

Dans  le  Syftème  de  la  Théologie  Païen- 
ne, ce  qu'on  appelloic  Ombre ^  n'écoù  ni 


le  corps,  ni  l'âme;  mais  quelque  chofe 
qui  tenoit  le  milieu  encre  le  corps  Se  Fa- 
mé ,  qui  avoir  la  figure  &  les  qualités  du 
corps  de  l'homme,  &  qui  fervoit  comme 
d'enveloppe  à  l'âme.  C'eft  ce  que  les  Grecs 
appelloienr  7^0 /o 72  ou  F>^^72r^//7z^ 5  &  les  La- 
tins Ombra  ^  Simulacrum.  Ce  n'écoit  donc 
ni  le  corps,  ni  l'âme  qui  defcendoic  dans 
les  Enfers,  mais  cerce  Ombre.  UlyfTe  voie 
VOmbre  d'Hercule  dans  les  Champs  Ély- 
ié.QS ,  pendant  que  ce  Héros  eft  dans  les 
Cieux.  Il  n'étoit  pas  permis  aux  Ombres 
de  palfer  le  Styx  ,  avant  que  leurs  corps 
euuent  été  mis  dans  un  tombeau  ;  mais 
elles  étoient  errantes,  &  volcigeoient  fur 
le  rivage  pendant  ceni  ans,  au  bout  à^Ç- 
quels  eiles  palîbient  enfin  à  cet  autre  bord 
(î  defiré. 

ÈNÎGME    LVIL 

Je  ne  fuis  ni  corps  ni  matière , 

Je  ne  (uis  efpiic  ni  lumière. 

Q\\t  fuis-je  donc  ?  Je  ne  fçais  pas. 

Si  quelcju'ijn  pouvoir  me  l'apprendre, 

J'aurois  des  grâces  à  lui  rendre  j 

Il  me  tireroic  d'embarras. 

I.h  1  comment  me  pouvoir  connoîtrc  \ 

Puifoue  celui  qui  me  fait  naître , 

Sans  aucun  fentiment  d'amour. 

Dans  rinftant  me  ravit  le  jour. 


350  =— OM== 

Je  ne  fuis  rien,  ou  da  moins  peu  de  chorc, 

Et  je  ne  puis  le  contefter  ; 

Cependant:  fouvent ,  &  pour  caufe , 
Les  plus  habiles  gens  viennent  me  confulter. 

Omophagies, 

Fêtes  qui  fe  célébroient  dans  les  ïfles 
de  Chio  de  de  Ténédos ,  en  Thonneur  de 
Bacchus  ,  qui  étoit  furnommé  Omadius. 
On  lui  facrifioic  un  homme  ,  que  Ton 
inectoit  en  pièces ,  en  lui  déchirant  tous 
les  membres  Tun  après  l'autre  ;  Se  c'eft  de 
cet  horrible  Sacrifice  que  le  nom  du  Dieu 
ôc  de  la  Fête  a  été  tiré,  Arnobe ,  qui  fait 
mention  de  cette  Fère ,  nous  la  repréfente 
d'une  façon  moins  odieufe.  Les  Grecs  en 
cette  Fête  paffoient ,  dit-il ,  la  Fureur  bac- 
chique :  ils  s'entortilloient  de  Serpens,  & 
mangeoient  des  entrailles  de  Cabri  crues , 
dont  ils  avoient  la  bouche  tout  enfanglan- 
tée  ;  ce  qui  a  plus  de  rapport  au  nom  de 
la  Fête.  On  voit  en  effet  des  hommes  en- 
tortillés de  Serpens ,  Se  particulièrement 
dans  les  Figures  de  Mithras. 

Omphale, 

Reine  de  Lydie.  Hercule  dans  fes  voya- 
ges, étant  arrivé  chez  cette  Princefle,  fut 
fi  fore  épris  de  fa  beauté ,  &  en  devint  fi 


=  OM=  551 

amoureux ,  qu'oubliant  fon  courage  &  fa 
vertu ,  il  fe  mit ,  dit-on  ,  à  filer  auprès 
d'elle,  pour  lui  plaire.  Tandis  o^Qmphah 
portoit  la  MaiTuë  &  la  Peau  de  Lion ,  die 
agréablement  Lucien ,  Hercule  portoit  une 
robe  de  Pourpre,  travailloit  à  la  laine,  bc 
fouffroit  Q^Omphale  lui  donnât  quelque- 
fois des  foufïlècs  avec  fa  pantoufle.  On 
trouve  en  effet  plufieurs  anciens  Monu- 
mens,  qui  nous  repréfentent  Om^hak  Se 
Hercule  dans  lattitude  que  leur  donne 
Lucien.  On  a  voulu  exprimer  par  ces 
traits  la  vie  voluptueufe  que  le  Hcros 
mena  chez  Omphale,  Il  en  eut  un  fils 
nommé  Agéfilas,  d'où  l'on  fait  defcendre 
Créfus. 

ÉNIGME   LFIII. 

Je  n'ai ,  comme  on  va  voir ,  ni  rime ,  ni  raifon  : 
Combien  je  fuis  utile,  on  ne  le  fçauroic  croire. 
Ceft  par  moi  qu'on  connoîc  une  belle  Mémoire  > 
Et  pour  les  Vers ,  je  fuis  hors  de  comparaifon. 

Nous  fommes  vingt  jumeaux  d'une  même  maifon  j 
Dix  au  rez-de-chauflee  ont  leur  demeure  noire  : 
Les  autres ,  pour  marquer  quelque  beau  trait  d'Hif- 

toire , 
Au  Lecfteur  affidu  font  toujours  de  faifon. 

Je  fais  faire  fouvent  une  laide  grimace. 

J'agis ,  je  vais ,  je  viens  ^  fans  forcir  de  ma  place  j 


55^  c=ON=sî 

Eu  j'ai  pirt  au  travail  de  ton:  ce  cjue  Ton  voit. 

Quelque  grand  que  je  fois ,  ma  tdîîe  eil:  fort  petite  : 
Avec  tous  ces  talens ,  j'ai  for:  peu  de  mérite  j 
Et  tout  le  monde  eniia  peut  me  montrer  au  doigt. 

ÉNIGME    LIX, 

Un  nombre  impair  joint  quatre  fois , 

Vous  apprendra  combien  nous  forames. 
Nous  fervons  de  dcfenfe  &  d'ornement  aux  hom- 
mes, 

Aînfî  qu'aux  habitans  des  bois. 

Nous  fouffrons  fans  murmure 
Qu'un  double  fer  raille  notre  iîgurc. 

Quoique  nous  foyons  iranfparens  , 
Nous  fommes  rarement  fans  de  petics  points  blancs. 
Quant  à  notre  couleur ,  c'eO:  le  fang  qui  la  donne. 
Nous  avons  très-fouvent  un  demi-cercle  noir , 

Qui  n'efl:  pas  agréable  à  voir , 
Que  difficileaient  aux  Galans  on  pardonne. 

On  craint  fouvenr  notre  pouvoir. 
Quand  on  eft  anime  d'un  cruel  déferpoirj 
Et  l'on  voit  des  Amans  porter  Par  leurs  vifages 

Des  traits  fanglans  de  nos  outrages. 
Enfin ,  pour  achever  de  peindre  notre  fort , 

Nous  crolifons  même  après  la  mort. 

Onocentaure. 

OuGcentaure^  Animal  mondimeux,  qui 
a  un  vifage  d'homme ,  le  feiu  d  une  fem- 


me ,  «Se  le  bas  eu  corps  d*un  Ane.  Saine 
Jérôme  tâche  de  prouver  par  l'Écriture- 
Sainte,  qu'il  y  a  eu  de  ces  fortes  d'Ani- 
maux. Théodorèt  dit  que  ces  Onocentau^ 
res  éroient  des  Démons  nocturnes,  ou  des 
Spectres  qui  paroilfoient  de  nuit, 

Ono  CROTALE. 

Moyfe  le  mer  au  nombre  des  Animaux 
impurs.  Cet  Oiieau,  lorfquii  s'eft  rempli 
l'eitomac  d'Huitres  avec  leurs  écailles  ,  les 
rejette,  &  en  tire  les  Huitres ,  quand,  par 
la  chaleur  de  l'edomac ,  leurs  coquilles  fe 
font  ouvertes.  VoMtïOnocrotaU  ^  c'eft  un 
Oifeau  a  peu  près  de  la  forme  du  Pélican , 
mais  qui  a  un  jabot  ou  une  bourfe  au-def- 
fous  du  bèc  5  ou  au  commencement  du 
goiîer  j  laquelle  eft  fi  vafte  ,  qu'on  y  a 
quelquefois  trouvé  un  petit  enfjnt  tout- 
entier.  Il  fe  nomme  en  Hébreu  Ces  y  qui 
fignifie  une  Coupe,  une  Talfe. 

Onuav  A, 

Divinité  àes  anciens  Gaulois,  que  l'on 
croit  être  la  Vénus  célefte.  Sa  figure  por- 
toit  une  ûzq  .le  femme,  avec  deux  ailes 
déployées  au-deiTus ,  &  deux  larges  écail- 
les qui  fortent  de  l'endroit  où  font  les 
oreilles  :  cette  tète  étoic  environnée  de 


534  c=:=OP== 

deux  Serpens ,  dont  les  queues  alloient  fe 
perdre  dans  les  deux  ailes. 

Onymanciî, 

Efpcce  de  Divination  qui  fe  faifoit  par  le 
moyen  des  Ongles.  Elle  le  pratiquoit  avec 
de  rhuile  &  de  la  fuie ,  dont  on  frot  oit 
les  Ongles  d'un  jeune  garçon ,  qui  pré- 
fentoit  au  Soleil  fes  Ongles  ainfî  frottés, 
fur  lefquels  on  prétendoit  voir  des  figu- 
res qui  faifoient  connoître  ce  qu'on  vour 
loit  fçavoir. 

Opération. 

Les  Anciens  ont  exprimé  ce  fujèt  par 
une  femme  qui  tient  [qs  mains  ouvertes  , 
dans  chacune  defquelles  eft  un  (Eil. 

Semper  oculatœ  nojîrce  funt  rnanus 
Credunt  quod  vident, 

Plâutc. 

Ophiomangie, 

Divination  qui  fe  tiroir  à^s  différens 
mouvemens  qu'on  voyoit  faire  aux  Ser- 

f)ens  :  il  y  en  a  plulleurs  exemples  dans 
es  anciens  Poètes.  Énée  voit  fortir  du 
Tombeau  d'Anchife  un  Serpent  énorme  , 
dont  le  corps  forme  mille  replis  tortueux. 
Il  fait  le  tour  du  Tombeau  èc  des  Autels» 


=  0P=  33J, 

fe  glliTe  entre  les  Vafes  &  les  Coupes, 
goûte  de  toutes  les  viandes  offertes,  èc  fe 
retire  enfuite  au  fond  du  Sépulcre ,  fans 
faire  autun  mal.  Enée  en  tire  un  bon  aa- 
gure  pour  lui. 

Opinion. 

Elle  naît  de  réfide  dans  rimaginatiori 
des  hommes ,  &:  ne  fe  manifefte  que  par 
les  effets  qu'elle  produit.  Comme  la  diffé- 
rence des  caradtères  efl  infinie ,  la  diffé- 
rence des  Opinions  l'eft  aufîi. 

On  la  repréfente  par  une  femme  qui 
réfléchit  fur  un  Livre ,  &  paroîc  en  foute- 
nir  quelques  propofîtions.  Elle  a  des  ailes 
de  Papillon  aux  épaules  &  aux  poignets, 
pour  marquer  Tinflabilité  àcs  hommes 
dans  leurs  Opinions,  Le  VailTeau  battu  des 
vagues  d'une  Mèr  agitée,  efl  une  Allégo- 
rie, qui  enfeigne  que  fouvent  les  hommes 
font  combattus  dans  leurs  propres  Opi^ 
nions  j  par  le  contrafle  des  idées  qui  fe 
préfentent  à  leur  imagination, 

Ops, 

DéefTe  de  l'Antiquité  Païenne.  Les 
Grecs  l'ont  appellée,  Opis  ôc  Oupis.  Elle 
étoit  fille  de  Cœlus  ou  du  Ciel,  &  de 
Vefta,  fœur  6c  femme  de  Saturne,  de  fe 


35(^  OP== 

nommoit  autrement  Rhéa  &  Cybèle.  C*é- 
toit  la  Terre  dont  on  avoit  fait  une  Divini- 
té,  &  à  laquelle  on  avoit  donné  le  nom  Ops , 
qui  fignitie  Secours  ;  à  caufe  des  grands  Se- 
cours que  l'on  en  tire  pour  la  vie  j  ou 
parceque  c'eft  par  fon  Secours,  ejus  ope  y 
que  les  hommes  trouvent  ce  qui  eft  nécef- 
faire  à  la  vie  \  ou  parceque  toutes  les  Ri- 
çhelTes  ,  qui  s  appellent  en  Latin  Opes , 
viennent  de  la  Terre. 

On  reprélentoit  Ops  comme  une  Ma- 
trone  vénérable ,    qui    tendoit   la  main 
droite  comme  pour  offrir  Ton  Secours  à 
tout  le  monde  j  &  qui,  de  la  main  gau- 
che donnoit  dû  Pain  à  des  pauvres.  Le 
premier  qui  lui  voua  &  lui  bâtit  un  Tem- 
ple a  Rome  >  fut  T.  Tatius ,  Roi  ^^s  Sa- 
tins 5  avec  qui  Romulus  fit  alliance.  Tul- 
lus  Hoflilius  en  bâtit  enfuite  un  autre, 
qui   lui  fut  commun  avec  Saturne  fon 
mari.   Dans'  une  Infcription  de  Grutèr, 
p.  XXVI ^  j,  il  eft  dit  que,  fous  le  Con- 
fulat  de  L.  Munatius  Vérus  &  de  C.  Té- 
rentius  Félix  ,   on   défigna  un  emplace- 
ment pour  un  Temple  ^Ops  Se  de  Satur- 
ne ;  de  ce  qui  eft  fîngulier,  Ops  eft  nom- 
mée avant  Saturne.  Une  autre  Infcription 
faite  fous  Pertinax,  /^.  tz.  4,  lui  donne 
le  titre  de  Divine^  de  lui  adjoint  la  For- 
tune : 

OPL 


OPÎ.  DÎVINAE  ET  FORTUNAE 
PRIMIGENIAE  SACR.  &c. 

Ce  font  les  deux  feules  Infcriprions  que 
Ton  trouve  en  l'honneur  de  cette  Déelîè, 
fous  le  nom  d'Ops, 

Opulence. 

Les  feuls  Attributs  de  ce  fujèt  font 
FAir  de  gravité  que  l'on  donne  à  la  figure 
qui  le  repréfente,  la  Magniiicence  de  (es 
rètemens ,  Se  la  Richelfe  du  lieu  qu'elle 
habite.  Le  Sceptre  qu'elle  tient,  indique 
le  droit  qu'elle  s'arroge  de  commander, 
étant  fondée  fur  {on  Opulence,  Le  Mou- 
ton qui  eft  à  Çqs  pieds  parmi  des  fruits  & 
des  grains  ,  eft  allufif  à  l'Opulence  que 
donne  la  poffelîion  à^s  Terres ,  &  autres 
biens  de  campagne. 

ÉNIGME     LX. 

Mon  père  m*engendra  dans  le  féjour  des  Morts  > 
Audi  je  ne  vois  pas.  Quoique  j'aide  à  la  vie, 
Je  fuis  le  rare  effet  de  fes  derniers  efforts  j 
jEt  l'on  ne  me  voie  point  fans  joie  ou  fans  envie. 

Cent  mirérabics ,  pour  m'avoir  , 

Déchirent  le  fein  de  ma  mère  : 
Et  d'autres  infenfés ,  flattés  d'un  faux  efpoîr , 
Tachent  de  m'engendrer  d'une  flamme  adultère  » 
Et  penfent  vainement  à  toute  heure  me  voir. 
Tome  IIL  P 


338  ==OR== 

Je  fuis  liquide  &  dur ,  je  fuis  fei-tiie  Sc  flexible  , 
Je  fuis  broyé ,  battu ,  l'on  me  donne  cent  coups. 

Je  fuis  pourtant  aimé  de  tous , 
Encore  que  je  fois  à  l'amour  infenfible. 
Je  tire  de  prifon  refclave ,  &  par  malheur 
Mon  efclave  m'y  tient  j  je  le  foulïie  fans  plainte. 
On   m'acquiert  avec  peine  ,   on   me  pofscdc  ctt 
crainte  , 

Et  l'on  me  perd  avec  douleur. 

Oracles. 

C'étoît  la  plus  augufte  êc  la  plus  reli- 
gieufe  efpèce  de  Prédidion  dans  TAnti- 
quité  Païenne  5  les  Oracles  avoient  pour 
but   un   commerce    immédiat    avec    les 
Dieux ,  pour  en  obtenir  des  lumières  dans 
les  affaires  épineufes,  &  le  plus  fouvent  la 
connoifTance  de  l'Avenir.  A  peine  furent- 
ils  établis ,  qu'on  ne  connût  bientôt  plus 
d*autre  façon  de  fe  décider.  Falloit-il  dé- 
clarer la  Guerre ,  conclure  la  Paix ,  intro- 
duire quelque  nouveauté  dans  le  Gouver- 
nement,  impofer.une  Loi  ^  on  interro- 
geoit  VOrac/cy  ôc  fa  répoiife  croit  invio- 
lable Se  facrée.  Jupiter  étoit  regardé  com- 
me le  premier  moteur  des  Oracles  ^  ÔC  la 
première  f.)u  ce  de  toute  Divination  :  le 
Livre  du  Dellin  s'ouvroit  à  fes  yeux,  & 
il  en  rév'éloic  plus  ou  moins ,  félon  fon 
bon  plaifir,  aux  Divinités  fubalternes. 


=  0R=  Î5P 

Les  Oracles  les  plus  accrédités  &  les 
plus  multipliés  étoienc  ceux  d'Apollon  ; 
Jupiter  s'écoiE  déchargé  fur  ce  Dieu  du 
foin  d'infpirer  toutes  forces  de  Devins  & 
de  Prophètes.  Entre  les  Oracles  d'Apollon, 
celui  de  Delphes  étoit  renommé  moins 
encore  par  fon  ancienneté ,  que  par  fa  pré- 
cifion  &  la  clarté  de  (qs  réponfes  :  les 
Oracles  du  Trépied  paiïbient  en  Proverbes 
pour  des  Vérités  claires  &  infaillibles. 

Le  privilège  des  Oracles  fut  accordé 
dans  la  fuite  à  prefque  tous  les  Dieux,  &: 
à  un  grand  nombre  de  Héros.  Outre  ceux 
de  Delphes  &  de  Claros  en  l'honneur 
d'Apollon ,  &c  ceux  de  Dodone  &  d'Am- 
mon  en  Thonneur  de  Jupiter  j  Mars  eue 
un  Oracle  dans  la  Thrace  \  Mercure,  à  Pa- 
tras  ;  Venus ,  à  Paphos  &  dans  l'Ifle  de 
Chypre  j  Minerve,  à  Mycènes  j  Diane, 
dans  la  Colchide  \  Pan ,  dans  TArcadie  ; 
Efculape ,  â  Épidaure  &  a  Rome  ;  Her- 
cule 5  à  Athènes  &  à  Gadès  ;  Sérapis ,  i 
Alexandrie  ;  Trophonius  en  eut  un  célè- 
bre dans  la  Béotie  :  il  n'y  eut  pas  juf- 
qu'au  Bœuf  Apis  qui  n'eut  fon  Oracle  en 
Egypte. 

Pour  confultet  VOracle  il  falloit  choi/îr 
le  temps  où  Ton  croyoit  que  les  Dieux 
en  rendoient ,  car  tous  les  jours  n'étoient 
pas  égaux.  A  Delphes,  il  n'y  avoir  d'abord 

pij 


54.0        =OR  = 

qu'un  Mois  de  l'année ,  où  la  Pythie  ré- 
pondit à  ceux  qui  venoient  confulter 
Apollon.  Dans  la  fuite,  ce  fut  un  jour  de 
chaque  Mois  ,  que  ce  Dieu  rendoit  £es 
Oracles,  Us  ne  fe  rendoient  pas  non  plus 
tous  de  la  même  manière  :  ici  c'étoit  la 
Prêrreife  qui  répondoit  pour  le  Dieu  que 
Ton  confultoit  :  là  c'étoit  le  Dieu  lui-mê- 
me qui  rendoit  ÏOrac/e  :  dans  un  autre  en- 
droit, on  recevoir  la  réponfe  du  Dieu  pen- 
dant le  fommeil,  &  ce  fommeil  mêmeétoic 
préparé  par  des  difpofitions  particulières, 
qui  avoient  quelque  chofe  de  myfi:érieux  : 
quelquefois  c'étoit  par  des  billets  cache- 
tés ;  ou  enfin  on  reçevoit  VOracle  en  jet- 
tant  des  forts ,  comme  à  Prénefte  en  Ita- 
lie. 11  falloir  quelquefois ,  pour  fe  rendre 
digne  de  l'Oracle  ^  beaucoup  de  prépara- 
tions ,  des  Jeûnes ,  par  exemple ,  des  Sa- 
crifices, des  Luftrations,  dcc.  D'autres  fois 
on  cherchoit  moins  de  façon ,  de  le  Con- 
fultant  reçevoit  la  réponfe  en  arrivant  à 
VOracle^  comme  il  arriva  à  Alexandre, 
qui  alla  confulter  Jupiter  Ammon. 

Oraison. 

On  lui  donne  une  robe  verte  &  un 
voile  blanc ,  qui  font  les  couleurs  fymbo- 
liques  de  l'Efpérance  de  de  la  Pureté.  Le 


Coq  fîgnifîe  la  Vigilance  qu*eîle  exige. 
Elle  eft  à  genoux ,  tient  un  Ccsiir  em- 
brafé  ,  &  un  Encenfoir  ,  dont  la  fumée 
qui  s'élève  abondamment  vers  le  Ciel,  eft 
l'image  àeVOraifon  ^  félon  le  Prophète, 
Pfeaume  140. 

Dirigatur ,  Domine ,  O  R  A  T  i  o  mea  , 
Jicut  incenfum^  in  confpeclu  tuo, 

ÉNIGME    LX  L 

Je  fuis  une  belle  Etrangère, 
Dont  le  teint  vif  &  délicat 
Joint  la  douceur  avec  l'éclat. 
Et  je  fais  mon  bonheur  de  n'être  pas  légère. 

Pour  le  cœur  &  les  yeux ,  J'ai  de  fi  doux  appas , 
Que  les  obligeant  à  fe  rendre  , 
Chaque  beauté  qui  vient  me  prendre  , 

Trouve  mon  cœur  fidcle ,  &  fait  de  moi  grand  cas» 

Si  je  viens  d'un  des  coins  du  Monde, 
Oii  toute  la  richeiTe  abonde, 
J'en  apporte  avec  moi  (^s  faveurs  du  Soleil  : 
Ceft  cet  éclat  dont  il  me  pare  5 
C'eft  un  trcfor  encor  plus  rare  , 
Et  qu'on  peut  dire  fans  pareiL 

Auffi  comme  l'Hîiloire  chante  , 
Vi\  Amant  épris  d'une  Amante , 

PiiJ 


34*  «=OR=a= 

Par  moi  fie  triompher  fes  feux» 
Quoique  toujours  fîère  &  cruelle , 
Il  gagna  le  cœur  de  la  belle , 
Et  lui  lit  de  l'hymen  agréer  les  doux  nœud^ç» 

Orcus, 

Dieu  des  Enfers,  que  les  Poëtes  pren- 
ïienc  affez  fouvent  pour  l'Enfer  même  : 
c'eft  ainfî  que,  dans  Virgile,  Charon  eft 
appelle  Ponitor  Orciy  le  Nocher  des  En- 
fers. Orcus  avoir  un  Temple  à  Rome^ 
dans  le  dixièm.e  quartier  de  la  Ville ,  fous 
le  nom  à'Orcus  quietalis ,  le  Dieu  qui 
apporte  le  repos,  &  qui  le  donne  à  tout 
le  monde.  Les  Cyclopes  avoient  donné  a 
Pluton  un  Cafque  qui  le  rendoit  invifi- 
ble  :  c'efi:  ce  célèbre  Cafque  dont  les  An- 
ciens font  mention  fous  le  nom  ^Orcl 
Galea.  On  tire  le  nom  à'Orcus  du  mot 
Hébreu  Arachy  long,  grand,  étendu  \  par- 
cequ  on  difoit  o^Orcus  recevoir  tout,  dé- 
voroit  tout ,  renfermoit  tout. 

Ordre  justb  et  équitable. 

Selon  P.  Vâler.  Liv»  4^ ,  les  Égyptiens 
exprimoient  ce  fujèc  par  un  Vieillard  vé- 
nérable,  vêtu  d'une  tunique  violette,  te- 
nant un  Niveau  &  un  Caducée,  qui  font 
les  Hiéroglyphes  de  la  Juilice  &:  de  k 
Prudenceo 


=  O  R  =  345 

Ordres  Militaires. 

Les  Ordres  Militaires  étoient  abfolii- 
ment  inconnus  dans  les  premiers  fiècles 
de  l'Églife  ;  ils  doivent  leurs  infticutions 
aux  Croifades.  Il  y  en  a  plufîeurs  qui  ne 
fubfiftent  plus. 

Favin  croit  que  l'Ordre  de  l'Étoile  a  été 
établi  par  le  Roi  Robert  ;  mais  c'ert  une 
eireur.  Tout  ce  que  Favin  raconte  a  ce 
fujet  5  eH:  tiré  d'un  Roman  écrit  fous  Phi-^ 
lippe  de  Valois^  trois  cents  ans  ou  environ 
depuis  le  Roi  Robert  ^  pac  Brabant  ^  Roi 
d'Armes  \  qui ,  à  l'imitation  des  Poètes  ,  a 
inventé  exprès  cette  Fable  ,  pour  embellir 
&  augmenter  iow  ouvrage.  C'eft  le  Roi 
Jean  qui  eft  l'inftituteur  de  l'Ordre  de  l'É- 
roile  5  qui  a  fubfifté  jufqu'au  Règne  de 
Charles  VIII ,  qui  l'abolit  ,  à  caufe  de 
l'Ordre  de  S.  Michel  que  Louis  XI  avoic 
inftitué  à  fa  place. 

Dans  la  Chapelle  d'Orléans  des  Célef- 
tins  de  Paris ,  Louis  de  France  ,  Duc  d'Or- 
léans 5  y  eft  repréfenté  vêtu  d'une  robe  de 
velours  à  grandes  manches ,  fourrées  d'her- 
mines ,  une  Étoile  d'or  fur  l'épaule  gau- 
che j  &  deux  colliers  d'or  autour  du  col , 
qui  font  peut-être  les  Colliers  de  l'Ordre 
de  l'Etoile  Porc-Épi.  Cette  peinture  ne 
paroît  pas  fi  ancienne  que  le  Maufolée  de 

P  iv 


544.  =±=rOR  = 

ee  Prince  ;  mais  on  croit  que  (1  ce  n'eft 
qu'une  copie  ,  le  Peintre  qui  l'a  fait  a  tâ- 
ché qu'elle  reffemblâc  à  l'Original. 

Belleforejî  j  fondé  fur  une  vieille  hii^ 
îoire  manufcrite  qu'il  allègue  ,  prétend 
que  Bouchard  de  Montmorenci ,  furnom- 
mé  à  Ici  Barbe-tortc  ^  après  avoir  fait  la 
Paix  avec  PhiHppe  1 ,  vint  à  Paris  lui  bai- 
fer  les  inains  ,  fuivi  d'un  grand  nombre 
de  Chevaliers  qui  portoient  au  col  une 
double  chaîne  d'or ,  faite  en  façon  de  tète 
de  Cerf  5  &  terminée  d'une  médaille  011  fe 
vovoit  un  Chien.  Suivant  cet  Auteur,  cet 
Ordre  fe  nommoit  l'Ordre  du  Chien  ,  que 
les  prédécelTeurs  de  Bouchard  de  Mont^ 
morcnci  avoit  inftitué ,  &  aTrhatiiç  ,  qui 
veut  dire  fans  errer  ni  varier ,  en  étoit  la 
devife  ;  c'eft  de-là ,  ajoute  l'Auteur ,  que 
la  Maifon  de  Montmorenci  porte  un  Chien 
pour  Cimier  ,  &  que  pour  devife ,  ell& 
conferve  encore  ce  mot. 

Nos  Hiftoriens  difent  que  l'Ordre  de  la 
Foi  de  JefuS'ChriJl  ^  fut  inftitué  dans  la 
Province  de  Narbonne  ,  en  apparence 
pour  exterminer  les  ennemis  de  l'êglife  ; 
mais  en  effet  pour  maintenir  la  Maifou 
de  Montfort  dans  fes  ufurpations  ,  fur  les 
Comtés  de  Touloufe ,  de  Foix  &  de  Com^- 
minges.  Le  premier  Chef  fut  Pierre  Sa* 
vari  3  qui  fe  qualifiôic  Humble  &  pauvre 


maître  de  la  Milice  de  la  Foi.  Les  nou- 
veaux Chevaliers  fe  dévouoienc  à  détruire 
les  Hérétiques ,  comme  les  Templiers ,  à 
combattre  les  Sarrallns.  Le  Pape  Honoré 
JII  approuva  cet  établilTement ,  qui  s'ac- 
crut avec  la  puiOfance  d'Amauri  ;  mai? 
bientôt  après ,  on  n'en  vit  plus  aucuns  vef^ 
tiges.  Quelques-uns  prétendent  qu'il  fut 
réuni  à  l'Ordre  des  Frères  de  la  Milice  de 
S.  Jacques ,  qui  lui-même  ne  fublifta  que- 
trente  ans. 

On  lit  dans  la  Nouvelle  Hîftoire  de 
France ,  par  f^elly  &  Villaret ,  que  Saint 
Louis  ,  en  i  2^9  ,  prêt  à  partir  pour  fa  fé- 
conde expédition  d'Outre-mèr  ,  inftitua 
un  Ordre  Militaire  ,  fous  le  nom  de  Dou^ 
hle  Croijfant ,  ou  de  Navire  ,  dont  il  don- 
na le  Collier  à  plufieurs  Seigneurs  Fran- 
çois pour  les  engager  à  le  fuivre  dans  ce- 
ce  voyage.  Cet  Ordre ,  ajoute-t-on  ,  fur 
approuvé  par  le  Pape  Clément  7^.  Sur  le; 
Collier  de  l'Ordre  du  Double  Crolifanc, 
il  y  avoir  des  Coquilles  où  pendoit  un  Na- 
vire. Les  Coquilles  &  le  Navire  expri- 
moient  une  entreprife  maritime  ,  6^  le 
Double  CroifTant  déhgnoit  que  c'étoir 
pour  combattre  les  Infidc-les ,  qui  le  por- 
tent pour  Symbole  ou  pour  Armes.  Les 
DcuhUsCroiffans  paifés  enfauroir ,  écoient 
d'at2;ent  y  la  CoauilU.  dlor  &  lo.  Navire,  ar.^ 

P-  '^' 


mé  &  frété  d* argent ,  au  champ  de  gueu-^ 
les  ^  à  la  pointe  ondoyée  d'or ,  d'argent  & 
de  Sinoplc, 

On  ajoute  que  le  Saint  Roi  permit  aux  ï 
Chevaliers  de  mettre  au  chef,  ou  cimier  | 
de  l'Écu  de  leurs  armes  ,  un  Navire  d'ar-  » 
gent  aux  banderoles  de  France ,  fur  uri 
champ  d'or ,  &  que  les  premiers  qui  re- 
çurent cet  Ordre  ,  furent  Philippe  le  Har» 
di  ;  Jean  ,  furnommé  Trijian  ^  Comte  de 
Nevers  ;  Pierre  ,  Comte  d'Alençon  ,  tous 
trois  fils  du  Monarque  j  Alphonfe ,  Comte 
de  Poitiers,  fon  frère  ^  Thibaud^  Roi  de 
Navarre  ,  fon  gendre  \  que  la  mort  du 
pieux  Fondateur  fut  l'époque  de  l'extinc- 
tion de  cette  nouvelle  Chevalerie  en  Fran- 
ce \  mais  que  Charles  d'Anjou  l'adopta  en 
11^8  5  pour  lui  &  fes  fucceffeurs ,  Rois 
de  Naples  ,  fous  le  feul  nom  de  Croisant  ^ 
avec  quelques  changemens  au  collier ,  qui 
fut  entrelacé  d'Étoiles  &  de  Fleurs  de  Lys , 
ayant  pour  pendant  un  CroifTant ,  avec 
cette  devife  :  Donec  totum  impleat* 

Ce  que  nous  venons  de  rapporter  ^ 
comme  le  dit  THiftorien ,  font  autant  de 
ïables ,  fruits  d*une  imagination  trop  li- 
vrée à  elle-même.  Comment  Clément  IV 
a-t-il  pu  confirmer  un  Ordre  qu'on  fup- 
pofe  établi  un  an  après  fa  mort  ?  Com- 
ment Charles  d'Anjou  auroic-ii  réformé. 


en  ii6î  3  un  écabliirement  qui  ne  fut  fon- 
dé qu'en  ii6i)}  On  doit  donc  regarder 
cet  Ordre  du  Croiflant ,  comme  un  Or- 
dre chimiérique. 

On  attribue  aufîî  à  S-  Louis ,  l'Ordre 
de  la  Coiïe  de  Genêt ,  avec  auiîi  peu  de 
fondement  que  l'Ordre  du  Double  Croif- 
fant.  Tous  les  Sçavans  conviennent  que 
ce  Saint  Monarque  n'inftitua  aucun  Or- 
dre Militaire.  Nungis  ne  dit  point  qu'il 
donna  l'Ordre  de  la  Golfe  de  Genêt  à  fes 
fils  5  mais  fimplement  qu'il  les  fit  Cheva- 
liers \  Cérémonie  qui  occafionna  des  Fê- 
tes fuperbes  :  &  Duchefne  ,  dans  fon  Kif- 
toire  particulière  de  S,  Louis  ,  ne  fait 
point  mention  de  cet  Ordre. 

Louis  II ,  Duc  de  Bourbon  ,  furnom- 
mé  /e  Bon  ,  à  fon  retour  d'Angleterre ,  où 
il  avoit  paffé  fept  années  en  orage  ,  créa , 
en  1 379  5  l'Ordre  Militaire  de  lEcu  d'Or, 
q|ie  dans  la  fuite  il  nomma  YOrdre  de 
VEfpirance.  L'Ecu  portoit  pour  infcrip- 
tion  ce  mot  :  Alleu,  La  repréfentation  de 
cet  Écu  fe  voyoit  encore  au  commence- 
ment de  ce  fiécle  ,  dans  la  Chapelle  du 
Château  de  Moulins.  Le  Connétable  du 
Guefclin  fut  décoré  du  Collier  d'or  de  cet 
Ordre  par  ce  Prince. 
*  Aux  Céleftins  de  Paris  ,  on  voit  dans  la 
Chapelle  d'Orléans  plufieurs  marques  du 

P  vj 


porc-Épi  j  avec  la  devife  Cominùs  y  crée 
par  Louis  de  France  ,  Duc  d'Orléans.  Sous 
les  pieds  de  Charles  ,  fon  fils  ,  dont  ou 
voit  le  maufolée  près  de  celui  de  fon  père  ^ 
eft  couché  un  Porc-Épi.  Le  même  Prince, 
(  Louis  5  Duc  d'Orléans  ,  )  après  avoir  dî- 
né 5  le  2o  Novembre  1407  ,  à  l'Hôtel  de 
ÎS^efle  ,  avec  le  Duc  de  Bourgogne  ,  il  lui 
mit  au  col  le  Collier  de  l'Ordre  du  Porc- 
Épi.  Louis  XII  j  fon  petit- hls  ,  prit  pour 
devife  le  Porc-Épi ,  &  on  en  voit  à  tous 
les  Édifices  que  ce  t^rince  a  fait  bâtir  tant 
à  Paris  qu'ailleurs. 

Ordre  de  l'Éperon. 

Quelques  Auteurs  prétendent  qu'il  fut 
înftitué  par  Conftantin  pour  être  fa  garde  > 
&  qu'il  prit  le  nom  d'une  de  leurs  prin- 
cipales fondions  ,  qui  étoit  de  chauflei: 
les  Eperons  à  l'Empereur ,  Se  les  Cheva- 
liers portoient  au  col  une  Croix  femblable 
à  celle  de  Malte  ,  de  laquelle  pendoit  un 
petit  Eperon  d'or  :  mais  tout  cela  fe  dit 
fans  fondement.  D'autres  difent  que  c'eft 
un  Ordre  de  Chevalerie  inftitué  à  Rome 
par  le  Pape  Pie  IV,  en  15(^0.  Les  Che- 
valiers s'appelloient  Pies ,  PU  ,  du  nom  de 
ce  Pontife.  Les  Chevaliers  de  ÏÈperom 
porteat  une  croix  tilfuc  de  filets  d'or. 


=  O  R  ==  549^ 

Ordre  du  Nceudv 

La  Reine  Jeanne  première  ,  après  îa^ 
Guerre  qu'elle  eut  à  fourenir  contre  Louis, 
Roi  d'Hongrie,  ayant  époufé,  en  1351, 
Louis  Prince  de  Tarente  ,  ôc  ce  mariage 
ayant  donné  la  Paix  à  fon  Royaume  ,  ôC 
affermi  le  Royaume  de  Naples  fur  fa  tête  ; 
l'année  fuivante  1 3  5 1 ,  le  jour  de  la  Pen- 
tecôte ,  ils  établirent  un  nouvel  Ordre 
Militaire ,  qu'ils  appellèrent  ÏOrdre  du 
Nœud^  en  mémoire  de  la  Paix  qui  avoic 
été  faite.  Ils  firent  foixante  Chevaliers , 
tant  François ,  que  Napolitains.  Leur  En* 
faigne  étoit  une  efpèce  de  Lac  avec  un 
Nœud  ronge  de  foie  &  d'or  5  &  orné  de 
perles.  Le  Roi  mettoit  ce  Lac  au  bras  du 
Chevalier,  en  lui  difant,  qu'avec  ce  Bra- 
celet on  lui  donnoit  un  cœur  plein  de 
Valeur  &:  de  Fidélité  pour  le  fervice  de 
fon  Roi.  Clément  VI  approuva  cet  Ordre, 
&  lui  donna  la  Règle  de  Saint  Bafile.  Cet 
Ordre  prit  Saint  Nicolas  pour  fon  Pro- 
tecteur. Les  Chevaliers  portoient  le  Lac^ 
dont  nous  avons  parlé,  au  bras  &  fur  la 
poitrine.  La  grande  Maîtrife  étoit  atta- 
chée à  la  Couronne  de  Naples.  Cet  Or- 
dre ne  dura  floriffant ,  qu'autant  que  fes 
Inftitut.eui's  vécurent. 


3;o  i=OR  = 

Ordre  de  la  Toison  d'Oro 

Philippe  II ,  Duc  de  Bourgogne ,  créa  » 
en  1430,  en  l'honneur  d'une  Dame  de 
Bruges,  dont  il  étoic  amoureux,  VOrdre 
de  la  Toifon  d'Or  ;  Ôc  ce  fut  à  Toccafion 
des  plaifanteries  échappées  à  quelques-uns 
de  fes  Courtifans,  fur  la  couleur  des  che- 
veux de  cette  Dame  plus  que  blonde ,  qu'il 
conçut  le  delTein  de  changer  en  marque 
de  diftindtion  le  fujèt  de  leurs  railleries. 

Des  Ecrivams  prétendent  que  Ro^er  II 
avoit  érigé  à  Naples  une  Fraternité  de  la 
Toifon  d'Or^  que  le  Duc  de  Bourgogne 
ne  ^iz  que  renouveller.  Celui-ci ,  en  for- 
mant  cet  Etabliflement,  déclara  que  (on 
intention  étoit  de  faire  revivre  les  Argo- 
nautes ,  qui ,  fous  la  conduite  de  Jafon  9 
abordèrent  en  Colchide  ,  &  ravirent  la 
Toifon  d'Or,  Cette  nouvelle  Inftitution  5 
fondée  fur  une  AUufion  fabuleufe ,  produc- 
tion bizarre  d'une  imagination  échauffée, 
fut,  dit  Villaret^  fuivant  le  génie  du  fiècle, 
mêlées  de  Cérémonies  militaires,  profa- 
nes &  religieufes. 

Cette  Confraternité  fut  approuvée  & 
confirmée  par  pîudeurs  Pontifes.  Entre 
plufieurs  Privilèges  qu'ils  lui  ont  accor- 
dés, il  s'en  trouve  un  plus  fingulier,  qu'il 
n'eft  avantageux  aux  Membre  de  \Ordre  i 


(c'efl  la  faculté  que  les  femmes  Se  les  filles 
des  Chevaliers  ont  d'être  admifes  dans  les 
Manaftères  des  Religieufes ,  avec  le  con- 
fentemenc  des  Supéiieurs. 

11  fut  décidé  par  les  Statuts  ,  que  les 
Récipiendaires  prouveroient  quatre  géné- 
rations de  nobleife,  tant  paternelle  que  ma- 
ternelle. Les  Armoiries  des  Chevaliers  dé- 
voient être  placées  dans  rÉglife,  au-deifus 
des  fiéges  qu'ils  occupoient.  Le  premier 
nombre  fut  fixé  à  trente -un,  fçavoir ,. 
trente  Chevaliers  êz  le  Grand  Maître;  à. 
préfent  il  n'eft  plus  limité.  Au  premier 
Chapitre,  le  Duc  ne  reçut  que  vingt-qua- 
tre Chevaliers  ;  le  nombre  de  trenre  ne 
fut  accompli  que  dans  les  Chapitres  fui- 
vans. 

A  l'extindrion  de  la  Poftéri^é  de  la  fé- 
conde Race  de  Bourgogne ,  la  Princeffe 
Marie  y  fille  aînée  du  dernier  Dac ,  Char^ 
les  le  Téméraire ^  porta,  par  fon  mariage 
avec  Maximilien  d'Autriche,  la  Grande 
Maitrife  de  la  Toifon  d'or  dans  la  xMaifoG 
d'Autriche  ,  en  verru  du  foixante-cin- 
qulème  article  des  Statuts ,  dans  lequel  il 
efl:  dit  :  Si  lors  du  trépas  du  Souverain 
Maître^  demeur  oit  fille  fon  Héritière^  non 
mariée ,  Philippe  le  Bon  veut  que  foit  élu 
un  des  Frères  de  COrdre^  pour  en  avoir 
la  conduite  y  jufqu'à  ce  que  ladite  fille  fait 


5^2  =OR=r 

mariée  à  Chevalier  en  âge  d'en  prendre  & 
conduire  la  charge  &  le  fait.  Dans  les  pre- 
miers âges  de  VOrdre,  les  nouveaux  Che- 
valiers étoient  élus  dans  le  Chapitre  géné- 
ral, à  la  pluralité  des  fuffrages  :  c'eft  au- 
jourd'hui le  Roi  d'Efpagne  qui  les  nom- 
me à  fon  choix» 

Ordre  de  la  Jarretière. 

UX)rdre  de  la  Jarretière  en  Angleterre , 
înftitué,  dit-on,  par  le  Roi  Richard^  Cœiir-^ 
de-Lion ,  dans  le  douzième  liècle ,  &  dont 
la  marque  eft  un  ruban  bleu ,  qu'on  atta- 
che à  la  jambe ,  &  qui  fut  établi  au  fiége 
d'Acre,  pour  honorer  la  valeur  de  ceur 
qui  s'étoient  diftingués  par  quelque  belle 
adlion  :  cet  Ordre ^  dis-je,  q\x  Edouard  III 
n'a  fait  que  renouveller ,  en  y  ajourant 
la  Devife  :  Honjii  foit  qui  mal  y  penfe^ 
(  Devife  dont  le  fa  jet  ell  connu  de  tout 
le  monde)  ne  dût  pas  fon  origine  à  une 
caufe  plus  grave ,  que  celle  de  la  Toifort 
d'Or. 

Ordre  de  Malte. 

C'eft  le  nom  d'un  Ordre  Religieux  Mî- 
litaire,  qui  a  eu  plufieurs  noms  ;  les  Hof- 
pitaliers  de  Saint  Jean  de  Jérusalem  ,  ou 
ks  Chevaliers  de  Saint  Jean  de  Jériifalem,, 


ies  Chevaliers  de  Rhodes  ,  l'Ordre  de 
Malte ,  la  Religion  de  Malte ,  les  Che- 
valiers de  Malte  ;  &  c  eft  le  nom  qu'on 
leur  donne  toujours  dans  l'ufage  ordinaire 
en  France.  Des  Marchands  d'Amalft  ait 
Royaume  de  Naples,  environ  l'an  1048, 
bâtirent  à  Jérufalem  une  Eglife  du  Rit  La- 
tin, qui  fut  appellée  Sainte  Marie  de  la 
Latine.  11  y  fondèrent  aufli  un  Monaftère 
de  Religieux  de  l'Ordre  de  Saint  Benoît, 
pour  recevoir  les  Pèlerins  ;  &  enfuite  un 
Hôpital  tout  près  de  ce  Monaftère,  pour 
y  avoir  foin  des  malades,  hommes  &  fem- 
mes ,  fous  la  diredion  d'un  Maître ,  ou 
Re6teur ,  qui  devoit  être  à  la  nomination 
de  l'Abbé  de  Sainte  Marie  la  Latine  ;  de 
on  y  fonda  une  Chapelle  en  l'honneur  dô 
Saint  Jean-Baptifte.  Gérard  Torn  Proven- 
çal ,  de  riile  de  la  Martigue  >  en  fut  le 
premier  Directeur.  En  1099,  Godefroy  de 
Bouillon  ayant  pris  Jérufalem  ,  enrichie 
cet  Hôpital  de  quelques  domaines  qu'il 
avoit  en  France.  D'autres  imitèrent  en- 
core cette  libéralité  ;  Se  les  revenus  de 
l'Hôpital  ayant  augmenté  confîdérable- 
ment,  Gérard,  de  concert  avec  les  Hof- 
pitaliers ,  réfolut  de  fe  féparer  de  l'Abbé 
êc  des  Religieux  de  Sainte  Marie  la  La- 
tine, de  de  faire  une  Congrégation  à  part> 
fous,  le  nom  ôc  la  protedion  d«  Sains. 


55-4  ==OR 

Jean-Baptîfte  ;  ce  qui  fut  caufe  qu'on  les 
appella  Hofpitaliers ,  ou  Frères  de  l'Hôpi- 
tal de  Saint  Jean  de  Jérufalem.  Pafchal  II, 
par  une  Bulle  de  l'an  1 1 13  ,  confirma  les 
donations  faites  à  cet  Hôpital,  qu'il  mit 
fous  la  protedion  du  Saine  Siège,  ordon- 
nant qu'après  la  mort  de  Gérard ,  les  Rec- 
teurs feroient  élus  par  les  Hofpitaliers, 
Raymond  du  Puy  de  Dauphiné,  Succef- 
feur  de  Gérard,  fut  le  premier  qui  prit  la 
qualité  de  Maître.  Il  donna  une  Règle  aux 
Hofpitaliers  ;  elle  fut  approuvée  par  Ca- 
lixte  II  l'an   11 20.  Quelques-uns  difent 
qu'elle  l'avoit  déjà  été  par  fon  prédécef- 
feur  Gélafe  II  l'an  11 18.  Elle  fut  confir- 
mée par  Honorius  II,  Innocent  II,  Eu- 
gène III,  Lucius  III,  Clément  III,  Inno- 
cent III 5  Boniface  VIIÏ ,  &c.  Comme  Ray- 
mond mit  dans  cette  Règle  quelque  chofe 
qu'il  tira  de  celle  de  Saint  Auguftin,  on  a 
mis  cet  Ordre  au  nombre  de  ceux  qui  fui- 
vent  fa  Règle. 

Tel  fut  le  premier  état  de  VOrJre  de 
Malte»  Ce  premier  Grand  Maître,  voyant 
que  les  revenus  de  l'Hôpital  furpalToient 
de  beaucoup  ce  qui  écoit  néceiTaire  à  l'en- 
tretien à^%  pauvres  Pèlerins  &  àQ,%  Mala- 
des ,  crut  devoir  employer  le  furplus  à  la 
guerre  contre  les  Infidèles.  Il  s'offrit  au 
Roi  de  Jérufalem.  Il  fépara  i^^  Hofpita- 


0R=«  5ÎÎ 

fiers  en  trois  clafîes  j  les  Nobles ,  qu'il 
deftina  à  la  profenion  des  armes ,  pour  la 
défenfe  de  la  Foi  &  la  protedion  des  Pè- 
lerins ;  les  Prêcres  ou  Chapelains ,  pour 
faire  l'Office  ^  ôc  les  Frères  fervans ,  qui 
n'étoienc  pas  nobles  ,  furent  aufH  def- 
tinés  à  la  Guerre.  Il  régla  la  manière  de 
;  recevoir  les  Chevaliers  ;  de  tout  cela  fut 
confirmé  Tan  1130,  par  Innocent  II,  qui 
ordonna  que  l'Étendard  de  ces  Chevaliers 
feroit  une  Croix  blanche  pleine  en  champ 
de  gueule ,  qui  fortt  encore  les  Armes  de 
cet  Ordre. 

Après  la  perte  de  Jérufalem ,  ils  fe  re- 
tirèrent d'abord  a  Margat,  enfuite  à  Acre, 
qu'ils  défendirent  avec  beaucoup  de  va- 
leur l'an  1290.  Après  la  perce  entière  de 
la  Terre  Sainte  l'an  1291  ,  les  Hofpita- 
liers  ,  avec  Jean  de  Villiers  leur  Grand 
Maître,  fe  retirèrent  dans  l'Ifle  de  Chy- 
pre ,  où  le  Roi  Henri  de  Lufignan ,  qu'ils 
y  avoient  fuivi ,  leur   donna  la  Ville  de 
Limiffon.  Ils  y  demeurèrent  environ  dix- 
huit  ans.  En  1308,  ils  prirent  l'Ifle  de 
Rhodes  fur  les  Sarrafins ,  &  s'y  établirent. 
Ce  n'eft  qu'alors  qu'on  commença  à  leur 
donner  le  nom  de  Chevaliers.  On  les  ap- 
pella Chevaliers  de  Rhodes,  Eguites Rho^ 
dii.  Andronique,  Empereur  de  Conftanti- 
nople,  accorda  au  Grand  Maître,  Foulque 


5j5  =OR== 

de  Vïllarèt,  l'invedirure  de  cet  Ordre  ;  ^ 
Clément  en  confirma  la  donation.  L'an- 
née fuivante,  fecourus  par  Amédée  IV, 
Comte  de  Savoye ,  ils  fe  défendirent  coiz.-' 
tre  une  Armée  de  Sarrafins,  3c  fe  main- 
tinrent dans  leur  Ille.  En  148 o  ,  le  Grand 
Maître  d'Aubuffon  la  défendit  encore 
contre  Mahomet  II ,  &  îa  conferva ,  mal- 
gré une  Armée  formidable  de  Turcs,  qui 
lafliégea  pendant  trois  mois.  Le  Père 
Bouhours  a  décrit  ce  Siège  dans  la  vie 
de  ce  Grand  Maître.  *Mais  Soliman  l'at- 
taqua l'an  1 5  21 5  avec  une  Armée  de  trois 
cents  mille  Combattans,  3c  la  prit  le  24 
Décembre,  après  que  l'Ordre  l'eut  poffédé 
deux  cents  treize  ans.  Après  cette  perte, 
le  Grand  Maître  3c  les  Chevaliers  allèrent 
d'abord  en  l'Iile  de  Candie  j  puis  le  Pape 
Clément  VII  leur  donna  Viterbe  :  enfin 
Charles  V  leur  donna  l'Ifle  de  Malte ,  où  le 
Grand  Maître  de  l'Ille  Adam  3c  fes  Che- 
valiers arrivèrent  le  16^  d'Octobre  1550. 
C'eft  de-Ià  qu'ils  ont  pris  le  nom  de  Che- 
valiers de  Malte  ;  mais  leur  véritable  nom 
eft  celui  de  Chevaliers  de  l'Ordre  de  Saint 
Jean  de  Jérufalem  ;  3c  le  Grand  Maître, 
dans  fes  titres,  prend  encore  celui  de  Maî- 
tre de  l'Hôpital  de  Saint  Jean  de  Jérufa- 
lem 5  3c  Gardien  des  Pauvres  de  Notre 
Seigneur  Jefus-Chrift* 


\JOrdre  de  Malte  ne  pofsède  plus  en 
Souveraineté,  que  illîe  de  Malte ^  &  quel- 
ques autres  petites  aux  environs,  dont  les 
principales  lent  Goze  &  Comino.  Le  Gou- 
vernement eft  Monarchique  ôr  Ariftocra- 
tique  :  Monarchique  fur  {qs  Habitans  de 
Malte  ôc  des  Ifles  voifines.  Se  fur  les  Che- 
valiers, en  tout  ce  qui  regarde  la  Règle  & 
les  Statuts  de  la  Religion  :  Ariftocrarique , 
dans  la  déciiion  des  affaires  importantes, 
qui  ne  fe  fait  que  par  le  Grand  Maître  3c 
le  Chapitre,  Il  y  a  deux  confeiis  j  l'ordi- 
naire 5  compofé  d'un  Grand  Maître ,  com- 
me Chef,  ôc  des  Grands-Croix  ;  le  com- 
plet eft  compofé  de  Grands-Croix,  &  des 
deux  plus  anciens  Chevaliers  de  chaque 
Langue. 

Les  Lan(>ues  de  Malte  font  les  différen- 
tes  Nations  de  VOrdre,  11  y  en  a  huit  j 
Provence,  Auvergne,  France,  Italie,  Ar- 
ragon,  Allemagne,  Caftille  &  Angleterre. 
Leurs  Chefs  fe  nom.ment  Piliers  &  Bail- 
lifs  conventuels.  Le  PiUer  de  la  Langue  de 
Provence  eft  Grand  Commandeur  ;  celui 
de  la  Langue  à' Auvergne  eft  Grand  Ma- 
réchal j  celui  de  France  eft  Grand  Hofpi- 
talier  ;  celui  à' Italie  Grand  Amiral  j  celui 
^'Arragon  Grand  Confervateur  ou  Dra- 
pier, comme  on.  difoit  autrefois.  Le  Pi- 
lier de  la  Langue  êi  Allemagne  eft  Grand 


|J8  r==OPv  = 

Baillif  5  celui  de  Cafiilh  Grand  Chance^ 
lier.  La  Langue  ê^ Angleterre  ^  qui  ne  fub- 
Me  plus  depuis- le  Schifme  d  Henri  VIII  > 
avoit  pour  Chef  le  Turcopolier,  ou  Gé- 
néral de  l'Infanterie.  La  Langue  de  Pro- 
vence eft  la  première  ;  parceque  Raymond 
du  Puy,  premier  Grand  Maître,  6c  qui 
a  dreiïé  les  Statuts  de  l'Ordre,  étoit  Pro- 
vençal. 

Dans  chaque  Langue  il  y  a  plufieurs 
Prieurés  &  Bailliages  capitulaires.  L'Hô- 
tel de  chaque  Langue  s'appelle  Auberge  , 
à  caufe  que  les  Chevaliers  de  ces  Langues 
y  vont  manger,  &  s'y  affemblenc  d'ordi- 
naire. Chaque  Grand  Prieuré  a  un  nom- 
bre de  Commander ies.  Les  Comniande- 
ries  font,  ou  Magiftrales,  ou  dejuflice, 
ou  de  Grâce.  Les  Magiftrales  font  celles 
qui  font  annexées  à  la  grande  Maîtrife  :  il 
y  en  a  une  en  chaque  grand  Prieuré.  hQ% 
Commanderies  de  Juftice  font  celles  qu'on 
a  par  droit  d'ancienneté ,  ou  par  amélio- 
rifTement.  L'ancienneté  fe  compte  du  jour 
de  la  réception  \  mais  il  faut  avoir  de- 
meuré cinq  ans  à  Malte  ^  Sc  fait  quatre 
caravanes.  Les  Commanderies  de  Grâce 
font  celles  que  le  Grand  Maître  ou  les 
Grands  Prieurs  ont  droit  de  conférer.  Ils 
en  confèrent  une  tous  les  cinq  ans,  &  la 
donnent  à  qui  il  leur  plaît. 


OR=  3;^ 


Les    Chevaliers   Nobles   font  appelles 
Chevaliers  de  Juftice ,  &  il  n'y  a  qu'eux 
qui  puiiTent  être  Baillifs,  Grands  Prieurs» 
êc  Grands   Maîtres.    Les   Chevaliers   de 
Grâce  font  ceux  qui,  n'étant  pas  Nobles, 
ont  obtenu ,  par  quelque  fervice  impor- 
tant, quelque  belle  adtion,  d'être  mis  au 
rang  des  Nobles.  Les  Frères  fervans  font 
de  deux   fortes.    i°.  Les  Frères  fervans 
d'Armes,  dont  les  fondrions  font  les  mê- 
mes que  celles  dQs  Chevaliers  ;  Ôc  les  Frè- 
res fervans  d'Églife ,  dont  toute  Toccupa- 
tion  eft  de  chanter  les  louanges  de  Dieu 
dans  l'Eglife  conventuelle,  &  d'aller  cha- 
cun à  fon  tour  fervir  d'Aumôniers  fur  les 
VailTeaux  ôc  fur  les  Galères  de  la  Reli- 
gion.   Les  Frères  d'Obédience  font  des 
Prêtres ,  qui ,  fans  être  obligés  d'aller  à 
Malu ,  prennent  l'habit  de  l'Ordre ,  en 
font  les  VŒUX,  &c  s'attachent  au  fervice 
de  quelqu'une  des   Eglifes   de   l'Ordre , 
fous  l'autorité  d'un  Grand  Prieur,  ou  d'un 
Commandeur,  auquel  ils  font  fournis.  Les 
Donnez,  ou  Demi -Croix,  ne  peuvent^ 
porter  qu'une  demi-croix  de  toile  blanche 
fur  leurs  habits ,  Ôc  elle  ne  doit  pas  pafTer 
les  deux  tiers  d'une  palme  de  Sicile  ;  quel- 
quefois on  leur  accorde  qu'elle  foit  d'or. 
Les  Chevaliers  de  Majorité  font  ceux  qui, 
félon  les  Statuts,  font  reçus  à  feize  ans 


accomplis.  Les  Chevaliers  de  Minorité 
font  ceux  qui  font  reçus  dès  leur  iiaif- 
fance  j  ce  qui  ne  fe  peut  faire  fans  dif- 
penfe  du  Pape.  Les  Chapelains  ne  peu- 
vent être  reçus  que  depuis  dix  ans  juf- 
qu  a  quinze  :  après  quinze  ans ,  il  faut  un 
Bref  du  Pape  ^  jufqu  a  quinze  ,  il  ne  faut 
qu'une  Lettre  du  Grand  Maître.  On  les 
nomme  Diacots  ;  ils  font  preuves  qu'ils 
font  d'honnêtes  familles.  Ils  payent  à  leur 
réception  une  fomme  ,  qu'on  nomme 
Droit  de  Paffage. 

Pour  les  preuves  de  NoblefTe  dans  le 
Prieuré  d'Allemagne,  il  faut  feize  quar- 
tiers j  dans  les  autres,  il  fuffit  de  remon- 
ter jufqu*au  Bifaïeul,  paternel,  ou  mater- 
nel. La  Profelîion  ne  fe  fait  plus  immé- 
diatement après  le  Noviciat,  commue  au- 
trefois. 

Tous  les  Chevaliers  font  obligés ,  après 
leur  Profefîîon ,  de  porter  fur  le  manteau 
ou  fur  le  jufte-au-corps,  du  coté  gauche, 
la  Croix  d'étoile  blanche  à  huit  pointes  y 
c'eft  le  véritable  habit  de  l'Ordre.  La 
'<]roix  d'or  n'eft  qu'un  ornement.  Lorf- 
qu'ils  vont  combattre  contre  les  Infidèles, 
ou  qu'ils  font  leurs  caravanes,  ils  portent 
fur  leur  habit  une  foubrevefte  de  la  même 
forme ,  que  celle  des  Moufquetaires  de 
la  Garde  du  Roi ,  ornée  par  devant  & 

pat 


par  (derrière  d'une  grande  Croix  blanche 
pleine ,  qui  eft  celle  des  Armes  de  la  Re- 
ligion. L'habit  ordinaire  du  Grand  Maître 
eft  une  foutane  de  tabire,  ou  de  drap,  ou- 
verte par  devant,  &  ferrée  d'une  ceinture, 
où  pend  une  bourfe,  pour  marquer  la  cha* 
rite  envers  les  pauvres.  Par-delfus  cette 
foutane,  il  porte  une  efpèce  de  robe  de 
velours ,  fur  laquelle  il  y  a  au  côté  gau- 
che Se  fur  l'épaule  la  Croix  de  l'Ordre  , 
qu'il  porte  auiiî  fur  la  poitrine.  Le  man- 
teau à  bèc  efc  celui  qu'on  donne  a  la  Pro- 
feflîon  •  il  eft  noir  ,  &  s'attache  au  cou 
avec  le  Cordon  de  l'Ordre  ,  qui  efi:  de 
foie  blanche  &  noire ,  où  font  repréfentés 
les  inftrumens  de  la  Paiîion  de  Notre  Sei- 
gneur, entrelacés  de  paniers,  qui  repré- 
fentent  la  charité  qu'ils  doivent  avoir  en- 
vers les  pauvres.  Ce  manteau  a  deux  man- 
ches longues  de  près  d'une  aune ,  larges  au 
haut  d'environ  demi-pied ,  de  qui  fe  ter- 
minent en  pointes.  Elles  fe  rejettoient  au- 
trefois fur  les  épaules ,  Se  fe  nouoient  en- 
femble  fur  les  reins.  Il  paroît  par  une 
^ionnoie  d'Or  du  Grand  Maî-re  Dcodac 
Gozjn,  Se  par  le  Sceau  du  Grand  iMaitre 
Philbert  de  Naillac ,  dont  l'un  fut  élu  en 
i54(î.  Se  l'autre  en  159^,  on'i'  v  av  ic 
alors  un  Caouce  à  ce  manteau  L'haSit  s 
Glands  Croix ,  quand  ils  font  a  i'Fglif  ,  eft 
Tome  ÎÎL  ^> 


1 


3^2  =OR  = 

une  efpèce  de  robe  noire,  appellée  Cloche, 
ouverte  par  devant,  avec  de  grandes  man- 
ches, ayant  fur  l'épaule  Se  fur  la  poitrine,  à 
côté  gauche ,  la  Croix  ôc  le  Cordon  de  l'Or- 
dre ,  avec  l'épée  au  côté.  Quand  ils  vont 
au  Confeil ,  ils  ont  une  pareille  robe,  mais 
fermée  par  devant ,  avec  la  grande  Croix 
fur  la  poitrine  ^  &  ils  ne  portent  ni  épée , 
ni  le  Cordon.  Les  Frères  Chapelains,  hors 
de  la  Maifon ,  ne  font  différens  des  autres 
Eccléiiaftiques,  qu'en  ce  qu'ils  ont  la  croix 
à  côté  gauche  fur  la  foutane  &  fur  le  man- 
teau. A  l'Èglife  ,  ils  ont  un  rochèt  de 
toile,  ôc  par-delTus  un  camail  noir,  où 
eft  aulîi  la  Croix  de  l'Ordre.  Clément  XI 
a  accordé  à  foixante  de  porter  le  camail 
violet. 

Ordre  des  Templiers. 

C*étoit  un  Ordre  Religieux  &  Mili- 
taire ,  établi  d'abord  à  Jérufalem  en  l'an 
1 1 1 8  ,  en  faveur  des  Pèlerins  de  la  Terre 
Sainte.  L'an  ii  18,  quelques  ChevaUers, 
hommes  nobles  ôc  craignant  Dieu ,  fe  dé- 
vouèrent à  fon  fervice  entre  les  mains  du 
Patriarche  de  Jérufalem ,  ôc  promirent  de 
vivre  perpétuellement  dans  la  Chafteté, 
rObéilTance  ôc  la  Pauvreté,  comme  des 
Chanoines,  Les  deux  principaux  étoient 
Hugues  des  Païens,  de  Paganis^  ôc  Geof- 


froi  de  Saint-Aldeinar ,  ou  de  Saint-Omèr. 
Baudouin  11,  Roi  de  Jérufalem,  leur  don- 
na un  logement  dans  le  Palais  qu'il  avoic 
près  le  Temple  :  de-là  leur  vint  le  nom 
de  Templiers,  Les  Chanoines  du  Temple 
leur  donnèrent  une  place  proche  de  ce 
Palais  ,  pour  y  bâtir  \^s  lieux  réguliers  : 
le  Roi  6c  les  Seigneurs,  le  Patriarche  ÔC 
les  Prélats  leur  donnèrent  quelques  reve- 
nus de  leurs  domaines  pour  leur  nourri- 
ture &  leur  vêtement.  Leur  premier  en- 
gagement fut  de  garder  \tz  chemins  contre 
les  voleurs  &  les  partifans,  principalement 
pour  la  lureté  des  Pèlerins.  Les  principaux 
articles  de  leur  Règle  font,  qu'ils  enten- 
dront tous  les  jours  l'Office  Divin  tour 
entier  \  que  quand  leur  fervice  militaire 
\q%  en  empêchera ,  ils  y  fuppléeront  par  un 
certain  nombre  de  Pater  ;  qu'ils  feront 
maigre  quatre  jours  de  la  femaine ,  ôc  le 
vendredi  en  viandes  de  Carême ,  c'eft-â- 
dire,  fans  œufs,  ni  laitage;  que  chaque 
Chevalier  pourra  avoir  trois  chevaux,  ôc 
un  Ecuyer  ;  de  qu'ils  ne  chalTeront  ni  à 
l'oifeau  ,  ni  autrement.  Tels  furen:  les 
commencemens  de  fOrdre  des  Templiers^ 
le  premier  de  tous  les  Ordres  Militaires. 
Ils  avoient  reçu  la  Règle  de  S.  Bernard. 
Neuf  ans  après  leur  fondation ,  on  leur 
prefcrivit  une  Règle  dans  le  Concile  de 


5^4  .:==.OR-=. 

Troye.  On  les  appelloit  ou  Templiers^  on 
Frères  de  la  Milice  du  Temple.  La  mai^ 
fon  du  Temple  de  Paris  étoic  la  résidence 
du  Grand  Maicre  ,  lequel  avoit  la  garde 
du  rréfor  royal.  L'Ordre  des  Templiers 
fut  aboli  au  ccmmencem^ent  du  quinzième 
Siècle  ,  fous  Clément  V  &  Philippe  le  Bel. 
Les  Templiers  furent  arrêtés  par  ordre  du 
Roi  Philippe  le  Bel ,  le  1 3  Octobre  1307. 
Clément  V  les  abrogea  le  3  Avril  1 3 1  2  : 
cinquante  furent  brûlés  vifs.  En  Angle- 
terre, ils  furent  tous  arrêtés  le  10  Janvier 
1507  :  fept  furent  briilés  vifs.  Et  l'an 
1 3 1 1 ,  dans  la  féconde  felîion  du  Concile 
de  Vienne,  l'Ordre  fut  entièrement  éteint 
5:  fupprimé  par  le  Pape  Clément  V.  Des 
Auteurs  ont  prétendu  que  les  crimes  dont 
pn  les  accufoit ,  éroienc  fuppofés  ;  &  que 
îa  véritable  raifon  qui  fit  fupprim^r  cec 
Ordre  ,  c'eft  quil  avoir  des  biens  ime*. 
irnenfes. 

Ordre  de  Saint  La?:are. 

Saint  Bafîle  fonda  un  Hôpital  à  Céfa^ 
léc.  Quelques  Auteurs  ont  prétendu  que 
rOrdre  de  Saint-Lazare  tire  de-là  fon  ori- 
gine^  Maimbourg,  dans  fon  Hiftoire  à^s 
Croifades  ^  confond  l'Ordre  de  Saint-La^ 
"^ivc  avec  celui  de  Saint- Jean  de  Jérufa- 
km  3  que  nous  nommons  anjourd'hui  dQ 


Malte^  Cet  Ordre  fur  inftitné  à  Jérufilem 
par  les  Chrénens  d'Occident ,  lorlqu'ils 
ëcoient  mairies  de  la  Terre  Sainte.  Ils  fe-^ 
cevoient  les  Pèlerins,  ils  les  efcortoienê 
fur  les  chemins,  oC  les  défendoient  contre 
les  Mahométans.  Quelques-uns  difent  qu'il 
fut  inftitué  en  1 119.  Le  Pape  Alexandre 
IV"  confirma  l'Ordre  des  Chevaliers  de 
l'Hôpital  des  Lépreux  de  Saint-La,iare  à 
Jéruîaleni ,  fous  la  Règle  de  Saint  Auguf- 
tin ,  par  une  Bulle  donnée  à  Naples  l'on- 
zième d'Avril  12.55.  ^^s  Chevaliers  de 
Saint- Lazare  ayant  été  chafiTés  de  la  Terre 
Sainte,  vinrent  en  France,  &  s'y  établi- 
rent fous  Louis  VII  ^\.x.  le  Jeune.  Ce 
Prince  leur  donna  la  Terre  de  Boiv;riyy 
Boi^niacam  Tcrram ,  fituéc  près  d'Or- 
léans. 

Innocent  VIII  fupprimi  l'Ordre  d? 
Saint-Laiçtre  en  Italie  l'an  1490,  ou  plu-* 
tôt  il  s'unit  à  celui  de  Malte  ;  mais  le^ 
Chevaliers  François  s'y  apposèrent ,  &  il 
intervint  un  Arrêt  du  Parlement,  qui  dé- 
fendit cette  union.  Léon  X  le  rétablit  erï 
Italie  au  commencement  du  feizième  Siè- 
cle. L'an  1571,  Grégoire  XIII  l'unit  en 
Savoye  à  celui  de  Saint  Maurice,  que  là 
Duc  Emmanuel  Philibert  venoit  d'infti* 
ruer. 

En  France,  TOrdre  de  Saint  Lazare  (^ 

Qiij 


releva  fous  Henri  IV.  Paul  V  le  réunit  â 
celui  de  Notre  Dame  du  Mont  Carmel , 
l'an  Kjoy,  à  la  prière  de  ce  Prince,  qui, 
en   1(308,  obtint  une  Bulle  du  Pape  fort 
avantageufe  à  cet  Ordre.  Ce  fut  Aimar 
de  Chattes  ,   Chevalier   de   Malte  ,   qui 
conçut  le  défir  de  faire  refleurir  cet  Or- 
dre. Philippe  de  Néreftang ,  Capitaine  des 
Gardes  d'Henri  IV ,   &  Seigneur   d'une 
grande  vertu ,  entra  dans  fes  vues ,  &  en 
vint  à  bout  par  fon  crédit  auprès  de  fon 
Roi.  Sous  Louis  le  Grand ,  cet  Ordre  a 
pris  encore  un  nouveau  luftre.  Les  Che- 
valiers de  Saini-Laiare  peuvent  fe  ma- 
rier, ôc  avoir  néanmoins  dos  penfîons  fur 
les  Bénéfices. 

Ces  Clievaliers  faifoient  autrefois  des 
voeux  folemnels ,  &  il  y  avoit  auOi  des 
Religieufes  de  cet  Ordre.  Il  y  en  relie  en- 
core un  Monaftère  en  SuilTe.  Les  Cheva- 
liers Hofpitaliers  de  Saine-Lazare  portent 
far  la  poitrine  une  croix  à  huits  pointes. 
Il  y  a  de  l'apparence  que  ce  ne  fut  qu'à 
la  fin  du  quinzième  Siècle,  ou  au  com- 
mencement du  feizième  qu'ils  la  prirent, 
lorfque  Léon  X  rétablit  cet  Ordre  en  Ita- 
lie. Stumpfius  dit  que  la  marque  de  cet 
Ordre  eft  une  croix  verte  fur  un  manteau 
noir,  avec  un  capuce. 

Cet  Ordre  fut  donc  fondé  par  le  Roi 


=  O  R  =  5  ^7 

Henri  IV,  fous  le  titre,  l'habit  &:  la  Règle 
de  Notre-Dame  du  Mont-Carmel  ;  ôc  en 
conféquence  des  Bulles  de  Paul  V,  du  i^ 
Février  1^07,  il  a  été  uni  à  l'Ordre  des 
Chevaliers  de  Saint-Lazare  de  Jérufalem, 
par  ade  du  dernier  Odobre  1(^08,  avec 
toutes  fes  Commanderies ,   Prieurés ,   ÔC 
autres  biens,  pour  fa  dotation.  Henri  le 
Grand  voulut  que  l'Ordre  du  Mont-Car- 
mel ne  fût  compofé  que  de  François ,  de 
qu'il  le  îm  de  cent  Gentilshommes,  qui 
feroienc  obligés  de  marcher  en  temps  de 
guerre  auprès  de  la  perfonne^de  nos  Rois, 
&  pour  leur  garde.  Le  Colher  qu'il  leur 
donna,  fut  un  ruban  tanné,  auquel  pen- 
doit  une  croix  d'or,  fur  laquelle  étoit  gra- 
vée une  image  de  la  Sainte  Vierge  envi- 
ronnée de  rayons  d'or.   Le  Manteau   de 
l'Ordre  étoit  chargé  de  la  même  croix. 
C'eft  Paul  V  qui  approuva  cet  Ordre  , 
dont  le  premier  Grand  Maître,   que  le 
Roi  choifir,  fut  Philippe  de  Néreftang. 
Voye^^  Sponde  à  l'an  KjoSjTz.jj&à  l'an 
1 5  6  5  ,  72.  /  6*.  Cet  Aureur  prétend  que  c'eft 
moins   une   inllirution   nouvelle ,    qu'un 
renouvellement  de  l'Ordre  de  Saint-La^ 
:^are.   L'Abbé  Jultinien  ,   qui  en   traite , 
T.  Il,  C.  82,  prétend  qu'en  i6'073  cet  Or- 
dre n'étoit  point  encore  uni  à  celui  de 
S.  La:^arc ,  èc  que  cela  paroît  par  un  Édit 

Qiv 


^6S  =OR=^ 

d.u  Roi  d^  i6ji.  Ainfi  cet  Ordre  a  été 
établi  comme  un  Ordre  diiiingué  de  celui 
de  S ain:- Lazare ^  5c  n'y  a  été  uni  qu'après 
quelques  temps.  Par  un  Décret  de  la  Con- 
grégation touchant  ks  Conciles,  les  Che- 
valiers du  Mcra-Caimeliovïi  déclarés  capa- 
bles de  polTé  k^r  des  penfions  fur  les  Béné- 
fices, &  même  à^s  Bénéfices. 

Ordre  de  Saint-Michel. 

Les  Hiftoxiens  parlant  de  l'Inflitution 
de  cet  Ordre  ^  aPiurent  que  Charles  Fîl^ 
après  Tapparirion  de  TArchar-ge  Saint  Mi- 
chel^ fur  le  Pont  d  Oiléans,  prit  pour  fon 
oriflamme  l'image  de  cet  Archange,  avec 
6qv.:l  Devifes  tirées  des  Prophéties  de  Da" 
Tiiel^  l'une  portant  ces  mots  :  Ecce  Mi^ 
ihael^  unus  de  Frbicipïbus prïmis ^  &  renii 
in  adjutorium  meum  ;  l'autre  portant  ceux- 
ci  :  Nemo  ejî  adjutor  meus  in  omnibus^ 
niji  Michael  Pr inceps  nojler  ^  &  qu'il  fit 
vœu  dès-lors  d'infliruer ,  ahs  qu'il  feroit 
poflible,  dans  Tes  Érats,  un  nouvel  Ordre 
de  Milice  de   Chevalerie  ,   en   Thonneur 
de  cet  Aîxhange,  qui  eft  le  Gardien  du 
Royaume  de  France.  Il  en  fit  peindre  l'I- 
mage  en  fon  Étendard  ou  Bannière,  femce 
de  fleurs  de  lys  d'or  ,  fans  nombre.  Ce 
Prince  n'ayant  pu  mettre  à  exécution  foa 


vœu  avant  fa  mort,  Louis  XI  fon  liis, 
pour  exécuter  la  volonté  de  fon  père>  éta- 
blit cet  ordre  le  premier  Août  i^6^^  ôc 
fixa  le  nombre  des  Chevaliers  à  trente-fix. 
La  première  promotion  fut  de  quinze  y 
parmi  lefquels  on  trouve  Jean  de  Louis 
de  Bourbon ,  André  ôc  Louis  de  Laval  y 
George  de  la  Trémoille  ,  Charles  de  Cruf* 
fol ,  Antoine  3c  Gilbert  de  Chabannes  y 
&c. 

Dans  le  ferment  que  faifoienr  les  Che- 
valiers ,  ils  promettoient  de  foutenir  de 
tout  leur  pouvoir  les  droits  de  la  dignité' 
de  la  Couronne  de  France ,  &  rautorité 
du  Roi  envers  &  contre  tous.  Suivant  les 
anciens  Statuts ,    \ts  Chevaliers  doivent" 
être  Gentilshommes  de  nom  d'armes,  3c 
fans  reproche.  Le   Roi  s'exprimoit  ainfl 
dans  le  préambule  de  ces  premiers  Sta- 
tuts :   Pour  la  tres-par faite  &  Jingulière 
amour  qu  avons  au  noble  Etat  de  Cheva- 
lerie ......  Ci  la  Gloire  de  Dieu  &  de  la 

Vierge  Marie  ,  &  à  b' honneur  &  révérence 
de  Monfei^neur  Saint  Michel,  Archange ^ 
premier  Chevalier ,  qui ,  pour  la  querelle  de 
Dieu  y  batailla  contre  le  Dragon  ancien^ 
ennemi  de  nature  humaine ,  &  le  trébucha 
du  Ciel  ;  nous  ,  U  premier  jour  d^ Août 
146'9,  la  neuvième  année  de  notre  Règne  y. 
en  notre  Château  d'Amboife ,  avons  crti 


^7o  =OR== 

&  conjlltué  un  Ordre  de  Fraternité ,  om 
amiable  Compagnie  ^  fous  le  nom  de  Saint 
Michel. 

Cet  Ordre  ne  fut  donné  d'abord  qu'aux 
grands  Seigneurs  de  l'État ,  tels  qu'à  ceux 
que  nous  avons  rapportés  ci-defTus  ;  & 
Louis  XI  ne  remplit  jamais  le  nombre  de 
trente-fîx  Chevaliers ,  qu'il  avoir  fixé. 

Dans  la  fuite,  ce  Titre  d'honneur  fut 
trop  facilement  communiqué  \  il  fut  mê- 
me, fous  Henri  III,  avili  au  point  que, 
par  une  efpèce  de  Proverbe,  on  appeîloit 
îe  Collier  de  cet  Ordre ,  le  Collier  à  tou- 
tes les  bêtes.  Les  Grands  du  Royaume 
n'en  vouloient  plus,  depuis  que  les  fem- 
mes l'avoient  rendu  vénal  fous  le  Règne 
de  Henri  II ,  &  que  Catherine  de  Médi- 
cis,  fous  François  II  ôc  Charles  IX ^  l'a- 
voit  fait  donner  fans  égard  ni  au  rang  de' 
la  naiflànce ,  ni  aux  fervices. 

De  temps  en  temps ,  on  y  a  fait  des 
réformes  \  ôc  Louis  XIV  donna,  en  ï66i. 
ôc  i6^^5  ,  des  Déclarations  très-précifes  & 
trèi'-propres  à  maintenir  la  dignité  de  cet 
Ordre  ^  qui  s'appelloir  V Ordre  du  Roi  y  de 
même  que  celui  du  Saint-Efprit.  Ce  Mo- 
narque, réduiiit  ce  nombre  à  cent,  parmi 
lefquels  il  doit  y  avoir  fix  Magiftrars  des 
Cours  fupérieures ,  &  fix  Eccléiiaftiques , 
Prêtres  ôc  conflitués  en  dignité  d'Abbé  ou 


de  Charges  principales  dans  le  Chapitre  ; 
&■  quatre-vingt-huit  d'épée ,  qui  font  preu- 
ves de  dix  ans  de  feivice,  de  de  trois  de- 
grés de  noblefTe  paternelle.  Ils  portent  la 
croix  ëmaillée  Ôc  fleurdelifée,  attachée  à 
un  cordon  noir  moiré.  Il  eft  a  remarquer 
que  3  dans  ce  nombre  de  cqs  cent  Cheva- 
liers, on  ne  comprend  point  ceux  de  l'Or- 
dre  du  Saint-Efprit  ;  car  on  doit  fç?voir 
qu'il  eft  d'ufage  que  ,  la  veiîîe  ,  le  Roi 
confère  l'Ordre  de  Saint-Michel  aux  Sei- 
gneurs qui  doivent  recevoir  de  Sa  Ma- 
jefté,  le  jour  fuivant,  ce  que  nous  appel- 
ions le  Cordon  bleu, 

Lorfque  le  Roi  donne  VOrdre  de  Saint- 
Michel  à  ceux  qu'il  veut  honorer  de  celui 
du  Saint-Efprit  y  Sa  Majefté  eft  vêtue  d'un 
habit  &  manteau  ordinaire  ,  un  chapeau 
garni  de  plumes  fur  fa  tète ,  debout ,  en- 
tourée des  principaux  Seigneurs  de  fa 
Cour,  bottée  &  éperonnée,  l'épée  nue  a 
la  main,  dont  elle  touche  le  Chevalier 5 
qui  eft  ceint  d'une  épée  ,  &  profterné  à 
fes  pieds. 

Mais  quand  le  Roi  veut  donner  VOrdre 
de  Saint-Michel  feulement,  il  nomme  àes 
Chevaliers  du  Saint-Efprit  pour  donner 
l'accolade. 

Tous  les  célèbres  Artiftes  que  le  Roi 
décore  du  Cordon  de  Saint-Michel ,  font 


572  e=^OR=^ 

auparavant  annoblis  par  fa  Majefté,  Sc  em 
obtiennent  des  Lecrres  de  NoblelTe. 

Ordre  du  Saint-Esprit. 

Louis  <r Anjou  ^  Roi  de  Jcrufalem  &  de 
Sicile  5  avoit  inftitué  à  Naples  en  1352.» 
le  jour  de  la  Pentecôte  un  Ordre  du  Saint- 
Efprit  i  parceque  ce  jour-ld  étoit  celui  de 
fon  couronnemenr.  Les  Vénitiens  poffé- 
doient  l'Aél^Apriginal  de  l'Eredtion  de  cet 
;.^.,r  Ordre  ^  &  élt  firent  préfenc  à  Htnri  llly 
p  Jorfqu'il  paiTà  par  leur  Ville,  en  revenant 
<3e  Pologne.  Il  tint  cet  Ade  fort  caché  ; 
&  ayant  fait  tirer  par  M.  de  Chiverni^  ce 
qu'il  jugea  à  propos  d'en  extraire  pour 
fon  nouvel  Ordre  y  il  lui  ordonna  de  le 
briller. 

Mais  ce  précieux  Monument  a  été  con- 
fervé  ^  &:  après  avoir  paifé  de  la  Biblio- 
thèque de  Philippe  de  Hiiraut ,  Eveque 
de  Chartres ,  fils  de  M.  de  Chiverni ,  dans 
celle  de  M.  le  Préfident  de  Maifons ,  on 
croit  qu*il  fe  trouve  aujourd'hui  dans  \^^ 
Archives  de  VOrdre, 

Henri  IJI  avoit  été  élu  Roi  de  Polo- 
gne 5  ^  étoit  parvenu  à  la  Couronne  de 
France ,  le  jour  même  de  la  Pentecôte  ; 
c'eft  ce  qui  lui  fit  donner  à  VOrdre  qu'il 
inftirua,  le  titre  de  VOrdre  du  Saint-Ef- 
j^rit^ 


Son  deflein  fut  d'en  faire  une  marque 
de  la  pins  haute  diftiriction ,  &  de  retirer  du 
parti  Calvinijie^  par  Tefpérance  de  cet  hon- 
neur ,  les  Grands  du  Royaume  qui  y  étoienc 
engagés.  Il  fe  déclara  Chef  Souverain  de 
cet  Ordre-,  la  grande  Maitrife  fut  unie  à 
la  Couronne  de  France.  Le  nombre  è^t% 
Chevaliers  fut  limité  à  cent,  y  compris 
huit  Eccléflaftiques ,  fçavoir,  quatre  Cardi- 
naux 5  &  quatre  qui  dévoient  erre  Arche- 
vêques» Evêques,  ou  Prélats.  Le  Grand- 
Aumonier  &  fes  Succefieurs  y  font  incor- 
porés en  titre  de  Commandeurs  ^  fans  être 
obligés  de  faire  preuve  de  NobleiTe^ 

Le  grand  Collier  de  VOrdre  étoit  com- 
pcfé  de  Fleurs  de  lis  ^  cantonnées  de 
Flammes  d'or,  émaillées  de  rouge ^  en- 
trelacées de  trois  Chiffres  émaillés  de 
blanc. 

Le  premier  Chifïre  eft  un  -^,  &  ua 
Lambda^  Lettre  grecque  ;  ce  font  les  pre- 
mières lettres  du  nom  du  R.oi  &  de  celai 
de  la  Reine  fon  Époufe,  Louife  de  Lor- 
raine. 

Les  deux  autres  Chiffres  marquoienc 
Jes  noms  que  le  Roi  lailTa  à  deviner,  & 
que  l'on  foupçonna  malignement  déii- 
gner  quelques  m.aîrrefles.  On  y  fubfritua 
des  Sym.boles  plus  conformes  à  la  valeur 
&  à  la  Religion  de  nos  Rois  j,  &:  c'eft  la 


374,         =OR  = 

feul  changement  qu  on  ait  fait  a  ce  Col- 
lier. 

Hors  des  Cérémonies ,  les  Chevaliers 
portoient  une  Croix  d'or ,  émaillce  de 
liane ^  attachée  à  un  Cordon  bleu,  qui 
pendoir  fur  Teftomac,  comme  la  portent 
aujourd'hui  les  Commandeurs  Eccléfiafti- 
ques.  Aujourd'hui  elle  eft  attachée  au  Cor- 
don bleu 5  que  l'on  porte  en  baudrier,  & 
pendant  au  côté  gauche. 

La  première  promotion  fe  fit  le  premier 
Janvier  1579  5  aux  Grands  Auguftins  de 
Paris  Le  nombre  des  Eccléfiaftiques  fut 
rempli  :  celui  àQS  Chevaliers  Laïques  ne 
fut  porté  qu'a  vingr-fept ,  afin  de  laifTer 
une  efpérance  plus  prochaine  à  ceux  que 
Ton  vouloir  attirer  par  Tappas  d'un  hon- 
neur fi  diftingué. 

Ce  fut  à  la  promotion  de  i  5  84 ,  qu'^r- 
naud  Gontaut  de  Biron ,  obligé  de  pro- 
duire (qs  titres  de  noblefTe ,  pour  être  reçu 
Chevalier  dans  cet  Ordre  du  Saint-Efprit^ 
n*en  préfenta  que  cinq  ou  fix  fort  anciens  ^ 
&  qu'il  dit  au  Roi  :  Sire^  voilà  ma  no- 

llejje  ici  eomprife la  voici  en* 

core  mieux ,  ajouta-t-il ,  en  montrant  fon 
Ejfée. 


=  0R=  37? 

Ordre    Royal    et   Militaire 
DE  Saint  Louis, 

Cet  Ordre  fut  infatué  par  Louis  XIV 
en  1(^9  5.  Le  Roi  ell  Chef  Souverain 
Grand  Maître  de  XOrdre,  Après  Sa  Ma- 
jefté  ,  Monleigneur  le  Dauphin  ,  ou  le 
premier  Prince  du  Sang  ,  eil  de  \ Ordre, 
Tous  les  Princes  du  Sang  y  font  admis. 
11  y  a  vingt-fix  Grands  Croix  en  broderie 
fur  l'habit  &  cordon  rouge,  foixante-qua- 
rre  Commandeurs  ,  quatre  Grands  Offi- 
ciers de  ï Ordre  y  créés  en  1719,  quatre  Of- 
ficiers Commandeurs,  &  huit  autres  Offi- 
ciers de  XOrdre, 

Aucun  ne  peut  être  pourvu  d'une  place 
de  Chevalier  dans  X Ordre  de  Saint-Louis^ 
s'il  ne  fait  profeilion  de  la  Religion  Ca- 
thohque,  Apoftolique  &  Romaine,  jufti- 
fiée  par  l'Archevêque  ou  Evêque  diocé- 
fain  \  s'il  n'a  fervi  fur  mer  ou  fur  terre, 
en  qualité  d'Officier  pendant  vingt  ans  5 
&  s'il  n'ell  adiuellement  encore  au  Ser- 
vice. 

Tous  ceux  qui  compofent  XOrdre  de 
Saint-Louis ^  portent  une  croix  d'or,  fur 
laquelle  il  y  a  l'Image  de  Saint-Loiùs  ^ 
avec  cette  différence  ,  que  les  Grands 
Croix  la  portent  attachée  à  un  ruban  cou- 


57^  .=:  O  R  = 

leur  Je  feu ,  qu'ils  mettent  en  éJiarpe  ^ 
ils  ont  de  plus  une  croix  en  broderie  d'or 
fur  le  jufte-au-corps,  ou  fur  le  manteau. 
Les  Commandeurs  portent  feulement  le 
ruban  en  écharpe ,  avec  la  croix  qui  y  eft 
attachée  j  &  les  (impies  Chevaliers  la  por- 
tent fur  l'eftomac ,  attachée  à  un  petit  ru- 
ban couleur  de  feu. 

A  l'égard  des  Oiïiciers  de  cet  Ordre  y 
Chancelier  Garde  des  Sceaux  de  VOrdrCy 
Grand-Prévot,  Maître  des  Cérémonies > 
Secrétaire  &  Greffier,  ils  portent  la  bro- 
derie Se  le  cordon  rouge.  L'Intendant  ô€ 
les  trois  Tréforiers  partent  la  croix  de 
l'Ordre  attachée  à  un  cordon  large,  cou- 
leur de  feu ,  pendant  au  col ,  Ôc  ils  n'ont 
point  la  broderie  :  les  autres  Officiers  por- 
tent la  croix  fur  l'eftomac ,  attachée  à  un 
petit  ruban  couleur  de  feu. 

ÉNIGME      LX  IL 

Quoique  toujours  faite  en  ccquiîîe, 
Je  fers  les  gens  de  Gour  comme  le  Pellerin  : 

Par  moi  radolefcente  £lle  , 
Aux  Vices,  aux  Vertus  peut  s'ouvrir  un  chemlnr 

On  m'apporte  en  venant  au  monde , 
I    On  me  prête  fans  me  quitter^ 

En  vain  femme  fàcheufe  gronde, 
1,6.  bon  mari  faos  moi  ne  s'en  peut  entêter,- 


0R==  377 

L'on  m'ouvre ,  l'on  me  ferme  j  &  jadis  dans  ia 
Grèce, 
Pour  m'avoir  fermée  à  propos , 
Un  Héros  triompha  de  la  âatteufe  adreffe 
De  cent  monftres  cruels  qu'enfantèrent  les  fîotJ. 

Oreilles. 

Les  Créiois  repréfcntoient  Jupiter  fans 
Oreilles ,  pour  marquer  que  le  Maure  du 
Monde  ne  doit  écouter  perfonne  en  par- 
ticulier 5  mais  ècre  également  propice  à 
tous.  Les  Lacédémoniens  au  contraire  lui 
en  donnoient  quatre,  afin  qu'il  fût  plus  en 
état  d'entendre  les  prières,  de  quelque  parc 
qu'elles  viniTent.  On  metroit  au  nombre 
ào-s  mauvais  préfages  les  tintem.ens  d'O- 
reillc  j  Se  les  bruits  qu'on  cioyoit  enren.- 
dre  quelquefois. 

OrE  ST£. 

On  dît  qu  il  devint  furieux ,  après  avoir 
tué  fa  mère  ;  &c  que  pour  expier  ce  crime , 
il  fut  obligé  d'aller  au  Temple  de  Diane, 
dans  la  Cherfonnèfe  Taurique ,  appeliée 
maintenant  la  perire  Tartarie.  Son  ami 
Pylade  l'y  conduifit  j  &  le  Roi  Tboas  ré- 
folut  de  le  facrifier  à  Diane,  à  qui  l'en 
immoloit  des  hommes.  Alors ,  dit  Cicé- 
ron  5  P)dade  afTura  qu'il  étoit  Orejie ,  vou- 


378  ^OR=-= 

lant  être  facrifié  pour  lui ,  &  Orefle  fou- 
tint  qu'il  étoit  véritablement  Orejie ,  pour 
n'être  pas'caufe  de  la  mort  de  fon  ami. 
Pendant  cette  généreufe  conteRation ,  Iphi- 
génie ,  qui  préfîdoit  aux  Sacrifices  de  Dia- 
ne, reconnut  fon  frère  Orejle  ^  8c  le  déli- 
vra de  ce  danger.  Quelques  jours  après, 
Orejie,  accompagné  de  Pylade,  ayant  tué  j 
le  Roi  Thoas,  emporta  ùs  richefTes,  Ôc 
emmena  avec  lui  fa  fœur  Iphigénie  en 
Arcadie.  On  dit  qu'il  fut  mordu  d'une 
vipère  j  ôc  qu'il  mourut  dans  un  lieu  qu'on 
appella  depuis  Orcjîion. 

Orgies. 

On  donnoit  ce  nom  aux  Fêtes  ^qs 
Païens ,  qui  fe  célébroient  avec  beaucoup 
de  bruit ,  de  nimulie ,  &  de  confufion  : 
telles  étoient  les  Fêtes  de  Bacchus.,  de 
Cybèle  &  de  Cérès.  Les  Orgies  de  Gérés 
&  de  Bacchus  alloient  fouvenr  enfemble  \ 
inais  c'étoit  principalement  en  l'honneur 
de  Bacchus  qu'elles  fe  célébroient,  &  en 
mémoire  de  fon  voyage  des  Indes.  Elles 
prirent  nailTance  en  Egypte,  où  O/iris  fut 
le  premier  modèle  de  Bacchus  Grec  :  de- 
là elles  pafsèrent  en  Grèce,  en  Italie,  chez 
les  Gaulois,  &  dans  prefque  tout  le  monde 
païen.  Dans  les  commencemens,  \qs  Or- 
gies étoient  peu  chargées  des  Cérémonies  % 


=  0R=  57P 

on  portoit  feulemenr  en  proceffion  une 
cruche  de  vin ,  avec  une  branche  de  far- 
menr  y  puis  fuivoit  le  Bouc ,  qu'on  immo- 
loit  comme  un  Animal  odieux  à  Bac- 
chus,  dont  il  ravageoic  les  vignes.  Mais 
cette  première  fimplicité  ne  dura  pas  long- 
temps j  &  le  luxe  qu*introduiiirent  les  ri- 
chefTes ,  palTa  dans  les  Cérémonies  reli- 
gieufes.  Le  jour  deftiné  à  cette  Fête,  les 
hommes  de  les  femmes  ,  couronnes  de 
Lierre,  les  cheveux  épars  &  prefque  nuds, 
couroient  à  travers  les  rues,  criant  com- 
me des  forcenés ,  Evohe  Bacche.  Au  mi- 
lieu de  cette  Troupe ,  on  voyoit  des  gens 
ivres,  vêtus  en  Satyres,  en  Faunes,  en  Si- 
lènes, faifant  des  grimaces  &  des  contor- 
fions  où  la  pudeur  étoit  peu  ménagée^ 
Vencit  enfuite  une  Troupe  montée  fur 
des  Anes,  qui  éroit  fuivie  de  Faunes,  de 
Bacchantes,  de  Thyades ,  de  Nymphes, 
de  Mimallonides,  &:c.  lefquelles  faifoient 
retentir  de  leurs  hurlemens  tous  les  lieux 
par  où  elles  pafToient.  A  leur  fuite  ,  en 
portoit  des  Autels  en  forme  de  cèps  de 
vignes ,  couronnés  de  Lierre ,  &  fur  lef- 
quels  fumoient  l'encens  &  les  autres  aro- 
mates. Toute  cette  Proceiîion  étoit  fermée 
par  une  Troupe  de  Bacchantes  couron- 
nées de  Lierre  entrelacé  de  branches  d'If 
5c  de  Serpens.  11  n'efl  pas  furprenant  que 


58o  =10  R- 

la  licence  s'introcluife  au  milieu  d'une 
telle  Société  j  aufii  les  Hilioriens  nous  af- 
furenr  qu'on  fe  porta  aux  derniers  excès, 
aux  débauches  les  plus  infâmes,  &  à  tous 
les  crimes  que  peut  autorifer  l'exemple , 
l'ivrefTe  Se  l'impunité.  Ce  qu'il  y  a  de  plus 
furprenant ,  c'eft  qu'on  s'avifa  fort  tard 
d'y  remédier  :  ce  ne  fut  que  l'an  de  Rome 
56'8  ,  qu«  le  Sénat  rendit  un  Édit,  qui  in- 
terdit les  Orgies  dans  toute  l'étendue  de 
l'empire  Romain,  fous  peine  de  mort. 

Orgueil, 

Sous  ces  lambeaux ,  peut-on  voir  tant  d'ORGUElL  > 
Voilà  le  fruit  de  la  JeunefTe  : 
Ivlais  lailfez  venir  la  VieilleiTe , 
Il  y  trouvera  Ton  cercueil. 

UOrgueil  efl:  repréfentée  fous  la  figure 
d'une  jeune  fille ,  dont  la  robe  efl  déchi- 
rée :  elle  rient  de  la  main  droite  un 
Paon,  ayant  à  (qs  pieds  un  Globe  ;  pour 
faire  voir  le  comble  de  fon  Orgueil ^  donc 
le  Paon  en  eft  le  Hiéroglyphe  ;  &  par  le 
Globe,  elle  fait  voir  qu'elle  bafoue  toMl 
le  monde  par  fon  humeur  altière. 


.^^ 


=  OR=  381 

Orient. 

La  Jeune/Te  cft  toujours  charmante  j 
On  chérit,  on  adore  une  beauté  naiiTante  : 
On  eft  toujours  vif  &  riant , 
Quand  on  eft  dans  fon  Oriint. 

UOrient  eft  repréfenté  dans  un  âgé 
d'enfance  ;  comme  le  Jour  eft  divifé  en 
quatre  parties,  il  eft  à  propos  que,  dans 
la  première  ,  il  paroifTe  Enfant  5  dans  la 
féconde,  en  jeune  Garçon;  dans  la  troi- 
fième,  en  Homme  fait;  &  dans  la  qua- 
trième 5  en  Vieillard.  On  le  repréfenre 
fous  la  figure  d'un  jeune  enfant ,  ayant 
fur  la  tète  une  Étoile  refplendiftante.  Son 
habillement  eft  rouge ,  orné  d'une  cein- 
ture de  bleu  turquin,  où  font  trois  Signes 
céleftes.  Il  tient  de  la  iriain  droite  un  Bou- 
quet de  fleurs  ;  de  la  main  gauche  ,  un 
Vaf^  rempli  de  pp.rfums  ;  &  à  fon  coté, 
on  apperçoit  un  Soieil  levant. 

Origine    d'Amour. 

On  voit  d'une  Beauté  les  charmantes  douceurs , 
On  en  contemple  tous  les  charmes , 
On  s'y  brûle ,  on  lai  rend  les  armes  j 

C'eft  ainfi  que  I'Amouk.  s'allume  dans  nos  coeurs. 

]JOri^Kç  d'amour  eft  une  Paillon  j  pour 


582  =:^OR  = 

la  bien  peindre  ,  il  faudroit  repréfenter 
le  premier  jour  que  le  Soleil  a  lui  fur  la 
terre.  Les  anciens  Poètes  fe  contentent  de 
nous  la  repréfenter  fous  la  figure  d'une 
jeune  beauté  ,  qui  tient  d'une  main  un 
Miroir  rond,  qu'elle  oppofe  aux  rayons  du 
Soleil ,  donc  la  réverbération  allume  un 
Flambeau ,  qu'elle  tient  de  l'autre  main  : 
au-delTous  du  Miroir ,  on  apperçoit  un 
Rouleau ,  où  l'on  voit  écrit  ces  paroles  : 

Ceft  ainfi  qus  CAmo  ur  s'allume  dans  nos  cœurs^ 
O  R  I  O  M  , 

Fils  de  Neptune ,  fe  rendit  très-fameux 
par  fon  amour  pour  l'Aftronomie  >  qu'il 
avoir  apprife  d'Atlas ,  &■  par  fon  goût  pour 
la  ChafTe.  C'étoit  un  à^s  plus  beaux  hom- 
mes de  fon  temps.  Homère ,  parlant  àQS 
deux  fils  de  Neptune ,  Éphialte  &  Otus , 
dit  que  leur  beauté  ne  le  cédoit  qu'à  celle 
à'Orion.  Il  étoit  d'une  taille  fi  avanta- 
geufe,  qu'on  en  a  fait  un  Géant.  On  voir, 
dit  Virgile ,  ce  Géant  defcendre  àes  plus 
hautes  montagnes  ,  appuyé  fur  le  tronc 
d'un  Orme  antique  :  tandis  que  fes  pieds 
touchent  la  terre ,  fa  tête  eft  cachée  dans 
les  nues.  Il  marche  à  travers  les  flots  de 
la  Mèr,  &  fes  épaules  s'élèvent  au-deiïus 
des  eaux.  Exagération  poétique,  pour  re- 


préfenter  fa  gi-ande  taille,  &  peut-être 
aulîi  qu'il   alloic   fouvent   fur  Mèr.    On 
ajoure  à  cette  ficcion ,  que  ce  fut  dans  le 
temps  qu'il  traverfoit  ainfi  la  Alèr ,  que 
Diane  voyant  la  tète  d'Orion  furnager , 
fans  fçavoir  ce  que  c'étoit ,  voulut  faire 
preuve  de  fon  adrelfe  à  tirer  de  l'Arc  en 
préfence  d'Apollon  fon  frère,  qui  l'avoic 
défiée ,  &  qu'elle  tira  fi  jufte ,  que  le  pau- 
vre Orion  fat  atteint  d'une  de  ùs  flèches 
meurtrières  ;   ce  qui   nous  apprend  qu'il 
mourut  dans  un  de  {qs  voyages  mariti- 
mes.  Il  avoir  eu  une  première   femme 
nommée  Fide ,  que  la  vanité  perdit  ;  car 
ayant  voulu  égaler  fa  beauté  à   celle  de 
Junon ,  cette  DéelTe  la  fit  mourir.  Orion 
avoir  voulu  enfuite  époufer  Alérope  ,  fille 
d'Oénopion,  de  l'Ifle  de  Chio.  Celui-ci 
qui  ne  vouloir  point  d'un  tel  Gendre, 
après  Tavoir  enivré,  lui  creva  les  yeux, 
&  le  laifTa  fur  le  bord  de  la  Mèr.  Orion 
s'étant  levé  après  que  fa  douleur  fut  ap- 
paifée,  arriva  à  une  forge,  où  ayant  ren- 
contré un  jeune  Garçon,  il  le  prit  fur  {qs 
épaules,  le  priant  de  le  guider  au  lieu  où 
le  Soleil  fe  lève  ;  &  où  étant  arrivé ,  il 
recouvra  la  vue,  &  alla  fe  venger  de  la 
cruauté  d'Oénopion.  Apollodore,  qui  con- 
te cette  Fable,  ajoute  que,  devenu  célè- 
bre dans  l'Art  qu*avoit  pratiqué  Vulcain  , 


384  ^=^OR  = 

Or  ion  fit  un  Palais  fouterrein  pour  Nep- 
tunefon  père,  &  que  l'Aurore,  que  Vénus 
en  avoit  rendue  amoureufe,  l'enleva,  &  le 
porta  dans  l'Ifle  de  Délos.  Mais  il  y  per- 
dit la  vie  par  la  vengeance  de  Diane,  qui 
fit  fortir  de  terre  un  Scorpion  qui  le  tua , 
pour  fe  venger  de  l'infuke  (\\xOrion  avoit 
voulu  faire  â  une  des  filles  de  la  Dcq^q  ; 
&  a  elle-même,  pour  avoir  ofé  toucher 
{on  voile  d'une  main  impure.  Tout  cela  fi- 
gniiie  (\v\Griony  qui  aimoitpaffionnémenc 
La  Challb ,  fe  levoit  de^rand  matin  ;  voilà 
l'enlèvement  de  l'Aurore  :  qu'il  mourut 
dans  rille  de  Délos ,  pour  s'être  trop  fati- 
crué  à  la  ChafTe  j  &c  qu'il  mourut  dans  le 
temps  que  le  Soleil  parcourt  le  Signe  du 
Scorpion. 

Homère  attribue  la  mort  à'Orion  à  la 
jaloufie  de  Diane,  ce  La  belle  Aurore,  fait- 
«  il  dire  à  Calypfo,  n'eut  pas  plutôt  jette 
ï)  un  regard  favorable  fur  le  jeune  Oriouy 
a>  que  l'envie  s'alluma  dans  le  cœur  de 
t?  Diane  ,  qui  ne  ceifa  qu'après  que  la 
s>  DéelTe ,  avçc  fes  flèches  mortelles ,  eut 
63  privé  l'Aurore  de  fon  cher  Amant  dans 
9>  rifle  d'Ortygie.  »  Homère  parle  ailleurs 
êiOrion  ,  en  difant  qu'il  étoit  fans  ceffe 
occupé  dans  les  Enfers  à  pourfuivre  hs 
betes  féroces ,  marquant  par-là  qu'il  avoit 
£té  un  célèbre  Chafleur  ;  car,  en  l'aune 

monde , 


Hionde  ,  fuivant  la  Théologie  Païenne, 
chacun  s'occupoit  aux  mêmes  exercices 
t]u'il  avoit  aimés  pendant  fa  vie. 
•  Du  temps  êiOrion ,  la  pefte  affligea  la 
Ville  de  Thèbes  :  on  alla  confulter  l'Ora- 
cle 5  reffource  ordinaire  dans  les  grandes 
calamités  \  ôc  on  eut  pour  réponle,  que 
la  contagion  cefleroit ,  lorfque  deux  Prin- 
cefles  du  Sang  des  Dieux  s'ofFriroient  vo- 
lontairement à  la  Colère  célefte ,  pour  en 
être  les  vidimes.  Aufîi-tot  les  généreufes 
filles  aOrion ,  qui  tiroit  fon  origine  de 
Neptune ,  fe  dévouèrent  pour  le  falut  de 
leur  Patrie  avec  un  courage  &  une  fer- 
meté au-deiTus  de  leur  sexe.  L'une ,  ait 
Ovide ,  préfente  la  gorge  à  celui  qui  doit 
rimm.oler,  pendant  que  l'autre  s'enfonce 
un  poignard  dans  le  fein.  Le  Peuple  > 
qu'elles  venoient  de  fauver  par  ce  Sacri- 
fice 5  leur  fit  de  magnifiques  funérailles , 
&  plaça  leur  bûcher  dans  l'endroit  le  plus 
éminent  de  la  Ville  ;  &  afin  qu'un  fi  beau 
Sang  ne  périt  pas  avec  ces  Héroïnes,  on 
vit  fortir  de  leurs  cendres  deux  jeunes 
hommes  avec  des  couronnes  fur  la  tête, 
qui  firent  eux-mêmes  les  honneurs  de  la 
pompe  funèbre ,  &  qui  dans  la  fuite  por- 
tèrent le  nom  de  Couronnés. 

Diane ,  fâchée  d'avoir  ôté  la  vie  au  bel 
Orion,  obtint  de  Jupiter  qu'il  fût  placé 
T&me  III.  R 


38(f  ==:OPv  = 

dans  le  Ciel ,  oii  il  forme  la  plus  brillante 
des  Conftellations  :  &  comme  elle  y  oc- 
cupe un  très-grand  efpace  du  Ciel ,  fe^ 
Ion  cette  expreflîon  du  Poëte  Manilius, 
Magni  pars  maxima,  Cœli ,  cela  pourroit 
bien  avoir  fourni  l'idée  de  cette  taille 
monftrueufe  qu'on  lui  donne ,  dont  la 
moitié  étoit  dans  la  Mèr  ,  &  Tautre  fur 
la  Terre  \  parceque  cette  Conftellation  eft 
à  moitié  fous  l'Equateur  ,  Ôc  moitié  au- 
deflus, 

O  ROM  A  SE. 

Le  Mage  Zoroaflre ,  dit  Plutarque ,  ad- 
mettoit  deux  Dieux ,  l'un  bon ,  &  l'autre 
mauvais  :  <«  il  appelloit  lun  Oromafe^  Se 
»  l'autre  Arimanius ,  l'un  avoir  rapport  à 
5>  la  Lumière  fenfîble ,  l'autre  aux  Ténè- 

9>  bres  &  à  l'Ignorance 11  croyoit 

9»  que  des  Arbres  &  des  Plantes ,  les  unes 
»  appartenoient  au  Dieu  bon ,  &  les  au- 
»)  très  au  mauvais  ;  ôc  qu'entre  les  Ani" 
st  maux  les  Chiens ,  les  Oifeaux ,  &  les 
»  HérilTons  de  terre  font  au  Dieu  bon  » 
»  &  tous  ceux  des  eaux  au  mauvais.  Il 
3>  félicitoit  ceux  qui  tuoient  un  plus  grand 

»  nombre  de  ces  derniers Oromafe^ 

9>  difoit  encore  le  Mage ,  eft  né  de  la  plus 
»>  pure  Lumière,  ôc  Arimanius  des  Ténc- 
»  bres  :  ils  fe  font  la  guerre  enfemble. 


==0R=  387 

»  Oromafe  a  produit  iîx  Dieux ,  donc  le 
••  premier  écoic  Auteur  de  la  Bienveillan- 
»  ce  5  le  fécond  de  la  Vérité ,  le  troifième 
>»  de  l'Equité,  le  quatrième  de  la  SagelTe  , 
«  le  cinquième  des  RichetTes ,  &  le  fixiè- 
»  me  des  Plaifirs  qui  fuivent  les  bonnes 
3>  a6tions.  Arimanius  créa  de  même  com- 
»  me  par  émulation  un  pareil  nombre  de 
î>  Dieux.  Oromafe  s'étant  rendu  trois  fois 
n  plus  grand  qu'il  n'étoit,  s'éloigna  autant 
3>  du  Soleil  5  que  le  Soleil  efl:  éloigné  de  la 
33  Terre.  Il  orna  le  Ciel  d'Aftres  j  il  en  ^t 
)}  un  qui  étoit  le  plus  excellent  de  tous, 
„  &:  comme  le  Gardien  des  autres ,  qui 
r>  eft  Sirius,  ou  le  grand  Chien.  Il  fit  en- 
îî  cote  vingt -quatre  Dieux,  &  les  mit 
j)  tous  dans  un  Œuf.  Arimanius  en  ayant 
»  aulîi  fait  un  pareil  nombre,  ceux-ci  per- 
»  cèrent  l'CEuf ,  &  le  Mal  fe  trouva  alors 
35  mêlé  avec  le  Bien.  Il  y  a  un  temps  où 
»  il  faut  qu'Arimanius  périlTe ,  &  alors  la 
y>  Terre  étant  devenue  toute  unie,  il  n'y 
»  aura  plus  qu'une  vie ,  Se  une  fociété  de 
35  tous  les  hommes  bienheureux ,  qui  habi- 
35  teront  dans  la  même  Ville,  &  qui  par- 
3>  leront  la  même  langue.  Selon  ropinion 
3»  des  Mages ,  ajoute  Théopompe ,  pen- 
»  dant  trois  mille  ans ,  l'un  des  Dieux 
n  prévaudra  fur  l'autre  ;  &  pendant  trois 
»  autres  mille  ans,  ils  fe  feront  la  guerre ^ 


388  =OR 

53  l'un  tâchera  de  détruire  l'autre.  A  la  fin, 
3»  Arimanius  fera  vaincu ,  de  alors  les 
«  hommes  feront  heureux  ,  de  n'auront 
!»  plus  befoin  de  manger. 

Orphée, 

Ancien  Poëte  Grec,  que  quelques-uns 
mettent  devant  Homère.  On  dit  qu'il  fie 
trente-neuf  Poèmes,  que  le  temps  nous  a 
dérobés.  Les  Hymnes  &  les  Fragmens  qui 
nous  reftent  fous  fon  nom ,  font  d'Ono- 
macrite  ,  qui  vivoit  du  temps  de  Pififtrate. 
La  Fable  a  feint  quOrjykée  étoit  fils  d'A- 
pollon ;  que  les  Rivières  arrètoient  leurs 
cours  ;  que  les  Arbres  Se  les  Rochers 
'inarchoient  pour  l'entendre  ,  Se  que  même 
les  bètes  les  plus  farouches  s'adouciiïoienc 
au  fon  de  fa  voix.  Elle  l'a  fait  defcendre 
dans  les  Enfers,  pour  en  retirer  fon  époufe 
Eurydice  j  que  les  femmes  de  Thrace  le 
tuèrent  j  que  les  Mufes  eurent  foin  de  fon 
corps.  Se  que  fa  Lyre  fut  placée  dans  le 
Ciel.  Les  Fables,  que  l'on  a  dites  d'Or- 
phée,  ont  peut-être  fait  qu'Ariftote  a  cru 
qu'il  n'y  avoit  jamais  eu  perfonne  de  ce 
nom.  Gérard  Vojjiics  a  fuivi  cette  opinion , 
Se  dit  que  le  mot  Orphée  eft  un  mot  Phé- 
nicien ,  qui  fignifie  un  fçavant  homme, 
^2iXce.c^aAriph  marque  encore  aujourd'hui 
la  même  chofe  parmi  les  Arabes.  D'autres-: 


■conjedurent  que  ce  mot  vient  de  l'Hébreu 
Raphdj  guérir  ,   puifque  l'on  attribue  à 
Orphée  une  grande  connoifTance  de  la  Mé- 
decine, auiîi-bien  que  des  autres  Sciences. 
Il  fe  peut  faire  encore  que  l'on  ait  con- 
fondu \qs  Chants  y  avec  les  Enchantemensy 
ôc  que  Von  ait  dit  c^uOrphée  étoit  un  Chati" 
tre^  au  lieu  d'un  Enchanteur,  On  peut 
fonder  cela  fur  l'Hiftoire  d'Eurydice ,  qu'il 
rappella  des  Enfers ,  pour  un  peu  de  temps  \ 
ce  qui  eft  plutôt  un  effet  de  la  Nécroman- 
tie^  que  de  la  Mufique.  Cela  s'accorde  fort 
bien  avec  cette  efpèce  de  Médecine  3  dont 
plu/îeurs  Nations  font  encore  entêtées,  & 
qui  fe  fait,  à  ce  qu'on  dit,  par  des  mots 
Magiques ,  6^  par  des  herbes  cueillies  en 
certains   temps.    Aufîi   quelques  Anciens 
ont-ils  cru  (\\x  Orphée  avoit  été  un  Égyp- 
tien fçavant  dms  la  Magie  ;  &  c'eft  ce 
qui  a  donné  lieu  à  celui  qui  a  compofé 
\^s  Hymnes ,  qui  portent  fon  nom  ,  de  les 
lui  attribuer.  Ce  font  plutôt  à^s  évocci-' 
lions  Magiques  des  Dieux ,  que  des  Hym- 
nes en  leur  honneur.  Cela  étant  ainfî,  il 
eft  croyable  qu'il  y  a  eu  effedtivement  une 
perfonne  en  Grèce  ,  que  l'on  a  nommée 
par  excellence,  Jlarophe,  Orphée,  le  Mé- 
decin, &  dont  les  enchantemens,  feints 
ou  véritables,  ont  donné  origine  à  la  Fa- 
ble que  l'on  en  a  faite.  L'opinion  qu'il  y 

Riij 


5po  ==:0R  = 

a  eu  un  Orphée^  &  que  cet  Orphée  avoir 
apporté  diverfes  Sciences  cachées  dans  la 
Grèce ,  a  fait  qu'on  lui  a  attribué  divers 
Livres  fuperftitieux  ,  dont  on  verra  les 
titres  dans  Volîîus ,  &  au  commencement 
du  Livre  àes  Argonautiques,  qui  porte  le 
nom  à'Orphée, 

ÉNIGME    LXIIL 

Mon  nom  pris  chez  les  Grecs ,  fe  foudent  noble- 
ment, 

Quoique  de  (lich  en  fiècle  on  me  fafTe  renaître , 

En  France,  comme  ailleurs,  je  ne  connois  pour 
maître , 

Qu'un  ufage  établi  fur  le  raifonnement. 

Si  les  Grands  de  la  Cour,  qui  parlent  poliment, 
Ecri voient  comme  on  parle  ;  en  me  voyant  paroître , 
Quel  Mortel  ne  feroit  gloire  de  me  cormoître  j 
On  s'énonceroit  mieux ,  &  plus  facilement . 

Ainfi  dans  le  difcours  y  on  abrège  Carême  5 
Tout  le  monde  le  dit ,  fans  l'écrire  de  même  : 
Les  Sçavans ,  peu  d'accord ,  ainfî  me  font  errer» 

Quand ,  fur  de  tels  abus ,  on  confultc  le  Sage , 
Il  les  condamne  tous ,  &  tolère  un  ufage , 
•  Qu'aucun  François  ne  peut  fuivre  fans  s'égarer. 


=:OR=  3pi 

Or  us. 

Fils  d'Ofiris  &  d'Ifis,  fut,  dit-on,  le 
dernier  des  Dieux  qui  régnèrent  en  Egyp- 
te. Il  fit  la  guerre  au  Tyran  Typhon , 
qui  avoir  fait  périr  Ofiris  ;  &  après  l'a- 
voir vaincu  &c  tué  de  fa  main,  il  monta 
fur  le  Trône  de  fon  père.  Mais  il  fuc- 
comba  enfuite  fous  la  puififance  des  Prin- 
ces Titans ,  qui  le  mirent  à  mort.  Ifis  fa 
mère ,  qui  poiTédoic  les  fecrèts  les  plus 
rares  de  la  Médecine,  celui  même  de  ren- 
dre immortel ,  ayant  trouvé  le  corps  dOrus 
dans  le  Nil,  lui  rendit  la  vie,  de  lui  pro- 
cura l'immortalité,  en  lui  apprenant,  dit 
Diodore,  la  Médecine  &  l'Art  de  la  Divi- 
nation. Avec  ces  talens,  Orus  fe  rendit 
célèbre,  de  combla  l'Univers  de  (es  bien- 
faits. 

Les  figures  d'Orus  accomipagnent  fou- 
vent  celles  d'Ifis  dans  les  Monumens  Égyp- 
tiens. Il  eft  ordinairement  repréfenté  fous 
la  figure  d'un  jeune  enfant,  tantôt  vécu 
d'une  tunique  ,  de  tantôt  emmailloté  ÔC 
couvert  d'un  habit  bizarre  en  Lofenges. 
Il  tient  de  ùs  deux  mains  un  Bâton,  dont 
le  bout  eft  terminé  par  la  tète  d'un  Oi- 
feau ,  de  par  un  Fouet.  Plufieurs  habiles 
Auteurs    croient  qnOrus   eft   le    même 

R  iv 


qu'Harpocrate ,  Se  que  l'un  &c  l'autre  ne 
font  que  des  Symboles  du  Soleil. 

O  s  I  R  I  s , 

'  Fils  de  Jupiter  &  de  Niobé ,  régna  fur 
les  Argiens  :  mais  peu  fatisfait  de  ces  Peu- 
ples, il  céda  cet  état  à  fon  frère  Égialée, 
ôc  voyagea  en  Egypte ,  où  ayant  établi  dos 
Loix,  &  policé  le  Royaume  des  Egyptiens, 
il  s'en  rendit  maicrê.  Cependant  ayant 
cpoufé  Is  5  que  Jupiter  avoit  changée  en 
Vache,  Se  que  depuis  on  nomma  Ifis,  elle 
donna  aux  Égyptiens  l'invention  de  plu- 
fieurs  Arts  :  de  forte  que  l'un  Se  l'autre 
furent  honorés  d'Honneurs  divins.  On 
dit  que  les  ennemis  d'O/?/-/^  le  tuèrent; 
Se  qu'ayant  été  transformé  en  Bœuf,  les 
Égyptiens  l'adorèrent  fous  le  nom  d'Apis 
Se  Sérapis.  OJiris  y  ou  Adonis,  fut  un 
ancien  Roi  d'Egypte ,  connu  fous  divers 
noms.  Comme  Adonis  Cigm^Q  Seigneur ^ 
Olîris  ou  Ahhaji-  erets  ,  en  Phénicien , 
veut  dire ,  la  Terre  eji  ma  pojfejjion ,  il 
s'appliqua  beaucoup  à  l'Agriculture  Se  à 
la  Chafle ,  où  ayant  été  bleffé  par  un  San- 
glier dans  l'aîne  ,  il  fut  pleuré  comme 
mort  ;  mais  il  en  guérit.  Pour  célébrer  la 
mémoire  de  cet  événement ,  Ifis  fa  fem- 
me ordonna  que ,  rous  \es  ans ,  on  pleu- 
reroit  Adonis ,  ou  OJîris ,  comme  perdu  j 


Se  qu  on   fe  réjouiroic  enfuite  ,  comme 
l'ayant  retrouvé. 

Oubli. 

L'âge  avancé  étant  le  plus  fujèt  à  la 
perte  de  la  Mémoire,  on  caradVériie  YOu- 
bli  par  une  vieille  femme  coëffée  d'un 
voile  obfcur ,  &  tenant  \x\\t  Plante  de 
Mandragore,  qui  eft  un  puilfant  ôc  dan- 
gereux Narcotique. 

Les  Anciens  fe  fervoient  aufli  du  Loup- 
cervier  pour  l'Emblème  de  VOulii  ;  ils 
prenoient  cet  Animal  pour  le  Lynx,  qui 
croit  dédié  à  Bacchus ,  ôc  figninoit  que 
l'excès  du  Vin  détruifant  la  Raifon,  ravif- 
foit  la  Mémoire. 

Oubli  d'Amour. 

Amour  ell  un  enfant  volage  j 

II  paroît  5  il  ne  paroît  plus  ; 
On  fait ,  pour  l'arrêter ,  ces  eiTorts  fuperflus  5 
On  ne  le  voit  qu'au  Printemps  de  notre  âge , 

Car  c'eft  un  Oifeau  de  paifage. 

UOuhli  d'Amour  eft:  repréfenté  fous  la 
figure  d'un  Enfant  couronné  de  Pavots  , 
Plante  qui  provoque  le  Sommeil  \  il  a  dQ$ 
ailes  ,  pour  faire  voir  qu'il  eft  volage  : 
lorfqu'on  le  fâche ,  il  eft  endormi  ^  pour 
montrer  que  les  Amans  n'ont  pas  plutôt 

R  v 


3P4  «=OU== 

oublié  lobjèt  aimé,  que  les  fondions  cîe 
leurs  âmes  femblent  afToupies.  Il  a  rompu 
fon  Arc  &  fes  Flèches,  pour  montrer  qu'il 
n'a  plus  rien  à  combattre.  Il  eft  couché 
proche  de  la  Fontaine  de  Cifique ,  qui  a  la 
Vertu  de  faire  oublier  cette  Paffion ,  lorf- 
que  Ton  boit  de  fon  eau. 


Ouï 


E. 


Doux  accords ,  divine  Harmonie , 
Agréables  préfens  des  Cieux  i 
Que  vous  donnez  à  notre  ouïe 
Des  momens  précieux. 

UOuïe  eft  repréfentée  par  une  femme 
auprès  de  laquelle  eft  couchée  une  Biche. 
Elle  tient  un  Luth  de  la  main  gauche.  Se 
de  la  droite  une  Oreille  de  Taureau.  Le 
Luth  montre  la  douceur  de  l'Harmonie , 
fans  laquelle  on  ne  fçauroit  jamais  bien 
juger,  fi  on  n  a  l'oreille  bonne.  La  Biche 
eft  le  Symbole  de  la  fubtilité  de  ce  merveil- 
leux fens  :  la  moindre  feuille  que  le  vent 
ébranle ,  fait  prendre  la  fuite  a  cet  Ani- 
mal, ayant  toujours  l'oreille  alerte.  L'O- 
reille du  Taureau  nous  indique  qu'il  faut 
Ouïr  foigneufement  &  avec  diligence  ce 
qui  eft  néceflaire  a  la  durée  &  la  confer- 
vation  de  nous-mêmes.  Ainfî ,  quand  les 
Égyptiens  vouloieht  dépeindre  VOme^'ils 


=  OU==  5PÎ 

le  figuroient  par  TOreilIe  du  Taureau, 
qui  l'a  toujours  prête  Ôc  tendue  au  mugif- 
fement  que  fait  la  GénifTe. 

Ourse. 

La  grande  Ourfe^  la  petite  Ourfe^  deux 
Conffcellations  feprentrionales.  J'ajouterai 
ici  une  remarque  fingulière  d'un  Mytho- 
logue moderne  ,   qui  rend  raifon  de  la 
Métamorphofe  de  Callifto  en  Ourfe.  Cette 
Nymphe  étoit  confacrée  à  Diane,  Déefïe 
de  la  Chadeté  \  XOurfc  eft  le  Symbole 
d'une  fille   chafte  :  cet   Animal  ie   tient 
toujours  caché  dans  les  bois  ou  dans  les 
cavernes  ,   &  ne  quitte  fa   retraite  ,  que 
iorfque  la  faim  le  fait  forrir  pour  chercher 
à  paître.  De  même  une  fille,  dit-il,  doit 
refter    renfermée   dans  la  maifon   pater- 
nelle ,  6c  ne  fe  montrer  que  dans  la  né- 
ceOité.   C'eft  en  fuivant  cette  idée ,  que 
PoUux  parlant  des  Nymphes  qui  étoient 
admifes  dans  la  Compagnie  de  Diane ,  fe 
fert  d'une  expreflion  qui  lignifie  qu'elles 
étoient  changées  en  Ourfe.  Euripide  dans 
fon  Hypfipile ,  &  Ariftophane  dans  fon 
Lyfiilrare,  nous  font  voir  que  les  jeunes 
filles,  chez  les  Athéniens,  avoient  le  fur- 
nom  à'Ourfe.  Euftathe ,  le  Commentateur 
d'Homère ,  raconte  que  les  Athéniens  ayant 
trouvé  dans  une  Chapelle  de  Diane  une 

R  vj 


5p5  =Pc:r= 

C'urfe  5  qui  y  étoit  née ,  &  qui  étoit  cots- 
facrée  à  la  DéefTe ,  l'enlevèrent  de  fa  re- 
traire 5  &:  la  tuèrent.  La  Dceffe  vengea 
cette  mort  par  une  famine,  dont  elle  affli- 
gea la  Ville  d'Athènes.  Cette  Qurfe^  dit 
mon  Auteur,  étoit  aiTurément  une  jeune 
Fille ,  qui  avoit  confacré  fa  virginité  à  la 
Déelfe,  &  qui  vouloit  vivre  dans  la  re- 
traite à  l'ombre  des  Autels,  d'où  les  Athé- 
niens l'arrachèrent ,  peut-être  pour  la  faire 
marier. 

Cicéron  fait  mention  de  trois  Nymphes 
de  l'Arcadie,  qu'il  nomme  Néda,  Thifoa, 
&  Hagno ,  lefquelles ,  après  avoir  nourri 
Jupiter,  furent  changées  en  Ourfes, 

On  immeoloit  quelquefois  ^qs  Ourfes 
à  Sylvain.  Cette  Vidime  convenoit  au 
Dieu  des  Bois. 

p. 

Cette  Lettre  ,  qui  eft  une  de  celles 
qu'on  appelle  muettes,  n'a  point  d'afpi- 
ration  après  elle  ,  (1  ce  n'efl:  dans  les  mots 
qui  font  tirés  du  Grec,  comme  en  ceux 
de  Ph.iccon  ,  Philotas,  &:c.  On  l'a  auiîi 
quelquefois  changée  en  B,  comme  Bir^ 
rhus  p^ur  Pirrhus y  Se  Balatium  pour  Pa." 
latium.  Les  Anciens  fe  fer  voient  encore 
fouvent  de  cette  Lettre,  pour  marquer, 
ou  le  Peuple  ,  ou  une  partie  de  quelque 


=  PA=  3P7 

chofe.  Aufone  en  paiie  en  ces  termes,  de 
Lite.  Monof, 

Aufonium  fi  Pfcrihas,  erc  cec-opium  P 
Et  Rko  de  Grœcû  mutahitur  in  latinum  P. 

P  eft  aufîi  une  Lettre  numérale  ,  qui 
fîgnifie  Ccjit,  fuivant  ce  Vers  d'Ugution  : 

P  Jim'ikm  cum  G  nurneru:::  mcnfiratur  hahcre. 

Mais  Baronius  croit  qu'il  fignihe  Je 
nombre  fepténaire.  Quand  on  met  un 
titre  au-delFus  ,  il  fignifie  quatre  cents 
mille. 

Pag  ANALE  s. 

Fête  que  les  Habitans  de  la  Campagne 
célébroient  dans  les  Bourgs  ou  Villages 
appelles  Pds^i,  Servius  Tullius  ,  fixième 
Roi  des  Romains,  inftitua  cette  Fête, 
après  avoir  établi  les  Tribus  Ruftiqaes , 
qu'il  compofa  d'un  certain  nombre  de 
Villages ,  dans  chacun  desquels  on  or- 
donna que  Ton  drefTâr  un  Autel  aux  Dieux 
tutélaires  ,  pour  y  faire  un  Sacrifice  tous 
les  ans ,  auquel  tous  les  Habitans  étoient 
obligés  d'afiifter  \  ôc  d'y  donner  chacun 
un  préfent ,  qui  étoit  une  pièce  de  mon- 
vnoie  ,  différente  félon  la  différence  des 
perfonnes.  Les  hommes  en  préfentoienc 
d'une  façon,  les  femmes  d*une  autre,  & 


les  enfans  en  donnoient  de  plus  petites  î 
ce  cm  fervoit  à  connoître  le  nombre  des 
Hrcbitans ,  &  à  les  diftinguer  par  leur  sexe 
ôc  par  leur  âge.  Cette  Fête  fe  célébroit  au 
mois  de  Janvier  après  les  femailles  j  ôc 
les  Payfans  y  préfentoient  des  gâteaux  a 
Cérès  &  à  la  DéefTe  Tellus,  pour  obte- 
nir une  récolte  abondante. 

Pagode, 

Nom  qu'on  a  donné  à  tous  les  Temples 
des  Indiens  &  des  Idolâtres.  Il  y  en  a  qui 
font  magnifiquement  bâtis.  M.  de  la  Lou- 
bère,  qui  a  été  Envoyé  extraordinaire  de 
Sa  Majefté  auprès  du  Roi  de  Siam  ,  en 
parle  aufli  dans  la  defcription  qu'il  nous 
a  donnée  de  ce  Royaume ,  Ôc  il  fait  ce 
mot  féminin.  Quant  aux  Pagodes  y  je  n'ai 
remarqué  en  celles  que  j'ai  vues ,  qu'un 
feul  appentis  par  devant,  &  un  autre  par 
derrière.  Le  toit  le  plus  élevé  eft  celui 
fous  lequel  eft  l'Idole.  Les  deux  autres, 
qui  font  plus  bas ,  font  eftimés  n'être  que 
pour  le  Peuple  ,  quoique  le  Peuple  ne 
îaiffe  pas  d'enrrer  par-tout  aux  jours  que 
le  Temple  eft  ouvert  ;  mais  le  principal 
ornement  des  Pagodes  eft  d'être  accom- 
pagnées, comme  elles  le  font  d'ordinaire, 
de  plulieurs  Pyramides  de  chaux  &  de 
briques ,  dont  pourtant  les  ornemens  font 


fort  groflièremenc  exécutés.  Les  pius  hau- 
tes le  font  autant  que  nos  clochers  ordi- 
naires ,  ôc  les  plus  baifes  n'ont  pas  deux 
toifes  de  haut.  Elles  font  toutes  rondes , 
&  elles  diminuent  peu  en  groflfeur^  à  me- 
fure  qu'elles  s'élèvent  j  de  forre  qu'elles  fe 
terminent  en  dôme.  Il  eil:  vrai  que  lorf- 
cjii'elles  font  fort  bafles ,  il  part  de  cette 
extrémité  faire  en  dôme,  une  aiguille  de 
Câlin  fort  menue  ôc  fort  pointue,  &  alfer 
haute  par  rapport  au  refte  de  la  Pyramide. 
11  y  en  a  qui  diminuent  &c  groilillent  qua- 
tre ou  cinq  fois  dans  leur  hauteur  ,  de 
telle  forte  que  leur  profil  efl;  onde  ;  mais 
ces  diverfes  groffeurs  font  moindres  ,  à 
mefure  qu'elles  font  en  une  partie  plus 
haute  de  la  Pyramide.  Elles  font  ornées 
en  trois  ou  quatre  endroits  de  leur  con- 
tour, de  plufîeurs  canelures  à  angles  dtoits, 
tant  en  ce  qu'elles  ont  de  creux,  qu'en  ce 
qu'elles  ont  d'élevé ,  lefquelies  diminuant 
peu  â  peu  ,  à  proportion  de  la  diminu- 
tion de  la  Pyramide,  vont  fe  terminer  en 
pointe  au  commencement  de  la  grofTeùr 
immédiatement  fupérieure  ,  d'où  s'élèvent 
de  rechef  de  nouvelles  cinelures. 

Les  Pagodes  des  Chinois  de  des  Sia- 
mois font  richement  parées,  &  magnifi- 
quement bâties  :  en tr 'autres  il  y  en  a  une  à 
Golconda ,  dont  la  niche  où  l'on  fait  la 


40O  ==rÉA=^ 

prière,  efl:  dune  pierre  de  fi  prodigîeufe 
grolTeur,  qu'on  a  été  cinq  ans  à  la  tirer, 
Ôc  on  employoit  à  ce  travail  cinq  ou  iîx 
cents  hommes.  La  machine  qui  la  por- 
toit,  étoit  tirée  par  quatorze  cents  Bœufs, 
Les  revenus  de  la  Pagode  de  Janigrate  font 
fî  grands,  qu'ils  peuvent  nourrir  tous  les 
jours  quinze  à  vingt  mille  Pèlerins. 

Paidophile, 

Surnom  qu'on  donnoit  a  Cérès  ,  qui 
fignifie  qu'elle  aime  les  enfans,  &  qu'elle 
les  entretient.  C'eft  pourquoi  on  repré- 
fente  fouvent  cette  DécCCe  ayant  fur  fon 
fein  deux  petits  enfans,  qui  tiennent  cha- 
cun une  Corne  d'Abondance,  pour  mar- 
quer qu'elle  eft  comme  la  nourrice  du 
genre  humain. 

ÉNIGME    LXIK 

Le  bien  qu'on  a  cîe  moi  n'efl:  qu'à  force  de  coups  j 
La  couleur  dont  je  fuis  eft  artificielle. 
Ce  feu,  qui  détruit  tout,  rend  ma  forme  plus  belle. 
Je  fuis  le  bien  aimé  des  Sages  &  des  fous. 

Sorti  de  cent  prifons ,  je  fuis  utile  à  tous. 
Je  fuis  un  compofé  de  plus  d'une  parcelle. 
Par  un  Soleil  ardent,  ma  raaifon  naturelle 
Périr  avccque  moi  dans  un  temps  calme  &  doux. 


=  PA=  401* 

Tour  être  bon  Se  beaa ,  je  fuis  peu  fur  la  terre. 
Je  fers  pour  fourenir  les  longueurs  de  la  guerre. 
J'ai  plus  d'yeux  qu'un  Argus  3  je  bois,  &  ne  dors 

point. 
Je  fuis,  dans  les  tréfors,  un  des  plus  ncce/Taircsj 
Cette  nécefîité  va  ju [qu'au  plus  haut  point  : 
Et  quand  on  ne  m'a  pas ,  on  fait  mal  fes  affaires. 

ÉNIGME     LXV. 

Après  avoir  fouffcrt  &  la  roue  &  le  feu , 

■Et  les  triftes  horreurs  d'une  prifon  très-iicire , 

Je  fuis ,  comme  en  triomphe  ,  avec  beaucoup  de 

gloire , 
Porté  fuperbemient  dans  un  augufte  Làea, 

Bientôt  après ,  ma  deftinée 
A  grands  coups  de  couteau  s'y  trouve  terminée. 

Après  qu'on  m'a  fî  maltraité , 
Le  Ciel ,  dont  à  la  Foi  la  Grâce  cft  départie , 
Fait  que ,  par  qui  de  mioi  ne  reçoit  que  partie , 
Je  fois,  huit  jours  après,  entier  repréfenté. 

ÉNIGME    LXFL 

Un  Etranger  vctu  de  bleu , 

S*offre  fouvent  à  notre  vue  ; 
Malgié  Ton  large  pied  ,  &  fa  tête  pointue, 
La  blancheur  de  fon  teint  met  les  belles  en  fco. 
Comme  leur  palTion  pour  lui  eft  fans  égale, 

S'il  arrive  qu'on  les  régale^ 


402  ^=:PAs= 

Pour  contenter  leur  flamme,  on  le  met  du  fcflin» 

Cependant  tel  e/l  Ton  deftin , 

Que  maltraité  foir  &  matin , 

Sans  avoir  oiTcnfé  perfonnc. 
Il  pou/îe  les  hauts  cris  des  coups  que  l'on  lui  donne. 

Paix. 

Les  Grecs  ôc  les  Romains  honoroient 
la  Paix  comme  grande  DéefTe.  Les  Athé- 
niens lui  érigèrent  des  Statues.  Elle  fut 
c*ncore  plus  célébrée  chez  les  Romains , 
qui  lui  érigèrent  le  plus  grand  &  le  plus 
magnifique  Temple  qui  fut  dans  Rome. 
Ce  Temple  ,  dont  les  ruines ,  &  même 
une  partie  des  voûtes ,  reftent  encore  fur 
pied ,  fut  commencé  par  Agrippine  ,  dc 
depuis  achevé  par  VeTpaHen.  Jofeph  dit 
que  les  Empereurs  Vefpifien  &  Titus  dé- 
posèrent, dans  le  Temple  de  h  Faix,  les 
riches  dépouilles  qu'ils  avoient  enlevées 
au  Temple  de  Jérufalem.  C'étoit  dans  le 
Temple  de  la  Paix ,  que  s'afTembloient 
ceux  qui  profeiïbient  les  beaux  Arts,  pour 
y  difputer  fur  leurs  prérogatives  ^  afin 
qu'en  préfence  de  la  DéefTe  de  la  Paix, 
toute  aigreur  fut  bannie  de  leurs  difpu- 
tes.  Ce  Temple  fut  ruiné  par  un  incendie 
au  temps  de  l'Empereur  Commode.  Chez 
les  Grecs ,  la  Paix  écoit  repréfentée  en 


i=^PA=  405 

cette  manière.  Une  femme  portoit  fur  fa 
main  le  Dieu  Plutus  enfant.  Chez  les  Ro- 
mains, on  trouve  ordinairement  la  Paix 
repréfentée  avec  un  Rameau  ci  Olivier , 
quelquefois  avec  àes  ailes ,  tenant  un  Ca- 
ducée ,  &  ayant  un  Serpent  à  (qs  pieds.  On 
lui  donne  aufïi  la  Corne  d'Abondance. 
L'Olivier  eft  le  Symbole  de  la  Paix,  Le 
Caducée  eft  le  Symbole  du  Négociateur 
Mercure  ,  pour  marquer  la  négociation 
d  où  la  Paix  s'eft  enfuivie.  Dans  une  Mé- 
daille d'Antonin  le  Pieux,  elle  tient  d'une 
main  une  Branche  d'Olivier,  &  brûle  de 
la  gauche  ^qs  Boucliers  &  des  CuiraiTes. 

Ceft  en  la  Paix  que  toutes  chofcs 

Succèdent  félon  nos  defîrs. 

Comme  au  Printemps  naiflent  les  Rofes, 

En  la  Paix  nailTent  les  plaifîrs  : 

Elle  met  les  Pompes  aux  Villes , 

Donne  aux  Chamips  les  Moiflbns  fertiles , 

Et  de  la  majefté  des  Loix 

Appuyant  les  pouvoirs  fuprèmcs. 

Fait  demeurer  les  Diadèmes 

fermes  fur  la  tcte  des  Rois. 

Paix  de  Christ. 

La  Paix  de  Jesds-Christ  foit  gravée  dans  nos 

cœurs  j 
En  elle  feulement  confiilc  les  douceurs 


404  =:i=PAî=a 

Que  l'on  doit  defirer  en  Tune  &  l'autre  vie  5 
Car   la   chercher  ailleurs ,   c'eit   chercher  vaine- 


ment. 


Toutes  les  Paix  du  monde  ont  une  fin  fuivie 
D'un  m.alheur  qui   fouvent  nous  perd  foudaine- 


ment. 


'  La  Paix  de  Jes us-Christ  nous  eft  re- 
préfentée  par  une  main  tenant  un  Cœur 
au-defTous  d'un  Ciel  ferein,  où  efb  gravé 
Fax  Chrijîi  ;  c'eft-à-dire ,  que  la  Paix  de 
Jefus-Chriil:  fafTe  la  joie  de  nos  cœurs,  & 
foit  inféparable  de  notre  âme.  Mais  pour 
avoir  bette  Paix^  ëc  la  pofTéder,  il  faut 
premièrement  l'avoir  avec  foi-même,  par 
la  tranquillité  de  fon  efprit  ;  fouffrir  avec 
patience  les  adverfîtés  qui  nous  arrivent  : 
fecondement,  l'avoir  avec  fon  prochain, 
en  rendant  non-feulement  le  bien  pour  le 
bien ,  mais  aulfi  le  bien  pour  le  mal  ;  en 
pardonnant  fans  réferve  à  ceux  qm  nous 
ont  ofFenfés  ;  &  même  en  fouffrant  avec 
tranquillité  les  maux  qui  nous  arrivent, 
pour  le  nom  de  Jefus-Chrift. 

ÉNIGME    LXriL 

Sons  une  figure  jolie, 
Voyez  quelle  eft  ma  trahifon. 
Souvent  je  pique  au  vif  tel  qui  fait  la  folie 
De  me  tenir  hors  de  prifon. 


=  P  A  ==:  40f 

Cependant  sux  humains  je  fuis  fî  f^ivorablc , 
Que  de  mes  quatre  bouts ,  en  me  tenant  par  deux , 
Je  m'étale  ,  m'agite  ,  &  je  deviens  traicable  j 
Tu  fais  enfin  de  moi,  Lccleur,  ce  que  tu  veux. 

ÉNIGME     LXFIIL 

Je  fuis  fait  pour  \ts  Souverains  j 
Thcmis  aufh  chez  moi  .éiidei 
Et  c'eft  m:oi  qui,  chez  les  humains, 
D'un  plaifir  fenfuel  décide. 

ÉNIGME     LXl  X. 

Je  porte  le  nom  magnifique 

D'un  certain  bien  de  grands  Seigneurs  3 

Mais  je  (cvs  bien  plus  pacifique, 

Quand  je  jouis  de  mes  honneurs. 

AulTi  le  fort  fi  bien  me  cache, 

Que  mon  maître  ne  me  peut  voir, 

Si  forcement  il  ne  s'attache 

Devant  la  çlace  d'un  miroir. 

Tout  le  monde  fçait  que  je  touche 

A  tout  ce  qui  pafie  chez  moi  \ 

Mais  je  fuis  de  fi  bonne  foi , 

Que  j'en  retiens  moins  qu'une  mouche. 

P  A  L  A  M  È  D  E  , 

Fils  de  Nauplius,  Prince  de  l'Ifle  d'Eu- 
bée.  Il  étoit  ingénieux,  &  découvrit  le 
deifein  d'UlylTe  ,   qui  contrefaifoit  l'in- 


^o6  PA=-= 

fenfé ,  pour  ne  pas  aller  à  la  guerre.  Ce- 
lui-ci eu  fut  fî  fâché  ,  que ,  pendant  le 
Siège  de  Troye ,  l'ayant  fait  accu  fer  de 
trahifon ,  on  le  lapida.  On  lui  attribue  or- 
dinairement l'invention  des  Poids  &  des 
Mefures  ;  l'Arc  de  ranger  un  Bataillon , 
êc  de  régler  le  cours  de  l'Année  par  le 
cours  du  Soleil ,  Se  celui  du  Mois  par  le 
cours  de  la  Lune.  Il  inventa  aulîî  Iqs  Jeux 
des  Échecs  &  des  Dez,  &  quelques  au- 
tres. Pline  dit  qu'il  inventa  encore  durant 
le  Siège  de  Troye,  ces  quatre  Lettres  de 
TAlphabèt  Grec  ,  0  ,  E ,  ^ ,  X.  Philoftrate 
ne  marque  que  ces  trois,  T,  $,  X;  <5c  on 
ajoute  qu'UlyfTe  fe  moquant  de  Palamede^ 
lui  difoic  qu'il  ne  fe  devoit  pas  vanter 
d*avoir  inventé  la  Lettre  T ,  puifque  les 
Grues  la  forment  en  volant.  C'eft  ce  qui 
a  donné  occafion  à  Lucain  de  faire  une 
belle  defcription  de  ces  Oifeaux  dans  le 
cinquième  Livre  de  la  Pharfale.  On  nom- 
me aulIi  ordinairement  les  Grues ,  les  Oi- 
feaux de  Palamcdey  comme  Martial,  Lih. 
XIII,  Ep.  73. 

Turhahis  verfus ,  nec  Huera  tota  volahit 
Unam  perdiderls  fe  Palamedis  avem. 


c==  P  A  ==>  4.07 

ÉNIGME      LXX. 

Je  recèle  des  lieux  oii  logent  les  araoars, 

Pour  y  jouer  leurs  meilleurs  tours. 
Sous  un  nom  éclatant,  je  cache  la  bafleflc 

Qu'on  trouve  en  mon  extradion. 
-Après  avoir  quitté  ma  première  rudelTc, 

Quoique  je  fois  finis  paflîon , 

Je  fçais  favori  fer  les  Dames  : 
Je  fournis  à  leur  fein  une  innocente  ardeur. 
De  cet  endroit,  fans  crime,  elle pafle  à  Içurs  cœurs, 

Et  ne  fçauroit  fouiller  leurs  âmes. 

Vous  enviez  mon  fort ,  vous ,  malheureux  Amans , 
Qui  ne  trouvez  jamais  de  trêve  à  vos  tourmens , 

Et  qui ,  dans  vos  peines  cruelles , 
N'approchez  que  de  l'œil  vos  aimables  rebelles. 

Mon  règne  n'a  pas  un  long  cours  , 
Il  finit  quand  on  voit  renaître  les  beaux  jours. 

Palatinus. 

Augufte  fit  bâtir  un  Temple  fuu  le  Monr 
Palatin  ,  qu'il  dédia  à  Apollon  ,  fous  le 
titre  d'Apollon  Palatinus  :  les  Arufpices 
avoient  déclaré  que  c'étoit  la  volonté  de 
Dieu.  Ce  Temple  fut  enrichi  par  le  mê- 
me Empereur  d'une  belle  &  nombreufe 
Bibliothèque,  &  devint  le  rendez- vous 
.  dos  Sçavans.  Lorfque   l'Académie  Fran- 


4o8  =  P  A  )= 

çoife  fut  placée  au  Louvre,  elle  fit  frapper 
une  Médaille,  où  Ton  voit  Apollon  tenant 
fa  Lyre ,  appuyée  fur  le  trépié  d'où  for- 
toient  ùs  Oracles  :  dans  le  fond ,  paroît 
la  principale  face  du  Louvre,  avec  la  Lé- 
gende Apollo  Palannus^  Apollon  dans  le 
Palais  d'Augufte. 

P  A  L  É  M  O  N. 

Palémon  eft  le  Mélicerte  des  Phéni- 
ciens ,  6i  le  Portumnus  à^s  Latins.  Les 
Corinthiens  lignalanc  leur  zèle  envers  Mé- 
licerte, dit  Paufanias,  lui  changèrent  fou 
nom  en  celui  de  Falcmon ,  &  inftituèrent 
les  Jeux  Ifthmiques  en  fon  honneur.  Il 
eut  une  Chapelle  dans  le  Temple  de  Nep- 
tune ,  avec  une  Statue  j  &  fous  cette  Cha- 
pelle ,  il  y  en  avoir  une  autre  où  Ton 
aefcendoit  par  un  efcalier  dérobé.  Palé- 
mon y  étoit  caché ,  dit-on  ;  &  quiconque 
ofoit  faire  un  faux  ferment  dans  le  Tem- 
ple, foit  Citoyen  ou  Étranger,  étoit  auiîî 
puni  de  fon  parjure. 

Paies, 

Divinité  des  Bergers  ;  les  Troupeaux 
étoient  fous  fa  tuteik\  Elle  avoir  une  Fête 
qu'on  célébroit  tous  les  ans,  le  15^  Avril, 
dans  les  campagnes.  Ce  jour-là ,  les  Pay- 

fans 


=  P  A  tr=  ^ogl 

fans  avolent  foin  <ie  fe  purifier  avec  des 
parfums  mêlés  de  fang  de  Cheval,  de  cen- 
dres d  un  leune  V^au  qu'on  faifoic  brûler, 
&  de  tiges  de  Fèves.  On  purifioit  aulfi  les 
Bei  cails  &  les  Tioupeaux  avec  de  la  fumée 
de  Sabine  &  du  Soufre  ^  enfuire  on  offroic 
des  Sacrifices  à  la  Déelfe  :  c'éroit  du  Lair, 
du  Vin  cuit  ôc  du  Millet.  La  Fête  fe  ter- 
minoit  par  des  Feux  de  paille ,  &  les  jeunes 
gens  faatoient  par-dc(fus  au  {on.  des  Flûtes, 
des  Cymbales  ,  &  des  Tambours.  C'eft 
Ovide  qui  décrit  au  long  toutes  ces  Céré- 
monies, &  qui  croit  que  c'éroit  ce  jour-là 
même  que  Rome  avoir  été  fondée. 

Pâleur. 

Les  Romains  avoient  fait  un  Dieu  de 
la  PâUur ,  parcequ'en  Latin  Pallor  eft  du 
mafrulin,  Tullus  Hoftilius,  Roi  de  Rome, 
dans  un  combat  où  (es  Troupes  prenoienc 
la  fuite  5  fit  vœu  d'élever  un  Temple  â  la 
Crainte  &  à  la  Pâleur,  Ce  Temple  fut  en 
eifèt  élevé  hors  de  la  Ville  ;  on  lui  donna 
des  Prêtres  qui  furent  appelles  Pallorunsi 
ôc  on  lui  offroit  en  Sacrifice  un  Chien  dc 
une  Brebis, 

Palices, 

Divinités  de  Sicile.  Près  du  Fleuve  Sy^^ 
tnhtQ  en  Sicile,  Jupiter  rencontra  la  Nym- 
Tom€  llh  S 


plie  Théalie ,  fille  de  Vulcaiii  ;  d*autres  la 
nommant  Ethna ,  &  en  devine  amoureux. 
La  Nymphe  craignant  le  relfentiment  de 
Junon ,  pria  foii  Amant  de  la  cacher  dans 
les  entrailles  de  la  terre  y  ce  qu'elle  obtint. 
Lorfque  le  terme  de  fon  accouchement  fut 
arrivé,  on  vit  fortir  de  la  terre  deux  en- 
fans,  qui  furent  appelles  Palices  ;  comme 
Ç\  on  difoit ,  enfans  fortis  de  la  terre  où 
ils  étoient  entrés  :  Fable  qui  a  la  même 
origine  que  toutes  celles  qui  appelloienc 
enfans  de  la  terre  les  hommes  dont  on 
îgnoroit  l'origine  ,  ou  qu'on  croyoit  nés 
dans  un  Pays  fans  fçavoir  de  qui.  Les  Pa- 
lices furent  fort  honorés  en  Sicile  :  ils  eu- 
rent un  fameux  Temple  dans  le  voiiinage 
de  la  Ville  d'Éryce.  P' es  de  ce  Temple ,  il 
y  avoit  deux  petits  Lacs  d'eau  bouillante  & 
enfoufîée  ,  d'où  on  croyoit  qu'ils  étoient 
fortis  à  leur  nailTance,  On  avoit  un  grand 
refpedt  pour  cette  eau  ;  c'étoit  là  qu'on 
venoir  faire  les  Sermens  folemnels  ;  &  les 
Parjures  y  étoient ,  dit-on ,  punis  fur  le 
champ  par  les  Divinités  qui  y  préiidoient. 
Il  y  eut  outre  cela  un  Oracle  dans  le  Tem- 
ple des  F  ai  ces  ,  auquel  les  Sicihens  avoient 
fouveufrecours. 

Palladium,. 

Statue  de  la  Déefle  Pallas,  repréfentée 


avec  une  Pique  à  la  main,  qu'elle  remuoic 
de  temps  en  temps ,  en  tournant  aufîi  les 
yeux.  Cette  Statue  écoit  tombée  du  Ciel» 
à  ce  que  ion  croyoit ,  lorfque  l'on  bâtif- 
foit  le  Temple  de  cette  DéQiTQ ,  dans  la 
Citadelle  de  Troye,  &  elle  s  y  ctoit  pla- 
cée ,  avant  que  ce  Temple  fut  couvert. 
L'Oracle  d'Apollon  ,  que  l'on  confulta 
alors ,  répondit  que  la  Ville  feroit  impre- 
nable ,  tant  que  ce  piéfent  du  Ciel  y  fe- 
roit confervé  j  &  qu'elle  feroit  ruinée,  fi 
on  le  tranfportoit  hors  des  murailles.  Pen- 
dant le  Siège  de  la  Ville  de  Troye ,  Dio- 
mède  &  Ulylfe ,  Capitaines  Grecs ,  en- 
trèrent dans  la  Citadelle  par  des  conduits 
fous  terre ,  Se  ayant  tué  la  Garnifon  du 
Château  ,  enlevèrent  le  Palladium  dans 
leur  Camp.  On  en  gardoit  un  à  Rome 
dans  le  Temple  de  la  Y^z^'^q  Vefla  \  ôc 
quelques  Auteurs  difent  que  c'étoit  la  vé- 
ritable Statue  de  Pallas.  Sur  quoi  Vives 
remarque  ,  qu'il  y  avoit  deux  Palladium 
à  Troye,  l'un  qui  étoit  confervé  comme 
une  chofe  facrée,  &  l'autre  qui  étoit  une 
figure  faite  à  la  relTemblance  du  premier, 
laquelle  éîoit  expofée  a  la  vue  du  Public  : 
qu'UlylTe  enleva  le  Palladium  fait  fur  le 
modèle  de  celui  qui  étoit  tombé  du  Ciel  ; 
niais  que  le  véritable  fut  tranfporté  en 
Italie  par  Eiiée ,  avec  les  Dieux  Pénates , 

Sij 


412  x=:r-.  PA== 

ôc  les  autres  Dieux  tutélaires  de  la  Ville 
de  Troye.  On  fie  à  Troye  plufî^urs  Céré- 
monies,  pour  confacrer  cette  Stauicj  ôc 
lorfqu'elie  fur  apporrée  à  Rome ,  on  en 
fie  tailler  plufieurs  en  bois  ,  en  la  même 
manière,  afin  que  la  reifemblance  de  ces 
figures  empcchâr  ceux  qui  voudroienc 
l'enlever,  de  reconnoîrre  le  vérirable  Pal-- 
ladium.  Il  y  a  eu  nuflî  autrefois  un  Palla- 
dium dans  la  CiradcUe  d'Athènes  ,  qui 
étoic  dédié  à  Minerve  ou  Pallas, 

Pall  A  s, 

Déeffe  de  la  Guerre  :  les  uns  la  diflin- 
guent  de  Minerve  \  les  autres  la  confon- 
dent avec  elle.  Ceft  la  Guerrière  Pallas  y 
quHéhode  fait  fortir  du  cerveau  de  Ju- 
piter. Il  l'appelle  la  Tritonienne  aux  yeux 
pers  Elle  eft  vive  &  violente,  dit-il,  in- 
domptable, aimant  le  Tumulte,  le  Bruit, 
la  Guerre  ,  &  les  Combats  ;  ce  qui  ne 
cof^ vient  guèîe  à  la  DéelTe  de  la  SagelFe, 
des  Arts  ^  ^^s  Sciences.  Cicéron  recon- 
noiil<.nr  plufieurs  Minerves^  dit  que  la 
cinquième  étoit  fille  de  Pallas,  dont  elle 
prie  le  nom  \  qu'elle  tua  fon  père,  parce- 
qu'il  la  voulou  violer. 

Pallium, 

Efpèçe  de  Manteau  Impérial,  dont  les 


Empereurs  Chrériens  commencèrent  d'ho- 
norer les  Prélacs  de  l'Eglife  dans  le  qua- 
trième Siècle  ,  voulant  que  ce  l'ut  l'orne- 
ment de  ces  Prélats ,  &  la  marque  de  leur 
Autorité ,  pour  le  Spirituel ,  fur  les  ordres 
inférieurs  de  leurs  Eglifes,  comme  les  Em- 
pereurs l'avoienc,  pour  le  Temporel,  fur 
ceux  de  leur  Empire.  Au  commencement, 
il  couvrit  tout  le  corps  du  Prélat^  &  deC- 
c^ndoïc  depuis  le  cou  jufqu'aux  talons,  à 
peu  pies  comme  font  nos  Chapes ,  à  la 
réferve  qu  il  écoit  fermé  par  devant,  ÔC 
tilTu  ,  non  de  foie ,  ni  de  Im  ,  mais  de 
laine,  pour  repréfentet  la  Bebis  que  Je- 
fus-Chrifi  le  bon  Pafteur  porte  fur  les 
épaules.  Depuis ,  ce  ne  fut  que  comme 
une  efpèce  d'école,  qui  pendoit  par  de- 
vant &  par  derrièr.-,  &  éroic  chargée  de 
quacre  coix  décarlite,  difpo'é^s  fur  les 
quatre  cô'.és  du  Pallium'y  c'eft-à-dire ,  fur 
l'eflomac  ,  fur  le  dos,  &  fur  les  d.ux 
ép.iul  s  ;  qui  eft  à  peu  près  la  forme  du 
Pallium  des  Pr'lars  d'aujoun'hui.  Les  Pa- 
triarches prenoient  le  Pallium  fur  l'Aucel, 
à.'xns  la  Cérémonie  de  leur  Confécrarion. 
ils  en  envoyoient  un  aux  Métropolitains 
de  leur  Patriarchac,  quand  ils  confirmoient 
leur  élection  \  &  ceux-ci  le  donnoient  aux 
Évèques  de  leur  Provmce,  en  les  confa- 
crant,  après  avoir  coniirmé  le  choix  qu'on 

S  iij 


414  C=2=PA=« 

en  avoit  fait  canoniquement  :  de  forte  que 
ni  les  uns  ni  les  autres  ne  pouvoient  faire 
aucune  fondion  pontificale,  qu'ils  n'euf- 
fent  reçu  le  Pallium.  Ils  ne  portoient  cet 
ornement  qu'à  l'Autel ,  en  célébrant  îa 
Meife  folemnelle  j  &  même  ils  l'ôroient 
pendant  qu'on  lifoit  l'Evangile.  Comme 
cet  honneur  étoit  une  pure  grâce  des  Em- 
pereurs, on  ne  donnoit  point  le  Pallium^ 
fans  en  avoir  d'eux  la  permilïîon.  Ainfi 
Saint  Grégoire  fupplia  l'Empereur  Mau- 
rice de  donner  au  Patriarche  Anaftafe  le 
Sinaïte ,  qu'on  avoit  dépofé ,  la  liberté  de 
venir  à  Rome ,  &  de  lui  permettre  de  por- 
ter le  PalliuTUy  afin  qu'il  y  pût  célébrer 
pontificaîement.  Voilà  quel  étoit  l'ufage 
du  Pallium  dans  l'Églife  Orientale. 

II  n'en  fut  pas  tout-à-fait  de  même  dans 
rOccident ,  q\x  l'on  ne  trouve  point  que 
les  Prélats  euflTent  cqi  ornement  avant  le 
VP  Siècle.  Ce  fut  au  commencement  de 
ce  Siècle,  que  le  Pape  Symmachus,  ayant 
fait  fon  Vicaire  dans  les  Gaules,  Céfarius, 
Mérropolitain  d'Arles ,  lui  envoya  le  Pal- 
lium ;  &  le  Pape  Virgilius ,  un  de  its  Suc- 
ceflfeurs,  dans  le  mcme  Siècle,  le  donna  à 
Auxentius,  aufli  Archevêque  d'Arles,  & 
Vicaire  du  Saint  Siège.  Car  cette  marque 
de  la  participation  du  pouvoir  du  Pape , 
ne  fe  donnoit  alors  qu'aux  feuls  Primats 


&  Vicaires  Apofloliques  ;  &  ce  ne  fut 
que  long-remps  après,  vers  le  milieu  du 
huitième  Siècle  ,  que  le  Pape  Zacharie 
l'accorda  à  tous  les  Métropolitains  ou  Ar- 
chevêques. Les  Papes  donnèrent  enfuite 
cet  ornement  à  plufieurs  Evèques  confî- 
^érables  ,  dont  quelques-uns  fe  quali- 
fièrent Archevêques ,  à  caufe  de  ce  droit , 
comme  ayant  une  Dignité  au-defTus  des 
Evèques  ordinaires.  J'ai  marqué  ci-deiTus 
la  forme  &  l'étofTe  du  Pallium  ;  il  faut  ici 
ajouter  que  la  laine  dont  on  le  fait,  eft 
prife  de  la  toifon  de  deux  agneaux ,  que 
Ton  offre  tous  les  ans  fur  FAurel  de  l'E- 
glife  de  Sainte  Agnès  à  Rome,  le  jour  de 
la  Fèce  de  cette  Sainte.  Deux  Chanoines 
de  S.  Jean  de  Latran  donnent  ces  agneaux 
aux  Sous-Diacres  Apoltoliques ,  pour  les 
élever  jufques  à  ce  qu'il  foit  temps  de 
les  tondre.  Alors  on  mêle  leur  laine  avec 
d'aurres  bien  blanches  &  bien  fines ,  pour 
en  faire  l'étoffe  du  Pallium, 

Palme. 

La  Palme  etoit  le  Symbole  de  la  fécon- 
dité ,  parceque  le  Palmier  fructifie  conti- 
nuellement jufqu'à  fa  mort.  C'eft  pour- 
quoi nous  en  voyons  fur  à^s  Médailles 
d  Empereurs  ,  qui  ont  procuré  l'Abon- 
dance dans  l'Empire.  La  Palme  étoit  auiîi 

S  iv 


le  Symbole  de  la  durée  de  TEmpire ,  par- 
ceque  cet  Arbre  dure  long-temps.  Enfin  la 
Palme  étoit  le  Symbole  de  la  Vidoire, 
parcequ'aux  jours  de  Triomphe  on  mettoit 
une  Palme  à  la  main  du  Victorieux.  On 
dit  que  Céfar  étant  fur  le  point  de  livrer 
bataille  a  Pompée,  apprit  qu'il  étoit  forti 
tout- à-coup  une  Palme  du  pied  de  la  Sta- 
tue qu'on  lui  av«Ht  dédiée  au  Temple  de 
la  Victoire  \  ce  qu'il  prit  pour  un  heureux 
préfage. 

Pammilies, 

Fctes  en  l'honneur  d'Odris.  On  dît 
qu'une  femme  de  Thèbes  non^hiée  Pam- 
mila  ,  étant  fortie  du  Temple  de  Jupiter 
pour  aller  quérir  de  Teau ,  entendit  une 
voix  qui  lui  ordonnoic  de  publier  que  le 
grand  Ofi'ls  étoit  né  •  que  ce  feroic  un 
grand  Prince ,  nuquel  l'Egypte  auroit  de 
grandes  obligations.  Pammila,  flattée  de 
cette  efpérance  5  nourrit  &  éleva  OHris. 
En  mémoire  de  la  Nourrice,  on  inftitua 
une  Fête  5  qui  de  fon  nom  fut  appellée 
Pammilies,  On  y  porto it  une  Figure  d'O- 
fîris  affez  femblable  à  celle  de  Priape,  par- 
cequ'Ofiris  étoit  regardé  comme  le  Dieu 
de  la  Génération ,  6c  de  routes  les  Pio- 
duibions. 


Pan, 

Dieu  des  Pafteurs,  a  été  auffi  con/îdérc 
comme  le  Dieu  de  la  Nature  :  ce  que  fon 
nom  fembloic  marquer  j  c.^r  nS/  en  Grec 
fignihe  Tour.  C'eft  pourquoi  on  compo- 
foit  fon  image  des  principales  chofes  qui 
fe  voyoient  dans  le  monde.  On  le  repré- 
fentoïc  avec  des  Cornes  :  pour  marquer, 
dit-on ,  les  Rayons  du  Soleil ,  &  \qs  Cor- 
nes de  la  Lune.  Son  vifage  étoic  tout  en- 
flammé ,  pour  imiter  l'Elément  du  Feu, 
11  avoir  i'eitomac  couvert  d'Etoiles,  pour 
/ignifier  le  Ciel.  Ses  cuifTes  &  fes  jambes 
velues  &  hériffées ,  pour  marquer  \qs  Ar- 
bres, les  herbes,  &  ies  bêtes.  11  avoit  des 
pieds  de  Chèvre ,  pour  montrer  la  foli- 
dite  de  la  Terre.  La  Flûte  repréfentoic 
l'Harmonie  que  les  Cieux  font,  félon  l'o- 
pinion de  quelques  anciens  Philofophes. 
Son  Bâton  recourbé  fignifioit  la  Révolu- 
tion des  Années.  Les  Anciens  croyoient 
que  Pan  couroit  la  nuit  par  les  Monta- 
gnes ;  d'où  eft  venu  que  l'on  a  appelle 
Terreur  Panique  une  épouvante  dont  on 
eft  faifi  pendant  robfcurité  de  la  nuit ,  ou 
par  une  imagination  fans  fondement  ;  ce 
qui  eft  fouvent  arrivé  à  àes  Armées  fore 
nombreufes  ,  qu'une  femblable  terreur  a 
jcttées  toui-d-coup  dans  la  conftemation. 

Sv 


4l8  =:PA  = 

On  dit  que  Pan  accompagna  Bacchus  dans 
les  Indes,  &  qu'il  l'aida  beaucoup  à  rem- 
porter tant  de  vidoires  :  on  a  cru  auiTi  que 
c'étoit  par  fon  fecours  que  les  Athéniens 
avoient  gagné  la  bataille  contre  les  Perfes 
dans  la  plaine  de  Marathon  j  car  on  dit 
que  Miltiade  étant  prêt  à  fe  battre  contre 
Tennemi ,  Pan  parut  à  la  tête  de  l'armée 
fous  l'apparence  d'une  ftature  plus  qu'hu- 
jnaine  \  qu'ayant  fait  fonner  aux  Trom- 
pettes &  aux  Cors  un  air  qui  infpiroit  de 
l'horreur ,  toute  l'armée  des  Perfes  prit 
l'épouvante  j  d'où  quelques-uns  difenc 
qu'eft  venu  le  mot  de  Terreur  Panique. 

Panacée, 

Surnom  donné  à  Diane ,  parcequ  elle 
ne  faifoit  que  courir  de  Montagnes  en 
Montagnes  &  de  Forêts  en  Forêts ,  qu'elle 
changeoit  fouvent  de  demeure ,  étant  tan- 
tôt au  Ciel ,  &  tantôt  fur  la  Terre  ou  dans 
les  Enfers  ;  qu'enfin  elle  changeoit  de  for- 
me &  de  figure.  Panagée  iignifie  celle  qui 
voit  tout. 

Panathénées, 

Certaines  Fêtes  qui  fe  célébroient  à 
Athènes,  en  l'honneur  de  Minerve,  Iq^-' 
quelles  Théfée  inftitua  après  avoir  affem- 
blé  tous  les  Bourgs  de  la  Province  d'Ac- 


tique  en  un  corps.  En  ces  Soîemnités, 
l'on  combattoic  à  la  Lutte,  de  les  Athlètes 
étoient  tout  nuds ,  à  raifon  de  quoi  les 
femmes  en  étoient  bannies ,  &  les  Etran- 
gers aulTî  :  mais  on  y  voyoit  d'ordinaire 
un  Chœur  de  jeunes  Garçons  de  de  jeunes 
Filles  5  qui  danfoienc  aux  chanfons.  Il  y 
avoit  de  deux  fortes  de  ces  Jeux  ;  fçavoir, 
les  Grands,  qui  fe  celébroient  de  cinq  en 
cinq  ans  ;  &  les  Petits ,  que  l'on  faifoir 
tous  les  ans. 

Pancarpe, 

Spedacle  d^s  Romains ,  où  certains  hom- 
mes forts  &  hardis  combattoient  contre 
routes  fortes  de  bètes  ,  moyennant  une 
fomme  d'argent.  Ce  nom  eft  proprement 
compofé  de  toutes  fortes  de  fruits ,  mais 
enfuite  on  Ta  donné  à  ce  qui  contenoit  tou- 
tes fortes  de  fleurs  :  puis  à  ce  qui  étoit  com- 
pofé de  diverfes  chofcs ,  comme  ce  Com- 
bat Public  où  l'on  faifoit  paroître  quan- 
tité d^animaux  de  différentes  efpèces.  Le 
lieu  de  ce  Spediacle  ctoit  l'Amphithéâtre 
de  Rome  :  êc  ces  fortes  de  jeux  ont  duré 
jufqu'au  temps  de  l'Empereur  Juftinien  , 
qui  règnoit  dans  le  /îxième  /iècle.  Quelques 
Auteurs  confondent  Pancarpe  avec  la  Syl- 
ve  \  mais  il  y  a  cette  différence  entre  ces 
deux  Diyertiflemens  Publics,  que  Fan» 


^20  £=::^PA  = 

carpe  éroît  au  Combat  contre  les  bêtes, 
qui  fe  faifoit  dans  l'Amphithcatre  ;  &  la 
Sylve  étoit  une  efpèce  de  ChafTe  ,  que 
Ion  repréfentoit  dans  le  Cirque.  Dans  le 
Pancarpe  ,  c'étoient  Aqs  hommes  gagés 
qui  combatcoient;  &  dans  la  Sylve,  c'étoic 
le  peuple  qui  chafloit  ,  au  milieu  d'une 
Forêt  artificielle. 

Pancratie. 

C'eft  le  nom  que  les  Grecs,  donnoienr 
aux  cinq  Exercices  Gymniques  qui  fe  fai- 
foient  dans  les  Fêtes  Publiques  ;  fçavoir ,  le 
Combat  à  coup  de  poing  ,  la  Lutte ,  le 
Difque  ,  la  Courfe  ,  &  la  Danfe.  Ceux 
qui  faifoient  tous  ces  Exercices  étoienc 
nommés  Pancratiaftes. 

Panda, 

Déeffe  qui  rend  les  chemins  libres  y 
qui  ouvre  les  chemins.  Tatius  voulant  fe 
rendre  maître  du  C apitoie  ,  invoqua  la 
Divinité  qui  pouvoit  lui  en  ouvrir  le  che- 
min j  lorfqu'il  y  fut  arrivé  ,  il  rendit  grâ- 
ces à  cette  Divinité  ,  &  ne  fçichant  quel 
nom  lui  donner  ,  il  riionora  fous  le  nom 
de  Panda,  Elle  devint  la  Y^éf^^Q  à^s  voya- 
geurs. La  Déelfe  de  la  Paix  fut  aulîî  ap- 
pellée  de  ce  nom  ,  parcequ'elle  ouvroic 
les  portes  des  Villes  que  la  guçire  tenoic 


T 


fermées.  Varron  croit  que  Panda  neft 
qu'un  furnom  de  la  DéeCTe  Cérès  ,  qui 
vient  de  Pane  dando ,  celle  qui  donne  le 
Pain  aux  hommes. 

Pandore, 

Femme  admirable  ,  fabriquée  par  Vul- 
cain.  Tous  les  Dieux  lui  avoienr  donr^é 
quelque  chofe  ,  Vénus  la  beaucé  ,  Pallas 
la  fagelH  ,  Mercure  l'éloquence  ,  &c.  Oïi 
dit  que  Jupiter  ,  irrité  contre  Piomerhée, 
qui  a  voit  dérobé  le  feu  du  ciel  ,  envoya 
Pandore  fur  la  terre  avec  une  boîte  fatale  , 
quEpimérhée,  frère  du  même  Promethée, 
ouvrit  j  en  forte  que  toutes  les  maladies 
dont  elle  étoir  pleine  fe  répandirent  ici 
bcis  ,  ne  reftant  que  la  feule  Espérance  , 
qui  fe  trouva  au  fond.  Cette  Théologie 
des  Païens  repréfentoit  la  nature  5  en  la 
perfonne  de  Pandore, 

ÉNIGME      LXXL 

Je  fuis  un  enfant  de  la  mode , 
Incommode  par  fois ,  &  quek]uefois  commode , 

Pouu  ravir  à  l'éclac  du  jour 
Le  dcfordre  qui  naît  quelquefois  de  l'Amour. 

Je  procure  une  forme  unie , 
Qui  trompe  adroitement  le  plus  fin  connoifïeur  j 

Et  mon  artifice  pallie 

Le  naufrage  de  la  pudeur. 


^22.  c=PA==: 

Panthée, 

Statué'  qui ,  par  les  différentes  marques 
donc  elle  étoit  accompagnée  ,  repréfentoic 
tous  les  Dieux  ,  ou  du  moins  les  plus  con- 
iîdérables.  Ce  mot  efl  formé  de  Trh ,  qui 
fîgniiie  Tout  en  grec  ,  &  de  ©ta? ,  qui 
veut  dire  Dieu.  Ainfi  les  Païens  appel- 
loient  Panthea ,  les  Temples  où  ils  ado- 
roient  tous  les  Dieux  enfemble  ,  ôc  où 
Ton  voyoit  tous  leurs  portraits  ou  figures  : 
tel  qu'étoit  ce  célèbre  Panthéon  de  Ro- 
me ,  qui  fut  dédié  par  le  Pape  Boniface  III 
à  la  Sainte  Vierge  &  à  tous  les  Saints  \  & 
fe  nomme  Sainte  Marie  de  la  Rotonde, 
parcequil  eft  bâti  en  forme  ronde  &  en 
Dôme.  Dans  ces  Statues  ,  Jupiter  étoic 
marqué  par  le  Foudre  ,  Junon  par  une 
Couronne  ,  Mars  par  un  Cafque ,  le  So- 
ieil  par  des  rayons  ,  la  Lune  par  un  Croif- 
fanr  ^  Céres  par  la  Corne  d'abondance,  ou 
par  l'Epi  de  blé ,  Cupidon  pir  une  Troufle 
de  flèches ,  Mercure  par  des  ailes  aux  ta- 
lons 5  ou  par  un  Caducée  ;  Bacchus  par  le 
Lierre  \  Vénus  par  la  beauté  du  vifage  ,  & 
ainfî  des  autres  Divinités.  On  mettoit  ces 
Caradères  de  différentes  Divinités  fur  la 
Sratuc  .  ou  entre  Tes  mains ,  félon  rinduf- 
trie  de  l'ouvrier  qui  faifoit  paroître  en  cela 
Texcellence  de  fon  Art,  Oa  en  voit  qui 


repréfentent  tous  les  Dieux ,  d'autres  tou- 
tes les  Déeiïes ,  &  quelques-uns  qui  re- 
préfentent les  uns  ôz  les  autres  enfembler 

Panthéon, 

Temple  en  l'Honneur  de  tous  les  Dieux, 
comme  fon  nom  le  porte.  Le  plus  fameux 
Panthéon  fur  celui  que  fit  bâtir  M.  Agrip- 
pa ,  gendre  d'Augulle ,  &  qui  fubfifle  en- 
core à  préfent  dans  fon  entier.  Il  efl:  de 
figure  ronde ,  ne  recevant  le  jour  que  par 
un  grand  trou  qui  eft  au  milieu  de  la 
voûte.  Il  y  a  autour  de  ce  Temple  (ix  gran- 
des niches,  qui  étoienr  deftmces  pour  \q% 
fix  principaux  Dieux.  Et  afin  qu'il  n'y  eût 
point  de  jaloufie  entre  les  Dieux  pour  la 
préféance  ,  dit  Lucien  ,  on  donna  au  Tem- 
ple la  figure  ronde.  Pline  en  donne  une 
meilleure  raifon  ,  c'eft  parce  que  le  con- 
vexe de  fa  voûte  repréfente  le  Ciel ,  la 
véritable  demeure  des  Dieux.  Le  Portique 
qui  eft  devant  ce  Temple  ,  eft  plus  furpre- 
nant  que  le  Temple  même  :  il  eft  com- 
pofé  de  feize  colonnes  de  marbre  granité 
d'une  énorme  gran^ieur  ,  &  routes  d'une 
pierre.  Chacune  a  près  de  cinq  pieds  de 
diamètre  fur  trente-fept  pieds  de  haut , 
fans  la  bafe  &  le  chapiteau.  La  couverture 
de  cet  édifice  étoit  de  lames  d'argent ,  que 
Conftantin  fit  emporter  dans  fa  nouvelle 


424  £==  P  A   =3 

Rom£.  Ce  magnifique  Temple  a  été  de- 
puis confacré  par  les  Pontifes  Romains, 
en  l'Honneur  de  la  Sainte  Vierge  6c  de 
tous  les  Martyrs. 

Il  y  avoit  à  Rome  un  autre  Panthéon 
dédié  particulièrement  à  Minerve  Méde- 
cine 5  Minervœ.  Medicœ  :  ce  Panthéon  éroit 
en  dedans  de  figure  décagone  ou  d  dix  an- 
gles bien  diftin^ués.  Il  y  avoit  vingt-deux 
pieds  Se  demi  d'un  angle  à  l'autre ,  ce  qui 
donne  en  tout  deux  cents  vingt-cinq  pieds. 
Entre  les  angles  il  y  avoit  par-tout  des 
Chapelles  rondes  en  voûte  ,  excepté  d'un 
coté  où  étoit  la  porte  :  ces  neuf  Chapelles 
étoient  pour  autant  de  Divinités  :  la  Sta- 
tue de  Minerve  étoit  en  face  de  la  porte 
èc  occupoit  la  place  d'honneur. 

On  croit  que  le  Temple  de  Nifmes 
qu'on  dit  être  de  Diane ,  étoit  un  Pan^ 
théon.  Il  y  avoit  douze  niches  ,  dont  Ç^x. 
reftent  encore  fur  pied.  C'étoit  un  Tem- 
ple confacré  aux  dou^e  G  ands  Dieux , 
que  quelques-uns  ont  appelle  pour  cela 
Dodécathéon. 

Panthèrï, 

Bète  féroce  que  Ton  croit  ctre  la  fetnelîe 
du  Léopard.  C'eft  l'Animal  favori  de  Bac- 
chus  3  parceque ,  dit  Philoftrate  ,  des  nour- 
rices de  Bacchus  avoient  été  changées  en 


Panthère  ,  ou  félon  d'autres ,  parceque  cet 
animal  aime  les  rai/îns.  On  trouve  fou- 
vent  la  Panthère  dans  les  Monumens  de 
Bacchus.  Elle  ell:  aulîi  un  Symbole  de  Pan  : 
on  croit  même  que  fon  nom  en  a  été 
formé. 

P  A  H  T  0  M  I  M  I  s  , 

Boufons  qui  repréfentoient  toutes  for- 
tes de  chofes  par  des  Gefticulations  ingé- 
nieufes  ,  &  exprimoient ,  par  le  mouve- 
nirnr  du  corps  5  Hes  doigts  ^  des  yeux  , 
les  prmcipales  actions  du  fujè:  d'une  Co- 
^  méJie.  On  les  app^4loit  Mimes  ,  mais 
Pantomimes  difoit  quelque  chofe  de  plus. 
On  donnoic  encore  le  nom  de  Mmies  â 
de  petires  pièces  de  Poëiie  ,  que  des  Mi- 
mes chanroienc  en  dinfnnc  fur  le  Théâcre, 
avec  des  geftes  qù  expâmoi^nt  le  fens 
de  leurs  paroles  ,  fuivanr  cette  me:  veilleule 
méthode  des  Anciens  ,  peu  connue  de 
notre  temps.  Q  islques  uns  ont  cru  que 
Pylade  (S<:  Batlivlle  ,  qui  parnrmt  fous 
TEmpereur  Auguite  ,  furent  les  premiers 
Pantomimes  ;  mais  cela  fe  doit  entendre 
de  ceux  qui  fe  féparèrent  du  Théâtre  des 
Comédiens  ,  pour  former  une  trouoe  a 
part  ,  &  faire  l-urs  Repréfentations  dans 
l'Orcheflre  fans  Comédie.  Car  il  eft  cer- 
tain que  du  temps  d'Efcliyle,  il  y  avoit 


42^  =PA  = 

des  Pantomimes  ;  &:  Ariftoclès  loiie  fort 
Telefte  ^  dont  fe  fervoit  ce  Poëte  >  parce- 
qu'il  avoir  admirabkmenc  bien  danfé  dans 
la  Tragédie  intirulée  ,  les  Sept  devant 
Thebes,  Mais  Pylade  ,  natif  de  Cilicie  , 
&  Batrhylle  ,  d'Alexandrie  ,  étant  venus 
à  Rome  du  temps  d'Augufte  ,  inventèrent 
îa  Danfe  ,  qu'ils  appellèrent  Italique  , 
parcequ'ils  commencèrent  à  la  ioiier  en 
Italie  :  dans  laquelle  ils  repréfentoient  à^^ 
fujèts  Tragiques,  des  Comiques  &  des 
Sâtyriques  ,  d'une  manière  fort  agréable 
au  Peuple  Romain  ,  qui  admiroit  l'artifice 
de  ces  Comédien  muettes  ,  où  les  geftes 
exprimoient  prefque  auflî-bien  que  les  pa- 
rofîes.  Pylade  excelloit  dans  les  fujèts  Tra- 
giques ,  &:  Batthylle  dans  les  Comiques 
ou  Saryriques  :  ce  qui  leur  donna  lieu  de 
faire  deux  bandes  qui  joiierenc  à  parc,  Plu- 
tarque  fait  deux  grands  difcours  dans  fes 
propos  de  Table ,  fur  l'adrelle  de  ces  Dan- 
feurs  ingénieux  à  repréfenter,  par  des  mou- 
vemens  te  èsts  poftures  ,  les  perfonnes  & 
les  avions  ;  ou  il  dit  que  la  Poëfie  eft  une 
Danfe  parlante ,  &  la  Danfe  une  Poëiie 
muette. 

Pantoufles. 

Elles  ont  été  la  ChaulTure  de  nos  An- 
cêtres, &  ils  portoient  indifféremment  des 


=:PA=5  427 

Souliers  ou  des  Pantoufles  ,  fuivanr  les 
courfes  qu'ils  avoient  à  faire.  L'ufage  des 
Fantoujiès  fut  défendu  aux  Eccléfiafti- 
qucs  ,  par  un  règlement  du  Concile  de 
Sens. 

ÉNIGME     LXXIL 

Nous  roir^mes  deux  foeurs  très-jumelks  , 

Toutes  deux  ou  laides  ou  belles  : 

Une  parfaite  égalité , 

Pour  la  laideur  ou  la  beauté  , 
Règne  encre  nous.  Ainfl  de  vaine  jaloufie 

Jamais  notre  âme  n'efl  faifie  j 

Et  le  malade  &  le  fcavant 

Se  fervent  de  nous  fort  fouvent. 
Nous  hébergeons  par  fois  des  Kôres  trop  aima* 

bles, 
Et  quelquefois  aufTi  de  très-défagrcables  5 

Car  nous  fervons  tous  les  états  , 

Et  les  plus  hauts  £i  les  plus  bas. 
Tantôt  nous  paroirfons  gentilles  &  proprettes  > 

Tantôt  mauffades  &  mal-faites. 
Très-iarement  nous  quittons  la  maifon  ; 
Mais  le  beau  Sexe,  en  la  belle  Saifon, 

Nous  trouve  d'un  ufage  utile 

Dans  la  maifon  ou  dans  la  Vilk  j 
Et  nous  fuivons  Tes  pas  incefTamment , 

Ainfî  que  feroit  un  Amant. 
Nous  avons  plufîeurs  noms,  &:  fai^'nnt  les  contrées^ 

Sommes  divcrfement  parées. 


428  ==^PA== 

On  ne  nous  fait  point  de  quartier , 
Nous  femmes  fans  yeux  ,  fans  oreilles  s 
Auffi-bien  pour  notre  métier , 
Nous  nous  en  pafions  à  merveille  : 
Mais  pour  finir  ce  portrait  &  ces  vers, 
Par  un  grand  trait  fincére  ôc  véritable , 
Une  feule  de  nous  cft ,  dans  cet  Univers , 
Pour  les  humains ,  très-refpedable. 

Paon, 

Oiféau  favori  de  Jiinon ,  &  qui  l'accom- 
pagne ordinai'/ement  dans  fcs  image?  :  c'eft 
fon  Symbole  infaillible ,  comme  TAigle 
l'eil  de  Jupirer.  'CÇs  cent  yeux  d'Argus 
furent  tranfportés  par  Junon  fur  la  queue 
de  cet  Oifeau ,  dit  la  Fable. 

Paphe, 

Fils  de  Pygmaîion  ,  de  d'une  femme  que 
la  Fable  dit  avoir  été  auparavant  une  Sta- 
tue d'yvoire.  Les  Poètes  racontent  que 
Pygmaîion  ,  célèbre  Sculpteur  ,  étant  venu 
dans  rifle  de  Cypre ,  &  ayant  vu  que  tou- 
tes les  femmes  y  vivoient  dans  un  grand 
libertinage  ,  fe  réfolut  de  ne  point  fe  ma- 
rier ;  qu'en  ce  même  temps  il  fit  une  Sta- 
tue d'yvoire  d'une  beaucc  achevée  ,  dont 
il  devint  amoureux  )  Se  que  pour  conten- 
ter fa  pafîion ,  il  pria  la  Déelfe  Vénus  y  ^ 


=  P  A  =3  42> 

qui  étoîr  en  grande  vénération  dans  cette 
llli  ,  'Je  lui  proca.er  une  femme  aufîi  belld 
que  cette  S:atuc  qui  fortoit  de  fes  mains. 
Venus ,  difenc  ces  Pocces  ,  exauçant  fa 
prière  ,  changea  cette  Statue  d'yvoire  en 
une  tres-belie  hlle  ,  que  Pygmalion  prie 
pour  fa  femme  ,  dont  il  eut  Paphe  ,  qui 
bâcir'en  ce  lieu  une  Ville,  à  laquelle  il 
donna  fon  nom. 

Papho  s  , 

Ville  de  l'Ifîe  de  Chypre  ,  confacrée  à 
Vénus  ,  encore  plus  particulièrement  que 
le  refte  de  Tlfle.  Elle  y  avoir  un  Temple 
magnifique  ,  où  cent  Autels  lui  font  dref- 
fés  ,  dit  Virgile  ,  &  fur  lefquels  fume  un 
éternel  encens.  C'eft  qu'on  n'immoloit  ja- 
mais de  vidimes  fur  les  Autels ,  ou  du 
moins  le  fang  n'y  couloir  jamais. 

PAPHUS 

Fut  le  fruit  de  l'Amour  que  Pygmalion 
conçut  pour  une  belle  Statue  qu'il  avoic 
faire.  Les  Dieux  l'ayant  animée  ,  il  en  fie 
fa  femme  &  en  eut  ce  fils  ,  qui ,  en  mé- 
moire de  fa  naiffance  ,  bâtit ,  dans  l'Ifle  de 
Chypre ,  la  Ville  de  Paphos  ,  &  y  confacra 
un  Temple  à  la  Vénus  fa  mère. 


^30  c=  P  A 

ÉNIGME    LXXIÎL 

Efpric  de  la  moyenne  clafTe , 

Non  logeant  auprès  d'Apollon  , 

Mais  qui  vers  le  bas  du  vallon, 
Comme  moi,  n'occupant  qu'une  trcs-foibic  place, 

Ne  pouvez  l'admirer  en  îzcz , 
Et  n'avez  de  lueur  tout  au  plus  qu'un  rayon  ; 

C'eft  à  vous  feul  que  je  fais  don 

D'une  Enigme  qui  m'embarralfe  : 
Voyons  fî  vous  pourrez  en  deviner  le  nom. 

Je  fuis  d'un  falutaire  ufage  ; 

Je  brûle  au  milieu  des  combats. 
On  ne  fçauroit  fans  moi  régler  aucune  affaire  > 

Tant  je  fuis  par-tout  néceifaire  , 
Aux  Amans  éloignés.,  je  fuis  d'un  grand  fecours , 
Mon  corps  en  mille  endroits  galoppe  nuit  &  jour 
Sufceptible  à  la  fois  de  bonté ,  de  malice , 

Mes  emplois  font  bien  différens. 

Tantôt  je  fers  à  l'artifice , 

Tantôt  la  Vertu  je  défends. 
L'homme  eft  fi  peu  confiant,  fî  léger,  C  volage, 
Qu'après  m'avoir  ardemment  defîré, 

Il  me  met  au  plus  vil  ufage  ; 
ît  mon  moindre  malheur  cfl  d'être  lacéré. 

Parasites. 

C'étoient  chez  les  Grecs  des  MiniflreS; 
fubalternes  des  Dieux  ,  c'étoient  eux  qui 
ramaiToient  &  choifîiroient  les   fromensi 


qu'on  dediiioic  pour  le  Cuire  Sacré  j  ÔC 
de  Li  venoic  le  nom  de  Parajite,  qui  iîgni- 
fîe  celui  qui  a  foin  du  blé.  Ces  Parajïus 
croient  en  honneur  à  Athènes  \  ils  avoienc 
féance  parmi  les  principaux  Magiftrats  : 
ils  avoienr  part  aux  viandes  des  Sacrifices. 
Dans  la  fuite  le  nom  de  Parajiu  dégéné- 
ra ,  lorfqu'on  Tappliqua  à  ces  flatteurs  , 
qui  par  des  bafTetres  ou  par  des  moyens 
indignes ,  fe  produifoien:  aux  Tables  des 
Grands  Seigneurs  &  à^<i  Gens  Riches , 
precs  a  tout  raire  pour  s  y  mamtenir. 

Pardon. 

Du  fang  que  j'ai  verfé ,  j'entends  la  voix  qui  crie,' 
Et  monte  jufques  dans  les  Cieux  ; 
J'ai  fans  cz^ç.  devant  les  yeux 

Cet  homme  dont  mon  fer  vient  de  trancher  la  vie  : 

Pardonne-moi,  Grand  Dieu,  ce  forfait  odieux. 

Le  Pardon,  efl  repréfenté  fous  la  figure 
d'un  jeune  homme  à  demi-nud,  qui  ve- 
nant de  fe  battre  en  duel ,  &  ayant  tué  foiî 
ennemi ,  eft  touché  d'une  vive  douleur  & 
d'un  fecrèt  repentir  ;  il  rompt  fou  Épée 
qui  a  fait  ce  meurtre  ,  &  regardant  le  ciel, 
il  en  demande  Pardon  à  Dieu. 

Pardon  des  Juifs. 

Les  Juifs^ont  une  Fèce  qu'ils  appellent 


432  r==  P  A  == 

le  Jour   du    Pardon  ,    qui   fe    célèbre  Je 
dixième  du  mois  7  ifri  qui  répond  â  Sep- 
tembre. Lcon  de  Modène  remarque  que 
les  Juifs  prariquoienc  autrefois  une  cer- 
taine Cérémonie  la  veille  de  cer:e  Fête, 
qui  conlîftoic  à  frapper  trois  fois  la  tête 
d'un  coq  en  vie  ,  &  de  dire  à  chaque  fois 
qu'il  foir  immolé  au  lieu  de  moi  :  laque  le 
Cérémonie  fe  nommoit  Expiation  j  mais 
elle  ne  s'obferve  plus  en  Italie  6c  au  Le- 
vant,  parce  qu'on  a  reconnu  que  c'étoit 
une  fuperftition.   Ils  mangent  beaucoup 
cette  même  veille  ,  à  caufe  qu'il  eft  jeûne 
le  lendemain.  Plulîeuis  fe  baignent  &  fe 
font  donner  les  rrenre-neuf  coups  de  foiiet 
nommés  Malcuth.  Ceux  qui  retiennent  le 
bien  d'aurrui ,    quand  ils  ont  de  la  con- 
fcience,  le  rcftituent  alors.  Ils  demandent 
Pardon  à  ceux  qu'ils  ont  ofFenfés  »  &  ils 
pardonnent  à  ceux  qui  les  ont  offenfés.  Ils 
font  des  Aumônes  ,  &  généralement  tout 
ce  qui  doit  accompagner  une  véritable  Pé- 
nitence. Après  fouper  plufieurs  fe  vêrenc 
de  blanc ,  &  en  cet  état ,  fans  fouliers  , 
ils  vont  à  la  Synagogue  ,  qui  eft  fort  éclai- 
rée ce  foir- la  de  lampes  &  de  bougies. 
Là  5  chaque  Nation ,  félon  fa  coutume  , 
fait   plufieurs  prières  &  confefîions  pour 
marquer  fa  pénitence  ,   ce  qui  dure  aix 
moins  trois  heures.:  après  quoi  on  va  fe 

coucher. 


coucher.  Il  y  en  a  quelques-uns  qui  pafTent 
toute  la  nuit  dans  la  Synagoaue  ,  priant 
Dieu  &  réciranc  des   Pfeaunles.   Le  kn- 
ciemain  ,  dès  le  point  du  jour  ,  ils  retour- 
nent tous  a  la  Synagogue,   habillés  corn-' 
me  le  jour  précédent,  &  y  demeurent  juf- 
qualanuit,  difant ,    fans  interruption  , 
dos  Prières,  des  Pfeaumes ,  des  Confef- 
lions  ,   Se  demandant  à  Dieu   qu'il  leur 
pardonne  les  péchés  qu'ils  ont  commis. 
Lorlque  la  nuit  eft  venue,  en  foite  qu'on 
voye  les  Etoiles ,  on  Tonne  d'un  cor ,  pour 
niarquer  que  le  Jeûne  eft  fini  :  après  quoi 
lis  fortent  de  la  Synagogue ,  &  fe  faisant 
es  uns  les  autres  ,  ils  fe   fouhaitent  un- 
longue  vie.  Ils  bénifTent  la  nouvelle  L'ine^ 
âc  étant  de  retour  chez  eux,  ils  rompent 
le  Jeune  &  manaent. 


Pares  ss 


Le  PIsifîr  qne  produit  une  douce  MoIIeifc , 
Ditl'efclave  de  Ja  Paresse, 
Eil  l'unique  qui  me  {uffic  • 
'Et  tout  autre  me  fait  dépir. 

LxParefe  a  pour  Emblème  la  repréfenra 
non  d'une  vieille  femme  nonchalamment 
affife  fur  une  pierre  ,  ayant  ^  tête  appuyée 
fur  la  main  gauche  ,  avec  ces  mots T l'en- 
tour  Torfei  mers,  A  Tes  pieds  on  apo-r- 

TomellL  .  Y^ 


414'  =r^-PA  = 

çok  des  Quenouilles  rompues  j  elle  tient 
aufli  de  la  main  dioice  le  Poilfon  appelle 
Torpille  ,  Symbole  de  la  Pareffe  ,  cet  ani* 
mal  engourdit  la  main  dès  qu'on  y  touche, 
ielon  plufieurs  Naturaliftes. 

Ce  Vice  Te  repréfente  auiîî  par  une 
femme  alîife  dans  l'inaârion ,  ôc  dans  une 
igipèce  d'engoardilTemenc.  Elle  eft  vêtue 
en  défcrdre  ,  ayant  les  bras  ôc  les  jambes 
troifées.  Son  Attribut  eft  une  Tortue  ôc 
un  Limaçon.  Les  Anciens  en  faifoient  une 
Divinité  Allégorique  ,  fille  du  Sompieil  ôc 
de  la  Nuit, 

JL'Ariofte  h  peint  ainfi  : 

Vair  altro  la  Pignya  in  terra  fiede. 

Che  npnpuo'  cpidar,  e  malfirc^ge  in  pîeclf^ 

Paris, 

Fut  un  des  fils  de  Priam  Roi  de  Troye^ 
îiécube  fa  mère  étant  gfoiTe ,  eut  un  fonge 
fiinefte  y  il  lui  fembloit -qu'elle  portoit  dans 
ion  fein  un  Fbmbeau  qui  devoit  un  jour 
embraler  l'Empire  des  Troyens.  Les  De- 
vins confultés  fur  ce  rêve  ,  dirent  que  le  i 
fijs  que  cette  Princeffe  mettoit  au  monde , 
feroit  la  caufe  de  la  défolation  de  fa  Patrie, 
Sur  cette  réponfe  ,  aufîi-tot  qu'il  fut  né  , 
on  le  fit  expofer  fur  le  Mont  Ida ,  où  quel^ 
que*  bergers  le  nourrirent,  fous  le  noî^' 


d  Alexandre,  qui  fut  fon  premier  nom. 
Quand  il  fut  devenu  grand  ,  il  fe  rendit 
fameux  parmi  fes  compagnons  par  fon  ef- 
prit  &  par  fon  adrelTe  j  il  fe  fie  aimer  paf 
une  belle  Nymphe  de  ces  cantons  qu'il 
époufa. 

Mais  Tadion  qui  la  rendu  plus  célè- 
bre, c'étoit  fon  jugement  à  l'égard  des 
trois  DéeiTes.  Tous  les  Dieux  avoient  été 
invités  aux  Noces  de  Pelée  5c  de  Théri^, 
La  Difcorde  feule  en  fut  exclufe  ,  de  peur 
qu'elle  n'y  caufât  du  défordre.  Indignée 
de  cet  affront ,  elle  chercha  les  moyens  de 
s'en  venger,  Se  en  inventa  en  effet  un, 
par  le  moyen  duquel  elle  y  joua  fon  rolle 
fans  paroîcre.  Au  milieu  du  Feftin  elle 
jetta  une  Pomme  d'Or  qui  portoic  cette 
Infcription  :  J  LA  PLUS  belle.  Il  n'y  eut 
aucune  des  Déelfes  qui  d'abord  ne  pré- 
tendit l'emporter  fur  fes  rivales  :  cepen- 
dant elles  cédèrent  enfuite  à  Junon  ,  à  Mi- 
nerve ,  &  à  Venus.  Ces  trois  DéeiTcs  de- 
mandèrent d'abord  des  Juges.  L'affaire 
étoit  délicate  ,  &  Jupiter  lui-même  n'o- 
fant  terminer  ce  différend ,  crut  devoir  les 
envoyer,  fous  la  conduite  de  Mercure, 
fur  le  Mont  Ida  devant  le  Berger  Alexan- 
dre 5  qui  avoir  la  réputation  d  être  bon 
connoiireur  en  cette  matière.  Chacune  fit 
«n  particulier  de  grandes  offres  à  fon  Ju* 

Tij 


^,6  .==V  A^=  ^ 

ge  5  s'il  vouloic  pi-ononcer  en  fa  faveur  t 
janon,  dont  le  pouvoir  s'ccendoic  fur 
toLues  les  Richeifes  de  l'Univers  ,  promit 
qu'elle  le  combieroic  de  biens.  Minerve 
lui  offrit  la  Sagefle  ,  comme  le  plus  grand 
de  tous  les  biens  :  &  Venus  !ui  promit  de 
le  rendre  poif^ifeur  de  la  plus  belîe  fem- 
VAQ  de  l'Univers.  Soit  que  l'offre  de  Vé- 
HLîS  fut  plus  du  [jout  de  Paris  ,  foit  qu'il 
h  trouvât  eifcctivement  plus  belle  que  les 
deux  autres ,  il  lui  adjugea  la  Pomme.  Ju- 
uon  &c  Minerve  jurèrent  de  fe  venger  de 
cet  affront ,  ôz  rrAvaillèrent  4e  concert  à  la 
ruine  des  Troyens. 

Une  aventure  qui  arriva  peu  de  temps 
après ,  fit  reconnoître  Alexandre  à  ia  Cour 
pour  ce  qu'il  étoit ,  &  le  fit  rétablir  dans 
Ion  rang.  On  devoit  célébrer  à  Troye  des 
Jeux  Funèbres  en  fhonneur  de  quelque 
Prince  de  la  Famille  Royale.  Les  fils  de 
Priam  combattoient  dans  ces  Jeux  ,  &  le 
prix  de  la  Viûoire  étoit  un  Taureau.  Le 
beau  Berger  du  Mont  Ida  fe  préfenta  à  ces 
Jeux  ,  &  ofa  combattre  contre  {es  frères , 
qu'il  vainquit  les  uns  après  les  autres.  Dei- 
phobe  ,  honteux  de  fa  défaite  ,  voulut  ruer 
Alexandre ,  lorfqu'il  produifit  les  langes 
avec  lefqaels  il  avoir  éré  expofé  5  Se  tut 
reconnu  par  fa  mère.  Priam  le  reçut  avec 
b^aycoup  de  joie  ,  Se  croyant  que  i'Oraclç 


qal  avcit  prédit  les  ma^heiirs  qae  ce  fils 
dévoie  lui  caufer  avant  qu'il  eut  i'age  de 
trente  ans  ,  que  cet  Oracle  ,  dis-je  ,  étoiî 
faux  j  puifqu'il  avoir  les  trente  ans  accom- 
plis ,  le  fit  conduire  au  Palais  &  lai  donna 
le  nom  de  Paris, 

Priam  l'envoya  enfuice  en  Grèce ,  ious 
prétexte  de  facriher  à  Apollon  Daphncen  ^ 
mais  en  effet  pour  recueillir  la  ruccellioa 
de  fa  tante  Héfione.  Dins  le  voyage  il  de- 
vint amoureux  d'Hélène  &  l'enleva. 

Pendant  le  fiége  Je  Troye  ,  un  jour  qua 
\<is  deux  armées  croient  ea  préfence ,  fur 
le  point  da  combattre  ,  Paris ^  femblable  à 
un  Dieu ,  dit  Homère  ,  s'avança  i  la  tècs 
c^s  Troyens ,  couvert  d'une  peau  de  Léo- 
pard 5, armé  d'un  arc  &  d'une  épée ,  6c  avec 
une  contenance  fière  &  menaçante ,  il  dé- 
fioit  les  plus  braves  des  Grecs.  Ménélas 
ne  l'eut  pas  plutôt  apperçu  ,  qu'il  courut  ^ 
lui,  fe  pfomeitant  de  punir  fa  perfidie ^ 
mais  Paris  ,  en  le  voyant  ,  fut  faifi  ds 
frayeur  &  s'alla  cacher  au  milieu  des  Ba- 
taillons Troyens.  Hedor  rougilfmc  de  fi 
lâcheté  ,  lui  en  fait  de  fanglans  reproches  ; 
«  Lâche,  lui  dit-il.  ru  n'as  qu'une  mine 
î>  trompeufe,  &"  tu  n'es  vaillant  qu'auprès 
59  des  femmes  ;  pernde  féducteur ,  pliic 
>»  aux  Dieux  qu?  tu  ne  fufTes  jamais  né, 
»  ou  que  tu  fulTis  more  avânt  ton  funefte 

T  iij 


43S  c=PA  = 

»»  hymen.  Quel  bonheur  n'auroit-ce  pas 
??  été  pour  moi ,  &  quel  avantage  pour 
«  toi-mcme ,  pluiô:  que  de  te  voir  ainfi  la 
»•  licnce  &  l'opprobre  dos  hommes,  >>  &c. 
Paris ,  ranimé  par  les  reproches  de  fon 
frère  ,  fe  préfence  de  nouveau  au  combat 
iingulier  avec  Ménélas  :  mais  étant  prêt  à 
fuccomber  fous  les  coups  de  fon  ennemi , 
il  efl:  promptement  fecouru  par  Vénus ,  qui 
l'enlevé  dans  un  nuage  éc  l'emporte  à 
Troye,  Hélène  le  vient  trouver  Se  lui  fait 
ces  cru.'ls  reproches  :  «  Hé  bien  ,  vous 
3>  voilà  de  retour  du  Combat  ;  plut  à  Dieu 
py  que  vous  y  fulîiez  mort  fous  les  coups 
fit  de  ce  brave  guerrier ,  qui  fut  mon  pre- 
9>  mier  mari  ^  vous  vous  vantiez  tant  que 
y»  vous  étiez  plus  fort ,  plus  adroit  &  plus 
#3  brave  que  Ménélas ,  allez  donc  le  défier 

f  encore Ah  !  que    ne   fuis -je   au 

•»  moins  la  femme  d'un  plus  vaillant  hom- 
aj  me  5  qui  fut  fenfible  aux  affronts ,  ôc  qui 
V  démêlât  les  reproches  des  hommes  !  au 
99  lieu  que  celui ,  que  j'ai  été  affez  malheu- 
.55  reufe  de  fuivre ,  n'a  nul  fentiment  & 
3j  n'en  fçauroit  jamais  avoir  j  aulîi  jouira- 
3>  t-il  bientôt  des  fruits  de  fa  lâcheté.  » 
Cependant  la  belle  fe  radoucit  a  la  fin  , 
ëc  par  des  paroles  flatteufes ,  elle  tâcha  de 
confoler  Paris  ôc  de  l'engager  à  retourner 
au  Combat. 


==.  P  A  r=»  ^p 

On  ivoît  promis ,  fi  Paris  éioîc  vain- 
cu ,  qu'il  renciroit  à  Ménélas  Hélène  ayee 
toutes  fes  richetTes  *.  Anccnor  jpvopofa  au 
Conleil  de  Priam  d'exécuter  le  cr;iicé  poïir 
faire  finir  la  guerre  j  mais  Paris  s'y  op- 
pofe  y  &  déclare  qu'il  ne  rendra  point  Hé- 
lène 5  quoi  qu'il  en  puiife  arriver  j  mai^ 
pour  les  riclieires  qu'il  a  amenées  d  Aroos 
avec  elle ,  il  offre  de  les  rendre  &:  d'y  en 
ajouter  même  beaucoup  d'autres  ,  fi  les 
Grecs  veulent  s'en  eoiirencer ,  ce  qui  n& 
fut  pas  accepté. 

Dans  une  autre  occafion ,  Paris  fe  Te- 
nant caché  derrière  la  Colonne  du  Tom- 
beau d'Ilus  5  apperçoit  Diomède  occupé  à 
dépouiller  un  mort  qu'il  avoic  tué.  Auiîi- 
tôt  il  lui  décoche  une  flèche ,  qui  perçi 
le  pied  de  Dioméde  ,  &  entra  bien  avanc 
dans  la  terre  ,  où  elle  le  tint  comme  clouée 
En  même-temps  il  fe  levé  de  fon  embuf- 
cade  en  riant  de  toute  fa  force  ,  5c  en  Ce 
glorifiant  de  ce  grand  exploit.  Dioméde  ^ 
fans  s'étonner  ,  lui  crie:  «<  MalheuEeu;^ 
a  archer ,  lâche  efféminé  ,  qui  ne  fais  que 
r)  frifer  tes  beaux  cheveux  ôc  féduire  k-s 
5j  femmes ,  fi  tu  avois  le  courage  de  m'ap- 
«  procher  ôc  de  mefurer  avec  moi  tes  for* 
>î  ces ,  tu  verrois  que  ton  arc  de  tes  flécher 
>î  ne  te  feroient  pas  d'un  grand  fecours- 
»  Tu  te  glorifie  comme  d'une  belle  zs:^ 

Tiv 


440  ^  ==  P  A  =.  1 

3î  tion  de  m'avoir  effleuré  le  pied.  Se  moi 
»  je  compte  cette  blefTiire ,  comme  fî  une 
3>  femm^'  ou  un  enfant  m'avoit  blelTé.  Les 
y>  traits  d'un  lâche  ne  font  jamais  redcu- 
35  tables ,  ils  font  fans  force  ôc  fans   ef- 

3?  fèt.   ..  ii 

Les  Poètes  qui  font  venus  après  Ko- 
mèrejCntdit,  que  Paris  avoit  tué  Achille, 
mais  en  trahifon.  Pcnr  lui  il  fut  bhrflé 
mortellement  de  la  main  de  Philocftéte  , 
ôr  alla  rendre  les  derniers  foupirs  fur  le 
Monc  Ida ,  entre  les  bras  d'Œnone. 

PariSo 

On  fait  remonter  l'origine  de  cette  Ca- 
pitale de  la  France,  avant  le  temps  de  Ju" 
/eS'Céfar,  C'eft  fous  Fhilippe-Augt^Jîe  que 
fon  ancien  nom  Lutece  fut  changé  en  celui 
de  Paris.   Avant  la  conquête  des  Gaules  ; 
par  Céfar  ^  le  commerce  à^s  Pariiiens,  par  i 
eau,  étoit  très-confidérable  &  très-flot if- 
fant.  Cette  Ville  paroît  avoir  eu,  de  temps 
immémorial,  un  Navire  pour  Symbole.  La 
véritable  raifon  s'en  prend  de  la  forme 
de  Navire  qu'avoir  anciennement  Paris  ^ 
-alors  renfermé  dans  ce  qu'on  appelle  k 
Cité. 

Parijîi  peut  venir  du  Grec  'zreepct  l*(;iJUy 
CQ^-i-ditQ  y  proche  Ifs  ;  parceque  les  Pre- 


très  de  cette  DéelTe  avoient  leur  Collège 
Si  Ijffy^  ôc  que  l'Eglife  de  Saint  Vincent  y 
depuis  Saint  Germain  des  Prés ,  fut  batie 
fur  \qs  anciennes  ruinas  de  Ton  Templc-r 
Sauvai  dit  que  ce  famjux  Temple  â^lfis^ 
qui  donna  fon  nom  à  tout  le  Pays ,  étok 
deflervi  par  iin  Collège  de  Prêtres,  qui 
demeuroisnt  à  //f/,  dans  un  ChâreaU.^ 
dont  on  voyoit  encore  (es  ruines  dans  le 
commencement  de  co  Siècler 

Childeherty  troiilème  fils  de  Clovis  ^  fuc 
Roi  de  Paris.  Ce  Royaume  s'étendoit  le 
long  de  la  Mèr  ,  depurs  la  Picardie  jur- 
qu'auprès  des  Pyrénées."  On  attribue  à  ce 
Prince  la  fondation  de  la  C-uhèdrale  de 
Paris.  Il  eft  vrai  qu'il  rembelUt.,  qu'il  la 
décora  de  vitres  j  ornement  jufqu^alorSj, 
en  558,  inconnu  dans  les  Églifes  de  cerre 
Capitale  \  mais  il  n'eut  pas  la  gloire  de  la 
bâtir» 

A  la  mort  de  Clotaire^  l'Emp're  Fr3î;« 
çois  fut  encore  divifè  en  Quatre  R.oyair- 
mes  :  on  joignit  à  celui  de  Paris  y  là  Tou- 
raine,  l'A'bigeois  &  Marfeilie. 

Les  No  manJs  afliègèrent  P^r/j-  en. 
88  5.  Ce  Siège  dura  deux  ans  ;  &  ils  ne  le 
levèrent  que  par  un  Trai'té  .honteux "^ que 
Charles  le  Sunple  fit  avec  eux. 

Robert  /,  à'tle-Fort^  Duc:de  France 5 
fut  Comte  de  PurU  &  d'Qriéans  en  88  <^ 


44^  «=  P  A  --=== 

Les  Duchés  de  France  de  les  Comtés  de 
Paris  &  d'Orléans  furent  réunis  à  la  Cou- 
ronne en  987,  Paris  y  fous  Louis  le  Gros  y 
ctoit  la  Capitale  du  Duché  de  France,  qui 
comprenoit  la  Neuftric,  qui  eft  entre  la 
Seine  &  la  Loire. 

C'efl:  Philippe- A ugujle  qui  ordonna  au 
Prévôt  de  Paris  de  faire  paver  toutes  les 
rues  &  les  places  publiques  \  xe  qui  fut 
exécuté  en  pierres  quarrées  ,  dit  Guillau- 
fne  le  Breton  y  Auteur  contemporain.  Ce 
Prince ,  non  content  d'y  avoir  établi  la 
propreté ,  pourvut  encore  à  fa  sûreté ,  en 
réuniiïant  dans  la  même  enceinte  une 
partie  des  murs  de  cette  Capitale.  On  ne 
laifla  hors  des  murs,  qui  furent  flanqués 
de  bonnes  Tours ,  que  le  Palais  du  Louvre ^ 
Saint- Honoré^  une  partie  à\xBourg-l^Ab' 
lé  y  \  Abbaye  de  Saint  Martin  ^  le  Ternple  y 
les  Bourgs  de  Saint  Èloy  ^  de  Saint  Vic- 
tor^ de  Saint  Marcel^  &  de  Saint  Ger^ 
main  des  Prés,  Les  foins  de  ce  Monarque 
ne  fe  bornèrent  point  à  la  feule  Capitale» 
ht^  autres  principales  Villes  du  Royaume 
furent  également  embellies  &  fortifiées 
par  fes  ordres. 

Paris  étoit  déjà  fi  accru  fous  Henri  If^ 
que  ce  Monarque,  au  mois  de  Novembre 
3549,  donna  un  Édit  pour  en  fixer  \q^ 
bornes.  Ces  dcfenfes  farent  renouveliées 


par  Louis  XIF  en  i6ji,  Paris ^  qui ,  ions 
Louis  XV^  en  17^7,  paroît  encore  s'accroî- 
tre &  s'embellir  du  coté  des  Invalides  &  de^ 
la  porte  S.  Honoré ,  c'eft-à-dire ,  des  deux. 
côtés  de  la  Seine,  au  couchant,  efl:  cepen- 
dant cette  même  Ville,  qui,  du  temps  qu^ 
\e%  Normands  en  firent  le  Siège,  étoit  ren- 
fermée entre  les  deux  bras  de  la  Seine  , 
qu'on  appelle  aujourd'hui  la  Citée, 

Cette  Ville  eft  regardée  comme  la, plus 
célèbre  de  l'Europe.  Ses  grands  accroilfe- 
mens  font  depuis  environ  deux  cents  ans. 
Elle  eft  divifée  en  vingt-quarre  quartiers. 
Jille  a  neuf  cents  foixante-fept  rues ,  fans 
compter  les  culs-de-fac  ;  plus  de  cinquante 
mille  maifons ,  parmi  lefquelles  il  y  a  plus 
de  cinq  cents  beaux  Hôtels  \  quarante  Pa- 
roiiTes,  &  cinq  Églifes  qui  ont  ce  droit; 
vingt  Chapitres  &  Églifôs  Collégiales  ; 
quatre-vingts  Églifes  6c  Chapelles  non  Pa- 
roilTes  \  trois  Abbayes  d'hommes ,  &  huit 
de  hlles  \  cinquante-trois  Couvens  &  Com- 
munautés d'hommes  \  foixante-dix  Cou- 
vens &:  Communautés  de  filles  \  cinquante- 
fept  Collèges ,  dont  dix  de  plein  exercice  \ 
quinze  Séminaires;  vingt -fix  Hôpitaux; 
douze  Prifons  ;  cinquante  Places  publi- 
ques ;  cinquante -une  Fontaines,  trente 
Quais  ;  doaze  Marchés  ;  trente  Ponts , 
grands  ô:  petit*  ,  un  grand  Égoût ,  avec 

Tvj 


444  ==  P  A  -===» 

un  beau  Réfervoir  j  huit  Jardius  &  Pro- 
menades publiques ,  ôcc. 

jfife;7ri  //^  eft  le  premier  de  nos  Rois, 
qui  ait  embelli  Paris  de  Places  régulières, 
<Sc  décoré  des  Ornemens  de  l'Architedure» 
Il  fit  achever  le  P  ont  ^  neuf  y  commencé 
fous  Henri  III ^  qui  avoir  été  interrompu 
pendant  les  guerres  civiles.  11  fit  auiîi  bâ- 
tir la  Place  Royale  fur  l'emplacement  de 
l'Hôtel  des  Tournelles^  &  la  Place  Dau- 
phine>  fur  deux  petites  Ifles  qaon  joignit 
cnfemble^  &  à  celle  du  Palais,  dont  elles 
.  avoient  été  jufqu'alors  féparées  par  un  ca- 
nal de  la  Rivière,  oii  eft  à  préfent  la  RuH 
du  Harlay. 

ÉNIGME   LXXIF^ 

Vn  portail  de  ctnabre  eft  devant  ma  maifon  , 
OÙ  quelquefois  je  nais  avant  d'être  conçue  j 
Mais  pour  être  efficace  y  il  faut  qu'en  la  prifoa 
.  D'un  Dédale  animé  foudain  je  fois  reçue. 

Mon  pouvoir  fur  les  coeurs  eft,  fans  comparaiforï,; 
Lorfqu  un  Art  délicat  m'a  de  grâces  pourvue  j 
3*ai  des  traits  tout  remplis  de  miel  ou  de  poifon ,, 
JEt  je  découvre  tout,  fans  pouvoir  être  vue. 

Je  furpaiïe  en  pouvoir  &  l'argent  &  le  fer, 
Moja  zèle  ardent  émeut  &  le  Ciel  &.  l'Enfer  ; 


1=  P  A  =  44? 

Soavcn: ,  bl^n  que   fans  poids  >  je  fuis  d'un  poids 

extrême. 
J'étale  quelquefois  des  tréfors  fur  un  point. 
Aucun  ne  vous  dira  qui  je  fuis ,  que  moi-même  : 
Je  vous  fais  tout  connoître ,  &:  ne  me  connoîs  point. 

Paroles  du  Sage. 

Le  Sage  met  fa  bouche  au  milieu  de  Ton  cœur, 
Et  l'on  ce  l'entend  point  faire  un  discours  moqueur  5 
De  Tes  ennemis  même  il  parle  avec  eftirae  , 
Il  cache  leurs  péchés ,  lorfqu'ils  en  ont  commis  5 
Car  s'il  les  découvroit,  il  croiroit  faire  un  crime  : 
ÂiaCi  par  tout  endroit  il  fe  fait  des  amis» 

Ce  fujèr  ne  fçauroit  être  mienx  repré- 
fente,  que  par  cet  Emblème.  C'eft  une 
Main  qui  tient  un  Cœur,  au  milieu  du^- 
quel  eft  une  Bouche  ;  pour  nous  montrer 
que  l'homme  doit  être  retenu  dans  \^uies 
fes  paroles  :  comme  la  Bouche  exprime  les 
Penfées  du  Cœur,  auili  nous  devons  être 
circonfpcds  dans  tous^nos  Difcouts* 

Parnasse^ 

La  plus  haute  Montagne  de  la  Phocide  ^. 
elle  a  deux  fommèts  autrefois  tuès-£imeu5, 
dont  l'un  étoit  confacré  à  Apollon  &  aux 
Mufes,  Se  l'autre  à  Bacchus.  Les  Fontai- 
nes de  Caftalie,  Hyppocrène  6c  Aganippe, 
j  prennent  leur  ibuice.    Il  fe  prend  au 


44(^  =  P  A  = 

figuré  pour  la  PoêTie,  6c  pour  le  fc'Jour  ; 

des  Poètes ►  |j 

Parnasse  François. 

C'eft  un  Monument  élevé  en  bronze  y 
a  la  gloire  de  la  France  ôc  de  Louis  U 
Grand ,  &  à  la  mémoire  des  illuftres 
Poètes ,  &  Aqs  illuftres  Mufîciens  Fran- 
çois ,  dont  on  eft  redevable  à  feu  M» 
Évrard-Titon  du  Tillet y  ancien  Maître 
d'Hôtel  de  feu  Madame  la  Dauphine , 
mère  de  Louis  XV ^  Ôc  Commilfaire  des 
Guerres.  Cet  Auteur  a  donné  la  Defcrip- 
tion  de  ce  Parnajfcy  avec  un  ordre  chro- 
nologique &  hiftorique  des  Poctes  &  d^^ 
Mufîciens  qui  y  font  raflemblés  ;  un  Ca- 
talogue de  leurs  Ouvrages  ,  &  le  Juge- 
ment que  plufieurs  fçavans  Critiques  ert 
ont  porté.  Cette  Defcription  du  Parnaffh 
a  eu  deux  Éditions 5  la  première,  in-iZy  \ 
à  Paris,  en  1727  ;  la  féconde,  in-fol.  or-  ' 
née  d'eftampes ,  &  augmentée  de  beau- 
coup fur  la  fin  de  Tannée  17^2.  Il  y  a  de 
plus  deux  Supplémens  à  la  Defcription  de 
ce  Parnajfe  François,  Le  premier  a  paru 
en  1743 ,  &  contient  l'Hiftoire  des  Poctes 
&  Mufîciens  François,  jufqu'a  cette  an- 
née. Le  fécond  Supplément  contient  l'Hif- 
îoire  d^s  Poètes  &  Mufîciens  François,  que 
la  mort  a  enlevés  depuis  1745-5  jufquea 


m 


=  P  A  =  447 

-1755  5  temps  auquel  ce  fécond  Supplé- 
ment a  ccé  imprimé. 

Ce  Parna^c  François  efl  reprefenré 
par  une  Montagne  d'une  belle  forme ,  un 
-peu  efcarpée  &  ifolée  ,  tous  les  afpedts  en 
font  riches  &  agréables.  Quelques  Lau- 
riers 5  Palmiers ,  Myrtes  ,  &  Troncs  de 
Chênes,  entourés  de  Lierres,  y  font  dif- 
perfés.  Louis  le  Grande  Protecteur  à^s 
Sciences  &  des  beaux  Arts ,  paroît  alTis 
fur  le  fommèt  de  ce  Mont,  fous  la  figure 
^ Apollon^  tenant  une  Lyre  à  la  msin. 
Sur  une  terralTe,  au-detfous  ^Apollov, 
•font  Mefdames  de  la  Su:^e ,  des  HguHc^ 
Tes  &  Mademoifelle  de  Scudéri ,  repré- 
fentant  les  trois  Grâces,  qui  fe  tiennent 
par  des  guirlandes  de  iieurs  entremêlées 
de  feuilles  de  Laurier  &  de  Myrte.  Pierre 
Corneille  ,  Molière ,  Racan  ,  Ségrais  ,  la 
iFontaine^  Chapelle^  Racine^  Dejpréaux ^ 
Ôc  Lully  le  Muficien ,  occupent  une  grai^ 
de  terralTe,  qui  règne  autour  du  Parnaffe", 
ôc  ils  y  tiennent  la  place  des  neuf  Mufes, 
comme  étant  les  vrais  modèles  de  la  belle 
Pocfie  Ôc  de  la  Mufique  Françoife.  Lully 
porte  fur  un  bras  le  Médaillon  de  Qui^ 
nault  y  fon  Poète  j  &c  l'un  Se  l'autre  ne 
forment ,  pour  ainfi  dire  ,  qu'un  même 
Génie  pour  la  compofition  des  Opéra  par- 
faits. Vinot-deux  Génies,  fous  la  forme 


44^  =  P  A  = 

cl*enfans  aîîés  5  font  répandus  fur  ce  Par- 
naffe  ^  ôc  y  forment  divers  Grouppes  avec 
les  principales  figures  ^  ê<  les  arbres  qui  y 
font  difperfés. 

Pour  un  plus  ample  détail,  il  faut  con- 
fulter  l'Ouvrage  même  ,  dont  tous  les 
Journaux  François  oc  Étrangers  ont  parlé 
avec  le  plu5  grand  éloge. 

P  A  K'q  u  E  s  ► 

II  y  a  trois  P  argues  ,  Clothon ,  Lâché- 
es, Atropos  :  l'une  tirait  le  fil  de  nos:; 
jours,  l'autre  rournoit  le  fufeau,  6c  l'air-; 
tre  coupoit  la  trame.  Les  Anciens  confon^l 
doient  fouvent  les  Parques  ^  &  les  Defti-^ 
nées.  Platon  dit  que  les  trois  Parques  font . 
filles  de  la  Néceiîîté' ,  ou  de  la  Defti- 
née  ;  Lachéjis  marque  le  Paflé  ,  Clothon 
ajoute  le  Préient  à  l'Avenir  ,.  &  M  trop  os 
marque  l'Avenir.  Les  Anciens  ont  feint 
Spe  les  Parques  employoient  fur  leurs 
quenouilles  de  la  laine  blanche,  pour  filer 
une  vie  longue  &  heureufe  \  ôc  de  la  laine 
noire ,  pour  filer  une  vie  courte  de  malheu- 
rsufe. 


i:i=  P  A  =5  ^0 

Pars  i>ion!E. 

ïuyez  en  tout  l'extrémité , 
J'ai  de  Thorrear  pour  l'avance  , 
Je  hais  la  prodigalité, 
£t  tiens  l'heureux  milieu  entre  ce  double  Vice, 

L'Épargne  ou  Parjimonie  eft  repréfentée 
par  une  femme  d'un  âge  capable  de  rai- 
fon.  Elle  eft  modeftement  vètuc  ,  pour 
nous  apprendre  qu'elle  eft  ennemie  de  la 
dcpenfe  fupfrrfluc.  Elle  tient  ce  la  main 
droite  un  Com^pas,  pour  montrer  l'Orcr^ 
êc  h  MeTure  qu'il  faur  tenir  en  toutes 
chofes  :  de  la  main  gauche ,  elle|tienr  une 
Bourie  iermée ,  où  on  lit  ces  paroles  :  Ei/e 
la  garde  pour  U  mieux  :  aiin  d'exprimer 
par-là  qu'il  y  a  plus  d  honneur  à  confer- 
yer^qu'd  acquérirr. 

ÉNIGME     LXXV. 

Voilà  quel  je  fuis  à  peu  près  ; 
Debout  fur  mille  pieds,  je  porte  cinq  cents  têtes. 

Que  de  gens  mie  donnent  de  Fêtes , 

Pour  me  m.etrre  en  leurs  intérêts  l 
De  la  Fortune  alors  je  gouverne  la  rcuë  ;     * 

Je  mets  la  Honte  où  l'Honneur  fur  leur  front  : 

Qu'on  me  refpcde  ,  ou  qu'on  me  loue  , 
Puifquc  j'ai  dans  mes  mains  &  la  Gloire  &  l' Affront. 


P  A  R  T  H  É  N  I  E  5 

Surnom  qu'on  donne  à  Minerve ,  pafcre-'!' 
^u'on  précendoit  qu'elle  avoit  toujours 
confervé  fa  virginité.  Les  Athéniens  lui  : 
confacrèrent  fous  ce  nom  un  Temple,  qui 
ccoir  un  des  plus  magnifiques  Édifices  qu'il 
y  eut  â  Arhcnes  :  il  fubfifte  encore  aujour- 
d'hui pour  la  plus  grande  partie ,  au  rap- 
po't  de  Spon  ,  c|ui  dit  l'avoir  vu.  On  l'ap- 
pdloit  le  Parthénon ,  c'eft- à-dire ,  le  Tem- 
ple de  la  DéelTe  V^ierge  :  ou  bien  d'Héca- 
tompédon  ,  ou  le  Temple  de  cent  pieds,  , 
parcequ'il  avoit  cent  pieds  en  tout  fens.  La 
Statue  de  la  DéefTe  étoit  d'or  &c  d'yvoire  , 
dans  l'attitude  d'une  perfonne  debout  ^c 
toute  droite  ,  tenant  une  Pique  dans  fa 
main  ^  àci^QS  pieds  fou  Bouclier ,  fur  fon 
eftomac  une  Tête  de  Médufe ,  &  auprès 
d'elle  une  Vidoire ,  haute  d'environ  qua- 
tre coudées. 

Partialité» 

C'eft  l'intérêt  que  l'on  prend  avec  ar- 
deur pour  une  chofe  ,  fans  diftinguer  Ci 
elle  eft  jufte  ou  non.  On  la  perfonnifie 
allégoriquement  par  une  femme  qui  foule 
des  balances  fous  (qs  pieds  ,  &  qui  donne 
une  récompenfe  à  un  Génie  richement 
vécu  a  mais  donc  l'ignorance  eft  caïadéri- 


,  fùe  par  des  oreilles  d'âne.  Elle  chaffe  à 
!  coups  de  fouëc  un  autre  Génie  qui  eft  nud , 
&  dont  le  mérite  eft  défigné  par  une  Cou- 
ronne de  Laurier  qu'il  a  fur  la  tête. 

PARTIES  DU  MONDE. 

EuR  OPE, 

PR£jfi£R£  Partie  du  Mondi^ 

Cette  principale  Partie  du  Monde  fe 
repréfente  vêtue  magnifiquement ,  ayant 
un  Cafque  Ôc  une  Couronne  d'Or  fi^r  la 
tète.  Elle  tient  un  petit  Temple ,  parce- 
qu*elle  eft  le  féjour  de  la  Vraie  Religion  : 
fa  fertilité  eft  indiquée  par  les  deux  cornesr 
d'abondance  fur  lefquelles  elle  eft  aftife. 
Le  Cheval  qui  eft  près  d'elle  ,  eft  l'attri- 
but des  Peuples  Belliqueux  qui  rhabitenr. 
A  (qs  pieds  font  des  Couronnes  Papales  , 
Impériales  ôc  Royales  ,  des  Livres  ,  ôc  di- 
vers inftrumens  propres  aux  Arts  ôc  aux 
Sciences  qui  fe  cultivent  chez  elle. 

Asie, 
Seconde  Partie  du  Mo 27 Dr, 

Quoique  cette  Partie  du  Monde  foie 
plus  grande  que  l'Europe,  elle  n'eft  cepen- 
dant comptée  que  pour  la  féconde  ,  peut- 
être  à  caufe  de  la  quantité  des  deferts  qu'elle 


4Î2  =PA.-= 

contient.  On  ia  reprélente   vètuë  richeH 
ment  ,   coëfFie   d'une   efpèce  de  Turbai 
orné  de  plames  rares.  Elle  tient  une  caifo-  1  j 
lette  fumante  de  Parfums  ,  ôc  eft  alîife  d'ur  I 
air  fier  fur  un  Chimeau  ,  couché  fur  ui. 
terreia  femé  de  différentes  Aromates.        . 
Selon  Bembo  :  p 

Keir  odorato ,  e  lucldo  oriente 
La  f Otto  il  vago  ,  e  te^npcrato  Cido  li 

l^ive  una  Ikta  j  e  ripofata  gente ,  !ir 

CÀ«f  nca  l'offcnde  mui  caldo  ^  m  gcloo 

Afrique,  W 

Tkosjemî  Partie  du  Mon  ht,        il 

Cette  troifième  Partie  du, Monde  étant 
expo  fée  au  midi  ^  efl:  en  partie  fous  la! 
Zone  torride  :  elle  fe  repréfente  de  couleur 
tannée,  &  vêtue*  à  la  Morefque.  Elle  fe 
tient  à  l'ombre  d'an  Pdrafol  de  plumes  ,  a 
pour  coe'tfure  une  rèce  d'Eléphant  ,  &  q^x 
aiîife  fur  un  Lion  j  ces  fortes  d'Animaux 
lui  font  donnés  nour  Attribut ,  étant  fort 
communs  en  AFâqiie.  Les  deux  Cornes 
d'abondance,  d'où  iortent  fc-ulement  des 
Grains,  fignifienc  qu'elle  a  deux  Elles,  (3c 
par  conféquenc  deux  MoKfons. 


Amérique, 
QuATRTEJfE  Partis  du  Mo  s  15  r." 

Cette  quatrième  &  dernière  Partie  du 
Monde  fe  reprcfente  prefqae  nue,  cocfiee 
de  Plumes  ,  &:  n'ayant  pour  vètemenc-, 
qu  une  petite  troulfe  de  plumes  de  diyer- 
fes  couleurs.  Elle  a  l'afped:  féroce  &z  le  re- 
gard £er ,  tient  un  Arc  à  la  main  ,  &  a  un 
Carquois  fur  le  dos.  L'homme  percé  de 
flcches  5  fur  lequel  elle  çO:  alîife  ,  /ignifie 
que  quelques-ans  àes  peuples  qui  l'habi- 
tent font  encore  Antropophages  ou  Can" 
nibales.  Derrière  elle  eft  un  Lézard  d'une 
grandeur  démélurée  \  ce  Pays  étant  abon- 
dant de  ces  monftrueux  animaux,  qui  s'aC" 
taquent  fouvent  aux  hommes  mêmes. 

Parure. 

Nous  avons,  au  mot  kahilltment  ^  & 
ailieuiî ,  parlé  de  celui  des  Anciens  Frarn 
cois  5  éc  des  différentes  Modes  de  la  Na- 
tion \  nous  ne  voulons  ici  rapporter  que 
quelques  Traits  Hifloriques,  au  fujèt  de  la 
I  Parure,  Sous  S,  Louis  ^  une  Dame  parut  à 
|la  Cour  (  c'étoic  en  1245  )  avec  une  Pa^ 
Ture  qui  n'étoit  point  de  fon  âge,  &  moinj 
encore  du  goût  du  pieux  Monarque ,  qui 
aimoic  la  {implicite  dans  les  habits. 


Ce  Prince  ^ppdhGeoffroy  de  Beaulieu  I 
j€  veux ,  lui  dit-il ,  que  vous  foye:^  témoin 
de  ce  que  je  vais  dire  à  cette  femme .,..,' 
Se  tournant  enfuite  vis-â-vis  cette  femme  j 
il  reprit  :  Madame^  cefi  un  mot  fur  votre 
falut.  On  parloit  autrefois  de  votre  beauté  ^^ 
die  nefl  plus  :  il  s'agit  à  préfent  de  celle 
de  l'âme,  Songe:^  à  plaire ,  non  plus  aux  . 
hommes  ,  mais  au  Seigneur, 

La  Dame  promit  de  profiter  de  cet 
avis  :  belle  leçon  pour  les  vieilles  coquet- 
tes de  nos  jours  !  C*eft  un  Saint  Monar- 
que qui  la  leur  donne. 

En  I  ^oo  5  une  femme  de  qualité ,  vieille 
êc  maigre  ,  arriva  en  habit  verd  dans  un  Bal 
que  Henry  IV  donnoit  a  fa  Cour,  à  l'oc- 
cadon  de  fon  mariage.  Le  Prince  vint  a 
elle  d'un  air  empreifé ,  &  lui  dit  :  Je  vous 
ai  mille  obligations ,  Madame  ;  vous  ave^ 
employé  le  verd  &  le  sec  pour  faire  hon-  ' 
neur  à  la  Compagnie, 

A  un  autre  Bal  que  Marie  de  Mcdicis 
donna  la  même  année  ,  quinze  des  plus 
belles  femmes  de  fa  Cour,  &  àes  mieux 
parées ,  y  dansèrent.  Le  Roi ,  qui  s  y  trou- 
va ,  avoir  fait  placer  à  fes  cotés  le  Nonce 
du  Pape  ;  il  lui  dit  :  M,  le  Nonce  ^  je  n'ai 
jamais  vu  de  plus  bel  Efcadron^  ni  de  plus 
pénlUux  que  celui-là* 


P  A  S  I  P  H  A  É  , 

Fille  du  Soleil  &:  de  la  Nymphe  Per- 
féis,  époufa  Minos,  fécond  Roi  de  Crère. 
Vénus  ,  pour   fe  venger  du   Soleil ,   qui 
avoit  éclairé  de  trop  près  fon  commerce 
avec  le  Dieu  Mars,  infpira  à  fa  hlle  un 
amour  défordonné  pour  un  Taureau  blanc 
que  Neptune  avoit  fait  fortir  de  la  Mèr, 
Selon  un  aurre  Mythologue ,  cette  Palîion 
fat  un  effet  de  la  vengeance  de  Neptune 
contre  Minos,  qui  ayant  coutume  de  lui 
facriher  tous  les  ans  le  plus  beau  Taureau 
de  fes  Troupeaux  5  en  avoit  trouvé  une 
fois  i^  Cl  beau ,  qu'il  voulut  le  fauver ,  de 
en  deftina  au  Dieu  un  autre  de  moindre 
valeur.  Neptune ,  irrité  de  cette  trompe- 
rie ,  rendit  Pajiphaé  amoureufe  du  Tau- 
reau que  Minos  avoit  voulu  conferver. 
Dédale ,  qui  étoit  au  fervice  de  Minos , 
fabriqua  pour  la  Reine  une  belle  Vache 
d'airain  creufe ,  dans  laquelle  elle  fe  mie 
pour  jouir  de  fon  Amanr.  De  ce  com- 
merce, naquit  le  Minotaure.  C'eft  la  hai- 
ne des  Grecs  contre  Minos,  qui  leur  fie 
inventer  cette  odieufe  Fable,  dont  tout  le 
fondement  eft  Téquivoque  du  mot  Taw 
rus  y  qui  eft  le  nom  d'un  jeune  Seigneur 
Cretois ,  àont  la  Reine  devint  amoureufe* 
Dédale  ^uî  apparemnienc  le  confident  d^ 


'^^(^    '  r=P  A  :=  1 

cette  intrigue.  Comme  ce  Tauriis  étoit 
l'Amiral  de  la  Flotte  de  Minos ,  il  eut 
aulfi  part  a  la  haine  des  Grecs  ,  qui  le 
métamorphosèrent  en  Taureau.  Pajipkaé 
a  pafle  pour  ette  la  iille  du  Soleil ,  parce- 
qu'eile  étoit  fçavante  dans  la  connoilfance 
des  (impies ,  &  dans  la  compofition  des 
poifons.  On  dit  qu*elle  faifoit  dévorer  par 
des  vipères  toutes  les  MaîcrefTes  de  Minos, 
lorfqu'il  s'approchoit  d'elles,  ayant  frotte 
le  corps  du  Roi  de  je  ne  fçais  quelle  herbe 
qui  attiroit  ces  infedes  ;  ce  qui  fignifie 
apparemment  que  cette  jaloufe  Reine  fça- 
voit  fe  défaire  de  fes  .Rivales  pat  le  poi- 
fon,  ou  par  d'auttes  voies  aulli  efficaces. 

ÉNIGME    LXXVL 

Une  fois  on  m'a  vu  du  Soleil  cclairé  ; 

Alors  contraire  aux  uns ,  aux  autres  favorable  , 

On  mit  ordre,  dit-on,  qu'un  fait  fi  mémorable 

Flic  tranfmis  à  jamais  à  la  PoP.critc. 

Voyagez  ici-bas  fur  la  terre  &  fur  l'onde, 

Vos  foins ,  pour  ine  trouver  font  des  foins  fuperflus  î 

J'étois  dans  ce  temps-là  ce  que  je  ne  fuis  plus , 

Et  fuis  ce  que  j  etois  dès  fcnfance  du  monde. 

PasQUIN. 

Cefl:  une  Statue  de  marbre  fans  nez, 
fans  bras  &  fans  jambes ,  placée  à  Rome , 
près  du  Palais  des  Urfins,  à  laquelle  les 

Railleurs 


Railleurs  viennent  attacher  de  nuit  des 
Billets  fatyriques  ,  appelles  Pafquinades, 
Il  femble  que  ce  tronc  foit  le  refte  de  la. 
figure  d'un  Gladiateur,  qui  en  frappe  un 
autre  :  on  en  ju^e  par  l'attitude  du  corps, 
&  par  des  morceaux  d'une  autre  Statue , 
qui  paroifTent  fur  la  première. 

On  attribue'  l'ufage  &:  l'origine  de  char- 
ger ce  marbre  de  toutes  {onts  de  Satyres, 
à  un  Savetier  Romain  ,  appelle  Pafquin , 
grand  difeur  de  bons  mots  ,  &  dans  la 
boutique  duquel  tous  les  Rieurs  de  fon 
temps  avoient  coutume  de  s'afTembler. 
Après  fa  mort,  ils  prirent  l'occafîon  d'une 
antique  nouvelle  déterrée ,  la  furnommè- 
rent  Pafquin ,  &  fe  firent  une  coutume 
d'y  attacher  fecrètement  les  productions 
de  leurs  médifances. 

Cetre  liberté  s'eft  toujours  confervée  \ 
&:  Ton  voit  encore  aujourd'hui  les  Sei- 
gneurs, les  Prélats  de  la  Cour  de  Rome, 
les  Princes  Etrangers,  &  les  Papes  mêmes 
expofés  tous  les  jours  aux  traits  ingénieux 
des  Pafquinades,  Plufieurs  Papes  ont  ef- 
fayé  de  réprimer  cette  licence,  mais  fans 
fuccès  ^  &  il  ed:  étonnant,  dit  un  Auteur , 
que  dans  une  Ville  où  l'on  fçait  Ci  bien 
faire  fermer  la  bouche  aux  hommes ,  l'on 
n'ait  encore  pu  trouver  ie/ecfèt  de  faire 
taire  un  marbre. 

Tome  lîL  V 


45*8  =PA== 

P ATAÏQUE  S, 

Divinités  des  Phéniciens  ,  dont  ils  met- 
toient  la  Statue  fur  la  Poupe  à^s  Vaif- 
feaux.  Ils  refTembloient 5  quant  a  la  figure, 
a  de  petits  Pigmées  j  &  ils  étoient  fi  mal- 
faits, qu'il  attirèrent  le  mépris  de  Cam- 
bife ,  lorfqii'il  entra  dans  le  Temple  de 
Vulcain.  L'on  mettoit  toujours  fur  la 
Poupe  l'image  d'un  de  ces  Dieux ,  qui 
étoit  regardé  comme  le  Patron  &  le  Pro- 
tecteur du  VaiiTeau  j  au  lieu  que  l'on  ne 
mettoit  fur  la  Prouë,  que  1  image  de  quel- 
que Animal ,  ou  de  quelque  Monftre  qui 
donnoit  fon  nom  au  Navire.  Les  Sçavans 
expliquent  le  vaoi  Pataïque  ^  qui  eft  Phé- 
nicien, par  celui  de  Confiance;  parceque 
ceux  du  Vaiiïeau  mettoient  leur  confiance 
en  la  protection  de  ces  Dieux. 

Patères, 

Inftrumens  àes  Sacrifices,  qui  fervoient 
à  plufieurs  ufages.  On  les  employoit  à  re- 
cevoir le  fang  des  Taureaux  6Î  autres  Vic- 
times qu'on  immoloit,  ou  pour  verfer  du 
Vin  entre  les  cornes  à^s  Vidimes.  C'efl . 
ainfi  que  Didon  ,  dans  Virgile  ,  tenant 
d'une  main  la  Patere^  la  verfa  entre  \qs 
cornes  de  la  Vache  blanche.  Il  paroît  par- 


îa  que  les  Pateres  dévoient  avoir  un  creux 
capable  de  contenir  quelque  liqueur. 

Patience. 

Lorfcju'on  me  pouffe  à  bout,  je  me  change  en  fu- 
reur 3 
Mais  pour  l'ordinaire  j'endure. 
Sans  pouffer  le  moindre  murmure , 

Les  plus  cuifans  travaux  ,  la  plus  vive  douleur. 

Cette  éminente  &  précieufe  Vertu  fe 
repréfente  par  une  femme  dans  une  atti- 
tude humble  ,  &  vêtue  fimplement.  Elle 
eft  alTife  fur  des  Cailloux ,  tient  les  mains 
jointes ,  &  porte  un  joug  fur  \qs  épaules  ; 
fes  pieds  nuds  font  pofés  fur  des  épines, 

Superanda  oynnis  Fortunafirendo  eji. 

Vir^iî. 

ÉNIGME   LXXFIL 

Nous  fommes  deux  frères  jumeaux , 
Que  le  grand  Hyver  rend  utiles 
Aux  Peuples  des  Champs  &  des  Villes , 
Qui  fe  promènent  fur  les  eaux. 

Mais  pour  deviner  qui  nous  fommes, 
Remarque ,  cher  LeAeur ,  que  nous  fervons  auK 
hommes 
Seulement  des  Pays  du  Nord  ; 
Et  qu'un  Navire  de  haut  bord 

Vij 


^6o         «=;PA  = 

N'a  pas  plus  que  nous  de  vîteffc, 
Quand  on  nous  fçait  conduire  avec  adrefTc. 

Patrocle, 

Fils  de  Mocnécius,  Roi  des  Locriens, 
8c  de  Ahènelé,  ayant  tué  le  jfils  d'Amphi- 
damas  dans  un  emportement  de  jeuneffe 
câufé  par  le  jeu,  il  fut  obligé  de  quitter  fa 
Patrie ,  &  fe  retira  chez  Pelée ,  Roi  de 
Pthie  en  Theffalie  ,  qui  le  fit  élever  par 
Chiron  avec  fon  fils  Achille ,  de-là  cette 
amitié  fi  tendre  &  fi  confiante  entre  ces 
deux  Héros.  Pendant  la  retraite  d'Achille, 
ies  Troyens  ayant  eu  de  grands  avantages 
fur  les  Grecs ,  Patrocle^  qui  voyoit  Achil- 
le toujours  inexorable  ,  lui  demanda  du 
moins   £qs   armes   pour  aller    contre   les 
Troyens.  «  Envoyez-moi ,  lui  dit-il ,  tenir 
»  votre  place,  &  ordonnez  a  vos  Troupes 
M  de  me  fuivre,  pour  voir  fi  je  ne  pourrai 
>î  pas  faire  luire  quelque  rayon  de  lumière 
Ȕ  aux  Grecs  :  permettez  que  je  prenne  vos 
3ï  armes  \  peut-être  que  les  Troyens,  trom- 
3>  pés  par  cette  reflemblance,  &  me  pre- 
5>  nant  pour  vous,  fe  retireront  effrayés, 
»  &    laifTeront    refpirer   nos   Troupes.  »* 
Achille  y  confentit ,    mais  à  condition 
que  àhs  qu'il  aujra  repoufi^é  les  Troyens 
du  Camp  des  Grecs ,  il  fera  une  prompte 
retraite  avec  les  Theifaliens ,  &  laiiTera 


=  PA=  461 

les  autres  Troupes  continuer  le  combat 
dans  la  plaine.  <«  Hé  ,  plût  aux  Dieux  , 
*>  ajoute-t-il,  qu'aujourd'hui  aucun  des 
»  Troyens  ni  des  Grecs  n'évite  la  mort , 
>5  &  qu'ils  périfTent  tous  dans  le  combat 
«  les  uns  par  les  mains  des  autres  j  afin 
»  que  nous  deux  demeurés  feuls  nous 
w  ayons  la  gloire  de  renverfer  la  fuperbe 
»  Troye.  »  PatrocU  prit  donc  les  armes 
d'Achille,  excepté  la  pique;  car  elle  croit 
fi  forte  &  fî  pefante ,  qu'aucun  des  Grecs 
ne  pouvoir  s'en  fervir,  il  n'y  avoir  qu'A- 
chille qui  pût  la  lancer.  Quand  les  Troyens 
virent  venir  à  eux  les  ThefTaliens ,  &  Pa- 
trocU couvert  des  armes  d'Achille ,  ils  ne 
doutèrent  point  que  ce  ne  fût  Achille  lui- 
même  ;  ils  perdirent  courage,  ^<.  le  dé- 
fordre  commença  à  fe  mettre  parmi  eux. 
PatrocU  \q.%  pourfuivit  jufques  fous  les 
murs  de  Troye  ;  ^  les  Grecs,  en  les  fui- 
vant  5  fe  feroienr  infailliblement  rendu 
maîtres  de  la  Ville,  dit  le  Pocre ,  fl  Apol- 
lon lui-même  ne  fe  fût  préfenté  fur  une 
des  Tours ,  pour  s'oppofer  à  i^s  efforts* 
Trois  fois  PatrocU  furieux  iPiOnta  juf- 
qu'aux  créneaux  de  la  muraille ,  &  trois 
fois  Apollon  le  renverfa  ,  en  repouffaiit 
fon  Bouclier  avec  fes  mains  immortelles. 
PatrocU  plus  ardent  revint  à  l'aflaut  pour 
la  quatrième  fois,  fcmblable  à  un  Dieu; 

Viij 


^62  =PA  = 

ik  alors  le  redoutable  Ris  de  Latone  lui  dit 
d'une  voix  menaçante  :  <«  Retirez -vous, 
M  généreux  Patrocle  ;  les  Deftinées  n'ont 
3)  pas  réfervé  la  ruine  de  Troye  à  votre 
35  bras ,  ni  même  au  bras  d'Achille ,  qui 
»  efl:  plus  vaillant  que  vous.  35 

Patrocle  fe  retire  àQS  murs  de  la  Ville , 
te  va  combattre  dans  la  plaine  :  il  fe  mêle 
par  trois  fois  avec  les  ennemis ,  dont  iî 
fait  un  horrible  carnage  j  &  à  chacune  de 
ces  charges  ,  il  immole  de  fa  main  neuf 
Héros.  Enflé  de  ce  fuccès  &  infatiable  de 
fang ,  il  en  fait  une  quatrième  y  Se  alors  , 
généreux   Patrocle  ,   la  fin   de  votre  vie 
commença  à  fe  faire  voir.  Apollon  en- 
veloppé d'un  épais  nuage,  s'arrête  derrière 
Patrocle ,  &c  du  plat  de  fa  main  il  le  frappe 
fur  le  dos  entre  les  deux  épaules.  Un  té- 
nébreux vertige  s'empare  en  même  temps 
de  lui,  fes  yeux  font  obfcurcis  j  Apollon 
délie  fon  calque  &  fa  cuiraife,  qui  roulent 
aux   pieds    de    (qs    chevaux  ;    fa  pique , 
toute  forte  ,  toute  pefante  qu'elle  étoit , 
fe  rompt  entre  fes  mains  ^  fon  bouclier,, 
qui  le  couvroit  tout  entier,  fe  détache  Se 
tombe  à  fes  pieds  :   alors  la  frayeur  lui 
gbçe  les  efprits.  Ces  forces  l'abandonnent, 
il  demeure  immobile.  Hedor  le  voyanr 
en  cet  état ,  court  à  lui ,  le  perce  de  fa 
pique  ;  Se  le  voyant  tomber  avec  grand 


=  P  A  =  4^5 

btuic,  il  rinfulte  avec  des  paroles  amères. 
Patrocle  mourant  repouiïe  cette  infulte , 
en  atcribuanr  fa  défaite  non  à  la  valeur 
d'HecVor ,  mais  à  la  colère  des  Dieux  : 
»  Si  vingt  hommes  tels  que  toi  m'avoient 
»  attaqué  fans  leur  fecours,  mon  bras  leur 
«  auroit  bientôt  fait  m.ordre  la  poullière.  » 
Patrocle  ayant  été  tué,  il  fe  fit  un  grand 
combat  pour  fon  corps.  Hedlor,  après  l'a- 
voir dépouillé,  alloit  lui  couper  la  tète, 
lorfqu'Ajax  &  Ménélas  arrivent,  font  re- 
tirer Heélor ,  &  après  de  grands  efforts 
emportent  le  corps  vers  leurs  VaiiTeaux. 
Les  Chevaux  immortels  d'Achille  ,  qui 
ëtoient  éloignés  de  la  bataille,  entendant 
dire  que  Patrocle  avoit  été  tué ,  pleurent 
amèrement  fa  mort  :  leur  guide  taie  tout 
ce  qu'il  peut,  &  de  la  voix  &  de  la  main^ 
il  emploie  les  careffes  ik.  les  menaces  poul- 
ies faire  marcher  y  ils  fe  tiennent  immo- 
biles,  la  tète  penchée  vers  la  terre,  &:  les 
crins  traînant  fur  la  pouffière.  Achille  ap- 
prend la  mort  de  Patrocle ,  &  donne  \qs 
marques  les  plus  fenhbles  de  fa  douleur  : 
il  s'engage  de  ne  point  faire  (ts  funérail- 
les ,  qu'il  ne  lui  ait  apporté  la  tête  &  \qs 
armes  d'Hedor,  &  qu'il  n'ait  immolé  fur 
fon  bûcher  douze  des  plus  illuftres  enfans 
àes  Troyens,  qu'il  émargera  de  fa  propre 
main,  pour  alTouvir  fa  vengeance. 

V  iv 


Cependant  l'ame  de  Patrocle  luî  appa- 
roîtj  pour  le  prier  de  hâter  (qs  funérail- 
les 5  afin  que  les  Portes  àQS  Champs  Ély- 
fées  lui  foient  ouvertes.  Il  lui  demande 
une  autre  grâce.  «  Donne  ordre,  lui  dit- 
î>  il ,  qu'après  ta  mort  mes  os  foient  en- 
î>  fermés  avec  les  riens  :  nous  n'avons  ja- 
3»  mais  été  féparés  pendant  notre  vie,  de- 
»»  puis  le  moment  que  j'ai  été  reçu  dans 
s>  le  Palais  de  Pelée ,  nous  avons  toujours 
*»  vécu  enfemble  ;  que  nos  os  ne  foient 
»  donc  point  féparés  après  notre  mort.  » 
Achille  donne  ordre  aulH-tôt  pour  les  fu- 
nérailles de  fon  ami  ;  il  fait  égorger  un 
nombre  infini  de  Victimes  autour  du  bû- 
cher j  il  jette  au  milieu  quatre  de  hs  plus 
beaux  Chevaux,  &  deux  des  meilleurs 
Chiens  qu'il  eut  pour  la  garde  de  foa 
Camp  j  il  immole  les  douze  jeunes 
Troyens  ;  &  termine  les  funérailles  par 
des  Jeux  funèbres. 

PatroOs, 

Surnom  de  Jupiter.  Ce  Dieu  avoir  a 
Ârgos,  dans  le  Temple  de  Minerve,  une 
Statue  en  bois^  qui,  outre  les  deux  yeux, 
comme. la  Nature  les  a  placés  aux  hom- 
mes, en  avoit  un  troifième  au  milieu  du 
front  :  pour  marquer  que  Jupiter  voyoic 
tout  ce  qui  fe  paifoit  dans  les  trois  parties 


du  Monde,  le  Ciel,  la  Terre  &  les  En- 
fers- Les  Argiens  difoienc  que  c'écoit  le 
Jupiter  Pair  DUS  ,  qui  écoit  à  Troye  ,  dans 
le  Palais  de  Priam ,  en  un  lieu  découvert, 
&;  que  ce  fut  â  Ton  Autel  que  cet  infor- 
tuné Roi  fe  réfugia  après  la  prife  de 
Troye,  &  au  pied  duquel  il  fut  tué  par 
Pyrrhus.  Dans  le  partage  du  butin ,  la  Sta- 
tue échut  à  Sténéius ,  fils  de  Capanée,  qui 
ia  dépofa  dans  le  Temple  d'Argos, 

ÉNIGME  LXXVllL 

Quelque  vil  que  je  fois ,  moi ,  que  l'en  foule  a«i: 
pieds , 

Ma  naiiîance  cil:  trcs-aiicienne  , 
Et  perfonne  ne  peut  me  comparer  la  lïennc , 
Eiit-il  eu  cent  aïeux  eu  guerre  eftropies. 
Suivant  ce  que  d'Antée  a  publié  la  Fable , 

Sa  force  écoit  infurmontable , 
Tandis  que  fur  la  terre  il  pouvoit  s'appuyer. 
Comme  elle  écoit  fa  mère,  elle  efl:  aufîi  la  mienne j 

Et  pourvu  qu'elle  me  fouiiennc, 
Il  n'cft  point  de  fardeau  qui  me  fafl'c  plier, 

Paventi  A^ 

Divinité  Romaine,  à  laquelle  les  mè- 
res &  les  nourrices  recommandoient  tes 
enfans,  pour  les  garantir  de  la  peur.  Se« 
Ion  quelques-uns ,  on  menacoit  de  cette 

V  V 


^66     _         =PA  = 

Déelfe  ies  enfans ,  pour  les  contenir  ;  ou 
bien  on  l'invoquoit  pour  fe  délivrer  de  la 
Peur. 

ÉNIGME     LXXIX. 

Me  peindre  eft  une  grande  affaire , 
Et  plus  que  Ton  ne  peut  penfer. 
Peintres ,  vous  le  fçavez ,  puifqu'on  voit  d'ordinaire 
Les  fameux  de  vous  y  renoncer^ 

.  Tel  n'entendit  jamais  le  portralr  ni  rhiftoixe , 
Qui  pourtant  m'entreprend ,  Se  même  avec  plaifir  >. 

Et  f^achant  moins  peindre  que  boire , 
Ne  laiiTe  pas  en  moi  de  fort  bien  réuffir. 

Si  j'ai  des  Créanciers,  je  crains  peu  leur  furie, 
Fuifqu'cn  n'a  jamais  vu  qu'un  Sergent  foit  venu. 

Détendre  ma  tapiiîcrie, 

Ni  pour  faifir  mon  revenu.. 

Ghez  moi  l'on  voit ,  &  fans  furprife  j 
A  des  gens  même  de  bon  lieu, 
Le  corps  nud  jufqu'à  la  chemife. 
Avec  une  corde  au  milieu. 

Pavot^ 

Plante  dont  les  Semences  font  propres 
à  afToupir  les  efprits ,  a  faire  dormir.  On 
peignoit  le  Dieu  du  Sommeil  couché  fur 
des  herbes  de  Pavois  :  quand  il  veut  en- 


1 


!:=^  P   A  ^:^=r  ^^J 

Jormir  quelqu'un,  il  jette  fur  lui  Tes  Pa- 
vois, Parmi  les  Épis  qu'on  donne  à  Cérès, 
on  mêle  des  Pavots  ;  parcequ'elîe  s'étoic 
utilement  fervie  de  Pavots  pour  appaifer 
la  douleur  qu'elle  avoir  relfentie  de  l'en- 
lèvement de  fa  fille.  Le  Pavot  étoit  Is- 
Symbole  de  la  Fécondité,. 

Pau VR  etL 

On  la  croyoit  la  mère  de  l'Indu ftrie  6c 
des  beaux  Arts  j  mais  on  ne  laiiToïc  pas 
de  la  peindre  comme  une  furie,  pâle,  fa- 
rouche, affamée,  &  prête  à  fe  defefpérer,. 
C'eft:  ainfi  qu'en  parle  Ariftophane.  Lu- 
ciain  dit  qu  elle  eft  la  mère  àts  grands 
Hommes ,  &  que  néanmoins  on  la  fuit, 

Fœcunda  Virorjrm 
Pa  u pe  rta  s  fugitur, 

Horace  avoir  dir  avanr  lui,  que  c'étoir 
a  la  Pauvreté^  que  Rome  avoit  obligation 
de  la  vertu  de  Curius  &  de  Camille.  A^ais^ 
s'il  avoir  voulu  rapporter  aulïi  rous  ceux  que: 
la  Pauvreté  a  rendu  vicieux,  il  en  auroir  pu^ 
nommer  un  grand  nombre.  En  edèt,  il  die 
lui-même  en  un  autre  endroit;  que  les. 
Loix  de  la  Pauvreté  font  dures  ,  qu  elle- 
nous  force  de  faire  &  de  foutfrir  tous  cHo- 
fes ,  &:  qu'elle  nous  empêche  d'exercer  ks' 
grandes  Vertus,, 

Tvjj 


^68  ==.PA== 

Juhet 
Quidvis  &facere  &  pati, 
Kirtutifque  viam  defirit  ard&ce, 

C'eft  par  ces  Loix  de  la  Pauvreté^  qu'im 
Phîlofophe  de  qualité  prétendoit  s'excufer 
de  ce  qu'il  étoit  logé  d'une  manieFe  fort 
mefTcante  à  fa  condition,  lorfqu'il  mit  ces 
mots  fur  fa  porte  :  Sic  vifum  Paupertati^ 
il  a  plu  ainfi  à  la  Pauvreté.  Plaute  &  Clau- 
dien  font  la  Pauvreté  fille  du  Luxe  &  de 
rOifiveté  ;  de  même  que  la  RichelTe  eft 
d'ordinaire  la  fille  du  Travail  6c  de  l'É- 
pargne. Mais  il  faut  remarquer  que ,  com- 
me il  y  a  une  autre  Richelfe,  qui  eft  fille 
du  Bonheur  feul  ;  il  y  a  auffi  une  Pau^ 
yretéj  qui  n'eft  fille  que  du  Malheur. 

De  tomes  les  Vertus ,  yt  fuis  la  moins  chérie  5 
Peu  de  gens  ici-bas  me  dreflent  des  Autels  1 
Hcureufe  toutefois  l'âme  que  j'ai  guérie 
De  cette  avidité  qui  damne  les  Mortels. 

Cette  trifte  &  accablante  fîtuatlon  de  la 
vie  fe  perfonnifie  par  une  femme  exténuée , 
prefque  nue,  n'étant  vêtue  que  de  quel- 
ques haillons  noirs.  Elle  eft  affife  fiu:  un 
terrein  aride ,  au  pied  d'un  arbre  delféché. 
fes  pieds  &  i^QS  mains  font  liés,  &  elle  fait 
des  efforts  pour  brifer  avec  fes  dents  les 
liens  de  fes  mains. 


^=  P  A  =:=  4^P 

Pauvreté  prijijdiciable  aux  Talens. 

Cette  Pauvreté  fe  repréfente  mal-vê- 
tuc,  ayant  le  bras  gauche  retenu  par  une 
chaîne  à  une  groiTe  pierre  à  laquelle  il  eft 
attaché  :  elle  fait  des  vains  efforts  pour 
élever  le  bras  droit  qui  eft  ailé.  Cet  Em- 
blème, dont  on  attribue  l'invention  aux 
Grecs  5  (ignifie  que  l'excès  de  la  Misère 
eft  un  puifTant  obftable  aux  progrès  des 
plus  heureux  Talens. 

Paysage. 

C*eft  le  territoire  qui  s'étend  jufquoù 
la  vue  peut  porter,  ou  étendue  de  Pays 
que  l'on  peut  voir  d'un  feul  afpecfl.  Les 
beaux  Pnyfages  font  ceux  qAii  font  diver- 
iîfiés  par  quantité  d^objèts  agréables  à  la 
viic,  comme  àcs  Collines,  des  Vallées, 
des  Campagnes  5  des  Prairies,  àQS  Bois, 
des  Vignes,  des  Maifons  de  Plaifance,  des 
Villes,  des  Bourgades,  des  Hameaux,  des 
Sources,  des  Ruilfeaux,  des  Rivières,  & 
enfin  la  Mèr  même.  Plus  il  y  a  de  ces 
divers  objèis  dans  un  Payfage  ^  &  plus  il 
cfl  beau. 


470  ==PÉ=:^ 

ÉNIGME     LXXXo. 

Mort  ou  vivant ,  mon  fort  en  un  point  eft  égal  r 
Que  àz  coups  de  bâton  ,  fi  vivant  on  m'outrage , 
J'en  reçois  aufli  more ,  mais  pour  un  noble  ufage  y, 
It  même  avec  éclat  y  5c  fans  foufFrir  de  mal. 
l'our  me  faire  fervir ,  vivant ,  on  me  maltraite^ 
Après  ma  mort ,  je  commande  à  baguette ,. 

Et  mon  moindre  comm.andement 

S'exécute  trcs-promptement. 
îl  faut  bien  que  de  moi  l'on  puiiTe  beaucoup  dire  j.. 
Car  fonvent  on  reproche  aux  gens  de  trop  de  foi ,, 

(  Sérieufement  ou  pour  rire  ) 

Qu'ils  font  bien  des  contes  de  moi». 

PÉCHÉ. 

Je  fuis  encor  plus  eifroyzbfe , 
Que  je  ne  parois  à  vos  yeux  : 
On  ne  peut  concevoir  rien  de  plus  odieux,. 
Ni  rien  de  plus  abominable. 

Le  Péché  eR  repréfenté  par  un  homme^ 
îrucî,  &  de  carnation  obfcure  ;  pour  mar- 
quer le  dépouillement  de  la  Grâce  &  la  pri- 
vation de  la  Lumière.  Il  court  en  forcené- 
yers  le  fond  d'un  précipice.  Ses  cheveux 
noirs,  crépus  &  hériffés,  indiquent  lobr* 
tination  &  Tefprit  de  révolte  qui  le  gou- 
verne. Il  a  pour  ceinture  un  monftaieux. 
Serpent  y  &  un  ver  lui  ronge  le.  cosuî. 


I 


=  PÉ=  47i 

ÉNIGME   LXXXL 

Je  rîjis  une  crranHe  affronreufs  , 

Pour  de  pauvres  petits  ninis  ; 
Mais  ceux  que  je  pourfuis  ,  ne-fe  plaignent  jamais,, 
Quand ,  pour  les  attraper ,  je  fuis  affez  heureule. 

Je  fais  fouvsnt  l'emploi  des  fainéans, 
Ou  de  gens  qui  n'ont  pas  de  pieibntes  aSTair^s  3. 
Car  mon  profit  n'enrichît  guères  y 
Et  fait  perdre  beaucoup  de  temps. 

Je  fuis  violente  6c  traîrrefTs  , 
Comme  le  grand  Diable  d'Enfer  ,. 

Pour  ceux  que  je  furprends  3  car  j'ai  toujours  l'a^- 
dreffe 

De  les  prendre  à  la  gorge  >  &  d'y  porter  le  fei'. 

Enfin  je  fuis  dangereufe  &  fatale 
Aux  fots  qui  de  trop  près  viennent  me  carefTer. 
Il  vaudroit  mieux  pour  eux  aller  pafler 
Sous  la  ligne  équinoxialc. 

Pec  une. 

Arnobe  &  S.  Auguftin  ont  reproché  aux 
Gentils  d'avoir  mis  TArgenc  au  nombre 
de  leurs  Divinités ,  &  de  l'invoquer  pour 
fe  procurer  de  l'Argent  en  abondance.  Ce- 
pendant Juvenal ,  dans  fa  première  Sa- 
tyre 5  dit  que  l'Argent  n'a  encore  ni  Tem-= 


47^  =P  É  = 

pie  ,  ni  Aurel.  <c  Rien  n'eft  pîiis  en  vé- 
>5  nération  parmi  nous  que  les  Rlchelfes 
«  Il  eft  vrai ,  funeftes  Richeiîe ,  tu  n'asi 
«  point  encore  de  Temple  parmi  nous  j^ 
3>  mais  il  ne  nous  manque  plus  que  de 
w  t'en  élever  ôc  de  t'y  adorer  comme  nous 
>j  adorons  la  Paix,  la  Bonne  Foi 3  la  Vic- 
»  toire  5  la  Vertu ,  la  Concorde.  »  Juve- 
nal  a  pu  ignorer  qu'il  y  eut  une  DeefTe 
Feciinia  :  car  Varron  dit  qu'il  y  avoit  bien 
des  Dieux ,  des  Sacrifices  Se  des  Cérémo- 
nies que  les  Sçavans  mêmes  ne  connoii^ 
foient  pas, 

PÉGASE, 

Cheval  ailé ,  que  les  Poë'ces  nous  onî 
repréfenté  comme  fils  de  Neptune ,  fie 
naître  d'un  coup  de  pied  la  Fontaine 
d'Hippocrène  y  Bellerophon  monta  deffus , 
pour  combattre  la  Chimère  ;  ôc  il  fut  de- 
puis mis  entre  les  étoiles.  Mais  dans  la 
Vérité  5  ce  Pégafe  étoit  proprement  le  nom 
d'un  VaifTeau  de  Bellerophon  ^  &  c'eft  ce 
qui  a  donné  lieu  à  tant  de  Fables.  (  Les  l 
autres  difent  que  Pégafe  naquit  du  faiig 
de  Médiife ,  qui  coula  de  fon  corps  lorf- 
que  Perfée  lui  coupa  la  tète.  ) 

Pégomancie, 

Eipèee  de  Divination  qui  fe  faifoit  pas 


=  PÉ=  47? 

Teau  des  fontaines ,  dans  laquelle  on  jer- 
toit  des  Sorts  ou  des  efpèces  de  dez  :  on 
en  tiroit  d'heureux  préfages  lorfqu' ils  al- 
loient  au  fond  :  mais  s'ils  s'arrêtoient  fur 
la  furfaçe ,  c'éîoit  mauvais  Hgne. 

ÉNIGME     L  XXX  IL 

Quoique  j'enfonce  mes  morfures , 
7e  mords  prefque  toujours  fans  faire  de  bleffures  : 

J'empêche  de  terribles  maux  > 

S'il  faut  croire  la  Médecine , 
Ht  je  fuis  quelquefois  une  bonne  racine. 
Mais  pour  faire  la  guerre  à  de  vils  animauz  , 

J'emprunte  les  dents  &:  les  cornes 

Des  Animaux  les  plus  énormes. 

Je  pourrois  n'être  qu'un  morceaa 

Du  plus  miférable  arbrilTeau , 
Ou  de  l'habit  d'une  vilaine  bête  ; 
Et  j'ofe  me  vanter  de  parer  mieux  la  tête , 

Et  des  Amans  &  des  Guerriers , 

Que  les  Myrtes  y  ni  les  Lauriers, 

Je  laboure  un  champ  très-fertile  : 

Si  Ton  fruit  neft  pas  fort  utile, 
Il  peut  au  moins  fervir  à  charmer  les  regards  ^ 
Et  l'on  doit  appeller  le  fond  de  ma  culture , 

Le  chef-d'œuvre  de  la  Nature  , 

Et  la  mère  de  tous  les  Arts. 
Lorfc^ue  ce  Champ  produir  de  belles  plantes  > 
Mortes ,  je  les  cultive  aufTi-bien  que  vivantes  5. 


474  =  P  E  == 

Ec  de  mes  foins  le  plus  fouvent , 
Le  fujèt  mort  devient  plus  beau  que  le  vivant> 

ÉNIGME     LXXXIÎL 

Je  laifTe  à  part  &  ma  vie  &  ma  mort , 
Mes  courts  cheveux  d'éternelle  verdure , 
Ma  couleur  jaune  &  ma  forte  nature  5 
Voici  le  refte  de  mon  fort. 

Pour  mieux  agir ,  j'ai  doubles  armes  : 

Les  employant  avec  vigueur, 
Je  détourne  cent  maux ,  j'éloigiit*  leurs  alarmes  5 
Je  mets  l'ordre  ou  je  paiTc,  &  j'en  accrois  les  char- 
mes ; 

Je  fais  plaifir  &  même  honneur. 

Mais  ce  qu'on  aura  peine  à  croire , 
Je  deviens  fèc  quand  je  fuis  en  repos , 
Et  gras  dans  mes  plus  grands  tra\2ux  -y 
Et  je  n'attaque  point  {ans  gagner  la  Vidoiie, 

Le  plus  fouvent ,  dans  les  jeunes  Forets  , 

Je  vais ,  je  viens ,  je  m'occupe  à  la  chafTe  > 
J'ajufte  en  d'autres  des  filèrs 
Avec  tant  d'adre/Te  &  de  grâce  , 

Que  plus  d'un  cœur  s'y  prend  avec  plaifir  %■ 
Mais  quelque  courfe  que  je  fafie , 

Que  j'aille  vite  ,  ou  que  j'aille  à  loiiîr ,. 
Jamais  je  ne  me  laife. 


Peine. 

La  Peine  Corporelle  nous  eft  impofée 
pour  nous  corriger.  Celle  du  Cœur  ôc  de 
TEiprit  nous  vient  d'un  décret  d'en-haur^ 
6r  a  le  même  motif  ^  c'eft  un  châtiment 
particulier  &  non  une  punition  exemplai- 
re. On  la  repréfente  donc  allife  à  terre  , 
la  douleur  peinte  fur  le  vifage  ,  les  yeux 
baiffés,  les  cheveux  épars  ,  &  tenant  une 
Difcipline.  L'Afpic,  qui  lui  pique  le  fein  , 
eO:  l'Emblcme  du  Remord.  Comme  la 
Peine  n'efl:  que  pour  un  temps  ,  on  l'en- 
vironne d'un  léger  Brouillard  ,  qui  fe  dif- 
flpe  par  les  rayons  d*un  Soleil  éclatant  qui 
brille  au-delTus  de  fa  tête. 

Peine  perdue. 

Cette  affaire  elt-elle  impoiTible  ? 
Cèfl  en  vain  que  tu  l'entreprends  j 
C'eft  vouloir  tarir  l'Océan  avec  un  crible , 
Prendre  la  Lune  avec  les  dents , 
Ou  pour  mieux  m'expliquer  encore  y 
C'eft  vouloir  faire  blanc  un  More. 

Peinture. 

Il  n^eft  rien  après  la  Nature , 
De  plus  parfait  que  la  Pii>^ture  ; 
Aufli  ce  fut  un  Dieu  qui,  de  Tes  mains ^ 
L'enfçigna  jadis  aux  humains. 


!5I, 


47(?  t=PE== 

La  Teinture  fe  caradérife  par  u»e  fem-lfal 
me  vêtue  (împlement  d'une  étoffe  chan-ps 
géante ,  &  en  adion  de  peindre.  Le  ban-|  «me 
deau  qu  elle  a  fur  la  bouche  fignifîe  qu  elkj  i^nti 
eft  une  Pocfie  muette.  Les  trois  parties! 
qui  la  compofent,  qui  font  l'invention  j(i  itti^: 
le  Deiïein  &  le  Coloris ,  font  dé/îgnées| 
par  trois  Rayons  de  lumière  ,  dont  le  pre- 
mier éclaire  fa  Tête  ,  le  fécond  fa  Miin  , 
&  le  troifième  donne  fur  la  Palette. 

Philoftrate  dit  que  la  Peinture  ell:  une 
Invention  de  la  Nature  \  Ôc  en  effet  la  Na- 
ture nous  a  donné  les  premières  idées  de 
cet  Art  merveilleux.  Le  Soleil  ,  dès  les 
premiers  jours  du  monde  ,  non-feulement 
s'eft  peint  dans  les  eaux  ;  mais  il  s'eil  re- 
produit dans  des  Parélies  ,  qui  font  des 
portraits  fi  fidèles ,  qu'à  peine  les  peut-on 
diftinguer  de  l'original.  Sa  lumière  diver- 
fement  réfléchie  ,  peint  l'Iris  de  mille  cou- 
leurs ,  &  nous  fait  voir  dans  la  Mèr  ,  dans 
les  Fleuves  &  dans  les  Fontaines ,  d'ad- 
mirables portraits  de  tout  ce  qui  pare  la 
Terre  ,  ou  qui  brille  dans  les  Cieux. 

11  fembîe  que  la  Nature  ,  charmée  de 
fes  productions ,  fe  foit  appliquée  avec 
foin  à  en  faire  des  copies.  Il  n*eft  prefque 
rien  qui  n'ait  fervi  comme  de  toile  à  cette 
merveilleufe  ouvrière  ,  pour  y  former  Ces 
portraits.  On  voit  tous  les  jours  fur  des 


=  PE=  477 

■Agathes  5  fur  des  Marbres ,  fur  des  Pier- 
tes  ,  fur  des  Arbres ,  des  images  naturel- 
lement finies  ;  de  qui  repréfentenc  mille 
£gures  bifarres. 

La  Nature  ayant  fait  les  premiers  por- 
traits 5  ht  au(îi  les  premiers  Peintres.  Elle 
infpira  aux  hommes  le  delfein  de  l'imi- 
ter ,  de  peut-être  la  Fortune  contribuâ- 
t-elle à  faire  réullir  leurs  recherches.  C'eft 
tout  ce  qu'on  peut  accorder  au  hafard 
dans  l'honneur  de  cette  invention. 

Pline  nous  apprend  que  la  Fille  de  De- 
butade ,  Corinthien  ,  rêvant  à  fe  confer- 
ver  en  quelque  manière  la  préfence  de  fon 
Atnant  qui  devoit  s'éloigner  d'elle  ,  tira 
des  traits  fur  fon  ombre  à  la  lumière  d'une 
lampe  ;  de  ces  traits  fe  trouvèrent  avoir 
heureufement  affez  de  rapport  avec  le  vi- 
fage  de  fon  Amant ,  pour  qu'elle  put  fup« 
porter  fon  abfence  avec  moins  de  dou- 
leur. 

Philoftrate ,  dans  la  vie  d'Apollonius  , 
dit  que  les  premiers  Peintres  travaillant 
enfuite  dans  ce  vuide  ,  apprirent  peu-â- 
peu  à  ménager  le  jour  &  les  ombres  ;  en 
quoi  confifta  d'abord  toute  leur  habileté, 
les  Portraits  n'étant  alors  que  d'une  feule 
couleur.  Ce  fut  encore  un  Corinthien  , 
nommé  Cléophante  ,  qui  s'en  fervit  le 
premier,  ôc  qui  palTant  en  Italie  avec 


478  =PE=_  Il 

Démocrate  5  père  de  Tarquin  l'Ancien  9!  ;|' 
y  porta   la  première   connoilTance    de  lai  ï\ 
Peinture ,  en  la  trente  -  quatrième  Olym-  '^ 
piade.  Avant  lui ,  on  fe  contentoit ,  pour  i 
remplir  le  vuide  des  Portraits ,  de  hacher  j 
le  dedans  ,  &  d'écrire  le  nom  de  ceux  \ 
qu'on  prétendoit   peindre.    Tous   n'arri- 
voient  pas  même  à  cette  fînefle  \  ôc  ceux 
qui  y  réulHlfoient ,  paifoient  dans  cqs  pre- 
miers temps  pour  des  hommes  confom- 
més  dans  l'Art.  Les  Égyptiens  même  qui 
s'attribuent  l'invention  de  tous  Ïqs  Arts  , 
n'étoient  guères  plus  habiles  ,  puifqu'ils 
étoient  contraints  d'écrire  fous  leurs  Ta- 
bleaux j  le    nom  de  ce    qu'ils  repréfen- 
toient ,  pour  ne  pas  donner  lieu  à  quelque 
méprife  :  mais  ce  défaut  étoit  alors  com- 
mun à  tous  les  Peintres  :  tous  leurs  ou- 
vrages n'étoient  que  des  repréfentations 
groiïières  &  informes.  Toutes  leurs  figures 
étoient  mutilées:  elles  n'eurent  ni  pieds,  ni 
bras ,  pendant  un  fort  grand  nombre  d'an- 
nées. Elles  furent  encore  plus  long-temps 
aveugles  ;  &  celui  qui  réulîit  enfin  à  leur 
donner  des  yeux  ,  fur  confidéré  comme  un 
homme  qui  avoir  porté  l'Art  au  plus  haut 
point  de  perFeilion.  Ce  qui  eft  vrai ,  c'ell 
qu'il  eut  du  moins  la  gloire  d'avoir  ouvert  la 
carrière.  Ceux  qui  le  fuivirent ,  ajoutèrent 
à  l'envi ,  quelque  chofe  à  la  Peinture.  Po- 


I 


lîgnore  fi:  des  portraits  de  quatre  couleurs. 

ApoHocore  d'Ahènes  invenca  le  Pinceau  ; 
•|  ôc  jurquà  Zeuxis  ,  divers  Peintres  ajoute- 
ra reiic  iuccellivement  toutes  les  couleurs.  Ils 
f  ;  entreprirent  même  d'exprimer  les  PaHlons , 
i  ':  ôc  tout  ce  qui  fe  pafTe  de  fecret  dans  l'âme. 
■ ,  Cependant  la  Symmétrie  n'ctoit  point  en- 
:    core  obfervée  ,  &  Zeuxis ,  fi  fameux  d'ail- 

■  leurs,  péchoit  dans  tous  ùs  ouvrages  con- 

■  tre  cette  régularité.  Mais  dans  ce  même 
i  temps ,  Parrhaze  Se  Timante  commencè- 
,  rent  à  l'obferver,  &  à  la  propofer  comme 
;    une  loi  indifpenfable  ,  fans  laquelle  on  ne 

■  pouvoir  former  que  des  mondt-es.  Le  pre- 
mier en  acquit  le  nom  de  Légiflareur  ^  ôc 
le  {Qcond  l'obferva  Ci  exactement,  que  fon 
tableau  des  Sacrifices  d'Iphigénie  n'eft  pas 
plus  eftimé  par  l'mvention  ,  que  celui  de 
fon  Cyclope ,  par  cette  proportion  qui  y 
eft  il  induftrieufement  obfervée.  En  effet, 
ayant  peint  Poliphème  de  la  taille  d'un 
homme  ordinaire ,  il  en  fait  concevoir  la 
grandeur  par  l'oppofition  de  la  petiteile  de 
quelques  Satyres  ,  qui  mefurent  le  pouce 
du  Géant  avec  des  brins  d'herbe.  Ce  fut 
prefque  dans  ce  même-temps  que  Pam- 
phile  ,  ayant  uni  la  Science  â  la  Peinture  y 
acheva  de  perfectionner  cet  Art.  Apelles, 
qui  vivoit  en  la  cent  douzième  Olympia- 
de ,  fut  le  premier  Peintre  de  fon  temps. 


480  s=PE=œ 

il  l'on  en  excepte  peut-être  le  feul  Proto- 
gène de  Rhodes  ,  avec  lequel  il  eut  cette 
fameufe  difpute  que  tout  le  monde  fçait , 
6c  dont  il  eftima  les  ouvrages  jufqu'à  payer 
un  de  {qs  Tableaux  cinquante  talens.  C'eft 
ainfi  que  la  Peinture ,  depuis  la  quatre- 
vingt- troiiième  Olympiade  jufqu'a  la  cent 
douzième  ,  c'eft-a-dire  ,  en  moins  de  cent 
cinquante  années  ,  arriva  a  fa  dernière  per- 
fedtion  ,  après  avoir  langui  pendant  deux 
Cécles  entiers ,  fans  aucun  accroilTement 
depuis  fa  nailTance  en  Grèce  ,  &  peut-être 
àQS  milliers  d'années  ,  (i  l'on  attribue  fon 
origine  aux  Égyptiens  j  &  c'eft  là  le  fen- 
timent  le  plus  probable  ,  ptufque  les  Hié- 
roglyphes doivent  être  regardés  comme  des 
efpèces  de  Peintures, 

On  ne  peut  pas  douter  que  la  Peinture  ; 
ne  foit  aulîi  ancienne  que  la  Sculpture , 
ayant  toutes  deux  pour  principe  le  DeiTein.  , 
Mais  il  eft  difficile  de  fçavoir  au  vrai  le  ft 
temps  &  le  lieu  où  elles  ont  commencé  ^^ 
de  paroîcre.  Les  Égyptiens  &  les  Grecs  qui  |] 
fe  difent  les  Inventeurs  des  plus  beaux 
Arts ,  n'ont  pas  manqué  de  s'attribuer  la 
gloire  davoir  été  les  premiers  Sculpteurs 
&  les  premiers  Peintres.  Quoi  qu  il  en  foit , 
il  eft  certain  que  la  Peinture ,  après  avoir 
eu  de  foibles  commencemens ,  a  paru  dans 
fa  perfedion  chez  les  Grecs  j  &  que  les^ 

principales 


fin 


r=PE=  481 

principales  Écoles  de  cet  Art  étoient  à  Si- 
cyone  ,  Ville  du  Péloponnefe  ,  â  Rhodes ,. 
ôc  à  Athènes.  De  la  Grèce  elle  paiTa  en 
Italie  ,  où  elle  fut  en  grande  réparation 
fur  la  fin  de  la  République  ,  &  fous  les 
premiers  Empereurs,  jufqu'à  ce  qu'enfiii 
le  Luxe  &  les  Guerres  ayant  dillipc  l'Em- 
pire Romain  ,  elle  y  demeura  entièrement 
éteinte  ,  auiîi  bien  que  les  autres  Sciences 
&  les  autres  Arts  *,  3c  ne  recommença  à  pa- 
roître  en  Italie  que  quand  le  fameux  Ci- 
mabué  fe  mit  à  travailler ,  &  rerira  d'en- 
tre les  mains  de  certains  Grecs  les  déplo- 
rables reftes  de  cet  Art.  Quelques  floren- 
tins l'ayant  fécondé  ,   furent  ceux  qui  fe 
mirent  les  premiers  en  réputation.  Néan- 
moins il  fe  palla  beaucoup  de  temps ,  fins 
qu'il  s'élevât  aucun  Peintre  fort  confidé- 
rable.  Le  Ghirlandaio ,  Maître  de  Michel- 
Ange  5  acquit  le  plus  de  crédit ,  quoique 
fa  manière  fut  féche  &  Gothique  :  mais 
Michel-Ange  fon  Difciple  ,  qui  parut  en- 
fuite  fous  le  Pape  Jule  II ,  au  commen- 
cement du  feizième  fiécle ,  effaça  la  Gloire 
de  tous  ceux  qui  l'avoient  précédé  ,   ôc 
forma  l'Ecole  de  Florence.  Pierre  Peru- 
gin  eut  pour  élève  Raphaël  d'Urbin  ,  qui 
lurpaira  de  beaucoup  fon  Maître  ,  &  Mi- 
chel-Ange  mèm.e  ;  il    établit  l'Ecole    de 
Rome  ,  compofée  dts  plus  excellens  Pein- 
Tome  lîL  X 


482  =PE=^ 

très  qui  ayent  paru.  Dans  le  même  temps  ■ 
l'École  de  Lombardie  s'éleva  ,  &c  fe  rendit  1 
recommandable  fous  le  Giorgion  ,  &  fous 
le  Titien ,  qui  avoir  eu  pour  premier  maî- 
tre Jean  Belin.  11  y  eut  encore  en  Italie  ; 
quelques  Écoles  particulières  fous  différens  . 
Maîtres  :  entr'autres  a  Milan  ,   celle  de 
Léonard  de  Vinci  ^  mais  on    ne  compte  ; 
que   les   trois  premières  comme  les  plus  1 
célèbres  ,  &  d'où  les  autres  font  forties.  i ,. 
Outre  celles-là  ,  il  y  avoir  en-deçà  des  iî 
Monts,  des  Peintres  qui  n'avoient  nul  i  ' 
commerce  avec  ceux  d'Italie ,  comme  Al- 
bert Dure  en  Allemagne ,  Holbens  en 
Suiife  5  Lucas  en  Hollande  ,  ôc  pluJeurs  ; 
autres  qui  travailloient  en  France  &  en 
Flandre  ,   de  différentes   manières.  Mais 
l'Italie  5  Se  Rome  principalement,  étoit 
le  lieu  où  cet  Arc  fe  pratiquoit  dans  fa 
plus  grande  perfedtion  ,  &  où  de  temps 
en  temps  il  s'élevoit  d'excellens  Peintres. 
A  l'École  de  Raphaël  a  fuccédé  celle  des 
Caraches  ,   laquelle  a  prefque  duré  juf- 
qu  à  préfent  dans  leurs  Élèves  ,   mais  il 
en  refce  peu  aujourd'liui  en  Italie,  3c  il  i 
femble  que  cet  Art  ait  paifé  en  France, 
depuis  que  le  Roi  Louis  le  Grand  a  éta- 
bli des  Académies  pour  ceux  qui  le  pra- 
tiquent. 

Quoique  ce  ne  foie  que  fous  le  Règnejj^ 


J.       J 

de  François  1 ,  le  Reftaurateur  des  Scien- 
ces &  <ies  beaux  Arcs  en  France  ,  que  la 
;  Fcinîure  ait  commencé  de  s'y  peifedion- 
•  ner,  &  de  s'élever  à  ce  point  de  gour  6c 
;  de  génie  où  on  la  voit  parvenue  ;  cepen- 
;  dant,  depuis  le  milieu  du  dix-feptième 
:  fîècle  5  il  paroît  alTez  que- cet  Art ,  tout 
î  informe  qu'il  étoic  alors ,  y  a  toujours  été- 
j  en  eftime  &  en  confidération  ;  puifque  la 
.  Communauté  des  Peintres  ei^  une  des  pins 
J  anciennes:^  (Se  depuis  pluiieurs  fiécles ,  une 
.!  des  plus  coniidérables  de  celles  qui  le  font 
.-, établies  dans  la  Capitale  du  Royaume. 
ni  j  C'eft  l'Académie  de  Saint  Luc  qui  corn- 
:;  pofe  cette  Communauté  de  Pdntrcs  de 
a  Paris  ,  dont  les  Statuts  ne  font  que  d^ 
;rl année  \^G\,  Us  font  au  nombre  de  huit , 
i:  &  d'un  ftyle  fi  fimple  &  ii  naif ,  qu'on  ne 
:i  peut  douter  qu'ils  ne  foient  au  moins  da 
:5  même  âge  que  la  troiiième  race  de  nos 
:.  Rois.  Charles  VI y  en  1^30,  ajouta  aux 
;:!  privilèges  contenus  dans  ces  Statuts  ,  l'é- 
:-  :emption  de  toutes  tailles ,  fubfides ,  guet, 
;arde  ,  ocz,  Henri  lll  les  confirma  par 
^ettres  Patentes  du  5  Janvier  1^533. 

Dans  le  feizième  fiécle ,  le:  Écoles  de 

\inturcs  écoient  déjà  célèbres  a  Rome  , 

Florence  ,  à  Vernie  &  en  Lombardie. 

'AS  Miche  l'An  ^^e  ^  les  Raphaël  ^  les  Cor- 

^iéCEoient  prêts  de  paroître ,  que  nous 

Xi; 


( 


484     =PE=^ 

étions  réduits ,  en  France ,  a  ne  produire 
que  des  Tableaux  informes  ,  ou  quelques 
Miniatures,  délicates  à  la  vérité  &  d'un 
beau  coloris ,  mais  fans  feu  d'imagination 
&  fans  génie.  Les  Flamands ,  nos  voifins , 
dès-lors  3  non-feulement  nous  furpafsè- 
rent  ,  mais  encore  égalèrent  les.  Artiftes. 
d'Italie.  .  ii\'ir>  | 

Jean  Vaneyk  ,  à  Bruges ,  vers  le  milieu! 
du  quinzième  fiécle  ,  trouva  le  fecret  del 
fubftituer  au  vernis  que  les  Peintres  avoientji 
déjà  employé  pour  donner  de  l'éclat  à  leurs! 
ouvrages ,  le  mélange  de  l'huile  de  lin  avec 
les  couleurs  j  découverte  heureufe  ,  qui; 
rendit  la  Peinture  fufceptible  du  degré  del 
perfeétion ,  où  elle  eft  parvenue"  depuis.   • 

Philippe  le  Bon ,  Duc  de  Bourgogne., 
Prote6teur  de  tous  les  Beaux  Arts ,  exerça 
les  ralens  du  Peintre  de  Bruges ,  &.  fît  exé- 
cuter les  tableaux  de  fa  compofition  à  it^ 
Manufaétures  de  TapifTeries ,  établies  dan 
les  pays-bas  ,  les  plus  anciennes  &  les  feu 
les  qu'il  y  eut  alors  en  Europe.  Vaneyk  fu 
en  fi  grande  réputation  ,  q^\x  Antoine  de 
Mefline  ,  fameux  Peintre  Italien  ,  vint  de- 
meurer à  Bruges ,  dans  la  feule  vue  de  con 
noîtM  le  Peintre  Flamand ,  ou  plutôt  fonj  "^ 
fecrèt ,  qu'en  effet  il  porta  en  Italie. 

Ce  ne  fut  que  fous  les  Règnes  de  Louis  ^°' 
Xlll  ôc  de  Louis  XIF ^  que  la  Peinturé 


=  PE=  48? 

Zc  la  Sculpture  commencèrent  à  faire  des 
progrès  en  France.  Ces  beaux  Arcs  doivent 
leur  établifTemenc  en  Académie  à  M.  des 
Noyers ,  Secrétaire  d'Etat  &  Intendant  des 
Bâtimens  du  Roi  ,  fous  Louis  XIII. 

Cette  Académie  fut  m.ife  enfuite  fous 
la  direction  de  M.  de  Chambrai^  frère  de 
M.  Champelon.  Après  la  mort  de  ces  Pro- 
tedeuis ,  elle  demeura  fort  négligée.  Lo 
Chancelier  Seguier ,  avec  la  protection  du 
Cardinal  Mazarin  ,  la  rétablir ,  &  le  grand 
Colbert  enfuite  ,  qui  nç  cenfant  de  la  pro- 
téger, ordonna  ^,^^  penfions  à  ceux  qui  fe 
dillîngueroient  d'entre  les  autres. 

Cette  Académie  obtint,  le  20  Janvier 
1(^48  ,  un  Arrêt  du  Confeil ,  qui  fit  dé- 
fenfes  aux  Maîtres  Pemtres  &  Sculpteurs , 
de  troubler  les  Académiciens  dans  leurs 
exercices.  Dans  le  commencement  ils 
ëtoient  au  nombre  de  vingt-cinq  j  fça- 
voir  5  douze  Officiers  ,  que  l'on  appelioic 
•Anciens ;  Se  qui,  chacun  dans  leurs  mois, 
faifoient  des  leçons  publiques  j  de  onz5 
Académiciens  ôc  deux  Syndics. 

Dès  le  mois  de  Février  de  la  même  an- 
née 5  cette  Compagnie  drefTa  des  Statuts , 
pour  fervir  de  Règlemens  aux  Académi- 
ciens &c  à  ceux  qui  y  viendroient  étudier. 
Ces  Statuts  ont  été  augmentés  depuis ,  &c 
lîomolcgués  par  Lettres  Patentes  du  Roi. 

X  iij 


Elle  choifit  aufîî  entie  ceux  de  Ton  corps 
un  nombre  de  Profefreurs ,  qui  y  depuis  ce 
temps ,  font  des  Leçons  Publiques  de  Feijz- 
ture  ôc  de  Sculpture  j  ce  qui  eft  défendu  à 
tous  les  autres.  Elle  peut  auflî  établir  des! 
Leçons  Académiques  dans  toutes  les  Villest 
du  Royaume  ,  fous  {^s.  ordres. 

Le  Roi  en  a  fondé  une  pareille  à  Rome,; 
où  celle  de  Paris  envoie  un  de  ^^s,  Rec-i 
teUi^fO'^J^  y  préfider  ^  &  Sa  Majefté  donne! 
'-eniîon  au.^  étudians  qui  ont  remporté  ï 
l'Académie  uC  P.^^"^^  '--'  ^^^^^  q"^  l'on  donne; 
tous  les  ans  ;  &  ce  fonr  ^Z  ^^"^lans  que: 
l'on  envoie  à  Rome  ,  pour  y  étudier  va 
Peinture  &  la  Sculpture, 

Les  Officiers  de  \ Académie  Royale  de 
Paris ^  font  un  Diredbear  ,  un  Chancelier,, 
quatre  Redeurs  >  deux  Adjoinrs  &  douze 
ProfelTeurs  ,  qui  fervent  par  mois.  Huit 
Adjoints ,  un  ProfeiTeur  en  Géométrie  5i 
Perfpedive  ,  &  un  d'Anatomie ,  pour  ce 
qui  regarde  le  DsfTein.  Il  y  a  aufli  un  Tré- 
forier  &  plufieurs  Confeillers  ,  qui  font 
divifés  en  deux  ClaiTes ,  dont  la  première 
eft  compofée  de  ceux  qui  fonr  profeflion 
de  Peinture  &z  de  Sculpture  dans  toute 
leur  étendue  \  &  l'autre  ne  l'eft  que  de 
ceux  qui  excellent  dans  quelque  partie  de 
la  Peinture  3c  de  la  Sculpture  ,  comme  à 
faire  d^s  Portraits  ,   des  Payfages  ,    des 


=  P  E  =  487 

Pleurs  ou  des  Fruits  ,  en  quoi  ils  ont  quel- 
que talent  particulier. 

II  y  a  en  outre  >  quelques  Confeillers 
Amateurs  ;  on  les  appelle  ainfi  ,  à  caufe 
de  TAmour  qu'ils  ont  pour  cet  Art.  Il  y  a 
de  plus  un  Secrétaire  de  l'Académie ,  qui 
tient  les  Regiftres  ,  3c  contrefigne  toutes 
les  expéditions.  Les  habiles  Graveurs  font 
reçus  dans  cette  Académie.  Les  Elèves  , 
■qui  n'ont  pas  alTez  de  capacité  pour  être 
reçus  Académiciens  ^  peuvent  fe  faire  re- 
cevoir Maîtres  dans  toutes  les  Villes  du 
Royaume,  fur  le  certificat  de  celui  chez 
qui  ils  ont  demeuré ,  fans  qu'on  leur  puifTc 
apporter  aucun  changement. 

Outre  cette  Académie  Royale  de  Pein^ 
ture  &  de  Sculpture  5  il  y  a  V Académie  Ro- 
umaine ,  dite  de  S,  Luc  ^  qui  eft  la  Com- 
'munauté  des  Peintres  ,  dont  on  a  parle. 
Ces  deux  Académies  expofent  alternative- 
ment, tous  les  ans,  leurs  Tableaux  aux 
yeux  du  Public  ;  l'une  au  Louvre;  &  celle 
de  S.  Luc  ,  tantôt  a  l'Arfenal  ,  tantôt 
ailleurs. 

L'Académie  Royale  de  Peinture  8c  de 
Sculpture  5  en  France,  jouit  de  la  première 
'réputation.  Aucune  ,  dit  M.  Patte ,  ne 
polTede  des  Artiftes  aulîi  célèbres  ;  nucune 
ne  produit  àt^  Chefs  d'oeuvre  auiîi  mul- 
lipliés, 

Xiv 


Le  plafond  de  l'Apothéofe  ^Hercule  ,  ;  iule 
à  Verîailles  ,  par  Al.  le  Moine  ,  eft  un  des  \^i 
plus   grands    Ouvrages    de    Peinture   qui  '  li 
ayenr  écé  exécutés.  On  admire  la  compo-   \% 
fition  àtz  Tableaux  de  l'Hiftoire  à' Efiher  ^ 
ôc  de  celle  de  Jafon  ,  par  M.  Troys  ;  on 
connoît  ceux  de  THilloire  de  S,  Aïigujlin , 
du  facrifice  d'Iphigénie  ,  de  Carlo  Vanloo,  i  A 
Les  Animaux  ont  eu  des  Peintres  fupé-  ||11 
rieurs  dans  Defportes  ôc  Houdry  :  Parocelm. 
a  été  unique  pour  repréfenter  les  Batailles,  Ip 
l'Archiredure,  les  Vues,  Perfpedtives  des  m 
Èglifes  ]  la  Marine  ,  le  Soleil  levant  ou 
couchant,  les  Tempêtes,  les  Naufrages, 
les  Ports  de  Mèr ,  ont  eu  &c  ont  des  Pein- 
très  excellens  j  tous  les  deux  ans  ,  nous 
jouiflons ,  au  falon  ,  des  chefs-d'œuvre 
réunis  de  nos  Pkydias  &  de  nos  Apelles, 
Sous  ce  Règne  de  Louis  XV ^  deux  dé- 
couvertes importantes   fe  font  faites  ;  la 
première ,  qui   eft  due  à  M.  Picaut ,  eft 
celle  d'avoir  trouvé  le  moyen  de  donner  i 
un  nouvel  être  aux  Tableaux  ufés  de  nos 
grands  Maîtres ,  en  les  tranfportant  fur 
une.  nouvelle  toile  ,  fans  rien  leur  oter  de 
îeur  coloris  ,  &  même  d'avoir  trouvé  le 
Secret  de  tranfpprter  fur  une  toile  les  Ta- 
bleaux à  frefque  de  àt'^yxs  les  murailles, 
aufli  bien  que  les  Peintures  fur  bois ,  fans 
les  altérer  en  aucune  manière  j  l'autre  ma- 


i 


=  PE=  48^ 

nîere  ,  duc  â  M.  Loriot ,  eft  d'avoir  ima- 
giné de  fixer  la  Peinture  au  Pajlel ,  fans 
lui  ôter  ni  la  fleur  ni  la  fraîcheur  des  cou- 
leurs ;  ce  beau  fecrèt  donne  à  la  véracité 
de  ces  ouvrages ,  la  folidicé  de  ceux  qui 
font  peints  à  l'huile ,  les  préferve  de  l'hu- 
midité qai  les  détruifoit ,  ôc  perpétue  les 
Ouvrages  en  ce  genre  ,  dignes  de  paiTer 
a  la  poftérité.  Ce  que  Boileau  a  fait  pour 
les  Poètes ,  M.  Watelet  l'a  fait  pour  les 
Peintres  ,  c'eft-à-dire  ,  qu'il  a  donné  l'Arc 
de  peindre  ,  Poème  en  quatre  chants  ;  ou- 
vrage rempli  de  réflexions  judicieufes.  Se 
comme  autant  de  leçons  fur  toutes  les  par- 
ties de  la  Peinture. 

Le  Brun  ,  eni66j^^  efl:  le  premier  ,  fous 
Louis  XIV ^  qui  eut  l'honneur  d'avoir  le 
titre  de  Premier  Peintre  du  Roi:  M.  Bou- 
cher l'eft  de  Louis  XV  ,  depuis  la  m.orr 
du  célèbre  Carlo  Vanloo  ^  arrivée  au  mois 
d'Août  17^5. 

[PARTIES    ESSENTIELLES 

D  E    L  A    P  E  I  N  T  U  R  E. 

ï-SYT-^rios  y    Disposition  ,    Exprzssioiz  , 

Trait,  poser  lis  Ombres  et  les  Jours , 

répaxdre    les   couleurs, 


Invention. 

V Invention  eft  la  production  &  le  choix 

Xv 


des  objets  qui  doivent  enrrer  dans  la  cam- 
pofîrion  du  fujèt  que  le  Peintre  veut  traiter. 

U Invention  n'eft  qu'une  partie  de  la 
difpolîtion  qui  confîfte  à  placer  ces  mêmes 
objets  avantageufement.  11  faut  faire  at- 
tention que  les  objets  qu'on  introduit  dans 
un  Tableau  ,  doivent  tous  contribuer  à 
l'Expreiîion  &:  au  caractère  du  fujèt.  L'/zr-; 
vention ,  par  rapport  à  la  Peinture  ^  fe  peutl 
conlidcrer  de  trois  manières  :  le  Genre 
Hijiorique^  le  Genre  Allégorique  &  1q 
-Genre  Myjiique. 

Le  Genre  Hijiorlque  efi:  le  plus  consi- 
dérable en  Peinture  ,  il  confîfte  a  unir  plu- 
fîeurs  figures  enfemble ,  qui  repréfentenc  j 
un  fujèt  tiré  de  la  Fable  ,  ou  de  l'Hiftoi 
re  ,  ou  purement  Allégorique.  Pluiîeursl 
Auteurs ,  entr'autres  de  Pile ,  donnent  à 
ce  terme  une  fignification  plus  étendue  , 
&  renferment ,  dans  le  Genre  Hiftorique , 
la  repréfentation  de  toutes  les  produdtions 
de  l'Art  &:  de  la  Nature.  On  exige  dans 
ce  genre  la  Fidélité,  h.  Netteté  &  le  beaut 
Choix.  La  Fidélité  de  THiftoire  n^eft  pas 
de  l'elTence  de  la  Peinture  ,  mais  elle  eft 
de  convenance;  enforte  qu'il  faut  traiter 
les  chofes  tirées  de  la  Fable  ou  de  l'Hif- 
toire,  fuivant  l'opinion  qu'en  ont  commu- 
nément les  hommes  ,  par  des  Auteurs,  ou 
par  la  Tradition  ;  cependant  il  eft  permis 


=  P  E  -=  4P  1 

également  aux  Peintres  de  aux  Poètes  de  Te 
donner  une  licence  modérée  ,  ôc  d'intro- 
duire quelques  traits  d'imagination  dans 
les  fujcts  Hifioriques  qui  peuvent  le  fouF- 
frir.  A  l'égard  de  la  Netteté  ^  elle  confifte 
à  failir  quelques  marques  diftinctives  d'un 
fujèt,  (Se  à  le  rendre  de  manière,  que  le 
fpedlateur  éclairé  ne  puiiTe  pas  le  confon- 
dre avec  un  autre.  Enhn  le  beau  Choix  eft 
la  partie  où  brille  le  génie  du  Peintre.  Un 
grand  fujèc  eft  fufceptible  de  beaucoup  de 
rtoblefTe  &  de  grandeur  dans  les  figures , 
de  force  &  d'exprelîion  dans  les  attitudes , 
de  variété  &  d'action  dans  la  Scène  du  Ta- 
bleau ,  &c.  Un  petit  fujèt  doit  fe  faire  re- 
marquer par  une  manière  de  le  traiter, 
iieuve ,  élégante,  intérefTantCr 

Le  genre  Allégorique  eft  repréfente  par 
le  choix  &  par  la  difpoficion  àes  objets  , 
autres  que  ce  que  ces  objets  font  en  effer.- 
Les  fujèts  font  Allégoriques  en  tout  ou  en 
partie»^  Les  fujèts  Allégoriques  en  partie, 
contiennent  un  mélange  de  Traits  fabu- 
leux &  d'Hiftoires  ,  qui  concourent  à  for- 
mer un  touc  parfait.  \^qs  fujèts  puremenc 
Allégoriques ,  doivent  offrir  aux  yeiix  ,  àt% 
figures  Symboliques  5  avec  leurs  Attributs 
reçus  &:  connus  >  afin  qu'on  comprenne  fa- 
cilement le  fujèr  Moral ,  Hiftonque  ,  Ga- 
lant, ou  Crici-^ue  5  traité  par  le  Pdntre» 

Xvj 


YJ2.  =PE==  I 

Le  Genre  Myjiique ,  eft  celui  où  Toft  1  \m 
repréfenre  fous  des  figures  Symboliques,  ibjè 
quelque  Myftère  de  notre  Religion.  Il  faut  \ 
que  l'invention  ,  dans  ce  genre ,  foit  pure 
éc  fans  mélange  d'objets  tirés  de  la  Fable  y 
elle  doit  être  auffi  fondée  fur  l'Hiftoire 
Eccléfiaftique.  Ce  Genre  ne  peut  jamais 
être  traité  d'un  ftyle  trop  grand,  ni  trop 
majeftueux. 

Disposition. 

La  Difpojition  efl:  cette  (Economie  >  & 
ce  bon  Ordre  de  toutes  les  parties  d'un 
Tableau  ,  de  manière  qu'il  en  réfulte  un 
etfet  avantageux.  La  Difpojition  fait  partie 
de  la  Compofirion,  Elle  arrange  &:  lie  tous 
les  objets  avec  netteté  &  fans  confufion. 
Elle  place  les  principales  figures  dans  les 
endroits  les  plus  apparents ,  fans  affeéia- 
tion  ;  enfin  ,  elle  donne  de  la  force  &  de 
la  grâce  aux  chofes  inventées.  On  doit  ob- 
ferver  que  dans  l'CEconomie  de  tout  l'ou- 
vrage ,  la  qualité  du  fujèt  doit  fe  faire  fen- 
tir  d'abord  ,  &  le  Tableau  doit ,  du  pre- 
mier coup  d'ceil ,  infpirer  la  Paiîion  prin- 
cipale qu'on  a  entrepris  de  traiter. 

Exprès  sion. 

ISExpreJJîon  eft  la  repréfenration  àes 
Mouvemens  de  l'âme  &  des  Paillons.  Il 


tauc  que  les  ExpreJJions  foienc  propres  au 
fujèc  ;  &  que  les  principales  figures  ea 
ayerw:  de  nobles  &:  de  frappantes.  On  doit 
fuir  également  les  ExprejJions  exagérées, 
&  celles  qui  font  infipides.  Un  habile 
Artifle  fçaic  faire  concourir  à  ÏExpreJJion 
générale  du  fujèt ,  les  objets  mêmes  les 
plus  inanimés ,  par  la  manière  dont  il  les 
cxpofe. 

On  dit  communément  que  le  DefTein 
&  le  Coloris ,  font  le  corps  de  la  Peinture  > 
&  que  VExprcJJîon  en  eft  l'âme. 

Memhris  addenda  eji  ignea  r'irtus 

Scil'icet ,  atqiie  hebetes  anima  ïnfundenda  per  aT- 

tus  : 
Singula  vitali  Jplrcnt  anlmata  colore, 
Gefius  uhique  micet  vivax ,  rultufque  loquaces 
Spiritus  intus  alat, 

PicTURA,  Carmen. 

UExprejUion  ,  dit  M.  de  Piles ,  eft  la 
pierre  de  touche  de  l'efprit  du  Peintre. 

Raphaël ,  Jule  Romain  ,  &  le  Domini- 
quin  ,  ont  excellé  dans  VExpreJJïon.  Les 
principales  qualités  de  VExpreJjîon  ,  font 
la  JuftefTe  &:  ia  Vérité  ,  le  Naturel ,  la  No- 
blefle ,  la  Vivacité  ,  la  Finefle. 

Trait. 

Le  Trait  eft  ce  qui  termine  Tétenduc 


^p^  ==rrr  P   E  == 

de  la  fiuface  d'un:  fujèt.  Se  ce  qui  marque*: 
les  diverfes  parties  qu'elle  renferme.  C'eft 
par  le  moyen  du  Trait  qu'on  parcoure  tous 
les  objets  vilibles  de  la  Nature ,  Ôc  les  clio- 
fés  que  rimagination  peur  fe  repréfenter 
fous  des  figures  corporelles.  Il  donne  au 
corps  les  formes ,.  les  afpeds  ôc  les  fitua- 
tions  qui  leur  conviennenr  ;  il"  faidc  me-  \ 
me,,  fous  la.  main  d'un  habile  Efeiîînateur, 
jufqu'aux  mouvemens  de  l'âme»-  On  doit 
amortir  les  Traits  dont  font  formées  les 
parties  de  l'Ouvrage  dans  les  Tableaux^ 
qui  doivent  être  vus  de  près  ;  mais  il  faut 
que  le  Trait  foit  artiflement  prononcé  dans 
les  Tableaux  qui  doivent  être  vus  de  loin, 
enforte  néanmoins  qu'il  ne  paroiiïe  point 
du  lieu  d'où  ils  doivent  être  regardés. 

Poser  les  Ombres  ej  les  Jours. 

C'eft  repréfenter  les  Ombres,  les  placer 
où  elles  doivent  être.  Il  faut  tracer  les  pre- 
miers Traits  d'une  figure  y  d'un  deffein ,. 
avant  que  de  Tombrer.  On  imite  les  Om- 
bres réelles ,  en  obfcurci(ranr  peu  à  peu  les 
couleurs  des  objets  qui  ne  font  pas  expo- 
{és  à  la  liunière.  La  plus  grande  difficulté 
du  Coloris ,  eft  de  fçavoir  ménager  à  pro-^ 
pos  les  Jours  ôc  les  Omtres. 

C'eft  l'Art  du  Pein-c  de  diftribuer 
avantageufemenc  ks  Lumières  iSc  les  Om- 


bres,  tant  pour  le  repos  &  la  fatlsfadioii 
des  yeux ,  que  pour  l'ettèr  du  tour  enfem- 
ble.  C'eft  par  ce  moyen  ,  que  le  Peintre 
donne  du  relief  aux  obiers  ,  8c  qu'il  les 
rend  plus  vrais  &  plus  fenfibles.  L'artifice 
du  clair-obfcut  dépend  aulîi  de  la  difpo- 
fition  des  objets ,  dts  couleurs  Se  des  acci- 
dens»  L'intelligence  de  cette  partie  eft  ef- 
fentielle  â  un  Peintre ,  pour  empêcher  la 
dilîipation  de  la  vue' ,  par  des  grouppes  de 
Lumières  &c  d'Ombres;  pour  fçavoir  met- 
tre chaque  objet  dans  le  jour  qui  lui  eft 
le  plus  favorable;  enfin  pour  lier,  par  le 
moyen  des  Ombres  &  des  Clairs  toutes 
les  parties  du  Tableau  ,  enforte  qu'il  ne 
faffe  qu'ua  tout  Ôc  un  enfemble  parfait. 

II  faut  du  repos  dans  un  TaLleau.  Cer- 
tains endroits  où  les-  grandes  Lumières 
font  rompues  par  de  grandes  Ombres  ,  dé- 
laffent  la  vue".  Se  lui  fervent  en  quelque 
forte  de  repos.. 

<«  Ces  repos ,  dit  M.  de  Piles ,  fe  font 
5>  de  deux  manières ,  doat  l'une  eft  natu- 
5>  relie  y  &c  l'autre  arriticielle.  La  naturelle 
»  fe  fait  par  une  étendue  de  Clairs  ôc 
»  d'Ombres  ,  qui  fuivent  naturellement 
1  3»  &  nécelfairement  les  corps  folides  y  ou 
«  les  maffes  de  plufieurs  figures  group- 
3>  pées  .  lorfque  le  jour  vient  à  frapper 
»  deffus.    L'artificielle  con(ifte  dans   les 


H 

4^(5-  ^3^  p  E  =  " 

»»  corps  des  couleurs  que  le  Peintre  donne  | 
33  à  certaines  chofes,  tel  qu'il  lui  plaît,  &C 
»  les  compofe  de  force  qu'elles  ne  falFent 
y>  point  de  tort  aux  objets  qui  font  auprès 
»  d'elles.  Une  draperie,  par  exemple,  que 
3'  l'on  aura  faite  jaune  ou  rouge  en  certains 
»j  endroits ,  pourra  être  dans  un  autre  de 
M  couleur  brune,  Se  y  conviendra  mieux, 
•>  pour  produire  l'effet  que  l'on  demande. 
Les  figures  jettées  en  grand  nombre, 
ou  repréfentées  fous  des  attitudes  trop 
vives  ,  &  trop  bruyantes ,  étourdilTent  la 
vue,  8c  troublent  ce  repos,  ce  filence  qui 
doit  régner  dans  une  belle  compofition. 

Arcenda  taheltis 
Turha  figurarum ,  nimlo  confufa  tamuUu, 
Indîfcreta  loc'is ^  uhi  concurrentia pajfim 
Corpora  corporihus,  quafi  mutua  bella  lacefcuntj 
Etmalé  contiguis  fih'i  frangunc  artuhus  anus. 
Sîtprocul  iftefragor,  placido  fed  in  œquore  tdce 
Serpat  amcEna  Quies  &  doBia  Silentîa  régnent, 

FxCTURA. 
REPANDRE    LES    CoULEURS. 

Il  y  a  beaucoup  d'Art  dans  la  Diftribu- 
tion  àes  Couleurs  ;  car  il  faut  non-feule- 
ment qu'elles  foient  propres  à  l'objet  par- 
ticulier qu'on  veut  repréfenter ,  mais  il 
faut  encore  qu'elles  s'accotdsnc  &  falfent 


i\  Harmonie  avec  le  tout  enfemble  :  c'eH: 
::   pourquoi  l'on   doit   les  aflocier  de   telle 
;   forte  ,    qu'elles    fe    tiennsnt    fous    l'éclat 
i    d'une  principale ,  qui  foit  participante  de 
;    la  lumière  qui  règne  fur  tout  le  Tableau, 
;    les  rangeant  comme  en  efpèce  de  Group- 
:    pe ,  où.  il  y  ait  un  nœud,  une  chaîne,  dc 
,    des  nuances  qui  falTent   entre  elles  une 
,    union  agréable.  On  relève  l'éclat  par  un 
,    contrafte   qui  les    interrompt   à  propos , 
3    pour  y  mettre  des  effets  piquans.  On  doit 
les  dégrader  fuivant  ce  que  la  Perfpective 
enfeigne  ;  il  eft  aulfi  d'ufage  de  mettre 
fur  le  devant  du  Tableau  celles  qui  font 
les   plus  vives  ,   ahn  de  repouffer  &  de 
faire   fuir   en  arrière   celles   qui   doivent 
s'éloigner  :  c'efl:  encore  au  premier  rang 
que  Ion  doit  appliquer  les  Couleurs  gla- 
cées ,  comme  étant  les  plus  éclatantes. 

La  Science  du  Coloris  donne  au  corps 
que  l'on  veut  peindre,  les  Lumières,  les 
Ombres  ,  &  les  Couleurs  qui  leur  con- 
viennent j  elle  fait  connoitre  l'Amitié  en 
quelque  forte  ou  l'Antipathie  qui  font 
entre  certaines  Couleurs.  C'efl  enfin  cette 
partie,  qui  rend  le  Peintre  le  plus  parfait 
imitateur  de  la  Nature. 


LES  ÉCOLES  DE  PEINTURE, 

S  Ç  A  V  O  I  R  > 

T  L  OREKTiKJS,  Romaine,  Lo  m  bardjê  y 
Vénitienne,   Allemande^ 

Fl  a  m  a  n  d  Ey  Françoise, 

École  Florentine. 

Les  Peintres  de  cette  École  fe  font  ren 
dus  recommandables  pair  une  Imagination 
vive ,  noble  &c  féconde  ;  par  un  Pinceau 
en  même  temps  hardi ,   corredt  Se  gra^ 
çieiix  ;  par  un  Style  noble  &   fublime 
Léonard  de  Vinci,  &c  le  fameux  Michel- 
Ange  en  font  regardés  comme  les  Fonda* 
teurs. 

École  Romaine.. 

Les  Peintres  de  cette  École  mettent  Ra- 
phaël à  leur  tète.  On  trouve  dans  les  Ou- 
vrages de  ces  habiles  Alaîtres ,  un  goût 
formé  fur  l'Antique  ,  un  Sryle  poétique 
embelli  par  tout  ce  qu'une  heureufe  Ima- 
gination peur  inventer  de  grand,  de  pa- 
thétique de  d'extraordinaire. 

On  ne  peut  voir  fans  étonnement  la 
multitude  des  Ouvrages  qui  font  fortis  de 
cette  Ecole  ;  fa  touche  efî:  facile,,  fçavan- 
te>  correcte  de  graçieufe.  Sa  Compofîtioa 
elt  quelquefois  bizarre  ,  mais  élégante  ^ 


=  P  E  ==  4P5> 

elle  a  mis  beaucoup  de  Vérité  dans  les 
airs  de  tête,  de  Fineffe  dans  les  expref- 
(ions ,  ôc  d'intelligence  dans  le  concrafte 
des  attitudes.  Le  Coloris  eft  la  partie  q^iii 
eft  négligée  par  cette  Ecole. 

École  Lombarde* 

Le  grand  goût  de  Delfein  fur  l'Antl-' 
que  Se  fur  le  beau  naturel  5  des  Confiours- 
coalans^  une  riche  Ordonnance,  une  belle. 
Expreffion,  des  Couleurs  fondues,  fort  ap- 
prochantes  du  naturel,  un  Pinceau  léger, 
moelleux,  une  Tc:L:cheicav^^-^s>  noble  ôC 
^ràÇ'icaie;  c'eft  ce  quicaradtefl^C  f^'^s  or- 
dinairement les  Ouvrages  des  célèbres  Ar-- 
tiftes  de  cette  École,  qui  doit  fa  nailfaace 
au  Cortège^ 

École  Vénitienne.. 

On  a  mis  le  Giorgion  &  le  Titien  i 
la  tête  des  célèbres  Artiftes  de  cette  Eco- 
le. Un  fçavant  Coloris  ,  une  grande  In* 
telîigence  du  clair -obfcur,  des  Touches, 
graçieufes  &  fpirituelles ,  une  Imitation 
fîmple  &  graçieufe  de  la  Nature,  qui  va 
jufqu^à  féduire  les  yeux  ^  voilà  en  général 
ce  qui  caraâ:érife  les  Ouvrages  que  cette 
École  a  produites.  On  a  reproché  à  l'É- 
cole Romaine  d'avoir  négligé  le  Coloris  ^ 


on  peut  au  contraire  reprocher  à  celle-d 
«l'avoir  néAi2.é  le  Deffein. 

École  Allemande. 


(on 


Les  Ouvrages  de  cette  École  fe  recoîi" 
noifTent  à  une  repréfentarion  de  la  Natu-P" 
re,  telle  qu'on  la  voit  avec  (es  défauts ,  ôc 
non  comme  elle  pourroit  être  dans  fa  pu- 
reté. Les  Peintres  Allemands  fe  font  plus 
attachés  à  finir  leurs  fujèts ,  qu'à  les  bien 
difpofer.  Ils  ont  affez  bien  polfédé  le  Co- 
loris j  leur  Delfein  eft  sèc ,  leurs  figures , 
pour  l'ordinaire,  infipides,  &  leurs  Dra- 
peries d'un  mauvais  goût. 

On  compre,  dans  cette  Ecole,  des  Pein- 
tres exempts  de  ces  défauts  ;  mais  ils  font 
en  trop  petit  nombre  pour  faire  porter  un 
autre  jugement  fur  le  goût  général  de  la 
Nation ,  à  l'égard  de  la  Peinture. 

École  Flamande. 

On  diflingue  les  Ouvrages  de  cette 
Ecole,  à  une  parfaite  intelligence  du  clair- 
obfcur ,  à  un  travail  achevé  ôc  fini ,  fans 
iecherelfe,  à  une  union  fçavante  de  cou- 
leurs bien  afforties,  de  à  un  Pinceau  moel- 
leux. Pour  {qs  défauts,  ils  lui  font  com- 
muns avec  l'École  Allemande. 

Les  Peintres  Flamands  ont  été  des  imi- 


,,  uteurs   trop  fer  viles    de    la   Nature  j  ils 

^'  Vont  rendue  telle  qu'elle  éroic ,   &  non 

comni^  elle  pourroïc  être.  Ces  reproches 

ne  tombent  point  fur  certains  Peintres  , 

I  &c  fingulièrement   fur  Rubens   6c   Van- 

i-l  dick ,  que  la  fupériorité  de  leurs  talens  ôc 

:-!  l'élévation  de  leurs  génies  mettent  au  rang 

t  des  plus  célèbres  Arciftes  de  l'Univers. 

Ecole  Françoise. 

al  II  eft  difficile  de  caraclérifer  en  général 
-Iles  Ouvrages  des  Peintres  François,  oa 
,  plutôt  l'on  peut  dire  que  cette  Ecole  ren- 
,.  ferme  en  elle  tous  les  goûts  de  tous  les 
genres  de  Peinture.  En  effet,  les  jeunes 
;.;  Elèves,  qui  ont  mérité,  par  leurs  talens, 
de  faire  un  féjour  en  Italie,  fous  la  pro- 
ledion  &c  aux  frais  de  Sa  Majedé ,  s'atta- 
chent chacun  en  particulier  aux  Ouvrages 
de  Peinture  qui  les  frappent  davantage,  Sc 
s'approprient  en  quelque  forte  fa  manière, 
ou  ils  empruntent  quelque  chofe  de  routes 
les  Écoles  Ôc  de  tous  les  Maîtres ,  pour  fe 
faire  un  Style  propre  en  original. 

Cefl  ce  qu'on  peut  voir  par  l'Hiftoire 
particulière  de  chaque  Peintre  François. 
Au  refte  ,  il  faut  convenir  que  l'École 
Françoife  eft  la  plus  célèbre ,  pour  le 
genre,  noble  ôc  hiftorique  ;  &c  que  les 
<jrâces,  le  Génie,  l'Elégance,  le  Sublime 


même  ,  fe  font  remarquer  dans  les  Ta-i  ^ 
bleaux  des  fçavans  Maîtres,  qui  font  aii-Uot 
jourd'hui  la  gloire  du  Royaume  ôc  iW-|>p 
miration  des  Amateurs  de  tous  Pays.        ;  0 

n  '  'If 

PiLASGUS.  ''■ 

Pélafgus  fut  le  premier  homme  quî  | 
parut  dans  ie  Pays  d'Arcadie ,  fuivant  la  \ 
tradition  des  Arcadiens ,  dit  Paufanias,  |j( 
<|ui  explique  cette  tradition ,  en  dlfant  : 
o>  Selon  toute  apparence ,  ils  ne  veulent 
»  pas  dire  qu'il  s'y  foit  trouvé  feul  j  car 
>j  îur  quai  auroit-il  régné  ?  Je  crois  donc, 
»  pour  moi,  que  Pélafgus  étoit  un  homme 
85  extraordinairement  avantagé  du  Ciel , 
»  qui  furpafToit  les  autres  en  grandeur,  en 
o»  force,  en  bonne  mine,  &  en  toutes  les 
3>  qualités  de  refprit  &  du  corps.  3>  11  ap- 
prit aux  Arcadiens  à  fe  faire  des  cabanes 
qui  pufTent  les  garantir  de  la  pluie ,  du 
froid  &  du  chaud,  en  un  mot  de  l'inclé- 
iTience  des  Saifons  :  il  leur  apprit  au:ii  à 
fe  vêtir  de  peaux  de  SangHers.  Jufques-là, 
ils  ne  s'étoient  nourris  que  de  feuilles 
d'Arbres ,  d'herbes  Ôc  de  racines  ,  dont 
quelques  ~  unes  ,  bien  loin  d'être  bonnes 
à  manger,  étoient  nuifibles.  Il  leur  con- 
feilla  l'ufage  du  glani,  ou,  pour  mieux 
dire,  du  fruit  que  porte  le  Hêtre  ;  &  cette 
fiourritute  leux  devint  ii  ordinaire ,   que 


j  =  P  É  =  -yo  ?■ 

long-temps  après  Pelafgns ,  les  Lacédé- 
Tîoniens  venant  confulrer  la  Pythia  fur  la 
[guerre  qu'ils  vouloient  faire  aux  Arca- 
Jiens  5  pour  les  en  détourner ,  elle  leur 
répondit  :  Un  Peuple  qui  vit  de  gland, 
îft  bien  terrible  dans  les  combats* 

PÉLEADE5. 

C'étoient  des  Filles  qui  demeuroienc 
:hez  les  Dodonéens.  Elles  éroient  douées 
.tilu  Don  de  Prophétie,  au  rapport  de  Pau- 
irTanias,  qui  cite  d'elles  ces  paroles  :  «  Ju- 
»  piter  a  été ,  eft ,  &  fera.  O  grand  Jupiter  ! 
>  c'eft  par  ton  fecours  que  la  Terre  nous 
1  donne  fes  fruits  :  nous  la  difons  notre 
rmère  à  jufte  titre.  « 

PELÉE. 


Pelée ^  père  d'Achille,  étoit  fils  du  cé- 
èbre  Éaque,  Roi  d'Egine,  &  de  la  Nym- 
ihe  Endéïs  ,  fille  de  Chiron  ,  ayant  été 
ondamîié  à  un  exil  perpétuel  avec  fon 
rère  Télmion ,  pour  avoir  tué  leur  frère 
•hocus  ,  quoique  par  niégarde ,  il  alla 
hercher  uae  retraite  à  Pthie  en  Thefifa- 
ie,  oLi  il  épouTa  Antigone  ,  fille  du  Roi 
Lurythio:: ,  qui  lui  donna  en  dot  la  troi- 
;ème  pi^cie  de  (on  Rovaume.  Pelée  ^  in- 
ité  à  la  fameufe  chalFe  de  Calydon  ,  y 
jfrf.lla  avec  fon  beau-père ,  qu'il  eut  le  mal- 


^04  t=  P  É  = 

heur  de  tuer,  en  lançant  Ton  javelot  con- 
tre un  Sanglier  :  autre  meurtre  involon- 
taire 5  qui  l'obligea  encore  de  s'exiler.  1 
fe  rendit  à  îolchos  auprès  du  Roi  Acafte. 
qui  lui  fit  la  Cérémonie  de  l'Expiation, 
Mais  une  nouvelle  aventure  vint  encore 
troubler  fon  repos  en  cette  Cour.  Il  infpi- 
ra  de  l'amour  à  la  Reine,  qui,  le  trouvant 
infeiifîble,  l'accufa  auprès  d'Acafte  d'avoir 
voulu  la  réduire.  Acafte  le  nt  conduire  fui 
le  Mont  Pélion ,  lié  ôc  garrotté ,  Se  or- 
donna qu'on  l'y  laifsat  ainfi  expofé  à  la 
merci  des  bêtes.  Pé/ée  trouva  le  moyen 
de  rompre  (es  chaînes.  Se  avec  le  fecours 
de  quelques  amis,  Jafon,  Caftor  &  Poi- 
lux ,  il  rentra  de  force  dans  Iolchos ,  3c  y 
tua  la  Reine.  La  Fable  dit  que  Jupiter, 
fon  grand-père,  l'avoit  fait  délier  par  Plu- 
ton  ,  qui  lui  donna  une  Épée  ,  avec  la- 
quelle il  fe  vengea  de  la  malice  ôc  de  la 
cruauté  de  cette  femme. 

Pelée  époufa  en  fécondes  noces  Thétis, 
fœur  du  Roi  Scyros,  dont  il  eut  Achille. 
Il  envoya  fon  dis  Se  fon  petit-fils,  à  la  tête 
des  Myridons,  au  fiége  de  Troye.  Il  voua, 
dit  Homère ,  au  Fleuve  Sperchius  la  che- 
velure d'Achille ,  s'il  revenoit  heureufe- 
ment  en  fa  Patrie.  Pé/ée  furvécut  de  plu- 
fîeurs  années  à  la  fin  de  cette  guerre.  Dans 
l'Andromaque  d'Euripide ,  le  vieux  Pe/éc 

parok 


k 


paioît  (ians  le  temps  que  Ménélas  &  Her- 
mione  fa  fille  fe  préparent  à  faire  mourir 
Andromaque  :  il  la  délivre  de  leurs  m.ains 
après  une  vive  conreftacion ,  dans  laquelle 
les  deux  Princes  en  viennent  aux  invec- 
tives. Bientôt  après  il  apprend  la  mort 
rragique  de  fon  petit-fils  Pyrrhus  :  il  fe 
défefpère ,  &  voudroit  qu'il  eût  été  enCo^ 
veli  fous  les  ruines  de  Troye.  Thétis  vient 
:   le  confoler,  &c  lui  promet  la  Divinité: 

■  pour  cela  elle  lui  ordonne  de  fe  retirer 
'i  dans  une  grotte  des  Ifles  fortunées ,  où  il 
:  reverra  Achille  déifié  :  que  là  elle  vien- 
dra  le   prendre  ,   accompagnée  <ies  cin- 

■  quante  Néréides,  pour  l'enlever,  cormne 
fcn  Époux  5  dans  le  Palais  de  Ncrée ,  en 
lui  donnant  la  qualité  de  Demi-Dieu.  Les 

.•  Habirans  de  Pella  en  Macédoine  offroienc 
;•  des  Sacrifices  à  Fêlée  :  on  lui  immoloi^ 
;  même  tous  les  ans  une  Vidime  humaine. 

I  PÉLIAS. 

Pélias  étoit  fils  de  la  Nymphe  Tyro  & 
de  Neptune  ,  ou  plutôt  de  quelqu'un  de 
es  Piètres.  Il  ufurpa  le  Trône  d'iolchos 
'ur  Éfon  fon  frère  de  mère ,  &  l'obligea 
i  vivre  en  fimple  particulier  :  mais  ayant 
ippris  de  l'Oracle  de  Delphes,  qu'il  feroit 
létrôné  par  un  Prince  du  fang  des  Éoli- 
Jes,  il  regarda  Jafon  fon  neveu  comme 

Tom^  III.  Y 


i^ 


yo5  i=PÉ== 

celui  que  TOracle  défignoit ,  &  chercha 
tous  les  moyens  de  le  faire  périr.  Il  jouit 
toute  fa  vie  de  fon  ufurpation,  lit  mou- 
rir Éfon  &  fa  femme ,  &  ne  mourut  que 
dans  un  âge  fort  avancé ,  laiiTant  fa  Cou- 
ronne à  fon  fils  Acaftç.  Les  Argonautes ,  â 
leur  retour ,  célébrèrent  en  fon  honneur  des 
Jeux  funèbres.  Ovide  &  Paufanias  racon- 
tent autrement  fa  mort. 

Médée  ayant  eu  le  fecrèt  de  rajeunir  le 
père  de  Jafon ,  les  filles  de  Pélias^  éton- 
nées de  ce  prodige  ,  la  prièrent  de  vouloir 
ufer  du  même  fecrèt  pour  leur  père.  Mé- 
dée 5  pour  venger  fon  beau-père  &  fon 
époux  de  Tufurpation  de  Pélias ,  leur  of- 
frit fes  fervices.  D'abord  elle  prit  un  vieuic 
Bélier  en  leur  préfence,  le  coupa  en  mor- 
ceaux ,  le  jerta  dans  une  chaudière,  &  après 
y  avoir  mêlé  je  ne  fçais  quelles  herbes ,  le 
retira ,  &  le  fit  voir  transformé  en  un  jeune 
Agneau.  Elle  propofa  de  faire  la  même 
expérience  fur  la  perfonne  du  Roi  ;  elle 
le  diiféqua  de  même ,  &  le  jetta  dans  une 
chaudière  d'eau  bouillante  \  mais  la  perfide 
l'y  laiffa  jufqu'à  ce  que  le  feu  Teût  entière- 
ment confumé ,  de  forte  que  fes  Filles  ne 
purent  pas  même  lui  donner  la  fépulture. 
Ovide  dit  de  plus ,  que  ce  furent  les  pro- 
pres Filles  de  Pélias^  qui  l'égorgèrent  Se 
le  mirent  en  morceaux.  Ces  malheureufes 


ï^rincefTes ,  honteufes  Se  défefpérées  de 
s'être  Cl  cruellement  abufées,  s'allèrent  ca- 
cher dans  l'Arcadie,  où  elles  finirent  leurs 
jours  dans  les  larmes  &  dans  les  regrets. 
Paufanias  les  nomme  Aftéropie  ôc  Anti- 
noë.  La  Fable  de  Pillas  tué  par  Médée , 
n'eft  qu'une  fuite  du  caractère  de  Magi- 
cienne 5  que  les  Grecs  ont  voulu  donner  à 
Médée. 

PÉLION, 


Montagne  de  Theffalie  ,  voiflne  de 
roda  :  les  Poètes  font  mettre  aux  Géans 
l'OlTa  fur  le  Pélion  ,  pour  efcalader  le  Ciel 
&  en  charter  les  Dieux. 

PÉLOPS, 

Fils  de  Tantale  ,  Roi  de  Lydie ,  ayant 
été  obligé  de  fortir  de  fon  pays ,  â  caufe 
de  la  guerre  que  lui  fit  Tros ,  pour  venger 
l'enlevernent  de  Ganymède ,  fe  retira  à 
Pife  en  Élide  ,  où  il  vit  la  PrincefTe  Hip- 
podamie  ,  &  fe  mit  auili-tot  au  nom.bre  de 
Tes  précendans  ;  mais  il  fut  plus  heureux 
qu'eux  tous.  Avant  de  combattre  contre 
^nomaiis  ,  père  de  la  Princefle  ,  il  fit  un 
facrifice  à  Minerve  Cydonia ,  &  par  fa 
3rotet5bion  il  refta  vidorieux  ,  podefleur 
de  la  PrincelTe  &  Roi  de  Pife.  A  la  Ville 
de  Pife  il  joignit  celle  d'Olympie  &  pin- 

Yij 


'     I 

fleurs  autres  terres ,  dont  il  aggrandit  fesl 
Etats  5  auxquels  il  donna  le  nom  de  Pé- 
loponèfe. 

La  Fable  dit  que  Neptune ,  charmé  de 
la  beauté  du  jeune  Pélops  ^  l'enleva  dans 
le  Ciel  pour  lui  verfer  le  Nedar  :  mais 
-le  crime  de  Tantale  ayant  caufé  la  dif- 
grace  de  Pélops,  il  fut  renvoyé  fur  la  terre  ; 
c'eft-à-dire  ,  que  ce  Prince  fit  quelques 
courfes  fur  mèr  ^  enfuite  il  alla  à  Éliie 
chez  (Sncmaiis.  Quand  il  fut  queftion  de 
combattre  pour  la  pofTelîion  d'Hippoda- 
mie  5  Neptune  ,  qui  avoir  toujours  de  l'af- 
feAion  pour  Pélops  ,  lui  fit  préfent  d'un 
char  &:  de  deux  chevaux  ailés ,  avec  lef- 
quels  il  ne  pouvoir  manquer  de  vaincre  à 
la  courfe. 

Ovide  rapporte  une  autre  Fable  fur  Pé" 
lops.  ce  Les  Dieux  ,  dit  -  il ,  étant  allé 
»  loger  chez  Tantale  ,  ce  Prince  voulut 
jj  éprouver  leur  Divinité ,  &  pour  cet  effec 
»  il  leur  fit  fervir  lé  corps  du  jeune  Pé^ 
>y  lops  fon  fils ,  mêlé  avec  d'autres  vian- 
y  des.  Céiès  qui  avoir  trouvé  le  ragoût  ex- 
3>  cellent ,  en  avoit  déjà  mangé  une  épaule, 
a»  lorfque  Jupiter  découvrit  la  barbare  eu* 
j>  riofité  de  Tantale  ;  il  redonna  la  vie  au 
»  jeune  Prince,  après  lui  avoir  remis  une 
w  épaule  d'ivoire  à  la  place  de  celle  qui  avoir 
•5  été  mangée ,  &  précipita  fon  malheu- 


'  85  reux  père   dans  le  fond  des  Enfers.  ^ 
'  Une  avenrure  racontée  par  Paafanias  ,  peuc 
avoir  donné  occafion  à  cette  Fable, 

Les  Devins  de  l'Armée  Grecque  ayant 

déclaré  que  Troye  ne  pouvoir  être  prife> 

^ qu'auparavant  les  Grecs  n'eulTent  envoyé 

'chercher   un  des  os  de  Pélops.  Aufli-tôc 

Von  donna  cette  commillîûn  à  Philodète  , 

^  Iqi  i  é  ant  allé  à  Pife ,  en  rapporta  l'omo- 

'^'plrte  de  Pélopo.  Mais  le  VaiileaUj  en  re- 

'iVerant  joindre  les  Grecs,  fit  naufrage  à 

•'  ja  hauteur  de  llfle  d'Eubée  ,  de  forte  que 

'  ;Fos  de  Pélops  fut  perdu  dans  la  mèr.  Piu- 

}  jfieurs  années  après  la  prife  de  Troye  ,  un 

Pêcheur ,    nommée   Démarmène ,  de  la 

vi'Ie  d'Erécrie  ,  ayant  jetcé  fon  filet  dans 

ce: te  mèr,  en  retira  un  os.  Surpris  de  la 

gr  fTeur  prodigieufe  dont  il  étoit ,  il  le 

cacha  fous  le    fable ,  &    remarqua  bien 

l'endroit.  Enfuite  il  alla  à  Delphes ,  pour 

fç:  voir  de  l'Oracle  ce  que  c'étoit  que  cet 

DS  5  &  quel  ufage  il  en  feroit.  Par  un  coup 

de  Providence  ,  (c'eH:  toujours  l'Hiftorien 

rèc  qui  parle)  il  fe  rencontra  que  des 

iléers  confultoient  en  même-temps  1*0- 

acle  fur  les  moyens  de  faire  celTer  la  peftô 

]ui  défoloit  leur  pays.  La  Pythie  répondit 

i  ceux-ci  5  qu'ils  râchalTent  de  recouvrer 

es  os  de  Pélops  ^  de  à  Démarmène  ,  qu'il 

ellituât  aux  Elcens  ce  qu'il  avoir  trouvé 

Yii] 


5'iô  =PÉ-=^ 

ÔC  qui  leur  appartenoir.  Le  Pêcheur  rencîit 
aux  Éléens  cet  os  Ôc  en  reçut  la  recoin- 
penfe  :  il  eut  fur-tout  le  privilège  pour 
lui  &  pour  fes  defcendans  ,  de  garder  cette 
relique ,  qui  fut  confacrée  à  Cérès.  Dans 
la  fuite  les  Pélopides  portèrent  la  figure 
de  cet  os  dans  leurs  enfeignes. 

Il  y  avoit  près  d'Olympie  un  Temple 
&  un  efpace  de  terre  afTez  confidérable 
confacré  à  Pélops  ;  car  les  Éléens  met- 
toient  autant  Pelops  au-deiïus  des  autres 
Héros ,  qu'ils  mettent  Jupiter  au-delTus, 
des  autres  Dieux.  C'efl:  Hercule  qui  avoic 
confacré  cette  portion  de  terre  à  Pélops  ^^ 
de  qui  il  defcendoit  par  quatre  degrés  de 
génération.  C'efl  lui  auffi  qui  avoit  facri- 
fié  le  premier  à  ce  Héros  :  &  à  fon  exem- 
ple les  Archontes  ne  manquèrent  pas,  dans 
la  fuite  5  de  lui  faire  un  Sacrifice  avant 
d'entrer  en  charge.  Mais  ce  Sacrifice  avoic 
cela  de  particulier  ,  qu'on  ne  mangeoit 
rien  de  la  vidime  immolée  a  Pélops  :  que 
fi  quelqu'un  en  mangeoit ,  l'entrée  dii 
Temple  de  Jupiter  lui  étoit  interdite^ 

ÉNIGME  Lxxxir^ 

Comme  iî  j'avois  fait  un  crime 
A  mériter  toutes  les  cruautés , 
D'un  nombre  d'ennemis  éternelle  vldirac,^  ; 

Ils  me  per^-çiit  oe  tous  coLés, 


=  PÉ=  îii 

Je  fuis  afTez  fouvent  vagabonde  ou  pendue  : 
Chez  le  pauvre ,  je  fuis  :rcs-nuë  5 
Au  lieu  qu'ailleurs ,  par  mon  ajuilemeiit , 
Je  réjouis  a^ez  la  vue  : 
Je  fers  même  d'amufement 
Au  foc  &  langoureux  Amant , 
Tandis  que ,  pour  fa  Belle ,  il  fait  le  pied  de  Gru«-j 
Mais  il  augmente  encore  mon  tourment. 

ÉNIGME     LXXXV, 

Mon  éclat  éblouit  le  plus  noble  des  fens  j 

11  faut  me  prelTer  pour  me  faire  : 

Si  celui  qui  me  fait,  me  prefTe  trop  long  temps, 

Je  redeviens  ma  propre  mère. 
/ 

PÉNATES. 

Les  Dieux  Pénates  étoîent  regardes  or- 
dinairement comme  les  Dieux  de  la  Pa- 
trie \  mais  on  les  prencit  aufli  fort  fouvent 
pour  les  Dieux  des  Maifons  parriculières, 
&  en  ce  fens-là  ils  ne  différoient  point  des 
'  Lares.  «  Les  Romains ,  dit  Denys  d'Ha- 
»  licarnade ,  appellent  ces  Dieux  Pénates  : 
«  ceux  qui  ont  tourné  ce  nom  en  grec  , 
9»  les  ont  appelles  ,  les  uns  les  Dieux  Pa- 
j>  terne's  ,  \qs  autres  les  Dieux  originai- 
a»  res  5  les  autres  les  Dieux  des  Poifef- 
»  fions  5  quelques-uns ,  les  Dieux  fecrèts 

Y  iv 


5'i5  =^PÉ== 

»  ou  caches  ,  les  autres ,  les  Dieux  De 
»  fenfeuxs.  Il  paroît  que  chacun  a  voul 
j>  exprimer  quelques  propriétés  parti<:u 
m  lieres  de  ces  Dieux  \  mais  dans  le  foni 
»  il  fembîe  qu'ils  veuillent  tous  dire  1 
f>  mcme  chofe.  »  1 

Le  même  Auteur  donne  la  forme  dq 
Dieux  Pénates  apportés  de  Troye  ,  telhj 
qu'on  la  voyoit  dans  un  Temple  près  du 
Marché  Romain  ;  c  étoient  ,  dit-il ,  deuji 
jeunes  hommes  aflis ,  armés  chacun  d'un^j 
pique.   Les  Pénates  Troyens  ,   dit  Ma-i 
crobe ,  avoient  été  tranfportés  par  Darda-, 
nus  de  la  Phrygie   dans  la  Samothrace-ii 
Énée  les  apporta  depuis  de  Troye  en  Ita-> 
lie.  Il  y  en  a  qui  croyent  que  ct$  Pénates 
croient  Apollon  &  Neptune  j  mais  ceux^ 
qui  ont  fait  des  recherches  plus  éxacles  3- 
difent  que  les  Pénates  font  les  Dieux  pari 
lefquels  feuls  nous  refpirons  5  defquels  nous 
tenons  le  corps  &  l'âme.  Comme  Jupiter,) 
qui  eft  la  moyenne  région  érherée  j  Junon  ^ 
c'eft-à-dire,  la  plus  baffe  région  de  l'air 
avec  la  terre ,  t<  Minerve  ,  qui  eft  la  fu- 
prème  région  Érherée.  Tarquin  ,  inftruic 
dans  la  Religion  des  Samothraces,  mit  ces 
trois  Divinités  dans  le  même  Temple  & 
fous  le  même  toit.  Ces  Dieux  Samothra-* 
ciens  ,  ou  les  Pénates  à^s  Romains  ,  con- 
tinue Macrobe,  s'appelloient  les  Grands; 


Di 


'^-^Dîeux  ,  les  Bons  Dieux  ,  de  ks  Dieux- 
^'WuifTans. 

'^-f  Dans  la  faite  on  appelîa  plus  particu- 
•^lièrement  Dieux  Pénates  tous  ceux  que-- 
'^ron  gardoit  dans  les  Maifons.  Suécone 
,aous  die  que  dans  le  Palais  d'Augufte  il  y 
-Savoit  un  grand  appartement  pour  les  Dieux 
-^Pénates.  Une  Palme  ,  dit-il ,  étant  née 
^^evant  fa  maifon  ,  dans  la  jointure  dts 
■'lierres  5  il  la  fit  apporter  dans  la  Cour  des 
■•^Pieux  Péncucs  ^  Se  eut  grand  foin  de  la 
^•faire  croître. 

■'•;  Comme  il  étoit  libre  à  chacun  de  fe 
-Jcîîoilîr  fes  protecteurs  particuliers  ^  les  P/- 
*'^ates  Domeftiques  fe  prenoient  parmi  fes 
■'•^Grands  Dieu-x ,  &  quelqueFois  parmi  les 
-^iiommes  déifiés.  Par  une  Loi  des  douzoï 
^>l'ables,  il  étoit  ordonné  de  célébrer  reli- 
■'f  jieufement  ies  Sacrifices  des  Dieux  Péna-^ 
-îi'^j,  &  de  les  continuer  fans  inrerruption^ 
•■)|!ans  les.  familles  ,  de  la  manière  que  les 
•■')i;hefs  de  ces  familles  les  avoient  établis, 
-'i-'iLes  premiers  Pénates  ne  furent  d'abord. 
iii-tjue  les  Mânes  des  Ancêtres ,  que.  l'on  fe 
'•c'aifoit  un  devoir  dlionorer  ;  mais  dans  îx 
uite  on  y  aiïbcia  tous  les  Dieux^ 

On  plaçoit  les  Statues  des  Pénates  dan3> 
e  lieu  le  plus  fecret  de  la  maifon  ;,,là  ojït 
eur  élevoit  des  Autels ,  on  tenoir  des  Ianrî>- 
>e&  alkimées  ,  &  oa  leur  offioir  de:  l'en.^ 


^14  c=:=PÉ  = 

cens  ,  du  vin  ,  Ôc  quelquefois  des  vidi* 
mes.  La  veille  de  leurs  Fêtes  on  avoir  foin 
de  parfumer  leurs  Statues ,  même  de  les 
enduire  de  cire  pour  les  rendre  luifantes. 
Pendant  les  Saturnales  on  prenoit  un  jour 
pour  célébrer  la  Fête  des  Pénates  :  ôc  de 
plus,  tous  les  mois  on  deftinoit  un  jour 
pour  honorer  ces  Divinités  Domeftiques. 
Ces  devoirs  religieux  étoient  fondés  fur 
la  grande  confiance  que  chacun  avoit  en 
fes  Pénates  ,  qu'on  regardoit  comme  les 
protedeurs  particuliers  des  familles ,  juf- 
ques-la  qu'on  n'entreprenoit  rien  de  confi- 
dérable  fans  les  confuîter  ,  comme  des 
Oracles  familiers. 

ÈNîGME  LXXXFL 

Du  Maître  que  je  fers ,  efclave  obéilTante  y 

Je  fuis  toujours  en  adioii  y 

Et  ma  plus  grande  fondion 
Eft  de  n'être  jamais  trop  prompte  ni  trop  lente. 
Je  ne  fçais  ce  que  c'eft  que  d'aller  au  hafard  ; 
Mon  corps  renferme  en  foi  différentes  parties 

Délicatement  afforties , 
Qui  me  rendent  enfemble  un  cîie^d'ceuvrc  de  TArt» 
Mais  il  l'on  veut  de  moi  tirer  quelque  fervice  ^ 

Il  ne  faut  pas  me  négliger  j 

Car  je  ferois  dans  le  danger 
D'interrompre  fouvent  mon  fidèle-  exercice* 


Quoiqû'k  i'abii  toujours  des  injures  du  temps , 
Le  grand  frcid  cependant  &  la  forte  gelée 
M*empechent  quelquefois  d'achever  ma  journée  , 
Arrêtant  tout-a-coup  mes  jufles  mouvemens. 
Yeux  tu  fçavoir  mon  nom  ?  Regarde  bien  ma  face  i 

J'ai  deux  compagnes  avec  moi , 

Dont  le  feuî  &:  l'unique  emploi 
Eft  de  montrer  aux  yeux  le  travail  que  je  trace  i 
L'une  porte  avec  foi  quelque  marque  Royale  ; 

Mais  elle  eft  li  lente  en  Ton  tour. 

Qu'elle  ne  fait  que  dans  un  jour 
Ce  que  l'autre  en  une  heure  à  nos  regards  étale« 

PÉNÉLOPE, 

Fille  (î'îcare  ,  épovU  UIy(re  S<:  en  eue 
Télémaque.  Son  m^ri ,  obligé  d'alier  d  k 
Guerre  de  Troye  ,  deaieura  vingt  ans  en 
ce  voyage.  Divers  Seigneurs  ,  charmés  de 
la  beauté  de  Fénélopi  ^  lui  faifoienc  ac- 
croire qu  UiylTe  avoir  péri ,  &  la  prioienc 
de  fe  déclarer  en  leur  faveur.  Elle  le  pto-- 
mit,  pourvu  qu'on  lui  donnât  le  temps 
d'achever  un  ouvrage  qu'elle  avoir  com- 
mencé. On  le  lui  permit  j  6c  elle  avoir 
coutume  de  défaire,  durant  la  nuit,  le 
travail  qu'elle  faifoit  pendant  le  jour,  ainff 
par  cet  ingénieux* artifice  ,  elle  éluda  l'im- 
portun i  té  de  fes  Amans  jurqu'au  retour  d^ 
fon  mari> 


PÉNIE, 

Déelïe  de  la  Pauvreté  :  Platon  dit  que 
îes  Dieux  donnant  un  jour  un  grand  Fef- 
lin,  Porus ,  ou  le  Dieu  des  Richelfes,  qui 
avoit  un  peu  trop  bu ,  s'ctant  endormi  à 
la  porte  de  la  fale ,  Pénie  ^.qui  étoit  venue 
la  poui;  recueillir  les  reftes  du  Feftin ,  s'é- 
tant  approchée  de  lui  ^  en  eut  un  enfant, 
qui  fut  l'Amour.  Fable  Allégorique  ,  qui 
veut  dire  apparemment  que  l'Amoui:  unir 
fbuvent  les  deux  extrêmes... 

PÉNIKUS,, 

Divinité  Gauloife ,  honorée  autrefois 
chez  les  habitans  des  Alpes  Pennines  :  on 
repréfentoit  ce  Dieu  fous  la  figure  d'un 
jeune  homme  niid  qui  n'avoir  qu'un  œik 
au  miheu  du  front ,  &  on  lui  donnoic 
répirhrète  de  Deus  Optimus  Maximus» 

PÉNITENGEa. 

Je  n*ai  pu  devant  Dieu  réparer  mon  ofFenfe, 
Qu'en  excitant  mon.  coeur  a  faire  Pénitence  ; 
Je  l'avois  offenfé ,  mais  ii  m'a  pardonné  ; 
Les  cordes ,  les  fouets  ont  eifacé  mon  crime. 
Pécheur  ,  fi  comme  moi  tu  t'es  abandonné , 
Tais  tout  ce  que  j'ai  fait  comme  ce  cœur  t'exprime. 

La  Pénitence  eiï  repréfentée  par  unfi 


==:PÉ    =  fïT 

iTïaîn  cuî  rient  un  cœur  chargé  de  foucrs^ 
èc  qui  diftile  à^s  larmes  ,  pour  nous  figU' 
rer  cette  Vertu  :  c'eft  par  elle  que  nous» 
retournons  à  Dieu  ,  lorfque  nous  nous 
femmes  éloignés  de  lui  par  le  péché  j  &: 
qu'elle  nous  fait  trouver  grâce  auprès  de 
lui. 

Comme  la  Pénitence  exige  la-  retraite  ,. 
la  mortification  du  corps  ,  &  l'examen 
cxaâ:  &:  douloureux  de  foi-mème.  Elle  fe- 
peint  auiTi  dans  une  folkude  y  ou  dans  une 
caverne  ,  ayant  fur  la  tête  une  couronne 
d'épines ,  èc  fur  le  corps  un  cilice.  Elle 
tient  une  Difcipline  ,  fe  frappe  la  poi- 
trine 5  &  fe  mire  dans  une  fource  d'eau 
vive ,  près  de  laquelle  elle  eft  â  genoux. 

Aufon.GaL  la  décrix  dans  les  Vers  fui- 
vans;. 

Sum  Dea ,  cui  nomen  nec  Cicero  ipjè  dédit  : 
Sum  Dea,  quœfaSiij  non  fa^ique  exigo pœnas  : 
Nem^é,  ut pœn'ueat ,  fie  netanœa  vocor. 

PenthÉe. 

Penthée  étoit  un  Prince  de  Thèbes  ,  qui 
fe  mocqua  des  Cérémonies  qu'on  faifoit 
aux  Fêtes  confacrées-à  Bacchus.  Ce  Diea 
voulant  s'en  venger,  traîifporta  fi  fort  de 
fureur  Agave  fille  du  Roi  Cadmus  8c  mère 
de  ce  Penthée ,  qu'écaat  à  Li  compagnie 


ji8  ^=PE== 

des  Ménades ,  elles  s'imagifièrent  que  c'é- 
îoit  un  fanglier  ôc  le  tuèrent. 

Penthésilée, 

Célèbre  Amazone  qui  vint  au  fecours 
des  Troyens  à  la  tète  d'un  Bataillon  d'A- 
mazones 5  armées  de  légers  boucliers» 
Cette  belliqueufe  fille ,  dit  Virgile  ,  ceinte 
d'une  écharpe  d'or  &  le  fein  découvert , 
paroiflfoit  dans  la  mêlée  ,  ofant  attaquer 
tous  les  guerriers.  On  dit  qu  elle  fut  tuée 
par  Achille. 

PENS  ÉES. 

Le  vêtement  d'étoffe  changeante  que 
l'on  donne  à  cette  figure ,  dénote  la  va- 
riété des  Penfées  qui  fe  fiiivent  en  foule. 
Selon  Pétrarque  : 

A  ciafeun  pajjo  nafce  utpenfier  nuavo. 

Elle  a  des  allés  à  la  tête ,  pour  fignifier 
la  promptitude  dont  elle  vole  d'objets  ea 
objets.  Selon  le  même  Auteur  i 

Vclo  com  l'ait  dépenfieri  al  Cielo» 

Son  attitude  efi:  tranquille  ,  parceque 
c'eft  dans  les  momens  d'oifiveté  ,  que  la 
foule  des  Penfées  accable  le  plus  l'efpric 
humain»  Le  paquet  de  fil  mêlé  quelle  coa* 


/îdère ,  eft  l'image  de  l'embarras ,  que  don- 
nent les  diverfes  Penfees  ,  qui  cependant 
fe  débrouillent  à  forée  de  penfer* 

ÉNIGME   LXXXFIL 

D'une  triple  prifon  je  me  trouve  enfermé  , 
Dès  le  premier  moment  que  je  reçois  la  vie  : 
Il  £aiit ,  pour  en  fortir ,  que  ma  mère  aiTervie 
PafTe  fous  le  tranchant  d'un  homme  bien  armé. 

Petit  pendant  ma  vie ,  ain/i  qu'en  ma  nailTance  ,. 
La  Nature  me  donne  une  telle  puiffance , 

Que  je  puis  produire  un  Géant  : 
Il  l'ell  à  mon  égard,  quand  il  a  reçu  l'être  j 
Et  quoiqu'il  foit  mon  fils,  par  un  retour  changeant ^^ 
Tous  les  ans  dans  Tes  bras,  on  croit  m.e  reconnoître,. 

Je  blanchis  dès  mes  premiers  jours , 
Et  noircis  quand  j'avance  en  âge. 
Il  faut  que  je  fois  tel  pour  me  mettre  en  ufage* 
En  vain  auparavant  on  cherche  mon  fecours , 

M'arrachant  des  bras  de  mon  père  , 
Lorfque  je  fuis  caché  dans  le  fein  de  ma  mère, 

ÉNIGME  LXXXFIIL 

Je  fuis  né  prifonnier,  petit  &  raiférable  ; 
Souvent  de  ma  piifbn  on  me  délivre  à  table  i 
J'engendre  des  enfans  prifonniers  comme  moi  5 
Et  je  porte  le  noiD  d'un  Roi, 


J'enfreadre  dans  mon  fein  l'imaaie  de  mon  pàe  ? 
Je  ne  fais  point  le  Diea  de  riflc  de  Cytlière  f 

Xiiabhe  pourc-ant:  dans  Tes  cœurs. 

Ici ,  Mortels ,.  veiTez  des  pleurs  :■ 
Un  de  mes  iogemens  a  tué  votre  mère, 

Et  vous  caufa  bien  des  malheurs, 

PÉPLtrs  DE   Minerve. 

Cétoit  une  Robe  blaiiche  fans  man^ 
che ,  Se  toute  brochée  d'or  ,  fur  laquelle 
étoieut  repréfentés  les  combats  éc  les 
grandes  adïions  dé  Minerve ,  de  Jupiter 
êc  des  Héros.  On  portoit  le  Péplus  dans^ 
Iqs  Procefîîons  des  grandes  Panatiiénées» 

Les  Anciens  ,  dit  Pàufanias  ,  refpec- 
toieiit  la. qualité  de  Père  Se  de  mère,  oien 
autrement  qu'on  ne  fait  aujour  J'hui ,  &C 
pour  le  prouver ,  il  cite  un  fait  fingulier. 
86  Ceft  ,  dit- il ,  réxempie  de  ces  citoyens 
35  de  Catane  en  Sicile  ,  qui  firent  une  ac- 
35  tion  fi  pleine  de  piété  ,  qu'ils  en  furent 
35  furnommés  les  Pieux  enfans.  Les  fîam- 
33  mes  du  mont  Ethna  ayant  gagné  la  Villep. 
»  ces  généreux  enfans  comptant  pour  rieix 
3->  de  perdre  tout  ce  qu'ils  pouvoient  avoir 
îî  d'or  &  d'argent ,  ne  fongèrent  qu  à  fau- 
»  ver  ceux  oui  leur  avoLent  donné  le  jour  ; 


r=PE=  5-21 

»  l'un  prîu  fon  Père  fur  fes  épaules ,  Pau- 
■•  tre  fa  mère.  Quelque  diligence  qu'ils 
8>  fifTent  ils  ne  purent  éviter  d'ctre  coupés 
9»  par  l'embrafement,  mais  ils  ne  s'en  mi- 
3i  rent  pas  moins  en  devoir  de  continuer 
93  leur  chemin  ,  fans  vouloir  abandonner 
»  leur  fardeau.  On  dit  qu'alors  les  flam.mes 
3j  s'étant  divifées  5  leur  laifsèrent  le  paf- 
•>  fage  libre  au  milieu  ,  6c  que  les  Pères 
M  &c  les  enfans  fortirent  heureufement  de 
»»  la  Viile.  »  On  rendit  dans  la  fuite  de 
grands  honneurs  à  Catane  ^  à  la  mémoire 
de  ces  illuftres  citoyens. 

Perfection. 

Ferlonne  n'eft  paifak ,  la  chofe  eft  impofTible  > 
Ce  n'eft  qu'en  l'autre  vie ,  où  l'on  peuc  être  tel. 

Je  fuis  cette  Ifle  inaccelTible , 
Où  n'aborde  jamais  aucun  homme  mortel. 

La  Perfecîion  eft  repréfentée  fous  la. 
figure  d'une  belle  femme  vêtue  de  gaze 
d'or»  Elle  a  le  fein  à  découvert ,  les  bras 
retroufFés  jufqu  au  coude  ,  formant  un 
Cercle  entier  avec  un  Compas  >  qui  eft  le 
Symbole  de  la  Perfecîion.  Si  elle  découvre 
fa  gorge  ,  c'eft  pour  nous  montrer  ce  de- 
gré de  Perfecîion  ,  afin  d«  nourrir  .Se  ali- 
tnenter  fts  frères*. 


S22  =PE  = 

Pergee, 

Surnom  de  Diane  pris  d'une  Ville  de 
Pamphilie ,  où  cette  Déeiîe  étoit  honorée 
La  Diane  Pergée  étoit  repréfentée  tenant 
une  pique  de  la  main  gauche ,  &  une  cou- 
ronne de  la  droite  ,  à  fcs  pieds  eft  un 
Chien  qui  tourne  la  tète  vers  elle ,  &  qui 
la  regarde  comme  pour  lui  demander 
cette  couronne ,  qu'il  a  méritée  par  fes 
fervices. 

PÉRIBÉE5 

Fille  d'Alcarhoiis  ,  Roi  de  Megare  , 
époufa  Télamo  1  fils  d'Eaque ,  &:  en  eut 
Ajax  5  célèbre  par  (ts  fureurs.  Pluîarque 
dit  que  Télamon  ayant  eu  commerce  avec 
elle  ayant  fon  mariage  ,  s'enfuit  pour  évi- 
ter la  colère  du  Roi.  Lorfqu'Alcathotis 
s'apperçut  de  l'aventure ,  il  donna  ordre 
à  un  de  fes  gardes  d'embarquer  Périhée 
fur  un  vaitïeau  &  de  la  jetter  dans  la  mèr. 
Le  garde  touché  de  compafiion  pour  cette 
malheureufc  PrinceiTe ,  aima  mieux  la  ven- 
dre ,  &  l'envoya  pour  cela  à  Salamine ,  où 
Télamon  reconnut  fa  maîtreffe  ,  l'acheta  , 
&c  répoufa.  Après  la  mort  d'Aicathoiis  ^ 
Pirihée  reclama  les  droits  de  fa  naiifan- 
ee  ,  &:  fit  pafTer  à  fon  fils  Ajax  la  couronae 
de  fon  père. 


PÉRIGONE, 

Fille  da  géant  Sinius.  Ce  Gé^nt  étolt 
furnommé  le  Ployeur  ce  Pins  ,  parcequ'ii 
faifoir  mourir  tous  les  paflans  qni  rom- 
boient  entre  {qs  mains,  en  les  attachant 
à  deux  Pins  qu'il  plioit  par  la  cime  pour 
les  Faire  {oindre ,  &c  qu'il  abandonnoit 
enfuire  à  leur  état  naturel.  Théfée  le  fit 
mourir  du  même  Supplice.  Périgone  voyant 
fon  père  mort  avoit  pris  la  fuite  .  &c  s'étoit 
jettée  dans  un  bois  épais  qui  étoit  tout 
plein  de  rofeaux  &  d'afperges,  qu'elle  in- 
voquoit  avec  une  fimplicité  d'enfant  com- 
me s'ils  l'eufiTent  entendue*,  les  priant  de 
la  bien  cacher  ,  &  de  l'empêcher  d'être 
apperçuë  ,  &  leur  promettant  avec  fer- 
ment ,  que  s'ils  lui  rendoient  ce  fervice  , 
elle  ne  les  arracheroit  ni  ne  les  brûleroic 
jamais.  Théfée  l'entendit ,  l'appella  &  lui 
donna  fa  parole  ,  que  non- feulement  il  ne 
lui  feroit  aucun  mal ,  m*ais  qu'il  prendroic 
foin  d'elle.  Périgone  fe  laiiTa  perfuader , 
j  ôc  vint  fe  rendre  à  Théfée  qui ,  charmé 
de  fa  beauté  ,  l'époufa ,  &  eut  d'elle  un 
fils  nommé  Ménalippe.  Il  la  maria  enfuite 
à  Déjonée  ,  fils  d'Eurytus ,  Roi  d'Œcha- 
lie  :  d'où  naquit  loxus  chef  des  loxides  ,. 
Peuples  de  Carie  ,  chez  qui  fe  conferva 
k  coutume  de  ne  brûler  ni  les  afperges 


5^4  r==.PÉ=î 

ni  les  rofe^ux  ;  mais  d'avoir  au  conrraîrc 
pour  eux  une  efpèce  de  Religion ,  &  une 
vénération    particulière   en   mémoire   du  IJ 
vœu  de  Périgone. 

PÉRIL. 

Le  deftin  d'un  mortel  eft  peu  digne  d'envie  ', 
Il  naît  dans  les  dangers ,  il  y  paffe  fa  vie  : 
S&s  plaiflrs  les  plus  doux  font  les  fleurs  du  Prin- 
temps , 
Qui  cachent  fouvent  des  Serpens. 

Le  Péril  eft  caradérifé  par  jeune  hom- 
me 5  qui  s'échappant  d'un  torrent  rapide , 
met  le  pied  fur  un  Serpent  qui  le  pique  ^ 
dans  le  même  inftant  éclate  derrière  lui 
un  coup  de  tonnère. 

Horace ,  dans  fon  Ode  i  o  ,  Liv.  2  _,  die 
fort  élégamment  qu'il  n'eft  aucune  pré- 
caution qui  puiiïe  fauver  qui  que  ce  foie 
à&s  Périls. 

Quid  quifque  vitet,  nunquam  hoînini  fatis 
Cautum  ejl  m  haras. 

PÉRIPHAS^ 

Pérlpkas  ,  Roi  d'Athènes ,  régna  ,  dit- 
on  ,  avant  Cécrops  ^  &  mérita  ,  pAr  {<t^ 
bel'es  adions ,  &  par  les  bienfaits  dont  it 
combla  Ïqs  fujècs ,  d'ècre  honoré  de  ion 


=  PE=  5-2? 

vivant  même  comme  un  Dieu  ,  fous  le 
nom  de  Jupiter  Confervateur.  Le  Père 
des  Dieux  ,  irrité  de  ce  qu'un  Mortel 
fouffrcit  qu'on  lui  rendît  de  pareils  hon- 
neurs, vouloir  d'un  coup  de  foudre  le  pré- 
cipiter dans  le  Tartare  ,  mais  Apollon 
intercéda  pour  Périphas^  en  faveur  de  fa 
vertu,  enforte  que  Jupiter  le  contenta  de 
le  métamorphofer  en  Aigle  ;  il  en  fit  mê- 
me fon  Oifeau  favori,  lui  confia  le  foin  de 
garder  fa  toudre  ^  il  lui  donna  permillion 
d'approcher  de  fon  Trône  quand  il  vou- 
droit,  &  voulut  qu'il  fut  le  Roi  d^s  Oi- 
feaux.  La  Reine  fouhaita  d'avoir  le  fort 
de  fon  Epoux,  &  obtint  la  même  méra- 
morphofe.  Cette  Fable  eft  tirée  d'Anto- 
nius  Libéraiis. 

PériphétÈ  s, 

I  Fils  de  Vulcain  ,  étoit  toujours  armé 
d'une  Maffuë  ,  d'où  il  fut  furnommé  le 
Porteur  de  MaiTuë.  C'étoit  un  Géant  ou 
plutôt  un  Brigand  ,  qui  s'étoit  cantonné 
dans  le  voifinage  d'Epidaure,  6c  qui  atta- 
quoit  avec  fa  Maifuc  tous  les  PalTans, 
Théfée  5  qui  alloit  de  Troczène  à  l'iflhme 
de  Corinthe,  fut  arrêté  par  ce  Brigand; 
mais  il  fe  défendit  fi  vigoureufement , 
ijuil  tua  Paiphétes  ^  de  s'empara  ai  fa 


J2<J  ===PE=^ 

Ma  (Tue  5  dont  il  s^arma  toujours  depuis  > 
comme  un  monument  de  fa  vi6toire. 

É2^IGME    LXXXIX. 

J'habite  uiie  folide  &  vivante  maifoii. 

Lorfqu'on  m'a  tiré  de  prifon , 
Gens  qu^on  appelle  oififs ,  me  mentent  à  la  chaîne» 

Le  fer  qui  m'a  percé  le  flanc , 

Ne  me  fçauroit  tirer  de  fang , 
Quoique  le  fang   fous   moi  coule   en  pljs  d'iîic 
veine. 

Mon  œil  brillant  Se  mon  teint  vif 
M'attirent  l'amour  d'un  Corfaire ,  d'un  Juif, 
Lorfque  de  deux  beaux  yeux  tu  vois  couler  des 
larmes , 

Amant ,  fouviens-toi  de  mes  charmss  5 

Mais  s'en  fouvienne  qui  voudra, 
Quelque  mauvais  Poète  au  moins  s'en  fouvienira. 

ÉNIGME     XC. 

Je  fuis  femelle , 
Que  dans  le  temps  paffé  l'on  voyoit  rarement  ; 
A  préfent  attachée  à  l'homme  uniquement, 
Je  le  prends  dans  mes  rets  en  dépit  de  fa  Belle. 

Le  Prince  &  le  Monarque  eft  au-dclTous  de  moi , 
Quoique  d'exrracHon  fouvent  très-roturière  j 

Je  me  rencontre  en  cavalière 
Aux  batailles  toujours  fans  crainte  &  fans  effroi. 


^=  P  E  =  Î27. 

J'ai  tête  &  queue,  &  pour  être  jolie, 
11  faut  que  dans  mon  corps  on  enfonce  les  dents. 

Je  tiens  fous  moi  l'efprit  &  le  bon  fens , 
Je  fuis  en  bonne  odeur  érant  en  compagnie. 

Je  perte  le  bonnet,  quand  je  fuis  au  Barreau  ; 
Qui  chérit  mes  appas ,  ne  met  pas  fon  chapeau. 
Semblable  à  la  Beauté ,  qui  cefTant  d'être  aimable  , 
Ke  fçauroit  fans  argent  ménager  fes  amours  i 
RougilTant  de  vieillir,  pour  être  fupportable , 
D'une  bourfe  fouvent  j'emprunte  le  fecours. 

Pers  ée. 

Perfée  éroit  fils  de  Jupiter  &  de  Da- 
naë.  Ayant  été  expofé  fur  la  mèr  avec  fa 
mère   dans  une  méchante  barque,  il  fut 
jette  fur  les  cotes  de  la  petite  Ifle  de  Sé- 
riphe,  l'une  à^s  Cyclades.  Polidecte,  qui 
en  étoit  Roi,  le  reçut  favorablement,  & 
prit  foin  de  fon  éducation.  Mais  dans  la 
fuite  étant  devenu  amoureux  de  Danaé ,  il 
chercha  à  éloigner  fon  fils  ;  c'efi:  pourquoi 
il  lui  ordonna  d'aller  combattre  les  Gor- 
gones ,  &  de  lui  apporter  la  tête  de  Mé- 
dufe.  Perfée  aimé  des  Dieux,  reçut,  pour 
le  fuccès  de  cette  expédition,  de  Minerve 
fon  Bouclier,  de  Pluton  fon  Cafque,  &  de 
Mercure  fes  Ailes  &  fes  Talonnières.  Ces 
Ailes  étoient  un  bon  VaiiTeau  à  voiles, 
dont  Perfée  fe  fervit  pour  aller  fur  la  côre 


d'Afrique.  Le  Cafqiie  de  Pluton  défignej 
Is   Secret  qu'il  falloir  garder  dans  cette i 
expédition ,  &  le  Bouclier  de  Minerve  la  i 
prudence  avec  laquelle  il  fe  conduiiit  dans 
cette  guerre.  Il  vainquit  en  effet  les  Gor- 
gones,  ôc  coupa  la  tête  de  Médufe:, 

Perfée^  monté  fur  Pégafe  que  Minerve 
lui  avoir  prêté ,  fe  tranfporta  ,  à  travers  la 
vafte  étendue  des  airs ,  dans  la  Maurita- 
nie, où  régnoit  le  célétre  Atlas,  Ce  Prin- 
ce, qui  avoit  été  averti  par  un  Oracle, 
de  fe  donner  de  garde  d'un  fils  de  Jupi- 
ter 5  refufa  à  ce  Héros  les  droits  de  l'hof- 
pitalité  j  mais  il  en  fut  puni  fur  l'heure. 
La  tête  de  Médufe ,  que  Perfee  lui  mon- 
tra, le  pétrifia,  &  le  changea  en  ces  mon- 
tagnes qui  portent  aujourd'hui  fon  nom. 

11  enleva  enfuite  les  Pommes  d'or  du 
Jardin  à^s  Hefpérides. 

De  la  Mauritanie ,  il  pafia  en  Éthio* 
pie,  où  il  délivra  Andromède  du  Monftre 
qui  alloit  le  dévorer  \  Se  après  avoir  époufé 
la  Princeiïe  ,  qu'il  lui  fallut  acheter  une 
féconde  fois  par  un  combat  contre  Phi- 
née  ,  il  revint  en  Grèce  avec  elle. 

Quoiqu'il  n  eut  pas  grande  obligation  à 
fon  grand-père  Acrife,  qui  avoit  voulu  le 
faire  périr  en  naiflTant,  il  le  rétablit  pour- 
tant fur  le  Trône  d'Argos ,  d'où  Poërus 
Favoit  chalTé ,  Ôc  tua  l'ufurpateur.  Mais 

bientôt 


.bientôt  après  il  eut  le  malheur  de  tuer 
lui-même  Acrife  d'un  coup  de  palet,  dans 
les  Jeux  qu'en  célébroit  pour  les  funé- 
railles de  Polydede.  Il  eut  tant  de  douleur 
iîe  cet  accident,  qu'il  abandonna  le  féjour 
d'Argos  5  ôc  s'en  alla  bâtir  une  nouvelle 
Ville,  dont  il  fit  la  Capitale  de  (es  Etats, 
&  qui  fut  nommée  Mycènes.  On  dit  qu'il 
fiit  aufli  caufe  de  la  mort  de  Polydeéte. 
Perfée  lui  apporta  la  tête ,  fuivant  l'ordre 
qu'il  en  avoit  reçu ,  &  fe  garda  bien  de 
la  montrer  d'abord  au  Roi,  à  caufe  des 
terribles  effets  que  produifoit  la  vue  de 
ee  Monftre.  Mais  un  jour  que  Polydeéte 
voulut ,  dans  un  feftin ,  faire  violence  à 
Danaé,  Perfée  ne  trouva  pas  de  plus  court 
moyen,  pour  fauver  l'honneut  de  fa  mère, 
que  de  préfenter  la  Gorgone  au  Roi,  qui 
fut  pétrifié. 

Perfée ,  après  la  mort  de  fon  père 
Acrife  ,  fit  un  échange  de  fon  Royaume 
d'Argos  avec  Mégapente,  fils  de  Pra^cus, 
contre  le  territoire  de  MycènQs,  L'échange 
étoit  avantageux  pour  Mégapente,  mais 
notre  Héros  vouloir  fe  réconcilier  avec  lui 
)ar  cet  adte  de  générofiré.  Celui-ci  n'en 
fut  point  touché  ;  il  fe  fervit  même  de  ks 
bienfaits  pour  le  perdre  :  il  lui  drefîa  à^s 
mbnches,  &  le  fit  périr,  en  haine  de  ce 
jull  avoit  rué  Prêtas  fon  père.  Les  Peu- 
Tome  III.  Z 


yjO  =PE  = 

pies  de  Mycènes  &  d'Argos  lui  élevèrent 
des  Monumens  héroïques  ;  mais  il  reçut 
de  plus  grands  honneurs  dans  l'ille  de  Se- 
tiphe,  &  à  Athènes,  où  il  eut  un  Temple. 
Hérodote,  dans  fon  Euterpe,  parle  encore 
d'uri  Temple  de  Perfée ,  bâti  à  Chemnis 
en  Egypte ,  qui  étoit  quatre  &  environné  ; 
de  Palmiers.  Sur  le  veftibule  bâti  de  grolfes 
pierres  ,  écoient  deux  grandes  Statues  \ 
dans  le  Temple,  étoit  celle  de  Perfée,  Les 
Chemnites  difoient  que  ce  Héros  leur  ap- 
paroilToit  fouvent ,  &  le  plus  ordinaire- 
ment dans  ce  Temple  :  ils  difoient  auiîi  'L 
qu'il  fe  trouvoit  chez  eux  un  des  foulier^  \ 
qu'il  portoit ,  lequel  avoit  deux  coudées  |i 
de  long. 

Perses. 


pa 


La  Religion  àcs  Anciens  Perfes  eft  de-» 
crite  fort  au  long  dans  Hérodote.  «  Ils 
sî  n'ont,  dit-il,  ni  Statues,  ni  Temples, 
5>  ni  Autels  :  chez  eux ,  cela  pafifoit  pour 
»  une  folie ,  que  d'en  avoir  ou  d'en  faire  j 
v>  parcequ'ils  ne  croyoient  pas,  comme  les 
t)  Grecs ,  que  les  Dieux  eudent  une  ori-? 
3>  o'me  humaine.  Ils  montent  fur  les  plu^ 
a>  hautes  Montagnes ,  pour  facrifier  a  Jui 
j>  piter  :  c'efl  ainfi  qu'ils  appellent  toute 
15  la  rondeur  du  Ciel.  Ils  facrifient  auflî 
9  au  Soleil,  à  la  Lune,  à  la  Terre,  au  Feii^ 


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35  à  l'Eau,  &c  aux  Vents.  Ils  ne  connoif- 
î>  foient  pas  anciennement  d'autres  Dieux 

que  ceux-là.  3'  11  paroît  par  ce  récit  d'Hé- 
rodote, que  l'objet  du  Culte  ancien  Ûqs 
Perfes  étoit  l'Univers  de  toutes  fes  parties. 
<«  Ils  ont  appris  depuis  ce  temps-ld ,  pour- 
»>  fuit  Hérodote,  des  AiTyriens  &  des  Ara- 
»  bes ,  à  facrifier  à  Uranie ,  ou  à  Vénus 
j>  célefte  .....  Les  Sacrifices  des  Perfes  fe 
«  font  en  cette  forte.  Ils  n'érigent  point 
a  d'Autels,  ne,  font  point  de  Feu  :  il  n'y 
>î  a  chez  eux  ni  Libations,  ni  Joueurs  de 
»  Flûtes,  ni  Couronnes,  ni  Farines  j  mais 
>>  celui  qui  fait  le  Sacrifice ,  mène  la  Vic- 
»  time  dans  un  lieu  pur  &  net,  &  invoque 
»-]e  Dieu  auquel  il  veut  facrifier,  ayant  fa 
i}  Thiare  couronnée  de  Myrthe.  Il  n'eftpas 
»  permis  au  Sacrificateur  de  prier  pour  lui 
s>  en  particulier  ,  mais  il  doit  avoir  pour 
»  objet  dans  fes  prières  le  bien  de  toute  la 
»  Nation  j  ainfi  il  fe  trouve  compris  avec 
»  tous  les  autres.  Après  qu'il  a  fait  cuire 

les  chairs  de  la  Victime  coupée  en  piu- 
^  fieurs  morceaux  ,  il  étend  de  l'herbe 
»î  rendre  Se  fur-tout  du  trèfle,  «Se  il  les  met 

delTus.  Enfuite  un  Mage  chante  là-def- 

fus  la  Théogonie,  efpèce  de  chant  reli- 
o  gieux  5  &  après  cela  le  Sacrificateur  em- 
i«  porte  la  Vidime,  Se  en  fait  l'ufage  qu'il 
p  veut.  5J  Srrabon,'qai  copie  Hérodote, 

Z  ij 


r32        =PE= 

ajoute  quelques  circonftances.  Selon  lui  ^ 
les  Perfesy  dans  leurs  Sacrifices,  ne  laif- 
fent  rien  pour  les  Dieux,  difant  que  Dieu 
ne  veut  autre  chofe  que  Tame  de  THoftie. 
Ils  facrifienc  principalement  au  Feu  &  à 
l'Eau  :  ils  mettent  dans  le  Feu  du  bois  sèc 
fans  écorce  ,  fur  lequel  ils  jettent  de  la 
graifle  &  de  l'huile,  &  allument  le  Feu, 
mais  fans  foufïler ,  faifant  feulement  dii  i| 
vent  avec  une  efpèce  d'éventail.  Si  quek 
qu'un  fouffle  le  Feu ,  ou  s'il  jette  quelque 
cadavre ,  ou  de  la  bouc ,  il  eft  puni  de 
mort. 

Le  Sacrifice  de  l'Eau  fe  fait  en  cette 
rnanière.  Us  fe  rendent  auprès  d'un  Lac, 
ou  d'un  Fleuve  ,  ou  d'une  Fontaine  ,  Se 
font  une  folfe  où  ils  égorgent  la  Vi^bime  ^ 
prenant  garde  que  l'Eau  prochaine  ne  foit- 
enfanglantée ,  ce  qui  la  rendroir  immon- 
de. Après  cela,  ils  mettent  les  chairs  fur 
du  Myrthe  &  du  Laurier  ;^enfi^ite  les  Ma* 
ges  y  mettent  le  Feu  avec  de  petits  bâtons,) 
ôc  répandent  leurs  Libations  d'huile,  mê^; 
lée  avec  du  lait  &  du  miel ,  non  fur  le 
Feu  ni  fur  l'Eau ,  mais  fur  la  Terre.  Cela 
fait,  ils  font  leurs  ençhantemens  l'efpace 
d'une  heure  ,  en  tenant  un  faifceau  dç 
verges  a  la  main. 


Persévérance. 

Sçais-tu  ce  que  c'efl:  qu'un  Chrétien  ? 
C'eft  un  homme  qui  fait  le  bien , 
E:  qui  perfévérantj  jamais  ne  fe  relâche, 
Qu'il  n'ait  vîi  la  fin  de  fa  tâche. 

Une  jeune  fille  qui  fe  tient  aux  bran- 
ches d'un  Palmier  ,  qu  elle  ferre  étroite- 
ment avec  {qs  genoux,  eft  la  fionification 
de  ce  fujèt,  le  Palmier  étant  le  Hiérogly- 
phe de  la  Vertu.  Elle  a  une  Couronne 
d'Amaranthe  ,  efl:  vetuc  d'une  draperie 
bleu-célefte  5  &  regarde  la  terre  avec  dé- 
dain. 

Perspective. 


Quoique  mon  Art  foit  tout  phydque , 
Comme  cela  paroi:  à  des  yeux  clairs-voyans  5 
Xe  Vulgaire  y  foupçonne  une  Vertu  magique  j 
Tour  eft  furnaturel  aux  yeux  des  ignorans. 

C'eft  une  Science  qui  fait  partie  des 
Mathématiques ,  ayant  rapport  a  la  Géo- 
métrie &  à  l'Optique.  Elle  ferc  à  repré- 
fenter  fur  un  Plan  uni,  les  objets  tels  que 
la  Nature  les  préfente  a  la  vue,  félon  leur 
dégradation  8c  leur  diftance. 
f  On  la  perfonnihe  par  une  femme  affife 
fur  un  terrein  peu  élevé,  de  regardant  i 

Z  iij 


n4    ,     -=PE=. 

travers  d'une  glaçe  un  objet  éloigné,  dont 
toutes  les  lignes  tangentes  à  fon  œil  for- 
ment  des  rayons ,  qui  donnent  les  points 
dont  on  fe  fert  pour  tracer  perfpe6tive- 
ment  cet  objet  fur  la  fuperiicie  de  la  glaçe. 

Persuasion, 

J'ai  le  fecrèc  par  mes  carefles , 
Par  mes  précautions,  même  par  des  adreffes, 

Dont  je  me  fers  quand  il  eft  temps , 
D'enchaîner  à  coup  sûr  tous  ceux  que  j'entreprends. 

L'Art  de  perfuader  appartient  à  la  force 
convainquante  du  Difcours ,  &  connoît  le 
temps,  ÔC  la  manière  de  s'infinuer.  C'eft 
pourquoi  on  met  une  langue  humaine  fur 
la  tête  de  cette  Figure,  que  Ton  repréfente 
en  action  de  parler.  Elle  tient  lié  un  ani- 
mal qui  a  deux  tètes  ,  l'une  de  Chien,  qui 
eft  l'Emblème  de  l'Infinuation  par  la  Do- 
cilité Se  les  Careffes  ;  l'autre  de  Singe , 
qui  lignifie  l'adrelfe  de  fuggérer  des  cho- 
fes  quelquefois  frauduleufes ,  &  que  l'a- 
dreiïe  fait  pafler. 

PERTUND  A. 

C'eft  une  des  Divinités  qui  préfidoient 
au  Mariage  :  on  mertoit  fa  Statue  dins 
la  chambre  de  la  nouvelle  Époufe  le  joue 
de  ks  Noces. 


ÉNIGME    XCL 

je  fuis  un  invifible  corps, 
Qui  de  bas  lieu  tire  mon  être  j 
Pour  fauver  fon  honneur,  mon  maître 
Cèle  qui  je  fuis ,  d'où  je  fors. 

Je  parle  Se  me  tais  à  la  fois  j 

Et  bien  fouvent  lorfqu'on  me  preflc^ 

Je  deviens  femelle  traîtreife , 

De  franc  mâle  que  je  ferois. 

J'ignore  l'Art  de  difcourir, 
Je  fçais  pourtant  me  faire  entendre  5 
Le  même  moment  qui  m'engendre  , 
Me  voit  naître ,  vivre  &  mourir. 

Par  moi  l'un  des  fens  eft  touché 
D'une  très-fâcheufe  influence , 
Et  l'on  rougit  de  ma  naiffance , 
Comme  on  rougiroit  d'un  péché. 

Mes  Dames,  dont  l'efprit  charmant, 
De  m'expliquer  ofe  entreprendre  , 
Gardez-vous  bien  de  vous  méprendre , 
Et  de  me  faire  en  me  nommant. 

PÉTAj 

Divinité  Romaine  ,  qui  préfidoit  aux  de- 
mandes que  l'on  avoit  à  faire  aux  Dieux  , 
&:  que  l'on  confulroit ,  pour  fcavoir  fi  ces 
Deniandes  étoient  juftes  ou  non. 

Z  iv 


Peuplier, 

Arbre  confacré  à  Hercule.  Lorfque  ce 
Héros  defcendic  aux  Enfers  ,  il  fit  une 
couronne  de  Peupliers  :  le  côté  de  la 
feuille  qui  toucha  la  tère  conferva  la  cou- 
leur blanche ,  pendant  que  la  partie  de  la 
feuille  qui  étoit  en  dehors  fut  noircie  par 
la  fumée  de  ce  trifte  féjour.  De-là  vient , 
dit-on  ,  que  le  Peuplier  qui  avoit  autre- 
fois fes  feuilles  blanches  des  deux  côtés , 
les  a  maintenant  noires  en  dehors.  On 
croit  que  ce  fut  Hercule  qui  trouva  cet 
Arbre  dans  fes  Voyages  &  qui  le  porta 
dans  la  Grèce  j  c'effc  pourquoi  l'Arbre  lui 
fut  confacré.  Evandre  ,  Roi  de  Pallante  , 
voulant  offiir  un  facrifice  à  Hercule  ,  dans 
Virgile ,  ceint  fa  tête  de  branches  de 
Peupliers. 

Peur. 

Ce  fujet  s'exprime  par  une7etiiîe  fiHe 
courant  de  toutes  fes  forces ,  pour  fuir 
un  horrible  Serpent  qui  la  pourfuit.  Elle 
a  des  ailes  aux  épaules.  Ses  cheveux  hé- 
riHés  &  fon  vifage  retrelli ,  félon  divers 
Phyfionomiftes ,  font  les  marques  de  la 
Pudllanimité. 


=  PH=  Î37 

Phaëton. 

Pha'éton  étoit ,  félon  les  Poètes,  fils  du 
Soleil ,  &  fut  fi  emporté  d'ambition ,  qu'il 
voulut  conduire  le  char  de  cet  aftre  ,  au 
moins  un  jour.  Mais  ne  fçachant  point  la 
loute  qu'il    falloit  tenir  ,  &:  n'ayant  pas 
affez  de  force  pour  gouverner  les  chevaux  j 
il  mit  le  feu  dans  le  Ciel  &:  fur  la  terre. 
Ce  qui  irrita  fi  fort  Jupiter  ,  qu'il  le  tua 
d'un  coup  de  foudre  ,  &:  le  précipita  dans 
le  Pô  5  où  {qs  fœurs  les  Héliades  furent 
changées  en  Peupliers ,  &  leurs  larmes  en 
Am.bre.  C'eft  ce  que    difent  les  Pocres  : 
mais  la  Vérité  ed  que  Phaëton  étoit  un 
grand   Prince    ^qs   Liguriens  ,  qui  étoit 
aiifli  grand  Aftrologue  ;  &  qui  s'appliqua 
principalement  a  étudier  le  cours  du  So- 
leil. De  fon  temps  l'Italie  fe  vit  embrafée 
du  côté  du  Pô  5  de  chaleurs  fi  extraordinai- 
res ,  que  la  terre  en  devint  féche  5c  ftérile 
durant  plufieurs  années. 

Phalaris, 

Tvran  d'A2:ri2ente  en  Sicile ,  fi  connu 
par  fa  cruauté.  Sa  mère  eut  un  fonge  ,  au 
rapport  de  Cicéron ,  qui  lui  apprit  com- 
bien (on  fils  feroit  cruel.  «  Héraclide  , 
5?  difciple  de  Platon  ,  écrit ,  qu'une  fois  la 
î>  mère  de  Phalaris  vit  en  fonge  les  Sta- 

Z  V 


3>  tues  des  Dieux  qu'elle  avoit  confacrées 
3)  dans  la  maifon  de  fon  fils ,  &  qu'entr'au- 
5>  très  il  lui  avoit  femblé ,  que  d'une  Coupe 
»  que  Meicure  tenoit  dans  fa  main  droite , 
3>  il  en  avoit  répandu  du  fang ,  3c  que  le 
3î  fang  avoit  à  peine  touché  la  terre  ,  que 
33  s'élevant  en  gros  bouillons ,  il  avoir  rem- 
9»  pli  toute  la  maifon.  Le  Songe  de  la  mère 
3)  ne  fut  enfuite  que  trop  vérifié  par  la 
33  cruauté  du  fils.  » 

Phalaris  avoit  fait  forger  un  Taureau 
d'airain  ,  pour  y  brûler  vifs  ceux  qu'il  con- 
damneroit  a  mort.  Perille  ,  l'Auteur  d'une 
fi  horrible  invention  ,  en  fit  le  premier 
elTai ,  &  le  Tyran  ,  après  y  avoir  vu  mou- 
rir un  grand  nombre  de  perfonnes ,  y  périt 
lui-même  par  le  jugement  de  ^qs  propres 
fujèts  5  qui  s'étoient  révoltés  contre  lui. 

Phallo  phore  s, 

Miniftres  des  Orgyes  ,  ceux  qui  por-^ 
toient  le  Phallus  dans  les  Fêtes  de  Bac-| 
chus.  Us  couroient  les  rues  avec  le  Phallus,  jj 
étant  tout  barbouillés  de  lie  de  vin  ,  Sel 
couronnés  de  Lierre  ,  &  danfoient  en  fai-f 
fan«t  d'horribles  contorfions. 

Phallus. 
Typhon  ayant  tu.é  fon  frère  Ofiris ,  mit 


fou  corps  en  pièces  &  en  fît  difperfer  les 
membres.  Ifis  les  recueillit  avec  foin  pour 
les  renfermer  dans  un  cercueil ,  quant  à 
ceux  qu'elle  ne  put  recouvrer ,  elle  en  fie 
faire  des  repréfentations  qu'on  appella 
Phallus,  Ce  font  ces  parties  repréfentées 
que  Ton  portoit  dans  les  Fêtes  d'Ofiris. 
On  porta  de  mcme  dans  les  Fêtes  de  Bac- 
chus ,  des  repréfentations  de  membres  hu- 
mains ;  mais  ces  fortes  de  figures  oc- 
cafionnèrent  bien  des  infamies. 

Ph  AN  TOMES. 

Les  Dieux  s'amufoienc  quelquefois  à 
former  des  Phantomes  ,  pour  tromper  les 
hommes  :  c'eft  ainfi  que  Junon ,  voulant 
fauver  Turnus  ,  qui  s'expofoit  trop  ,  &  le 
tirer  de  la  mêlée  ,  forme  d'une  cpaifie  nuée 
le  Phantome  d'Enée  ,  auquel  elle  donne 
les  armes  ,  la  démarche  &  le  fon  de  voix 
du  Prince  Troyen.  Elle  préfente  ce  Phan^ 
tome  devant  Turnus ,  qui  l'attaque  aufîi- 
tot  :  le  faux  Enée  s'enfuit ,  Turnus  le  pour- 
fuit  jufques  dans  un  vaiiTeau  qui  fe  trou- 
voit  au  port  :  alors  la  Déelfe  poufle  le 
Vaifieau  en  pleine  mèr ,  &  fait  difparoîcre 
le  rival  imaginaire  du  Prince  Rutule.  Les 
Anciens  Pocres  fournifTent  beaucoup  d'e- 
xemples de  ces  fortes  de  Phantomes^ 

Zvj 


5^o  .=  PH=^ 

Phaon. 

Phaon  de  Mitylène ,  dans  Tlfle  de  Lef- 
bos  5  étoit  un  fort  bel  homme  ,  qui  fe  fit  |  Pé! 
extrêmement  aimer  du  fexe.  Les  Poètes  |  les 
ont  feint  que  cette  beauté  lai  avoit   été   !  M 
donnée  par   Vénus ,  en  récompenfe  des 
fervices   qu'elle  en  avoit   reçus    lorfqui! 
étoit  Maître  de  Navire  ;  il  la  prit  un  jour 
dans  fon  bâtiment ,  quoiqu'elle  fut  dégui- 
fée  en  vieille   femme ,  &  la  paffa  avec 
toute  forte  de  promptitude  où  elle  vou- 
lut. Il  ne  demanda  rien  pour  fa  peine  j 
«lais  il  ne  laiffa  pas  d'être  payé.  Vénus 
lui  fit  préfent  d'un  vafe  d'albâtre  rempli 
d*un  onguent ,  dont  il  ne  fe  fut  pas  plutôt 
frotté ,  qu'il  devint  le  plus  beau  de  tous 
\ts  hommes ,  &  fit  la  Pafiîon  de  toutes  les 
Femmes  de  Mitylène.  La  célèbre  Sapho  y 
fut  prife  comme  les  autres ,  &  le  trouva 
fi  peu  traitable  qu'elle  s'en  défefpéra ,  de 
courut  fur  la  Montagne  de  Leucade,  d'où 
elle  fe  précipita  dans  la  mèr.  Phaon ,  en    f 
mémoire  de  cet  événement ,  fit  bâtir  un 
Temple  à  Vénus    fur    cette    Montagne. 
Phaon  ne  fut  pas  infenfibie  a  l'égard  de 
toutes  les  femmes  ;  car  ayant  été  furpris 
eu  adultère  ^  il  fut  tué  fur  le  fait» 


\ 


Phare  s. 

Ville  de  la  petite  Achaïe  ,  Province  du 
Péloponnèfe  en  Grèce  ,  a  été  célèbre  par 
les  Oracles  qu'y  rendoic  une  Statue  de 
Mercure ,  pofée  dans  la  place  publique  , 
devant  celle  de  la  DéefTe  Vefta.  Ceux  qui 
alloient  confulter  l'Oracle  ,  faifoient  pre- 
mièrement briller  de  l'encens  en  l'hon- 
neur de  Vefta ,  puis  ils  alloient  mettre  de 
l'huile  dans  de  petites  lampes  de  cuivre 
qui  étoient  au  pied  de  la  Statue  de  Mer- 
cure ,  ôc  les  ayant  allumées ,  ils  faifoient 
leur  offrande  d'une  Pièce  de  monnoie  da 
Pays ,  qu'ils  jettoient  fur  l'Autel.  Enfuite, 
après  avoir  déclaré  leur  demande  ,  ôc  ap- 
proché leurs  oreilles  de  la  Statue ,  ils  fe 
retiroient ,  les  bouchant  de  leurs  mains  , 
jufqu'A  ce  qu^ils  fufTent  hors  de  la  Place. 
Alors  ils  ôtoient  leurs  mains ,  3c  prenoienc 
pour  réponfe  de  l'Oracle  les  premières  pa- 
roles qu'ils  entendoient.  On  dit  que  les 
Égyptiens  en  ufoient  de  même  envers 
leur  Dieu  Sérapis. 

PhedrEj 

Fille  de  Pafiphaë  Se  de  Minos ,  Roi  de 
Crète  ,  fœur  d'Ariadne  &c  de  Deucalion  , 
fécond  du  nom ,  époufa  Thefée ,  Roi  d'A- 
thènes. Ce  Prince  avoir  eu  d'une  première 


542  t==.PHc=== 

femme  un  ûls  nommé  Hippolyre ,  qu'il 
faifoit  élever  à  Troczène  ;  obligé  d'aller 
faire  quelque  féjour  en  cette  Ville ,  il  y 
mena  fa  nouvelle  époufe.  Phèdre  n'eut 
pas  plutôt  vu  le  jeune  Hippolyte ,  qu'elle 
rut  éprife  d'amour  pour  lui  ;  mais  n  ofant 
donner  aucun  indice  de  fa  paillon  en  pré- 
fence  du  Roi ,  6^  craignant  qu'après  fon 
retour  à  Athènes ,  elle  ne  fût  privée  de  la 
vue  de  l'objet  qui  l'excitoit ,  elle  s'avifa 
de  faire  bâtir  un  Temple  à  Vénus  fur  une 
Montagne  près  de  Troczène  ,  où  fous  pré- 
texte d  aller  offrir  Us  vœux  à  la  DéelTe , 
elle  avoir  occafion  de  voir  le  jeune  Prince 
qui  faifoit  fes  exercices  dans  la  plaine 
voifine. 

Selon  Euripide  ,  Phèdre  fait  d'abord 
tous  {qs  efforts  pour  étouffer  cet  amour 
naiffant.  ««  Dès  que  je  fentis  les  preniiers 
jj  traits  d  une  criminelle  flamme,  dit-elle, 
«  je  n'eus  d'autre  vue  que  de  lutter  avec 
«  fermeté  contre  un  mal  involontaire  :  je 
w  commençai  à  l'enfevelir  dans  un  filence 

55  profond Je  me  fis  enfuite  un  devoir 

55  de  me  vaincre  ,  &  d'être  chafte  en  dépit 
55  de  Vénus.  Enfin  mes  efforts  contre  cette 
55  puiffante  Divinité  devenant  inutiles, 
r>  ma  dernière  reffource  eft;  de  recourir  à 
55  la  mort....  L'Honneur  Çonàè  fur  la  Ver- 
15  tu ,  efl  plus  précieux  que  la  vie.  ?>  Mais 


=  PH--=  H-3 

la  malheiireufe  conhdenre  qui  lui  avoit 
arraché  le  fatal  fecrèt  de  fon  amour ,  fe 
charge  de  le  faire  réuiTir  &  d'en  faire  la 
déclaration  à  Hippolyte.  Celui-ci  eft  faifi 
d'horreur  à  cette  affreufe  propofition  ,  ôc 
veut  s'exiler  du  Palais  jufqu'à  l'arrivée  de 
fon  père.  La  Reine ,  inftruite  des  fenti- 
mens  d'Hippolyte ,  &  au  défefpoir  de  fe 
voir  diffamée-,  a  recours  à  un  lâche  arti- 
fice pour  fauver  fon  honneur  :  «  J'expi- 
3>  rerai ,  dit-elle  ,  fous  les  traits  de  l'a- 
aj  mour,  mais  cette  mort  même  me  ven- 
»j  géra ,  &  mon  ennemi  ne  jouira  pas  du 
«  triomphe    qu'il    fe    promet  :   l'ingrat  , 
5î  devenu  coupable  à  fon  tour  ,  apprendra 
3>  à  réprimer  la  fierté  de  fa  farouche  Ver- 
»  tu.  î5  Elle  fe  donne  la  mort ,  mais  en 
mourant  elle  tient  dans  fa  main  une  let- 
tre   qu'elle   écrit  a  Théfée  ,  par  laquelle 
elle  déclare  qu'Hippolyte  avoit  voulu  la 
deshonorer  ,  &   qu'elle  n'avoit    évité  ce 
malheur  que  par  fa  mort. 

Dans  le  Fameux  Tableau  de  Polygnore , 
Phèdre  étoit  peinte  élevée  de  terre  &  fuf- 
penduc  à  une  corde  qu'elle  tient  des  deux 
mains ,  femblant  fe  balancer  dans  les  airs, 
c'eft  ainfî ,  dit  Paufanias ,  que  le  Peintre  a 
voulu  couvrir  le  genre  de  mort  donc  la 
malheureufe  Phèdre  finit  (es  fours  :  car 
elle  fe  pendit  de  défefpoir.  Elle  eut  fa 


3-44         ,    =-PH  = 

fepulture  à  Troczène  près  d'un  Alyrthe  , 
dont  les  feuilles  écoient  toutes  criblées  : 
ce  Myrthe ,  difoit-on  ,  n'étoit  pas  venu 
ainfi  ,  mais  dans  le  temps  que  Phèdre  étoic 
poiTédée  de  fa  pafîion  ,  ne  trouvant  aucun 
foulagement ,  elle  trompoit  fon  ennui  en 
s'amufant  à  percer  les  feuilles  de  ce  Myr- 
the avec  fon  aiguille  de  cheveux, 

ÉNIGME     XCIL 

Ma  «aiffance  elt  particulière  5 
Je  ne  fuis  point  fils  de  l'amour  : 
Je  fuis  fans  mère ,  &  tiens  le  jour 
Du  feul  ouvrage  de  mon  père. 

Rien  n'égale  jamais  mon  luftre  5 
Et  j'ai  pourtant  tant  de  renom  , 
Que  lorfqu'on  fçait  un  homme  illuftrc  , 
On  lui  donne  aulTi-tôc  mon  nom. 

On  me  prife  fans  me  connoitre  , 
On  me  connoît  fans  m'avoir  vu  :: 
Je  fuis  pourtant  (î  peu  connu, 
Qu'on  doute  m.êrae  de  mon  êtrev 


Ph 


ENIX, 


«  Les  Égyptiens ,  dit  Hérodote ,  ont  un 
y>  Oifeau  qu^ils  eftiment  facré  ,  que  je  n'ai 
3>  jamais  vu  qu'en  Peinture.  Auffi  ne  le 
»  voit-on  pas   fouvent  en  Egypte,  puif- 


3>  que  5  C\  \^on  en  croit  ceux  d'HéliopoIis , 
z?  il  ne  paroîr  chez  eux  que  de  cinq  en  cinq 
3>  (iécles  i  &  feulement  quand  fon  pète  eft 
30  mort  :  ils  difent  qu'il  ell:  de  la  grandeur 
53  d'un  Aigle  ,  qu'il  a  une  belle  houpe  fur 
53  la  tête  5  les  plumes  du  cou  dorées  ^  les 
33  autres  pourprées ,  la  queue  blanche  mê- 
53  lée  de  pennes  incarnates  ,  d^s  yeux  étin- 
>3  cellans  comme  àts  étoiles.  35  Lorfque 
chargé  d'années  il  voit  fa  fin  approcher  ,  il 
fe  forme  un  nid  de  bois  &  de  gommes 
aromatiques  ,  dans  lequel  il  meurt.  De  la 
moelle  de  fes  os  il  naît  un  Ver ,  d'où  fe 
forme  un  autre  Phœnix.  Le  premier  foin 
de  celui-ci  eft  de  rendre  a  fon  père  les 
honneurs  de  la  fépulture  ,  &  voici  com- 
me il  s'y  prend  ,  félon   le  même  Héro- 
dote. «  Il  forme  avec  de  la  Myrrhe  une 
3j  maffe  en  forme  d'œuf .-  il  elfaye  enfuite 
33  en  la  foulevant,  s'il  aura  allez  de  force 
33  pour  la  porter  :  après  cet  eifai ,  il  crcufe 
35  cette  maiïe  ,  y  dépofe  le   corps   de  (on 
33  père  5  qu'il  couvre  encore  de  Myrrhe  , 
33  &  quand  il  l'a  rendue  de  même  poids 
33  qu'elle  étoit  auparavant ,  il  porte  ce  pré- 
35  cieux  fardeau  à  Héîiopolis  dans  le  Tem- 
35  pie  du  Soleil.  )>  C'eft  dans  les   Deferrs 
d'Arabie  qu'on  le  fait  naître ,  6c  on  pro- 
longe fa  vie  jufqu'â  cinq  ou  fîx  cens  ans. 
Les    Anciens   Hiftoriens    on:   compte 


;4^  ,=  PH  = 

quatre  Apparitions  du  Phénix  ;  la  pre- 
mière fous  le  Règne  de  Séfoftris  j  la  fé- 
conde fous  celui  d'Amafîs  ;  la  troifième 
fous  le  troifième  des  Pcolémées.  Dion 
Cafîîus  donne  la  quatrième  pour  un  pré- 
fage  de  la  mort  de  Tibère.  Tacite  place 
cette  quatrième  Apparition  du  Phœnix 
en  Egypte ,  fous  l'Empire  de  Tibère  \  Pline 
la  rapporte  a  l'année  du  Confulat  de  Quin- 
tus  Plancius  ,  qui  revient  à  Tan  3(5  de  l'ère 
vulgaire  :  &  il  ajoute  qu'on  apporta  à  Rome 
le  corps  de  ce  Phénix  ,  qu'il  fut  expofé 
dans  la  grande  place  ,  &  que  la  mémoire 
en  fut  confervée  dans  les  Regiftres  Pu- 
blics. 

Rendons  juftice  aux  Anciens  qui  ont 
parlé  de  cet  Oifeau  incomparable  :  ils  ne 
l'ont  fait  que  d'une  manière  fortdouteufe  , 
qui  détrait  tout  ce  qu'ils  femblent  avoir 
établi.  Hérodote ,  après  avoir  raconté  l'Hif- 
toire  du  Phénix ,  ajoute  qu'elle  lui  paroît 
peu  vraifemblable.  Pline  dit  que  perfonne 
ne  douta  à  Rome,  que  ce  ne  fut  un  faux 
Phénix  qu'on  y  avoit  fait  voir  ;  &  Tacite 
donne  la  même  conclufion  a  fon  récit. 

Plufieurs  des  Pères  de  l'Eglife  ,  S.  Cy- 
rylle  ,  S.  Épiphane  ,  S.  Ambroife  &  Ter- 
tullien  5  ont  employé  l'Hiftoire  du  Phénix 
reçue  par  les  Païens ,  pour  confirmer  la 
Réfurre6tion  des  corps ,  ce  n'eft  pas  qu'ils 


j 


criuTent  cette  Hifloire  j  mais  ils  faifoient 
uiage  des  principes  que  ceux-ci  adop- 
toienr. 

Cette  vieille  Tradition ,  fondée  fur  une 
faulTeté  évidente  ,  a  pourtant  établi  un 
ufage  commun  dans  prefque  toutes  les 
Langues  ,  de  donner  le  nom  de  Phénix  à 
tout  ce  qui  eft  fingulier  <Sc  rare  dans  fon 
efpèce  :  rara  avis  in  terris  ,  dit  Ju vénal , 
en  parlant  de  la  difficulté  de  trouver  une 
femme  accomplie  en  tous  points,  &  Se- 
hèque  en  dit  autant  d'un  homme  de  bien. 

L'opinion  fabuleufe  du  Phénix  fe  trouve 
auiîi  chez  les  Chinois ,  dit  le  P.  du  Haîde  , 
dans  fa  defcription  de  la  Chine  ,  ils  n'ont 
pas  été  fi  renfermés  chez  eux ,  qu'ils  n'ayent 
emprunté  plufieurs  opinions  des  Égyp- 
tiens ,  des  Grecs  &:  àts  Indiens  :  ils  attri- 
buent à  un  certain  Oifeau  la  propriété 
d'être  unique  ,  de  renaître  de  fes  cendres. 

PhiloctÈte, 

Fils  de  Péan  ,  avoir  été  un  des  compa- 
gnons d'Hercule  &  fon  confident  :  ce  Hé- 
ros ,  en  mourant ,  lui  laiiTa  fes  flèches  pour 
héritage  ,  &  lui  fit  promettre  avec  ferment 
de  ne  jamais  révéler  où  fes  cendres  fe- 
roient  dépofées.  Les  Grecs ,  prêts  à  partir 
pour  Troye,  ayant  appris  de  l'Oracle  qu'ils 
ne  dévoient  point  efpérer  de  finir  heureu- 


?4f  =PH  = 

femenr  cette  Gu  rre  ,  à  moins  qu'ils  n'euf- 
fenc  les  Flèches  d'Hercule  ,  envoyèrent  des 
dépurés  à  Philociete  pour  apprendre  en 
quel  lieu  étoient  cachées  les  cendres  de  ce 
Héros  Se  {qs  redoutables  flèches.  Philoclèie 
qui  eut  horreur  de  faire  un  parjure  ,  en 
difant  un  fecrèt  qu'il  avoit  promis  aux 
Dieux  de  ne  dire  jamais ,  eut  la  foiblefTe 
d'éluder  fon  ferment ,  pour  ne  pas  priver 
\qs  Grecs  de  l'avantage  qui  devoit  leur 
revenir  de  ces  flèches  :  il  frappa  du  pied  à 
l'endroit  où  il  avoit  mis  ce  facré  dépôt* 
Les  Dieux  l'en  punirent ,  car  comme  il 
pafloir  dans  Tlfle  de  Lemnos  ,  voulant 
montrer  aux  Grecs  ce  que  fes  flèches  pou- 
voient  faire  contre  les  animaux  ,  il  laifla 
tomber  par  mégarde  la  Flèche  de  l'Arc  fur 
le  pied  ,  qui  avoit  été  Tinltrument  de  fon 
indifcrérion  ,  &  en  reçut  une  bleifure  hor- 
rible 5  il  fe  forma  un  ulcère  qui  jettoit  une 
puanteur,  capable  de  fufFoquer  les  hom- 
mes les  plus  vigoureux  ,  toute  l'armée  eut 
beaucoup  de  peine  de  le  voir  dans  cette 
extrémité ,  &  concluant  que  c'étoit  une 
jufle  punition  des  Dieux  >  on  réfolut  de 
l'abandonner  à^n%  l'ifle. 

Philociete  demeura  donc  pendant  pref- 
que  tout  le  Siège  de  Troye  dans  cette  Ifle 
déferre  ,  feul ,  fans  fecours ,  fans  efpéran- 
ce ,  fans  foulagement  j  livré  â  d'horribles 


=  PH=  ^45, 

clouleurs ,  &  expofe  nuic  &  jour  à  la  fu- 
reur des  bètes  farouches.  Une  caverne  na- 
turellement formée  dans  un  rocher  lui  fer- 
vok  de  demeure  ,  de  ce  rocher  forcoit  une 
claire  fontaine  pour  fa  boiifon  ;  ik  ces  flè- 
ches ,  avec  lefquelles  il  tuoit  les  Oifeaux 
qui  voloiem  autour  de  lui  ,  lui  fournif- 
foient  de  quoi  fe  nourrir. 

Cependant  après  la  mort  d'Achille  ,  les 
Grecs  voyant  qu'ils  ne  pourroient  pren- 
dre la  ville  de  Troye  fans  les  Flèches  que 
Philocîete  avoit  emportées  avec  lui  à  Lem- 
nos  ;  UlyiTe  ,  quoiqu'il  fut  celui  de  tous 
les  Grecs  que  Philociae  haïiToit  le  plus , 
fe  chargea  de  l'aller  chercher  avec  Néop- 
tolème  ,  fils  d'Achille  ;  6c  eut  le  fecrèc  de 
l'emmener  au  camp.  Sophocle  fait  inter- 
venir Hercule  fur  un  nuage  ,  qui  vient  lui 
ordonner  de  la  part  de  Jupiter  d'aller  4 
Troye  :  <«  Tu  y  guériras  ,  lui  dit-il  :  ta  va- 
35  leur  te  donnera  le  premier  rang  dans 
:j  l'arrnée  ;  tu  perceras  de  mes  Flèches  le 
jj  fier  Paris  ,  Auteur  de  tant  de  malheurs  ; 
»î  ru  renverferas  Troye  ,  &  tu  enverras  à 
w  Pœan  ton  père  les  dépouil'es  choifies  , 

J3  qui  feront  le   prix  de  ta  bravoure 

a  J'enverrai  Efculape  pour  te  guérir  à 
»?  Troye.,..  Mais  fouvenez-vouSjôGiècs  î 
5>  quand  vous  détruirez  cette  fuperbe  Vil- 
^  le  ,  de  refpeder  la  Religion  \  le  reile 


j;o  =PH  = 

5)  meurt ,  celle-ci  ne  meurt  jamais.  »  Tel 
eft  le  dénouement  que  Sophocle  a  donné  à 
fa  Tragédie  de  Philoclète  ,  une  des  plus 
belles ,  fans  concredic ,  de  tout  le  Théâtre 
Grec. 

PhilomÈle  et  P rogné. 

Filles  de  Pandion  ,  Roi  d'Athènes  , 
étoient  extrêmement  belles.  Térée  ,  Roi 
de  Thrace  ,  époufa  Frogné  :  cette  Prin- 
ceil'e  ,  fâchée  de  fe  voir  féparée  de  fa  fœur 
qu'elle  aimoit  tendiement  ,  engagea  fon 
mari  d'aller  à  Athènes  chercher  Philomelc 
pout  la  conduire  en  Thrace.  Pandion  n'y 
confentit  qu'avec  beaucoup  de  répugnan- 
ce 5  comme  s'il  eut  prévu  le  malheur  qui 
alloit  arriver  à  fa  fille  ,  &  la  fit  accompa- 
gner par  des  gardes  pour  veiller  à'fa. con- 
duite. Aulîi-tôt  que  Térée  fe  vit  en  pof- 
fefiion  de  cette  beauté  qu'il  aimoit  déjà 
éperdument ,  il  ne  fongea  qu'à  fatisfaire 
fa  paflion ,  &  dès  qu'il  eut  pris  terre ,  il  fe 
défit  de  tous  ceux  qui  accompagnoient  la 
PrinceiTe ,  la  conduifit  dans  un  vieux  Châ- 
teau qui  lui  appa^tenoit ,  &  fe  livra  a  fa 
palîîon.  Mais  défefpéré  des  reproches  fan- 
glaiis  qu'elle  lui  faifoit ,  il  lui  coupa  la 
langue  \  la  lailfa  enfermée  dans  le  Château, 
fous  la  garde  des  perfonnes  affidées. 

Après  de  tels  forfaits,  Térée  eut  raffu* 


=PH=         j-yi 

rance  de  fe  préfenter  devant  fon  époufe , 
ôc  affedant  un  air  trifte ,  lui  die ,  que  fa  fœur 
étoit  morte  dans  le  voyage.  Progné  le 
crut  5  pleura  Philomele  comme  morte  6c 
lui  drelfa  un  monument.  Un  an  fe  pafïà 
fans  que  Philomele  pût  informer  fa  fœur 
de  fon  malheureux  état  ^  elle  s^avifa  de 
tracer  fur  la  toile  avec  une  aiguille  de  ta* 
piiTerie  l'attentat  de  Térée  ,  &  la  fituation 
afFreufe  où  il  l'avoir  réduite.  Progné  reçut 
la  toile  5  (5c  fans  s'amufer  à  répandre  d'i- 
nutiles larmes ,  elle  ne  s'occupa  que  de  fa 
vengeance.  Profitant  d'une  Fête  de  Bac- 
chus  5  pendant  laquelle  il  étoit  permis  aux 
Femmes  de  courir  à  travers  les  champs , 
elle  alla  au  Château  où  étoit  fa  fœur ,  rem- 
mena avec  elle ,  l'enferma  fecretement 
dans  le  Palais ,  tua  le  fils  qu'elle  avoit  eu 
de  Térée  ,  (  il  s'appelloit  Itys  ;  )  &  ayant 
fait  cuire  fes  membres ,  les  fit  fervir  dans 
un  Feftin  quelle  donnoit  à  fon  mari  à 
l'occafion  de  la  Fête.  Philomele  parut  à  la 
:fin  du  repas ,  &  jetta  fur  la  table  la  tête 
de  l'enfant.  Térée  à  cette  vue,  tranfporté 
de  rage  ,  demande  fes  armes  pour  tuer  les 
deux  fœurs  ;  mais  ces  PrincefTes  montent 
aufii-tôt  fur  un  VaifTeau  qu'elles  avoient 

Ifait  préparer  pour  cela ,  &  arrivent  à  Athè- 
nes 5  avant  que  Térée  ait  pu  fe  mettre  en 
mèf  pour  les  pourfuivre» 


Ovide  dit  que  comme  elles  s'enfuyoient, 
P/ulomèle  fuc  changée  en  Roiiignol  ,  & 
Progné  en  Hirondelle.  Térée  qui  les  pour- 
fuivoic  5  fe  vit  auiîî  métamorphofé  en 
Huppe  5  &  Irys  fon  fils  en  Chardonneret. 
Pandion  ayant  appris  la  nouvelle  d'une 
aventure  fi  déplorable  ,  en  mourut  de  cha- 
grin. Oïï  a  voulu  5  dans  ces  Méramorpho- 
fes  5  peindre  le  caractère  de  ces  différentes 
perfonnes.  La  Huppe  ,  Oifeau  qui  aime  le 
fumier  &  l'ordure ,  défigne  les  mœurs  im- 
pures de  Térée  :  fon  vol  lent  fignifie  qu'il 
ne  put  atteindre  les  deux  fœurs  ,  fon  vaif- 
feau  étant  moins  bon  voilier  que  le  leur; 
le  Rofiignol  qui  fe  cache  dans  les  bois  Sc 
\qs  brofiailles ,  femble  y  vouloir  cacher  fa 
honte  &  fes  malheurs  j  &  l'Hirondelle  qui 
fréquente  les  maifons  ,  nous  marque  l'in- 
quiétude de  Progné  y  qui  cherche  vaine- 
ment fon  fils  qu'elle  a  inhumainement 
maflâcré.  Les  deux  fœurs  ,  fans  cefie  oc- 
cupées de  leurs  malheurs ,  fe  confumèrenc 
d'ennui  &  de  trifte0e  ,  dit  Paufanias  \  Sc 
ce  qui  donna  lieu  de  dire  que  l'une  avoic 
été  changée  en  Hirondelle ,  l'autre  en  Rof- 
fignol  ;  c'eft  que  le  chant  de  ces  Oifeaux 
a  en  effet  je  ne  fçais  quoi  de  trifte  &  de 
plaintif. 

Philosophie, 


Philos  ophie, 

C'eft-â-dire  ,  Amour  de  la  Sagefle.  Les 
Anciens  n'ayanr  pas  la  témérité  de  fe  nom- 
mer Sages ,  fe  qualiHoienc  feulement  du 
titre  de  Philofophes, 

On  repréfente  la  Pkilofopkic  par  uns 
femme  d'un  air  impofant ,  allife  modef- 
tement  fur  un  trône  de  marbre ,  auquel 
on  parvient  par  plufieurs  gradins  j  elle  a 
un  diadème  d'or  fur  le  front ,  &  tient  deux 
livres  ouverts ,  fur  l'un  efl:  écrie  :  Natura* 
lis  y  ôc  fur  l'autre  Mora/is, 

PhIL  YR  A, 

m      Fille  de  l'Océan  ,    fut  fi  fenfible  aux 

ildéclarations  d'Amour  qui  lui  furent  faites 

.  par  Saturne  ,  qu'elle  lui  lit  part  de  la  der- 

,  nière  faveur.  Rliéa ,  femme  de  Sarurne,  y 

fut  trompée  quelque  temps  ^  mais  enfin  fe 

,  doutant  de  quelque  chofe  ,  elle  éclaira  de 

■  fi  près  la  conduite  de  ces  deux  Amans , 

qu'elle   les    furprit  fur   le  fait.   Saturne, 

pour  fe  cacher  ,  prit  la  forme  d'un  Cheval 

5c  s'enfuit  à  toutes  jambes ,  en  faifant  re- 

:entir  tout  le  Pélion  de  fes  henniifemens, 

.  in  Virgile.  Mais  Phifyra  fut  iî  confufe , 

p'elle  quitta  le  Pays  &  s'en  alla  errer  par 

es  montagnes  des  Pélafges ,  où  elle  ac- 

x)ucha  du  Centaure  Chiron,  Le  regrèc 

,  ,     Tome  IIL  A  a 


II 


n4  ^PH  = 

qu'elle  eut  d'avoir  mis  an  monde  un  tel 
enfant ,  compofé  de  la  nature  de  cheval  & 
de  la  nature  humaine  ,  l'obligea  à  prier  les 
Dieux  de  la  changer  en  quelqu'autre  chofe. 
Us  exaucèrent  fa  prière  ^  &  la  métamorpho- 
sèrent en  Tilleul.  Un  Commentateur  de 
Virgile  dit  que  Saturne  ,  pour  cacher  fou 
intrigue  à  Rhéa ,  prit  la  figure  d*un  Che- 
val ,  &  donna  à  Philyra  celle  d'une  Ju- 
ment. 


i 


P  H  O  L  U  S  , 

Un  des  Centaures ,  fils  de  Silenus  & 
de  Mélia.  Hercule  allant  à  la  chafife  du 
Sanglier  d'Erimanche  ,  logea  en  palTant 
chez  le  Centaure  Fholus  ,  qui  le  reçut  hu- 
mainement &  lui  fit  bonne  chère.  Au  mi- 
lieu du  Feftin  ^  Hercule  ayant  voulu. enta- 
mer un  muid  de  vin  qui  appartenoit  aux 
autres  Centaures ,  mais  que  Bacchus  ne 
leur  avoir  donné  qu'à  condition  d'en  ré- 
galer Hercule  quand  il  pafiTeroit  chez  eux, 
ceux-ci  lui  en  refusèrent ,  &  l'attaquèrent 
même  vivement  j  les  uns  armés  de  gros 
arbres  avec  leurs  racines ,  les  autres  de^    . 
groOTes  pierres ,  les  autres  de  haches,  ils:    !° 
tondirent  tous  enfemble  fur  Hercule  :  le     , 
Héros ,  fans  s'étonner ,  les  écarta  à  coups 
de  flèches ,  &  en  tua  plufieurs  de  fa  maf-. 
fuc.  Son  Hôte  ne  prit  aucune  parc  à  ce* 


combat ,  linon  qu'il  rendit  aux  morts  les 
devoirs  de  la  fépulture ,  comme  à  Cqs  pa- 
rens  ;  mais  par  malheur  une  flèche  qu'il 
arracha  du  corps  d'un  de  ces  Centaures  le 
blella  â  la  main  ,  ôc  quelques  jours  après 
il  mourut  de  fa  blelTure.  Hercule  fie  à  fon 
ami  de  magnifiques  funérailles ,  &  l'en- 
terra fur  la  Montagne  appellée  depuis  Pho- 
loc  ,  du  nom  de  Pholus, 

Phorbas.  ^ 

Phorhas  chef  de  Phlégyens  ,  homme 
cruel  &  violent ,  s'érant  faifi  des  avenues 
par  lefquejles  on  pouvoit  arriver  à  Del- 
phes j  contraignoit  tous  les  paflans  de  fe 
battre  contre  lui  à  coups  de  poing  ,  pour 
les  exercer ,  difoit-il ,  à  mieux  comibattre 
aux. Jeux  Pythiens  ;  &  après  les  avoir  vain- 
cus ,  il  les  faifoit  mourir  cruellement. 
Apollon  ,  pour  punir  ce  brigand  ,  fe  pré- 
fenta  au  combat  déguifé  en  Athlète  ,  & 
aflfomma  Phorhcis  d'un  coup  de  poing  : 
c'eft-à-dire  ,  que  quelqu'un  des  Minières 
de  Delphes  qui  voyoit  diminuer  tous  \q% 
jouis  les  offrandes  qu'on  porcoit  dans  le 
Temple  d'Apollon  ,  par  \qs  incurfions 
de  Phorhas ,  drelTa  des  embûches  au  bri- 
gand 5  &:  l'ayant  fait  périr  ,  publia  que  c'é- 
toit  le  Dieu  lui-même  qui  avoir  vengé 
l'infulte  faite  à  fon  Temple. 

A  a  ij 


Physique. 

C'eft  un  Science  qui  a  pour  but  la  con- 
noiflance  &  l'étude  des  caufes  naturelles. 
On  la  peint  confidérant  une  Sphère  ,  au 
milieu  de  laquelle  eft  le  Globe  de  la  terre 
fufpendu  fur  fes  pôles.  Proche  d'elle  eft  un 
Clepsydre  ou  horloge  à  Teau. 

Picus , 

Hls  de  Saturne ,  fuccéda  a  Janus  aa 
Royaume  d'Italie.  C'étoit  un  Prince  qui 
joignit  a  une  grande  beauté  tous  les  agré- 
mens  de  refprit  ^  il  n'avoit  pas  encore 
vingt  ans  qu'il  avoit  attiré  fur  lui  les  re- 
gards de  toutes  les  Nymphes  du  pays  ;  il 
donna  la  préférence  à  la  belle  Canente, 
fille  de  Janus.  Un  jour  qu'il  étoit  a  la 
chaflfe  5  il  rencontra  Circé  dans  un  bois  , 
où  elle  étpit  venue  cueillir  àts  herbes  pour 
fes  Opérations  Magiques  :  elle  fentit  d'a- 
bord un  violent  Amour  pour  lui  \  mais 
l'ayant  trouvé  infenfible  ,  elle  le  frappa  de 
fa  baguette  ,  &  auffi-tôt  tout  le  corps  de 
Picus  fut  revêtu  de  plumes ,  &  ne  con- 
ferva ,  de  ce  qu'il  étoit  auparavant ,  que 
fon  nom  Picus,  en  françois  Pivert,  Sqs 
gardes  étant  venus  a  fon  fecours ,  furent 
aulîî  métamorphofés  en  différentes  efpè- 
ces  d'Animaux.  Il  n'eft  perfonjne  qui  ne 


=  Pi=  n? 

voie  qne  k  relTemblance  des  noms  a  fait 
cette  Métamorphofe  :  un  Mythologue  mo- 
derne en  donne  pourtant  une  autre  rai- 
fon  :  Ce  Prince  ,  dit-il  ,  qui  fe  vantoit 
d'exceller  dans  Tes  augures  à  l'aide  d'un 
Pivert  qu'il  avoit  fçu  apprivoifer  j  comme 
il  périt  à  la  chafTe  dans  un  âge  peu  avancé , 
on  imagina  cette  Métamorphofe.  Picus , 
après  fa  mort ,  fut  mis  au  rang  des  Dieux 
indigèces. 

ÉNIGME    XCIIL 

Depuis  le  matin  jufqu'au  foir, 
Je  vais,  je  viens,  je  cours  fans  voir. 
Mou  mouvement ,  lent  oa  rapide , 
Kft  toujours  tel  qu'il  plaîc^  celui  qui  me  gaide. 

Et  comment  pcurrois-je  voir  clair  î 
Je  n*ai  pas  un  feul  œil ,  &:  je  crains  d'être  à  l'air. 
Ma  peau  trop  délicate  eft  tripkment  vêtue , 
Ht  chacun  rarement  peut  la  voir  toute  nue. 

Tous  les  jours  on  m'enferme  en  certaine  maifon. 

Que  l'ouvrier  exprès  a  faite , 

Pour  m.e  fervir  d'une  retraite  , 
Qui  pourroit  fe  nommer  l'ambulante  prifon, 

ÉNIGME      XCIV. 

Suivant  la  Loi  que  l'on  m'jmpofe , 
Je  cours ,  ou  bien  je  m^  lepofe  ; 

A  a  iij 


Ci 


yjg  =PI  = 

Je  m'étends  en  longueur ,  en£n 
De  mon  pied  j'avance  chemin. 
De  douze  mâles  je  fuis  père , 
Sans  avoir  jamais  vu  leur  mère  i 
Leurs  fiUes ,  dont  je  fuis  Taïeul , 
Et  dont  la  charge  eft  fur  moi  feul  > 
Compofent,  fans  en  rien  rabattre, 
•Le  nombre  de  cent  quarante-quatre. 
Mon  nom  n'eft  pas  myftérieux, 
Lecteur  j  puifqu'il  eft  fous  tes  yeux» 

Piérides, 

Filles  de  Piérus  ,  Prince  Macédonien  > 
qui  osèrent ,  dit-on  ,  faire  un  défy  aux 
Miifes,  a  qui  remporteroit  le  Prix  de  la 
Poëiîe  :  mais  les  Mufes  furent  vidorieu- 
fes  dans  ce  combat ,  de  pour  punir  la  té- 
mérité  des  Piérides ,  elles  les  changèrent 
en  Pies.  On  donne  aulïï  le  nom  de  Fié^ 
rides  aux  Mufes  ,  à  caufe  que  le  Moue 
Piérus  en  Theflalie  leur  écoit  confacré* 

ÉNIGME    XCV. 

Je  fuis  la  fîile  décelable 
D'un  père  infortuné  ,    dont  le   plus  grand  mal«*- 

heur 
Eft  de  me  concevoir  avec  tant  de  douleur, 
Que  des  qu'il  m'a  formée,  il  devient  miféiabls. 


Je  reconnoîs  {î  mal  l'être  que  je  lui  dois , 

Que  par  mes  cruelles  atteintes , 
•  Je  l'oblige  par  jour  à  me  nommer  cent  fois 
La  caufe  de  Tes  maux  &  de  Tes  triftes  plaintes. 
En  effet,  je  le  fais  cruellement  fouffiir, 
Au  point  même  qu'enfin ,  au  péril  d'en  mourir , 
On  le  voit  fe  réfoudre  à  me  mettre  en  lumière  } 
Et  de  la  fille  enfin ,  je  deviens  Ton  bourreau  5 
Car  fouvent  par  Teffort  d'une  main  meuitrièie , 
Quand  il  me  met  au  jour  je  le  mets  au  tombeau, 

ÉNIGME     XCVL 

J*ai  part  a  ces  exploits  qui  ravagent  la  Terre , 
Comme  aux  amufemens ,  images  de  la  Guerre, 
Par  fois,  &  même  affez  fouvent. 
Le  Solitaire  &  le  Sçavant 
Me  veulent  auprès  d'eux ,  m'approchant  de  leur 
couche  ; 
Mais  qu'on  ne  craigne  rien  pour  moi , 
Seule  avec  eux  la  ruiit ,  je  fuis  comme  une  fouche , 

Et  n'en  ai  pas  le  moindre  effroi. 
A  leur  cmpreffement ,  je  fçais  ne  pas  répondre  5 

Ils  ont  tous  beau  me  tourmenter  , 
Je  trompe  leurs  defirs,  jufqu'à  les  dépiter, 
Plus  je  les  vois  après  moi  fe  morfondr^ 
L'Avare ,  dans  fon  coffre  fort , 
Ne  (erre  pas  fi  bien  écus ,  fols  &  piftoles , 
Que  je  cache  &  défends  le  bien  que  l'on  me  vole  5 
Mais  à  la  fin  je  cède  à  leur  effort. 

Aaiv 


;5o  =:PI  = 

Ce  qu*on  m'enlève  efl:  un  bien  fecourabîc  ; 
Quoique  commun ,  il  eft  pourtant  fi  précieux  » 
Que  fi  l'on  veut  croire  la  Fable, 
La  Terre  le  ravit  aux  Cieux-^ 

Piété. 

Cette  Vertu  que  les  Grècs^  appeîloient 
Euiebie  ,  fut  déïiiée  par  les  Anciens  :  nous 
voyons  fouvent  fon  Image  fur  les  Monu- 
mens  de  l'Antiquité.  Us  entendoient  par 
la  Piété  ^  non-feulement  la  Dévotion  des 
hommes  envers  les  Dieux ,  &:  le  refpedb 
des  enfans  pour  leurs  pères  ;  mais  aufli  une 
certaine  Affeétion  pieufe  dQS  hommes  en^ 
Vers  leurs  femblables»  Il  eft  peu  de  gens 
qui  n'affedent  cette  bonne  qualité  lors 
même  qu'ils  ne  l'ont  pas.  Tous  les  Em- 
pereurs fe  faifoient  appeller  Pieux,  les 
plus  impies  &  les  plus  cruels  comme  les 
autres.  Elle  étoit  repréfentée  comme  une 
femme  aiîîfe ,  ayant  la  tête  couverte  d'un 
grand  voile ,  tenant  de  la  main  droite  un 
timon  5  &  de  la  main  gauche  une  corne 
d'abondance.  Elle  avoir  devant  {qs  pieds 
une  Cicogne ,  qui  efl  le  Symbole  de  la 
Piété  ^  à  caufe  du  grand  amour  qu'elle  a 
pour  fes  petits  :  c'eft  pour  cela  que  Pétrone 
l'appelle  P ietatis  Cultrix  ^  A\n:itnce  de  la 
Piété.  La  Piété  eft  quelquefois  dé/ignée 
fur  les  Médailles  par  des  Symboles  j  tan- 


tôt  par  un  Temple  ou  par  les  inflrumens 
des  Sacrifices  :  tantôt  par  deux  femmes 
qui  fe  donnent  ia  main  fur  un  Autel  flam- 
boyant. 

11  ne  faut  pas  oublier  ici  le  Temple  bâti 
dans  Rome  à  la  Piété\  en  mémoire  d« 
cette  belle  adtion  d'une  nlle  envers  fa  mère. 
Voici  comme  Valère  Maxime  raconte  la 
chofe.  Une  femme  de  condition  libre , 
convaincue  d\in  crime  capital ,  avoir  été 
condamnée  par  le  Préteur  &  liviée  au 
Triumvir  pour  erre  exécutée  dans  la  pri- 
jTon.  Celui-ci  n'ofant  porter  fes  mains  fut 
cette  criminelle  qui  lui  paroiiToit  digne 
de  compaiîion  ,  réfolur  de  la  laiifer  mourir 
de  faim  ,  fans  autre  fupplice.  Il  permit 
même  à  une  hlle  quelle  avoir  d'entrer 
dans  la  prifon  ,  mais  avec  cette  précau- 
tion qu'il  la  faifoit  fouiller  exactement  ^ 
de  peur  qu'elle  ne  portât  à  fa  mère  de  quoi 
vivre»  Pluiieurs  jours  fe  panent ,  5c  la  fem- 
me eft  toujours  en  vie  :  le  Triumvir  éton- 
né  obferva  la  fille  ,  ôi  découvrit  qu  ellô 
donnoit  à  tèter  â  fa.  mère.  îl  alla  auiîi-tot 
rendre  com.pte  au  Préteur  d'une  cliofe  Ci 
extraordinaire  ;  le  Préteur  en  ht  rapport 
aux  Juges,  qui  firent  graçe  à  la  criminelle  i 
iî  fut  même  ordonné  que  la  prifon  feroît 
chani^ée  en  un  Temple  confacré a  {xPiétii 
k\on  Pline  y  les  deux  femmes  furent  rour- 

Âa  V 


^62  =^  P  I  = 

TÎes  aux  dépens  du  public.  Quelques  His- 
toriens mettent  un  père  au  lieu  d'une 
mère  y  les  Peintres  ont  fuivi  cette  tradi- 
tion dans  les  tableaux  où  ils  ont  repréfenté- 
cette  Hiftoire ,  qu'on  appelle  commune 
ment  des  Charités  Romaines* 

Celui  dont  je  (uis  le  partage , 
Se  peut  dire  heureux  en  tous  fens  > 
Il  poflede  les  biens  préfais , 
Et  le  Ciel  eft  fon  héritage. 

Selon  les  Anciens,  la  Piété  eft  la  Dé** 
votion  envers  Dieu ,  le  refped  filial  en- 
vers les  pères ,  &  cette  tendre  affedion 
pour  le  prochain  ,  qui  nous  porte  à  l'aimer 
comme  nous-mcme. 

On  la  perfonnifie  auHÎ  par  une  belle 
femme  vètuc  de  voiles  blancs  y  Symboles, 
de  Pureté.  Elle  a  une  flamme  ardente  fur 
la  tête  y  Se  s'appuie  fur  un  Autel  y  pour 
marquer  l'excès  de  l'Amour  de  Dieu.  La 
Cicogne  qu'elle  a  dans  fes  bras  ,  eft  l'Attri- 
but de  l'Amour  filial  ;  Se  l'Épée  qu'elle 
lient ,  fîgnifie  qu'elle  eft  toujours  difpofée 
à  foutenir  les  droits  du  plus  foible.  Lz 
Corne  d'abondance  qui  eft  près  d'elle  ,  Se 
dans  laquelle  des  enfans  cherchent  des 
fruits ,  eft  le  Hiéroglyphe  cfe  l'Amour  da 
Prochain, 


ï 


=  PI=  S^5 

ÉNIGME    XCFIL 

Je  fuis  petite  &  bien  brunette , 
De  la  forme  k  plus  parfaite. 
Mon  père  quelquefois  m'appellant  ua  tréfor, 
Souvent  m'habille  toute  d'or. 

Pour  me  rendre  où  l'on  me  defire , 
Il  me  faut  traverfer  un  Palais  précieux , 

Et  puis  defcendre  eo  d'autres  lieux , 
Que  leur  obfcurité  m'empêche  de  décrire. 

Là  toutefois  j'exerce  mon  empire  , 
Et  c'eft  pour  foulager  les  maux 
Du  Roi  des  Animaux, 

Pin, 

Cétoir  l'arbre  favori  de  Cybèle.  On  le 
trouve  ordinairement  repréfenré  avec  cette 
DéefFe.  Le  Pin  éroir  aufli  confacré  au 
Dieu  Silvain  j  car  dans  fes  images  il  porte 
aiïez  fouvent  de  la  main  gauche  une  bran- 
che de  Pin  5  où  tiennent  à^s  pommes  du 
inême  arbre.  Profpère  donne  encore  le 
Pin  au  Dieu  Pan  :  car  il  dit  que  le  Dieu 
d'Arcadie  aime  cet  arbre.  On  fefervoic  de 
sec  arbr§  pour  la  conftrudtion  des  bûchers,- 


5^4  ,==^PI=. 

ÉNIGME    XCVlîh 

Je  fuis  plus  ou  moins  gros  >  félon  mon  miniflcre 

Mais  en  quelque  état  que  je  (ois  , 
Ma  baibe  faite  en  pointe  eft:  toujours  néceffaire 
Pour  remplir  dignement  mes  diifércns  emplois. 

la  plus  fîère  Beauté ,  Hijette  à  m.on  Empire, 

Me  laiffe  en  pleine  liberté 
Paire  ce  que  je  veux  5  &  ma  fîncêrité 

Eit  le  feul  bien  cruelle  délire. 

De  la  laide  au  contraire  ennemi  manifefte. 
Pour  elle  je  n'ai  nuls  appas  j 
Et  fi  je  ne  la  flatte  pas , 
Elle  s'emporte ,  &  me  détefte* 

En  un  mot  telle  eft  ma  puifTance, 
Que  prefque  en  urTinftant  j'élève  des  Palais  5 
Je  fais  naître  la  Guerre  au  milieu  de  la  Paix, 
Et  dans  un  lieu  defert  je  produis  l'abondance. 

Mais  pour  bien  exercer  ces  différcns  offices  5 
J'ai  befoin  d'un  maître  fçavant , 
Qui  me  conduife  auparavant , 

Et  me  faffe  avec  art  remplir  mes  exercices. 


ÉNIGME      XCIX. 

Je  {Iiis  utile  en  toutes  les  Saifons , 
A  la  Ville  comme  au  Village  5 
Mais  c'efl:  dans  le  temps  des  glaçons , 
Que  je  fuis  le  plus  en  ufage. 

Ma  taille  cft  mince ,  &  mes  deux  bras 
Sont  quelquefois  au/Ti  longs  que  ma  taille  ; 
Quelq'.efcîs  moins,  quand  celui  qui  travaille 
Croit  me  donner  ou  plus  ou  moins  d'appas. 

On  pourroit  même  fans  reproche , 
Appeller  ces  bras,  pieds,  ou  mains , 
Poui'  cmbraJfTcr  un  corps  qu'avec  eux  je  foutiens  > 
On  les  écarte ,  on  les  approcha. 

Je  garde  toujours  la  maifon  ; 

Un  nouveau  marot ,  pour  raifon  y 

Voudroit  me  garder  dans  fà  poche. 
Par  Ton  difcours ,  vous  {çaurez  qui  je  fuis  .3 
De  mes  talcns,  &  non  de  ma  figure. 

Il  fait  une  cxade  peinture  ; 

Me  nommerai-je  ?  Je  ne  pois. 

ÉNIGME    C 

D'étrange  &  bizarre  attitude, 
Je  n'ai  qu*un  ventre  &  qu'un  hojâui 
le  plus  pur  Elément  diffout  ma  plénimde. 
RicheiTe  du  monde  nouveau  , 


fSS  =  P  I  = 

Délices  du  fiècle  où  nous  femmes  » 

Je  fais  refpirer  en  repos 
L'Artifan  ,  le  Soldat,  le  Doâ:eur,  le  Héros  :■ 
Aimable  amufement  de  la  plupart  des  hommes ,. 
D'ufage  en  tous  les  temps ,  &  de  guerre  &  de  pai^f  ^ 
D'ufage  en  tous  les  lieux,  fur  la  terre  &  fur  l'onde-j 
Mais  tandis  que  je  fais  le  plaifir  des  Palais  ». 

Rien  ne  repréfenta  jamais 
Si  naturellement  les  vanités  du  monde.. 

FlQUÈT^ 

Ceft  le  plus  fameux  des  Jeux  de  Carres^^ 
q,ui  fe  jouent  entre  deux  perfonnes  :  voici 
ce  qu'on  lit  dans.  les  Efïais  de  Paris  de  M.. 
de  Saint'Foix  ,  Tome  I ,  page  jjj  &  fui^ 
vantes  ,  au  fujet  du  Jeu  de  Fiqiiet,  «  On; 
j>  lit  dans  le  Théâtre  François  ,  Tome  XI y 
ii page  ly^  ,  qu'en  16^7^  on  repréfenta  3. 
»  fur  le  Théâtre  de  l'Hôtel  de  Guénégaud , 
)î  une  Comédie  de  Thomas  Corneille ,  en' 
3?  cinq  adres  ,  intitulée  le  Triomphe  des^ 
n  Dames  ;  qui  n'a  point  été  imprimée.,  de 
j>  dont  le  Ballet  du  Jeu  de  Piquet  étoit  nn^ 
9?  des  intermèdes.  Les  quatre  Valets  paru- 
5î  renrd'abord  avec  leurs  hallebardes,  pour 
»  faire  faire  place  \  enfuire  les  Rois  arri- 
»  vcrent  fuccefîîvement ,  donnant  la  main- 
3>  aux  Dames ,  dont  la  queue  étoit  portée 
5^par  quatre  EfclaveSyle  premier  de  ce5^ 


=  P  I  =  f  ^7 

»  Efchves  repréfentoit  la  Paume  ^  te  fe- 
yi  coiid  5  le  Billard  ;  le  troifième  ,  les  Dez  y 
»  le  quatrième  ,  le  Tridtrac.  Les  Rois ,  les 
»  Dames  &  les  Valets ,  après  avoir  formé,, 
>3  par  leur  danfe  ,  des  Tierces  &  des  Qua- 
io  torze  5  après  s^ètre  rangés  tous ,  les  noirs. 
j9  d'un  côté  &  les  rouges  de  l'autre ,  fini- 
»  rent  par  une  contre-danfe  ,  où  toutes  les 
>5  couleurs  étoient  mêlées  confufément  èc 
9»  fans  fuite. 

jî  Je  crois  que  cet  intermède  n'etoit  pas 
5>  nouveau  ,  &  qu'il  n'étoit  que  l'efquiiTe 
»  d'un  grand  ballet ,  exécuté  à  la  Cour  de 
»  Charles  VU  ;  &  fur  lequel  on  eut  l'idée 
jj  du  Jeu  du  Piquet ,  qui  certainement  ne 
îî  fut  imaginé  que  vers  la  fin  du  Règne  de 
î>  ce  Prince.  Combien  de  perfonnes  [ouenc 
39  tous  les  jours  à  ce  jeu  ,  fans  en  connoî- 
*»  tre  tout  te  profond  mérite  !  Une  Diifer- 
M  tation ,  que  |e  crois  du  Père  Daniel^ 
»  prouve  qu'il  eft  Symbolique  ,  Allégori- 
»  que  5-  Politique ,  Hiftorique ,  &  qu'il  ren- 
>  ferme  des  maximes  très-importantes  fur 
î>  la  guerre  &  le  gouvernement.  As  eft  un 
n  mot  latin  qui  lîgnilie  une  Pièce  de  mon^ 
»>  720/^,  du  bien  j  des  richejfes  Les  As  au 
«  Piquet  ont  la  primauté  ,  même  fur  les 
3>  Rois  y  pour  marquer  que  l'Argent  eft  le 
55  nerf  de  la  Guerre  ,  <3c  que  lorfqu'un  Roi 
M  ïiQïi  apas.,  fa  puiiïance  eft  bisn  fbible. 


y  ^8  .=  PI  = 

33  Le  Trcffie ,  herbe  fi  commune  dans  les 
M  prairies ,  (îgnifie  qu'un  Général  ne  doit 
î5  jamais  camper  fon  armée  en  des  lieux 
M  où  les  fourages  peuvent  lui  manquer ,  5c 
«  où  il  feroit  difficile  d'en  tranfporter.  Les 
35  Piques  &  tes  Carreaux  défignent  les  Ma- 
3>  gafins  d'armes  qui  doivent  être  toujours 
3>  bien  fournis  :  les  Carreaux  étoient  à^s 
»  efpèces  de  flèches  fortes  &  pefantes  , 
»  qu'on  tiroit  avec  l'Arbalète ,  &  qu'on 
>»  nommoit  ainfi ,  parce  que  le  fer  en  éroit 
33  quarré.  Les  Cœurs  repréfentent  le  cou- 
3>  rage  à^^  chefs  &  ^ts  foldats.  David  ^ 
3j  Alexandre  ,  Céfar  &  Charlemagnc ,  fonc 
M  a  la  tête  ào^s  quatre  quadrilles  ou  couleurs 
«  du  Piquet ,  pour  fignifier  que  quelque 
»  nombreufes  que  foient  \qs  Troupes ,  el- 
iî  les  ont  befoin  de  Généraux  auiîi  pru- 
»  dens  que  courageux ,  &  expérimentés. 
33  Quand  an  fe  trouve  dans  une  pofition 
»  fâcheufe  ,  dans  un  camp  défavantageux  , 
»  &  dans  TimpuifTance  de  difputer  la  vic^ 
53  toire  \  il  faut  tâcher  que  la  perte  que  l'on 
33  va  faire ,  foit  la  plus  petite  qu'il  fera 
»  pofTible  ;  c'efl  ce  qui  fe  pratique  au  Pi- 
»  quet  :  fi  le  fond  de  notre  Jeu  eft  mau- 
33  vais  ;  fi  les  As  ,  les  Quintes  &  les  Qua- 
35  torze  font  contre  nous ,  il  faut  fe  pré- 
»  cautionner  ,  en  tâchant  d'avoir  le  point 
V  pour  prévenir  le  Pic  6c  le  Repic ,  il  faut 


t>  donner  des  gardes  aux  Rois  &  aux  Da- 
93  mes  5  pour  éviter  le  Capor. 

î>  Sur  les  cartes  des  quatre  Valets ,  an 
a»  lit  les  noms  d'Ogîer  ,  de  Lancelot  ^  deux 
M  preux  du  temps  de  Charkmagne  ;  de  la, 
«  Hire^  &  d'Hector  de  Galard^  deux  Ca- 
5>  pitaines  de  diftinction  fous  le  Règne  Je 
95  Charles  VU.  Le  titre  de  Valet  étoit  an- 
«  ciennement  honorable  \  &  les  plus  grands 
5>  Seigneurs  le  portoient  jufqu'à  ce  qu'ils 
î5  enflent  été  faits  Chevaliers,  Les  quatre 
a>  Valets  au  Piquet  repréfentent  donc  la 
»  noblefle  >  comme  les  dix  ,  les  neuf,  les 
y,  huit  &  les  fept ,  défignent  les  foldacs. 
«  L'Anagramme  d'Jrgine  ,  nom  de  ïa 
9>  Dame  de  Trefîle  ,  eft  Regina  ;  c'étoir  la 
»>  Reine  Marie  d'Jnjou ,  femme  de  Char- 
»  les  VII ;  la  belle  Rachel y  Dame  de  Car- 
»  reau  ,  c'éroit  Agnès  Sorel;  la  Pucelîe 
»  d'Orléans  étoit  repréfentée  par  la  chafte 
»  6c  guerrière  P allas  ,  Dame  de  Pique  5, 
j>  &  Ifaleau  de  Bavière  ,  par  Judith  ,  Da- 
»  me  de  Cœur  ;  ce  n'eft  pas  la  Judith  de 
9>  l'Ancien  Teftament  ^  mais  l'Impératrice 
9>  Judith ,   femme    de    Louis   le  Débon^ 

naire  ,  qu'on  avoit  accufée  d'être  très- 
9>  galante  ,  qui  caufa  tant  de  troubles  dans 
â>  l'État  5  6c  dont  la  vie  avoit  tant  de  rap- 
n  port  avec  celle  à'Ifaleau  de  Bavière, 

a>  11  eft  âifé  de  reconnoicre  Charles  VII ^^ 


» 


570  =PI  = 

?3  fous  le  nom  de  David  y  donné  au  Roi  | 
90  de  Pique.  David ^  après  avoir  été  long- 
»  temps  perfécucé  par  SauL  ^  Ton  beau- 
35  père  ,  parvint  à  la  couronne  de  Judée  \ 
»  mais  au  milieu  de  fes  profpérités  ,  il 
»  euo:  le  chagrin  de  voir  Ton  fils  Ahjalon 
»  fe  révolter  contre  lui.  Charles  VU j 
»  après  avoir  été  déshérité  &  profcrit  par 
M  Charles  VI ,  fon  père  ,  reconquit  glo- 
35  rieufemenc  fon  Royaume  ,  mais  les  der- 
n  nieres  années  de  fa  vie  furent  troublées 
»  par  Tefprit  inquiet  ,  &  le  mauvais  ca- 
»  radèie  de  fon  fils ,  (  depuis  Louis  XI ,  ) 
«  qui  ofa  lui  faire  la  guerre ,  &:  qui  fut 
»  même  la  caufe  de  fa  mort. 

»  On  voit  qu'un  jeu  de  carres ,  à  la  fa- 
«  veur  d'un  Commentaire  ,  peut  s'attirer 
»  autant  de  confidération  que  bien  des 
»  autres  Grecs  &  Latins.  « 

PlRlTHOUS, 

Fils  d'Ixion  ,  étoit  Roi  des  Lapithes  i 
ayant  époufé  Hippodamie ,  il  pria  les  Cen- 
taures a  la  folemnité  du  mariage.  Ceux- 
ci  ,  échauffés  par  le  vin ,  voulurent  faire 
infulte  aux  Dames  \  mais  Hercule ,  Thé- 
fée,  Piritho'tts  ôc  les  autres  Lapithes  puni- 
rent l'infolence  de  ces  brutaux ,  Ôc  en  tuè- 
rent un  grand  nombre.  Firiihous  ôc  Thé- 
fée  furent  unis  de  l'amitié  la  plus  étroite 


^Sc  la  plus  confiante  :  voici  comme  elle 
commença.  Pirithous ,  frappé  du  récic  des 
grandes  adions  de  Théfée,  voulut  mefurer 
fes  forces  avec  lui ,  &  chercha  l'occafion  de 
lui  faire  querelle  j  mais  quand  ces  deux 
Héros  furent  en  préfence,  une  fecrète  ad- 
miration s'empara  de  leur  efprit ,  leur 
cœur  fe  découvrit  fans  feinte  y  ils  s'em- 
brafsèrent  au  lieu  de  fe  battre,  &  fe  jurè- 
rent une  amitié  éternelle.  Piritho'ùs  de- 
vint le  fidèle  compagnon  de  voyage  de 
Théfée.  Ils  formèrent  le  profèt  d'aller  en- 
femble  enlever  la  belle  Hélène  ,  qui  n*a- 
voit  alors  que  dix  ans  y  &  en  étant  venus 
à  bout 5  ils  la  tirèrent  au  fort,  à  condition 
que  celui  à  qui  elle  refteroit,  feroit  obligé 
d'en  procurer  une  autre  à  fon  ami.  Hé- 
lène échut  à  Théfée,  qui  s'engagea  d'aller 
avec  Piritho'ùs  enlever  Proferpine  >  fem- 
me de  Pluton.  Ils  defcendirent  donc  dans 
les  Enfers  ,  pour  exécuter  leur  téméraire 
projet  'y  mais  Cerbère  fe  jetta  fur  Pirithoùs 
êc  l'étrangla  :  pour  Théfée,  il  fut  chargé 
de  chaînes,  Ôc  détenu  prifonnier  par  l'or- 
dre de  Pluton  >  jufqu'à  ce  qu'Hercule  k? 
vint  délivrer. 

PiSTOR, 

Surnom  de  Jupiter.  Pendant  que  les 
Gaulois  affiégeoient  le  Capitole ,  Jupiter  , 


5-72  .=  P  I  ,=7= 

dit-on ,  avertit  les  Afîiégés  de  fe  faire  du 
pain  de  tout  le  bled  qui  leur  reftoit,  & 
de  le  jetter  dans  le  Camp  ennemi,  pour 
faire  croire  qu'ils  ne  feroient  pas  de  long- 
temps réduits  à  manquer  de  vivres  :  ce 
qui  réulîît  fi  bien  que  les  ennemis  levè- 
rent le  fiége.  Les  Romains,  en  adions  de 
grâces  5  érigèrent  une  Statue  à  Jupiter, 
dans  le  Capitole ,  fous  le  nom  de  Bijîor^ 

PiTHO, 

DéefTe  de  la  Perfuafion.  Elle  étoit  in- 
voquée principalement  par  les  Orateurs  : 
elle  eut  pUifieurs  Temples  ou  Chapelles 
êiPins  la  Grèce.  La  Ville  d'Egialée  étant 
affligée  de  la  pefte,  parcequ'eile  avoir  re- 
fufé  de  recevoir  Apollon  &  Diane ,  ou 
plutôt  le  Culte  de  ces  deux  Divinités; 
l'Oracle  de  Delphes  déclara  aux  Egia- 
liens,  que,  pour  faire  cefTer  le  fléau,  ils 
dévoient  confacrer  à  Diane  &  à  Apollon 
fept  jeunes  garçons ,  &  autant  de  jeunes 
filles  :  ils  obéirent  promptement,  &  fu- 
rent délivrés  du  fléau.  En  mémoire  de  cet 
événement,  ils  confacrèrent  un  Temple  à 
la  DcefTe,  parcequ'eile  leur  avoir  perfuadé 
d'obéir  a  l'Oracle.  Tliéfée  ayant  perfiiadé 
à  tous  les  Peuples  de  l'Atrique  de  fe  réu- 
nir dans  une  feule  Ville ,  pour  ne  fairâ 
plus   déformais  qu'un  Périple ,  il  incro-». 


<îuirit  i  cette  occafion  le  Culte  de  la 
Déeife  Pitko,  Hipermneftre  ayant  gagné 
fa  caufe  contre  Danaiis  fon  père ,  qui  la 
pourfliivoit  en  Juftice,  comme  défobcif- 
fante  à  fes  ordres  ,  en  fauvant  la  vie  à 
fon  mari ,  dédia  un  Temple  à  la  Dée^Co 
Pitho^  Enfin  elle  avoit  dans  le  Temple  de 
Bacchus  à  Mégare  une  Statue  de  la  main 
de  Praxitelle. 

PiTTACUS, 

L*un  des  fept  Sages  de  la  Grèce,  éroîc 
de  Mytilène  dans  Tlile  de  Lesbos,  après 
avoir  affranchi  fa  Patrie  du  joug  d'un  Ty- 
ran 5  il  fut  chargé  du  Gouvernement  par 
fes  Concitoyens.  C'eft  à  lui  qu'on  attribue 
cette  réponfe  :  Quelqu'un  ayant  demandé 
quels  animaux  croient  les  plus  dangereux  : 
Pittacus  répondit  fur  le  champ  :  «  Parmi 
»>  les  Domeftiques,  c'eft  un  flatteur  qui  fe 
»  couvre  du  mafque  de  l'amitié  j  &  parmi 
»  les  autres ,  c'eft  un  Roi  qui  abufe  du 
3>  pouvoir  fouverain.  »  Pittacus  avoit  faic 
mettre  une  échelle  dans  tous  \^s  Temples 
de  Mytilène,  pour  marquer,  difoit-il,  les 
Jeux  ditférens  &  les  revers  de  la  Fortune, 

PiTYS, 

Jeune  Nymphe,  qui  fut  aimée >  dit-on^ 
de  Pan ,  6c  de  Borée  en  même  temps» 


;74  .  .,    =PI-= 

Pan ,  irrité  de  ce  que  Pitys  avoir  plus 
d'inclination  pour  fon  Rivai,  la  jetta  de 
rage  contre  un  rocher  avec  tant  de  vio- 
lence, qu'elle  en  mourut.  Borée,  touché 
de  fon  malheur ,  dont  il  étoit  caufe ,  pria 
la  Terre  de  faire  revivre  Pitys  fous  une 
autre  forme.  Aufîi-tôt  elle  fut  changée  en 
un  Arbre ,  que  les  Grecs  appellèrent  de 
fon  nom  Pitys,  C'eft  le  Pin ,  qui-femble 
pleurer  encore,  dit  la  Fable,  par  la  liqueur 
qu'il  jette ,  lorfqu'il  eft  agité  par  le  Vent 
Borée. 

Pivert, 

Oifeau  qui  étoit  fous  la  tutelle  de 
Mars  ;  parceque,  félon  l'Auteur  Anonyme 
de  l'Origine  du  Peuple  Romain  ,  dans  le 
temps  que  Romus  &  Romulus  étoient  en- 
core enfans  ,  un  Pivert  voloit  tous  les  i 
jours  à  la  caverne,  où  étoient  ces  enfans, 
leur  portant  dans  fon  bèc  de  quoi  man- 
aer ,  &  le  leur  mettant  à  la  bouche.  C'eft 
ain(î  que  le  Dieu  Mars  prenoit  foin  de 
fes  fils. 

Place  d'Henri  IV. 

La  Statue,  équejlre  de  Henri  IV  eft  la 
première,  &  le  premier  Monument  géné- 
ral de  cette  ^.{'^hcQ ,  qu'on  ait  élevé  à  la   | 
gloire  de  nos  Rois. 


Il  eft  placé  à  rextrémicé  de  Tlfle  du 
P?lais ,  au  milieu  d'une  efplanade ,  en 
corps  avancé  fur  la  rivière  ,  revécu  d'un 
quai  folide  de  pierres  de  taille,  à  l'en- 
droit où  la  rivière  fe  rejoint,  pour  repren- 
dre fon  canal  naturel,  qui  eft  d'une  très- 
grande  largeur.  Cette  fituation  eft  d'au- 
tant plus  avantageufe ,  qu'elle  eft  dans  le 
lieu  le  plus  palTant,  &  le  plus  fréquenté 
de  toute  la  Ville ,  de  qu'elle  eft  expofée 
à  la  vue  de  tous  côtés  ,  même  dans  les 
diftances  les  plus  éloignées.  Ce  Monu- 
ment a  été  érigé  le  23  Août  1(^14.  On  y 
travailla  d'abord  avec  aifez  de  lenteur, 
car  il  ne  fut  entièrement  terminé  qu'en 

Henri  IF  eft  reprefenté  en  bronze ,  de 
grandeur  héroïque^   c'eft- à-dire,  d'une 
taille  de  la   moitié  plus  grande  que   la 
taille  ordinaire.  Cette  figure  équeftrc  eft 
élevée  fur  un  piédeftal  de  marbre,  de  figure 
oblongue,  fur  les  grandes  faces  duquel  les 
principales  adions  de  ce  grand  Roi  font 
repréfentées  en  bas-relief  de  bronze.  Aux 
quatre  angles  du  piédeftal  foutenu  fur  un 
empâtement  de  marbre  turquin ,  font  au- 
tant d'efclaves  attachés,  qui  ont  hs  pieds 
pofés  fur  des  armes  antiques  de  différente 
efpèce. 
Tous  ces  accompagnemens  ont  été  det 


Xiwis  par  Francheville  ^  Originaire  de 
Cambrai,  Sculpteur  habile,  dont  on  a  vu 
pendant  long-temps ,  dans  le  Jardin  des 
Tuileries,  un  Grouppe  de  marbre  de  la 
Vérité  enlevée  par  le  Temps ,  qui  fai- 
foit  connoître  le  mérite  de  ce  Sculpteur. 
Louis  XIV  l'a  donné  à  Louis  Phély peaux ^ 
Chancelier  de  France ,  qui  l'a  fait  tranf- 
porter  dans  fon  Château  de  Pontchar- 
train.  La  figure  du  cheval  a  été  faite  à 
Florence  ,  par  Jean  de  Boulogne ,  né  à 
Douai ,  Élève  du  fameux  Michel  Ange 
Buanarot ,  fous  lequel  il  avoir  appris  la 
perfedion  de  iow  Art.  Il  jouifToit  alors 
de  la  plus  haute  réputation.  On  trouve , 
dans  la  figure  du  cheval ,  beaucoup  de 
carre6tion ,  &  des  beautés  particulières  \ 
cependant  les  connoifTeurs  ont  trouvé  que 
le  modèle  n'a  pas  été  bien  choifi  :  il  eft, 
dit-on,  d'une  taille  trop  pefante,  &  n'a 
pas  la  légèreté  qu'on  defire  dans  un  che- 
val de  bataille. 

La  figure  de  H^nri  IV  eft  d'un  a«rre 
Sculpteur ,  nommé  Dupré.  Corne  II,  Grand 
Duc  de  Tofcane ,  fit  préfent  du  cheval  à 
Marie  de  Médicis  pendant  qu'elle  étoit  en 
Régence  :  Lous  XIII  étoit  encore  en  bas 
âge.  Il  arriva  des  accidens  a  c^  cheval, 
avant  que  d'arriver  en  France.  Le  Vaif- 
ieau  qui  ie  portoit  fit  naufrage  fur  les 

cotes 


côtes  de  Sardaine.  Le  cheval  fut  retiré  du 
fond  de  la  Mèr  avec  beaucoup  de  peine , 
Se  remis  fur  un  autre  VaifTeau ,  qui  eut 
encore  quelques  accidens  à  eiruyer  fur  les 
côtes  d'Èfpagne ,  de  la  part  des  Pirates. 
Mais  enfin  le  VaifTeau  qui  le  portoit,  ar- 
xiva  au  Havre  au  commencement  de  Mal 
1^13  5  &  le  cheval  arriva  à  Paris,  par  la 
Seine  ,  le   1 3   Août  de  l'année  fuivante. 
Louis  XIII  mit  la  première  pierre  aux 
fondations  du  piédeftal  j  &:  cette  Céré- 
monie fe  fit  avec  beaucoup  de  pompe  & 
d'appareil.  Mais  cet  Ouvrage  ne  fut  ter- 
miné que  vingt-deux  ans  après.  Outre  les 
diverfes  Infcriptions  que  l'on  voit  fur  les 
faces  du  piédeftal ,  on  en  a  encore  enfer- 
mé  une  5   écrite   fur  le   vélin ,   dans   un 
tuyau  de  plomb ,  que  l'on  a  placé  au  mi- 
lieu de  la  capacité  du  ventre  du  cheval, 
avec  de  la  poudre  de  charbon  ,  ahn   de 
garantir  cette  Infcription  de  l'humidité, 
&  de  tout  ce  qui  pourroit  la  gâter.  Cette 
Infcription  contient  quelques  particulari- 
tés.  On  la  trouve  ,  ainfî  que  les  autres 
qui  font  fur  les  faces  du  piédeltal,  dans  la 
Defcription  de  Paris,  par  Germain  Brice^ 
TQme  IF  y  pag.  lyi   &  fjiiv. 

Place  Royale. 

Elle  fut  bâtie  à  Paris  en  1^04,  fous  le 
Tome  IIL  B  b 


n8         ==PL= 

Règne  iQ  Htnri  IV ^  aux  dépens  de  pla- 
fieurs  particuliers.  Les  maifons  qui  font 
autour,  font  d*une  Tymmétrie  égale,  mais 
aiïez  groiîîère ,  &  n'ont  été  achevées  qu'en 
1(^30.  Cette  Place  occupe  le  même  lieu 
qui  avoit  fervi  de  Jardm  au  Palais  des  : 
Tournelles y  fitué  du  côté  du  Rempart,  où 
François  1  &  quelques-uns  de  £qs  Prédé-, 
cefTeurs  avoient  tenu  leur  Cour.  Cet  an* 
cien  Palais^  appelle  Hôtel  des  Tournel^ 
les  y  a  commencé  à  être  habité  par  Char^^ 
les  V ^  occupé  dans  la  fuite  par  pluiîeurs     ' 
de  fes  SuccelTeurs ;  il  fut  vendu,  en  15(^5,;    ' 
à  plufieurs  particuliers ,  qui  y  élevèrent  les    ' 
maifons  que  l'on  voit  à  préfent  j  &  la  rue    l 
qui  règne  à  côté  du  Rempart ,  a  retenu  le    ^ 
nom  de  la  Rue  des  Tournelles,  ^ 

La  Place  Royale  eft  parfaitement  quar-,  ^ 
rée,  de  foixante-douze  toifes  de  face,  com- 
pofée  de  trenre-fix  pavillons ,  neuf  à  cha-  - 
que  face ,  élevés  d'une  même  ordonnance .  ^^ 
dont  la  maçonnerie  eft  de  briques,  avec  ^^ 
des  cordons  ou  des  chaînes  de  pierres  de  P^ 
taille.  Il  règne  par-tout,  a  rez-de-chauffée  Cr 
une  fuite  d'arcades  fort  baffes ,  en  manièn  i"^ 
de  corridor  ,  à  la  faveur  duquel  on  v;  ^^i 
commodément  à  couvert  tout  autour  dt  ^l 
la  Place.  Dans  Tefpaçe  qui  efl  au  milieu  ^ai 
on  a  lailTé  un  grand  préau  enfermé  dan 
une  paliiTade  de  fer,  pour  laquelle  chaqu 


pavillon  a  contribué  la  fomme  de  mille 
livres. 

La  Statue  cqueftre  du  Roi  Louis  XIII^ 
pofée  le  13  Décembre  1(^5  <j,  eft  placée 
au  milieu  de  cet  efpaçe  :  elle  eft  élevée 
fur  un  grand  piédeftal  de  marbre  blanc, 
aux  faces  duquel  on  a  gravé  des  Infcrip- 
tions.  On  les  trouve  dans  la  Defcripticn 
de  Paris  y  par  Germain  Brice^  Tome  II, 
pag.  2.1  o  &  fuiv, 

La  figure  du  cheval  eft  un  des  beaux 
ouvrages  que  l'on  puifte  voir.  Le  fameux 
Daniel  Bicciarelli  ^  de  la  Ville  de  Vol- 
terre  en  Tûfcane ,  Difciple  de  Michel  An^ 
gey  Sculpteur  fort  eftimé,  l'avoir  faite  pour 
Henri  II y  à  la  foUicitation  de  la  Reine 
Catherine  de  Médicis.  Mais  la  mort  de 
cet  habile  maître ,  arrivée  trop  tôt ,  en 
155(1 5  fut  caufe  qu'il  ne  put  achever  la 
figure  du  Roi.  Le  Cardinal  de  Richelieu 
fit  pofer  le  cheval,  &  y  fit  ajufter  la  figure 
de  Louis  XIII ^  par  Biard  ;  mais  elle  neft 
pas  d'une  beauté  du  premier  ordre  :  &  les 
Critiques  ont  remarqué  que,  pour  faire 
un  Monument  parfait ,  il  falloit  donner 
au  Roi  Henri  IF  le  cheval  du  Roi  Louis 
XIII y  parceque  ces  pièces  font  excellentes 


en  leur  genre. 


BbiJ 


Plage  des  Victoires. 

François ,  Vicomte  à'AuBuffoyi  de  ta 
FeuilUde ,  Pair  &  Maréchal  de  France , 
&c.  comblé  d'honneurs  &  de  bienfaits  par 
Louh  XIV y  voulut  laiiTer  à  la  Poftérité 
une  marque  éclatante  de  fa  reconnoiffan- 
ce.  D'abord  il  fit  faire  une  Statue  du  Roi 
en  marbre  ,  qu'il  avoit  réfolu  de  placer 
dans  un  des  endroits  les  plus  fréquentés 
de  la  Ville  de  Paris ,  &  qu'on  a  depuis 
pofée    dans    l'Orangerie    de    Verfailles, 
Cette  première  entreprife    ne  lui   ayant 
pas  paru  alTez  confidérable  ,  il  forma  le. 
delTein  d'un  Ouvrage  incomparablement 
plus  grand,  &  réfolut  de  çonfacrer  à  la 
mémoire  du  Roi  une  Place  publique  dans 
le  centre  de  la  Ville.  Pour  cet  effet,  il 
acheta  THôtel  de  la  Ferté-Sénedtère ,  dont 
il   fit    enfuite   la   plus   grande   partie   en 
l6%4^\  mais   cet  efpaçe  ne  fiifïifant  pas,' 
encore  pour  l'étendue  qu'il  vouloit  don^ 
ner  a  la  nouvelle  Place ,  il  engagea  l'Hô- 
tel-de -Ville  à  acheter  plufieurs  grandes 
maifons  ,  qui   furent   renverfées  ;    &   il 
donna  à  cette  Place  le  nom  de  Plage  des 
Victoires,  Elle  eft  difpofée  de  manière, 
que  fix  Rues  y  viennent  terminer  \  ce  qiii 
lui  eft  d'autant  pHis  néceffairë,  qu'elle  eft 
d'une  étendue  alfez  médiocre ,  pour  \d, 


ûr/ 


=  PL==  J§i 

grandeur  &  pour  la  hauteur  du  Monu* 
înent  qui  fe  trouve  au  milieu  j  lequel , 
comme  le  remarque  Germain  Brice^  de- 
mandoic  d'être  confidére  de  bien  plus 
loin  5  &— dans  des  diftances  moins  pro- 
ches. 

Cette  Place  eft  de  figure  ronde.  Se  fon 
Plan  décrit  un  cercle  parfait  de  quarante 
toifes  de  diamètre.  Elle  eft  prefque  en- 
tourée de  bâtimens  d'une  mcme  fymmé- 
trie  j  les  façades  extérieures  en  font  or- 
nées d'un  Ordre  Ionique  en  Pilaftres ,  qui 
femble  être  l'Ordre  favori  des  Architectes 
modernes.  Cet  Ordre  eft  pofé  fur  une 
fuite  d'arcades  chargées  de  réfends  ^  or- 
donnance agréable  à  la  vue ,  &  dont  les 
proportions  ont  de  l'élégance  &  de  la 
jafteire.  JuUs-Hardouin  Manfard  a  don- 
né les  delTeins  de  ces  façades. 

Dans  le  centre  de  cette  Place ,  la  Sta- 
tue de  Louis  XIV  eft  élevée  fur  un  grand 
piédeftal  de  marbre  blanc  veiné,  de  vingt- 
deux  pieds  de  hauteur,  en  y  comprenant 
\t^  foubaffemens  de  marbre  bleuâtre.  Sur 
ce  piédeftal ,  le  Roi  eft  repréfenré  dans  les 
habits,  dont  on  fe  fervit  aux  Cérémonies 
de  fon  Sacre  a  Rheims,  que  l'on  confervè 
dans  le  Tréfor  de  Saint  Denis,  Il  a  le 
Cerbère  a  i^'^  pieds ,  (3c  la  Vicioire  derrière 
lui,  montée  fur  un  Globe,  qui  lui  mèc 

B  b  iij 


582  =  P  L  = 

d'une  main  une  Couronne  de  Laurier  fur 
la  tête  ^  Se  de  l'autre  elle  tient  un  Faif- 
ceau  de  Palmes  &  de  branches  d'Olivier. 
Son  attitude  eft  noble  ôc  hardie.  Toutes 
ces  figures  font  enfemble  un  grouppe  de 
treize  pieds  de  hauteur,  d'un  feul  jet,  où 
l'on  a  employé  plus  de  trente  milliers  de 
métal.  Pour  rendre  ce  Monument  d'une 
apparence  très-magnifique ,  on  Ta  doré  en- 
tièiement,  pour  le  faire  briller  &  paroître 
de  plus  loin.  Voici  les  accompagnemens 
de  cette  riche  Statue. 

Sur  les  quatre  corps  avancés  du  foubaC- 
fement  qui  fert  d'empâtement  au  piédef- 
tal,  on  a  placé  autant  d'efclaves ,  qui  font 
auiîi  de  bronze  y  Ôc  ils  font  de  douze  pieds 
de  proportion j  diverfement  habillés,  dans 
des  attitudes  différentes  :  ils  paroifrent  at- 
tachés au  piédedid ,  avec  de  grolfes  chaî- 
nes *y  &  autour  d'eux ,  on  a  difpofé  des 
Armes  de  diverfes  efpèces ,  ôc  d'autres 
chofes  fymboliques  ,  qui  marquent  les 
avantages  que  la  France  a  remportés  fur 
plufieurs  Nations,  contre  lefquelles  elle  a 
entrepris  la  Guerre  ôc  remporté  des  Vic- 
toires. Tous  ces  Ouvrages  font  de  bron- 
ze, defilnés  très-corredement,  de  même 
que  quure  bas-reliefs  de  quatre  pieds  de 
haut  fur  fix  de  long,  qui  occupent  les 
fa^es  du  piéd^^ilaU 


Le  premier  repréfente  la  Préféance  ac- 
cordée à  la  France  fur  rEfpagne  en  1661. 

Le  fécond,  le  PafiTage  du  Rhin  en  i6yi. 

Le  troifîème,  la  Conquête  de  la  Fran- 
che-Comté en  i<j58. 

Le  quatrième,  la  Paix  de  Nimègue  en 
1^78. 

Il  y  a  encore  deux  autres  bas-reliefs  fur 
les  faces  du  grand  foubaffemenc,  dans  les 
cartouches  entourées  de  feuillages  &  de 
guirlandes  j  l'une  marque  la  Deftrudlion 
de  XHèrèfU ^  &  l'autre  l'Abolition  des 
Duels,  Les  Armes  de  France ,  entourées 
de  Palmes  &  de  Lauriers ,  avec  la  Devife 
du  Roi,  font  pofces  aax  quatre  faces  fur 
la  corniche  du  piédeftal  j  au  pied  de  la 
Statue,  la  faillie  de  cette  corniche  eil  por- 
tée par  Ae%  confoles.  11  règne  autour  du 
piédeftal,  jufqu'à  neuf  pieds  de  diftance, 
un  efpace  pavé  de  marbre  de  diverfes  cou- 
leurs, &  entouré  d'une  grille  de  fer,  à  la 
hauteur  de  fix  pieds. 

Ce  qui  embelliiroit  beaucoup  la  Place 
des  ViÊîoires ^  (  continue  Germain  Brice  ) 
ôc  qui  ne  fe  voit  plus  à  préfent ,  c'étoienc 
quatre  grouppes ,  chacun  de  trois  colom- 
nes  de  marbre  dorique,  difpofées  en  trian- 
gle :  fur  chaque  face ,  étoient  fufpendas 
avec  des  guirlandes  de  feuilles  de  Chêne 
&  de  Laurier,  des  Médaillons  de  broaze, 

Bbiv 


où  croient  repréfentés  en  bas-relief  divers 
évènemens  remarquables  de  la  vie  du  Roi , 
accompagnés  d'infcriptions  qui  en  expli- 
quoient  le  fujèc.  Ces  colomnes  portoient 
des  corniches  architravées,  avec  des  amor- 
tilTemens  en  gorge ,  fur  lefquels  il  y  avoit 
des  Fanaux  ou  Lanternes  de  bronze  doré, 
moulu ,  a  panneaux  de  glace ,  qui  éclai- 
roient  la  Place  pendant  la  nuit.  Ces  group- 
pes  de  colomnes  écoient  pofés  fymmétri- 
quement ,  de  à  égales  diflances ,  en  qua- 
tre endroits  de  la  Place ,  aux  encoignu- 
res des  rues  qui  y  aboutifTent.  Ils  ont  été 
détruits  en  171 8  •  Se  tous  les  marbres  qui 
y  étoient  employés ,  ont  été  donnés  aux 
Tbéatins,  à  condition  du  Service  funèbre 
pour  le  repos  de  lame  du  Maréchal  de  la 
Feui//ade. 

Les  DeiTeins  de  ce  Monument  font  de 
Martin  Desjardins  y  Sculpteur  habile,  né 
à  Bréda  :  lui-même  en  conduifit  la  fonte 
avec  un  fuccès  qui  furprit ,  parcequ'avanc 
lui  5  on  n'avoir  pas  encore  entrepris  en 
France  un  ouvrage  de  cette  grandeur,  8c 
de  cette  conféqaence.  Les  Infcriptions  qui 
fe  lifent  autour  de  ce  Monument,  font  de 
la  compoiition  de  François-Séraphin  Re- 
nier Defmarais  ^  Secrétaire  perpétuel  de 
l'Académie  Françoife.  Germain  Brice  les 
a  recueillies  dans  fa  Defcription  de  la  Vilh 


de  Paris  y  Tome  /,  pag,  403  &  fuivantes  , 
ainfî  que  celles  qui  écoient  far  les  quatre 
grouppes  des  colomnes  qui  ne  fe  voyeiic 
plus.  La  Dédicace  de  cette  Place  fe  fit  le 
28  du  mois  de  Mars  i(^3(T,  avec  beau- 
coup d'appareil  &  de  cérémonies.  Suivant 
le  Teftament  du  Maréchal  de  U  FeuilU- 
de:,  le  grouppe  &  les  figures  de  cette  Place 
doivent  être  dorés  tous  les  vingt-cinq  ans , 
avec  le  même  foin  &  la  même  dépenfe 
que  la  première  fois  ;  &  de  cinq  ans  en 
cinq  ans ,  le  cinq  Septembre ,  jour  de  la 
naifiance  de  Louis  XÎV  ^  les  Prévôt  àes 
Marchands  &  Echevins,  accom.pagnés  d'un 
Architede,  doivent  en  faire  la  vifite,  & 
drejOfer  un  procès- verbal  de  l'état  où  tout 
fe  trouve.  Cette  donation  contient  beau- 
coup d'autres  particularités ,  que  l'on  peut 
voir  à  la  ^n.  du  Traité  à^s  Statues  de  Fran- 
çois Lemée^  imprimé  à  Paris  en  lô'SS. 

Place  de   Louis   le  Grand. 

La  Place  de  Louis  le  Grand,  aulîî  ap- 
pellée  Place  àQ  Vendôme,  parceque  THô- 
tel  de  Vendôme  y  fut  bâti  par  les  foins 
du  Roi  Henry  IV,  pour  Céfar  de  Vendée 
me ,  légitimé  de  France.  11  occupoit  dans 
ce  quartier  un  efpaçe  de  dix-huit  arpens, 
Louis  XIV  l'acheta  avec  tout  ce  qui  eii 
dépendoit^  en  fie  renverfer  les  bâcimens 

Bbv 


fpaçieux  en  Avril  1^87,  ôc  élever  far  îe 
même  terrein  une  fuite  de  façades  régu- 
lières, qui  ont  fubfifté  jufqu'en  1  an  (^^^^ 
Elle  foimoit  une  Place  publique,  qui  eût 
été,  dit  Germain  Brice ^  la  plus  grande  & 
la  plus  magnifique  de  l'Europe,  fi  on  n'eût 
rien  changé  au  premier  projet.  Pour  ren- 
dre cette  Place  plus  régulière ,  &  lui  don- 
ner plus  d'étendue ,  on  détruifit  l'Hôtel 
de  Vendôme  ,  &  le  Couvent  àt%  Capu- 
cins \  mais  le  terrein  de  cette  fuperbe 
Place  5  toutes  les  façades  des  maifons  dé- 
jà élevées  jufqu'au  comble ,  &  la  Statue 
équeftre  du'Roi  furent  donnés  à  l'Hôtel 
de  Ville  en  i<^99  ,  à  condition  qu'il  feroit 
tonftruire ,  à  {q%  frais ,  un  Hôtel  pour  la 
féconde  Compagnie  à^s  Moufquetaires  ; 
&  la  Place ,  telle  qu'elle  eft  à  préfent ,  a 
beaucoup  moins  d'étendue  que  celle  qui 
avoit  été  arrêtée  dans  le  premier  Plan.  Les 
Faces  des  Édifices  ont  été  rapprochées  de 
dix  toifes  en  tous  fens,  vers  le  centre.  Elle 
a  la  figure  d'un  odogone  imparfait ,  qua- 
tre de  i^^  faces  étant  plus  petites  que  \^^ 
autres.  La  Décoration  extérieure  en  eft 
uniforme  j  c'eft  Jules  -  Hardouin  Man^ 
fard  y  Surintendant  àQS  Batimens  du  Roi, 
qui  en  a  donné  les  defleins  ;  &  plufieurs 
riches  Partifans,  qui  ont  acheté  de  l'Hô- 
tel de  Ville  les  emplacemens ,  y  ont  fait 


bâtir  5  &  s'y  font  logés  en  grands  Sei- 
gneurs. Il  reftoic  encore  plufîeurs  places 
vuides,  dont  les  façades  étoient  déjà  éle- 
vées. Plufieurs  belles  maifons  y  ont  été 
bâties  en  1 715)5  par  Jean  Lajr  ^  Contrô- 
leur Général  dQS  Finances ,  qui  les  acheta. 
La  Statue  de  Louis  XIV  a  été  érigée  au 
milieu  de  cette  Place,  le  15  Août  16^^ ^ 
^vec  beaucoup  de  magnificence.  Cq9(.  le 
Duc  de  Gévres ,  Gouverneur  de  Paris , 
efcorté  de  fes  Gardes ,  &  accompagné  du 
Corps  de  Ville ,  qui  en  fit  l'inauguration. 
La  figure  du  Roi  avec  celle  du  cheval  font 
d'un  feul  jet,  6r  ont  enfemble  vingt  pieds 
de  hauteur.  Jean-Balthaiard  Relier^  né  à 
Zurich  en  Suide ,  le  plus  habile  Fondeur 
de  fon  tem.ps ,  eft  l'Auteur  de  cette  hardie 
entreprife.  Le  Roi  eft  repréfenté  en  habit 
à  l'antique,  fans  felle  &  fans  étriers,  tels 
qu'on  dépeint  les  Héros  de  la  fupcrbe  An- 
tiquité. Pour  faire  mieux  comprendre  le 
Volume  de  cette  figure  coloiîale,  s'il  eft 
permis  de  fe  fervir  de  cette  exprefiîon  , 
Germain  Brice  rapporte  qu'on  a  éprouvé 
plus  d'une  fois ,  avant  que  l'ouvrage  K\z 
entièrement  terminé,  d'y  faire  entrer  vingt 
hommes,  qui  ont  tenu  fans  peine  dans  la 
capacité  du  ventre  du  cheval,  rangés  des 
deux  côtés  d'une  table.  Lqs  Infcriptions 
gu*on  lie  autour  du  piédeftal ,  qui  eft  de 


58B  =PL--r= 

marbre  blanc ,  élevé  fur  quelques  degrés 
du  même  marbre,  ont  été  compofées  par 
l'Académie  Royale  des  Infcriptions  &  Bel- 
les-Lettres y  Ôc  elles  fe  trouvent  dans  la 
Defcription  de  Paris,  par  Germain  Brice^ 
Tome  /,  pages  jjG  &  fuiv.  Une  grille  de 
fer  très-proprement  travaillée ,  <Sc  un  peiî 
plus  élevée  que  la  hauteur  d'appui ,  ren- 
ferme à  préfent  ce  piédeftal ,  qui  eft  en- 
core garanti  de  l'approche  des  carrolfesj 
par  une  enceinte  de  bornes.  L'intervalle 
qui  fe  trouve  entre  la  grille  &  le  piédel- 
îai,  eft  pavé  de  marbre  noir  &  blanc, 

Plaçb  de  Louis   XV. 

Elle  eft  fituée  entre  le  Jardin  du  Palais 
Aqs  Tuileries  ,  auquel  elle  communique 
par  un  pont  tournant,  &  les  Champs  Ély" 
fées ,  qui  contiennent  un  terrein  confîdé- 
fable,  replanté  de  nouveaux  arbres  pour 
les  promenades  publiques.  Deux  grands 
Batimens ,  avec  des  colonnades  ,  ont  été 
conftruits  du  côté  de  la  rue  Saint-Honoré  y 
ëc  du  côte  de  la  rivière,  c'eft  un  beau  de 
large  quai,  par  où  Ton  paffe  pour  aller  à 
Verfailles.  La  Place  eft  entourée  d'un  folle 
bardé  d'une  baluftrade ,  avec  de  grandes 
guéiites  de  diftance  en  di (lance,  deftinées 
â  porter  différens  grouppes.  Les  deux  ter- 
raÎTes  d^s  Tuileries  >  celle  des  Feuilkns 


=  p  L  --=  s^9 

èc  celle  fur  la  rivière ,  viennent  fe  termi- 
ner en  face  de  la  Place  ,  d'où  on  la  voit 
encièremenr  ;  &  la  vue ,  fans  que  rien 
puilTe  l'arrêter,  s'étend  encore  fur  la  vafte 
étendue  des  Champs  Elyfées.  La  Statue 
cqueftre  du  Roi  eft  de  Boiichardon  :  elle 
eft  dirigée  vers  le  pont  tournant,  6c  re- 
garde le  Jardin  des  Tuileries,  vis-à-vis 
de  la  grande  allée  du  milieu  j  ce  qui  fait 
qu'on  l'apperçoit  de  la  porte  du  Palais. 

Le  Pian  de  cette  Place ,  qui  fait  la  réu- 
nion du  Jardin  des  Tuileries  avec  les 
Champs  Elyfées,  eft  un  parallélogramme 
de  cent  vingt-cinq  toifes  de  longueur  fur 
quatre-vingts  de  largeur.  Il  a  été  préfenté 
vingt-huit  projets  à  Sa  Alajefté  pour  cette 
Place  du  pont  tournant.  Les  Académiciens 
qui  en  ont  propofé,  font  MM.  Gabriel  y 
Soufflot ^  B offrande  Coûtant ^  F,  Blondcly 
Aubry  ^  (Se  plufieurs  autres. 

Dès  l'année  1754,  on  commença  les 
fondations  du  piédeftal  deftiné  à  porter  îa 
Statue  équeftre  du  Roi.  La  Ville  en  pofa 
la  première  pierre  le  22  Avril  de  la  même 
année  avec  les  cérémonies  accoutumées. 
Dans  cette  première  pierre,  on  enferma 
une  boîte  de  cèdre  à  double  fond  :  on 
mit  dans  le  premier  fond  une  Médaille 
d'or  &:  fix  d'argent.  Ces  Médailles  reoré- 
fentent  d'un  côté  le  Bufte  du  Roi  j  6:  d« 


l'autre  eft  rinfcription  fuivanre,  farmon- 
tée  d'un  petit  écuiïbn  des  Armes  de  la 
Ville. 

PRINCIPI   OPTÏMO 

OB  QU^SITAM  VICTORIIS  PACEM 

EQUESTREM  STATUAM 

Prœfecîus  &  jEdiles  Lutetm  Parijiorum 

dedicaverunt  &  primum  lapident pofuerunt^ 

M.  DCC.  LIV. 

Plainte. 

La  couleur  noire  du  vêtement  dont  on 
habille  la  figure  qui  repréfente  ce  fujer  » 
eft  allufive  au  deuil  3c  au  chagrin  qui  ex- 
cite la  Plainte,  Le  voile  blanc  taché  de 
fang,  fignifie  les  Plaintes  de  l'innocence 
opprimée.  Son  vifage  trifte  ,  (qs  yeux  bai- 
gnés de  larmes ,  &  toute  fon  adion  indi- 
que la  juftice  qu'elle  demande.  Les  Ser- 
pens  qui  l'environnent  font  l'image  de» 
peines  qu'elle  foufFre ,  ôc  des  maux  dont 
elle  fe  plaint. 

.^^Plaisir. 

luis  le  Plaifîr  le  plus  charmant  f 
C'eft  une  fîxièmc  traîtreffe  , 
Qui  te  berce  agréablement , 
Pour  t'ciidormii  dans  la  moUeiTci 


==:PL==  ypi 

Le  Plaijir  a  différentes  caufes  qu'on 
peur  diftinguer  ,  &:  qui  éxigeroient  des 
Attributs  différens  :  mais  pour  ne  pas  ré- 
péter plufieurs  fujèts  déjà  traités  dans  cet 
Ouvrage  ,  il  fuffit  de  le  caradérifer  en 
général. 

On  le  perfonnihe  allégoriquement  par 
un  jeune  homme  vécu  galamment  d'une 
étoffe  d'or  enrichie  de  perles ,  ayant  fur 
la  tête  une  Couronne  de  Myrte  &  de  Ro- 
fes  :  il  joue  de  îa  Lyre ,  (S:  femble  s'accor- 
der au  chant  d'une  Sirène.  On  lui  donne 
dts  ailes  de  Papillons,  pour  faire  connoî- 
tre  que  le  Plaiiir  palTe  promptement  ;  & 
la  Sirène  fîçrnifie  qu'il  eft  dangereux  de 
s  y  trop  livrer. 

Planimétrie. 

Ceft  par  moi  que  le  Géomètre 
Apprend  à  mefurer  les  Plans  3 
Sans  moi  l'on  n'eft  jamais  grand  maître 
Dans  les  travaux  de  Mars ,  fl  prifés  en  ce  temps. 

Cette  partie  de  la  Géométrie  pratique 
cft  l'Art  de  mefurer  les  Plans  &  les  Sur- 
faces. On  la  repréfente  dans  une  Campa- 
gne, tenant  un  Compas  &  une  Échelle  de 
rédudbion.  Elle  eft  en  aétion  d'opérer  ,  à 
l'aide  de  la  planchette,  qui  eft  un  Inftru- 
ment  de  Mathématique  propre  â  cec  ufage» 


ÉNIGME    CL 

Des  Plantes  que  l'on  voit  en  cent  climats  divers. 
Je  fuis  la  plus  connue  &  la  plus  néceflaiie  : 
On  me  trouve  en-deçà  comme  en-delà  des  Mers, 
Pline  n*en  a  rien  dit ,  quel'  eft  donc  ce  myftère  i 
Le  Pabri<:ateur  fouverain , 
Pour  accomplir  Ton  grand  deiTein , 
En  me  formant ,  fit  deux  jumelles, 
Qu'on  ne  peut  féparer  fans  des  douleurs  mortelle^ 

Plantes. 

Tout  le  monde  fçait  que  les  Égyptiens 
adoroient  les  Plantes  ^  &  en  particulier 
celles  qui  naifToient  dans  leurs  Jardins  : 
de-là  vient  que  le  Vers  du  Juvénal  a  pref- 
que  palTé  en  Proverbe  : 

O  Peuple  Saint ,  vos  Dieux  naijjen$ 
dans  vos  Jardins^ 

ÉNIGME    CIL 

Mon  corps  eft  dur  &  plat ,  ma  taille  eft  inégale. 
On  me  charge  fouvcnt  d\ni  augure  blafon  : 
Quel  fort  plus  glorieux  i  Cependant  on  ir^'érale 
Au  pied  d'un  fombre  mur  :  fage  précaution. 
Pendant  l'Efte ,  je  fuis  en  certains  lieux  cachée  s 
Alors  humide  &  froide ,  on  m.e  rourne  le  dos.    , 
Mais  en-  Hyver,  par-tout  découverte,  échauffée  ^ 
On  vient  auprès  de  nx)i  coziféxer  en  repos. 


Lé  îcu.  j  qui  fait  changer  ma  couleur  naturelle. 
M'altère  lentement  j  je  tiens  bon  contre  lui 
Pendant  un   fiècle   entier  j    &c    ma   fiibltance    eft 

telle , 
Que  je  conferve  encor  ce  qui  me  fert  d'appui. 

Platée, 

Fille  du  Roi  Afopus ,  donna  fon  nom  a 
la  ville  de  Platée  en  Béorie  ,  qui  lui  éri- 
gea après  fa  mort  un  Monument  héroï- 
que. Paufanias  raconte  une  Fable  à  Toc- 
cafion  de  cerre  Platée.  J;i non  fe  fâcha  un 
jour  5  dit-il ,  contre  Jupiter  :  on  ne  fçaic 
pas  pourquoi ,  mais  on  alTure  que  de  dé- 
pit elle  fe  retira  en  Eubée.  Jupiter  n'ayanc 
pu  Vis  îr  à  bout  de  la  Héchir,  vint  trouver 
Cithlron  qui  règnoit  a  Platée.  Cithéron 
étoit'  l'homme  le  plus  fige  de  fon  temps  : 
il  confeilla  à  Jupirer  de  faire  faire  une  Sta- 
tue* de  bois  ,  de  l'habiller  en  femme ,  de  la 
mettre  fur  un  charriot  attelé  d'une  paire 
de  bœufs  que  l'on  traineroit  par  la  ville , 
&  de  répandre  dans  la  ville  que  c'étoic 
Platée  ,  la  fille  d'Afopus  .  que  Jupiter  al- 
loit  époufer.  Son  confeil  fut  fuivi.  Aulîi- 
tôt  la  nouvelle  en  vient  à  Junon ,  qui  part 
dans  le  moment ,  fe  rend  à  Platée  ,  s'ap- 
proche du  chariot ,  &  dans  fa  colère  vou- 
lant déchirer  les  habits  de  la  mariée,  trouva 


TP4  ,  =  p  L  == 

que  c'eft  une  Statue.  Charmée  de  l'aven- 
ture ,  elle  pardonna  à  Jupiter  fa  tromperie 
&  fe  réconcilia  de  bonne  foi  avec  lui.  En 
mémoire  de  cet  événement,  les  Platéens 
célébroient  une  Fête  en  l'honneur  de  Ju- 
noii  répoufée. 

Pléiades. 

Cétoient  les  fept  filles  d'Atlas,  dont  les 
noms  propres  font  Maïa ,  Electre  ,  Tay- 
géte  ,  Aftérope  ,  Alcione  ,  Céléno  de  Mé- 
rape.  Elles  furent  aimées ,  dit  Diodore , 
des  plus  célèbres  d'entre  les  Dieux  &  les 
Héros  :  Se  elles  en  eurent  des  enfans  ,  qui 
devinrent  dans  la  fuite  auiîî  fameux  que 
leurs  pères  ,  &  qui  furent  les  qL  Is  de 
bien  des  peuples.  On  dit  qu'elles  rirent 
très-intelligentes ,  &  que  c'efl  pour  cette 
raifon  que  les  hommes  les  regardèrent 
comme  Déeffes  après  leur  mort ,  &  les 
placèrent  dans  le  ciel  fous  le  nom  de 
Pléiades.  C'efl:  une  Conftellation  Sapten- 
trionale ,  qui  forme  comme  un  Peloton 
de  fept  écoiles  afTèz  petites  ,  mais  fort 
brillantes  ,  placées  au  cou  du  Taureau  ,  & 
au  Tropique  du  Cancer.  C'eft  ce^ie  que 
le  Vulgaire  appelle  la  Poujfînicre.  La  Fa- 
ble à^s  Atlantides  changées  en  Adres , 
vient  de  ce  qu'Atlas  fut  le  premiei:  qui 


-=PL 


S9S 


obferva  cette  Conftellation ,  &  qui  donna 
aux  fept  étoiles ,  dont  elle  eft  compofée  ^ 
le  nom  de  ces  fept  filles. 

ÉNIGME    CUL 


Deux  foEurs  femblables  ^ 
Inféparables  ; 
Notre  couleur 
Eft  la  blancheur , 
Trifte  parure, 
Morne  figure , 
Affreux  devoir, 
Tu  nous  fais  voir. 
Quand  la  triftefle, 
Non  l'alégreffe , 
Nous  met  au  jour , 
Ceft  par  l'amour, 
Qui  nous  fait  naître , 


Nous  donne  Terre  j 
L'Hérédité, 
Cupidité  , 

Peut  mettre  en  proie, 
Le  cœur  en  joie. 
Ledeur  enfin, 
Si  le  Deflin , 
Par  une  perte , 
Te  déconcerte , 
Que  ta  douleur 
Soit  dans  le  cœur  ; 
Ou  tu  mérite 
Nom  d'Hypocrite. 


ÉNIGME     Cl  F. 


Bien  que  je  ne  fois  point  aimable, 
Souvent  on  me  préfère  à  qui  vaut  mieux  que  moi  5 
Et  le  profit  que  donne  mon  emploi , 
Me  fait  trouver  fort  agréable. 
Je  me  fais  haïr  d*an  Amant  ; 
Car,  iorfqu'ii  aime  une  Bergère, 
Et  qu'il  emprunte,  pour  lui  plairç. 
Le  fecouis  de  Tajudement  3 


Par  une  humeur  incommode  &  chagriné  j 
Je  viens  raal-à-propos  ternir  fa  propreté , 
Ec  le  réduire  à  la  nécefTité 

De  différer  fa  bonne  mine. 
Ce  que  je  fais ,  fouvent  je  le  détruis  ; 
Cependant  je  n'ai  point  de  qualités  contraires  ^ 
Quelquefois  pour  m'avoir  on  fe  fcrt  de  prières , 
Et  l'on  me  veut  chalfer  quelquefois  d'où  je  fuis. 
On  foupire  après  ma  piéfence  , 
Quand  on  eft  long-temps  fans  me  voir  ^ 
Mais  fî  je  relie  trop,  je  mets  au  défefpoir, 
Et  fais  fouhaiter  mon  abfence. 

ÉNIGME    Cr, 

Jadis  fort  inconnue  ^  à  préfent  en  ufage  j 

Je  fers  au  fol ,  je  fers  au  fage  j 

Je  fais  !e  mal ,  je  fais  le  bien. 
Le  divorce  eft  de  moi ,  fans  moi  point  de  lien  j 
A  mon  maître  défunt  je  redonne  la  vie  ; 
Je  fais  battre  le  monde  ,  &c  le  reconcilie. 
Par  le  fer  on  me  tranche ,  &i  je  donne  des  fers  5 
Prefque  fans  m'émouvoir  je  parcours  l'Univers. 
On  m,e  trouve  à  la  fois  &  pcfante  &  légère  5 
Mais  il  faut  me  couper,  je  ne  vaux  rien  entière. 

Je  ne  vois  rien ,  je  fais  tout  voir  ; 
Mais  blanche  que  je  fuis ,  je  ne  puis  rien  fans  noir, 

P  L  U  T  O  N  , 

Fils  de   Saturne  &  de  Rhéa  ,  éroic  îe 
plus  jeune  des  trois  frères  Tirans  :  il  fus 


élevé  ,  dît-on  ,  par  la  Paix ,  Sç  Ton  voyoit 
à  Athènes  une  Statue  où  la  Paix  allaitoiç 
Fliiton  5  pour  faire  entendre  que  la  tran- 
quillité règne  dans  TEmp're  des  Morts, 
Dans  le  partage  du  Monde  ,  les  Enfers 
furent  afiignés  a  Pluton  ;  c'efl-à-dire  ,  fé- 
lon la  plupart  des  Mythologues ,  qu'il  eue 
pour  fa  part  du  vafte  Empire  des  Titans 
les  pays  Occidentaux ,  qui  s'étendoient 
jufqua  l'Océan  ,  de  que  l'on  croit  être 
beaucoup  plus  bas  que  la  Grèce. 

D'autres  difent  que  Fluton  s'appliqua 
à  faire  valoir  les  Mines  d'Or  &  d'Argent 
qui  étoient  dans  l'Efpagne  ,  où  il  fixa  fa 
demeure ,  &  comme  ceux  qui  font  dejfti- 
nés  à  ce  travail ,  font  obligés  de  fouiller 
bien  avant  dans  la  terre  ,  &  pour  ainfl 
dire ,  jufqu'aux  Enfers  ,  on  a  dit  que  P/«- 
ton  habitoit  au  centre  de  la  terre. 

Ajoutons  que  ceux  qui  travaillent  aux 
Mines  ne  vivent  pas  long-temps,  &  meu- 
irent  aifez  fouvent  dans  leurs  fouterreinsj 
ainfi  Fluton  pouvoir  être  regardé  comme 
lie  Roi  des  Morts. 

1  Pluton  étoit  repréfenté  dans  un  char 
tiré  par  quatre  chevaux  noirs  ,  dont  \^s 
noms  font,  félon  Claudien  ,  Orphnéus, 
/Ethon  5  Nydtéus  &  Alaftor  ,  noms  qui 
marquent  tous  quelque  chofe  de  ténébreujj 
%  de  funefte.  Son  Sceptre  eft  un  bacon  à 


deux  pointes  ou  à  deux  fourches ,  à  la  dif- 
férence du  Trident  de  Neptune  qui  avoit 
trois  pointes.  Quelquefois  on  mettoit  des! 
Clefs  auprès  de  lui ,  pour  fîgnifier  que  fon 
Royaume  étoit  Ci  bien  fermé ,  qu  on  n'en 
revenoit  jamais. 

Ce  Dieu  étoit  généralement  haï ,  ainfi 
que  tous  les  Dieux  infernaux  ,  parcequ'on 
le  croyoit  inflexible ,  ôc  qu'il  ne  fe  laif^ 
foit  jamais  toucher  aux  prières  des  hom-l 
mes.  C  eft  pour  cela  qu'on  ne  lui  érigeoit 
ni  Temple ,  ni  Autel  j  ôc  qu'on  ne  com-' 
pofoit  point  d'Hymne  en  fon  honneur.,; 
On  ne  lui  immoloit  que  des  Vidimes  noi-l 
res  5  de  la  vidime  la  plus  ordinaire  écoit  le 
Taureau.  La  principale  Cérémonie  dans 
fes  Sacrifices  confiftoit  à  répandre  le  Sang 
des  Vi6times  dans  des  fofTes  près  de  l'Au- 
tel 5  comme  s'il  avoit  dû  pénétrer  jufqu'au 
Royaume  fombre  de  ce  Dieu.  Tout  ce  qui 
étoit  de  mauvais  augure  lui  étoit  fpéciale- 
ment  confacré  ,  comme  le  fécond  Mois  de 
l'année  ,  &  le  fécond  jour  du  même  Mois, 
comme  aufîl  le  nombre  de  deux ,  que  l'on 
croyoit  de  tous  les  nombres  les  plus  mal- 
heureux. 

Tous  les  Gaulois  fe  vantent ,  dit  Céfar 
dans  fes  Commentaires ,  de  defcendre  de 
Pluton  ,  fuivant  la  Dodrine  de  leurs 
Druides  :  c'eft  pourquoi  ils  comptent  les 


efpaces  cîa  temps ,  non  par  les  jours ,  mais 
pai"  les  nuits  :  les  jours  de  la  naiinnce ,  les 
mois  Se  les  années ,  commencent  chez  eux 
par  la  nuit  &c  finiflenr  par  le  jour.  Il  faut 
que  Pluton  ait  été  un  des  principaux  Dieux 
dts  Anciens  Gaulois  ,  quoique  Céfar  ne  le 
dife  pas ,  puisqu'ils  le  croyoienc  leur  père  , 
&  fe  glorifioient  d'être  defcendus  de  lui. 

Plutu  s. 

Dieu  des  Richeffes ,  dont  le  nom  vient 
du  Grec  Tt^vioi ,  écoit  Boiteux  ,  félon  les 
Pocces ,  en  arrivant  chez  les  mortels ,  & 
prenoit  des  ailes  en  s'en  retournant.  Ils 
vouloient  remarquer  par-là  que  l'on  a  beau- 
coup de  peine  à  amaffer  des  RichelTes , 
ôc  qu'on  les  perd  fouvent  en  peu  de  temps. 
On  le  repréfentoit  aveugle ,  parceque  fou- 
vent  il  combloit  de  bien  les  plus  indignes  , 
ôc  lâifToit  dans  le  befoin  ceux  qui  avoienc 
le  plus  de  mérite.  On  tient  que  fa  de- 
meure étoit  dans  des  Montagnes  d'Et 
pagne. 

Pluvius. 

On  donnoit  ce  nom  a  Jupiter ,  lorf- 
qu'on  lui  demandoit  de  la  Pluie  dans  les 
grandes  fécherefTes.  Ce  fut  par  ce  motif 
que  l'Armée  de  Trajan  ,  que  la  foif ,  caa- 
fée  par  une  grande  féchereffe ,  avoic  ré- 


^  I 


600  r=  P  L  ==        , 

duite  a  rextrémité  ^  fit  un  vœu  a  Jnpîtet 
Pluvius  ;  (&:  il  tomba  aufîi-toc  une  Pluie 
à^s  plus  abondantes.  En  Mémoire  de  cet 
événement ,  on  fit  mettre  dans  la  fuite  fur  [ 
la  Colomne  Trajane  la  figure  de  Jupiter 
Pluvius  ;  où  pour  caradérifer  le  fait ,  les  i 
foldats   paroiflent  recevoir  l'eau  dans  le  | 
creux  de  leurs  boucliers.  Le  Dieu  y  eft 
repréfenté  fous  la  figure  d'un  Vieillard  à 
longue  barbe  ,  qui  a  des  ailes  ,  qui  tient 
les  deux  bras  étendus ,  ôc  la  main  droite 
lin  peu  élevée  ;  l'eau  fort  à  grand  flots  dç 
fes  bras  ôc  de  fa  barbe, 

ÉNIGME     CFI. 

Les  Allemands ,  dit-on  ,  m'ont  donné  l'ecrc, 
Qu'importe  d'où  je  fuis  ? 
Puifqu'on  me  trouve  en  tout  pays, 
OÙ  tous  les  ans  l'Hyver  fe  plaît  à  reparoître, 
Ainfi  ,  de  ce  difcours  on  conclut  aifémcnt , 
Que  ce  n'efi:  qu'en  temps  froid  que  je  fers  feulement^ 
Admirez  un  peu  ma  ftruâiure  : 
J'ai  quatre  pieds  pour  foutenir  mon  corps , 
Sur  lequel  eft  tracé  louvent  mainte  figure» 
De  plus  j  j'ai  col  fans  tête  ;  il  çft  bien  fur  qu'alors 

Vous  me  croirez  un  mpnftre  de  nature  : 
Il  n'en  eft  rien  pourtant  5  cependant  je  vous  jure , 

Qu'à  voir  les  feux  qui  fortent  de  mon  flanc , 
J'ai  l'air  en  abrégé  du  logis  de  Satan. 

P0ÊM5 


=  PO=  (^01 

Poe  ME  Héroïque. 

Je  ne  chanre  que  les  Héros, 
Que  leurs  expîcics,  que  leurs  travaux, 
Que  leurs  revers ,  que  leurs  mcLamorphores  ; 
îvlon  Chant   n'a  pour  objet  que  les  plus  grandes 
choies. 

11  y  a  dans  la  Pocfîe  quatre  fortes  de 
Poèmes  ,  ou  quatre  difFcrens  genres  d'Ou- 
vrages Poétiques.  Celui-ci  qui  ,  à  tous 
€gards  ,  mérite  le  premier  rang  ,  fe  per- 
fonnifie  fous  la  figure  d'un  beau  jeune 
homme  vêtu  d'habits  fomptueux  ,  tenant 
un  livre  ouvert  fur'  fes  genoux  ôc  ayant 
proche  de  lui  l'Iliade  &  l'Énéïde.  H  eft 
couronné  de  Laurier  ,  &  fonne  d'une 
Trompette.  C'eft  de  ce  Poëme  dont  Ho- 
race dit  : 

Res  g-^^Jice  Regumque ,  Ducumque,  &  trrjlia  hclla 
Quo  fcrïhi  pcJJ'^nt  numéro  monjîravit  Homerus, 

PoÉME  Lyrique. 

Je  dis  en  peu  de  mots  tout  ce  que  je  veux  dire. 
Et  je  chante  fur  ma  Lyre. 

Ce  fécond  genre  de  Pocfie  moins  grand 
que  le  précédent,  mais  gracieux  6c  en- 
chanteur ,  pnrceque  les  agrémens  de  la 
Mufique   lui  prêtant  de  nouveaux  char- 

Tome  JIL  C  c 


^02  =PO== 

mes  5  fe  repréfente  par  une  belle  fille ,  cou- 
ronnée de  Myrte  &  de  Rofes.  Elle  efî  en 
action  de  chanter  ,  en  s'accompagnanc 
d'une  Lyre.  Son  vêtement  eft  galant  &  de 
couleurs  variées  j  elle  a  fur  fes  genoux  cet 
Infcription  : 

Brevi  complecior  Jingula  cantu» 

Poe  ME  Pastoral. 

Quoique  mon  Chant  n'ait  rien  que  de  vulgaire , 

Qu'un  Berger  ou  qu'une  Bergère, 
Me  prccent-ils  leurs  langues  ôc  leurs  voix  j 
J'ai  toutefois  accès  dans  le  Palais  des  Rois , 
Et  j'ai  le  bonheur  de  leur  plaire. 

Ce  ttoifième,  qui ,  peut-être,  eft  le  plus 
ancien  de  tous  les  Poèmes ,  fe  peint  jfous 
l'image  d'un  jeune  Berger  ,  aiîîs  dans  un 
lieu  champêtre  au  bord  d'un  RuifTeau  j 
ayant  fa  panetière ,  fa  houlette ,  &  une 
flûte  à  fept  tuyaux.  Proche  de  lui  fur  un 
rocher  eft  gravée  cette  Infcription  : 

Pajlorum  Car  mina  ludo, 

Boileau ,  ^^725  le  fécond  Chant  de  fon 
Art  Poétique ,  parlant  de  ce  Poëme ,  en 
fait  la  comparaifon  fuivante. 

Tdk  qu'une  Bergère ,  au  plus  beau  jour  de  Fête, 
De  fuperbes  rubis  ne  charge  point  fa  tête  , 


Et  fans  m^ler  à  l'or  l'éclat  des  diamans , 
Cueille  en  un  champ  roifmfes  plus  beaux  ome^ 

mens  : 
Telle j  aimable  en  fon  air,  mais  humble  dans  fon 

Jlyle, 
Doit  éclater  fans  pompe  une  éléginte  Idylle. 
Son  tour  fimple  &  nàif  n'a  rien  de  fajlueux  , 
Et  n'aime  point  l'orgueil  d'un  vers  prefomptueux. 
Il  faut  que  fa  douceur  flatte ,  chatouille,  éveille; 
Et  jamais  de  grands  jnots  n'épouvante  l'oreille* 

PoËME   SaTYRIQUE. 

Lor{^iie  je  trouve  un  fot ,  je  vis  à  Tes  dépens  ; 

Voilà  quel  eft  mon  caradère. 

On  a  beau  dire ,  on  a  beau  faire , 
On  raillera  toujours ,  on  l'a  fait  de  tout  temps. 

Ce  dernier  fe  caradérife  par  un  Satyre , 
dont  le  vifage  eft  riant  &  le  regard  malin. 
Il  s'appuie  fur  un  Thirfe ,  &  montre  avec 
la  pointe  d'une  flèche  l'Infcription  fui- 

vante  :  Irridens  cupide  figo» 

L'ardeur  de  fe  montrer,  &  non  pas  de  médire. 
Arma  la  Vérité  du  Vers  de  la  Satyre* 
Lucilé  le  premier  ofj:  la  faire  voir  ; 
Aux  vices  des  Romains  préfenta  le  miroir  ; 
Vengea  l'humble  Vertu  de  la  RicheJJe  altiêre , 
Et  l'honnête  homme  à  pied  du  Faquin  en  litière, 

C  c  ij 


(^04  =:  P  O  == 

Horace  à  cette  aigreur  mêla  fon  enjouement; 
On  ne  fut  plus  ni  fat,  ni  ft  impunément, 

BoiLEAU  ^  Art  Poëc.  Chaoc  IL 

Poésie. 

C'efl:  TArt  de  compofer  à^s  Vers.  Le 
vêtement  d*azur  parfemé  d'étoiles  que  l'on 
donne  à  la  Poëjie ,  &  le  nuage  fur  lequel 
elle  eft  alfife  ,  dénorenr  qu'elle  eft  un  don 
du  Ciel  ,  &  que  c'eft  envain  qu'on  afpire 
à  devenir  Pocte  ,  fi  Ton  n'eft  né  tel  ;  ainfi 
que  le  dit  élégamment  Boileau  ,  au  com- 
mencement de  fon  Arc  Poétique. 

Cejî  en  vain  qu'au  ParnaJJe  un  téméraire  Auteur 
Penfi  de  l'Art  des  Vers  atteindre  la  hauteur. 
S'il  ne  fent  point  du  Cul  iinjîuen:e  fecréte  , 
Si  fon  AJire  en  naijjant  ne  l'a  formé  Po'é  te,  ■ 
Dans  fon  Génie  étroit  ^  il  eft  toujours  captif; 
Pour  lui  Phœbus  eftfourd,  &  Pégafe  eft  réiif, 

La  Couronne  de  Liurier  qu'elle  a  fur  fa 
tète  5  fignine  que  la  Gloire  feule  doit  l'a- 
nimer. La  Lyre  qui  e(i  près  d'elle  marque 
le  rapport  de  la  Cadence  des  Vers  avec 
l'harmonie  de  la  Mufique. 

On  la  peint  en  adion  d'écrire  ,  avec 
cette  Infcription  :  Munerc  afflor. 


ÉNIGME     CVIL 

Je  fuis  un  rien  qui  devient  quelque  chofe, 
Et  quelque  chofe  qui  n'eft  pas  j 
Un  objet  que  l'on  ne  voit  pas , 
Mais  que  la  Vérité  fuppofe  5 
Le  principe  &  la  fin  de  tour  5 
Un  corps  fans  aucune  étendue , 
Un  néant  que  l'on  apperçoit, 
Une  Enigme  enfin  prétendue', 
Que  tout  efprit  fubtil  conçoit. 

Pois  s  ons. 

Ces  Animaux  furent  l'objet  d''un  Culce 
Superftirieux  ,  non-feulement  chez  les 
Égyptiens  j  mais  encore  chez  les  Syriens 
&:  dans  plufieurs  Villes  de  Lydie.  Les  Sy- 
riens s'abftenoient  de  manger  du  Pcijfon  , 
parcequ'ils  croyoient  que  Vénus  s'étoin  ca- 
chée fous  les  écailles  d'un  Poijfon  ,  lorfque 
tous  les  Dieux  fe  cachèrent  fous  différen- 
tes formes  d'Animaux.  En  phifieurs  Villes 
d'Egypte ,  les  uns  plaçoient  fur  leurs  Au- 
tels des  Anguilles ,  d'autres  des  Tortues  ; 
ceux-ci  des  B.ochèts  ,  ceux-là  des  Monf- 
tres  marins  ,  auxquels  ils  ofFroient  leur 
encens. 

Les  Poijfons  qui  forment  la  Conftelk* 
tion  ou  le  douzième  fîgne  du  Zodiaque , 

C  c  iij 


606  =:PO==: 

font  ceux  qui  portèrent  fur  leur  dos  Vé- 
nus 6c  l'Amour.  Vénus  fuyant  la  perfécu- 
tion  de  Typhon  ,  accompagnée  de  fon  fils 
Cupidon  5  fut  portée  au-delà  de  TEuphrate 
par  deux  Poijfons ,  qui  pour  cela  furent 
placés  dans  le  Ciel.  Ovide  qui  conte  cette 
Fable  dans  fes  Faftes  ,  n  a  pas  manqué  de 
faire  la  Généalogie  de  ces  deux  Poijjons  ^ 
qui  eurent  pour  père  un  Poijfon  ,  qui  avoit 
procuré  de  Teau  à  Ifis ,  un  jour  qu'elle  éroit 
extrêmement  altérée. 

Politique. 

Généralement  parlant ,  c'eft  TArt  de  fe 
conduire  avec  prudence ,  afin  d'arrivée 
adroitement  au  but  que  l'on  fe  propofe. 

Ce  fujèt  eft  repréfenté  allégoriquement 
par  une  Matrone  vètuc  d'une  robe  violette  ^ 
tenant  d'une  main  une  Balance ,  dans  la- 
quelle font  à  poids  égal  d'un  côté  une 
Epée ,  &  de  l'autre  plufieurs  Papiers  écrits» 

Voltaire  ,  au  quatrième  Chant  de  fa 
Henriade ,  nomme  la  Politique  t 

Fille  de  V Intérêt  &  de  V Ambition , 
Dont  naquirent  la  Fraude  &  la  S-edu^pa^ 

.     PoLLUX, 

Frère  d'Hélène.  &  de  Clytemneftre ,  & 
fils  de  Jupiter  ôc  de  Léda  femme.  deTynr 


=  P  O  =  6oj 

dare ,  Roi  de  Laconie ,  fuivit  Jafon  dans 
la  Colchide  pour  la  conquête  de  la  Toifon 
d'Or.  Jupicer  donna  l'immorraUté  à  Pol- 
lux  ^  qui  la  partagea  avec  Caftor ,  lorfque 
ce  dernier  eut  été  tué  \  de  forte  qu'ils  mou- 
roient  &  vivoient  alternativement.  On  die 
qu'ils  furent  placés  au  Signe  àt^  Jumeaux  \ 
&  ce  qui  a  donné  lieu  à  cette  Fable  ,  c'efl 
que  ces  deux  Étoiles  ne  fe  font  jamais  voir 
toutes  deux  a  la  fois.  Les  Romains  leur 
avoient  dédié  un  Temple ,  &  les  confidé- 
roient  comme  leurs  defenfeurs.  Ils  furenc 
adorés   aufîî  comme  Dieux  de  la   mèr  , 
parcequ'ils  en  avoient  chalTé  les  pirates. 
Le  nom  de  Caftor  eft  quelquefois  donné 
indifféremment  aux  deux  frères  dans  plu- 
fîeurs  Auteurs.  S.  Luc ,  dans  les  Ades  des 
Apôtres  5  (  Chap,  28,  )  parle  d'un  Navire 
d'Alexandrie ,  nommé  les  Cajiors  dans  la 
verfion  vulgate  ,  quoique  dans  le  Grec  il 
y  ait  Diofcuri ,  qui  eft  le  nom  par  lequel 
les  Anciens  défignoient  Caftor  &  Pollux, 
Pline  ,  (  Z,.  /  o  5  C  43.  )  fait  aulfi  mention 
d'un   Temple  des  Caftors  j  &  Arnobe  , 
{  L.  3.)  parle   des  Caftors    Tyndarides  ^ 
c'eft-à-dire  ,  fils  de   Tyndare  ,  dont  l'un 
fç.ivoit  l'Art  de  manier  un  Cheval  ,  & 
l'autre  de  vaincre  à   la  Lutte.  Au   refte 
Caftor  &  Pollux  étoient  encore  les  arbi- 
tres des  Loix  &  des  Jugemens  ;  iéioxi  Ci- 

C  c  iv 


6o9  ^=rPO=. 

céron  ,  contre  Verrïs,   Cicéron  rapporte 
une    vengeance    miraculeufe   exercée  fur 
ScopAS  ,  qui  avoit  parlé  avec  mépris  de  ces 
deux  frères  Diofctires  \  il  fut  écrafé  fous 
les  ruines  de  fa  chambre  ,  pendant  que  Si- 
monide  ,  qui  avoit  fait  leur  éloge  ,  avoic 
été  appelle, par  deux  hommes  inconnus. 
Phèdre  a  rapporté  cette  Hiftoire  plus  au 
long  ,  Livre  quatrième  de  ^ts  Fables ,  Va- 
ble  vingt-deuxième.  L'Hiftoire  Grecque  & 
Romaine  eft  remplie  de  prétendues  appa- 
ritions  miraculeufes  de  ces  deux  frères  , 
foit  pour  procurer  la  Vidloire  ,  foit  pour 
l'annoncer  après  qu'elle  avoit  été  obtenue^ 
car  on  les  vit ,  dit  on  ,  combattre  montés 
fur  deux  Chevaux  blancs  ,  à  la  bataille  que 
les  Romains  donnèrent  contre  les  Latins 
proche  du  Lac  de  Rhégiile  \  mais  Cicéron 
nous  apprend  de  quelle  manière  il  faut 
écouter  ces  Contes.  Il  dit  qu'Homère  ,  qui 
vivoir  peu  de  temps  après  ces  deux  frè- 
res ,  affure  qu'ils  étoient  enterrés  a  Lacé- 
démone  ,  &  par  conféquent  qu'ils  ne  pou- 
voient   venir   annoncer  à  Vacienus    une 
Victoire  gagnée.  Les  Romains  ne  lailTè- 
rent  pas  de  leur  bâtir  un  Temple  magni- 
fique ,  où  ils  leur  facririoient  des  Agneaux 
blancs ,  &  d'inftituer  une  Fête  en  leur  hon- 
neur :  où  un  homme  monté  fur  un  Che- 
val ,  &  en  tenant  un  ^utre  en  main ,  ayanr 


.=  P  O  =  009 

une  étoile  fort  brillante  à  fon  chapeau  , 
pour  marquer  qu'il  n'y  avoit  qu'un  des 
frères  qui  i-ûr  en  vie  ,  parcequ'en  effet  les 
Étoiles  de  Caftor  &:  de  Pollux  font  tantôt 
vifibles  fur  notre  horifon  ,  &  tantôt  invi- 
fibles.  L'Antiquité  a  nommé  de  leur  nom 
une  efpèce  de  Météore  ,  &  de  feu  volant 
qui  reluit  comme  une  Etoile ,  &c  qui  eft 
un  heureux  préfage  à  ceux  qui  font  fur 
mèr  5  lorfqu'il  paroît  deux  feux  enfemble; 
au  lieu  que  c'eft  un  trifte  augure  de  n'en 
voir  qu'un. 

POLYDAMAS. 

Poly damas ,  fameux  Athlète  en  Thef- 
falie ,  étrangla  un  Lion  fur  le  Mont  Olym- 
pe. 11  foulevoit  le  Taureau  le  plus  furieux  , 
&  arrètoit  un  Chariot  ,  quelque  fort  que 
fuffent  les  Chevaux  qui  le  rrainoient  ; 
mais  il  fut  écrafé  fous  un  Rocher  où  il 
s'étoit  retiré  pour  éviter  la  tempête.  Ce 
malheur  ne  lui  arriva  que  par  ion  indif- 
crétion  \  car  il  fe  flatta  de  pouvoir  fourenir 
ce  Rocher  qui  commençoit  à  s'affaijGTer , 
dans  le  temps  que  fes  compagnons  pre- 
noient  la  fuite. 

P  O  L  Y  M  N  I  E  5 

Une  des  neuf  Mufes ,  préfidoit ,  dit-on , 
à  l'Hidoire  j  ou  plutôt  à  la  Rhétorique* 

C  c  V 


On  la  repréfentoir  avec  une  couronne  de 
perles  &  une  robe  blanche ,  la  main  droite 
en  adtion ,  comme  fi  elle  harangiioit ,  de 
tenant  de  la  gauche  un  Caducée  ,  ou  un 
Sceptre ,  pour  marquer  fon  pouvoir. 

PolyphÈme, 

Le  plus  célèbre  &  le  plus  fameux,  des 
Cyclopes  ,  palloir  pour  fils  de  Neptune  : 
c'étoit  un  Monftre  affreux ,  dit  Homère  j 
ilne  refiembloit  point  à  un  homme  ,  mais 
à  une  haute  montagne,  dont  le  fommèt 
s'élève  au-deffus  de  toutes  les  montagnes 
voifines.  Il  marchoit  au  milieu  des  plus 
profonds  abymes  de  la  mèr,  &  les  flots 
baignoient  à  peine  ùs  reins.  Il  n'avoir 
qu'un  œil ,  &  cet  œil ,  félon  Virgile ,  éroic 
femblable  a  un  bouclier  grec  ,  de  au  difque 
du  Soleil.  Après  qu'il  fut  privé  de  fa  lu- 
mière ,  il  fe  fervit ,  pour  conduire  &  afiu- 
rer  fes  pas ,  d'un  Pin  dépouillé  de  (es  bran- 
ches. Enfin  il  s'engraifToit  de  carnage  ,  ôc 
dévoroit  tous  les  malheureux  qui  tom- 
boient  entre  fes  mains. 

Ulylfe  ayant  pris  terre  fur  la  côte  des 
Cyclopes  en  Sicile  y  entra  avec  douze  de 
{es  compagnons  dans  la  caverne  de  Pofy" 
pheme ,  qui  faifoit  paître  alors  Îqs  trou- 
peaux dans  les  champs  ;  Ôc  pendant  qu'ils 
s'amufoient  à  confidérer  tout  ce  que  con* 


tenoit  cette  demeure  fauvage  ,  le  Cyclope 
revint  &  ferma  lui-même  l'entrée  de  fa. 
caverne  avec  une  roche ,  que  vingt  char^ 
rettes  attelées  de  bœufs  les  plus  forts  n'au- 
roient  pu  remuer ,  dit  Homère.  A  la  lueur 
du  feu  qu'il  alluma  ,  il  apperçut  ces  étran- 
gers j  Ulyffe  prit  aulFi-tot  la  parole  ôc  dit 
qu'ils  revenoient  de  la  Guerre  de  Troye  ; 
que  la  tempête  ,  après  avoir  brifé  leur  yaif- 
feau ,  les  avoit  jettes  fur  ces  côtes  :  qu'ils 
le  prioient  de  les  traiter  comme  fes  Hôtes  ^ 
êc  de  ne  pas  violer  à  leur  égard  les  Loix 
de  rHofpiralité  :  «  Souvenez-vous  qu'il  y 
»  a  un  Jupiter  qui  préfide  d  THofpiraliré  , 
«  &  qui  punit  févèrement  ceux  qui  outra- 
»  gent  les  étrangers.  »  Le  Cyclope  lui  re- 
pond :  «  Etranger,  eft-tu  donc  Ci  dépourvu 
»  de  Cens}  ou  tu  viens  de  bien  loin  pour 
V  m'exhorter  à  refpecler  les  Dieux  6c.  à 
>j  avoir  de  l'Humanité  ;  fçache  que  les  Cy- 
î5  dopes  ne  fe  foucient  ni  de  Jupiter ,  ni 
>5  de  tous  les  Dieux  enfemble  j  car  nous 
>5  fommes  plus  forts  &  plus  puilfans  qu'eux  : 
53  ôc  ne  te  flattes  pas  ,  que  pour  me  mettre 
«  à  couvert  de  fi  colère  ,  j'aurai  compaf- 
}5  flon  de  toi  cc  des  tiens  ,  Ci  mon  cœur 
95  d^^  lui-mime  ne  fe  tourne  à  la  pitié.  ?> 
En  m':me-temps  le  barbare  empoigne  deux 
des  Grecs  5  les  froilTe  contre  la  roche  &: 
les  mange  pour  fon  fouper.  Le  lendemain 

C  C   YJ 


6l2  ==.PO  = 

matin  à  Ton  réveil  il  fit  un  femblable  re- 
pas. Puis  il  fortit  avec  Tes  troupeaux  qu'il 
mena  au  pâturage  ,  après  avoir  bien  bou- 
ché l'entrée  de  cet  horrible  féjour. 

UlyiFe  &  fes  huit  compagnons  aind  ren- 
fermés pour  tout  le  jour ,  eurent  bien  le 
loiiir  de  méditer  fur  les  moyens  de  fe  ven- 
ger &  d'échapper  au  Cyclope  :  voici  le  ftra- 
tagème  dont  ils  s'avifèrent.  Ils  avoient  ap- 
porté avec  eux  une  outre  d'excellent  vin 
rouge  5  dont  ils  fe  propofèrent  d'enivrer 
ce  Monftre ,  pour  l'aveugler  enfuite.  Quand 
il  revint  le  foir,  il  fit  encore  fon  fouper  de 
deux  hommes  qu'il  dévora  de  même  :  on 
lui  propofa  alors  de  boire  un  coup  de  ce 
bon  vin  ,  qu'il  trouva  délicieux  :  il  deman- 
da à  Ulyrie  comment  il  s'appelloit,  afin 
qu'il  put  lui  faire  un  préfent  digne  d'un 
Cyclope.  Je  me  nomme  Perfonne  ,    die 
Ulyife.  Hé  bien  ,  répond  Polyphème ,  Per- 
fonne fera  le  dernier  que  je  mangerai  : 
voila  le  préfent  que  je  te  prépare.  Cepen- 
dant il  ^uide  l'outre  6c  s'endort.  Alors  les 
Grecs  lui  crèvent  fon  œil  unique  avec  une 
groife  pièce  de  bois  aiguifée  par  le  bout  & 
durcie  au  feu.  Polyphhne  réveillé  par  la 
douleur  ,  jette  un  cri  épouvantable  qui  at- 
tire auprès  de  lui  tous  les  Cyclopes  d'alen- 
tour. Qu'avez-vous  ,  Polyphème  ^  lui  crie- 
t-on  ,  quelqu'un  a-î-il  attenté  à  votre  vie  ? 


=  PO=  613 

Hélas  5  mes  amis ,  Perfonne  ,  dit-il  :  puif- 
que  ce  n'eft  Perfonne  ,  répondent  les  Cy- 
elopes ,  prenez  donc  patience  ,  de  priez 
Neptune  votre  Père  de  vous  fecourir. 

Cependant  le  Cyclope  obligé  de  faire 
paître  fes  troupeaux ,  ouvre  la  porte  de  fa 
caverne ,  mais  il  étend  fes  deux  bras  pour 
arrêter  les  Grecs  s'ils  vouloient  fortir  avec 
le  troupeau.  Ceux-ci   s'avifent  de  s'atta- 
cher fous  le  ventre  des  béliers  qui  étoient 
fort  grands  avec  une  laine  fort  cpaiiTe,  3c 
fortent  tous  heureufement  de  leur  prifon. 
Quand  Ulylfe  fe  vit  affez  loin  de  la  ca- 
verne 5  il  s'écria  au  Cyclope  :  Si  un  jour 
quelque   voyageur    te  demande  ,   qui  t'a 
caufé  cet  horrible  aveuglement ,  tu  peux 
répondre  que  c'eft  Ulyife ,  le  Deftrudeur 
des  Villes  ,  fils  de  Lacrre.  A  ce  nom  les 
hurlemens  du  Cyclope    redoublent.   Hé- 
las !  s'écrie- t-il ,  voila  donc  l'accomplifle- 
ment  des  Anciens  Oracles  ,  qui  m  avoienc 
prédit  que  je  ferois  un  jour  privé  de  la  vue 
par  les  mains  d'Ulyife  j  fur  cette  Prédic- 
tion je  m'attendois  à  voir  arriver  ici  quel- 
que  homme   beau  ,  bienfait ,  de  grande 
taille  5  ôc  d'une  force  bien  au-deifus  de  la 
nôtre  ^  &  aujourd'hui  c'eft  un  petit  homme 
,  de  méchante  mine  Se  fans  force  qui  m'a 
crevé  l'œil ,  après  m'avoir  dompté  par  le 
vin. 


6î^  ==PO=3i 

POLYXÈNE, 

Fille  de  Priam  &  d'Hécube  ,  devoit 
époufer  Achille  ,  que  Paris  tua  dans  le 
Temple  d'Apollon  ,  où  l'on  s'écoit  afTem- 
blé  pour  ce  Mariage.  Après  la  prife  de 
Troye  ,  Pyrrhus  ,  fils  d'Achille  ,  facrifia 
Polyxène  fur  le  tombeau  de  fon  père  » 
pour  appaifer  {qs  mânes  irrités. 

POLYXO, 

PrètrefTe  d'Apollon  ,  dans  l'Ifîe  de  Lem-^ 
nos  ,  nourrice  d'Hyp/ipyle  ,  porta  les  fem- 
mes de  Lemnos  à  ruer  leurs  maris ,  qui 
revenoient  de  Thrace  avec  d'autres  fem- 
mes :  elle  n'excepta  qu'Hypfipyle  de  ce 
meurtre  général. 

Pommes   dePin. 

Elles  étoient  employées  non-feuîement 
dans  les  Myftères  de  Cybèle ,  mais  encore 
dans  ceux  de  Bacchus ,  dans  {es  Sacrifices , 
dans  les  Orgies  &  dans  les  Pommes  ou 
Proceflions.  On  offroit  même  cies  Sacrifi- 
ces de  Pojnmes-de-Pin  ,  &  on  en  voyoit 
fouvent  fur  les  Aurcls  de  Cybèle,  de  Bac- 
chus &  même  d'Eiculape. 

PoMONE. 

Fomone  ^  que  les  Anciens  ont  feint  erre 


la  DéefTe  des  Jardins  ôc  des  Fruits  ,  fut 
aimée  par  Vercumne  ,  qui  après  avoir  em- 
prunté plufieurs  fortes  de  Méramorphofes , 
eut  enfin  le  bonheur  de  lui  plaire.  11  s'étoic 
déguifé ,  tantôt  en  Moiifonneur  ,  tantôt 
e^n  Pécheur  ^  puis  en  Ouvrier  >  en  Soldat , 
ôc  il  prit  enfin  la  figure  d'une  vieille.  Sous 
cette  figure  il  l'ohligea  de  Taimer  ,  par  l'a- 
gréable idée  qu'il  lui  donna  de  l'Amour, 
Ovide  qui  tourne  ingénieufement  cette 
Fable  5  dit  que  Pomone  vivoit  du  temps 
de  Procas ,  Roi  des  Latins  ;  c'eft-à-dire , 
vers  Tan  805  ,  avant  Jesus-Christ, 

On  la  repréfente  afîife  fur  un  grand 
pannier  plein  de  Fleurs  &  de  Fruits  ,  te- 
nant de  fa  main  gauche  quelques  Pom- 
mes &•  de  la  droite  un  Rameau  \  on  lui 
donnoit  un  habit  qui  lui  defcendoit  juf- 
qu'aux  pieds ,  &  qu'elle  replie  par  devant 
pour  foutenir  des  Pommes  &  des  bran- 
ches de  Pommier.  Elle  eut  à  Rome  un 
Temple  &  des  Autels  :  fon  Prêtre  portoit 
le  nom  de  Flamen  Pomonalis ,  &  lui  of- 
froit  des  Sacrifices  pour  la  confervation 
des  fruits  de  la  terre. 


Sl6  =PO=r 

ÉNIGME    CFIII. 

Quoique  je  ne  fois  fait  que  de  pierre  ou  de  bois. 
Par  moi ,  par  mon  fecours ,  rien  n'eft  inacceffible. 

Je  fçais  l'Art  de  donner  des  Loix 

A  l'ennemi  le  plus  terrible. 

Il  veut  en  vain  me  réfifter  5 

Un  nouveau  chemin  que  je  trace  , 

Eft  fjffifant  pour  le  dompter, 
Et  fait  que  fur  le  corps  tout  le  monde  lui  pafTe. 

De  fon  courroux  ,  de  fon  orgueil , 

Je  fuis  l'inévîtsblc  écueil  : 
Réduit  à  me  céder ,  il  écume  de  rage  ; 
Mais  fes  plus  grands  efforts  fufTent-ils  employés , 

J'en  triomphe ,  &  j'ai  l'avantage 
De  voir  qu'il  eft  réduit  à  me  laver  les  pieds. 

Pontifes. 

Ce  nom  vient  de  Potis  &  de  Facere  ^ 
en  forte  que  Pontifex  fe  dit  pour  Poti- 
fex  5  «Se  fignifie  celui  qui  veut  fatisfaire, 
Numa  en  inftitua  d'abord  quatre  ,  qui  de^ 
voient  être  Patriciens,  mais  Tan  454  de 
la  Fondation  de  Rome,  &  300  avant  Je-' 
fuS'ChriJi  ^  on  en  créa  huit  ,  dont  quatre 
ctoient  de  familles  Patriciennes  ;  les  qua- 
tre autres  étoient  tirés  de  familles  Plé- 
béiennes. Ce  nombre  fut  augmenté  l'an 
^73  de  Rome,  &  b'i  avant  Jefus-Chrijl ^ 


par  L.  Sylla  Di6tareur,  qui  en  créa  encore 
fepr  :  ainfi  il  y  en  eut  quinze.  Les  huit 
premiers  farenr  appelles  Grands  Pontifes  y 
les  fc-pt  nouveaux  Petits  Pontifes  :  ils  ne 
faifoient  néanmoins  qu'un  même  Collège. 
Depuis  le  Règne  de  Numa  ,  le  Collège 
des  Pontifes  choifiiToit  ceux  qui  devo  ent 
remplir  les  places  vacantes  j  mais  vers  l'an 
^5  4  5  6c  ICO  avant  Jefus-Ckrijï ^  il  fut  or- 
donné que  le  peuple  les  cliroit  dans  les 
AlTemblées.  Sylla  étant  Didareur ,  abro- 
gea cette"  Loi ,  que  Cicéron  récabUt  pen- 
dant (on  Confulat.  Enfin  ,  l'Empereur  Au- 
gufte  ayant  permis  quelque  temps  au  Col- 
lège des  Pontifes  d'y  admettre  ceux  qu'ils 
en  jugeroient  capables  ,  fe  rèferva  enfuite 
le  pouvoir  de  créer  des  Pontifes  ^  ôc  tous 
les  autres  Prêtres  des  Romains ,  qui  ètoienc 
en  Cl  grande  vénération  ,  qu'ils  ne  ren- 
doient  compte  de  leurs  actions  ,  ni  au  Sé- 
nat ,  ni  au  peuple.  Ils  étoient  Juges  de 
tous  les  différends  qui  naifToient  fur  ce 
qui  concernoit  le  Culte  des  Dieux  &  les 
Sacrifices.  Ils  faifoient  de  nouvelles  Loix, 
s*il  ètoit  néceifaire.  Ils  éxaminoient  les 
Magiftrats  qui  avoient  foin  des  chofes  Sa- 
crées y  tous  les  Prêtres ,  ôc  tous  les  Offi- 
ciers qui  fervoient  aux  Sacrifices.  Celui 
des  Pontifes  qui  préiidoit  au  Collège  ^ 
S*appelloic  Très-grand  Pontife  ^  ou  Sou-- 


6îS  =.  P  O  ===^ 

verain  Pontife ,  en  latin  Pontifex  Maxi- 
Mus  5  &  étoir  élu  par  le  Peuple  dans  l'Af- 
femblée  des  Tribuns  ^  Dignité  qui  ne  fe 
danna  dans  les  commencemens  qu'à  des 
gens  de  Famille  Patricienne.  Dans  la  fuite, 
après  que  le  Peuple  eut  été  admis  aux 
charges  &  aux  honneurs  de  la  Républi- 
que ,  on  éleva  fouvent  au  Pontificat  àe^ 
pe-fonnes  de  Famille  Plébéienne  ,  jufqu'à 
Jules  Céfar ,  qui  ayant  été  créé  Souverain 
Pontife^  eut  pour  fucce^eur  Lcpidus  ,  & 
enfuite  l'Empereur  Augufte  ,  après  lequel 
tous  le"  Empereurs  prirent  ce  titre.  L'Em- 
pereur Théodofe ,  fous  lequel  la  Religion 
Chrétienne  commença  à  fleurir ,  abolit  en- 
tièrement le  Collège  des  Pontifes  ,  &  tous 
les  Miniftres  de  l'ancienne  fuperftition. 
Zozime  remarque  que  l'Empereur  Gratien 
fut  le  premier  qui  défendit  exprelTément 
par  un  E  Ut ,  qu'on  lui  donna  le  Titre  de 
Souverain  Pontife  ;  3c  que  fon  fuccefleur 
confisqua  tous  les  revenus  des  Pontifes  ôc 
des  Prêtres  Païens.  Le  nom  de  Pontife , 
&  même  de  Grand  Pontife  ,  fut  depuis 
donné  aux  Évêques  ;  mais  dans  la  fuite 
les  Papes  feuls  furent  ainfi  appelles. 

POPULONI A, 

Divinité  champêtre  à  laquelle  on  ofFroic 
des  Sacrifices ,  pour  empêcher  les  mauvais 


effets  de  la  Grêle ,  de  la  Foudre  &  des 
Vents.  C'étoit  Junon ,  prife  pour  l'Air, 
qu'on  adoroit  fous  ce  nom-là  5  comme  Ju- 
piter fous  le  nom  de  Fulgur, 

ÉNIGME    CÎX. 

On  me  trouve  par-tout  utile , 
A  la  campagne  aulT.-bien  qu'à  la  ville. 
Mon  corps ,  félon  les  lieux ,  eft  plus  ou  moins 
épais  5 
On  le  fait  même  fouvent  double. 
Je  caufe  quelquefois  du  trouble , 
Et  dans  la  Guerre  &  dans  la  Paix, 

Bien  qu'on  méprife  la  baflcfle , 
Quand  j'en  ai ,  ce  n'eft  pas  ce  qui  fait  ma  triftefTe, 
Sans  vous  rom.pre  la  tète  à  chercher  le  pourquoi , 

Ceft  que  les  plus  grands  de  la  terre  j 

Ne  m'ofant  déclarer  la  guerre , 

Sont  contraints  de  plier  fous  moi. 

Près  des  murailles  je  féjourne. 
Sur  deux  jambes  de  fer  à  demi  l'on  me  tourne. 
Aux  allans  5c  vcnans  j'obéis  tour  à  tour. 

J'exerce  laquais  &  fervante. 

Pour  conclure  enfin ,  je  me  vante 

D'être  expofée  au  plus  beau  jour. 

PoRÉ VITH, 

Divinité  des  Anciens  Germains  à  qui 
ils  donnoient  cinq  têtes ,  &  une  fixième 


fur  la  poitrine  j  comme  celle  que  porroît 
Minerve  dans  fon  Égide  ;  &  autour  du 
piédeftal  qui  foutenoic  fa  Statue,  ctoic 
un  grand  amas  d'Épées  ,  de  Lances  &  de 
toutes  fortes  d'armes  j  ce  qui  défignoic 
leur  Dieu  de  la  Guerre. 

ÉNIGME     ex. 

Que  j'ai  bien  changé  de  nature  ! 
J'étois  jadis  poli,  plein  d'efpric ,  amoureux  j 

J'étois  plaifant,  mais  j'étois  gueux. 
Maintenant  fot ,  je  fais  une  groffe  Hgure , 

Et  fçais  rendre  mon  maître  heureux. 

Dans  une  aimable  compagnie  , 

Si  par  hafaid  on  me  trouvoit, 
La  converfarion  tout-à-coup  s'animoit. 
Et  de  rires  malins  étoit  fouvent  remplie  : 

Mon  maître,  qui  me  chériiîoit. 
De  ma  perte  tiroît  une  gloire  infinie  5 
Aufii  par  vanité  fouvent  il  me  perdoit  : 
Et  maintenant  il  hafarde  fa  vie , 

Pour  me  conferver  chèrement  5 

Tant  il  eft  vrai  qu'un  fot  utile 

Eft  préférable  à  l'homme  habile , 
Quelque  rempli  qu'il  foit  d'cfprit  &  d'agrémcns. 
Cependant  admirez  cette  bizarrerie  : 
Ni  Pomone  ni  Flore  aucun  bien  ne  me  fit  ; 
Je  ne  porte  ni  fleurs  ni  fruits  dans  le  Printemps , 

Mais  bien  des  feuilles  en  tout  temps. 


PORU  s. 

Dieu  de  l'Abondance ,  éroir  fils  de  Mé- 
tis ,  Deelîe  de  la  Prudence v:  voici  le  Conte 
que  tair  Placon  Tur  ce  Dieu  dans  fon  feftin» 
A  la  naillance  de  Vénus  les  Dieux  célcbrè- 
renr  une  Fêce  ,  à  laquelle  Te  ri'ouva  com- 
me les  autres  ,  Porns  ^  Dieu  de  l'Abon- 
dance. Pénie  crue  que  fa  fortune  éroic 
faite  ,  fî  elle  pouvoic  avoir  un  enfant  de 
Porus  :  c'eft  pourquoi  elle  alla  adroire- 
ment  fe  coucher  à  fcs  côcés ,  &  quelque- 
temps  après  elle  mit  TAmour  au  monde. 
De-là  vient  ,  dit  notre  Philjfophe  ,  que 
lAmour  s'eft  attaché  à  la  fuiti  Se  au  fervjce 
de  Vénus  ,  ayant  été  conçu  le  jour  de  fa 
Fête.  Comme  il  a  pour  père  l'Abondanre, 
&  la  Pauvreté  pour  mère  ,  aufli  tient- il  de 
l'un  6c  de  l'autre. 

ÉNIGME    CXL 

Abfent  de  la  Beauté  que  j'aime. 
Un  feul  objet  diflipe  mon  ennui  : 

II  eft:  plus  beau  que  l'Amour  même. 
Mais  elle  eft  plus  Belle  que  lui. 


^2^  i=PO=l 

ÉNIGME    CXIL 

J*ai ,  dans  le  cabinet  des  Rois , 

Part  aux  plus  feerètes  aifaires , 

Et  j'y  couvre  bien  des  Myftères , 
Qui  font  pour  leurs  Sujets  d'inviolables  Loir, 

Mon  corps  n  eft  rien  qu'un  compofé 

D'une  infinité  de  parties. 
Qui ,  quoique  fans  rapport ,  &  toutes  défunies , 
Reçoivent  de  la  main  un  mouvement  aifé. 

Je  n'ai  Science  ni  lumière , 
Je  n'ai  jamais  rien  lu  ,  ni  jamais  rien  écrit  j 

Cependant  le  plus  bel  efprit 
Me  fait  fur  Ton  travail  repalTer  la  dernière. 

EN  I  GUE    CXIIL 

Dans  les  quatre  S'aifons ,  je  fuis  toujours  de  même, 
tes  Grands  &  les  petits  je  fers  également. 
Au  deux  sexes  je  donne  un  fragile  ornement  5 
Et  qui  ne  peut  m'avoir ,  fa  difette  eft  extrême. 

Mon  teint  approche  moins  du   vermeil  que  du 

Blême. 
Dans  toutes  les  Couleurs,  je  fais  du  changement. 
Pourvu  qu'on  en  excepte  une  ou  deux  feuleraentr. 
On  me  trouve  au  Village  &  fous  le  Diadème. 

Je  n*ai  pas  d'ennemi  plus  rude  o^y^t  le  veiit. 
On  ne  fait  aucun  cas  de  moi  da'is  le  Couvent, 


1 


=  P0==  €2f 

Si  tu  fçals  d'où  tu  viens  tu  connois  bien  ma  mère. 

Mon  père,  fans  me  voir,  me  bat  foir  &  matin. 
Nous  finirons  tous  trois  par  un  divers  deftin. 
Rien  plus  commun  que  moi ,  rien  fî  peu  nécefTaire. 

ÉNIGME    CXIV. 

C*eiT:  à  vous ,  belle  Iris ,  que  je  dois  ma  naiffancc  j 
Jamais,  fans  vos  appas,  je  n'aurois  vu  le  jour  : 
Juf(]u  ici  j'avois  fçu  me  cacher  fous  l'Amour , 
Mais  Ton  bandeau  levé  m'interdit  le  filence. 
Je  viens  donc  pour  vous  voir ,  comme  un  fils  in« 

connu  , 
Ou  plutôt  je  viens  voir  l'Amante  de  mon  père  j 
Car  fans  ceife  il  fe  plaint  que  jamais  il  n'a  pu 
Mériter  vos  faveurs ,  ni  même  feu  vous  plaire. 
Je  fuis  pourtant  Ton  fils,  &  vous  cces  ma  mère  \ 
Je  fuis  né  de  l'Amour  que  mofi  père  eut  pour  vous  5 
Sans  vous .  il  m'eût  laiiTé  dans  l'être  imaginaire. 
Cet  aveu  n'a-t-il  point  ému  votre  courroux  î 
Je  crains  d'avoir  bieiTé  par-là  votre  pudeur, 
Ou  de  pafTer  chez  vous  pour  un  fils  téméraire  : 
Mais  afin,  belle  Iris,  d'éviter  ce  malheur, 
Je  m'en  vais  en  lieux  mots  éclaircir  ce  Myllèrc. 
Je  fuis  deffous  vos  yeux  ;  mon  père  plein  de  vous, 
M'a  chargé  de  venir  vous  marquer  fa  tendrelTe  : 
Je  fuis  d'un  naturel  poli ,  gracieux ,  doux  : 
Bien  des  filles  voudroient  un  fils  de  mon  eA)ecc, 


€24  t=  P  O  = 

ÉNIGME     CXK 

Sans  moi ,  que  feroit  l'homme  ?  Rien. 
Tout  au  plus  pourriture ,  immondice  : 

Son  fort  dépend  de  mon  caprice  ; 

Je  fuis  fon  âme  &  Ton  foutien. 
Tantôt  foible  à  l'excès ,  tantôt  fort  comme  quatre, 
Je  vais  tantôt  le  trot,  &  tantôt  doucement. 

Mon  grand  naturel  eft  de  battre , 

AuiTi  je  bats  à  tout  moment. 
En  des  temps  je  bats  fort ,  &:  j'écourdis  mon  homme, 

Ceft  bien  pis  quand  je  ne  bats  pas  : 
Je  l'accable,  il  languit,  lorfqu'un  peu  fort  je  bats  j 
Mais  mon  repos  eft  un  coup  qui  l'alfomme. 

ÉNIGME  CXVL 

Prerqu'auflî-tôt  que  je  fuis  née , 
Je  cours  le  monde ,  &  me  vois  deftinée 
A  jpafler  ma  jeunelTc  entre  les  mains  d'autrui* 
Pour  m'y  faire  valoir,  j'ai  votre  fçavoir  faire, 

Coquettes ,  qu'on  voit  aujourd'hui 
Si  fçavantes  en  l'Art  d'amufer  &  de  plaire. 
Je  cours  à  l'artifice ,  &  m'en  pare  fi  bien , 
Que  fous  ce  faux  dehors ,  &  piquante  &  jolie , 
Je  fuis  de  mille  gens ,  comme  vous  ,  accueillie. 
Mais  pour  moi  tous  ces  gens  ne  fentiroient  plus 
rien, 

Le  croirez-vous  ?  fi  toute  nue 
Je  m'ofFrois  feulement  un  inftant  à  leur  vue. 

Pratique; 


Pratique. 

Tout  le  monde  connoî:  le  bien , 
L'Evangile  en  ce  point  s'expligue  fans  nuage  ; 
Mais  la  Théorie  n  cil:  rien  , 
n  faut  la  Pratique  &  TUfage. 

La  Fratique  eft  l'oppofé  de  la  Tlicorie , 
&  demande  un  continuel  exercice  pour  fe 
perfectionner.  Comme  elle  eft  le  fruit  de 
l'Expérience  5  on  la  repréfente  d'âge  mur  , 
s'appuyant  fur  une  Règle  pofée  perpendi- 
culairement \  elle  tient  un  Compas ,  donc 
une  à^s  pointes  touche  la  Règle ,  ôc  l'au- 
tre eft  à  terre. 

Pra  xidi  ce, 

Déefte,  fille  de  Soter^  qui  eft  le  Dieu 
Confervateur  ,  &  mère  d'Homonoc  ôc 
-d'Arété  ^  c'eft-à-dire,  de  la  Concorde  & 
de  la  Vertu.  C'eft  elle  qui  avoir  fom  de 
marquer  aux  hommes  les  juftes  bornes 
dans  lefquelles  ils  dévoient  fe  contenir , 
foit  dans  leurs  adions ,  foit  dans  leurs  diA 
cours.  Les  Anciens  ne  faifoient  jamais  de 
Statues  de  cette  Déefte  en  entier ,  mais  la 
lepréfentoient  feulement  par  une  tète  5 
pour  montrer  peut-être  ,  que  c'eft  la  Têce 
&  le  bon  fens  qui  déterminent  les  limites 
de  chaque  choie.  Aulïi  on  ne  lui  facrifioic 
Tomz  IIL  D  d 


626  =PR=. 

que  les  Têtes  des  Vi6times.  Hefychîus  dît 
que  Ménélas ,  au  retour  de  la  Guerre  de 
Troye ,  confacra  un  Temple  à  cette  Di 
vinité ,  &  à  fes  deux  filles ,  la  Concorde  & 
la  Vertu ,  fous  le  nom  feul  de  Praxidice. 
On  remarqua  que  cette  DéelTe  avoit  tous 
fes  Temples  découverts  ,  pour  marquer 
fon  origine  qu'elle  tiroir  du  Ciel ,  com- 
me de  Tunique  fource  de  la  Sage(îe.  Son 
nom  fignifie  Action  faite  avec  jujiice.  Ow 
a  aufii  donné  le  nom  de  Praxidicc  à  Mi- 
nerve. 


RÉÉMINENCE. 


Le  mérite  qui  vient  uniquement  <3u  fang, 
N'eO:  qu'un  mérite  imaginaire  : 
Ceft  la  Vertu  qui  fait  le  rang , 
Tout  le  lefte  n'eft  que  chimère. 

La  Prééminence  eft  Télévation  ou  la  fu- 
périorité  d*une  perfonne  ou  d'une  chofe 
îur  une  autre ,  elle  appartient  à  la  Naif- 
fance  ,  au  Mérite ,  ou  à  l'Ancienneté. 

Comme  elle  n'eft  pas  toujours  le  partage 
de  la  Force  ,  on  la  perfonnifie  allégorique- 
ment  par  une  Matrone  qui  a  un  Roitelet 
fur  fa  tête ,  &  qui  d'un  air  grave  arrête  la 
fureur  d'un  Aigle  jaloux  de  ce  foible 
O  if  eau. 


Prédestination. 

Je  fuis  un  Myftère  profon<i , 
Où  l'efpric  humain  fe  confond  : 
Mais  fçais-tu  ce  qu'il  faut  fçavoir  de  ce  Myftère  ? 
L'adorer,  le  croire,  &  bien  faire. 

La  Prédefllnatîon  fe  repréfente  belle  & 
nue,  n'étanc  vêtue  que  d'un  léger  voile 
d'écoflfe  d'argent  qui  tombe  de  fa  coëffure  , 
-&  badine  autour  d'elle.  Elle  regarde  le 
Ciel  avec  amour,  tenant  la  main  droite 
fur  fa  poitrine ,  &  dans  fa  gauche  une 
Hermine. 

S.  Thomas  &  S.  Auguftin  ont  dit  : 
Prjedestinatio    efi  prœparatio 
gratis  in  prœfenti ,  &  gloria  in  futurum^ 

Prélature. 

Vous,  qui  nous  conduifez ,  &  qui  guidez  nos  pas. 
Marchez  &  vivez  en  Apôtres. 
Vo5  défauts,  illuftres  Prélats, 
Se  Yoyent  plutôt  que  les  nôtres. 

Les  Emblèmes  de  ce  fujèt  viennent  à^s, 
Éfjyptiens.  Us  repréfentoient  un  Vieillard 
vénérable ,  vêtu  d'habits  Sacerdotaux  5  qui 
tenoit  un  Soleil  éclipfé  ,  autour  duquel 
étoit  cette  infcription  ; 

J^on  niji  càm  déficit  fpeclatoî^^ha6e[. 

Ddij 


62S  =  P  R  3=^ 

Voulant  fignifîer ,  que  tant  que  les  Ver- 
tus brillent  dans  cet'  État ,  les  hommes 
l'admirent  &  en  font  éblouis  j  mais  que  iî 
elles  s'éclipfent ,  les  admirateurs  entrent 
dans  un  examen  très-févère. 

La  Pendule  qu'ils  mettoient  proche  de 
cette  figure,  indiquoit  la  Régularité  qui 
eft  requife  à  l'Élévation  &  à  la  Dignité 
d'un  Prélat. 

ÉNIGME    CXFIL 

Je  fuis  aimé  des  uns ,  les  autres  me  haiffenr. 

Je  fais  du  bien  &  du  mal , 
Et  s'il  en  eft  à  qui  mon  afpeft  foit  fatal , 
J'en  fçais  qui  de  me  voir  toujours  fe  réjouifTent» 

Les  Avares  &  les  In2;rats 
Avecque  moi  ne  trouvent  point  leur  compte  5 
Ma  préfençe  leur  eft  une  fecrèce  honte, 
Quand  de  ce  que  j'attends  ils  ne  s'acquittent  pas. 

Avec  plaifîr  les  Amans  me  reçoivent  ; 
Il  en  eft  peu  dont  je  ne  fois  content  ; 
Et  qui ,  pour  m'honorer ,  ne  cherchent  à  l'inftant , 
Lorfque  j'arrive ,  à  faire  ce  qu'ils  doivent. 

Si  mon  règne  eft  d'éclat,  il  eft  prompt  à  finir  ; 

Mon  cadet  le  termine  :  &  mourant  pour  renaître , 
Après  que  j'ai  feu  difparoître. 
Je  fuis  long-temps  fans  revenir,    . 


Je  fuis  vieux  :  cependant  mes  heures  font  bernées  > 
Et  qui  pendra  le  foin  d'en  mefurer  le  cours, 
Trouvera  que  j'aurai  vécu  fort  peu  de  jours  , 
Quoique  je  fois  chargé  d'un  grand  nombre  d'an- 
nées. 

Présages. 

On  diftinguoit  les  Préfaces  des  Augu- 
res, en  ce  que  ceux-ci  s'entendoient  des 
Signes  recherchés  &  interprétés  iuivant  les 
Règles  de  l'Art  augurai  ;  &  que  les  Préfa- 
ges  qui  s'oiFroient  fortuitement ,  étoienc 
interprétés  par  chaque  particulier,  d'une 
manière  plus  vague  &  pkis  arbitraire.  L'O- 
pinion des  Préfaces  faifoit  tant  d'impref- 
fion  fur  les  efprits ,  que  fouvent  elle  a  fuffi 
pour  exciter  aux  entreprifes  les  plus  témé- 
raires ^  ou  pour  détourner  de  celles  qui 
avoient  le  plus  d'apparence  de  réuilir.  Les 
Romains  regardoien:  comme  des  Préfa^ 
ges  de  l'avenir  ,  une  infinité  de  chofes. 
Par  Exemple  certaines  paroles  fortuites 
qui  étoient  prononcées  fans  deiTein  ,  à-c 
qui  pouvoien:  fe  rapporter  indireclsmen: 
à  des  Prédictions  de  l'avenir.  C'eft  pour 
cela  qu'ils  écoient  fort  attentifs  aux  expref- 
iîons  dont  ils  fe  fervoient  dans  leurs  dif~ 
cours  5  pour  ne  pas  donner  occilion  a  de 
finiftres  Préjuges.  Ils  nommoient  la  Pri- 
fon  3  Domicile  ;  les  Furies  y  Euménides  j 

D  d  iij 


tfjo         =PR  = 

les  Ennemis ,  Étrangers  :  &  pour  dire  qu'un 
homme  étoit  mort ,  ils  difoient  qu'il  avoit 
vécu.  Les  Anciens  Auteurs  j  Poètes  &  Hif- 
toriens ,  font  pleins  de  ces  Préfages  tirés 
de  chofes  fortuites ,  qui  n'ont  de  rapport 
aux  cvènemens  que  ceux  qu'on   vouloit 
bien  y  trouver.  Virgile  rapporte  les  Pré- 
fages  qui  précédèrent  la  Guerre  Civile  : 
0»  On  vit  5  dit-il ,  couler  des  fources  de 
M  fang  :  les  Loups  ,  durant  la  nuit  y  épou- 
»  vantèrent  les  Villes  par  des  heurlemens 
«  affreux.  Jamais  la  foudre  ne  tomba  fi 
M  fouvent  dans  un  temps  ferein  :  mais  les 
î>  redoutables  Comètes  n'effrayèrent  plus 
»  les  mortels.  5>  Lucain  étale  auiïi  en  vers 
pompeux  tous  les  Préfages  de  la  Guerre 
Civile.  Parmi  les  Hiftoriens  ,  Tite-Live 
eft  rempli  d'obfervations  fuperftitieufes  ; 
tantôt  quelque  Monftre  eft  né  ;•  tantôt  les 
Eaux  des  rivières  &c  des  lacs  ont  paru  tein- 
tes de  fang  :  tantôt  une  Idole  a  changé  de 
fîtuation  fans  qu'on  y  touchât  j  une  au- 
trefois on  a  entendu  plufieurs  coups  de 
tonnerre  dans  la  plus  grande  fércnité  de 
i'air.  Suivant  cet  Hiftorien  ,  un  Bœuf  pro- 
nonça diftindement  ces  trois  mots  :  Ro-' 
ma  5  cave  tibi  j   Rome  j  prends  garde  à 
roi. 


=  PR=  6ji 

Présent  d'un  Ennemi  suspect. 

On  le  ,  epréfenre  fous  la  figure  d'He^bor , 
qui  dotine  une  Épée  à  Ajax  ,  ôc  celui-ci  en 
repuéfailles  fit  Préfent  a  Hedor  d'une 
Ceinture  \  ces  Dons  mutuels  furent  les 
triftes  préfages  de  leurs  fins  tragiques  :  car 
Ajax  fe  tranfperça  de  cette  Epée  \  Hedor 
fut  attaché  avec. cette  Ceinture  derrière 
le)C1iar  triomphant  d'Achille ,  où  il  per-^ 
dit  la  vie. 

ÉNIGME     CXFÎIL 

Far  l'ordre  de  ma  dcAinée, 
Je  ne  fers  qu'une  fois  l'année , 
Quoique  mon  fecourt.  ioic  puifTant  : 
Mais  dans  ce  moment ,  on  me  donne  fans  ceffe  5 
A  m.e  remplir  chacun  s'empreflc  3 
Sans  demander ,  je  fuis  prcllant. 

Je  rends  autant  que  Ton  me  donne. 
Mes  iargcffes  font  qu'on  entonne 
Autour  de  moi  des  airs  joyeux , 
Et  quelque  chofe  qui  vaut  mieux. 

Si  l'on  ne  me  traite  pas  bien, 
Je  me  plains  quelquefois ,  &  jamais  ne  dis  rien  : 
Seulement  je  rends  de  la  peine 
A  ceux  qui  me  donnent  la  gêne. 

D  div 


(f52  =PR== 

.  Quoique  je  fois  de  dur  tempérament, 
Je  ne  fuis  fait,  ni  de  fer,  ni  de  pierre  5 
Et  mon  folide  fondement 
N  eft  pas  d'un  pied  avant  en  terre. 

Pretr  e. 

Les  Prêtres  àts  Païens  étoient  des  per- 
fonnes  deftinées  pour  offrir  les  Sacrifices, 
ils  furent  inftirués  à  Rome  par  Numa 
Pompilius  5  &  nommés  Sacerdotes.  11  y  en 
eue  de  deux  fortes ,  hs  uns  pour  tous  lés 
Dieux  en  général,  appelles  Pontifes^  en 
latin  Pontifices  :  il  en  établit  d'abord  qua- 
tre de  Race  Patricienne.  On  en  créa  en- 
fuite  quatre  autres  de  Race  Plébéienne  , 
l'an  454  de  la  fondation  de  Rome,  ôc 
Sylla,  étant  Dicfcateur ,  en  ajouta  fept  au- 
tres j  les  autres  pour  des  Dieux  particu- 
liers 5  comme  les  Luperques  ,  Luperci , 
pour  le  Dieu  Pan  ;  les  Collègues  Titiens, 
Sodales  Tini ,  pour  les  Dieux  àQS  Sabiens  ; 
\qs  Saliens  ,  Salti ,  pour  le  Dieu  Mars  ; 
les  Vefîales  ,  Veftaks  ,  pour  la  Dée{re 
Vefta  5  les  Fia  mines  ,  Flamines  ,  pour  Ju- 
piter 5  pour  Mars  ou  pour  Quirinus  ^  les 
Galles  5  Gain  ,  pour  Cybèle  mère  des 
Dieux.  Il  y  avoir  encore  certains  Magif- 
trats  ou  Officiers  nommés  Epulones  ,  qui 
étoient  comme  les  Intendans  ou  Maîrres 
d'hocei ,  qui  préildeienc  aux  Feftins  c^ue 


Ton  faifoir  après  les  Sacrifices  ;  le  Roi  du 
Sacrifice  ,  qui  écoit  comme  le  Maîcre  des 
cérémonies  ;  les  Fières  Arvales  qui  avoi'^nt 
le  foin  des  Sacrifices  que  l'on  offroic  pour 
Tabondance  des  biens  de  la  terre ,  &  les- 
Frères  Curions  ,  prépofés  pour  les  Sacrifi- 
ces de  chaque  Curie.  Les  Pritrcs  por- 
toienc  diverfes  Couronnes.  Elles  étoienc 
de  Laurier  pour  les  Prêtres  d'Apollon  ,  <^ 
de  feuilles  de  Peuplier  pour  ceu^  d'Her  • 
cule.  Quelques-uns  en  avoient  de  Myrte,, 
d-'autres  de  Lierre  ,  &:  d'autres  de  feuilles 
àe  Chêne.  Le  Grand  Prêtre  à  Rome  ,  n'é- 
toic  obligé  de  rendre  compte  de  fes  oc- 
rions ,  ni  au  Sénat ,  ni  au  Peuple  ;  il  écoit 
le  feul  qui  eût  droit  de  venir  en  Luicre  au 
Capitole  :  il  étoit  le  Chef  de  la  Religion  , 
3i  le  Juge  fouverain  des  Cérémonies  ,  il 
recevoir  des  Veftales ,  avoit  l'Intendance 
fur  tous  les  Prêtres^  des  Sacrifices  ,  des 
Temples  de  des  Autels ,  &  avoit  foin  dé- 
régler les  Annales  de  ce  qui  fe  pafioit  tous 
les  ans.  Numa  Pompilius  far  le  premier 
Souverain  Ponrife  ou  Grand  Prêtre.  De- 
puis lui  ,  l'élcclion  du  Souverain  Pontife- 
appartenoit  au  Collège  des  Pontifes,  Dans^ 
la  fuite  y  Domitius  ,  Tribun  du  Peuple ^ 
transféra  ce  dro-it  au  Peuple  ,  qui  y  avoic: 
néanmoins  coujonrs  eu  part  ,  û  l'on  s'ent 
laçporce  à  ce  qu'en  dit  Cicéron  dms  for& 


634:  C3^PR.=^ 

difeours  de  la  Loi  Agraire  ,  la  Confécra- 
tion  du  Souverain  Pontife  fe  faifoit  avec 
des  Cérémonies  extraordinaires.  On  le  fai= 
foit  defcendre  dans  une  folïè ,  revêtu  de 
fes  habits  pontificaux  'y  on  couvroit  la  foiîe 
de  planches  percées ,  Ôc  on  immoîoit  def- 
fus  les  Vidtimes,  dont  le  fang  couloir  par 
les  trous  fur  le  Pontife  ,  il  s'en  frottoir  le 
vifage  y  les  yeux  ,  la  bouche  ôc  même  la 
langue.  Enfuite  on  retiroir  les  planches  , 
les  Flamines  tiroient  le  Grand  Pontife  cou- 
vert de  fang ,  &c  en  cet  état  il  étoit  falué 
comme  Grand  Pontife ,  qualité  qui  étoit 
fort  honorable.  Devant  lui  marchoit  un 
Lidteur ,  &  il  étoit  porté  eu  Chaire  Cu- 
rule  5  8>c  fa  porte  étoit  ornée  de  Lauriers. 
Jules- Céfar  ,  Se  depuis  lui ,  les  autres  Em- 
pereurs prirent  la  qualité  de  Souverain 
Pontife  5  &  l'ont  confervée  même  depuis 
qu'ils  furent  Chrétiens.  Les  Prêtres  de 
Mars  étoient  tellement  confidérés  ,  qu'il 
falloir  être  de  Famille  Patricienne  pour 
obtenir  cette  Dignité.  Les  Prêtres  a  Tyr 
avoient  la  première  place  auprès  du  Roi , 
6c  étoient  vêtus  de  pourpre.  Les  Prêtres 
du  Soleil  5  parmi  les  Phéniciens  ,  por- 
roient  une  longue  robe  de  pourpre  &  d'or, 
^  fur  leur  tête  une  couronne  d'or  garnie 
gypriens  élifoient  leurs 
Rois  entre  Iqs  Prêtres^  ëc  honoroient  de 


ce  dernier  titre  tous  leurs  Philofopkes.  Le 
Prêtre  de  Jupiter ,  appelle  à  Rome  Fla.^ 
men  dicilis ,  pofledoi:  cette  prérogative  > 
que  fa  fimple  parole  avoit  l'Autorité  d'un 
ferment.  Sa  préfence  tenoit  lieu  d'un  Sanc- 
tuaire \  Ôc  un  criminel  qui  fe  retiroit  chez 
lui  ne  pouvoir  y  être  pris.  LaPrètrife  chez 
les  Indiens  etl:  héréditaire  ,  comme  elle  i'é- 
toit  anciennement  parmi  les  Juifs.  Le  fils 
d'un  Bramin  eft  Prêtre  ,  &  époufe  uns 
fille  de  la  même  condition. 

Prétexte. 

■  La  Robe  Priuxtz  étoir  un  vêtement 
long  &  blanc  ,  qui  avoir  une  bande  de 
pourpre  au  bas.  \^qs  enfans  de  qualité  à 
Rome  la  portoienc  jufqu'à  l'âge  de  quinze 
ans  >  &  les  filles  jufqu  à  leur  mariage.  Les 
Magilhats ,  les  Augures  ,  les  Prêtres  &:  les 
Sénateurs  la  portoient  à  certains  fours  de 
Solemnité  :  comme  en  le  voit  dans  les 
Auteurs. 

Prévoyance. 

Cîiacan  fçait  par  expérience  , 
Qu'il  eft  de  certains  maux  qu'oa  peut  bien  pré-v'snîr. 
On  a  manqué  de  P  r  e  v  O  y  a  n  g  e  > 
N'en  manquons  pas  à  l'avenir. 

La  Frévoycuice  ell  repréfentée  pr.c  une 


6sS      ^        =PR  = 

femme  à  deux  têtes  ,  tenant  d'une  mai?* 
un  Compas ,  elle  femble  vouloir  mefurer 
les  qualités  &  l'Ordre  des  temps.  Ses  deux 
tètes  font  rEmblême  du  paifé  &:  de  l'a-^ 
venir.  Elle  porte  fur  l'autre  main  un  Émé- 
rillon  y  oifeau  de  fauconnerie  ,  le  vrai  Sym- 
tcoie  de  Iz.  Prévoyance^ 

Pria  M-, 

Fils:  de  Laornédon  ,  fut  mis  fur  le  trone- 
de  fon  Père  par  Hercule.  Il  règaa  paifî- 
blement  pendant  plufi^urs  années  au  mi- 
lieu d'uîie  nombreufe  familfe ,  fa  première 
femme  fut  Arisba,  fille  de  Mérops-,  dont 
il  eut  un  fils  nommé  Éfacus.  Hécube  fa 
féconde  femme  lui  en  donna  dix-neuf^ 
dont  les  plus  connus  font  Hector  ,  Paris  s 
Déiphobe  ,  Hélénus ,  Polîtes ,  Troïle  ,  Po- 
lydore  ,  &g.  &  les  filles  Creiife  ,  Laodicé  , 
Polyxène ,  &:  Cafïandre.  Enfin  il  eut  cin- 
G^uante  enfans  de  différeares  femmes  ;  & 
tous  5  à  Texceprion  d'Hélénus  ,  périrent 
avec  leur  Père  dans  la  Guerre  de  Troye. 

Après  qu'Hedor  eut  été  rué  ,  Apollon 
envoya  Iris  à  Priam  ,  au  rapport  d'Ho-» 
mère ,  lui  ordonner  de  porter  a  Achille. 
des  prcfens  capables  d'appaifer  fa  colère , 
pour  être  la  rançon  de  fon  fils.  Ce  père 
infortuné  prend  douze  talens  d'or  avec  les 
CEofFes  les  plus  riches  &  les  vafes  les  plus 


=  P  R  =  6^y 

précieux ,  monte  far  fon  char  accompa- 
gné d'un  feul  homme  y  &c  fe  halarde  d'aller 
au  Camp  des  Grecs.  Mercure  ,  par  l'ordre- 
de  Jupiter  ,  conduit  lui-même  le  Char  , 
endort  les  fentinelles  qui  gardent  les  re- 
tranchemens  des  Grecs  ,  traverfe  leur 
Camp  fans  être  apperçu ,  &  arrive  devanc 
la  tente  d'Achille.  Priam  va  fe  jetter  aux 
pieds  de  ce  terrible  ennemi ,  il  embrafTe- 
ùs  genoux  ,  il  baife  les  mains  meurtrières 
qui  avoient  verfé  le  fang  de  fes  fils ,  &  le 
conjure  de  lui  rendre  le  corps  d'Heclor  » 
pour  lequel  il  apporte  une  riche  rançon» 
Achille  s'attendrit  en  voyant  l'humiliation 
de  ce  malheureux  Roi ,  il  le  relevé  avec 
des  marques  de  compafTion  ,  ôc  lui  ac- 
corde fans  p^ine  fa  demande  :  (  car  les 
Dieux  avoient  tourné  fon  cseur  à  la  pitié.  ) 
Priam  s'en  retourne  a  Troye  avec  le  corps 
de  fon  fils  3-  &  Mercure  eft  encore  em- 
ployé pour  le  ramener  de  la  mèm.e  façon 
qu'il  étoic  venu. 

Lorfque  Priam  eut  vu  fa  Ville  livrée 
aux  Grecs  ,  &  l'ennemi  vainqueur  au  mi- 
lieu de  fon  Palais  ,  il  prend  fon  épée  èc 
fon  cafque ,  &  veut  mourir  les  armes  à  la 
main;  mais  Hécube  l'oblige  de  recourir  à 
l'Autel  de  Jupiter  où  elle  s'étoit  réfugiée 
avec  (es  fi-Iles.  Polytès,  un  de  leurs  enfans 
pourfuivi  par  Pyrrhus ,.  eft  frappé  &  vienr 


6^^  =PR  = 

expirer  à  leurs  pieds,  A  cet  vue  Priam  ne 
peiic  retenir  fa  colère  ,  il  ofe  reprocher  à 
Pyrrhus  cette  adion  inhumaine  de  tuer  un 
fils  aux  yeux  de  fon  père  ,  &  lance  en 
même-temps  contre  lui  un  trait  qui  tou- 
che à  peine  fon  bouclier ,  &  tombe  à  ^q% 
pieds.  Pyrrhus  alors ,  fans  refpeder  TAu- 
tel  5  fe  jette  fans  pitié  fur  le  malheureux 
vieillard ,  faifit  d'une  main  (qs  cheveux 
blancs ,  &  de  l'autre  lui  plonge  fon  épée 
dans  le  fein.  Les  Grecs  enfuite  lui  cou- 
pent la  tète  ,  entraînent  fon  corps  fur  le 
rivage  ,  où  il  refta  confondu  dans  la  foule 
àQS  morts.  Si  nous  en  croyons  le  Poëte 
Lefchée  ,  dit  Paufanias  ,  Priam  ne  fur  pas 
tué  devant  l'Autel  de  Jupiter  Hercéus  , 
mais  il  en  fut  feulement  arraché  par  force , 
6c  ce  malheureux  Roi  fe  traîna  enfuite  juf- 
ques  devant  la  porte  de  fon  Palais ,  où  il 
rencontra  Pyrrhus,  qui  n'eut  pas  de  peine 
à  lui  ôter  le  peu  de  vie  que  fa  vieillefle  & 
{ts  infortunes  lui  av oient  laifle. 

P  R  I  A  P  E  > 

Dieu  des  Anciens ,  fils  de  Bacchus  Se 
de  Vénus ,  préfidoit  aux  Jardins  ,  &  étoit 
adoré  à  Lampfaque  ,  Ville  d'Hellefpont , 
lieu  de  fa  nailfance.  On  dit  que  Vénus , 
éprife  d'amour  pour  Bacchus ,  alla  au  de- 
vant de  lui  lorfqu'ii  revenoit  des  Indes  y  ôc 


cja'elie  iui  préfenta  une  couronne  de  rofes 
teinte  de  fon  fang  ,  qu'elle  lui  mit  fur  la 
tête  5  lui  ordonnanr  de  la  fuivre  ^  que  fe 
fentanr  grolTe  &  près  d'accoucher ,  elle  fe 
rerira  à  Lampfaque  ;  que  Janon  ,  jaloufe  5 
fie  naître  cet  enfant  difForme  avec  àts  par- 
ties d'une  grolTeur  extraordinaire  \  que 
Vénus  ayant  honte  d'avoir  mis  un  tel  en- 
fant au  monde  j  le  laiffa  à  Lampfaque» 
Cet  enfant  fut  aimé  des  Dnmes  de  Lamp- 
faque. Les  maris  à  qui  cela  déplut,  le  chaf- 
sèrent  de  la  Ville  ;  mais  ils  eurent  bientôt 
lieu  de  s'en  repentir,  &  en  firent  un  Dieu. 
Quelques-uns  ont  dit  que  Priape  n'étoic 
pas  un  homme ,  mais  la  figure  àes  parties 
qui  fervent  à  la  génération  ,  qu'Ifis  fit  faire 
éc  fit  adorer  ;  lorfqu  ayant  retrouvé  le  refte 
du  corps  d'Ofiris  déchiré  en  pièces  par  fe& 
ennemis ,  il  n'y  eut  que  celles-  ci  qu'elle  ne 
put  retrouver  ,  &  dont  elle  voulut  qu'on 
révérât  l'image.  On  dit  que  Séfoftris  ,  Roi 
d'Egypte  y  ayant  fubjugué  une  grande  par- 
lie  du  monde  ,  laifla  dans  routes  les  pro* 
vinces  de  ces  figures ,  pour  marque  de  la 
lâcheté  de  leurs  habitans  «5c  de  fes  vic1:oi- 
res.  Le  Culte  de  Priape  ne  s'eft  introduit 
qu'aflez  tard  chez  les  Grecs  ,  quoiqu'il  fût 
honoré  chez  les  Egyptiens  &  dans  la  Pa- 
leftine>fous  le  nom  àe  Bee/phegor.  Hé- 
fîode  ne  connoilToit  point  ce  Dieu  j  mais 


les  Poètes  Grecs  qui  ont  écrit  depuis  , 
comme  Orphée  &  Théocrire ,  en  ont  fait 
•mention.  On  lui  facrifioir  un  Ane  }  &  la: 
raifon  que  l'on  en  donnoit  ,  c'efl  qu'an 
jour  étant  à  la  Fête  de  la  Grande  DéelTe- 
avec  les  autres  Dieux  ,  après  avoir  bien? 
bu  &  bien  mangé  ,  commje  il  vouloir  for- 
cer la  Nymphe  Lotis  ;.  ou  ,  félon  d'autres  ,- 
la  Déeffe  Vefta  qui  dormoic  ,  elle  fut 
éveillée  par  l'Ane  de  Sylène  ,  qui  fe  mit  à 
braire.  Quelques-uns  confondent  Priape- 
avec  Adonis.  Selon  eux ,  Adonis  ou  Oii- 
ris  ayant  confacré  un  Phallus  d'or  ,  en 
mémoire  de  la  bleflure  qu'il  avort  reçue 
dans  l'aine ,  il  arriva  que  l'on  oublia  la  rai- 
fon du  Phallus ,  &  que  les  Prêtres  de  ce- 
Dieu  introduifîrent  mille  impuretés  à  cette 
occafion.  Hérodote  remarque  que  Mélampe 
de  Phénicie  envoya  un  Phallus  à  Bacchus  j. 
&  qu'il  lui  apprit  quels  facriiices  on  de  voit 
lui  offrir  ;  mais  pîufieurs  ont  fait  de  Phal- 
lus y  un  Dieu  particulier  &  diftlngué  de 
Priape ,  quoiqu'ils  foient  auflî  infâmes 
l'an  que  l'antre.  On  appelloit  Priape  Hy- 
phallus  ,  c'eft-â-dire  ,  le  Phallus  à'Ado- 
Txis ,  que  Ton  nommoit  Myczus.  Adonis; 
étoit  le  Dieu  des  Jardins ,  auffi  bien  que 
Priape;  de  forte  que  l'on  a  fujerde  croire 
que  c'étdir  la  même  Divinité.  La  figure  de: 
Fria^e  qjae  Ton  mettoit  dans  les  Jardins  3, 


=  PR:=  6-41 

étoit  un  homme  nud  ,  avec  une  barbe  8c 
une  chevelure  négligée  ,  tenant  d'une  main 
une  faucille  ,  &  de  l'autre  le  membre  vi- 
ril ;  ce  qui  faifoit  peur  aux  voleurs  ôc  aux 
oifeaux ,  comme  le  difent  les  Poètes.  Ce 
qui  paroît  de  plus  conftan'c  ,  c'eir  que 
Priape  eft  un  Dieu  imaginé  ,  dont  il  n'y 
a  aucun  fondement  dans  rHiiroire  ,  que 
l'on  a  fait  préllder  aux  adions  hs  plus 
deshonnétes. 

Prière. 

Lorfque  le  Jufie  prie ,  &  qu'il  s'adrefle  aux  Cieux , 
Dieu  fur  Ton  Oraison  yzito.  toujours  les  yeux  , 
Et  pour  ce  qu'il  demande,  il  a  loieille  ouverte  : 
Mais  pour  les  Criminels ,  il  n'a  que  des  regards 
Pleins  d'indignation  ,  qui  témoignent  leur  perce  , 
E:  vont  lancer  fur  eux  le  feu  de  toutes  parts. 

UOraifon  eft  une  communication ,  un 
entretien,  &c  une  confidence  de  l'âme  avec 
Dieu  5  elle  lui  parle,  &  lui  découvre  avec 
franchife  les  fentimens  &  les  affections  de 
fon  cœur  :  elle  nous  rend  femblables  aux 
Anges,  dit  Saint  Jean  Chryfoft-ome -,  car 
quoique  la  foiblelTe  de  notre  nature  nous 
mette  beaucoup  au-delTous  d'eux,  néan- 
moins par  la  Prière  nous  fommes  admi$ 
en  la  converfation  de  Dieu,  aufli-bien  qu^ 
les  Anges. 


g^2  =  P  R  = 

Confervez  donc  votre  âme  pure  ,  8c 
votre  cœur  fans  tache ,  pour  obtenir  de 
Dieu  ce  que  vous  lui  demanderez  dans  vos 
Prières, 

Ociili  Domini  fuper  jujlos^  &  dures  ejus 
in  pRECES  eorum,  Pfal.  355V.  16, 

Prières. 

Héfiode  dit  que  les  Prières  étoient  filles 
de  Jupiter  :  elles  étoient  boiteufes ,  die 
Homère,  ridées,  ayant  toujours  les  yeux 
baiiTés ,  Tair  rampant  &  humilié  ,  mar- 
chant continuellement  après  l'Injure,  pour 
guérir  les  maux  qu'elle  fait. 

Printemps. 

De  toutes  les  Saifons ,  je  fuis  la  plus  charmante  5 
Dès  que  je  reprends  mes  attraits , 
La  Nature  devient  brillante, 
Et  plus  aimable  que  jamais. 

Le  Printemps  eft  la  Saifon  la  plus  belle 
de  toute  Tannée  :  elle  eft  repréfencée  fous 
la  figure  d'une  jeune  &  belle  femme ,  ayant 
fur  la  tète  une  Guirlande  de  Fleurs  en /or- 
me de  Couronne ,  tenant  dans  fes  deux 
mains  des  Bouquets  de  diverfes  Fleurs  \ 
pour  nous  montrer  que  toutes  les  Plantes 
fe  renouvellent  dans  cette  agréable  Saifon, 


=  P  R  =  (?45 

Prix. 

Aujourd'hui  la  Vertu  n'eft  qu'un  nom  chimériqce  > 

On  la  regarde  avec  mépris. 

Heureux  pourtant  qui  la  pratique  s 
Celui-là  peut  compter  qu'il  remporte  un  grand  Pb.ix> 

La  figure  allégorique  qui  repréfente  ce 
fujèt  5  eil:  vêtue  d'une  robe  blanche  ,  fur 
iaqnelle  eft  une  tunique  d'or ,  pour  indi- 
quer que  les  récompenfes  font  ducs  au  pur 
mérite.  La  Couronne  de  Laurier  &  le  Ra- 
meau d'Olivier  ,  qu'on  lui  donne  pour 
Emblèmes  5  font  allufifs  aux  deux  fortes 
de  Récompenfes  ^  l'une  aux  Guerriers,  de 
l'autre  aux  Perfonnes  illuftres ,  qui  font 
fleurir  les  Arts  de  les  Sciences  pendant  la 
Paix. 

ÉNIGME    CXIX. 

D'une  rrès-ancienne  &  très-noble  Naiifance  y 
Produit  par  la  Juftice  &  la  Magnificence, 
Je  fuis  de  la  Difcorde  aflez  fouvent  l'Auteur  5 
Je  donne  aux  plus  poltrons  l'audace  &  la  valeur» 
Protedeurs  des  beaux  Arts ,  &  de  toute  Science , 
Des  plus  barbares  lieux  je  bannis  l'Ignorance  5 
Toujours  pour  m'obtenir  on  fait  ce  que  l'on  peur. 
Je  paiois  aux  hum^ains  fous  la  forme  qu'on  veut  i 
Mais  telle  qu'elle  fcit ,  elle  eft  toujours  honnête  ^ 
Ici  c'eft  une  fleur,  &:  là  c'eft  une  bête. 


^44  =  P  R  == 

Je  fuis  un  pe:it  mot,  je  fuis  le  Paradis  ', 

Je  iiiis  une  faveur  chez  les  Amans  chéris. 

Là ,  je  fuis  quelque  belle  ,  Se  jadis  ;  ccois  Pleine  , 

Quand  Œdipe  éclaircit  cette  Enigme  Thébaine  : 

Bien  fouvent  je  ne  fuis  que  des  bacons ,  des  croix  , 

Des  livres ,  des  rameaux  ,  cncor  moins  quelquefois, 

PrO  AO, 

Diviniré  des  anciens  Germains ,  qu'ils 
repréfentoient  tenant  d'une  main  une  Pi- 
que environnée  dune  efpèce  de  bande- 
rolle  5  Se  de  l'autre  un  Écu  d'Armes.  Ce 
Dieu  préhdoit  à  la  Juftice  ,  &  au  Mar- 
ché public,  afin  que  tout  s'y  vendit  avec 
JËquité. 

ÉNIGME     CXX, 

Six  membres  font  mon  nom ,  je  fuis  de  tout  pays-. 

L'injuftice  fouvent  préfide  à  ma  nailTance, 

Si  par  un  fort  heureux,  quelques-uns  j'enrichis, 

J'en  réduis  un  g'-and  nombre  à  l'extrême  indigence. 

Redoute-moi ,  Ledeur  ,  autant  que  le  décès. 

J'altère  la  fanté ,  le  repos  &  la  bourfe  : 

Et  fi  tu  ne  m'éteinds  dans  mon  premier  accès. 

Rarement  pourras-ta  m'arrêter  dans  ma  courfe. 


^^ 


Prodigalité. 

Par  une  aveugle  frénéfîe, 
M'oubîiant  moi-ircire ,  ainfi  que  les  miens, 
Je  Qie  fais  un  plaifir  de  dilTlper  mes  biens. 
Intempérans  Moictls  1  chacim  a  fa  manie  : 

L'Avare  idoiâcre  les  fîens. 

'  La  Prodigalité  eft  veruë  de  riches  ha- 
bits, a  un  bandeau  fur  les  yeux,  &  fecouë 
une  corne  d'abondance  ,  d'où  tombent  de 
l'argent  &  des  bijoux  ,  que  des  Harpi&s 
prennent  avidemment. 

Progné, 

Fille  de  Pandion,  Roi  d'Athènes,  épou- 
fa  Térée ,  Roi  de  Thrace  ,  dont  elle  eut 
un  fils  nommé  itys.  Térée  étant  un  jour 
allé  à  Athènes ,  elle  le  pria  de  lui  amener 
fa  fœur  Philomèle  ;  ce  qu'il  fit,  mais  il  la 
viola  dans  le  voyage  j  &  lui  ayant  coupé 
la  langue,  il  l'enferma  dans  une  obfcurç 
prifon ,  feignant  qu'elle  étoit  morte  d'un 
accident  extraordinaire.  Philomèle  trouva 
le  moyen  de  faire  fçavoir  fon  défaftre  à 
fa  fœur  ,  &  fit  manger  Itys  à  fon  père 
Térée,  lequel  voulant  s'en  venger,  la  Fa- 
ble dit  que  les  Dieux  métamorphosèrent 
Promue  en  Hirondelle ,  &  Philomèle  en 


^^S  =PR  = 

Roffignol  :  pour  Itys  ,  il  fut  changé  en 
Faifan ,  de  Térée  en  Hupe. 

PROMETHEE, 

Fils  de  Japèiy  frère  d'Atlas  Se  d'Épîmé- 
thée.  Les  Poètes  ont  feint  qu'ayant  formé 
les  premiers  hommes  de  terre  &  d'eau,  il 
déroba  le  feu  du  Ciel,  dont  il  Iqs  anima. 
Minerve  l'aida  dans  ce  travail ,  &  l'on  dit 
que  ce  fut  elle  qui  l'enleva  dans  le  Ciel, 
où  il  alluma  un  morceau  de  bois  à  la  roue 
de  feu  du  Soleil ,  de  qu'il  anima  l'homme 
de  ce  feu.  Il  forma  auffi ,  félon  les  Poètes, 
une  femme  appellée  Pandore,  à  qui  Ju- 
piter, pour  fe  venger  de  Prométhée  ^  don- 
na une  boîte  dans  laquelle  il  avoit  enfer- 
mé les  calamités  &  les  maladies  du  genre 
humain.  Pandore  l'apporta  a  Prométhée , 
^ui  méprifa  le  préfent  de  Jupiter.  Elle  le 
donna  à  fon  frère  Épiméthée,  qui  n'eut 
pas  plutôt  ouvert  la  boîte ,  que  toutes  for- 
tes de  maux  fe  répandirent  fur  le  genre 
humain.  Épiméthée  voulut  la  refermer, 
mais  il  ne  refta  plus  au  fond  que  l'Efpé- 
rance.  Jupiter ,  pour  fe  venger  de  Promé- 
thée  ^  commanda  à  Vulcain  de  l'attacher 
fur  le  Mont  Caucafe  avec  des  chaînes  de 
fer  :  dans  cette  fituation ,  une  Aigle  ou  un 
Vautour  lui  déchiroit  tous  Iqs  jours  une 


partie  du  foie.  Duris  de  Samos  rapporte 
que  Promethee  ne  fut  pas  puni  de  ce  Sup- 
plice ,  pour  avoir  enlevé  le  feu  du  Ciel, 
mais  pour  être  devenu  amoureux  de  Pal- 
las.  On  tient  que  Prométhée  fut  délivré 
par  Hercule.  Ceux  qui  cherchent  ^qs  Vé- 
rités hiftoriques  dans  l'obfcurité  des  Fa- 
bles ,   difent   que  Prométhée   obferva   le 
cours  des  Aftres  en  Scythie ,  &  s'appliqua 
avec  tant  d'ardeur  à  cette  connoilTance , 
que  ce  foin  le  tint  nuit  &  jour  attaché 
fur  cette  montagne.  Entr'autres  chofes,  il 
trouva,  difent-ils,  l'Art  de  faire  le  Feu, 
foit  par  le  choc  des  cailloux ,  foit  en  ra- 
malTant  les  rayons  du  Soleil  dans  un  mi- 
roir. Par  ce  moyen  ,  il  pouvoir  en  roue 
temps  ranimer,  pour  ainfl  dire,  les  hom- 
mes de  fon  voiiînage ,  tranfis  du  froid  de 
leurs  climats. 

Prophétie. 

C'eft  le  nom  des  Prédirions  faites  par 
Hnfpiration  du  Saint-Efprit  ;  ainfî,  dans 
ce  fujèt,  on  le  repréfente  fous  la  forme 
d'une  Colombe  au-delTus  de  la  tête  de  la 
figure  qu'il  ^éclaire  de  ks  rayons.  Cette 
figure  eft^  vêtue  de  blanc ,  &  une  chaîne 
de  fer  lui  fert  de  ceinture  j  pour  marquer 
qu'elle  eft  comme  contrainte  à  publier  la 
Vérité  ^  les  menaces  les  plus  dures  font 


ê^^  =  P  R  -T==r 

désignées    par    l'Épée    &    la   Trompette 
qu'elle  tient. 

PROSERPÎNE, 

Fille  de  Jupiter  &  de  Cérès ,  fe  prome- 
nant un  jour  dans  les  agréables  Prairies 
d'Enna  en  Sicile^  qu'arrofoient  ^qs  Fon- 
taines d'eau  vive,  cueillant  des  fleurs  avec 
les  Nymphes  &  les  Sy rênes  qui  l'accompa- 
gnoient  5  Pluton  ia  vit,  en  devint  amou- 
^  reux ,  d<  l'enleva  malgré  les  remontrances 
de  Palîas. 

Cette  DéefTe  ,  émue  à^s  cris  &  àes 
plaintes  de  Proferpine  ^  qui  imploroit  fon  ' 
aiïiftance ,  vient  au  fecours  ,  &  tient  ce 
difcours  à  fon  oncle  :  «  Dompteur  d'un 
»»  Peuple  lâche  &  fans  force  !  6  le  plus 
5>  méchant  des  trois  frères  !  quelles  Furies 
3>  vous  agitent,  &  comment  ofez-vous , 
s»  quittant  le  Siège  de  votre  Empire ,  ve- 
93  nir  avec  vos  quadriges  infernales  profa- 
»  ner  jufqu'au  Ciel  même  ?  » 

Pluton  tenant  entre  fes  bras  Proferpine 
toute  échevelée,  répond  à  Pallas  j  Les  che- 
vaux galopent  :  Cupidon  ,  qui  vole  au- 
deOTus  d'eux,  tient  une  flamme  pour  l'hy- 
menée  *,  &  Mercure ,  qui  eft  au  fervice 
des  vivans  de  des  morts ,  grand  Négocia- 
teur du  Ciel  &  de  l'Enfer ,  précède  le 
char  5  pour  préparer  les  voies.  Arrivé  près 

de 


=  P  R  =  (5'4p 

de  Syracufe  ,  Pluron  rencontre  un  Lac , 
frappe  la  terre  d'un  coup  de  fon  trident, 
&  s'ouvre  un  chemin  qui  le  conduit  dans 
fon  Royaume  fombre. 

Cérès,  accablée  de  la  plus  vive  douleur, 
chercha  fa  tille  par  mèr  ôc  par  terre  ]  après 
l'avoir  cherchée  pendant  tout  le  jour,  elle 
alluma  deux  flambeaux  aux  flammes  du 
Mont  Erna,  &  continua  de  la  chercher. 
Elle  découvrit  enfin,  par  le  moyen  de  la 
Nymphe  Aréthufe,  que  Pluton  l'avoit  en- 
levée :  elle  monte  aufli-rôt  vers  le  Palais 
de  Jupiter ,  lui  expofe  ks  plaintes  avec 
la  douleur  la  plus  amère  ,  de  demande 
juftice  de  cet  enlèvement. 

Le  Père  des  Dieux  tâche  de  Tappaifer, 
en  lui  repréfentant  qu'elle  ne  doit  pas 
rougir  d'avoir  Pluton  pour  gendre ,  le 
frère  de  Jupiter  ;  que  cependant  Ci  elle 
veut  que  Proferpine  lui  foit  rendue,  il  y 
confent;  mais  à  condition  qu'elle  n'aura 
rien  mangé  depuis  qu'elle  ell  entrée  dans 
les  Enfers  :  c'eft  ainli  que  l'ont  ordonné 
les  Parques. 

Par  malheur,  Proferpine  fe  promenant 
dans  les  Jardins  du  Palais  infernal ,  avoit 
cueilli  une  Grenade,  dont  elle  avoit  man- 
gé fept  grains  :  Afcalaphe,  le  feul  qui  l'eût 
vu,  l'avoit  rapporté  à  Pluton.  Tout  ce  que 
put  faire  Jupiter,  fut  d'ordonner  que  Pro- 
Toiîiii  IIL  E  e 


6^0  =  P  R  = 

ferpine  demeureroit  chaque  année  fix  mois 
avec  fûii  mari,  &  (Ix  mois  avec  fa  mère. 

Voilà  donc  Proferpine  femme  de  Plu- 
ton  3  &  en  cette  qualité  Reine  des  En- 
fers, 6c  Souveraine  des  Morts.  Perfonne 
ne  pouvoir  entrer  dans  fon  Empire  fans 
fa  permiilion  j  &  la  mort  n'arrivoit  à  qui 
que  ce  foit,  que  lorfqiàe  la  Déefl'e  infer- 
nale avoit  coupé  un  certain  cheveu  fatal , 
dont  dcpendoic  la  vie  des  hommes.  C'eft 
ainfi  que  Didon,  dans  Virgile,  après  s'être 
percé  le  fein ,  ne  pouvoir  mourir  ;  parce- 
que  Proferpine  ne  lui  avoit- pas  encore 
coupé  le  cheveu  fatal. 

Prospérité  de  la  Vie. 

La  fanté  ,  les  richeiTes  &  l'abondance 
corn pofc lit  la  Prospérité  de  la  vie  :  ainlî 
on  caradérife  ce  fujèt  par  une  femme  gra- 
çieufe,  qui  regarde  d'un  air  fatisfait  une 
Corne  d'Abondance  ,.  remplie  de  pièces 
d'or  bc  d'argent.  Elle  eft  vètuë  richement, 
&  couronnée  de  Raiiins  &  d'Epis  de  bled. 
Voiià  fes  Attributs,  quant  aux  RichelTes 
&  à  l'Abondance.  Celui  de  la  Santé  eft 
une  Branche  de  Chêne,  garnie  de  feuilles 
&  de  fruits  ;  cet  Arbre  étant  de  longue 
durée ,  robufte ,  &  incorruptible.  Horace 
dit  que,  fans  la  Santé,  les  autres  biens  Ai 
k  vie  font  inutiles  a  l'homme. 


1 
G 
C 

a 
\i 
fû 

fa 
k. 
d'ao 

qu'i 
loti 
roà 
nir. 

Ce: 

Met 

\ti  il 

frefqc 


!• 


Vakat  pcjfjfor  cportet 
Si  cowportads  rehus  bené  cogiiat  ejU, 

PROTÉE. 

Dieu  marin ,  fils  de  Neptune  6^  cîe 
Phœnice  5  habiroic  dans  le  Phare  d'Ale- 
xandrie. Étant  forti  d'Egypte ,  il  époula 
Toronée  à  Phlégra,  Ville  de  ThefTaiie  en 
Grèce,  dont  il  eut  Tmolus  &  Télégonus. 
Ces  enfans  étant  devenus  grands,  tuoient 
cruellement  les  Etrangers.  Protée  ne  pou- 
vant fouifrir  cette  Barbarie ,  demanda  à 
fon  père  Neptune  de  retourner  en  Egypte. 
Neptune  exauçant  fa  prière ,  le  mena  en 
Égypre  par  un  conduit  qu'il  fit  fous  la 
Mer,  &:  qui  répondoit  à  un  antre  de  Pal- 
lène.  D'autres  difent  que  Protée  écoit  fils 
de  l'Océan  &  de  Thétis,  &  lui  donnent 
d'autres  enfans.  Les  Poètes  difent  que 
Protée  prenoit  toutes  fortes  de  formes  ; 
qu'il  fe  changeoit  tantôt  en  animal,  tan- 
tôt en  arbre,  tantôt  en  feu,  en  eau  &  en 
rocher.  11  avoit  le  don  de  prédire  l'ave- 
nir ,  &  ne  s'expliquoit  ordinairen:enr  que 
lorfqu'il  y  étoit  contraint  par  la  force. 
;sCe  qui  a  donné  lieu  à  la  Fable  de  ces 
isMéumorphofes  j  c'eft,  dit-on,  que  Pro- 
:vtée  étoit  un  Roi  Égyptien,  qui  avoir  fon 
dliEtat  le  long  de  la  Mer,  &  qui  changeoit 
prefque  tous  les  jours  d'habits,  fur  lefquels 

E  e  i j 


6^2  ..^PR==: 

il  fairoit  repréfenter  différentes,  figures^ 
Hérodote  rapporte  que  Paris,  après  avoir 
enlevé  Hélène ,  fut  jette  par  la  tempête  à 
une  des  embouchures  du  Nil  j  qu'il  fuc 
pris  par  Thémis,  Gouverneur  de  ce  pays, 
qui  l'envoya  au  Roi  Protée  ;  &c  que  ce 
Prince  ayant  appris  que  Paris  avoir  violé 
rhofpitalité  en  enlevant  Hélène,  déteftant 
fa  perfidie  ,  lui  avoir  ordonné  de  fortir 
dans  trois  jours  de  fcs  États ,  ôc  avoit  re 
tenu  Hélène  j  que  Ménélas  ayant  fçu , 
après  la  prife  de  Troye  ,  que  fa  temme 
étoit  en  Egypte ,  y  avoit  été  conduit  par 
un  Pilote  nommé  Canope,  c]ui  donna  fon 
nom  à  une  des  embouchures  du  Nil  ;  ôc 
qu'il  y  avoit  trouvé  Hélène ,  que  Protée 
lui  avoit  rendue ,  avec  tout  ce  que  Paris 
lui  avoit  enlevé. 


Proverbe. 

C'eft,  félon  l'idée  commune,  une  Sen- 
tence populaire ,  ou  une  façon  de  parler 
triviale ,  mais  fententieufe ,  qui  eft  dans 
la  bouche  de  toutes  fortes  de  perfonnes  : 
comme  ,  //  Jieji  pire  que  l'eau  qui  dore 
Qui  a  peur  des  feuilles  ne  doit  point  allei 
au  Bois.  Tant  va  la  Cruche  à  l'eau  ^  qu'enr 
fin  elle  fe  cajfe.  A  bon  Chat,  bon  Rat. 

Le  Proverbe  a  prefque  toujours  quel 


!' 

mon 

Fiîiil 
m} 
h 
iïïP 
)ropi 
une 
forte 

pie,- 


que  chofe  de  figuré ,  &  s'exprime  d'ordi- 
naire en  termes  métaphoriques.  Je  dis 
prefque  toujours  Se  d'ordinaire  ;  parce- 
qu'il  y  a  beaucoup  de  Proverbes  où  la  Mé- 
taphore n'enrre  point  ;  comme,  A  grands 
Seigneurs  peu  de  paroles.  Les  honneurs 
changent  les  mœurs.  La  voix  du  peuple 
îfi  la  voix  de  Dieu.  Alais  contre  un  Pro- 
verbe qui  demeure  dans  le  propre,  il  y  en 
a  cent  de  mécaphoriques  &  de  figurés. 

Si  la  Mcraphore  eft  bafle,  &  tirée  d'une 
chofe  vile  ou  peu  honnête  ,  c'eft  un  Pro- 
verbe des  Halles  j  com.me ,  S'il  me  donne 
des  Pois ,  je  lui  donnerai  des  Fèves. 

Alais  fi  la  Métaphore  eft  noble ,  fi  elle 
eft  jolie,  le  Proverbe  n'a  rien  de  bas  j  té- 
moin ceux-ci  :  La  belle  Plume  fait  le  bel 
O  if  eau.  Avec  le  Temps  &  la  Patience ,  la 
Feuille  de  Mûrier  devient  du  Satin.  C'eft 
un  Proverbe   I  urc. 

Les  Efpagnols  &  les  Italiens  excellent 
=n  Proverbes  dans  le  figuré  &  dans  le 
\  propre.  Nos  Proverbes  (oni  la  plupart  ro- 
iruriers  &  payfans  ,  fi  j'ofe  parler  de  la 
forte  :  les  leurs  font  prefque  tons  no- 
bles, Se  d'un  caraclèie  fingulier.  Exem- 
ple :  Dans  Us  confeils  les  murailles  ont 
des  oreilles.  La  Châffe  ,  la  Guerre ,  la  Ga- 
anterie  ;  pour  un  plaijïr  ^  rhille  peines. 

Le  Soleil  matineux  ne  dure  pas  le  jour 

È  e  iij 


;i' 


6S^  =-,  P  Pv  .=:=^ 

CTitier,  La  vieille  Bannière  eft  rhonneur 
du  Capitaine.  Ne.  vous  ckagrin^^^  ni  du 
Temps  ni  du  Gouvernement,  Les  Armes  des 
Poltrons  ne  percent  point, 

Peut-crre  que  le  Langage  érranger  rend 
ces  Proverbes  encore  pins  beaux  qu'ils  ne 
ne  le  font^  &  que  nous  les  eltimerions 
moins ,  Ç\  uons  les  avions  originairement 
en  nocre  Langue  :  il  faut  avouer  néan- 
moins qu'ils  ont ,  dans  le  (tns  ôc  dans 
l'exprenion ,  un  ceituin  agrément  j  &  je 
ne  fçais  quelle  RntfTQ ,  qui  ne  fe  trouve 
point  dans  \qs  nôtres. 

Providence. 

De  même  que  David  porte  les  yeux  vers  Dieu  > 
Adore  fa  grandeur  en  tout  temps,  en  tout  lieu^ 
Et  regarde  toujours  Ca.  divine  puifTance  i 
Ils  ne  nous  font  donnes  que  pour  être  témoins 
Des  grands  biens  que  nous  fait  fa  fainte  Provi* 

DENCE , 

.  Pour  admirer  aufli  les  œuvres  de  Tes  mains. 

La  Providence  eft  la  Sageffe  &  la  Puif- 
fance  Divine  qui  gouverne  tout. 

On  la  perfonniiie  par  une  matrone  vê- 
tue majeftueufement ,  &  portée  fur  un 
nuage,  tenant  un  grand  Vafe ,  dont  elle 
répand  la  Rofée  fur  un  Globe  terreftre, 
Elle  a  un  (Eil  ouvert  &  rayonnant  fur  fa 


poîtrirxC ,  pour  marquer  que  rien  ne  lui 
efi:  caché. 

Les  Anciens  en  faifoient  une  Divinité, 
comme  nous  l'apprend  Cicéron ,  dans  fon 
Livre  de  la  Nature  des  Dieux,  Ils  nous 
l'ont  repréfentée  fous  la  figure  d'une  Da- 
me Romaine ,  qui  tient  un  Sceptre  d'une 
main ,  &  femble  montrer  de  l'autre  un 
Globe  qui  eft  à  fes  pieds  ^  pour  dire, 
qu'elle  gouverne  tour  le  monde ,  comme 
une  bonne  mère  de  famille.  L'Empereur 
Tite  la  fit  graver  avec  un  Timon  &  un 
Globe  dans  (qs  mains.  Maximien  la  fît  re- 
préfenrer  par  deux  Dames,  qui  tiennent 
des  Epis  de  bled  dans  leurs  mains,  avec 
cette  Légende  : 

Providenùa  Deorum ,  Qjàes  Augujlorum, 

Alexandre  Sévère  nous  l'a  repréfentée  fous 
la  figure  d'une  DéeiFe ,  tenant  une  Corne 
d'Abondance,  &:  avnnt  a  {^s  pieds  une 
Amphore  pleine  d'Epis  de  bled.  Le  Sym- 
bole de  la  Providence  eft  une  Fourmi ,  qui 
tient  trois  Épis  de  bled  à  fon  bèc. 

Prudence. 

Je  compte  pour  rien  la  Science, 
L'efprit  même  le  plus  brillauc  5 
Lorfque  rcfprit:  cit  tans  Prudinxe  , 
Et  le  f^avoir  fans  jugemen:. 

Ee  iv 


6^6  .=  PS  = 

Les  attributs  ordinaires  de  la  Prudence 
font  le  Miroir  &  le  Serpent.  Les  Anciens 
y  ajoutoient  deux  faces,  l'une  jeune,  & 
l'autre  vieille ,  comme  à  Janus  j  voulant 
fignifier  que  cette  Vertu  s'acquiert  par  la 
confîdération  du  PalTé  ,  &  la  prévoyance 
pour  l'Avenir. 

Jefus-Chrift  dit  dans  l'Évangile  :  Pru* 
dcntiores  funt  filii  hujus  faculi ,  Jiliis  lu» 
cis, 

P  s  A  P  H  O  N, 

Natif  d'une  contrée  d'Afrique,  voifîne 
de  la  Lybie  propre ,  fut  entêté  d'une  folle 
vanité  ,  &  réfolut  de  fe  faire  rendre  les 
Honneurs  Divins.  Il  prit ,  pour  y  parve- 
nir, quantité  d'Oifeaux,  de  ceux  dont  la 
langue  a  de  la  facilité  à  prononcer  les  paro- 
les des  hommes  j  { à  quoi  il  n'eut  pas  beau- 
coup de  peine ,  car  il  s'en  trouve  en  abon- 
dance dans  l'Afrique  )  ;&  leur  fit  appren- 
dre avec  grand  foin  ces  trois  mots,  /wejceç 
iilç  -^oL^af  ^  qui  fignifient  Pfap/ion  efi  un 
Grand  Dieu,  Lorsqu'il  les  eut  inftruirs  de 
la  forte,  il  les  laiiTa  tous  envoler  à  l'heure 
qu'il  avoir  accoutumé  à  leur  donner  a 
manger.  Ces  Oifeaux  étoient  faits  à  repé- 
rer ces  trois  paroles,  pour  avoir  de  quoi 
appaifer  leur  faim  ;  de  forte  que  n'ayant 
pas  mangé  ce  jour-là ,  ils  alloient  criant 


de  coié  de  d'autre  de  route  leur  force  ce  qui 
leur  avoit  écé  enleigné.  Le  Peuple ,  faifi 
de  crainte  k  ce  prodigieux  apparent,  ayant 
fçu  la  (ignihcarion  de  ce  qu'il  entendoit, 
conçut  une  vénération  religieufe  pour 
Pfaphon  ;  d'où  eft  venu  le  Proverbe ,  les 
Oifeaux  de  Pfaphon» 

.  Psyché, 

Divinité  des  Anciens ,  étolt  propre- 
ment l'âme  5  que  les  Grecs  nomment 
4y7,>».  Apulée  &  Fulgence  ont  décrit  les 
Amours  de  Cupidon  &  de  cette  Déefî'e , 
&  le  mariage  qu'ils  contradèrent  enfem- 
ble.  On  repréfentoit  Pfyché  avec  qqs  ailes 
de  Papillon  aux  épaules,  parceque  la  légè- 
reté de  ce  volatile  exprime  en  quelque  fa- 
çon la  nature  &  les  propriétés  de  l  âme , 
qui  n'étoit,  félon  eux,  qu'un  air  &c  qu'un - 
foufïle.  Le  Papillon  eft  aulfi  le  Symbole 
de  l'âme  ,  <Sc  lorfqa'on  peignoit  un  hom- 
me mort,  on  reprélentoit  un  Po^pillon  qui 
paroinfoit  être  forti  de  fa  bouche ,  &  s'en- 
voloit  en  l'air.  Oi\  voit  dans  pluiîeurs 
Monumens  antiques  ,  un  Cupidon  em- 
brafTant  Pfyché  ;  celui-là  .prefque  nud  ,  &c 
celle-ci  à  demi- vêtue  :  par  où  il  fembîe 
que  les  Anciens  exhortoient  les  hommes 
à  k  Volupté,  félon  la  penfée  de  Fulsi^encei 


6^S  =z=PU=. 

qui  explique  ces  embraiTemeiis  du  deCvc 
qu'a  la  cupidité  de  poiréder  l'âme.  D'au- 
tres croyent  qu'ils  ont  voulu  faire  allufion 
à  la  faculté  raifonnable  ôc  à  l'irraifonna- 
ble ,  qu'ils  fuppofoient  dans  l'âme  y  ou  â 
l'Efprit  marqué  par  Pfychéy  &  a  la  Con- 
cupifcence  figurée  par  Cupidon» 

ÉNIGME     CXXL 

Je  fuis  une  jeune  Brunette  ; 

Dans  la  danfe ,  où  je  fuis  adroite , 
Je  fais  mouvoir  de  merveilleux  refforts  % 
Je  furpafTe  un  Sauteur  en  feuplefTe  de  corps. 

Veux- je  faire  la  guerre  ? 
Je  me  fers  plus  fouvcnt  de  l'ombre  de  la  nuit. 

Je  vais  ,  je  viens ,  }c  cours  à  terre , 
Sans  jamais  en  ma  courfe  exciter  aucun  bruit. 

Je  crains  pourtant  qu'on  ne  m'attrape , 

Ou  d'être  prife  fur  le  fait  ; 

Je  fuis  morte ,  fi  je  n'échappe  5 

On  punit  le  mal  que  j'ai  fait. 

J'ai  les, plus  charmantes  retraites. 

De  Vénus  aimables  cachettes. 

j'ai  des  rapports  avec  TAmour  $ 

S'il  inquiète ,  je  tourmente  5 

Je  préfère  la  nuit  au  jour. 

Quand  je  baife  Amarante , 
Sur  fon  vifage  alors  éclate  la  rougeur  j 

Quand  elle  l^roit  fans  pudeur. 


=  P  U  =  (T jp 

leûeur ,  qui  cherches  la  merveille- 
Que  je  te  cache  en  ce  fujèc , 
Sur-tout  prends  garde  à  ton  oreille  , 
Tu  ne  fcaurois  jamais  être  plus  inquiet. 

ÉNIGME    CXXIL 

Je  garde  un  grand  tréior  v  pour  qui  ?  Je  n'en  fçaiç: 
rien  ; 
Mais  enfin  qui  que  ce  puilTe  être , 
Je  ne  jouirai  de  mon  bien , 
Que  lorfqu'un  autre  en  fera  maître-- 

Pudeur. 

Femmes,  méprifons  la  Beauté, 

Qu'elle  ne  Toit  plus  notre  Idole. 
Cèft  un  bien  qui  fe  perd  ,   bien  funeflc  &  fri-* 

vole  ; 
Nos  traits  les  plus  brillans ,  c'efl:  la  PudicitV, 

La  Pudeur  eft  repréfcRtée  fous  la  figure 
d^uiie  Vierge  vêtue  de  blanc  ,  &  alîife 
dans  une  attitude  modefte.  Son  Symbole- 
eft  une  branche  de  Lis  \  on  lui  donne  aufîl 
k  Tortue  ,  qui ,  félon  Phydias ,  fignifie 
que  les  Femmes  pudiques  doivent  être^ 
retirées  dans  leurs  maifons  3  comme  cer 
An^imal  Teft  dans  fon  écaille.  Elle  fe  cou- 
vre la  tête  d'un  voile  j  parcequej  félon 
Tercullien  ;> 

£-  e  y; 


66o  =  P  U  =        • 

Jpud  Judczos  tam  foiemr..e  ejl  fccminîs 

eorum  ydamen  capitis  ,  lU  in  de  di^/îoj- 

cantur. 

Les  Romains  avoient  déifié  cette  Vertu , 

&  lui  avoient  érigé  à^^  Temples  &  des 

Autels. 

P  u  D  I  c  I  T  É  5 

Divinité  qui  étoit  adorée  par  \t^  An- 
ciens Païens ,  fous  la  figure  d'une  femme 
voilée  &:  très-modefte.  La  Fudicité  eut 
deux  Temples  a  Rome  ;  l'un  dans  la  Place 
aux  Bœufs  ,  in  for o  boario  ;  &c  l'autre  dans 
la  Rue  longue  ,  in  vico  longo.  Le  premier 
qui  étoit  fort  ancien  ,  étoit  confacré  à  la 
Fudicité  Patricienne  5  c'eft  à-dire,  à  la 
Fudicité  des  Nobles  Dames  Romaines  j 
&  le  dernier  ,  qui  avoir  été  bâti  par  Vir- 
ginie ,  étoit  dédié  à  la  Fudicité  Plébéienne 
Populaire  ,  comme  qui  diroit  parmi  nous 
a  la  Fudicité  à^^  Cmples  Bourgeoifes.  Ce 
qui  avoir  donné  lieu  à  cette  diiHndion  à^s 
deux  Fudicités ,  &  à  ces  noms  différens 
qui  furent  impofés  à  cette  DéefTe  ,  fut  une 
difpute  que  Ïqs  Dames  Patriciennes  de 
Rome  avoient  eu  avec  Virginie.  Cette 
dernière  qui  étoit  de  Famille  Patricienne, 
Ôc  fille  d'Aulus  Virginius ,  avoir  époufé 
un  homme  du  peuple  nommé  L.  Volum- 
nius  3    irès-confidérable  par  foji  mérite» 


=  PUc=  66i 

Un  four  qu'elle  étoit  entrée  dans  le  Tem- 
ple de  la  Pudicité^  qui  écoit  alojs  unique 
dans  Rome  ,  les  Dames  Parriciennes  en- 
têtées de  leur  nobleffe  &  de  celle  de  leurs 
mjiris ,  voulurent  en  faire  fortir  Virginie  ; 
&  prétendirent  qu  elle  ne  devoir  plus  en 
avoir  Tentrée  libre  ,  après  avoir  dérogé  de 
fa  condition  par  méfalliance.  Virginie  qui 
ctoit  de  Race  Patricienne  ,  auiîi-bien  que 
les  autres  ,  répondit  qu'elle  n'avoir  point 
à  fe  reprocher  fur  le  maii  qu'elle  avoir 
choifi  j  qu'il  avoit  déjà  été  deux  io;s  Con- 
ful  5  &  qu'il  s'étoit  acquis,  par  fes  adions 
ôc  par  (qs  emplois,  autant  de  gloire  que 
les  leurs  pouvoient  en  avoir  par  la  nnif- 
fance  \  mais  que  pour  n'avoir  , aucun  dé- 
mêlé avec  elles  ,  elle  s'éloigneroit  à  l'ave- 
nir de  leur  compagnie  ,  avec  autant  de  foin 
qu'elles  avoient  affedé  de  fe  féparer  de  la 
fienne.  En  effet,  au  fortir  de-là  ,  Virginie 
fit  le  projet  d'un  Temple  qu'elle  ht  bâtir 
auiîi  tôt  à  coté  de  fa  maifon  ,  &  le  con- 
facra  à  la  Pudicitè ,  fous  le  nom  de  Fié- 
héïcnne  :  après  quoi  elle  aifembla  plufieurs 
femmes  des  plus  confiHérables  du  Peuple  ; 
0ÔC  leur  ayant  repréfenré  l'affront  que  les 
P-atriciennes  lui  avoient  fait ,  elle  les  pria 
de  vouloir  fréquenter  le  Temple  qu'elle 
venoit  d'élever  ,  les  exhortant  à  fe  diftin- 
guer  autant  par  leur  vertu  d'avec  les  Pa- 


662  =  P  U  = 

triciennes ,  que  les  Patriciennes  préren- 
doient  fe  diftinguer  d'avec  elles  par  leur 
Noblefïe.  Cela  arriva  l'An  de  Rome  45  9  , 
&  2c)5  avant  Jésus-Christ. 

ÉNIGME   CXXIIL 

Je  fuis  dès  ma  naiiTance  enterré  jufqu  au  cou  ; 
J'ai  foif  rarement ,  mais  toujours  gueule  ouverte^ 
Dans  mon  ventre  affamé  ,  plus  d'un  fot  &  d'un; 

fou , 
Sans  me  raffafier ,  ont  rencontré  leur  perte. 

Suivant  un  proverbe  ufité  ,  • 
On  tire  de  mon  fein  fouvent  la  vérité. 

Je  n'offre  à  quiconque  m'aborde , 
Qu'abymes ,  chaînes ,  fers ,  potences ,.  roue  &  corde  5; 
Toujours  pourtant  chez  moi  l'Hyver  perfécuté  ,, 

Contre  l'Eflé  trouve  un  afyle  , 

Que  m'emprunte  à  Ton  tour  l'Efté,. 

Quand  l'Hyver  décharge  f?.  bik. 

Pureté. 

On  la  repréfente  dans  la  première  jeit'- 
nèfle ,  &  d'une  beauté  impofante.  Elle  eft 
vêtue  fîmplement  d'une  étoffe  blanche  ^.  % 
fur  fon  eftomac  eft  un  Soleil  rayonnant , 
qui  C\gm^Q  que  fes  moindres  acbions  ne^ 
craignent  point  d'éclater.  La  Colombe  & 
le  Lis  font  les  Symboles  les  plus,  connusv 


5c  les  plus  juftes ,  pnifqu'ils  expriment  la 

candeur  qui  fait  l'objet  principal  de  cette 

Vertu. 

Salomon  exhortant  à  la  Pureté ,  dit  : 
In    omni    temporc   candida  Jint   vejli- 

ment  a.  tua. 

Pureté  de  l'Ame. 

Xe  Lis  ,  par  fa  blancheur  ,  marque  la  Chaileté  , 
Et  fe  compare  au  Jufte,  en  qui  la  Puketb' 
Ne  fouffre  dans  Ton  coeur  qu'une  di'vine  flamme. 
Jamais  l'amour  mondain  n'y  peut  porter  (on  feu  5 
Les  fentimens  impurs  ne  touchent  point  Ton  âme  ;  1 
Et  s'il  aime ,  on  connoît  qu'il  n'aime  rien  que  Dieu. 

La  Pureté  de  Pâme  eft  repréfentée  fcrus 
la  figure  àes  Lys  qui  font  plantés  au  bord 
d'un  ruifTeau  :  ils  font  éloignés  du  palTage 
àQs  hommes  ,  pour  repréfenter  la  Pureté 
de  ceux  qui  fe  retirent  des  occafions  du 
péché  ;  poitr  ne  penfer  qu'à  Dieu  ,  pour 
s'entretenir  avec  lui,  &  pour  n'aimer  que 
lui  feul. 

Pureté  du  CaE.uit. 

,  Sucez  avec  le  lait ,  ce  noble  fentiment , 
Que  l'Amour  des  Vertus  donne  aux  âmes  bien  nées. 
Nos  cœurs  font  des  Vailfeaux  qui  gardent  conftam-^ 

ment 
Les  premières  odeurs  que  Ton  leur  a  doanc'esv 


66^  ==  P  Y  == 

P  Y  G  M  A  I  I  O  N  5 

Roi  de  Chypre  ,  ayant  fait  une  belle 
Statue  en  devint  amoureux,  jufqu'au  point 
de  prier  Vénus  de  l'animer  ,  afin  qu'il  en 
pût  faire  fa  femme,  il  obtint  i'etfèt  de 
fa  prière  ,  &  l'ayant  époufée  ,  il  en  eut 
Paphus.  On  peut  croire  que  ce  Prince 
trouva  le  moyen  de  rendre  fenfible  quel- 
que belle  perfonne  qui  avoit  la  froideur 
d'une  belle  Statue. 

PyL  A  DE, 

Fils  de  Strophius ,  Roi  de  Phocide  de 
d'Anaxibie  ,  fœur  des  Atrides ,  fut  élevé 
avec  fon  coufin  Orefte  ,  ôc  lia  avec  lui  dès 
ce  temps-là  une  amitié  qui  les  rendit  Juf- 
qu'à  la  fin  inféparables.  Après  qu'Orejfle 
eut  tué  Égyfte  5c  Clytemneftre  ,  avec  l'aide 
de  Pylade  ,  3c  qu'il  eut  délivré  fa  fœur 
Élèdre  de  l'opprobre  où  les  tyrans  l'a- 
voient  tenue  ,  il  la  donna  en  mariage  à  fou 
ami.  Ils  allèrent  enfemble  dans  la  Tauride 
pour  enlever  la  Statue  de  Diane  ;  mais 
ayant  été  furpris  tous  deux  ëc  chargés  de 
chaînes  pour  être  immolés  à  Diane  ,  la 
PrètrelTe  offrit  de  renvoyer  l'un  des  deux 
dans  la  Grèce ,  un  feul  fuffifanc  pour  fa- 


=  P  Y  .=^  66  s 

tisfaire  a  la  Loi ,  elle  vouloit  retenir  Py- 
lade  ;  ce  fat  alors  qu'on  vit  ce  généreux  ^ 
combat  d'amitié  qui  a  été  fi  célébré  des 
Anciens  ,  chacun  de  ces  deux  amis  offrant 
leur  vie  l'un  pour  l'autre,  Orefte  veut  que 
Pylade  foit  fauve  ,  «  Il  me  feroit  trop  dur 
»  de  le  voir  périr  ,  dit-il  dans  Euripide  , 
3>  c'eft  moi  qui  l'embarquai  fur  cet  Océan 
as  de  malheurs  \  fa  trop  confiance  amitié  l'a 

î>  contraint  de  fuivre  un  Pilote  aveugle 

D3  C'efl  une  lâcheté  de  procurer  fon  faluc 
•»  aux  dépens  d'un  ami  qu'on  aiTocie  à  fes 
9»  calamités  \  tel  eft  mon  ami ,  &  il  m'eft 
j5  plus  précieux  que  moi-même.  «  Pylade 
lui  répond  Qu'il  ne  fçiuroit  vivre  fans  lui  : 
5>  Non  ,  Oi-eile  ,  je  ne  puis  vous  furvivre  , 
»  expirant,  immolé  avec  mon  ami,  je  mè- 
3>  lerai  mes  cendres  aux  fiennes  ;  mon  ami- 
»  tié ,  ma  gloire  ,  tout  l'exige,  jj  A  la  fin 
Pylade  femble  fe  rendre ,  c'eft  qu'il  efpère 
quelque  heureux  dénouement  qui  tirera 
l'un  &:  l'aucre  d'embarras  ,  comme  il  ar- 
riva par  la  reconnoilTance  d'Orefte  &  d'I- 
phigenie. 

Pylade  avoit  encore  fécondé  Orefte 
dans  le  deffein  de  ruer  Pyrrhus ,  &  Pau- 
fanias  dit  fur  cela ,  qu'il  n 2  le  fit  pas  feule- 
ment par  amitié  pour  Orefte  ;  mais  en- 
core par  le  dé(ir  de  venger  fon  bifaïeul 
Phocus  5  tué  par  Pelée  ayeul  de  Pyrrhus. 


666  =  P  Y  =- 

Pylade  ent  d'Éledre  deux  fils ,  StrophînJ 

èc  Médon. 

PYROMANTIE, 

Sorte  de  Divination  ,  qui  s'gxerçoit  par 
le  moyen  du  feu  ,  ou  en  obfeivant  le  pé- 
tillemenr  de  la  flamme  ou  de  la  lumière 
d'une  lampe.  Il  y  avoit  à  Athènes  dans  le 
Temple  de  Minerve  Poliade  ,  une  lampe 
toujours  allumée ,  entretenue  par  des  Vier- 
ges, qui  obfervoient  éxadement  tous  les 
mouvemens  de  la  flamme. 

P  YRRHIQUE, 

Danfe  de  gens  armés ,  qui  étoir  en  ufage 
chez  les  Anciens ,  &  riroïc  fjn  origine  de 
Pyrrhus  5  félon  quelques-uns  ^  ou  feîoa 
d'autres  ,  de  Pyrrhicus  ,  Laccdémonien, 
Quoiqu'elle  fe  dansât  ordinairement  à 
pied  5  quelques  Auteurs ,  &  Fertus  entr'au- 
rres,  en  ont  étendu  le  nom  jufques  fur  \q^ 
Combats  de  chevaux  qui  fe  faifoienc  par 
de  jeunes  gens  ;  tel  qu'étoit  celui  dont 
Virgile  nous  a  lailfé  la  defcription ,  dans  le 
cinquième  Livre  de  TÉnéide.  C'étoit  fur- 
tout  à  Sparte  que  les  jeunes  gens  armés  de 
toutes  pièces ,  s'éxerçoient  à  cette  Danfe* 
Jules  Scaliger  témoigne  de  lui-même  > 
qu'étant  encore  jeune  ,  il  la  repréfenta 


plufîeurs  fois  en  préfence  de  l'Empereur 
Maximilien  ,  &  que  ce  Prince  ,  furpris  de 
le  voir  fe  remuer  avec  tanr  de  facilité  fnus 
des  armes  fî  pefantes  j  s'écria  qu'il  falloic 
que  cet  enfant  ri*eu:  point  d'autre  lit ,  ou 
d'autre  berceau  qua  la  cuirafle. 

Pyrrhus. 

Pyrrhus  ,  furnommé  Néoptoleme  ,  fils 
du  fameux  Achille ,  &  de  Deïdamie  ,  fut 
élevé  à  la  Cour  du  Roi  Lycomèdes  (on 
aïeul  maternel ,  jufqu'au  temps  que  les 
Grecs  ,  perfuadés  qu'on  ne  pouvoir  pren- 
dre Troye  fans  lui ,  le  firent  venir  au  Siège 
de  cette  Ville  ,  après  la  mort  d'Achille  fon 
père.  Il  s'y  diftingua  par  plufieurs  exploits  , 
qui  dégénérèrent  fouvent  en  cruautés  y  car 
ce  fut  lui  qui  mafiTacra  le  Roi  Priam  ,  6c 
qui  précipita  le  jeune  Aftianax  ,  fils  d^Hec- 
tor  ,  du  haut  d*une  tour.  Adromaque  , 
veuve  de  ce  dernier  ,  lui  échut  en  partage , 
après  la  prife  de  Troye  ^  «Se  il  en  fit  fa  fem- 
me 5  félon  quelques-uns ,  ou  fa  maîtrefiTe  , 
félon  d'autres.  Quoi  qu'il  en  foit ,  elle  don- 
na un  fils  à  Pyrrhus  ;  qui ,  félon  quelques- 
uns  ,  s'établit  à  Phtia  dans  la  Theflalie  > 
&  félon  d'autres ,  dans  l'Épire.  Pyrrhus 
.'îvoit  évité  le  naufrage ,  dans  lequel  avait 
été  enfevelie  une  partie  des  Princes  Grecs  y 


à  leur  retour  de  Phrygie  ;  &  ce  fut  par  îes 
confeils  du  Devin  Hélénus,  fils  de  Priam. 
Depuis  il  devint  amoureux  d'Hermione, 
fille  de  Ménélalis ,  laquelle  il  époufa  , 
quoiqu'il  eût  encore  une  autre  femme 
nommée  Lanajfe  ,  outre  Andromaque. 
Mais  Hermione ,  jaloufe  de  cette  derniè- 
re 5  réfolut  de  s'en  défaire  \  Se  n'y  ayant 
pu  réuflir ,  elle  communiqua  fes  chagrins 
a  Orefte  ,  qui  avoir  été  amoureux  d'elle 
avant  que  Pyrrhus  l'eût  époufée.  Orefte 
vengea  Hermione  en  fe  vengeant  lui-mê- 
me 5  Se  afiafîina  Pyrrhus  dans  le  Temple 
de  Delphes. 

Pythie. 

C'étoit  la  Prêtreflfe  d'Apollon  à  Del- 
phes :  elle  fut  ainfi  nommée  à  caufe  du 
Serpent  Python  ,  que  ce  Dieu  avoit  tué. 
On  ne  choifit  d'abord  que  de  jeunes  fiiles 
tirées  de  maifons  pauvres  ;  une  aventure 
arrivée  à  une  jeune  Pythie  qui  fut  enle- 
vés ,  donna  lieu  à  la  Loi ,  qui  ordonnoir 
de  n'élire  que  des  femmes  au-delTus  de 
cinquante  ans.  Il  n'y  eut  pendant  long- 
temps qu'une  Pythie  :  mais  on  en  vit 
quelquefois  deux  Se  jufqaà  trois.  La  Py- 
ihie  ne  rendoit  fe^  oracles  qu'une  fois 
Tannée ,  c'écoit  vers  le  commencement  du 
Prmtemps.  Elle  fe  préparoit  à  ks  fonc- 


=  P  Y  =  66p 

tîons  par  plufieurs  Cérémonies  j  elle  jeu- 
noit  trois  jours ,  &:  avant  que  de  monter 
fur  le  trépied  elle  fe  baignoit  dans  la  Fon- 
taine de  Caftalie  ^  elle  avaloic  aulîi  une 
certaine  quantité  d'eau  de  cette  Fontaine , 
parce  qu'on  croyoit  qu'Apollon  lui  avoit 
communiqué  une  partie  de  fa  Vertu.  Après 
cela  on  lui  faifoit  mâcher  des  feuilles  de 
Laurier  ,  cueillies  encore  près  de  cette 
Fontaine.  Ces  préambules  achevés  ,  Apol- 
lon avertilfoit  lui-même  de  fon  arrivée 
dans  le  Temple  ,  qui  trembloit  jufques 
dans  fes  fondemens.  Alors  les  Prêtres  con- 
duifoient  la  Pythie  dans  le  Sanduaire  & 
la  plaçoient  fur  le  trépied.  Dès  que  la  va- 
peur divine  commençoit  à  l'agiter  ,  on 
voyoit  fes  cheveux  fe  drelfer  fur  la  tête , 
fon  regard  devenir  farouche,  fa  bouche 
écumer ,  &:  un  tremblement  fubit  &  vio- 
lent s'emparer  de  tout  fon  corps.  Dans 
cet  état  elle  faifoit  des  cris  &  des  hurle- 
mens  qui  rempliiToient  les  alîiftans  d'une 
fainte  frayeur.  Enfin  ne  pouvant  plus  ré- 
fifter  au  Dieu  qui  l'agitoit ,  elle  s'aban- 
donnoit  à  lui ,  &  proféroit  par  intervalles 
quelques  paroles  mal  articulées  ,  que  \ts 
Prêtres  recueilloient  avec  foin  ;  ils  les  ar- 
rangeoient  enfuite  ,  &  leur  donnoient , 
avec  la  forme  du  vers ,  une  liaifon  qu'el- 
les n'avoient  pas  en  fortant  de  la  bouche 


6^o  ===.  P  Y  = 

de  la  Pythie.  L'oracle  prononcé  ,  on  la  re- 
tiroit  du  trépied  pour  la  conduire  dans  fa 
cellule,  où  elle  éroic  piuiieurs  jours  à  le 
remecrre  de  fes  fatigues.  Souvent ,  an  Lu- 
cain  5  une  mort  prompte  étoit  le  prix ,  ou 
la  peine  de  Ton  enthoufiafme. 

Cette  vapeur  divine  qui  agitoit  la  Py- 
thie  fur  le  trépied  ,  n'avoir  pas  toujours 
la  même  vertu  ,  elle  fe  perdit  infenfible- 
ment ,  difenc  les  Païens  *,  fur  quoi  Cicé- 
ron   raille   agréablement ,  quand  il  dit  : 
€5  Cette  vapeur  qui  étoit  dans  l'exhalaifon 
a>  de  la  terre,  &  qui  infpiroit  la  Pythie ^ 
»3  s'eil:  donc  évaporée  avec  le  temps.  Vous 
»  diriez  qu'ils  parlent  de  quelque  vin  qui 
»5  a  perdu  fa  force.  Quel  temps  peut  con- 
>î  fumer  eu  épuifer  une  vertu  toute  divi- 
«  ne  ?  Or  qu'y  a-t-il  de  plus  Divin  qu'une 
3>  exhalaifon  de  la  terre  qui  fait  un  tel  ef- 
o»  fèt  fur  rame  ,  qu'elle  lui  donne  &  la 
a»  connoiffance  de  l'avenir ,  &  le  moyen 
îî  de  s'en  explique!  en  vers  ?  « 

Pythiques. 

La  défaite  du  Serpent  Python  donna 
lieu  à  l'inftitution  des  Jeux  Pythiques  à 
Delphes  ,  où  on  les  célébra  d'abord  tous 
les  huit  ans  ;  mais  dans  la  fuite  ce  fut  tous 
les  quatre  ans ,  en  la  troiiième  année  de 


=:^PY-=  6-jx 

chaque  Olympiade  ;  enfonce  qu'ils  fervi- 
rent  d'époque  aux  habicans  de  Delphes. 
Dans  les  commencemens  ces  Jeux  ne  con- 
iill:oie!U,  qu'en  àos  Combles  de  Chant  &: 
de  Mufique  :  le  Prix  fe  donnoit,  dic  Pau- 
fanias  ,  à  celui  qui  avoir  faic  &  chanté  la 
plus  belle  hymne  en  l'honneur  du  Dieu  , 
pour  avoir  délivré  la  terre  d'un  xMonftre 
qui  la  défoloit.  Dans  la  fuite  on  y  admit 
les  autres  Exercices  du  Pancrace  ,  tels 
qu'ils  écoient  aux  Jeux  Olympique^. 

Python, 

Serpent  d'une  prodigieufe  grandeur  , 
qui  fut  produit  par  la  teire  après  le  Dé- 
luge de  Deucalion.  La  Fable  dit  que  Ju- 
non  fe  fervit  de  ce  monilrueux  Serpent 
pour  empêcher  l'accouch.ment  de  Latone, 
aimée  de  Jupiter,  &  qu'il  l'obligea  de  s'en- 
fuir dans  rifle  Aftérie  ,  qui  fût  depuis 
nommée  Délos  ,  où  elle  mit  au  monde 
Apollon  6:  Diane.  Mais  Apollon  étant 
devenu  grand  ,  tua  ce  Serpent  à  coups  de 
flèches;  en  mémoire  de  aaoi  on  inftitua 
les  Jeux  Pythiens.  Strabon  croit  qu'il  faut 
entendre  par  ce  Serpent  un  très-méchant 
homme  qu'Apollon  tua  ;  mais  les  Natura- 
liftes  difent  que  Python  eft  un  nom  grec , 
'  tiré  du  mot ,  qui  flgnifie  Pourrir  ou  Putri- 


'6i2  ==PY.= 

faciion  ;  Se  qu  il  marque  les  vapeurs  &  les 
exhalaifons  épaiffes  qui  forcirent  de  la 
terre  après  le  Déluge ,  &  que  le  Soleil 
diflipa  par  fes  rayons. 


Fi/i  du  troijihme  Volume* 


TABLE 


I 


TABLE 

DES    ÉNIGMES 

Contenues  dans  ce  volume, 

MiGME  I  ,  La  Lettre  M  ^    page  î. 

II,  La  Main  _,  12. 

III  j  La  Main  de  paier^  14. 

IV  3  Les  Manchettes ,     16, 

V  j  La  Mappe  du  monde  y 

il» 
VI 3  Le  Macquereau  ^    2z. 

VII  j  Le  Marbre ,  24. 

VIII  ^  Le  Marron^  2/. 
IX j  es  Marrons,  16. 
X3  Le  Marteau  39. 
XI ,  Le  Marteau  d'une  por- 

t^.  39- 

XII  y  Le  Mafque ,  40. 

XIII  j  La  Mèche  d'une  chan- 

delle ,  47. 

XIV,  Une  Médaille,      loj. 

XV,  Une  Médecine ,    106, 

XVI,  Le  Melon,  135. 

XVII,  Les  Mandiants  de  Ca- 

rême, 141. 

XVIII,  LaMèr,  149. 
Tome  IIL                                 F  f 


^74^                     t  A 

BLE 

^ 

Énigme  XIX, 

Le  Merlan ,  page 

•  ^S% 

XX, 

Le  l  leunier  , 

i6i. 

XXI, 

Le  iVliroir, 

176,  - 

XXII , 

La  Mode, 

184. 

XXIII , 

La  Montagne , 

209. 

XXIV, 

Les   Mots    d'un 

dir- 

cours. 

211. 

XXV, 

La  Mouche, 

212, 

XXVI, 

La  Mouche , 

215. 

XXVII, 

Une  Mouche, 

215. 

XXVIII, 

Le  Moucheron  , 

214. 

XXIX  ^ 

La  Mouchette, 

214. 

XXX, 

Le  Mouchoir , 

21J. 

XXXI, 

Le  Mouchoir  à 

mou- 

cher  , 

215. 

xxxn. 

Le  Moulin  , 

116, 

XXXIII, 

Le  Moulin  à  vent 

,116, 

XXXIV, 

Le  Moulin  à  vent 

.^17-      [ 

XXXV, 

La  Moutarde  , 

217, 

XXXVI, 

Le  Mulet, 

218. 

XXXVII, 

Le  Meurier, 

219, 

XXXVIII , 

La  Mufique , 

229. 

XXXIX, 

La  Lettre  N , 

^53' 

XL, 

Le  Navire  ou  Vaifleau, 

240. 

XLI, 

Le  Néant, 

244. 

XLII, 

LaNeffle, 

247. 

XLIII, 

La  Neige  , 

248. 

XLIV, 

Le  Nez, 

161. 

xtv^ 

LeNidd'hkond-. 

iley>. 

DE  s    É 
Énigme  XL VI , 
XLVII, 
XLVUI, 
XLIV, 

LI, 
LU, 

LUI, 

LIV, 

LV, 

LVI, 

LVII , 

LVÎII, 
LîX, 
LX, 
LXI, 

LXII, 
LXIIÎ , 
LXIV, 
LXV, 

LXVI, 
LXVIl, 

LXVIIÎ, 


NIGMES.  ^7f. 

Le  Nil  j  page  16^, 
LaNoifette^  271. 
Noiij  274. 

La  Notte  de  Mufîque  , 

Les  Nottes  de  Mufî- 
que,  275. 
La  Nuit  &  le  jour_,i78. 
La  Lettre  Oj  290. 
L'OSuf^  309. 

rcEuf,  312. 

L'Oignon_,  318. 

L'Ombre  j  328. 

L'Ombre  d'un  Cadran, 

y-9' 
Vr  'gle,  331. 

Les  v^.ngles  ,  332. 

L'Or,  337. 

L'Orange  de  la  Chine  , 

L'Oreille,  37^?, 

L'Orthographe,     390. 
Le  Pain  ,  400. 

Le  Pain  béni   de   Pa- 
roi Ife,  4c  I. 
Le  Pain  de  Sucre  ,401. 
Une  paire  de  Cizeaux_, 

4^-4. 
Le  Palais,  4^5* 


V7«       TABLE   DES    ÉNIGMKS. 
Énigme  LXIX^  Le  Palais  de  la  bouche; 


40;, 

LXX, 

La  Palatine , 

407. 

LXXI, 

Le  Panier  des  femmes  ^ 

421. 

LXXII, 

Les  Pantoufles  j 

427. 

LXXIII, 

Le  I  apier'j 

430. 

LXXIV, 

La  Faro  e  y 

444. 

LXXV, 

Le  l^arterre  d'un 

fpec- 

tacle  y 

449* 

LXXVI, 

Le  PafTage  de  la  mèr 

Rouge  j 

456. 

LXXVIÎ , 

Lés  Patins  y 

4J9- 

Lxxvm, 

Le  Pavé, 

465. 

LXXIX, 

Le  Jeu  de  paulme,46(j. 

LXXX, 

Une  Peau  d'âne  j 

470. 

Lxxxî  ; 

La  Ligne  à  pêche 

^471- 

LXX^OÎ , 

Le  Peigne^ 

475. 

LXXXÏII , 

Le  Peigne  de  buis 

.474- 

IXXXIV, 

La  Pelotte , 

510. 

LXXXV, 

LaPelotte  déneige 

î.j-ii. 

LXXXVI, 

La  Pendule  3 

;i4. 

LXXXVII 

,  Le  Pépin  y 

519- 

LXXXVIII 

y  Le  Pépin  de  pomme  , 

515?. 

LXXXIX, 

La  Perle  3 

51G, 

XC, 

La  Perruque  y 

S16, 

XCI, 

LtVhy 

535- 

XCÏI ,, 

Le  Phœnix^, 

i44. 

Fin  de 

lu  TahU. 

fiETTY  CENTER  LIPPARY 


&*-B^